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Full text of "Revue de l'art chrétien"

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Betme  îie 


l'Hrt  chrétien 


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#>  paraissant  tons  les  bcur  mois.  ^ 

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42me  Hnnéc.     -  4e  Série.      ^® 


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$.  ire  livraison. — -»D:ant)iEr  1 899. 


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>®mmm  Florence,  ffîusée  en  plein  air.  «as?»® 


'^i^^^^^  N  le  répète  souvent  : 
Florence  est  un  musée 
à  ciel  ouvert. 

En  effet  aucune  cité 
en  Italie,  et  à  plus  forte 
raison  dans  le  monde 
^&WWW&  entier)  ne  présente  au- 
tant d'œuvres  d'art  aux  regards  du  passant. 
Statues,  bas-reliefs,  écussons,  peintures, 
métallurgie  décorative,  abondent  sur  les 
surfaces  extérieures  des  monuments  civils 
et  religieux,  des  palais  particuliers  et  des 
maisons  privées. 

Cette  exceptionnelle  et  remarquable  a- 
bondance  résulte  d'abord  du  goût  pour  les 
arts,  inné  chez  le  peuple  toscan,  puis  de 
mesures  édictées  par  les  pouvoirs  publics 
en  vue  du  respect  dû  aux  croyances  reli- 
gieuses, de  l'encouragement  aux  arts  et  de 
la  beauté  de  la  cité. 

Pour  arriver  à  de  tels  résultats,  la  Sei- 
gneurie de  la  République  de  Florence  et 
plus  tard  les  Grands-Ducs  n'ont  pas  hésité 


à  attenter  d'une  façon  directe  aux  droits 
de  propriété.  Il  ne  semble  pas  du  reste 
que  cette  violation  ait  jamais  provoqué 
de  sérieuses  réclamations  ;  nous  trouvons 
en  effet  cette  phrase  dans  les  considérants 
d'une  loi  de  1 57 1  sur  la  matière  :  secondo 
l'uso  et  inveterata  consuetudine  délia  città 
(délia  quale  non  è  memoria  alcuna  in  con- 
trario), c'est-à-dire  que  la  loi  est  conforme 
à  l'usage  et  aux  anciennes  coutumes  de  la 
cité  et  qu'il  n'y  a  aucun  souvenir  d'actes 
contraires. 

En  vertu  de  cette  disposition,  tout  objet 
d'art,  de  décoration  et  de  souvenir,  placé 
soit  isolément  sur  la  voie  publique,  soit 
contre  la  surface  extérieure  d'un  immeuble, 
ne  peut  être  détruit  ou  déplacé  par  son 
propriétaire,  que  ce  propriétaire  soit  l'État, 
la  Commune,  une  église  ou  oratoire,  une 
œuvre  pie,  une  congrégation  civile  ou  re- 
ligieuse ou  un  simple  particulier. 

Le  gouvernement  royal  n'a  pas  abrogé 
la  loi  toscane  de  1 57 1,  et  il  faut  l'en  féliciter; 


kEVUK    DE    L'ART   CliKliTlKN. 
1899.    —    Iie    1.1VKA1SON. 


3Rcbuc  fcc  l'art  chrétien. 


présentement  ces  objets  sont  classés  par 
l'Office  des  monuments  nationaux  dans  la 
catégorie  des  oggetti  vinçolati da publica  ser- 
vitît. 

Au  lieu  d'entrer  dans  le  détail  de  cette 
législation,  je  vais  citer  quelques  exemples 
de  son  application. 

Non  loin  de  la  porte  San  Frediano,  près 
de  la  rive  de  l'Arno,  on  trouve,  dans  un  édi- 
cule,  un  tabernacle  peint  par  Domenico 
Ghirlandaio  ;  la  fresque  n'a  été  mise  à  cette 
place  qu'en  1856  aux  frais  du  Grand-Duc 
et  de  la  Commune  ;  elle  appartenait  à  un 
couvent  démoli.  Conformément  à  la  loi, 
elle  devait  être,  après  la  démolition,  posée 
sur  les  bâtiments  nouveaux,  si  on  en  con- 
struisait, ou  bien  être  placée  dans  le  voi- 
sinage dans  des  conditions  aussi  semblables 
que  possible  à  l'état  précédent. 

Au  borgo  San  Jacopo  il  y  a  encore  une 
de  ces  anciennes  tours  jadis  si  nombreuses 
à  Florence,  la  tour  Ramaglianti  ;  en  1830 
le  propriétaire  de  l'immeuble,  Sorbi,  anti- 
quaire, fit  disposer,  en  guise  d'enseigne 
peut-être,  sur  la  muraille  extérieure  une 
Annonciation  en  terre  cuite  émaillée,  de 
Giovanni  délia  Robbia,  et  quelques  autres 
objets.  Tant  que  Y  Annonciation  était  restée 
dans  l'intérieur  de  la  tour,  Sorbi  pouvait  en 
disposer  à  son  gré,  sauf  pour  l'exportation 
qui  n'est  permise  qu'avec  l'autorisation  du 
ministère  ;  placée  à  l'extérieur  elle  a  été  at- 
teinte par  la  servitude  et  ne  peut  plus  être 
enlevée.  Si  la  tour  vient  à  être  démolie,  Y  An- 
nonciation devra  être  placée  sur  la  muraille 
extérieure  du  nouvel  immeuble;  si  la  chose 
n'est  pas  possible,  l'Administration  lui  cher- 
chera un  emplacement  dans  les  environs. 

Le  transport  de  tabernacles,  notamment 
d'un  endroit  à  un  autre,  en  cas  de  démo- 
lition ou  de  désaffectation  de  l'immeuble 
primitif,  a  été  effectué  quelquefois  al  culto 
dei  passeggicri,    par  les  soins  et  aux  frais 


de  personnes  pieuses  ou  des  héritiers  des 
donateurs,  sans  que  l'Administration  ait  eu 
besoin  d'intervenir. 

La  loi  a  été  souvent  violée;  la  quantité  des 
tabernacles  actuels  est  inférieure  à  ce  qu'elle 
était  jadis  ;  de  plus  dans  nombre  de  cadres 
on  a  substitué  des  objets  modernes  sans 
qualités  d'art  aux  anciens  ouvrages.  Mais 
enfin,  grâce  à  la  loi,  Florence  conserve 
sur  rues  et  places  des  œuvres  d'art  de 
premier  ordre  et  d'autres  d'un  mérite  rela- 
tivement secondaire, mais  d'une  réelle  valeur 
cependant.  Pour  ce  qui  touche  aux  édi- 
fices publics,  aux  églises,  aux  œuvres  pies, 
il  n'y  a  là,  sauf  pour  le  nombre  et  la  qualité, 
rien  de  particulier  à  Florence,  mais  en  ce 
qui  concerne  les  immeubles  de  propriété 
privée,  l'exemple  de  Florence  et  de  quel- 
ques villes  de  la  Toscane  est,  je  crois, 
unique,  la  grande  majorité  des  peintures, 
bas-reliefs,  ferronneries  immobilisées  étant 
contre  des  constructions  particulières. 

Le  nombre,  dans  l'enceinte  actuelle  de 
Florence,  des  oggetti  vincolati  da  publica 
servith,  pour  cause  d'exposition  sur  les  voies 
publiques  et  antérieurs  au  XIXe  siècle,  peut 
être  estimé  à  douze  cents  environ.  Je  me 
tiens  à  une  estimation  approximative,  carie 
long  et  difficile  travail  que  j'ai  commencé  il 
y  a  quelques  années,  n'est  pas  terminé  et 
lorsqu  il  le  sera,  il  faudra  procéder  à  une 
revision. 

Dans  ce  chiffre  ne  sont  pas  compris  les 
écussons  des  Medicis  et  les  petits  écussons, 
très  nombreux,  posés  sur  les  immeubles  en 
signe  de  propriété. 

Je  me  hâte  d'ajouter,  pour  ne  pas  créer 
d'illusion,  qu'un  peu  plus  de  la  moitié  des 
objets  immobilisés  sont  de  grands  écussons 
sculptés  aux  emblèmes  du  Peuple,  de  la' 
Commune,  des  prieurs,  des  arts  majeurs 
et  mineurs,  des  magistratures,  des  partis, 
politiques  et  des  familles. 


iflorence,  £@us;ée  en  pletn  air. 


3 


Ces  bas-reliefs  ne  sont  pas  seulement 
d'intéressants  souvenirs  historiques,  mais  ils 
constituent  de  réelles  décorations  murales  ; 
de  grands  artistes,  Brunellesco,  Donatello, 
Luca  et  Andréa  délia  Robbia,  Benedetto  da 
Rovezzano,  Desiderio  da  Settignano,  Jean 
Bologne  ont  donné  leurs  soins  à  quelques 
-modèles  de  cet  armoriai. 

On  comprendra  que  je  ne  puis  dresser  ici 
-une  sorte  d'inventaire  des  objets  frappés  de 
.servitude,  en  me  limitant  même  aux  plus 
remarquables  ;  je  resterai  donc  dans  les 
généralités. 

La  sculpture  tient  le  premier  rang. 

Du  XIIIe  siècle,  il  n'y  a  que  quelques 
écussons  et  peut-être  quelques  bas-reliefs  à 
figures,  d'auteurs  inconnus. 

Puis  nous  trouvons  les  noms  suivants. 

XIVe  :  A.  Arnoldo,  Giovanni  d'Am- 
brogio,  Giotto,  Andréa  Pisano,  Niccolo 
Aretino,  Jacopo  di  Piero. 

XVe  :  Donatello,  Ghiberti,  Michelozzo, 
Filippi  di  Cristoforo,  Simone  Ferrucci  da 
Fiesole,  Mino  da  Fiesole,  Benedetto  da 
Maiano,  Rosellino,  Baccio  da  Montelupo, 
Desiderio  da  Settignano,  Verrocchio,  Dello, 
Luca  et  Andréa  délia  Robbia,  Benedetto  da 
Rovezzano. 

XVIe  :  Giovanni  délia  Robbia,  Tadda, 
B.  Bugliani,  Danti,  Rustici,  Sanzovino, 
Raffaello  da  Montelupo,  Rosso,  Nanni  di 
Banco,  Jean  Bologne,  Bandinelli,  Anima- 
nati,  Benvenuto  Cellini,  Tacca. 

Il  y  a  là  de  très  grands  artistes  d'une 
renommée  universelle,  d'autres  excellents 
mais  dont  la  réputation  est  restée  locale  ;  le 
talent  d'un  très  petit  nombre  seulement  est 
discutable. 

Ici  se  présente  une  observation  impor- 
tante. 

Si,  à  quelques  rares  exceptions  près,  on 
connaît  les  auteurs  des  statues,  il  y  a  incer- 
titude sur  certains  bas-reliefs,  classés  parmi 


les  meilleurs;  pour  d'autres,  il  faut  se  con- 
tenter de  les  rapprocher  de  la  manière  d'un 
maître,  et  enfin  il  en  existe  une  notable 
quantité  qui  ne  sont  que  des  répliques  plus 
ou  moins  fidèles  d'ouvrages  antérieurs. 

Ainsi  Florence  a  la  bonne  fortune  unique 
de  conserver  sur  rues  environ  quarante 
pièces  des  Robbia,  mais  à  côté  de  ces  terres 
cuites  émaillées,  il  y  en  a  à  peu  près  autant 
exécutées  depuis  la  mort  du  dernier  de  la 
famille,  dans  divers  ateliers  toscans,  notam- 
ment à  Montelupo,  d'après  les  types  des 
Robbia  et  souvent  avec  de  sensibles  modi- 
fications. 

Ce  n'est  pas  tout  :  dans  certains  taber- 
nacles, on  remarque  des  figures  en  stuc 
peintes  en  imitation  de  terres  émaillées  et 
de  marbre  blanc;  il  est  probable  que  ces 
pièces  ont,  en  partie,  remplacé  les  originaux 
primitifs. 

Presque  toutes  les  pièces  de  métallurgie 
décorative  classées,  lanternes  (?),  porte- 
bannières,  porte -flambeaux,  anneaux,  sont 
de  Caparra,  très  habile  forgeron  de  la  fin  du 
XVe  siècle  ;  cependant  il  en  est  d'après  les 
modèles  de  Jean  Bologne.  C'est  pour  me 
conformer  à  l'usage  que  je  me  suis  servi  du 
mot  lanterne;  à  mon  sens  la  célèbre  lan- 
terne du  palais  Strozzi  ne  peut  pas  servir  à 
l'éclairage  ;  c'est  un  ornement  qui  dérive  des 
anciens  porte-feux  dont  on  trouve  encore 
quelques  types  en  Toscane. 

Les  peintures  sur  rue  ont  naturellement 
plus  souffert  que  la  plastique  ;  il  en  est  qui 
ont  été  retouchées  et  même  entièrement 
renouvelées;  d'autres  n'existent  plus  qu'en 
partie  ;  heureusement  que  l'Administration 
s'est  avisée  de  préserver  les  meilleures  de 
celles  qui  sont  tombées  dans  le  domaine 
public,  mais  ses  droits  ne  vont  pas  jusqu'à 
forcer  les  propriétaires  à  poser  des  vitrages. 

Ici  comme  pour  la  sculpture,  je  me  borne 
à  citer  les  noms. 


IRetoue  lie  l'&rt  chrétien. 


Du  XIVe  siècle  nous  avons  B.  Daddi, 
Jacopo  di  Casentino,  Gerini  et  quelques 
fresques  dans  la  manière  de  Giotto,  T. 
Gaddi,  Orcagna. 

Le  XVe  a  laissé  Domenico  Ghirlandaio, 
Bicci  de  Lorenzo,  Andréa  di  Giusto,  Paolo 
Schiavo,  Filippo  Lippi,  Filippino  Lippi, 
Gerardo,  Buffalmaco,  Francesco  Fiorentino. 
P.  Cellini,  Neri  di  Bicci  et  d'autres  dans 
la  manière  de  Botticelli,  A.  di  Castagno, 
Fra  Bartolomeo,  Lnrenzo  Monaco,  Loren- 
zo di  Credi,  Roselli. 

Pour  le  XVIe  nous  trouvons  David  et 
Michel  Ghirlandaio,  Andréa  del  Sarto, 
Mainardi,  F.  Boschi,  Buggiardini,  Poc- 
cetti,  Puligo,  Balducci,  Pontormo,  Fran- 
ciabiagio,  Sogliani  et  d'autres  dans  la  ma- 
nière d'Empoli. 

Le  XVIIe  donne  Giovanni  di  San  Gio- 
vanni, Allori,  Ulivelli,  Matteo  Roselli,  Po- 
merancio,  Naresi,  B.  Arrighi. 

Au  XVIIIe,  il  n'y  a  guète  à  citer  que 
A.  Gherardini  et  P.  Dandini. 

En  peinture  nous  avons  moins  de  noms 
illustres  qu'en  sculpture  et  plus  de  célébri- 
tés éphémères  ;  le  XVe  siècle  cependant  est 
fort  bien  représenté;  le  XVIe  et  le  XVIIe 
le  sont  aussi  bien  que  le  permettait  l'état 
de  la  peinture  à  ces  époques. 

L'ancienne  Toscane  n'avait  pas  de  pré- 
dilection pour  les  statues  isolées  sur  les 
places  publiques  ;  à  Florence  la  République 
et  la  Principauté  n'en  ont  laissé  qu'une 
quinzaine  en  six  siècles  ;  c'est  peu  en  raison 
de  l'éclat  de  la  sculpture  toscane  et  par 
rapport  au  nombre  des  statues  établies 
dans  les  niches  des  constructions. 

Presque  toutes  les  peintures  murales  et 
les  bas-reliefs  occupent  le  fond  des  lunettes 
de  portes  et  des  tabernacles;  généralement 
les  tabernacles,  encore  à  présent  au  nombre 
de  deux  cents  environ,  ont  des  encadre- 
ments  sculptés,   mais    les  sculptures    sont 


rarement  de  la  même  époque  que  les  sujets. 

Le  sujet  de  beaucoup  le  plus  répandu  est 
la  Madone  et  l'Enfant  Jésus,  la  sainte 
Vierge  ayant  été  proclamée  première  avvo- 
cata,  patronne,  de  Florence,  par  un  décret 
de  la  Seigneurie  de    1360. 

En  prenant  cette  décision,  la  République 
avait  répondu  à  un  sentiment  depuis  long- 
temps populaire  et  dont  l'expression  s'était 
manifestée  surtout  vers  1254  lors  de  l'héré- 
sie des  Patérins.  Pour  combattre  le  mal, 
le  pape  Innocent  IV  avait  envoyé  à  Flo- 
rence le  frère  Pietro  da  Verona  ;  ce  puissant 
et  courageux  prédicateur,  mort  victime  de 
sa  foi,  recommanda  aux  fidèles  d'affirmer 
leur  croyance  en  plaçant  l'image  de  la  Ma- 
done à  l'extérieur  des  maisons.  Ce  fut  l'o- 
rigine des  tabernacles  à  Florence  ;  le  nom- 
bre en  fut  grand  déjà  à  cette  époque,  mais 
il  augmenta  encore  aux  moments  des  pestes 
qui  ont  si  souvent  décimé  la  cité.  Par  me- 
sure de  salubrité  publique  on  dut  condam- 
ner à  l'isolement  les  quartiers  contaminés; 
seuls  les  prêtres,  les  médecins  et  les  fos- 
soyeurs pouvaient  y  pénétrer.  Certains 
quartiers  interdits  n'ayant  pas  d'églises,  le 
clergé,  pour  donner  aux  malheureux  les 
consolations  de  la  religion,  installa  des  au- 
tels provisoires  ;  après  la  fin  de  l'épidémie 
le  peuple  voulut  conserver  les  saintes  ima- 
ges. De  mobiles  les  effigies  devinrent  ainsi 
tabernacles  permanents. 

D'autres  circonstances  donnèrent  égale- 
ment lieu  à  des  tabernacles  sur  rues  :  dé- 
votions particulières  et  collectives,  vœux, 
commémorations  d'événements  heureux. 
Les  citoyens  personnellement,  les  corpo- 
rations pieuses  ou  professionnelles,  même 
les  associations  fesleggiante  qui  n'avaient 
que  le  plaisir  pour  but,  mettaient  un  cer- 
tain amour-propre  à  élever  des  tabernacles; 
l'un  des  plus  importants  de  Florence,  con- 
struit en  l'honneur  de  la  Madone  avec  l' En- 


jFlorence,  $)u£ée  en  plein  atr. 


fant  et  des  saints  et  saintes  Catherine, 
Barbe,  Jean,  Jacques  et  Roch  est  dû  à  une 
société  carnavalesque  que  l'autorité  fut  obli- 
gée de  dissoudre  à  cause  des  scandales 
qu'elle  provoquait. 

Florence  continue  à  entourer  ses  taber- 
nacles de  vénération  ;  ce  sentiment  s'est 
manifesté  particulièrement  lors  du  trem- 
blement de  terre  de  1895. 

Nous  avons  assisté  alors  à  un  spectacle 
émouvant  :  craignant  le  retour  des  secous- 
ses le  peuple  a  invoqué  la  protection  de 
sa  Madone  ;  les  tabernacles  ont  été  décorés 
de  tleurs  et  de  draperies  et  le  soir  illuminés 
a  giorno;  après  le  travail,  la  foule  compacte, 
agenouillée  devant  les  effigies,  psalmodiait 
des  prières  ;  la  manifestation  avait  été 
spontanée,  nulle  autorité  ecclésiastique  ou 
civile  n'était  intervenue. 

Malgré  quelques  lacunes  la  décoration 
extérieure  de  Florence  donne  un  résumé 
de  l'organisation  civile,  de  l'esprit  religieux 
et  de  l'art  de  l'ancienne  cité. 

Voici  les  écussons  du  Peuple,  de  la  Com- 
mune et  des  Arts  (*)  ;  sur  le  palais  de  la 
Mercansia,  tribunal  et  chambre  de  com- 
merce de  la  République,  on  voit  encore 
Jésus-Christ  bénissant  et  l'inscription  du 
XIVe  siècle  Omnis  Sapientia  Da  Domini 
Dad  Est. 

I.  Je  me  propose  d'entier  dans  quelques  détails  sur  les 
corporations  Arti  dans  un  travail  sur  l'église  Or  San  Mi- 
chèle que  je  prépare  pour  la  Revue. 


Le  groupe  de  Judith  et  d'Holopherne,  de 
Donatello,  placé  en  1495  en  face  du  Palais 
Vieux  porte  les  mots  Exemplum  Salutis 
Publicae  Posnere  Cives. 

Au-dessus  de  l'entrée  du  même  édifice, 
un  bas-relief  montre  les  lions  de  Florence, 
les  lettres  I  H  S  dans  une  auréole  et  l'ins- 
cription médicéenne  Rex  Regnm  Et  Domi- 
nus  Dominantium.  Il  est  regrettable  que 
les  Médicis  grands-ducs  aient  effacé  la  pré- 
cédente inscription  Rex  Popnli  Eiorentini 
que  la  République  expirante  avait  fait  gra- 
ver pendant  le  siège  de  1529,  à  la  suite  d'un 
vote  répété  du  Grand-Conseil  qui  avait 
proclamé  Jésus-Christ  roi  et  la  Madone 
reine  de  Florence  à  perpétuité. 

Voici  en  statues,  bas-reliefs  et  peintures 
les  types  des  belles  époques  où  régnaient 
la  simplicité  naturelle  et  le  sentiment  ;  voici 
de  même  les  œuvres  des  artistes  qui  ont 
succédé  aux  quattrocentistes  ;  l'inspiration 
religieuse  leur  fait  défaut,  mais  ils  restent 
excellents  décorateurs. 

C'est  par  abus  de  langage  qu'on  a  quali- 
fié d'art  populaire  ces  ouvrages  épars  dans 
la  cité.  A  Florence  le  mot  n'a  aucun  sens  ; 
ici  on  n'a  jamais  connu  un  art  avec  une 
manière  spéciale  pour  le  peuple  ou  pour  l'a- 
ristocratie ;  tous,  peuple,  clergé,  patriciens 
avaient  au  même  degré  le  sentiment  de 
l'art  et  en  comprenaient  l'expression  dune 

façon  identique. 

Gerspach. 

Florence  1898. 


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^j^^iHStSS  ^  beau  morceau  du  plus 
pur  XIIIe  siècle,  est 
tout  ce  qui  subsiste  de 
l'église  abbatiale  de 
Moutier  .  Saint -Jean, 
ou  Saint-Jean  de  Réu- 
ni e. 
L'abbaye,  la  plus  ancienne  du  diocèse 
primitif  de  Langres  et  de  la  Bourgogne, 
avait  été  fondée  vers  440,  c'est-à-dire  à  une 
époque  où,  pour  des  siècles  encore,  les 
lieux  où  s'élèveront  Cluny  et  Cîteaux 
sont  des  déserts,  par  Jean,  fils  de  Hilarius 
et  de  Quitta,  l'un  et  l'autre  des  premières 
familles  dijonnaises,  loués  par  S.  Grégoire 
de  Tours,  et  inhumés  en  l'église  Saint- Bé- 
nigne  de  Dijon.  La  nouvelle  abbaye  s'éleva 
dans  l'archidiaconné  de  Tonnerre,  sur  une 
hauteur  au  pied  de  laquelle  coule  un  ruis- 
seau, le  Réome,  affluent  de  l'Armançon  af- 
fluent lui-même  de  l'Armance  qui  se  jette 
dans  l'Yonne.  Elle  a  compté  LXXXII  ab- 
bés dont  le  dernier,  Louis  IV  de  Thésut, 
fut  nommé  en  1  72  r.  Après  lui,  en  1  731,  le 
titre  fut  éteint  et  la  mense  abbatiale  réu- 
nie à  celle  de  l'évêchéde  Langres,  en  corn- 
pensation  du  démembrement  qu'il  su- 
bissait, cette  même  année,  par  suite  de  la 
création  d'un  évêché  à  Dijon.  En  1681, 
le  LXXIXe  abbé,  Claude-Charles  de  Ro- 
chechouart-Chandenier,  établit  pour  les  17 
paroisses  composant  la  terre  abbatiale,  un 
hôpital  qui  existe  encore  dans  les  mêmes 
conditions.  Aujourd'hui, Moutier-Saint-Jean 
—  la  routine  administrative  s'obstine  à 
écrire  Moutiers  —  est  une  commune  de  345 
habitants,  au  canton  de  Montbard,  arrondis- 
sement de  Semur-en-Auxois,  Côte  d'Or. 


*  *j&*  *£*  ^  W  W  *&*  ï&*. 

Le  portail  et  la  nef  de  l'église  abbatiale 
remontaient  au  XIIe  siècle,  mais  le  tran- 
sept et  le  sanctuaire  avaient  été  reconstruits 
en  1730.  Dans  X Histoire  générale  et  parti- 
culière de   Bourgogne par  un  religieux 

Bénédictin  (')  de  l Abbaïe  de  S.  Bénigne  de 
Dijon  et  de  la  Congrégation  de  S.  Maur  — 
A  Dijon  chez  Antoine  de  Fay,  Imprimeur 
des  Etats,  de  la  Ville  et  de  l 'Université 
MDCCXXXIX,  t.  [er,  p.  516,  on  trouve 
une  description  de  ce  portail  élevé  comme 
l'église  par  l'abbé  Bernard  II,  élu  en  1102, 
mort  en  1133,  et  une  planche  hors  texte 
en  donne  l'image.  Il  est  bien  entendu  que 
la  reproduction  de  l'œuvre  du  XIIe  siècle 
par  un  dessinateur  du  XVI I  Ldénote  la  plus 
entière  inintelligence  du  style,  mais  il  est 
manifeste  que  le  traducteur  s'est  appliqué 
à  rendre  consciencieusement  les  choses 
comme  il  les  voyait.  Aussi  pourrait-on 
rétablir  facilement  sur  le  papier  le  monu- 
ment détruit  tel  qu'il  se  présenterait  aujour- 
d'hui aux  yeux  d'un  dessinateur  de  l'école 
médiéviste. 

Le  portail  devait  être  précédé  d'un  por- 
che qui  n'a  jamais  été  exécuté,  et  la  gravure 
montre  seulement  les  amorces  des  arcs  de 
pierre.  Il  en  est  de  même  à  l'église  Notre- 
Dame  de  Semur-en-Auxois,  à  la  très  belle 
porte  avec  bas-reliefs  intacts  représentant 
la  légende  de  saint  Barthélémy,  qui  s'ouvre 
au  transept  Nord  ;  la  même  disposition  se 
rencontre  aussi  dans  une  église  voisine, 
celle  de  Saint-Thibault,  dont  l'imagerie  bien 
conservée  est  remarquable.  A  Moutier- 
Saint-Jean,  il  y  avait  trois  portes  ;  d'après 
les   mesures  données  par  le  texte,  celle  du 

I.  D.  Urbain  Plancher. 


0orte  îie  l'église  abbatiale  De  â@outier*&aint*3Iean. 


7 


milieu  avec  son  large  ébrasement  n'aurait 
pas  eu  moins  de  22  pieds  de  large.  Elle  se 
présente  cantonnée  de  chaque  côté  de  qua- 
tre colonnes  à  chapiteaux  très  ornés  de 
feuillages  entremêlés  de  figures  ;  au  tru- 
meau se  dresse  une  statue  de  la  Vierge  avec 
l'Enfant  —  la  patronne  primitive  de  l'église. 
Même  dans  une  image  aussi  imparfaite,  le 
caractère  hiératique  apparaît  grand  et  beau; 


en  retour  sont  deux  colonnes  à  très  riches 
chapiteaux:  à  celui  de  droite  —  côté  de  l'É- 
pître  —  est  représentée  la  Fuite  en  Egypte. 
L'autre  ne  montre  que  des  ornements  feuil- 
lages. Devant  le  trumeau  est  posé,  isolé,  un 
bénitier,  dont  la  vasque  circulaire,  large  et 
profonde  est  supportée  par  un  pied  haut 
et  mince.  Au  t.  II,  p.  201  de  son  Diction- 
naire de  l' Architecture,  Viollet-le-Duc  a  re- 


Ancienne  porte  de  1  église  de  St-Jean  de  Réome  (XIIIe  siècle). 


produit,  mais  en  le  stylisant,  le  bénitier  de 
Moutier-Saint-Jean  ;  voici  ce  qu'il  en  dit  : 
«  La  façade  de  cette  église  avait  été  élevée 
«  vers  ii  30,  et  le  bénitier  semble  apparte- 
«  nir  à  la  même  époque  ;  autant  qu'on  en 
«  peut  juger  par  la  gravure,  fort  grossière  - 
«  ment  exécutée  ('),  ce  bénitier  paraît  avoir 
€  été  en  bronze  et  posé  immédiatement 
«  sous  les   pieds   de   la  statue  de  la  Vierge 

I.   Pour  être  sans  caractère  archéologique,  la  gravure 
n'est  pas  si  grossière  que  cela. 


«  qui  fait  partie  du  trumeau.  Nous  donnons 
«  ici  une  copie  de  ce  bénitier  avec  son  en- 
«  tourage.  Il  était  porté  sur  une  colonne 
«  dont  l'excessive  maigreur  nous  fait  sup- 
«  poser  qu'elle  était  en  métal.  »  Et  en  note  : 
«  Nous  nous  sommes  permis,  tout  en  con- 
«  servant  aussi  fidèlement  que  possible  les 
«  formes  indiquées  par  la  gravure,  de  rap- 
«  procher  notre  dessin  du  style  du  XIIe 
«  siècle,  la  gravure  étant  complètement  dé- 
«  pourvue  de  caractère.  » 


8 


Belnte  De  P&rt  chrétien» 


Au  linteau  sont  représentés  dans  des 
niches  les  douze  apôtres  ;  au  tympan  est  la 
figure  du  Christ  dans  un  oval  aigu  au  con- 
tour en  rinceau  feuillage,  ce  qui  n'est  pas 
ordinaire,  mais  il  est  difficile  de  croire  ici  à 
une  fantaisie  du  dessinateur. 

Selon  la  formule  iconographique  du 
temps,  la  figure  du  Sauveur  est  accompa- 
gnée des  symboles  évangéliques. 

Il  est  à  remarquer  que  l'arc  est  brisé  et 
non  à  plein  cintre  ;  c'est  une  preuve  de  plus 
à  l'appui  de  ce  théorème  d'archéologie  que 
le  plein  cintre  et  l'ogive  ne  sont  point  en 
soi  les  éléments  constitutifs  du  style  roman 
et  du  style  ogival.  A  Notre-Dame  de  Noyon 
on  les  voit  entremêlés,  les  pleins  cintres 
surmontant  parfois  les  ogives,  ce  qui  exclut 
toute  idée  d'un  changement  de  style  survenu 
au  cours  d'un  édifice  élevé  avec  une  cer- 
taine lenteur  dans  une  période  de  transition. 
A  Saint-Trophime  d'Arles,  qui  est  du  plein 
XIIe  siècle,  et  du  XIIe  siècle  méridional 
encore,  c'est-à-dire  fort  pénétré  des  tradi- 
tions romaines,  l'arc  de  la  grande  porte  est 
légèrement  brisé.  Enfin,  à  Notre-Dame  de 
Dijon,  et  ici  nous  sommes  dans  le  plus  pur 
XIIIe,  le  plein  cintre  apparaît  à  la  porte 
centrale  du  portail  et  aux  arcatures  des  ab- 
sidioles. 

Revenons  à  Moutier-Saint-Jean  ;  dans  la 
première  voussure,  celle  de  l'intérieur,  cou- 
rent des  ornements  où  Dom  Plancher  voit 
naïvement  «  des  hiéroglyphes  avec  cordons 
entrelacés  ».  Dans  la  seconde  sont  des 
anges  jouant  de  divers  instruments;  la  troi- 
sième est  toute  en  rinceaux  et  en  feuillages 
stylisés  dans  le  goût  bourguignon,  tel  qu'il 
se  révèle  dans  les  belles  portes  romanes  de 
Saint- Lazare  d'Avallon,  et  à  Saint-Philibert 
de  Dijon,  dans  la  porte  latérale,  un  chef- 
d'œuvre  qui  périt  moins  par  l'effet  des  in- 
jures du  temps,  que  par  les  coups  de  pierres 
des  polissons  dijonnais. 


Les  deux  autres  portes  sans  tympan  à 
figures  sont  accostées  de  quatre  colonnes 
pour  chaque  ébrasement  et  portaient  une 
seule  voussure  à  rinceaux. 

L'église  renfermait  un  très  ancien  sarco- 
phage en  marbre  blanc,  avec  couvercle  à 
deux  rampants.  La  face  antérieure  présen- 
tait dans  des  niches  les  figures  en  pied  du 
Christ  et  des  douze  apôtres  tenant  des 
phylactères  ;  les  petits  côtés  étaient  couverts 
d'un  réseau  d'imbrications.  On  tenait,  mais 
sans  preuves,  ce  sarcophage  pour  celui  du 
saint  fondateur  mort, selon  la  légende,à  l'âge 
de  120  ans,  vers  525.  La  gravure  qui  se 
trouve  au  t.  II,  p.  521  de  Dom  Plancher 
est  sans  caractère,  mais  l'ensemble  permet 
d'attribuer  ce  monument  au  XIe  siècle.  Il 
fut  refait  en  1744. 

La  porte  accessoire  dont  j'offre  aux  lec- 
teurs de  la  Revue  une  image  fidèle  et  inédite 
d'après  le  cliché  d'un  jeune  photographe 
amateur,  M.  Charles  Belot,  né  à  Moutier- 
Saint-Jean,  est  assurément  un  des  plus 
précieux  restes  de  l'art  du  XIIIe  siècle  en 
Bourgogne.  On  en  peut  admirer  le  beau 
calibre  et  l'ampleur  du  style.  Contre  les 
colonnes  en  ébrasement  étaient  appliquées 
autrefois  des  statues,  une  de  chaque  côté, 
dont  il  ne  subsiste  plus,  encore  très  mutilés, 
que  les  dais  aux  formes  empruntées  à 
l'architecture,  et  les  tenons  de  fer  qui  les 
maintenaient.  En  retour,  au  droit  du  mur, 
l'ébrasement  se  cantonne  de  deux  demi- 
colonnes  dont  les  fûts  creusés  en  niches  tri- 
lobées abritent  de  chaque  côté  quatre  sta- 
tuettes assises,  rois  de  Juda  ou  prophètes. 
Cette  disposition  est  très  décorative  ;  tou- 
tefois cette  superposition  d'évidements  affai- 
blit pour  l'œil  des  contreforts  —  ces  demi- 
colonnes  ne  sont  pas  autre  chose  —  que  la 
logique  commanderait  pleins. 

Limité  extérieurement  p.tr  de  fortes 
moulures  toriques,  l'arc  présente  une  seule 


0orte  De  l'église  abbatiale  De  ^outter^atntvjean. 


et  large  voussure  où  se  superposent,  pres- 
qu'en  ronde  bosse,  des  anges  à  grandes 
ailes,  séparés  par  des  dais  fenestrés  dont 
chacun  sert  de  base  à  la  figure  au-dessus. 
Contrairement  à  ce  qui  se  rencontre  d'ordi- 
naire dans  les  compositions  de  cette  famille, 
il  n'y  a  aucune  tête  ou  figure  à  la  pointe 
interne  de  l'ogive.  Un  trilobé  ourlé  d'un 
rinceau  du  plus  beau  style  délimite  le  champ 
du  tympan,  où  est  représenté  un  sujet  cher 
au  moyen  âge,  le  Couronnement  de  laVierge. 
On  connaît  ce  beau  thème  qui  a  inspiré 
tant  de  peintres,  entre  autres,  Fra  Angelico 
de  Fiesole  et  Raphaël,  de  verriers,  d'ima- 
giers, de  ciseleurs  en  ivoire  et  de  tapissiers. 

Au  portail  de  Notre-Dame  de  Dijon,  il 
figurait  au  tympan  central  où  l'a  anéanti 
en  1794  le  marteau  d'un  jacobin  imbécile, 
l'apothicaire  Bernard,  dont  je  ne  cesserai 
jamais  de  citer  le  nom  pour  le  signaler  au 
mépris  des  honnêtes  gens.  D'après  ce  qui 
nous  reste  épars  dans  l'église,  l'imagerie  du 
portail  était  un  chef-d'œuvre  et  elle  a  péri 
sous  les  coups  du  plus  stupide  des  sectaires. 

On  voit  le  même  sujet  à  peu  près  intact 
à  la  porte  de  cette  église  priorale  aujour- 
d'hui paroissiale  de  Saint-Thibault,  dont  j'ai 
fait  mention  plus  haut.  Enfin  parmi  les 
ivoires,  on  connaît  le  beau  groupe  du  XIVe 
siècle,  provenant  très  probablement  du 
trésor  de  Charles  V,  conquis  par  le  Louvre, 
il  y  a  quelque  trente-cinq  ans,  à  la  vente 
Soltikof.  Il  a  été  complété  en  1895,  par  la 
restitution  de  deux  figures  d'anges  debout 
qui  appartenaient  au  Musée  de  Chambery, 
mais  il  y  manque  encore,  et  elle  manquera 
peut-être  toujours,  la  figure  du  donateur 
agenouillé,  qui  fait  partie  de  la  collection 
Rothschild. 

D'après  l'iconographie  du  sujet,  les  deux 
figures  du  Christ  et  de  sa  Mère  sont  repré- 
sentées assises  sur  un  même  banc,  mais 
cette  égalité  est  corrigée  par  des  différences 


d'attitude  très  faciles  à  étudier  dans  ie  haut 
relief  de  Moutier-Saint-Jean.  Ainsi  le  Sau- 
veur, la  main  gauche  posée  sur  un  disque 
crucifère,  —  ailleurs  c'est  sur  un  livre —  ne 
baisse  et  n'incline  ni  le  corps  ni  la  tête  vers 
la  Vierge,  tandis  que  celle-ci  se  tourne  vers 
lui,  et  les  mains  jointes,  s'infléchit  lég-ère- 
ment  pour  recevoir  la  couronne  royale  que 
lui  pose  sur  la  tête  son  divin  Fils.  De  cha- 
que côté  est  agenouillé  un  ange  adorateur 
tenant  un  grand  chandelier  sans  cierge. 

En  l'état  la  voussure  paraît  un  peu  vo- 
lumineuse pour  les  ébrasements  de  soutien; 
mais  les  colonnes  rongées  par  le  temps  n'ont 
plus  leur  masse  primitive,  de  plus,  si  on 
leur  restitue  par  la  pensée  les  statues  dé- 
truites, le  rapport  d'équilibre  entre  les  élé- 
ments de  la  structure  se  trouvera  heureu- 
sement rétabli.  La  flore  stylisée  est  des 
meilleures  qu'ait  produites  la  pure  école 
bourguignonne.  Malheureusement,  le  temps 
et  surtout  la  main  des  hommes  ont  mis  le  tout 
dans  le  plus  déplorable  état  ;  non  seulement 
les  statues  des  ébrasements  ont  disparu, 
mais  les  six  têtes  d'anges  ont  été  brisées  ; 
manquent  aussi  celle  du  Christ,  les  bras 
de  la  Vierge  et  la  tête  de  l'ange  de  gauche. 
Enfin  un  coup  d'œil  jeté  sur  les  figures  fai- 
sant colonnes  à  droite  et  à  gauche,  montre 
toutes  les  mutilations  qu'elles  ont  subies. 

J'ajoute  que  la  baie  a  été  plus  qu'à  moi- 
tié maçonnée  ;  on  y  a  employé  pêle-mêle 
des  débris  de  l'église,  entre  autres  une  pierre 
tombale  représentant  un  moine  portant  un 
ciboire;  un  lambeau  de  l'inscription  montre 
des  caractères  du  XIVe  siècle.  La  photo- 
graphie fait  voir  encore  deux  charmants 
culs  de  lampe  du  XVIe,  formés  par  de 
sveltes  figures  d'anges,  et  l'accolade  d'un 
tympan  enserre  une  figure  contournée  d'ani- 
mal fantastique. 

Au  beau  temps  du  romantisme,  un  adepte 
de    ce    cénacle   dont    Victor    Hugo    était 


RKVUE    DE    L'ART    CHRÉTIEN. 
189g.—    Ire    LIVRAISON. 


IO 


Bttiuc  t>e  r9rt  cbrcttcn. 


le  dieu  visible,  aurait  été  ravi  de  ces  mi- 
sères, de  ce  mélange  de  pieux  souvenirs  et 
de  réalisme.  Il  eût  complaisamment  décrit 
en  prose  ou  en  vers,  cette  noble  architecture 
mutilée  encadrant  tant  de  pauvretés  moder- 
nes ;  il  eût  dit  cette  fenêtre  à  la  menuiserie 
banale  et  vide,  ces  chaînes  pendant  aux  te- 
nons de  fer  où  s'accrochaient  des  figures  de 
saints  taillées  par  des  imagiers  contempo- 
rains de  saint  Louis,  ce  tréteau,  ce  fouil- 
lis de  loques  et  de  débris,  et  sur  ce  thème  il 
eût  brodé  de  brillantes  et  faciles  antithèses. 
Ces  idées  ne  sont  plus  les  nôtres,  nous  n'é- 
prouvons plus  aucun  plaisir  à  voir  ainsi 
abolir,  souiller  les  monuments  les  plus  vé- 
nérables, et  le  pittoresque  apparent  qui  ré- 
sulte de  cet  amalgame  ne  nous  touche 
plus  ;  nous  cherchons  ailleurs  et  plus  haut 
des  leçons  sur  l'instabilité  et  la  misère  des 
choses  humaines,  et  voyons  seulement  ici 
une  preuve  de  l'indifférence  de  l'homme 
pour  ce  qu'il  y  a  cependant  de  plus  noble 
dans  l'histoire,  le  passé  religieux.  Pour 
moi  donc,  et  j'ai  la  confiance  que  ma  con- 
clusion sera  celle  de  tous  les  collaborateurs 
et  lecteurs  de  cette  Revue,  j'aimerais  à  voir 
dégagé,  épuré,  ce  beau  fragment  d'architec- 
ture bourguignonne  en  son  meilleur  temps. 
Et  il  me  paraît  d'autant  plus  intéressant 
que  j'y  trouve  le  caractère,  non  tout  à  fait 
de   l'art   bourguignon   de   Notre-Dame   de 


Dijon,  mais  plutôt  de  celui  de  Semur-en- 
Auxois,  qui  s'affine  au  voisinage  de  l'école 
de  l'Ile  de  France  ;  Auxerre  qui  ne  devint 
Bourgogne  qu'en  1435  seulement,  alors 
qu'étaient  déjà  mis  en  l'état  où  nous  les 
voyons  ses  beaux  édifices  du  moyen  âge,  y 
compris  sa  très  remarquable  cathédrale, 
sert  en  cela  de  transition  entre  le  style 
bourguignon  pur  et  celui  de  l'Ile  de  France. 
Or  Moutier-Saintjean  est  voisin  de  l'Au- 
xerrois. 

Mais  je  serais  désolé  qu'allant  au  delà 
d'une  simple  épuration  l'on  cherchât  à  re- 
faire ce  qui  a  été  détruit.  Même  en  son  état 
actuel  de  demi-ruine,  la  porte  de  Moutier- 
Saint-Jean  parle  fortement  aux  yeux  et  à 
l'esprit  ;  rejointoyée,  piquée  des  touches 
blanches  de  la  pierre  neuve,  son  charme 
délicat  et  pénétrant,  ce  charme  des  vieux 
monuments  et  des  vieux  souvenirs  s'éva- 
nouirait tout  entier  pour  faire  place  à 
l'insignifiance  d'un  bibelot  trop  restauré. 

Dans  les  bâtiments  de  l'abbaye  trans- 
formés en  habitations  particulières  et  qui 
datent  du  XVIIIe  siècle,  on  voit  un  assez 
bel  escalier  à  rampe  de  fer  forgé  et  de  riches 
boiseries  d'un  style  orné  et  cependant  grave 
dont  le  caractère  ne  messied  nullement  à 
une  maison  religieuse. 

Henri  Ciiabeuf. 


Hctiue  De  l'Hrt  chrétien 


PL.    I. 


fr*  A^  *<%  A  A^*  ifrH  &&*  *X*U  A*%*  **g*  A*v£*  A*5U  A^X  A^X  A*v£*  >M*  A*vkt 


ailIITnmTnTTTTTTTTTntlIIIIUÏtlTITTniIlHTTrilIU 


innrxiiinii 


JStatuette  lie  la  JSte  Vierge  bu  XIVe  stècle.  jjfe 


uiiiiuxiiiiiirairiiirxiiiiiii 


1 1 1  ii  urninroiiiiii  x 


nci  ii  ii  i  ixixi  1 1 


&;*&*  'ai-*  *****  *&*  ^x^î^  *i#*  *£** rg**  w  y^î*  w  ^^  w Y^  ^ 


pRmro^ï^^wn 


§5 A    Sainte    Vierge,  mère, 
avec  son   divin  Enfant, 
a    été    et    restera    bien 
longtemps      encore,      il 
n'est    pas    permis    d'en 
douter,  une  source  iné- 
puisable     d'inspiration 
pour  l'art.  Thème  à  la  fois  religieux  et  si  pro- 
fondément   humain,   il    offre  l'image  de  ce 
qu'il   y  a  de    plus  tendre  et  de  plus  aima- 
ble dans  l'humaine  nature  :  une  jeune  mère 
avec  son  enfant,  et  de  ce  qu'il  y  a  de  plus 
mystérieux  et  de  plus  élevé  dans  les  dog- 
mes de  la  foi  catholique,   l'incarnation    du 
Christ,  une  Vierge  ornée  de  toutes  les  ver- 
tus et  de  tous  les  attributs  de  la  maternité, 
s'abandonnant  aux  caresses  enjouées  avec 
son  Fils  qui  est  en  même  temps  son  Dieu  ! 
Aussi  que  d'imagiers  du  moyen  âge  ont 
pris  à  tâche  d'aborder  ce  thème  !  Nous  en 
avons  mis  déjà  un  certain   nombre  de  mo- 
numents sous  les  yeux   des  lecteurs  de  la 
Revue,   et,   dans   l'intérêt    des    artistes   qui 
aiment  à  s'inspirer  des  traditions  anciennes, 
nous  désirons  en    multiplier   les  exemples, 
ces  vieux  imagiers  ayant  souvent  accompli 
leur  tâche  avec  bonheur.  Dans  l'échange  des 
sentiments  d'amour  de  la  Mère  avec   l'En- 
fant,   il    semble   qu'ils    aient    mis    quelque 
chose  des   accents    du   Magnificat,    de    ce 
cantique  que  chantent  toutes  les  générations 
en  l'honneur  de  celle  qui  a  été  choisie  pour 
être  la  Mère  du  Christ  rédempteur. 

L'art  du  moyen  âge  a  parfois  atteint  au 
sublime  par  la  simplicité,  la  candeur  de  ses 
sculpteurs,  par  la  sincérité  de  leur  foi.  L'art 
de  la  Renaissance  a  voulu  suppléer  à  ce 
qui  lui  faisait  défaut  à  cet  égard  par  le  savoir 
technique,  la  beauté  des  formes,  la  virtuo- 


sité du  dessin,  et  l'art  moderne,  trop  souvent 
dénué  de  convictions  religieuses  et  même 
de  principes  esthétiques,  s'est  égaré  en  pour- 
suivant les  sentiers  tracés  parla  Renaissance. 
Il  cherche,  le  plus  souvent.un  modèle  d'une 
beauté  suffisante,  et  il  le  copie.  Mieux  vaut 
certainement,  pour  répondre  aux  sentiments 
d'une  véritable  piété,  s'en  tenir  aux  tradi- 
tions et  aux  modèles  qui  ont  été  inspirés 
par  ces  mêmes  sentiments  de  piété  simple 
et  convaincue. 

La  plupart  de  ces  charmants  groupes  du 
XIVe  et  du  XIIIe  siècle,  représentant  la 
Vierge  Marie  avec  l'Enfant  Jésus,  n'ont  pas 
d'histoire.  Leurs  auteurs  nous  sont  restés 
inconnus  ;  aucun  chroniqueur  n'a  pris  les 
peines  d'enregistrer  leur  nom.  Celui  que 
nous  offrons  aujourd'hui  à  nos  lecteurs  n'a 
pas  échappé  à  cette  commune  loi  ;  à  peine 
avons-nous  quelques  renseignements  sur 
ses  antécédents. 

Ce  joli  groupe  taillé  dans  le  bois  de  buis 
avec  une  grande  finesse  et  une  délicatesse 
pleine  de  charme,  est  d'une  hauteur  de  46 
centimètres  ;  il  est  bien  conservé  malgré 
quelques  violences  sur  lesquelles  nous  allons 
revenir. 

Il  a  appartenu  longtemps  à  une  maison 
religieuse  fondée  vers  la  fin  du  XIVe  siècle 
par  la  famille  des  Montmorency,  et  il  y  était 
en  grande  vénération.  Pendant  la  tourmente 
de  la  Révolution, cette  Vierge  fut  gardée  avec 
une  piété  jalouse,  et  sa  dimension  la  rendant 
facilement  transportable,  il  fut  aisé  de  la 
soustraire  aux  dangers  que  couraient  les 
objets  de  cette  nature.  Dans  le  couvent,  la 
Vierge  des  Montmorency  jouissait  d'ailleurs 
d'une  confiance  très  grande  inspirée  par  des 
récits  légendaires  qu'on  aimait  à  se  répéter. 


12 


3&clntt  lie  P&rt  cbvctten. 


Cependant  la  partie  inférieure,  la  base  de 
la  statuette, a  souffert,  ce  qui  a  nécessité  une 
légère  restauration.  lia  fallu  aussi  faire  dis- 
paraître deux  fiches  en  bois  fixées  dans  le 
bras  et  le  genou  droits  de  la  Vierge,  afin  de 
pouvoir  étaler  dans  toute  leur  ampleur  la 
large  robe  et  le  manteau  dont  on  avait  affu- 
blé jusque  dans  ces  derniers  temps,  cette 
belle  sculpture.  Les  murs  du  cloître  qui 
l'avaient  mise  à  l'abri  des  dangers  de  la 
Révolution  n'avaient  pu  la  soustraire  aux 
injures  des  évolutions  de  la  mode. 

On  l'avait  aussi  enduite  de  plusieurs  cou- 
ches d'une  peinture  grossière  ;  celles-ci  ont 
été  enlevées  il  y  a  quelque  temps,  malheu- 
reusement sans  s'arrêter  aux  traces  de  la 
polychromie  primitive  qui  existaient  encore. 
Il  est  très  probable  aussi  que,  dans  l'origine, 
des  couronnes  en  métal  étaient  placées  sur 
la  tête  de  la  Vierge  comme  sur  celle  de  l'En- 
fant. La  croix  fixée  sur  le  globe  que  celui-ci 
tient  de  la  main  gauche  est  moderne. 

On  remarquera  particulièrement  la  grâce 
de  l'arrangement  du  voile  et  de  la  coiffure, 
l'intimité  des  expressions.et  l'éloquente  ten- 


dresse des  mains  de  la  Mère  ;  la  manière 
dont  elles  tiennent  le  divin  Enfant  est  une 
caresse.  L'artiste  semble  y  avoir  mis  toute 
son  âme. 

Cette  statuette  semble  appartenir  à  cet 
art  français  du  XIVe  siècle  qui,  dans  le  do- 
maine de  l'art  plastique,  a  produit  tant  de 
chefs-d'œuvre,  dont  les  artistes  sont  encore 
à  chercher. 

Aujourd'hui,  ce  groupe  d'un  travail  si 
achevé,  semble  avoir  pour  longtemps  un 
avenir  assuré.  Il  appartient  à  un  ecclé- 
siastique qui  est  en  même  temps  un  archéo- 
logue très  distingué,  un  archéologue  de 
race,  comme  on  dirait  aujourd'hui,  parce 
qu'il  appartient  à  une  famille  où  les  études 
archéologiques  sont  de  tradition.  Il  a  placé 
la  Vierge  dans  son  oratoire  privé,  qui  res- 
semble à  un  musée,  et  si  l'image  inspire  la 
piété  du  prêtre,  elle  réjouit  aussi,  dit-on, 
l'archéologue  en  répondant  à  ses  meilleures 
aspirations.  Voilà  donc  une  œuvre  d'art  qui 
répond  de  tout  point  à  l'objet  pour  lequel 
elle  a  été  créée. 

j.    H. 


»  aÇI*  A*VU  *&*  >&£*  &U  *&A  A**E*  *$kt  *$£*  A****  ïtyt  tffo  ^  ^  AT%*  ■ 


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TiTiTin  rmiiiiniT 


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I 


6n  Babtère.  -    Dotes  ce  bocage.  <i"  Bar«e.) 


XTTTTTTTV7Ï  n  \  irirrrrriTr/THiTiTmiifT  Itlliiim 


§S 


immniiiiiiiiiiiiiiiiiirniiniiiimir':iiij]" 


*&*  *£c*  **£*  W  **£*  T<*î*  *^(-*  t^r  *&*  *&*  *x£*  y^v  y^r  y^  *^f  ^ 

phique.Un  seul  grand  fleuve  arrose  ce  pays, 
c'est  le  Danube,  appelé  avec  raison  le  roi 
des  fleuves  de  l'Europe,  et  dont  le  nom 
évoque  les  plus  grands  souvenirs. 

Nulle  part,  en  Allemagne,  les  arts  n'ont 
brillé  d'un  plus  vif  éclat  qu'en  Bavière,  soit 
qu'on  les  considère  dans  les  manifestations 
d'ordre  supérieur  des  Beaux-Arts  propre- 
ment dits,  soit  qu'on  s'arrête  aux  arts  déco- 
ratifs qui  revêtent  les  objets  les  plus  simples 
d'une  forme  élégante  et  appropriée  à  leur 
destination.  Les  lignes  qui  suivent  traiteront 
des  œuvres  de  l'architecture,  de  la  peinture 
et  de  la  sculpture,  dans  cette  région,  et  ce 
n'est  pas  le  cas  de  parler  ici  du  quatrième 
des  Beaux-Arts,  la  musique  ;  sa  renommée 
a  franchi  depuis  longtemps  les  frontières 
de  la  patrie  allemande  ! 

L'architecture,  à  toutes  les  époques  du 
moyen  âge  et  de  la  période  moderne,  a  cou- 
vert ce  pays  des  monuments  les  plus  impo- 
sants; nombreuses  sont  les  villes  bavaroises 
qui  furent  des  foyers  d'art;  c'est  Bamberg, 
Wurzbourg,  Ratisbonne,  Munich,  Ulm  avec 
leurs  cathédrales,  leurs  églises  gothiques  et 
leurs  constructions  de  l'époque  de  la  renais- 
sance; c'est  encore  Munich  et  Ratisbonne 
avec  leurs  monuments  qui  ressuscitent 
l'antiquité  grecque;  c'est  l'art  si  vivant  et  si 
pittoresque  de  la  riche  bourgeoisie  à  Nurem- 
berg et  à  Ulm,  l'art  féodal  et  aristocratique 
à  Ratisbonne  et  à  Augsbourg,  l'art  militaire 
à  Rothenbourgf  et  à  Nuremberg,  l'art  des 
savants  et  des  humanistes  à  Munich  ! 

Le  même  sentiment  qui  a  créé  ces  monu- 
ments a  aussi  pourvu  à  leur  conservation. 
Partout  dans  le  royaume,  une  noble  ému- 
lation s'est  emparée  des  municipalités  pour 
restaurer  et  compléter  les  monuments  de 
l'antiquité,    témoins    des  gloires  du  passé, 


gg|gagggM|fcto n A R M I  les  Etats  du  Cen- 
tre  de  l'Europe,  la  Ba- 
-  vière  est  à  coup  sûr  l'un 
là  des  plus  intéressants, 
Il  et  peut-être  en  même 
■^Id:  temps  l'un  des  moins 
^""^  v  '^  connus.  Il  mente  cepen- 
dant de  l'être,  à  bien  des  égards,  et  c'est  ce 
qui  nous  a  engagé,  après  l'avoir  parcouru,  à 
lui  consacrer  ces  quelques  notes,  rapide- 
ment prises,  et  qui  n'ont  d'autre  prétention 
que  d'attirer  l'attention  sur  cette  contrée  si 
riche  en  trésors  archéologiques. 

La  Bavière,  qui  a  une  population  de 
six  millions  d'habitants,  n'existe,  comme 
royaume  portant  ce  nom,  que  depuis  1805. 
Elle  se  compose  d'un  certain  nombre  de 
provinces  qu'il  n'est  pas  inutile  de  rappeler 
ici,  parce  que  leurs  noms  reviendront  sou- 
vent, en  parlant  des  diverses  écoles  d'art 
de  ces  différentes  contrées.  Ce  sont  :  la 
Bavière  proprement  dite,  l'ancien  duché  de 
Souabe  au  Sud,  dont  les  principales  villes 
sont:  Munich,  Augsbourg,  Neu-Ulm;  la 
Franconie,  au  Nord,  avec  Wurzbourg,  Bam- 
berg, Anspach,  Nuremberg  ;  le  HautPa- 
latinat,  au  Nord  également,  avec  Ratis- 
bonne et  Passau,  et  le  Bas-Palatinat  ou 
Bavière  Rhénane,  dont  la  ville  principale 
est  Spire. 

Cette  dernière  province  est  séparée  des 
autres  par  le  duché  de  Bade.  Le  reste  du 
royaume  constitue  un  ensemble  dont  les 
limites  politiques  s'accordent  assez  bien 
avec  celles  tracées  par  la  nature  ;  aucun 
obstacle  naturel  n'empêchant  le  libre  pas- 
sage des  populations  de  l'une  à  l'autre 
extrémité  des  provinces  qui  forment  la 
moderne  Bavière,  l'unité  politique  a  été 
grandement    facilitée    par    l'unité    géogra- 


14 


Bebue  fce  l'&rt  chrétien. 


témoins  vivants  de  l'histoire  héroïque  des 
villes  allemandes.  Partout  des  musées  et  des 
écoles  d'art  ont  été  créés  pour  fournir  des 
modèles  aux  constructeurs  et  aux  déco- 
rateurs. 

Ratisbonne  et  Ulm,  comme  Cologne, 
complètent  leur  cathédrale  et  élèvent  jus- 
qu'aux cieux  leurs  flèches  merveilleuses; 
partout  on  répare,  on  restaure,  on  rétablit 
les  monuments  dans  l'état  où  ils  étaient  à 
l'époque  de  leur  splendeur;  une  pensée  éle- 
vée, quoique  mal  inspirée,  a  fait  surgir  des 
monuments  de  l'art  grec  sur  le  sol  de  la 
Germanie  ;  et  dans  les  constructions  nou- 
velles, on  revient  aujourd'hui  à  l'ancien  art 
allemand  «  altdeutsch  )>  et  on  renoue  les 
traditions  de  l'art  local  un  moment  oubliées. 

Ce  mouvement  de  restauration,  qui  date 
de  loin,  reçoit  une  impulsion  extraordinaire 
de  nos  jours  par  suite  de  la  période  de  pros- 
périté et  de  développement  merveilleux  que 
traverse  l'Allemagne,  et  une  fois  de  plus 
se  vérifie  cet  axiome  que  les  manifestations 
de  l'art  architectural  reflètent  exactement 
la  situation  économique  d'une  nation. 

Il  serait  difficile  de  dire  que  l'architec- 
ture, dans  les  contrées  qui  composent  au- 
jourd'hui la  Bavière,  présente  auxdifférentes 
périodes  de  son  histoire,  un  caractère  propre 
qui  la  différencie  de  l'art  de  bâtir  dans  les 
pays  voisins;  elle  paraît,  au  contraire,  avoir 
suivi  les  règles  générales  des  grandes  écoles 
d'art  qui  se  sont  succédé  à  travers  les 
siècles.  Les  monuments  romans  n'ont  pas 
l'oriofinalité  de  ceux  du  Rhin,  les  construc- 
tions  gothiques  dérivent  des  écoles  fran- 
çaises ;  celles  de  la  renaissance  ont,  plus 
que  d'autres,  un  caractère  propre  et  parti- 
culier; les  musées  et  les  palais  modernes 
copient  les  temples  grecs  ou  les  œuvres 
de  la  renaissance  italienne,  comme  ceux  du 
XVIIIe  siècle  avaient  copié  les  rocaillesdu 
style  Louis  XV  français.  Quant  aux  travaux 


de  l'époque  contemporaine  qui  rappellent 
l'art  allemand  de  la  renaissance,  nous  n'en 
parlerons  pas  ici.  D'une  manière  générale 
on  peut  dire  que  les  monuments  de  cette 
région  se  signalent  par  l'abondance  des 
détails  décoratifs;  leur  richesse  est  parfois 
excessive  et  il  y  a  un  certain  manque  d'u- 
nité dans  leur  décoration  dont  les  éléments 
sont  empruntés  aux  styles  et  aux  temps 
les  plus  divers. 

Les  monuments  de  la  Bavière,  ou  du 
moins  ses  monuments  du  moyen  âge  sont 
peu  connus  des  archéologues  de  langue 
française,  et  c'est  grand  dommage,  car  ils 
sont  remarquables  et  intéressants  à  bien  des 
titres.  Les  autres,  ceux  qui  ont  été  élevés 
sous  les  règnes  des  rois  Maximilien  et 
Louis,  sont  l'objet  des  appréciations  les 
plus  opposées.  Tel  les  célébrera  comme 
l'effort  le  plus  prodigieux  qui  ait  été  tenté 
de  nos  jours  dans  le  domaine  des  arts;  tel 
autre  ne  verra  en  eux  que  des  pastiches 
malheureux  de  constructions  d'un  art  surfait 
et  démodé.  Une  fois  de  plus,  la  vérité  est 
entre  ces  deux  extrêmes  :  certes  les  Propy- 
lées et  le  Walhalla,  par  exemple,  malgré  la 
pureté  de  leurs  lignes  et  la  perfection  de 
leur  exécution,  n'ont  pas  l'austère  majesté 
des  monuments  authentiques  de  la  Grèce, 
mais  qui  pourrait  nier,  cependant,  que  ce 
sont  des  constructions  d'un  mérite  véri- 
table ?  Oui  pourrait  se  refuser  à  rendre 
justice  à  cette  entreprise  d'un  souverain 
éclectique  dans  son  amour  de  l'art,  et  dési- 
reux de  faire  connaître  à  son  peuple  les 
monuments  des  styles  les  plus  différents  ? 
Il  a  cherché  à  rappeler  à  la  fois  les  chefs- 
d'œuvre  de  l'antiquité  grecque  et  romaine, 
de  l'art  roman  et  de  l'art  gothique.  Au 
point  de  vue  du  goût  et  des  convictions  on 
peut  contester  la  valeur  de  pareille  tentative, 
mais  il  faut  reconnaître  la  pensée  généreuse 
du  monarque  voulant  initier  son  peuple  à  la 


(Btx  Batotère.  —  fôott&  ht  fcopage. 


15 


connaissance  du  beau  sous  toutes  ses  formes, 
l'élever  à  une  haute  intelligence  de  l'art 
et  choisissant  pour  atteindre  cette  fin  le 
mode  d'action  qui  lui  semblait  le  plus  propre 
à  la  réaliser. 

On  peut  aimer  ou  non  les  œuvres  de  telle 
école  déterminée;  on  peut  regretter  qu'une 
entreprise  qui  ne  se  renouvellera  peut-être 
plus,  n'ait  pas  pris  pour  objectif  unique, 
et  en  lui  donnant  tous  les  développements 
dont  il  est  susceptible,  l'ancien  style  national 
par  excellence,  le  style  gothique,  capable 
de  produire  encore  de  nouveaux  chefs- 
d'œuvre  ;  mais  on  ne  peut  méconnaître  la 
hauteur  de  vues  qui  a  créé  cette  renaissance 
de  l'art  antique  en  Bavière  et  le  résultat 
remarquable  atteint  par  les  souverains  qui 
l'ont  conçue  et  réalisée  avec  le  concours 
d'une  pléiade  d'artistes  d'élite  dans  toutes 
les  branches  des  arts  ! 

La  sculpture,  en  Bavière,  est  abondante 
et  variée  dans  ses  manifestations  ;  vraiment 
supérieure  au  XIIe  et  au  XIIIe  siècle,  elle 
fournit  à  toute  époque  des  spécimens  d'une 
haute  valeur.  Empreinte  d'un  réalisme  pro- 
fond qui  lui  donne  une  perfection  relative 
aux  grandes  époques  de  l'art,  elle  devient 
lourde  et  maniérée  dans  les  périodes  moins 
brillantes  et  lorsqu'elle  cesse  d'être  pratiquée 
par  des  artistes  d'élite.  Dans  le  genre  pure- 
ment ornemental  et  abstraction  faite  de  la 
figure  humaine,  elle  est  à  toute  époque  d'une 
abondance  exceptionnelle,  d'une  souplesse 
exquise  et  d'une  exécution  remarquable. 

La  cathédrale  de  Bamberg,  et  à  une 
époque  postérieure,  les  églises  et  la  fontaine 
de  Nuremberg  ;  les  travaux  en  bronze  fon- 
du et  ciselé,  les  sculptures  sur  bois  d'Ulm, 
Rothenbourg  et  Nuremberg,  ainsi  que  les 
œuvres  des  sculpteurs  bavarois  que  gar- 
dent les  musées,  témoignent  de  l'impor- 
tance et  de  la  perfection  de  cet  art. 

Riemenschneider,  Kraft,  Vischer,  Syrlin 


sont  les  noms  de  sculpteurs  fameux  des 
XVe  et  XVIe  siècles  ;  ceux  de  leurs  prédé- 
cesseurs n'ont  malheureusement  pas  été 
conservés. 

La  peinture,  à  l'époque  gothique,  compte 
deux  grandes  écoles  dans  ce  pays,  celle  de 
Nuremberg  et  celle  de  la  Souabe,  toutes 
deux  connues  par  les  œuvres  de  maîtres 
illustres.  La  première  compte  Berthold, 
Maître  Pfennig,  Michel  Wolgemut,  Pley- 
denwurff  ('),  et  le  célèbre  Albert  Durer, 
l'élève  de  Wolgemut  ;  la  seconde  Lucas 
Moser,  Frédéric  Herlin  dont  l'œuvre  capi- 
tale se  voit  à  l'église  St-Jacques  de  Rothen- 
bourg ;  Martin  Schongauer,  Barthélémy 
Zeitblom,  et  Martin  Schaffner.  Herlin  et 
Schongauer  se  sont  certainement  inspirés 
des  œuvres  de  Rogier  de  le  Pasture.ou  Van 
der  Weyden,  peintre  tournaisien  établi  plus 
tard  à  Bruxelles,  et  toute  l'école  de  Souabe 
semble  d'ailleurs  avoir  subi  l'influence  de 
l'école  dite  flamande,  des  Pays-Bas,  avec 
laquelle  ses  œuvres  présentent  des  ressem- 
blances frappantes. 

L'école  moderne,  établie  à  Munich,  a 
brillé  d'un  vif  éclat;  mais  de  même  que  l'ar- 
chitecture et  la  sculpture  modernes,  elle 
n'est  pas  du  domaine  de  cette  étude. 

Ce  grand  courant  artistique  a  imprimé 
un  caractère  particulier  aux  œuvres  des  arts 
accessoires  qui  fait  que  toutes  choses,  dans 
ce  pays,  ont  une  valeur  propre,  et  contri- 
buent à  former  un  ensemble  dans  lequel 
rien  ne  détonne  et  où  l'homme  de  goût 
éprouve  une  perpétuelle  satisfaction. 

"Wur^  bourg.    


WiJRZBOURG,  la  première  ville  im- 
portante de  la  Bavière  quand  on  arrive  par 
la  ligne  de  Francfort,  est  le  siège  d'une  an- 
cienne  principauté  ecclésiastique,  annexée 

I.   V.  Henry  Thode,  Die  Malerschule  von  Nttrnberg 
im  XIV  und  XVJahrhundert. 


là 


Retour  De  r&rt  chrétien. 


Wiirzbourg  —Tombeau  de  1  évêque  Jean  II  dans  la  cathédrale. 


à  la  Bavière  en  1803.  C'est  une  jolie  loca- 
lité de  69,000  habitants.  Elle  a  les  allures 
d'une  petite  capitale,  avec  son  palais  entouré 
de  vastes  jardins,  un  château-fort  (qui  fut 
encore  bombardé  lors  de  la  guerre  de  1866) 
sur  la  colline  de  Marienberg,des  boulevards 
occupant  la  place  des  anciens  remparts  et 
de  jolis  quais  le  long  du  Mein.où  à  part  la 
vue  de  Marienberg,  il  n'y  a  de  remarquable 
que  les  bâtiments  de  la  douane  (Zollamt) 
et  une  grue  monumentale. 

Un  roNT  du  XVe  siècle,  en  partie  refait 
au  XVIIe  siècle.et  dont  les  garde-fous  sont 
ornés  de  statues.comme  le  pont  Saint-Ange 
à  Rome,  met  en  communication  les  deux 
rives  du  fleuve. Il  fait  suite  à  la  Domstrasse, 
principale  rue  du  vieux  Wiirzbourg. 

La  ville  ne  possède  pas  de  monuments 
de  premier  ordre,  mais  elle  a  assez  de  ca- 
chet et  renferme  des  palais  et  des  églises 
dignes  d'attention.  Ce  sont  d'abord  la  Ré- 
sidence, ancien  palais  des  princes-évêques, 
actuellement  château  royal,  qui  a  la  préten- 
tion de  rappeler  Versailles,  de  loin,  il  est 
vrai.  Les  jardins  du  palais  sont  ouverts  au 
public  ;  ils  sont  clôturés  par  de  beaux  gril- 
lages et  des  portes  en  fer  forgé  qui  peuvent 
être  comparées  à  celles  de  Jean  Lamour, 
de  Nancy,  ce  qui  n'est  pas  peu  dire.  La 
Bavière  est  d'ailleurs  très  riche  en  œuvres 
de  ferronnerie  artistique  conservées  dans 
les  monuments  et  les  musées,  témoins  d'une 
industrie  autrefois  très  florissante  dans 
toute  la  région. 

L'église  dite  Neu-Munster-Kirche,  ro- 
mane de  construction, a  été  toute  défigurée 
par  des  remaniements  postérieurs  ;  la  Ma- 
rien-Kapelle,  de  style  gothique  avec  une 
jolie  tour  et  de  bonnes  sculptures  ;  l'église 
St-Michel  (  1 765);  Stift  Haug(Église  Haug) 
du  XVIIe  siècle  ;  l'hôtel  de  ville,  à  l'extré- 
mité de  la  Domstrasse, avec  tour  carrée  dont 
la  silhouette  seule  est  intéressante. 


Cn  Bavière.  —  ilotes  De  toopage. 


17 


Plusieurs  statues  de  Notre-Dame  à   l'an- 
gle des  rues   ou  au-dessus  des  portes,  rap 
pellent  que    la  ville  lui  était   autrefois  con- 
sacrée. 

La  cathédrale  (Dom)  est  en  voie  de 
restauration.  C'est  un  édifice  roman  du 
XIIe  siècle,  avec  deux  tours  carrées  à  la 
façade,  de  construction  assez  pauvre.  L'in- 
térieur, vaste  vaisseau  avec  bas-côtés,  sans 
transept,  aurait  beaucoup  de  caractère  s'il 
n'avait  été  complètement  modernisé  au 
XVIIIe  siècle,  et  on  sait  ce  que  cela  veut 
dire. 

La  cathédrale  renferme  une  très  intéres- 
sante série  de  monuments  funéraires  des 
princes  évêques,  consistant  généralement 
en  une  dalle  sculptée, dressée  contre  un  des 
piliers  de  la  nef,  où  le  défunt  est  représenté 
sous  une  arcade  gothique,  debout,  revêtu 
des  ornements  épiscopaux,  tenant  de  la 
main  gauche  la  crosse  et  appuyant  la  main 
droite  sur  l'épée  (mise  dans  le  fourreau).  Le 
plus  ancien  de  ces  monuments  appartient 
au  XIIIe  siècle  ;  l'évêque  est  figuré  bénis- 
sant de  la  main  droite  et  soutenant  en  même 
temps,  le  livre,  emblème  de  la  doctrine, 
et  l'épée,  emblème  du  pouvoir  séculier  ; 
sa  main  gauche  tient  la  crosse.  Parmi  les 
plus  intéressants  on  peut  citer  celui  de 
l'évêque  Jean  II  (►{«  1440)  et  celui  de 
Rudolf  II  (►£  1495).  Ce  dernier  monument 
est  l'œuvre  de  Tilman  Riemenschneider,  le 
grand  sculpteur  du  XVIe  siècle,  né  à  Wlirz- 
bourg,  où  on  conserve  quelques-unes  de  ses 
œuvres  (un  Christ  à  la  cathédrale,  plusieurs 
statues  à  l'église  Notre-Dame),  et  dont  les 
travaux  se  trouvent  dans  la  plupart  des 
grands  monuments  et  des  musées  de  la 
région. 

Des  fontaines  monumentales, et  quelques 
constructions  modernes  importantes,  té- 
moignent du  goût  artistique  de  la  moderne 
Wtirzboure. 


Hnsbacb. 

ANSBACH  ou  Anspach  (16,000  habi- 
tants), ancienne  capitale  des  margraves  de 
ce  nom,  est  une  localité  dépourvue  d'intérêt. 
L'immense  château  du  prince,  de  style  re- 
naissance, aujourd'hui  en  partie  inoccupé, 
impressionne  tristement  le  voyageur. 

Les  deux  églises  (protestantes),  encom- 
brées de  bancs,  d'estrades,  de  loges,  de 
galeries  disposées  comme  celles  d'un  théâ- 
tre, et  d'où  les  fidèles  entendent  le  prêche 
du  dimanche,  ne  disent  plus  rien,  à  l'inté- 
rieur. 

L'une  d'elles,  St-Gombert,  a  une  tour 
carrée  à  la  façade,  accompagnée  de  deux 
tourelles  plus  petites,  toutes  trois  surmon- 
tées d'assez  élégantes  flèches  du  XIVe  siècle 
en  pierre. 

Sur  la  place  qui  sépare  les  deux  églises, 
jolie  fontaine  avec  statue  dorée  d'un  mar- 
grave, Georges  le  Pieux,  mort  en  1543. 

ïtotbcnbourg;.  


R.OTHENBOURG  sur  la  Tauber,  petite 
ville  quelque  peu  perdue  et  où  l'on  arrive 
par  une  ligne  de  chemin  de  fer  encore  très 
primitive,  est  une  des  plus  curieuses  villes 
de  la  région  et  mérite  à  tous  égards  une 
visite. 

Elle  est  d'ailleurs  le  but  du  pèlerinage  de 
nombreux  artistes  et  de  touristes,  la  plupart 
anglais,  qu'attirent  ses  monuments  anciens, 
sa  merveilleuse  enceinte  fortifiée  de  l'époque 
gothique,  et  l'aspect  général  de  cette  char- 
mante localité,  type  de  petite  ville  du 
moyen  âge  d'aspect  très  archaïque,  et  en 
même  temps  gaie,  claire,  proprette,  bien 
aérée,  éclairée  à  l'électricité,  et  jouissant  de 
tous  les  avantages  du  confort  et  de  l'hy- 
giène modernes. 

Bien  qu'elle  ne  compte  que  7,000  habi- 
tants ou  environ,  elle  a  un  air  d'aisance,  de 


KHVUK    DE    L'AKT    LHKET1KN. 
l3grj.   —    ire   LIVRAISON. 


i8 


3&e\me  tic  l'&rt  cbrcttcu. 


propreté  et  une  bonne  tenue  générale 
qu'on  ne  rencontre  souvent  que  dans  les 
villes  beaucoup  plus  importantes. 

Les  rues  sont  irrégulières  à  plaisir,  bor- 
dées de  vieilles  maisons,  égayées  par  quel- 
ques plantations,  des  fontaines,  des  monu- 
ments anciens,  particulièrement  des  tours  de 
défense  et  des  tourelles  ornementales  qui 
font  point  de  vue  à  tous  les  carrefours. 


Les  anciennes  fortifications  de  la  ville 
sont  encore  complètes,  ou  peu  s'en  faut,  et 
forment  un  ensemble  de  constructions  mili- 
taires du  plus  haut  intérêt. 

Elles  datent  du  XIVe  siècle  vraisembla- 
blement, et  sont,  dans  leur  ensemble,  anté- 
rieures à  l'époque  de  l'invention  de  l'artil- 
lerie. 

Un  des  côtés  de   l'enceinte   est  particu- 


Rothenbourg.  —  Le  mur  d'enceinte  (Stbberleinsthurm),  près  de  la  porte  de  l'hôpital. 


lièrement  intéressant,  c'est  celui  qui  s'étend 
entre  la  Burgthor  et  la  Spitalthor.  De  la 
porte  dite  Burgt/ior,  on  découvre  un  beau 
panorama  de  la  ville  en  même  temps  qu'une 
vue  superbe  sur  une  grande  étendue  de 
l'enceinte  fortifiée,  dont  on  peut  saisir,  d'un 
coup  d'œil  la  disposition  générale.  La  porte 
de  l'hôpital  (Spitalthor)  est  la  plus  impor- 
tante des  portes  de  la  ville.  Elle  se  compose 
d'un  ouvrage  avancé  construit  en  pierres  et 
dont  les  murs  sont  surmontés  d'une  toiture 
supportée  par  des  pièces  de  bois  reposant 
sur  des  corbeaux   en  pierre    faisant   l'office 


des  hourds  dans  l'architecture  militaire  de 
nos  pays.  Des  ouvrages  plus  récents  (1586) 
ont  été  ajoutés  à  ceux-ci;  ils  les  complètent 
sans  les  défigurer. 

La  Burgtlior,  bien  que  datant  de  la 
même  époque,  est  d'un  aspect  beaucoup 
plus  moderne.  Quelques  détails  d'architec- 
ture accusent  le  XVIIe  siècle  ;  les  tours, 
rondes  et  basses,  ont  été  surmontées  de 
hautes  toitures  en  pointe  assez  pittoresques. 

Le  mur  de  défense  qui  s'étend  entre  ces 
deux  portes,  irrégulier  dans  sa  forme  et  ses 
dimensions  suivant  les  reliefs  du  sol  et  les 


<Sn  Bavière         f®ott8  De  dopage. 


J9 


sinuosités  des  constructions,  est  bâti  en 
pierres  de  petit  appareil  et  de  forme  irrégu- 
lière. Il  est  généralement  assez  bas,  uni  du 
sommet  à  la  base  et  percé  dans  le  haut 
d'une  série  de  petites  ouvertures  carrées, 
sorte  de  larges  meurtrières.  Il  est  couronné, 
du  moins  en  certains  endroits,  d'un  toit  à 
deux  versants,  celui  qui  regarde  vers  la 
ville  plus  large  que  l'autre,  et  couvrant  le 
chemin  de  ronde  à  l'intérieur  du  mur.  Ce 
chemin  de  ronde  qui  surplombe  le  mur,  est 
supporté  par  des  corbeaux  en  pierre,  tandis 
que  des  poteaux  en  bois  supportent  la  toi- 
ture de  ce  côté;  des  tours,  assez  espacées, 
renforcent  le  mur  d'enceinte,  leur  saillie, 
particularité  curieuse,  étant  généralement 
à  l'intérieur;  elles  sont  très  élevées,  de  forme 
carrée  pour  la  plupart,  et  couvertes  d'une 
toiture  à  quatre  pans.  L'une  d'elles  a  des 
tourelles  aux  anodes. 

La  Kobolzellerthor,  porte  entre  la  Burg- 
thor  et  la  Spitalthor,  est  l'une  des  plus 
intéressantes  ;  c'est  peut-être  celle  où  le 
système  de  défense  se  montre  le  mieux 
dans  tous  ses  détails. 

Rothenbourg  est  particulièrement  inté- 
ressant par  l'ensemble  de  ses  habitations,  la 
disposition  si  pittoresque  de  ses  rues,  et  l'a- 
bondance des  constructions  anciennes  de 
tout  genre  qu'on  y  rencontre,  mais  ses 
monuments  proprement  dits  sont  peu  im- 
portants. 

Le  Rathaus  (hôtel-de-vilU)  est  cepen- 
dant une  construction  remarquable,  com- 
posée de  deux  bâtiments  juxtaposés  dont 
l'un  appartient  à  la  renaissance  allemande, 
tandis  que  l'autre  est  gothique,  et  com- 
prend un  haut  pignon  du  centre  duquel 
s'élève  une  tour  carrée  de  70  mètres  de 
haut. 

L'église  St-Jacques,  qui  date  de  la  fin 
du  XIVe  siècle,  est  d'un  gothique  maigre 
et  froid,  très  peu  orné.  Elle  a  deux  chœurs 


avec  deux  tours  accolées  aux  flancs  du 
chœur  de  l'Est,  et  pas  de  transept.  Par 
suite  de  la  déclivité  du  sol  sur  lequel  l'église 
est  assise,  le  chœur  de  l'Ouest  a  dû  être 
surélevé  sur  une  arche  puissante  qui  sup- 
porte les  murs  du  sanctuaire  au-dessous 
duquel  passe  une  rue. 

L'église  est  affectée  au  culte  protestant. 
On  y  voit,  sur  les  autels,  trois  magnifiques 
retables  du  XVe  siècle,  tout  entiers  en 
chêne  sculpté  :  le  sujet  central,  les  pan- 
neaux des  volets,  les  clochetons  et  les  statues 
qui  le  surmontent  et  l'encadrent.  On  y  con- 
serve encore  un  retable  à  volets  peint  par 
Herlin  en  1466. 

;ottrcmtJcrg. 


NUREMBERG,  ancienne  ville  libre  im- 
périale, attribuée  au  royaume  de  Bavière 
en  1806,  sur  la  Pegnitz,  petite  rivière  non 
navigable,  compte  150,000  habitants. 

C  est  une  de  ces  villes-types  dont  la  répu- 
tation est  universelle,  et  que  les  relations 
de  voyage  et  la  gravure  ont  tellement  po- 
pularisées qu'on  croit  les  connaître  déjà 
avant  de  les  avoir  vues.  Trop  souvent,  en 
pareil  cas,  la  réalité  est  au-dessous  de  la 
réputation,  et  le  premier  sentiment  éprouvé 
par  le  visiteur  est  une  déception.  Tel  n'est 
pas  le  cas  pour  Nuremberg,  qui  reste  au- 
dessus  de  sa  renommée  et  donne  plus  que 
celle-ci  n'avait  promis. 

La  ville  n'a  pas  une  histoire  politique 
bien  brillante  :  née  à  l'ombre  du  château 
fort  du  XIe  siècle  qui  la  domine,  sur  la  rive 
droite  de  la  Pegnitz,  elle  ne  dépassa  pas 
d'abord  cette  rivière  et  eut  pour  centre  l'an- 
tique église  de  St-Sébald  ;  puis  elle  s'agran- 
dit, traversa  la  Pegnitz,  fonda  une  seconde 
église  (St-Laurent)  et  doubla  en  quelque 
sorte  son  territoire  bâti.  Les  deux  villes 
jumelles  avaient  dans  le  principe  des  forti- 
fications distinctes   qui   leur  permirent   de 


20 


orbite  tir  r&rt  chrétien. 


résister  à  plusieurs  sièges.  A  la  fin  du  XVe 
siècle,  elles  les  renversèrent  pour  leur  sub- 
stituer une  enceinte  unique,  enveloppant 
tout  le  territoire  de  la  ville,  et  cette  enceinte, 
terminée  au  commencement  du  XVIe siècle 
seulement,  subsiste  encore  aujourd'hui. 


Bien  que  les  anciens  habitants  s'appli- 
quassent tout  particulièrement  au  com- 
merce, les  sciences  et  les  lettres  furent 
cultivées  avec  succès  à  Nuremberg,  et  pour 
ne  parler  que  du  plus  populaire  de  ses  litté- 
rateurs,   qui    ne    connaît    Hans    Sachs,    le 


Nuremberg:.  —  Le  tombeau  de  saint  Sébald. 


cordonnier-poète  célébré  par  Wagner  dans 
les  Maîtres  chanteurs  de  Nuremberg,  plus 
célèbre  que  maints  savants  écrivains,  ses 
concitoyens,  et  auquel  Nuremberg  a  élevé 
une    statue,    tout    comme    à    Durer    et    à 


Behaim  !  Oui  ne  connaît  les  artistes  d'élite  : 
Michel  Wolgemut  (*  1539),  Albert  Durer 
(*  1528),  Culmbach,  tous  trois  peintres; 
Adam  Kraft  (*  1507),  Peter  Visscher 
(^1509),  Veit  Stoss(*  1533),  sculpteurs; 


<£n  Idaînère*  —  iï^oteô  ûe  toopage. 


21 


et  encore  les  Hirschvogel,  peintres-verriers. 
Leurs  œuvres,  à  tous,  brillent  dans  leur  ville 
natale.  Ils  y  ont  suscité  tout  un  peuple 
d'ouvriers  d'élite,  continuateurs  jusqu'au- 
jourd'hui de  leurs  traditions.  Ils  ont  peuplé 
d'oeuvres  d'art  les  monuments  et  les  maisons 
de  Nuremberg  et  ont  en  outre  façonné 
de  telle  sorte  le  goût  de  leurs  concitoyens 
que  ceux-ci  ont  persévéré  dans  les  mêmes 
voies  sans  s'en  eloignerjamais.de  telle  sorte 
que  la  ville  se  présente  encore  de  nos  jours 
sous  l'aspect  qu'elle  avait  au  XVIe  siècle, 
bâtie, décorée,  meublée  d'après  les  traditions 
des  maîtres  de  cette  époque,  tout  en  ayant 
adopté,  hâtons-nous  de  le  dire,  les  nombreux 
bienfaits  de  la  science  moderne,  éclairage  et 
voitures  électriques,  hygiène  et  confort  mo- 
dernes, et  comme  conséquence  étant  par- 
venue à  une  richesse  et  une  prospérité 
toujours  grandissantes. 

Il  résulte  de  tout  ceci  que  l'antiquité  dans 
ce  qu'elle  a  de  pittoresque,  d'artistique  et 
de  poétique  se  fond  avec  le  modernisme  le 
plus  raffiné  pour  faire  de  Nuremberg  une 
des  villes  les  plus  intéressantes  en  même 
temps  que  les  plus  agréables  qu'on  puisse 
rencontrer. 


# 
#   # 


L'église  St-Sebald  est  le  plus  ancien 
des  trois  principaux  monuments  religieux 
de  Nuremberg(St-Laurentet  Notre-Dame). 
Certaines  de  ses  parties  appartiennent 
encore  au  style  roman,  mais  l'ensemble  est 
de  style  gothique.  La  plus  belle  partie,  à 
l'extérieur,  est  le  chœur,  dont  les  contreforts 
sont  décorés  de  statues;  quelques  bas-reliefs 
qui  garnissent  le  plat  des  murs,  sous  les 
fenêtres,  sont  fort  remarquables  ;  tel  le  mo- 
nument Schreyer  représentant  la  Mise  au 
tombeau,  et  plusieurs  scènes  de  la  Passion 
par  Adam  Kraft  ;  la  porte  de  la  fiancée 
(Brauthtir),    avec    les   statues   des  vierges 


sages  et  des  vierges  folles,  sujet  souvent 
reproduit  dans  ce  pays  ;  la  façade  de  l'Ouest 
comprend  le  chœur  ancien,  entre  deux  tours 
carrées,  achevées  au  XIVe  siècle. 

Intérieur.  La  nef  centrale  appartient 
à  l'époque  de  la  transition  ogivale  ;  elle  est 
étroite  et  d'architecture  massive.  Le  chœur 
de  l'Est,  de  style  gothique  (1377),  est 
entouré  de  bas-côtés,  dont  les  voûtes  s'élè- 
vent à  la  même  hauteur  que  celles  du 
chœur.  Il  est  très  élégant,  et  de  nombreux 
détails  sont  remarquables  :  tels,  une  jolie 
tribune-balcon  ;  un  tabernacle  du  XIVe  siè- 
cle, encadré  de  pilastres  à  clochetons,  et  de 
nombreuses  statues,  le  tout  en  pierre  ;  des 
bas-reliefs  sculptés  par  Veit  Stoss  (Jésus 
au  jardin  des  Oliviers)  ;  un  calvaire  du 
même  artiste,  sur  le  maître-autel  ;  des  fres- 
ques du  XVe  siècle  ;  des  vitraux  du  XVIe 
siècle,  par  Veit  Hirschvogel  ;  enfin  l'œuvre 
capitale  du  sculpteur  Pierre  Visscher,  le 
tombeau  de  S.  Sébald  (*),  en  bronze  fondu  et 
ciselé.  Commencé  en  1508  il  fut  achevé  en 
1513,  dans  le  style  de  la  renaissance. 
L'œuvre  dans  son  ensemble  est  très  remar- 
quable, mais  elle  est  inégale,  au  point  de 
vue  de  la  composition  :  plusieurs  statues 
des  douze  apôtres  sont  admirables. 

Les  peintures  conservées  à  St-Sébald, 
bien  qu'intéressantes,  ne  comptent  cepen- 
dant pas  de  chefs-d'œuvre  proprement  dits. 
Il  faut  excepter  toutefois  un  triptyque  à 
volets  de  15  13,  peint  par  Jean  Culmbach. 

Le  chœur  de  l  Ouest  est  roman,  d'une 
architecture  très  caractérisée.  On  fait  re- 
monter sa  construction  au  Xe  siècle.  Il  sert 
de  baptistère.  Les  fonts,  en  forme  de  coupe 
cylindrique,  à  pied  large  et  bas,  décoré 
d'arcatures  gothiques  de  peu  de  relief,  et 
des  statues  des  quatre  évangélistes,  passent 
pour  le   plus  ancien   travail  de  bronze,  ou 


I.  Voir  Revue  de  VArt  chrétien,  I,  VI  (i 


p.  5. 


22 


3&ctnic  tic  l'&rt  cbrétten. 


dinanderie,   exécuté    à  Nuremberg.  Ils  da- 
tent du  XIVe  siècle. 

Le  presbytère  de  St-Sébald  (Pfarrhof), 
près  de  l'église  de  ce  nom,  possède  une 
remarquable  bretèche,  de  style  gothique, 
construite  en  1318,  ornée  de  bas-reliefs  très 
délicats,  en  encorbellement  sur  la  façade  et 
supportée  par  un  pied  en  forme  de  pilier, 
orné  d'élégants  fenestrages.  Était-ce  bien 
une  bretèche,  à  l'origine,  ou  n'était-ce  pas 
plutôt  le  chevet  d'une  chapelle  privée  ? 


Nuremberg-  —  Église  Saint-Laurent. 

L'église  St-Laukent,  plus  jeune  d'un 
siècle  que  St-Sébald  (1287-1477),  est  assez 
vulgaire  à  l'extérieur,  et  dépourvue  de 
toute  décoration,  si  ce  n'est  d'un  côté  de  la 
façade,  où  elle  en  est,  au  contraire,  très 
abondamment    ornée,    mais  d'une  décora- 


tion trop  menue  et  un  peu  sèche.  Comme 
à  St-Sébald,  deux  tours,  carrées  à  la  base, 
terminées  en  flèche,  encadrent  la  façade 
occidentale,  dans  laquelle  s'ouvre,  au  rez- 
de-chaussée,  une  porte  aux  multiples  archi- 
voltes, et  à  l'étage  une  rose  de  9  mètres 
de  diamètre  dont  les  rayons  sont  nombreux, 
très  ouvragés  et  très  compliqués. 

A  l'intérieur,  l'église  est  un  peu  sombre, 
dans  sa  partie  basse,  mais  la  nef  s'éclaire 
en  approchant  du  sanctuaire  et  le  chœur  est 


Nuremberg.  —  Église  Saint-Laurent  (chœur). 

baigné  de  lumière  ;  cette  clarté  peu  or- 
dinaire est  due  en  partie  à  l'élévation  des 
voûtes  des  bas-côtés,  presque  aussi  hautes 
que  la  voûte  centrale.  Un  balcon  avec 
garde-fou  en  pierre  sculptée,  situé  à  mi- 
hauteur  entre  les  fenêtres  basses    et  celles 


€it  Barrière.  —  fôotts  De  toopage. 


d'en  haut,  contourne  tout  le  chœur.  Le 
transept  ne  s'accuse  pas  dans  le  plan  de 
l'église  ;  il  ne  dépasse  pas,  en  longueur,  la 
largeur  des  nefs.  A  l'entrée  du  chœur  sur 
une  poutre  transversale,  maigre  et  arquée, 
une  croix  en  •forme  d'arbre  avec  feuillage 
traité  d'après  nature. 

Les  bas-côtés  renferment  plusieurs  tribu- 
nes réservées.  Un  élégant  escalier  en  pierre, 
à  plusieurs  paliers,  conduit  à  l'une  d'elles. 
De  nombreux  retables  sculptés  ou  peints, 
parmi  lesquels  celui  qui  est  dédié  à  S.  Roch, 
est  particulièrement  curieux  ;  des  obiit 
sculptés,  fixés  aux  murs  latéraux  ;  des  sta- 
tues accrochées  aux  piliers,  d'une  exécution 
généralement  lourde  et  tourmentée  ;  des 
vitraux  superbes,  des  peintures  de  l'an- 
cienne école  allemande  ;  des  tapisseries  très 
anciennes,  font  de  St-Laurent  un  véritable 
musée. 

Le  tabernacle,  en  forme  de  tourelle,  haute 
de  vingt  mètres,  sculptée,  ajourée,  et  termi- 
née en  flèche,  adossée  au  premier  pilier  du 
chœur,  est  l'œuvre  d' 'Adam  Kraft,  qui  l'exé- 
cuta de  1493  à  1500,  en  pierre  blanche, 
dans  le  style  gothique.  Le  maître  s'est  re- 
présenté lui-même  avec  deux  ouvriers, 
portant  sur  leurs  puissantes  épaules  la  ga- 
lerie inférieure  du  tabernacle. 

Au  centre  du  chœur,  suspendu  à  la 
voûte  par  une  tige  de  fer,  un  grand  médail- 
lon en  bois  sculpté  et  polychrome  par  Veit 
Stoss,  représentant  l'Annonciation,  entouré 
de  sept  petits  médaillons  (les  sept  joies  de 
la  Ste-Vierge)  et  surmonté  de  la  figure  du 
Père  éternel,  entouré  d'anges  (').  Ces  an- 
ges si  gracieux  on  les  trouve  toujours  en 
abondance  dans  les  œuvres  allemandes.  On 
les  rencontre  encore  à  St-Laurent,  agenouil- 
lés sur  les  bouts  de  poutre  surmontant  les 

1.  L'église  de  Le'au  possède  un  médaillon  semblable  et 
aussi  un  tabernacle  en  tourelle,  de  style  renaissance, 
aussi  beau,  dans  son  style,  que  celui  de  Nuremberg. 


stalles  du  chœur,  et  au  maître-autel  (moder- 
ne) portant  des  flambeaux  qui  remplacent 
les  chandeliers  ordinaires. 

Le  Christ,  qui  se  dresse  au  centre  du 
retable,  est  de  Veit  Stoss  ;  le  très  beau 
lustre  gothique,  en  bronze,  suspendu  à  la 
voûte  du  chœur,  est  l'œuvre  de  Pierre 
Visse her  (1489). 

Les  vitraux  des  fenêtres  hautes  du  chœur 
comptent  parmi  les  meilleurs  qu'aient  pro- 
duits les  peintres-verriers  nurembergeois 
(1450-1490).  Beaucoup  d'autres  vitraux, 
également  intéressants,  garnissent  les  fenê- 
tres des  nefs  et  des  collatéraux  du  chœur. 

Enfin  l'église  renferme  bon  nombre  de 
tapisseries  gothiques  dont  la  plupart  occu- 
pent encore  la  place  pour  laquelle  elles  ont 
été  faites,  c'est-à-dire  le  haut  des  dossiers 
aux  stalles  du  chœur,  ou  les  murs  au-dessus 
des  lambris  de  quelques  chapelles. 

Certaines  de  ces  tapisseries  paraissent  de 
fabrication  flamande,  telle  l'histoire  d'un 
pape,  en  six  tableaux  ;  d'autres  qui  remon- 
tent, dit-on,  au  XIVe  siècle,  comme  la  lé- 
gende de  St  Laurent  et  celle  de  Ste  Ca- 
therine,  semblent  être  d'origine  allemande, 
voire  même  de  Nuremberg. 

La  troisième  église  qu'on  ne  peut  man- 
quer de  visiter  est  la  Fkauen  Kirciie  ou 
Église  Notre-Dame,  d'un  tout  autre  genre 
que  les  deux  précédentes.  Sa  façade  est 
devenue  populaire  par  les  nombreuses  vues 
de  Nuremberg,  où  elle  se  trouve  associée 
à  la  belle  Fontaine,  sur  la  pittoresque  place 
du  marché.  A  vrai  dire  Notre-Dame  est 
tout  entière  dans  sa  façade,  car  l'église  est 
dépourvue  de  profondeur  ;  c'est  plutôt  une 
chapelle  composée  seulement  d'une  courte 
nef  et  d'un  chœur.  Bâtie  de  1355  à  1361, 
elle  est  en  forme  de  haut  fronton  triangu- 
laire, la  partie  supérieure  décorée  de  plu- 
sieurs rangées  d'arcatures,  avec  une  tou- 
relle légère,  octogone,  occupant  le  sommet 


24 


îRebttc  Ïjc  l'art  chrétien* 


du  pignon.  Un  porche  aux  larges  arcades, 
encadrant  les  portes,  surmonté  d'un  étage 
fermé,  servant  de  chapelle,  couronné  lui- 
même  par  un  pignon  triangulaire  dans 
lequel  est  encastrée  une  horloge  célèbre  de 
1509,  se  détache  fortement  de  la  façade,  et 
lui  donne  un  cachet  tout  particulier. 

Les  sculptures  qui  l'ornent,  très  abon- 
dantes, sont  de  bon  style. 

L'intérieur  de  l'église  a  été  complètement 


restauré  et  polychrome  depuis  qu'elle  a  été 
rendue  au  culte  catholique,  sous  la  direction 
d'Essenvvein,  le  célèbre  archéologue  aile- 
mand,  décédé  le  i3oct.  1892.  Elle  renferme 
quelques  bonnes  œuvres  d'art,  entr'autres 
un  tableau,  en  forme  de  retable,  attribué  à 
Wolgemut  et  un  bas-relief  sculpté  par 
Kraft. 

Eugène  Soil. 
(A  suivre.) 


li  1 1 1 1 1 1  :  [  1 1 


x5£*  »&y.  x5I  *  k^H  **5£*  **5£*  ***£*  J^Vl-A  A*»£*  A,^  *%*  A^A  ***%*  *5£*  *5£x 


■muni;   ; 


^k©^k©^k©ï§k©^)  ffîélanges.  ïmtmmmmmm® 


U'abbape  et  les  cloîtres  De  ffîotssac  (') 


OUS  sommes  fort  en  retard  pour 
signaler  à  nos  lecteurs  l'importante 
monographie  que  M.  Rupin  a  entre- 
prise avec  unevéritable  prédilection  et 
achevée  avec  le  soin  et  l'étude  qui  caractérisent 
généralement  ses  travaux.  «  Oui  n'a  entendu 
parler  de  l'abbaye  de  Moissac,dont  la  renommée 
s'étendait  au  loin, —  dit-il  dans  son  avant-propos, 
—  de  son  église,  des  merveilleuses  sculptures  de 


son  portail  et  de  son  cloître  appelés  justement 
un  musée  d'iconographie  romane? 

«  Son  nom  seul  rappelle,  pendant  une  longue 
période  de  onze  siècles,  mille  souvenirs  histo- 
riques tour  à  tour  agréables  ou  terribles,  tristes 
ou  glorieux. 

«  Cette  opulente  abbaye  bénédictine,  où  la  ré- 
gularité et  la  piété  s'unissaient  à  la  science,  floris- 
sait  à  un  moment  donné  d'une  manière  admi- 
rable. Pillée  et  presque  détruite  à  différentes 
reprises,  après  le  calme  elle  se  relevait  plus  puis- 
sante que  jamais.  » 


Plan  de  l'église  et  du  cloître  de  Moissac. 


Je  crois  utile  de  citer  ces  lignes  par  lesquelles 
débute  le  livre,  parce  qu'elles  caractérisent  en 
réalité   la   grande   communauté  à  laquelle  cette 

i.  Ernest  Rupin,  V abbaye  et  les  cloîtres  île  Moissac,  ou- 
vrage orné  de  240  gravures,  dont  5  planches  hors  texte, 
d'après  les  dessins  et  les  photographies  de  l'auteur  ;  publié 
sous  les  auspices  de  la  Société  archéologique  de  la  Cor- 
rèze  ;  honoré  d'une  subvention  du  ministre  de  l'instruction 
publique.  Paris,  Alphonse  Picard,  1S97. 


étude  est  consacrée,  et  son  histoire,  jusqu'au 
moment  où,  hélas  !  elle  ne  devait  plus  se  relever  ; 
elles  caractérisent  aussi  l'esprit  dans  lequel 
M.  Ernest  Rupin  a  entrepris  son  livre. 

M.  Ernest  Rupin,  grand  travailleur,  et  qui,  à 
côté  des  instants  qu'il  consacre  à  des  articles  de 
revue,  à  la  direction  de  la  Société  historique  de 
la  Corrèze  et  à  des  recherches  de  toute  nature, 


BHVUli    Uli    LAKT    CHKET1HN. 
J899.  —    IfC   LIVRAISON. 


26 


&ctntc  De  ravt  cljvctteiu 


trouve  encore  le  temps  de  publier  des  volumes 
comme  l'Œuvre  de  Limoges  et  celui  dont  le 
titre  figure  en  tête  de  ces  lignes,  a  sur  beaucoup 
d'autres  érudits  l'incontestable  avantage  d'étu- 
dier en  savant  et  de  voir  en  artiste.  Il  a  con- 
servé un  peu  de  cette  chaleur,  de  cet  enthou- 
siasme qui  ont  été  la  force  initiale  des  études 
archéologiques  en  France,  et  ont  donné  nais- 
sance aux  Annales  archéologiques,  à  la  Revue 
de  l'Art  chrétien  et  à  un  grand  nombre  de  livres 
remarquables.  Si  une  partie  notable  du  volume 
est  consacrée  à  l'étude  des  cloîtres  où  l'art  plas- 
tique  du    XIIe  siècle  a  trouvé  une  si  abondante 


source  d'inspiration,  la  première  partie  donnant 
toutes  les  recherches  historiques,  avec  l'indication 
des  sources  et  l'examen  des  documents,  dénote 
des  recherches  minutieuses  dont  le  résultat  offre 
entière  satisfaction  au  lecteur  désireux  de  con- 
naître l'histoire  de  la  grande  maison  bénédic- 
tine. 

Des  chapitres  particuliers  étudient  :  i°  La 
topographie  générale  de  Moissac;  2°  Un  aperçu 
de  ses  abbés-chevaliers.  L'abbaye  de  Moissac, 
fondée  probablement  dans  la  première  moitié  du 
VIIe  siècle,  et  placée,  dès  cette  époque,  sous  la 
protection   royale,  ne  tarda  pas  à  prendre  une 


Tombeau  de  l'abbé  Raymond  de  Montpezat. 


extension  considérable;  elle  fut  l'objet  d'impor- 
tantes largesses,  mais,  comme  le  remarque  l'au- 
teur, «  par  un  malheureux  retour  des  choses 
humaines,  les  grandes  largesses  suscitent  aussi  de 
grandes  convoitises».  Les  possessions  considé- 
rables de  l'abbaye  furent  souvent  envahies  et  ra- 
vagées par  de  peu  scrupuleux  voisins  ;  de  là  devait 
naître  pour  les  moines  la  nécessité  de  chercher 
des  protecteurs  dans  les  seigneurs  les  plus  puis- 
sants du  pays.  Les  religieux  de  Moissac,  obligés 
d'avoir  recours  à  ce  genre  de  protection  pour  leur 
défense,  trouvèrent  un  appui  auprès  de  grands 
personnages   que  l'on  nommait  indifféremment 


avoués,  patrons,  défenseurs,  mais  qui  se  don- 
nèrent eux-mêmes  le  nom  plus  expressif  d'abbés- 
chevaliers,  ou  d'abbés-militaires.  Ces  abbés-che- 
valiers ou  abbés-laïques  ne  donnaient  pas  gra- 
tuitement leur  protection;  bientôt  l'institution 
dégénéra,  et  souvent  ces  abbés-chevaliers  devin- 
rent les  rivaux  redoutés  des  abbés  réguliers. 

A  la  biographie  de  ces  derniers  telle  qu'il  est 
possible  de  la  tirer  des  documents  d'archives,  — 
l'auteur  consacre  un  long  chapitre,  plein  de 
recherches. 

Dans  la  longue  liste  des  abbés  de  Moissac,  dont 
M.  Ernest  Rupin   a   compulsé  les   annales  avec 


Mélanges. 


27 


autant  d'érudition  que  de  soin,  plusieurs  figures 
se  détachent  avec  un  relief  particulier.  L'abbé 
Raymond  de  Montpezat,  dont  l'abbatiat  s'étend 
des  années  1229-1245, et  qui  embrasse  une  période 
singulièrement  troublée  de  l'histoire  du  monas- 
tère, est  l'une  des  figures  les  plus  intéressantes 
parmi  les  religieux  appelés  à  gouverner  cette 
grande  maison  bénédictine  Ses  efforts  pour  y 
conserver  la  règle  et  pour  maintenir  ses  droits, 
lui  imposèrent  une  lutte  continuelle  qui  semble 
avoir  usé  sa  vie.  Dans  l'esprit  du  peuple,  il  mou- 
rut en  odeur  de  sainteté.  Son  corps  fut  placé  dans 
un  tombeau  qui  n'a  pas  été  fait  pour  lui,  sarco- 
phage fort  ancien  et  qui  pourrait  bien  avoir  con- 
tenu les  reliques  de  saint  Ansbert,  abbé  de  Mois- 
sac  au  septième  siècle.  Ce  beau  monument  existe 


encore  dans  l'église  St-Pierre  à  Mois?ac,  bien 
qu'il  ne  soit  plus  à  la  place  primitive.  Le  crayon 
de  M.  Rupin  nous  permet  d'en  mettre  le  dessin 
sous  les  yeux  de  nos  lecteurs. 

La  liste  des  abbés  est  suivie  d'un  dictionnaire 
géographique  des  possessions  de  l'abbaye  de 
Moissac,— et  c'est  seulement  après  avoir  recher- 
ché tout  ce  que  l'histoire  a  conservé  de  cette 
importante  maison  qui,  à  un  moment  donné, 
abritait  plus  de  huit  cents  religieux,  dont  l'au- 
torité religieuse  s'étendait  sur  sept  grandes 
abbayes,  sur  trente-sept  prieurés  et  qui  avait 
plus  de  cent  églises  sous  sa  juridiction,  que 
M.  Rupin  entreprend  l'étude  des  ruines  consi- 
dérables encore  que  le  temps,  la  révolution  et  la 
barbarie  des  ignorants  ont  laissées  debout  sur  le 


I©BVSO<EOÎNS®MVOT-[DEW 

flyXIV50SliNDVLAŒ0RADl!)TRrtlMVNDV©NVENAWILMV{i)REXITA(Î^W[f[MU 

IVSSITEIERAŒLVNKE'BEOfiRAOT^^ 

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mmwsmmmciooo\jmm\W^mmimmmmWS 


MYRI/^i)5LV^lSAP&^E^K^ES■©OI)WS^VIRGI^EVfARTV■6)BAT®g^NI:VE^tRAN& 


Inscription  de  la  consécration  de  l'église  de  Moissac,  faite  en  1063,  sous  !  abbé  Durand. 


sol  ;  ruines  dont  le  cloître  encore  existant  —  il 
y  en  a  eu  deux  —  forme  la  partie  la  plus  intéres- 
sante, et  qui,  depuis  la  suppression  de  l'abbaye 
n'ont  cessé  de  courir  des  dangers  ^t  de  subir  des 
outrages  dont  plusieurs  sont  de  date  récente. 

M.  Rupin  nous  apprend  que  après  cette  sup- 
pression qui  eut  lieu  en  1790,  l'Administration 
des  domaines  mit  en  vente  l'église  abbatiale, 
mais  celle-ci  ne  trouva  pas  d'acquéreur.  Le  cloître 
seul  trouva  preneur  pour  la  somme  de  300  et 
quelques  livres.  Il  fut  adjugé  au  secrétaire  de  la 
commune,  digne  fonctionnaire  qui  n'avait  fait 
cette  acquisition  que  pour  conserver  ce  remar- 
quable monument  à  la  ville,  à  laquelle  il  s'em- 
pressa de  céder  son  cloître  au  prix  coûtant,  dès 
que  les  esprits  calmés  étaient  en  état  d'en  com- 
prendre la  valeur.    Mais  tout  danger  n'était  pas 


encore  dissipé;  lors  des  études  pour  la  construc- 
tion du  chemin  de  fer  de  Bordeaux  à  Cette, 
Messieurs  les  ingénieurs  de  la  compagnie  avaient 
décidé  la  suppression  du  cloître,  et  c'est  seule- 
ment sur  les  démarches  de  quelques  personnes 
influentes  que  la  compagnie  consentit  à  déplacer 
de  quelques  mètres  le  tracé  qui  aurait  fait  dispa- 
raître à  jamais  un  monument  si  important  pour 
l'histoire  de  l'art.Cependant  les  sculptures  du  cloî- 
tre de  Moissac  qui  avaient  eu  à  souffrir  pendant 
la  période  révolutionnaire,  où  bien  des  mains 
barbares  ont  pris  plaisir  à  briser  les  figures  sur  les 
chapiteaux,  ont  eu  à  subir  la  continuation  des 
mêmes  outrages  en  1870,  année  où  les  mobilisés 
de  l'arrondissement  de  Moissac,  réunis  pour  les 
manœuvres  militaires,  ont  continué  l'œuvre  des 
insensés  du  siècle  passé. 


28 


3Re\mc  îse  r^vt  chrétien. 


Ces  faits  de  date  récente  et  dont  le  retour  est 
toujours  possible,  doivent  nous  rendre  particu- 
lièrement reconnaissants  pour  les  travailleurs  qui, 
par  les  descriptions  et  les  reproductions,  appel- 
lent de  plus  en  plus  l'attention  sur  ces  monu- 
ments remarquables  de  l'art  français  des  meilleurs 
siècles,  et    en    conservent   au   moins  l'image,  si 


Inscription  de  la  construction  du  cloître  de  Moissac. 

bientôt  ils  devaient  encore  être  amoindris  ou 
détruits. 

Nous  avons  dit  que  l'abbaye  de  Moissac  avait 
deux  cloîtres;  on  s'accorde  à  reconnaître  dans 
celui  qui  existe  «  le  grand  cloître  »,  quant  au 
petit,  il  a  disparu.et  ce  n'est  pas  sans  difficulté  que 
l'on  peut  aujourd'hui  en  désigner  l'emplacement. 

C'est  ce  grand  cloître  et  notamment  le  décor 


plastique  des  chapiteaux  et  des  piliers  d'angle 
des  galeries  qui  sont  l'objet  particulier  de  l'étude 
archéologique  de  M.  Rupin.  Il  en  décrit  l'icono- 
graphie dans  tous  ses  détails  et  les  fait  connaître 
au  moyen  de  165  reproductions,  dont  les  unes 
ont  été  prises  au  moyen  des  procédés  photogra- 


Saint  Simon. 

phiques  et  les  autres   sont   dues  au  crayon  très 
fidèle,  très  archéologique  de  l'auteur. 

Ces  chapiteaux  sont  établis  sur  un  même  plan  ; 
«  ils  ont  la  forme  d'une  pyramide  tronquée  et 
renversée,  surmontée  d'un  haut  tailloir,  chanfreiné 
dans  sa  paitie  inférieure.  Le  tailloir  est  pris  dans 
une  autre  assise  de  pierre  et  dépasse  de  beaucoup 
en   saillie   le  diamètre   de   la    colonne   qu'il  sur- 


©élanges. 


29 


monte.  La  corbeille,  fortement  évasée,  se  relie  au 
tailloir  par  quatre  consoles  en  forme  de  volute 
placées  aux  angles  et  par  une  sorte  de  modillon 
qui  occupe  le  milieu  supérieur  de  chaque  face  ; 
elle   repose    sur    une    astragale    formée    par    un 


simple  tore,  généralement  uni,  parfois  orné  d'une 
torsade.  La  partie  plate  du  tailloir  est  souvent 
chargée  d'inscriptions  relatives  aux  sujets  repré- 
sentés sur  la  corbeille.  » 

C'est  ainsi  que  l'auteur  décrit  la  forme  géné- 


Les    damnés. 


raie  de  ces  chapiteaux  ;  forme  un  peu  bizarre  et  à 
laquelle  il  serait  peut-être  difficile  de  trouver  des 
points  de  comparaison  dans  d'autres  pays,  mais 
dont  l'aspect  est  loin  d'être  dépourvu  d'élégance. 


C'est  sur  la  corbeille  de  ces  chapiteaux,  et 
le  plat  de  quelques-uns  des  piliers  d'angle  du 
cloître,  tous  de  forme  carrée,  que  se  déploie  dans 
toute  son  abondance  le  décor  iconographique  et 


végétal  de  ces  cloîtres.  Les  sculpteurs  y  ont  laissé 
libre  cours  à  leur  fertile  imagination,  qui  était 
évidemment  guidée  par  l'un  des  religieux  de 
Moissac,   quelque  théologien  bien  au  courant  de 


Le  triomphe  de  la  Croix. 

l'histoire  biblique  et  des  évangiles.  Cependant 
dans  les  thèmes  iconographiques,  on  trouve  peu 
l'expression  de  ces  poèmes  symboliques  que,,  à 
cette   époque,   on    voit  souvent  traités  dans   les 


30 


Hetiuc  &e  l'&rt  chrétien. 


Mélanges. 


31 


œuvres  de  l'art  plastique.  Comme  je  viens  de  le 
dire,  ce  sont  les  livres  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Testament  qui  ont  inspiré  l'artiste.  M.  Rupin 
les  décrit  longuement,  avec  beaucoup  de  clarté, 


et  les  légendes  que  le  tailleur  d'images  a  eu  soin 
d'inscrire  sur  ces  chapiteaux,  ne  permettent  pas 
le  moindre  doute  sur  les  «histoires  »  qui  y  sont 
représentées.  Les  beaux  clichés,  mis  si  généreu- 


Les  Palmes. 


sèment  à  notre  disposition,  permettront  au  lecteur 
de  se  faire  une  idée  très  précise  de  cette  impor- 
tante série  de  sculptures  auxquelles  il  serait  dif- 


ficile de  trouver  des  analogies,  aussi  bien  dans 
les  monuments  de  France  que  dans  ceux  de 
l'étranger.    Il    est    même  étonnant   que   Viollet- 


iiiKÉÉfc 


Les  Colombes. 


le-Duc,  à  l'article  consacré  dans  son  Diction- 
naire de  V Architecture,  à  cet  élément  si  important 
de  la  construction  et  du  décor  plastique,  n'ait  re- 


produit aucun  des  chapiteaux  de  Moissac,  d'un 
type  si  original  et  m  caractérisé  ;  il  se  contente 
d'une  simple  mention,  par  laquelle  il  constate  que 


32 


Betnte  fce  rstvt  chrétien. 


Les  Noces  de  Cana. 


■_!-  //  /"a 


Mélanges. 


33 


les  figurines  en  sont  sculptées  avec  la  plus  grande 
finesse  (*). 

L'auteur  est  trop  archéologue  pour  n'avoir  pas 
cherché  à  fixer  par  une  étude  approfondie  la  date 

'(il 


des  différentes  parties  des  constructions  de  l'ab- 
baye. A  cet  effet  il  examine  les  matériaux,  le 
style  de  l'architecture,  celui  de  la  décoration 
sculpturale,  et  enfin   les  documents  historiques. 


Les  invasions  des  Sarrazins,  les  guerres,  les  in- 
cendies, n'ont  rien  laissé  debout  des  construc- 
tions antérieures  à  la  première  moitié  du  onzième 


siècle.  L'abbé  Durand  s'occupa  avec  beaucoup 
de  suite  de  la  reconstruction  d'une  nouvelle 
église  dont  il  fit   la   dédicace   en  1063.  De  cette 


SS^E^^MgMM 


Saint  Martin  de  Tours 

bâtisse  il  reste  le  narthex,  les  murs  de  la  nef 
avec  leurs  baies  qui  ont  été  bouchées  plus  tard, 
mais  que  l'on  voit  encore   de  l'extérieur,  et  de 


1.  Dictionnaire  de  l'Architecture  française,  t.  II,  p.  501. 


gros  pilastres  qui  ont  servi  de  points  d'appui  aux 
coupoles.  C'est  le  même  abbé  qui  aurait  fait  sculp- 
ter le  tympan  du  porche  qui  a  été  déplacé  depuis, 
et    sur    lequel    nous    aurons    à  revenir.    L'abbé 


REVUE  DE  L'ART  CHKÉTiew. 
1899.    —    I™    LIVRAIS»*, 


34 


3&ctntc  lie  l'&rt  cbvctien. 


a 

CL 


^  ï# 


©élange0. 


35 


Ansquitil  (1085-1115)  construisit  le  cloître  et 
décora  l'église  et  l'abbaye  de  riches  statues.  Ce 
renseignement  est  d'autant  plus  précieux  que  la 
date  de  l'an  1100  et  le  nom  d'Ansquitil  se  trou- 
vent gravés  sur  un  pilier  de  la  galerie  occidentale. 
Il  fit  aussi  sculpter,  sur  le  pilier  central  de  la 
galerie  orientale,  l'effigie  de  l'abbé  Durand,  en 
face  de  la  salle  capitulaire  où  on  la  voit  encore. 


Cependant,  si  ces  piliers  et  d'autres  de  même 
date  sont  restés  en  place,  le  cloître  tel  qu'il  avait 
été  établi  par  l'abbé  Ansquitil,  a  subi  d'importan- 
tes modifications.  Ce  nouveau  travail,  selon  tou- 
tes les  apparences,  est  dû  à  son  successeur  l'abbé 
Roger  (1 1 15-1 131),  qui  fit  faire  les  colonnettes 
avec  leurs  magnifiques  chapiteaux,  dont  la  scul- 
pture, plus  fouillée  et    plus   élégante,   est  aussi 


Saint  Pierre,  statue  du  portail  de  Moissac. 

d'un  style  moins  archaïque  que  celle  des  piliers. 

Ici  encore,  les  reproductions  mises  sous  les 
yeux  de  nos  lecteurs  me  dispensent  d'insister  sur 
l'extrême  variété  et  la  richesse  du  décor  plas- 
tique de  ces  chapiteaux. 

Un  dernier  chapitre  est  consacré  à  l'étude  du 


Trumeau  du  portail  de  l'église  de  Moissac. 

porche  de  l'église  de  Moissac  ;  ce  n'est  pas  la 
partie  la  moins  intéressante  du  livre.  Deux  bon- 
nes planches  font  connaître  la  sculpture  du  tym- 
pan, si  instructive  pour  l'étude  de  la  statuaire  au 
onzième  siècle,  où  le  Christ,  de  proportions  co- 
lossales, apparaît  en    majesté,  entouré   des  em- 


36 


3&ebue  tic  rart  chrétien. 


blêmes  évangéliques,  d'anges  et  des  vingt-quatre 
vieillards  de  l'Apocalypse.  Sous  ce  tympan  la 
porte  est  divisée  en  deux  baies  par  un  pilier 
carré  orné,  sur  trois  faces,  de  sculptures,  dont 
le  sens  n'a  pas  encore  été  suffisamment  expliqué. 


Le  lecteur  pourra  se  rendre  compte  du  carac- 
tère de  ces  sculptures  par  celle  des  faces  que 
nous  donnons,  occupée  par  une  statue  en  demi- 
relief  de  proportions  excessivement  allongées, 
probablement  un  apôtre  ;  la  figure   semble  s'ap- 


Église  de  Moissac,  côté  Sud. 


puyer  sur  les  reliefs  de  l'autre  face  décorées  de 
groupes  de  lions  entrecroisés,  d'un  type  fort  ori- 
ginal. 

Au  côté  droit  du  portail,  se  trouve,  en  haut 
relief,  la  figure  de  saint  Pierre,  tenant  les  clefs 
qui  le  caractérisent  et  foulant  aux  pieds  le  lion, 
symbole  qui  lui  est  bien  rarement  attribué  ;  ici,  le 
prince  des  apôtres  fait  pendant  au  prophète  Isaïe, 


que  l'on  reconnaît  facilement  au  texte  relatif  à 
la  naissance  du  Sauveur,  gravé  sur  une  banderole 
que  porte  le  prophète. 

Au  surplus,  la  vue  de  la  façade  du  côté  Sud, 
où  se  trouvent  aujourd'hui  les  scupltuies  dont  il 
vient  d'être  question,  offre  un  mélange  bizarre 
de  lourdeur  et  de  recherche  dans  la  décoration 
plastique,  d'appareil    militaire  et  d'iconographie 


Mélanges. 


37 


religieuse.  M.  Rupin   explique,  par  l'histoire. de 
l'abbaye,  cette  opposition  si  apparente  ici. 

L'abbaye,  pendant  longtemps  englobée  pour 
ainsi  dire,  dans  les  murs  et  les  travaux  de  forti- 
fications de  la  ville  de  Moissac,  avait  édifié  ses 
constructions  sans  la  préoccupation  de  les  rendre 
défendables  ;  elle  était  à  cet  égard,  pour  ainsi 
dire,  solidaire  des  destinées  de  la  cité.  Mais  il 
arriva  un  jour   que   celle-ci,  vaincue,  fut  obligée, 


par  le  traité  de  Meaux  (1220),  de  démolir  ses 
murs  de  défense  et  de  combler  ses  fossés.  Dès 
ce  moment,  l'abbaye  de  Moissac,  devait  pourvoir 
à  sa  sécurité,  et  prendre  les  mesures  nécessaires 
pour  se  mettre  tout  au  moins  à  l'abri  des  coups 
de  main.  Il  se  trouva  alors  que  le  porche  de 
l'église.déjà  défendu  par  l'épaisseur  de  ses  mu- 
railles, était  tout  indiqué  pour  servir  de  réduit 
en  cas  d'attaque.    Il   suffit  de   quelques  travaux 


Église  de   Moissac,  salle  voûtée  au-dessus  du  porche. 


pour  en  faire  une  forteresse.  On  doubla  le  mur 
extérieur,  dont  la  saillie  permit  alors  d'établir 
au-dessus  de  la  porte  un  chemin  de  ronde  pro- 
tégé par  un  mur  percé  de  quelques  meurtrières 
et  crénelé  pour  défendre  l'entrée  de  l'église.  C'est 
ainsi  que  s'explique  l'aspect  étrange  du  porche 
dont  le  croquis  que  nous  donnons  page  12  fait 
mieux  comprendre  les  dispositions. 


La  salle  voûtée  du  premier  étage  au-dessus 
du  porche  est  un  très  intéressant  exemple  de 
l'art  avec  lequel  les  constructeurs  de  cette  époque 
savaient  allier  une  grande  force  à  une  véritable 
beauté.  Ici,  les  forces  mises  en  œuvre  sont  par- 
faitement justifiées,  car  sur  les  piles  qui  soutien- 
nent la  voûte  devait  s'élever  un  clocher  qui  n'a 
pas  été  terminé. 


38 


3Rebue  De  l'&rt  ribrctten. 


Je  suis  persuadé  qu'il  suffira  de  ces  indications 
tirées  du  livre  de  M.  Rupin  pour  faire  compren- 
dre que  son  étude  sur  l'abbaye  et  les  cloîtres  de 
Moissac  doit  être  mise  au  rang  des  travaux  les 
plus  intéressants  et  les  plus  soigneusement  pré- 
parés qui,  depuis  un  quart  de  siècle,  font  de  plus 
en  plus  la  lumière  sur  l'histoire  monastique  de 
la  France. 

Jules  HELBIG. 


IJottce  sur  plusieurs  anciennes  pein= 
tures  inconnues  De  l'école  flamande. 


OUS  ce  titre  M.  Emile  Delignières, 
président  de  la  Société  d'Émulation 
d'Abbeville,  a  fait,  au  mois  d'avril  der- 
nier, une  intéressante  communication 


à  la  réunion  des  Sociétés  départementales  des 
Beaux-Arts,  à  l'École  des  Beaux-Arts.  Je  crois 
utile  d'en  faire  connaître  la  substance,  le  mémoire 
de  M.  Delignières  apportant  sur  les  peintures  de 
l'ancienne  École  flamande  quelques  renseigne- 
ments qu'il  importe  de  recueillir. 

Il  existait  à  l'ancienne  Chartreuse,  fondée  au 
XIVe  siècle,  au  faubourg  de  Thuison,  près  d'Ab- 
beville, une  église  dont  l'autel  majeur  était  sur- 
monté d'un  retable  en  bois  de  chêne  sculpté  et 
entièrement  doré,  dont  les  divers  groupes  repré- 
sentaient la  Passion  de  N.-S.  Jésus-Christ.  Ce 
magnifique  ouvrage  n'était  visible  que  les  jours 
de  fête.  D'ordinaire,  il  était  fermé  par  des  volets 
ornés  de  peintures,  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur. 
D'un  côté  ces  peintures  représentaient  la  sainte 
Vierge  et  saint  Jean-Baptiste,  patron  de  la  Char- 
treuse, saint  Honoré,  et  saint  Hugues,  évêque 
de  Lincoln.  De  l'autre  côté,  —  visible  lorsque  les 
volets  étaient  ouverts  —  les  peintures  représen- 
taient la  Cène,  la  Résurrection,  l'Ascension  et  la 
Pentecôte. 

L'ancienne  Chartreuse,  qui  portait  le  vocable 
de  St-Honoré,  fut  détruite  à  la  Révolution,  et  son 
mobilier  religieux,  qui  était  très  considérable,  fut 
dispersé  avec  les  autres  richesses  de  la  commu- 
nauté. Le  magnifique  retable  dont  il  vient  d'être 
question,  ne  fut  naturellement  pas  épargné.  Ce- 
pendant si  la  partie  centrale,  œuvre  plastique 
dorée — probablement   seulement  en    partie,  et 


du  reste  polychromée, — est  aujourd'hui  perdue, 
les  panneaux  peints  ont  été  heureusement  re- 
trouvés à  l'exception  de  celui  représentant  la 
Résurrection. 

Au  surplus,  les  panneaux  ont  été  sciés  en 
deux,  de  façon  à  en  former  des  tableaux  isolés 
peints  d'un  côté  seulement. 

Ce  sont  ces  peintures  qui  font  l'objet  de  l'étude 
pleine  de  recherches  de  M.  Delignières.  Il  leur  re- 
connaît avec  beaucoup  de  raison  une  origine  fla- 
mande. II  en  était  de  même  sans  aucun  doute, 
du  retable  sculpté  et  doré,  dont  ces  panneaux 
formaient  les  volets  ;  ceux-ci,  achetés  parM. l'abbé 
Cauchy,  curé  de  l'église  du  St-Sépulcre  à  Abbe- 
ville,  furent  sauvés  de  la  destruction  qui  les 
menaçait. 

D'après  l'abbé  Lefebvre,  ce  serait  Philippe  le 
Bon,  le  célèbre  duc  de  Bourgogne,  qui,  avec  d'au- 
tres dons  qui  sont  énumérés,  aurait  aussi  donné 
les  quatre  tableaux  de  bois  doré  que  l'on  met  sur  le 
grand  autel. 

Cette  origine  historique  ajoute  certainement  à 
l'intérêt  qui  s'attache  à  ces  peintures  et  permet- 
tra peut-être  d'en  découvrir  l'auteur.  En  atten- 
dant il  y  a  plusieurs  particularités  assez  bizarres 
à  noter  et  qu'il  resterait  à  éclaircir.  Comment  les 
religieux  ont-ils  pu  commander  à  un  atelier  fla- 
mand un  retable  sculpté,  peint  et  doré,  sans  vo- 
lets, ce  qui  est  absolument  en  dehors  des  usages 
du  temps  ?  Ne  semble-t-il  pas  probable  que  puis- 
que le  noble  duc  a  donné  les  volets,  avec  d'autres 
cadeaux  faits  à  la  Chartreuse  de  Thuison,  il  ait 
aussi  donné  le  retable  ? 

M.  Delignières  complique  encore  cette  diffi- 
culté, en  émettant  l'opinion  que  ces  panneaux 
n'auraient  été  peints  que  d'un  côté,  celui  où  sont 
représentées  les  scènes  historiques  de  l'Évangile. 
Les  figures  isolées  des  quatre  saints  seraient  d'une 
autre  main  et  d'une  date  postérieure. 

Il  ne  semble  guère  admissible  que  la  généro- 
sité de  Philippe  le  Bon  se  soit  arrêtée  à  ne  don- 
ner que  les  volets  du  retable,  et  encore  à  ne  faire 
peindre  ces  volets  que  d'un  côté. 

Au  surplus,  les  planches  en  phototypie  qui  ac- 
compagnent l'étude  de  M.  Delignières,  si  impar- 
faites qu'elles  soient,  ne  permettent  pas  d'assi- 
gner une  époque  différente  aux  peintures  des 
faces  et  à  celle  des  revers  de  ces  panneaux.  Tout 


£©élange0. 


39 


ce  que  l'on  pourrait  concéder,  ce  serait  qu'elles 
sont  de  mains  différentes.  Il  arrivait  en  effet  que 
le  maître  chargé  d'exécuter  les  volets  d'un  reta- 
ble, se  réservait  la  face  qui  offrait  le  plus  de  dif- 
ficultés, abandonnant  les  revers  où  il  n'y  avait 
à  peindre,  que  des  figures  isolées  à  ses  élèves. 

M.  Delignières,  après  avoir  décrit  et  fait  l'his- 
torique de  ces  peintures,  cherche  à  en  trouver 
l'auteur  et,  à  défaut  de  documents  historiques,  il 
est  obligé  de  baser  ses  recherches  sur  des  analo- 
gies de  style  et  de  facture  avec  les  travaux  de 
maîtres  connus.  C'est  là  un  terrain  difficile  sur 
lequel  l'auteur  ne  s'avance  qu'avec  réserve  et 
beaucoup  d'hésitations.  Enfin,  il  s'arrête  au  nom 
de  Roger  Van  der  Weyden,  autrement  dit  Roger 
de  la  Pasture. 

Il  existe  heureusement  encore  un  certain  nom- 
bre de  peintures  de  ce  maître,  bien  connues  et 
souvent  étudiées  ;  à  juger  des  reproductions  pho- 
tographiques du  mémoire  sur  les  anciennes  pein- 
tures flamandes,  celle-ci  ne  semblent  guère  offrir 
d'analogie  avec  les  œuvres  de  Roger  Van  der 
Weyden.  Au  surplus,  au  point  où  nous  en  som- 
mes, il  vaut  mieux  se  montrer  sobre  d'attribu- 
tions lorsqu'on  n'a  pas  des  données  précises 
pour  les  formuler.  Il  est  certain  qu'à  côté  des 
grands  maîtres  flamands  dont  les  œuvres  et  les 
noms  sont  connus,  il  a  existé  bon  nombre  de 
peintres  d'un  véritable  talent  ;  on  retrouve  par- 
fois leurs  travaux,  mais  il  reste  à  en  découvrir 
les  noms.  Je  pense  que  les  peintures  d'Abbeville 
appartiennent  à  cette  dernière  catégorie  ;  en  at- 
tendant les  recherches  qui  permettront  peut-être 
d'en  découvrir  l'auteur,  il  faut  être  reconnaissant 
de  celles  que  M.  Delignières  a  entreprises  pour 
en  faire  l'historique  et  signaler  leur  existence 
restée  inconnue  jusqu'à  ce  jour.  J.  H. 


Hc  Congres  D'art  public  De  Brtirelles 
*~ — •■  et  les  ffîusees  De  l'Italie.  ^— 


AMAIS    Congrès    d'art     n'a    eu 


un 


programme    plus  vaste    et   plus   hé- 
rissé de  difficultés  que  le  Congrès  de 
Bruxelles  de  1898. 
L'art  devait  y  être  discuté   au   point   de  vue 
social,  esthétique,  technique  et  législatif! 


En  d'autres  termes  le  programme  comportait  : 

Les  méthodes  d'enseignement  de  tous  les  arts 
y  compris  la  gymnastique. 

Les  musées  et  les  expositions. 

Les  conférences. 

Les  sociétés  d'art. 

Les  récompenses. 

Les  concours  y  compris  le  prix  de  Rome 
belge. 

Les  publications  illustrées. 

Les  enseignes,  les  affiches  et  la  réclame. 

Les  quartiers  nouveaux  des  villes. 

La  protection  des  œuvres  d'art  public  et  des 
sites  naturels. 

Sur  toutes  ces  questions,  on  devait,  en  cinq 
jours,  discuter  les  principes  et  les  applications  et 
surtout  définir  l'action  des  pouvoirs  publics. 

La  plupart  des  problèmes  ont  été  résolus  par 
des  vœux  platoniques  et  d'autres  ont  été  ajour- 
nés à  l'exposition  de  Paris  de  1900;  aucun  n'a 
été  traité  à  fond. 

Prenons  par  exemple  l'intéressante  question 
des  musées. 

Le  Congrès  a  émis  des  vœux  en  faveur  de  la 
création  de  musées  cantonaux,  du  placement 
méthodique  des  objets  «afin  de  faire  des  musées 
de  véritables  établissements  d'éducation  popu- 
laire ))  et  aussi  de  la  gratuité  des  entrées. 

Il  semble  que  pour  mettre  le  Congrès  à  même 
de  discuter  en  connaissance  de  cause,  le  promo- 
teur de  ces  propositions  aurait  dû  faire  un  exposé 
des  motifs  dans  lequel  il  aurait  expliqué  : 

i°  La  nécessité  de  musées  cantonaux  et  les 
raisons  de  choisir  pour  circonscription  de  musée, 
le  canton  qui  jusqu'à  présent  n'a  été  qu'une 
division  judiciaire. 

2°  La  composition  du  plus  modeste  de  ces 
musées  en  tant  qu'œuvres  originales,  moulages  et 
reproductions  et  écrits  sur  l'art. 

30  Les  crédits  de  première  installation  et  d'en- 
tretien annuel,  et  les  voies  et  moyens  de  pourvoir 
à  ces  dépenses. 

40  L'état  actuel  des  musées  dans  les  divers 
pays  de  l'Europe,  au  point  de  vue  de  leur  nombre, 
du  placement  des  objets  et  de  la  gratuité  des 
entrées. 

Un  tel  rapport  eût  été  très  instructif;  la  ques- 
tion   des  crédits    surtout    aurait    eu    un    intérêt 


4° 


Bebue  tjc  r&rt  cbvétten. 


majeur,  puisque  de  sa  solution  dépendait  la  créa- 
tion des  musées  cantonaux;  j'imagine  que  si  elle 
avait  eu  la  priorité.le  Congrès.effrayé  par  le  nom- 
bre de  millions  nécessaires,  se  serait  empressé  de 
passer  à  un  autre  sujet. 

Sur  l'organisation  actuelle  des  musées,  je  crois 
que  le  promoteur  de  la  question  eût  été  bien  in- 
spiré en  indiquant  comment  cette  organisation 
est  comprise  au  moins  en  Italie,  car  de  l'avis  de 
ceux  qui  jugent  de  visu  et  sans  parti  pris,  aucun 
pays  d'Europe  ne  peut  à  cet  égard  rivaliser  avec 
l'Italie. 

Je  vais  exposer  la  situation  des  musées  italiens  ; 
c'est  rester  dans  une  certaine  mesure  dans  le 
cadre  de  la  Revue  de  V Art  chrétien,  puisque  le 
fond  de  la  plus  grande  partie  de  ces  collections 
ressortit  à  l'art  chrétien. 


I 


L'ITALIE  possède  environ  centquatre-vingt- 
cinq  musées  d'art  et  d'archéologie;  nous 
sommes  loin,  on  le  voit,  de  ce  que  le  Congrès  a 
rêvé  pour  elle,  soit  de  1780  musées,  qui  est  le 
nombre  des  tnandati,  cantons. 

Chaque  année  voit  naître  de  nouveaux  musées, 
et  on  peut  prévoir  que  bientôt  il  y  en  aura  deux 
cents. 

C'est  un  fort  beau  chiffre,  proportionnellement 
beaucoup  plus  élevé  qu'ailleurs. 

Dans  le  nombre  actuel  l'État  entre  pour  qua- 
rante-cinq musées,  le  Saint-Siège  pour  deux,  les 
œuvres  pies  pour  une  dizaine,  et  les  provinces 
pour  six.  Les  autres,  au  nombre  de  cent  vingt- 
cinq  environ,  sont  des  musées  communaux  ;  dans 
quelques  cités  ils  portent  des  noms  spéciaux 
mais  généralement  ils  sont  désignés  :  pinacothè- 
ques, musées,  galeries  civiques. 

L'organisation  administrative  des  musées  de 
l'État  est  à  peu  près  la  même  qu'en  France  et  en 
Belgique,  sauf  la  taxe  d'entrée;  quelques  grands 
musées  communaux  ou  provinciaux  sont  dans 
les  mêmes  conditions  que  les  collections  de  l'État, 
il  n'y  a  donc  pas  à  insister. 

En  revanche,  il  importe  de  faire  connaître  avec 
quelques  détails  le  système  des  musées  civiques. 

D'abord  il  ne  faut  pas  se  méprendre  sur  cette 
désignation  de  civique,  elle  n'est  nullement  syno- 
nyme de  laïque;  sauf  dans  les  rares  musées  exclu- 


sivement consacrés  aux  antiquités  étrusques, 
grecques  et  romaines,  la  grande  majorité  des 
objets  appartient  à  l'art  chrétien. 

Le  musée  civique,  je  parle  toujours  en  général, 
est  habituellement  installé  dans  un  ancien  édifice 
de  la  commune,  ou  dans  un  couvent  désaffecté, 
décoré  de  fresques  et  pourvu  de  portiques  ;  il  est 
peu  de  cités  italiennes  qui  ne  possèdent  de  sem- 
blables monuments;  quelquefois  la  collection  est 
dans  le  palais  servant  encore  aux  services  du 
municipe.  Ces  cadres  se  prêtent  à  souhait  aux 
musées  et  ils  ont  en  plus  l'avantage  de  ne  rien 
coûter. 

Les  objets  composant  le  musée  sont  de  nature 
et  d'origine  diverses. 

Le  municipe  réunit  tout  ce  qui  lui  appartient 
en  propre  en  fait  de  peintures,  sculptures,  inscrip- 
tions, mobilier,  écussons,  bannières,  tissus,  céra- 
mique, orfèvrerie,  etc.,  en  un  mot,  tout  ce  qui  peut 
avoir  un  intérêt  d'art  ou  d'histoire. 

Arrive-t-il  dans  la  commune  des  suppressions 
d'église  ou  de  couvents,  le  municipe  se  met 
en  quête  auprès  des  autorités  compétentes  pour 
obtenir  tout  ou  partie  au  moins  des  objets  dis- 
ponibles. C'est  même  de  cette  source  que  pro- 
viennent, depuis  les  premières  années  du  siècle, 
les  pièces  les  plus  importantes. 

Dès  qu'un  musée  civique  est  fondé,  il  reçoit 
des  dons  et  des  dépôts. 

Les  dons  sont  quelquefois  de  grande  valeur,  et 
les  dépôts  proviennent  de  l'État,  de  particuliers, 
d'églises  et  de  couvents. 

L'esprit  municipal  est  très  développé  en  Italie, 
l'habitant  est  fier  de  sa  localité  et  s'il  dépose  au 
musée  civique  des  objets  d'art,  c'est  qu'il  estime 
qu'ils  seront  là  non  seulement  bien  soignés,  mais 
bien  en  vue  et  qu'ainsi,  ils  feront  honneur  à  la 
cité. 

Il  est  évident  qu'avec  un  pareil  système,  les 
petits  musées  civiques  ont  beaucoup  d'objets 
secondaires,  car  ils  acceptent  tout  sans  y  regar- 
der de  très  près;  mais  aussi  que  d'oeuvres  de  pre- 
mier ordre  n'ont-ils  pas  recueillies!  Je  n'ai  pas 
visité  tous  les  musées  des  villes  de  médiocre 
importance,  il  s'en  faut  de  beaucoup,  mais  dans 
les  collections  que  je  connais,  j'ai  vu  des  œuvres 
hors  ligne  qu'accepteraient  avec  empressement 
les  premiers  musées  de  l'Europe. 


2®élamt8. 


41 


L'essentiel  donc  est  que  le  musée  civique 
existe  ;  il  se  développera  plus  ou  moins  vite  selon 
que  la  fortune  le  favorisera.  L'Italie  est  en  quel- 
que sorte  inépuisable  tant  elle  a  été  féconde 
durant  cinq  siècles;  malgré  les  exportations,  les 
destructions  et  les  grandes  collections,  il  reste 
des  quantités  d'objets  de  valeur  dont  beaucoup 
sont  peu  connus  et  qui,  en  partie  du  moins,  iront 
aux  musées  civiques. 

Les  musées  communaux  de  Rome,  Pérouse, 
Pise  et  d'autres  cités  importantes  ont  des  conser- 
vateurs et  des  gardiens,  mais  les  frais  de  person- 
nel et  d'entretien  sont  couverts  par  la  recette  qui 
donne  même  à  la  caisse  municipale  de  notables 
bénéfices. 

Pour  les  petits  Musées  civiques,  il  n'y  a  pas 
de  personnel;  c'est  un  employé  du  municipe  qui 
ouvre  la  porte  aux  visiteurs  et  c'est  un  amateur 
bénévole  qui  se  charge  de  la  fonction  de  conser- 
vateur. On  remarque  que  presque  partout  les 
objets  sont  munis  d'un  cartouche  explicatif  ; 
au  besoin  on  consulte  l'inventaire  dressé  sous  le 
contrôle  des  fonctionnaires  des  Offices  régionaux 
des  monuments  nationaux. 

Telle  est  à  peu  près  la  situation  des  musées  en 
Italie;  je  ne  crois  pas  qu'il  en  existe  de  meilleure 
en  Europe  et  je  ne  crois  pas  non  plus  qu'on 
puisse  faire  mieux. 

J'estime  qu'il  y  a  là  un  exemple  à  suivre;  au 
lieu  de  caresser  la  chimère  des  musées  canto- 
naux, il  eût  été  plus  rationnel  de  montrer  au 
Congrès  de  Bruxelles  le  résultat  pratique  atteint 
dans  un  pays  fier  de  ses  artistes  et  qui  a  conservé 
le  culte  des  arts. 

Les  musées  civiques  d'Italie  ne  coûtent  rien 
aux  municipes  ;  les  musées  cantonaux  exige- 
raient des  millions  ! 


II 


ON  n'a  pas  attendu  le  Congrès  pour  formuler 
la  théorie  que  la  meilleure  disposition  à 
adopter  dans  les  musées  consiste  dans  le  classe- 
ment des  objets  par  région  de  production  et 
dans  chaque  région  par  époques. 

Mais  de  la  théorie  à  la  pratique  il  y  a  loin. 
Lorsque  le  bâtiment  a  été  construit  avec  intel- 
ligence dans  le  but  de  servir  de  musée,  ce  qui  est 
l'exception,  un  semblable  arrangement  est  à  peu 


près  possible  tout  en  présentant  de  sérieuses 
difficultés.  Le  conservateur  doit,  en  effet,  consi- 
dérer la  dimension  des  toiles,  l'éclairage  qui  leur 
convient  le  mieux,  la  qualité  de  la  peinture,  le 
renom  du  peintre,  etc.,  etc.;  tout  cela  n'est  pas 
toujours  aisé  à  concilier  avec  le  programme  théo- 
rique, d'autant  plus  encore  qu'une  salle  de  musée 
doit  être  d'aspect  attrayant. 

Mais  les  musées  construits  exprès  sont  rares, 
et  généralement  les  collections  sont  conservées 
dans  des  palais  désaffectés. 

On  s'arrange  alors  pour  le  mieux,  et  aucun 
musée  d'Italie  n'y  a  manqué. 

Presque  partout  on  trouve,  lorsque  le  local  le 
permet,  des  salles  spéciales  pour  les  Toscans,  les 
Vénitiens,  les  Ombriens,  les  Bolonais,  etc.  A  Flo- 
rence, à  la  Galerie  de  l'Académie,  1  eminent  direc- 
teur des  musées  de  l'État,  M.  E.  Ridolphi,  a  pu 
aller  plus  loin. 

Sans  enlever  un  tableau  aux  salles  de  Fra 
Angelico,  Perugin  et  Botticelli,  ni  aux  Offices  ni 
à  Pitti,  il  a  disposé  en  trois  salles  consécutives 
environ  cent  trente  peintures  des  peintres  toscans 
du  XIIIe  au  XVIIIe  siècle. 

Berlinghieri  Bonaventura,  né  en  1235,  com- 
mence la  série,  et  A.  Veracini,  mort  en  1762,  la 
termine.  Cette  route  de  cinq  siècles  est  jalonnée, 
—  je  ne  cite  que  quelques  noms  —  par  Cimabue, 
Giotto,  Lorenzetti,  A.  Gaddi,  Spinello  Aretino, 
Angelico,  Lorenzo  Monaco,  Gentile  da  Fabriano, 
D.  Ghirlandaio,  Benozzo  Gozzoli,  Botticelli, 
Fra  Bartolomeo  Albertinelli,  Bronzino,  Vasari, 
Santi  di  Tito,  Carlo  Dolci,  etc. 

En  une  heure  on  passe  en  revue  la  peinture 
toscane,  on  assiste  à  ses  débuts,  à  son  apogée  et 
à  sa  décadence  ;  c'est  une  leçon,  mais  pour  en 
saisir  le  sens,  il  faut  déjà  une  certaine  culture  ou 
être  guidé.  Le  Congrès  s'est  fait  illusion  en  pen- 
sant que  pour  l'éducation  populaire  une  simple 
disposition  méthodique  des  tableaux  suffirait;  le 
peuple  trouvera  dans  les  musées  les  éléments 
pour  former  son  goût  ou  l'épurer,  mais  si  on  veut 
l'instruire  il  faudra  des  explications;  c'est  ainsi 
qu'on  procède  dans  ces  tournées  d'étudiants 
étrangers  qui  viennent  en  Italie  sous  la  conduite 
de  leurs  professeurs. 

Le  classement  rationnel  facilite  l'éducation,  il 
est  insuffisant  pour  la  donner. 


KKVUK    UK    L'AKT    CHKëIIKN. 
1899.  lre    LIVKAISON. 


42 


ïEetme  tic  F&rt  chrétien» 


m 

SI  les  musées  étaient  suffisamment  dotés  pour 
les  acquisitions,  la  gratuité  des  entrées  de- 
vrait être  de  règle  absolue,  mais  il  n'en  est  pas 
ainsi. 

La  question  n'est  pas  là,  répondent  les  parti- 
sans de  la  gratuité  :  les  musées  sont  des  établis- 
sements d'éducation  populaire,  le  peuple,  les 
ouvriers,  ceux  qui  ne  sont  pas  favorisés  par  la 
fortune,  doivent  y  avoir  libre  accès;  le  musée 
fait  partie  du  domaine  public,  tous  ont  le  droit 
d'en  jouir. 

Ce  raisonnement  peut  se  faire  dans  tous  les 
pays,  et  tous  les  gouvernements  ont  souci  d'in- 
struire le  peuple  ;  cependant  la  taxe  est  appliquée 
à  Londres  et  en  Allemagne  dans  certains  musées, 
avec  des  jours  gratuits  bien  entendu,  et  en  Italie 
dans  tous  les  musées  de  l'État  et  dans  les  grands 
musées  communaux. 

Si  en  Italie  on  s'est  décidé  à  la  taxe,  c'est 
qu'on  a  parfaitement  compris  que  ceux  qui  vivent 
de  leur  travail  n'ont  pas  le  temps  de  fréquenter 
les  musées  en  semaine  et  que  le  dimanche,  jour 
gratuit,  leur  suffit  parfaitement. 

Du  reste  des  cartes  de  gratuité  sont  très  géné- 
reusement délivrées  aux  artistes,  aux  écrivains, 
aux  élèves  des  écoles,  aux  professeurs  et  spécia- 
lement aux  ouvriers  et  artisans  des  industries 
ayant  rapport  avec  les  arts  du  dessin  ;  les  étran- 
gers qui  ne  sont  pas  nantis  de  titres,  doivent 
s'adresser  à  leurs  consuls  pour  obtenir  la  gra- 
tuité. 

Les  sous-officiers  et  soldats  en  uniforme  ne 
paient  pas. 

Les  entrées  gratuites,  les  jours  payants,  sont 
d'environ  cent  mille  par  an. 

La  taxe  est  perçue  dans  les  musées  et  divers 
palais  et  anciens  couvents  qui,  en  fait,  sont  de 
véritables  musées  ;  elle  est  perçue  également  dans 
des  chapelles,  et  réfectoires  désaffectés,  et  aux 
portes  de  quelques  ruines  et  excavations. 

La  recette  totale  annuelle  est  de  250,000  à 
300,000  francs  ;  dans  ce  chiffre  n'est  pas  com- 
prise la  taxe  des  musées  pontificaux  ni  celle  des 
musées   communaux. 

Les  sommes  encaissées  viennent  en  augmen- 
tation du  budget  normal  de  chaque  établissement, 
mais  elles  ne  peuvent  être  appliquées  qu'à  des 


dépenses  de  matériel;  très  sage  mesure  qui  em- 
pêche la  création  d'emplois  nouveaux. 

La  taxe  n'a  d'aucune  façon  diminué  le  nombre 
des  entrées.  En  18S5,  le  Musée  de  Naples  étant 
gratuit  a  reçu  17,278  visiteurs,  en  1867  la  taxe 
étant  appliquée  il  en  a  reçu  49,489  dont  1,727 
soldats  et  marins  ! 

Certaines  industries  d'art  sont  très  remarqua- 
bles en  Italie  :  la  faïence,  le  fer  battu,  le  bois 
sculpté,  la  reliure,  la  verrerie,  la  mosaïque,  l'or- 
fèvrerie religieuse  notamment,  sont  traités  avec 
goût  et  une  grande  intelligence  des  qualités  ex- 
pressives de  la  matière;  depuis  vingt-quatre  ans 
que  la  taxe  a  été  appliquée  dans  toute  l'étendue 
du  royaume,  ces  industries  sont  restées  à  leur 
hauteur. 

L'exemple  de  l'Italie  prouve  donc  que  les 
entrées  payantes  ne  causent  de  préjudices  d'au- 
cune espèce  et  pour  ceux  qui  peuvent  suivre  de 
près  le  mouvement  des  musées,  il  démontre  que 
la  taxe  a  été  un  bienfait. 

Grâce  aux  suppléments  de  crédits  qu'elles  pro- 
curent, les  Galeries  italiennes  peuvent  faire  des 
acquisitions  qu'elles  n'auraient  pu  espérer  avec 
leur  budget  normal,  et  améliorer  les  installa- 
tions. 

L'art  et  le  public  y  trouvent  leur  compte,  on  ne 
peut  le  nier;  je  n'en  suis  pas  moins  convaincu  que 
le  système  des  taxes  ne  fera  aucun  progrès  à  une 
époque  de  sophismes  comme  la  nôtre. 


Gerspach. 


Florence,  1S98. 


CCne  fausse  sainte  BLaOerjonoc. 
I   


N  lit  dans  La  Cathédrale,  par  M.  Huys- 
mans,  3e  édit.,  pp.  247-248,  cette  des- 
cription d'une  des  statues  de  reines, 
sculptées  au  X I  Ie  siècle,  qui  flanquent 
la  grande  porte  de  l'Occident,  à  Chartres  : 

«.  Les  plus  admirables  de  ces  statues,  sont 
celles  des  reines. 

«  La  première,  celle  de  la   maritorne  royale, 

au  ventre  bombé,  n'est  qu'ordinaire 

«  La  première,  longue,  étirée,  tout  en  hauteur, 
a  le  front  cerné  d'une  couronne,  un  voile,  des 
cheveux  plies  de  chaque  côté  d'une  raie  et  tom- 


Mélanges. 


43 


bant  en  nattes  sur  les  épaules,  le  nez  un  peu  re- 
troussé, un  tantinet  populaire,  la  bouche  prudente 
et  décidée,  le  menton  ferme.  La  physionomie 
n'est  plus  jeune.  Le  corps  est  enserré,  rigide,  sous 
un  grand  manteau,  aux  larges  manches,  dans  la 
gaîne  orfévrie  d'une  robe  sous  laquelle  aucun  des 
indices  de  la  femme  ne  parait.  Elle  est  droite, 
asexuée,  plane;  et  sa  taille  file,  ceinte  d'une  corde 
à  nœuds  de  franciscaine.  Elle  regarde,  la  tête  un 
peu  baissée,  attentive  à  l'on  ne  sait  quoi,  sans 
voir.  A-t-elle  atteint  le  dénûment  parfait  de  toute 
chose?  Vit-elle  de  la  vie  unitive  au  delà  des 
mondes,  dans  l'absence  des  temps?  On  peut  l'ad- 
mettre, si  l'on  remarque  que,  malgré  ces  insignes 
royaux  et  le  somptueux  apparat  de  son  costume, 
elle  conserve  l'attitude  recueillie  et  l'air  austère 
d'une  moniale.  Elle  sent  plus  le  cloître  que  la 
Cour.  L'on  se  demande  alors  qui  la  plaça  en  sen- 
tinelle près  de  cette  porte  et  pourquoi,  fidèle  à 
une  consigne  qu'elle  seule  connaît,  elle  observe, 
de  son  œil  lointain,  jours  et  nuits,  la  place,  atten- 
dant, immobile,  quelqu'un  qui  depuis  sept  cents 
ans  ne  vient  point  ? 

«  Elle  semble  une  figure  de  l'Avent,  qui 
écoute,  un  peu  penchée,  sourdre  de  la  terre  les 
dolentes  exorations  de  l'homme  ;  un  éternel 
Rorate  chante  en  elle;  elle  serait,  dans  ce  cas, 
une  reine  de  l'Ancien-Testament,  morte  bien 
avant  la  naissance  du  Messie  qu'elle  annonça 
peut-être. 

«  Comme  elle  tient  un  livre,  l'abbé  Bulteau 
insinue  qu'elle  pourrait  être  un  portrait  en  pied 
de  Ste  Radegonde.  Mais  il  y  a  d'autres  princesses 
canonisées  et  qui  tiennent,  elles  aussi, des  livres; 
cependant,  l'attitude  claustrale  de  cette  reine,  ses 
traits  émaciés,  son  œil  perdu  dans  l'espace  des 
rêves  intérieurs,  s'appliqueraient  assez  justement 
à  la  femme  de  Clotaire  qui  s'interna  dans  un 
cloître. 

«  Mais  elle  serait  en  attente  de  quoi?  de  l'arri- 
vée redoutée  du  roi  voulant  l'arracher  de  son 
abbaye  de  Poitiers  pour  la  replacer  sur  le  trône? 
En  l'absence  de  tout  renseignement,  il  n'est  au- 
cune de  ces  conjectures  qui  ne  demeure  vaine  (').  » 

De  part  et  d'autre,  l'attribution  est  donnée  sous 
forme  dubitative  et  l'autorité  des  deux  écrivains 

I.  Après  tout,  l'auteur  n'y  tient  guère,  car,  page  323,  il 
l'appelle  <  la  fausse  Radegonde  ». 


n'est  pas  assez  grande  pour  imposer  pareille 
«  conjecture  »  à  la  science.  Il  faut  donc  prudem- 
ment, jusqu'à  plus  ample  information,  s'en  tenir 
simplement  à  la  désignation  reçue.  Jusqu'à  pré- 
sent, on  n'y  a  vu,  en  effet,  qu'  «  une  reine  de 
l'Ancien-Testament  »,  qui  a  annoncé  le  Messie  et 
peut  être  préfiguré  Marie. 

«  Les  uns,  ajoute  M.  Huysmans,  veulent  y  voir 
les  ancêtres  du  Messie,  mais  cette  assertion  ne 
s'étançonne  sur  aucune  preuve.  »  La  preuve  se 
fait  d'elle-même,  car  les  reines  accompagnent  des 
rois  ;  ainsi  s'établit  la  généalogie  du  Sauveur, 
figurée  d'une  autre  façon  par  V Arbre  de  Jessé.  Il 
s'agit  donc  bien  d'ancêtres,  non  des  plus  reculés, 
mais  de  ceux  qui  ont  illustré  la  race  de  Juda  (»). 

Un  monument,  quel  qu'il  soit,  ne  doit  pas  se 
juger  isolément.  Pour  l'interpréter  sûrement,  il 
est  indispensable  de  le  rapprocher  de  ses  simi- 
laires et  contemporains.Or.au  Mans,  à  Bourges, 
à  Angers,  au  Marilais,  les  statues  des  rois  et  des 
reines  n'ont  pas  d'autre  signification. 

Quant  au  livre,  il  est  l'emblème  à  la  fois  de  la 
prière  et  de  la  parole;  la  prière  appelle  le  Messie, 
la  parole  montre  qu'on  le  désire  et  attend. 


II 


PUISQUE  M.  Huysmans,  malgré  sa  propen- 
sion au  mysticisme,  n'a  pas  compris  le 
sublime  enseignement  du  thème  iconographique 
des  portails  romans,  il  ne  sera  pas  hors  de  propos 
d'en  esquisser  ici  les  grandes  lignes,  en  attendant 
que  je  dise  toute  ma  pensée  dans  le  Traité  de 
svuibolisi/ie  que  je  prépare.  Aussi  bien,  d'autres 
que  le  brillant  écrivain  en  profiteront,  car  je  ne 
sache  pas  que  ce  sujet  ait  été  traité  de  la  sorte. 
Le  portail  admet  deux  étages  qui  se  super- 
posent directement  :  l'un,  qui  s'appuie  sur  le  sol, 
se  réfère  entièrement  à  l'humanité  du  Sauveur, 
tandis  que  l'autre,  qui  s'élève  pour  ainsi  dire  dans 
les  airs,  exalte  sa  divinité. 

I.  Alors,  comment  expliquer  qu'une  des  statues  ait  été 
appelée   Ste  Clotilde,  ou   même  la  reine  de  Saba?  «  Ste 

Clotilde,  hasarde  l'abbé  Bulteau Mais  il  a  été  reconnu 

depuis  que  cette  statue  portraiturait  la  reine  de  Saba. 
Sommes-nous  donc  en  présence  de  cette  souveraine  ? 
Pourquoi  alors,  quand  elle  n'est  pas  inscrite  au  livre  de 
vie,  une  auréole?  Il  est  très  probable  qu'elle  n'est  ni  la 
femme  de  Clotaire  ni  l'amie  de  Salomon,  cette  étrange 
princesse  »  (p.  249). 


44 


débite  De  V&xt  cijrétten. 


L'humanité  est  en  bas,  parce  qu'elle  est  d'ordre 
inférieur  et  que  son  but  est  de  racheter,  par  les 
voies  humaines,  la  postérité  d'Adam  perdue  par 
le  péché.  Le  Verbe  fait  homme  se  présente  au 
milieu  de  la  porte,  sur  le  trumeau;  il  indique  de 
suite  qu'il  est  la  porte  par  laquelle  doivent  entrer 
les  fidèles  dans  l'église,  c'est-à-dire  le  bercail  où 
se  réalisera  l'unité  et  qui  affirme  la  sûreté  du 
salut  (')•  Mais,  pour  montrer  immédiatement  d'où 
il  procède  comme  homme,  il  s'entoure  de  ses  an- 
cêtres, dont  le  plus  noble  fut  David. 

Ce  n'est  pas  sans  raison  que  cette  porte  s'ouvre 
à  l'Occident  (2),  car  ce  point  cardinal  représente 
la  chute  et  la  mort,  puisque  là  se  couche  le  soleil 
et  qu'après  lui  viennent  les  ténèbres.  L'avène- 
ment du  Christ  met  fin  à  l'ancien  monde  (3),  qu'il 
relève  par  sa  grâce  et  sa  doctrine  :  aussi,  sur  le 
trumeau,  est-il  représenté  bénissant  et  l'Evangile 
en  main. 

Qu'on  regarde  au-dessus  de  cette  scène  ter- 
restre et  l'on  verra  immédiatement  le  même 
Christ,  mais  glorifié,  assis  en  majesté  sur  un  trône 
et  prêt  à  juger  l'humanité  qu'il  a  rachetée.  Là  il 
se  montre  en  Dieu,  avec  sa  cour,  composée  des 
évangélistes  qui  l'ont  fait  connaître  au  monde, 
des  apôtres  qu'il  associe  à  l'acte  final  et  qui  en 
conséquence  sont  assis  (4),et  des  anges  qui,  dans 
l'éternité,  chantent  ses  louanges,  ou,  selon  l'Apo- 
calypse, sa  sagesse,  sa  puissance  et  sa  gloire  (5). 

Là  encore  la  vraie  place  du  Jugement  dernier 
était  à  l'occident,  qui  tue,  comme  disait  le  moyen 
âge,  en  face  de  ce  parvis  où  les  morts  dormaient 
dans  leurs  tombes. 

Or  le  lien  qui  unit  ces  deux  scènes  distinctes 
nous  est  fourni  par  la  liturgie  elle-même,  qui  tant 

i.  «  Ego  sum  ostium.  Per  me  si  quis  introierit  salvabi- 

tur Et  fiet  unum  ovile  et   unus   pastor    >)  (S.  Joan., 

X,  9,  16). 

2.  Si  la  porte  est  au  midi,  comme  à  la  cathédrale  du 
Mans,  on  peut  lui  appliquer  ce  répons  de  l'office  du  mardi 
de  la  première  semaine  d'Avent  :  «  Ecce  ab  Austro  venio, 
ego  Dominus  Deus  vester,  visitare  vos  in  pace.  > 

3.  «  Vergente  mundi  vespere  »,  dit  poétiquement  la 
liturgie. 

4.  «  Cum  sederit  Filius  hominis  in  sede  majestatis  stuc, 
sedebitis  et  vos  super  sedes  duodecim,  judicantes  duo- 
decim  tribus  Israël  »  {S.  Matth.,  xix,  28). 

5.  «  Et  omnesangeli  stabant  in  circuitu  throni, dicen- 

tes  :  Amen,  benedictio  et  claritas,  et  sapientia  et  gratiarum 
actio,  honor   et  virtus  et  fortitudo   Deo  nostro  in  - 
saeculorum.  Amen  >  {Apocal.,  vu,  12). 


de  fois  fut  l'unique  inspiratrice  des  artistes  (*). 
Pendant  l'Avent,  on  chantait  une  hymne  du  pape 
S.  Grégoire,  que  le  Bréviaire  Romain  a  con- 
servée, après  l'avoir  dénaturée.  La  voici  dans  sa 
saveur  primitive  (2)  : 

«  Conditor  aime  siderum, 
.Eterna  lux  credentium, 
Christe,  Redemptor  omnium, 
Exaudi  pièces  supplicum. 

Qui  condo'ens  interitu 
Mortis  perire  saeculum, 
Salvasti  mundum  languidum, 
Donans  reis  remedium. 

Vergente  mundi  vespere, 
Uti  sponsus  de  thalamo 
Egressus  honestissimo, 
Virginis  matris  clausula 


Te  deprecamur,  agie, 
Venture  judex  saeculi, 
Conserva  nos  in  tempore, 
Hostis  a  telo  perfidi.  » 

L'hymne  des  matines,  présumée  de  S.  Am- 
broise,  met  en  parallèle  la  naissance  du  Verbe  et 
le  jugement.  Elle  aussi  a  été  malheureusement 
modifiée,  il  faut  donc  recourir  au  texte  authen- 
tique (3). 

«  Verbum  supernum  prodiens, 

A  Pâtre  olim  exiens, 

Oui  natus  orbi  subvenis 

Cursu  declivi  temporis 

Judexque  cum  post  aderis, 
Rimari  facta  pectoris, 
Reddens  vicem  pro  abditis, 
Justisque  regnum  pro  bonis  5>. 

1.  M.  Huysmans  a  pleinement  raison  quand  il  écrit, 
dans  La  Cathédrale,  pp.  473,  4S3  :  «  J'ai  abordé  la  symbo- 
lique religieuse,....  qui  divulgue  par  des  images,  par  des 
signes,  ce  que  la  liturgie  exprime  par  des  mots.  Pour  être 
plus  juste,  il  conviendrait  plutôt  de  dire,  de  cette  partie  de 
la  liturgie  qui  s'occupe  plus  spécialement  des  prières,  car 
l'autre,  qui  a  trait  aux  formes  et  aux  ordonnances  du  culte, 
appartient  au  symbolisme  surtout,  car  c'est  lui  qui  en  est 
l'âme;  la  vérité  est  que  la  démarcation  des  deux  sciences 
n'est  pas  toujours  facile  à  tracer  tant  parfois  elles  se 
greffent  l'une  sur  l'autre,  s'inspirent  mutuellement,  s'entre- 
mêlent, finissent  presque  par  se  confondre.  —  Les  vraies 
exorations  sont  celles  de  la  liturgie Elles  sont  com- 
plètes et  elles  sont  souveraines.  » 

2.  Pimont,  Les  hymnes  du  Bréviaire  Romain,  t.  II, 
pp.  13-14.  L'auteur  inscrit  en  tête  :«  Auteur  présumé, 
S.  Ambroise  ■■. 

3.  l'imont,  pp.  29-30. 


Mélanges. 


45 


Aux  laudes,  toujours  avec  S.  Ambroise,  l'on 
revient  sur  la  même  pensée,  maltraitée  par  les 
réformateurs  (*). 

«  E  sursum  Agnus  mittitur, 
Laxare  gratis  debitum, 
Omnes  pro  indulgentia, 
Vocem  demus  cum  lacrymis. 

Secundo  ut  cum  fulserit, 
Mundumque  hoiror  cinxerit, 
Non  pro  reatu  puniat, 
Sed  nos  pius  tune  protegat.  » 

D'après  cet  enseignement  substantiel,  l'anti- 
thèse est  des  pius  transparentes  et  il  eût  été 
étonnant  qu'en  raison  de  l'insistance  qu'y  met  le 
liturgiste  (2),  elle  n'eût  pas  pris  corps  sur  la  pierre 
pour  mieux  la  faire  saisir  aux  fidèles  qui  venaient, 
pendant  l'Avent,  se  préparer  par  la  prière  à  la 
fête  de  Noël. 

"L'Avent,  liturgiquement,  annonce  l'avènement 
du  Messie.  Mais  ce  premier  avènement  fait  aussi- 
tôt songer  au  second.  Les  deux  sont  alors  mis  eu 
parallèle.  La  partie  terrestre  du  portail  manifeste 
l'humanité  du  Christ,  qui  a  pris  une  chair  sem- 
blable à  la  nôtre  pour  nous  racheter;  la  zone 
céleste  nous  transporte  au  séjour  de  la  divinité, 
de  Celui  qui  a  créé  les  astres  et  est  X éternelle  lu- 
mière des  croyants. 

L'Avent,  si  l'on  peut  se  permettre  un  jeu  de 
mots  auquel  le  moyen  âge  ne  répugnait  pas,  est 
l'ouverture  du  cycle  liturgique,  comme  le  portail 
ou  avant  de  l'église  introduit  dans  sa  nef. 

X.  Barbier  de  Montault. 

1.  Pimont,  39-40. 

2.  On  pourrait  peut-être  croiie  qu  il  n'y  a  là  que  fan- 
taisie du  poète.  L'office  du  premier  dimanche  de  l'Avent 
se  charge  de  nous  convaincre.  Au  second  nocturne,  la 
4e  leçon,  tirée  de  S.  Léon,  débute  ainsi  :  «  Cum  de  adventu 
Dei  et  de  mundi  fine  ac  temporum,  discipulos  suos  Salva- 
tor  instrueret  totamque  Ecclesiam  suam  in  Apostolis  eru- 

diret  :  Cavete,   inquit, »  et  il  continue  à   la  5e  leçon  : 

«  Ad  cujus  adventum  omnem  hominem  prseparari  i>. 

Le  répons  qui  suit  est  non  moins  explicite  :  <,<  Salvato. 
rem  expectamus  Dominum  JesUM  CHRISTUM,  qui  refor- 
matait corpus  humilitatis  nostras,  configuratum  corpori 
claritatis  sua.'.  Sobrie  et  juste  et  pievivamusin  hoc  seculo, 
expectantes  beatam  speni  et  adventum  glorire  magni  Dei.» 
Le  9e  répons  parle  dans  le  même  sens  :  <i  Ecce  dies  ve- 
niunt,  dicit  Dominus,  et  suscitabo  David  germen  justum  ; 
et  regnabit  Rex,  et  sapiens  ei  it,  et  faciet  judicium  et  justi- 
tiam  in  terra.  » 

— *©*-— K2H— 


an  essai  liturgique. 


SS AI  est  défini  par  Richelet  :   «  Petite 

portion   de   quelque  chose   qui   sert  à 

juger  du  reste.   Petit   vase   où    on    le 

met.  »  Boistel  est  encore   plus  vague  : 

«  Épreuve  faite  d'une  chose.  » 

L'essai  liturgique  est  un  vase  spécial,  destiné, 
à  la  messe  pontificale,  à  goûter  le  vin  et  l'eau 
dont  on  doit  faire  l'épreuve  avant  de  le  servir  à 
l'évêque. 

Ces  sortes  de  vases  sont  apparemment  fort 
rares,  car  je  n'en  ai  point  encore  rencontré  dans 
les  collections,  et  aucun  archéologue,  que  je  sache, 
n'en  a  parlé.  Il  y  a  donc  un  intérêt  majeur  à  faire 
connaître  celui  sur  lequel  j'ai  été  consulté,  peu  de 
temps  avant  sa  mort,  par  Alfred  Darce),  directeur 
du  Musée  de  Cluny.  Il  en  résultera  peut-être,  ce 
que  je  souhaite  vivement,  d'autres  découvertes 
du  même  genre  :  après  cette  courte  notice,  on 
pourra  sûrement  diagnostiquer  la  destination  des 
vases  similaires  que  le  hasard  fera  rencontrer. 

«  On  a  trouvé  en  terre,  m'écrivait  M.  Darcel, 
à  Echallon  (Ain),  sur  des  terrains  ayant  dépendu 
de  l'ancienne  abbaye  de  Nantua,  de  l'ordre  de 
S.  Bruno,  une  petite  tasse  d'argent,  de  0,081  de 
diamètre,  comme  celles  dont  se  servent  les  mar- 
chands de  vin.  Au  fond  est  insérée  une  médaille 
de  Clemens  XI  pont.  opt.  m.,  dont  le  revers  est 
un  soleil  excentrique  à  la  médaille,  avec  cette 
légende  CVNCTIS  CLEMENS.  L'anse  est  for- 
mée de  deux  têtes  d'aigle  (?)  mordant  une  boule. 
Enfin,  on  a  gravé  sous  le  bord,  à  l'extérieur,  le 
nom  I.  B.  ROSEL,  sur  deux  petites  branches  de 
laurier.  » 

La  pièce  de  monnaie  du  fond  date  l'objet,  qui 
remonte  ainsi  au  pontificat  de  Clément  XI  Albani 
(1700-1721).  Ce  n'est  pas  une  médaille,  car  elle 
ne  figure  pas  dans  le  catalogue  officiel  des  mé- 
dailles de  ce  pape  que  j'ai  publié  {Œavr.,  t.  III, 
pp.  400-401).  Je  ne  trouve  pas  la  devise  dans  l'ar- 
ticle d'Achille  Monti  :  I  motti  sacn,  morali  ed 
istorici,  intagliati  salle  monete  di  alcuni  papi 
{Il  Buonarotti,  t.  VIII,  1873).  Il  se  pourrait  donc 
que  cette  pièce  fût  très  rare  :  il  conviendrait  alors 
de  consulter  le  grand  ouvrage  de  Cinagli  sur  les 
monnaies  des  papes. 

Sa  présence  n'indique  pas  nécessairement  que 


46 


Betmc  tir  l'Srt  cbvéttcn. 


ce  vase  fût  à  l'usage  du  pape  ;  bien  au  contraire, 
puisque  le  propriétaire  est  clairement  désigné 
par  les  têtes  d'aigle  et  la  boule,  empruntées  à  ses 
armes. 

Rosel  est  le  nom  de  l'orfèvre  très  probable- 
ment ;  peut-être  aussi  celui  du  premier  possesseur, 
comme  je  l'ai  démontré  à  propos  de  YEcitelle  à 
vin  de  la  famille  Poitdret,  à  Poitiers. 

L'usage  ressort  de  la  forme  :  ce  vase  n'est  ni 
une  coupe  baptismale,  ni  une  coupe  à  boire, 
mais  un  essai.  Il  a  servi  à  un  dignitaire  ecclésias- 
tique, évêque  ou  abbé  ou  prélat  ayant  droit  aux 
pontificaLK  ;  non  un  cardinal,  puisqu'il  n'est  pas 
doré,  les  cardinaux  et  les  patriarches  ayant  seuls, 
avec  le  pape,  le  privilège  de  l'or  pour  leur  cha- 
pelle, tandis  que  les  prélats  inférieurs  ne  peuvent 
y  employer  que  l'argent. 

L'essai  est  prescrit  par  le  Cérémonial  des 
/vécues  :  «  Uiaconus  parnm  vini  et  aquae  ex  am- 
pullis,  quas  ibidem   acolythus   tenet,  in  aliquem 


cyathum  infundit,  ex  quo  sacrista  illud  bibit  » 
(lib.  II,  c.  VIII,  n.  62).  Il  se  fait  encore  à  la  messe 
pontificale  du  pape:  je  l'ai  rétabli  en  1859,  à  la 
cathédrale  d'Angers,  mais  je  ne  pense  pas  que 
ce  rite  s'observe  ailleurs  en  France  actuellement. 

Ce  cyathus  me  paraît  français  d'après  le  nom 
qui  y  est  gravé.  Il  s'en  suit  qu'il  a  dû  appartenir 
à  un  prélat  que  seules  ses  armes  permettraient 
d'identifier  et  qui  a  dû  avoir  des  relations  per- 
sonnelles avec  le  pape  Clément  XI,  dont  il  a  tenu 
à  conserver  de  cette  façon  le  souvenir.  Probable- 
ment, c'est  ce  pape  qui  l'avait  pourvu  du  poste 
élevé  qu'il  occupait  dans  la  hiérarchie. 

Ce  petit  vase  est  d'une  extrême  rareté  et,  quoi- 
que peu  ancien,  il  mérite  d'être  soigneusement 
conservé  et  publié,  car  il  forme  un  document 
pour  l'histoire  de  la  liturgie  dans  notre  pays.  Sa 
vraie  place  serait,  en  conséquence,  dans  un  mu- 
sée public. 

X.  Barbier  de  Montault. 


^  *&  *&■*&*&  ^  ■*&  *fr  ±Sk  *#,  *&  *&  :^j^^^^^^^^^^^^ 


— — — — —  Italie. 


Tiuin  :  (ïrpoaition  De  l'Hrt  jSauc.  —  Brescia  : 
Dccoiitifttfo  De  fresques  ;  la  croie  lie  dalla  BlaciBia.  — 
Borne  :  ©on  au  .Saint  Bère.  —  Florence  :  lies  restes 
De  Gubtberti.  —  Ban  ffiinfato  Teocjsco  et  Iiaraguola  : 
■ —  X)ccoutoertes  De  peintures.  

URIN.  —  On  sait  que  S.  S.  le  pape 
Léon  XIII  a  institué  un  prix  de 
10,000  lires  à  l'Exposition  de  l'art 
sacré   de  Turin  ;  la  récompense   était 

destinée    au    meilleur    tableau  représentant    La 

Sainte  Famille. 


Le  jury  n'a  pas  décerné  le  prix,  et  le  concours 
reste  ouvert  pendant  l'année  1899. 

La  somme  de  10,000  lires  est  une  prime  atta- 
chée à  l'ouvrage,  qui  reste  propriété  de  l'auteur. 

Brescia.  —  Dans  le  Duomo  Vecchio,  aussi  dé- 
nommé La  Rotonda,  on  a  découvert  une  fresque 
au-dessus  de  l'autel  de  la  chapelle  du  Saint- 
Sacrement.  C'est  une  Flagellation  traitée  par  un 
peintre  du  XVe  siècle,  d'une  façon  assez  peu  cor- 
recte comme  dessin,  mais  avec  énergie  et  mou- 
vement. 

L'ouvrage  était  caché  par  un  tableau. 


La  Madone  et  l'Enfant  ;  sainte  Marie  Madeleine  et  saint  Jean-Baptiste. 


En  1893,  M.  Cicogna,  directeur  de  la  pinaco- 
thèque Moretto  à  Brescia,  et  M.  Da  Ponte,  un 
érudit  de  cette  cité,  ont  découvert  des  peintures 
dans  une  chapelle  de  l'église  dèl  Carminé  ;  la 


chapelle  est  située  sur  le  pourtour  extérieur  de 
l'église  et  ne  communique  directement  ni  avec  le 
temple,  ni  avec  la  rue,  elle  s'ouvre  sur  une  cour 
circulaire    et    servait    de    magasin.    Ces    circon- 


48 


Hetntc  De  Part  chrétien. 


stances  peuvent  expliquer  comment  les  peintures 
sont  restées  ignorées  si  longtemps;  comme  elles 
n'ont  jamais  été  reproduites  et  qu'aucun  auteur 
n'en  a  fait  mention,  nous  en  donnons  la  repro- 
duction. 

La  paroi  du  fond  montre  la  Résurrection  et 
au-dessous  La  Vierge  sur  un  trône,  saint  Jean  et 
sainte  Marie-  Madeleine. 

Sur  le  mur  de  droite  :  Noli  me  tangere. 

Sur  le  mur  de  gauche  :  /' Apparition  du  Sau- 
veur à  sa  Mère. 

En  avant  à  l'entrée:  Deux  saints. 


La  fresque  est  relativement  en  bon  état  et  n'a 
jamais  été  badigeonnée. 

Dans  le  haut  de  la  Résurrection,  M.  Cicogna  a 
trouvé  la  date  de  1502,  ou  peut-être  de  1503  en 
très  petits  chiffres. 

C'est  le  seul  renseignement  découvert  jusqu'à 
présent. 

Il  est  visible  que  les  fresques  du  fond  ne  sont 
pas  de  la  même  main  que  celles  des  parois  laté- 
rales et  que  les  deux  saints  sont  d'un  troisième 
peintre. 

Je  n'ai  trouvé   à  Rrescia   ni  dans   les    musées, 


La  Résurrection    (Premières  années  du  XVIe  siècle).  —  Église  del  Carminé  à  Brescia.  (Phot.  Capitani  à   Brescia.) 


ni  dans  les  églises  une  peinture  pouvant  être 
rapprochée  des  fresques  de  cette  petite  chapelle; 
par  leur  style  et  leur  date,  elles  ne  sont  certaine- 
ment pas  d'un  peintre  toscan  ou  ombrien. 

Je  ne  les  présente  pas  comme  un  ouvrage  supé- 
rieur, mais  simplement  comme  une  œuvre  inté- 
ressante que  bien  des  pays  autres  que  l'Italie, 
seraient  sans  doute  heureux  de  posséder. 

Le  Musée  chrétien  de  Brescia  conserve  entre 
autres  objets  de  grand  intérêt,  la  croix  dite  de 
Galla   Placidia  ;  selon   la   tradition    le  roi  Didier 


l'aurait  donnée  au  VIIIe  siècle  au  couvent  de 
San  Salvador,  où  sa  fille,  la  reine  Ermengarde 
s'était  retirée  après  avoir  été  répudiée  par  Char- 
lemagne. 

C'est  un  très  beau  type  de  l'orfèvrerie  reli- 
gieuse du  Ve  siècle  ;  au  point  de  vue  des  matières 
elle  n'est  pas  aussi  précieuse  que  peut  le  faire 
croire  la  reproduction  que  nous  en  donnons. 
Elle  n'est  pas  en  or  massif,  mais  en  bois  recou- 
vert d'une  feuille  d'or;  si  elle  est  ornée  en  partie 
de  pierres  précieuses  et  de  camées,  elle  est  trop 


Correspondance, 


49 


Noli  me  tangere  (Premières  années  du  XIe  siècle).  —  Église  del  Carminé  à  Brescia.  (Phot.  Capitani  à  Brescia.) 


L'Apparition  de  Notre-Seigneur  à  la  sainte  Vierge   (Premières  années  du  XVIe  siècle).  —  Église  del  Carminé  à  Brescia.  (Phot.  Capilani  à  Brescia.) 


abondamment  pourvue  d'agates  communes,  de 
verroteries  en  cabochons  et  en  masques  moulés, 
mais  ceci  ne  diminue  nullement  sa  valeur  comme 
œuvre  d'art. 


Le  médaillon  que  nous  reproduisons  à  la  gran- 
deur réelle,  donne  les  portraits  de  l'Impératrice 
Galla  Placidia,  d'Honorius  et  de  Valentinien  III. 

Le  Christ  en  croix  date  du  XVIe  siècle  et  fut 


REVUE    DE    L'ART    CHRÉTIEN, 
iSgQ.    —    ire    LIVRAISON. 


5o 


Urtnte  t>e  V&xt  cbrétten. 


placé  lorsque  la  croix  passa  du  couvent  de  San 
Salvador  à  celui  de  Santa  Giulia. 

La  croix  mesure  Vn26  de  haut  sur  im  de  large. 

Rome.  —  Les  dames  catholiques  de  l'Australie 
ont  constitué  à  Sydney  un  Comité  dont  la  mission 
est  d'offrir  un  présent  à  S.  S.  le  pape  Léon  XIII. 

Le  don  consistera  en  une  réduction  en  or  mas- 
sif, ornée  de  pierres  précieuses,  de  la  célèbre  sta- 


La  croix  de  l'Impératrice  Galla 

Piacidia  (Ve  siècle). 

Hauteur  :  i^ô,  largeur  :  imoo. 

(Musée  chrétien  de  Brescia). 

Phot  Capitani  à  Brescia. 


tue  du  Moïse  de  Michel-Ange;  le  poids  de  l'ou- 
vrage sera  de  cinquante  kilogrammes,  ce  qui 
représente  pour  l'or  seulement  une  valeur  d'envi- 
ron 160,000  francs. 

L'intention  est  certes  des  plus  louables,  mais 
l'entreprise  nous  paraît  hasardeuse. 

De  nombreuses  réductions  de  statues  de  Mi- 
chel-Ange ont  été  tentées  depuis  la  mort  du 
grand  artiste  ;  les  résultats  ont  été  médiocres 
alors  même  qu'ils  ont  été  faits  par  d'habiles  scul- 
pteurs, dégagés  de  toute  préoccupation  com- 
merciale.   Déjà  l'étonnant   Moïse,  placé  presque 


La  croix  de  l'Impératrice  Galla 

Piacidia  (Ve  siècle). 

(Musée  chrétien  de  Brescia). 

Phot.  Capitani  à  Brescia. 


de  plain  pied  à  S.  Pietro  in  Vincoli,  ne  donne 
pas  l'impression  que  la  statue  aurait  produite  si 
elle  était  vue  de  plus  loin,  comme  cela  devait 
être  dans  le  projet  du  tombeau  de  Jules  II,  la 
violence  et  les  détails  se  font  trop  sentir;  une 
réduction,  si  elle  est  fidèle,  ne  pourra  que  les  ac- 
centuer encore  plus. 

Florence.  —  Quelques  journaux  français  ont 
annoncé  que  M.  Franceschini  a  retrouvé  dans  le 
vieux  cimetière  de  l'église  Santa  Croce  la  tombe 
de  Ghiberti. 

C'est  aller  un  peu  vite. 


Je  connais  et  j'estime  M.  Franceschini  ;  de  sa 
profession  il  est  libraire  en  vieux.  Par  goû  t,  il  est 
passionné  pour  Florence  et  a  publié  des  travaux 
très  intéressants  sur  sa  chère  cité  ;  c'est  à  lui  no- 
tamment qu'on  doit  la  découverte  des  restes  de 
Laurent  le  Magnifique  dans  la  nouvelle  sacristie 
de  Saint-Laurent. 


CorresponDance. 


51 


Par  tempérament  M.  Franceschini  est  ardent 
polémiste;  lorsqu'il  a  une  idée,  il  ne  la  lâche  pas 
et  la  controverse  ne  fait  qu'aiguiser  sa  verve. 

Il  ne  faut  pas  lui  donner  plus  qu'il  ne  réclame  ; 
dans  la  présente  circonstance,  il  ne  s'appuie  que 
sur  des  conjectures  pour  essayer  de  démontrer 
que  les  restes  de  Ghiberti  sont  —  non  pas  dans 
le  vieux  cimetière  de  Santa  Croce  comme  on  l'a 
dit  —  mais  dans  l'église  même.  Pour  arriver  à  la 
certitude    il   faudra   mieux  que  des  hypothèses. 

M.  Franceschini  demande  aussi  qu'une  memo- 
ria  soit  consacrée  à  Ghiberti  dans  Santa  Croce. 


Portraits  de  l'impératrice  Galla  Placidia,  d'Honorius  et  de 

Valentinien  III.  (Médaillon  de  la  croix  de  Galla  Placidiaàla  grandeur  de 

l'original.)  Phot.  Capitani  à  Brescia. 

On  sait  que  dans  le  temple  il  y  a  des  tombeaux 
réels,  des  monuments  ou  de  simples  plaques 
commémoratives. 

Certes  Ghiberti  (1378-1455)  mérite  au  moins 
une  memoria  dans  ce  panthéon  ;  c'est  l'un  des 
sculpteurs  toscans  qui  a  le  plus  honoré  l'art 
chrétien.  Sa  célèbre  porte  du  Baptistère,  dite  du 
Paradis,  attire  tous  les  regards,  mais  à  côté  de 
cet  ouvrage,  Ghiberti  a  fait  la  porte  du  Nord  du 
Baptistère,  qu'on  néglige  un  peu  trop  et  qui  ce- 
pendant est  au  point  de  vue  architectonique  su- 
périeure à  celle  du  Paradis.  Il  a  également  pro- 
duit trois  statues  à  Or  San  Michèle  ;  son  saint 
Etienne,  qui  occupe  la  niche  de  XArte  délia  Lana, 
est  une  œuvre  absolument  hors  ligne  comme  di- 
gnité de  style;  Florence,  si  riche  en  statues,  en  a 
peu  qui  puissent  rivaliser  avec  elle  ;  malgré  ses 
qualités  exceptionnelles,  le  saint  Etienne  n'est 


pas  apprécié  à  sa  valeur  ;  c'est  là  une  de  ces  in- 
justices trop  fréquentes  dans  l'histoire  de  l'art. 

San  Miniato  Tedesco  (Toscane).  —  Dans  l'é- 
glise des  Saints-Jacob  et  Lucie,  nommée  aussi  de 
Saint-Dominique,  on  vient  de  découvrir  des  fres- 
ques de  la  fin  du  XIVe  siècle.  Elles  représentent 
la  Naissance  de  la  Vierge,  la  Présentation  au 
Temple.  Y  Annonciation,  le  Mariage  ;  l'auteur 
est  vraisemblablement  un  peintre  florentin  ;  les 
fresques  sont  assez  bien  conservées  et  d'une 
bonne  exécution  sans  être  cependant  de  premier 
ordre. 

Lavagnola. —  Cette  petite  localité,  située  près 
de  Savone,  possède  dans  son  église  un  tableau 
à  tempera  qui  peut  donner  lieu  à  d'intéressantes 
discussions. 

Il  est  divisé  en  cinq  compartiments  et  montre 
sur  fond  d'or  :  la  Madone  et  l'Enfant,  les  saints 
Pierre,  Paul,  Dalmazio,  archimandrite,  patron  de 
l'église,  Michel  archange  ;  toutes  ces  figures  se 
présentent  en  pied  et  de  face.  Dans  la  cuspide  il 
y  a  la  Crucifixion,  saint  Jean  Évangéliste  et  trois 
apôtres  et  évêques 

Au-dessous  du  compartiment  central  on  lit  : 
AVE  VIRGO  MATER  CHRISTI  1057. 

A  première  vue  le  style  du  tableau  ne  concorde 
pas  avec  la  date,  mais  on  fait  remarquer  à  Savone 
qu'au  XIe  siècle  la  peinture  était  relativement 
avancée  dans  cette  ville  et  dans  d'autres  locali- 
tés de  la  Ligurie. 

Voilà  donc  un  nouveau  problème  à  résoudre. 

Si  le  tableau  vient  à  être  photographié,  nous 
ne  manquerons  pas  d'en  donner  la  reproduction. 

Florence,  décembre  1898. —  On  vient  de  découvrir 
à  Santa  Croce  des  fresques  du  XIVe  siècle  ;  nous 
en  parlerons  dans   la  prochaine  correspondance. 

Rome,  décembre  189S.  —  Une  annonce  d'une 
rare  audace  a  paru  dans  divers  grands  jour- 
naux de  l'Europe. 

On  a  fait  savoir  que  la  collection  de  tableaux 
d'un  comte  allemand  allait  être  mise  en  vente. 

La  collection,  d'après  la  réclame,  comprend  des 
tableaux  des  maîtres  allemands,  hollandais,  espa- 
gnols, français  et  italiens. 

Dans  les  italiens  sont  mentionnés  :  Fra  Bar- 
tolomeo,  Raphaël,  Corrège.Guide,  Salvator  Rosa, 
Titien,  G.  del  Piombo,  Léonard  de  Vinci,  etc. 

Un  bon  nombre  de  ces  tableaux  proviennent  des 
galeries  du  Vatican  et  avaient  été  vendus  au  comte 


52 


3&ebue  ïie  r&rt  cjjrétten* 


par  le  pape  Pie  IX  la  veille  de  l'entrée  des  trou- 
pes italiennes  à  Rome,  dit  littéralement  l'individu 
chargé  de  la  vente. 

Il  est  inutile   de  démentir  une   telle  nouvelle, 
mais  il  est  nécessaire  de  la  signaler. 

Gerspach. 


Hnglctcrre. 


Bemarquaule  mélange  dan*  la  construction  D'une 
chaire.  —  Découverte  de  regteg  romafn?  à  Eam» 
mer?mitb(Iionûrc?).— lie  c&ant  grégorien  .sur  un 
carillon.  —  Une  Démission  à  .South  Ben?ington 
ffiu?cum.  —  Démolition  D'une  ancienne  égli?e.  — 
«  fiugin  Démoûé  »  !  —  Be?tauration  D'une  égli?c 
normanDc  au  Bap£  De  Galle?.  —  Une  cathéûralc 
temporaire  pour  Carnartion  (fi.  De  Galle?).  — 
Dérouucrte  De  fresque?.  —  £  2950  pour  un  erem= 
plaire  De  la  Bible  ffiasarinc.  —  «  Botibeau  ?t"le 
architectural  pour  égli?c?  ».  —  ffiaûcmoi?clle  exac- 
te?, architecte.  —  Hgranûi??cment  Du  monastère 
û'GrDington.—  ffiort  De  .sir  jStuart  Knill.  —  lie? 
Be?tauration?. 

Kf.nton,  près  Dawlish  (South  Devonshire), 
il  existe  une  superbe  chaire  en  bois  de  chêne, 
de  style  ogival,  composée  en  grande  partie  de 
fragments  très  anciens  récemment  décou- 
verts. La  clôture  du  chœur  sera  traitée  dans  le  même  style. 
Le  Daily  Mail  du  29  nov.  dernier  a  reproduit  la  chaire 
dans  ses  illustrations.  M.  Herbert  Read,  de  St-Side- 
well's,  Exeter,  a  exécuté  la  sculpture  sur  les  plans  de 
l'architecte  M.  F.  Bligh  Bond,  de  Bristol. 

* 

*  * 

A  Canterbury  on  vient  d'installer,  à  la  chapelle  St-An- 
dré,  un  carillon  mécanique,  sonnant  aux  quarts  d'heure; 
l'air  est  un  ancien  chant  grégorien  à  4  vers  par  strophe, 
un  vers  se  faisant  entendre  à  chaque  quart  d'heure,  le 
chant  est  complet  à  l'heure. 

* 

*  * 

Le  camp  romain  à  Ribchester  est  plus  riche  en  trésors 
de  l'époque  que  l'on  ne  supposait  au  prime  abord  ;  on  y 
annonce  maintenant  une  nouvelle  trouvaille.  Puisque  nous 
parlons  d'antiquités  romaines,  signalons  une  belle  décou- 
verte à  Hammersmith  (Londres)  près  du  Pont.  Ce  sont 
des  pavés  très  complets,  d'une  rare  beauté.  Signalons 
aussi  la  découverte,  à  Cohvyn  Bay,  de  monnaies  romaines 
,\  l'effigie  de  Constantin  le-Grand,  contenues  dans  un 
vase.  Dans  un  champ  à  Hayling  Island,  lez  Portsmouth, 
on  a  mis  également  des  restes  romains  au  jour. 

* 

*  «■ 

Monsieur  T.  Armstrong,  C.  B.,  vient  de  donner  sa  dé- 
mission de  directeur  au  Département  des  Sciences  et 
Arts,  et  de  conservateur  des  tableaux  a  South  Kensington 
Muséum. 


Les  journaux  d'architecture  anglais  ont  publié  des 
notices  sur  feu  Puvis  de  Chavannes,  le  Builder  étant, 
comme  toujours,  le  plus  complet  en  ce  qui  concerne  les 
détails  professionnels.  Le  Magasine  0/  Art  a  donné 
le  portrait  du  défunt. 

*** 

La  tempête  de  la  fin  d'octobre  a  endommagé  les  murs 
du  château  de  Sandgate,  construit  par  Henri  VIII,  et 
visité  par  la  reine  Elisabeth  en  1573. 

* 

*  # 

On  annonce  la  démolition,  —  et  non  la  restauration,  — 
de  l'ancienne  église  de  Handforth,  lez  Chester.  En  revan- 
che, on  y  construit  une  nouvelle,  plus  grande.  Les  maté- 
riaux de  l'ancienne  église  seront  —  vendus  ! 

# 

*  * 

«  Pugin  démodé  1>1\  Selon  le  Builder,  oui,  pour  le 
moment.  La  manie  du  «  Style  de  la  Reine  Anne  »  est  en 
train  de  rendre  les  églises  au  dessin  vraiment  ecclésias- 
tique démodées.  Plusieurs  projets  passables  d'ailleurs, 
sont  manques,  soit  dans  la  tour,  la  flèche,  le  portail,  une 
fenêtre,  par  la  conception  ou  d'autres  détails  tout  à  fait 
en  désaccord  avec  le  restant  des  édifices.  Non  content  de 
projeter  des  caricatures  d'églises  en  ce  qui  concerne  le 
style,  voilà  que  l'on  en  est  arrivé  à  proposer  sérieusement 
des  églises  en  fer  forgé  !  (Voir  la  proposition  in  extenso 
dans  une  lettre  imprimée  dans  le  Building  News  du  2  dé- 
cembre). Le  Britisli  Arcliitect,  dans  son  n"  du  4  décembre, 
a  publié  des  projets  d'églises  absolument  hideux. 

*  # 
Mademoiselle  Charles,  ayant  passé  ses  trois  examens 

comme  architecte,  vient  d'être  admise  par  la  Profession 
comme  architecte  accompli.  Nous  nous  demandons, avec 
un  célèbre  auteur  français  :  «  Voyons,  Messieurs,  du  pro- 
<\  grès  féminin  !...  qui  changera  les  langes  de  bébé,  ou 
arrosera  de  son  jus  le  poulet  à  la  broche  ?  » 

* 

*  # 

Actuellement  la  somme  de  £  27,500  est  en  caisse  pour 
la  continuation  de  la  nef  a  la  cathédrale  de  Truro  ;  les 
travaux  seront  entamés  au  commencement  de  1S99.  Les 
tours  attendront  encore  que  de  nouveaux  fonds  arrivent  ! 

■* 

*  * 

Les  catholiques  au  pays  de  Galles  (Nord),  sont  deve- 
nus si  nombreux,  qu'il  a  été  décidé  de  bâtir  une  cathé- 
drale temporaire  à  Carnarvon,  au  coût  de  £  10,000. 

*** 
L'église  d'East  Aeklam,  près  de  Malton  (Vorks.),  a  été 
fermée  par  suite  de  l'instabilité  du    pignon  de  la  façade 
principale  qui  menace  ruine. 

# 

*  # 

Au  cours  de  la  restauration  de  la  tour  de  l'église  de 
Feltwell,  celle-ci  s'effondra  subitement  pendant  le  repas 
des  ouvriers.  Les  cloches  ont  été  dispersées  de  tous  côtés. 


CorresponDance, 


53 


Pendant  les  travaux  de  restauration  à  l'église  de  Stoke 
Dry,  du  XI I  Ie  siècle,  des  fresques  de  grand  intérêt  ont  été 
découvertes,  sur  les  murs  N.  et  S.  de  la  nef  et  celui  de  l'ex- 
trémité du  chœur  :  cette  dernière  a  pour  sujet  le  martyre 
de  S.  André,  patron   de  l'église.  Les  fresques  sont  d'un 

style  fort  primitif. 

* 

*  * 

A  la  vente  récente,  à  Londres,  de  la  collection  Makel- 
lar,  un  exemplaire  de  la  Bible  Mazarine,  imprimé  en  ca- 
ractères mobiles,  a  été  vendu  £  2,950  ! 

* 

*  * 

A  la  nouvelle  église  St-André,  à  Paignton,  on  vient  de 
replacer  les  fonts  baptismaux  de  l'ancienne  église.  Ces 
fonts  servaient  dernièrement  de  grand  pot  à  fleurs  dans 
un  jardin  de  l'endroit,  et  étaient  couverts  de  plâtre  ! 

* 

*  * 

Le  monastère  d'Erdington,  construit  en  187g,  sur  les 
projets  de  M.  le  baron  de  Hemptinne,  disent  les  journaux 
d'architecture,  vient  d'être  agrandi  au  coût  de  £  7,000. 
L'architecte,  M.  Haigh,  de  Leicester,  serait  responsable, 
dit-on,  de  ces  travaux  d'agrandissement.  La  tour  a  70  pieds 
de  haut  ;  le   triptyque  est  de  M.  Bodley. 

*** 

Nous  déplorons  ici  la  grande  perte  que  nous  venons 
d'éprouver  dans  la  personne  de  Sir  Stuart  Knill.  Ses  ser- 
vices dans  la  cause  de  l'Art  chrétien  sont  bien  connus 
de  nos  lecteurs.     R.     I.     P. 

* 

*  * 

Un  nouveau  vitrail  vient  d'être  placé  à  la  cathédrale 
St-Georges,  Southwark  (Londres),  en  commémoration 
des  fêtes  d'Ebb's  Fleet,  lez  Ramsgate,  en  1S97.  Ce  vitrail 
contient  les  portraits  de  LL.  ÉÉ.  les  cardinaux  Vaughan 
et  Perraud,  de  Mgr  l'évêque  Bourne,  de  l'abbé  de  Rams- 
gate, et  d'autres.  M.  Walters,  l'architecte  de  l'église  du 
S.  C.  à  Wimbledon,  en  est  le  dessinateur,  et  la  maison 
Hardman  l'a  exécuté.  Un  autre  vitrail,  don  de  feu  Sir 
Stuart  Knill,  sera  placé  sous  peu. 

* 

*  * 

M.  Charles  Perceval  Rowly,  dans  une  lettre  récem- 
ment adressée  au  «  Times'b  contre  les  «  embellissements» 
de  Rome,  annonce  €  la  démolition  du  Colysée  »  par  le 
<  Municipio  ».  C'est  assurément  une  erreur  de  sa  part  ! 

* 

*  # 

Les  Restaurations. 

Église  de  Cogan  (Glamorganshire,  Pays  de  Galles)  : 
cette  église  a  50  pieds  de  long;elle  est  peut-être  antérieure 
à  la  période  normande  ,  la  nef  et  le  chœur  sont  séparés 
par  un  mur  épais  percé  d'un  petit  arc  normand.  Il  y  a  aussi 
une  plate-forme  près  des  fonts  baptismaux,  probablement 
pour  les  chevaliers  des  environs.  Dans  le  petit  cimetière 
de  l'église,  existe  encore  la  base  de  l'ancienne  croix, 
mais  de  la  croix  elle-même,  il  ne  reste  plus  rien.  —  Ors- 


dall  Hall,  Manchester  ;  —  Shorwell  (Ile  de  Wight),  nou- 
veaux toits  et  clôtures  par  P.G.  Stone,le  savant  antiquaire 
qui  fit  les  restaurations  au  château  de  Carisbrooke,  et  dé- 
couvrit les  fondations  de  l'ancienne  abbaye  de  Quarr,  lez 
Ryde;  -  église  Ste  Mildred,Bread  Street,  City  (Londres); 
cette  église  remplace  celle  de  l'an  1300  détruite  au  grand 
incendie  de  1666  ;  son  intérieur  est  le  meilleur  travail  de 
Wren  que  nous  ayons,  et  date  de  16S3  ;  église  de  la 
Sainte  Trinité,  Hull  (York.),  pour  laquelle  on  a  déjà 
£  3,000  en  caisse,  et  le  don  d'une  clôture  qui  coûte  £1,500  ; 

—  Croix  de  village,  Eckington  (Worcestershire),  dont  la 
tige  est  des  XIIIe  et  XIVe  siècles;—  le  toit  et  la  voûte  de 
la  cathédrale  de  Winchester,  pour  lesquels  on  demande 
encore  £  9,500.  Les  travaux  sont  des  plus  urgents  au  bas- 
côté  Sud;— Clôture  de  chœuràlpplepin,  du  XVe  siècle  ; 

—  Église  Normande  des  Saints-Hélène  et  Gilles,  à  Rain- 
ham  (Essex);  —  Chapelle  St-Clément,  à  la  cathédrale  de 
Chichester;  cette  chapelle  était  dernièrement  divisée  en 
deux,  la  chapelle  de  St-Georges  dans  une  moitié,  et  celle 
de  St-Clément  dans  l'autre.  La  nouvelle  clôture  a  les 
statues  des  saints  Clément,  Alphège  et  Anselme,  dans 
ses  arcatures  latérales.  L'ancienne  piscine  et  la  petite  ar- 
moire (aumbry)  resteront  intactes. 

John  A.  Randolph. 
Londres,  ce  12  décembre  1898. 


Monsieur  le  directeur. 

Je  lis  dans  le  dernier  n°  de  la  Revue  de  l'Art 
chrétien,  p.  508,  une  note  signée  X.  B.  de  M.,  des 
initiales  faciles  à  déterminer,  et  relative  à  la  boîte 
d'ivoire  sur  laquelle  j'ai  publié  un  article  dans  la 
même  Revue,  1898,  pp.  227-228.  Je  remercie  l'au- 
teurde  cette  noted'avoir  signalé  une  inconcevable 
omission  de  ma  part.  Depuis  longtemps,  en  effet, 
je  considère  les  coffrets  du  Musée  de  Dijon  comme 
des  boîtes  à  hosties,  et  je  les  ai  données  pour  tel- 
les, d'abord  dans  mon  ouvrage  :  Dijon,  monuments 
et  souvenirs,  publié  en  1894  et  qui  a  obtenu  de 
l'Académie  française  le  prix  Thérouanne  en 
1895,  ensuite  dans  un  article  publié  dans  le  Ma- 
gasin pittoresque,  1896,  pp.  255-256.  En  vérité,  il 
m'est  difficile  de  comprendre  comment  l'explica- 
tion a  pu  demeurer  au  fond  de  mon  encrier;  et 
dire  que  vous  m'avez  envoyé  deux  épreuves  et 
que  la  lacune  ne  m'a  pas  sauté  aux  yeux  ! 

Quoiqu'il  en  soit, je  suis  porté  plutôt  à  m'ap- 
plaudir  d'une  étourderie  à  laquelle  je  dois  d'avoir 
obtenu  pour  mon  explication  l'approbation  d'un 
érudit  tel  que  M.  X.  B.  de  M. 
Veuillez  agréer,  etc. 


Dijon,  le  12  janvier  I899. 


Henri  Ciiaiîeuf. 


mm®  TFrabauy  bes  JSoctctés  savantes,  s®*^ 


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Société  Nationale  des  Antiquaires  de 
France.  —  Séance  du  y  novembre  1898.  — 
M.  Corroyer  fait  une  communication  sur  la  cathé- 
drale de  Saint-Front  de  Périgueux. 

M.  Omont  fait  part  à  la  Société  des  résultats 
de  la  conférence  internationale  tenue  récemment 
à  St-Gall  (Suisse),  pour  étudier  les  moyens  d'as- 
surer la  conservation  des  plus  anciens  et  des  plus 
précieux  manuscrits. 

M.  le  commandant  Mowat  fait  une  communi- 
cation sur  un  bas-relief  représentant  St-Julien-le- 
Pauvre  et  sur  une  statue  de  Charlemagne  con- 
servée dans  cette  église. 

M.Cagnat  donne  lecture  d'une  note  de  M.  l'abbé 
Morillot,  curé  de  Sombernon,  sur  un  autel  votif 
dédié  aux  déesses  mères. 

M.  Michon  signale  une  statue  funéraire  de 
basse  époque  grecque,  que  l'on  a  prétendu  à  tort 
avoir  été  découverte  à  Clichy. 

Séance  du  0  novembre.  —  M.  le  Dr  Hascloff, 
de  Berlin,  lit  un  mémoire  sur  les  peintures  du 
Psautier  dit  de  S.  Louis,  que  possède  M.  Rustin, 
de  Coniston  Pake  (Angleterre),  et  compare  l'or- 
nementation de  ce  manuscrit  avec  celle  de  diffé- 
rents volumes  exécutés  pour  le  roi  S.  Louis. 

M.  Babelon  communique  un  moulage  conservé 
au  Musée  Britannique  du  grand  médaillon  d'or  de 
Justinien  qui  a  disparu  lors  du  vol  fait  en  1831 
au  Cabinet  des  Médailles. 

M.  Prou  propose  une  nouvelle  lecture  de  l'ins- 
cription de  la  châsse  dite  de  Mummole,  conservée 
à  St-Benoît-sur-Loire. 

M.  Ém.  Molinier  communique  un  coffret  en 
ivoire  sculpté,  récemment  acquis  par  le  Musée 
du  Louvre  et  qui  constitue  un  des  plus  beaux 
spécimens  de  l'art  arabe  implanté  en  Espagne. 
Il  présente  en  même  temps  un  magnifique  oli- 
phant en  ivoire  sculpté,  du  VIIIe  ou  IXe  siècle. 

M.  Héron  de  Villefosse  donne  lecture  de  diffé- 
rentes communications  de  MM.  l'abbé  Hamard, 
Brassard,  Dourif  et  le  capitaine  Espérandieu. 

Séance  du  23  novembre.  —  M.  Omont  fait  une 
communication  sur  le  projet  qu'avait  eu  Peiresc 
en  1622  de  faire  graver  et  de  publier  les  minia- 
tures du  célèbre  manuscrit  de  la  Genèse  de 
Cotton. 

M.  le  Cte  de  Lasteyrie  donne  lecture  d'une 
note  de  M.  de  Romejoux  sur  deux  statuettes 
gallo-romaines  découvertes  à  la  Bresly  près  de 
Villeron  Vaucluse. 


Séance  du  jo  novembre.  —  M.  E.  Michon  lit 
un  mémoire  sur  deux  monuments  conservés  au 
Musée  de  Montauban  ;  une  statuette  antique 
d'Éros  bandant  l'arc,  et  un  marbre,  surmonté  de 
trois  bustes  barbus,  avec  l'inscription  :  DUS  PR. 
OPI.  M.  HERENNI  VIVATIS. 

M.  Maurice  fait  une  communication  sur  quel- 
ques monnaies  nouvelles  de  Constantin  le  Grand. 

M.  S.  Berger  commente  quelques  peintures  du 
Codor  Rossanenois  des  évangiles  qui  viennent 
d'être  récemment  publiés  par  M.  le  Dr  Hascloff. 

Séance  du  y  décembre.  —  M.  Edgar  Mareuse 
entretient  la  Société  de  l'enseigne  en  bois  repré- 
sentant le  passage  de  la  Seine  par  St-Julien,  qui 
n'a  jamais  été  placée  dans  l'église  de  S.  Julien- 
le-Pauvre  mais  a  toujours  été  placée  sur  la  mai- 
son qui  portait  le  nom  de  l'image  de  S.  Julien. 
Cette  enseigne  est  aujourd'hui  au  Musée  Carna- 
valet. 

M.  Ém.  Molinier  communique  la  photographie 
d'un  dessin  artistement  exécuté  au  début  du 
XVe  siècle  à  l'occasion  de  la  modification  du 
costume  des  chevaliers  de  l'Ordre  de  St-Michel. 

M.  l'abbé  Thédenat  donne  lecture  d'une  note 
de  M.  G.  Saige  tendant  à  restituer  à  Barre-des- 
Cevennes  la  monnaie  mérovingienneà  la  légende 
BARRO  CAITSO  attribuée  à  Bar-Corrèze. 

M.  Babelon  communique  les  moulages  de  deux 
pierres  gravées  trouvées  en  France  et  récemment 
acquises  par  le  Cabinet  des  Médailles. 

Séance  du  ij  décembre.  —  M.  Maurice  commu- 
nique quelques  monnaies  nouvelles  de  Constan- 
tin le  Grand  conservées  dans  les  Musées  de 
Londres  et  de  Vienne. 

M.  Prou  communique  la  reproduction  de  frag- 
ments d'étoffes  anciennes  récemment  découvertes 
par  M.  l'abbé  Chartraire  dans  le  trésor  de  la 
cathédrale  de  Sens.  Sur  ces  fragments  d'étoffes  on 
voit  figurée  une  partie  de  la  vie  de  Joseph  avec 
légendes  grecques  en  lettres  onciales. 

M.  Schlumberger  insiste  sur  l'importance  de 
ces  fragments  dont  il  serait  porte  à  reculer  la  date 
jusqu'au  VIP  ou  VIIIe  siècle. 

M.  de  la  Tour  présente  quelques  remarques  au 
sujet  de  la  médaille  du  Christ  récemment  signa- 
lée par  M.  Poyer  d'Agen.  Il  rapproche  cette 
pièce  d'un  médaillon  de  facture  analogue  gravé  à 
Rome  à  la  fin  du  XVe  siècle  par  le  milanais 
Gio-Antonio  Rossi.  Ce  devait  être  une  sorte 
de  médaille  d'identité  portée  par  les  Juifs  con- 
vertis. 


Cratoaujr  Des  £>octété0  savantes. 


55 


M.  S.  Berger  critique  un  mémoire  de  M.  Léon 
Germain  sur  la  médaille  de  plomb  découverte  à 
Ste-Livrade  (Tarn-et-Garonne)  et  signalée  dans 
la  séance  du  13  juillet  dernier.  Cette  médaille 
n'est  autre  chose  qu'un  talisman  ou  une  mé- 
daille destinée  à  être  distribuée  à  des  Juifs 
convertis. 

M.  Caron  communique  une  série  de  pièces 
inédites  relatives  à  la  construction  des  Tuileries 
datées  de  1563  à  1570  et  restées  jusqu'ici  iné- 
dites. 

M.  J.-J.  Marquet  de  Vasselot  communique  les 
photographies  d'un  coffret-reliquaire,  conservé 
dans  le  trésor  de  l'église  abbatiale  de  Qued- 
limbourg  (Saxe  prussienne)  et  qui  est  orné  de 
plaques  en  ivoire  sculpté  du  Xe  siècle. 

Séance  du  21  décembre.  —  M.  l'abbé  Thédenat 
donne  quelques  renseignements  sur  les  travaux 
qu'on  exécute  en  ce  moment  au  Forum  romain 
et  sur  les  découvertes  faites  dans  les  temples  de 
Vesta  et  de  César. 

Il  donne  ensuite  lecture  d'une  note  deM.  l'abbé 
Marchand  relative  à  l'identification  des  poypes  de 
la  Bresse  avec  les  mottes  féodales. 

M.  le  Cte  de  Loisne  lit  un  mémoire  sur  les 
fouilles  récemment  entreprises  par  M.  de  Bayem- 
ghem  sur  l'emplacement  de  l'ancienne  cathé- 
drale de  Thérouanne. 

M.  l'abbé  Bouillet  donne  lecture  d'une  note 
sur  un  fragment  d'un  nouveau  manuscrit  des 
miracles  de  sainte  Foy  conservé  aux  archives 
départementales  de  l'Aveyron. 

M.  E.  Michon  lit  un  mémoire  de  M.  l'abbé 
Morillot  relatif  à  une  tête  de  Griffon  provenant 
de  l'ancien  temple  païen  de  Malain  (Côte  d'Or). 

M.  Cagnat  signale  la  découverte  récente  à  la 
pointe  de  la  Cité,  rue  de  la  Colombe,  d'une  por- 
tion de  l'ancien  mur  romain  de  Paris. 

M.  Babelon  communique  le  moulage  d'une 
pierre  gravée  récemment  acquise  par  le  Cabinet 
des  Médailles.  C'est  un  moule  en  serpentine  qui 
parait  devoir  être  rattaché  aux  pierres  gnos- 
tiques. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Let- 
tres. —  Séance  du  2c  octobre  i8ç8.  —  M.  Ch.-E. 
Bonin,  à  qui  l'Académie  a  confié  une  mission 
dans  la  haute  Asie,  adresse  un  rapport  sur  sa 
visite  aux  temples  d'Omei-Shan,  la  montagne 
sainte  des  Thibetains  et  des  Chinois  bouddhistes. 

M.  Foucart  lit  une  note  sur  une  découverte 
que  la  Société  archéologique  d'Athènes  a  faite  à 
Eleusis,  dans  une  nécropole  qui  renfermait  quatre 
couches    de    tombeaux.    La    couche    supérieure 


semble  dater  du  VIIe  ou  VIIIe  siècle  avant  notre 
ère  ;  mais  dans  la  couche  basse,  beaucoup  plus 
ancienne,  on  a  trouvé  deux  tombes  contenant 
des  parures  en  porcelaine  égyptienne,  des  scara- 
bées à  légendes  hiéroglyphiques  et,  dans  l'une 
d'elles,  une  statue  d'Isis. 

M.  Clermont-Ganneau  fait  une  communication 
sur  «  la  ville  royale  chananéenne  de  Gézer  », 
l'une  des  plus  anciennes  de  la  Palestine. 

Séance  du  4.  novembre.  —  M.  Héron  de  Ville- 
fosse  présente  quelques  observations  au  sujet 
d'une  inscription,  sur  un  disque  de  bronze,  qui 
vient  d'être  découvert  à  Lyon,  sur  la  colline  de 
Fourvière,  non  loin  de  l'emplacement  présumé 
de  l'atelier  monétaire. 

M.  Besnier,  membre  de  l'École  de  Rome,  fait 
une  communication  sur  les  fouilles  qu'il  a  exécu- 
tées en  Algérie  aux  frais  de  l'Académie  dans  le 
camp  romain  de  Lambèse. 

M.  Marcel  Schwob  lit  un  travail  sur  «  le  Grand 
et  le  Petit  Testament  de  Villon  ». 

Séance  de  18  novembre.  —  M.  Philippe  Fabia, 
professeur  à  l'Université  de  Lyon,  lit  un  chapitre 
intitulé  «  Le  règne  de  Poppée  »  d'une  étude  qu'il 
a  faite  sur  la  seconde  femme  de  Néron. 

M.  Viollet  lit  une  note  sur  la  signification  du 
mot  consul  dans  les  textes  du  moyen  âge. 

M.  Clermont-Ganneau  commence  l'explication 
de  divers  fragments  d'inscriptions  grecques  pro- 
venant de  la  Palestine. 

M.  Hamy  présente  à  l'Académie  un  ouvrage 
intitulé  C lave  gênerai  de  leroglificos  americanos 
de  don  Ignacio  Borunda,  manuscrit  inédit  que 
vient  de  publier,  à  Rome,  le  duc  de  Loubat. 

Séance  du  11  novembre.  —  M.  Héron  de  Ville- 
fosse  communique  une  note  de  M.  Pr.-P.  Thiers, 
relative  au  calendrier  en  bronze  de  Coligny  (Ain). 

M.  Delisle  fait  une  communication  sur  un 
mémoire  de  M.  de  Manteyer,  membre  de  l'école 
française  de  Rome,  relatif  au  manuscrit  540  du 
fonds  de  la  reine  de  Suède,  au  Vatican,  qui  con- 
tient un  martyrologe  à  l'usage  de  la  cathédrale 
de  Toulon. 

M.  Viollet  donne  lecture  d'un  mémoire  sur  la 
commune  et  les  membres  de  la  commune  au 
moyen  âge. 

M.  Cagnat  lit  une  nouvelle  note  du  lieutenant 
de  vaisseau  de  Roquefeuille  sur  les  sondages 
qu'il  a  opérés  dans  la  baie  du  Kram  pour  arriver 
à  la  connaissance  des  ports  antiques  de  Carthage. 

M.  Omont  fait  part  à  l'Académie  des  résultats 
de  la  conférence  internationale  tenue  récemment 
à  Saint-Gall  (Suisse)  pour  examiner  les  causes 
de    destruction    qui   menacent    les   très   anciens 


56 


3Rebuc  tir  P&rt  chrétien. 


manuscrits  et  étudier  les  moyens  d'assurer  leur 
conservation.  Le  P.  Ehrle,  préfet  de  la  Biblio- 
thèque Vaticane,  qui  avait  pris  l'initiative  de  la 
réunion  de  cette  conférence,  avait  pu,  grâce  à 
l'autorisation  libérale  du  souverain  pontife, mettre 
sous  les  yeux  des  membres  de  la  conférence  des 
spécimens  des  plus  anciens  et  des  plus  précieux 
manuscrits  de  la  Vaticane  restaurés  par  ses  soins  : 
les  deux  Virgiles  à  peinture,  le  palimpseste  du 
De  Republica  de  Cicéron,  le  Fronton,  le  Strabon, 
le  Suétone,  etc. 


Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de 
Bar-le-Duc.  —  Séance  dn  5  octobre  i8gS.  — 
M.  Léon  Germain  communique,  accompagnées 
d'une  notice,  deux  photographies  que  lui  a  adres- 
sées Mgr  Enard,  évêque  de  Cahors,  membre  de 
la  Société.  Elles  représentent  un  bras-reliquaire 
conservé  dans  une  paroisse  de  son  diocèse  et 
renfermant  une  relique  du  roi  saint  Louis,  auquel 
l'église  est  dédiée.  A  défaut  d'authentique,  il  y  a 
lieu  de  joindre  à  la  tradition  et  à  la  possession, 
l'examen  ostéologique  et  l'étude  archéologique. 
Sur  ce  dernier  point,  le  bras-reliquaire  est  un 
objet  très  intéressant  et  artistique  :  le  style  qui 
indique  la  fin  du  XIIIe  siècle,  le  geste  et  la 
richesse  de  la  décoration  où  se  remarquent  un 
grand  nombre  de  fleurs  de  lis,  paraissent  réelle- 
ment se  référer  au  saint  roi.  M.  Germain,  espère 
que  ses  confrères  seront  comme  lui,  reconnais- 
sants à  Mgr  Enard  de  cette  communication. 

Congrès  des  Sociétés  savantes  à  Toulouse 
en  1899.  —  Le  ministre  de  l'instruction  publique 
a  désigné  la  ville  de  Toulouse  comme  devant 
être  le  siège  du  prochain  congrès  des  Sociétés 
savantes,  au  mois  d'avril  1899.  Nous  publions 
ci-dessous  parmi  les  sujets  proposés  aux  érudits 
ceux  qui  intéressent  le  plus  nos  lecteurs  :  le  pro- 
gramme comporte  en  outre  toute  une  série  de 
questions  relatives  à  l'histoire  de  Toulouse  et  du 
Languedoc. 

Archéologie  du  moyen  âge.  —  Étudier  et 
décrire  les  poids  des  villes  du  Midi  de  la  France 
au  moyen  âge;  rechercher  ceux  de  ces  monu- 
ments qui  ne  seraient  pas  encore  déposés  dans 
les  musées. 

Dresser  la  liste,  avec  plans  et  dessins  à  l'appui, 
des  édifices  chrétiens  et  des  monuments  sculptés 
d'une  province  ou  d'un  département  réputés  an- 
térieurs à  la  période  romane. 

Étudier  les  caractères  qui  distinguent  les  di- 
verses écoles  d'architecture  religieuse  à  l'époque 
romane,  en  s'attachant  à  mettre  en  relief  les  élé- 
ments constitutifs  des  monuments  (plan,  voûtes, 
etc.). 


Cette  question,  pour  la  traiter  dans  son  ensemble,  sup- 
pose une  connaissance  générale  des  monuments  de  la 
France,  qui  ne  peut  s'acquérir  que  par  de  longues  études 
et  de  nombreux  voyages.  Aussi  n'est-ce  point  ainsi  que 
le  Comité  la  comprend.  Ce  qu'il  désire,  c'est  provoquer 
des  monographies  embrassant  une  circonscription  don- 
née, par  exemple  un  département,  un  diocèse,  un  arron- 
dissement, et  dans  lesquelles  on  passerait  en  revue  les 
principaux  monuments  compris  dans  cette  circonscrip- 
tion, non  pas  en  donnant  une  description  détaillée  de 
chacun  d'eux,  mais  en  cherchant  à  dégager  les  éléments 
caractéristiques  qui  les  distinguent  et  qui  leur  donnent 
un  air  de  famille.  Ainsi,  on  s'attacherait  à  reconnaître 
quel  est  le  plan  le  plus  fréquemment  adopté  dans  la  ré- 
gion ;  de  quelle  façon  la  nef  est  habituellement  couverte 
(charpente  apparente,  voûte  en  berceau  plein  cintre  ou 
brisé,  croisées  d'ogives,  coupoles)  ;  comment  les  bas- 
côtés  sont  construits,  s'ils  sont  ou  non  surmontés  de  tri- 
bunes, s'il  y  a  des  fenêtres  éclairant  directement  la  nef, 
ou  si  le  jour  n'entre  dans  l'église  que  par  les  fenêtres  des 
bas-côtés  ;  quelle  est  la  forme  et  la  position  des  clochers  ; 
quelle  est  la  nature  des  matériaux  employés  ;  enfin,  s'il 
y  a  un  style  d'ornementation  particulier,  si  certains  dé- 
tails d'ornement  sont  employés  d'une  façon  caractéristique 
et  constante,  etc. 

Rechercher,  dans  chaque  département  ou  ar- 
rondissement, les  monuments  de  l'architecture 
militaire  en  France  aux  diverses  époques  du 
moyen  âge.  Signaler  les  documents  historiques 
qui  peuvent  servir  à  en  déterminer  la  date.  Ac- 
compagner les  communications  de  ce  genre  de 
dessins  et  de  plans. 

Signaler,  dans  chaque  région  de  la  France,  les 
centres  de  fabrication  de  l'orfèvrerie  pendant  le 
moyen  âge.  Indiquer  les  caractères  et  tout  spé- 
cialement les  marques  et  poinçons  qui  permettent 
d'en  distinguer  les  produits. 

Il  existe  encore  dans  un  grand  nombre  d'églises,  prin- 
cipalement dans  le  Centre  et  le  Midi,  des  reliquaires, 
des  croix  et  autres  objets  d'orfèvrerie  qui  n'ont  pas  encore 
été  étudiés  convenablement,  qui  bien  souvent  même  n'ont 
jamais  été  signalés  à  l'attention  des  archéologues.  Il  con- 
vient de  rechercher  ces  objets,  d'en  dresser  des  listes 
raisonnées,  d'en  retracer  l'histoire,  de  découvrir  où  ils 
ont  été  fabriqués,  et,  en  les  rapprochant  les  uns  des  autres, 
de  reconnaître  les  caractères  propres  aux  différents  cen- 
tres de  production  artistique  au  moyen  âge. 

Recueillir  des  documents  écrits  ou  figurés  in- 
téressant l'histoire  du  costume  dans  une  région 
déterminée. 

Au  moyen  âge,  il  y  avait  dans  beaucoup  de  provinces 
des  usages  spéciaux  qui  influaient  sur  les  modes.  Ce  sont 
ces  particularités  locales  qu'on  n'a  guère  étudiées  jus- 
qu'ici. Il  serait  intéressant  d'en  rechercher  la  trace  sur 
les  monuments. 

Signaler  les  carrelages  de  terre  vernissée,  les 
documents  relatifs  à  leur  fabrication  et  fournir 
des  calques  des  sujets  représentés. 


Cratoatu*  &e0  Sociétés  savantes, 


57 


Académie  d'archéologie  d'Anvers.  —  L'A- 
cadémie royale  de  Belgique,  dans  sa  séance  de 
décembre  dernier,  a  entendu  la  lecture  d'un 
intéressant  travail  de  M.  E.  Soil.de  Tournai,  sur 
les  faïences  tournaisiennes. 

L'auteur  a  décrit  et  étudié  comparativement 
les  pièces  les  plus  importantes  qui  ont  récem- 
ment figuré  à  l'exposition  d'art  ancien  de 
Tournai. 

Passant  en  revue  l'origine  et  les  développe- 
ments de  cette  industrie  si  artistique,  il  montre 
Scorian,le  premier  faïencier  tournaisien,  ouvrant 
un  atelier  dès  1670  et  y  faisant  travailler  des 
ouvriers  hollandais.  Puis  viennent  les  fabriques 
fort  connues  des  Simon,  des  Caluwé  et  des 
Beghin,  prédécesseurs  de  l'établissement  si  im- 
portant de  Carpentier  qui  florissait  à  la  fin  du 
siècle  passé. 

Les  produits  de  ces  divers  ateliers  furent  fort 
abondants  et  adoptèrent  les  genres  de  décoration 
les  plus  divers.  Les  fabriques  de  Tournai  et  leurs 
succursales  de  Saint-Amand  fournissent  des  pro- 
duits d'un  intérêt  artistique  indéniable  et  d'une 
variété  fort  grande.  On  est  tout  étonné  de  devoir 
restituer  aux  ateliers  de  Tournai  des  faïences 
qui,  à  première  vue,  sembleraient  appartenir  à  la 
fabrication  de  Bruges,  de  Bruxelles,  de  Stras- 
bourg ou  de  Rouen. 

M.  le  docteur  Bamps,  de  Hasselt,  exhibe  une 
curieuse  sonnette  coulée,  en  1574,  pour  Thomas 
Grammey.  Elle  porte  les  armoiries  de  ce  person- 
nage et  est  ornée  de  divers  motifs,  représentant 
des  épisodes  d'une  chasse  au  chien  courant,  etc. 
M.  Bamps  croit  pouvoir  affirmer  que  cet  objet 


est  de  fabrication  allemande;  il  fournit  de  nom- 
breux détails  au  sujet  de  la  famille  et  de  la 
personne  de  Grammey,  natif  d'Anvers,  mais 
descendant  d'une  illustre  famille  italienne. 

M.  Donnet  émet  une  opinion  différente.  Il 
affirme,  en  procédant  par  comparaison,  que 
cette  relique  campanaire  n'est  pas  allemande 
mais  bien  malinoise,  et  qu'elle  proviendrait  de 
l'atelier  du  célèbre  fondeur  Pierre  Van  den  Gheyn. 
Il  démontre  également  que  les  renseignements 
fournis  sur  Thomas  Grammey  sont  inexacts  et 
inventés  par  les  généalogistes  complaisants  du 
XVIe  siècle.  Au  début  de  sa  carrière,  en  1500, 
l'auteur  de  cette  famille  était  ouvrier  à  la  mon- 
naie d'Anvers  et  en  même  temps  cabaretier  à 
l'enseigne  de  Lituhvonn,  rue  Haute. 

Donnant  quelques  détails  complémentaires  au 
sujet  des  sonnettes  historiées  du  XVIe  siècle, 
dont  les  collectionneurs  de  France  surtout  se  dis- 
putent les  exemplaires,  M.  Donnet  prouve  que  le 
fondeur  dont  les  produits  sont  les  plus  recher- 
chés, Joannes  a  Fine  ou  Van  Eynde,  n'était, 
comme  on  l'a  imprimé,  ni  Brugeois,  ni  Malinois, 
mais  bien  Anversois,  et  qu'il  était  le  fournisseur 
attitré  du  Magistrat  de  la  ville. 

M.  Blomme.de  Termonde,  exhibe  ensuite  un 
fort  intéressant  poignard  récemment  trouvé  dans 
l'Escaut  à  Termonde.  Le  manche  en  cuivre,  d'un 
travail  fort  curieux,  porte  une  inscription  dont  le 
sens  est  incompréhensible  et  qui  semble  être 
talismanique.  Suivant  l'orateur,  ce  serait  un  pro- 
duit de  l'industrie  Scandinave  du  XVIIe  siècle  ; 
d'autres  membres,  au  contraire,  croient  pouvoir 
attribuer  à  cette  arme  une  origine  plus  ancienne 
et  la  dater  du  XVe  siècle. 


KEVl   E    UE    L  AKT    CHKElll-.N. 
1899.    —    Ire    LIVRAISON 


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ffWWW^fWWWWWWWWWWWWWf 


LE  PORTUGAL  ET  LE  SAINT-SIEGE.  LES 
ÉPÉES  D'HONNEUR  ENVOYÉES  PAR  LES 
PAPES  AUX  ROIS  DE  PORTUGAL  AU  XVIe 
SIÈCLE.  MÉMOIRE  LU  AU  IVe  CONGRÈS 
SCIENTIFIQUE  INTERNATIONAL  DES  CA- 
THOLIQUES A  FRIBOURG,  par  le  marquis  Mac 
Swinev  de  Mashanaglass,  Chambellan  intime  de  Sa 
Sainteté.  Paris,  Alph.  Picard  et  fils,  éditeurs,  1898. 

jj|g!^j|Éy?OS  lecteurs  connaissent  le  sujet  de 
|  jflfjiSif^E  la  dissertation  lue  au  IVe  Congrès 
|  fvMflwii  de  Eribourg,  par  M.  le  marquis  de 
lp  IpISjOII  Masnanag'ass-  Us  savent,  grâce  à 
ît'-is'w  vy^Htè  l'étude  publiée  dans  cette  Revue  par 
notre  savant  collaborateur,  M.  Eug.  Miintz  (*), 
l'importance  historique  des  épées  d'honneur  en- 
voyées aux  princes  par  les  papes  ;  ils  savent  aussi 
la  haute  distinction  que,  dans  l'esprit  des  Souve- 
rains-Pontifes, comme  dans  celui  des  souverains 
qui  les  recevaient,  conféraient  ces  insignes. 

L'auteur  du  mémoire  reprend  le  sujet  traité 
dans  son  ampleur  et  sa  généralité  par  M.  Mùntz, 
pour  en  étudier  les  épisodes  historiques  relatifs 
au  Portugal,  sa  patrie.  Le  mémoire  est  écrit  avec 
élégance  et  un  accent  patriotique  qui  ne  laisse 
pas  que  d'intéresser  le  lecteur.  Il  s'aperçoit,  en 
effet,  bientôt,  que  le  marquis  de  Mashanaglass  est 
un  catholique  de  vieille  roche,  sincèrement  dévoué 
à  son  pays,  à  la  gloire  de  sa  patrie,  à  l'Eglise 
comme  à  la  royauté  qui  est  la  plus  haute  expres- 
sion de  son  pays. 

C'est  dans  cet  esprit  qu'après  avoir  rapporté 
avec  de  nombreux  et  d'intéressants  détails,  les 
rapports  religieux  et  politiques  du  Saint-Siège 
avec  le  Portugal,  et  notamment  ceux  de  Pie  V 
et  de  Grégoire  XIII  avec  le  roi  Dom  Sébastien,  il 
relate  comment,  par  un  bref  daté  du  10  sept.  1567, 
le  Saint-Père  conféra  au  jeune  et  chevaleresque 
prince,  nouvellement  monté  sur  le  trône,  le  cha- 
peau et  l'épée. 

C'est  le  cardinal  Jean  André  Cagliari  qui  fut 
chargé  de  porter  au  roi  de  Portugal  les  précieux 
insignes;  l'auteur  donne,  en  rapportant  le  voyage 
du  nonce  et  son  arrivée  à  destination,  des  détails 
nombreux  et  précis  tirés  des  archives  papales  sur 
le  cérémonial  en  usage  pour  la  remise  du  cha- 
peau et  de  l'épée  au  roi  Sébastien.  Ces  renseigne- 
ments historiques  sont  corroborés  par  la  relation 
faite  par  le  cardinal  de  sa  mission.  Ils  forment  la 
partie  la  plus  neuve  et  la  plus  intéressante  du 
mémoire  de  M.  le  marquis  de  Mashanaglass. 

J.  H. 

1.  Revue  de  V Art  chrétien ,  1889,  3"''  série,  t.  VII,  pp.  408-411,  et 
1890,  4"'0  série,  t.  I,  p.  281. 


FONDATION  EUG.  PIOT.  MONUMENTS  ET 
MÉMOIRES,  publiés  par  X Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres.  In-40,  189S,  t.  IV.  Paris,  Leroux. 

LA  part  faite  au  moyen  âge  dans  le  t.  IV  des 
Monuments  et  Mémoires  de  la  fondation 
Piot  est  peut-être  moins  considérable  que  dans 
les  volumes  précédents.  Mais  il  faut  reconnaître 
que  l'année  1897  avait  été  fertile  en  découvertes 
antiques  admirables  et  que,  si  dans  le  premier 
fascicule  deux  chapitres  étaient  réservés  aux 
études  médiévales,  le  buste  d'Elché,  l'aurige  de 
Delphes,  les  Mosaïques  Virgiliennes  de  Sousse, 
étaient  de  celles  que  leur  actualité  comme  leur 
importance,  désignaient  pour  cette  publication 
dont  l'intérêt  est  toujours  égal,  dont  les  notices 
sont  toujours  impeccables,  dont  l'exécution  est 
toujours  irréprochable.  Nos  études  sont  ici  repré- 
sentées par  trois  notices  signées  de  noms  bien 
connus  des  travailleurs.  Après  M.  Ém.  Molinier, 
qui  décrit  un  phylactère  du  XIIIe  siècle  de  la 
collection  de  M.  Martin  Le  Roy,  à  Paris,  il  ne 
reste  guère  à  glaner.  Bien  que  le  petit  monument 
ne  soit  pas  inédit,  il  n'avait  jamais  été  donné  de 
le  voir  représenté  avec  cette  netteté,  de  lire  avec 
cette  certitude  l'inscription  et  le  petit  authen- 
tique du  XVIe  siècle  qui  l'accompagne,  d'en 
pouvoir  par  conséquent  préciser  avec  certitude 
l'origine  et  la  destination.  L'origine  ?  L'inscrip- 
tion en  repoussé  va  nous  la  donner  : 

+  AN(n)0  '  D(omi)NI  •  M  ■  CC  •  XLVII  ■  I(n)FESTO  ■ 
AP(osto)LOR(um)  ■  PETRI  ■  PAVLI  ■  RENOVATA  ■ 
E(st)  ■  H(aec)  ■  ROTA  ■  ET  ■  HEE  ■  RELIQ(u)IE  ■ 
I(n)  •  EA  •  RECONDITE  •  D(e)  ■  VE  11  STE  ■  D(omi)N  I  ■ 
ANDREEA  (sic)  ■  BARTHOLOMEI  ■  THOME  ■  SY- 
MONIS  •  IVDE  ■  STEPH(an)I  ■  M(artyris)  •  AGNE- 
TIS  •  MAVRICII  •  MARTINI  +  ,  Ceci  est  écrit  sur 
la  tranche.  Sur  le  revers :+  GORDIANI  •  EPIM  11 
ACHI  •  CORBIN  II  IANI  -DION  II  ISII  '  PAN(cracii).— 

+  PANTHALEOIINIS  ■  M(artyris)  ■  CASMSIANI, 
E(t)  Il  AL(iorum)  ■  SAN(ctorum). 

Sur  le  petit  authentique  manuscrit  on  lit  :  Hoc 
osctiluin  renovatu(m)  est  stib  Christoforo  :  Bon- 
h(e)r:  abbate  huj'us  mo  |[  nasterii  Marchtalli  an- 
(11)0  155S,  ç  Maii. 

M.  M.  est  persuadé  que  le  «  renovata  est  hœc 
rota  »  bien  qu'amphibologique,  désigne  une 
réfection  totale  et  pas  une  restauration  :  et  ce- 
pendant le  petit  authentique  ne  dit-il  pas  aussi 
Hoc  osculum  renovatum  est  anno  155S  ? 

Nous  sommes  certain  pourtant  que  la  pièce 
est  du  XIIIe  siècle  et  n'a  pas  été  refaite  au  XVIe: 
il  n'y  a  donc  pas  là  un  argument  absolument  con- 
vaincant. Cependant  je  partage  l'avis  de  M.  M. 


Bibliographie. 


59 


Mais  si  je  date  ce  petit  monument  de  la  pre- 
mière moitié  du  XIIIe  siècle,  c'est  bien  plutôt 
parce  que  les  reliques  que  nous  y  trouvons  sont 
de  celles  qui  furent  rapportées  de  Constantinoplc 
par  les  Croisés  et  j'opinerais  beaucoup  plus 
volontiers  que  le  jour  de  la  fête  des  SS.  Pierre 
et  Paul  de  l'année  1247,  ce  reliquaire  fut  ré- 
paré, pour  y  mettre  les  reliques  suivantes  : 
DE  VESTE  DOMINI  etc..  qu'un  croisé  venait 
peut-être  de  donner  à  l'abbaye  de  Marchtal. 
Mais  ceci  n'est  qu'une  discussion  sur  des  mots: 
le  reliquaire  est  du  commencement  du  XIIIe' 
siècle  ;  peut-être  seulement  la  face  avec  ses  fili- 
granes, et  le  cercle  qui  borde  le  revers,  sont- 
ils  de  quelques  années  plus  anciens  que  l'inscrip- 
tion, qui  serait  la  partie  de  la  «  rota  renovata». 
C'est  le  seul  point  qui  est  discutable.  Quant  à 
Vosculum,  M.  M.  ne  se  trompe  pas  en  le  traduisant 
par  paix.  Dans  la  liturgie  actuelle,  si  les  membres 
du  clergé  ont  conservé  pour  eux  dans  les  céré- 
monies de  la  messe  l'usage  des  baisers  liturgi- 
ques, pour  le  peuple,  c'est  la  patène  portant  l'a- 
gneau, qui  sert  de  paix  ;  il  est  donc  très  proba- 
ble que  ce  petit  reliquaire  portatif,  rempli  de 
reliques  précieuses,  était  devenu  l'instrument  de 
paix  de  l'abbaye  de  Marchtal,  au  diocèse  de 
Constance. 

M.  Eug.  Mlintz,  avec  son  habituelle  précision 
et  sa  science  critique  si  fine,  décrit  le  tombeau 
de  Jean  Cossa,  comte  de  Troja,  qu'il  a  visité  dans 
la  crypte  de  Sainte-Marthe  de  Tarascon.  Au  pas- 
sage, il  signale  dans  l'église  un  triptyque  à  fond 
d'or,  daté  de  1 5 1 5,  une  Adoration  des  Mages,  un 
Miracle  de  sainte  Marthe. 

En  quelques  lignes  il  trace  la  biographie  de 
Jean  Cossa,  «  la  plus  belle  acquisition  que  le  roi 
René  ait  faite  en  Italie  ».  Il  cite  d'abord  les  points 
de  contact  qui  ont  existé  entre  Cossa  et  le  sculp- 
teur Laurana.  Tous  deux  ont  quitté  Naples  pour 
s'attacher  au  roi  René,  tous  deux  ont  vécu  côte 
à  côte  en  Provence,  Laurana  enfin  a  fait  en  1466 
une  médaille  de  Jean  Cossa.  Il  détaille  alors  le 
mausolée  de  Charles  du  Maine  à  la  cathédrale  du 
Mans,  le  retable  de  Saint-Didier  à  Avignon,  le 
monument  de  Saint-Lazare  à  Marseille,et  il  en  fait 
le  rapprochement  le  plus  précis  de  sévérité,  de 
sobriété,  de  correction,  d'élégance  avec  l'œuvre 
de  Laurana.  Mais  il  s'arrête  au  soubassement  et 
à  la  statue  même  ;  car  dans  les  génies,  dans  les 
pilastres,  par  des  aperçus  auxquels  le  maître 
nous  a  habitués,  il  distingue  une  autre  main,  une 
collaboration  qu'il  n'hésite  pas  à  attribuer  à  To- 
maso  Malvito. 

Enfin  M.  Eug.  M.  n'abandonne  pas  Tarascon, 
sans  chercher  d'autres  traces  de  Laurana.  Il  les 
aperçoit  dans  une  fenêtre  de  la  prison  départe- 
mentale.   L'épigraphiste,    l'historien,  reprennent 


là  leurs  droits  :  et  c'est  sur  les  itinéraires  du  roi 
René,  sur  la  forme  des  lettres  qu'il  discute  autant 
que  sur  le  faire  même  du  monument.  Ses  argu- 
ments, comme  d'ailleurs  toutes  les  fois  qu'il  ap- 
profondit une  question,  sont  de  la  plus  haute  va- 
leur, et  la  conviction  qu'il  s'est  formée  surplace, 
nous  pénètre,  à  la  lecture  de  son  étude. 

L'entrée    dans   la    collection    Camondo   d'un 
masque  d'homme,    en    cuivre  repoussé   et  doré, 


Buste  de  Ste  Fortunade. 
(Bois  communique  par  la  Gazette  des  BeauX'Arts.) 

est  pour  M.  J.-J.  Marquet  de  Vasselot  l'occasion 
de  nous  présenter  un  masque  de  femme,  aujour- 
d'hui au  Musée  d'Angers,  qui,  avec  le  masque 
d'homme  fit  naguère  partie  de  la  collection  Mor- 
dret  d'Angers,  dispersée  en  18S1.  Ce  sont  là 
deux  pièces  bien  curieuses.  Sur  leur  «  provenance 
de  l'abbaye  de  Saint-Florent-le-Vieil  (Maine-et- 
Loire)  »,  ainsi  que  le  voulaient  faire  croire  les 
étiquettes,  âgées  de  plus  d'un  demi-siècle,  collées 
à  l'intérieur,  nous  ne  saurions,  après  l'enquête  de 
M.  de  V.,  conserver  aucune  illusion.  L'érudit  au- 


6o 


Hetme  tic  r&vr  chrétien. 


teur  n'a  rien  trouvé  dans  les  archives  de  Saint- 
Florent  qui  pût  le  mettre  sur  la  trace  des  masques 
funéraires,  dont  réellement  l'importance  n'aurait 
pas  échappé  aux  chroniqueurs  du  temps  passé. 
Mais  si  nous  avons  quelques  regrets  de  ne 
pouvoir  pénétrer  leurs  origines,  nous  éprouvons 
devant  ces  figures  hiératiques,  une  impression 
très  particulière.  Je  ne  saurais  en  effet,  comme 
M.  de  V.,  trouver  l'exécution  du  masque  de 
femme  très  faible,  pas  plus  d'ailleurs  que  celle 
des  figures  des  deux  chefs-reliquaires  inédits,  de 
Saint- Martin  de  Brives,  et  de  la  collection  Des- 
mottes. En  vérité,  ce  n'est  pas  le  chef  si  exquis 
de  sainte  Fortunade,  mais  n'ont-ils  pas  cette  sa- 
veur de  terroir  très  spéciale  qu'on  goûte  avec 
plus  de  plaisir  encore,  quand  on  a  vu  à  l'étran- 
ger, à  Turin  par  exemple,  proposer  à  notre  ad- 
miration   les   trois   tristes   bustes-reliquaires,  — 


tristes  est  bien  l'adjectif  qui  leur  convient  —  de 
Santa  Corona,  de  Santa  Appollonia,  de  San 
Vittore,  exécutés  en  1398  et  appartenant  aujour- 
d'hui à  l'église  de  Saint- François  de  Padoue  ? 

Décidément  nos  vieux  maîtres  provinciaux  ne 
sont  pas  à  dédaigner.  Rien  ne  vaut  pour  nous 
les  faire  admirer  comme  une  pointe  à  l'étranger 
et  une  étude  comme  celle  que  je  viens  d'analyser 
rapidement.  DE  MÉ[  y 

LE  MONT  SAINT-MICHEL,  par  l'abbé  A.  BoUIL- 
let,  24  planches  en  héliogravure  et  79  gravures  dans 
le  texte  d'après  les  photographies  de  Henri  Magron, 
Lemale  et  C'e,  imprimeurs-éditeurs  au  Havre. 

ON  remplirait  aisément  une  bibliothèque  avec 
les  livres  écrits  sur  le  célèbre  Mont  des  Mar- 
ches Normandes  (•):  les  archéologues,  les  artistes, 


Abbaye  du  Mont    Samt-Michel.    -  Salle  des  Chevaliers. 
1.  V.  Revue  de  l'Art  chrétien,  années  1883,  p.  441  ;  1886,  p.  536  ;  1887,  p.  247  ;  1889,  pp.  12S  el  141. 


Bibliographie. 


61 


les  savants,  les  historiens,  les  touristes  trouvent 
aisément  de  nombreux  ouvrages  écrits  à  leurs 
divers  points  de  vue.  L'un  des  meilleurs  est  sans 
conteste   celui  de  M.  Corroyer,   le  savant  archi- 


tecte restaurateur  du  Mont  St-Michel  :  aucun 
auteur  n'était  mieux  à  même  d'en  faire  une  mono- 
graphie archéologique  :  elle  est  complète  sous 
le  double  rapport  du  texte  et  des  plans. 


Abbaye  du   Mont  Saint-Michel.  —  Grotte  de  l'Aquilon. 


D'autres  écrivains  ont  préféré  le  côté  pitto- 
resque ou  historique  du  monument  ;  tel  notre  ami, 
M.  Ernest  Goethals,   dont   la  plume   élégante  a 


tracé  du   Mont  merveilleux  un    tableau  plein  de 
charme  et  de  poésie. 

Mais  à  toutes  ces  publications  manquait  l'union 


62 


Hetme  t>e  l'ftrt  cfjrétten. 


de  l'illustration  et  du  texte,  nous  entendons  par- 
ler de  l'illustration  sérieuse,  consciencieusement 
faite,  jointe  à  une  description  complète. 


Le  livre  que  nous  présentons  à  nos  lecteurs 
réunit  toutes  ces  qualités  au  plus  haut  degré  ;  il 
fait  partie  du  vaste  ouvrage  que  MM.  Lemale  et 


u 

I 


Cie,  éditeurs  au  Havre,  ont  entrepris  à  la  gloire 
de  leur  province  :  La  Normandie  pittoresque  et 
monumentale. 


L'auteur  de  la  monographie  du  Mont-St- 
Michel  appartient  au  clergé  de  France;  M.  l'abbé 
Bouillet  réunit  les  qualités  de  l'écrivain,  du  pen- 


Bibliographie. 


63 


seur,  de  l'historien,  de  l'archéologue.  Son  style 
est  sobre  et  élégant:  sa  pensée  est  nette  et  pré- 
cise; puisant  aux  meilleures  sources,  il  coordonne 


les  travaux  de  ses  devanciers,  il  les  complète  et 
trace  de  haute  main  un  tableau  excellent  du 
Mont  Michaelesque. 


Nous  comprenons  son  enthousiasme  et  nous 
le  partageons  :  en  feuilletant  ce  beau  livre,  nous 
avons  revécu  les  journées  délicieuses  passées  sur 


la  grève,  dans  la  pittoresque  rue,  sur  les  remparts, 
dans  la  Merveille,  à  l'église,  au  cloître,  d'où  l'on 
jouit  d'un  panorama  admirable  sur  la  Bretagne, 


64 


3&ct>uc  tic  rart  chrétien. 


le   Mont-Dol,   la   pointe  de  Cancale   et  la  mer. 

L'Histoire  du  Mont  St-Michel  n'est-elle  pas 
l'histoire  de  la  France,  légendaire  dans  ses  ori- 
gines, chrétienne  dans  les  premiers  temps  de  son 
histoire,  chevateresque  à  l'âge  d'or  de  la  foi  et  de 
l'art,  vacillante  bientôt  sous  l'influence  du  despo- 
tisme et  de  la  richesse,  étendue  à  terre,  brisée, 
anéantie  par  la  tourmente  révolutionnaire?  Les 
moines  firent  la  France  chrétienne  :  ce  furent  eux 
qui,  à  force  de  travail,  de  science,  de  génie  artis- 
tique, lancèrent  vers  les  deux  cette  église  aé- 
rienne et  cette  admirable  construction,  justement 
appelée  la  Merveille,  dans  laquelle  l'élégance  des 
formes,  la  finesse  et  la  délicatesse  des  sculptures 
ne  le  cèdent  en  rien  ni  à  la  beauté  solennelle  de 
la  ligne  architecturale,  ni  à  la  hardiesse  de  con- 
struction.5'imagine-t-on  les  difficultés  pour  élever 
un  monument  de  granit  de  70  mètres  de  hauteur 
sur  le  flanc  escarpé,  presque  à  pic,  d'un  rocher 
isolé  au  milieu  d'une  grève  mouvante?  Vraiment 
l'esprit  reste  confondu  devant  un  pareil  poème  de 
pierre  ! 

Et  que  de  difficultés  de  tous  genres  au  cours 
de  ces  dix  siècles!  la  guerre,  l'incendie  viennent 
tour  à  tour  arrêter  ou  détruire  l'œuvre  commen- 
cée :  de  là  ces  constructions  enchevêtrées,  souve- 
nirs du  XIe  au  XI IIe siècle,  qui  soulèvent  encore 
de  nombreux  problèmes  malgré  les  savantes 
recherches  de  M.  Corroyer. 

Mais  de  toutes  ces  constructions,  de  ces  murs 
hardis,  de  ces  fortifications,  de  ces  tours  et  tou- 
relles, de  ces  pinacles,  de  ces  dentelles  de  pierre, 
se  dégage  une  expression  d'art  puissant  qui  force 
l'admiration  :  on  sent,  on  tâte  le  génie  d'une 
grande  époque.  Oh  !  qu'ils  devaient  être  beaux 
ces  cloîtres  aériens,  ce  temple  majestueux,  cette 
Salle  des  chevaliers,  ce  Réfectoire  des  hôtes,  le 
Promenoir  lorsque  les  moines  les  peuplaient,  y 
jetaient  la  vie  et  répandaient  dans  cette  grande 
ruche,  le  bourdonnement  de  la  prière  et  l'activité 
du  travail  ! 

Mais  le  livre  de  M.  l'abbé  Bouillet  serait  in- 
complet, malgré  le  luxe  d'impression  de  cet  in- 
folio, s'il  n'était  illustré  avec  un  soin  et  un  talent 
parfaits. Les  clichés  de  M.  Magron  sont  excellents 
au  double  point  de  vuede  la  technique  et  de  l'art  ; 
leurs  reproductions  ne  laissent  rien  à  désirer,  au 
moins  pour  les  héliogravures  :  il  n'en  est  pas  de 
meilleures  ;  les  zincogravures  dans  le  texte  sont 
généralement  très  bonnes  :  trois  ou  quatre  à 
peine  mériteraient  une  réserve. 

L'absence  d'une  carte  et  d'un  plan  général  est 
à  regretter  :  mais  cette  légère  critique  n'enlève 
lien  aux  éloges  très  grands  que  mérite  cet  ou- 
vrage. Nous  adressons  nos  plus  sincères  félicita- 
tions à  M.  l'abbé  Bouillet,  à  M.  Magron  et  aux 
éditeurs,  M. M.  Lemale  et  Cie  :  leur  travail  mérite 


de  prendre  place  dans  la  bibliothèque  de  tous  les 
amateurs  :  c'est  le  succès  que  nous  lui  souhai- 
tons. 

Jos.  Casier. 

NOELS  DU  BAS-LIMOUSIN,  recueillis  par  Er- 
nest Rupin.  Musique  de  Frédéric  Noulet  (dans  le 
Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  la  Correze,  Brive, 
1S9S,  t.  XX,  pp.  21-147). 

LES  recueils  de  Noëls  sont  nombreux,  toutes 
nos  provinces  ont  le  leur.  Il  manquait  à  la 
collection  ceux  du  Bas-Limousin,  autrement  dit 
de  la  Corrèze,  que  le  président  de  la  Société  ar- 
chéologique de  ce  département  vient  de  publier, 
au  nombrede  trente-deux, en  les  accompagnant  de 
la  traduction  française,  car  ils  sont  composés  en 
patois,  et  de  la  musique.  Je  pense  que  l'auteur 
en  aura  fait  un  tirage  à  part  ou  s'empressera  d'en 
donner  au  public  une  édition  définitive  ;  elle  ga- 
gnerait même  beaucoup  à  être  illustrée  avec  les 
monuments  contemporains,  car  ces  Noëls  ne  re- 
montent guère  au  delà  des  deux  derniers  siècles. 
Il  y  a  des  traits  que  nous  ne  devons  pas  lais- 
ser échapper.  Le  3e  Noël  dit,  en  parlant  de  l'An- 
nonciation : 

<{  L'ange  Gabriel  prit  la  volée, 

Vive  Jésus  ! 

A  Nazareth  il  alla. 

Alléluia! 

Il  trouva  la  porte  fermée, 

Vive  Jésus  ! 

Par  la  fenêtre  il  entra. 

Alléluia. 

Il  trouva  la  Vierge  en  prière. 

Vive  Jésus  ! 

A  la  Santa  Casa  de  Lorette,  on  montre  la 
fenêtre  par  laquelle  entra  le  messager  céleste. 
L'iconographie,  depuis  le  XVe  siècle,  représente 
Marie  en  prière. 

Le  19e  Noël  débute  ainsi  : 

«  Cette  nuit  JÉSUS  est  né  pour  nous  sauver. 

«  Une  Vierge  l'a  produit  vers  les  minuit»  ; 
et  on  lit  dans  le  23e  :  «  Il  me  semble  que  j'ai  en- 
tendu un  ange  qui  chantait.  Il  chantait  cette 
nuit,  environ  vers  minuit, que  la  Vierge  enfantait.» 
C'est  la  tradition  de  l'Église,  qui  a  institué  pour 
cela,  à  Noël,  la  messe  de  minuit  et  qui  chante,  dans 
l'introït  de  la  messe  du  dimanche  dans  l'octave 
de  Noël  :  «  Dum  médium  silentium  tenerent 
omnia  et  nox  in  suo  cursu  médium  iter  haberet.» 

S.  Joseph  éclairait  les  ténèbres  de  la  nuit  avec 
sa  petite  lampe  à  huile  à  un  bic,  dite  chaleil  ou 


Btbltograplne. 


65 


chareil  :  «  Nous  vîmes  l'enfant  adorable  que 
l'ange  avait  annoncé.  Sa  mère,  qui  était  près  de 
lui,  à  ce  moment-là  le  changeait  de  linges  ;  le  bon 
Joseph  lui  aidait  et  tenait  la  petite  lampe  à  queue 
(tsolel)  »  (5e  Noël).  Aussi  <i  Tony  disait  :  Pour 
moi,  je  fournirai  l'huile,  pour  l'éclairer,  le  voir 
mailloter  »  (22e  Noël). 

X.  B.  DE  M. 

GALENDARIO  D'ORO.  ANNUARIO  NOBI- 
LIARE,      DIPLOMATICO,      ARALDIGO,    par    le 

chev.  Contigliozzi.  Rome,  1S98,  in-8°  de  431  pp., 
avec  de  nombreux  blasons  et  portraits. 

La  noblesse  italienne  y  est  inscrite  par  ordre 
alphabétique  :  on  y  donne  les  armes  et  la  généa- 
logie des  principales  familles.  Quelques  articles 
de  fond  précèdent  :  il  importe  de  les  signaler. 

\. Ordini  equestri  (pp.  37-42).  Ce  sont  ceux  con- 
férés par  le  roi  d'Italie,  le  pape,  la  république  de 
St-Marin  et  le  grand'maître  de  Malte. 

2.  Padiglione.  Dell' Ordine  siiprewo  délia  SS. 
Annunziala  e  del  sno  Fert  (pp.  92-107). 

3.  Bouton,  La  Maison  de  Savoie  (pp.  107-m). 

4.  Presterà,  Sulla  nobiltà  generosa  di  Stilo  (pp. 
III-U3)- 

5.  X.  Barbier  de  Montault,  Les  armoiries  de 
l'école  Si-Paul,  à  Angoulème  (pp.  11 3- 114). 

6.  Guelfi,  Le  armi  del  Cornu  ne  di  Firenzc  (pp. 
114- 116). 

7.  Gourdon  de  Genouillac,  Des  locutions  vicieu- 
ses en  héraldique  (pp.  1 16-1 18). 

8.  Presterà,  Sull'  origine  délie  armi  délia  Cala- 
bria  (pp.  11 8- 11 9). 

9.  X.  Barbier  de  Montault,  Le  sceau  du  prieuré 
de  Notre-Dame  de  Bonrepos  (pp.  1 19-120). 

Ce  beau  et  intéressant  volume,  comme  ses 
aînés,  a  été  publié,  au  nom  de  l'Institut  héraldi- 
que d'Italie,  par  le  chevalier  Contigliozzi,  qui  a 
apporté  tous  ses  soins  à  sa  composition  et  à  son 
illustration.  Nous  le  félicitons  du  succès  obtenu, 
qui  va  toujours  croissant  d'année  en  année. 

X.  B.  DE  M. 

ANNUAIRE  DU  CONSEIL  HÉRALDIQUE 
DE  FRANCE,  par  le  vicomte  De  Poli,  11e  année. 
Paris,  1898,  in-12  de  467  pages. 

Voici  le  relevé  des  principaux  articles  : 
De  Poli,  Les  Héros  de  Péronne  (1536).  —  Cou- 
ret,  Réception  chevalei-esque  en  1J4J-.  —  Bouly  de 
Lesdain,  Les  armoiries  des  femmes  d'après  les 
sceaux.  —  Tamizey  de  Larroque,  Un  petit  épisode 
de  l'histoire  de  la  famille  de  Casenove.  —  Pellot, 
Inventaire  des  titres  de  la  maison  de  la  Grange. 


—  Guignard  de  Butteville,  Blois  et  son  état  civil. 

—  Le  Court,  La  famille  Le  Cornu  et  ses  alliances 
avec  la  famille  de  Jeanne  d'A  rc.  —  De  Poli,  Croisés 
de  France.  —  De  Poli,  Famille  de  Cirano.  —  Gé- 
raud  de  Niort,  Jurisprudence  nobiliaire.  —  Lau- 
rent, Notes  d'État  civil.  —  Bibliographie. 

L Annuaire,  grâce  à  l'habile  direction  de  M.  le 
vicomte  Oscar  de  Poli,  se  maintient  toujours  à 
son  même  niveau  et  intéresse  à  la  fois  par  l'éru- 
dition et  la  variété  des  sujets  traités. 

X.  B.  DE  M. 

LA  MAISON  DU  GRAND  S.  BERNARD  ET 
SES  TRÈS    RÉVÉRENDS   PRÉVÔTS,  par  le   ch. 

E.  P.  Duc.  Aoste,  1898,  in-8°  de  318  pages. 

Cet  ouvrage,  qui  dénote  des  recherches  consi- 
dérables, est  le  premier  qui  paraisse  sur  cet  im- 
portant sujet.  Si  les  archives  ont  fourni  des 
documents  nombreux  pour  la  biographie  des 
dignitaires,  elles  ont  aussi  l'avantage,  à  propos 
d'inventaires,  de  visites  et  de  chapitres,  d'intéres- 
ser les  archéologues  et  les  canonistes.  Je  me 
bornerai  à  quelques  citations,  relatives  à  l'art  et 
à  la  liturgie. 

Un  inventaire  de  1419  (page  70)  révèle  les 
noms  de  deux  calligraphes,qui  ont  écrit,  l'un  un 
antiphonaire  et  l'autre  un  graduel  :  «  Unum 
librum  antyphonarium  scriptum  per  DnmJohan- 
nem  de  Clusis.canonicum  Montis  Jovis.  —  Unum 
librum  graduale,  scriptum  per  Dnm  Aymonem 
Fornerij.  »  Le  premier  était  un  chanoine  régulier, 
résidant  au  Mont  Joux  ;  le  second  probablement 
un  laïque,  puisqu'il  n'est  pas  qualifié. 

En  1489,  un  franciscain,  frère  Guillaume  Grie- 
rez,  peignit  le  plafond  ou  lambris  de  l'église  : 
«  Item,  fuit  ordinatum  super  factis  solanis  (!)  per 
fratrem  Guillelmum  Grierez,  ordinis  sancti  Fran- 
cisci,  quod  ipse  frater  Guillermus  debeat  perfinire 
et  reborsare  (2)  solanum  dicte  ecclesie  et  illud 
dipingere  in  quo  fuit  inceptum  et  depictum.  Et 
pro  his  fiendis  et  jam  factis,  ipse  Dns  Ludovicus 
Parisij,  olim  sacrista  Montis  Jovis,  teneatur  sibi 
dare  septem  florenos  parvi  ponderis  »  (p.  87). 

En  1610,  le  prévôt,  «  Révérend  Messire  André 
Tillier  »,  fit  don  «  à  ceste  esglise  de  trois  chappes 
de  damasc  rouge  cramoisi,  avec  les  montres  et 
ornements  de  broderie  en  toile  d'or  »  (p.  1 12). 

Ailleurs,  p.  m,  le  mot  chape  se  dit  en  latin 
pluviale.  En  1665,  le  prévôt  Antoine  Berthod 
avait  donné  «  une  chappe  à  fleurage,  en  toile 
d'or».  La  toile  d'or  correspond  à  notre  drap  d'or. 

1.  Du  Cange  n'a  pas  solanum  avec  cette  acception,  mais  seulement 
solarium,  qu'il  définit  «  domus  contignatio  ». 

2.  Ce  mot  n'est  pas  sous  cette  forme  dans  Du  Cange,  qui  donne 
l'équivalent  dans  rebolare,  «  denuo  obturare  quod  aperium  est  aut 
fissum  iterum  obruere  ». 


REVUE  DE  L  ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  Ire  LIVRAISON. 


66 


Bebuc  ïie  P^rt  chrétien. 


Le  fleurage  est  un  semis  de  fleurettes:  «Une 
chasuble  de  damas  rouge  à  fleurage  blanc.  »  On 
distingue  la  fleur,  le  fleuron  qui  est  plus  gros  et 
\e  fie  u  rage, qui  est  un  diminutif:  «  Une  chasuble... 
avec  ses  passements  d'or  et  sa  croisade  de  coleur 
d'isabelle  à  fleur  rouge.  »  —  «  Un  voile  de  calice, 
de  satin  blanc,  à  fleurons  rouges  et  verds,  ayant 
dentelles  d'argent  autour.  » 

Le  mot  montre  est  nouveau  pour  nous  ;  il  si- 
gnifie l'orfroi  qui,  étant  d'une  étoffe  plus  riche, 
puisqu'elle  est  en  toile  d'or  sur  damas  rouge,  fait 
montre,  c'est-à-dire  produit  plus  d'effet. 

Puisque  nous  sommes  dans  le  pays  où  il  se 
fabrique,  mentionnons  le  fromage  de  gruyère, 
dont  le  nom  figure  sous  cette  forme  et  aussi  sous 
celui  de  grivière(€  deux  fromages  de  grivière», 
1677),  qui  se  traduit  littéralement  en  latin  grive- 
rta{i)  («  duorum  caseorum  griverise»,  1677). 

X.  B.  de  M. 


L'ANCIENNE  CLOCHE  DE  MATTAIN- 
COURT,  1723,  par  Germain  deMaidy.  Nancy,  Sidot, 
1898,  in-8°  de  8  pages. 

Cette  cloche,  refondue  en  1882,  portait  cette 
formule  pieuse  :  ►!<  Jésus  Maria.  Christus  vincit. 
Christus  régnât.  Christus  imperat  et  ab  oinni  malo 
nos  defendat.  Benedicite  fulgura  et  nubes  Domino, 
/guis,  grando,  nix,  glacies,  spiritus  procellarum 
laudent  nomen  Domini. 

L'auteur  proteste  avec  raison  contre  les  inscrip- 
tions contemporaines,  qui  prouvent  que  les 
cloches  ont  été  laïcisées.  «  De  nos  jours,  les  in- 
scriptions sont  généralement  très  longues,  mais 
destinées  surtout  à  perpétuer  les  noms  du  parrain, 
de  la  marraine  et  de  toutes  les  personnes  qui  ont 
contribué  moralement  ou  matériellement  à  la 
création  ou  à  la  refonte  de  la  cloche.  Par  là,  en 
dépit  de  qualifications  parfois  inexactes,  de  titres 
souvent  sujets  à  caution,  les  cloches  constituent 
encore  des  monuments  utiles  à  l'histoire.  Cepen- 
dant les  traditions  n'y  sont  plus  que  rarement 
observées,  l'idée  religieuse  en  semble  absente  ou 
rejetée  à  l'arrière-plan  :  c'est  l'adulation  qui 
domine  »  (page  7).  x  B  DE  M 

S.  MATHTJRIN,  ENSEIGNES,  MÉREAUX, 
MÉDAILLES,  par  Eugène  Thoison.  — Noticeicono- 
graphique,  ornée  de  26  vignettes.  Fontainebleau,  Hunot, 
1897,  in-22  de  44  pages. 

Cet  opuscule  (2),  fort  intéressant  au  point  de 
vue  de  la  numismatique  religieuse  et  populaire, 
est  aussi  complet  que  possible.  Il  serait  à  sou- 

1.  Encore  un  mot  à  ajouter  au  glossaire  de  Du  Cange. 

2.  Il  a  été  rendu  compte  d'une  première  édition  de  cette  notice 
dans  la  Kevue  de  F  Ail  chrétien,  année  1891.  p.  77. 


haiter  que  chacun  des   saints  les  plus  en  vogue 
eût  ainsi  un  dossier  iconographique. 

L'auteur  me  permettra  de  revenir  sur  quelques 
passages  pour  manifester  une  opinion  différente 
de  la  sienne,  mais  motivée.  Page  16,  fig.  5,  «  Le 
petit  JÉSUS  a  le  front  chargé  de  trois  cornes?  » 
Nesont-ce  pas  plutôt  les  trois  pointes  de  la  cou- 
ronne, d'autant  plus  que  l'enfant  est  tenu  par  sa 
mère,  assise  en  majesté  ? 

Page  17,  fig.  6,  le  personnage  agenouillé  et 
offrant  un  cierge  n'est  point  «  un  ange  »,  mais  le 
père  de  Théodora,  qui  lui  fait  pendant,  comme 
fig.  11. 

C'est  encore  le  père,  en  empereur,  non  «  un 
soldat  »,  qui  est  représenté  fig.  24. 

Un  lapsus  a  fait  dénommer  «  encensoir  »  un 
objet  liturgique,  qui  est  certainement  un  osten- 
soir en  forme  de  soleil. 

La  figure  S  serait  le  «  monument  le  plus  an- 
cien de  toute  la  série».  Je  ne  le  pense  pas,  car 
ailleurs  le  style  fait  remonter  au  XIIIe  siècle, 
tandis  qu'ici  il  faut  descendre  jusqu'au  XIVe  siè- 
cle,surtout  en  raison  du  type  de  la  fleur  de  lis  et 
du  trèfle  à  lobes  aigus. 

X.  B.  DE  M. 

UN  LIVRE  ALLEMAND  SUR  LE  LIMOUSIN, 
par  Louis  Guibert.  Limoges,  1898.  in-180  de  23  pp. 

Ce  livre,  imprimé  en  1817  et  réimprimé  en 
1829,  est  intitulé  :  Description  de  la  province  du 
Limousin  et  de  ses  habitants  ;  extraits  du  journal 
d'un  officier  prussien,  prisonnier  de  guerre  des 
Français,  en  18 19.  L'auteur,  mort  vers  1860,  se 
nomme  Frédéric  Neigebaur  :  c'est  un  littérateur, 
jouissant  d'  «  une  certaine  réputation  comme 
voyageur  »  ;  il  «  avait  alors  27  ans  et  servait  dans 
un  régiment  d'infanterie».  Son  exil  ne  paraît 
nullement  lui  avoir  été  désagréable,  car  il  parta- 
geait son  temps  entre  «les  sciences»  et  «  le 
plaisir  ». 

X.  B.  DE  M. 


CATHÉDRALE  DE  BARCELONE.  — Descrip- 
tion ardstico-archéologique  de  F.  R.  Pedrosa,  archi- 
tecte, précédée  d'un  aperçu  historique  par  l'abbé  G. 
Soler,  traduction  de  l'espagnol  par  A.  H.  Bertol. 
Grand  in-40  de  luxe  illustré  de  70  pi.  et  d'un  grand 
nombre  d'autotypies  de  J.  Furnells,  Barcelone,  Parera 
et  C°. 

L'ÉDITEUR  Parera  a  entrepris  une  vaste 
publication,  qu'il  inaugure  avec  cet  ouvrage, 
sous  le  titre  général  de  :  L'Espagne  artistique, 
archéologique,  monumentale  ;  elle  doit  constituer 
un  monument  typographique  en  l'honneur  de 
l'art  de  la  péninsule,  à  qui  ses  malheurs  et  son 
courage  attirent   à   ce  moment  les    sympathies 


Bibliographie* 


67 


de  l'Europe.  Puissent  les  récentes  calamités  de 
l'héroïque  nation  ne  pas  entraver  cette  entre- 
prise généreuse. 

A  l'époque  féconde  que  marque  la  fin  du  XIII" 
siècle,    Barcelone   avait   atteint    l'apogée    de  sa 


prospérité  ;  elle  venait  de  conquérir  sous  Wil- 
fride  le  Velu  son  autonomie,  de  développer 
son  industrie,  et  ne  s'était  pas  pressée  d'imiter 
les  autres  grands  centres  européens  dans  l'érec- 
tion de  cathédrales  nouvelles.  En  rebâtissant  la 


Plan  de  la  cathédrale  et  du  cloître  de   Barcelone. 


sienne,  elle  resta  fidèle  aux  traditions  locales. 
Sans  viser  à  la  richesse  du  décor,  l'église  nou- 
velle, relativement  modeste  dans  ses  dimensions, 
fut  surtout  harmonieuse  et  majestueuse  dans  ses 


lignes,  comme    tout  l'art   catalan,  qui   est  assez 
grand  d'ailleurs  pour  se  passer  de  décor. 

Nous  devons    féliciter    les  auteurs    de    cette 
luxueuse   monographie.   Sa   lecture  inspire    un 


68 


IBitWt  De  T&rt  cbvctten. 


seul  regret,  c'est  que  la  traduction  française  ait 
été  faite  d'une  manière  trop  littérale,  et  dans 
une  forme  qui  laisse  beaucoup  à  désirer  au  point 
de  vue  de  la  clarté.  Il  eût  été  désirable  que 
la  version  fût  entreprise  par  un  écrivain  maître 
de  la  terminologie  architectonique  française,  et 
qu'elle  fût  débarrassée  des  métaphores  spéciales 
à  la  noble  langue  espagnole,  qui,  reproduites  en 
français,  ne  conservent  que  de  l'emphase  et  de 
l'obscurité  au  lieu  des  élégances  du  texte  original. 
La  cathédrale  de  Barcelone  est  enserrée  entre 
des  rues  étroites  ;  on  aperçoit  à  peine  la  ligne  hori- 
zontale qui  termine  ses  murs  et  marque  sa  plate 


Base  de  colonne  soutenant  le  tombeau  de  Ste  Eulalie 
dans  la  crypte  de  Barcelone. 

superstructure.  On  ne  jouit  guère  que  de  sa 
façade,  d'ailleurs  récente,  avec  l'énorme  gable 
qui  couvre  le  portail  central  et  dont  la  pointe 
atteint  à  la  corniche  supérieure  de  l'édifice. 
A  l'intérieur  la  majestueuse  architecture  du 
vaisseau,  en  style  du  XIVe  siècle.se  révèle  tout 
entière  au  premier  coup  d'ceil,  et  le  regard  va 
tout  droit  aux  mystérieuses  profondeurs  des 
voûtes  superbes;  il  y  est  d'ailleurs  conduit  par 
l'harmonieux  ensemble  des  piliers  développés  en 
faisceaux  de  colonnettes  qui  rappellent  ceux  de 
Cologne  et  de  Rouen. L'intérêt  se  concentre  dans 
la  riche  architecture  du  chœur,  qui  recouvre  la 
crypte  de  sainte  Eulalie  et  sa  voûte,  gigantesque 
araignée.avec  sa  clef  colossale.L'architecte  incon- 


nu (')  et  très  habile  de  cet  édifice,  privé  d'un 
large  emplacement,  chercha  une  compensation 
dans  l'élancement  du  vaisseau  ;  il  banda  de  lar- 
ges arcades  sur  des  piliers  hardis,  il  éleva  les 
basses  nefs  à  une  grande  hauteur  de  façon  à 
élargir  d'autant  le  centre  du  vaisseau,  il  ménagea 
sous  les  voûtes  des  collatéraux  entre  les  piliers 
très  distancés  des  chapelles  accouplées  et  pro- 
fondes, au  chevet  perpendiculaire  à  l'axe  de 
l'église.  Sur  le  déambulatoire  du  chœur,  il  rangea 
les  chapelles  rayonnantes.  Enfin  il  voulut  planter 
deux  belles  tours  sur  les  portails  latéraux.  En 
fait  elles  ne  furent  pas  construites. 


Chapiteau  de  la  crypte. 

Le  vaisseau  n'est  pas  exactement  orienté.  La 
longueur  de  l'édifice  est  de  93  m.  et  sa  plus  grande 
largeur,  de  45.  Le  porche  central  ouvre,  chose 
peut-être  unique,  sur  un  vestibule  grandiose 
destiné  à  recevoir  le  dôme  et  semblable  à  une 
croisée  de  transept,  suivent  les  très  larges  travées 
des  nefs,  d'une  hardiesse  superbe,  suivies  de 
deux  travées  pareilles,  couvrant  le  pseudo-tran- 
sept et  l'avant-chœur  ;  encore  une  petite  travée, 
et  puis  vient  enfin  le  rond-point  et  le  chevet  en 
éventail. Deux  clochers  se  dressent  sur  les  porches 
du  transept.  Une  seconde  grande  nef  semble 
régner  au-dessus  de  chaque  rangée  des  chapelles 

1.  M.  Pedrosa  incline  à  croire  que  le  maître  de  l'œuvre  fut  Jacquet 
Fabri,  architecte  de  St-Domiriique  de  Majorque. 


250Hiograptne. 


69 


latérales.  Au  sommet  de  la  nef  centrale  court  une 
légère  galerie  de  triforium  surmonté  de  roses. 
La  base  octogonale  du  dôme  inachevé  porte  par 
des  trompes  sur  ses  gigantesques  piliers.  Les 
clefs  de  voûtes  sont  historiées  et  polychromées. 

Comme  dans  la  plupart  des  églises  espagnoles 
le  chœur  envahit  presque  toute  la  nef  centrale. 
Le  sanctuaire,  dit  originalement  notre  auteur, 
«  présente  le  maximum  d'idéalité  et  d'élévation 
d'esprit  auquel  peut  aspirer  le  génie  gothique  ». 

Signalons  l'intéressante  chaire  épiscopale,  en 
marbre  blanc,  de  style  du  XIVe  siècle,  la  riche 
chaire  à  prêcher  avec  son  bel  escalier  et  la  curieuse 
arcade  donnant  accès  vers  la  crypte,  dont  l'archi- 
volte est  garnie  d'une  série  de  têtes.  Le  maître- 
autel  est  formé  d'une  grande  table  de  marbre 
posée  sur  une  colonne  unique.  Il  est  actuellement 
complété  par  un  retable  du  XVe  siècle,  en  den- 
telles de  fenestrage,  plus  admiré  qu'il  ne  vaut  ;  le 
tombeau  roman  de  sainte  Eulalie  est  autrement 
remarquable.  Très  riche  est  la  clôture  du  chœur 
en  pierre,  à  arceaux  gothiques  reposant  alterna- 
tivement sur  des  colonnettes  et  sur  des  corbeaux 
à  figures.  Les  stalles,  en  noyer,  furent  exécutées 
partie  par  Mathieu  Bonafé  en  1457,  partie  par 
les  allemands  Michel  Loquer  et  Jean  Frédéric. 
Il  faut  encore  citer  la  belle  tombe  de  l'évêque 
Escales,  au  cénotaphe  orné  de  pleureurs  dans  la 
manière  bourguignonne.  On  conserve  au  trésor  le 
missel  de  sainte  Eulalie,  enrichi  de  superbes 
miniatures  de  style  flamand. 

L.  C. 


FRA  ANGELICO  DE  FIESOLE,  sa  vie  et  ses 
travaux,  par  Et.  Beissel,  S.  J. —  Ouvrage  traduit  de 
l'allemand  et  précédé  d'une  introduction  par  Jules 
Helbig.  Un  vol.  grand  in-40  de  144  pages,  illustré  de 
10  planches  et  de  45  grav.  dans  le  texte.  Prix  :  7,50  fr. 
—  Desclée,  De  Brouwer  et  Cie,  Société  St-Augustin, 
Bruges  et  Lille. 

Nos  lecteurs  se  sont  spécialement  intéressés 
aux  articles  que  le  Directeur  de  la  Revue  de 
V  Art  chrétien,  M.  Helbig,  a  consacrés  à  Fra  An- 
gelico,  le  peintre  suave  et  inspiré,  articles  qui 
étaient  la  traduction  de  l'ouvrage  composé  en 
langue  allemande  par  le  R.  P.  Beissel. 

Plus  d'un  aura  sans  doute  éprouvé  le  désir  de 
voir  ces  pages  si  attachantes  réunies  en  un  volume 
que  l'on  puisse  feuilleter  parfois,  pour  retremper 
son  idéal  à  la  source  de  ces  conceptions  vrai- 
ment célestes,  que  rien  n'a  pu  atteindre  ou  du 
moins  surpasser  dans  l'art  humain  le  plus  élevé 
et  le  plus  pur.  —  Nous  avons  le  plaisir  de  leur 
annoncer  que  ce  desideratum  est  réalisé.  La 
maison  St-Augustin  vient  de  publier  le  même 
texte,     avec    une    illustration  plus    abondante, 


dans  un  beau  et  large  format,  et  l'éditeur  a 
fait  de  cet  ouvrage  un  volume  élégant  et  peu 
coûteux  malgré  le  luxe  de  sa  typographie  aux 
grandes  marges  et  en  deux  couleurs. 

Nous  n'avons  plus  à  faire  l'éloge  d'une  œuvre 
que  ceux  qui  nous  lisent  ont  déjà  appréciée. 
Toutefois  il  nous  paraît  bon,  pour  faire  ressortir 
sa  portée,  de  reproduire  quelques  lignes  qu'un 
correspondant  distingué  du  Bien  Public  de  Gand 
lui  a  consacrées. 

L.  C. 

€  Fra  Angelico  de  Fiesole,  le  peintre  mystique  italien 
du  XVe  siècle,  a  le  mieux  re'ussi  à  rendre  la  pureté,  la 
noblesse,  la  joie  des  âmes  animées  du  sentiment  chrétien  ; 
il  a  peint,  en  ses  fresques  et  en  ses  tableaux,  de  nombreux 
coins  de  Ciel  rayonnant  d'une  splendeur  et  d'un  calme 
inconnus  sur  la  terre,  et  qui  ont  ému  jusqu'aux  éclectiques 
et  aux  blasés  de  notre  époque,  à  en  juger  par  la  valeur 
attribuée  de  nos  jours  aux  œuvres  de  l'humble  dominicain 
et  par  les  prix  fabuleux  qu'elles  atteignent. 

«  Le  R.  P.  Beissel  a  entrepris  la  tâche  de  suivre  à  travers 
sa  carrière  de  moine  et  de  peintre,  le  Frère  Jean  Angélique 
de  Fiesole.  Le  livre  que  nous  avons  sous  les  yeux  est  le 
fruit  de  ses  études  et  de  ses  recherches.  Il  offre  un  réel 
intérêt,  et  nous  espérons,  avec  M.Jules  Helbig,  l'éminent 
artiste  chrétien  belge  qui  s'en  est  fait  le  traducteur,  que 
la  lecture  et  l'étude  de  la  biographie,  de  l'inspiration  et 
des  procédés  du  peintre  angélique  deviendront  classiques, 
au  moins  chez  les  jeunes  artistes,  enthousiastes  de  leur 
foi  et  possédés  de  la  noble  passion  d'en  faire  passer  les 
clartés  dans  leurs  œuvres. 

«  C'est  à  eux  surtout  que  le  livre  est  destiné.  C'est  pour 
eux  que  M.  Helbig  l'a  traduit  et  pourvu  d'une  introduc- 
tion, éloquent  appel  aux  chrétiens,  aux  jeunes,  aux  en- 
thousiastes. 

«  Semblable  publication, qui  complète  la  série  déjà  longue 
des  ouvrages  consacrés  à  Fra  Angelico,  eût  profondément 
réjoui  feu  le  baron  J.  Bethune,  l'illustre  rénovateur  de 
l'art  chrétien.  Il  y  eût  vu,  outre  la  glorification  d'un  artiste 
chrétien,  la  réalisation  d'une  de  ses  plus  chères  espé- 
rances, la  mise  à  la  portée  de  la  jeunesse  catholique  de 
l'œuvre  inspirée  du  moine  dominicain,  il  s'en  fût  servi 
pour  prouver  aux  plus  sceptiques  qu'il  existe  un  art  chré- 
tien apprécié  dans  tout  l'univers  civilisé  et  que  la  voie  est 
toute  tracée  aux  hommes  de  foi  qui  veulent  faire  revivre 
dans  l'art  le  sentiment  chrétien. 

«  Nul  doute,  d'ailleurs,  que  les  continuateurs  du  baron 
Bethune,  ceux  qu'il  a  conquis  à  l'art  christianisé,  accueil- 
lent avec  faveur  un  ouvrage,  qui  est  à  la  fois  une  affirma- 
tion et  un  enseignement. 

«  Ajoutons  que  tous  ceux  qui  ont  quelque  poésie  dans  le 
cœur,  qui  ne  se  sont  pas  juré  de  ne  jamais  quitter  le  che- 
min de  la  banalité  et  de  la  mode,  liront  avec  une  haute 
satisfaction  le  livre  du  P.  Beissel,  si  élégamment  traduit 
par  M.  Jules  Helbig. 

«  Les  éditeurs  ont  réussi  à  offrir  au  public,  pour  une 
somme  modique,  un  beau  livre  abondamment  illustré. 
Nous  les  en  remercions,  mais  ils  nous  permettront  de  for- 
muler le  vœu  qu'une  édition  enrichie  de  reproductions 
plus  grandes,  plus  nettes,  quelques-unes  plus  soignées  et 
plus  dignes  de  l'œuvre  de  Fra  Angelico,  succède  à  celle-ci. 


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7o 


Hebue  îie  l'&rt  chrétien. 


RUSKIN  ET  LA  RELIGION  DE  LA  BEAUTÉ, 
par  Robert  de  la  Sizerane,  Paris,  Hachette,  1898. 

Un  homme  a  vécu  de  l'autre  côté  de  la  Manche, 
qui  eut  assez  d'empire  sur  les  esprits  britanniques 
pour  les  acheminer  vers  les  extases  des  primitifs 
et  leur  imposer  son  esthétique  rétrograde  jusque 
dans  le  vêtement;  qui,  artiste,  moraliste  ou  socio- 
logue.vit  ses  paroles  recueillies  comme  les  gouttes 
de  sang  d'un  martyr  par  une  multitude  de  ses 
contemporains;  dont  les  livres  furent  répandus 
dans  toute  l'Angleterre,  le  nouveau  monde  et  jus- 
que dans  le  Far- West.  Des  sociétés  de  lecture 
furent  fondées  pou  ries  commenter,  un  journal  pour 
les  annoncer,  une  librairie  pour  les  répandre;  des 
artistes  se  consacrèrent  à  graver  ses  dessins,  des 
écrivains  à  raconter  sa  vie.  Il  fut  proclamé  :  «  le 
plus  brillant  génie  vivant  en  Angleterre  ».  Il  fut 
le  chef  d'une  école  d'art  puissante,  parente  de 
l'Ecole  gothique  et  qui  a  répandu  ses  principes 
en  tous  pays.  Il  fut  le  prophète  d'une  religion, 
celle  de  la  Beauté;  il  fut  le  guide  inspire  de 
milliers  de  pèlerins  de  l'art  devant  les  mer- 
veilles répandues  dans  les  musées  et  les  monu- 
ments anciens,  parmi  les  villes  mortes  transfor- 
mées en  reliquaires;  il  fut  l'amant  éperdu  de  la 
nature,  mais  pour  lui  la  nature,  c'était  le  sublime 
idéal.  Il  fut  le  plus  convaincu  des  réalistes,  mais 
d'un  réalisme  qui  enchanta  son  existence  avide 
de  beauté  intellectuelle. 

Quel  est  cet  homme  étrange;  quelle  est  sa 
doctrine  paradoxale;  quelle  est  son  œuvre  éton- 
nante? C'est  ce  qu'on  a  généralement  ignoré  sur 
le  continent,  alors  que  Ruskin  était  déjà  l'idole 
de  nos  voisins  d'outre-Manche.  C'est  ce  que  M.  R. 
de  la  Sizerane  nous  fait  connaître  dans  le  livre 
attachant  dont  le  titre  est  ci-dessus. 

Impossible  d'analyser  ce  livre.  Contentons- 
nous  d'en  copier  une  jolie  page,  qui  symbolise  la 
doctrine  sociale  de  Ruskin.  C'est  le  commen- 
taire du  The  golden  stairs  de  Burne-Jones. 

L.  C. 

«  Dans  un  cadre  étroit  et  haut,  un  escalier  doré  sans 
rampes,  comme  un  escalier  de  songe,  s'élève  en  spirale, 
conduisant  d'un  rez-de-chaussée  qu'on  ignore  à  un  étage 
supérieur  qu'on  ne  voit  pas.  Des  jeunes  filles  aux  tuniques 
légères  et  creusées  de  plis  comme  des  colonnes,  des- 
cendent les  degrés,  tenant  les  unes  des  voiles,  les  autres 
des  symboles  ou  des  tambourins,  d'autres  de  ces  longues 
trompettes  qui  jaillissent  des  mains  des  anges  sur  le  bleu 
du  ciel  de  Fia  Angelico.  Leurs  pieds  nus  se  posent  sur 
des  marches  d'or  et  leurs  doigts  sur  les  cordes  d'argent 
des  luths  ou  sur  les  trous  des  flûtes.  Des  feuillages 
jonchent  le  sol  comme  un  parvis  d'église  au  matin  du 
dimanche  des  Rameaux.  Çà  et  là,  une  tête  se  retourne 
comme  pour  un  regret;  un  front  se  penche  comme  pour 
un  problème  ;  des  bouches  se  sourient  comme  pour  un 
baiser.  Quelques  yeux,  sous  ces  fronts,  regardent  plus  loin 
que   le   cadre,   plus   loin   que  la  salle,  plus  loin  que  la 


maison,  plus  loin  peut-être  que  la  vie.  La  grâce  est  dans 
les  gestes,  le  calme  est  sur  les  fronts.  Et  tout  au  haut  de 
la  toile,  des  colombes  sont  posées  sur  les  tuiles  pour  faire 
envier  au  ciel  ce  joli  coin  de  terre,  ou  prêtes  à  porter,  aux 
destinées  ambitieuses  ballottées  sur  les  brisants  du 
monde,  la  branche  d'olivier  cueillie  ici...  Car  ici...  au  lieu 
de  grimper  vers  la  chimère,  on  descend  joyeusement  les 
échelons  des  conditions  sociales,  on  descend  les  marches 
de  Y  Escalier  d'or. 

...  Lorsque  les  temps  seront  venus  de  la  vie  ruski- 
nienne,  l'Humanité,  au  lieu  de  monter  à  l'assaut  de  la 
richesse,  descendra  V Escalier  d'or  >. 

NOTES  SUR  LES  TABLEAUX  OFFERTS  A  LA 
CONFÉRENCE  DE  N.-D.  DE  PUY  A  AMIENS, 
par  M.  R.  Guerlin.  Brochure.  Paris,  Pion,  1898. 

On  ignore  les  auteurs  de  ces  tableaux  bien 
connus  de  nos  lecteurs  (r),  du  moins  de  ceux 
que  l'on  conserve  encore.  Néanmoins  des  auteurs 
locaux  ont  fourni  les  noms  de  peintres,  auteurs 
d'autres  tableaux  analogues,  notamment  celui 
de  Raoul  Maressal,  exhibé  par  M.  Dubois  et 
ceux  du  frère  Luc,  récollet,  de  Firrriin  Le  Bel,  de 
Matthieu  le  Pruis  et  de  Jehan  de  Paris,  auxquels 
M. Guerlin  ajoute  Zachai  ie  de  Cellers,  les  d'Ypres 
les  Barbe,  les  Beugier,  etc. 

D'ailleurs  l'importance  des  ateliers  d'Amiens 
est  attestée  par  leurs  exportations.  Ainsi  en  1606, 
un  maître-peintre  de  Rouen  chargeait  sur  son 
navire  à  Dieppe,  à  destination  d'Espagne,  158 
tableaux  religieux  fournis  par  ses  confrères  d'A- 
miens. Bref,  M.  Guerlin  considère  comme  très 
vraisemblable,  que  les  Amienois  aient  produit 
eux-mêmes  les  peintures  dont  s'enorgueillissait 
leur  cathérale. 

Parmi  ces  dernières  plus  d'une  subsiste  égarée 
et  méconnue.  M.  Guerlin  apporte  les  preuves,  qu'il 
a  extraites  de  l'une  d'elles  figurant  au  Musée 
de  Cluny,  comme  provenant  de  la  cathédrale  de 
Reims.  Il  refait  l'histoire  des  pérégrinations  d'un 
autre  remarquable  tableau  de  même  origine  de- 
venu propriété  de  la  commune  de  Coullement, 
dont  il  nous  offre  la  reproduction  photogra- 
phique. 

L.   C. 


LE  MOBILIER  ARTISTIQUE  DES  ÉGLISES 
BRETONNES,  par  M.  l'abbé  Abgrall.  Brochure. 
Quimper,  Cotonnec,  1898. 

M.  le  chanoine  Abgrall  a  inventorié  les  autels 
et  retables,  jubés,  chancels  et  clôtures,  stalles, 
chaires  à  prêcher,  cuves  baptismales,  vitraux,  ta- 
bleaux, objets  d'orfèvrerie,  etc.,  de  la    Bretagne. 

La  cathédrale  de  Saint-Pol  garde  encore 
neuf  autels  du  XVe  siècle,  et  à  Folgoët  on  en 

1.  V.  Revue  de  ï Art  chrétien,  année  1890,  pp.  183  et  269. 


Bibliographie. 


71 


compte  huit  de  la  même  époque.  A  Melgoën,  un 
joli  autel  en  granit  de  Scoër  porte  le  millésime 
1489.  A  Port-Croix,  on  voit  un  autel  sur  colon- 
nettes  qu'on  pourrait  faire  remonter  au  XIVe  s. 

Parmi  les  retables  en  bois,  le  superbe  retable 
de  Kerdévot  est  un  travail  du  XVe  siècle  prove- 
nant d'Anvers;  les  autres  sont  des  œuvres  de  la 
Renaissance. 

Parmi  les  jubés,  celui  de  Folgoët  est  la  mer- 
veille de  la  sculpture  en  pierre  du  pays.  Le  jubé  de 
Lombadec  (1480)  est  l'expression  la  plus  remar- 
quable du  travail  sur  bois.  A  la  Route-Maurice,  on 
est  eti  plein  style  Louis  XIII.  Les  jubés  de  Saint- 
Herbot  et  de  Saint-Bavon  sont  aussi  des  œuvres 
marquantes  de  la  Renaissance.  Celui  de  Saint- 
Croix  de  Quimperlé,  terminé  en  1 58 1,  est  un 
riche  ouvrage  en  pierre  de  Taillebourg.  Au  châ- 
teau de  Rosgand  se  voit  une  remarquable  cloison 
ajourée  en  chêne,  où  se  mêlent  les  emblèmes 
sacrés  et  profanes.  Des  jubés,  il  faut  rapprocher 
les  clôtures  et  les  stalles  de  Saint-Pol  de  Léon,  de 
Folgoët  et  de  Lanmeur. 

Notons  spécialement,  à  cause  de  la  rareté 
des  meubles  de  l'espèce,  la  chaire  à  prêcher  de 
Ouimper. 

La  contrée  abonde  en  portes  et  corniches  en 
bois  de  Norwège.  Nulle  part  l'imagination  des 
sculpteurs  ne  s'est  donné  plus  libre  champ  que 
dans  ces  tirans  de  charpente  saisis  à  leurs  extré- 
mités par  la  gueule  d'un  monstre  et  couverts 
parfois  de  bas-reliefs  (*),  comme  à  Lampaul-Gui- 
milion  de  La  Roche  (1559),  de  Goueznon  (1615), 
de  Bannalec  (1605). 

Notons  encore  la  jolie  croix  en  orfèvrerie  Re- 
naissance, à  clochettes,  de  Pleyber-le-Christ,  plu- 
sieurs sépulcres,  dont  le  plus  ancien  est  celui  de 
Sainte-Croix  de  Quimperlé,  et  les  deux  plus 
beaux,  ceux  de  Saint-Thégonnec  et  de  Lampaul. 

L.  C. 

L'ÉGLISE  ET  LA  PAROISSE  DU  SACRÉ- 
CŒUR  DE  lille,  par  L.  Quarré-Revbourbon. 
Lille,  1898  (-'). 

Nous  pouvons  ajouter  encore  une  unité  à  la 
liste  des  monographies  paroissiales  que  nous 
nous  plaisons  à  enregistrer  après  les  avoir  si  sou- 
vent préconisées.  Celle  que  l'on  doit  à  M.  Quarré 
concerne  un  édifice  moderne  qui  n'est  pas  un 
chef-d'œuvre,  malgré  les  bonnes  tendances  de  son 
style.  C'est,  dit  l'auteur,  «  celui  du  XIIIe  siècle, 
mais  modernisé  par  un  souffle  de  Renaissance 
très  heureusement  et  très  discrètement  répandu 
sur  la  conception  générale.  »  (?)  Un  souffle  de  sim- 

1.  V.  Revue  de  l' Art  chrétien,  année  1888,  p.  389. 

2.  En  vente  à  l'église  du  Sacré-Cœur. 


plicité  aurait  pu  être  plus  avantageusement  ré- 
pandu sur  les  formes  externes,  surtout  sur  celle  de 
la  tour,  et  aussi  sur  les  allures  du  mobilier  :  autel, 
stalles,  confessionnaux,  cadres  du  chemin  de  la 
croix,  dais  de  la  chaire  de  vérité,  etc.  Il  vaut  mieux 
négliger  ici  le  côté  artistique  de  l'œuvre  et  louer 
le  sentiment  de  piété  familiale  et  paroissiale,qui  a 
porté  l'auteur  àconsigner  dans  un  élégant  volume 
l'histoire  de  l'érection  de  cette  église  votive,  due 
à  un  magnifique  élan  de  pieux  patriotisme  pen- 
dant la  guerre  de  1870.  Son  livre  est  rempli  de 
documents, vivement  intéressants  pour  les  Lillois  ; 
il  contient  en  outre  de  jolies  pages  bien  senties, 
et  propres  à  entretenir  la  piété  chez  les  parois- 
siens du  Sacré-Cœur. 

L.  C. 


NOTICE  SUR  PLUSIEURS  ANCIENNES 
PEINTURES  INCONNUES  DE  L'ÉCOLE  FLA- 
MANDE, par  M.  Delignières.  Brochure.  Paris,  Pion 
et  Nourrit,  1898. 

On  conserve  à  Abbeville  des  panneaux  d'un 
grand  polyptique  provenant  de  l'ancienne  Char- 
treuse de  Saint-Honoré  au  faubourg  de  Thérison. 
Ces  panneaux  figurent  la  Cène,  la  Résurrection, 
la  Pentecôte,  la  Vierge,  S.  Jean- Baptiste,  S.  Ho- 
noré et  S.  Hugues.  Ils  font  partie  du  retable  du 
maître-autel,  et  furent  apparemment  donnés  par 
Philippe  le  Bon.  M.  Delignières  incline  à  attri- 
buer à  Roger  de  la  Pasture  les  trois  premiers 
panneaux  ;  les  gracieuses  figures  de  saints,  d'une 
tout  autre  facture,  paraissent  postérieures. 

Tels  sont  le  sujet  et  le  résumé  des  conclusions 
de  cette  notice  consciencieuse  et  singulièrement 
intéressante  ('). 

L.  C. 


FOUILLES  DANS  L'AMPHITHÉÂTRE  DE 
CARTHAGE  (1896-1897),  par  le  R.  P.  Delattre. 
Brochure.  Paris,  1898. 

Le  R.  P.  Delattre  a  voulu  mettre  au  jour  les 
vestiges  de  l'arène  carthaginoise.  Il  a  réussi  au 
delà  de  son  attente,  et  a  exhumé,  notamment, 
plus  de  deux  cents  pierres  portant  des  inscrip- 
tions. Leur  reproduction  précise  fait  l'objet  de  la 
présente  notice  du  savant  missionnaire  que  la 
Revue  de  l'Art  chrétien  &  l'honneur  de  compter 
parmi  ses  collaborateurs. 

L.  C. 


1.  V.  Revue  de  l'Art  chrétien,  année 


— K]>*—— Ky*— 


p.  322. 


72 


3Rebue  lie  l'&rt  chrétien. 


wm  ©értoluques,  ?saa 

FONDATION   EUGÈNE  PIOT. 
Monuments  et  Mémoires. 

Tome  III.  —  M.  Gauckler  étudie  la  villa  des 
Laberii  à  Uthina,  en  Tunisie,  et  publie  les  belles 
mosaïques  qui  la  décorent  ;  cet  article,  travail  de 
premier  ordre,  est  d'une  importance  capitale 
pour  la  connaissance  des  luxueuses  habitations 
romaines  en  dehors  de  l'Italie.  M.  Ch.  Diehl 
revient  sur  les  mosaïques  byzantines  de  S.  Luc 
en  Phocide,  qui  lui  ont  fourni,  en  1889,  la  matière 
d'une  intéressante  monographie.  M.  Marquet  de 
Vasselot  publie  les  sculptures  du  portail  de 
Saint-Antoine  en  Viennois  (Isère)  qu'il  attribue 
à  Antoine  le  Moiturier,  artiste  français  du  XVe 
siècle  (J).  M.  A.  Michel  donne  des  raisons  pour 
attribuer  à  Jacopo  délia  Ouercia  la  statue  en  bois 
peint  et  doré  de  la  Madone  avec  l'enfant  récem- 
ment acquise  par  le  Louvre. 

T.  IV.  —  M.  Marquet  de  Vasselot  étudie  quel- 
ques pièces  d'orfèvrerie  limousine  du  XII  Ie  siècle, 

I.  V.  Revue  de  l' Art  chrétien,  année  1898,  pp.  164  et  324. 


dont  l'une  particulièrement  curieuse  (p.  268), 
chef  en  cuivre  doré  de  la  collection  Desmottes, 
reproduit  exactement  le  sourire  des  statues 
grecques  archaïques.  M.  E.  Mobilier  réédite  un 
phylactère  du  XIIIe  siècle  appartenant  à  M. 
Martin-Leroy. 

(Chron.  des  Arts  et  C.) 

REVUE    DU  BAS-POITOU. 

L'ÉGLISE  de  Châteauneuf  (arrondissement 
des  Sables  d'Olonne. Vendée)  a  l'exception- 
nelle fortune  de  posséder  unecloche  du  XVe  siècle 
(1487),  signalée  par  M.  l'abbé  Teillet,  et  qui  a  pu 
survivre  aux  déprédations  révolutionnaires.  Or, 
on  annonce  que  la  fabrique  de  cette  église  met 
en  vente  ce  précieux  morceau  d'art  campanaire, 
afin  de  s'offrir  une  sonnerie  nouvelle! 

Sans  doute  la  cloche  en  question  ferait  très 
bonne  figure  dans  l'un  de  nos  musées;  mais  nous 
n'en  devons  pas  moins  protester  très  vivement 
contre  cette  fâcheuse  tendance  des  églises  de 
province  à  se  dessaisir  à  prix  d'or  des  objets  d'art 
dont  la  piété  de  nos  pères  les  avaient  dotées. 

R.  V. 


^ 


Btbltograplne. 


73 


«y.  •»  •»  -y-  «y  '»  '»  »y  «,«  «y  «ta.  «y.  »y  «y.  «y  »»  «y  «as.  «y  «a  »» .,«  «y  ,nt. 


Tnbtx  bibliographique. 


^lrcl)rologte  etBeaujr  *2Lvt8{l). 


jTvancc. 


*  Abgrall  (L'abbé). 

DES   ÉGLISES  BRETONNES. 

nec. 


Le  mobilier  artistique 
-  Broch.  Quimper,   Coton- 


Album  archéologique  et  monumental  du  dé- 
partement de  Seine-et-Oise,  ier  fascicule  :  Le  cloî- 
tre de  l'église  Saint-Spire,  a  Corbeil,  par  A.  Du- 
four  (pp.  i  à  8);  2me  fascicule  :  Ruines  du  château  de 
Bevnes,  par  A.  de  Dion  (pp.  9  à  15  et  planche).  — 
In-4".  Versailles,  Cerf. 

Ballu  (Albert).  —  Le  monastère  byzantin  de 
Tebessa.  —  In-f",  dessins  et  phototypies,  Paris, 
Leroux. 

*Bouillet(L'abbéA.).  —  Le  mont  Saint-Michel, 
24  pi.  en  héliogravure  et  79  gravures  dans  le  texte 
d'après  photographies  de  M.  H.  Magron.  —  Le  Havre, 
Lemale  et  Cle. 

Le  même.  —  Les  églises  paroissiales  de 
Paris.  Nos  2  et  3  :  Notre-Dame  (fin).  N°  4  :  Saint- 
Éttenne  du  Mont.  —  Fasc.  in-8",  ill.  Paris,  librairie 
de  la  France  illustrée. 

Bourdery  (L.)  et  Lachenaud  (E.).  —  L'œuvre 
des  peintres-émailleurs  de  Limoges.  Léonard 
Limosin,  peintre  de  portraits.  —  Gr.  in-8°,  25  pi. 
Paris,  May. 

Chabeuf  (H.).  —  Dijon  a  travers  les  âges  : 
histoire  et  description.  —  Gr.  in  S°,  85  gr.  et 
1  pi.  en  couleurs.  Dijon,  Donudot. 

Charvet  (E.-L.-G.).  —  Les  édifices  de  Brou,  a 
Bourg-en-Bresse,  depuis  le  xvie  siècle  jusqu'à 
nos  jours.  —  In-8°,  avec  grav.  Paris,  Pion,  Nourrit 
et  O. 

Colleville  (J.).  —  Abécédaire  d'architecture 
ancienne.  —  In-S°,  Paris,  Biblioth.  de   l'Association. 

Conservation  du  chef  de  saint  Yves,  a  Tré- 
guier,  en  Bretagne,  dans  la  Revue  des  sciences  ecclé- 
siastiques, août  1897. 

Curzon(H.  de).  —  Le  donjon  de  Chatillon- 
sur-Loing  (Loiret).  —  In-8°,  grav.  Fontainebleau, 
Bourges. 


*  Delattre(Le  R.  P.). 
théâtre  de  Carthage.  - 


-Fouilles  dans  l'amphi- 
Brochure.  Paris. 


I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (•)  ont  été,    sont   ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


*  Dsligoières.  —  Notice  sur  plusieurs  ancien- 
nes peintures  inconnues  de  l'école  flamande. 
—  Broch.  Paris,  Pion  et  Nourrit. 

*  Ds  Poli.  —  Annuaire  du  conseil  héraldique 
de  France,  i  ie  année.  —  In- 12  de  467  pp.  Paris. 

Dieulafoy.  — ■  Le  château  Gaillard  et  l'ar- 
chitecture MILITAIRE  AU  XIIIe  siècle.  —  In-40,  grav- 
Paris,  C.  Klincksieck. 

*  Dac  (Le  ch.  E  -P.).  —  La  maison  du  grand  S. 
Bernard  et  ses  très  révérends  prévôts.  —  In-8°, 
de  318  pages.  Aoste. 

*  Farcy  (L.  de).  —  La  broderie,  du  XIe  siècle 
jusqu'à  nos  jours.  —  In-fol.  100  phototypies.  Angers, 


Belhomme. 


Prix  :  100  fr. 


*  Fondation  Eug.  Pio r.  Monuments  et  mémoires, 
publiés  par  l' Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Lettres, 
t.  IV.  —  In-40,  Paris,  Leroux. 

Gabeau  (A.)  —  Le  Beffroi  municipal  d'Amboise 
(1495-1502).  —  In-8°,  Tours,  Bousrez. 

*  Germain  de  Maidy  (L.).  —  L'ancienne 
cloche  de  Mattaincourt.  —  I11-80  de  8  pag.  Nancy, 
Sidot. 

Ginoux  (Ch.).  —  Notice   historique  sur   les 

ÉGLISES  DES  DEUX   CANTONS  DE    TOULON  ET  DESCRIP- 
TION  D'OBJETS  D'ART  QU'ELLES  RENFERMENT.  In-8°. 

Paris,  Pion,  Nourrit  et  Cie. 

Givelet  (Ch.).  —  L'église  et  l'abbaye  de  Saint- 
Nicaise  de  Reims.  —  In-40,  6  plans,  36  pi.  et  sodess. 
dans  le  texte.  Reims,  F.  Michaud. 

Guerlin   (M.-R.).  —  Notes  sur   les  tableaux 

OFFERTS  A  LA  CONFÉRENCE  DE  N.-D.  DE  PUY  A  AMIENS. 

—  Broch.  Paris,  Pion. 

*  Guibert  (  Louis).  —  Un  livre  allemand  sur  le 
Limousin.  —  In- 18  de  23  pag.  Limoges. 

Ismala.  —  Les  Vierges  miraculeuses,  dans  la 
Revue  de  la  France  moderne  (octobre  1897). 

Jarry  (L.).  —  Inventaire  des  templiers  d'É- 

TAMPES     ET     DE      L'ÉGLISE      DE      CHALON-MoULINEUX 

(1444),  dans  les  Annales  de  la  Société  historique  et 
archéologique  du  Gatinais  (3e  trimestre,  1897). 

*  MacSwiney  de  Mashanaglass(Le  marquis). 

—  Le  Portugal  et  le  Saint-Siège.  Les  épées 
d'honneur  envoyées  par  les  papes  aux  rois  de 
Portugal  au  XVIe  siècle.  Mémoire  lu  au  IVe 
Congrès  scientifique  international  des  catho- 
liques a  Fribourg.  —  Paris,  A.  Picard. 

Mély  (F.  de).  —  Le  «  De  Monstris  »  chinois  et 
les  Bestiaires  occidentaux.  —  In-8°,  fig.  Paris, 
Leroux. 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
189Q.  —  Ire  LIVRAISON. 


74 


3ketntc  De  r&rt  chrétien. 


Normandie  monumentale  et  pittoresque  (La). 
Orne.  —  Héliograv.  d'après  les  photographies  d'H. 
Magron.  Texte  par  une  réunion  de  littérateurs  et  d'ar- 
chéologues. —  Gr.  in-fol.  Le  Havre,  Lemale  et  Cie. 

Perrault-Dabot  (A.).  —  L'église  de  Marol- 
les  en-Brie.  —  In-8°,  14  gr.  Paris,  Chevalier. 

*  Quarré-Reybourbon  (L.).  —  L'église  et  la 
paroisse  du  Sacré  Cœur  a  Lille.  —  Lille  ('). 

Quesvers  (P.).  —  Les  trois  églises  du  Boulay 
et  leurs  pierres  tombales,  dans  les  Annales  de  la 
Société  historique  et  archéologique  du  Gatinais,  Ier  et  2e 
trimestres  de  1897. 

Quesvers  (Paul)  et  Stein  (Henri).  —  Inscrip- 
tions de  l'ancien  diocèse  de  Sens,  publiées  d'après 
les  estampages  d'Edmond  Michel.  I.  (Ville  et  fau- 
bourgs de  Sens).  —  In-40,  et  pi.  Paris,  Picard. 

RÉUNION  DES  SOCIÉTÉS  DES  BEAUX-ARTS  DES 
DÉPARTEMENTS,    A    L'ÉCOLE    NATIONALE    DES     BEAUX- 

Arts,  du  20  au  24  avril  1897  (21e  session).  —  In-S°, 
50  pi.  Paris,  Pion,  Nourrit  et  Cie. 

*  Rupin  (Ernest).  —  Noels  du  Bas-Limousin. 
Musique  de  Frédéric  Noulet,  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  archéologique  de  la  Corréze.  —  Brive,  t.  XX, 
1S98,  pp.  21-147. 

Sizerane  (R.  de  La). —  Ruskin  et  la  religion 
de  la  beauté.  —  Paris,  Hachette. 

*  Thoison  (Eugène).  — S.  Mathurin,  enseignes, 
méreaux,  médailles.  Notice  iconographique.ornée  de 
26  vignettes.  —  In-22  de  44  pag.  Fontainebleau, 
Hunot. 

Veulliot  (J.).  —  L'église  d'Ancy-le-Franc.  — 
In-8°.  Tonnerre,  P.  Bailly. 

Vidier  (A.).  —  Répertoire  méthodique  du 
moyen  âge  français.  (Histoire,  Littérature,  Beaux- 
Arts),  2e  année.  —  In-8°,  Paris.  Bouillon. 

Wismes  (G.  de).  —  Les  personnages  sculptés 
des  monuments  religieux  et  civils  des  rues, 
places,  promenades  et  cimetières  de  la  ville  de 
Nantes  (fin),  dans  la  Revue  de  Bretagne,  de  Vendée  et 
d'Anjou  (octobre  1897). 


Allemagne. 


Creizenach  (W.).  —  Contribution  a  l'intelli- 
gence de  quelques  œuvres  italiennes  (Botticelli 
et  Filippo  Lippi),  dans  Repertorium  fur  Kunstivissen- 
scha/l,  t.  XXI  (1"  fascicule,  1898). 

Ehrenberg  (H).  —  Cornelis  Floris  et  Jacol 
Bink,  dans  Repertorium  fur  Kunstivissenschaft  (t.  XXI, 
icr  fascicule,  1898). 

1.  En  vente  à  l'église  du  Sacré-Cœur. 


Frimmel  (Th.  von).  — Geschichte  der  Wiener 
Gemaeldessammlungen.  I  Band,  i  Lieferung.  Ein- 
leitung.  —  In-8°,  Leipzig,  G.  H.  Meyer. 

Graeven  (H.).  —  Les  prototypes  des  illustra- 
tions du  psautier  d'Utrecht  (IXe  siècle),  dans 
Repertorium  fiïr  Kunstivissenschaft,  t.  XXI,  1"  fasci- 
cule, 1898. 

Junghaendel  (M.).  —  La  arquitectura  de 
Espana  estudiata  en  sus  principales  monumentos. 
Texte  sommaire,  par  D.  Pedro  de  Madrazo.  —  In-8°, 
Dresde,  Gilbers. 

Kirchbach  (W.).  —  L'art  religieux  et  ses 
manifestations  pendant  XIX  siècles,  dans  Die 
Kunst  unserer  Zeit  (cf  année,  5e  et  6e  fascicules,  1898). 

Kohte  (J.).  —  Verzeichnis  der  Kunstdenk- 
maeler  der  Prov.  Posen.  IV.  Band.  Der  Reg-Bez. 
Bromberg.  —  In-8°,  fig.  6  pi.  Berlin,  J.  Springer. 

Lehfeldt  (P.).  —  Bau-  und  Kunst  Denkmaeler 
Thûringens.  Heft  24  :  Grossherzogthum  Sachsen 
Weimar  Eisenach,  Amstyer.  Bezirke  Neustadt  A. 
Orla  und  Auma.  —  In-8°,  63  grav.  9  pi.  Iena,  G. 
Fischer. 

Le  retable  de  l'église  de  Sainte-Catherine  du 
musée  de  Nuremberg  (XVe  siècle),  dans  Anzeiger 
des  germanischen  National  Muséums  (n°  1,  1898). 

L'idéal  des  madones  de  Michel-Ange,  dans 
Zeitschrift  fur  bild.  Kunst.  Revue  catholique  des  rez'ues, 
octobre  1897. 

Lubeck.  :  Seine  Bauten  und  Kuxstwerke.  — 
In-fol.  37  pi.  avec  texte.  Lubeck,  Noehring. 

Mackensie  (F.)  et  Pugin  (A.).  — ■  Gothische 
Architekturen  nach  alten  Bauwerken  zu  Ox- 
ford aufgen.  und  gezeichnet.  2-6  Lief.(53  planches). 

—  Gr.  in-40,  Berlin,  Hessling. 

Paulus  (E.).  —  Die  Kunst  und  Altertums- 
Denkmale  im  Kœnigr.  Wurtemberg.  Lief.  16-20  : 
Schwarzwaldkreis  (Schluss)  (VI  et  p.  289-552  avec  fig. 
et  6  pi.).  Lief.  21-22  :  Donaukreis.  —  I11-80,  64  pp. 
avec  7  pi.  Stuttgart,  P.  Neff. 

Philippi  (A.).  —  Kunstgeschichtliche  Einzel- 
darstellungen.  I  :  Die  Kunst  der  Renaissance  in 
Italien.  II  :  Die  Fruhrenaissance  in  Toskana 
und  Umbrien  (VIII  et  p.  113-312  avec  95  gr.).  III: 
Der  Norden  Italiens  bis  auf  Tizian,  Mantegna, 
Giorgione,  Palma  Vecchio  (VIII  et  p.  313  416  av. 
59  pi.).  IV:  Die  Hochrenaissance.  I.  Lionardo  da 
Vinci  und  seine  Schule.  (VIII  et  pp.  417-512  av. 
5S  grav.  —  In-8°,  Leipzig,  Seemann. 

Schaefer  (K).  —  L'album  de  l'architecte 
nurembergeois  Wolf  Jacob  Stromer,  dans  Anzeiger 
des  germanischen  National  Muséums,  n"  6,  1897. 

Schmidt  (Charles).  —  Herrade  de   Lansperg. 

—  In-40,  Strasbourg,  Heitz  et  Mundel. 


Btbliograptne. 


75 


Sitte  (G). —  Le  château  de  KREUZENSTEiN,dans 
Kunst  und Kunsthandwerk  (ire  année,  n°3,  1898.) 

Weese  (A.). —  Die  Bamberger  Domsculpturen. 
—  In  8°,  175  p.  et  33  pi.  Strasbourg,  Heitz  et  dans 
Deutsche  Lilteraturzeitung  (n°  12,  1898.) 


3nQlctetrc. 


Caldicott  (C).  —  Guide  to  Hereford  Cathe- 
dral.  —  In-S",  Londres,  Idiffe. 


Italie. 


Beltranni  (L.).  —  L'Arte   negli  arredi  sacri 

DELLA    LOMBARDIA     CON    NOTE  STORICHE    E    DESCRIT- 

tive.  —  Info,  80  pi.  Milan,  U.  Hoepli. 

Busiri-Vici    (A.).  —  Il    ministero   della   SS. 

EUCHARISTIA    IN    UN  DIP1NTO  DI    SCUOLA  VENETA  DEL 

secolo    decimoquinto.    —  In-40,  fig.   5  pi.   Rome, 
Soc.  typogr. 

*  Contigliozzi  (Le  chev.).  —  Calendario  d'Oro. 
Annuario  nobiliare,  diplomatico,  araldico.  — 
In-'8°de  431  pag.,  avec  de  nombreux  blasons  et  por- 
traits. Rome. 

Franceschini  (P.).  —  La  tomba  di  Lorenzo 
dei  Medici  detto  il  Magnifico.  —  In-8°,  4  pi. 
Florence,  Baroni  et  Lastrucci. 

Grisar  (H.)  S.  J.  —  Il  musaico  dell'  oratorio 
Lateranense  diSanVenanzioegli  scavi  di  Salona. 
Dans  Civiltà  Caftolica,  tom.  I  (Archeologia),  Rome, 
1S98. 

Le  même.  —  Gli  antichi  abiti  sacri  e  profani, 
specialmente  sul  musaico  lateranense  di  San 
Vf.nanzio  (Jbid.,  Archeologia,  n.  86-89).  hm 

Le  même.  —  Della  statua  di  bronzo  di  san 
Pietro  apostolo  nella  basilica  vaticana.  Difesa 
della  sua  antichita  (Ibid.,  tom  II,  Archeologia,  n. 
9>"93)- 

Le  même.  —  Della  catena  romana  di  san 
Pietro  apostolo  e  dell'  antichita  della  basilica 
Eudossiana   {Ibid.,  tom.  III,  Archeologia,   n.  94-97). 

Orioli  (P.).  —  Il  pemsiero  religioso,  civile,  ar- 
tistico  ovvero  reminiscenze,  arte  ed  inscrizioni 
nel   duomo  di  mantova,  con  brevi  cenni  sulla 

PIAZZA  SORDELLO,  ALIAS   DI  S.    PlETRO.  III  8°.    Man- 

toue,  Aldo  Manuzio. 

Serino  (V.).  —  Cenni  sulla  pittura  fioreniina 
del   XV  e  XVI  secolo.  —  In-S°,  Naples,  A.  Tocco. 

.  Spighi  (C.)  —  Un  voto  della  giunta  supe- 
riore  di  belle  arti  sulla  tomba  di  Lorenzo  il 
Magnifico.  —  In-8°,  pi.  Florence,  Ariani. 

Supino  (J.-B  ).  —  Il  campo  santo  di  Pisa.  — 
In-8°,  Florence,  Alinari. 

Torre  (R.  della).  — ■  Una  lapide  bizantina  e  il 
battisterio  di  Callisto,  Monumenti  eucaristici 
nella  città  di  Cividale  del  Friuli.  —  In-S°,  pi. 
Cividale,  F.  Strazolini. 


Trenta  (G.).  —  Alcune  osservazioni  sopra  il 
Camposanto  di  Pisa,  di  F.  Benvenuto  Supino,  con 
documenti  inediti.  —  In-8°,  Florence,  B.  Seceber. 


Espagne. 


*  Pedrosa  (F.-R  )  —  Cathédrale  de  Barce- 
lone. —  Grand  in-40  de  luxe,  illustré  de  70  pi.  et  d'un 
grand  nombre  d'autotypies  de  J.  Furnells.  Description 
artistico-archéologique,  précédée  d'un  aperçu  histori- 
que par  l'abbé  Soler,  traduction  de  l'espagnol  par  A. 
H.  Bertol.  —  Barcelone,  Parera  et  C°. 


^>uèoc. 


Bœttiger.  —  La  collection  des  tapisseries  de 
l'État  suédois,  t.  IV.  Traduction  par  G.  L.  Ull- 
mann.  —  In-fol.,  Stockholm,  Imprimerie  royale. 


9ntricfjc= longue. 


Caprin  (C).  —  Il  trecento  a  Trieste.  —  Gr. 
in-8°,  avec  grav.  et  2  pi.  Trieste,  F-H.  Schimpff. 

Chini  (G.). — Ilpalazzo  municipale  diRovereto, 
note  storico  -  descrittive.  —  In-8°,  Rovereto,  tip. 
Roveretana. 

Goldschmied.  —  L'iconographie  des  patriar- 
ches au  moyen  âge,  dans  le  t.  Il  des  Publications  de 
/a  Société  littéraire  Israélite  de  Hongrie. 

Richter  (J.P.).  — Quellen  der  byzantinischen 
Kunstgeschichte.  Ausgewaehlte  Texte  ûber  die 
Kirchen,  Kloester,  Palaeste,  Staatsgebaeude 
und  andere  Bauten  von  Konstantinopel.  —  In-8°, 
Vienne,  C.  Graeser. 


IRussie. 


Korelin  (M.S.).  —  Otcherki  italianskago 
vozroydeniia.  La  Renaissance  italienne.  — In-16, 
Moscou,  Kuchnerev. 

Laskine.  —  Remarques  sur  les  Antiquités  de 
Constantinople,  dans  la  Revue  byzantine  russe,  t.  IV, 
fascicules   3-4. 

Latychev  (V.-V.).    —  Sbornik  gretcheskukh 

NADPISEI  KHRISTIANK.UKH  VREMEN  IZ  TUYNOI  RoSSII. 

(Inscriptions  grecques  chrétiennes  de  la  Russie  mé- 
ridionale). —  In-8°,  et  12  pi.  Saint-Pétersbourg,  imp. 
de  l'Académie  des  sciences. 


TBcIgiquc. 


Goblet  d'Alviella.  —  Des  influences  classi- 
ques dans  l'art  de  l'inde,  dans  le  Bulletin  de  l'A- 
cadémie royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  Beaux- Arts 
de  Belgique,  N°  7  (1897). 

Helbig  (Jules).  —  Fra  Angelico  de  Fiesole,  sa 
vie  et  ses  travaux,  par  Et.  Beissel,  S.  J. —  Un  vol. 
grand  in-40,  de  144  pages,  illustré  de  10  planches  et 
de  45  grav.  dans  le  texte.  Desclée,  De  Brouwer  et  Cie, 
Société  Saint-Augustin,  Bruges  et  Lille. 

Prix  :  fr.  7,50. 

Inventaire  archéologique  de  Gand.  Catalogue 
descriptif  et  illustré  des  monuments,  œuvres 
d'art  et  documents  antérieurs  à  1S30.  —  In-8°  en 
feuillets.  Gand,  N.  Heins. 


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*wl)  l  OlîtCJUC.  SOMMAIRE:  MONUMENT  DU  CARDINAL  LAVIGERIE.  -  L'OR- 
NEMENTATION DES  ÉGLISES.  —  RESTAURATIONS:  Notre-Dame  de  Paris;  Musée  de 
Cluny  ;  Mont  St-Michel  ;  Ste-Walburge  à  Audenarde  ;  Collégiale  de  Soignies,  etc.—  NOUVEL- 
LES :  Saint-Séverin  à  Paris  ;  Florence  ;  Monastère  du  Puy  à  Périgueux,  etc.  —  PORCHES 
LATÉRAUX  DE  CHARTRES.  —  CHAPELLE  DE  SAINT-MARTIN  EN  BOCAGE.  —  LES 
BRESLAY  A  LA  CATHÉDRALE  D'ANGERS.  —  Sarcophage  à  Pamiers  ;  —  Cloche  à  Fère. 
—  BELGIQUE  :  Discours  de  M.  le  ministre  De  Bruyn.  —  Exposition.  —  Peintures  murales.  — 
NÉCROLOGIE  :  Stuart  Knill. 


H  la  mémoire  De  ffirjr  Uatugeric. 

nE    mausolée  du   Cardinal  vient   d'être 
inauguré  solennellement  à   Carthage. 


Dans  une  lettre  adressée  à  ses  «  col- 
laborateurs »  pour  l'œuvre  de  ce  mo- 
nument, S.  É.  Mgr  l'archevêque  de  Carthage 
rappelle  que  dès  que  la  Providence  l'eut  conduit 
à  Tunis  pour  recueillir  une  portion  de  l'héritage 
paternel,  son  désir  le  plus  vif  fut  d'honorer,  par 
un  hommage  durable,  l'illustre  mémoire  du 
défunt. 

«  Je  songeais,  dit  Son  Éminence,  à  l'érection 
d'un  mausolée  dans  la  basilique  de  Carthage, 
près  du  caveau  qu'il  s'était  choisi,  qu'il  avait 
voulu  bénir  et  que,  par  un  sentiment  d'humilité 
sincère,  il  avait  orné  d'une  épitaphe  pleine 
d'enseignement  sur  la  vanité  des  grandeurs  hu- 
maines. » 

L'exécution  du  projet  confié  à  M.  Gustave 
Crauck  n'a  pas  exigé  moins  de  trois  ans.  Voici 
quelques  données  sur  le  monument. 

Deux  religieux,  absorbés  dans  le  recueillement 
de  la  douleur,  pleurent  et  prient  agenouillés  aux 
pieds  de  leur  Père  ;  des  nègres,  dans  l'ardente 
reconnaissance  de  leur  liberté  reconquise,  agitent 
leurs  chaînes  brisées  ;  une  femme  arabe  lui 
présente  l'enfant  qu'il  a  sauvé  de  la  faim,  le  Car- 
dinal lui-même,  dans  l'attitude  du  héros  blessé, 
tombe  sur  le  champ  de  bataille. 

Le  sarcophage  est  enrichi  d'une  inscription  due 
à  la  science  de  Mgr  Robert,  évéque  de  Marseille. 

CAKOLO.  MARTIALI.  S.    R.    E.  CARDINALI.  LAVIGERIE 
ARCH.  CARTHAGIN.  ET.  ALGERIEN.  AFRICAE.   PRIMAT] 

QVEM.  EX.  ORACVLO.  LEONIS.  XIII     PONT.  MAX. 

SINGVLARIA.  IN.  AFRICAM.  MERITA.  SIC.  COMMENDANT 

VT.  CVM.  VIRIS.   DE.  CATHOLICO.    NOMINE.  VRBANOQVE.  CVLTV 

SVMME.   MERITIS.  COMPARANDVS.  ESSE.    VIDEATVR 

BARTHOLOMAEVS.  CLEMENS.  COMBES.  FILIVS.  ET.    SVCCESSOR 

HOC.  MONVMENTVM.  FACIENDVM.  PIE.  CVRAYIT 

H'orncmcntatton   Des  églises.  — 

N  docteur  en  théologie  écrit  au  Bien  Public 
de  Gand. 


u 


Avec  le  plus  vif  intérêt  j'ai  lu  les  très  remarquables 
Causeries  artistiques,  publiées  ces  dernières  semaines 
dans  le  liien  Public. 

Les  idées  exposées  en  ces  articles  m'ont  paru  frappées 
au  coin  du  bon  sens  et  du  bon  goût. 

Toutefois  dans  la  dernière  Causerie,  A  propos  d'Art 
religieux,  il  est  deux  points,  que,  si  vous  le  permettez,  je 
voudrais  agrémenter  de  quelques  discrètes  notules. 


Certes,  il  est  déplorable  de  voir  souvent,  à  propos  du 
Mois  de  Marie  ou  d'autres  circonstances,  «  de  belles 
architectures  masquées  par  des  draperies  lourdes  et  criar- 
des »  ;  certes,  il  est  à  souhaiter,  que,  sans  hésitation,  on 
remise  au  hangar  à  vieilleries  4  les  vases  à  fleurs  artifi- 
cielles en  papier  froissé  sans  formes,  les  candélabres  d'un 
goût  plus  que  douteux  et  les  boules  de  verre  argenté  au 
mercure  ». 

Mais  faut-il  pour  cela  mettre  à  l'index  les  tentures,  et 
préconiser,  indifféremment  partout,  le  décor  artistique 
obtenu  au  moyen  de  plantes  ornementales?  Je  ne  le  pense 
pas,  et  voici  pourquoi. 

Nous  devons  chercher  nos  inspirations,  même  esthé- 
tiques, non  pas  avant  tout  dans  le  goût  du  monde,  fût-il 
intrinsèquement  artistique,  mais  dans  les,  lois  et  les 
usages  de  la  Liturgie  romaine.  C'est  à  l'Eglise  notre 
Mère  que  nous  devons,  en  tout  premier  lieu,  demander 
ordre  ou  conseil. 

Or,  au  sujet  de  l'ornementation  de  nos  autels  de  circon- 
stance, tels  que  les  reposoirs,  les  trônes  de  Marie,  etc., 
l'Église  nous  donne  une  norme  précieuse,  quand  elle  règle 
la  manière  de  décorer  l'autel-reposoir  du  Jeudi-Saint, 
autel  que  l'on  appelle  souvent,  mais  bien  improprement, 
le  sépulcre. 

La  rubrique  préceptive  du  Missel  nous  dit  :  «  Paretur 
locus  aptus,  et  decenter,  quoad  fieri  potest  ornetur  cum 
velis  et  luminibus.  »  —  «  On  doit  préparer  un  endroit 
convenable,  et  l'orner  le  mieux  que  l'on  pourra,  avec  des 
tentures  et  des  lumières.  » 

Le  Jeudi-Saint,  il  est  donc  prescrit  d'employer,  comme 
moyen  principal  d'ornementation,  les  tentures  et  le 
luminaire. 

La  Sacrée  Congrégation  des  Rites  a  déclaré  à  plusieurs 
reprises,  qu'il  était  défendu  d'orner  le  Repositorium  du 
Jeudi-Saint  dételle  façon  que  l'auguste  Sacrement  appa- 
raisse comme  au  milieu  d'un  jardin. 

Nous  avons  donc  une  loi  positive  et  formelle  pour 
l'autel  du  Jeudi-Saint.  Cette  loi  nous  indique  clairement 
quel  est  l'esprit,  et  quels  sont  les  vœux  de  l'Église  pour 
les  autres  cas  qui  peuvent  se  présenter. 

Le  Cérémonial  des  Évêques  (1.  r,  c.  12,  n.  5)  dit  au  sujet 
des  décors  de  circonstance  pour  les  solennités  :<  Intus,  si 
ficri  poterit,  parie/es  Ecclesiœ,  si  militer  aillais,  tribunœ 
vero  holosericis  aut  nobilioribus  cortinis,  coloris  cceterorum 
paramentorum  pro  festi  qualitate  contegantur.  »  —  <  A 
l'intérieur,  si  cela  est  possible,  on  couvrira  les  murs  de 
l'église  de  tentures,  on  mettra  aux  tribunes  des  courtines 
de  soie  ou  d'étofte  encore  plus  ornée  ;  la  couleur  en  devra 
être  celle  des  autres  ornements  exigés  par  la  qualité  de 
la  fête.  > 

C'est  conformément  à  cette  ordonnance,  tout  au  moins 
directive,  que  les  Romains  savent  orner  leurs  églises  avec 
un  goût  exquis  aux  jours  des  solennités.  Dans  les  grandes 
basiliques,  et  dans  les  moindres  sanctuaires  de  Rome, 
c'est  l'emploi  des  tentures,  et  non  point  des  plantes  orne- 
mentales, qui  fait  presque  tous  les  frais  des  décors  de 
circonstance. 

Il  y  a  quelques  années,  comme  on  s'était  permis,  dans 
une   église   secondaire  de  Rome,    d'adopter   l'usage   de 


Chronique. 


77 


plantes  ornementales,  VOsservatore  Romano  fit  paraître 
de  suite  le  communiqué  suivant  :  «  Nous  sommes  chargés, 
par  l'autorité  qui  préside  au  maintien  des  rites  sacrés  de 
l'Église,  de  faire  savoir  que  les  corbeilles  de  fleurs  artifi- 
cielles, suspendues  aux  voûtes,  ne  conviennent  point  à  la 
sainteté  de  nos  temples.  Relativement  aux  fleurs  employées 
comme  ornement  dans  les  circonstances  solennelles,  leur 
usage  a  été  parfaitement  approuvé  dès  les  premiers  siècles 
de  l'Eglise,  pourvu  qu'elles  soient  disposées  sous  forme 
de  guirlandes  ou  de  couronnes  entremêlées  de  feuilles  de 
laurier,  comme  l'atteste  S.  Paulin  de  Noie  dans  ses  admi- 
rables poèmes,  et  comme  on  les  emploie  encore  aujour- 
d'hui à  l'occasion  des  canonisations  des  Saints.  Au  con- 
traire, suspendre  des  corbeilles  de  fleurs,  spécialement 
sous  les  arceaux  des  voûtes.est  chose  inusitée  dans  l'Eglise 
et  ne  convient  qu'aux  spectacles  profanes.  Ces  observations 
empêcheront,  nous  n'en  doutons  pas,  un  pareil  abus  de 
se  renouveler  à  Rome  et  ai/leurs.  >> 

Personne  ne  niera  que  ce  communiqué,  reproduit  aussi- 
tôt dans  les  colonnes  du  Bien  Public,  ne  nous  donne,  tout 
au  moins,  une  direction  aussi  précieuse  que  précise. 

Vous  me  direz  :  Pourquoi  n'aimez-vous  pas  l'emploi  des 
plantes  ornementales  comme  moyen  de  décor  dans  les 
églises  ? 

Les  raisons  sont  bien  simples.  Tout  d'abord,  comme  le 
fait  remarquer  VOsservatore  Romano,  cela  sent  trop  le 
spectacle  profane  et  ne  convient  guère  à  la  sainteté  de  nos 
temples.  Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  d'avoir  vu  une 
église  de  Paris  toute  remplie  de  plantes  rares,  et  d'avoir 
contemplé  une  basilique  romaine  vêtue  de  ses  ornements 
de  soie,  ou  l'une  de  nos  vieilles  cathédrales  du  Nord  parée 
de  ses  gobelins  ;  d'un  côté  c'est  un  salon  ou  une  salle  de 
spectacle,  e  t  de  l'autre  c'est  un  temple,  la  maison  de  Dieu, 
et  le  lieu  de  la  prière. 

A  cette  raison  liturgique,  qui  est  la  principale,  viennent 
se  joindre  des  raisons  d'ordre  moindre,  mais  très  pra- 
tique. 

Il  n'est  pas  possible  dans  tous  les  climats  de  se  procurer 
et  de  conserver  des  plantes  ornementales.  On  ne  peut 
annexer  à  chaque  église  paroissiale  une  serre  chaude.  Il 
est  au  contraire  très  facile  de  se  pourvoir  de  tentures,  si 
modestes  soient-elles,  de  les  serrer  soigneusement  pour 
les  conserver  longtemps,  et  de  les  draper  avec  goût.  Cela 
peut  se  faire  partout,  en  Sibérie  aussi  bien  qu'au  Congo. 
Or,  l'Église  fait  sa  loi,  et  donne  ses  conseils,  pour  tous  les 
peuples  qui  sont  tous  ses  enfants. 

En  dernier  lieu,  il  est  difficile  d'éviter  les  inconvénients 
multiples  que  présente  l'emploi  des  plantes  ornementales 
dans  les  églises. 

Ces  plantes  apportent  presque  inévitablement  avec  elles 
tout  un  casernement  d'animalcules:  araignées,  cloportes, 
etc.,  qui  envahissent  l'autel  et  exposent  nos  Saints  Mys- 
tères à  des  profanations  ou  à  des  accidents  éminemment 
regrettables.  Un  jour  d'adoration  perpétuelle  du  Très- 
Saint-Sacrement,  alors  que  le  chœur  tout  entier  s'était 
transformé  en  une  pyramidale  exposition  de  plantes  de 
toute  espèce,  j'ai  pu  voir,  non  sans  indignation,  un  gros 
ver  de  terre  et  une  demi-douzaine  de  limaces  se  glisser 
sur  la  nappe  d'autel  pendant  la  célébration  du  Très  Saint 
Sacrifice.  Les  horticulteurs  les  plus  savants  et  les  plus 
soigneux  ne  sauraient  parvenir  à  nous  garantir  contre  des 
incursions  de  ce  genre. 

D'ailleurs,  pour  me  mettre  au  point  de  vue  esthétique, 
n'est-il  pas  aussi  facile  de  tomber  dans  les  excès  du  mau- 
vais goût  en  employant  comme  décor  principal  les  plantes 
ornementales,  qu'en  mettant  en  œuvre  plus  spécialement 
les  traditionnelles  tentures  ? 

J'ai  vu  de  ces  prétendus  décors  de  plantes  ornementales 
qui  étaient  de  parfaites  horreurs.  Dan's  les  grandes  villes 


cela  pourra  réussir,  surtout  dans  les  églises  de  couvents, 
où  l'on  peut  avoir  des  remises  spacieuses,  des  soins  assi- 
dus, et  un  personnel  spécial.  Mais  dans  les  campagnes  et 
dans  la  plupart  des  églises  paroissiales,  là  où  l'on  devra 
se  contenter  de  plantes  prêtées  ou  louées,  l'effet  obtenu 
sera  souvent  d'un  mesquin  et  d'un  criard  insupportable. 

Et  puis,  où  s'arrêtera-t-on  dans  la  voie  de  l'abus?  Je  me 
souviens  d'avoir  vu,  il  y  a  quelques  années,  un  Mois  de 
Marie  inoubliable.  Dans  une  très  joliette  église  de  petite 
ville,  on  avait  transformé  le  chœur  en  jardin  ;  le  parquet 
du  sanctuaire,  disparu  sous  une  épaisse  couche  de  terre, 
offrait  un  jardin  anglais  en  miniature  ;  pelouses, corbeilles, 
chemins  sablés  de  gravier  fin,  minuscule  étang  avec  pois- 
sons rouges,  quantité  de  fougères  et  de  grandes  plantes 
ornementales,  voire  de  vrais  sapins  très  élevés,  rien  n'y 
manquait  ;  il  y  avait  même,  dans  des  cages  dissimulées 
çà  et  là,  des  serins  chargés  de  contrefaire  le  rossignol... 
Et  au  milieu  de  tout  cela  apparaissait  l'autel  de  la  Sainte 
Vierge.  C'était  à  se  tordre  de  rire...  ou  de  pleurer.  Pour 
du  mauvais  goût,  c'était,  n'est-ce  pas,  du  très  mauvais 
goût.  Ce  qui  prouve  que  ce  n'est  pas  l'exclusion  «  du  dais 
classique  »  et  l'emploi  des  plantes  ornementales  qui  fera 
disparaître  le  fléau  du  goût  antiesthétique. 

Ne  soyons  donc  pas  exclusifs.  Laissons  à  l'emploi  des 
tentures  et  des  draperies  la  première  place  qu'elles  occu- 
paient déjà  au  Cénacle  «  Caenaculum  grande,  stratum  > 
et  que  leur  assigne  la  Liturgie,  et  laissons  aux  fleurs,  et 
peut-être,  en  certains  cas,  aux  plantes  ornementales,  la 
place  accessoire  qui  leur  revient. 

Si  la  Liturgie  se  tait  au  sujet  des  plantes  ornementales 
elle  adopte  les  fleurs  comme  un  des  ornements  prescrits 
aux  solennités  {Cérémonial  des  Evêques,  I.  i,  c.  12,  n.  12). 
A  défaut  de  fleurs  naturelles,  le  Cérémonial  des  Évêques, 
/.  c,  tolère  même  les  fleurs  artificielles  faites  en  soie,  ma- 
tière riche  et  d'un  grand  effet. 

A  Rome  on  fait  grand  usage  de  fleurs  disposées  en 
bouquets  ou  en  guirlandes  entremêlées  de  verdure  et  de 
galons  d'or. 

En  signe  de  joie,  on  répand  aussi  devant  la  porte  prin- 
cipale du  buis,  des  lauriers,  ou  des  fleurs  effeuillées, 
comme  au  temps  de  S.   Paulin  de  Noie. 

La  causerie  artistique  du  23  décembre  traite  aussi,  très 
complètement  et  très  opportunément,  la  question  si  im- 
portante de  l'imagerie  religieuse. 

Certes,  il  y  a  là  beaucoup  à  reprendre,  et  l'Église  de- 
puis quelques  années  y  a  beaucoup  repris.  Beaucoup 
d'évêques,  et  nos  évêques  de  Belgique  sont  de  ce  nombre, 
ont  édicté  ou  plutôt  renouvelé  les  plus  sages  et  les  plus 
minutieux  règlements  à  ce  sujet.  Nos  éditeurs  belges,  et 
en  particulier  la  maison  Desclée,  nous  donnent  actuelle- 
ment des  images  aussi  artistiques  que  religieuses.  Il  n'en 
est  pas  de  même  de  tout  ce  qui  nous  vient  du  beau  pays 
de  France.  «  On  ne  peut  s'empêcher  de  sourire,  et 
souvent  même  on  doit  s'indigner  delà  façon  ridicule  dont 
l'Eglise,  ses  Saints  et  ses  Sacrements  sont  représentés.  » 

Où  est  le  remède  ?  Dans  l'abstention  des  acheteurs 
Il  y  a  là  une  grève  générale  à  décréter  bien  utilement. 
Si  tous  les  acheteurs,  —  prêtres  et  laïques  —  refusaient 
impitoyablement  ces  piètres  productions  qu'on  ose  quali- 
fier d'imagerie  religieuse,  la  rétorme  serait  bientôt  opérée  ; 
les  éditeurs  ne  demanderaient  pas  mieux  que  d'observer 
les  sages  règlements  de  l'autorité  ecclésiastique,  et  nous 
aurions  bientôt  partout  une  véritable  imagerie  religieuse, 
qui  serait,  pour  l'instruction  et  l'édification  du  peuple 
chrétien,  un  puissant  adjuvant. 

L.  J.  L. 


78 


Bebue  fce  r&rr  chrétien. 


Restaurations. 

ES  échafaudages  ont  été  dressés  à  la 
première  galerie  de  N.-D.  de  Paris, 
devant  les  statues  d'Adam  et  Eve 
dont  les  longues  silhouettes  dominent 
le  parvis.  Cela  a  inquiété  les  archéologues.  Il  est 
vrai  que  la  sculpture  de  l'étage  de  la  Vierge  est 
en  grande  partie  moderne.  Adam,  Eve,  la  Vierge 
portant  le  Christ  entre  deux  anges,  le  long 
défilé  des  rois  (de  France,  ou  de  Judée  ?),  toutes 
ces  statues,  mutilées  en  1793,  ont  été  plus  ou 
moins  refaites  sous  la  direction  de  Viollet-le- 
Duc,  par  les  Dechaumer,  les  Toussaint,  les 
Chevilon,  les  Pascal,  les  Fromage.  L'ancien 
Adam  est  à  Cluny. 

NOUS  avons  parlé  du  Musée  de  Cluny,  le 
seul  monument  civil  de  Paris  qui  ait  con- 
servé son  aspect  primitif  et  le  plus  ancien  de 
tous  les  monuments  de  la  capitale  :  le  palais  des 
Thermes,  en  effet,  dont  la  grande  salle  existe 
encore  intacte,  avec  son  immense  voûte,  remonte 
à  l'époque  de  l'empereur  Julien  l'Apostat  (360). 
Les  travaux  de  restauration  n'ont  fait  que  lui 
conserver  toute  sa  délicatesse  et  son  extrême 
originalité. C'est  un  véritable  bijou  d'architecture. 

Le  Journal  officiel  au  17  novembre  publie  la  loi 
qui  approuve  la  convention  passée  entre  l'État  et 
la  ville  de  Paris  pour  le  dégagement  du  Musée 
et  ouvre  à  cet  effet  au  ministre  de  l'instruction 
publique  et  des  beaux-arts,  sur  l'exercice  1S9S, 
un  crédit  extraordinaire  de  600,000  fr.Les  dépen- 
ses sont  évaluées  provisoirement  à  1,200,000  fr. 
dont  600,000  fr.  à  la  charge  de  la  ville  de  Paris, 
qui  devra  procéder  immédiatement  aux  forma- 
lités nécessaires,  pour  l'acquisition  des  terrains 
par  voie  d'expropriation.  Le  sol  à  provenir  de 
cette  expropriation  sera  converti  en  un  square 
public  qui  s'étendra  ainsi  entre  la  façade  de  la 
Sorbonne  et  Cluny  et  qui  restera  la  propriété 
exclusive  de  la  ville  de  Paris  à  la  charge  pour 
elle  d'en  assurer  l'entretien. 


OX  vient  de  placer  définitivement  au  sommet 
de  la  flèche  de  40  mètres  de  hauteur  édifice 
sur  la  tour  en  granit  de  l'abbaye  du  Mont  Saint- 
Michel  la  statue  de  l'Archange  aux  ailes  dé- 
ployées. Cette  statue  en  bronze  doré,  haute  de 
4  mètres  et  pesant  1,500  kilos,  plane  ainsi  à 
200  mètres  audessus  de  la  baie.  M.  Frémiet, 
auteur  de  cette  noble  statue,  en  avait  exposé 
la  maquette  au  Salon  de  1896. 

Journal  des  Arts,  21,  8.  97. 
— K-M— — »©*- 


LA  fabrique  d'église  de  Sainte-Walburge  à 
Audenarde  a  eu  l'heureuse  idée  de  faire 
restaurer  la  partie  la  plus  ancienne  de  son  église 
et  de  lui  rendre  ainsi  le  cachet  de  grandeur 
qu'elle  avait  en  1150.  En  17S6,  cette  église 
subit  une  malheureuse  transformation,  qui  lui 
enleva  en  grande  partie  son  caractère  artistique. 

Après  la  restauration,  qui  est  poussée  active- 
ment en  ce  moment  par  M.  Langerock,  le  chœur 
central  sera  terminé  par  un  chevet  plat,  comme 
le  sont  les  deux  choeurs  latéraux.  Chacun  des 
chevets  sera  percé  d'une  immense  fenêtre  ogivale 
à  meneaux.  Les  murs  Nord  et  Sud  des  chœurs 
latéraux  seront  percés  de  fenêtres  géminées  à 
lancettes  avec  colonnettes,  chapiteaux  et  bases. 
Les  trois  chœurs  seront  cantonnés  par  quatre 
tourelles  rondes,  très  élégantes,  décorées  d'une 
double  rangée  d'arcatures  avec  colonnettes.  Les 
deux  tourelles  démolies  en  1406,  lors  de  la  con- 
struction du  chevet  polygonal  du  chœur  central, 
seront  rétablies. 

Les  maisons  adossées  aux  trois  chœurs  ont  été 
expropriées  en  partie  ;  plusieurs  vont  disparaître. 
On  pourra  ainsi  mieux  admirer  l'édifice  entier, 
qui  constitue  un  admirable  monument  d'art  ar- 
chitectural. 

— îO< *©*- 

ON  va  placer  trois   nouvelles   verrières  dans 
la  chapelle  de  Sainte-Croix  à  la  cathédrale 
de  Bruges  (auteur  M.  Grosse). 

—t®l    ■    iQf- 


A  T  Lenertz  a  été  chargé  de  la  restauration 
[yXi  ^u  célèbre  lutrin-aigle  de  l'église  de  Hal, 
œuvre  de  dinanderie  tournaisienne. 


LA  remarquable  petite  église  romane  de  Saint- 
_j  Séverin-en-Condroz,  qui  constitue  un  des 
vestiges  les  plus  précieux  du  style  roman  en 
Belgique,  menaçait  ruine;  on  va  y  exécuter  d'ur- 
gence les  travaux  nécessaires  pour  la  sauver. 


ON  poursuit  lentement  la  restauration  de  la 
collégiale  romane  de  Soignies,  sous  la 
direction  de  M.  A.  Verhaegen.  On  va  démolir  les 
voûtes  de  la  grande  nef,  du  transept  et  de  la 
croisée,  afin  de  rétablir  les  antiques  plafonds 
plats,  dont  il  reste  des  vestiges.  En  vue  de  pré- 
venir l'incendie,  on  établira  au-dessus  de  ces 
plafonds  un  gitage-hourdis  système  Hennebique. 
On  va  rétablir  la  lanterne  de  la  croisée  avec 
ses  fenêtres.  On    a    renoncé   à  conserver  a    nu 


Chronique. 


79 


l'appareil  intérieur,  trop  fruste;  cet  appareil  est 
des  plus  curieux  ;  il  est  à  rapprocher  de  celui 
d'une  porte  du  château  des  comtes  de  Gand  ; 
nous  avons  reproduit  l'un  et  l'autre  de  ces  arcs 
intéressants  (*). 

La  question  de  la  restauration  intérieure  du 
mur  du  chevet  est  réservée  à  cause  du  maître- 
autel  qui  y  est  adossé.  Il  en  est  de  même  pour  le 
jubé. 

-}©<-—»©*— 

ON  restaure  le  souterrain  de  l'ancien  Hôtel- 
de-ville  d'Alost;  on  y  a  déblayé  des  caves 
intéressantes  du  XIIe  et  du  XIIIe  siècle,  fort 
joliment  voûtées. 

ON  poursuit  la  restauration  de  l'Hôtel-de- 
ville  de  Louvain,  et  M.  Langerock  pour- 
suit la  série  des  travaux  de  restauration  de  la 
collégiale  de  Saint-Pierre  dans  la  même  ville. 
Ces  travaux,  correctement  conduits,  auront  pour 
résultat  une  véritable  transfiguration  de  ces 
monuments  remarquables. 


A  BRUGES,  rue  des  Tonneliers,  s'élève  une 
construction  d'aspect  sombre, surnommée  la 
Maison  noire.  Datant  du  XVe  siècle,  la  façade 
est  unique  en  son  genre  ;  l'intérieur  offre  des 
salles  bien  conservées. 

La  vente  publique  de  cet  ancien  édifice  étant 
annoncée,  le  Knnstbond  s'en  occupa  et  délé- 
gua un  de  ses  membres,  conseiller  communal, 
pour  solliciter  de  l'administration  communale 
l'acquisition  de  cet  intéressant  immeuble,  qui 
paraît  tout  indiqué  pour  servir  de  local  de  fêtes 
et  d'expositions,  et  répondrait,  de  cette  façon,  à 
un  véritable  besoin.  Tout  était  pour  le  mieux  et 
les  amis  de  l'art  attendaient  avec  confiance  l'ad- 
judication définitive,  quand  on  apprit  que  la 
Maison  noire  venait  d  être  adjugée  à  un  brasseur 
pour  la  somme  de  39,300  frs. 

La  déception  fut  grande.  L'acquéreur  privé 
aurait  donné  l'assurance  qu'il  achèterait  la  Mai- 
son twire  pour  la  restaurer  complètement  tant 
à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur. 

(  Chron-  des  trav.  pnbl.) 

IJoutielles. 

LE  «  poteau  cornier  %  si  remarquable  du  coin 
de  la  rue  Saint-Denis  et  de  la  rue  des 
Prêcheurs,  à  Paris,  va  disparaître  par  suite  de 
l'expropriation  de  la    maison  contre  laquelle  il 

1.  V.  Revue  de  V Art  chrétien,   année   1896,  p.   422;  année  1897, 
P.  437- 


o 


est  appuyé.  C'était  le  dernier  des  arbres  de  Jessé 
que  Paris  a  possédés.  Ces  arbres,  on  le  sait,  repré- 
sentent l'ascendance  de  JÉSUS-CHRIST  à  partir 
de  Jessé,  père  du  roi  David.  Celui  de  la  rue 
Saint-Denis,  tout  mutilé  qu'il  soit,  demeure  un 
des  plus  rares  spécimens  de  notre  charpenterie 
décorative  du  quinzième  siècle.  Il  existe  des 
poteaux  corniers  du  même  genre  sur  de  vieilles 
maisons  d'Angers,  de  Chartres,  de  Reims,  de 
Sens,  d'Orléans,  de  Beauvais  et  de  Rouen.  Les 
deux  plus  connues  représentations  de  l'arbre  de 
Jessé  à  Rouen,  sont  celles  du  tympan  du  grand 
portail  de  la  cathédrale  et  celle  du  vitrail  de 
St-Godard. 

— *©*— -4©i— 

N  lit  dans  le  Petit    Temps  du   8  décembre  : 

La  Commission  spéciale  de  l'Hôtel  de  Ville  qui 
a  été  chargée  d'examiner  les  anciens  vitraux  de  la  vieille 
église  Saint-Séverin,  dont  la  restauration  est  devenue  né- 
cessaire, a  fait  une  curieuse  découverte. 

Au-dessous  de  la  travée  des  vitraux  dont  il  s'agit  et  qui 
datent  des  quatorzième  et  quinzième  siècles,  se  trouve 
une  série  inférieure  de  vitraux  modernes,  puis  encore  au- 
dessous  de  ceux-ci,  éclairant  les  bas-côtés,  quelques  autres 
vitraux  très  artistiques,  mais  contemporains,  présents  des 
fidèles  de  la  paroisse  à  l'occasion  de  cérémonies  de  fa- 
mille. Au  nombre  de  ces  derniers  est,  au  fond  du  bas-côlé 
de  droite,  non  loin  du  bénitier,  un  vitrail  en  triptyque  re- 
présentant Jésus-Christ  au  milieu  d'une  foule  d'hom- 
mes, de  femmes  et  d'enfants  qui  se  pressent  autour  de 
lui.  Ce  vitrail  porte  l'inscription  suivante: 

Jésus  bénissant  les  enfants 
Souvenir  de  première  communion 

3  mai  1877. 

Cette  date  du  3  mai  1877  est  celle  de  la  première  com- 
munion de  Christian  Garnier,  fils  de  l'architecte,  et  le  vi- 
trail a  été  donné  par  la  famille  damier  à  l'église  Saint- 
Séverin,  sa  paroisse,  à  l'occasion  de  cette  cérémonie. 

Or,  par  une  fantaisie  de  Charles  Garnier,  le  panneau 
de  gauche  de  ce  vitrail  triptyque  garde  sous  les  costumes 
nazaréens,  parmi  la  foule  qui  entoure  JÉSUS,  les  portraits 
parfaitement  reconnaissables,  bien  qu'ils  remontent  à  plus 
de  vingt  ans,  de  Christian  Garnier,  de  Mmt  Garnier  et  de 
Charles  Garnier  lui-même.  Charles  Garnier,  qui  se  trouve 
modestement  le  dernier  personnage  à  gauche  de  la  com- 
position, s'avance  vers  le  Christ  précédé  par  un  apôtre 
au  front  nimbé,  devant  lequel  marche  Mme  Garnier,  tenant 
par  la  main  le  petit  Christian  qu'elle  va  présenter  au 
Seigneur. 


LE  manifeste  suivant,  publié  par  la  Société 
pour  la  défense  de  la  vieille  Florence,  fait 
appel  à  l'opinion  publique  éclairée  de  tous  les 
pays. 

«  La  ville  de  Florence  se  trouvant  actuellement  menacée 
de  la  perte  de  plusieurs  de  ses  rues  et  de  ses  monuments 
les  plus  importants  sous  le  rapport  artistique  et  historique, 
il  s'y  est  constitué  une  Société  pour  la  «  défense  de  la 
vieille  Florence  »  sous  la  présidence  du  prince  Corsini 
et  parmi  les  membres  de  laquelle  nous  signalons  MM.  le 
prince  Strozzi,  le  comte  A.  délia  Gherardesca,  le  comte 
U.  Serristori,  le  comte  F.  .Guicciardini,  le  comte   Pietro 


8o 


3Rctnic  tir  V&xt  rbréticn. 


Capponi,  le  marquis  Dino  Uguccioni,  le  marquis  Carlo 
Niccolini,  le  marquis  F.  Torrigiani,  le  professeur  Yillari, 
U.  Cantagalli,  le  professeur  Biagi,  directeur  de  la  Biblio- 
thèque Mediceo  Laurenziana,  le  professeur  Supino,  direc- 
teur du  Musée  du  Bargello.  Cette  Société  ayant  publié 
dans  ses  règlements  qu'elle  s'occupe  plus  spécialement  de 
<  soulever  l'opinion  publique  contre  la  démolition,  la 
transformation  et  la  dispersion  des  trésors  artistiques  et 
historiques  de  Florence  »,  les  soussignés  étrangers  de  tou- 
tes les  nationalités,  unis  par  l'affection  envers  une  des  plus 
belles  et  des  plus  hospitalières  villes  de  l'Europe,  s'em- 
pressent d'exprimer  à  la  «  Società  per  la  Difesa  di  Firenze 
Antica  »  leurs  sentiments  de  vive  sympathie  pour  le  but 
qu'elle  se  propose,  ainsi  que  leurs  vœux  les  plus  sincères 
pour  la  parfaite  réussite  de  ses  efforts  aussi  généreux 
qu'éclairés.» 


ON  est  occupé  présentement  à  une  triste 
besogne  :  la  démolition  du  monastère  du 
Pny  à  Saint-Front  de  Périgueux.  U  y  a  25  ans 
déjà,  F.  de  Verneilh  prévoyait  cet  acte  de  van- 
dalisme et  adjurait  les  Périgourdins  de  s'en 
épargner  le  tort  :  aujourd'hui,  écrivait-il,  ils  de- 
vraient se  souvenir,  que  le  monastère  de  Puy- 
Saint-Front  a  été  l'origine,  puis  la  sauvegarde  de 
la  ville  actuelle.  Les  pressentiments  de  l'illustre 
archéologue  se  sont  réalisés  ;  il  ne  reste  plus  rien 
de  ce  cloître  élevé  au  XIe  siècle  sur  les  fonde- 
ments d'un  temple  païen  et  le  donjon  qui  le  flan- 
quait tombe  à  son  tour  sous  la  pioche  brutale. 

L'Architecture,  dans  sou  numéro  du  14  janvier 
1899,  salue  le  vénérable  édifice  qui  disparaît,  en 
en  reproduisant  le  relevé,  dû  à  M.  J.  Mandin.  Il 
y  signale  la  découverte  de  deux  fragments  de 
sculpture  du  IXe  siècle. 

L.  C. 


Borcbcs  larcraur  De  Cbarrrcs. 

Nous  lisons  dans  la  Semaine  Religieuse  de 
C  hartres  : 

Jusqu'ici  les  archéologues  admettaient  que  les  porches 
latéraux  de  notre  cathédrale  dans  leur  ensemble  avaient 
été  faits  d'une  haleine,  immédiatement  après  les  façades 
qu'ils  décorent,  de  1:40  à  12S0  environ,  et  qu'ils  étaient 
sortis  tout  entiers,  tels  à  peu  près  que  nous  les  voyons,  du 
cerveau  de  l'admirable  architecte  qui  les  conçut. 

Un  examen  plus  approfondi  de  ces  magnifiques  mor- 
ceaux de  l'art  gothique,  examen  que  nous  ont  facilité  les 
travaux  de  consolidation  dont  le  porche  Sud  est  l'objet, 
nous  a  permis  de  constater  avec  certitude  que,  contraire- 
ment à  l'opinion  commune,  ils  ont  été  construits  en  deux 
fois  et  à  des  époques  relativement  distantes  l'une  de 
l'autre. 

On  ne  pensa  d'abord  qu'à  imiter  le  portail  occidental, 
lequel  ne  comportait  de  statues  qu'aux  ébrasements  et 
aux  voussures  des  portes  et  n'avait  point  de  porche  en 
saillie.  Sur  son  modèle,  les  deux  porches  latéraux  primi- 
tifs ne  dépassèrent  pas  les  ébrasements  et  les  voussures 
de  leuis  portes.  Les  baies  des  extrémités  ne  reçurent  de 
chaque  côté  que  trois  grandes  statues,  et  si  les  baies  cen- 
trales en  possédèrent  six,  quatre  seulement  se  dressèrent 


sur  chaque  ébrasement,  et  les  deux  autres  se  tinrent  en 
avant,  selon  une  disposition  qui  reste  un  peu  obscure.  Les 
voussures  ne  furent  garnies  que  de  trois  ou  quatre  cor- 
dons. Et  ce  fut  tout. 

C'était  trop  peu  pour  ces  larges  façades,  d'autant  plus 
que  l'effet  de  ces  portails  était  notablement  diminué  par 
les  quatre  grands  contreforts  qui  descendaient  alors  jus- 
qu'en bas  et  se  projetaient  à  deux  mètres  et  demi  des 
portes. 

C'est  pourquoi  l'on  fut  bientôt  amené  a  compléter  les 
portails  par  des  porches  saillants,  soutenus  en  avant  par 
des  piliers  décorés  de  scènes  ou  de  grandes  statues.  Pour 
insérer  ces  nouvelles  constructions,  on  coupa  les  contre- 
forts et  on  les  soutint  par  des  linteaux  armés  de  fer  ;  de 
plus,  on  appuya  les  voûtes  nouvelles  non  contre  les  vous- 
sures primitives,  mais,  en  passant  par-dessus,  contre  la 
muraille  même  de  la  façade. 

L'on  a  pu  facilement  constater  combien  cette  addition 
était  postérieure,  lorsque  l'on  a  dû  récemment  démolir 
pierre  par  pierre  les  parties  avancées  de  la  baie  de  droite 
et  de  la  baie  centrale  du  portail  Sud. 

Ainsi  les  porches  ne  sont  pas  de  la  même  façon  et  du 
même  plan  que  les  portails.  Ils  leur  ont  été  accolés  après 
coup,  très  habilement  sans  doute,  non  toutefois  si  bien 
que  l'on  ait  pu  dissimuler  leur  point  de  jonction. 

Ce  fait  si  grave  se  trouve  confirmé  par  mille  observa- 
tions d'ordre  architectural  et  artistique  qu'il  serait  trop 
long  de  mettre  ici  en  lumière.  Qu'il  suffise  de  dire  que  les 
deux  parties  accusent  leur  distinction,  une  fois  qu'on  en 
est  prévenu,  par  la  nature  et  la  taille  de  leurs  pierres  res- 
pectives, par  la  disposition  des  joints,  et  surtout  par  la 
diversité  des  styles  propres  aux  décorations  et  aux  statues. 
Cette  diversité  n'avait  pas  échappé  à  un  certain  nombre 
d'artistes,  mais  ils  ne  savaient  qu'en  conclure,  parce  qu'ils 
croyaient  toujours  que  les  porches  étaient  contemporains 
des  portails  et  sortaient  du  même  jet. 

Puisque  nous  sommes  certains  que  ce  sont  des  œuvres 
distinctes  et  successives,  nous  sommes  libres,  à  défaut  de 
textes,  d'attribuer  à  chacun  d'eux  la  date  que  lui  assignent 
la  nature  des  sujets  qu'ils  représentent  et  la  façon  dont 
ils  sont  traités. 

Pour  les  portails  eux-mêmes,  il  est  sûr  qu'ils  furent 
construits  en  même  temps  que  la  façade  dont  ils  font 
partie.  Le  caractère  de  leurs  statues,  surtout  des  plus 
grandes,  qui  sont  toutes  hiératiques  et  sévères,  les  rattache 
certainement  à  la  première  moitié  du  XIIIe siècle.  Le  por- 
tail Sud  paraît  avoir  été  terminé  plus  tôt  que  celui  du 
Nord;  il  est  plus  grave;  celui-ci  renferme  en  effet  des  sta- 
tues plus  jeunes,  surtout  dans  la  baie  de  gauche  (Visita- 
tion, Annonciation);  peut-être  même  ces  dernières  statues 
ne  furent-elles  achevées  que  lors  de  la  construction  des 
porches. 

Quant  aux  porches  eux  mêmes  et  aux  mille  sculptures 
décoratives  ou  historiées  dont  ils  sont  ornés,  leur  ensem- 
ble révèle  une  imagination  si  riante  et  un  ciseau  si  fin,  qu'il 
faut  les  attribuer  au  premier  quart  du  XIVe  siècle  ou  au 
moins  aux  dernières  années  du  XIIIe. 

On  dut  commencer  par  le  porche  Sud  et  terminer  par 
le  porche  Nord;  tous  deux  sont  d'une  élégance  exquise, 
mais  le  second  est  encore  le  plus  raffiné.  La  nature  des 
sujets  traités  nous  reporte  sûrement  à  l'époque  indiquée. 
On  y  trouve  dans  l'un  et  dans  l'autre  bien  des  personnages 
chartrains  :  saint  Laumer,  saint  Avit,  saint  Cheron,  saint 
Calétric,  saint  Solenne,  et  surtout  saint  Modeste  et  saint 
Potentien,  avec  le  puits  des  SS.  Forts;  or  c'est  surtout, 
c'est  presque  uniquement  au  début  du  XIVe  siècle  que 
ces  sujets  locaux  tirent  invasion  dans  l'art  et  dans  l'his- 
toire. De  même  la  présence  de  saint  Louis,  canonisé  en 
1297  et  représenté  pieds  nus,  et  celle  de  Philippe  le  Hardi, 


Chronique. 


81 


mort  en  1 285,  nous  relance  jusqu'au*  approches  du  même 
siècle.  Que  ne  pouvons-nous  retrouver  dans  ces  documents 
le  Roder  ou  Robert  qui  a  mis  son  nom  sur  un  des  piliers 
du  porche  Nord?  nous  serions  tout  à  fait  fixés. 

Cela  posé,  on  ne  peut  qu'admirer  l'art  des  architectes 
de  la  seconde  période.  En  complétant  les  portails  par  les 
porches,  ils  les  ajustèrent  très  adroitement  ensemble.  Ils 
adoptèrent  des  sujets  en  parfaite  conformité  avec  ceux  que 
les  premiers  artistes  avaient  ébauchés  ;  et  ils  ne  se  dis- 
tinguèrent de  leurs  prédécesseurs  que  par  les  qualités 
de  finesse  et  de  naturel  exigées  par  les  progrès  de  leur 
époque;  et  encore,  ils  ne  firent  rien  qui  fût  disparate  et 
heurté.  En  un  mot,  ils  conservèrent  l'unité  matérielle  et 
morale  du  porche,  et  en  cela  ils  exécutèrent  un  véritable 
prodige  de  souplesse  qu'il  est  bon  de  signaler. 

A.  Clerval. 

Sur  le  même  suj'et  M.  A.  Marignan  vient  de 
publier  dans  la  Revue  du  Aloyen  Age  un  article 
dont  voici  le  résumé  d'après  M.  Clerval. 

Les  archéologues  prétendaient  jusqu'ici  que  ce  por- 
tail, appelé  aussi  le  portail  royal,  avait  été  construit  de 
1145  à  n.50,  en  arrière  des  clochers,  et  qu'en  1194, 
après  l'incendie  de  la  cathédrale  précédente,  on  s'était 
contenté  de  le  reporter  un  peu  plus  en  avant  des  mêmes 
clochers  tel  qu'il  était,  sans  grande  retouche.  Autre  est 
l'opinion  de  M.  A.  Marignan.  «  L'étude  minutieuse  de  ce 
<k  portail,  dit- il,  nous  conduit  à  la  fin  du  XIIe  siècle.  C'est 
«  bien  vers  1 194,  c'est-à-dire  au  moment  où  l'église  fut 
«  brûlée,  qu'on  édifia  ce  porche,  en  faisant  servir  peut-être 
«  les  colonnes  de  l'église  de  1145,  mais  ni  le  dessin  des 
«  petites  figures  des  tympans,  ni  celui  des  statues  colonnes 
«  ne  peuvent  nous  fournir  la  preuve  qu'elles  ont  été  faites 
«  dans  la  première  partie  du  XI  Ie  siècle.  » 

Pour  appuyer  cette  conclusion,  l'auteur  passe  en  revue 
les  différentes  parties  de  ce  portail  et  porte  sur  chacune 
des  jugements  que  d'aucuns  trouveront  hardis,  parce  qu'ils 
vont  a  l'encontre  des  appréciations  traditionnelles,  mais 
qu'il  serait  imprudent  de  rejeter  en  bloc.  Les  sept  arts 
libéraux  représentés  à  la  voussure  du  porche  droit  lui 
paraissent,  comme  sujet  et  comme  dessin,  du  XIIIe  siècle. 
Les  anges  du  porche  gauche  lui  semblent  aussi  d'un  faire 
et  d'un  geste  trop  souples  pour  être  du  XIIe  siècle.  Il 
remarque  que  les  statues-colonnes  ont  été  toutes  ajoutées 
postérieurement  aux  colonnes  primitives  si  ouvragées, 
puisque,  pour  les  y  poser,  on  a  dû  couper  les  premières. 
Encore  a-t  on  fait  cette  addition  assez  maladroitement;  les 
statues  n'ont  pas  les  mêmes  dimensions.  «  Les  unes  sont 
«  trop  longues,  les  autres  sont  trop  courtes;  celles-ci  pla- 
«  cées  trop  haut  ;  celles-là  trop  bas;  quelques-unes  ont 
«  des  supports  simples  sans  ornementation,  d'autres  des 
«  animaux,  enfin  celles  du  porche  du  côté  droit,  des  per- 
«  sonnages,  comme  à  l'église  de  Senlis.  » 

Le  dessin  des  statues  elles-mêmes,  si  vantées,  accuse 
non  pas  un  art  parfait,  mais  plutôt,  dit  M.  Marignan,  «  un 
«  art  qui  commence  ou  qui  est  à  son  déclin.  Analysez 
<S  celles  qui  sont  au  portail  du  côté  gauche.  Les  têtes  sont 
«  trop  petites,  disproportionnées  aux  corps.  On  peut  te 
«  connaître  sans  peine  une  main  qui  accuse  la  décadence 
<L  d'un  art.  Il  ne  faudrait  pas  aussi  que  les  statues  du 
«  porche  central  puissent  nous  donner  le  change.  Certes, 
«  le  second  artiste  qui  les  a  faites  appartient  encore  à  la 
«  lignée  de  ceux  qui  ont  sculpté  les  statues-colonnes  des 
<t  églises  du  Mans,  de  Saint  Loup  de  Naud;  son  dessin 
■«  est  plus  large,  les  proportions  plus  justes,  les  plis  moins 
C  accentués  ;  mais  ces  figures  trahissent  cependant  le 
i  canon    gothique,    c'est-à-dire     le    commencement    du 


«  XIIIe  ou  la  fin  du  XIIe  siècle.  Ce  sculpteur  est  sans  nul 
«  doute  inférieur  à  celui  à  qui  sont  dues  les  statues- 
«  colonnes  de  Corbeil.  » 

Finalement,  l'auteur  annonce  qu'il  montrera  que  les 
artistes  ayant  influé  sur  ceux  de  Chartres  sont  ceux  du 
Languedoc  et  non  ceux  de  la  Provence,  comme  on  le 
disait  naguère.  Nous  attendrons  qu'il  ait  achevé  ses  études 
si  intéressantes  pour  apprécier  définitivement  le  jugement 
antitraditionnel  mais  curieux  qu'il  porte  sur  l'âge  et  la 
valeur  esthétique  de  notre  portail  royal  ('). 

A.  Clerval. 


CCne  Cfjapcllc  antique  oc  Satnt=ffiarttn 
en  Bocarjc  IJormanD  (2). 

UR   les   montagnes  voisines  du  Pont- 

Erambourg  (ligne   de  Caen  à  Condé- 

sur-Noireau)  saint  Martin  possède  une 

antique    chapelle    renommée    par   ses 

pèlerinages. 

La  chapelle  et  le  cimetière  remontent  à  la  plus 
haute  antiquité  :  le  vocable  du  Saint  en  est  un 
indice,  et  les  découvertes  incessantes  de  sarco- 
phages, de  pierres  tombales  anciennes,  de  croix 
archaïques,  de  souvenirs  gallo-romains  confir- 
ment la  tradition  qui  fait  dater  la  construction 
du  temple  des  premiers  âges  du  Christianisme. 
Réédifiée  ou  réparée  à  travers  les  siècles,  cette 
église  porte  encore  les  traces  des  temps  lointains. 
Dans  l'un  des  bas-côtés  est  ouverte  une  cheminée 
qui  fait  présumer  la  résidence,  en  ces  lieux,  jadis, 
de  quelqu'ermite  ;  aux  côtés  du  chœur  est  placée 
dans  le  mur  une  crédence. 

La  Semaine  religieuse  de  Bayeux  donne  sur  ce 
sanctuaire  les  détails  qui  suivent. 

L'église,  de  style  roman,  possède  un  autel  qui  date  du 
XVIIe  siècle;  le  tabernacle  est  élégant  et  bien  sculpté;  le 
retable  présente  une  niche  aveuglée  aux  tons  bleus  semés 
de  fleurs  pendantes  ;  la  partie  supérieure  est  bordée  de 
rinceaux  en  or  diamanté  sur  fond  d'azur  ;  de  chaque  côté 
s'élèvent  des  pilastres  composites,  et  des  colonnes  avan- 
cées du  même  ordre  aux  chapiteaux  de  feuilles  d'acanthe 
dorées  ;  une  croix  latine  domine  la  nef,  tandis  que,  du 
haut  du  tabernacle,  le  Saint,  couvert  de  riches  ornements 
rouges  et  or,  appelle  sur  les  fidèles  la  bénédiction  divine. 
Les  boiseries  latérales,  formées  de  portes  et  de  seize  pan- 
neaux, sont  couvertes  de  nielles  ou  feuillages  dorés  d'une 
grande  légèreté,  et  toutes  ces  sculptures,  ces  frises,  ces 
Hsteaux,  ces  volutes  présentent  une  heureuse  variété  des 
marbres  verts,  jaunes,  gris,  roses,  blancs  rehaussés  de 
nombreuses  dorures  et  formant  une  décoration  riche  et 
séduisante,  et  toutes  ces  teintes  douces  se  fondent  dans 
un  ensemble  d'une  majestueuse  harmonie. 

De  chaque  côté  de  l'autel,  deux  grandes  toiles  entourées 
de  cadres  aux  oves  dorés  montant  en  pointe  surmontée 
d'une  croix  latine  retracent  des  épisodes  de  la  vie  du 
Saint.  La  première  rappelle  ses  actes  de  charité  :  soldat, 
il  est  à  cheval,  casqué  et  couvert  d'une  courte  tunique;  il 

1.  Semaine  religieuse  de  Chartres. 

2.  Chapelle  actuelle  du  cimetière,  ancienne  église  paroissiale  de 
Saint-Denis-de-Meré. 


REVUE  DE  L  ART  CHRETIEN. 
l80Q.  —  Ire  LIVRAISON". 


82 


îRelntr  De  r&rt  cljrcttcn. 


vient  de  couper  son  manteau  et  d'en  donner  une  partie 
au  pauvre  qu'il  a  trouvé  sur  son  chemin;  le  temps  est 
hivernal  et  gris,  les  frimas  glacent  les  membres,  la  neige 
blanchit  la  terre,  la  monture  est  arrêtée,  le  cavalier  se 
penche  et  s'empresse  de  soulager  la  misère;  près  de  lui 
le  malheureux  presse  le  vêtement  précieux  contre  sa  poi- 
trine grelottante;  sa  figure,  ses  gestes  expriment  la  plus 
vive  gratitude  ;  sa  nudité,  ses  infirmités,  sa  jambe  sus- 
pendue, ses  béquilles,  tout  chez  lui  fait  naître  la  compas- 
sion augmentée  par  les  rigueurs  du  froid  intense.  Cette 
scène  symbolique  est  esquissée  avec  art,  et  M.  Grohand  ('), 
qui  l'a  composée,  a  bien  groupé  ses  personnages.  Le  visage 
du  pauvre  est  expressif  et  son  attitude  répond  à  ses  souf- 
frances et  à  ses  sentiments.  Peut-être  le  cavalier  pourrait- 
il  soulever  quelque  critique  :  si  sa  position  équestre  est 
régulière,  sa  physionomie  ne  paraît  pas  irréprochable  et 
son  épée  semble  trop  ombrée. 

L'autre  peinture  est  moins  connue  ;  elle  représente  le 
Rêve  de  saint  Martin.  Dans  une  chambre  assombrie  par 
la  nuit  se  dessine  vaguement  un  lit  et  des  consoles  cou- 
vertes de  livies  ;  sur  le  sol  sont  jetés  en  premier  plan, 
une  moitié  de  manteau,  l'épée,  le  cuissard,  le  casque  et  le 
bouclier.  Près  de  ces  armes  le  soldat  en  prière  a  un  genou 
fléchi  et  porte  en  arrière  la  jambe  droite  dans  un  élan 
mystique  ;  sa  face  en  extase  aspire  vers  le  ciel,  et  son  œil 
fixe  est  celui  d'un  voyant  ;  sa  main  gauche  sur  son  cœur 
et  le  bras  droit  tendu  expriment  de  vifs  sentiments  d'amour 
pour  le  Très-Haut  :  c'est  qu'aux  cieux  Dieu  lui  apparaît 
assis  sur  les  nues  selon  les  Écritures,  portant  sur  les 
genoux  la  moitié  du  manteau  donné  au  mendiant.  Le 
Seigneur  envoie  vers  le  Saint  deux  de  ses  séraphins  :  l'un 
offre  la  mitre  et  l'autre  lui  présente  la  crosse  épiscopale, 
présage  de  sa  mission  future.  Cette  belle  inspiration  artis- 
tique et  idéale  devait  naître  dans  une  âme  profondément 
religieuse;  aussi  est-elle  sortie  du  pinceau  d'un  moine  du 
monastère  de  Mondaye  (Calvados);  le  Père  Restout  a 
conquis  son  renom  par  les  grandes  et  belles  peintures 
murales  et  les  célèbres  voûtes  qui  décorent  son  abbaye. 
Souvent  les  peintres  se  rendent  à  l'antique  basilique  pour 
puiser  à  cette  source  des  inspirations;  mais  le  Rêve  n'est 
plus  en  ce  lieu  ;  il  fallait  découvrir  cette  œuvre  oubliée 
dans  une  église  de  campagne  (Colombelles),  et  c'est  là 
que  M.  Grohand  a  eu  le  mérite  de  deviner  cette  belle 
toile,  de  la  publier,  de  s'en  inspirer.  Toutefois,  il  a  cru 
devoir  dans  cette  reproduction  adopter  certaines  préfé- 
rences contemporaines  en  revêtant  les  anges  d'une  lévite. 
Le  religieux  compositeur  de  cette  œuvre  avait  préféré 
retracer  les  aspirations  artistiques  d'une  autre  époque  ;  le 
reproducteur  du  Rêve  aurait  dû  au  moins  répandre  sur  la 
toile  les  transparences  nébuleuses  d'un  songe  :  il  semble 
que  la  Divinité  et  les  anges  auraient  été  moins  en  vue, 
moins  éclairés,  et  c'est  au  milieu  d'un  rayonnement  dia- 
phane et  céleste  que  la  vision  divine  se  serait  montrée  dans 
toute  sa  majesté.  Le  Christ  paraît  trop  sacrifié  au  Saint 
qu'il  protège  ;  celui-ci  en  effet  heureusement  présenté  et 
bien  peint  possède  des  mouvements  savamment  combinés. 
En  somme,  le  tableau  dans  son  ensemble  doit  attirer 
des  éloges  au  décorateur  de  mérite  de  la  chapelle. 

Dans  ce  temple  se  trouvent  encore  quelques  tableaux 
sans  valeur  artistique.  Tous  représentent  saint  Martin  et 
saint  Denis  à  différentes  époques  ;  ils  n'offrent  qu'un 
intérêt  archaïque,  et  leur  conservation  dans  ce  lieu  ne 
s'explique  que  par  leur  ancienneté. 

Un  Membre  de  Sociétés  archéologiques 
françaises  et  grecques. 


i.  M.  C.  Grohand,  rue  Grusse,   4,  Caen. 
religieuse. 


Peinture  décorative 


Ir.es  oc  Brcslap  à  la  catbcorale 
D'Hngcrs. 

On  lit  dans  la  Semaine  Religieuse  d'Angers, 
n°  du  6  Nov.  189S  : 

Ces  jours  derniers,  en  échafaudant  l'arcade  dans  la- 
quelle sera  placé  le  monument  de  Mgr  Freppel,  on  a  mis 
à  nu  dans  la  cathédrale  les  traces  d'une  grande  plaque  de 
fondation,  entourée  jadis  de  moulures  et  de  motifs  d'ar- 
chitecture, rasés  au  niveau  du  mur,  et  les  restes  d'une 
décoration  peinte.  L'espace  occupé  par  la  peinture  est 
moins  large  que  le  fond  de  l'arcade.  Une  partie  semble 
avoir  été  sacrifiée  au-dessus  de  l'écusson  qui  domine  le 
tout  :  je  crois  aussi  que  l'ornementation  descendait  jadis 
plus  bas.  Ce  qu'il  en  reste  paraît  avoir  été  protégé  par  un 
tableau,  dont  on  voit  encore  les  deux  anneaux  de  suspen- 
sion et  les  pattes  de  soutènement  jusqu'au  badigeonnage, 
exécuté  vers  1782  par  Borani. 

Avant  la  disparition  définitive  de  ces  vestiges,  j'ai  voulu 
savoir  de  quels  personnages  ils  pouvaient  bien  évoquer  le 
souvenir.  Grâce  aux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  et  aux 
dessins  de  Gaignières,  rien  n'est  plus  facile. 

Voici  le  résultat  de  mes  investigations  :  je  le  dédie  aux 
Angevins,  attachés  de  cœur  a  leur  vieille  cathédrale 
(ecclesia  mater)  et  à  son  histoire. 

Parmi  les  illustres  dignitaires  du  chapitre  d'Angers, 
vivaient  au  XVIe  siècle  Pierre  et  René  de  Breslay. 

Le  premier,  chantre  de  Saint-Maurice,  mourut  a  29  ans, 
le  16  septembre  1 583,  de  la  peste,  pendant  le  concile  de  la 
province  de  Tours,  qui  se  tenait  à  Angers  dans  la  chapelle 
de  Sainte- Anne  (aujourd'hui  du  Christ).  Cette  circonstance 
lui  valut  les  prières  de  l'archevêque  de  Tours  et  des  évé- 
ques,  qui  se  réunirent  dans  la  salle  du  chapitre  pour  y 
réciter  le  Subvenite  à  son  intention.  Pierre  de  Breslay  fut 
enterré  devant  l'autel  de  Saint-Nicolas,  auquel  du  reste 
fut  mis  son  portrait  seulement  en  1635,  au  moment  de  sa 
reconstruction,  dont  je  parlerai  plus  loin.  Cet  autel  occu- 
pait la  place  de  celui  qu'on  a  dédié,  il  y  a  quelques  années, 
à  saint  Joseph. 

Le  hasard  m'a  fait  trouver  pour  le  Musée  diocésain  une 
plaque  ovale  de  marbre  noir,  portant  l'épitaphe  de  ce  per- 
sonnage, gravée  non  au  moment  de  sa  mort,  mais  après 
164.1,  date  de  celle  de  son  frère.  Lehoreau,  dans  son  céré- 
monial, en  donne  le  texte  (').  Je  le  publierai  en  fac-similé 
dans  la  Monograpliie  de  la  cathédrale,  commencée  depuis 
longtemps  et  que  j'espère  bientôt  achever. 

Le  second,  chanoine,  grand  archidiacre  d'Angers,  puis 
évêque  de  Troyes,  était  abbé  de  Saint-Serge,  conseiller  et 
aumônier  d'Henri  IV.  Il  mourut  en  1641  et  fut  enterré 
dans  la  cathédrale  de  Troyes,  qu'il  combla  de  bienfaits. 
Sa  générosité  ne  fut  pas  moindre  pour  Saint- Maurice.  En 
1635,  il  fit  remplacer  les  quatre  autels  de  la  chapelle  des 
Evèques  ou  transept  Nord  (-')  par  trois  autres,  ornés  de 
marbres  et  de  motifs  d'architecture,  dans  le  goût  du 
temps.  Ainsi  en  témoignait  une  inscription  sur  marbre 
noir,  dont  voici  le  texte  :  Hac  condita  sunt,  procurante 
Domino  Renault  huius  Ecclesiw  Canonico  Domini  turn 
Tricent.  episcopi  et  Cantuarii  ex  sorore  nepote,  1635  (<). 
Cet  Etienne  Benault  fit  dorer  les  autels,  que  Mgr  Henri 
Arnauld  dédia  le  19  juin  1651,  le  plus  voisin  du  chœur  à 
saint   Nicolas,  celui  du   milieu   à  saint   Sébastien,  et  le 

1.  Bib.  de  l'Évêché.  Cérémonial  manuscrit.  1.  I,  p.  38r. 

2.  Ces  quatre  autels,  construits  en  1451,  par  Guillaume  Robin, 
maître  des  œuvres  de  l'Église  d'Angers,  furent  consacrés  le  31  mars 
de  la  mmi- année  par  l'évoque  d'Orange.  Ils  étaient  dédiés  a  saint 
Nicolas  —  à  la  Vraie  Croix  et  à  sainte  Véronique  —  à  saint  Julien 
—  à  saint  Enstache  et  à  sainte  Madeleine. 

3.  Bib.  de  la  ville.  Ms.  N.  869,  p.  478. 


Chronique. 


83 


dernier  à  saint  Etienne.  Au  premier  se  voyait  le  portrait 
de  Pierre  de  Breslay,  au  dernier  celui  de  René. 

Non  content  d'avoir  fait  reconstruire  à  ses  frais  les  trois 
autels,  l'évêque  de  Troyes  légua  à  la  cathédrale  d'Angers, 
le  13  décembre  1640,  la  somme  de  deux'  mille  livres  pour 
un  anniversaire  en  musique  à  cinq  chapes  doubles,  avec  les 
cérémonies,  luminaires,  sonneries  et  solennités  accoutumées 
aux  anniversaires  de  Nosseigneurs  les  évéques  et  un  libéra 
sur  la  sépulture,  de  messire  Pierre  de  Breslay,  son  frire, 
vivant  chantre  et  chanoine  de  cette  même  église,  et  la  somme 
de  quinze  cents  livres  pour  la  célébration  de  trois  messes  à 
basse  voix  par  semaine  après  celle  du  chœur  alternative- 
ment aux  trois  autels  qu'il  a  fait  construire,  etc.  ('). 

En  souvenir  de  cette  double  fondation,  Etienne  Benault 
fit  placer  dans  l'arcade  voisine  des  trois  autels  (dans  celle 
précisément  où  va  s'élever  le  monument  de  Mgr  Freppel) 
une  grande  plaque  de  cuivre  encadrée  de  deux  colonnes 
de  marbre  noir,  couronnée  d'un  fronton,  portant  les  armes 
de  René  de  Breslay  (2)  et  surmontée  de  deux  anges  accom- 
pagnant une  croix  dorée.  Le  dessin  de  cet  ensemble,  qui 
se  rapproche  beaucoup  du  monument  commémoratif  de 
Gabriel  Constantin,  existant  encore  derrière  la  boiserie 
du  chœur,  a  été  conservé  par  Gaignières  et  par  Ballain. 
Ce  sont  les  restes  des  pierres  incrustées  dans  le  mur  qu'on 
aperçoit  en  ce  moment. 

Les  peintures  rappellent  aussi  le  souvenir  du  même 
prélat.  On  distingue  sur  un  fond  bleu  sombre  deux  fois  les 
initiales  D  et  B  et  une  fois  deux  R  enlacés  (René de  Bres- 
lay), une  rose  d'or  h  double  rang  de  pétales  et  tout  au 
haut  l'écusson  de  l'évêque  dans  un  grand  cartouche  accom- 
pagné des  glands  du  chapeau  épiscopal.  Celui-ci  manque 
actuellement. 

Il  est  curieux  de  constater  combien  de  changements 
subit  un  même  emplacement  dans  la  suite  des  siècles. 
Cette  arcade  abrita,  en  1439,  le  portrait  et  le  tombeau  en 
bois  (bien  misérable)  d' Hardouin  de  Beuilj  ils  dispa- 
rurent en  1635  (3).  Etienne  Benault  la  consacra  au  souve- 
nir de  son  oncle,  René  de  Breslay,  après  1641,  par  l'érec- 
tion du  monument  de  la  fondation  et  la  peinture,  dont  on 
voit  les  derniers  vestiges.  Le  Chapitre  fit  raser  et  suppri- 
mer la  plaque  à  la  fin  du  dernier  siècle,  badigeonner  le 
tout,  et  voici  qu'en  1898  on  y  érige  le  monument  de  Mgr 
Freppel  ;  espérons  qu'il  y  restera  à  perpétuité. 

L.   DE  Farcv. 

Un  sarcophage  rouan  de  Pamiers.  —  M.  le 
curé  de  Saint-Jean  de  Verges  vient  de  découvrir 
un  très  beau  sarcophage.  Ce  monument  est  en 
marbre  blanc  du  pays  (4).  Il  a  été  trouvé  près  du 
chevet  extérieur  de  l'église  romane  de  cette  pa- 
roisse, orienté  de  l'Est  à  l'Ouest,  et  situé  dans 
l'axe  de  l'absidiole  de  droite. 

Il  présente,  à  chacun  des  quatre  angles,  une 
colonnette  sculptée  dans  le  bloc,  semblable  à 
celles  que  l'on  trouve  dans  le  chœur  de  l'église. 

Ces  ornements  et  l'absence  même  de  toute  in- 
scription (on  n'en  trouve  pas  avant  le  X I  Ie  siècle) 

1.  Extrait  du  texte  de  la  plaque  de  fondation,  d'après  Gaignières. 

2.  D'argent,  au  lion  rampant  de  gueules,  cantonné  à  droite  d'un 
croissant  d'azur. 

3.  Tous  les  samedis,  dit  Lehoreau  (t.  I.  p.  438),  on  chantait  un 
Subvenite  en  souvenir  de  Hardouin  de  Bueil  à  la  fin  de  la  messe 
d'après  Matines. 

4.  Il  a  une  hauteur  extérieure  de  o  m.  55  et  avec  le  couvercle 
om.  80  ;  sa  largeur  extérieure  est  de  o  m.  80  ;  à  l'intérieur,  ses  di- 
mensions sont  de  2  mètres  de  long  sur  o  m.  60  de  large  eto  m.  43 
de  haut. 


permettent  d'affirmer  que  ce  tombeau  est  con- 
temporain de  l'église,  par  conséquent  du  XIIe 
siècle. 

On  a  retrouvé  tout  à  côté,  dans  un  plan  paral- 
lèle, et  dans  la  même  orientation,  deux  autres 
tombeaux  d'égales  dimensions  que  le  premier, 
mais  sans  ornements  ni  sculptures,  dont  les  cou- 
vercles avaient  été  brisés.  L'ouverture  en  a  été 
faite  le  22  octobre,  en  présence  de  M.  le  maire 
de  Saint-Jean,  de  M.  Sicard,  curé  de  la  paroisse, 
de  M.  Poux,  archiviste,  de  MM.  les  docteurs 
Dunac,  Troy  et  Dresch. 

L'intérieur  était  rempli  de  terre,  il  ne  faut  pas 
s'en  étonner;  ici,  même  pour  ce  cercueil  de  pierre, 
les  prescriptions  de  la  liturgie  chrétienne  ont  été 
observées  :  le  mort  a  été  réellement  enseveli  dans 
la  terre,  et  in pulverem  reverteris. 

On  croit  être  en  présence  du  tombeau  du  pre- 
mier Prieur  de  Saint-Jean  de  Verges.  Telle  est 
du  moins  l'opinion  que  M.  l'abbé  Sicard  établit 
sur  des  considérations  historiques  (*). 

NOTRE  collaborateur  M.  J.  Berthelé  a  rele- 
vé sur  la  cloche  de  l'ancienne  prison  de  la 
Fère  (1653).  l'inscription  suivante: 

>b  Honorables  hommes  Messires  (?)  Laurent  Belin, 
maïenr  de  la  Fère,  L.  Camus,  J.  Gobault,  C. 
Hemmdin,  L.  Wibert  et  H.  Doffemont,  jurez 
(pour  jurés),  J.  Marcq,  procureur,  A.  Bottée, 
greffier,  et  J.  Rillart,  argentier,  m'ont  nommée 
Montaine  et  fait  faire  en  i6jj. 
Pierre  Linotte  m'a  faict. 

Il  résulte  de  la  teneur  de  cette  inscription  que 
la  cloche  de  l'ancienne  prison  de  La  Fère  était 
au  premier  chef  une  cloche  municipale. 

L'inventaire  des  Archives  du  département  de 
l'Aisne,  rédigé  par  M.  Aug.  Matton,  a  permis  à 
M.  Berthelé  de  reconnaître  comme  laférois  la 
plupart  des  noms  de  famille  cités  dans  l'in- 
scription. 

Le  fondeur  Pierre  Linotte,  auteur  de  la 
cloche,  n'était  guère  connu  jusqu'ici.  On  savait 
seulement  qu'un  fondeur  portant  ce  nom  et  ce 
prénom  avait  été  établi  vers  cette  époque  à  Sois- 
sons.  Il  est  même  assez  probable  qu'il  mourut 
dans  cette  ville;  en  tout  cas,  des  papiers  relatifs 
à  sa  succession  ont  été  signalés  par  M.  Matton 
dans  les  Archives  hospitalières  de  Soissons.  — 
Certains  indices  porteraient  à  supposer  que  Pierre 
Linotte  était  peut-être  originaire  de  La  Fère  ou 
y  avait  des  parents. 

M.  B.  ne  croit  pas  se  tromper  en  lui  attribuant 

I.  Sem.  relig.  de  Pamiers. 


84 


WitWt  De  r&rt  chrétien. 


la  paternité  de  deux  cloches,  fondues  en  1647  et 
en  1662, qui  ont  survécu  jusqu'à  nos  jours  àTros- 
ly-Loire,  où  elles  servent  de  timbres  à  l'horloge 
communale  (J). 


Belgique. 

Commission  royale  des  monuments  —  Nous 
avons  entretenu  nos  lecteurs  de  l'assemblée 
générale  annuelle  de  la  Commission  royale  des 
monuments,  tenue  l'été  dernier  à  Bruxelles  (2).  Il 
y  avait  trente  ans  que  cette  assemblée  générale 
n'avait  plus  eu  lieu,  malgré  le  règlement  qui 
prescrit  la  réunion  annuelle. 

Dans  cette  assemblée  M.  le  ministre  De  Bruyn 
a  jeté  un  coup  d'ceil  rétrospectif  sur  les  travaux 
qui  ont  été  exécutés  à  «  nos  monuments  d'art 
anciens. 

«  A  l'une  de  vos  assemblées  générales,  dit-il,  tenue  il  y  a 
près  de  quarante  ans  —  cela  se  passait  en  1861  —  un  de  vos 
membres  les  plus  éminents,  M.  James  Weale,  élevait  la 
voix  pour  déplorer  le  dommage  que  des  restaurations  trop 
hâtives  avaient  fait  subir  à  nombre  de  monuments  du 
pays.  Il  énumérait  les  œuvres  d'architecture  auxquelles 
des  travaux,  exécutés  avec  plus  de  zèle  que  de  prudence, 
avaient  enlevé  une  grande  partie  de  leur  intérêt  artistique 
ou  archéologique. 

«  Il  faut  bien  le  reconnaître,  ces  critiques  n'étaient  que 
trop  justifiées  et,  en  jetant  un  cri  d'alarme,  le  savant  que 
je  viens  de  nommer  rendait  un  service  au  pays  et  à  l'art. 
«  Si  j'ai  évoqué  ce  souvenir.c'est  parce  qu'il  m'est  agréa- 
ble, messieurs,  de  constater  combien  la  science  archéolo- 
gique, la  connaissance  de  l'architecture  du  moyen  âge,  le 
respect  des  monuments  anciens  ont  fait  de  progrès  dans 
notre  pays  depuis  un  quart  de  siècle,  et  combien  sont 
plus  satisfaisantes  les  appréciations  que  l'on  peut  émettre 
sur  les  restaurations  exécutées  pendant  cette  dernière 
période. 

«  On  n'aborde  plus  aujourd'hui  la  restauration  d'un 
monument  ancien  qu'après  avoir  étudié  ce  dernier  dans 
toutes  ses  parties,  après  lui  avoir  fait  révéler  tous  ses  se- 
crets. On  s'impose  pour  loi  de  rendre  avec  une  fidélité 
absolue  la  pensée  de  son  auteur.  Les  questions  conjectu- 
rales ne  sont  tranchées  qu'avec  la  plus  extrême  prudence, 
après  avoir  analysé  les  documents,  comparé  les  analogies, 
épuisé  toutes  les  sources  d'information.  On  ne  se  contente 
pas  de  restituer  au  monument  ses  lignes  et  ses  surfaces  ; 
afin  de  lui  conserver  ce  que  sa  physionomie  a  de  plus  in- 
time, on  s'astreint  à  employer  des  matériaux  identiques 
à  ceux  utilisés  dans  le  monument  primitif,  à  respecter  les 
dimensions  de  l'appareil,  le  mode  de  taille,  ce  que  j'ap- 
pellerai la  facture  de  l'édifice. 

"  L'unité  de  style  a  été  pendant  longtemps  considérée 
comme  un  dogme,  au  nom  duquel  on  n'hésitait  devant 
aucun  sacrifice.  Nos  architectes  sont  heureusement  reve- 
nus à  une  appréciation  plus  saine,  et  tout  le  monde  est 
d'accord  aujourd'hui  pour  respecter,  dans  un  monument 
du  moyen  âge,  les  modifications  et  les  apports  de  la  Re- 
naissance et  des  époques  subséquentes,  lorsqu'ils  présen- 


1.  Ces  deux  cloches  ont  été  décrites  en  1869  par  M.  Mai  lin  Mar- 
ville  dans  son  Histoire  de  Trosty-Loire,  et  en  1887,  par  M  Dutail- 
ly,  dans  sa  Notice  historique  sur  les  Cloches  du  canton  de  Chauny. 

2.  Revue  de  ï Art  chrétien,  année  189S,  p.  506. 


tent  un  intérêt  artistique  ou  historique.  Vous  avez  à  cet 
égard,  messieurs,  une  importante  mission  de  surveillance 
à  exercer,  et  il  dépend  de  votre  attention  et  de  votre  zèle 
de  conserver  à  nos  monuments  la  partie  souvent  la  plus 
riche  de  leur  mobilier  et  de  leur  décoration. 

«  Le  métier  de  restaurateur  a  ceci  de  spécial  que  la 
sagesse  s'y  manifeste,  dans  bien  des  cas,  plutôt  par  l'ab- 
stention que  par  l'action.  Le  comble  de  l'art  c'est  de  res- 
taurer le  plus  discrètement  possible.  Toutes  les  restaura- 
tions n'ont  pas  été  conçues  dans  cet  esprit  conservateur. 
Certains  monuments  ont  subi  des  réfections  tellement  ra- 
dicales, qu'ils  ne  sont  plus  que  des  fac-similé  plus  ou  moins 
exacts  de  l'édifice  primitif.  Est-il  besoin  de  dire  que  ces 
froides  reproductions,  que  le  temps  n'a  pu  dorer  de  sa 
patine,  destituées  de  l'autorité  et  de  la  poésie  de  la  chose 
ancienne,  ne  satisfont  ni  les  artistes,  ni  les  archéologues, 
ni  aucun  de  ceux  qui  professent  le  respect 'du  passé  ?  C'est 
à  vous,  messieurs,  qu'appartient  la  belle  mission  de  dé- 
fendre les  vestiges  de  nos  monuments  anciens  et  de  mar- 
quer, par  vos  conseils  et  vos  avis,  la  limite  à  laquelle  doit 
s'arrêter  une  restauration  intelligente.  De  grands  résultats 
ont  été  atteints  dans  ce  sens,  et  je  n'hésite  pas,  messieurs, 
à  vous  en  attribuer  le  mérite.  Je  crois  pouvoir  compter 
sur  vous  pour  assurer  d'une  façon  encore  plus  complète  et 
plus  définitive  le  triomphe  de  ces  idées. 

«  Le  gouvernement  ne  s'est  jamais  désintéressé  des  ef- 
forts et  des  sacrifices  faits  pour  conserver  au  pays  ses  ri- 
chesses monumentales.  Il  n'a  jamais  marchandé  son  inter- 
vention pécuniaire,  et  ses  subsides  ont  toujours  été  calculés 
largement,  en  tenant  compte  à  la  fois  de  la  valeur  artisti- 
que du  monument  à  conserver,  de  l'importance  des  tra- 
vaux à  exécuter  et  des  ressources  financières  des  commu- 
nes et  autres  administrations  locales,  directement  inté- 
ressées à  la  conservation  de  leurs  monuments.  Quelque- 
fois même,  il  est  allé  plus  loin  ;  c'est  ainsi  qu'il  a  acheté 
les  ruines  de  l'abbaye  de  Villers,  qu'il  a  acquis  le  droit  de 
conservation  des  ruines  de  l'abbaye  d'Aulne. 

<L  II  considère  qu'il  est  de  son  devoir  de  veiller,  dans 
l'intérêt  de  tous,  a  l'avenir  du  patrimoine  artistique  du 
pays.  Les  travaux  ainsi  exécutés  avec  son  concours  con- 
tribuent à  entretenir  dans  la  nation  le  culte  et  la  tradition 
du  beau  et  peuvent  être  considérés  comme  un  encoura- 
gement et  un  exemple  donnés  aux  propriétaires  d'eeuvres 
d'art  ancien. 

«  Mais  il  semble  qu'à  mesure  que  le  gouvernement  se 
montre  plus  soucieux  à  remplir  son  rôle,  des  exigences 
nouvelles  s'affirment  avec  plus  de  ténacité.  D'aucuns  ne 
paraissent  pas  éloignés  de  considérer  l'État  sinon  comme 
le  promoteur,  du  moins  comme  l'associé  obligé  —  et  prin- 
cipal, cela  va  sans  dire — de  toutes  leurs  entreprises, 
comme  le  tuteur  et  l'administrateur  de  tous  les  intérêts. 
Il  ne  peut  convenir  au  gouvernement  de  s'engager  dans 
une  telle  voie.  Rien  n'est  plus  contraire  à  nos  mœurs  et  à 
nos  traditions  respectueuses  du  principe  de  l'initiative 
privée,  de  la  responsabilité  personnelle  et  de  la  décen- 
tralisation. 

«  En  ce  qui  concerne  les  objets  qui  vous  intéressent 
plus  spécialement,  messieurs,  le  gouvernement  croit  rem- 
plir tout  son  devoir  en  contribuant  à  conserver  pour  les 
générations  futures  les  monuments  publics  qui  peuvent 
être  considérés  comme  faisant  en  quelque  sorte  partie  de 
notre  richesse  commune. 

«  A  côté  de  ces  monuments,  notre  pays  plus  riche  sous 
ce  rapport  que  beaucoup  d'autres,  peut  montrer  bien  des 
constructions  anciennes  intéressantes  ou  remarquables  à 
divers  titres.  C'est  aux  propriétaires  de  ces  constructions 
qu'incombe  l'obligation  morale  d'assurer  leur  conserva- 
tion. Je  me  plais  à  reconnaître  que  ce  devoir  est,  de  jour 
en  jour,  mieux  compris,  et  que  l'initiative  privée  nous  fait 
assister  à  une  véritable  résurrection  de  nos  villes  ancien- 


nés.  Je  suis  heureux  de  pouvoir  citer  ici  l'exemple  des 
villes  de  Bruxelles  et  de  Bruges  qui  ont  su,  tout  en  se 
pliant  aux  nécessités  de  la  vie  moderne,  conserver,  avec 
leurs  seules  ressources,  ce  caractère  artistique  qui  en  fait 
en  quelque  sorte  des  lieux  de  pèlerinage  pour  les  touristes 
du  monde  entier. 

Ajoutons  que  presque  tous  les  comités  provin- 
ciaux ont  émis  le  vœu  de  recevoir  communica- 
tion avant  la  Commission  centrale  des  projets 
relatifs  à  leur  province  respective.  Ce  point  dé- 
pend surtout  de  l'initiative  du  gouverneur.  Or 
M.  le  baron  Ruzette,  gouverneur  de  la  Flandre 
Occidentale,  vient  de  le  réaliser. 

Cette  mesure  donnerait  beaucoup  de  besogne 
au  Comité  provincial.  Aussi  M.  le  Gouverneur 
propose-t-il  simultanément  d'augmenter  le  nom- 
bre de  leurs  membres. 

Parmi  les  noms  proposés  pour  les  places  nou- 
velles, il  faut  citer  :  M  Ronse,  représentant,  à 
Bruges  ;  M.  le  baron  Charles  Gilles  de  Pélichy, 
docteur  en  droit,  à  Iseghem  ;  M.  de  Spot,  séna- 
teur, à  Fumes. 

Ces  nominations  seraient  accueillies  avec  fa- 
veur dans  la  province,  où  l'on  espère  que  la  pro- 
position de  M.  le  Gouverneur  sera  accueillie. 

— *©<   ■■   >&i— 

Exposition  d'Art  ancien  à  Tournai.  — ■  L'Ex- 
position d'Art  ancien,  ouverte  à  Tournai  du  1 1  au 
25  septembre  dernier,  a  eu  une  durée  trop  éphé- 
mère pour  nous  permettre  d'appeler  sur  elle  l'at- 
tention de  nos  lecteurs,  pendant  qu'elle  était 
ouverte.  Cependant,  son  succès  a  été  grand  et 
elle  a  eu  assez  d'importance,  pour  en  conserver 
le  souvenir. 

On  ne  saurait  trop  encourager  l'organisation 
de  ces  expositions  régionales,  généralement  très 
intéressantes,  toujours  instructives  en  ce  sens 
qu'elles  réunissent  un  grand  nombre  d'objets  de 
nature  diverse  mais  d'origine  commune.  Dis- 
persés chez  les  amateurs,  les  collectionneurs  et 
les  anciennes  familles,  ces  objets  présentent  des 
spécimens  de  toute  nature  de  l'art  national,  ou, 
si  l'on  aime  mieux,  provincial,  qui  font  connaître 
les  tendances  et  l'esprit  de  la  région  délimitée 
par  le  programme  de  l'Exposition. 

Celle  de  Tournai,  organisée  sous  les  auspices 
du  Comité  tournaisien  de  l'Association  congo- 
laise de  la  Croix  Rouge,  mais  particulièrement 
par  les  soins  de  M.  Eugène  Soil,  l'archéologue  bien 
connu  par  ses  travaux  sur  l'arc  tournaisien  et  par- 
ticulièrement par  son  beau  livre  sur  les  tapisseries 
et  les  hautelissiers  de  Tournai,  comprenait  un 
grand  nombre  d'objets  appartenant  aux  arts  et 
aux  industries  d'art  les  plus  divers.  En  général  il 
a  été  répondu  largement  à  l'appel  que  le  Comité 
a   adressé  aux   administrations,   aux   églises    et 


aux  particuliers  détenteurs  d'objets  intéressant 
l'histoire  locale  et  les  beaux-arts.  Les  églises  de 
Tournai,  notamment,  dont  quelques-unes  possè- 
dent encore  des  trésors  d'un  haut  intérêt,  ont 
tenu  à  participer  à  l'Exposition.  Les  industries 
locales  étaient  largement  représentées.  C'est  ainsi 
qu'il  s'y  trouvait  une  intéressante  collection  de 
tapis  de  Tournai,  parmi  les  plus  belles  pièces  de 
laquelle  il  convient  de  citer  un  tapis  exposé  par 
une  maison  de  Lille  portant  la  date  de  1 549  ;  une 
splendide  tapisserie  de  fabrication  toumaisienne 
du  XVe  siècle,  représentant  l'histoire  de  Judith 
et  Holopherne,  avait  été  prêtée  par  M.  Somzée 
de  Bruxelles  ;  beaucoup  d'autres  objets  de 
cette  nature  seraient  à  citer.  Une  autre  industrie 
d'art  locale  était  également  très  bien  représen- 
tée, nous  voulons  parler  de  la  porcelaine,  dont 
précisément  à  Tournai  on  a  fait  des  applications 
si  diverses,  au  point  d'aborder  même  la  statuaire 
de  grande  dimension.  Ici,  il  y  aurait  à  citer  bien 
des  choses  d'un  grand  intérêt,  appartenant  à  tou- 
tes les  catégories  de  ce  genre  de  fabrication.  Des 
collectionneurs  comme  M.  Soil  pouvaient,  à  eux 
seuls,  former  une  exposition  bien  instructive  à 
cet  égard.  Il  y  aurait  encore  à  citer  les  manus- 
crits, les  dentelles,  les  ivoires,  l'argenterie  dont 
une  grande  quantité  de  pièces  remarquables  or- 
naient les  salons  de  ce  musée  éphémère  ;  la 
plupart  des  anciennes  familles  de  Tournai  ont 
voulu  envoyer  les  trésors  réunis  par  les  soins  de 
plusieurs  générations. 

Tout  cela  n'était  pas  classé  méthodique- 
ment, mais  disposé,  pour  le  plus  grand  plaisir 
des  yeux,  dans  un  arrangement  pittoresque,  où 
souvent  le  contraste  faisait  valoir,  comme  dans 
un  salon  aristocratique,  les  objets  des  natures  les 
plus  diverses.  Ce  qui  rehaussait  surtout  cet  en- 
semble c'était  quelques  bonnes  peintures,  et  no- 
tamment une  série  de  portraits  de  grande  valeur. 
M.  le  général  de  Formanoir  de  la  Cazerie  avait 
exposé  ses  beaux  Holbein  ;  M.  le  comte  de  Né- 
donchel  le  portrait  du  duc  et  de  la  duchesse  de 
Choiseul,  par  Drouais  et  par  Largillière  ;  enfin 
une  vitrine  toute  garnie  de  miniatures  attirait 
particulièrement  les  visiteurs  de  l'Exposition. 

Ceux-ci  étaient  nombreux,  car  la  recette  pour 
l'œuvre  de  l'Association  congolaise  de  la  Croix 
Rouge,  au  profit  de  laquelle  l'Exposition  était 
organisée,  a  été  très  respectable. 

— K>i—  — i®i- 

ON  prépare  à  Bruxelles,  pour  le  mois  de  sep- 
tembre prochain,  une  Exposition  interna- 
tionale d'art  chrétien,  qui  serait  installée  dans  les 
locaux  du  Musée  moderne.  Les  organisateurs 
ont  pour  but,  en  montrant  les  beautés  sobres  et 
sévères  des  accessoires   et  ornements  véritable- 


-   -     ■        ■       -       r v 


86 


Bcbuc  De  rairt  chrétien. 


ment  artistiques  du  culte,  de  combattre  la  profu- 
sion et  le  mauvais  goût  des  ornementations  ac- 
tuellement employées. 


Peintures  murales  à  Zepperen  (Limbourg).  — 
On  a  mis  au  jour,  à  l'église  paroissiale  de  Zeppe- 
ren lez-Saint-Trond,  la  trace  de  peintures  mu- 
rales cachées  sous  une  couche  de  chaux  ;  l'on  a, 
sous  la  direction  intelligente  de  M.  l'abbé  Poly- 
dore  Daniels,  membre  de  la  Commission  provin- 
ciale des  monuments,  commencé   à  dégarnir  ces 


splendides  peintures,  qui  offrent  une  belle  repré- 
sentation Au  Jugement  dernier. 

Sur  un  autre  mur  ont  apparu  un  gigantesque 
saint  Christophe  et  d'autres  images  de  saints. 

La  voûte  de  la  nef  centrale  semble  également 
entièrement   peinte  de  fleurs  et  figures. 

D'après  M.  l'abbé  Daniels,  les  peintures  datent 
des  premières  années  du  XVIe  siècle,  et  sont  en- 
tièrement dans  le  style  du  XVe. 

— fSW K3tf— 

Peintures  murales  de  l'église  de  Nieaport,  —  En 
1887,  en   procédant   au   grattage    des  piliers  du 


«m 

Personnages  des  fresques  de  Nieuport. 


transept,  on  découvrit  d'anciennes  peintures  mu- 
rales exécutées  directement  sur  le  mur  sans  mor- 
tier et  faites  à  l'huile  ou  à  l'encaustique.  Elles 
s'étendaient  du  bas  aux  chapiteaux  des  colonnes 


et  offraient  deux  figures  assez  remarquables.  Un 
des  personnages  représentés  est  un  empereur 
en  costume  guerrier,  la  tête  couronnée,  portant 
la  barbe  et  ayant    le    trait   caractéristique    de 


Chronique. 


87 


Charles-Quint  (la  lèvre  inférieure  et  le  menton 
très  saillants).  La  figure  faisant  pendant  doit  être 
sa  femme  Isabelle  de  Portugal.  De  l'autre  côté 
se  trouvent  un  roi  et  son  épouse.  Ce  sont  les  pa- 
rents de  Charles-Quint,  Philippe  le  Beau  et  la 
reine  Jeanne  d'Aragon. 

A  l'époque  présumée  de  l'exécution  de  la  pein- 
ture, Charles-Quint  venait  de  remporter  la  vic- 
toire de  Pavie,  en  1525.  Son  mariage,  en  1526,  et 


son  couronnement,  en  1530,  par  le  pape  Clémtnt 
VII  furent  l'occasion  des  fêtes  qui  furent  données 
en  son  honneur  dans  les  Flandres.  Rien  d'éton- 
nant que  ces  peintures  fussent  exécutées  en  sou- 
venir de  ces  fêtes  et  à  la  gloire  de  Charles-Quint. 
A  la  cour  de  Marguerite  d'Autriche  se  trou- 
vait comme  peintre  Bernard  van  Orley  (<i>  1 541  ) 
qui  étudia  en  Italie  sous  Raphaël.  Les  peintures 
sont-elles  de  ce  maître  ?  Le  dessin  et  l'exécution 


Personnages  des  fresques  de  Nieuport. 


font  croire  qu'elles  sont  plutôt  d'un  de  ses  élèves. 

Le  même  sort  fut  réservé  par  les  iconoclastes 
aux  statues  de  l'église  de  Nieuport  qu'à  tant 
d'œuvres  d'art  en  Belgique. 

Les  peintures  en  question  ont  été  soigneuse- 
ment relevées,  ainsi  que  d'autres  plus  récentes  qui 
les  recouvraient,  par  M.  A.  Wybo,  artiste  peintre 
à  Fumes  qui  a  été  chargé  de  les  restaurer  sous  les 


auspices  delà  Commission  royale  desmonuments 
et  de  M.  le  Bourgmestre  de  Roo.  Étant  donné 
le  talent  distingué  et  l'esprit  consciencieux  de 
cet  artiste,  l'on  peut  être  rassuré  sur  la  valeur  de 
cette  restauration.  Nous  devons  à  l'obligeance  de 
M.  Wybo  de  pouvoir  reproduire  ces  deux  person- 
nages et  le  croquis  de  la  niche  qui  faisait  partie 
des  peintures  subséquentes. 


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88 


Bebue  tfc  F&rt  chrétien. 


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Stuart  Brttïï. 

LE  19  novembre  dernier,  est  mort  à  Londres 
Sir  Stuart  Knill,  président  de  la  Gilde  de 
St-Grégoire  et  de  St-Luc  d'Angleterre. 

11  est  décédé  à  sa  résidence  de  Blackheath, 
bien  connue  des  nombreux  amis,  prêtres,  artistes 
et  hommes  d'oeuvres  qui  y  ont  joui  de  l'hospitalité 
cordiale  et  chrétienne,  l'une  des  vertus  caracté- 
ristiques du  défunt, 

Sir  Stuart  Knill,  fils  de  John  Knill,  était  né  à 
Londres  en   1824.    11   avait  succédé  à  son   père 


dans  la  firme  de  MM  John  Knill  et  O,  arma- 
teurs et  expéditionnaires, directeurs  de  l'entrepôt 
de  Fresh  Wharf  et  Cox's  Quai,  près  de  London 
Bridge.  Au  début  de  sa  carrière  il  s'était  tenu  à 
l'écart  de  la  politique  et  des  agitations  de  la  vie 
communale  à  Londres,  mais  en  18S5,  à  la  mort 
de  Sir  Charles  Witham,  l'attention  se  porta  sur 
lui,  des  influences  et  des  intérêts  considérables 
réclamant  un  candidat  capable  de  représenter  le 
quartier  au  Conseil  communal  de  Londres.  A 
aucune  époque  de  sa  vie  Stuart  Knill  n'avait  dis- 
simulé ses  convictions  catholiques,  et  tous  ceux 
qui  le  connaissaient,  le  savaient  incapable  de 
transiger  ou  de  dissimuler  ses  opinions  dans 
l'espoir  d'un  siège  à  Guild  Hall.  Le  candidat  qui 
lui  fut  opposé  était  M.  John  Voce  Moore  (aujour- 
d'hui Sir), actuellement  Lord  Maire,  et  après  une 
lutte  des  plus  vives  M.  Stuart  Knill  l'emporta.  Il 
accepta  les  fonctions  de  sheriff  de  Londres 
en  18S9.Au  cours  des  évolutions  ordinaires  dans 
le  Conseil  où  d'année  en  année  les  membres  se 
succèdent  à  la  plus  haute  magistrature,  son  tour 
à  l'élection  de  lord  maire  devait  venir  en  1892. 

Mais  avant  de  mettre  cette  élection  à  l'ordre 
du  jour,  il  s'éleva  au  sein  du  Conseil  une  contro- 
verse passionnée  sur  la  question  de  savoir  si  un 
catholique  romain  aussi  fervent  que  M.  Knill 
— tellement  fidèle  à  sa  confession  qu'il  s'abstien- 
drait certainement  de  paraître  aux  offices  de  la 
cathédrale  St-Paul  qui  avaient  un  caractère 
officiel,  et  où  les  fonctions  de  lord  maire  l'obli- 
geaient à  faire  acte  de  présence,  ni  dans  d'autres 
temples  du  culte  établi  —  pouvait  occuper  le  siège 
de  premier  magistrat  de  la  ville.  —  ...  Au  cours 
de  ces  débats,  l'alderman  Stuart  Knill  prit  une 
position  très  nette.  Il  adressa  une  lettre  au  Lord 
Maire  d'alors  (Sir  David  Evans)  par  laquelle  il 
déclarait  vouloir  rester  scrupuleusement  fidèle  à 
l'attitude  que, conforme  à  ses  convictions,  il  avait 
prise  jusqu'alors,  quelles  qu'en  fussent  les  consé- 
quences. Que  s'il  était  élu,  il  nommerait  à  la 
vérité  un  membre  du  clergé  de  l'église  établie 
d'Angleterre,  comme  son  chapelain — ou  plutôt 
comme  le  chapelain  officiel  de  sa  charge;  —  que 
dans  toute  autre  question  il  continuerait  à  suivre 
les  traditions  et  à  accomplir  les  devoirs  de  sa 
haute  position  —  toutes  les  fois  qu'elles  ne  l'obli- 
geraient pas  à  agir  contre  sa  foi  religieuse.  La 
franchise  de  cette  déclaration  n'empêcha  pas 
son  élection  ;  il  fut  à  la  vérité  vigoureusement 
gourmande  alors  par  ses  concitoyens  protestants, 
mais  jamais  il  ne  céda  un  pouce  du  terrain  sur 
lequel  il  s'était  placé. 

Son  nom  et  celui  de  l'alderman  Georges 
Faudel-l'hilipps  —  l'un  catholique  romain,  et 
l'autre  Juif  d'esprit  libéral,  —  furent  soumis  au 
choix  de  la  cour  des  aldermen   (Conseil  coin- 


Chronique. 


89 


munal   de   Londres).    Celle-ci   se   prononça    en 
faveur  de  l'alderman  Stuart  Knill. 

Ses  adversaires  et  même  les  journaux  généra- 
lement peu  favorables  au  catholicisme,  sont 
convenus  qu'au  cours  de  sa  magistrature, sa  con- 
duite a  toujours  été  digne,  que  son  action  dans 
les  affaires  de  la  commune  a  été  utile  et  féconde. 
Aux  grandes  cérémonies  officielles,  il  s'abstint 
de  paraître  dès  qu'elles  prenaient  un  caractère 
confessionnel.  Lorsque,  dans  ces  circonstances,  le 
conseil  municipal  en  corps  se  rendait  à  la  cathé- 
drale St-Paul,  Stuart  Knill  faisait  partie  du  cor- 
tège jusqu'à  la  porte  de  l'église,  et  il  reprenait 
sa  place  à  la  tête  du  Conseil  lorsque  celui-ci  sor- 
tait du  temple. 

Le  jour  de  l'an  1S93,  ''  fit  une  visite  officielle 
à  la  ville  de  Dublin, pour  assister  à  l'inauguration 
du  lord  maire  de  cette  ville;  il  y  fut  reçu  avec 
enthousiasme  par  toute  la  partie  catholique  de 
la  population,  et  avec  déférence  par  le  reste  des 
habitants. 

Lors  du  mariage  du  duc  et  de  la  duchesse 
d'York,  le  lord  maire  et  les  sheriffs  allèrent 
au-devant  du  couple  royal,  sortant  de  St-Paul, et 
ils  les  accompagnèrent  à  travers  les  rues  dans  la 
visite  que  les  conjoints  firent  à  la  cité  de  Londres. 
Lorsque  le  roi  et  la  reine  de  Danemark  vinrent 
à  Londres  pour  le  mariage  de  leurs  fils,  Stuart 
Knill  les  reçut  à  Guild  Hall  en  sa  qualité  de  lord 
maire  au  nom  de  la  Corporation  de  Londres.  Dans 
toutes  ces  circonstances  il  mettait  dans  sa  tenue 
une  grande  dignité  qui  n'excluait  ni  la  simplicité, 
ni  la  bienveillance.  Lors  de  la  réunion  du  Congrès 
de  l'Institut  britannique  pour  l'hygiène  publique 
tenu  à  Edimbourg,  le  lord  maire  et  les  sheriffs 
de  Londres  honorèrent  le  Congrès  de  leur  visite, 
et  l'Université  d'Edimbourg  offrit  à  cette  occa- 
sion à  Stuart  Knill,  le  diplôme  d'honneur  de 
docteur  de  l'Université. 

Sous  sa  magistrature  un  événement  bien  dou- 
loureux pour  l'Angleterre  mit  en  relief  sa  géné- 
rosité et  ses  capacités.  La  perte  du  vaisseau 
Victoria  de  la  marine  royale  entraîna  dans  ce 
désastre  pour  le  pays,  la  mort  de  plus  de  400  per- 
sonnes. Il  se  créa, par  souscription,  pour  venir  au 
secours  des  veuves  et  orphelins,  un  fond  qui 
s'éleva  à  plus  de  68,000  livres  sterlings,  et  Stuart 
Knill  fut  nommé  commissaire  royal  pour  l'admi- 
nistration de  cette  œuvre  patriotique  ;  d'autres 
fonds  de  même  nature  lui  furent  confiés,  car  à 
Londres  on  connaissait  son  esprit  de  charité  et 
son  énergie  au  travail. 

Dans  les  lignes  que  l'on  vient  de  lire,  je  me 
suis  laissé  entraîner,  a  la  suite  des  articles  nécro- 
logiques parus  dans  les  grands  journaux  de 
Londres, à  mettre  en  relief  les  traits  du  catholique 
sans  peur  et  sans  reproche,  du  magistrat  et  du 
citoyen  dévoué  aux  intérêts  de  ses  commettants. 


Il  importe  de  faire  connaître  ses  titres  à  un 
souvenir  dans  les  colonnes  de  cette  Revue. 

En  réalité  Stuart  Knill  aimait  sincèrement 
l'art,  et  comme  nous,  il  l'aimait  comme  l'expres- 
sion la  plus  élevée  et  la  plus  populaire  de  la  foi 
catholique.  Aussi,  lorsqu'il  s'est  agi  de  fonder  en 
Angleterre  sur  le  modèle  delà  Gilde  belge  de 
St-Luc  une  association  pour  la  pratique  et  l'étude 
de  l'art  consacré  au  culte,  en  s'inspirant  de  l'art 
national,  les  membres  de  cette  association  qui 
prit  le  nom  de  Gilde  de  St-Grégoire  et  de  St-Luc, 
furent  unanimes  pour  placer  Sir  Stuart  Knill  à 
leur  tête.  C'est  qu'il  avait  déjà  dans  les  travaux 
publics  ou  privés,  dont  il  était  le  promoteur, 
donné  des  gages  de  sa  haute  intelligence  des 
meilleurs  principes  de  l'art,  et  de  sa  générosité 
à  en  patronner  les  œuvres. 

Après  le  décès  de  sa  mère, il  avait  fait  ériger,  en 
1862,  une  chapelle  commémorative,  une  chante- 
rie,dansla  cathédrale  de  St-Georges,South\vark, 
bâtie  par  Pugin.dont  les  vitraux  d'excellent  style 
représentent  les  saints  patrons  des  membres  de 
sa  famille.  C'est  mu  par  les  mêmes  sentiments  de 
piété  pour  les  siens,  qu'à  la  mort  de  deux  de  ses 
enfants,  il  fit  construire  une  chapelle  au  cimetière 
de  Brockley,  au-dessus  du  caveau  de  famille, 
richement  décorée  de  sculptures  et  de  vitraux. 
Ceux  au-dessus  de  l'autel,  à  deux  lumières, 
représentent  le  Christ  en  Majesté,  comme  sou- 
verain juge  et  S.  Michel  pesant  les  âmes.  Les 
autres  verrières  sont  historiées  de  figures  d'ar- 
changes. Les  sculptures  de  la  chapelle  représen- 
tent le  jugement  dernier.  L'architecte  de  cet 
oratoire  est  Edward  Pugin,  et  les  vitraux  sont 
de  John  H.  Powell,  un  des  peintres-verriers  les 
plus  distingués  de  l'Angleterre. 

Lorsque  Stuart  Knill  fut  élevé  à  la  dignité  de 
sheriff  de  Londres  1889-90,  il  fit  exécuter  à  ses 
frais  la  riche  peinture  murale  qui  orne  la  tribune 
(Lobby)  de  la  chambre  du  Conseil  ou  guildhall, 
travail  considérable  dont  la  description  serait 
trop  longue  pour  trouver  sa  place  ici. 

Très  simple  dans  ses  manières  et  dans  les 
choses  qui  le  concernaient  personnellement, 
Stuart  Knill,  lorsque  comme  magistrat  il  devait 
représenter  la  grande  capitale  dont  il  s'honorait 
d'être  le  citoyen,  devenait  généreux  et  même 
magnifique,  bien  au  delà  de  ce  qu'exigeait  sa 
position. Son  hospitalitésemblait  nepas  connaître 
de  limites,  et,  en  dehors  des  dîners  et  fêtes  aux- 
quels l'obligeait  sa  charge  officielle,  on  rappelait 
volontiers  à  Londres,  les  circonstances  où,  répon- 
dant au  caractère  britannique  et  le  représentant 
en  quelque  façon,  son  hospitalité  avait  des  allures 
somptueuses.  On  citait  entre  autres  un  dîner 
offert  à  M.Waddington,  l'ambassadeur  de  France, 
où  il  ne  voulut  pas  seulement  fêter  l'envoyé  d'une 
grande  nation, mais  encore  le  savant  orientaliste. 


KKVUE  DK  l'art  ctikétiln. 

l8ûg.  —    Ire    LIVRAISON. 


9° 


éclate  fie  Part  chrétien. 


Stuart  Knill  offrit  une  fête  du  même  genre  au 
général  lord  Roberts  au  retour  de  sa  mission 
dans  l'Inde;  il  voulut  recevoir  dans  un  banquet 
les  membres  de  la  Comédie  française,  lors  de  leur 
visite  à  Londres.  Les  membres  de  la  Gilde  belge 
de  St-Thomas  et  de  St-Luc,  dont  Stuart  Knill 
était  membre,  se  rappellent  volontiers  l'hospita- 
lité tout  à  la  fois  cordiale  et  somptueuse  avec 
laquelle  il  les  reçut  dans  un  banquet  à  Guild 
Hall. 

Stuart  Knill  a  été,  depuis  la  Réforme,  le  pre- 
mier catholique  qui  soit  arrivé  à  la  dignité  de 
Lord  Maire  de  Londres, sans  dissimuler  un  instant 
la  confession  dont  il  était  l'adepte.  Polydore  De 
Keyser,  catholique  libéral  avait,  à  la  vérité  été 
élu  deux  ans  auparavant,  mais  ses  convictions 
ne  paraissent  pas  avoir  été  de  nature  à  lui 
susciter  une  opposition  quelconque. 

Cette  fermeté  à  affirmer  la  foi  catholique, sans 
exciter  l'animosité  de  ses  concitoyens  et  l'ascen- 
dant par  lequel  il  s'est  imposé  à  leur  suffrage,  est 
certainement  le  trait  caractéristique  de  la  carrière 
officielle  de  Stuart  Knill.  Nous  admettons  volon- 
tiers que  son  élection  est  un  signe  du  temps,  la 
preuve  que  bien  des  haines,  bien  des  fanatismes 
se  sont  émoussés  et  que  l'intensité  des  préjugés 
confessionnels  a  disparu  dans  les  classes  diri- 
geantes de  la  nation  anglaise.  Mais  le  succès  des 
revendications  deStuart  Knill  s'explique  surtout 
par  son  caractère.  S'il  entendait  conserver,même 
au  grand  soleil  de  la  publicité,  toute  la  liberté 
et  l'intégrité  de  ses  convictions,  il  le  faisait 
sans  ostentation,  sans  jactance,  sans  prétendre 
porter  un  défi  à  des  opinions  contraires.  C'est 
ainsi  que,  dans  une  circonstance  où  il  était  par- 
ticulièrement en  vue,  lorsqu'il  offrit  un  banquet 
au  cardinal  Vaughan  et  aux  évêques  catholiques 


d'Angleterre,  ayant  à  prendre  la  parole  pour  le 
premier  toast,  il  proposa  de  boire  «au  Saint  Père 
et  à  la  reine  d'Angleterre».  A  cette  occasion,  il 
eut  de  nouveau  maille  à  partir  avec  le  Collège  de 
la  Corporation  de  Londres  qui  ne  voulait  pas  ad- 
mettre cette  sorte  de  préséance  accordée  au  pape. 
Mais  le  lord  maire,  dont  le  «  loyalisme  »  ne 
pouvait  être  mis  en  doute  par  personne,  fit  com- 
prendre que,  comme  catholique,  il  avait  bien  le 
droit  d'adopter  une  formule  correspondant  au 
toast  protestant  de  «  Church  and  Queen  ».  En 
haut  lieu  on  accepta  parfaitement  l'attitude  de 
Stuart  Knill  ;  car  peu  de  temps  après  cet  inci- 
dent, Gladstone,  alors  ministre,  annonça  que  la 
reine  avait  conféré  au  Lord  Maire  le  titre  de 
baronet. 

Stuart  Knill  n'était  pas  seulement  généreux 
lorsque  les  événements  de  la  vie  publique  l'obli- 
geaient à  se  montrer  digne  magistrat  d'une 
grande  cité:  il  était  surtout  large  et  charitable 
comme  l'un  des  notables  laïcs  de  la  confession 
catholique  à  Londres.  Pour  être  ignorées  presque 
toutes,  ses  libéralités  envers  les  œuvres,  le  clergé, 
les  pauvres  et  tous  ceux  qui  avaient  recours  à  sa 
charité,  n'en  étaient  que  plus  généreuses. 

Stuart  Knill  était  bon  archéologue.  Il  trouvait 
ses  distractions  favorites  dans  l'étude  des  arts  et 
des  monuments.  Il  aimait  à  voyager,  et  bien  qu'il 
fût  président  delà  Gilde  anglaise,  il  venait  sou- 
vent sur  le  continent  pour  accompagner  dans  ses 
excursion?  lointaines  et  ses  explorations  la  Gilde 
de  St-Thomas  et  de  St-Luc.  Après  les  séances 
où  l'on  étudiait  les  édifices  religieux  et  leur 
décor,  il  trouvait  grand  plaisir  à  prendre  part 
aux  causeries  amicales  qui  succédaient  aux  con- 
troverses archéologiques. 

Jules  HELBIG. 


Imprime  par  Dcsclée,  De  Brouwer  et  '",  Bruges. 


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Beïme  îie 


l'Hrt  cjjrétten 


>%>  paraissant  tous  les  bcur  mois. 

42me  Hnnéc.  —  4e  Série. 

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^    (Conte  X  (xLvme  be  ïa  collection). 

#.  2me  livraison.  —  fflars  {899.  ^ 


S 


B 


*®m*®^m*®  Heltques  lie  Constanttnople*  m^^*n 


ITa  Sainte  Couronne  D'Gpines. 

Ucommencement  dusiè- 
^  cle,  Gosselin  énumérait 
27  épines  détachées  de 
g:  la  sainte  Couronne  ;  en 
1883,  R.  de  Fleury  en 
comptait  103  ;  actuel- 
^Hwû'wtiM^wH  lementles  Chroniques  ç.\. 
les  Inventaires  nous  en  ont  déjàfait  connaître 
570.  Ce  nombre,  si  considérable,  permet 
difficilement  de  les  étudier  dans  leur  ordre 
alphabétique,  encore  moins  chronologique. 
Un  classement,  très  simple  d'ailleurs,  s'im- 
pose immédiatement  (T). 

La  sainte  Couronne  reposa  pendant  le 
cours  des  siècles  dans  trois  sanctuaires:  Jéru- 
salem, Constantinople,  Paris  :  chaque  épine 
doit  se  rattacher  à  l'un  de  ces  trois  centres 
de  distribution  :  ce  sont  les  trois  premiers 

i.Que  les  savants  qui  m'ont  si  aimablement  prêté  l'aide 
de  leur  érudition  pour  cette  longue  étude,  veuillent  bien 
recevoir  ici  l'expression  de  mes  remerciements.Leurs  noms 
seront  inscrits  à  la  suite  des  documents  qu'ds  ont  pris  la 
peine  de  me  communiquer.  Mais  il  en  est  un  auquel  je 
dois  une  toute  particulière  reconnaissance. M.  le  D'Imbert- 


chapitres  naturels.  Dans  un  quatrième  vien- 
dront se  grouper  toutes  celles  dont  il  est 
impossible  de  connaître  l'origine. 

Je  voudrais  aujourd'hui  faire  connaître 
les  épines,  qui,  séparées  de  la  relique  con- 
servée à  la  Sainte-Chapelle,  furent  distri- 
buées, jusqu'à  la  dernière,  par  les  rois  de 
France,  du  XIIIe  au  XVIIe  siècle. 


# 
#  # 


On  connaît  l'arrivée  à  Paris  de  la  sainte 
Couronne.  Il  est  cependant  nécessaire  d'en 
reprendre  l'histoire  pour  élaguer  certaines 
légendes,  pour  rectifier  quelques  erreurs, 
pour  ajouter  enfin  de  nouveaux  détails  à 
l'une  des  époques  les  plus  intéressantes  de 
notre  histoire  nationale. 

En  1238,  Baudouin,  empereur  de  Cons- 
tantinople, est  à  Paris.  Dans  sa  détresse,  il 

Groubeyre,  de  Clermont-Ferrand,  en  mettant  à  ma  dis- 
position avec  une  si  grande  libéralité,  les  dossiers  qu'il 
réunissait  depuis  de  longues  années  sur  la  Couronne 
d'épines,  n'a  pas  seulement  facilité  mes  recherches,  mais 
j'ai  trouvé  en  lui  un  véritable  collaborateur,  dont  le  nom 
ne  saurait  être  séparé  de  ce  travail. 


REVUE   DE   LART   CHRÉTIEN. 
iSoQ.    —   2me    LIVRAISON. 


Saint  Louis  vénérant  les  saintes  Reliques  dans  la  Sainte-Chapelle 
d'après  le  Ms.  lat.  5716  de  la  Biblioth.   Nat. 


Pierre  Zanni, 
et  aux  citoyens 
de  Gênes  qui 
avaient  con- 
senti tout  d'a- 
bord le  prét('). 
Suivant  les 
conventions, 
les  ambassa- 
deurs français 
doivent  alors 
partir  avec  la 
relique,  vers  le 
25  décembre 
1238,  pour  rac- 


compagner    a 


implore  l'assistance  finan- 
cière de  saint  Louis  et  lui 
propose,  en  échange,  de  lui 
engager  la  Couronne  d'é- 
pines. Le  roi  accepte  et  fait 
partir  immédiatement  pour 
Constantinople  deux  frères 
prêcheurs,  Jacques  et  André 
de  Longjumeau,  qu'il  charge 
de  lui  rapporter  la  précieuse 
relique.  Les  ambassadeurs 
arrivent  à  Byzance,  mais 
pour  trouver  la  Couronne 
engagée  pour  1 3, 1  34  hyper- 
pères  d'or,  par  les  régents 
de  l'empire,  Anseau  de 
Caieu,  Narjot  de  Toucy, 
Geoffroy  de  Méry,  Villain 
d'Aulnoy,  Gérard  d'Etrun 
et  Miles  Tirel,  à  Nicolas 
Quirino,  de  Venise,  qui,  le 
4  septembre  123S,  s'était 
substitué  à  la  commune  de 
Venise,  à  l'abbesse  de  Per- 
ceul,  à   Nicolas  Cornaro,    à 


Venise,  d'où  ils 
pourront  seulement  la  dégager  lorsque  le 
frère  Jacques,  envoyé  vers  saint  Louis,  et 
Nicolas  Sorel,  chevalier,  rapporteront  au 
frère  André  resté  à  Venise,  les  ordres  du 
roi  de  France. 

On  peut  les  suivre,  du  moins  en  partie, 
au  retour.  Le  29  février  1239,  ils  passent  à 
Verceil.  De  Troyes.ils  font  prévenir  le  Roi, 
qui    s'avance    jusqu'à     Villeneuve-l'Arche- 


Réception  par  saint  Louis  de  la  Couronne  d'épines, 

d'après  le  Ms.  lac.  102^,  f°  389  v°  de  la  Bibliot.   Nat. 

(Dessin  de  M.  G.  Rohault  de  Flbuky.) 

vêque  le  i  o  août,  d'où  il  apporte  la  Couronne 
à  Sens  dans  une  procession  solennelle.  Il 
est  accompagné  par  Gautier  Cornut,  arche- 
vêque de  Sens,  par  Bernard,  évêque  du 
Puy,  par  sa  mère,  par  ses  frères,  Robert 
d'Artois,  Alphonse  de  Toulouse,  et  Charles 
d'Anjou.  Gautier  Cornut  a  laissé  de  la 
1.  Riant,  Exuvice  sacra,  t.  I,  p.  clxxv;  t.  II,  p.  1 19. 


iReiîques  De  Conetanttnople. 


93 


réception  à  Sens,  le  i  i  août,  et  du  départ 
pour  Paris,  un  récit  très  détaillé  ("),  qui 
semble  avoir  été  étudié  assez  superficiel- 
lement, puisque  les  rédacteurs  du  Bréviaire 
parisien  de  1778  ont  cru  devoir  insérer 
dans  les  leçons  de  la  susception  de  la  sainte 
Couronne,  que  la  réception  en  avait  eu 
lieu  à  Paris  le  18  août,  alors  qu'il  est  de 
toute  évidence,  d'après  le  récit  de  Gautier 
Cornut,  aussi  bien  que  d'après  la  Chronique 
de  Saint-Denis,  qu'elle  eut  lieu  le  vendredi 
19  août(').  Les  comptes  royaux  vont  ensuite 
faire  évanouir  une  légende  pleine  de  poésie 
d'ailleurs.  Non,  le  roi  saint  Louis  n'a  pas 
accompagné  jusqu'à  Paris  la  Couronne,  les 
pieds  nus,  par  le  simple  motif  qu'un  écuyer, 
nommé  Denis,  l'apporta  de  Sens  à  Vin- 
cennes  par  bateau  et  que  pour  ses  peines 
et  dépenses,  il  reçut  au  milieu  de  la  route, 
le  14  août,  à  Melun  xn  1.,  ix  s.,  vi  d.  (3). 

Le  19  août,  à  l'aube,  la  procession  part 
de  Vincennes.  Aux  princes  que  nous  avons 
vus  figurer  dans  le  cortège  de  Sens.Philippe 
Mouskes  ajoute  ici  la  reine  Marguerite  et  la 
reine  de  Danemark  —  qui  doit  être  Éléo- 
nore  de  Portugal,  veuve  de  Valdemar.  — 
Après  une  station  à  Notre-Dame,  la  sainte 
Couronne,  suivie  d'un  peuple  immense,  est 
déposée  à  la  chapelle  Saint-Nicolas  du  Pa- 
lais. De  ce  jour,  jusqu'à  l'inauguration  delà 
Sainte-Chapelle,  qui  va  s'élever  sur  l'empla- 
cement de  la  chapelle  de  Saint-Nicolas,  on 
n'entend  pas  parler  de  la  sainte  Couronne  : 
le  Roi  même  ne  distribue  pas,  que  nous 
sachions,  une  seule  épine.  Si  bien  que  Mo- 
rand se  demandera  ce  qu'elle  est  devenue 
pendant  les  neuf  années  qui  s'écouleront 
jusqu'à  la  dédicace  de  la  Sainte-Chapelle. 


Mais  c'est  Morand  lui-même  qui  nous 
met  sur  la  trace  de  son  nouveau  séjour.  En 
même  temps  qu'un  compte  royal  nous  ap- 
prend que  le  3  octobre  1239  la  Couronne 
est  portée  à  Saint-Denis  ("),  la  pancarte  du 
cierge  pascal  de  1327  nous  fait  connaître 
que  les  travaux  de  la  Sainte-Chapelle  com- 
mencent en  1240.  Les  deux  dates  sont  donc 
absolument  concordantes,  et  il  est  mainte- 
nant hors  de  doute  que  la  Couronne  de- 
meure à  Saint-Denis  pendant  toute  la  durée 
des  travaux  (2). 

Si  on  ne  connaissait  pas  davantage  la 
date  de  sa  rentrée  à  la  Sainte-Chapelle,  la 
même  pancarte  du  cierge  pascal,  rapprochée 
du  Martyrologium  Gallicanum  de  Du 
Saussay,  va  nous  montrer  que  c'est  incon- 
testablement le  25  mars  1248  qu'elle  y  est 
replacée,  en  même  temps  que  les  reliques 
du  troisième  apport  de  Constantinople, 
dont  jusqu'ici  on  ignorait  la  date  (5),  dans 
le  reliquaire  de  pierre,  dont  la  dédicace 
allait  avoir  lieu  le  26  avril  suivant. 


#  # 


1.  Riant,  t.  I,  p.  45. 

2.  Mély,  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travaux 
historiques,  1899,  p.  III  et  p.  76. 

3.  Historiens  de  la  France,  t.  XXI,  p.  601  et  Riant,  t.  II, 
p.  241. 


Au  cours  des  siècles,  il  est  plusieurs  fois 
question  du  vol  de  la  sainte  Couronne  et 
de  son  déplacement  ;  pourtant  on  la  re- 
trouve toujours  intacte,  et  elle  est  encore 
actuellement  à  Paris  ;  les  textes  cependant 
s'expliquent  facilement.  La  Couronne,  c'est 
presque  toujours  une  ou  deux  épines  seule- 
ment. Philippe  VI  dépose-t-il  à  Josaphat- 
lez-Chartres  la  sainte  Couronne  ?  Le  Né- 
crologe de  l'abbaye  nous  apprend  que  c'est 
une  épine  qu'il  envoie  simplement,  vers 
1330,  à  l'abbé  Thomas,  par  un  chevalier 
nommé  Vrafran  ;  Charles  VII  emporte-t-il, 
en   1445,   la  Couronne  à   Bourges   pour  la 

1.  Historiens  de  la  France,  t.  XXI,  p.  605  et  Riant,  t.  II, 
p.  241. 

2  Mély,  Chronique  des  Arts,  1S99,  p.  24. 

3  Mély,  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions 
el  Belles- Lettres,  6  janvier  1S99,  p.  S. 


94 


débite  toe  l'&rt  chrétien. 


soustraire  aux  Anglais  ?  Ce  sont  les  épines 
de  Saint-Denis  dont  il  s'agit.  Lorsque  Bran- 
tôme, L'Estoile  parlent  à  mots  voilés  du  vol 
de  la  Couronne,  en  1575,  il  est  question  du 
vol  de  la  grande  croix,  dans  laquelle  était 
enchâssée  une  épine  ;  mais  la  Couronne 
elle-même,  jusqu'à  la  Révolution,  demeure 
dans  son  reliquaire  à  la  Sainte-Chapelle  : 
elle  sera  plus  tard  transportée  à  Notre- 
Dame  où  elle  est  aujourd'hui  vénérée. 

Comment,    par    exemple,    cette    relique 
dont  nous  admirons  actuellement  l'intégrité 


presque  complète,  car  s'il  existe  quelques 
reliques  du  jonc  même  de  la  Couronne,  elles 
sont  si  peu  nombreuses,  qu'alors  que  nous 
aurons  signalé  les  fragments  d'Arras,  d'Au- 
tun,  de  Bordeaux,  de  Clermont,  des  Ursu- 
lines  de  Grenoble,  de  Lille,  de  Lyon, 
d'Orléans,  de  la  comtesse  Reille,  de  Sainte- 
Marie-du-Mont,  de  Sens,  de  la  Trappe,  de 
Tourves,  de  Vaugirard,  nous  les  aurons 
assurément  presque  tous  nommés,  com- 
ment, dis-je,  cette  relique  a-t-elle  pu,  sans 
être    vraiment   réduite   en    poussière,    sup- 


iJipfc 


t„Vv. 


m 


'^Szêr 


Couronne  d'épines  de  Notre-Dame  de  Paris 


porter  tant  d'attouchements,  subir  tant  de 
froissements,  alors  qu'on  en  détachait  les 
épines,  dont  nous  allons  voir  le  nombre, 
vraiment  incroyable,  que  les  rois  de  France 
en  ont  successivement  arraché  ? 


# 
#  # 


On  peut  discuter  sur  la  nature  de  la  cou- 
ronne, c'est  un  point  qui  ne  sera  jamais 
élucidé  :  mais  ce  qu'on  peut  montrer,  c'est 
que  sous  saint  Louis,  la  couronne  était  telle 
que  nous  la  voyons  aujourd'hui.  Un  dessin 
contemporain,  que  je  dois  à  l'amabilité  de 


M. G.  Rohault  deFleury(p.  96),  représentant 
le  roi  sur  son  trône,  tenant  le  reliquaire,  ne 
laisse  aucun  doute  à  cet'égard.  Et  cependant, 
alors  que  la  Couronne  de  Notre-Dame  est  de 
simples  joncs,  tous  les  érudits  sont  d'accord 
pour  reconnaître  dans  les  épines,  les  pointes 
d'un  arbrisseau  à  tige  ligneuse,  le  zyzypkus 
spina  Christi.  L'embarras  est  donc  grand 
quand  on  réfléchit  aux  soixante-trois  épines 
authentiques, qu'il  faut  presque  certainement 
augmenter  de  sept  à  peu  près  aussi  authen- 
tiques, provenant  de  la  Sainte-Chapelle  : 
sur  une  branche  seule,  espacées  de  0111. 05  c, 


ifteltques  tie  Constanttnople 


95 


elles  fourniraient  une  longueur  de  3  m.  50  c. 
garnie  de  longues  pointes.  Est-ce  donc  dans 
cette  petite  monstrance,  ou  bien  dans  le 
reliquaire  des  Heures  d' Anne  de  Bretagne. 
ou  dans  celui  de  Pierre  Blosse,  que  sem- 
blable faisceau,  enroulé  en  plus  autour  de  la 
couronne  de  joncs  aurait  pu  être  renfermé? 
On   ne   conçoit   pas   réellement  davantage 


saint  Louis  coupant,  de  124S  à  1270,  peut- 
être  plus  de  vingt-cinq  fois  des  épines, 
fixées  solidement  à  une  relique  aussi  fragile. 
Il  faut  donc  chercher  une  nouvelle  expli- 
cation :  les  textes  contemporains  vont  peut- 
être  nous  la  fournir.  C'est  d'abord  la  tradi- 
tion arménienne  du  XIIIe  siècle  qui  rap- 
porte que   la   couronne   était   composée  de 


Nouveau  reliquaire  de  la  sainte  Couronne  de  Notre  Dame  de  Paris. 


deux  parties  distinctes(')  ;  c'est  ensuite  Man- 
deville,  qui  nous  apprend  qu'il  a  vu  à  part 
les  épines  dont  une  lui  a  été  remise  «  par 
très  grant  especialité,  car  il  y  en  a  plusieurs 
brisées  en  ou  vaissel  ;>>  ;  enfin,  le  procès- 
verbal  d'une  levée  de  reliques  du  16  juillet 
1549,  par  Pierre  Duchatel,  évêque  de 
Maçon,  grand  aumônier  de  France,  qui 
vient   au    nom   de   Henri  II,  chercher  à  la 

I.   Inventaire   arménien    publié   dans    ^Histoire    de    la 
sainte  Lance,  pp.  14  et  15. 


Sainte-Chapelle  un  certain  nombre  de  re- 
liques, parmi  lesquelles  se  trouve  un  frag- 
ment de  la  Couronne  d'épines,  relate  qu'elles 
furent  simplement  tirées  de  la  châsse  des 
reliques  (').  Ne  semble-t-il  pas  naturel  dès 
lors  d'admettre  que  les  épines,  d'ailleurs 
d'une  nature  bien  différente  de  la  couronne 
de  joncs,  étaient  conservées  à  part,  et  que 
pour  les  distribuer,  nul  besoin  ne  fut  d'ouvrir 

1.  Morand  (Le  chan.j,  Hisl.  de  la  Sainte-Chapelle. 


96 


WitWt  tic  rart  chrétien. 


le   reliquaire  où  se  trouvait  renfermée    la 
couronne  de  joncs  ? 


Mais  reste  un  dernier  point,  bien  diffi- 
cile à  élucider.  Combien  y  avait-il  d'épines 
avec  la  couronne,  ou  plutôt,  combien  en 
restait-il  quand  elle  fut  remise  à  saint  Louis  ? 
Aucun  auteur  n'en  fait  mention  :  cependant 
la  chose  était  d'importance.  Seul,  saint 
Vincent  Ferrier,  dans  un  sermon  du  jeudi- 
saint,  parle  des  soixante-douze  épines  qui 
blessèrent  si  cruellement  la  tête  du  Sauveur. 
N'est-ce  pas  là.  par  exemple,    un  nombre 


Premier  reliquaire  de  la  sainte  Couronne, 

d'après  le  Brevîarium  parisiense.  Ms.  lat.  1053  de  la  Biblioth.  Nat., 

(Dessin  de  M.  G.  Rohault  de   Fleury.) 

purement  symbolique  ?  Faut-il  au  contraire 
y  voir  une  tradition  dominicaine  ?  H  ypothèse 
peut-être  bien  hardie.  Une  chose  néanmoins 
est  frappante.  Des  recherches  qui  suivent 
se  dégagent  déjà  soixante-dix  épines  venant 
de  la  Sainte-Chapelle  ;  ce  nombre  approche 
bien  des  soixante-douze  de  saint  Vincent 
Ferrier,  sans  même  qu'il  soit  nécessaire  de 
faire  remarquer  combien  il  est  probable  que 
quelques-unes  ont  échappé  aux  recherches 
même  les  plus  minutieuses,  surtout  quand 
on  verra  dans  quels  sanctuaires  peu  connus, 
dans  quelles  mains  inattendues,  allèrent 
reposer  quelques-uns  des  envois  royaux. 


Avant  d'examiner  en  particulier  chaque 
épine,  sous  sa  date  d'envoi,  ou  sous  la  date 
à  laquelle  elle  se  rencontre  pour  la  première 
fois,  il  importe  de  ramener  à  sa  juste  valeur 
la  tradition  qui  fait  attribuer  par  saint  Louis 
une  épine  au  légat,  aux  cinq  archevêques, 
et  aux  onze  évêques  qui  assistèrent  à  la 
consécration  de  la  Sainte-Chapelle,  le  26 
avril  124S  ('). 

N'est-il  pas  vraiment  bien  extraordinaire 
que  pas  une  pièce  officielle,  pas  une  charte, 
pas  un  inventaire,  ne  nous  fasse  connaître 
un  seul  de  ces  dons,  alors  qu'au  contraire 
l'épine  du  Puy,  par  exemple,  donnée  à  Ber- 
nard, au  moment  de  la  susception  de  la 
Couronne  à  Sens,  traverse  les  ans  accom- 
pagnée de  sa  lettre  de  donation  du  12  août 
1239  ;  alors  aussi,  que  nous  allons  trouver 
trente  épines  données  par  le  Roi,  sans  qu'il 
se  rencontre  parmi  les  donataires, un  seul  des 
prélats  consécrateurs  de  la  Sainte-Chapelle  ? 

Mais  voici  qui  est  plus  précis.  Si  les 
cathédrales  de  Rouen,  de  Tours,  de  Meaux, 
de  Bayeux,  d'Evreux,  n'eurent  jamais  de 
reliques  de  la  Couronne  dans  leur  trésor, 
parmi  elles,  un  seul  diocèse,  celui  de  Meaux, 
eut  une  fête  de  translation  et  de  sus- 
ception de  la  sainte  Couronne.  Amiens  eut 
une  simple  commémoration  de  la  fête  : 
les  autres  n'eurent  aucun  office  particulier. 
Quant  aux  autres  basiliques,  elles  eurent, 
il  est  vrai,  des  épines,  parmi  leurs  reliques 

1.  Le  légat  était  Eudes  de  Châteauroux,  évéque  de 
Tusculum  ;  les  cinq  archevêques,  ceux  de  Bourges,  de 
Sens,  de  Rouen,  de  Tours,  de  Toulouse  ;  les  onze  évêques, 
ceux  de  Laon,  de  Soissons,  d'Amiens,  de  Senlis,  de 
Langres,  de  Chartres,  d'Orléans,  de  .Meaux,  de  Bayeux, 
d'Evreux,  d'Apros  'Macédoine).  Ce  dernier  évoque,  qui 
s'appelait  Hugues  et  que  les  uns  ont  supposé  être  évëque 
d'Apt,  les  autres  d'Avranches  (Aptensis,  Aprencensis 
pour  Abrinsensis),  vient  d'être  définitivement  identifié 
pai  M.  Léopold  Delisle,  dans  le  Journal  des  Savants, 
1898,  pp.  309-317,  et  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
l'Histoire  de  Paris,  [898,  pp.  159-162. 

(Charte  d'indulgences  accordées  aux  visiteurs  des  re- 
liques de  la  Sainte-Chapelle,  avril  1248.  —  Riant,  t.  II, 
P-  1350 


Reliques  De  Con0tanttuople. 


97 


insignes,  mais  leur  origine,  à  laquelle  on 
peut  remonter,  est  bien  étrangère  à  la  dédi- 
cace de  la  Sainte-Chapelle.  Dès  maintenant, 
on  peut  dire  que  les  épines  de  Bourges 
étaient  celles  du  duc  de  Berry  ;  qu'à  Sens, 
si    une  provient  peut-être  de  saint    Louis, 


Reliquaire  de  la  sainte  Couronne, 
d'après  les  Heures  d'Anne  de  Bretagne. 
(Dessin  de  M.  G.  Rohault  dk  Fleuey.) 

elle  avait  été  donnée  très  probablement  à 
Gautier  Cornut,  le  1 1  août  i  239:  à  cette  date, 
d'ailleurs,  Sens  possédait  déjà  ab  antiquo 
des  épines  (');  à  Toulouse,  dès  1226,  St- 
Sernin  pouvait  donner  à  Grandmont  un 
reliquaire  avec  une  épine:  les  Chevaliers  de 

1.  Albénc,  dans  Riant,  t.  11,  p.  242. 


Malte  de  cette  ville  en  possédaient  une 
également  :  la  tradition  conserve  enfin  le 
souvenir  d'une  épine,  donnée  en  1251  à 
St-Sernin  par  Alphonse,  frère  de  saint 
Louis  ;  à  Laon,  un  inventaire  de  1502  est 
la  seule  pièce  qui  signale  une  épine;  l'épine 
de  Soissons,  avait  été  rapportée  en  1  204  de 
Constantinople  par  Nivelon;  celle  de  Senlis 


Reliquaire  de  la  sainte  Couronne  au  XVIIe  siècle, 
d'après  Pierre  Blosse.  (Dessin  de  M.   G.   Rohault  de  Fleusy.) 

fut  donnée  à  la  cathédrale  par  Adam  de 
Chambly,  49e  évêque,  le  1e1'  mai  1242; 
l'épine  de  Langres  est  signalée  pour  la  pre- 
mière fois  dans  un  inventaire  de  1  5  1  3  ;  celle 
de  Chartres,  cataloguée  dans  l'inventaire 
de  1323,  était  dans  un  reliquaire  avec  ins- 
criptions grecques,  dont  l'origine  byzantine 
n'est  par  conséquent  pas  douteuse  ;  quant  à 
Orléans,    l'inventaire   de    1562    parle   bien 


98 


Bctnte  tir  F&vt  chrétien. 


d'une  épine,  mais  comme  celui  de  1329  n'en 
fait  aucune  mention,  il  est  certain  qu'elle  est 
arrivée  au  trésor  entre  ces  deux  dates.  Si 
enfin  nous  disons  qu'Eudes  de  Château- 
roux,  évèque  de  Tusculum,  légat  du  pape, 
qui  présida  la  consécration,  ne  laisse  dans 
sa  succession  aucune  épine,  que  si  sa  ca- 
thédrale en  possédait  une,  elle  avait  été 
léguée  en  1 2  1 9  par  Nicolas  de  Clermont,  et 
qu'elle  venait  de  Godefroid  de  Bouillon,  il 
ne  saurait,  je  crois,  rien  demeurer  de  la 
tradition  qui  fit  distribuer  par  saint  Louis, 
le  26  avril  1248,  dix-sept  épines  aux  prélats 
qui  l'entouraient. 

Mais  il  n'est  pas  que  cette  tradition  qui 
soit  légendaire.  Baillet  cite  nombre  d'églises 
de  Paris  qui  reçurent  des  épines  de  la 
Sainte-Chapelle  :  Saint-Eustache,  Saint- 
Germain  l'Auxerrois,  les  Saints-Innocents, 
Saint-  Barthélémy,  les  Mathurins,  lesCarmes 
de  la  place  Maubert,  Port-Royal  des 
Champs,  Port- Royal  de  la  Ville.  Or,  il  n'en 
est  qu'une,  les  Mathurins,  dont  nous  ayons 
pu  retrouver  la  donation  par  saint  Louis, 
dans  les  Annales  de  l'Ordre  de  la  Trinité, 
à  l'année  r  270  (').  Une  autre  épine  provient 
également  de  la  Sainte-Chapelle,  celle  de 
Port-Royal  de  la  Ville  :  mais  M.  de  la  Pot- 
terie  la  reçut  de  Marie  de  Medicis  et  l'offrit 
à  la  Maison,  le  20  mars  1 656.  Pour  les  autres 
je  n'ai  pu  découvrir  aucun  document. 

Le  P.  Danzas,  dans  ses  Études  sur  les 
temps  primitifs  de  F  Ordre  de  Saint-Domi- 
nique, indique,  en  outre,  un  certain  nombre 
d'épines  qui  proviendraient  de  la  libéralité 
de  saint  Louis  :  celles  d'Avignon,  de  Car- 
pentras,  de  Carcassonne,  du  Buy,  par 
exemple.  Or,  il  est  certain  que  celle  de  la 
cathédrale  d'Avignon  est  inventoriée  dès  la 
fin  du  X  I  Ie  siècle  :  elle  vient  de  Jérusalem 


1.  Et  encore  cette  date  est  fausse,  puisque  nous  avons 
la  lettre  de  saint  Louis  date'e  du  mois  de  mars  1260.  Voir 
plus  loin. 


d'où  elle  fut  rapportée  par  l'évêque  Benoît  I , 
mort  vers  1040:  que  celle  de  Saint- Didier 
d'Avignon  n'est  signalée  pour  la  première 
fois  que  le  4  mars  t66S  ;  que  celle  de  Car- 
cassonne n'a  laissé  aucune  trace;  que  celle 
du  couvent  des  Dominicains  de  Carpentras, 
qui  leur  a  été  rendue  par  la  cathédrale  en 
1895,  n'avait  pas  d'autre  histoire  que  la  tra- 
dition de  guérir  les  maux  d'yeux.  D'ailleurs, 
si  on  poussait  plus  loin  les  recherches,  la  cha- 
pelle de  la  Sainte-Épine  de  Carpentras  ne 
fut  élevée  que  sous  l'antipape  Benoît  XI II, 
dont  les  armoiries  se  voient  au  milieu 
de  la  voûte  ;  celle  du  Buy,  enfin,  aurait 
été  donnée  par  Humbert  II,  dauphin  de 
Viennois,  lors  de  son  retour  d'Orient 
(septembre  1347),  en  même  temps  qu'il  en 
offrait  une  aux  religieuses  de  Montfleury. 

Riant  a  cru  pouvoir  regarder  comme 
authentiquement  données  par  saint  Louis, 
des  épines  pour  lesquelles  les  chartes  ou 
même  les  textes  faisaient  défaut.  Je  ne 
saurais  le  suivre  dans  toutes  ses  affirma- 
tions ("). 

Pour  Royaumont,  nous  avons  le  passage 
de  Gaignières,  qui  l'a  trouvé  dans  les  Chro- 
niques de  l' abbaye.  Pour  Sens,  pour  Senlis, 
nous  avons  des  preuves  morales  vraiment 
d'une  grande  valeur,  mais  pour  Royal-Lieu, 
pour  Vincennes,  pour  Cluny,  c'est  tout 
autre  chose. 

Royal- Lieu  est  fondé  par  Philippe-le-Bel, 
saint  Louis  n'a  donc  pu  lui  donner  une  épine  ; 
Vincennes,  ainsi  que  nous  le  verrons  tout  à 
l'heure,  reçoit  son  épine  en  1379  seulement; 
quant  à  Cluny,  aucun  inventaire  ne  men- 
tionne d'épine  dans  son  trésor,  avant  13S2  ; 
l'abbaye  n'en  avait  donc  pas  antérieurement 
à  cette  date. 

On  en  arriverait  enfin  très  facilement  à 
admettre  que  toutes  les  épines  qui  appar- 

1.  Royaumont,  Royal-Lieu,  Sens,  Senlis,  Cluny  et  Vin- 
cennes, t.  I,  p.  clij. 


i&eltques  De  Constanttnople. 


99 


tiennent  à  la  famille  royale  de  France 
doivent  provenir  de  la  relique  de  saint 
Louis.  Il  serait  imprudent,  croyons-nous, 
d'accepter  sans  une  critique  très  sévère  cette 
hypothèse.  Certainement,  on  ne  saurait  re- 
jeter, jusqu'à  preuve  contraire,  l'identifica- 
tion des  épines  ayant  appartenu  à  Blanche 
de  Castille,  à  Charles  d'Anjou,  à  Jean  de 
Berry,  à  Marie  de  Médicis,  à  Anne  d'Au- 
triche ;  mais,  outre  que  depuis  1204,  un 
certain  nombre  rapportées  directement  de 
Constantinople  dans  les  Flandres,  avaient 
pu,  par  héritage,  passer  dans  la  Maison  de 
France,  il  en  est,  comme  celle  de  Moulins, 
donnée  par  le  duc  de  Bourbon  dont  l'histoire 
est  bien  connue,  ou  comme  celle  du  château 
de  Blois  (inventaire  de  141 7),  dont  les 
origines  sont  ignorées,  qu'il  est  réellement 
impossible  de  classer  jusqu'à  plus  ample 
informé,  comme  venant  de  la  Sainte- 
Chapelle. 

Ainsi  déblayé,  le  terrain  va  nous  per- 
mettre d'avancer,  en  ne  nous  appuyant  que 
sur  des  preuves  à  peu  près  indiscutables. 


# 
#  # 


Le  Puv,  1239.  —  La  première  donation 
par  saint  Louis  d'une  épine,  est  très  proba- 
blement celle  faite  à  Bernard,  évêque  du 
Puy,  le  lendemain  de  la  susception  de  la 
sainte  Couronne,  à  Sens,  au  moment  du 
départ  pour  Paris.  La  lettre  de  donation, 
datée  de  Sens,  le  12  août  1239,  est  publiée 
par  Riant  (').  L'original  est  photographié 
dans  un  article  de  l'abbé  Chambeyron  (?). 
Pendant  tout  le  moyen  âge,  elle  est  reli- 
gieusement vénérée  et  cependant  on  ne 
trouve  de  fête  propre  dans  le  bréviaire  du 
Puy  qu'en  1624  (3). 

Aujourd'hui  on  conserve  à  l'église  du  Puy, 

1.  T.  II,  p.  125. 

2.  Revue  du  Lyonnais,  janvier  1S92. 

3.  U.  Chevalier,  Rcpert.  hymnolog.,  1S87. 


dans  un  reliquaire  du  XVe  siècle,  naguères 
publié  par  A.  Aymard  et  Hip.  Maligné  ('), 
une  épine,  dont  le  bréviaire,  dans  sa  leçon 
des  matines  de  la  fête  de  la  susception,  célé- 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  du  Puy  (Haute-Loire). 

brée  le  26  août,  nous  fait  connaître  l'histoire. 
La  Semaine  religieuse  du  diocèse  de  Lyon 
(16  octobre  1S96)  complète  le  texte  du 
bréviaire,   en    nous  apprenant    le    nom   de 

^j.  Album  d'archéologie  religieuse,  Paris,  1S57,  in-f°. 


REVUE   DE   L  AKT  CHRËTtKN. 
1899.  —    2rae    LIVRAISON. 


lOO 


Peinte  tic  Part  cfjrétten. 


l'abbé  Borie,  qui,  au  moment  de  la  Révolu- 
tion, acheta.de  ceux  qui  allaient  la  brûler,  la 
sainte  Épine  et  le  sachet  de  soie  dans  lequel 
étaient  renfermés  et  la  lettre  de  saint  Louis 
et  un  vidimus  de  1381,  pour  les  emporter 
à  Saint- Etienne  où,  après  la  Révolution,  il 
exerça  les  fonctions  vicariales  à  Notre- 
Dame.  En  mourant  il  laissa  à  cette  église 
la  relique  qu'il  avait  sauvée. 

Mgr  de  Bonald,  alors  évêque  du  Puy, 
essaya  vainement  d'obtenir  la  restitution  de 
la  relique  qui  avait  quitté  son  diocèse  ; 
devenu  archevêque  de  Lyon,  métropole  de 
Saint- Etienne,  il  aurait  détaché  un  fragment 
très  menu  de  l'épine  de  Saint-Etienne  qu'il 
offrit  à  son  ancienne  cathédrale  dans  la 
monstrance  actuelle  du  XVe  siècle.qui  vient, 
croit-on,  précisément  de  l'ancien  trésor  du 
Puy.  Cependant  l'inventaire  de  1444  n'en 
fait  pas  mention.  Elle  a  subi  de  très  impor- 
tantes restaurations. 


Venise,  1240.  —  Il  n'est  pas  ici  question 
des  épines  de  Saint-Biaise  dont  Riant  rap- 
porte l'histoire  (^jleur  caractère  légendaire 
ne  saurait  faire  doute  un  instant,  il  semble 
même  inutile  de  les  discuter.  Mais  il  existe 
à  Saint-Marc  un  reliquaire  contenant  deux 
épines  dont  on  paraît  s'être  peu  préoccupé, 
malgré  la  tradition  constante  de  l'envoi 
de  saint  Louis  à  la  basilique  après  le  déga- 
gement de  la  sainte  Couronne  et  son  arrivée 
à  Paris.  Le  don  est  très  admissible,  très 
naturel  même,  et  l'absence  de  documents 
écrits  peut  être  presque  remplacée  par  les 
preuves  morales  contre  lesquelles  on  ne 
saurait  s'élever.  D'abord  Dandolo  (2)  a  bien 
soin  de  signaler  le  dégagement,  par  saint 
Louis,  des  reliques  de  la  Passion,  mises  à 
gage  parles  Grecs,  à  Venise,  et  l'envoi  gra- 

1.  T.  II,  p.  167. 

2.  Riant,  t.  II,  p.  255. 


cieuxpar  le  roi  de  France  au  doge  de  quel- 
ques fragments  en  1240.  Le  Ménologe  de 
Venise  précisera  le  jour  en  inscrivant  : 
«  Secunda  ex  quintis  Feriis  Mensis  Martii  : 
Festum  sacratissime  Corone  spinarum  Do- 
mini  nostri  Jesu  Christi  (').  »  Les  écrivains 


Reliquaire  des  saintes  Épines  de  Saint-Marc  de  Venise. 

postérieurs  puiseront  certainement  là  leurs 
renseignements  ;  Cornélius,  par  exemple, 
parlera  de  quatre  épines,  alors  que  nous  en 
trouvons  seulement  deux  actuellement  dans 
le  reliquaire.  D'autres  existent  bien,  dans 
un  reliquaire  byzantin  avec  inscription 
grecque  ;  elles  ne  nous  intéressent  pas  ici. 

1.  Cornélius  (Flaminius),  Ecclesiœ  Venetœ  Monumenta, 
Venise,  1749,  in-40,  t.  XIII,  p.  410. 


iReliques  &e  Constantinople. 


IOI 


Mais,  pourrait-on  dire,  les  épines  du  re- 
liquaire ne  peuvent-elles  donc  pas  venir  de 
Constantinople  directement,  du  pillage  de 
1204? 

Andréas  Maurocenus,  rapportant  l'incen- 
die qui  détruisit,  en  1231,1e  trésor  de  Saint- 
Marc  ('),  énumère  avec  grands  détails  les 
reliques  qui,  seules,  échappèrent  au  désastre, 
et  si  le  bois  de  la  Croix,  l'ampoule  du  saint 
Sang,  les  vertèbres  de  saint  Jean-Baptiste 
sont  les  seuls  cités,  c'est  qu'il  n'y  avait  cer- 
tainement pas  alors  d'épines  dans  le  trésor, 
sans  cela  elles  n'auraient  pas  été  oubliées 
lors  d'un  sauvetage  aussi  miraculeux. 

Enfin  les  dates  concordent  parfaitement. 
On  constate  en  effet  à  Sens  que  les  sceaux 
qui  ferment  la  triple  enveloppe  de  la  cou- 
ronne, posés  à  Constantinople  avant  le  dé- 
part pour  Venise,  sont  absolument  intacts. 
Ce  n'est  donc  pas  pendant  le  séjour  à  Venise 
que  la  levée  put  être  opérée  mais  seule- 
ment après  l'arrivée  à  la  Sainte-Chapelle, 
peut-être  lors  du  transfert  à  Saint-Denis, 
et  l'arrivée  à  Venise  le  1 2  mars  1 240  devient 
parfaitement  acceptable.  Nous  trouverons 
plus  loin,  en  1495,  l'entrée  au  trésor  de 
Saint-Marc  d'une  autre  épine  certainement 
de  la  Sainte-Chapelle.  Mais  celle-là  n'avait 
pas  été  envoyée  en  don,  elle  fut  prise  sur 
Charles  VIII,  à  la  bataille  de  Fornoue. 


Valenciennes,  1244.  —  Si  l'on  croit 
pouvoir  admettre  l'épine  de  Valenciennes 
aunombre  de  celles  données  par  saint  Louis, 
et  le  manuscrit  G.  394,  des  Archives  de 
Valenciennes  me  semble  assez  catégorique 
pour  être  accepté,  on  ne  saurait  la  cataloguer 
après  1244.  Dans  l'énumération  des  reliques 
possédées  avant  la  Révolution  par  les  églises 
et  couvents  de  la  ville,  que  M.  l'abbé  Delille 

.  1.  Cornélius  (Flaminius),  Eccles.  Venet.  Monum.,  t.  X, . 
P-  317. 


a  pris  la  peine  de  m'envoyer,  on  lit  :  «  La 
chapelle  des  Récollets  gardait  une  épine  qui 
avait  été  donnée  aux  enfants  de  saint  Fran- 
çois par  la  comtesse  Jeanne  de  Flandre  qui 
l'avait  reçue  de  saint  Louis  son  parent,  » 
La  comtesse  était  effectivement  tante  de 
Louis  IX  et  comme  elle  meurt  en  1244,  la 
relique  doit  prendre  place  parmi  les  dons 
royaux  antérieurs  à  cette  date. 


Tolède,  1248.  —  Par  une  lettre  datée 
d'Étampes,  mai  1 248,  le  roi  envoie  à  l'église 
de  Tolède  des  reliques  de  la  Passion,  et 
utiam  de  spinis  sacrosancte  spinee  Corone  (x). 


Saint-Quentin,  1251.  — Je  ne  vois  rien 
qui  puisse  justifier  la  date  de  125 1,  pour 
l'envoi  du  reliquaire  d'or  contenant  des 
reliques  de  la  Couronne  d'épines,  par  saint 
Louis  à  Roger  de  Provins,  son  médecin, 
chanoine  de  Paris,  chanoine  et  chancelier 
de  l'église  de  Saint-Quentin. 

A  cette  date,  saint  Louis  est  à  Césarée,  et 
je  ne  trouve  pas  parmi  les  Croisés  ce  Roger 
de  Provins.  Mais  le  Nécrologc  de  Saint- 
Quentin  mentionne,  au  30  juillet,  le  don 
du  reliquaire  par  Roger  de  Provins  ;  je 
croirais  volontiers  qu'il  l'a  reçu  avant  le 
départ  du  roi,  et  que  c'est  probablement  en 
1251  seulement,  «  dans  la  suite  »,  comme 
dit  Colliette,  qu'il  l'offrit  à  l'église  de  Saint- 
Quentin^).  En  tous  cas,  Colliette  et  Quentin 
de  la  Fons,  bien  que  ne  publiant  pas  le  do- 
cument lui-même,  sont  assez  précis  pour 
ne  laisser  place  à  aucune  incertitude  sur  la 
personne  du  donateur. 


Corbeil.  1255.  —  C'est  dans  Me  Jean  de 
la  Barre  (3)  que  nous  lisons  la  première  men- 

1.  Riant,  t.  11,  pp.  137-13S. 

2.  Riant,  t.  II,  p.  13g. 

3.  Les  Antiquités  de  la  Ville,  Comté  et  Ckatelenie  de 
Corbeil,  Paris,  La  Coste,  1647,  in-40,  p.  16S 


102 


3kebue  &e  l'Slrt  chrétien. 


tion  de  l'épine  donnée  à  Saint-Guénault, 
par  Regnault  de  Corbeil,  évêque  de  Paris, 
qui  la  tenait  de  Blanche  de  Castille.  «  Saint 
Louis,  à  la  prière  de  sa  mère,  destacha 
une  espine  de  la  Couronne,  qui  fut  enchâssée 
en  un  vase  de  cristal  :  Blanche  la  conserva 
en  grande  vénération  jusqu'à  sa  mort;  alors 
elle  la  donna  à  Regnault  de  Corbeil.  Il 
l'offrit  le  jour  de  la  fête  des  Innocents  1255, 
en  l'accompagnant  de  lettres  d'indulgences 
de  quarante  jours,  aux  pèlerins  qui  Tiraient 
vénérer.  »  L'abbé  Lebeuf  (')  insère  ce 
passage  dans  son  ouvrage,  et  le  Cueilloir 
des  revenus  du  Prieuré  de  Si-  Guénault  vers 
I75°<  Par  Guiot(2)  montre  comment  les  tra- 
ditions se  trouvent  bizarrement  transfor- 
mées :  le  passage  mérite  d'être  copié. 

«  Cette  légère  portion  de  la  Couronne  de 
N.-S.estoit  un  don  de  saint  Louis  à  Regnault 
de  Corbeil,  évêque  de  Paris,  qui  la  transmit 
à  sa  incre.  Cette  dame  bienfaisante  quoi- 
qu'inhuméeàSt-Spire,  ne  la  laissacependant 
pas  à  ce  Chapitre  qui  avoit  déjà  tant  de 
reliques,  mais  au  Prieuré  qu'elle  avoit  tou- 
jours affectionné.  ))  Ainsi  la  mère  du  roi  est 
ici  devenue  la  mère  de  Regnault  de  Corbeil. 

D'après  le  manuscrit  de  Guiot,  cette 
épine  serait  passée  dans  la  suite  à  Port- 
Royal,  qui  fut  dirigé  par  plusieurs  prieurs  de 
Saint-Guénault:  plus  loin,  nous  verrons,  au 
contraire,  que  l'épine  de  Port- Royal  fut 
donnée  à  la  Maison  par  M.  de  la  Potterie, 
qui  la  tenait  de  Marie  de  Médicis,  et  l'iden- 
tification avec  cette  dernière  est  certaine, 
puisque  le  fameux  miracle  de  la  guérison 
de  la  fistule  lacrymale  de  Mlle  Perrier,  at- 
tribué à  cette  épine  et  rapporté  par  Guiot, 
est  également  cité  par  Fontaine,  qui  signale 
dans  ses  Mémoires  pour  servir  à  F  histoire 

1.  Histoire  de  la  ville  et  du  diocèse  de  Paris,  Haris, 
Féchoz,  1863,  in-8°,  t.  IV,  p.  2S3. 

2.  Manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Corbeil,  p.  191.  — 
Renseignement  communiqué  p  ir  M.  Dufour. 


de  Poî't  -  Royal  i^)  et  le  miracle  et  l'origine 
de  l'épine  qui  l'a  produit. 


Valence  (Espagne).  —  Du  mois  de  mars 
1 256,  datée  de  Paris, est  la  lettre  par  laquelle 
saint  Louis  annonce  à  l'évêque  et  au  cha- 
pitre de  Valence  l'envoi  d'une  épine  de  la 
sainte  Couronne  ('). 

La  relique  existe  encore  à  Valence,  avec 
la  lettre  du  roi,  mais  le  reliquaire  ancien  a 
été  fondu. 


Sèez,  ir  octobre  1259.  —  Le  jour  de  la 
fête  de  saint  Rémi,  saint  Louis  adresse  aux 
Cordeliers  de  Séez  une  épine  de  la  sainte 
Couronne  accompagnée  d'une  lettre  d'en- 
voi (3).  Cette  relique  devait  prendre  place 
dans  l'église  dédiée  à  la  sainte  Couronne 
d'épines  par  Geoffroy  de  Mayet,  43e  évêque 
de  Séez,  le  24  mai  1252.  C'est  cette  date, 
comme  aussi  la  bulle  d'Innocent  IV,  du 
mois  d'août  1254,  qui  aura  fait  supposer  à 
François  de  Gonzaga,  puis  à  Wadding,  que 
le  don  royal  datait  de  1252.  Mais  l'envoi 
eut  lieu  seulement  après  le  passage  de 
saint  Louis  à  Séez,  en  mai  1256.  D'ailleurs 
la  lettre  a  été  publiée,  d'après  l'original,  par 
de  nombreux  éditeurs,  et  la  date  de  1259  est 
indiscutable. 

On  gardait  au  XVIe  siècle  cette  lettre 
«  dans  un  petit  coffre  de  buis,  relié  de  fer 
où  est  la  lettre  de  saint  Louis,  comment  il 
envoya  une  des  Espines  de  la  Couronne  de 
N.  S.  Et  une  lettre  de  la  duchesse  Margue- 
rite d'Alençon,  qui  donne  un  morceau  de 
la  Ste  Croix  (4).  » 

1.  Cologne,  aux  dépens  de  la  Compagnie,  1738,  in-8°, 
t.  II,  p.  131. 

2.  Riant,  t.  1 1,  p.  140. 

3.  Riant,  t.  II,  p.  140. 

4.  Mémoire  et  estai  des  archives  du  Couvent  de  l'Es- 
troicte  observance  de  Séez,  publié  par  l'abbé  Sevray,  Les 
Cordeliers  de  Séez,  Alençon,  Renaut  de  Broise,  1886,  in-8°, 
p.  21. 


ifteltques  tic  Constantmople. 


103 


Si  la  relique  elle-même  a  été  conservée 
jusqu'à  nos  jours,  sauvée  qu'elle  fut  pendant 
la  Révolution,  le  reliquaire  fut  envoyé  à  la 
monnaie.  Il  s'appelait  la  Croix  d'épine,  et 
sa  description  se  lit  dans  les  registres 
municipaux  (8  mai  1791). 

«  La  sainte  Epine  se  trouve  renfermée 
dans  un  petit  tuyau  lequel  est  placé  lui- 
même  entre  deux  cristaux,  contenus  et  ren- 
fermés dans  unecouronne  de  vermeil,  établie 
sur  un  reliquaire  en  forme  decroix  en  argent, 
de  la  hauteur  d'environ  quatorze  pouces, 
fermé  en  devant  par  un  cristal  et  placé 
sur  un  pied  en  cuivre  doré  (').  » 

L'épine  dont  nous  donnons  la  photogra- 
phie présente  à  la  pointe,  comme  à  la  base, 
une  fracture  :  elle  ne  semble  pas  avoir  été 
détachée,  mais  brisée.  Ce  qui  nous  permet 
d'en  rapprocher  le  fragment  de  Craon 
(Vienne)  qui  semble  bien  en  dépendre.  Il 
appartenait  en  effet  avant  1S11  au  R.  P. 
Coudruc,  qui  fut  précisément  grand-vicaire 
de    Mgr   de    Boischollet,  évêque  de  Séez, 

I.  Dumaine  (L'abbé  L.-  V'.),  La  sainte  Epine  de  la  cathé- 
drale de  Se'ez,  Séez,  Montauzé,  1893,  in-S",  pp.  30  à  60. 


qui  avait  réintégré,  le  30  août  1806,  à  la 
cathédrale,  l'épine  conservée  pendant  toute 
la  Révolution  par  la  veuve  de  l'agent  na- 
tional Bouglier  Dubordage. 

L'authentique  qui  accompagne  l'épine  de 
Craon  est  ainsi  conçu  : 

<i  Hilario  Franciscus  Chevigné  de  Boischollet,  im- 
«  perii  Baro,  misericordia  divina  et  St?e  Sedis  apo- 
«  stolica;  gratia  Sagiensis  episcopus,  testamur  in  hac 
«  cruce  argentea  contentas  esse  sacras  reliquias  ex 
«  ligno  sacratissimaeCrucis  et  sanctae  Coronae  spinae 
«  Salvatoris  Domini  Nostri  Jesu  Christi,  in  cujus  rei 
'<  (idem  huic  nostro  testimonio  cum  suscriptione  vi- 
■<  carii  nostri  generalis  apposuimus. 

<<  Datum  Parisiis  die  décima  tertia  februarii  181  1. 

F.  M.  J.  Coudruc,  v.  g. 
Sagiensis.  » 

Elle  fut  donnée  par  le  P.  Coudruc  vi- 
caire général  de  Séez,  en  181 1,  à  M.  Chau- 
veau,  de  Craon,  qui  devint  plus  tard  cha- 
noine titulaire  de  la  cathédrale  de  Poitiers. 
Il  semble  bien  qu'on  ne  puisse  douter  un 
instant  qu'elle  fut  séparée  de  l'épine  de 
Séez  aujourd'hui  brisée. 

F.  de  Mély. 
(A  suivre.) 


Sainte  Épine  de    Séez. 


A7*^*  *'V>*  iJ\}.A\^}.A  &}*  &J-&  VVl-A  xÇT*  A^*  ATVk  V^î-X  J^*  *5£*  a5-U  \5£* 


[iiiiiii;  iiiiniiiiiiiii.iiiiiiiiiiiiinnniTïifïiiiiniïniiii  ri(iiiiiii.[iminmiiiiinnTiiniiiiiii}[niniiiiiiiiiiininriniiiiiii]ii 


1 


|  Gn  Babtcre.      Dotes  De  bocage.  (^-same.)  co 


iixniii:::iii.ixiii~iiiiiii:iiiniiixiiiiii.iiii 


iiiinii.iiiii  [lîiriimiuiiiiii muni:  un  i n n îiTiiiiimi i;ii i iimurinmirmiïnnn 


fZv^v  W  vi)v  **T*  *&*  W  *£>*  *£:*  v^  *&*  W  yi£t*  W  *&*  Tsô* 


ES  édifices  civils  ne  sont 
pas    abondants    à    Nu- 
5  remberg,  qui  n'est  d'ail- 
leurs pas  riche   en   mo- 
numents    proprement 
?  dits  :  ce  sont  l'hôtel-de- 
f   ville,    les     fontaines,    et 
quelques  riches  hôtels. 

L'Hotel-de-ville    (Rathaus),     ou     du 
moins   la   partie   la  plus  importante  de  ce 


Nuremberg.  —  La  fontaine  de  la  vertu. 

monument,  est  de  style  Renaissance  du 
XVI  Ie  siècle,  sans  relief  et  sans  intérêt.  Une 
ajoute  considérable,  plus  conforme  aux 
traditions    artistiques   nurembergeoises,   et 

1.  Voyez  la  l"  partie,  livraison  de  janvier  1899. 


conçue  dans  le  style  de  la  partie  la  plus 
ancienne  (la  grande  salle  gothique  à  haut 
pignon),  a  été  récemment  construite.  La 
cour  centrale,  où  s'accusent  les  diverses 
époques  de  la  construction  de  l'hôtel-de- 
ville,  est  impressionnante;  on  y  voit  une 
petite  fontaine  en  bronze  du  XVIe  siècle. 

L'intérieur  de  l'hôtel-de-ville  peut  être 
visité.  L'une  des  salles  est  ornée  de  fresques 
par  Albert  Durer  et  par  d'autres  peintres 
de  son  école.  Le  cicérone  ne  manque  pas 
de  faire  remarquer,  parmi  ces  peintures,  une 
figure  de  la  guillotine,  antérieure  de  deux 
siècles  à  la  machine  de  ce  nom  qu'on  croyait 
inventée  en  France  à  l'époque  de  la  Révo- 
lution; un  plafond  de  galerie  est  décoré  de 
figures  grandeur  nature,  en  relief,  repré- 
sentant des  chevaliers  qui  prennent  part  à 
un  tournoi.  On  peut  juger  de  la  valeur 
esthétique  de  semblable  composition  ! 

Nuremberg  est  renommée  pour  ses  fon- 
taines, œuvres  d'architecture  ou  de  fondeurs 
en  bronze.  C'est,  d'abord,  la  belle  fon- 
taine, pyramide  ogivale  en  pierre  décorée 
à  chacun  de  ses  étages  de  statues  de  per- 
sonnages historiques.  Elle  mesure  19  mètres 
et  demi  de  haut,  a  été  érigée  en  13S5,  et 
restaurée  en  182 1.  Elle  était,  dans  le  prin- 
cipe, entièrement  polychromée. 

Les  autres  fontaines  sont  en  bronze,  et 
datent  du  XVIe  siècle  ;  fontaine  de  la  vertu, 
ornée  de  multiples  statues  allégoriques, 
près  de  St- Laurent;  fontaine  de  l'homme 
aux  oies  près  de  Notre-Dame;  celle  de 
l'hôtel-de-ville,  etc. 

Une  belle  demeure  patricienne,  parmi  les 
plus  anciennes  de  la  ville,  est  la  maison  de 
Nassaîi,s\t\iè&  en  face  de  l'église  St-  Laurent. 
Elle  a  un  faux  air  de  forteresse,  grâce  à  sa 


€n  î&atrtère.  —  ilotes  De  tiopage. 


105 


forme  carrée  et  à  ses  tourelles  d'angle  en 
encorbellement.  Elle  date  du  XI  Ve  siècle  et 
paraît  être  le  seul  spécimen  de  ce  genre  et 
de  cette  époque,  qu'ait  gardé  Nuremberg. 
Quelques  beaux  hôtels  de  l'époque  de  la 
Renaissance,  les  maisons  Peller,  Tucher, 
Fembo  et  bien  d'autres,  aussi  intéressantes 
par  les  détails  de  leur  agencement  intérieur 
que  par  leurs  façades,  et  enfin  la  maison 
d'Albert  Durer,  plus  modeste,  mais  bien 
curieuse,  bâtie  en  pans  de  bois.  Elle  a  été 
conservée,  ou  rétablie,  à  l'intérieur  comme  à 
l'extérieur,  dans  son  état  primitif  et  quelques 
salles  de  l'étage  renferment  un  petit  musée 
de  souvenirs  du  maître  nurembergeois,  l'un 
des  plus  grands,  si  non  le  plus  grand  des 
peintres  de  la  vieille  école  allemande,  mort 
en  1528. 

Les  rues  de  Nuremberg,  voilà  peut-être 
encore  ce  que  la  ville  offre  de  plus  curieux, 
tant  leur  ensemble  a  conservé  son  cachet 
ancien,  si  pittoresque  et  si  agréablement 
varié. 

Il  semble  qu'ici  nulle  loi  n'ait  tracé  l'ali- 
gnement des  voies  publiques.  Les  rues, 
sans  être  étroites  ou  malsaines,  sont  irrégu- 
lières à  plaisir,  et  les  maisons  elles-mêmes 
sont  parfois  plantées  irrégulièrement  sur  le 
terrain  qui  leur  est  assigné.  Presque  toutes 
se  terminent  par  un  pignon  élevé,  au  som- 
met aigu;  des  sculptures  garnissent  leurs 
pièces  de  bois,  des  enseignes  pittoresques 
pendent  devant  les  portes,  de  nombreuses 
statues  de  Saints  et  parfois  des  tourelles 
sont  accrochées  aux  angles  des  maisons; 
des  balcons  fermés,  en  encorbellement,  don- 
nent du  jeu  et  du  mouvement  aux  façades 
et  caractérisent  un  type  bien  particulier, 
bien  local. 

L'édilité  moderne,  loin  de  contrarier  ce 
laisser-aller,  encourage  au  contraire  les 
constructeurs  à  persévérer  dans  les  erre- 
ments anciens.  C'est  ainsi  que  les  rues  que 


le  mouvement  des  affaires  oblige  à  élargir, 
dans  la  partie  ancienne  de  la  ville,  sont 
tracées  sur  un  plan  irrégulier  pour  conserver 
ce  beau  désordre  qui  est  un  effet  de  l'art. 
C'est  ainsi  encore  qu'une  maison  ancienne, 
en  face  de  St-Laurent,  obstruant  en  partie 
l'issue  de  la  rue  Caroline,  ayant  été  démo- 
lie, est  en  ce  moment  même  rebâtie  exacte- 


Nuremberg.  —  La  maison  de  Nassau. 

ment  sur  le  même  plan.  Combien  d'admi- 
nistrations, dans  nos  pays,  auraient  décrété 
d'alignement  cette  malencontreuse  bâtisse 
qui  rompt  la  ligne  droite,  et  profité  de  la 
première  occasion  pour  la  faire  disparaître  ! 
Nuremberg  n'a  pas  que  ses  rues  pitto- 
resques, elle  a  encore  son  cours  d'eau,  la 
Pegnitz,  coupant  la  ville  en  deux  parties 
égales,  reliées  par  plusieurs  ponts  fixes.  Les 
maisons  riveraines  baignent  leur  pied  dans 


io6 


3&e\ntc  tie  ravt  chrétien 


la  rivière,  beaucoup  d'entre  elles  ont  l'aspect 
de  vastes  cités  ouvrières  construites  en 
pans  de  bois,  à  étages  multiples,  longés  par 
d'étroits  balcons  et  surmontés  d'énormes 
toitures.  La  rivière,  sans  bateaux,  coule 
lentement  entre  deux  rangées  de  maisons  ; 
ses  divers  bras  forment  plusieurs  iles, 
égayées  parfois  par  un  peu  de  verdure,  et 
sur  le  bord  desquelles  ont  été  construits  des 
moulins  et  des  tours  fortifiées. 

L'un  des  points  de  vue  les  plus  intéressants 
sur  la  rivière  est  celui    dont  on  jouit  d'un 


pont  neuf  ou  du  moins  remis  à  neuf,  du  côté 
des  remparts,  d'où  l'on  découvre  un  beau 
panorama  de  la  ville  et  bonne  partie  du 
cours  de  la  Pegnitz,  avec,  au  premier  plan, 
d'énormes  maisons  de  bois,  la  tour  qui  ser- 
vait de  prison  communale,  le  pont  et  la  tour 
du  bourreau,  voisine  de  la  première,  un 
rustique  pont  de  bois,  des  arbres,  etc. 

Mais  nous  n'avons  rien  dit  encore  de 
la  ceinture  de  remparts  qui  ont  rendu 
Nuremberg  célèbre,  ni  de  son  Burg  té- 
moin des  origines    mêmes  de  la  cité   et  qui 


Nuremberg.  —  La  maison  d'Albert  Durer,  vue  extérieure. 


rappelle    les  plus    anciens    laits    de    son 
histoire. 

Le  château,  ou  Burg,  élevé  sur  le  point 
culminant  de  la  ville,  date  du  XIe  siècle, 
mais  certaines  de  ses  parties  ont  été 
remaniées  ou  construites  à  des  époques 
très  postérieures,  tels  les  appartements 
proprement  dits  qui  n'appartiennent  à  aucun 
style  et  dont  le  mobilier  est  de  la  plus 
grande  simplicité,  et  même  d'un  goût  dé- 
plorable. Il  faut  excepter,  naturellement, 
les  belles  tapisseries,  laine  et  soie,  de  la 
fabrication  de  Munich,  dont  elles  portent  la 


marque,  et  les  magnifiques  poêles  en  terre 
émaillée,  types  remarquables  d'une  industrie 
locale,  dont  quelques  spécimens  se  rencon- 
trent encore  dans  le  pays. 

Le  caractère  militaire  du  château  ne  s'af- 
firme que  par  quelques  tours  qui  forment 
un  assez  pauvre  système  de  défense.  L'une 
d'elles  (la  tour  des  païens)  renferme  une 
belle  chapelle  castrale,  de  l'époque  romane, 
à  deux  étages,  communiquant  entre  eux  par 
une  ouverture  au  centre  du  sol  de  la 
chapelle  supérieure,  comme  au  château  de 
Vianden;  une  autre,  la  tour  pentagone,  est 


€n  Batofère.        Ilotes  Ut  dopage. 


107 


une  ancienne  prison  avec  chambre  de  la 
question,  qui  a  conservé  son  ancien  attirail 
d'instruments  de  torture,  parmi  lesquels  le 
plus  connu  et  le  plus  extraordinaire  est  la 
Vierge  de  Nuremberg,  statue  en  fer,  un  peu 
plus  grande  que  nature,  creuse  et  s'ouvrant 
au  moyen  de  volets,  sur  le  devant;  garnie  à 
l'intérieur  de  longues  pointes  acérées  qui 
perçaient  le  patient  aux  yeux  et  à  la  poi- 
trine,quand  ces  volets  se  refermaient  sur  lui! 
Le  château  se  rattache  au  système  géné- 
ral  de   défense  de    la   ville,    et  celui-ci  est 


demeuré,  malgré  le  développement  de  la 
cité,  les  exigences  du  commerce  et  de 
l'industrie,  auxquelles  il  a  été  donné  d'ail- 
leurs satisfaction,  presque  complet.  L'en- 
ceinte, les  tours  de  défense,  les  fossés  pro- 
fonds, les  portes  de  la  ville  avec  leurs 
ouvrages  avancés  et  leurs  passages  étroits 
ont  été  conservés,  mais  en  même  temps  sur 
cinq  ou  six  points,  où  l'importance  de  la 
circulation  l'exigeait,  on  a  fait,  à  côté  des 
portes  anciennes,  une  large  brèche  dans  les 
murs,  et  jeté  un  pont  sur  les  fossés.  C'est  par 


Nuremberg.  —  La  maison  d'Albert  Durer,  vue  intérieure. 


là  que  passent  trams  électriques,  chariots, 
voitures,  cavaliers  et  piétons  pressés,  tandis 
que  les  promeneurs  paisibles  continuent  à 
entrer  et  sortir  par  les  poternes  et  les  ponts 
volants,  en  bois!  Chacun  y  trouve  son 
compte,  mais  bien  rares  sont  les  administra- 
tions qui  savent  ainsi  faire  la  part  de 
chacun,  artistes  et  archéologues,  commer- 
çants et  hommes  d'affaires  ! 

C'est  seulement,  avons-nous  dit,  au 
XVe  siècle,  que,  pour  protéger  l'ensemble 
formé  par  les  deux  parties  anciennes  de 
Nuremberg,     on   éleva    les    remparts    qui 


existent  encore  aujourd'hui;  ils  comprennent 
un  mur  d'enceinte  parfois  simple,  parfois 
double,  renforcé  par  des  tours  carrées,  assez 
basses,  avec  toits  en  batière  couverts  en 
tuiles;  de  distance  en  distance,  une  tour 
s'élève,  plus  haute  que  les  autres,  avec 
toitures  pyramidales  et  tourelles  d'angle. 
Enfin, auprès  de  chacune  des  portes  ancien- 
nes, se  dresse  une  tour  très  haute,  ronde, 
percée  de  fenêtres  du  côté  de  la  ville,  et 
surmontée  d'une  large  toiture  conique  assez 
basse.  Ces  tours  rondes  ont  été  construites 
d'après  les  dessins  d'Albert  Durer.  Le  mur 


REVUR  DE  L  ART  CHRETIEN. 
189Q.  —  2me  LIVRAISON. 


io8 


Bctnte  De  l'&rt  cbrcttcn. 


d'enceinte  est  dégagé,  du  côté  de  la  ville, 
et  longé  par  une  ruelle  étroite.  Au  sommet 
du  mur,  vers  la  ville,  règne  un  chemin  de 
ronde,  protégé  par  une  toiture,  soutenue 
elle-même  par  un  système  de  poutres  qui 
forme  en  même  temps  garde-fou.  Des 
escaliers  en  bois,  placés  de  distance  en  dis- 
tance, y  donnent  accès. 

Les  murs,  les  tours,  les  défenses  sont 
constamment  réparés  et  entretenus  dans 
leur  état  ancien;  beaucoup  de  tours  sont 
habitées  ou  du  moins  utilisées,  ce  qui   con- 


tribue à  assurer  leur  entretien.  Presque 
partout  existent  encore  les  fossés  profonds 
qui  précèdent  le  mur  d'enceinte;  en  certains 
endroits  ils  ont  été  conservés  dans  leur  état 
primitif,  en  d'autres  ils  ont  été  dessinés  en 
jardinets;  les  boulevards,  plantés  d'arbres, 
longent  ces  fossés,  et  de  l'autre  côté  du  bou- 
levard s'étendent  les  quartiers  neufs  de  la 
Nuremberg  industrielle  et  commerçante. 
A  Nuremberg,  a-t-on  dit  maintes  fois, 
le  Musée  est  dans  la  rue,  et  la  ville  tout  en- 
tière elle-même  est  comme  un  vaste  Musée. 


Nuremberg.  —  Fortifications.  Vue  des  murs  et  des  tours. 


Rien  n'est  plus  vrai,  mais  cette  considération 
n'a  pas  empêché  les  administrateurs  d'ériger 
un  musée  proprement  dit  pour  y  conserver 
les  œuvres  d'art,  les  chefs-d'œuvre  de  l'in- 
dustrie, les  meubles  et  les  menus  objets  que 
les  artistes  et  les  ouvriers  d'art  ont  produits 
avec  une  abondance  prodigieuse.  Telle  est 
la  destination  du  musée  germanique,  un 
des  plus  considérables  qui  existent  en  Alle- 
magne, dont  la  visite  exige  au  moins  deux 
jours,  et  où  on  a  centralisé  les  musées  par- 


ticuliers qui  avaient  été  fondés,  il  y  a  quel- 
que 60  ans,  sur  divers  points  de  la  ville, 
pour  en  former  une  collection  historique  de 
l'art  germanique  dans  ses  diverses  applica- 
tions. 

Il  est  établi  dans  l'ancien  couvent  des 
Chartreux,  dont  certaines  parties  et,  en  par- 
ticulier, les  cloîtres  datant  du  XVe  siècle, 
sont  très  importants,  et  auxquels  on  a  ajouté 
de  nombreuses  constructions,  faites  dans  le 
style  de  la  Renaissance  allemande. 


€n  Bavière.  -   ilotes  ht  tiopage. 


109 


On  voit  successivement,  classés  dans  un 
nombre  considérable  de  salles,  des  objets  de 
tout  âge  et  de  tout  genre  : 

Antiquités  romaines  et  germaniques  ; 
série  importante  de  poêles  en  terre  vernis- 
sée ou  étnaillée,  et  d'autres  en  faïence  ; 
collection  d'ouvrages  de  serrurerie,  l'une 
des  industries  les  plus  florissantes  de  la 
contrée;  monuments  funéraires  en  pierre, 
originaux  ou  moulages;  statues  et  sculp- 
tures de  l'époque  du  moyen  âge  ;  ivoires  ; 
collections  céramiques  :  une  centaine  de 
pièces  de  porcelaine  de  Bottger,  l'inventeur 
de  la  porcelaine  dure  européenne,  les  unes 
en  terre  rouge  comme  la  poterie  de  Boc- 
caro,  les  autres  en  brun  foncé  avec  dessins 
en  or;  porcelaines  et  faïences  allemandes, 
etc.,  (peu  de  pièces  remarquables).  Dans 
l'ancienne  église,  on  a  groupé  les  objets 
d'art  religieux,  émaux,  orfèvreries,  sculp- 
tures, étoffes;  collection  de  meubles  et 
d'objets  se  rapportant  à  la  vie  civile  et 
domestique  ;  reconstitutions  d'anciens  ap- 
partements, tels  que  chambres,  cuisines, 
boutiques  ;  cette  série  est  l'une  des  plus 
fournies  et  des  plus  intéressantes  de  la  col- 
lection; armes  et  armures,  pièces  d'artillerie 
et  accessoires;  costumes,  etc. 

A  l'étage,  nouvelles  séries  du  même 
genre  :  manuscrits,  imprimés,  reliures, 
ivoires,  instruments  scientifiques,  instru- 
ments de  musique,  costumes  nationaux, 
série  de  portraits  classés  au  point  de  vue  du 
costume,  et  enfin  galerie  de  tableaux.  Celle- 
ci,  qui  est  très  longue,  et  en  même  temps 
très  étroite,  puisqu'elle  ne  mesure  que  quatre 
mètres  et  demi  de  largeur,  sur  une  hauteur 


à  peu  près  égale,  est  partagée  en  un  certain 
nombre  de  salonnets,  par  des  rideaux  dra- 
pés; cette  disposition,  outre  qu'elle  est  très 
économique,  permet  d'étudier  dans  les  meil- 
leures conditions  les  œuvres  des  maîtres  et 
de  n'en  voir  qu'un  petit  nombre  à  la  fois, 
sans  que  l'attention  soit  distraite  par  des 
œuvres  qui  ne  seraient  pas  en  harmonie 
avec  les  premières;  on  y  trouve  les  maîtres 
des  anciennes  écoles  allemandes,  Meister 
Wilhelm,  Stephan  Lochner,  Wolgemiit, 
Holbein,  Albert  Diirer,  Cranach,  Zeitbloom 
et  de  nombreux  anonymes,  chez  lesquels 
l'influence  de  la  vieille  école  flamande  se 
fait  sentir  fortement,  comme  nous  aurons 
encore  l'occasion  de  le  constater;  le  Musée 
renferme  encore  des  peintures,  d'ailleurs 
peu  intéressantes,  de  diverses  écoles  étran- 
gères. 

Le  Musée  doit  la  plupart  de  ses  richesses 
et  sa  remarquable  organisation  à  M.  Essen- 
wein,  qui  en  a  été  longtemps  le  directeur 
et  lui  a  consacré  bonne  partie  des  dernières 
années  de  son  existence. 

Tout  est  classé  avec  science  et  méthode, 
mais  en  même  temps  avec  un  certain  pitto- 
resque qui  charme  l'esprit  et  le  repose.  Le 
Musée  germanique  est  ouvert  au  public, 
tous  les  dimanches,  gratuitement.  Dans  la 
semaine  on  paie  un  mark  d'entrée. 

Il  y  a  un  Guide-catalogue,  comme  dans 
presque  tous  les  Musées  d'Allemagne:  Die 
Kunst  und  Kulturgescnicktlichen  Sanim- 
lungen  des  germanischeu  Muséums.  ïVeg- 
iveiser  fur  die  Besucher,  iSçy. 

Eugène  Soil. 
(A  suivre.) 


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3 


£c  tJébaoirjconnagc  Des  anciennes 
peintures  murales.  ~^^^~ 


N  découvre  souvent  encore,  dans  nos 
églises,  d'anciennes  peintures  murales 
qu'il  importe  de  débarrasser  du  lait  de 
chaux  et  des  couches  de  badigeon  qui 
les  ont  soustraites  à  la  vue  pendant  des  siècles. 
Pour  les  remettre  au  jour,  un  certain  nombre 
de  procédés  ont  été  employés  avec  plus  ou 
moins  de  succès.  L'intérêt  qui  s'attache  à  ces 
anciennes  peintures  nous  porte  à  faire  connaître 
un  procédé  que,  dans  un  journal  allemand,  le 
«Kirchenschmuck  »,  le  peintre-restaurateur  au- 
trichien, M.  Melicher,  décrit  avec  les  détails 
techniques  qui  le  mettent  à  la  portée  de  tous 
les  praticiens. 

Notre  collaborateur,  M.  Gerspach,  a  donné 
dans  la  Revue  (')  des  informations  très  intéres- 
santes et  très  précises  sur  le  système  suivi  en 
Italie  pour  le  nettoyage  des  anciennes  peintures 
que  l'on  y  découvre  fréquemment  dans  les  églises. 
Les  procédés  que  nous  décrivons  dans  les  lignes 
qui  suivent  ne  font  pas  double  emploi  avec  les 
renseignements  transmis  par  notre  savant  cor- 
respondant: les  procédés  dont  se  sont  servis,  dans 
l'exécution  de  leurs  travaux,  les  peintres  de  ce 
côté  des  Alpes,  ne  sont  généralement  pas  ceux 
des  artistes  italiens  qui  employaient  avec  tant 
d'habileté  ce  qu'ils  appelaient  la«  bonne  fresque»  ; 
d'ailleurs  lorsqu'il  s'agit  d'opérations  aussi  déli- 
cates que  celles  de  la  mise  au  jour  et  du 
nettoyage  d'anciennes  peintures,  il  importe  de 
connaître  les  différentes  méthodes  et  tous  les 
moyens  techniques  dont  on  s'est  servi  avec  quel- 
que succès  jusqu'à  ce  jour. 

Le  procédé  qui  consiste  à  détacher  le  badi- 
geon des  peintures  murales,  en  frappant  à  petits 
coups  redoublés,  au  moyen  d'un  maillet  en  bois 
ou  en  caoutchouc,  la  superficie  des  anciennes 
couches  de  badigeon,  doit  être  proscrit.  U  est 
désastreux  pour  les  peintures  qu'il  s'agit  de 
remettre  au  jour.   11   ébranle  la  surface   peinte  ; 

I.  Revue  de  CArt  chrétien,  1898,  p.  211. 


des  parties  s'écaillent,  et  souvent  des  fragments 
considérables  de  l'ancien  enduit  se  détachent 
en  même  temps  du  mur. 

Si  des  peintures, ainsi  débarrassées  du  badigeon 
qui  les  couvraient,  deviennent  visibles  et  pa- 
raissent même  adhérer  encore  au  mur  qu'elles 
couvrent,  il  suffit  souvent  d'un  simple  accident 
ou  d'une  secousse  quelconque,  pour  en  faire 
tomber  des  morceaux.  C'est  que,  en  frappant  le 
mur  au  moyen  d'un  maillet,  on  ignore  jusqu'où 
se  fait  sentir  la  percussion,  et  il  est  facile  de  com- 
prendre que  le  choc  qui  fait  éclater  les  couches  du 
badigeon,  affecte  aussi  l'ancien  apprêt  qui  porte  la 
peinture.  IJn  autre  système,  qui  consiste  à  piquer 
le  badigeon  avec  le  côté  aigu  du  marteau  dont 
se  sert  le  maçon  et  à  le  faire  écailler  par  place, 
n'imprime  pas,  à  la  vérité,  des  secousses,  comme 
le  fait  le  maillet,  l'opérateur  ne  travaillant  pour 
ainsi  dire  qu'avec  le  tranchant  de  l'instrument  ; 
mais  dans  ses  effets,  ce  procédé  est  souvent  plus 
fâcheux  encore  pour  la  peinture.  Celle-ci  est  réel- 
lement coupée  en  morceaux  par  l'instrument 
tranchant,  et  là  où  plusieurs  incisions  se  croisent, 
la  surface  peinte  se  détache  complètement. 

Pour  débarrasser  les  anciennes  peintures  des 
couches  de  détrempe  ou  de  badigeon  à  la  colle 
qui  les  couvre,  on  ne  peut  guère  donner  que 
des  indications  générales.  Aux  mains  inexpé- 
rimentées on  doit  même  conseiller  de  ne  pas  s'en 
tenir  à  ces  indications  lorsque  s'élèvent  des  dif- 
ficultés inattendues  ;  il  convient  alors  d'appeler 
un  spécialiste  pour  vaincre  celles-ci. 

Voici,  au  surplus,  le  moyen  le  plus  prudent 
pour  ne  pas  léser  les  peintures  murales  qu'il  s'agit 
de  découvrir. 

Il  importe  d'abord  d'examiner  attentivement 
le  badigeon  et  de  se  rendre  compte  de  son  épais- 
seur. S'il  n'y  a  qu'une  couche  et  que  l'on  voit 
transparaître  la  peinture  après  avoir  humecté  les 
surfaces  au  moyen  d'une  éponge  imbibée  d'eau, 
on  laissera  bien  sécher  la  partie  humide, que  peut- 
être  il  sera  possible  d'enlever  à  la  brosse,  en  se 
servant  d'une  brosse  à  crins  très  courts.  Si  ce 
procédé  ne  produit  pas  l'effet  attendu,  le  minis- 
tère d'un   homme  du  métier  devient    nécessaire. 


Mélanges. 


1 1 1 


En  général  les  couches  de  badigeon  très  minces 
sont  les  plus  difficiles  à  enlever.  Elles  sont  par- 
fois liées  d'une  manière  si  intime  à  la  peinture 
que  l'emploi  de  moyens  chimiques  devient  néces- 
saire, et  encore  le  succès  de  ces  moyens  est-il  pro- 
blématique. Cependant  les  cas  de  cette  nature 
sont  rares  ;  en  général  les  couches  de  badigeon 
qui  recouvrent  les  peintures  ont  été  multipliées. 
et  elles  ont  acquis  une  épaisseur  qui  réclame  un 
traitement  particulier. 

Alors  il  convient  en  premier  lieu  de  les  enduire 
d'eau  de  colle.  Cette  solution  de  colle  ne  doit  pas 
être  trop  faible,  et  elle  doit  être  étendue  sur  le 
mur,  comme  s'il  s'agissait  de  le  blanchir.  Il  de- 
vient facile  alors  de  reconnaître  les  parties  badi- 
geonnées qui  ont  moins  d'épaisseur,  la  peinture 
commençant  à  y  transparaître.  Il  faut  s'arrêter  à 
ces  places  et  éviter  d'y  étendre  la  solution  de 
colle  ;  faute  de  cette  précaution  ces  parties  de 
badigeon  ne  pourraient  qu'adhérer  plus  ferme- 
ment à  la  peinture,  et  en  rendre  l'enlèvement 
plus  difficile.  L'opération  qui  consiste  à  éten- 
dre l'eau  de  colle  sur  le  mur  a  un  double  but. 
En  premier  lieu,  elle  facilite  l'adhérence  de  la 
toile  ou  de  l'étoffe  qu'il  s'agira  plus  tard  de  fixer 
sur  le  badigeon  au  moyen  d'amidon,  et,  en  second 
lieu  les  vieilles  couches  de  badigeon  décompo- 
sées,par  le  tempset  peu  adhérentes, se  soulèveront 
et  se  détacheront  comme  une  sorte  de  pelure. 
Dans  ce  cas  il  suffira  de  réserver  les  places  plus 
compactes  et  mieux  adhérentes,  à  l'application 
des  morceaux  de  toile.  Il  va  de  soi  que  cette 
opération  ne  peut  se  faire  avec  succès  que  dans  la 
bonne  saison.  En  hiver  ce  premier  lavage  à  l'eau 
de  colle,  au  lieu  de  sécher,  prendrait  de  la  moi- 
sissure, ou  s'évaporant  insensiblement  perdrait 
sa  force. 

Lorsqu'on  a  laissé  sécher  ce  lavage  à  l'eau  de 
colle  pendant  cinq  ou  six  heures,  on  prépare  une 
bouillie  épaisse,  en  se  servant  d'amidon  de  la  qua- 
lité la  plus  commune,  avec  une  petite  quantité 
d'eau  froide  ;  la  bouillie  formée,  on  l'allonge  au 
moyen  d'eau  bouillante  que  l'on  ajoute  en 
petite  quantité  à  la  fois,  en  ayant  soin  de  remuer 
continuellement  le  mélange.  L'eau  bouillante 
doit  être  ajoutée  en  quantité  assez  considérable 
pour  que  la  bouillie  ne  reste  pas  trop  épaisse;  ce 
serait  contrarier  l'usage  auquel  elle  est  destinée. 


On  prend  ensuite  des  morceaux  de  toile  de 
coton,  de  qualité  très  ordinaire,  en  évitant  celles 
qui  sont  apprêtées  et  luisantes  ;  on  peut  même 
se  servir  de  vieilles  doublures  que  l'on  découpe 
en  morceaux,  aussi  grands  que  possible,  suivant 
les  surfaces  à  couvrir,  et  on  les  colle  ensuite  au 
moyen  du  papin  dont  nous  venons  d'indiquer  la 
composition,  sur  le  mur  enduit  d'eau  de  colle. 
Il  est  inutile  de  coller  du  papier,  comme  on  le 
recommande  quelquefois.  Là  où  le  papier  pro- 
duirait de  l'effet,  le  badigeon  tombera  de  lui- 
même  en  le  frappant  avec  le  plat  de  la  main. 

Lorsque,  en  suivant  les  procédés  du  tapissier, 
on  a  couvert  de  toile  la  partie  du  mur  dont  on 
veut  enlever  le  badigeon,  on  prend  une  vieille 
brosse  dont  l'usage  a  raccourci  les  crins,  et  tour 
à  tour  on  appuie,  frotte  et  tape  au  moyen  de 
cette  brosse  l'encollage  de  toile,  afin  de  la  faire 
adhérer  partout  et  le  mieux  possible  au  badigeon 
trempé  d'eau  de  colle  ;  après  cela  on  cherche 
à  produire  la  dessiccation  la  plus  rapide  possible, 
en  établissant  des  courants  d'air  par  la  ventila- 
tion, par  le  chauffage,  ou  tout  autre  moyen  qui 
peut  en  activer  l'effet. 

Cette  dessiccation  artificielle,  dont  les  effets  se 
produisent  naturellement  d'abord  à  la  surface  de 
la  toile,  y  opère  un  retrait  dont  l'action  est 
insensible  au  commencement,  puis  qui  travaille 
d'une  manière  plus  énergique  le  badigeon  ad- 
hérent à  la  toile  au  moyen  de  la  colle.  Plus  la 
dessiccation  de  la  toile  s'opère,  et  mieux  aussi 
s'opère  un  tiraillement  dans  tous  les  sens,  au- 
quel même  les  parties  les  plus  adhérentes  du 
badigeon  doivent  céder.  L'action  du  retrait  de 
la  toile  sera  d'autant  plus  efficace  que  les  mor- 
ceaux seront  plus  grands  ;  c'est  une  condition 
qu'il  convient  de  ne  pas  perdre  de  vue,  et  par 
la  même  raison  il  est  bon  que  la  toile  dépasse 
les  dimensions  de  la  peinture  que  l'on  veut  décou- 
vrir. La  solution  de  colle  étendue  sur  le  badi- 
geon avant  l'application  de  la  toile,  n'a  pas  encore 
eu  le  temps  de  s'évaporer  dans  les  profondeurs, 
mais  elle  a  agi  comme  émollient  sur  les  parties 
les  plus  épaisses  du  badigeon,  tandis  que  le  retrait 
de  la  toile,  produit  par  la  dessiccation,  agit  sur 
les  surfaces.  Il  en  résulte  que  les  endroits  encore 
humides  en  contact  avec  la  peinture,  commen- 
cent à  céder  au  mouvement  qui  s'opère  à  la  sur- 


I  12 


3Re\ntc  fie  part  chrétien. 


face  et  toute  la  croûte  du  badigeon  appliqué  à 
la  peinture  se  désagrège  et  se  sépare  de  celle-ci. 

On  laisse  ainsi  la  toile  collée  sur  le  mur  pen- 
dant un  ou  plusieurs  jours,  exposée  aux  courants 
d'air, à  la  chaleur,  à  tous  les  agents  d'une  prompte 
dessiccation,  après  quoi  on  peut  commencer  à 
retirer  la  toile  du  mur.  Au  bord,  par  lequel  on 
commence  à  tirer  la  toile  à  soi,  elle  n'emportera 
le  badigeon  avec  elle,  que  si  on  a  frappé  ce  bord 
avec  un  maillet  en  caoutchouc, ou,  mieux  encore, 
si  l'on  a  fait  une  entaille  afin  d'obtenir  un  bord 
net  et  bien  délimité.  Cependant,  au  centre  où 
la  tension  a  été  la  plus  forte,  et  où  l'étoffe  adhère 
le  mieux  au  badigeon,  le  succès  sera  plus  certain. 

Ce  procédé  aura  d'ailleurs  un  résultat  d'autant 
plus  favorable  que  l'église  ou  l'édifice  où  se  trouve 
la  peinture  seront  moins  humides,  et  que  le  badi- 
geon plus  sec  sera  plus  près  de  sa  décomposition. 
On  ne  se  laissera  pas  décourager  si  la  peinture 
n'apparaissait  pas  complètement,  et  si  le  badigeon 
n'avait  cédé  que  dans  ses  couches  superficielles. 
Si  les  couches  qui  sont  restées  adhérentes  ne 
laissent  pas  encore  transparaître  la  peinture, 
l'opération  est  à  renouveler.  Mais  si  la  peinture 
est  mise  à  nu,  et  si  le  badigeon  ne  subsiste  que 
par  places  isolées,  il  convient  d'avoir  recours  à 
d'autres  moyens,  car  il  faut  bien  se  garder  de 
mettre  la  peinture  découverte  en  contact  direct 
avec  la  colle  et  la  toile  amidonnée. 

Les  taches  où  le  badigeon  est  resté  adhérent 
ont  pour  cause  les  rugosités  de  l'enduit  primitif 
ou  d'autres  accidents  qu'il  n'est  pas  toujours 
facile  de  reconnaître  ;  mais  il  est  probable  que 
leur  adhérence  a  déjà  beaucoup  diminué  par  le 
procédé  que  nous  venons  d'indiquer.  Il  faut  donc 
chercher  à  les  enlever  par  le  grattage,  les  fai- 
sant écailler  ou  sauter,  en  se  servant  à  cet  effet 
d'un  couteau  à  palette,  très  flexible  mais  nulle- 
ment tranchant.  Cette  opération  réclame  autant 
de  précaution  que  de  dextérité  de  la  main,  car 
il  s'agit  de  faire  passer  la  lame  entre  le  badigeon 
et  la  peinture,  sans  entamer  cette  dernière.  Il  est 
vrai  que  dans  un  travail  de  cette  nature  de  lé- 
gères atteintes  à  la  peinture  sont  presque  inévi- 
tables ;  mais  au  moins  elles  sont  faciles  à  réparer 
lorsque  l'enduit  est  resté  intact,  et  que  toutes  les 
précautions  pour  atteindre  le  but  ont  été  prises. 

J.  H. 


Ca  maison  Du  ifiiroir  ou  Des  Cdamcur 


ORME  par  la  rencontre  à  angle  droit 
des  rues  de  la  Liberté,  Bossuet  et  des 
Godrans,  le  carrefour,  le  coin  du  Mi- 
roir, comme  on  dit  de  temps  immémo- 
rial à  Dijon,  a  été  et  est  de  plus  en  plus  un  des 
nœuds  vitaux  de  la  vieille  ville.  Les  noms  des 
rues  sont  d'ailleurs  tout  modernes  ;  la  rue  Bossuet 
qui  s'élargit  pour  former  la  place  Saint-Jean,  où 
s'élève  encore,  étroite  et  modeste,  la  maison  na- 
tale du  grand  évêque,  est  l'ancienne  rue  de 
l'Oratoire, plus  anciennementGrande  rueSt-Jean; 
on  a  donné  à  la  rue  des  Champs  le  nom  des  deux 
magistrats  qui,  à  la  fin  du  XVIe  siècle, ont  fondé 
le  collège  des  Jésuites  de  Dijon,  le  collège 
Godran,  comme  on  a  dit  pendant  deux  siècles. 
Enfin  les  rues  Guillaume  et  Condé  forment 
aujourd'hui  la  rue  de  la  Liberté,  substitution 
fâcheuse  qui  abolit  deux  des  plus  grands  souve- 
nirs historiques  de  l'ancienne  Bourgogne.  Au 
XIe  siècle,  en  effet,  le  vénérable  Guillaume,  abbé 
de  Saint-Bénigne,  a  été  un  des  hommes  les  plus 
illustres  de  son  temps  ;  une  sorte  de  Pierre  le 
Vénérable  qui  partout,  dans  la  France  entière 
comme  à  Dijon,  affermit  l'Ordre  de  saint  Benoit, 
et  dans  les  monuments  comme  dans  les  œuvres 
morales,  lui  donna  un  nouvel  éclat.  Mais  ce  n'est 
pas  le  grand  abbé  dont  le  souvenir  est  demeuré 
pendant  tant  de  siècles  présent  aux  Dijonnais 
et  demeure  encore  populaire,  c'est  le  bon  abbé 
qui  pendant  une  famine  n'hésita  pas  à  sacrifier 
les  vases  sacrés  de  son  église,  à  dépouiller  de  ses 
plaques  de  vermeil  ciselé  la  châsse  de  l'apôtre  de 
la  Bourgogne,  saint  Bénigne,  à  vendre  jusqu'aux 
colonnes  de  marbre  précieux  qui  la  supportaient, 
pour  soulager  les  membres  souffrants  de  JÉSUS- 
Christ. 

Quant  à  la  rue  Condé, percée  en  1721,  elle  rap- 
pelait un  autre  grand  souvenir,  celui  de  l'admi- 
nistration de  la  province  par  les  princes  de 
Condé,  gouverneurs  héréditaires  du  Ier  duché  de 
France  de  1630  à  1789.  Leur  rôle  n'avait  été  ni 
sans  honneur  ni  sans  profit  pour  la  Bourgogne, 
et  les  Condé  étaient  fiers  de  présider  à  cette  libre 
administration  de  la  province  qui  se  gouvernait 
elle-même    par    ses    États-Généraux    avec    une 


Mélanges. 


113 


financière,  une  liberté  tout  court,  qui  devait  dis- 
paraître sans  retour  en  1789. 

Le  carrefour  du  Miroir  est  aujourd'hui  fort 
modernisé  et  élargi  ;  les  tramways  électriques 
qui  s'y  croisent  à  grand  bruit,  ont   accroché  aux 


maisons  les  consoles  du  système  Trolley,  et 
tendu  au-dessus  des  voies  le  réseau  de  leurs  fils. 
Cependant,  à  l'entrée  de  la  rue  Bossuet.des  mai- 
sons en  pans  de  bois,  posés  sur  de  robustes 
consoles   de    pierre,  profilent  encore   sur  le  ciel 


■  "  ->  ■ 


La  Maison  da  Miroir  à  Dijon.  (Restitution  de  M.  Ch.  Suisse,  architecte.) 


leurs  trois  pignons  aigus  qui  ont  vu  l'entrée 
triomphale  du  Téméraire  en  1474,  et,  l'ancien 
hôtel  des  Millière,  une  famille  éteinte  du  Parle- 
ment de  Bourgogne,  accroche  toujours  à  l'angle 
le  gros  cylindre  à  deux  étages  de  sa  tourelle,  un 


morceau  de  la  toute  dernière  Renaissance,  celle 
qui  finit  avec  la  minorité  de  Louis  XIII. 

En  face,  un  grand  logis  moderne  est  cette 
ancienne  maison  du  Miroir  qui  a  donné  son  nom 
au    carrefour.    Sur    la    foi    d'une    tradition    très 


H4 


3&ctntr  lie  V&xt  chrétien. 


vague,  on  a  longtemps  répété  à  Dijon,  que  ce 
nom  lui  venait  de  l'abbaye  cistercienne  du 
Miroir,  en  Bresse,  dont  elle  aurait  été  la  maison 
de  ville.  Les  recherches  de  M.  Joseph  Garnier, 
archiviste  de  la  Côte  d'Or,  ont  démontré  qu'il 
n'en  était  rien. 

D'après  les  statuts  cisterciens,  la  célèbre 
charte  dite  de  Charité,  promulguée  en  1119, 
et  la  plus  ancienne  des  constitutions  qui  ré- 
gissent aujourd'hui  des  sociétés  humaines,  les 
abbés  des  cinq  filiations,  Cîteaux,  la  Ferté-sur- 
Grosne,  Pontigny,  Clairvaux  et  Morimond  de- 
vaient se  réunir  chaque  année  en  chapitre  géné- 
ral au  chef  d'Ordre.  Les  représentants  s'assem- 
blaient en  général  à  Dijon,  en  la  maison  de 
ville  dite  le  Petit-Cîteaux,  et  qui  existe  encore 
rue  Saint-Philibert,  d'où  la  longue  cavalcade 
blanche  partait  processionnellement  pour  l'ab- 
baye-mère  ;  la  Ferté  étant  au  Sud  de  Cîteaux, 
l'abbé  s'y  rendait  directement.  Toutefois,  si  court 
que  fût  le  séjour  en  ville  d'un  aussi  grand  nom- 
bre de  religieux  soumis  à  la  règle  la  plus  austère, 
on  comprit  de  bonne  heure  la  nécessité  d'avoir  à 
Dijon  des  locaux  suffisants  pour  que  les  trois 
filles  de  Citeaux  dont  les  maisons  étaient  situées 
de  telle  sorte  que  pour  se  rendre  à  Citeaux  il 
fallait  traverser  Dijon,  pussent  recevoir  les  abbés 
d'une  même  filiation.  C'est  ainsi  que  Pontigny, 
Clairvaux  et  Morimond  eurent  leurs  maisons  de 
ville  ;  celle  de  Clairvaux  existe  encore  en  partie 
et  présente  à  peu  près  intact  un  très  curieux 
cellier  extérieur  du  XIIe  siècle  à  deux  étages 
voûtés,  qui  est  un  diminutif  de  l'immense  bâti- 
ment de  même  destination  encore  debout  dans 
l'enclos  de  l'abbaye  fondée  par  saint  Bernard. 
Un  autre  fragment  de  cellier,  mais  du  XIIIe  et 
beaucoup  moins  important,  est  tout  ce  qui  sub- 
siste de  l'ancienne  maison  de  Morimond;  celle-ci 
a  donné  son  nom  à  la  place  voisine,  seulement  on 
s'obstine  a  en  écrire  le  nom  Morimont  au  lieu  de 
Morimond,  comme  si  Morimundus  s'était  appelé 
Mortis-Mons.  D'autres  abbayes,  qui  avaient  des 
biens  fonds  à  Dijon  ou  dans  le  Dijonnais,  eurent 
aussi  leurs  maisons  de  ville,  Auberive,  la  Bus- 
sière,  Theuley,  Cherlieu,  Fontenay. 

Mais  dès  le  XIVe  siècle,  la  plupart  renoncè- 
rent à  ces  habitations  urbaines  ;  la  maison  de 
Pontigny,  au  faubourg  Raines,  disparut  en  1358, 


quand  on  acheva  dans  cette  partie  de  la  ville 
l'enceinte  fortifiée  tracée  deux  siècles  aupara- 
vant. Celles  d'Auberive  et  de  Cherlieu  furent 
englobées,  la  première  dans  l'enclos  des  Corde- 
liers,  la  seconde  dans  celui  du  Petit-Cîteaux.  La 
Bussière,  Fontenay,  Theuley,  accensèrent  les 
leurs,  Morimond  n'aliéna  la  sienne  qu'au  XVIIe 
siècle.  La  réunion  des  abbés  et  délégués  au  Cha- 
pitre général  ne  se  fît  d'ailleurs  que  plus  stricte- 
ment encore  au  Petit-Cîteaux,  et  nous  savons 
par  le  récit  du  moine  suisse,  Joseph  Meglinger, 
sous-prieur  de  l'abbaye  de  Maris-Stella,  qu'au 
Chapitre  de  1667,  tous  les  abbés,  même  celui  de 
la  Ferté,  s'étaient  rendus  à  Dijon.  Le  même  récit 
nous  montre  que  les  délégués  descendaient  à 
l'auberge,  ainsi  Meglinger  et  son  compagnon, 
l'abbé  de  Saint-Urbain,  furent  hébergés  à  l'hôtel- 
lerie de  la  Cloche. 

Quant  à  un  prétendu  hôtel  du  Miroir,  les  docu- 
ments sont  absolument  muets  ;  en  vérité,  on  se 
demande  comment  une  abbaye  située  au  Sud  de 
Cîteaux  et  si  pauvre  qu'elle  dut  être  supprimée, 
aurait  eu  à  Dijon  un  hôtel  et  un  hôtel  aussi  im- 
portant que  la  maison  dont  il  s'agit. 

La  première  pièce  produite  par  M.  Garnier 
remonte  à  l'année  1265,  au  règne  du  duc  Hu- 
gues IV;  la  maison  est  ainsi  désignée  :  Donna  ,/it 
Mireor  aparté  Vici  magnomm  camporum.  La  rue 
des  Grands-Champs,  c'est  à  ne  pas  douter  la  rue 
des  Godrans  actuelle  ;  l'identification  est  donc 
certaine.  La  maison  tirait  manifestement  son 
nom  d'un  emblème  sculpté  ou  peint  sur  la  façade 
ou  à  l'angle,  au  poteau  cornier.  On  sait  qu'avant 
l'invention  si  simple  du  numérotage,  mais  qui 
date  seulement  du  XVI  IIe  siècle,  les  maisons  les 
plus  importantes  d'une  rue  servaient  de  point  de 
repète  et  portaient  un  nom  caractéristique,  reli- 
gieux ou  pittoresque,  parfois  plaisant  ;  ainsi  il  y 
avait  à  Dijon  les  maisons  de  l'Arbre  de  Jessé,  de 
saint  Christophe,  du  Singe,  du  Bœuf,  de  la 
Couronne,  du  Dauphin,  du  IIeaume.de  la  Truie 
qui  file,  du  Rabot,  de  la  Charrue,  de  la  Musette, 
etc.  Il  en  était  de  même  dans  l'ancienne  Rome, 
et  l'enseigne  de  l'Ours  coiffé  aurait  pu  figurer 
dans  une  ville  du  moyen  âge.  La  demeure 
fort  modeste  des  Flaviens,  au  Palatin,  était  la 
maison  de  la  Pomme  d'Arabie,  c'est-à-dire  de  la 
grenade. 


£©élange0. 


115 


Leduc  Robert  II,  fils  et  successeur  de  Hu- 
gues IV,  ne  se  montra  jamais  favorable  aux 
libertés  communales.  En  1277,  saisissant  le 
prétexte  du  retard  apporté  par  la  ville  de  Dijon 
dans  le  paiement  de  la  prestation  annuelle  de 
500  marcs  d'argent  prix  des  franchises  de  la 
commune,  il  chassa  les  maire  et  échevins  élus  et 
les  remplaça  par  des  officiers  à  sa  discrétion.  Ce 
coup  d'Etat  causa  une  fermentation  très  vive  et 
qui  aurait  pu  dégénérer  en  révolte  ouverte;  mais 
les  bourgeois  eurent  le  bon  sens  d'employer  les 
voies  légales  et  recoururent  au  roi  Philippe  III, 
le  Hardi,  suzerain  du  duc  et  gardien  de  la  charte 
communale. Le  roi  saisit  avec  empressement  l'oc- 
casion d'affirmer  son  droit  supérieur,  il  donna 
tort  au  duc  et  les  magistrats  chassés  reprirent 
leurs  fonctions. 

Mais  si  le  duc  avait  cédé  à  la  puissance  de  la 
royauté,il  n'en  conservait  que  plus  amèrement  le 
souvenir  de  son  échec,  et  au  mépris  des  droits  de 
la  commune,  voulut  posséder  en  dehors  de  son 
palais  une  maison  forte  qui  pût  tenir  en  bride  la 
bourgeoisie  turbulente  de  sa  capitale.  Située  au 
centre  d'un  quartier  populeux,  commandant  à 
quatre  rues  importantes,  la  maison  du  Miroir 
réunissait  toutes  les  conditions  souhaitées  par  lui. 
En  même  temps  qu'il  négociait  avecGuillaumede 
Pontailler  la  cession  de  la  vicomte  de  Dijon, pat- 
acte  d'août  1279,  passé  sous  les  sceaux  des  deux 
grands  abbés  dijonnais,  Hugues,  abbé  de  Saint- 
Bénigne,  et  Gérard,  abbé  de  Saint-Etienne,  il 
acquit  des  enfants  de  Jean  Buiron,  moyennant 
200  livres  tournois,  le  tiers  de  la  maison  du  Mi- 
roir (');  c'est  sans  doute  Robert II  qui  la  fit  créne- 
ler et  la  transforma  en  une  manière  de  forteresse, 
telle  qu'elle  a  subsisté  jusqu'au  XVIIIe  siècle. 

Mais  les  Dijonnais,  mis  en  éveil,  luttèrent  éner- 
giquement  contre  la  réunion  de  la  vicomte  à  la 
couronne  ducale,  ce  qui  aurait  virtuellement  sup- 
primé leurs  franchises  et  après  un  débat  de  deux 
ans,  eurent  gain  de  cause  auprès  du  roi.  La  vi- 
comte  fut   réunie    à    la    commune,  et    le   maire 

i.Rien  n'est  plus  difficile  que  de  déterminer  le  rapport 
de  valeur  entre  la  monnaie  d'autrefois  et  la  nôtre  ;  je 
crois  cependant,  que  le  chiffre  de  22  fr.  48e,  donné  par  M. 
Zamièsd'aprèsN.  deVailly,comme  correspondant  à  l'unité 
de  la  livre  tournois  à  cette  époque,  est  beaucoup  trop 
faible. 


prit  désormais  le  titre  de  vicomte-maïeur  qu'il 
garda  jusqu'à  la  révolution  de  1789.  Ce  fait,  un 
des  plus  importants  par  ses  conséquences,  de 
l'histoire  communale  de  Dijon,  dégoûta  sans 
doute  les  ducs  de  la  possession  d'une  maison 
dont  ils  ne  pouvaient  tirer  aucun  parti,  puis- 
qu'au  siècle  suivant  elle  était  redevenue  propriété 
particulière.  Elle  appartenait,  en  1322,  à  Jean 
Bourgeoise,  receveur  général  du  duché  de  Bour- 
gogne, qui  était  alors  sous  le  coup  de  poursuites 
pour  malversations;  le  duc  Eudes  IV  lui  fit  grâce 
moyennant  diverses  cessions,  entre  autres  celle 
de  la  maison  du  Miroir  donnée  à  son  chancelier, 
Jean  Aubriot,mort  évèque  de  Chalon-sur-Saône, 
en  135  1, laissant  pour  héritiers  ses  deux  neveux, 
Guillaume  et  Hugues  Aubriot  ;  celui-ci  est  le 
célèbre  prévôt  de  Paris. 

C'est  en  1391  qu'apparaissent  pour  la  première 
fois  les  appellations  de  rue  et  de  «  carron  »  ou 
carrefour  du  Miroir. 

Étant  donné  l'objet  de  cette  étude,  la  série  des 
propriétaires  importe  peu,  et  j'en  viens  à  l'année 
141 3.  Dix-neuf  ans  auparavant,  le  duc  Philippe 
le  Hardi  (')  avait  fondé  près  de  Dijon  la  char- 
treuse de  Champmol  destinée  à  être  le  Saint- 
Denis  de  sa  race,  comme  Cîteaux  l'avait  été  de 
la  première  race  ducale,  la  race  capétienne.  Mais 
le  nouveau  monastère  si  riche  en  œuvres  d'art  et 
en  trésors  sacrés  était  sans  protection  pour  les 
hommes  et  pour  les  choses.  Aussi  les  vénérables 
Pères  Chartreux  songèrent-ils  bientôt  à  se  ména- 
ger dans  la  ville  une  maison  «  pour  y  retraire  et 
«  mettre  en  tout  temps  leurs  reliques,  chartes, 
«  titres,  lettres,  chasubles,  draps  de  soie,  aourne- 
«  ments,  parements,  bleds,  avoynes  et  autres 
«  choses  de  leur  église  ;  comme  aussi  y  répairer, 
«  conserver  et  être  plus  solitairement,  purement, 
«  honorablement  et  religieusement  ainsi  que 
«  l'ordre  veult  et  requiert  »  (2).  Ils  jetèrent  les 
yeux  sur  la  maison  du  Miroir  qui  appartenait 
alors  à  Jean  Eerrion,  valet  de  chambre  du  roi 
Charles  VI,  et  l'acquirent  pour   le  prix   de  2000 

1.  Ainsi  nommé,  non  pour  la  bravoure  dont  tout  jeune 
il  avait  fait  preuve  aux  côtés  de  son  père,  dans  la  funeste 
journée  de  Poitiers,  mais  pour  avoir  usurpé  le  premier 
rang,  sur  ses  aînés  et  le  frère  du  roi  au  sacre  de  Charles  VI, 
4  novembre  1480. 

2.  Archives  de  la  Côte-d'Or,  pp.  774,  Fonds  de  la  char- 
treuse de  Dijon. 


KKVUE    DE    L  AKT    CHKÊTIEN 
1899.     —    2,ne    LIVRAISON. 


n6 


&ctntc  lie  r&rt  chrétien* 


livres  (').  Dom  Aubry  Vauvert  conclut  le  mar- 
ché avec  le  vendeur  les  2  juin  et  14  juillet  141 3> 
et  l'entrée  en  possession  eut  lieu  le  30  juillet. 

Sans  perdre  de  temps,  les  Pères  Chartreux  se 
mirent  à  la  besogne  pour  approprier  la  maison 
à  sa  nouvelle  destination.  Comme  beaucoup 
d'autres  logis  dijonnais,  elle  était  construite  sur 
de  vastes  caves  qui  s'étendaient  sous  tout  le  bâti- 
ment beaucoup  plus  profond  que  large,  et  où 
les  Chartreux,  grands  propriétaires  de  vignobles, 
emmagasinèrent  leurs  vins  vieux.  Au-dessus  des 
caves  dont  les  voûtes  s'élevaient  plus  haut  que  le 
niveau  du  sol,  était  une  grande  salle  de  rez-de- 
chaussée,  dont  on  refit  les  portes,  les  fenêtres  et  le 
pavé.  Il  y  avait  encore  une  salle  peinte,sans  doute 
celle  qui  s'éclairait  par  le  grand  fenestrage  du 
premier  étage,  une  chapelle,  une  «  estude  »,  une 
«  escriptoire  »  avec  tablettes  pour  recevoir  les 
livres  et  les  papiers,  une  cuisine  dont  on  refit  le 
pavé,  enfin  un  pressoir,des  étables,  un  puits  avec 
son  auge  et  un  jardin  avec  treillages  peints  en 
vert.  L'entrée  des  parties  d'exploitation  était  rue 
des  Champs,  là  où  est  encore  la  porte-cochère  de 
la  cour  actuelle. 

On  voit  qu'entre  les  mains  des  Chartreux  — 
tout  ce  qui  vient  d'être  énuméré  est  tiré  des 
comptes  conservés  aux  archives  départementales 
—  la  maison  du  Miroir  devint  comme  une  villa  ur- 
baine^ prendre  ce  mot,  non  dans  le  sens  qu'on  lui 
donne  aujourd'hui,  mais  dans  celui  qu'il  avait  à 
Rome  et  d'où  est  venu  le  terme  de  village  ;  le 
Petit-Citeaux, l'hôtel  de  Clairvaux, celui  de  Mori- 
mond  étaient  de  même  des  maisons  d'habitation 
auxquelles  se  joignaient  tous  les  bâtiments  et 
engins  nécessaires  à  l'exploitation  d'un  domaine 
rural  ou  viticole. 

Ces  dispositions  prises,  les  Pères  Chartreux 
voulurent  mettre  leur  sceau  monumental  sur  leur 
œuvre  et  s'adressèrent  au  premier  artiste  du 
temps,  à  Claus  de  Werve.  Celui-ci,  natif  de 
Hatheim  —  aujourd'hui  Hattem  — Gueldre,était 
le  neveu  de  ce  grand  Claus  Sluter,  probablement 
originaire  du  même  lieu,  qui  succéda  en  1389  à 
Jehan  de  Marville  comme  valet  de  chambre 
imagier  du  duc  de  Bourgogne,  à  Dijon,  exécuta 
le  calvaire    du  grand    cloître    de  la  Chartreuse, 

1.  M.  Joseph Garnier  estime  d'après  les  tables  annexées 
aux  Mémoires  de  Leber,  que  cette  somme  de  2000  livres 
représente  88000  livres  au  pouvoir  actuel  de  l'argent. 


fit  les  modèles  du  tombeau  de  Philippe  le  Hardi, 
et  mourut  en  1404.  Son  neveu  lui  succéda  dans 
ses  charges,  et  le  tombeau  est  à  peu  près  entière- 
ment son  œuvre,  du  moins  pour  l'exécution. 

Comme  le  monastère  de  Champmol  était 
sous  le  vocable  de  la  Sainte-Trinité,  Claus  Sluter 
eut  la  commande  de  mettre  au  centre  de  la  façade 
sur  la  rue  Guillaume  une  image  de  la  Trinité, 
composée  selon  la  formule  du  moyen  âge, et  posée 
sur  une  base  aux  armes  de  Bourgogne  qui  étaient 
celles  du  monastère  ;  deux  figures  de  Chartreux 
debout  complétèrent  la  décoration,  et  c'est 
ainsi  que  l'ancienne  maison  laïque,  demi  forte- 
resse, demi-logis  privé,  reçut  pour  trois  siècles  et 
demi  le  caractère  de  sa  destination  religieuse. 
Enfin,  comme  marque  de  propriété  seigneuriale, 
une  «  bannerote  »  armoriée  fut  plantée  à  l'angle 
du  grand  pignon  ;  elle  sera  remplacée  plus  tard 
par  une  croix. 

Il  restait  à  remplir  une  dernière  formalité  pour 
que  les  vénérables  Pères  devinssent  propriétaires 
incommutables  de  la  maison  du  Miroir,  c'était 
celle  de  l'amortissement  (').  La  chose  se  fit  en 
grande  pompe  et  le  duc  Jean-sans-Peur  qui,  après 
une  absence  de  cinq  années,  se  trouvait  en  ce 
moment  à  Dijon,  non  seulement  accorda  tout 
aussitôt  aux  religieux  les  lettres  sollicitées  par 
eux,  mais  encore  annonça  qu'il  visiterait  le 
logis  du  Miroir. 

Et  de  fait,  le  24  mars  1414-15,  les  Dijonnais 
assistèrent  à  un  spectacle  dont  ils  étaient  depuis 
longtemps  privés  ;  précédé  des  archers  de  sa 
garde  en  livrée  aux  couleurs  ducales,  noir, 
blanc  et  vert  «  gay  »,  ayant  à  ses  côtés  son 
gendre,  Adolphe  IV  comte  de  Clèves,  et  Jean, 
de  Luxembourg,  suivi  de  Mathieu  de  Foix, 
d'Antoine  de  Vergy,  de  Jean  de  La  Trémoille, 
ses  chambellans,  et  de  nombreux  seigneurs,  Jean 
sortit  du  palais  ducal  et  arriva  à  la  maison  du 
Miroir;  il  y  entra,  la  parcourut  et  octroya  sur  le 
champ  les  lettres  d'amortissement  qui,  par  ex- 
traordinaire, furent  expédiées  et  scellées  dans  la 
maison  même. 

On  renverra  à  la  notice  de  M.Joseph  Garnier, 
publiée  dans  le  tome  XII  des  Mémoires  delà 
Commission  des  antiquités  de  la   Côte-dOr,  pour 

1.  Concession  aux  communautés  religieuses  et  main- 
mortables  du  droit  de  devenir  propriétaires. 


Mélanges. 


117 


le  détail  des  entrées  solennelles  dont  fut  témoin 
la  maison  du  Miroir  aux  XVe  et  XVIesiècles,et  la 
description  de  ces  échafauds  richement  ornés  où 
dans  ces  occasions  mémorables  on  plaçait  les 
personnages  vivants  ou  les  mannequins  représen- 
tant ce  que  l'on  nommait  alors  des  €  mystères  » 
Ou  des  «  histoires  ». 

On  franchira  donc  plus  d'un  siècle  et  demi 
pour  en  venir  à  l'année  1 595  où,  dans  les  luttes 
civiles  auxquelles  donna  lieu  la  prise  de  Dijon 
par  Biron  le  28  mai,  la  possession  de  la  maison 
du  Miroir  fut  vivement  disputée.  En  1636,  lors 
de  l'invasion  des  Impériaux  en  Bourgogne,  elle 
servit  de  refuge  aux  Chartreux  comme  au  temps 
du  siège  de  la  ville  par  les  Suisses,  en  15  13.  En 
165 1,  quand  le  château  de  Dijon  demeuré  en  la 
puissance  du  prince  de  Condé,  bombarda  la 
ville,  la  maison  du  Miroir  fut  criblée  de  projec- 
tiles.Mais  ce  furent  les  derniers  coups  de  feu  tirés 
en  Bourgogne  sous  l'ancien  régime;  la  province 
est  désormais  pacifiée  et  la  maison  du  Miroir 
cesse  d'être  un  logis  de  refuge  en  temps  de  trou- 
bles pour  devenir,  comme  on  dirait  aujourd'hui, 
un  immeuble  de  rapport. 

Cet  énorme  bloc  qui  rétrécissait  singulièrement 
le  carrefour  du  Miroir,  un  des  plus  fréquentés  de 
la  ville,  était  depuis  longtemps  visé  par  la  cham- 
bre de  ville  qui,  aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles,  fit 
les  plus  louables,  les  plus  intelligents  efforts 
pour  améliorer  la  voirie  urbaine.  Le  logis  mal 
entretenu  était  à  demi  ruiné  et  les  Chartreux 
se  seraient  facilement  résignés  à  l'abattre  pour  le 
remplacer  par  une  construction  moderne,  si,  en 
vertu  d'un  plan  d'alignement  bien  conçu,  la  ville 
ne  leur  avait  imposé  l'obligation  de  reculer  tant 
sur  la  rue  Guillaume  que  sur  celle  des  Champs. 
Ils  se  résignèrent  enfin,  et  le  premier  coup  de 
pioche  fut  donné  à  la  vénérable  maison  le  28  fé- 
vrier 1767;  mais  l'ingénieur  Antoine  l'avait  des- 
sinée et  à  plusieurs  exemplaires,  ce  qui  a  permis 
à  M.  Charles  Suisse,  architecte  en  chef  des  mo- 
numents historiques,  de  faire  la  restitution 
archéologique  en  pur  style  du  XIIIe  siècle,  dont 
on  trouvera  ici  une  reproduction. 

Cette  image  dispensera  de  toute  description 
détaillée;  on  remarquera  assurément  la  belle 
présentation  de  cette  façade,  son  aspect  robuste 
de  forteresse,  son  pignon  en  escalier  comme  il  en 


existait  beaucoup  à  Dijon  en  ce  temps,  la  no- 
blesse, le  beau  style,  les  excellentes  proportions 
de  l'arcature  fenestrée,  enfin  les  sculptures  des 
tympans,  scènes  de  fabliaux  parmi  lesquelles 
on  cherche  en  vain  le  miroir  qui  a  donné  son  nom 
à  la  maison.  On  reconnaît  surtout  la  lutte  plai- 
sante d'un  chevalier  contre  un  escargot. 

La  Sainte  Trinité  et  les  deux  statues  de  reli- 
gieux sont  à  leur  place  ;  le  groupe  central  pose 
sur  une  console  aux  armes  ducales  mises  non  pas 
en  écartelure,  mais  en  parti  et  timbrées  de  la 
couronne;  sous  les  deux  religieux  sont  les  armes 
de  Dijon,  de  gueules  au  chef  de  Bourgogne,  qui  lui 
fut  donné  par  Philippe  le  Hardi,  la  ville  portait 
auparavant  de  gueules  plein.  On  remarquera  que 
les  deux  écus  s'inclinent  vers  le  groupe  sacré. 
Il  est  même  probable  que  dans  celui  de  gauche, 
les  bandes  de  Bourgogne  ancien  avaient  la  forme 
de  barres  et  accentuaient  ainsi  le  mouvement  qui 
dirigeait  l'écu  vers  le  centre.  C'est  là  une  subtilité 
héraldique  fort  en  usage  à  cette  époque  de  raffi- 
nement extrême  en  toutes  choses;  dans  sa  Vraie 
et  parfaite  science  des  armoiries,  1660,  l'héraldiste 
Pierre  Palliot  a  donné  différents  exemples  em- 
pruntés à  des  monuments  dijonnais  aujourd'hui 
disparus.  Mais  il  s'en  rencontre  du  même  temps 
dans  la  bordure  inférieure  d'un  des  retables  en 
bois  sculpté,  peint  et  doré,  qui  de  la  Chartreuse 
de  Dijon  ont  passé  au  Musée  de  la  ville. 

L'étage  inférieur  avait  été  complètement 
refait  en  1660;  la  porte  date  de  cette  époque  et 
aussi  les  arcs  formant  boutiques.  Très  certai- 
nement les  caves  ne  prenaient  jour  sur  la  rue 
Guillaume  que  par  des  soupiraux  ;  comme  dans 
d'autres  vieilles  maisons  dijonnaises,  la  voûte 
primitive  en  dut  être  détruite  et  baissée  si 
non  même  remplacée  par  des  planchers  horizon- 
taux pour  permettre  l'établissement  de  boutiques 
ouvrant  de  plain  pied  sur  la  voie  publique.  Peut- 
être  ces  modifications  ont-elles  fait  disparaître  le 
miroir  qui  donnait  son  nom  à  la  maison;  souvent 
cet  emblème  particulier  qui  caractérisait  un  logis, 
se  voyait  dans  le  tympan  de  la  porte  principale. 

D'autres  maisons  bourguignonnes  présentaient 
cette  galerie  à  claire-voie  analogue  à  celle  que 
nous  voyons  ici;  il  en  existait  une  contemporaine 
dans  une  maison  de  la  rue  Barbisey,  n°  5,  à  Di- 
jon  ;  elle  a  été    détruite  il   y  a  une  soixantaine 


u8 


îlctwc  tic  rart  chrétien. 


d'années.  La  Revue  de  l'Art  chrétien  (')  a  donne, 
d'après  une  photographie, l'image  exacte  de  celle 
que  l'on  voit  à  Bèze,  Côte-d'Or.  Bèze  était  autre- 
fois en  Champagne,  mats  le  style  de  cette  belle 
construction  civile  est  tout  bourguignon. 

Que  sont  devenues  les  images  taillées  par 
Claus  de  Werve?  On  l'ignore;  sans  doute,  elles 
furent  dédaigneusement  jetées  aux  décombres 
comme  barbares.  Cependant  dans  la  Chartreuse 
même,  en  un  coin  de  l'enclos  où  se  dresse, 
veuf  de  son  calvaire,  ce  piédestal  que  l'on 
nomme  le  Puits  de  Moïse,  on  voit  fruste  et  sans 
tête,  une  statue  de  chartreux,  qui  pourrait  bien 
être  une  épave  de  la  maison  du  Miroir. Peut-être 
dans  son  dessin  si  remarquable  à  tous  égards 
par  l'exécution  et  le  caractère  archéologique, 
M.  Suisse  a-t-il  donné  un  peu  trop  d'élancement 
aux  deux  statues  de  moines  ;  les  petites  figures, 
œuvres  de  Sluter  et  de  Claus  de  Werve,  qui  en- 
touraient le  tombeau  de  Philippe  le  Hardi,  sans 
parler  de  celui  de  Jean-sans-Peur,  donnent  des 
types  moins  élégants  que  ceux-ci,  mais  d'une 
plus  forte  carrure. 

Une  grande  maison  à  deux  étages  et  en  recul 
sur  l'alignement  de  l'ancienne  remplaça  bientôt 
le  vieux  logis  du  Miroir.  C'est  assurément  la 
banalité  même  ;  toutefois,  comme  dans  toutes 
les  constructions  du  temps,  on  y  peut  reconnaî- 
tre un  sentiment  des  proportions, du  rapport  entre 
les  vides  et  les  pleins,  dont  pourraient  utilement 
s'inspirer  nos  architectes  contemporains. 

La  maison  des  Chartreux  fut  vendue  nationale- 
ment  le  24  mai  1791,  au  sieur  Morisot,  de  Dijon, 
pour  la  somme  de  57,800  fr.  Elle  appartient 
aujourd'hui  à  M.  Piot,  sénateur  de  la  Côte-d'Or  ; 
on  médite,  et  l'idée  est  heureuse,  de  placer  à 
l'angle  une  plaque  commémorative  avec  une 
représentation  au  trait  de  l'ancien  logis  dont 
l'histoire  vient   d'être   sommairement    racontée. 

Henri  CHABEUF. 

Une  Double  frarûicssc  iconorjrapfnquc. 


ICONOGRAPHIE  a  ses  lois  basées 
sur  la  tradition.  Aller  à  l'encontre  de 
ces  règles  générales,  qui  ont  reçu  leur 
sanction   du   temps,  c'est  s'exposer   à 


t.  V.  tome  V,  1894,  5,;  livraison,  p.  383. 


faire  fausse  route.  Pour  deux  cas  déterminés, 
je  me  garderais  bien  de  louer,  sans  toutefois  ris- 
quer un  blâme:  aussi,  pour  ne  pas  employer  le 
mot  erreur,  qui  dépasserait  certainement  ma 
pensée,  je  me  contenterai  du  terme  adouci  har- 
diesse, puisqu'il  y  a  réellement  innovation. 

Les  Bénédictins  artistes  de  Beuron  ont  repré- 
senté, en  peinture  murale,  la  délivrance  des 
âmes  du  purgatoire  par  le  sacrifice  de  la  messe. 
Or  ces  âmes  ont  ce  double  caractère:  elles  sont 
sexuées  et  nimbées.  C'est  à  ce  sujet  que  je  voudrais 
fournir  quelques  explications,  qui  me  semblent 
indispensables  en  esthétique  chrétienne. 

Il  est  impossible  de  figurer  une  âme,  qui  de  sa 
nature  est  immatérielle.  Pour  lui  donner  une 
forme  concrète,  un  seul  moyen  se  présente,  qui 
est  de  l'assimiler  à  notre  humanité,  tout  en  la 
dépouillant  le  plus  possible  de  la  matière  faite 
pour  alourdir.  Dans  ce  cas,  on  a  recours  à  la 
convention.  Le  type  du  moyen  âge,  admis  jus- 
qu'après la  Renaissance,  est  un  petit  enfant,  sans 
sexe,  presque  toujours  nu,  mais  souvent  aussi 
habillé,  principalement  en  Italie,  pour  sauvegar- 
der le  sentiment  de  la  pudeur. 

A  Beuron,  les  peintres  ont  abandonné  l'enfant, 
absolument  impersonnel  et  se  sont  conformés  à 
la  figuration  qui  prévaut  en  Italie  depuis  près  de 
trois  siècles.  Ils  reconstituent  la  personnalité 
propre,  avec  différence  de  sexe  et  à  l'âge  adulte. 
Je  m'empresse  de  déclarer  que,  contrairement  à 
la  pratique  italienne  qui  pousse  au  nu,  ils  savent, 
par  des  procédés  habiles,  dissimuler  ce  qui  ne 
doit  pas  paraître,  parce  que  la  crudité  des  détails 
anatomiques  choquerait  les  regards  pieux.  Mais 
ils  n'en  restent  pas  moins  dans  le  naturalisme, 
ce  qui  est  un  tort  grave  pour  une  mise  en  scène 
symbolique  et  raffinée.  Le  tort,  le  voici:  au  lieu 
d'un  symbole  de  l'âme,  on  fait  un  corps  humain; 
or  le  corps,  à  cette  place,  semblerait  attester  une 
résurrection  anticipée,  qui  est  reculée,  par 
l'enseignement  théologique,  jusqu'au  jugement 
dernier.  Cette  représentation  inexacte  devra  donc 
être  l'objet  d'une  étude  sérieuse  pour  la  recon- 
stituer d'une  façon  normale  et  irréprochable. 

De  plus,  le  corps-âme  reçoit  le  nimbe  dans  son 
trajet  du  purgatoire  au  paradis.  N'est-ce  pas 
aller  trop  vite?  En  effet,  le  nimbe  étant  jugé  la 
récompense,  il  convient  d'en  retarder  l'emploi 
jusqu'à  l'admission   au   séjour   céleste.   Mais  là 


Mélanges. 


n9 


n'est  pas  la  hardiesse,  puisqu'il  ne  s'agit  que 
d'anticipation  et  par  conséquent  d'une  question 
de  temps.  C'est  la  conception  elle-même  de  l'in- 
signe que  je  conteste. 

Le  nimbe,  d'après  la  tradition  iconographique, 
est  le  signe  officiel  de  la  sainteté  consommée  et 
parfaite.  Il  se  décerne  officiellement  par  l'Eglise 
dans  l'acte  de  la  canonisation.  On  doit  donc  le 
réserver  aux  saints  reconnus  comme  tels  et 
inscrits  au  Martyrologe.  Cette  antienne  des 
matines  du  commun  d'un  martyr  a  été  considérée 
comme  l'application  de  ce  principe  primordial  : 
«  Scuto  bonse  voluntatis  tuai  coronasti  eum,  Do- 
mine. »  Et  aussitôt  est  promulgué  le  décret 
divin  dans  cette  autre  antienne:  «Filii  hominum, 
scitotequia  Dominus  sanctum  suum  mirificavit  », 
et  un  troisième  texte  en  montre  l'effet  direct  : 
«  In  universa  terra  gloria  et  honore  coronasti 
eum.  »  D'où  résulte  clairement  que  le  nimbe,  en 
forme  de  disque  qui  le  fait  ressembler  au  bouclier 
antique,  équivaut  à  une  couronne  et  qu'il  est  le 
don  spécial  du  Seigneur  par  un  acte  de  sa  bonne 
volonté,  mirifiaut  son  serviteur  aux  yeux  des 
hommes,  par  toute  la  terre,  en  lui  attribuant 
Y  honneur  et  la  gloire. 

Cela  est  si  vrai,  que  la  Sacrée  Congrégation  des 
Rites  refuse  le  nimbe  plein  aux  Bienheureux  et 
n'autorise  pour  eux  qu'un  simple  rayonnement 
autour  de  la  tête. 

Le  moyen  âge  n'a  pas  nimbé  les  élus.  Faisons 
de  même  et  par  l'emploi  de  ce  signe  spécial, 
évitons  qu'on  les  confonde  avec  les  Saints  pro- 
prement dits.  Contentons-nous,  avec  l'Eglise, 
dans  la  messe  des  Morts,  de  les  plonger  dans  la 
lumière  céleste:  «Lux  perpétua  luceat  eis.  » 

La  morale  de  cette  note  revient  à  ceci  :  s'en 
tenir  scrupuleusement  à  la  tradition  iconogra- 
phique, quand  elle  suffit  à  exprimer  ce  qu'on 
veut  dire;  raisonner  son  sujet,  pour  voir  si,  en 
innovant,  on  ne  va  pas  directement  offenser  soit 
une  loi  existante,  soit   une    convenance   d'ordre 

supérieur. 

X.  B.  DE  M 


— »©<-.-*©*- 


ITitioitc  De  IJarbonnc 


f'I  VOIRE  de  la  cathédrale  de  Narbonne 
est  connu  par  la  planche  qui  en  a  été 
donnée  dans  les  Annales  archéolo- 
giques, tome  XXVII,  page  5.  et  la 
description  qui  l'accompagne.  La  date  avait  été 
fixée  au  XIe-XIIe  siècle  et  l'interprétation  des 
sujets  exactement  déterminée. 

Voilà  que,  sans  motif  et  sans  preuves  à  l'appui, 
une  opinion  nouvelle  se  produit  dans  leBitlletiu  de 
la  Commission  archéologique  de  Narbonne  (189S); 
on  peut,  heureusement,  la  contrôler  sur  une  excel- 
lente phototypie,  supérieure  à  la  gravure  des 
Annales.  Je  lis,  page  93:  «On  lui  donne  pour 
date  le  XIIe  ou  le  XIIIe  siècle.  S'il  nous  était 
permis  d'avancer  une  opinion,  nous  ne  pensons 
pas  que  son  acte  de  naissance  puisse  remonter 
aussi  haut,  et,  son  examen  consciencieusement 
et  minutieusement  fait,  nous  croirions  qu'il  est 
plus  exact  d'assigner  pour  date  le  commence- 
ment du  XVIe  siècle.  Cette  opinion  peut  être 
corroborée  par  Millin  ».  Millin  est  une  piètre 
autorité  pour  le  moyen  âge  ;  de  plus,  le  style 
n'est  nullement  celui  de  la  Renaissance, mais  bien 
de  l'époque  romane. 

Les  y"  et  S°-  scènes  sont  ainsi  décrites  :  «  Salo- 
mon  visité  par  la  reine  de  Saba.  —  La  fondation 
de  l'Église  :  JÉSUS  donnant  ses  pouvoirs  à  Simon- 
Pierre».  Rien  de  tout  cela  en  réalité,  car  l'unité 
iconographique  ne  permet  pas  de  sortir  de  la 
Passion  et  de  la  Résurrection.  Donc  l'ordre  lo- 
gique est  celui-ci  :  1.  Cène.  2.  Baiser  de  Judas. 
3.  Crucifixion.  4.  Présentation  de  l'éponge  au  fiel 
et  au  vinaigre.  5.  Percement  du  côté.  6.  Partage 
de  la  robe  sans  couture.  7.  Visite  des  Maries  au 
Sépulcre  (l'ange  a  été  transformé  en  Salomon). 
8.  S.  Thomas  mettant  sa  main  dans  le  côté  du 
Christ  ressuscité  (non  la  dation  des  clefs).  9.  L'As- 
cension. 10.  La  Pentecôte. 

Il  importait,  dans  l'intérêt  de  la  science,  de 
barrer  le  chemin  à  ces  opinions  erronées  qui  ne 
peuvent   avoir    cours    auprès    des    archéologues 


sérieux. 


X.  B.  DE  M. 


120 


Bebue  De  rstrt  cjjréttem 


Ec  Bctntrc  Cornclis  uanDcr  Capcllc. 


Sy\3  AXS  le  Supplément  de   la   2e   édition 
ËafË  <i   t'u  Dictionnaire  des  Peintres  de  Siret, 


^|  p.  1047,  col.  2,  on  lit  :  «  Corneille 
(Claude).  E.  Fr.  *  XVIe  siècle.  La 
«  HAVE.  Histoire.  Etabli  à  Lyon  où  il  mourut. 
«  Peintre  des  rois  François  Ier,  Henri  II,  Fran- 
«  çois  II  et  Charles  IX.  Il  protégea  le  jeune 
<i  peintre  flamand,  Stradan,  lors  du  séjour  de  ce 
<i  dernier  à  Lyon.  » 

Le  vrai  nom  de  ce  peintre  est  Cornelis  vander 
Capelle;  il  est  natif  de  La  Haye  en  Hollande.  Il 
fut  peintre  non  de  François  Ier,  mais  du  Dauphin, 
qui  régna  sous  le  nom  de  Henri  II  (nommé  par 
lettres  du  7  janvier  1540),  ensuite  de  ce  prince 
devenu  roi,  de  François  II,  de  Charles  IX,  et  de 
Catherine  de  Medicis.  En  1547  il  obtint  des 
lettres  de  naturalisation.  Il  habitait  alors  Lyon, 
où  il  s'était  établi  en  1544;  il  fit  probablement 
choix  de  cette  ville  parce  que  plusieurs  de  ses 
compatriotes  qui  s'étaient,  comme  lui,  séparés  de 
l'Église  s'y  étaient  réfugiés.  Nous  ne  savons  pas 
combien  de  temps  il  resta  hors  de  l'Église,  mais 
dans  un  état  des  «  Huguenots  réduictz  et  qui 
ont  fait  confession  de  foy,  et  qui  ont  vescu  despuis 
et  touiours  vivent  catholiquement  et  fréquenté 
les  églises,  »  pièce  qui  porte  la  date  du  2  décembre 
1569,  se  trouvent  «  Corneille  de  Laye  painctre 
et  sa  femme  et  sa  fille  et  serviteurs  (').  »  Corneille 
décéda  à  Lyon  en  1574-5.  Il  eut  un  fils  du  même 
nom  et  une  fille  qui,  au  dire  d'Antoine  Du  Ver- 
dier,  «  peignoit  divinement  bien  »  et  qui  fut 
enterrée  aux  Frères  Prêcheurs  à  Lyon,  le  11  no- 
vembre 1589  (2). 

Dans  la  collection  de  M.  J.  B.  Meyer  à  Bonn 
se  trouvait  un  panneau  que  j'ai  examiné  en  1864, 
dont  j'ai  donné  la  description  que  voici  :  Bois, 
H.  om  92.  L.  Im  14.  Un  homme,  probablement  le 
receveur  des  contributions  ou  le  trésorier  d'une 
ville  néerlandaise,  vêtu  d'une  robe  en  velours 
noir  et  d'un  manteau  gris  doublé  de  fourrure 
sans  manches,  la  tête  couverte  d'un  bonnet  noir 
doublé  de  fourrure  brune,  est  assis  et  pèse  des 
écus  dans  une  balance  triangulaire.  A  sa  gauche, 


1.  N.  RoNDOT,  Les  protestants  à  Lyon  au  dix-septième 
siècle.  Lyon,  1S91,  p.  14. 

2.  Ibid.,  p.  14. 


une  jeune  femme  en  robe  rouge  doublée  de  four- 
rure et  sous-robe  verte,  avec  coiffure  en  velours 
rouge  et  voile  en  gaze,  regarde  la  balance  et  feuil- 
lette des  deux  mains  un  livre.  Plus  loin,  à  gauche, 
une  porte  entr'  ouverte,  par  laquelle  un  jeune 
homme  vêtu  de  bleu  entre  tenant  une  lettre  à  la 
main.  Sur  la  table  couverte  d'un  tapis  vert  on  voit 
un  encrier,  des  plumes,  des  pièces  d'or  et  d'argent, 
une  boîte  ouverte  contenant  une  série  de  poids, 
quelques  bourses,  etc.  Derrière,  contre  le  mur, 
une  planchette  sur  laquelle  plusieurs  boîtes  con- 
tenant des  parchemins.  D'autres  parchemins  y 
sont  attachés  par  des  clous.  Sur  un  de  ceux-ci 
se  trouve  écrit  : 

Rekenîghe  van  Jan  obrechts 
van  ziin  half  iaer  de 
Anno  vierendertich  vand' 
cleeneontfanck. 

ce  qui  veut  dire  :  Compte  de  Jean  Obrechts  de 
son  semestre  de  l'an  1534  de  la  petite  recette. 
Sur  un  autre  : 

Ende  concluderende  mitsdiê  die  zelffde 
meester  Cornelis  van  der  capella  als 
hier  boue  mact  heeft  van  desê  ghecôcludeirt. 
heefft  ghehadt  onder  huer. 

Une  copie  de  ce  tableau  se  trouve  au  Musée 
d'Anvers  (n°  128  du  Catalogue  de  1857),  où  elle 
est  désignée  comme  étant  de  l'école  de  Quentin 
Metsys. 

Dans  la  collection  de  M.  le  baron  Oppenheim 
à  Cologne  se  trouve  un  panneau  (H.  om,885, 
L.  om,705)  qui  représente  un  sujet  du  même 
genre,  dont  une  copie  conservée  au  château  royal 
de  Windsor  et  connue  sous  le  nom  des  «  Deux 
Avares(1)»  était  attribuée  à  Quentin  Metsys, mais 
elle  est  aujourd'hui  considérée  comme  une  copie 
par  son  fils  Jean  Metsys  d'après  un  original  pro- 
bablement perdu.  Voici  la  description  du  pan- 
neau de  M.  Oppenheim. 

Deux  changeurs  sont  assis  à  un  comptoir  : 
l'un  est  vêtu  d'une  robe  grise  verdàtre  doublée 
de  fourrures  et  coiffé  d'un  couvrechef  rouge,  orné 
d'un  affiquet  formé  d'un  saphir  et  de  trois  perles. 
11  porte  un   anneau  au  second  doigt  de  la  main 

1.  Gravée  dans  Waagen,  Manuel  de  F  Histoire  de  la 
Peinture,  tome  I,  p.  163.  Bruxelles,  1863. 


Mélanges. 


121 


droite  dont  le  chaton  est  formé  par  un  écusson 
d'azur  à  la  fasce  d'argent  chargée  de  trois  mou- 
ches au  naturel  et  accompagnée  de  trois  étoiles 
d'or,  deux  en  chef,  une  en  pointe.  Il  porte  des 
besicles  sur  le  nez  et  écrit  sur  le  feuillet  gauche 
d'un  livre  de  comptes.  De  la  main  gauche  il  tient 
une  pièce  d'or  qu'il  range  à  côté  d'autres  placées 
sur  la  table.  A  son  côté  gauche  se  trouve  l'autre 
personnage  qui  a  un  air  narquois  ;  il  tire  la 
langue  en  clignant  de  l'œil.  Il  est  vêtu  d'une 
tunique  rouge  doublée  de  bleu,  et  coiffé  d'un 
large  chaperon  vert  dont  la  patte  retombe  sur  les 
épaules.  Sa  main  droite  est  posée  sur  l'épaule 
gauche  du  premier  personnage  et  indique  de 
l'index  l'argent  qui  occupe  celui-ci  ;  de  la  main 
gauche,  posée  sur  la  table,  il  tient  une  bourse 
vide  munie  de  sa  courroie  à  boucle.  Derrière,  sur 
un  rayon, se  trouvent  un  chandelier  dont  la  mèche 
fume  encore,  une  boîte  pleine  de  parchemins 
dont  les  sceaux  débordent,  et  une  petite  caisse  à 
trébuchet  à  moitié  ouverte  qui  porte  entre  deux 
empreintes  de  cachets  le  mot  CUELEN.  D'un 
clou  pendent  des  ciseaux  entr' ouverts.  Dans 
le  fond  à  gauche  une  porte  entrebaillée.  La  table 
est  couverte  d'un  tapis  vert  ;  à  droite  on  voit  un 
sablier  en  bois  de  buis,  une  écritoire  et  son  étui  à 
plumes  ;  à  gauche,  un  joyau  orné  d'un  grenat  et 
de  trois  perles,  posé  sur  un  morceau  de  soie  et  un 
saphir  sur  un  fragment  de  parchemin, ainsi  qu'une 
quantité  de  pièces  d'argent  et  d'or.  Sur  le  livre 
se  trouve     LE  ROY  DOICT  A 

MAISTRE  CORNEILLE 

DE   LA    CHAPELLE    SON 

PAINCTRE  SVR   LA 

GABELLE   DV    SEL 

LA    SOMME   DE 

DEVX   MILLE 

LIVR 
RE      LA 
ESTE 
E 
RE 
Sir  Charles  Eastlake,  avec  qui  j'ai  été  la  pre- 
mière   fois   examiner    ce   tableau,  l'attribuait    à 
Metsys,  de  même  que  celui  de  Windsor. 

\V.  H.  James  Weale. 


J2C5  icônes  tusses. 


'ART  tient  dans  la  vie  contemporaine, 
dans  nos  pensées,  dans  nos  travaux, 
nos  plaisirs,  une  place  souveraine.  Les 
journaux  ne  tarissent  pas  de  ses  mani- 
festations innombrables;  les  tableaux  s'entassent 
dans  les  expositions,  les  statues  pullulent  sur  la 
voie  publique,  les  illustrations  couvrent  les  pages 
des  livres.  A  quoi  bon  cette  dépense  prodigieuse 
d'efforts  talentueux  ?  A  la  gloriole  ou  au  profit 
lucratif  des  artistes  et  à  la  distraction  du  public, 
bien  plus  qu'au  bonheur  et  à  l'amélioration  de  la 
société.  Peut-on  se  dissimuler,  que  l'action  bien- 
faisante de  l'art  honnête  est  écrasée  sous  la 
prédominance  de  l'art  dépravé  ? 

Que  faisons-nous,  devant  cette  calamiteuse 
situation,  nous  les  amis  du  bel  idéal  et  des 
mœurs  pures,  les  partisans  de  la  foi  et  du  progrès 
chrétien  ?  Que  tentons-nous  pour  mettre  à  profit 
les  immenses  ressources  que, nous  aussi.nous  pour- 
rions tirer  de  l'art  dirigé  vers  ce  but  noble  et  légi- 
time, vers  des  applications  salutaires  et  fécondes? 

Rien  que  dans  le  domaine  si  pratique  de 
l'imagerie,  nous  avons  à  notre  disposition  une 
force  énorme.des  moyens  puissants  pour  l'instruc- 
tion du  peuple,  la  propagande  de  la  vérité,  et  la 
satisfaction  honnête  des  instincts  artistiques. 
Nous  négligeons  ce  moyen  d'une  manière  impar- 
donnable ;  nous  n'avons  encore  su  tirer  qu'un  parti 
dérisoire  de  l'imagerie  populaire.  Avec  la  puis- 
sance productive  sans  limite  de  l'imprimerie, 
avec  les  ressources  magiques  de  la  projection 
lumineuse, avec  les  moyens  illimités  de  la  vulgari- 
sation qui  sont  à  notre  portée,  nous  devrions 
avoir  fait  déjà  de  l'imagerie  populaire  chrétienne 
un  puissant  instrument  d'évangélisation. 

Le  moyen  âge  nous  a  fourni  des  modèles  par- 
faits: quelques  éditeurs  dignes  de  tous  éloges  en 
ont  conçu  les  types  modernes;  l'œuvre  de  l'ima- 
gerie est  virtuellement  créée,  mais  elle  ne  trouve 
qu'un  écho  misérable  chez  les  personnes  appelées 
par  leur  position  à  promouvoir,  à  soutenir,  à  en- 
courager de  pareilles  tentatives. 

Nous  devrions  rougir  de  notre  inaction,  quand 
nous  considérons  ce  qu'ont  fait  à  cet  égard  des 
nations  schismatiques,  et  notamment  le  peuple 
russe.    Quelle    est,    chez    ces    chrétiens     égarés, 


122 


îEcbuc  De  P&rt  chrétien. 


l'industrie  nationale  la  plus  importante  à  tous 
les  points  de  vue?  C'est  celle  des  icônes,  nous 
répond  M.  E.  de  Wassilieff  dans  un  récent  article 
de  la  Revue  des  Arts  décoratifs  {f). 

Un  des  grands  moyens  de  conquête  des 
Russes,  ce  sont  ces  icônes,  qu'ils  expédient 
souvent  par  dizaines  de  mille  exemplaires.  «  La 
bonne  parole  est  le  grain  semé,et  l'icône  conservée 
est  là  pour  faire  germer  la  moisson  en  renouve- 
lant toujours  le  souvenir.  »  Les  images  sont  des 
objets  religieux  dont  aucun  Russe  ne  saurait  se 
passer;  on  leur  donne  une  utilité  morale  plus 
grande,  en  les  rendant  décoratives  au  degré 
suprême. 

Les  icônes  russes  sont  de  divers  styles,  savoir: 
i°  celles  de  style  byzantin,  2°  celles  du  style  de 
Novgorod  (XI  IIe  siècle)  plus  adoucies  de  couleur, 
plus  austères  et  plus  vivantes,  30  celles  du  style 
Stroganoff  (XVIe  siècle),  d'un  genre  plus  léger, 
40  celles  du  style  Friatakoff,  intermédiaire  entre 
l'iconographie  stylisée  et  la  peinture  incolore. 

Toutes  sont  l'objet  d'une  vaste  fabrication  in- 
dustrielle, à  laquelle  l'imagerie  française  ne  peut 
être  aucunement  comparée,  même  de  très  loin.  Il 
en  existe  environ  vingt-cinq  grandes  fabriques;  les 
plus  importantes  sont  celles  de  Postnikof  et  Dika- 
ref  à  Moscou  (icônes  anciennes),  de  Zabounof,  à 
Moscou;  de  Mordwinkine,  à  Saratof;  de  Valanof 
(prov.  de  Wladimirsk);  de  Chichkine  (prov.  de 
Tver);  d'Oudalof,  à  St-Pétersbourg  ;  d'Alekseiét 
et  Siline  à  Moscou. 

Cette  puissante  imagerie  russe,  M.  le  chanoine 
Didiot  l'a  fait  connaître  a  nos  lecteurs  dans  sa  ma- 
nifestation populaire,  c'est-à-dire  dans  la  vignette 
imprimée  sur  papier  (2).Son  article,  fort  remarqué, 
a  provoqué  des  observations  très  intéressantes, 
et  ses  études  ont  mis  au  jour  des  rapprochements 
aussi  curieux  qu'inattendus  entre  l'iconographie 
slave  et  l'iconographie  française.  Notre  docte 
collaborateur  avait  été  frappé  de  l'absence  de 
tout  saint  latin,  même  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul,  dans  la  copieuse  collection  de  l'imagerie 
russe  qu'il  avait  réunie  et  qu'il  nous  a  si  bien 
décrite.  Quelle  n'a  pas  été  cependant  sa  surprise, 
d'y  découvrir  un  saint  Julien,  évêque  de  Keno- 
mani.  Des  recherches  menées  avec  méthode  l'ont 

1.  Revue  de  Part  décoratif,  n°  1 1,  1898. 

2.  Revue  de  tari  chrétien,  année  1898,  p.  294. 


amené  à  établir  d'une  manière  rigoureuse  l'iden- 
tité du  saint  russe  avec  saint  Julien,  évêque  du 
Mans;  la  nouvelle  en  a  paru  dans  nos  colonnes, 
mais  ce  rapprochement  d'un  intérêt  piquant  a 
été  l'objet,  de  la  part  du  Doyen  de  la  Faculté 
de  théologie  de  Lille,  d'une  nouvelle  étude  parue 
dans  la  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine, 
étude  que  nous  signalons  tout  spécialement  aux 
personnes  qui  cultivent  l'iconographie. 

Comment  le  culte  de  saint  Julien  a-t-il  passé 
d'Occident  en  Orient  ?  —  Des  relations  sont  con- 
statées dès  le  IXe  siècle  entre  le  Mans  et  Pader- 
born.  En  959,  Olga,  régente  de  Kiew,  baptisée  à 
Constantinople  sous  le  nom  d'Hélène,  obtint  de 
l'empereur  Othon  Ier  des  missionnaires  latins,  qui 
ont  pu  appartenir  à  l'église  de  Paderborn,  et  Olga 
a  bien  pu  réclamer  dans  la  rédaction  des  offices 
liturgiques  une  place  pour  saint  Julien,  honoré 
dans  cette  ville.  Telle  est  l'hypothèse  de  M.  le 
chan.  Didiot.  L.  C. 


Ua  ligne  Droite  et  la  ligne  courbe. 

M.  H.  Mayeux  prend  dans  Y  Architecture 
(mars  1899)  la  défense  de  la  ligne  droite  architec- 
turale qu'on  paraît,  surtout  en  Belgique,  vouloir 
sacrifier  à  la  ligne  courbe, sous  prétexte  d'art  nou- 
veau . 

La  ligne  droite  a  régné  en  maîtresse  dans  le 
passé.  Elle  régit  les  pylônes, les  terrasses,  les  plate- 
bandes  de  l'Egypte;  elle  domine  le  cintre  dans  les 
murs  d'aplomb  et  crénelés  de  l'Assyrie,  et  reprend 
tous  ses  droits  dans  les  colonnades  persépoli- 
taines.  L'art  dépravé  de  l'Inde  lui-même  lui 
reste  soumis.  En  Grèce,  la  ligne  s'assouplit,  mais 
la  ligne  droite  régit  les  grandes  moulures,  et,  dans 
le  décor,  elle  va  jusqu'à  briser  les  postes,  et  à 
former  les  méandres  de  la  ligne  droite  fractionnée. 
Chez  les  Romains  la  droite  s'allie  a  la  courbe, 
mais  à  cette  courbe  sévère  et  logique,  qui  forme 
le  cintre  des  arcades  et  des  voûtes.  L'art  byzan- 
tin sacrifie  davantage  au  cercle  et  à  ses  dérivés, 
de  même  que  l'art  roman,  mais  uniquement  aussi 
en  faveur  de  ces  formes  organiques,  qui  régissent 
le  cintrage  des  voûtes.  Au  XIIIe  siècle  les  lignes 
verticales  filent  avec  élan,  et  la  courbe  repasse  au 
second  plan.  Ce  n'est  qu'au  XVe  siècle,  époque  de 


décadence,  que  la  ligne  se  contourne  en  double 
courbure,  en  accolades,  en  flammes,  en  sinuosités. 
La  Renaissance  produit  une  réaction  en  faveur 
de  la  ligne  droite.  C'est  quand  on  tombe  au 
XVIIIe  siècle,  époque  de  la  décadence  consom- 
mée, que  la  ligne  courbe  s'insinue  plus  avant 
dans  l'art,  rongeant  partout  la  ligne  droite... 
Dans  le  style  rocaille  la  courbe  et  la  contrecourbe 
finissent  par  tout  envahir,  surtout  dans  le  mobi- 
lier et  dans  la  décoration  intérieure.  Enfin,  sous 
Louis  XVI,  la  ligne  courbe,  fourbue,  abandonne 
de  nouveau  le  courant  à  la  ligne  droite,  qui 
triomphe  sous  l'Empire. 

Aussi  pouvons-nous  considérer  comme  une 
mode  décadente,  cet  engouement  actuel  pour  les 
tracés  en  serpentin,  en  coup  de  fouet,  en  paraphe, 
qu'avec  une  affectation  obsédante,  plusieurs  archi- 
tectes et  décorateurs  introduisent  non  seulement 
dans  l'ornement,  mais  encore  dans  la  structure 
des  édifices  et  du  mobilier,  et  le  plus  souvent 
en  dépit  de  la  technique  et  de  la  nature  des 
matériaux. 

«  C'est  du  Nord,  cette  fois,  dit  M.  Mayeux,  que 
nous  vient  la  lumière...;  tout  ce  qui  ne  provient 
pas  de  cette  source  est  qualifié  «  vieux  jeux  »  : 
c'était  fatal.  Aussi  la  règle  et  l'équerre  sont-elles 


devenues  des  gêneuses  d'inspiration  ;  on  ne  trace 
plus  que  des  courbes,  encore  des  courbes,  et  tou- 
jours des  courbes,  comme  cela,  sans  compas,  au 
hasard  de  la  main  :  c'est  bien  plus  artiste.  » 

Dès  lors  surgissent  ces  architectures  inver- 
tébrées dont  la  pierre  se  plisse  comme  une  peau 
molle,  où  les  linteaux  de  fer  se  tordent  à  contre- 
sens, tandis  que  les  bois  se  courbent,  de  parti 
pris,  à  contrefil.  Puis  on  y  applique,  comme  adju- 
vant, la  décoration  à  coup  de  fouet,  projetant 
partout  des  lanières  entrecroisées  en  parafes,  en 
serpentin,  aux  extrémités  crochues,  afin  de  mieux 
cingler. 

Si  la  pauvre  ligne  droite  se  montre  encore 
dans  quelque  coin,  elle  n'a  qu'à  bien  se  tenir... 
sinon  !... 

Rassurons-la  ;  sa  situation  n'est  pas  encore 
très  inquiétante.  La  trop  longue  nomenclature 
de  tout  à  l'heure  a  suffisamment  démontré  que 
l'œil  se  fatigue  vite  de  la  monotonie,  quelque  soit 
sa  provenance.  La  ligne  courbe  est  en  train  de 
lasser  le  public;  nous  n'avons  qu'à  attendre. 

Il  est   bon   toutefois    que    nous    témoignions 

publiquement  de  l'intérêt  à  celle  qui  fait  l'objet 

du  présent  plaidoyer. 

L  C. 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  2me  LIVRAISON. 


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Italie. 


Flore  nrf  :  Drcoutomes  De  fresques  à  .Santa  Croce.  — 
EijSe:  musée  cibique.  —  Bomc  :  musée  orcoorten.  — 
Cflmafore  :  Tapisserie. 

'ÉGLISE  Santa  Croce  de  Florence, 
commencée  à  la  fin  du  XIIIe  siècle  et 
consacrée  en  1442,  est  l'une  des  plus 
!'  connues  de  l'Italie. 

Les  Franciscains,  ses  fondateurs,  la  Seigneurie 
de  la  République,  les  familles  patriciennes 
concessionnaires  des  chapelles  mirent  à  contri- 
bution, pour  la  décorer,  les  plus  grands  artistes  : 
Giotto,  Taddeo  et  Agnolo  Gaddi,  Andréa  da 
Castagno,  Giottino,  Gerini  comme  peintres  ; 
Ghiberti,  Desidero  da  Settignano,  Rossellino, 
Benedetto  da  Maiano,  Donatello,  Verrochio 
comme  sculpteurs,  pour  ne  citer  que  le  XIVe 
et  le  XVe  siècle. 

L'aspect  du  temple  était  admirable  :  les  mu- 
railles étaient  peintes  à  fresques  ;  des  tombeaux 
étaient  adossés  aux  parois  ;  le  sol  était  couvert 
de  pierres  tumulaires  à  figures  ;  aux  piliers 
étaient  attachés  des  trophées  de  batailles  et  les 
blasons  des  citoyens  ayant  honoré  la  République; 
aux  poutres  du  faitage  flottaient  des  étendarts 
et  des  draperies  ;  de  grandes  Crucifixions  en 
forme  de  croix  étaient  suspendues  dans  l'espace; 
aux  sommets  des  voûtes,  le  Lis  de  la  Commune 
et  la  Croix  rouge  du  Peuple. 

Santa  Croce,  basilique  chrétienne  et  panthéon 
républicain,  était  bien  le  temple  d'un  peuple  ar- 
tiste dont  les  sentiments  patriotiques  étaient 
inséparables  des  sentiments  religieux. 

Per  disgracia,  car  ce  fut  un  malheur,  Vasari 
fut  chargé,  en  1560,  par  le  grand  duc  Cosme  Ier, 
de  modifier  l'intérieur  de  l'édifice  ;  il  fit  acte  de 
courtisan  comme  architecte  du  prince,  et  de 
vandale  comme  artiste. 

Les  étendards,  les  trophées,  les  écussons  de 
famille  furent  arrachés  ;  ils  rappelaient  trop  la 
République. 

Pour  faire  place  à  des  autels  de  son  invention, 
Vasari,  comme   ensuite  à  Santa  Maria    Novella, 


supprima  presque  tous  les  tombeaux  (')  et  les 
fresques  de  la  nef. 

Si  les  peintures  de  Giotto  des  chapelles  Peruzzi 
et  Bardi,  les  fresques  que  Taddeo  Gaddi  fit,  de 
1332  à  1338,  dans  la  chapelle  Baroncelli  et  quel- 
ques autres  ont  été  respectées  au  XVIe  siècle, 
c'est  vraisemblablement  parce  que  les  chapelles 
étaient  patronnées. 

Mais  plus  tard,  le  funeste  exemple  donné  par 
Vasari  fut  suivi  même  dans  des  chapelles  à  pa- 
tronat. En  17 14,  les  fresques  de  Giotto  furent 
badigeonnées  d'un  lait  de  chaux,  et  dans  notre 
siècle,  d'autres  peintures  ont  été  recouvertes 
d'enduit  pour  former  les  fonds  des  monuments 
funèbres  consacrés  à  des  personnes  nullement 
qualifiées  pour  reposera  Santa  Croce. 

Mais  une  réaction  salutaire  se  manifeste,  très 
heureusement;  vers  1840,  on  commence  à  remettre 
au  jour  les  fresques  de  Giotto,  et  le  travail  con- 
tinue dans  d'autres  parties  de  l'édifice  ;  seule- 
ment, en  principe,  on  ne  restaure  plus;  on  se  con- 
tente de  nettoyer,  ce  qui  est  beaucoup  plus  sage 
et  plus  prudent.  Quelques  travaux  restent  inache- 
vés faute  d'argent  :  de  cette  façon  les  fragments 
découverts  jouent  en  quelque  sorte  le  rôle  de  té- 
moins. Dans  bien  d'autres  églises  de  la  Toscane, 
j'ai  vu,  sur  de  grandes  parois  badigeonnées, 
quelques  mètres  seulement  débarrassés,  parce 
que,  pour  le  moment,  on  n'a  pu  faire  plus  ;  ce 
sont  de  bonnes  précautions  pour  empêcher  des 
dégradations  et  attirer  l'attention  sur  ce  qui 
reste  à  faire. 

L'Office  des  monuments  nationaux  de  la  Tos- 
cane a  entrepris, depuis  quelques  mois,  divers  tra- 
vaux dans  Santa  Croce  et  ses  dépendances  ;  on 
répare  la  chapelle  des  Pazzi  (2),  insigne  monu- 
ment conçu  par  Brunellesco  et  décoré  par  Luca 

1.  On  sait  que  des  anciens  tombeaux  du  XVe  siècle  qui 
étaient  dans  la  nef,  il  n'en  reste  que  deux  :  celui  de 
Leonardi  Bruni,  mort  en  1444,  historien  et  secrétaire  de 
la  République,  par  Gamberelli  dit  Rossellino,  et  celui 
de  Marzuppini,  successeur  de  Bruni,  par  Desidero  da 
Settignano.  Ce  sont  des  types  accomplis  de  monuments 
funèbres  du  temps. 

2.  On  sait  que  cette  chapelle  est  placée  en  dehors,  dans 
l'ancien  cimetière  Sud. 


Correaponîiance. 


125 


délia  Robbia,  Desidero  da  Settignano  et  Dona- 
tello  ;  on  a  replacé  des  écussons  de  famille  et 
quelques  tombeaux  sous  les  portiques  extérieurs 
de  l'église. 

Il  entrait  dans  le  programme  des  travaux  de 
sonder  toutes  les  parois  des  nefs  et  des  transepts 
non  occupées  par  des  monuments  funèbres 
qui,  par  Vasari  et  depuis,  ont  été  recouvertes  ; 
le  sondage  ayant  pour  but  de  s'assurer  de  l'exis- 
tence des  fresques  ou  de  leur  absence. 

Voici  les  résultats  de  l'opération  faite  en  dé- 
cembre dernier. 

Sauf  autour  du  monument  de  Galilée,  dans  la 
nef  de  gauche  et  sur  quelques  parties  de  la  nef 
de  droite,  on  n'a  trouvé  sous  les  couches  de  ci- 
ment et  de  chaux  que  le  mur  nu  et,  par  endroits, 
quelques  taches  de  couleur.  Toute  la  décoration 
avait  été  grattée  ! 

Dans  la  nef  de  droite  les  peintures  découvertes 
sont  peu  de  chose  ;  dans  la  nef  de  gauche  elles 
ont  de  l'importance. 

Les  habiles  opérateurs  chargés  d'enlever  les 
enduits  ont  eu  une  besogne  très  délicate  ;  je 
les  ai  vus  à  l'œuvre. 

Dans  quelques  endroits  les  peintures  étaient 
recouvertes  d'une  pellicule  de  chaux  de  moins 
d'un  millimètre  d'épaisseur  ;  plus  loin  cette  pre- 
mière couche  avait,  après  siccité,  été  recouverte 
d'autres  pellicules  plus  fortes  ;  ailleurs  on  s'est 
trouvé  en  présence  découches  de  mortier  grume- 
leux de  cinq  à  douze  millimètres  d'épaisseur  ; 
tous  ces  enduits  ont  été  enlevés  par  petites  par- 
celles. 

Comme  toujours  en  pareil  cas,  il  restait  sur  la 
peinture  des  traces  de  chaux  tellement  minces, 
qu'on  n'osa  plus  employer  d'outils,  de  crainte 
d'entamer  la  couleur  ;  il  fallait  cependant  faire 
disparaître  cette  sorte  d'estompage  laiteux. 

J'ai  indiqué  déjà  comment  l'on  procède  en  de 
semblables  circonstances  (I).  Si  la  peinture  est 
entièrement  à  buon  fresco,  il  suffit  d'un  lavage  à 
l'eau  légèrement  vinaigrée,  mais  à  Santa  Croce 
avec  le  buon  fresco  il  y  a  de  la  tempera  :  le  fond 
bleu  d'outre-mer  d'abord,  puis  le  noir,  et  quelques 
rouges  et  verts,  tous  solubles  à  l'eau;  le  lavage 
étant,  par  suite,  interdit,  on  a  procédé  à  l'enlè- 
vement des  traces  de  chaux  au  moyen  de  bou- 

1.  Revue  de  l'Art  chrétien,  mai  1898. 


lettes  de  mie  de  pain.  Cette  opération  s'est  faite 
assez  facilement,  les  fresques  n'ayant  été  al- 
térées ni  par  le  chanci  ni  par  la  fumée  des 
cierges  et  de  l'encens. 

Les  fresques  mises  au  jour  ne  présentant  pas 
un  ensemble  complet,  elles  sont  interrompues 
par  les  autels  et  le  monument  de  Galilée  ;  la  dé- 
coration est  divisée  en  compartiments  limités 
par  des  bordures. 

Les  personnages  sont  plus  grands  que  nature; 
mais  pas  tous  complets,  ils  représentent  : 

Le  Christ  en  croix  avec  les  anges  recueillant 
le  sang  divin,  sainte  Marie-Madeleine  embras- 
sant l'instrument  du  supplice  et  quelques  sol- 
dats. 

Le  Bon  larron. 

L' Ascension. 

Noli  me  tangere. 

Plus  loin,  au  delà  d'un  autel,  on  voit  dans  le 
compartiment  du  haut  les  saints  Jean  Évangé- 
liste,  François  et  Antoine. 

Aucun  document  écrit  ne  fournit  de  rensei- 
gnements sur  les  auteurs  de  ces  peintures  ;  à 
première  vue  on  sent  qu'elles  sont  de  deux  mains 
différentes. 

Vasari  nous  apprend  que  Taddeo  Gaddi(i300- 
1366)  a  travaillé  à  Santa  Croce  dans  la  chapelle 
du  Saint-Sacrement  et  dans  la  chapelle  Baron- 
CL-lli,  mais  il  ne  parle  pas  des  fresques  de  la  nef; 
la  comparaison  étant  facile,  je  me  suis  convaincu 
que  les  faits  se  rapportant  au  Rédempteur  étaient 
de  Taddeo.  Vasari  ajoute  que  Taddeo  était  le 
meilleur  disciple  de  Giotto.qu'il  a  constamment 
suivi  la  manière  de  son  maître  sans  l'améliorer, 
tout  en  donnant  aux  colorations  plus  de  fraî- 
cheur et  de  vivacité. 

Il  est  bien  rare  qu'un  peintre  de  génie  ait  fait 
des  élèves  qui  soient  devenus  des  artistes  de  gé- 
nie;Taddeo  a  du  sentiment  et  une  grande  facilité, 
mais  il  s'exprime  sans  beaucoup  de  distinction  ; 
on  ne  sent  pas  chez  lui  le  souffle  puissant  de 
son  maître.  Les  fresques  de  la  nef  sont  de  bons 
ouvrages,  semblables  à  la  Vie  de  la  Vierge  de  la 
chapelle  Baroncelli  ;  les  draperies  sont  souples 
et  sans  violence  de  tons  ;  les  figures  n'ont  rien 
de  cette  raideur  et  de  cet  ascétisme  qu'on  s'ob- 
stine à  trouver  dans  les  trécentistes  et  les  quat- 
trocentistes. 


I2Ô 


3Rc\nte  De  P&rt  chrétien. 


N'est-il  pas  singulier  d'avoir  à  constater  la 
persistance  des  formules  de  convention  ? 

Je  ne  sais  quel  est  le  critique  qui,  le  premier, 
a  déclaré  que  les  figures  des  peintres  toscans, 
jusque  et  y  compris  D.  Ghirlandaio,  étaient 
émacices  ;  je  crois  que  cet  écrivain  a  tout  jugé 
d'après  les  deux  types  exceptionnels  de  saint 
Jean  et  de  sainte  Marie-Madeleine  dans  le  dé- 
sert. Il  suffit  cependant  de  regarder  pour  se  con- 
vaincre que  ces  peintres  ont  souvent  donné  à 
leurs  figures  plus  d'ampleur  qu'il  ne  convient  ; 
c'est  même  le  cas  du  suave  Angelico  pour  cer- 
taines de  ses  madones.  Mais  les  formules  ont  la 
vie  dure,  et  il  est  si  commode  d'en  user  ! 

Les  trois  saints  Antoine,  François  et  Jean 
Évangéliste  sont,  comme  facture,  d'un  siècle  au 
bas  mot  moins  anciens  que  les  fresques  deTaddeo, 
ils  sont  plus  doux,  plus  fondus  et  surtout  très 
bien  mis  dans  leur  lumière  ;  je  ne  sais  à  qui  on 
peut  les  attribuer,  aucune  des  peintures  de  San- 
ta Croce  ni  même  de  Florence  ne  permettant 
de  comparaison. 

La  récente  découverte  serait  un  événement 
hors  de  l'Italie  ;  ici,  en  Toscane  surtout,  elle  n'a 
rien  d'extraordinaire,  et  l'avenir  nous  réserve  de 
plus  importantes  surprises  ;  mais  elle  confirme 
qu'à  Santa  Croce  les  nefs  latérales  étaient  cou- 
vertes de  peintures,  du  sol  jusqu'à  la  naissance 
des  arcs. 

Elle  confirme  aussi  que  Vasari,  qui  dans  ses 
écrits  a  dit  tant  de  bien  des  vieux  peintres  tos- 
cans,notamment  deTaddeo  Gaddi.s'est  empressé 
de  détruire  leurs  œuvres  dès  qu'il  en  a  eu  la 
puissance  ! 

Pise.  —  Le  musée  civique  a  reçu  un  tableau  a 
tempera  de  Jean  Pierre  de  Naples  fort  peu  connu  ; 
ce  peintre  a  travaillé  à  Pise,  au  commencement 
du  XVe  siècle,  avec  Martino  di  Bartolommeo 
Bolgarini.  C'est  encore  un  nom  pour  le  futur 
dictionnaire  des  peintres. 

Le  tableau  représente  jÉSUS-CHRISTen  croix, 
la  Madone,  saint  Jean, saint  François  et  plusieurs 
personnes  de  petites  dimensions,  à  genoux.  Sur 
la  partie  inférieure  on  lit  l'inscription  suivante  : 
Facta  fuit  tempore  sororis  Clare priorisse  istuts 
monasterii anni  Domini  MCCCCV.  —  Fieri fecit 
Stefanus  Lapi  Domini  Lapi  roghate  Deum  pro  co 
—  folies  Pétri  du  Napoli  pinsit. 


La  peinture  provient  du  couvent  de  Saint-Do- 
minique ;  elle  est  dans  un  état  de  conservation 
discreto,  dans  le  style  du  temps,  médiocre  de 
qualité,  mais  intéressante  à  cause  de  sa  rareté. 

Rome.  —  S.  S.  le  Pape  Léon  XIII  a  fait  l'ac- 
quisition de  la  collection  Falcioni,  au  prix  de 
60,000  livres,  payables  en  neuf  années. 

La  collection  se  compose  d'objets  en  or, bronze, 
terre-cuite  etc.  d'origine  étrusque  ;  pour  l'art  et 
l'histoire,  elle  est  d'un  très  grand  intérêt.  Elle 
sera  déposée  dans  le  musée  Grégorien  du  Vati- 
can, consacré  à  l'art  étrusque,  et  classée  par 
M.  Orazio  Marucchi,  conservateur. 

Camaiore  (Toscane).  —  La  congrégation  du 
Saint-Sacrement  de  cette  petite  localité  possède 
une  importante  tapisserie  représentant  la  Sainte 
Cène.  La  tenture  n'ayant  pas  été  reproduite 
encore,  nous  en  donnons  la  reproduction. 

La  composition  se  distingue  par  l'adjonction 
au  sujet  principal  du  Baiser  de  Judas  et  du  Lave- 
ment des  pieds;  l'ouvrage  est  daté  de  1516, je 
le  crois  d'origine  allemande. 

Cette  tapisserie,  conservée  dans  une  bourgade 
obscure,  est  un  nouveau  témoignage  de  l'action 
des  associations  chrétiennes  sur  le  développe- 
ment des  arts. 

Si  la  tenture  de  Camaiore  vient  à  être  connue, 
elle  excitera  sans  doute  les  convoitises  ;  mais  les 
offres  les  plus  séduisantes  pour  une  humble  con- 
grégation seront  inutiles. 

La  loi  interdit  formellement  aux  œuvres 
pies  et  autres  entités  morales,  la  vente  de  leurs 
œuvres  d'art  ;  l'État  et  les  communes  peuvent 
seuls  s'en  rendre  acquéreurs,  mais  alors  les  objets 
sont  immobilisés  entre  les  mains  de  leurs  nou- 
veaux propriétaires. 

Gerspach. 


Home. 


Ht  Collée  et  U$  mattpri.  

EL  est  le  titre  d'une   très  intéressante 
dissertation  lue  au  commencement  de 
février  par  Mgr  J.  B.  Lugari,  promo- 
teur de  la  foi,  à  l'Académie  pontificale 
d'archéologie. 

Pour  en  connaître  l'origine,  il  faut  se  rapporter 
à   une    note   qui   avait    paru    dans   les  Analecta 


Correspondance. 


127 


Bollandiana  ("Torn.  XVI,  pag.  226).  i  L'amphi- 
théâtre était  plus  spécialement  affecté  aux  chasses 
et  aux  combats  de  fauves.  Il  semble,  dès  lors, 
assez  probable  que  les  chrétiens  condamnés  aux 
bétes  aient  été  martyrisés  là  plutôt  qu'ailleurs. 
Pourtant,  en  dehors  d'un  témoignage  formel,  il 
n'est  pas  permis  de  l'affirmer.  Il  y  avait  à  Rome 
au  moins  deux  amphithéâtres,  il  y  avait  des  cir- 
ques où  l'on  organisait  également  des  combats, 
et  pendant  plusieurs  années  le  stade  remplaça 
l'amphithéâtre  en  restauration...  Il  faut  donc  une 
attestation  positive  pour  localiser  dans  l'amphi- 
théâtre les  supplices  des  martyrs  qui  ont  servi 
aux  amusements  de  la  foule.  » 

Mise  même  sous  cette  forme  adoucie,  l'affirma- 
tion est  fausse  et  ne  s'accorde  pas  avec  l'ancienne 
tradition  chrétienne,  consignée  plus  tard  par 
Clément  X  sur  les  murs  mêmes  du  Colisée.  Mais 
d'autres  sont  venus  renchérir  sur  cette  opinion,  et 
ont  prétendu  que  le  Colisée  n'avait  servi  quV.r- 
traordinairetnent  au  supplice  des  martyrs.  C'est 
contre  les  uns  et  les  autres  que  Mgr  Lugari, 
jaloux  défenseur  des  traditions  romaines  qui 
n'ont  pas  encore  été  trouvées  en  contradiction 
avec  les  saines  données  de  l'histoire,  a  fait  son 
discours.  Nous  allons  en  résumer  les  points  prin- 
cipaux, intervertissant  parfois  l'ordre  des  ma- 
tières et  des  preuves,  pour  en  faire  un  tout  qui 
rentre  mieux  dans  le  cadre  de  l'excellente  Revue 
de  l'Art  chrétien. 

I. —  Où  se  donnaient  les  combats  de  gladia- 
teurs et  les  chasses  de  bêtes  fauves? 


Ces  deux  sortes  de  spectacles  étaient  unies 
chez  les  Romains,  et  on  passait  indifféremment 
dans  le  même  endroit  de  l'un  à  l'autre.  Mais  les 
conditions  de  sécurité  de  la  foule  devaient  être 
telles  que  celle-ci  fût  toujours  hors  de  portée  de 
la  griffe  des  lions  ou  des  bonds  d'un  tigre.  Le 
local  où  se  donnaient  des  spectacles  devait  donc 
offrir  une  protection  suffisante,  qui  n'était  pas  de- 
mandée pour  les  jeux  du  cirque.Celui-ci  d'ailleurs 
offrait  un  double  défaut. 

Il  ne  protégeait  pas  les  spectateurs  assis  sur 
des  gradins  qui  descendaient  presque  jusqu'à 
l'arène.  Aussi  Jules-César,  voulant  donner  des 
combats  dans  un  cirque,  fut  obligé  de  faire  creuser 
un  grand  fossé  rempli  d'eau  pour  arrêter  l'élan 


des  bétes  fauves.  De  plus  la  spina  du  cirque  était 
remplie  de  metœ,  d'obélisques  et  autres  orne- 
ments d'architecture  qui  auraient  empêché  les 
spectateurs  de  voir  commodément  le  spectacle. 

On  donnait  ces  luttes  le  plus  souvent  dans  des 
enceintes  provisoires  en  bois.  Auguste  conçut  le 
projet  d'édifier  au  milieu  de  la  ville  une  construc- 
tion qui  servît  précisément  à  ce  but,  et  Statilius 
Taurus,  consul,  sûr  de  la  pensée  du  maitre,  édifia 
en  pierre  le  premier  amphithéâtre  au  Campo 
Marzo. 

Vespasien  construisit  plus  tard  l'édifice  que 
nous  appelons  le  Colisée  et  qui  alors,  à  cause  de 
sa  masse  imposante,  des  80,000  spectateurs  qu'il 
pouvait  contenir,  fut  appelé  simplement  l'amphi- 
théâtre. Déjà  à  cette  époque,  la  construction  de 
Statilius  Taurus,  détruite  par  un  incendie,  n'était 
plus  qu'une  ruine. 

Titus  fit  la  dédicace  solennelle  du  Colisée 
par  des  fêtes  qui  durèrent  cent  jours  et  où  l'on  tua 
9,000  bêtes  féroces,d'après  Dion  Liv.  XVI,  c.  25), 
5,000  d'après  Suétone  'in  Tit.,  ci.  Trajan  fit 
faire  les  substructions  de  l'arène,  et  Adrien  y 
donna  à  son  tour  des  fêtes  splendides.  En  un  jour 
on  y  tua  cent  lions  et  cent  lionnes  ;  en  six  jours, 
mille  fauves,  et  il  serait  trop  long  de  donner, 
d'après  les  auteurs  de  l'époque,  la  longue  liste  des 
cruels  spectacles  donnés  dans  cet  amphithéâtre. 
On  peut  dire  qu'il  fut  le  seul  en  activité  pendant 
l'ère  des  persécutions,  sauf  quelques  intervalles 
qui  obligèrent  à  les  transporter  ailleurs. 

C'est  ainsi  que  sous  le  règne  de  Macrin,  à  la 
suite  d'un  incendie,  le  Colisée  fut  fermé  pour  y 
faire  les  réparations  indispensables.  Héliogabale 
les  commença.  Alexandre-Sévère  les  acheva  et 
rit  une  solennelle  inauguration  de  l'édifice  Dar 
des  jeux  dont  parlent  tous  les  auteurs  Ainsi 
donc   l'amphithéâtre  était    le    lieu    desl  lux 

combats  des  gladiateurs  et  aux  :  s,  et  ce 

ne  fut  qu'extraordinairement.  et  seulement  en 
suite  de  circonstances  spéciales,  qu'on  les  donna 
autre  part. 

II.  —  Combien  y  avait-il  d'amphithéâtres 
à  Rome? 

Il  y  en  avait  trois.  Celui  de  Statilius  Taurus, 
le  premier  par  ordre  de  date;  celui  de  Vespasien. 
qui  effaça  complètement  la  renommée  du  pre- 
mier ;  et  \' amphilJuatrum  C 


128 


3Rebue  lie  l'&rt  cfjrétten. 


Or  le  premier  était  peu  usité,  car,  construit 
par  un  particulier,  il  était  forcément  petit.  La 
preuve  en  est  que,  lorsque  les  empereurs  romains 
voulaient  donner  de  grandes  fêtes  au  peuple 
(pour  la  préture  de  Drusus,  l'anniversaire  d'Au- 
guste, la  mort  d'Agrippa,  etc.),  ils  les  donnèrent 
dans  des  enceintes  provisoires  formées  par  des 
palissades,  ou  dans  quelques  cirques  que  l'on 
arrangeait  pour  cette  circonstance  ;  mais  ils  ne  se 
servirent  pas  de  cet  amphithéâtre. 

Caligula  voulut  y  donner  des  fêtes,  qui  ne 
répondirent  pas  à  son  attente,  cet  amphithéâtre 
étant  trop  petit,  et  pour  les  grandes  réjouissances 
de  l'an  38  de  notre  ère,  il  fit  construire  une  en- 
ceinte en  bois. 

Néron  fit  dresser  au  Campo  Marzo  même,  c'est- 
à-dire  près  de  l'amphithéâtre  de  Taurus,  une 
enceinte  en  bois  pour  y  donner  des  jeux,  et  la 
quatrième  année  du  règne  de  ce  prince,  l'amphi- 
théâtre de  Taurus  fut  brûlé  (Dion  Cassius).Quand 
on  construisit  le  Colisée,  on  ne  pensa  aucune- 
ment à  réparer  le  précédent,  la  masse  imposante 
de  l'amphithéâtre  Flavien  l'aurait  rendu  presque 
ridicule  ;  on  ne  met  pas  un  pygmée  à  côté  d'un 
géant.  Cet  amphithéâtre  fut  parfaitement  oublié, 
les  auteurs  postérieurs  à  son  incendie  n'en  parlent 
pas,  bien  qu'au  IVe  siècle  on  en  vît  encore  des 
restes  considérables  ;  et  d'après  Cassiodore,  il 
était,  sous  le  règne  de  Théodoric,  devenu  une 
propriété  privée. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  magnifique  con- 
struction de  Vespasien.  Les  Romains  la  tenaient 
en  si  grande  estime,  que  nommer  l'amphithéâtre 
indiquait,  sans  ajouter  autre  chose,  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  le  Colisée.  Je  citerai  seule- 
ment en  confirmatur  ce  texte  de  Lampridius  à 
propos  d'Héliogabale.  «  Atnphitheatrum  ab  eo 
instauratum  post  exustionem.  »  Vopiscus  dit  de 
même:  «  Addidit  in  alia  die  in  amphitheatro  in 
uria  missione  centum  jubatos  leoues,  etc.  »  Maffei, 
dans  son  livre  premier  de  la  Verona  illustrata, 
rassemble  en  quelques  lignes  la  tradition  sur 
ce  point.  «  La  manière  constante  de  s'exprimer 
chez  les  écrivains  chrétiens  et  païens  fait  assez 
connaître  qu'il  n'y  avait  qu'un  seul  amphithéâtre 
qui  servit  et  porta  ce  nom.  Et  en  effet,  on  ne  le 
distingue  pas  d'autres  par  un  nom  surajouté,  mais 
on  dit  —  on  restaura  l'amphithéâtre  ;  —  il  fut 
conduit  dans  l'amphithéâtre,  —  on  donna   des 


jeux  dans  l'amphithéâtre  —  et  par  ces  expres- 
sions on  entend  toujours  parler  de  celui  de  Titus, 
ce  qui  montre  qu'il  était  unique  >. 

On  objecte  cependant  la  présence  d'un  troi- 
sième amphithéâtre, dit  Castre use, et  dont  on  voit 
encore,  encastrés  dans  l'enceinte  aurélienne,  les 
restes  près  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem.  Il  serait, 
d'après  quelques  auteurs,  un  troisième  cirque  où 
l'on  aurait  pu  donner  des  combats  de  fauves  et 
où  auraient  pu  être   massacrés   des  chrétiens. 

Il  faut  bien  en  effet  délimiter  la  question.  Les 
Bollandistes,  et  ceux  qui  les  suivent,  ne  veulent 
certainement  pas  dire  que  les  chrétiens  n'ont  pas 
été  condamnés  aux  bêtes.  Une  pareille  assertion 
serait  tellement  contraire  à  toute  l'histoire  ecclé- 
siastique qu'on  ne  pourrait  la  soutenir  sans  une 
témérité  coupable.  Mais  la  discussion  s'agite 
uniquement  sur  une  controverse  locale.  Les  Ro- 
mains ont  toujours  dit:«  Ces  martyrs  ont  été  mis 
à  mort  dans  l'amphithéâtre  Flavien.  »  Non, 
répliquent  les  autres.  Ils  ont  pu  être  mis  à  mort 
dans  cet  amphithéâtre,  mais  aussi  dans  les  autres 
amphithéâtres  et  les  divers  cirques  de  Rome. 
L'amphithéâtre  Castrense  serait  un  de  ceux-là 
et  aurait  eu  la  gloire  de  voir  son  arène  empour- 
prée du  sang  des  martyrs. 

Or  les  anciens  se  taisent  presque  unanimement 
sur  cet  amphithéâtre.  Ses  dimensions  étaient 
peu  considérables,  et  ridicules  même  eu  égard  à 
la  population:  il  n'avait  que  neuf  rangées  de  gra- 
dins, était  fait  en  briques,  et  aurait  été  complè- 
tement détruit  si  Aurélien  n'en  avait  pas  inséré 
une  partie  dans  les  murs  de  son  enceinte.  Il  est 
aisé,  dit  Mgr  Lugari,  de  savoir  à  quoi  servait  cet 
amphithéâtre  Castrense.  Il  se  base  pour  cela  sur 
un  passage  de  Procope,  qui  dit  expressément 
exister  près  de  la  porte  de  Préneste  un  édifice 
fait  par  les  anciens  Romains  pour  garder  les  bétes 
qui  devaient  figurer  dans  les  jeux  de  l'amphi- 
théâtre, et  que  cet  endroit  s'appelait  vivarium, 
vivier,  servant  ainsi  comme  de  réserve  aux  bêtes 
fauves. 

Grâce  à  ces  indications,  il  est  parvenu  à  iden- 
tifier sûrement  le  vivarium  avec  V atnphitheatrum 
Castrense,  situé  près  de  la  porte  de  Palestrina. 

L'examen  des  constructions  montre  d'ailleurs 
la  réalité  de  cette  destination,  car  on  a  pu  retrou- 
ver les  cella  (espèces  de  cellules)  où  étaient  en- 
fermées les   bêtes   en   attendant   leur  entrée   à 


Correspondance, 


129 


l'amphithéâtre.  Le  nombre  de  cella  que  pouvait 
contenir  cet  amphithéâtre  était  de  160,  ce  qui 
suffisait  pour  les  spectacles  ordinaires. Quand  il  y 
avait  une  représentation  solennelle,  on  faisait 
venir  les  fauves  en  plus  grand  nombre  deux  ou 
trois  jours  avant  le  spectacle,  et  on  les  gardait 
dans  des  enceintes  provisoires  en  bois  jusqu'au 
moment  où  elles  devaient  paraître  devant  le 
public. 

Mais  cet  édifice  avait  encore  un  autre  but.  Le 
métier  de  gladiateur  était  de  ceux  qui  s'appren- 
nent; il  fallait,  pour  être  habile  dans  cette  partie, 
un  exercice  plus  ou  moins  considérable,  et  cette 
construction  formait  une  petite  enceinte,  image 
de  celle  du  Colisée  (il  avait  seulement  9  rangées 
de  gradins),  où  venaient  prendre  des  leçons  les 
gladiateurs  et  où  se  donnait,  si  on  peut  le  dire, 
la  répétition  des  drames  sanglants  qui  devaient 
se  dérouler  devant  les  empereurs  et  le  peuple 
romain. 

Le  nom  de  cet  amphithéâtre  indique  son 
propriétaire.  Très  usité  dans  l'antiquité,  cet  ad- 
jectif castrense  désigne  quelque  chose  qui  ap- 
partenait aux  prétoriens.  Il  y  avait  parmi  eux, 
ainsi  qu'on  le  relève  des  inscriptions,  une  classe 
qui  se  consacrait  à  ces  jeux  et  était  appelée  Ve- 
natores.  Ils  étaient  chargés  de  dresser  les  bêtes 
et  de  former  les  gladiateurs  à  leur  art.  C'est  à 
cela  que  servait  l'amphithéâtre  Castrense. 

L'amphithéâtre  Castrense  n'étant  donc  point 
fait  pour  donner  des  spectacles, mais  uniquement 
pour  les  préparer,  garder  les  bêtes,  exercer  les 
gladiateurs,  les  chrétiens  n'y  ont  pu  confesser 
leur  foi  et  seul,  le  sable  de  l'amphithéâtre  Flavien 
s'est  rougi  de  leur  sang.  On  ne  veut  pas  nier 
que,  par  suite  de  circonstances  particulières, 
comme  par  exemple  quand  le  Colisée  fut  en  ré- 
paration sous  Héliogabale  et  Alexandre-Sévère, 
on  ne  donnât  ailleurs,  en  s'arrangeant  du  mieux 
qu'on  pouvait,  des  spectacles  sanglants  dont  les 
chrétiens  faisaient  parfois  les  frais,  mais  ces 
exceptions  ne  faisaient  que  confirmer  la  règle. 
Celle-ci  donnait  le  Colisée  comme  le  lieu  or- 
dinaire, classique  des  luttes  de  gladiateurs,  des 
combats  de  fauves  et  du  martyre  des   chrétiens. 


III.  —  Les  chrétiens  furent-ils  condamnés 
aux  bêtes? 

Toute  la  dissertation  précédente,  et  que  j'ai 
dû  écourter,surtout  dans  la  partie  vraiment  origi- 
nale qui  parle  de  l'amphithéâtre  Castrense,  serait 
inutile,  si  on  ne  prouvait  que  les  chrétiens  étaient 
condamnés  aux  bêtes  en  vertu  des  lois  de  l'em- 
pire. Essayons  donc  de  documenter  légalement 
le  cri  qui  a  retenti  pendant  250  ans  dans  tous 
les  échos  du  monde  romain:  «  Les  chrétiens  aux 
lions  !  » 

Le  supplice  de  l'amphithéâtre  était  souvent 
infligé,  et  voici,  d'après  les  décisions  du  juriscon- 
sulte romain  Paulus,  quelques-unes  des  lois  qui 
y  condamnaient. 

1.  —  Qui  noctu  manu  facta praedandi  ac  depo- 
pulandi  gratta  templum  irrumpunt,  bestiis  obii- 
ciuntur. 

2.  —  Auctores  seditionis  et  tumultus  vel  con- 
citatores  populi  pro  qualitate  dignitatis  aut  in 
crucem  tollnntur,  aut  bestiis  obiiciuntur,  aut  in  in- 
sulam  deportantur. 

3.  —  Lex  Corneliapoenam  deportationis  infligit 
ei  qui  hominem  occiderit,  eiusve  rei  causa  furtive 
faciendi  ettiu  telo  ferierit,  quive  veneiium  hominis 
necandi  causa  habuerit,falsumve  testimonium  dixe- 
rit  quo  quis  periret,  mortisve  causant praestiterit  ; 
quae  omnia  facinora  in  honestiores  poena  capitis 
vindicari placuit,  liumiliores  vero,  aut  in  crucem 
tollnntur,  aut  bestiis  obiiciuntur. 

4.  —  Qui  sacra,  impia  nocturnave  ut  quem  ob- 
cantarentdefigerent,obligarent,fecerint,faciendave 
curaverint,  aut  cruci  suffigantur,  aut  bestiis  obii- 
ciuntur. 

5.  — -  Qui  hominem  immolaverint  exve  eius 
sanguine  litaverint,fanum  templumve  polluerint, 
bestiis  obiiciuntur,  vel  si  lionestiores  sint,  capite 
puniuntur. 

6.  —  Magicae  artis  conscios  summo  supplicia 
affici placuit,  id  est  bestiis  obiici  aut  cruci  suffigi. 

7.  — ■  Qui  pat  rem,  matrem,  arum,  aviam,  fra- 
trem,  sororem,  patronnai,  patronam  occiderit,  etsi 
antea  insuti  culleo  in  mare  praecipitabantur,kodie 
tamen  vivi  exuruntur  vel  ad  bestias  danlur. 

8.  — ■  Lege  Iulia  maiestatis  tenetur  is  cuius  ope, 
consilio  adversus  imperatores  vel  rempublicam  ar- 
ma mota  sunt,exercitusve  eius  in  insidias  deductus 
est,  quive  iniussu  imperatoris  bellum  gesserit  dite- 


130 


3&clnte  De  r&rt  cbrcttcn. 


ctutnve  kabuerit,  exercitumve  comparaverit  sollici- 
taveritve,  quo  desereret  imperatorem.  Hi  antea  in 
perpetuum  aqua  et  igni  inlerdicebantur,  nunc  vero 
humiliores  bestiis  obiiciuntitr,  vel  vivi  exiiruntuv, 
honestiores  capile  puniuniur. 

Or  il  est  facile  de  tirer  de  ces  lois  les  motifs  qui 
faisaient  condamner  les  chrétiens,  et  en  grand 
nombre,  aux  bêtes. 

Quand  Néron  brûla,  dans  un  moment  de  folie, 
la  ville  de  Rome,  il  détourna  les  soupçons  en  ac- 
cusant d'abord  les  juifs  de  ce  crime.  Popée,  juive 
elle-même,  et  qui  connaissait  bien, non  seulement 
la  différence  entre  juifs  et  chrétiens,  mais  avait 
contre  ces  derniers  toute  l'animosité  de  sa  race, 
détourna  le  coup  en  le  faisant  retomber  entière- 
ment sur  les  disciples  du  divin  Crucifié.  A  son 
instigation,  les  juifs  s'empressèrent,  et  pour  se 
disculper  plus  encore,  et  pour  satisfaire  leur 
haine.d'accuserles  chrétiens  auprès  des  tribunaux 
comme  coupables  de  tous  les  crimes  :'leur  reli- 
gion était  nouvelle;  elle  employait  les  sacrifices 
humains,  la  chair  et  le  sang  des  enfants  ;  ils  te- 
naient des  réunions  ténébreuses  et  impies  et  enfin 
étaient  des  séditieux  et  des  agitateurs  du  peuple, 
accusation  portée  déjà  contre  Notre-Seigneur  au 
tribunal  de  Pilate.  Les  chrétiens,  de  leur  côté, 
liés  qu'ils  étaient  par  la  loi  de  Yarcanum,  ne  vou- 
laient pas  révéler  aux  païens  leurs  saints  mys- 
tères. Si.d'une  part  ils  se  proclamaient  innocents 
de  ces  crimes, ils  ne  pouvaient,  de  l'autre,  nier  tenir 
leurs  réunions  secrètement  et  souvent  la  nuit. Ils 
ne  pouvaient  non  plus  nier  les  miracles  dont 
Dieu  récompensait  leur  foi  (accusation  de  magie), 
et  la  conséquence  naturelle  était  que  les  juges, 
ignorants  comme  ils  étaient  des  choses  du  chris- 
tianisme, poussés  par  les  accusations  des  juifs  et 
aussi  par  la  volonté  de  Néron,  les  trouvèrent 
coupables  de  suivre,  comme  écrit  Suétone  (In 
Neronem  c.  16),  une  religion  nouvelle  et  malfai- 
sante, de  faire  des  sacrifices  impies  et  ténébreux, 
d'être  des  magiciens,  des  séditieux  et  des  agita- 
teurs du  peuple. 

Ce  fut  à  cette  occasion  que  le  nom  de  chré- 
tien fut  publiquement  proscrit.  Nous  avons  une 
preuve  dans  la  fameuse  lettre  de  Pline  à  Trajan, 
(Epist.  1.  X)  demandant  «  nomen  ipsum,  etiam  si 
flagiliis  careat,  an  jlagitia  cohaerentia  nominipu- 
niatur  ».  Cette    demande    présuppose    une     loi 


existante  qui  proscrivait  le  nom  chrétien.  «  No- 
men ipsum,  etiam  si  flagiliis  careat.  »  Trajan  ré- 
pondit sans  détruire  cette  loi.  «  Conquirendi  non 
sunt,  si  défera n tu r  et  arguanlur,  puniendi  sunt.  » 
Tertullien  met  bien  en  relief  que  le  nom  chrétien 
était  condamné,  et  que  l'aveu  d'appartenir  à  cette 
religion  empêchait  toute  défense.  «  Sed  cliristia- 
nis  solis  nikil permittitur  loqui  quod  causant  pur- 
get,  quod  veritatem  de/endat,  quod  judicium  non 
facial  injustum,  sed  illum  solum  expectatur,  quod 
odio  publico  necessarium  est,  confessio  nomiuis,  non 
examinatio  criminis.  »  Et  on  ne  gardait  pas, 
notons-le  bien,  la  même  ligne  de  conduite  quand 
il  s'agissait  d'un  crime  vulgaire,  car  alors  les  lois 
romaines  réclamaient  absolument  la  preuve  du 
délit.  Être  chrétien,  c'était  être  coupable,  comme 
le  rappelle  l'apôtre  S.  Pierre  (/  Petr.,  IV,  14  et 
suiv.),  «  que  nul  de  vous  ne  souffre  comme  ho- 
micide ou  voleur...  si  autem  ut  Chris tianus, 
non  erubescat.  » 

Néron,  appelé  par  Tertullien  «  dedicatore  datn- 
nationis  nostrae  »,  avait  porté  contre  le  nom  chré- 
tien des  édits  qui  restèrent  en  vigueur  comme 
loi  existante  jusqu'à  Constantin.  Seulement,  sui- 
vant que  les  empereurs  étaient  plus  ou  moins  per- 
sécuteurs, ils  les  appliquaient  avec  plus  ou  moins 
de  rigueur,  et  cette  accusation  était  une  épée 
de  Damoclès  toujours  suspendue  sur  la  tête  du 
chrétien,  laissé  ainsi  sous  le  bon  plaisir  du  tyran. 
Ces  crimes  étaient  celui  de  religion  nouvelle, 
perturbation  des  esprits,  sédition,  pratiques  illi- 
cites, impies  et  nocturnes,  magie  ;  et  ces  crimes, 
comme  on  l'a  vu  par  les  citations  précédentes 
des  lois  romaines,  condamnaient  aux  bêtes  ceux, 
humiliores ',  qui  en  étaient  convaincus.  Or,  Ter- 
tullien le  dit  expressément,  l'aveu  d'être  chrétien 
suffisait. 

IV. —  Mais  les  chrétiens  furent-ils  vraiment 
condamnés  aux  bêtes? 

On  pourrait,  en  effet,  objecter  que  même  en 
admettant  ces  lois  existantes,  elles  n'étaient  pas 
appliquées.  Or  un  passage  de  Lactance  (Divines 
institutions,  1.  V,  c.  XI),  qui  avait  vu  et  entendu 
ce  qu'il  racontait,  nous  enseigne  qu'Ulpien  fit  un 
recueil  spécial  de  ces  lois  contre  les  chrétiens,  et 
certainement  pour  urger  leur  application,  car 
sans  cela  cette  codification   n'aurait  pas  eu  de 


Correspondance. 


131 


but.  «  Domitius,  de  officio  Proconsulis,  libro  sep- 
timo  rescripta  principum  nef  aria  collegit  ut  doce- 
ret  quitus  pœnis  affici  oporteret  eos  qui  cultures 
Dei  confiterentur.  »  Ces  lois  disparurent,  sous 
Justinien,  de  la  législation  romaine,  mais  leur 
existence  antérieure  n'en  est  pas  moins  certaine  : 
Latance  les  a  vues,et  son  témoignage  ne  saurait 
être  révoqué  en  doute. 

Pour  être  traîné  devant  les  tribunaux  romains, 
il  fallait  y  être  dénoncé,  et  certes  les  accusateurs 
ne  manquèrent  pas.  Juifs  et  païens  se  donnaient 
à  l'envi  cette  triste  mission.  Tertullien  nous  at- 
teste qu'une  jeune  fille  qui  aurait  refusé  la  main 
à  un  païen  était  dénoncée  comme  chrétienne  ;  de 
même,  un  maître  qui  battait  son  esclave  pouvait 
être  l'objet  de  la  même  dénonciation.  Mais 
en  plus  il  y  a  toujours  eu  des  Judas  parmi  les 
chrétiens,  et  ceux-là,  avec  la  connaissance  qu'ils 
avaient  des  assemblées  des  fidèles,  de  leurs  noms, 
de  leurs  lieux  de  réunion,  étaient  les  grands 
pourvoyeurs  des  magistrats. 

Si  la  délation  ne  fonctionnait  pas  suffisamment, 
les  magistrats  eux-mêmes  pouvaient  se  faire  ac- 
cusateurs publics,  emploi  qu'ils  cumulaient  avec 
celui  de  juges  ;  et  c'est  ce  à  quoi  cherche  à  s'op- 
poser Trajan  dans  le  texte  cité  plus  haut  :  conqui- 
rendi  non  sunt. . . 

Aussi,  dès  que  les  édits  de  persécution  étaient 
connus,  les  chrétiens,  suivant  le  précepte  de  l'a- 
pôtre, fuyaient  au  loin  pour  échapper  à  ces  in- 
quisitions, car  être  dénoncé,  s'avouer  chrétien, 
être  condamné  aux  bêtes,  était  tout  un. 

De  plus,  il  fallait  des  victimes  pour  les  jeux  de 
l'amphithéâtre,le  peuple  les  réclamait  avec  insis- 
tance et  alors  comme  aujourd'hui,  il  faisait  loi  : 
Entendez  Tertullien  (Apologeticus,  c.  1.  fin)  :  «  Si 
Jyberis  ascendit  in  mœnia,  si  Nilus  non  descen- 
dit in  arva,  si  cœlum  stetit,  si  terra  movit,si  famés , 
si  lues,  statim  christianus  ad  leones  acclamatur.  '» 

Un  individu  condamné  aux  bêtes  devait  subir 
son  supplice.  On  lit  dans  le  Digeste  (1.  XLVIII 
tit.  XIX,  1.  3  1),  <i  ad  bestias  damnalos  favore populi 
prases  dimittere  non  débet  ».  Un  jour  où  les  vic- 
times manquaient  pour  l'amphithéâtre,  Caligula 
faisait  prendre  un  certain  nombre  de  spectateurs, 
probablement  les  plus  infimes,  et  les  forçait  a 
descendre  dans  l'arène  pour  que  les  jeux  pussent 
avoir  lieu.  Nous  avons    vu    d'ailleurs   plus    haut 


(n°  7  et  8  des  citations  des  lois  romaines)  que 
pour  satisfaire  la  passion  populaire,  on  avait 
dérogé  à  d'anciennes  lois,  et  remplacé  par  les 
bêtes  les  supplices  alors  en  vigueur. 

V.  —  Les  chrétiens  à  Rome. 

Ces  lois  générales  s'appliquaient  à  tout  l'em- 
pire, mais  c'est  à  Rome,  sous  les  yeux  des  empe- 
reurs, qu'elles  étaient  appliquées  avec  le  plus  de 
cruauté.  Nous  savons  en  effet  qu'il  y  eut  sous 
Claude  de  fréquentes  disputes  entre  les  chrétiens 
et  les  juifs  qui  voulaient  continuer  dans  la  capi- 
tale de  l'empire  leur  rôle  de  persécuteurs  des 
disciples  du  Galiléen.  Suétone  nous  dit  {In  Clau- 
dio, XXV)  :  «  Judœos  impulsore  Christo  assidue 
tumultuantes  Roma  expulit,  »  et  Christo  désigne 
bien,  comme  le  dit  de  Rossi,  les  chrétiens. 

On  sait  avec  quelle  rapidité  le  christianisme 
se  répandit  dans  la  capitale  de  l'empire.  Saint 
Paul  adresse  une  lettre  aux  Romains  ;  il  salue 
Aquila  et  Prisca,  d'autres,  et  qui  cum  eis  sunt 
fratres...  et  omnes  qui  cum  eis  sunt  sanctos.  Dans 
son  épître  aux  Philippiens,  il  parle  de  ceux  qui 
de  Cœsaris  domo  sunt,  et  à  l'occasion  de  l'in- 
cendie de  Néron,  Tacite  nous  apprend  que  les 
chrétiens  conduits  devant  les  tribunaux  furent 
multitude-  ingens.  Et  comme  le  sang  des  martyrs 
devenait  une  semence  de  chrétiens,  peu  s'en  fal- 
lut que  la  croix  ne  montât,  avec  les  petits-fils  de 
Domitien.sur  le  trône  de  César.  Les  nombreux 
cimetières  chrétiens,  dont  on  compte  actuelle- 
ment trente  remontant  avant  le  troisième  siècle, 
conduisent  à  la  même  conclusion.  Et  on  en 
trouve  presque  chaque  jour  de  nouveaux  d'une 
étendue  plus  ou  moins  considérable,  ainsi  qu'il 
vient  d'arriver  encore  récemment  près  de  l'église 
de  St-Onuphre. 

VI.  —  Conclusion. 

On  voit  donc  que  les  chrétiens  n'ont  pas  man- 
qué à  Rome, et,  placés  au  centre  de  la  foi  nouvelle, 
ils  dépassaient  en  nombre  ceux  qui  se  trouvaient 
dans  les  autres  villes.  On  a  vu  que  les  lois  de 
l'empire  condamnaient  les  chrétiens  aux  bêtes, 
que  les  délateurs  juifs,  ou  mêmes  chrétiens  se 
chargeaient  de  les  y  déférer,  et  que  les  magistrats 
qui  les  condamnaient  pouvaient,  au  besoin,  faire 
les  fonctions  d'accusateurs  publics. 


KEVUE   L>E    L'ART    CHKÉ  mi 
l3gg.  —  2n,e  LIVRAISON. 


132 


Hetoue  De  rstrt  cftrctten. 


Or  il  n'y  avait  qu'un  seul  amphithéâtre  où  se 
donnaient  ordinairement  les  combats  de  gla- 
diateurs et  les  venationes  ou  combats  de  fauves 
contre  des  hommes. Les  gladiateurs  combattaient 
contre  elles  avec  des  armes,  mais  les  chrétiens 
leur  étaient  donnés  en  vile  pâture  et  confessaient 
devant  So.ooo  spectateurs  le  Dieu,  ce  JÉSUS  de 
Nazareth,  pour  lequel  ils  mouraient. 

Les  tenants  de  l'opinion  contraire  objectent 
n'avoir  pas  trouvé  de  témoignages  formels  de 
ces  massacres  ;  mais  si  le  texte  précis  manque, 
il  existe  des  inductions  plus  fortes  que  lui.  On 
peut  solliciter  doucement  un  texte;  on  ne  peut 
fausser  une  induction  basée  sur  les  règles  inflexi- 
bles de  l'histoire  et  de  la  logique.  Or  le  Colisée 
était  le  seul  endroit  (l'amphithéâtre  de  Taurus 
brûlé  sous  l'empire  de  Néron  ne  fut  pas  recon- 
struit) où  se  donnaient  ces  jeux  cruels,  il  servit 
donc  nécessairement  pour  les  martyrs.  Il  est  vrai 
qu'il  y  eut  trois  interruptions,  l'une  sous  Adrien, 
l'autre  sous  Héliogabale  et  les  premières  années 
de  Septime-Sévère,  la  troisième  sous  l'empereur 
Philippe,  mais,  coïncidence  singulière,  ces  trois 
époques  n'ont  pas  eu  de  persécutions,  et  mar- 
quent comme  une  trêve  dans  la  lutte  d'extermi- 
nation sanglante  que  l'empire  romain  faisait  à 
la  religion  de  JÉSUS-CHRIST. 

Les  inscriptions  de  Clément  X  gravées  sur  le 
Colisée  parlent  de  martyrs  innombrables. «  Quant 
sacro  innumerabilium  martyrum  encore  illustre.!) 
Et  cette  assertion  est  exacte.  Nous  ne  connais- 
sons pas  le  nombre  de  ceux  qui  ont  rendu  à 
Rome  témoignage  au  Christ,  mais  il  ressort  de 
l'étude  ci-dessus  que  presque  tous  les  martyrs 
condamnés  aux  bêtes  ont  versé  leur  sang  dans 
l'amphithéâtre  Flavien.  Et  la  conséquence  natu- 
relle en  est  qu'il  n'est  pas  au  monde,  après  ceux 
sanctifiés  par  le  Christ,  un  lieu  si  vénérable  que 
l'arène  du  Colisée.  Le  Calvaire,  empourpré  du 
sangd'un  Dieu, a  sauvé  le  monde;d'innombrables 
chrétiens  ont  rendu  dans  le  Colisée  à  leur  Dieu 
le  témoignage  de  leur  foi,  ils  y  ont  accompli  en 
eux  ce  qui  manquait  à  la  passion  du  Christ,  et 
c'est  pour  ce  motif  qu'après  le  Calvaire,  nous 
devons  vénérer  le  Colisée. 

Albert  BATTANDIER. 


esparjne. 


'ILLUSTRE  égyptologue,  M.  Cham- 
pollion,  dit  dans  une  de  ses  savantes 
lettres  que  «  les  matières  archéolo- 
giques sont  considérées  en  France  avec 
autant  d'indifférence,  qu'elles  paraissent  être 
tombées  dans  un  complet  oubli  ».  Ces  paroles, 
qui  qualifient  la  France  de  son  temps,  peuvent 
s'appliquer  avec  plus  de  raison  à  l'Espagne. 

De  même  que  les  compatriotes  de  M.  Cham- 
pollion  ne  s'inspiraient  que  des  grands  travaux 
des  Italiens,  ainsi  il  semble  que  les  Espagnols, 
même  pour  juger  le  mérite,  l'antiquité  indiscu- 
table d'une  œuvre  quelconque,  ont  besoin  de  re- 
courir non  pas  à  l'Italie  ou  à  Rome,  mais  même 
à  la  Grèce  ;  ce  qui  ne  serait  pas  le  pire,  car  l'étude 
et  la  comparaison,  pour  en  déduire  un  juge- 
ment raisonné,  doivent  se  baser  sur  des  œuvres 
classiques.  Mais  la  manie  d'apprécier  par-dessus 
tout  ce  qui  est  exotique  et  vient  de  l'étranger, 
nous  rend  injustes  et  nous  fait  voir  avec  un  cer- 
tain dédain  nos  propres  monuments  nationaux, 
comme  manquant  d'art  ou  d'antiquité,  et  les 
prive  ainsi  d'être  connus  et  appréciés. 

Une  des  victimes  de  ce  manque  de  connais- 
sance ou  d'amour  de  l'art  est  sans  doute  le  sarco- 
phage de  la  «  Basilica  sanctorum  décent  et  octo  », 
dénommée  ainsi  par  S.  Eugène  III  (640-646), 
qui  fut  construite  en  312,  et  qui,  aujourd'hui,  est 
connue  sous  le  nom  de  «  catacombes  de  Santa 
Engracia  »  de  Saragosse,  en  Espagne. 

L'immortel  poète  de  Caesaraugusta,  Aurelio 
Prudencio  Clémente,  chantait  au  IVe  siècle  la 
gloire  des  premiers  athlètes  du  christianisme 
dans  les  vers  suivants  de  son  «  Hymne  aux 
Martyrs  »  : 

%.  De  diez  y  oclio  martyres  Cenizas 

Conserva  nueslro  pueblo  en  un  sepulchro  ; 

Llamemosle  Ciudad  de  Zaragoza 

A  esta  que  tan  grande  dicha  goza  (').  > 

Prenons  note  de  ce  témoignage  précieux, 
qui  nous  affirme  qu'à  cette  époque,  les  restes  de 
dix-huit  martyrs  étaient  conservés  dans  un  sé- 

1.  Traduction  faite  du  latin  au  XVIIIe  siècle  par  le 
P.  Martnn.  — Notre  ville  conserve  de  dix-huit  Martyrs  — 
Les  cendres  dans  un  sépulcre  —  Appelons  Saragosse  la 
ville —  Oui  jouit  d'un  si  grand  bonheur.  — 


Cont0p<m&ance. 


133 


pulcre,  pour  examiner  si  le  sarcophage  des  cata- 
combes de  Saragosse,  comparé  aux  exemplaires 
conservés  en  France  et  en  Italie,  se  trouve  être 
de  la  dite  époque,  et  analyser  ensuite  le  sym- 
bolisme d'une  des  figures  qui  y  sont  sculptées. 

Le  sarcophage  des  dix-huit  martyrs  occupe  le 
centre  du  mur  Sud  de  la  crypte  appelée  des 
«  Santas  Masas  »  ;  il  est  long  de  1  m  J$,  large  et 
haut  de  0,69.  Voici  les  passages  bibliques  qui  y 
sont  sculptés. 

Face  à  la  droite  du  spectateur.  —  Le  péché  et  le 
châtiment  d'Adam  et  d'Eve.  —  Nos  premiers  pa- 
rents, ainsi  qu'on  a  coutume  de  les  représenter, 
sont  debout  à  côté  de  l'arbre  de  la  science, 
autour  duquel  s'enroule  le  serpent.  Leur  nudité 
est  couverte  de  feuilles  de  figuier  ou  d'un  autre 
arbre  analogue,  «  campestra  »,  dit  S.  Augustin, 
(/«  Gen.  ad  litt.  XI,  I.  cap.  I),  «  perizomata  »,  dit 
la  Vulgate  (Gen.,  I.  7),  au  lieu  de  se  couvrir  d'une 
main  seulement  ;  de  la  main  droite  ils  mon- 
trent le  fruit  défendu.  Aux  pieds  d'Adam,  près 
de  l'arbre,  se  trouve  une  gerbe  d'épis,  et  aux  pieds 
d'Eve  un  agneau,  qui  la  regarde  fixement.  Le 
symbole  de  cette  scène  semble  rappeler  la  sen- 
tence divine,  qui  condamne  le  premier  homme  à 
cultiver  la  terre  et  sa  compagne  à  travailler  la 
laine,  pour  vêtir  la  famille  (Gen,  III  17). 

Elle  ressemble  beaucoup,  est  presque  iden- 
tique à  d'autres  en  bas-reliefs,  p.  e.  celui  du  sarco- 
phage de  Junius  Bassôs  (Bosio,  pag.  145  — 
Bottari,  tab.  XV),  avec  la  différence  que  dans 
le  relief  qui  nous  occupe,  apparaît  derrière  Eve 
la  figure  courroucée  du  Seigneur  tenant  en  sa 
main  le  rouleau  de  la  Loi. 

Plan  à  la  gauche  du  spectateur.  —  Dieu,  sous  la 
figure  d'un  jeune  homme,  qui  n'est  autre  que  le 
Christ,  aux  cheveux  longs,  revêtu  de  la  toge  et 
les  pieds  nus,  montre  d'un  aspect  courroucé  la 
gerbe  à  Adam,  et  à  Eve  l'agneau,  que  les  deux 
saisissent  de  leurs  mains.  Cette  représentation  de 
la  chute  de  nos  premiers  parents  ressemble  à  une 
autre  sculpture  décrite  par  Aringhi,  et  la  figura- 
tion en  serait  semblable,  si  derrière  Adam  ne 
paraissait  un  vieillard,  qui  lui  place  la  main  sur 
l'épaule,  et  qui  pourrait  bien  être  le  créateur,  et 
non  pas  Isaac  ou  S.  Jean-Baptiste  (I),  comme  si 

1.  En  1737  on  voyait  écrits  à  l'encre,  et  non  gravés,  les 
noms  de  ISAC  au-dessus  du  vieillard  ;  ADAM-EVVA  au- 


l'artiste  avait  voulu  représenter  parles  figures  du 
Père  et  du  Fils,  d'Adam  et  d'Eve,-  la  réconcilia- 
tion de  l'homme  avec  Dieu  par  la  médiation  du 
Verbe  fait  chair.  Bien  que  tous  les  archéologues 
chrétiens  veulent  expliquer,  comme  observe 
Aringhi,  dans  tous  les  monuments  et  marbres  dé- 
couverts, comme  ceux  de  Rome  près  l'église  de 
Saint-Sébastien,  la  même  représentation  par  la 
condamnation  prononcée  par  le  Seigneur  contre 
l'homme,  à  gagner  sa  vie  à  la  sueur  de  son  front, 
à  notre  avis  cette  explication  est  inadmissible,  si 
nous  considérons  que  cette  idée  du  châtiment  est 
déjà  clairement  figurée  dans  la  sculpture  du  côté 
droit  de  l'urne  de  Saragosse. 

Face  principale.  —  L'hémorrhoïsse  ou  guérison 
d'une  femme  qui  souffrait  d'un  flux  de  sang. 
Prudence  chante  ce  miracle  dans  les  vers  sui- 
vants :  «  La  femme  touche  à  la  dérobée  le  bord 
de  la  tunique  sacrée  —  Aussitôt  la  guérison 
s'opère  —  la  pâleur  disparaît  de  sa  figure,  et  le 
flux  de  sang,  qui  sans  cesse  coulait,  tarit  » 
(Cathan.,  hymn.,  IX,  40)  (l). 

Le  Sauveur  est  représenté  sous  la  figure  d'un 
jeune  homme  sans  barbe,  comme  allusion  à  sa 
nature  divine,  qui  n'est  pas  sujette  aux  vicissi- 
tudes du  temps  ;  ses  cheveux  longs,  divisés  sur  le 
front,  retombent  en  boucles  ;  il  est  d'une  stature 
plus  élevée  que  la  femme  guérie,  pour  marquer 
sa  supériorité,  et  c'est  ainsi  que  le  représentent 
toujours  les  artistes  néophytes  chrétiens,  dans  les 
scènes  précédées  d'un  miracle  (Mabillon,  Iter. 
Ital,  1, 103);  dans  sa  gauche  le  Christ  saisit, con- 
formément à  l'usage  antique  de  représenter  son 
pouvoir,le  rouleau  de  la  Loi  ;  dans  d'autres  monu- 
ments, il  porte,  pour  exprimer  la  même  idée,  un 
sceptre,  «  insigne  de  sa  royauté  et  de  son  pouvoir 
de  discipline»  (Eusèbe),  «  insigne  de  son  pouvoir 
sacerdotal  »  (Durant),  et  «  de  la  doctrine  »  (Cas- 
siodore),  ou   bien   il   est   assis   sur  un  globe,  que 

dessus  des  premiers  parents,  et  au-dessus  du  Christ,  en 
forme  d'étoile,  renfermée  dans  une  auréole  le  monogram- 
me du  Sauveur. 

I.  Selon  plusieurs  Pères,  entre  autres  S.  Ambroise  [Lib. 
II  In  Luc,  c.  vin)  et  Théophile  d'Antioche  (///  Evang., 
1,  VI,)  l'hémorrhoïsse  a  été  aux  yeux  des  premiers  chré- 
tiens la  figure  de  l'Eglise  ex gentibus,  et  son  sang  la  figure 
des  martyrs.  Cassiodore  (In  psalm.  XXXII)  dit  que  le 
bord  du  vêtement  du  Christ,  au  contact  duquel  la  femme 
fut  guérie,  signifie  l'Église,  et  la  femme  représente  lagen- 
tilité,  qui  ne  trouve  le  salut  qu'en  entrant  dans  l'Église. 


134 


3Rctntc  ïjc  l'&rt  chrétien. 


d'autres  mettent  à  ses  pieds  (Bugatti).  Sa  droite 
repose  sur  la  .tête  de  l'hémorrhoïsse,  qui  est  à 
ses  pieds,  les  mains  jointes,  dans  l'attitude  de  la 
prière,  tandis  que  JÉSUS  porte  sur  elle  un  regard 
de  bonté  et  de  miséricorde.  Derrière  le  Sauveur 
apparaît  une  autre  figure,  probablement  S.Jean, 
témoin  du  miracle. 

Une  orante  placée  entre  S.  Pierre  et  S.  Jean.  — 
Cette  orante  ne  doit  pas  être  chrétienne,  à  en 
juger  par  la  position  de  ses  bras  ;  les  chrétiens 
dans  leurs  prières  étendaient  leurs  bras  presque 


horizontalement,  et  la  figure  du  sarcophage  les 
élève  en  direction  verticale,  comme  les  païens, 
conformément  à  ce  que  dit  Tertullien  :  «  Nous 
autres,  chrétiens,  nous  n'élevons  pas  les  mains 
avec  ostentation,  mais  avec  modestie  et  modé- 
ration. »  Elle  est  vêtue  du  collobium  à  courtes 
manches,  qui  lui  couvre  la  tète  et  retombe  sur 
les  épaules. 

5.  Pierre  et  S.  Jean  et  entre  les  deux  une  femme 
(orante?)  dont  la  main  droite  est  saisie  par  une 
autre  main  qui  semble  sortir  de  l'urne  (M.  —  La 


Sarcophage  de  sainte  Engracia  à  Saragosse. 
(D'après  nature  par  M.  Anselme  Gascon  de  Gôtôr,  corresp.   de  l'Académie  royale  esp.  de  St-Ferdinand.) 


figure  du  prince  des  apôtres  ressemble  au  por- 
trait qu'en  fait  Nicéphore  Calixte,  selon  les 
monuments  antiques  ;  d'une  stature  élevée,  il 
porte  la  chevelure  et  la  barbe  épaisses  et  crépues, 
coupées  court  ;  la  figure  est  ronde,  aux  traits 
presque  vulgaires,  les  sourcils  froncés  et  le  nez 
long.  De  la  droite  il  tient  un  rouleau  ou  codex,  la 
gauche  est  élevée;  sa  physionomie  exprime  l'ad- 
miration. La  figure  de  S.  Jean  est  acéphale. 

Miracle  de  l'enfant  aveugle-né.  —  Le  Christ 
guérit  Bartimée,y?/j-  de  Ttmée,ou  selon  S.  Jérôme, 
fis  aveugle,  en  touchant  les  yeux  de  l'index 
et  du  doigt  du  milieu.  Derrière  JÉSUS  on  aper- 
çoit une  figure,  qui  pourrait  bien  être  le  père  qui 
présente  l'enfant   au   Sauveur;  mais  en  présence 


des    mutilations  de   cette   partie  du    monument 
nous  nous  abstenons  de  tout  commentaire. 

Miracle  de  Caua.  —  Le  Christ  fait  le  geste 
de  toucher  avec  une  baguette  les  amphores. Bien 
que  le  texte  de  l'Évangile  (/oan.,\\)  parle  de  six 
amphores,  il  n'en  parait  que  cinq  sur  notre  mo- 
nument, comme  on  représente  généralement 
ce  passage  biblique  (Bottari),  et  on  explique  l'ab- 
sence de  la  sixième  par  le  manque  d'espace.  Sur 
d'autres  monuments  on  n'en  trouve  que  trois  ; 
deux  sur  un  sarcophage  d'Arles,  reproduit  par  le 
P.  A.  Martin,  et  même  une  seule  selon  que 
l'affirme  Bottari  (tab.  XIX). 


i.   Nous  reviendrons   plus  loin   sur  le  symbolisme  de 
celte  femme. 


Correspondance. 


135 


A  côté  de  la  figure  du  Christ  il  s'en  trouve  une 
autre  acéphale,  et  que  notre  illustre  ami,  le  savant 
académicien  A.  Femandez  Guerra,  croit  être  le 
Christ,  qui,  tenant  le  rouleau  de  la  loi  dans  sa 
gauche,  annonce  qu'il  n'est  pas  venu  pour  abolir 
la  loi  et  les  prophètes,  mais  pour  les  accomplir. 
Cette  explication  nous  plairait  ;  mais  après  avoir 
étudié  différentes  sépultures.diptyques  et  ivoires, 
nous  ne  croyons  pas  que  ce  soit  le  Sauveur.mais 
plutôt  l1 ' architriclinus  qui  est  toujours  représenté 
par  les  premiers  artistes  chrétiens,  dans  ce  pas- 
sage biblique  avec  un  codex  dans  la  main.  La 
tablette  d'ivoire  publiée  par  Mamachi,  Bottari 
et  Gori  nous  confirme  dans  cette  opinion.  Aux 
angles  de  l'urne  il  y  a  des  génies  nus  qui  sem- 
blent soutenir  le  lourd  couvercle,  qui  a  omi5 
d'épaisseur. 

Dans  son  ouvrage  Origen  y  antiguedades  del 
subterraneo  celebérrimo  santuario  de  Sauta  Maria 
de  las  Santas  Masas,  le  P.  Marton  remarque  que 
primitivement  quelques  parties  des  figures  ont 
dû  être  peintes  sur  or. 

Quant  aux  noms  qui  ont  été  gravés  sur  les 
rebords  inférieur  et  supérieur  des  hauts  reliefs, 
rien  ne  peut  se  préciser,  à  cause  des  altérations 
qui  y  ont  été  faites.  Cependant  nous  dirons  à 
titre  de  curiosité  que,  sous  la  figure  de  l'hé- 
morrhoïsse,  se  trouve  le  nom  de  MARTA, 
croyant  peut-être  reconnaître  en  elle  la  sœur  de 
Lazare  qui  vient  à  la  rencontre  du  Sauveur  ;  le 
nom  de  IZO  à  la  figure  qui  est  derrière  elle  ; 
ARON  le  vieillard  qui  se  trouve  à  la  droite  de 
l'orante  ;  au-dessus  de  celle-ci  INCRATIVS  (*) 
et  à  ses  pieds  Z  ACO  ;  au-dessus  du  jeune  homme 
qui  se  tient  à  sa  gauche  (S.  Jean)  PETRVS  ;  et 
FLORIA  la  femme  qui  saisit  de  sa  droite  la 
main  qui  semble  descendre  du  ciel  (depuis  1814 
ce  nom  a  été  transposé  sur  Eve  du  côté  droit  — 
Guerra)  ;  PAVLVS  le  vieillard  à  sa  gauche,selon 
l'inscription  supérieure,  et  ZO  selon  celle  du  bas. 
A  la  figure  qui  se  détache  sur  l'aveugle-né  on 
donne  le  nom  de  XVSTVS  ;  FACCEVS  au 
spectateur  du  miracle  de  Cana  et  MVSES  au 
Rédempteur  (?)  qui  prêche,  plutôt  l'architriclinus. 

1.  On  conserve  dans  la  même  crypte  un  autre  sarco- 
phage qui  sert  de  table  au  maître  autel,  lequel  est  dédié 
à  santa  Engracia  ;  l'exécution  est  plus  parfaite  que  celle 
des  dix-huit  martyrs. 


En  1814,  les  soi-disant  restaurateurs  chan- 
gèrent les  noms  à  leur  fantaisie,  et  pas  un  n'est 
resté  à  sa  place. 

M.  Fernandez  Guerra  écrit  :  «  Les  deux  sarco- 
phages ayant  été  enterrés  pendant  cinq  siècles, 
l'humidité  effaça  les  inscriptions  et  à  leur  décou- 
verte on  ne  put  rien  déchiffrer  du  sépulcre  de  Ste 
Engracia, et  en  reconstituant  celle  du  sarcophage 
des  dix  huit  martyrs,  sans  en  comprendre  le  sens, 
on  transposa  les  lettres  et  on  les  sépara  arbitrai- 
rement. Là  où  peut-être  on  lisait  primitivement  : 

►i<  SYROPHOEN  (ISA)  INCARNATIO  PETRVS 
MARIA  PAVLVS  *  GALILEVS 

on  barbouilla  en  1389 

►^  IZO  ARON  INGRATIVS  PETRVS  FLORIA 
PAVLVS  ►£  XVSTVS  ►£«  FACCEVS  MVSES 

et  on  écrivit  MARTA...   ZACO...    ZO    où    il 

aurait  peut-être  fallu  lire  : 

MARTIRES  DECEM  ETOCTOORATEPRO  NOBIS 

L'antiquité  de  ce  monument  est  incontestable. 
Si  l'on  compare  les  figures  qui  y  sont  représen- 
tées avec  celles  d'autres  monuments  du  IIIe  et 
du  IVe  siècle  conservés  en  Italie  et  en  France, 
on  y  trouve  le  même  tracé  des  lignes  dans  les 
contours,  qui  nous  révèle  la  même  époque 
encore  soumise  à  une  certaine  influence  du  paga- 
nisme, vu  que  les  premiers  artistes  chrétiens  n'a- 
vaient, pour  se  guider,  que  les  modèles  romains  ; 
sans  aucun  doute  le  sarcophage  des  dix-huit 
martyrs  est  un  travail  du  IVe  siècle.  Nous  avons 
en  plus,  pour  corroborer  cette  affirmation,  le 
témoignage  de  Prudencio  Clémente,  qui  dans 
l'hymne  cité  plus  haut,  assure  que  les  cendres  des 
héros  du  christianisme  reposaient  dans  un  sépul- 
cre ;  celui  de  S.  Ildephonse  et  de  S.  Eugène  au 
VIIe  siècle  ;  le  missel  mozarabe  du  VIIIe  et 
l'antique  lectionnaire  de  l'Eglise  de  Saragosse 
du  XIVe. 

En  plus  la  crypte  fut  construite  en  312  et  dé- 
diée dès  son  origine  aux  dix-huit  martyrs. 

11  n'y  a  rien  d'extraordinaire  à  ce  que  le  sarco- 
phage soit  de  cette  époque  et  du  pur  style  roma- 
no-chrétien,  car  les  archéologues  savent  très  bien 
que  les  évêques  prenaient  grand  soin  de  donner 
des  instructions,  et  même,  des  modèles  aux  ar- 
tistes, pour  éviter  dans  l'exécution  des  person- 
nages des  réminiscences  païennes;de  là  peut  venir 


136 


&etoue  lie  l'&rt  cbrcttcn. 


la  ressemblance,  qui  nous  frappe  dans  beaucoup 
de  monuments,  qui  peut-être  ont  été  sculptés 
pour  être  exposés  à  la  vente  dans  les  ateliers,  en 
réservant  un  espace  libre  pour  y  tailler  l'effigie 
de  la  personne  défunte,  à  laquelle  le  sépulcre 
était  destiné.  Peut-être  le  sarcophage  de  Ste  En- 
gracia  est  un  de  ces  exemplaires  ;  pour  cette 
même  raison,  il  est  plus  parfait  dans  la  compo- 
sition et  l'exécution,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  pour 
celui  des  dix-huit  martyrs,  où  la  facture  et  le 
style  du  sculpteur  sont  plus  imparfaits. 

Une  fois  mis  sur  le  terrain  des  suppositions) 
on  peut  aussi  admettre  qu'on  a  pris  le  sépul- 
cre destiné  à  une  matrone,  du  nom  de  Floria, 
mais  alors  on  aurait  effacé  son  nom  ;  et  en  adop- 
tant cette  supposition,  comment  se  ferait-il  qu'on 
aurait  sculpté  sur  l'urne  deux  orantes  :  l'une  en 
peine,  et  l'autre  sur  le  point  d'être  introduite 
dans  la  gloire  par  la  main  qui  semble  descendre 
du  ciel,  et  encore  moins  l'aurait-on  représentée 
confondue  avec  le  groupe  de  personnages  bi- 
bliques. 

Cette  supposition  ne  peut  donc  pas  être  ad- 
mise, parce  que,  en  dehors  des  raisons  données 
antérieurement,  on  ne  trouve  dans  aucun  sépul- 
cre conservé  à  l'étranger  une  orante  représentée 
au  moment  d'entrer  dans  la  joie  de  la  présence 
divine  ;  ce  que  l'on  trouve  souvent,  ce  sont  des 
orantes  en  attitude  de  prière,  représentant  l'âme 
chrétienne,  qui  anima  un  jour  les  dépouilles  mor- 
telles ;  symbolisant  au  moyen  de  colombes  et  de 
palmes  la  prière,  la  douleur,  la  résignation  et  le 
triomphe  (Boldetti,  229).  Parfois  l'orante  est  ac- 
compagnée des  apôtre  Pierre  et  Paul,  comme  on 
le  voit  sur  beaucoup  de  reliefs  romains  ;  d'autres 
fois  c'est  une  sainte  avec  l'inscription  AGNE  et 
finalement  la  Vierge  avec  S.  Pierre  et  S.  Paul  et 
l'inscription  en  lettres  d'or  PETRVS-MARI A- 
PAVLVS. 

Quelles  sont  donc  les  deux  figures  de  femmes 
représentées  sur  le  sarcophage  des  dix-huit 
martyrs  ? 

Nous  avons  déjà  remarqué  que  la  première  des 
orantes  paraît  être  païenne,  d'après  la  manière 
d'étendre  les  bras,  verticalement  et  non  horizon- 
talement, comme  les  chrétiens.  Cette  observation 
ne  nous  paraît  pas  sans  intérêt:  quand  il  s'agit 
d'une  chrétienne  quelconque,  conçue  dans  le 
péché    originel   et   pécheresse  elle-même,  il  est 


juste  qu'elle  élève  les  bras  sans  ostentation, 
avec  modestie  et  crainte,  à  l'encontre  de  la 
païenne  qui  n'a  aucune  notion  de  la  doctrine 
du  Christ.  Ce  monument  serait-il  donc  païen  ? 
Point  du  tout,  parce  que  dans  ce  cas  on  n'aurait 
pas  choisi  pour  le  décorer  des  motifs  d'une  reli- 
gion persécutée  par  les  Césars.  Il  ne  peut-être 
que  chrétien.  Mais  comment  explique-t-on  que 
l'attitude  des  mains  de  l'orante  contredise  l'affir- 
mation de  Tertullien  :  «  nous  autres  chrétiens, 
nous  élevons  les  mains  sans  ostentation  »  ? 

Parce  que  l'orante  parait  être  une  créature  ex- 
ceptionnelle, libre  du  péché  originel,  préservée  de 
toute  tache  ;  en  sorte  que  son  attitude  n'est  ni 
celle  des  orantes  chrétiennes,  ni  celle  des  païen- 
nes, et  nous  arrivons  ainsi  à  la  déduction,  qu'il 
s'agit  de  la  Vierge  Marie  dans  le  mystère  de  l'In- 
carnation.Remarquons  que  l'inscription  INCRA- 
TIO(INCaRnATIO,  selon  Guerra)  fait  suppo- 
ser qu'on  se  trouve  en  face  de  la  représentation 
du  mystère  de  l'Incarnation,  supposition  qui 
s'harmonise  avec  la  conviction  que  deux  des  su- 
jets représentés  sur  la  façade  principale  du  sar- 
cophage, se  rapportent  à  la  Mère  de  Dieu  :  l'In- 
carnation et  l'Assomption,  les  deux  seules  fêtes 
de  la  Vierge  que  l'Église  d'Espagne  célébra  de- 
puis les  premiers  temps. 

Nous  voici  en  présence  d'un  autre  point 
capital  :  Le  symbolisme  de  la  seconde  femme, 
orante  (?)  placée  entre  S.  Pierre  et  S.  Jean,  et 
dont  la  main  saisit  une  autre  main,  venant  d'en 
haut,  et  qui  occupe  le  centre  de  la  face  principale. 

Le  mot  Assomption  explique  l'idée  de  la  fête 
célébrée  par  l'Église,  que  Marie  fut  assumpta, 
enlevée,  transportée,  reçue  au  ciel  ;  dias tenta,  en 
grec  \pausatio,  repos,  arrêt,  mort,  conformément 
à  un  calendrier  de  Ste  Geneviève  de  Paris  du 
milieu  du  VIIIe  siècle.  S.  Augustin  appelle  dor- 
mitio  le  passage  de  la  Vierge  de  la  terre  au  Ciel, 
comme  cela  est  consigné  dans  le  Mariologe 
grec  et  chez  Balsamon,  et  finalement  il  est 
appelé  panagia. 

La  commémoration  de  l'Assomption  remonte, 
selon  la  croyance  générale,  aux  temps  aposto- 
liques. Il  est  avéré  d'une  manière  indiscutable 
qu'on  célébrait  cette  fête  avant  le  IVe  siècle  ;  au 
IXe  le  pape  Nicolas  Ier  prescrit  qu'elle  soit  pré- 
cédée de  vigile  et  de  jeûne,  et  le  Pape  Léon  IV 
(847)  en  institua  l'octave. 


Correapontiance. 


137 


Passons  après  cette  digression  sur  le  glorieux 
mystère  de  la  Vierge,  à  l'orante  (?)  ou  femme 
qu'on  croit  être  la  mère  de  Dieu. 

Après  les  indications  faites  plus  haut,  nous 
n'avons  plus  besoin  de  revenir  sur  la  manière 
de  représenter  les  orantes.  Il  n'en  est  pas  de 
même  de  la  Vierge  ;  mais  avant  d'aborder  ce 
sujet,  nous  nous  voyons  dans  la  nécessité  de  ré- 
péter la  douloureuse  phrase  de  S.  Augustin  : 
«  Nous  ne  possédons  aucune  image  authentique 
de  la  Mère  de  Dieu.  »  (De  trinit,  VIII.) 

Généralement  on  la  représente  dans  tout  l'éclat 
de  la  jeunesse,  portant  sur  les  traits  l'empreinte 
d'une  pureté  divine.  Sa  tête  est  couverte  d'un 
voile  qui  encadre  le  visage  et  retombe  sur  les 
épaules  selon  la  coutume  des  juives.  La  Vierge 
du  cimetière  de  Ste-Agnès  (Perret,  Il.pag.  I,  v. 
et  de  Rossi.  op.  laitrf.,  tab.  VI)  a  les  bras  dans  la 
même  position  que  celle  du  sarcophage  de  Sara- 
gosse,  à  l'exception  de  la  main  droite,  qui  en 
saisit  une  autre  qui  semble  sortir  du  ciel. 

Pour  expliquer  que  l'orante  est  Marie  dans  son 
Assomption,  nous  allons  examiner  le  symbo- 
lisme de  la  main  sortant  de  l'urne. 

Dès  les  quatre  premiers  siècles,  il  était  d'un 
usage  général  de  représenter  Dieu  le  Père  sous 
le  symbole  de  la  main  :  dans  aucun  des  curieux 
monuments  que  décrivent  Bottari,  Bossio,  Per- 
ret, Ciampini,  Buonarruoti,  l'abbé  Trivulcis,  de 
Rossi,  on  voit  que  la  main  (Dieu  éternel)  sai- 
sit celle  d'une  orante  ;  tandis  qu'il  existe  un 
beau  modèle  du  IXe  siècle,  une  miniature  de  la 
Bible  de  St-Paul  extra  muros  de  Rome  (')  qui 
nous  aidera  à  déchiffrer  la  partie  principale  du 
sarcophage  des  dix-huit  martyrs.  Elle  représente 
le  sommet  d'une  montagne  au  pied  de  laquelle 
on  voit  la  coupole  et  les  tours  d'un  somptueux 
palais  ou  d'un  temple  entouré  de  lauriers.  Au 
sommet  le  Christ,  la  lète  entourée  d'une  auréole, 
tient  dans  sa  gauche  le  signe  de  la  rédemption, 
tandis  que  la  droite  saisit  une  main  céleste,  qui 
semble  l'attirer  vers  les  nuages.  De  chaque  côté 
un  ange  paraît  consoler  Marie  et  les  apôtres,  qui 
élèvent  les  mains  vers  le  ciel,  d'où  tombe  une 
pluie  de  roses.  Sous  le  Sauveur,  entre  les  lauriers 
et  le  temple,  se  trouve  l'inscription  : 

ASCENDITXPS 
IN  ALTUM. 

1.  S/oria  deli'arte,  43. 


Nous  pouvons  donc  conclure  que  la  main 
(Dieu)  qui  saisit  la  droite  d'une  femme,  tel  que 
nous  le  représente  le  sarcophage  de  la  crypte  des 
dix-huit,  ne  peut  avoir  d'autre  explication,  sous 
la  loi  de  la  grâce,  que  de  représenter  Marie  au 
moment  où  son  corps  immaculé  est  enlevé  au 
ciel  par  la  puissance  divine,  conformément  à 
l'opinion  de  l'archéologue  Fernandez  Guerra, 
opinion  considérée  comme  probable  après  plu- 
sieurs conférences,  par  l'illustre  Commandeur  de 
Rossi. 

Nous  pourrions  terminer  ici  ce  travail,  mais  il  se 
présente  une  objection  qu'on  pourrait  nous  faire. 
Les  premiers  chrétiens  croyaient-ils  au  mystère 
de  l'Assomption  ?  et  s'ils  y  croyaient,  pourquoi 
ne  le  trouve-t-on  pas  représenté  sur  les  sarco- 
phages d'Italie  et  de  France,  où  était  le  centre 
du  christianisme, et  où  résidaient  à  cette  époque 
les  Saints  Pères  ? 

Quant  au  premier  point,  nous  dirons,  après  ce 
que  nous  avons  expose  plus  haut, que  S. Grégoire 
de  Tours  paraît  être  le  premier  qui  ait  affirmé, 
avec  des  témoignages  catégoriques,  que  Marie 
fut  enlevée  au  ciel  avec  corps  et  âme.  Peu  de 
temps  après  cet  événement  miraculeux,  cette 
croyance  se  répandit  au  point  qu'elle  fut  intro- 
duite dans  la  liturgie,  comme  il  résulte  d'un 
sacramentaire  gallican  renfermé  dans  le  Musœum 
Italicnm,  Nous  la  retrouvons  dans  le  missel  go- 
thique, où  il  est  dit  dans  la  messe  de  l'Assomp- 
tion, que  le  corps  de  Marie  fut  transporté  au 
ciel,  dans  le  martyrologe  de  S.  Jérôme,  le 
calendrier  de  Luca  y  de  Corbia  et  beaucoup 
d'autres  cités  par  Martène  ;  finalement  l'em- 
pereur Maurice  (IVe  siècle)  transféra  au  mois 
d'août  la  fête  de  l'Assomption,  qui  autrefois  se 
célébrait  le  18  janvier. 

Il  suffira  de  remarquer,  pour  répondre  au 
second  point  de  l'objection,  que  les  ai tistes.tout 
en  exécutant  leurs  œuvres  pénétré  de  l'esprit  de 
l'Eglise  et  sous  sa  direction,  jouissaient  d'une 
grande  liberté  dans  le  cadre  qui  leur  était  tracé, 
pour  satisfaire  la  dévotion  particulière  et  les  aspi- 
rations du  peuple.  La  preuve  en  est  que,  tout  en 
admettant  une  grande  analogie  entre  les  sarco- 
phages d'Italie,  de  France  et  d'Espagne,  il  est 
rare  de  trouver  sur  ceux  de  l'Italie  le  passage  de 
la  iner  Rouge,  l'histoire  de  Susanne,  la  pluie  des 


138 


WitWt  De  r&rt  chrétien. 


cailles  dans  le  désert,  etc.,  etc.,  tandis  que  nous 
les  retrouvons  très  fréquemment  sur  ceux  de 
France. 

Étant  prouvé  que  les  premiers  chrétiens 
croyaient  à  l'Assomption  de  la  Vierge,  et  que 
cette  fête,  avec  celle  de  l'Incarnation,  étaient  les 
deux  seules  solennités  de  la  Vierge  célébrées 
en  Espagne  avec  une  dévotion  particulière,  qu'y 
a-t-il  d'étrange  à  ce  que  l'artiste  reproduisît  sur 
le  marbre  un  sujet  qui  inspirait  tant  d'amour  et 
de  vénération  aux  Espagnols, comme  en  France 
la  Résurrection  du  Christ  est  le  passage  typique, 
préféré,  que  nous  retrouvons  sur  les  monuments 
primitifs  de  cette  nation  ? 

Nous  finirons  donc  par  l'affirmation  que  le 
sarcophage  des  dix-huit  martyrs  de  Saragosse 
est  du  IVe  siècle,  que,  entre  autres  passages 
bibliques,  s'y  trouve  sculpté  le  glorieux  mystère 
de  l'Assomption  de  la  Ste  Vierge  au  ciel,  et 
que  ce  monument  archéologique  est  le  seul 
qu'on  connaisse  avec  ce  symbolisme  d'une 
époque  si  éloignée. 

Pierre  GASCON  DE  GOTOR, 
Prêtre,  Correspondant  de  l'Académie 
royale    d'Histoire. 
Madrid,  janvier  189g. 


Hnrjletcrrc. 

i  ES  lecteurs  du  hardi  Daily  Mail,  —  et  il  y  a 
pas  mal  d'architectes  parmi  eux,  —  ont 
éprouvé  une  rude  surprise,  le  19  janvier  ;  le 
journal  en  question  publiait  ce  jour-là  un  des- 
sin de  l'aboaye  de  Westminster,  ou  plutôt  une  vue,  prise 
depuis  l'extrémité  de  la  chapelle  Henri  VII  jusqu'au 
milieu  de  la  nef,  montrant  la  tour  centrale  actuelle  sur- 
montée d'un  étage  gothique  et  d'une  flèche  écrasante  en 
pierre.  Ce  projet  doit  son  origine  à  l'élargissement  de 
Whitehall,  aux  abords  du  Parlement  qui  vient  de  s'ache- 
ver. Il  faut  espérer  que  si  l'on  ajoute  quelque  chose  à  la 
tour  actuelle  sur  les  transepts,  on  s'en  tiendra  à  une  seule 
tour  digne  d'être  placée  à  coté  de  celles  de  nos  nombreu- 
ses cathédrales  à  trois  tours.  Une  flèche  centrale,  lorsqu'il 
existe  déjà  deux  tours  à  la  façade  principale,  ne  se  voit 
pas  chez  nous,  et  l'idée  est  plutôt  continentale  qu'an- 
glaise. 


L'église  de  la  Sainte-Trinité,  Minories  (près  la  Tour  de 
Londres;,  vient  d'être  fermée.  Elle  a  une  histoire  bien 
intéressante, et  renferme  une  grande  partie  de  la  muraille 


nord  de  l'ancienne  église  abbatiale  d'Eastminster,  une 
des  abbayes  hors  les  murs  de  Londres  au  moyen  âge. 
La  chaire  de  vérité  et  le  maître-autel  sont  en  bois  de 
chêne  sculpté  de  grande  beauté.  M.  Brewer  les  a  repré- 
sentés dans  un  dessin  publié  par  le  Daily  Graphie  du 
31  janvier  ;  et  le  London  A rgu s  du  14  janvier  donne  deux 
charmantes  vues,  l'une  extérieure  et  l'autre  intérieure,  de 
la  petite  église  ;  il  en  donne  également  l'histoire. 


La  ville  de  Southampton  possède,  outre  de  nombreux 
restes  intéressants  du  passé,  une  porte  très  ancienne, 
—  actuellement  l'hôtel-de-ville,  —  dont  l'origine  re- 
monte au  XI  le  siècle,  quoique  les  trois  arcs  du  rez-de- 
chaussée  et  les  quatre  fenêtres  de  l'étage  de  chaque  côté 
du  monument  appartiennent  au  style  ogival.  En  janvier, 
la  ville  voulait  entreprendre  un  tramway,  le  long  de  High 
Street  (où  est  la  porte  en  question),  à  traction  électrique. 
La  largeur  de  la  rue,  en  cet  endroit,  suffit  à  peine  à  la 
circulation  actuelle,  et  par  conséquent  le  Conseil  munici- 
pal proposa  deux  modes  pour  faciliter  le  passage  des 
voitures  du  tramway,  dont  le  premier  réclamait  simple- 
ment :  1°  La  démolition  du  Monument  j  2°  la  démolition 
de  quelques  maisons  des  deux  côtés  de  la  rue  au  niveau  de 
la  porte,  pour  établir  une  voie  autour  du  monument.Cette 
dernière  alternative  fut,  par  un  vote  du  Conseil,  reconnue 


Toux»  »#V»ij-è7 


impraticable  ;  il  ne  restait  donc  qu'à  procéder  à  la  démo- 
lition de  la  porte  !  Grande  indignation, par  conséquent, non 
seulement  dans  la  ville,  mais  dans  la  province  entière,  et 
chez  les  architectes  et  les  archéologues  particulièrement, 
qui  pétitionnèrent  en  si  grand  nombre  contre  ce  vanda- 
lisme, que  le  Conseil  a  dû  céder.  L'auguste  administration 
locale  épargnera  le  monument,  et  se  tirera  d'affaire  en 
baissant  graduellement  le  niveau  de  la  rue  des  deux  côtés 
jusqu'à  l'arc  central  sous  la  porte.  Le  Daily  Ckronicle,àz 
Londres,  publia,  le  28  janvier,  une  grande  illustration  de 
la  porte  qui  faillit  succomber  aux  Vandales  qui,  non  seu- 
lement ne  connaissent  rien  aux  antiquités,  mais  qui  s'in- 
quiètent fort  peu  du  passé  glorieux  de  la  ville  dont  ils 
règlent  les  affaires  dans  l'intérêt  de  leurs  électeurs  !  Ils 
sont  tiers  d'être  membres  du  Conseil,  sans  doute  ;  mais 
les  électeurs  prendront  bonne  note,  à   la   prochaine  élec- 


Correspondance. 


!39 


tion,  des  noms  de  ceux  qui  ont  voté  en  faveur  du  vanda- 
lisme projeté.  Ce  sont  les  électeurs  qui  seront  fiers  ce 
jour-là  !  The  Antiqicary  de  février  donna  une  vue  de 
l'autre  côté  de  la  porte  que  celui  que  nous  avons  choisi. 


Nous  possédons  à  Chesterfield  (Derbyshire), une  flèche 
unique  en  son  genre,  —  une  flèche  tordue  (')  !  Elle  est  de 
plomb,  et  des  théories  sans  nombre  ont  été  avancées  sur 
la  cause  du  phénomène,  —  si  phénomène  il  y  a  !  Peut- 
être  est-ce  une  idée  (comme  une  autre)  d'un  architecte 
excentrique. Cependant  les  archives  n'en  disent  mot. Cette 


curieuse  flèche,  dit-on,  est  caduque,  et  l'on  veut  y  exé- 
cuter des  travaux  afin  de  la  rendre  stable.  On  verra,  par 
notre  croquis,  que  cela  en  vaut  bien  la  peine.  Le  Daily 
Mail  du  20  janvier  a  donné  un  dessin  de  l'église,  mais 
sur  une  échelle  trop  minime  pour  être  utile  aux  archi- 
tectes. Nous  n'en  avons  pas  encore  vu  d'illustration  dans 
les  journaux  architecturaux  ;  notre  croquis  est  d'après 
une  photographie  en  notre  possession. 


Depuis  plusieurs  mois,  la  nef  de  la  cathédrale  de  Nor- 
vvich  a  été  fermée  au  public  pour  y  faire  des  travaux  de 
nettoyage  et  de  réparation.  Les  deux  tiers  des  travaux 
sont  terminés,  et  les  résultats  sont  de  très  grande  impor- 
tance, puisque  des  restes  d'une  église  antérieure  ont  été 
retrouvés,  comme  aussi  des  fresques,  notamment  une 
qui  existe  près  la  porte  du  Prieur.  Des  traces  des 
chapelles  latérales  ont  été  également  mises  au  jour, 
près  de  la  clôture  vitrée.  A  deux  travées  de  la  porte  du 

I.  Cette  flèche  n'est  pas  unique  comme  le  croit  notre  correspon- 
dant :  Il  en  existe  un  exemple  très  remarquable  à  la  cathédrale  de 
Gelnhausen,  ville  du  Grand-Duché  de  Hesse-Darmstadt.  11  en  existe 
également  une  à  l'église  de  Palleur,  en  Belgique.  N.  D.  l.  r. 


Prieur  on  voit  un  curieux  réduit  semi  circulaire,  précédé 
de  deux  colonnes.  Dans  la  sacristie,  il  existe  encore  des 
réduits  de  plus  grandes  proportions.  Au-dessus  de  l'arc, 
entre  la  3e  et  la  4e  travée  depuis  la  porte  du  Prieur,  se 
trouvent  des  peintures  murales  circulaires,  dont  la  pre- 
mière représente,  apparemment,  un  édifice  quelconque. 
Les  autres  ne  sont  pas  encore  déchiffrées  ;  dans  celle  de 
droite  on  voit  deux  femmes.  Une  des  plus  importantes 
découvertes  pendant  ces  travaux  de  nettoyage,  est  la 
chapelle  mortuaire  de  l'évêque  Nix.  Devant  la  chapelle, 
il  y  a  de  très  beaux  panneaux  sculptés.  Il  est  à  espérer 
qu'une  brochure  illustrée  sera  publiée  à  l'achèvement  des 
travaux,  et  mise  en  vente  à  bas  prix. 


La  collection  de  feu  le  baron  Ferdinand  de  Rothschild 
(bijouterie,  émaillerie,  poterie,  etc.)  et  missels  enlu- 
minés, d'une  valeur  totale  de  £  300,000,  a  été  léguée  au 
British  Muséum.  La  première  partie  de  la  collection  a 
été  reçue  par  le  bibliothécaire  en  chef,  le  7  février. 


Le  comté  de  Surrey  ne  possède  pas  moins  de  cinq 
abbayes  du  moyen  âge,  dont  celle  de  Waverley  a  été  la 
première  de  l'Ordre  cistercien  en  Angleterre.  Des.fouilles 
ont  été  faites  en  1898  ;  les  résultats  connus  aujourd'hui 
sont  de  haute  importance.  Les  découvertes  comportent  : 
la  partie  occidentale  de  la  salle  capitulaire  et  les  restes 
de  sa  belle  porte  d'entrée  ;  la  salle  elle-même  et  le  corri- 
dor qui  y  conduisait  ;  dans  le  terrain  situé  au  Sud  du 
cloître,  entre  le  cellarium  et  le  dortoir,  les  offices  de  la 
cuisine  ont  été  entièrement  mis  à  découvert  ;  les  murs  du 
réfectoire,  avec  le  banc  en  pierre  sur  3  des  4  côtés,  et  des 
portions  de  mur  du  chauffoir,  et  d'autres  salles.  L'en- 
ceinte de  l'église  a  été  également  mise  au  jour  en  partie. 
On  a  retrouvé  les  divisions  pour  les  chapelles  des 
transepts.  Des  morceaux  de  vitraux-peints  et  de  gri- 
sailles, comme  aussi  la  mise  en  plomb  de  plusieurs  pan- 
neaux de  fenêtres,  des  dalles,  dont  bon  nombre  sont 
ornées  de  dessins,  de  la  poterie  du  moyen  âge,  des 
coupes  en  verre,  et  une  quantité  de  petits  objets  ont 
formé  une  collection  intéressante,  si  longtemps  sous 
terre.  Les  travaux  d'exploration  ont  été  suspendus  pen- 
dant l'hiver,  mais  ils  recommenceront  à  la  bonne  saison. 
On  fait  un  appel  au  public  pour  couvrir  les  frais  considé- 
rables de  ces  travaux. 


Monsieur  James  Weale  est  actuellement  employé  au 
British  Muséum  à  dresser  un  catalogue  complet  de 
reliures  dans  le  «  Département  des  livres  imprimés  et  des 
manuscrits  ».  Dès  qu'il  a  été  mis  à  la  retraite  à  South 
Kensington,  le  British  Muséum  lui  a  trouvé  un  emploi, 
sans  donner  le  temps  à  d'autres  de  réparer  les  mauvais 
procédés  du  «  Département  de  Science  et  d'Art  ». 


BEVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  2me  LIVRAISON. 


140 


3&cbuc  lie  r&rt  ctncttnu 


La  ville  d'Exeter  a  vu  dernièrement  une  pierre  énorme 
destinée  aux  ateliers  de  M.  Harry  Hems.  Elle  venait  de 
Mansfield  (Notts),  non  loin  de  Derby,  et  pesait  près  de 
10  tonnes  (44,800  kilos)  !  Elle  est  destinée  à  la  colossale 
figure  du  Christ  en  croix  pour  le  maître-autel  à  l'abbaye 
de  St-Alban. 


M.  Brewer  a  publié,  fin  décembre,  un  dessin  de  l'abbaye 
de  Malmesbury  (Wiltshire),  dans  le  Daily  Graphie.  Nos 
lecteurs  se  souviendront  que  ce  vénérable  reste  du  passé 
doit  sous  peu  être  mis  entre  les  mains  des  restaurateurs. 


Pendant  le  grand  ouragan  qui  a  sévi  en  janvier,  la 
tour  de  l'église  Saint-Laurent,  près  de  l'ancienne  abbaye 
de  Reading  (Berkshire),  a  été  endommagée.  L'un  des 
grands  pinacles  ayant  été  enlevé  par  le  vent,  est  tombé 
sur  le  toit  de  la  nef  et  a  traversé  celui-ci.  Les  journaux 
(non-professionnels,  soit  dit  en  passant)  ont  annoncé  la 
destruction  de  la  flhhe  de  l'église  Saint-Laurent  !  Dans 
toute  la  ville,  il  n'existe  pas  de  flèche,  mais  les  journaux 
de  Londres  se  sont  copiés  servilement  les  uns  les  autres 
répétant  ce  détail. 

*  * 

L'ancienne  église  de  l'abbaye  de  Denbigh  (Pays-de- 
Galles)  actuellement  un  dépôt  de  laine,  a  été  détruite  par 
le  feu,  en  janvier. 


Dans  len°  du  jour  de  l'an  du  Builder  figurent  des  des- 
sins et  un  plan  de  l'ancienne  abbaye  de  Llanthony 
(Pays-de-Galles)  ;  la  gravure  comprenant  deux  pages, 
prise  du  Nord-Ouest,  vaut  le  prix  du  n°  tout  entier. 


La  chaire  de  vérité  en  bois  de  chêne  de  l'église 
(démolie)  de  Saint-Michel,  Cheapside  (Londres),  vient 
d'être  placée  à  l'église  Saint-Marc,  Kennington. 


Les  travaux  de  reconstruction  au  pignon  Sud-Ouest  de 
la  façade  principale  de  la  cathédrale  de  Peterborpugh, 
s'achèvent  rapidement.  Cette  partie  du  monument  exige 
peu  de  réparations,  et  par  conséquent  l'opération  ne  sera 
ni  aussi  longue,  ni  aussi  coûteuse  que  la  réfection  du 
pignon  Nord-Ouest. 

*  * 

On  a  décidé  de  continuer  immédiatement  les  tours  de 
la  cathédrale  de  Truro,  au  moins  jusqu'à  la  hauteur  des 
toits  des  bas-côtés,  et  si  les  fonds  arrivent  assez  rapide- 
ment, on  poussera  les  travaux  jusqu'à  la  hauteur  du  toit 
de  la  nef  £  30,000  sont  garanties,  mais  il  en  faut  encore 
£  20,000.  Alors  se  posera  la  question  des  flèches.  L'en- 
semble du  projet  est  vraiment  grandiose,  et  feu  M.  Pear- 


son,  son  architecte,  y  a  donné  au  pays  un  bijou  architec- 
tural en  style  du  XIIIe  siècle  pur. 


L'église  ancienne  d'Inverugie  (Ecosse),  datant  de 
1380,  et  la  propriété  des  comtes  de  Marischal,  a  été  telle- 
ment endommagée  par  l'ouragan  de  janvier  dernier, 
qu'elle  doit  être  démolie. 

H» 
*     # 

On  vient  de  démolir  la  maison  de  garde  principale, à  la 
Tour  de  Londres,  pour  la  reconstruire  dans  un  caractère 
mieux  en  harmonie  avec  la  tour. 


L'église  de  Strood-lez-Rochester  est  «l'église  la  plus 
hideuse  de  Kent  ».  Elle  est  archimoderne,  et  se  trouve 
sur  le  site  de  l'ancienne,  qui  subsista  de  1 1 58  à  1812.  La 
tour,  seul  reste  de  l'église  du  moyen  âge,  prit  feu,  en 
décembre  dernier,  et  tout  l'intérieur  a  été  détruit.  Pen- 
dant le  grand  ouragan  de  janvier,  un  des  quatre  pans 
restants  de  la  tour  s'est  effondré. 


LeCounty  Council  de  Londres  demande  un  architecte, 
auquel  il  donnerait  des  appointements  de  £  2,000.  L'ar- 
chitecte qui  a  donné  sa  démission  avait  £  i,5co  par  an. 


Nous  voudrions  attirer  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  la 
série  de  grandes  vues  photographiques  de  la  cathédrale 
de  Durham,  dans  VArchitect.  La  clarté  dans  la  repro- 
duction des  détails  ne  laisse  rien  à  désirer,  et  le  choix  est 
excellent.  La  vue, surtout, des  tours  de  la  façade,  du  jardin 
de  l'évêque,  et  celle  de  la  superbe  tour  centrale,  prise  des 
cloîtres,  donneraient  à  nos  lecteurs  l'envie  d'aller  étudier 
et  esquisser  le  monument. 

A  la  réunion  bimensuelle  de  1'  Architectural  Associa- 
tion, la  semaine  dernière,  il  y  a  eu  une  très  intéressante 
et  importante  conférence  sur  les  vitraux  et  leur  fabrica- 
tion, par  M.  Christopher  Whall. 


Un  article  très  instructif  sur  le  dessin  architectural  des 
cadrans  d'horloge,  illustré  d'exemples  tant  du  continent 
que  de  l'Angleterre,  parut  cette  semaine  dans  le  Builder. 


M.  Bodley  vient  de  recevoir,  du  Royal  Instilute  oj 
British  Architecls,  la  médaille  royale  d'or,  la  plus  haute 
distinction  professionnelle  que  la  Société  puisse  conférer 
à  un  architecte. La  Société  elle-même  est  aux  architectes 
ce  qu'est  la  Royal  Acadcmy  aux  peintres. 


Correspondance. 


141 


Les  Restaurations. 

Un  Comité  s'est  formé  pour  la  réparation  de  la  façade 
de  l'ancienne  église  abbatiale  de  Bath.  Cette  façade  est 
curieuse  ;  à  chaque  côté  de  la  grande  fenêtre  du  XV 
siècle,  se  trouve  une  échelle,  sculptée  dans  la  pierre,avec 
des  anges  ascendants  et  descendants. 


Sont  en  voie  de  restauration  :  l'église  de  Dormston 
(Worcestershire),  avec  sa  tour  à  moitié  en  poutres  et 
poutrelles,  son  pignon  principal  dit  saddle-back  (toit  en 
batière),  et  son  portail  en  bois  ;  celle  de  Hacconby  (aux 
seuls  frais  du  comte  d'Ancaster)  ;  celle  de  St-Thomas 
l'apôtre,  à  Naverstock-les-Romford  (Essex),  dont  une 
partie  remonte  au  XIIe  siècle, et  pour  laquelle  il  faut 
£  2,000  ;  la  même  somme  est  requise  pour  celle  de  Pal- 
ling  (East  Norfolk)  ;  celle  de  Keston,près  Boston  (Lines), 
vient  d'être  ouverte  après  restauration.  Jusqu'en  1800, 
elle  était  une  des  plus  grandioses  de  la  province,  époque 
où  les  habitants  démolirent  la  superbe  tour  centrale,  et  en 
construisirent  une  à  la  façade  principale.  La  partie  an- 
cienne vient  d'être  restaurée.  La  cathédrale  St-David 
(Pays  de  Galles),  datant  de  11 80,  est  en  traitement  ;  les 
bâtiments  à  l'Est  de  la  cathédrale  ont  absorbé  la  somme 
de  £  12,000  pour  leur  restauration, il  y  a  quelques  années; 
l'église  de  Bothwell  vient  de  voir  ses  travaux  de  répara- 
tion terminés,  comme  aussi  celle  de  Coddenham.  L'église 
Saint-Cuby  à  Fregony,  vient  d'être  ouverte  après  restau- 
ration. On  y  trouve  deux  colonnes  qui  figuraient  autrefois 
dans  l'église.  Celles-ci,  et  les  arcades  ont  été  remises  en 
place,  et  le  toit  baissé  à  son  niveau  primitif.  L'église  de 
Dalton-le-Dale,  près  du  port  de  Seaham,  et  dédiée  à 
S.  André,  tombe  graduellement  en  ruines.  On  demande  la 
somme  de  £  700  pour  la  remettre  en  état.  L'église  de 
Cringleford,  où  l'on  voit  des  arcs,  des  croix  et  des  cha- 
piteaux de  la  période  saxonne,  et  un  double  réduit  à 
l'extérieur,  comme  aussi  une  fenêtre  pour  les  lépreux, 
vient  d'être  ouverte  après  la  restauration,  pendant 
laquelle  la  plupart  des  antiquités  citées  ont  été  trouvées. 


On  se  prépare  activement,  à  South-Kensington,  pour  la 
cérémonie  de  la  pose  de  la  première  pierre  des  nouveaux 
bâtiments,  fixée  au  17  mai.  Sa  Majesté  la  Reine  posera 
la  pierre,  et  l'on  dit  que  c'est  la  dernière  fonction  publique 
à  laquelle  elle  assistera.  Les  bâtiments  affectés  actuelle- 
ment au  service  du  département  des  sciences  seront  con- 
servés au  nouveau  musée  ;  ils  ne  contiendront  que  sa 
Bibliothèque  ;  les  classes  des  sciences  seront  transférées 
dans  une  nouvelle  construction  à  l'autre  côté  de  l'Exhi- 
bition Road. 

*** 

Un  Christ  en  croix  vient  d'être  placé  au  retable  du 
maitre-autel  de  la  cathédrale  de   Winchester.    L'espace 


immédiatement  au-dessus  de  l'autel,  autrefois  occupée 
par  un  tableau  de  West,  représentant  «  La  Résurrection 
de  Lazare  >,  sera  remplie  par  un  groupe  en  pierre,  de  la 
Sainte  Famille. 

*** 
Une  des  chapelles  de  la  nouvelle  cathédrale  de  West- 
minster sera  dédiée  à  Ste  Winefrède.Une  source  miracu- 
leuse que  l'on  attribue  à  cette  sainte  se  trouveà  Holywell, 
(Galles  Nord);  les  frais  de  la  construction  et  la  décoration 
de  cette  chapelle  seront  couverts  par  une  seule  personne. 
Leur  valeur  totale  est  de  £  7000. 


Citons  un  intéressant  article,  paru  dans  le  Builder, 
sur  les  restaurations  et  les  nouvelles  constructions  qui  se 
font  à  Bruges.  L'architecte  auquel  nous  le  devons  connaît 
bien  la  ville,  ayant  été  élève,  il  y  a  plus  de  20  ans,  de 
l'Académie  de  cette  ville,  et  ayant  étudié  sous  un  archi- 
tecte brugeois  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire. 


Le  Great  Western  Railway,  en  préparant  les  nouvelles 
voies  projetées,  a  absorbé  les  propriétés  de  l'ancienne 
abbaye  de  Hayles  (Gloucestershire),  et  du  vieux  prieuré 
de  Llanthony,  dans  le  même  comté.  Avant  que  la  compa- 
gnie ne  puisse  commencer  ses  travaux,  la  Société  Archéo- 
logique de  Bristol  et  du  Gloucestershire  entreprendra  des 
fouilles  sur  les  propriétés  en  question  ;  elle  fera  des  dé- 
marches pour  conserver  autant  que  possible  les  restes  de 
ces  deux  vénérables  monuments. 


Parmi  les  restaurations  importantes  notons  spéciale- 
ment :  l'église  de  Brierley  Hill,  au  coût  de  £  5,000  ;  le 
chœur  de  l'église  d'OIdbury-on-Severn  ;  l'église  d'Over- 
ton  (Lancs),  datant  de  l'an  1100  (dont  la  porte  principale 
et  quelques  autres  détails  sont  Normans  et  auxquels  on 
ne  touchera  pas)  ;  l'église  de  Bishop's  Cleeve-lez-Chelten- 
ham  ;  le  transept  de  l'église  de  Wadham  et  sa  superbe 
piscine  du  commencement  du  XVe  siècle  ;  l'église  d'Il- 
minster,  et  l'église,  du  XVe  siècle,  de  St-Mary-le-Quay, 
Ipswich. 

* 
*  * 

Sa  Sainteté  Léon  XIII  a  récemment  offert  à  S.  M.  la 
Reine  une  grande  statue  de  Notre-Seigneur  debout  sur 
un  globe,  la  main  droite  levée,  tandis  que  la  Croix  repose 
contre  le  bras  gauche.  La  statue  sort  des  ateliers  de 
MM.  Rosa  et  Zanario  ;  une  réplique  sera  faite  pour  l'ab- 
baye de  Westminster.  On  prête  au  Saint-Père  l'intention 
de  donner  d'autres  exemplaires  de  cette  statue  aux  sou- 
verains européens  ;  mais  la  statue  originale  sera  envoyée 
à  notre  Reine. 

John  A.  Randolph. 

Londres,  le  15  avril  1898. 


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TFvabaujc  Des  JSoctétcs  savantes. 


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Société  des  Antiquaires  de  France.  — 
Séance  du  4.  janvier  i8çç.  —  M.  Bapst,  président, 
donne  lecture  de  son  discours  de  sortie.  M.  Emile 
Molinier  prend  possession  du  fauteuil. 

M.  Vauville  entretient  la  Société  des  fouilles 
opérées  à  Paris,  rue  de  la  Colombe. 

M.  Héron  de  Villefosse  invite  ses  confrères  à 
visiter  les  restes  des  murs  de  la  vieille  enceinte 
de  Paris,  mis  au  jour  en  cet  endroit  et  qui  vont 
disparaître. 

Notre  collaborateur  M.  le  baron  de  Baye  pré- 
sente une  bague  en  or  rapportée  de  sa  dernière 
mission  au  Caucase.  Ce  bijou,  trouvé  à  Télaf,  en 
Géorgie,  est  antérieur  au  XVIe  siècle. 

Séance  du  11  janvier.  —  M.  l'abbé  Thédenat 
donne  des  renseignements  sur  les  travaux  exé- 
cutés actuellement  au  Forum. 

M.  Guiffrey  présente  huit  dessins  récemment 
entrés  au  Musée  du  Louvre  ;  ce  sont  des  projets 
ou  plutôt  des  modèles  de  tapisseries  que  l'on 
peut  rapporter  à  la  deuxième  moitié  du  quin- 
zième siècle. 

M.  Samuel  Berger  entretient  la  Société  de 
curieuses  miniatures  inspirées  par  des  juifs  et 
faites  pour  des  juifs.  On  les  retrouve  en  assez 
grand  nombre  dans  d'anciens  manuscrits  alle- 
mands, italiens  et  espagnols. 

Séance  du  18  janvier.  —  M.  Cagnat  commu- 
nique une  lampe  trouvée  à  Carthage,  portant  un 
souhait  de  bonne  année.  MM.  de  Villefosse  et 
Mowat  citent  des  inscriptions  analogues,  mais 
avec  des  variantes. 

M.  Vauville  donne  des  renseignements  com- 
plémentaires sur  les  fouilles  de  la  rue  de  la  Co- 
lombe. Il  y  a  constaté  la  présence  des  restes  d'une 
église,  pierres  tombales,  chapiteaux, colonnes,  etc. 
Il  pense  que  ces  anciens  vestiges  sont  les  restes 
de  la  chapelle  de  St-Aignan. 

Séance  du  25  janvier.  —  M.  de  Villefosse  pré- 
sente, de  la  part  de  M.  Engel,  la  photographie 
d'un  seau  de  bronze  ayant  appartenu  à  une 
noria  romaine  placée  au  fond  d'une  mine  à  Sotel 
Coronado  (Province  de  Huelra,  Espagne).  Sur  le 
rebord  intérieur  de  cet  objet  on  remarque  une 
inscription  indiquant  qu'il  appartenait  à  L.  Vi- 
bius  Amarantus. 

M.  Petit  donne  communication  de  documents 
servant  à  prouver  qu'aux  XIIIe  et  XIVe  siècles, 
des  familles  féodales  portant  l'écu  de  Bour- 
gogne ancien  n'appartenaient  pas  forcément  à 
la  maison  ducale. 


M.  le  baron  de  Baye  entretient  la  Société  de 
petits  édicules  qu'il  a  vus  au  Caucase,  édicules 
consacrés  au  culte.  Les  populations  y  apportent 
des  offrandes.  Il  y  a  là  des  objets  chrétiens  et 
d'autres  ayant  un  caractère  païen.  On  pourrait 
faire  de  curieuses  collections  ethnographiques  et 
archéologiques  dans  ces  chapelles  remontant  à 
des  temps  très  anciens. 

Séance  du  Ier  février.  —  M.  Prou  donne  de 
très  intéressants  détails  sur  un  tissu  byzantin 
en  soie  du  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens. 

M.  Vitry  signale  deux  épreuves  d'un  buste  en 
bronze  par  Warin,  l'une  à  l'Albertinum  de  Dres- 
de, l'autre  chez  un  marchand  de  Paris.  Ces  deux 
épreuves  doivent  être  ajoutées  à  la  liste  de  celles 
étudiées  par  Courajod  et  proviennent  vraisem- 
blablement de  la  série  des  6  épreuves  comman- 
dées, en  1643,  par  'es  héritiers  de  Richelieu. 

Sur  la  proposition  de  M.  Mareuse,  la  Société 
émet  le  vœu  que  la  Porte  de  Paris,  à  Montlhéry, 
menacée  de  destruction,  soit  conservée. 

Séance  du  8  février.  —  M.  le  baron  de  Baye 
communique  une  série  de  cadenas  qu'il  a  réunis 
durant  ses  missions  en  Russie.  Les  plus  anciens 
proviennent  des  ruines  de  l'ancienne  Bolgary. 

M.  Hauvette  étudie  deux  inscriptions  récem- 
ment découvertes,  l'une  à  Delphes,  l'autre  à  Athè- 
nes, et  toutes  deux  relatives  à  un  athlète  fameux, 
Phaijllos  de  Crotone. 

M.  Poinsot  présente  la  photographie  d'une 
statue  de  St  Jean-Baptiste  découverte  dans 
l'église  de  Rouvres  près  Dijon.  Cette  œuvre  très 
remarquable  appartient  au  XIVe  siècle;  elle  est 
donc  antérieure  à  la  floraison  de  l'art  bour- 
guignon. On  la  trouvera  reproduite  dans  les 
nos  69-70  de  l' A  mi  des  monuments. 

Séance  du  i'r  mars.  —  M.  Blanchet  rapproche 
deux  statuettes,  l'une  en  bronze  trouvée  à  Pom- 
péï  et  l'autre  en  terre  cuite  trouvée  dans  la  Basse 
Egypte,  toutes  deux  représentant  un  satyre  te- 
nant des  outres.  Il  propose  une  nouvelle  inter- 
prétation d'une  figure  de  guerrier  gaulois  sculp- 
tée sur  le  sarcophage  de  la  vigne  Ammendola 
conservé  au  Musée  du  Capitole  à  Rome. 

Le  baron  de  Baye  entretient  la  Société  de 
dolmens  qu'il  a  découverts  au  Nord  du  Caucase 
dans  le  gouvernement  de  la  mer  Noire  et  dans 
la  province  du  Kouban.  Ces  dolmens  ont  un  de 
leurs  supports  percé  d'une  ouverture  ronde  com- 
me plusieurs  monuments  mégalithiques  de 
France,  de  Portugal,  de  Syrie  et  même  des  Indes. 


Cratoauj;  &es  Sociétés  savantes. 


'43 


M.  Miction  montre  la  photographie  d'une 
mosaïque  en  relief  représentant  Hercule  au  jar- 
din des  Hespérides. 

Séance  du  8  mars.  —  M.  Martha  entretient 
la  Société  de  l'inscription  étrusque  trouvée  à 
Carthage  par  le  R.  P.  Delattre.  Au  lieu  du  nom 
Melkarth,  l'inscription  contient,  selon  lui,  le  nom 
de  Carthage  (Kardazie).  M.  Miction,  au  nom  de 
M.  Cagnat,  lit  une  note  du  docteur  Carton  sur 
les  mines  de  Ksar-Djema-el-Djir  en  Tunisie. 

M.  Charles  Ravaisson  Mollien  explique  que  le 
portrait  de  la  collection  Esterhazy  portant  les 
noms  de  Délia  Torre  et  de  Léonard  de  Vinci, 
restauré  au  XVIe  siècle,  représente  l'anatomiste 
et  non  pas  le  peintre,  son  auteur.  M.  Lafaye  pré- 
sente des  moules  romains  en  terre  cuite  qui  ont 
servi  à  couler  au  commencement  du  IVe  siècle 
de  notre  ère  des  monnaies  portant  des  effigies 
des  empereurs  du  IIIe  siècle.  Ces  moules  ont  été 
acquis  par  lui  à  Bordeaux. 

Séance  du  ij  mars. —  M.  le  baron  de  Baye  fait 
part  de  la  découverte  dn  comte  A.  Bobrinsky, 
au  Musée  royal  des  Armures  de  Stockholm, 
d'un  casque  de  Jean  le  Terrible. 

M.  Prou  communique  de  la  part  de  M.  Paul 
Quesvers  une  statuette  en  bronze  de  Mercure 
trouvée  à  Montereux. 

M.  Miction  lit  un  mémoire  sur  de  nouvelles 
ampoules  à  eulogies  conservées  au  Louvre  et  en 
particulier  sur  des  exemplaires  provenant  des 
environs  de  Smyrne  trouvés  par  M.  Gaudin. 

Séance  du  22  mars.  —  M.  Michon  signale  dans 
une  statue  récemment  trouvée  à  Antioche  une 
réplique  de  la  statue  dite  de  Julien  l'Apostat,  dont 
les  deux  seuls  exemplaires  connus  étaient  ceux 
du  Louvre  et  du  Musée  de  Cluny,  et  indique 
l'importance  de  cette  nouvelle  découverte  pour 
l'identification  du  personnage  représenté. 

M.  Babelon  rappelle  qu'il  y  a  quelques  mois  il 
a  présenté  à  la  Société  un  grand  camée  repré- 
sentant probablement  Julien  en  costume  impé- 
rial, trouvé  l'année  dernière  dans  les  ruines 
d  Antioche.  Il  y  a  entre  la  découverte  de  la 
statue  dont  a  parlé  M.  Michon  et  celle  de  ce 
camée  un  rapprochement,  une  coïncidence  au 
moins  curieuse.  Le  costume  de  philosophe  donné 
à  l'empereur  dans  les  statues  qu'on  lui  attribue 
au  lieu  du  costume  impérial  ordinaire,  peut  être 
considéré  comme  une  flatterie  à  l'adresse  de 
Julien  qui  tenait  par-dessus  tout  à  être  considéré 
comme  empereur  philosophe. 

Séance  du  12  avril.  —  La  comtesse  Ouvaroff 
invite  les  membres  de  la  Compagnie  au  Congrès 
russe  d'archéologie  qui  se  tiendra  à  Kief  du 
13  août  au  Ier  septembre. 


Le  baron  de  Baye  soumet  à  la  Société  des 
épées  et  une  hache  rapportées  par  lui  de  Géorgie. 
Ces  bronzes  appartiennent  à  une  civilisation 
encore  peu  étudiée,  qui  a  laissé  des  vestiges  en 
Transcaucasie.  Il  compare  ces  antiquités  prove- 
nant de  sépultures  mises  au  jour  en  Katholie 
et  en  Kartholinie  avec  celles  découvertes  par 
Schlieman  à  Mycènes. 

M.  Emile  Eude  donne  quelques  détails  sur  un 
monument  archéologique  portugais,  le  chaudron 
d'Alcobaza.  Ce  chaudron,  aujourd'hui  disparu, 
était  énorme  de  dimension,  puisqu'on  pouvait  y 
faire  cuire  quatre  bœufs  entiers. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Let- 
tres, —  Séance  du  16  décembre  r8ç8.  —  M.  Cler- 
mont-Ganneau  présente, de  la  part  de  M.Troisier, 
le  moulage  d'une  petite  stèle  punique  venant 
de  Tunisie. 

M.  Th.  Reinach  achève  la  lecture  de  son  rap- 
port sur  «  Un  temple  élevé  par  les  femmes  de 
Tanagra  ». 

M.Eug.Miintz  présente  un  travail  deM.  Ch.Ca- 
sati  intitulé  :  Étude  sur  la  première  époque  de  l'art 
français  et  sur  les  monuments  de  la  France  les 
plus  utiles  à  conserver. 

M.  Héron  de  Villefosse,  au  nom  de  M.  le  capi- 
taine Espérandieu,  offre  une  planche  en  couleur 
avec  le  titre,  du  Calendrier  de  Coligny. 

Séance  du  23  décembre.  —  M.  S.  Reinach  an- 
nonce une  importante  découverte  due  à  M.Gsell. 
Sur  un  bas-relief  provenant  de  Carthage,  il  a 
reconnu  des  copies  des  trois  grandes  statues  qui 
ornaient,  à  Rome,  le  temple  de  Mars  Ultor.Ch.A- 
cune  de  ces  statues  est  sur  un  piédestal;  au  milieu, 
Mars  ;  à  gauche,  Vénus  et  Éros  ;  à  droite,  César. 
Par  là  notre  connaissance  de  l'art  romain  officiel 
de  la  plus  belle  époque  se  trouve  notablement 
accrue. 

Séance  du  jo  décembre.  —  M.  Héron  de  Ville- 
fosse  annonce  que  le  mur  antique  mis  à  jour 
dans  la  rue  de  la  Colombe  est  actuellement  vi- 
sible, et  que,  par  une  gracieuse  décision  de  M.  le 
docteur  Lamouroux  président  du  «Vieux-ParisS, 
les  travaux  seront  suspendus  pendant  quelques 
jours,  afin  de  permettre  aux  membres  de  l'Aca- 
démie de  se  rendre  compte  de  cette  découverte. 
Ce  mur,  prolongation  de  celui  qui  fut  découvert 
l'an  dernier  rue  Chanoinesse,  sera  démoli,  et  les 
pierres  sculptées  ou  gravées  seront  déposées  au 
musée  Carnavalet. 

M.  Delisle  présente  le  dernier  volume  de  X In- 
ventaire sommaire  des  manuscrits  grecs  de  la 
Bibliothèque  nationale,  par  M.  Omont. 

Séance  du  6  janvier  r8çç. —  Notre  collaborateur 
M.   de   Mély,  dans   une    note    qu'on   trouvera   à 


144 


Hetntc  lie  T^rt  cftrétten 


la  Chronique,  signale  un  document  historique 
important,  qui  a  passé  jusqu'ici  inaperçu.  Il 
s'agit  de  la  pancarte  du  cierge  pascal  de  la 
Sainte-Chapelle,  de  l'année  1327.  Il  donne  trois 
dates  de  notre  histoire  qu'on  ne  connaissait  pas 
encore:  la  date  dei24S,  très  probablement  le 
25  mars,  pour  l'apport  du  troisième  envoi  des 
reliques  de  Constantinople,  cédées  par  Baudouin 
à  saint  Louis  ;  la  date  de  1240,  pour  la  pose  de 
la  première  pierre  de  la  Sainte-Chapelle  ;  celle 
de  janvier  1295  pour  la  naissance  du  roi  Char- 
les IV.  Enfin,  la  mention  de  l'apport  du  chef  de 
saint  Louis  à  la  Sainte-Chapelle  explique  un 
passage  des  Chroniques  de  Sicile  relatant  la 
translation  des  reliques  de  ce  roi  de  Monreale  à 
Paris  vers  1378. 

Dans  la  même  séance,  M.  Rréal  communique 
et  commente  une  inscription  votive  étrusque 
relevée  sur  une  lamelle  en  ivoire,  qui  lui  a  été 
envoyée  de  Carthage  par  le  R.  P.  Delattre,  et  qui 
présente  cette  singularité  d'avoir  été  trouvée 
dans  un  tombeau  punique,  ainsi  que  celle  de 
contenir  le  nom  du  dieu  Meikarth. 

M.  S.  Reinach  annonce  que  M.Degrand,  consul 
de  France  à  Scutari,  a  fait  don  aux  musées 
nationaux  d'une  intéressante  collection  d'anti- 
quités découvertes  dans  une  nécropole  de  l'Al- 
banie, sise  à  l'Est  de  Scutari  et  remontant  aux 
premiers  temps  de  l'Empire. 

M.  Camille  Julian  communique  une  note  sur 
les  saintes  Victoire  de  Provence,  celle  de  Voix 
(Basses- Alpes)  et  celle  de  la  montagne  célèbre 
des  environs  d'Aix.  Il  montre  que,  malgré  la 
similitude  de  nom,  celle  de  Voix  est  d'origine 
celtique  et  rappellerait  la  déesse  Voconce  An- 
darte.  Au  contraire,  celle  d'Aix  viendrait  du  latin 
Venturius,  qui  est  également,  du  reste,  le  nom 
primitif  du  mont  Ventoux,  et  n'aurait  par  consé- 
quent rien  à  voir  avec  la  Victoire  de  Marius. 

M.  Maximin  Deloche  offre  à  l'Académie  un 
travail  dont  il  est  l'auteur  et  qui  a  pour  titre  Les 
Ai  chiprêtres  de  l'ancien  diocèse  de  Limoges  depuis 
le  douzième  siècle  jusqu'en  i8ço. 

Séancedu  ij  janvier.  —  M.  Clermont-Ganneau 
communique,  de  la  part  du  P.  Germer  Durand, 
une  inscription  romaine  récemment  découverte 
en  Palestine  sur  une  borne  milliaire  de  la  voie 
antique  allant  de  Jérusalem  à  Bethléem.  C'est 
une  dédicace  à  l'empereur  Macrin  et  à  son  jeune 
fils  Diaduménien,  associé  par  lui  à  l'Empire. 

Dans  son  mémoire  intitulé  X Iconographie  du 
Roman  de  la  Rose,  M.  Eug.  Miïntz  insiste  sur  l'op- 
portunité qu'il  y  aurait  de  revenir  aux  études  ico- 
nographiques, longtemps  florissantes  et  aujour- 
d'hui délaissées.  Il  s'attache  à  montrer  quel  rôle 
l'élément  allégorique  a  joué  dans  la  littérature  et 


surtout  dans  l'art;  l'auteur  en  cite, comme  preuve, 
une  cinquantaine  de  manuscrits  enluminés  et  une 
série  de  tapisseries  où  sont  représentés  les  per- 
sonnages populaires  de  Bel- Accueil,  Liesse, Male- 
bouche,  Faux-Semblant,  etc.  Les  succédanés 
du  Roman  de  la  Rose,  tels  que  le  Siège  du  château 
d'Amour,  la  Cita  des  Dames,  ont  sollicité  davan- 
tage encore  le  talent  des  peintres  et  des  sculp- 
teurs. M. Miïntz  signale  entre  autres  quinze  ivoires 
des  XIVe  et  XVe  siècles,  relatifs  à  la  première 
de  ces  œuvres,  et  des  tapisseries  de  la  collection 
Richard  Wallace  représentant  la  seconde. 

M.  Paul  Tannery  fait  une  communication  sur 
un  cadran  solaire  vertical  déclinant,  de  l'époque 
romaine,  trouvé  à  Carthage.  Il  fait  ressortir  les 
caractères  techniques  qui  le  différencient,  soit 
des  cadrans  modernes,  soit  des  cadrans  grecs 
antiques  du  même  type. 

M.  Héron  de  Villefosse  lit  une  note  sur  la  dé- 
couverte d'inscriptions  faite  récemment  en  Tu- 
nisie par  le  P.  Heurtebise,  supérieur  de  l'orpheli- 
nat agricole  de  Saint-Joseph  de  Thibar. 

Séance  du  20  janvier. —  M.  l'abbé  Montagnon, 
curé  de  Lambèze,  a  relevé  une  inscription  (un 
règlement  de  collège  militaire)  dans  le  jardin  de 
la  maison  centrale  de  cette  localité.  M.  Heuzey 
présente  la  restitution  en  plâtre  d'antiques  pa- 
lettes de  scribes,  d'après  divers  fragments, 
notamment  des  envois  de  M.  Flinders-Petrie.  Ces 
objets  remontent  à  la  IVe  dynastie  égyptienne, 
et  à  cette  forme  de  l'art,  qui  a  été  reconnue 
depuis  peu  et  dont  l'apparence  asiatique  a  causé 
une  vraie  surprise. 

M.  Miïntz  offre  à  l'Académie,  de  la  part  de 
M. Sidney  Colvin, conservateur  du  «Print  Room  » 
au  British  Muséum,  un  volume  richement  illus- 
tré, intitulé  A  jlorentine  Picture  chronicle...,  by 
Maso  Finiguerra. 

L'auteur,  dans  une  très  savante  introduction, 
élucide  l'origine  et  retrace  les  vicissitudes  de 
l'important  recueil  de  dessins  qui.de  la  collection 
de  M.  John  Ruskin,  le  célèbre  esthéticien,  vient 
d'entrer  au  British  Muséum.  C'est  une  de  ces 
histoires  universelles, depuis  la  création  du  monde 
jusqu'à  la  naissancedu  Christ, si  populaires  pen- 
dant le  moyen  âge,  comme  le  prouvent  le  Miroir 
hystorial  ou  le  Trésor  des  ystoires.  Exécuté  à 
Florence  vers  le  milieu  du  quinzième  siècle,  le 
recueil  nous  fait  passer  en  revue,  dans  des  accou- 
trements et  avec  des  attributs  plus  ou  moins 
bizarres,  les  personnages  qui  personnifient  les 
cinq  premiers  âges  du  monde,  depuis  Adam  et 
Eve  jusqu'à  Milon  de  Crotone.  L'antiquité  clas- 
sique y  tient  une  place  d'honneur  à  côté  de  l'anti- 
quité biblique.  De  nombreux  rapprochements 
entre    les   dessins  du    recueil  et   les   monuments 


Cratmuj*  Ses  Sociétés  savantes. 


145 


d'architecture,  de  sculpture,  de  peinture  contem- 
porains ou  encore  avec  des  gravures,  ne  contri- 
buent pas  médiocrement  à  aviver  et  à  éclairer  la 
curieuse  suite  d'iconographie  sacrée  et  profane 
mise  en  lumière  par  M.  Sidney  Col  vin. 

Séance  du  27  janvier.  —  M.  Silvain  Lévi  rend 
compte  à  l'Académie  de  la  mission  qu'il  a  ac- 
complie pour  le  ministère  de  l'Instruction  pu- 
blique dans  l'Inde  et  au  Japon. 

M.  Héron  deVille  fosse  communique  une  note 
du  R.  P.  Delattre,  notre  correspondant,  sur  les 
fouilles  de  la  nécropole  punique  située  entre 
Bordj-Djedid  et  la  colline  dite  de  Sainte-Mo- 
nique, à  Carthage.  Ces  fouilles,  qui  ont  eu  lieu 
en  octobre,  novembre  et  décembre  1898,  ont  été 
menées  à  bonne  fin,  grâce  à  la  subvention  de 
l'Académie.  Plus  de  trois  cents  puits  funéraires 
ont  été  déblayés  et  visités  par  le  R.  P.  Uelattre, 
qui  a  recueilli  un  très  intéressant  mobilier  funé- 
raire, et  qui  a  envoyé  les  photographies  des 
pièces  les  plus  importantes. 

On  doit  placer  au  premier  rang  une  lame 
d'ivoire  ornée,  d'un  côté, d'un  bas-relief  qui  repré- 
sente un  groupe  de  deux  animaux  (probablement 
un  sanglier  terrassant  une  biche).  Le  revers  de 
la  plaque  porte  une  inscription  étrusque  de  vingt- 
cinq  lettres,  dans  laquelle  M.  Bréal  a  reconnu  le 
nom  du  dieu  Melkhart.  Une  patère  en  terre  cuite 
peinte  permet  de  dater  les  sépultures  de  cette 
nécropole.  Elle  est  décorée  d'une  tête  de  femme 
de  profil,  avec  un  diadème,  de  longues  boucles 
d'oreilles  et  la  chevelure  serrée  dans  une  résille. 
Cette  patère  provient  sans  aucun  doute  d'une 
fabrique  de  l'Italie  méridionale;  elle  appartient 
à  une  série  dont  le  Musée  du  Louvre  possède 
plusieurs  spécimens.  On  peut  en  faire  remonter 
la  fabrication  au  IIP  siècle  avant  notre  ère.  C'est 
un  exemple  curieux  de  l'importation  des  pro- 
duits italiens  dans  le  Nord  de  l'Afrique;  c'est  en 
même  temps  un  document  qui  confirme  la  date 
précédemment  assignée  à  la  nécropole  de  Bordj- 
Djedid. 

Séance  du  j  février.  —  M.  Gaston  Boissier 
entretient  l'Académie  d'une  lettre  qu'il  a  reçue 
de  M.  l'abbé  Duchesne  au  sujet  des  fouilles  qui 
ont  été  faites  au  Forum  de  Rome  depuis  quelque 
temps.  On  y  a  découvert,  devant  le  temple  de 
César,  une  base  qu'on  suppose  avoir  supporté  la 
colonne  qui  fut  élevée  en  l'honneur  de  César,  à 
l'endroit  où  son  corps  avait  été  brûlé.  Sur  la  voie 
qu'on  a  mise  au  jour  derrière  l'arc  de  Sévère,  on 
a  cru  retrouver  le  tombeau  de  Romulus  dont  il 
est  question  dam>  Festus  et  dans  Porphyrion. 
Cette  opinion,  après  avoir  été  acceptée,  est,  en 
ce  moment,  très  vivement  combattue.  En  même 
temps  qu'on    travaille   à  fouiller  le  terrain   dans 


les  environs  de  l'église  Saint- Adrien,  on  restaure 
certaines  parties  du  Forum.  A  ce  propos, 
M. Boissier  se  fait  l'écho  des  savants,qui  craignent 
qu'on  ne  les  restaure  trop. 

M.  Ernest  Petit  présente  à  l'Académie  la  pho- 
tographie d'un  monument  qui,  dans  son  opinion, 
aurait  été  élevé  en  1040  au  lieu  dit  «  le  champ 
de  Ber  »,  commune  de  Sainte-Vertu  (Yonne),  à 
la  mémoire  de  Renaud,  comte  de  Nevers.  M.  de 
Lasteyrie  conteste  qu'on  ait  élevé  ce  monument, 
qui  ne  convient  pas  au  XIe  siècle,  à  Renaud,  qui 
fut  enterré  à  Auxerre.  D'après  M.  Saglio  et 
M.  Deloche,  il  daterait  de  la  fin  de  l'époque  ro- 
maine. 

Ouvrages  offerts  à  l'Académie:  —  Un  historien 
de  l'Art  français,  Louis  Courajod  :  I.  Les  temps 
francs,  résumé  des  leçons  professées  par  Coura- 
jod, à  l'école  du  Louvre  et  recueillies  par  un  de 
ses  auditeurs  et  amis,  M.  A.  Marignan.  Ce  pre- 
mier volume  traite  de  l'art  en  Gaule  avant  les 
invasions,  de  l'ornementation  gréco-orientale, 
de  l'art  mérovingien  et  carolingien.  On  y  trouve, 
en  outre,  un  catalogue  des  monuments  et  frag- 
ments de  sculpture  de  cette  période  à  Rome  et 
en  France. 

Séance  du  10  février.  —  M.  E.  Guimet  pré- 
sente des  étoffes  antiques  trouvées  dans  les 
tombes  d'Antinoé  (Egypte).  Certains  coussins 
brodés,  sur  lesquels  reposaient  des  têtes  de  da- 
mes romaines,  sont  datés  par  les  coiffures  des 
masques  de  plâtre  reproduisant  les  portraits 
des  défuntes.  On  y  reconnaît  les  modes  suivies 
depuis  Hadrien  jusqu'à  Septime-Sévère.  Une  des 
coiffures,  frisée  au  petit  fer  sur  le  devant,  roulée 
en  huit  en  arrière,  hautement  étagée,  semble  être 
retenue  par  un  peigne  dont  on  croit  voir  les 
arêtes  parallèles. 

Les  soieries  très  fines  qui  garnissaient  les  cafe- 
tans des  tombes  de  l'époque  byzantine  devaient 
pour  la  plupart  être  plus  anciennes  que  les  cos- 
tumes qu'elles  ornaient.  On  a  utilisé  en  les  cou- 
pant, sans  tenir  compte  des  décors,  d'anciennes 
étoffes  de  style  asiatique.  Des  chevaux  ailés,  des 
moufflons  harnachés,  sont  tout  à  fait  sassanides. 
Les  étoffes  coptes,  plus  grossières,  seraient  pos- 
térieures a  ces  costumes  byzantins.  M.  Guimet 
se  propose  de  communiquer  ces  modèles  aux 
manufactures  de  soieries  de  Lyon. 

M.  Clermont-Ganneau  présente,  de  la  part  de 
M.  le  docteur  Lortet,  un  très  ancien  cachet  phé- 
nicien recueilli  par  lui  à  Aphko,  dans  le  Liban. 
Il  y  déchiffre  le  nom  du  possesseur,  Milk-Yaazor 
signifiant  littéralement  <L  que  le  dieu  Moloch  soit 
secourable!  »  et  il  s'appuie  sur  la  forme  gramma- 
ticale très  intéressante  de  ce  nom  pour  proposer 
une  nouvelle  explication  d'une  série  de  noms 
propres  dans  la  Bible. 


146 


3&cbue  tir  T&rt  chrétien. 


M.  Clermont-Ganneau  offre  ensuite,  de  la  part 
du  même  auteur,  la  Syrie  d'aujourd'hui,  ouvrage 
qui  se  recommande  par  l'abondance  et  la 
richesse  des  illustrations  exécutées  d'après  les 
documents  recueillis  sur  place  et  qui  est  aussi 
intéressant  pour  l'archéologie  que  pour  les  scien- 
ces naturelles. 

Séance  du  24.  février.  —  M.  G.  Boissier  com- 
munique une  dépêche  de  M.  l'abbé  Duchesne, 
directeur  de  l'Ecole  française  de  Rome.  Les  tra- 
vaux entrepris  par  la  municipalité  romaine  ont 
fait  découvrir  plus  de  250  fragments  du  célèbre 
plan  de  Rome  dans  un  mur  de  la  Renaissance 
près  du  palais  Farnèse. 

M.  Boissier  expose  le  résultat  des  fouilles  que 
M.  le  docteur  Carton  vient  d'exécuter  au  théâtre 
de  Dougga.  Les  voûtes  qui  portaient  la  mosaïque 
de  la  scène  ont  été  dégagées  et  en  partie  con- 
servées. Parmi  les  sculptures  découvertes  on 
remarque  une  tête  colossale,  en  marbre  blanc,  de 
l'empereur  Lucius  Verus. 

M.  Babelon  lit  une  notice  sur  les  monnaies 
que  le  satrape  Oronte  fit  frapper  en  Asie  Mineure, 
comme  chef  de  l'insurrection  contre  Artaxer- 
xès  III  Mnémon,  en  362  avant  JéSUS-Christ. 
Ges  monnaies  donnent  l'effigie  du  satrape  ;  c'est 
un  des  plus  beaux  portraits  de  la  numismatique 
grecque. 

Séance  du  j  mars.  —  M.  Dissard,  conservateur 
du  Musée  de  Lyon,  annonce  qu'en  démolissant 
une  maison  du  XVIe  siècle,  située  dans  le  quartier 
Saint-Paul  de  Lyon,  on  a  trouvé  un  fragment 
important  du  monument  élevé,  dans  l'enceinte 
de  l'Assemblée  des  trois  provinces  de  la  Gaule, 
en  l'honneur  d'un  prêtre  à  l'autel  de  Rome  et 
d'Auguste,  Sextus  Julius  Thermanius  et  de  sa 
famille. 

M.  Maspero  place  sous  les  yeux  de  ses  confrères 
une  photographie  représentant  la  tête  d'une  reine 
d'époque  ptolémaïque,  coiffée  en  Isis.  Un  autre 
fragment  montre  deux  mains  serrées,  l'une 
d'homme,  l'autre  de  femme.  C'est  tout  ce  qui  reste 
actuellement  des  colosses  découverts  à  Alexan- 
drie et  décrits  depuis  plus  de  trente  ans.  Ces 
débris  appartenaient  très  probablement  aux  deux 
statues  érigées  à  l'entrée  du  temple  de  Deméter 
et  de  Proserpine  et  qui  figuraient  Antoine  et 
Cléopâtre  assimilés  à  Osiris  et  à  Isis.  La  tête  de 
Cleopâtre  est  assurément  un  portrait  et  la  repré- 
sentation la  plus  authentique  de  la  célèbre  reine  ; 
malheureusement  le  nez  est  mutilé. 

.M.  l'abbé  Thédenat  fait  une  communication 
sur  les  fouilles  entreprises  au  Forum  romain. 

On  a  pu  restituer,  avec  des  fragments  dispersés,  un  petit 
édicule  situé  prés  de  la  porte  de  la  maison  des  Vestales. 
Les  débris  des    colonnes  gisant  au  pied  des  bases,   qui 


bordent  la  Voie  Sacrée,  en  face  de  la  Basilique  Julia,  ont 
été  redressés  sur  deux  de  ces  bases. 

Au  temple  de  Vesta,  à  2  mètres  de  profondeur,  on  a 
trouvé  un  sol  antique,  des  substructions  et  une  fosse  dont 
il  est  difficile  de  déterminer  l'usage.  Au  temple  de  César, 
on  a  trouvé  un  soubassement,  sous  la  façade,  d'une  base 
d'un  peu  moins  de  1  mètre  :  c'est  l'autel  de  César.  Derrière 
cet  autel  ouvrait  une  porte  communiquant  avec  le  sous-sol 
du  temple.  A  un  endroit  situé  en  face  de  l'arche  de  droite 
de  l'arc  de  Sévère,  quand  on  regarde  le  Capitole,  on  a 
trouvé  un  espace  rectangulaire  d'environ  2  mètres  de  côté, 
pavé  en  noir,  où  l'on  a  cru  à  tort  reconnaître  le  tombeau 
de  Romulus.  Près  de  là,  à  une  assez  grande  profondeur,  a 
été  mis  au  jour  le  pavé  d'une  voie  antique. 

Congrès  des  Sociétés  savantes  de  1898.  — 
Nous  avons  rendu  compte  du  Congrès  en  temps 
utile.  Le  dépouillement  du  Bulletin  archéologique 
du  Comité  des  travaux  historiques  nous  permet 
de  revenir  sur  quelques  points  intéressants  d'une 
manière  plus  précise. 

Le  mémoire  de  M.  de  Lahondès  sur  les  églises 
gothiques  de  l'Ariège  définit  le  type  régional:  nef 
unique  languedocienne  avec  chapelles  entre  les 
contre-forts  (Mirepoix,  Laroques,  Montreuil),  à 
l'instar  de  St-Étienne  de  Toulouse  (Xlll'siècle). 
Les  absides  sont  polygonales,  les  clochers  sont 
élevés  sur  le  porche  ou  au-dessus  de  l'autel.  Les 
voûtes  sont  en  berceau.  La  tradition  romane  est 
persistante. 

M.  de  Rochemonteix  définit  de  son  côté  les  ca- 
ractères de  l'architecture  romane  de  l'arrondisse- 
ment de  Mauriac  (Cantal).  Le  plan  des  églises  est 
en  croix  latine,  à  trois  nefs,  la  centrale  voûtée  en 
berceau;  abside  en  hémicycle,  coupole  sur  la 
croisée.  Les  influences  poitevines,  auvergnates  et 
surtout  limousines  se  sont  fondues  dans  la  tradi- 
tion locale. 

S'occupant  de  l'abbaye  du  Mont  St-Michel, 
M.  l'abbé  Bossebceuf  prouve  que  le  dortoir 
actuel  a  été  effectivement  le  réfectoire. 

Comme  nous  l'avonsdéjà  rapporté, M. Demaison 
a  reconnu  que  le  chevet  de  Saint-Remi  de  Reims 
a  été  imité  à  Saint-Symphorien  de  Reims,  à 
Soissons(croisillon  Sud),  à  l'abbaye  d'Arbois  et  à 
la  cathédrale  de  Reims. Le  chevetde  Notre-Dame 
de  Châlons  est  lui  même  le  prototype  de  ceux-ci: 
il  fut  rebâti  entre  1157  et  1183;  le  chevet  de 
Saint-Remi  fut  commencé  en  1170  et  terminé 
en  1 190. 

M.  Demaison  ajoute  quelques  renseignements 
sur  les  architectes  de  la  cathédrale  de  Reims, 
Maître  Adam  doit  être  contemporain  de  saint 
Louis.  Il  se  confirme  que  Bernard  de  Soissons 
est  de  la  fin  du  XIIIe  siècle,  il  est  cité  dans  un 
document  de  1287.  Colard  Gidry  était  maitre 
maçon  de  la  cathédrale  au  XVe  siècle 

Signalons  un  article  de  M.  le  chan.  Pollays 
sur  les  cuves  baptismales  en  plomb  du  diocèse 
de  Montauban. 


Cratoauj:  Ses  Sociétés  savantes. 


147 


Très  curieuse  est  la  croix  sculptée,  découverte 
dans  les  greniers  de  l'église  abbatiale  de  Saint- 
Maur  en  Anjou, derrière  un  pignon. M. Cli.Urseau, 
d'après  des  déductions  qui  paraissent  rigou- 
reuses, l'attribue  au  IXe  siècle. 

Arrêtons-nous  un  instant  à  une  note  de 
M.  N.  Thiollier  sur  l'église  de  Curgy  (Saône-et- 
Loire).  On  connaît  l'influence  expansive  du  style 
bourguignon,  qui  s'étendit  à  la  cathédrale  de 
Langres  (Haute-Marne),  à  celle  de  Lausanne  en 
Suisse,  au  château  de  Saint-Germain-en-Laye, 
(Ile-de-France),  au  Bourbonnais,  au  Lyonnais,  à 
l'Italie,  etc.  Ce  style  est  caractérisé,  à  partir  du 
XI  Ie  siècle,  par  l'emploi  du  berceau  brisé  sur  une 
nef  à  claire-voie.  La  grande  nef  est  contrebutée 
par  les  voûtes  des  bas-côtés,  qui  sont  tantôt 
des  berceaux  transversaux,  tantôt  des  berceaux 
longitudinaux,  soit  en  plein-cintre,  soit  en  demi- 
cintre  comme  en  Auvergne.  C'est  le  cas  à  Curgy; 
cependant  l'influence  auvergnate  paraît  absente 
ici.  L'abside  a  gardé  des  peintures  murales 
romanes  nouvellement  mises  au  jour. 

Congrès  des  Sociétés  savantes  à  Toulouse. 
t-  En  attendant  que  nous  puissions  résumer  les 
travaux  du  Congrès,  comme  nous  le  faisons 
chaque  année,  d'après  les  documents  officiels  ou 
le  rapport  du  secrétaire  du  Congrès,  nous  repro- 
duisons une  intéressante  relation  due  à  un 
archéologue  de  terroir  et  empruntée  au  Journal 
des  arts. 

Le  Congrès  des  Sociétés  savantes  qui,  depuis  trente- 
sept  ans,  se  tenait  à  la  Sorbonne,  vient  d'inaugurer  à 
Toulouse  sa  première  réunion  provinciale.  La  ville  de 
l'antique  L'niversité  fondée  par  saint  Louis,  la  patrie  des 
poètes  et  des  artistes,  la  capitale  si  heureusement  placée 
au  centre  des  provinces  méridionales,  a  paru  en  effet 
naturellement  désignée  pour  cet  essai  de  décentrali- 
sation. 

Il  a  été  couronné  par  le  succès.  Plus  de  cinq  cents 
congressistes  se  sont  trouvés  réunis  dans  les  salles  de 
l'hôtel  d'Assézat,  dont  la  séduisante  magnificence  avait 
fortement  contribué  au  choix  de  Toulouse  et  dans  celles 
des  Facultés  des  sciences  et  de  médecine,  dont  les  collec- 
tions et  les  laboratoires  étaient  nécessairesauxspécialistes. 

Deux  cent  cinquante  mémoires  ont  été  lus.  Les  obser- 
vationsetlesdiscussions  courtoises  qui  suivaient  la  plupart 
de  ces  lectures  attestaient  leur  valeur.  II  est  évident  que 
beaucoup  d'entre  elles  n'auraient  pas  été  envoyées  aux 
Congrès  parisiens.  Les  travailleurs,  d'ailleurs,  gens  pai- 
sibles, ne  peuvent  tous  se  rendre  à  Paris  et  neconsent iraient 
pas  volontiers  à  confier  leur  manuscrit  au  hasard  d'une 
lecture  de  rencontre,  sans  pouvoir  défendre  leurs  conclu- 
sions si,  d'aventure,  elles  étaient  contestées.  Puis  c'est 
chez  eux,  dans  le  cadre  de  leurs  études  et  de  leurs  sujets 
d'observations,  qu'il  convient  de  les  entendre  et  de  les 
voir.  On  peut  ainsi  vérifier  sur  place  ce  qu'ils  disent  d'un 
monument,  par  exemple,  d'une  institution  ou  d'un  détail 
d'histoire  naturelle  locale. 

Après  quelques  années  de  ces  discussions  scientifiquesi 
on  aurait  toutes  facilités  pour  comparer  l'état  intellectuel 
de  chacune  des  provinces  et  l'on  reconnaîtrait   les  res- 


sources que  ne  cesse  d'offrir  notre  terre  féconde.  Les 
étrangers  qui  sont  venus  à  Toulouse  ont  été  frappés  du 
mouvement  d'idées  qui  s'y  révèle.  Une  dizaine  de  sociétés 
diverses  tiennent  des  séances  hebdomadaires,  constamment 
remplies  par  des  lectures  originales  et  des  études  inédites. 
Chacune  publie  son  bulletin  ou  son  volume  de  mémoires, 
et  ce  n'est  pas  un  mince  travail  que  de  se  tenir  au  courant 
de  la  bibliographie  toulousaine. 

Mais  si  nos  visiteurs  ont  eu  plaisir  et  profil  à  voir  nos  ho- 
rizons et  nos  monuments,  ceux  des  provinces  du  Nord  sur- 
tout, aussi  dépaysés  quand  ils  arrivent  devant  nos  briques 
et  nos  tuiles  romaines  et  sous  notre  ciel  bleu,  dans  nos 
larges  nefs  et  en  face  de  nos  robustes  clochers,  quand  ils 
entendent,  dans  nos  montées  et  nos  rues,  les  sonorités 
chaudes  de  notre  vieille  langue,  que  nous,  lorsque  nous 
entrons  en  Catalogne  ou  en  Toscane,  leurs  observations 
et  leurs  causeries  nous  éclairent  parfois  sur  des  points 
inaperçus  de  notre  art  et  nous  révèlent  des  sources  d'ad- 
miration souvent  trop  négligées  par  nous-mêmes. 

Ils  ont  ainsi  reconnu  dans  notre  Musée  des  Antiques, 
que  vraiment  les  fouilles  de  Martres  avaient  mis  au  jour 
la  villa  la  plus  importante  des  Gaules  ;  dans  celui  des 
sculptures  du  moyen  âge,  une  incomparable  collection 
d'oeuvres  d'art  de  la  pierre,  attestant  l'inspiration  puisée  à 
des  sources  multiples,  mais  puissamment  originale  à  son 
tour,  d'une  école  qui  a  rayonné  dans  nos  provinces  méri- 
dionales et  fécondé  le  génie  français.  Le  musée  Saint- 
Raymond,  fondé,  hélas  !  cinquante  ans  trop  tard,  n'en 
renferme  pas  moins  des  richesses  qui  ont  vivement  surpris 
ceux  qui  ont  su  trouver  le  temps  de  le  visiter.  Richesses 
est  le  mot  exact.  Peu  de  Toulousains  se  doutent  que  telle 
vitrine  vaut  près  d'un  million  ! 

J'ai  eu  l'occasion  de  montrer  nos  précieux  manuscrits 
des  jeux  floraux,  non  seulement  aux  éminents  romanistes, 
MM.  Gaston  Paris  et  Chabaneau,  très  impatients  de  les 
examiner  après  les  avoir  longtemps  étudiés  dans  des 
copies,  mais  aussi  à  des  professeurs  des  Universités  de 
Coïmbre,  de  Leyde  et  d'Helsingfors.  La  vue  de  ces  recueils 
fameux,  plus  fameux  peut-être  à  l'étranger,  en  Allemagne 
particulièrement,  que  chez  nous,  a  été  une  des  joies  de  leur 
séjour. 

On  doit  bien  penser  que  puisque  le  Nord  bouge.le  Midi 
a  bougé.  Chacune  des  soirées  a  eu  sa  fête.  Mardi,  jour  de 
l'ouverture,  au  Capitole  ;  mercredi,  à  l'hôtel  d'Assézat, 
avec  concert  de  musique  indigène,  illuminations  et  em- 
brasement général  de  la  cour  superbe  et  de  son  élégante 
lanterne  ;  jeudi,  dans  les  salles  et  dans  l'église  même  du 
cloître  antique  des  Jacobins,  merveilles  de  hardiesse  et 
de  robuste  légèreté  ;  vendredi,  au  théâtre  avec  les  artistes 
de  l'Opéra  ;  samedi,  enfin,  après  la  clôture  du  Congrès, 
avec  la  présence  de  M.  le  ministre  de  l'Instruction 
publique,  dans  la  brillante  salle  des  Illustres,  banquet 
dans  l'immense  réfectoire  des  Jacobins  qui  date  de  1303, 
et  comédies  par  des  sociétaires  du  Théâtre-Français. 

La  fête  d'ailleurs  n'est  pas  finie  à  l'heure  où  nous  traçons 
ces  lignes.  Dimanche  une  soixantaine  de  congressistes 
ont  visité  la  cité  de  Carcassonne,  le  Pompei  du  moyen 
âge;  aujourd'hui,  lundi,  ils  sont  à  Saint-Beitrand-de- 
Comminges  et  sur  le  terrain  des  fouilles  de  Martres  ; 
demain,  mardi,  pour  laisser  aux  voyageurs  un  souvenir 
charmé,  par  un  ensemble  d'art  incomparable,  nous  les 
conduirons  à  Sainte-Cécile  d'Albi. 

Bien  que  le  Congrès  des  Beaux-Arts  doive  être  tenu  la 
semaine  après  la  Pentecôte,  devant  l'hémicycle  de  Paul 
Delaroche,  comme  d'habitude,  plusieurs  communications 
sur  l'art  méridional  ont  été  présentées  au  Congrès  de 
Toulouse. 

Ainsi  par  M.  Borrel,  Le  temple  gallo-romain  de  Mous- 
tiers,  découvert  en  iSqj;  par  M.  l'abbé  Cau-Durban,  Les 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
189g.    —    2me    LIVRAISON. 


148 


3Rc\nic  De  l'&rt  chrétien. 


sépultures  préromaines  de  VAriige;  par  M.  F.  Regnault, 

Œuvres  artistiques  de  [âge  du  renne;  par  M. de  Lahondès, 
l 'tu  si  due  de  saint  Louis  à  Carcassonne;  par  M.  Roger, 
Les  églises  '"'  pays  de  Foix  et  de  Cotiserons  ;  par  M.  Bru- 
tails,  Note  sur  l'antériorité  de  l'École  romane  auvergnate; 
par  M.  Anthyme  Saint-Paul,  Etude  sur  Saint-Sernin  de 
Toulouse  ;  par  M.  Ronhach,  Étude  sur  quelques  thèmes 
décoratifs  de  l'art  romain;  par  M.  Bonnet,  Les  jetons  des 
États  généraux  du  Languedoc  ;  par  M.  Barrière  Flavy, 
L'art  îles  peuples  barbares  de  la  Gaule. 

Ces  agapes  scientifiques  ne  donnent  pas  seulement  aux 
amis  de  l'étude,  qui  ne  se  connaissaient  que  de  nom,  le 
plaisir  de  nouer  par  de  longues  et  cordiales  causeries,  des 
relations  devenues  bientôt  intimes  ;  elles  doublent  les 
mâles  voluptés  du  travail  par  la  communication  des  idées 
et  les  éclaircissements  des  entretiens  ;  elles  établissent,  à 
travers  la  distance,  une  fraternité  qui  a  sa  source  dans  les 
plus  nobles  sentiments,  le  culte  du  beau  et  l'amour  du 
vrai  et  du  bien.  Mieux  encore,  elles  montrent  qu'au-dessus 
de  la  surface  tumultueuse  et  factice  de  la  politique,  l'âme 
française  poursuit  sa  voie  de  lumière  et  d  aspirations 
élevées, en  même  temps  que  ses  recherches  obstinées  pour 
l'amélioration  du  sort  des  humbles. 

J.  DE  L. 


Académie  d'Amiens.  —  Le  13  janvier  a  eu 
lieu  par  l'Académie  d'Amiens,  à  l'Hôtel  de  Ville, 
la  réception  de  l'un  de  ses  membres,  récemment 
élu,  M.  Jules  Boquet,  artiste  peintre,  dont  les 
œuvres  figurent  chaque  année  au  Salon  de  Paris. 
Dans  son  discours  de  réception,  M.  Boquet  a  fait 
une  très  pittoresque  description  du  vieil  Amiens, 
où  ont  été  restitués  avec  beaucoup  d'exactitude 
et  un  charme  réel  de  poésie,  nombre  d'aspects 
particuliers  de  l'ancienne  cité  amiennoise. 

Les  quartiers  d'autrefois,  les  églises,  sans 
oublier  la  célèbre  cathédrale,  les  logis  et  autres 
monuments  du  passé  aussi  bien  que  les  scènes  de 
la  vie  journalière,  les  mœurs  et  coutumes  des 
ancêtres  ont  trouvé  en  M.  Boquet  à  la  fois  un 
peintre  habile  et  un  historien  bien  informé. 

M.  le  docteur  Peugniez,  qui  présidait,  a  ré- 
pondu au  récipiendaire  en  termes  fort  bien  appro- 
priés où  le  talent  de  M.  Boquet  a  été  exactement 
défini. 


Commission  du  Vieux-Paris.  —  La  Com- 
mission s'est  réunie  le  9  février,  à  l'Hôtel-de- Ville, 
sous  la  présidence  du  préfet  de  la  Seine. 

M.  Georges  Villain  a  donné  lecture  d'un  rap- 
port sur  les  recherches  faites  pour  retrouver  la 
sépulture  de  Turgot  aux  Incurables. 

M.  G.  Lenôtre  a  saisi  la  Commission  de  la 
découverte  des  vestiges  d'une  tour  de  la  Bastille, 
la  tour  de  la  Liberté.  Le  métropolitain  passe  en 
cet  endroit.  On  recueillera  les  vestiges  de  cette 
tour  qui  seront  reconstitués  dans  un  square. 
M.  Geoffroy  demande  qu'il  soit  fait  des  photo- 
graphies et  des  relevés  de  la  maison  dite  de  la 
Reine-Blanche,  aux  Gobelins,  qui  va  disparaître. 


Sur  avis  de  M.  Laugier,  empreinte  sera  prise 
également  de  la  très  curieuse  inscription  gothique 
qui  est  sur  la  maison  de  Nicolas  Flamel,  au 
Marais. 

M.  Charles  Normand,  au  nom  de  la  Société 
des  Amis  des  monuments  parisiens,  demande  la 
création  d'un  musée  aux  Arènes  qui  dirait  l'im- 
portance de  ce  théâtre  gallo-romain.  Une  sous- 
commission  étudiera  ce  projet. 

M.  Guillemet  fait  voter  un  vœu  pour  que  l'État, 
qui  a  donné  à  l'église  Saint-Nicolas  un  tableau 
de  Corot  représentant  Le  baptême  du  Christ 
(daté  1844),  reprenne  ce  tableau  contre  une  copie. 
Il  est  urgent  d'enlever  cette  œuvre  unique  de  la 
chapelle  où  elle  se  détériore. 

M.  Lucien  Lambeau  propose  le  classement 
de  la  tour  du  Sud-Est  de  l'enceinte  fortifiée  du 
prieuré  de  Saint-Martin-des-Champs.  Cette  tour, 
de  20  m.  de  hauteur,  et  en  très  bon  état  de  con- 
servation, sert  d'escalier  à  la  maison  portant  le 
n°  7  de  la  rue  Bailly. 

M.  Tesson  rend  compte  d'une  excursion  faite 
par  la  ire  sous-commission  à  l'église  Sainte-Mar- 
guerite; il  signale  d'anciens  vitraux  et  une  cha- 
pelle intéressante  au  point  de  vue  artistique,  qu'il 
serait  urgent  de  réparer. 


Commission  départementale  des  Antiqui- 
tés de  la  Côte-d'Or.  —  Quelques  jeunes  membres 
de  cette  société,  —  que  préside  notre  collabora- 
teur M.  Henri  Chabeuf,  —  ont  eu  l'heureuse 
idée  d'organiser  des  excursions  archéologiques 
dans  les  environs  de  Dijon.  Chaque  dimanche,  ils 
se  donnent  rendez-vous  sur  un  point  déterminé 
à  l'avance  et  sous  la  conduite  des  gens  du  pays, 
explorent  le  sol  et  les  vestiges  du  séjour  de 
l'homme.  Ces  excursions  ont  déjà  donné  d'excel- 
lents fruits  ;  ces  messieurs  ont  reconnu,  déterminé, 
mesuré  nombre  d'enceintes  préhistoriques  ou 
gauloises,  de  tumulus,  d'abris  de  l'âge  de  la  pierre, 
de  villas  gallo-romaines.  Il  résulte  de  leurs  obser- 
vations, que  dans  le  très  lointain  passé  de  l'his- 
toire, la  montagne  était  peuplée  et  cultivée,  alors 
que  la  plaine  demeurait  un  désert  et  un  marécage. 
Un  des  plus  grands  événements  humains  dans 
les  régions  comme  la  Côte-d'Or  a  été  précisé- 
ment l'abandon  de  la  montagne  par  l'homme  et 
la  conquête  de  la  plaine  assainie  et  rendue 
habitable. 

Les  enceintes  retranchées  sont  très  nombreuses 
en  Côte-d'Or  dans  la  région  dijonnaise;  il  est  évi- 
dent qu'à  ces  époques  lointaines  l'état  de  guerre 
était  l'état  naturel  de  la  société.  Beaucoup  de  ces 
retranchements  présentent  parmi  les  empierre- 
ments des  masses  de  chaux  produite  sur  place 
par  une  combustion  intense. 


Cratmujt  Des  £>octéfé0  0atmnte0. 


149 


A  2  kil.  au  Sud  de  Dijon,  près  de  la  ferme  de 
la  Noue,  dont  les  terres  sont  traversées  par  le 
chemin  de  fer  de  Paris  à  Lyon,  on  a  reconnu  les 
restes  d'un  établissement  important  de  l'époque 
romaine.  Le  sol  a  livré  notamment  des  débris 
de  marbre  blanc,  ce  qui  est  une  rareté  dans  la 
région,  et  des  tuiles  marquées  au  nom  de  la 
VIIIe  légion,  l'Augusla,  dont,  grâce  à  des  décou- 
vertes semblables  sur  divers  points,  on  commence 
à  déterminer  avec  exactitude  le  cantonnement. 
Il  semble  avoir  occupé  une  aire  étendue,  dont 
les  points  extrêmes  seraient  les  trois  sommets 
d'un  triangle  :  La  Noue,  au  Sud  de  Dijon;  Mi- 
rebeau,  à  25  kil.  à  l'Est,  et  Is-sur-Tille,  à  24  au 
Nord.  (Jou  mal  des  A  rts.  ) 

Société  académique  de  Saint-Quentin.  — 
Cette  société  vient  de  publier  le  tome  XII  delà 
quatrième  série  de  ses  Mémoires.  Ce  nouveau 
volume  contient,  outre  les  discours  et  rapports 
lus  dans  les  précédentes  séances  publiques,  les 
intéressantes  études  suivantes  :  Histoire  de  l'ab- 
baye de  Saint-Nicolas-aux-Bois  (ire  partie),  par 
M.  R.  Duval  ;la  ile  partie  du  journal  de  Charles 
de  Croix,  chanoine  de  Saint-Quentin  (3  février 
1645  —  3  octobre  1685),  par  M.  Henri  Cardon  ; 
Les  verres  francs  à  emblèmes  chrétiens,  et,  Les 
cimetières  francs  de  Mayot  et  d'Anguilcourt-le- 
Sart,  par  M.  Jules  Pilloy  ;  Les  peintures  murales 
de  l'église  de  Pleine-Selves  représentant  le  mar- 
tyre de  Ste-Yolaine,  par  M.  Rabelle.  Plusieurs 
de  ces  travaux  sont  accompagnés  de  planches 
d'illustrations. 


Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de 
Bar-le-Duc.  —  Séance  du  7  septembre  i8ç8.  — 
M.  L.  Maxe-Werly  adresse  une  note  sur  le 
fondeur  Jean  Lambert  connu  par  la  refonte  de 
la  célèbre  cloche  de  la  cathédrale  de  Metz,  la 
Mutte,  en  1479,  et  des  cloches  de  l'église  Saint- 
Evre  de  Nancy  en  1508.  Il  conteste  l'opinion  des 
auteurs  qui  font  naître  cet  artiste  à  Anvers,  et 
propose  de  voir  en  lui  un  descendant  de  «  Maître 
Lambert  le  canonnier  »  attaché  au  service  des 
ducs  de  Bar,  et  envoyé,  en  1403,  par  le  duc  Robert, 
à  Loîigwy,  pour  y  faire  une  grosse  bombarbe. 

M.  Léon  Germain,  reprenant  la  description  du 
tombeau  de  Charles  le  Téméraire  dont  M.  L. 
Maxe-Werly  a  publié  un  dessin  retrouvé  par  lui 
à  Oxford  {Mém.  de  la  Soc.  des  Lett.  de  Bar-le- 
Duc,  t.  VI  [1S97],  planche  III,  p.  42)  s'attache  à 
l'identification  des  statuettes  qui  décoraient  ce 
monument  funèbre,  aujourd'hui  détruit.  L'une  de 
ces  figures,  notamment,  qui  fait  pendant  à  celle 
de  Charlemagne,  vers  le  haut  du  tombeau,  lui 
paraît  représenter  X empereur  saint  Henri,  carac- 


térisé par  les  insignes  impériaux,  et  par  le  petit 
édifice  qu'il  tient  de  la  main  gauche,  en  souvenir 
de  la  cathédrale  de  Bamberg  dont  il  est  le  fonda- 
teur. M.  Léon  Germain  rappelle  à  ce  sujet  que 
saint  Henri  était  bien  connu  en  Lotharingie,  et 
qu'il  eut  l'intention  de  se  faire  moine  à  l'abbaye 
de  Saint- Vanne  de  Verdun,  où  il  laissa  en  sou- 
venir un  peigne  d'ivoire  sculpté,  encore  conservé 
au  musée  de  cette  ville.  Il  serait  intéressant  de 
recueillir  les  autres  figurations  du  saint  Empereur 
en  Lorraine. 

Dans  une  seconde  communication,  M.  Léon 
Germain  appelle  l'attention  sur  trois  fragments 
de  vitraux  du  Musée  archéologique  de  Tours, 
qui  offrent  les  armoiries  portées  par  le  roi  René 
de  1466  jusqu'à  sa  mort  (1480)  ;  celle  du  fils  ou 
du  petit-fils  de  René,  et  de  Jeanne  de  Laval, 
seconde  femme  du  roi  René. 

Séance  du  ç  novembre.  —  M.  L.  Germain  en- 
voie la  photographie  d'un  Tableau  de  l'église  de 
Brouvelieures  (  Vosges )  et  le  croquis  des  armoi- 
ries que  l'on  y  remarque.  Ces  armoiries  sont 
celles  du  duc  de  Lorraine  Charles  IV  et  de 
Marie-Louise  d'Apremont,  sa  seconde  femme 
légitime  ;  il  l'épousa  en  1665  et  tous  deux  furent 
chassés  de  Nancy,  par  les  troupes  françaises,  en 
1670.  Malgré  des  retouches  regrettables,  ce 
tableau,  qui  représente  l'Adoration  des  Mages, 
semble  être  une  œuvre  de  mérite  ;  il  constitue  un 
souvenir  intéressant  très  rare  de  la  jeune  femme 
qu'une  fantaisie  du  romanesque  souverain  fit 
asseoir,  pour  environ  cinq  ans,  sur  le  trône  ducal 
de  Lorraine  et  Barrois. 

A  propos  d'un  Médaillon  à  l'effigie  du  Christ, 
offrant  au  revers  une  inscription  hébraïque,  lequel 
a  fait  l'objet  d'une  communication  à  la  Société 
des  Antiquaires  de  France,  le  13  juillet  dernier, 
M.  L.  Germain  fait  connaître  une  médaille  ana- 
logue, de  sa  collection.  Il  propose  de  rectifier 
l'interprétation  de  M.C.Tholin.et  de  reconnaître 
la  formule  :  Christus  Rex  venit  in  pace,  et  Ihus 
homo  factus  est,  qu'il  a  rencontrée  ailleurs.  Sur  la 
pièce  de  M.  L.  Germain,  la  légende  est  à  la  fois 
en  hébreu  et  en  latin,  ce  qui  donne  toute  certi- 
tude à  l'interprétation.  Remarquant,  après  M. 
Tholin.que  le  médaillon  en  question  a  été  trouvé 
à  Sainte-Livrade,  dans  le  Lot-et-Garonne,  non 
loin  de  Cadillac,  où  travaillèrent  vers  1604  Jean 
et  Joseph  Richier,  petits-neveux  de  Ligier 
Richier,  M.  Germain  se  demande, — ■  sans  insister 
sur  cette  supposition,  —  s'il  n'y  aurait  pas  quel- 
ques rapports  à  établir  entre  ces  médaillons  talis- 
maniques,et  les  portraits-médaillons  que  Jean  et 
Jacob  Richier  ont  laissés. 

Séance  du  3  octobre.  —  M.  Léon  Germain  com- 
munique, accompagnées  d'une  notice,  deux  pho- 


i5o 


3&ebue  De  V&xt  ttirctten. 


tographies  que  lui  a  adressées  Mgr  Enard,évêque 
de  Cahors,  membre  de  la  Société.  Elles  repré- 
sentent un  bras-reliquaire  conservé  dans  une 
paroisse  de  son  diocèse  et  renfermant  une  relique 
du  roi  saint  Louis,  auquel  l'église  est  dédiée.  A 
défaut  d'authentique,  il  y  a  lieu  de  joindre  à  la 
tradition  et  à  la  possession,  l'examen  ostéolo- 
gique  et  l'étude  archéologique.  Sur  ce  dernier 
point,  le  bras-reliquaire  est  un  objet  très  intéres- 
sant et  artistique  :  le  style  qui  indique  la  fin  du 
XIIIe  siècle,  le  geste  et  la  richesse  de  la  décora- 
tion où  se  remarquent  un  grand  nombre  de  fleurs 
de  lis,  paraissent  réellement  se  référer  au  saint 
roi.  M.  Germain  espère  que  ses  confrères  seront, 
comme  lui,  reconnaissants  à  Mgr  Enard.de  cette 
communication. 


Société  d'archéologie  lorraine.  —  Cette 
Société  a  célébré  l'an  dernier  son  cinquantenaire. 
Quoique  tardivement,  nous  aimons  à  consigner 
ici  les  souvenirs  de  cette  solennité  qui  eut  lieu  le 
28  juin. Elle  a  été  marquée  par  une  conférence  de 
M.  le  professeur  Pfister,  accompagnée  de  pro- 
jections sur  Nancy  à  travers  les  âges,  par  un  ser- 
vice religieux  en  mémoire  des  membres  décédés 
accompagné  d'une  allocution  de  M. l'abbé  Martin, 
par  une  visite  des  monuments  de  la  ville.  M.  Ch. 
Guyot  y  a  narré  l'histoire  de  la  Société.  Une  mé- 
daille a  été  remise  à  notre  collaborateur  M.  L. 
Germain  de  Mody,  l'érudit  et  zélé  secrétaire 
perpétuel  de  la  Société.  Des  lectures  ont  été 
faites  ensuite,  l'une  par  le  Dr  Bleiche  sur  les 
sciences  préhistoriques  de  Lorraine,  une  autre 
par  M.  l'architecte  Demogeot,  sur  les  origines  de 
la  Renaissance  et  les  maisons  de  Banoi.Un  ban- 
quet cordial  a  naturellement  terminé  ces  fêtes 
dignes  d'un  long  souvenir. 

Société  historique  d'archéologie  de  Cor- 
beil,d'Étampes  et  du  Hurepoix. — CetteSociété 
toute  jeune — elle  est  née  en  1875, —  a  regagné  le 
temps  perdu  par  son  activité.  Elle  a  son  siège 
alternativement  dans  les  trois  centres  énumérés 
dans  son  titre.  Le  Bulletin  est  d'un  grand  inté- 
rêt Déjà  elle  est  parvenue  à  créer  un  musée,  et 
grâce  à  M.  Darblay,  elle  a  pu  l'installer  dans 
l'ancienne  église  des  Chevaliers  de  St-Jean  de 
Jcrusalem.  Elle  publie,  outre  son  bulletin.des  do- 
cuments parmi  lesquels  figure  une  notice  de 
l'église  de  Saint-Germain  de  Corbeil. 


Société  d'archéologie  de  Bruxelles.  —  La 
Société  s'est  émue  de  l'abandon  où  se  trouvent 
les  anciens  édifices  de  la  petite  ville  de  Diest  et 
y  a  envoyé  des  délégués.  Les  ruines  de  l'église  de 
Saint-Jean,  situées  dans  le  cimetière,  menaçaient 


de  disparaître,  si  l'État  ne  les  rachetait.  L'église 
du  Béguinage,  qui  appartient  aux  hospices,  est 
aussi  en  triste  état,  l'ancien  cimetière  est  devenu 
un  ignoble  dépotoir,  les  décombres  couvrent  les 
pierres  tombales.  L'ancienne  Halle  réclame  res- 
tauration. 

M.  le  Dr  Raeymaekers  a  rendu  service  à  l'ar- 
chéologie en  signalant  un  dessus  de  cuve  baptis- 
male provenant  de  l'église  de  Rumon,  qui  a 
échoué  à  Tirlemont  et  qu'on  devrait  faire  entrer 
dans  un  musée.  C'est  une  pierre  qui  a  appartenu 
à  des  fonts,  mosans  d'origine  et  de  style,  à  gros 
pédicule  central  cantonné  de  quatre  colonnettes. 
Le  style  des  chapiteaux  et  des  moulures  accuse 
nettement  le  XVe  siècle,  bien  que  l'auteur  de  la 
notice  les  fasse  remonter  jusqu'à  l'époque  ro- 
maine. Les  quatre  têtes  traditionnelles,  qu'on  voit 
d'ordinaire  aux  angles,  ont  passé  au  milieu  des 
faces  de  la  cuve. 

Cercle  archéologique  de  Malines.  —  Elles 
affluent  de  toutes  parts,  les  contributions  à  l'his- 
toire de  la  peinture  murale,  tant  contestée,  de  nos 
anciennes  églises.  M.  le  chevalier  A.  Wouters  de 
Bouchout  nous  fait  connaître  aujourd'hui  des 
fragments  de  celles  qu'on  a  retrouvées  sur  les 
murs  de  l'église  N.-D.  au  delà  de  la  Dyle. 

Il  a  retrouvé  les  vestiges  de  celles  qui  déco- 
raient le  pilier  auquel  s'adossait  l'autel  des  jar- 
diniers, et  le  décor  en  est  caractéristique  autant 
que  pittoresque  et  naïf:  des  légumes  alternant 
avec  des  instruments  aratoires.  Ailleurs  on  a  re- 
levé une  collection  d'élégants  navires,  emblèmes 
non  des  bateliers,  mais  des  poissonniers.  En 
dehors  de  ces  pieuses  et  florissantes  corpora- 
tions de  métiers,  qui  ont  tant  fait  pour  l'embel- 
lissement du  culte,  on  trouve  de  toutes  parts  les 
vestiges  d'une  décoration  générale,  aux  piliers 
du  transept,  aux  clefs  de  voûtes  des  nefs  et  du 
transept,  aux  piliers  de  l'ambulacre. 

En  termes  heureux,  M.  Wouters  déplore  la 
juxtaposition  d'objets  mobiliers  et  de  décors  de 
style  renaissance  à  l'architecture  de  nos  belles 
églises  gothiques,  et  s'élève  avec  beaucoup  de 
raison  contre  l'idée.qu'après  avoir  gratté  le  plâtras 
qui  les  a  déshonorées,  on  doive  en  rester  là  et 
proscrire  le  complément  si  nécessaire  de  la  pein- 
ture murale.  Les  murs  dénudés,  dit-il,  supportent 
malaisément  la  richesse  des  autels  ciselés  ;  entre 
les  chefs-d'œuvre  sculptés  et  richement  décorés 
qui  meublent  nos  églises  et  la  sobre  grandeur 
des  lignes  architecturales,  il  faut  un  lien,  qui  est 
la  peinture  murale.  D'aucuns,  conservateurs 
quand  même  du  vieux  parce  que  vieux,  taxeront 
cette  manière  de  voir  de  lèse-archéologie.  M.  A. 
Wouters  s'est  fait  de  l'art  chrétien  un  autre  con- 
cept, et  c'est  le  bon. 


Cratoauj:  hts  £>octété0  garantes. 


151 


Les  comptes-rendus  du  VIIIe  exercice  de  la 
Société  sont  remplis  des  intéressantes  discus- 
sions relatives  au  projet  d'achèvement  de  la  tour 
de  St-Rombaut.  Nous  nous  dispenserons  d'en 
parler  ici,  le  Directeur  de  la  Revue  en  traitant 
ailleurs. 

MM.  Van  Boameer,  Kempeneer  et  le  chan. 
Van  Caster  se  sont  fait  les  champions  de  cette 
belle  cause,  et  M.  Magnus  a  fait  à  notre  Revue 
l'honneur  d'ouvrir  la  discussion  à  laquelle  cette 
question  a  donné  lieu  par  une  citation  de  notre 
article  plusieurs  fois  rappelé  de  1887. 


Conférence  d'histoire  et  d'archéologie  du 
diocèse  de  Meaux.  —  Ce  cercle  d'études  est 
bien  le  modèle  de  ceux  que  nous  voudrions  voir 
fonctionner  et  fleurir  dans  tous  les  diocèses, 
et  son  excellent  Bulletin  en  montre  toute  la 
vitalité.  Il  a  du  reste  pour  cheville  ouvrière  un 
ecclésiastique  qui  est  à  la  fois  archéologue  con- 
sommé et  artiste  délicat,  dont  le  crayon  excelle 
à  reproduire  avec  charme  et  correction  aussi 
bien  l'architecture  que  la  sculpture.  C'est  à  lui 
que  nous  devons  la  gracieuse  image  de  N.-D.  de 
Rampillon,  que  nos  lecteurs  auront  sous  les  yeux 
prochainement,  par  suite  d'une  gracieuseté  de 
M.  l'abbé  Jouy,  et  qui  ouvre  le  premier  numéro 
de  1899  du  Bulletin  de  la  conférence  de  M  eaux. 
Le  même  artiste  y  donne  un  charmant  dessin  de 
N.-D.  du  Pilier,  à  Verdelot,  telle  qu'il  l'a  croquée 
avant  sa  restauration.  De  lui  aussi,  une  notice  sur 
VEcce  homo  de  la  cathédrale,  qu'il  rapproche  à 
tort,  nous  semble-t-il,  du  grand  Dieu  de  Thé- 
rouanne.  D'après  nos  souvenirs  personnels,  celui- 
ci  est  l'image  du  Juge  suprême  ;  il  figurait  au 
frontispice  de  la  cathédrale  disparue  accosté  de 
la  Ste  Vierge  et  S.  Jean.  Il  porte,  il  est  vrai, 
la  couronne  d'épines  et  le  manteau  de  pourpre 
sur  sa  divine  nudité,  mais  tel  on  le  voit  en  une 
multitude  de  Jugements  derniers. 

Très  intéressante  au  point  de  vue  du  mobilier 
liturgique,  l'analyse  du  compte  des  marguiliiers 
de  l'église  de  St-Denis-des-Coulommiers.  Les 
autels  étaient  entourés  de  courtines  (nommées 
custodes)  pendues  à  des  colonnes  surmontées 
d'anges  portant  des  candélabres,  dispositif  uni- 
versellement usité  jadis,  et  qui  a  persisté  ici  jus- 
qu'au XVIIIe  siècle.  L'église  possédait  sept  pa- 
rements d'autels.  Le  maître-autel  était  abrité 
sous  un  ciborium,  nommé  ici  cincenier  (x).  Chose 
curieuse,  le  verre  entrait  dans  la  composition  du 
ciboire.  Le  jubé  était  surmonte  d'un  grand 
crucifix    et  orné  du  Christ  en   majesté    accom- 

1.  A  Tournai  j'ai  rencontré  linchenier  ou  lichenier  dans  le  sens 
de  jubé.  (V.  L.  Cloquet,  Notes  sur  quelques  usages  liturgiques  des 
églises  de  Tournai.) 


pagné  des  Apôtres.  L'auteur  principal  du  jubé, 
remanié  en  151 1,  est  Adrien  Testard,  d'Estogen 
Beauvoisis.  Le  lutrin  aiglier  en  laiton  est  acheté 
à  Paris  en  1513.  Signalons  encore  une  statue  de 
S.  Antoine. 

Nous  résumerons,  pour  terminer  avec  cet  inté- 
ressant périodique,  une  étude  sur  la  cathédrale  de 
Meaux,  accompagnée  de  bons  dessins  qu'il  nous 
est  donné  de  reproduire. 

Considérant  la  façade  principale  de  la  cathé- 
drale, M.  le  chanoine  Jouy  remarque  d'abord, 
que  les  trois  portails  sont  de  dates  différentes  : 
les  deux  premiers,  de  droite  à  gauche,  de  la 
seconde  moitié  du  XIVe  siècle,  le  troisième,  du 
XVe  ;  on  pourrait  dater  la  statuaire  des  voussures 
de  1350,  et  de  1375  la  résille  du  fronton  principal. 
Beaucoup  ont. cru,  bien  à  tort,  que  cette  façade 
fut  le  couronnement  longtemps  attendu  de 
l'église  élevée  sous  Philippe-Auguste  ;  on  se 
trouve  au  contraire  en  présence  d'une  reconstruc- 
tion de  la  façade  primitive. 

Notre  ami  exhibe  ici  un  dessin  du  XIVe  siècle, 
daté  de  1327,  publié  naguère  par  M.  H.  Stein  ; 
il  en  résulte  qu'à  cette  époque  l'architecte  Nicolas 
de  Chaunes,  maître  de  l'œuvre  du  Roi,  et  archi- 
tecte de  la  cathédrale,  de  Sens,  allongea  l'église 
d'environ  «  huit  parches,  de  terre  en  long  et  en 
lé  ».  —  L'église  (comme  le  montre  le  plan  ci- 
contre,  dressé  ainsi  que  le  beau  dessin  du  trifo- 
rium,  par  M.  Jouy  qui  nous  l'a  gracieusement 
prêté)  comprenait  en  deçà  de  la  croisée  deux 
travées  doubles  à  doubleau  de  recoupement. 
Deux  tours  furent  élevées  au  bas  des  collatéraux, 
en  T.  T.  Comme  longueur,  c'était  peu  ;  la  décli- 
vité du  sol  vers  l'Orient  motivait  ce  petit  déve- 
loppement de  nef,  compensé  par  des  tribunes.  A 
partir  de  1265  on  entreprend  d'accroître  la  nef 
d'une  demi-travée  comprenant  le  porche,  de  ma- 
nière à  laisser  franches  les  quatre  demi-travées  de 
l'ancienne  nef.  Provisoirement  pourtant  on  con- 
serva pour  le  culte  et  pour  le  guet  la  tour  de 
gauche  (1  '),  jusqu'à  ce  qu'on  eut  rebâti  la  tour  1  . 
Cette  circonstance  du  maintien  prolongé  du 
vieux  clocher  explique  la  déconcertante  variété 
de  style  du  soubassement  intérieur  de  la  tour  de 
clocher  et  d'autres  anomalies  de  parties  avoi- 
sinantes  dues  à  des  reconstructions  ultérieures. 
Seules  les  deux  premières  travées  en  arrière  de 
la  rosace,  comprises  entre  les  deux  tours  et 
bâties  au  XI  Ve  siècle,  sont  intactes.  Les  profils 
du  triforium  sont  identiques  à  ceux  de  la 
galerie  du  chœur  et  datent  du  second  quart  du 
XIVe  siècle. 

Après  avoir  ainsi  résume  les  constatations  du 
savant  archéologue  de  Meaux,  il  convient  de  lui 
laisser  la  parole,  pour  formuler  de  graves  obser- 
vations. 


ÉGLISE  CATHÉDRALE  DE  MEWX 


L«  .Hi.T^Linjles  pointtllèes 
Jonnerd  ta  W-e  nonionble 
les  voûtes    primitives 


xustxir-xiii'si«i«l 
xrav  au'-xiv» 

XlVtfXlV'-XV» 
Parties  iléli  uttes 


7T»j« 


■ !■■ 


.6         |7        l|  19         Jo        3'        35  31        M 

-4 1 1 1 1 1 1 1 1 


71.-I.,,    ^ 


i54 


Belnte  lie  P&vt  chrétien. 


«  Il  est  temps  d'expliquer  pourquoi  j'ai  tenu 
à  conserver  par  la  gravure  l'aspect  général  de 
ces  raccords  présentement  en  reconstruction. 
C'est  que  j'y  vois  toute  une  page  d'histoire  que 
les  architectes  sont  en  train  de  déchirer,  sous 
prétexte  de  la  remplacer  par  le  texte  primitif  et 
de  sacrifier  au  fameux  principe  d'unité,  principe 
excellent,  dont  les  applications  peuvent  fort  bien 
être  absurdes.  Or  n'est-ce  pas  le  cas  ? 

Sous  le  spécieux  prétexte  d'unifier  le  style  de 
la  nef,  on  sape  triforium  à  sections  prismatiques 
et  fenêtres  à  meneaux  flamboyants,  pour  les 
rétablir  en  leurs  formes  anciennes,  très  belles, 
c'est  entendu.  Mais  pour  ce  faire,  on  est  contraint 
d'adopter  coûte  que  coûte  l'alignement  plus  mo- 
derne, dévié  au  point  de  soudure  à  cause  de  la 
grande  saillie  des  piles  intérieures  des  tours.  En 
sorte  que  l'on  crée  de  fort  jolies  choses,  plus 
jolies  assurément  que  celles  que  l'on  prétend 
reconstituer,  mais...  en  dehors  de  l'alignement 
normal.  Quand  le  temps  aura  déposé  sa  patine 
sur  les  pierres  aujourd'hui  si  bien  lustrées,  quel- 
que «  connaisseur  »  mettra  naïvement  cette 
déviation  d'axe,  ce  gauchissement  du  mur  sur  le 
compte  de  l'impéritie  des  bâtisseurs  gothiques  ; 
à  moins  qu'un  Mérimée  ou  un  Huysmans  de  ce 
temps-là  n'y  découvre  la  symbolique  torsion  du 
martyr  à  qui  l'église  est  dédiée. 

Il  paraît  que  le  côté  Nord  est  voué  au  même 
traitement.  Naturellement,  la  voûte,  rajeunie  il  y 
a  quelques  années,  intéressante  pour  les  construc- 
teurs en  ce  que  les  deux  moitiés  transversales 
appartiennent  à  deux  époques,  devra  disparaître 
par  amour  de  l'unité.  Et  que  d'autres  morceaux 
y  passeront  encore  !...  Les  tours  elles-mêmes  en 
bonne  logique,  devraient  sauter. 

J'oserai  dire  en  terminant,  —  le  dire  avec 
d'autant  plus  de  fermeté  que  cette  protestation, 


platonique  restera  sans  aucun  effet,  MM.  les 
architectes  s'étant  de  longue  date  entièrement 
affranchis  de  l'influence  du  clergé,  du  contrôle 
des  archéologues  et  de  tous  ceux  qui  pouvaient 
mettre  un  frein  à  leurs  systèmes  et  à  leurs  fantai- 
sies —  :  Voilà  des  améliorations  que  rien  ne 
justifie,  concession  coûteuse  à  la  vieille  manie  de 
régularité,  qui  fait  mentir  le  monument,  et  fausse 
l'histoire.  Quand  Didron,  en  1854,  s'écriait  : 
«  Personne,  sous  prétexte  d'amélioration,  ne  peut 
porter  la  main  sur  un  ancien  porte-à-faux  de  la 
cathédrale  de  Reims,  sur  une  moulure  grossière 
de  la  cathédrale  de  Paris,  sur  une  baie  sauvage 
de  la  cathédrale  de  Chartres  ;  le  porte-à-faux,  la 
moulure,  la  baie  appartiennent  à  l'architecte  du 
treizième  siècle  et  nous  n'avons  pas  le  droit  d'y 
toucher  »,  beaucoup  ne  virent  là  qu'un  paradoxe 
de  plus. 

Les  artistes  sérieux  se  rangèrent  à  l'avis  du 
fougueux  publiciste  :  «  Il  est  fort  périlleux,  dit 
Viollet-le-Duc,  d'entrer  dans  la  voie  des  modifi- 
cations, lorsqu'on  restaure  un  monument.  Une 
restauration  n'est  pas  une  création,  c'est  un 
souvenir  qu'on  perpétue.  En  restaurant  l'extérieur 
de  la  Sainte-Chapelle  du  Palais  à  Paris,  M. 
Lassus  a  conservé  religieusement  le  portail  du 
XVe  siècle.  Les  exemples  de  ce  genre  abondent 
et  les  autorités  aussi. 

Parlant  des  cathédrales  de  Senlis  et  de  Meaux, 
au  Congrès  archéologique  de  1876,  M.  Anth. 
Saint-Paul  disait  qu'  «  il  n'y  a  pas  beaucoup 
d'édifices  où  l'histoire  de  l'art  puisse  être  étudiée 
avec  plus  de  fruit  que  dans  ces  deux  églises  ». 
Il  ignorait  alors  les  nombreux  remaniements  qui 
menacent  de  faire  de  notre  cathédrale  un 
enchevêtrement  d'énigmes.  » 

L.  C LOQUET. 


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^®^g! 


Bibliographie*  ^^^^^)^^^ 


le  maître  publie  aujourd'hui,  est,  à  lui  seul,  une 
de  ces  œuvres  dans  lesquelles  il  semble  qu'une 
vie  de  travail  tout  entière  vienne  se  résumer.  De 
fait,  ce  sont  les  notes  de  toute  une  existence  de 
labeur  qui  se  fondent  dans  ces  pages  magistrales, 
d'une  critique  si  sûre  qu'il  devient  superflu  de 
dire  qu'elle  est  impeccable,  où  les  textes  et  les 
documents  se  commentent  mutuellement,  et  dans 
lesquelles,  quoi  qu'en  dise  M.  M.,  ce  qui  n'est  pas 
parfaitement  élucidé,  court  risque  de  demeurer 
toujours  obscur. 

M.  M.  prend  Léonard  à  son  enfance,  l'accom- 
pagne dans   ses  essais,   le   suit  dans  l'atelier  de 


LEONARD  DE  VINCI,  L'ARTISTE,  LE  PEN- 
SEUR, LE  SAVANT,  par  Eue.  Muntz.  —  Paris, 
Hachette,  1899,  in-40  avec  44  planch.  et   200  gr. 

!$SÉwmKhI!!E  monument  que   M.    Eug.    Miintz 

•■•• 

-..■ 
-.' 


!(*  élève  à  la  glorification  de  l'art  italien 
qu'il   connaît  si  bien,  devait  néces- 

1^  sairement  comprendre  une  longue 
à^BpSpîpirJâ  6tude  sur  la  personnification  la  plus 
éclatante  du  génie  qui  préside  à  la  Renaissance. 
Mais  malgré  ce  que  les  volumes  précédents  de- 
vaient nous  faire  attendre,  nos  espérances  sont 
de  bien  loin  dépassées.  Le  Léonard  de  Vinci  que 


L  Adoration  des  Mages. 


Verocchio,  le  compare  à  ses  condisciples,  au  Pe- 
rugin,  à  Lorenzo  de  Credi,  à  Atalante  ;  puis,  exa- 
minant ses  larges  pages,  la  Méduse,  la  Tentation 
d'Adam  et  d'Eve,  Y 'Annonciation,  X 'Adoration  des 
Mages,  Saint  Jérôme,  il  étudie  jusqu'à  son  départ 
pour  Milan  cette  invraisemblable  fécondité,  une 
des  plus  extraordinaires  qu'il   nous   soit  donné 


d'approfondir.  Nous  ne  tardons  pas  à  le  retrouver 
à  la  cour  des  Sforza,  changeant  son  pinceau 
contre  le  ciseau,  exécutant  l'ouvrage  qui  l'occupe 
pendant  dix-sept  années,  la  statue  équestre  du 
duc  François  Sforza,  père  de  Ludovic  le  More. 

Peu  nombreux    sont  les  dessins  pour  la  Cène, 
que    nous   possédons,    mais    cependant,    tout   le 


REVUE    DE    l'aici     I  HNÉT1KN 
l8çg.     —    2,lle    LIVRAISON 


156 


JRcliuc  lie  l'&vt  chrétien. 


prouve,  l'enfantement  en  a  été  laborieux.  Rien, 
d'ailleurs,  dans  l'œuvre  de  l'artiste  ne  prend  corps 
qu'après  un  travail  considérable  :  les  croquis,  les 
ébauches  qui  demeurent,  montrent  la  conscience 
apportée  par  Léonard  aux  plus  petits  détails, 
les  portraits,  comme  les  caricatures  mêmes,  étu- 
diées d'après  nature.  La  Belle  Ferronnière  qui  ne 
serait  autre  que  la  favorite  de  Ludovic  le  More, 
Lucrezia  Crivelli,  et  Monna  Lisa  Gioconda  dont 
les  poètes,  les  romanciers,  les  historiens,  les  esthé- 
ticiens ont  célébré  les  splendeurs,  en  échafaudant 
sur  le  caractère  de  l'original,  les  hypothèses  les 
plus  ingénieuses,  ne  sont  pas,  entre  tant  d'autres, 
pour  contredire  M.  Miintz. 


Saint  Jérôme. 

Mais  Léonard  ne  se  contente  pas  de  produire, 
il  veut  enseigner,  et  fonde  l'Académie  qui  porte 
son  nom  :  Academia  Leonardi  Vinci;  et  l'on  s'ac- 
corde à  considérer  ses  manuscrits  comme  l'en- 
seignement qu'il  y  donna.  Beaucoup  sont  perdus, 
et  cependant  il  en  reste  plus  de  cinq  mille  pages, 
couvertes  d'une  écriture,  au  premier  abord  indé- 
chiffrable, tracée  de  droite  à  gauche  à  la  façon 
des  Orientaux,  et  qu'il  semble  avoir  adoptée  dès 
1473  pour  empêcher  qu'on  lui  dérobât  ses  secrets. 
Peut-être  était-ce  là  réellement  son  désir;  ce- 
pendant, quand  on   songe  qu'il   suffit   de   mettre 


une  glace  devant  le  texte  pour  le  lire  couram- 
ment, ne  faudrait-il  pas,  sans  aller  chercher  bien 
loin,  y  voir  une  simple  habitude  de  graveur? 


Esquisse  de  la  statue  équestre  de  François  Siorza. 

L'artiste  ne  s'arrête  pas  seulement  aux  choses 
de  l'art  :  il  est  ingénieur  et  s'applique  aux  pro- 
blèmes les  plus  ardus,  comme  le  vol  des  oiseaux  ; 


La  belle  Ferronnière. 


il  est  poète,  il  étudie  les  sciences  occultes  et  l'an- 
tiquité si  étroitement  unies  qu'elles  ne  sauraient 
être  séparées,  et  c'est  dans  Vincent  de  Beauvais, 


Bibliographie, 


157 


puis  dans  les  livres  arabes,  attribués  à  Avi- 
cenne,  alors  que  c'est  le  Livre  IV  des  Météores 
d'Aristote,  qu'il  trouve  certainement  la  théorie, 
d'abord  attribuée  à  Bernard  Palissy,  puis  dont 
actuellement  on  lui  attribue   la  paternité,  de  la 


libration  des  continents,  de  la  formation  des  mon- 
tagnes, de  l'origine  des  fossiles  qu'on  y  rencontre, 
théorie  que  Cuvier  saura  faire  définitivement 
accepter,  après  que  depuis  vingt-et-un  siècles,  elle 
dormait  dans  les  écrits  du  philosophe  de  Stagire. 


Fragment  de  la  Cène. 


Est-ce  en  résumé  enlever  quelque  chose  à  Léo- 
nard ?  N'est-ce  pas  un  grand  honneur,  pour  cet 
esprit  supérieur,  que  d'avoir  accepté  une  vérité 
que  nul  ne  voulait  admettre  3 


Mais  nous  arrivons  à  la  vieillesse.  Son  protec- 
teur, Ludovic  le  More,  tombe.  Isabelle  de  Man- 
toue,  épouse  de  Jean  François  de  Gonzague, 
poursuit  pendant  des  années  l'idée  fixe  d'obtenir 


Esquisse  et  spécimen  d'écriture  de  Léonard  de  Vinci. 


de  Léonard  un  tableau  pour  son  cabinet  de  tra- 
vail :  l'artiste  la  paye  en  promesses,  il  finira  même, 
dit  M.  M.,  par  remporter  le  prix  de  lenteur,  et  la 
marquise,  découragée,  dut  faire  le  sacrifice  de  ses 
espérances. 


Vers  l'année  1502,  il  met  la  dernière  main  à 
un  de  ses  chefs-d'œuvre,  la  Sainte  Anne,  dont 
François  Ier  fera  l'acquisition  vers  octobre  1516. 
Puis  voilà  que  l'artiste  part  pour  Florence,  puis 
pour  Rome,  puis  pour  la  France.  Comme  le  fait 


i58 


&cbuc  tic  rart  cljvcticn. 


très  bien  remarquer  M.  M.,  enfant  naturel,  céli- 
bataire, sans  famille,  le  maître  illustre  détaché  de 
toute  affection  féminine,  changeait  sans  regret 
de  foyer,  suivait  tour  à  tour  César  Borgia,  le 
maréchal  d'Amboise,  Julien  de  Medicis,  Fran- 
çois Ier  :  il  se  décide,  déjà  sexagénaire,  à  tenter 
la  fortune  de  ce  côté  des  Monts.  C'est  à  Amboise 
qu'il  vient  finir  ses  jours  ;  c'est  là  qu'il  dicte  son 
testament,  qu'on  crut  si  longtemps  perdu, emporté 
qu'il  fut.lors  d'une  crue  de  la  Loire.dans  le  tonneau 
où  étaient  empilées  les  archives  du  notaire  Boreau, 
testament  dont  une  copie,  heureusement  décou- 
verte par  M.  Scribe,  professeur  de  dessin  à  Ro- 
morantin,  nous  apprend  avec  quel  soin  minu- 
tieux l'artiste  avait  réglé  jusque  dans  ses  détails 
les  cérémonies  de  ses  obsèques,  qui  eurent  lieu, 
comme  il  l'avait  voulu,  dans  l'église  du  chapitre 
de  Saint-Florentin,  où  il  fut  inhumé  le  12  août 
1519. 

Voilà  bien  rapidement  résumé  ce  que  M.  M. 
met  au  point.  L'ouvrage  se  termine  par  un  cata- 
logue de  l'œuvre  peint,  sculpté,  dessiné  et  gravé 
par  Léonard  de  Vinci,  résumant  dans  trente- 
huit  pages  de  petit  texte,  en  les  classant  par 
pays,  les  productions  de  l'un  des  plus  puissants 
esprits  de  la  Renaissance. 

Avais-je  donc  tort  d'écrire  au  commencement 
que  tout  semblait  dit  maintenant  sur  Léonard  de 
Vinci  ? 

F.  de  MÉLY. 


LE  R.    P.    Grisar   a   publié   dans    la   Civiltà 
cattolica  les  articles  suivants  qui  intéressent 
à  un  haut  point  l'archéologie  romaine. 

I.  Délia  statua  di  bronzo  di  S.  Pietro  ap.  ne  II  a 
basilica  vaticana. 

De  la  statue  de  saint  Pierre,  apôtre,  dans  la 
basilique  vaticane. 

II.  Délia  catena  Romana  di  S.  Pietro  ap.  e  del- 
Fantichita  délia  basilica  Eudossiaua. 

De  la  chaîne  de  saint  Pierre,  apôtre,  à  Rome 
et  de  l'antiquité  de  la  basilique  Eudoxienne. 

III.  Gli  antichi  abiti  sacri  e  profani,  special- 
mente  sul  musaico  lateranense  di  S.  Venanzio. 

Les  anciens  ornements  sacrés  et  profanes,  par- 
ticulièrement sur  la  mosaïque  de  S.  Venance  au 
Latéran. 

IV.  //  musaico  dell 'oratorio  lateranense  di  S. 
Venanzio  e  gli  scavi  di  Salona. 

La  mosaïque  de  l'oratoire  de  St- Venance  au 
Latéran  et  les  fouilles  de  Salona. 

I. 

Dans  la  première  de  ces  études, le  savant  auteur 
fait  ressortir  avec  beaucoup  de  raison  que  peu 
d'antiquités  religieuses  de  Rome  ont  été  l'objet 


d'autant  de  controverses  et  d'opinions  divergen- 
tes que  la  statue  en  bronze  de  saint  Pierre  vénérée 
dans  la  basilique  consacrée  à  cet  apôtre. 

Il  rappelle  notamment  les  articles  parus  dans 
les  Annales  archéologiques  où  Didron  voit 
dans  cette  statue  une  œuvre  du  XIIIe  siècle,  et 
Grimouard  de  St-Laurent,  au  contraire,  la  fait 
remonter  au  règne  de  S.  Léon  le  Grand. 

La  plus  ancienne  mention  historique  de  la 
célèbre  statue  est  celle  de  Maffeo  Vegio  (1406- 
1457).  A  cette  époque  elle  se  trouvait,  peut-être 
depuis  longtemps  déjà, dans  l'oratoire  de  St-AIar- 
tin,  derrière  l'abside  de  la  basilique  vaticane. 

L'examen  technique  auquel  l'auteur  s'est  livré 
avec  d'autres  experts  a  établi  que  la  statue  est 
fondue  d'une  pièce  et  n'a  subi  que  de  légères 
détériorations  ;  le  métal  et  la  fonte  sont  de  qua- 
lités médiocres. 

Personne  ne  saurait  assigner  à  cette  œuvre 
d'un  art  qui  dénote  plutôt  une  période  décadente, 
une  époque  plus  probable  que  celle  du  déclin  de 
l'art  antique  romain.  Vers  le  Ve  siècle,  les  artistes 
chrétiens  dans  la  conscience  de  leur  faiblesse,  ont 
adopté  les  éléments  et  le  caractère  d'un  art  pré- 
existant, auquel  ils  ne  pouvaient  atteindre. 

Parmi  les  points  sur  lesquels  le  R.  P.  Grisar 
appuyé  son  opinion,  il  fait  ressortir  dans  la  statue 
de  l'Apôtre  l'absence  de  tonsure  comme  une 
preuve  de  son  antiquité. 

La  plupart  des  lecteurs  accepteront  certaine- 
ment les  conclusions  de  cette  étude  ;  mais  dans 
son  admiration  pour  cette  imposante  effigie 
l'auteur  va  trop  loin  lorsqu'il  assure  que  ni  le 
XIIe,  ni  le  XIIIe  siècle,  n'ont  su  égaler  dans  leur 
relief  et  la  brisure  des  plis,  les  draperies  de  la 
statue  de  S.  Pierre.  Je  ne  saurais,  comme  œuvre 
d'ait,  placer  aussi  haut  la  statue  vénérée.  Plu- 
sieurs des  figures  sculptées  des  cathédrales 
françaises,  celles  des  statues  au  dôme  de  Naum- 
bourg,  celles  des  effigies  au  tombeau  de  Henri 
le  Lion  et  de  sa  femme  à  Brunswick,  enfin  les 
statues  des  vierges  sages  et  des  vierges  folles 
aux  portails  de  Strasbourg,  offrent  des  draperies 
d'un  art  plus  vivant,  plus  souple  et  plus  sûr  de 
lui-même. 

[I. 

Dans  sa  dissertation  sur  les  chaînes  romai- 
nes de  S.  Pierre  aux  liens,  l'auteur  poursuit  au 
moyen  de  textes  et  d'inscriptions  l'histoire  de 
cette  célèbre  relique,  jusque  vers  le  IVe  siècle.  Il 
fait  à  cette  occasion  une  visite  à  la  basilique 
Eudoxienne  dont  il  recherche  avec  la  science 
archéologique  et  l'esprit  de  critique  qu'on  lui 
connaît,  les  éléments  primitifs  et  la  disposition 
ancienne.  Les  belles  colonnes  monolithes  en 
marbre    proviennent    sans   aucun    doute    d'une 


Btbltograplne. 


r59 


grandiose  construction  romaine  qui  a  complète- 
ment disparu. 

III  et  IV. 

Ces  deux  études  sont  consacrées  à  la  mosaï- 
que de  l'oratoire  de  Saint-Venance,  au   Latéran. 

On  connaît  l'importance  archéologiquede  cette 
mosaïque  qui  se  trouve  encore  en  assez  bon  état, 
bien  qu'elle  ait  été  exécutée  sous  le  pape  Jean  IV 
(640-642)  et  son  successeur  Théodore.  Le  R.  P. 
Grisar  s'attache  à  bien  établir  l'identité  des  saints 
qui  y  sont  représentés,  et  sur  lesquels  les  fouilles 
récemment  pratiquées  à  Salona,  ville  de  la  Dal- 
matie  autrichienne, ont  apporté  un  jour  nouveau. 
Ce  sont, en  effet.les  figures  des  martyrs  de  Salona 
qui,  à  côté  de  la  Sainte  Vierge,  des  apôtres 
Pierre,  Paul  et  Jean,  de  S.  Jean-Baptiste,  et  des 
deux  papes  donateurs  de  la  mosaïque,  y  sont 
représentés.  Le  second  article  inspiré  par  cette 
même  œuvre  d'art  du  septième  siècle,  examine 
les  figures  qui  représentent  les  divers  grades  de 
la  hiérarchie  ecclésiastique,  sous  le  rapport  du 
costume  liturgique  des  différents  dignitaires  de 
l'Église. 

Il  est  hors  de  doute  que  les  ornements  et  les 
vêtements  sacerdotaux  ont  pris  une  forme  tra- 
ditionnelle et  liturgique  par  un  développement 
fort  lent,  mais  indubitable  de  la  forme  des  vête- 
ments profanes.  Dans  le  principe  il  n'y  avait  pas 
de  différence  entre  prêtres  et  laïcs,  mais  le  clergé 
a  conservé  pour  le  culte,  les  vêtements  qui,  en  de- 
hors de  lui,  subissaient  les  transformations  de  la 
mode.  Les  figures  de  la  mosaïque  latérane  per- 
mettent d'étudier  quelques-uns  des  vêtements 
sacerdotaux  en  usage  dans  leclergéau  VI  Ie  siècle: 
la  tunique,  la planeta  où  chasuble, la  dalmatique, 
le  pallium. 

On  comprend  l'intérêt  qui  s'attache  à  ces  sortes 
de  recherches  lorsqu'elles  sont  entreprises  avec 
toute  l'érudition  du  R.  P.  Grisar. 

J.   H. 


DAS  VATER  UNSER  IM  GEISTE  DER  AEL- 
TESTEN  KIRCHENVAETER  IN  BILD  UND 
WORT.DARGESTELLT  VON  LUDWIG  GLOET- 
ZLE,  HISTORIENMALER  IN  MUNCHEN  UND 
Dr.  ALOIS  KNÔPFEER,  PROFESSOR  DER 
KIRGHENGESCHIGHTE  AN  DER  UNIVER- 
SITAET  IN  MUNCHEN.  —  Freiburg  im  Breis- 
gau,  Herder'sche   Verlagshandlung. 

Le  Pater  noster,  selon  l'esprit  des  plus  anciens 
Pères  de  l'Eglise,  en  images  et  en  paroles,  par 
Ludwig  Glôtzle,  peintre  d'histoire  à  Munich  et  le 
D.  Aloïs  Knôpfter,  professeur  d'histoire  de  l'É- 
glise à  l' Université  de  Munich:  neuf  héliogravures 
et  41  pp.  de  texte,  pet.  in-f°.  Herder,  Fribourg 
en  Brisgau. 


Voici  une  publication  très  soignée,  d'aspect 
élégant  et  qui  me  semble  une  apparition  peu 
ordinaire  dans  le  monde  de  la  librairie.  Elle  est 
ornée  de  gravures  reproduisant  des  compositions 
de  style  où  les  grandes  figures  de  l'histoire  sainte 
se  mêlent  aux  personnages  revêtus  du  costume 
moderne  ;  en  prenant  le  volume  en  main,  on  croit 
avoir  affaire  à  un  album  destiné  à  orner  la  table  du 
salon  pour  y  être  feuilleté  pendant  quelques 
instants  et  occuper  au  besoin  les  loisirs  du  visiteur 
qui  attend  le  maître  du  logis.  Mais  pour  peu  que 
l'on  commence  la  lecture  du  texte,  on  ne  tarde 
pas  à  y  trouver  un  recueil  des  plus  graves  médi- 
tations, sur  chacune  des  demandes  de  la  prière 
par  excellence,  l'oraison  dominicale. 

Pour  faire  comprendre  le  livre,  il  importe  d'en 
citer  la  dernière  page.  Au  lieu  de  préface,  l'au- 
teur, dans  cet  appendice,  fait  connaître  l'origine 
de  la  publication  ;  je  vais  en  traduire  quelques 
lignes  qui,  plus  qu'une  longue  dissertation,  don- 
nent les  renseignements  nécessaires  sur  l'histo- 
rique et  la  portée  de  l'ouvrage. 

«  Depuis  des  années,  dit  M.  Knôpfler,  je  me 
suis  attaché  dans  mes  heures  de  loisir,  à  recher- 
cher dans  les^plus  anciens  écrits  des  Pères  et  des 
auteurs  de  l'Eglise,  des  explications  sur  le  Pater 
noster.  En  les  lisant  j'ai  pris  soin  de  noter  les 
passages  les  plus  intéressants  relatifs  à  chacune 
des  demandes  de  cette  prière.  Insensiblement,  je 
parvins  ainsi  à  former  un  recueil  considérable  de 
maximes  et  de  pensées  graves  et  profondes. 
Comme  elles  me  semblaient  d'une  valeur  inesti- 
mable pour  l'intelligence  complète  de  la  prière 
la  plus  importante  et  la  plus  féconde  de  l'Eglise 
du  Christ, —  ces  pensées  émanant  des  témoins  les 
plus  anciens  de  la  foi  catholique,  —  le  désir  de  les 
rendre  accessibles  à  un  grand  nombre  s'empara 
de  mon  esprit.  Je  ne  pus  me  dissimuler  cepen- 
dant qu'une  semblable  publication  avait  besoin 
d'un  complément,  et  que  des  images  représen- 
tant chacune  des  demandes  de  l'Oraison  domini- 
cale formeraient  un  appoint  éminemment  dési- 
rable, non  seulement  pour  ménager  un  accueil 
favorable  à  ce  choix  de  pensées,  mais  parce  qu'il 
apporterait  pour  ainsi  dire  une  lumière  nouvelle 
à  l'entière  compréhension  de  la  prière.  Je  ne  tar- 
dai pas  à  trouver  en  M.  Louis  Glôtzle  un  artiste 
dispose  à  prêter  son  crayon  à  l'expression  de 
cette  conception.  Mais,  en  cherchant  a  réaliser  ce 
projet,  nous  avons  reconnu  toute  la  difficulté  de 
trouver  des  compositions  qui  pussent  interpréter 
dans  le  langage  imagé  de  l'art  le  thème  abstrait 
de  la  prière.  C'est  ainsi,  qu'après  maint  essai  ont 
été  produits  les  dessins  qui  ornent  ce  volume. 
Ils  ne  doivent  pas  être  considérés  comme  les 
inspirations  d'un  moment,  mais  au  contraire 
comme  le  produit  d'une  étude  approfondie  et  de 
nombreuses  consultations. 


i6o 


Hebue  lie  rstrt  chrétien. 


«  L'objet  que  nous  avions  en  vue  était  la  créa- 
tion d'une  sorte  de  livre  de  famille,  où  les  vieux 
comme  les  jeunes  pussent  trouver  un  guide  aimé 
conduisant  à  une  intelligence  plus  complète,  à 
une  récitation  plus  fervente  de  l'oraison  que  le 
Seigneur  lui-même  nous  a  enseignée.  » 

L'auteur  rappelle  que,  dans  le  choix  des  tex- 
tes, il  s'est  attaché  exclusivement  aux  auteurs 
sacrés  antérieurs  à  l'année  450.  Parmi  ceux-ci  il 
cite  le  plus  fréquemment  Origène  d'Alexandrie, 
Cyrille,  évêque  de  Jérusalem,  S.  Grégoire,  S.  Au- 
gustin, Tertullien,  Cyprien,  etc. 

On  comprend  aisément  qu'en  puisant  à  des 
sources  aussi  pures,  en  s'étayant  d'autorités  aussi 
graves,  les  commentaires  à  l'Oraison  dominicale 
aient  pris  une  sûreté  austère  et  forment  un  en- 
seignement de  l'ordre  le  plus  élevé.  La  maison 
Herder  en  les  publiant,  accompagnés  des  com- 
positions d'un  artiste  habile,  a  soin  de  les  offrir 
au  public  sous  un  aspect  particulièrement  gra- 
cieux. 

Je  n'oserais  affirmer  que  le  peintre  ait  toujours, 
quant  à  la  clarté  de  ses  conceptions,  triomphé 
de  toutes  les  difficultés  signalées  par  l'auteur  du 
texte,  mais  il  y  a  toujours  plaisir  à  voir  un  talent 
réel  mis  au  service  d'une  bonne  pensée.  M.Glotzle 
en  faisant  intervenir  dans  ses  compositions  des 
personnages  revêtus  des  costumes  que  nous 
avons  tous  les  jours  sous  les  yeux,  à  côté  de 
figures  idéales  ou  de  héros  historiques,  a  donné  à 
son  œuvre  une  portée  morale  plus  grande,  un 
enseignement  plus  populaire.  lia  réussi  à  le  fai- 
re, en  sauvant,  avec  beaucoup  de  tact,  ce  qu'il 
pouvait  y  avoir  d'osé  et  de  disparate  dans  cette 
tentative. 
J-  H. 

PETITES  MÉDITATIONS  SUR  LES  VERTUS 
CHRÉTIENNES,  dédiées  aux  enfants  de  la  pre- 
mière communion  et  de  la  persévérance,  par 
Mme  de  Waresquiel.  Paris,  1898,  in-16  de  86  pages, 
avec  planches. 

Je  n'ai  point  à  insister  sur  le  côté  pieux; 
qu'il  me  suffise  de  le  recommander  aux  pen- 
sionnats religieux, qui  goûteront  certainement  cet 
opuscule.  Mon  rôle  est  tout  autre  ici.  J'ai  à 
montrer  que  c'est  la  première  fois  peut-être  que 
l'archéologie  est  appelée  à  illustrer  un  livre  de 
pure  dévotion.  Les  neuf  planches,  d'un  dessin 
ferme  et  délicat,  témoignent  d'un  goût  parti- 
culier, qui  a  cherché  ses  modèles  en  Italie, 
de  préférence  à  Rome  et  a  Florence.  Je  ne  sau- 
rais trop  féliciter  l'auteur,  qui  appartient  abonne 
école,  car  s'il  m'est  permis  d'être  indiscret  en 
révélant  son  nom,  je  dirai,  pour  ma  justification, 
que  M'"e  la  comtesse  de  Waresquiel  est  appa- 
rentée    à     ces    grands    archéologues    chrétiens, 


MAI.  Rohault  de  Fleury,  qui  ont  produit  les 
ouvrages  les  plus  curieux  et  les  plus  utiles  à  con- 
sulter sur  l'art  primitif  et  médiéval,  au  point  de 
vue  de  la  tradition. 

X.  B.  de  M. 

LA  VIERGE  MIRACULEUSE  DE  CELLES- 
SUR-BELLE,  (  Deux  Sèvres),  par  Alfr.  Largeault. 
Melie,  Lacuve,  1898,  in-8'  de  9  pages. 

Cette  Vierge,  qui  opérait  des  miracles,  appa- 
rut pour  la  première  fois  en  1095  au  milieu  delà 
lumière  et  motiva  la  construction  de  l'abbaye.  On 
la  vénérait  dans  un  caveau  situé  derrière 
l'abside.  Elle  a  été  détruite   par  les  protestants. 

X.  B.  DE  .M. 

ON     TWO     UNUSUAL     FORMS     OF     LINEN 

VESTMENTS,  par  Wickham  Legg.  Londres,  1898, 
in  4  ,  avec  pi. 

Cette  très  curieuse  brochure,  amplement  illus- 
trée, appelle  l'attention  des  érudits  sur  deux 
vêtements  de  lin, l'un  usitéjadis  et  l'autre  encore 
conservé.  Le  surplis,  en  forme  de  chasuble 
antique  relevée  sur  les  bras,  a  disparu  ;  mais 
Milan  a  conservé,  pour  l'offrande,  le  fanon,  vaste 
écharpe  qui  recouvre  les  bras  et  les  mains. 

X.  B.  DE  M. 

THE  BLESSING  OF  THE  EPISCOPAL  ORN  A- 
MENT   CALLED    THE    PALL,    par    J.     WlCKHAM 

Legg.  York,  189S,  in-Sc>de24  pages. 

Cette  brochure,  très  érudite  comme  tout  ce 
qu'écrit  l'auteur.reproduit  le  rit  et  la  formule  de 
prière  pour  la  bénédiction  des  palliums,  tels 
qu'ils  ont  été  usités  à  diverses  époques.  Qu'il  me 
soit  permis  d'ajouter  deux  observations  à  ce  tra- 
vail si  complet  et  intéressant  :  dans  la  dernière 
édition  de  mon  Année  liturgique  à  Rome,  j'ai 
traité  cette  question  au  point  de  vue  contempo- 
rain, et  Mgr  Wilpert  a  publié  dans  VArte,  1898, 
pp.  89-120,  un  article  très  documenté  et  corro- 
boré de  vignettes  sur  les  transformations  du 
pallium  sous  ce  titre:  Un  capitolo  di  storia  del 
vestiario. 

X.  B.  de  M. 

LES  ÉGLISES  PAROISSIALES  DE  PARIS. 
MONOGRAPHIES  ILLUSTRÉES.  N'  5.  LA 
SAINTE -CHAPELLE.  Texte  par  M.  l'abbé  A. 
Bouillet.  Photographie  et  gravure  par  G  Peut.  Paris, 
Rondelet,  in-8"  d'une  feuille,  avec  22   vignettes. 

Prix  :  1    fr. 

Cette  publication  est  excellente  sous  tous  rap- 
ports et  destinée,  en  conséquence,  à  devenir 
promptement  populaire.  Elle  servira  de  guide 
pour   visiter   les  monuments,   sous    la   direction 


Btbltograplne. 


161 


d'un  archéologue  distingué  qui  décrit  en  un 
style  fort  agréable  et  n'oublie  aucun  détail  ;  les 
vignettes  très  nombreuses  fixeront  les  souvenirs. 

L'éditeur  me  permettra  de  lui  signaler  quel- 
ques améliorations  qu'il  ne  récusera  pas,  j'en  suis 
persuadé. 

Le  titre  devrait  être  ainsi  modifié  :  Les  églises 
et  chapelles.  Pourquoi  limiter  aux  seules  églises 
paroissiales,  quand  nombre  de  chapelles  ont  leur 
importance?  Dès  la  5e  livraison,  il  faut  faire  ex- 
ception, puisque  la  Sainte-Chapelle  n'est  pas 
paroisse:  on  pourrait  l'appeler  de  son  vrai  nom, 
ancienne  collégiale.  Est-ce  que  le  Sacré-Cœur  de 
Montmartre  n'y  figurera  pas  à  bon  droit,  quoi- 
que ce  ne  soit  pas  non  plus  une  paroisse?  Elar- 
gissez le  cercle  trop  restreint  de  ces  monographies, 
qui  doivent  comprendre  aussi,  par  exemple,  les 
Carmes,  la  Sorbonne,  etc. 

Les  vignettes  manquent  d'indication,  ce  qui 
force  à  lire  le  texte  pour  savoir  au  juste  ce  qu'el- 
les représentent.  Un  mot,  s.  v.  p.,  pour  préciser 
le  sujet  et  la  date.  L'époque  est  nécessaire,  puis- 
que toutes  les  parties  de  la  Sainte-Chapelle  ne 
remontent  pas  au  XIIIe  siècle  ;  il  en  est  du  XVe. 
Le  lecteur  qui  n'est  pas  archéologue  apprendra 
ainsi,   sans   effort,    à    reconnaître   les   styles. 

L'œuvre  capitale,  après  l'architecture,  est  la 
décoration  par  la  statuaire  et  les  vitraux.  On 
voit,  trop  en  petit,  les  apôtres  tenant  les  croix 
de  consécration,  que  Courajod  attribuait  au 
XIVe  siècle.  Il  était  essentiel  d'en  donner  deux 
de  grande  dimension. 

Les  vitraux  n'apparaissent  que  confusément. 
J'en  réclame  au  moins  deux  panneaux,  laissant 
reconnaître  le  style  et  le  sujet. 

Enfin,  faute  d'autel,  la  Sainte-Chapelle,  comme 
le  dit  très  bien  l'auteur,  est  devenue  <L  un  corps 
sans  âme».  Cette  âme,  on  pouvait  la  retrouver 
dans  une  des  miniatures  du  Pontifical  de  Juvé- 
nal  des  Ursins,  qui  n'eût  pas  été  déplacée  ici. 

X.B.  de  AI. 


L'ART  CHRETIEN  DANS  LA  VALLEE 
D'AOSTE.  CONFÉRENCE  PRONONCÉE  A 
TURIN  A  L'EXPOSITION  D'ARTE  SACRA,  LE 
4  OCTOBRE  1898,  par  l'abbé  F.  G.  Frutaz.  Aoste, 
imprimerie  catholique.  in-8°,  de  32  pag. 

Ce  discours,  écrit  avec  une  éloquence  persua- 
sive, trace,  d'une  manière  rapide  mais  suffisante, 
l'histoire  de  l'art  religieux  dans  lediocèse  d'Aoste, 
du  premier  siècle  à  nos  jours.  Il  insiste  sur  deux 
points:  l'influence  française,  au  moyen  âge, pour 
l'architecture  et,  pour  la  peinture  au  contraire, 
sur  celle  qu'établissait  forcément  le  voisinage 
de  l'Italie.  Dans  cette  vaste  synthèse  il  y  a  des 
aperçus  nouveaux  et  utiles:  je  citerai  entre  autres 
l'opinion  sur  la  date  exacte  de  la  mosaïque  de  la 


cathédrale,  publiée  en  France  comme  étant  de 
l'époque  romane  et  dont  l'auteur  dit  :  «  La  mo- 
saïque remonte  à  l'an  1429.  Elle  est  l'œuvre  d'un 
artiste  valdotain,  Etienne  Mossettaz,  qualifié  du 
titre  de  magister  imaginum  »  (p.  15).  Ce  sera  à 
vérifier  et  discuter.  Mais  ce  qui  est  incontestable, 
c'est  que  les  crucifix  habillés  ne  sont  pas  tous 
«  antérieurs  au  XIe  siècle  »,  puisqu'il  y  en  avait 
un  du  XIIIe,  en  émail  champlevé,  à  la  dernière 
exposition  rétrospective  de  Tours  et  qu'il  en 
existe  un  de  la  Renaissance  en  Anjou. 

J'insiste  sur  cette  particularité  des  clochers  en 
forme  de  tiare,  parce  qu'on  y  a  songé  pour  le 
Sacré-Cœur  de  Montmartre  :  <<  Les  clochers  de 
Courmayeur  et  de  Valgrisanche,  au  lieu  d'une 
flèche, sont  surmontés  d'une  espèce  de  tiare. C'est 
là  un  souvenir  des  dissensions  qui  travaillèrent 
l'Église  à  la  fin  du  XIVe  et  au  commencement 
du  XVe  siècle.  La  vallée  d'Aoste,  comme  tous 
les  Etats  de  Savoie,  avait  adhéré  au  parti  de 
Robert  de  Genève,  de  Pierre  de  Lune  et,  plus 
tard,  à  celui  de  Félix  V  »  (p.  9). 

X.  B.  DE  M. 


ÉTUDE  SUR  LE  RELIQUAIRE  A  ROUES  DU 
TRÉSOR  DE  LA  COLLÉGIALE  DE  S.  AIGNAN 
D'ORLÉANS,  par  Léon  DuMUYS.Orléans,  Herluison, 
1898,  in-8°,  de  58  pag.,  avec  4  phototypies. 

Cette  intéressante  dissertation,  écrite  avec 
autant  d'érudition  que  de  conscience,  a  pour  but 
de  faire  connaître  un  reliquaire  du  premier  quart 
du  XI 11°  siècle,  que  je  n'hésite  pas  à  dire  unique 
en  son  genre.  L'auteur  m'a  fait  la  gracieuseté, 
avec  l'autorisation  de  Mgr  l'Évêque  d'Orléans, 
de  me  l'apporter  à  Poitiers,  afin  d'avoir  mon 
opinion  motivée  sur  sa  date,  son  style  et  son 
iconographie.  J'ai  donc  pu  l'examiner  à  loisir,  et 
rien  ne  pouvait  m'être  plus  agréable. 

Je  souscris  volontiers  aux  conclusions  posées, 
mais  il  est  une  attribution  que  je  ne  puis  accep- 
ter. Le  troisième  personnage  serait  un  ange, 
quoiqu'il  n'ait  ni  ailes  ni  nimbe  et  que  ses  pieds 
soient  chaussés,  fait  absolument  insolite  dans 
l'iconographie  française.  Or  sa  quadruple  carac- 
téristique consiste  dans  une  couronne,  des  che- 
veux longs  tombant  sur  les  épaules,  une  figure 
âgée  et  féminine,  le  geste  indicateur,  tous  attri- 
buts qui  ne  peuvent  convenir  qu'à  l'impératrice 
Ste  Hélène,  qui  entreprit  des  fouilles  sur  le  Cal- 
vaire. Or  précisément  le  reliquaire  dut  contenir 
une  relique  de  la  passion  ou   du  Saint-Sépulcre. 

Cette  brochure  substantielle  revient  de  droit  à 
tous  ceux  qui  s'occupent  d'ecclésiologie  :  je  me 
plais  à  constater  qu'elle  fait  faire  un  pas  notable 
à  cette  science. 

X.B.  DE  .M. 


IÔ2 


3ketntc  ïie  V&vt  cljrcttcn. 


HYMNODIA  HIBERICA,  par  le  R.  P.  Dreves, 
S.  J.  Leipzig,  Reisland,  in-8°,  de  290  pag. 

Ce  volume  forme  le  1 6e  fascicule  des  Analecta 
hymnica.  Il  est  exclusivement  consacré  aux 
hymnes  recueillies  en  Espagne,  au  nombre  de 
500  et  continue  la  série  locale, qui  comprend  déjà 
l'Allemagne,  la  Bohème,  Moïssac,  Limoges  et 
Naples.  Quand  l'ouvrage  sera  achevé,  une  table 
générale  deviendra  indispensable  pour  relier 
entre  eux  tous  ces  documents  divers. 

Nos  saints  français  sont  ici  largement  repré- 
sentés. Voici  S.  Eugène  (p.  114),  S.  Gilles 
(p.  66),  S.  Honorât  (p.  153),  S.  Lazare  (p.  198), 
S.  Léonard  (p.  202),  S.  Louis  de  Toulouse  (p.  207), 
Ste  Marthe  (p.  225).  S.  Maur(p.  226),  S.  Vincent 
Ferrier  (p.  275),  S.  Yves  (p.  188). 

Ces  hymnes  méritent  d'être  étudiées  à  plu- 
sieurs points  de  vue  que  je  vais  signaler. 

Le  rôle  de  S.  Gabriel  est  ainsi  déterminé  par 
le  bréviaire  de  Zamora  au  XVe  siècle  ;  il  est  l'ange 
spécial  de  Daniel,  de  Zacharie,  de  la  Vierge,  de 
S.  Joseph,  de  l'annonce  aux  bergers  (p.  141)  : 

«  Tu  Danieli  mystica 
Arcana  pandis  plurima 
Futura  quue  sint  posteris, 
Hebdomadis  haec  computans. 
«  Tu  Zachariaî  nuntias 
Hune  nasciturum  filium 
Magnum  Johannem,  Lucifer 
Oui  Christi  foret  prœvius. 
«  Ad  Virginem  tu  missus  es, 
Dicturus  alta  mystica, 
Gnatum  Dei  qua;  gigneret 
Mansura  semper  intégra. 
«  Joseph  volenti  linquere 
Sanctam  suamqueconjugem 
Apparuisti,  proterens 
Plenam  fuisse  Flamine. 
«  Pastoribus  tu  gaudium 
Annuntias  quam  maximum  : 
Est  natus  mfans  Bethlehem, 
Salvator  inquis  omnium  ». 

La  protection  des  saints  est  affirmée  en  des 
circonstances  spéciales.  Ste  Eurosie  est  invoquée 
contre  la  sécheresse  (p.  124),  S.  Grégoire  contre 
les  sauterelles  (p.  143),  Ste  Hélène  pour  les 
choses  perdues  (p.  144). 

€  De  S/a  Eurosia  : 

Ut  pluvialis  laticis 
Procuret  stillicidium 
Sircis  terras  latibulis, 
Cœlorum  pulset  intimum  ►. 

«  De  S.  Gregorio  Ostiemi  : 

Patris  jussis  obtemperans, 
Venisti  in  Hispaniam, 
Prospéra  mundi  refutans 
Ob  pestem  locustariam. 
«  Tua  prece  sanctissima 
Cuncta  fugas  incommoda, 
Per  quam  Ula  nequissima 
Fugit  pestis  per  omnia  ». 


«  De  Sla  Helena  : 

Hac  sanitates  tiibuit 
Deus  pie  petentibus, 
Res  perditas  restituit 
Hac  plene  confîdentibus  »  ('). 

L'iconographie  de  S.  Eustache,  par  exemple, 
est  clairement  spécifiée  dans  ces  strophes  qui  le 
montrent  privé  de  sa  femme  qui  lui  est  enlevée 
et  de  ses  enfants  qui  sont  emportés  par  un  loup 
et  un  lion,  comme  on  le  voit  sur  un  vitrail  de  la 
cathédrale  d'Angers  (XV  siècle),  puis  supplicié 
avec  eux  dans  un  bœuf  d'airain  rougi  au  feu. 

«  Navigio  dum  vehitur, 

Uxor  pro  naulo  rapitur 

«  Lupus  hune  privât  rîlio, 

Léo  fugit  cum  alio 

«  Uxor  a  tactu  sordido, 
Proies  a  morsu  rabido 

Christi  servatur  munere 

i  Post  hase  pro  Christi  Domine 
Consummato  certamine, 
Bovem  intrantes  asneum 
Regnum  scandunt  aîthereum  •>. 

X.   B.  de  M. 


CULTE  DE  S.  GRAT,  par  le  chan.  Duc,  5e  fasc. 
Aoste,  1896,  in-S°. 

Ce  fascicule  traite  trois  sujets  :  1'  «  église  », 
la  «  prébende  canoniale  »,  les  «  chapelles  dédiées 
à  S.  Grat  dans  la  cité  d'Aoste  »  et  1'  «  icono- 
graphie du  saint  ». 

L'église  a  été  profanée  en  1781,  par  autorisa- 
tion du  chapitre,  qui  a  permis  au  syndic  d'y  re- 
miser deux  pompes  a  incendie,  comme  s'il  n'y 
avait  pas  place  ailleurs  dans  la  ville  ;  cet  acte 
de  civisme  est  aussi  regrettable  que  blâmable. 

La  prébende,  de  l'ordre  des  diacres,  fut  fondée 
au  XIIIe  siècle,  puis  unie  à  la  mense  épiscopale. 
La  stalle  qui  lui  correspond  porte  la  statue  de 
S.  Grat.  Or  ces  stalles  sont  datées  de  1429  et 
signées  de  ces  deux  noms,  où  l'on  veut  voir  ceux 
des  sculpteurs,  ce  qui  paraît  difficile  avec  le  quali- 
ficatif dominus,  quand  il  faudrait  magister:  D.  Io. 
Vion.  de  Samnen.  —  D.  Johes  de  Clietso, 

En  1683,  le  baron  de  Roncas  donna  à  la  cha- 
pelle qu'il  avait  fondée  à  la  cathédrale  :  «  Un 
ornement,  consistant  en  deux  chappes,  deux 
tuniques,  une  chasuble,  devant  d'autel,  de  velours 
cisellé,  de  couleur  d'aurore,  à  fond  et  dentelles 
d'argent  ».  Le  chanoine  Duc  ne  s'explique  pas 
sur  cette  couleur,  anormale  en  liturgie  :  était-elle, 
pour  l'Italie,  propre  à  Aoste,  quand  servait-elle, 

I.    Une  strophe  (p.  145)  nous  apprend  que  le  corps  de  Ste  Hélène 
était  à  l'abbaye  de  Hautvillers,  archidiocése  de  Reims  : 

«  In  Belgica  provincia 
Inque  Remensi  termino 

AUuin  Yillare  gratia 
Helenam  fert  ei  gaudio  ». 


Btbltograplne. 


163 


tenait-elle  lieu  du  rose  (')  ?  La  réponse  à  ces 
questions  a  son  intérêt. 

L'iconographie  procède  par  une  succession 
de  descriptions  afférentes  à  toutes  les  représen- 
tations connues,  mais  elle  a  le  tort  de  ne  pas  ré- 
sumer les  attributs,  qui,  pour  le  P.  Cahier,  mal 
renseigné,  se  réduisent  à  deux  -.puits,  où  S.  Grat 
trouva  la  tête  de  S.  Jean-Baptiste,  et  raisins, 
parce  qu'il  est  protecteur  de  la  vigne.  Il  y  en  a 
bien  davantage  comme  on  va  voir  : 

Chanoines,  auxquels  il  désigne  S.  Joconde  com- 
me son  successeur. 

Chef  de  S.Jean-Baptiste,  qu'il  apporta  de  Jéru- 
salem à  Rome  et  dont  il  garda  la  mâchoire  infé- 
rieure. 

Diable,  qu'il    expulse   des  nuées  dévastatrices. 
Enfants,  qu'il  ressuscite. 
Puits,  dans  lequel  il  précipite  la  foudre. 
Tempêtes,  qu'il  conjure. 

Parmi  les  reliques  de  la  cathédrale,  il  en  est 
deux  qui  se  réfèrent  à  S.  François  d'Assise  et 
dont  voici  les  étiquettes  «  gothiques  »  :  Hic  est 
de  poste  super  q/tetu  fuit  latus  B.  Francise.  De 
habitu  et  de  sacco  ejusdem.  «  La  couleur  de  cette 
pièce  est  plutôt  violette,  mais  le  temps  a  pu 
altérer  la  couleur  primitive.  »  Il  y  aurait  une 
étude  curieuse  a  faire  sur  la  couleur,  la  forme  et 
le  tissu  des  vêtements  de  S.  François,  sujet 
que  j'ai  inutilement  recommandé  aux  auteurs  de 
sa  vie  illustrée, où  il  y  a  tant  de  superfluités  et  où 
manquent  tant  de  choses  essentielles  :  non  omnes 
capiunt  istud  (2). 

X.  B.  DE  M. 


MONASTICON  BELGE,  par  D.UrsmerBERLlERE. 
Maredsous,  1897,  in-40,  2e  livr.  du  t.  I. 

Cette  seconde  partie  du  Ier  volume  de  l'impor- 
tant ouvrage,  publié  par  un  bénédictin  de  Ma- 
redsous, contient  le  supplément  à  la  province 
de  Namur  et  la  province  de  Hainaut.  Les  Ordres 
monastiques  dont  on  a  ici  l'histoire,  bourrée  de 
faits  et  de  dates,  sont  de  S.  Benoît,  de  Cîteaux, 
de  Prémontré,  des  Chanoines-réguliers  de 
S.  Augustin,  et  des  Chartreux. 

L'auteur  dont  j'admire  les  patientes  et  fruc- 
tueuses recherches,  me  permettra-t-il  de  lui  pré- 
senter une  observation  pour  l'amélioration  de 
son  ouvrage?  Évidemment,  il  a  écrit  en  vue  des 
historiens,  mais  n'y  aurait-il  pas  place  aussi,  sans 
allonger  beaucoup,  pour  les  archéologues,  qui 
réclameraient  les  armoiries,  les  sceaux  et  les 
épitaphes  des   dignitaires  ecclésiastiques,  abbés 

1.  La  rubrique  du  iMissale  Pictaviense,  en  1767,  porte  :  «  Si 
ornamenta  alia  habemur  fulvi  coloris,  qui  vulgo  dicitur  àanrore,  ea 
pro  colore  albo  et  rubeo  cequaliter  adhiberi  possunt  »  (p.  V). 

2.  X.  B.  de  M.,  Œuvr.  compl.,  IX,  322-325. 


et  prieurs  ?  Par  ce  côté  spécial,  il  rendrait  service 
à  la  science,  sans  augmenter  notablement  sa  be- 
sogne. 

X.  B.  DE  M. 

CLAUSTROS  ROMANIGOS  ESPANOLES,  par 
D.  Enrique  Serrano  Fatigati.  Madrid,  1898,  in-8°, 
53  pp.,  26  figures  dans  le  texte  et  2  phototypies. 

EN  présentant  aux  lecteurs  de  la  Revue 
l'étude  du  savant  professeur  de  l'Institut 
du  cardinal  Cisneros,  nous  regrettons  une  fois  de 
plus  que  la  langue  espagnole  soit  trop  ignorée 
dans  les  divers  pays  de  l'Europe.  Conséquence 
nécessaire:  les  travaux  qui  sont  publiés  dans  la 
péninsule  sont  peu  étudiés;  bien  souvent  même, 
c'est  à  peine  si  on  connaît  leur  existence  et  la  date 
de  leur  apparition.  C'est  vraiment  dommage. 
L'étude  de  D.  Enrique  Serrano  Fatigati,  par 
exemple,  serait  très  instructive  pour  ceux  qu'in- 
téressent la  construction  et  l'ornementation  des 
cloîtres  espagnols,  car  c'est  le  seul  travail  d'en- 
semble qui  leur  soit  consacré. 

La  première  partie  traite  des  caractères  et  de 
l'état  des  principaux  cloîtres  espagnols.  Ce  sont, 
pour  la  Catalogne:  ceux  de  Ripoll,  de  Villaber- 
tran,  de  Girone,  de  San  Cucuphat  del  Vallès,  de 
Tarragone,  de  San  Benito  de  Bages,  de  Poblet, 
de  San  Pablo  del  Campo  ;  —  pour  1  Aragon  :  ceux 
de  San  Juan  de  las  Abadesas  et  de  San  Pedro 
el  Viego;  —  pour  la  Castille:  ceux  de  Silos,  de 
las  Huelgas,  de  San  Pedro  de  Soria  ;  —  pour  la 
Navarre  :  ceux  d'Iranza  et  de  la  Oliva;  —  pour 
la  Galice  :  celui  de  Santa  Maria  de  Sar. 

Dans  la  seconde  partie,  l'auteur  recherche  s'il 
existe  des  relations  entre  les  cloîtres  espagnols 
et  les  cloîtres  étrangers.  La  troisième  partie  traite 
de  l'ornementation  des  cloîtres  :  la  quatrième, 
du  cloître  de  Silos;  la  cinquième,  du  cloître  de 
Tarragone. 

On  voit  facilement,  en  lisant  ce  petit  ouvrage, 
que  D.  E.  Serrano  Fatigati  s'est  livré  à  un  exa- 
men détaillé,  à  de  multiples  comparaisons,  à 
des  recherches  prolongées.  Le  travail,  en  somme, 
est  fait  avec  une  grande  compétence.  Nous 
exprimerons  cependant  quelques  desiderata  : 
i°  A  propos  de  la  façon  dont  les  galeries  sont 
couvertes,  il  eût  été  intéressant,  croyons-nous,  de 
mentionner  les  divers  cloîtres  romans  qui  sont 
voûtés  (nous  en  connaissons  plusieurs  en  Cata- 
logne), d'examiner  brièvement  le  système  des 
voûtes,  de  le  comparer  avec  celui  qui  a  été  em- 
ployé pour  certains  monuments  du  Midi  de  la 
France.  La  question  est  des  plus  importantes  dans 
les  constructions  des  cloîtres.  —  2°  En  traitant 
des  arcades  (p.  5 ),  celles  de  San  Pablo  del  Campo 
(Barcelone)  méritaient  d'être  signalées  d'une 
façon   particulière.    La    forme    très    spéciale    de 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.   2me  LIVRAISON. 


164 


3Ret>ue  tje  VflLtt  chrétien» 


ces  arcs,  les  uns  trilobés,  les  autres  quintilobés, 
n'existe  en  effet  dans  aucun  autre  cloître  roman. 
—  3°  Les  figures  sont  dessinées  d'une  façon  trop 
sommaire.  Un  travail  aussi  excellent  que  celui  de 
D.  E.  Serrano  Fatigati  méritait  assurément  une 
illustration  plus  soignée. 

Dom  E.  Roulin. 


SENTIMIENTO  DE  LA  NATURALEZA  EN 
LOS  RELTEVESMEDIOEVALES  ESPANOLES, 
par  le  même.  Madrid,  1898,  gr.  in-8°,  27  pp.,  trois 
planches  hors  texte  et  13  figures  dans  le  texte. 

L'auteur  étudie,  dans  cette  brochure,  les  plan- 
tes, les  monstres,  les  luttes  d'animaux,  puis  enfin 
les  apologues  et  les  travaux  de  l'homme,  tout 
cela  d'après  les  reliefs  du  moyen  âge  conservés 
en  Espagne.  Cette  étude  est  également  intéres- 
sante et  faite  avec  le  même  soin  que  l'ouvrage 
précédent.  Mais,  ici  encore,  nous  regrettons  que 
les  nombreuses  figures  soient  trop  défectueuses. 

E.  R. 


HISTOIRE  DE  L'ARCHITECTURE,  par  Au- 
guste Choisy.  —  2  vol.  grand  in-8°  de  644  et  800  pp. 
avec  866  fig  40  f.  (1899).  Paris,  Gauthier  —  Villars, 
éditeur,  quai  des  Grands  Augustins,  55. 

LE  dictionnaire  raisonné  d'architecture  de 
Viollet-le-Duc,qui  a  été  toute  une  révélation 
de  l'art  fiançais,  en  offrait  une  merveilleuse  ana- 
lyse, qui  fit  vivement  désirer  la  synthèse.  Les 
hommes  d'étude  ont,  depuis  25  ans,  appelé  de 
leurs  vœux  un  traité  didactique  de  l'histoire  de 
l'architecture.  Or  cette  tâche  vient  d'être  remplie 
en  maître  par  M.  Choisy,  et  il  l'a  étendue  à  l'uni- 
versalité des  temps  et  des  lieux.  Il  nous  donne 
à  la  fois  l'analyse  et  la  synthèse  des  différentes 
architectures  du  monde  ;  il  le  fait  dans  un  style 
technique,  sans  pédantisme,  en  une  langue  claire 
et  élégante,  avec  des  vues  larges,  avec  une 
précision  algébrique  et  en  s'aidant  de  dessins 
très  remarquables  en  perspective  cavalière.  Per- 
sonne n'a  jamais  tiré  aussi  beau  parti  de  la  figu- 
ration schématique,  et  rien  n'est  plus  frappant, 
mais  aussi  plus  instructif  que  les  originales  et 
curieuses  vignettes  (gravées  par  M.  Sulpis),  qui, 
semées  dans  tout  l'ouvrage,  lui  donnent  sa  belle 
unité  et  trahissent  partout  la  main  de  l'habile 
auteur. 

Ce  livre,  qui  est  le  développement  d'un  cours 
professé  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  réalise 
à  peu  près  le  plan  proposé  jadis  par  M.  Haïr 
Ferrée  par  l'étude  de  r  Architecture  comparative. 

C'est  une  histoire  de  l'architecture  où  il  n'y  a 
pas  un  seul  monument  historique  décrit  ;  on  n'y 


trouve  que  les  formules  des  procédés,  et  la  des- 
cription des  types  et  de  leurs  formes  rationnelles. 
Dans  la  pensée  de  l'auteur,  une  histoire  de  l'ar- 
chitecture doit  être  avant  tout  une  étude  des 
principes  mêmes  de  l'art  envisagés  dans  la  sé- 
rie de  leurs  manifestations. 

Cette  génération  des  procédés  et  des  formes, 
l'auteur  la  suit  depuis  les  âges  préhistoriques  jus- 
qu'à l'époque  contemporaine.  S'interdisant  les 
documents  de  seconde  main,  il  s'est  attaché  à 
n'admettre  comme  garant  des  théories  qu'il  déve- 
loppe, que  des  faits  appuyés  sur  ses  observations 
personnelles  ou  contrôlées  par  la  photographie. 

Nous  comptons  revenir  sur  cet  intéressant 
ouvrage. 

L.  C. 

LE  MUSÉE  NATIONAL  D'AMSTERDAM. 
Album  in-folio. Texte  de  M.Victor  De  Striers.  Plan- 
ches de  M.  P.  T.  Cuypers.  Amsterdam,  Arnad,  1898. 

Ce  monument  typographique  a  été  consacré 
à  célébrer  un  monument  d'art  architectural, 
et  l'un  est  digne  de  l'autre.  L'éditeur  est  au 
niveau  du  constructeur,  et  la  plume  de  M.  V.  De 
Striers  est  bien  stylée  pour  commenter  les  pro- 
duits remarquables  de  l'habile  crayon  de  De  Cuy- 
pers, le  célèbre  architecte  dont  les  architectes  de 
l'Europe  fêtaient  naguère  le  jubilé  de  cinquante 
ans  de  profession. 

Le  Musée  national  d'Amsterdam,  fondé^  en 
1875,  est  un  des  principaux  édifices  que  l'Etat 
hollandais  ait  fondés  dans  ce  siècle,  c'est  le  chef- 
d'œuvre  d'un  artiste  dont  la  carrière  fut  féconde 
entre  toutes,  et  il  peut  être  cité  comme  un  des 
plus  beaux  musées  de  l'Europe,  avec  cet  avan- 
tage, qu'il  est  un  musée  collectif  de  tous  les 
arts:  peinture,  sculpture,  moulages,  art  indus- 
triel, etc.,  et  cet  édifice  qui  abrite  les  produits 
des  divers  arts  réunis,  est  précisément  un  des 
premiers  monuments  modernes  où  ont  été  appli- 
qués les  principes  féconds,  et  méconnus  depuis 
la  Renaissance,  de  l'union  entière  de  l'architec- 
ture et  des  arts  décoratifs  soumis  l'une  et  les 
autres  à  des  règles  rationnelles.  Ce  fut  en  effet 
l'honneur  de  Maître  Cuypers,  d'avoir,  par  son 
exemple,  réhabilité  l'architecture  traditionnelle 
et  logique. 

Cette  manière,  nouvelle  pour  notre  époque,  l'a 
obligé  à  concevoir  et  à  fixer  personnellement  les 
plusmenusdétailsdesonceuvre.qui  se  trouve  com- 
plètement pénétrée  de  l'empreinte  de  son  talent. 
Aussi, quand  on  parcourt  la  magnifique  monogra- 
phie qu'il  nous  en  a  donnée,  on  est  étonné  de  la 
puissance  de  production  de  son  crayon,  de  la  ma- 
nière consciencieuse  et  précise  dont  il  a  détaillé 
sonœuvre;et  rien  n'est  plusédiliantpour  les  archi- 
tectes de  l'avenir,  que  ce  travail  fouillé,  détaillé, 


Bibliographe. 


165 


savoureux, énorme  par  son  étendue  et  supérieure- 
ment soutenu  dans  son  importante  unité. 

Le  premier,  pensons-nous,  M.  Cuypers  a  écrit 
dans  son  musée,  en  caractères  bâtis,  l'histoire  de 
l'architecture,  et  a  donné  l'architecture  comparée 
comme  cadre  aux  collections  artistiques  ancien- 
nes.Rien  n'estplusheureuxquecette  successionde 
salles  érigées  dans  différents  styles,  avec  leurs 
voûtes,  leurs  plafonds,  leurs  portes,  leurs  lambris 
et  cheminées,  leur  vitrage  et  leur  polychromie 
adaptés  à  chaque  époque  et  formant  un  ensemble 
complet  de  chaque  style.  Comme  les  salles  sont 
disposées  dans  l'ordre  chronologique,  on  passe 
sans  heurt  d'une  période  à  l'autre  et  l'on  a  sous 
les  yeux  des  réalités  dont  il  serait  impossible  de 
donner  aux  visiteurs  une  idée  par  d'autres  modes 
de  groupement.  Nous  espérons  que  M.  Bordiau, 
qui  est  appelé  à  organiser  les  nouveaux  musées 
du  Cinquantenaire  de  Bruxelles,  et  que  nous 
croyons  disposé  à  entrer  dans  la  même  voie, 
saura  tirer  un  parti  nouveau  de  cet  heureux 
précédent. 

L.  C. 


LE  VIEIL  ANVERS.  Album  de  luxe  sur  papier 
à  la  main.  —  Bruxelles,  Lyon-Claesens,  1898.  — 
Prix  :   150  frs. 

Les  grandes  expositions  ont  été  souvent 
accompagnées,  et  ce  fut  leur  principale  «  attrac- 
tion »,  de  restitutions  architectoniques  figurant 
quelque  coin  de  vieille  cité.  Aucune  n'a  égalé  en 
intérêt  et  en  valeur  artistique  celle  du  Vieil 
Anvers  en  1894;  elle  a  été  admirée  et  son  souve- 
nir restera  impérissable.  Peu  de  villes  possédaient 
les  éléments  d'une  plus  riche  évocation  du  passé 
que  cette  métropole  qui,  il  y  a  trois  siècles,  mon- 
trait à  côté  de  ses  pittoresques  pans  de  bois  de 
somptueuses  demeures  respirant  à  la  fois  la 
richesse  et  l'amour  de  l'art  ;  et  qui,  par  le  faste  des 
costume  et  par  des  fêtes  publiques  splendides, 
proclamait  sa  prospérité  et  manifestait  la  puis- 
sance des  communes  flamandes. 

Il  s'est  trouvé  des  artistes  capables  de  faire 
revivre  à  nos  yeux  ces  merveilles  qu'avec  mélan- 
colie nous  revoyions  bien  vagues  à  travers  les 
récits  de  l'histoire.  La  presse  européenne  a  été 
unanime  à  rendre  hommage  à  la  parfaite  correc- 
tion et  au  charme  attirant  de  l'œuvre  du  Vieil 
Anvers,  due  à  l'initiative  et  surtout  au  talent 
de  M.  F.  Van  Kuyck  et  de  ses  collaborateurs. 

Dans  ces  murs  moyenâgeux  l'on  perdait  tout 
à  coup  la  notion  de  l'époque  actuelle  et  de  notre 
milieu  si  prosaïque.  On  marchait  enchanté  de 
surprise  en  surprise,  dans  ces  rues  pittoresques 
et  vivantes,  où  le  style  des  maisons  et  le  costume 
des  habitants  vous  faisait  oublier  le  XIXe  siècle. 
Ces    pignons  à   gradins   ou   aux   rampants  con- 


tournés, ces  balcons  fleuris  et  ces  bretèques  sail- 
lantes, ces  pans  de  bois  aux  poutres  sculptées, 
ces  tourelles,  ces  poternes  défendues  par  des  gen- 
darmes, ces  enseignes  parlantes,  ces  intérieurs 
prestigieux  avec  leurs  plafonds  de  bois,  leur 
devise,  leur  mobilier  gothique,  leurs  ustensiles 
antiques,  leur  vaisselle  artistique,  leurs  nappes 
brodées  et  leurs  vitraux  de  couleur,  tout  était 
d'une  vérité  à  confondre  les  antiquaires  et  à 
ravir  le  public. 

Combien  étaient  intéressants,  fidèlement 
reproduits  et  replacés  dans  leur  cadre  primitif.ces 
édifices  chers  à  nos  souvenirs,  tels  que  la  Bourse, 
la  Chapelle,  l'Hôtel  de  Ville,  l'Hospice,  le  Jardin 
joyeux,  la  maison  du  Margrave.  Quel  enseigne- 
ment intuitif  de  l'architecture  ancienne,  de  notre 
bel  art  national,  que  ces  monuments  et  ces 
maisons  dont  on  avait  reproduit  les  principaux 
types  historiques  avec  une  consciencieuse  fidé- 
lité. Le  grand  public  a  plus  appris  à  connaître 
l'architecture  flamande  en  cette  saison  de  festi- 
vités joyeuses,  que  durant  des  années  passées  sur 
les  bancs  des  écoles. 

Un  pareil  effort  serait  mal  récompensé,  s'il 
n'avait  dû  en  résulter  que  la  délectation  passagère 
des  visiteurs  ;  un  souvenir  durable  en  est  heureu- 
sement conservé  par  la  riche  et  artistique  mono- 
graphie qu'a  éditée  la  Maison  Lyon-Claesens. 
C'est  une  œuvre  typographique  digne  des  presses 
plantiniennes;  le  texte  rappelle  les  chefs-d'œuvre 
xylographiques  des  grands  imprimeurs  anversois, 
avec  ses  vignettes  au  simple  trait  enluminées  à 
la  main.  Les  édifices  du  Vieil  Anvers  revivent 
dans  des  eaux  fortes  de  facture  inégale,  mais 
dont  quelques-unes  sont  des  chefs-d'œuvre  :  telles 
les  vues  de  la  façade  et  de  deux  salles  intérieu- 
res de  la  maison  des  Lchevins  et  du  «Jardin 
joyeux  ».  (Signées  G.  Garen.) 

Les  jolis  pignons  de  la  Cour  de  Londres,  des 
.  I  nues  de  Matines  et  des  Trois  Rois  offrent  des 
types  parfaits  (et  singulièrement  instructifs)  de 
l'architecture  privée  flamande  en  bois,  en  briques 
et  en  pierre.  Au-dessus  de  tout  faut-il  louer, 
comme  composition  artistique,  les  délicieuses 
reproductions  des  cortèges  historiques  qui,  sous 
l'inspiration  de  M.  Van  Kuyck,  ont  donné  tant 
d'attrait  au  Vieil  Anvers.  La  joyeuse-entrée  de 
Charles-Quint,  le  tournois  et  le  char  de  l'Annon- 
ciation de  la  Vierge,  sont  des  dessins  d'un  style 
exquis,  rehaussant  par  le  cachet  artistique  du 
rendu  des  conceptions  que  l'on  peut  qualifier  de 
chefs-d'œuvre,  en  fait  de  compositions  proces- 
sionnelles.—  Quelques  phototypies  reproduisent 
sur  le  vif  des  groupes  vivants  de  la  population 
costumée  du  Vieil  Anvers.  Deux  portraits  indi- 
viduels de  figurants,  présentés  à  trop  grande 
échelle,  donneront  seuls  prise  à  la  critique  qui 
tiendrait  à  chercher  noise.  L.  C. 


i66 


&etnte  lie  F&rt  chrétien. 


L'ÉMERAUDE  DE  BAJAZET  II  ET  LA 
MÉDAILLE  DU  CHRIST  D'INNOCENT  VIII, 
par  F.  de  Mélv. 

La  récente  découverte  par  M.  Boyer  d'Agen 
d'une  monnaie  juive  à  effigie  du  Christ  (*)  a 
remis  à  l'ordre  du  jour  les  empreintes  de  l'espèce. 

Nous  avons  fait  connaître,  il  y  a  neuf  ans  (2), 
d'après  la  Revue  allemande;^'  l'Art  chrétien,  les 
rapprochements  curieux  établis  par  le  Dr  Bode, 
entre  une  tête  de  Christ  du  Musée  de  Berlin, 
attribuée  a  Van  Eyck,  et  celle  que  porte  l'avers 
d'une  médaille  italienne  plus  récente,  reprodui- 
sant une  émeraude  envoyée  par  le  grand  Turc, 
le  sultan  Bajazet  II,  au  pape  Innocent  VI 1 1, 
afin  de  l'intéresser  à  la  captivité  de  son  frère 
Zizim.  Notre  collaborateur,  Mgr  X.  Barbier  de 
Montault,  a  signalé  depuis  une  série  de  repro- 
ductions de  ce  type,  autrefois  très  répandu. 
A  ces  figurations  du  Sauveur  se  rattachent  des 
problèmes  complexes  ,  à  la  solution  desquels 
M.  de   Mély  vient  de  faire  faire  un  pas. 

Il  existe  deux  exemplaires  de  l'intéressante 
médaille,  l'un  au  British  Muséum,  l'autre  au 
Musée  de  Berlin.  Or,  chose  importante,  M.  de 
Mély  a  découvert  que  la  médaille  de  Berlin 
porte  tous  les  caractères  d'un  moulage  fait  sur 
une  pierre,  plutôt  que  d'un  produit  du  burin  dans 
le  métal.  Ce  précieux  relief  serait  donc  l'em- 
preinte même  de  l'entaille  envoyée  par  Bajazet  1 1 
à  Innocent  VIII.  L.   C. 

DICTIONNAIRE  DE  LA  BIBLE,  publie  par 
l'abbé  F.  Vigouroux.  —  Paris,  Letouzey,  1898. 

La  belle  œuvre  d'érudition  de  M.  F.  Vigou- 
roux se  poursuit  régulièrement,  nous  ne  pour- 
rions dire  lentement,  quoique  les  fascicules  se 
suivent  a  notables  intervalles  depuis  l'année  1 891; 
car,  étant  donnée  l'immense  quantité  de  docu- 
ments condensés  dans  ces  pages  substantielles, 
il  faut  une  puissante  activité  pour  marcher  avec 
cette  vitesse  relative.  Le  fascicule  XIV  nous 
mène  jusqu'au  mot  Esther.  Puisse  le  ciel  accor- 
der au  vaillant  auteur  de  cette  savante  entreprise 
de  lire  en  titre  courant  de  la  présente  édition  les 
lettres  X,  Y  et  Z  ! 

Les  archéologues  qui  nous  lisent  trouveront 
dans  cette  livraison  des  données  intéressantes  au 
sujet  des  épées  antiques,  de  la  ville  d'Èphèse, 
ses  ruines,  son  théâtre,  son  prytanée et  son  gym- 
nase, et  des  mines  de  l'église  Saint-Jean,  à  propos 
du  tombeau  d'Esdras.  Au  mot  Esther,  sont 
donnes  les  plans  de  l'acropole  de  Suse  et  l'ande- 
ron  du  palais  royal  à  Téhéran. 

Les  mots  escabeau,  escalier,  espérance  offrent 
quelqu'intérêt  au  point  de  vue  constructif  et  ico- 
nographique. L.   C. 

1.  Notre  correspondant  de  Rome  nous  promet  une  communication 
sur  ce 

2.  Revue  de  t Art  cttriïitn,  année  1890.  p.  70. 


LE  MARTYRE  DE  SAINT  SÉBASTIEN,  ta- 
bleau de  Memling  au  Musée  de  Bruxelles,  par  M. 
J.  NÈvE. 

M.  J.  Nève,  qui  vient  de  quitter  la  direction  des 
Beaux-Arts  au  ministère  de  M.  De  Bruyn,  était 
bien  l'érudit  que  réclamaient  ces  fonctions  distin- 
guées. Nous  avons  fait  connaître  naguère  ses 
opinions, aussi  nettes  que  judicieuses  selon  nous, 
quant  aux  principes  à  suivre  dans  les  restaura- 
tions artistiques  et  monumentales.  La  nouvelle 
étude  qu'il  vient  de  publier  dans  le  Bulletin  de 
la  commission  royale  d'art  et  d'archéologie  a  trait 
à  la  critique  artistique  et  apporte  des  arguments 
nouveaux  à  l'appui  de  l'attribution  à  Memling 
d'un  tableau  dont  jusqu'ici  l'on  avait  fait  honneur 
à  Thierry  Bouts.  L.  C. 

LA  RENAISSANCE  DES  ÉTUDES  LITUR- 
GIQUES, par  le  chan.  Ulysse  Chevallier,  2e  mé- 
moire^ Extrait  de  l' Université  Catholique,  Lyon,  1S98.) 

ACTES  ANCIENS  ET  DOCUMENTS  CONCER- 
NANT LE  BIENHEUREUX  URBAIN  V,  PAPE, 
recueillis  par  le  chan.  Ch.  Albanès  et  publiés  par  le 
chan.  Ulysse  Chevallier.  (I. — Gr.  in-8°,  483  pp. 
Paris,  Picard,  1897.) 

CARTULAIRE  DE  SAINT-BERNARD  DE 
ROM  A  Y,  nouv.  édit.  augmentée,  classée  par  ordre 
chron.  par  le  chan.  Ulysse  Chevallier  1898. 

GALLIA  CHRISTIANA  NOVISSIMA,  histoire 
des  archevêchés,  évêchés  et  abbayes  de  France,  par 
le  chan.  Ulysse  Chevallier.  —  Gr.  in-40,  933  pp. 
Valence,  imprimerie  Valencinoise,  1899. 

C'est  un  monument  d'histoire,  que  ce  recueil, 
édité  avec  un  certain  luxe  et  des  soins  minutieux, 
de  notes  relatives  aux  divers  établissements 
monastiques  et  ecclésiastiques  de  France  par  un 
de  nos  plus  savants  historiens  d'après  des 
documents  de  première  main  et  de  parfaite 
authenticité.  Ces  documents  sont  ceux  que  re- 
cueillit feu  le  chanoine  S.  H.  Albanès  dans  les 
archives  du  Vatican,  et  que  M.  le  chanoine  U. 
Chevallier,  membre  de  l'Institut,  a  complétés  et 
annotés  avec  son  érudition  vaste  et  sûre.  Cette 
importante  publication  a  vu  le  jour  sous  les 
auspices  de  Mgr  Robert,  évêque  de  Marseille. 
Elle  est  illustrée  de  44  sceaux  et  de  8  fac-similé. 

LA  CATHÉDRALE  DU  PU  Y.  —  In- 1  2,  84  pages 
illustre,  Le  Puy,  Prades,  1897. 

Le  porche  du  Puy,  qu'on  a  appelé  :  un  hymne 
bâti  éi  la  gloire  de  la  Vierge  d'Auis,  est  l'un  des 
plus  pittoresques  que  l'on  puisse  voir,  et  rien 
n'égale  la  beauté  du  panorama  que  l'on  découvre 
de   son    parvis,  encadre  de  ses  arches  puissantes. 


Btbltograplne. 


167 


La  façade,  élevée  au  XIe  siècle,  fut  amplifiée 
aux  XIIe  et  XIIIe,  rehaussée  d'une  polychromie 
naturelle  résultant  de  l'emploi  en  imbrication  de 
deux  couleurs  de  pierres.  A  droite  et  à  gauche 
s'ouvrent  deux  petites  chapelles  qui  indiquent 
que  c'était  là  l'atrium  des  anciens  jours  ;  leurs 
portes  sont  couvertes  d'une  sculpture  méplate 
des  plus  curieuses,  jadis  polychrome.  Ce  sont  des 
pages  historiées  racontant  la  Naissance, la  Passion 
et  la  Résurrection  du  Sauveur.  La  voûte  et  les 
murs  de  l'escalier  furent  couverts  de  fresques. 
Quelques  marches  mènent  à  la  porte  dort'e.  Là 
s'élevait  entre  les  deux  colonnes  de  porphyre 
rouge  oriental  une  huisserie  couverte  de  bronze 
ciselé  ;  là  commence  l'église  du  XIIe  siècle. 

C'est  la  132e  marche  du  long  escalier  qui  donne 
accès  à  la  basilique,  laquelle  a  trois  nefs  sans 
déambulatoire  autour  du  chœur  et  qui  se  termine 
en  abside  carrée.  On  compte  huit  travées  dans 
toute  la  longueur  du  vaisseau.  Chacune  est  cou- 
verte d'une  coupole  posée  sur  des  arcs  transver- 
saux. L'intérieur  est  décoré  de  fresques.  L'en- 
semble dessine  une  croix  latine  ;  la  croisée  est  cou- 
verte d'un  dôme  octogonal. Dans  la  dernière  travée 
on  remarque  plus  d'ornementation  :  la  coupole  est 
supportée  par  d'élégantes  colonnes  accouplées. 
Les  deux  transepts  ont  chacun  une  tribune  ;  celle 
du  Nord  communique  à  une  petite  chapelle  bâtie 
au-dessus  de  la  porte  Saint-Jean,  voisine  de 
l'église  St-Jean  des  Fons.  Par  celle  du  Midi  on  a 
accès  à  une  jolie  chapelle  gothique  élevée  au- 
dessus  du  porche.  Sous  les  tribunes  s'ouvrent 
deux  chapelles  géminées  et  demi  circulaires. 

Le  clocher  est  adossé  à  l'ancienne  forteresse. 
Les  arcades  ont  des  chapiteaux  ouvragés  ;  les 
arcades  et  les  murs  offrent,  comme  la  façade  de 
l'église,  un  revêtement  de  mosaïques  formé  de 
carreaux  rouges,  jaunes  et  noirs. 

Le  clocher  «angélique»  commencé  au  XIe  siè- 
cle, ne  fut  terminé  qu'au  XIVe.  D'allure  originale, 
il  est  formé  d'une  superposition  d'étages  ayant 
pour  liaison  dans  le  sens  vertical  quatre  sortes 
de  lucarnes  à  gables  aigus.  N'aurait-il  pas  été 
dédié  à  S.  Michel,  comme  tant  d'autres,  en  sou- 
venir de  l'apparition  de  l'archange  au  mont  Gar- 
gano  ?  Le  beffroi,  riche  naguère  de  12  cloches, 
n'en  a  plus  que  trois. 

La  porte  dite  <l  du  Fort  »  a  pour  fronton  le 
couronnement  de  la  cippe  funéraire  de  l'évèque 
Seutaire,  constructeur  de  l'église  primitive.  Le 
porche  lui-même  est  un  produit  des  plus  capri- 
cieux de  roman  byzantin  fleuri  de  XII'  siècle. 

L'église  a  été  restaurée  à  partir  de  1840. 

L'auteur  anonyme  de  l'excellent  petit  guide 
dont  nous  venons  de  résumer  la  partie  descriptive 
(laissant  décote  la  notice  historique)  ajoute  pour 


conclure  :  «  comme  à  Saint-Julien  de  Brioude, 
la  construction  se  sent  de  l'influence  d'architectes 
étrangers.  Les  colonnes  engagées  aux  angles  des 
piliers  des  deux  dernières  travées  sont  de  l'école 
normande.  Les  coupoles  rappellent  le  byzantin. 
Les  pilastres  cannelés  sont  de  l'école  bourgui- 
gnonne, les  mosaïques  bicolores  sont  un  souvenir 
de  l'Auvergne,  et  le  porche  lui-même  présente 
des  réminiscences  des  édifices  mauresques.  » 

L.  C. 


UNE  PLANCHE  DE  GRAVURES  D'UN  FON- 
DEUR DE  CLOCHES,  par  M.  Germain,  —  Broch. 

(Ext.    du   Bull,    de  la   Soc.    Philomatique    Vosgienne), 
Saint-Dié,  1899. 

M.Robert,  fondeur  de  Nancy,  descendant  d'une 
famille  vosgienne  de  fondeurs,  possède,  entre 
autres  reliques  domestiques  et  techniques,  plu- 
sieurs de  ces  planches  à  sujets  destinées  à  être 
moulées  en  cire,  pour  être  reproduites  dans 
l'airain  des  cloches.  M.  Germain  étudie  la  plus 
intéressante  et  se  livre  à  cette  occasion  à  une 
instructive  dissertation  iconographique,  inté- 
ressant surtout  la  dévotion  au  St-Sacrement  et 
le  symbolisme  de  l'Assomption. 

L.   C. 

L'ANCIENNE  CLOCHE  DE  MATTAIN- 
COURT,   1723,  par  le  même.  —  Broch.  Nancy,  1898. 

Respectons,  dit  M.  Germain,  admirons  les 
anciens  clochers  ;  ce  sont  de  précieux  témoins 
de  l'histoire,  des  monuments  vénérables  et  sacrés 
de  la  foi  de  nos  pères  ;  et  il  prêche  d'exemple 
dans  cette  petite  monographie,  qu'il  ajoute  à  tant 
d'autres,  dues  à  sa  plume  érudite  et  vaillante. 

L.  C. 


LES  QUINZE  JOIES  DE  NOTRE-DAME, 
par  le  même.  —  Broch.  Nancy,  1898. 

Mgr  Barbier  de  Montault  touchait  naguère  à 
ce  sujet  à  propos  d'une  poésie  publiée  par  le 
R.  P.  Drèves  (T).  Les  quinze  joies  de  Notre-Dame 
eurent  grande  vogue  au  XVe  siècle  ;  il  ne  faut 
pas  les  confondre  avec  les  cinq  joies  et  les  sept 
joies,  qui  ont  beaucoup  occupé  le  moyen  âge. 
M.  Germain  étudie  les  quinze  joies  dans  deux 
anciens  livres  d'heures. 

L.  C. 

1.    Revue  de  l'Art  chrétien,  1898,   p.  75. 


i68 


Betnic  De  P&rt  chrétien. 


mm  ©cvtoluques,  \ 


NOTES   D'ART 

NOTRE  savant  collaborateur,  le  R.  P.  Dora 
E.  Roulin,  a  publié,  dans  les  Notes  d'art  et 
d'archéologie  une  intéressante  étude  sur  un 
objet  appartenant  au  monastère  bénédictin  de 
Silos,  qu'il  intitule  Tête  antique  et  Colombe 
eucharistique.  Si  bizarre  que  paraisse  ce  titre,  se 
rapportant  à  un  même  objet,  il  est  cependant 
justifié  de  tout  point.  Cette  pièce  du  trésor  de 
l'abbaye  est  formée  du  singulier  assemblage  : 
une  colombe  eucharistique,  soudée,  par  une  de 
ces  fantaisies  bien  difficiles  à  expliquer  qui  peu- 
vent passer  par  un  cerveau  déséquilibré,  à  la  tête 
en  bronze  d'une  statue  antique.  La  colombe  est 
en  effet,  comme  le  rapporte  l'auteur,  une  colombe 
eucharistique  en  argent  gravé,  qui  peut  remonter 
au  XIVe  siècle,  objet  fort  connu,  quoique  les 
exemplaires  conservés  soient  assez  rares,  dans  le- 
quel on  suspendait  autrefois  au-dessous  de  l'au- 
tel, la  réserve  eucharistique  ;  M.  Eugène  Rupin, 
dans  son  bel  ouvrage  sur  l'œuvre  de  Limoges,  en 
donne  une  série  d'exemples  et  en  explique  très 
clairement  le  mode  de  suspension  et  l'usage  dans 
les  églises  au  moyen  âge  (i).  Nul  doute,  que  la 
colombe  de  Silos  n'ait  la  même  origine.  A  une 
époque  que  le  R.  P.  Roulin  n'a  pu  déterminer, 
les  religieux  ont  jugé  à  propos  d'en  faire  un 
reliquaire,  en  y  introduisant  un  fragment  de  la 
mâchoire  de  S.  Christophe  et  du  sang  de  sainte 
Catherine.  C'est  probablement  à  la  même  époque 
que,  pour  donner  un  aspect  plus  majestueux  au 
reliquaire,  on  l'a  soudé  sur  une  tête  de  femme 
en  bronze.  Le  texte  le  plus  ancien  qui  fasse 
mention  de  cet  objet  qui,  paraît-il,  se  compliquait 
autrefois  d'une  couronne,  se  trouve  dans  un 
inventaire  de  l'année  1440.  Pour  ajouter  encore 
à  l'intérêt  du  reliquaire  ainsi  formé,  la  légende 
prétend  qu'il  aurait  été  fabriqué  conformément 
à  la  volonté  de  S.  Dominique  de  Silos,  abbé  de 
1041  à  1073.  Dom  Roulin  n'a  pas  de  peine, 
grâce  aux  données  archéologiques,  à  mettre  un 
peu  d'ordre  dans  ces  légendes,  et  un  peu  de 
lumière  dans  l'obscurité  qui  entoure  cet  étrange 
assemblage  du  profane  et  du  sacré. 

M.  Rupin  donne  l'énumération  des  colombes 
eucharistiques  au  nombre  de  12,  qui  existent 
encore;  celle  du  monastère  de  Silos  serait  donc  à 
ajouter  à  ce  catalogue. 

J.  H. 

1.  Œuvre  de  Limoges,  pp.  225-234. 

-  :-Oi-  — KDK— 


BOLETIN  DELA  SOCIEDAD  ESPANOLA  DE 
EXCURSIONES.  6e  année,  gr.  in-8°,  208  pp.,  21  pi. 
hors  texte  et  nombreuses  figures  dans  le  texte,  12  frs. 


E 


NCORE  une  publication  espagnole  que 
bien  peu  de  lecteurs  français  ont  l'avan- 
tage de  connaître,  nous  avons  du  moins  tout 
lieu  de  le  supposer  !  Mais,  d'abord,  rassurons  les 
vrais  travailleurs.  Le  Boletin  n'est  pas  consacré 
à  de  superficiels  récits  de  voyages.  Il  est  l'organe 
d'une  société  d'archéologues,  de  vrais  amateurs, 
de  gens  sérieux  et  studieux  qui  organisent  de 
fréquentes  excursions  dans  toutes  les  parties  de  la 
péninsule,  pour  voir,  étudier  et  faire  connaître  des 
monuments  de  tous  genres,  principalement  ceux 
qui  sont  les  plus  ignorés.  Cette  revue  paraît  tous 
les  mois  à  Madrid.  Chaque  numéro  comprend 
phototypies  et  figures  dans  le  texte.  Voici  un 
simple  relevé  des  principaux  articles  parus  pen- 
dant la  sixième  année  (mars  1898  à  février  1899)  : 

Excursion  au  château  de  Batres,  par  le  comte 
de  Velasco  (p.  1-4.) 

Animaux  et  monstres  de  pierre,  par  D.  E.  Ser- 
rano  Fatigati  (pp.  5  a  14). 

Préjugés  populaires,  par  le  même  (pp.  17  à  22). 

Épigraphie  arabe.  Inscription  sépulcrale  d'un 
cippe  récemment  découvert  à  Tolède,  par  D. 
Rodrigo  Amador  de  los  Rios  (p.  22  et  23). 

L'histoire  de  la  province  d'Andalousie  de  la 
Compagnie  de  JÉSUS,  du  P.  Martin  de  Roa,  par 
D.  Rafaël  Ramirez  de  Arellano  (pp.  25  à  33,  50 
à  54,  78  à  85,  107  à  118,  144  à  152,  174  a  178, 
196  à  204). 

Les  tracés  géométriques  des  monuments  espa- 
gnols du  moyen  âge,  par  D.  Vicente  Lamperez 
y  Romea  (p.  39-39). 

Une  excursion  à  Illescas  (province  de  Tolède), 
par  le  comte  de  Polentinos  (p.  41-50). 

Les  chapelles  de  l'évêque  et  de  Saint-Isidore 
(à  Madrid),  par  D.  Vicente  Lamperez  y  Romea 
(p.  57-62). 

Souvenirs  d'une  excursion  à  Tolède.  Les 
palais  de  Galiana,  par  D.  Rodrigo  Amador  de 
los  Rios  (p.  62-67). 

Notes  pour  l'histoire  de  l'architecture  en  Es- 
pagne par  D.  Pedro  A.  Berenguer(p.  67-72,  164- 
168). 

Une  excursion  àDeva  (province  deGuipuzcoa), 
par  le  comte  de  Polentinos  (p.  73  76). 

Voyage  en  Grèce,  au  Mont-Athos  et  à  Con- 
stantinople,  par  D.  José  Ramon  Mélida  (p.  89- 
I05). 

Épigraphie  arabe,  par  D.  Rodrigo  Amador  de 
los  Rios  (105-107). 

Le  graveur  Barcelon,  par  J.  Cacerés  Pla  (p. 
120-122). 


BtMtograpUte. 


169 


Collection  des  peintures  que  réunit  dans  son 
palais  le  marquis  de  Leganés,  D.  Diego  Felipe 
de  Guzman,  par  D.  Vicente   Polers  (p.  122-134). 

Excursion  à  Arenas  de  San  Pedro  (province 
d'Avila),  par  le  comte  de  Cedillo  (p.  137-144). 

Une  visite  à  l'église  de  Portugalete  par  D. 
Rafaël  Ramirez  de  Arellano  (p.  153-158). 

Souvenirs  de  Tolède.  Palais  de  l'alguazil 
majeur  de  Tolède,  Suero  Telles  de  Menejes,  par 
D.  Rodrigo  Amador  de  los  Rios  (p.  158- 163). 

Don  Rafaël  Monje,  par  D.  E.  Garcia  de 
Quevedo  y  Concellon  (pp.  169  à  173). 

Figures  en  jais,  de  Compostelle.par  José  Villa- 
Amil  y  Castro  (p.  185-194). 

Bronzes  égyptiens  du  musée  archéologique 
national  (de  Madrid),  par  D.  José  Ramon  Melida 
(p.  194-196). 

Dom  E.  RoULlN. 

BULLETIN  MONUMENTAL.  MM.  Jadart  et 
Demaison  consignent  dans  le  n°  3  (1898)  du  Bulletin 
diverses  inscriptions  commémoratives  d'églises  de  la 
région  rémoise  ;  il  vaut  la  peine  de  les  enregistrer  ici  : 
Tannay  (977),  église  métr.  de  Reims  (  1 2  1 1  ),  église 
Saint-Nicaise  de  Reims  (1 231),  Mouzon  (  1  23 1  ),  Saint- 
Léonard  (1272),  Chaudardes  (1350),  Auberive  (1438), 
Herpy(i44s),  Monthermé  (1452),  Wez  (1459),  Me- 
zières  (1499),  Prunay  (1507),  Ventelay  (1509),  Givry 
(1521),  Epoye  (1532),  Rethel  (15  1  i),Thergny  (1555), 
Nauroy  (1556),  Asfeld  (1604),  Mouzon  (1621). 

D'autre  part,  M.  N.  Canat  de  Chizy  s'occupe 
des  maîtres  d'oeuvres  en  Bourgogne,  sous  les 
Valois  (  1  363-1473.),  et  son  étude  doit  être  signa- 
lée comme  une  des  plus  importantes  parues 
dans  l'excellent  Bulletin  monumental.  Elle  éclaire 
une  des  faces  de  l'histoire  de  l'architecture  au 
moyen  âge. 

BULLETIN  D'HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE 
ET  D'ARCHÉOLOGIE  RELIGIEUSE  DES  DIO- 
CÈSES DE  VALENCE,  GAP,  GRENOBLE  ET 
VIVEZ. 

Les  différentes  livraisons  de  l'année  écoulée 
contiennent  un  respectable  ensemble  de  docu- 
ments d'histoire  et  d'archéologie  locale. 

Le  R.  P.  dominicain  Denifle  ayant  dépouillé 
300    in-folio    des    archives    vaticanes,     pour   sa 


Gallia  C/iristiana,  en  a  tiré  le  tableau  de  la 
désolation  de  l'Eglise  de  France  à  la  fin  de  la 
guerre  de  Cent  ans  ;  M.  le  chan.  Ulysse  Cheval- 
lier donne  un  résumé  de  ce  travail.  M.  le  chan. 
Jules  Chevalliera  fait  l'histoire  de  l'abbaye  cister- 
cienne de  N.-D.  de  Valcroissant  (dioc.  de  S.-Dié). 
M.  l'abbé  J.  Chabert  fait  l'histoire  de  la  commune 
deBeauregard  pendant  la  Révolution, et  M.  l'abbé 
Logier,  celle  de  la  baronnie  de  Bressieux. 

LE  SILLON. 

Le  Sillon  est  un  sympathique  et  vaillant  or- 
gane fondé  en  1894  par  un  groupe  d'étudiants 
catholiques,  et  voué  à  l'action  intellectuelle 
morale  et  sociale.  Il  vient  d'ouvrir  une  enquête 
sur  la  «  Renaissance  idéaliste  ».  A  une  série  de 
notabilités  intellectuelles  de  tendances  diverses 
il  a  posé  les  trois  questions  suivantes  : 

I-  —  La  Renaissance  idéaliste...  paraît-elle 
devoir  s'orienter  d'une  manière  définitive  vers 
l'idéal  chrétien  ? 

2.  Aboutira-t-elle  à  la  création  d'une  littéra- 
ture et  d'un  art  catholique? 

3.  Le  public  catholique  est-il  éducable  au 
point  de  vue  littéraire  et  artistique? 

Des  réponses  ont  été  données  par  MM.  J.  K. 
Huysmans,  Fr.  Coppée,  R.Bazin, H. Mazel,  A.  ,Mi- 
thouard,  G.  Fonsagrive,  R.  de  Gourmont,  etc. 

M.  Huysmans  répond  au  premier  point  :  j'en 
doute  un  peu;  au  second,  j'en  doute  plus  qu'un 
peu;  au  troisième,  j'en  doute  tout-à-fait. 

M.  Fr.  Coppée  pense  qu'il  n'y  a  pas  de  public 
catholique  et  ne  pense  pas  qu'une  renaissance 
de  l'art  religieux  amènerait  une  renaissance  de 
la  Foi. 

M.  R.  Bazin  croit  de  son  côté  qu'il  n'y  a  pas 
de  littérature  catholique. 

M.  H.  Mazel  aussi  sépare  la  renaissance 
idéaliste  du  catholicisme.  Il  constate  que  «  l'in- 
souci  du  beau  est  vraiment,  hélas!  catholique  ». 
L'Église  n'a  pas  d'artistes.  Tout  cela  peut 
changer  ;  peut-être  suffirait-il  d'une  orientation 
nouvelle  donnée  aux  séminaristes.  Il  n'y  a, 
d'ailleurs,  pas  d'esthétique  catholique,  mais  la 
Religion  peut  féconder  l'Art. 

Et  voilà  en  quel  marasme  nous  a  conduits  la 
doctrine  de  l'art  pour  l'art  ! 

L.  C. 


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170 


Peinte  De  VSLxt  chrétien. 


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^rcbcoiogie  et  Beau* •  £rfB(,). 


.fiance. 


*  Albanès  (Ch.)  et  Chevallier  (le  chan.  Ul.).— 
Actes  anciens  et  documents  concernant  le  bien- 
heureux Urbain  V,  pape.  —  Gr.  in-8°  de  483  pp. 
Paris,  Picard. 

Arbellot  (L'abbe). —  Vie  de  saint  Éloi  —  In-8°, 
Limoges,  Ve  Ducourtieux. 


Saint-Martin.  —  In-40,  avec 


Bas  (L'abbé  H.), 
fig.  Tours,  Dubois. 

Bayle  (G  ).  —  Notes  historiques  sur  l'église 
de  Saint-Pierre  d'Avignon.  —  In-8°,  et  grav.  Avi- 
gnon, Seguin. 

Beau  repaire  (C.  de).  —  Mélanges  historiques 
et  archéologiques  concernant  le  département 
de  la  Seine-Inférieure  et  plus  spécialement  la 
ville  de  Rouen.  —  In-8",  Rouen,  Gy. 

Benoît  (A.).  —  L'abbaye  de  Haute-Seille,  dans 
le  comté  de  Salm.  —  In-80,  et  pi.,  Saint-Dié,  Humbert. 

Berthele  (J.).  —  Le  grand  orgue  de  la  cathé- 
drale de  Montpellier,  dans  la  seconde  moitié  du 
XVIe  siÈcLE,dans  le  Bulletin  monumental,  n°  4,  189S. 

Bosredon  (P.  de).  —  Sigillographie  de  l'an- 
cienne Auvergne  (du  XIIe  au  XVIe  siècle).  —  Gr. 
in-40,  et  album  de  15  pi.  Brive,  Roche. 

*  Bouillet  (L'abbé  A.)  et  Petit  (G).  —  Les 
églises  paroissiales  de  Paris.  Monographies  illus- 
trées, n"  5,  la  Ste-Chapelle.  —  In-S"  d'une  feuille, 
avec  22  vignettes.  Paris,  Rondelet.  Prix:  1  fr. 

Calmet(P.).  —  Pierre  de  Pleine  Chassaigne, 
son  testament,  Inventaire  de  ses  meubles  dans 
les  Annales  de  Saint-Louis-des-Français,  avril  1897. 

Cartulaire  du  chapitre  de  la  cathédrale 
d'Amiens.  M  émoires  de  la  société  des  antiquaires 
de  Picardie.  Documents  inédits  concernant  la 
province.  —  In-40,  Paris,  Picard  et  fils. 

Cassan  (L'abbé  Léon).  —  Guide  des  pèlerins 
et  des  touristes  a  Saint  Guilhem-du-Désert.  — 
In-16  de  42  pp.  Montpellier,  Martel. 

Chazal  (F.).  —  Histoire  de  l'abbaye  de  Pont- 
levoy,  dans  la  Revue  de  Loir-et-Cher,  mars  1898. 

*  Chevallier  (Le  chan.  Ul).  —  La  Renaissance 
des  études  liturgiques,  2me  mémoire.  (Extrait  de 
V  Université  catholique,  Lyon,  1898.) 

I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (")  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un   article  l>iL>liographique  dans  la  A'evus. 


*  Le  même.  —  Cartulaire  de  Saint-Bernard 
de  Romay,  nouvelle  édition  augmentée,  classée  par 
ordre  chronologique. 

*  Le  même.  —  Gallia  Christiana  Novissima, 
histoire  des  archevêchés,  évêchés  et  abbayes  de 
France.  —  Gr.  in-40  de  399  pp.,  Valence,  imp.  Valen- 
cinoise. 

*  Choisy  (Aug.). —  Histoire  de  l'architecture. 

—  2  vol.  gr  in-8°  de  644  et  800  pp.  avec  866  fig. 
40  f.  Paris,  Gauthier-Villars. 

Clermont-Ganneau  (L.).  —  Les  tombeaux  de 
David  et  des  rois  de  juda  et  le  tunnel  aqueduc 
de  Siloé  —  In-8°,  Paris,  Imp.  nationale. 

Collou  (L'abbé  A.).  —  La  chape  de  saint  Martin 
a  Bussy,  d'après  l'abbé  Fossin.  Critique  historique. 

—  In  18,  Paris  et  Poitiers,  Oudin. 

Corroyer  (Ed.).  —  Les  origines  de  l'architec- 
ture française  du  moyen  âge.  —  In-40,  17  pp->  pi- 
Paris,  Firmin-Didot. 

Delignières  (E.).  —  Poultier  (Jean-Baptiste), 
sculpteur  picard  (1653-1719).  —  In-8°,  et  grav. 
Paris,  Pion  et  Nourrit. 

*  Duc  (Le  chan.).  —  Culte  de  St  Grat,  5e  fasc. 

—  In-8°.  Aoste. 

*  Dumuys  (L.).  —  Étude  sur   le   reliquaire 

A  rouks  du  trésor  de  la  collégiale  de  St- 
Aignan  d'Orléans.  —  In-8°  de  58  pp.  avec  4  pho- 
totypies   Orléans,  Herluison. 


*  Farcy  (L.  de). 
jusqu'à  nos  jours.- 
Belhomme.  Prix  :  fr. 


—  La  Broderie  du  XIe  siècle 

-  In-fol.,  100  photoiypies, Angers, 
100. 


Flament    (L'abbé  R.).  —   La  chapelle  et  les 

BATIMENTS  DU  GRAND  SÉMINAIRE    DE  MONTPELLIER. 

—  In-12  de  127  pp.  Montpellier,  Firmin  et  Montane. 

Fontaine  (P.).  —  L'art  chrétien  en  Italie  et 
ses  merveilles.  2e  partie  [Naples,  Orvieto,  Assise, 
Pérouse,  Florence,  Sienne,  Bologne,  Padoue,  Venise, 
Milan]    —  In  8°,  et  grav.  Lyon,  Vitte. 

Fossin  (P.).  —  La  Cappa  ou  Chape  de  saint 
Martin  de  Bussy-Saint-Martin. —  In  18,  avec  grav. 
Ligugé,  Imp.  Saint-Martin. 

Frussotte.  —  Un  reliquaire  de  sainte  Scolas- 
tique  a  Juvigny-les  Dames, dans  la  Revue  bénédictine, 
mars  1898. 

Gautier  (J.).  —  Les  dangers  du  symbolisme 
(illustr.  artistiques  en  photogr.  instantanées),  dans  le 
Figaro  illustré,  février  1898. 

Genty  (L'abbé  A.-E.).  —  Livry  et  son  abbaye. 
Recherches  historiques.  —  In-8°  et  fig.  Paris,  Mouillot. 


Bibliographe. 


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d'un  fondeur  de  cloches,  dans  le  Bull,  de  la  Soc. 
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*  Le  même.  —  Les  quinze  joies  de  Notre- 
Dame.  —  Broch.,  Nancy. 

Gerspach.  ■ —  Une  fresque  de  Domenico  Ghir- 
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Grandmaison  (L.  de).  —  Les  auteurs  du  tom- 
beau des  Poncher  (Musée  du  Louvre),  Guillaume 
Regnault  et  Guillaume  Chaleveau.  —  In-8°,  grav. 
Paris,  Pion,  Nourrit  et  Cie. 

GuifFrey.  —  Inventaire  des  meublas  précieux 
de  l'hôtel  de  Guise  et  de  l'hôtel  de  Soubise  en 
1644,  1688  et  1787,  dans  la  Revue  de  l'art  français 
ancien  et  moderne,  juillet,  août,  septembre,  1896. 

Histoire  du  monastère  de  Notre  Dame  de 
Prouille.  —  In  8°,  Grenoble,  Baratier  et  Dardelet. 

Jaillot  (J.L.).  —  Recherches  sur  l'abbaye  de 
Chéherv.  —  In-8°,  Sedan,  Jourdan. 

La  cathédrale  du  Puy.  Histoire  et  archéolo- 
gie.  —  In- 16  et  grav.  Le  Puy,  Prades-Freydier. 

Lami  (Stanislas).  —  Dictionnaire  des  sculp- 
teurs de  l'Ecole  française  du  moyen  âge  au 
règne  de  Louis  XIV.  Préface  de  G.  Larroumet.  — 
In-8°  de  VIII  581  pp.  Paris,  H.  Champion. 

La  Normandie  monumentale  et  pittoresque, 
(Orne). —  In-fol.  et  pi.  Le  Havre,  Lemale. 

*  Largeault  (Alfr.  ).  —  La  Vierge  miraculeuse 
de  Celles-sur-Belle  (Deux-Sèvres).  —  In-8°  de  9  pp. 
Melle,  Lacuve. 

Ledru  (E.).  —  Le  prieuré  de  Saint-Thomas 
d'Épernon  (Etude  historique.)  —  Grav.,  Chartres, 
Métais. 

L'Hotel-Dieu  de  Charlieu  (1259-1897).  —  In-8°, 
Charlieu,  Alix  jeune. 

Maes  (J.).  —  Le  triptyque  de  Quentin  Matsys, 
dans  la  France  illustrée,  16  avril  189S. 

Marignan  (A.).  —  L'Ecole  de  sculpture  en 
Provence  du  XIIe  au  XIIIe  siècle,  dans  Le  Moyen 
âge,  1.  XII,  1899,  livraison  de  janvier  et  février, 
pp.  1  à  64. 

Maxe-Werly  (L).  —  Jean  Crocq,  de  Bar-le- 
Duc,  sculpteur  imagier,  et  sa  famille.  —  In  8°,  et 
pi.  Bar-le-Duc,  Constant-Laguerre. 

Mazerolle  (F.).  —  Les  dessins  de  médailles 
et  de  jetons  attribués  au  sculpteur  Edme  Bouchar- 
don.  —  In-8°,  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  Cie. 


Le  même.  —  Documents  sur  les  relieurs, 
miniaturistes  et  calligraphesdes  ordres  royaux 
de  Saint-Michel  et  du  Saint  Esprit.  —  In-8°,  et 
grav.,  Paris,  Techener. 

*  Mély  (F.  de).  —  L'émeraude  de  Bajazet  II 
et  la  médaille  du  Christ  d'Innocent  VIII,  dans 
la  Gazette  des  Beaux-Arts,  1898. 

Le  même.  —  Les  objets  d'art  aux  Salons 
de  1898   (Paris),  dans   le   Gaulois-Salon,  juin    1898. 

*  Muntz  (Eug.). —  Léonard  de  Vinci,  l'artiste, 
le  penseur,  le  savant.  —  In-40  avec  44  planches  et 
200  grav.  Paris,  Hachette. 

Puisaye  (J.  d'Anselme  de).  —  Étude  sur  les 
diverses  publications  du  R.  P.  Delattre. —  Grand 
in-8°.  Paris,  E.  Leroux. 

Quatre  chefs-d'œuvre  d'architecture  reli- 
gieuse a  Florence  (fin),  dans  la  lievue  catholique  des 
revues,  20  février  1898. 

Rohault    de  Fleury  (G.).    —    Saint-Pierre. 

—  In-40  de  148   pp.,  109  pi.  et  grav.    Paris. 

Rondot  (N.).  —  Bernard  Salomon,  peintre  et 

TAILLEUR    D'HISTOIRES    A     LYON,  AU  XVIe  SIÈCLE.   — 

In-8°,  Lyon,  Mougin-Rusand. 

Le  même. —  Les  graveurs  de  monnaies  a  Lyon 
du  XIIIe  au  XVIIIe  siècle.  —  In-8»,  Maçon,  Protat. 

Thévenin  (L.).  —  L'art  chrétien  chez  Luc 
Olivier  Merson.  —  In- 16,  Paris,  Vanier. 

Thiollier  (Noël).  —  L'art  du  moyen  âge  et  de 
la  renaissance  aux  salons  de  1896.  —  Saint-Denis, 
H.  Bouillant. 

Le  même.  —  Étude  sur  l'architecture  reli- 
gieuse a  l'époque  romane  dans  l'ancien  diocèse 
du  Puy.  —  Chalon-sur-Saône,  Marceau. 

Le  même.—  Notice  archéologique  de  l'église 
de  Rosières  (Haute-Loire).  Le  Puy,  Marchessou. 

Le  même.  —  Moyens  de  nettoyer  et  de  con- 
server LES  OBJETS  ANCIENS    TROUVÉS    EN    TERRE.  — 

Montbrisson,  C.  Brassart. 

Le  même.  —  Note  sur  deux  cuillers  de 
bronze  des  XVe  et  XVIe  siècles  trouvées  en 
forets.  —  Montbrisson,  C.  Brassart. 

Le  même.  —  Lettres  de  Charles  VII,  permet- 
tant de  fortifier  Apinac.  —  Montbrisson,   C.    Brassart. 

*  Vigouroux  (L'abbé  F).  -  Dictionnaire  de 
la  Bible  (E.F.).  —  Paris,  Letouzey. 

Vital is  (Alexandre).  —  Une  exposition  artis- 
tique a  l'hotel-de-ville  de  Lodève  (22  23-24  oc- 
tobre 1898),  avec  préface  de  J.  Sahac.  —  In-8°  de 
8  3  PP-  grav-  dans  le  texte  et  hors  texte.  Lodève,  Jullian. 


REVUE    DE   L'ART   CHRÉTIEN. 
189Q.     —    2me    LIVRAISON. 


172 


Bebue  lie  P&rt  chrétien. 


Volynski.  —  Léonard  de  Vinci,  sa  vie  et  ses 

TRAVAUX  SCIENTIFIQUES  ET   PHILOSOPHIQUES,  dans  le 

Messager  du  Nord,  mars  1898. 

♦Waresquiel  (Mme  de). —  Petites  Méditations 
sur  les  vertus  chrétiennes,  dédiées  aux  enfants  de 
la  première  communion  et  de  la  persévérance. —  In  16 
de  86  pp.  avec  planches.  Pans. 

Wismes  (Le  baron  G.  de).  —  Les  personnages 
sculptés  des  monuments  religieux  et  civils  des 
rues,  places,  promenades  et  cimetières  de  la 
ville  de  Nantes.  —  In-8°,  Vannes,  Lafolye. 


Allemagne. 


Baumgarten.  — ■  Addition  a  l'article  de  Saeg- 
muller  sur  le  trésor  de  Jean  XXII,  dans  Histo- 
risches  Jahrbuch,  Ier  trimestre  1898. 

Braun  (J.).  —  Le  vêtement  liturgique  aux 
cinq  premiers  siècles,  dans  Stimmen  ans  Maria 
Laach,   21  avril  1898. 

Burckhardt  (J.). — Erinnerungen  an  Rubens. 

—  In-8°,  C.  F.  Lendorff,  Basel. 

Conrady  (L).  —  Geschichte  des  Kôning- 
reichs  Jérusalem,  par  R.  Roehricht,  dans  Litera- 
rische  Rundschau,  mai  1898. 

*  Dreves  (Le  R.  P.).  —  Hymnodia  hiberica.  — 
In-8°  de  290  pp.  Leipzig,  Reisland. 

Firmenich-Richartz  (E.).  —  Roger  van  der 
Weyden,  der  Meister  von  Flemalle.  Ein  Beitrag 
fur  Geschichte  der  Vlaemischen  Malerschule, 
dans  Zeitschrift  fur  Bildende  Kutist,  Ier  octobre  1898. 

—  Gr.  in-8°.  I.  Leipzig,  Seemann  und  C°. 

Fonck  (L.).  —  La  liturgie  juive  et  l'art  chré- 
tien pRiMiTiF,dansZ<77«-/z?7////»  katlwlische  Théologie, 
2e  trimestre  1898. 

*  Glôtzle  (Ludwig)  et  Knôpfler  (Le  dr  Aloïs). 

—  Das  Vater  Unser  im  Geiste  der  aeltesten 
Kirchenvaeter  in  Bild  und  Wort.  —  Petit  in  f°, 
9  héliograv.  et  41  pp.  de  texte.  Herder,  Freiburg  im 
Brisgau. 

Goette  (A.).  —  Holbeins  Totentanz  und  seine 
Vorbilder.  —  In-8°,  avec  95  fig.,  2  append.  et  9  pi. 
Strassburg,  K.-J.  Trùbner. 

*  Kaemmerer  (L.).  —  Hubert  und  Jan  van 
Eyck.  -- In-8",  118  pp.,  S8  gr.  Leipzig,  Velhagen 
und  Klasing. 

Kelterborn  (R.).  —  Hans  Holbein.  Sitten-und 
Lebensbild  aus  der  Reformations  Zeit.  —  In-8°. 
Zurich,  T.  Schroeter. 

Meissner  (Fr.  Herm.).  —  Kunstler-Monogra- 
PH1EN  XXVI.  Vkronese.  —  In-8°,  88  fig.  Bielefeld, 
Velhagen  und  Klasing. 


Meyer  (Le  dr  Alfr.Gh.). —  Ober  italiaenische 
Fruhrenaissance.  Bauten  und  Bildwerke  der 
Lombardei  I.  (Die  Gothik  desMailànder  Dômes  und 
der  Uebergangsstil.) —  In-40,  10  pi.  Berlin,  W.  Ernst 
und  Sohn. 


anfjlctcrre. 


Cust  (L.).  —  Albrecht  Durer.  A  study  of  his 
life  and  work.  —  In-S°.  Seeley. 

Marquand  (Allan.)and  Frothingham  (Arth.). 
—  A  Text  book.  of  the  history  of  sculpture.  ■ — 
In-8°.  New-York,  Longmans,  Green  and  C°. 


*  Wickham-Legg. 
of   linen   vestments. 


On  two  unusual  forms 
In-40  avec    pi.    Londres. 


*  Le  même.  —  The  blessing  of  the  episcopal 
ornement  called  the  Pall.  —  In-8°  de  24  pp. 
York. 


Jtalie. 


Angelini  (G.).  —  Libri  di  guide  e  viaggi  per  la 
Terra  Santa  nel  500,  dans  la  Rassegna  Nationale, 
1  mai  1898. 

Antichissima  imagine  di  Maria  Ssma  nel 
cimiteri  di  Priscilla,  dans  Bessarione,  août  et  sep- 
tembre [896. 

*  Frutaz  (L'abbé  F.-G).  —  L'Art  chrétien 
dans  la  vallée  d'aoste.  conférence  prononcée 
a  Turin  a  l'exposition  d'Arte  sacra,  le  4  oc- 
tobre 1S98.  —  In-8°  de  32  pp.  Aoste,  Impr.  cathol. 

Locati  (Lu.).  —  Brève  compendio  di  storia 
delle  belle  arti  in  Italia  dalle  origini  FINO  Al 
giorni  nostri  I.  (Pittura.)  —  In-8°  et  fig.  Torino, 
Tip.  Salesiana. 

Paoletti  (Pietro). —  L'architecture  et  la  sculp- 
ture de  la  Renaissance  a  Venise  ;  recherches 
historico-artistiques.  Première  partie  (période  de 
transition),  traduit  par  M.  Le  Monnier.  —  In-16,  Ve- 
nise, Ongania. 


Espagne. 


Alcahali  (Le  baron  de).  —  Diccionario  biogra- 
fico  de  artistas  Valencianos.  —  In-40,  Valencia, 
Federico  Domench. 

L'Espagne  artistique,  archéologique  et  monu- 
mentale :  La  cathédrale  de  Palma  de  Majorque. 
—  In-40,  44  PP-i  18  pi.  hors  texte  (16  fr.).  Barcelone, 
Parera  et  Cie. 

*  Serrano  Fatigati  (I).  Enrique).  —  Claustros 
romanicos  espanoles.  —  In-8°  de  53  pp.,  26  figures 
dans  le  texte  et  2  phototypies.  Madrid. 

*  Le  même.  —  Sentimiento  de  la  naturaleza 

EN  LOS  RELIEVES  MEDIOEVALES   ESPANOLES.  Grand 

in-8°  de  27  pp.,  3  pi.  hors  texte  et  13  fig.  dans  le  texte. 
Madrid. 


Btbltograptne. 


!73 


Amérique. 


Anderson  (W.-J.). —  The  architecture  of  the 
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New- York,  Scribner's  sons. 

Conder  (C.-R.).  —  The  latin  kingdom  of  Jé- 
rusalem, 1099-1291. —  In-8°,  New-York,  New  Amster- 
dam Book  C°. 

— ===== =     ^ollanoe.    ===== 


*  De  Striers  (Victor).  —  Le  Musée  national 
d'Amsterdam.  —  Planche  de  M.  P.-J.  Cuypers. 
Amsterdam,  Arnad. 

=======   IBclrjiquc.  ===== 


*  Berlière  (D.  Ursmer).  —  Monasticon  belge, 
Maredsous.—  In-40,  2e  livre  du  t.  I. 

Boulmont  (G.).  —  L'abbaye  d'Aulne  ou  origi- 
nes, splendeurs,  épreuves  et  ruines  de  la  perle 
monastique  d'Entre-Sambre-et-Meuse.  Deuxième 
fascicule,  contenant  la  description  complète  des  ruines. 
—  In-8°,  p.  49  à  136,  pi.  hors  texte.  Namur,V.  Delvaux. 

Beaucourt  de  Noortvelde  (R.  de).  —  Une 

VISITE    AU    CHATEAU  DE  VVYNENDAEL,  ANCIENNE  RÉSI- 
DENCE DES  COMTES  DE  FLANDRE. — In-8°,  84  pp.,  grav. 

Ostende,  Albert  Bouchery  et  Cie  (f.  1.50). 

Ferrant  (L'abbé). —  Esquisse  historique  sur  le 

CULTE    ET     LES    RELIQUES    DE    SAINT    BERTULPHE    DE 

Renty  en  l'église  d'Harlebeke. — In-8°,22o  pp., pi. 
hors  texte.Bruges,  imprimerie  L.De  Plancke.Prix  :  3  fr. 


(Extrait  des  Annales  de  laSociété  d'émulation  pour  l'étude 
de  l'histoire  et  des  antiquités  de  la  Flandre,  1898.) 

Joseph  (Le  dr  D.).  —  Bibliographie  de  l'his- 
toire de  l'art  de  la  première  Renaissance  (tre- 
cento  et  quattrocento)  en  Italie.  —  In-8°,  Bruxelles, 
Ferd.  Larcier. 

*  Le  Vieil  Anvers.  —  Album  de  luxe  sur  papier 
à  la  main.  Bruxelles,  Lyon-Claesens.  Prix:    150  frs. 

Marchai  (E.).  —  Quelques  considérations  sur 
l'histoire  de  la  sculpture  belge,  dans  le  Bulletin 
del 'Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des 
Beaux-Arts  de  Belgique,  N°  4,  1898. 

Monchamp  (L'abbé). —  Les  reliques  de  sainte 
Julienne  de  Cornillon,  a  l'abbaye  de  Villers. 
Contribution  a  l'histoire  de  son  culte.  —  Ptt.  in- 
8°,  31  p.  Liège,  L.  Demarteau. 

*  Nève  (J.).  —  Le  martyre  de  saint  Sébastien, 
tableau  de  Memling  au  Musée  de  Bruxelles. 

Tarideu  (Ch.).  —  Sur  l'art  au  XIXe  siècle, 
dans  les  Bulletins  de  V Académie  royale  de  Belgique, 
1898. 

Van  Even  (E.).  —  Le  contrat  pour  l'exé- 
cution du  triptyque  de  Thierry  Bouts,  de  la 
collégiale  de  Saint-Pierre,  a  Louvain,  dans  le 
Bulletin  de  l'Académie  royale  des  Sciences,  des  Lettres  et 
des  Beaux-Arts  de  Belgique.  N°  4,  1898. 

Wytsman  (P.).  —  Intérieurs  et  mobiliers  an- 
ciens. Collection  recueillie  en  Belgique.  Deu- 
xième et  troisième  livraisons. —  In-40,  p.  7  à  14.  20  pi. 
en   phototypie.  Bruxelles,   P.    Wytsman.  Prix  :  20  fr. 


frtt  ^  :^^  -,s&  aflfe  -aSc  *&  *&  *&  ^  ^  *#.  *fe  ^  *&  *#,  :^  *&  *&  ^  ^  ^  $&  ^  |g 


3 


^TI)rOIÎÎCJUC.  SOMMAIRE:  ÉCOLES  SAINT-LUC.  —  ŒUVRES  NOUVELLES: 
coupole  de  la  rue  Jean  Goujon  ;  vitraux.  —  ANCIENNES  PEINTURES  MURALES.  - 
PORTRAIT  DU  CHRIST.  —  RESTAURATIONS  :  cathédrale  d'Alby,  Saint- Wulfran  d'Ab- 
beville,  Saint-Jacques  de  Dieppe,  Notre-Dame  du  Sablon  à  Bruxelles,  Sainte-Walburge 
rï'Audenarde,  Hôtel  Gruthuuse  à  Bruges,  Halles  de  Malines.  —  MUSIQUE  RELIGIEUSE  : 
à  Solesmes,  à  Maredsous.  —  NOUVELLES  :  Société  de  Saint-Jean,  les  clochers  de  Chartres, 
Sorbonne,  Chauvigny,  etc.  —  DÉCOUVERTES  :  à  Sancerre,  à  Vienne,  à  Châteauneuf,  à  Bruges 
et  à  Liège. 


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Gcolcs  Satnt=Huc. 

E  18  décembre  dernier,  a  eu  lieu  la  dis- 
tribution des  prix  à  l'Ecole  de  St-Luc 
de  Tournai.  Le  discours  d'usage  a  été 
prononcé  par  RI.  le  commandant  de 
Vignol,  du  3e  chasseurs  à  pied. 

L'orateur,  par  une  heureuse  association  d'idées, 
a  fait  à  grands  traits  l'histoire  à  la  fois  de  l'art 
chrétien  et  des  anciennes  gildes,  d'essence  plé- 
béienne, d'origine  Scandinave  et  germaine,  proté- 
gées par  les  monastères  et  par  l'Église,  foyers  de 
la  prospérité  des  communes.  Il  montre  combien 
fut  féconde  autrefois  l'union  de  l'art  et  du  métier. 

Dans  ce  mouvement  séculaire,  l'Institut  des 
Frères  avait  sa  place  marquée  ;  ils  furent  les 
artisans  dévoués  de  l'œuvre  de  St-Luc,  dont 
M. de  Vignol  expose  les  principes  et  les  méthodes, 
et  qui  a  pour  but  la  régénération  et  la  dignité 
morale  du  métier  artistique. 

Il  parle  en  termes  émus  de  l'art  du  moyen  âge, 
qu'il  compare  à  l'art  antique  ;  il  montre  la  pro- 
fonde impression  de  beauté  que  tout  ouvrier, 
aux  siècles  chrétiens,  savait  mettre  dans  son 
œuvre,  si  modeste  fût-elle,  et  l'influence  délétère, 
au  point  de  vue  esthétique,  des  procédés  de  l'in- 
dustrie moderne  ainsi  que  les  écarts  fâcheux  des 
décadents  du  jour.  L'orateur  termine  en  appelant 
sur  l'école  St-Luc,  et  sur  l'école  de  musique  de 
St-Grégoire  qui,  à  Tournai,  marchent  de  pair,  la 
sympathie  des  classes  éclairées,  leur  protection 
et  celle  du  clergé. 

Ensuite  M.  V.  Façon  a  présenté  un  rapport 
nourri  des  travaux  de  l'année.  —  Les  cours  tech- 
niques ont  été  fréquentés  par  250  élèves,  quantité 
d'œuvres  d'art  ont  été  exécutées  dans  les  locaux 
même  de  l'école  professionnelle  et  par  les  seuls 
élèves,  pour  différentes  églises  ou  établissements 
notables.  Quant  à  l'école  de  musique,  elle  forme 
une  phalange  qui  n'a  pas  reculé  devant  l'exécu- 
tion des  œuvres  de  Palestrina  et  de  Roland  de 
Lattre,  devant  celles  des  Haller,  des  Diebold.des 
Stchle  et  des  Tinel. 

L'opuscule  qui  nous  apporte  ces  deux  discours 
est  illustré  de  la  reproduction  d'un  beau  bas-relief, 
et  d'un  intéressant  autel,  à  retable  historié,  qui 
attestent  la  fécondité  de  l'œuvre. 

— K5X ïO*— 


OKuurcs  nouvelles. 

La  coupole  de  la  chapelle  de  la  rue  Jean  Goujon. 
—  Les  travaux  de  la  chapelle  que  l'on  élève  rue 
Jean  Goujon  à  la  mémoire  des  victimes  de 
l'incendie  du  4  mai  1897  sont  aujourd'hui  très 
avancés. 

L'architecte,  M.  Guilbert,  vient  de  faire  la 
maquette  de  la  coupole  qui  doit  couronner  le 
monument.  Il  y  a  fait  figurer  les  décorations 
architecturales,  sculpturales  et  picturales  qu'elle 
comporte.  L'exécution  des  peintures  intérieures 
a  été  confiée  à  M.  Albert  Maignan,  qui  a  fait  une 
petite  esquisse  de  la  composition  qu'il  destine  à 
la  coupole.  Cette  esquisse  donne  une  idée  très 
précise  de  ce  que  sera  le  décor  de  la  chapelle  de 
la  rue  Jean  Goujon. 

M.  Albert  Maignan  nous  montre  le  Christ  recevant 
dans  sa  gloire  les  victimes  de  la  charité. 

En  avant  d'un  groupe  allégorique  des  trois  vertus  théo- 
logales, la  Foi,  l'Espérance  et  la  Charité,  cette  dernière 
inscrivant  les  noms  des  nouveaux  élus  sur  des  tables  de 
marbre,  JÉSUS  marche  les  bras  ouverts,  appelant  à  lui 
des  femmes  vêtues  de  blanc  qui  s'élèvent  vers  le  Seigneur 
sur  de  lumineuses  nuées.  On  reconnaît  quelques-unes  de 
ces  élues,  car  Maignan  a  voulu  faire  les  portraits  de  cer- 
taines victimes. 

Un  peu  plus  loin,  c'est  saint  Vincent  de  Paul  qui  reçoit 
les  deux  petites  sœurs  des  pauvres  mortes  dans  la  catas- 
trophe :  elles  portent  le  costume  de  leur  ordre  et  leurs 
cornettes  blanches  se  détachent  dans  le  ciel  à  côté  de  la 
silhouette  du  saint  devant   lequel   elles  sont  agenouillées. 

Enfin  l'auteur  des  Cloches,  qui  excelle  dans  les  envolées 
de  figures  à  travers  l'espace,  a  fermé  le  cycle  de  résurrec- 
tion par  un  hosaima,  qu'il  exprime  en  un  groupe  d'anges 
s'élevant  vers  les  sublimes  clartés,  où  rayonnent  entre 
leurs  mains  la  croix,  la  couronne  d'épines,  les  fouets  de  la 
flagellation,  tous  les  instruments  de  la  Passion  du  Christ. 

Le  cadre  de  cette  composition  sera  l'œuvre  du  sculp- 
teur Hiolin. 

Sur  la  corniche  en  couronne  que  soutiennent  de 
hautes  colonnes  en  marbre  vert  cipolin,  quatre  figures 
d'enfant  sont  assises.  Par  les  deux  premières,  Al.  Hiolin 
a  symbolisé  l'idée  de  la  mort  et  l'idée  de  la  résurrection, 
adroite  et  à  gauche  de  l'autel  ;  par  les  deux  autres,  l'idée 
de  la  douleur  et  l'idée  de  l'espérance. 

C'est  au  même  artiste  qu'a  été  confiée  l'exécution  des 
deux  grandes  compositions  tumulaires  avec  des  figures  de 
femmes  qui  pleurent, destinées  aux  deux  annexes  de  droite 
et  de  gauche  de  la  chapelle.  Ces  figures  sont  en  marbre 
blanc,  appuyées  sur  des  sarcophages  de  marbre  noir, 
auprès  de  colonnes  de  marbre  grand  antique  des  Pyrénées 
à  larges  veines  noires  et  blanches. 


Chronique. 


175 


Enfin  la  Vierge  des  sept  douleurs  de  M.  Daillon,  figure 
colossale,  est  tout  en  cuivre  martelé  et  doré. 

Tous  ces  artistes,  tandis  que  s'achève  la  partie  archi- 
tecturale de  l'œuvre  de  M.  Guilbert,  se  sont  mis  au  travail, 
et  la  chapelle  de  la  rue  Jean  Goujon  pourra  être  inaugurée 
le  4  mai  1900  par  un  service  anniversaire  à  la  mémoire  des 
victimes  de  la  charité. 

Vitraux. —  On  sait  quelle  fut  l'importance  de 
l'atelier  de  vitraux  artistiques  que  feu  le  baron 
Bethune  a  fondé  à  Gand  et  dirigé  avec  un  talent 
éminent.  Jean  Bethune  fut,  du  moins  en  Belgique, 
le  véritable  restaurateur  de  cet  art  prestigieux, 
appelé  à  donner  son  couronnement  à  la  décora- 
tion des  églises.  Son  atelier,  comme  on  le  sait, 
subsiste,  fidèle  à  ses  traditions  premières,  dans 
les  mains  habiles  d'un  des  plus  fervents  disciples 
du  maître  à  jamais  regretté,  M.  Jos.  Casier.  Nous 
sommes  heureux  de  constater  l'activité  conso- 
lante de  cette  officine  d'art  chrétien  de  bon  aloi, 
et  de  pouvoir  énumérer  ici  les  produits  qui  en 
sont  sortis  depuis  quelque  temps. 

M.  J.  Casier  a  placé  dans  le  chœur  de  la  gra- 
cieuse église  paroissiale  de  Deynoc, deux  verrières 
de  deux  lumières  chacune, figurant  le  Couronne- 
ment de  la  Ste  Vierge, avec  S.Roch  et  Ste  Justine, 
S.  Dominique  recevant  le  S.  Rosaire,  accosté  de 
S.  Joachim  et  de  Ste  Anne. 

A  l'église  St-Michel  à  Gand,  il  a  posé  une  ver- 
rière dans  les  hautes  fenêtres  du  chœur  (côté 
Sud),  don  de  feu  la  Douairière  de  Kerefoor  de 
Naeytr.  —  Elle  a  quatre  lumières,  où  figurent 
Ste  Alice,  S.  Frédéric,  Ste  Elisabeth,  S.  Paul. 

La  chapelle  des  Pauvres  Claires  à  Termonde  a 
été  ornée  par  cet  artiste  d'un  vitrail  à  deux 
lumières,  représentant  la  rencontre  de  S.  Domi- 
nique et  S.  François  d'Assise,  scène  inspirée 
du  célèbre  tympan  d'Andréa  délia  Robbia,  à 
Florence. 

La  chapelle  du  Poortacker  à  Gand  a  reçu  un 
vitrail  offert  par  M.  Laminens  en  souvenir  des 
25  années  de  vie  religieuse  de  sa  fille,  Mme  Marie 
Lammens  des  Dames  de  l'Adoration  perpétuelle. 
Dans  une  lancette  se  trouvent  2  figures  super- 
posées :  la  Bienheureuse  Eve  et  Ste  Julienne  de 
Cornillon. 

A  l' Eglise  N.-D.  à  Aersclwt,  deux  verrières  ont 
été  posées  dans  la  chapelle  de  Ste-Anne,  côté 
Sud  de  l'église.  Ce  sont  deux  œuvres  importantes, 
l'une  consacrée  à  Ste  Anne  et  a  la  Ste  Vierge, 
la  seconde  à  St  Antoine.  Voici  les  dispositions. 

Vitrail  de  Ste  Anne  : 

Tympan,  orné  de  feuillages  et  de  cartouches 
avec  invocation  à  Ste  Anne. 

Quatre  lumières 


Rencontre  de 
Ste  Anne  et 
de  Joachim  à  la 
porte  dorée. 


Ste  Anne  in- 
struisant la  Ste 
Vierge. 


Ste  Anne  pré- 
sentant Marie 
au  temple. 


La  Ste  Famille 
de  Nazareth. 


Dans  les  socles,  un  prophète  sous  chaque 
groupe,  portant  un  cartouche  avec  une  prophétie 
relativement  à  la  Ste  Vierge. 

Vitrail  de  S.  Antoine  : 

Dans  le  tympan,  divers  emblèmes  de  l'Ordre 
séraphique,  rieurs,  etc. 


Quatre  lumières 


L'EnfantJÉsus 
apparaissant  à 
S.   Antoine. 


Le  miracle  de 
l'âne  s'age- 
nouillant  de- 
vant la  Ste  Eu- 
charistie. 


La  Ste  Vierge 
apparaissant  à 
S.  Antoine. 


S.  Antoine  prê- 
chant, arrête  la 
foudre  prête  à 
tomber  sur  ses 
auditeurs. 


En  ce  moment,  on  place  l'avant-dernier  vitrail 
du  pourtour  de  l'église  N.-D.  de  Hal. 

—   anciennes  peintures  murales.   — 

Peintures  murales.  —  On  entend  de  temps  à 
autre  des  archéologues,  mal  inspirés  selon  nous, 
s'élever  contre  l'idée  de  la  polychromie  des  églises, 
et  émettre  des  doutes  sur  la  réalité  de  l'ancienne 
coutume  de  les  orner  par  la  peinture.  Or  tous  les 
jours  nous  avons  des  preuves  nouvelles  de  la 
généralité  de  cet  usage.  Récemment  on  décou- 
vrait une  série  de  vestiges  des  plus  remarquables 
d'anciennes  fresques  dans  l'église  N.-D.  au  delà 
de  la  Dyle  à  Malines  (').  Aujourd'hui,  c'est  à 
Ternath  (Belgique)  que  nous  voyons  des  pein- 
tures murales  mises  au  jour  en  débadigeonnant 
le  chœur  ;  elles  représentent  la  conversion  de 
St  Hubert. 

M.  L.  Bressers,  de  Gand,  a  été  chargé  de 
mettre  à  découvert  et  de  calquer  les  curieuses 
peintures  retrouvées  à  l'église  de  Neeroeteren, 
offrant  notamment  de  remarquables  décorations 
de  voûtes  de  deux  époques  différentes.  Nous 
comptons  publier  ultérieurement  ces  curieuses 
peintures. 

D'anciennes  peintures  murales  viennent  d'être 
mises  au  jour  à  la  collégiale  de  St-Pierre  de  Lou- 
vain.  Ce  sont  des  peintures  décoratives  remontant 
au  XVe  siècle,  et  dont  le  dessin  gracieux  et 
l'exécution  soignée  méritent  de  fixer  l'attention 
de  ceux  qui  s'intéressent  à  la  décoration  de 
nos  monuments  religieux.  Les  premières  ont  été 
retrouvées  à  côté  de  l'autel  de  Y  Aima  Mater,  la 
patronne  de  l'Université.  Les  traits,  de  couleur 
noire,  sont  tracés  sur  la  pierre  même  de  l'édifice. 
Les  auties  figurent  à  la  chapelle  de  St  Charles 
Borromée,  autrefois  dédiée  à  Ste  Anne.  C'est 
pour  l'autel  de  ce  même  oratoire,  que  Quentin 
Metsys  exécuta,  en  1509,5011  célèbre  triptyque  : 

1.  Nous  en  reparlerons  dans  la  prochaine  livraison  à  propos  des 
Travaux  ties  Sociétés  savantes. 


176 


Bebue  De  r&rt  chrétien. 


la  légende  de  Ste  Anne,  qui  figure  actuellement 
au  Musée  de  Bruxelles.  Dans  vingt  arcatures 
successives,  sous  les  appuis  des  fenêtres,  existent 
des  peintures  en  damas,  sur  fond  rouge  vif,  d'un 
dessin  élégant  et  facile,  et  dont  la  Belgique  n'a 
conservé  que  de  rares  spécimens. 


LA  restauration  de  peintures  découvertes  sur 
les  colonnes  de  l'église  de  Dieghem  (Bra- 
bant)  ne  se  fait  pas  sans  encombre.  La  Commis- 
sion des  monuments  a  rejeté  les  essais  qu'on  a 
d'abord  faits  et  demandé  l'intervention  d'un  meil- 
leur artiste.  Elle  a  examiné  la  peinture  murale 
de  l'église  de  Ternath  (Brabant);  représentant  la 
conversion  de  S.  Hubert;  c'est  un  spécimen  inté- 
ressant de  polychromie  monumentale. 

On  a  trouvé  à  l'église  de  Treignes  (Namur),des 
figures  qui  formaient  un  ensemble  avec  la  croix 
triomphale.  Le  Christ,  les  apôtres,  les  saints  y 
sont  figurés  en  buste,  d'une  exécution  médiocre. 
L'église  de  Treignes  possède  une  croix  proces- 
sionnelle très  intéressante,  qui  paraît  remonter 
au  XIVe  siècle. 


Portrait  Du  Cfmst. 

IiOUS  avons  fait  connaître  la  merveil- 
leuse manifestation  de  la  figure  du 
Sauveur  par  le  Saint-Suaire  de  Turin, 
et  donné  une  reproduction  de  cette 
image  célèbre  (x).  On  s'occupe  beaucoup  en 
ce  moment  d'un  autre  portrait  du  Christ,  celui 
de  la  médaille  découverte  par  M.  Boyer  d'Agen. 
En  attendant  une  correspondance  que  nous  a 
promise  à  ce  sujet  notre  correspondant  romain, 
Mgr  Battandier,  nous  empruntons  les  lignes  sui- 
vantes à  la  Semaine  religieuse  de  Cambrai. 

Dans  le  temps  même  où  le  Saint  Suaire  appelait  l'at- 
tention des  pieux  chrétiens,  un  autre  portrait  du  Christ 
sortait,  semblait-il,  d'une  longue  obscurité. 

En  fouillant  dans  le  tas  des  vieux  sous  romains  dont 
les  Juifs  du  Ghetto  encombrent,  chaque  mercredi,  le 
marché  du  Campo  dei  Fiori  à  Rome,  M.  Boyer  d'Agen, 
naguère,  crut  reconnaître  la  figure  du  Christ  sur  une 
médaille  au  métal  incertain  que  la  patine  ou  la  crasse, 
plutôt  que  l'usure,  avait  recouverte  entièrement.  Il 
demande  le  prix  du  pezzaccio  en  question. 

Due soldi  !  fit  le  Juif,  sans  même  regarder  la  pièce. 

Et  M.  Boyer  d'Agen  échangea,  moyennant  deux  sous 
italiens,  l'effigie  broussailleuse  du  roi  Victor-Emmanuel 
contre  l'image  idéale  de  JÉSUS.  Car  c'était  bien  un  por- 
trait du  Christ,  et  on  pouvait  le  croire,  l'nn  des  plus 
anciens  qui  venait  d'être  retrouvé. 

De  retour  à  Paris,  après  avoir  décrassé  le  métal, 
M.  Boyer  d'Agen  a  eu  l'occasion  de  présenter  cette  pièce 
aux  fils  Falize,  les  joailliers  bien  connus  qui,  sans  préjuger 
de  l'authenticité   du   document,   n'en   admirant    que    les 

1.  V.  Revue  de  t  Art  chrétien,  année  1898,  p.  390. 


lignes  admirables  vraiment,  demandèrent  et  obtinrent 
l'honneur  de  frapper  en  bronze  et  en  argent  une  repro- 
duction de  cette  médaille.  M.  Boyer  d'Agen  accepta  cette 
reproduction  pour  s'aider  lui-même,  en  répandant  le 
document,  à  l'étudier  plus  sérieusement  avec  la  collabo- 
ration des  numismates  de  France.  Plusieurs  des  person- 
nalités scientifiques  auxquelles  cette  médaille  a  été  déjà 
soumise,  affirment  qu'on  se  trouve  en  présence  d'un  por- 
trait à  peu  près  authentique  de  JÉSUS,  à  coup  sûr  devant 
une  figure  des  plus  anciennes  de  l'ère  chrétienne  que 
l'art  a  le  plus  artistiquement  et  le  plus  religieusement 
reproduites. 

Voici  la  description  qui  en  est  donnée  : 

«  Sur  la  face  est  inscrit  en  hébreu  le  nom  de  JÉSUS  ; 
au  revers  on  lit,  toujours  en  hébreu  et  en  caractères  d'un 
merveilleux  classique,  assez  rares  pour  une  inscription  de 
ce  temps,  la  légende  suivante  littéralement  traduite  : 
«  Le  Messie,  le  Roi,  viendra  en  paix  ;  il  est  la  lumière 
«  des  hommes,  incarné,  vivant.  > 

Cette  médaille  a  été  l'objet  d'une  communication  à 
l'une  des  dernières  séances  de  la  Société  des  antiquaires  ; 
et  voici  ce  qu'en  dit  le  procès-verbal  de  la  séance  : 

«  M.  de  la  Tour  présente  quelques  remarques  au  sujet 
de  la  médaille  du  Christ,  récemment  signalée  par  M.  Boyer 
d'Agen.  11  rapproche  cette  pièce  d'un  médaillon,  de  fac- 
ture analogue,  gravé  à  Rome  à  la  fin  du  XVe  siècle,  par 
le  Milanais  Gio  Antonio  Rossi.  Ce  devait  être  une  sorte 
de  médaille  d'identité  portée  par  des  juifs  convertis.  » 

D'après  ce  procès-verbal,  il  faudrait  donc  se  résigner 
à  ne  pas  trop  vieillir  ce  portrait.  Oui  possédera  la  repro- 
duction qu'en  ont  faite  des  joailliers  de  talent,  ne  sera 
donc  pas  certain  de  posséder  un  document  prototype. 


Restaurations. 

Cathédrale  d'Alby.  —  On  lit  dans  le  Journal 
des  A  ris  : 

J'ai  lu  dans  le  Journal  des  Arts  du  18  février  l'article  le 
Cas  de  Sainte-Cécile  iVAlby,  signé  J.  de  L.  et  y  donne  mon 
adhésion  la  plus  entière,  la  plus  chaleureuse.  Je  connais 
depuis  longtemps  l'admirable  édifice  —  admirable  d'ail- 
leurs, surtout  par  les  peintures  de  la  voûte  qui  sont  sans 
supérieures  en  Europe  —  et  n'ai  jamais  goûté  le  couron- 
nement si  lourd  que  lui  a  imposé  César  Daly,  non  plus 
que  les  lanternons  dont  la  volonté  de  l'architecte  avait 
commencé  à  surcharger  les  contreforts.  Je  sais  bien  que 
l'exhaussement  de  la  ligne  supérieure  de  la  construction 
avait  pour  but  de  constituer  un  système  compliqué  d'écou- 
lement des  eaux  destiné  à  préserver  de  toutes  infiltrations 
la  précieuse  voûte.  Mais  la  masse  en  a  reçu  un  singulier 
caractère  de  lourdeur,  et  il  est  permis  de  penser  qu'on 
aurait  pu  combiner  autrement  les  choses  en  leur  conser 
vaut  leur  rôle  utile. 

Quant  aux  lanternons,il  est  impossible  de  les  défendre; 
la  beauté  de  cette  grande  niasse  de  briques  qu'est  Sainte- 
Cécile,  réside  précisément  dans  cette  structure  de  bloc 
terminé  par  une  puissante  ligne  horizontale  profilée  sur 
le  ciel.  Hérisser  celle-ci  de  ces  clochetons  malencontreux 
était  une  complète  erreur  de  goût  ;  comment  César  Daly 
ne  s'est-il  pas  rendu  compte  de  cette  vérité  bien  simple 
que  dans  les  monuments  du  Midi  dominent  les  lignes 
horizontales  et  romaines,  et  dans  ceux  du  Nord  les  lignes 
verticales? 

Mais  si  je  suis  de  l'avis  de  M.  J.  de  L.  au  sujet  de  l'er- 
reur commise  à  grands  frais  à  Sainte-Cécile,  j'en  suis 
encore  au  sujet  du  rôle  que  pourraient  remplir  utilement 
les  Sociétés  archéologiques    locales  quand  il  s'agit  de  la 


Chronique. 


177 


restauration  des  monuments  historiques. Oui,  ces  Sociétés 
«  sont  composées  d'hommes  indépendants  et  désintéres- 
«  ses  auxquels  l'amour  pour  leurs  églises  ou  leurs  hôtels, 
«  leurs  études  constantes  et  leur  familiarité  avec  les 
«moindres  détails  de  leurs  édifices  donnent  peut-être 
«  quelque  compétence.  Ils  ont  fait  l'éducation  de  leurs 
«  yeux  depuis  leur  naissance  avec  l'harmonie  entre  les 
«  formes  monumentales  et  leur  horizon,  entre  la  couleur 
«  des  matériaux  et  leur  ciel,  entre  les  assises  des  construc- 
«  tions  et  l'histoire  de  leur  ville  ou  de  leur  contrée.  Un 
«  étranger,  si  habile  qu'il  soit,  ne  saisit  pas  toujours  et 
«tout  de  suite  ces  concordances.  »  J'ai  cité  les  paroles 
mêmes  de  mon  confrère  en  collaboration  au  Journal  des 
Arts,  parce  qu'il  me  paraît  impossible  de  mieux  penser 
et  dire. 

Et  cela  m'amène  à  parler  du  rôle  de  la  Commission  qui 
conduit  de  Paris  le  troupeau  entier  des  Monuments  histo- 
riques français.  Je  ne  pense  pas  avoir  besoin  de  protester 
ici  de  mon  très  sincère  respect  pour  les  hommes  distin- 
gués, archéologues  et  architectes  à  la  fois,  qui  composent 
la  Commission,  créée  par  M.  de  Montalivet  en  1837,  non 
plus  que  de  ma  conviction  qu'elle  rend  les  plus  grands 
services,  qu'elle  exerce  une  autorité  aussi  indispensable 
qu'utile  ;  si  elle  n'existait  pas,  il  faudrait  l'inventer.  Mais 
n'a-t-elle  pas  pris  quelque  chose  de  cet  exclusivisme 
bureaucratique  et,  disons-le  franchement,  un  peu  trop 
autoritaire,  caractéristique  ordinaire  des  administrations 
qui  gouvernent  de  loin  et  en  toute  puissance  les  choses  de 
la  province  ?  Je  le  crois.  La  Commission  fait  souvent  trop 
bon  marché  des  vœux  de  ceux  qui,  après  tout,  sont  les 
payeurs,  elle  décourage  certains  donateurs  en  ne  tenant 
aucun  compte  de  leurs  désirs.  Sans  doute,  elle  a  le  strict 
devoir  de  résister  à  maintes  lubies  de  curés,de  sacristains 
et  de  paroissiens  plus  généreux  qu'éclairés,  mais  ne 
pousse-t-elle  pas  souvent  les  choses  trop  loin  ?  Je  le 
pense,  et  le  pensant,  je  le  dis  à  cette  libre  tribune  du 
Journal  des  A  ris. 

J'ajoute  que  les  architectes  delà  Commission  sont  trop 
portés  à  considérer  les  églises  comme  de  gigantesques 
bibelots  de  pierre  et  à  ne  tenir  qu'insuffisamment  compte 
des  conditions  les  plus  nécessaires  du  service.  Les  neuf 
dixièmes  des  Monuments  historiques  français  sont  des 
églises,  c'est-à-dire  des  édifices  d'usage,  et  il  est  de  la 
dernière  évidence  qu'il  y  a  un  accord  à  établir  entre  les 
droits  de  l'art  et  ceux  du  service  religieux.  Je  ne  voudrais 
pour  rien  au  monde  que  ces  édifices  qui  constituent  assu- 
rément la  plus  belle  parure  architecturale  de  la  France, 
fussent  livrés  sans  un  contrôle  sévère  au  bras  séculier  des 
fabriques,  mais  je  souhaiterais  que  la  Commission  des 
Monuments  historiques  vît  autre  chose  dans  ses  pupilles 
de  pierre  que  la  simple  beauté  géométrique.  Ce  sont  des 
êtres  vivants  d'une  vie  multiple,  abondante,  et  s'il  est  im- 
possible de  leur  rendre  cette  noblesse  des  vieux  souvenirs 
accumulés,  depuis  plus  d'un  siècle  abolie,  s'il  faut  les 
défendre  énergiquement  contre  le  mauvais  goût  et  l'abus 
de  ce  que  par  antiphrase,  sans  doute,  on  appelle  dans  le 
langage  du  commerce  spécial  «  des  ornements  d'église  », 
il  faut  travailler  à  les  rendre  accessibles,  d'usage  aisé,  et 
ne  jamais  oublier  que  toute  tutelle  est  établie  pour  l'avan- 
tage et  le  plus  grand  intérêt  des  mineurs. 

Actuellement,  dans  la  lutte  entre  le  clergé  et  les  archi- 
tectes,la  force  est  incontestablement  du  côté  des  seconds; 
je  voudrais  qu'il  n'y  eût  pas  lutte  du  tout,  mais  accord,  et 
avec  de  la  bonne  volonté  de  part  et  d'autre,  ce  serait  si 
facile  !  Eh  bien  !  les  archéologues  et  les  Sociétés  de  la 
province  pourraient,  le  plus  utilement  du  monde,  remplir 
le  rôle  de  modérateurs  et  d'arbitres,  à  coup  sûr  de  bons 
conseilleurs.  Et  c'est  pourquoi  j'adhère  pleinemeut  aux 
paroles  si  modérées  et  si  sages  de  M.  J.  de  L. 

André  ARNOULT. 


Restauration  de  l'église  Saint-  Wulfran  dAbbe- 
ville.  —  Nous  trouvons  dans  le  Journal  des  Arts 
sous  la  signature  Em.  D.,  une  correspondance 
intéressante  dont  nous  extrayons  les  détails  qui 
suivent  : 

Lorsqu'il  y  a  huit  ans  on  a  commencé  à  étudier 
sérieusement  l'état  des  tours  du  beau  monument 
abbevillois,  on  s'est  aperçu  qu'elles  menaçaient 
ruine  sur  divers  points,  surtout  celle  du  beffroi  au 
Nord;  l'architecte  du  gouvernement,  M.  Danjoy, 
dut  même  interdire  la  sonnerie  à  volée.  Aujour- 
d'hui, et  grâce  au  concours  de  la  Fabrique,  des 
habitants,  de  l'État,  du  Conseil  général  et  du 
Conseil  municipal,  la  consolidation  du  portail, 
des  tours  et  du  beffroi  est  un  fait  accompli,  au 
moins  dans  les  parties  les  plus  essentielles.  Le 
beau  portail  apparaît  rajeuni.  On  admire  ce 
merveilleux  ensemble,  ces  portes  admirablement 
sculptées,  ces  grands  saints  de  pierre,  qui  font 
saillie  sur  les  contreforts,  ces  profondes  voussures 
chargées  de  statues  et  d'ornements  délicats. 

Les  réparations  et  réfections  ont  eu  lieu  pres- 
que partout  sur  cette  façade.  La  galerie  centrale 
a  été  refaite  entièrement,  de  même  que  plusieurs 
balustrades  à  jours  des  autres  galeries  avec  leurs 
clochetons.  Enfin,  la  grande  baie  du  pignon  cen- 
tral avec  sa  rose  dont  les  morceaux  ne  tenaient 
que  par  miracle,  a  été  l'objet  d'un  travail  entière- 
ment neuf  exécuté  avec  soin;  il  en  est  de  même 
du  tympan  de  la  grande  porte. 

Si  l'on  pénètre  dans  l'intérieur  de  l'église  par 
les  portes  latérales,  on  admire  l'arc  triomphal  qui 
relie  les  tours  ;  sa  haute  balustrade  ouvragée, 
ses  fines  découpures  à  jours,  et  les  autres  orne- 
ments sculptés  qui  le  décorent  rappellent  la 
richesse  du  portail  ;  des  niches  pratiquées  à  droite 
et  à  gauche,  avec  socles  et  dais  ouvragés,  sont 
disposées  pour  recevoir  des  statues.  Enfin,  si  l'on 
s'avance  jusqu'au  sanctuaire,  apparaît  la  grande 
fenêtre  du  pignon  central  dont  la  rosace  garnie 
de  vitraux  peints,  dus  au  talent  de  M.  Didron, 
présente  un  véritable  bouquet  de  fleurs  irradian- 
tes; sous  peu,  le  tympan  de  la  grande  porte  sera 
également  garni  de  ses  vitraux. 

L'arc  triomphal,  travail  entièrement  nouveau, 
forme  l'un  des  points  essentiels  de  la  consolida- 
tion des  deux  tours,  principal  objectif  des  tra- 
vaux ;  sa  conception  fait  honneur  à  M.  l'architecte 
Danjoy. 

La  restauration  n'est  pas  entièrement  termi- 
née. Il  reste  à  consolider  le  premier  contrefort 
du  Nord,  à  refaire  les  meneaux  de  la  fenêtre  du 
même  côté,  à  reprendre  certaines  parties  dans  le 
mur  du  fond  de  la  tour  du  beffroi,  puis  à  restau- 
rer les  galeries  donnant  sur  l'avenue  du  Rivage. 
Enfin,  le  trumeau  central  de  la  grande  porte 
attend,  après  sa  réparation,   et   sur  un   socle  à 


i/8 


Brbue  De  l'&rt  chrétien. 


refaire,  cet  ecce  liomo  resté  légendaire,  qui  frappait 
les  regards  à  l'entrée  dans  le  lieu  saint  ;  on  a,  fort 
heureusement,  retrouvé  des  débris  de  cette  statue 
et  ils  pourront  aider  à  la  restituer  dans  le  style 
du  Père  Étemel  qui  se  détache  d'une  manière 
grandiose  au  centre  du  portail.  Ce  n'est  pas  tout 
encore.  Les  gros  piliers  d'entrée  du  chœur,  celui 
de  droite  surtout,  sont  à  reprendre  ;  le  buffet 
d'orgues  est  resté  en  souffrance  ;  les  voûtes  de  la 
nef  ne  sont  toujours  soutenues  que  par  des  étais 
de  fer  et  de  bois  du  plus  fâcheux  effet  et  qui 
ne  peuvent  être  enlevés  sans  des  travaux  im- 
portants ;  et  cependant  ces  travaux  s'imposent 
pour  rendre  à  la  vaste  nef  son  grand  caractère. 
Ayons  confiance  dans  les  administrateurs  de 
l'église  et  surtout  dans  son  digne  et  sympathique 
curé,  M.  l'archiprêtre  Caron,  dont  le  dévouement 
et  l'habileté  ont  été  à  la  hauteur  de  la  tâche. 

DES  restaurations  importantes  ont  été  faites 
récemment  au  portail  de  l'église  Saint- 
Jacques  de  Dieppe,  sous  la  direction  de  M.  Le- 
fort.architecte  départemental.  Ce  portail  gothique 
comportait  autrefois  une  statue  du  saint  patron 
de  l'église,  mais  cette  statue,  depuis  longtemps 
mutilée,  a  dû  être  remplacée.  M.  Eugène  Bénet, 
sculpteur  dieppois,  chargé  d'exécuter  la  nouvelle 
statue,  s'est  inspiré,  comme  il  convenait,  du  style 
de  l'époque,  et  a  reproduit  la  tête  de  l'ancien 
saint  Jacques,  conservée  au  musée  de  la  ville. 


On  lit  dans  le  Journal  des  Arts  : 

Le  vandalisme  à  Chaumont,  —  J'ai  signalé  dans  un  des 
derniers  numéros  du  Journal  des  Arts  une  étrange  déli- 
bération du  Conseil  municipal  de  Chaumont  (Haute- 
Marne)  relative  à  l'église  Saint-Jean-Baptiste,  et  approu- 
vant la  proposition  faite  par  le  conseil  de  fabrique  de 
vendre  les  tapisseries  de  l'église  pour  payer  les  dépenses 
occasionnées  par  la  construction  du  calorifère.  Ces  tapis- 
series et  broderies,  car  il  s'agit  également  d'anciens  orne- 
ments, sont  estimés  6.000  fr. 

Un  article  signé  H.  Cavaniol,  inséré  dans  Le  Petit 
Champenois  du  17  décembre,  et  en  tête  du  numéro,  ce 
qui  montre  l'importance  qu'y  attache,  à  bon  droit,  la 
rédaction,  revient  en  détail  sur  celte  affaire.  Il  paraît  que 
l'opinion  s'est  émue  à  Chaumont  de  la  dispersion  annon- 
cée des  pièces  données  par  Guillaume  Rose  en  1601,  et 
par  mademoiselle  de  Briocourt  en  1621.  Les  premières, 
en  huit  pièces,  donnaient  l'histoire  de  David  ;  la  seconde 
série,  de  quatorze,  continuait  la  première  en  y  ajoutant  le 
mariage  de  Jacob,  le  tout  de  haute  lisse,  et  comme  on 
voit  par  les  dates,  d'une  belle  époque.  Plusieurs  morceaux 
avaient  déjà  disparu,  et  à  une  époque  relativement  an- 
cienne ;  il  s'agit  maintenant  de  compléter  l'extermination. 

Il  faut  espérer  que  l'administration  supérieure  saura 
mettre  le  holà  et  que  la  fabrique  trouvera  autrement  les 
fonds  dont  elle  a  besoin. 

Quant  à  la  délibération  du  Conseil  municipal  relative  à 
des  tableaux  prétendus  indécents  qui  existeraient  dans 
l'église,  ce  dont  personne  ne  s'était   aperçu   depuis  deux 


siècles,  l'article  de  M.  Cavaniol  nous  apprend  qu'il  s'agit 
de  ceux  d'un  artiste  chaumontais  né  en  1689,  mort  en 
1762,  Lullier.  C'était  un  artiste  médiocre,  mais  qui  ne 
manquait  pas  de  goût,  et,  d'après  M.  Cavaniol,  il  lui 
manqua  surtout  de  sortir  deChaumont,  de  voir  le  monde 
et  d'étudier  sous  un  bon  maître.  Il  mérite  en  tout  cas 
une  place  dans  la  nomenclature  des  artistes  chaumontais 
parce  qu'avec  le  sculpteur  Jean- Baptiste  Bouchardon,  il 
fut  un  des  premiers  maîtres  d'un  des  plus  grands  artistes 
du  XVIIIe  siècle,  Edme  Bouchardon,  et  de  Laurent 
Gttiaid,  un  autre  chaumontais,  né  en  1723,  mort  en  1788, 
qui  fut  aussi,  toutefois  au  second  ou  troisième  rang,  un 
sculpteur  distingué.  Ces  deux  noms  appartiennent  à  l'his- 
toire générale  de  l'art,  mais  M.  Cavaniol  ajoute  que  Lul- 
lier fut  le  grand'  père  de  Dalle.  Qu'est-ce  que  Dalle?  Un 
peintre?  un  sculpteur?  Je  ne  sais  et  ai  cherché  en  vain 
ce  nom-là  dans  tous  les  répertoires,  notamment  dans 
l'excellent  et  si  complet  <<  Dictionnaire  »  de  Bellier  de  la 
Chavignerie,  continué  et  achevé  par  M.  L.  Auffray. 

Il  paraît  que  c'est  une  certaine  Décollation  de  saint 
Jean-Baptiste,  placée  dans  la  chapelle  Sainte-Anne,  qui 
a  été  honorée  tout  particulièrement  de  la  colère  munici- 
pale. Il  y  a  là  une  Hérodiade  décolletée  en  carré,  à 
laquelle  ni  le  clergé  ni  les  fidèles  n'ont  jamais  trouvé  rien 
de  repréhensible,  mais  qui  semble  le  comble  de  l'impu- 
deur à  certains  membres  du  Conseil.  J'avoue  ne  pas  con- 
naître le  tableau  qui  m'a  toujours  échappé  dans  les  visites 
que  j'ai  faites  à  la  très  intéressante  et  très  agréable  église 
Saint-Jean- Baptiste  de  Chaumont  ;  mais  j'ai  peine  à 
croire  qu'on  ait  mis  deux  siècles  à  s'apercevoir  de  sa 
prétendue  immoralité. 

Pour  ce  qui  est  d'une  atteinte  quelconque  portée  au 
corps  même  de  l'égliseje  crois  que  l'on  peut  être  tranquille 
à  Chaumont  sur  ce  point.  Saint-Jean-Baptiste  est  classé 
parmi  les  monuments  historiques,  il  n'y  peut  donc  être 
touché  que  par  les  mains  de  l'architecte  de  la  Commission 
et  avec  approbation  de  celle-ci.  Il  n'y  a  donc  qu'à  rire  et 
non  à  s'inquiéter  de  l'étonnante  délibération  chaumon- 
taise.  Reste,  il  est  vrai,  la  question  des  tapisseries,  mais 
je  me  refuse  à  croire  que  l'autorité  préfectorale,  dûment 
avertie,  autorise  un  tel  dépouillement. 

André  ArNOULT. 


Post-scriptum.  —  L'administration  des  Beaux-Arts 
s'était  émue  des  faits  signalés  dans  les  articles  Au  Journal 
des  Arts,  et  un  inspecteur  a  été  envoyé  pour  procéder  à 
une  enquête.  Il  a  été  reconnu,  que  les  tapisseries  à  vendre 
étaient  dans  le  plus  mauvais  état  et  qu'une  restauration 
coûteuse  s'imposait.  Or  la  fabrique  était  hors  d'état  de 
l'entreprendre,  d'ailleurs  une  réfection  si  complète  eût 
enlevé  à  cette  tenture  tout  caractère  archéologique  en  la 
transformant  en  décoration  d'intérieur  moderne.  Dans 
ces  conditions,  M.  l'inspecteur  a  jugé  que  l'aliénation  des 
tapisseries  présentait  peu  d'inconvénients  et  l'a  autorisée  ; 
mais  l'acquéreur  prétendu  avait  négligemment  demandé 
que  l'on  ajoutât  au  lot  comme  appoint  de  vieux  ornements 
en  étoffes  brochées  ;  M.  1  inspecteur  s'est  méfie  et  s'est  fait 
présenter  ces  tissus  jugés  inutiles.  Or  il  les  a  trouvés  fort 
beaux,  en  parfait  état  et  la  vente  n'en  a  pas  été  autorisée. 

Pour  ce  qui  est  de  la  délibéi  ation  par  laquelle  le  Conseil 
municipal  avait  signalé  et  voué  à  la  destruction  cei  tains 
détails  d'ornementation,  drolatiques  mais  nullement 
indécents,  de  l'église  Saint-Jean- Baptiste,  il  va  sans  dire 
qu'elle  n'a  et  n'aura  aucun  effet,  si  ce  n'est  de  vouer  au 
ridicule  ceux  qui  l'ont  provoquée  ou  s'y  sont  associés. 


A.  A. 


— K5I   ■■   1®*- 


Chronique. 


179 


PARMI  les  restaurations  en  cours  en  Belgique, 
notons  celle  de  Ste-Walburge  d'Audenarde, 
qui  va  être  dégagée  des  maisonnettes  qui  en- 
serrent l'abside.  M.  l'architecte  Langerock,  chargé 
de  cette  restauration,  vient  de  découvrir  le  pave- 
ment ancien  de  la  chapelle  Nord  du  chœur.  C'est 
un  damier  en  carreaux  de  terre  cuite  vernissés 
jaune  et  noir.  La  Commission  des  monuments  a 
décidé  que  ce  pavement  servirait  de  type  pour  le 
chœur  et  les  deux  chapelles  latérales. 

On  se  propose  aussi  de  reprendre  la  restaura- 
tion de  la  belle  église  de  Furnes  et  d'achever  le 
transept. 

Les  travaux  de  restauration  de  l'église  du 
Sablon  à  Bruxelles  marchent  avec  une  sage  len- 
teur. Cependant,  le  grand  portail  commence  à 
montrer  sa  riche  architecture  au-dessus  d'une 
forêt  de  madriers.  Il  aura  dorénavant  grand 
aspect  dans  sa  nouvelle  parure,  toute  garnie  de 
fleurons.  Sitôt  ce  portail  achevé  on  commencera 
les  travaux  de  restauration  rue  de  la  Régence, 
la  façade  Nord  étant  dans  un  état  de  délabre- 
ment absolu.  Restituée,  elle  fera  de  cet  édifice 
l'un  des  plus  intéressants  de  la  capitale. 

On  délibère  toujours  au  sujet  du  sort  de  la  très 
curieuse  petite  église  de  Wéris  (Luxembourg), 
qui  remonte  au  XIe  siècle.  Elle  mérite  une  restau- 
ration complète,  et  nous  espérons  que,  l'État 
aidant  (il  a  la  meilleure  volonté),  on  trouvera  les 
ressources  nécessaires. 

L'entrepreneur  prend  ses  dispositions  pour 
entamer  sous  peu  la  troisième  série  des  travaux 
de  restauration  extérieure  de  l'intéressante  église 
Saint-Pierre  de  Louvain,  sous  la  direction  de  l'ar- 
chitecte Langerock.  L'année  prochaine,  il  s'agira 
de  restaurer  les  chapelles  latérales  du  chœur  et  le 
transept  ;  on  pourrait  en  profiter  pour  dégager  ce 
bel  édifice  et  démolir  les  vieilles  bicoques,  dont 
il  est  flanqué  vers  la  place  de  l'hôtel-de-ville.  Les 
travaux  du  premier  exercice  de  ce  dernier  édifice 
sont  des  plus  réussis. 

Des  travaux  de  restauration  viennent  d'être 
exécutés  à  l'église  de  Brecht  (Campine)  ainsi  que 
des  peintures  décoratives.  On  a  restauré  et  décoré 
l'intéressant  berceau  lambrissé  du  XVe  siècle 
posé  sur  toutes  les  parties  de  cette  jolie  église, 
dont  le  chœur  porte  le  millésime  de  i486.  — 
Des  travaux  analogues  ont  lieu  à  l'église  monu- 
mentale de  Saint-Léonard,  qui  conserve  une  jolie 
couronne  de  lumière  pédiculaire  de  la  fin  de 
l'époque  gothique. 

On  poursuit  les  travaux  de  l'église  de  Nieu- 
port,  où  ont  été  trouvées  des  fresques  reproduites 
dans  notre  dernière  livraison  ;  on  prépare  ceux 
que  réclame  l'église  de  Ste-Walburge  à  Bruges, 
dont  la  constiuction  remonte  au  XVIIe  siècle. 
On   débadigeonne   la  crypte   romane  de    Saint- 


Hermes  à  Renaix  et  l'on  déchausse  les  colonnes 
en  abaissant  le  sol. 

La  restauration  extérieure  de  l'hôtel  Gruut- 
huuse  à  Bruges  étant  terminée  par  les  soins 
de  M.  Delacenserie,  on  songe  à  l'ameublement. 
L'aile  gauche  est  déjà  occupée  depuis  quelques 
années  par  la  riche  collection  de  dentelles  an- 
ciennes due  à  la  générosité  de  M.  le  baron 
Liedts  et  de  sa  noble  épouse.  Le  baron  Gilles  de 
Pélichy  offre  de  son  côté,  de  confier  à  la  Ville, 
pour  une  période  de  vingt  années,  les  intéres- 
sants produits  des  fouilles  qu'il  a  fait  exécuter 
dans  un  cimetière  gallo-romain  découvert  dans 
une  de  ses  propriétés.  Ces  objets  seraient  dépo- 
sés également  au  palais  Gruuthuuse.  Enfin,  la 
Société  archéologique,  qui  se  sent  à  l'étroit  dans 
les  galeries  Est  du  Beffroi,  sollicite  quelques 
salles  du  palais  Gruuthuuse  pour  y  installer  ses 
collections  les  plus  précieuses.  Avec  l'appoint 
de  quelques  tableaux  et  gravures  de  maîtres 
anciens,  l'ameublement  de  l'édifice  se  trouvera 
ainsi  assuré. 

La  restauration  des  anciennes  Halles  de 
Malines,  ce  magnifique  bâtiment  gothique  du 
XIIIe  siècle,  qui  jusqu'ici  avait  été  laissé  dans  le 
plus  grand  état  de  délabrement,  faute  d'argent, 
est  enfin  décidée.  Le  Gouvernement  vient,  en 
effet,  de  proposer  à  la  ville  l'achat  de  cet  immense 
bâtiment  pour  y  ériger  un  nouveau  bureau  de 
poste  central,  que  les  Malinois  réclament  depuis 
de  longues  années.  Le  coût  des  travaux  de  répa- 
ration à  effectuer  sera  de  un  million  de  francs. 

ffitisique  religieuse. 

A  Solesmes.  —  Un  critique  musical  réputé, 
M.  Bellaigue,  ayant  eu  la  bonne  fortune  de  passer 
quelques  jours  à  Solesmes,  rapporte  en  ces  termes 
dans  la  Revue  des  deux  Mondes  l'impression  qu'il 
a  ressentie  des  beautés  de  l'art  grégorien. 

«  Cet  art  grégorien,  si  sobre,  si  faible  en  appa- 
rence, et  qui  n'est  qu'une  ligne  de  sons,  je  l'ai  vu 
mêlé  à  l'acte  le  plus  grave  comme  aux  pratiques 
journalières  de  la  vie  monastique.  Et  cette  vie 
tout  entière,  en  ce  qu'elle  a  de  plus  sublime  ou 
de  plus  simple,  —  je  dirais  de  plus  ordinaire,  si 
rien  était  ordinaire  ici,  —  le  plain-chant  seul  est 
capable  et  digne  de  l'accompagner  et  de  la 
représenter  à  la  fois,  d'en  être  le  témoin  et  l'inter- 
prète, le  signe  sensible  et  comme  l'âme  sonore. 
S'il  est  vrai,  suivant  une  parole  ancienne,  que 
le  but  et  la  nature  même  ou  l'essence  de  l'art  est 
une  convenance,  il  n'y  a  pas  d'art  qui  l'emporte 
sur  le  plain-chant  tel  qu'il  est  compris  et  pra- 
tiqué à  Solesmes.  Une  pensée  unique  et  supé- 
rieure est  exprimée  là  dans  sa  forme  la  mieux 
appropriée  et  la   plus   adéquate  à  cette   pensée 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  2,Ile  LIVRAISON'. 


i8o 


&ebue  lie  r&rr  chrétien* 


même.  Ce  n'est  pas  tout  :  au-dessus  de  cette  con- 
venance première,  d'autres,  qui  sont  plus  hautes 
et  plus  larges,  ne  tardent  point  à  se  découvrir. 
On  s'aperçoit  bientôt  que  cet  art  est  plus  que 
tout  autre  imprégné,  saturé  de  vérité,  qu'il  est 
totalement  étranger  au  mensonge,  ou  seulement 
à  la  fiction  et  aux  apparences  vaines. 

Enfin, —  et  pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de 
quelques  jours  vécus  parmi  ces  hommes,  —  il  est 
impossible  de  rêver  pour  un  art  qui  n'est  que 
piété,  sainteté,  des  interprètes  plus  proches  et 
plus  dignes  de  lui  ;  pour  un  plus  pur  idéal,  de 
plus  purs  serviteurs.  A  propos  du  plain-chant  la 
question  de  l'art  et  de  la  morale  ne  peut  même 
pas  se  poser.  Ainsi  nous  voyons  se  fermer  le 
cercle  harmonieux  des  convenances  suprêmes. 
Ainsi,  par  une  rencontre  peut-être  unique,  le  vrai, 
le  beau  et  le  bien  se  rejoignent  ici,  et  leur  trinité 
sublime,  absente  de  tant  de  chefs-d'œuvre,  je 
parle  même  des  plus  grands,  apparaît  réalisée 
et  vivante  dans  la  chapelle  où  prient  en  chantant 
d'humbles  moines  à  genoux. 

On  rapporte  que  Beethoven  disait  :  «  Je  suis 
plus  près  de  Dieu  que  les  autres  hommes.  »  A  de 
certaines  heures,  quelques  moines,  chantant  une 
simple  mélodie  grégorienne,  m'ont  paru  plus 
près  de  Dieu  que  Beethoven  lui-même.  J'ai  senti 
que  leur  art  est  tout  entier  divin,  que,  venu  de 
Dieu  seul,  c'est  à  Dieu  seul  qu'il  retourne,  que 
pour  objet  et  pour  auteur  il  n'a  que  Dieu.  Il  ne 
se  complaît  pas  en  soi-même  et  ne  s'y  rapporte 
pas.  Il  ne  s'égare  jamais  parce  que  jamais  il  ne 
s'éloigne.  Il  a  pour  devise  le  mot  de  Kundry, 
l'héroïne  du  drame  mystique  et  monastique  de 
Wagner  :  «  Dieneu,  servir.  » 

Il  ne  sert  que  le  vrai  et  le  bien.  «  La  vie  est 
plus  que  la  nourriture,  et  le  corps  plus  que  le 
vêtement.  »  La  doctrine  de  l'art  pour  l'art  n'a 
que  trop  méconnu,  dans  le  domaine  de  l'esthé- 
tique, cette  hiérarchie  nécessaire.  A  Solesmes, 
tout  la  rétablit  et  la  consacre  ;  tout  rappelle  que 
le  fond  prime  la  forme,  et  la  pensée  l'expression 
ou  le  signe  :  qu'en  dehors,  surtout  à  rencontre 
du  vrai  et  du  bien,  il  ne  saurait  exister  de  beauté 
parfaite,  et  que  si  l'art  est  admirable  lorsqu'il 
s'impose,  il  peut  être  plus  sublime  encore  quand 
il  s'efface.  »  ,Ct   ,   1Q1 

A  Maredsous.  —  La  fête  de  saint  Benoît  et 
une  sextuple  profession  monastique  avaient  at- 
tiré à  Maredsous  le  21  mars,  malgré  le  temps 
très  refroidi,  une  foule  considérable  venue  pour 
vénérer  le  saint  Patriarche  des  moines  d'Occi- 
dent, et  assister  aux  offices  pontificaux  célébrés 
par  Mgr  l'abbé  Primat,  rentré  de  Rome  l'avant- 
veille.  Les  Pères  Bénédictins  voulurent  profiter 
de  la  circonstance  pour  inaugurer  les  nouvelles 
orgues  de  leur  église  abbatiale. 


Les  orgues  sont  installées  au  côté  de  l'Évan- 
gile, derrière  les  stalles.  Les  claviers  à  la  hauteur 
et  au  rang  des  prie-Dieu  du  chœur  :  l'organiste, 
qui  est  un  religieux,  demeure  parmi  ses  con- 
frères. Par  suite  de  cette  disposition  spéciale 
et  pour  respecter  les  lignes  architecturales  du 
chœur,  le  facteur  d'orgues,  M.  Georges  Cloetens, 
de  Bruxelles,  s'est  vu  forcé  de  réaliser  des  tours 
d'adresse,  en  logeant  tout  le  mécanisme  et  les 
tuyaux  de  son  instrument  dans  un  double  buffet 
qui  ne  dépasse  pas  la  hauteur  des  stalles.  Les 
orgues,  du  système  mécanique,  le  seul  en  qui  le 
facteur  ait  pleine  confiance,  mais  qui  lui  coûte  un 
travail  considérable,  comptent  31  jeux  complets, 
trois  claviers  de  56  notes  chacun  et  des  pédales 
séparées  de  30  notes.  Les  claviers  sont  d'une 
surprenante  légèreté  vu  leur  distance  tout-à-fait 
extraordinaire  des  sommiers,  dont  quelques-uns 
sont  reliés  à  la  console  par  un  mécanisme  long 
de  18  mètres. 

L'inauguration,  présidée  par  Mgr  l'abbé  de 
Maredsous,  primat  de  l'Ordre  bénédictin,  en  fit 
valoir  les  qualités. 

Le  salut  qui  suivit,  montra  l'orgue  sous  les 
doigts  de  son  excellent  organiste  D.  Anselme, 
dans  sa  véritable  fonction,  faisant  résonner  avec 
les  accents  grandioses  du  Te  Deiuu  la  louange 
divine.  Il  doit  l'accompagner  désormais  tous  les 
jours  dans  cette  belle  église  abbatiale  dont  il  est 
à  présent  la  grande  voix  vibrante  chantant  à 
l'unisson  du  chœur  des  moines,  la  gloire  de  Dieu 
et  de  son  serviteur  saint  Benoît. 


Douuellcs. 

Société'  de  Saint-Jean.  —  Nous  avons  ie  plaisir 
d'annoncer  la  nomination  de  M.  l'abbé  A. 
Bouillet,  au  titre  de  Président  de  la  Société  de 
Saint-Jean.  Nos  lecteurs  connaissent  l'auteur  des 
intéressantes  monographies  des  anciennes  églises 
de  Paris  et  le  distingué  collaborateur  des  Notes 
d'Art. 

Les  clochers  de  Chartres. —  Dans  notre  dernière 
livraison  nous  avons  fait  connaître  le  résultat  des 
études  de  M.  l'abbé  Clerval  et  de  M.  Marignan 
sur  l'âge  du  portail  royal  de  Chartres  (').  M.  C. 
Métais  a  publié, depuis,  dans  la  Semaine  religieuse 
de  Chartres  les  lignes  qui  suivent  au  sujet  d'une 
étude  de  M.  Lanore,  que  nous  nous  proposons 
de  publier  sous  peu  : 

«  M.  Maurice  Lanore,  dans  la  thèse  (')  qu'il  doit  dé- 
fendre à  TÉcoledes  Chartes,  expose  un  système  nouveau, 

1.  Année  1899,  p.  80. 

2.  Les  premières  Cathédrales  de  Chartres,  (2-U94,  par  Maurice 
Lanore,  licencié  es  lettres)  Chalon-sur-Saône,  1899. 


Cijrontque. 


181 


intermédiaire  entre  l'ancienne  tradition  et  les  conclusions 
de  M.  Marignan.  II  s'appuie  d'ailleurs  sur  une  assertion 
également  neuve  relative  à  la  construction  des  clochers. 
Le  porche  daterait  bien  de  1 1 45  à  11 50,  comme  l'affir- 
ment tous  nos  auteurs,  mais  il  aurait  été  construit  non 
pas  à  l'angle  intérieur,  mais  immédiatement  à  sa  place 
actuelle  en  même  temps  que  les  étages  inférieurs  du  clo- 
cher vieux.  Voici  d'ailleurs  l'énoncé  de  la  thèse  pour 
cette  partie  : 

La  cathédrale  au  XIIe  siècle  (1134-1194).  Incendie  de 
1 134  ;  les  clochers  seuls  sont  atteints,  la  façade  de  Fulbert 
subsiste. 

«  Théorie  nouvelle  sur  la  reconstruction  après  1 134.  Le 
clocher  neuf  est  antérieur  au  clocher  vieux  ;  preuves  ti- 
rées de  la  comparaison  des  profils,  des  chapiteaux,  des 
systèmes  de  voûte  (coupole  du  premier  étage  du  clo- 
cher neuf)  ;  preuve  tirée  de  l'emplacement  initial  des  deux 
clochers  :  le  clocher  neuf  a  été  construit  tout  à  fait  isolé 
en  avant  de  la  façade  (disposition  des  fenêtres),  le  clocher 
vieux  a  toujours  été  tangent  à  la  façade. 

i  Chronologie  de  la  reconstruction  après  1134,  d'après 
cette  théorie  :  construction  du  clocher  neuf  seulement  de 
1134  a  1 1 45  ;  ferveur  religieuse  vers  1145,  le  Chapitre  en 
profite  pour  développer  l'église  édifiée  par  Fulbert  ;  de 
1 143  à  1 150,  démolition  de  la  façade  de  Fulbert,  agran- 
dissement de  l'église  et  de  la  crypte  d'une  travée  ;  con- 
struction des  étages  inférieurs  du  clocher  vieux  et  d'une 
façade  nouvelle  au  ras  des  clochers  (cette  façade  nouvelle 
est  la  façade  actuelle)  ;  de  1 150  à  1194,  achèvement  du 
clocher  vieux,  percement  de  la  porte  Sud  de  la  crypte  et 
élargissement  de  ses  fenêtres.  > 

M.  Emile  Maie,  ancien  élève  de  l'Ecole  nor- 
male supérieure,  a  soutenu  les  deux  thèses  sui- 
vantes, pour  le  doctorat,  devant  la  Faculté  des 
Lettres  de  Paris,  en  Sorbonne  : 

Thèse  latine  :  Quomodo  Sibyllas  rece?itiores  artifices 
reprœsentaverint  ; 

Thèse  française  :  l'Art  religieux  du  treizième  siècle  en 
France.  Etude  sur  l'iconographie  du  moyen  âge  et  sur  ses 
sources  d'inspiration.  Nous  en  rendrons  prochainement 
compte. 

LA  petite  ville  de  Chauvigny  (Vienne)  pos- 
sède un  ensemble  d'édifices  féodaux  d'un 
grand  intérêt  au  point  de  vue  des  constructions 
militaires  d'autrefois  :  ce  sont  quatre  châteaux  et 
donjons  en  ruine  qui  occupent  un  espace  considé- 
rable au  sommet  d'une  montagne  dominant  un 
large  paysage.  La  Nouvelle  Revue  ayant  avancé 
que  l'État  était  sur  le  point  de  vendre  cet  en- 
semble de  vieilles  constructions  historiques,  les 
journaux  de  la  Vienne  ont  protesté  contre  ce 
projet,  s'il  a  jamais  existé,  en  rappelant  que, 
d'abord,  ces  monuments  sont  classés  et  ensuite 
qu'ils  ont  été  confiés  à  la  garde  de  la  Société  des 
antiquaires  de  l'Ouest  qui  ne  les  laisserait  pas 
disparaître  sans  en  appeler  à  la  fois  au  Gouver- 
nement et  à  l'opinion  publique. 


ON  va  inaugurer,  dans  la  capitale  de  la  Bo- 
hême, un  Musée  municipal  dont  les  collec- 
tions sont  très  importantes  au  point  de  vue  de 
l'histoire  et  des  métiers  nationaux.  On  y  compte 


des  plafonds,  des  vitraux,  des  retables,  des  ou- 
vrages de  sculpture  en  pierre,  en  bois,  en  bronze, 
des  grilles  en  fer,  des  objets  religieux, chandeliers, 
calices,  un  encensoir  précieux  du  XIIIe  siècle, 
etc.  Une  pièce  des  plus  intéressantes  en  ce  genre 
est  un  font  de  baptême  en  étain,  travail  bohé- 
mien du  XVIe  siècle,  à  forme  de  cloche  renversée 
et  aux  trois  pieds  minces,  type  dont  les  églises 
de  la  Bohême  et,  notamment,  la  Theinkirche,  à 
Prague,  possèdent  de  nombreux  spécimens.  La 
direction  de  ces  collections  a  été  confiée  à  M. 
B.  Jelinek  et  à  M.  F.  H.  Harlas. 

Le  bâtiment  du  nouveau  Musée  municipal, 
dont  l'architecte  est  M.  Balsanek,  remplace  la 
petite  maison  qui  renfermait  naguère  le  musée 
de  la  ville  de  Prague.  Quant  à  l'initiative  et  à  la 
conduite  de  cette  entreprise,  on  les  doit  à  l'énergie 
d'un  amateur  érudit  et  distingué,  M.  I.-V.  Novak. 

Dr  Th.  V.  Fr.  (Chronique  des  arts.) 


NOUS  relevons  dans  les  Procès-verbaux  de 
l'Académie  des  Inscriptions  de  Belles 
Lettres,  une  communication  que  notre  collabo- 
rateur M.  de  Mély  a  faite  dernièrement  à  la 
Compagnie.  Comme  elle  est  de  nature  à  intéres- 
ser les  archéologues  et  qu'elle  éclaircit  plusieurs 
questions  absolument  ignorées,  nous  croyons 
devoir  la  reproduire  in  extenso. 

Paris,  4  janvier  1899. 

Monsieur  le  Président, 

J'ai  l'honneur  de  signaler  à  l'Académie  un  document 
historique  d'une  grande  importance.  Bien  qu'il  ait  été 
imprimé,  il  ne  semble  pas  qu'on  se  soit  aperçu  des  rensei- 
gnements, vainement  cherchés  ailleurs,  qu'il  renfermait  ; 
si  donc  je  me  permets  d'en  indiquer  aujourd'hui  sommai- 
rement l'intérêt,  c'est  que  les  questions  très  complexes 
qu'il  touche  dépendent  d'études  très  particulières  et  qu'il 
me  paraît  utile  d'appeler  l'attention  des  spécialistes  sur 
les  points  divers  qu'il  vient  éclairer. 

Il  s'agit  de  la  pancarte  du  cierge  pascal  de  la  Sainte- 
Chapelle,  en  1327.  Morand  l'a  reproduite  dans  son  His- 
toire de  la  Sainte-Chapelle;  il  l'avait  copiée  dans  le  registre 
Qui  es  in  cuclis  de  la  Chambre  des  Comptes,  de  l'année 
1327. 

J'avais  tenté  de  consulter  ce  registre  sans  y  parvenir  ; 
l'inépuisable  complaisance  de  M.  Léopold  Delisle  me  l'a 
fait  retrouver  à  la  Bibliothèque  nationale. 

Après  avoir  mentionné  les  dates  générales,  inscrites  sur 
chaque  cierge  pascal,  le  tableau  porte  une  série  d'anni- 
versaires spéciaux  à  la  chapelle  du  Palais.  Deux,  jusqu'ici, 
sont  absolument  inconnus  des  historiens. 

Tout  naturellement  figurent  au  premier  rang  les  trois 
apports  à  Paris  des  grandes  reliques  de  Constantinople  : 
celui  de  la  sainte  Couronne,  1 1-19  août  1239;  celui  de  la 
grande  Croix,  30  septembre  1241;  quant  au  troisième, 
M.  Miler,  qui  s'en  était  occupé  particulièrement,  ne  savait 
vraiment  à  quelle  époque  le  fixer  après  1241.  Le  compte 
Riant  s'était  avancé  jusqu'en  1246,  mais,  faute  de  docu- 
ments, il  n'osa  continuer.  Le  cierge  pascal  donne  la  date 
de  1248. 


182 


HkcWt  De  rstrt  cbrctttn. 


Si  nous  reprenons  le  calendrier  des  reliques  de  Con- 
stantinople,  dressé  par  le  comte  Riant,  nous  trouvons  en 
effet  trois  anniversaires  :  n  août,  susception  de  la  sainte 
Couronne;  30  septembre,  arrivée  de  la  grande  Croix  ;  il 
reste  à  la  date  des  24-25  mars,  l'pstension  du  linteum,  et 
précisément  aussi,  des  reliques  qui  composaient  le  troi- 
sième apport;  peut-être,  dès  lors,  pourrait-on  supposer 
que  c'est  le  24-25  mars  1248,  qu'il  arrive  à  Paris,  bien  que 
remis  aux  Frères  Mineurs,  à  Constantinopie,  peu  après 
1241,  par  Baudouin  lui-même  qui,  de  retour  en  France, 
abandonnait  à  saint  Louis,  en  juin  1247,  toutes  les  reliques 
qu'il  lui  avait  engagées. 

La  date  suivante  se  rapporte  à  la  dédicace  de  la  Sainte- 
Chapelle  :  1240.  Nous  avons  bien  lieu  d'être  surpris,  car 
la  dédicace,  nous  le  savons,  eut  lieu  le  26  avril  1248.  Ce 
n'est  donc  certainement  pas  de  celle-là  qu'il  s'agit.  Il  est 
ici  question  de  la  pose  de  la  première  pierre  de  la  cha- 
pelle qui  va  s'élever  sur  l'emplacement  de  la  chapelle  de 
Saint- Nicolas  du  Palais,  où  fut  déposée,  le  19  août  1239, 
la  sainte  Couronne,  chapelle  dédiée  à  la  précieuse  relique. 
Ce  qui  confirme  d'ailleurs  cette  supposition,  c'est  que 
Morand,  se  demandant  ce  qu'avait  bien  pu  devenir  la 
sainte  Couronne  pendant  les  travaux  de  construction  de 
la  Sainte-Chapelle,  n'a  pas  vu  dans  les  comptes  de  saint 
Louis  que,  le  3  octobre  1329,  le  trésorier  du  Roi  avait 
payé  <i  à  Renerius  Testa  cocta,  lxx  s.  pour  fourniture  des 
cierges  qui  brûlèrent  autour  de  la  sainte  Couronne  pen- 
dant qu'on  la  portait  à  Saint-Denis.  »  Les  dates  coïncident 
donc  bien.:  la  sainte  Couronne  quitte  la  chapelle  de  Saint- 
Nicolas  le  3  octobre  1239;  pendant  l'hiver  1239- 1240,  on 
démolit  la  chapelle,  et  l'année  1240  voit  commencer  les 
travaux  de  la  nouvelle  chapelle,  la  Sainte- Chapelle  dédiée 
à  la  sainte  Couronne. 

Voici  la  mention  de  la  translation  du  chef  de  saint 
Louis  :  1306.  Ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard,  en  1392, 
que  Charles  VI  dépose  à  la  Sainte-Chapelle  les  autres 
reliques  royales.  Mais  cet  apport  tardif  nous  engage  alors 
à  étudier  de  très  près  le  passage  de  la  Sicilia  sacra,  qui 
mentionne  le  don  par  le  roi  de  France,  à  Monreale,  d'une 
épine  de  la  sainte  Couionne,  lors  d'une  translation  d'osse- 
ments de  saint  Louis,  vers  l'année  137S. 

La  date  de  la  naissance  de  Charles  VI  le  Bel  n'est  pas 
absolument  certaine.  La  pancarte  va  nous  permettre  de  la 
fixer  d'assez  près,  et  de  confirmer  ainsi  ce  qui  n'était  que 
supposition.  Le  roi  meurt  en  1328,1e  Ier  février,  âgé  de 
S3  ans,  ce  qui  nous  donne  1295.  La  pancarte  nous  apprend 
qu'à  Pâques  1327,  il  a  32  ans,  ce  qui  nous  donne  encore 
1295  :  et  en  plus,  nous  déduisons  naturellement  qu'il 
prend  ses  années  de  janvier  à  Pâques.  La  date  de  sa 
mort,  Ier  février,  resserre  alors  les  limites  ;  il  naît  donc  en 
janvier  1295,  ce  <T"  d'ailleurs  se  trouve  corroboré  par  la 
naissance,  en  1294,  de  son  frère,  Philippe  V  le  Long,  son 
prédécesseur. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  Président,  l'expression  de 
mes  sentiments  de  haute  considération. 

F.  DK  MÉLY. 

<ires  du  Louvre.  —  M.  E.  Molinier  donne 
dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts  des  renseigne- 
ments intéressants  sur  la  nouvelle  acquisition  du 
Louvre  en  fait  d'ivoires  anciens.  Signalons  un 
oliphant  du  Xe  siècle,  d'origine  orientale,  comme 
la  plupart  de  ces  trompes  médiévales  ;  puis  une 
plaque  de  coffret  en  os  sculpte,  provenant  d'E- 
gypte, avec  figure  de  Vierge  (moyen' âge)  ;  une 
plaque  carolingienne,  avec  la  crucifixion;  d'autres 
du  même  genre,  un  manche  de  flabellum  oriental, 


enfin  et  surtout  une  boîte  arabe  provenant  d'Es- 
pagne, du  XIe  siècle,  qui  est  d'une  importance 
de  premier  ordre.  Une  inscription  coufique  in- 
voque la  bénédiction  divine  sur  AbderRaman  III, 
qui  vivait  en  967. 

—i®i  -  )©<— 

L'Exposition  Bume-Jones  à  la  New  Gallery.  —  Cette 
exposition  a  été  une  des  principales  attractions  de  la 
saison  d'hiver  pour  les  amateurs  d'art  à  Londres.  La 
remarquable  collection  qui  s'y  trouve  réunie  comprend  à 
peu  près  tous  les  tableaux  de  Burne-Jones  qui  existent  en 
Angleterre,  au  nombre  de  cent  quarante,  ainsi  qu'une 
grande  quantité  d'études  et  de  dessins  et  quelques  admi- 
rables tapisseries  et  tentures  eNécutées  d'après  les  cartons 
du  maître  pour  la  résidence  de  M.  d'Arcy,  à  Stanmore. 
Ces  dernières  sont  tendues  dans  la  salle  d'entrée  et  lui 
donnent  un  lustre  somptueux.  Le  mérite  de  cette  expo- 
sition, au  point  de  vue  artistique,  est  sa  triomphante  vertu 
décorative. 

Toute  la  série  des  œuvres  de  1  artiste  est  ici  réunie, 
depuis  la  première  époque,  où  il  fut  gagné  à  l'enthousiasme 
de  Rossetti,  jusqu'à  V Arthur  à  i'iic  cPAvaton  inachevé, 
morceau  de  grande  .allure,  dans  lequel  Burne-Jones  a 
voulu  mettre  la  plus  haute  entreprise  de  son  art  ;  on  s'ac- 
corde à  croire  qu'il  va  être  acheté  aux  héritiers  pour  être 
placé  au  Musée  Tate,  le  musée  d'art  anglais  moderne. 
C'est  à  coup  sûr,  dit  le  correspondant  de  la  Chronique 
des  Arts,  un  échantillon  typique  de  l'art  de  Burne-Jones, 
et  ses  dimensions  insolites  sont  de  nature  à  faire  reculer 
les  collectionneurs  privés. 

H.C. 


X>ccotit)ertes. 

Melle  de  Crussol  d'Uzès, propriétaire  du  château 
de  Sancerre  (Cher),  dirige  depuis  quelques  mois 
d'importantes  fouilles  archéologiques  sur  rempla- 
cement de  l'ancienne  église  de  Saint-Romble, 
située  au  versant  de  la  colline  de  Sancerre.  Ces 
fouilles,  poursuivies  avec  méthode,  ont  fourni 
déjà  des  résultats  intéressants.  On  a  découvert 
dernièrement  les  bases  d'un  édifice  du  onzième 
siècle,  sous  le  chœur  duquel  était  une  crypte  qui 
renferma  la  tombe  de  l'ermite  Romulus. 


ON  écrit  de  Vienne,  le  31  janvier  : 
M.  Genin,  propriétaire  au  lieu  dit  de  Saint- 
Jean,  situé  sur  la  commune  de  Saint-Romain-en- 
Gall  (Rhône),  en  faisant  des  fouilles  dans  un 
champ,  a  mis  à  découvert  deux  sarcophages  en 
pierre  qui  remontent  à  l'époque  gallo-romaine. 

OX  lit  dans  Le  Pays  poitevin  :  «  La  fabrique 
de  la  paroisse  de  Châteauneuf  (Vendée) 
met  en  vente  la  cloche  de  son  église,  objet  du 
XVe  siècle,  d'une  certaine  valeur.  C'est  là  un  pro- 
jet dont  l'exécution  constituera  un  de  ces  actes 
de  vandalisme  trop  communs  dans  nos  églises. 
Nous  protestons  energiquement.  » 


Chronique. 


183 


EN  ouvrant  une  tranchée  rue  de  Lille,  devant 
l'hôtel  de  Pomereu,  les  ouvriers  ont  mis 
au  jour  une  énorme  pierre  dans  laquelle  était 
encastré  un  coffre  de  chêne.  C'est  la  première 
pierre  de  l'ancienne  Cour  des  comptes,  qu'on 
avait  vainement  cherchée  lors  de  la  démolition 
du  monument. 

Le  coffre  renfermait  deux  plaques  en  métal 
sur  lesquelles  sont  gravés  le  procès-verbal  de  la 
cérémonie  de  pose  de  la  première  pierre  et  les 
noms  des  hauts  fonctionnaires  présents,  avec  la 
date  de  1810. 

-K5i   ■  iffli 

On  vient  de  mettre  au  jour,  au  cimetière  de 
Notre-Dame,  à  Bruges,  deux  tombeaux  en  ma- 
çonnerie paraissant  dater  du  milieu  du  XIVe 
siècle,  selon  M.  le  chan.  Van  der  Gheyn  qui  a 
fait  de  ces  tombeaux  polychromes  une  étude 
spéciale  et  ornés  de  peintures  —  sans  huile  — 
très  remarquables  ;  elles  représentent  :  en  tête, 
un  Christ  en  croix  avec  un  candélabre  de  chaque 
côté  ;  et,  chose  insolite,  sur  les  pavots  latérales, 
une  sainte  Vierge  et  un  saint  Jean. 

On  attache  une  grande  importance  à  ces  pein- 
tures, dont  une,  le  saint  Jean,  décèle  un  cachet 
particulièrement  artistique. 

La  paroi  de  chevet  d'un  des  tombeaux  a  pu 
être  transportée  au  musée  archéologique  ;  l'autre 
est  tombé  en  ruines. 

— KSn  ■■  î©<— 

DES  ouvriers  occupés  à  ouvrir  une  tranchée 
Place  Verte  à  Liège,  ont  mis  au  jour  quel- 
ques vestiges  de  l'ancienne  cathédrale  Saint-Lam- 


bert.saccagée  et  détruite.à  la  fin  du  siècle  dernier, 
par  les  révolutionnaires.  D'après  M.  l'architecte 
Fernand  Lohest,  ce  sont  des  vestiges  d'une 
grande  importance. 

Il  y  a  une  tête  de  Vierge  que  l'on  doit  attribuer, 
d'après  le  style,  à  la  bonne  sculpture  du  XIIIe  s.; 
une  tête  d'enfant,  vraisemblablement  de  la  même 
époque,  puis  deux  têtes  de  saints  malheureuse- 
ment assez  détériorées,  et  un  reste  d'arcature 
remontant  au  XIVe  siècle. 

Tout  cela  a  été  trouvé  à  proximité  de  l'empla- 
cement qu'occupait  la  façade  de  Saint-Lambert 
avec  ses  deux  tours  et  son  portail.  Il  est  possible 
que  la  Vierge  portant  l'Enfant  JÉSUS  dont  on 
vient  de  retrouver  les  restes,  occupa  le  tympan 
d'un  des  portails. 

Ces  têtes  étaient  polychromées,  car  elles  sont 
encore  partiellement  couvertes  de  l'enduit  que 
l'on  appliquait  au  moyen  âge  avant  la  poly- 
chromie ;  et  cela  n'a  rien  d'étonnant,  on  sait  que 
les  portails  à  Saint-Lambeit  furent  richement 
polychromes  et  dorés. 

La  tour  la  plus  haute  de  St-Lambert,  1 30  mètres 
à  peu  près,  avait  sa  flèche  entièrement  recouverte 
de  lamelles,  en  plomb  et  dorée  de  la  corniche  à 
la  croix,  elle  brillait  de  toutes  parts,  comme  dit 
Philippe  de  Hurges  dans  la  relation  d'un  voyage 
à  Liège,  accompli  au  commencement  du  XVIIe 
siècle. 

Ajoutons  que  tous  ces  objets  ont  été  mis  à  l'abri 
au  musée  de  l'Institut  archéologique,  grâce  à  la 
vigilance  et  à  l'activité  de  son  président  M.  De 
Puydt,  chef  du  contentieux  de  la  ville  de  Liège. 


ERRATA 


— K£i— 


Page  42,  2e  col,  4e  ligne,  au  lieu  de:  1885,  lisez:    1865. 

»     47,  ajoutez  au  titre  de  la  gravure  :  Église  del  Carminé  à  Brescia,  premières  années  du 
XVIe  siècle.  (Phot.  Capitani  à  Brescia.) 

»     49,  titre  de  la  gravure  Noli  vie  tangere,  au  lieu  de  :  XIe  siècle,  lisez:  XVIe  siècle. 


— 0- 


Imprimé  pai  Desclée,  De  Brouwer  et  O,  Bruges. 


ffiffift^a^ifcfa 


Belme  "De 


l'Hrt  cijrétten 


paraissant  tons  les  bcur  nroijS. 

<§< 

42me  Hnnée.  —  5e  Série. 
(Come  X  (xlviii»  be  ïa  coïïecttoiO.   4 
3me  livraison.  —  ffiai  (899.  4]'~ 


Ic'acljèbement  ie  la  tour  De  JSi>Rombaut  à  fflaltnes. 


^ÇgE  voyageur  qui,  partant 
T  d'Anvers,  a  pris  le  train 
pour  se  rendre  à  Bru- 
xelles, voit,  longtemps 
avant  d'arriver  en  gare 
de  Malines,  la  lourde  et 
imposante  masse  d'une 
construction  carrée  qui  s'élève  au-dessus  de 
la  ville,  et  semble  au  loin  dominer  les  plaines 
fertiles  du  Brabant.  Ce  gigantesque  tron- 
çon c'est  la  tour  inachevée  de  l'église  mé- 
tropolitaine de  Malines. 

La  cathédrale  elle-même,  commencée 
vers  la  fin  du  XI  Ie  siècle,  était  achevée  en 
131 2.  Mais  elle  fut  ravagée  par  un  incendie 
en  1 34 1 ,  puis  rebâtie  dans  la  seconde  moitié 
du  XIVe  siècle,  et  ce  travail  fut  continué 
dans  la  première  partie  du  siècle  suivant, 
grâce  aux  offrandes  des  pèlerins  qui  ve- 
naient vénérer  les  reliques  de  saint  Rom- 
baut.  La  construction  de  la  tour  fut  com- 
mencée en  1452,  sur  les  plans  grandioses  de 
Jean  Keldermans,  mais  les  travaux  conti- 
nués pendant  plus  d'un  siècle,  ont  été  aban- 


donnés en  1583.  A  cette  époque  néfaste,  les 
pierres,  amenées  à  pied  d'œuvre  pour  com- 
mencer la  construction  de  la  flèche  ajourée 
qui  devait  former  le  magnifique  couronne- 
ment du  clocher,  furent  emportées  en  Hol- 
lande par  le  prince  d'Orange  pour  servir  à 
bâtir  la  ville  de  Wilhelmstadt.  La  construc- 
tion actuelle,  qui  s'élève  à  la  hauteur  de  97 
mètres,  30  cent,  devrait,  avec  la  flèche, 
atteindre  l'élévation  de  160  mètres. 

Il  y  a  donc  plus  de  trois  siècles  que  le 
travail  a  été  interrompu  et  que  la  tour  attend 
son  achèvement.  L'œuvre  de  Keldermans 
est  là,  debout,  et  semble  faire  appel  aux 
générations  indifférentes  qui  passent,  avec 
la  confiance  qu'un  jour  des  hommes  de  foi 
et  de  générosité  viendront  achever  ce  que 
des  hommes  de  foi  ont  commencé.  Cepen- 
dant le  pays  et  la  cité  jouissent  d'une  grande 
prospérité;  on  travaille  autour  de  la  cathé- 
drale, on  cherche  à  l'orner  à  l'intérieur,  et 
l'on  restaure  même  la  tour  inachevée  dont 
le  temps  a  déjà  rongé  les  détails  trop  fleuris 
du  décor  en  pierre.  De  temps  à  autres,  dans 


REVUE    DE   L'ART   CHRÉTIEN. 
1899.    —  3me    LIVRAISON. 


i86 


Bebuc  tie  l'art  chrétien. 


les  Congrès  et  dans  les  Sociétés  archéolo- 
giques, une  voix  s'élève  pour  rappeler  que 
ce  clocher  majestueux  a  été  érigé  pour  ser- 
vir de  base  à  une  flèche,  que  ce  complément 
est  un  travail  nécessaire  au  point  de  vue  de 
l'art,  digne  d'un  peuple  religieux  et  libre, 
digne  d'une  époque  qui  a  conscience  de  la 
valeur  des  monuments  du  passé.  On  applau- 
dit dans  les  Congrès  et  les  Cénacles  archéo- 
logiques, puis  le  silence  se  fait,  et  le  majes- 
tueux tronçon,  du  haut  de  ses  dernières 
assises,  continue  à  attendre  les  hommes  qui 
viendront  élever  vers  le  ciel  la  flèche  pro- 
jetée par  le  premier  maître  de  l'œuvre. 

On  s'est  demandé  quelquefois  d'où  venait 
cette  apathie.  Ce  sera  l'une  des  gloires  de 
notre  siècle  d'avoir  repris  et  achevé  quel- 
ques-uns des  monuments  les  plus  grandioses 
que  le  moyen  âge  avait  conçus  et  com- 
mencés. Notre  génération  a  vu  terminer  des 
travaux  plus  considérables  que  la  tour  St- 
Rombaut,  et  qui  réclamaient  un  plus  grand 
effort.  Nous  avons  vu  reprendre  et  achever 
la  cathédrale  de  Cologne  avec  son  vaisseau 
immense  et  ses  deux  flèches,  œuvre  vrai- 
ment grandiose  celle-là.  Nous  avons  vu 
s'achever  la  tour  majestueuse  de  la  protes- 
tante cathédrale  d'Ulm,  l'une  des  plus 
élevées  du  monde.  Florence  a  su  édifier  la 
remarquable  façade  de  son  dôme,  demeurée 
tant  de  siècles  à  l'état  de  projet  et  à  l'aspect 
de  ruine.  N'est-ce  pas  le  cas  de  dire  avec 
l'apôtre  :  ce  que  ceux-ci  et  ceux-là  ont  fait, 
pourquoi  ne  le  ferions-nous  pas?  pourquoi 
ce  que  les  populations  allemandes  et  les 
citoyens  de  Florence  ont  osé  commencer  et 
mènera  bonne  fin,  ne  pourrait-il  être  entre- 
pris par  la  riche  et  catholique  Belgique? 

Il  y  a  deux  ans,  dans  la  réunion  du  IIIe 
Congrès  de  la  Fédération  historique  et 
archéologique,  qui  avait  précisément  lieu  à 
Malines,  on  a  de  nouveau  agité  la  question 
de  savoir  si  l'on  pourrait  achever  la  tour  de 


Saint-Rombaut,  d'après  le  plan  publié  en 
1844  par  Renier  Chalon. 

La  question  a  donné  lieu  à  d'intéressants 
débats.  MM.  le  chanoine  Van  Caster,  l'ar- 
chitecte Hubert,  MM.  Van  Boxmer,  Kern- 
peneer  et  d'autres  membres  du  Congrès, 
prirent  part  à  la  discussion.  On  a  constaté 
d'abord  que  la  publication  par  Renier  Cha- 
lon, du  plan  original,  document  important, 
n'avait  pas  produit  grande  sensation,  — fait 
qui  s'explique  aisément.  En  le  faisant  con- 
naître au  public,  Chalon  avait  commis  une 
erreur  qui  ôtait  bonne  partie  de  l'intérêt  qui 
s'attache  à  ce  document.  L'ayant  trouvé  à 
Mons,  et  ne  s'étant  pas  donné  le  temps  de 
faire  du  plan  une  étude  suffisante,  il  le  pré- 
senta comme  le  plan  de  la  tour  de  Sainte- 
Waudru  à  Mons,  construction  de  même 
style  et  de  la  même  époque  que  la  tour  de 
St-Rombaut.  Or,  cette  tour,  dans  sa  partie 
existante,  offrait  des  différences  notables 
avec  le  dessin  sur  parchemin  retrouvé. 
Celui-ci  ne  présentait  donc  que  l'intérêt  d'un 
document  dénué  de  toute  utilité  pratique. 

Il  en  eût  été  tout  autrement  si  ce  plan, 
dessiné  sur  six  feuilles  de  parchemin  et 
formant  un  rouleau  de  3  m.  46,  eût  été 
donné  pour  ce  qu'il  est  en  réalité,  —  le 
patron  de  la  tour  la  plus  considérable  du 
pays  restée  inachevée,  et  qui,  s'il  s'agissait 
de  terminer  l'œuvre  commencée,  aurait  au 
point  de  vue  pratique,  une  importance  supé- 
rieure à  sa  valeur  archéologique. 

La  méprise  de  Chalon  est  au  surplus 
d'autant  plus  étonnante  qu'il  était  facile 
d'identifier  le  plan  retrouvé  à  Mons  avec  la 
tour  commencée  par  Keldermans,  d'autant 
que  Hollar  avait  gravé  celle-ci  en  1649.  Si 
la  gravure  est  défectueuse  en  ce  qui  con- 
cerne le  style  des  détails,  —  comme  le  sont 
tous  les  dessins  de  cette  époque  où  les 
artistes  avaient  perdu  l'intelligence  des 
monuments  de   style  ogival,  —  l'ensemble 


Ha  tour  îie  £>M&ombaut  à  Câlines. 


187 


de  la  disposition  et  la  place  de  tous  les  dé- 
tails est  identique  à  l'ensemble  et  aux  détails 
du  plan  publié  par  Chalon  ('). 

La  discussion  du  Congrès  eut  plutôt  une 
portée  archéologique.  On  se  mit  d'accord 
pour  reconnaître  que  ce  plan  était  bien  celui 
de  la  tour  de  St-Rombaut,  et  nullement 
celui  de  la  tour  de  Ste-Waudru  de  Mons  ; 
cependant  la  question  de  l'achèvement  de 
la  tour  fut  également  examinée,  et  on  dif- 
féra d'avis  sur  cette  autre  question  de  savoir 
si  le  plan  gravé  par  Hollar,  ou  bien  celui 
publié  par  Chalon,  devait  être  suivi  dans 
l'éventualité  de  l'achèvement  de  la  tour. 
Un  membre  du  Congrès,  M.  Van  Boxmer, 
assura  «qu'il  y  avait  moyen  de  terminer  la 
tour,  et  que  les  parties  déjà  construites 
peuvent  supporter  la  surcharge  à  leur  don- 
ner pour  monter  l'édifice  à  la  hauteur  de 
160  mètres.  » 

Cependant  la  controverse  aboutit  à  un 
vote  formulé  en  ces  termes  :  «  Le  Congrès, 
sous  l'impression  de  ses  sentiments  patrio- 
tiques et  archéologiques,  émet  le  vœu  de 
voir  achever  la  tour  de  Saint- Rombaut  (2).  » 

En  présence  de  la  grandeur  de  l'œuvre 
et  de  l'importance  du  but  à  atteindre,  il  y 
avait  peut-être  quelque  chose  de  plus  à 
faire.  Il  eût  été  bon,  tout  au  moins,  d'indi- 
quer les  premiers  moyens  à  employer  pour 
donner  une  impulsion  aux  esprits  favorables 
à  ce  travail.  Comme  l'a  dit  un  jour  un 
orateur,  «  il  appartient  aux  convaincus 
d'entraîner  les  hésitants  ».  Il  y  avait  lieu  de 
préparer  l'organisation  d'un  Comité  d'action. 
Il  y  a  plus  de  quarante  ans,  un  vœu  sem- 
blable a  été  émis  par  une  voix  éloquente, 
non  sans  un  certain  retentissement,  dans  un 
autre  Congrès  qui  siégeait  dans  la  même 
ville.  L'émission  périodique  du  même  vœu 

1.  Ce  plan  est  conservé  aujourd'hui  à  la  bibliothèque 
royale  de  Bruxelles. 

2.  Compte  rendu  du  Congrès  arch êologique  de  Mnlines, 
1897,  p.  241. 


ne  saurait,  hélas  !  ajouter  une  assise  de  plus 
à  la  tour  incomplète. 


Tour  de  Saint  Rombaut,  d'après  la  gravure  de  Jos.  Hunik  (i). 

Il  vient  un  moment  où  l'émission  des 
vœux  ne  suffit  plus. 

Cependant  la  controverse  dont  nous 
venons  de  rendre   compte  aboutit  à  un  ré- 

1.  La  Revue  a  déjà  donné  une  reproduction  de  cette 
gravure  dans  de  plus  grandes  proportions.  Y.  année  1S97, 
PI.  XIII. 


i88 


Betntc  lie  l'&rt  cbrcttem 


sultat  dont  il  y  a  lieu  de  s'applaudir.  Le 
président  du  Congrès,  M.  le  chanoine  Van 
Caster,  a  voulu  soumettre  à  un  examen 
approfondi  le  plan  retrouvé  à  Mons,  et  il 
en  a  fait  l'objet  d'une  publication  qui  vient 
de  paraître  sous  le  titre:  Le  vrai  plan  de 
la  tour  de  Saint-Rombaut  à  Matines  ('). 

L'auteur  soumet  à  une  nouvelle  étude 
tous  les  plans  et  toutes  les  reproductions 
de  la  tour  de  Saint-Rombaut,  en  examinant 
avec  un  soin  particulier  le  plan  gravé  par 
Wenceslas  Hollar,  celui  de  Hunin  (gravé 
en  1812),  les  gravures  sur  bois  fort  incom- 
plètes d'un  auteur  inconnu,  datées  de  1734, 
et  enfin  les  gravuresexécutées  pour  l'ouvrage 
intitulé  Les  Délices  des  Pays-Bas.  Enfin, 
il  se  livre  à  une  étude  comparative  des 
plans  de  la  flèche  de  Saint-Rombaut,  et  des 
flèches  de  même  style  contemporaines  : 
la  flèche  de  Notre-Dame  d'Anvers.attribuée 
aux  architectes  Rombaut  Keldermans  et 
Dominique  Waghemakere  ;  celle  de  Zierick- 
zee,  construite  sur  un  dessin  attribué  à  An- 
toine Keldermans  le  vieux.  Enfin  les  con- 
clusions très  précises  sont  en  faveur  du  plan 
publié  par  Chalon,  qui,  aux  yeux  de  l'auteur, 
est  une  copie  faite  en  1  550  du  plan  original. 

Ce  dessin  aurait  été  fait  pour  répondre  au 
désir  des  chanoinesses  de  Sainte- Waudru 
de  Mons,  afin  de  servir  en  quelque  façon 
de  source  d'inspiration  et  d'étude  au  maître 
chargé  d'ériger  la  tour  de  leur  collégiale. 

M.  le  chanoine  Van  Caster,  en  analysant 
le  plan,  en  met  les  différentes  parties  en 
regard  de  photographies  reproduisant  les 
détails  déjà  exécutés  de  la  tour  de  Malines, 
et  tout  lecteur  de  bonne  foi  devra  se  rendre 
à  cette  démonstration.  Le  dessin  retrouvé  à 
Mons  ne  peut  être  qu'une  copie  fidèle  du 
plan  suivi   pour  la  construction  de  la   tour 

!.  Malines,  Imprimerie  ),.  et  A.  Godenne,  éditeurs, 
MDCCCIC,  avec  une  préface  de  Paul  Saintenoy,  grand 
in-S  ,  XIV  et  98  pp.  orné  d'un  grand  nombre  de  gravures 
dans  le  texte  et  de  6  doubles  planches  hors  texte. 


de  Malines.  C'est  là  un  point  désormais 
acquis,  et  s'il  s'agit  d'achever  cette  tour  en 
la  couronmnt  par  la  flèche  qui  lui  manque; 
on  possède  un  document  précis  qui  permet 
de  continuer  l'œuvre  conformément  au 
dessin  du  maître  qui  en  a  conçu  le  majes- 
tueux ensemble. 

Cette  constatation  a  son  importance;  mais 
plus  d'un  lecteur  de  l'étude  de  M.  Van 
Caster  se  demandera  si  le  moment  n'est  pas 
venu  de  faire  sortir  la  question  de  l'achève- 
ment de  la  tour  de  Saint-Rombaut  du  do- 
maine des  vœux,  des  hypothèses  et  des 
aspirations... 

Tout  le  monde  sera  d'accord  avec  l'au- 
teur de  la  savante  étude  que  nous  venons 
d'analyser,  pour  conclure  avec  lui  que  pour 
l'achèvement  du  clocher  de  Malines,  il  faut 
suivre  le  dessin  authentique  retrouvé  à 
Mons.  «  Cet  achèvement,  disait  M.  l'archi- 
tecte Hubert,  serait  une  œuvre  nationale.  » 

Je  pense  comme  lui  que  «  pour  aucune 
œuvre  de  cette  nature,  l'appui  des  pouvoirs 
publics  ne  pourrait  être  aussi  bien  justifié.  » 

C'est  fort  bien,  mais  s'il  est  permis  d'es- 
pérer et  même  d'attendre  cet  «  appui  )),  il 
n'entre  guère  dans  les  habitudes,  ni  même 
dans  les  attributions  des  pouvoirs  publics, 
de  prendre  l'initiative  en  pareille  matière. 
Le  gouvernement,  qu'en  Belgique  on  in- 
voque comme  une  sorte  de  providence,  un 
dieu-Etat,  serait  en  droit  de  répondre  avec 
le  proverbe  «Aide-toi,  et  Dieu  t'aidera!» 
Sans  doute  l'imposant  travail  qu'il  s'agit 
d'entreprendre  devra  devenir  une  œuvre 
nationale,  mais  avant  cela  il  faut  qu'elle  soit 
une  œuvre  régionale,  et  avant  tout,  œuvre 
urbaine. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  flèche  s'élèvera 
par  un  décret  communal  de  la  ville  de  Ma- 
lines ;  mais  l'impulsion  première  doit  venir 
de  l'ancienne  cité  qui  sera  la  première  à 
profiter    de    l'œuvre    achevée,    à     profiter 


3La  tour  ht.  â>MRombaut  à  0Dalfnes. 


189 


même  du  travail   nécessaire  pour  atteindre 
ce  but. 

J'ai  eu  l'honneur,  en  1887,  à  l'occasion 
d'une  séance  de  la  Gilde  de  St-Thomas  et 
de  St-Luc,  à  l'hôtel-de-ville  de  Malines,  à 
laquelle  assistait  le  premier  magistrat  de  la 


ville,  le  vicomte  de  Kerckhove,  de  rappeler 
le  vœu  émis  par  le  Congrès  catholique  de 
1864,  en  faveur  de  l'achèvement  de  la  tour 
de  la  cathédrale  de  Malines,  vœu  unanime- 
ment acclamé  alors,  sur  la  proposition  de 
mon  défunt  ami,  Auguste   Reichensperger. 


Partie  du  côté  oriental  comprenant  deux  étages  de  la  tour  de  Saint-Rombaut. 


Dans  les  conversations  que  j'eus  plus  tard 
à  ce  sujet,  avec  le  vaillant  lutteur  catho- 
lique, et  même  dans  ses  lettres,  il  aimait  à  y 
revenir  avec  une  insistance  qui  témoignait, 
non  seulement  de  l'intérêt  qu'il  prenait  à 
cette  œuvre,  mais  de  sa  conviction  abso- 
lue qu'elle  était  réalisable. 


Et  personne  plus  que  lui  n'avait  autorité 
pour  exprimer  une  opinion  basée  sur  l'ex- 
périence :  jeune  encore,  il  avait  été  membre 
du  Comité  d'hommes  dévoués  et  généreux 
qui  ont  entrepris  l'achèvement  de  la  cathé- 
drale de  Cologne  ;  pendant  de  longues  an- 
nées il   a  été  le  secrétaire,  c'est-à-dire,   la 


iço 


débite  lie  r^rt  chrétien. 


cheville  ouvrière  de  ce  Comité.  Grâce  à  ses 
efforts  persistants,  il  setait  établi  des  sous- 
comités  du  Dombauverein,  non  seulement 
en  Prusse  et  sur  les  bords  du  Rhin,  non 
seulement  dans  tous  les  pays  de  langue  al- 
lemande, mais  partout  à  l'étranger  où  se 
trouvaient  assez  de  nationaux  pour  s'im- 
poser un  sacrifice  à  l'œuvre  nationale  ;  il 
s'en  était  formé  jusque  dans  les  États- 
Unis  d'Amérique.  A  Cologne  on  ne  pouvait 
entrer  dans  le  plus  modeste  cabaret,  sans 
voir,  bien  en  évidence,  le  tronc  qui  solli- 
citait une  aumône  en  faveur  de  l'achèvement 
de  la  cathédrale.  Ainsi  le  concours  de  tous 
était  continuellement  demandé  ;  les  dons 
du  roi  de  Prusse  et  du  roi  de  Bavière  furent 
particulièrement  généreux  ;  on  organisa  des 
fêtes  musicales  et  des  tombolas  très  consi- 
dérables où  bon  nombre  de  lots  se  compo- 
saient de  tableaux  de  maîtres  modernes 
achetés  aux  peintres  avec  des  réductions 
que  ceux-ci  acceptaient  volontiers,  en  fa- 
veur de  l'œuvre.  Tout  ce  mouvement  était 
dirigé  par  le  Comité  local  qui  avait  pris  l'ini- 
tiative de  l'œuvre.  Pour  entretenir  les  es- 
prits dans  la  ferveur  initiale,  il  avait  fondé 
un  excellent  organe  périodique  Das  Dom- 
ô/all,  dont  les  articles  bien  rédigés  passaient 
souvent  dans  les  colonnes  des  grands  jour- 
naux acquis  à  la  cause.  De  la  sorte  l'intérêt 
du  public  pour  la  poursuite  de  l'œuvre  était 


toujours  tenu  en  éveil.  Aussi  ce  fut  une 
grande  fête  et  une  grande  joie,  le  jour  où 
l'on  vit  descendre  du  tronçon  de  tour  le 
plus  avancé,  la  vieille  grue  qui,  depuis  le 
quinzième  siècle,  n'avait  plus  monté  de 
pierre  et  n'était  plus  d'aucun  usage  !  Avec 
quel  enthousiasme  on  la  vit  remplacer  par 
des  engins  modernes  dont  l'activité  ne  cessa 
que  le  jour  où  le  fleuron  terminal  fut  établi 
au  haut  de  la  flèche  !  En  même  temps  la 
seconde  tour,  dont  à  peine  quelques  assises 
étaient  sorties  de  terre,  s'élevait  graduelle- 
ment lorsque  les  grands  travaux  des  tran- 
septs de  la  nef  centrale  étaient  terminés. 
Mais  jamais,  au  cours  de  plus  d'un  demi- 
siècle  ne  se  ralentit  l'entrain  des  popula- 
tions et  le  dévouement  des  membres  du 
Comité  qui  dirigeaient  l'œuvre. 

Heureuses  les  populations  capables  d'un 
effort  aussi  soutenu  pour  une  œuvre  vrai- 
ment digne  de  faire  vibrer  la  fibre  natio- 
nale !  Elles  peuvent  un  jour  contempler 
avec  fierté  le  monument  qui  redira  aux  gé- 
nérations futures  la  devise  nationale:  «  l'U- 
nion fait  la  force  ».  Enfin,  elles  trouvent 
dans  leur  propre  énergie  le  ressort  néces- 
saire pour  reprendre  aux  jours  de  prospé- 
rité les  œuvres  interrompues  pendant  les 
siècles  moins  favorisés. 

Jules  Helbig. 


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WW^WWW^WWW^^WW^f; 


NOS  lecteurs  se  rappellent  sans  aucun  doute 
le  travail  publié  par  M.  Gerspach  dans 
notre  Revue  (*)  sur  le  nettoyage  des  anciennes 
fresques.  Cette  étude,  d'une  utilité  si  pratique, 
a  été  très  remarquée  et  le  Gouvernement  belge 
en  a  fait  la  base  des  mesures  qu'il  recommande 
pour  les  soins  à  donner  aux  peintures  murales 
que  l'on  découvre  dans  les  églises  et  les  monu- 
ments publics. 

Nous  avons  prié  M.  Gerspach  de  compléter 
son  premier  travail,  en  nous  faisant  connaître  les 
procédés  actuellement  en  usage  en  Italie  pour 
déplacer  les  fresques  et  les  peintures  murales  en 
général,  opération  pratiquée  assez  fréquemment 
et  avec  succès  dans  ces  derniers  temps. 

Notre  collaborateur  a  bien  voulu  répondre  au 
désir  qui  lui  était  exprimé,  par  la  notice  détaillée 
et  précise  que   nous   donnons  aujourd'hui. 

J.  H. 

A  question  n'est  pas  ex- 
clusivement italienne  ; 
la  fresque  que  Michel- 
Ange  appelait  lapittura 
degli  uomini,  est,  après 
un  long  abandon,  rentrée 
partout  en  faveur.  Dans 
diverses  contrées  de  l'Europe,  en  Belgique 
notamment,  on  se  préoccupe,  non  seulement 
des  soins  à  donner  à  ces  vieilles  peintures, 
mais  de  l'éventualité  de  leur  déplacement. 
Une  fresque  en  effet  est  sujette  à  être 
déplacée  pour  de  nombreux  motifs  :  démo- 
lition de  l'édifice,  état  malsain  de  la  mu- 
raille, changements  dans  l'affectation  de 
l'immeuble,  désir  de  mettre  la  peinture  en 
meilleure  lumière,  et  même  spéculation. 

Le  déplacement  est  une  opération  com- 
plexe qui  excite  la  curiosité  ;  c'est  à  satis- 
faire cette  curiosité  que  je  vais  m'appliquer 


i.  Année  îî 


p.  209. 


et  non  —  on  le  verra  bien  du  reste  —  à 
rédiger  un  manuel  à  l'usage  de  ceux  qui 
pourraient  être  chargés  de  semblables 
travaux. 

Il  existe  sur  le  sujet  plusieurs  publica- 
tions ;  j'ai  pris  connaissance  de  celles  qui 
ont  paru  en  Italie  et  en  France  ;  aucune, 
même  la  plus  récente,  n'est  complète  et  ne 
pourrait  servir  de  guide  ;  en  se  bornant 
à  ces  écrits,  on  resterait  en  retard  de  plus 
d'un  quart  de  siècle. 

Voici  par  exemple  le  dernier  ouvrage 
paru  ('). 

L'auteur,  il  est  vrai,  ne  consacre  qu'un 
seul  chapitre  à  l'enlèvement  et  au  nettoyage 
des  fresques,  et  il  a  soin  de  prévenir  que  le 
chapitre  n'est  inclus  dans  son  traité  qu'à 
titre  purement  documentaire. 

Mais, encore  même  à  titre  documentaire, 
il  aurait  dû  être  mieux  renseigné.  Il  ne  dit 
mot  du  procédé  d'application  sur  réseau 
métallique  qui  a  servi  aux  fresques  de  Bot- 
ticelli  et  de  Fra  Angelico,  au  Musée  du 
Louvre  depuis  18  ans.  Dans  ses  explications 
sur  le  report  sur  toile,  il  ne  signale  pas  le 
danger  de  l'opération,  lorsque  la  fresque  — 
ce  qui  arrive  souvent  cependant  —  n'est  pas 
entièrement  à  buon  fresco. 

Pour  débarrasser  les  fresques  du  badigeon 
qui  les  recouvre,  l'auteur  indique,  entre 
autres  procédés,  l'application  de  bandes  de 
toiles  enduites  de  substances  résineuses  ; 
et  ajoute  qu'ainsi  «  on  parvient  à  mettre 
entièrement  au  jour  l'œuvre  jusqu'alors 
cachée  sans  lui  faire  subir  la  moindre  alté- 
ration. » 

Ce  n'est  pas  pour  le  vain  plaisir  de  criti- 
quer que  je  relève  ce  passage,  mais  bien 

1.  Ch.  Dalbon,  Traité  technique  et  raisonné  de  la  Res- 
tauration des  tableaux'.  Paris,  1898. 


192 


3Reliuc  tic  rsirr  rijvcrtcn. 


parce  que  le  procédé,  au  lieu  de  nettoyer  la 
peinture,  est  de  nature  à  ruiner  la  fresque. 

L'enquête  que  je  poursuis  en  Italie  depuis 
plusieurs  années  sur  le  déplacement  et  le 
nettoyage  des  fresques,  n'a  pas  été  sans 
difficultés  ;  j'ai  eu  cependant  la  bonne  for- 
tune d'assister  à  quelques  opérations  et  de 
recueillir  les  enseignements  de  plusieurs 
artistes  et  praticiens  d'une  compétence  pra- 
tique reconnue. 

Je  résume  aujourd'hui  le  résultat  de  mes 
lectures  en  ce  qui  concerne  quelques  faits 
historiques,  et  de  mes  observations  person- 
nelles ainsi  que  des  notes  prises  auprès  de 
personnes  qualifiées,  pour  ce  qui  touche  à 
la  technique. 

I 

AVANT  tout  il  convient  d'expliquer 
non  seulement  comment  se  fait  une 
fresque,  mais  encore  dans  quel  état  elle 
peut  se  trouver  au  moment  où  va  se  mettre 
à  l'ouvrage  l'opérateur  chargé  de  la  dé- 
placer. 

Lorsqu'il  est  décidé  qu'un  mur  sera  peint 
à  fresque  et  que  le  peintre  a  arrêté  sa 
composition,  le  maçon  pose  sur  le  mur  une 
première  crépissure  de  chaux  et  de  sable  ; 
cette  couverture  est  nécessaire,  que  le  mur 
soit  en  marbre,  en  briques,  en  pierres  ou  en 
matières  mélangées  ;  au  Campo  Santo  de 
Pise,  par  exemple,  le  revêtement  extérieur 
est  en  marbre,  à  l'intérieur  il  est  doublé 
d'un  appareil  en  briques. 

Sur  cette  crépissure  le  peintre  reporte  sa 
composition  au  trait  ;  lorsqu'il  est  prêt  à 
peindre,  le  maçon  rustique  la  crépissure, 
et  à  raison  d'un  mètre  carré  environ  par 
jour,  il  la  recouvre  d'un  enduit  frais  ;  s'il 
fait  chaud  il  faudra  dans  la  journée  mouiller 
l'enduit,  dont  la  composition  a  varié  selon 
les  époques  et  les  localités  ;  elle  peut  être 
de  chaux  et  de  pouzzolane,  de  chaux  et  de 


poudre  de  marbre,  avec  ou  sans  mélange 
de  sable  plus  ou  moins  fin,  etc.,  etc. 

L'épaisseur  de  l'enduit  varie,  selon  les 
circonstances,  de  deux  à  trois  millimètres  à 
plusieurs  centimètres. 

Le  peintre  ne  délaye  pas  dans  l'eau  tou- 
tes ses  couleurs  d'une  façon  identique  ;  dans 
une  même  fresque,  on  peut  remarquer  des 
couleurs  tellement  fluides  que  l'enduit  se 
voit  à  travers  la  pellicule,  alors  qu'à  côté 
d'autres  couleurs,  à  cause  de  leur  épaisseur, 
cachent  complètement  l'enduit. 

A  Venise  et  en  Lombardie  les  couleurs 
sont  plus  pâteuses  qu'en  Toscane. 

Le  peintre  ne  réussit  pas  toujours  à 
mener  à  bonne  fin  son  entreprise  avec  le 
seul  moyen  du  buon  fresco,  c'est-à-dire  avec 
des  couleurs  à  l'eau  posées  sur  enduit  frais; 
alors  il  termine,  sur  l'enduit  sec,  a  tempera, 
c'est-à-dire  avec  des  couleurs  préparées  à 
l'œuf,  à  la  colle  ou  avec  d'autres  matières 
agglutinatives.  Dans  certains  cas,  la  tem- 
pera est  une  nécessité,  parce  que  quelques 
couleurs  ne  s'obtiennent  pas  autrement, 
tels  le  bleu  d'outremer,  le  vert  vif,  le  rouge 
cinabre. 

Au  mois  de  décembre  dernier,  j'ai  suivi 
de  près  à  l'église  Santa  Croce  de  Florence 
la  remise  au  jour  de  fresques  peintes  au 
XIVe  siècle  par  Taddeo  Gaddi  et  non  re- 
touchées ;  j'ai  facilement  reconnu  la  tem- 
pera dans  un  des  rouges,  un  des  bleus,  un 
noir  et  un  vert.  L'expérience  est  facile,  il 
suffit  de  frotter  légèrement  avec  le  doigt 
mouillé  ;  la  tempera  déteint,  le  buon  fresco 
ne  bouge  pas. 

On  a  remarqué  aussi  des  colorations  qui 
ne  sont  ni  à  buon  fresco  ni  à  tempera. 

Je  sais  pertinemment,  par  le  peintre 
même  qui  l'a  constaté,  qu'au  Vatican,  dans 
la  chambre  de  la  Scg/iatura,  il  y  a  des  sub- 
stances   colorantes   d'une   nature   indéfinie 


3Le  Déplacement  Des  fresques. 


193 


dans  quelques-uns  des  médaillons,  vraisem- 
blablement retouchés,  qui  symbolisent  la 
Jjtstice,  la  Poésie,  la  Théologie  et  la  Science. 
Ces  substances  sont  dans  les  obscurs  ;  il  a 
semblé  au  peintre  que  les  couleurs  avaient 
été  mélangées  avec  une  poussière  de  char- 
bon de  bois  provenant  sans  doute  des 
scaldini,  petits  réchauds  que  les  peintres 
tiennent  à  côté  d'eux  pour  se  chauffer  les 
mains. 

On  sent  que  même  en  présence  d'une 
fresque  restée  per  fortuna  à  peu  près  dans 
son  état  primitif,  l'opération  doit  compter 
avec  la  qualité  des  matériaux  du  mur  ;  avec 
l'enduit,  qui,  selon  son  épaisseur  et  sa  com- 
position, a  des  aptitudes  diverses  d'adhé- 
rence à  la  muraille  et  d'absorption  des 
couleurs  ;  avec  la  nature  des  couleurs,  qui 
sont  insolubles  à  l'eau  en  biiou  fresco  et 
solubles  en  tempera. 

Et  ce  n'est  pas  tout,  il  s'en  faut  de 
beaucoup. 

L'action  du  temps,  du  milieu  et  des 
hommes  n'a  pas  épargné  nombre  de 
fresques. 

L'humidité  est  leur  ennemi  le  plus  puis- 
sant. Insensiblement  elle  envahit  la  ma- 
çonnerie, l'enduit  et  les  couleurs  ;  elle 
donne  naissance  à  des  formations  chimi- 
ques et  à  des  chancis  qui,  petit  à  petit, 
dévorent  la  fresque.  Pour  entraver  son 
action  on  a  essayé  le  chauffage,  l'encausti- 
cage  et  l'isolement  ;  ce  dernier  procédé  seul 
a  donné  de  bons  résultats,  mais  il  est  d'une 
application  difficile,  très  onéreuse  et  ne 
peut  être  employé  que  dans  des  cas  excep- 
tionnels (').  Les  effets  de  l'humidité  sont 
tels  qu'après  une  inspection  attentive,  l'opé- 
rateur est  amené  à  déclarer  qu'il  est  im- 
puissant   à    préserver    ou    à    enlever     la 

1.  Plus  loin  on   trouvera  quelques  indications  sur  un 
procédé  d'isolement  pratiqué  au  Campo  Santo  de  Pise. 


fresque  et  qu'il  faut  la  laisser  périr  de  mort 
naturelle. 

A  la  longue,  l'enduit  peut  se  détacher 
du  mur  par  endroits  sans  cependant  tomber 
tout  à  fait. 

Les  couleurs  à  l'eau  peuvent  se  désagré- 
ger et  tourner  en  poussière,  tout  en  restant 
sur  l'enduit. 

La  fumée  des  cierges  et  de  l'encens 
peut  déposer  sur  la  fresque  une  suie 
graisseuse  ;  des  gouttelettes  de  cire  peuvent 
l'atteindre;  les  insectes  peuvent  la  salir  ;  la 
poussière  peut  la  couvrir. 

La  fresque  a  pu  être  cachée  sous  une 
couche  de  lait  de  chaux  qui  laisse  des  traces 
même  après  avoir  été  enlevée. 

Enfin  il  y  a  les  restaurations  à  l'huile. 

De  ces  circonstances  —  et  je  ne  les  ai  pas 
énumérées  toutes  —  l'opérateur  est  obligé 
de  tenir  compte  avant  de  commencer  son 
travail  de  déplacement.  Il  est  comme  un 
médecin  à  sa  première  visite  chez  un  malade 
paralysé  et  muet;  il  tâte  le  pouls,  il  aus- 
culte, il  diagnostique,  puis  il  rédige  son 
ordonnance. 

Je  vais  passer  en  revue,  d'une  façon  aussi 
sommaire  que  possible,  les  divers  procédés 
usités  pour  le  déplacement  d'une  fresque 
et  donner  quelques  détails  historiques  à 
l'occasion. 

Le  plus  ancien  moyen  consiste  dans  le 
déplacement  de  la  muraille  en  totalité  ou 
en  partie;  puis  on  est  arrivé  à  lever  la  pel- 
licule de  couleur  seulement;  de  notre  temps 
on  est  parvenu  à  enlever  l'enduit  peint  sans 
creuser  le  mur,  et  plus  récemment  on  a 
réussi  à  reporter  sur  un  réseau  métallique 
l'enduit  seul  ou  doublé  d'une  très  mince 
couche  détachée  de  la  muraille. 

Aucun  des  anciens  moyens  n'a  été  aban- 
donné d'une  façon  absolue;  on  .les  emploie 
encore  selon  les  circonstances. 


BEVUE  DE  L  ART  CHRETIEN. 
189g.  —  3Ule  LIVRAISON. 


194 


3&eliuc  lie  Part  ctntticn. 


ii 


JUSQU'A  présent,  je  n'ai  trouvé  au- 
cun renseignement  précis  sur  le  point 
de  savoir  si  l'antiquité  a  pratiqué  le 
déplacement  de  murailles  couvertes  de  pein- 
tures; cela  me  paraît  vraisemblable. 

Ce  genre  de  décoration  était  si  fréquent 
et  le  goût  des  arts  si  répandu,  qu'on  peut 
admettre,  par  exemple,  qu'un  amateur,  en 
chaneeant  de  demeure,  ait  tenu  à  faire  trans- 
porter  dans  sa  nouvelle  résidence  les  pein- 
tures qu'il  avait  plaisir  à  regarder;  il  est 
également  probable  que  dans  les  thermes 
et  les  pinacothèques  on  avait  réuni  des  pein- 
tures murales  renommées  que  les  peintres 
avaient  exécutées  dans  des  palais  et  des 
villas  ;  l'opération  était  facile,  comme  le 
prouvent  le  grand  nombre  de  peintures  mu- 
rales antiques  conservées  dans  les  musées 
modernes. 

En  ce  qui  concerne  le  moyen  âge,  je  n'ai 
trouvé  aucune  mention  du  déplacement  an- 
térieur à  la  fin  du  XIVe  siècle. 

A  Florence,  en  1296,  la  Seigneurie,  pour 
satisfaire  aux  vœux  du  peuple,  décréta  que 
la  cathédrale  de  Santa- Reparata  serait  dé- 
molie et  remplacée  par  un  édifice  plus  digne 
de  la  cité;  en  1360,  elle  dédia  le  nouveau 
temple  à  Sainte-Marie-des-Fleurs.  Divers 
œuvres  d'art  de  Santa-Reparata  furent 
transportées  à  Santa- M  aria,  notamment 
en  1397,  une  fresque  représentant  la  Con- 
ception; elle  fut  placée  dans  le  mur  de  droite 
de  la  nef;  malheureusement  elle  a  disparu. 

Pourlesfresques  transportées  qui  existent 
encore,  la  tradition  ne  va  pas  au  delà  du 
XVIe  siècle. 

Des  circonstances  exceptionnelles  m'ont 
amené  à  penser  que  la  tradition  n'est'  pas 
fondée. 

La  fresque  la  plus  populaire  de  la  cité,  est 
X Annonciation  de  l'église  de  la  Santissima 


Annunziazione  desservie  par  les  Servîtes; 
l'ouvrage  étant  toujours  voilé,  sauf  dans 
des  cas  très  rares,  n'est  guère  connu  que 
par  d'innombrables  reproductions,  dont  pas 
une,  je  puis  l'assurer,  ne  donne  l'impression 
pénétrante  et  délicieuse  de  l'original. 

Selon  les  Servîtes,  la  fresque  aurait  été 
peinte  en  1252  par  un  peintre  Bartolomeo 
inconnu  d'ailleurs  ;  seulement  Bartolomeo, 
n'aurait  peint  que  l'Ange,  et  la  Vierge 
résulterait  d'une  intervention  miraculeuse. 
Malgré  mon  respect  pour  les  Servîtes,  je 
ne  puis  adopter  leur  version  ;  la  fresque  n'est 
pas  du  XI I  Ie  siècle;  je  reviendrai  peut-être 
quelque  jour  sur  cette  question. 

En  1448,  les  Médicis  firent  construire  par 
Michelozzo,  dans  l'intérieur  de  l'église,  une 
chapelle  spéciale  pour  X Annonciation;  la 
fresque  occupe  au-dessus  de  l'autel  la  paroi 
du  fond,  les  autres  côtés  sont  ouverts. 

Lors  du  tremblement  de  terre  de  mars 
1895,  les  voiles  qui  couvrent  X Annonciation 
furent  levés  pendant  une  semaine;  l'af- 
fluence  des  fidèles  de  la  cité  et  des  environs 
fut  énorme.  Vingt-cinq  mille  personnes  par 
jour  passèrent,  l'une  après  l'autre,  devant 
l'image  vénérée,  avec  interdiction  de  s'ar- 
rêter pour  ne  pas  entraver  le  mouvement.  Il 
me  fut  possible  de  défiler  une  vingtaine  de 
fois  et  de  me  pénétrer  ainsi  du  sentiment  de 
la  composition,  de  sa  technique  et  de  son 
état  de  conservation. 

D'après  divers  indices  et  notamment  à 
cause  de  l'absence  de  la  bordure  montante 
de  droite,  je  suis  resté  convaincu  que  la 
fresque  a  été  déplacée;  il  est  même  possible 
qu'elle  l'ait  été  plusieurs,  fois;  en  ce  cas  le 
dernier  déplacement  du  mur  aurait  eu  lieu 
entre  1448,  époque  où  l'architecte  a  com- 
mencé les  travaux  de  la  chapelle,  et  1452, 
année  de  la  consécration  de  l'autel  par  le 
cardinal  Guillaume  d'Estouteville.  L'opé- 
ration était  très   praticable,   la    fresque  ne 


3U  Déplacement  Des  fre0que0. 


195 


mesurant  que  2m8o  de  large  sur  2m28  de 
haut. 

Tous  les  projets  de  déplacements  n'ont 
pas  été  suivis  d'exécution,  il  s'en  faut  de 
beaucoup.  Le  roi  de  France  Louis  XII 
eut  l'ambition  de  faire  transporter  en  France 
le  célèbre  Cenacolo  du  couvent  de  Sainte- 
Marie-des-Grâces  à  Milan;  je  crois  que  la 
peinture  occupe  une  surface  d'environ  58 
mètres  carrés  ;  les  ingénieurs  déclarèrent 
l'entreprise  impossible,  et  le  Cenacolo  resta 
en  place. 

Eut-il  été  mieux  conservée  en  France? 

Je  ne  le  pense  pas. 

A  une  époque  qui  n'a  pas  été  déterminée 
exactement,  Léonard  de  Vinci  commença 
le  Cenacolo;  sauf  la  tête  du  Christ  que 
Léonard  ne  put  se  décider  à  peindre,  l'œuvre 
fut  terminée  en  1498.  Léonard  n'aimait  pas 
à  travailler  à  fresque,  son  tempérament  s'y 
opposait  et  peut-être  aussi  méprisait-il, 
comme  beaucoup  d'hommes  de  génie,  les 
sentiers  battus.  Toujours  est-il  qu'il  inventa 
un  enduit  particulier  et  qu'il  le  recouvrit 
de  couleurs  àl'huile  spécialement  préparées  ; 
l'enduit  était  mauvais  et  les  couleurs  aussi, 
à  ce  point  que,  vers  1540,  après  moins  d'un 
demi-siècle,  la  peinture  était  déjà  écaillée 
en  partie;  les  couches  dont  elle  fut  recou- 
verte depuis  lors  ne  résisteront  pas  davan- 
tage, la  préparation  n'étant  pas  de  nature  à 
retenir  la  pellicule  de  couleur. 

Ici  je  ne  puis  m'empêcher  de  faire  une 
remarque. 

Les  écrits  sur  le  Cenacolo,  les  Guides,  et 
par  suite  les  visiteurs  se  plaisent,  à  la  vue 
de  cette  ruine,  à  accuser  la  fatalité  de  lèse- 
majesté. 

D'un  côté  l'un  des  chefs-d'œuvre  de 
l'art  n'est  plus  que  l'ombre  d'une  ombre;  en 
face  la  médiocre  fresque  la  Crucifixion  par 
Montofarno  a  été  épargnée. 

Qu'on  observe  cependant  que  les  condi- 


tions locales  ont  été  les  mêmes  pour  les 
deux  peintures  ;  du  moment  que  la  fresque 
de  Montofarno  a  résisté,  c'est  que  le  réfec- 
toire n'était  pas  malsain  comme  on  le  répète 
sans  cesse.  Si  Léonard  avait  peint  à  buon 
fresco, son  Cenacolo  serait  dans  le  même  état 
que  la  Crtuifixion.  Mais  il  n'a  pas  voulu 
faire  comme  les  autres,  et  c'est  là  qu'on  peut 
chercher  l'intervention  de  la  fatalité. 

Pour  en  revenir  aux  fresques  déplacées  et 
encore  actuellement  aux  places  où  elles  ont 
été  mises,  les  auteurs  citent  comme  les  plus 
anciennes  celles  de  l'église  Ognissanti  de 
Florence  ;  je  crois  que  \  Annonciation  des 
Servîtes  a  la  priorité,  mais  enfin  pour  Ognis- 
santi il  y  a  une  certitude  plus  grande  que 
pour  V Annonciation. 

Le  couvent  et  l'église  d'Ognissanti  appar- 
tenaient aux  Umilitati  ;  ces  moines  ont  été 
les  créateurs,  à  Florence,  de  l'industrie  des 
draps  de  laine,  devenue  la  plus  importante 
de  la  cité.  Vers  le  milieu  du  XVIe  siècle, 
les  Franciscains  remplaçaient  les  Umilitati, 
non  dans  leur  fabrication,  mais  dans  la  pro- 
priété des  immeubles  ;  peu  après  ils  firent 
dans  l'intérieur  de  l'église  d'importantes  mo- 
difications ;  un  certain  nombre  de  fresques 
disparurent,  d'autres  furent,  à  cette  époque 
et  plus  tard,  cachées  sous  des  tableaux 
d'autel.  Par  exception  le  saint  A icgustin,  par 
Botticelli,  et  le  saint  férôme,  par  Dominico 
Ghirlandaio,  furent  respectés  ;  les  deux 
fresques  étaient  à  l'entrée  du  chœur  sur  des 
surfaces  qui  devaient  être  percées  pour  éta- 
blir des  chapelles  ;  on  enleva  les  pans  de 
murs  en  1564  et  on  les  engagea,  l'un  en 
face  de  l'autre,  dans  les  parois  de  la  nef  ; 
à  les  voir  on  ne  se  doute  pas  qu'elles  ont 
été  déplacées  ('). 

1.  Il  est  difficile  de  mesurer  les  tableaux  dans  les  égli- 
ses ;  il  faut  donc  se  contenter  de  dimensions  approxima- 
tives ;  j'estime  que  chaque  fresque  a  environ  i  m.  50  de 
large  sur  2  m.  de  haut. 


196 


Bclnte  De  l'&rt  chrétien. 


Il  est  fort  probable  qu'après  le  résultat 
obtenu  à  Ognissanti,  il  y  a  eu  à  Florence 
d'autres  transports  de  fresques,  mais  je  ne 
puis  en  indiquer  aucune  avec  quelques 
chances  de  vérité. 

Je  connais  bien  le  Jugement  dernier  peint 
par  Fra  Bartolomeo,  à  la  fin  du  XVe  siècle, 
et  terminé  par  Albertinelli,  pour  l'hôpital  de 
Santa-  Maria-  N  uova. 

C'est  encore  un  chef-d'œuvre  à  peu  près 
perdu.  Il  est  ici,  malgré  son  état  de  ruine, 
en  grande  considération,  car  on  veut  que 
Raphaël  s'en  soit  inspiré  pour  la  partie  cé- 
leste de  la  Dispute  du  Saint- Sacrement . 

La  fresque  était  dans  le  cimetière  de  l'hô- 
pital ;  pour  la  préserver  on  la  transporta 
dans  l'intérieur  ;  elle  fut  placée  dans  le  mur 
d'un  corridor  et  si  bas  qu'elle  fut  ruinée  par 
le  frottement  des  passants.  Ensuite,  mais 
beaucoup  trop  tard,  elle  prit  place  dans  la 
galerie  de  peintures  de  l'hôpital. 

Avec  le  XVIIIe  siècle,  nous  arrivons  à 
des  déplacements  qui  marquent  dans  l'his- 
toire des  transports  des  murailles  peintes  à 
fresques. 

Dans  le  jardin  du  palais  de  la  Crocetta  (') 
se  trouvait  une  petite  chapelle  ouverte, 
d'une  architecture  fréquente  dans  les  pays 
chauds  ;  l'édicule  était  voûté  et  clos  seule- 
ment dans  le  fond  et  sur  les  faces  latérales. 
Giovanni  da  San  Giovanni  (1592-1636), 
bon  peintre  et  le  plus  habile  décorateur  flo- 
rentin de  son  temps,  revêtit  toute  la  surface 
intérieure  de  fresques;  le  sujet  principal 
est  la  Fuite  en  Egypte  ;  des  motifs  de  la 
vie  de  la  Vierge,  des  Anges,  des  fleurs  et 
des  ornements  complètent  la  décoration  ; 
l'ensemble  est   charmant,  très  coloré,  mais 

1.  Le  palais  dit  de  la  Crocetta  est  l'édifice  où  se  trou- 
vent actuellement  le  musée  archéologique,  égyptien,  et 
des  tapisseries  ;  il  tire  son  nom  d'un  ancien  couvent  dé- 
nommé la  crocetta,  parce  que  les  religieuses  portaient  une 
petite  croix  rouge  sur  leur  robe  de  dominicaine. 


un  peu  faible  de  style  comme  toute  la  pein- 
ture toscane  de  l'époque. 

En  1  788,  le  grand-duc  Pierre  Léopold  or- 
donna à  l'architecte  Paoletti  de  transporter 
la  chapelle  tout  entière  dans  une  salle  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts.  L'opération  fut 
considérée  alors  comme  audacieuse,  mais 
elle  réussit  à  souhait  ;  en  examinant  cet 
édicule,  on  a  peine  à  croire  qu'il  n'a  pas 
été  construit  à  la  place  qu'il  occupe. 

J'en  donne  les  mesures  approximatives 
prises  à  l'intérieur. 

Longueur  sur  le  sol  :  3  m.  20. 

Largeur  sur  le  sol  :  2  m.  70. 

Hauteur  des  murs  :  3  m.  80. 

Hauteur  sous  la  voûte  :  4  m.  00. 

Le  grand-duc  Léopold  fit  également  dé- 
placer un  cabinet  peint  à  fresque  dans  la 
villa  du  Poggio  impériale  située  hors  les 
portes  de  Florence.  La  hauteur  m'a  paru 
la  même  que  celle  de  la  chapelle  de  la  Cro- 
cetta, mais  la  longueur  et  la  largeur  sont 
à  peu  près  du  double  ;  le  cabinet  est  voûté 
et  percé  de  deux  portes  et  d'une  fenêtre. 
Toutes  les  surfaces  avaient  été  peintes  à 
fresques  par  Matteo  Rosselli  (1578-1650) 
d'ornements  et  de  sujets  d'histoire  :  Chris-, 
tophe  Colomb,  la  Bataille  de  Lépante,  etc. 
La  décoration  est  élégante,  mais  elle  ne 
méritait  certes  pas  les  frais  considérables 
d'un  déplacement  de  quatre  murs  et  d'une 
voûte  ;  c'est  un  caprice  de  prince. 

Dans  les  premières  années  du  XIXe  siè- 
cle, après  la  fondation  du  royaume  d'Italie 
par  Napoléon  et  la  suppression  des  couvents, 
un  si  grand  nombre  de  murailles  peintes  à 
fresque  furent  déplacées,  que  quelques 
années  après  1805,  date  de  son  ouverture, 
le  Musée  Bréra  de  Milan  comptait  déjà 
près  de  quatre-vingts  peintures  de  ce  genre. 

Par  suite  je  n'aurai  plus  à  signaler  que 
quelques  cas  particuliers. 

L'église  de  la  Trinité  du  Mont  à  Rome, 


3le  Déplacement  Des  fresques. 


197 


a  été  construite  en  1494  par  ordre  du  roi  de 
France,  Charles  VIII,  sur  les  instances  de 
saint  François  de  Paul.  Daniel  de  Volterre 
(1509- 15  56)  fut  chargé  d'une  partie  de  la 
décoration,  il  peignit  à  fresque  notamment 
La  Descente  de  croix,  d'après  le  dessin  ou 
tout  au  moins  les  conseils  de  son  ami 
Michel-Ange. L'ouvrage  fut  tenu, non  seule- 
ment pour  le  chef-d'œuvre  de  Daniel,  mais 
pour  l'un  des  chefs-d'œuvre  delà  peinture  ; 
Poussin  le  mit  sur  le  même  rang  que  la 
Transfiguration  de  Raphaël  et  la  Commu- 
nion de  saint  Jérôme  du  Dominiquin. 

L'église  avait  été  mal  construite  ;  en  1 774 
on  fut  obligé  de  refaire  la  voûte,  et  au  com- 
mencement de  notre  siècle,  d'autres  parties 
menacèrent  ruine,  le  mur  de  la  Descente 
de  croix  surtout.  En  181 1,  le  général  fran- 
çais Miollis,  gouverneur  de  Rome,  résolut 
de  sauver  la  fresque  ;  la  peinture  fut  levée 
avec  son  enduit  et  une  épaisseur  d'environ 
sept  à  huit  centimètres  du  mur  ;  le  travail 
mécanique  réussit  assez  bien,  et  après  la 
reconstruction  de  la  muraille,  la  fresque 
fut  replacée  ;  pour  la  maintenir,  on  avait  eu 
soin  de  la  doubler  d'un  fort  parquet  de  bois. 
Malheureusement  les  opérateurs  avaient 
employé  pour  préserver  la  peinture  des 
bandes  de  toile  imbibées  de  colle  de  mau- 
vaise qualité  ;  la  fresque  déjà  en  médiocre 
état  fut  tellement  abîmée,  que,  pour  le 
moment,  on  renonça  à  la  restaurer.  Plus 
tard,  l'opération  fut  tentée  cependant  sur  les 
instances  du  duc  de  Blacas,  ambassadeur  du 
roi  Louis  XVIII  près  du  Saint-Siège;  un 
peintre  fort  renommé  alors,  Camuccini,  dé- 
barrassa la  peinture  des  colles  qui  étaient 
restées  adhérentes  et  reprit  au  pinceau  les 
parties  détruites  ou  altérées  ;  les  retouches 
ne  furent  pas  heureuses,  et  l'on  peut  dire 
que  de  l'œuvre  de  Daniel  de  Volterre,  il  ne 
reste  plus  que  la  composition. 

Je   suis  entré  dans  quelques    détails,  à 


cause  du  renom  de  la  peinture  et  pour  rec- 
tifier une  erreur.  On  lit  partout  que  la  fres- 
que a  été  portée  sur  toile  ;  toujours  en  mé- 
fiance des  écrits  qui  se  répètent  générale- 
ment les  uns  les  autres,  sans  rien  vérifier, 
j'ai  touché  la  fresque  et  une  légère  percus- 
sion m'a  prouvé  que  la  peinture  n'était  pas 
sur  toile,  mais  bien  sur  un  support  plus 
ferme  ;  j'ai  fait  alors  quelques  recherches, 
et  je  suis  arrivé  au  résultat  que  j'indique. 

Vers  i840,Sienne  se  distingue  particuliè- 
rement.dans  un  but  unique  de  conservation  ; 
des  fresques  d'Ambrogio  Lorenzetti,  Signo- 
relli,  Bazzi,  pour  ne  nommer  que  les  plus 
célèbres,  furent  transportées  avec  les  pans 
de  murs,  d'une  église  dans  une  autre,  d'un 
couvent  dans  une  église,  d'une  église  dans 
les  palais  et  dans  les  salles  de  l'Institut  des 
Beaux-Arts.  Parmi  de  plus  récentes  opé- 
rations, il  est  juste  de  mentionner  particu- 
lièrement le  transport  de  la  salle  capitulaire 
du  couvent  de  San  Francesco  dans  l'éçrlise 
attenante,  de  deux  fresques  de  Lorenzetti, 
une  Crucifixion  et  saint  Louis,  évêque  de 
Tou/ouse,  ordonné  par  Boniface  VIII  :  la 
dimension  de  ces  peintures  qui  mesurent 
5m50  de  haut  sur  4mio  de  large,  rendait  le 
travail  difficile;  il  fut  exécuté  heureusement 
par  G.  Vestri,  Maestro  muratore. 

III 

UN  dessin  bien  lisible  est  toujours  pré- 
férable à  une  description  écrite,  aussi 
j'ai  fait  faire  pour  la  Revue  quelques  dessins 
qui  me  dispenseront  d'entrer  dans  les  détails 
de  charpentes,  de  ferrures,  etc., etc. 

Le  dessin  n°  1  représente  un  tabernacle 
avec  une  Crucifixion,  peinte  dans  la  pre- 
mière moitié  du  XVe  siècle  ;  le  tabernacle 
était  engagé  dans  la  muraille  de  l'ancienne 
enceinte  de  Florence,  près  de  la  Porte  San 
Gallo. 

Le  dessin  n°  2  montre  une   fresque  pro- 


198 


Bebuc  ïie  rglrt  chrétien. 


bablement  par  Andréa  del  Castagno  (  1 390  ?- 
1457),  représentant  saint  Eustache  et  quel- 
ques épisodes  de  sa  vie  ;  elle  provient  de 
l'église  démolie  de  San  Jacopo  tra'  Fossi 
à  Florence. 


Les  deux  pièces  sont  représentées  dans 
l'état  où  elles  étaient  lorsque  de  la  muraille 
qui  les  retenait,  elles  ont  été  mises  en  ma- 
gasin. 

On  voit  qu'il  suffirait  de  les  capitonner  et 


i---' 


Déplacement  de  fresque,  n'J  1. 


de  les  mettre  en   caisse  pour  les  expédier 
sans  risques  à  n'importe  quelle  distance. 

L'opération  ne  présente   nulle  difficulté 
lorsque  le  mur  peut  être  démoli  intégrale- 


ment ;  il  faut  cependant  avoir  soin  de  n'em- 
ployer le  marteau,  ni  pour  clouer  l'appareil 
en  bois,  ni  pour  dégager  la  fresque,  les 
coups  pouvant  ébranler  la  pellicule  de  cou- 


JLt  Déplacement  îic0  fresques. 


i99 


leur.  Les  pièces  de  bois  doivent  être  réunies 
avec  des  vis  et  les  matériaux  voisins  enlevés 
à  la  main,  par  grattage  ou  sciage. 

Si  le  mur  est  trop  épais  ou  qu'une  partie 
seulement  doit  être  levée,  il  y  a  lieu  à  plus 
de  précautions  encore. 


On  commence  par  réduire  le  mur  à  l'é- 
paisseur jugée  convenable  ;  elle  ne  peut  être 
déterminée  en  théorie  ;  elle  varie  selon  la 
dimension  de  la  peinture  et  la  nature  des 
matériaux. 

Lorsque  le  mur  est  réduit  à  l'épaisseur 


•0.1g;  0,20*"" 


Déplacement  de  fresque,  n°  2. 


voulue,  on  couvre  provisoirement  la  fresque 
à  sec  d'une  façon  quelconque,  puis  on  isole 
la  peinture  en  pratiquant  autour  des  espè- 
ces de  caniveaux  aussitôt  garnis  de  pièces 
de  bois  qui  formeront  un  véritable  cadre 
comme  l'indique  le  dessin  n°  2.  On  com- 
mence par  la  ligne  horizontale  inférieure  et 
on   continue  par  les    montants  ;  avant  de 


creuser  le  caniveau  du  haut  on  construit 
au-dessus  un  arc  de  briques  dont  la  corde 
correspond  à  la  largeur  de  la  peinture  ;  c'est 
une  précaution  contre  la  chute  possible  des 
matériaux. 

Tous  ces  soins  n'ont  pas  toujours  été  pris. 

Je  connais  des  pans  de  murs  peints  à 
fresque,  qui  ont  été  simplement  sciés  sans 


200 


Hetntc  ïe  V&xt  chrétien. 


être  inscrits  dans  des  cadres  de  bois,  levés, 
transportés  plus  loin  et  engagés  dans  des 
murailles,  le  tout  sans  trop  de  dégradation; 
ce  n'est  pas  une  raison  pour  tenter  pareille 
aventure. 

Quoiqu'il  ne  s'agisse  pas  d'une  fresque, 
je  dois  dire  quelques  mots  d'une  importante 
opération  faite  de  notre  temps,  qui  a  eu 
pour  objet  de  lever  une  décoration  murale 
avec  son  enduit  et  de  la  remettre  ensuite  à 
sa  place  primitive. 

La  grande  mosaïque  de  l'abside  hémis- 
phérique de  la  basilique  de  Saint-Jean  de 
Latran  à  Rome  a  été  exécutée  dans  les 
dernières  années  du  XII  Ie  siècle  par  le  fran- 
ciscain Toriti  et  son  compagnon  frère 
Camerino.  Je  ne  connais  pas  ses  dimen- 
sions, mais  je  puis  en  donner  une  idée 
approximative. 

La  mosaïque  est  divisée  en  trois  sections; 
dans  celle  du  milieu,  aux  côtés  de  la  croix, 
se  tiennent  la  Vierge  et  plusieurs  apôtres  ; 
j'ai  mesuré  l'un  d'eux,  il  est  haut  de  4  m. 
20  cm.  et  comme  ces  personnages  sont  en 
parfaite  proportion  avec  l'ensemble,  ils  per- 
mettent de  se  fiourer  les  vastes  dimensions 
de  l'abside. 

En  1879,  l'abside  étant  en  péril  à  cause 
du  tassement  des  murs,  les  architectes  pon- 
tificaux résolurent  d'abattre  la  vieille  mu- 
raille et  d'en  construire  une  nouvelle.  Ils 
commencèrent  par  diviser  la  mosaïque  en 
sections  rationnelles  mais  non  régulières  ; 
chaque  section  fut  soutenue  par  un  gabarit 
dont  la  courbe  correspondait  à  celle  de  la 
voûte  ;  puis  on  démolit  la  muraille  jusqu'au 
ciment  qui  retient  les  cubes  delà  mosaïque. 
Dans  quelques  endroits  le  ciment  à  la 
chaux  avait  à  peine  un  centimètre  d'épais- 
seur ;  ailleurs  il  en  avait  jusqu'à  six,  il  était 
alors  mélangé  de  paille  hachée  afin  de  le 
rendre  moins  lourd.  La  dépose  eut  lieu  sans 


accidents  ;  après  la  reconstruction  du  mur. 
la  mosaïque  fut  remise  en  place. 

Il  est  clair  que  ce  qu'on  a  fait  à  Saint- 
Jean  pour  la  mosaïque  peut  être  réalisé 
pour  une  fresque. 

IV 

MAIS  dans  certains  cas,  l'enlèvement 
complet  d'un  mur  ou  même  d'un 
morceau  de  mur  est  chose  difficile  sinon 
impossible  ;  il  est  donc  tout  naturel  qu'en 
Italie,  où  il  y  a  tant  de  fresques,  on  ait 
cherché  les  moyens  de  lever  la  pellicule  de 
couleur  sans  attaquer  le  mur  et  de  la  trans- 
porter sur  une  autre  surface. 

Il  n'entre  guère  dans  mes  goûts  de  re- 
chercher les  priorités  d'invention  ;  on  se 
perd  dans  ces  discussions  souvent  obscu- 
res, et  souvent  aussi  une  invention  résulte 
des  efforts  de  plusieurs  chercheurs  qui,  sans 
se  connaître,  ont  tenté  de  résoudre  un  pro- 
blème dont  la  solution  était  nécessaire. 
Dans  la  présente  notice,  je  n'ai  par  suite 
cité  de  noms  qire  dans  le  cas  où  la  personne 
de  l'inventeur  est  hors  de  contestation. 

C'est  un  peintre  de  Ferrare,  Antonio 
Contri,  qui,  le  premier,  a  reporté  sur  toile  la 
pellicule  de  couleur  d'une  fresque.  Étant  à 
Naples  en  1725,  il  fut  chargé  d'enlever 
d'une  église  une  fresque  miraculeuse  repré- 
sentant la  Madone  et  de  la  transporter  dans 
une  autre  église  nouvellement  construite. 
Il  se  livra  à  de  nombreuses  expériences  sur 
des  morceaux  de  peu  d'importance;  il  paraît 
même  qu'il  tenta  de  lever  la  fresque  avec 
son  enduit,  devançant  ainsi,  au  moins  pour 
le  principe,  un  système  adopté  de  notre 
temps.  Contri  réussit  à  enlever  la  pellicule 
de  couleur  seule  et  à  la  mettre  sur  une  toile 
préparée  à  cet  effet.  On  le  vit  travailler  ;  il 
procédait  par  application  de  bandes  d'étof- 
fes imbibées  de  colle,  mais  il  garda  le  secret 
de  la  composition  de  sa  colle. 


3Lt  tiéplacement  Des  fresque0. 


20 1 


La  réputation  de  Contri  s'était  vite  répan- 
due en  Italie  ;  il  leva  des  fresques  dans  les 
palais  de  Naples,  à  Crémone,  à  Ferrare,  à 
Mantoue.  A  sa  mort,  survenue  en  1732, 
ses  fils  héritèrent  de  son  procédé  et  de  sa 
clientèle. 

Mais  il  est  impossible  de  garder  indéfini- 
ment les  secrets  de  métier  ;  aussi  en  1775, 
Succi,  peintre  d'Imola,  pénétra  les  procédés 
de  Contri  et  les  perfectionna,  au  point 
qu'il  passa  pour  l'inventeur  du  système. 
Succi  leva  une  fresque  dans  la  cathédrale 
d'Imola,  et  il  fit  don  d'un  fragment  au  pape 
Pie  VI.  Ce  cadeau  fut  l'origine  de  sa  fortune. 

Succi  n'était  pas  seul  de  sa  profession, 
d'autres  ont,  en  même  temps  que  lui,  tra- 
vaillé dans  diverses  parties  de  l'Italie  ;  l'un 
fut,  en  1787,  chargé  par  le  grand-duc  de 
Toscane,  Pierre  Léopold,  de  porter  sur  toile 
la  fresque  d'un  tabernacle  de  l'hôpital 
San  Bonifazio  de  Florence,  peinte  vers 
1425  par  Cennino  Cennini,  élève  d'Agnolo 
Gaddi,  et  montrant  la  Madone  et  l'Enfant 
de  grandeur  naturelle  ;  la  fresque  est  main- 
tenant au  Musée  de  l'hôpital  Santa  Maria 
Nuova,  où  j'ai  été  la  voir  ;  elle  est  mécon- 
naissable autant  par  des  retouches  que  par  la 
disparition  presque  complète  des  deux  têtes, 
preuve   certaine  d'un  entoilage  mal  réussi. 

Succi  travailla  à  Rome  pour  les  particu- 
liers et  pour  le  pape  Pie  VI  ;  le  pontife  fut 
tellement  satisfait  qu'en  1796  il  lui  décerna 
le  titre  à! Estrarista  délie  pitture  de!  Sacro 
Palazzo  Apostolico. 

Je  crois  que  ce  titre  n'a  été  porté  que  par 
Succi. 

Le  mot  estrarista  est  bien  construit  et  se 
comprend  facilement,  mais  il  n'est  pas  dans 
la  langue  usuelle  et  ne  se  trouve  dans  aucun 
dictionnaire  italien,  même  pas  dans  le  dic- 
tionnaire de  la  Crusca  qui  a  en  Italie  l'au- 
torité du  dictionnaire  de  l'Académie  de 
France. 


En  1582,  le  grand-duc  Cosme  Ier  fonda 
à  Florence  une  Académie  pour  fixer  la  lan- 
gue italienne  comme  fit  Richelieu  à  Paris 
un  demi-siècle  plus  tard.  L'Académie  de 
Florence  prit  le  nom  de  Crusca,  son,  elle  a 
conservé  cette  dénomination  et  avec  nombre 
d'autres  travaux,  elle  continue  son  diction- 
naire, dont  la  cinquième  édition  est  encours 
de  publication. 

Selon  les  écrits  du  temps  Contri,  Succi 
et  leurs  émules  auraient  réalisé  des  merveil- 
les ;  qu'ils  aient  fait  parfois  ce  qui  était 
regardé  comme  infaisable,  c'est  évident, 
mais  les  difficultés  de  l'opération  sont  si 
grandes  et  leurs  échecs  ainsi  que  ceux  de 
leurs  successeurs,  sont  si  nombreux,  que  je 
crois  à  beaucoup  d'exagération. 

Le  plus  connu  des  travaux  de  Succi  est 
à  la  pinacothèque  du  Vatican  ;  c'est  la  pein- 
ture de  Melozzo  da  Forli  (1436-1492)  ;  elle 
représente  le  pape  Sixte  IV,  donnant  au- 
dience à  Barlolomeo  Sacchi,  dit  Platina, 
préfet  de  la  bibliothèque  Vaticane  ;  le  Pon- 
tife est  entouré  du  cardinal  Julien  délia 
Rovère,  qui  fut  Jutes  II,  du  cardinal  Pierre 
Riario,  de  Jean  délia  Rovère  et  de  Jérôme 
Riario.  La  fresque  était  dans  l'ancienne 
bibliothèque  du  Vatican,  la  Floreria,  d'où 
le  pape  Léon  XII  —  pontificat  de  1S27  à 
1829  —  la  fit  enlever  et  mettre  sur  toile. 
Elle  mesure  3m88  centim.  de  haut  et  3 m 34 
centim.  de  large.  On  y  remarque  des  affai- 
blissements dans  quelques  colorations,  et  par 
suite  en  certaines  parties  une  sensible  rup- 
ture de  l'harmonie  ;  je  crois,  avec  d'autres, 
que  l'entoilage  n'a  pas  complètement  réussi. 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  citer  d'autres, 
exemples  plus  ou  moins  satisfaisants  d'en- 
toilages de  fresques,  je  dois  cependant  ne 
pas  omettre  deux  peintures,  les  Capitani, 
bien  connues  de  tous  ceux  qui  ont  visité  le 
dôme  de  Sainte- Marie  des  Fleurs. 

Pour  reconnaître  les  services  rendus  à  la 


KKVUE    UB    L  AKT   CHKÊTlliN, 
1899.    —    3me    LIVRAISON. 


202 


Betwc  De  PStrt  cftrctten* 


République  par  le  général  anglais  John 
Hawkwood,  surnommé  Giovanni  Acuto,  la 
Seigneurie  de  Florence  décréta,  en  1393, 
du  vivant  même  du  général,  que  son  effigie 
serait  peinte  à  fresque  dans  la  cathédrale  ; 
en  1455,  un  semblable  décret  fut  pris  pour 
le  général  Nicolo  Tolentino,  mort  en  1433. 

La  représentation  dans  un  temple, d'hom- 
mes d'armes,  alors  même  que  leurs  exploits 
ont  été  sans  effets  pour  la  religion,  et  que 
leurs  restes  sont  ailleurs,  n'a  rien  d'insolite 
dans  les  pays  où,  comme  à  Florence,  l'al- 
liance de  la  patrie  et  de  la  religion,  était  la 
base  de  la  politique. 

Aussitôt  après  les  décrets,  Paolo  Uccello 
peignit  Hawkwood,  et  Andréa  del  Cartagno 
fit  Nicolo  Tolentino  ;  les  deux  capitaines, 
plus  grands  que  nature.sont  figurés  à  cheval 
et  surmontent  des  soubassements  de  gran- 
des proportions. 

Les  fresques  étaient  sur  le  mur  de  la  nef 
gauche  de  la  cathédrale  ;  en  1842,  l'intérieur 
du  dôme  fut  l'objet  de  grands  changements  : 
des  tombeaux  furent  changés  de  place,  quel- 
ques peintures  disparurent,  et  on  décida  de 
mettre  les  Capitani  au-dessus  des  deux 
portes  mineures  de  la  façade.  Pour  réaliser 
cette  idée,  dont  il  est  assez  difficile  de  saisir 
le  sens,  les  fresques  furent  mises  sur  toile.  Je 
crois  qu'en  raison  de  leurs  dimensions  ('), 
elles  ont  dû  être  coupées,  non  en  morceaux 
réguliers,  mais  en  suivant  certains  contours  ; 
d'en  bas, on  ne  voit  pas  ces  sections, mais  on 
distingue  sans  peine  des  altérations  dans 
les  couleurs  et  des  retouches  rendues  néces- 
saires par  un  entoilage  médiocrement  réussi. 

V 
E    vais    maintenant    donner    quelques 
explications  sommaires  sur  la  mise  sur 
toile,  et  les  inconvénients  du  système. 
C'est  une  affaire  d'habileté  de  main  et 


J 


1.  A  la  vue,  j'estime  que  chaque  peinture  a  environ 
5  mètres  de  large  sur  8  '"  50  à  neuf  mètres  de  haut. 


surtout  de  collage.  Les  colles  ont,  dans 
l'opération,  un  rôle  prépondérant  ;  chaque 
opérateur  avait  les  siennes  :  les  bases  sont 
à  peu  près  identiques,  mais  les  proportions 
varient  ainsi  que  les  modes  de  préparation. 

Il  n'y  a  donc  aucun  intérêt  à  donner  ici 
les  poids  et  les  modes  de  cuisson,  d'autant 
plus,  —  tout  le  monde  est  d'accord  sur  ce 
point,  —  que  les  formules  valent  peu  dans  la 
pratique. 

Avant  tout,  la  fresque  doit  être  absolu- 
ment nettoyée.  Poussières,  couche  de  lait  de 
chaux, suies  résultant  de  la  fumée  des  cierges 
et  de  l'encens,  chancis,  traces  minérales 
provenant  des  matériaux  de  la  muraille, tout 
ce  qui  affecte  la  peinture  en  mal, doit  dispa- 
raître entièrement.  Si  on  n'arrive  pas  à  ren- 
dre la  fresque  propre,  il  faut  renoncer  à 
l'entoilage  ;  il  ne  réussira  pas  ('). 

Voilà  déjà  une  première  difficulté  et  non 
des  plus  minces. 

Lorsque  la  fresque  est  bien  nette,  on 
applique  sur  sa  surface  des  bandes  de  coton 
très  fin  imbibées  de  colle  de  poisson  addi- 
tionnée légèrement  de  vinaigre  ou  d'acide 
acétique  ;  sur  cette  première  couverture 
on  en  applique  une  seconde  en  toile  de  lin 
assez  forte,  imbibée  de  colle  de  poisson  mé- 
langée avec  de  la  farine  de  froment.  La 
fonction  du  premier  entoilage  est  de  dé- 
tacher la  pellicule  de  couleur  et  de  la  fixer 
contre  la  toile  de  coton  ;  la  toile  de  lin  sert 
simplement  de  soutien  à  l'autre. 

Après  siccité  les  deux  toiles  sont  déta- 
chées du  mur  en  même  temps  ;  si  elles  sont 
grandes  on  peut  les  rouler  sur  un  cylindre. 

Puis  elles  sont  étendues  sur  une  surface 
plane,  le  côté  imprégné  de  couleur  contre 
la  surface  ;  l'autre  côté,  le  revers  par  con- 
séquent, est  soigneusement  débarrassé  des 

i.Pour  le  nettoyage  des  fresques.voir  ma  notice  publiée 
par  la  Revue  de  V Art  chrétien,  mai,  1898. 


3U  Déplacement  Des  fresques. 


203 


petits  fragments    de  l'enduit    qui  ont  pu  y 
rester. 

Il  faut  à  présent  porter  la  fresque  sur 
son  support  définitif;  il  peut  être  de  diver- 
ses matières,  généralement  c'est  une  forte 
toile  de  lin  préalablement  imbibée  d'une 
mixture  de  lait  écrémé  et  caillé  ou  de  ca- 
séine, de  colle  de  poisson,  de  sérum  du 
sane,  de  chaux  blanche  éteinte,  et  de  blancs 
d'ceufs  ;  la  toile  est  étendue  avec  soin  sur 
le  revers  de  la  pellicule  de  couleur. 

Tout  le  système  est  mis  pendant  plusieurs 
jours  sous  une  pression  continue  et  égale 
partout  ;  après  siccité  on  retourne  l'appareil  ; 
on  détache  à  l'eau  chaude  les  deux  toiles 
qui  ont  été  posées  pour  commencer;  la 
fresque  étant  alors  à  découvert  est  passée 
à  l'eau  pour  enlever  la  colle  qui  est  restée 
adhérente  à  la  couleur  ;  il  ne  reste  plus  alors 
qu'à  tendre  la  toile  définitive  sur  un  châssis, 
garni  à  l'intérieur  d'un  solide  parquet. 

Telle  est  l'opération  prise  dans  son  en- 
semble; elle  est  extrêmement  délicate. Outre 
l'habileté  de  main  de  l'opérateur  il  faut 
des  colles  excellentes  ;  ce  n'est  pas  tout  que 
la  colle  dont  la  toile  de  coton  a  été  imbibée 
détache  bien  la  couleur  posée  sur  l'enduit 
et  que  la  mixture  de  l'entoilage  définitif 
prenne  à  son  tour  la  pellicule,  il  faut  encore 
qu'elle  soit  apte  à  la  retenir;  à  cet  égard  on 
a  eu  à  constater  des  échecs  :  il  est  arrivé 
que  des  mises  sur  toiles  ont  paru  d'abord 
bien  réussies  et  qu'au  bout  de  quelques 
années,  à  cause  de  la  mauvaise  qualité  de 
la  mixture,  la  couleur  s'est  fendillée  et 
écaillée  et  a  fini  par  tomber. 

Même  avec  de  bonnes  colles  et  une 
grande  pratique,  l'opération  ne  réussira  que 
si  la  fresque  se  présente  dans  des  conditions 
particulières. 

Il  faut  qu'elle  soit  parfaitement  bien  net- 
toyée ;  que  ses  couleurs  ne  soient  pas  effri- 
tées ;  que  l'absorption  des  couleurs  par  l'en- 


duit ait  été  à  peu  près  égale  ;  qu'elle  soit 
entièrement  à  buoii  fresco,  c'est-à-dire  sans 
retouches  de  tempera  et  à  fortiori  à  l'huile. 

En  effet,  l'entoilage  sur  toile  de  coton  ne 
peut  prendre  que  les  couleurs  à  l'eau  ayant 
encore  une  certaine  consistance  ;  non  seu- 
lement il  ne  retient  pas  les  couleurs  à 
tempera,  mais  il  les  fait  disparaître  par  dis- 
solution, comme,  du  reste,  les  feraient 
disparaître  les  lavages  à  l'eau  qui  terminent 
l'opération. 

Pour  remédier  à  cet  inconvénient  majeur, 
on  a  cherché  d'autres  formules  de  colle, 
mais  sans  réussir. 

Feu  le  comte  Secco  Suardo  a  proposé  de 
couvrir  la  tempera  d'une  couche  de  paraffine; 
le  remède  est,  paraît-il,  absolument  ineffi- 
cace. 

M.  Valentino  Bernardi,  peintre  et  restau- 
rateur de  peintures  à  Bergamo,  a  récemment 
préconisé  l'application  d'une  dissolution 
d'alun  qui  isolerait  la  tempera;  c'est  un 
très  grand  progrès,  il  trouverait  son  emploi 
non  seulement  dans  le  transport  sur  toile 
mais  dans  les  nombreux  cas  où  une  fresque 
retouchée  à  tempera  a  besoin  d'être  lavée 
à  l'eau. 

On  sent  maintenant  ce  qui  arrive  si  la 
fresque  n'est  pas  complètement  homogène. 
L'entoilage  de  coton  viendra  avec  des  af- 
faiblissements de  couleurs  et  des  lacunes 
complètes  ;  l'harmonie  générale  sera  rom- 
pue; une  fresque  pourra  paraître  comme  une 
plante  vieillie  avec  des  branches  encore 
vertes  et  d'autres  décolorées  ou  sans  feuilles. 

Les  anciens  opérateurs  n'ignoraient  pas 
les  inconvénients  du  report  sur  toile,  mais 
ils  s'efforçaient  de  ne  pas  les  divulguer.  Pour 
conserver  leur  crédit,  ils  travaillaient  à 
portes  closes  et  tentaient  de  dissimuler  les 
lacunes  et  les  faiblesses  par  des  retouches 
plus  ou  moins  habiles. 

Tant  que  les  retouches  ont  été   tolérées 


204 


Bebue  tie  l'&rt  cbrétten. 


dans  une  certaine  mesure  —  et  cette  période 
a  duré  beaucoup  trop  longtemps  —  l'entoi- 
lage est  resté  en  faveur  ;  mais  depuis  que 
les  retouches  ont  été  défendues,  au  moins 
par  les  services  publics,  les  opérateurs  ont 
cherché  des  moyens  de  se  passer  du  pro- 
cédé de  report  sur  toile. 

VI 

L'UN  de  ces  moyens  paraît  chimérique 
à  première  vue,  et  cependant  il  a  été 
employé  avec  succès  par  M.  Bianchi  de 
Florence. 

Pour  éviter  le  report  sur  toile,  on  a  ima- 
giné d'enlever  la  fresque  avec  son  enduit 
sans  démolir  la  muraille. 

Sur  la  fresque  on  colle  une  toile  imbibée 
d'une  mixture  de  farine  de  froment  délayée 
et  bouillie  dans  du  lait  écrémé.  Cette  mix- 
ture n'a  plus,  comme  dans  le  système  du 
report  sur  toile,  la  fonction  de  détacher  la 
peinture  ;  tout  au  contraire,  elle  doit  la 
maintenir  contre  l'enduit. 

La  toile  est  fixée  par  des  traverses  de 
bois  contre  la  ligne  supérieure  de  la  fresque  ; 
lorsqu'elle  est  sèche,  on  pratique  des  cani- 
veaux au  bas  et  sur  les  côtés  verticaux  de 
la  peinture.  Puis  avec  un  marteau  de  bois 
enveloppé  de  peau,  et  en  commençant  par 
le  bas,  on  frappe  à  petits  coups  réguliers  ; 
la  percussion  a  pour  résultat  de  faire  cesser 
l'adhérence  de  l'enduit  à  la  muraille. 

Il  peut  arriver  qu'en  certain  endroit  l'ad- 
hérence résiste  aux  coups  de  marteau  ; 
alors  on  détache  au  moyen  de  lames  d'acier 
dentelées  ou  non  ;  pour  manœuvrer  ces 
outils  il  faut  nécessairement  pratiquer  au- 
tour de  la  fresque,  des  cavités  assez  pro- 
fondes pour  donner  à  la  main  une  certaine 
liberté  de  mouvement. 

M.  E.  Ridolfi,  l'éminent  directeur  actuel 
des  Musées  et  galeries  de  l'État,  à  Florence, 
a    employé,  vers    1856,    notamment    dans 


l'église  Santa  Maria  Bianca  à  Lucques,  un 
procédé  des  plus  ingénieux  pour  lever  une 
fresque  avec  son  enduit  sans  pratiquer 
autour  de  la  peinture  les  cavités  qui  peu- 
vent être  dommageables. 

Après  avoir  usé  du  martelage,  il  s'était 
trouvé  en  présence  de  points  qui  résistaient  ; 
il  a  eu  l'idée  de  soulever  l'encollage  par  le 
bas  comme  on  soulèverait  une  tapisserie 
pour  nettoyer  le  dessous  sans  la  détacher 
entièrement  du  mur. 

Pour  faciliter  l'opération  il  a  posé  de 
flexibles  et  minces  bandes  d'acier  contre  les 
montants  et  le  bas  de  la  fresque,  puis,  sou- 
levant l'encollage  avec  des  cordes,  il  a  intro- 
duit en-dessous  une  sorte  de  fourchette.plate 
emmanchée  et  il  s'en  est  servi  pour  vaincre 
les  points  d'attache  qui  avaient  résisté  aux 
coups  de  marteau. 

Lorsque  la  fresque  avec  son  enduit  est 
entièrement  détachée  du  mur,  on  fixe  une 
table  de  bois  sur  l'encollage  et  on  lève 
tout  l'appareil  ;  après  avoir  bien  nettoyé  à 
plat  l'envers  de  l'enduit,  on  le  consolide  avec 
un  mastic  à  la  chaux  et  on  pose  l'appareil 
sur  un  parquet  de  bois  définitif  préalable- 
ment enduit  d'une  mixture  adhérente  qui 
se  combine  avec  le  mastic  dont  l'enduit  a 
été  couvert.  Après  quelques  jours  de  mise 
sous  pression,  on  enlève  la  planche  de  bois 
et  on  lave  la  fresque  à  l'eau  pour  la  dé- 
barrasser de  la  colle. 

Si  je  me  suis  fait  comprendre,  l'avantage 
du  système  par  percussion  ne  paraîtra  pas 
douteux  ;  il  n'exige  pas,  en  effet,  comme  le 
procédé  du  report  sur  toile,  un  double  en- 
collage, et  il  n'exige  pas  davantage  que  la 
fresque  soit  débarrassée  des  impuretés  sou- 
vent difficiles  à  enlever. 

Cela  ne  veut  pas  dire  que  la  méthode  ne 
présente  pas  certains  inconvénients. 

D'abord  pour  se  servir  avec  succès  du 
marteau  et  des  outils,  il  faut  une  expérience 


3le  déplacement  Des  fresques. 


205 


consommée,  puis  il  reste  toujours  la  question 
des  couleurs  a  tempera  si  la  fresque  a  été 
ainsi  retouchée  ;  au  lavage  final,  ces  cou- 
leurs se  dissoudront  dans  l'eau,  et  la  fres- 
que se  présentera  avec  des  lacunes. 

VII 

J'ARRIVE  enfin  aux  plus  récentes  mé- 
thodes ;  elles   ont  à  présent  la  préfé- 
rence. 
Il  fallait  sortir  des  impasses  et  en  fin  de 
compte  s'affranchir  de  l'emploi  des  colles 
dont  j'ai  indiqué  les  inconvénients. 


Déplacement  de  fresque.  n°  3. 

Les  opérateurs  y  sont  arrivés  avec  le 
système  dit  à  réseaux  métalliques. 

Voici  en  quoi  il  consiste. 

Le  praticien  commence  par  sonder  autour 
de  la  fresque  pour  se  rendre  compte  de 
l'épaisseur  de  l'enduit  ;  puis  il  pratique  des 
caniveaux  et  loge  dans  les  creux  un  cadre 
de  bois  comme  déjà  je  l'ai  indiqué  ;  sur  la 
face  le  cadre  dépasse  un  peu  le  niveau  de 


la  fresque,  à  l'envers  il  dépasse  l'enduit  de 
quelques  centimètres. 

On  pose  ensuite  sur  la  face,  à  sec,  un 
carton  assez  fort  mais  souple  et  imper- 
méable. Il  importe  que  le  carton  soit  bien 
appliqué,  afin  qu'il  n'y  ait  ni  frottement  ni 
creux  ;  les  uns  le  fixent  avec  des  règles, 
d'autres  prennent  de  plus  minutieuses  pré- 
cautions surtout  dans  le  cas  assez  fréquent 
où  la  fresque  n'est  pas  tout  à  fait  plane  et 
qu'elle  présente  des  gondolages. 

Sur  le  cadre  ils  vissent  des  traverses  de 
bois  ;  entre  les  traverses  ils  glissent  des 
fiches  également  en  bois,  de  façon  que  le 
carton  suive  exactement  le  gondolage 
(figure  n°  3). 


Déplacement  de  fresque,  n "  4. 

Ceci  fait,  on  attaque  le  mur  par  derrière  ; 
on  le  réduit  à  la  scie  si  c'est  possible  ou  par 
enlevage  à  la  main,  jusqu'à  ce  qu'on  arrive 
au  cadre  de  bois  (figure  n°  4). 

La  dépouille  se  fait  par  fractions  ;  les 
uns  la  poussent  jusqu'à  l'enduit  ;  d'autres, 
lorsque  c'est  possible,  laissent  contre  l'en- 
duit une  petite  couche  des   matériaux   du 


2o6 


Brinte  fie  l'&rt  cbrcttcn* 


mur  ;  sur  le  cadre  on  visse  des  crochets  et 
on  dresse  un  réseau  de  fils  de  cuivre  ou  de 
fer  galvanisé  ;  le  réseau  est  noyé  dans  une 
couche  de  plâtre  qui  couvre  naturellement 
aussi  tout  l'enduit  ;  on  passe  à  un  autre 
segment  et  ainsi  de  suite. 

L'opération  terminée,  la  fresque  est  enle- 
vée et  posée  sur  un  solide  parquet  de  bois; 
après  quoi  on  la  débarrasse  du  carton,  s'il  y 
a  lieu,  ou  bien  on  laisse  le  carton  si  la 
peinture  doit  être  emballée  et  expédiée  au 
loin. 

La  méthode  a  le  très  grand  avantage 
d'éviter  les  encollages  toujours  chanceux, 
mais  en  revanche  elle  nécessite  la  démoli- 
tion du  mur  en  bien  des  cas,  et  ce  n'est 
pas  là  un  grand  obstacle  ;  la  percée  d'une 
fenêtre  ou  d'une  porte  est  chose  fréquente 
et  au  surplus  on  peut  rebâtir  à  nouveau  le 
pan  de  mur  enlevé. 

L'application  sur  réseau  métallique  a  été 
faite  avec  succès  par  M.  Bardini  de  Flo- 
rence aux  fresques  qu'il  a  cédées  à  divers 
musées,  notamment  à  la  Crucifixion  par 
Fra  Angelico,  à  la  fresque  de  Botticelli 
Giovanna  Tornabuoni  et  les  Trots  grâces,  à 
une  autre  fresque  dans  la  manière  de  Botti- 
celli Lorenzo  Albizzi  et  les  Arts,  acquises 
par  le  Musée  du  Louvre  en  1880  et  en  1882. 
La  Crucifixion  provient  du  couvent  de  San 
Domenico  et  les  deux  autres  de  la  villa 
Lemmi,  située   sur  la  colline  de    Fiesole. 

Récemment  j'ai  vu  M.  Lucarini(')  trans- 
porter sur  réseau  plusieurs  fresques  prove- 
nant des  démolitions  du  centro  de  Florence 
et  conservées  à  présent  dans  le  grand  cloître 
du  couvent  San  Marco. 

L'application  sur  réseau  métallique  a 
donné  lieu  à  un  travail  spécial  au  Campo 
Santo  de  Pise  ;  à  la  vérité  il  ne  s'agissait 
pas  du  transport  d'une  fresque  d'un  endroit 

1.  M.  l'architecte  Lucarini  a  bien  voulu  exécuter  nos 
dessins. 


dans  un  autre,  mais  bien  de  la  conservation 
d'une  fresque  ;  comme  l'opération  est  inté- 
ressante et  peu  connue,  je  crois  qu'il  est 
utile  d'en  parler. 

Le  Campo  Santo  est  humide  ;  depuis 
longtemps  les  fresques  ont  souffert  de  cet 
état,  et  divers  procédés  ont  été  employés 
pour  prolonger  leur  existence.  Ils  n'ont  pas 
tous  été  heureux,  on  regrette  notamment 
une  sorte  de  vernis  à  la  cire  dont  on  a  jadis 
revêtu  quelques  morceaux. 

M.  Fiscali,  très  qualifié  pour  tout  ce  qui 
touche  à  l'entretien  des  fresques,  soumit  à 
la  Commission  compétente  un  remède  radi- 
cal pour  empêcher  l'humidité  des  murailles 
d'atteindre  les  couleurs  ;  la  proposition 
acceptée,  M.  Fiscali  opéra  sur  les  fresques 
d'Antonio  Veneziano  (1319-1383)  repré- 
sentant la  mort  de  saint  Ranieri,  patron  de 
Pise.d'une  superficie  de  vingt-quatre  mètres 
carrés.  La  pellicule  de  couleur  fut  enlevée 
par  le  procédé  habituel  de  l'encollage,  et 
reportée  sur  une  toile  métallique  galvanisée 
enduite  de  mastic  ;  le  mur  de  briques  fut 
dépouillé  d'une  partie  de  son  épaisseur, 
puis  la  toile  métallique  fut  mise  en  place 
de  façon  à  laisser  entre  son  plan  et  celui  du 
mur  un  espace  suffisant  pour  permettre  la 
circulation  de  l'air.  Cette  ingénieuse  opéra- 
tion a  été  faite,  il  y  a  une  dizaine  d'années,  et 
depuis  lors  les  peintures  d'Antonio  Vene- 
ziano sont  à  l'abri  des  atteintes  de  l'humidité. 

J'ai  terminé  ce  que  je  m'étais  proposé  de 
dire  ;  la  tâche  a  été  malaisée,  par  suite  la 
notice  a  été  d'une  lecture  pénible,  je  le  re- 
connais, mais  en  matières  techniques  il  en 
est  ainsi  généralement. 

Il  faut  conclure  maintenant. 

Le  mieux  est  de  laisser  les  fresques  en 
place  si  c'est  possible. 

Si  la  construction  doit  disparaître  forcé- 
ment, on  enlèvera  la  muraille  peinte  ;  c'est 


He  Déplacement  Ses  fresques» 


207 


une  affaire  mécanique  qui  ne  présente  pas 
de  difficultés  sérieuses. 

Si  la  construction  doit  subsister,  mais 
que  pour  une  raison  quelconque  la  fresque 
doit  être  enlevée,  on  lèvera  le  pan  du  mur 
décoré  et  on  le  remplacera  par  une  maçon- 
nerie nouvelle  ;  l'opération  ne  présente  pas 
non  plus  de  réelles  difficultés,  si  on  sait 
employer  le  report  sur  un  réseau  métal- 
lique. 

Dans  les  deux  cas  précédents,  la  fresque 
apparaîtra  à  sa  nouvelle  place  à  peu  près 
comme  elle  était  dans  l'ancienne  ;  il  y  aura 
bien  quelques  fentes  et  quelques  éraflures, 
mais  l'ensemble  n'en  souffrira  pas  beaucoup. 

Le  système  du  martelage  est  excellent, 
si  la  fresque   est  en  bon  état,  à  biion  fresco 


et  si  l'opérateur  est  d'une  habileté  con- 
sommée ;  sans  ces  deux  conditions  réunies, 
—  ce  qui  n'est  pas  facile,  —  le  procédé  ne 
devra  pas  être  tenté. 

Enfin  lorsque  tous  les  autres  moyens  sont 
impossiblesetqu'à  toutprix  il  faut  sauver  les 
fresques,  on  pourra  se  hasarder  au  système 
de  la  levée  de  la  pellicule  seule  et  à  son 
report  sur  toile.  Le  procédé  est  périlleux 
mais  il  peut  réussir  si  l'opérateur  est  heu- 
reux et  si  la  fresque  est  saine  et  homogène; 
si  elle  ne  l'est  pas,  on  n'obtiendra  qu'un 
résultat  médiocre. 

C'est  le  remède  in  extremis. 


Gerspach. 


Florence,  Février. 


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*sh®  Heltques  lie  Constanttnople.  (suite.)  >®^   | 

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«awcHtjgj'di'ni^fe; i c e y c e .  1259.    —  Il   ny 

j'  ' 
a  certainement  pas  a  e- 

t  pines  dont  l'histoire  ait 
été  plus  complètement 
faite  que  celle  de  Vi- 
cence.  Les  Bollandistes 
ip.WM*(if£L  ont  même  renoncé  à 
publier  tous  les  textes  qui  témoignent  du  don 
de  saint  Louis  au  bienheureux  Barthélémy 
de  Bragance. 

Riant  a  publié  (')  la  lettre  d'envoi  datée 
de  Paris  du  11  décembre  1259,  et  Ughelli 
nous  dit  qu'elle  fut  apportée  à  Vicence  avec 
un  amict  du  roi. 


Assise,  1260.  —  Il  ne  reste  d'autre  do- 
cument officiel  de  l'envoi  d'une  épine  par 
saint  Louis  au  couvent  des  Frères  Mineurs 
d'Assise,  que  le  décret  de  la  Sacrée  Con- 
grégation des  Rites  du  4  juillet  1  733,  qui 
autorise  la  célébration  de  l'office  de  la  sainte 
Couronne  dans  le  couvent  d'Assise  ratione 
unius  spiuae,  basilicae  praefati  sac  ri  cou- 
vetitus  a  s.  Liuiovico  Galliarum  Rege,  de 
anno  1260  datae.  Mgr  de  Persiis,  évèque 
d'Assise,  qui  avait  bien  voulu  m'envoyer  ce 
texte,  ajoutait  que  les  archives  du  couvent 
avaient  été  transportées   au  Municipe    en 

1860. 

Le  professeur  Alessandri,  bibliothécaire  de 
la  ville,  que  j'ai  alors  interrogé,  et  qui  a  bien 
voulu  me  faire  exécuter  la  photographie  du 
reliquaire,  m'a  répondu  que  la  seule  trace 
de  la  donation  qui  en  restât  actuellement, 
était  le  passage  suivant  d'un  inventaire 
inédit  de  1338.  Item  unum  pulchrum  ta- 
beruaculum  de  argento,  cum  pede  de  argento 
inaurato,  cum  quatuor  smallis  in  pede  et  sex 

1.  T.   II,  p.    141. 


in  porno  et  ciborio  cum  quatuor  columpnis 
in  quo  est  spina  corone  Xi  quant  misit  rex 
Franciœ. 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  du  couvent  des  Frères  Mineurs 
d'Assise. 


Paris,  Sainte-Trinité,  1260. —  Suivant 
Baillet,  huit  églises  ou  abbayes  de   Paris, 


îReliques  De  Constanttnopie. 


209 


possédaient  chacune  une  épine  provenant 
de  la  Sainte-Chapelle  :  Saint- Eustache, 
St-Germain  l'Auxerrois,  les  Sts-Innocents, 
Saint- Barthélémy,  les  Mathurins, les  Carmes 
de  la  Place  Maubert,  Port- Royal  des 
Champs  et  Port-Royal  de  la  Ville.  En  tous 
cas,  il  n'en  est  qu'une,  parmi  celles  énu- 
mérées  ici,  que  saint  Louis  ait,  que  nous 
sachions,  honorée  d'un  semblable  présent. 
Les  Annales  de  la  Sainte- Trinité,  à  l'année 
1270,  mentionnent  le  don  du  roi,  qui  avait 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  du  couvent  de  la  Trinité. 

également  donné  des  ornements  précieux, 
des  gants,  et  une  couronne  garnie  de  pierres 
précieuses. 

Il  est  vraiment  surprenant  que  Baro  n'ait 
pas  donné  de  plus  précis  renseignements. 
Saint  Louis,  en  effet,  avait  accompagné 
d'une  lettre,  datée  de  mars  1260  qui  était 
encore  dans  les  archives  du  couvent  à  la  fin 
du  XVIIIe  siècle,  l'envoi  des  reliques  et 
du  reliquaire.  Si  nous  n'en  avons  plus  le 
texte  authentique, Millin  du  moins, dans  ses 
Antiquités  nationales,  t.  III,  nous  en  a  con- 
servé la  traduction  qu'il  accompagne  du 
dessin  de  la  couronne  qui  contenait  les  pré- 
cieuses reliques  que  le  roi  avait  adressées  au 
couvent,  par  Pierre  d'Arras,  son  chapelain. 


En  voici  la  traduction  : 

«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roi  de  France,  à  ses 
«  bien-aimés  les  minisires  et  religieux  de  Saint- 
«  Mathurin  de  Paris,  de  la  Sainte-Trinité  et  des  Captifs 
«  salut  et  dilection.  Voulant  décorer  votre  église  de 
«  quelques  marques  vénérables  de  notre  Rédemotion, 
«  à  l'honneur  et  à  la  gloire  du  Rédempteur  et  en  sa 
«  mémoire  perpétuelle,  nous  avons  jugé  à  propos  de 
«  vous  envoyer  par  notre  bien-aimé  chapelain,  frère 
«  Pierre  d'Arras,  de  votre  ordre,  une  épine  de  la  sacro- 
«  sainte  Couronne  de  Notre-Seigneur,  et  une  lame  de 
«  sa  très  Sacrée  Croix,  priant  attentivement  en  notre 
<<  dévotion,  que  recevant  de  Nous  ce  présent  avec  le 
«  respect  qui  lui  est  dû,  vous  ayez  soin  de  le  conserver 
«  ci-après  en  considération  du  Sauveur  de  tous  les 
«  hommes,  avec  toute  révérence  et  honneur  et  priez 
«  pour  nous.  Fait  à  Vincennes,  l'an  de  Notre-Seigneur 
«  MCCLX,  au  mois  de  Mai.  » 


Pampelune,  1 266. —  Don  José  Moret  ('), 
qui  consacra  sa  vie  à  l'histoire  de  la  Na- 
varre, relate  que  des  deux  épines  vénérées 
à  Pampelune,  l'une  venait  certainement  de 
saint  Louis,  qui  l'avait  prise  à  Saint-Denis 
et  donnée  en  cadeau  de  noces  à  Thibault  1 1 
de  Champagne,  roi  de  Navarre,  lors  de  son 
mariage  avec  Isabelle  de  France  :  quant  à 
l'autre,  on  croit,  dit-il,  qu'elle  venait  de 
Thibault  le  père,  qui  l'aurait  rapportée  d'un 
voyage  à  Jérusalem. 

Moret  a  certainement  puisé  ses  rensei- 
gnements dans  un  écrivain  antérieur.  Effec- 
tivement Prudentio  de  Sandoval  (2)  rapporte 
que  du  temps  de  Don  Pedro  IV  Ximenez  de 
Gazolaz,  évèque  de  Pampelune,  Thibault  II, 
roi  de  Navarre,  reçut  de  saint  Louis  une 
épine  du  Christ,  qu'il  la  donna  dans  un  reli- 
quaire d'argent  doré  à  l'église  le  25  octobre 
1266.  Mais  qu'est-elle  devenue  ? 

Alors  qu'on  trouve  bien  dans  les  textes  la 
mention  de  cette  épine,  on  n'en  trouve  au- 

1.  Los  Annales  de  Navarra,  Pampelune,  1704,   t.   III 
p.  89. 

2.  Sandoval  (Don  Fray  Prudentio  de),  Catalogo  del 
Obispos  que  ha  tenido  la  santa  Iglesia  di  Pamplona,  Pam- 
pelune, Nicolas  de  Assiayn,  1614,  in-4°,  f°  93  v". 


KBVU14   DE    LAKT    CHK&TJKN 
1899.   —   3""=   UVKAISON. 


2IO 


Peinte  tic  P&vt  fbvctten 


cune  trace  dans  le  trésor:  et  si,  aujourd'hui 
encore,  quelques  voyageurs  mentionnent, 
sur  la  foi  de  leurs  prédécesseurs,  à  la  cathé- 
drale, un  reliquaire  français  du  XIIIe  siècle 
qui,  suivant  la  tradition,  aurait  été  envoyé 
par  saint  Louis  (')  les  savants  qui  ont 
eu  accès  au  trésor,  comme  M.  Privât,  de 
Toulouse,   comme  M.  Brutails  (-'),    n'y  ont 


Reliquaire  des  saintes  Épines  à  Roncevaux. 

trouvé  qu'un  reliquaire  cruciforme  en  or, 
contenant  une  parcelle  de  la  vraie  croix, 
donné  par  Manuel  Paléologue,  ainsi  qu'il 
résulte  du  diplôme  expédié  du  Louvre,  le  6 
janvier  1402,  écrit  en  grec  et  en  latin  et 
portant  la  signature  de  l'Empereur  en  ver- 
millon, scellé  d'une  bulle  d'or  présentant  d'un 
côté  l'image  de  Jésus-Christ  et  de  l'autre 
saint  Pierre. 

1.  Bulletin  archiolog.  du  midi  de  la  France,  1898,  p.  25. 

2.  Congres  delà  société  archéolog.  française,  1S88,  p.  304. 


Et  l'embarras  devient  extrême,  quand,  à 
Roncevaux,  M.  J.-J.  Marquet  de  Vasselot 
découvre  un  reliquaire  du  XVIe  siècle,  au- 
quel, plus  tard, on  a  ajouté  deux  balustres 
supportant  deux  tubes  en  verre  où  sont 
deux  épines.  Précisément  au  XVI  Ie siècle  le 
licencié  Huerta,  sous-prieur  de  Roncevaux, 
dont  certains  manuscrits  édités  par  Sar- 
rasa  (')  m'ont  été  signalés  par  M.  Marquet  de 
Vasselot,  «  opina  que  las  dos  espinas  de  la 
Corona  del  Senor  y  los  agregadas  al  cuadro 
del  ajedrez  (2),  las  trajo  el  rey  D.  Teobaldo, 
regaladas  por  el  de  Francia,  para  cujo  efecto 
las  sacaron  de  San  Dionisio  de  Paris.  » 
N'est-ce  pas  la  tradition  même  de  Moret, 
leur  apport  de  Saint-Denis  par  Thibaut  II, 
mais  cette  fois,  appliqué  à  Roncevaux  ? 
Comme  les  épines  de  Pampelune,en  résumé, 
ne  sont  plus  signalées  à  partir  de  Moret,  qui 
écrivait  au  XVIIe  siècle,  je  ne  vois  d'autre 
solution  scientifique,  alors  que  Huerta  est  un 
auteur  auquel  on  peut  accorder  une  certaine 
confiance,  tandis  que  Moret  ne  saurait  être 
acceptéque  sous  bénéfice  d'inventaire,  que 
de  supposer  vers  cette  époque  le  transfert  des 
épines  de  Pampeluneà  Roncevaux,  pendant 
que  les  écrivains  religieux  continuaient,  — 
et  ils  continuent  encore  actuellement  ne 
venons-nous  pas  de  le  voir,  —  à  parler  des 
épines  conservées  au  trésor  de  la  cathédrale, 
alors  que  depuis  déjà  longtemps  peut-être, 
elles  en  avaient  été  enlevées. 


Mont-Saint-Elov,  1261.  —  La  lettre 
d'envoi  de  saint  Louis  aux  religieux  du 
Mont  Saint-Eloy  est  datée  de  Paris,  le  17 
septembre  1261  (3). 

1.  Sarrasa  Hilario,  Resena  historicade  la  real  casa  de 
nuestra  senôra  de  Roncesvalles,  descripcion  de  su  conlorno 
Pampelune,  1878,  in-S°. 

2.  Marquet  de  Vasselot  (J.-J.),  Le  Trésor  de  Roncevaux, 
dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts,  1897. 

3.  Riant,  t.  Il,  p.  143. 


i&eltque0  &e  Constanttnople. 


21  I 


Nous  ignorerions  certainement  le  sort  de 
cette  épine  et  du  reliquaire  qui  la  renfer- 
mait, si  M.  de  la  Fons  Melicocq,  dans  les 
Annales  archéologiques,  t.  IX,  p.  270,  n'avait 
très  heureusement  rappelé  le  passage  de 
Lenain  de  Tillemoni  qui  laisse  supposer  que 
le  reliquaire  du  Mont-Saint-Eloy  a  pu,  à 
un  moment  donné,  passer  dans  le  trésor  de 


Reliquaire  d'Arras. 


l'abbaye  du  Verger.  Or,  le  chanoine  Le- 
quette  (Ibid.,  t.  XII,  p.  264)  s'était  précisé- 
ment occupé  de  la  sainte  épine  du  Verger, 
près  le  bourg  d'Oisy,  naguère  du  diocèse 
de  Cambrai,  aujourd'hui  du  diocèse  d'Arras. 
A  la  Révolution  le  trésor  de  l'abbaye  fut 
dispersé,  et  la  dernière  abbesse  emporta 
au  couvent  des  Dames  Augustines  d'Arras 


lereliquaire,que  nous  admirons  aujourd'hui. 
Lorsque  M.  le  chanoine  Lequette  le  décou- 
vrit, à  demi  brisé,  il  trouva  dans  l'intérieur, 
un  morceau  de  soie  jaune,  entouré  d'une 
banderole  de  parchemin,  portant  en  carac- 
tères semblables  à  ceux  qui  entourent  le 
pied  :  «  Spina  de  Corona  Domini  »  ;  et  au 
milieu  une  épine  de  trois  à  quatre  centimè- 
tres blanchâtre.  Le  reliquaire  a  été  restauré, 
mais  heureusement,  avant  les  réparations, 
il  a  été  décrit  minutieusement  par  Didron 
et  Linas. 


Saint- Maurice  en  Valais,  1262.  —  La 
lettre  de  saint  Louis  est  du  mois  de  février 
1261  v.  s.,  1262,  par  conséquent,  datée  de 
Paris.  Elle  est  adressée  à  ses  co-chanoines 
de  Saint- Maurice,  par  l'entremise  de  l'abbé 
Girold,  venu  à  Senlis  apporter  au  roi  des 
reliques  de  saint  Maurice  et  des  martyrs  de 
la  Légion  Thébaine.  Le  reliquaire  qui  ren- 
ferme la  sainte  Épine  se  compose  d'une 
petite  monstrance  à  jour,  garnie  de  deux 
verres,  entre  lesquels  descend  du  sommet, 
dans  un  petit  tube  de  verre,  la  sainte  épine; 
la  monstrance,  en  forme  d'ellipse,  est  fixée 
par  deux  feuilles  d'ache  qui  la  pincent,  à  un 
pied  beaucoup  plus  grêle  que  celui  des 
calices  de  la  même  époque,  avec  un  nœud 
au  milieu.  La  partie  supérieure  au-dessus 
du  nœud  jusqu'à  la  feuille  d'ache  est  aplatie, 
tandis  qu'au-dessous  du  nœud  la  tige  est 
ronde  comme  le  pied  duquel  elle  s'élance. 

Sur  le  plat  du  pied  est  gravée  circulaire- 
ment  l'inscription  suivante  :  «  Spina  de  sa- 
crosancta  corona  Domini.  » 

La  monstrance  mesure  deux  cent  cinq 
millimètres  de  hauteur,  le  pied  quatre- 
vingt-treize  millimètres.  Ici  il  faut  faire  une 
distinction  indispensable.  Lamonstranceest 
d'or  fin,  d'une  délicatesse  extrême,  c'est  un 
pent-à-col,  véritable  bijou  orné  de  pierreries, 


212 


3Rel)tte  t>e  l'&rt  chrétien. 


rubis  et  émeraudes  ('),  montés  sur  de  petites 
rosettes  d'or  et  de  perles,  fixées  par  un  fil 
d'or  qui  les  traverse,  au  plat  de  l'encadre- 
ment, simplement  bordé  de  deux  petites 
moulures,  unies  mais  d'un  goût  exquis  :  une 
charnière,  qu'on  distingue  encore  malgré  un 
resoudage  ancien,  et  un  petit  trou  très  appa- 
rent, à  la  partie  supérieure,  où  était  assuré- 
ment attaché  un  anneau,  sont  les  preuves  les 
plus  évidentes  de  sa  destination  première. 
L'abbé  Girold  l'emporta  certainement  ainsi 
suspendu  à  son  col,  dans  son  abbaye,  où,  très 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  de  Saint-Maurice  (Valais,  Suisse). 

probablement,  fut  exécuté  le  pied  d'argent 
doré  qui  supporte  aujourd'hui  le  médaillon. 
Cette  seconde  partie  de  la  monstrance  est 
d'un  travail  aussi  ordinaire  que  celui  du 
médaillon  est  fin  ;  le  quatre-feuilles  qui 
sert  de  pince,  ne  sort  pas  du  commun,  les 
arêtes  de  la  tige  sont  fiasques,  le  nœud 
dur,  le  pied  d'une  exécution  sommaire,  la 
gravure  de  l'inscription  grossière;  bref.il  est 
impossible  de  citer  le  monument  dans  son 
ensemble,  comme  un  type  de  reliquaire  du 
XIIIe  siècle,  tandis  qu'en  le  décomposant, 
en   laissant   de   côté   la   base,   œuvre   d'un 

i.  Largeur  du  cadre  8  millim.  ;  largeurde  la  monstrance 
50  millim.  ;  hauteur  S4  millim.  ;  dimensions  intérieures  : 
hauteur  du  verre  60  millim.  ;  largeur  35  millim. 


simple  ouvrier,  il  reste  un  bijou  exquis,  du 
goût  le  plus  pur,  que  sa  valeur  même  a  dû 
désigner  au  choix  d'un  royal  donataire  pour 
servir  de  monstrance  à  la  relique  la  plus 
précieuse  de  son  trésor. 


Barcelone,  i  262.  —  Cette  même  année, 
mais  sans  qu'on  en  connaisse  la  date,  une 
lettre  de  saint  Louis  annonce  aux  Frères 
prêcheurs  de  Barcelone,  qu'il  leur  envoie 
par  le  frère  François  de  Cendra,  une  épine 
de  la  sainte  Couronne  ('). 

M.  Lubio  y  Lluch  veut  bien  réappren- 
dre qu'à  Barcelone  se  trouvent  actuellement 
quatre  épines  :  à  la  cathédrale,  à  Santa 
Maria  del  Mar,  à  Fino  et  Petralba.  Mais 
il  se  demande  s'il  ne  les  faudrait  pas  rap- 
procher de  celles  du  testament  du  roi  Don 
Martin,  en  1407  :  Item...  et  quatuor  spinae 
eoronae,  quae  sacratissimo  capiti  suo  fîiit 
imposita  tempore  sues  salutiferae  passionis, 
car  un  incendie  a  complètement  détruit,  en 
1835,  le  couvent  des  Frères  prêcheurs. 


Vezelav,  1267.  —  Saint  Louis  avait  as- 
sisté, pendant  l'octave  de  Pâques,  1267,  dans 
l'église  de  l'abbaye  de  Vezelay,  à  la  trans- 
lation des  reliques  de  sainte  Marie-Made- 
leine. Ace  moment  les  religieux  lui  avaient 
remis  le  bras  et  la  mâchoire  avec  trois  dents 
de  la  Sainte;  au  mois  de  juillet,  il  renvoyait 
à  l'abbaye,  par  G[odefroid],  archidiacre  de 
Paris,  les  reliques   richement   habillées. 

En  même  temps,  le  porteur  du  don  royal 
était  chargé  de  remettre  aux  Pères  une 
lettre  qui  leur  annonçait  l'envoi  de  plusieurs 
reliques  de  la  Passion,  tirées  du  trésor  de  la 
Sainte-Chapelle,  parmi  lesquelles  se  trou- 
vaient deux  épines  de  la  sainte  Couronne(f). 

(A  suivre.)  F.  de  Mélv. 

1.  Riant,  t.  II,  p.  145. 

2.  Ibid.,  p.  154. 


lie  Brteuré  oe  la  "  lîateauj-  Bons- Hommes  1E3 


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55 


Hnger0'\-Son  église  et  les  peintures  qut  la  décorent. 


iimmimiiuiimiixnmiiumiiijamii]  nixoTTiSr] 


*jô*  *SF  T&*  *&*  *&*  Tx«*  y£t*  Ti*î*  W  W  *^  W* ><&*  W  *&*  ïfe 


g^t^^^^'ORDRE  de  Grandmont 
formait  un  groupe  à  part 
dans  la  grande  famille 
monastique,  il  avait  une 
règle  particulière,  nette- 
ment caractérisée, il  était 
fortement  centralisé  en- 
tre les  mains  d'un  seul  chef  qu'on  appela 
«  le  Prieur  »,  jusqu'en  1317,  «l'Abbé  »,  à 
partir  des  réformes  de  Jean  XXII.  Les 
pièces  d'archives,  les  maisons  de  l'Ordre 
encore  aujourd'hui  conservées  ou  à  l'état 
de  ruines,  tous  les  «  documents  »  nous 
montrent  les  mêmes  distributions  à  l'inté- 
rieur des  prieurés  de  Grandmont,  dans  les 
pays  de  la  langue  d'oc  et  de  la  langue 
d'oïl. 

C'est  ce  qui  frappait  MM.  de  Dion  et 
L.  Guibert,  en  1874-1876,  dans  leur  en- 
quête archéologique  sur  le  caractère  et  le 
style  des  constructions  grandmontaines.  Le 
Bois-Rahier  en  Touraine,  N.-D.  des  Mou- 
lineaux,  au  diocèse  de  Chartres,  St-Jean- 
les-  Bons-  H  ommes,  à  Sauvigny,  près  d' A  val- 
lon, le  Parc-lez-Rouen,  Badeix,  aux  portes 
de  Lodève,  Treizen  en  Limousin,  toutes 
les  maisons  qu'ils  ont  étudiées  se  ressem- 
blent. 

Partout,  MM.  de  Dion  et  L.  Guibert  ont 
retrouvé  les  mêmes  dispositions  :  une  église 
orientée,  longue,  étroite,  voûtée  en  berceau, 
terminée  par  une  abside  circulaire  ;  au  Sud, 
adossé  à  l'église,  le  cloître,  vaste  quadrila- 
tère, entouré  des  bâtiments  monastiques. 
Ces  caractères  architectoniques.nous  les  re- 
trouvons identiques  dans  les  «  celles  » 
bâties  en  Anjou  par  l'Ordre  de  Grandmont, 


à  la  Haie-aux-Bons-Hommes,  à  la  Primau- 
dière,  au  Breuil- Bellay  ;  partout,  c'est  la 
même  simplicité  en  harmonie  avec  les 
austérités  de  la  règle  et  le  goût  des  reli- 
gieux pour  la. solitude,  pour  le  «  désert  ». 
Cela  devait  être,  tous  ces  prieurés  ont  été 
fondés  et  bâtis  à  la  même  époque,  à  la  fin 
du  XIIe  siècle  ou  au  commencement  du 
XIIIe.  La  décadence  très  rapide  de  cet 
Ordre  austère  ne  permit  pas  de  tenter,  au 
XVe  ou  au  XVIe  siècle,  des  reconstruc- 
tions et  d'essayer  de  nouvelles  dispositions, 
un  nouveau  style  ('). 

Grandmont,  comme  Cîteaux,  se  contenta 
d'offrir  à  Dieu  ce  que  S.  Bernard  appelait 
l'offrande  des  simples  «  simplicium  oblatio- 
nem  ». 

La  nudité  exagérée  de  ses  églises  fut 
une  protestation  contre  la  somptueuse  or- 
nementation des  églises  clunisiennes,  il 
rejeta  le  luxe  des  sculptures,  les  pavages 
historiés,  les  splendeurs  éblouissantes  des 
vitraux  coloriés. 

Ces  réflexions  nous  ont  semblé  néces- 
saires avant  de  décrire  la  Haie-aux-Bons- 
Hommes,  son  église  et  les  peintures  qui  la 
décorent. 

Pour  comprendre  un  document,  surtout 
quand  il  est  effacé,  interpolé,  pour  le  rendre 
à  son  premier  état,  il  faut  savoir  la  langue 
du  temps,  c'est-à-dire  le  sens  des  mots, 
les  tournures,  les  idiotismes.  Pour  com- 
prendre un  monument,  pour  se  le  repré- 
senter  tel   qu'il    existait   primitivement,    il 


l.  Cf.  le  Bulletin  monumental,  1874-1876.  3  articles 
sur  le  style  et  les  monuments  de  l'Ordre  de  Grandmont, 
par  MM.  de  Dion  et  L.  Guibert. 


214 


Betnte  De  l'&rt  chrétien. 


faut  savoir  la  façon  de  bâtir  propre  à  chaque 
siècle,  les  formules  particulières  à  tel  Ordre 
monastique,  à  telle  classe  de  la  société.    . 

La  plupart  des  anciens  bâtiments  de  la 
Haie  ont  disparu,  quelques  arrachements, 
une  porte,  des  documents,  des  analogies,  la 
manière  de  bâtir  de  l'Ordre  de  Grandmont 
nous  permettront  de  remettre  sous  les  yeux 
du  lecteur  notre  prieuré  angevin  tel  qu'il 
existait  aux  premiers  temps  de  sa  construc- 
tion. 

Ec  Bucuré  De  la  )5aic=atir^Bons= 
Rommes 

LA  Haie-aux-Bons-Hommes  fut  bâtie 
par  Raoul  de  Veo  et  son  frère  le 
sénéchal  Etienne  de  Marsay,  de  1178  à 
1182  ('),  aux  portes  d'Angers,  dans  «  un 
beau  désert  »,  comme  le  disait  notre  vieil 
historien  Barthélémy  Roger.  Richement 
doté  de  biens  et  de  privilèges  par  Henri  1 1 
Plantagenet  et  Richard  Cœur-de-Lion,  par 
les  rois  de  France  et  les  princes  apanagistes 
d'Anjou,  ce  prieuré  ne  tarda  point  à  devenir 
l'un  des  plus  importants  de  l'Ordre  de 
Grandmont  ;  il  en  resta,  jusqu'à  la  fin,  l'un 
des  plus  curieux. 

Le  plan  de  la  Haie  présentait  les  dispo- 
sitions que  l'on  retrouve  dans  tous  les 
monastères  et  dont  Geoffroy  de  Vendôme 
nous  a  donné  la  théorie  dans  son  «  Carmen 
«  de  laude  vitae  monasticae  (2).  » 

«  Quadratam  speciem  structura  domestica  praefert, 
«  Atria  bis  binis  inclyta  particibus. 
«  Quae  tribus  inclusae  domibus,  quas  corporis  usus 
«  Postulat,  et  quarta  quae  domus  est  Domini, 
«  Quarum  prima  domus  servat  potum  cibumque 
«  Ex  quibus  hos  reficit  juncta  secunda  domus. 
«  Tertia  rnembra  fovet  vexata  labore  diurno. 
Quarta  Dei  laudes  assidue  resonat.  » 

1.  Cf.  La  bulle  de  Clément  III.  —Archives  deMaine- 
et-Loiie.        G.  870. 

2.  GeoffV.  de  Vendôme.  —Carmen  de  laude  vitae  monas- 
ticae. 


Le  cloître  adossé  à  l'église,  vers  le  Sud, 
existait  encore  après  la  Révolution  française. 
Il  était  fort  curieux.  Toussaint  Grille  ('), 
après  avoir  décrit  l'église  St-Martin  d'An- 
gers, ajoute  :  «  Le  cloître  de  St-Martin 
«  vaut  la  peine  qu'on  s'y  arrête.  Ceux 
«  de  l'Hôtel-Dieu,  de  la  Haie-aux-Bons- 
«  Hommes  et  celui  de  l'Esvière  qui  avaient 
«  survécu  à  la  Révolution,  peuvent  se  corn- 
«  parer  à  celui  de  St-Martin.  »  Le  cloître 
de  l'Hôtel-Dieu  n'a  pas  disparu  complète- 
ment, il  en  reste  encore  deux  côtés,  c'est 
plus  que  suffisant  pour  permettre  de  se 
figurer  ce  que  devait  être  le  cloître  de  la 
Haie.  Aux  angles  de  la  cour  intérieure, 
devaient  se  trouver  de  grosses  piles,  comme 
on  en  voyait  dans  les  monastères  romans. 
Des  arcades  les  reliaient  l'une  à  l'autre; elles 
reposaient  sur  des  colonnes  simples  ou 
géminées,  ornées  d'un  chapiteau  rudimen- 
taire  à  feuilles  d'eau.  La  toiture  en  appentis, 
très  simple,  sans  entraits,  reposait  directe- 
ment sur  la  colonnade,  sans  corniche,  et  la 
dépassait  de  quelques  centimètres.  Ces  élé- 
ments, nous  les  trouvons  à  St-Jean-les- 
Bons-Hommes,  au  Bois-Rahier,  deux 
maisons  du  même  Ordre. 

Primitivement,  les  murs  du  cloître  paral- 
lèles à  la  colonnade  ne  devaient  avoir 
aucune  décoration. 

Qui  a  l'amor  de  Dieu  el  cuer, 
Les  images  qu'il  voit  défuer, 
Si  ne  li  font  ne  froit  ne  chaut. 

Plus  tard,  la  peinture  fit  disparaître,  au 
moins  sur  certains  points,  la  nudité  des 
murs. On  en  retrouve  des  traces  nombreuses 
vers  la  belle  porte  gothique  qui  donnait 
accès  du  cloître  dans  l'église. 

Autour  du  cloître,  s'étendaient  les  bâti- 
ments du  prieuré.  A  l'Est,  tout  près  de  la 
maison   de    Dieu,  se  trouvait   la  sacristie. 

I.  Toussaint  Grille.  —  Topographie.  —  Biblioth.  mun. 
d'Angers.—  M"  1744-1746.—  La  Haie-aux-Bons-Hommes. 


iLe  prieuré  De  la  $aie*aujr*Bong*$ommes.         215 


En  1654  (').on  y  voyait, entre  autres  choses, 
les  objets  suivants  : 

<<  Une  fontaine  d'estaing,  deux  calices,  deux  croix 
«  de  cuyvre,  deux  petits  chandeliers  de  cuyvre,  pour 
«  les  offices  de  nuict,  six  grands  chandeliers  de  bois 
«  doré,  quatre  chopineaulx  d'estaing,  »  —  le  linge  de 
l'église  en  belle  toile  de  Hollande,  les  ornements 
sacerdotaux  parmi  lesquels  «  une  chappe  d'étoffe  an- 
«  cienne.  » 

Le  trésor  y  renfermait  bien  des  objets  précieux  : 
«  une  croix  d'argent  doré  d'ancienne  orfèvrerie  enrichie 
<  de  pierreries,  en  laquelle  est  de  la  vraie  croix  de 
«  Notre-Seigneur.  »  —  (C'était  un  don  d'Henri  II 
Plantagenet  qui  l'avait  reçue  d'Amaury,  roi  de  Jéru- 
salem) —  <<  un  bras  de  cuyvre  argenté  contenant  un 
«  ossement  de  Monsieur  S'  Geoffroy,  —  un  reliquaire 
«  d'argent  où  sont  trois  cristaux  contenant  plusieurs 
<(  reliques,  — ■  un  autre  reliquaire  garny  d'argent  où 
<<  est  un  ossement  de  S1  Luc  Évangéliste,  —  un  petit 
«  coffret  de  cuyvre  émaillé,  —  deux  aultres  petits 
<<  reliquaires,  —  un  petit  soleil  d'argent,  —  un  anneau 
«  d'argent  doré,  —  un  tabernacle  de  cuyvre  émaillé.  » 
La  plupart  de  ces  objets  aujourd'hui  perdus  appar- 
tenaient à  l'œuvre  de  Limoges  (2). 

A  la  sacristie  tenait  la  salle  du  Chapitre, 
elle  était  voûtée;  au  XVIIe  siècle  on  y 
voyait  encore  la  grande  cheminée.  Là  se 
réunissaient  les  religieux  à  divers  moments 
de  la  journée  pour  y  parler  des  affaires  de 
la  maison,  des  intérêts  de  l'Ordre  tout  entier. 
On  y  écoutait  la  lecture  du  Martyrologe  et 
de  l'Obituaire.  De  temps  à  autre,  on  y  rece- 
vait «  le  rouleau  des  morts  »  apporté  par 
quelque  religieux  de  Grandmont  ou  d'un 
autre  Ordre  en  union  de  prières  avec  la 
Haie.  —  A  l'extrémité  de  la  salle  du  Cha- 
pitre, se  trouvait  sans  doute  l'escalier  qui 
menait  au  dortoir.  Cet  appartement,  pro- 
bablement voûté,  occupait  tout  l'étage  ;  il 
était  divisé,  par  des  cloisons  peu  élevées,  en 
une  série  de  chambrettes  fermées  par  des 
courtines.  Au  XVIIe  siècle,  le  dortoir  fut 

1.  Procès-verbal  de  visite.  —  Archives  de  Maine-et- 
Loire.  G.  871. 

2.  Procès-verbal  de  visite.  —  Archives  de  Maine-et- 
Loire.  G.  871. 


transporté,  à  l'Ouest,  dans  les  bâtiments 
qui  existent  aujourd'hui.  Le  dortoir  dans 
tous  les  monastères  du  XIIe  et  du  XIIIe  s. 
était  placé  à  l'Est,  près  du  chevet  de  l'église. 
C'est  là  qu'on  le  trouve  au  Bois-Rahier  et 
à  St-Jean-les-Bons-Hommes.  —  Au  Midi, 
se  trouvaient  vraisemblablement  le  réfec- 
toire et  la  cuisine,  tout  près  des  caves  et 
des  granges.  Au-dessus,  devaient  être  la 
Bibliothèque  et  le  Chartrier.  La  Bibliothè- 
que, où  l'on  voyait  au  XVIIe  s.  quatre 
portraits  de  moines,  comprenait,  en  1661, 
440  volumes  dont  12  r  in-fol.  (').  —  Le 
Chartrier  contenait  le  grand  Cartulaire  du 
prieuré,  l'Obituaire,  la  Règle  de  l'Ordre, 
magnifiques  Mss  du  XVe  s.  sur  vélin  réglé, 
d'une  écriture  gothique  très  nette  et  très 
régulière,  avec  capitales  en  couleurs  histo- 
riées et  armoriées.  —  Là  se  voyaient  les 
chartes  des  rois  de  France  et  d'Angleterre, 
les  bulles  des  papes,  les  lettres  des  évêques, 
les  titres  de  propriété,  de  fondations,  de 
dotations,  les  procès-verbaux  rédigés  par 
les  visiteurs  de  Grandmont,  les  reçus  des 
dîmes  et  des  fermages  (2).  —  Les  bâtiments 
que  l'on  trouve  actuellement  du  côté  Ouest 
sont  du  XVI  Ie  s.  La  date  1637  qui  se  lit 
sur  un  contrefort,  à  gauche,  indique  l'époque 
de  leur  construction.  C'est  là  que  les  reli- 
gieux installèrent  leur  dortoir  composé  de 
huit  cellules,  au-dessus  du  nouveau  réfec- 
toire, l'ancienne  salle  du  Chapitre  devint 
une  salle  de  billard.  Primitivement,  dans 
les  prieurés  de  Grandmont,  à  St-Jean-les- 
Bons- Hommes,  au  Bois-Rahier  dont  on  a 
conservé  les  plans,  il  n'y  avait  point  de 
bâtiments  d'habitation  à  l'Ouest  du  cloître. 

1.  C'étaient  des  ouvrages  de  philosophie,  de  théologie, 
d'histoire  de  France,  une  Bible  manuscrite  en  3  vol.  in-f°. 
Le  catalogue  de  tous  ces  livres  est  aujourd'hui  conservé 
aux  archives  de  Maine-et-Loire.  G.  871. 

2.  Le  Cartulaire,  l'Obituaire,  la  Règle  sont  aujourd'hui 
conservés  à  la  Bibliothèque  municipale  d'Angers,  M^yàj- 
768.  —  Les  autres  titres  sont  aux  Archives  de  M.-et-L. 
G.  859,  920. 


210 


Brbut  De  r&rt  chrétien. 


Les  Grandmontains,  dans  toute  la  ferveur 
et  la  «  droiture  »  de  leur  jeunesse  monas- 
tique, prenaient  grand  soin  de  s'isoler  des 
gens  du  dehors  qui  avaient  accès  dans  leurs 
enclos  par  la  grande  porte  située  au  Nord- 
Ouest.  Ils  habitaient  dans  la  retraite  la  plus 
complète,  «  brûlants  et  priants  »,  loin  de  tout 
bruit  extérieur.  —  Au  Nord  du  cloître,  se 
trouve  l'église  prieurale.  Elle  nous  reste 
seule  de  toutes  les  constructions  primitives 
avec  quelques  portes  de  la  fin  du  XIIe  ou 
du  commencement  du  XI Ile  siècle  conser- 
vées à  l'intérieur  des  appartements  de 
l'Ouest  et  du  Sud  rebâtis  au  XVIIe  siècle. 

jreglisc  prieurale  De  la  ïiaie=aur=Bon$= 
Hommes. 

Son  architecture. 

L'ÉGLISE  prieurale  de  la  Haie-aux- 
Bons-Hommes,  conformément  aux 
traditions  de  l'Ordre  de  Grandmont,  est  très 
longue  et  très  étroite.  La  façade  est  de  la 
dernière  simplicité.  Elle  se  compose  d'un 
grand  mur  sans  autre  ornement  qu'un  écus- 
son  fruste  au  pignon.  Au  milieu,  une  grande 
fenêtre  romane  est  largement  évasée.  La 
grande  porte  à  pilastres  qu'on  voit  au-des- 
sous est  du  XVI  Ie  s.,  elle  fut  probablement 
ouverte  du  temps  de  Louis  XIII  par  ordre 
du  prieur  Claude  Ligier.  Les  murs  très 
épais  sont  formés  de  deux  parements  à 
grand  appareil  ;  les  pierres  blanches  unies 
par  un  bon  mortier  encadrent  un  lit  de 
schiste.  En  deux  endroits,  à  la  façade 
Ouest,  du  sol  à  la  naissance  de  la  grande 
fenêtre  et,  au  Nord,  vers  l'abside,  le  pare- 
ment n'existe  pas  à  l'extérieur,  le  schiste 
seul  apparaît.  Des  contreforts  à  glacis  avec 
ou  sans  gorge,  très  peu  épais  et  de  largeur 
variable,  rompent  la  monotonie  des  murs  à 
l'abside  et  à  la  partie  inférieure  de  la  cha- 
pelle. —  Du   côté  du  cloître,  deux  portes 


donnent  accès  dans  l'église.  La  porte  C, 
aujourd'hui  quelque  peu  enterrée  par  les 
exhaussements  de  la  cour,  est  gothique, 
mais  d'un  gothique  très  rudimentaire,  c'est 
à  peine  si  le  cintre  est  brisé.  Elle  est  à  cla- 
veaux et  formée  de  trois  tores  concentriques 
couverts  d'un  plâtras  sous  lequel  apparais- 
sent des  traces  de  polychromie  ancienne. 
Deux  colonnes  à  chapiteaux  supportent 
l'ogive  rudimentaire.  Les  chapiteaux  formés 
de  deux  rangs  de  crochets  sont  très  élé- 
gants ;  ils  rappellent  ceux  de  la  cathédrale 
d'Angers.  Cette  porte  fait  grand  effet,  elle 
est  d'un  très  bon  style.  —  La  porte  D,  bien 
retouchée.semble  d'une  époqueplus  récente, 
elle  est  sans  ornements.  —  La  porte  H, 
dans  le  mur  Nord,  était  la  porte  principale. 
Elle  était  réservée  aux  étrangers.  Une 
archivolte  composée  de  tores  la  décore 
à  l'extérieur.  Les  pieds  droits  devaient  être 
ornés  de  colonnes  à  chapiteaux  ;  mais  des 
constructions  récentes  empêchent  de  voir 
ces  ornements.  —  Trois  fenêtres  romanes, 
très  longues  et  étroites,  à  l'abside  ;  la  grande 
fenêtre  de  la  façade  sont  les  seules  ouver- 
tures qui  donnent  du  jour  à  l'édifice.  — -  La 
toiture  de  l'église  est  basse.  —  Autrefois,  un 
clocher  en  charpente,  couvert  d'ardoises, 
s'élevait  sur  le  chœur.  Ce  clocher,  plusieurs 
fois  remanié,  a  été  dessiné  par  Ballain  ('), 
il  n'en  reste  rien  à  l'extérieur. 

L'intérieur  de  l'église  est  de  la  plus 
grande  simplicité  (-).  La  nef,  très  longue, 
très  étroite,  est  voûtée  en  berceau  gothique. 
L'abside.voûtée  en  cul-de-four,  présente  une 
particularité  qui  doit  être  rare  en  dehors 
des  édifices  grandmontains,  elle  déborde  la 

1.  Ballain.  Mss  867,  Biblioth.  mun.  d'Angers. 

2.  Dimensions  de  l'église.  —  Longueur  totale  :  34  m.  70. 
Largeur:  6  m.  —  Grande  fenêtre  (Ouest).  Largeur:  1  m.  10. 
Évasement  intérieur  0.60  A  0.60.  —  Fenêtres  de  l'abside. 
Largeur  extér. :  0.62.  Évas.  0.45.  Larg.  intér.  0.83.  —  Con- 
treforts. (Abside.)  Saillie  0.35.  Larg.  0.96.  GJ  contrefort 
au  Sud.  Larg.  3  m.  80.  Du  grand  contrefort  Sud  à  l'axe  de 


3U  prieuré  De  la  ^ate*au^2Bon0^omme0. 


217 


nef  de  chaque  côté  de  23  cm.  J'ignore  la 
raison  de  cette  bizarrerie,  je  serais  très 
heureux  qu'un  lecteur  de  la  Revue  de 
l'Art  chrétien  voulût  bien  m'en  donner 
l'explication.  Les  trois  fenêtres  de  l'abside 
peu  larges  mais  très  hautes  et  très  évasées, 
la  fenêtre  de  la  façade  laissaient  pénétrer 
à  l'intérieur  une  lumière  fort  discrète  tami- 
sée par  les  vitraux.  Ces  derniers  étaient 
probablement  dans  le  genre  qu'affection- 
naient les  Cisterciens  ;  le  Martyrologe  de  la 
Haie, à  l'obit  d'Antoine  de  la  Forie,  nous  dit 
qu'ils  étaient  à  la  mode  antique  «vitra  anti- 
qua  (')  ». 

On  ne  trouvait  point  dans  l'église  de  la 
Haie  la  riche  ornementation  des  édifices 
de  Cluny  ;  dans  la  nef  et  autour  de  l'ab- 
side, l'architecte  n'avait  admis  pour  rompre 
la  sévérité  des  lignes  qu'une  corniche  haute 
de  25  cm.,  épaisse  de  10  cm.,  composée 
d'un  larmier,  d'une  gorge  et  d'un  tore.  Mais 
cette  corniche,  dans  la  pensée  du  construc- 
teur, devait  être,  en  même  temps  qu'un  orne- 
ment, l'appui  nécessaire  des  formes  en  char- 
pente sur  lesquelles  il  allait  bâtir  la  voûte. 
Dans  l'abside,  à  l'endroit  où  celle-ci  déborde 
la  nef,  de  chaque  côté,  se  trouve,  engagée 
dans  l'épaisseur  du  mur,  une  colonne  très 
fluette.  La  base  est  brisée,  le  chapiteau  est 
orné  d'une  feuille  d'eau.  Au-dessus  de  la 
colonne  et  de  la  corniche,  un  tore  limite 
l'extrémité  du  berceau  gothique. 

Monsieur  de  Verneilh  décrivant  l'église 
du  prieuré  de  Badeix  semblable  à  celle  de 


la  porte  C  :  8  m.  95.  De  l'axe  de  la  porte  C  au  1'  petit  con- 
trefort Sud,  5  m.  40.  Petits  contreforts  Sud.  Saillie  :  0.35. 
Largeur  :  1  m.  10.  Du  r  p1  contrefort  Sud  au  2"  et  du  2" 
au  3e  :  3  m.  80.  Du  3e  petit  contrefort  au  point  F  :4m.  20. 
De  la  façade  Ouest  au  1'  contrefort  Nord  :  4  m.  90.  Du  ir 
contrefort  Nord  au  2e  et  du  2e  au  3e:  3  m.  80.  Contreforts 
Nord.  Saillie  :  4.35.  Larg.  1  m.  40.  Porte  des  étrangers. 
4.  Larg.  à  l'intér.  1  m.  60.  Epaisseur  du  mur  1  m.  40.  Cf. 
le  plan  par  terre.  Planche  IV. 

1.  Obituaire  de  la  Haie-aux-B.-H.  Biblioth.  mun.  d'An- 
gers. M5S  767. 


la  Haie  disait  :  <"<  Rien  de  plus  solide  et  de 
«  moins  intéressant.  »  Il  avait  tort  de  dédai- 
gner ce  genre  de  construction.  La  simplicité 
d'un  édifice  ne  lui  enlève  pas  son  charme.  On 
peut  admirer  les  églises  clunisiennes  et  les 
cisterciennes,  elles  n'ont  point  cependant  le 
même  genre  de  beauté.  Autant  les  unes  sont 
ornées,  autant  les  autres  sont  austères,  elles 
correspondent  aux  goûts  de  l'Ordre  qui  les 
a  élevées.  On  aime  à  trouver  de  l'harmonie 
entre  nos  édifices  et  les  goûts,  la  situation, 
la  manière  de  penser  des  gens  qui  les  fré- 
quentaient. D'ailleurs  l'église  de  la  Haie  est 
admirablement  proportionnée  ;  elle  dérive 
tout  entière  du  triangle  isocèle  égyptien. 
Ce  triangle,  dont  la  base  se  divise  en  quatre 
parties  et  la  verticale  tirée  du  milieu  de  la 
base  au  sommet  en  deux  parties  et  demie, 
donne  aux  édifices  qui  en  dérivent  un 
aspect  de  solidité  et  d'équilibre  qui  fait 
plaisir  aux  yeux. 

A  côté  de  l'église  prieurale  de  la  Haie,  du 
côté  du  Nord,  vers  l'abside,  se  trouve  un  ap- 
partement long  de  14  m.,  large  de  4  m.  50. 
Comme  l'église,  il  est  bâti  en  belles  pierres 
blanches  bien  appareillées  ;  comme  elle,  il 
est  voûté  en  berceau  gothique.  Jusqu'ici  on 
s'est  demandé  à  quoi  il  pourrait  bien  avoir 
servi.  Les  procès-verbaux  rédigés  par  les  visi- 
teurs de  Grandmont  aux  XVI  Ie  et  XVI I  Ie 
siècles,  aujourd'hui  conservés  aux  archives 
de  Maine-et-Loire,  nous  en  parlent  comme 
d'un  ancien  portique  ;  mais  cet  étrange  por- 
tique était  bien  loin  de  la  porte  qui  donnait 
aux  étrangers  l'accès  de  l'église.  Il  semble 
que  cet  appartement  pourrait  bien  être  la 
chapelle  où  les  religieux  lépreux  assistaient, 
certains  jours,  aux  offices  de  leur  Ordre. 

La  maison  de  la  Haie-aux- Bons- Hommes 
avait  été  fondée,  comme  le  Bois- Rallier  en 
Touraine,  pour  des  religieux  sains  et  lépreux 
«  tam  sanis  quam  leprosis  »,   dit  la  charte 


REVUE  DE  L  ART  CHRÉTIEN. 
189g.  —  3me  LIVRAISON. 


2l8 


3Rrtwc  lie  rart  chrétien. 


récrite  d'Henri  Plantagenet.  Ces  pauvres 
moines  lépreux,  dès  1 1 86,  le  pape  U  rbain  1 1 1 
les  avait  pris  sous  sa  protection  (').  Les  lé- 
proseries de  la  Haie  et  du  Bois-Rahier 
étaient  les  seuls  établissements  de  ce  genre 
que  possédât  l'Ordre  de  Grandmont.  Elles 
existaient  encore  en  1440  (2). 

La  lèpre  faisait  de  si  grands  ravages,  au 
moyen-âge,  qu'on  isolait  les  lépreux  pour 
préserver  les  autres  hommes  de  tout  con- 
tact dangereux  ;  les  maladreries,  ladreries 
ou  léproseries  s'élevaient  à  l'écart.  L'habita- 
tion particulière  des  religieux  lépreux  de 
la  Haie-aux-Bons-Hommes  pourrait  bien 
avoir  été  du  XIIe  au  XVe  siècle,  à  quelques 
centaines  de  mètres  au  Sud-Ouest  des  bâti- 
ments claustraux,  à  l'endroit  qu'on  appelle 
maintenant  «  le  Prieuré  »  commandataire.  Il 
y  a  là  une  chapelle  en  ruines  bâtie  au  XIIe 
siècle,  comme  l'église  prieurale,  en  belles 
pierres  bien  appareillées  ;  ce  devait  être 
l'oratoire  privé  des  lépreux. Toute  agglomé- 
ration de  ces  malheureux  devait  avoir  son 
église  et  son  cimetière,  d'après  les  prescrip- 
tions du  IIIe  concile  général  de  Latran, 
1 179  (5).  Il  est  probable  que  ces  reclus,  sé- 
parés du  monde,  n'étaient  pas  privés  de  tous 
les  bénéfices  de  la  prière  en  commun,  qu'ils 
pouvaient  assister  au  moins  à  quelques 
offices  particuliers  à  leur  Ordre,  toutefois 


1.  Bullaire  d'Urbain  III,  n°  14. 

2.  Cette  année-là,  le  Chapitre  général  renouvelle  les 
prescriptions  relatives  à  l'envoi  des  religieux  lépreux  dans 
ces  maladreries,  il  rappelle  la  somme  que  chaque  prieuré 
devra  payer  pour  l'entretien  de  ceux  qui  lui  appartien- 
dront :  «  Item  injungitur  prioribus  de  Haia  et  de  Bosco 
«  Raiherii,  ut  teneant  domos  leprosis  fratribus  in  statu 
«  debito  et  competenti,  et  illuc  mittantur  fratres  leprosi, 

<  et  pro  pensione  cujuslibet  solvantur  XV  librae  a  prio- 
«  ratu.in  quo  dicti  leprosi  commorabantur».  Cf.  Lévesque, 
Annales  Grandim.,  p.  336. 

3.  «  De  benignitate  apostolicaconstituimus  ut  ubicum- 

<  que  tôt  simul  sub  communi  vita  fuerint  congregati  qui 

<  ecclesiam  cum  ccemeterio  constituere  et  proprio  gaudere 
«  valeant  presbytero  sine  contradictione  aliqua  permit- 
«  tantur  habtre.  »  —  Apud  Labbe,  Sacrosancta  concilia, 
t.  X,  p.  1  520. 


sans  être  jamais  en  contact  avec  les  autres 
religieux.  Alors,  ils  sortaient  de  leur  maison 
et  venaient,  suivant  les  prescriptions  du 
temps,  avec  le  chapeau  d'écarlate,  la  marque 
sur  l'habit,  le  long  bâton  et  la  cliquette  dans 
leurs  mains  gantées.  Si  quelqu'un  leur  par- 
lait à  l'aller  ou  au  retour,  ils  devaient  se 
mettre  sous  le  vent  pour  ne  point  souiller  de 
leur  souffle  leur  interlocuteur.  Ces  parias  de 
la  vie  se  rendaient  ainsi  à  la  chapelle  qui  leur 
avait  été  bâtie  le  long  de  l'église  prieurale, 
assez  loin  de  la  porte  des  étrangers.  Par 
une  ouverture  pratiquée  dans -le  mur  de 
leur  oratoire,  ils  avaient  la  vue  de  l'autel,  ils 
faisaient  partie  de  l'assistance  religieuse 
sans  avoir  avec  elle  le  moindre  contact. 
Cette  ouverture,  en  forme  de  meurtrière, 
ressemblait  à  celles  que  l'on  voit  dans  la 
clôture  du  chœur  de  la  cathédrale  de  St-  Pol- 
de- Léon. Elle  a  disparu  à  la  Haie-aux-Bons- 
Hommes  sous  le  plâtre  qui  la  recouvré;  le 
plan  du  Bois-Rahier,  conservé  aux  archives 
d'Indre-et-Loire,  nous  montre  une  fenêtre 
de  cette  sorte  dans  le  mur  qui  sépare  la 
chapelle  dite  de  St-Étienne  de  l'église  du 
prieuré.  —  Cf.  le  plan  ci-dessous  dessiné 
par  M.  L.  Guibert  de  Limoges. 

ITGçrlisc  prieurale  Oc  la  Raic=aur=BonS' 
Bommes. 

Ses  peintures. 

ON  ne  trouvait  point  à  la  Haie-aux- 
Bons-Hommes  «  des  logis  reposant 
«  sur  gros  piliers  de  cassidoine  et  porphyre, 
«  à  beaulx  arcs  d'anticque  au  dedans  des- 
«  quelz  étaient  belles  gualleries,  longues  et 
«  amples, ornées  de  cornes  de  cerfs,  licornes, 
«  rhinocérotz,  hippopotames,  dents  d'élé- 
«  phants  et  autres  choses  spectables».  — 
C'était  partout  la  plus  grande  austérité,  la 
plus  grande  simplicité,  partout  la  nudité  des 
murs  sans  autre  ornement  qu'une  corniche 


'Knuie  Dr  l'Hit  rtjrêtien 


m.  iv. 


Prieure  De  la  Kate-nur  -B.-B. 
Beintutcs  De  l'église  (Détails) 


3U  prieuré  De  la  $aie*aur*Bon&  gommes. 


21g 


rudimentaire,  quelques  colonnes  engagées, 
quelques  tores  aux  archivoltes  des  portes. 
Un  jour  vint  cependant  où  l'Ordre  de 
Grandmont,  comme  celui  de  Cîteaux,  aban- 
donna le  dédain  intransigeant  qu'il  affectait 
pour  les  arts, et  l'église  de  la  Haie  se  couvrit 
de  peintures  ;  on  ne  pouvait  résister  à  la 
tradition.  La  peinture  a  toujours  été  le  com- 
plément nécessaire  de  l'architecture. 

Les  peintures  de  l'église  prieurale  de  la 
Haie-aux-Bons-Hommes  sont  aujourd'hui 
en  fort  mauvais  état.  Elles  ont  été  signalées 
autrefois  à  l'attention  du  public  dans  le 
«  Bulletin  de  laSociétéd'agriculture, sciences 
et  arts  d'Angers  »,  par  AI.  Godard  Faul- 
trier  (').  Le  savant  archéologue  leur  a  con- 
sacré une  intéressante  notice  accompagnée 
de  planches  dessinées  par  M.  Dainville.Ces 
planches  représentent  la  voûte  de  l'abside, 
elles  ne  rendent  point  du  tout  le  caractère 
de  l'original.  Nous  avons  cru  qu'il  était  bon 
d'étudier  à  nouveau  ces  peintures  ;  elles 
méritent  d'être  conservées  comme  docu- 
ments et  aussi  comme  modèles.  Au  mois  de 
septembre  dernier,  nous  en  avons  fait  le 
relevé,  avec  le  père  du  propriétaire  actuel 
de  la  Haie-aux-Bons-Hommes,  Monsieur 
L.  de  Farcy,  dont  les  lecteurs  de  la  Revue 
de  V  Art  chrétien  connaissent  les  savants 
écrits.  Qu'il  reçoive  ici  publiquement  nos 
remerciements  pour  les  conseils  qu'il  nous  a 
donnés  et  l'aimable  empressement  qu'il  a 
mis  à  nous  faciliter  la  besogne. 

On  trouve  rarement  aujourd'hui  un  en- 
semble de  décoration  polychrome  aussi 
important  que  celui  de  la  Haie-aux-Bons- 
Hommes.  Les  peintures  y  couvrent  totale- 
ment les  murs  et  les  voûtes  de  l'église. 
Préparées  à  la  colle,  elles  adhèrent  à  un 
enduit  peu  épais  qui  cache  les  belles  pierres 

I.  Bulletin  de  la  soc.  d'agr.,  se.  et  arts  d'Angers.  — 
Année  1846. 


appareillées  du  XIIe  siècle.  La  longue  nef 
a  été  divisée  en  cinq  travées  avec  clefs  de 
voûte,  arcs  doubleaux,  arcs  ogives,  arcs 
formerets  et  liernes.  Quatre  travées  ont  les 
mêmes  dimensions,  la  plus  rapprochée  de 
l'abside  est  un  peu  moins  grande  que  les 
autres.  Les  nervures,  larges  de  0,04  cm.,  ne 
sont  point  traitées  en  trompe-l'œil  ;  seule- 
ment les  bords  sont  plus  sombres  que  le 
centre  où  l'on  remarque,  espacées  réguliè- 
rement, des  marguerites  noires  à  huit  lobes. 
Les  arcs  doubleaux,  les  formerets, les  liernes 
sont  de  couleur  brune,  les  arcs  ogives  sont 
bleus.  Toutes  ces  nervures,  régulièrement 
tracées,  sans  la  moindre  hésitation,  malgré 
les  difficultés  que  présentaient  les  courbures 
de  la  voûte  en  berceau,  retombent  avec 
grâce  sur  un  chapiteau  peint  que  porte  un 
long  pilier.  Entre  les  piliers,  court  tout  le 
long  des  murs  de  la  nef  et  de  l'abside,  une 
large  litre  avec  enlacements,  palmettes  et 
«  hystoires  ».  Au  milieu  de  chacune  des  tra- 
vées, il  y  avait  sur  la  muraille  une  croix  de 
consécration.  Nous  en  avons  retrouvé 
deux  presque  complètement  effacées.  Les 
contours  laissés  sur  l'enduit  par  le  compas 
paraissaient  encore,  quelques  traces  de  cou- 
leurs nous  ont  permis  d'en  reconstituer  le 
dessin.  Au  mur  de  l'Ouest,  une  belle  bor- 
dure à  longues  palmes  court  le  long  de  la 
voûte,  une  autre  accompagne  la  grande 
fenêtre,  une  autre  encore  se  trouve  au  lin- 
teau de  la  porte  C  qui  donne  entrée  du 
cloître  dans  l'église. 

L'abside  voûtée  en  cul-de-four,  grâce  à 
ses  peintures,  forme  une  grande  coupole  à 
huit  voûtains.  Au  centre,  se  trouve  une  clef 
de  voûte  fort  belle,  très  grande,  avec  des 
liernes  rouges  et  bleues  qui  retombent  sur 
des  tiercerons  rouges.  Au-dessous  des  tier- 
cerons,  les  arcs  formerets  romans  sont  plus 
larges  que  ceux  de  la  nef  et  décorés  de  jolis 
feuillages.    L'arc    triomphal   est   bordé   de 


220 


aRelme  De  l'&rt  chrétien. 


belles  feuilles  d'eau  alternativement  rouges 
et  bleues. 

En  face  de  la  porte  des  étrangers  — 
(Cf.  le  plan  parterre,  porte  H)  —  se  trou- 
vait une  fresque  aujourd'hui  à  peu  près 
disparue.  Au  milieu  d'une  grande  auréole  de 
forme  ovale  apparaissait  le  Christ  assis  «  en 
majesté  ».  Autour  de  N.-S.  il  y  avait  un  vol 
d'anges.  Toussaint  Grille  affirme,  dans  ses 
notes,  qu'on  y  voyait  aussi  «  plusieurs  per- 
«  sonnages  du  temps  de  la  chevalerie  »  (fon- 


dateurs ou  bienfaiteurs).  Ces  personnages 
représentaient  probablement  les  quatre 
Bons  Hommes  ou  Francs  Bourgeois  dont 
parlent  les  chartes  d'Henri  1 1  et  de  Richard 
Cœur-de-Lion. 

La  décoration  picturale  de  l'église  de  la 
Haie  ainsi  comprise  est  d'un  très  grand 
effet. 

Timothée  L.  Houdebine, 

prêtre,  professeur  d'histoire. 

(A  suivre.) 


I 


**%*  *5f*  **g*  !^*.!^*-!^*.1^* A*^* K^*  aT^*  a^*  **^*  **^*  »*g*  »*g*  *&« 


IIIII'IIIIIII; 


Contribution  à  Vétvtot  îie  l'art  Jjollanïiais 


H 

a 


antérieur  au  XVIIe  siècle,  Cngtjelhrecbtaft, 


tmf 


a 

-  * 


Introduction  (*). 

g^^g^^^^gA  personnalité,  l'indépen- 
|  dance  de  l'art  hollandais 
ne  datent  pas  seule- 
ment, comme  le  croyait 
Taine  ('),  de  la  sépara- 
tion des  Pays-Bas  du 
SwwflSwW  Nord  et  des  Pays-Bas 
méridionaux. 

Personne  aujourd'hui  ne  peut  plus  penser 
ainsi  et  il  n'est  pas  nécessaire  de  refaire  ici 
une  démonstration  que  l'on  trouvera  dans 
«  Les  origines  de  l'Art  hollandais  »  de 
Monsieur  Pit  (2). 

Dès  la  fin  du  XIVe  siècle  (-'),  cet  art  a 
conquis  sa  personnalité  :  on  en  peut  juger, 
pour  la  peinture,  par  les  deux  panneaux  de 
Geertje  van  Sint-Jan  conservés  à  Vienne, 
et  même  par  les  œuvres  de  Bouts.  Bouts 
a  vécu  à  l'étranger,  il  est  vrai,  mais  il  vint 
à  Louvain  à  un  âge  assez  avancé  pour  con- 
server dans  l'exil  les  qualités  qui  distin- 
guaient déjà  l'art  hollandais  de  son  temps. 

*  J'avais  en  main  les  premières  feuilles  imprimées  de 
mon  article,  quand  je  reçus  l'intéressante  thèse  de  M. 
Dulberg  {Die  Leydener  Malerschule.  1  Gcrardus  Ley- 
danus.  II  Cornelis  Enghelbrechtsz.  Berlin,  Gust.  Schade. 
(Otto  Francke),  éditeur.  Après  en  avoir  pris  connaissance, 
j'ai  ajouté  à  mon  étude  les  notes  précédées  d'un  astérisque, 
où  j'ai  traduit  plusieurs  passages  du  travail  de  M.  Dulberg. 

i.  H.  Taine,  Philosophie  de  P Art.  Paris,  Hachette,i895, 
vol.  II,  page  83. 

2.  Paris,  Honoré  Champion,  1894. 

3.  On  a  des  monuments  de  l'art  hollandais  antérieurs 
au  XIVe  siècle,  principalement  des  manuscrits  à  minia- 
tures, qui  ne  se  distinguent  guère  d'abord  des  manuscrits 
anglo-saxons,  puis  des  manuscrits  flamands  ou  français 
(V.  Pit).  Les  peintures  murales  de  St-Jean  de  Gorinchem, 
par  leur  réalisme  naïf,  sont  peut-être  plus  caractéristiques. 
(V.  L.  J.  F.  Janssen,  De  muurschilderijen  der  Sl-Janskerk 
te  Gorinchem,  Amsterdam,  C.  G.  van  der  Post,  1858.) 
Quant  aux  volets  du  retable  d'Amsterdam  que  mentionne 
également  M.  Pit  sont-ils  hollandais? 


M.  Pit  fait  observer  que  si  sa  peinture  est 
flamande,  son  dessin  est  hollandais.  La 
même  originalité  se  montre  chez  les  tailleurs 
d'images.  Claus  Sluter  (')  et  Claus  de  Wer- 
ve  (2)  vécurent,  eux  aussi,  à  l'étranger;  mais 
établis  à  Dijon  (3)  au  XIVe  siècle,  ce 
sont  pourtant  des  Hollandais  authentiques. 
On  trouve  dans  le  puits  de  Moïse,  où  l'on 
ne  peut  soupçonner  une  direction  autre  que 
la  leur,  les  caractères  qui  distingueront 
par  la  suite  l'art  des  Pays-Bas  :  le  réalisme 
joint  à  une  ingénieuse  entente  du  pittores- 
que, l'ampleur  du  style  unie  à  une  certaine 
«  bonhomie  ».  Cet  art  appartient  bien  à  la 
même  nation  que  celui  de  Rembrandt  : 
Rembrandt  si  profondément  hollandais  et 
qui  ne  paraît  isolé  parmi  ses  compatriotes 
que  parce  qu'il  a  réuni,  concentré  en  lui, 
toutes  les  qualités  qu'ils  se  partagent. 

A  la  veille  de  la  Renaissance,  à  l'époque 
où  naît  Enghelbrechtsz,  l'art  hollandais  est 
donc  constitué  de  longue  date,  doué  d'une 
force  propre  et  de  qualités  indépendantes, 
et  si,  dans  l'état  présent  de  l'érudition,  on  ne 

1.  «  Nous,  frère  Robert  de  Baubigney,  docteur  en  décret, 

abbé  du  monastère   de  St-Étienne  de  Dijon Savoir 

faisons  à  tous  que  pour  les  agréables  services  que  Claus 
Sluter  de  Orlandes,  ouvrier  d'ymages  et  varlet  de  chambre, 
de  Monsr  le  Duc  de  Bourgogne...  etc.  »  L.  Courajod  et 
P.  F.  Marcou.  Cotai,  du  Mus.  du  Trocadéro,  p.  97. 

2.  Son  épitaphe,  relevée  au  XVIIIe  siècle  par  Pierre 
Palliot,  était  ainsi  conçue  «  Cy  gist  Claus  de  Werve,  de 
Hatheim  au  comté  de  Hollande  [tailleur  d'imjaiges  et  var- 
let de  chambre  de  Monseigneur  le  duc  de  Bourgogne,  qui 
trespassay  lejeudy  VIIIe  jour  d'octobre  MCCCXXX[IX]. 
Dieu  ait  son  âme.  Amen.  »  lit.,  p.  99. 

3.  Il  y  eut  bien  d'autres  artistes  hollandais  qui  s'établi- 
rent en  France  à  la  fin  du  moyen  âge,  par  exemple  cet 
Ernoul  Delft,  natif  «  de  la  ville  de  Delft  au  Pays  de  Hol- 
lande »  qui  acheta  la  bourgeoisie  à  Abbeville  en  1463  (Voir 
Bulletin  trimestriel  de  la  Société  d'Émulation  d 'Abbeville 
1897-S,  p.  163).  Certaines  statues  du  portail  de  St-Vulfran 
d'Abbeville  ne  doivent-elles  pas  être  rattachées  à  l'École 
hollandaise  (,XVle  s.)  ? 


222 


&cbur  t>e  V&vt  chrétien. 


peut  guère  nommer  pour  la  période  du 
moyen  âge  que  des  artistes  établis  hors  de 
la  Néerlande,  le  témoignage  de  leurs  œu- 
vres n'en  est  que  plus  probant,  puisque  leur 
tempérament  national  fut  assez  fort  pour 
résister  aux  influences  ambiantes. 

En  étudiant  Enghelbrechtsz  il  faudra 
donc  tenir  compte  de  ce  long  passé  de 
l'École  hollandaise. 

Enghelbrechtsz  est  né  à  Leyde  en  146S, 
il  est  mort  en  1533  (').  Une  tradition  pré- 
tend que  son  père  était  graveur  sur  bois  ; 
maison  n'a  jamais  pu  retrouver  de  planche 
de  sa  main  et  les  registres  delà  garde  civi- 
que de  Leyde  (*)  le  donnent  pour  charpen- 
tier (2).  On  n'a  guère  de  détails  sur  la  vie 
d'Enghelbrechtsz  ;  Van  Mander  lui  attribue 
plusieurs  tableaux  et  des  peintures  murales 
dont  il  aurait  orné  les  remparts  de  sa  ville 
natale.  Par  Van  Mander  nous  savons  ésfale- 
ment  qu'il  fut  le  maître  de  Lucas  de  Leyde. 

Au  Musée  de  Leyde  on  conserve  de  lui 
deux  tableaux  provenant  de  l'abbaye  de 
Marienpoel.  D'après  M.  Taurel,  le  donateur 
représenté  dans  ces  deux  triptyques  serait 
le  chanoine  Jacob  Maartensz.  M.  Taurel 
appuie  son  opinion  de  raisons  qui  paraissent 
des  plus  sérieuses.  Jacob  Maartensz  mourut 
à  Marienpoel,  à  l'âge  de  50  ans,  en  1526, 
après  avoir  été  vicaire  d'abord  (3),  puis  ré- 


*.  Monsieur  Dulberg  fait  observer  que  l'on  n'a  pas  la 
preuve  que  le  charpentier  mentionné  en  1457  parmi  les 
arquebusiers  soit  le  père  d'Enghelbrechtsz,  il  ajoute: 
«  Si  l'on  admet  cela  avec  Taurel,  on  peut  aussi  reconnaître 
pour  le  grand-père  du  maître  un  «  Cornelis  die  Tym- 
merman  »  qui,  à  peu  près  à  la  même  époque,  paraît  dans 
un  procès. 

Cette  double  hypothèse  est  très  vraisemblable. 

1.  Voir  Van  Mander. 

2.  Voir  Taurel. 

3.  Taurel,  p.  186.  Il  était  auparavant  chanoine  régulier 
à  Heilo,  p.  1S7  :  <  Il  porte  l'habit  blanc  de  St-Augustin  et 
un  petit  capuchon  ou  aumusse  noire,  marque  de  sa  di- 
gnité. A  Heilo,  où  il  était  chanoine  régulier,  se  trouvait  le 
couvent  de  St-Willebrod  habité  par  des  chanoines  régu- 
liers qui,  depuis  1438,  suivaient  la  règle  de  S.  Augustin.  Le 
couvent  dépendait  ainsi  que  celui  de  Marienpoel  du  cha- 
pitre établi  à  Delft.  > 


gent.  L'exécution  de  nos  deux  tableaux  doit 
donc  être  placée  avant  1526  et  probable- 
ment après  1508.  époque  de  son  établisse- 
ment à   Marienpoel  (*). 

Dans  la  présente  étude  l'art  d'Enghel- 
brechtsz sera  étudié  au  moyen  de  ces  deux 
tableaux. 

Cfjapitrc  premier. 

LES  deux  triptyques  de  Leyde  repré- 
sentent des  épisodes  de  la  Passion. 
Le  plus  petit  est  une  Déposition  de  la  croix  ; 
à  l'intérieur  des  volets  figurent  les  donateurs 
et  leurs  patrons,  à  l'extérieur  quatre  Saintes. 
Le  plus  grand  montre  dans  son  panneau 
central  le  Calvaire;  sur  les  volets  le  sacrifice 
d'Abraham  et  le  serpent  d'airain,  considérés 
comme  symboles  du  sacrifice  du  Rédemp- 
teur ;  au  revers  des  volets,  le  Christ  dé- 
pouillé de  ses  vêtements  et  le  Couronnement 
d'épines  ;  à  la  prédelle  le  cadavre  d'Adam, 
dans  lequel  l'arbre  de  la  croix  prend  racine 
(conformément  à  la  légende)  et  les  dona- 
teurs. 

L'explication  de  chacun  des  éléments  de 
ces  scènes  ne  saurait  entrer  dans  le  cadre 
de  cet  article  ■  elle  fera  l'objet  d'une  étude 
d'une   portée   plus  générale,  sur  les  repré- 

*.  La  donatrice  serait,  toujours  d'après  M.  Taurel,  une 
sœur  de  J.  Maartensz,  religieuse  à  Marienpoel.  M.  Dulberg 
(Inaugural  Dissertation,  p.  46)  s'exprime  ainsi  :  «  Si  l'on 
admet  la  détermination  du  fondateur,  de  Taurel,  les  deux 
retables  doivent  avoir  été  exécutés  entre  l'année  150S,  où 
J.  Maertensz  vint  à  Marienpoel  comme  chapelain,  et  1526, 
année  où  il  mourut.  Mais  il  me  semble  qu'il  est  possible 
de  dater  les  deux  œuvres  d'une  manière  plus  précise  :  les 
fondateurs  sur  les  volets  de  la  Descente  de  croix  sont 
représentés  à  un  âge  bien  plus  avancé  que  celui  qu'ils  ont 
à  la  prédelle  (du  triptyque  de  la  Crucifixion)...  Le  fonda- 
teur a  l'air  dans  ce  retable  de  la  Descente  de  croix  pres- 
que d'un  homme  de  cinquante  ans.  Et  puisque  Jacob 
Maertensz  n'atteignit  que  l'âge  de  cinquante  ans,  l'œuvre 
ne  peut  avoir  été  terminée  longtemps  avant  sa  mort.  A 
la  prédelle  il  paraît  approcher  de  la  trentaine.  Il  en  ré- 
sulte vraisemblablement  ceci  :  Le  retable  de  la  Cruci- 
fixion a  été  peint  peu  après  1 50S  sur  l'ordre  de  Jacob 
Maertensz,  de  sa  sœur  Marguerite  et  de  cinq  religieuses  de 
Marienpoel,  et  le  retable  de  la  Descente  de  croix  peu 
avant  1526,  sur  l'ordre  de  Jacob  et  de  Marguerite  seule- 
ment. » 


Contribution  à  l'étutie  oe  l'art  hollandais 


223 


sentations  de  la  Passion  chez  les  derniers 
artistes  gothiques.  Quelques  particularités 
rares  sont  pourtant  à  signaler.  C'est  ainsi 
que  le  bon  larron  (celui  qui  est  placé  à  la 
droite  de  Jésus),  tend  vers  lui  son  poing 
fermé  :  il  ne  faut  pas  voir  d'ailleurs  dans  ce 
mouvement  un  geste  injurieux;au  contraire, 
c'est  un  geste  de  supplication  ('). 

Dans  un  groupe  placé  à  l'arrière-plan, 
autour  du  centenier  proclamant  la  divinité 
du  supplicié,  figure  un  juif  (reconnaissable 
à  sa  robe  jaune  et  à  son  bonnet  pointu). 

Un  cavalier  nègre  (2)  accompagne  Héro- 
de,  Pilate  et  Caïphe,  à  cheval  également  au 
pied  des  croix. 

Sur  le  sol  traînent,  parmi  d'autres  osse- 
ments, un  crâne  allongé  et  une  patte  d'a- 
gneau, allusion  à  l'agneau  pascal  considéré 
comme  symbole  du  Rédempteur  crucifié. 

A  première  inspection,  on  est  frappé  par 
la  tonalité  brunâtre  des  deux  tableaux  :  une 
lueur  roussâtre  s'épand  sur  toute  la  compo- 
sition, verdissant  les  bleus,  alourdissant  les 
rouges.  Bien  probablement,  quoi  qu'en  pa- 
raissent penser  MM.  Woltmann  et  Woer- 
mann,  c'est  le  fait  d'une  altération  des 
vernis  :  il  n'est  guère  admissible  qu'Enghel- 
brechtsz  ait  peint  des  ciels  verts  (3).  La 
prédelle  du  grand  triptyque  a  été  plus 
respectée  par  le  temps  et  les  restaurateurs  ; 
les  étoffes  qui  y  sont  représentées  se  dis- 
tinguent de  tout  le  reste  par  une  grande 
fraîcheur  de  coloris,  et  c'est  là  seulement 
sans  doute,  que  l'on  peut  prendre  une  idée 
exacte  de  la  couleur  d'Enghelbrechtsz. 

1.  M.  Dulberg  croit  que  ce  larron  injurie  le  Christ. 
(Inaug.  dissert.,  p.  48.)  Cette  interprétation  me  paraît 
inadmissible.  (V.  ma  Notice  sur  l'église  et  le  retable  de 
Rumilly,  chap.  II,  p.  27.) 

2.  Un  nègre  figure  également  dans  un  calvaire  flamand 
du  XVe  siècle,  n°  114  du  Musée  Kums,  attribué  à  Mem- 
ling. 

3.  M.  Dulberg  dit  que  dans  le  tableau  d'Amsterdam 
portant  la  signature  apocryphe  de  D-iïrer  (voir  infra),  ce 
costume  de  la  Vierge  est  vert-bleu.  Il  devrait  être  bleu  : 
ce  sont  les  vernis  altérés  qui  l'ont  verdi. 


Dans  sa  facture,  comme  beaucoup  de  ses 
compatriotes  du  même  temps,  il  emprunte 
quelque  chose  aux  procédés  de  la  miniature: 
il  obtient  des  lumières,  des  reflets  par  des 
hachures  blanches  analogues  aux  hachures 
de  gouache  des  enlumineurs  (')  qui  trans- 
paraissent sous  de  légers  glacis. 


Partie  centrale  du  petit  triptyque  d'Enghelbrechtsz  au 
Musée  de  Leyde. 

Il  en  est  ainsi  du  moins  de  ses  meilleurs 
morceaux  :  les  volets  extérieurs  du  grand 
triptyque  au  contraire  sont  peints  en  cou- 
leurs opaques  et  l'on  n'y  voit  guère  de  ha- 
chures. Ces  deux  morceaux  sont  d'ailleurs 
à  beaucoup  d'égards  inférieurs  au  reste  du 
triptyque  ;  il  est  assez  probable  que  le  maî- 
tre les  a  fait  exécuter  par  un  élève. 

1.  Il  est  à  noter  que  ces  hachures  ne  se  retrouvent  pas 
seulement  dans  les  miniatures  hollandaises,  Foucquet 
s'en  est  servi  mais  avec  une  grande  délicatesse  dans 
l'exécution  de  ces  merveilleuses  miniatures  conservées 
aujourd'hui  au  château  de  Chantilly. 


224 


débite  îie  P&rt  chrétien. 


M.  Taurel  loue  à  l'excès  la  perspective 
aérienne,  le  clair-obscur  d'Enghelbrechtsz; 
à  l'en  croire,  le  vieux  maître  de  Leyde 
serait  arrivé  à  la  perfection. 

En  réalité,  comme  il  en  est  de  tous  les 
gothiques,  sa  science  en  cette  matière  n'est 
ni  bien  forte,  ni  bien  sûre  d'elle-même. 
Pourtant  il  est  à  ce  point  de  vue  très  en 
progrès  sur  ses  prédécesseurs  et  ses  con- 
temporains du  Nord,  sans  en  excepter 
Quentin    Matzys  ('). 

Chez  Engelbrechtsz,  les  figures  humaines 
sont  d'une  grande  élégance,  se  contournant 
pour  la  plupart  selon  de  grandes  courbes 
(S  très  allongés)  avec  une  certaine  grâce 
maniérée  (2),  surtout  dans  la  composition 
du  Calvaire. 

1.  La  disposition  de  la  lumière  dans  le  petit  triptyque 
est  remarquable. 

2.  Franz  Dulberg,  Rcpcrtorium  Lucas  von  Leiden  ah 
Illustrator,  note  151  :  «cette  tendance  à  l'élégance  dans 
l'ordonnance  et  l'exécution  se  montre  dans  toute  l'école 
de  Leyde  et  elle  y  tient  lieu  de  la  recherche  de  la  beauté 
qui  y  fait  défaut.  On  en  peut  citer  un  exemple  pour  En- 
ghelbrechtsz:  le  tableau  d'autel  de  la  Crucifixion  au  Musée 
archiépiscopal  d'Utrecht  qui,  jusqu'à  présent,  ne  lui  a  pas 
été  attribué,  mais  qui  lui  appartient  sûrement  et  dont  le 
comte  Pottenegg  à  Vienne  possède  une  réplique  plus  pe- 
tite et  un  peu  modifiée.  » 

Voici  la  note  que  j'ai  prise  sur  mon  carnet  au  Musée 
archiépiscopal  d'Utrecht  en  présence  de  ce  tableau  : 
Triptyque  dans  la  troisième  salle.  Attribuable  à  Enghel- 
brechtsz,  doit  être  celui  que  Dulberg  désigne  comme  tel, 
en  tous  cas  excellent  tableau  bien  conservé  (*). 

Panneau  central  :  le  Christ  en  croix  entre  les  deux 
larrons.  Celui  de  droite  (gauche  du  Christ)  se  contourne 
selon  la  même  ligne  que  le  larron  de  droite  de  Leyde. 
Seulement,  détail  très  curieux, le  larron  de  gauche  (droite 
du  Christ)  détourne  également  le  visage  du  Christ.  Tout 
à  fait  anormal. 

Les  chairs  sont  extrêmement  pâles,  même  chez  les 
hommes.  Ne  serait-ce  pas  de  Lucas  de  Leyde,  tout  jeune 
et  non  encore  affranchi  de  l'influence  de  son  maître  ? 
Mains  et  pieds  médiocres  comme  souvent  chez  les  jeunes 
artistes.  Ce  tableau  pourrait  être  rapproché  aussi  peut-être 
de  celui  qui,  au  Musée  d'Amsterdam,  porte  le  mono- 
gramme apocryphe  de  Diirer. 

Encadrement  en  grisaille  avec  le  serpent  d'airain  et  le 
sacrifice  d'Abraham.  Dans  les  lointains  de  la  compo- 
sition principale,  ruines  paraissant  reproduire  les  carac- 
tères de  l'architecture  orientale. 

tableau,  d'après   M.  Dulberg  (/iiaug.  Dissert.,  p.  77),   porte 
l'étiquette  suivante  : 

«  Ontkleeding,  Kruisiging,  Verrijzenis.  Oud  Hollandsche  school. 


Les  chairs  masculines  sont  fortement 
colorées,  les  visages  de  femme  au  contraire 
blancs  et  roses  ;  c'est  encore  une  analogie 
avec  la  miniature.  On  trouve  aussi  dans  le 
dessin  de  ces  visages  une  réminiscence  de 
l'ancienne  école  flamande  ;  un  petit  détail 
suffirait  à  le  démontrer  :  les  larmes  patiem- 
ment ouvrées  qui  roulent  sur  les  joues  des 
saintes  femmes.  (Vr  R.  van  der  Weyden.) 

D'ailleurs  ces  types  féminins,  d'un  dessin 
un  peu  conventionnel,  pour  ainsi  dire  hié- 
ratique, d'une  grâce  un  peu  fade,  sont  chez 
Enghelbrechtsz  bien  inférieurs  aux  types 
masculins  ;  ceux-ci  sont  au  contraire,  très 
variés,  très  expressifs  et  d'une  vérité  sur- 
prenante. Le  colloque  autour  du  centenier 
en  est  un  exemple  ;  la  tête  de  Caïphe  aussi, 
si  vivante  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de 
penser  qu'on  a  là  le  portrait  de  quelque 
rabbin  du  XVIe  siècle. 

Le  Christ  mort  du  petit  triptyque  est 
également  un  morceau  des  plus  curieux  par 

Omstr.  helft  der  16  eeuw.  Gesch.  v.  zijnedoorl.  Hoogw.  Mgr  H.  J. 
Schaepmans.  » 

Voici  la  description  qu'il  donne  de  la  partie  centrale  (description 
conforme  au  croquis  que  j'avais  pris  à  Utrecht). 

«  Le  Christ  est  attaché  à  une  croix  élevée,  la  tète  contournée  vers 
la  gauche  (du  spectateur)  ;  sa  ceinture  blanche  flotte  au  vent  vers  la 
droite.  Le  larron  de  gauche  (â  la  droite  du  Christ)  est  suspendu  par 
les  cordes  sur  la  croix,  sa  tète  imberbe  toute  empreinte  de  douleur 
tournée  vers  la  gauche.  Le  larron  de  droite,  barbu,  avec  de  longs 
cheveux  en  mèches,  a  un  bras  en  l'air,  l'autre  enlaçant  la  traverse 
de  la  croix,  le  poing  crispé.  Le  ton  fondamental  de  la  chair  est  gris 
jaunâtre  ;  les  corps,  maigres  de  torses,  sont  bien  et  finement  mo- 
delés. Les  cordes  avec  lesquelles  les  larrons  sont  attachés  volent  au 
vent.  La  Madeleine  est,  encore  une  fois,  agenouillée  au  pied  de  la 
croix,  qu'elle  entoure  de  ses  deux  bras.  Sa  tête  est  tournée  vers  la 
gauche,  la  ligne  de  son  corps  forme  exactement  un  point  d'interro- 
gation ;  son  vêtement  est  en  brocart  rouge  et  or. 

A  gauche,  Marie,  qui  peut  à  peine  se  tenir  sur  ses  pieds,  est  sou- 
tenue par  S.  Jean  ;  celui-ci  regarde  vers  le  Christ.  Marie  est  en  bleu, 
S.  Jean  en  rouge.  A  droite  un  vieillard  montre  la  croix  du  Christ  de 
l'index  levé  et  se  tourne  vers  un  guerrier  qui  regarde  aussi  la 
croix.  Le  premier  porte  une  barrette,  son  costume  est  presque  en- 
tièrement fait  de  la  même  étoffe  rouge  et  or  que  celui  de  la  Made- 
leine. Le  second  porte  un  casque,  une  armure  et  un  manteau  violet- 
grisâtre.  Derrière  ces  deux  hommes  se  trouvent  deux  soldats  dont 
l'un  est  frappant,  avec  ses  longues  moustaches  pendantes,  et  plus 
loin,  trois  cavaliers  et  un  piéton.  Le  sol,  en  avant,  est  fait  de  couleurs 
brunes  et  grises  ;  derrière  les  personnages  on  voit  un  groupe 
d'arbres  et  des  murailles  croulantes  à  portes  ogivales;  plus  en  arrière, 
une  plaine  irriguée,  des  montagnes,  aux  pentes  douces  et  un  ciel 
nuageux.  Le  fond  reste  en  teintes  très  délicates  :  le  paysage  est  gris 
foncé,  bleuâtre  et  vert  foncé,  le  ciel  avec  des  nuages  gris  foncé  et 
blancs  a  la  couleur  bleu  foncé  et  bleu  clair  de  l'air.  » 

M.  Diilberg  remarque,  p.  79,  que  dans  la  réplique  du  I  "  Ivueneg. 
le  larron  de  gauche  regarde  le  Christ. 


Contribution  à  i'étu&e  De  fart  l)oUanDat0.        225 


son  réalisme  hardi  :  l'artiste  capable  de 
nuancer  ainsi  une  figure,  de  détailler  les 
moindres  transparences  du  corps  humain  (') 
est  beaucoup  plus  peintre  au  sens  moderne 
du  mot  que  la  plupart  de  ses  contemporains 
(comparer  le  Christ  mort  de  Quentin  Mat- 
zys  à  Anvers  d'un  coloris  si  conventionnel 
et  si  terne). 

Les  personnages  d'Enghelbrechtsz  se 
partagent  la  garderobe  la  plus  disparate  : 
costumes  de  convention  (S.  Jean,  la  Vierge); 


L'étude  de  ces  costumes  ne  nous  appren- 
drait donc  rien  de  particulier  à  Enghel- 
brechtsz  ;  il  suffira  de  signaler  le  bonnet  ou 
capuchon  pointu  de  Caïphe  ;  les  peintres 
des  autres  écoles,  prédécesseurs  ou  con- 
temporains d'Enghelbrechtsz,  représentent 
plus  souvent  «  l'évêque  des  Juifs  »  coiffé 
d'une  mitre  posée  en  travers. 

Pour  son  temps,  Enghelbrechtsz  a  été 
dans  les  Pays-Bas  un  animalier  de  premier 
ordre  (Cf.   Bouts).  Il   paraît  avoir  fait  des 


Groupe  de  cavaliers  dans  le  grand  triptyque  d  Enghelbrechtsz. 

toilettes  féminines  contemporaines  du  pein- 
tre (Madeleine);  vêtements  d'homme  (bour- 
geois, reitres,  lansquenets,  juifs,  bourreaux), 
que  l'artiste  a  pu  voir  dans  son  entourage  ; 
enfin  habillements  orientaux.  Une  certaine 
logique,  mais  traditionnelle  et  respectée  par 
tous  les  artistes  de  la  dernière  période  go- 
thique, régit  en  réalité  ce  désordre  apparent. 

1.  Il  y  a  des  détails  de  ce  cadavre  si  curieusement  étu- 
diés que  l'on  a  tout  lieu  de  croire  qu'Enghelbrechtsz  l'a 
non  seulement  dessiné,  mais  peint  d'après  nature  ;  ce  sont 
des  particularités  du  corps  que  le  peintre  avait  devant  les 
yeux  et  qu'il  a  fidèlement  rendues.  Autre  remarque  con- 
cernant la  Descente  de  la  croix  de  Leyde  :  derrière  le 
groupe  formé  par  S.  Jean  et  les  saintes  femmes  entourant 
le  corps  de  Jésus,  se  tient  un  autre  groupe  composé  de 
deux  femmes  et  de  trois  hommes  ;  l'un  de  ces  derniers 
est  un  vieillard  imberbe,  grisonnant,  avec  de  gros  plis 
au  cou,  très  vivant,  très  expressif  et  que  l'on  prendrait 
volontiers  pour  un  portrait.  Cette  figure  présente  une 
analogie  frappante  avec  une  figure  de  vieillard  de  ce  petit 


Groupe  de  cavaliers  dans  l'Adoration  des  rois  de  Ger.tile  da  Fabriano. 

chevaux  une  étude  toute  particulière,  et  il 
est  bien  plus  près  de  la  vérité  dans  la  ma- 
nière dont  il  comprend  leurs  formes  et  leur 
allure  que  ses  contemporains  flamands  ou 
ses  prédécesseurs. 

L'influence   de  l'Italie  est  d'ailleurs   très 
sensible  dans  le  dessin  des  chevaux  du  grand 

tableau  hollandais  du  Musée  d'Amsterdam  portant  la 
signature  apocryphe  de   Durer. 

Toutefois  le  bras  du  vieillard  d'Amsterdam  est  comme 
«  accroché  à  l'envers  »,  comme  maladroitement  imité  du 
bras  du  personnage  de  Leyde,  pour  cette  raison,  l'ana- 
logie entre  les  deux  figures  ne  me  parait  pas  révéler  un 
auteur  commun  (*). 

*  M.  Diilberg,  au  contraire  [Inaus>.  Dissert.,  p.  70),  croit  pouvoir 
attribuer  ce  tableau  à  Enghelbrechtsz.  Au  sujet  de  la  Déposition  de 
croix  de  Leyde,  il  désigne  le  vieillard  dont  je  parle  plus  haut  comme 
Nicodème,  et  son  interlocuteur  à  ample  bonnet,  seul  visible  sur  les 
reproductions  accompagnant  mon  article,  comme  Joseph  d'An- 
mathie.  Ces  deux  figures  sont  d'après  lui  «  imitées  des  mêmes  figures 
dans  l'œuvre  de  Geertgen  tôt  Sint  Jean  ».  Il  avait  fait  plus  haut  déjà 
(p.  12)  la  même  remarque  a  propos  du  tableau  de  Geertgen.  (Dépo- 
sition de  croix  conservée  aujourd'hui  au  Hofmuseum  de  Vienne, 
N"  645.) 


REVl  E  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  3me  LIVKAI^ON. 


226 


Bebue  De  l'ftrt  cbrctten. 


triptyque  et  il  serait  difficile  de  ne  pas 
reconnaître  une  réminiscence  plus  ou  moins 
directe  du  cortège  des  Mages  de  Gentile 
dans  les  trois  petits  cavaliers  placés  sur  une 
hauteur.  On  a  d'autant  plus  raison  de  le 
croire  que  ce  groupe  ne  joue  aucun  rôle 
dans  la  composition  d'Enghelbrechtsz  ;  c'est 
simplement  un  morceau  de  bravoure  où  il 
a  voulu  faire  montre  de  ses  connaissances. 
Le  cheval  d'Hérode  rappelle  d'une  manière 
bien  plus  frappante  encore  deux  chevaux 
de  Gentile  :  le  corps  de  l'un,  la  tète  de 
l'autre  ('). 

Excepté  la  grande  ferme  au  pied  des 
remparts  de  la  Ville  sainte,  les  fabriques  du 
grand  triptyque  sont  loin  de  présenter  les 
caractères  de  l'architecture  du  Nord  à  la  fin 
du  moyen  âge  ;  elles  rappellent  plutôt  les 
constructions  du  Midi  de  l'Europe  et  de 
l'Orient.  Il  se  peut,  il  est  vrai,  que  sans 
songer  du  tout  à  l'art  italien,  Enghelbrechtsz 
ait  imaginé  sa  Jérusalem  en  s'inspirant  de 
descriptions  et  de  croquis  de  pèlerins.  Il 
savait  en   tous  cas,  mieux   que    quiconque 

i.  On  retrouve  un  cheval  analogue  dans  une  gravure 
de  Jacob  Cornelisz  van  Oostsanen  ;  celui-là  est  identique 
de  position  au  cheval  de  Gentile  (le  Calvaire,  planche 
ronde  d'Oostsanen  n°  10  de  Bartsch  et  Passavant). 

Dans  une  planche  d'Oostsanen,  de  la  série  des 
comtes  de  Hollande,  j'ai  trouvé  un  cheval  absolument 
analogue  au  cheval  vu  par  la  croupe  dans  l'Adoration  des 
Mages  de  Gentile.  Notez  un  cheval  de  face  du  type  de 
Gentile  ci-dessus  mentionné,  mais  tourné  complètement 
en  sens  inverse  dans  la  planche  de  Lucas  de  Leyde  n°24 
de  Bartsch  (la  fille  de  Jephté). 

Enfin,  il  me  paraît  bien  probable  que  Durer,  dans  l'A- 
doration des  Mages  conservée  aujourd'hui  à  Florence, 
s'est  souvenu  du  cavalier  caracolant  de  Gentile,  lorsqu'il 
a  dessiné  le  groupe  placé  dans  les  lointains  de  sa  compo- 
sition. (Voir  Knackfuss,  Durer,  p.  38.J 

Sauf  en  ce  qui  concerne  cette  dernière  œuvre  de  Durer, 
je  ne  prétends  pas  que  les  auteurs  de  peintures  et  gravures 
ont  connu  le  tableau  de  Gentile  :  je  veux  dire  seulement 
que  si  de  semblables  groupements  et  types  de  cavaliers, 
de  semblables  formes  de  chevaux  se  retrouvent  dans  la 
peinture  italienne,  c'est  chez  Gentile  qu'on  en  pouvait 
trou\er  les  prototypes. 

On  peut  remarquer  aussi  que  le  turban  du  nègre  figuré 
dans  le  triptyque  de  Leyde  paraît  une  imitation  mala- 
droite du  turban  que  chez  Gentile  porte  le  roi,  qui  est  le 
plus  pi  es  de  JÉSUS. 


alors,  créer  d'immenses  villes  de  légende, 
entassant  palais,  tours  et  terrasses  dans  un 
fouillis  mystérieux. 

Quant  au  paysage,  son  origine  n'est  pas 
discutable  :  ces  rochers  escarpés  surplom- 
bant, percés  en  arc  de  triomphe,  appartien- 
nent sans  conteste  à  l'École  vénitienne  ; 
ils  sont  de  la  même  famille  que  les  rochers 
de  Cima  da  Conegliano  et  de  Marco  Basaïti. 

On  peut  donc,  sans  prétendre  toutefois 
donner  une  formule  adéquate  du  talent 
d'Enghelbrechtsz,  résumer  ainsi  l'analyse  à 
laquelle  nous  venons  de  nous  livrer. 

Enghelbrechtsz  procède  directement  de 
l'École  hollandaise  du  moyen  âge,  dont  il 
continue  avec  éclat  les  traditions  réalistes  ; 
elle  lui  a  légué  avec  sa  technique,  ses  habi- 
tudes d'observation  consciencieuse  et  per- 
spicace, sa  composition  dramatique,  sa 
sympathie  pour  les  animaux. 

Mais  il  procède  aussi  des  Van  Eyck  et 
des  anciens  Flamands  ;  son  idéal  de  beauté 
est  le  leur. 

Il  doit  au  moins  à  l'art  italien,  une  partie 
de  ses  qualités  de  paysagiste  et  d'animalier 
directement  ou  indirectement. 

On  peut  ajouter  qu'il  fit  son  profit  d'un 
apport  purement  allemand  et  peut-être 
d'une  contribution  française. 

Doué  d'un  tempérament  assez  robuste 
pour  conserver  son  originalité  et  sa  nationa- 
lité au  contact  de  l'art  italien,  ou  bien  pré- 
servé d'une  influence  trop  directe  et  trop 
continue  par  les  circonstances,  il  sut  coor- 
donner heureusement  tous  ces  éléments 
étrangers,  et  les  modifier  selon  son  propre 
génie.  Il  entrevit  les  lois  du  clair-obscur 
et  fut  peut-être  le  premier,  dans  le  Nord,  à 
abandonner  les  conventions  de  la  fresque 
ou  de  la  miniature  dans  la  distribution  de 
la  lumière  ;  il  préparait  ainsi  l'éclosion  du 
merveilleux  génie  de  Rembrandt. 


(A  suivre.) 


Emile  GAVELLE. 


g*  ffi*  »**£*  »*g*  À*%*  A*Vkt  A^-*  A^A  A^  A^C  A^t  A^Vkt  A^k  A*¥kl  A^l  >&U 


6n  Babtère,  —  Dotes  lie  bocage.  (3«»a«ieo 

.  .TTÏTIrTIIIrlinTTTTITKTTITTTrTTTTTtTTrrTTTTTTTIIT  t  T  I  IJ1LIJ-IXIJ  ][  rUXriTtXXIII  I  T  11  1  I  1  I  I  I  I  in — '  Ri        ri 

,  W  *!&*  V**  W  ya*I*  W  *^[^  *&*  W  *x&*  M^  W  W*  M"*  *£!*  *3S 


Bamberg. 


BAMBERG,  ville   de    39,000   habitants, 
sur  la  Pegnitz,  ancienne  principauté  ecclé- 
siastique, réunie  à  la  Bavière  en  1802.  Elle 
est    dominée    par    les    quatre   tours  de  sa 
cathédrale  (le  Dom)   qu'on   aperçoit  de 
loin  dans  la  campagne,  monument   de  tout 
premier  ordre,   dont   l'étude   offre   le  plus 
grand    intérêt.   C'est   un   important  édifice 
roman  fondé,  en  1004,  par  l'empereur  Hen- 
ri II,  mais  bâti  au  XIIe  siècle  seulement. 
Il  a  deux  chœurs  flanqués  chacun  de  deux 
tours  carrées  à  flèche  élancée.    La  partie 
centrale  de  la  construction,  nef  et  transept, 
à  l'exception  des  portes  dont  nous  parlerons 
plus  loin  à  propos   des  sculptures,  est  dé- 
pourvue de   tout  ornement.    Le  chevet  du 
chœur  de  l'Est  est  au  contraire  assez  décoré, 
percé  de  fenêtres  aux  archivoltes  multiples 
reposant   sur  des  colonnettes,  la  partie  in- 
férieure ornée  de  petites  arcatures  suppor- 
tées par  des  modillons;  contreforts  en  forme 
de  colonnes  engagées.  Sous  la  corniche  de 
la  toiture  règne  une  arcature  ouverte  rap- 
pelant le   style  roman  rhénan.   Les  quatre 
tours  (on  avait  projeté  d'en  bâtir  une  cin- 
quième, à  la  croisée,  mais  ce  projet  n'a  pas 
été  exécuté),  sont   élancées,  un  peu  grêles, 
mais  élégantes  et  richement  décorées.  L'ar- 
chitecte les  a  rejetées  aux  deux  extrémités 
de  l'édifice,   ce   qui  diminue  beaucoup  leur 
effet  décoratif. 

Elles  appartiennent  à  l'époque  de  transi- 
tion romano-ogivale  et  sont  d'un  style  mi- 
français  et  mi-allemand  particulièrement 
curieux  à  étudier.  Elles  diffèrent  d'ailleurs 
entre  elles,  par  les  détails  de  leur  ornemen- 
tation. 

1.  Voyez  la  i™  livr.,  p.  13  et  la  2m<:  livr.,  p.  104,  1899. 


Inférieur  de  la  cathédrale.  L'immensité 
du  vaisseau  frappe  par  ses  dimensions,  mais 
il  semble  vide  et   laisse  froid.  On  éprouve 
comme  un   sentiment    de   malaise,    encore 
augmenté  par  une  restauration  trop  com- 
plète,   peut-on    dire,    commencée    il    y    a 
fort  longtemps,  et  terminée,  croyons-nous, 
vers    1860.   Les   murs  sont  en  pierre  d'un 
blanc  gris  sale,  et  leurs  immenses  surfaces 
sont  dépourvues    de  tout    décor  peint  ou 
sculpté.  La  voûte  d'ogive  est  la  conception 
de  l'architecte  primitif;  elle  repose  sur  des 
piliers  carrés  cantonnés  de    colonnes  aux 
chapiteaux  gothiques,  et  reliés  par  des  arcs 
ogivaux. 

Aux  deux  extrémités  se  dressent  les 
chœurs,  tous  deux  surélevés  de  14  marches 
au-dessus  du  sol  de  la  nef;  celui  de  l'Est  est 
roman  avec  fenêtres  à  plein  cintre  et  voûte 
en  cul  de  four;  celui  de  l'Ouest  est  gothique; 
il  est  précédé  d'un  transept  à  chevets  plats 
percés  de  roses  romanes. 

Des  cryptes,  seulement  à  demi  enfoncées 
dans  le  sol,  régnent  sous  les  deux  chœurs  et 
prennent  jour  sur  leurs  collatéraux  ;  celle 
de  l'Est  est  la  plus  importante  ;  elle  a  une 
voûte  en  berceau  reposant  sur  des  colonnes 
avec  chapiteaux  unis  et  bases  à  pattes.  Un 
puits  est  ouvert  sous  cette  crypte. 

Les  sculptures  du  chœur  et  celles  des 
divers  portails  sont  peut-être,  avec  quelques 
tombes  monumentales,  l'objet  le  plus  inté- 
ressant à  étudier  dans  le  monument.  Les 
premières,  qui  sont  les  plus  anciennes,  ont 
un  caractère  particulier  très  marqué,  et  ap- 
partiennent à  une  école  romano-gothique 
où  se  rencontre  un  réalisme  singulièrement 
énergique  qui  apparaît  dès  la  fin  du 
XI  le    siècle    et    qui,  pendant    une   longue 


228 


Betiuc  &c  P8vt  chrétien. 


période,  caractérisera  les  œuvres  de  cette 
région.  Elle  a  été  étudiée  par  Kugler  et 
d'autres  auteurs  allemands,  plus  tard  par 
Viollet-le-Duc  et  enfin  par  M.  Louis  Gonze, 
qui  signalent  son  caractère  profondément 
dramatique,  mais  en  même  temps  un  peu 
trop  recherché  qui  aboutira  vite  au  maniéré, 
et  manque  un  peu  d'élévation,  de  telle  sorte 
que  ses  œuvres  sont  restées  au-dessous  de 
celles  de  la  grande  statuaire  française  du 
XIIIe  siècle. 

Les  plus  intéressantes  de  ces  sculptures 
sont  celles  qui  décorent  la  clôture  du  chœur 
oriental  exécutées  au  XIe  ou  au  XI  Ie  siècle, 
et  représentant  des  figures  d'apôtres,  deux 
par  deux,  tenant  dans  les  mains  des  phy- 
lactères et  semblant  discuter  entre  eux  ;  elles 
mesurent  un  mètre  environ  de  hauteur  et 
ont  été  autrefois  polychromées  ;  la  statue 
équestre  de  l'empereur  Conrad  appliquée 
contre  le  premier  pilier  de  la  nef  ;  les  figures 
de  l'Eglise  et  de  la  Synagogue  et  celles  des 
prophètes  et  des  évangélistes  au  portail 
Nord  ;  ces  dernières  sont  particulièrement 
curieuses,  car  elles  représentent  chacun  des 
prophètes  portant  sur  ses  épaules  un  évan- 
géliste,  symbolisant  ainsi  que  la  loi  ancienne 
est  le  fondement  et  le  soutien  de  la  loi 
nouvelle,  idée  exprimée,  comme  on  sait, 
d'une  manière  remarquable  dans  les  vitraux 
de  Chartres,  à  peu  près  contemporains  des 
sculptures  de  Bamberg. 

Les  sculptures  du  second  groupe  appar- 
tiennent à  une  époque  beaucoup  plus  ré- 
cente. Ce  sont  :  le  tombeau  de  l'empereur 
Henri  II  et  de  l'impératrice  Cunégonde, 
de  forme  carrée,  en  marbre  jaune  et  pierre 
lithographique,  supportant  les  statues  cou- 
chées des  défunts  en  demi-ronde  bosse, 
exécutées,  ainsi  que  les  bas-reliefs  du  sar- 
cophage, par  le  grand  sculpteur  bavarois 
TU man  Riemenschneider  (1499- 15  13).  Ces 


sculptures  sont  très  belles,  mais  le  massif 
de  maçonnerie  qui  les  supporte  est  trop 
élevé,  ce  qui  fait  qu'on  n'aperçoit  pas  les 
statues  des  gisants.  (Pour  les  voir  on  doit 
monter  sur  un  escabeau  prêté  par  le  sacris- 
tain !) 

La  tombe  du  pape  Clément  II  ('),  sculp- 
ture italienne  en  marbre,  du  XI I  Ie  siècle, 
et  plusieurs  tombes  d'évêques  du  XIIIe  au 
XVIIIe  siècle,  sont  dans  le  chœur  occiden- 
tal. (Ce  chœur  possède  des  stalles  sculptées 
du  XVe  siècle.) 

La  cathédrale  renferme  encore  un  grand 
nombre  de  monuments  funéraires,  mais  ils 
ne  présentent  pas  tous  un  égal  intérêt.  On 
en  trouve  une  très  grande  quantité  (plaques 
en  bronze  ciselé  ou  gravé)  dans  une  cha- 
pelle du  XVe  siècle,  bâtie  en  hors-d'œuvre, 
près  du  chœur  occidental. 

Sur  un  autel  latéral,  voisin  du  même 
chœur,  on  voit  un  crucifix  en  ivoire  d'une 
haute  antiquité  (du  IVe  siècle  d'après  cer- 
tains auteurs,  du  IXe  ou  du  XIe  d'après 
d'autres).  Il  est  d'assez  grandes  dimensions 
et  ne  présente  pas  le  type  traditionnel  de 
nos  pays.  Le  Christ  porte  le  perizonium,  il 
n'est  pas  couronné  d'épines,  ses  pieds  sont 
percés  de  deux  clous  (et  non  l'un  sur 
l'autre). 

Le  trésor  de  la  cathédrale  est  riche  en 
reliques  et  en  objets  précieux,  parmi  les- 
quels on  en  remarque  plusieurs  ayant  ap- 
partenu à  l'empereur  Henri  1 1  et  à  l'impé- 
ratrice Cunégonde  (tous  deux  canonisés), 
savoir  :  des  autels  portatifs,  des  couronnes, 
des  croix,  l'épée  et  le  couteau,  divers  reli- 
quaires et  deux  manteaux  en  velours  ornés 
de  médaillons  à  sujets  brodés  en  or  ;  le  ca- 
lice la  mitre  et  la  crosse  de  l'archevêque 
Othon  (XI IIe siècle)  etc.,  etc. 

Les    autres  édifices  de    Bamberg    sont 

1.  Voir  Revue  de  tArt  chrétien,  t.  VII,  1896,  p.  349- 


€n  Bavière,  —  /Rotes  &e  toopage. 


229 


peu  importants,  comparés  à  la  cathédrale. 
L'Église  Notre-  Dame (Ober-Pfarrkirche), 
du  XIVe  siècle,  a  un  beau  porche  latéral 
(la  porte  du  mariage),  décoré  des  statues 
des  vierges  sages  et  des  vierges  folles,  qui 
sont  fréquemment  représentées  dans  les 
monuments  de  cette  région  ;  le  style  de  ces 
figures,  qui  rappellent  celles  de  la  cathé- 
drale, est  encore  excellent.  Près  de  la  porte 
principale  de  l'église,  sous  un  édicule  de 
style  gothique,  la  représentation  de  Jésus 
au  jardin  des  Oliviers,  sujet  qu'on  rencontre 
fréquemment  en  Bavière,  à  l'extérieur  des 
églises. 

Jacobskirche,  Église  St-Jacques,  con- 
struction romane  du  XIe  siècle,  à  trois  nefs 
couvertes  d'un  plafond.  Des  colonnes  gal- 
bées, à  chapiteaux  sphérico-cubiques  por- 
tant des  arcs  plein-cintre,  supportent  le  mur 
supérieur  de  la  nef  centrale.  Il  n'y  a  pas 
de  transept  à  proprement  parler  ;  le  chœur 
est  gothique. 

Église  St-Michel,  au  Michaelsberg,  avec 
deux  tours,  en  partie  romanes,  et  les  vastes 
bâtiments  de  l'abbaye  de  ce  nom,  recon- 
struite au  XVIIIe  siècle. 

Ces  diverses  églises  occupent  la  partie 
supérieure  de  la  ville,  avec  la  résidence, 
ancien  palais  des  princes-évêques,  qui  se 
compose  de  deux  grandes  constructions, 
l'une  du  XVIe  siècle  avec  façade  et  cours 
intérieures  assez  pittoresques,  l'autre  des 
premières  années  du  XVIIIe  siècle,  d'un 
style  froid  et  sans  relief. 

Les  quartiers  marchands  et  industriels 
sont  situés  dans  la  partie  basse  de  la  ville, 
près  de  la  rivière  qui  se  divise  en  plusieurs 
bras,  offrant  des  points  de  vue  assez  pitto- 
resques. 

L'hôtel  de  ville  (Rathaus),  bâti  de  1744  à 
1 756,  est  sans  intérêt.  Les  façades  sont  cou- 
vertes de  grandes  fresques  représentant  des 
sujets   historiques   ou  mythologiques,   fort 


dégradées  ;  quelques  détails,  et  en  parti- 
culier un  balcon,  de  style  rocaille,  sont 
assez  remarquables. 

La  Bibliothèque  de  la  ville  est  réputée 
pour  ses  manuscrits  et  les  précieux  ivoires, 
souvent  décrits,  servant  de  couverture  aux 
livres  d'heures  d'Henri  II  et  de  Cunégonde. 

ïtatisbonnc.  


RATISBONNE,  qui  compte  41,500  habi- 
tants, assise  sur  le  Danube,  à  l'embouchure 
de  la  Regen,  petite  rivière   qui   lui    donne 
son   nom  (Regensburg),  est    une  ancienne 
ville  libre  impériale  rattachée  au    royaume 
de  Bavière  en  18 10  seulement.   C'est   une 
cité  vénérable  par  son  antiquité,  puisqu'elle 
existait  déjà  du  temps  des    Gaulois  et  que 
les  Romains,  après  la  conquête,  en  firent  le 
centre  de  leur  pouvoir  sur  le  haut  Danube; 
célèbre  par  son   histoire,  puisqu'elle  fut  à 
maintes  reprises  la  résidence  des  empereurs 
et  siège  de  la  diète  de  l'Empire;  riche  enfin 
par  son  commerce  qui  fut  très  florissant  au 
moyen  âge.  Elle  serait  encore  l'une  des  plus 
belles  et  des  plus  curieuses  villes  de  l'Alle- 
magne, si,  à  l'exemple  de  ce  qui  a  été  fait 
pour  d'autres  localités,    on    s'appliquait  à 
rendre  à  cette   ville  et  à  ses   monuments, 
si  intéressants,  leur  physionomie  ancienne. 
Et  sous  ce  rapport,  on  obtiendrait  à  Ratis- 
bonne  des  résultats  bien  supérieurs  à  ceux 
qu'on  a  atteints  à   Nuremberg,  sa  voisine  ; 
ses   monuments,  qui   sont  plus   nombreux, 
plus  importants,  et  qui  appartiennent  pour 
la  plupart  à  l'architecture  romane  ou  au  go- 
thique primaire,  portent  l'empreinte  d'une 
époque  et  d'une  organisation  politique   où 
l'aristocratie  dominait  dans   la   cité,  tandis 
que  ceux  de   Nuremberg,   en   général,    et 
spécialement    les    habitations    privées,    ne 
datent  que  de  la  fin  du  moyen  âge  et  ressem- 
blent à  ceux  de  bon  nombre  de  villes  alle- 
mandes de  cette  époque,  administrées  par 


230 


iRcbur  lie  rart  ebretten- 


un  gouvernement  plus  ou  moins  démocra- 
tique. 

Nombreux  sont  les  hôtels  de  patriciens 
et  les  demeures  de  riches  bourgeois,  puis- 
sants négociants  ou  armateurs,  datant  des 
XIIe  et  XIIIe  siècles,  dont  les  formes  en- 
core complètes  se  devinent  sous  un  plâtras 
plus  ou  moins  moderne  ou  derrière  les 
constructions  postérieures  qui  y  ont  été 
accolées.  Ces  palais  de  l'aristocratie  se  dis- 
tinguent par  un  caractère  à  demi  militaire 
que  leur  donnent  de  hautes  et  solides  tours 
carrées  occupant  généralement  le  centre  de 
la  façade,  semblables  au  donjon  d'une  forte- 
resse. De  nombreuses  maisons  ont  des 
pignons  à  escaliers  ou  à  créneaux  avec  tou- 
relle d'angle;  beaucoup  ont  conservé,  du 
moins  aux  étages  supérieurs,  les  petites 
fenêtres  géminées  ou  triples  du  gothique 
primaire;  il  n'y  aurait  qu'à  gratter  le  plâtras 
pour  remettre  au  jour  une  foule  de  maisons 
d'un  intérêt  exceptionnel.  Certaines  des 
tours  de  ces  anciens  palais,  et  en  particulier 
celle  qui  est  voisine  de  la  cathédrale,  peu- 
vent dater  de  l'époque  romaine  ;  d'autres, 
telles  que  celle  de  l'hôtel-de-ville  et  de 
l'auberge  de  la  Croix  d'or,  datent  du  XIIe 
siècle.  Elles  ont  généralement  de  nom- 
breux étages  (parfois  même  9  ou  10)  indi- 
qués par  des  petites  fenêtres  bien  caracté- 
risées. 

Quant  à  l'ensemble  des  places  et  des  rues, 
et  abstraction  faite  des  monuments,  il  a 
conservé  dans  les  anciens  quartiers,  beau- 
coup de  cachet,  grâce  aux  vieilles  maisons 
à  pignons,  aux  tourelles  à  l'angle  des  rues, 
aux  enseignes  suspendues  à  des  potences,  et 
aux  loggia  dans  le  genre  de  Nuremberg. 

La  vue  la  plus  pittoresque  et  la  plus 
générale  de  la  ville  est  celle  qu'on  a  de 
l'autre  côté  du  Danube,  au  faubourg  de 
Stadt-am-Hof  où  l'on  voit  Ratisbonne  se 
déployer  en  une  longue  silhouette  dentelée 


de  clochers  au  milieu  d'une  vaste  plaine. 
Le  pont  qui  relie  les  deux  rives  du  fleuve, 
date  du  XIIe  siècle  (  1 1 35  à  1 146),  comme 
l'indiquent  ses  quinze  arches  plein-cintre. 
Il  est  long  de  315  mètres  environ,  et  était 
autrefois  fortifié,  coupé  et  défendu  par  des 
ouvrages  d'art  militaire  qui  ont  disparu  à 
l'exception  de  la  dernière  porte,  située  du 
côté  de  la  ville;  malheureusement  c'était 
la  plus  simple  et  la  moins  intéressante  de 
toutes. 

Une  maquette  de  ce  pont,  tel  qu'il 
était  avant  la  démolition  de  ses  ouvrages 
de  défense,  se  trouve  au  musée  de  l'ancien 
hôtel-de-ville. 

Le  Rathaus  ou  hotel-de-ville  se  com- 
pose de  trois  parties,  d'âge  et  de  style 
différents,  l'une,  relativement  moderne,  du 
XVIIe  siècle,  sans  intérêt  ;  l'autre,  du 
XVe  siècle,  et  la  troisième  du  XIIe  siècle. 

La  partie  principale,  celle  du  X I  Ve  siècle, 
est  peu  décorée,  mais  fort  pittoresque  et 
ayant  beaucoup  de  caractère.  C'est  là  que 
se  tinrent  pendant  près  de  deux  siècles  les 
diètes  de  l'Empire.  Le  rez-de-chaussée 
n'est  percé  que  de  portes  et  de  fenêtres 
basses  ;  il  est  occupé  aujourd'hui  par  des 
boutiques.  L'étage  est  éclairé  par  un  pre- 
mier rang  d'ouvertures  carrées  plus  larges 
que  hautes,  divisées  en  quatre  baies  égales 
et  surmonté  de  quelques  fenêtres  ogivales 
à  deux  lumières.  Au  centre  de  la  façade  une 
bretèque  ou  loggia  de  peu  de  saillie,  repo- 
sant sur  un  pilier,  et  surmontée  d'un  fron- 
ton avec  pinacles  aux  angles.  C'est  à  ce 
balcon  que  se  proclamaient  autrefois  les 
actes  de  l'autorité  impériale. 

Dans  l'angle  formé  par  les  bâtiments  de 
l'ancien  et  du  nouvel  hôtel-de-ville,  une 
porte  ogivale  avec  couronnement  de  forme 
rectangulaire,  dans  lequel  est  inscrit  un 
fronton  triangulaire  rappelant  en  tous  points 
celui  de  la  bretèque,  décoré,  en  outre,  dans 


€n  Batofère.  —  1®ott&  de  toopage. 


231 


les  écoinçons  de  deux  figures  de  guerriers  à 
mi-corps,  armés  le  premier  d'une  arbalète, 
le  second  d'une  pierre  qu'il  semble  lancer 
sur  celui  qui  voudrait  franchir  la  porte. 

La  salle  de  la  diète  occupe  tout  le  premier 
étage  ;  elle  est  vaste,  nue,  et  dépourvue 
aujourd'hui  de  tout  mobilier.  Un  escalier, 
établi  dans  un  des  angles  de  la  salle,  conduit 
à  une  tribune  faisant  partie  de  la  même 
salle,  et  de  là,  à  quelques  petites  chambres 
où  est  installé  aujourd'hui  un  intéressant 
musée  d'objets  historiques  et  de  souvenirs 
locaux  :  tableaux,  pièces  d'orfèvrerie,  bois 
sculptés,  faïences,  médailles,  ainsi  qu'une 
série  extrêmement  curieuse  de  vieilles  tapis- 
series gothiques  de  différents  types.  Dans 
une  autre  salle  on  a  rassemblé  les  fac-similé, 
à  une  échelle  réduite,  de  monuments  anciens 
de  Ratisbonne  dont  beaucoup  ont  malheu- 
reusement disparu.  Collection  précieuse 
pour  l'histoire  locale,  et  qu'il  serait  bien  dé- 
sirable de  voir  établir  dans  toutes  nos  villes 
où  sévit  à  outrance  la  manie  du  modernisme 
et  où  tant  de  mouvements  disparaissent 
souvent  sans  qu'il  en  reste  trace. 

Ainsi,  à  défaut  du  monument  lui-même, 
démoli  souvent  sans  motif  et  même  contre 
toute  raison,  on  garderait  au  moins  son 
image  ! 

L'aile  moderne  du  Rathhaus  est  sans  inté- 
rêt, et  quant  à  la  troisième  construction  qui 
fait  partie  des  bâtiments  de  l'hôtel-de-ville, 
elle  est  beaucoup  plus  ancienne  que  les 
deux  autres,  et  parait  remonter  à  la  période 
romane. Mais  aujourd'hui,  entièrement  défi- 
gurée.elle  n'a  conservé  qu'un  pignon  ancien, 
et  sa  haute  tour  qui  pourrait  facilement  être 
restaurée. 

Les  souterrains  eu  Rathhaus, obscurs, tor- 
tueux et  à  plusieurs  étages,  affreux  réduits 
où  l'air  et  la  lumière  ne  pénètrent  pas, 
servaient  autrefois  de  prisons  et  de  cham- 
bres de  torture;  ce  sont  peut-être  les  plus 


curieuses  et  les  plus  complètes  qui  existent 
encore,  car  elles  ont  gardé  en  place,  et  prêt 
en  quelque  sorte  à  fonctionner  encore,  tout 
le  matériel  employé  jadis  pour  l'application 
de  la  question,  ou  pour  infliger  aux  crimi- 
nels les  supplices  auxquels  ils  avaient  été 
condamnés.  La  chambre  de  torture  est  divi- 
sée en  deux  par  une  cloison  grillée,  derrière 
laquelle  se  tenaient  le  magistrat  et  son 
greffier  (les  sièges  et  le  pupitre  à  écrire 
sont  encore  en  place),  pour  surveiller 
l'exécution  de  la  sentence  ou  recueillir  les 
aveux  des  criminels  mis  à  la  question. 

Le  monument  le  plus  considérable  de 
Ratisbonne  est  à  coup  sûr  sa  cathédrale 
(Dom);  vaste  édifice  gothique  commencé 
au  XIIIe  siècle  (1275)  avec  une  façade 
datant  du  XVe  siècle  et  deux  tours  sembla- 
bles, couronnées  de  flèches  en  pierre, 
ajourées,  construites  seulement  de  nos  jours 
(1859  à  1869),  en  même  temps  qu'on  res- 
taurait tout  l'édifice. 

La  valeur  architecturale  des  diverses  par- 
ties de  l'édifice  est  très  inégale  ;  on  peut  dire 
d'une  manière  générale  qu'il  manque  d'élé- 
gance et  de  pureté,  et  qu'il  y  a  surcharge 
de  détails  nuisant  à  l'effet  d'ensemble. 

La  partie  la  plus  intéressante  est  le 
chevet  du  chœur,  d'une  ligne  plus  pure  que 
le  reste  de  l'édifice;  il  n'a  pas  de  bas-côtés. 
Un  chemin  de  ronde  extérieur  a  été  ménagé 
sur  la  banquette  qui  contourne  l'édifice  et 
forme  une  sorte  de  socle  qui  donne  beau- 
coup de  légèreté  au  reste  de  la  construction. 

Les  façades  latérales  sont  dépourvues 
d'ornements,  tandis  que  la  façade  principale 
est  surchargée  de  détails  d'un  style  d'ail- 
leurs assez  médiocre.  La  porte  centrale  est 
précédée  d'un  petit  porche  triangulaire, 
forme  peu  usitée,  et  qui  paraît  en  contra- 
diction avec  sa  propre  destination,  puisque 
son  pilier  central  obstrue  et  ferme  en  quel- 
que sorte  le  passage. 


232 


3&ctntc  De  l'&rt  djrcttcn. 


L'intérieur  de  la  cathédrale,  bien  qu'un 
peu  froid  et  nu,  est  plus  beau  que  l'extérieur; 
ses  lignes  ont  de  l'ampleur  et  de  la  majesté. 

On  remarque,  à  la  hauteur  des  fenêtres 
inférieures  (et  à  peu  près  à  la  même  hauteur 
que  celui  de  l'extérieur),  un  chemin  de  ronde 
intérieur  avec  balustrade  en  pierre  ajourée; 
sous  les  fenêtres  du  clair  étage,  il  y  a   un 


Ratisbonne.  —  Cathédrale. 


triforium.  Les  vitraux,  pour  la  plupart 
anciens,  n'ont  pas  été  restaurés.  Contre  le 
mur  du  pignon  du  transept,  à  l'intérieur, 
au-dessus  de  la  porte  d'entrée,  et  suivant  le 
contour  de  cette  porte,  s'élève  un  double 
escalier  avec  un  balcon  (au  point  culminant) 
qui  peut  avoir  servi  de  tribune  pour  l'osten- 
sion  des  reliques. 

Au  centre   de  la  nef  principale,  vers  le 


bas  de  l'église,  le  mausolée  d'un  évêque  du 
XVIe  siècle,  représenté  à  genoux  au  pied 
d'un  énorme  crucifix  ;  contre  le  mur  de  la  fa- 
çade occidentale,  grandes  statues  équestres 
de  S.  Georges  et  de  S.  Martin;  près  du 
portail  du  Sud,  puits  à  margelle  octogone 
surmonté  d'un  très  élégant  baldaquin  en 
pierre,  de  style  gothique  ;  tabernacle  en 
forme  de  tour,  surmonté  d'une  flèche,  haute 
de  17  mètres;  nombreuses  pierres  tombales 
d'évêques,  droites  ou  couchées  ;  autel  prin- 
cipal avec  retable,  totalement  recouvert  de 
plaques  d'argent  (1785);  cinq  autels  (dans 
les  basses-nefs),  établis  contre  le  mur  des 
bas-côtés  et  sans  qu'ils  soient  entourés  de 
clôtures  formant  chapelle;  ils  sont  surmon- 
tés d'un  ciborium  ou  baldaquin  à  fronton 
triangulaire,  avec  clochetons  aux  angles, 
statues  surmontées  de  dais,  et  balustrade 
reliant  le  tout.  Ce  sont  des  spécimens  en 
bon  état  et  très  précieux  d'une  forme  d'autel 
rarement  usitée. 

Le  trésor  de  la  cathédrale  est  fort  riche 
et  se  trouve  très  convenablement  installé 
dans  des  armoires  vitrées  disposées  dans 
une  salle  voûtée,  au-dessus  de  la  sacristie, 
spécialement  aménagée  à  cette  fin  et  facile 
à  défendre  contre  les  voleurs  et  contre  le 
feu.  On  y  remarque  entr'autres  choses:  des 
croix  très  précieuses  du  XIIIe  et  du  XI\V 
siècle,  un  rational,  ornement  liturgique  que 
les  évêques  de  Ratisbonne  avaient  le  privi- 
lège de  porter  ;  ces  ornements  sont  devenus 
fort  rares,  on  n'en  connaît  que  peu  d'exem- 
plaires, dont  un  au  Musée  de  Munich. Celui 
de  Ratisbonne  remonte  au  XIIe  siècle,  il 
est  brodé  sur  fond  d'or.  Chasuble  romane 
et  calice  en  onyx  datant  de  994;  reliquaire 
(moderne)  avec  la  main  de  saint  Jean-Chry- 
sostome;  chandeliers,  vases,  statues  et  reli- 
quaires en  argent  (XVIIIe  s.)  pour  garnir 
le  maître-autel;  plusieurs  pièces,  émaillées, 
et  notamment  une  superbe  croix,  etc. 


€n  Bafctère.  —  #ote0  De  toopage. 


233 


Entre  la  cathédrale  et  le  Danube  s'étend 
la  partie  la  plus  ancienne  de  la  ville  et  en 
particulier  l'ensemble  de  bâtiments  désignés 
sous  le  nom  de  Aller  Dom,  ou  vieille  cathé- 
drale, qui  comprennent  des  cloîtres  et  des 
dépendances  avec  plusieurs  chapelles  très 
anciennes  qui  ont  été  conservées  après  la 
construction  de  la  cathédrale  nouvelle.  Ce 
cloître  a  été  renouvelé  et  appartient,  dans 
son  état  actuel,  au  XVe  siècle,  mais  les  cha- 
pelles, l'une  dite  l'ancienne  cathédrale ,1'autre 
dédiée  à  tous  les  saints  et  qui  semble,  à  cause 
de  sa  forme  octogonale,  avoir  été  primiti- 
vement un  baptistère,  sont  de  style  roman 
primitif,  du  XIIe  ou  même  du  XIe  siècle, 
bien  que  certains  auteurs  aient  voulu  les 
faire  remonter  jusqu'au  VIIe  siècle.  Elles 
sont  extrêmement  intéressantes,  ayant  été 
débarrassées  du  plâtras  et  des  ornements  de 
style  rocaille  qui  les  défiguraient  autrefois. 
Une  tour  carrée  à  toiture  pyramidale  datant 
aussi  de  l'époque  romane,  a  été  englobée 
dans  la  construction  de  la  cathédrale  ac- 
tuelle. Tout  le  cloître  est  rempli  de  pierres 
tombales  sculptées,  de  différentes  époques 
et  de  valeur  fort  inégale. 

Plus  bas  que  le  cloître  de  la  cathédrale  se 
trouve  une  construction  romaine,  enclavée 
dans  des  bâtiments  modernes  ;  c'est  une 
ancienne  porte  de  ville  (porta  Pretoria) 
construite  en  pierres  irrégulières,  de  grand 
appareil,  et  dont  il  ne  reste  plus  qu'une 
arcade,  c'est-à-dire  la  porte  proprement  dite, 
avec  une  des  deux  tours  qui  la  défendaient. 
De  l'autre  côté  de  la  cathédrale  subsiste 
encore  une  autre  construction  qu'on  dit 
également  romaine  ;  c'est  une  grande  tour 
carrée,  beaucoup  plus  importante,  par  ses 
dimensions,  que  les  autres  tours  du  même 
genre  conservées  à  Ratisbonne. 

L'Eglise Sî-Jacques, qui  dépendait  autre- 
fois d'un  couvent  de  religieux  écossais, 
bâtie  en  1112,  offre  la  disposition  propre 


aux  basiliques  romaines,  trois  nefs  termi- 
nées par  des  absides  voûtées  en  cul  de  four, 
et  à  l'extrémité  opposée  une  sorte  de  nar- 
thex,  au  porche  intérieur,  dans  lequel  se 
trouve  le  baptistère. 

Les  murs  de  la  nef  centrale  reposent  sur 
des  arcs  plein-cintre  supportés  par  des 
piliers  carrés  (les  quatre  premières  travées) 
ou  par  des  colonnes  aux  chapiteaux  riche- 
ment sculptés  ;  la  nef  centrale  est  couverte 
par  un  plafond  en  bois,  les  basses  nefs  ont 
des  voûtes  d'arête.  Ce  chœur  est  éclairé 
par  trois  grandes  fenêtres  en  plein-cintre. 

La  porte  Nord  de  cette  église  est  abon- 
damment ornée  de  sculptures  bizarres  et 


Ratisbonne.  —  Eglise  Saint  Jacques. 

d'un  art  déconcertant  :  les  archivoltes  repo- 
sent sur  des  colonnes  sculptées  ;  à  droite  et 
à  gauche  de  la  porte,  trois  rangs  de  petites 
arcatures  superposées,  supportées  par  des 
colonnettes  ou  des  modifions  ;  les  fûts  des 
colonnes  de  la  zone  du  milieu  sont  rempla- 
cés par  des  statuettes  de  personnages  his- 
toriques ou  symboliques,  supportant  le  cha- 
piteau de  la  colonne.  Plusieurs  arcs  ou 
colonnettes  reposent  sur  des  lions  couchés, 
des  sculptures  énigmatiques,  hommes  ou 
animaux,  occupant  le  panneau  inférieur, 
semblent  y  avoir  été  placées  après  coup  ; 
leur  origine  et  leur  signification  n'ont  pas 
été  expliquées  jusqu'ici.  Quant  au  portail 
lui-même,  il  a  été  construit  en  l'an  1200. 


REVUE   DE   LAKT  CHRETIEN. 
1899.    —  3me    LIVRAISON. 


C'est  encore  à  l'époque  romane  qu'appar- 
tient I'église  de  Saint-Emmeran,  qui  fait 
partie  du  palais  des  princes  de  Tour  et 
Taxis,  établi  dans  un  ancien  couvent  de 
Bénédictins;  l'église  est  précédée  d'une  tour 
isolée,  de  style  roman,  carrée,  à  toiture  pyra- 
midale percée  de  quelques  petites  fenêtres 
à  plein-cintre,  généralement  géminées,  et 
ornée  de  statues  de  Saints,  se  détachant 
du  plat  du  mur,  supportées  par  des  consoles 
et  surmontées  de  dais.  Sur  le  côté  de  la 
tour,  un  mur  décoré  de  deux  rangs  d'arca- 
tures  gothiques,  aveugles,  d'un  très  bon 
style,  orné  de  peintures  à  fresques  et  percé 
de  deux  portes  ;  il  donne  accès  à  la  cour 
(ancien  cimetière)qui  précède  l'église.  Cette 
église  elle-même  est  un  composé  de  plu- 
sieurs chapelles,  autrefois  indépendantes  les 
unes  des  autres,  aujourd'hui  communiquant 
entr'elles,  datant  toutes  de  l'époque  romane 
primitive,  ou  plus  anciennes  encore,  mais 
horriblemenc  défigurées  au  XVIIIe  siècle. 

C'est  d'abord  un  vaste  porche  roman, 
ouvert,  d'un  très  grand  caractère,  et  dont 
l'ordonnance  générale  a  été  respectée;  puis 
les  diverses  églises  ou  chapelles,  apparte- 
nant à  des  types  variés  d'architecture 
romane,  latine  ou  byzantine,  dont  certaines 
parties  anciennes  se  révèlent  sous  le  décor 
rocaille  qui  les  couvre. 

Les  sculptures,  statues  et  tombeaux  qui 
remontent  aux  Xe,  XIe  et  XI  Ie  siècles, peut- 
être  même  au  VIIe,  doivent  être  rangées 
parmi  les  plus  curieuses  et  les  plus  précieu- 
ses qui  existent.  Elles  constituent,  avec  le 
monument  lui-même,  un  ensemble  de  docu- 
ments du  plus  haut  intérêt  pour  l'étude  de 
l'art  allemand  à  ces  époques  reculées. 

L'ancien  cloître  conventuel,  de  style 
gothique,  est  immense  mais  froid,  il  sert 
aujourd'hui  de  vestibule  au  palais.  Contre 
une  de  ses  ailes  on  a  construit  la  chapelle 


funéraire  des  princes  de  Tour  et  Taxis  ; 
l'étage  inférieur  est  occupé  par  le  caveau 
funéraire  dont  on  voit  les  cercueils  déposés 
sur  le  sol,  à  travers  une  ouverture  pratiquée 
dans  le  pavement  de  la  chapelle.  Les  autres 
bâtiments  qui  composent  le  palais,  sont 
modernes. 

Près  de  l'église  Saint-Emmeran,  sont 
deux  autres  églises  romanes  comme  les 
précédentes;  également  défigurées  par  un 
remaniement  complet  au  XVIIIe  siècle. 
Elles  ont  des  tours  carrées  du  même  type 
que  celles  de  Saint-Emmeran. 

Cet  ensemble  de  constructions  d'un  style 
si  particulier  et  encore  si  peu  étudié,  est 
véritablement  unique  et  d'un  intérêt  excep- 
tionnel pour  l'étude  de  l'art  monumental. 
Il  ferait  de  Ratisbonne  une  ville  sans  égale 
sous  ce  rapport,  si  une  restauration,  habile- 
ment conduite,  leur  rendait  leur  splendeur 
primitive. 

Baissai! .  

PASSAU  est  la  dernière  ville  bavaroise, 
sur  le  Danube,  du  côté  de  l'Autriche.  Elle 
a  une  population  de  17,500  habitants  et  se 
distingue  par  son  admirable  situation  au 
confluent  de  l'Inn  et  de  l'Illz  avec  le  Da- 
nube. C'est  là  que  commence  la  navigation 
à  vapeur  sur  le  fleuve,  et  c'est  au  départ 
vers  Vienne  qu'on  jouit  de  la  plus  magni- 
fique vue  panoramique  de  Passau. 

La  ville  a  un  aspect  mi-allemand  et  mi- 
italien,  comme,  en  général,  les  localités  du 
Tyrol  ;  les  monuments  ne  présentent  qu'un 
intérêt  secondaire  au  point  de  vue  archéo- 
logique. On  remarque  les  volets  des  fenê- 
tres aux  maisons  anciennes,  en  fer,  et  ren- 
forcés par  de  solides  armatures  en  fer  éga- 
lement, qui  les  font  ressembler  à  des  portes 
de  coffres-forts. 


(A  suivre.) 


Eugène  Soil. 


j&y.  i&y.  i&u  \5%*  *$£*  *5$*  £*y>  *5k  £*$*  \r*u  *5£*  »5£*  *?*u  *?»£*  *5Ex 


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'*&*  w  rët*  rét*  *&*  *&*  *£t*  y^  w  t<ô*  ?*&*  **£*  w  r&*  **$* 

Et  VaSC  antiqUE    DC  Satnt=Satiin    (>)•  .  Les   investigations   faites    pour   connaître   les 

circonstances  par  lesquelles  le  vase  était  venu 
entre  les  mains  de  M. le  doyen  Lebrun  aboutirent 
aux  informations  suivantes.  Lors  de  la  restaura- 
tion de  l'autel  majeur  de  Saint-Savin,  ou  plutôt 
lorsqu'il  s'est  agi  de  le  remplacer  par  un  nouvel 
autel  que  l'on  jugeait  être  mieux  en  rapport  avec 
le  style  de  l'église,  on  trouva  dans  le  massif  de 
l'autel  placé  au  XVIIIe  siècle,  dans  une  sorte  de 
petite  niche  ou  de  casier  disposé  tout  exprès  «  un 
vase  antique  de  belle  forme,  en  verre  bleuâtre, 
orné  symétriquement  en  saillie  de  filets  et  de 
boutons  blancs, émaillés,  sans  inscriptions,  conte- 
nant les  seules  reliques  de  l'autel  (r)  ». 

M.  le  doyen  Lebrun,  qui  donne  ce  renseigne- 
ment, ajoute:  «  Je  pense  que  ces  reliques  étaient 
celles  du  XIe  siècle, ainsi  transmises, et  par  consé- 
quent des  reliques  de  saint  Savin.  J'ai  gardé  ce 
vase  antique  comme  document,  plus  une  partie 
des  reliques,  et  j'ai  placé  le  reste  dans  l'autel  ma- 
jeur actuel.  » 

Mgr  B.  de  M.  décrit  fort  longuement  ce  vase, 
dont  il  donne  d'ailleurs  une  bonne  reproduction 
en  chromo.  Le  vase  mesure  une  hauteur  totale  de 
dix  centimètres  et  demi  ;  il  a  neuf  cent,  à  son 
orifice  et  douze  à  son  plus  grand  diamètre.  Il  se 
compose  de  trois  parties  :  un  pied  très  bas  et 
étroit  ;  une  panse,  ou  renflement  au  milieu  di- 
minuant en  courbe  gracieuse  vers  les  extrémités, 
et  à  l'orifice  un  rebord  arrondi  et  saillant. 

La  matière  est  en  verre  bleu,  mat,  translucide; 
au  jour  la  teinte  est  claire  et  verdâtre  au  soleil. 
Le  décor,  rapporté  après  coup,  consiste  en  une 
série  de  filets  et  de  boutons  formant  des  sortes 
de  rosettes,  que  l'auteur  nomme  «  pastillages  », 
qui  se  détachent  en  blanc  opaque  sur  le  fond  bleu. 

M.  Léon  Palustre.décédé  avant  d'avoir  terminé 
l'étude  entreprise,  ne  laissa  que  quelques  notes; 
Mgr  B.  de  M.  se  trouva  donc  seul  en  présence 
du  problème  archéologique  dont  son  ami  s'était 
chargé.  Quelque  ardu  que  fût  celui-ci,  notre 
docte  et  infatigable  collaborateur  n'était  pas 
homme  à  abandonner  la  partie.   Il  chercha  tout 


jOTRE  savant  collaborateur  Mgr  Bar- 
bier de  Montault  a  publié,  en  1897,  une 
très  intéressante  et  très  complète  étude 
intitulée  Le  vase  antique  de  Saint- 
Savin.  Je  me  reprocherais  de  n'avoir  pas  ap- 
pelé plus  tôt  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  ce 
travail,  si  je  m'étais  senti  la  compétence  néces- 
saire pour  le  faire  avec  sûreté,  et  si  je  n'avais 
espéré  pouvoir  confier  cette  tâche  à  l'un  de  nos 
collaborateurs  plus  initié  à  la  connaissance  des 
instruments  liturgiques  en  usage  aux  premiers 
siècles  du  Christianisme.  Cet  espoir  ne  s'étant  pas 
réalisé,  force  m'est  de  donner  un  compte  rendu 
qu'il  importe  de  ne  pas  réserver  indéfiniment. 

Mais  avant  d'aborder  l'examen  de  l'étude 
même,  il  convient  de  rappeler  les  circonstances 
qui  ont  amené  Mgr  Barbier  de  Montault  à  l'en- 
treprendre. 

En  faisant,  en  1882,  l'inventaire  des  curiosités 
archéologiques  de  l'ancienne  église  abbatiale  de 
St-Savin  sur  Gartempe  (Vienne),  Mgr  B.  de  M. 
prit  note  d'un  vase  en  verre  que  M.  le  doyen 
Lebrun  conservait  sur  la  cheminée  de  son  cabi- 
net. Le  trouvant  extrêmement  remarquable, 
il  en  écrivit  immédiatement  à  son  ami  Léon  Pa- 
lustre,qui,  à  son  tour,  émerveillé  de  la  découverte, 
accepta  de  rédiger  la  notice  qui  devait  accompa- 
gner laphotogravure  de  l'objet  dans  la  publication 
des  trésors  des  églises  entreprise  par  les  deux 
savants. 

Cependant,  en  présence  de  la  beauté  et  de  la 
rareté  exceptionnelle  du  vase  et  de  la  fragilité  de 
sa  matière,  il  était  au  moins  dangereux  de  le 
laisser  sur  la  cheminée  du  digne  ecclésiastique 
qui  ne  paraissait  pas  trop  avoir  conscience  de  sa 
valeur.  Aussi,  convaincu  de  la  nécessité  de  le 
soustraire  à  une  situation  aussi  précaire,  Mgr  B. 
de  M.  fit,  auprès  du  ministre  des  beaux-arts,  des 
démarches  dont  le  résultat  fut  la  remise  du  pré- 
cieux vase  au  Musée  de  Poitiers. 

1.  Le  Vase  de  Saint-Savin,  par  X.Barbier  de  Montault, 
prélat  de  la  Maison  de  Sa  Sainteté. 


1.  L'Abbaye  et  l'église  de  Saint-Savin,  Poitiers,   1SS8, 
par  le  doyen  Lebrun. 


236 


Peinte  tie  P8rt  chrétien. 


d'abord  à  s'éclairer  de  l'opinion  des  savants  qu'il 
croyait  le  mieux  à  même  de  l'aider  dans  ses 
recherches  :  à  cet  effet  il  leur  envoya  la  reproduc- 
tion du  vase,  avec  un  questionnaire  portant  sur 
les  points  de  savoir  si  le  vase  de  Saint-Savin 
était  païen  ou  chrétien,  sur  sa  destination  pre- 
mière et  la  date  à  lui  assigner,  l'endroit  où  il 
pouvait  avoir  été  fabriqué,  s'il  existait  des  simi- 
laires connus,  etc.  Enfin  toute  la  littérature  qui 
existe  à  ce  sujet  fut  soigneusement  consultée. 

La  première  question  qu'il  importait  de  tran- 
cher était  celle  de  savoir  si  le  vase  était  d'origine 
païenne  ou  chrétienne. 

Léon  Palustre  le  croyait  d'origine  païenne,  et 
cette  opinion  était  partagée  par  MM.  le  chanoine 
Schniitgen  de  Cologne,  M.  Schone  de  Berlin, Mgr 
Bulic,  directeur  du  Musée  de  Spalatro;  plusieurs 
savants  restèrent  douteux.  Il  en  est  enfin  qui, 
croyant  le  vase  de  fabrication  païenne,  admet- 
taient qu'il  avait  pu  servir  à  un  usage  liturgique 
chrétien. 

Mgr  Barbier  de  Montault,  au  contraire,  croit 
que  le  vase  est  exclusivement  d'origine  chré- 
tienne. Toute  sa  très  compendieuse,  très  savante 
et  très  instructive  étude  a  pour  objet  de  faire 
passer  cette  conviction  dans  l'esprit  du  lecteur. 

Je  ne  saurais  dire  si  ses  recherches  très  ardues 
et  qui  dénotent  une  érudition  peu  ordinaire,  ont 
abouti  à  cette  conviction,  ou  bien  si  celle-ci  s'est 
en  quelque  façon  imposée  à  l'auteur  par  les  cir- 
constances qui  ont  amené  la  découverte  du  vase 
précieux,  mais  je  suis  certain  que  le  lecteur  n'a 
pas  à  se  plaindre  des  efforts  de  Mgr  B.  de  M. 
pour  le  convaincre.  Si  même  on  ne  pouvait  ad- 
mettre complètement  les  conclusions  du  savant 
prélat,  on  est  au  moins  heureux  de  s'éclairer  de 
sa  science. 

Mgr  B.  de  M.  non  seulement  attribue  au  vase 
de  Saint-Savin  une  origine  chrétienne,  mais  il 
semble  très  disposé  à  croire  qu'il  a  été  confec- 
tionné dans  les  régions  mêmes  où  il  a  été  trouvé. 

Disons  d'abord  que  dans  l'opinion  de  tous  les 
savants  consultés,  et  dans  celle  de  l'auteur  du 
travail  que  nous  examinons,  le  vase  ne  saurait 
être  antérieur  au  premier  siècle  de  notre  ère,  ni 
postérieur  au  quatrième. 

Il  se  trouve  dans  les  papiers  délaissés  par 
feu  Palustre  deux  copies  d'actes  qui  établissent 


qu'en  1454,  l'abbé  de  Saint-Savin  concède  à  deux 
verriers  le  droit  de  réédifier  un  four  de  verrerie 
tombé  en  ruines  établi  autrefois  dans  la  forêt  de 
Meudon,  et  de  l'exploiter  contre  une  redevance 
annuelle.  Le  fait  assurément  est  intéressant  et 
mérite  d'être  consigné.  Mais  n'y  a-t-il  pas  quel- 
que hardiesse  à  pousser  les  conjectures  au  point 
de  le  rattacher  au  vase  antique,  objet  de  l'étude 
de  Mgr  B.  de  M.  ?  En  effet,  il  se  demande  si  le 
four  en  question  est  tombé  en  ruines,  ce  ne  serait 
pas  de  vétusté?  et  si  cette  verrerie  ne  serait  pas 
la  continuation  d'un  établissement  carolingien, 
mérovingien,  ou  même  gallo-romain?  C'est  là,  ce 
me  semble,  remonter  un  peu  prestement  une 
série  de  siècles  pour  arriver  à  une  fabrication  in- 
digène. 

En  réalité  notre  savant  collaborateur  assure 
que  le  vase  est  «  unique  ».  C'est  là  une  opinion 
fondée  jusqu'à  présent,  et  qui  n'a  été  contestée 
par  aucun  des  savants  consultés  sur  cet  objet 
remarquable.  Mais  du  fait  qu'il  est  unique  résulte 
précisément  la  difficulté  de  trouver  des  points  de 
comparaison  connus,  étudiés  et  qui  pourraient 
mettre  sur  la  voie  d'une  réponse  adéquate  aux 
questions  qu'il  soulève.  On  peut,  en  vérité,  citer 
à  titre  de  documents  historiques,  quelques  vases 
qui  ne  sont  pas  sans  analogie  avec  celui  de  Saint- 
Savin  et  qui  pourraient  mettre  sur  la  voie  de 
l'usage  auquel  il  a  pu  servir. 

Ainsi  la  coupe  en  verre  rougeâtre, conservée  à 
l'église  de  Maestricht  et  connue  sous  le  nom  de 
«  coupe  de  saint  Servais  »,  porte  en  elle-même, 
comme  le  fait  très  justement  remarquer  M.  Ro- 
hault  de  Fleury.les  preuves  de  son  antiquité.C'est 
un  bol,  dont  la  forme  générale  n'est  pas  sans  ana- 
logie avec  le  vase  de  Saint-Savin;  la  tradition  qui 
le  fait  remonter  à  saint  Servais,  décédé  en  384, 
n'a  pas  trouvé  de  contradicteurs  :  un  poète  du 
XIIe  siècle  atteste  que,  à  cette  époque,  peut-être 
même  plus  tôt,  de  nombreux  pèlerins  venaient 
boire  dans  cette  coupe,  à  laquelle  ils  attribuaient 
une  vertu  miraculeuse,  pour  la  guérison  de  la 
fièvre.  Nous  pouvons  la  regarder  comme  contem- 
poraine du  vase  de  Saint-Savin,  et,  à  en  juger 
par  la  forme,  elle  a  pu  servir  aux  mêmes  usages. 
Mais,  du  fait  que  la  coupe  aurait  appartenu  à  un 
Saint,  personne  n'a  encore  tiré  la  conclusion 
qu'elle  aurait  servi  à  un  usige  liturgique.  La  lé- 


Splangeeu 


237 


gende  même  qui  donne  à  ce  Scyphus  une  origine 
miraculeuse  n'en  fait  qu'un  récipient  dont  le  Saint 
se  serait  servi  pour  boire  de  l'eau,  et  si  jamais  le 
vase  avait  été  consacré  à  un  usage  eucharistique, 
il  n'est  pas  probable  qu'on  eût  permis  plus  tard 
aux  pèlerins  fiévreux  de  s'y  désaltérer.  La  coupe 
de  saint  Servais  ne  peut  donc  guère  servir 
qu'à  fixer  approximativement  l'âge  du  vase  de 
Saint-Savin.  Or  c'est  précisément  un  point  sur 
lequel  les  savants  paraissent  d'accord. 

Mgr  B.  de  M.,  qui  mentionne  en  passant  la 
coupe  de  saint  Servais,  parcourt  tous  les  vases 
connus  de  cette  époque,  existant  en  nature,  ou 
par  reproductions  ;  mais  son  étude  des  antiquités 
chrétiennes  ne  lui  suggère  pas  de  monuments 
ni  d'exemples  décisifs. 

La  science  de  Mgr  B.  de  Montault  ne  redoute 
aucun  problème,  et  le  lecteur  n'a  qu'à  se  féliciter 
en  suivant  les  arguments  que  lui  suggère  son 
érudition,  quand  même  ils  ne  lui  paraîtraient 
pas  convaincants.  C'est  ainsi  que  pour  appuyer 
la  thèse  qui  ferait  du  vase  de  Saint-Savin  un 
vase  liturgique,  il  attache  une  importance  parti- 
culière à  un  vase  en  forme  de  barillet,  conservé 
au  Vatican,  et  dont  le  dessin  se  trouve  dans  l'ou- 
vrage de  M.  Rohault  de  Fleury  sur  la  Messe, 
t.  IV,  p.  42.  L'usage  eucharistique  de  ce  vase 
reçoit  une  confirmation  très  intéressante  par  une 
dalle  funéraire  du  IVe  siècle,  qui  se  trouve  dans 
la  basilique  de  Sainte-Marie  du  Transtévère  à 
Rome,  et  dont  le  dessin  est  également  reproduit 
dans  l'important  ouvrage  que  nous  venons  de 
citer.  Sur  cette  dalle  est  figuré  également  un 
tonnelet  accosté  de  deux  colombes  qui  paraissent 
vouloir  s'y  désaltérer. 

C'est  dans  ces  récipients  en  forme  de  petits 
tonneaux  que  Mgr  B.  de  M.  croit  reconnaître  le 
type  du  vase  de  Saint-Savin. 

Si,  en  effet,  ce  tonnelet  était  redressé  et  posé 
verticalement  au  lieu  de  l'être  horizontalement,  il 
rappellerait  non  seulement  la  forme  du  vase  en 
question,  mais  encore  les  cercles  qui  forment  son 
décor. 

J'avoue,  malgré  les  développements  donnés  à 
la  démonstration  qui  s'appuye  de  ces  deux 
exemples,  ne  pouvoir  y  reconnaître  un  argument 
décisif.  D'abord  les  deux  tonnelets  ne  sont  pas 
posés  de  manière  à  faire  naître  ce  rapproche- 
ment, mais   si  le  vase  de  Saint-Savin  a  été  fa- 


briqué dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère, 
époque  que  l'on  peut  regarder  comme  acquise, 
on  se  demande  pourquoi  l'artiste  aurait  cherché 
dans  un  tonnelet,  le  type  de  son  travail,  alors 
qu'il  n'avait  qu'à  suivre  la  forme  d'urnes  mille 
fois  répétée,  et  dont  les  exemples  devaient  cer- 
tainement se  trouver  à  sa  portée. 

Le  vase  de  Saint-Savin,  par  sa  forme,  corres- 
pond exactement  au  type  de  YOlla,  de  cette 
coupe,  généralement  en  terre  cuite,  qui,  en  con- 
servant le  même  contour,  varie  de  dimensions  et 
parfois  de  décor,  car  il  est  assez  souvent  orné 
au  renflement  le  plus  marqué,  à  la  panse,  d'un 
dessin  fait  à  la  roulette,  d'autres  fois  d'ornements 
en  saillie  et  qui  sont  rapportés.  Presque  toujours 
ces  vases  sont  en  terre  rouge,  homogène,  mais 
qui  souvent  paraît  noire,  —  couleur  produite, 
dit-on,  par  la  cuisson  au  bois  vert.  Ces  Olla  se 
trouvent  en  très  grandes  quantités  dans  les 
tombes  franques  et  gallo-romaines,  où  elles  ont 
servi  à  contenir  les  cendres  des  défunts.  Elles 
sont  fort  abondantes  dans  les  régions  des  bords 
de  la  Meuse,  aux  environs  de  l'ancienne  cité  de 
Tongres,  notamment  à  Connixheim,  à  Juslenviile 
près  de  Spa,  enfin  dans  la  province  de  Namur  où 
les  fouillesont  été  si  productives  en  vasesromains, 
gallo-romains  et  francs.  Dans  le  riche  Musée  de 
Namur  et  dans  celui  de  Liège,  se  trouvent  plu- 
sieurs de  ces  vases  en  verre,  qui,  sans  avoir  la 
beauté  et  la  coloration  du  vase  de  Saint-Savin,  re- 
montent à  la  même  époque  et  ont,  au  point  de  vue 
de  la  forme,  la  plus  grande  analogie  avec  celui-ci. 
Parmi  les  vases  en  terre,  un  certain  nombre  ont 
conservé  leur  couvercle  et  pourraient  ainsi  satis- 
faire à  l'un  des  points  du  questionnaire  formulé 
par  Mgr  B.  de  M.  Ces  couvercles  ont  une  forme 
conique,  évasée,  et  s'amortissent  par  un  bouton 
qui  permet  de  les  saisir  facilement.  Si  le  vase 
de  Saint-Savin  a  eu  un  couvercle,  il  semble  hors 
de  doute  qu'il  a  dû  être  de  même  type. 

Dans  la  réponse  faite  par  M.  Rohault  de 
Fleury,  aux  questions  qui  lui  ont  été  posées,  se 
trouvent  ces  lignes  :  «  Je  suis  fort  embarrassé 
dans  la  réponse  que  je  puis  vous  faire,  n'ayant 
jamais  rencontré  dans  mes  investigations,  aucun 
vase  eucharistique  de  cette  forme...  »  Puis  il 
ajoute  :  «  Soyons  persuadés  que  les  premiers 
ustensiles  ou  vêtements  liturgiques  n'ont  été 
autre  chose  que  les  ustensiles  et  les  vêtements 


238 


Brtnte  îie  P&rt  tftrétten. 


ordinaires  antiques,  que  cette  origine  a  consacrés 
et  dont  elles  ont  assuré  la  permanence  (J).  » 

Tout  le  monde  admettra  l'opinion  d'un  savant 
qui,  depuis  de  longues  années,  s'est  adonné  à 
l'étude  des  instruments  liturgiques  et  de  tout  ce 
qui  concerne  la  célébration  du  saint  Sacrifice  de 
la  Messe.  D'un  autre  côté,  le  regretté  Palustre 
qui  avait  voulu  écrire  la  notice  sur  le  vase  de 
Saint-Savin,  déclarait  qu'il  aurait  renoncé  avec 
plaisir  à  préparer  l'étude  qu'il  s'était  engagé  bien 
inconsidérément  à  donner  ! 

Cet  embarras  se  conçoit  facilement,  en  effet. 
Si  «  les  premiers  ustensiles  et  vases  liturgiques 
ne  sont  autre  chose  que  les  vases  et  ustensiles 
servant  aux  premiers  siècles  aux  usages  de  la 
vie  ordinaire  »,  on  se  demande  comment  on  pour- 
rait, à  moins  de  documents  certains,  ou  des  cir- 
constances contingentes  particulièrement  carac- 
téristiques d'une  trouvaille,  reconnaître  un  vase 
liturgique  primitif?  La  beauté  de  la  fabrication 
n'apportera  aucun  indice, et  la  question  de  l'usage 
auquel  le  vase  de  Saint-Savin  a  pu  être  consacré 
à  l'origine,  me  semble  insoluble. 

Jules  Helbig. 


Gomment  a  été  Détruite  l'église  abba= 
■v^^^^  tialc  ne  Climp. 


L  y  a  un  siècle,  la  Bourgogne  était 
fière  de  posséder  la  plus  vaste  église 
de  la  chrétienté  après  Saint-Pierre  de 
Rome.   Et,    en    effet,   Saint-Pierre  et 


Saint-Paul  de  Cluny  avait  171  mètres  de  lon- 
gueur en  œuvre  —  127  pour  l'église  proprement 
dite,  et  44  pour  le  porche  —  c'est-à-dire  12  de 
moins  que  la  métropole  romaine,  5  de  plus  que 
Saint-Paul  de  Londres.  Pour  les  plans  dus  aux 
moines  clunisiens  Hezelon  et  Gauzon,même  pour 
la  construction  matérielle,  l'immense  église  était 
l'œuvre  de  cette  ruche  laborieuse,  la  grande 
abbaye  chef-d'Ordre.  Saint  Hugues  l'avait  com- 
mencée en  1089;  cinq  ans  plus  tard  le  sanctuaire 
était  achevé  et  bénit  par  le  pape  Urbain  II  reve- 
nant de  Clermont;  en  1131,  Innocent  II  faisait 
la  dédicace  de  l'église  que   saint  Hugues,  avant 


1.  P.  24. 


de  mourir  en  1 109,  avait  eu  la  joie  de  voir  pres- 
que terminée.En  1220, l'abbé  Rolland  de  Hainaut 
ajouta  ce  grand  vestibule  fermé  ou  narthex,  à  trois 
nefs,  ample  à  lui  seul  comme  une  église  ordinaire 
et  dont  la  porte  s'ouvrait  entre  deux  tours  carrées. 

La  grande  église  était  à  cinq  nefs,  en  forme  de 
croix  archiépiscopale,  c'est-à-dire  à  deux  tran- 
septs, avec  déambulatoire  et  chapelles  rayon- 
nantes. Trois  clochers  de  pierre  s'élevaient  au- 
dessus  du  grand  transept,  celui  de  milieu  plus 
important  et  carré  ;  un  autre,  octogone  et  plus 
modeste,  au-dessus  du  petit.  La  façade  occi- 
dentale était  fort  simple,  mais  à  mesure  que  le 
regard  se  portait  plus  loin,  la  masse  de  l'église 
grandissait  de  plus  en  plus  magnifique  et  souve- 
raine, lançait  dans  les  airs  ses  hautes  flèches, 
ardoisées  semblables  à  une  gerbe  de  prières  mon- 
tant de  la  terre  vers  le  ciel.  Quels  artistes,  quels 
poètes  étaient  ces  architectes  chrétiens  du  moyen 
âge!  par  quelle  gradation  intelligente  et  au  sens 
profond,  ils  conduisaient  les  yeux  et  l'âme  des 
simplicités  du  seuil  aux  splendeurs  monumen- 
tales du  sanctuaire!  Au  siècle  suivant  l'art  laïc 
des  cathédrales  procédera  autrement  et  au  de- 
vant des  amples  nefs  gothiques,  jettera  ces  por- 
tails gigantesques,  vrais  livres  de  pierre  vivante 
dont  les  façades  des  grandes  Notre-Dame 
françaises  sont  les  plus  beaux  exemplaires.  Ce 
sont  là  deux  conceptions  très  différentes,  oppo- 
sées même,  mais  égales  en  beauté  et  en  signifi- 
cation morale.  «  Il  y  a  plusieurs  demeures  dans 
la  maison  de  mon  Père  »,  a  dit  l'Évangile. 

Du  côté  des  jardins,  l'aspect  de  l'énorme  abside 
avec  ses  chapelles,  ses  transepts,  ses  clochers, 
était  incomparable;  aucune  autre  église  romane 
existant  en  Europe  ne  se  développe  avec  une 
telle  magnificence  de  lignes  compliquées  et  pour- 
tant sévères.  Et  nous  en  pouvons  juger  d'après 
une  gravure  du  siècle  dernier,  exécutée  sur  un 
dessin  du  peintre  dijonnais  J.-B.  Lallemand  ; 
certes  le  style  n'est  pas  compris  comme  par  un 
Viollet-le-Duc,  mais  l'intelligence  de  l'art  médié- 
val est  à  peu  près  suffisante  et  je  n'ai  jamais  con- 
templé sans  le  plus  amer  regret,  cette  image  de 
ce  qui  est  à  jamais  détruit.  On  sait  en  effet  que 
du  colossal  édifice,  il  ne  subsiste  plus  que  la 
partie  méridionale  du  grand  transept  avec  son 
clocher,  et  quelques  pans  de  murs. 


Mélanges. 


239 


Comment  a  disparu  l'immense  et  magnifique 
église  qui,  à  ne  parler  qu'au  point  de  vue  de  l'art 
et  de  l'intérêt  purement  humain,  serait  aujour- 
d'hui la  fortune  de  la  petite  ville?  Est-il  vrai  que 
les  habitants  du  lieu  se  soient  acharnés  eux- 
mêmes  à  la  détruire  et,  malgré  les  ordres  réitérés 
du  pouvoir  central,  en  aient  fait  une  carrière? 
Sur  ce  point,  la  légende  est  très  généralement 
affirmative,  et  les  légendes  ont  la  vie  dure.  On 
raconte  même  qu'en  1805,  passant  par  Maçon 
pour  aller  se  faire  couronner  roi  d'Italie  à  Milan, 
Napoléon  aurait  répondu  rudement  aux  habi- 
tants de  Cluny  qui  sollicitaient  l'honneur  d'une 
visite  impériale  :  «  Vous  avez  laissé  vendre  et 
«  détruire  votre  magnifique  église,  allez,  vous 
«  êtes  des  vandales;  je  ne  visiterai  pas  Cluny.  » 


Aucune  autorité  sérieuse  n'atteste  ce  prétendu 
mot  historique;  j'imagine,  d'ailleurs,  que  Napo- 
léon, fort  indifférent  comme  un  demi-italien  et  un 
homme  du  XVIIIe  siècle,  à  un  art  réputé  bar- 
bare, et  qui  demandait  partout  du  païen  à  co- 
lonnes, devait  se  soucier  fort  peu  de  la  destruction 
de  l'église  abbatiale.  En  tous  cas  sa  boutade  por- 
tait à  faux,  et  en  conscience  il  eût  été  singulière- 
ment injuste  de  reprocher  aux  pauvres  habitants 
de  Cluny  de  ne  s'être  pas  opposés  au  vandalisme 
du  pouvoir  central.  Comment  l'auraient-ils  fait  ? 
Est-ce  que  les  protestations  locales  sont  jamais 
écoutées  ?  Est-ce  que,  à  l'heure  où  j'écris 
ces  lignes,  alors  que  l'on  saccage  Paris  même 
sous  prétexte  de  gare  des  Invalides,  de  gare 
d'Orléans,  de  métropolitain  et  d'exposition  uni- 


Vue  générale  de  l'abbaye  de  Cluny,  d'après  J.-B.  Lallemand. 


verselle,  la  voix  des  artistes,  des  hommes  de  bon 
sens,  la  voix  du  Conseil  municipal,  celle  même  du 
Parlement  ont  été  écoutées  par  les  bureaucrates 
et  les  ingénieurs? 

La  vérité  sur  cet  acte  de  vandalisme  qui  priva 
la  France  d'un  de  ses  plus  précieux  monuments, 
est  bien  connue  aujourd'hui,  et  j'emprunte  ma 
démonstration  à  un  ouvrage  publié  à  Cluny 
même,  en  1884  —  Cluny,  la  ville  et  l'abbaye,  par 
A.  Penjon,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de 
Douai,  ancien  professeur  à  l'école  de  Cluny.  Je 
laisse  de  côté  les  faits  accessoires  ordinaires,  bris 
de  vitraux,  de  tombeaux,  mutilations  de  sculp- 
tures, enlèvements  de  grilles,  de  cloches,  gaspil- 
lage des  ornements,  pour  ne  m'attacher  qu'à 
l'église  elle-même. 


Certains  auteurs  ont  écrit  que  les  habitants  des 
communes  rurales  étaient  les  ennemis  hérédi- 
taires des  grandes  abbayes  féodales  et  avaient 
pris  âprement  part  à  la  criée  offerte  par  les  décrets 
des  2-4  novembre  1789,  qui  mettaient  les  biens 
du  clergé  «  à  la  disposition  de  la  nation  ».  Cette 
assertion  n'est  pas  exacte;  qu'il  y  eût  dans  les 
populations  un  levain  d'opposition  à  tout  ce  qui 
constituait  le  régime  seigneurial,  cela  ne  fait  pas 
doute.  D'ailleurs  les  appétits  n'allaient  être  que 
trop  surexcités  par  la  mise  en  vente  des  biens 
d'église.  Mais  laïcs  et  religieux  vivaient  en  bonne 
intelligence  ;  les  premiers  étaient  fiers  des  grandes 
abbayes  comme  l'Anglais  l'est  de  ses  lords;  le 
joug  des  seigneuries  religieuses  pesait  peu,  les 
terres  affermées  à  des  taux  modérés  demeuraient 


240 


3Rebur  ïie  P8rt  cbrcttem 


depuis  des  générations  dans  les  mêmes  familles 
de  cultivateurs  ;  l'hospitalité  était  large  à  l'abbaye, 
les  aumônes  abondantes.  Enfin  la  congrégation 
de  Saint-Maur  pouvait  passer  pour  un  modèle  de 
piété  et  de  bonnes  mœurs.  Restait,  il  est  vrai,  la 
question  des  abbés  commendataires  qui,  étran- 
gers à  leurs  abbayes,  n'y  paraissant  presque 
jamais,  n'en  prélevaient  pas  moins  plus  de  la 
moitié  des  revenus.  Mais  les  moines,  eux,  vivant 
parmi  les  populations,  en  contact  permanent 
avec  elles,  ayant  d'ailleurs  des  intérêts  le  plus 
souvent  en  conflit  avec  ceux  de  l'abbé,  étaient 
aimés.  Et  on  le  vit  bien  quand  s'exécutèrent  les 
décrets  de  nationalisation  ;  il  n'y  eut  nulle  part  de 
violence  contre  les  hommes  ni  même  contre  les 
choses  et  en  plusieurs  lieux,  des  moines,  chassés 
de  la  maison  conventuelle,  vécurent  paisiblement 
et  honorés  dans  la  commune  même. 

Au  point  de  vue  religieux,  le  respect  était 
entier;  si  les  communes  cherchèrent  le  plus  sou- 
vent à  s'emparer  des  églises  abbatiales,  ce  fut 
dans  le  but  d'en  faire  le  siège  de  la  paroisse  et  de 
les  substituer  aux  édifices  plus  modestes  où  se 
célébrait  le  culte.  Mais  on  était  surtout  attaché 
au  mobilier  ecclésiastique;  en  maints  lieux,  les 
municipalités  luttèrent  énergiquement  pour  con- 
server les  reliquaires  et  ne  se  résignèrent  à  les 
envoyer  à  la  fonte  que  quand  il  n'y  eut  plus 
moyen  de  faire  autrement. 

Ainsi  donc  et  pour  résumer  la  situation  faite 
au  clergé  régulier,  on  peut  dire  que  la  destruction 
de  la  puissance  féodale  acceptée  sans  difficulté, 
fut  poursuivie  sans  haine  ni  violences.  Et  pour 
ce  qui  est  de  la  destruction  du  pouvoir  religieux 
dont  les  églises  étaient  l'expression  vénérée,  ni 
les  municipalités,  ni  les  habitants  ne  s'y  prê- 
tèrent. 

A  Cluny,  le  Conseil  général  de  la  commune 
adressa  à  tous  les  pouvoirs  publics,  à  l'Assemblée 
nationale,  aux  administrations  de  département  et 
de  district  —  celui  de  Maçon  —  un  mémoire  dans 
lequel  étaient  rappelés  tous  les  bienfaits  que  la 
ville  de  Cluny  devait  aux  moines:  défrichement 
des  campagnes,  prospérité  agricole  et  commer- 
ciale, accroissement  de  la  population.  Comme 
compensation  à  ce  qu'allait  perdre  la  commune, 
le  Conseil  général  demandait  pour  elle  la  création 
d'un  grand  établissement  à  organiser  dans  l'ab- 


baye devenue  déserte.  Je  regrette  que  l'auteur  du 
livre  qui  me  sert  ici  de  guide  n'ait  pas  repro- 
duit in  extenso,  ou  du  moins  par  extraits  guille- 
metés,  une  délibération  qui  est  tout  à  l'honneur 
de  l'abbaye  et  de  la  ville.  Le  Comité  d'aliénation 
de  l'Assemblée  répondit  en  demandant  un  plan 
de  l'abbaye,  mais  ce  fut  tout. 

Les  6  janvier  et  23  décembre  1791,  nouvelles 
pétitions  au  district  pour  la  conservation  de 
l'église  abbatiale  ;  le  6  juillet  1792,  la  municipa- 
lité refuse  de  livrer  les  cloches,  décide  en  novem- 
bre de  la  même  année  que  le  culte  divin  sera 
célébré  dans  l'église  et  exprime  le  vœu  que  le 
mobilier  des  trois  paroisses  y  soit  transporté.  Le 
palais  abbatial  servirait  au  logement  des  trois 
curés  ;  aucune  suite  ne  fut  donnée  aux  proposi- 
tions de  la  commune. 

En  l'an  IV  —  1796  —  le  dépérissement  des 
bâtiments  dont  on  avait  enlevé  tous  les  plombs, 
s'aggravait  avec  rapidité,  et  chaque  jour  des 
déprédations  étaient  signalées.  La  municipalité 
du  canton  de  Cluny  s'adressa  alors  à  l'admi- 
nistration centrale  de  Seine-et-Loire,  pour  lui 
représenter  que  ni  la  vente  ni  la  mise  en  lo- 
cation ne  seraient  avantageuses  à  la  nation  et 
que  mieux  valait  essayer  d'obtenir  du  ministère 
de  la  guerre  l'installation  d'un  corps  de  vétérans, 
c'est-à-dire  une  succursale  des  invalides.  Cette 
nouvelle  demande  n'eut  pas  meilleure  fortune 
que  les  précédentes,  et  le  2  floréal  an  VI  —  21 
avril  1799  —  l'ensemble  de  l'abbaye  formant  une 
enceinte  particulière,  fut  adjugé  au  citoyen  Ba- 
tonard,  marchand  à  Maçon,  ayant  pour  associés 
les  citoyens  Vachier  et  Genillon  —  ce  dernier 
était  un  prêtre  assermenté  —  pour  le  prix  de 
2,014,000  fr.  Mais  la  municipalité  ne  perdit  pas 
courage  pour  cela,  et  quand  les  acquéreurs  vou- 
lurent tirer  parti  de  leur  acquisition,  elle  préten- 
dit que  l'enlèvement  des  monuments  formant  la 
parure  de  l'intérieur  était  contraire  à  la  loi,  et 
adressa  au  préfet  du  département  des  plaintes 
que  celui-ci  transmit  au  ministre  de  l'intérieur, 
qui  répondit  le  7  frimaire  an  IX  — 2S  novembre 
1800  :  «  J'ai  reçu,  citoyen,  avec  votre  lettre, 
i,  celles  qui  vous  ont  été  adressées  par  le  maire 
«  de  Cluny,  relativement  à  la  destruction  de 
«  quelques  monuments  qui  existent  dans  l'église 
«  de  la  ci-devant  abbaye  de  cette  commune. 


Mélanges. 


241 


«  Il  me  semble  que  vous  auriez  pu  prendre 
«  contre  les  délits  que  vous  dénoncez,  les  mesures 
«  répressives  qui  étaient  à  votre  disposition. 

«  Au  reste,  je  vous  autorise  à  suspendre  toute 
«  démolition  jusqu'à  nouvel  ordre.  Vous  voudrez 
€  bien  donner  connaissance  de  cette  décision 
«  aux  acquéreurs  de  cette  église. 

«Je  vous  salue,  Chaptal.  » 

Ainsi,  voilà  qu'intervient  un  ministre  du  Pre- 
mier Consul  ;  les  travaux  sont  suspendus  en  vertu 
d'un  droit  de  réserve  dont  on  ne  nous  dit  pas  le 
fondement,  et  un  procès-verbal  dressé  contra- 
dictoirement  fait  reconnaître,  en  1S01,  que  la 
grande  église  a  besoin  de  réparations  aux  toitu- 
res pour  une  somme  de  27,961  fr.  C'est  plus  que 
ne  peut  faire  la  municipalité  et  elle  s'adresse 
encore  au  gouvernement  :  «  L'objet  intéresse 
«  trop  les  arts  et  la  nation  française,  dit-elle, 
«  pour  ne  pas  rendre  à  ce  monument  son  pre- 
«  mier  lustre,  étant  l'unique  dans  son  genre  pour 
«  sa  grandeur  et  son  élévation. 

«  La  mise  en  vente  de  cet  édifice  et  de  la 
«  superbe  maison  dont  il  faisait  la  pièce  essen- 
«  tielle,  doit  laisser  des  regrets  bien  sensibles  à 
«  ceux  qui  l'ont  provoquée. 

«  Quelque  détériorée  que  soit  cette  maison 
«  aujourd'hui,  il  est  encore  possible  d'en  tirer 
«  un  parti  très  avantageux  pour  l'intérêt  général. 
1  Le  principal  corps  de  bâtiment  subsiste,  sauf 
«  quelques  dégradations  faciles  à  réparer. 

«  Il  faudrait  que  le  gouvernement  revînt  sur 
«  cette  vente  et  indemnisât  les  acquéreurs,  s'il  y 
«  a  lieu.  » 

Mais  tout  devait  être  inutile,  et  la  liberté  fut 
rendue  aux  acquéreurs,  disposés  cependant  à  un 
arrangementqui  leur  permit  de  sedéchargerd'une 
charge  onéreuse.  Pour  tirer  parti  de  cet  immense 
enclos  où  l'église  se  dressait  comme  un  barrage, 
ils  imaginèrent  d'y  tracer  une  rue  —  derniers 
jours  de  l'an  IX  —  1S01  — qui,  partant  du  centre 
de  la  ville,  au  Midi,  aboutissait  au  Nord  à  la  porte 
des  Prés,  en  coupant  le  vaisseau  en  deux. 

Conserver  celui-ci  était  de  plus  en  plus  au- 
dessus  des  forces  de  la  commune  ;  elle  voulut  du 
moins  sauver  de  l'abbaye  ce  qui  en  pouvait  être 
sauvé  et  par  acte  sous  seings  privés  du  2  vendé- 
miaire an  X — 24  septembre  1801  — elle  céda 


aux  adjudicataires  ses  halles  estimées  5,000  fr.,  et 
des  prairies  d'une  superficie  de  16  hectares  2  ares, 
et  d'une  valeur  de  25,000  fr.  Elle  reçut  en  échange 
toute  la  partie  occidentale  du  cloître,  les  deux 
ailes,  le  jardin,  l'emplacement  actuel  du  dépôt 
d'étalons,  etc. 

L'empire  vit  consommer  la  ruine  commencée  ; 
à  ce  moment  la  plus  grande  partie   de  l'église 
subsistait  encore,  les  deux  transepts  avec  leurs 
clochers,  le  sanctuaire,  le  déambulatoire  et  les 
chapelles  rayonnantes.  Cet  ensemble  aurait  suffi 
pour  constituer  une  église  de  premier  ordre  par 
la  beauté  et  les  proportions  ;  on  sait  en  effet  que 
la  cathédrale  de  Beauvais  ne  se  compose  que  du 
chœur  et  du  transept,  et  celle  de  Narbonne  du 
chœur  seulement  ;  même  ainsi  réduite  l'église  de 
Cluny  eût  encore  été  un  des  plus  beaux,  des 
plus  rares  monuments  de  la  France  ;  ainsi  aurait 
été  conservée  la  grande  peinture  sur  fond  d'or 
qui  remplissait  la    voûte    en    demi-coupole  de 
l'abside.  On  y  voyait  la  figure  de  N.-S.  haute  de 
dix  pieds,  porté  sur  des  nuages,  une  main  levée, 
l'autre  posée  sur  le  livre  de   l'Apocalypse  fermé 
des  sept  sceaux.  A  ses  pieds  reposait  l'Agneau 
sans  tache,  et  autour  de  lui  étaient   les  figures 
symboliques  des  quatre  Évangélistes.  Le  fond 
était  non  pas  d'or  uni,  ce  qui  tue  toute  couleur, 
mais  un  réseau,  sans  doute  irrégulier,  de  traits 
bruns  imitant  le  jeu  vibrant  des  mosaïques  et 
éteignant  dans  une  juste  mesure  l'éclat  du  métal. 
Raphaël  n'a  jamais  manqué  d'agir  ainsi  et  il  est 
fâcheux  que  cette  tradition   ne  soit  plus  suivie 
aujourd'hui  ;  on  peut  penser,  en  effet,  que  les 
belles  peintures  d'Hippolyte   Flandrin  à  Saint- 
Germain-des-Prés  et  à  Saint- Vincent-de-Paul, de 
Paris,  et  à  Saint-Paul,  de  Nîmes,  gagneraient  à 
être  jetées  sur  un  fond  d'or  craquelé.  Alexandre 
Lenoir  admirait  beaucoup  la  demi-coupole  de 
Cluny  ;  l'œuvre  du  XIIe  siècle  avait  conservé 
toute  sa  fraîcheur.tout  son  éclat.et  si  elle  existait 
encore,  nos  yeux  la  verraient  encore  brillante  et 
jeune,  alors  que  noircissent  et  se  décomposent  à 
l'envi  les  hectares  de  peintures  dont  notre  âge  a 
vu  enduire  les  chapelles  des  églises  de  Paris.  Il 
est  vrai  que  l'art  n'y  perd  pas  grand'  chose. 

A  partir  de  juin  181 1,  la  destruction  se  pour- 
suivit avec  acharnement.etcomme  ailleurs, on  em- 
ploya la  poudre.  Soixante-quinze  coups  de  mine 


REVUE    DE    L'ART   CHRETIEN 
1899.    _    311e   mvRAISON. 


242 


Brtnte  De  Part  chrétien. 


eurent  raison  à  grand'peine  du  sanctuaire  et  des 
clochers  ;  les  matériaux  servirent  à  construire  les 
dépendances  du  dépôt  d'étalons,  dont  l'emplace- 
ment au  Nord  de  l'église  avait  été  cédé  à  l'Etat 
par  la  commune  en  1806.  Toutefois,  le  maire  de 
Cluny,  M.  Furtin,  un  nom  à  retenir,  obtint  que 
l'on  conservât  le  bras  méridional  du  grand  tran- 
sept avec  son  clocher,  celui  de  l'Eau  bénite  ; 
on  en  a  fait  une  église  dont  on  admire  le  grand 
style  ;  quant  au  clocher  octogone  à  deux  rangs 
d'arcatures,  haut  de  62  mètres,  c'est  le  plus  beau 
type  du  clocher  bourguignon,  tel  qu'on  en  ren- 
contre de  nombreux  exemples  dans  la  région. 

Je  m'arrête  et  crois  en  avoir  assez  dit  pour 
justifier  ma  proposition  ;  non,  la  commune  de 
Cluny  n'est  pas  responsable  de  la  destruction 
du  plus  beau  monument  religieux  du  XIIe  siècle 
qui  fût  au  monde.  Sans  doute,  il  y  eut  des  excès 
de  détail,  des  à-coup  populaires,  on  brisa  des 
vitraux  armoriés,  on  mutila  des  écussons  histo- 
riques et  des  sculptures;  à  combien  peu  d'églises 
demeurées  debout  et  l'honneur  de  la  France 
monumentale,  ont  été  épargnées  ces  épreuves? 
Mais  le  gros  œuvre  était  intact.et  à  tout  prendre, 
les  blessures  faites  à  l'édifice  par  la  fureur  déma- 
gogique n'étaient  que  des  atteintes  légères.  Le 
coupable  fut  le  pouvoir  central  ;  sollicité,  averti 
par  la  municipalité  qui  sent  tout  le  prix  du  trésor 
en  péril,  sa  vigilance  ne  s'éveille  un  instant  que 
pour  abandonner  tout,  et  avant  de  tomber  l'Em- 
pire aura  le  temps  d'arracher  du  sol  jusqu'aux 
fondations  de  la  reine  incontestée  des  églises 
bénédictines. 

C'est  ainsi  que  sont  tombées  les  cathédrales 
d'Arras  et  de  Cambrai,  celle-ci,  une  des  plus 
magnifiques  des  Pays-Bas,  Saint-Nicaise,la  perle 
de  Reims,  Saint-Martin  de  Tours,  un  des  plus 
amples,  des  plus  révérés  sanctuaires  de  la  France, 
la    Sainte-Chapelle    de    Dijon,    les    églises   de 


Cîteaux  et  de  Clairvaux,  que  sais-je  encore? 
Comme  elle  était  touffue  cette  forêt  de  pierre 
que  la  foi,  la  science  et  l'art  avaient  fait  jaillir 
du  sol  français,  puîsqu'après  tant  de  destruc- 
tions imbéciles,  et  dont  hélas  !  le  dernier  mot  n'est 
pas  dit,  notre  pays  est  encore  un  des  plus  riches 
de  l'Européen  chefs-d'œuvre  du  moyen  âge  ? 

Imaginez  ce  que  serait  aujourd'hui  Cluny,  la 
petite  ville  au  beau  site,  aux  vieux  logis, 
aux  vieilles  murailles,  aux  antiques  souvenirs,  si 
elle  possédait  encore  sa  grande  église  !  On  peut 
s'en  rendre  compte  en  voyant  ce  que  Vezelay, 
jeté  isolé  sur  sa  montagne,  loin  des  voies  ferrées, 
doit  d'illustration,  de  vie,  de  richesse  à  son  église 
de  la  Madeleine.  Quand  donc  comprendra-t-on 
cette  vérité  que  je  ne  cesserai  jamais  de  répéter, 
c'est  que  les  œuvres  d'art  et  surtout  des  monu- 
ments, comme  l'église  de  Cluny,  sont  des  capi- 
taux productifs?  Et  je  ne  parle  pas  seulement  des 
fruits  de  piété,  d'inspiration  artistique,  qui  sont 
sans  prix,  mais  des  produits  purement  matériels; 
aussi  les  sacrifier  est-ce  tuer  la  poule  aux  œufs 
d'or. 

Du  moins  le  crime  stupide  commis  à  Cluny 
contre  la  religion  des  souvenirs  et  du  beau,  cet 
anéantissement  sans  cause  ni  but  de  richesses 
accumulées  par  les  générations  qui  s'étaient 
succédé  à  l'ombre  de  la  grande  abbaye,  ne  sont 
pas  le  fait  des  habitants  du  lieu.  C'est  malgré 
eux  que  l'attentat  a  été  consommé  par  la  bureau- 
cratie impériale,  et  comme  ce  qui  a  été  accompli 
alors  s'est  continué  et  se  continue  encore  depuis 
un  siècle,  il  n'est  jamais  hors  de  propos  de  rap- 
peler les  fautes  du  passé,  sans  grande  espérance 
d'ailleurs,  d'empêcher  celles  de  l'avenir  ;  mais  il  y 
a  ici  un  devoir  de  justice,  de  conservation  sociale 
à  remplir,  et  la  vaillante  Revue  de  l'Art  chrétien 
n'y  manquera  jamais. 

Henri  CiiaijEUF. 


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* 

* 


ItaltC.    "  Sans  doute  il   faut  reconnaître   qu'il   donne  à 

ses  personnages  une  grande  intensité  de  vie,  qu'il 
connaît  l'anatomie,  et  qu'il  a  des  coups  de  dessins 
corrects,  mais  c'est  une  raison  de  plus  pour  re- 
gretter qu'il  ait  appliqué  son  talent  à  reproduire 
la  laideur  plutôt  que  la  beauté. 

De  même  qu'un  chardon  fait  peine  dans  un 
plan  de  fleurs  délicates,  de  même  Andréa  fait 
tache  à  côté  de  Fra  Angelico,  Massaccio,  Lippi. 

Ce  n'est  pas  un  peintre  religieux. 

En  1478  éclate  à  Florence  la  conjuration  des 
Pazzi.  Julien  de  Medicis  fut  tué  et  son  frère 
Laurent  le  Magnifique  blessé,  sur  les  marches  de 
l'autel  de  Sainte-Marie-des-Fleurs.  Plusieurs  as- 
sassins furent  exécutés.d'autres  furenteondamnés 
par  défaut  à  la  pendaison.  La  Seigneurie  de- 
manda à  Andréa  del  Castagno  de  peindre  les 
effigies  des  contumaces  sur  la  façade  du  palais  du 
Podestat.Andrea  accepta  très  volontiers; il  peignit 
les  pendus  suspendus  par  les  pieds  et,  dit  Vasari, 
«  la  fece  tanto  bella  che  fu  uno  stupore  »  si  beaux 
que  le  peuple  donna  au  peintre  le  nom  d'Andréa 
degl'  impiccati,  Andréa  des  pendus. 

C'est  bien  le  surnom  que  méritait  ce   réaliste. 

La  mise  au  jour  de  la  Trinità  a  remis  en  ques- 
tion le  cenacolo  de  l'ancien  couvent  de  Sant' 
Apollonia. 

Les  personnes  qui  ont  visité  Florence  en  détail 
n'ont  pas  perdu  le  souvenir  de  cette  fresque 
énergique,  très  colorée  mais  absolument  dépour- 
vue de  sentiment  religieux.  La  critique  avait 
pendant  longtemps  donné  cet  ouvrage  à  Paolo 
Uccello  (1397-1475),  puis  il  a  été  attribué  à 
Andréa  del  Castagno,  mais  sans  preuves. 

Vasari  dit  qu'Andréa  peignit  un  cenacolo  dans 
le  réfectoire  du  couvent  de  Santa  Maria  Nuova, 
peut-être  a-t-on  confondu  ce  couvent  avec  celui 
de  Sant'  Apollonia  ? 

Il  me  semble  qu'après  la  découverte  de  la 
Santissima  Annunziata  et  en  comparant  cette 
peinture  avec  les  autres  d'Andréa  qui  restent  à 
Florence,  —  le  cenacolo  de  Santa  Maria  Nuova 
n'existe  plus  —  il  faut  renoncer  à  donner  la 
fresque  de  Sant'  Apollonia   à  Andréa  del  Cas- 


Florence:  Bccoubcrtc  D'une  fresque  o'XlnDrta  tel  Caa- 
tagno.  —  Turin  :  btnéïictiort  D'une  etatuc  De  la  Shoone. 
Borne  :  bente  D'une  fflaDonc  par  BotticcIIi. 

LORENCE,  —  Les  découvertes  d'an" 
ciennes  fresques  se  succèdent  ;  après 
les  églises  San  Simone,  San  Felice, 
Ognissanti,  Santa  Croce,  c'est  à  la 
Santissima  Annunziata  que  vient  d'être  remise 
au  jour  une  fresque  du  XVe  siècle. 

Dans  sa  vie  d'Andréa  del  Castagno  (1390- 1457) 
Vasari  mentionne  une  Trinité  de  ce  peintre  dans 
l'église  des  Servites  et  il  indique  ensuite  la  cha- 
pelle où  elle  a  été  peinte. 

La  Société  Kunsthistorisches Institut,  dont  j'ai 
parlé  dans  la  Revue  de  septembre  1898,  fut  au- 
torisée à  faire  des  recherches  ;  elle  a  trouvé  sous 
un  tableau  d'autel  d'Allori,  la  Trinité  annoncée. 

La  fresque  est  presque  complète,  il  ne  manque 
au  bas  qu'une  petite  bande  du  terrain  et  dans  le 
haut  une  partie  du  ciel;  quelques  éraflures  sont 
sans  importance. 

Dans  le  haut  de  la  composition  le  Père  éternel, 
le  Saint-Esprit  et  Jésus-Christ  crucifié. 

Du  divin  supplicié  on  ne  voit  que  la  tête,  le 
buste  et  les  bras  attachés  à  l'instrument  du  sup- 
plice ;  c'est  bien  ce  que  dit  Vasari  :  e  sopra  vi 
fece  una  Trinità  cou  un  Crocifisso  che  scorta,  une 
crucifixion  en  raccourci. 

Debout  sur  le  terrain  :  saint  Jérôme  avec  son 
lion  et  à  ses  côtés  la  sainte  Vierge,  et  une  autre 
sainte,  de  profil. 

Le  saint  est  de  face,  décharné  et  à  peine  vêtu 
selon  la  tradition  ;  il  a  la  bouche  entr'ouverte  et 
un  bras  en  avant  mais  ployé  ;  on  ne  comprend 
pas  cette  attitude,  elle  paraît  rendre  la  figure 
complètement  étrangère  au  mystère. 

Les  deux  saintes  devraient  être  en  adoration 
devant  la  Trinité  ;  elles  semblent  être  en  affliction 
et  ne  considérer  que  Jésus-Christ  crucifié. 

La  composition  est  donc  médiocre  ;  les  figures 
sont  vulgaires  et  rentrent  dans  la  manière  habi- 
tuelle d'Andréa  qui  consiste  à  donner  la  préfé- 
rence à  des  types  communs. 


244 


3Rrinte  toc  P&rt  chrétien. 


tagno,  sans  pour  cela  la  mettre  nécessairement 
au  compte  de  Paolo  Uccello. 

C'est  un  nouveau  problème  à  résoudre. 

Turin.  —  Le  cardinal  Richelmy  a  béni  dans 
l'église  du  Sacré-Cœur,  une  statue  colossale  de 
la  Madone,  destinée  à  être  mise  au  sommet  du 
mont  Rocciamelone,  à  3537  mètres  d'altitude. 

Il  n'y  a  jamais  eu  de  statue  placée  à  une  pa- 
reille hauteur. 

Les  dépenses  ont  été  couvertes  par  une  sous- 
cription publique  réservée  exclusivement  aux 
enfants  italiens  :  cent  vingt  mille  bambini  ont 
apporté  leur  offrande  à  cette  œuvre  intéressante. 

Sa  Sainteté  le  pape  Léon  XIII  a  rédigé  l'épi- 
graphe qui  sera  gravée  sur  le  piédestal  du  monu- 
ment. 

Rome.  —  Le  prince  Ghigi  a  vendu  au  prix  de 
300,000  lires  un  tableau  de  Botticelli  (1447- 
1510). 

Botticelli,  étant  toujours  en  très  grande  faveur, 
nous  reproduirons  ce  tableau  peu  connu,  ce  qui 


vaut  mieux  que  de  le  décrire.  Sans  être  de  pre- 
mier ordre  dans  l'œuvre  du  maître,  l'ouvrage  est 
intéressant. 

Cette  vente  donnera  peut-être  lieu  à  un  procès. 

La  galerie  Ghigi  n'est  pas  sous  le  régime  fidei- 
commissaire,  comme  les  galeries  Albani,  Barbe- 
rini,  Sciarra,  Noria,  Ludovisi,  Eospigliosi  et 
quelques  autres,  mais  les  édits  du  cardinal  Pacca, 
pris  vers  1820,  sont  toujours  en  vigueur  dans  les 
anciens  Etats  pontificaux  ;  or  une  des  disposi- 
tions de  ces  édits  interdit  la  vente  sans  autorisa- 
tion et,  à  plus  forte  raison,  l'exportation  des 
œuvres  d'art  appartenant  à  des  particuliers  lors- 
qu'elles ont  un  intérêt  pour  l'art  et  l'archéologie. 

Les  édits  Pacca  ont  été  souvent  violés,  et  la 
jurisprudence  n'est  pas  fixée  sur  leur  application. 

Le  ministère  de  l'instruction  publique  a  or- 
donné une  enquête  sur  la  vente  du  Botticelli  ; 
nous  en  donnerons  le  résultat. 

Gerspach. 

Juin  1899. 


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Société  des  Antiquaires  de  France.  — 
Séance  du  iç  avril  iSçç.  —  M.  Ballon  commu- 
nique de  la  part  de  M.  de  Rochemonteix  un 
mémoire  sur  une  statue  auvergnate  de  S.  Chris- 
tophe, de  1505. M.  S.  Berger, à  l'occasion  de  cette 
communication,  signale  la  coutume  qu'il  a  obser- 
vée dans  l'église  d'Avesnières  (Mayenne)  con- 
sistant à  enfoncer  des  épingles  dans  les  talons 
d'une  statue  en  bois  qui  représente  S.  Christophe. 

Le  Baron  de  Baye  donne  des  renseignements 
sur  les  fouilles  opérées  par  la  Commission  impé- 
riale d'archéologie  de  St-Pétersbourg  dans  les 
dolmens  sous  tumulus  découverts  dans  la  pro- 
vince de  Kauban  (Caucase). 

Séance  du  26  avril.  —  M.  Babelon  fait  part  à 
la  Société  du  don  d'une  collection  de  167  pièces 
gravées  antiques  que  M.  Oscar  Pauvel  de  La 
Chapelle  vient  de  faire  au  Cabinet  des  Médailles. 
Cette  collection, formée  en  grande  partie  à  Rome, 
se  compose  de  cylindres  Assyriens  et  Réthéens, 
de  cachets  concides,  de  scarabées  et  de  cachets 
grecs  et  romains. 

M.  Emile  Eude  présente  la  photographie  du 
tombeau  de  l'amiral  Gaufredo  Guilaberto  de 
Cruilles.  Cet  amiral  est  célèbre  par  la  victoire 
qu'il  remporta  en  1339  sur  Ja  flotte  des  Infidèles. 
Le  tombeau  en  question  est  conservé  dans  la 
chapelle  des  morts  au  cimetière  de  Gérone  (Ca- 
talogne). 

Séance  du  j  mai.  —  La  Société  a  élu  notre 
collaborateur  M.  Camille  Enlart,  membre  rési- 
dant en  remplacement  de  M.  Ch.  Read.  — 
M.  Joulin  entretient  la  Société  des  fouilles  prati- 
quées récemment  à  Martres  (Tolosane). 

Séance  du  10  mai.  —  M.  C.  Enlart  présente  à 
la  Société  un  marbre  rapporté  en  1896  de  sa 
mission  archéologique-  dans  l'île  de  Chypre  et 
qu'il  vient  d'offrir  au  Musée  du  Louvre.  Cette 
sculpture  datant  du  XIVe  siècle  a  fait  partie  de 
la  face  antérieure  d'un  sarcophage  ;  elle  repré- 
sente l'effigie  funéraire  d'un  prince  de  la  maison 
royale  des  Lusignans  de  Chypres. 

M.  Prou  lit  au  nom  de  M.  J.  Michel  un  mé- 
moire sur  la  dalle  commémorative  de  Vuilicha- 
rius,  abbé  de  Saint-Maurice  d'Agaune  et  évêque 
de  Sion. 

M.  J.  Marquet  de  Vasselot  fait  une  communi- 
cation sur  un  ivoire  sculpté  conservé  au  Musée 
de  Bargello  à  Florence.  Cet  ivoire  présente  cer- 
tains caractères  qui  permettent  de  le  considérer 
comme  l'œuvre  d'un  faussaire. 


Séance  du  ij  mai.  —  M.  A.Blanchet  fait  divers 
rapprochements  entre  les  représentations  de 
l'Annona,  fournies  par  des  tessères  en  plomb  et 
par  les  monnaies  romaines.  Il  communique  deux 
pierres  gravées  trouvées  en  Italie  qui  complètent 
les  renseignements  donnés  par  les  autres  monu- 
ments au  sujet  de  la  divinité  qui  présidait  aux 
distributions  gratuites  de  blé  sous  l'empire  ro- 
main. 

M.  Babelon  communique  une  pierre  gravée 
qui  représente  la  légende  relative  à  la  construc- 
tion du  Capitule  et  rappelle  le  texte  de  Tite-Live 
concernant  cet  événement  de  l'histoire  de  Rome. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  la  photogra- 
phie d'une  hache  phénicienne  trouvée  à  Carthage. 
Ce  monument  porte  des  traces  sensibles  de  l'in- 
fluence de  l'art  égyptien. 

Séance  du  24.  mai.  —  M.  S.  Berger  lit  une  note 
de  M.  Tholin  sur  une  récente  découverte  d'objets 
gallo-romains  faite  à  Agen.  Le  plus  important 
est  un  bas-relief  représentant  Apollon. 

M.  Lafaye,  présente  quelques  observations  sur 
l'inscription  latine  d'Hasparren  (Basses-Pyré- 
nées). 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  —  Séance  du  10  mars.  —  M.  G.  Perrot 
communique  un  mémoire  de  M.  Gauckler  sur  les 
fouilles  faites  à  Carthage.  Elles  attestent  l'exis- 
tence de  trois  civilisations  en  quelque  sorte 
superposées,  et  correspondant  aux  trois  époques 
du  bas  Empire,  du  haut  Empire  et,  après,  une 
lacune,  à  l'époque  phénicienne. 

En  attaquant  le  sol  actuel,  on  rencontre  divers 
débris,  carreaux  de  revêtements,  monnaies,  lam- 
pes, poteries.  A  1  m.  50  de  profondeur,  on  trouve 
des  tombes  byzantines,  avec  mosaïques  grossiè- 
res. Au-dessous,  on  arrive  à  quelques  construc- 
tions de  basse  époque,  puis  à  une  maison  romaine 
qui  semble  être  de  l'époque  constantinienne,bien 
qu'elle  renferme  des  débris  d'une  période  plus 
ancienne,notamment  une  tête  colossale  de  Marc- 
Aurèle  en  marbre  blanc.  On  y  remarque  une 
citerne  àquatre  compartiments, un  bassin  bétonné 
se  déversant  par  un  jet  d  eau  dans  une  vasque 
en  mosaïque.  Au  Sud,  deux  chambres  rectangu- 
laires sont  pavées  en  mosaïque.  La  plus  grande 
a  4  mètres  sur  5  ;  elle  représente  un  paysage  ma- 
ritime avec  personnages  ;  la  deuxième,  d'un  tra- 
vail plus  négligé,  représente  une  chasse  aux 
animaux  féroces. 

Après  avoir  soulevé  les  deux  mosaïques,  qui 
ont  été  transportées  au  Musée  du  Bardo,  on  s'est 


246 


3Retntc  ïie  P&rt  cbréttm. 


aperçu  qu'elles  cachaient  des  constructions  plus 
anciennes  entièrement  comblées,  notamment 
une  salle  importante,  si  l'on  en  juge  par  les 
stucs  peints  recouvrant  les  murs.  On  y  a  trouvé 
des  débris  de  poteries,  des  lampes  chrétiennes, des 
fragments  de  stuc  peints  dans  le  style  pompéien, 
etc.  ;  ainsi  que  quatre  statues  en  marbre  blanc 
presque  intactes.  C'est  la  Déméter  grecque,  la 
Ceres aj "ricana  romaine,  qui  a  remplacé  la  phéni- 
cienne Tanit.  Ces  statues  sont  ciselées  avec  un 
art  infini  dans  un  marbre  aux  tons  dorés  avec 
une  légère  couche  de  peinture.  Elles  sont  dans 
un  état  de  conservation  remarquable. 

Au-dessous  du  caveau  on  ne  trouve  plus  que 
des  tombes  puniques  très  anciennes  et  l'on  passe 
brusquement  des  premiers  siècles  de  notre  ère  au 
sixième  avant  Jésus-Christ.  L'auteur  donne  ici 
des  détails  très  complets  en  décrivant  ces  sépul- 
tures puniques,  fosses  à  inhumation,  fosses  recou- 
vertes d'une  simple  dalle,  et  énumère  les  pièces 
qui  composaient  le  mobilier  funéraire.En  somme, 
dit-il,  ces  fouilles  de  la  plus  ancienne  nécropole 
punique  nous  mettent  en  présence  d'une  civilisa- 
tion étrange,  très  raffinée  déjà,  mais  tout  impré- 
gnée encore  d'éléments  asiatiques  et  égyptiens 
et  n'ayant  subi  qu'à  un  faible  degré  l'influence 
des  peuples  occidentaux.  C'est  la  Carthage  phé- 
nicienne qui  se  révèle  à  nous  avec  toute  la  saveur 
de  son  originalité  primitive. 

M. de  Mély  termine  la  lecture  de  son  étude  sur 
la  4  répartition  des  épines  de  la  célèbre  couronne 
de  Jésus-Christ»,  étude  que  nous  publions  plus 
haut  (V.  p.  208). 

Séance  du  ij  mars.  —  M.  l'abbé  Thédenat 
donne,  d'après  une  lettre  de  M.  l'abbé  Dufresne, 
de  nouveaux  renseignements  sur  les  travaux  du 
Forum  à  Rome.  En  face  de  la  basilique  de  Con- 
stantin, le  long  de  la  Via  nova,  on  a  trouvé  des 
chambres  dont  les  murs  en  briques  sont  recou- 
verts de  stuc. Devant  la  RegiajÔM  côté  qui  regarde 
VArea  du  Forum,  on  a  mis  au  jour  un  petit 
hypocauste.  L'escalier  du  temple  d'Antonin  et  de 
Faustine  a  été  complètement  déblayé.  Deux 
bustes  sans  tête  ont  été  trouvés.  La  destruction 
du  talus,  à  gauche  du  temple  d'Antonin,  a  fourni 
de  nombreux  morceaux  de  marbre  et,  entre 
autres,  de  beaux  fragments  d'une  frise.  En  ce 
moment  on  déblaye  l'espace  compris  entre  les 
temples  de  Romulus  et  d'Antonin.  Enfin,  une 
nouvelle  découverte  porte  à  plus  de  quatre  cents 
le  nombre  des  fragments  du  plan  de  Rome. 

M.  Heuzey  commence  à  présenter  à  l'Acadé- 
mie les  pièces  justificatives  d'une  série  d'études 
sur  les  plus  anciennes  constructions  chaldéennes 
découvertes  par  M.  de  Sarzec,  qui  remontent  par 
delà  le  quarantième  siècle.  Cette  donnée  repose 
toujours  sur  la  date  de  3757   pour  le  règne  de 


Naram-Sin,  fournie  par  les  Babyloniens  eux- 
mêmes. On  pouvait  craindre  quelque  exagération 
de  leur  part,  mais  il  y  a  à  l'appui  un  grand  nom- 
bre de  documents  découverts  par  M.  de  Sarzec  à 
Sirpoula. 

M.  Collignon  présente  des  bijoux  d'or  prove- 
nant d'une  sépulture  ancienne  trouvés  près  de 
Sardes,  en  Lydie. Ces  bijoux  lui  ont  été  commu- 
niqués par  M.  P.  Gaudin.  La  parure  se  compose 
d'un  petit  pectoral,  d'un  médaillon  et  d'un  pen- 
dant de  collier.  Ce  sont  des  spécimens  d'une  orfè- 
vrerie très  primitive,  et  ces  objets  paraissent 
antérieurs  à  la  civilisation  qui  se  développa  en 
Lydie  sous  la  dynastie  des  Mermnades. 

M.Clermont-Ganneau  fait  une  communication 
sur  une  acquisition  récente  du  Louvre,  un  petit 
vase  ovoïde  en  terre  cuite,  richement  décoré  de 
peintures  à  la  manière  noire,  dans  le  style  du 
sixième  siècle  avant  notre  ère. 

Congrès  des  Sociétés  savantes.  —  Nous 
avons  donné  dans  notre  précédente  livraison  un 
premier  et  court  compte  rendu  du  Congrès 
annuel  des  Sociétés  savantes.  Ce  Congrès  qui 
se  tenait  jusqu'ici  à  Paris,  a  eu  lieu  cette  année 
pour  la  première  fois  en  province,  à  la  suite 
de  la  décision  prise  au  ministère  de  l'Instruc- 
tion publique  et  des  Beaux-Arts,  dans  un  but  de 
décentralisation.  On  aura  désormais  une  année 
par  décade,  ces  assises  dans  une  ville  de  second 
ordre.  Cette  année  Te  Congrès  s'est  ouvert  à 
Toulouse,  dans  l'hôtel  d'Assezat,  le  mardi  4  avril. 
M.  Levasseur,  membre  de  l'Académie  des  sciences 
morales,  présidait  la  séance  d'ouverture.  Les 
travaux  du  Congrès  se  sont  poursuivis  pen- 
dant les  journées  des  5,  6  et  7  avril.  La  séance 
solennelle  de  clôture,  au  Capitole,  a  été  présidée 
par  le  ministre  de  l'Instruction  publique  et  des 
Beaux-Arts.  MM.  Héron  de  Villefosse,  Baillaud, 
directeur  de  l'observatoire  de  Toulouse,  Gaston 
Paris  et  Leygues  y  ont  pris  la  parole. 

Pendant  la  durée  du  Congrès,  des  fêtes  y  ont 
été  données  aux  congressistes  par  la  Ville,  les 
Sociétés  savantes  et  l'Université  de  Toulouse. Des 
excursions  ont  été  organisées  à  Carcassonne,  à 
Saint- Bertrand-de-Comminges  et  à  Martres- 
Tolosane,  à  Albi  et  au  Gouffre-Padirac.  Le  pre- 
mier soir  a  eu  lieu  une  brillante  réception  par  le 
Maire,  M.  Lenes,  dans  les  salons  de  l'llôtel-de- 
Ville.  Le  mercredi,  les  Sociétés  savantes  de 
Toulouse  ont  régalé  les  congressistes  à  l'Hôtel 
d'Assezat  de  projections  lumineuses  reproduisant 
les  sites  environnants  et  de  photographies  en 
couleurs  (procédé  Lumière).  Le  jeudi,  réception 
au  petit  lycée  (couvent  des  Jacobins)  par  les 
membres  de  l'Université;  vendredi,  spectacle  de 
gala  au  Capitole  ;  samedi,  banquet  au  réfectoire 


Cratmuj:  Des  ^otiétis  savantes. 


247 


des  Jacobins,  présidé  par  le  Ministre  M.  Leygues. 
Nous  extrayons  du  Journal  officiel,  le  compte 
rendu  de  quelques-unes  des  communications 
faites  à  la  section  d'archéologie. 

M.  Regnault  donne  lecture  d'une  étude  de  M. 
Bousrez  sur  les  aqueducs  de  l'époque  romaine 
en  Touraine. 

M.  Constans  lit  une  note  sur  un  curieux  mo- 
nument observé  à  Millau  (Aveyron)  et  qui  porte 
une  inscription  dont  l'interprétation  n'a  pu  être 
donnée  jusqu'ici.  Il  s'agit  de  l'ancien  pilori.  L'in- 
scription qui  y  est  gravée  ne  saurait  être  posté- 
rieure au  début  du  quatorzième  siècle  ;  elle  est 
en  langue  vulgaire.  On  peut  la  lire  ainsi  :  Quara 
que  f aras  enant  que  comedes  vostra  (viattda ).Se\on 
toute  apparence,  c'est  une  colonne  provenant  de 
quelque  château  ou  de  quelque  réfectoire  con- 
ventuel, invitant  les  convives  à  prier  le  Seigneur 
avant  de  prendre  leur  repas.  On  suppose  qu'elle 
a  pu  être  enlevée  de  quelque  maison  religieuse 
pillée  par  les  protestants  dans  les  guerres  du 
seizième  siècle.  M.  le  chanoine  Pottier  signale  un 
pilori  conservé  au  Musée  de  Montauban.  C'est 
une  simple  colonne  en  marbre  blanc,  avec  une 
inscription. 

M.  R.  Roger  communique  une  étude,  accom- 
pagnée de  très  nombreuses  planches,  sur  les 
églises  romanes  de  l'Ariège.  Cette  étude  se  divise 
en  deux  parties.  La  première  analyse  les  carac- 
tères généraux  de  l'architecture  romane.  Dans  la 
région  montagneuse  du  pays  de  Foix,  on  peut 
considérer  comme  originale  la  simplicité  des 
édifices  religieux.  Dans  la  plaine,  au  Nord  de 
Planturel  et  dans  la  haute  vallée  de  l'Ariège,  les 
églises  les  plus  importantes  ont  été  élevées  sous 
l'influence  de  Saint-Sernin  de  Toulouse.  Le  Cou- 
serans,  sans  offrir  de  différences  bien  tranchées, 
pourrait  cependant  être  rattaché  au  Comminges 
et  au  pays  des  Quatre- Vallées.  De  même,  dans 
l'ornementation,  qui  n'a  pas  été  prodiguée,  il  est 
possible  de  reconnaître  deux  genres  distincts,  l'un 
dû  aux  artisans  locaux,  sculpture  fruste  et  de 
tournure  archaïque,  l'autre  qui  n'apparaît  qu'au 
douzième  siècle  avec  les  monuments  élevés  par 
les  artistes  toulousains.  La  seconde  partie  du 
travail  de  M.  Roger  se  compose  de  monographies 
des  églises  romanes  de  l'Ariège. 

M.  Jules  Mandin  donne  la  description  d'un 
petit  édifice  en  ruines  conservé  à  Bouley,  près  de 
Montignac-sur-Vézère  (Dordogne).  C'est  une 
petite  chapelle  de  forme  rectangulaire  et  du  type 
le  plus  simple.  Elle  ne  paraît  pas  avoir  été  jamais 
voûtée.  On  peut  l'attribuer  au  douzième  siècle. 
M.  Mandin  communique  ensuite  une  note, 
accompagnée  de  relevés  graphiques,  sur  l'église 
de  Trémolac,  curieux  édifice  construit  sur  les 
bords  de  la  Dordogne  à  quelques  centaines  de 
mètres  de  la  ligne  ferrée  du  Buisson.  La  nef  de 


cette  église  est  couverte  par  une  série  de  coupoles 
sur  pendentifs  ;  elle  a  été  agrandie  au  siècle 
dernier  par  l'adjonction  de  chapelles  au  transept. 
M.  Brutails  appelle  l'attention  sur  certaines 
particularités  techniques  que  présente  la  con- 
struction des  coupoles  de  Trémolac. 

M.  Joulin  communique  le  résultat  de  ses  fouil- 
les à  Martres-Tolosane,  en  y  joignant  des  plans 
et  les  photographies  des  principales  sculptures 
trouvées  dans  cette  curieuse  ville  gallo-romaine. 
Les  dernières  fouilles  de  1897  et  de  1898  ont  fait 
découvrirles  substructions  d'une  immense  maison 
de  campagne  à  Chiragan,  qui  couvrait  3  hectares 
avec  ses  vastes  cours  intérieures.  Son  plan  rap- 
pelle celui  de  Diomède  à  Pompéi.  Les  bâtiments 
dont  M.  Joulin  a  relevé  le  plan  à  Chiragan 
avaient  été  commencés  à  l'époque  d'Auguste  et 
agrandis  sous  les  Antonins.  Les  portiques  des- 
cendaient jusqu'au  bord  de  la  Garonne,  et  leur 
hauteur  était  de  14  mètres  environ.  La  décoration 
sculpturale  était  du  meilleur  style, et  les  fragments 
de  nombreuses  fresques  indiquent  que  les  salles 
étaient  ornées  avec  le  même  goût  que  celles  des 
maisons  de  Pompéi.  Les  grands  pilastres  de 
Chiragan  se  distinguent  par  une  décoration 
variée,  qui  porte  l'empreinte  d'une  décadence 
déjà  sensible  à  l'époque  des  Antonins.  On  y 
remarque  des  palmettes,  des  rinceaux,  des  feuil- 
les de  lierre  et  d'acanthe,  des  semis  d'insectes  et 
d'oiseaux.  Les  architectes  se  sont  servis  de  mar- 
bres des  Pyrénées.  Il  faut  en  conclure  que  ces 
matériaux  furent  mis  en  œuvre  au  milieu  du 
deuxième  siècle,  car  la  plus  ancienne  inscription 
du  Musée  de  Narbonne,  sur  une  stèle  de  marbre 
des  Pyrénées,  est  datée  de  l'an  149,  et  c'est  à 
cette  époque  que  les  premières  carrières  furent 
exploitées.  Les  fouilles  de  Chiragan  ont  fait 
découvir  soixante-douze  statues  de  dieux  et  de 
déesses  de  la  bonne  époque  romaine.  Le  culte 
des  divinités  égyptiennes  était  également  pra- 
tiqué à  Chiragan. 

M.  Anthyme  Saint-Paul  lit  une  étude  sur 
l'église  Saint-Sernin  de  Toulouse,  dont  nous 
reproduisons  la  vue  ci-après  et  dans  laquelle  il 
cherche  à  déterminer  les  dates  de  construction 
de  cette  église.  Les  caractères  architectoniques 
du  chœur  n'empêchent  en  aucune  manière  de  le 
considérer  comme  celui  qui  fut  consacré  par 
Urbain  II  en  1096  ;  l'étage  supérieur  seul  peut 
avoir  été  rebâti  dans  la  première  moitié  du 
douzième  siècle.  La  nef,  d'un  style  roman  si  pur, 
n'a  pu  être  exécutée  après  le  douzième  siècle  ; 
tout  ce  qu'on  a  fait  depuis  lors,  ce  sont  des 
ravalements,  des  placements  de  chapiteaux,  des 
travaux  de  remaniement  ou  d'achèvement  dans 
la  façade  et  la  région  attenante.  Le  chœur  de 
l'église  actuelle  a  dû  être  commencé  vers  1080, 
plutôt  un  peu  avant  qu'un   peu  après  ;  il  était 


248 


3rAclntc  te  r^rt  chrétien. 


sans  doute  complètement  terminé  lors  de  la 
consécration  de  1096,  et  il  est  probable  qu'à  cette 
date  Raymond  Gayrard  avait  déjà  pris  en  mains 
la  direction  des  travaux,  qu'il  garda  jusqu'à  sa 
mort,  en  11 18,  laissant  les  murs  du  pourtour  de 
l'église  achevés  jusqu'aux  premières  corniches. 
Si  les  croisillons  n'étaient  pas  complètement 
terminés  à  la  mort  de  Raymond  Gayrard,  ils  le 
furent  tout  de  suite  après.  On  entreprit  les  parties 
hautes  de  la  nef  travée  par  travée,  et  en  même 
temps  on  refit  la  partie  supérieure  de  l'abside,  ce 
qui  conduisit  à  1 1 35  ou  1140  environ.  La  con- 
struction de  la  nef  traîna  assez  péniblement  ; 
pendant  qu'elle  se  poursuivait,  on  prolongea 
l'église,  on  détruisit  une  façade  déjà  commencée 
pour  en  élever  une  autre  en  avant,  et  celle-ci, 
après  avoir  été,  avec  la  travée  des  deux  tours 
occidentales,  l'objet  de  retouches  et  de  remanie- 
ments particuliers,  finit  par  rester  incomplète.  Il 
existe  une  famille  d'églises  romanes  méridionales 
dont  le  groupe  intime  est  composé  de  Sainte-Foy 
de  Conques,  de  Saint-Sernin  de  Toulouse  et  de 
la  célèbre  cathédrale  de  Saint-Jacques-de-Com- 
postelle.  La  première  est  l'origine  du  type,  les 
deux  autres  en  sont  l'épanouissement  ;  mais  la 
cathédrale  espagnole  s'est  directement  inspirée 
de  la  basilique  toulousaine,  et,  si  l'une  et  l'autre 
n'ont  pas  le  même  architecte,  elles  sont  du  moins 
les  œuvres  de  deux  artistes,  dont  le  premier, 
celui  de  France,  a  eu  le  second  pour  élève  et  pour 
imitateur.  Saint-Sernin  de  Toulouse  marque 
l'apogée  et  constitue  le  monument  le  plus  im- 
portant de  l'école  romane  toulousaine  ou  du 
Sud-Ouest,  qui,  malgré  ses  analogies  étroites 
avec  l'école  auvergnate,  n'est  pas,  dans  ses  origi- 
nes, absolument  dépendante  de  celle-ci,  et  qui,  si 
elle  peut  à  la  rigueur  être  contestée  comme  école 
d'architecture,  ne  saurait  être  méconnue  comme 
une  de  nos  plus  grandes  écoles  de  sculpture 
monumentale.  M.  Mandin  fait  remarquer  l'ana- 
logie du  plan  de  Saint-Sernin  avec  celui  de  la 
basilique  de  Saint-Martin  de  Tours.  M.  le  cha- 
noine Pottier  pense  que  l'imitation  de  l'église  de 
Saint-Sernin  à  Saint-Jacques-de-Compostelle 
s'explique  facilement  par  les  pèlerinages.  Le 
président,  M.  de  Lahonde,  estime  que  M.  An- 
thyme  Saint-Paul  a  définitivement  fixé  les  dates 
de  la  construction  de  l'église  Saint-Sernin. 

M.  Avenet  donne  lecture  d'un  mémoire  de 
M.  l'abbé  Bossebceuf,  dans  lequel  celui-ci  expose 
le  résultat  des  fouilles  qu'il  a  faites  dans  l'îlot  de 
Tombelaine,  près  du  Mont  Saint-Michel,  sur 
l'emplacement  de  l'église  du  prieuré,  et  qui  lui 
ont  livré,  entre  autres  monuments,  la  dalle  tumu- 
laire  de  l'abbé  Jourdain,  du  XII  Ie  siècle.  La 
reproduction  photographique  d'un  ancien  dessin 
conservé  à  la  Tour  de  Londres,  représentant 
l'église,  est  placée  sous   les  yeux   du  Congrès. 


Les  monuments  détruits  de  Tombelaine,  église 
et  forteresse,  offraient  un  grand  intérêt  ;  le  tra- 
vail de  déblaiement,  qui  sera  poursuivi, permettra 
d'en  rétablir  au  moins  le  plan.  M.  Emile  Travers 
donne  des  explications  sur  la  position  de  l'îlot 
de  Tombelaine  et  sur  le  rôle  de  sa  forteresse  dans 
les  guerres  du  XVe  siècle. 

M.  Brutails  lit  une  note  sur  l'antériorité  et 
l'influence  de  l'école  romane  auvergnate.  Il  con- 
state que  l'on  n'a  pas  de  texte  à  l'appui  de 
l'opinion  qui  attribue  à  l'année  946  la  dédicace 
de  l'ancienne  cathédrale  de  Clermont.  Il  fait 
observer  que  cette  cathédrale  a  vraisemblable- 
ment été  rebâtie  au  début  de  XIe  siècle.  Il  ap- 
pelle l'attention  sur  ce  fait,  que  le  texte  d'Hel- 
gard,  fréquemment  cité  par  les  auteurs  qui  étu- 
dient ce  problème,  limite  au  chevet  la  copie  de  la 
cathédrale  de  Clermont  par  l'architecte  de  Saint- 
Aignan  d'Orléans.  Or,  le  chevet  n'a,  dans  la  con- 
stitution du  style  roman,  qu'une  importance  très 
secondaire.  M.  Brutails  admet  néanmoins  l'anté- 
riorité de  cette  école  d'Auvergne  et,  comme 
l'Auvergne  est  un  pays  que  sa  position  géogra- 
phique isole,  il  faut  en  conclure  que  ni  les  incur- 
sions normandes  ni  les  influences  orientales  n'ont 
exercé  sur  l'origine  de  cette  architecture  le  rôle 
qu'on  leur  a  prêté.  En  ce  qui  concerne  l'influence 
de  l'école  auvergnate,  M.  Brutails  estime  qu'elle 
est  beaucoup  plus  restreinte  qu'on  ne  le  pense  et 
que  les  voûtes  en  quart  de  cercle  notamment, 
qui  apparaissent  déjà  dans  les  constructions  an- 
tiques,ne  suffisent  pas  à  la  constater.  M.  Anthyme 
Saint-Paul  admet  très  volontiers  que  la  cathé- 
drale de  Clermont,  imitée  à  Saint-Aignan  d'Or- 
léans, était,  non  de  946,  mais  du  temps  du  roi 
Robert  ;  on  ne  l'aurait  pas  imitée  à  ce  moment 
si  elle  ne  s'était  pas  imposée  à  l'attention  par  un 
progrès  notable  et  récent.  Il  ajoute  que  l'école 
auvergnate,  qui,  par  les  dessins  en  mosaïque, 
se  rattache  à  la  basilique  romane  bâtie  vers  450 
par  l'évêque  Namatius,  a  pu  se  former  de  bonne 
heure, qu'elle  est  d'origine  indigène, à  la  différence 
des  écoles  bourguignonne  et  provençale,  qu'il  y  a 
eu  en  Auvergne  toute  une  floraison  artistique  et 
littéraire  jusqu'au  XIIe  siècle,  où  se  produisit 
l'oppression  féodale  qui  abaissa  les  caractères. 
M.  Anthyme  Saint-Paul  recommande  aux  ar- 
chéologues, au  point  de,  vue  des  origines  auver- 
gnates, l'église  Saint- Etienne  au  cimetière  de 
Gannat  (Allier).  M.  Mandin  rappelle  qu'il  existe 
en  Vendée  une  église,  celle  de  la  Chaise-du- 
Vicomte,  bâtie  sous  l'influence  auvergnate. 

M.  Lavergne,  place  sous  les  yeux  du  Congrès 
douze  matrices  à  fabriquer  les  carreaux  vernissés, 
découvertes  en  1892  à  Castelnau.  Les  sujets  re- 
présentés sont  un  chasseur,  un  lévrier,  des  entre- 
lacs, etc. On  connaît  des  carreaux,  produits  à  l'aide 
de  quelques-unes  de  ces  matrices,  encore  en  place 


Cratoauj:  Des  Sociétés  garantes 


249 


dans  le  bâtiment  abbatial  du  XVe  siècle,  à  Mois- 
sac.  M.  Lavergne  lit  un  mémoire  où  il  passe  en 
revue  les  principaux  carrelages  de  terre  vernissée. 


spécialement  ceux  de  l'abbaye  de  Flaran  (Gers), 
ceux  de  l'ancien  château  des  archevêques  d'Auch 
à  Barran  (Gers).  M.  le  chanoine   Pottier  fait  re- 


Église  de  Saiut-Sernin  à  Toulouse. 


marquer,  que  les  matrices  présentées  par  M.  La- 
vergne ou  des  matrices  analogues  ont  servi  à  faire 
aussi  certains  des  carreaux  de  Belleperche  et  de 


Granselve.  Il  donne  d'intéressants  détails  sur  le 
carrelage  de  Moissac.  M.  Planté  rappelle  que  le 
déblaiement  du  château  de  Gaston-Phcebus,  a 


RKVUH  1>1Ï  I-  AKT  CHRET1FK 
1899.  —  3me  LIVRAISON. 


250 


&ebuc  ïie  r&rt  chrétien. 


Orthez,  a  donné  lieu  à  la  découverte  de  beaux 
carreaux  vernissés. 

M.  le  chanoine  Pottier  lit  un  mémoire  sur  les 
clochers  de  brique  au  pays  toulousain.  Le  clocher 
de  Saint-Sernin  de  Toulouse  et  celui  des  Jacobins 
ont  été  les  prototypes  d'un  mode  de  construction 
qui  s'est  prolongé  jusqu'au  XVIIe siècle.  M.  le 
chanoine  Pottier  se  borne  à  l'étude  des  clochers 
du  diocèse  de  Montauban.  Le  plus  ancien  est  celui 
de  l'église  Saint-Sauveur  de  Castelsarrasin,  qui 
offre  tous  les  caractères  des  clochers  toulousains. 
L'église  de  la  célèbre  abbaye  de  Granselve  avait 
à  la  croisée  un  clocher,  qui  est  reproduit  sur  de 
grandes  châsses  du  trésor  de  cette  église.  L'église 
de  Beaumont  est  imitée  de  celle  des  Jacobins 
de  Toulouse.  Comme  exemple  de  clocher  du 
XVe  siècle,  on  peut  citer  celui  de  l'église  de 
Montech.  M.  le  chanoine  Pottier  met  sous  les 
yeux  du  Congrès  le  dessin  du  clocher  d'Aucam- 
ville,  tracé  par  l'architecte  en  1527.  A  la  fin  du 
XVIIe  siècle  on  construisait  encore  des  clochers 
en  brique  de  style  toulousain, comme  en  témoigne 
la  date  de  16S5   inscrite  sur  le  clocher  de  Finan. 

M.  Roschach,  lit  une  étude  sur  quelques 
thèmes  décoratifs  de  l'art  roman.  Dans  ce  mé- 
moire, appuyé  de  la  description  critique  d'en- 
viron deux  cents  pièces  de  sculpture  du  XIe  et 
du  XIIe  siècle,  conservées  au  Musée  de  Tou- 
louse et  provenant  pour  la  plupart  des  anciens 
cloitres  de  Saint-Etienne,  de  la  Daurade  et 
de  Saint-Sernin,  description  accompagnée  de 
nombreux  dessins,  M.  Roschach,  en  s'attachant 
surtout  a  rechercher  l'origine  et  la  filiation 
des  types,  analyse  successivement  le  décor 
géométrique,  le  décor  végétal,  les  animaux, 
la  figure  humaine,  les  êtres  chimériques,  les 
tableaux  dramatisés  de  scènes  appartenant  à 
l'histoire  sainte  ou  à  la  vie  courante,  les  motifs 
architecturaux.  De  cette  longue  et  minutieuse 
enquête  ressort  la  constatation  d'un  art  très 
savant  et  très  complique,  dont  l'exécution  varie 
de  l'extrême  rudesse  au  plus  exquis  raffinement 
de  ciselure,  mais  dont  la  poésie  est  toujours  inté- 
ressante et  la  composition  ingénieuse.  La  déco- 
ration romane  n'est  pas  une  pure  dégénérescence 
de  l'arc  gréco-romain  ;  l'âme  celtique  s'y  mani- 
feste, impressionnée  par  la  poésie  hébraïque  et  la 
doctrine  des  premiers  apôtres  du  christianisme. 
L'originalité  des  entrelacs,  les  combinaisons 
étranges  de  bêtes  et  de  plantes,  le  sentiment 
profond  et  sincère  des  scènes  d'adoration  et  de 
martyre  témoignent  d'un  état  mental  incompa- 
tible avec  ce  qu'on  sait  de  la  décrépitude  des 
derniers  temps  de  la  société  romaine.  Il  faut  y 
voir  l'influence  des  centres  puissants  de  propa- 
gande chrétienne  qu'étaient  les  grandes  abbayes 
d'Occident,  où  s'étaient  concentrés  les  éléments 
d'art  nouveau   dont   la  tentative  de  renaissance 


entreprise  par  Charlemagne  favorisa  le  dévelop- 
pement. Ces  abbayes  devinrent  pour  une  assez 
longue  période  l'unique  refuge  de  l'art,  réduit  par 
la  dureté  des  temps  à  des  œuvres  de  calligraphie, 
d'enluminure,  d'orfèvrerie,  au  travail  de  l'ivoire 
pour  la  reliure  des  beaux  manuscrits.  La  décora- 
tion romane  procède  beaucoup  plus  du  raffine- 
ment de  ces  arts  d'intérieur,  dont  elle  est  la  tra- 
duction lapidaire,  que  des  traditions  de  la  grande 
sculpture.  Ces  conditions  paraissent  infirmer 
l'hypothèse  d'un  art  local  doué  de  mérites  ex- 
ceptionnels. Un  pays  condamné  aux  construc- 
tions de  briques  par  la  pénurie  de  matériaux 
supérieurs  semble  médiocrement  prédestiné  à 
fournir  des  pépinières  de  sculpteurs.  De  plus,  le 
recrutement  des  ordres  religieux  les  faisant 
échapper  au  particularisme  provincial,  la  décora- 
tion architecturale  employée  par  eux  leur  em- 
prunte un  caractère  de  catholicité  qui  laissait 
bien  peu  de  chances  à  la  formation  d'école  de  la 
région. 

M.  le  chanoine  Pottier  donne  lecture  d'un  mé- 
moire de  M.  Degrand,  ancien  consul  de  France 
à  Scutari,  sur  les  deux  nécropoles  découvertes 
en  Albanie.  Les  tombes  sont  faites  à  l'aide  de 
plaques  schisteuses  et  étaient  remplies  de  terre 
contenant  des  débris  de  charbon.  Il  y  avait  quel- 
quefois plusieurs  squelettes  dans  la  même  sépul- 
ture. On  avait  enterré  les  morts  avec  leurs  bijoux, 
et  M.  Degrand  a  recueilli  des  fibules,  des  colliers 
et  des  bracelets  en  bronze,  des  boucles  d'oreilles, 
des  bagues  en  bronze  et  en  argent,  des  perles  de 
verre,  deux  haches  en  fer  et  d'autres  instruments 
de  même  métal.  Malheureusement,  comme  l'or- 
nementation des  bijoux  albanais  est  encore  em- 
preinte aujourd'hui  d'un  certain  archaïsme,  il  est 
difficile  de  fixei  la  date  de  ces  anciens  cimetières. 


Sociétés  des  Beaux-Arts  des  Départe- 
ments. —  Le  vingt-troisième  Congrès  des  So- 
ciétés des  Beaux-Arts  de  Paris  et  de  la  province 
s'est  ouvert  mardi  dernier,  sous  la  présidence  de 
M.  de  Fourcaud,  professeur  à  l'École  nationale 
des  Beaux-Arts,  assisté  de  M.  Crost  et  de 
M.  Jouin,  secrétaire  rapporteur  du  Comité. 

Outre  les  délégués  assistaient  à  la  séance 
d'inauguration:  MM.  Marcou,  inspecteur^ général 
adjoint  des  monuments  historiques;  Edouard 
Garnier  et  Charvet,  inspecteur  de  l'enseignement 
du  dessin  et  des  musées. 

Voici  d'après  la  Chronique  d'Art,  les  lectures 
faites  pendant  les  premières  séances  de  la  ses- 
sion : 

M.  Léon  Giron,  membre  non  résidant  du  Co- 
mité au  Puy,  a  pris  la  parole  sur  «  une  peinture 
murale  de  l'église  Saint-Julien  de  Brioude  »,  spé- 


Cratoauj:  bts  Comtés  savantes. 


251 


cimen  des  conceptions  étranges  des  peintres  du 
moyen  âge. 

La  parole  a  été  donnée  ensuite  à  M.  Joseph 
Pierre,  membre  de  la  Commission  du  musée  à 
Châteauroux,  pour  sa  lecture  sur  «  le  chœur  de 
la  cathédrale  de  Bourges  et  le  sulpteur  Louis 
Vassé  ». 

M.  Jacquot,  de  Nancy,  expose  les  grandes 
lignes  d'un  «  essai  d'un  répertoire  des  artistes 
lorrains  ». 

M.  Fouque,  de  Toulouse,  traite  de  1'  «  origine 
de  la  lithographie  en  France  ». 

C'est  une  pierre  lithographique  rapportée  de 
Munich,  en  1805,  par  le  général  Lejeune,  qui 
sert  de  sujet  et  d'argument  à  ce  savant.  Cette 
pierre  est  la  première  qui  fut  importée  en 
France. 

M.  Biais,  d'Angoulême,  expose  les  grandes 
lignes  d'un  travail  sur  les  «  Nicolas  Pineau,  des- 
sinateur, sculpteur  et  architecte  ». 

Ce  mémoire  fixe  l'identification  certaine  de  cet 
artiste,  trop  souvent  confondu  avec  divers  mem- 
bres de  sa  famille. 

M.  Gauthier,  de  Besançon,  communique  un 
mémoire  sur  «  l'architecture  civile  en  Franche- 
Comté  au  XVIe  siècle.  » 

L'auteur  fait  ressortir  la  lente  pénétration  de 
la  Renaissance  italienne  dans  l'architecture  bour- 
guignonne. 

L'abbé  Brune,  de  Baume-les-Messieurs  ( Jura), 
décrit  un  reliquaire  de  l'abbaye  de  Château-Cha- 
lon,  décoré  à  l'intérieur  de  divers  petits  panneaux 
d'un  style  remarquable. 

M.  Leroy,  de  Melun,  donne  lecture  d'une  mo- 
nographie sur  le  «  tapissier  Gozette,  peintre  et 
portraitiste  ».  Cet  artiste  n'avait  pas  encore  été 
étudié  sous  cet  aspect. 

M.  Delignières,  d'Abbeville,  communique  une 
notice  sur  «  le  petit  Sépulcre  de  la  chapelle  de 
Saint-Valery-sur-Somme  »,  qui  date  du  XVIe 
siècle  et  se  recommande  à  l'attention  par  le  fini 
des  détails. 

M.  Thiollier,  de  Saint- Etienne,  communique 
ensuite  une  notice  sur  une  «  vente  de  tableaux 
de  maîtres  à  Paris  en  17 10  ». 

Le  vendeur  est  Montarry  ;  l'acquéreur  est 
Ronde.  Tous  deux  sont  connus. 

Il  serait  intéressant  de  savoir  où  est  passée  la 
galerie  de  Montarry. 

L'abbé  Bouille,  du  comité  de  Nancy,  commu- 
nique un  travail  sur  «  un  problème  d'orfèvrerie  ». 
Il  s'agit  du  trésor  de  l'abbaye  de  Conques.  Il  est, 
suivant  l'auteur,  probable  qu'un  centre  de  fabri- 
cation de  pièces  rares  a  dû  exister  dans  cette 
abbaye  ou  à  proximité. 

M.  Fernand  Mazerolle,  correspondant  du  co- 
mité de  Dijon,  développe  une  très  intéressante 


étude  sur  «  le  Musée  de  la  Monnaie  et  sa  créa- 
tion en  1827  ». 

L'auteur  fait,  avec  sa  compétence  accoutumée, 
l'histoire  détaillée  de  cette  fondation  si  peu  con- 
nue du  public  et  des  artistes  mêmes,  qui  fait 
l'objet  des  soins  dévoués  et  éclairés  de  notre  ad- 
ministration des  monnaies. 


Société  des  amis  des  monuments.  —  La 
dernière  promenade  d'études  des  adhérents  de 
l'Ami  des  Monuments  et  des  Arts,  a  eu  lieu  à 
Provins,  le  lundi  de  la  Pentecôte. 

A  Provins,  ville  des  roses,  la  beauté  du  site  le 
dispute  aux  ruines  qui  en  rehaussent  l'agrément  : 
les  remparts  antiques,  les  tours,  les  portes,  les 
vieux  et  beaux  logis  aux  silhouettes  imprévues, 
aux  masses  bien  pondérées,  rivalisent  en  nombre 
et  en  intérêt  avec  les  églises;  de  vastes  souter- 
rains, ornés  magnifiquement,  s'étagent  sous  les 
habitations,  dont  certaine,  une  maison  romane, 
présente  le  type  le  plus  complet  de  ces  plus 
vieilles  maisons,  dont  on  ne  connaît  qu'une  cin- 
quantaine d'exemples  en  France,  la  plupart  à 
l'état  fragmentaire.  Au  prieuré  de  Saint-Ayoul 
on  retrouve  le  souvenir  du  séjour  d'Abailard;  à 
l'hôpital,  de  superbes  cloîtres  (r),  à  la  tour  de 
César  un  des  donjons  (2)  les  plus  remarquables, 
dont  l'origine  remonte  à  l'époque  gauloise;  la 
Villa  Garnier  garde  le  nom  d'un  bienfaiteur  de 
Provins  et  les  débris  des  monuments  disparus 
de  cette  cité.  A  la  grange  aux  Dîmes,  vaste  et 
superbe  crypte. 

On  trouvera  dans  le  tome  II,  page  193  et 
tome  VIII,  page  53,  de  Y  Ami  des  Monuments  et 
des  Arts,  des  notes,  des  gravures  sur  Provins  et  la 
liste  des  ouvrages  utiles  à  consulter. 

Commission  du  Vieux-Paris.  —  La  Com- 
mission du  Vieux- Paris  réunie,  en  mai,  à  l'Hôtel- 
de-Ville,  s'est  occupée  de  la  conservation  de  la 
maison  de  la  Reine-Blanche,  dans  le  13e  arron- 
dissement, un  des  rares  types  de  l'architecture  au 
XVe  siècle.  Une  proposition  de  M.  Bouvard,  ten- 
dant à  la  participation  de  la  Commission  du 
Vieux-Paris  à  l'Exposition  de  1900,  a  été  approu- 
vée. A  été  également  adoptée  une  proposition  de 
M.  Lucien  Lambeau,  archiviste  du  Conseil  mu- 
nicipal, ayant  pour  but  de  faire  déposer  dans  les 
écoles  professionnelles  de  la  ville  de  Paris, 
Diderot  et  Boulle,  les  échantillons  de  ferronnerie 
ancienne,  appuis  de  fenêtres  et  rampes  d'escalier, 
ainsi  que  les  boiseries  sculptées  provenant  des 
expropriations  faites  par  la  Ville. 

1.  Voy.  L'Ami  des  Monuments ,  t.  II,  p.  191. 

2.  V.  Ibid.,  t.  II,  p.  193. 


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9 

* 


ggsgâ^s^ss&s  Bibliographie* 


HUBERT  UNO  JA.N  VAN  EYCK,  par  Ludwig 
Kaemmerer.  Bielefeld  und  Leipzig,  Vethagen  und 
Klasing,  1898,  in-40,  118  pp.,  et  88  reproductions  de 
peintures  et  de  dessins. 

^$jj'EST  à  mes  yeux  un  des  bons  signes 
F  du  temps  que  l'apparition  fréquente 
ï|  en  France,  comme  en  Angleterre  et 
|  en  Allemagne,  de  ces  monographies 
^^"^  d'artistes  écrites  par  des  chercheurs 
et  des  studieux,  et  pourtant  destinées  à  un  grand 
public.  Elles  forment  tout  un  travail  de  vulgari- 
sation sans  être  superficielles, et  presque  toujours 
elles  sont  œuvres  d'érudition  sans  être  arides  ni 
encombrantes. Les  reproductions  dont  elles  sont 
enrichies  avec  la  fidélité  que  donnent  en  général 
les  moyens  photographiques,  ajoutent  l'image  à 
la  parole,  et  contribuent  dans  une  large  mesure 
à  donner  au  lecteur  une  conception  nette  de 
l'œuvre  du  maître  que  l'auteur  a  étudiée. 

Le  livre  de  M.  Kaemmerer  sur  les  frères  Van 
Eyck  est  une  étude  de  cette  nature,  dont  la  lec- 
ture donne  une  véritable  satisfaction.  Après  les 
recherches,  dont  les  deux  grands  maîtres  origi- 
naires des  bords  de  la  Meuse, ont  été  l'objet  dans 
tous  les  dépôts  d'archives  où  l'on  pouvait  espérer 
retrouver  leurs  traces,  par  des  savants  comme  le 
comte  de  Laborde,  De  Busscher,  James  Weale, 
l'abbé  Carton  et  d'autres, on  peut  regarder  comme 
close  la  période  d'investigations  dans  le  domaine 
des  documents  contemporains  des  deux  peintres. 
Il  ne  reste  plus  qu'à  les  coordonner,  à  les  join- 
dre à  ce  qu'ont  écrit  les  anciens  biographes  et  à 
tirer  les  conclusions  de  l'ensemble  des  faits 
acquis.  Enfin,  une  autre  source  d'études  reste 
toujours  accessible,  c'est  l'œuvre  même  des  artis- 
tes que  l'on  peut  interroger  à  nouveau,  dont  on 
peut  comparer  entre  eux  les  travaux  successifs 
en  les  soumettant  tout  à  la  fois  à  une  critique 
sévère,  au  point  de  vue  historique,  comme  à  celui 
de  leur  valeur  esthétique. 

C'est  la  voie  que  M.  Kaemmerer  a  prise,  et  il 
faut  lui  savoir  gré  de  l'avoir  fait  tout  à  la  fois 
avec  le  sentiment  de  la  haute  valeur  des  maîtres 
qu'il  étudie  et  l'esprit  critique  nécessaire  pour 
écarter  les  fausses  attributions  et  mettre  en  relief 
les  panneaux  d'ordre  supérieur. 

Le  livre  débute  par  un  examen  très  détaillé  du 
célèbre  polyptyque  représentant  l'Adoration  de 
l'Agneau  mystique,l'incomparable  retable  d'autel 
de  la  chapelle  Vydt  de  l'église  Saint-Bavon  à 
Gand,  où  le  travail  des  deux  frères  se  confond 
dans  un  ensemble  qui  n'a  pas  été  surpassé.  L'au- 
teur   ne    se  contente   pas   de  l'étudier  dans  sa 


valeur  technique,  il  s'attache  à  en  faire  ressortir 
le  thème  théologique  et  la  donnée  philosophique, 
et  il  le  fait  d'une  manière  très  judicieuse  en  y 
voyant  l'illustration  monumentale  du  septième 
chapitre  de  l'Apocalypse  de  saint  Jean. 

On  sait  que  l'aîné  des  deux  frères, Hubert  Van 
Eyck,  celui  auquel  l'œuvre  était  commandée  et 
qui  parait  en  avoir  conçu  l'ensemble,  est  mort 
plusieurs  années  avant  l'achèvement  de  ce  vaste 
travail,  le  seul  auquel  son  nom  restera  attaché 
aussi  longtemps  qu'il  restera  un  souvenir  de  l'art 
flamand.  Jean  Van  Eyck  termina  cette  série  de 
chefs-d'œuvre  et  puis  continua  seul  la  carrière 
lumineuse  inaugurée  sous  la  direction  de  son 
aîné. 

M,  Kaemmerer  donne  sur  cette  carrière  tous 
les  renseignements  biographiques  certains  que 
l'on  possède,  et  note  avec  beaucoup  de  soin  les 
travaux  qui  en  marquent  les  étapes  successives. 

Le  livre  est  particulièrement  instructif  par  le 
soin  que  l'auteur  met,  non  seulement  à  placer 
chaque  peinture  du  maître  dans  son  ordre  chro- 
nologique, mais  à  discuter  l'authenticité  de  l'at- 
tribution, parfois  par  des  comparaisons  avec  des 
œuvres  similaires  dues  au  pinceau  d'élèves  ou 
d'imitateurs.  Les  nombreuses  reproductions, 
généralement  bonnes, qui  accompagnent  ces  dis- 
sertations, ajoutent  beaucoup  à  leur  intérêt  et  à 
la  clarté  des  déductions. 

M.  Kaemmerer  fait  ressortir  avec  infiniment  de 
raison  combien  l'œuvre  des  Van  Eyck  marque 
une  évolution  importante  dans  l'histoire  de  l'art. 
Jusqu'au  moment  de  l'apparition  de  ces  maîtres, 
la  peinture  du  moyen  âge  est  exclusivement  au 
service  de  l'Église  :  elle  est  pour  ainsi  dire  dog- 
matique ;  c'est  une  des  formes  de  l'enseignement 
offert  au  peuple  pour  lui  apprendre  le  catéchis- 
me, l'Évangile, l'histoire  sacrée.Avec  l'avènement 
des  frères  Van  Eyck, sans  rompre  volontairement 
avec  les  traditions  existantes,  la  peinture  devient 
comme  un  chant  glorifiant  l'œuvre  de  la  création, 
en  dérobant  à  la  nature  même  les  secrets  de  la 
joie  et  de  l'admiration  dont  elle  est  l'objet  au 
cœur  de  l'homme. 

Les  peintures  de  Jean  Van  Eyck,  portraits, 
Vierges  entourées  de  saints  et  de  donateurs, 
panneaux  du  retable  de  Gand,  sont  inimitables 
par  leur  réalité,  leur  accent  de  vérité  ;  ce  sont  de 
véritables  évocations  jusque  dans  le  moindre  dé- 
tail qui  accusent  à  la  fois  la  sincérité  et  l'art  infini 
du  peintre,  et  cependant,  conclut  M.  Kaemmerer, 
un  sentiment  religieux  bien  profond  se  manifeste 
dans  les  créations  du  plus  jeune  des  deux  frères. 
Tout  ce  qu'il  a  étudié,  ce  qu'il   a   vu  et  gagné  à 


Bibltograptnc. 


253 


son  art,  il  le  porte  à  l'autel,  et  ce  n'est  pas  acte 
de  servilité  qui  le  pousse,  il  répond  à  un  besoin 
de  sa  nature.  Il  est  pénétré  d'un  sentiment  de 
gratitude  pour  les  dons  si  exceptionnellement 
riches  qui  lui  ont  été  départis.  Les  magnificences 
de  la  nature  deviennent  sous  son  pinceau  le  can- 
tique joyeux  de  l'artiste  au  créateur. 

En  somme,  étude  excellente,  dont  une  traduc- 
tion française  serait  à  désirer. 

J.  Helbig. 


COLLECTIONS  DU  CHATEAU  DE  GOLU- 
CHÔW,  par  AV.  Froehner.  Verres  chrétiens  à  figures 
d'or,  Paris  [Fischbach],  1899,  in-40,  5  planch.  en 
chromolithogr. 

ELLES  sont  bien  rares  aujourd'hui  les  occa- 
sions de  parler  de  ces  reliques  du  passé 
que  Garucci  a  si  patiemment  cataloguées.  Et 
cependant,  M.  Froehner,  avec  son  érudition  si 
patiente  et  si  pleine  d'aperçus  nouveaux  et 
ingénieux, nous  présente  et  nousdécrit  onze  pièces 
de  la  collection  Goïuchôw,  d'un  intérêt  absolu- 
ment particulier.  Les  deux  premiers  fonds  de 
coupe,  dont  l'un  est  rehaussé  de  touches  de 
couleur  qui  donnent  à  son  tableau  une  singulière 
animation,  reproduisent  plusieurs  objets  du  culte 
judaïque, l'arche  sainte  en  forme  d'armoire, gardée 
par  deux  lions  couchés,  à  gueule  béante,  deux 
chandeliers  à  sept  branches  séparés  par  le 
lonlab,  le  schofar  en  forme  de  corne  qui  était 
la  trompette  juive  et  deux  ampoules  de  verre. 

M.  F.  rapproche  le  candélabre  d'or  du  fond 
de  coupe,  de  celui  de  l'arc  de  triomphe  de  Titus  ; 
puis  il  rappelle  que  depuis  le  triomphe  de  Titus, 
tous  les  objets  figurés  sur  ces  deux  médaillons 
se  trouvaient  à  Rome,  ainsi  que  le  constatent 
deux  inventaires,  qui  n'ont  pas  été  jusqu'à  pré- 
sent utilisés  pour  ces  questions,  l'un  de  Flavius 
Josèphe,  l'autre  du  XIIIe  siècle,  qui  semble 
avoir  puisé  ses  renseignements  à  des  sources  très 
anciennes. 

Un  calice  à  figure  d'or,  protégé  par  un  délicat 
réseau  de  verre,  monté  sur  un  pied,  peut  être  un 
travail  des  bords  du  Rhin,  de  Cologne  où  il  a  été 
trouvé.  Sa  forme  est  celle  d'un  canthare  antique, 
le  sujet  figuré  est  païen  ;  les  anses,  ajourées,  sont 
ornées  de  pétoncles,  un  des  motifs  favoris  des 
verriers  du  Bas  Empire. 

Cette  pièce,  qui  est  le  second  exemple  connu 
de  cette  technique, permet  de  faire  un  rapproche- 
ment avec  le  verre  Uisch,  aujourd'hui  dans  une 
collection  particulière  à  Paris  et  de  discuter, 
grâce  aux  fines  remarques  de  AI.  F.,  l'origine  et 
la  date  de  fabrication  de  cette  pièce  vraiment 
extraordinaire. 


Depuis  longtemps,  nous  n'avions  pas  eu  à 
enregistrer  une  semblable  contribution  à  l'étude 
des  verres  chrétiens,  auxquels  peut-être,  on  n'a 
pas  encore  demandé  tout  ce  que  l'archéologie 
était  en  droit  d'en  attendre. 

F.  DE  MÉLY. 


L'ÉGLISE  DE  LAVAL-DIEU  (ARDENNES) 
ET  SES  BOISERIES  SCULPTÉES,  par  BoUILLET. 
Paris,  Pion,  1898,  in-8°  de  12  pag.  avec  2  planches. 

L'ÉGLISE  est  une  ancienne  abbatiale  de  l'or- 
dre de  Prémontré,  fondée  au  XIIe  siècle 
et  restaurée  au  XVIIe.  Les  boiseries  sculptées 
qui  garnissent  les  murs  appartiennent  à  cette 
dernière  date,  caractérisée,  en  maint  endroit,  par 
le  soleil  rayonnant  de  Louis  XIV,  qui,  à  la  même 
époque,  figurait  partout  dans  la  grande  et  belle 
église  de  St-Maixent  (Deux-Sèvres). 

X.  B.  DE  M. 


NOTRE-DAME    D'AUTEUIL,    par  BOUILLET    et 

Petit.   Paris,    Rondelet,   in-3°  de    16   pag.,   avec    18 
vignettes. 

L'église  est  entièrement  neuve  et  construite  en 
style  roman.  S'il  y  a  de  belles  parties  architectu- 
rales, d'autres,  au  détail,  sont  complètement 
manquées,  comme  le  maître-autel  et  les  ambons. 
Quant  au  clocher,  il  ne  suffit  pas  de  dire  qu'il  est 
<{.  singulier»  ;  extravagant  et  monstrueux  sont 
mieux  appropriés  à  sa  laideur. 

J'admire  l'auteur  qui  a  su  intéresser  à  une  bâ- 
tisse moderne,  si  mal  pondérée  au  point  de  vue 
de  l'esthétique  chrétienne  ;  il  y  avait  là  une 
grosse  difficulté  dans  la  rédaction.  Je  constate 
volontiers  l'expression  de  ses  regrets  pour  le  clo- 
cher de  l'ancienne  église,  qui  méritait  d'être  con- 
servé à  tout  prix,  car  son  type  était  unique  a 
Paris  et  d'un  bon  style  médiéval. 

La  Vierge  de  douleurs  par  Carpeaux  est  une 
oeuvre  d'un  réalisme  saisissant,  qu'on  a  bien  fait 
de  reproduire. 

Ici  domine  l'art  contemporain,  je  ne  crois  pas 
qu'il  soit  de  nature  à  faire  oublier  le  passé. 

X.  B.DEM. 

LA  TOMBE  DE  LANCELOT  DU  FAU,  ÉVÊ- 
QUE  DE  LUÇON  ET  CLAUDE  CONTENT, 
ORFÈVRE  DE  TOURS  (1523),  par  Louis  de 
Grandmaison.  — Vannes,  Lafolye,  1S99,  in-8°  de 
11  pag. 

Lancelot  du  Fau  naquit  en  Touraine  et  y  mou- 
rut, l'an  1523.  C'est  en  Touraine  qu'a  été  retrouvé 
l'acte   par  lequel  il  commandait   une  tombe   en 


254 


Bctiuc  De  l'art  ebreritn. 


cuivre  et  un  aigle  pour  le  chœur  de  sa  cathédrale. 
Le  contrat  fut  passé  au  nom  du  joaillier  Jean 
Rembert,  qui  en  confia  l'exécution  à  Claude 
Content,  orfèvre  et  bourgeois  de  Tours. 

X.  B.  DE  M. 


UNE  PLANCHE  A  GRAVURE  D'UN  FON- 
DEUR de  CLOCHES,  par  Léon  Germain  de 
Maidy.  St-Die,  1899,  in-8°  de  15  pages,  avec  une 
phototypie. 

Cette  planche  date  du  XVIIe  siècle.  C'était 
un  moule  en  creux  dans  lequel  les  fondeurs  cou- 
laient la  cire  qu'ils  reportaient  ensuite  sur  le 
moule  de  la  cloche  ;  aussi  répétaient-ils  souvent 
les  mêmes  motifs  iconographiques,  tels  que  la 
Crucifixion,  la  Vierge:  ici,  S.  Nicolas  et  S.  Hu- 
bert spécifient  une  origine  Lorraine.  Ces  plan- 
ches n'étant  pas  précisément  communes,  il  y  a 
lieu  de  signaler  toutes  celles  qu'on   rencontrera. 

X.  B.  DE   M. 

BIBLIOGRAPHIE  DES  INVENTAIRES. 

Ce  genre  de  documents  étant  de  plus  en  plus 
recherché,  il  est  indispensable,  ce  me  semble, 
de  lui  consacrer  une  revue  spéciale,  qui  en  fasse 
connaître  à  la  fois  l'existence  et  les  particularités 
notables. 

Aux  inventaires  proprement  dits  j'adjoindrai 
les  titres  connexes,  comme  testaments  et  visites 
pastorales. 

1.  COMPTES  DE  DÉPENSES  DU  DUC  ET  DE 
LA  DUCHESSE  DE  BRETAGNE,  FRANÇOIS  II 
ET  MARGUERITE  DE  FOIX,  AU  XVe  SIÈCLE, 
par  A.  de  la  Borderie  (Bull,  et  Mém.  de  la  Soc. 
arch.  d'/lle  et  Vilaine,  t.  XXVII,  p.  XIX-XX). 

Curieuse  mention  de  velours  noir,  pour  poi- 
gnées à  tenir  le  cierge,  à  la  fête  de  la  Chandeleur 
et  couvrir  les  heures  de  la  duchesse  : 

«  Pour  garnir  les  poignées  de  cierges  de  nous 
et  de  nostred.  compaigne,  pour  le  jour  de  la 
Chandeleur,  ung  tiers  de  velours  noir  tiers  poil, 
au  prix  de  4  réaux  l'aulne.  —  A  mad.  Dame, 
pour  couverture  d'eures,  demye  aulne  de  veloux 
noir  tiers  poil,  valant  L  sols  ». 

2.  INVENTAIRE  DES  OBJETS  ENLEVÉS 
PAR  LES  PROTESTANTS  LE  29  AVRIL  1562 
AU  TRÉSOR  DE  SAINT-AIGN AN  ET  DÉPOSÉS 
A  LA  TOUR  NEUVE,  par  Léon  Dumuvs.  Orléans, 
1898,  in-8'J  de  2  pages. 

Cet  inventaire  compte  24  articles  non  numé- 
rotés. Les  plus  saillants  sont,  au  point  de  vue 
lexicographique  : 

«  Une  mentonnière  d'argent,  dite  la  menton- 
nière de  Saint-Aignan.  »   Le  reliquaire  révélait 


la  nature  de  la  relique,  qui  était  un  menton,  ou 
mâchoire  inférieure. 

«  Une  église  de  Notre-Dame  d'argent  (petite 
effigie  dans  une  crèche)  »  ;  peut-être,  au  lieu 
d'une  église  entière,  n'y  avait-il  que  la  façade,  qui 
abritait  la  statuette. 

«  Une  petite  table  de  pierre,  enchâssée  d'ar- 
gent »  ;  autel  portatif  ou  pierre  sacrée. 

«  Un  corporaire  »  :  on  disait  ordinairement 
corporalier. 

3.  JEANNE  DE  MONTMORENCY,  DUCHESSE 
DE  LA  TRÉMOILLE  ET  SA  FILLE,  LA  PRIN- 
CESSE DE  CONDÉ,  1579-1629  ;  Nantes,  Grimaud, 
1895,  in-40  de  194  pages. 

M.  le  duc  de  la  Trémoille  poursuit  avec  une 
ardeur  infatigable  et  un  vrai  luxe  de  bibliophile, 
la  publication  des  documents  inédits  qui  forment 
le  fonds,  pour  ainsi  dire  inépuisable,  du  chartrier 
de  Thouars,  dont  il  a  hérité  de  ses  ancêtres.  Au 
point  de  vue  strictement  archéologique,  dans  ce 
volume,  digne  de  ses  aînés,  et  qui  a  plutôt  un 
cachet  historique,  je  signalerai  en  particulier 
des  comptes  datés  de  1574  a  1585,  un  inventaire 
de  la  vaisselle  d'argent,  mais  surtout,  parce  que 
ce  sera  certainement  un  régal  pour  les  liturgistes, 
le  Mémoire  des  cérémonies  observées  aux  funé- 
railles de  feu  madame  la  princesse  douairière  de 
Coudé,  en  1629,  à  Paris. 

4.   INVENTAIRE  DE   L'ARGENTERIE  DE 
L'ÉGLISE   DE  SIRAN,   en    1695. 

Siran  est  une  paroisse  de  l'ancien  diocèse  de 
Saint-Pons.  Le  recteur  a  transcrit  cet  inventaire 
sur  le  registre  paroissial.  La  Commission  archéo- 
logique de  Narbonne  l'a  publié  en  1898,  pp.  178- 
179  de  son  Bulletin,  où  il  est  comme  perdu  au 
milieu  de  documents  divers. 

Il  ne  contient  que  six  articles,  où  sont  à  en- 
registrer les  mots  suivants  : 

Bouton  (r),  nœud  de  croix  d'autel,  de  calice  et 
de  soleil  :  «  Une  croix,  ...  avec  son  pié...,  avec 
sou  crucifix,  les  quatre  figures  en  dessein  relief 
aux  quatre  coins  et  autres  quatre  figures  de 
S.  Jean-Baptiste,  etc.,  dans  leurs  niches,  chacune 
en  relief  au  bouton...  » 

Calice,  dont  la  coupe  n'adhère  pas  au  pied  et 
dont  la  fausse  coupe  a  la  forme  d'un  artichaut  (2). 
«  Un  autre  beau  calice,  dont  la  coupe  est  assise 
dans  un  artichaut  doré  par  dedans  (dehors),  le 
bouton  ouvré  et  se  séparant  de  la  coupe,  ...  le 
tout  d'argent.  » 

Soleil,  sphère  rayonnante,  qui  s'enlevait  à 
volonté  pour   faire  place  à  une  coupe  de  ciboire 

1.  Boulon  manque,  avec  cette  acception,  dans  le  Glossaire  ar- 
chéologique de  Gay. 

2.  V.  Gay  n'a  pas  ce  mot. 


Btbltograpt)te. 


255 


qui  se  vissait  sur  le  pied  :  «  Le  soleil,  assez  gros- 
sièrement et  à  l'ancienne  mode  travaillé,  doré  en 
ses  rayons  et  la  croix  et  doré  en  certains  tours 
dessus  et  dessous  le  bouton.  —  Nous  n'avions 
qu'une  fort  petite  custode  ou  ciboire,  pour  garder 
en  réserve  le  Saint  Sacrement  et  même  sans  pie  ; 
il  est  vrai  qu'au  commencement  que  je  fus  icy, 
je  l'avois  fait  accomoder  au  pié  du  soleil,  qui  luy 
servoit  lorsqu'il  ne  fallait  pas  exposer  le  Saint 
Sacrement.  » 

Porte-Christ,  custode  pour  le  viatique  :  «  Le 
petit  porte-Christ.  » 

5.  VISITE  DE  ST-ANDRÉ  DE  LÉJOS,  EN  1783. 

L'acte  de  visite,  en  date  du  20  mai  1783,  est 
signé  par  François  de  Bernis,  évêque  d'Apollonie 
et  vicaire  général  du  cardinal  de  Bernis,  arche- 
vêque d'Albi.  Il  a  été  publié,  sans  numérotage 
ni  commentaire,  par  Y  Albin  christiana,  dans  son 
n°  d'août  1898,  p.  188. 

Quelques  articles  appellent  l'attention.  Ainsi  la 
balustrade  du  chœur,  la  coulisse  du  confessionnal, 
l'encadrement  du  devant  l'autel  et  le  blanchis- 
sage de  l'église;  toutes  choses  qui  indiquent  bien 
la  pratique  courante. 

«  Le  balustre  qui  sépare  le  sanctuaire  de  la 
nef,  sera  remis  à  neuf.  —  Le  confessionnal,  qui 
est  dans  la  sacristie, sera  transporté  dans  la  cha- 
pelle de  Notre-Dame  et  il  y  sera  fait...  unecou- 
lisse  à  celle  de  ses  grilles  qui  en  manque.  —  Le 
bas  du  cadre  du  devant  d'autel  sera  remis  à 
neuf(I). —  La  voûte  de  la  nef  sera  crépie  et 
blanchie.  » 

6.  INVENTAIRE   DU  GRAND-ST-JBERNARD, 

AU   XVIIe  SIÈCLE. 

Cet  inventaire,  réduit  à  quelques  extraits,  a 
été  donné  par  le  chanoine  Duc  dans  son  ouvrage 
intitulé  La  maison  du  Grand- St- Bernard  et  ses 
très  révérends  prévôts,  Aoste,  1898,  pp.  128-129. 
Je  ne  m'arrêterai  qu'aux  mots  spéciaux  qui  de- 
vront désormais  figurer  dans  les  glossaires. 

Barre,  orfroi  vertical  qui  se  met  en  arrière  à  la 
chasuble  romaine,  le  devant  étant  occupé  par 
une  croix  :  «  Une  chasuble  de  damas  verd,  avec 
sa  barre  dernier  (derrière)  violette  (1647).  »  Cet 
ornement  réunissait  donc  deux  couleurs. 

Nous  voyons  la  même  pratique,  et  en  plus 
l'usage  du  bleu,  à  un  voile  de  calice  :  «  Un  voile 
de  calice,  d'armisin  rouge  à  un  des  d'un  costé  et 
de  l'autre  bleu,  servant  de  tous  les  deux  costés, 
ayant  ses  croix  et  dentelles  d'argent.  » 

Bouton,  nœud  de  calice  :  «  Un  grand  calice, 
doré   dedans  et  dehors,  ayant  au   pied  la  croix 

1.  Ce  cadre  était  d'un  usage  général  en  France,  malgré  la  défense 
formelle  du  Céréynonial  des  Éviqw.s.  Le  bas  devait  être  usé  par  le 
frottement  des  pieds  du  célébrant. 


blanche  (de  Savoie)  et  au  botton,  six  pierres 
enchâssées.  —  Un  calice  d'argent  doré,  ayant  sa 
patène.et  au  botton  du  milieu, huit  roses  smaltées, 
avec  l'inscription...  l'an  MCCCCXXII.  » 

7.  ÉTAT  DES  VASES  SACRÉS,  ORNEMENTS, 
LINGES,  LIVRES,  ETC., DE  L'ÉGLISE  COLLÉ- 
GIALE DE  Ste-RADEGONDE  DE  POITIERS 
(1791),  par  Largeault.  Poitiers,  Oudin,  1898,  in-8°, 
de  12  pag. 

Cet  inventaire  est  de  date  trop  récente  pour 
être  intéressant,  mais  il  le  devient  par  les  nom- 
breuses et  excellentes  notes  qui  le  commen- 
tent. Il  comprend  108  numéros,  parmi  lesquels 
sont  à  noter  les  dons  royaux,  comme  «  un 
dauphin  d'argent  »,  <(  un  chœur  (sic)  d'argent 
doré  »  et  un  ornement  qui  subsiste  encore,  mais 
mal  restauré.  Deux  mots  doivent  prendre  place 
dans  les  lexiques  spéciaux  bandoulière  et  tour- 
noir.  «  Deux  bandolières,  avec  les  écussons  en 
argent  »  (n°  13).  Elles  complétaient  le  costume 
du  suisse.  L'écusson  était  aux  armes  du  chapitre: 
D'azur,  à  trois  fleurs  de  lis  d'or,  deux  en  chef  et 
une  en  pointe,  celle-ci  accostée  d'un  S  et  d'un  R  (*) 
de  même. 

«  Vingt-six  tournoirs  »  (n°  54).  Le  tournoir 
est  une  longue  serviette  sans  fin,  qui  tourne  sur 
un  cylindre  horizontal. 

8.    INVENTAIRE    DE    LA    CATHÉDRALE    DE 
NARBONNE,  AU  XVIIIe  SIÈCLE. 

La  Bulletin  de  la  Commission  archéologique  de 
Narbonne  reproduit,  1898,  pp.  112-114,  un  extrait 
de  l'inventaire  du  «  trésor  de  St-Just  »,  «  daté 
de  quelques  années  avant  la  Révolution  ».  Pour- 
quoi n'avoir  pas  donné  la  date  exacte  et  le  texte 
intégral  ?  Le  document  en  valait  la  peine.  Qu'on 
en  juge  par  ces  simples  citations  qui  se  réfèrent 
à  des  croix  doubles  et  à  des  doubliers  :  «  Une 
croix  d'argent  doré,  pour  servir  à  un  patriarche. 
—  Autre  croix  double,  en  forme  de  croix  de  pa- 
triarche, faite  toute  de  pierres  d'agathe,  rassem- 
blées avec  des  petites  lames  d'argent  doré.  »  Ces 
croix  n'avaient  que  la  forme  de  la  croix  dite 
patriarcale  :  leur  destination  était  tout  autre, 
elles  contenaient  de  la  vraie  croix,  directement 
envoyée  d'Orient,  et  c'est  pour  cela  que  l'enve- 
loppe, formant  reliquaire,  avait  cet  aspect  par- 
ticulier. 

«  Deux  draps  de  velours  violet  pour  l'épitre 
et  l'évangile,  garni  de  fleurons  d'or,  avec  les 
armoiries  du  chapitre  et  celles  du  cardinal  de 
Ferrare  de  l'autre.  —  Deux  épistolaires  de  satin 
blanc,  avec  ramages  de  velours  rouge,  où  pen- 
dent les  armoiries  de  l'église  et  deM.deVervins.» 
Ces  draps  avaient   un  nom  propre  à  Narbonne, 

1.  Sancta  Radeeundis. 


2^6 


Betntc  De  l'&vr  chrétien. 


où  on  les  appelait  épistolaires  (mot  inconnu  au 
Glossaire  de  Gay),  parce  qu'ils  formaient  pare- 
ment à  l'analogie  sur  laquelle  le  diacre  et  le  sous- 
diacre  chantaient  l'évangile  et  l'épître,  aux 
messes  solennelles  ;  justement  la  cathédrale  de 
Narbonne  conserve  une  analogie  du  XIVe  siècle, 
en  fer  forgé,que  Viollet-le-Duc  a  figurée  dans  son 
Dictionnaire  du  mobilier,  au  mot  pupitre,  t.  I, 
p.  iSi.  Si  les  armoiries  du  chapitre  et  du  dona- 
teur pendent,  c'est  qu'elles  sont  apposées  aux 
extrémités  du  doublier,  aux  parties  qui  pendent 
et  sont  plus  en  vue. 

9.  BULLETIN  ET  MÉMOIRES  DE  LA  SOCIÉ- 
TÉ ARCHÉOLOGIQUE  DU  DÉPARTEMENT 
D'ILLE  ET  VILAINE,  tome  XXVI,  in-8°. 

Quatre  documents  méritent  une  mention, quoi- 
que très  incomplètement  reproduits,  sans  anno- 
tation ni  numérotage. 

1588.  La  chambre  de  la  santé  en  temps  de 
peste  (page  87),  est  chauffée  par  «  ung  astre  » 
et  «  une  brassière  d'estain  »,  termes  peu  usités 
pour  âtre  et  brasero. 

1684.  Inventaires  de  Jean  d'Estrades,  abbé  de 
S.  Melaine  de  Rennes,  par  Parfouru  (p.  243-248). 
Analysé  d'une  façon  très  insuffisante.  Citons  au 
hasard  : 

«  Un  bassin  à  faire  le  poil  ». 

«  Une  grande  chaise  roulante  garnie  ». 

«  Un  lit  de  damas  violet  ». 

1724.  Frais  du  «  convoi  et  enterrement  de 
Monsieur  Saubois»,  à  St-Nicolas-des-Champs,  à 
Paris  (pp.  273-274)  ;  compte  de  l'apothicaire 
(pp. 276-277), où  se  trouvent  ces  deux  synonymes  : 
«  Un  clister  purgative  et  rafréchissant,  très  com- 
posé», «  un  lavemant  réitérée  ».  Inventaire  du 
mobilier,  par  le  victe  du  Pontavice  (p.  278-284), 
dont  il  n'est  donné  que  deux  pages,  où  je  relève 
ces  deux  mots  : 

«  Une  adrienne  de  Perce,  parmantée  de  taf- 
fetas bleuf,  1 1  livres. 

i  Un  jupon  de  Damas  Parterre,  avecq  une 
petite  dentelle  d'argent,  12  1.  55  s. 

Le  damas,  souvent  mentionné,  est  «  blanc  », 
«  orore  »,  •<  jaulne  »,  «  vert  »,  «  sitron  »,  «  rayé 
rouge  et  chamois  »,  {  couleur  de  rose,  fleur  ar- 
gent ».  Parterre  indique  évidemment  la  réunion 
de  plusieurs  couleurs,  comme  les  fleurs  variées 
d'un  jardin. 

La  provenance  des  tapisseries  d'Aubusson  et 
de  Fellettin  est  ainsi  indiquée  :  «  Six  pièces  de 
tapisserie  de  haute  lisse  verdure  au  Busson, 
425  livres.  Une  tapisserie  feillantine  de  7  pièces, 
30  livres.  » 

X.  B.  DE  M. 


LE  CRUCIFIEMENT  DU  CHRIST  DANS 
L'ART  PLASTIQUE.  Étude  iconographique  et  his- 
torico-artistique,  par  Michel  Engels,  peintre  et  pro- 
fesseur de  dessin  à  l'athénée  de  Luxembourg.  Avec  94 
gravures  et  42  tableaux  en  photo-lithographie.  Petit 
in-folio.  1899. 

LE  savant  artiste  se  propose  dans  cet  ouvrage 
de  faire  connaître  au  lecteur  chrétien  en 
parole  et  en  image  le  développement  historique 
du  plus  sublime  sujet  que  l'art  chrétien  connaisse, 
du  drame  du  Crucifiement  du  Christ.  Dans  le 
choix  de  cette  immense  matière  il  se  borne  à 
traiter  les  exemplaires  les  plus  essentiels  que  lui 
offrent  les  recherches  iconographiques  et  l'histoire 
de  la  peinture  et  de  la  plastique  d'Italie,  de  By- 
zance,  d'Allemagne,  des  Pays-Bas,  d'Espagne, 
etc. 

Le  choix  des  tableaux  est  fait  avec  soin.  Les 
uns,  il  les  a  dessinés  lui-même  d'après  les  ori- 
ginaux ou  d'après  les  meilleures  reproductions, 
les  autres  ont  été  reproduits  par  la  photographie. 

La  première  partie  de  l'ouvrage  comprend  une 
collection  de  notes  très  intéressantes  sur  la  phy- 
sionomie et  le  corps  du  Sauveur  et  les  différents 
monogrammes  du  Christ. 

La  seconde  partie  traite  de  la  représentation 
du  crucifiement  en   peinture  et  en  plastique. 

L'ouvrage  se  recommande  par  la  profondeur 
de  l'étude  de  l'auteur  et  par  son  esprit  judicieux. 

Th. 

TRAITÉ  D'ARCHITECTURE,  par  L.  CloqUET. 
—  Paris  et  Liège,  1898,  3  vol.  in-S',  nombr.  grav., 
librairie  polytechnique  Baudry  et  Cie. 

NOUS  reproduisons  ci-après  le  rapport  pré- 
senté par  M.  Ch.  Lucas  à  la  Société  cen- 
trale des  Architectes  français  sur  le  dernier  ouvrage 
du  secrétaire  de  la  Revue  de  l'Art  chrétien. 

Messieurs!  Il  n'est  aucun  de  nous  qui  ne  se  soit  trouvé 
parfois  dans  un  étrange  embarras. 

Un  jeune  homme  de  nos  relations,  muni  d'une  instruc- 
tion générale  suffisante,  veut  commencer  ses  études 
d'architecture. 

A  Paris,  il  entre  le  plus  souvent  dans  un  atelier  prépa- 
ratoire à  l'École  des  beaux-arts  ;  en  province,  il  entre 
chez  un  maître  privé  ou  il  se  fait  recevoir  dans  une  des 
écoles  régionales  ou  municipales  des  beaux-arts  dans 
lesquelles  existe  une  section  d'architecture. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  quelques  beaux  et  bons  ou- 
vrages d'architecture  proprement  dite  et  de  construction 
plus  ou  moins  pratique  peuvent  être  consultés  par  lui,  à 
la  bibliothèque  de  l'atelier  ou  de  l'Ecole,  à  une  biblio- 
thèque publique  ou  chez  d'anciens  confrères  déjà  dans  la 
carrière. 

Mais  ces  ouvrages,  qui  nous  ont  tous  instruits  et  char- 
més, qui,  pour  quelques-uns  d'entre  nous,  ont  décidé  de 
notre  vocation,  sont  généralement  des  dictionnaires,  des 


Btbltograplne, 


257 


revues,  des  encyclopédies,  des  traités,  en  de  nombreux 
volumes,  copieusement  et  luxueusement  illustrés,  et,  la 
plupart  du  temps,  ces  ouvrages  s'adressent  à  des  élèves 
plus  forts  que  le  commençant  dont  je  parle  et  aussi 
traitent  de  l'architecture  en  dehors  de  la  construction, 
discutant  du  style  d'une  partie  d'édifice  et  ne  montrant 
pas  à  côté  le  mode  de  construction  de  cette  partie. 

Enfin,  le  jeune  homme  nous  interroge  et  nous  demande 
quel  Manuel  nous  lui  conseillons  d'acheter,  ajoutant  que 
ses  ressources  sont  limitées  et  que  cependant  il  voudrait 
bien  avoir  un  livre  assez  complet  et  qui  ne  le  rebute  pas 
par  une  science  trop  aride. 

Et  de  cette  question  du  jeune  homme  commençant  ses 
études  d'architecture  naît  notre  embarras. 

D'autre  part,  non  moins  grand  est  l'embarras  de 
certains  confrères  —  et  aujourd'hui  ceux  dont  je  vais 
parler  sont  nombreux —  qui,  ayant  fait  de  bonnes  études 
complètes  d'architecture,  acceptent  de  professer,  dans 
une  association  d'enseignement  ou  dans  une  école  pro- 
fessionnelle, un  cours  d'architecture,  complémentaire  des 
autres  cours  donnés  dans  cette  association  ou  dans  cette 
école  ;  il  leur  faut,  eux  aussi,  chercher,  au  fur  et  à  mesure 
de  leurs  leçons,  un  ouvrage  sommaire,  quoique  assez 
complet,  pouvant  raviver  leurs  souvenirs  et  réunissant  ces 
deux  éléments  dont  se  compose  notre  art,  la  construction 
et  la  décoration. 

Peut-être  penserez-vous  que  la  question  a  été  résolue 
plus  d'une  fois  déjà  par  ceux  d'entre  nous  qui  ont  été 
appelés  à  professer  des  notions  d'art  dans  ce  que  l'on 
pourrait  appeler  des  écoles  secondaires,  et  non  plus  des 
cours  de  théorie  ou  d'histoire  de  l'architecture,  non  plus 
des  cours  de  construction,  mais  toute  l'architecture  en  un 
assez  petit  nombre  de  leçons  et  dans  les  données  les  plus 
pratiques. 

Ceux-là  ont  dû  se  faire  à  eux-mêmes,  dans  ces  circons- 
tances, ce  qui  pourrait  être  à  la  fois,  en  pédagogie,  et  le 
Livre  du  Maître  et  le  Cahier  de  l 'élève ;  ceux-là  ont  dû,  à 
certains  jours,  préparer  des  figures  simples,  techniques, 
faciles  à  tracer  sur  un  tableau  noir  au  cours  de  la  leçon, 
et  y  joindre  des  gravures,  des  photographies  montrant 
des  motifs  ou  des  ensembles  et  qu'ils  ont  fait  circuler 
dans  la  classe  ;  ils  ont  dû,  de  plus,  noter  chaque  fois  quels 
ouvrages  de  bibliothèque  ils  ont  consultés,  afin  de  pouvoir 
reprendre  et  compléter  à  l'occasion  les  leçons  dont  ils  y 
ont  puisé  les  éléments. 

Seulement,  Messieurs,  ces  architectes  professeurs,  dont 
nous  connaissons  tous  un  certain  nombre,  qui  font  de  bons 
cours,  donnent  de  bonnes  leçons  où  ils  prodiguent  le 
meilleur  d'eux-mêmes,  afin  d'enseigner  la  construction  et 
d'éveiller  le  goût  de  l'architecture  chez  leurs  élèves,  ont 
tous  ou  presque  tous  laissé  à  l'état  de  manuscrits,  même 
de  notes  souvent  éparses,  de  fiches  et  de  documents 
graphiques  joints  à  des  sommaires,  les  leçons  qu'ils  ont 
ainsi  données,  et  c'est  pour  cela  que  nous  sommes  aussi 
embarrassés  quand  les  élèves  architectes  nous  demandent 
de  leur  indiquer  un  ouvrage  pas  trop  gros,  pas  trop  cher, 
assez  complet  et  qui  les  intéresse. 

Eh  bien,  il  est  permis  d'espérer  que  cette  lacune,  que 
tous  nous  avons  eu  occasion  de  signaler,  est  sur  le  point 
d'être  comblée. 

Notre  honoré  confrère  M.  L.  Cloquet,  ingénieur  hono- 
raire au  corps  des  ponts  et  chaussées  de  Belgique,  profes- 
seur d'architecture  à  l'Université  de  Gand  et  correspon- 
dant étranger  dès  1895  de  notre  Société  centrale  des 
architectes  français,  s'est  préoccupé  de  réunir  en  volumes 
les  leçons  qu'il  professe,  depuis  plusieurs  années,  à  cette 
Université.  Deux  volumes  ont  déjà  paru,  traitant  des 
Eléments  d'Architecture,  et  consacrés  d'une  manière 
générale  aux   Travaux  de  Maçonnerie,    à  la  Construction 


en  bois,  aux  Ouvrages  mécaniques,  aux  Escaliers,  aux 
Cheminées  et  aux  Couvertures,  pendant  qu'un  fascicule 
supplémentaire,  plus  récemment  livré  au  public,  traite  de 
V Hygiène,  du  Chauffage  et  de  la  Ventilation. 

Ces  volumes  renferment  un  grand  nombre  de  gravures, 
près  de  deux-  mille  quatre  cents  :  les  unes,  simples  traits 
donnant  un  schéma  géométrique  ou  le  tracé  d'un  assem- 
blage ;  les  autres,  et  celles-là  sont  multipliées,  repro- 
duisant des  fragments  d'architecture,  et  toutes,  bien  à  leur 
place,  viennent  élucider  le  texte  et  compléter  heureuse- 
ment les  indications  qu'il  renferme. 

Deuxautres  volumes,  en  préparation,  et  ceux-là  destinés 
à  des  élèves  plus  forts,  à  des  élèves  de  cours  supérieurs, 
traiteront  :  l'un,  des  Types  d'Édifices  ;  l'autre,  de  \' Esthé- 
tique, de  la  Composition  et  de  la  Pratique  de  F  Architec- 
ture. 

Vous  avez  eu  déjà  plus  d'une  fois,  Messieurs,  occasion 
d'adresser  vos  félicitations  à  notre  confrère  gantois,  M.  L. 
Cloquet,  pour  les  études  diverses  qu'il  vous  a  adressées  et 
qui  ont  été  examinées  par  votre  Commission  d'archéo- 
logie ;  mais,  aujourd'hui,  vous  voudrez  lui  réitérer  ces 
félicitations  pour  un  service  plus  grand  et  plus  général 
qu'il  rend  à  l'architecture,  en  vulgarisant  les  éléments  de 
cet  art. 

Son  livre,  déjà  classique  en  Belgique,  où  il  s'est  pré- 
senté sous  le  patronage  d'un  souverain  ami  des  monu- 
ments et  protecteur  des  artistes,  sera,  nous  n'en  doutons 
pas,  bientôt  répandu  en  France  ;  mais  nous  espérons,  et 
ce  sera  notre  dernier  mot,  qu'il  suggérera  à  un  de  nos 
jeunes  confrères,  à  un  de  ces  professeurs  libres  d'architec- 
ture auxquels  je  faisais  allusion  plus  haut,  la  pensée  et  le 
courage  de  réunir,  lui  aussi,  les  leçons  qu'il  professe,  et 
de  doter  notre  librairie  française  d'architecture  d'un 
ouvrage  qui  lui  fait  actuellement  quelque  peu  défaut  sous 
cette  forme  concise,  avec  ce  luxe  d'illustrations  et  dans 
des  conditions  relativement  modérées  de  prix. 

Charles  Lucas. 


UN  HISTORIEN  DE  L'ART  FRANÇAIS  — 
LOUIS  COUR  A  JOD  :  I.  LES  TEMPS  FRANCS,  par 
A.  Marignan. —  In-8°,  187  pp.  Paris,  Bouillon,  1899. 

L'EDITEUR  A.  Picard  a  annoncé  et  mis  en 
souscription  le  recueil,  à  paraître  sous  la 
direction  de  MM.  H.  Lemonnier  et  A.  Michel, 
des  leçons  professées  à  l'École  du  Louvre,  de  1887 
à  1896,  par  le  regretté  L.  Courajod.  Cette  inté- 
ressante publication  tarde  à  paraître.  En  atten- 
dant nous  voici  en  possession  d'un  excellent  ré- 
sumé de  la  première  partie  de  l'enseignement 
du  maître  enrichi  de  recherches  nouvelles  d'un 
savant  disciple  et  d'un  fidèle  ami.  Le  volume 
que  M.  Marignan  consacre  à  l'art  des  Francs 
sera  suivi  d'un  second  réservé  à  l'art  du  Moyen 
Age.  Nous  n'y  trouvons  à  la  vérité  que  l'abrégé  et 
pour  ainsi  dire  le  canevas  des  leçons  du  Louvre, 
mais  l'auteur  y  ajoute  une  multitude  de  rensei- 
gnements et  de  références  dans  des  notes  dues  à 
ses  études  personnelles  et  qui  donnent  à  sa  pu- 
blication une  valeur  particulière  pour  les  hommes 
d'étude. 

A  notre  tour  résumons  l'œuvre  de  M.  Mari- 
gnan, pour  indiquer  à  nos  lecteurs  ce  qu'ils  pour- 


KEVUB    DE    LART   CHKBTIEN 
1899.    —    3™e    LIVRAISON. 


258 


Betnic  ïie  l'&rt  chrétien. 


ront  y  trouver  ;  en  même  temps  il  nous  est  parti- 
culièrement agréable  de  reprendre  ici  les  thèses 
si  intéressantes  du  maître  auquel  nous  avons 
voué  nos  plus  vives  sympathies  et  qui  voulut  bien 
nous  honorer  des  siennes. 

On  a  eu  tort  de  croire  que  les  Gaulois  n'avaient 
rien  apporté  à  l'art  français;  leur  art,il  estvrai.fut 
rudimentaire  et  ne  comportait  que  les  ornements 
géométriques  :  la  spirale,  le  zig-zag,  les  entre- 
lacs, les  stries,  les  lignes  courbes,  les  signes  en  S, 
la  roue,  la  swastica,  la  croisette,  les  cercles  con- 
centriques. Étrangers  à  l'architecture,  ils  aimaient 
cependant  la  parure  et  les  vases  précieux.  Après 
la  conquête  romaine,  la  partie  de  la  France  qui 
conserva  le  mieux  leurs  traditions  fut  le  pays 
arrosé  par  la  Seine  et  l'Oise.  Mais  avant  l'inva- 
sion romaine  la  Gaule  fut,  par  Marseille,  en  con- 
tact avec  les  Grecs,  tandis  que  par  le  Nord  et 
le  Danube  elle  était  en  rapports  avec  l'Inde  et 
l'Assyrie. 

L'art  gallo-romain,  qui  le  supplanta,  n'a  pas 
été  assez  étudié.  Il  devint  prédominant  en  Gaule, 
mais  pénétré  d'influences  alexandrines  et  peut- 
être  syriennes.  M.  S.  Reinach  croit  reconnaître 
le  caractère  syrien  dans  l'allure  réalistique  des 
bas-reliefs  funéraires  gallo-romains  du  Belgium 
(Igel,  Arlon,  Neumagen). 

Après  la  chute  de  l'empire  romain  et  de  sa 
civilisation  tout  urbaine,  les  éléments  gaulois, 
dont  la  tradition  avait  été  gardée  par  les  cam- 
pagnards, reparurent  à  la  faveur  d'un  renouveau 
que  les  invasions  franques  ménagèrent  aux  cou- 
tumes anciennes. 

C'est  entre  Tournai,  Laon,  Soissons  et  Paris 
que  se  concentre  ensuite  le  foyer  artistique  franc 
et  que  s'élabore  l'art  français.  L'influence  chré- 
tienne se  produit  alors  sous  le  manteau  gréco- 
oriental  ;  plus  tard  elle  se  renouvellera  par  les 
éléments  syriens. 

Arrêtons-nous  à  cette  influence  exercée  par 
l'Orient.  Un  courant  d'art  irrésistible  était  né 
dans  ces  régions  ;  Constantinople  était  devenue 
la  nouvelle  Rome.  Au  contact  de  l'Orient  l'art 
gréco-romain  se  métamorphose  et  se  complique. 
Il  abandonne  la  ronde-bosse  pour  le  relief  méplat 
et  l'ornement  géométrique  et  végétal  ;  la  figure 
disparaît,  et  l'architecture  reprend  sa  suprématie. 

Or,  c'est  par  la  voie  byzantine  que  les  peuples 
d'Occident  héritent  de  l'art  latin  pendant  la  pre- 
mière étape  du  moyen  âge  ;  témoins  ces  chancels, 
ces  pulpits,  ces  arcosolia  et  ce  chapiteau  pseudo- 
corinthien dont  la  feuille  est  ciselée  d'une  ma- 
nière si  particulière.  La  basilique  latine  impose 
ses  grandes  lignes,  mais  le  décor  est  bien  byzan- 
tin. La  grammaire  ornementale  se  compose,  non 
des  oves,  des  perles,  des  denticules,  des  méandres 
païens,  mais  des  rosettes  et  des  marguerites,  des 


fleurs  de  lis,  des  palmettes,  des  tresses  et  des 
entrelacs,  de  l'as  de  pique,  de  l'étoile  à  six  rais, 
de  la  croix  grecque,  etc.  Courajod  a  spéciale- 
ment étudié  l'origine  de  ces  symboles,  devenus 
de  simples  ornements  ;  il  place  leur  origine  sur 
les  côtes  de  la  Syrie  et  de  l'Egypte,  pendant 
la  période  chrétienne  antérieure  à  l'invasion 
arabe  ;  et  ce  fut  une  des  parties  les  plus  remar- 
quables de  son  enseignement.  Du  VIe  au  IXe 
siècle,  conclut-il,  nulle  part  l'ornement  gréco- 
oriental  ne  fut  plus  florissant  qu'en  Occident. 

Ici  M.  Marignan  fait  un  tableau  des  deux 
grands  centres  artistiques  de  l'Italie,  Rome  et 
Ravenne.  Cette  dernière,  où  règne  l'influence  by- 
zantine, est  pleine  de  monuments  précieux,  dont 
notre  auteur  résume  l'histoire  en  des  notes  excel- 
lentes. Rome,  que  Courajod  a  étudiée  à  ce  point 
de  vue  nouveau,  Rome  dégénérée,  abandonnée, 
devenue  vassale  de  Byzance  après  lui  avoir  fourni 
les  éléments  de  son  art,  reste  sous  le  joug,  alors 
que  l'Occident  crée  un  art  nouveau.  Les  artistes 
du  Mont  Cassin  appelés  par  Desiderius  sont  des 
Grecs,qui  restaurent  les  peintures  et  les  mosaïques  ; 
témoins  les  fresques  de  S.  Angelo  in  Formis. 
Les  Papes,  la  plupart  syriens,  accueillent  les  or- 
thodoxes chassés  par  les  sectaires  de  Mahomet, 
et  des  quartiers  grecs  se  constituent  à  Rome. 
Ce  fut  une  main-mise  de  Byzance,  sa  sœur  aînée. 
Les  sculptures  de  cette  époque,  éparses  dans  les 
basiliques  et  les  musées,  sont  très  curieuses  à  cet 
égard;  continuateur  fervent  de  Courajod.M.  Ma- 
rignan  en  dresse  un  catalogue,  où  l'on  trouve  con- 
signés tous  les  vestiges  de  la  décoration  gréco- 
orientale  et  longobarde. 

Il  revient  à  la  Gaule  et  étudie  l'art  mérovin- 
gien. Il  insiste  sur  l'existence  en  France  de  co- 
lonies orientales,  qui  ont  rendu  plus  ou  moins 
cosmopolite  le  personnel  des  cloîtres  des  pre- 
miers siècles,  et  explique  les  mélanges  des  deux 
éléments  latin  et  byzantin  à  la  base  de  l'art 
romain. 

Viennent  ensuite  les  invasions  barbares  et  les 
temps  mérovingiens.  M.  M.  fait  de  ceux-ci  une 
étude  approfondie  ;  il  examine  a  quel  degré  les 
différentes  régions  delà  France  furent  pénétrées 
par  l'élément  germain,  qui  s'implanta  surtout 
dans  le  Nord  et  le  Nord-Est,  entre  la  Somme  et 
la  Loire.  L'art  montre  quelle  fut,  après  le  passage 
des  Romains  et  la  domination  franque,  la  survi- 
vance du  vieux  fond  gaulois.  Avec  la  France 
s'accuse  aussitôt  une  vie  religieuse  très  intense, 
en  dépit  de  la  brutalité  des  mœurs.  L'architec- 
ture en  bois  s'étend  sur  nos  contrées  où  se 
développe  une  ornementation  spéciale.  Les  né- 
cropoles franques  ont  révélé  chez  ce  peuple  un 
art  industriel  propre,  caractérisé  par  des  motifs 
décoratifs  linéaires  :  points,  lignes  frisées,  entre- 


Bibliographie. 


259 


lacs,  zig-zag,  spirales,  et  une  décoration  animale 
rudimentaire. 

Les  monuments  élevés  alors  sont  gallo-romains 
de  construction,  et  gréco-orientaux  de  décors, 
tandis  que  les  objets  mobiliers  sont  francs  ;  Cou- 
rajod  l'a  montré  après  l'abbé  Cochet  et  avec  notre 
collaborateur  le  baron  de  Baye,  en  étudiant  les 
mobiliers  funéraires  francs. 

Nos  lecteurs  se  rappelleront  les  études  du 
maître,  dont  nous  avons  rendu  compte,  sur  l'élé- 
ment barbare  dans  l'art  médiéval.  Les  Germains 
ont  apporté  à  cet  art  le  monstrueux,  le  grotesque, 
le  fantastique  et  en  outre  l'instinct  de  la  char- 
penterie.  Avec  feu  de  Linas,  notre  ami  regretté, 
et  M.  de  Baye,  il  a  fixé  l'origine  de  l'orfèvrerie 
cloisonnée  mérovingienne,  qui  n'a  rien  de  com- 
mun avec  Byzance,  mais  dérive  des  Goths  et  de 
l'orfèvrerie  sassanide. 

Quant  à  l'architecture,  à  partir  de  Clovis  les 
églises  en  bois  se  multiplient  dans  le  Nord  de  la 
Gaule  jusqu'au  XIe  siècle.  L'action  de  cet  élé- 
ment sur  la  basilique  romane  se  traduit  par 
l'adjonction  des  clochers  et  des  tours-lanternes. 
Ici  M.  Marignan  précise  la  thèse  de  Courajod, 
qui  a  été  mal  comprise  :  il  n'a  pas  soutenu  une 
influence  directe  du  procédé,  mais  seulement  du 
principe  de  l'architecture  de  bois  et  de  ses  ten- 
dances. L'art  gothique  est,  selon  lui,  le  produit 
du  mélange  des  peuplades  germaniques  avec  les 
indigènes  du  pays  de  la  Champagne  et  de  la 
Picardie  ;  il  insiste  sur  les  caractères  ethniques 
dans  l'étude  des  formes  de  style  ogival.  Notre 
auteur  compare  les  nefs  étroites  et  sombres, 
massivement  appareillées  et  voûtées,  éclairées  de 
fenêtres  étroites,  portées  sur  des  piliers  robustes, 
de  l'Aquitaine  et  de  l'Auvergne,  avec  les  églises 
normandes  aux  larges  arcades  superposées,  aux 
vastes  fenêtres,  aux  colonnettes  en  faisceaux,  à  la 
superstructure  de  charpente  :  ces  deux  construc- 
tions appartiennent  bien  à  des  groupes  ethniques 
différents  et  traduisent  évidemment,  non  pas  des 
connaissances  plus  ou  moins  avancées,  mais  des 
intérêts  divers.  En  Angleterre,  on  voit  s'élancer 
des  colonnettes  allant  jusqu'au  haut  des  nefs 
chercher  des  arcs  imaginaires,  et,  à  leur  défaut, 
s'arrêter  brusquement  sous  des  charpentes  do- 
rées :ces  arcs  ne  pouvaient  être  des  berceaux  ro- 
mains, le  constructeur  semble  attendre  d'instinct 
la  voûte  ogivale.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les 
intéressantes  théories  de  Courajod  au  sujet  de 
l'influence  de  la  charpenterie  #franque  sur  l'art 
gothique  ;  nous  les  avons  exposées  au  long  C1). 
M.  Marignan  renchérit  en  quelque  sorte  sur 
l'idée  de  Courajod,  quand  il  insiste  au  sujet  de 
l'influence  de  la  même  architecture  sur  la  décora- 
tion gothique,  ou  du  moins  sur  les  formes  secon- 
daires, telles  que  les  gables,  les  sculptures  fines 
et  dentelées,  les  flèches  aiguës,   etc. 


Nous  avons  rappelé  ce  que  fut  l'art  franc.  Le 
maître  avait  sur  l'art  carlovingien  des  vues  très 
personnelles.  L'analyse  des  monuments  de  Ra- 
venne  permet  de  conjecturer  ce  que  fut  l'art  des 
Goths.  Ils  séjournent  en  France  dans  la  Guienne, 
la  Septimanie  et  la  Narbonnaise  (Regia  gothica) 
et  ils  ont  laissé  comme  traces  de  nombreux  sar- 
cophages chrétiens  ;  ils  y  bâtirent  des  basiliques 
en  pierre  et  emportèrent  des  produits  de  leur 
industrie.  On  appela  more  gothico  l'art  de  con- 
struire en  pierre.  Sous  la  Renaissance,  dite  de 
Charlemagne,  il  y  eut  un  retour  à  l'antiquité,  une 
architecture  néo-latine,  dont  les  types  sont  la 
Basse-Œuvre  de  Beauvais  et  la  nef  de  Château- 
Laudun,  que  nous  avons  publié,  architecture  née 
de  l'art  gréco-romain  et  de  la  maçonnerie  gallo- 
romaine  :  absence  de  colonnes  et  d'ornements 
sculptés  ;  comme  support,  le  pilier  carré  et  le 
pied  droit  :  petit  appareil  avec  insertion  de  bri- 
ques (assez  fortes  au  IXe  siècle),  posé  sur  lit  de 
mortier  ;  décoration  apparentée  à  la  néo-grecque. 
Ce  style  reste  empreint  dans  le  roman  de  l'Anjou. 
Au  point  de  vue  de  la  sculpture  il  existe  un  art 
préroman  bien  déterminé. 

Enfin  M.  Marignan  a  entrepris,  selon  le  désir 
de  son  maître  et  ami,  de  former  un  corpus  des 
fragments  de  sculpture  de  l'époque  franque,  et  ce 
précieux  inventaire,  établi  par  ordre  alphabé- 
tique des  départements,  termine  son  premier 
volume,  si  instructif,  et  qui  fait  vivement  désirer 
le  second. 

L.  Cloquet. 

LES  MONUMENTS  ANCIENS  DE  BOU- 
LOGNE, par  C.  Enlart.  —  (Extrait  de  l'ouvrage  of- 
fert par  la  ville  de  Boulogne-sur-mer  aux  membres  du 
Congrès  des  sciences  tenu  en  cette  ville  en  1899.  — 
Boulogne-sur-mer,  Soc.  typographique,  1899.) 

Boulogne  a,  grâces  à  l'auteur  de  ce  livre,  une 
monographie  faite  de  main  de  maître  de  ses 
vieux  monuments  ;  c'est  une  bonne  fortune  que 
bien  des  villes  lui  envieront  encore  longtemps. 
Prenons-y  quelques  notes  à  l'intention  de  nos 
lecteurs. 

L'église  de  Notre-Dame  fut  rebâtie  en  1 104 
par  Ste  Ide,  qui  y  installa  des  chanoines  réguliers 
comme  elle  venait  de  le  faire  à  St-Wilmer.  Notre- 
Dame  y  fit  des  miracles  retentissants  ;  ce  sanc- 
tuaire fut  jadis  ce  qu'est  Lourdes  de  nos  jours. 
C'est  du  XIIIe  siècle  que  paraît  dater  la  Vierge 
assise  qui  reçut  tant  d'hommages,  et  qui,  après 
avoir  échappé  aux  Anglais  et  aux  Huguenots, 
périt  sur  le  bûcher  en  1793. 

Les  fondations  de  l'ancienne  cathédrale  et  de 
ses  adjonctions  gothiques   restent  sous  la  nou- 

1.  V.  Revue  de  ï Art  chrétien,  année  1893,  p.  232. 


2ÔO 


3rÀebue  De  l'8rt  chrétien. 


velle  église,  si  différente  de  style,  et  notre  colla- 
borateur a  pu  restituer  le  plan  primitif  et  même 
l'élévation  de  ce  monument,  aussi  intéressant 
que  beau.  Elégant  vaisseau  à  croix  latine,  à 
trois  nefs,  coupé  au  milieu  par  une  tour-lanterne 
carrée,  prolongé  au  XIVe  siècle  par  un  chevet 
entouré  de  quatre  absidioles  et  d'une  grande  cha- 
pelle de  Notre-Dame.  Ces  pseudo-chapelles,  for- 
mées chacune  d'une  travée  de  déambulatoire 
élargi  par  la  seule  saillie  de  trois  pans  extérieurs, 
offrent  un  tracé  rare  autant  qu'heureux,  et  qui  se 
retrouve  à  la  cathédrale  de  Tournai  et  à  St-Ni- 
colas  de  Gand.  Un  autre  trait  rattache  cette 
église  à  celles  du  bassin  de  l'Escaut,  ce  sont  les 
deux  tourelles  flanquant  le  pignon  d'Orient, 
comme  à  St-Ouentinde  Tournai,  à  Notre-Dame 
de  Deynze,  à  St-Nicolas  de  Gand  et  à  Notre- 
Dame  de  Bruges.  Signalons  les  deux  cryptes  du 
XIIe  et  du  XIIIe  siècle,  dont  l'une  subsiste.  Le 
portail  principal  offrait  cette  particularité,  qu'il 
s'ouvrait  au  flanc  de  la  première  travée  vers  le 
Sud,  sans  doute  pour  garer  des  vents  de  mer 
balayant  en  rafale,  comme  à  présent  encore,  la 
rue  que  borde  le  grand  pignon.  Les  douze  pi- 
liers de  la  chapelle  de  la  Vierge  portaient  les 
statues  des  apôtres. 

L'ouvrage  abonde  en  détails  inédits  sur  l'ancien 
jubé,  les  stalles,  les  couronnes  de  lumières  la  tou- 
relle ou  «  cibole  »  de  la  réserve  eucharistique,  la 
chaire  à  prêcher,  les  fonts,  l'horloge,  les  sépulcres, 
les  vitraux,  les  peintures  murales,  etc.  toutes 
choses  malheureusement  disparues. 

Une  étude  analogue  est  consacrée  à  l'église  de 
St-Wilmer  entièrement  disparue  et  aux  autres 
anciens  monuments  de  Boulogne. Notons  d'inté- 
ressants croquis  du  plan  restitué  et  d'une  vue 
perspective  du  chœur  de  St-Nicolas  et  une  no- 
tice sur  le  château  et  les  remparts. 

L.  C. 

LES  CLOCHES  D'ANVERS  ;  LES  FONDEURS 
ANVERSOIS,  par  Fernand  Donnet.  In-8°  de 
370    pp.   Anvers,  De  Backer,  1899. 

Les  clochettes,  sinon  les  cloches,  remontent 
aux  temps  bibliques.  Les  grands-prêtres  juifs 
portaient  des  mesillot à'or  à  leurs  vêtements,  ainsi 
que  les  femmes  juives,  tout  comme  les  fous  des 
rois  et  nos  arlequins.  M.  Layard  découvrit  à 
Nimroud,  So  clochettes  en  bronze  avec  battants 
en  fer.  Le  prophète  Zachaiie  fait  mention  des 
sonnettes  qu'on  attachait  au  cou  des  chevaux. 
On  connaît  assez  par  les  auteurs  classiques  le  mot 
lintinnabulum,  remarquable  par  son  harmonie 
imitative. 

Noie,  en  Campanie,  passe  pour  avoir  donné 
naissance  à  la  cloche  ;  les  grandes  cloches  s'ap- 
pellent campante.  L'Eglise   les  employa  dès  le 


Ve  ou  le  VIe  siècle.  Le  pape  Sabinien,  élu  en  604, 
régla  leur  usage  liturgique.  Les  plus  anciennes 
cloches  sont  du  VIIIe  siècle. 

D'après  Golein,  auteur  du  XIVe  siècle,  les 
couvents  du  moyen  âge  avaient  la  cloche,  pour 
sonner  à  l'église,  Vesquille  pour  appeler  au  réfec- 
toire ;  le  timbre,  pour  convoquer  au  cloître  ;  la 
noie,  donnant  le  signal  pour  se  rendre  au  chœur  ; 
la  nolette,  marquant  l'heure. 

Nos  beffrois  avaient  la  Bancloque  qui  appelait 
le  peuple  en  assemblée  et  aux  armes  ;  le  Vigne- 
ron, qui  indiquait  les  heures  du  travail  et  d'ouver- 
ture et  de  fermeture  des  portes,  le  couvre-feu  ; 
le  timbre,  qui  sonnait  les  heures  et  le  tocsin. 

Au  XIe  siècle  une  cloche  de  2600  livres  passait 
pour  admirable.  Au  XIIIe  siècle  les  cloches  de- 
vinrent volumineuses  et  nombreuses  ;  on  arrive, 
dans  le  Nord,  à  l'époque  des  joyeux  carillons. 

Au  XIVe  siècle  il  y  eut  des  abus  quant  au 
nombre  des  cloches  dans  les  monastères  ;  on  a 
réglementé  ce  nombre  pour  les  églises  conven- 
tuelles, paroissiales  et  cathédrales  ;  selon  saint 
Charles  Borromée,  une  cathédrale  doit  en  avoir 
sept,  une  collégiale  trois,  une  paroissiale  en  a 
deux  ou  trois.  Les  Franciscains  n'eurent  droit 
qu'à  une  cloche. 

La  technique  des  cloches  n'est  pas  moins  inté- 
ressante que  leur  histoire.  La  terminologie  dé- 
signe la  patte  (mince  bord  inférieur)  ;  la  panse, 
partie  évasée  que  frappe  le  battant  ;  les  salis- 
sures, partie  moyenne  (cylindrique);  la  gorge  ou 
fourniture  entre  la  panse  et  les  saussures  ;  le  vase, 
qui  s'étend  des  saussures  au  cerveau,  lequel  forme 
calotte  ;  les  anses  ou  bras  par  lesquels  la  cloche 
est  pendue  au  mouton. 

Les  saintiers  nomades  du  moyen  âge  parcou- 
raient la  chrétienté  fondant  leurs  cloches  sur 
place,  et  faisant  la  coulée  au  milieu  des  prières. 
Le  démoulage  se  faisait  au  son  du  Te  Deum. 

Il  a  été  souvent  question  ici  des  inscriptions 
et  images  qui  décoraient  les  cloches.  Au 
XIIIe  siècle,  c'étaient  des  cercles  étages,  qu'au 
XIVe  on  garnit  de  figures  et  de  textes  ;on  ajouta 
les  images  des  saints  patrons,  et  divers  sujets 
pieux.  Aux  XVe  et  XVIe  paraissent  les  armoi- 
ries des  donateurs  ;  on  se  sert  pour  cela  de  pro- 
cédés de  moulage  variables  avec  les  époques. 

La  cloche  se  montait  sur  des  beffrois  de  char- 
pente au  sujet  desquels  il  y  aurait  long  à  dire. 

Quant  aux  artisans  eux-mêmes,  leur  histoire 
reste  à  faire.  Dans  cette  histoire,  pour  ce  qui 
concerne  le  Nord,  les  Dinantais  prendront  une 
place  honorable,  ainsi  que  les  Tournaisiens.  L'une 
des  plus  anciennes  cloches  mentionnées  dans  nos 
pays  est  celle  que  fit  fondre,  vers  835,  l'abbé 
Herbert  de  Lobbes  par   Paterne,  le   patriarche 


}M)ltograpl)te. 


261 


des  fondeurs  wallons.  La  plus  âgée  des  cloches 
hollandaises  remonte  à  1307.  La  plus  vieille  de 
Flandre  est  celle  de  Lampernesse  (1352).  Tour- 
nai possède  des  cloches  du  XVe  siècle,  cloches 
parlantes,  portant  de  charmantes  inscriptions, 
telles  que  la  suivante  . 

.  Marie  suis  qui  sonne  au  lever  Jésus- Christ  ;  je 
sers  contre  l'erage  qui  dans  l'air  tonne  et  ist  ;  au 
mois  de  mars  nous  trois  on  nous  posa  céans  en  lan 
xli  avec  XIII. 

C'est  vers  la  fin  du  XIVe  siècle  que  l'industrie 
de  la  fonte  des  cloches  s'est  implantée  à  Tournai. 
La  célèbre  famille  de  Croisille  fait  la  plupart  des 
grandes  cloches  du  Nord.  Dès  1381  Jean  de 
Harlebeke  fond  la  cloche  du  beffroi  de  Mons  (I). 

Cette  histoire  des  cloches,  si  attrayante,  que 
nous  avons  esquissée  à  notre  point  de  vue  et 
pour  l'utilité  du  lecteur,  M.  Donnet  la  résume 
en  tête  du  beau  volume  qu'il  consacre  à  l'art 
campanaire  anversois.  Nous  ne  pouvons  le  suivre 
dans  ses  recherches  locales,  très  intéressantes 
d'ailleurs  même  au  point  de  vue  général  de  l'his- 
toire de  l'art.  Il  fait  connaître  les  cloches  de 
diverses  églises,  couvents  et  autres  beffrois  d'An- 
vers, leur  histoire  y  compris  les  calamiteuses  péri- 
péties de  leur  destruction,  de  leur  vente  et  de  leur 
rachat,  etc.  Il  s'occupe  des  fondeurs  anversois, 
les  Melchior  de  Haze,  les  Georges  Dumery,  les 
Guillaume  Witlockx.  Sans  oublier  la  liturgie  et 
le  symbolisme  des  cloches,  il  relate  des  inscrip- 
tions conjuratives  de  l'orage,  comme  celle  que 
nous  donnons  nous-même  plus  haut,  et  qui  est  la 
plus  ancienne  conservée  dans  notre  pays. 

Il  s'arrête  à  l'épigraphie  campanaire  si  abon- 
damment étudiée  par  nos  collaborateurs  M.  J. 
Berthelé  et  L.  Germain  ;  il  s'occupe  enfin  des 
petites  sonnettes  historiées  des  fondeurs  van 
den  Gheyn  et  van  den  Eynde.  Il  établit  que  ce 
dernier,  beaucoup  plus  connu  sous  la  traduction 
de  A  Fine,  que  le  chanoine  Pottier  considérait 
comme  brugeois,  et  M.  le  comte  de  Marsy,  comme 
malinois,  n'est  rien  autre  qu'anversois. 

L.   C LOQUET. 

ŒUVRES  COMPLÈTES  DE  Mgr  X.BARBIER 
DE  MONTAULT.  —  Tome  XIII.  Rome.  VI.  Hagio- 
graphie. Poitiers.  —  Biais  et  Roy,  1899. 

Le  grand  érudit  et  le  fécond  écrivain  que  nous 
comptons  parmi  nos  plus  anciens  et  plus  dévoués 
collaborateurs,  honore  sa  verte  vieillesse  par  le 
déploiement  d'une  activité  remarquable.  Voici  le 
treizième  des  gros  volumes  de  ses  Œuvres  que 
nous  avons  le  bonheur  d'annoncer  au  public  stu- 
dieux, et  comme  le  précédent.c'est  un  grand  in-40 

1.  V.  L.  Cloquet  et  de  Lagrange,  L'art  tournaisicii,  t.  II,  p.  330. 


de  plus  de  550  pp.  serrées  et  denses.  Pour  bien 
apprécier  la  valeur  d'une  pareille  production,  il 
faut  se  rappeler  que  le  docte  prélat  écrit  sur  des 
matières  spéciales,  et  dans  la  manière  magistrale, 
didactique  et  scientifique.  Toutes  ses  études  ap- 
portent quelque  chose  de  neuf  aux  questions 
dont  il  s'occupe.  Tantôt  il  résume  en  la  complé- 
tant une  question  qui  n'a  encore  été  abordée 
qu'à  des  points  de  vue  particuliers  ;  tantôt  il  élu- 
cide un  point  douteux,  fait  connaître  un  objet 
inédit  digne  d'être  présenté  au  public,  ou  redresse 
des  erreurs  courantes  ;  toujours  il  fait  progresser 
les  sciences  auxquelles  il  a  consacré  sa  longue 
et  laborieuse  existence  :  liturgie,  iconographie, 
droit  canonique,  archéologie,   hagiographie,  etc. 

Le  présent  volume  contient  une  mine  de  do- 
cuments sur  saint  Martin,  sur  saint  Maurice,  sur 
saint  Nicolas  ;  sur  leur  culte  et  les  églises  qui  leur 
sont  consacrées,  sur  leur  épigraphie  et  leur  icono- 
graphie, leur  histoire,  leurs  fondations,  leurs 
reliques,  les  œuvres  d'art  qui  se  rattachent  à  leur 
souvenir. 

Vient  ensuite  une  série  d'articles  bibliogra- 
phiques dont  plusieurs  ont  paru  dans  nos  co- 
lonnes; réunis  avec  ordre,  ils  prennent  leur  place 
dans  un  vaste  chapitre  qui  emprunte  une  cer- 
taine unité  de  la  méthode  particulière  et  des  vues 
spéciales  caractérisant  la  science  et  le  style  de 
Mgr  Barbier  deMontault.On  sait  d'ailleurs  quelle 
est  la  valeur  des  notices  bibliographiques  de  cet 
écrivain,  qui,  par  suite  de  ses  vastes  recherches 
et  de  documents  nombreux  amassés  sur  de  di- 
verses matières,  a  généralement  quelque  chose 
de  notable  à  ajouter  aux  travaux  même  appro- 
fondis des  autres. 

Parmi  les  sujets  spéciaux  les  plus  intéressants 
qui  entrent  dans  le  cadre  du  tome  XIII,  citons 
la  chape  et  le  tombeau  de  S.  Martin, les  tapisseries, 
vitraux  et  œuvres  d'art  qui  lui  sont  consacrés, 
le  râteau  de  la  cathédrale  de  Tours,  les  reliques 
de  S.  Maurice,  la  cathédrale  d'Angers,  l'abbaye 
d'Agaune,  la  collégiale  d'Oiron,  diverses  églises 
de  Rome,  le  culte  de  S.  Nicolas  de  Bari,  l'arbre 
de  Jessé,  l'iconographie  du  Sacré-Cœur,  de 
S.  Gengoul,  de  S.  Georges,  de  S.  Jean-Baptiste, 
de  S.  Léger,  de  Ste  Macrine  et  de  Ste  Pezenne, 
l'imagerie  religieuse,  etc. 

Une  table  analytique  rend  très  faciles  les 
recherches  parmi  ce  riche  recueil  de  documents. 

L.  C. 


L.  DALMAN,  PEINTRE  ESPAGNOL,  ÉLEVÉ 
DE  J.  VAN  EYCK,  par  J,  NfcvE.  Brochure  Anvers 
de  Backe,  1899.  ( Extrait  du  Bulletin  de  l ' Acad.  royale 
de  Belgique.) 

M.  Nève  a  fait  une  étude  spéciale,  qu'il  nous 
présente  appuyée  d'instructifs  clichés  photogra- 


2Ô2 


Bctnte  lie  P8rt  chrétien. 


phiques,  d'une  peinture  espagnole  conservée  à 
Barcelone,  déjà  signalée  par  Justi  et  d'autres 
comme  apparentée  à  l'école  flamande,  et  qui  a 
récemment  appelé  l'attention  de  M.  De  Vriendt. 
Son  auteur  est  évidemment  un  élève  de  Van 
Eyck;  M.  Nève  en  fournit  des  preuves  frappantes. 

L.  C. 

EXCURSION  DANS  LE  DÉPARTEMENT 
DE  LA  LOIRE.  —  Saint-Etienne.  —  Thiolier,  1897. 

Cette  petite  plaquette  est  un  guide  sommaire 
du  Forez  édité  à  propos  du  dernier  Congrès  ar- 
chéologique, guide  fort  succinct,mais  bien  illustré. 

L.  C. 

LE  PAYS  POITEVIN.  —  C'est  le  titre  d'une 
nouvelle  revue  comme  nous  souhaiterions  d'en 
voir  éclore  dans  chaque  province  de  France:  son 
but,  en  effet,  est  la  restauration  de  la  vie  régio- 
nale par  l'art,  par  les  mœurs,  par  l'étude  et  le 
maintien  des  traditions  ;  cet  organe  de  l'actif 
Comité  d'ethnographie  et  d'art  populaire  du 
Poitou  et  des  Charentes,  qui  depuis  deux  ans  a 
obtenu  des  résultats  dont  on  trouvera  l'exposé 
dans  la  Revue  encyclopédique  du  24  décembre 
dernier,  est  devenu,  sous  la  direction  de  MM. 
G.  Boucher  et  C.  Roy,  une  revue  provinciale 
type.  C'est  ■  un  recueil  intéressant  de  chansons, 
de  noëls,  de  légendes,  de  faits  historiques,  d'ar- 
chéologie, d'art  populaire,  abondamment  orné 
de  gravures  reproduisant  des  monuments,  des 
objets  d'art,  des  bijoux  du  pays,  etc.  Dans  les 
quatre  premiers  numéros,  nous  relevons  les 
études  suivantes,  qui  intéressent  plus  particuliè- 
rement l'art  chrétien:  l'historique  de  l'abbaye  de 
Ligugé,  par  dom  Basquin;  —  un  article  de 
M.  G.  Boucher  faisant  connaître  les  principales 
curiosités  recueillies  au  Musée  du  Poitou  chrétien, 
récemment  fondé; —  une  étude  de  Mgr  X.Barbier 
de  Montault  sur  le  Symbolisme  architectural  de  la 
cathédrale  de  Poitiers;  —  une  notice  sur  l'église 
Saint-Denis  de  Jaulnay,  par  M.  P.  Métais  ;  — 
une  monographie  de  l'abbaye  de  Fontenay-le- 
Comte,  par  M.  P.  de  Montabert  (3  grav.),  etc. 

L.  C. 


DICTIONNAIRE  DE  LA  BIBLE,  publié  par 
F.  Vigouroux,  avec  le  concours  d'un  grand  nombre 
de  collaborateurs.  Prix  du  fascicule:  5  fr.  franco.  — 
Paris,  fasc.  XIV  orné  de  67  gravures,  Esturgeon- 
Fontaine. 

Nous  avons  maintes  fois  insisté  sur  l'impor- 
tance de  ce  recueil  scientifique  contenant  tous 
les  noms  de  personnes,  de  lieux,  de    plantes, 


d'animauxmentionnésdans  les  Saintes  Écritures, 
les  questions  théologiques,  archéologiques,  scien- 
tifiques, critiques  relatives  à  l'Ancien  et  au  Nou- 
veau Testament,  et  des  notices  sur  les  commen- 
tateurs anciens  et  modernes,  avec  des  renseigne- 
ments bibliographiques.  La  plupart  de  nos  lec- 
teurs en  connaissent  l'importance.  Actuellement, 
près  de  la  moitié  de  la  publication  est  en  vente. 
La  fin  du  t.  II  formera  la  Ire  partie  du  fasci- 
cule XVI  qui  ne  tardera  pas  à  paraître. 

Le  fascicule  XIV  qui  vient  de  sortir  de  presse, 
contient  entr'autres  articles  :  Evangiles  apo- 
cryphes, par  M.  Batiffol  ;  Euphrate,  Fenêtre,  par 
M.  Beurlier  ;  Etam,  par  M.  Heidet;  Etienne  (S.), 
par  le  R.  P.  Lagrange  ;  Etham,  Fontaines,  par 
M.Legendre;  Étoile,  Étoile  des  Mages,  Étrangers, 
Eunuques,  Evocation  des  Morts,  Expiation 
(Fête  de  1'),  Famille,  Femme  adultère,  Festins, 
Fites,  Fils  de  Dieu,  etc.,  par  M.  Lesètre  ;  Etain, 
Fer,  Figures,  par  M.  Levesque  ;  Étendards,  Évan- 
giles,Ezc'chias,  Fin  du  monde,  par  M.  Mangenot; 
Éthiopienne  (langue),  {versions),  par  le  R.  P. 
Méchineau  ;  Évilmerodach,  par  M.  Pannier  ; 
Ézéchiel,  par  M.  Philippe  ;  Eusèue,  par  le  R.  P. 
van  den  Gheyn  ;  Étabïe,  Ethiopie,  Evangéliste, 
Évoque,  Ewald,  Femme,  par  M.  P.  Vigouroux. 

L.  C. 


L'ÉGLISE  DE  CREMEAUX,  par  N.  Thiollier, 
broch.  Thomas,  Saint-Etienne,  1899. 

Courte  et  utile  notice  illustrée  sur  une  église 
de  la  fin  de  l'époque  gothique  qui  vient  d'être 
démolie. 

L.  C. 

NOTICE  ARCHÉOLOGIQUE  DE  L'ÉGLISE 
DE  CURGY,  par  le  même,  broch.  Autun,  Dejussieu, 
1899. 

Son  antiquité,  la  disposition  auvergnate  de 
ses  voûtes,  insolite  dans  l'Autunois  et  les  anti- 
ques fresques  qui  décorent  son  abside,  assurent 
un  vif  intérêt  à  cette  petite  église  du  style  roman 
primaire,  qui  vient  d'échapper  à  la  destruction  et 
d'être  classée  parmi  les  monuments  historiques. 

Signalons  à  cette  occasion  une  série  de  petites 
monographies  d'édifices  de  la  même  région  que 
M.  Thiollier  publie  dans  le  Mémorial  delà  Loire, 
notamment  celles  du  château  de  l'Aubépine,  le 
pont  de  Sainte-Prève  à  Pommiers  (Forez),  l'église 
de  Valbenoîte  (Saint-Étienne),  la  chapelle  du 
Refuge  à  Saint-Étienne  et  l'église  du  Saint- 
Sauveur  à  Rece  (Loire). 

L.  C. 


BtMtograpl)te. 


263 


Bcuoluque*. 


ANNUAIRE  DU  DIOCESE  D'AOSTE,  par  le 
Ch.  P.  Duc.  Aoste,  1898,  in-8°,  de  53  pages. 

Cet  Annuaire,  outre  l'état  actuel  du  clergé, 
donne  la  série  des  curés  de  plusieurs  paroisses. 
Parmi  les  documents  se  trouvent  quelques  pro- 
cès-verbaux de  visites  et  deux  inventaires,  dont 
il  importe  de  dégager  les  termes  curieux  pour 
la  liturgie  et  la  philologie. 

1413.  Visite  de  l'église  de  Pollein  (p.  26-37). 
Une  lampe  brûle  devant  la  porte  :  «  Una  lampas 
ante  altare  ad  expensas  parochianorum  et  una 
ante  portam  ecclesie,  que  débet  ardere  omni 
nocte,  ad  expensas  Richardi  de  Pleo.  »  —  Les 
fenêtres,  si  elles  ne  sont  pas  vitrées,  doivent  au 
moins  être  garnies  de  toile  :  «  Fiant  vitrie  in 
fenestris,  saltem  de  tela.  » 

1416.  Idem  (p.  27).  La  réserve  se  fait  dans  un 
vase  de  bois  :  «  Corpus  Domini,  existens  in  vase 
ligneo,  in  quo  erant  due  hostie  consecrate.  » 

1421.  Idem  (p.  27).  Tabernacle  au  maître-autel 
et  vitres  aux  fenêtres:  «  Fecerunt  de  novo  taber- 
naculum  super  altare  magnum,  vitriaverunt  duas 
fenestras  prope  magnum  altare.  » 

1434.  Visite  de  l'église  de  Roisan  (p.  52).  La 
réserve  est  dans  deux  pyxides,  une  ronde  en  bois 
peint,  avec  un  linge  blanc  dedans  et  une  autre, 
aussi  ronde,  mais  en  airain  :  «  Corpus  Christi  in 
duabus  piscidibus,  una  de  frustea  rotunda  de- 
picta,  in  linteo  albo  ;  alia  de  arano  rotonda.  » 

1460.  Visite  de  l'église  de  Rême  (p.  42).  Cas- 
sette en  bois  pour  reliques  sans  étiquettes  : 
€  Una  capsa  nemorea,  in  qua  sunt  duo  ossa  in 
bursa  cornea,  sine  brevettis.  » 

1596.  Visite  de  l'église  de  Quart  (p.  40).  Taber- 
nacle peint,  avec  pyxide  de  bronze  doré  :  «  Vi- 
sitavit  SS.  Sacramentum,  repositum  in  uno 
tabernaculo,  noviter  confecto  et  decenter  depicto, 
et  una  pixide  œnea  deaurata,  cui  jussit  apponi 
cupam  argenteam,  cum  virgula  et  catenula  pro 
nrmacione  illius.  » 

1620.  Dons  faits  à  l'église  S.  Remy  par  la 
confrérie  du  Rosaire  (p.  50).  «Ung  devant  d'autel, 
avec  ses  oreilles.  »  Il  faut  restituer  oreilles,  qui 
sont  les  coussins  destinés  au   missel.  —  «  Une 


couverte  d'autel   perse,  avec  ses  croix  rouges.  » 

—  €  Ung  linceul  grosse  toile  à  codure.  »  Codure 
doit  être  une  expression  locale  qu'il  eût  fallu 
expliquer. 

1673.  Inventaire  de  l'église  de  Rême  (p.  44-45). 
«  Plus,  un  autre  devant  d'autel  de  peau  doré 
(cuir),  usé,  ayant  l'image  de  Sainct  George.  — 
Plus,  une  chasuble  argentée  et  figurée,  ayant  le 
crucifix  dernier  (derrière)  d'icelle,  usé.  —  Plus, 
une  chasuble  de  caresme  de  mezelaine  et  floret 
(laine  et  soie)  à  fleurs  blanches,  presque  neufve. 

—  Plus,  un  plat  d'estain  pour  les  battisalies 
(baptêmes).  » 

L'AMI  DES  MONUMENTS. 

Relevons  dans  le  nos  69-70  la  description  de 
la  belle  église  métropolitaine  de  Sainte-Sophie  à 
Nicosie  (île  de  Chypre),  par  notre  collaborateur 
M.  C.  Enlart,  une  note  pratique  sur  le  procédé  de 
moulage  de  Lotton  de  Laval,  en  reconstitution 
du  jubé  de  l'abbaye  de  Fecamp,  par  M.  L.  Sauva- 
geot,  une  note  sur  la  conservation  et  la  répara- 
tion des  manuscrits  anciens  par  le  P.  Ehrle,  S.  J., 
et  un  rapport  de  M.  Sauvageot  sur  le  projet  de 
restauration  de  la  vieille  église  de  Saint-Pierre  de 
Montmartre. 

BULLETIN  MONUMENTAL,   n°  4,    1898. 

Dans  une  étude  parue  au  Bulletin  archéologique 
du  Comité  des  travaux  historiques  (')  et  repré- 
sentée au  Congres  archéologiqtie  de  France 
(t.  XIII  et  suiv.)  M.  L.  Maitre  a  énoncé  les 
graves  conclusions  que  voici  :  «  au  point  de  vue 

décoratif,    l'histoire   de   l'art modifiera    ses 

leçons  sur  les  principes  de  l'architecture  romane, 
qu'on  a  trop  séparée  jusqu'ici  des  écoles  précé- 
dentes. En  conservant  l'église  de  Saint-Philibert 

de  Charlieu nous  sauvons  du  naufrage   un 

type  quia  complètement,  disparu  en  France.» 
M.  J.  À.Brutails  constate  que  les  preuves  d'une 
telle  affirmation  n'ont  pas  été  fournies.  Il  rejette 
l'attribution  faite  par  M.  Maitre  de  la  crypte 
et  de  l'abside  de  Saint-Philibert  au  IXe  siècle.  La 
nef  peut  remonter  à  cette  époque,  encore  que  ce 
ne  soit  pas  prouvé  ;  elle  a  été  voûtée  vers  1200. 
L'abside  et  la  crypte  paraissent  romanes. 

1. 1896,  p.  524. 


*  °°  ■•    é 


264 


3&c\nic  De  l'&vt  chrétien. 


ï 


Xn&ejr  bibliographique. 


archéologie  et  Jdcaujr  2lrtô(,\ 

= — =    Jrvancc.  — == 


Babelon  (Ernest).  —   Catalogue    des    camées 

ANTIQUES  ET  MODERNES  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  NATIO- 
NALE. —  Ouvrage  accompagné  d'un  album  de  76 
planches  gr.  in-8°.  Paris,  Leroux. 

Beaumont  (Ch.  de).  —  Un  prototype  inédit  de 
la  tapisserie  d'Artémise.  —  In- 8°,  avec  grav.  Paris, 
Pion. 

Beaurepaire  (E.  de).  —  Les  peintures  mura- 
les de  l'église  de  Savigny  (près  Coutances).  —  In- 
8°  et  pi.  Caen,  Delesques. 

Brassart  (F.).  —  La  tombe   élevée  d'un   pane- 

1TER  DE  SAINT  LOUIS,  PlERKE  ORIGHE,  CHEVALIER, 
FONDATEUR    DE  LA    CHAPELLE    DE     LA    MADELEINE    A 

Douai.  —  In-8°.  Lille,  Danel. 

*  Bibliographie  des  Inventaires. 

*  Borderie  (A.  de  La). —  Comptes  de  dépenses 

DU  DUC  ET  DE  LA  DUCHESSE  DE  BRETAGNE,  FRAN- 
ÇOIS II  et  Marguerite  de  foix,  au  XVe  siècle, 
dans  les  Bull,  et  Mém.  de  la  Soc.  arch.  d'Ille  et  Vilaine, 
t.  XXVII,  p.  xix-xxx. 

*  Bouillet.  —  L'église  de  Laval-Dieu  (Ar- 
dennes)  et  ses  boiseries  sculptées.  — ■  In-8°  de 
12  pag.  avec  2  planch.  Paris,  Pion. 

*  Bouillet  et  Petit.  —  Notre-Dame  d'Auteuil. 

—  In-8°  de  r6  pag.  avec  18  vign.  Paris,  Rondelet. 

*  Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  archéo- 
logique du  département  d'Ille  et  Vilaine.  — 
In-8°,  tome  XXVI. 

Champeaux  (A.  de).  —  L'art  décoratif  dans 
le  vieux   Paris.  —  Gr.  in-S",  grav.    Paris,    Schmidt. 

Chappée  (J.).  —  Les  sépultures  de  l'abbaye 
de  Champagne  et  les  fouilles  de  1895-1896.  — 
In-8°,  fig.  et  plan.  Mamers,  Fleury  et  Dangin. 

*  Cloquet  (L).  —  Traité  d'architecture.  — 
In-S",  nombr.  grav.,  librairie  polytechnique  Baudry  et 
C'c,  Paris  et  Liège. 

Delattre  (Le  R.  P.  A.).  —  Le  cimetière  super- 
posé de  Carthage.  —  Broch.  Paris,  Leroux. 

*  Dnmuys  (Léon).  —  Inventaire   des  objets 

ENLEVÉS  PAR  LES   PROTESTANTS  LE  29  AVRIL  1562  AU 

trésor  de  St-Aignan  et  déposés  a  la  Tour  ni  r,  e, 

—  I11-80  de  2  pages.  Orléans. 

I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


*  Engels  (Michel).  —  Le  crucifiement  du 
Christ  dans  l'art  plastique.  Etude  iconographique 
et  historico-artistique.  —  Petit  in-folio,  avec  94  gra- 
vures et  42  tableaux  en  photo-lithographie. 

*  Enlart  (C).  —  Les  Monuments  anciens  de 
Boulogne.  —  (Extrait  de  l'ouvrage  offert  par  la  ville 
de  Boulogne-sur-mer  aux  membres  du  Congrès  des 
sciences  tenu  en  cette  ville  en  1899). —  Boulogne-sur- 
mer,  Soc.  typographique.  ■ 

*  Excursion  dans  le  Département  de  la  Loire, 
Saint-Etienne.  Thiolier. 

Favarcq  (L.).  —  Peintures  du  XIVe  siècle, 
découvertes  dans  l'ancienne  chapelle  de  la 
Chartreuse  de  Sainte-Croix.  —  In-S".  Montbrison, 
Brassart. 

Fayolle  (de).  —  Le  trésor  de  l'église  de  Saint- 
Nectaire  en  Auvergne.  —  In-8°,  avec  grav.  Caen, 

Delesques. 

Fillet.  —  Le  mobilier  au  moyen  âge  dans  le 
sud-est  de  la  France  —  In-8°.  Paris,  Imp.  natio- 
nale. 

*  Froehner  (W.).  —  Collections  du  château 
de  Goïuchow.  —  In-40,  5  planch.  en  chromolithogr. 
Paris  [Fischbach]. 


■  Sept  cloches  an- 
In-S°.  Broch.  Caen, 


Germain  de  Maidy  (L  ). 
ciennes  des  Côtes  du  Nord. 
Delesques. 

*  Le  même.  —  Une  planche  a  gravure  d'un 
fondeur  de  cloches.  —  In-8°  de  15  pages,  avec 
une  phototypie.  St-Dié. 

Giraud  (J.-B.).  — ■  Documents  pour  servir  a 

L'HISTOIRE  DE  L'ORNEMENT  AU  MOYEN  AGE  ET  LA  RE- 
NAISSANCE. —  2  vol.  111-4°.  Lyon,  chez  l'auteur. 

*  Grandmaison  (L.  de).  —  La  tombe  de  Lan- 

CELOT  DU  FAU,  ÉVÉQUE  DE  LUÇON  ET  CLAUDE  CON- 
TENT, orfèvre  de  Tours  (1523).  —  In-8"  de  11  pp. 
Vannes,  Lafolye. 

Hènault  (M.)  et  Rouault.  —  Les  boiseries  de 
l'abbaye  de  Vicoigne  et  les  Schleiff,  SCULPTEURS 
valenciennois.  —  In-8°,  aAec  grav.  Paris,  Pion, 
Nourrit  et  Cie.  • 

Herpin  (A.).  —  Notice  historique  sur  les  per- 
sonnages COMPOSANT  LA  GRANDE  1  VVALt  VDE    REPRI 
SENTANT     L'ENTRÉE    A     ÀLENÇON,   EN  1527,   DE    MAR- 
GUERITE de  Navarre  et  de  François  1".  —  1  n-16. 
Alençon,  Vvc  Guy. 

*  Inventaire  de  l'argenterie  de  l'église  de 
Siran,  en  1695. 

*  Inventaire  du  Grand  Si  --Bernard,  au  XV  IL 

SIÈCLE. 

*  Inventaire  de  la  cathédrale  de  Narbonne, 
au  XVIIIe  siècle. 


Bibliographe. 


265 


*  Jeanne  de  Montmorency,  Duchesse  de  la 
Trémoille  et  sa  fille,  la  Princesse  de  Condé, 
15 79- 1629.  —  In-4°  de  194  pages.  Nantes,  Grimaud. 

Jouin(H.).  —  La  sculpture  dans  les  cime- 
tières de  Paris.  (Le  Père  Lachaise,  Montmartre, 
Montparnasse.)  Ouvrage  précédé  du  Musée  de  la 
Mort  et  suivi  du  Jour  de  Van  des  Trépassés.  —  In-S", 
avec  1  pi.  Maçon.  Protat. 

*  Lafenestre  (B.)  et  Richtenberger  (Eug.).  — 
La  peinture  en  Europe,  La  Hollande.  —  1  vol. 
in-8°,  100  reproductions.  Paris,  Société  française  d'édi- 
tions d'art. 

Lamy  (Stanislas).  —  Dictionnaire  des  sculp- 
teurs DE  L'ÉCOLE  FRANÇAISE  DU  MOYEN  AGE  AU  REGNE 

de  Louis  XVI.  —  In-40.  Paris,  Champion. 

*  Largeault.  —  État  des  vases  sacrés,  orne- 
ments, LINGES,  LIVRES,  etc.,  DE    L'ÉGLISE   COLLÉGIALE 

de  Ste-Radegonde  de  Poitiers  (1791).  —  In-8°,  de 
12  pag.  Poitiers,  Oudin. 

Léonard  de  Vinci.  —  I   manoscritti   della 

REALE  BIBLIOTHECA    DE    WlNDSOR.  DELL'    AnATOMIA. 

Fogli  pubblicati  da  Teodoro  Salachnikoff.  Trascritti  e 
annotati  da  Giovanni  Piumati  con  traduzione  in  lingua 
francese  preceduti  da  uno  studio  di  Matthias  Duval. 

—  In-4°,  grav.  Paris,  Rouveyre. 

Les  chefs-d'œuvre  de  la  sculpture,  Ier  vol.  — 
In-40,  I2  livraisons  de  12  planches  chacune.  Paris, 
A.  Calavas. 

*  Marignan  (A).  —  Un  historien  de  l'art 
français.  —  Louis  Courajod.  —  In-8°,  187  pp. 
Paris,  Bouillon. 

Maxe-Werly  (L.).  —  Un  monument  lapidaire 
du  musée  de  Bar-le-Duc,  la  pierre  tombale  de 
Colin  Massey.  XVe  siècle.  —  Bar-le-Duc,  Coutant- 
Laguerre. 

*  Œuvres  complètes  de  Mgr  X.  Bareier  de 
Montault.  —  Tome  XIII.  Rome,  VI.  Hagiographie. 
Poitiers,  Biais  et  Roy. 

Porée  (L'abbé).  —  Note  sur  la  statue  funé- 
raire de  Geoffroy  Faé,  évêque  d'Évreux,  con- 
servée dans  l'église  de  Saint-Èloi  de  Fourques  (Eure). 

—  In-8°,  et  2  pi.  Évreux,  Hérissey. 

Picardie  historique  et  monumentale;  N°  5, 
arrondissement  d'Amiens.  —  Canton  de  Conty, 
notices  par  B.  de  Guyencourt.  —  Canton  de 
Picquigny,  notices  par  J.  Rouf.  —  Gr.  in-8°.  Paris, 
Picard. 

Raulin  (T.).  —  Banc  d'église,  et  chaire  de  vé- 
rité,   DANS    UNE    PAROISSE  DE  l'AvRANCHIN    (1743). 

—  In-8°.  Caen,  Delesques. 


Rosenberg  (Ad.).  —  Leonardo  da  Vinci.  — 
In-40,  T27  grav.  Paris,  Fischbacher. 

*Roulin(LeR.  P.  Dom).  —  Tète  antique  et  co- 
lombe eucharistique.  —  Paris,  Pion,  Nourrit  etC'e. 

Thiollier  (N.).  —  Notice  archéologique  sur 
l'église  de  rosières  (Haute-Loire).  —  In-16,  avec 
grav.  Le  Puy,  Marches  sou. 

*  Le  même.  —  L'église  de  Cremeaux.  — 
Broch.  Thomas,  Saint-Etienne. 


*  Le  même.    — 

l'église  de  Curgy. 


Notice    archéologique    de 
—    Broch.   Autun,    Dejussieu. 


Thomas  (J.-J.)  —  Les  vitraux  de  Notre-Dame 
de  Dijon.  —  In-16,  2  planches.  Dijon,  Jobard. 

La  Touraine  artistique  et  monumentale  :  Am- 
boise,  le  chateau,  la  ville  et  le  canton.  —  in-40, 
grav.  et  planches.  Tours,  Péricat. 

Valabrègue  (A).  —  Le  musée  de  Bale.  —  Gr. 
in-8°,33fig.  Paris,  Bureaux  de  la  Gazette  des  Beaux- Arts. 

*  Visite  de  Si-André  de  Léjos,  en  1783. 

*  Vigouroux  (L'abbé  F.).  —  Dictionnaire  de  la 
Bible.  — ■  Prix  du  fascicule  :  5  fr.  franco.  —  Paris, 
fasc.  XIV  orné  de  67  gravures,  Esturgeon-Fontaine. 

Voulot.  —  Le  pied  humain,  le  pied  et  le   fer 

DE  CHEVAL  ET  LES  CkOIX  A  TRAVERS  LE  MONDE  ET  LES 

âges,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  philomatique  vos- 
gienne,  1896-1897. 


Allemagne. 


Albrecht  (R.).  —  Meisterwerke  deutscher 
Bildschnitzerkunst  im  germanischen  National 
Muséum  zu  Nùrnberg.  Photograph.  Orig.  Auf- 
nahmen  mit  einem  Vorwort  und  erlauet.  Texte 
von  Dr  H.  Schaefer  ;  3-6  (von  Schluss).  —  In-40,  2 
feuilles  et  texte.  Niirnberg,  Schrag. 

Bach  (Max).  —  Hans  Multscher,  peintre  et 
sculpteur  du  X V'siècle,  dans Zeitschrift  fur  Bildende 
Kunst^vixn  1898. 

Beissel  (Le  H.  Steph.).  —  Mosaïques  romaines 
du  VIP  au  IXe  siècle,  dans  Zeitschrift  fur  Christ- 
liche  Kunst,  Xe  année,  5e  et  6e  fasc,  1897. 

Boeheim.  —  Armures  et  armes  du  Musée 
d'artillerie  de  Paris,  provenant  du  château 
d'Ambras,  dans  fahrbuch  der  Kunsthistorischen  Samm- 
lungen  des  Allerhoechsten  Kaiserhauses,  t.  XIX  (1898). 

Bode  (W.).  — Rembrandt.  Beschreibendes  Ver- 
zeichniss  seiner  Gemaelde  mit  den  heliographi- 
schen  Nachbildungen,  Geschichte  seines  Lebens 
und  seiner  Kunst,  unter  Midwirkung  von 
C.  Hofstede  de  Groot.  II  Band.   —  (In-f°,  77  pi.) 


REVUE    DE   L'ART  CHRÉTIEN. 

i8gg.  —  3me  LIVRAISON. 


266 


3Rebue  De  l'&vt  chrétien. 


Traduction  française  par  Auguste  Marguillier.  nevol. 
(77  pi.).  Trad.  anglaise  par  Florence  Simmonds. 
Vol.  II  (77  pi.).  Paris,  Ch.  Sedelmeyer. 

Demiani  (Hans).  —  François  Briot,  Gaspar 
Enderlein  und  das  Edelzinn.  —  In-40.  Leipzig, 
Hiersemann. 

Dobbert  (T.)  —  L'évangéliaire  du  XIIIe  siècle 
de  Goslar  (Prusse),  dans  Jahrbuch  der  Kœn.  preus- 
sischen Kunstsammlungen,  t.  XIX  (1S98),  3e  fasc. 

Fabriczy  (C.  von).  —  Un  sculpteur  oublié  du 
Quattrocento,  Domenico  Rosselli,  dms  Jahrbuch 
der  Kœn.  preussischen  Kunstsammlungen,  t.  XIX, 
(1898)  2e  fasc. 

FUHRER     DURCH    DIE     GeMAEI.DE      GALERIE       DER 

kunsthistorischenSammlungen  desallerhœchst. 
Kaiserhauses.  Alte  MeisterII.Niederlaendische 
und  Deutsche  Schulen.  —  In-12  avec  fac-similés. 
Wien.  Leipzig,  A.  Schulze. 

Geymûller  (Le  Dr  Heinrich  von).  —  Die  Bau- 
kunst  der  Renaissance  im  Frankreich.  —  In-8°, 
266  gr.  et  pi.  Stuttgart,  Bergstrcesser. 

Grseven  (Hans).  —  Diptyques  en  ivoire  de  la 
reine  Amalasvinha  (VIe  siècle),  dans  Jahrbuch  der 
Kœn.  preussischen  Kunstsammlungen,  t.  XIX  (1898), 
2e  fasc. 

Gurlit  (E.).  —  Die  Baukunst  Frankreichs.  12 
Lief.,  25  Tafeln.  —  In-folio.  Dresden,  Gilbers. 

Hanfstaengl  (F.). — Meisterwerke  der  Kgl. 
aelterer  Pinakotkek  zu  Munchen.  —  Gr.  in-8°, 
230  grav.  Munich. 

Italienische  Sculpturen  aus  den  Kœnigl. 
Museen  zu  Berlin.  Mit  ^rklaer.  Text  von  der 
Direction  der  Sammlung.  II  Band  Italienische 
Bildwerke  der  christl.  Epoche  aus  den  kœn. 
Museen  zu  Berlin.  2e  série.  —  In-8°.  Berlin,  Graph. 
Gesellschaft. 

*  Kaemmerer  (Ludwig).  —  Hubert  und  Jan 
Van  Eyck.  —  In-40,  118  pp.  et  88  reproductions  de 
peintures  et  de  dessins.  Bielefeld  und  Leipzig,  Vet- 
hagen  und  Klasing. 

Kurth  (J.).  —  Les  inscriptions  des  mosaïques 
chrétiennes  de  Salonique,  dans  Miitheilungen  der 
K.  d.Archceologischen  Instituts.  Athenische  Abtheilung. 
T.  XXII  (1897).  4e  fasc,  pi.  XV  et  XVI. 

List  (Camillo).  —  Zacharias  Lencker,  orfèvre 
d'Augshourg,  dans  Jahrbuch  des  Kunslhistorischeu 
Sammlungen  des  allerhœchsten  Kaiserhauses,  t.  X  I  \, 
1898. 

Loefen  (W.  von).  —  Die  Feste  Marienberg  und 
ihre  Baudenkmale.  —  In  f",  et  32  ill.  W'urzburg, 
Stuber. 


Mackensie  (G.)  et  Pugis  (A.).  —  Gothische 
Architecturen  und  Einzelheiten  als  Thore, 
Thuren,  Fenster,Giebkl,  Pfeiler,  Thuerme,  etc., 
nach  alten  Bauwerken  zu  Oxford.  —  64  Taf.  (in- 
6  Lief).  I  Lieferung  (n  Taf.).  Grand  in-40.  Berlin, 
B.  Hessling. 

Mackowsky(Hans). —  Sperandio  deMantoue, 
dans  Jahrbuch  der  Kœn. preussischen  Kunstsammlungen, 
t.  XIX  (1S98).  3e  fasc. 

Rahn  (J.-B.).  — ■  Architekturdenkmaeler  des 
Cantons  Thurgau.  Lief.  6,  8.  —  Zurich,  Antiq. 
Gesellschaft. 

SchevyrefT.  —  Historische  Notizen  uber  die 
Cartons  von  Raphaël.  —  In-8°.  Berlin. 

Schlosser  (F.  von).  —  Tommaso  da  Modena  et 

LES    ANCIENNES    ŒUVRES    DE    PEINTURE    A     TRÉVISE, 

dans  Jrhrbuch  der  Kunsthistorischen  Sammlungen  des 
alterhœchsten  Kaiserhauses,  t.  XIX  (1898). 

Sedlacek  (A.).  —  Hrady  ajamkyceskë.  Dil  XI, 

Sesit  12- 14.  (BURGS  ET  CHATEAUX  DE  LaBOHÊME,  t.  XI). 

—  In-fol.  5  planches.  Prag,  Fr.  Simacek. 

Semper  (H.).  —  Autels  portatifs  a  volets  en 
ivoire  du  XIVe  siècle,  dans  Zeitschrift  fur  Christ- 
lichen  Kunst,  3e  et  5e  fasc,  XIe  année  (1898). 

Volkamer  auf   Kirgensittenbach  (G.  von). 

—  Die  Stadmauern  von  Nurnberg  mit  ihren 
Veranderungen  waehrend  drei  Jahrhunderte, 
dargestellt  durch  Abbildungen  aus  den  17,  18 
und  19 Jahrh.  i  Lieferung.  —  In-4°,  12  planches. 
Munchen,  Deiglmayr  und  Fuhrmann. 

Kullrich  (F.).  —  Bau-und  Kunstgeschichtli- 
ches  aus  Dortmunds  Vergangenheit.  —  In-S°, 
avec  1  plan,  10  planches,  et  n  grav.  Dortmund,  Kcep- 
pen. 

Weese  (A.). —  Die  Bamberger  Domsculpturen. 

—  In-8°,  33  pi.  Strasburg,  Heitz. 

Winkler  (A.)  et  Mittelsdorf  (J.).  —  Die  Bau- 
und  Kunstdenkmaeler  derStadtHanau.  I.Theil. 
Festschriftzum  300  Jaehr.  Jubil/eum  der  Grun- 
dung  der  Neustadt  Hanau.'  —  In  8°,  138  gravures 
et  1  planche.  Hanau,  G.  M.  Alberti. 


anfflctccrc 


Berenson  (B.).  —  The  Central  Italian  Pain- 
iers  of  the  Renaissance.  —  In-16,  1  pi.  London 
and  New-York,  Putnam's  sons. 

Maggibbon  (D.)  et  Ross  (Th.).  —  The  Eccle- 
siastical  Architecture  of  Scotland,  from  the 
earliest  times  to  the  seventeenth  century.  t.  1 1. 
—  In-8°.  Edinburgh,  D.  Douglas. 


Bibliographe. 


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Italie. 


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RAFFAELLO  SCOPERTA  E    ILLUSTRATA. —  In-I2.  Asolo, 

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Gasparri  (D.).  —  Illustrazione  del  politico 

ATTRIBUITO  A  CaRLO  CRIVELLI  E  CONSERVATO  NELLA 
CHIESA  PAR.  DI  S.  GlOV.  BATT.  IN  ToRRE  DI  PALME.  — 

In- 16.  Fermo.  Upuci. 

Jocobsen  (E.).  —  Allegoria  della  Primavera 
di  Sandro  Botticelli.  Saggio  di  una  nuova  inter- 
pretazione. — Id.  in-40,  9  gr.  Roma,Tip.  dell.Unione 
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Le  gallerie  Nazionali  Italiane.  Notizie  e  do- 
cumenti.  Anno  III.  —  In-4°,  avec  pi.  Roma,  percura 
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Malaguzzi-Valeri  (F.).  —  I  monumenti  del- 
l'Apennino  modenese.  —  In-16,  avec  fig.  Bologna, 
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Mospurgo  (S.).  —  Un  affresco  perduto  di 
Giotto  nel  palazzo  del  podesta  di  Firenze.  — 
In-8°.  Tip.  G.  Carnesecchi. 

Stabile  (L.).  —  Sunto  di  storia  ed  archeologia 
della  citta  di  Napoli.  —  In-16.  Napoli,  Tip.  del 
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(ZEsparjne. 


*  Serrano  Fatigati  (D.  Enrique).  —  Claustros 
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dans  le  texte  et  deux  phototypies.  Madrid. 

*  Le  même.  —  Sentimientosdelanaturaleza 
en  los  relieves  medioevales  espanoles.  —  In-8°, 
27  PP-,  3  planches  hors  texte  et  13  figures  dans  le 
texte.  Madrid. 


Belgique. 


*  Donnet  (Fernand).  —  Les  cloches  d'Anvers  ; 
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Anvers,  De  Backer. 

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élève  de  J.  Van  Eyck.  —  (Extrait  du  Bulletin  de 
l'Académie  royale  de  Belgique,  i8çç.)  Broch.  Anvers, 
De  Backer. 

^  Sevens  (Th.).  —  De  kerk  van  O.  L.  Vrouw  te 

KORTRIJK,  VAN  DEN  VROEGSTEN  TIJD    TOT  HEDEN.  — 

In-8°,  avec  pi.  et  1  carte.  Courtrai,  E.  Beyaert. 

Wauters  (A.  J.).  —  La  grand'  place  de  Bruxel- 
les. —  In-8°  grav.  et  portrait.  Bruxelles,  P.  Weissen- 
bruch. 


it)ollanûc. 


Memling  (Hans.)  —  L'hôpital  Saint-Jean  a 
Bruges.  —  2  livraisons  in-folio  de  10  planches.  Har- 
lem, H.  Kleinman  et  C'6, 


%  «ft  «ft  *&  «ft  «fc  ^  ^  »&  ^i^ :;^  «ft  ife^  ^  «as.  *fc  **  *afc  *fe  *fc  *fc  *fc  «flft  *»■ 


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* 


^Tl)  t*  0  tî  t  Q  U  C  ♦  SOMMAIRE:  CONSERVATION  DES  MONUMENTS.  —  FRANCE: 
hôtel  L. mi  ii  ii  à  Paris  ;  basilique  du  Sacré-Cœur  ;  Comités  archéologiques  ;  Sainte-Chapelle.  — 
ROME.  —  ALLEMAGNE  :  inauguration  du  Musée  Sainte-Odile.  —  BELGIQUE  :  triptyque  du 
XVe  siècle;  halles  de  Malines  ;  restaurations  à  Bruges,  à  Tournai.  —  VARIA.  —  NÉCRO- 
LOGIE :   Le  docteur  Franz  Bock. 


WfWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWlW 


* 


Conservation  Des  monuments. 


FRANCE. 


1ES  adhérents  de  Y  Ami  des  Monuments 
et  des  Arts  ont  visité,  sous  la  conduite 


de  M.  Ch.  Normand,  le  château  de 
Villers-Cotteret,  ainsi  que  le  château 
de  Noue,  son  voisin. 

Ce  dernier  est  encore  complètement  entouré 
de  ses  vieilles  murailles,  garnies  de  tours  rappe- 
lant celles  du  curieux  château  de  Vez  ;  lecréne- 
lage  existe  encore  à  Noue.  L'aspect  de  la  façade 
est  monumental  ;  au  milieu  se  détache  un  pavil- 
lon de  la  renaissance  ;  il  renferme  un  porche 
voûté,  une  belle  cheminée. 

Celui  de  Villers-Cotteret  a  fait  l'objet  de  remar- 
quables dessins  de  M.  Pottier-Delengi,  exposés 
au  salon  d'Architecture. On  a  admiré  les  voûtes  du 
grand  et  du  petit  escalier,  chef-d'œuvre  de  la  re- 
naissance. On  a  récemment  dégagé  certains  petits 
plafonds  et  découvert  des  décors  qui  couvraient 
les  murs  de  la  cage  d'escalier.  Les  assistants  ont 
émis  le  vœu  de  voir  dégager  ces  décorations  des 
constructions  parasites  qui  les  cachent.  La  grande 
salle  du  premier  étage  était  jusqu'ici  désignée 
indifféremment  comme  l'ancienne  salle  des  États 
généraux  et  comme  la  chapelle  ;  une  discussion 
engagée  dans  le  monument  même  a  établi,  dit 
Y  Ami  des  Monuments,  que  c'étaitbien  la  chapelle  ; 
le  point  était  d'autant  plus  aisé  à  trancher,  que 
la  pièce  est  orientée,  qu'elle  a  gardé  son  petit 
clocher  et  qu'on  y  voit  encore  des  emblèmes 
eucharistiques;  c'est  ainsi  que  «  les  assistants  ont 
tranché  un  point  de  l'histoire  architecturale  de 
la  Renaissance  française  (sic)  ». 

M.  l'abbé  Bossebœuf  a  fait  des  fouilles  dans 
l'îlot  de  Tombelaine  près  du  Mont  Saint-Michel, 
sur  l'emplacement  de  l'église  du  prieuré  qu'on  y 
élevait  jadis.  Il  a  mis  à  découvert  une  dalle  tu- 
mulaire  du  XIIIe  siècle,  celle  de  l'abbé  Jourdain. 
Tombelaine  possédait  une  église  fortifiée  d'un 
grand  intérêt  dont  un  ancien  dessin  est  conservé 
à  la  tour  de  Londres. 

— KïM— -i©*— 

L' Hôtel  Lauzun  à  Paris.  —  M.  Charles  Nor- 
mand  et   la   Société  des    Amis  des    Monuments 


parisiens  qu'il  préside,  ont  mené  une  active  cam- 
pagne en  faveur  de  la  sauvegarde  par  la  Ville, 
de  l'admirable  Hôtel  Lauzun.  M.  Auge  de  Lassus, 
non  moins  ardent  à  la  poursuite  de  ce  desidera- 
tum, a  publié,  dans  Y  Ami  des  Monuments  et  des 
Arts,  un  remarquable  article  sur  ce  sujet  (''). 

La  Société  des  Amis  des  Monuments  parisiens 
a  fait  appel  à  la  Ville  de  Paris  pour  que  cet 
Hôtel  soit  acheté  pour  être  ensuite  affecté  à  l'un 
quelconque  de  ses  services,  ce  qui  assu  rerait  sa 
conservation. 

«  L'Hôtel  Lauzun,  dit  la  requête  des  Amis  des  Monu- 
ments, reste  en  effet,  dans  Paris,  à  peu  près  le  seul 
exemple  d'un  logis  de  grand  luxe,  comme  le  voulait  la 
mode  parisienne  aux  environs  de  1660.  Il  y  a  là  un 
ensemble  admirable  et  unique  de  peintures,  de  figures 
allégoriques,  de  sculptures,  de  boiseries,  qui  marque  une 
étape  dans  l'art  français. 

Ainsi  tout  doit  recommander  un  édifice  si  bien  consa- 
cré par  l'Art  et  l'Histoire.  En  ces  derniers  temps,  plusieurs 
Hôtels  très  intéressants  mais  non  pas  plus  remarquables, 
ont  disparu.  Il  faudrait  que  ces  destructions  lamentables 
trouvassent  plus  de  résistance  et  de  protestation.  L'Hôtel 
Lauzun  est  en  vente  ;  il  peut  être,  il  sera  sans  doute,  en 
un  prochain  lendemain,  mutilé,  dépecé,  détruit  si  la 
Municipalité  parisienne  n'intervient. 

Elle  s'honorerait  grandement  en  témoignant  une  fois 
encore  pour  le  Vieux  Paris,  d'une  sympathie  dont  elle  a 
déjà  donné  des  preuves.  L'Hôtel,  mitoyen  à  une  école  de 
la  Ville,  pourrait  être  utilisé  comme  bibliothèque  de  quar- 
tier ou  à  quelque  autre  usage.  En  tous  cas,  c'est  une  pa- 
rure de  Paris,  et  il  devrait  appartenir  à  Paris  en  pleine 
propriété,  comme  il  lui  appartient  déjà  par  le  souvenir 
qu'il  évoque  et  les  magnificences  décoratives  qu'il  carde. 
Le  payement  effectué  en  de  longs  intervalles,  ne  charge- 
rait pas  sensiblement  un  budget  comme  celui  d'  une  ville 
comme  Paris. 

Paris  se  doit  de  rester  le  Paris,  capitale  de  l'Art  et  de 
toute  beauté,  Paris  se  doit  de  sauver  ce  qui  peut  être 
encore  sauvé  du  Vieux  Paris...  Ht 

Dans  sa  séance  du  24  mars  1899  le  Conseil 
municipal  prenait  la  délibération  suivante  : 

«  L'Administration  est  invitée  à  négocier  avec 
les  héritiers  intéressés  l'achat  de  l'immeuble  de 
l'Hôtel  Lauzun,  quai  d'Anjou,  17,  au  prix  de 
300,000  francs.  » 

C'est  à  présent  chose  faite  :  l'intéressant  hôtel 
est  devenu  propriété  de  la  Ville  de  Paris. 
M.  Coyecque  propose  de  l'affecter  au  dépôt  cen- 
tral des  historiques  du  notariat  de  la  Seine. 
Ce  n'est  pas,  comme  le  remarque  M.  Ch.  Nor- 
mand, le  meilleur  usage  à  en  faire,  cette  affecta- 

1.  V.  tome  XII,  p.  67. 


Cijromque. 


269 


tion  obligeant  d'exiler  les  intéressantes  décora- 
tions du  vieux  logis. 

— *©*— - 4©<— • 

Le  21  juin,  les  membres  de  la  Société  des  Amis 
des  Monuments  parisiens,  sous  la  conduite  de 
M.  Normand,  ont  visité  les  constructions  du 
Vieux  Paris  établies  sur  les  bords  de  la  Seine, 
près  le  pont  de  l'Aima,  intéressante  reconstitu- 
tion des  habitations  d'autrefois,  dressées  sous  la 
direction  de  M.  Benouville,  architecte,  d'après 
les  dessins  de  M.  Robida. 

En  ce  moment  les  travaux  offrent  un  intérêt 
exceptionnel,  car,  quoique  déjà  fort  avancés,  on 
peut  étudier  la  structure,  encore  visible,  mais  qui 
prochainement  disparaîtra  sous  les  ornements  et 
les  étalages  de  choses  anciennes.  Les  promeneurs 
ont  vu  la  forêt  des  mille  pilotis  qui  supportent 
le  sol  artificiel  établi  sur  la  Seine  ;  la  Chapelle 
des  Ménétriers,  la  Maison  de  Molière,  la  Tour 
du  Collège  du  Fortet,  les  vieilles  rues,  les  par- 
ties en  construction  de  la  porte  du  Châtelet,  etc.  ; 
le  tout  agréablement  commenté  au  point  de  vue 
artistique  et  historique,  par  MM.  Charles  Nor- 
mand, Léon  Benouville  et  Robida  qui,  tour  à 
tour,  ont  pris  la  parole. 

La  carte  d'invitation,  adressée  à  chacun  des 
visiteurs,  est  une  jolie  eau-forte  gravée  en  bistre 
par  M.  Robida  et  qui  sera  conservée  comme 
souvenir  de  la  promenade. 

M.  Casati  des  Casati  a  récemment  proposé  de 
créer  dans  chaque  arrondissement  des  comités 
archéologiques  se  rattachant  à  un  Comité  central 
établi  au  Ministère,  avec  mission  de  dresser 
l'inventaire  monumental  de  la  France  par  fiches 
séparées  et  non  par  gros  registres  ;  on  pourrait 
ainsi  protéger  contre  la  destruction  tous  les 
monuments  remarquables  du  passé.  Une  Com- 
mission composée  de  MM.  de  Barthélémy, 
de  Villefosse,  Bertrand,  Muntz  et  Lasteyrie  a 
été  chargée  par  le  ministre  d'examiner  cette 
proposition.  Son  rapport  sera  probablement 
publié  dans  le  Bulletin  du  Ministère  ('). 


La  flèche  delà  Ste-Chapelle.  —  Selon  une  note 
de  Lassus  publiée  dans  l' Ami  des  momiments,  la 
flèche  primitive  de  la  Sainte-Chapelle,  élevée  par 
Pierre  de  Montereaux,  fut  remplacée  en  1483, 
alors  qu'elle  se  trouvait  consommée  par  le  char- 
pentier Robert  Fouchier.  Détruite  par  l'incendie 
de  1630,  elle  fut  rétablie  sur  le  style  de  la  dernière 
époque  gothique, pour  être  remplacée  sous  Louis 

1.  On  peut  le  dire  dans  l'Ami  des  Monuments  et  des  Arts  (tome 
XII,  n°67,  p.  147). 


XIII  par  une  flèche  fort  lourde,  qui  a  détrôné, 
à  son  tour,  celle  qui  se  voit  depuis  1852  et  qu'a 
dessinée  Lassus. 

— f©4— — J€H— 

Le  retable  de  la  chapelle  de  la  Vierge  à 
Larchat  est  un  chef-d'œuvre  de  la  sculpture  du 
XVe  siècle  auquel  des  dégradations  successives 
avaient  enlevé  le  plus  beau  de  sa  valeur.  Il  a 
été  restauré  par  M.  Barbey,  qui  l'a  fait  généreu- 
sement en  corvée  pour  la  Vierge.  On  dit  grand 
bien  de  cette  œuvre. 

ROME. 

Mgr  de  Mérode.  —  Le  14  mars  a  été  solennel- 
lement inaugurée  une  plaque  commémorative  de 
la  munificence  de  Mgr  de  Mérode,  sur  l'empla- 
cement de  la  catacombe  de  Domitille  où  cette 
munificence  s'était  particulièrement  vouée  à 
faire  revivre  les  glorieux  souvenirs  de  sainte 
Pétronille  et  des  saints  Nérée  et  Achillée.  A  cette 
occasion  M.  Horace  Marucchi,  l'un  des  plus 
distingués  archéologues  formés  à  l'école  de 
l'immortel  de  Rossi,  a  prononcé  un  éloquent 
discours,  où  il  a  rappelé  comment  ce  prince  de 
l'archéologie  chrétienne  trouva  son  meilleur 
Mécène  en  Mgr  de  Mérode  pour  les  découvertes 
accomplies  dans  cette  catacombe  de  Domitille, 
l'une  des  plus  intéressantes  de  la  Rome  sou- 
terraine. M.  Marucchi  a  été  aussi  très  heureu- 
sement inspiré  en  faisant  à  la  fin  de  son  discours 
un  éloquent  parallèle  entre  les  qualités  militaires 
et  l'héroïsme  chrétien  des  SS.  Nérée  et  Achillée 
pour  en  faire  l'application  à  l'illustre  prélat  qui 
fut  ministre  des  armes  du  Pape,  et  qui  ne  brilla 
pas  moins  par  son  zèle  apostolique.  Le  ministre 
de  Belgique  près  le  Saint-Siège,  Son  Exe.  M.  le 
baron  d'Érp,  le  président  du  Collège  belge,  Mgr 
de  T'Serclaes,  avec  une  députation  de  ce  Collège, 
une  nièce  de  Mgr  de  Mérode,  mariée  au  marquis 
Ferrajoli,  et  beaucoup  d'autres  personnages  for- 
maient, avec  le  Co/legium  Cnltorum  Martyrum, 
la  magnifique  assistance  de  la  cérémonie 


La  basilique  du  Sacré-Cœur  à  Paris.  —  Depuis 
quelques  semaines  on  peut  voir  monter  très  rapi- 
dement le  dôme  central  de  la  basilique  du  Sacré- 
Cœur. 

Les  échafaudages  qui,  durant  vingt-cinq  années, 
encombrèrent  le  sommet  de  Montmartre,  vont 
disparaître. 

M.  Rauline,  l'architecte  du  Sacré-Cœur,  assure 
que  dès  le  mois  de  septembre  prochain,  le  grand 
dôme  sera  terminé,  et  aussi  le  lanternon  qui  le 
couronne,  et  sur  ce  lanternon  sera  posée  la 
grande  croix  latine  en  pierre  de  Château-Landon 


270 


Urinte  De  l'&rt  chrétien. 


qui  ne  mesure  pas  moins  de  deux  mètres  soi- 
xante de  hauteur. 

En  octobre,  on  déséchafaudera  la  partie  cen- 
trale et  la  plus  élevée  du  Sacré-Cœur,  mais  on 
travaillera  encore  aux  petits  dômes  des  angles. 

Ce  n'est  qu'en  juin  prochain  que  tous  les  écha- 
faudages auront  disparu  et  que  la  basilique  se 
détachera  libre  dans  le  ciel,  à  deux  cent  sept 
mètres  au-dessus  du  sol  de  Paris. 

Pour  les  étrangers  venus  à  l'Exposition,  ce  ne 
sera  pas  une  des  moindres  curiosités  de  Paris, 
que  ce  temple  immense  élevé  lentement,  sou  par 
sou,  par  la  foi  des  fidèles,  et  qui  aura  coûté  plus 
de  trente  millions  ! 

ALLEMAGNE. 

LE  3  mai,  l'empereur  et  l'impératrice  d'Al- 
lemagne, accompagnés  de  divers  person- 
nages, ont  inauguré  le  Musée  du  Mont  Sainte- 
Odile  fondé  par  le  Dr  Forrer.  Celui-ci  guidait  les 
visiteurs  et  leur  expliquait  les  objets  exposés 
qui  ont  trait  au  Mont  et  au  «  Mur  païen  »  qui 
le  couronne  (un  de  ces  refuges  gaulois  décrits 
par  César  dans  sa  «  Guerre,  gauloise  »).  L'at- 
tention des  visiteurs  s'est  portée  ensuite  sur 
les  miniatures  du  Hortus  deliciarum  de  Herrade 
de  Landsperg. 

Des  travaux  de  restauration  entrepris  à  l'église 
paroissiale  catholique  de  Nideggen  (Prusse  rhé- 
nane) viennent  d'y  faire  découvrir  d'intéressantes 
peintures  murales  du  XIIIe  siècle,  qui  offrent  le 
caractère  des  peintures  monumentales  de  l'école 
de  Cologne.  Ce  sont,  dans  l'abside  :  au  centre, 
Jésus-Christ,  dans  une  auréole,  entouré  des 
symboles  des  quatre  Évangélistes  et  accompagné 
de  saint  Jean-Baptiste  et  de  la  Vierge,  puis  deux 
chevaliers  armés  tenant  de  boucliers  et  des  figures 
féminines  isolées,  d'un  très  beau  caractère,  pa- 
rentes des  figures  de  saintes  de  Saint-Géréon, 
de  Cologne.  Dans  le  chœur  sont  des  ornements 
divers  et,  à  l'arc  triomphal,  deux  grandes  figures 
d'anges.  Enfin,  dans  la  nef,  se  voient  aussi  des 
restes  de  décoration  polychrome  et  de  grandes 
figures  peintes  sur  les  piliers. 

BELGIQUE. 

NOS  lecteurs  se  rappellent  sans  doute  les 
reproductions  que  nous  avons  données 
d'un  triptyque  du  XVIe  siècle  ('),  accompagnées 
d'une  étude  de  cette  remarquable  peinture,  alors 
la  propriété  de  M.  le  Comte  d'Oultremont  de 
Warfusée. 

1.  Année  1896,  p.  349. 


Ce  triptyque  vient  d'être  acquis  par  l'État 
belge  et  figurera  désormais  dans  la  salle  déjà  si 
riche  du  Musée  national  de  Bruxelles  consacrée 
aux  œuvres  des  maîtres  antérieurs  à  la  renais- 
sance. C'est  une  très  belle  acquisition,  dont  il  y  a 
lieu  de  féliciter  le  Musée  de  Bruxelles.  Les  amis 
de  l'art  chrétien  aussi  ont  lieu  de  s'en  féliciter, 
puisque  désormais  cette  série  de  peintures  impor- 
tantes représentant  plusieurs  scènes  de  la  Pas- 
sion reste  accessible  à  tous. 

Notre  étude  n'est  pas  restée  isolée.  La  Gazette 
des  Beaux-Arts,  dans  les  livraisons  d'Avril  et  de 
Mai  de  cette  année,  a  publié  sur  le  même  trip- 
tyque une  notice  due  à  la  plume  de  M.  Camille 
Benoît,  dont  les  appréciations  et  le  jugement 
sont, à  beaucoup  d'égards, conformes  aux  nôtres. 
Seulement  M.  Camille  Benoît  a  fait  faire  à 
l'étude  de  cette  œuvre  un  pas  important  en 
désignant  Jan  Mostart  de  Haarlem  comme  l'ar- 
tiste auquel  on  la  doit. 

Ce  savant  s'est  attaché  d'une  manière  toute 
particulière  à  l'étude  de  ce  maître  dont,  jusqu'à 
ce  jour,  il  n'existait  pas  une  seule  peinture  qui 
pût  lui  être  attribuée  avec  certitude.  Tout  son 
renom  était  basé  sur  la  notice  biographique  de 
Van  Mander  et  des  peintures  que  la  légende  ou 
des  hypothèses  prétendaient  reconnaître  comme 
œuvres  de  son  pinceau. 

Si,  comme  il  y  a  lieu  de  l'espérer,  l'attribution 
à  Jan  Mostart  est  fondée,  toute  une  série  d'autres 
peintures  de  ce  maître  devront  lui  être  restituées. 

Nous  aurons  peut-être  à  revenir  sur  l'étude  de 
ce  triptyque. 


Matines.  —  La  restauration  des  Halles  de 
Malines,  construction  pittoresque  du  XIVe  siècle, 
est  décidée,  grâce  à  l'initiative  éclairée  du  minis- 
tre Van  den  Peereboom,  qui  a  proposé  à  la  Ville 
l'achat  de  l'aile  gauche  des  bâtiments  donnant 
rue  de  Beffer  pour  la  somme  de  5 S, 000  francs, 
afin  d'y  ménager  un  hôtel  central  des  postes, 
télégraphes  et  téléphones,  que  les  Malinois  récla- 
ment depuis  de  longues  années. L'administration 
communale  a  approuvé  l'offre  du  Gouvernement. 
L'État  s'est  engagé  à  restaurer  l'aile  gauche 
dans  son  état  primitif;  de  son  côté,  la  Ville  va 
restaurer  l'autre  partie  dont  les  plans  et  devis  ont 
déjà  été  approuvés.  De  plus,  les  Halles  seront 
complètement  dégagées.  Les  vieilles  masures  qui 
y  sont  actuellement  adossées  seront  expropriées. 
Ce  sera,  au  point  de  vue  archéologique,  un 
travail  d'une  très  grande  importance. 

On  estime  que  l'ensemble  de  ces  travaux  coû- 
tera un  million  de  francs.  On  espère  pouvoir 
mettre  la  main  à  l'œuvre  dans  peu  de  temps. 


Chronique. 


271 


Quant  à  l'aile  gauche  dont  nous  venons  de 
parler,  elle  offre  des  vestiges  d'une  œuvre  consi- 
dérable du  célèbre  architecte  brabançon  Rom- 
baut  Keldermans,  savoir  l'ancien  palais  du  Grand 
Conseil  ;  cet  édifice,  de  style  flamboyant  tour- 
menté et  richissime  rappelant  fort  l'hôtel-de-ville 


de  Gand,  offrait  sur  la  place  et  surtout  sur  la  rue 
de  Beffer  un  grand  développement  de  façade  avec 
portique  sur  arcades  surbaissées.  Un  relevé  et 
une  restitution  de  cette  remarquable  architecture 
ont  été  faits  avec  talent  par  M.  Mertens  d'Anvers. 
-K>i KiX— 


Halles  de  Malines. 


Les  plans  de  restauration  complète  de  la  série 
des  pignons  de  la  Maternité  et  des  différentes 
façades  du  très  ancien  hôpital  Saint-Jean  à 
Bruges  sont  terminés  et  soumis  à  l'appréciation 
des  autorités  compétentes.  L'exécution  de  ce 
projet  grandiose,  auquel  ont  collaboré  MM.  les 


architectes  De  la  Censerie  et  De  Wulf,  se  fera 
par  parties,  en  commençant  par  la  Maternité. 
L'intéressante  revue  «  Kunst  »  de  Bruges 
confirme  la  bonne  nouvelle.  Tout  en  faisant 
l'éloge  du  dit  projet,  elle  émet  des  doutes  sur 
l'exactitude  de  quelques  détails  qui  lui  semblent 


Souterrain  de  l'Évêché  de  Tournai  (étage  inférieur).  Détail  des  voûtes. 


des  enjolivements  qu'on  devrait  supprimer.  Elle 
pose  ensuite  les  questions  que  nous  avons  déjà 
souvent  répétées  :  Quand  mettra-t-on  la  main 
à  la  restauration  de  la  façade  principale  de  l'é- 
glise de  Notre-Dame?  A  quand  la  démolition 


des  maisons  voisines  de  la  Gruuthuuse  ?  Il  paraît 
que  pour  la  façade  de  Notre-Dame  on  hésite 
devant  les  difficultés  du  maintien  de  la  tour  de 
gauche,  fort  compromise. 


272 


3Rebuc  lie  ï'&rt  cfjrétten. 


Tournai.  —  On  a  procédé  récemment  au  grat- 
tage des  murs  extérieurs  de  l'évêché  de  Tournai 
et  l'on  a  mis  au  jour  les  vestiges  signalés  jadis  (J) 
mais  peu  connus,  d'une  belle  galerie  romane, 
reste  de  l'élégante  ordonnance  de  l'ancien  palais 
des  puissants  évêques  de  Tournai.  Cette  galerie 
part  de  la  chapelle  de  Saint-Vincent,  qu'éleva 
l'évêque  Etienne,  et  régnait  sur  toute  la  façade 
du  palais.  On  sait  d'ailleurs  que  cet  évêque,  élu 
en  1192,  ajouta  ce  portique  à  la  façade  de 
l'évêché,  mais  cette  galerie  est  de  style  plus  an- 
cien ;  il  semble  remonter  à  l'époque  des  nefs  de 
la  cathédrale.  Il  est  hautement  désirable  de  voir 
restaurer  ce  beau  reste  de  l'architecture  civile 
romane  dont  la  Belgique  garde  si  peu  d'exemples. 

On  peut  voir  d'autres  vestiges  de  la  mê  me 
époque  dans  les  sous-sols  du  même  édifice, 
notamment  un  remarquable  souterrain  dont 
nous  avons  naguère  publié  les  dessins  (2)  et  que 
reproduit  la  vignette  ci-contre. 

La  première  construction  du  palais  épicopal 
remonte  à  Anselme,  premier  évêque  sacré  après 
la  séparation  de  l'évêché  de  Tournai  d'avec 
celui  de  Noyon.  Il  fut  agrandi  au  XIIIe  siècle  par 
Walter  de  Marvis;  incendié  en  1304,  il  fut 
rebâti  par  Gui  de  Bologne  et  achevé  par  Guil- 
laume de  Ventadour  ;  Ferry  de  Clugny  et  Jean 
Chevros  l'agrandirent  à  leur  tour. 

La  cathédrale  elle-même  est  le  plus  vieux  mo- 
nument de  la  Belgique  et  l'une  des  plus  gran- 
dioses basiliques  romanes  du  pays.  Malheu- 
reusement elle  est  encastrée  dans  un  pâté  de 
constructions  qui  la  cachent  en  grande  partie. 
Tel  qu'il  apparaîtrait  entièrement  dégagé,  avec 
ses  cinq  tours  surmontées  de  flèches  et  les  ma- 
gnifiques absides  qui  terminent  le  transept,  l'édi- 
fice produirait  un  effet  grandiose. 

Le  chevet  du  chœur  surtout  offrirait,  s'il 
était  découvert,  un  des  plus  prestigieux  spec- 
tacles qu'on  puisse  rêver. 

On  lit  à  ce  sujet  dans  la  Chronique  des  travaux- 
publics  : 

«  Il  ne  faut  pas  compter,  pour  le  moment,  sur  un  déga- 
gement coûteux  et  radical,  mais  un  dégagement  partiel  et 
suffisant  s'impose. 

Le  projet,  depuis  longtemps  préconisé  par  M.  l'archi- 
tecte Cloquet,  est  le  dégagement  du  chevet  de  la  cathé- 
drale, qui  semble  devoir  bientôt  se  réaliser. 

11  s'agirait  de  percer  une  ouverture  de  20  mètres  de 
largeur  à  travers  les  immeubles  peu  profonds  qui  séparent 
ce  chevet  de  la  rue  des  Chapeliers  et  de  transformer  en 
rue  publique  le  chemin  de  service  qui  contourne  le  chœur 
vers  le  Nord.  Du  même  coup  on  ouvrirait  une  communi- 
cation entre  l'Hôtel  des  postes  projeté  et  le  quartier  du 
Séminaire  et  du  Parc. 

1.  V.  L.  Cloquet,  Tournai  et  Tournaisis,  p.  157. 

2.  V.  L.  Cloquet  et  A.  de  Lagrange,  Études  de  l'art  à  Tournai. 


En  attendant,  la  restauration  de  la  cathédrale  continue 
toujours  sous  la  direction  de  M.  l'architecte  Sonneville. 

Cette  restauration  coûtera  environ  600,000  francs,  dont 
400,000  francs  à  charge  de  l'Etat  et  200,000  francs  à 
charge  du  chapitre.  Elle  durera  une  dizaine  d'années.  > 

Le  même  journal  ajoute  : 

Le  projet  de  la  construction  d'un  Hôtel  des  postes  à 
Tournai,  que  viennent  de  déposer  MM.  les  architectes 
Cloquet  et  Mortier,  comprend  un  bâtiment  à  étage,  le 
long  de  la  rue  du  Curé-Notre-Dame  et,  d'un  côté  du 
Marché-aux-Fruits,  une  aile  basse  laissant  voir  les  nefs 
de  la  cathédrale  ou  du  moins  la  chapelle  paroissiale  qui 
les  masque  en  partie.  L'angle  de  l'édifice  à  construire  est 
marqué  par  une  tourelle  téléphonique  visible  de  la  rue 
qui  vient  de  la  gare  (rue  de  l'Hôpital).  Une  autre  aile 
sans  étage  raccordera  la  Porte  Mantile  par  un  alignement 
oblique. 

Les  architectes  proposent  en  même  temps,  un  rema- 
niement du  lourd  perron  de  la  Porte  Mantile  (ou  portail 
Nord)  dans  lequel  le  bas  de  cet  admirable  portail  est  ac- 
tuellement noyé.  Il  y  a  lieu,  d'après  eux,  de  reporter  sous 
l'abri  du  porche  une  partie  des  degrés  malencontreux  et 
de  faire  un  escalier  beaucoup  moins  encombrant. 

M.  Delwart,  échevin  des  travaux  publics,  voudrait,  au 
contraire,  voir  prolongé,  jusque  contre  la  cathédrale, 
l'alignement  de  la  rue  de  l'Hôpital,  et  élever,  sur  le  mar- 
ché, la  façade  principale  de  l'Hôtel  des  postes.  Ainsi,  on 
verrait  de  très  loin  l'église  et  l'on  aurait  une  place  plus 
régulière. 

A  cette  idée  les  architectes  font  plusieurs  objections, 
indépendantes  de  la  question  du  terrain  perdu  :  une 
façade  à  étage  vers  le  Marché  masquerait  entièrement  la 
vue  de  la  partie  Ouest  de  la  cathédrale  (nefs  romanes)  ; 
le  bâtiment  des  postes  ne  serait  plus  aperçu  de  la  rue 
venant  de  la  gare  ;  enfin,  le  raccordement  de  l'aile  en 
retour  de  celui-ci  avec  la  cathédrale  se  ferait  d'une  ma- 
nière défectueuse,  la  jonction  étant  indiquée,  au  point  de 
vue  esthétique,  au  droit  du  portail,  là  où  commence  la 
chapelle-paroisse. 

La  perspective  à  sauver  avant  tout,  disent-ils,  est  celle 
dont  on  jouit  du  Marché-aux-Fruits  vers  les  nefs  de  Notre- 
Dame,  et  leur  projet  la  ménage  amplement.  Le  bâtiment 
projeté  étant  conçu  dans  le  même  style  que  la  cathédrale, 
il  est  avantageux  qu'il  se  présente,  même  de  l'autre  coté, 
comme  avant-plan  du  monument  roman,  au  lieu  d'être 
dissimulé. 

Il  paraît  qu'on  s'est  mis  d'accord,  sauf  l'approbation  de 
monsieur  le  Ministre,  sur  une  solution  transactionnelle 
qui  reculerait  le  coin  de  l'Hôtel  des  postes  à  peu  près  jus- 
qu'à l'angle  de  la  rue  de  l'Hôpital,  tout  en  conservant  l'aile 
principale  le  long  de  la  rue  du  Curé-Notre-Dame.  Ce 
recul  entraînera  l'acquisition  d'un  immeuble  en  plus.  Dès 
lors  on  serait  amené  assez  logiquement  à  une  transfor- 
mation complète  de  tout  le  front  sud  de  cette  dernière  rue. 

Pourquoi,  en  effet,  ne  pas  reculer  ce  front,  pour  l'ali- 
gner de  ce  côté  avec  la  rue  de  la  Cordonnerie,  et  rebâtir 
les  deux  ou  trois  maisons  formant  le  coin  et  joignant  les 
Anciens-Prêtres  en  style  approprié  ?  On  aurait  alors,  sur 
tout  le  contour  de  l'îlot,  du  portail  Nord  au  grand  portail 
de  la  cathédrale,  un  ensemble  complet,  de  style  monu- 
mental, qui  remplacerait  et  rappellerait  les  anciennes 
annexes  capitulaires  de  Notre-Dame. 


— KIM— — JOt- 


Chronique. 


273 


Varia. 

X  poursuit  la  restauration  de  l'église  de 
Wervicq  ;  la  tour  doit  être  surmontée 
d'une  flèche  nouvelle. 

On  en  est  à  la  dernière  série  des 
travaux  pour  la  restauration  de  l'église  de  Wal- 
court.  Le  mobilier  va  être  refait  en  style  du 
XVe  siècle  d'après  les  plans  de  M.  Langerock. 

L'église  de  Baelen  sur  Nèthe  (Anvers)  a  été 
rangée  dans  la  2e  classe  des  édifices  monu- 
mentaux du  culte. 

On  projette  la  restauration  de  l'église  de  Foy- 
Notre-Dame  (Namur).  Cette  église  possède  un 
plafond  peint  à  caissons  très  intéressant  ;  elle  a 
été  classée  dans  la  3e  classe  des  monuments,  ainsi 
que  l'église-forteresse  d'Autelhaut(Luxembourg). 


Gand.  —  M.  Verhaegen  vient  d'achever  et 
d'envoyer  à  l'autor'œ  supérieure  les  plans  pour 
la  restitution  du  château  de  Gérard-le-Diable.  Ce 
monument  aura  environ  le  double  de  son  impor- 
tance actuelle.  La  partie  à  ajouter  a  existé 
autrefois.  Le  tout  formera  un  excellent  dépôt 
pour  les  archives. 

Les  bureaux  seront  installés  dans  une  annexe 
conçue  par  l'architecte  dans  un  style  de  la  même 
époque.mais  moins  sévère  que  le  style  du  château 
proprement  dit.  Le  travail  de  M.  Verhaegen  est 
digne  de  tous  les  éloges. 


On  va  restaurer  la  tour  du  Burbant  à  Ath,  et 
de  rares  donjons  de  l'époque  romane  que  con- 
serve la  Belgique. 

— J€H— -i®i— 

Félicitons  M.  le  curé  de  Kessel,  qui  a  la  bonne 
inspiration  de  rétablir  dans  son  église  la  croix 
triomphale.  Rien  n'est  plus  souhaitable,  que 
la  remise  en  honneur  partout  de  cette  grande 
image  du  divin  Crucifie,  qui  jadis  partout  planait 
à  l'entrée  du  chœur.  Le  chœur  de  l'église  de 
Kessel  possède  de  beaux  vitraux  dûs  à  feu  Me 
Bethune  ;  il  est  question  d'en  placer  des 
nouveaux;  puissent-ils  être  dignes  de  ceux  aux- 
quels ils  doivent  faire  suite. 

A  Rebaix  (Hainaut)  l'église  garde  aussi  une 
croix  triomphale,  non  sans  mérite,  remontant  au 
XVe  siècle.  On  voulait  la  vendre  ;  mais  la  Com- 
mission des  monuments  est  intervenue  pour  la 
faire  reprendre  et  faire  placer  à  ses  côtés  sur  des 
socles,  les  statues  de  S.  Jean  et  de  la  Vierge, 
également  anciennes. 


Des  vestiges  de  peintures  murales  ont  été 
découverts  à  l'église  de  Mespelaer  (Flandre 
Orientale).  Malheureusement  elles  ont  été  dé- 
truites avant  même  que  l'on  ait  pu  en  prendre 
note.  M.  l'architecte  provincial  Mortier  a  pu 
constater  qu'elles  dataient,  à  en  juger  par  leur 
style,  du  XVe  au  XVIe  siècle. 

Celles  que  l'on  a  trouvées  naguère  dans  l'an- 
cienne église  de  Laeken  (Brabant)  ont  été  soi- 
gneusement copiées  par  M.  Bressers.  Là  encore, 
on  s'est  hâté  de  les  faire  disparaître.  Fort  heureu- 
sement la  copie  de  M.  Bressers  permettra  de  les 
restituer. 

— KS?<  ■■  i®<— 

M.  Osterrath,  fils,  le  successeur  du  regretté 
peintre-verrier  de  Tilf  (Belgique),  est  chargé  de 
placer  cinq  verrières  au  chœur  de  la  collégiale  de 
Louvain. 

M.  Franz  Kegeljan,  le  peintre  belge  connu, 
vient  d'entreprendre  en  une  suite  de  douze 
tableaux,  la  reconstitution  du  Vieux  Xamur, 
dont  l'aspect  caractéristique  tend  à  disparaître 
par  de  fâcheuses  transformations.  Parmi  les 
sites  étudiés  par  l'artiste,  on  cite  :  le  Château- 
fort  avec  la  porte  de  Grognon  et  le  pont  de  la 
Meuse  ;  l'ancien  Musée  avec  la  porte  Gravière  ; 
la  Basse-Sambre  et  les  moulins  ;  la  vieille 
Porte  -  Hoyuoul  ;  les  Écluses  de  la  Plante  ;  la 
chapelle  Notre-  Dame-du-Rempart,  etc.  Ces 
peintures  sont  destinées  au  Musée  de  Namur. 
vu,  *$..  os.  an,  «g,  «as.  os  os.  «g.  ««  .*» .'».  •&.  *&.  «as,  »».  *»  «a;  os,  as  •».  •$•«&.-&, 


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Ue  X)r  Fran?  Bock. 


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-K>i— 


LA  Revue  allemande  Zeitsclirift fiir  Clirist- 
liche  Kunst  consacre  au  défunt  les  lignes 
suivantes,  que  nous  traduisons  en  nous  associant 
aux  sentiments  qui  y  sont  exprimés. 

Franz  Bock  est  décédé  à  Aix-la-Chapelle  à  l'âge 
de  76  ans.  Quoique  cet  archéologue  n'ait  pas  été 
en  rapport  avec  notre  Revue,  elle  ne  saurait,  au 
moment  de  la  mort  de  Bock,  passer  sous  silence 
ses  grands  mérites  dans  le  domaine  de  l'étude  et 
de  la  renaissance  de  l'art  médiéval. 

Doué  de  talents  peu  ordinaires  et  d'une  intel- 
ligence remarquable  de  l'art  chrétien,  et  surtout 
en  ce  qui  concerne  les  arts  décoratifs  du  moyen 
âge,  il  sut,  alors  qu'il  était  encore  étudiant,  se 
passionner  lui-même  et  inspirer  aux  autres  l'ad- 
miration qu'il  professait  pour  l'art  consacré  au 
culte.  Devenu  prêtre  en  1S50,  il  ne  cessa  de  col- 
lectionner les  objets  d'art  ecclésiastique  et  notam- 


KEVUB  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  3nic  LIVRAISON. 


274 


3&rtue  lie  T&rt  chrétien. 


ment  les  tissus  ;  par  des  études  et  des  voyages 
répétés,  il  s'était  acquis  une  somme  considérable 
de  connaissances.  Par  de  nombreuses  publica- 
tions parmi  lesquelles  il  convient  de  citer  en  pre- 
mière ligne  «  Die  Kleinodien  des  kl.  Romischen 
ReichesDeutscher  Nation  f>  et  «  Die  Gesclnchte  der 
liturgischen  Gewaendes  des  J I ittelalters  »,  livres 
qui  dénotent  plutôt  une  intelligence  intuitive  et 
un  grand  esprit  d'observation  que  de  savantes 
recherches,  les  connaissances  qu'il  s'était  acqui- 
ses pénétrèrent  aussi  bien  dans  le  monde  reli- 
gieux que  chez  les  laïcs  ;  il  gagna  une  véritable 
influence  et  de  nombreux  adeptes,  notamment 


parmi  les  artistes  qu'il  savait  inspirer  et  diriger 
en  les  mettant  en  rapport  avec  les  beaux  modèles 
du  moyen  âge.  Il  est  demeuré  fidèle  jusqu'à  la 
mort  à  sa  voie  et  à  la  direction  qu'il  avait  prise, 
malgré  les  coups  du  sort  et  les  fluctuations  d'une 
vie  agitée.  Le  zèle  sans  trêve  ni  repos  avec  lequel 
il  poursuivait  ses  collections,  a  servi  à  enrichir 
plus  d'un  musée,  de  même  que  ses  publications 
furent  estimées,  bien  que  leur  style  un  peu  am- 
poulé ne  soit  pas  de  nature  à  captiver  le  lecteur. 
Bock  mérite  une  place  à  part  parmi  les  écrivains 
i.  conseillers  des  artistes  »et  les  hommes  qui  ont 
travaillé  «  à  décorer  la  maison  de  Dieu.  »  R.  I.  P. 


Imprimé  par  Desclee,  De  Brouwer  et  Cta,  Bruges. 


j  ËiffiSSHSS^^HB^^EJfflS^IDSSSS^Iil 


Beïme  tie 


l'Hrt  chrétien 


$>  paraissant  tous  les  beur  mais. 


42me  Hnnée.  —  5e  Série. 


(Came  X  (xLvine  be  la  collection). 


£    4me  livraison.  —  -Juillet  J899. 


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0 


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Ht  !Qrtcuré  oe  la  "  !Rate<aur^BonsORommes(,)   ie3* 


Hngers".  -Bon  église  et  les  peintures  qui  la  Décorent. 


Hnalysc  Des  peintures  De  rérjlise  pricu- 
talc  De  la  Raie  =  aur  =  Bons  Sommes. 

lE  botaniste,  après  avoir 
décric  les  fleurs  aux 
riches  couleurs,  les  dis- 
sèque pour  les  connaître 
dans  leur  structure  in- 
time. Nous  ferons  com- 
me lui,  après  avoir  décrit 
dans  leur  ensemble  les  peintures  de  l'église 
prieurale  de  la  Haie-aux-Bons-Hommes, 
nous  allons  les  analyser  dans  leurs  détails. 
«  Les  hystoires  painctes  »  et  les  symboles 
nous  les  expliquerons,  chemin  faisant,  en 
devisant. 

L'abside. 

La  clef  de  voûte.  —  La  clef  de  voûte  de  l'abside 
est  fort  curieuse.  L'encadrement  est  formé  d'un 
grand  cercle  noir  sur  lequel  se  trouvent  des  pal- 
mettes  rouges  à  bord  blanc  entre  deux  cercles 
jaunes.  Le  tout   est  inscrit  dans  un  encadrement 

1.  Voy.  la  3me  livraison,  page  213. 


KfcVuti    DE    l.'AKT    CHKHTIKN. 
1899     —    4"le    LIVRAISON. 


hexagonal  à  grands  fleurons  rouges  dont  les 
bords  sont  blancs  cernés  de  noir.  On  dirait  une 
de  ces  clefs  de  voûte  ajourées  et  sculptées  que  l'on 
voit  si  souvent  dans  les  charpentes  anglo-nor- 
mandes du  XIVe  et  du  XVe  siècle.  Au  centre, 
sur  un  fond  bleu  tendre,  se  trouve  le  Christ 
bénissant.  Les  traits  de  son  visage,  sa  chevelure, 
sa  barbe,  son  auréole  crucifère  sont  peints  à 
l'ocre  rouge.  De  sa  main  gauche,  le  Sauveur 
tient  le  globe  surmonté  de  la  croix,  symbole  de 
la  puissance.  Un  manteau  rouge  est  jeté  par- 
dessus sa  robe  blanche  très  curieuse  décorée  de 
croix  noires,  rouges  au  centre  et  reliées  en 
losanges  par  des  traits  rouges  et  noirs. 

Les  voûtains.  —  Les  parties  A  de  la  voûte  ren- 
ferment un  joli  rosier  dont  les  tigelles  bleues  for- 
ment de  délicieuses  arabesques.  Les  roses,  de  cou- 
leur brun  rouge,  portent  à  leur  centre  un  point 
jaune.  — Dans  les  parties  B,se  trouvent  de  grands 
cercles  jaunes  avec  des  aigles  éployées  et  des 
lionsdont  les  contours  bruns  grossièrement  peints 
ont  presque  complètement  disparu  aujourd'hui. 
Entre  les  cercles  jaunes,  sont  disposés  des  mar- 
guerites bleues  et  des  losanges  dont  les  bords 
bleus,  coupés  d'une  ligne  blanche,  renferment  des 
quatre-feuilles  bleues  accostées  de  petites  feuilles 


276 


WitWt  tic  l'&rt  dnctteu 


de  la  même  couleur.  Ces  losanges  forment  le 
milieu  de  grandes  croix  composées  de  tigelles 
de  couleur  brun  rouge  recourbées  et  terminées 
par  des  trèfles. 

Arcs-formerets  romans.  —  Les  arcs-formerets 
romans  comprennent  un  double  encadrement 
brun  rouge  au  milieu  duquel,  sur  un  fond  noir, 
se  détachent  de  jolis  feuillages  blancs,  avec 
nervures  alternativement  rouges  et  bleues.  — 
Cf.  la  planche  IV,  n°  17. 

Appareils  de  la  voûte.  —  Entre  les  arcs-for- 
merets de  la  voûte  et  les  tiercerons  se  trouve  un 
appareil  brun  rouge  au  milieu  duquel  trois  tiges 
bleues  portent  <i  fleurs  d'églantier  et  lis  et  roses  ». 
Au-dessous  des  arcs-formerets,  des  tiges  bleues 
forment  un  buisson   très  tourmenté. 

Clef  des  arcs-tiercerons.  —  A  la  rencontre  des 
liernes  et  des  tiercerons,  se  détachent  à  mi-corps, 
de  petits  anges,  les  mains  jointes.  Leurs  vête- 
ments sont  alternativement  rouges  et  bleus. 

La  fresque  de  la  Vierge.  —  Au  fond  de  l'ab- 
side, entre  la  corniche  et  l'arc-tierceron,  se  trouve 
une  frise  aujourd'hui  en  fort  mauvais  état,  mais 
très  intéressante.  Nous  n'avons  pu  en  faire  le 
relevé,  à  notre  grand  regret.  Au  centre,  la 
Ste  Vierge  est  assise  sur  un  trône  qui  rappelle 
les  grands  «  faldistoirs  ))  des  Mss  du  XIIIe  et 
du  XIVe  siècle.  Elle  tient  sur  ses  genoux  l'en- 
fant Jésus.  La  couronne  qu'elle  porte  est  jaune 
à  trois  fleurons  trèfles.  De  la  tête  de  la  Vierge, 
dont  les  traits  sont  effacés,  tombe,  sur  la  poitrine 
et  sur  les  épaules,  un  voile  bleu.  La  robe  de  la 
Ste  Vierge  et  celle  de  l'enfant  Jésus  sont  rouges 
avec  un  semis  de  croix  noires.  —  De  chaque  côté 
du  groupe,  deux  anges  au  visage  gracieux,  les 
ailes  étendues,  sous  l'arc-tierceron,  sont  agenouil- 
lés. Ils  sont  vêtus  de  bleu  et  tiennent  des  en- 
censoirs jaunes  à  chaînettes  noires  qu'ils  agitent 
devant  l'Enfant  divin. 

Cette  fresque  est  à  la  place  d'honneur.  Bien 
des  fois  les  religieux,  après  avoir  médité  sur  «  la 
voie  de  Paradis  »,  ont  dû  jeter  leurs  regards  vers 
«  Madame  Ste  Marie  ».  Bien  des  fois,  ils  ont  dû 
adresser  à  la  divine  Mère  la  prière  du  poète  : 

Roine  débonoire 

Les  iex  du  cuer  m'esclaire, 

Et  l'obscurté  m'esface, 

Si  qu'à  toi  puisse  plaire, 

Et  ta  volonté  faire  : 

Car  m'en  donne  la  grâce  ('). 

1.  Kutebeuf,  Le  Miracle  de  Théophile,  V.  507. 


Arc  triomphal.  —  Les  deux  petites  colonnes 
engagées  de  chaque  côté  de  la  nef,  à  l'intérieur 
de  l'abside,  étaient  autrefois  coloriées,  la  pein- 
ture a  disparu  le  long  du  fût.  Les  feuilles  d'eau 
du  chapiteau  étaient  rehaussées  de  nervures 
rouges  et  bleues.  —  L'arc  triomphal  lui-même, 
le  long  de  la  voûte,  est  formé  d'un  encadrement 
rouge  et  jaune.  Au  milieu,  sur  un  fond  noir,  se 
détachent  de  longues  palmettes  d'eau,  comme  on 
en  trouve  souvent  dans  les  peintures  de  l'école 
poitevine.  Les  hachures  sont  alternativement 
bleues  et  rouges.  —  Le  tore  qui  limite  la  voûte 
de  la  nef  est  décoré  d'une  torsade  noire  sur  fond 
jaune.  —  Cf.  la  planche  IV,  n°  15. 

La  nef. 

Voûte  de  la  nef.  —  Clefs  de  voûte.  —  Travée 
C. —  L'encadrement  de  la  clef  de  voûte,  en  par- 
tant du  centre,  est  formé  d'un  filet  noir,  d'une 
bordure  jaune  et  d'un  grand  ruban  noir  sur  lequel 
se  détachent  très  nettement  de  grandes  feuilles 
blanches  à  nervures  bleues.  Du  pied  de  ces 
feuilles, sort  une  petite  feuille  rouge  a  bord  blanc. 
Au  milieu,  sur  un  fond  bleu  semé  de  croix  noires, 
se  trouvait  la  Vierge  dont  la  chevelure  couleur 
brun  rouge  se  détachait  sur  une  auréole  jaune.  Sa 
robe  était  brune,  il  n'en  reste  presque  plus  rien. 
La  figure  et  tout  le  milieu  du  corps  ont  disparu. 
Au  rebord  de  la  clef  de  voûte,  du  côté  Ouest,  on 
voit,  séparés  par  la  lierne,  ces  deux  mots  de  la 
Salutation  angélique  :  «  <àU€  $®  &!&,'$$.  ». 
Du   côté  Est    on    soupçonne   le  texte    suivant  : 

«  EC(B3ilîa  a£1ë>  (en)  CâDEHDjtfC  ». 

Cf.  la  planche  IV,  travée  C,  n°  5. 

—  Travée  D.  —  Le  fond  de  la  clef  de  voûte  a 
disparu,  il  ne  reste  plus  que  quelques  détails  qui 
nous  ont  permis  d'en  restituer  le  dessin.  A  l'in- 
térieur, se  trouve  un  cercle  jaune;  tout  autour,  sur 
un  fond  noir,  apparaissent  des  groupes  de  tigelles 
blanches  à  feuilles  recourbées  dont  les  hachures 
sont  rouges.  Entre  ces  feuilles,  près  du  cercle  in- 
térieur jaune,  il  y  a  des  trèfles  blancs  dont  l'inté- 
rieur est  jaune  ;  à  l'extérieur, entre  les  groupes  de 
feuilles,  d'autres  trèfles  complètement  jaunes, 
servent  de  bordure.  —  Cf.  la  planche  IV,  travée 
D,  n°  6. 

—  Travée  E.  —  Deux  cercles  (rouge  et  jaune) 
sont  inscrits  dans  une  bordure  blanche  à  filet 
bleu   de   forme   octogonale.  De  chaque  côté  des 


Ht  prieuré  &e  la  $afe*atu'*15ong  gommes.         277 


fleurons  trèfles  de  l'octogone  partent  deux  petites 
feuilles  blanches  avec  hachures  rouges.  Entre 
elles,  vers  leur  pointe.se  trouve  un  trèfle  blanc  à 
centre  bleu.  Le  champ  de  cette  clef  de  voûte  est 
bleu  ;  il  porte  un  «  Agnus  Dei  »  dont  les  yeux 
sont  finement  dessinés  en  noir.  Les  diverses 
parties  de  sa  toison  sont  marquées  par  quelques 
traits  rouges.  Il  porte  un  gonfanon  à  trois  pointes 
et  la  terre  sur  laquelle  il  repose  est  brune.  —  Cf. 
la  planche  IV,  travée  E,  n°  2. 

—  Travée  F.  —  La  clef  de  voûte  de  cette 
travée  est  très  simple,  mais  fort  belle  ;  un  filet 
rouge  et  un  filet  jaune,  de  grandes  feuilles  blan- 
ches à  nervures  rouges  en  forme  de  torsade  sur 
un  fond  noir,  composent  tout  l'encadrement.  Au 
centre,  sur  un  fond  bleu  de  cobalt,  se  détache 
S.  Jean-Baptiste.  La  tête  barbue  du  Précurseur 
est  dessinée  en  brun  sur  une  auréole  plus  foncée. 
La  toison  qui  lui  sert  d'habit  est  de  couleur  jaune 
avec  une  large  bande  ardoisée  sur  la  poitrine.  Le 
Saint  tient  un  livre  de  la  main  gauche  et  il  bénit 
de  la  main  droite.  On  remarque  une  sorte  de 
listel  sous  le  bras  droit.  Ce  personnage  a  été  peint 
par  un  homme  maître  de  son  pinceau  ;  on  ne 
sent  nulle  part  la  moindre  hésitation.  On  remar- 
que sur  les  mains,  sur  le  livre  et  sur  la  manche 
droite  quelques  traits  rouges  pour  accrocher  la 
lumière  en  donnant  du  relief. —  Cf.  la  planche  I V, 
travée  F,  n°4. 

—  Travée  G.  —  Les  couleurs  de  cette  clef  de 
voûte  sont  moins  riches.  Le  cadre  se  compose 
d'un  cercle  jaune  uni,  d'un  filet  brun  rouge  et  d'un 
large  tour  blanc  fleuronné  avec  rehauts  bleus. 
Un  ange,  les  mains  jointes,  occupe  le  centre  de 
couleur  bleue.  L'auréole,  les  traits  du  visage,  les 
cheveux,  les  mains  finement  dessinées,  les  ailes 
sont  de  couleur  ocre.  La  tunique  est  blanche  avec 
collet  jaune  orné  de  traits  qui  se  coupent  en  X. 
Les  parements  des  manches  sont  bruns. —  Cf.  la 
planche  IV,  travée  G,  n°  3. 

Clefs  des  arcs-doubleaux.  —  Les  arcs-dou- 
bleaux  ont  leur  clef  formée  de  cercles  jaunes,  au 
milieu  desquels  se  trouvent  des  quatre-feuilles 
avec  hachures  alternativement  rouges  et  bleues. 
— Laclefdel'arc-doubleau  entre  les  travées  D-E 
est  particulièrement  intéressante.  Dans  le  cercle 
jaune,  quatre  têtes  de  femmes  couvertes  d'une 
guimpe  se  touchent  par  le   menton.  Ces  figures 


sont  dessinées  en  brun,  à  part  les  yeux  qui  sont 
bleus.  De  petits  feuillages  bleus  les  séparent.  — 
Cf.  la  planche  IV,  travée,  n°  7. 

Clefs  des  arcs-formerets.  —  A  la  clef  des  for- 
merets  se  trouvent  des  personnages  ou  des  ani- 
maux, des  mascarons,  dans  le  genre  de  ceux  que 
représentaient  fréquemment  les  sculpteurs  du 
moyen  âge  à  l'endroit  où  les  liernes  rencon- 
traient les  arcs-doubleaux  ou  les  formerets. 

—  Travée  C.  —  Côté  Sud.  —  Buste  de  moine. 
—  La  tête  regarde  l'abside  ;  elle  porte  des  che- 
veux de  couleur  jaune,  coupés  en  couronne.Vêtu 
d'un  habit  bleu,  le  moine  tient  dans  ses  mains  un 
parchemin  et  il  chante.  —  Côté  Nord.  —  Buste 
de  moine. —  Ce  religieux  a  la  même  attitude  que 
celui  d'en  face.  Comme  lui,  il  porte  la  couronne 
monastique  de  même  couleur.  Son  habit  est  à 
manches  bleues.  La  poitrine  est  couverte  d'un 
scapulaire  jaune.  Sur  le  dos,  on  voit  une  sorte  de 
bâton  terminé  par  deux  pommes  rouges.  —  Cf. 
la  planche  V,  travée  C,  n°24. 

—  Travée  D.  —  Côté  Nord.  —  Un  petit  per- 
sonnage émerge  d'un  cul-de-lampe  à  feuillages 
rouges,  liserés  de  blanc  ;  il  porte  sur  la  tête  un 
écusson.  Sa  chevelure,  divisée  sur  le  front, est  très 
abondante,  elle  est  peinte  couleur  ocre  ainsi  que 
les  traits  du  visage.  —  Son  habit  est  bleu.  — 
L'écusson  est  très  curieux  et  très  important,  il 
pourra  nous  aider  à  déterminer  la  date  des  pein- 
tures de  l'église.  Nous  ne  retrouvons  point  dans 
ce  blason  l'application  de  toutes  les  règles  de 
l'art  héraldique.  C'est  une  œuvre  de  fantaisie.  Le 
champ  et  le  chef  sont  tous  les  deux  de  couleur 
jaune  ;  généralement  quand  il  y  a  deux  parties 
dans  un  blason,  leurs  émaux  sont  de  couleurs 
différentes.  Voici  comment  on  doit  le  lire  :  «D'or 
«  à  deux  fleurs  de  lis  de  sable,  au  chef  d'or  et  à  la 
«  clef  de  sable  brochant  sur  le  tout.  »  Il  y  a  là,  il 
nous  semble,  une  réminiscence  ;  le  peintre  a  pensé 
reproduire,  de  mémoire,  les  parties  et  les  meubles 
des  armoiries  d'Angers  :  «  De  gueules  à  la  clef 
«en  pal  d'argent, au  chef  d'azur,  chargé  de  deux 
«  fleurs  de  lis  d'or»  ;  il  a  changé  seulement  les 
émaux  et  les  meubles  de  place.  —  Côté  Sud.  — 
Sorte  de  «  Janus  bifrons  ».  Deux  têtes  sous  la, 
même  couronne  royale  (jaune)  à  trois  fleurons 
trilobés.  Les  cheveux  et  la  barbe  de  ces  deux 
figures  accolées   sont  bleus,  les  yeux,  la  bouche 


278 


Bebue  toc  V&xt  chrétien. 


et  les  sourcils  sont  de  couleur  noire.  —  Cf.  la 
planche  V,  travée  D,  n°  23. 

—  Travée  E.  —  Côté  Nord. —  Léopard  man- 
geant deux  têtes.  —  La  tête  du  léopard  «moult 
«  de  fier  regart»  est  traitée  avec  verve  et  grande 
habileté.  Les  paupières  supérieures,  la  prunelle 
des  yeux,  l'extrémité  du  nez  ont  été  peintes  en 
noir  ;  les  traits  principaux  en  brun  rouge.  —  Les 
deux  têtes  que  l'animal  tient  dans  sa  gueule 
portent  une  épaisse  chevelure.  Les  paupières,  le 
profil  ont  reçu  quelques  retouches  jaunes  qui 
éclairent  le  visage  et  lui  donnent  une  très  grande 
expression.  —  Côté  Sud.  —  Personnage  accroupi 
supportant  un  entablement.  L'entablement  est 
jaune  avec  des  traits  noirs  qui  en  séparent  les 
diverses  parties.  —  Le  personnage,  faiblement 
dessiné  et  peint  en  rose,  est  en  fort  mauvais  état. 

—  Travée  F.  —  Côté  Nord.  —  Tète  de  lion. 

—  L'animal  tient  un  listel  dans  sa  gueule  large 
et  fendue  «  moult  grinçante  ».  Sa  langue  pendante 
est  rouge, cernée  de  blanc.  Le  ton  général  est  bleu 
ardoisé   avec  quelques   rehauts  blancs  et  verts. 

—  Côté  Sud.  —  Deux  têtes  de  poissons  accolées, 
dont  la  gueule  ouverte  mord  l'arc-formeret. L'une 
a  l'œil  ouvert  et  des  dents  très  pointues  à  la  mâ- 
choire supérieure,  l'autre  a  l'œil  «dormant  ».  Ces 
deux  têtes  rappellent  celles  qu'on  trouve  fré- 
quemment aux  entraits  des  églises  de  Bretagne  ; 
elles  sont  peintes  en  vert  avec  nervures  noires  et 
rehauts  bleus.  —  Cf.  la  planche  V,  travée  F,  n°  25. 

—  Travée  G.  —  Côté  Nord.  —  Tête  de  mons- 
tre à  face  humaine. —  L'animal  porte  des  cornes 
et  une  coiffure  dont  les  pans  encadrent  les  joues 
un  peu  à  la  façon  des  sphinx  de  l'Egypte.  Les 
yeux,  d'une  vivacité  étonnante  sous  d'épais  sour- 
cils, regardent  de  travers.  Le  nez,  le  rictus  des 
lèvres, le  menton  très  fort  donnent  à  cette  étrange 
figure  une  énergie  d'expression  étonnante  très 
«  espoentable  >>.  La  couleur  de  la  bête  est  le  bleu 
ardoisé.  Les  traits  dessinés  en  noir  sont  accentués 
par  quelques  lignes  blanches.  Au-dessus  de  la 
tête,  on  lit  de  chaque  côté  de  la  lierne  «j]î£l&- 
T£>!à  (a)  IL  pour  «  nar-Baal  »,  vieille  expression 
orientale  d'origine  égyptienne  qui  signifiait  «nom, 
puissance  de  Baal  (')».  C'était  l'un  des  noms  que 

I.  Cf.  Mém.  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  ic  série,  t.  X,i897.  —  Étude  de  M.  Robiou  sur  les 
religions  syro-babylon.  et  l'Éran. 


le  moyen  âge  donnait  au  démon.  L'aspect  de  la 
«  beste  »  fait  songer  au  «  Harballeur»  toujours 
en  quête  d'une  nouvelle  proie  «quaerens  quem 
«  devoret  ».  —  Côté  Sud.  —  De  ce  côté  se  trouvait 
la  représentation  du  Loup,  comme  le  témoigne 
l'inscription  <<31»>(E.-ï£-(lf5E3]  (n)  ».I1  ne  reste  plus 
rien  du  personnage,  tout  est  effacé.  On  était  aux 
XIIe,  XIIIe  et  XIVe  siècles  très  occupé  des 
exploits  de  «  Goupil  le  Renart  »  et  du  «  loup 
«  Isengrin  son  chier  compère.  »  Notre  peintre 
avait  lu  probablement  l'épopée  héroï-comique  du 
«  Renart  »,  il  connaissait  le  «  Renart  le  Nouvel  » 
composé  par  Jakemar  Gelée  à  Lille  en  Flandre, 
l'an  de  Notre-Seigneur  1288,  il  s'était  diverti  à 
la  lecture  de  «  Renart  le  contrefait  »  que  donnè- 
rent des  trouvères  champenois  au  début  du 
XIVe  siècle.  Ces  livres  satiriques  couraient  dans 
toutes  les  mains,  ils  entraient  même  parfois  dans 
les  cloîtres. Gautier  de  Coinsy,  dans  son  livre  des 
«  Miracles  de  la  Vierge  »  1233,  censure  les 
hommes  d'Église  qui 

En  lor  moustier  ne  font  pas  fère 
Si  tost  l'image  Nostre  Dame 
Corn  font  Isengrin. 

Appareils  des  voûtains.  —  Les  peintres 
décorateurs  du  moyen  âge  ont  toujours  con- 
formé leurs  peintures  à  la  structure  des 
édifices.  Logiciens  en  tout,  c'est  en  suivant 
les  règles  imposées  par  la  raison  qu'ils 
ont  adopté  ces  appareils  si  fréquents  dans 
l'ornementation  des  voûtes  et  des  murs  du 
XIIe  au  XIVe  siècle.  Les  appareils  de  la 
voûte  de  la  Haie-aux-Bons-Hommes  sont 
arrangés  à  la  façon  des  petits  appareils  des 
voûtes  à  nervures,  les  uns  sont  perpendi- 
culaires, les  autres  parallèles  aux  liernes  qui 
relient  la  clef  de  voûte  aux  arcs-doubleaux. 
Ils  sont  de  la  plus  grande  simplicité  et  tou- 
jours tracés  en  couleur  brun  rouge  sur  fond 
blanc  teinté  de  rose.  Filés  au  pinceau,  ils 
font  valoir  les  clefs  de  voûte,  les  arcs,  les 
liernes,  la  litre,  tout  le  reste  de  l'ornemen- 
tation plus  compliquée  et  chargée  de  cou- 
leurs plus  variées  sur  fond  noir.  Le  centre 
des  appareils  est  orné  de  jolies  plantes  dont 


"Kiuuir  te  l'Hit  rtjrctim. 


El.V. 


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firieuréDe  la  Eaie-aur-B.-H. 
Peintures  De  l'église  (Détails) 


3le  prieuré  fce  la  ^ate*auj^Bon0#ûmim0.         279 


la  tige  et  les  branches  sont  bleues  ;  les 
fleurs  et  les  boutons  sont  de  couleur  brun 
rouge.  Les  motifs  varient  à  chaque  travée, 
entre  la  corniche  et  les  arcs-formerets,  dans 
les  voûtains  2,  3,  4,  5.  Ce  sont  ordinaire- 
ment des  fleurs  très  délicates,  des  lis,  des 
roses,  des  campanules  exécutées  avec  une 
grande  sûreté  de  main.  «  Nous  avons  été 
«  principalement  frappé  de  l'élégante  végé- 
«  tation  qui  tapisse  les  voûtes,  écrivait 
«  M.Godard-Faultrier.en  i84Ô.Çà  et  là  vous 
«  voyez  des  fleurs  étoilées,  des  tiges  déli- 
«  cates  et  grimpantes,  vous  diriez  des  myo- 
«sotis  herbacés,  des  lianes  comme  il  doit 
«  s'en  trouver  dans  les  bois  qui  avoisinent 
«  cet  ancien  prieuré.  »  Cf.  la  planche  V, 
nos  40,  4 1 . 

Corniche. 

Le  larmier  de  la  corniche  est  peint  en 
jaune,  la  gorge,  à  la  partie  supérieure,  porte 
une  bande  brune  au-dessous  de  laquelle  se 
trouve  un  rinceau  assez  compliqué  de  cou- 
leur ocre.  Le  tore  est  brun  rouge. 

La  litre. 

La  litre  qui  s'étend  au-dessous  de  la 
corniche  se  compose  d'un  encadrement 
rouge  et  jaune.  Le  milieu,  dont  le  fond  est 
noir,  porte  un  méandre  coloré  en  brun  rouge 
et  en  blanc.  Chaque  ton  du  méandre  est 
modelé  au  moyen  de  trois  hachures  paral- 
lèles d'un  ton  plus  accentué  et  dont  la  lar- 
geur augmente  à  mesure  qu'elles  se  rap- 
prochent des  bords  postérieurs. Ces  hachures 
sont  en  brun  foncé  pour  les  parties  brunes, 
bleues  pour  les  parties  blanches.  De  distance 
en  distance,  sont  inscrits,  dans  le  méandre, 
de  jolis  bouquets  de  palmettes  avec  des 
hachures  bleues  et  rouges  sur  fond  noir. 

De  chaque  côté  de  la  nef,  à  partir  de  la 
grande  fenêtre  de  l'Ouest,  il  y  a  dans  les 
travées  F.  G.  à  la  place  des  palmettes  toute 
une  série  d'  «  hystoires  ».    Du   côté  Nord, 


c'est  l'histoire  de  Joseph,  le  fils  de  Jacob  ; 
du  côté  Sud,  Adam  qui  donne  leurs  noms 
aux  bêtes  et  toute  une  suite  d'animaux 
symboliques. 

Côté  Nord.  —  Histoire  de  Joseph  le  fils  de 
Jacob.  —  Embrasure  de  la  fenêtre  de  l'Ouest.  — 
Sur  le  ruban  jaune  de  la  litre  on  lit  :  (Hl)C 
(I)NCIPIT  (HI)ST(ORIA)  DE  (I)HOSEP.  Au- 
dessous  de  cette  inscription  se  trouve  le  songe  de 
Joseph.  «  Vidi  per  somnium  quasi  solem  et 
«  lunam  et  stellas  undecim  adorare  me. —  J'ai 
«  cru  voir  en  songe  que  le  soleil,  la  lune  et  onze 
«  étoiles  m'adoraient.»  {Gen.,  XXXVIT,  9.)  Joseph 
repose  nu,  suivant  l'usage  du  moyen  âge;  sa  tête 
est  appuyée  sur  un  oreiller,  d'épaisses  couvertu- 
res couvrent  une  partie  de  son  corps  et  retom- 
bent en  larges  plis  le  long  du  lit.  Dans  le  ciel  du 
tableau  apparaissent  sept  étoiles  rouges  à  six 
pointes. —  Cf.  la  planche  V,  n°  32. 

Toutes  les  scènes  placées  sur  le  mur  de  l'Ouest 
et  dans  la  travée  G,  jusqu'au  n°  1,  ont  disparu. 
C'est  à  peine  s'il  reste  çà  et  là  quelques  têtes, 
quelques  taches  de  couleurs. 

N°  1.  —  Joseph  est  vendu  par  ses  frères.  — 
«  Vendiderunt  eum  Ismaelitis  viginti  argenteis  ». 
{Gen.,  XXXVII,  28.) Les  frères  de  Joseph, vêtus  de 
bliauts  serrés  à  la  ceinture  et  de  couleursvariées, 
finissent  le  marché  et  donnent  la  main  aux  mar- 
chands Ismaélites  par-dessus  la  tête  de  celui  dont 
ils  veulent  se  défaire.  L'un  des  marchands  a  la 
tête  couverte  de  la  «  calette  »  noire  et  il  porte 
le  bliaut.  L'autre  a  une  longue  chevelure  ;  ses 
épaules  sont  couvertes  d'un  long  manteau,  et  près 
de  lui  se  trouve  un  chameau. —  Cf.  la  planche  V, 

n°33- 

Travée  F.  N°  5.  — -  Joseph  est  emmené  en 
Egypte  par  les  marchands.  «  Qui  duxerunt  eum 
«  in  Egyptum  ».  {Gen.,  xxxvn,  28.)  Joseph,  vêtu 
d'un  bliaut  à  col  jaune  et  d'un  maillot  rouge  est 
monté  sur  un  chameau  très  bien  dessiné.  Derrière 
lui  suivent  à  pied  les  marchands. —  Cf.  la  plan- 
che V,  n°  39. 

N°4. —  On  apporte  à  Jacob  la  robe  ensan- 
glantée de  son  fils.  «  Tulerunt  autem  tunicam. 
«  Hanc  invenimus,  vide  utrum  tunica  filii  tui  sit 
«  an  non.  »  {Gen.,  xxxvn,  32.)  Parmi  les  fils  de 
Jacob,  les  uns  sont  coiffés  de  la  «  calette  »,  les 
autres  ont    la   tête  nue.    Deux    personnages   à 


28o 


Bcbuc  tir  P&rt  chrétien. 


bliaut  se  détachent  du  groupe,  l'un  d'eux  tend 
au  père  la  robe  ensanglantée  ornée  de  grands 
cercles  bleus.  Jacob  est  debout  près  de  sa  maison 
il  est  coiffé  d'une  toque  et  vêtu  d'un  bliaut  rouge 
clair  sans  ceinture. —  Cf.  la  planche  V,  n°  35. 

N°  3.  —  La  femme  de  Putiphar  parle  à  Joseph. 
€  Qui  nequaquam  acquiescens  operi  nefario  dixit 
«  ad  eam  :  Quomodo  ergo  possum  hoc  malum 
«  facere  et  peccare  in  Deum  meum  ?  —  Joseph 
■•  ayant  horreur  de  consentir  à  une  action  crimi- 
«  nelle  dit  à  la  femme  de  Putiphar  :  Comment 
<<  donc  pourrais-je  commettre  un  crime  et  pécher 
«  contre  mon  Dieu  ?  »  (Ge/i.,  XXXIX,  8,  9.)  Joseph 
dont  les  traits  sont  bien  dessinés  est  debout. 
Il  porte  sur  la  tête  la  «calette»,  il  est  vêtu  d'une 
robe  bleue  à  manches  rouges  que  recouvre  une 
petite  cape  bleue  à  capuchon.  La  femme  de 
Putiphar  est  debout  et  gesticule  :  elle  est  coiffée 
de  la  guimpe  et  porte  une  robe  jaune.  Elle  est 
devant  sa  maison  peinte  en  jaune  et  en  rouge. — 
Cf.  la  planche  V,  n°  37. 

N°  4.  —  Fuite  de  Joseph.  «  Qui  relicto  in  manu 
«  ejus  pallio  fugit  et  egressus  est  foras.  — Joseph 
«  laissant  son  manteau  entre  les  mains  de  la 
«  femme  de  Putiphar  s'enfuit  et  sortit  hors  du 
<<  logis.»  (Gen., XXXIX,  12.)  Ici  le  peintre  a  dû  être 
fort  distrait.  C'est  la  femme  de  Putiphar  qui  s'en- 
fuit. Joseph  vêtu  d'un  habit  rouge  tient  le  man- 
teau, il  a  l'air  très  embarrassé  et  en  «  grant 
«  angoisse  ».  —  Cf.  la  planche  V,  n°  36. 

N°  5.  —  Joseph  est  mis  en  prison.  «  Tradidit- 
«  que  Joseph  in  carcerem.  —  Le  maître  de 
<i  Joseph  le  fait  mettre  en  prison.  »(GV«„  XXLIX, 
20.)  Un  personnage  couvert  d'un  bliaut  rouge 
sans  ceinture  pousse  Joseph  en  prison.  Le  mal- 
heureux intendant,  les  deux  bras  en  avant,  est 
rudement  bousculé  ;  il  porte  un  long  bliaut  bleu 
à  ceinture.  —  Avec  la  scène  du  n°  5,  «  explicit 
«,  historia  de  Joseph  ».  —  Cf.  la  planche  V,  n°  38. 

Côté  Sud.  —  Les  sujets  que  l'on  trouve  de  ce 
côté  sont  du  plus  haut  intérêt.  Dans  l'évasement 
de  la  grande  fenêtre  et  sur  le  mur  Ouest  se  trou- 
vent deux  scènesqui  font  partie  d'un  même  tout, 
comme  l'indique  l'inscription  suivante  placée  à  la 
partie  supérieure  de  la  litre  :  «  BESTI(l)S 
«ADAM  QVI  INPOSVIT  NOMINA».  Dans 
l'embrasure  de  la  fenêtre,  Adam  vêtu  et  assis, 
montre  du  doigt   et  nomme  les   animaux  qui  se 


présentent  successivement  dans  le  cadre  suivant. 
Le  Père  du  genre  humain  a  une  pose  gracieuse, 
empreinte  d'une  grande  majesté.  Des  animaux 
qu'il  nomme,  on  ne  voit  plus  que  la  tête,  le  reste 
est  complètement  effacé.  —  Cf.  la  planche  V, 
n°  34- 

Sur  le  mur  du  Midi,  le  long  du  cloître,  se  trouve 
toute  une  série  d'animaux.  Le  moyen  âge  aimait 
ces  représentations,  il  les  a  multipliées  dans  la 
décoration  peinte  et  sculptée,  aux  balustrades 
des  clochers,  aux  plomberies  des  toitures,  aux 
encorbellements  des  galeries.  Il  les  a  mises  dans 
les  vitraux,  sur  les  tissus,  les  tapisseries  et  les 
broderies,  partout  le  long  des  murs,  dans  les 
églises,  dans  les  châteaux.  Ces  animaux  étaient 
des  symboles  dont  on  trouvait  la  clef  dans  les 
Bestiaires,  les  Physiologes,  les  Commentaires  de 
la  Bible  et  les  Sermons.  Le  symbole  que  définis- 
sait Hugues  de  St- Victor  «  la  représentation 
«  allégorique  d'un  principe  chrétien  sous  une 
«  forme  sensible  »  est  vieux  comme  le  monde. 
L'ancienne  loi  fut  une  traduction  anticipée  de 
la  nouvelle.  «  Tout  arrivait  aux  Hébreux  en 
figures,  »  nous  dit  l'apôtre  des  Gentils.  Notre- 
Seigneur  rappela  ce  fait  à  ceux  qui  le  sui- 
vaient. Son  langage  aussi  fut  bien  souvent  sym- 
bolique. Que  de  fois,  pour  se  faire  comprendre 
des  foules,  il  employa  les  paraboles  !  —  «  Une 
«  chose  notifiée  par  allégorie,  disait  S.  Augustin, 
«  est  plus  expressive,  plus  agréable,  plus  facile 
«  à  comprendre  qu'énoncée  en  termes  techni- 
«  ques.  »  On  aimait  au  moyen  âge  le  symbolisme 
dont  sont  remplis  les  Bestiaires  et  l'on  repré- 
senta par  des  animaux  réels  ou  chimériques  les 
passions  du  cœur  humain,  les  vertus  et  les 
vices  ('). 

N°  5.  —  «  LEO  ».  Le  Lion.  —  La  série  des 
animaux  symboliques  commence  par  le  plus 
noble. 

Ceo  qui  en  grié  est  leun,  en  français  rei  a  nun. 

Le  lion,  le  roi  des  animaux,  est  le  symbole  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

Li  leun  senefie  le  filz  Sainte-Marie. 
Reiz  est  de  tout  gent  (-). 

1.  Sur  le  symbolisme,  Cf.  Huysmans,  La  cathédrale, 
pp.  119-121. 

2.  Cf.  Ph.  de  Taun,  The  Bestiary,  p.  75. 


île  prieuré  De  la  ^ate^aujc-Uôons^ommes.         281 


Le  lion,  c'est  le  Christ  ressuscité  qui  a  triomphé 
du  péché,  de  la  mort  et  de  l'enfer.  «  Dicitur 
«  Christus  leo  quia  fortis  est  et  sine  timoré  et 
€  quia  sicut  leo  praemortuus  nascitur  et  tertia 
«  die  ad  vocem  patris  excitatur,  ita  Christus  die 
4.  tertia  ad  vitam  surrexit  (').  » 

Le  lion  symbolise  encore  la  réunion  des  deux 
natures  en  Jésus-Christ.  D'après  la  légende,  le 
lion  n'a  de  force  que  dans  ses  membres  anté- 
rieurs. Dieu  a  mis  le  siège  de  la  beauté,  de  la 
force  dans  sa  figure  et  sa  crinière.  Par  la  tête,  le 
poitrail,  les  deux  pattes  de  devant  il  représente 
la  divinité  du  Christ,  par  la  partie  postérieure  il 
signifie  l'humanité  du  Fils  de  Dieu  assujettie  à 
nos  misères. 

Le  traict  qu'il  a  derrière 

Demunstre  humanité 

De  mult  grêle  manière 

Qu'il  out  ot  Déité  (')  ! 

Le  lion,  quand  il  dort,  a  les  yeux  ouverts  et 
étincelants.  Les  païens  en  avaient  fait  l'un  des 
emblèmes  de  la  vigilance, les  chrétiens  virent  dans 
ce  caractère  du  lion  un  symbole  de  la  nature 
divine  que  n'atteignit  pas  le  tombeau  où  l'hu- 
maine nature  de  Jésus-Christ  subit  une  mort 
véritable  (3). 

On  voyait  encore  dans  le  lion  une«  allusion  » 
au  mystère  qui  voilait  la  divinité  du  Sauveur. 
Quand  le  lion  fuit  vers  la  montagne,  devant  les 
chasseurs,  il  efface  ses  pas  avec  sa  queue  traî- 
nante. C'était  l'image  du  Fils  de  Dieu  cachant 
sa  nature  divine  sous  les  traits  de  l'homme 
pour  dérouter  la  curiosité  criminelle  du  «  mauves» 
et  des  hommes   méchants  (4). 

N°  4.  —  «  LEOPARDVS  ».  —  Le  Léopard. 

—  Le  léopard  c'est  le  païen,  l'hérétique  autre- 
fois accablé  sous  le  poids  de  ses  fautes,  aujour- 
d'hui revenu  à  la  vérité.  Les  taches  de  sa  vie 
ancienne  ont  été  effacées  par  le  baptême  et  la 
pénitence  (s). 

N°  3.  _   «  VNICORNUS  ».  —  La  Licorne. 

—  Le  peintre  a  représenté  sous  le  texte  une 
scène  fort  jolie.  La   licorne,  poursuivie  par  un 

1.  Cf.  Anselm  Cantuar.  Enarrat.  in  Apoc,  V. 

2.  Cf.  Ph.  de  Cham,  The  Besiiary,  p.  75. 

3.  Cf.  Brun.  d'Asti.  —  Commentar.  in  Gen.,  c.  XLIX. 

4.  Cf.  passim  S.  Epiphane,  Physiologus,  tous  les  com- 
mentateurs. 

5.  Cf.  Annales  archéol.de  Didron,  pp.  103-104. 


chevalier  vêtu  de  son  haubert,  se  réfugie  dans  le 
giron  d'une  pucelle  dont  la  pose  est  gracieuse  au 
possible.  —  La  licorne  «  ceste  beste  merveil- 
«  leuse  »  —  €  Qui  une  corne  a  en  la  teste  »,  tient 
de  la  chèvre  par  sa  barbiche  et  la  fourche  de  son 
pied,  du  cheval  par  le  reste  du  corps.  Elle  était  le 
symbole  de  la  chasteté.  Quand  les  chasseurs 
voulaient  prendre  la  licorne,  ils  envoyaient  une 
jeune  fille  dans  la  forêt  où  elle  avait  son  gîte. 
Dès  qu'elle  l'apercevait,  cette  bête, qui  d'un  coup 
de  son  pied  tranchant  comme  une  lame  tuait  un 
éléphant,  se  radoucissait  aussitôt.  Elle  accourait, 
se  couchait  sur  les  genoux  de  la  jeune  fille  et 
se  laissait  prendre  par  les  chasseurs.  —  La 
licorne   <i  senefiait  »  encore  Notre-Seigneur  (x). 

Jhesus-Christ  nostre  Sauveur, 

C'est  l'unicorne  espirituel 

Qui  entre  la  Vierge  prist  ostel  (-). 

Notre-Seigneur, le  modèle  des  vierges, fut  sou- 
vent représenté  au  moyen  âge  monté  sur  une 
licorne  blanche.  C'est  ainsi  qu'on  le  voit  sur  les 
tapisseries  qui  servaient  à  St-Pierre  de  Rome  à 
la  procession  du  «  Corpus  Domini  ».  —  Cf.  la 
planche  V,  n°  31. 

N»  2.  —  «  ELEPHAS».  —  Un  éléphant  de 
couleur  bleue  ardoise  sanglé  de  rouge  porte  sur 
une  housse  jaune  une  tour  de  même  couleur. 
L'éléphant  était  regardé  comme  le  plus  religieux 
des  animaux.  Il  était  le  symbole  de  la  Religion. 
Au  rapport  de  Pline,  l'éléphant  adorait  le  soleil 
et  les  étoiles.  A  la  nouvelle  lune,  il  allait  se  bai- 
gner dans  les  rivières,  puis  après  s'être  lavé,  il 
semblait  invoquer  le  secours  du  ciel.  —  L'élé- 
phant était  encore  regardé  comme  le  symbole 
de  la  tempérance  (3)  —  Cf.  la  planche  V,  n0ç. 

N°  1.  —  «  MILES  ».  Un  homme  vêtu  d'un 
bliaut  bleu  est  monté  sur  un  cheval  rouge  et 
sonne  de  l'oliphant.  —  Cf.  la  planche  V,  n°2Q. 

Travée  F.  —  N°  5.  —  «  VENATOR  ».  —  Le 
Chasseur.  —  Un  homme  à  pied, vêtu  d'un  bliaut 
bleu  à  capuchon  jaune,  tient  dans  sa  main  un 
arc,  il  sonne  de  la  trompe.  Devant  lui  court  un 
lévrier  de  couleur  rouge. —  «Venatores  daemones 
«  vel  homines  pravi,  »  disait  S.  Méliton  (4).  —  Je 

1.  Cf.  le  Bestiaire  divin,  p.  Hippeau. 

2.  Cf.  le  Bestiaire  fr.  rimé,  t.  I,  p.  126. 

3.  Cf.  Didron,  Ami.  Arch.,  XVII,  p.  267,  xxv.,  p.  296. 

4.  Cf.  Clavis  S.  Melitonis,  Spicilegium  Solesmense, 
t.  II,  p.  103. 


282 


&etntc  lie  i'&rt  chrétien. 


ne  traduirai  point  ce  texte  de  peur  de  faire  delà 
peine  aux  chasseurs  et  aussi  à  S.  Hubert. 

No  4.  _  «  CASTOR  ».  —  Le  Castor.  --  Les 
nombreux  Physiologes  du  moyen  âge  parlent 
du  castor  qui  «  moult  est  suef  bestes  ».  Quand 
il  est  poursuivi  par  les  chasseurs.s'il  se  voit  serré 
de  trop  près,  il  tranche  avec  les  dents  sa  poche  à 
musc. Les  chasseurs  s'arrêtent  alors  pour  prendre 
le  «  castoreum  »  qui  «  est  de  grandes  médecines  ». 
—  Le  castor  représentait,  aux  yeux  des  com- 
mentateurs, les  chrétiens  qui  poursuivis  par  le 
démon  lui  laissent  entre  les  mains  leur  cœur.  Il 
était  aussi  le  symbole  de  ceux  qui  €  veulent 
«  garder  le  commandement  de  Dieu  et  vivre 
«  nettement.  »  Ceux-là  tranchent  eux-mêmes 
«  tous  les  mais  vices  »  et  les  jettent  «  el  visage 
«  del  veneor,  »  c'est-à-dire  du  «  dyable  qui  tous 
«  les  jors  les  cache  »  (les  chasse).  —  Cf.  la 
planche  V,  n°  30. 

No  i._  «TIGRIS  ».— Le  Tigre.  —  Le  tigre 
est  une  bête  de  telle  nature,  disent  les  Bestiaires, 
«  si  fïère  et  si  cruels  que  nus  hom  vivans  ne 
l'ose  habiter  ».  Quand  il  a  des  petits,  les  chas- 
seurs qui  veulent  les  prendre,  «gaitent  tant  qu'ils 
«  le  veoient  aller  déduire  et  qu'il  n'est  pas  sor  sa 
«  fosse  à  faons»  ;  alors  ils  les  emportent  et  laissent 
derrière  eux  des  miroirs  «  si  com  ils  s'en  vont.  » 
Le  tigre  en  revenant  vers  ses  petits  aperçoit  les 
miroirs,  s'arrête  devant  chacun,  «  il  se  délite  tant 
«  à  regarder  sa  bonne  taille  qu'il  oublit  de  cachier 
«  (de  chasser)  cels  qui  ses  faons  li  ont  emblé  (')  ». 
— Prenons  garde.disent  les  auteurs  des  Bestiaires 
et  des  Physiologes,  d'être  comme  le  tigre.  Que 
chacun  de  nous  soit  «  entretiens  de  garder  son 
<!  faon,  c'est  à-dire  l'âme,  car  li  veneors  nous 
«  gaitent  et  espient  et  ont  adès  lor  mireor  prest 
«  se  ils  pensent  notre  faon  embler.  »  Les  miroirs 
sont  les  «  grands  déduyts  »  les  plaisirs  mon- 
dains que  nous  désirons.  Pendant  qu'on  regarde 
au  miroir,  l'âme  s'en  va  au  diable.  «  Que  chascun 
«  reste  donc  el  service  de  son  créator  (2).  » 

Travée  E.  —  N°  5.  —  «  PANTHER».—  La 
Panthère.  —  «  Ceste  beste  tachiée  de  petiz  cer- 
«  clés  blancs  autrement  com  de  petits  oilz 
(yeux),  »  disait  Brunetto  Latini,  avait  au  moyen 

1.  Cf.  Best,  fr.,  M    de  la  Bibl.  de  l'Arsenal.  Paris. 

2.  Cf.  /(/.  opus. 


âge  dans  la  langue  des  symboles  souvent  la 
même  signification  que  le  léopard  et  le  tigre  (*). 
Tous  ces  animaux  sont  peints  en  rouge,  sauf 
la  licorne  qui  est  jaune.  Au-dessus  et  au-dessous 
de  ces  représentations  se  trouvent  des  rinceaux 
roses  terminés  par  des  ornements  en  forme  de 
flèches  qui  rappellent  les  ramages  des  ors  gau- 
frés et  certains  dessins  de  la  belle  armoire  du 
trésor  de  Noyon. 

Pilastres  et  chapiteaux.  —  De  larges 
pilastres  bleus,  à  dessins  jaunes  terminés 
par  des  chapiteaux  à  feuillages  bleus  et 
rouges,  coupent  la  litre  de  distance  en  dis- 
tance et  séparent  les  diverses  travées. 

Croix  de  consécration.  —  Sur  les  murs 
de  la  travée  F  nous  avons  retrouvé  à  droite 
et  à  gauche,  deux  croix  de  consécration. 
Quelques  traces  d'une  esquisse  au  compas, 
quelques  taches  nous  ont  permis  de  les 
reconstituer.  Elles  se  composent  d'une  croix 
jaune  inscrite  dans  un  cercle  de  même  cou- 
leur. Tout  autour  de  la  croix,  émergent 
d'un  fond  noir  de  jolies  palmettes  blanches 
à  nervures  rouges  et  bleues.  Dès  les  pre- 
miers temps  de  l'Église  on  prit  grand  soin 
de  garder  sur  les  murs  des  é  lifices  reli- 
o-ieux  le  souvenir  des  onctions  saintes  faites 
par  la  main  du  pontife.  Petit  à  petit  on  en 
vint  à  couvrir  d'ornements  ces  endroits 
devenus  sacrés.  Au  moyen  âge,  les  croix 
de  consécration  plus  ou  moins  riches  en 
couleurs  tinrent  une  grande  place  dans  la 
décoration  des  églises.  Bien  souvent  dans 
les  églises  pauvres.elles  furent  le  seul  orne- 
ment des  parois  verticales,  on  les  mit  en 
harmonie  avec  le  ton  de  fond,  avec  les 
joints  des  appareils  employés.  —  Cf. 
M.  Gélis-Didot,  La  peinture  décorative  en 
France  du  XIIe  au  XVIe  siècle. 

Porte  C.  —  Au-dessus  de  la  porte  C,  qui 
donne  accès  du  cloître  dans  l'église  prieu- 

1.  Cf.  Didron.,  Ann.  arch.,  XXIV,  p.  8,  XXVI,  p.  207 
et  208. 


3Le  prieuré  &e  la  ty&it>â\xxJ&on8^ommt8.        283 


raie,  on  trouve,  à  l'intérieur,  de  jolis  orne- 
ments traités  de  la  même  façon  que  ceux 
que  nous  avons  déjà  décrits,  palmettes 
blanches  sur  fond  noir  aux  hachures  rouges 
et  bleues  avec  deux  rubans  dont  l'un  brun 
et  l'autre  jaune  servant  d'encadrement.  — 
Cf.  la  planche  V,  n°  20. 

Appareil  des  parois  de  la  nef.  —  Le 
grand  appareil  des  parois  de  la  nef  est  com- 
pris de  la  même  façon  que  celui  des  voû- 
tains.  Il  est  peint  en  brun  rouge.  Le  milieu 
est  occupé  par  des  tiges  bleues  avec  roses 
rouges  à  centre  jaune.  —  Cf.  la  planche  V, 
n°44- 

Mur  de  l'Ouest  et  grande  fenêtre.  —  La 
grande  fenêtre  du  mur  de  l'Ouest  présente 
un  évasement  bien  plus  considérable  que 
celui  des  fenêtres  de  l'abside,  elle  est  dé- 
corée à  la  partie  supérieure  d'un  ange  dont 
la  tête  et  le  corps  sont  complètement  effa- 
cés. Il  a  de  longues  ailes  jaunes  et  brunes, 
et  il  tient  dans  chaque  main  les  chaînes 
d'un  encensoir. —  L'archivolte  de  la  fenêtre 
est  formée  d'une  belle  bordure  à  grands 
ramages  bleus  et  rouges  cernés  de  noir;  on 
dirait  certaines  bordures  des  vitraux  du 
XIIe  et  du  XIIIe  siècle.  Elle  repose  sur 
deux  chapiteaux  composés  chacun  de  deux 
feuillages  bleus.  Les  deux  colonnes  au-des- 
sous ont  presque  complètement  disparu.  — 
Le  long  de  la  voûte,  à  partir  de  la  corniche, 
se  trouve  une  belle  et  large  bordure  com- 
posée de  grands  feuillages  blancs  à  ner- 
vures bleues  et  rouges  sur  fond  noir.  L'en- 
cadrement est  composé  de  rubans  rouges, 
jaunes  et  blancs. —  Cf.  la  planche  IV,  nos  13, 
14.  —  Laus  Deo  !  ici  finit  notre  analyse. 

Caractère  Des  peintures  De  la  Kaic=aur= 
Bons-Sommes. 

LE  moyen  âge  savait  embellir  les  égli- 
ses.  Les  artistes  qui  à  cette  époque 
travaillaient  à  décorer  la  maison  de  Dieu 


n'étaient  point  toujours  des  hommes  de 
génie  ;  mais  c'étaient  des  hommes  de  bon 
sens,  ils  savaient  qu'on  peut  profiter  du 
travail  des  anciens  et  bénéficier  de  leur  ex- 
périence. Les  décorateurs  de  l'église  de  la 
Haie-aux-Bons- Hommes  apprirent  à  leur 
école  la  valeur  des  couleurs,  les  effets  des 
juxtapositions  de  tons.  Ils  apprirent  que  les 
trois  couleurs  fondamentales  de  la  gamme 
sont  le  jaune,  le  bleu,  le  rouge.  Le  blanc  et 
le  noir  ne  sont  en  effet  que  deux  négations, 
le  blanc  c'est  «  la  lumière  non  colorée,  le  noir 
«  l'absence  de  lumière  (')  ».  Des  trois  cou- 
leurs fondamentales,  ils  savaient  tirer  toutes 
les  autres.  Avec  le  blanc  et  le  noir,  ils  ajou- 
taient à  la  lumière,  ou  la  restreignaient  sui- 
vant les  besoins.  S'il  fallait  faire  ressortir  la 
valeur  des  couleurs,  ils  employaient  des 
fonds  blancs  ;  mais  comme  le  blanc  rayonne, 
s'il  n'est  arrêté,  ils  le  fixaient  en  le  cernant 
de  noir.C'est  en  restant  fidèles  observateurs 
de  ces  règles  précises  qu'ils  ont  orné  les 
murs  et  les  voûtes  de  l'église  de  la  Haie- 
aux-Bons-Hommes.  Jamais  ils  n'ont  songé, 
un  seul  instant, à  reproduire  dans  leurs  pein- 
tures, de  dimensions  relatives,  le  modelé 
des  formes,  l'apparence  réelle  des  reliefs, 
des  moulures,  des  chapiteaux.  Nervures, 
litre,  bordures,  arcs-formerets,  arcs-dou- 
bleaux.liernes  et  tiercerons,ils  ont  su  donner 
à  toutes  ces  choses,  en  les  interprétant, 
toute  la  valeur  que  leur  permettaient  les 
ressources  de  leur  art,  ils  les  ont  fait  entrer 
pour  ainsi  dire  dans  le  domaine  de  la  pein- 
ture. Chaque  détail  à  la  voûte  et  aux  murs 
de  l'église  a  reçu  les  formes  qui  convenaient 
à  sa  place,  à  la  fonction  qu'il  devait  remplir 
dans  le  plan  général  du  décor.  La  litre  a 
des  ornements  horizontaux,  des  rubans 
bruns  et  jaunes  qui  la  font  paraître  en  avant 
des  appareils  bruns  à  ramages  bleus  et  en 

1.  Cf.   Viollet-le-Duc,  Die/,    raison,  ite   V architecture, 
t.  VII,  p.   79. 


REVUE  DE  LART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  4,ne  LIVRAISON. 


>84 


&cbur  lie  l'&vt  chrétien. 


arrière  des  piliers  plus  nettement  soulignés. 
Les  piliers  ont  leur  surface  verticale  pour 
paraître  rigides  ;  les  nervures  de  la  voûte 
ont  pour  tout  ornement  quelques  margue- 
rites noires  à  S  feuilles  qui  n'enlèvent  rien 
à  leur  tonalité  et  ne  les  brisent  nulle  part. 
Les  clefs  de  voûte,  les  clefs  des  arcs-dou- 
bleaux  et  formerets  tranchent  sur  les  fonds, 
et  cependant  on  sent  partout  que  ces  orne- 
ments sont  peints.  Nulle  part,  les  décora- 
teurs n'ont  eu  recours  au  trompe-l'ceil  pour 
les  faire  paraître  en  relief.  Le  trompe-l'œil 
est  un  procédé  enfantin  et  de  mauvais  goût 
dans  la  peinture  murale,  il  ne  trompe  per- 
sonne. Un  moment  vient  où  l'illusion  tombe, 
et  il  ne  reste  plus  que  le  regret  d'avoir  été 
trompé.  Le  beau  dans  les  arts  a  des  lois 
certaines  qui  reposent  sur  la  raison  ;  la  pein- 
ture murale  ne  ressemble  pas  au  décor  de 
théâtre,  ses  procédés  sont  différents. 

Les  peintres  de  la  Haie  avaient  à  repré- 
senter des  «hystoires»  sur  les  murs  de 
l'église.  Ils  interprétèrent  les  hommes  et  les 
animaux  comme  ils  avaient  interprété  les 
feuillages  et  les  nervures  d'architecture.  Ils 
évitèrent  de  mettre  plusieurs  personnages 
l'un  devant  l'autre,  ils  les  fixèrent  en  des  po- 
ses expressives  (cf.  planche  V,  nos  36,  37,  38) 
souvent  gracieuses  (cf.  la  planche  V,  nos  31, 
34,39).  Les  habits  furent  colorés  par  larges 
teintes  plates  et  les  plis  marqués  par  des  traits 
noirs.  Les  couleurs  qu'ils  employèrent  pour 
les  cheveux  et  les  vêtements  ne  sont  pas 
toujours  «  nature  »,  comme  on  dirait  aujour- 
d'hui. Toute  perspective  est  absente,  les 
personnages  sont  sur  le  même  plan,  il  n'y  a 
d'autre  sol  que  la  ligne  horizontale  du  cadre. 
C'était  voulu,  c'était  conforme  à  la  raison. 
La  peinture  appliquée  à  l'architecture  n'a 
pas  la  même  manière  de  faire  que  la  pein- 
ture sur  chevalet.  L'artiste  qui  fait  un 
«  tableau  »  a  recours  à  toutes  les  ressources 
que  lui  donnent  la  perspective,  le  jeu  de  la 


lumière  et  des  ombres,  le  trompe-l'œil  ;  il 
veut  donner  l'illusion  de  la  réalité.  Devant 
son  œuvre,  on  ne  songe  plus  à  la  toile  qui 
sert  de  fond,  on  est  tout  entier  à  la  scène  où 
se  meuvent  des  personnages,  au  paysage 
qu'il  a  voulu  représenter.  Il  n'en  est  pas  de 
même  de  la  peinture  murale.  C'est  une 
peinture  de  convention,  elle  ne  doit  plus 
rechercher  les  mêmes  effets.  S'il  s'agit  de 
décorer  une  muraille,  il  faut  la  faire  valoir 
et  non  essayer  de  la  faire  disparaître  par 
des  procédés.  La  peinture  murale  s'inspi- 
rera des  œuvres  de  la  nature  ;  mais  en  les 
interprétant  de  façon  à  ne  pas  cacher  «  le 
support».  Son  but  est  de  créer  une  harmonie 
parfaite  entre  les  formes  et  les  couleurs  et 
non  d'essayer  de  les  détruire  les  unes  par 
les  autres. 

La  décoration  picturale  de  l'église  de  la 
Haie-aux-Bons-Hommes   faite  d'après   ces 
principes  a  donné  à  l'édifice  si  simple,  mais 
si  bien  proportionné  une   très   grande  élé- 
gance. La  tonalité   générale  des  rinceaux, 
des  feuillages  est  bleue.  C'était  ce  qui  con- 
venait à  un  intérieur  sombre  :  le  bleu  accro- 
che la  lumière  et  la  répand  sur  les  surfaces. 
Des  points  rouges  et  jaunes  par  ci  par  là 
attirent  l'attention  sur  les  détails  et  les  font 
valoir.  Plus  d'un  visiteur,  en  entrant  dans  la 
vieille  église  grandmontaine,  n'a  pu    taire 
son  étonnement  devant  un  ensemble  si  bien 
réussi  et  d'un  si  grand  effet.  «  Vous  diriez, 
«écrivait   M.    Godard   Faultrier   en    1846, 
«  vous  diriez  un  croquis  colorié  des  nervu- 
«  res  en  haut-relief  qui  se  voient  aux  voûtes 
«de  la   salle  St-Jean  et  à  celles  du  chœur 
«  de  St-Serge  (').  »  La  voûte  de  l'abside  a 
grand  aspect.    Le  matin,  quand  la  lumière 
pénètre  par  les  fenêtres  fortement  évasées, 
les  parties  B  avec  leurs  cercles  jaunes  enso- 
leillés sur  le  fond   blanc   brillent  de  vives 

1.  Cf.  Bulletin  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et 
arts  d'Angers,  année  1S46. 


3U  prieuré  &e  la  ^aieau^Bons  gommes.        285 


clartés  ;  pendant  que  les  parties  A  se  colo- 
rent de  nuances  bleues,  moins  lumineuses. 
On  a  ainsi,  entre  les  liernes,  des  parties  très 
éclairées,  d'autres  qui  le  sont  moins.  Je  ne 
sais  si  l'artiste  a  voulu  l'effet  produit  ou  s'il 
y  est  arrivé  par  hasard,  en  tout  cas,  il  a 
montré  qu'il  était  maître  dans  son  art.  La 
voûte  qu'il  a  décorée,  bien  que  présentant 
les  mêmes  courbes  partout,  semble  avoir  de 
vraies  profondeurs.  On  dirait  la  voûte  absi- 
dale  de  nos  belles  églises  du  XIIIe  et  du 
XI  Ve  siècle, avec  leurs  fortes  membrures  et 
leurs  voûtains  profonds. 

X>atc  Dcspcinturcs  De  l'église  pricuralc 
De  la  Haic*aur*Boni805ommc!8. 

M.  Godard  Faultrier  croyait  que  les 
peintures  de  la  Haie-aux- Bons- Hommes 
étaient,  à  quelques  exceptions  près,  contem- 
poraines de  l'église,  c'est-à-dire  du  XIIe 
siècle.  «  Qui  sait,  disait-il,  c'est  peut-être  à 
«  la  Haie  qu'il  convient  d'étudier  les  pre- 
«  miers  rudiments,  l'origine  de  ce  genre 
«  architectural  qu'à  tort  ou  à  raison  je  me 
«  suis  permis  de  baptiser  du  nom  de  style 
«  Plantagenet(').  »  Quelques  parties  de  nos 
peintures  semblaient  donner  raison  au  sa- 
vant archéologue.  Les  clefs  de  voûte,  les 
bordures,  les  arcs-formerets  du  chœur,  la 
litre,  tous  ces  motifs  semblent  traités  à  la 
façon  du  XIIe  et  du  XIIIe  s.  Les  feuillages 
sont  blancs  cernés  de  noir,  quelques  traits 
coloriés  marquent  les  nervures.  Les  habits 
des  personnages  sont  formés  de  teintes 
plates;  on  ne  sait  d'où  vient  la  lumière  qui 
les  éclaire  ;  les  plis  sont  marqués  par  quel- 
ques traits  noirs,  il  n'y  a  ni  modelé  ni  relief. 
Le  brun  rouge,  le  jaune,  le  bleu,  le  rouge 
sont  les  seules  couleurs  employées.  Les 
costumes  sont   semblables  à  ceux  que  l'on 

1.  Cf.  Godard-Faultrier,  Bulletin  île  la  société  d'agri- 
culture, sciences  et  arts  d'Angers,  1846. 


trouvesur  les  sceaux  et  dans  les  miniatures 
du  XIIIe  s.,  et  sur  quelques  peintures  mu- 
rales qui  existent  encore  en  différents  en- 
droits. Le  haubert  et  le  surcot  du  chevalier 
de  la  chasse  à  la  licorne  se  retrouvent  dans 
la  statuaire  des  portails  élevés  au  XIIIe  s. 
à  l'extrémité  du  transept  de  Notre-Dame 
de  Chartres.  Les  souliers  que  portent  les 
personnages  ont  encore  la  forme  usitée  à  la 
fin  du  XI  Ie  siècle  et  au  XIIIe.  Le  manteau 
de  l'un  des  Ismaélites,  dans  un  des  registres 
de  la  litre,  est  de  tout  point  semblable  à  celui 
d'un  personnage  du  «  vitrail  des  marchands 
de  draps  »  à  la  cathédrale  de  Chartres.  La 
robe  des  femmes,  la  guimpe  qui  encadre 
leur  visage  rappellent  l'habillement  des 
châtelaines  du  XIIIe  siècle. 

Nous  ne  pouvons  plus  cependant  admet- 
tre aujourd'hui  lejugement  de  M.  Godard- 
Faultrier.  Les  progrès  accomplis  par  la  cri- 
tique depuis  1846  nous  permettent  de  serrer 
de  plus  près  les  caractères  de  ces  peintures 
et  de  les  attribuer  à  une  époque  bien  plus 
récente,  le  milieu  du  XIVe  s.  Nous  avons 
un  texte  formel  qui  en  fait  honneur  à  Pierre 
Roger  de  Beaufort,  ancien  prieur  commen- 
dataire  de  la  Haia, devenu  cardinal  deSainte- 
Marie-Nouvelle  et  pape  sous  le  nom  de  Gré- 
goire XI,  1370- 1378.  «  Dominus  de  Bello- 
«  forti  dictus  Cardinalis  de  Rosa  diu  prior 
«  fuit  de  Haya  Andegavensi  ordinis  Gran- 
«  dimontis  :  cumque  ipsum  prioratum  tene- 
«  ret  in  commendam,  ipsius  ecclesiam  roseis 
«  depingi  fecit,  deinde  fuit  assumptus  ad 
«  summi  pontificis  apicem  (').  »  Pierre 
Roger  fut  prieur  en  1345,  il  avait  9  ou  10 
ans. En  1348, son  oncle,  le  pape  Clément  VI, 
lui  donnait  le  cardinalat  avec  le  titre  de 
Sainte-Marie  Nouvelle.  Ce  doit  être  vers 
1360  que  le  cardinal  de  la  Rose  fit  faire  les 
peintures  de  l'église  de  la  Haie  et  semer 
sur  les  murs  les  fleurs   de   son   blason,   qui 

1.  Cf.  Annales  ordin.  Grandim.,  par  Lsivesque,  p.  314. 


286 


&ctntc  tic  l'&vt  cbvcttcn. 


était  ((  d'argent  à  la  bande  de  gueules   ac- 
compagnée de  six  roses  de  même  en  orle  ». 

Il  faut  être  très  circonspect,  nous  le 
savons,  quand  il  s'agit  d'établir  l'âge  d'un 
monument,  l'âge  d'une  œuvre  artistique. 
Les  textes  ne  sont  pas  toujours  la  dernière 
preuve.  «  Il  n'y  a  qu'une  méthode,  dit  M. 
«  Gonse  (")  dans  son  beau  livre  deWlrt 
«  gothique,  il  n'y  a  qu'une  méthode  qui  per- 
«  mette  d'établir  sur  des  données  positives 
«  et  rationnelles  l'âge  d'un  monument,  c'est 
«  celle  qui  est  basée  sur  l'étude  approfondie 
«  des  caractères.  Toute  autre  indication 
«  doit  être  accueillie  avec  la  plus  extrême 
«  réserve.  Les  dates  fournies  parles  pièces 
«  d'archives  ou  les  témoignages  contempo- 
«  rains  n'ont  de  valeur  absolue  que  dans 
«  des  cas  bien  définis,  lorsqu'il  s'agit  d'édifi- 
«  ces  ou  de  portions  d'édifices  faciles  à 
«  identifier.  »  Cette  méthode  rigoureuse  est 
sage.  Dans  le  cas  présent,  nous  pouvons 
adopter  avec  confiance  les  données  des  an- 
nales de  Grandmont  relatives  au  priorat  de 
Grégoire  XI  à  la  Haie-aux-Bons-Hommes. 
La  décoration  de  l'église  qu'on  lui  attribue 
est  bien  de  son  temps,  nombre  de  faits  le 
prouvent. 

D'après  M.  Gélis-Didot  (2),  il  n'est  pas 
rare  de  trouver  dans  les  peintures  murales 
des  cas  d'archaïsme.  On  imite  des  modèles 
vieillis,  des  ornements,  des  costumes  d'un 
caractère  plus  ancien  qu'il  ne  convient  au 
temps  où  on  les  emploie  ;  mais  alors,  il  y  a 
toujours  dans  la  manière  de  faire  quelque 
chose  qui  trahit  l'époque  où   l'on    travaille. 

Les  peintures  de  la  Haie-aux-Bons-Hom- 
mes ressemblent  toutà  fait  à  celles  de  l'église 
de  Cunault,  attribuées  par  M.  Gélis-Didot 
à  la  fin  du  XI  IL  s.  ou  au  commencement 
du    XI  Ve.    Dans  la  belle  église  des  bords 

i.  Cf.  Gonse,  L'Art  gothique,  p.  75. 
2.  Cf.  M.  Gélis-Didot,  La  peinture  murale  en  France 
i/u  XI  au  .\  /'/'  siècle. 


de  la  Loire  se  trouve  un  magnifique  ensem- 
ble décoratif.  Les  murs  et  les  colonnes 
peints  en  jaune  sont  couverts  d'un  petit 
appareil  brun.  Les  arcs-ogives  arrondis,  les 
intrados  des  aics-doubleaux  et  formerets 
composés  d'une  partie  plane  entre  deux 
tores  ont  été  seuls  couverts  de  peinture  de 
façon  à  les  faire  valoir  et  à  rehausser  leurs 
formes  architectoniques.  L'ensemble  de  ce 
décor  a  le  même  aspect  que  celui  de  la 
Haie-aux-Bons-  Hommes.  Des  quatre-feuil- 
les,  des  palmettes  d'eau,  nombre  de  feuil- 
lages, les  marguerites  des  nervures,  tous 
ces  motifs  offrent  le  même  aspect  dans  les 
deux  endroits.  Le  coloris  y  est  entendu  de 
la  même  façon. 

Ce  que  M.  Gélis-Didot  disait,  dans  son 
grand  ouvrage  sur  la  peinture  murale  du 
XIe  au  XVIe  siècle,  au  sujet  de  Cunault, 
peut  se  dire  des  bordures,  des  clefs  de  voû- 
te, de  la  litre  de  la  Haie-aux-Bons-Hom- 
mes. Si  le  dessin  appartient  encore  à  la 
façon  défaire  du  XI I  Ie  siècle,  «la  pauvreté 
«  des  procédés  de  coloration  prouve  qu'elles 
«  ne  sont  que  des  productions  dégénérées.  » 
Le  modelé  alternativement  rouge  et  bleu 
à  la  Haie  est  rouge  et  vert  à  Cunault.  «  Il 
«  est  obtenu,  dans  les  deux  endroits,  par  des 
«  hachures  ;  mais  il  est  décoloré  à  distance 
«  par  la  dureté  de  l'opposition  du  blanc  et  du 
«  noir  (').  )>  A  la  Haie  comme  à  Cunault,  on 
a  employé  dans  les  bordures,  des  cordons 
brun-rouge  et  des  rubans  jaunes  sans-au- 
cune transition.  Au  XI  Ie  siècle  et  au  début 
du  XIIIe,  on  ne  mettait  point  ces  deux 
couleurs  brutalement  l'une  à  côté  de  l'autre. 
On  les  séparait  par  un  perlé  blanc,  par  une 
ligne  blanche  ou  noire.  A  Cunault,  «  les 
«  galons  jaunes  qui  bordent  les  suites  d'or- 
«  nements  offrent  seuls  des  taches  de  cou- 
«  leur  assez  larges  pour  être  appréciées  (2).  )> 

1.  Cf.  Gélis-Didot,  op.  lit. 

2.  Cf.  Gélis-Didot,  op.  cit. 


Ht  prieuré  De  la  ^atrau^Bons  gommes. 


287 


A  la  Haie  les  galons  jaunes,  les  disques 
jaunes  de  l'abside,  les  points  jaunes  semés 
par  ci  par  là  dans  les  roses  du  cardinal  de 
Beaufort  sont  aussi  les  seules  taches  appré- 
ciables dans  le  décor  général.  La  tonalité 
de  l'ensemble  n'a  plus  le  ton  aquarelle  que 
l'on  retrouve  partout  dans  les  peintures 
murales  du  XIIe  et  du  XIIIe  siècle,  elle 
est  plus  vive  et  elle  est  comprise  de  la 
même  façon  dans  nos  deux  monuments 
angevins.  Ce  sont  peut-être  les  mêmes 
individus  qui,  au  XIVe  siècle,  à  deux  mo- 
ments de  leur  vie,  ont  travaillé  dans  les 
deux  endroits. 

Ce  qui  confirme  tout  à  fait  les  données 
des  annales  de  Grandmont  relatives  à  la 
date  des  peintures  de  la  Haie,  c'est  le 
caractère  des  lettres  de  l'alphabet  gothique 
employé  dans  les  inscriptions  de  la  litre, 
on  les  dirait  extraites  de  quelque  texte 
lapidaire  du  XIVe  siècle.  Les  lis  si  fré- 
quents dans  les  appareils  de  la  voûte,  on  les 
dirait  tirés  des  miniatures  ou  des  peintures 
de  la  même  époque. 

Enfin  l'écusson  que  nous  avons  trouvé  à 
la  voûte  de  l'église,  cf.  la  planche  V,  n°  23, 
nous  permet  de  nous  prononcer  définitive- 
ment pour  la  date  1360  ou  pour  les  années 
voisines.  Après  l'érection  par  Jean  le  Bon 
du  comté  d'Anjou  en  duché-pairie  en  faveur 
de  son  fils  Louis,  l'un  des  «sires  des  fleurs 
de  lys»,  la  ville  d'Angers,  vers  1360,  fut 
rangée  parmi  les  «  Bonnes  villes  »  du 
royaume.  Elle  reçut  alors  un  blason  et 
un  «chef  de  France  ».  Jusque-là  elle  n'avait 
pas  d'armoiries,  elle  était  simplement  la  ca- 
pitale de  l'Anjou. 

Conclusion. 

Certains  hommes  pleins  d'orgueil  et  de 
haine  qui  n'ont  pas  su  lire  au  grand  livre 
de  notre  Mère  la  France,  ont  voulu  nous 
représenter  le  moyen  âge  comme  une  épo- 


que de  barbarie  ou  d'anarchie  mongole. 
Aujourd'hui,  grâce  à  de  nombreux  travaux 
entrepris  par  amour  de  la  vérité,  on  sait  à 
quoi  s'en  tenir  sur  des  théories  que  n'ap- 
puyaient aucunes  preuves.  Aux  XIIe  et 
XIIIe  siècles,  pendant  que  Louis  VI,  Louis 
VII  et  Philippe- Auguste,  dans  leurs  che- 
vauchées, assemblaient  la  terre  de  France, 
pendant  que  S.  Louis  rendait  la  justice  et 
en  imposait  au  monde  chrétien  et  «  sar- 
rasinois  »  par  l'éclat  de  ses  vertus,  il  y 
avait  dans  notre  pays  une  vie  débordante. 
«  La  population  rurale  était  fort  nombreu- 
«  se  et  tendait  à  s'accroître  au  lieu  d'émigrer 
«  comme  maintenant  dans  les  grandes  vil- 
«  les  (').  »  Elle  était  gaie  et  chantait  avec  la 
«calandre»  (l'alouette),  dans  les  vignes  et 
dans  les  chaumes.  Dans  les  villes,  de  nom- 
breuses associations  réunissaient  les  gens 
des  métiers.  La  foi  était  vivante  dans  les 
cœurs.  L'initiative  privée  n'était  point,  com- 
me aujourd'hui,  muselée,  on  n'attendait 
point  tous  les  jours  le  mot  d'ordre  de 
Paris;  la  vie  provinciale  était  partout  active. 
Dans  les  domaines  de  la  couronne,  on  tra- 
vaillait à  la  construction  des  belles  cathé-- 
drales,  des  riches  abbatiales  ;  dans  les  pays 
vassaux  on  remuait  aussi  les  pierres,  on  les 
mettait  en  place.  L'Anjou,  sous  le  régime 
des  Plantagenets  ou  des  «  fleurs  de  lis», 
avait  ses  maîtres  maçons  :  ils  cherchaient 
la  solution  des  grands  problèmes  qui  tra- 
cassaient leurs  collègues  sur  les  chantiers 
de  l'Ile  de  France.  Angers  était  alors  un 
centre  artistique  des  plus  actifs.  «  La  Dou- 
tre,  la  ville  et  la  Cité  »  revêtaient  la  robe 
blanche  de  leurs  édifices.  La  maison  épis- 
copale,  la  cathédrale,  St-Serge  et  la  mer- 
veille de  son  chœur,  St-  Aubin  avec  sa  tour 
et  son  cloître,  St- Martin,  Toussaint,  le 
Ronceray,  la  Trinité,   l'Hôpital    St-Jean  et 

1.  C.  Lefèvre-fontalis,  L'architecture    religieuse  dans 
Fancien  diocèse  de  Soissons,  I,  p.  26. 


288 


ïktnic  De  l'&rt  cljvcttcu. 


ses  annexes,  tous  ces  monuments  s'éle- 
vaient comme  par  enchantement.  Le  reste 
de  la  terre  angevine  imitait  sa  capitale. 
Abbayes  et  prieurés,  barons  et  paysans, 
riches  et  pauvres  apportaient  aux  bâtisseurs 
leur  or  et  leurs  bras. 

Les  constructions  qui  apparaissaient  ainsi 
sur  la  terre  angevine  comme  dans  une  féerie, 
prenaient  les  aspects  les  plus  variés,  et  dans 
chacune  de  leurs  parties  répondaient  à 
l'usage  qu'on  en  voulait  faire.  A  l'évéché 
«  la  grant  salle  »  avait  la  forme  d'un  Tau, 
comme  il  convenait  aux  foules,  qui  s'y  pres- 
saient les  jours  de  «  festage  »  autour  de  la 
table  de  Révérend  Père  en  Dieu  Monsei- 
gneur Maître  Guillaume  de  Beaumont.  La 
tour  St-Aubin,  si  imposante  et  si  élégante, 
grâce  à  ses  clochetons  ouverts  aux  angles, 
s'élevait  dans  les  airs  comme  le  symbole 
d'une  riche  et  puissante  abbaye  bénédic- 
tine. La  salle  St-Jean,  c'était  le  palais  ouvert 
par  la  charité  à  «  Nos  Seigneurs  les  pau- 
vres ».  Le  chœur  de  St-Serge,  voilà  le  mo- 
nument que  l'on  rêve  encore  pour  des 
hommes  qui  chantent  le  «  Laus  perennis  » 
et  font  servir  les  arts  à  la  gloire  de  Dieu. 
Une  petite  église  comme  celle  de  la  Haie- 
aux-Bons- Hommes  était  une  œuvre  d'art, 
aussi  bien  que  la  riche  cathédrale,  la  splen- 
dide  abbatiale.  Dans  les  campagnes,  en  ces 
temps-là,  on  ne  cherchait  point  à  faire  des 
réductions  de  cathédrales.  On  bâtissait, 
suivant  les  besoins  auxquels  il  fallait  pour- 
voir, suivant  les  moyens  dont  on  disposait, 
et  le  vaisseau  s'élevait  grand  ou  petit,  tou- 
jours en  harmonie  avec  le  goût,  les  ressour- 
ces, la  situation  de  ceux  qui  devaient  le 
fréquenter.  Si,  plus  tard,  la  peinture  venait 
orner  les  murs  de  ces  édifices,  elle  les  enlu- 
minait, suivant  des  règles  certaines,  ration- 
nelles.en  tenant  compte  des  jeux  de  lumière; 
les  membres  architectoniques.elle  les  faisait 


valoir  au  lieu  de  les  diminuer  par  ses  pro- 
cédés. C'est  ainsi  que  les  hommes  du  XIIe 
et  du  XIIIe  siècle  entendaient  les  choses 
de  l'art,  c'est  ainsi  que  les  comprenaient 
leurs  successeurs  au  XIVe,  au  XVe  et  au 
XVIe  sièclejusqu'aujour  où  l'on  abandonna 
les  vieilles  traditions  françaises  pour  intro- 
duire chez  nous  des  formes  de  monuments 
qui  ne  convenaient  ni  à  nos  mœurs,  ni  à 
notre  civilisation,  ni  à  notre  climat. 

Il  y  a  peu  de  pays  au  monde  qui  aient  un 
héritage  artistique  aussi  riche,  aussi  varié 
que  la  France.  Ces  richesses  que  nous  ont 
léguées  nos  pères,  que  les  étrangers  nous 
envient,  nous  les  gaspillons  tous  les  jours. 
Plutôt  que  d'étudier  les  saines  traditions  qui 
ont  fait  de  chacune  de  nos  provinces  un 
monde  original,  nous  nous  engouons  pour 
des  modes  éphémères,  nous  laissons  la  réa- 
lité pour  aller  aux  chimères,  nous  nous 
extasions  devant  des  constructions  bâtardes 
que  dressent  sur  nos  places  et  dans  nos 
campagnes  de  prétendus  éclectistes.  Ces 
hommes  entassent  les  uns  sur  les  autres  des 
motifs  qui  hurlent  de  se  sentir  ainsi  rappro- 
chés,et  les  merveilles  qu'ils  prétendent  nous 
imposer  méritent  autant  notre  admiration 
qu'un  discours  composé  suivant  les  règles 
de  la  syntaxe  française  avec  les  métaphores 
exagérées  de  l'Inde  et  les  monosyllabes  de 
la  Chine. 

Laissons  donc  de  côté  ce  goût  des  choses 
extraordinaires  et  bizarres  qui  ne  convien- 
nent pointa  notre  génie  national.  Etudions 
les  lois  des  proportions,  les  préceptes  du 
goût  et  de  l'harmonie  que  nous  ont  laissés 
nos  pères. Inspirons-nous  de  ce  qui  est  notre 
patrimoine  artistique,  de  tous  ces  détails 
qui  ont  donné  à  chacune  de  nos  régions, 
tant  de  cachet  etd'originalité.Oue  de  choses 
curieuses  pourraient  apprendre  un  archi- 
tecte, un  peintre  décorateur,  dans  une  petite 


île  prieuré  De  la  $ate*aujr -Bonshommes.         289 


église  comme  celle  de  la  Haie-aux- Bons- 
Hommes!  Ilstrouveraient  là  bien  des  motifs 
intéressants  pour  la  décoration  d'une  église 
de  campagne,  d'une  chapelle  de  commu- 
nauté. 

Ami  lecteur,  je  serai  heureux,  si  j'ai  pu 


vous  intéresser  à  ma  causette  sur  l'architec- 
ture et  les  peintures  de  la  Haie-aux-Bons- 
Hommes  ;  si  j'ai  abusé  de  votre  patience, 
je  vous  en  demande  pardon. 

Timothée  L.  Houdebine, 

prêtre,  professeur  d'histoire. 


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HSgARMI  toutes  les  difficul- 
tés qui  ont  été  soulevées 
contre  l'autorité  histo- 
rique du  second  livre 
des  Machabées,  il  en  est 
une  que  l'on  tire  du  récit 

■  ,.     M]  r-~  ± 

vwwr-'*  du  martyre  des  sept 
frères,  cruellement  immolés  sous  Antiochus 
Épiphane  avec  leur  héroïque  mère  et  le 
vieillard  Éléazar. 

Quelques  uns  voudraient  placer  cet  évé- 
nement à  Jérusalem  ;  et  comme,  d'après 
l'écrivain  sacré,  il  eut  lieu  en  présence  du 
roi  de  Syrie,  ils  n'hésitent  pas  à  l'accuser 
de  supercherie  ;  le  monarque,  qui  était  alors 
à  Antioche,  n'ayant  pu  se  trouver  en  même 
temps  ailleurs.  M.  Vigouroux  (2),  l'un  des 
plus  savants  exégètes  contemporains,  réfu- 
tant les  rationalistes  et,  en  particulier,  Nol- 
deke,  se  contente  de  signaler  la  difficulté, 
l'effleure  et  passe  outre.  Aussi  le  doute  est-il 
encore  le  partage  d'un  trop  grand  nombre  ; 
tandis  que  les  uns,  alléguant  l'Ecriture, 
placenta  Jérusalem  le  lieu  du  supplice  ;  les 
autres,  partisans  de  la  tradition,  veulent 
quAntioche  de  Syrie  ait  été  le  théâtre  de 
cette  sanglante  tragédie.  —  Aussi  avons- 
nous  cru  devoir  entreprendre  la  solution  de 
ce  problème,  pour  mieux  faire  ressortir,  à  la 
lumière  d'une  large  et  saine  critique,  la 
parfaite  concordance  du  texte  biblique  avec 
la  tradition  de  l'Église. 

On  a  prêté  à  tort  au  récit  du  second  livre 
des  Machabées  l'intention  de  fixer  à  Jéru- 
salem   le   lieu  du   supplice  de  ces  glorieux 

i.  Première  partie. 

2.  Les  /ivres  saints  et  la  critique  rationaliste,  t.  I  V, 
pp.  641  -642. 


précurseurs  des  martyrs  chrétiens.  La  nar- 
ration biblique  est  contenue  tout  entière 
entre  le  verset  18  du  chapitre  VI  et  le  ver- 
set 41  du  chapitre  VIII  ;  et  il  n'y  a  point 
dans  l'ensemble  de  ce  passage  un  seul  mot 
qui  indique,  d'une  manière  ou  de  l'autre, 
soit  la  capitale  de  la  Palestine,  soit  quelque 
autre  ville.  L'unique  fondement  sur  lequel 
repose  cette  opinion,  est  l'hypothèse  que  la 
persécution  d'Antiochus  fut  locale,  c'est-à- 
dire  dirigée  contre  les  Juifs  de  Palestine  ; 
et  que  par  conséquent  leur  capitale  dut  en 
être  le  centre.  Mais  cette  hypothèse  est  en 
opposition  avec  le  texte  biblique. 

On  le  sait,  les  livres  des  Machabées, 
quoique  écrits  par  des  auteurs  différents, 
renferment  tous  deux  la  même  histoire  :  le 
premier  la  continue  pendant  un  plus  long 
espace  de  temps,  le  second  la  prend  à  une 
date  plus  reculée.  Mais  l'un  et  l'autre,  sous 
une  forme  différente  toutefois,  retracent 
par  rapport  au  peuple  juif  les  événements 
qui  se  déroulèrent  sous  le  règne  d'Antiochus 
Épiphane,  et  la  persécution  que  celui-ci, 
vainqueur  de  Ptoléméeen  Egypte, déchaîna 
contre  les  Hébreux.  Après  la  prise  de  Jéru- 
salem, qui  eut  lieu  l'an  des  Grecs  144,  après 
le  massacre  des  Juifs  et  le  pillage  du  temple, 
Antiochus,  enivré  de  ses  succès  et  conscient 
de  ses  propres  forces,  entreprit,  à  l'exemple 
des  grands  conquérants,  d'affermir  son 
trône  en  faisant  un  seul  peuple  de  tous  les 
sujets  de  son  empire.  Son  intention  arrêtée 
était  donc  d'helléniser  les  Juifs  ('),  au  sein 
desquels  s'était  formé,  à  la  faveur  des  luttes 
intestines,  un  parti  des  grécisants,  ambi- 
tieux, avides  de  nouveautés,  cupides  et  con- 
tempteurs des  traditions  nationales. 

1.  I  Mack.,  1,  43. 


arfpre  et  sépulture  Des  ^acrjabees. 


291 


L'auteur  du  second  livre  des  Machabées, 
sans  doute  pour  arriver  à  résumer  en  quinze 
chapitres  les  cinq  livres  de  l'ouvrage  de 
Jason  de  Cyrène  ('),  et  parce  qu'il  visait  à 
une  concision  excessive  (-),  ne  jugea  pas  à 
propos  de  s'arrêter  aux  détails  circonstan- 
ciés que  présentait  assurément  la  narration 
plus  étendue  de  son  modèle.  C'est  comme 
ex  abrupto,  sans  le  rattacher  au  texte  pré- 
cédent, et  sans  tenir  compte  des  particu- 
larités qui  en  formaient  la  trame  (3),  que 
l'abréviateur  insère  dans  son  récit  le  tou- 
chant épisode  du  martyre  des  Machabées, 
n'ayant  d'autre  but  que  de  mettre  en  relief 
la  violence  de  la  persécution  et  d'animer 
les  Juifs  par  un  exemple  de  courage  héroïque 
à  défendre  les  lois  menacées  de  la  patrie  (4). 
Il  commence  par  dire  quelle  fut  l'origine 
de  la  persécution  contre  le  peuple  juif.  Le 
roi  de.  Syrie  envoya  d'Antioche  à  Jérusa- 
lem, avec  l'ordre  et  les  pouvoirs  nécessaires 
pour  amener  les  Juifs  à  l'apostasie,  non  pas 
un  vieillard,  comme  l'ont  prétendu  quel- 
ques-uns, mais  un  Sénateur  athénien,  vépovxa 
'Âflrjvaîbv,  c'est-à-dire  l'un  des  premiers  ma- 
gistrats. On  sait  en  effet  qu'Antiochus 
Épiphane  avait  élevé  hors  la  banlieue  de 
la  capitale  du  royaume,  pour  les  Athéniens, 
premiers  habitants  d'Antigonie,  le  Sénat, 
(îouXetmWov,  lieu  de  réunion  pour  les  séna- 
teurs, magistrats  et  principaux  citoyens  (5). 
Mais  ce  n'était  pas  tout.  En  même  temps 
que  le  magistrat  athénien  recevait  une  mis- 
sion en  Palestine,  un  décret  royal  était  pro- 
mulgué contre  les  Juifs  qui  vivaient  disper- 
sés dans  les  autres  villes  du  royaume  syro- 
macédonien  :  Un  ordre,  suggéré  par  les 
Ptolémées,  parut  aussi  dans  les  villes  envi- 

1.  II  Mach,,  11,  24. 

2.  Ibici.,  v,  25-32. 

3.  Ibid.,  vi,  18. 

4.  Ibitl.,  VI,  31  ;  vu,  42. 

5.  Cf.  Malalas,  Chronograph.,\\b.  VIII,  c.  322  ;  Aligne, 
P.  G.,  t.  XCV1I. 


ronnanles,  potir  les  obliger  d'agir  de  la  même 
sorte  contre  les  fui/s,  et  de  les  contraindre 
à  sacrifier,  ou  de  tuer  ceux  qui  ne  voudraient 
point  embrasser  les  coutumes  des  Gentils  ('). 
L'auteur  du  premier  livre  ne  s'exprime  pas 
autrement  quand  il  dit  :  Et  le  roi  Antiochus 
écrivait  des  lettres  à  tout  son  royaume,  afin 
que  tous  ne  fissent  plus  quun  seul  peuple  et 
que  chacun  abandonnât  sa  loi  particulière  (2). 
Et  après  avoir  spécialement  fait  mention 
des  ordres  expédiés  par  Antiochus  à  Jéru- 
salem et  aux  villes  de  Juda,  et  prescrivant, 
sous  peine  de  mort,  la  violation  des  lois 
nationales  (3),  il  ajoute  :  II  écrivait  de  cette 
sorte  dans  totit  son  royaume,  y.y-v.  Ttàvraç  toùç 
Xoyouç  to'Jto'jç  Évpa^e  tAit^  r/j  fiaaCktiq.  gcjto'j  (''). 
La  persécution  que  suscitait  Antiochus 
contre  les  Juifs  n'était  donc  pas  locale  et 
restreinte  aux  confins  de  la  Palestine,  mais 
générale  et  étendue  à  toutes  les  villes  du 
royaume  où  ceux-ci  demeuraient  mêlés  aux 
Gentils.  Par  conséquent  les  persécutions 
et  les  supplices,  dont  parlent,  après  avoir 
indiqué  l'édit  général  d'Antiochus  à  tous  ses 
sujets,  les  auteurs  du  premier  et  du  second 
livre,  sans  indication  de  lieu  (5),  ne  peuvent 
raisonnablement  avoir  trait  à  la  Judée  seu- 
lement :  ils  pouvaient  se  produire  ailleurs 
aussi  bien  qu'à  Jérusalem  ;  et  l'on  ne  voit 
aucune  raison  de  prendre  cette  ville  plutôt 
qu'une  autre.  De  plus  le  texte  biblique,  à 
bien  examiner  les  circonstances  qui  accom- 
pagnèrent le  martyre  des  Machabées,  in- 
dique assez  nettement,  ce  semble,  comme 
théâtre  de  leur  dernier  combat,  non  la  ca- 
pitale delà  Judée,  mais  Antioche,  résidence 
du  monarque  syrien. 

1.  'I'rî'i'.7;j.x  Se  Ë!;Étis(Jôv  EJç  ta-  a<jTi>YErtovaç  -oÀ£'.;  'KÀ/.r,- 
Wôa?,  riToXe|;.ai(iJv  ûhotiSe|aîvhjv  tt,'/  à'jtfjv  àyoyr,-/  /.axa  xoiv 
'louSauov.àysivxai  onrXavj^vîSsiv  '  xoùç  $ï  ;jl-Jj  npoaipoupé'vou; 
ij.Exaf!aiv£tv  Èiri  -ra  EXXi)vixà  y.ocraaç/àÇE'.v.  //  Mach.,  VI,  8-9. 

2.  1  Mach.,  I,  43. 

3.  Ibid.,  V,  46-52. 

4.  Ibid.,  v,  53. 

5.  I  Mach.,  I,  43-67  ;  II  Mach.,  VI,  S-31  ;  VII,  I-42. 


KHVUK    L'E    LAKT    LHK&T1EN 
1899.    4me    LIVRAISON. 


ig2 


3Rcbuc  tir  rflvr  cbrcttcn. 


Il  est  à  remarquer  que  sous  lçs  Séleu- 
cides,  la  métropole  de  la  Syrie  comptait 
parmi  ses  habitants  un  très  grand  nombre 
de  Juifs  (').  Dès  l'époque  d'Antiochus  le 
Grand,  la  Célésyrie  tout  entière  était  rem- 
plie d'une  foule  d'émigrés,  venus  de  Pales- 
tine (2),  pour  différentes  raisons.  Seleucus 
Nicanor,  en  jetant  les  fondements  de  la 
nouvelle  ville-  qu'il  bâtissait,  avait  offert 
l'hospitalité  à  une  multitude  d'autres  Juifs, 
et  leur  avait  accordé,  avec  le  droit  de  cité, 
les  mêmes  avantages  qu'aux  Grecs  et  aux 
Macédoniens  (').  Éoiphane,  après  le  mas- 
sacre de  Jérusalem,  n'en  tira  pas  moins  de 
mille  esclaves  (4)  ;  et  plus  tard  Apollonius, 
qu'il  avait  envoyé  dans  cette  ville  pour  y 
percevoir  les  impôts,  en  ramena  avec  lui 
dans  la  cité  royale  de  la  Syrie  une  foule  de 
femmes  et  d'enfants  réduits  à  l'esclavage  (5). 
De  telle  sorte  que  si  ledit  d'Antiochus- 
Épiphane,  comme  nous  l'avons  vu,  concer- 
nait tous  les  Juifs  du  royaume,  il  n'est  pas 
douteux  que  des  massacres  et  des  supplices 
n'aient  eu  lieu  aussi  à  Antioche,  et  avec 
une  violence  d'autant  plus  grande,  que  plus 
vive  était  la  nécessité  de  fondre  en  un  seul 
corps  les  divers  habitants  de  la  métropole, 
et  plus  énergique  l'action  exercée  direc- 
tement dans  ce  but  par  le  souverain. 

En  outre  le  texte  biblique  nous  apprend 
que  le  supplice  des  Machabées  eut  lieu  en 
présence  d'Antiochus  (6),  lequel  ne  se  trou- 
vait pas  alors  à  Jérusalem,  mais  à  Antioche. 
Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  reprendre 
dans  leur  ordre  chronologique  la  suite  des 
principaux  événements.  Au  cours  de  l'an- 
née 144  des  Grecs,  qui  correspond  à  la 
145e  judaïco-macédoiiienne,  le  roi  de;  Syrie. 

1.  I'Iav.  Josèphe,   De  belto  judaico,\\h.  VII,  c.  III,  n.  3. 

2.  Ici.,  Anliq.judaic,  lib.XII,  c.  m,  n.  3. 

3.  Id.,  Ibid.,  et  Contra  Apionem,  lib.  II,  n.  4. 

4.  Id.,  Anliq.judaic,  lib.  XI I,  c.  v,  n.  4. 

3.  /  .!/  '  <',.,  I,  34. 

<>.  II Mach.,  vu,  3,  12,  24,  39- 


avait  d'abord  emporté  d'assaut  et  ravagé 
Jérusalem,  il  avait  envoyé  ensuite  Apol- 
lonius pour  en  achever  le  sac  et  le  pillage, 
et  c'est  vers  la  fin  de  la  même  année  qu'il 
promulgua  les  édits  d'hellénisation,  que 
suivirent  immédiatement  les  supplices  ('). 
Si  par  conséquent  l'on  tient  compte  de  la 
longue  absence  d'Antiochus  due  à  son 
expédition  en  Perse,  au  printemps  de 
l'année  146  ("),  et  pendant  laquelle  il 
mourut,  il  faut  nécessairement  conclure  que 
le  supplice  infligé  aux  Machabées  en  sa 
présence  ne  put  avoir  lieu  ni  avant  l'année 
145,  ni  après  le  printemps  de  146.  Or  dans 
cet  intervalle  non  seulement  nous  ne  trou- 
vons aucune  trace  du  retour  d'Antiochus  à 
Jérusalem  ;  mais  nous  rencontrons  plutôt 
des  indices  non  équivoques  de  la  prolon- 
gation de  son  séjour  dans  la  capitale  de  la 
Syrie.  En  effet  sa  dernière  apparition,  en 
144,  à  Jérusalem,  fut  de  très  courte  durée  ; 
dans  la  crainte  sans  doute  d'embûches  et 
de  soulèvements  provoqués  par  ses  odieux 
attentats,  il  revint  proinfttement  à  Antioche, 
Bârrov  s'.';  'Av-r'.o/s'.av  zyMoiih,  (3).  Voulant  peu 
après  appesantir  sa  main  sur  les  Juifs  par 
les  édits  de  persécution,  et  les  forcer  à 
abandonner  les  lois  mosaïques,  il  ne  se 
rendit  pas  lui-même  en  Palestine,  mais  il  y 
envoya  d'Antioche  des  mandataires  spé- 
ciaux changés  d'exécuter  ses  ordres  ;  ce  qui 
prouve  le  parti-pris  de  ne  pas  y  aller  en 
personne  (4).  Nous  le  trouvons  encore  à 
Antioche  à  l'automne  de  l'année  145, 
occupé, pendant  un  mois,  à  donner  des  jeux 
aux  faubourgs  de  Daphné  et  à  recevoir,  les 
jeux  terminés,  Tiberius  Gracchus,  ambas- 
sadeur de  Rome  (5). 

1.  Cf.    Patritii,   De  consensu   utriusque  libri  Mâcha 
baeorum,  pp.  94-100. 

2.  Ibid.,  p.  104  ;  et  Annal.,  I.XX,  p.  130. 

3.  //  Mach.,  v,  21. 

4.  I Mach.,  I,  49-52  ;  //  Mach.,  VI,  1-2. 

5.  Patritii,  c.   I,  pp.   102-103,  e'  Annot.,  LXIV,  p.  11S; 


£©artpre  et  sépulture  Des  ©acrjabées. 


293 


Nous  le  voyons  partir  d'Antioche  pour 
la  Perse  (')  à  la  fin  du  printemps  de  l'année 
suivante  (146)  avec  une  partie  de  son 
armée.  On  ne  peut  cependant  pas,  sans 
violenter  l'histoire,  admettre  un  second 
voyage  d'Antiochus  à  Jérusalem  dans  le 
seul  but  de  voir  le  sang  du  peuple  juif 
inonder  les  rues  de  cette  ville. 

Il  n'est  pas  hors  de  propos,  à  l'appui  de 
cette  assertion,  de  faire  remarquer  la 
manière  précise  dont  l'historien  sacré  rap- 
porte le  dialogue  des  martyrs  avec  le 
Monarque  syrien.  Chacun  des  sept  frères, 
excepté  le  second  (2),  parle  la  langue  d'An- 
tiochus, qui  est  la  langue  grecque  (3),  et  ils 
se  font  tous  comprendre  (").  La  mère,  elle 
aussi,  entend  le  langage  du  roi  et  lui 
répond  en  grec  (5)  ;  mais  avec  ses  fils  elle 
s'exprime  dans  l'idiome  national,  en  hébreu, 
TÎj  -a-puo  owv/j  (6),  TTJ  TOTrpwa:  owv/j  (7),  ttj  ^paîot 
G'.a)ix-w  (8)  ;  idiome  que  n'entend  pas  le  Roi, 
lequel  se  croit  bravé,  o&jasvoî  xaTaopoveîffflxt  (9). 

Ce  qui  prouve  à  l'évidence  que  la  famille 
des  Machabées,  à  l'exception  du  second  fils, 
avait  été  élevée,  ou  du  moins  avait  vécu 
quelque  temps  en  un  pays  étranger,  où  la 
langue  grecque  devait  être  l'idiome  ordi- 
naire du  peuple  au  milieu  duquel  elle  vivait; 
ce  qui  cadre  parfaitement  avec  leur  séjour 
à  Antioche.  S'il  se  fût  agi  de  Jérusalem, 
l'historien  n'eût  pas  pris  la  peine  de  spéci- 
fier à  propos  des  martyrs  qu'ils  parlaient 
l'idiome  maternel,  car  il  était  tout  naturel 
qu'ils  parlassent  la  langue  de  leur  peuple, 

Freinshem,  Liv.  siippl.,  1.  XLVI,  14  ;  Polyb.,  Excerpt. 
légat.,  C\\  Diodor.  Sic,  Exccrpta  ex /ib.  XXXI,  l.  II, 
p.  583,  éd.  Amsl.  1746. 

1.  I Mach.,  ni,  37- 

2.  II  Mach.,  vu,  8. 

3.  Ibid.,  2,  11,  14,  16-19,30-38. 

4.  Ibid.,  3,  12,  39. 

5.  Ibid.,  25-26. 

6.  Ibid.,  21. 

7.  Ibid.,  27. 

8.  Flav.  Josèphe,  De  Machabaeis,  n.  16. 

9.  Il  Mach.,  vu,  24. 


et  l'on  ne  peut  supposer  que  des  Juifs  d'un 
caractère  aussi  fortement  trempé,  qui  unis- 
saient au  culte  enthousiaste  de  la  religion 
et  de  la  patrie  un  sentiment  d'horreur  pour 
les  superstitions  de  provenance  hellénique, 
aient  consenti,  sans  y  être  obligés  par  la 
nécessité,  à  en  apprendre  la  langue,  car  la 
communauté  de  langage  suppose  la  commu- 
nauté d'idées. 

Ce  qui  a  contribué  surtout  à  donner  au 
récit  biblique  une  signification  étrangère, 
pour  ne  pas  dire  opposée,  à  la  pensée  de 
l'auteur,  c'est  le  témoignage  si  souvent  cité 
de  Flavius  Josèphe,  écrivain  grave  assu- 
rément et  très  versé  dans  l'histoire  judaïque. 
Dans  son  opuscule  sur  les  Machabées,  qu'il 
intitula  «  de  rationis  imperio  »,  et  qui  est, 
sous  forme  de  panégyrique,  une  paraphrase 
du  texte  sacré,  il  affirme  nettement  la  pré- 
sence d'Antiochus  à  Jérusalem, ajoutant  que 
celui-ci,  après  le  martyre  d'Éléazar  et  des 
sept  frères  avec  leur  mère,  quitta  cette  ville 
pour  se  rendre  en  Perse,  -ô-z  à-xpxç  x-ô  tûv 
'lEpo7o).ujJi.ti)v  éTTpaTSUTEV  s~L  nspffx;  ('). 

Une  foule  d'écrivains,  et  des  plus  auto- 
risés, tels  que  Grotius  (2),  Ittigius  (3)  et 
Cave  (4),  ont  révoqué  en  doute  l'authen- 
ticité de  cet  opuscule  :  Sollier  n'en  tient 
aucun  compte  (5).  D'après  eux,  la  manière 
de  dire  et  la  phrase  ne  sont  pas  celles  de 
Josèphe  ;  il  y  aurait  des  contradictions  avec 
ses  œuvres  authentiques  ;  et  des  emprunts 
manifestes  aux  livres  du  Nouveau  Testa- 
ment trahissent  plutôt  la  plume  d'un  Juif 
chrétien.  Nous  n'avons  pas  l'intention 
d'entrer  dans  cette  discussion.  Il  est  cer- 
tain, d'autre   part,  qu'Eusèbe  (6)  attribue  à 

1.  De  Machabaeis,  seu  de  rationis  imperio,  n.  iS. 

2.  Ad  Liccae,  XVI,  19. 

3.  Prolegom.  ad  nov.  Joseph,  edit.,  p.  Si. 

4.  Histor.  litterar.  Scriptor.  ecclesiast.,  p.  24,  édit.  de 
Genève,  1705. 

5.  Acta  SS.  Augusti,  t.  I,  p.  12. 

6.  Hist.eccles.,  lib.  III,  n.  10. 


?94 


3&cbuc  De  l'&rt  chrétien. 


Flavius  ce  livre,  qui  est,  pour  les  anciens, 
le  quatrième  des  Mackabées  :  qu'à  l'avis 
d'Eusèbe  se  sont  rangés  :  S.  Jérôme  ('), 
Philostorge  ("),  Anastase  le  Sinaïte  ('), 
Suidas  (4),  Nicétas  (5),  Nicéphore  Cal- 
liste  (6).  S.  Grégoire  de  Nazianze  (7),  quoi- 
qu'il en  ait  cité  le  titre  sans  le  nom  de 
l'auteur,  l'a  eu  entre  les  mains  et  s'en  est 
servi  ;  Morcelli  soutient  encore  que  S.  Gré- 
goire d'Agrigente  ne  l'a  connu  que  sous  le 
voile  de  l'anonyme  (8).  Mais,  abstraction 
faite  de  l'authenticité  problématique  du 
livre,  il  n'est  pas  difficile  de  répondre  aux 
objections  qu'on  en  tire. 

Il  faut  se  rappeler  avant  tout  que  les 
paroles  de  Josèphe  citées  plus  haut  figurent 
dans  le  dernier  paragraphe,  c'est-à-dire  à  la 
fin  de  l'opuscule.  Dans  le  récit  détaillé  des 
supplices  qui  précède,  il  n'y  a  rien  qui 
puisse  créer  l'ombre  d'une  difficulté.  Du 
reste,  que  ces  paroles  soient  absolument 
contraires  à  la  vérité  historique  et  étran- 
gères au  texte  primitif,  nous  en  avons  la 
preuve  dans  le  fait  qu'elles  ne  sont  pas 
moins  en  contradiction  avec  le  texte  bibli- 
que qu'avec  Flavius  lui-même  ;  et  par  con- 
séquent elles  ne  peuvent  rendre  fidèlement 
sa  pensée.  En  effet,  dans  les  Antiquités 
judaïques,  œuvre  d'une  authenticité  incon- 
testable, après  avoir  parlé  de  la  victoire  de 
Juda  sur  l'armée  syrienne,  commandée  par 
Apollonius,  il  ajoute  qu'Antiochus,  profon- 
dément humilié  dans  son  amour-propre, 
réunit  le  reste  de  ses  forces  et  leva  des 
troupes  mercenaires  dans  les  îles,  dans  le 
but  d'envahir  la  Judée  ati  commencement  du 

1.  Devins  illustr.,  c.  13  ;  et  advers. pelagïan.,  lib.  II. 

2.  Hist.  eûtes.,  lib.  I,  n.  1. 

3.  Quasi.,  VIII. 

4.  Cf.  Lextcon,'ld>arpzoç. 

5.  Comm.in  Gregor.  Nazianz.  Oral,  de  Machabaeis. 

6.  Hist.  eccles.,  lib.  II,  11.  18. 

7.  Oratio  XVde  Maihabacis,n.  2. 

S.  S.Grégor.Agrig.  VitaIX,chtt  M igne,P.G., t.  X LV 1 1 1 , 
c.  562. 


I  printemps,  y-o-.jjiàlJETo  nspl  t>,v  àp/V,v  xoù  lapoç  e£ç 
t>,v  'IouSaîav  é[j.6aXeîv.  Mais,  n'ayant  pu  perce- 
voir les  impôts  de  plusieurs  provinces  ré- 
voltées, la  pénurie  de  ses  ressources  vint 
modifier  ses  projets  et  il  résolut  d'aller 
d'abord  en  Perse  recueillir  les  tributs  de  ce 
pays,  â'yvw  TïpÛTOv  vlç  tïjv  lÏEpïioa  TtopeuOeiç  toÙ; 
-jôooj;  t/,;  '/wpaç  (yuvavaysïv.  Confiant  à  Lysias 
le  gouvernement  de  la  Syrie  et  la  tutelle 
de  son  fils  en  bas  âge,  Antiochus  partit  pour 
la  Perse  l'an  cent  quarante  sept  [de  l'ère  des 
Séleucides,  d'après  le  calendrier  judaïque] 
et,  ayant  passé  /' Euphrate,  s'achemina  vers 
les  provinces  supérieures  ■ —  6  fia<TiXsùç  'Avtw-^o; 
È;/,AaT£y  c'.'ç  t/,v  IIîot'Iox  tw  sxa-OTTÙ  xal  T£<73-apa- 
xoarâ  xal  sSÔoijlw  £t£'.  xal  -spa'.ws-àaîvo;  ~ov  Eû- 
topâr/iv  ivs^x'.vs  -pi;  TO'J;  kvu  aaTpx-a;  ('). 

Josèphe  ne  pouvait  donc  pas  affirmer 
dans  son  Maxxaj"ix'.vov  qu'Antiochus  partit  de 
Jérusalem  pour  la  Perse.  Ce  qui  eût  été  de 
plus  en  opposition  avec  le  récit  biblique, 
que  Flavius  suit  fidèlement,  et  où  il  est  dit 
qu'Antiochus  prit  la  moitié  de  l'armée  qui 
lui  restait, partit  d'Autioc/ie,  capitale  de  son 
royaume,  eu  la  cent-quarante-septième  année, 
passa  l' Eupkrate  et  traversa  les  provinces 
supérieures  — xal  h  j3xt'.),£'j;  -apiXaSî  Ta;  Y.ul^l; 
twv  o'jvàaswv  tx;  xzTaXet-pOïwra;,  xal  iïrijpsv  à-o 
WvTW/ela;à-o  -oàeio;  (iaT'.).îla;  xijto'3,£to,j;£JÏoo;.i'j'j 

xal      T£77a3aX0TTQJ      Xal      EXaTOTTOJ      •    xal      O'.STTEpaTE 

tov    Eûîpoxr/w  -OTamov,    xal   0'.z-oztùt~o  Ta;   £-àvo) 
Xwpa?  (*). 

Remarquons  encore,  à  propos  de  ce  pa- 
ragraphe final  de  l'opuscule  attribué  à 
Josèphe,  que  l'auteur,  après  avoir  célébré 
les  faits  et  gestes  des  sept  frères,  rapporté 
les  paroles  admirables  et  le  glorieux  trépas 
de  leur  mère,  donne  à  son  récit  la  conclusion 
qu'il  comportait.  Il  met  de  nouveau  cette 
dernière  en  scène,  la  fait  discourir  sur  ses 
propres  vertus  et  place  sur  ses  lèvres  des 
réflexions  qui  n'ont  pas  ici  leur  raison  d'être. 


1.  Flav.  Josèphe,  Antiquit. judaïc,  lib.  XII,  c.  vu,  n.  2. 

2.  1  Mach.,  ni,  37. 


£©artpre  et  sépulture  Des  £@act)abées. 


295 


Aussi,  suivant  lesjudicieuses  remarques  de 
Lowth,  convient-il  de  voir  dans  cette  haran- 
gue l'œuvre  de  quelque  rhéteur  ou  sophiste 
de  second  ordre,  ou  bien,  avec  Havercamp, 
dans  le  paragraphe  tout  entier  la  main  d'un 
faussaire  ('). 

Quelques-uns  ont  cru  justifier  l'opinion 
contraire  par  un  passage  du  XIIe  livre  des 
Antiquités  judaïques  (2).  Mais  ce  texte  n'a 
point  pareille  portée.  A  propos  de  la  venue 
d'Antiochus  à  Jérusalem,  l'an  145  de  l'ère 
judaïco-macédonienne.Josèphe,  en  quelques 
mots,  résume  dans  ce  passage  le  récit  des 
deux  livres  des  Machabées  concernant  les 
massacres  et  les  violences  exercés  à  des 
époques  différentes  et  sur  diverses  per- 
sonnes en  exécution  des  édits  royaux  pour 
l'hellénisation  des  Juifs.  Mais  le  texte  bi- 
blique affirme  expressément  qu'Antiochus 
partit  immédiatement  de  Jérusalem,  où  il 
n'était  guère  que  depuis  trois  jours  (3).  On 
ne  peut  cependant  pas  attribuer  à  la  narra- 
tion abrégée  de  Flavius  une  portée  plus 
considérable  que  celle  du  texte  sacré. 

II 

SI  la  Bible  n'offre  aucun  argument  qui 
permette  de  fixer  à  Jérusalem  le  mar- 
tyre des  Machabées  ;  et,  qu'au  contraire, 
d'après  Sollier  (4)  et  Calmet  (5),  l'opinion 
la  plus  commune  et  de  beaucoup  la  plus 
conforme  au  récit  biblique  milite  en  faveur 
d'Antioche,  il  faut  reconnaître  la  valeur 
exceptionnelle  qu'ajoute  à  celle-ci  le  senti- 
ment unanime  de  la  tradition.  Il  est  donc 


1.  Annotât,  ad  FI. /os.,  édit.  d'Amst.  1726,  p.  519.  — 
Toutefois  l'interpolation  supposée  ne  pourrait  avoir  eu 
lieu  qu'avant  le  I  Ve  siècle  ;  car  le  texte  de  l'opuscule,  dont 
s'est  évidemment  servi  S.  Grégoire  de  Nazianze  [Orat.  X  V, 
n.  2],  plaçait  déjà  dans  la  ville  maîtresse  de  Juda  le  mar- 
tyre des  Machabées  {Ibid.,  nn.  5,  11). 

2.  Chap.  V,  4. 

3.  IIMach.,  v,  14,  21. 

4.  Acta  SS.  Augusti,  t.  I,  p.  5. 

5.  Dictionaiïum  biblicum,  v.  Machabaeus. 


souverainement  important  dans  cette  con- 
troverse de  recueillir  et  examiner  avec  soin 
toutes  les  sources  de  ce  grand  fleuve,  en 
remontant  aussi  haut  que  possible  dans  le 
cours  des  âges.  Chose  significative  et  dont 
la  saine  et  impartiale  critique  est  obligée 
de  tenir  compte  :  aucune  ville  de  Palestine, 
pas  même  Jérusalem  dans  l'antiquité,  n'a 
gardé  le  souvenir  de  nos  martyrs,  ni  pré- 
tendu en  posséder  les  restes.  S.  Jérôme 
seul  (')  semble  affirmer  le  contraire.  A  pro- 
pos du  village  de  Modein,  ou  Modin,  près 
de  Diospolis,  il  raconte  qu'on  y  montrait 
de  son  temps  les  tombeaux  des  Machabées  : 
ce  qui  est  bien  vrai,  si  l'on  entend  sous  ce 
nom  les  guerriers  de  la  descendance  de 
Mathathias  (2),  dont  les  tombeaux  dans  ce 
village  étaient.au  témoignage  de  Josèphe  (3), 
connus  des  Juifs,  trois  siècles  avant  S.  Jé- 
rôme, et  furent  visités  aux  âges  suivants 
par  les  chrétiens  (4)  ;  mais  il  ne  peut  être 
ici  question  des  martyrs  qui  durent  le  nom 
de  Machabées  non  pas  à  la  communauté  du 
sang,  mais  à  la  même  grandeur  et  intrépi- 
dité de  caractère.  Par  contre,  en  regard  du 
silence  de  la  Palestine,  de  l'insouciance  du 
peuple  juif  (5),  se  dresse  l'affirmation  uni- 
verselle et  explicite  de  la  tradition  chré- 
tienne, laquelle  a  fixé  à  Antioche,  capitale 
du  royaume  syro-macédonien,  le  lieu  du 
martyre  et  vénéré  le  tombeau  des  sept 
frères. 

Dans  cette   ville,   en   effet,  au  temps  de 
S.    Jérôme,    on    montrait   les   reliques   des 


1.  De  situ  et  no  minibus  locorum  hebraicorum,  Migne, 
P.  L.,  t.  XXUI.c.  911. 

2.  I Mach.,  It,  70  ;  IX,  10  ;  XIII,  25-30. 

3.  Antiqnit.  judaic,  lib.  XII,  c.  VII,  n.  4  ;  et  c.  XI,  n.  2. 

4.  Eugesip.,  De  locis  sanctis ;  Fretellus,  Enar.  locor. 
Terrae  sanctae ;  Joan.  Wirzburgen,  Descript.  Terrae 
sanctae. 

5.  S.  Augustin,  parlant  du  culte  rendu  par  le  Chris- 
tianisme aux  Machabées,  reproche  aux  Juifs  de  les  avoir 
négligés  :  Quidlalejudaeicelebrare  noverunt?  Serm.  CCC, 
de  Sanctis,  N.  S.,  édit.  Maur. 


296 


îftctntr  De  l'&rt  cbrcttcn. 


Machabées  martyrs,  qu'il  confond  par  mé- 
garde,  comme  le  fait  justement  observer 
Vallarsi  ('),  avec  Mathathias,  Judas  et  les 
autres  :  Modela  —  ce  sont  ses  propres  pa- 
roles —  vicies  juxta  Diospolin,  unde  fuerunt 
Machabaei,  quorum  hodieque  ibidem  scpulcra 
monstrantur  :  satis  ilaque  ntiror  quomodo 
Antiochiae  eorum  reliquias  oslendunt,  aut 
quo  hoc  certo  auctore  sit  credilum. 

Le  témoignage  de  Chrysostome  est  sur- 
tout précieux.  Il  était,  sur  le  déclin  du 
IVe  siècle,  la  grande  figure  d'Antioche  sa 
patrie,  où  le  prestige  du  savoir  et  de  l'élo- 
quence donna  à  son  zèle  sacerdotal  une 
merveilleuse  fécondité.  Au  jour  anniver- 
saire des  Machabées, 'et  en  présence  d'une 
fouleinnombrable  suspendue  à  ses  lèvres  (2), 
il  commençait  ainsi  sur  le  tombeau  des 
martyrs  (3)  l'une  de  ses  homélies  les  plus 
belles:  «Qu'elle  est  brillante  et  joyeuse, 
«notre  ville!  Combien  ce  jour  est  plus 
«  éclatant  que  tous  les  autres  jours  de  l'an- 
«  née!  Non  pas  que  le  soleil  envoie  aujour- 
«  d'hui  sur  la  terre  un  rayon  plus  lumineux 
«  qu'à  l'ordinaire  ;  mais  c'est  que  la  splen- 
«  deur  des  saints  martyrs  éclaire  notre  cité 
«  tout  entière  plus  vivement  que  la  foudre  ; 
«  car  ils  sont  plus  radieux  que  mille  soleils, 
«  plus  resplendissants  que  des  astres.  Grâce 
«  à  eux,  la  terre  est  aujourd'hui  mieux  dé- 
«  corée  que  le  ciel.  Ne  me  parlez  pas  de 
«  poussière,  ne  songez  ni  à  la  cendre,  ni  aux 
«  ossements  consumés  par  le  temps,  piyâp  ]xv. 

«  T7\V  xîV'.v  sCrrr,;,  ul7|0£  T/|v  TÉfflpav  Xoyii^v,  [-lïjok  Ta 

1.  Annot.  in  S.  Hieron.,  t.  III,  p.  250,  édit.  Vallar. 

2.  Cf.  Homil.  III  in  sanctos  Machabaeos,  c.  675  . 

3.  Conjointement  aux  corps  des  sept  jeunes  frères  on 
vénérait  à  Antioche  les  cendres  de  leur  mère  et  du  vieil- 
lard Éléazar,  car  S.  Jean  Chrysostome,  même  Homélie 
que  ci-dessus,  dit  expressément  :  «  Il  (le  Christ)  n'a  pas 
amené  dans  la  lice  des  athlètes  vigoureux,  mais  de  tout 
jeunes  adolescents,  et  avec  eux  un  vieillard,  Éléazar,  puis 
une  femme  avancée  en  âge,  la  mère  de  ces  jeunes  gens, 
n.v.'A/.vj.  xou,tSÇ,  y.'/:  vit'  sxEtvb>v  yipovza,  tôv  'EXEotÇapov, 
suft  irpo?  rouTotç  yuvaïxa  Y6"if*lp*xvïav,  ttjv  (AïTCcpa  t<5v 
pxipaxûuv.  Ibid.,  c.  619. 


«  ypôvcp  oa-avv/jivT-/  (Jarà  :  non  ;  mais  ouvrez  les 
«  yeux  de  la  foi,  et  regardez  la  puissance 
«  divine  siégeant  auprès  d'eux,  la  grâce 
«  du  Saint-Esprit  qui  les  environne,  et  la 
«  gloire  de  la  lumière  céleste  dont  ils  sont 
«  revêtus.  Les  rayons  que  darde  sur  la 
«  terre  le  disque  du  soleil,  n'égalent  point 
«  ces  clartés,  ces  jets  de  flammes  qui  s'élan- 
«  cent  de  leurs  corps,  èx  tûv  ^w^àxtov,  et  vont 
«  aveugler  le  démon  lui-même  (').  » 

Donc,  dans  la  seconde  moitié  du  IVe  siè- 
cle, on  ne  montrait  pas  seulement  à  An- 
tioche, comme  le  veut  saint  Jérôme,  les 
reliques  des  Machabées  ;  mais  on  les  y  en- 
tourait encore  d'un  culte  très  solennel.  La 
fête,  précédée  d'une  vigile,  se  continuait  le 
lendemain  par  de  nombreux  discours  (")  ; 
et  on  y  voyait  accourir,  outre  la  population 
indigène,  chez  laquelle  dominait  l'élément 
grec,  la  grande  multitude  des  Syriens  pro- 
prement dits  disséminés  dans  les  campagnes 
voisines,  et  qui  en  ce  jour  affluaient  tous 
dans  la  grande  cité  (3).  Tel  était  l'éclat  de 
ces  cérémonies  que  nous  en  retrouvons 
l'écho  jusque  dans  le  lointain  Occident.  Au 
témoignage  de  S.  Augustin,  la  basilique 
que  les  habitants  d'Antioche  avaient  élevée 
sur  la  tombe  des  saints  martyrs  était  célèbre 
et  renommée  même  en  Afrique:  Sanctorum 
Machabaeorum  basilica  esse  in  Antiochia 
praedicatur  ;  in  illa  scilicet  civitate,  quae 
regis  ipsius  persecutoris  nomine  vocatur  (4), 
Ce  n'est  donc  pas  l'affirmation  d'un  seul 
individu,  si  considérable  qu'elle  soit  ;  c'est 
le  témoignage  public  et  solennel  que  rend 
un  peuple   tout  entier  à  l'existence  réelle 


1.  S.  Joan.  Chrys.,  Homil.  I  in  sanctos  Machabaeos  et 
matrem  eorum,  n.  1  ;  Migne,  P.  G.,  t.  XLIX,  c.  617. 

2.  S.  Joan.  Chrys.,  Homil.  II  in  sanctos  Machabaeos, 
n.  1,  t.  II,  c.  623  ;  et  Homil.  XI de  Elcasaro  et  septem 
pueris,  n.  1,  t.  XII,  c.  525. 

3.  Id.,  Sermo  de  sanctis  inartyribus,  Migne,  V.  G., 
t.  XLIX,  c.  647. 

4.  Serm.  CCC,  de  Sanctis,  n.  5. 


0E)arîpre  et  0cpulture  ties  ®acl)abce0. 


297 


des  tombeaux  des  Machabées  dans  la  mé- 
tropole de  Syrie. 

Cette  affirmation  se  répercute  d'ailleurs 
de  tous  côtés  dans  les  siècles  suivants.  Et 
nous  en  avons  une  preuve  non  moins  expli- 
cite qu'inattendue,  dans  saint  Isidore  de 
Séville. 

Au  chapitre  LXIV  de  son  livre,  De  orlu 
et  obitu  Patrum,  lorsqu'il  parle  des  martyrs 
Machabées,  il  ne  donne,  suivant  les  ancien- 
nes éditions,  aucune  indication  sur  leur 
tombeau,  ni  sur  le  lieu  de  leur  supplice. 
Arevalo  ('),  le  premier,  dans  sa  savante 
édition  des  œuvres  de  saint  Isidore,  tira 
des  notes  de  l'illustre  Zaccaria  une  impor- 
tante variante  empruntée  à  un  manuscrit 
véronais  du  IXe  siècle,  laquelle  faisait  partie 
du  chapitre  ci-dessus.  En  voici  la  teneur: 
«  Machabaei  septem  fratres  ab  una  matre 
<J  nomine  Machabaea  (3)geniti,  custodientes 
«  legem  patria  traditione  non  manducantes 
«  carnem  porcinam.  06  hoc  ab  Antiocho  rege 
«  saevissimo  in  Antiochia  martyrii  gloria 
«  coronati  sunt  cnm  matre  sua  atqtie  sepulti 
«  cum  magna  veneratione  (3).  »  La  seconde 
partie  de  cette  variante,  reproduite  en  ca- 
ractères italiques,  ayant  été  récemment  con- 
firmée par  six  autres  exemplaires,  il  n'y  a 
pas  lieu  de  douter  de  son  authenticité. 

Les  Bollandistes,  après  Ménard,  publiè- 
rent, en  1680,  d'après  un  codex  de  Tournai 
et  le  MS.  n.  636  de  la  Vaticane,  un  opuscule 
intitulé  :  Antonini  Placentini  itinerarium, 
connu  dès  1640  par  l'édition  due  à  un  ano- 
nyme d'Angers  et  faite  sur  deux  MSS. 
aujourd'hui  perdus.  Dans  cet  écrit,  certai- 

1.  S.  Isidor.  Hispalens.,  De  orlu  et  obitu  Patrum, 
c.  LXIV,  n.  105  en  note;  Cf.  Prolegom.,  part.  I,  c.  XLIH, 
n.  32-34  ;  et  part.  II,  c.  LXI,  n.  41. 

2.  Cette  appellation  est  donnée  à  la  mère  des  sept  frères 
dans  un  sermon  attribué  à  saint  Fulgence,  Serm.  LXIX, 
in  app.  opp.  S.  Fulgentii,  Migne,  P.  L.,  t.  LXV,  c.  241. 
Cf.  encore  Honorât.  Ant.  Const.,  ep.  ad.  Arcad.,  n.  2  ;  et 
Redano,  Magn.  apparat.,  pp.  45  sq. 

3.  Cf.  Migne,  P.  L.,  t.  LXXXII,  c.  148. 


nement  apocryphe  ('),  puisque  le  martyr  de 
Plaisance,  soi-disant  contemporain  de  Dio- 
ctétien, y  parle  de  choses  postérieures  à 
cette  date,  les  uns,  avec  Papebroech,  n'ont 
trouvé  aucune  trace  de  voyage  ;  d'autres 
ont  reconnu  à  certaines  pages  luculeniia 
antiquitatis  documenta  (').  Sans  entrer  dans 
la  discussion,  il  est  hors  de  doute  que  le 
pseudonyme  itinéraire  est  une  œuvre  du 
moyen  âge,  ni  antérieure  au  VIe  siècle, 
puisqu'il  y  est  fait  mention  de  l'empereur 
Justinien  ;  ni  postérieure  au  IXe  siècle, 
époque  où  remonte  le  codex  133  de  Saint- 
Gai],  qui  est  le  plus  ancien  qui  nous  l'ait 
transmis.  Papebroech  le  croit  écrit  entre  le 
Xe  et  le  XIe  siècle  ;  mais  la  critique  moderne 
lui  attribue  avec  juste  raison  une  antiquité 
plus  haute  et  une  importance  plus  grande. 
En  tout  cas,  de  l'avis  de  quelques-uns,  il 
n'est  point  l'œuvre  d'une  personne  qui  ait 
fait  réellement  le  voyage  aux  lieux  qu'elle 
décrit,  et  celui  qui  en  est  l'auteur  l'a  composé 
en  se  servant  de  descriptions  et  de  relations 
autorisées  dues  à  d'autres  pèlerins,  et  dont 
il  a   fait  un   récit  original,   tout  comme  le 

1.  Tobler  et  Molinier,  Itinera  hierosolymitana,  etc., 
préf.  VII,  p.  xxv-xxvi,  ne  prennent  pas  le  titre  de  martyr 
donné  à  Antonin  de  Plaisance  dans  le  sens  ecclésiastique, 
mais  comme  un  simple  surnom  justifié  par  les  privations 
du  voyage,  et  ne  voient  là  qu'une  erreur  de  copistes  trom- 
pés par  l'identité  du  nom.  De  Rossi,  Bull.,  1865,  p  82  ; 
1890,  p.  152,  pense  qu'on  doit  le  prendre  dans  le  sens 
moral  de  protection.  —  Ces  assertions  ne  sont  point 
fondées,  parce  que  ce  n'est  pas  seulement  V Itinéraire  qui 
donne  à  l'auteur  le  titre  de  martyr,  mais  encore  les  vieilles 
traditions  mêmes  de  l'Église  de  Plaisance,  qui  attribuent 
le  pèlerinage  d'Orient  au  martyr  du  IIIe  siècle.  En  effet, 
dans  les  anciens  actes  de  l'invention  du  corps  de  ce  saint, 
publiés  récemment  par  les  Bollandistes  d'après  deux 
manuscrits  du  XIe  siècle,  de  la  Bibliothèque  ambrosienne, 
sur  la  foi  des  plus  anciens  documents,  il  est  dit  :  Igilur 
hune  Antoninum  martyre  m  Cliristi  ferunt  quodam  tem- 
pore  placentinae  urbis  finibus  egressum  a/que  orientales 
pertransisse  provincias,  inullaqtie  in  iisdcm  provinciis 
eum  miraculafecisse  serip/um  reperimusj  denique  soeiuin 
fuisse  beati  Mauritii  martyris  et  ex  eiusdem  legionis 
ordiue,  qui  pro  Christo  sanguine  m  fundere  meruerunt, 
attestantur.  —  Analecta  Bollandiana,  t.  X,  p.  120. 

2.  Cf.  La  préface  des  Bollandistes  dans  les  Aeta  Sanct., 
Maii,  t.  II  ;  et  Migne,  P.  L.,  t.  LXXII,  c.  898. 


298 


Bctwc  De  r&vr  chrétien. 


Diacre  Pierre  a  utilisé  dans  le  même  but 
les  écrits  de  Ste  Silvia.  —  A  la  fin  du  susdit 
itinéraire,  dont  nous  avons  indiqué  la  valeur, 
nous  lisons  que,  à  leur  retour  des  lieux 
saints,  les  compagnons  de  voyage  se  rendi- 
rent d'Apamée,  ville  de  Syrie,  à  Antioche. 
où  ils  trouvèrent,  entre  autres  tombeaux, 
celui  des  Machabées  :  Inde  exe  unies  venu 
mus  Antiochiam  majore  m  ('),  in  qua  re- 
quiescit  sanctus  Babylas  episcopus  et  très 
parvuli,  et  sancta  Justina,  et  fulianus  et 
fratres  Machabaei,  hoc  est  septem  sepukra, 
et  super  uniuscujusque  sepulcrum  scriptac 
sunt  passiones  eorum.  » 

Ces  indications  paraissent  fondées  ;  on 
sait,  en  effet,  que,  dès  le  IVe  siècle,  on  hono- 
rait à  Antioche  l'évêque  Babylas  et  trois 
enfants,  dont  le  martyrologe  hiéronymien 
annonçait  ainsi  la  fête  au  24  janvier  :  Antio- 
chiae  Babylae  episcopi  cum  tribus  parvulis. 
Qu'il  ait  été,  en  même  temps  que  le  martyr 
Julien  d'Anazarbe  et  les  frères  Machabées, 
l'objet  d'un  culte  spécial  de  la  part  des 
habitants  d'Antioche,  nous  en  avons  la 
preuve  indiscutable  dans  les  homélies  pro- 
noncées sur  leurs  tombeaux  par  Chrysos- 
tome  au  jour  de  leur  anniversaire  (3).  Et 
comme,  d'une  part,  il  n'est  plus  fait  mention 
des  reliques  des  Machabées  à  Antioche 
chez  les  historiens  des  Croisades,  qui  nous 
ont  laissé  sur  cette  ville  et  sur  ses  souvenirs 
religieux  qui  existaient  encore,  des  détails 
si  précis,  et  que,  d'autre  part,  nous  les  voyons 
vénérées  à  Rome  dès  le  pontificat  de  Pelage 
1er  :  il  s'en  suit  que  l'auteur  de  l'itinéraire  a 
dû  puiser  ses  renseignements  à  une  source 
antérieure  à  l'année   561,   date   de  la  mort 

1.  C  est-à-dire  r,  p.v(&\-r\  Avcio^eîa,  comme  l'appellent 
ordinairement  les  écrivains  du  temps  de  Justinien.  Le 
Ils.  latin  4847  de  la  liibl.  nat.  de  Paris  donne  la  leçon 
préférable  de  Anliochiam  magnam. 

2.  Cf.  Homil.  de  hieromartyre  Babylas  'n  ss. martyres 
Machabaeos,  1,  II  et  III,  t.  Il;  de  Etectzaro  et  septem 
pueris,  t.  X 1 1  ;  in  sanclum  Julianum,  t.  II,  opp.  S.joan. 
Chrys. 


de  ce  pape.  Si  l'on  observe  ensuite  que  cet 
écrivain  parle  à  plusieurs  reprises  de  Justi- 
nien et  des  affreux  tremblements  de  terre 
qui  vinrent  attrister  son  règne  ;  de  la  ville 
de  Sidon  en  partie  ruinée  quae  ex  parte  mit; 
de  Jéricho,  dont  les  murs  apparaissaient 
diruti  ex  terraemotu  (');  on  conclura  sans 
hésitation  que  ces  renseignements  provien- 
nent de  voyageurs  du  VIe  siècle  qui  visi- 
tèrent ces  contrées  de  543  à  561. 

Mais  la  tradition  chrétienne  nous  offre, 
relativement  au  lieu  du  martyre  des  Macha- 
bées, un  témoignage  bien  autrement  caté- 
gorique, et  digne  assurément  d'être  soumis 
à  la  critique  la  plus  rigoureuse:  c'est  l'accord 
complet  de  l'Églised'Occident  et  de  l'Église 
d'Orient  sur  ce  point.  Nous  ne  nous  arrête- 
rons pas  aux  martyrologes  de  Bède,  de 
Florus,  de  Wandelbert,  de  Notker,  d'U- 
suard,  d'Adon,  y  compris  le  Romanum par- 
vum  copié  par  celui-ci  à  Ravenne  ;  tous, 
sans  exception,  fixent  aux  calendes  d'août 
et  à  Antioche  de  Syrie  la  passion  ou  nais- 
sance (à  une  vie  meilleure)  des  Machabées. 
En  omettant  dans  l'énoncé  de  cette  nais- 
sance toute  indication  topographique,  Ra- 
ban  Maur  ne  jette  pas  une  note  discordante, 
mais  se  tait,  dans  ce  concert  unanime. 
Inutile  également  d'invoquer  les  ménologes, 
les  ménéums,  les  synaxaires  de  l'Église 
d'Orient.  Ce  sont  des  documents  de  seconde 
main,  provenant  de  sources  plus  anciennes 
et  auxquelles  il  nous  faut  remonter. 

Dès  l'époque  de  Cassiodore,  les  Églises 
d'Occident  avaient  entre  les  mains  un  mar- 
tyrologe  qui,   faussement   attribué  à  saint 

1.  «  Le  9  juillet,  un  grand  et  épouvantable  tremblement 
«  de  terre  se  fit  sentir  dans  toute  la  Palestine,  l'Arabie,  la 
<  Mésopotamie,  la  Syrie  et  la  Phénicie,  et  couvrit  de 
<i  ruines  lés  villes  de  Tyr,  Sidon,  Berytus,  Tripoli  et 
«  Byblos.  —  Ttp  8è  'IouXiqj  p.ï|vi  0'  iyév&zo  jeiiiià;  [tÀfCK  xai 
•<  oo|3spà<  Èv  ~ï7r,  -.i,  J£u>pa  [IaXai<mvi)Ç  /.t.:  'ApafJtaç  /.xi 
•(  Msaoïtoxafuac  xai  Eupiaç  xai  <I>oivîxi);,  xai êitaÔEv Tôpoç  xai 
•(  EtSùv  Ttat  B-rjpuxo;  xai  'J'pnroXtc  xai  Bû^Xoî.  »  Théophane, 
Chronographia  ad  an.  jjj.  Malalas  le  repoi  te  à  l'année 
55-:.  Cf.  C/iro/i.,  702. 


a^arfpre  et  sépulture  Des  £©act)abées. 


299 


Jérôme,  contenait  une  multitude  de  noms 
de  martyrs  avec  l'indication  du  lieu  de  leur 
supplice  (').  Sous  le  Pontificat  de  saint 
Grégoire  le  Grand,  nous  voyons  l'Église 
romaine  conserver  ce  livre,  dans  un  texte 
certainement  plus  pur  qu'ailleurs  :  témoin 
la  lettre  du  même  Pape  en  réponse  à  Eulo- 
gius,  patriarche  d'Alexandrie  (2). 

Un  fait  cependant  aujourd'hui  bien  con- 
staté, c'est  que  les  plus  anciennes  copies 
de  ce  livre  parvenues  jusqu'à  nous  ne  re- 
montent pas  au  delà  du  VIIIe  siècle,  et 
que  parmi  elles  le  nombre  des  MSS.  pleni 
est  excessivement  restreint,  car  De  Rossi, 
après  les  plus  diligentes  et  les  plus  heu- 
reuses recherches  dans  les  bibliothèques 
d'Europe,  n'en  a  pu  compter  que  treize, 
tandis  que  les  abrégés  ou  extraits  existent 
en   nombre  très   considérable.  Nous  nous 


MS.  EPTERN. 

kl.  agùs  antioc  mâcha- 
beorû  VII.  ffrûm  cum 
matre. 


MS.   BERN. 

KL.    AGUS. 
IN    ANTIOCHIA 

Passio  Scôrum  Mâcha- 
beorû  septê  fratrum  cû 
matre  sua.  qui  passi  sunt 
sub  antiocho  rege. 


On  pourrait  faire  une  objection  :  ce  té- 
moignage, quoique  unanime,  ne  va  pas  au 
delà  du  VIIIe  siècle,  et  ces  Mss.,  personne 
ne  l'ignore,  loin  de  donner  le  martyrologe 
de  l'Eglise  d'Occident  dans  son  état  origi- 
nal, représentent,  par  les  nombreuses  addi- 
tions faites  au  texte  primitif,  une  espèce  de 
centon,  où  il  est  souvent  difficile,  parfois 
même  impossible,  de  distinguer  ce  qui  est 
du  premier  auteur.  —  Il  y  a  là,  incontesta- 
blement, une  difficulté  sérieuse,  et  à  laquelle, 
en  ce  qui  concerne  le  texte  ci-dessus  de  la 
fête  des  Machabées,  il  importe  de  répondre 

1.  Cassiodoie,  De  institut,  divin,  lection.,  c.  32. 

2.  Ad.  Eulog.  Pair.  A/exan.,  epist.  XXIX,  lib.  VII,  ind.  I. 


arrêterons  aux  plus  importants  des  manus- 
crits pleniores,  parce  qu'ils  sont  la  source 
d'où  proviennent  tous  les  autres.  Le  plus 
ancien,  d'après  De  Rossi  et  Duchesne  ('), 
est  le  Ms.  d'Epternach  (Lux.  holl.),  de  pro- 
venance anglo  saxonne,  contemporain  de 
saint  Willibrord  (658-738)  ;  on  regarde 
comme  très  insigne  celui  de  Berne  à  l'usage 
du  diocèse  de  Metz,  des  dernières  années 
du  VI I  Ie  siècle;  vient  ensuite  celui  de  Wis- 
senbourg  ou  Blumianus,  de  l'année  772;  on 
y  ajoute  encore,  pour  sa  plénitude,  celui  de 
Corbie,  publié  par  d'Achéry,  quoiqu'il  ap- 
partienne à  une  époque  plus  récente  (2). 
Ceci  posé,  mettons  sous  les  yeux  du  lecteur 
les  textes  des  manuscrits  ci-dessus  qui  s'ac- 
cordent tous  à  placer  à  Antioche  le  martyre 
des  Machabées  : 


MS.  WISSEMB. 

kl.  agustas  In  antiochia 
pas  scorum  machabeorum 
septem    fratrû   cum    matre 


MS.   CORB. 

kal.  aug.  Litania  indi- 
cenda.  In  Antiochia  passio 
sanctorum  Machabaeorum 


a  qui  passi  sunt  sub  an-  ,  septem  fratrum  cum  matre 


tioco  régi. 


sua  qui  passi  sunt  sub  An- 
tiocho rege. 


de  manière  à  ne  pas  laisser  l'ombre  d'un 
doute. 

Les  copies  hiéronymiennes,  dans  l'état 
où  elles  nous  sont  parvenues,  représentent 
en  effet  un  centon  d'anciens  documents  du 
IVe,  du  Ve  et  des  siècles  suivants;  mais  on 
y  rencontre  les  traditions  hagiographiques 
les  plus  anciennes  et  les  plus  vénérables  du 
monde  chrétien.  Pour  ne  parler  que  de 
l'Église  de  Rome,  il  est  avéré  désormais 
que  le  centon  hiérony  mien  contient  les  jours 
de  fête,  ou  listes   des   solennités  annuelles, 

1.  Joh.  Bapt.  De  Rossi  et  Ludov.  Duchesne,  Marlyro- 
logium  hieronymian.  dans  les  Acta  SS.  Novembris, 
t.  II,  p.  IV. 

2.  Spiàlegium,  t.  II,  c.  1.    ■ 


REVUE    DE    L'AKT  CHRÉTIEN. 
1899.    —   4me    LIVRAISON. 


*oo 


Brime  lie  rart  cbvétten. 


décrétées  sous  les  papes  Melchiade  (311- 
314);  Marc  (336);  Libère  (352-366);  Inno- 
cent Ier  (401-417);  Boniface  Ier  (418-423). 
Il  est  établi  en  outre  par  une  saine  critique 
que  le  compilateur  eut  entre  les  mains  et 
mit  à  contribution  un  martyrologe  grec  en 
usage  dans  les  Églises  d'Orient  au  IVe  siè- 
cle (').  Reste  à  démontrer  que  l'énoncé  de 
la  fête  des  Machabées,  qui  figure  dans  le 
centon  hiéronymien,  est  dû  au  premier 
compilateur  et  ne  peut  être  postérieur  au 
IVe  siècle  ou  au  commencement  du  Ve. 

Contrairement  à  l'opinion  de  Galesino,  il 
semble  difficile  d'admettre  que  le  culte  pu- 
blic de  maryrs  rendu  par  le  Christianisme 
aux  Machabées,  qui  appartenaient  à  l'an- 
cien Testament,  puisse  remonter  à  une  date 
antérieure  au  IVe  siècle,  sauf  quelques  ex- 
ceptions particulières,  comme  en  Syrie  et 
peut-être  aussi  en  Afrique.  Il  est  certain  que 
S.  Cyprien.au  II  Ie  siècle,  fit  un  magnifique 
éloge  des  Machabées,  les  proposant  pour 
modèles  aux  chrétiens  qu'il  exhortait  au 
martyre  (2).  Et  à  cette  occasion  nous  dirons 
que  l'admirable  exemple  de  fidélité  à  la 
religion  de  leurs  ancêtres  et  de  sublime  hé- 
roïsme, qui  couvrit  de  gloire  les  Machabées, 
fut  le  motif  principal  pour  lequel  l'Église 
chrétienne  les  honora  du  culte  public, propo- 
sant leur  courage  à  l'imitation  des  fidèles  (3). 
Telle  en  fut  en  effet  la  raison  principale 
et  première,  quoique  on  en  ait  invoqué 
d'autres,  et  qu'on  ait  eu  recours  à  bien  des 
subtilités   pour   expliquer   le   fait   du   culte 

1.  Cf.  De  Rossi  et  Duchesne,  /.  c,  p.  L-LXIX. 

2.  Epistola  ad  Fortunatum  de  exhortatione  martyrii, 
c.  XI  ;  et  Epist.  ad  Thibaritanos  de  exhortatione  mar- 
tyrii, n.  4. 

3.  «  Formant]  tolerantiae  pnubuerunt  isti  beatissimi 
fratres  [Machabaei]  futuris  post  passionem  Christi  mar- 
tyribus,  ut  intelligant  quanta  animi  magnitudine  et  con- 
Stantia  pro  Redemptoris  nomine  dimicare  debeant,  pro 
cujus  mandata  pertinaciter  ipsi  certassent.  i  S.  Gaudent. 
Prix  ,  Set  m.  XV,  de  diversis  capitulis  quint  us,  die  natali 
Machabaeorum. 


rendu  par  les  Chrétiens  à  des  Juifs  ('). 
D'ailleurs  on  ne  saurait  le  nier  :  la  fête  des 
Machabées  rencontra  à  l'origine  une  oppo- 
sition, contre  laquelle  durent  s'élever  les 
Pères  (");  néanmoins  elle  ne  tarda  guère  à 
être  universellement  acceptée. 

Il  n'est  pas  besoin  de  citer  le  calendrier 
de  l'Église  de  Carthage  (3),  de  la  première 
moitié  du  VIe  siècle,  qui  porte  la  fête  des 
Machabées  ;  ni  l'Almanach  de  Polomée 
Sylvius,  évêque  dans  les  Gaules,  publié  en 
448  d'après  un  autre  plus  ancien,  puisqu'il 
signalait  laterculum,  quem  prioresfecerunt, 
dans  lequel  les  calendes  d'août  sont  con- 
sacrées à  solenniser  marlyrmm  Macha- 
baeorum (4).  Nous  avons  une  série  de  Pères 
de  la  première  moitié  du  Ve  et  de  la  seconde 
du  IVe  siècle,  qui  témoignent  que  cette  fête 
était  dès  lors  communément  reçue.  Un 
sermon  attribué  à  saint  Léon  le  Grand  (5)  ; 
un  autre  de  saint  Valérien  (6)  ;  quatre  de 
saint  Augustin  (7)  ;  trois  de  saint  Maxime 
de  Turin  (8)  ;  un,  déjà  cité,  de  saint  Gau- 
dens  de  Brescia,  dont  il  fait  mention  dans 
la  préface  à  Bénévole  ;   quatre   de  S.  Jean 


1.  Cf.  S.  Bern.,  epist.  XCVIII,  ad  quaestionem  cur  ex 
justis  antiquae  le  gis  solis  Machabaeis  Ecclesia  diein  festum 
decreverit. 

2.  i  Nemo  ergo  dubitet,  fratres  mei,  imitari  Mâcha- 
baeos  ;  ne  cum  imitatur  Machabaeos,  putet  se  non  imitari 
christianos.  Prorsus  imitationis  affectus  ferveat  in  cordibus 
nosttis.  Discant  viri  mori  pro  veritate.  Discant  feminae 
de  matris  illius  tanta  patientia,  ineffabili  viitute,  quae 
noverat  servare  filios  suos.  Habere  noverat  quae  perdere 
non  timebat.  »  S.  Aug.,  Serm.  CCC  de  sanctis,  n.  5.  Cf. 
S.  Greg.  Nazianz.,  Oral.  XV;  dr  Machabaeis,  n.  1-2;  et 
S.  Joan.  Chrys.,  Hom.  de  Eleasaro  et  septem  pùeris,  n.  i. 

3.  Cf.  Mabillon,  Analector.  vêler.,  t.  III,  p.  398. 

4.  Cf.  Bolland,  Acta  SS.,  t.  I,  p.  xliv. 

5.  S.  Leonis  M.  PP.,  t.  I,  col.  453,  éd.  Baller. 

6.  S.  Valeriani,  episc.  cemelien.  Hom.  XVIII  de  Macha- 
baeis. 

7.  S.  August.,  Sermon,  de  sanctis,  CCC,  CCCI,  CCCI I, 
éd.  Maur;et  Serm.  LXXVI,  éd.  Caillau,  t.  XXIV  bis, 
p.  51. 

8.  S.  Max.  Tnur.  Serm.  LXXIX,  LXXX,  LXXXI1I, 
Migne,  P.  L.,  t.  LVII. 


09artpre  et  sépulture  ùes  £©acl)abée0. 


301 


Chrysostome  (')  et  un  de  S.  Grégoire  de 
Nazianze  (-),  furent  tous  prononcés  à  l'oc- 
casion du  jour  anniversaire  des  Machabées, 
sans  compter  tous  ceux  qui,  d'une  authen- 
ticité douteuse,  ont  été  renvoyés  à  la  fin  de 
leurs  œuvres  respectives.  Il  existe  encore, 
dans  les  manuscrits  syriaques  du  Musée 
britannique,  deux  hymnes  pour  la  même 
fête  composées  par  S.  Ephrem(3).  D'autres 
Pères  de  l'Église  d'Occident, contemporains 
des  premiers,  insèrent  dans  leurs  écrits  de 
merveilleux  éloges  des  Machabées  et  pro- 
posent leur  martyre  comme  exemple  ;  ce 
qui  prouve  que  leur  culte  est  suffisamment 
connu  et  répandu.  Citons  tout  spécialement 
l'ancien  auteur  du  poème  «  de  natali  Jl/a- 
chabaeorum  »  ("),  Prudence  (5),  saint  Zenon 
de  Vérone  (6),  saint  Ambroise  (7),  saint 
Hilaire  d'Arles  (8).  Saint  Ambroise,  dans 
une  lettre  adressée  à  l'empereur  Théodose, 
vers  la  fin  de  l'année  388,  nous  apprend  en 
outre  que  certains  religieux  de  son  temps 
avaient  Xliabitude,  habitude  déjà  ancienne, 
d'aller  processionnellement,  au  chant  des 
psaumes,  célébrer  la  fête  des  martyrs  Ma- 
chabées —  psalmos  canentes  ex  consuetudine 
usque  veteri  pergebant  ad  celebritateni  Ma- 
chabaeorum  martyrum  (9).  D'où  il  est  per- 
mis de  conclure  que  l'usage  de  solenniser 
la  fête  des  Machabées  avait  été  transporté 
en   Occident   bien  des  années  avant  saint 

1.  S.  Joan.  Chrys.,  Hom.  I,  in  SS.  Machabacos,  et  in 
matrem  eorum ;  II  et  III  in  SS.  Machabaeos ;  Hom.  de 
Eleazato  et  septem pueris,  t.  II  et  XII  opp. 

2.  S.  Gregor.  Nazianz.,  Orat.  XV,  de  Machabaeis. 

3.  V.  Lamy,  S.  Ephraemi  syri  hymniet  sermones,  prœf., 
t.  I,  p   XVI. 

4.  Migne,  P.  L.,  t.  L,  c.  1283. 

5.  Hymn.  V  et  X  De  coronis. 

6.  Tract.  De  resurrectione,  Migne,  P.  L.,  t.  XI,  c.  38. 

7.  De  officia  ministr.,  c.  xli,  n.  201,  t.  XVI,  c.  83  ;  De 
Jacob  et  vita  beata,  lib.  II,  cap.  X-XII,  t.  XIV,  c.  632-638, 
éd.  Migne. 

8.  Cf.  Combefis,  Bibl.  PP.  concion.,  t.  VII,  p.  460  ;  éd. 
Paris,  1662. 

9.  Epist.  XL,  ad  Imperat.  Theodos.  August.,  n.  16, 
t.  XVI,  c.  1107. 


Ambroise.  Ajoutons  enfin,  en  dernier  lieu, 
que,  dès  le  IVe  siècle  et  au  commencement 
du  Ve,  on  trouve  déjà  des  basiliques  érigées 
et  dédiées  aux  martyrs  Machabées  ('). 
Aussi  Théophile,  patriarche  d'Alexandrie, 
dans  sa  troisième  lettre  pascale,  écrite  l'an 
404,  pouvait-il  affirmer  en  toute  vérité  que 
le  culte  des  Machabées  était  en  honneur 
dans  toutes  les  Églises  de  l'univers  :  tolius- 
qtie  or  bis  in  Ecclesiis  Christi  laudibus  prae- 
dicantur  (2). 

Ceci  posé,  il  est  facile  de  conclure  que  les 
textes  des  copies  hiéronymiennes  citéesplus 
haut,  lesquelles  renferment,  nous  l'avons  vu, 
les  anciens  calendriers  ou  nomenclatures 
des  fêtes  de  l'Église  d'Occident  au  IVe  et 
au  Ve  siècle,  étant  pleinement  d'accord 
entre  elles  et  avec  les  témoignages  des 
Pères  et  des  monuments  contemporains,  ne 
proviennent  pas  d'additions  postérieures, 
mais  appartiennent  à  la  première  rédaction 
du  martyrologe  en  usage  dans  les  Églises 
occidentales.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'éton- 
ner si  la  leçon  des  plus  anciennes  copies  qui 
soient  parvenues  jusqu'à  nous  :  In  Aulio- 
chia  passio  sanctorum  MacJiabaeorum  [sep- 
tem  fralrum  cum  maire  sua]  qui passi  sunt 
sub  Antiocho  rege  se  trouve,  à  l'inversion 
des  mots  près,  rapportée  presque  textuelle- 
ment par  saint  Augustin  :  Antiochumqtiippe 
regem  perseaitorem  impium  pertulerunt 
[septem  fr aires  cum  matre  sua\  et  memoria 
martyrii  eorum  in  Antiochia  celebratur  (3). 

Si  nous  voulons  pénétrer  plus  avant  dans 
l'étude  des  sources,  et  examiner  de  quelle 
manière  le  souvenir  du  jour  anniversaire 
des  Machabées  est  entré  dans  les  fastes  de 
l'Église  d'Occident,  nous  pourrons  affirmer, 
ce  semble,    qu'il   est  venu  d'Orient,  et  pré- 

1.  Sollier,  Acta  SS.  Aug.,  t.  I,  ad  diem  1'"  m.  §  II, n.  16. 

2.  Lettres  de  S.  Jérôme,  epist.  C,  n.  9. 

3.  Serm.  CCC,  n.  5  cité  plus  haut. 


K52 


3&rtntr  tre  V&xt  chrétien* 


cisément    d'un    férial    ou    martyrologe  de 
l'Eglise  d'Antioche. 

De  Rossi  et  Duchesne  ont  savamment 
démontré,  par  d'excellentes  raisons,  que 
les  saints  orientaux  cités  avec  la  mention 
fréquente  de  leurs  provinces  respectives 
par  le  centon  hiéronymien,  proviennent  de 
source  orientale.  Wright,  en  1866,  publia, 
accompagné  de  la  version  anglaise,  un  mar- 
tyrologe syriaque  d'après  un  manuscrit  du 
Musée  Britannique  retrouvé  dans  un  mo- 
nastère de  Nitria.  C'est  le  plus  ancien 
manuscrit  syriaque  que  l'on  connaisse  ;  car 
il  remonte  à  l'année  723  de  l'ère  des  Séleu- 
cides,  qui  correspond  à  l'année  411-412  de 
l'ère  chrétienne.  Ce  martyrologe  se  divise 
en  deux  parties  :  la  seconde  renferme  une 
liste  de  martyrs  perses,  appartenant  à  la 
persécution  de  Sapor  au  IVe  siècle  :  la  pre- 
mière est  un  vrai  martyrologe,  quoique 
maladroitement  abrégé.  Les  mois  y  sont 
désignés  par  leur  nom  syriaque,  mais  cor- 
respondent aux  romains  ;  et  les  jours  sont 
comptés  sans  interruption  du  commence- 
ment jusqu'à  la  fin  du  mois.  Le  texte  sy- 
riaque que  nous  avons,  évidemment  n'est 
pas  l'original,  mais  seulement  une  traduc- 
tion en  abrégé  d'un  martyrologe  plus  com- 
plet écrit  en  grec  et  non  parvenu  jusqu'à 
nous,  dont  l'auteur,  outre  les  calendriers  et 
listes  des  fêtes  des  différentes  Eglises,  s'est 
servi  des  deux  livres  d'Eusèbede  Césarée, 
l'un  également  perdu,  qui  avait  pour  titre  : 
^  ffuvaYWp)  "wv  àpyaiwv  ptapx'jpîwv  (')  »  :  l'autre, 
existant,  qui  est  le  livre  connu  «  de  mar- 
tyribtis palaestinis  ». 

Après  ces  courtes  indications,  suffisantes 
à  mieux  faire  ressortir  l'importance  du  do- 
cument, nous  croyons  utile  de  mettre  sous 
les  yeux  du  lecteur  la  version  gréco-latine 

1.  Euseb.,  Hist.  eccles.,  lib.  IV,  c.  15,  48. 


du    premier  jour  d'août  consacré  au  culte 
des  martyrs  Machabées  : 


■J.  -r,\l   UT.v'j;  /.l-'-l  TOÙî     EX- 

7.i)va(,btULapxup£<  oî  ixTÛvev 
'Avxioystç,  lytot  Iv  KEpateîqf, 

Sa(j.ouvaç,  o\  h  Maxxajjat'oiç 
aevot. 


rrimafdie]  mensis  secundum 
Graecos,  martyres  (')ex  iis  qui 
in  Antiochia,  sive  in  Cerateo, 
depositi  sunt,  tîlii  Samunae 
inter  Machabaeos  annumerati. 


Inutile  de  nous  arrêter  sur  le  nom  de 
Samuna,  Sciïmûni,  donné  à  la  mère  des 
sept  frères,  nous  y  reviendrons  plus  loin  : 
nous  nous  bornerons  à  faire  remarquer 
l'importance  de  l'indication  de  leur  sépul- 
ture, qui  eut  lieu  à  Antioche  et  précisément 
dans  le  Ceratcum.  Le  Cérateum,  -h  xspâTEiov 
ou  y.£pà7£ov,qui  est  la  même  chose  que  xepâ-re£a 
ou  xspaTia,  désigne  le  fruit  et  même  la  plante 
du  siliquastrum  ou  du  caroubier,  arbre  qui 
croît  dans  le  Levant  et  aime  surtout  les 
fissures  des  rochers.  C'est  donc  d'un  carou- 
bier que  vient  le  nom  d'un  quartier  d'An- 
tioche, et  l'auteur  du  martyrologe  primitif 
écrit  en  grec,  voulant  préciser  l'endroit 
qu'occupaient,  au  IVe  siècle,  dans  la  grande 
métropole  de  l'Orient,  les  tombeaux  des 
Machabées,  s'exprimait  ainsi  :  h  \/-'.v/zir, 
Y-o'.  ïv  KspxTsûf.  Ce  qui  semblerait  indiquer  : 
ou  que  l'écrivain  était  originaire  d'Antioche, 
ou  du  moins  qu'il  y  avait  habité  un  certain 
temps,  puisqu'il  avait  une  connaissance 
exacte  des  différents  quartiers  dont  se  com- 
posait la  ville.  Un  étranger,  peu  au  courant 
du  pays,  n'aurait  pas  spécifié  le  lieu  de  cette 
maison  en  faisant  une  exception  à  l'usage 
généralement  observé.  De  plus  l'énoncé 
même  de  la  fête  des  Machabées,  relative- 
ment au  temps  où  il  a  été  écrit,  en  trahit 
manifestement  l'origine  antiochienne. 

Le  martyrologe  en  question  contient 
quelques  noms  de  martyrs  de  la  persécution 
de  Julien  ;  il  est  donc  évident  qu'il  ne  peut 
être  antérieur  à  l'année  362.  Mais  lemanus- 

1.  Le  texte  syriaque  porte  confessores,  toutefois  dans  le 
sens  de  martyres. 


30arîpre  et  sépulture  De0  3@acr)abées. 


303 


crit  syriaque  de  l'année  41 1-412,  loin  de 
nous  donner  le  texte  Original,  reproduit  au 
contraire  une  version  du  grec  ;  et  comme  il 
n'est  pas  certain  que  cette  version  soit  con- 
temporaine du  manuscrit  qui  nous  l'a  trans- 
mise, il  s'ensuit  que  l'on  peut,  sans  crainte 
de  se  tromper,  assigner  approximativement 
le  texte  primitif  grec  aux  vingt-cinq  der- 
nières années  du  IV?  siècle.  Or,  pendant 
cette  période,  la  fête  des  Machabées,  excepté 
à  Antioche,  n'était  guère  connue  en  Orient, 
et  rencontrait  de  graves  difficultés  en  raison 
même,  je  l'ai  dit,  de  leur  origine  judaïque. 
Témoin  saint  Grégoire  de  Nazianze  qui 
commence  ainsi  le  magnifique  discours  qu'il 
prononça,  vers  l'année  2,73,  à  Antioche  de 
Cappadoce,  en  l'honneur  de  nos  martyrs  : 
Pourquoi  les  Machabées  ?  C'est  à  etix  certai- 
nement qu'est  dédiée  cette  fête,  quoique  beau- 
coup ne  les  honorent  pas  sous  prétexte  que 
leur  martyre  n'a  pas  eu  lieu  depuis  Jésus- 
Christ  ;  il  est  poiirtant  bien  juste  que  nous 
les  honorions  tous  en  raison  de  leur  intré- 
pidité à  défendre  les  lois  de  leurs  pères.  — 
Tî  os  ol  Maxxa{3aîb'.  ;  toutuv  vào  y,  t.-j.Wjs-j.  -y.v/,- 
yuptç,  oj  îtapà  ttoàXoÎç  f.ii  Tip.wji.evwv,  ot'.  uy  ps-rà 
'/p'.TTOVY,  aO/.Y,7'.;  ■  -7.7'.  02  -.'.'if.nh T.  xlj'.ov,  OT'.TOpl  T'.JV 

TcaxpÎMv  y,  xapTepîa  (').  Et  saint  Jean  Chrysos- 
tome,  encore  jeune,  eut  à  combattre,  lui 
aussi,  le  préjugé  de  ceux  qui  ne  voulaient  pas 
admettre  les  Machabées  au  nombre  des  mar- 
tyrs (2).    Il  ne  semble  donc   pas   probable 

i.  S.  Grégor.  Nazianz.,  Oratio  XV  in  laudem  Mâcha? 
baeomm,  n.  i. 

2.  La  veille  de  la  fête  des  Machabées,  Chrysoslome 
disait  aux  habitants  d' Antioche  :  «  Mais  remettons  à  de- 
main le  soin  de  les  louer  :  aujourd'hui  bornons-nous  à 
reprendre  les  plus  faibles  de  nos  frères ,  car  un  grand 
nombre  d'esprits  simples,  cédant  aux  caprices  de  leur  ima- 
gination et  entraînés  par  les  ennemis  de  l'Eglise,  n'ont  pas 
pour  ces  saints  l'estime  qui  leur  est  due,  ne  les  comptent  pas 
au  nombre  des  martyrs,  disant  qu'ils  n'ont  pas  versé  leur 
sang  pour  le  Christ,  mais  pour  la  loi  et  les  prescriptions 
de  la  loi,  égorgés  qu'ils  o>il  été  pour  des  viandes  de  porc. 
Or  il  faut  redresser  leur  sentiment.  A/./.'  à  fv  ttov  È^xtofitoiv 
Zï'.'.o.-  £■;  -r,v  TJÇloy  'r,\j.i^  r^i.iyxi  ivajJlîvlxiiJ  "  -r,y.iyji  ôi 
xoO;  àoOevetrcépouî  ~.Cr<  àSsXoûv  ^fMÔv  3iopÔa>ffO(xsv.  'Ettî'.otj 


qu'un  compilateur  grec  de  provinces  éloi- 
gnées de  la  métropole  de  la  Syrie,  ait  pu 
insérer  dans  son  martyrologe  une  fête  abso- 
lument propre  à  cette  cité  et  qui  n'était 
guère  propagée  en  Orient  où  elle  n'était 
pas  reçue  sans  opposition. 

Un  autre  indice  analogue  nous  amène  à 
la  même  conclusion.  M.  Duchesne  fait  ju- 
dicieusement observer  que  le  traducteur 
syrien  du  martyrologe  grec,  lequel  était,  ce 
semble,  d'Édesse  et  appartenait  certaine- 
ment à  la  Syrie  orientale,  où  seulement  les 
lettres  syriaques  étaient  alors  en  usage, 
ouvre  la  série  des  fêtes  par  le  26  décembre, 
omettant  le  25,  jour  de  Noël,  et  faisant  au 
contraire  mention  de  la  solennité  de  l'Epi- 
phanie au  6  janvier.  Ce  qui  prouve  chez 
lui  l'intention  de  ne  pas  se  borner  à  con- 
signer uniquement  les  fêtes  des  martyrs. 
Pour  avoir  de  ce  fait  une  explication  plau- 
sible, il  ne  faut  pas  oublier  que  le  texte  grec, 
dont  dérive  le  syriaque,  commençait  l'année 
le  25  décembre,  comme  cela  se  pratiquait 
dans  tout  l'Occident  ;  mais  le  traducteur 
syrien,  pour  se  conformer  à  la  coutume  de 
son  Eglise,  tout  en  gardant  l'ordre  des 
jours  et  des  fêtes,  tel  que  le  donnait  l'exem- 
plaire grec,  mit  de  côté  à  dessein  la  susdite 
solennité  de  Noël.  Cette  particularité  vient 
encore  confirmer  que  le  martyrologe  pri- 
mitif écrit  en  grec  appartenait  à  l'Eglise 
d'Antioche.  Car  il  est  à  remarquer  que  si 
l'Occident,  depuis  la  Thrace  jusqu'au  détroit 
de  Gadès,  'a-o  Qoi/.r^  y-ipy.  raSeîpuv  ('),  sui- 
vait la  tradition  romaine,  de  célébrer  la 
nativité  le  25  décembre,  l'Orient  demeura 

yàp  -rSi'i.'i:  tûv  àipsXsa-tÉpcdY  xatà  -.i;i  Stâvotav  /(u/.EJcv-re;, 
•JTTo  Tiô'/  È^Bpûv  -?,;  ExxXijat'aç  rcapzaupojj.svo!,  où  ttjh  -yj-ir 
xouaav  —-y  T(3v  ây.iov  ToÛTtov  Sogav  l^oumv,  où8s  âfioûuç  :'..; 
tàv  Xowtôv  x&v  [xapTupuiv  oc-Jto -j-  xazaLkéyouacv  vopôv,  '/.(■■'ji-.i- 
ÔTI  oj  UTïÈp  /yz-.'yj  -Jj  y~\'>.ï  l\i/i%i,  xXX'  bïtèp  toû  vo'aoj  xai 
tûiv  i-i  Tiù  vdpiqj  ■;yj.î).\ii-.fii,  Entèp  -/y.yv.wi  jawsvtEç  xpstîta' 
sspE  8t]  -r,v  i/.v.'iun  3iop6u)ffco|x£v  Stâvotav.  »  Homil.  de  Elea- 
zaro  et  septem  pucris,  n.  I. 

1.  Id.,  Homil.  in  diem  nal.  D.  N.  J.  C,  n.  14. 


304 


Peinte  ïie  l'&rt  cbrcttcn. 


longtemps  hostile  à  cet  usage,  et  ne  com- 
mença à  l'adopter  peu  à  peu,  et  non  sans  con- 
tradiction, que  vers  la  moitié  du  IVe  siècle. 
L' Église  d'Alexandrie  avant  le  Ve  siècle  ('); 
celle  de  Jérusalem  avant  le  VIe  (2)  ;  les 
Grecs  de  Chypre  à  l'époque  de  saint  Épi- 
phane  ne  l'avaient  pas  encore  admise  (3)  ; 
ni  les  Arméniens  eux-mêmes  (4).  Une 
homélie  de  saint  Jean  Chrysostome,  pro- 
noncée l'an  386,  nous  apprend  que  la  fête 
de  Noël,  établie  à  Antioche  depuis  une 
dizaine  d'années  (5)  à  peine,  y  était  l'objet 
d'une  controverse,  'auto'.ç^ïyrwusv-ri.  D'un 
autre  côté,  remarquons  qu'Édesse,  malgré 
la  dépendance  où  elle  était  du  patriarcat 
d'Antioche,  n'avait  pas  encore  accepté  cette 
fête  (6).  Par  conséquent,  quoi  déplus  naturel 
que  de  la  capitale  de  la  Syrie,  de  l'Église 
mère,  fut  parvenu  aux  traducteurs  d'Édesse, 
à  la  distance  de  sept  journées  de  marche 
seulement  (7),  le  texte  grec  du  martyrologe 
avec  la  fête  de  Noël,  reçue  là  dès  377  ;  et 
qu'elle  ait  été  effacée  de  la  version  syriaque 
en  raison  de  la  pratique  opposée,  suivie 
alors  par  l'Église  d'Édesse  ? 

D'autres  arguments  viennent  encore  con- 
firmer cette  opinion.  Et  d'abord  de  l'examen 
comparatif  du  court  abrégé  du  martyrologe 
grec,  qui  nous  reste  dans  la  version  syriaque, 
il  ressort  que  le  traducteur  qui  arrive  à  peine 

1.  Cf.  Cassian.  Collât.  X  ;  Gennad.,  De  vins,  59  ;  Har- 
douin,  Conc,  t.  I,  p.  1693;  Isidor.  Pelus.,  lib.  III,  epist.  ex. 

2.  Cf.  Peregrinat.  Silviae,  éd.  par  Gamurrini,  dans  la 
Bibliothecastorico-giuridica,  t.  IV;  Cosma  Indicopleustes, 
De  opific.mundi,  lib.  V,  pp.  194-195,  éd.  par  Montfaucon. 

3.  S.  Epiph.  Hœres.,  LI,  §  24. 

4.  Cf.  Joan.  Episc.  Citri,  Respon.  inédit,  ad  Cabasil. 
epist.  Dyrrach.,  dans  Cotelerio,  Not.  ad.  constitut.  apost., 
lib.  V,  c.  13. 

5.  «  0j7tco  Ssxatov  èjtiv  È'xo;,  è;  o-j  5t)Xtj  xai  yvcApifU);  f,;j.r> 
bwti)  r,  ^(xÉpa  y^'t,-**..  »  Homil.  ci-dessus. 

6.  Edesse  célébrait  la  Nativité  Vil Iidus  januar., comme 
le  rapporte  saint  Ephrem,  père  de  l'Église  syriaque,  dans 
\ftSerm.IV  in  Natal.  Domini,  opp.  syriaco-latin.,\.  II, 
p.  415,  édit.  rom.  1740. 

7.  D'après  1' ' Itinerarium  burdigalense  du  IVe  siècle  An- 
tioche était  à  sept  journées  de  marche  d'Édesse. 


à  enregistrer  les  noms  de  vingt  évêques  pour 
toutes  les  Églises  orientales  et  occidentales 
de  l'empire  romain,  en  nomme  huit  d'Antioche 
seulement,  à  savoir,  Babylas,  Maxiittin, 
.  hupliimel,  Pltilippe,Eros,Sérapion,  Ignace, 
et  Zébenon  ;  et  qu'il  fait  de  même  mention 
des  martyrs  de  l'Église  d'Antioche,  qui  y 
étaient  principalement  fêtés  dans  la  seconde 
moitié  du  IVe  siècle,  et  dont  saint  Jean 
Chrysostome  célébra  le  jour  anniversaire 
par  de  brillantes  homélies,  tels  que  les 
RIachabées,  Ignace,  Pélagie,  Bernice,  Pros- 
doce,  Romain,  Barlaam,  Babylas,  Lucien  ('). 

Faisons  une  dernière  observation  sur  ce 
point:  le  nom  donné  par  la  tradition  à  la 
mère  des  Machabées  n'est  pas  le  même 
dans  les  Églises  d'Orient  :  les  unes  l'appel- 
lent Saniona^y.y.ovxç  et  en  syriaqueSc/i  ni  uni; 
les  autres  Salomona,  Sa^ojjtovr,,  comme  on  lit 
dans  toutes  les  menées  et  synaxaires  (2),  ou 
Salomonide,  Ea^ojjiqvÉ;,  suivant  le  ménologe 
de  l'Empereur  Basile. 

Il  n'importe  pas  de  rechercher  le  fon- 
dement de  cette  tradition,  non  plus  que  la 
raison  de  cette  divergence  :  nous  nous 
bornons  à  constater  simplement  le  fait.  Or 
il  est  certain  que  toutes  les  Églises  grecques 
relevant  des  patriarcats  de  Constantinople, 
Alexandrie  et  Jérusalem,  lesquels  adoptè- 
rent les  livres  liturgiques  en  langue  grecque 
ou  les  traduisirent  dans  leur  idiome  propre, 
ignoraient  la  dénomination  de  Samona,  et 
appelèrent   constamment  Salomone  ou  Sa- 

1.  Lucien  et  Babylas  sont  les  fameux  martyrs  d'Antioche 
que  l'abréviateur  syrien  place  parmégarde  sous  l'indication 
de  Nicomédie  ;  ils  appartiennent  à  Antioche,  qui  les  ho- 
norait les  7  et  24  de  janvier.  Cf.  S.  Jean  Chrys.,  Homil.  in 
sanction  martyr em  Luciunum,  n.  1-2,  t.  LIX,  col.  520-522; 
et  l'autre  de  hieromarlyre  Iiabyla,  c.  527. 

2.  Le  Kalendarium graecomoscum  porte  au  1"  août  : 
Kïjaav  Èvi itptorfy  2oXou.ovr)V  èirtâ  teoloû;.  De  plus  le  Cod. 
ms.  n.  1875  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  à  la  fin 
du  livre  de  Flavius  Josèphe  de  Machabaeis,  donne  à  leur 
mère  le  nom  de  SoXop.ovi5  ;  de  même  Érasme  dans  sa  pa- 
raphrase si  arbitraire  de  ce  livre. 


£gartpre  et  sépulture  hts  09aerjabées. 


305 


lomonide  la  mère  des  sept  frères.  Par  contre, 
les  Églises  de  la  Syrie  orientale  et  occi- 
dentale, qui  relevaient  de  l'ancien  patriarcat 
d'Antioche,  furent  les  seules  qui  gardèrent 
le  nom  de  Samona  ou  Sclimiinî,  et  ne  con- 
nurent pas  l'autre  (').  D'où  il  est  permis 
d'inférer  que  le  nom  de  Sc/imûnî,  donné  à 
la  mère  des  Machabées  par  le  martyrologe 
syriaque  du  IVe  siècle,  atteste  à  l'évidence 
l'oçigine  antiochienne  du  texte  grec  primitif, 
dont  fit  usage  le  traducteur  de  377  à  412. 

1.  Cl.  Nilles,  Kalendar.  utriusque  eccles.,  t.   I,  p.  230  et 
t.  II,  p.  593  ;  Assem.  biblioth.  orient.,  t.  III,  P.  I,  p.  647. 


On  ne  saurait  voir  dans  tout  cet  ensemble 
de  circonstances  un  effet  du  hasard  ;  ou 
nous  nous  trompons  fort,  ou  elles  consti- 
tuent un  argument  qui  nous  autorise  à  ad- 
mettre que  la  fête  des  Machabées  inscrite 
au  martyrologe  hiéronymien  provenait  des 
fastes  grecs  de  l'Église  d'Antioche  du 
IVe  siècle.  Reste  maintenant  à  rechercher 
les  origines  et  le  progrès  de  la  tradition 
antiochienne. 

Card.  Rampolla 

(traduit  par  Mgr  Le.monnier). 
(A  suivre.) 


*ft*  A*Vl*  &A  J^A  Jfffif*  SîiA  A^A  >MA  »*%*  A*Sk  A^I*  A?*I*  A^*  A?Vl*  A^VC  A^X  *&g 

11 


lie  trésor  tic  l'cgltse  JSr=Hmbrotsc  à  ffîtlan. 


jixiiTTBirrriiixiiiiiiixiixtiiJxiiriTiixii-iiiiiiiiiiii-txiiixjiiiLiiiriii-criiJiit:!. 


TirTTTTVTTTTTTriCIIIXIIIXriTTTIIXIIIXIIXXXLJ 


a 


k  **&*  **&*  ^^  W  W  W  y^*  *&*  W  W  y^  W  ?■£*  y^v  VI*  S 


PRÈS  avoir  visité  le 
trésor  du  dôme,  il  ne 
faut  pas  oublier  celui 
de  l'église  Saint-Am- 
broise  (').  L'un  et  l'au- 
tre se  complètent  :  en 
m¥v*!3iWWaps»  effet,  la  basilique  am- 
brosienne  possède  des  richesses  d'art  qui 
ne  se  trouvent  pas  à  la  cathédrale.  Sans 
doute,  dans  l'église  paroissiale,  autrefois 
abbatiale,  puis  collégiale,  les  objets  en  or- 
fèvrerie sont  peu  nombreux,  mais  ils  mé- 
ritent une  attention  particulière  par  leur 
beauté  artistique  et  leur  intérêt  archéolo- 
gique. Ce  qui  est  conservé  à  la  sacristie  se 
voit  facilement  et,  à  deux  voyages  succes- 
sifs, les  custodes  se  sont  montrés,  pour 
Léon  Palustre  et  moi,  d'une  rare  complai- 
sance, bien  que  nos  séances  aient  été  fort 
longues  chaque  fois.  Je  tiens  à  leur  donner 
ici  un  témoignage  public  de  ma  gratitude. 

Pour  l'autel  d'or,  il  faut  une  permission 
spéciale  du  curé,  qui,  du  reste,  la  donne 
très  obligeamment, et, naturellement,  moyen- 
nant finance  (2)  :  pareille  volupté  des  yeux 
et  de  l'esprit  n'est  pas  faite  évidemment 
pour  le  vulgaire.  La  pièce  capitale  est  pré- 
cisément cet  autel,  sur  lequel  je  m'étendrai 
avec  quelques  détails,  au  risque  de  paraître 

i.  La  ville  de  Milan  possède,  dans  ses  églises,  trois 
trésors  de  premier  ordre,  que  les  archéologues  ne  peuvent 
se  dispenser  de  visiter:  ils  sont  au  dôme,  à  St-Ambroiseet 
àSte-Marieprès  St-Celse.  J'ai  publié  ce  dernier,  en  1SS5, 
dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien,  pp.  287298,  479490; 
il  en  a  été  fait  un  tirage  à  part.  Le  second  parait  aujourd'hui. 
J'espère  ne  pas  trou  faire  attendre  désormais  le  premier, 
qui  sera  imprimé  ici  même. 

2.  Du  Pays  {Itinéraire  descriptif,  historique  et  artistique 
de  l'Italie,  Paris,  Hachette,  1855;  renseigne  ainsi  le>  voya- 
geurs, page  117  :  «  La  principale  curiosité  (de  St-Am- 
broise;  est  le  paliotto  ou  devant  du  maître-autel,  en  or, 
merveilleux  travail  d 'orfèvrerie,  donné  par  l'archevêque 
Angilbert  Pusterla,vers  855.  Il  faut  payer  5  fr.pour  le  voir.  > 


méticuleux  et  prolixe,  le  reste  pouvant 
n'exiger  qu'un  examen  plus  rapide  et  pour 
ainsi  dire  sommaire. 

I.  —  .Boîtes  eucharistiques  (IV«-V«  s.). 

Je  ne  les  connais  que  par  Millin  qui  les 
décrit  ainsi  : 

«  La  sacristie  de  Saint-Ambroise  ren- 
ferme quelques  monuments,  entre  autres 
deux  artophores  (')  en  ivoire  (2).  On  voit, 
sur  l'un,  l'histoire  de  Jonas  (3),  et  sur  l'autre, 
quatre  miracles  de  Jésus-Christ  (4).  » 

(Millin,  Voyage  dans  le  Milanais,  t.  I, 
p.   187). 

II.  —  Dalmatiquc  De  samMim&roige 

(IVe-XIes.). 

1.  Je  n'ai  trouvé,  à  son  sujet,  que  cette 
seule  mention  dans  la  Revtie  de  l'Art  chré- 
tien, t.  III,  p.  10S  :  «A  Milan,  une  dal- 
matique  pourrait  bien  avoir  servi  au  cou- 
ronnement de  l'empereur  Conrad  le  Salique 
par  l'archevêque  Héribert  ou  Arriberto,  en 

La  date  n'est  pas  exacte,  peut-être  n'est-ce  qu'une  eneur 
de  typographie.  Le  nom  de  l'archevêque  peut  être  intéres- 
sant pour  le  public;  mais,  à  coup  sûr,  celui  de  l'orfèvre  l'est 
bien  davantage.  Il  ne  s'agit  pas  d'un  devant  d'autel,  mais 
à! un  autel  complet,  cas  exceptionnel.  L 'orfèvrerie  n'est  pas 
tout  dans  cette  merveille  :  pourquoi  omettre  les  émaux  et 
les  gemmes  ?  Voilà  comment  les  guides  informent  les 
voyageurs  ! 

1.  «  De  stpTroir,  pain,  et  çopsw,  porter,  c'est-à-dire  boîte 
à  contenir  le  pain  consacré.  » 

2.  «  Ils  sont  gravés  dans  le  recueil  de  Gori,  intitulé 
Monument  a  sacra  eburnea,  pi.  XXIV*.  » 

3.  «  La  place  qu'occupe  cette  histoire  prouve  que,  selon 
l'opinion  de  saint  Augustin,  De syntb.  adeatech.,  cvi,  l'his- 
toire de  Jonas  est  une  allégorie  de  la  mort  et  de  la  résur- 
rection de  J.-C;  un  ange  portant  une  croix  paraît  ordonner 
au  cétacé  d'engloutir  Jouas,  mais  de  ne  le  point  faire 
mourir  ;  l'ange  qui  est  pics  de  Jonas  endormi,  après  être 
sorti  du  ventre  du  cétacé,  ne  tient  pas  de  croix,  parce  que 
cette  seconde  partie  de  l'histoire  de  Jonas  est  une  allé- 
gorie de  la  Résurrection.  î> 

4.  «  La  Résurrection  de  Lazare,  l'Hémorroïsse,  la  gué- 
rison  d'un  Paralytique,  celle  de  l'Aveugle-né.  » 


3Le  trésor  De  l'église  ^t^mbrotse  à  SEiïlan.       3o7 


1026  :  c'est  un  large  galon,  or  et  rouge, 
figurant  un  treillis  à  mailles  hexagonales, 
chargées  en  abyme  d'un  petit  rectangle  ; 
sauf  le  dessin,  comme  matières  premières  et 
distribution  des  couleurs,  il  est  identique  au 
vêtement  sacerdotal  de  Maubeuge.  Il  est 
vrai  que  la  disposition  géométrique  de  ce 
galon  ne  permet  pas  de  l'attribuer  à  d'autres 
ateliers  qu'à  ceux  de  Constantinople.  » 

2.  La  dalmatique  de  Saint-Ambroise  est 
conservée  dans  une  des  chapelles  latérales, 
sous  un  autel  dont  la  partie  antérieure  est 
vitrée.  On  la  voit  mal  et  surtout  non  dépliée. 
Une  relique  de  cette  importance,  au  double 
point  de  vue  de  l'hagiographie  et  de  l'ar- 
chéologie, mériterait  d'être  mieux  traitée  et 
la  vénération  qui  s'y  attache  n'aurait  rien  à 
y  perdre.  Il  conviendrait  donc  de  l'exposer 
dans  une  châsse,  ouverte  sur  ses  deux  faces, 
et  de  la  montrer  entièrement  déployée,  afin 
que  ceux  qui  ont  besoin  de  l'étudier  puis- 
sent le  faire  à  l'aise.  Il  ne  suffit  pas  de  voir 
l'étoffe,  il  est  essentiel  aussi  de  savoir  com- 
ment elle  a  été  taillée.  Une  dalmatique  du 
IVe  siècle  est  chose  unique  au  monde,  et 
même  mutilée,  elle  est  encore  infiniment 
précieuse  ('). 

Ce  vêtement  insigne  a  été  découvert, 
enfermé  dans  une  caisse  de  plomb,  dans 
l'ancienne  église  de  Saint-Nabor,  qui,  mal- 
heureusement, est  devenue  la  caserne  de 
Saint-François. 

Je  distingue  trois  pièces  différentes  :  la 
dalmatique  proprement  dite,  un  premier 
suaire  et  le  suaire  de  l'archevêque  Héribert. 

La  dalmatique  est  en  soie  rouge,  mince 
comme  le  taffetas.  Elle  n'a  plus  la  forme 
d'un  vêtement.  Près  d'elle  est  un  morceau 
plié,  en  soie  jaune,  que  l'on  estime  être  la 

i.On  conserve  à  Aix-la-Chapelle,  dans  l'église  Ste-Thé- 
rèse  «  quelques  parties  d'une  dalmatique  et  des  linceuls  de 
S.  Laurent  »  (Beissel,  Le  petit  /ivre  des  grandes  reliques, 
p.  31).  Voilà  incontestablement  le  plus  ancien  spécimen 
de  ce  vêtement  :  il  remonte,  en  effet,  au  IIIe  siècle. 


doublure,  quoiqu'il  en  soit  complètement 
détaché. 

Le  premier  suaire  est  aussi  une  dalma- 
tique, en  soie  violette  :  on  la  considère 
comme  l'enveloppe  de  la  relique. 

Pour  moi,  c'est  une  étoffe  arabe.  Elle  est 
traversée  au  milieu  par  deux  raies  jaunes  et, 
en  bas,  à  une  raie  bleue  et  à  une  raie  blanche 
jumelles  succède,  à  quelque  distance,  une 
raie  rougeâtre.  On  a  de  cette  dalmatique 
une  manche  entière  avec  la  bordure.  Le 
suaire,  si  c'en  est  un,  avait  donc  complète- 
ment épousé  la  forme  du  vêtement  original. 

Le  second  suaire  date  du  XIe  siècle.  Il 
fournit  à  la  fois  la  date  précise  et  authen- 
tique de  la  dalmatique  de  Saint-Ambroise. 
On  lit,  en  lettres  bleues,  de  forme  onciale,  en 
caractères  presque  classiques,  sur  un  ruban, 
large  de  0,06  et  long  de  1,83,  ce  rensei- 
gnement précieux  : 

&  SVB  HOC  PALLIO  TEGITVR  DALMATICA  SCI 
AMBROSII  *b  SVB  QVO  EANDEM  DALMATICAM 
TEXIT  DOMNVS  HERIBERTVS  ARCMIEPISCOPVS. 

Ce  texte  est  très  explicite.  La  dalmatique 
de  Saint-Ambroise  est  simplement  recou- 
verte, protégée,  tegitur,  texit,  par  un  paille, 
pallio,  qui  n'en  adopte  pas  la  forme,  mais 
se  contente  de  l'envelopper.  Sa  longueur 
est  celle  du  ruban. 

De  ce  paille  on  ne  voit  qu'une  partie. 
L'étoffe  est  blanche,  avec  des  dessins  jaunes, 
légèrement  mêlés  de  bleu  et  de  rouge.  A  la 
bordure  supérieure,  des  lions  posés  alter- 
nent avec  des  rinceaux  enroulés,  que  par- 
fois ils  mâchent.  Au-dessus  se  développe 
une  série  d'arcades  en  plein  cintre,  suppor- 
tées par  des  colonnettes,  à  bases  et  chapi- 
teaux évasés  :  des  rinceaux  tapissent  les 
écoinçons  et  le  champ  des  arcades,  qui  abri- 
tent chacune  un  soldat,  en  jaquette  courte, 
épée  au  côté,  appuyé  sur  sa  lance,  la  tête 
nue,  le  bouclier  au  bras  gauche  et  portant 
des  hauts  de  chausses  de  couleur.  Ces  guer- 


REVUE   DE   L'ART   CHRÉTIEN 
1899.    —   4me   LIVRAISON. 


3o3 


3Rrimc  De  P&rt  chrétien. 


riers  sont  vus  de  face.  On  dit  qu'ils  repré- 
sentent S.  Gervais  et  S.  Protais,  ce  qui 
n'est  possible  qu'en  admettant  une  répé- 
tition, laquelle,  d'ailleurs,  n'est  pas  insolite 
sur  les  étoffes.  Comme  il  y  en  a  quatre,  ce 
serait  plutôt  peut-être  une  garde  d'honneur 
offerte  à  S.  Ambroise.  A  la  partie  inférieure 
règne  un  soubassement  uni. 

Le  dessin  est  maigre  et  rude. 

3.  La  dalmatique  fut,  à  l'origine,  un  vête- 
ment usuel  (').  Selon  le  Liber  pontificalis, 
le  pape  S.  Silvestre  la  prescrivit  aux  diacres 
de  Rome  comme  insigne  de  leur  dignité  : 
«  Hic  constituit  ut  diaconi  dalmatica  ute- 
rentur  in  ecclesia.  »  Dès  lors,  elle  fut  d'un 
usage  exclusivement  ecclésiastique,  comme 
l'avait  ordonné  un  de  ses  prédécesseurs 
pour  les  autres  vêtements  du  clergé. 

En  effet,  le  Liber  pontificalis  dit  du  pape 
S.  Etienne,  qui  vivait  au  IIIe  siècle: 
«  Hic  constituit  sacerdotes  et  levitas  ves- 
tibus  sacratis  in  usu  quotidiano  non  uti  et 
nisi  in  ecclesia  tantum.  »  Au  IXe  siècle,  Isi- 
dore Mercator  citait  du  même  pontife  cette 
décrétale  :  «  Vestimenta  vero  ecclesiastica, 
quibus  Domino  ministratur,  cultusque  divi- 
nus  omni  cum  honorificentia  et  honestatea 
sacerdotibus  reliquisque  Ecclesire  ministris 
celebratur,  et  sacrata  esse  debent  et  honesta, 
quibus  in  aliis  usibus  (cum  Deo  ejusque  ser- 
vitio  consecrata  et  dedicata  sint)  nemo  débet 
frui  quam  ecclesiasticis  et  Deo  dignis  offi- 
ciis.  Quae  nec  ab  aliis  debent  contingi  aut 
ferri,  nisi  a  sacratis  hominibus,  ne  ultio 
quae  Balthasar  regem  percussit  super  haec 
transgredientes  et  talia  prsesumentes  veniat 
divina.  » 

i  La  dalmatique  fut  de  toute  antiquité  l'un 
des  vêtements  du  souverain  pontife  quand 
il  officiait  pontificalement.  Jean  Diacre 
(Ilist.  S.  Greg.,  c.  84)  fait  mention  de  la 
dalmatique  de  S.  Grégoire  le  Grand  (V.  en 

1.  Annal,  arch.,  t.  II,  p.  154. 


outre  les  ordres  I,  III  et  IV).  De  bonne 
heure,  les  papes  furent  dans  l'usage  de  la 
décerner  aux  évêques,  comme  une  distinc- 
tion et  une  récompense;  ceux-ci  en  faisaient 
quelquefois  la  demande  au  St-Siège  pour 
eux  mêmes...  C'est  ce  qui  semble  du  moins 
ressortir  d'une  lettre  du  pape  Zacharie  à 
Austrobert,  évêque  de  Vienne  (Bibliotlt. 
vet.  Floriac,  pars  III,  Lugdun.,  1605): 
Dalmaticam  usibus  vestris  misimus,  ut  quia 
Ecclesia  vestra  ab  hac  Sede  doctrinam  fidei 
percepit,  et  moreni  habitus  sacerdotalis,  ab 
Ma  etiam  percipiat  décorent  lionoris.  Ici 
l'envoi  de  la  dalmatique  est  représenté 
comme  un  gage  de  communion  d'une  église 
particulière  avec  l'Église  romaine.  C'est 
pour  un  motif  analogue  que  S.  Grégoire 
l'accorda  à  S.  Arey,  évêque  de  Gap  et  à 
son   archidiacre  (Greg.,  lib.  vu,  epist.  112, 

ind.  11) Jusqu'au   Ve   siècle,    il    semble 

qu'elle  ait  été  réservée  aux  évêques  et  aux 
prêtres,  ailleurs  qu'à  Rome,  où  les  diacres 
la  portaient...  Les  évêques  ont  conservé  la 
coutume  de  porter  la  dalmatique  sous  la 
chasuble  à  la  messe  pontificale  ».  (  Martigny, 
Dict.  des  antiq.  chrét.,  2e  édit.,  p.  235236.) 

Les  évêques  grecs  officient  pontificale- 
ment avec  la  seule  dalmatique. 

Voyons  maintenant  l'usage  de  l'église  de 
Milan. 

Dans  la  mosaïque  de  la  chapelle  de  Saint- 
Satyre,  à  St- Ambroise, qui  date  du  Ve  siècle, 
S.  Ambroise  est  représenté  avec  la  cha- 
suble rouge  et,  par-dessous,  une  dalmatique 
blanche,  laticlavée  de  bleu,  dont  les  larges 
manches  sont  aussi  parées  d'un  double  la- 
ticlave  de  même  couleur. 

Dans  la  mosaïque  absidale  de  la  même 
église,  qui  est  du  XIIe  siècle  ('),  S.  Am- 
broise porte,  sous  la  chasuble,  une  dalma- 
tique blanche,  rayée  bleu  et  or. 

1.  J'ai  publié  cette  mosaïque,  en  1881,  clans  la  Revue  de 
l'Art  chrétien,  XXXII,  153-161. 


He  trésor  îie  l'égltse  £>t  ZmbYoi&t  à  ^ptlan.       309 


La  dalmatique,  prescrite  par  la  liturgie, 
était  donc  bien  aussi  dans  la  tradition 
locale. 

III.  —  Il'aUÎCl  D'Or  (vers  835). 

1.  Le  maître-autel  est  isolé  et  placé  sous 
un  ciborium  ('),  à  l'entrée  du  chœur.  Il  est 
en  or  pur  (2),  ou  vermeil  émaillé  et  gemmé. 
Il  a  quatre  faces  :  l'une  regarde  le  chœur 
et  l'autre  la  nef,  ce  sont  les  deux  princi- 
pales ;  les  deux  autres,  de  moindre  dimen- 
sion, forment  les  côtés,  en  sorte  que  l'aspect 
général  est  celui  d'un  coffre  rectangulaire, 
d'une  largeur  de  deux  mètres,  sur  quatre- 
vingt-cinq  centimètres  d'élévation  (,). 

Dans  sa  hauteur,  ce  coffre  comprend  trois 
parties  :  une  table,  un  devant  et  un  soubas- 
sement. La  table,  légèrement  en  saillie,  a 
son  bord  supérieur  en  argent,  orné  d'une 
grecque  faite  au  repoussé  et  dont  le  motif, 
indéfiniment  répété,  reproduit  une  croix 
coudée.  Le  raccord  se  fait  avec  le  devant 
au  moyen  de  deux  cavets,  séparés  par  un 
tore.  Ces  trois  moulures  sont  unies,  ce  qui 
est  presque  nécessaire  pour  reposer  les 
yeux;   mais,  de  distance   en  distance,  ainsi 


1.  «  St-Ambroise,  écrit  Alfred  Ramé,  mérite  toute 
l'attention  des  historiens  de  l'art.  On  y  trouve  l'œuvre  la 
plus  authentique  et  la  plus  considérable  de  l'orfèvrerie 
carlovingienne,  l'autel  du  maître  Wolvin,  achevé  en  835 
par  ordre  de  l'archevêque  Angilbert.  Le  ciborium  qui  le 
surmonte  ne  doit  pas  en  être  séparé  >  (Bullet.  du  Comité 
des  trav.  historiq.,  1882,  p.  199).  Si  le  ciborium  est  du 
même  temps  que  l'autel,  comment  se  fait-il  qu'il  ne  figure 
pas  une  seule  fois  dans  les  tableaux  où  l'on  représente 
un  autel,  surtout  à  la  scène  où  S.  Ambroise  officie? 
M.  Rohault  de  Fleury  a  démontré  péremptoirement  qu'il 
ne  peut  dater  du  IXe  siècle  (Ciboria,  p.  32-33). 

2.  «  Les  plaques  qui  forment  les  panneaux  du  devant  de 
l'autel  sont  en  or  :  celles  de  côté  sont-  en  argent  doré  » 
(Bullet.  monuiii.,  t.  XXIV,  p.  32S).  Ce  renseignement  est 
emprunté  à  Ferrario,  p.  113. 

3.  «  A  l'exception  des  jours  solennels,  cet  autel  est  tou- 
jours conservé  dans  une  cage  de  bois  solidement  fermée, 
il  faut  une  permission  particulière  pour  le  voir  :  c'est  un 
monument  de  l'art  de  l'orfèvrerie  dans  le  moyen  âge  ;  la 
face  principale  est  couverte  de  lames  d'or  pur,  les  trois 
autres  sont  d'argent  doré  »  (Millin,  Voyage  dans  le  Mila- 
nais, t.  I). 


qu'aux  cornières,  sont  disposés  des  ban- 
deaux filigranes  et  gemmés  qui  forment 
comme  des  attaches.  Il  en  fut  ainsi  dès 
le  principe,  comme  le  démontrent  quelques 
parties  anciennes  :  ce  cadre  lisse  a  été 
presque  entièrement  renouvelé. 

Le  soubassement  est  identique  à  la  table  ; 
seulement  il  est  posé  en  sens  inverse,  et  la 
plinthe,  qui  correspond  à  l'épaisseur  de  la 
table  est  rehaussée  de  palmettes  en  argent, 
ornement  modeste  qui  a  sa  raison  d'être  à 
cause  du  frottement  incessant  des  pieds  qui 
aurait  pu  altérer  un  décor  plus  ouvragé. 

Le  soubassement  est  relié  à  la  table,  de 
manière  à  compléter  l'encadrement  de  l'au- 
tel par  une  riche  bordure  émaillée,  qui,  à 
l'intérieur,  comprend  trois  moulures  unies, 
agrémentées,  vers  le  milieu,  d'un  bandeau 
horizontal,  filigrane  et  gemmé. 

Tout  le  champ  de  ce  vaste  tableau,  net- 
tement circonscrit,  est  divisé,  dans  le  sens  de 
la  hauteur,  en  trois  panneaux  égaux  qu'en- 
toure une  bande  émaillée  et  perlée,  analogue 
à  celle  des  angles  de  l'autel,  ce  qui  délimite 
parfaitement  les  panneaux,  distincts  ainsi 
les  uns  des  autres.  Ces  panneaux  sont  eux- 
mêmes  divisés  en  plusieurs  compartiments, 
qui  ont  aussi  une  bordure  émaillée  et  gem- 
mée, la  plus  riche  de  toutes  :  comme  le 
sujet  historié  se  trouve  en  retrait  de  0,25  c. 
sur  cette  bordure,  il  en  existe  une  seconde, 
plus  petite,  qui  est  taillée  en  biseau  et  di- 
versement nuancée  de  perles  et  de  verro- 
teries. De  la  sorte,  chaque  sujet  a  son  cadre 
particulier,  et  tous  ces  cadres  réunis  forment 
comme  une  armature  vigoureuse  qui  attire 
l'attention  dès  le  premier  instant.  On  est 
même  ébloui  par  l'éclat  incomparable  des 
émaux  et  des  .pierres  précieuses,  qui  ont 
pour  but  de  rendre  hommage  au  Christ  et 
à  ses  Saints. 

Quant   aux    sujets,   forcément   restreints 


;io 


Bclmc  tic  r&vt  chrétien. 


dans  leur  développement  ('),  ils  sont  figurés 
au  repoussé  avec  beaucoup  d'art,  tant  pour 
la  composition  que  pour  l'exécution.  A  la 
façon  des  Byzantins,  l'artiste  a  été  sobre 
d'accessoires,  le  nombre  des  personnages 
est  très  limité;  aussi  n'y  a-t-il  nulle  confu- 
sion. Parfois  il  semble  s'essayer  à  la  per- 
spective, en  traçant  plus  en  petit  les  objets 
du  second  plan. 

2.  La  partie  antérieure  du  paliotto,  ainsi 
qu'on  dit  en  Italie,  comme  s'il  ne  s'agissait 
que  d'un  revêtement,  est  entièrement  consa- 
crée à  la  vie  du  Christ  et  à  son  triomphe.  Les 
panneaux  de  droite  et  de  gauche  le  montrent 
sur  la  terre,  tandis  que  le  panneau  central 
le  représente  régnant  dans  les  cieux,  conti- 
nuant à  enseigner  et  à  sauver  le  monde, 
qu'il  juge  d'après  sa  loi  et  avec  le  cortège 
ordinaire  de  ses  apôtres.  Cette  partie  de 
l'autel  regarde  l'Occident,  car,  suivant  la 
belle  expression  de  S.  Thomas  d'Aquin,  le 
Christ  est  venu  dans  le  monde  à  un  âge 
qu'il  compare  au  soir  (2)  et  le  soleil  cou- 
chant fait  penser  à  la  fin  dernière  et  au 
jugement  qui  en  sera  la  conclusion  défini- 
tive. C'est  sous  l'impression  de  cette  même 
pensée  que,  du  XIIe  au  XIVe  siècle,  aux 
portails  des  églises,  on  reproduit  invariable- 
ment la  scène  du  jugement  dernier  :  et  l'on 
sait  que  ces  façades  sont  toujours  tournées 
vers  l'Occident.  Qu'il  nous  suffise  d'en  citer 
trois  exemples  :  la  cathédrale  d'Angers, 
pour  le  XIIe  siècle;  la  métropole  de  Paris, 
pour  le  XIIIe  et,  pour  le  XIVe,  la  cathé- 
drale de  Poitiers. 

Le  panneau  de  droite,  celui  de  l'évangile, 
qui   se   trouve  à  la   gauche   du   spectateur, 


x.  0,19  de  hauteur  sur  0,20  de  largeur.  Chaque  panneau 
est  délimité  par  un  grénetis  d'or. 
2.  «  Verbum  supernum  prodiens 

Nec  Patris  linquens  dexteram, 

Ad  opua  suum  exiens, 

Venit  ad  vilas  vesperam.  > 

(Hymne  des  laudes,  à  l'ojjice  du  St-Sacrement.) 


commence  la  vie  terrestre  du  Christ,  et  celui 
de  gauche,  la  termine  :  l'on  va  ainsi  de 
l'Annonciation  à  l'Ascension,  c'est-à-dire  du 
moment  où  le  Christ  entre  dans  le  monde, 
descendant  des  cieux,  jusqu'à  celui  où  il  y 
retourne.  Les  scènes  sont  au  nombre  de 
douze,  six  par  panneau.  A  chaque  panneau, 
il  faut  les  lire  de  bas  en  haut  et  de  gauche 
à  droite,  car  elles  sont  superposées  par 
groupes  de  deux,  ce  qui  donne  trois  rangs 
en  hauteur. 

Le  premier  panneau  offre  successivement 
l'Annonciation,  la  Nativité,  la  Présentation 
au  temple,  le  miracle  des  Noces  de  Cana,  la 
Vocation  de  S.  Matthieu  et  la  Transfigura- 
tion ;  sur  le  panneau  opposé  se  succèdent 
l'Expulsion  des  marchands  du  temple,  la 
Guérison  de  l'aveugle-né,  la  Crucifixion,  la 
Pentecôte,  la  Résurrection  et  l'Ascension. 

Annonciation.  —  La  Vierge,  nimbée,  est 
assise,  les  pieds  chaussés,  à  l'entrée  d'une 
maison,  figurée  par  une  arcade  surbaissée 
que  supportent  deux  colonnes  feuillagées. 
Son  siège  est  élevé  de  deux  degrés,  insigne 
de  dignité  spéciale.  Elle  tient  de  la  main 
gauche  un  fuseau  ('),  car  elle  vient  de 
suspendre  son  travail  et  sa  main  droite 
ouverte  fait  un  geste  d'acquiescement.  Un 
voile  couvre  sa  tête  et  retombe  sur  ses 
épaules.  L'ange,  debout  devant  elle,  mais 
les  jambes  légèrement  fléchies  pour  témoi- 
gner son  respect,  fait  le  geste  de  l'allocution 
ou  de  la  bénédiction  grecque.  Ses  pieds 
sont  nus,  comme  il  convient  à  un  messager 
céleste,  dont  la  mission  est  indiquée  par  un 
long  sceptre  crucifère  qu'il  tient  de  la  main 
gauche.  Les  ailes  sont  abaissées   Un  nimbe 

I.  Le  fuseau  est  l'attribut  de  la  Vierge,  dans  la  scène 
de  l'Annonciation,  au  VI''  siècle,  a  Pesaro  et  à  Milan; 
au  VIIIe,  à  Bologne  (Kohault  de  Fleury,  Lu  S/e  Vierge, 
t.  I,  pi.  IX);  au  IX1',  a  Rome,  dans  la  mosaïque  des 
SS.-Nérée  et  Achillée  (Rohault  de  Fleury, L'Evangile, 
t.  I,  pi.  III,  fig.  3)  et  au  Xe,  sur  un  ivoire  du  Louvre  et 
une  miniature  du  bénédictionnaire  de  S.  Ethelwold  (Lu 
SU  Vierge,  pi.  XIII  et  XIV). 


2U  trésor  fce  l'église  &t>2LrribxoiBt  à  ©tlan. 


:i  i 


entoure   sa   tête;   il  est  strié,  comme  tous 
ceux  qui  sont  figurés  sur  cet  autel  ('). 

Nativité  (2).  —  L'enfant  Jésus  est  étendu, 
nu  et  la  tête  entourée  d'un  nimbe  crucifère, 
dans  une  crèche  en  maçonnerie  dont  le 
pourtour  supérieur  est  décoré  d'arcades. 
L'âne  le  réchauffe  de  son  haleine  :  le  bœuf 
couché  rumine  et  est  attaché  par  une  corde 
à  l'étable  (f).  Aux  pieds  de  son  enfant, 
Marie,  nimbée  et  voilée,  est  assise  (4),  les 
deux  mains  appuyées  sur  les  pommes  de 
son  siège  à  escabeau  ;  sa  figure  est  pensive. 
En  face  d'elle  s'avance  un  berger,  en  ja- 
quette courte  ceinte  à  la  taille,  qui  s'appuie 

1.  L'Annonciation  est  gravée  dans  La  Sle  Vierge,  pi.  X. 
M.  Rohault  de  Fleury  dit  à  ce  propos  :  «  Les  figures 
n'offrent  pas  un  dessin  très  correct,  les  pommettes  sont 
saillantes,  les  yeux  à  fleur  de  tête,  les  attitudes  souvent 
peu  gracieuses.  Ajoutons  que  l'éclat  de  l'or  rend  assez 
difficile  d'apprécier  le  modelé  »  (t.  I,  p.  8t). 

2.  La  fête  de  la  Nativité  de  Notre-Seigneur  se  nomme 
généralement  en  latin  Natale,  d'où  est  dérivé  Nau  dans 
le  langage  vulgaire  et  Noël  dans  la  langue  usuelle.  C'est 
la  plus  simple  comme  la  plus  sûre  transformation,  sans 
qu'il  soit  besoin  de  recourir  au  grec  pour  une  expression 
découlant  du  latin.  Il  est  toujours  bon  de  relever  les  inep- 
ties du  genre  de  la  suivante  : 

«  On  laisse  le  peuple  appeler  cette  fête  chrétienne  Noël, 
c'est-à-dire,  fête  du  Nouveau-Soleil.  (Du  grec:  vsoç  :X'.o;on 
a  fait  veo-eX  puis  par  contraction  Noël.)  Cette  étymologie 
me  parait  la  moins  sotte  de  toutes  celles  qu'on  voudra 
faire.  » 

{Recueil  de  la  Société  de  Sphragistique,  art.  de  M.  Ros- 
signol, t.  IV,  p.  101.) 

3.  Un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  la  ville  d'Angers 
précise  le  symbolisme  de  ces  deux  animaux  :  le  bœuf  re- 
présente le  peuple  juif  et  l'âne  les  gentils.  «  Bos,  qui  co- 
gnovit  possessorem  suum,  et  asinus,  qui  novit  presepe 
domini  sui,  judeum  et  gentilem  populum  significant,  quia 
uterque,  peccati  vinculis  absolutus,  sitim  estumque  hujus- 
modi  haustu  dominici  fontis  deposuit.  In  his  duobus  ani- 
malibus  vocationem  duorum  populorum  adversantibus 
judeis  pronunciat  Dominus  ».  L'attitude  donnée  au  bœuf 
par  l'artiste  convient  très  bien  au  peuple  juif,  qui  fut  rejeté, 
tandis  que  les  gentils  lui  furent  substitués,  ce  que  traduit 
fidèlement  l'empressement  de  l'âne  auprès  de  l'enfant 
Dieu. 

4.  Le  comte  de  St- Laurent  a  fait  cette  remarque  sur 
cette  attitude  :  i  Quant  à  la  Sle  Vierge,  quoique  bien  plus 
souvent,  dans  la  période  dont  nous  parlons,  elle  soit 
couchée,  il  n'est  pas  absolument  très  rare  qu'on  l'ait  re- 
présentée assise.  Telle  est,  pour  le  Xe  siècle,  la  miniature' 
du  Ménologe  de  Basile  »  (Rev.  de  l'Art  chrét.,  t.  XXX, 
P-  339)- 


sur  un  bâton  ('),  pendant  que,  d'un  autre 
côté,  un  second  berger,  les  bras  tendus, 
témoigne  de  sa  surprise  et  de  son  admira- 
tion. Au-dessus  de  sa  tête  brille  une  étoile 
à  six  rais,  qui  manifeste  la  divinité  du  nou- 
veau-né. Dans  le  fond  on  aperçoit  les  deux 
villes  de  Jérusalem  et  de  Bethléem,  tracées 
sur  plan  carré,  avec  tours  aux  angles  et 
porte  d'entrée  à  la  face  principale:  l'intérieur 
est  rempli  de  maisons. 

Présentation.  —  L'intérieur  du  temple 
est  indiqué  par  une  suite  d'arcs  en  plein 
cintre,  élevés  sur  des  colonnes  en  spirale  : 
nous  sommes  donc  dans  la  grande  nef,  les 
arcades  de  communication  dénotant  un  bas- 
côté.  A  l'étage  supérieur  sont  percées  des 
fenêtres.  Sur  les  quatre  travées  figurées, 
deux  doivent  plus  spécialement  désigner  le 
sanctuaire,  car  deux  couronnes  y  sont  sus- 
pendues :  elles  ont  trois  chaînes  d'attache  et 
des  pendants  en  perles.  L'autel,  au-dessus 
duquel  est  reçu  l'enfant  Dieu,  a  la  forme 
d'un  cube  :  il  est  recouvert  d'une  nappe 
formant  des  plis  et  dont  chaque  partie,  aussi 
bien  celle  du  dessus  que  des  côtés,  est  tra- 
versée par  une  croix,  du  genre  de  celles 
qu'en  blason  on  nomme  croix  pleines. 
Siméon,  nimbé,  se  tient  en  avant  de  l'autel: 
il  reçoit  dans  ses  bras  l'enfant  Jésus,  en- 
tièrement habillé  et  reconnaissable  à  ces 
deux  signes  caractéristiques,  le  nimbe  cru- 
cifère et  le  geste  de  bénédiction.  Anne  la 
prophétesse  suit  le  vieillard  Siméon  :  elle 
tient  un  livre  en  main,  pour  attester  qu'elle 
passe  sa  vie  dans  la  méditation  des  choses 
saintes  et  aussi  qu'elle  a  salué  la  venue  du 
Messie   (2).    La   Vierge,    nimbée,    présente 

1.  «A  côté  paraît  un  personnage  mitre  dans  lequel  il  est 
difficile  de  reconnaître  S.  Joseph  »  (Rohault  de  Fleury, 
La  Sle  Vierge,  t.  I,  p.  130).  Je  n'ai  pas  vu  de  mitre,  mais 
bien  le  pileus  antique  :  le  costume  court  et  le  bâton  con- 
viennent mieux  à  un  berger  qu'à  S.  Joseph.  D'ailleurs,  le 
texte  évangélique  pastores  nécessitait  la  présence  d'au 
moins  deux  pasteurs. 

2.  «  Et  erat  Anna  prophetissa...  qu.c  non  discedebat 


312 


3ftc\ntc  tic  r&rt  chrétien. 


elle-même  son  enfant.  Elle  est  accompagnée 
de  S.  Joseph,  imberbe  et  sans  nimbe,  qui 
tient  les  deux  colombes  du  rachat  dans  les 
plis  de  son  manteau,  dont  par  respect  il  a 
enveloppé  ses  mains. 

Noces  de  Cana.  —  Marie,  nimbée  et  de- 
bout, d'un  geste  suppliant  prie  son  fils  de 
faire  un  miracle.  Le  Christ,  aussi  debout, 
et  distingué  par  son  nimbe  crucifère,  bénit 
les  six  urnes  rangées  à  ses  pieds.  Un  servi- 
teur, de  très  petite  taille  et  en  jaquette, 
pour  témoigner  de  sa  condition  infime,  y 
verse  l'eau  de  son  amphore  ;  un  second 
vient,  portant  sur  ses  épaules  une  amphore 
pleine,  mais  si  lourde  qu'il  est  obligé  d'ap- 
puyer son  bras  sur  sa  hanche.  La  salle  du 
festin  est  un  grand  bâtiment  rectangulaire, 
dont  l'entrée  est  llanquée  de  deux  colonnes 
supportant  un  fronton,  qui  se  modèle  sur 
l'inclinaison  du  toit.  En  arrière,  l'architriclin, 
assis,  goûte  le  vin  qui  lui  est  offert  et  qu'il 
trouve  délicieux  :  il  boit  dans  une  corne  ('). 

Vocatioti  de  S.  Matthieu.  —  Le  Christ, 
pieds  nus,  ainsi  que  ses  apôtres,  est  vêtu 
comme  eux  d'une  robe  et  d'un  manteau.  Il 
a  le  nimbe  crucifère,  mais  ses  apôtres  sont 
dépourvus  de  cet  insigne,  ce  qui  a  lieu 
d'étonner  à  cette  époque.  Dans  la  main 
gauche  il  tient  un  volumen,  dénotant  qu'il 
parle  et  qu'il  enseigne  ;  de  la  main  droite  il 
bénit  à  la  manière  grecque.  Deux  apôtres  le 
suivent  :  ce  sont  S.  Pierre,  que  distingue  sa 
tonsure  et  qui  appuie  sur  sa  poitrine  le  rou- 
leau qu'il  porte  de  la  main  gauche  ;  puis 
S.   Jean,    imberbe   et    muni    d'un   livre   en 

de  templo,  jejuniis  et  obsecrationibus  serviens  nocte  ac 
die.  Et  hœc,  ipsa  horasuperveniens,  confitebauu  Domino: 
et  loquebatur  de  illo  omnibus  qui  expectabant  redemp- 
tionein  Israël  >  (S.  Luc,  II,  36-38). 

1.  Celte  scène  a  été  gravée  par  M.  Rohault  de  Fleury 
dans  la  Ste  Vierge,  t.  I,  pi.  XLiv.  L'auteur  nomme 
«  l'époux  »  celui  <l  dont  on  aperçoit  la  tète  au-dessus  du 
toit  »  (p.  186).  11  ajoute  avec  raison  :  <  La  scène  est  toute 
extérieure,  et  les  convives  sont  supposés  cachés  dans  la 
maison.  > 


qualité  d'évangéliste.  En  face  du  Sauveur, 
légèrement  incliné,  on  voit  un  homme  barbu, 
dont  le  riche  vêtement  est  galonné  à  la 
partie  antérieure  :  ses  deux  mains  sont 
tendues  vers  celui  qui  l'appelle  (').  Il  semble 
sortir  de  sa  maison,  édifice  étroit,  percé 
d'une  grande  porte  carrée  et,  sur  le  côté, 
d'une  série  de  fenêtres  :  le  sol  que  foulent 
les  quatre  personnages  est  accidenté,  comme 
s'il  était  composé  de  rochers. 

Quelle  est  cette  scène  ?  Peut-être  a-t-on 
voulu  représenter  la  vocation  deS. Matthieu, 
homme  riche  qui  quitta  à  la  fois  sa  banque 
et  ses  trésors.  Pourquoi  a-t-on  donné  la 
préférence  à  cette  vocation,  quand  d'autres 
auraient  pu  être  choisies  ?  Je  l'ignore.  Peut- 
être  a-t-on  songé  à  résumer  en  un  seul 
plusieurs  traits  épars  de  l'évangile  en  figu- 
rant le  plus  saillant  ? 

Transfiguration.  —  Le  Christ,  debout 
sur  le  Thabor,  de  la  main  droite  bénit  à  la 
grecque  et  de  la  main  gauche  montre  ouvert 
le  livre  de  sa  doctrine  :  il  a  en  tête  le  nimbe 
crucifère,  mais  ne  porte  pas  de  chaussures 
aux  pieds,  ce  qui  est  un  double  caractère 
de  divinité.  De  son  corps  jaillissent  des 
rayons  lumineux  dans  tous  les  sens,  comme 
l'ont  fait  les  Byzantins.  Il  est  escorté,  mais 
à  un  plan  inférieur,  de  Moïse  et  d'Elie, 
nimbés,  barbus  et  pieds  nus,  qui  s'inclinent 
humblement,  tout  en  causant  avec  le  divin 
Maître  :  leurs  bras  tendus  font  le  geste  de 
l'étonnement.  Au  bas  de  la  montagne  sont 
prosternés  les  trois  apôtres  Pierre,  Jacques 
et  Jean,  sans  nimbe  :  S.  Pierre  est  tonsuré, 
comme  le  veut  la  tradition;  il  porte  sa  main 
à  sa  tête,  ébloui  qu'il  est  par  la  lumière 
divine. 

Expulsion  des  vendeurs  du  temple.  —  Le 
Christ,  suivi  de  trois  apôtres,  parmi  lesquels 

I.  «  Et  cum  transiret  intle  Jésus,  vidit  homineni  seden- 
teni  in  telonio,  Matth.umn  nomine.  Et  ait  illi:  Sequeie  me 
Et  surgens  secutus  est  eum  >  (.S".  Malt  h.,  IX,  ())■ 


île  trésor  &e  f  église  ^t^mbrotse  à  ®tlan.       3i3 


S.  Pierre,  tonsuré,  apparaît  sous  l'arcade 
centrale  du  portique  du  temple.  Il  a  le  fouet 
en  main  pour  châtier  les  coupables  ;  la  nudité 
des  pieds,  le  nimbe  crucifère  et  le  double 
vêtement  sont  sa  caractéristique  habituelle. 
Deux  des  marchands  qu'il  expulse  s'en  vont 
mécontents  :  ils  retournent  la  tête  en  arrière 
pour  voir  s'ils  sont  suivis  de  près  et  dans 
leur  précipitation  leurs  sacs  d'argent  qui 
se  sont  effondrés,  chemin  faisant,  jonchent 
le  sol  de  monnaie.  Ils  portent  la  jaquette 
courte  des  gens  de  condition  inférieure.  Un 
bœuf,  figuré  au  premier  plan,  montre  quel 
était  leur  genre  de  négoce,  approprié  toute- 
fois aux  nécessités  des  sacrifices  sanglants. 

Guérison  de  l'aveugle  né.  —  Le  Christ, 
nimbé  comme  il  convient  à  un  Dieu,  est 
toujours  escorté  de  ses  trois  apôtres  fidèles, 
parmi  lesquels  S.  Pierre  se  distingue  au 
premier  rang  à  sa  tonsure.  Il  met  la  main 
droite  aux  yeux  du  jeune  aveugle,  qui  tend 
ses  bras  vers  son  bienfaiteur  en  signe  de 
reconnaissance.  L'aveugle  vient  de  sortir 
de  sa  cabane  circulaire,  faite  en  feuillage  et 
que  surmonte  une  touffe  de  branchages.  Au 
second  plan,  sur  la  recommandation  du 
Christ,  il  va  se  laver  les  yeux  à  la  fontaine 
de  Siloé  ('),  fontaine  originale,  où  un  chien, 
assis  sur  un  tronçon  de  colonne,  verse  l'eau 
par  la  gueule.  Dans  le  lointain  on  aperçoit 
Jérusalem  avec  sa  porte,  son  enceinte  for- 
tifiée et  ses  maisons;  en  regard  est  une 
maison,  qui  peut  symboliser  une  bourgade 
voisine,  un  lieu  quelconque  en  dehors  de 
la  ville  (=). 

Crucifixion.  —  La  croix  est  large  et 
plane,  avec  une  base  épatée  et  un  titre  très 
développé.  Les  bras  du  Crucifié  sont  presque 

i.  «  Dixit  ei  :  Vade,  lava  in  natatoria  Siloe....  Abiit 
ergo  et  lavit  >  (S.  Joann.,  IX,  7). 

2.  «  D'après  S.  Jérôme,  Siloé  était  une  fontaine  au  pied 
du  mont  Sion,...  en  face  du  village  de  Siloan  »  (Rohault 
de  Fleaty,L'ÉvattgiIe,  t.  II,  p.  43). 


horizontaux,  un  nimbe  crucifère  entoure  la 
tête,  un  linge  noué  en  avant  ceint  les  reins 
et  deux  clous  percent  les  pieds.  Marie-  et 
Jean,  nimbés,  témoignent  leur  douleur  en 
portant  à  leur  visage  leurs  mains  envelop- 
pées dans  leur  manteau.  A  droite,  S.  Longin 
s'apprête  à  percer  le  côté  du  Sauveur  de  sa 
lance,  et  l'épongier.à  gauche,  retire  l'éponge 
fixée  au  bout  du  roseau  qu'il  avait  trempée 
dans  le  seau  portatif  qu'il  tient  à  la  main.  Ces 
deux  petits  personnages  sont  de  moindre 
dimension  que  les  autres  et  portent  le  cos- 
tume des  serviteurs.  Au-dessus  des  croisil- 
lons surgissent  à  mi-corps  deux  anges, 
nimbés  et  ailés,  qui  symbolisent  le  soleil  et 
la  lune.  Leur  main  se  porte  à  leur  tête  en 
signe  de  douleur  :  ils  tiennent  une  torche 
pour  indiquer  la  lumière  de  l'astre  qu'ils 
figurent;  mais,  pour  mieux  caractériser  en- 
core la  lune,  un  croissant  brille  au  dessus 
de  son  nimbe  ('). 

Pentecôte.  —  Ce  tableau  et  les  deux  sui- 
vants sont  modernes  et  par  conséquent 
n'offrent  aucun  intérêt  spécial.  Exécutés  au 
XVIIe  siècle,  ils  sont  conçus  dans  le  style 
du  temps,  quand  il  était  si  facile  de  copier 
des  modèles  contemporains  du  paliotto.  Or 
ces  modèles  ne  manquent  pas,  les  monu- 
ments  peints  et   sculptés   pouvant  fournir 

1.  Suivant  S.  Ambroise  (ce  texte  a  été  imprimé  à  la  suite 
de  ses  œuvres  par  les  Bénédictins,  en  1690,  t.  II,  quoiqu'il 
soit  du  XIe  siècle  et  de  Berengaudus),  le  soleil  signifierait 
les  Juifs  et  la  lune  la  Synagogue  : 

«  Et  sol  factus  est  niger  tanquam  saccus  cilicinus.  Per 
solem  Judeorum  populus  designatur.  Sol  igitur  factus  est 
niger  tanquam  saccus  cilicinus,  quia  populus  Judeorum, 
qui  propter  cognitionem  uni  us  Dei  et  propter  custodiam 
legis  velut  sol  in  mundo  refulgebat,  inter  ceteras  gentes 
factus  est  omnibus  hominibus  odiosus  propter  iniquitates 
suas.  Sacco  nàfriq'ue  pénitentes  vestiuntur,  ut  indicet  se 
esse  peccatores.  Sol  ergo  nigredinem  sacci  habuit,  quia 
omnibus  gentibus  facinora-Judeorum  patuerunt.  Et  luna 
facta  est  sicut  sanguis.  Eamdem  significationem  habet 
luna  et  sol.  Signifiait  namque  Synagogam".  Luna  ergo 
speciem  sanguinis  visa  est  habuisse,  quia  omnibus  cl. nuit 
Judeos  propter  effusionem  sanguinis  Xristi,  sanctorunique 
ejus  esse  deletos.  T>  Je  cite  d'après  le  manuscrit  de  la 
bibliothèque  d'Angers. 


3H 


débite  be  l'art  chrétien. 


plus  d'un  exemple  autorisé;  mais  entre  tous 
il  importe  de  signaler  le paliotto  du  trésor 
d'Aix-la-Chapelle,  qui  est  aussi  en  or  et  à 
peu  près  de  la  même  époque  que  l'autel  de 
Milan  (').  Il  est  à  souhaiter  que  ces  trois 
tableaux  soient  promptement  remplacés, 
car  ils  offensent  le  regard  en  détruisant 
l'harmonieuse  unité  de  l'ensemble. 

LeSt-Esprit  plane  au  milieu  des  nuages, 
dans  une  auréole  de  langues  de  feu,  qui  se 
dispersent  pour  atteindre  la  tête  des  apôtres, 
groupés  au  nombre  de  douze  et  assis  en 
cercle  autour  de  la  Vierge,  centre  de  la 
composition.  Cette  scène  est  fort  déplacée  à 
cet  endroit,  puisqu'elle  interrompt  le  récit 
évangélique  et  ne  devrait  venir  qu'après 
l'Ascension.  Sans  doute  le  restaurateur  a 
été  embarrassé  pour  occuper  la  place  vide. 
Il  n'y  avait  pourtant  pas  lieu  à  pareille 
difficulté,  les  monuments  montrant  toujours 
à  cet  endroit  la  descente  aux  limbes,  scène 
intermédiaire  entre  la  Crucifixion  et  la  Ré- 
surrection. 

Résurrection.  —  Le  Christ  sort  du  tom- 
beau, la  croix  à  étendard  en  main;  sa  tête 
rayonne,  et  sa  lumière  dissipe  les  nuages. 
Deux  soldats  sont  renversés  par  le  trem- 
blement de  terre  et  éblouis  par  la  lumière. 

Pour  le  IXe  siècle,  la  résurrection  n'existe 
pas  à  proprement  parler  :  les  artistes  se 
contentent  de  la  constater.Aussi  l'ange  dit-il 
aux  saintes  femmes  qui  apportent  des  par- 
fums: Le  Christ  est  ressuscité,  il  ri  est  pas  ici. 
C'est  donc  la  visite  des  Maries  au  sépulcre 
qui  doit  être  le  sujet  normal  de  ce  tableau 
renouvelé  (2). 

Les  apôtres,  agenouillés  ou  debout,  con- 
templent le  Sauveur  qui  s'élance  au  milieu 

1.  L'autel  d'Aix-la-Chapelle  est  attribué  au  commence- 
ment du  XIe  siècle,  bien  qu'il  ait  un  caractère  un  peu 
plus  ancien  {Bulletin  monum.,  t.  XLIII,  p.  224-226). 

2.  Rohault  de  Fleury  a  gravé,  dans  l'Évangile,  l.  II, 
pi.  xcn,  la  visite  des  Maries,  d'après  l'ivoire  de  Metz,  qui 
est  à  la  Bibliothèque  nationale  et  qui  date  du  IX"  siècle. 


d'une  nuée  du  sommet  du  mont  des  Oliviers, 
où  il  a  laissé  l'empreinte  de  ses  pieds.  Au 
IXe  siècle,  on  représentait  le  Christ  de 
profil,  faisant  comme  un  bond  énergique  et 
saisi  par  la  main  de  Dieu  le  Père  qui  l'em- 
mène aux  cieux  ('). 

Le  panneau  central  est  traversé  par  une 
croix  pattée,  circonscrite  par  un  bandeau 
émaillé  et  gemmé,  semblable  à  celui  du 
pourtour  du  panneau.  Au  milieu  trône  le 
Christ  dans  un  médaillon  ovale,  avec  la 
même  bordure  que  précédemment.  Sur  les 
quatre  bras  de  la  croix  sont  disposés  les 
quatre  évangélistes  dans  cet  ordre  :  en  haut, 
l'aigle  de  S.  Jean  ;  en  bas,  l'ange  de 
S.  Matthieu  ;  à  droite,  le  lion  de  S.  Marc 
et,  à  gauche,  le  bœuf  de  S.  Luc.  Les  quatre 
cantons  de  la  croix,  pour  me  servir  de  l'ex- 
pression héraldique,  sont  remplis  par  les 
douze  apôtres,  par  groupes  de  trois. 

Le  médaillon  elliptique,  placé  à  l'inter- 
section des  bras  de  la  croix,  forme  comme 
une  auréole,  serrée  par  un  double  rang  de 
perles  entre  lesquelles  s'étale  un  bandeau  à 
fond  vert,  rehaussé  de  feuillages  d'or  et  semé 
de  distance  en  distance  de  grosses  gemmes, 
montées  en  bâte,  à  l'aide  de  portes  ou  ar- 
cades. Le  biseau,  qui  descend  de  la  bor- 
dure au  médaillon,  est  couvert  de  filigranes, 
embellis  alternativement  de  perles  et  de 
gemmes  :  enfin  l'orle  intérieur  est  formé  de 

O 

petites  perles  de  verroterie,  qui  ont  été 
autrefois  enfilées,  sans  doute  pour  servir  à 
un  collier. 

Le  Christ  est  assis  sur  un  siège  sans  dos- 
sier: il  pose  ses  pieds  nus  sur  un  large  esca- 
beau en  émail  vert,  bordé  en  dessous  d'é- 
mail blanc  et  rouge  et  précédé  d'une  marche 
plus  étroite,  également  en  émail  vert,  avec 
de   petits  globules   bleus   et   d'autres   plus 

1.  Voir  la  miniature  carolingienne  de  la  Bible  de  l'ab- 
baye de  St-Paul  hors-les-murs,  à  Rome,  gravée  dans  Ro- 
hault de  Fleury,  la  Sic  Vierge,  t.  1,  pi.  LU. 


île  trésor  De  l'église  £>t- ombreuse  à  filait        3i5 


grands,  aussi  de  couleur  bleue,  mais  con- 
tournés de  blanc.  II  tient  de  la  main  gauche 
un  rouleau,  lié  en  deux  endroits,  et  de  la 
droite  une  croix  de  procession  pattée.  Il 
porte  la  barbe  et,  sur  son  nimbe,  trois  ca- 
bochons rouges  accusent  les  branches  de 
la  croix  :  le  fond  du  nimbe  est  grenat,  ourlé 
de  bleu.  Quatre  étoiles  brillent  à  la  hauteur 
des  épaules  et  vers  les  pieds,  pour  indiquer 
celui  qui  a  créé  les  astres,  complétés  par 
deux  disques  qui,  à  la  rigueur,  peuvent 
exprimer  le  soleil  et  la  lune  (').  Les  étoiles 
se  composent  d'un  cabochon  central,  autour 
duquel  rayonnent  huit  pointes  triangulaires, 
terminées  chacune  par  une  perle  :  le  triangle 
est  rempli  par  un  grenat  taillé  en  table,  qui 
rend  bien  la  vivacité  de  la  lumière. 

Les  quatre  symboles  des  évangélistes 
sont  tous  nimbés,  ailés  de  six  ailes  et  munis 
d'un  livre  fermé,  dont  le  plat  est  rehaussé 
d'une  imitation  de  gemmes.  Le  lion  et  le 
bœuf  sont  accroupis,  laigle  se  tient  au  repos 
et  l'ange  semble  voler  dans  les  airs.  Le  nom 
de  chacun  est  sommairement  indiqué  par 
les  deux  premières  lettres,  excepté  pour 
S.  Marc,  où  nous  avons  la  première  et  la 
troisième  lettre  :  10,  ma,  mr,  lv.  La  tranche 
intérieure  de  la  croix  est  gemmée  et  perlée 
sur  un  fond  de  filigrane  et  bordée  intérieu- 
rement de  perles  blanches  et  de  perles  rou- 
ges, les  premières  naturelles  et  les  secondes 
en  matière  précieuse. 

I.  Sedulius,   dans  le  Carmen  paschate,  chante  le  Dieu 
tout-puissant,  fabricateur  du  ciel  et  de  ses  astres  : 
«  Omnipotens  œterne  Deus,  spes  unica  mundi, 
Qui  cœli  fabricator  ades,  qui  conditor  orbis,... 
Qui  solem  radiis  et  lunam  cornibus  impies, 
Inque  diem  ac  noctem  lumen  metiris  utrumque  ; 
Qui  stellas  numeras,  quorum  tu  nomina  solus, 
Signa,  potestates,  cursus,  loca,  tempora  nosti.  » 
Dante  montre  Dieu,  entouré  du  soleil  et  des  étoiles, 
quand  il   crée  le  monde  par  amour  :  à  plus  forte  raison 
doit-il  en  être  accompagné  quand,  après  avoir  racheté  ce 
même  monde,  il  devient  son  juge  au  dernier  jour. 
«  E'1  sol  montava  in  su  con  quelle  stelle 
Ch'  eran  con  lui,  quando  l'Amor  divino 
Mosse  da  prima  quelle  cose  belle.  » 


Les  apôtres  sont  debout,  pieds  nus,  sur 
un  sol  rocailleux.  Leur  mission,  si  bien 
remplie  dans  le  monde  qu'ils  ont  enseigné, 
est  caractérisée  par  le  livre  fermé  ou  le  volu- 
men  et  le  geste  de  la  prédication  :  le  nimbe 
qui  entoure  leur  tête  est  un  indice  à  la  fois 
de  sainteté  et  de  glorification.  S.  Pierre 
marche  à  la  tête  du  collège  apostolique,  à 
la  droite  du  Sauveur  :  on  le  reconnaît  à  sa 
tonsure  et  à  ses  deux  clefs  symboliques  qui 
prennent  la  forme  monogrammatique,  c'est- 
à-dire  que  la  première  clef,  terminée  en  T, 
porte  le  long  de  sa  hampe  les  lettres  P  et 
R,  tandis  que  le  E  est  accolé  à  la  seconde 
tige,  ce  qui  donne  le  radical  du  mot  Petrus, 
PETR('). 

3.  La  face  postérieure  de  l'autel  regarde 
l'abside.  Sa  disposition  est  la  même  :  ainsi 
table  et  soubassement  identiques,  analogie 
qui  s'étend  aussi  au  cadre  lisse  du  pourtour. 
Les  deux  panneaux  extrêmes  sont  consa- 
crés à  la  vie  de  S.  Ambroise,  et  celui  du  mi- 
lieu par  ses  archanges  rappelle  le  ciel,  où 
prennent  place  les  élus,  parmi  lesquels  se- 
ront certainement  appelés  le  donateur  et 
l'orfèvre,  par  suite  de  leur  générosité  et  de 
leur  mérite  personnels.  Ici  la  bordure  d'é- 
mail que  nous  avons  vue  précédemment  sé- 
parer les  panneaux  est  remplacée  par  une 
inscription  commémorative,  où  les  caractè- 
res se  détachent  en  nielle  sur  un  fond  d'ar- 
gent. Les  caractères  sont  la  majuscule 
romaine,  nette,  plutôt  allongée  et  maigre, 
avec  quelques  lettres  liées,  sans  séparation 
des  mots  ni  abréviation  (3).  La  partie  in- 
férieure a  été  refaite  au  XIIe  siècle,  depuis 
A w^r^/V jusqu'à Dominoque  inclusivement. 

Cette    inscription    est    fort     importante, 

1.  Voir  sur  ces  clefs  monogrammatiques  les  planches 
Cil  et  CVIII  du  grand  ouvrage  de  M.  Rohault  de  Fleury 
sur  Saint  Pierre. 

2.  La  seule  lettre  qui  se  différencie  du  type  classique 
est  le  Q,  dont  la  queue  est  droite  et  rentiée  à  l'intérieur 
du  cercle. 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  4II1C  LIVRAISON. 


3i6 


WitWt  De  r&rt  chrétien. 


parce  que  ses  dix  vers  hexamètres  nomment 
le  donateur,  qui  est  l'évêque  Angilbert, 
dont  l'épiscopat  correspond  au  milieu  du 
IXe  siècle  (').  Les  deux  premières  lignes 
donnent  à  cet  autel  le  nom  d'area  :  c'est 
donc,  à  proprement  parler,  un  reliquaire, 
une  châsse,  un  coftre,  dont  la  destination 
est  accusée  par  les  deux  vers  suivants,  qui 
parlent  des  ossements  sacrés  qu'il  contient 
à  l'intérieur.  Or,  les  corps  saints,  en  l'hon- 
neur desquels  il  fut  fabriqué,  sont  ceux  de 
S.  Gervais,  de  S.  Protais  et  de  S.  Am- 
broise  (2),  qui  est  dit  positivement  reposer 
dans  ce  temple.  L'autel  est  brillant  à  la  fois 
de  l'éclat  de  Yor  et  de  celui  des  émaux  et 
des  gemmes:  évidemment  le  mot  metallorum 
garde  ici  la  signification  qui  lui  est  attribuée 
dans  les  mosaïques  absidales  des  églises  de 

i.  La  date  généralement  acceptée  pour  l'offrande  de 
l'autel  est  l'an  835. 

2.  Le  8  août  1871,  eut  lieu  la  découverte  du  sarcophage 
contenant  ces  trois  corps  saints.  Tous  les  documents  re- 
latifs à  l'invention  et  à  la  récognition  sont  réunis  dans  un 
opuscule,  imprimé  à  Rome  en  1873  (in-8°  de  131  pages)  et 
intitulé  :  Acla  apnd  Sanctam  Sedem  super  judicio  de  iden- 
titate  sacrorum  corporum  Atnbrosii,  episc.  doct.,  Medio- 
lanensis  antistitis  et  inclitorum  Christi  martyrum  Gerua- 
siiet  Protasii,  invent.  Mediol.  die  VIII  aug.  M  DCCCLXX1. 
En  effet,  la  cause  fut  réservée  au  St-Siège,  en  raison  de 
son  importance  majeure. 

J'extrais  de  ce  recueil  hagiographique,  d'un  haut  in- 
térêt, quelques  renseignements  archéologiques.  Les  trois 
corps,  réduits  à  l'état  de  squelettes,  mais  intacts,  reposaient 
sous  l'autel  majeur,  dans  un  sarcophage  de  porphyre,  en- 
foui sous  terre  et  plein  d'une  eau  claire,  à  sédiment  brun, 
provenant  des  vêtements.  L'examen  de  ce  qui  y  fut  trouvé 
donne  les  indications  suivantes  :  Poussière  d'un  noir 
rouge,  qui  colore  l'eau  en  rouge-amarante,  provenant  de 
la  cochenille  ;  ossements  colorés  en  rouge  brun  par  cette 
même  poussière;  fils  de  laine,  de  soie  et  de  lin  teints  en 
rouge;  fils  d'or  encore  enroulés  autour  de  la  soie;  deux 
globules  encore  gemmés,  que  l'on  suppose  des  fibules  : 
fond  d'une  ampoule  ayant  contenu  du  sang.  Voici  com- 
ment le  procès-verbal  rapporte  ces  divers  faits  :  <L  Nulla- 
tenus  contactu  aquarum  aut  astate  emollita  fuisse  ossa 
tum  majora,  tum  etiam  minima  comperta  sunt....  Demum 
inspiciendi  penitus  sedimenti  quod  in  arca  manserat,  fa- 
cultas  facta  est....  Maxima  lucentis  auri  pars  quandoque 
in  filum  deducta,  ut  plurimum  attrita  in  pulverem,  non 
modo  fundum  tegebat,  sed  ossibus  etiam  inha:serat;  re- 
liqua  vero  materies,  si  manibus  eam  teras,  purpureo  eas 
tegit  colore  atque  ubi  in  globulos,  licet  parvulos,  coales- 
cit,  vestigia  exhibet  purpurata  panier  serica;  textui;e  ; 
ex  quibus  sane  facili  judicio  deducitur  nil  aliud  decom- 


Rome(').  Sans  doute,  il  a  le  sens  générique 
de  bronze  (3),  de  marbre,  mais  aussi,  à  l'oc- 
casion, il  signifie  l'oxyde  métallique  joint  à 
un  fondant  vitreux  qui  compose  l'émail  des 
orfèvres,  aussi  bien  que  celui  des  mosaïstes. 

positas  has  substantias  reprœsentare   nisi  auratas  vestes 

quibus  tria  corpora  operiebantur In    dextera   arca; 

parte....  etiam  deprehensos  fuisse  globulos  duos  aureos, 
parvis  ornatos  gemmis,  aptosque,  ut  videtur,  jungendo  ad 
pectus  aurea  vestimenta  »  (p.  (26-127). 

Cette  étoffe  de  soie  à  fils  d'or  est  certainement  le  cliry- 
soclavus,  suivant  le  nom  que  lui  donnent  les  inventaiies 
du  Liber  pontificalis  :  «  Abunde  secernebantur  purpura 
ac  fila  aurea  et  serica  >  (p.  17).  —  «La  sostanza....  di  co- 
lore in  alcune  parti  violaceo  e  quasi  nero....  e  al  di  supra 
frammescolata  a  fili  e  pagliette  d'oro  »  (p.  49). 

En  dehors  du  sarcophage  étaient  des  pièces  de  monnaie 
jetées  par  les  fidèles  :  «  Numismata,  anteriora,  coœva  et 
posteriora  sunt  temporibus  Attila;  qui,  ut  notum  est,  Me- 
diolanum  evertit  »  (p.  i  [)•  —  «  Cum  ad  porphyreticam 
aream  custodiendam  loculus  constructus  fuisset,  loculus 
ipse  superne  claudebatur  duobus  marmoreis  opertoriis 
gravissimi  ponderis,  in  ipsorum  intercapedine  per  septem 
foramina  supenoia  introducta  fuere  plura  numismata  et 
monetae(p.  1).  »  Or  les  dernières  en  date  parmi  ces  pièces 
sont  du  XVI I  Ie  siècle,  en  passant  par  les  diverses  époques 
du  moyen  âge.  Quatre  nous  intéressent  particulièrement  : 
l'une,  du  IXe  siècle  (elle  correspond  pour  la  date  à  celle 
même  de  l'autel),  fut  frappée  dans  la  ville  du  Mans  par 
Charles  le  Chauve.  On  y  lit,  sur  la  face,  le  monogramme 
KaRLvS  et  en  légende  -j-  GRATIA  DEI  rex  et,  au  revers  : 
-j-CINOMANIS  CIVITS.  La  seconde  est  attribuée  à  S.  Louis; 
la  troisième  porte  le  nom  de  Galéas  Visconti,  comte  de 
Vertu  :  au  milieu,  G  Z  (Galeaz)  et  autour  D.  MEDIOLANI  ; 
au  revers,  comes  virtvtvm.  La  quatrième  fut  frappée  par 
François  Ier,  duc  de  Milan  de  1515  a  1521  après  la  victoire 
de  Marignan  :  face,  un  lis  et  +  Fft  .  D  .  G  .  FRANCOR;  . 
REX;  revers,  une  croix  et  légende  :  mkdiolani  dvx  ET 
G  (Genuœ)i*). 

1.  «  Ista  domus  piidem  fuerat  confracta  ruinis  ; 
Nunc  rutilât  jtigiter,  variis  decorata  metallis.  » 

{Mosaïque  de  Ste-Marie  in  Domnica,  an.  818.) 
i  Emicat  aula  piae,  variis  decorata  metallis, 
Praxedis.  > 

{.Mosaïque  de  S  te-  Praxède,  an.  S 19.) 
«  Haec  domus  ampla  micat,  variis  fabricata  metallis.  » 
(Mosaïque  de  Ste-Cea'le,  an.  820.) 

2.  Du  Cange  a  cette  définition  ;  «  Metallum,  ses  ;  metal- 
iinus,  aereus,  de  métail.  On  traduit  donc  bronze  ou  airain; 
les  Italiens  disent  métallo,  pour  un  métal  inférieur,  où 
domine  le  cuivre. 

Un  moine  de  St-Gall,  au  IX'  siècle,  parlant  de  l'autel 
dans  lequel  était,  à  St-Maixent  (Deux-Sèvres),  le  corps  de 
S.  Léger,  évèque  d'Autun,  le  dit  en  métal  fauve,  ce  qui  ne 
peut  s'entendre  de  l'or  : 

<î  Illic  ara  nitet,  fulvo  constructa  métallo.  > 


*  Au-dessus  du  tombeau  de  S.  Eutrope,  A  Saintes,  lors  de  sa  dé- 
couverte en  1843,  on  trouva  150  monnaies  de  toute  sorte  depuis  le 
IX*  siècle  (Briand,  Hitl.  de  l'Église  Santone,  t.  III,  p.  642-643). 


3Le  trésor  oe  l'église  ^P^LmbxoiSt  à  3©tlaiu       317 


Voici  cette  longue  inscription,  divisée 
comme  elle  doit  se  lire  : 

EMICAT  ALMA  FORIS  RVTILOQVE  DECORE  VENVSTA 
ARCA  METALLORVM,  GEMM1S  QVAE  (')  COMPTA  CORVSCAT. 
THESAVRO  TAMEN  HAEC  CVNCTO  POTIORE  METALLO  ('). 
OSSIBVS   INTERIVS   POLLET   DONATA   SACRATIS, 
EGREG1VS   QVOD   PRAESVL   OPVS  SVB   HONORE   EEATI 
INCLITVS   AMBROSII,  TEMPLO   RECVBANTIS   IN    1STO, 
OPTVLIT   ANGILBERTVS  OVANS   DOMINOQVE  D1CAVIT, 
TEMPORE  QVO  NITIDAE  SERVABAT  CVLMINA  SEDIS. 
ASPICE,  SVMME  PATER;  FAMVLO  MISERERE  BENIGNO  (')  : 
TE   MISERANTE,   DEVS,   DONVM     SVBL1ME    REPORTET   (4). 

En  haut,  nous  avons  donc  trois  vers, 
alignés  à  la  suite  l'un  de  l'autre;  après  quoi 
l'on  descend,  à  droite,  pour  le  quatrième 
vers  :  puis  l'on  revient  à  gauche  pour  le 
cinquième,  qui  est  également  vertical.  Les 
trois  suivants  forment  une  seule  ligne  au- 
dessus  du  soubassement, et  les  deux  derniers 
se  lisent  verticalement,  de  chaque  côté  du 
panneau  central.  Par  une  combinaison  in- 

1.  Presque  tous  les  auteurs  ont  lu  gemmisgue,  même  le 
comm.  de  Rossi.  11  y  a  quœ,  comme  l'exige  la  construction 
de  la  phrase  :  Aima  arca  emicat  foris,  quœ  coruscat  com- 
pta gemtnis  et  (que)  venusta  ruiilo  décore  mctallorum. 

2.  La  même  pensée  se  retrouve  dans  la  dédicace  de  l'é- 
vangéliaire  de  Théodulphe,  évêque  d'Orléans  de  78S  à  821 
et  qui  est  maintenant  la  propriété  de  la  cathédrale  du  Puy  : 

«  Codicis  hujus  opus  struxit  Theodulphus  amore 

Illius  hoc  cujus  lex  benedicta  tonat, 
Nam  foris  hoc  gemmis,  auro  splendescit  et  ostro, 

Splendidiore  tamen  intus  honore  micat.  > 

3.  Dans  son  cvangéliaire  du  IXe  siècle,  conservé  à  la 
cathédrale  du  Puy,  l'évêque  Théodulphe  se  recommandait 
aux  prières  du  lecteur  : 

«  Vive  Deo  felix  per  plurima  tempora,  lector; 
Theudulfi  nec  sis  immemor,  oro,  tui.  » 

4.  Mgr  Biraghi  {lire  sepolcii  santambrosiani  scoperti 
nel  gennajo  1864,  Milan,  1864,  in-S",  p.  73-82)  commente 
1  inscription  de  l'autel  d'or  et  donne  en  gravure,  p.  50, 
le  médaillon  de  S.  Ambroise  et  d'Angilbert. 

<L  On  voit  qu'il  n'y  est  question  dans  cette  inscription 
que  de  saint  Ambroise  :  il  est  étonnant  que,  ni  dans  les 
figures,  ni  dans  l'inscription,  il  ne  soit  parlé  de  saint 
Gervais  et  de  saint  Protais  ;  mais  cela  ne  prouve  rien 
contre  l'opinion  des  Milanais,  puisque  les  corps  de  ces 
saints  n'auraient  pas  encore  été  enlevés  à  cette  époque.  » 
(Millin,  t.  I,  p.  176). 

On  sait  par  l'histoire  que  S.  Ambroise  envoya  à  S. 
Martin  des  reliques  des  SS.  Gervais  et  Protais  (*). 


*  L'inscription  est  reproduite  dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien, 
t.  XXXIV,  p.  320  et  dans  le  Bulletin  d'Archéologie  chrétienne, 
1864,  p.  20.  Millin  l'a  donnée  également. 


génieuse,  qui  épargne  deux  lettres  dans  le 
sens  de  la  hauteur,  l'initiale  est  la  même 
pour  deux  vers  :  Ainsi,  au  commencement, 
E  appartient  a.  emicat  et  à  egregius.  Ou  bien 
la  dernière  lettre  d'un  mot  commence  le 
suivant  :  par  exemple,  A  finit  venusta  et 
commence  aspicc,  T  est  la  finale  de  corttscat 
et  l'initiale  de  le;  O  finit  métallo  et  com- 
mence ossibus;  1  termine  Beati  et  donne 
aussitôt  le  début  à'inclitus;  O  unit  ensemble 
beato  et  obtulit,  T  reportet  et  tempore  ;  enfin 
le  S,  finale  de  sacratis,  devient  aussi  celle 
de  sedis.  Cette  singularité  épigraphique  ne 
pouvait  être  passée  sous  silence. 

Les  sujets  ne  se  lisent  pas  ici,  comme  à 
la  face  antérieure,  par  panneaux  séparés.  Il 
faut,  au  contraire,  les  considérer  comme 
n'étant  pas  désunis,  en  sorte  que,  en  com- 
mençant par  le  bas,  on  épuise  d'abord  les 
quatre  médaillons  de  la  série  horizontale 
pour  passer  à  la  seconde,  puis  à  la  troisième. 
Les  tableaux  sont  donc  superposés  dans 
chaque  panneau  deux  à  deux,  mais  se  lisent 
quatre  à  quatre,  ce  qui  donne  trois  rangs 
de  tableaux  en  hauteur.  Chaque  sujet  est 
élucidé  par  une  inscription,  écrite  sur  une 
seule  ligne,  en  lettres  saillantes,  à  la  partie 
inférieure  du  tableau.  Les  caractères  sont 
toujours  la  majuscule  romaine,  et  les  mots 
sont  généralement  séparés  les  uns  des  autres 
par  un  point-milieu  :  on  y  remarque  quel- 
ques ligatures  et  enclaves,  avec  des  abré- 
viations nécessitées  par  le  peu  d'espace  dont 
l'artiste  disposait  ('). 

X.  Barbier  de  Montault 

Prélat  de  la  Maison  de  S.  S. 

(A  suivre.) 

1.  Je  crois  que  l'abbé  Texier  n'avait  pas  vu  l'autel,  car 
il  appelle  les  filigranes  des  «  guillochures  >>  et  ajoute 
inconsidérément  :  «  La  face  postérieure,  consacrée  à  la 
vie  de  S.  Ambroise,  est  en  argent  et  l'or  ne  s'y  montre 
que  sur  les  encadrements  et  sur  quelques  draperies  des 
personnages  »  (Annal.  arch.,t.  IV, p.  286).  Il  importe  de 
relever  ces  erreurs  pour  qu'elles  ne  s'accréditent  pas,  d'au- 
tant plus  que  l'auteur  en  tirait  une  déduction  symbolique. 


g»  »*%*  >&*  *^*  »*%*  *****  *****  >&*  *&*  **ï*  *^A  ^A  A^*  *^*  Arv^*  **%< 


Juuinfraiimni 


iiinni:  1 1  1 1 1 1 1  1 1 1 1 1 1 1 1  ;  imimiiiiiuain 


mm  Heltques  ïic  Congtantmople,  gmtej  >mm 


**$-*  ^  *iè*  *&*  *&*  W  *&*  W  W  W  W  v^v  W  W  WI 

dans  un  tube  de  cristal,  au  centre  de  la 
croix  si  admirablement  conservée,  que  nous 
reproduisons  ici  :  puis  la  couronne,  si  riche 
de  pierreries,  si  fine  de  ciselures  délicates, 
en  contient  une  autre.  Si  les  reliquaires  ne 
sont  pas  spécifiés  dans  la  lettre  d'envoi, 
M.  Helbig,  dans  son  mémoire  ('),  cite  la 
Chronique  liégeoise,  inédite  de  Van  den 
Berch,  qui  les  énumère  ainsi  : 

«  L'an  mil  deux  cents  soixante-sept,  saint 
Louis,  roy  de  France,  en  témoignage  de 
l'affection  et  amitié  qu'il  portait  à  la  cité  et 


[ége,  1267.  —  C'est  au  savant  M. 
J.  Helbig,  de  Liège,  que  revient 
l'honneur  d'avoir  reconnu,  dans 
les  merveilleuses  pièces  d'orfèvrerie  décou- 
vertes au  palais  de  Bruhl  (Saxe),  par  le  pro- 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  des  Dominicains  de  Liège, 
aujourd'hui  au  Palais  de  Bruhl  (Saxe). 

fesseur  Ch.  Andreœ,  en  1875,  'es  reliquaires 
envoyés  par  saint  Louis,  aux  Dominicains 
de  Liège,  le  8  septembre  1267.  Bien  qu'il 
ne  soit  fait  mention  dans  la  lettre  du  roi 
que  d'une  épine,  dans  ce  trésor  nous  en 
trouverons  deux  :   une   d'abord,  enchâssée 


Couronne  des  Dominicains  de  Liège,  aujourd  hui  au  Palais  de 
Bruhl  (Saxe). 

Frères  prescheurs  de  Liège,  leur  envoyât 
divers  présents  entre  lesquels  y  avoit  une 
de  ses  couronnes,  ung  calice  de  platène 
d'or,  qui  se  voient  présentement  aux  Frères 
prescheurs  et  spécialement  une  des  espines 
de  la  couronne  du  Saulveur  du  monde,  ainsi 
que  le  témoigne  la  lettre  suivante  que  j'ai 
copié  hors  de  celle  des  dits  prescheurs  es- 
tant escript  sur  parchemin  (J).  (Sachez  que 
l'évesque  Groesbeek  at  obtenu  une  portion 
de  la  dite  espine,  dont  le  reste  est  enchâssé 

i.Les  reliques  et  les  reliquaires  donnés  par  saint  Louis, 
roi  de  France,  au  couvent  des  Dominicains  de  Liège, 
dans  le  T.  XLIV  (18S1),  des  Mémoires  couronnés  pu- 
bliés par  l'Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des 
beau  r-ai  ts  de  Belgique. 

2.  Riant,  t.  II,  p.  156. 


IReltques  De  Constanttnoplc 


319 


dans  une  belle  croix  de   cristalle   ainsi   que 
j'ai  appris  des  dits  Prescheurs.) 


Clermont,  1 269. —  Saint  Louis  vint  deux 
fois  àClermont.La  première  fois  à  son  retour 
deTerre  Sainte, en  1254,  ainsi  que  nous  l'ap- 
prend le  rouleau  des  Gites  du  Seigneur  roi 
Louis  à  son  retour  de  Palestine;  la  deuxième 
fois,  en  1262,  pour  le  mariage  de  son  fils 
Philippe  avec  Isabelle  d'Aragon.  Ces  deux 
fois,  il  avait  trouvé  sur  le  siège  épiscopal 
de  Clermont,  Gui  de  la  Tour  (1250-1286), 


, 


de  l'Ordre  de  Saint- Dominique.  Le  30  dé- 
cembre 1269,  il  lui  envoyait,  dans  une 
croix  d'or,  ornée  de  pierres  précieuses,  plu- 
sieurs reliques  énumérées  dans  la  lettre 
reproduite  par  Riant  ('),  lettre  dont  l'ori- 
ginal est  parvenu  jusqu'à  nous. 

L'église  de  Clermont  possédait  un  autre 
fragment  de  la  couronne  d'épines.  Nous 
l'apprenons  par  un  manuscrit  de  1291,  dit 
La  Canone,  appartenant  à  la  Bibliothèque 
du  Chapitre.  C'est  un  mémorial  des  reliques 
que  saint  Austremoine  aurait  apportées 
dans  le  cité  des  Arvernes. 


w 


S.-   -1--{K-    4Bt&JJlmA      Tx ■    y.\v,n,-.   ,n£i>in<£   tnn    ?.lHfiFrK«i  .f^ff&tZ  j)l«>  ).it-Cr-i:rf-'V"rr  v.'cc.V 


Lettre  de  saint  Louis  à  Gui  de  la  Tour,  évêque  de  Clermont. 


«  Memoriale  reliquiarum  quas  sanctus  Austremonius 
«  secum  detulit  ad  Urbem  Arvernensem:  in  primis  de 
«  umbilicofilii  Dei  cum  quinque  unguibus  de  sinisira 
«  manu,  prepucium  ipsius  cum  duabus  unguibus  de 
«  sinistra  manu  et  de  pannis  quibus  fuit  involutus  et 
«  undecimam  partem  sudarii  qua  fuit  ante  oculos  ejus, 
«  cum  sanguine  ipsius  et  de  tunica  et  de  barba  et  de 
«  capillis  et  de  pnecincto  ejus  cum  sanguine  et  très  un- 
«  gués  ejus  ex  recisione  manus  ejus  dexteras,  et  par- 
«  tem  spine  corone,  et  de  pane  quem  ipse  benedixit, 
«  et  ex  spongia  ejus  et  de  sepulcro  ipsius  Domini,  et 
«  ex  virgis  quibus  lresus  fuit,  et  de  capillis  beatre  Mariœ 
«  très,  et  brachiale  ejus,  et  de  vestimento  ipsius  cum 
«  lacté,  et  de  pallio  quod  ipsafecit.  Has  vero  reliquias 
«  Stephanus  episcopus  condivit  in  ymaginem  matris 
«  Domini  et  in  ymaginem  Filii  ejus.  » 

Nous  n'avons  pas  à  discuter  l'origine  de 
ces  dernières  reliques  mais  simplement   à 


constater  qu'elles  sont  assurément  diffé- 
rentes de  celles  envoyées  par  saint  Louis 
à  l'église  de  Clermont.  Le  dernier  évêque 
de  Clermont  du  nom  de  Stephanus,  est 
Etienne  VI  de  Mercœur,  mort  en  1  [69. 
D'ailleurs,  en  1291,  elles  sont  renfermées 
dans  une  statue  de  la  Vierge,  une  de  ces 
Bennœ  que  nous  retrouvons  dans  les  inven- 
taires de  Mayence  et  Wurtzbourg,  tandis 
que  les  reliquaires  envoyés  par  saint  Louis 
existaient  encore  en  1742,  comme  on  peut 
le  voir  dans  le  Catalogue  des  reliçuaires 
renfermés  dans  l'armoire  sous  le  maître 
autel  de    léglisc    cathédrale    de    Clermont 

1.  T.  II,  p.  159. 


320 


Brime  tic  l'&rt  cbvétten. 


(Archives   du   Puy  de    Dôme,  fonds    de  la 
cathédrale). 

«  Premièrement,  une  croix  d'or  enrichie 
de  grosses  perles  fines  sur  un  pied  de  ver- 
meil à  l'antique,  contenant  du  bois  de  la 
vraie  croix  envoyé  par  saint  Louis. 

«  Plus  une  autre  croix  d'or  enrichie  de 
pierreries  sur  un  pied  de  vermeil,  renfer- 
mant aussi  la  sainte  épine  envoyée  par 
saint  Louis.  )) 

Tous  ces  reliquaires  ont  disparu  à  la  Ré- 
volution. 

S'il  existe  actuellement  à  la  cathédrale 
de  Clermont,  un  fragment  de  la  sainte  Cou- 
ronne,c'est  un  morceau  de  jonc  deo,027inm. 
de  longueur.  Il  porte  le  sceau  en  cire  de 
Mgr  de  Belloy,  archevêque  de  Paris.  Cette 
relique  a  été  donnée  à  la  cathédrale  par 
Mgr  du  Val  de  Dampierre,  ancien  vicaire 
général  de  Paris,  évêque  de  Clermont 
(1802-1833). 

Au  XIVe  siècle,  le  bréviaire  de  Cler- 
mont contenait  un  office  de  la  sainte  Cou- 
ronne dans  lequel  se  lisaient  les  hymnes  : 
«  j.  Etcrno  régi  glorice  devota  laudum  can- 
tica,  »  et  «  Lauda  fidelis  concio,  spitue  tro- 
phceum  inclytum.  » 


Bourg-Moyen,  1  269. —  L'épine  envoyée 
par  saint  Louis  à  l'abbaye  de  Bourg-  Moyen, 
en  1269,  était  accompagnée  d'une  lettre, 
publiée  par  Riant  (').  Le  29  avril  1270, 
Pierre  de  Mincy,  évêque  de  Chartres,  ac- 
cordait des  lettres  d'indulgence,  en  faveur 
des  pèlerins  qui  viendraient  tous  les  ans 
vénérer  la  sainte  relique:  le  7  janvier  1276, 
Gilles  Cornut,  archevêque  de  Sens,  y  ajou- 
tait de  nouvelles  indulgences. 

Dom  Martène,  qui  a  publié  toutes  ces 
pièces,  d'après  les  archives  du  monastère, 
consigne  dans  son  Voyage  littéraire  de  deux 

1.  T.  II,  p.  158. 


bénédictins  que  la  relique  disparut  en  1562, 
lors  du  pillage  de  l'abbaye  par  les  Hugue- 
nots. 


# 

#  # 


Nous  ne  connaissons  pas  d'autres  envois 
officiels  de  saint  Louis,  mais  des  documents, 
qui  sont  réellement  un  commencement  de 
preuve, nous  permettent  de  regarder  comme 
détachées  sous  son  règne  les  épines  de 
Notre-Dame,  de  la  Sainte-Chapelle,  de 
Flines,  d'Orval,  du  British  Muséum,  de 
Senlis  et  de  Sens. 


Paris,  Notre-Dame.  — -  L'inventaire  de 
1343  ('),  sous  le  n°  17,  signale: 

Item  quedam  corona  argcntea  deaurata 
cum  pcde  alto,  quam  \donavit\  B.  Ludovicus, 
rex  Francice,  in  qna  sunt  repositœ  reliquiœ 
Çuœ  secunlur,  videlicet  :  de  vestimento  Do- 
mini,  de  spongia,  de  spina  Dominicœ  coronœ 
et  de  sepulchro  Domini. 


Paris,  Sainte-Chapelle.  —  Dans  l'in- 
ventaire de  1532  (2),  nous  trouvons  la 
description  suivante: 

«  74.  Ung  angèle  doré  assis  sur  un  pied 
de  huict  quarrures,  lequel  tient  en  ses  mains 
un  petit  reliquaire  carré,  duquel  la  bordure 
par  dessus  est  d'or,  dedans  lequel  reliquaire 
y  a  une  des  espines  de  la  Corone  Nostre 
Seigneur  et  du  linge  dont  il  fut  ceynt  et 
circuit,  du  suaire,  des  draps  de  l'enfance  et 
des  vestemens  de  pourpre,  duquel  angèle 
les  esles  sont  de  cuivre  doré.  » 

Ce  reliquaire  fut  vendu  en  1592. 

L'épine  est  donc  différente  de  celle  qui 
disparut  avec  la  grande  croix  lors  du  vol 
de  1595  (3)- 

1.  Revue  archéol.,  t.  XXVII  (1874),  p.  252. 

2.  Revue  archéol.,  t.  V  (1848),  p.  191. 
j.  Voir  p.  94. 


i&eltques  De  Constanttnople. 


321 


Bien  que  pour  ces  deux  épines  nous 
n'ayons  pas  d'autres  renseignements,  l'en- 
droit où  nous  les  rencontrons,  la  forme  des 
reliquaires,  la  composition  du  petit  trésor 
qu'ils  renferment  ne  nous  laisse  aucune 
hésitation  sur  leur  provenance.  Tout  au  plus 
y  aurait-il  une  question  de  date  à  discuter, 
mais  elles  proviennent  assurément  de  la 
relique  de  la  Sainte-Chapelle  et  c'est  pour 
notre  étude  le  point  important. 


Flines.  —  L'abbaye  de  Flines  était  très 
riche  en  reliques.  Rayssius,  dans  son 
Hierogazophylaciiim  belgicuni,  consigne  : 
«  Est  ibidem  colombœ  argentecc  effigies,  in 
qua  recunduntur  hce  reliquia  :  de  sanguine 
CJirisli,  de  mensâ,  lancea.  spongia,  capillis, 
scpîilchro,  sudario,  corona,  veste  et  tunica.  » 

Le  Voyage  littéraire  de  deux  Bénédictins  (') 
rapporte  que  :  «  Marguerite,  comtesse  de 
Flandres  et  de  Hainaut,  qui  en  fut  la  fonda- 
trice, y  est  enterrée,  aussi  bien  que  Guy  de 
Dampierre,  aussi  comte  de  Flandres. 

«  Le  trésor  est  un  monument  de  la  piété 
de  la  fondatrice. 

«  Voici  les  lettres  qui  accompagnaient  la 
donation  qu'elle  fit  des  reliques. 

«  Nous,  Marguerite,  comtesse  de  Flandres 
et  de  Haynaut,  faisons  sçavoir  à  tous  ke 
nous  pour  Dieu  et  en  aumosne,  et  pour  le 
remède  de  nostre  ame  et  de  nos  anchisseurs 
et  successeurs,  donnons  et  avons  donnez 
aprez  nostre  décès  à  nostre  abbaye  de  Féli- 
ne, nostres  vaisseaus  de  relicques,  à  tout  les 
relicques  ki  chi  apries  sunt  devisei  :  c'est 
assavoir,  la  grant  crois  d'argent,  à  tout  le 
piet  a  quatre  clokeriens.  La  couronne,  à 
tout  la  croisette  d'or,  ù  il  a  du  sanc  nostre 
Seigneur  et  de  la  vraye  Crois  ki  sauva.  Le 
vaissiel  ù  li  mentons  saincte  Agathe  est,  et 
une  des  espines  de  la  couronne  par  deseure. 

1.  T.  II,  pp.  217-218. 


Le  vaissiel  ù  il  a  une  coste  de  sainct  Ni- 
cholai,  et  une  coste  de  saincte  Elizabeth. 
Le  vaissiel  à  deux  fuelles,  ù  il  a  deseure 
de  la  vraye  Crois,  et  desous  avoec  autres 
relicques  les  dens  sainct  Pierre  et  sainct  Pol. 
Le  vaissiel  couvert  d'argent  à  deux  fuelles, 
ù  il  a  dou  chef  sainct  Clément.  Le  texte  à 
la  double  crois,  et  le  vaissiel  de  la  Maade- 
laine,  ke  li  roys  Loyss  nous  envoya  par 
les  Lettres  pendans.  En  tesmoing  et  en 
seureté  de  laquelle  chose,  nous  avons  fait 
mettre  nostre  saiel  à  ces  présentes  Lettres, 
données  l'an  de  l'Incarnation  mil  deux  cens 
soissante  diz  et  vvit,  el  mois  de  May  (').  » 

Il  est  bien  probable  que  le  roi  saint  Louis 
attribua  «  le  vaisseaus  »  de  ces  précieuses 
reliques  à  la  comtesse  Marguerite,  lors- 
qu'elle eut  fait  son  hommage  au  roi  et  se 
fut  soumise  à  son  jugement  qui,  en  1246, 
adjugeait  la  Flandre  à  l'aîné  des  Dampierres 
et  le  Hainaut  au  premier  des  d'Avesnes  (2). 

Cette  lettre  en  plus,  par  sa  date,  nous 
fait  voir  que  Marguerite,  loin  être  morte 
en  1275,  vivait  encore  en  1278. 


Royaumont.  —  Gaignières  (Biblioth. 
Nat.  F.  L.  5472,  p.  3)  consigne  :  «  Saint 
Louis  donna  à  l'abbaye  de  Royaumont  des 
fragments  de  la  croix  de  J.-C.  et  de  sa  Cou- 
ronne pour  remplir  deux  croix  d'argent, 
dont  une  partie  a  esté  transportée  dans  une 
croix  de  cuivre.  Et  depuis  dix  ans  dans  une 
d'argent  que  les  religieux  ont  achepté.  » 
C'était  une  des  épines  dont  Riant  regar- 
dait l'identification  comme  certaine.  On 
connaît  d'ailleurs  l'affection  toute  particu- 
lière que  saint  Louis  portait  à  Royaumont, 
où  s'abritait  Vincent  de  Beauvais,  son  ami, 

1.  Egalement  publiées  dans  Hautcœur  (L'abbé  E  ), 
Cartulaire  de  l'abbaye  de  Flines,  Lille,  Quané,  1873,  in  8", 
p.  122,  N'  cci. 

2.  Le  reliquaire  de  saint  Louis  a  disparu  vers  1840. 
Hautcœur  (L'abbé  E.),  Histoire  de  l'abbaye  de  Flines, 
Paris,  Dumoulin,  1874,  in  S°,  pp.  77  et  374. 


322 


3&rt>uc  tic  l'&rt  chrétien. 


et  dont  l'abbé,  en  1270,  fut  nommé  par  le 
Roi,  dans  son  testament,  un  de  ses  exécu- 
teurs testamentaires. 

Orval.  —  On  n'aurait  vraiment  pu  soup- 
çonner, si  le  reliquaire  aujourd'hui  à  Saint- 
Amand  de  Montrond  (Cher)  n'était  parve- 
nu jusqu'à  nous,  que  la  croix  de  vermeil  de 
l'abbaye  d'Orval  contenait,  non  pas  un  frag- 
ment de  la  vraie  croix,  mais  une  épine  et  des 


Croix  d'Orval. 

reliques  du  lait  de  la  Vierge.  L'inscription, 
du  temps  de  saint  Louis,  les  armes  du  Roi 
et  de  Blanche  de  Castille,  la  tradition  enfin, 
constatée  par  une  inscription  que  fit  graver 
le  grand  Condé  en  1651,  en  offrant  la  base 
d'argent  qui  la  devait  supporter,  nous  per- 
mettent de  ranger  cette  épine  au  nombre  de 
celles  qui  viennent  assurément  de  la  Sainte- 
Chapelle. 

Mais    son    origine    est    absolument     in- 
connue. On  doit  supposer  que  l'intervention 


des  Seuly,  nouveaux  seigneurs  d'Orval 
après  1250,  a  pu  déterminer  la  générosité 
de    saint    Louis. 

Voici  ce  que  porte  le  pied  du  XVIIe 
siècle  ('). 

SERENISS.  PR.  REG.  SANG.  HENR.  LVDOVIC.  BORBON. 
DVX.  ENGHIENENS.  VIC  TENVI  CRVCI  PRETIOSISSIME 
TEMPORE  S.  LVDOV1CI  RŒGIS  E1VS.  PROAVi  FABRICAT/E 
1JASIM  ARGENTEAM  ADOIDIT.  AN.  GR.  MDCLI.  MENSE  AVG. 


Senlis.  —  Le  don  de  l'épine  de  Senlis, 
par  Adam  de  Chambly,  à  sa  cathédrale,  en 
1242,  peut  paraître  presqu'un  authentique  ; 
c'est  ainsi  d'ailleurs  que  Riant  considérait  le 
passage  de  la  Gallia  (2),  qui  nous  a  conservé 
la  trace  de  cette  donation. 


Sens.  —  A  Sens,  un  petit  reliquaire 
portatif  d'argent,  avec  une  couronne  de 
lis,  conservé  depuis  une  très  ancienne 
époque,  consigné  dans  Rohault  de  Fleury, 
inventorié  par  Julliot  en  1885,  contenait 
une  épine  que  la  tradition  attribuait  à  saint 
Louis.  Malheureusement,  reliqueet  reliquaire 
ont  récemment  disparu  :  il  ne  nous  reste 
donc  aucun  moyen  de  contrôler  un  sou- 
venir, que  l'archéologie  peut-être  nous  eût 
permis  de  dater.  Mais  n'est-il  pas  naturel 
de  croire,  que  saint  Louis  n'avait  pas  quitté 
Sens,  au  moment  de  la  susception  sans 
laisser  à  l'archevêque  métropolitain  une 
épine,  alors  qu'il  en  donnait  une  à  Bernard, 
évêque  du  Puy  ? 

Cette  tradition  même  avait  de  telles  ra- 
cines, que  l'abbé  Lebeuf  (3)  rapporte  qu'il 
n'est  réellement  pas  supposable  que  Gautier 
Cornut,  archevêque  de  Sens,  ait  donné  à 
l'église  de  La  Chapelle-Gautier,  du  doyenné 
de  Champeaux  (Seine  et  Oise),  l'épine  qu'on 

1.  Buhot  de  Kersers,  Stat.  moniim.  du  départ,  du  Cher, 
t.  VI,  p.  161. 

2.  T.  X,  p.  146. 

3.  Hist.  de  la  ville  et  du  diocèse  de  Paris,  t.  V,  p.  427. 


ifteltques  ht  Constanttnopie. 


323 


y  vénérait,  alors  que  l'église  était  en  dehors 
de  son  diocèse  et  qu'aucun  lien  particulier 
ne  paraissait  l'y  rattacher. 


# 
#  # 


Pour  les  épines  de  Maubuisson,  de  Tou- 
louse, de  Danemark,  que  nous  rencon- 
trerons dans  un  autre  chapitre,  nous  n'avons 
trouvé  aucune  pièce  qui  nous  permette, 
malgré  notre  conviction,  de  les  proposer 
comme  indiscutables. 

Il  est  indispensable  enfin  de  rappeler, 
mais  sans  qu'on  puisse  les  classer,  même 
parmi   les   reliques  douteuses  de  la  Sainte- 


Reliquaire  des  épines  de  Sainte-Praxède,  à  Rome. 

Chapelle,  les  trois  épines  de  Sainte-Praxède 
de  Rome. 

Malgré  la  constante  tradition,  malgré  les 
savants  travaux  du  R.  P.  Vannutelli,  je  ne 
trouve  rien  qui  puisse  confirmer  semblable 
donation.  D'après  Moroni,  saint  Louis 
aurait  envoyé  à  Sainte-Praxède  trois  épines 
dans  un  précieux  reliquaire  en  échange  de 
l'anneau  de  fer  de  la  sainte  Colonne  que 
possédait  la  basilique. 

Une  première  constatation  était  bien 
facile  à  faire.  Le  reliquaire,  même  derrière 
ses  nouveaux  embellissements  (?),  n'appa- 
raît pas  du  tout  du  XIIIe  siècle;  tels  ne 
sont  nulle  autre  part  les  reliquaires  envoyés 


par  saint  Louis.  Mais  ce  ne  serait  pas  là 
assurément  une  cause  absolue  de  négation  ; 
l'inexistence  dans  le  trésor  de  la  Sainte-Cha- 
pelle de  ce  fameux  anneau  de  la  Colonne, 
motif  de  l'échange,  me  semble  une  objection 
beaucoup  plus  sérieuse. 

Il    est   parfaitement   vrai    qu'on    trouve 
dans  les  premiers  inventaires  de  la  Sainte- 


Reliquaire  de  la  sainte  Epine  au  British-Museum. 

Chapelle  un  anneau  de  fer,  inscrit  tout 
d'abord  sous  le  nom  de  Carguan.  Mais  la 
lettre  de  cession  des  reliques  de  Constan- 
tinople  par  Baudouin  à  saint  Louis,  compte 
au  nombre  des  reliques  Cathetiam  etiam, 
sive  vinculum  ferreutn,  quasi  ni  modum 
anuulli  factum,  quo  creditur  idem  Domimts 
noster  fuisse    ligatus  (').     Nous     devrions 

1.  Riant,  t.  II,  p.  135. 


REVUE  DE  L  ART  CHRETIEN. 
189g.  —  4me  LIVRAISON. 


324 


3Retnie  lie  l'&rt  chrétien. 


donc  dans  les  inventaires  suivants,  en 
même  temps  que  nous  continuons  à  voir  cet 
anneau,  trouver  un  second  anneau,  celui  de 
Sainte-Praxède.  Or  on  ne  l'y  rencontre  pas  : 
pas  plus  d'ailleurs  que  dans  Y  Acte  de  dé- 
charge de  la  daine  veuve  Robertet,  du  X  VIII 
mars  1533,  des  reliçues  de  la  Sainte  Chapelle 
du  Palais  à  Paris,  dont  Charles  VIII  lui 
avait  confié  la  garde  (,).  »  Il  semble  donc  bien 
que  cette  tradition  est  absolument  légen- 
daire, comme  d'autres,  moins  importantes 
d'ailleurs,  et  que  pour  ce  motif,  il  est  inutile 
de  discuter  et  même  de  signaler,  dans  le 
chapitre  consacré  exclusivement  aux  épines 
données  par  saint  Louis. 

A  ces  dernières  épines  si  probablement 
distribuées  par  saint  Louis,  mais  pour  les- 
quelles manquent  les  dates,    nous  croyons 

1.  Felebier,  Histoire  de  Paris,  t.  III,  pp.  149-15°- 


pouvoir  joindre  l'épine  du  si  délicat  petit 
médaillon  qui  naguère  appartenait  au  baron 
Pichon,  aujourd'hui  au  British-Museum. 
Son  enveloppe  est,  ce  me  semble,  un  au- 
thentique aussi  sérieux  qu'une  charte  ou 
un  texte,  toujours  falsifiable.  Une  pareille 
monture  rencontrerait  à  peine  de  nos  jours 
un  artiste  assez  habile  et  en  même  temps 
assez  archéologue  pour  la  composer,  et 
j'avoue  qu'en  nombre  de  cas,  et  sur  la  fin 
de  sa  vie,  Riant  s'était  rallié  à  cette  opinion, 
un  petit  monument  aussi  archéologique- 
ment  caractérisé  est  souvent  d'une  plus 
grande  autorité  historique  que  ces  docu- 
ments écrits,  dont  les  cartulaires  du  moyen 
âge  nous  ont  si  souvent  appris  à  nous 
méfier. 

F.  de  Mélv. 

(A  suivre.) 


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Contribution  à  Tétuïie  lie  l'art  jjollanliais 


antérieur  au  XVIIe  siècle.  Gngijelbrecjjt^ 


(0 


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Chapitre  Dcurtèmc. 

ON  sait  que  les  tailleurs  d'images  tra- 
vaillaient d'ordinaire  d'après  les  car- 
tons que  leur  fournissaient  les  peintres  (2). 
On  peut  donc  s'attendre  à  trouver  des 
retables  du  XVIe  siècle  rappelant  de  très 
près  les  œuvres  de  tel  ou  tel  peintre. 

Un  des  grands  retables  du  Musée  de 
Cluny  me  paraît  devoir  être  rapproché  des 
œuvres  d'Enghelbrechtsz  que  nous  venons 
d'étudier.  Ce  monument  (3)  mesure  2  m.  90 
de  haut  au  centre  sur  2  m.  58  de  large  et 
représente  divers  épisodes  de  la  vie  du 
Christ  et  de  la  Vierge.  Il  provient  du 
magasin  de  St-Denis,  et  son  origine  est 
inconnue.  En  tous  cas,  il  a  été  exécuté  par 
un  tailleur  d'images  flamand  ;  sans  que  l'on 
ait  à  étudier  la  facture,  la  marque  d'Anvers 
(une  main)  empreinte  sur  la  terrasse  de 
plusieurs  scènes  suffit  à  le  prouver.  Cette 
marque  se  trouve  en  particulier  sur  la  par- 
tie reproduite  par  la  photographie  jointe 
à  cette  étude. 

En  se  reportant  à  ces  photographies,  on 
pourra  remarquer  à  première  inspection 
certaines  analogies  d'ordre  général  entre  le 
tableau  principal  du  retable  et  le  grand 
triptyque  de  Leyde  :  superposition  de  plu- 
sieurs groupes  dans  une  perspective  forcée, 
de  manière  à  les  montrer  tout  entiers;  sou- 
plesse, élégance  des  figures  se  contournant 
en  S  très  allongée  ;  en  outre,  de  nombreux 

1.  Voyez  la  3mi!  livraison,  page  221. 

2.  Les  œuvres  dues  au  même  ciseau  peuvent  être  très 
différentes  de  composition,  de  dessin  même,  parce  que  les 
projets  ne  sont  pas  dus  au  même  crayon,  on  doit  s'en 
souvenir  en  étudiant  la  sculpture  gothique. 

3.  Il  ne  porte  pas  de  n°  d'ordre  au  Musée. 


rapprochements  de  détail,  sont  bien  plus 
frappants  encore.  En  voici  le  relevé  : 

i°  Caïphe.  — ■  Le  Caïphe  du  retable  et  le 
Caïphe  de  Leyde  sont  tournés  en  sens  in- 
verse, mais  sont  presque  semblables  : 
homme  et  cheval,  type,  attitude  et  costume. 

20  Les  larrons.  —  Ils  se  contournent 
dans  les  deux  compositions  selon  des  cour- 
bes analogues. 

30  Longin  et  son  compagnon.  —  Le  Lon- 
gin  de  Paris  ne  ressemble  pas  au  Longin 
de  Leyde  ;  en  revanche  il  est  le  portrait 
(type  et  costume)  exact  du  chevalier  qui 
chez  Enghelbrechtsz  dirige  la  lance  de 
l'aveugle. 

40  Les  deux  soldats  debont  au  premier 
plan  du  Calvaire.  —  Comparer  les  deux 
soldats  qui  figurent  au  premier  plan  du 
tableau  de  Leyde  avec  les  deux  soldats 
placés  de  même  au  panneau  principal  du 
retable.  Les  costumes  diffèrent  ;  mais  les 
draperies  ont  ici  et  là  le  même  caractère. 
Comparer  les  jambes  des  soldats  vus  de  dos. 
Comparer  les  jambes  du  soldat  vu  de  profil 
dans  le  retable  avec  les  jambes  du  soldat 
vu  de  profil  au  volet  extérieur  droit  du  trip- 
tyque. 

50  Le  nègre.  —  Comparer  la  tête  du  roi 
nègredans  l'Adoration  des  Mages  du  retable 
et  la  tête  du  cavalier  nègre  d'Enghel- 
brechtsz ;  analogie  de  costume  :  tunique 
raide,  à  plis  droits,  jugulaire  à  la  coiffure  ('). 

Enfin  si  l'on  peut  trouver  dans  le  Cal- 
vaire d'Enghelbrechtsz  plusieurs  réminis- 
cences des  Mages  de  Gentile  da  Fabriano, 

1.  La  différence  de  caractère  des  coiffures  peut  tenir  à 
une  infidélité  d'interprétation  du  tailleur  d'images. 


326 


Hrmte  De  l'art  cfjréttcn. 


Partie  centrale  d'un  retable  du  Musée  de  Cluny. 
(Bois.   Ecole  d'Anvers.) 

remarquons,  sans  y  attacher  trop  d'impor- 
tance, que  les  mêmes  souvenirs  paraissent 


avoir  influencé  le  peintre  qui  a  fourni  au 
tailleur  d'images  l'esquisse  de  l'Adoration 
des  rois  ;  le  groupement  est  le  même  dans 
les  deux  œuvres,  si  les  attitudes  ne  sont 
pas  identiques  ;  le  roi  nègre  du  retable  re- 
produit même  dans  son  allure  et  son  dessin 
d'ensemble  (")  tous  les  caractères  de  l'un 
des  rois  du  maître  italien. 

Sans  doute  on  pourrait  continuer  la  com- 
paraison entre  le  retable  du  Musée  de  Cluny 


. 


Figures  d'un  volet  du  grand  triptyque  d'Enghelbrechtsz 
au  Musée  de  Leyde. 

et  le  tableau  du  Musée  de  Leyde  ;  mais  les 
remarques  qui  précèdent  me  paraissent 
suffire  à  établir  l'existence  d'analogies  in- 
discutables. 

i.  Cette  ressemblance  de  groupement  et  de  gestes  avec 
le  tableau  italien  ne  se  retrouve  peut-être  aussi  complète 
dans  aucune  autre  œuvre  du  Nord,  ni  dans  l'Adoration 
des  rois  de  Rogier  Vander  Weyden  en  tous  cas,  qui  pour- 
tant s'y  souvint  certainement,  comme  le  fait  remarquer 
M.  Wauters,  de  l'Adoration  de  Gentile  qu'il  avait  pu  voir 
dans  son  voyage  en  Italie,  ni  chez  Thierry  Bouts,  ni  dans 
les  deux  Adorations  attribuées  à  Lucas  de  Leyde  au  Mu- 
sée d'Anvers,  ni  dans  les  Adorations  du  Musée  archiépis- 
copal d'Utrecht  attribuées  à  Oostsanen,  ni  dans  l'œuvre 
de  Durer  citée  plus  haut. 


Bctwc  De  l'Hrt  chrétien. 


Pl.  VI. 


Contribution  à  l'étude  De  l'art  rjollanîmis.         327 


En  conclurons-nous  qu'Enghelbrechtsz 
a  fourni  un  carton  à  l'auteur  du  retable  ? 

Il  serait  dangereux  d'être  affirmatif  en 
pareille  matière.  En  tout  cas,  que  le  retable 
du  Musée  de  Cluny  ait  été  exécuté  d'après 
une  composition  fournie  par  Enghelbrechtsz 
ou  imitée  de  ses  œuvres,  les  faits  suivants 
restent  acquis  : 

Le  retable  du  Musée  de  Cluny  a  été 
exécuté  à  Anvers  ;  il  est  contemporain  de 
deux  peintres  de  natures  très  différentes  : 
Quentin  Matzys  et  Cornelis  Enghel- 
brechtsz. Le  premier  vivait  à  Anvers  même, 
le  second  à  Leyde.  Or  le  retable  du  Musée 


de  Cluny  n'a  aucune  analogie  avec  les  ta- 
bleaux de  Quentin  Matzys  et  rappelle  au 
contraire  d'une  manière  indéniable  le  grand 
triptyque  d'Enghelbrechtsz  conservé  à 
Leyde. 

Ce  simple  fait  même  sans  explication  m'a 
paru  digne  d'être  signalé.  Il  prouve  la 
grande  importance  qu'eut  en  son  temps  la 
personnalité  d'Enghelbrechtsz;il  nous  mon- 
tre que  l'influence  de  l'École  de  Leyde  au 
XVIe  siècle  s'étendit  hors  du  Comté  de 
Hollande  et  se  fit  sentir  jusque  dans  l'art 
flamand. 

Emile  Gavelle. 


'  )&£*  A*g*  A%X  i&i*  l&U  i&i*  »*%*  *XV^*  Ï*U  A^VU  *$U  **%*  jffi*  »*g*  **g*  ' 


IIIIIIIIIXIIOIXIXXIXXIXI 


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mmtmm®mëm  fflélanges.  ^m^m^m^mm    I 


niiiiixiHiniiiin  unniiiii!Liiiiiiimiiiiniimii]Liiiii:amiii^nni]inii 


miuxiixinixmiiiimiiiiiniiii.iiJixi 


Reconstruction  De  la  facaoc  De  la  ca= 
tbcoralc  De  Cbartres  au  XIIe  siècle. 
GtuDc  chronologique. 


ÎA  cathédrale  que  l'évêque  Fulbert 
(1006- 1028)  fit  élever  à  Chartres  pour 
remplacer  l'église  carolingienne  dé- 
truite par  le  feu  en  1020,  se  conserva 
jusqu'à  l'incendie  de  1194  (')•  Mais  dans  cet  in- 
tervalle de  près  de  deux  siècles,  elle  subit  un 
certain  nombre  de  remaniements,  parmi  lesquels 
il  faut  ranger  en  première  place  la  reconstruction 
des  parties  occidentales  dans  le  courant  du 
XIIe  siècle.  Cette  reconstruction  offre  un  intérêt 
tout  spécial,  puisqu'elle  a  laissé  dans  la  cathé- 
drale actuelle  des  restes  de  la  plus  haute  impor- 
tance :  la  tour  du  Clocher  Neuf,  le  Clocher  Vieux, 
la  base  de  la  façade;  c'est-à-dire  une  des  parties 
les  plus  absolument  belles  de  tout  le  monument, 
la  plus  féconde  à  coup  sûr  en  problèmes  archéo- 
logiques. 

Sur  les  dates  et  la  marche  de  cette  recon- 
struction, on  est  loin  de  s'entendre.  On  la  fait 
commencer  soit  en  1 1 34,  soit  vers  1 1 10,  soit  même 
à  la  fin  du  XIe  siècle.  Pour  les  uns  le  Clocher 
Vieux  fut  seul  entrepris  d'abord;  pour  d'autres 
on  commença  les  deux  clochers  en  même  temps, 
mais  le  Clocher  Neuf,  construit  plus  lentement, 
ne  put  être  terminé  avant  1 194;  d'autres  ne  posent 
même  pas  la  question  d'antériorité.  Quant  aux 
portails,  ils  dateraient  dans  leur  état  actuel  soit  de 
1 145  environ,  soit,  d'après  une  récente  opinion  (2), 
de  l'extrême   fin    du  XIIe  siècle.    On  s'accorde 

1.  Sur  la  cathédrale  de  Fulbert  et  ses  transformations, 
voir  l'excellent  ouvrage  de  MM.  René  Merlet  et  abbé 
Clerval,  Un  manuscrit chartrain  du. XI' s.,  Chartres,  Gar- 
nier,  1893,  in -4''  ;  A.  Clerval,  Guide  chartrain,  Chartres, 
s.  d.  ;  et  deux  articles  de  M.  R.  Merlet  :  Date  de  tu  cons- 
truction des  cryptes  de  la  cath.  de  Chartres  (Mém.  de  la 
Soc.  archéol.  d'Eure-et-Loir,  t.  X,  p.  161),  et  Fouilles... 
pour  V établissement  d'un  calorifère  (ibid.,  p.  289).  Ces 
travaux  rectifient  pour  cette  époque  l'ouvrage  de  M.  l'abbé 
Bulteau,  Monographie  de  la  cath.  de  Chartres,  t.  I,  1885  ; 
t.  11,  1S91  ;  Chartres,  Garnier,  in-8°  [inachevé]. 

2.  Cf.  art.  de  M.  A.  Marignan,  dans  le  Moyen  A^e,  nov- 
déc.  1898. 


M 


seulement  à  fixer  comme  date  moyenne  de  l'en- 
semble des  travaux  les  années  1145  à  1 1  50. 

Cette  chronologie  est  donc  des  plus  flottantes. 
Nous  allons  voir  qu'on  peut  la  rectifier  et  la  pré- 
ciser dans  une  certaine  mesure,  en  examinant  de 
plus  près  les  textes  contemporains,  et  surtout 
le  monument  lui-même  qu'on  a  parfois  un  peu 
négligé  de  consulter. 

I 

ETTONS-NOUS  tout  d'abord  en  face  du 
monument  et  voyons  ce  qu'il  voudra  bien 
nous  apprendre  sur  sa  propre  histoire.  La  com- 
paraison des  clochers  va  nous  apparaître  féconde 
en  enseignements  et  nous  révéler  ce  double  fait  : 
le  Clocher  Neuf  est  antérieur  au  Clocher  Vieux,  et 
fut  construit  seul,  isolé  en  avant  de  la  façade,  à  une 
époque  où  la  cathédrale  était  plus  courte  qu'aujour- 
d'hui ;  —  le  Clocher  Vieux  fut  construit  plus  tard, 
tangent  à  la  façade,  après  qu'on  eut  avancé  et 
reconstruit  celle-ci  au  niveau  de  l'arrière  du  Clocher 
Neuf  déjà  en  place. 

En  examinant  les  tours  des  clochers  de  Char- 
tres, on  remarque  d'abord  que  jusqu'au  niveau 
inférieur  de  la  galerie  des  Rois,  où  se  termine 
dans  le  Clocher  Neuf  la  partie  XIIe  siècle,  leurs 
principales  dispositions  sont  identiques,  comme 
il  convient  à  deux  tours  bâties  à  époques  rappro- 
chées pour  encadrer  une  même  façade (fig.  i)(f). 
—  Mais  si  d'autre  part  on  étudie  de  plus  près,  en 
les  comparant,  les  parties  correspondantes  de 
ces  deux  tours,  on  constate  dans  les  détails  un 
certain  nombre  de  dissemblances,  quelques-unes 
très  caractéristiques,  sur  lesquelles  il  faut  insister, 
parce  qu'elles  vont  nous  permettre  de  fixer  sur 
quelques  points  l'historique  de  leur  construction. 

Le  grand  intérêt  de  ces  différences  de  détail, 
c'est  qu'elles  accusent  entre  les  deux  clochers 
des  différences  d'âge,  et  permettent  par  consé- 
quent de  déterminer  lequel  des  deux  est  antérieur 
à  l'autre.  Or,  ce  qui  ressort  d'un  examen  attentif, 
c'est  la  preuve,  évidente  je  crois,  de  l'antériorité 
du  Clocher  Neuf  par  rapport  au  Clocher  Vieux. 

1.  Sur  la  figure,  le  Clocher  Neuf  est  à  gauche,  le  Clocher 
Vieux  a  droite. 


Mélanges. 


329 


Pour  éviter  toute  confusion,  je  désignerai  dé- 
sormais les  deux  clochers  par  les  termes  clocher 
Nord,  clocher  Sud,  étant  sous-entendu  qu'il  s'agit 
toujours  des  deux  clochers  de  la  façade  Ouest. 

A  ce  propos,  remarquons  en  passant  que  les 
expressions  actuelles  sont  toutes  modernes  et  ne 


remontent  pas  au  delà  du  XVIe  siècle,  où  l'on 
couronna  le  clocher  Nord  d'une  flèche  neuve  en 
pierre  (  1 506-1 5 1 3).  Si  j'y  insiste  un  peu,  c'est 
qu'il  semble  qu'on  se  soit  laissé  parfois  influencer 
inconsciemment  par  ces  appellations;  du  moins 
qu'ayant  en  quelque  sorte  ces  expressions   dans 


Fig. 


Façade  de  la  cathédrale  de  Chartres.  Vue  d'ensemble  (i). 


l'oreille,  on  n'ait  pas  songé  à  étudier  comme 
elle  le  mérite  cette  question  de  l'âge  relatif  des 
clochers.  Jusqu'au  XVIe  siècle  les  deux  clochers 
sont  désignés  presque  uniquement  par  les  termes 
clocher  de  pierre  pour  le   Clocher  Vieux,   clocher 


de  plomb  pour  le  Clocher  Neuf  (2).0n  trouve^aussi, 

1. Cette  vue  d'ensemble  est  fautive  en  ce  qui  concerne  les 
détails.  Nous  donnerons  dans  la  suite  de  l'article  une  re- 
production photographique  de  cette  belle  façade,  (n.d.l.r.  ) 

2.  En  voici  quelques  exemples  entre  beaucoup  d'autres  : 
«  A  Guillaume  Porcheret  et  son  compaignon  pour  avoir 


33° 


&cbue  tic  rart  chrétien. 


mais  exceptionnellement,  l'expression  la  grant 
tour  pour  désigner  le  Clocher  Vieux;  sans  doute 
parce  qu'il  était  en  pierre  dans  toute  sa  hauteur('). 
Enfin,  il  est  bien  question  d'une  turris  nova  dans 
un  obit  du  XIIIe  siècle,  celui  de  Me  Pierre  de 
Bordeaux,  archidiacre  de  Vendôme,  mort  vers 
1261  (2);  mais  rien  n'autorise  à  identifier,  comme 
le  fait  M.  l'abbé  Bulteau,  cette  tjur  ?ieuve  avec 
le  Clocher  Neuf  actuel. 

Ce  qui,  plus  encore  que  son  nom  moderne,  a 
pu  contribuer  à  égarer  l'opinion  au  sujet  de  l'âge 
du  Clocher  Neuf,  c'est  l'idée  répandue  qu'on 
n'avait  pu  l'achever  avant  l'incendie  de  1 194.  Je 
crois  que  c'est  une  erreur.  Qu'il  n'ait  pas  reçu 
alors  de  flèche  en  pierre,  cela  ne  prouve  rien.  Il 
était  probablement  destiné  à  ne  recevoir  qu'un 
couronnement  de  charpente,  comme  beaucoup 
de  clochers  en  France  et  la  plupart  de  ceux 
de  la  région.  C'est  pourquoi  sans  doute  ses 
contreforts  s'évanouissent  si  brusquement  au 
premier  étage.  Il  dut  passer  pour  terminé  le  jour 
où  l'on  put  voir,  au-dessus  de  son  rez-de-chaussée, 
s'élever  ses  deux  étages  de  pierre.  La  corniche 
qui  règne  au  niveau  inférieur  de  la  galerie  des 
Rois  marque  cette  limite. 

Quant  à  l'opinion  de  M.  l'abbé  Bulteau,  pour 
qui  l'élégance  et  la  construction  si  savante  du 
Clocher  Vieux  sont  une  preuve  qu'il  est  antérieur 

fait  guet  nuict  et  jour  ou  clochier  de  filon,  22  s.  6  d.  » 
(Comptes  de  l'œuvre  de  la  Cathédrale  pour  i^rj-14/6.  pu- 
bliés par  L.  Merlet,  Bullet.  archéol.  du  Comité  des  trav. 
hislor.,  1889,  p.  35-94;  cette  mention  revient  presque 
chaque  semaine); —  «  Pour  la  sonnerie  du  cloehier  de 
filon,  5  s.  ;  pour  la  sonnerie  des  cloches  du  cloehier  de 
fiierre,  7  s.  6  d.  T>  {Ibid.,  p.  53).  —  Dans  une  ordonnance 
capitulaire  de  1498  :  «  Capitulum  ordinavit  suspendi  cam- 
panam  de  Gabriel  in  comparait  lafiideo  a  parte  seu  latere 
Cambiorum  »  (Lecocq,  Mém.  de  la  Soc.  archéol.  d'Eure- 
et-Loir,  t.  IV,  p.  135).  —  Au  XVIe  s.  encore,  dans  le 
marché  entre  le  chapitre  et  Jean  de  Beauce  pour  la  re- 
construction du  clocher  Nord,  en  1506, on  lit  que  «Jehan... 
a  promis  faire  construire  et  édifier  bien  et  deuement  de 
son  mestier  de  maçon  le  clocher  de  notre  église  qui  estait 
de  bois  couvert  de  filomb,  et  puis  nagueres  par  fouldre  et 
tonnerre  a  esté  brûlé,  et  iceluy  faire  et  parfaire  de  pierre 
de  la  haulteur  du  clocher  de  fiierre  d'icelle  église  ou  aultre 
haulteur  plus  convenable...  t>  {Reg.  des  baux  et  contrats  du 
chapitre,  Arch.  Défi.  d'Eure  et  Loir.  G.  181,  fol.  125).  — 
Pour  les  appellations  modernes  à  la  suite  de  la  reconstruc- 
tion du  XVIe  s.,  v.  Arch.  Dép.,  G.  261,  G.  404.... 

[.  V.  acte  des  Registres  cafiilulaires,  5  sept.  1316  (cf. 
Lecocq,  La  Cathédrale  et  ses  Maîtres  de  l'œuvre,  ap.  Mém. 
de  la  Soc.  archéol.  d'Eure-et-Loir,  t.  VI). 

2.  L.  Merlet  et  de  Lépinois,  ('•titulaire  de  AT.-D.  de 
C/;ar//vi,  Chartres, Garnier,  1862-65,3  v.in-40;  t.  III, p.  162. 


au  Clocher  Neuf,  plus  simple  et  plus  grossière- 
ment construit,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'y  arrêter.  Un 
archéologue  non  prévenu  aurait  conclu  dans 
l'autre  sens. 

Nous  allons  voir  en  effet  que  le  Clocher  Neuf 
est  certainement  le  plus  ancien. 

II 

C'EST  ce  que  semblent  indiquer  d'abord 
quelques  différences  dans  les  profils  des 
moulures,  les  systèmes  de  voûte  et  le  style  des 
chapiteaux, différences  qui, considérées  isolément, 
ne  seraient  pas  suffisamment  significatives  peut- 
être,  mais  par  leur  ensemble  et  parce  qu'elles 
témoignent  toutes  dans  le  même  sens,  consti- 
tuent une  précieuse  indication  et  un  commence- 
ment de  preuve. 

Si,  par  exemple,  nous  comparons  les  bases  des 
colonnettes  engagées  qui  supportent  les  longues 
arcatures  du  rez-de-chaussée,  à  l'extérieur  des 
deux  tours,  nous  constatons  entre  leurs  profils 
un  écart  très  caractéristique.  On  sait  que  le  dessin 
de  la  scotie,  le  développement  relatif  de  chacun 
des  tores  dans  la  base  dérivée  du  type  attique, 
constituent  l'un  des  plus  sûrs  éléments  de  la  chro- 
nologie architecturale.  Or  voici  les  profils  res- 
pectifs de  ces  bases  dans  les  deux  clochers  (fig.  2). 


Fig.  z.  —  Bases  des  arcatures  extérieures  du  rez-de-chaussée  : 
a)  Clocher  Nord  ;  /■)  Clocher  Sud. 

Au  Nord,  la  scotie  est  très  haute,  très  ouverte  et 
peu  profonde  ;  le  tore  inférieur,  très  peu  déve- 
loppé par  rapport  au  supérieur,  ne  vient  pas 
s'écraser  sur  le  socle  ;  le  dessin  général  est  ana- 
logue à  celui  qu'on  trouve  à  la  fin  du  XIe  siècle, 
mais  tracé  avec  plus  de  soin.  Au  Sud,  au  con- 
traire, le  profil  se  rapproche  du  profil  en  vogue  à 
la  fin  du  XIIe  siècle:  la  scotie,  profondément 
creusée  et  bordée  d'un  ressaut,  rapproche  ses 
lèvres  ;  le  tore  inférieur,  très  développé,  s'aplatit 
franchement  sur  le  socle.  A  peu  près  toutes  les 
bases  du  clocher  Nord  jusqu'au  niveau  de  la 
galerie  des  Rois,  et  du  clocher  Sud,  dans  toute  sa 
hauteur,  ont  respectivement  ces  deux  profils   si 


Mélanges. 


331 


caractéristiques.  Et  même  en  admettant  que 
l'architecte  qui  dessina  les  bases  du  clocher  Nord 
retardait,  et  que  celui  du  clocher  Sud  avançait 
sur  son  époque,  il  est  impossible,  tant  l'écart  est 
grand  entre  ces  deux  profils,  de  n'y  pas  voir  un 
indice  au  moins  de  l'antériorité  du  clocher  Nord. 

Le  fait  apparaît  plus  nettement  encore  si  l'on 
compare  les  bases  des  piédroits,  dans  les  portes 
aujourd'hui  murées  qui  donnaient  accès  autrefois 
au  rez-de-chaussée  de  chacun  des  clochers  :  sur 
la  face  septentrionale  du  clocher  Nord,  sur  la 
face  méridionale  du  clocher  Sud  (J).  Au  Nord  le 
profil  est  le  même  que  dans  toutes  les  bases  du 
clocher  ;  au  Sud  le  tore  inférieur  non  seulement 
s'aplatit  sur  le  socle  mais  le  déborde  assez  forte- 
ment, comme  dans  les  bases  des  trois  portails  de 
façade. 

Je  signale  encore  quelques  différences  de  profils 
qui  donnent  une  indication  analogue  quoique 
moins  nette.  Telle  est  la  présence  du  tore  aminci 
dans  le  profil  des  arcatures  extérieures  du  rez- 
de-chaussée  du  clocher  Sud,  alors  qu'au  Nord 
on  trouve  le  tore  ordinaire  (jîg.j).  Le  tore  amin- 


Fig.  3. 


Profil  des  arcatures  extérieures  du  rez-de-chaussée  : 
a)  Clocher  Nord;  b\  Clocher  Sud. 


ci  se  retrouve  encore  au  clocher  Sud  dans  les 
bases  des  colonnes  d'angle  à  l'intérieur  du  pre- 
mier étage,  et  aux  fenêtres  du  deuxième  ;  il  n'y 
en  a  nulle  part  dans  le  clocher  Nord. 

De  même  dans  les  moulures  du  clocher  Sud 
on  trouve  parfois  (par  ex.  aux  mêmes  arcatures 
du  rez-de-chaussée)  le  tore  dégagé  par  des  cavets, 
en  vertu  du  principe  cher  à  l'art  gothique  d'op- 
poser les  courbes  aux  courbes.  Dans  les  arca- 
tures correspondantes  du  clocher  Nord  on  trouve 
au    lieu    de    cavets    de    simples     angles    droits 

(fig-3)- 

Les  profils  des  ogives  dans  les  salles  du  rez- 
de-chaussée,  quoique  assez  voisins,  ne  semblent 

1 .  J  ai  soin  de  ne  comparer  que  les  parties  rigoureuse- 
ment correspondantes  des  deux  tours  :  rez-de-chaussée  à 
rez-de-chaussée,  etc..  ;  et  de  ne  m'attacher  qu'aux  diffé- 
rences qui  peuvent  servir  à  dater  ces  parties  l'une  par 
rapport  à  l'autre. 


pas  exactement  contemporains  :  le  profil  du  côté 
Sud,  beaucoup  moins  lourd,  paraît  plus  récent 
(fig.  4.).  De  plus,  au  Nord,  l'ogive  est  décorée  de 
dents  de  scie,  au  Sud,  elle  est  nue,  malgré  le  souci 
de  décoration  que  révèle  ce  clocher.  Or  l'usage 
de  décorer  les  ogives  tend  à  disparaître  à  mesure 
qu'on  avance  vers  le  plein  gothique  ;  sans  doute 
on  en  a  des  exemples  encore  après  la  transi- 
tion (')  ;  mais  lorsque  dans  un  même  monument 
certaines  ogives  sont  décorées,  d'autres  non,  il  y 
a  des  chances  pour  que  ces  dernières  soient  les 
plus  récentes,  surtout  si,  comme  c'est  ici  le  cas, 
leur  profil  est  aussi  plus  avancé. 

Si  nous  passons  aux  systèmes  de  voûte,  nous 
constatons  que  dans  le  clocher  Sud  la  croisée 
d'ogives  est  seule  employée  :  on  la  rencontre  au 
rez-de-chaussée  et  au  premier  étage,  qui  sont  les 
seules  parties  voûtées  du  clocher.  En  est-il  de 
même  du  côté  Nord  ?  Là  l'ogive  se  voit  seule- 
ment au  rez-de-chaussée  (2).  Quant   au   premier 


Fig.  4.  —    Ogives  du  rez-de-chaussée  : 
a)  Clocher  Nord  ;  ^Clocher  Sud. 

étage,  il  est  couvert  d'une  coupole,  de  plan  octo- 
gone sur  encorbellements,  dont  l'existence  peu 
connue  est  un  fait  intéressant  dans  la  région. 
Ce  mélange  de  la  coupole  et  de  la  voûte  d'ogives 
dans  le  clocher  Nord  peut  être  considéré  encore 
comme  un  indice  d'antériorité,  rapproché  de 
l'emploi  unique  de  l'ogive  dans  le  clocher  Sud. 

La  comparaison  des  chapiteaux  témoigne,  je 
crois,  dans  le  même  sens.  Si  nous  examinons  à 
ce  point  de  vue  les  deux  salles  de  rez-de-chaussée, 
nous  voyons  d'abord  qu'au  clocher  Nord  les 
chapiteaux  du  type  à  feuillages  présentent  pour 
la   plupart,  en    place   de    feuilles,  des  sortes    de 

1.  Par  exemple  dans  l'Ile  de  France  et  la  Picardie  on 
peut  citer  vers  1130  Lucheux  (Somme),  édifice  de  pleine 
transition,  puis  St-Germer  (Oise),  puis,  vers  11 50,  Namps 
au  Val  (Somme),  etc. 

2.  La  voûte  d'ogive  du  deuxième  étage  est  postérieure 
au  XIIe  s.  Ce  n'est  qu'à  la  fjn  du  XIII-  s.,  quand  on  mit 
en  place  la  galerie  des  Rois,  que  cet  étage  fut  surélevé, 
comme  on  le  voit  aujourd'hui,  de  toute  la  portion  de  mur 
adjacente  à  cette  galerie  ;  et  plus  tard  encore  qu'il  fut 
voûté. 


REVUE    DE    LART  CHRETIEN. 
189g.    —  4nie    LIVRAISON. 


332 


&cbuc  fce  r&rt  cftrétten. 


lanières,  presque  des  entrelacs,  parfois  décorées 
de  zig-zags  ;  tandis  que  ceux  du  clocher  Sud  ont 
de  belles  corbeilles  de  feuillages,  déjà  d'une  al- 
lure vivante  et   d'un   style   naturaliste. 

Nous  trouvons  ensuite  du  côté  Nord  tout  un 
groupe  de  chapiteaux  à  figures.  On  en  voit  trois 
aux  massifs  de  l'entrée,  copies  ou  imitations  de 
deux  œuvres  orientales  et  d'un  bas-relief  antique, 
ce  qui  explique  la  beauté  relative  de  leur  style. 
A  l'intérieur  de  la  salle  un  chapiteau  montre  un 
homme  poursuivant  un  animal  fantastique  dont 
le  double  corps  garnit  deux  des  faces  de  la  cor- 
beille, tandis  que  la  tête  unique  soutient  l'angle 
du  tailloir  ;  le  chapiteau  voisin  est  décoré  de  longs 
oiseaux  affrontés  d'allure  romane  ;  un  autre  a  des 
têtes  aux  angles.  A  l'extérieur  du  même  clocher, 
on  trouve  encore  l'animal  double  à  tête  unique, 
et  des  tètes  dans  des  entrelacs.  —  Dans  le 
clocher  Sud,  au  contraire,  nous  ne  voyons  pas 
un  seul  chapiteau  à  figures.  On  constate,  en  effet, 
en  approchant  de  la  pleine  constitution  du  go- 
thique, que  la  figure,  si  fréquente  dans  les 
chapiteaux  romans,  tend  à  disparaître  des  cor- 
beilles pour  se  réfugier  dans  d'autres  parties  de 
la  construction  ('). 

Et  sans  doute  le  fait  de  trouver  des  chapiteaux 
à  figures  dans  le  clocher  Nord  ne  suffirait  pas  à 
le  dater  d'une  façon  précise  :  on  a  sculpté  des 
animaux  affrontés  jusqu'à  la  fin  du  XIIe  siècle 
dans  la  région  de  l'Ile-de-France  (2).  Mais  il  peut 
servir  à  dater  ce  clocher  par  comparaison,  à  le 
situer  dans  le  temps  relativement  à  l'autre  clocher. 
En  effet,  la  question  est  ici  la  suivante,  et  seule- 
ment ceci  :  étant  donné  deux  parties  d'un  même 
monument,  le  Clocher  Neuf  et  le  Clocher  Vieux 
de  Chartres,  parties  bien  distinctes,  mais  symé- 
triques et  imitées  l'une  de  l'autre  dans  la  plupart 
de  leurs  dispositions,  —  les  situer  chronologique- 
ment l'une  par  rapport  à  l'autre.  Or,  trouvant 
d'une  part  dans  le  clocher  Nord  une  série  de 
chapiteaux  historiés,  dont  quelques-uns  très 
proches  du  roman,  mélangés   à  quelques  chapi- 

i.  Il  faut  en  excepter  les  chapiteaux  des  portails  ;  c'est 
aux  portails,  en  effet,  que  tend  à  se  condenser  alors  toute 
la  décoration  sculpturale  de  l'édifice. 

2.  P.  ex.  au  chœur  de  StJGermain  des  Prés  ( 1 163)  et 
dans  plusieurs  églises  de  l'Aisne  :  cf.  Eug.  Lefèvre-Pon- 
talis,  D  Architecture  religieuse  dans  l'ancien  diocèse  de 
Soissons,  au  XI'  et  au  XII'  siècle;  4e  partie. 


teaux  à  feuillages  presque  romans  aussi  ;  — 
d'autre  part, dans  le  clocher  Sud, tout  un  ensemble 
de  chapiteaux,  où  n'apparaît  plus  la  figure,  uni- 
quement ornés  de  feuillages  déjà  souples  et  pres- 
que réalistes,  du  type  dit  de  transition,  nous 
pouvons  en  conclure  hardiment,  je  crois,  que  ce 
deuxième  groupe  est  postérieur  au  premier.  On 
reconnaîtra  en  tout  cas  que  la  conclusion  con- 
traire est  impossible. 

III 

CE  faisceau  de  probabilités  en  faveur  de  notre 
thèse  a  déjà  quelque  force,  et  serait  de  na- 
ture tout  au  moins  à  faire  douter  de  l'antériorité 
du  clocher  Sud.  Mais  voici  qui  peut  trancher 
définitivement  la  question.  C'est  l'étude  des  dis- 
positions, encore  mal  connues,  qu'affectaient 
primitivement,  je  veux  dire  dans  les  premiers 
temps  de  la  reconstruction  du  milieu  du  XIIe 
siècle,  les  parties  Ouest  de  la  cathédrale.  L'étude 
de  l'emplacement  initial  des  clochers  par  rapport 
à  la  façade  proprement  dite,  vient  confirmer  la 
conclusion  suggérée,  un  peu  timidement  encore, 
par  les  remarques  précédentes,  et  transformer 
l'hypothèse  probable  en  une  solide  réalité. 

Tout  le  monde  admet  que  les  portails  avant 
1194,  n'affleuraient  pas  comme  aujourd'hui  la 
face  antérieure  des  clochers,  mais  étaient  au 
niveau  de  leur  face  postérieure,  en  recul  de  toute 
l'épaisseur  des  tours  (').  Or,  un  examen  attentif 
de  la  face  orientale  du  clocher  Nord,  aujourd'hui 
en  grande  partie  dans  l'église,  montre  qu'il  fut 
primitivement  non  pas  seulement  hors  œuvre, 
comme  on  le  dit,  et  accolé  à  la  façade,  mais  com- 
plètement isolé  en  avant  de  cette  façade. 

Je  remarque  en  effet  qu'il  y  a  au  rez  de-chaus- 
sée du  clocher,  du  côté  Est,  une  fenêtre  aujour- 
d'hui bouchée.  Malgré  le  blocage,  recouvert  d'un 
badigeon,  qui  l'obstrue,  cette  fenêtre  est  encore 
très  visible  dans  la  salle  d'en-bas  du  clocher 
Neuf,  appelée  aujourd'hui  chapelle  des  Fonts,  Elle 
est  en  plein  cintre,  étroite  et  haute.  A  chacun  des 
étages  supérieurs,  il  y  a  aussi  sur  cette  même 
face  une  fenêtre,  dans  l'axe  de  celle  du    rez-de- 

1.  Une  des  meilleures  preuves  de  ce  fait  est  la  présence 
des  grandes  fenêtres  du  premier  étage  sur  les  faces,  qui 
se  regardent  aujourd'hui  dans  l'église,  des  deux  clochers; 
depuis  qu'on  a  avancé  la  façade,  elles  sont  devenues  inu- 
tiles et  ont  été  bouchées. 


Mélange©. 


333 


chaussée  :  celle  du  deuxième  étage,  étant  au- 
dessus  du  toit  du  bas-côté  actuel,  est  restée  seule 
ouverte.  Pourquoi  une  seule  fenêtre  à  chaque 
étage  sur  cette  face  de  la  tour,  et  non  pas  deux 
comme  sur  les  autres  faces?  C'est  que  l'emplace- 
ment de  la  seconde  est  occupé  par  la  tourelle  de 
l'escalier.  —  Cette  disposition  indique  très  claire- 
ment que  le  clocher  autrefois  ne  touchait  pas 
l'église,  et  prenait  jour  à  chaque  étage  du  côté 
de  l'Est  par  ces  fenêtres.  Lorsque,  à  une  époque 
que  nous  préciserons  plus  loin,  on  avança  la 
façade  de  l'église  contre  le  clocher  déjà  en  place, 
la  fenêtre  du  rez-de-chaussée  devenue  inutile  fut 
bouchée  (*). 

Une  autre  disposition  vient  appuyer  cette 
remarque.  La  tourelle  d'escalier  qui  flanque  le 
clocher  Nord"  sur  cette  même  face  était  autrefois 
éclairée  intérieurement  par  de  petites  fenêtres, 
étroites  et  longues.  Ces  fenêtres  subsistent  encore, 
mais  actuellement  elles  ne  donnent  plus  aucun 
jour  et  sont  devenues  inutiles,  parce  quelles 
ouvrent  toutes  dans  l'intérieur  de  V église  et  non 
sur  le  dehors,  étant  pratiquées  exclusivement  sur 
les  faces  Est  et  Sud  de  la  tourelle,  qui  sont  en- 
globées dans  l'église.  Puisque  depuis  Fulbert  la 
largeur  de  la  cathédrale  n'a  jamais  varié  (2),  on 
ne  peut  admettre  l'hypothèse  d'une  église  plus 
étroite  que  celle  d'aujourd'hui,  qui  aurait  laissé 
complètement  dégagée,  à  l'extérieur  de  ses  murs 
latéraux,  la  tourelle  du  clocher  Nord  dans  le 
courant  du  XIIe  siècle.  Il  faut  donc  qu'originai- 
rement le  clocher  se  soit  trouvé  isolé  en  avant  de 
la  façade.  S'il  lui  avait  été  tangent,  on  aurait 
percé  les  fenêtres  sur  la  face  Nord  de  la  tourelle 
d'escalier,  de  façon  qu'elles  ouvrent  sur  le  dehors, 
comme  nous  allons  voir  qu'on  l'a  fait  au  clocher 
Sud.  Au  contraire,  il  n'y  a  aucune  baie  sur  cette 
face  (3);  elles  furent  toutes  percées  systématique- 

i.  Celle  du  premier  étage  ne  dut  être  obstruée  qu'après 
1 194,  quand  on  construisit  la  cathédrale  actuelle;  il  est 
probable  que  la  toiture  du  bas-côté  de  l'église  antérieure 
venait  buter,  après  qu'on  eut  avancé  la  façade,  au-dessous 
de  l'appui  de  cette  fenêtre,  l'église  étant  moins  haute 
qu'aujourd'hui. 

2.  Ses  murs  latéraux,  depuis  Fulbert,  reposent  sur  ceux 
de  la  crypte,  qui  n'a  jamais  été  élargie  comme  l'ont  prouvé 
les  fouilles;  cf.  René  Merlet,  Fouilles....  pour  rétablisse- 
ment d'un  calorifère,^.  Mém.  de  la  Soc.  archéol.  d'Eure- 
et-Loir,  t.  X,  p.  289. 

3.  Même  on  a  engagé  cette  face  de  la  tourelle,  à  sa 
partie  inférieure,  dans  un  contrefort  qui  rendait  difficile 


ment  sur  les  deux  autres  faces,  aujourd'hui  dans 
l'intérieur  du  bas-côté,  mais  qui  à  l'origine  étaient 
certainement  dégagées  et  baignées  par  la  lumière. 

Il  n'en  est  pas  de  même  dans  le  clocher  Sud. 
C'est  qu'en  effet  ce  clocher,  au  contraire  de  l'autre, 
ne  fut  jamais  isolé.  Aucune  trace  de  fenêtre  au 
rez-de-chaussée  de  la  tour,  sur  la  face  Est  actuel- 
lement dans  l'église  et  qui  y  a  toujours  été.  La 
tourelle  d'escalier  fut  évidemment  aussi  construite 
pour  être  en  partie  englobée  comme  aujourd'hui 
dans  le  bas-côté;  car,  à  l'opposé  de  ce  que  nous 
avons  vu  dans  le  clocher  Nord,  pas  une  seule 
baie  de  cette  tourelle  n'ouvre  à  l'intérieur  du 
monument  ;  toutes  sont  percées  vers  l'extérieur, 
en  dehors  de  l'église,  sur  la  face  Sud  qui  est  tout 
entière  à  l'air  libre,  quelques-unes  sur  la  face  Est 
au-dessus  du  point  où  vient  buter  le  toit  du 
collatéral.  Le  clocher  Sud  a  donc  toujours  été 
contigu  à  l'église,  accolé  à  sa  façade  sur  laquelle 
à  l'origine  il  faisait  saillie. 

En  résumé,  le  clocher  Nord,  qu'on  appelle  ac- 
tuellement Clocher  Neuf,  fut  construit  en  avant 
de  la  façade,  à  l'époque  où  l'église  était  moins 
longue  qu'aujourd'hui.  Cela  ne  doit  pas  nous  sur- 
prendre; au  début  du  XIIe  siècle,  la  crypte  était 
plus  courte  d'une  travée  que  la  crypte  actuelle  (*); 
l'église  supérieure  dont  elle  formait  le  soubas- 
sement devait  avoir  même  longueur,  c'est-à-dire 
près  de  deux  travées  de  moins  qu'aujourd'hui  (2). 
Le  Clocher  Neuf  se  trouvait  ainsi  complètement 
isolé. —  Au  contraire,  le  clocher  Sud  ou  Clocher 
Vieux  fut  construit  contre  l'église,  après  qu'on 
eut  décidé  de  l'allonger  en  reportant  la  façade 
au  niveau  de  l'arrière  du  clocher  Nord  déjà  en 
place.  —  La  conclusion  s'impose  :  le  clocher 
Nord  révélant  une  disposition  de  la  façade  for- 
cément antérieure  à  celle  que  suppose  le  clocher 
Sud,  a  été  indubitablement  construit  le  premier. 

Les  précédentes  remarques  conduisent  néces- 
sairement à  modifier  la  chronologie  de  la  recon- 

d'éclaire*  plus  tard  par  là  l'escalier  intérieur.  On  ne  pré- 
voyait pas  alors  l'allongement  possible  de  l'église. 

1.  V.  R.  Merlet  et  l'abbé  Clerval,  op.  cit....  L'ancienne 
limite  Ouest  de  l'église  est  indiquée  dans  la  crypte  par 
un  retour  de  mur  qui  subsiste  en  partie  dans  la  galerie 
Nord  entre  la  première  et  la  deuxième  travée. 

2.  Car  aujourd'hui,  à  cause  de  la  place  prise  par  l'esca- 
lier qui  réunit  chacune  des  galeries  de  la  crypte  à  la  base 
des  clochers,  la  crypte  est  plus  courte  que  l'église  supé- 
rieure de  près  d'une  travée. 


334 


WitWt  De  rsivt  cbrctten. 


struction  des  parties  Ouest  de  la  cathédrale,  et  la 
marche  admise  pour  cette  reconstruction. 

IV 

LE  moment  est  venu  d'utiliser  un  certain 
nombre  de  textes  qui  peuvent  se  rapporter 
à  cette  reconstruction  et  aider  à  en  préciser  les 
diverses  étapes. 

A  quelle  époque  fut  commencé  le  clocher 
Nord  ?  L'obituaire  du  chapitre  mentionne,  vers  la 
fin  du  XIe  siècle,  la  construction  d'une  tour  à 
laquelle  contribua  le  doyen  Adélard  (*),  mort  en 
1092.  Il  est  impossible  d'y  voir  le  Clocher  Neuf: 
les  ogives  du  rez-de-chaussée,  avec  leurs  retom- 
bées liées  intimement  à  la  maçonnerie,  en  sont 
une  preuve  entre  autres;  la  base  du  clocher  n'est 
pas  antérieure  au  XIIe  siècle.  Il  dut  remplacer, 
dans  la  première  moitié  de  ce  siècle,  un  clocher 
antérieur  s'élevant  sans  doute  du  même  côté  de 
la  façade  :  ce  clocher  antérieur  ne  peut  être  le 
clocher  figuré  dans  la  miniature,  de  102S  environ, 
qui  accompagne  l'obit  de  Fulbert  dans  le  ma- 
nuscrit de  Saint- Etienne  (2),  car  celui-ci  est  au 
Sud  delà  façade;  c'est  donc  très  probablement 
la  tour  du  doyen  Adélard. 

Mais  quel  fait  détermina  la  réédification 
dans  la  première  moitié  du  XIIe  siècle,  d'une 
tour  de  construction  si  récente,  peut-être  à  peine 
achevée  alors  ?  Très  probablement  le  terrible 
incendie  qui  ravagea, en  1 134,  la  ville  de  Chartres. 

Le  5  septembre  il 34,  la  ville  fut  en  partie  la 
proie  des  flammes.  L'église  abbatiale  de  St-Père, 
les  collégiales  St-Aignan  et  St-André  furent 
ruinées  de  fond  en  comble  ;  en  revanche,  par  un 
bonheur  qui  parut  miraculeux  aux  âmes  pieuses 
de  l'époque,  la  cathédrale  semble  avoir  peu  souf- 
fert. Voici  comment  s'exprime  à  ce  sujet  un 
contemporain,  l'auteur  de  la  première  Translatio 
sancti  Aniani  dans  la  leçon  où  il  énumère  les 
divers  sinistres  de  la  ville  de  Chartres  :  «  Ouinta 
quidem  [succensio]  facta  est  anno  m0  centesimo 
tricesimo  II 11°,  quarta  feria  nonas  Scptembris,  in 
qua  fere  tota  civitate  consumpta,  sed  per  mira- 
bilan  Jesu  Cliristi  misericordiam  sue  genetricis 

1.  V.  au  7  des  Kal.  de  septembre,  dans  l'Obituaire 
publié  par  MM.  R.  Merlet  et  l'abbé  Clerval,  op.  cit. 

2.  Ce  manuscrit  fait  l'objet  de  la  publication  de 
MM.  R.  Merlet  et  l'abbé  Clerval,  citée  souvent  dans  le 
cours  de  cet  article. 


ecclesia  a  flammis  incumbentibus  liberata  est  (').  > 
A  la  vérité,  sinon  le  monument  lui-même,  du 
moins  ses  dépendances  immédiates  souffrirent 
beaucoup  des  flammes  qui  venaient  pour  ainsi 
dire  lécher  les  murs  de  l'église,  flammis  incum- 
bentibus. L'Hôtel-Dieu  du  chapitre,  situé  tout 
près  de  la  façade  Ouest,  fut  détruit;  nous  voyons 
dans  le  Nécrologe  que  le  chevecier  Bernard,  mort 
vers  1140,  avait  contribué  à  sa  reconstruction 
«  aprè-i  l'incendie  »  (2).  Le  clocher  de  façade 
dont  j'ai  parlé  (3), assez  voisin  de  l' Hôtel-Dieu,  fut 
ruiné  comme  lui  ;  on  trouve  dès  cette  époque 
dans  le  Nécrologe  de  nombreuses  donations 
pour  l'œuvre  d'une,  puis  de  deux  tours.  Les 
auteurs  d'Un  manuscrit  cliartrain  du  XIe  siècle 
pensent  que  le  mur  de  façade  de  la  cathédrale 
fut  assez  sérieusement  endommagé  pour  qu'on 
l'ait  jeté  à  bas  et  reconstruit  peu  après  l'incendie. 
La  Translatio  n'en  dit  rien  et  semble  même  sous- 
entendre  le  contraire  en  affirmant  que  la  cathé- 
drale fut  préservée.  Nous  verrons  en  effet  que  c'est 
dix  ans  seulement  après  l'incendie,  et  pour  des 
raisons  d'un  autre  ordre,  que  la  façade  fut  recons- 
truite, lorsqu'on  agrandit  l'église  vers  l'Ouest 
jusqu'à  toucher  l'arrière  du  clocher  Nord  déjà  en 
place.  Puisque  l'on  peut  expliquer  autrement  que 
par  sa  destruction,  en  1 134,  sa  reconstruction  vers 
le  milieu  du  siècle,  évitons  d'aller  à  l'encontre 
du  texte  si  net  et  si  formel  de  la  Translatio. 

A  vrai  dire  ce  texte  est  muet  aussi  sur  la 
destruction  du  clocher  ;  mais  cela  se  comprend 
mieux  :  un  clocher  ne  fait  pas  partie  essentielle 
et  intégrante  de  l'église,  surtout  s'il  est  situé  à  la 
façade  et  hors  œuvre,  comme  c'était  très  proba- 
blement le  cas  ici  (4).  On  s'explique  dès  lors  que 

1.  V.  abbé  Clerval,  Translationes  S.  Aniani,  ap.  Anal. 
Bol/and.,  t.  VII,  p.  332,  lectio  Q". 

2.  Cartul.deN.-D.,  t.  III,  p.  58.  Lorsqu'en  1873  on  mit 
à  bas  les  restes  de  l'Hôtel-Dieu,  on  trouva  des  vestiges 
de  cette  reconstruction. 

3.  MM.  R.  Merlet  et  l'abbé  Clerval,  op. cit.,  supposent, 
peut-être  avec  raison,  que  le  clocher  figuré  dans  la  mi- 
ni.unie  du  ms.  de  Saint-Etienne,  au  Sud  de  la  façade  de 
l'église,  subsista  jusqu'au  XII"  siècle.  Mais  cela  n'est  rien 
moins  que  certain,  étant  donné  surtout  qu'un  incendie  en 
[030  avait  détruit  un  autre  clocher,  figuré  dans  la  minia- 
ture près  du  chevet.  Je  ne  m'en  occupe  donc  pas  ici. 

4.  Il  était  très  probablement  hors  œuvre  puisque  le 
clocher  Sud  de  la  façade  de  Fulbert  l'était,  et  que  le  clo- 
cher Neuf  actuel,  qui  remplaça  ce  clocher  Nord,  fut  non 
seuK  nient  hors  œuvre  mais  isolé.  Peut-être  même  était  il 
isolé  comme  lui. 


Mélanges. 


335 


tout  le  reste  du  monument,  c'est-à-dire  l'église 
proprement  dite,  étant  épargné,  l'auteur  ait  pu 
écrire,  malgré  la  ruine  partielle  ou  totale  du 
clocher,  bien  faible  dommage  auprès  de  la  des- 
truction complète  des  autres  églises  de  la  ville  : 
«...  ecclesia  aflammis  incumbentibus  liberata  est.  » 


AUSSITOT  après  l'incendie  de  1134,  on 
entreprend  la  construction  d'un  clocher  du 
côté  de  la  façade  vers  le  Nord  :  c'est  le  Clocher 
Neuf  actuel.-  C'est  à  lui  par  conséquent  qu'il  faut 
rapporter  les  donations  ad  opus  turris,  que  nous 
trouvons  pour  cette  époque  dans  le  Nécrologe  : 
donations  de  l'archidiacre  Gautier  (mort  entre 
1 134  et  1 138),  de  l'archidiacre  Ansgerius  (mort 
entre  11 39  et  1 142)  et  probablement  d'Arnoul 
Payen  de  Mongerville  (*).  On  élève  le  clocher 
isolé  en  avant  de  l'église  ;  peut-être  parce  que 
c'était  l'emplacement  delà  tour  qu'il  remplaçait  ; 
mais  l'hypothèse  n'est  pas  nécessaire.  Vers  le 
même  temps,  à  Vendôme,  on  en  construisait  un 
situé  de  même  ;  on  en  a  d'autres  exemples  à 
différentes  époques. 

A  coup  sûr,  en  l'élevant  à  cette  place,  on  n'en- 
tendait pas  se  ménager  la  possibilité  d'agrandir 
bientôt  l'église  vers  l'Ouest  en  avançant  jusqu'au 
clocher  sa  façade:  la  disposition  des  fenêtres  étu- 
diée plus  haut  le  prouve.  On  peut  croire  même 
qu'on  ne  projetait  pas  un  second  clocher  symétri- 
que :  cette  conception  de  deux  clochers  de  façade 
isolés  est  fort  peu  vraisemblable. On  se  contentait, 
comme  on  le  fit  à  Vendôme  et  ailleurs,  d'un  seul 
clocher  dressé  comme  un  donjon  devant  l'église 
au  centre  de  la  ville  épiscopale  qu'il  dominait, 
signe  sensible  de  la  puissance  spirituelle  et  tem- 
porelle de  l'évêque  et  du  chapitre. 

Voilà,  dans  la  reconstruction  du  milieu  du 
XIIe  siècle,  une  première   étape,  qu'il   faut   bien 

1.  Cartitl.  de  N.-D.,  t.  III,  p.  124,  131,  179.  Arnoul 
Payen  est  peu  connu:  il  n'était  pas  mort  en  11 24  et  figure 
dans  une  charte  de  St-Père  de  Chartres  antérieure  à  1 1 29; 
mais  vécut-il  longtemps  après  ?  —  La  plupart  des  dona- 
tions pour  les  clochers  n'ont  pu  jusqu'ici  être  datées 
exactement.  Tout  ce  qu'on  peut  affirmer,  c'est  qu'elles 
sont  postérieures  à  1030  et  antérieures  pour  la  plupait  à 
11S0,  comme  le  prouvent  les  diverses  rédactions  de 
l'obituaire.  Cf.  Un  ms.  chartrain  du  .VA'  siècle,  et  l'intro- 
duction du  Nécrologe  au  t.  III  du  Cartul.  de  N.-D.  de 
Chartres. 


distinguer  et  nettement  séparer  de  l'ensemble 
des  travaux  qui  vont  suivre.  Car  ce  projet  rela- 
tivement modeste  fut  bientôt  élargi  ou  plutôt 
complètement  modifié. 

(A  suivre.)  Maurice  LANORE. 


Uc  tombeau  De  saint  "Wenccslas  à  la 
catbcDralc  De  Brague. 

N  parcourant  dernièrement  un  ouvrage 
des  plus  rares,  dont  le  titre  ne  pour- 
rait guère  au  premier  abord  faire 
soupçonner  l'intérêt  artistique  et  reli- 
gieux, le  Phosp/ioriis  Septicornis  (x),  que  Pessina 
de  Czechorod  consacre  à  la  description  de  la 
cathédrale  de  Prague,  j'ai  lu,  dans  l'extrait  d'un 
inventaire  du  4  janvier  1387,  la  description  du 
tombeau  de  saint  Wenceslas,  d'une  richesse  si 
extraordinaire  qu'elle  semblait  dépasser  tout  ce 
qu'il  est  possible  de  rêver  de  plus  somptueux  et 
de  plus  magnifique. 

Bien  que  les  Bollandistes  l'aient  également 
reproduite  dans  leurs  Acta  SS.  (2)  à  la  Vie  de 
saint  Wenceslas,  duc  de  Bohême,  comme  l'in- 
ventaire même,  publié  par  Bock  (3)  n'en  fait  pas 
mention,  il  peut  donc  être  regardé,  si  non  comme 
inédit,  du  moins  comme  très  peu  connu. 

C'est  par  conséquent  une  contribution  presque 
nouvelle  à  l'histoire  du  moyen  âge,  dans  une  de 
ses  branches  que  les  hommes  et  le  temps  ont  le 
moins  épargnée,  et  j'ai  cru  qu'il  était  utile  pour 
nos  études  archéologiques,  de  le  rééditer  à  nou- 
veau aujourd'hui. 

F.   DE   MÉLY. 

Ultimo  res  postulat,  etiam  aliqua  de  supellectili  sacra,  qua 
Ecclesia  Metropolitana  quondam  niirilïce  claruit,  et  quee  etiam 
ad  ipsius  veterem  gloriam  multum  facit,  paucis  deliberare.  Non 
puto  autem  quod  nielius  ac  convenientius  id  prosequi  poterimus, 
quam  si  consignalionem  ejus,  sive  ut  communiler  vocanius, 
inventarium  ciijuscumqiie  anni,  pro  ut  supra  cum  SS.  reliquiis 
fecimus,  legentibus  hic  exhibuerimus  perpendendum.  Et  quia 
raihi  in  prresens,  non  aliud,  quam  anni  1387,  per  Bohuslaum 
Decanum  factum,  pr.e  manibus  est,  illud  accipiamus. 

Sed  et  hoc,  dum  penitius  legendum  suscipio,  tam  vasium  ac 
copiosum  invenio,  ut  si  hic  totum  referri  deberet,  paginas  facile 

1.  Pessina  de  Czechorod  (T.  F.),  Pkosphorus  Septicornis,  Pragse, 
Arnolti  de  Dobroslavina,  1675,  in-40, 

2.  28  septembre,  t.  VII,  p.  805-808. 

3.  Mittkeilungen  <hr  A".  A*.  Central  Commission,  t.  IV  (1859), 
pp.  241-333' 


336 


3Ret>uc  tic  VQLxt  cbrcttrn. 


triginta  mihi  occuparet.  Quod  utique  institut!  hic  nostri  ratio- 
nem  longe  excederet  ;  et  credo  etiam,  quod  ab;que  lectoris  tœdio 
integrum  minime  percenseri  posset.  Ideoque,  unum  duntaxat  hic 
referemus,  ex  quo  reliquorum  magnitudinem  et  copiam,  splen- 
dorem  et  excellentiam,  ut  ex  linea  Apellis  fecit  Protogenes, 
cognoscamus.  Id  porro  erit  qu  îd  de  ornamentis  tumb.e  seu 
sepulchri  D.  Wenceslai  reperio  his  verbis  consignatum. 

TUMBA   S.   WENCESLAI. 

In  capite  Tumbae  in  parte  inferiori  sunt  duse  imagines  de 
gamau  :  videlicet  Imperatoris  et  Imperatricis.  In  capite  impe- 
ratoris  est  corona,  in  principio  sui  habens  crucem  auream  cum 
tribus  perlis  parvis  et  parvam  imaginem  crucifix!  :  in  principio 
ejusdem  coronas,  sup:r  caput,  una  crux  in  medio habens  sapphi- 
rum  et  in  marginibus  quatuor  parvos  rubinos  :  post  liane  crucem, 
in  eadem  corona.sequitur  alia  parva  crux  ad  modum  lilii,  habens 
très  perlas  et  parvum  pallasium  splendidum.  Post  hoc  in  medio 
sequitur  crux  habens  in  medio  unum  sapphirum  et  quatuor  parvos 
rubinos  in  lateribus  et  très  perlas  ;  desuper  tandem  sequitur 
parva  crux  ad  modum  lilii,  habens  très  perlas  et  in  medio  unum 
pallasium  :  demum  ad  occiput  corona;  est  iterum  una  crux, 
habens  in  m;dio  sapphirum  et  quatuor  rubinos  ad  quodlibet 
latus  et  très  perlas  parva-;.  In  circulo  coronœ  superiori  sunt  sex 
gemma?,  et  novem  perlae  magna;  ;  in  inferiori  et  in  auriculari 
dependenti  ad  aures  sunt  octo  gemma?  et  octodecim  péris, 
dure  et  dus  continue  junctre.  Item  in  corona  capitis  Imperatri- 
cis, est  una  parva  crux  aurea,  sive  crucifixus,  habens  très  perlas  ; 
et  alia  in  principio  corona?  habens  sapphirum  in  medio,  et  qua- 
tuor rubinos  ad  modum  adamanlis  :  et  alia  parva  crux  ad  molum 
lilii,  habens  in  medio  unum  pallasium  et  très  perlas.  Item  in 
medio  una  crux,  habens  unum  sapphirum,  et  quatuor  rubinos  et 
très  perlas  :  alia  ad  modum  lilii  habens  pallasium  et  très  perlas  : 
et  alia  crux  in  occipite,  habens  unum  sapphirum  in  medio,  et 
quatuor  rubinos  ad  latus  et  très  perlas.  lu  circulo  superiori 
corona;  sunt  sex  gemma;  et  novem  perla;  ;  in  circulo  vero  infe- 
riori sunt  quinque  gemma;  et  duodecim  magna;  perlre  dua;  et 
dure  simul  junct.e  ;  desuper  vero  imago  S.  Wenceslai,  habens  in 
manu  dextra  lanceam,  cum  vexillo  habente  aquilam,  in  sinistra 
vero  clippeum  cum  leone  de  perlis  facto. 

In  inferiori  parte  habet  coronam  continentem  tria  lilia  magna 
et  duo  parva  ;  in  primo  lilio  sub  manu  dextra  continetur  magnus 
pallasius  rubeus,  et  très  sapphiri  ad  latera,  et  in  summitate 
magna  perla,  et  ad  latus  secunda  :  in  parvo  lilio,  quod  post 
hoc  sequitur,  in  medio  parvus  rubinus,  et  quatuor  sapphiri  ad 
latera  et  una  perla  in  summitate;  in  magno  lilio,  in  medio 
corona:  magnus  rubinus,  quasi  granatus  et  quatuor  sapphiri  ad 
latera  et  très  parva;  perla;.  Item  in  parvo  lilio, sub  manu  sinistra, 
in  medio  unus  rubinus,  et  quatuor  sapphiri  ad  latera,  et  in  supe- 
riori parte  una  perla  :  in  magno  lilio,  sub  sinistra  manu,  unus 
pallasius  in  superiori  parte  fractus  et  très  sapphiri,  et  duse  perla: 
magna:  :  in  inferiori  circulo  ejusdem  corona;  sunt  novem  gem- 
ma: magna;  pretiosa?  et  viginti  perla;  magna-,  et  quatuor  parva; 
gemma;  intersertie.  Item  thoraces  integri  continentes  triginta 
unam  genimam  et  unum  monile  in  pectore,  in  medio  habens 
unum  sapphirum  et  in  circulo  sex  parvas  gemmas  et  sex  perlas  ; 
et  in  tibula  ad  dextram  partem  unum  pallasium,  in  medio  tria 
magnas  perlas  et  duos  smaragdos  :  in  lîbulaad  sinistram  partem 
unum  pallasium,  très  magnas  perlas  et  duos  smaragdos.  In  dia- 
demate  vero  imaginis  anle  faciem  très  sapphiri  magni  et  tria 
parva  lilia;    unum    habet  très  perlas,    secundum  1res  et  lertium 


très,  sed  majores  :  ex  alia  parte  in  diademate  duo  magni  sapphiri 
et  duo  parva  lilia,  quodlibet  habens  très  perlas. 

In  corona  S.  Wenceslai  in  lilio  ad  dextram  partem  très  sap- 
phiri, et  in  medio  unus  pallasius  :  in  parvo  lilio,  unus  pallasius 
parvus  et  una  perla  :  in  medio  lilio  magno,  unus  pallasius,  qua- 
tuor sapphiri  et  très  parva;  perla;  :  in  alio  parvo  lilio,  unus  palla- 
sius, et  una  perla  parva  :  in  lilio  magno  super  caput,  unus  palla- 
sius, 1res  sapphiri  et  dua:  perla;  magna;.  In  inferiori  parte 
corona;  sex  gemmre  et  octodecim  perla;  :  ad  dextram  partem 
unus  Angélus  super  vexillo,  in  circumferentia  nubis  sex  habens 
gemmas,  et  septem  perlas,  diadema  et  alas  sine  defectibus  :  ad 
sinistram  partem  al  ius  Angélus,  in  circumferentia  nubis  sex  habens 
lapides  et  quinque  perlas,  diadema  et  alas  sine  defectibus.  Item 
sub  manu  Christi  est  magnus  thopasius  :  in  manu  Christi  dure 
prétexta:  manicarum;  in  superiori  prétexta  sunt  viginti  gemm.-e, 
in  inferiori  prretexta  habet  parvas  gemmas  sine  defectu  :  in  digilo 
medio  est  annulus  habens  in  se  adamantem  bene  magnum.  Item 
monile  sub  manu  habet  octo  smaragdos  et  alias  gemmas  cum 
perlis  sine  defectu  :  supra  manum  in  summitate  est  unus  annulus 
habens  in  se  sapphirum  magnum  :  in  annulo  est  unus  magnus 
smaragdus  in  summitate  sepulchri  et  ultra  smaragdum,  est  unum 
pretiosum  monile,  habens  caput  humanum  in  medio  et  in  circum- 
ferentiis  octo  lapides  pretiosos.  Per  rigam  inferiorem  ad  dextram 
partem  sub  monili  descendendo,  sunt  triginta  très  gemma:  et 
in  secunda  linea  supra  illam,  sunt  septem  monilia  cum  octo 
gemmis.  In  tertio  monili  in  eadem  riga  ascendendo  déficit  una 
perla  :  in  tertia  riga  supra  illam  sunt  triginta  quinque  gemma;  et 
sexta  déficit  leclulo  rémanente.  Item  sub  superiori  monili  ad 
sinistram  partem  in  riga  inferiori,  sunt  triginta  dure  gemma;  et 
déficit  una  lectulo  rémanente  :  in  alia  linea  supra  istam,  sunt 
septem  monilia  et  septem  gemma;.  In  superiori  monili  illius 
rigee  déficit  lectulus  unus  cum  perlis:  et  in  quarto  monili  descen- 
dendo déficit  una  perla  :  in  superiori  riga  sunt  triginta  quatuor 
gemmre,  déficit  una  lectulo  rémanente  et  secunda  cum  lectulo. 
Item  ad  dextram  partem  allerius  manus  Christi,  sunt  duodecim 
monilia  et  très  gamau  cum  imaginibus,  et  quatuor  gemma;.  Sub 
annulo  ad  dextram  partem,  monilia  parva  sunt  quadraginta  octo, 
in  monili  circa  manum  Angeli,  déficit  parvus  lapillus  cum  lec- 
tulo :  in  monili  sub  nube  Angeli,  deficiunt  quatuor  parva;  perla;  ; 
in  monili  superiori  sub  ala  Angeli,  déficit  una  perla  et  sub  eo  in 
tertio  monili  déficit  unus  lapillus;  ibidem  in  monili  supra  gamau 
cum  imaginibus  déficit  una  perla;  ibidem  infra  gamau  déficit 
una  perla.  Sunt  autem  gemma:  prretiosre  sub  Angelo  ad  latus 
dextrum,  exceptis  monilibus,  trigenta  una  et  monile  magnum 
continens  in  se  Gamau  magnum  cum  facie  virili,  habens  in  cir- 
cuitu  octo  gemmas  et  viginti  très  perlas,  et  déficit  una  perla. 

Item  sub  gemmis  in  eadem  parte  in  pede  Tumbae,  sunt  octo 
cruces;  in  prima  déficit  gemma  superior,  leclulo  rémanente, 
habens  in  superiori  parte  très  perlas,  et  quatuor  gemmas  et  in 
pede  très  parvas  perlas,  déficit  quarta.  Alise  omnes  cruces  ha- 
bent  per  quinque  gemmas  et  in  parte  superiori  per  très  perlas 
magnas  et  circa  pedem  per  quatuor  perlas.  Item  ad  latus  sini- 
strum  sub  manu  Christi  sunt  parva  monilia  quinquaginta  tria  et 
unum  magnum  cum  gamau,  et  reliquum  circa  caput  Angeli  de 
gemmis  magnum  :  in  monili  sub  manu  Christi  deficiunt  duo 
parvi  lapides  :  et  a  latere  clypei  in  secundo  et  tertio  monili  defi- 
ciunt duo  lapidi,  alia  sunt  plena.  Gemmae  in  eodem  latere  ultra 
monilia  sunt  novem  decim  et  in  pede  sepulchri  ejusdem  lateris 
sunt  quinque  parva:  Cruces,  qurelibet  habens  quinque  gemmas 
et  très  perlas,  in  superiori  parte,  excepta  cruce  pênes  imaginem 
Imperatoris,  qure  caret  tribus  perlis.  Item   in   latere,  in  tabula, 


Mélanges. 


337 


ciim  imagine  S.  Tauli,  in  diademate  sunt  qninque  gemmas,  et 
déficit  una  et  sunt  quatuor  perlas  magnas;  ad  lattis  clextrum  ima- 
ginis  sunt  septem  gemmas  et  ad  sinistrum  similiter  septem  gem- 
œ;  ad  latus  dextrum  sunt  très  perlas  et  ad  sinistrum  similiter 
très  perla?,  et  sub  imagine  S.  Tauli  sunt  duodecim  gemmas  et 
viginli  una  perlas;  sub  imagine  S.  Pauli  in  alia  tabula  est  imago 
S.  Viti  habens  in  diademate  quinque  gemmas  et  quatuor  magnas 
perlas;  ad  latns  vero  dextrum  imaginis  novem  gemmas  et  ad 
sinistrum  similiter  novem.  Item  sub  hac  imagine,  in  tabula infe- 
riori  est  passio  S.  Viti,  ad  latus  dextrum  habens  quinque  gemmas 
et  ad  sinistrum  quinque.  Item  in  tabula  superiori  est  imago 
S.  Pétri  habens  in  diademate  undecim  gemmas  et  quatuor 
magnas  perlas  :  ad  latus  dextrum,  habet  undecim  gemmas,  ad 
sinistrum  undecim;  et  ad  latus  dextrum  très  perlas,  ad  sinistrum 
très  similiter  perlas  :  Sub  diademate  sunt  duodecim  gemmas  et 
oclodecim  perla?.  Item  sub  hac  imagine  est  imago  S.  Adalberti 
in  diademate  habens  gemmam  et  in  humerali  duas,  in  pectore 
déficit  una,  lectulo  rémanente.  Ad  latus  dextrum  sunt  septem 
gemmas  et  ad  sinistrum  similiter  septem  :  ad  dextrum  sunt  tria 
parva  monilia  et  ad  sinistrum  similiter  tria.  Item  in  tabula  infe- 
riori,  sub  hac  imagine  est  passio  S.  Adalberti  et  habet  parva  sex 
monilia. 

Ilem  tertia  tabula  in  parte  superiori  habet  imaginem  Majes- 
tatis  et  quatuor  Evangelistas  :  in  circuitu  imaginis,  sunt  octo 
decim  gemmas  et  septem  decim  perlas;  in  maiginibus  tabulas, 
sunt  quinqunginta  très  gemmas:  sub  hac  est  imago  S.  Wences- 
lai,  in  diademate  habens  très  gemmas  et  quatuor  maximas  per- 
las; in  pectore  habet  très  gemmas,  ad  latus  dextrum  quatuor 
gemmas  et  ad  sinistrum  similiter  quatuor.  Sub  hac  tabula,  in 
tabula  inferiori  est  passio  S.  Wenceslai  habens  octo  gemmas. 
Item  quarta  tabula  superior  habet  imaginem  B.  Virginis,  in  dia- 
demate sunt  septem  gemmas  et  quatuor  decim  perlas,  in  pectore 
B.  Virginis  una  gemma.  Item  sub  imagine  B.  Virginis,  ad  latus 
dextrum  est  cristallum  habens  de  capillis  B.  Virginis,  ad  latus 
vero  sinistrum  déficit  cristallum.  Sub  hac  imagine  est  tabula 
continens  crucem  auream  et  unum  Angelum  ad  dextrum  latus- et 
alium  ad  sinistrum  ;  in  parte  superiori  crux  continet  tredecim 
gemmas  et  quatuor  decim  perlas.  Sub  hac  imagine,  tabula  infe- 
rior  nullam  imaginem  habet,  continet  quatuor  gemmas  (in  qua 
tabula  prius  pendebat  Prassepe  Domini)  et  unum  lectulum  inter 
quatuor  gemmas  superioiis  crucis. 

Item,  quinta  tabula  in  parte  superiori  habens  plenaiium 
S.  Marci  ;  in  superiori  parte  est  imago  S.  Marci  sine  defectibus, 
habens  quatuor  gamau,duo  in  superiori  parte  et  duo  ab  inferiori  : 
Subtus  monde  pretiosum  est,  quod  ab  una  parte  imaginem  Impe- 
ratoris  et  a  secunda  episcopi  habet,  unam  gemmam  in  medio  et 
sex  in  circumferentiis,  perlas  septem  decim  déficit  décima  octava. 
Sub  hac  est  tabula,  in  qua  est  imago  S.  Ludmillas,  in  diademate 
continet  novem  gemmas  et  octo  perlas;  ad  latus  dextrum  habet 
quinque  gemmas  et  ad  sinistrum  sex  et  in  pectore  parvum  monile. 
Sub  hac  est  parva  tabula  continens  passionem  S.  Ludmillas  et 
quatuor  gemmas.  Item  ultima  tabula  est  trium  evangelistarum, 
habens  octo  monilia,  diademata,  et  alas  sine  defectibus.  Sub  hac 
est  tabula  quinque  Fratrum  imago  formalis,  in  diademate  habet 
septem  gemmas,  et  duodecim  parvas  perlas;  ad  latus  dextrum 
quatuor  gemmas,  ad  sinistrum  très.  Secunda  imago  habet  in  dia- 
demate septem  gemmas  et  undecim  parvas  perlas,  in  medio  inter 
tertiam  imaginem,  très  gemmas.  Tertia  imago  habet  quinque 
magnas  gemmas  in  diademate  et  ad  dextram  partem  duas  parvas 
gemmas  et  in  medio  perlam  ;  ad  sinistram  similiter  duas  gemmas 
et  in  medio  perlam  ;  inler  tertiam  et  quartam  imaginem  sunt  très 
gemmas.  Quarta  imago  habet  in  diademate  septem  gemmas  et 
octo  decim  parvas  perlas;  inter  quartam  e*  quintam  imaginem 
sunt  très  gemmas.  Quinta  imago  in  diademate  habet  septem  gem- 
mas et  novem  perlas,  deficiunt  novem  :  et  ad  latus  sinistrum  ha- 


bet très  gemmas.  In  inferiori  tabula  est  passio  dictorum  quinque 
Fratrum  et  habet  decem  parva  monilia.  Item  super  imaginem 
S.  Pauli  pendet  cor  aureum  et  in  fine  tabulas,  circa  cor  sunt  très 
gemmas. 

Post  hase  sequitur  unum  magnum  monile,  includens  in  se 
aliud  parvum,  in  cujus  medio  est  sapphirus  magnus  :  in  majoii 
circulo  monilis  sunt  sex  pnrva  monilia,  quod  libet  continens  gem- 
mam et  sex  alia,  quod  libet  continens  magnam  perlam  cum  par- 
vis gemmis,  post  hase  sequitur  lapis  admodum  cristalli.  Item 
supra  imaginem  S.  Pétri  est  secundum  monile,  habens  in  se  sap- 
phirum  splendidum,  habens  in  majori  circulo  sex  gemmas  et  sex 
perlas,  in  minori  similiter  sex  gemmas  e{  sex  perlas  :  post  hase 
sequitur  parvum  monile  in  medio  habens  sapphirum  parvum  et 
in  circumferentia  novem  gemmas.  Item  supra  imaginem  Maje- 
statis  est  magnum  monile  sapphirum  habens  in  medio,  gamau  et 
sex  gemmas  majores  in  circumferentiis;  tandem  sequitur  unum 
parvum  monile  habens  gemmam.  Item  supra  imaginem  B.  Vir- 
ginis est  monile  habens  sapphirum  et  in  circumferentiis  octo 
gemmas  mixtas  perlis  :  post  hoc  sequitur  parvum  monile  ad  mo- 
dum  stellas,  habens  rubeam  gemmam.  Tandem  inter  tabulant 
B.  Virginis  et  tabulant  S.  Marci  est  aliud  monile  habens  etiam 
sapphirum  in  medio,  et  in  circumferentiis  parvas  gemmas  rubeas  : 
tandem  parvum  monile  habens  smaragdum.  Post  hase  supra 
tabulant]  S.  Marci,  est  unum  monile  habens  in  medio  sapphirum 
et  in  circumferentiis  sex  gemmas  mixtas  cum  parvis  perlis  :  tan- 
dem unum  gamau,  quod  habet  caput  hominis.  Item  supra  imagi- 
nem S.  Lucas  est  aliud  monile  habens  in  medio  sapphirum  et  in 
circumferentiis  quatuor  gemmas  et  quatuor  perlas;  est  etiam  quas- 
dam  gemma  per  se.  Item  supra  imaginem  S.  Matthasi  est  aliud 
monile,  in  medio  habens  smelcz,  et  in  circumferentiis  parvas  gem- 
mas :  et  quasdam  gemma  ad  modum  cristalli  inter  imaginem 
S.  Matthasi  et  S.  Joannis.  Supra  imaginem  S.  Joannis  est  parvum 
monile  et  cor  aureum  pendens  et  duas  gemmas  circa  cor.  Item 
in  pede  inferioris  coopertorii  sunt  quinquaginta  quinque  di versas 
gemmas,  pro  majori  parte  gamau,  et  una  parva  crux  aurea.  In 
coopertorio  ab  inferiori  parte,  sunt  imagines  Dominorum  cum 
armis  eorum,  P.  Arnesti  Archi.  Ep.  D.  Alberti  de  Sternberg, 
episcopi  Luthomislensis  et  D.  Joannis  Comitis  de  Luczemburg 
Episcopi  Argentinensis  et  sex  imagines  DD.  Secularium  cum 
armis  eorum.  Superius  coopertorium  habet  laminas  auieas  et  in 
eis  expressa  sunt  arma  Baronum,  Militum  etc.  Regni  Bohemias. 

(Pessina,  Phosphorus,  p.  715-722.) 


Kicrrc  sépulcrale  De  l'église  oe  ffîainçj. 

ANS  l'église  de  Maing  ('_),  près  de 
Valenciennes,  se  trouve  une  pierre 
funéraire  du  XIVe  siècle,  que  sa  dispo- 
sition particulière  a,  depuis  longtemps, 
fait  remarquer.  Signalé  dès  1843  (2),  ce  curieux 
monument  ne  devrait  plus,  semble-t-il,  être 
l'objet  d'une  nouvelle  description  après  les  quel- 
ques  lignes,  qu'à   deux  reprises  Mgr  Dehaisnes 

1.  Maing,  canton  Sud  de  l'arrondissement  de  Valen- 
ciennes (Nord). 

2.  Bulletin  de  la  Commission  historique  du  département 
du  Nord,  tome  Ier,  p.  164. 

Cf.    même    Bulletin,  tome    VIII,     p.    113.  Statistique 
archéologique  du  département  du  Nord. 


338 


3Rcbue  lie  P8vt  chrétien. 


lui  a  consacrées  (')  ;  mais,  cependant,  il  n'a  pas 
encore  été  reproduit,  ni  publié,  et  c'est  là  ce  qui 
permet  de  le  présenter  aux  lecteurs  de  la  Revue 
de  l'Art  chrétien. 

C'est  une  lame  de  <(  pierre  bleue  »,  large  de  i  m. 
70  c,  haute  de  o  m.  45  c.  Elle  conserve  le  souve- 
nir de  cinq  membres  d'une  même  famille  :  père, 
mère,  fille,  fils,  belle-fille,  dont  les  effigies  sont 
représentées,  non  en  pied  comme  de  coutume, 
mais  en  buste  :  cinq  bustes  (2)  largement  dessi- 
nés sont  encadrés  par  cinq  arcatures  entourées 
elles-mêmes  d'une  inscription  relative  à  chacun 
des  défunts.  Les  écoinçons  entre  les  arcatures 
sont  ornés  de  rosaces  et  autres  remplages  d'un 
dessin  très  varié.  Sur  la  partie  inférieure  de  la 
pierre  s'étend,  d'une  extrémité  à  l'autre,  une 
longue  inscription  de  deux  lignes  réglant  une 
fondation  en  faveur  des  pauvres. 

Voici  ces  six  inscriptions  : 

Chi  '  devant  -  gist  '  Jehans  ■  Bruniaus  ■  con  ■ 
dist  •  Rikiers  ■  Ici  '  trespassa  ■  l'an  •  M  '  CCC  •  LV  ■ 
ou  '  mois  •  d'Aoust  ■  priies  ■  pour  ■  s'ame. 

Chi  •  gist  '  demizielle  "  Climence  ■  de  :  Bouzies  ' 
se  '  femme  '  Ici  '  trespassa  '  l'an  '  M  '  CCC  "  LVI  ' 
ou  •  mois  •  de  '  Feverier  ■  priies  ■  pour  •  s'ame. 

Chi  •  devant  '  gist  -  demizielle  ■  Magne  ■  fille  ■ 
Jehan  "  Bruniel  "  ki  '  trespassa  "  l'an   '  M  "  CCC. 

Chi  •  gist  •  Jehans  ■  Bruniaus  ■  fils  '  Jehan  "  Bru- 
niel '  con  '  dist  •  Rikiers  ■  ki  '  trespassa  -  l'an  ' 
M  ■  CCC. 

Chi  -  gist  -  demizielle  ■  Marie  '  de  •  Vienne  ■ 
femme  '  Jehan  ■  Bruniel  '  ki  ■  trespassa  ■  l'an  ' 
M -CCC. 

Sacent  "  tout  ■  con  ■  doit  ■  donner  ■  pour  ■  les  ■ 
armes  ■  de  ■  Brunel  '  et  É  de  ■  demizielle  ■  Climence  ■ 
Se  •  femme  •  et  •  de  •  leur  ■  anciseurs  ■  tous  ■  les  • 
mois  •  de  '  l'an  •  a  ■  tous  'Jours  •  II  ■  witeus  '  de  ' 
pain  •  quit  •  a  •  VIII  d  •  pries  ■  dou  ■  mille....  || 
a  '  tous  •  les  '  paures  •  de  -  le  •  ville  ■  ki  ■  sont  ■  au 
moustier  ■  le  '  jour  ■  con  '  fait  ■  le  •  siervice  ■  et  ■ 
est  •  ces  •  blés  ■  bien  '  asenes  ■  sur  ■  XI il  '  men- 
caus  ■  de  ■  tierre  •  si  ■  qu'il  ■  a  [  ppert  ]  :  Y  [  ar  ]  ■  le  • 
tiestament  •  ki  '  est  ■  en  ■  le  ■  glize  ■  de  ■  FJontenelle]. 

1.  Notices  descriptives  sur  les  monuments  historiques 
conservés  tluns  le  départemetit  du  Nord,  Lille,  1-894, 
p.  36  ;  et  Le  Nord  monumental  et  artistique,  Lille,  1897, 
p.  183. 

Cf.  encore:  L.  Cloquet,  Exportation  de  sculptures 
tournaisiennes, dans  le  Compte  rendu  du  Contre \  arc/idô- 
logique  de  Tournai.  Tournai,  1896,  p.  647. 

2.  Et  non  quatre. 


Le  dernier  mot  de  cette  ligne  est  détruit,  sauf 
la  première  lettre  où  l'on  distingue  le  haut  d'une 
F  ;  on  peut  donc  proposer  de  lire  Fontenelle, 
nom  d'une  abbaye  de  cisterciennes  située  à  quel- 
ques centaines  de  mètres  de  l'église  de  Maing, 
sur  le  territoire  du  village  de  Trith.  La  lacune 
de  l'inscription  s'étend  sur  une  longueur  assez 
grande  pour  que  toutes  les  lettres  nécessaires  à 
la  composition  de  ce  mot  y  trouvent  place,  mais 
pas  davantage.  L'abbaye  possédait  encore  en 
1788,  époque  de  la  rédaction  d'un  état  des  dîmes 
de  Maing  ('),  une  terre  de  la  contenance  de  treize 
mencaudées,  superficie  beaucoup  plus  vaste  que 
celle  des  autres  champs  du  village,  lesquels  ne 
dépassaient  plus  alors  cinq  ou  six  mencaudées  ; 
on  peut  voir  dans  cette  plus  grande  étendue 
l'indice  d'une  donation  déjà  ancienne,  faite  dans 
un  temps  où  la  terre  était  moins  divisée.  Toute- 
fois les  archives,  peu  importantes,  de  Fontenelle, 
aujourd'hui  déposées  à  Lille,  ne  renferment  pas  le 
testament  annoncé  par  l'inscription,  et  le  silence 
d'un  petit  obituaire  de  la  fin  du  XVIIe  siècle, 
appartenant  encore  à  l'église  de  Maing,  prouve 
que  dès  lors  la  fondation  n'y  était  plus  exécutée. 
Est-ce  à  dire  que  cette  pierre  ait  été  rapportée 
d'une  autre  église,  de  celle  de  Fontenelle?  Cela 
n'est  nullement  probable,  mais  en  tout  cas  elle 
n'est  plus  à  sa  place  primitive  :  encastrée  dans 
un  mur  de  bas-côté  en  briques  et  pierres,  et 
point  antérieur  au  XVIIe  siècle  (2),  elle  est  à 
o  m.  50  c,  seulement  au-dessus  du  pavement, 
derrière  un  banc  qui  la  rend  à  peu  près  invisible, 
mais  la  protège  contre  de  nouvelles  détériora- 
tions. Jusqu'à  présent,  sa  conservation  est  parfaite; 
les  courtes  lacunes  de  l'inscription  sont  le  fait 
de  pesées  pratiquées  autrefois  pour  la  desceller. 

Si  l'origine  du  monument  est  incertaine,  la 
famille  pour  laquelle  il  fut  exécuté  n'est  guère 
mieux  connue.  Aucun  épitaphier  de  Hainaut  ou 

1.  Bibliothèque  de  Valenciennes,  ms.  572,  fol.  122: 
<i  Cartulaire  de  la  dime  de  Maing  fait  et  dressé  en  vertu 
des  lettres  de  continuation  de  terrier  de  l'archevêché  de 
Cambrai.  » 

2.  L'église  de  Maing  est  de  différentes  époques.  La  nef  se 
compose  de  gros  piliers  rectangulaires  surmontés  simple- 
ment d'un  chanfrein  et  d'un  bandeau  et  supportant  des 
arcs  brisés.  Elle  est  couverte  d'un  plafond  ;  il  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  jamais  eu  de  voûte.  La  façade,  également 
très  simple,  est  en  grès;  Ces  deux  morceaux  peuvent 
remontei  à  la  fin  du  XIIe  siècle. 


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Mélanges. 


339 


de  Valenciennes  ne  fait  mention  de  la  sépulture 
des  Bruniel  ;  l'histoire  de  l'abbaye  de  Fonte- 
nelle  (')  ne  parle  d'eux  pas  plus  que  les  volumi- 
neux recueils  de  généalogies  locales  dressées  par 
M.  De  Sars  de  Solmon,  pour  le  XIVme  siècle  du 
moins.  Jean  Bruniel  devait  être  bourgeois  de 
Valenciennes,  mais  point  des  premières  familles. 
Clémence  de  Bouzies,  sa  femme,  ne  figure  pas 
dans  les  généalogies  de  la  maison  noble  de  ce 
nom.  S'il  y  a  bien  un  Jean  Li  Bruns  échevin  en 
1304,011  ne  voit  pas  de  Bruniel  dans  les  listes  du 
Magistrat  (2)  pendant  tout  le  XIVe  siècle.En  1390 
seulement,  un  Jean  Bruniel  est  «  XIII  hommes  », 
et  ce  n'est  qu'en  1482  que,  après  avoir  été  mas- 
sart  (receveur  de  la  ville),  Pierre  Bruneau  devint 
prévôt  de  Valenciennes.  Mort  de  peur  (3)  à 
l'arrivée  de  commissaires  envoyés  de  Malines 
par  l'archiduc  Philippe  le  Beau  pour  réformer 
certains  abus  de  l'administration  valenciennoise, 
il  fut  enterré  dans  l'église  des  Frères  Mineurs, 
dite  depuis  des  Récollets  :  «  en  entrant  au  reves- 
tiaire à  la  main  senestre  y  a  trois  personnages  de 
blanche  pierre  en  habit  de  cordelier,  un  homme 
et  deux  femmes  (4)  »  —  Marguerite  de  St-Ghis- 
lain  et  Péronne  Le  Bonne,  femmes  du  prévôt. 
Son  fils,  anobli  par  Charles  V  le  6  juin  1548, 
obtint  confirmation  des  armes  paternelles  — 
d'azur  à  trois  roses  d'or  —  avec  adjonction  d'une 
demi-aigle  en  chef  (5). 

Le  tombeau  de  Pierre  Bruneau  a  disparu  avec 
toutes  les  autres  sépultures  si  célèbres  de  l'église 
des  Récollets  :  aussi  regrettable  eût  été  la  dispa- 
rition de  la  pierre  commémorative  des  Bruniel  à 
Maing.  Dans  ses  dimensions  restreintes  en  effet, 
ce  monument  est,  comme  le  dit  Mgr  Dehaisnes, 
«  très  remarquable  au  point  de  vue  artistique  »  ; 
les  dessins  et  inscriptions  ont  été  tracées  «  par 
une  main  très  habile  et  très  sûre  d'elle-même  »  ; 
l'exécution  du  travail   offre  certaines  particula- 

1.  Ms.  de  la  Bibl.  de  Cambrai  «  Mémoires  pour  l'his- 
toire de  l'abbaye  de  Fontenelle  recueillis  par  D.  Gilles 
Lolivier  et  U.Augustin  Dourdier,  religieux  de  Cambron  î>. 

2.  Bibl.  de  Valenciennes,  ms.  549-559.  Magistrats  de  la 
ville. 

3.  Mémoires  historiques  sur  P  arrondissement  de  Valen- 
ciennes publiés  par  la  Société  d'agriculture,  sciences  et 
arts,  Tome  III,  p.  64. 

4.  Bibl.  de  Valenciennes.  Ms.  762,  fol.  63  v°,  Epitaphes 
de  l'église  des  Frères  Mineurs. 

5.  Ibid.  Recueil  De  Sars,  tome  Ier,  fol  33. 


rites  :  les  traits  des  visages  (comme  les  encadre- 
ments et  les  caractères  des  inscriptions)  se 
détachent  en  saillie  «  et  ont  pris  une  teinte  noire 
à  cause  du  polissage,  tandis  que  le  fond  de  la 
figure  et  le  col,  un  peu  creusés  parle  marteau  du 
piqueur  de  grès,  ont  conservé  la  nuance  gris- 
bleuâtre  de  la  pierre.  »  Ces  fonds  rugueux  et 
pleins  d'aspérités  étaient  peut-être  destinés  à 
recevoir  un  enduit  dont  il  ne  reste  plus  de  traces. 
Aujourd'hui  encore  le  petit  monument  frappe 
par  son  aspect  peu  ordinaire.  Rarement  on  voit 
autant  d'effigies  sur  une  même  pierre;  cependant, 
à  l'église  de  Fouju  (Seine  et  Marne)  la  dalle  des 
cinq  enfants  d'Henri  Briart  (')  représente  le  fils 
aîné  sous  un  édicule  gothique  auquel  servent  de 
base  quatre  arcatures  contenant  les  imagts  des 
quatre  autres  frères  et  sœurs  ;  mais  les  ci- 
personnages  sont  dessinés  en  pied:  une  dispe 
sition  tout  à  fait  analogue  à  celle  qui  fut  adoptée 
à  Maing  se  rencontre  à  l'époque  romaine,  où 
souvent  on  sculptait  en  bas-relief  et  alignés 
dans  des  niches  carrées,  séparées  par  de  très 
étroits  trumeaux,  les  bustes  un  peu  monotones 
de  toute  une  famille  :  il  en  reste  encore  d'assez 
nombreux  exemples  à  Rome,  entre  autres  sur  la 
voie  Appienne  et  au  Musée  de  Latran.  L'artiste 
tournaisien  qui  grava  la  pierre  funéraire  de  la 
famille  Bruniel  avait-il  fait  le  voyage  de  Rome  ? 
y  avait-il  vu  quelque  sculpture  de  ce  genre  dont 
il  se  serait  inspiré  ? 

L.  S. 

Ha  Catbcûrale  et  Ha  Forêt  (2). 

ANS  cette  curieuse  brochure  notre  col- 
laborateur développe  d'une  manière 
attachante  et  séduisante  un  véritable 
'J  paradoxe.  Il  reprend  à  son  compte  la 
jolie  boutade  de  Chateaubriand  ou  la  doctrine 
de  Warburton,  qui  fait  dériver  l'architecture  go- 
thique de  l'imitation  des  forêts  de  la  Gaule  (3). 

1.  Guilliermy,  Inscriptions  de  la  France,  tome  V, 
p.  72. 

2.  La  Cathédrale  et  la  Forêt,  par  Em.  Lambin,  bro- 
chure. Paris,  Lechevalier,i899.  (Extrait  du  Bull,  de  la  Soc. 
archéol.  de  Sois  sons.) 

3.  La  même  opinion  avait  déjà  été  énoncée  par  Raphaël 
(v.  J.  Helbig,  Revue  de  P Art  chrétien,  —  ainsi  que  M.  J. 
Helbig  le  rappelait  naguère  ici). 


REVUE   DE   L  ART   CHRETIEN. 
189g.    —   4me    LIVRAISON. 


34o 


3fÀctntc  De  P&rt  cbrétten. 


Notre  ami  fait  ressortir  des  ressemblances  qui 
sont  dans  la  nature  même  des  choses;  il  invoque 
des  particularités  curieuses,  comme  les  nervures 
de  l'Etang-la-Ville  qui  s'épanouissent  en  fron- 
daisons, comme  celles  de  la  Tour  de  Jean-sans- 
Peur  taillées  en  troncs  d'arbre. 

Il  observe  justement  que  dans  la  sculpture  ro- 
mane les  billettes  ne  sont  que  des  bois  coupés, 
Jes  chevrons,  des  bois  brisés,  que  les  dents  de  scie 
et  les  têtes  de  clous  sont  des  motifs  empruntés  tout 
droit  à  la  charpenterie,  et  que  l'on  rencontre  dans 
certains  décors  jusqu'aux  piles  de  bois  copiées 
sur  les  chantiers  de  charbonniers.  Il  faut  en  con- 
clure une  seule  chose, selon  nous  :c'est  que  les  con- 
structeurs romans  et  gothiques,  en  vrais  Aryens, 
avaient  le  génie  de  la  charpenterie.  Ils  en  ont  ap- 
pliqué à  la  construction  en  pierre  non  seulement 
les  thèmes  décoratifs,  mais  encore  les  principes 
constructifs.  C'est  ce  que  feu  Courajod  a  abon- 
damment démontré,  en  insistant  surtout  sur  le 
rôle  de  Vétai  dans  la  construction  romane,  et 
M.  Benouville,  dans  une  belle  page  que  nous 
avons  reproduite,  a  prouvé  que  les  voûtes  hardies 
et  presque  téméraires  de  Beauvais  sont  conçues 
comme  de  la  charpenterie  en  pierre;  et,  pour  en 
revenir  au  roman,  feu  Ruprich  Robert  n'a-t-il  pas 
prouvé  que  le  chapiteau  sphérico-cubique  ou 
rhénan  dérive  directement  des  constructions  en 
bois  de  la  Scandinavie? 

Nous  renchérissons  donc  sur  les  arguments  de 
M.  Lambin,  s'il  s'agit  d'établir  une  affinité  entre  la 
maçonnerie  romano-gothique  et  la  technique 
de  la  charpenterie,  mais  il  y  a  loin  de  là  à  pré- 
tendre, que  les  formes  si  logiques  de  la  structure 
ogivale  visent  à  l'imitation  matérielle  de  la  forêt. 

Il  est  bien  inexact  de  dire,  qu'en  élançant  leurs 
nefs  les  constructeurs  gothiques  ont  voulu  repro- 
duire la  fière  envolée  des  hautes  futaies.  Viollet- 
le-Duc  a  démontré  quelque  part,  d'une  façon  ma- 
thématique, que  leur  cauchemar  a  été  la  difficulté 
de  réaliser  la  combinaison  des  voûtes  sans  exalter 
démesurément  la  hauteur  des  nefs,  et  que  tous 
leurs  efforts  ont  tendu  à  diminuer  celle-ci.  De  ces 
efforts  mêmes  est  née  la  voûte  barlongue. 

Mais  que  les  cathédrales  possèdent  par  la  force 
des  choses  la  fraîcheur,  l'ampleur,  l'obscurité  re- 
lative de  la  forêt,  c'est  ce  qu'on  peut  considérer 
comme  une  poétique  ressemblance.  Au  surplus, on 


ne  peut  nier  que  le  décor  des  bois  ait  largement 
déteint  sur  leur  sculpture  et  nul  n'a  su  le  montrer 
comme  M.  Lambin,  qui  a  écrit  là-dessus  des 
pages  remarquables  que  nous  avons  signalées. 
Nos  lecteurs  nous  sauront  gré  d'en  reproduire 
encore  une,  qui  résume  le  tableau  de  la  flore 
chartraine. 

A  cette  architecture  nationale,  qui  s'élevait  grandiose 
et  fantastique  dans  les  brumes  de  l'Occident,  il  fallait  une 
ornementation  de  même  origine,  c'est-à-dire  prise  dans 
la  flore  indigène.  Rivalisant  de  génie  avec  les  construc- 
teurs, nos  sculpteurs  eurent  alors  la  pensée  d'aller  cher- 
cher sur  les  bords  des  cours  d'eau,  dans  nos  champs,  dans 
nos  prés  et  dans  nos  bois  les  modèles  de  leurs  composi- 
tions.L'acanthe  romane.souvenir  de  l'antiquité, disparut, et 
fit  place  à  l'arum,  au  nénuphar,  au  plantain,  à  la  fougère, 
à  la  vigne.  Puis  vinrent  le  trèfle,  la  renoncule,  la  chélidoine, 
l'ancolie,  le  chêne,  le  figuier,  le  lierre  et  le  rosier.  Ce  fut  le 
fond  de  la  flore  gothique.  A  ces  plantes  s'ajoutèrent  encore 
d'autres  feuilles  que  l'on  peut  appeler  feuilles  isolées, 
parce  qu'elles  sont  plus  rares  que  les  premières,  et  dissé- 
minées çà  et  là  dans  les  édifices.  Ce  sont  :  la  benoîte,  la 
grande-berce,  la  bryone,  la  quinte-feuille,  le  pas-d'âne,  la 
lampsane,  l'argentine,  la  mauve,  le  liseron,  l'églantier,  le 
géranium  des  champs,  l'hellébore  noir,  le  hêtre,  l'aulne, 
l'érable,  le  peuplier-tremble,  le  poirier  et  d'autres  encore 
que  de  nouvelles  recherches  pourront  faire  découvrir. 
Enfin  parurent  l'armoise,  le  houx,  le  houblon,  le  chardon, 
le  chou  frisé  ou  la  chicorée  et  les  algues  marines.  Les 
magnifiques  floraisons  de  feuillage,  que  les  artistes  gothi- 
ques jetèrent  sur  les  piliers  des  nefs,  sur  les  colonnettes 
des  galeries,  autour  des  clefs  de  voûte,  sans  parler  de 
celles  qui  formèrent  les  rinceaux  des  voussures  des  portes 
et  les  frises  des  façades,  furent  l'indispensable  complément 
de  la  nouvelle  architecture  et  achevèrent  de  lui  donner 
son  caractère  de  haute  et  sombre  futaie. 

La  cathédrale  de  Chartres  présente  à  cet  égard  une 
particularité  remarquable.  On  sait  qu'au  temps  de  César, 
le  pays  chartrain,  pays  des  Carnutes,  était  considéré 
comme  le  centre  de  la  Gaule.  Là  se  tenaient  les  assemblées 
annuelles  des  Druides, là  se  rendaient  tous  ceux  qui  avaient 
des  différends,  pour  les  soumettre  à  leur  jugement,  et  at- 
tendre leurs  arrêts  (').  Cette  région,  alors  couverte  de 
forêts,  était  sombre  et  sévère  ;  cet  aspect  elle  l'a  encore 
gardé  de  nos  jours,  et  Notre-Dame  de  Chartres  en  a  reçu 
dès  son  origine,  une  teinte  ineffaçable.  On  dirait  que  les 
hommes  qui  ont  élevé  cet  édifice,  qui  en  ont  sculpté  les 
chapiteaux,  se  souvenaient  de  la  vieille  Gaule,  et  que,  en 
souvenir  du  passé,  ils  aient  voulu  mettre  beaucoup  de 
chêne,  l'arbre  préféré  des  aïeux,  dans  leur  cathédrale. 

Il  y  a  effectivement,  à  Chartres,  de  nombreux  chapiteaux 
composés  uniquement  de  chêne,  et  plusieurs  donnent  ce 
chêne  interprété  d'une  façon  que  l'on  ne  retrouve  pas  ail- 

i.  César,  De  Bello  gallico,  VI,  13. 


£0élangc0. 


341 


leurs,  car  la  feuille  forme  la  croix  symbolisant  en  quelque 
sorte  la  Gaule  païenne  devenue  chrétienne.  Les  Carnutes 
des  XIIeet  XIIIe  siècles  avaient  pu  oublier  leurs  origines, 
mais  il  reste  dans  les  masses,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  des  instincts  de  race  auxquels  elles  obéissent 
sans  s'en  douter  et  qui  se  manifestent  parfois  en  des  œu- 
vres surprenantes.  De  plus,  une  tradition  légendaire, 
connue  de  tous,  nous  dit  que  les  Druides  avaient  eu  le 
pressentiment  de  la  venue  du  Christ, environ  cent  ans  avant 


sa  naissance;  et  que,  sous  l'empire  de  cette  révélation  in- 
térieure, ils  avaient  élevé  dans  une  grotte  cachée  au  fond 
de  leur  forêt  une  statue  en  bois  à  la  Vierge  qui  devait  en- 
fanter :  Virgini pariturœ.  Eh  bien  !  c'est  sur  cette  gtotte 
que  fut  construite  par  les  chrétiens  la  première  église  de 
Chartres  et  que  se  dresse  aujourd'hui  la  grande  cathé- 
drale, les  descendants  des  Celtes  paraissant  avoir  associé 
dans  leur  esprit  l'ancien  culte  au  nouveau. 

L.  Cloouet. 


Portail  de  la  cathédrale  de  Chartres. 


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San  Gimignano.  ~^^^=w~ 


ANS  son  n°du  25  juin  1899,  Y  Illustra- 
tion italienne  a  publié  un  intéressant 
article  de  M.  Bruno  Franchi,  sur  San 
Gimignano.  La  vieille  ville  toscane 
vient  de  célébrer  l'anniversaire  six  fois  séculaire 
de  l'ambassade  envoyée  de  Florence,  pour  es- 
sayer de  détacher  de  la  ligue  Guelfe  San  Gimi- 
gnano et  le  pays  de  l'Eisa.  L'ambassadeur,  un 
homme  de  34  ans,  se  nommait  Dante  Alighieri, 
et  le  7  mai  1299,  il  fut  reçu  dans  la  grande  salle 
du  palais  ancien  du  podestat,  aujourd'hui  palais 
communal.  Une  plaque  inaugurée  le  7  mai  1899 
rappelle  qu'en  ce  lieu  «  a  retenti  la  parole  magna- 
nime de  Dante  Alighieri  ».  Un  autre  grand  sou- 
venir est  aussi  inscrit  sur  cette  plaque  comme- 
morative,  celui  du  plus  grand  des  enfants  de 
San  Gimignano,  saint  Bartolo  ;  né  au  XIIe  siècle, 
il  appartenait  à  l'illustre  famille  des  Buompedoni, 
comtes  de  Mucchio,  et  se  voua  au  soulagement 
des  lépreux.  Au  XVe,  on  lui  éleva  dans  l'église 
Saint-Augustin  une  chapelle  magnifique,  dont 
l'autel  fut  sculpté  en  1494  par  Benedetto  da 
Majano,  et  dont  un  artiste  né  à  San  Gimi- 
gnano, Sébastien  Mainardi,  élève  de  Ghirlan- 
dajo,  peignit  à  fresque  les  murailles.  Récemment 
on  y  a  placé  une  grille  en  fer  forgé,  beau  travail 
exécuté  par  un  artiste  du  pays,  M.  Olinto  Cec- 
carelli,  sur  le  dessin  de  M.  Luigi  del  Moro. 

San  Gimignano,  une  sorte  de  Pompeï,  mais  un 
Pompeï  vivant,  est  une  des  villes  de  Toscane  où 
revit  le  plus  intact  le  moyen  âge  toscan,  «  et 
sans  aucune  odeur  de  musée  »,  nous  dit  M.  Fran- 
chi. Ah!  comme  il  a  raison  !  Les  musées  sont  un 
mal  nécessaire,  mais  enfin  il  est  permis  de  con- 
cevoir pour  eux  quelque  chose  de  l'aversion  qu'ils 
inspiraient  à  Lamartine.  On  connaît  au  moins 
par  les  gravures  et  les  photographies  ce  formi- 
dable profil  de  ville  tout  hérissé  de  tours  déme- 
surément hautes,  hors  d'échelle  avec  les  demeures 
serrées  à  leur  pied,  carrées,  nues  comme  des  che- 
minées d'usines  modernes,  semblables  à  une 
futaie  de  menhirs  dressés  par  une  race  de  géants 


disparus.  Ces  tours,  restes  et  témoins  d'une 
époque  où  dans  l'enceinte  d'une  même  ville, 
chaque  maison  était  l'ennemie  de  sa  voisine, 
sont  du  XI  IIe  siècle  et  aussi  1'  «  insigne  »  collé- 
giale, l'église  Saint-Augustin,  les  deux  palais  du 
podestat,  d'autres  palais  privés  et  de  simples 
logis  de  bourgeois  et  d'artisans. 

M.  Franchi  en  u  m  ère  les  artistes  qui  ont  peint 
et  sculpté  dans  la  cathédrale  :  Bartolo  di  Maestro 
Fredi,  Siennois,  1356  ;  Giovanni  Ciecchi,  1379; 
Taddeo  Bartoli,  Siennois,  1 392  ;  Benozzo  Goz- 
zoli,  Florentin,  1465  ;  Gaetano  Cannici,  Piero 
del  Pollajuolo,  1483;  Matteo  Rosselli,  1700; 
Domenico  da  Pasignano,  Antonio  da  Colle  et 
autres  moindres;  au  XIVe  siècle,  Barna  de 
Sienne  se  tua  en  tombant  d'un  échafaudage  d'où 
il  peignait  des  scènes  du  Nouveau  Testament. 

Le  Sodoma  a  peint  le  dessus  de  la  porte  ex- 
térieure au  palais  ancien  du  podestat  ;  dans  le 
nouveau  l'on  voit  nombre  de  peintures,  fresques 
ou  tableaux,  de  Lippo  Meinmi,  de  Filippo  Lippi, 
du  Pinturicchio,  de  Guido  de  Sienne  et  autres 
artistes  de  l'école  siennoise.  Le  chœur  de  Saint- 
Augustin  montre  des  fresques  qui  comptent 
parmi  les  chefs-d'œuvre  de  Benozzo  Gozzoli.  On 
y  voit  représentée  en  dix-sept  tableaux  la  vie  de 
saint  Augustin  ;  il  en  existe  des  reproductions 
excellentes  en  chromolithographie  dans  les 
publications  de  la  Société  d'Arundel,  qui  a  le 
très  bon  esprit  de  s'en  tenir  aux  œuvres  de  cette 
famille  ou  des  écoles  septentrionales, sans  aborder 
la  reproduction,  impossible  par  les  procédés  mé- 
caniques, des  peintures  romaines,  florentines  ou 
vénitiennes  du  XVIe  siècle. 

Mais  la  merveille  de  San  Gimignano,  c'est  la 
chapelle  de  sainte  Fina,  la  protectrice  du  pays, 
avec  l'histoire  de  la  sainte,  représentée  par  le 
Ghirlandajo  dans  une  série  de  fresques  admi- 
rables. Benedetto  da  Majano  a  sculpté  l'autel 
majeur  où  le  marbre  est  fouillé  avec  une  légèreté, 
une  souplesse  inouïes;  des  figures  d'anges  ornent 
ce  «  divin  »  morceau,  comme  le  qualifie  M.  Fran- 
chi. Aux  angles  de  la  corniche,  Sébastien  Mai- 
nardi a  peint  six  saints  et  six  prophètes  ;  d'autres 
artistes  moindres  ont   concouru  à  la  décoration 


CoiTCSponDance. 


343 


de  cette  chapelle  élevée,  noble  et  élégante,  sur 
quatre  piliers  corinthiens,  d'après  les  plans  de 
Julien  de  Majano. 

Autour  de  la  colline  qui  porte  San  Gimignano, 
d'autres  pentes  forment  un  amphithéâtre  fertile, 
semé  de  villas  et  de  châteaux  perdus  dans  la 
verdure  ;  dans  la  vallée  serpente,  capricieuse,  la 
Eisa  ignorant  qu'elle  a  eu  l'honneur  d'être  nom- 
mée par  le  Dante. 

Plusieurs  gravures  photographiques  accompa- 
gnent l'article  de  M.  Franchi  :  une  vue  générale 
de  San  Gimignano  ;  le  principal  groupe  des  tours 
seigneuriales  ;  les  fenêtres  du  palais  Pratellessi  ; 
un  fragment  des  fresques  de  Gozzoli  montrant 
une  riche  architecture  à  rinceaux  et  une  figure 
d'évêque  tenant  dans  ses  deux  mains  le  relief 
très  reconnaissable  de  la  ville  ;  une  des  anciennes 
portes  ;  le  palais  ancien  du  podestat  ;  enfin  une 
admirable  composition  de  Ghirlandajo,  les  funé- 
railles de  sainte  Fina.  Elle  est  étendue  nimbée 
sur  un  lit  funèbre,  au-devant  d'une  abside  demi 
circulaire  à  pilastres  corinthiens,  laissant  voir 
latéralement  les  hautaines  perspectives  de  la 
ville  féodale.  Une  assistance  nombreuse  de  clercs 
et  de  laïcs  entoure  le  lit  funèbre  ;  à  gauche,  à  la 
tête  de  la  jeune  expirée,  un  groupe  de  chanteurs 
et  un  évêque  lisant  dans  un  livre  ;  au  centre  de 
la  scène,  derrière  le  lit,  une  femme,  la  tète  inclinée 
sous  une  ample  capeline  blanche,  pose  les  deux 
mains  sur  le  corps,  dont  un  enfant  de  chœur 
baise  les  pieds  nus.  Cette  scène  est  d'une  paix, 
d'une  majesté  simple  que  l'on  ne  peut  qu'admirer; 
les  têtes,  fort  expressives  et  belles,  présentent 
un  caractère  personnel  qui  les  élève  à  la  dignité 
de  portrait.  En  définitive  nous  avons  là  un 
des  thèmes  les  plus  familiers  à  l'art  italien  du 
XVe  siècle,  la  mort  d'un  saint  personnage  en- 
touré d'assistants  recueillis  ;  ainsi  depuis  des 
siècles,  le  groupe  de  la  Vierge  et  du  divin  Enfant 
demeure  toujours  nouveau  et  exerce  sans  les 
épuiser  jamais  le  talent,  le  génie  et  la  foi  des 
artistes  chrétiens. 

Une  observation  pour  finir.  Ainsi,  dans  cette 
ville  italienne  de  quatrième  ordre  abondent  les 
œuvres  d'art  du  premier,  et  non  seulement  les 
révolutions  de  la  politique  et  de  la  mode  les  ont 
respectées,  mais  encore  on  sait  leur  histoire  et  à 
chaque  pierre,  à  chaque  pan  de  muraille  est  at- 


taché un  nom  historique.  Eh  bien,  je  ne  puis 
m'empêcher  d'admirer,  d'envier  même  cette  cons- 
cience qu'a  eue  de  tout  temps  le  peuple  italien 
de  sa  dignité  artistique.  Pourquoi  n'en  est-il  pas 
ainsi  dans  nos  pays  du  Nord,  où  presque  toutes 
les  œuvres  du  même  temps  sont  muettes,  où  tant 
d'artistes,  des  peintres  surtout  —  les  sculpteurs 
sortent  peu  à  peu  des  ténèbres  —  sont  connus 
par  leurs  œuvres,  presqu'aucun  par  son  nom  ? 
Notre  art,  admirable  d'ailleurs,  et  qui  peut  sou- 
tenir la  comparaison  avec  n'importe  quel  autre, 
est  anonyme  ;  regrettons-le  mais  n'accusons  pas 

nos   artistes  ;   ce    furent  des   humbles  de  cœur. 

Heureux,  par  leur  labeur  ignoré,  d'avoir  fait 
œuvre  de  talent  et  de  foi,  ils  n'ont  pas  cherché 
par  surcroît  la  gloire  hurraine  pour  récompense 

Henri  CHABEUF. 


.Hngletcrre. 


i|A  pose  de  la   première  pierre  des  nouvelles 
constructions  du  Musée  de  South  Kensing- 
ton,  par  S.  M.  la  Reine  Victoria,  a  eu  lieu  le 
17    mai,   avec    beaucoup   d'éclat,     sous    une 
grande  marquise  érigée  pour  cette  solennité. 


On  vient  de  découvrir  une  vierge  du  XIVe  siècle,  à 
l'église  de  Llantwit  Major,  sur  un  escalier  muré  condui- 
sant à  un  appartement  au-dessus  du  portail.  L'escalier 
était  condamné  depuis  deux  ou  trois  siècles. 


Un  grand  vitrail,  donné  par  le  baron  de  Ferrières,  a 
été  placé  dernièrement  dans  la  chapelle  N.-D.,  à  la 
cathédrale  de  Gloucester.  Au  centre  tst  représentée 
l'Incarnation,  avec  des  anges  et  l'archange  Gabriel  dans 
les  divisions  supérieures.  A  la  3e  rangée  sont  les  saints  et 
saintes  britanniques  :  Patrice,  Bède,  Hélène,  Bridget  et 
David.  Les  divisions  inférieures  contiennent  des  repré- 
sentations des  scènes  de  leur  vie.  Trois  autres  vitraux 
sont  attendus. 


Des  protestations  sans  nombre  contre  la  décoration  du 
dôme  de  la  cathédrale  St-Paul,  à  Londres,  ont  mis  fin 
aux  essais  entrepris  récemment  pour  trouver  un  mode  de 
décor  artistique  pour  l'embellissement  de  ce  lugubre 
intérieur. 


344 


3&cbuc  t>c  U&xt  chrétien. 


Les  restaurations  à  la  cathédrale  de  Norwich,  qui,  en 
tout,  ont  duré  neuf  années,  et  ont  coûté  £  S,ooo,  viennent 
de  s'achever;  la  nef  a  été  réouverte  au  service  religieux, 
ces  jours  derniers.  Pendant  toutes  ces  neuf  années,  on 
n'a  pas  eu  à  regretter  un  seul  accident. 


La  Société  archéologique  de  Hampshire  a  proposé  la 
réparation  de  la  porte  de  ville  de  Southampton,  dite 
Westgate,  sous  la  direction  de  M.  Percy  Stone  (qui  a 
dirigé  les  travaux  au  château  de  Carisbrooke,  et  les 
fouilles  au  site  de  l'abbaye  de  Quarr,  lez-Ryde  (Ile  de 
Wight),  et  formeront  un  musée.  Cette  initiative,  soumise 
à  la  Commission  locale  des  travaux  publics,  fait  honneur 
à  la  Société. 


Les  Restaurations. 

L'abbaye  de  Hexham  (dont  la  nef  sera  reconstruite  en 
style  du  XVe  siècle,  avec  les  anciennes  stalles  etc.,  repla- 
cées au  chœur  et  dans  les  chapelles),  ainsi  que  celle  de 
Paisley  (Ecosse)  (au  coût  de  ^40,000);  cette  dernière 
restauration,  pour  laquelle  la  plus  grande  partie  de  la 
somme  est  garantie,  sera  effectuée  en  trois  sections  : 
d'abord  les  transepts  et  les  quatre  grands  arcs  de  la  tour 


centrale;  puis  la  reconstruction  du  chœur, —  dont  les 
fondations  et  la  partie  inférieure  des  murs  sont  intacts; 
et  finalement,  l'achèvement  de  la  tour,  sur  laquelle  on 
posera  un  toit  en  bâtière,  semblable  à  celui  de  Uun- 
drennan,  et  d'autres  abbayes  écossaises  ;  —  l'abbaye  de 
Romsey  (Hampshire);  York  (au  coût  de  £  50,000  sous 
la  direction  de  M.  Iîodley)  ;  l'abbaye  de  Malmesbury, 
et  l'abbaye  de  Croyland  (Lines),  dont  on  doit  démolir 
une  partie  de  la  nef  pour  la  reconstruire  d'aplomb  ; 
l'église  de  Thiving,  York  (dans  laquelle  se  trouve  le 
monument  ancien  d'un  prêtre  revêtu  de  ses  vêtements 
sacerdotaux  ;  —  l'arc  du  chœur  est  normand,  comme  aussi 
le  portail  sud  et  les  fonts  baptismaux):  l'église  de  Ran- 
uorth,  du  XVe  siècle  (le  Christ  en  croix  placé  au-dessus 
de  la  clôture  du  chœur  de  cette  église  est  le  plus  beau 
qui  existe  chez  nous);  l'église  d'Inglesham  (Wilts),  — 
(vieille  de  700  ans,  et  qui  n'a  pas  été  «  touchée  »  depuis 
le  XVIe  siècle);  la  tour,  du  XIIIe  siècle,  de  Strood  (qui 
aura  un  crénelage,  après  restauration);  et  les  tours  et 
la  flèche  de  Steeple  Gidding,  lez-Peterborough  (dont  les 
frais  sont  garantis  par  M.  Heathcote)  ;  et  l'importante 
église  de  Knowle  (\Yarwickshire). 


John  A.  Randolph. 


Londres,  ce  14  juin  1S99. 


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Société  des  Antiquaires  de  France.  — 
Séance  du  7  juin  1899.  —  M.  de  Villefosse  pré- 
sente une  très  remarquable  lampe  en  bronze  de 
l'époque  chrétienne  découverte  à  Bénévent.  Cette 
lampe,  de  forme  élégante,  éveille  l'idée  d'une  na- 
celle dont  la  haute  poupe  serait  formée  par  le 
cou  et  la  tête  d'un  griffon.  Le  monstre  tient  un 
fruit  rond  dans  son  bec  ;  la  tête  est  surmontée  de 
la  croix  monogrammatique.  Ce  monument  peut 
remonter  à  la  fin  du  IVe  ou  au  commencement 
du  Ve  siècle  de  notre  ère. 

M.  Toutain  fait  une  communication  relative  à 
un  texte  d'Hérodote,  relatif  à  quelques  peuplades 
de  l'Afrique  qui,  raconte-t-il,  se  teignaient  le 
corps  en  rouge.  Une  récente  découverte  de 
M.  Mowat,  à  Maheda,  entre  Sousse  et  S  fax,  a 
prouvé  que  les  anciens  habitants  du  pays  tei- 
gnaient en  vermillon  les  ossements  de  leurs  morts. 
La  concordance  entre  la  coutume  rapportée  par 
Hérodote  et  l'usage  funéraire  ainsi  révélé,  donne 
une  grande  valeur  à  l'observation  de  l'historien 
grec. 

M.  le  baron  de  Baye  signale  la  récente  décou- 
verte d'ossements  humains  teints  en  rouge  trou- 
vés dans  deux  dolmens  fouillés  au  Caucase  ;  cet 
usage  funéraire  avait  été  observé  dans  des  tom- 
beaux de  l'Ukraine. 

Séance  du  16  juin.  —  M.  Leite  de  Vascon- 
celles  fait  une  communication  sur  deux  monu- 
ments trouvés  en  Portugal.  L'une  est  une 
mosaïque  romaine  représentant  Orphée,  prove- 
nant des  environs  de  Luria;  l'autre,  une  inscrip- 
tion latine. 

Au  nom  de  M. de  Villefosse.M.  l'abbé  Thédenat 
présente  le  dessin  d'une  colonne  découverte  à 
Montagnac  (Hérault),  aujourd'hui  déposée  au 
Musée  de  Béziers  et  portant  une  nouvelle  in- 
scription gauloise  en  caractères  grecs. 

M.  l'abbé  Thédenat  fait  ensuite  une  commu- 
nication sur  les  fouilles  récemment  faites  au 
Forum  romain  sous  le  pavé  noir  où  l'on  avait  cru 
découvrir  le  tombeau  de  Romulus.  Les  objets 
trouvés  rendent  cette  attribution  peu  vraisem- 
blable, il  y  avait  là  un  locus  sacer  remontant  à  la 
plus  haute  antiquité,  mais  dont  la  destination 
est  inconnue. 

Séance  du  28 juin.  —  M.  Cagnat  entretient  la 
Société  d'une  inscription  sur  bronze  qui  lui  a  été 
communiquée  de  Beyrouth  par  le  P.  Ronzevalle. 
C'est  une  lettre  adressée  aux  raviculaires  d'Arles 
par  un  personnage  auquel  ils  avaient  présenté 
leurs  doléances.  Il  y  est  question  des  mesures  à 


prendre  pour  assurer  l'intégrité  de  la  livraison  du 
blé  fourni  par  la  Gaule  narbDiinaise  à  la  ville  de 
Rome. 

M.  Mowat,  cherchant  à  expliquer  la  présence 
d'un  fragment  de  damier  derrière  la  figure 
d'Orphée  dans  la  mosaïque  de  Luria,  commu- 
niqué dans  la  dernière  séance  par  M.  Leite  de 
Vasconcelles,  la  rapproche  d'une  plaque  d'argent 
publiée  par  Caylus  et  portant  une  figure  de  Cu- 
pidon  sur  un  fond  décoréen  damier.  M.  Molinier 
fait  remarquer  que  le  fragment  de  damier  de  la 
mosaïque  paraissait  être  un  objet  mal  représenté 
plutôt  qu'un  décor  continu. 

M.  Blanchet  lit  un  travail  de  notre  collabo- 
rateur M.  de  Mély  sur  les  deniers  de  Judas. 

Séance  du  19  juillet.  —  M.  Bruston,  associé 
correspondant,  entretient  la  Société  de  la  mé- 
daille du  Christ  à  inscription  hébraïque  dont  il 
a  été  plusieurs  fois  parlé  depuis  quelque  temps 
et  dont  il  est  encore  question  plus  bas.  D'après 
lui,  cette  inscription  aurait  une  double  significa- 
tion, chrétienne  ou  juive,  suivant  le  sens  où  on  la 
lirait. 

MM.  Samuel  Berger  et  Babelon  croient  qu'il 
est  difficile  de  voir  dans  cette  inscription  autre 
chose  qu'une  inscription  chrétienne. 

M.  Gauchler,  associé  correspondant,  détermine 
l'usage  d'un  objet  publié  récemment  dans  le 
catalogue  du  Musée  de  Carthage.  C'est  une  tuile 
couvre-joint  jouant  le  rôle  de   fausse   gargouille. 

M.  Saglio  entretient  la  Société  de  divers  objets 
antiques  en  forme  de  pommes  trouées  munies 
d'un  manche  creux  et  qui  paraissent  être  des 
arrosoirs. 

M.  Babelon  annonce  que  les  fils  de  Beulé  ont 
fait  don  au  Cabinet  des  médailles  de  deux  vases 
provenant  de  la  collection  de  leur  père,  dont  l'un 
est  bien  connu  sous  le  nom  de  vase  de  Bérénice. 


A  ces  comptes  rendus  actuels  et  sommaires, 
nous  croyons  utile  d'ajouter  quelques  notes  ré- 
trospectives plus  détaillées,  que  nous  extrayons 
du  Bulletin  des  Antiquaires  récemment  paru. 

Séance  du  23  novembre  1898  : 

M.  H.  Omont,  membre  résidant,  communique  à  la  So- 
ciété le  texte  de  diverses  lettres  de  Peiresc  adressées  au 
grand  amateur  anglais  sir  Robert  Cotton  et  à  l'historien 
Guillaume  Camden.  Ces  lettres,  aujourd'hui  conservées 
au  Musée  britannique,  écrites  par  Peiresc  de  161 7  à 
1622,  contiennent  de  nombreux  détails  relatifs  au  prêt  qui 
lui  avait  été  fait  par  Cotton  de  son  célèbre  manuscrit  grec 


346 


&cbue  be  V&rt  chrétien. 


de  la  Genèse.  Le  manuscrit  avait  été  utilisé  à  Paris  pour 
l'édition  de  la  version  des  Septante  que  préparait  le 
P.  Fronton  du  Duc.  Les  nombreuses  miniatures  dont  il 
était  orné  firent  l'admiration  de  Peiresc,  qui  eut  le  des- 
sein, non  seulement  de  les  faire  reproduire  en  couleurs 
pour  sa  satisfaction  personnelle,  mais  encore  de  les  faire 
graver  toutes  en  taille  douce  et  de  les  publier  en  un  petit 
volume  séparé.  Ainsi,  c'est  à  Peiresc  que  revient  l'honneur 
d'avoir,  le  premier,  entrevu,  dès  le  déout  du  XVH"  siècle, 
l'intérêt  et  l'utilité  de  la  reproduction  des  peintures  des 
anciens  manuscrits. 

On  lui  doit  en  effet  la  reproduction  et  la  conservation 
totale  ou  partielle  djs  peintures  du  fameux  Calendrier  Con- 
stantinien,  l'un  des  joyaux  de  sa  propre  bibliothèque  et 
dont  on  déplore  aujourd'hui  la  perle;  du  célèbre  livre 
d'Heures  de  Jeanne  1 1,  reine  de  Navare,  qu'on  a  long- 
temps cru  perdu  et  qui,  après  avoir  figuré  dans  les  collec- 
tions du  comte  d'Ashburnham,  est  aujourd'hui  lune  des 
perles  du  cabinet  d'un  riche  aimteur  anglais,  M.  Yates 
Thompson  ;  enfin,  de  ce  manuscrit  de  la  Genèse,  qui 
devait  être  en  grande  partie  détruit  par  le  feu  en  1 73 r, 
dans  l'incendie  de  la  bibliothèque  de  Cotton.  Si  Peiresc 
avait  mis  entièrement  son  projet  à  exécution,  il  nous  aurait 
ainsi  conservé  un  ensemble  de  250  miniatures  remontant 
au  Ve  ou  au  VIe  siècle  et  qui  devaient  former  l'une  des 
plus  merveilleuses  illustrations  de  la  Bible. 

Séance  du  ij.  décembre  : 

M.  M.  Prou,  membre  résidant,  communique  à  la  Société 
la  reproduction  de  fragments  d'étoffes  anciennes,  ré- 
cemment découverts  par  M.  l'abbé  Chartraire  dans  le 
trésor  de  la  cathédrale  de  Sens.  Sur  ces  fragments  d'é- 
toffe de  soie  on  voit  figuré  un  épisode  de  la  vie  de  Joseph, 
avec  des  légendes  en  lettres  onciales  grecques. 

M.  G.  Schlumberger,  membre  résidant,  insiste  sur  l'in- 
térêt de  cette  découverte  ;  deux  seuls  monuments  de  ce 
genre,  et  d'une  époque  beaucoup  plus  tardive,  étaient 
jusqu'ici  connus.  D'après  les  sceaux,  il  serait  porté  aussi  à 
attribuer  au  VI  Ie  ou  au  VII l' siècle  la  date  de  ces  fragments, 
si  l'on  en  peut  juger  par  le  caractère  des  légendes. 

Séance  du  21  décembre. —  Le  comte  de  Loisne, 
associé  correspondant  national,  signale  à  la  So- 
ciété les  fouilles  récemment  entreprises  à  Thé- 
rouanne  sur  l'emplacement  de  la  cathédrale  : 

«  On  sait  qu'après  s'être  emparé  de  la  capitale  de  la 
Morinie,  en  1553,  Charles-Quint  ordonna  sa  destruction 
de  fond  en  comble  et  que  des  champs  cultivés  occupent 
son  ancien  emplacement.  Le  village  actuel,  qui  a  pris  le 
nom  de  l'ancienne  Thérouanne,  a  été  construit  en  dehors 
de  l'enceinte  fortifiée,  à  la  place  de  l'ancien  faubourg  du 
Saint-Esprit,  qui  formait  paroisse  sous  le  nom  de  Saint- 
Martin-outre-eau  (oultre  l'eawe). 

<  De  nombreux  objets  des  époques  romaine,  gallo- 
romaine,  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  ont,  dans 
le  courant  de  ce  siècle,  été  trouvés  dans  la  commune.  On 
fondait  surtout  des  espérances  sur  des  fouilles  opérées 
méthodiquement  à  l'endroit  marqué  sur  le  plan  cadastral 
comme  étant  celui  où  s'élevait  la  cathédrale.  Jusqu'à  ces 
derniers  temps,  les  démarches  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  la  Morinie  auprès  du  propriétaire  du  terrain, 
M.  de  Bayenghem,  étaient  demeurées  sans  succès.  Celui- 
ci  paraissait  avoir  scrupule  de  troubler  dans  leur  dernier 
sommeil  les  pieux  évêques,  dont  l'un,  Jean  de  Warneton, 
fut  canonisé,  les  hauts  personnages  de  l'ordre  ecclésias- 
tique et  civil  qui  furent  inhumés  sous  les  dalles  de  Notre- 
Dame. 

"  M.  de  Bayenghem  finit  toutefois  par  se  laisser  con- 
vaincre. Des  travaux  de  déblaiement  furent  entrepris  par 


ses  soins  au  mois  d'avril  dernier.  Comme  il  était  impos- 
sible, à  l'aide  des  plans  ou  de  la  configuration  du  sol,  de 
se  guider  exactement  pour  l'ouverture  des  tranchées,  on 
commença  par  pratiquer  des  sondages,  en  ayant  soin 
de  planter  un  jalon  chaque  fois  que  l'on  rencontrait  la 
maçonnerie.  C'est  ainsi  que  furent  découvertes  les  fonda- 
tions, dont  le  quart,  environ,  a  actuellement  été  mis  au 
jour. 

«  Ces  fondations,  qui  étaient  recouvertes  de  1  m.  50 
environ  de  matériaux  de  démolition,  ont  7  mètres  de  pro- 
fondeur et  sont  épaisses  de  3  à  4  mètres.  La  pierre  blanche 
du  pays  paraît  avoir  été  seule  employée.  Voici  quelles 
ont  été  les  découvertes,  qui,  il  faut  l'avouer,  ont  peu  ré- 
pondu jusqu'à  présent  à  l'attente  des  archéologues  : 

«  Quatre  chapelles  ont  été  déblayées,  et  l'on  y  a  mis  au 
jour  cinq  sépultures,  dont  trois  en  forme  de  fours  à  voûte 
en  plein  cintre  pratiqués  dans  les  murs.  Les  squelettes 
avaient  tous  la  tête  séparée  du  tronc,ce  qui  prête  à  diverses 
hypothèses  sur  l'identité  et  le  genre  de  mort  des  défunts. 
Dans  une  de  ces  sépultures  se  trouvaient  des  débris  d'or- 
nements sacerdotaux  ;  dans  une  autre  une  écharpe  de 
commandement  en  soie,  à  franges  d'or. 

«  A  cela  il  faut  ajouter  d'intéressantes  sculptures  poly- 
chromées  à  dorures  encore  très  vives,  des  débris  de  frises, 
de  chapiteaux,  de  colonnettes,  de  vitraux  de  toute  couleur. 
Mais  rien  de  l'ancien  dallage  et  des  nombreuses  pierres 
tombales  de  l'ancienne  cathédrale.  Tout  parait  avoir  dis- 
paru dans  le  sac  du  monument  et  dans  des  pillages  pos- 
térieurs ! 

«  M.  de  Bayenghem  se  propose,  si  le  temps  le  permet, 
de  recommencer  ses  fouilles  le  1"  mars  et  de  poursuivre 
notamment  la  recherche  de  la  crypte.  Il  base  sa  conviction 
de  l'existence  de  celle-ci  sur  ce  fait  que  la  sonde,  à  dis- 
tance égale  des  murs  1  itéraux,  signale  une  voûte,  à  2  m.  50 
de  profondeur  ;  or,  une  voûte  à  ce  niveau  semble  supposer 
l'existence  d'une  crypte  qu'elle  recouvre. 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  —  Séance  du  7  avril  i8çç.  —  M.  Ph. 
Berger  fait  connaître  les  dernières  découvertes  du 
P.  Delattre  à  Carthage. 

M.  L.  Doux  communique  une  note  concernant 
l'itinéraire  de  Jérôme  Maurand,  prêtre  d'Antibes. 
Cet  itinéraire,  rédigé  en  italien  et  accompagné 
de  croquis  à  la  plume,  est  l'œuvre  d'un  modeste 
érudit  provençal  qui  suivit  en  qualité  d'aumônier 
le  capitaine  Polin,  ambassadeur  de  François  Ier 
en  Turquie,  lorsqu'il  alla  reconduire  à  Constan- 
tinople  la  flotte  de  Soliman  II  venue  avec  Bar- 
berousse  au  secours  du  roi  de  France(i 543-1 544). 
La  première  partie  de  cette  relation  raconte  les 
déprédations  commises  par  Barberousse  sur  les 
côtes  italiennes.  La  seconde  contient  des  rensei- 
gnements sur  les  îles  grecques  et  une  description 
de  Constantinople.  La  publication  prochaine  de 
l'itinéraire  placera  Jérôme  Maurand,  déjà  connu 
comme  épigraphiste,  au  nombre  des  plus  intéres- 
sants auteurs  de  voyages  du  seizième  siècle. 

Séance  du  /./  avril.  —  M.  Muntz  annonce  à 
l'Académie  qu'ayant  été  chargé  par  les  exécu- 
teurs testamentaires  du  regretté  Charles  Yriarte 
de  trier  ses  papiers,  il   leur  a  proposé  d'en   attrt- 


CvatoatH*  Des  Sociétés  savantes. 


347 


buer  une  partie  à  la  Bibliothèque  de  l'École  des 
beaux-arts  et  l'autre  à  la  Bibliothèque  de  l'Insti- 
tut, ce  qui  a  été  fait.  Ces  papiers  sont  intéressants 
pour  l'histoire  du  XIVe  au  XVIIIe  siècle.  Outre 
les  recherches  de  Ch.  Yriarte  qui  avaient  porté 
principalement  sur  l'art,  ils  comprennent  de 
nombreuses  copies  exécutées  dans  les  archives 
de  Milan,  de  Venise,  de  Mantoue,  de  Parme,  de 
Bologne  et  de  Florence  par  l'heureux  chercheur 
Armand  Bischet,  qui  les  a  léguées  à  Yriarte.  On 
y  trouve  une  masse  de  documents  propres  à  élu- 
cider les  rapports  de  la  France  avec  l'Italie 
depuis  Louis  XI  jusqu'à  Louis  XV,  des  copies 
de  lettres  de  Lucrèce  Borgia,  de  François  Ier,  de 
Catherine  et  de  Marie  de  Médicis,  de  Christine 
de  Suède,  etc.  Les  savants  voués  à  l'étude  de  la 
Renaissance  apprécieront  particulièrement  la 
collection  des  documents  inédits  qui  ont  servi  de 
base  au  travail  de  Ch.  Yriarte  sur  la  marquise 
Isabelle  d'Esté.  Un  autre  dossier  renferme  la  sé- 
rie des  actes  notariés  relatifs  aux  artistes  véni- 
tiens des  quatorzième,  quinzième  et  seizième 
siècles. 

M.  G.  Foucart,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Bordeaux,  fait  une  lecture  sur  le  cha- 
pitre 148  du  livre  II  d'Hérodote.  Il  montre  qu'on 
peut  ajouter  foi  au  récit  de  l'historien  grec  pour 
les  faits  matériels  de  sa  visite  au  temple  d'Ammon 
de  Thèbes  et  de  l'existence  des  statues  de  grand- 
prêtre  dont  il  parle. 

M.  Héron  de  Villefosse  présente  des  photo- 
graphies d'une  jambe  de  taureau  en  bronze  dé- 
couverte au  bois  de  Teyssonge,  à  six  kilomètres 
au  Nord  de  Bourg.  Ces  photographies,  exécutées 
par  M.  Aimé  Hudellet,  sont  accompagnées  d'une 
note  de  M.  Joseph  Bûche,  professeur  au  lycée  de 
Bourg,  qui  explique  l'intérêt  de  cette  découverte 
et  la  rapproche  de  celle  de  Colligny.  On  sait  que 
les  taureaux  en  bronze  provenant  de  la  partie 
orientale  de  la  Gaule  sont  assez  nombreux  :  celui 
du  bois  de  Teyssonge  serait,  par  ses  dimensions, 
le  plus  important  de  tous.  La  Société  d'émulation 
a  résolu  d'entreprendre  des  fouilles  à  cet  endroit 
afin  d'y  rechercher  des  autres  fragments  de  cette 
belle  œuvre  de  bronze. 

M.  Maspero  présente  la  notice  que  M.  Virey, 
élève  de  M.  Chabas,  vient  de  publier  sur  la  vie 
de  son  maître  le  grand  égyptologue. 

Comité  de  travaux  historiques. —  Signalons 
quelques  travaux  intéressants  pour  nos  lecteurs. 
Communication  de  M.  Brutails  sur  l'église  de 
Saint-Sever  (Calvados).  Son  chevet  offre,  bien 
conservée,  la  curieuse  disposition  de  celle  de  Cha- 
teauveillant  (Berry)  qui  est  fort  mutilée,  tandis 
que  celle  de  Saint-Sever  reste  entière.  Il  s'agit  de 


deux  groupes  de  3  absidioles  ouvertes  dans  les 
croisillons  du  transept  et  diminuant  de  profon- 
deur vers  les  extrémités  de  ceux-ci. 

Compte  rendu,  par  M.  l'abbé  Urseati,  de  la 
découverte  de  la  sépulture  de  l'évèque  Hardouin 
de  Bueil. 

Étude  de  M.  A.  de  Rochemonteix  sur  les 
églises  romanes  de  l'arrondissement  de  Mauriac, 
et  sur  le  mélange  des  influences  limousine,  pro- 
vençale et  languedocienne,  constituant  ce  que 
l'auteur  appelle  avec  M.  l'abbé  Chabau  la  famille 
Cantalienne.  Ou  trouve  ici  décrites  les  églises  de 
Mauriac,  d'Anglards-de-Salers,  de  Lanobre,  de 
Riom-es-Montagnes,  de  Saignes,  de  Trizac,  de 
Menet,  de  Moussages,  de  Vernet,  d'Yoles,  de 
Brajeac,  groupe  remarquable  de  petites  églises 
romanes.  . 

Très  intéressantes  sont  les  notices  de  M.  J. 
Gauthier  sur  le  palais  de  l'archevêché  à  Besançon 
et  le  château  des  archevêques  à  Gy,  et  sur  l'ambon 
de  la  cathédrale  de  Besançon.  Cet  ambon  du 
XIe  siècle  offre  sculptés  sur  ses  faces  les  animaux 
évangélistiques. 

M.  le  chan.  Pottier  fait  connaître  un  couvercle 
de  gobelet  du  XIIIe  siècle  en  étain  avec  inscrip- 
tions portant  la  signature  du  potier  Montaigo. 

Congrès  archéologique  de  France.  —  Le 
66e  congrès  annuel  archéologique,  organisé  par 
la  Société  française  d'archéologie,  s'est  ouvert  à 
Maçon,  le  14  juin  1899,  et  s'est  prolongé  jusqu'au 
2i  du  même  mois,  sous  la  présidence  du  comte 
de  Marsy,  directeur  de  la  Société  française  d'ar- 
chéologie. Le  ministre  de  l'instruction  publique 
s'y  est  fait  représenter  par  M.  Héron  de  Ville- 
fosse,  membre  de  l'Institut,  et  le  gouvernement 
belge  par  le  comte  de  Ghellinck  d'Elseghem. 

Comme  les  précédentes  sessions  des  Congrès 
français,  celui  de  Maçon  a  obtenu  un  grand  et 
légitime  succès.  Les  séances  ont  été  remplies  par 
de  très  intéressantes  communications  sur  les  arts 
de  la  région  et  en  particulier  sur  l'étude  et 
les  découvertes  d'antiquités  gauloises,  romaines 
et  mérovingiennes,  auxquelles  s'intéressent  spé- 
cialement les  archéologues  bourguignons.  Les 
excursions,  nombreuses,  variées  et  fort  bien  orga- 
nisées, ont  conduit  les  nombreux  congressistes 
(il  y  avait  plus  de  deux  cents  adhérents  inscrits, 
parmi  lesquels  un  bon  nombre  d'étrangers  : 
belges,  suisses,  anglais)  dans  des  endroits  fort 
variés  où  monuments  et  musées  ont  occupé  tour 
à  tour  leur  attention  :  Cluny,  la  puissante  abbaye 
bénédictine  dont  l'influence  se  fit  sentir  dans  tous 
les  domaines  de  l'activité  humaine  ;  Maçon  et 
l'église  St-Vincent;  Paray  le  Monial,  à  la  riche 
basilique   romane  ;  Solutré,    célèbre   station    de 


REVUE    DE    L  ART   CHRETIEN 
1^99.    —    4rae    LIVRAISON. 


348 


Bebue  lie  P&rt  chrétien. 


l'époque  néolithique;  Berzé-le-Châtel  et  Berzé- 
la- Ville,  aux  curieux  châteaux  du  moyen  âge; 
Bourg  en  Bresse  et  sa  superbe  église  de  Brou, 
élevée  par  Marguerite  d'Autriche  pour  être  le 
lieu  de  sa  sépulture  ;  Tournus,  siège  d'une  abbaye 
filiale  de  Cluny,  dont  l'église  romane  offre  le  plus 
vif  intérêt;  Chalons-sur-Saone;  Autun,  aux  mo- 
numents romains,  aux  riches  musées,  à  la  cathé- 
drale romatio-ogivale,  et  enfin  Beaune  dont  la 
collégiale  de  Notre-Dame  et  l'hôpital  du  XVe 
siècle  sont  bien  connue  des  lecteurs  de  la  Revue 
de  l'A  rt  chrétien. 

De  ces  monuments,  il  en  est  tout  un  groupe, 
appartenant  à  une  même  école,  l'école  romane 
bourguignonne,  qui  offrent  un  intérêt  particulier 
et  qui  permettent  de  se  faire  une  idée  d'ensemble 
de  cette  architecture  assez  spéciale,  qui  a  fait 
sentir  son  action  dans  un  cercle  très  étendu. 
Nous  voulons  parler  des  monuments  élevés  sous 
l'influence  de  l'abbaye  de  Cluny  et  sous  la  direc- 
tion des  architectes  qui  s'y  sont  formés,  c'est-à- 
dire  le  vieux  Saint-Vincent  deMacon,  la  basilique 
(ancienne  abbatiale)  de  Paray  le  Monial,  l'église 
de  Tournus,  celle  de  Notre-Dame  de  Beaune,  la 
cathédrale  d'Autun;  à  ces  monuments,  il  faut 
encore  ajouter,  bien  qu'elles  n'aient  pas  été 
visitées  cette  année  par  le  Congrès,  qui  les  avait 
étudiées  dans  une  précédente  session,  les  églises 
St-Lazare  d'Avallon  et  de  l'abbaye  de  Vézelay. 
L'abbaye  de  Cluny  fut  fondée  au  Xe  siècle,  et 
en  1089  commença  la  construction  de  l'église 
qui  devait  servir  de  type  à  tous  les  monuments 
élevés  pendant  deux  siècles  dans  cette  région  et 
donner  le  nom  d'école  de  Cluny  au  style  bour- 
guignon proprement  dit.  Cette  église  a  été  décrite 
dans  cette  Revue  (année  1899,  page  238),  et  ses 
dimensions  considérables  qui  en  faisaient  le 
temple  le  plus  vaste  de  la  chrétienté  (171  mètres 
dans  œuvre)  indiquent  déjà  un  des  principaux 
caractères  de  ce  style  qui  est  le  faste  et  la  gran- 
deur; l'abondance  et  la  richesse  de  la  décoration 
en  sont  un  autre;  les  clochers  sont  multiples,  de 
forme  octogone,  le  plus  souvent,  ornés  de  plu- 
sieurs rangs  d'arcatures,  ouverts  en  lanterne,  à 
l'intérieur  ;  des  porches  énormes  précèdent  l'église 
et  le  plus  souvent  font  corps  avec  la  nef;  ils  sont 
parfois  surmontés  d'une  chapelle  dédiée  à  saint 
Michel;  le  chevet  du  chœur  est  circulaire,  avec 
déambulatoire  bordé  de  trois  ou  cinq  chapelles 
également  circulaires,  avec  voûtes  en  cul  de  four  ; 
les  transepts  sont  peu  accusés  et  se  terminent 
d'ordinaire  par  un  mur  plat;  les  nefs  sont  voûtées 
en  berceau;  sous  le  chœur  s'étend  une  crypte. 

La  construction  présente,  dans  les  divers  mo- 
numents de  l'école  de  Cluny,  une  grande  variété, 
mais  ce  qui  se  rencontre  partout  dans  ses  œuvres 
c'est  la  richesse  et  l'abondance  de  la  décoration  : 
partout  les  arcs  et  les  arcatures  sont  ornés  de 


multiples  archivoltes  sculptées;  les  fûts  des  co- 
lonnes et  des  colonnettes  sont  fréquemment 
ouvragés,  les  bases  sont  garnies  de  pattes,  les 
chapiteaux  sont  abondamment  sculptés  avec 
figures  d'hommes  et  d'animaux,  de  fleurs  et  de 
feuillages;  cette  sculpture  est  grasse  et  touffue, 
largement  traitée  et  avec  des  reliefs  étonnants  ; 
une  réminiscence  frappante  des  monuments 
romains  se  présente  sous  forme  de  pilastres  étroits 
et  cannelés,  remplaçant  les  colonnes  et  les  colon- 
nettes  engagées. 

Les  portails  des  églises,  à  la  façade  principale, 
et  sur  les  façades  latérales,  sont  les  parties  les 
plus  riches  en  sculpture. 

La  décoration  peinte  ne  le  cédait  en  rien  à 
la  sculpture,  comme  le  prouve  en  particulier 
la  chapelle  du  château  des  moines,  dont  nous 
reparlerons  plus  loin. 

Des  bâtiments  anciens  de  l'abbaye  de  Cluny, 
il  ne  reste  que  peu  de  chose,  un  bras  de  transept 
surmonté  d'un  clocher,  qui  serait  bien  insuffisant 
pour  donner  une  idée  de  l'architecture  particu- 
lière à  l'école  de  Cluny,  si  d'autres  monuments 
de  la  même  région  ne  suppléaient  à  cette  insuf- 
fisance. 

Saint-Vincent  le  Vieux,  à  Maçon,  n'a  conservé 
que  son  ancien  narthex  ou  porche  fermé,  placé  au 
devant  des  tours  de  la  façade  (et  aujourd'hui 
transformé  en  chapelle).  Il  est  richement  décoré 
de  sculptures,  surtout  au  portail  intérieur,  qui, 
du  porche,  donnait  accès  à  l'église.  Les  scènes  et 
les  statues  abondent,  la  sculpture  décorative  est 
riche  et  touffue,  et  les  pilastres  cannelés,  caracté- 
ristiques du  roman  bourguignon,  s'y  montrent  en 
plusieurs  endroits. 

La  basilique  de  Paray  le  Monial  ('),  ancienne 
abbatiale  sous  l'invocation  de  Notre-Dame,  est 
demeurée  complète.  Elle  a  été  commencée  au 
XIe  siècle,  et  achevée  seulement  au  XIIe.  Son 
style  est  assez  rude.  Le  porche,  de  grandes 
dimensions,  qui  précède  la  façade,  est  ouvert  par 
trois  baies  sans  aucun  ornement;  il  a  trois  nefs 
séparées  par  deux  piliers  à  quatre  colonnes,  les 
fûts  confondus;  leurs  chapiteaux  sont  très  ornés. 
Les  nefs  sont  séparées  par  des  piliers  ornés  de 
pilastres  à  cannelures,  mais  les  arcs  des  murs 
gouttereaux  sont  déjà  ogivaux.  Le  transept  est 
long  et  élevé,  terminé  par  un  mur  plat;  l'abside 
du  chœur  a  neuf  travées,  les  arcs  plein-cintre 
supportés  par  des  colonnes  isolées,  reposant  sur 
un  soubassement  continu  ;  le  chevet  est  circulaire, 
trois  chapelles,  également  circulaires,  s'ouvrent 
dans  le  déambulatoire  du  chœur. 

L'église  collégiale  de  Notre-Dame  de  Beaune 
est  du  même  type  que  celle  de  Paray  le  Mo- 


Revut  de  l Art  chrétien,  .innée  18 


p.  123. 


Œratoauj:  de0  Sociétés  0atmntes. 


349 


niai,  mais  plus  grande  qu'elle,  plus  riche,  et 
se  rapprochant  beaucoup  de  la  cathédrale  de 
Langres.  Ici  encore  les  transepts  ont  le  chevet 
plat,  et  le  chevet  du  chœur  est  circulaire  avec 
ses  trois  étages  de  toitures  si  caractéristiques  des 
monuments  de  cette  région,  la  toiture  du  chœur, 
celle  du  déambulatoire  et  celles  des  chapelles.  A 
la  façade,  un  grand  porche  ouvert,  du  X 1 1  Ie  siècle. 
L'intérieur  est  roman,  tout  entier,  orné  de  nom- 
breux pilastres  à  cannelures,  assez  riches;  beau- 
coup de  chapiteaux  des  colonnes  sont  lisses  sans 
aucun  ornement.  Voûtes  en  berceau  ogivales; 
dans  les  voûtes  d'arête  des  basses-nefs  quelques 
restes  de  peintures  murales. 

Tournus  possède  comme  église  paroissiale  celle 
de  l'ancienne  abbaye  de  bénédictins,  dédiée  à 
saint  Philibert  (').  Elle  date  du  commencement 
du  XIe  siècle,  et  a  été  achevée  au  XI  Ie.  C'est  une 
des  plus  intéressantes  constructions  romanes  de 
la  région. 

Précédée,  comme  Cluny,  par  un  vaste  porche 
fermé,  elle  est,  comme  les  monuments  de  cette 
école,  riche  en  sculptures,  et  elle  possède,  comme 
eux,  un  chevet  circulaire  avec  déambulatoire  et 
chapelles  absidales. 

Mais  à  l'intérieur,  la  donnée  générale  de  la 
construction  est  fort  différente  de  celle  des 
autres  édifices  dus  aux  architectes  clunisiens. 
Les  murs  gouttereaux  sont  supportés  par  d'é- 
normes colonnes  cylindriques  isolées,  reliées 
entre  elles  par  des  arcs  plein-cintre, les  chapiteaux 
sont  dépourvus  de  sculpture. Des  colonnettes  plus 
légères,  reposant  sur  le  chapiteau  des  premières, 
portent  les  arcs  doubleaux  sur  lesquels  repose  la 
voûte  de  la  nef,  construite  en  berceau,  non  dans 
le  sens  de  la  longueur,  mais  dans  celui  de  la  lar- 
geur, chaque  travée  ayant  sa  voûte  distincte, 
système  de  construction  d'ailleurs  très  logique. 

Au  transept  et  au  chœur  les  chapiteaux  sont 
sculptés.  Le  chevet  du  chœur  est  circulaire  à 
colonnes  supportant  sept  arcs  plein-cintre,  sur- 
montés de  cinq  fenêtres  très  ornées. 

Le  déambulatoire  possède  cinq  chapelles  absi- 
dales, élevées  sur  un  plan  carié,  particularité 
rencontrée  ici  seulement.  Le  porche,  qui  compte 
trois  travées,  est  construit  dans  le  même  système 
que  l'église.  Il  est  surmonté,  comme  celui  de 
Vézelay,  d'une  chapelle  dédiée  à  saint  Michel. 
Sous  le  chœur,  crypte  dont  la  partie  centrale  est 
partagée  en  trois  nefs  de  cinq  travées,  avec 
déambulatoire.  Ces  voûtes  sont  a  arêtes  ;  chapi- 
teaux des  colonnes  de  type  corinthien,  bases  à 
trois  tores  superposés;  trois  autels  et  un  puits. 

L'église  est  en  partie  fortifiée,  notamment  du 
côté  de   la  façade,  qui   complétait,  avec    le   mur 

I.  Revue  de  C  Art  chrétien ,  année  1888,  p.  187,  et  1889,  p.  377. 


d'enceinte  de  l'abbaye,  le  système  de  défense  de 
celle-ci. 

La  cathédrale  d'Autun,  dédiée  à  saint  Lazare, 
dont  on  voit  au  portail  l'image,  accompagnée  de 
ses  deux  sœurs,  a  été  construite  au  XIIe  siècle, 
mais  totalement  remaniée  au  XVe  siècle,  de  telle 
façon  que  l'extérieur  a  un  aspect  absolument 
gothique. 

A  l'intérieur,  certains  détails  sont  restés  ro- 
mans, tels  les  pilastres  à  cannelures,  dont  les 
riches  chapiteaux  sont  décorés  de  sujets  histo- 
riques ou  symboliques.  Tel  encore  le  riche  portail 
aux  multiples  sculptures  (').  Un  porche  ouvert, 
très  grand,  fort  original  et  très  décoré,  a  été  élevé 
devant  la  façade  au  XIIe  siècle. 

L'église  St-Lazare  d'Avallon,  construite  sur 
un  plan  très  différent  de  ceux  qui  précèdent,  a 
été  fortement  remaniée.  Il  reste  toutefois  cer- 
taines paities  qui  accusent  bien  l'architecture 
clunisienne,  comme  le  chevet  du  chœur  et  surtout 
le  portail  où  se  déploie  toute  l'abondance  de  la 
sculpture  bourguignonne. 

Quant  à  l'église  abbatiale  de  Vézelay,  à  la  res- 
tauration de  laquelle  Viollet-le-Duc  a  consacré 
de  nombreuses  années  (2),  elle  mériterait  à  elle 
seule  une  description  plus  longue  que  cet  article 
entier;  c'est  là  que  se  déploie  dans  toute  sa 
pompe  et  sa  richesse,  la  merveilleuse  architecture 
romane  dont  Cluny  traça  les  règles. 

Cet  ensemble  de  monuments,  dus  à  une  même 
inspiration  et  chez  lesquels  il  fut  possible  d'étu- 
dier dans  leurs  formes  générales  et  dans  tous 
leurs  détails,  les  manifestations  d'un  art  local 
nettement  caractérisé,  le  roman  bourguignon  ou 
clunisien,  fut  certainement  l'attrait  principal  du 
66e  Congrès  d'archéologie. 

Il  est  cependant  encore  un  édifice  que  nous 
ne  pouvons  nous  dispenser  de  signaler  à  l'atten- 
tion des  lecteurs  de  la  Revue  de  V Art  clirétien, 
c'est  le  château  des  moines  de  Berzé-la-Ville, 
près  de  Cluny,  où  les  moines  de  cette  abbaye 
avaient  établi  leur  infirmerie.  Du  château  ancien 
il  ne  reste  que  la  chapelle,  longtemps  abandonnée 
aux  plus  vils  usages,  et  qui  vient  d'être  déblayée 
et  rendue  à  l'admiration  des  amis  des  arts  par  le 
zèle  de  M.  l'abbé  Jolivet,  qui  a  réussi  à  la  faire 
ranger  parmi  les  monuments  historiques.  Bâtie 
vers  1080,  elle  se  compose  d'une  nef,  d'un  chœur 
et  d'une  abside.d'une  longueur  totale  de  1 3  mètres 
20  centimètres  dans  œuvre,  et  son  architecture  est 
des  plus  simples  :  la  nef  est  éclairée  par  3  fenêtres 
inscrites  dans  des  arcatures  sans  profondeur, 
supportées  par  des  consoles  ;  le  chœur  est  séparé 
de  la  nef  et  de  l'abside  par  un  arc  doubleau,  sup- 
porté par  une  colonne  engagée  au  chapiteau  à 

1.  Revue  de  l'Art  chrétien,  année  1895,  p.  254. 

2.  Ibid.,  année  1895,  p.  514. 


35Q 


3&ebuc  be  l'&vt  chrétien. 


feuillage,  et  éclairé  de  chaque  côté  par  deux 
fenêtres  superposées  ;  enfin  l'abside  circulaire  se 
compose  de  cinq  arcatures  dont  trois  sont  ou- 
vertes. La  voûte  de  la  nef  est  en  berceau,  celle 
de  l'abside  en  cul  de  four. 

Mais  ce  qui  fait  l'intérêt  de  la  chapelle,  ce 
sont  les  peintures  à  fresque  qui  ornent  toute 
l'abside  et  qui  forment  une  décoration  complète, 
de  l'époque  romane.  Trois  zones  la  divisent:  dans 
la  première  qui  occupe  le  cul  de  four  et  la  voûte, 
le  Christ  en  majesté  dans  une  vaste  ellipse,  ayant 
à  sa  droite  et  à  sa  gauche  les  apôtres,  les  diacres 
Laurent  et  Vincent  et  deuxévêques.  La  seconde 
zone  comprend  les  arcatures,  et  dans  les  deux 
qui  sont  aveugles,  le -peintre  a  figuré,  d'une  part, 
deux  scènes  de  la  légende  de  saint  Biaise,  d'autre 
part,  deux  scènes  de  la  vie  de  saint  Laurent. 
Dans  les  écoinçons  des  arcatures  on  voit  la 
figure  de  six  des  Vierges  sages,  et  aux  extré- 
mités deux  abbés  bénédictins.  La  troisième  zone, 
qui  occupe  le  soubassement  de  l'abside,  est  divisée 
en  neuf  compartiments  dans  lesquels  sont  repré- 
sentés neuf  bustes  de  Saints. 

L'ensemble  de  cette  peinture,  encore  bien 
complète,  est  extrêmement  harmonieux  et  té- 
moigne, dans  certaines  parties  surtout  (car  il  y 
en  a  de  plus  faibles,  qui  semblent  indiquer  que 
plusieurs  moines  y  ont  travaillé),  d'un  art  avancé. 
La  figure  du  Christ  est  très  majestueuse,  vivante 
et  expressive  ;  les  draperies  sont  savantes  et 
traitées  avec  beaucoup  d'art  ;  les  couleurs  variées 
ec  harmonieuses.  Les  figures  des  Saintes  ou  des 
Vierges  sages  ont  un  type  byzantin  très  accusé, 
et  à  première  vue  on  les  croirait  des  mosaïques 
de  Ravenne  ;  de  même  les  deux  figures  d'abbés 
qui  les  accompagnent.  Les  scènes  de  la  vie  de 
S.  Laurent  et  de  S.  Biaise  nous  ramènent  à  un 
art  plus  occidental  et  ont  un  grand  air  de  parenté 
avec  les  peintures  delà  légende  de  sainte  Margue- 
rite à  la  cathédrale  de  Tournai,  qui  doivent  dater 
de  la  même  époque.  Les  Saints  qui  occupent  la 
3e  zone  sont  du  même  style,  mais  traités  d'une 
façon  plus  sommaire. 

Les  peintures  de  cette  chapelle  constituent, 
nous  ie  répétons,  un  ensemble  des  plus  impor- 
tant et  un  exemple  des  plus  intéressant  de 
peintures  à  fresques  romanes.  Elles  seront  con- 
servées, et  c'est  le  point  principal,  grâce  à  la 
mesure  qui  a  classé  la  chapelle  parmi  les  monu- 
ments historiques  ;  mais  il  serait  hautement  à 
désirer  qu'on  les  étudiât  dans  une  monographie 
où  elles  seraient  décrites  en  détail  et  complète- 
ment reproduites.  M.  Lex,  l'érudit  archiviste  de 
Maçon  qui  leur  a  déjà  consacré  une  intéressante 
brochure,  paraît  tout  désigné  pour  entreprendre 
ce  travail.  E.  S. 


Congrès  archéologique  d'Arlon.  —  Le  con- 
grès annuel  de  la  Fédération  des  sociétés  d'ar- 
chéologie de  la  Belgique  et  du  Nord  s'est  tenu 
cette  année  dans  la  capitale  du  Luxembourg 
belge.  La  première  section  a  entendu  des  rap- 
ports, avec  exposition  des  pièces,  sur  les  fouilles 
faites  à  Tongres  par  M.  Huibregts,  qui  y  a  dé- 
couvert, dans  un  puits  de  6  m.  50  de  profondeur 
une  urne,  des  fragments  de  fer,  etc.,  qu'il  croit 
pouvoir  attribuer  à  une  peuplade  d'origine 
orientale. 

Le  préhistorique  lorrain  et  les  meules  préhisto- 
riques ont  fait  l'objet  de  discussions,  d'où  il  appert 
que  ces  meules  ont  servi  pendant  l'époque  gallo- 
romaine,  très  probablement  déjà  auparavant  et 
même  au  commencement  du  moyen  âge;  les 
carrières  d'où  elles  proviennent  pourront  encore 
être  observées  dans  les  assises  de  l'arkose  sédi- 
nienne  dans  la  région  ardennaise. 

La  section  historique,  sous  la  présidence  du 
vénérable  comte  Van  der  Straeten-Ponthoz,  a 
entendu  d'abord  l'exposé  de  trois  savants  mé- 
moires de  l'infatigable  abbé  Roland,  sur  la  topo- 
nymie en  Ardenne,  le pagus  Arduennensis,  et  les 
divisions  politiques  et  ecclésiastiques  dans  notre 
pays  autrefois. 

L'Arlon  romain  constitue  pour  M.  l'abbé  Loës 
le  thème  d'une  intéressante  conférence  sur  le  sol 
de  cette  ville  et  des  environs. 

La  hauteur  qui  domine  Arlon  fut,  dès  l'origine 
de  la  période  romaine,  occupée  par  un  poste 
militaire  solidement  retranché  dans  un  castellum. 
Au  pied  du  château  s'entrecroisaient  les  deux 
voies  militaires  de  Trèves-Ivoix  et  de  Tongres- 
Titelberg.  Dans  les  campagnes  étaient  des  villas 
aux  vastes  dépendances  agricoles. 

Le  comte  de  Handeclocque  donne  des  ren- 
seignements sur  les  commissaires  nommés  en 
Flandre  pour  la  paix  de  Nimègue  et  pour  celle 
de  Ryswyck. 

M.  Van  Werveke  étudie  les  différents  systèmes 
de  création  des  villes  du  Luxembourg.  Il  distingue 
les  chartes  de  Beaumont,  d'Echternach  et  de 
Luxembourg,  de  Grevenmacher  et,  enfin,  celle 
de  Vianden  ou  de  Trêves. 

Il  étudie  ensuite  les  records  de  justice,  quant 
à  leur  importance  pour  l'histoire  du  droit,  de  la 
division  territoriale  et  de  la  situation  des  com- 
munes. 

M.  l'abbé  Grote  fait  remarquer,  qu'il  faut 
distinguer  encore  les  records  synodaux  ou  des 
marguilliers  qui,  eux  aussi,  sont  d'une  grande 
importance  pour  l'histoire  du  pays. 

A  la  section  archéologique,  présidée  par  M. 
Vanderlinden,  M.  Van  Werveke  s'occupe  des 
sépultures  des  princes  luxembourgeois.  Les  prin- 


t£ratoauj:  îtts  Sociétés  garantes. 


35  * 


ces  de  la  maison  de  Luxembourg  furent  enterrés 
à  St-Maximin  de  Trêves,  à  l'abbaye  de  Munster 
de  Luxembourg  et  dans  l'abbaye  de  Clairefon- 
taine.  Wenceslas  Ier,  duc  de  Brabant  et  de 
Luxembourg,  est  enterré  à  Orval. 

M.  Bogaert-Vaché  soutient  que  le  véritable 
auteur  des  plans  de  Sainte-Waudru  à  Mons,  est 
Jean  Spiskin  (nom  bruxellois)  qui  dirigea  les 
travaux  depuis  la  pose  de  la  première  pierre 
(1450)  jusqu'à  sa  mort  (1457).  Son  serment,  le 
logement  et  la  robe  qui  lui  furent  offerts  par  le 
chapitre,  semblent  démontrer,  selon  lui,  sa  qualité 
d'architecte.  Cette  thèse  est  combattue  par  M.  J. 
Hubert,  l'architecte  actuel  de  l'église,  qui  attri- 
buerait plutôt  le  projet  à  Jean  Huelin,  maître 
maçon  du  Hainaut,  dont  Spiskin  n'aurait  fait 
qu'exécuter  le  plan. 

Faut-il  préconiser  un  style  spécial  pour  nos 
églises  et  hôtels-de-ville?  C'est  la  question  qui  a 
été  longuement  débattue  par  la  section  archéolo- 
gique. Le  sentiment  général  était  de  s'abstenir 
de  formuler  des  règles  générales  et  de  laisser 
tout  le  monde  libre  d'adopter  tel  style  qui  con- 
viendrait le  mieux  selon  les  circonstances. 

On  a  ensuite  examiné  la  question  de  savoir  si 
l'on  peut  attribuer  à  saint  Willebrord  les  autels 
chrétiens  que,  dans  le  Luxembourg,  on  trouve 
superposés  à  des  autels  païens  ;  quelle  est  la  zone 
de  la  Trévirie  où  l'influence  de  cet  apôtre  de 
l'Ardenne  s'est  exercée  de  cette  manière  ?  Adhuc 
sitb  judice  lis  est  ! 

Enfin,  on  a  passé  en  revue  l'architecture  des 
plus  anciennes  églises  du  Grand-Duché. 

Le  Congrès  a  visité  les  remarquables 
de  l'abbaye  d'Orval. 

A  Villers-devant-Orval,  M.  J.  Carly,  juge  de 
paix,  exhibe  un  cimetière  franc  dont  une  partie, 
18  tombes,  vient  d'être  fouillée.  Elles  sont  dé- 
blayées, et  squelettes  et  mobiliers  funèbres  s'ex- 
hibent à  nos  yeux.  Ce  cimetière  date  du  VIe-  VI Ie 
siècle  de  notre  ère. 

Les  délégués  des  Sociétés  fédérées  ont  décidé 
la  création  d'un  bureau  permanent  auquel  sera 
confiée  l'organisation  des  congrès  futurs.  Cette 
modification  essentielle  du  fonctionnement  des 
congrès  futurs  est  le  résultat  d'un  vœu  présenté  à 
l'assemblée  de  clôture  de  la  session  précédente. 

La  première  section  a  discuté  l'origine  de  la 
population  du  Centre  et  de  l'Occident  de  l'Europe. 
Quelles  sont  ies  populations  aryennes  et  quelles 
sont  les  populations  aryanisces  ?  M.  de  Villenoisy 
voit  dans  le  type  brun  les  représentants  des 
Aryens  et  dans  le  type  blond  ceux  des  aryanisés. 
M.  le  Dr  Jacques  est  d'un  avis  opposé,  se  basant 
à  la  fois  sur  les  arguments  tirés  de  l'ethnologie 
de  la  mythologie  et  de  la  linguistique. 

M.    Fourdrignier,    recherchant    les    divinités 


vestiges 


accroupies  connues,  montre  diverses  photogra- 
phies de  vases  et  de  monuments  qui  semblent 
indiquer  une  origine  du  Nord.  M.  Comhaire 
demande,  s'il  ne  faudrait  pas  voir  une  de  ces 
divinités  dans  saint  Capret  (capra  —  chèvre) 
vénérée  autrefois  à  Chèvremont. 

M.  Jottrand  tend  à  démontrer  que  les  Segniens, 
clients  des  Tréviriens,  avaient  pour  siège  de  leur 
curia  le  village  de  Zengshem  et  pour  limite  celui 
de  Zengscheid,  Trierscheid  étant  la  limite  des 
Tréviriens. 

M.  Schvversthal,  bibliothécaire  de  S.A.  le  comte 
de  Flandre,  présente  une  curieuse  étude  sur  les 
noms  de  lieux,  qui  donne  matière  à  un  échange  de 
vues  très  animé. 

On  émet  le  vœu  de  voir  confectionner  une 
table  complète  des  publications  des  congrès  anté- 
rieurs. 

La  troisième  section,  présidée  par  M.  le  cha- 
noine Van  Caster,  a  étudié  à  fond  la  question 
des  taques  de  foyer  et  a  entendu  un  exposé  très 
intéressant  sur  l'école  de  peinture  al fresco  du 
Frère  Abraham  d'Orval. 

Les  congressistes  se  sont  rendus  en  voiture,  à 
Septfontaines,  dont  ils  visitent  le  château  médié- 
val en  ruines  et  l'église;  de  là,  ils  ont  continué 
leur  route  par  la  vallée  de  l'Eysch,  visitant  les 
châteaux  anciens  et  modernes  d'Ansenbourg, 
où  l'accueil  le  plus  charmant  leur  est  fait  par  le 
comte  et  la  comtesse  d'Ansenbourg  et  le  baron 
d'Anethan,  ministre  de  Belgique,  à  Paris,  puis 
l'ancienne  abbaye  de  Marienthal,  le  château  de 
Hollenfels  et  suivant  les  sinuosités  de  l'Eysch, 
arrivent  à  Mersch,  dont  les  antiquités  sont  étu- 
diées en  passant. 

Ensuite,  un  train  spécial  a  emmené  les  con- 
gressistes à  Luxembourg. 


Commission  extramunicipale  du  Vieux 
Paris. 

Dans  le  but  de  conserver  à  ces  rues  et  places 
leur  caractère  architectural,  il  a  été  de  tout  temps, 
interdit  aux  propriétaires  ou  locataires  de  placer 
sur  leurs  façades  des  écriteaux  ou  enseignes 
faisant  saillie  au  dehors.  Cette  défense  n'a  pas 
toujours  été  observée;  on  craint  qu'elle  ne  soit 
enfreinte  à  nouveau,  par  suite  de  la  vente  récente 
de  plusieurs  des  immeubles  dont  il  s'agit,  et,  sur 
la  plainte  de  la  Société  des  architectes  diplômés, 
la  Commission  a  décidé  qu'elle  veillerait  à  ce 
que  les  intéressés  observassent  strictement  les 
règlements. 

M.  Menant,  directeur  des  affaires  municipales, 
a  signalé  l'état  de  délabrement  dans  lequel  se 
trouve  l'église  Saint-Séverin,  une  des  plus  belles 
de  Paris,  et  il  a  demandé  qu'on  l'aidât  à  obtenir 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  4me  LIVRAISON. 


352 


&ebue  De  r&rt  chrétien. 


de  la  Commission  supérieure  des  monuments 
historiques  les  crédits  nécessaires  à  la  restaura- 
tion de  cette  église.  La  Commission  du  Vieux 
Paris  a  émis  un  avis  favorable  à  cette  proposition 
et  insisté  spécialement  sur  la  nécessité  de  déga- 
ger le  cloitre  de  l'église. 

M.  Lucien  Lambeau  a  demandé  que  l'admi- 
nistration fût  invitée  a  faire  nettoyer,  avant  l'Ex- 
position de  1900,  les  façades  de  celles  des  maisons 
communales  qui  présentent  quelque  valeur  artis- 
tique. 

On  entend  la  lecture  de  deux  rapports  :  l'un, 
de  M.  Lucien  Lambeau,  sur  les  caves  ogivales 
de  l'ancien  collège  de  Fortet  (actuellement  19, 
rue  Valette);  l'autre,  de  M.  Sellier,  sur  les  trou- 
vailles archéologiques  faites  au  cours  des  travaux 
du  métropolitain. 

Académie  royale  d'archéologie  de  Bel- 
gique.—  La  séance  de  juin  a  été  intéressante. 

M.  le  chanoine  Van  den  Gheyn  a  rendu  com- 
pte de  la  récente  découverte  faite  à  Bruges  d'une 
nouvelle  série  de  tombeaux  polychromes.  Il  a 
notamment  rectifié  les  récits  fort  inexacts  que 
les  journaux  avaient  donnés   de  cet   événement. 

Rien  d'extraordinaire  n'a  été  constaté  dans  la 
disposition  de  ces  monuments  funéraires,  ni  dans 
la  nature  des  ossements  qu'ils  renfermaient.  Les 
peintures  qui  ornaient  les  parois.exécutéesd'après 
le  mode  ordinaire,  en  couleurs  simples  telles  que 
l'ocre  rouge,  le  bleu  et  le  rouge,  offraient  cepen- 
dant une  certaine  particularité. 

Dans  les  tombeaux  jusqu'ici  découverts,  sur 
la  paroi  de  tête,  étaient  représentés  le  Christ  en 
croix  avec  la  Vierge  et  saint  Jean  ;  aux  pieds,  la 
Vierge  portant  l'enfant  Jésus,  et,  sur  les  côtés, 
des  anges  encensant,  les  patrons  du  défunt,  etc. 
Dans  la  tombe  nouvellement  découverte  à  Bruges 
le  Christ  en  croix  occupe  seul  le  panneau  de  tète, 
tandis  que  la  Vierge  et  saint  Jean  sont  peints 
sur  les  côtés.  D'après  M.  Van  den  Gheyn,  ces  ca- 
veaux polychromes  auraient  été  construits  vers  le 
milieu  du  XIVe  siècle,  c'est-à-dire  de  1340  à  1350. 

M.  Geudens  fait  ensuite  l'analyse  d'un  livre 
qu'il  est  sur  le  point  de  faire  paraître  et  qui,  sous 
le  titre  de  Le  compte  moral  de  l'an  XIII,  fournit 
nombre  de  renseignements  intéressants  relatifs 
aux  différents  hospices  et  à  la  plupart  des  fon- 
dations pieuses  de  la  ville  d'Anvers. 

M.  Van  Bastelaer  a  dépose  un  travail  relatifà 
la  forteresse  de  Charleroi,  dont  il  décrit  en  dé- 


tail la  fondation,  les  sièges  divers,  les  destruc- 
tions et  reconstructions.  L'impression  de  ce  mé- 
moire dans  les  annales  de  l'Académie  est  votée. 
Le  même  savant  entretient  ensuite  la  compagnie 
de  la  pierre  mégalithique,  appelée  Pierre  du  diable, 
existant  à  Alle-sur-Semois,  en  Ardennes. 

Société  historique  de  Tournai. — Annales, 
nouvelle  série,  t.  III. 

M.  A.  de  Lagrange,  dont  les  recherches  sur 
l'histoire  artistique  de  Tournai  ont  été  si  fécondes, 
nous  fournit  des  données  originales  sur  la  Halle 
du  Magistrat  de  cette  ville. 

La  nouvelle  Halle  des  Doyens  fut  construite 
vers  1383  avec  l'aide  du  subside  accordé  par  le 
roi  de  France  aux  Tournaisiens  «qui  avaient  en- 
comenchié  faire  un  biel  édifice  qui  a  desja  gran- 
dement cousté  et  coustera  encore  avant  qu'il  soit 
parfait»  :  cet  édifice  faisait  face  au  Beffroi.  Son 
architecte  fut  Jacques  de  Brabant,  l'auteur  du 
chœur  de  l'église  deSt-Jacques  (J),  aidé  de  Guil- 
laume Hondreman.  Son  coût  total  fut  de  1494 
pièces  d'or. 

Le  t.  III  des  Annales  de  la  vaillante  Société 
tournaisienne  est  riche  en  documents  historiques 
et  archéologiques.  Citons  des  notices  sur  les 
divers  couvents,  le  cloitre  des  Clarisses,  les 
maisons  des  Carmélites,  des  Dominicaines,  des 
Annonciades  célestes,  des  religieuses  de  Sion.des 
Ursulines  ;  une  autre,  sur  les  fondeurs  de  cuivre  et, 
en  particulier,  sur  Pierre  Chabotteau,  fondeur 
bouvignois  du  XVIIe  siècle,  établi  à  Tournai,  et 
M.  A.  Hanois;  des  recherches  sur  les  armoiries  et 
sceaux  de  Tournai  par  MM.  de  Lagrange  et 
Hocquet.  Ajoutons  un  compte  rendu  plein  de 
renseignements  intéressants  sur  l'exposition 
d'antiquités,  ouverte  l'an  dernier  à  Tournai  ;  il 
est  d'un  auteur  compétent,  M.  E.  Soil,  qui  a  été 
l'âme  et  la  cheville  ouvrière  de  l'exposition. 

La  Société  d'art  et  d'histoire  du  diocèse  de 
Liège  a  décidé  d'ouvrir  trois  concours  :  l'un  sur 
la  biographie  d'un  saint,  d'un  savant  ou  d'une 
notabilité  liégeoise  d'avant  ce  siècle  ;  un  autre, 
sur  l'étude  ou  l'histoire  d'un  monument  ou  œuvre 
d'art  du  diocèse  ;  le  troisième,  sur  l'histoire  d'une 
paroisse  ou  d'une  localité  du  même  diocèse. 

Les  travaux  pourront  provenir  d'une  seule 
personne  ou  d'un  groupe  de  travailleurs. 

1.  V.  L.  Cloquet,  Monographie  de  T  église  Si-Jacques  à  Tournai. 


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L'ART  DU  XIII1  SIECLE  EN  FRANCE,  par 
Ém.  Mâle.  —  Paris,  Leroux,  1898,  in-S°  de  534  pp., 
96  grav 


Bffi«ft«<fcjgM  a  beaucoup  écrit  sur  le  X 1 1  Iesiècle. 

F    Mais  personne  ne  nous  a  jusqu'ici 

*   donné  sur  cet  art  incomparable,  si 

essentiellement    français     dans    sa 

pureté,   un    livre    comme    celui    de 


i 

M.  Maie.  Ce  n'est  pas  un  résumé  de  ce  qui  a 
été  dit  jusqu'ici,  ce  sont  des  aperçus  personnels, 
des  idées  remuées,  des  genèses  découvertes,  qui 
remplissent  ces  pages,  dont  chacune  nous  force  à 
réfléchir.  Mais  c'est  une  thèse  dans  toute  l'accep- 
tion du  mot,  et  M.  M.  la  défend  habilement.  Si  sur 
beaucoup  de  points  on  ne  se  sent  pas  d'accord 
avec  lui,  très  volontiers  cependant  on  le  suit 
tout  en  discutant  ses  appréciations. 

Quoiqu'il  s'en  défende,  mollement,  disons-le, 
M.  M.  est  un  symboliste  dans  toute  la  force  du 
terme.  C'est  l'homme  des  anciens  textes,  et  son 
érudition  extrême  nous  convaincrait,  si,  dans  le 
recul,  on  pouvait  admettre  toutes  ses  conclusions. 
On  ne  fera  certainement  pas  de  plus  intéressant 
examen  de  cet  ouvrage,  que  l'article  de  M.  E. 
Bertaux  dans  la  Revue  des  deux  mondes  (ier  mai 
1899):  avec  la  plus  amicale  et  la  plus  savante 
courtoisie,  il  met  le  doigt  sur  le  défaut  de  la 
cuirasse,  et,  à  mon  avis,  on  ne  doit  plus  séparer 
cette  critique,  de  l'œuvre  de  M.  M.,  qu'elle  com- 
plète en  la  mettant  en  sa  valeur  véritable. 

Résumons  la  thèse  de  M.  Mâle. 

«  Le  moyen  âge  a  conçu  l'art  comme  un  ensei- 
i  gnement,  et  la  cathédrale  qui  est  la  Bible  des 
«  pauvres,  est  une  œuvre  de  foi,  élevée  par  de 
«  dociles  artistes,  soumis  aveuglément  du  premier 
«  au  dernier,  à  l'enseignement  de  l'Eglise.» 

Aussi,  alors  que  Victor  Hugo,  que  Viollet  le 
Duc,  croient  voir  dans  nos  maîtres  d'œuvre  du 
moyen  âge,  des  esprits  essentiellement  laïques, 
s'attaquant  même  au  sacerdoce,  M.  M.  se  ratta- 
chant à  l'école  de  Didron  et  de  ses  successeurs, 
qui  voient  la  clef  de  toute  l'iconographie  du 
moyen  âge  dans  la  théologie,  croit  devoir  donner 
de  toutes  les  merveilles  qu'il  nous  décrit,  une  ex- 
plication uniquement  symbolique.  Et  pour  faire 
pénétrer  dans  nos  esprits  ce  qu'il  regarde  comme 
un  dogme,  il  prend  comme  cadre  de  son  travail 
cette  incomparable  Somme  de  Vincent  de  Beau- 
vais,  résumé  de  toutes  les  connaissances  du 
XIIIe  siècle,  et  développant  successivement 
chacun  des  quatre  grands  chapitres  du  Spéculum 
ma/us,  il  fait  découler  tout  cet  art  du  XIIIe  siècle 


du  Miroir  de  la  nature,  du  Miroir  de  la  science, 
du  Miroir  moral,  du  Miroir  historique.  11  était 
réellement  impossible  de  choisir  un  plan  plus  sé- 
duisant :  mais  il  fallait  en  même  temps  une  bien 
grande  sûreté  d'érudition,  pour  demeurer  dans 
des  limites  d'autant  plus  difficiles  à  suivre  qu'elles 
étaient  plus  étendues,  pour  ne  pas  perdre  de  vue 
le  but  à  atteindre,  au  milieu  de  l'infini  du  détail. 
M.  M.  était  bien  préparé  pour  cette  tâche,  il  a 
suivi  sa  droite  ligne  sans  dévier,  et  il  semble  à 
la  fin  sorti  victorieux  de  toutes  les  objections  qu'il 
rencontre  sur  sa  route. 

Pourtant,  comme  dans  tout  ce  qui  est  humain, 
l'absolu  ne  saurait  exister.  Que  le  XIIIe  siècle 
se  soit  bercé  en  grande  partie  de  symbolisme, 
rien  d'étonnant;  mais,  c'est  lui  qui  l'invente,  en 
quelque  sorte.  M.  M.  nous  parle  bien  de  sources 
antérieures  auxquelles  est  allé  puiser  Vincent 
de  Beauvais.  Jamais  je  ne  saurai  vanter  assez  la 
science  de  M.  M.  qui  parvient  à  expliquer,  par 
des  textes  presqu'inconnus,  des  portails,  des  vi- 
traux, des  statues,  dont  avant  lui  on  avait  vaine- 
ment cherché  le  sens.  Mais  réellement,  s'il  re- 
monte jusqu'à  Isidore  de  Séville,  en  résulte-t-il 
qu'antérieurement  il  n'y  avait  rien  ?  Parle-t-il  des 
Bestiaires,  du  de  Monstris  ?  A  le  lire,  on  croirait 
vraiment  qu'il  ignore  qu'Isidore  de  Séville  n'a 
fait  que  résumer,  non  seulement  Pline,  mais  des 
originaux  ou  soi-disant  grecs,  où  étaient  contenus 
tous,  et  je  dis  tous  les  détails  qui  vont  peu  à  peu 
sous  nos  yeux  se  transformer  en  symbolisme. 
Tel  ce  CIIARADRIUS  du  moyen  âge,  cet  oiseau 
qu'il  remarque  au  vitrail  de  Lyon,  avec  la 
légende  CLADRIVS.  Est-ce  autre  chose  que  le 
CALANDARIVS  des  Bestiaires  de  l'antiquité  ? 

M.  M.  approfondit  le  Spéculum  majus,  et  il 
en  conclut,  oh  !  combien  discrètement  !  que  le 
XIIIe  s.  artistique  ne  vit  que  par  lui.  Non  pas 
qu'il  ne  se  rende  pas  compte  de  l'influence  des 
petits  monuments  :  mais  avec  quelle  rapidité  il 
les  signale  :  et  puisque  la  cathédrale  de  Chartres 
est  un  des  pivots  de  son  œuvre,  il  me  permettra 
de  lui  demander  ce  qu'il  fait  de  ce  chapiteau  de 
la  chapelle  des  Fonts,  qui  de  l'avis  de  tous  est  la 
copie  d'un  coffret  persan.  Le  P.  Cahier  y  voyait 
cependant  un  symbolisme  bien  évident  !  Et  cet 
admirable  support  de  Saint-Sernin  de  Toulouse, 
qui  est  un  véritable  ivoire  indien  ?  Est-ce  aussi 
du  symbolisme  ? 

Comme  son  thème  repose  sur  des  détails,  je 
voudrais  montrer  que  dans  nombre  de  cas,  de 
ceux  qu'il  nous  donne,  il  ne  saurait  tirer  de  con- 
clusions certaines.  Trop  souvent,  il  ne  parle  que 


354 


3&ebue  lie  P&rt  cljrctten. 


de  seconde  main,  et  en  plus,  quelquefois,  ne 
serait-on  pas  en  droit  de  lui  demander  même  s'il 
a  vraiment  lu  les  ouvrages  qu'il  cite. 

S'agit-il  de  la  déviation  de  l'axe  des  églises? 
Pourquoi   ne  pas   rappeler  que  l'axe  du   temple 


Saint  Firmin. 


de  Luxor  était  ni  plus  ni  moins  dévié  que  l'axe 
de  nos  cathédrales  du  XIIIe  s.  ?  (Voir  Foucart, 
Hist.  de  l'Ordre  loti/orme,  p.  199).  Le  portail 
de  Vezclay  ne  saurait  été  passé  sous  silence, 
et  voilà  que   M.  M.  se   refuse  à  l'étudier,  parce 


qu'il  est  roman.  Mais,  c'était  précisément  le  cas 
de  l'examiner  dans  une  histoire  du  symbolisme, 
car  Viollet  le  Duc  était  dans  le  vrai,  alors  qu'il 
y  voyait  en  dehors  de  toute  idée  symbolique,  la 
représentation  de  l'humanité  tout  entière,  y  com- 
pris les  monstres  dont  Yantiquité  nous  a  légué 
l'histoire  et  la  description,  s'avançant  vers  le  tri- 
bunal de  Dieu  pour  y  subir  le  dernier  jugement. 
Au  Miroir  de  la  science,  se  rattachent  les  mé- 
tiers.  Ces  représentations  de   confréries  au  bas 


Saint  Théodore.  —   Chartres. 

des  grands  vitraux  seraient-elles  uniquement  la 
glorification  du  travail  manuel  ?  Mais  alors,  pour 
être  logiques,  nous  devrons  reconnaitre  dans  les 
grands  seigneurs  peints  aux  vitraux  voisins,  la 
glorification  de  la  noblesse.  Soyons  plus  simples 
et  regardons  les  uns  et  les  autres,  nobles  et  mar- 
chands, clercs  et  vilains  du  bas  des  verrières, 
comme  les  portraits  des  donateurs  sans  y  re- 
chercher d'autres  considérations.  Signalons  par 
exemple.dans  ce  chapitre,  une  très  curieuse  étude 


i5tbltograpt)te. 


355 


des  calendriers,  ainsi  que  le  profit  tiré  par  M.  M. 
du  bon  livre  de  M.  l'abbé  Clerval  sur  les  Écoks 
chartraines. 


Nous  avançons  :  et  voici  que  nous  trouvons  sous 
la  plume  de  M.  M.  une  remarque  fort  naturelle, 
mais  de  nature  à  bien  nous  surprendre  ici.  €  Pour- 


Saint  Paul. 


Musée  de  Toulouse. 


quoi  donc  le  symbolisme  du  XIIIe  s.  n'est-il  plus 
celui  des  catacombes  ?  »  C'est  en  une  ligne  le 
procès    même    du    symbolisme.   On    ne    saurait 


mieux  montrer  avec  quelle  prudence  il  s'en  faut 
servir.  Pourquoi  le  symbolisme  n'est  plus  le 
même  ?    L'art  a  changé   simplement   parce   que 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  4me  LIVRAISON. 


356 


3&cMic  fie  r&rt  chrétien. 


l'idéal  s'est  transformé,  et  réciproquement.  Les 
premiers  chrétiens  vivaient  dans  une  ambiance 
artistique  très  délicate  ;  le  XIIIe  s.  se  voit  forcé 
de  se   recréer   une   vie    intellectuelle    après    les 


obscurités  du  moyen  âge.  Les  premiers  étaient 
contemporains  de  Virgile,  dans  un  pays  baigné 
de  soleil;  le  second  est  le  temps  des  rudes  Pères 
de  l'Eglise,  avec  d'âpres  paysages  :  pour  les  pre- 


miers, Mercure  Criophore  devient  le  Bon  Pasteur, 
pour  le  second,  il  n'y  a  que  le  diable  à  combattre  : 
le  démon,  l'ennemi,  remplace  la  tendresse  :  le 
Samaritain,  les  Vierges  folles,  l'Enfant  prodigue 
supplantent  les  idylles  du  Mont  Athos  :  et  je 
citerai  enfin  la  phrase  de  M.  M.  «  La  puissance 
de  l'Art  sur  le  peuple  fut  si  grande  que  les 
emblèmes  imaginés  par  les  artistes  ont  parfois 
donné  naissance  à  des  légendes  nouvelles.  »  Rien 
ne  saurait  mieux  faire  voir,  ce  me  semble,  le 
banc  de  sable  sur  lequel  veulent  bâtir  ceux  qui 
croient  que  toute  cette  époque  repose  exclusi- 
vement sur  le  symbolisme. 

Si  j'ai  dit  en  commençant  que  M.  M.  était 
l'homme  des  anciens  textes,  je  ne  voudrais  pas 
paraître  m'être  avancé  à  la  légère.  Que  l'histoire 
archéologique  récemment  écrite,  des  trésors  des 
églises  qu'il  étudie  lui  semble  inutile  à  lire,  c'est 
affaire  d'appréciation  ;  pourquoi  cependant  ex- 
primer le  regret  de  ne  savoir  où  trouver  le  cata- 
logue des  reliques  possédées  par  la  cathédrale  de 
Chartres  au  XIIIe  s.,  par  exemple  ?  Il  me  semble 
avoir  naguère  entendu  parler  d'un  livre  où  il  aurait 
trouvé  les  sources  qu'il  réclame  :  il  y  découvrirait 
non  seulement  les  inventaires  de  Chartres,  de 
Sens,  mais  ceux  de  presque  toutes  les  grandes 
cathédrales  de  l'Europe  :  et  l'ouvrage  n'est  pas 
introuvable,  puisqu'il  a  été  édité  par  le  ministère 
de  l'Instruction  publique,  et  que  les  trois  volumes 
de  la  Bibliographie  des  Inventaires  imprimés  sont 
la  tête  d'une  série  publiée  par  le  Comité  d'ar- 
chéologie. 

Nous  abordons  les  vitraux  de  la  cathédrale 
de  Chartres  :  j'y  trouve  parfaitement  citée  mon 
Étude  sur  les  vitraux,  mais  alors  pourquoi  écrire 
qu'on  ignore  le  nom  du  chevalier  qui  donna  le  vi- 
trail de  saint  Eustache,  puisqu'au  n°io,  j'explique 
comment  j'ai  pu  l'identifier  avec  le  seigneur  de 
Beaumont-sur-Rilles.  Est-ce  tout?  S'il  signale  le 
fac-similé  héliographique  que  j'ai  donné  de 
l'inscription   du    vitrail   de    saint   Vincent,  il    le 

reproduit   d'après l'ouvrage   de  F.  de    Las- 

teyrie;  si  bien  qu'il  est  impossible  de  déchiffrer 
ce  que  sur  la  photographie  on  peut  découvrir  : 

. . .  entera  a  cest  autel  totes  les  messes  qen  en 
chai e  sont  acoilli  :  li  confrères  Saint  Vincent... 
cil  qui  doerent  ces  te  ver  ri... . 

Plus  loin  mon  procès  s'instruit,  très  courtoise- 
ment d'ailleurs.  Il  paraît  que  je  me  suis  trompé  à 
propos  du  cardinal  Etienne  de  Vancza,  qui  serait 
Etienne  de  Pérouse  :  je  me  doutais  bien  un  peu 
de  mon  erreur.  Mais  j'aurais  cru  que  depuis  1S90, 
nous  étions  d'accord  avec  M.  M.  Une  communi- 
cation à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres,  de  M.  l'abbé  Clerval,  ne  peut  plus  laisser 
aucun  doute  à  cet  égard.  Ce  n'est  ni  Etienne  de 
Vancza,  ni  Etienne   de   Pérouse,  mais    Etienne 


Bibliographie. 


357 


Chardonnel,  chanoine  de  N.-D.  de  Paris.  Le  tra- 
vail a  été  publié  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
d'archéologie  d Eure-et-Loir (t.X),  où  M. M.  aurait 
également  trouvé  une  notice  de  M.  R.  Merlet,  sur 
la  verrière  de  Garin  de  Friaize,  qui  est  la  très 
fine  reconstitution  d'un  monument  à  demi  brisé. 

Il  est  enfin  certains  renvois  qui  ne  sont  plus 
permis;  entre  un  grand  nombre,  je  citerai  Wille- 
min,  pour  le  dessin  de  la  crosse  de  Ragenfroid, 
alors  que  cet  admirable  monument  a  été  publié 
en  héliogravure  sous  toutes  ses  faces,  par  la  Ga- 
zette archéologique  en  1888. 

Bref,  c'est  par  la  bibliographie  contemporaine 
que  pèche  l'ouvrage;  M.  M.  vit  dans  le  XIIIe  s., 
il  s'y  confine  :  le  reste  semble  ne  pas  exister  pour 
lui.  A  un  certain  point  de  vue  nous  aurions  mau- 
vaise grâce  de  nous  en  plaindre;  il  s'est  identifié 
avec  lui,  et  n'en  parle  que  mieux,  par  conséquent. 
Aussi,  je  serais  au  regret  qu'on  pût  croire  un  seul 
instant  que  c'est  uniquement  pour  le  plaisir  de 
critiquer  que  j'ai  mis  ainsi  en  évidence  certaines 
erreurs  de  détails  :  je  les  regarde  au  contraire 
comme  des  plus  importantes.  Ce  livre  est  une 
synthèse;  si  à  cette  synthèse  on  enlève  un  certain 
nombre  de  points  qu'on  prétend  acquis,  l'en- 
semble tout  entier  en  est  ébranlé.  Je  ne  partage 
pas  tout  à  fait  les  idées  de  M.  M.:  je  crois  à  une 
association  de  l'art  et  de  la  théologie,  je  n'ad- 
mets pas  l'asservissement  de  l'artiste  au  clerc. 
Ce  dernier,  autrefois  comme  aujourd'hui,  com- 
mandant, a  certainement  prétendu  conserver  la 
direction  générale,  tracer  les  grandes  lignes  de 
l'œuvre,  mais  l'artiste  a  gardé  sa  liberté.  L' Album 
de  Villard  de  Honnecourt  n'est-il  pas  là  pour  le 
proclamer  bien  haut?  Et  cette  alliance  a  été 
féconde,  puisqu'elle  a  légué  à  notre  patrie  les 
plus  admirables  souvenirs.  p  Mfri  v 


LA  VIERGE  OUVRANTE  DE  BOUBON, 
TRIPTYQUE  EN  IVOIRE  DU  XIIIe  SIÈCLE 
(date  attribuée  1240,  règne  de  S.  Louis)  S'OU- 
VRANT  &  MONTRANT,  SCULPTÉES  AU  DE- 
DANS D'ELLE-MÊME,  LA  NAISSANCE,  LA 
VIE,  LA  MORT,   LA  RÉSURRECTION   ET   LA 

GLOIRE  DU  SAUVEUR!  par  l'abbé  Lecler  et  le 
baron  de  Verneilh  ;  Limoges,  Ducourtieux,  1898, 
in-8°  de  24  pages,  avec  2  phototypies. 

CE  bloc  d'ivoire,  d'une  rare  beauté,  appar- 
tient à  M.  Sailly,  notaire  à  Limoges,  qui  le 
met  en  vente.  Sa  vraie  place  est  dans  un  musée, 
comme  le  Louvre  et  Cluny.  Avant  qu'il  quitte 
le  Limousin,  je  demande  instamment  qu'il  en 
soit  fait  un  moulage,  d'abord  pour  le  musée  de 
la  ville,  puis  pour  le  commerce  ;  ce  sera  un  ser- 
vice rendu  aux  études  archéologiques. 

On   connaît    à   cette  Vierge  magistrale  deux 
similaires,  l'un  au  Louvre,  l'autre  à  Lyon.  L'ori- 


ginal, seul  authentique,  serait  à  Limoges.  M.  de 
Verneilh  estime  que  cet  ivoire  aurait  pu  être 
sculpté  dans  cette  ville,  pure  hypothèse  à  laquelle 
il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter. 

L'ivoire  du  Louvre  a  été  mis  de  côté;  il  ne  figure 
plus  ni  sur  le  catalogue  ni  dans  la  partie  exposée. 
C'est  peut-être  se  prononcer  vite  sur  une 
question  pendante,  car  il  en  est  qui  tiennent  pour 
l'authenticité  et  leur  nom  fait  autorité.  Il  suffira 
de  citer  Didron  qui  a  donné  dans  les  Annales 
archéologiques  plusieurs  planches  du  triptyque, 
maintenant  réputé  faux.  J'insiste  pour  la  révision 
d'autant  qu'une  réplique  est  parfaitement  admis- 
sible. 

X.B.  DE  M. 

MONOGRAPHIE  DE  LA  CATHÉDRALE 
D'ANGERS,  MONUMENT,  SÉPULTURES, 
TRÉSOR,   TAPISSERIES,     VITRAUX,   etc.,    par 

J.  Denais;  Paris.  Rcnouard,  1899,  in-8°  de  500  pages, 
avec  7  planches  et  un  plan. 

Cet  ouvrage  a  une  grande  importance  archéo- 
logique, car  il  est  aussi  complet  que  possible  et 
fait  connaître  en  détail  un  monument  plus  inté- 
ressant par  son  mobilier  que  par  son  architec- 
ture. Que  de  patience  et  de  recherches  il  a  fallu 
pour  l'écrire  ! 

Trois  points  surtout  appellent  l'attention  des 
studieux  :  l'épigraphie,  les  tapisseries  et  les  vi- 
traux. M.  Denais  a  bien  fait  de  reproduire  toutes 
les  inscriptions,  qui  ont  disparu  ;  c'est  de  l'his- 
toire locale. 

Je  lui  conseille  de  former  pour  les  tentures  et 
les  verrières  deux  albums  photographiques,  qui 
sont  désormais  indispensables  et  qui  auront  de 
suite  un  réel  succès.  Les  tapisseries  sont  insuffi- 
samment connues  par  de  médiocres  reproduc- 
tions :  or  elles  constituent  un  ensemble  des  plus 
précieux  du  XIVe  au  XVIIIe  siècle,  sur  lequel 
M.  de  Farcy  a  particulièrement  attiré  l'attention 
dans  une  brochure  spéciale. 

Sans  donner  tous  les  vitraux,  car  plusieurs 
sont  trop  mutilés  pour  pouvoir  en  tirer  parti,  il 
conviendrait  de  faire  choix  des  plus  beaux  :  il  en 
est  un  entre  autres,  dans  la  nef,  provenant  du 
château  du  Verger,  qui  est  unevéritable  merveille 
d'art  de  la  Renaissance.  L'iconographie  gagnera 
beaucoup  à  ce  groupement,  qui  ne  redoute  pas  la 
comparaison  avec  les  verrières  similaires  de 
Bourges,  de  Tours  et  du  Mans. 

On  ne  saurait  trop  louer  l'initiative  féconde 
de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts 
d'Angers,  qui,  par  cette  publication  entreprise 
sous  son  patronage  et  à  ses  frais,  montre  en 
quelle  estime  elle  tient  l'archéologie  et  les 
monuments  que  la  science  a  besoin  de  connaître. 


358 


ïUMic  De  r&vr  chrétien. 


La  monographie  de  la  cathédrale  est  la  pre- 
mière d'une  série  qui  comprendra  toutes  les 
églises  de  la  ville  :  celles  de  la  Trinité  et  de  St- 
Serge  ont  une  haute  valeur  et  feront  bonne 
figure  auprès  de  l'église -mère. 

X.  B.  DE  M. 

PIA  DICTAMINA,  par  le  P.  Clément  Blume» 
S.  J-;  Leipzig,  Reisland,  1898,  in-8°,  de  218  pag. 

Ce  fascicule  est  le  31e  des  Analecta  hymnica 
médit  œvi.  J'aurais  préféré  un  autre  sous-titre, 
car  c'est  la  quatrième  fois  qu'on  lit  Pia  dicta- 
mina,  ce  qui  peut  amener  de  la  confusion  dans 
les  citations. 

Le  nombre  des  pièces  reproduites  est  de  210. 
Toutes  n'ont  pas  un  caractère  liturgique.  Le  Te 
De/nu  Marianum  (p.  212)  diffère  de  celui  de 
S.  Bonaventure.  Ici,  c'est  plutôt  une  espèce  de 
paraphrase  ;  on  peut  en  juger  par  cette  première 
strophe  : 

«  Te  Deum  digne  laudibus  et  Dominam  fatemur, 
Te  in  terris  virginem  aeternam  veneramur, 
Te  feminam  eximiam  omnes  laude  famur.  » 

Les  documents  sont  répartis  en  deux  séries  : 
De  Deo  et  de  Beata.  Cette  dernière  est  très  riche 
et  sera  utile  à  consulter  pour  l'iconographie, 
surtout  des  figures  de  la  Vierge  dans  l'Ancien 
Testament.  M.  Léon  Germain  de  Maidy,  qui  a 
si  bien  traité  la  question  des  Joies  de  la  Ste 
Vierge,  trouvera  là  un  précieux  complément  au 
groupe  qu'il  a  formé  sur  ce  sujet. 

Deux  pièces  du  XVe  siècle  ne  me  semblent 
pas  à  leur  place.  Il  eût  été  opportun  de  les  réser- 
ver pour  un  fascicule  consacré  aux  Tropes  qui 
s'impose  nécessairement.  Ce  sont,  p.  14-15.  Ie 
rythme  qui  glorifie  la  Trinité  et  le  S.  Sacrement  ; 
la  dernière  strophe  est  ainsi  formulée  : 

«  Benedicamus  Domino, 
Laudetur  sancta  Trinitas  ; 
De  Christo  Dei  Filio 
Deo  dicamus  gratias.  » 

L'autre,  relative  à  l'Annonciation,  se  termine 
par  cette  19e  strophe  (p.  130)  : 

«Nos  de  tali  mysterio 
Inter  laudes  angelicas 
Benedicamus  Domino, 
Dicentes  Deo  gratias.  » 

Ce  sont,  évidemment,  les  tropes  d'un  Benedica- 
mus des  vêpres   à   la   Fête-Dieu   et  à   l'Annon- 


ciation. 


X.   B.   DE  M. 


REGISTRE  DES  ANNIVERSAIRES  DE  LA 
COMMUNAUTÉ  DE  PRETRES  SÉCULIERS 
DE  St-MAXIMIN,  A  M AGNAC-LAVAL,  par 
Louis  Guibert.  Limoges,  Ducourtieux,  1899,  in-8° 
de  23  pag. 

Ce  registre,  conservé  à  Magnac,  en  Limousin, 
date  du  commencement  du  XVIe  siècle.  Il  con- 
tient la  liste,  en  latin,  des  anniversaires  fondés 
en  cette  église  de  St-Maximin,  avec  leur  dota- 
tion et  les  noms  des  bienfaiteurs.  Ces  fonda- 
tions devaient  être  acquittées,  non  par  les  reli- 
gieux qui  desservaient  le  «  prieuré  »,  mais  par  la 
communauté  des  prêtres  séculiers  de  Magnac, 
«  presbyteri  servientescommunitati  sancti  Maxi- 
mini ».  On  les  nommait,  en  Limousin,  «prêtres 
communalistes  »  ;  «  ils  habitent,  en  général,  des 
maisons  appartenant  à  l'église  ou  à  la  commu- 
nauté et  situées  à  proximité  de  l'édifice  ;  mais 
ils  ne  vivent  pas  ensemble  et  n'ont  pas  d'obliga- 
tions d'une  nature  spéciale...  Les  ecclésiastiques 
qui  composent  ces  associations  paraissent  avoir, 
à  une  certaine  époque,  récité  l'office  en  commun  . 
Ils  vivent  des  revenus  de  la  communauté,  dont 
une  portion  déterminée,  un  gros,  est  assignée  à 
chacun.  Presque  toujours,  il  est  attribué  à  cha- 
que prêtre,  en  outre  de  ce  gros,  les  revenus  des 
fondations  spécialement  affectées  à  la  chapelle 
ou  à  l'autel  qu'il  a  mission  de  desservir...  Une 
seule  condition  semble,  à  l'origine,  avoir  été 
réclamée  pour  leur  admission  dans  la  commu- 
nauté :  la  justification  de  leur  qualité  de  filleuls 
de  la  paroisse,  c'est-à-dire  de  leur  baptême  aux 
fonts  paroissiaux  »   (p.  5).         X    B    DE  M 

BIBLIOGRAPHIE  DES  INVENTAIRES. 

1.  —  TESTAMENT  DE  DAME  HÉLÈNE 
VOLCHO,  EN  1337,  dans  le  Bidlettino  di  archeo- 
logia  e  storia  Dalmata,  Spalato,   1898,  p.    15-18. 

L'acte  notarié,  passé  à  Spalato,  dans  le  monas- 
tère de  St-Benoît,où  elle  s'était  retirée  après  son 
veuvage,  a  été  publié  par  M.  Alacevic,  sans  anno- 
tation ni  numérotage  des  articles.  Parmi  les  legs 
je  note  des  tasses  :  «  A  Madona  abadissa  de  san 
Benedetto  taze  do,  una  grande  e  altra  pizola  »; 
«  una  taza  d'arzento  mazor  »  ;  des  tapis  :  «  dui 
trapeti  »  ;  une  fourrure  de  peau  de  lapin  et  une 
autre  de  renard  :  «  Una  fodra  de  conigli»  ;  «  la 
mia  fodra  de  volpe  »  ;  des  colliers  tordus  : 
«  Item,  lego  a  Madona  abadissa  Mira  choslieri 
storti  cinque  e  a  sor  Micha  de  Andréa  choslieri 
storti  tre  e  a  Mira  choslieri  quatro  ».  Voici  donc 
douze  colliers,  dont  la  matière  n'est  pas  précisée 
(peut-être  étaient-ils  en  or  ?)  :  que  pouvaient  en 
faire  les  religieuses  à  qui  ils  étaient  légués,  puis- 
qu'elles ne  devaient  évidemment  pas  les  porter 
sur  elles  ? 


Bibliographe. 


359 


2.  —  INVENTAIRES  DE  DEUX  BOURGEOIS 
DE  S.  JEAN  D'ANGELY,  DU  XIVe  SIÈCLE, 
1897,   pp.  8692. 

Les  Archives  de  Saintonge  contiennent  deux 
inventaires,  de  peu  d'importance,  dont  on  a 
oublié  de  numéroter  les  articles,  malgré  la 
recommandation  expresse  qui  en  a  été  faite 
tant  de  fois  déjà. 

L'inventaire  de  Guillaume  Boutin,  bourgeois 
de  St-Jean  d'Angely,  date  de  1 397.  Il  est  curieux 
en  ce  sens  qu'il  donne  la  forme  patoise  des 
mots:  ainsi  taux  pour  tasse,  tr/p/poux  trépied,  etc. 

Le  second  est  de  la  même  année  et  relève  les 
«biens  qui  furent  à  feu  Arnaut  Richart,  jadis 
bourgeois  de  la  commune  de  la  ville  Saint- 
Jehan.»  L'énumération  des  étoffes  mérite  d'être 
signalée  :  «  Quatre  groux  draps  de  la  fasson  de 
Poictou»,  «la  moitié  d'un  gris  deMontberon»  (*), 
«  dix  aulnes  d'un  rolleau  blanc  d'Angleterre  », 
«  une  couverte  (de  lit),  de  la  fasson  de 
Parthenay  (2). 

«  Une  petite  cassette,  où  avoit  quatre  livres  de 
chandelles  de  mole,  »  c'est-à-dire  faites  dans  un 
moule.  Cette  expression  manque  au  Glossaire 
de  Gay,  ainsi  que  la  suivante,  qui  a  son  équi- 
valent dans  escame  et  eschamel:  «  Une  table  et 
deux  eschemaux,  qui  est  en  lommeau  »,  signifie 
une  table  à  manger,  munie  de  deux  escabeaux, 
en  bois  d'ormeau.  Les  formes  sont  des  bancs, 
probablement  à  dossier  :  «  Une  table  et  deux 
eschemaux  et  deux  petites  formes  pour  manger.» 
«  Un  mortier  de  perre  et  une  reboule  de  boys.» 
La  reboule,  poignée  terminée  en  boule,  est  le 
pilon  du  mortier  de  pierre,  employé  à  la  cuisine. 

«Une  petite  arche,  en  laquelle  avoit  deux 
buieres,  en  chascune  desquelles  avoit  un  petit 
bouchon  d'argent.»  Les  deux  ampoules  ou  bu- 
rettes, à  bouchons  d'argent,  constituent  un 
huilier. 

3.  —  INVENTAIRE  DE  PIERRE  SURREAU, 
RECEVEUR  GÉNÉRAL  DE  NORMANDIE, 
SUIVI  DU  TESTAMENT  DE  LAURENT  SUR- 
REAU ET  DE  L'INVENTAIRE  DE  DENISE 
DE  FOLLEVILLE,  par  F.  Félix,  publiés  pour  la 
première  fois  avec  notes  et  glossaire.  Rouen,  Lestrin- 
gant,  in-S"  de  XII  444  pages. 

Ce  volume,  copieusement  annoté  pour  la  partie 
historique,  contient  trois  documents  intéressants  : 
Y  Inventaire  de  Pierre  Surreau  (1435),  le  Testa- 
ment de  Laurent  Surreau,  chanoine  de  Roue?i 
(1476)  et  l'Inventaire  de  Denise  de  Foville,  prieure 
de  St-Paul-lès-Rouen  (1465).  Il  est  regrettable 
que  les  articles  des  inventaires  ne  soient  pas  nu- 

1.  Montbron,  en  Angoumois. 

2.  Parthenay  (Deux-Sèvres). 


mérotés  et  que  les  mots  du  Glossaire,  très  com- 
plet, n'y  renvoient  pas. 

La  lecture  en  est  très  profitable  pour  quicon- 
que aime  ce  genre  de  littérature  médiévale. 
Aussi  je  ne  m'arrêterai  pas  à  quelques  points  de 
détail  sur  lesquels  je  pounais  me  trouver  en  dés- 
accord avec  l'auteur.  Je  tiens  seulement  à  éluci- 
der le  motpers,  qui  revient  fréquemment  dans  ces 
pages  et  qui  est  défini,  p.  390  :  «  Bleu,  violet, 
violacé,  et  par  extension,  pâle,  livide  ».  Aucune 
de  ces  expressions  n'est  exacte  :  bien  ne  pourrait 
être  conservé  qu'en  ajoutant  vert  ;  quant  à  violet, 
qui  manque  dans  le  Glossaire,  quoique  ce  mot 
reparaisse  souvent, sa  nuance  est  bien  connue.  Un 
exemple  suffira  pour  redresser  cette  inexactitude: 
Poitiers  a  conservé  à  une  de  ses  rues,  d'une  an- 
cienne enseigne,  le  nom  de  Cloche-perse.  Or  pers 
e^t  précisément  la  couleur  propre  du  métal  de 
cloche,  du  bronze,  que  le  temps  patine,  ou  vert 
d'une  teinte  spéciale  ;  l'équivalent  serait  donc 
couleur  de  bronze.  Boiste,  dans  son  Dictionnaire, 
se  contente,  comme  d'habitude,  d'un  à  peu  près: 
«  Pers,  glaucus,  couleur  entre  le  vert  et  le  bleu  ». 

La  prieure  de  Foville  portait  bien  «  une  robe 
noire»,  mais  elle  y  ajoutait  «  une  manche  drap 
violet  ».  Il  est  fait  mention  dans  son  «  mobilier  » 
d'une  tenture  en  «  sarge  perse  ».  Donc  pers  et 
violet  sont  deux  couleurs  distinctes. 

4.  —  CONSIGNATION  D'ARMES  ITALIEN- 
NES A  LYON,  EN  1561,  par  Giraud,  dans  le 
Bulletin  archéologique.  Paris,  1898,  pp.  53-62. 

Cet  inventaire,  très  spécial,  n'a  pas  ses  articles 
numérotés,  mais  en  revanche  il  est  parfaitement 
commenté.  Sur  un  seul  point  je  ne  suis  pas  d'ac- 
cord avec  l'auteur,  qui  affirme  que  «  l'expression 
de  corcellet garni  s'entend  de  la  cuirasse,  avec  ses 
brassards,  gantelets,  cuisseaux  et  harnais  de 
tête,  soit  l'armure  défensive  complète  ».  Est-ce 
bien  sûr?  Il  peut  y  avoir  doute  en  certains 
cas,  par  exemple:  «deux  cent  corcellets  blancs, 
tous  garnis».  Ailleurs,  en  déplaçant  une  virgule, 
le  sens  est  différent  :  «  sept  harnois  et  armes 
d'homme  à  cheval,  tous  gamys  avec  grèves  et 
scarpes  ».  J'écrirais  :  «  tous  garnis,  avec  grèves  et 
scarpes»,car  il  n'est  pas  démontré  que  grèves 
et  scarpes  forment  la  garniture,  qui,  pour  moi, 
consiste  en  une  doublure.  Le  sens  est  très  clair 
ici  :  «  Un  corsellet,garny  de  veloux  rouge,  gravé». 
Est-ce  le  velours  ou  l'acier  qui  est  gravé  ?  Je 
penche  pour  ce  dernier  :  «  Deux  aultres  corcel- 
let z  gravés,  tous  fournysde  velours,  l'un  de  rouge 
et  l'autre  de  verd  ».  Fourny  signifie  bien  fourre, 
dans  le  sens  de  foderaius ;  mais  ailleurs  il  se 
prend  dans  une  autre  acception  :  «  Ung  harnois 
d'homme  de  cheval  gravé,  tout  fourny  de  ses 
grèves  et  scarpes  ».  La  rédaction  manque  donc 
de  précision  par  endroits. 


360 


Bebue  lie  V&vt  djrétten. 


A  noter  deux  modes  de  dorure  :  i  Huit  mor- 
rions  dorez  d'or  de  feuilles.  Item,  une  salade  do- 
rée d'or  molu  ». 

5.  —  INVENTAIRE  DES  ARMES  ET  MUNI- 
TIONS DE  LA  VILLE  D'ALBI,  EN  1595,  par 
de  Rivières.  Paris,  Imprimerie  nationale,  in-8°  de 
S  pages. 

Il  eût  été  plus  exact  d'intituler  ce  document, 
en  99  articles  :  Inventaire  du  mobilier  de  V hôtel 
de  ville.  Les  mots  à  retenir  sont  les  suivants  : 

Nauc,  auge  ou  mesure  légale  :  «  Ung  nauc 
rond  de  pierre,  pour  faire  une  mesure  à  mesurer 
le  bled  »  (n°  14). 

Limande,  armoire  à  deux  battants  :  €  Une 
grande  limande  ou  drappier  de  menuiserie  neufve 
lamée  de  fer,  fermée  à  trois  cadenats,  servant 
d'archivé  pour  tenir  les  papiers  du  diocèse»  (n° 
28). 

Clochette  à  main  :  «  Une  petite  clochette  de 
laton,  servant  pour  appeler  les  serviteurs  (')  » 
(n°  48). 

Tambourin,  pour  les  cérémonies  où  figure  le 
corps  de  ville  :  «  Ung  tambourin  de  guivre, 
vieulx  »  (n°  50). 

Marque,  qui,  rougie  au  feu  et  empreinte  sur 
le  bois  ou  le  cuir,  indique  par  les  armoiries  la 
propriété  de  la  ville:  «Deux  marques  fer  des 
armoyries  de  la  ville  »  (n°  56). 

Seringue,    pour     l'extinction     des    incendies, 

comme  à  Troyes  :  «  Dans  un  des  coffres s'est 

trouvé  cinq  ciringues  de  Iatoum  (laiton),  avec  les 
armoiries  de  la  ville  à  chascune  »  (n°  88). 

Calel(2),  lampe  portative  :  «  Deux  calels,  fuilhe 
de  fer  blanc,  grands,  vieulx  »  (n°95). 

Aiguière  (3),  à  laver  les  mains  :  «  Une  ayga- 
dière  estaing,  couverte  (n°  98). 

6.  —  INVENTAIRE  DU  MOBILIER  D'UN 
NÉGOCIANT  MALOUIN  AU  XVIIIe  SIÈCLE, 
par  Decombe,  dans  le  Bulletin  et  Mémoires  de  la 
Société  archéologique  d'il  le  et  Vilaine,  t.  XXVII, 
pp.  3  16. 

Le  titre  pèche  par  trois  endroits:  la  date  eût 
été  plus  précise  en  inscrivant  17 14,  en  donnant 
le  nom  du  négociant,  Bordas  et  en  substituant 
St-Malo  à  Malouin,  car  dans  un  classement 
méthodique  le  document  sera  mis  indifférem- 
ment a  son  millésime  ou  aux  noms  de  personne 
et  de  lieu. 

Je  reprocherai  encore  à  la  transcription  d'être 
incomplète  et  de  n'avoir  pas  numéroté  les  articles, 
en  général  peu  saillants,  à  part  ceux-ci  : 

1.  Le  Glossaire  de  Gay  se  tait  sur  cette  destination. 

2.  Rabelais,  dans  Pantagruel  (II,  23)  et  Favyn,  dans  Théâtre 
d'honneur  (I,  432),  écrivent  caleil. 

3.  Gay  n'a  que  aiguière  et  esguière. 


Couleur  d'or  :  «  Un  lit  de  drap  couleur  d'or  ». 

Etamine  :  «  Deux  rideaux  de  fenêtre  et  deux 
portières  d'étamine  rouge.  —  Un  rideau  de  fenê- 
tre d'éîamine  rouge  ». 

Placet  (tabouret)  :  «  4  petits  placets  de  satin 
usé,  de  peu  de  valeur  ». 

7.—  INVENTAIRE  DE  JEAN  BERAIN,  EN 
1711. 

M.  Valabrègue,  dans  sa  vie  de  Jean  Berain, 
maître  décorateur  de  la  Cour,  publiée  par  la 
Lorraine-artiste,  1898,  p.  329,  donne  en  abrégé 
<<  la  description  du  mobilier  qui  se  trouvait  dans 
l'appartement  et  dans  l'atelier  du  défunt  ».  Deux 
objets  seulement  sont  dignes  d'une  mention  : 

<L  Dans  la  salle  à  manger,  au  premier  étage, 
s'est  trouvé  un  bureau  de  bois  de  violette,  garny 
de  neuf  tiroirs,  compris  celuy  de  frisure  et  un 
guichet  au  milieu. 

«  Deux  petits  bustes  de  marbre  blanc,  posés 
sur  leurs  pieds  de  marbre,  et  l'un  d'iceux  sur  sa 
gaine  de  bois  ». 

X.  B.  DE  M. 

CULTE  DE  S.  GRAT,  ÉVEQUE  ET  PATRON 
DU  DIOCÈSE  D'AOSTE.  BÉNÉDICTION  DE 
S.  GRAT,  par  le  ch.  Etienne  Duc.  Aoste,  in-8°  de 
32  pages. 

Cette  brochure  est  la  cinquième  afférente  au 
culte  de  S.  Grat  :  elle  s'occupe  exclusivement 
des  bénédictions  faites  en  l'honneur  du  patron 
du  diocèse  d'Aoste.  Elles  sont  au  nombre  de 
cinq  :  nous  en  avons  ici  les  formules. 

1 .  Modus  aquœ  benedicendœ  in  honorent  S.  Grati, 
va/lis  Augustœ  episcopi,  adversus  animantia  f ru- 
gibus  terrœ  nocentia.  Les  oraisons  disent  quels 
sont  ces  animaux  nuisibles  :  locusta,  bruchus, 
eruca,  talpa,  mus,  serpens,  gatta,  et  quels  sont  ces 
fruits  :  olera,  rapœ,  etc. 

2.  Ritus  benedicendi  terrant  in  honorent  S.  Grati, 
adversus  fructibus  terrœ  nocentia.  Le  but  est  le 
même  que  pour  l'eau. 

3.  Methodus  benedictionis  candelarum  in  hono- 
rent S.  Grati,  contre  les  orages  et  la  grêle. 

4.  Benedtctio  salis  et  aquœ  quœ  fit  die  S.  Ste- 
phaui  ad  usuni  almœ  Ecclesiœ  Augustensis  pro 
hominibus  eoru nique  habitationibus  neenon  pro 
animalibus  eorum. 

5.  Benedictio  vinagii.  Ce  vinage  est  du  «  vin 
bénit  par  l'immersion  à  nu  de  chacune  des  reli- 
ques de  l'église  ». 

Toutes  ces  bénédictions  sont  anciennes  et 
très  populaires  :  la  rédaction  en  est  très  pieuse 
et  s'inspire  surtout  des  formules  liturgiques.  Elles 
se  font  en  présence  des  reliques  de  S.  Grat,  dont 


BtMtograptne. 


361 


on  se  sert  ensuite  pour  bénir  l'eau,  la  terre  et  les 
chandelles.  Il  importerait,  pour  continuer  à  en 
user  légitimement,  de  les  faire  revoir  et  approu- 
ver par  la  S.  C.  des  Rites. 

Je  profiterai  de  cette  étude  sur  un  sujet  inté- 
ressant pour  expliquer  deux  mots  qui  y  sont 
employés. 

En  1698,  la  fête  de  S.  Etienne  est  qualifiée, 
comme  rite,  quadruplex.  A  considérer  l'antienne, 
dite  une  fois,  deux  ou  trois,  la  fête  était  dite 
simplex  ou  semiduplex,  duplex  et  triplex.  Quadru- 
plex est  beaucoup  plus  rare,  et  la  quadruple  répé- 
tition, au  lieu  de  se  faire  à  tous  les  psaumes, 
était  réservée  à  l'introït,  au  Benedictus  et  au 
Magnificat.  L'antienne  se  disait  avant  et  après 
le  psaume,  au  milieu  et  à  la  fin  de  la  doxologie. 
A  Aoste,  d'après  une  rubrique,  quadruple  se  disait 
aussi  de  la  sonnerie,  probablement  à  quatre 
cloches  ou  plutôt  à  quatre  reprises  :  «  Aux  2e5  ves- 
pres  de  l'Invention  de  la  Ste  Croix,  l'on  sonne 
quadruple,  à  cause  de  la  feste  du  S.  Suaire  qui 
se  suit  ». 

Vinagium  signifie  un  vin  bénit  et  l'ablution 
de  vin  après  la  communion.  En  voici  l'origine, 
d'après  le  procès-verbal  de  visite  de  l'archidiacre 
en  1436  :  «  Et  faciat  de  omnibus  reliquiis  vina- 
gium, intingendo  in  vinum  infra  calicem  ibidem 
paratum,  de  quo  in  fine  collacionis  ministretur 
bibere  omnibus  prsesentibus  ».Or,  ce  vin  se  distri- 
buait à  l'aide  d'une  cuiller  :  «  Item,  la  couppe  de 
S.  Bernard  (de  Menthon),  de  bois  de  brisi  (Brésil) 
et  dans  icelle  une  cuiller  d'argent,  avec  laquelle 
on  donne  boire  le  vin  bénit  »  (Inventaire  de  1666). 
L'archidiacre  faisait  le  vinage,  lorsqu'il  procédait 
à  la  visite  des  reliques.  Dans  le  principe,  il  sor- 
tait les  reliques  des  reliquaires  et  les  lavait  avec 
du  vin,  soit  pour  les  nettoyer,  soit  pour  mieux 
en  assurer  la  conservation  :  naturellement  ce  vin 
était  distribué  aux  pieux  fidèles. 

En  1346,  fut  fondée  la  prébende  de  Quart,  à  la 
condition  que  le  «  prébendier  fournirait  annuelle- 
ment une  émine  de  vin  rouge  parochianis  S.Eu- 
sebii  communicantibus  in  Pasca.  Dans  les  statuts 
synodaux,  promulgués  en  1597,  Mgr  B.  Ferrari, 
évêque  d'Aoste,  constate  cette  ablution  comme 
usage  diocésain,  mais  il  ordonne  de  se  servir 
d'une  coupe  au  lieu  d'un  calice  :  «  Prohibemus 
pro  purificatione  communicantium  usum  calicis, 
sed  habeatur  in  qualibet  parochiali  ad  hune 
usum  cyathus  vitreus  seu  stanneus  non  conse- 
cratus  ».  Ces  deux  faits  viennent  en  confirmation 
de  ce  que  j'ai  dit  du  scyphus  ou  coupe  d'ablution 
au  tome  VI  de  mes  Œuvres,  p.  293  et  suiv. 

X.  B.  DE  M. 


ST-ETIENNE     DU     MONT,     par    BoUILLET     et 

Petit.    Paris,   Rondelet,  in-8°  de   16  page?,  avec  22 
vignettes. 

La  série  des  Églises  paroissiales  de  Paris  con- 
tinue avec  ce  n°  4,  d'une  lecture  très  instructive 
et  d'une  illustration  parfaite,  les  planches  étant 
d'une  netteté  irréprochable  et  donnant  des  dé- 
tails architectoniques  du  plus  haut  intérêt,  comme 
le  pavé  et  l'enchevêtrement  des  nervures  de  la 
voûte  centrale. 

L'auteur  a  tort  de  ne  pas  se  prononcer  sur  la 
déviation  d'axe,  qui  tient  uniquement  à  l'inter- 
ruption des  travaux  après  l'achèvement  ducheeur, 
qui  date  de  1517a  1537,  tandis  que  la  nef  est 
bien  postérieure,  puisque  le  portail  n'a  eu  sa 
première  pierre  posée  qu'en  1610.  Il  n'y  a  pas  à 
invoquer  les  «  exigences  symboliques  »,  qui 
n'ont  jamais  existé  sur  ce  point,  sinon  dans  l'ima- 
gination trop  féconde  de  certains  archéologues 
contemporains. 

Les  livres  utiles  ne  parviennent  pas  toujours 
directement  à  la  connaissance  de  ceux  qu'ils  in- 
téressent spécialement.  Souvent  on  ignore  l'an- 
nonce ou  le  compte  rendu  qui  peuvent  les  rendre 
attrayants,  comme  aussi  on  ne  passe  pas  devant 
la  librairie  qui  les  édite  et  les  expose.  Pour  re- 
médier à  cet  inconvénient  grave,  il  n'y  a  qu'un 
moyen  très  efficace,  celui  de  faire  vendre  les  mo- 
nographies aux  portes  mêmes  des  églises,  où  se 
tiennent  les  marchands  de  la  Semaine  religieuse 
et  des  objets  de  piété.  Le  visiteur  est  ainsi  solli- 
cité par  la  vue  de  la  notice  illustrée  qui  lui  ap- 
prendra tant  de  choses  curieuses  et  il  se  retirera 
d'autant  plus  satisfait  qu'il  n'aura  pas  fait  de  frais: 
le  bon  marché,  en  la  circonstance,  est  une  ga- 
rantie de  succès,  que  nous  souhaitons  de  cœur  à 
cette  série  de  plaquettes,  aussi  bien  informées 
qu'imprimées  et  illustrées. 

X.  B.  DE  M. 

ÉGLISE  SAINT-VULFRAN  A  ABBEVILLE. 
Conférence,  par  M.  Emile  Delignières,  avocat. 
Abbeville,  Paillart,  1S9S,  in-8°  de  45  pag. 

Cette  brochure  pourra  servir  de  guide  aux 
visiteurs  de  l'église  collégiale  d'Abbeville,  con- 
struite à  la  fin  du  XVe  siècle  et  restée  inachevée 
en  1539.  Il  serait  utile  de  la  compléter  par  quel- 
ques vignettes. 

Une  particularité  intéressante  consiste  dans  la 
donation  des  statues  du  portail  par  les  corpora- 
tions ouvrières,  qui  ont  apposé  leurs  armoiries 
sur  le  socle  et  choisi  leurs  patrons  respectifs. 
Ainsi  S.  Fiacre  a  été  offert  par  les  jardiniers  ; 
S.  André,  par  les  bouchers  ;  S.  Jean-Baptiste,  par- 
les peaussiers  ;  S.  Thomas  d'Aquin,  par  les  brou- 
tiers  et  porteurs  de   sacs  ;  S.  Paul,  par  les  van- 


362 


Hcbue  De  l'&rr  cljrctteiu 


niers  et  cordiers  ;  S.  Firmin,  par  les  tonneliers  ; 
S.  Pierre,  par  les  tondeurs  de  draps  ;  Ste  Made- 
leine, par  les  marchands  de  vin  et  les  boursiers  ; 
S.  Maurice,  par  les  sergents  royaux  ;  S.  Eusta- 
che,  par  les  marchands  de  drap  ;  S.  Éloi,  par  les 
orfèvres  ;  S.  Georges,  par  les  mariniers. 

X.  B.  DE  M. 

ECCK     HOMO    DE     LA     CATHÉDRALE    DE 

MEAUX,  par  le  chanoine  Jouy  ;  Meaux,  1899,  in-S° 
de  5  pag.,  avec  3  vignettes. 

Cette  statue,  autrefois  coloriée,  date  du  XVIe 
siècle.  Sur  le  socle  sont  figurées,  dans  un  écusson, 
les  armoiries  de  la  Passion.  Les  vignettes  repré- 
sentent la  statue,  la  tête  et  le  donateur  agenouillé, 
vêtu  d'un  surplis  et  l'aumusse  au  bras. 

X.  B.  DE  M. 


S.  ANTOINE  LE  GRAND  ET  SA  STATUE,  A 
OCQUERRE  (Seine  et  Marne),  par  le  ch.  JoUY  ; 
Meaux,  1899,  in-8°  de  4  pag-,  avec  une  vignette  et  une 
phototypie. 

La  statue,  d'une  exécution  peu  commune,  re- 
monte au  XVe  siècle.  L'auteur  la  décrit  avec 
beaucoup  de  précision  et  insiste  sur  la  signifi- 
cation des  attributs,  qui  ici  sont  au  complet. 

X.  B.  DE  M. 


ST-GERMAIN  L'AUXERROIS,  par  BouiLLET 
et  Petit  ;  Paris,  Rondelet,  1899,  in-40  de  16  pag.,  avec 
20  phototypies. 

Ce  fascicule  est  le  8e  des  Églises  paroissiales 
de  Paris.  Le  monument  intéresse  par  ses  diffé- 
rents styles  archéologiques  et  son  mobilier  ; 
peut-être  une  part  trop  grande  y  est-elle  faite  à 
l'histoire  proprement  dite.  Sous  une  forme  un 
peu  plus  didactique,  cette  notice,  très  complète 
pourrait  servir  de  guide  à  la  visite  détaillée  de 
St-Germain  l'Auxerrois. 

Je  réclame  de  nouveau  une  lettre  indicative 
à  chaque  vignette.  Ainsi,  page  2,  voici  une  statue 
qui  aurait  pu  être  ainsi  spécifiée  :  Statue  de  Ste- 
Marie  Egyptienne,  au  portail,  XV'  siècle. 

De  qui  est  le  tombeau,  figuré  page  15,  avec  sa 
statue  couchée  ?  On  aimerait  le  savoir,  comme 
aussi  le  nom  de  la  statue  de  la  page  2. 

La  cloche  de  1527  qui,  en  1572,  sonna  la 
St-Barthélemy,  méritait  bien  les  honneurs  d'une 
vignette,  c'est  à  la  fois  de  l'archéologie  et  de 
l'histoire.  Or,  M.  le  chanoine  Bouillet  s'entend  à 
merveille  à  les  faire  vivre  en  bonne  harmonie  et 
nous  lui  saurons  gré  de  faire  à  la  science  la  plus 
large  part  possible. 

X.  B.  DE  M. 


SAINT  JULIEN  DU  MANS  ET  L'ÉGLISE 
SLAVE. 

Notre  collaborateur,  M.  le  chanoine  J.  Didiot, 
professeur  aux  Facultés  catholiques  de  Lille, 
a  fait  connaître  cette  circonstance  curieuse, 
du  culte  de  saint  Julien  commun  au  diocèse  du 
Mans  et  à  l'Église  slave.  Une  nouvelle  note  du 
même  érudit  communiquée  à  la  Revue  hist.  et 
archéol.  du  Mans  nous  apprend  que,  grâce  à  des 
renseignements  fournis  par  notre  collaborateur 
polonais,  M.  l'abbé  Bryckzynski,  l'identité  du 
patron  russe  et  de  l'évêque  catholique  peut  être 
considérée  comme  authentique  ;  elle  est  reconnue 
par  l'autorité  ecclésiastique  orthodoxe  de  Russie. 
Au  surplus,  il  est  établi  que  cette  curieuse  im- 
portation liturgique  et  hagiographique  s'est  faite 
directement  d'un  port  occidental  où  saint  Julien 
était  honoré,  dans  un  centre  oriental  et  slave 
assez  puissant  pour  le  faire  rayonner  ensuite 
jusqu'en  Moscovie  et  en  Serbie  ;  ce  centre  pour- 
rait être  Paderborn  ou  Kiew. 

UN  CRUCIFIX  HABILLÉ  DU  Xme  SIÈCLE. 
Brochure  par  Mgr  X  Barbier  de  Montault. 

Mgr  Barbier  de  Montault  est  à  l'affût  des 
choses  cachées  et  intéressantes  que  révèlent  les 
expositions  rétrospectives.  Ainsi,  à  l'exposition 
de  Tours  il  a  remarqué  un  beau  crucifix  limousin 
en  émail  champlevé  figurant  le  Christ  habillé 
et  vivant,  type  rare. 

A  ce  propos  l'auteur  discute  le  terme  usuel  de 
Christ  en  majesté;  d'après  lui,  ce  terme  est  ap- 
plicable non  seulement  au  Christ  assis  sur  le 
trône,  mais  aussi  bien  au  Christ  debout,  pourvu 
qu'il  figure  comme  Sauveur,  comme  fuge,  comme 
Rémunérateur  ou  comme  Vainqueur. 

L.  C. 


LES  VOLETS  DE  RETABLE  PEINT  PAR 
HANSMEMLINCPOUR  L'ABBAYE  DE  SA1NT- 
BERTIN  ET  SAINT-OMER,  par  D.  J.  DE  PAS. 
(Soc.  des  antiquaires  de  ta  Morinie.)  Saint-Omer, 
Homot,  1899. 

La  Revue  de  l'Art  chrétien  a  publié  na- 
guère (')  un  savant  travail  de  Mgr  Dehaisnes 
sur  le  retable  de  Saint-Bertin,  qu'il  attribuait  à 
Simon  Marmion,  bien  qu'il  fût  communément 
attribué  à  Memlinc.  La  Société  des  antiquaires 
de  Picardie  a  obtenu  de  la  princesse  de  Wied  l'au- 
torisation de  faire  photographier  les  deux  vo- 
lets qui  font  actuellement  partie  de  sa  galerie. 
M.  de  Pas  a  pu  les  étudier  en  détail,  et  il  se  range 
de  l'avis   de    M.   Revillon,  qui,   appuyé  sur   des 

1    Année  1892.  t.  II,  4"  et  6I:  livr. 


Bibliographie. 


363 


probabilités  sérieuses,  incline  à  restituer  ce  chef- 
d'œuvre  au  peintre  brugeois,  qui  doit  avoir  fait 
un  séjour  assez  prolongé  à  Saint-Bertin  sous 
l'abbé  Guillaume  Fillastre. 


m&  ©évtotuques. 


BULLETIN   MONUMENTAL,  n"  3,  1898. 

M.  V.  Cunat  de  Chizy  achève  son  instructive 
étude  sur  les  maîtres  des  œuvres  de  Bourgogne 
que  nous  avons  déjà  signalée  (voir  livr.  de  mars, 
p.  169).  Il  s'occupe  des  maîtres  suivants,  du 
XIVe  siècle  :  Belin  d'Achenoncourt,  Nicolas 
Bonnevaine,  Jacques  Vion,  Drouhet  de  Damp- 
martin,  Geoffroy  de  Saint-Martin,  Thomas  de 
Sombrasse,  Hugues  Douay,  Hugues  d'Ausnoy, 
Jean  Bourgeois  ;  puis,  au  XVe  siècle,  il  rencontre 
les  suivants  :  Pierre  de  Villers,  Perrenot  de  Chas- 
signey  Pierre  Herendel,  Philippe  Mideau,  Guil- 
laume de  Chaumont,  Pierre  Arondel,  Demoingeot 
Gauthier,  Etienne  le  Tascheret,  Nicolas  Petit, 
Jean  de  Monsterot,  Gauthier  Menestrier,  Aimé 
Grosperrin,  Jean  Gerry,  Jean  Dombelle,  Severin 
Bourgeois,  Philibert  de  Faye. 

Pour  les  maîtres  d'œuvres  en  Artois,  il  enre- 
gistre le  nom  de  Gilles  Largent,  le  collaborateur 
bien  connu  d'Hué  de  Corbie  à  Cambrai  (XIVe  s.), 
ainsi  que  ceux  de  Gilles  Laigue  et  de  Jehan 
Amel  (XVe  s.). 

Enfin,  il  cite  quelques  maîtres  d'œuvre  en  Hai- 
naut;  du  XVe  s.  :  Jean  Huelin,  Jean  Meurantier, 
Armand  Millon,  Jean  Cressonnier. 

Oudart  Douay  (XIVe  s.),  Nicolas  Vaillant, 
Jean  de  Saulx  et  Jacquot  Varry  (XVe  s.)  sont 
rangés  parmi  les  visiteurs  d'ouvrage. 

A  l'occasion  du  prochain  congrès  archéologique 
de  Maçon,  M.  Léonce  Lex  fournit  une  courte 
notice  de  monuments  à  Maçon,  Cluny,  Paray-le- 
Monial,  Bourg  et  Brou,  Tournus,  Châlons-sur- 
Saône,  Autun,  etc.,  localités  qui  seront  visitées 
par  les  membres  du  comité  français  d'archéo- 
logie. 

L'ARTE,  Rome,  Danesi,  1898,  livr.  II,  mars-mai. 

1.  Wilpert,  Un  capitolo  di  storia  del  vestiario, 
tre  studi  sul  vestiario  dei  tempi  poscostantiniani 
(p.  89-120).  Cette  étude,  très  documentée  et  cor- 
roborée de  nombreuses  phototypies,  décrit  :  i°  le 
costume  triomphal  des  consuls,  tunique,  dalma- 
tique  et  toge  ;  2°  le  pallium  d'après  la  loi  de  l'an 
J82  ;  30  le  pallium  sacré. 

2.  Rocchi,  Castel  del  Monte  (p.  121- 137).  Ce 
château,  situé  dans  la  Pouille,  est  une  œuvre  re- 


marquable du  second  quart  du  XIIIe  siècle  ;  en 
plan,  il  dessine  un  octogone,  flanqué  à  chaque 
angle  d'une  tour  octogonale.  L'auteur  conteste  à 
M.  Bertaux  qu'il  ait  été  construit  par  un  archi- 
tecte français. 

3.  Biscaro,  Lorenzo  Lotto  a  Treviso,  nella prima 
décade  del  secolo  XVI  {p.  138-153).  La  pala  di 
Asolo  est  signée  Laurent.  Lotus  Junii  ijoô. 
L'auteur  cite  cette  autre  signature  d'un  tableau 
qui  est  à  Augsbourg  :  Jac.  DE  Barbari  F.  1504. 
Ces  deux  peintres  ne  doivent  pas  être  confondus. 

4.  Venturi,  II  Pontificale  di  Antonio  da  Monza 
nella  Biblioteca  Vaticana  (p.  154-164)  La  Sfor- 
ziada,  au  British  Muséum,  porte  la  signature  de 
cet  artiste  de  la  Renaissance,  que  quatre  grandes 
planches  permettent  d'apprécier. 

5.  Jacobsen  (p.  165-17 1).  La  mostra  eucaristica 
a  Venezia,  i8çj  (p.  165-171),  avec  reproduction 
d'une  très  belle  croix,  prêtée  par  l'église  St-Jean 
à  Venise. 

6.  Signatures  d'artistes.  A  Naples,  triptyque 
représentant  la  vie  du  Christ  et  de  la  Vierge  : 
EGO  IOANES  .  MARIA  .  SCVPVLA  .  DE  .  ITRVNTO  . 
PINXIT.IN.  HOTRÂTO  (p.  i89).Ce  peintre,qui  tra- 
vaillait au  XIVe  siècle  à  Otrante(Deux-Siciles), 
est  cité  par  Siret,  Dictionn.  des  peintres,  comme 
auteur  d'un  triptyque  du  musée  Campana, 
transporté  à  Paris  :  Joannes  Maria  Scopula  de 
Trunto pinxit  in  Otranto. 

Un  bas-relief  de  la  Vierge,  à  l'hôpital  St-Jac- 
ques  à  Rome,  porte  ces  deux  mots:OPVS  .ÂDREAE 
(p.  217-219),  qui  ne  peuvent  s'attribuer  qu'à 
Andréa  Verrocchio. 

Livr.  VI-IX.  —  1.  Hans  Graeven,  77  rotulo  di 
Giosué  (p.  221-230).  Ce  rouleau,  qui  contient 
une  série  de  curieuses  miniatures  byzantines, 
appartient  à  la  bibliothèque  Vaticane. 

2.  Toschi,  Ambrosiana  (p.  231-244).  Les  deux 
questions  traitées  sont  la  date  de  l'église  St-Am- 
broise,  à  Milan,  qui  n'est  certainement  pas  le 
«  IXe  siècle  »  et,  dans  la  même  église,  la  mo- 
saïque à  l'effigie  de  St- Ambroise  que  de  Rossi  dit 
«n'être  pas  antérieure  à  la  fin  du  Ve siècle  ou  au 
commencement  du  VIe.  »  J'ai  parlé  de  cette  mo- 
saïque dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien,  1881, 
t.  XXXII,  p.  121-140 

3.  Fraschetti,  Dei  bassorilicvi  rappresentanti la 
leggenda  di  santa  Caterina,  in  Santa  Cliiara  di 
Napoli  (p.  245-255).  Œuvre  exquise  du  XIVe 
siècle,  complètement  reproduite. 

4.  Hermanin,  La  Bibbia  Latina  di  Federigo 
d'Urbino  nella  Bibliothcca  Vaticana  (p.  256- 
272).  Cette  Bible  splendide  est  datée  de  147S. 
Six  miniaturistes  y  ont  travaillé,  dont  un  est 
le  célèbre  Attavante.  Elle  fut  exécutée  à  Floren- 
ce. Le  calligraphe  était  un  fiançais  se  nommant 


REVUE    DE    L'ART  CHRÉTIEN. 
189g.   —  4me  LIVRAISON. 


564 


ÎRelntc  lie  r&rt  chrétien. 


Hugues  de  Comminges  (?):«Ugonis  de  Commi- 
nellis  Francigene  manu  descripta  est.  » 

5-Lina  Corsini  Sforza,  La  collezione  arlistica  di 
Caterina  Nobili  Sforza,  confessa  di  Santafiora 
(p.  273-278).  Elle  mourut  en  1605  et  a  son  tom- 
beau à  Rome,  dans  l'église  de  St-Bernard.  Dans 
cettecollection  existait  une  Vénus,  qui  portait,  au 
bras  gauche,  sur  un  bracelet  cette  signature  : 
RAPHAËL  URBINAS  ;  elle  est  actuellement  dans 
la  galerie  Barberini  sous  le  nom  de  la  Fornarina. 
Le  mariage  de  Ste-Catherine  est  maintenant  au 
Louvre  dans  le  salon  carré. 

6.  Venturi,  //  maestro  del  Correggio  (p.  279- 
303).  Ce  maître  est  Francesco  Bianchi  Ferrari, 
mort  en  15 10  et  auteur  de  l'admirable  petit 
S.  Jean  du  Louvre,  donné  ici  en  phototypie, 
page  285. 

L'auteur  a  relevé  cette  signature  de  Michèle 
Mazzola,  au  début  du  XVIe  siècle  :  OPVS  DE  MA- 
ZOLLIS. 

7.  Venturi,  Esposilione  di  Londra  (p.  315- 
318).  On  y  a  vu  l'Annonciation  de  Solario  : 
ANDREAS   DE   SOLARIO   F.  1506. 

S.  Esposilione  délia  società  storico-artistica,  a 
Berlino  (p.  318-320).  Un  bronze  italien  porte 
cette  signature  : 

FRAN°CIS°   •    GALLO. 
FACE  • 

9.  Filangieri  di  Candida.  /  restauri  dei  mo- 
saici  del  battistero  di  San  Giovanni  in  fonte  nel 
duomo  di Napoli  (p.  325-327).  L'énumération  des 
mosaïques   napolitaines  omet  la  description  que 


j'en  ai  publiée  dans  la  Revue  de  l'Art   chrétien, 
1883,  p.  571-578. 

10.  Gruamonte,  satltore  di  due  architravi  a 
Pistoia  (p.  336).  Cet  artiste,  qui  vécut  au  XIIe 
siècle,  signait  :  fecit  hoc  op.  G  manions  inagisl. 
bon.  et  Adeodat  pater  eius.  —  G  ru  a  nions  ma- 
gister  bonus fec.  hoc  opus. 

11.  Fraschetti,  Vasi  délie  farmacie  romane 
fabbricati  a  Roma  e  non  a  Caff'agiolo  (p.  346-354). 
Plusieurs  sont  marqués  F.,  qui  peut  signifier 
FILINIO  ROMANO,  nom  deux  fois  répété  sur  ces 
belles  faïences  de  la  Renaissance. 

1 2.  L.  Corsini  Sforza,  Lafabbrica  d'Arazzi  Bar- 
berini nel  suo primo  periodo  (p.  354-356).  Cette 
fabrique  fut  montée  par  Urbain  VIII,  en  1635,  et 
son  directeur  fut  Jacques  de  la  Rivière.  Puisqu'on 
a  oublié  de  me  mentionner,  je  dirai  que  je  suis 
le  premier  à  avoir,  en  1858,  signalé  dans  la  Revue 
de  l'Art  chrétien,  t.  III,  p.  52S,  quelques-unes  de 
ses  œuvres  (la  vie  du  Christ)  et  sa  signature. 

13.  Venturi,  Un  quadro  di Bcrnardo  Parenzano 
nella  Galleria  del  Louvre  (p.  357).  Cette  adoration 
des  mages  est  inscrite  au  Louvre  sous  le  nom 
d'Ansuino  da  Forli. 

14.  Modigliani,  Avori  dei  bassi  tempi  rappre- 
sentanti  una  impératrice  (p.  365-367).  Les  ivoires 
de  Florence  et  de  Vienne  seraient  du  VIe  siècle 
et  non  du  VI  Ie,  comme  l'a  imprimé  M.  Molinier. 

15.  Giovannoni,  Porta  nella  via  del  Gesh  in 
Roma  (p.  368-373)  ;  elle  n'est  pas  antique,  mais 
de  la  Renaissance,  en  imitation  de  l'antique. 

X.  B.  DE  M. 


Bfblfograplne. 


365 


~« 
9 
9 


In&ejr  bibliographique. 


*,_ 

archéologie  etBeaujr*3rt0(I>. 

=— =    jFrance.  ^==^= 

Aubert  (E .).  —  Un  curieux  stratagème  de 
Michel  Ange  a  la  Chapelle  Sixtine,  dans  Revue 
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poitevine,  1S98.)  —  In-8°.  Poitiers,  Oudin. 

Le  même.  —  Les  crucifix  émaillés  d'Angou- 
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*  Le  même, 
chure. 


Un  crucifix   habillé. 


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Bernard  (L'abbé  Th.).  —  Les  cérémonies  d'une 
consécration  d'église,  d'après  le  Pontifical 
romain.  —    In-16,  et  fig.  Paris,  Berche  et  Tralin. 

Bernard.  —  Les  vitraux  de  l'église  de 
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Berthelot.  —  Nouvelles  recherches  sur  les 

MIROIRS  DE  VERRE  DOUBLÉS  DE  MÉTAL  DE  L'ANTIQUITÉ. 

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Blangy  (Le   comte  A.  de).  —  La  formule  des 

TOURNOIS  AU  TEMPS  DU  ROY  U'I'ER  ET  DU  ROY  ARTUS, 
SUIVIE  DE  L'ARMORIAL  DES  CHEVALIERS  DE  LA    TABLE 

ronde.  —  In-40,  150  pi.  Caen,  Valin. 

Blochet   (E.).    —  Inventaire    et   description 

DES  MINIATURES  DES  MANUSCRITS  ORIENTAUX  CON- 
SERVES a  la  Bibliothèque  nationale,  dans  Revue 
des  Bibliothèques,  mars-avril-mai  1898. 

Bou  ange  (Mgr  G.  M. -F.). —  Histoire  de  l'abbaye 
d'Aurillac,  précédée  de  la  vie  de  St  Gérard, 
son  fondateur.  — -  2  vol.  in-8°,  Paris,   Foncemange. 

1.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


Bouillet  (L'abbé  A.).  —  Liber  miraculorum 
sanct^e  Fidis,  publié  d'après  le  manuscrit  de  Schle- 
stadt  avec  une  introduction  et  des  notes.  —  In-8°, 
Paris,  Picard  et  fils. 

*  Bouillet  et  Petit.  —  St-Germain  l'Auxer- 
rois.  —  In-40  de  16  pag.,  avec  20  phototypies.  Paris, 
Rondelet. 

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In-8°  de  16  pp.  avec  22  vignettes.  Paris,  Rondelet. 

Brandicourt  (V.). —  La  flore  ornementale 
a  la  cathédrale  d'Angers,  dans  Notes  d'art  et 
d'archéologie,  août  1898. 

Bulliot(J.-G.).  —  Les  fouilles  duMontBeuvray 
(ancienne  Cibracte).  —  Autun,  Dejussieu. 

Caix  Saint-Aymour  (Le  vicomte  de).  — 
Mémoires  et  documents  pour  servir  a  l'histoire 
des  pays  qui  forment  aujourd'hui  le  département 
de  l'Oise.  — ■  Beffroy  de  Senlis,  Anciennes  tombes 
découvertes  à  Mont  l'Évêque,  vie  versifiée  de  saint 
Germer,  etc.  —  In  8",  Paris,  Champion. 

Chappée  (J.).  —  Le  carrelage  de  l'abbaye  de 
Champagne  (Sarthe),  dans  Revue  historique  et  archéo- 
logique du  Maine.  4e  livraison,  1898. 

Chazal  (F.).  —  Histoire  de  l'abbaye  de  Pont- 
levoy,  dans  Revue  de  Loir-et-Cher,  juin  1S98. 

Chavanon  (J.).  —  Initiales  artistiques  ex- 
traites des  chartes  du  Maine,  dans  Revue  histo- 
rique et  archéologique  du  Maine,  4e  livraison,  1898. 

Clausse  (G).  —  Les  origines  bénédictines  — 
Subiaco,  Moni'-Cassin,  Monte  Oliveto.  —  In-S°, 
Paris,  Leroux. 

Daux.  —  Le  pèlerinage  a  Compostelle  et  la 
confrérie  des  pèlerins  de  Mgr  saint  Jacques  de 
Moissac.  —  In-8°,  Paris,  Champion. 

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Nature,  3  septembre  1898. 

*  De  Bas  (D.  J.).  —  Les  volets  de  retable 
peint  par  Hans  Memlinc  pour  l'abbaye  de  Saint- 
Bertin  et  Saint-Omer  {Extrait  des  Mém.  de  la  Soc. 
d'antiquaires  de  la  Morinie,  1S99).  —  Saint-Omer, 
Homot. 

*  Decombe.  —  Inventaire  du  mobilier  d'un 
négociant  malouin  au  XVIIIe  siècle,  dans  le 
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et  Vilaine,  t.  XXVII,  pp.  3-16. 

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Vulfran  a  Abbeville. —  In-8°  de  45  pag.  Abbeville, 
Paillart. 

*  Denais  (J.).  —  Monographie  de  la  cathé- 
drale d'Angers,  Monument,  Sépultures,  Trésor, 
Tapisseries,  Vitraux,  etc.  —  In-8°  de  500  pages, 
avec  7  planches  et  un  plan.  Paris,  Renouard. 


366 


Peinte  ïic  V&xt  cbrcttcn. 


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des  mémoires  de  V Académie  des  inscriptions  et  belles- 
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bleaux du  Roi,  rédigé  par  Nicolas  Bailly,  1709- 
17  10.  —  In-8°,  Paris,  Leroux. 

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Receveur  général  de  Normandie,  suivi  du  testa- 
ment de  Laurent  Surreau  et  de  l'Inventaire  de 
Denise  de  Folleville.  —  In-S°  de  XII-444  pages. 
Rouen,  Lestringant. 

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monuments  funèbres  inédits  de  la  cathédrale 
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—  In-8°.  15  pi.  N°  1.  Bar-le-Duc,  Constant  Laguerre. 

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a  Lyon,  en  1561,  dans  le  Bulletin  archéologique  du 
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Glaire  (L'abbé).  —  Les  saints  évangiles.  Illus- 
trations d'après  les  MAÎTRES  DES  XIVe,  XV?  ET  XVIe 

siècles.  Notes  artistiques  par  E.  Muntz.  L'évan- 
gile selon  saint  Matthieu.  —  In-4°,  Liv.  1.  Paris, 
J.  Boussod  et  Manzi. 

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drale de  Reims,  dans  les  Comptes  rendus  des  travaux 
de  l'Académie  nationale  de  Reims,  t.  CI  (1896-97). 

Grente  (L'abbé).  —  Notice  historique  sur  les 

RELIQUES  DE  SAINT  MaGLOIRE  ET  AUTRES  SAINTS 
PROVENANT  DE  L'ABBAYE  HE  S.-\I  NT-  M  AGLOIRE  ET  CON- 
SERVÉES ACTUELLEMENT  DANS  L'ÉGLISE  SAINT-JACQUES 

de  Haut-Pas.  —  In-16,  Paris,  Champion. 
Grente  (L'abbé)  et   A.  Havard.  —  Yii.ledieu- 

LES-PoÈLES,    SA   COMMANDERIE,   SA    BOURGEOISIE,   SES 

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cathédrale  de  Meaux.  —  In-8°  de  5   pages,  avec 

3  vignettes.  Meaux. 

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statue,  a  Ocquerre  (Seine  et  Marne).  —  I11-80  de 

4  pages,  avec  une  vignette  et  une  photoiypie.  Meaux. 

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La  Vierge  ouvrante  de  Boubon,  triptyque  en 
ivoire  du  XIIIe  siècle  (date  attribuée  1240,  règne 
de  S.  Louis)  s'ouvrant  et  montrant,  sculptées  au 
dedans  d'elle-même,  la  Naissance,  la  Vie,  la 
Mort,  la  Résurrection  et  la  Gloire  du  Sauveur. 
—  In-8°  de  24  pages,  avec  2  phototypies.  Limoges, 
Ducourtieux. 

Le  Grand  (L.).  —  La  désolation  des  églises, 

MONASTÈRES      ET     HOPITAUX      EN     FRANCE,     VERS      LE 

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juillet  1898. 

Le  Saint-Suaire  et  le  portrait  de  Notric- 
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seigneur de  Marquemont  (1613-1614),  dans  Revue 
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GIVING    NAMES,    LIVES,     PRICES     l'AID    FOR     WORKS    AT 

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La  Vita  italiana  nel  trecento.  Conferenze 
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*as*fe  *afc.  *#.  *&  *&.  *afe.  *afe  *&  ^,  ^  *#,  ^  *afe  *a&  *■&  -.afc  *£,  ;^M^^â^ 


3 

^ 

* 


Cl)rOnll)UC.  SOMMAIRE:  NOUVELLE  ÉGLISE  A  LOURDES.  —  L'EFFIGIE 
DU  CHRIST.  —  FRESQUES  A  DIJON.  —  COLLECTION  DE  BAYE.  —  LES  MONUMENTS 
EN    BELGIQUE.   —  VARIA.   —   NÉCROLOGIE. 


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Ko  ut)  clic  église  à  HourDcs. 

OUT  le  monde  connaît  la  basilique  de 
Lourdes,  dressant  ses  lignes  gothiques 
et  sveltes  sur  le  rocher  voisin  de  la 
grotte,  et  la  chapelle  souterraine  du 
Rosaire,  d'allure  romano-byzantine,  œuvre  très 
remarquable  de  feu  Hardy,  avec  son  large  portail 
inspiré  de  Cluny  et  ses  rampes  magistrales,  si 
réussies,  où  se  déroule  l'interminable  serpent 
des  processions  de  pèlerins.  Ces  vastes  con- 
structions sont  devenues  trop  petites  encore  en 
présence  de  l'affluence  des  foules,  et  M.  Ern. 
Renard  a  été  chargé  de  dresser  le  plan  d'une 
église  nouvelle,  dont  la  chapelle  du  Rosaire  sera 
la  crypte  et  dont  la  basilique  primitive  deviendra 
en  quelque  sorte  la  chapelle  de  chevet,  à  l'instar 
de  la  principale  des  chapelles  absidales  des  an- 
ciennes cathédrales. 

M.  Benard  base  sa  conception  artistique  sur 
les  traditions  du  XIIe  et  du  XIIIe  siècle,  com- 
binéesavec  les  procédés  métallurgiques  modernes. 
Le  fer  est  considéré  par  lui  comme  impropre 
à  traduire  une  impression  monumentale,  artis- 
tique, et  comme  devant  servir  uniquement  de 
moyen  pour  établir,  avec  la  plus  grande  économie, 
une  structure  générale  d'une  stabilité  et  d'une 
résistance  parfaites  ;  il  sera  caché  par  les  ma- 
çonneries et,  seulement  dans  les  parties  où  son 
rôle  énergique  devra  être  accusé,  revêtu  de 
cuivre  ou  de  bronze  doré  inoxydable.  Toute  la 
maçonnerie  extérieure  sera  en  pierre  du  pays  ; 
l'intérieur  sera  orné  surtout  de  mosaïques  et  de 
verrières. 

L'extérieur  se  termine  par  une  maîtresse  cou- 
pole ajourée,  figurant  une  couronne  supportée 
par  douze  grandes  figures  d'anges  ou  d'apôtres. 
Toute  celte  superstructure  sera  en  cuivre  mar- 
telé et  doré,  enrichi  de  cabochons  multicolores 
en  verre  que,  parait-il,  on  songerait  à  rendre 
lumineux  la  nuit.C'est  là,  nous  semble-t-il  a  priori, 
une  conception  un  peu  théâtrale  où  les  formes 
essentielles  et  dominantes  s'écartent  des  données 
logiques  de  la  convenance  et  de  la  structure,  et 
ouvrent  le  champ  à  des  écarts  d'imagination  qui 
font  penser  aux  merveilles  des  expositions  inter- 
nationales, plutôt  qu'aux  grandes  manifestations 
de  la  foi  chrétienne.  Cela  s'écarte  trop  des  su- 
blimes et  austères  créations  du  moyen 

L.  C. 


H'cfficue  Du  Christ. 


OUS  avons  entretenu  nos  lecteurs  de 
la  médaille  à  l'effigie  du  Christ  trouvée 
par  M.  Boyer  d'Agen.  Nous  croyons 
intéressant  de  résumer  ici  les  re- 
marques dont  elle  a  été  l'objet  au  sein  des  Anti- 
quaires de  France  (*). 

Selon  M.  H.  de  la  Tour,  ce  type  du  Christ  est 
loin  de  remonter  «  aux  premiers  temps  aposto- 
liques ».  La  médaille  ne  date  que  du  XIIIe 
siècle.  La  figure  divine  qu'on  y  voit  est  une  créa- 
tion de  l'école  milanaise  ;  il  ne  serait  pas  impos- 
sible qu'il  émanât  de  Léonard  de  Vinci  lui-même. 
Le  buste  fut  exécuté  par  Giovan-Antonio  de 
Rossi.  Le  type  nouveau  influença  heureusement 
les  médaillons  du  XVIIe  siècle.  Rubens  semble 
s'en  être  inspiré  dans  sa  Résurrection  de  Lazare. 
La  médaille  doit  avoir  été  faite  pour  être  distri- 
buée à  des  juifs  convertis. 

M.  L.  Germain  a  présenté  aux  antiquaires  une 
autre  médaille  analogue,  du  XVIIe  siècle,  remar- 
quable en  ce  qu'elle  paraît  due  à  des  artistes  de 
la  famille  des  Ligier. 

D'ailleurs  la  question  n'est  pas  nouvelle.  Les 
savants  suisses  et  allemands  du  XVIIe  siècle, 
J.  H.  Hottinger  et  C.  Wase,  ont  étudié  des  mo- 
numents de  la  même  famille. 

M.  Boyer  d'Agen  est  donc  loin  d'avoir  décou- 
vert «  la  plus  ancienne  image  du  Christ  ».  Pa- 
reil mérite  reviendrait  bien  plutôt  à  l'effigie 
signalée  naguère  par  le  D1  Bode  (2),  et  dans  nos 
colonnes  par  M.  X.  Barbier  de  Montault  et 
étudiée  naguère  encore  par  M.  de  Mély  (3). 

L.  C. 

Fresques  à  !Oijon. 

M.  Louis  Yperman,  un  peintre  distingué  connu 
de  nos  lecteurs,  qui  a  déjà  restauré  à  Dijon  Le 
Calvaire,  peint  dans  le  transept  septentrional 
de  Notre-Dame,  et  à  Chambolle,  la  décoration 
qui  couvre  le  sanctuaire  entier  de  l'église,  est 
chargé,  par  le  ministère  des  Beaux- Arts, d'achever 
la  restauration  de  ce  qui  reste  des  peintures  mu- 
rales du  XVe  siècle  à  Notre-Dame.  Ces  peintures, 
d'une  grande  valeur  artistique,  mais  qui  ont  sur- 
vécu à  l'état  de  ruine  grâce  à  l'application  inten- 

i.  Nous  publierons  dans  notre  prochaine  livraison  un  article  sur 
le  H"  m'- sujet,  de  notre  correspondant  de  Rome,  Mgi  Battandier. 

2.  V.  Revue  de  t  Art  chrétien ,  année  1890,  p.  70. 

3.  Ibid. ,  1899,  p.  166. 


Chronique. 


371 


sive  du  badigeon  et  du  lait  de  chaux,  présentent 
les  sujets  suivants  : 

Dans  le  collatéral  du  Nord,  une  grande  com- 
position, La  Circoncision  et  Le  Baptême  ;  à  côté, 
un  groupe  de  saints  :  Saint  Guillaume,  sainte 
Venisse  (  Véronique)  et  sainte  Catherine  avec  un 
donateur  et  une  donatrice  agenouillés  ;  en  face, 
dans  le  collatéral  du  Sud,  un  fragment  avec  in- 
scription montre,  sur  un  fond  de  damas  sainte 
Sabine  portant  sa  tête.  Enfin,  dans  l'ébrasement 
de  la  porte  du  Sud  au  grand  portail,  une  Vierge 
exquise  avec  un  clerc  donateur  agenouillé  ayant 
au-dessus  de  sa  tête  un  écu  à  ses  armes. 

Il  ne  s'agit  pas,  d'ailleurs,  de  restaurer  complè- 
tement ces  morceaux  précieux,  dont  les  repro- 
ductions à  l'aquarelle,  exécutées  parM.Yperman, 
il  y  a  quelques  années,  ont  fait  sensation  au  Salon 
de  Paris.  La  tâche  de  l'artiste,  et  elle  est  délicate, 
est  seulement  de  nettoyer  la  peinture,  d'enlever 
les  traces  du  badigeon  et  de  la  fumée  des  cierges, 
de  consolider  les  parcelles  d'enduit  prêtes  à  tom- 
ber, enfin  d'exécuter  au  pinceau  les  raccords  et 
retouches  indispensables,  mais  sans  chercher  à 
compléter  ce  que  le  temps  et  les  hommes  ont 
rendu  imparfait,  et  à  suppléer  par  l'imagination 
à  ce  qui  manque.  C'est  dans  cet  esprit,  avec  cette 
mesure,  qu'a  déjà  été  exécutée  en  perfection  par 
M.  Yperman  la  restauration  du  Calvaire. 

Sa  tâche  achevée  à  Notre-Dame,  M.  Yperman 
entreprendra,  mais  peut-être  dans  des  conditions 
de  liberté  plus  grande,  la  restauration  d'un  mor- 
ceau non  moins  précieux.  Il  s'agit  de  cette  belle 
Vierge  peinte  qui  se  voit  rue  Turgot,  dans  une 
cour  occupant  l'emplacement  de  l'ancienne  église 
des  Cordeliers.  Peinte  sur  fond  d'or  dans  le  tri- 
lobe  d'une  porte  intérieure  de  l'église  détruite, 
cette  Vierge  du  XVe  siècle  est  une  œuvre  de  pre- 
mier ordre  que  l'on  peut  attribuer  à  n'importe 
lequel  des  Flamands  qui, aux  XIVe  et  XVe  siècles, 
ont  formé  à  Dijon  une  colonie  d'artistes  du  Nord. 
On  connaît  les  noms  des  principaux  peintres, 
Melchior  Broederlam,  Jehan  de  Beaumez,  Pierre 
Spicker,  Jehan  Mahvel,  que  nous  appelons  Ma- 
louel,  Henry  Bellechose,  tous  de  grands  artistes, 
assurément,  mais  modestes,  et  qui  n'ont  écrit 
leurs  noms  sur  aucune  de  leurs  œuvres. 

On  ne  peut  que  louer  les  RR.  PP.  Dominicains, 
propriétaires  de  l'immeuble  où  se  voient  les  restes 
de  cette  admirable  figure,  d'en  assurer  ainsi  la 
conservation. 

(Journal des  Arts.)  André  ARNOULT. 

Collection  De  Bape. 

On  lit  dans  la  Correspondance  archéologique. 

Du  14  mai  au  30  juin  dernier  ont  été  exposés  au  Musée 
Guimet,  dans  une  salle  spéciale,  les  objets  rapportés  par 
M.  le  baron  de  Baye,   de  sa  mission  au  Daghestan  et  en 


Transcaucasie  ;  cette  exposition  comprenait  des  séries 
archéologiques,  des  séries  ethnographiques,  et  une  petite 
série  géologique.  Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  de  ce 
qui  a  rapport  à  l'archéologie.  Nous  avons  tout  d'abord 
remarqué  une  série  de  colliers  fort  curieux  en  raison  des 
grains  qui  les  composent  ;  lorsqu'un  habitant  du  Daghe- 
stan (aoul  Karaboudakh-Kent)  veut  donner  un  collier  à 
une  femme,  il  va  fouiller  un  de  ces  tombeaux  si  abondants 
dans  la  région  ;  il  le  fait  sans  remords  :  car  ils  appartien- 
nent à  une  autre  race  que  la  sienne  ;  il  y  prend  les  grains 
de  colliers  qu'il  y  trouve,  et  les  mélangeant  souvent  à  des 
grains  modernes  en  pâte  de  verre  ou  autres,  il  en  forme 
une  parure  ;  de  là  une  grande  variété  dans  la  composition 
des  grains  qui  sont  formés  des  matières  les  plus  diverses, 
roches  dures,  ambre,  quartz,  etc.  Quelques-uns  de  ces 
grains  présentent  des  intailles  gravées  de  caractère  sassa- 
nide  ;  il  y  a  aussi  un  minuscule  vase  en  ambre,  dont  le 
fond  a  été  scié,  un  scarabée  égyptien,  et  deux  petits  lions 
couchés. 

Plus  loin  nous  voyons  des  armes  en  bronze  (Transcau- 
casie et  Géorgie)  semblables  à  celles  trouvées  à  Mycènes 
par  Schliemann.  De  l'aoul  Karagatche  près  Alaguire, 
province  du  Terek  dans  le  Nord  du  Caucase, proviennent  : 
une  hache  mince,  de  type  très  spécial,  ornée  de  dessins  en 
creux,  un  petit  miroir  métallique,  un  objet  d'usage  inconnu 
et  orné  de  trois  têtes  de  moufflon  ;  —  de  Dido,  dans  le 
Daghestan,  de  petites  idoles  très  primitives  ;  —  des  en- 
virons de  Grozny  des  pointes  de  flèches  en  bronze  ana- 
logues aux  flèches  scythiques,  trouvées  dans  des  Kour- 
ganes.  Enfin,  un  vase  zoomorphique  en  terre,  ayant  la 
forme  grossière  d'un  oiseau,  a  été  trouvé  en  Transcaucasie 
à  Ourbnissi. 

A  Ilskaïa,  province  de  Kouban,  se  trouve  un  important 
gisement  paléolithique  ;  M.  de  Baye  en  a  rapporté,  à  côté 
d'ossements  d'animaux  disparus,  des  pierres  taillées,  des 
os  éclatés  et  coupés  par  la  main  de  l'homme  ;  dans  des 
Kourganes  du  même  pays,  il  a  trouvé  une  série  d'osse- 
ments et  de  crânes  humains  dont  l'un  encore  coiffé  d'un 
casque  en  fer  ;  des  objets  en  fer  :  force,  épée,  etc.,  des 
boucles  d'oreilles,  des  pierres  à  aiguiser,  des  vases  en 
terre  qui  semblent  rappeler  l'influence  grecque,  des  vases 
en  verre  avec  peintures,  des  défenses  de  sangliers,  des 
bagues  en  spirale,  des  grains  de  collier,  des  fusaïoles,  des 
os  d'oiseaux  d'usage  indéterminé,  mais  qui  sans  doute 
servaient  de  pendeloques  à  un  colliers,  et  une  aiguille  en 
os  ornée  de  stries  gravées  ;  enfin  des  sortes  de  dés  à 
coudre  en  bronze,  percés  dans  le  haut,  et  qui  sans  doute 
étaient  des  espèces  de  bouterolles. 

Dans  une  ancienne  sépulture  de  Coronaï  (Daghestan) 
a  été  trouvé  un  crâne  déformé,  et,  à  Elenovka,  sur  la 
route  d'Oxtafa-Erivan  (District  de  Novo-Bayasit),  on  a 
rencontré  des  pointes  de  flèche  et  des  fragments  taillés 
en  obsidienne. 

Une  série  de  vases  en  terre,  très  intéressants  et  d'ex- 
cellente facture,  rapportés  du  gouvernement  d'Elisavets 
pol,  semblent  inspirés,  sinon  copiés  sur  des  vases  grec- 
en  bronze. 

N'oublions  pas  deux  dolmens,  l'un  à  Maria-Rotcha 
près  Guélendjik,  et  l'autre  à  Ilskaïa,  dont  M.  de  Baye  a 
rapporté  la  photographie. 

Enfin  une  vitrine  est  consacrée  à  une  exposition  en 
quelque  sorte  rétrospective  ;  on  se  souvient  que,  l'an  der- 
nier, M.  de  Baye  avait  fait  une  exposition  des  objets  par 
lui  rapportés  de  sa  mission  de  Sibérie  ;  un  certain  nombre 
de  ceux-ci  n'étaient  point  arrivés  à  temps  pour  être  mon- 
trés au  public,  et  c'est  cette  année  qu'on  a  pu  les  voir.  On 
a  pu  examiner  des  poteries  avec  ornements  en  relief  en 
terre  grossière,  de  fines  lames  de  silex,  des  pointes  de 
flèches  taillées  et  retouchées  avec  infiniment  de  soin  ;  des 
haches  polies,  chose  absolument  rare,  et  remarquables, 
provenant   de  Lodeïky  et    de  Bazaïkha,    sur  les    bords 


REVUE   DE   L  ART   CHRETIEN 
1S99.    —   4me    LIVRAISON. 


372 


3Rcbuc  lie  l'Art  rbrcttra. 


de  finisse!  ;  des  pointes  de  javelot  en  os  trouvées  dans 
une  grotte  près  d'Atchinsk,  ainsi  que  de  très  petits  grat- 
toirs et  des  grains  de  collier  en  dentales  ;  de  nombreux 
ossements  quaternaires,  rencontrés  à  Afontova  Go.ra  ;  des 
haches  et  bronzes  divers  de  l'Altaï,  flèches  et  poignards 
très  intéressants. 


Hes  monuments  en  Belgique. 


ANS  la  séance  inaugurale  du  conseil 
provincial  de  la  Flandre  orientale, 
M.  le  Gouverneur  baron  de  Kerckhove 
d'Exaerde  a  prononcé  un  discours 
dans  lequel  il  a  accordé  son  attention  aux  intérêts 
de  l'art  monumental.  Après  avoir  rappelé  que 
les  provinces  des  Pays-Bas,  ayant  été  dans  le 
passé  le  champ  clos  des  puissances  européennes 
rivales,  ont  été  entravées  dans  leur  essor  artis- 
tique, il  a  constaté  qu'elles  n'ont  pas  néanmoins, 
laissé  périr  leurs  glorieuses  traditions. 

«  Aujourd'hui,  ajoute-t-il,  nous  voyons  tout  ce  que  nous 
a  légué  le  passé  dans  tous  les  ordres  de  l'activité  humaine 
remis  en  honneur,  recherché,  étudié,  reproduit,  restauré 
avec  un  soin  jaloux,  parfois  même  avec  un  souci  peut- 
être  exagéré  des  formes  archaïques,  et  ce  retour  de  faveur 
qui  s'attache  à  tout  ce  qui  est  ancien  ne  se  limite  plus  aux 
amateurs  ou  aux  savants.  L'opinion  publique,  on  pourrait 
même  dire  l'opinion  populaire,  est  entrée  dans  ce  courant 
qui  distingue  si  profondément  la  fin  de  ce  siècle  de  son 
début. 

«  La  création  de  la  Commission  royale  des  Monuments 
fut  un  des  premiers  symptômes  de  cette  évolution. 

«  Organisée,  dès  1835,  sous  le  ministère  de  Theux,  dans 
le  but  d'assurer  la  conservation  des  monuments  remar- 
quables par  leur  antiquité,  par  les  souvenirs  qu'ils  rap- 
pellent, par  leur  importance  sous  le  rapport  de  l'ordre, 
elle  rec;ut  pour  mission  de  donner  son  avis  sur  la  ré- 
paration des  églises  et  des  autres  édifices  publics. 

«Cette  institution  fut  complétée  en  1860  par  la  création 
des  Comités  Provinciaux  des  membres  correspondants 
chargés  de  recueillir  les  renseignements,  de  donner  des 
avis,  de  surveiller  l'exécution  des  travaux  approuvés  par 
la  Commission  (?),  de  signaler  d'office  les  mesures  utiles  à 
la  conservation  des  monuments  et  des  objets  d'art. 

«  En  dépit  d'inévitables  critiques  auxquelles  ont  pu 
donner  lieu  ses  tendances  et  son  intervention,  ce  double 
organisme  a  rendu  et  rend  encore  des  services  dont  l'im- 
portance est  de  jour  en  jour  mieux  appréciée.  Bien  des 
actes  de  vandalisme  ont  pu  être  évités  ;  bien  des  monu- 
ments ont  été  sauvés  de  la  destruction  ;  bien  des  mutila- 
tions ou  des  restaurations  maladroites  ont  été  conjurées. 

«  Cependant,  son  action  eût  été,  sans  nul  doute,  plus 
efficace,  si  certaines  dispositions  réglementaires  n'étaient 
point  tombées  dans  un  regrettable  oubli. 

"  L'une  d'elles,  notamment,  veut  que  les  Comités  Pro- 
vinciaux du  pays  se  réunissent,  chaque  année,  avec  la 
Commission  Royale,  en  assemblée  plénière,  et  présentent 
un  rapport  sur  leurs  travaux. 

«Cette  prescription,  éminemment  utile  pour  éclairer  les 
comités  et  pour  stimuler  leur  activité,  devait  maintenir 
l'unité  de  vues  entre  la  commission  centrale  et  les  divers 
comités  provinciaux,  d'une  part,  et  de  l'autre,  entre  ces 
comités  eux-mêmes. 

r  l'initiative  du  nouveau  président  de  la  Commission 
Royale,  la  réunion  annuelle  réglementaire  a  eu  lieu  au 


mois  d'octobre  dernier  pour  la  première  fois  depuis  trente 
ans  et  elle  va  désormais  se  renouveler  chaque  année. 

«  Constatons,  à  cette  occasion,  que  le  Comité  provincial 
de  la  Flandre  Orientale  a  été  l'un  de  ceux  dont  le  rapport 
a  été  le  [dus  remarqué  et  a  témoigné  de  l'activité  la  plus 
grande. 

•  Plus  tard,  les  principales  villes  du  pays  ont  de  leur 
côté  institué  des  comités  locaux  des  monuments  dont  l'in- 
tervention produit  des  résultats  dont  il  est  juste  de  recon- 
naître l'importance. 

«  Mais,  c'est  principalement  par  des  institutions  dues  à 
l'initiative  privée,  que  s'est  manifesté  le  retour  de  l'opinion 
vers  les  œuvres  du  passé. 

«  Il  convient  de  citer,  tout  d'abord,  les  écoles  St-Luc  ; 
celle  de  Gand,  qui  fut  la  première,  a  fêté  avec  éclat,  en 
1891,  le  25e'  anniversaire  de  sa  fondation  et  son  influence 
s'impose  aujourd'hui  même  aux  esprits  les  plus  prévenus 
contre  ses  tendances.  Ces  écoles  se  sont  appliquées  plus 
spécialement  à  vulgariser  l'étude  de  l'art  chrétien,  leur 
réputation  s'étend  bien  au  delà  de  nos  frontières  et  les 
plus  belles  restaurations  de  nos  monuments  religieux  sont 
en  grande  partie  le  résultat  de  leur  enseignement. 

«  A  côté  d'elles  viennent  se  placer  de  nombreux  cercles 
archéologiques.  Dans  la  province,  ceux  du  pays  de  Ter- 
monde  et  du  pays  de  Waes  ont  une  existence  déjà  longue. 
Plus  récemment  s'est  formé  celui  de  Gand,  qui  fait  preuve 
d'une  très  grande  et  très  féconde  vitalité.  » 

M.  de  Kerckhove  rappelle  ensuite  les  belles  et 
utiles  expositions  et  concours  organisés  par  la 
chambre  syndicale  provinciale  des  arts  industriels 
créée  à  Gand  en  1876  ;  puis  il  jette  un  coup  d'œil 
sur  les  travaux  considérables  entrepris  pour  sau- 
ver et  conserver  les  monuments  anciens,  et  sur 
ce  qui  reste  à  faire  pour  arracher  à  la  destruction 
même  les  édifices  privés  intéressants  au  point  de 
vue  de  l'art. 

<•  Sans  doute,  malgré  la  législation  défectueuse  qui  nous 
régit,  des  résultats  parfois  considérables  ont  pu  être  at- 
teints; c'est  ainsi  que  la  Grande  Place  de  Bruxelles,  qui 
constitue  un  ensemble  si  remarquable  de  constructions 
publiques  et  privées,  a  pu  être  conservée  dans  son  unité. 
L'Administration  communale  s'est  entendue  avec  les  pro- 
priétaires des  maisons  qui  l'entourent  pour  établir  sur  ces 
immeubles  une  servitude  au  profit  de  l'Hôtel  de  ville,  l'une 
se  chargeant  de  l'entretien  des  façades  à  des  conditions 
déterminées,  les  autres  s'interdisant  de  les  modifier. 

A  Bruges,  la  situation  est  différente  :  il  s'agit  de  con- 
server le  caractère,  non  pas  seulement  d'une  place,  mais 
de  l'ensemble  de  la  cité. 

Là,  l'Administration  communale  intervient  pour  une 
p. m  dans  la  restauration  des  façades  présentant  une  va- 
leur artistique,  moyennant  l'engagement  pris  par  les  pro- 
priétaires pour  eux-mêmes  et  pour  leurs  ayants-droit,  de 
conserver  la  restauration  ou  de  rembourser  à  la  caisse 
communale  le  montant  des  subsides  reçus.  Avec  une  dé- 
pense restreinte  ce  système  a  produit  des  résultats  rela- 
tivement importants. 

A  Gand,  un  crédit  figure,  depuis  1895,  au  budget  com- 
munal en  vue  de  constituer  un  fonds  pour  la  restauration 
d'édifices  ou  de  maisons  présentant  un  intérêt  archéolo- 
gique. 

D'autre  put.  un  projet  d'ensemble  comprenant  tout  le 
Marché  du  Vendredi  et  s'inspirant  du  système  suivi  pour 
la  (  '. i.inde  Place  de  Bruxelles,  est  soumis  aux  délibérations 
du  Conseil  communal. 


Chronique. 


373 


La  ville  de  Gand  possède,  du  reste,  un  grand  nombre 
d'édifices  dont  les  façades  présentent,  au  point  de  vue  de 
l'art,  un  très  réel  mérite.  Ces  édifices  sont,  pour  la  plupart, 
groupés  dans  les  quartiers  anciens  de  la  cité,  et  s'il  était 
possible  de  trouver  un  moyen  pratique  de  généraliser  leur 
restauration  extérieure  sans  dépenses  trop  grandes,  cer- 
taines parties  de  la  ville  reprendraient  un  caractère  des 
plus  intéressants. 

Ce  qui  est  vrai  pour  Gand,  l'est  aussi  pour  beaucoup 
de  villes  de  notre  Flandre  ;  même  dans  les  campagnes,  les 
constructions  où  se  révèlent  les  préoccupations  artistiques 
ne  sont  pas  rares  et  il  est  hautement  désirable  que  les  ad- 
ministrations s'efforcent  par  les  moyens  divers  dont  elles 
disposent,  d'encourager  la  conservation  et  la  restauration 
de  ces  vestiges  du  passé.  » 

L'orateur  a  terminé  cet  intéressant  discours 
par  des  considéiations  sur  les  règles  à  suivre  en 
matière  de  restauration  et  de  réparation  des  mo- 
numents, insistant  sur  cette  pensée,  qu'il  serait 
fâcheux  de  remplacer  des  œuvres  artistiques 
anciennes  disparates  de  style  mais  d'une  va- 
leur considérable,  par  des  objets  relevant  de  l'in- 
dustrie plutôt  que  de  l'art. 


Le  Gouvernement  belge  donne  une  grande 
impulsion  à  la  restauration  des  monuments  reli- 
gieux. Il  serait  impossible  d'examiner  ici  toutes 
les  églises  anciennes,  importantes  ou  modeste?, 
qui  sont  l'objet  de  travaux  subsidiés. 

Celle  de  Forest,  en  Brabant,  de  l'époque  ro- 
mane, va  être  isolée,  dégagée,  réparée  et  classée 
parmi  les  monuments  de  3e  ordre. 

Celle  de  Soignies,  la  seconde  en  importance 
parmi  les  basiliques  romanes  belges,  est  en  voie 
de  restauration  d'après  les  plans  de  M.  Verhaegen. 
L'enduit  des  murs  sera  renouvelé  progressive- 
ment, maïs  on  laissera  à  nu  une  des  curieuses 
arcades,  dont  l'appareil,  semblable  à  celui  des 
baies  les  plus  anciennes  du  château  des  Comtes 
de  Gand,  montre  qu'à  l'époque  de  leur  édification 
les  maçons  du  pays  n'étaient  pas  en  pleine  pos- 
session des  règles  de  l'appareillage  des  arcs  (r). 
On  a  constaté  que  les  colonnes  sont  dépourvues 
de  bases.  On  va  démolir  la  voûte  de  la  grande 
nef,  et  rétablir  le  plafond  plat  auquel  elle  a  été 
substituée. 

On  poursuit  la  restauration  du  pignon  occi- 
dental de  l'Hôtelde-ville  de  Louvain  en  pierre 
de  Refroy. 

M.  Bressers  est  chargé  de  la  décoration  du 
transept  de  l'ancienne  et  belle  église  de  Dadi- 
zeele  ;  on  doit  s'attendre  à  une  œuvre  de  bon  style 
de  la  part  de  cet  artiste,  disciple  de  feu  Jean 
Bethune. 

La  belle  église  deSt-Martin  à  Ypres  est  ornée 
d'une  série  de  trois  vitraux  modernes.   Avant  sa 

I.  V.  les  vues  de  ce  curieux  monument  quenous  avons  données  à 
la  page  422  (PI.  XX)  de  l'année  1896  de  la  Revue  de  F  Arl  chrétien. 


mort  tant  regrettée,  ftu  Osterrath,  de  Tilf,  avait 
composé  cinq  verrières  à  y  ajouter  ;  elles  sont  en 
voie  d'exécution  dans  l'atelier  de  son  fils. 

M.  Lenerts  a  été  chargé  de  la  restauration  du 
remarquable  lutrin-aigle  de  St-Martin  à  Hal. 

Nous  avons  déjà  entretenu  nos  lecteurs  de  la 
curieuse  petite  église  romane  de  Saint-Sévérin  en 
Condroz.  Son  état  de  délabrement  est  tel,  que 
l'édifice  paraît  compromis.  Le  pignon  d'Ouest 
est  hors  plomb.  La  Commune  et  la  Fabrique, 
également  pauvres,  se  sont  saignées  à  blanc  pour 
réunir  5,000  frs  sur  les  60,000  nécessaires  à 
la  restauration.  Le  conseil  communal,  sectaire, 
refuse  tout  subside  à  ce  monument  unique  en 
son  genre  en  Belgique,  parce  que  c'est  un  édifice 
religieux.  Le  gouvernement  est  sollicité  de 
prendre  les  frais  à  sa  charge.  Ce  sacrifice  s'impose. 

La  ville  d'Anvers  vient  de  faire  l'acquisition, 
pour  la  somme  de  300,000  frs,  de  la  Vieille  Bou- 
cherie qui  sera  transformée  en  musée.  L'édifice 
exigera  de  nombreuses  réparations. 

La  ville  de  Bruges  a  acheté  la  cheminée  an- 
cienne, ornée  d'une  fresque  remarquable  récem- 
ment découverte  et  dont  nous  avons  donné  une 
reproduction  (')  avec  une  notice  de  M.  Tulping. 
On  placera  dans  une  des  salles  de  Gruuthuuse 
cette  curiosité  archéologique  d'une  valeur  consi- 
dérable. De  généreux  donateurs  vont  contribuer 
à  garnir  quelques  salles  du  merveilleux  édifice 
précité  :  Mr  le  baron  et  Mme  la  baronne  Liedts,  qui 
y  ont  déjà  installé  à  leurs  frais  une  collection  de 
dentelles  anciennes  évaluée  à  100,000  francs, 
offrent  d'y  placer  une  nouvelle  collection  plus 
importante  encore.  M.  le  baron  Gilles  de  Pélichy, 
propriétaire  à  Iseghem,  offre  de  déposer,  dans  les 
salles  de  l'aile  orientale  les  précieux  objets  pré- 
historiques, produits  de  fouilles  faites  dans  ses 
vastes  propriétés.  La  Société  archéologique  de 
Bruges,  qui  déjà  a  reconstitué  une  cuisine,  offre 
encore  des  meubles  de  l'époque  des  seigneurs  de 
Gruuthuuse  pour  garnir  deux  ou  trois  salles. 

Varia. 

Dijon.  —  Mgr  Le  Nordez,  évêque  de  Dijon, 
vient  d'instituer  une  commission  de  l'Art  religieux 
dans  le  diocèse.  Composée  de  six  ecclésiastiques 
et  de  trois  laïques,  elle  aura  pour  mission  de 
veiller  à  la  conservation  des  objets  d'art  existant 
dans  les  églises,  aux  réparations  à  faire  aux  édi- 
fices religieux,  aux  embellissements  divers  dont 
ils  sont  susceptibles.  Il  s'agit  surtout  d'éclairer,  de 
guider  les  membres  du  clergé  dont  le  goût  n'est 
pas  toujours  très  pur,  de  les  défendre  surtout 
contre  les  persécutions  des  brocanteurs  à  qui,  de 

1.  V.  not.  livr.  de  juillet  1898,  p.  278. 


374 


&rime  ï>c  l'&vt  cbvétien. 


guerre  lasse,  ils  abandonnent  souvent,  et  sans 
droit,  des  objets  dont  ils  ne  soupçonnent  pas  la 
valeur.  Cette  commission  qui  pourra  rendre  de 
grands  services,  a  naturellement  pour  président 
Mgr  l'évêque;  mais  elle  a  choisi  pour  son  vice- 
président  un  laïque,  notre  collaborateur,  M.  Henri 
Chabeuf,  président  de  la  commission  départe- 
mentale des  antiquités  de  la  Côte  d'Or. 

— >©< K5*— 

Notre-Dame  de  Paris. —  Nous  avons  annoncé, 
il  y  a  quelques  mois,  la  réfection  des  statues 
d'Adam  et  d'Eve  placées  à  la  première  galerie 
de  Notre-Dame  de  Paris,  statues  exécutées 
d'après  les  modèles  anciens  sous  la  direction  de 
Viollet-le-Duc.  La  Vierge  aux  anges,  de  même 
date,  qui  occupe  la  place  centrale  et  se  découpe 
sur  la  grande  rosace,  va  être  également  rem- 
placée. Il  serait  à  désirer  que  les  nouvelles  statues 
soient  quelque  peu  patinées;  leur  blancheur  s'exa- 
gère vraiment  sur  le  voile  gris  foncé  qui  recouvre 
Notre-Dame. 

-  lOt  "  iOi  ' 

Musée  du  Louvre.  —  Le  Louvre  vient  d'ac- 
quérir et  d'exposer,  dans  la  salle  dite  des  Sept 
mètres,  un  beau  panneau  de  Borgognone  qui  a 
pris  heureusement  sa  place  en  pendant  au  pan- 
neau jumeau  que  le  musée  possédait  déjà.  Il  s'agit 
d'un  volet  de  triptyque  représentant  Saint  Au- 
gustin et  un  donateur,  et  le  volet  que  nous  possé- 
dions représente,  on  le  sait,  Saint  Pierre  martyr 
et  une  donatrice;  quant  au  panneau  central,  il 
est  considéré  comme  perdu.  Le  triptyque  fut 
peint  pour  la  Chartreuse  de  Pavie,  d'où  provien- 
nent les  deux  fragments  subsistants. 

Le  Saint  Augustin  fut  exposé  l'an  dernier  à 
Londres,  lors  de  l'Exposition  des  maîtres  de 
l'école  lombarde  au  Burlington  Fine-Arts  Club, 
et  nous  en  avons  donné  la  reproduction  dans 
l'article  qu'écrivit  alors  pour  nous  M.  G.  Frizzoni. 

Villers-devant-Orval.  —  A  quelques  centaines 
de  mètres  de  la  frontière,  on  vient  de  découvrir 
en  Belgique,  entre  les  ruines  de  l'ancienne  abbaye 
d'Orval  et  Montmédy,  un  cimetière  franc  dans 
une  propriété  de  M.  Ecren.  Les  sépultures, 
entourées  de  pierres  plates  qui  forment  de  véri- 
tables cercueils,  sont  à  une  profondeur  variant 
de  o  m.  50  à  I  mètre.  Ces  sépultures  sont  dispo- 
sées méthodiquement  sur  deux  rangs  et  de  la 
même  façon  ;  les  ossements  sont  bien  conservés  ; 
on  a  trouvé  beaucoup  de  poteries,  des  framées, 
poignards,  boucles  de  ceinturons  assez  bien  con- 
servés ;  des  bracelets  de  bronze  et  des  boucles 
ont  été  trouvés  sur  les  squelettes  d'hommes  et 


d'enfants.  Il  y  a  quelques  années  des  sépultures 
semblables  avaient  été  découvertes  en  cet  endroit. 


Destclbergen  (Flandre).  —  A  l'emplacement  du 
vieux  château  féodal,  on  a  mis  au  jour  des  ca- 
veaux et  divers  objets,  entre  autres  des  pièces 
d'or  à  l'effigie  d'empereurs  romains,  et  portant 
le  millésime  600,  des  vases  en  argent,  des  osse- 
ments, etc.  Les  travaux  se  continuent  avec  beau- 
coup de  soin. 


Au  Musée  de  Gand. —  On  lit  daus  la  Chro- 
nique des  arts  : 

Le  Jugement  de  Su/aman,  par  Gaspard  de  Craeyer,  que 
plusieurs  auteurs  considèrent  comme  le  chef-d'œuvre  du 
maître,  est  incontestablement  un  des  plus  beaux  du  Musée 
de  Gand. 

Il  se  trouvait  jadis  placé  dans  la  Chambre  collégiale  du 
Vieux-Bourg,  résidence  princière  de  nos  comtes  de 
Flandre,  où  naquit  Charles  V.  A  part  ce  simple  rensei- 
gnement, on  ne  savait  rien  au  sujet  de  cette  belle  œuvre. 
L'époque  et  le  lieu  où  elle  fut  peinte  restaient  un  problème 
non  résolu  jusqu'ici. 

Sachant  que  les  archives  de  l'État  conservent  des  do- 
cuments très  complets  concernant  l'ancienne  châtellenie 
du  Vieux-Bourg,  j'ai  cru  que  des  recherches  fructueuses 
pourraient  y  être  faites.  Je  croyais  pouvoir  espérer  retrou- 
ver, parmi  les  comptes  du  XVIIe  siècle,  la  quittance  de 
de  Craeyer,  qui  habita  Gand  à  partir  de  1649  et  y  mourut 
en  1669. 

Grâce  au  concours  du  conservateur-adjoint  des  Archi- 
ves, M.  R.  Schoorman,  j'ai  eu  l'heureuse  fortune  de  re- 
trouver non  seulement  cette  quittance,  but  de  mes  re- 
cherches, mais  encore  nombre  de  pièces  curieuses,  qui  me 
permettent  de  reconstituer  l'histoire  complète  de  la  com- 
mande et  de  l'exécution  de  ce  tableau. 

La  première  mention  en  est  faite  en  séance  du  collège 
du  11  décembre  1619.  Le  procès-verbal  de  ce  jour  porte 
dans  le  livre  des  i  résolutions  »  qu'une  lettre  a  été  écrite  à 
Gaspard  de  Craeyer  pour  lui  confirmer  la  commande  du 
Jugement  de  Salonwn,  pour  la  châtellenie,  «  Casselrye  ». 
Ce  tableau  devait  être  placé  devant  la  cheminée  de  la 
chambre  collégiale,  «  voor  de  schauvve  van  de  groote 
camere  ». 

Dans  cette  même  lettre,  on  lui  demande  l'envoi  d'une 
esquisse  sur  échelle,  «  model  met  ruyten  »,  pour  bien  dé- 
terminer les  dimensions  de  l'œuvre  à  exécuter. 

Après  une  discussion  relative  au  sujet  à  représenter, 
que  quelques  membres  du  collège  auraient  voulu  voir 
remplacer  par  une  autre  représentation  ou  allégorie  de  la 
Justice,  il  fut  décidé  de  s'en  tenir  au  premier  projet  et 
d'attendre  l'arrivée  de  l'esquisse  Au  Jugement  de  Salomon 
primitivement  commandé.  La  «  résolution  »  suivante 
(11  janvier  1620)  nous  montre  que  déjà,  à  cette  époque, 
l'artiste  n'était  pas  libre  dans  la  composition  de  son  œuvre. 
Effectivement,  le  collège,  tout  en  adoptant  l'esquisse,  y 
demande  plusieurs  modifications  ;  notamment,  le  trône  de 
Salomon  ayant  e'té  trouvé  trop  simple,  il  fut  enjoint  à  de 
Craeyer  d'y  mettre  des  ornementations  ou  broderies  plus 
riches  «  andere  borduringhe  ». 

Comme  de  nos  jours,  on  lui  constitue  une  commission 
de  surveillance  en  la  personne  du  haut  bailli  de  notre 
ville,  «  Hoog  Baillu  »,  qui  se  trouvait  à  cette  époque  à 


Chronique. 


375 


Bruxelles.  Celui-ci  fut  chargé  de  veiller,  «  de  hand  te 
houden  »  ('),  à  ce  que  le  tableau  fût  fait  selon  les  désirs 
du  collège.  <  Behoorlyk  worde  gelrokken  en  gemaect.  » 

D'après  le  procès-verbal,  cité  plus  haut,  nous  voyons  que 
ce  tableau  fut  exécuté  à  Bruxelles  avant  son  séjour  à  Gancl. 

En  date  du  22  janvier  1620,  la  «  résolution  »  du  jour 
«  nous  apprend  que  de  Craeyer  a  renvoyé  le  contrat  de  la 
commande  du  collège  dûment  signé  et  qu'au  même  jour 
un  double  de  ce  contrat  lui  a  été  envoyé  avec  un  premier 
paiement  ou  acompte  »  de  II  C.  L.  G.  (deux  cents  livies 
de  gros). 

Il  n'y  a  rien  de  neuf  sous  le  soleil  ;  les  artistes  du 
XVIIe  siècle  n'étaient  pas  plus  exacts  que  ceux  de  nos 
jours  ;  car,  au  13  janvier  1622,  nous  trouvons  une  «  réso- 
lution »  d'écrire  une  nouvelle  lettre  à  de  Craeyer  lui  de- 
mandant pour  quelle  raison  son  tableau  n'a  pas  été  en- 
voyé à  l'époque  stipulée. 

Le  tableau  fut  livré  quelques  mois  plus  tard,  car,  le 
8  juin  1622,  une  «  résolution  »  donne  ordonnance  de  payer 
pour  la  châtellenie  le  troisième  et  dernier  acompte.  Le 
collège  dut  se  montrer,  à  juste  titre,  satisfait  de  l'œuvre 
de  de  Craeyer,  car,  outre  la  somme  de  XI I  C.  L.  G.  (douze 
cents  livres  de  gros),  montant  du  dernier  paiement,  la 
châtellenie  décide  galamment  d'offrir  à  la  femme  du 
peintre  une  faille  ou  mantille  «  hooft  cleet  »  d'une  valeur 
de  XV  G  (vingt-cinq  florins). 

Les  deux  quittances  se  trouvent  conservées  dans  les 
comptes,  folio  283.  Nous  y  remarquons  que  la  femme  de 
de  Craeyer  portait  le  nom  étrange  de  Catharina  Janssens 
van  Uuveland  (')  et  qu'en  bonne  ménagère  elle  préfera  re- 

1.  Tenir  la  main  (traduction  littérale). 

i.  La  traduction  littérale  de  van  Duveland  est  «  du  pays  du 
Diable  ». 


cevoir  en  espèces  sonnantes  et  trébuchantes  les  vingt-cinq 
florins  de  sa  mantille  si  généreusement  offerte  par  le 
Collège. 

L.  Maeterlinck,  Conservateur  du  Musse  de  Gand. 


"5s'«W*('>5e'«0fc''«0e'<B'<!k'«%?«w  •¥•*'  *tf  'W«îfe'»!)le'«W«3S«5s'«9e'«W«Stf«5e,<S|ï 

He  comte  Vespignani. 


LE  4  juillet  la  ville  de  Rome  rendait  les  hon- 
neurs suprêmes  au  comte  François  Ves- 
pignani,  architecte  des  palais  apostoliques,  l'un 
des  catholiques  les  plus  actifs  et  les  plus  zélés  de 
la  Ville  Éternelle. 

Le  comte  Vespignani  personnifiait  pour  ainsi 
dire  l'action  catholique  à  Rome  depuis  près  de 
trente  ans. 

Il  fut  un  des  fondateurs  du  cercle  Saint-Pierre 
et  de  la  société  des  intérêts  catholiques.  Avec  le 
cardinal  Jacobini,  alors  simple  prêtre,  et  quelques 
autres  catholiques  zélés,  il  constitua  la  célèbre 
association  artistique  ouvrière  de  charité  réci- 
proque qui  ne  cesse  d'opérer  des  merveilles  et 
compte  plus  de  trois  mille  membres. 


Imprimé  par  Desclée,    De  Brouwer  et  Cie,  Bruges. 


^^ttttkhitttttâ£k9*kUkUkUkUïtUp> 


ra^s&H^^aEJ^^Ba^^B^ii&iaaaa.iiiflaffiBgsëgaL^ 


Belnte  îie 


tl'Brt  cjjrétfen 


>#»  paraissant  tous  (es  bctn;  mois. 

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$,     42me  Hnncc.  —  5e  Série. 

^    (Coinc  X  (xLvme  ae  la  collection). 


J  5melitirais.  —  Septembre  {899. 


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F?fo  t  JK^rfl  r"?1rfiWTTgTit  F°1  ftrtWJfe  Eft  rrWWZ-W  RH  'im  iii'i'fn  F  - 1  l"W""fi  r .'  iffiir?JrTTÎ  r '^  rfrrrraTT  7  !; .  Lxtïf  trtif-  f  '.'  '  r^T'Y^ra-r^  F?]rn  numiil"  ItWtti  t  ii\  '_  uTmrtir^ 


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ffiart^re  et  sépulture  lies  ffiact)abée<5*(stutc)() 


m 

-OUR  ces  recherches  la 
g  chronique  de  Jean  Ma- 
lala  est  des  plus  pré- 
cieuses. Non  seulement 
le  témoignage  de  Da- 
mascène,  qui  le  ciie 
3  sous  le  nom  de  'Iwâvwi? 
'AvTio^eîaç  (2),  mais  encore  et  surtout  les 
choses  qu'il  raconte  en  décèlent  à  chaque 
page  l'origine  antiochienne.  C'était  un  rhé- 
teur ou  sophiste  de  profession, ce  qui  signifie 
précisément  en  syriaque  la  dénomination 
de  Ma/a/a,  et  il  vivait  sous  le  règne  de 
l'empereur  Justinien,  comme  l'a  démontré 
Dindorf  (3),  après  d'autres  savants,  dans  sa 
«  Collectio  Byzantina  »,  publiée  à  Bonn, 
en  1830.  Rectifiant  les  jugements  trop 
exagérés  de  critiques  antérieurs,  la  critique 
moderne,  plus  impartiale,  a  dû  reconnaître 
chez    Malala  des   qualités  exceptionnelles, 

1.  Voyez  la  i'e  partie,  4me  livraison,  1899,  p.  290. 

2.  S.  Jean  Damasc,  Oratio  III,  de  imaginibus. 

3.  Cf.  Praefat.  ad Joan,  Malalam. 


surtout  en  ce  qui  concerne  l'histoire  d'An- 
tioche  sa  patrie.  Millier,  qui  l'avait  en  sin- 
gulière estime,  en  a  tiré  grand  parti  pour 
son  savant  ouvrage  «  De  antiquitatibus  an- 
iiochenis  »,  écrivant  que  Malalas  Antioche- 
nus  per  milita  egregia  fide  ex  optimis  fonti- 
bus  sumpia  tradidit  (').  De  plus,  avec  sa 
haute  culture  et  sa  compétence  habituelle, 
il  a  reconnu  et  démontré  que  ou  Malala 
lui-même,  ou  Donnine,  évêque  d'Antioche, 
dont,  d'après  Buntlec,  Malala  aurait  utilisé 
la  chronique  (2),  eut  entre  les  mains  et  mit 
à  contribution  les  Acta  lirais  Antiochiae, 
semblables  aux  Acta  diur/ia  populi  romani, 
où  étaient  consignés,  avec  les  édits,  les 
règlements  concernant  les  édifices,  les  tra- 
vaux publics,  les  incendies  et  les  tremble- 
ments de  terre,  les  faits  les  plus  importants 
de  la  cité  et  tout  ce  qui  avait  rapport  à 
elle  (3).  Ces  Acta,  Malala  les  cite  textuelle- 
ment quand  il  parle  de  la  dénomination  de 

1.  M.ù\\er,De anliquit.  antioclien.,  p,  53.  Charles-Otfried. 

2.  Epist.  ad  Millium,  p.  73. 

3.  Mullér,  L.  c,  p.  76-77. 


REVUE    DE   L  ART   CHRETIEN 
189g.    —    5me    LIVRAISON. 


378 


Hctntc  tie  l'&vt  chrétien. 


OsoJno/.'.;  donnée,  sous  Justinien,  à  Antioche, 
par  acclamation  populaire  (').  Mùller  ne  se 
faisait  pas  faute  d'attribuer  ces  actes  aux 
temps  des  Séleucides.  D'où  il  est  facile  de 
conclure  que  l'autorité  de  Malala  relative- 
ment aux  choses  d'Antioche  n'a  d'autre 
valeur  que  celle  des  sources  où  il  a  puisé  : 
et  nous  verrons  bientôt  que  le  martyrologe 
syriaque  cité  plus  haut  rend  à  la  véracité 
et  à  la  précision  du  chroniqueur  antiochien 
un  nouvel  et  éclatant  témoignage. 

La  tradition  ecclésiastique,  tant  en  Orient 
qu'en  Occident,  admet  que  la  famille  des 
Machabées  avait  été  emmenée  en  esclavage 
à  Antioche  par  Antiochus  Épiphane.  — 
Pour  ce  qui  concerne  l'Église  orientale,  le 
ménologe  de  l'empereur  Basile  affirme  ex- 
plicitement que  le  peuple  juif  ,  après  la  dé- 
vastation de  Jérusalem  (par  Antiochus  Épi- 
phane) (2),  avait  été  emmené  en  esclavage, 
que  ceux-ci  (les  Machabées)  furent  pris  à 
leur  tour  et  obligés  de  se  souiller  en  mangeant 
des  viandes  immolées  par  les  Gentils  — 
rcopB^ffavroç  os  EeXetixou  toÛ  (3aaiXé(»>ç  Ta  'kp&TÔÀ'jia.a, 
xai  70  TÙv  ëj3paîcDV  ye'voç  afy(AaX«i)TÎ<7avTOÇ,  êxparrç- 
8ïi<rav  v.'j).  vj-fj',  xai  y'vayxàa-fJT,ac.v  éXXïivwûv  à-oyeù- 
saaGat  Suffiùv  xai  [xiapo<pay/î<ya'.  (3).  Et  quant  à 
l'Occident,  Notker,  rapportant,  dans  son 
martyrologe,  le  supplice  des  Machabées  à 
Antioche,  écrit  que  ceux-ci,  proscrits  de  leur 
pays,  consacrèrent  de  leur  sang  le  sol  des 
gentils  —  çuos  crudelissimus  Antichristi 
praecursor  Antiochus  de  patria  elimiualos, 
gentile  solum  sa  cri  sanguinis  effusione  fecit, 
invidus  atque  inscius,  consecrare  ('). 

Nous  découvrons  encore  une  allusion  à 

i.  Il  dit  avoir  trouvé  le  fait  dans  les  Actes  de  la  ville  : 
'  OU  /y.r -.[<,:;  eûpÉSi]  TÛÎV  ~.y.  i'xtoc  ypaçdvTcuv  TÎjî  '/'jTt,;; 
TtdXEtaiç.  Malala,  Chron.,  lib.  XVIII,  c.  654. 

2.  Signalons  l'erreur  du  ménologe  qui  attribue  à  Seleu- 
cus,  au  lieu  de  son  fils  Antiochus  Epiphane,  la  prise  de 
Jérusalem. 

•?.  Menol.  Basil,  imper,  mense  aug.  die  I ;  M  igné,  P.  L., 
t.  CXVII.c.  568. 

4  Notker,  Martyrol.  ad  Kal.  Atigust. 


la  captivité  des  Machabées  à  Antioche  et  à 
leur  promiscuité  avec  les  Gentils  dans  le 
poème  du  IVe  ou  du  Ve  siècle,  attribué  par 
tous  les  anciens  à  Marius  Victorius  et  par 
Oudin  et  Schoenemann  à  saint  Hilaire 
d'Arles  (').  Quel  qu'en  soit  l'auteur,  après 
avoir  dit  que  la  mère  se  trouvait  avec  ses 
sept  fils  dans  le  royaume  de  Syrie  sous 
Antiochus, 

Rex  fuit  Antiochus  Syriae  ditissimus  olim, 
In  cujus  regno  mater  na  tique  fuerunt 
Sept  eut,  ut  fuma  refert  ; 

il  montre  celle-ci  exhortant  au  martyre  le 
quatrième  de  ses  enfants  en  ces  termes  : 

genitori  accède  priorum, 
Quorum  progenies  totuin  dispersa  per  orbein 
Invidiam  patitur  :  Dominum  quia  sola  patentent 
Mente  colit,  turbae  nec  mixta  accedil  iniquae  (2). 

Cette  tradition  commune  aux  deux 
Églises  provient  de  l'Église  d'Antioche. 
Là  le  souvenir  de  la  captivité  juive,  qui  eut 
lieu  sous  Antiochus  Épiphane,  était  encore 
resté,  bien  des  siècles  après,  profondément 
gravé  dans  les  esprits,  et  elle  était  mise  sur 
le  pied  des  grandes  servitudes  égyptienne 
et  babylonienne.  Témoin  saint  Jean  Chry- 
sostome  qui,  combattant  les  Juifs,  leur  dé- 
montrait que  les  trois  servitudes  avaient 
été. annoncées  par  les  prophètes:  taç  a'.'yjjta- 
),(0Tia;  a-àïaç  [jteTa  rcpoîpï'^eoj;  oeîçxvTe;  e-sysy- 
Ssiixaç  dutoôç,  vty  èv  Aivùrcxto,  t/jv  bi  BafiuÀÙvt,  Tr,v 
£-;.  'AvtiÔvou  to'j  'ETUtpavoùi;  (3). 

Malala  ne  faisait  donc  qu'enregistrer  dans 
sa  Chronique  la  tradition  antiochienne,  lors- 
que, rapportant  la  vengeance  tirée  par 
Épiphane  sur  les  Juifs  de  Palestine,  parti- 
sans de  Ptolémée,  il  écrivait  que  le  roi  de 
Syrie,    ayant  vaincu    l'ennemi,    tourna  ses 


1.  Cf.    Sclioeneman,  Biblioth.  hist.  litter.  patr.  latin., 
t.  I,  in  Ililario  arelat.,  1 1. 

2.  Versus  in  natali  Machabaeorum  martyruin,   M  igné, 
1'.  L.,  t.  L,  col.  12S3. 

3.  S.  Joan.  Chrys.  Oratio  VI  advers.  Jud.,  n.  2. 


£@artpre  et  sépulture  ties  09acï)abée0. 


379 


armes  contre  Jérusalem,  l'assiégea,  et,  après 
l'avoir  emportée  d'assaut,  la  dévasta  par  un 
affreux  carnage;  mais  le  grand  prêtre 
Éléazar  et  les  Machabées,  emmenés  à  An- 
tioche,  y  furent  mutilés  et  mis  à  mort  — ■ 
ÎùtX'.itzo  xaxà  ttJç  ÏËppurâX^p  xal  «oîaopxTfcaç 
aÛTTiv  ènokèfi-r\<!S,  xai.  roxpéXaêev  aùr/yy,  xal  xaTÉo^açs 


àvTa;    •    tov   os   'EXeàÇ,ap   tov   Spyispêa  twv 


Io'j 


oaîwv  (')  xal  toÙç   Maxxaj3eiç  Iv  Âvxio^eiqt  àyaywv 
xoXaTa;  e'iOve'JTe  (2). 

Que  l'affirmation  de  Malala  ait  été  puisée 
à  des  sources  anciennes  et  autorisées,  Fla- 
vius nous  en  fournit  la  preuve.  Après  avoir 
rapporté  le  trépas  glorieux  d'Éléazar,  il 
poursuit  son  récit  en  disant  que  Antiochus, 
profondément  irrité  de  l'affront  qu'il  en 
avait  reçu,  ordonna  de  lui  amener  les  autres 
prisonniers  juifs,  c'est-à-dire  les  Machabées 
—  Tooooa  7tepLTOx8<âç  exsAsuTîv  txXXou;  sx  tv",ç  tùv 
ÈPpaîwv  Xswcç  (3).  Or  il  n'est  pas  besoin  de 
démontrer  que  tï  Xdot.  la  proie,  la  capture,  en 
parlant  des  hommes,  désigne  ceux  que  le 
vainqueur  emmène  en  servitude.  —  Il  y  a 
là  encore  une  preuve  de  l'interpolation  du 
Maxxa,3a'.xov  de  Flavius,  car  si  les  sept  frères 
avec  leur  mère  faisaient  partie  de  la  proie 
emmenée  à  Antioche  par  le  monarque  vic- 
torieux, ce  fut  dans  cette  ville  et  non  à 
Jérusalem  qu'ils  durent  subir  le  martyre. 

Nous  avons  en  outre  dans  le  chroniqueur 
d'Antioche,  l'indication  précise  du  lieu  du 
supplice  des  Machabées  :  Antiochus  les  fit 
mourir  un  peu  avant  d'arriver  à  la  ville 
d' Antioche,  dans  la  montagne  toujours  gémis- 
sante, visà-vis  de  Jupiter  Cassius  —  upo 
jjuxpoù  yàp  tîjç  uoAewç  'Avuoy/îotÇ  ItiyMtçTpxio 
aÙTO'j;  'Avtw^oç  èv  tû  àel  xXaîova  opei  xaxévavxi  xoù 
Kaufou  Aîoç  (4). 

La  position   du    Cassius,  sur  le   sommet 

i.  Eléazar  était,  suivant  Josèphe,  Upsôç,  et  non  àp^iepsùç. 
Cf.  De  Machabaeis. 

2.  Malala.  Chronoçr.,  lib.  VIII,  c.  322. 

3.  De  Machabaeis,  n.  8. 

4.  Malala,  lib.  VIII,  c.  323. 


duquel  était  un  temple  dédié  à  Jupiter  ('), 
est  bien  déterminée.  Situé  au  Sud-Ouest  de 
la  ville,  entre  la  mer  et  la  rive  gauche  de 
l'Oronte,  à  trois  milles  du  Viens  tiberinus, 
et  à  une  petite  distance  du  faubourg  de 
Daphné,  il  avait  devant  lui  la  porte  occi- 
dentale qui  donnait  sur  la  route  de  Séleucie, 
entrepôt  de  la  capitale  de  la  Syrie  (2).  Par 
conséquent  il  en  défendait  la  gauche.  Aussi 
la  montagne,  à  gauche  d'Antioche,  qui 
devait  nécessairement  regarder  les  hautes 
cimes  du  Cassius,  ne  pouvait  être  que  la 
partie  occidentale  du  Silpius,  appelée  dans 
la  suite  Orocassiade. 

On  serait  tenté  de  penser  à  l'Amanus, 
situé  au  Nord,  et  par  conséquent  en  face  du 
Cassius,  connu  chez  les  anciens  sous  le  nom 
deMélanzinus.où  était  le  templedeVesta(3), 
et  chez  les  croisés  sous  celui  de  Montagne 
noire  (4),  mais  la  distance  où  il  se  trouve  de 
la  banlieue  ne  permet  pas  de  dire  de  lui 
Tcpô  [À'-xpoû  t7)Ç  toXswç  'AyTioveiaç. 

Du  reste,  les  notes  indiquées  ci-dessus 
conviennent  toutes  à  la  partie  occidentale 
du  Silpius,  ou  Orocassiade,  laquelle,  située 
à  gauche  d'Antioche,  et  par  là  même  en 
face  du  Cassius,  xarévayn  xoû  Kanîou  Aîoç,  en 
était  encore  très  rapprochée.  Séleucus 
Nicator,  en  effet,  en  jetant  les  fondations 
de  la  nouvelle  ville,  l'éloigna  quelque  peu 
du  Silpius,  où  était  Ioneou  Iopolis,  ancienne 
colonie  argienne  pour  la  reporter  vers  le 
plan  de  la  vallée  inférieure  le  long  du  fleuve, 
à  l'opposé  de  la  montagne  (5). 

Il  convient  de  signaler  ici  une  circons- 
tance particulière,  qui  fait  encore  mieux 
ressortir  l'accord  des  indications  fournies 
par    Malala    avec    le    texte   biblique.    Les 

1.  Ammien  Marcell.,  XXIII,  14,  4. 

2.  Nicéphore,  Vita  s.  Simeonis  junior.,  Act.   SS.  Maii, 
t.  V,  pp.  361,  412,  413. 

3.  Malala,  lib.  VIII,  c.  311. 

4.  Guillaume  de  Tyr,  Hist.  rer.  transm.,  lib.  IV,  c.  10. 

5.  Malala,  lib.  VIII,  col.  314. 


38o 


WitWt  tue  l'&rt  chrétien* 


édits  d'Antiochus  qui  visaient  la  conversion 
des  Juifs  à  l'hellénisme  en  leur  faisant  ab- 
jurer la  religion   de  leurs   pères,  portaient 
qu'ils  ne  devaient   pas  seulement   manger 
les  viandes  de  porc  que  leur   interdisait  la 
loi,  mais  que  celles-ci  devaient  être  immolées 
devant   les  divinités    grecques.    En    effet, 
suivant  le  texte  biblique,  Antiochus  ordonna 
qu'on  bâtît  des  autels  et  des  temples,  et  des 
idoles,  et  qu'on  sacrifiât  la  chair  de  pourceau 
et  des  bêles  immondes,  6isiv  ûîta  (')  ;  et   ainsi 
l'autel  du  temple  de  Jérusalem,  profané  par 
l'idole,  était  en  outre  chargé  de  viandes  in- 
terdites par  les  lois  mosaïques  —  to  os  Buffiaa-- 
x/.v.ov  toi;  à-o5'.S!77a),;ji£vo'.;  ino  twv  vou.wv  d9e[Attoiç 
£-£-/.r,^oTo  (2),  évidemment  dans  le  but  d'être 
offertes  à  manger  aux  Juifs.  Et  en  effet  on 
servit  à  Éléazar  des   viandes   enlevées  du 
sacrifice  (3).  Flavius  Josèphe  affirme  pareil- 
lement qu'Épiphane  forçait   les  Juifs  à  sa- 
crifier  des   porcs   sur   l'autel,  <yu;  eWJûs-.v  xû 
[îwv.ù  (4)  ;  et  dans  le   récit  du  supplice  des 
Machabées,  il  montre  le  prince  les  obligeant 
à  goûter  aux  viandes  des  pourceaux  immolés 
à  l'idole  —  xoeùv  6e£wv  xal  e''ooùo9'Jxwv  àvayxàÇs'.v 
à-oyvjzJh.'.  (5).  Aussi  est-il  permis   de  sup- 
poser que   la   famille   des    Machabées   fut 
amenée    par    le   monarque    syrien    devant 
l'autel  de  l'un  des   temples   d'Antioche,  et 
que  c'est  là  qu'on  lui  fit  subir  les  violences 
les  plus  cruelles  pour  la  faire  renoncer  à  la 
religion  de  ses  pères. 

Mais,  demandera-t-on,  quels  pouvaient 
être  ce  temple,  cet  autel  ?  —  Si  l'on  réfléchit 
à  ce  double  fait,  qu'Antiochus  Épiphane 
favorisait  de  préférence  le  culte  de  Jupiter(6), 
et  que,  pour  honorer  cette  divinité,  il  avait, 
après  les  décrets  de  persécution    contre  les 

1.  /  Mac:/:.,  I,  50. 

2.  II  Mach.,  vi,  5. 

3.  Ibid.,  v,  21. 

4.  De  bellojudaico,  lib.  I,  c.  I,  n.  :. 

5.  De  Machabaeis,  n.  5. 

6.  Cf.  Millier,  antiq.  Antioch.,  p.  62. 


Juifs,  fait  dresser  la  statue  de  Jupiter  Olym- 
pien dans  le  temple  de  Jérusalem,  et  celle 
de  Jupiter  l'Étranger  dans  le  temple  de  Ga- 
rizim  chez  les  Samaritains  ('),  on  peut  pré- 
sumer avec  raison  que,  de  même  à  Antioche, 
le  temple  et  l'autel  désignés  pour  être 
témoins  de  l'apostasie  des  Machabées  ne 
furent  autres  que  le  temple  et  l'autel  de  ce 
dieu.  Mais  précisément  à  l'endroit  même 
de  leur  supplice  indiqué  par  Malala,  se 
trouvait  le  temple  de  Jupiter  Céraunios, 
bâti,  suivant  une  tradition,  par  Persée  (2). 
Personne  ne  saurait  donc  ne  pas  remarquer 
le  merveilleux  accord  qui  existe  entre  le 
texte  biblique  et  les  indications  du  chroni- 
queur antiochien. 

Quant  à  la  dénomination  de  montagne 
toujours  gémissante,  êv  xû  àsl  xXoûovu  ôpet, 
attribuée  parle  même  chroniqueur  à  la  partie 
occidentale  du  Silpius,  nous  n'avons  pu  en 
retrouver  la  trace  dans  l'antiquité.  C'était 
sans  doute  un  surnom  populaire,  par  lequel 
les  habitants  de  l'endroit  désignaient  cer- 
taine région  de  la  grande  montagne.  Or, 
on  sait  que  précisément  cette  partie  du 
Silpius,  où  était  située  Jopolis  avec  le 
temple  de  Jupiter,  avait  des  eaux  abon- 
dantes, et  que  celles-ci,  pendant  l'hiver, 
grossissaient  de  manière  à  menacer  la  nou- 

o 

velle  cité.  C'était  la  crainte  de  ce  danger 
qui  avait  décidé  Séleucus  à  jeter,  nous 
l'avons  vu,  les  fondations  d'Antioche  un  peu 
plus  loin  vers  la  plaine,  vis-à-vis  de  la  mon- 
tagne :  xai  fjprfk'.ç  xà;  1iù<T£!.ç  xoù  SiXitîou  ô'pouç 
xal  xo'jç  xaxepyQuivouç  è;  aùxcj  y£'.p.àp'liou;,  èv  r/j 
-eooàoi  xoO  à'jXùvo;  xaxévavxi  xoù  ô'poyç...  o£eyàpa;av 
xà  QepéXia  xoj  rei/oj;  x.  x.  )..  (3).  Encore  à  l'é- 
poque des  Croisades  on  voyait  le  Silpius 
sillonné  de  limpides  ruisseaux  (4)   Or,  étant 

1.  II Mach.,  VI,  2. 

2.  Malala,  lib.  VIII,  col.  314. 

3.  Ibid.,  col.  314,  /.  c. 

4.  Guillaume  de  Tyr,  Histor.rer.  transm.,\\\i.  IV,  c.  10. 


âgartpre  et  ©épulfure  Des  4©ad)abte0. 


38  r 


donné  la  nature  des  roches,  les  grottes  et  les 
cavernes  qui  s'y  trouvent  ('),  il  n'y  aurait 
rien  que  de  très  naturel  à  ce  que  l'infiltration 
des  eaux,  pénétrant  goutte  à  goutte  dans  le 
calcaire,  y  eût  produit  une  sorte  de  murmure 
intérieur  ;  d'où  la  dénomination  populaire 
de  montagne  qui  gémit  toujours.  Telle  est, 
du  moins  à  notre  avis,  l'explication  la  plus 
plausible. 

Nous  avons,  à  la  lumière  de  la  tradition 
en  harmonie  avec  la  Bible,  déterminé  l'en- 
droit précis  du  martyre  des  Machabées  ; 
reste  maintenant  à  parler  de  leur  tombeau. 

La  Chronique,  si  souvent  citée,  de  Malala, 
après  avoir  raconté  que  la  persécution 
d'Antiochus  Épiphane  pour  helléniser  les 
Juifs,  dura  trois  ans,  et  marqué  la  mort  de 
celui-ci,  ajoute  : 

«  Ainsi  finit  Antiochus,  et  après  lui  régna 
«  pendant  deux  ans  son  fils  Antiochus 
«  Glaucus,  dit  Géracé  ou  Antiochus  Eu- 
«pator.  » 

«  Il  eut  pour  successeur  Démétrianus  ou 
«  Démétrius  Sotère,  fils  de  Séleucus  qui 
«  régna  sept  ans.  Et  un  nommé  fudas,  d'ori- 
«  gine  juive,  étant  venu  dans  la  grande  An- 
«.  tioche,  il  décida  à  force  d'instances  le  roi 
«  Démétrianus  .à  lui  rendre  le  temple  et  les 
«  restes  des  Machabées:  et  il  les  ensevelit  dans 
«  la  grande  Antioche,  à  l'endroit  qu'on 
«  appelle  Cerateum,  parce  que  là  était  la  sy- 
«  nagogue  des  Juifs.  —  xaî  êX8wv  sv  'Avcio^eîa 
«  Tïj  |AeyâXï|  'Ioûoaç  tiç  o'vopum,  'IouSaioç  tu  I8vei, 
i,  éouTw-riffe  Aï)U.Y|Tpiavàv  tov  (UaTiAsa  rocpaxaXéffaç 
«  aÙTÔv,  xal  uapéo'Yev  a'Jxw  to  '.epèv  xai,  Ta  Xsûpava 
«  twv  Maxxajîafov.  Rai  êQa^av  aùxà  èv  'AvTioyeta 
«  tt,  [AsyaX-/)  Èv  tw  Xeyofjisvw  KspaTÉw  •  t,v  yàp 
«  o-uvayuvYj  éxsv  twv  'Iouoai'wv  (2). 

Ce  passage,  à  part  quelques  inexacti- 
tudes, provenant   soit   de  l'incorrection  du 

1.  Cf.  Le  Camus,  Notre  voyage  aux  pays  bibliques,  t.  II, 

PP-  47,  49- 

2.  Malala,  Chronogr.,  lib.  VIII,  C.  324. 


Ms.  d'Oxford,  qui  en  a  conservé  le  texte, 
soit  de  la  transposition  ou  abréviation  faite 
sur  les  documents  dont  se  servit  Malala, 
attribuant  à  Démétrius  Sotère  les  conces- 
sions d'Antiochus  Eupator  à  Judas  Ma- 
chabée,  confirme  de  plus  en  plus  l'autorité 
des  sources  auxquelles  il  puisa,  comme  on 
le  verra  mieux  encore  par  la  comparaison 
de  ses  indications  avec  d'autres  témoi- 
gnages autorisés. 

Avant  tout  il  s'agit  de  bien  établir  l'ac- 
cord des  affirmations  de  Malala  avec  le 
texte  biblique  de  l'histoire  des  Machabées. 
Or,  d'après  le  texte  sacré,  Antiochus  Epi- 
phane étant  mort  et  son  fils  Eupator  lui 
ayant  succédé  sur  le  trône  de  Syrie,  Lysias, 
vaincu  par  les  armes  de  Judas  et  réduit  à 
prendre  honteusement  la  fuite,  envoya  à  ce 
dernier,  même  avant  de  regagner  Antioche, 
des  ambassadeurs  pour  traiter  de  la  paix  ('). 
Judas  se  prêta  à  ces  ouvertures,  mais  ne  se 
rendit  pas  personnellement  à  Antioche,  il 
envoya  Jean  et  Abesalom  pour  le  repré- 
senter avec  des  lettres  qui  renfermaient  ses 
demandes,  et,  surtout  avant  toute  autre, 
restitution  du  temple.  Et  Lysias,  qui  était 
de  fait  tuteur  du  jeune  Roi  et  le  régent 
effectif  de  la  Monarchie,  répondit  qu'il  avait 
tout  exposé  au  Roi,  et  que  celui-ci  avait 
accordé  tout  ce  qu 'exigeaient  les  circon- 
stances — -  S  3k  t,v  èvosyo|i.£va,  oweyùpTjO-ev  (2). 

La  restitution  du  temple  était  spécifiée 
en  toutes  lettres  :  nous  avons  arrêté  d or- 
donner, écrivait  le  Roi,  que  leur  temple  leur 
fût  rendu,  afin  qu'ils  puissent  vivre  selon  la 
coutume  de  leurs  atuêtres  —  xpîvopiev  -6  te 
lepôv  duToîç  à.TSjv.y-z.i-T.'ïïyj.'.,  xai  Tzo'h'.-eùe-ïHM  xaxà 
xà  èm  twv  itpoydvwv  àuTwv  è'9ï}  (3). 

Et  l'historien  sacré  ajoute  :  Tout  ce  que 
Machabée  demanda  par  écrit  à  Lysias  en 

1.  II  Mach.,  XI,  13  sq.  —  Cf.  Patrizi,  De  consens,  utriusq. 
lib.  Mach.,  pp.  262,  264. 

2.  Ibid.,  xi,  18. 

3.  II  Mach.,  25. 


382 


Htbue  be  l'&rt  c&rétten* 


faveur  des  Juifs,  le  Roi  l'accorda  —  Sua  yàp 
ô  Maxxajy.ro;  èrcÉSuxe  T'f)  A.UTÎa  v.à  ypaitnov  t.iv. 
tùv  'louSaîwv,  ffuvEywpiriTcV  6  [jx-'.aî'J;  ('). 

Donc  l'assertion  de  Malala  disant  que 
Judas  obtint  le  temple,  après  avoir  adressé 
une  requête  au  Roi  à  Antioche,  non  en 
personne,  mais  par  lettre  et  au  moyen 
d'ambassadeurs,  est  sur  ce  point  absolu- 
ment conforme  au  récit  biblique.  Et  quelle 
vraisemblance  n'y  a-t-il  pas  aussi  d'ailleurs, 
que  la  seconde  partie  de  la  demande  exau- 
cée concerne  la  sépulture  des  Machabées  ? 

Il  n'est  pas  inutile  d'observer  que  le 
martyre  des  sept  frères  mis  à  mort  en  même 
temps  que  leur  mère  veuve  et  le  vieil  Eléa- 
zar,  ne  fut  pas  un  supplice  vulgaire.  Jason 
de  Cyrène,  auquel  l'emprunta  l'auteur  du 
second  livre  des  Machabées,  en  fit  une 
sorte  d'épopée,  qu'il  enchâssa,  comme  une 
perle  précieuse,  dans  son  histoire.  Le  sup- 
plice, en  effet,  eut  lieu  en  présence  du 
monarque  lui-même,  entouré  de  sa  cour. 
Tour  à  tour  insinuant  et  cruel,  le  roi  met 
tout  en  œuvre,  caresses  et  menaces,  pour 
extorquer  en  un  moment  de  faiblesse  à  ces 
héroïques  défenseurs  des  lois  paternelles  et 
divines  un  assentiment  quelconque.  D'où 
l'on  voit  mieux  encore  le  but  politique  de 
ce  prince,  absorbé  par  l'idée  d'helléniser 
les  Juifs  du  royaume  et  en  particulier  ceux 
de  la  capitale.  Il  avait  déjà  triomphé  des 
plus  ambitieux  et  des  plus  faibles,  chose 
assez  fréquente  dans  l'histoire  ;  mais  au- 
jourd'hui il  se  trouvait  en  face  d'une  éner- 
gique résistance.  S'en  prendre  d'une  ma- 
nière si  étrange  et  si  solennelle  à  un  vieil- 
lard, à  une  femme  et  à  quelques  jeunes 
gens  était,  sans  doute,  un  procédé  com- 
mandé par  la  raison  d'Etat.  Leur  exemple 
sur  le  reste  de  la  nation  juive  qui  résistait, 
devait  avoir,  dans  la  pensée  du  monarque 

l.  II Miich.,  15. 


syrien,  une  influence  considérable.  D'où  il 
faut  conclure  que  la  situation  personnelle 
des  martyrs  leur  avait  mérité  un  grand 
respect  et  une  grande  autorité  parmi  leurs 
compatriotes. 

A  propos  d'Ëléazar,  le  texte  sacré  dit 
que  c'était  un  des  premiers  docteurs  de  la 
loi,  homme  avancé  en  âge  et  d'un  visage  vé- 
nérable (')  :  et  il  semble  même  indiquer 
l'antique  noblesse  de  sa  race  (2).  Flavius  le 
représente  comme  un  personnage  véné- 
rable, de  famille  sacerdotale,  légiste  de  pro- 
fession, avancé  en  âge  —  -b  yévoç  Upeùç-,  ~>jv 
s-wrriy./jv  vofuxoç,  xal  rrv  r,Xuiav  npaqxcov  (3).  La 
tradition  ajoute  qu'il  était  encore Si8â<r*aXoç: 
et  ce  qualificatif  lui  est  donné  principale- 
ment par  les  ménéums  grecs,  qui  joignent 
à  l'énoncé  de  la  fête  des  sept  frères  le  sou- 
venir de  leur  maître  Éléazar,  roû  Bi&fcrxot/taj 
ow:ti)v'E},Ea':;àpo'j;  rapport  de  disciples  à  maître, 
dont  il  n'y  a  pas  trace  dans  le  texte  biblique. 
Mais  cet  énoncé  renferme  une  erreur,  pro- 
venant de  ce  que  le  compilateur  des  mé- 
néums empruntant  sans  doute  à  des  monu- 
ments plus  anciens  l'épithète  de  BiSiffxaXoç 
attribuée  à  Eléazar,  l'interprète  a  tort, 
comme  s'il  eût  été  le  maître  de  la  famille 
des  Machabées.  Au  contraire  le  wAiv-iXa^ 
dont  fait  mention  le  Ms.  Théodosien  (''), 
était  chez  les  Juifs  une  des  premières 
dignités  à  laquelle  était  attaché  le  rôle  d'in- 
specteur ou  surveillant  de  la  discipline  et 
des  mœurs  du  peuple  (5).  —  Antiochus 
visait  surtout  à  gagner  à  l'hellénisme  le 
personnage  le  plus  en  vue,  le  plus  sympa- 
thique, que  possédassent  les  Juifs  à  An- 
tioche ;  et  celui-ci  à  son  tour  ne  se  dissi- 
mulait   pas    l'influence    qu'exercerait    son 

1.  II Mack.,  vi,  18. 

2.  Il/id.,  23. 

3.  De  Machabacis,  n.  5. 

4.  Lois  I,  de  Jitdaeis,  Coelicolis  et  Samaritanis. 

5.  Cf.  Godefroy  dans  les  Commentaires   de  la  susdite 
loi. 


£0artpre  et  sépulture  îies  ©acljabées. 


383 


exemple  soit  pour  pervertir  le  peuple  soit 
pour  le  confirmer  dans  l'observance  de  la 
loi  (<). 

La  Bible  ne  dit  mot  du  rang  social  de  la 
mère  et  des  sept  frères  ;  mais  la  tradition 
nous  les  représente  animés  de  sentiments 
généreux  et  de  noble  lignage.  Josèphe  nous 
dit  que  Antiochus  fut  frappé  de  leur  dignité 
et  noblesse  —  xal  tyJç  etfTcpeTOÎàç  èxTrXayel;  xal 
!tT,ç  eûysveiaç  (2).  D'après  S.  Gaudens  de 
Brescia,  «  cognomentum  Machabacorum  tra- 
itebant  ex  génère,  sic  ut  hodie  Aniciorum  pro- 
genies,  vel  si  qua  sunt  hujîtsmodi  nuncupa- 
tionum  vocabula,  quae  stirpeni  nobililatis 
usjirpeut  ex  divitiarum  lerrestrium  cumulo 
descendentem  (3).  »  De  plus  l'auteur  de  l'an- 
cien poème  sur  les  Machabées,  cité  plus 
haut,  fait  dire  par  la  mère  au  dernier  de  ses 
fils: 

Si  le  nobililas  generis,  si  tangit  origo, 

Respice,  nate,  tuas,  et  nos  quoque  respice,  nate  (•»). 

Saint  Grégoire  de  Naziance  proclame 
éloquemment  les  Machabées  /ils  généreux 
et  magnanimes,  nobles  rejetons  d'une  noble 
mère  —  —zloeç  yewaîbi  xal  [/.svaXô^oyoî,  u7|Tpôç 
2ÙYEV0ÙÇ  iuyevvi  ^teursfyxvi.  (5).  Par  conséquent 
l'exemple  de  cette  famille,  riche,  noble  et 
vertueuse,  devait,  dans  la  pensée  d'Antio- 
chus,  s'il  parvenait  à  en  ébranler  la  con- 
stance, aider  puissamment  la  réalisation  de 
ses  perfides  desseins. 

Que  l'on  considère,  d'une  part,  dirons- 
nous  en  terminant,  l'héroïsme  des  martyrs 
delà  cause  judaïque,  la  noblesse  de  leur 
famille,  l'autorité  de  leur  exemple,  la  pro- 
fonde vénération  qui  s'attacha  par  là  même 
à  leur  nom,  si  digne  de  vivre  dans  le  sou- 
venir des  bons  (s)  ;  qu'on  songe,  de.  l'autre, 

1.  Cf.  II  Mach.,  VI,  24,  25,  28. 

2.  De  Mackabaeis,  n.  8. 

3.  Serm.  XV, de  divers. capit.çuintus,die '  natal. Machàb. 

4.  Cf.  Migne,  P.  L.,  t.  L,  col.  1283. 

5.  Orat.  XV,  in  laud.  Machab.,  11.  3. 

6.  Cf.  //  Mach.,  vil,  20. 


au  saint  et  louable  empressement  de  Judas 
à  procurer  aux  victimes  de  la  même  cause 
les  honneurs  de  la  sépulture  (')  ;  à  l'heure 
propice  où  il  pouvait  imposer  des  conditions 
aux  vaincus,  que  les  menaces  de  Philippe 
poussaient  à  faire  la  paix  ;  et  l'on  trouvera 
tout  naturel,  assurément,  que  le  chef  Ma- 
chabée  victorieux  ait,  par  l'entreprise  de 
ses  envoyés,  sollicité,  entre  autres  choses, 
du  roi  de  Syrie,  la  permission  d'honorer 
d'une  façon  moins  indigne  d'eux  les  restes 
des  frères  héroïques  cruellement  immolés 
par  son  père. 

IV 

T  'INDICATION  la  plus  importante 
x_v  que  nous  donne  Malala  et  à  laquelle 
vient  encore  rendre  témoignage  le  marty- 
rologe syriaque  du  IVe  siècle,  a  trait  à  l'en- 
droit précis  du  tombeau  des  Machabées, 
situé  dans  le  Cerateum,  b>  xû  Kepaxéw.  Il  nous 
faut  donc  encore  revenir  sur  ce  point  pour 
achever  d'explorer  le  domaine  de  la  tra- 
dition. 

Il  n'est  pas  difficile  d'établir  que  cette 
localité  du  nom  de  Cerateum  se  composait 
d'un  groupe  d'édifices  construits,  pour  le 
moins  à  l'époque  romaine,  dans  l'enceinte 
de  la  ville.  Saint  Jean  Chrysostome,  qui, 
nous  l'avons  dit,  prononça  de  magnifiques 
homélies  sur  la  tombe  des  Machabées,  nous 
déclare  qu'à  l'occasion  de  leur  fête  tout  le 
faubourg  affluait  dans  la  cité  :  —  xr.ç  éopxr,; 
xwv  Maxxa|3aîuv  éitwe^0U|Aév7iç,  uàca  \  %wpa  tiç  r>,v 
TtôXiv  £?£'/ûB-ri  (2).  D'après  Malala,  le  Cerateum 
renfermait  la  synagogue  des  Juifs,  déjà 
existante  au  commencement  du  règne 
d'Antiochus  Eupator.et  qui, par  conséquent, 
ne  fut  élevée  ni  sous  lui  ni  sous  son  fils 
Epiphane,  le  persécuteur  de  cette  nation, 
mais  sous  son  aïeul  Séleucus  Nicator,  lequel 

1.  Cf.  //  Mach.,  XII,  39. 

2.  Seimo  de sanctis  martyribus,  P.  G.,  t.  XLIX,  col.  623. 


^84 


3Rrbuc  lie  P&rt  cbrcttcn. 


accueillit  les  Juifs  avec  bienveillance  dans 
la  ville  qu'il  avait  fondée  et  leur  octroya 
l'feoTtfùa,  c'est-à-dire  les  mêmes  droits  et 
franchises  qu'aux  Grecs  et  aux  Macé- 
doniens (').  Donc  la  synagogue  située  dans 
le  Cerateum,  que  la  colonie  juive  posséda 
à  Antioche  dès  les  premiers  jours  de  son 
établissement,  appartenait  à  la  cité  de 
Séleucus. 

Mais  à  l'époque  romaine,  on  n'en  saurait 
douter,  outre  la  synagogue,  le  Cerateum 
renfermait  divers  groupes  d'édifices.  Nous 
en  avons  une  preuve,  tout  à  fait  inattendue, 
dans  le  registre  des  biens  donnés  par  Con- 
stantin à  la  Basilique  vaticane,  registre 
conservé  d'abord  aux  Archives  du  Saint- 
Siège  et  inséré  plus  tard  dans  le  Liber 
pontificalis.  A  propos  des  donations  faites 
par  l'empereur  des  biens  qui  existaient  en 
Orient,  nous  y  lisons  : 

Item  iu  reditum,  donum  quod obtulit  Con- 
stantinus  Augustus  bcato  Petro  apostolo per 
diocesim  Orient is  : 

iu  çivitate  Antiochia  : 

doinus  Datiani,  praest.  sol.  XX  et  tremis- 
sium  ; 

domuncula  in  Caene,  praest.  sol.  XX  ; 

cellaein  Afrodisia,  praest.  sol.  XLII  ; 

balneum  in  Ceraleas,  praest.   sol.  XLII  ; 

pistrinum  ubi  supra,  praest.  sol.  XXII II; 

propina  ubi  supra,  praest.  sol.  X  ; 

hortum  Maronis,  praest.  sol.  X  ; 

horlum  ubi  supra,  praest.  sol.  XII  ; 

Sub  civitatem  Antiochiam 

possessio  sybilles  donata  Augusto,  etc.  (-). 

Nous  avons  cité  le  texte  en  entier  pour 
en  mieux  faire  comprendre  les  déductions. 
Ce  qu'on  y  voit  tout  d'abord,  c'est  la  dis- 
tinction  établie  par   le  Registre  du  Siège 


i.  Flav.  Jnsèphe,  Antiq.Judaic,  lib.  XII,  c.  III,  n.  i. 
2.  Liber  pontificalis,  in  Hilvestro.  —  Cf.  l'édition   plus 
exacte  de  Duchesne,  t.  I,  p.  177. 


apostolique  entre  les  biens  situés  dans 
l'enceinte,  in  çivitate  Antiochia,  et  les  biens 
situés  dans  le  faubourg,  ou  sub  civitatem 
Antiochiam.  Parmi  les  immeubles  existant 
dans  la  ville  une  petite  maison  seule,  do- 
muncula, était  située  in  Caene,  c'est-à-dire 
èv  x^'.vr,  ;  or  tous  ceux  qui  ont  étudié  la  to- 
pographie d'Antioche  savent  que  les  appel- 
lations y,  xaiviî  et  r,  roxXaia,  termes  opposés, 
désignaient  la  nouvelle  et  la  vieille  ville. 
L'expression  in  Ceratcas,  traduction  litté- 
rale du  grec  ira  KspaTsaç,  équivaut  à  l'autre 
ev  T»j  KspTsa  et  êv  tù  KspaTEu  ('),  et  s'étend  à 
toute  la  liste  des  biens  suivants,  comme 
l'indiquent  clairement  les  apostilles  con- 
jointes ubi  supra  :  biens  qui  appartenaient 
tous  au  même  quartier  ou  région,  où  étaient 
la  synagogue  primitive  et  le  tombeau  des 
Machabées.  Outre  les  susdits  monuments 
judaïques,  il  y  avait  donc  dans  le  Cerateum, 
des  bains,  un  restaurant  contigu,  sans  doute 
à  l'usage  des  baigneurs,  un  moulin  ou  four 
et  un  jardin,  donnés  par  Constantin  à  la 
Basilique  vaticane  avant  l'année  338.  Même 
X Iiortus  Maronis,  porté  sur  la  liste  des  pro- 
priétés appartenant  au  Cerateum,  devait 
être  situé  dans  le  même  quartier.  —  Ce 
Maron,  dont  le  jardin  devint  la  propriété 
de  la  Basilique  vaticane,  était  un  riche 
habitant  d'Antioche,  qui,  ayant  transporté 
son  domicile  à  Athènes,  légua  par  testa- 
ment ses  biens  à  sa  ville  natale  pour  la 
construction  de  X Aedes  Musarum  et  de  la 
Bibliothcqtie.  Antiochus  Philopator  ayant 
été  l'exécuteur  de  ses  dernières  volontés, 
l'existence  et  l'appellation  de  X/wrtus  Ma- 
ronis n'est  pas  postérieure  au  règne  de  ce 
dernier  (2).  —  Il   est   donc   prouvé   que   le 

1.  11  est  à  remarquer  que  les  documents  du  IVe  siècle, 
tels  que  le  Registre  du  Siège  apostolique  et  le  Martyrologe 
syriaque  emploient  la  forme  féminine,  tandis  que  les 
écrivains  postérieurs,  tels  que  Procope  et  Malala,  se  ser- 
vent du  neutre. 

2.  Malala,  Chronogr.,  lib.  X,  col.  362-363. 


£©artpre  et  sépulture  De0  09ad)abée£. 


385 


Cerateum  était  un  ensemble  d'édifices  et  de 
jardins  situés  dans  des  districts  ou  quar- 
tiers de  la  vieille  cité  de  Séleucus  Nicator. 
On  pourrait  encore  préciser  avec  plus 
d'exactitude  sur  quel  point  de  l'ancienne 
ville  était  situé  le  Cerateum  avec  les  pro- 
priétés annexes  dont  il  a  été  question.  — 
Le  fait  de  voir  réunis  ensemble  un  tombeau, 
des  jardins  et  des  moulins,  évoque  naturel- 
lement l'idée  d'un  lieu  écarté  du  centre  des 
habitations.  Cette  hypothèse  a  pour  elle 
saint  Jean  Chrysostome  ;  il  affirme  que 
pour  se  rendre  au  tombeau  des  Machabées, 
les  Antiochiens  avaient  plusieurs  stades  à 
parcourir,  dXîyouç  tyratHouç  o'.a-spwvreç,  et  il 
indique  la  longueur  du  trajet,  -b  xr,;  ôooû 
pjxo;  (').  Mais  cette  conjecture  se  change 
en  certitude,  si  l'on  songe  à  un  passage  de 
Procope  De  bello  persico  (2).  Après  avoir 
.raconté  les  épouvantables  fléaux  qui  vinrent 
fondre  sur  la  capitale  de  la  Syrie,  non  seu- 
lement avec  les  tremblements  de  terre  qui 
la  dévastèrent  en  526  et  en  528,  mais  sur- 
tout par  la  cruauté  de  Chosroès  qui  la  prit 
d'assaut  la  douzième  année  de  Justinien 
(538),  l'incendia  tout  entière  et  la  réduisit 
en  un  amas  de  cendres  et  de  ruines,  il 
ajoute:  Tout  autour  du  quartier  qu  on  appelle 
le  Cerateum,  tô  Kspcaaîov,  une  foule  de  mai- 
sons furent  épargnées  :  non  pas  qu'on  ait 
cherché  à  les  préserver,  mais  par  suite  de 
leur  position  fort  avantageuse.  Situées  dans 
le  quartier  le  plus  éloigné  de  la  ville,  elles 
étaient  tellement  éloignées  des  autres  édifices, 
que  le  feu  ne  put  arriver  jusqu'à  elles.  Le 
Cerateum  était  donc  un  ensemble  de  con- 
structions situées  à  distance  les  unes  des 
autres  à  l'extrémité  de  la  vieille  ville  ;  et 

1.  Hom.  de  Eleazaro  et  septem  pueris,  n.  4. 

2.  'EXét'tp6T]<rav  SI  xoù  i|xtpl  xà  Xsyo'|AEVOV  XEpataïov  oîxîat 
TroXXai,  oùx  ex  TrpovoiaçàvÔpoTttovTivit;.  aXX'  È— Et  Exstvcô  itou 
Ttpà;  ir/xtoiç  ttjç  toXeioç,  èiépaç  aâraî;  oùSE^tâç  tivoç  olxo- 
8o|x£a<;  IuvoctttciijJvtjç,  to  itûp  ht  aûtà;  ÈÇixvelaBai  où8a|X7) 
ïa/uaEv.  Procope,  De  bello  persico,  lib.  II,  c.  10,  t.  I,  p.  195, 
édit.  Dindorf. 


formait,  à  n'en  pas  douter,  l'un  des  dix-huit 
quartiers  dont  se  composait  Antioche  ('). 

L'existence  de  la  synagogue  primitive 
des  Juifs  dans  le  Cerateum  indique  et 
prouve  même  qu'ils  avaient  de  tout  temps 
habité  cet  endroit.  En  effet  les  Juifs  avaient 
coutume,  dans  leurs  colonies,  de  se  grouper 
ensemble  à  cause  de  la  langue,  de  la  reli- 
gion et  de  la  répugnance  qu'ils  avaient  de 
se  mêler  aux  autres  peuples.  Ainsi  à  Rome, 
sous  Auguste,  au  témoignage  de  Philon, 
ils  habitaient  le  Transtévéré,  d'où  le  trans- 
tyberinus  ambulator  de  Martial  (2).  De 
même  à  Alexandrie,  dont  le  fondateur  les 
avait  appelés,  ils  avaient,  nous  atteste 
Josèphe  (3),  leur  quartier  réservé,  dit  Maxe- 
Sdvsç,  non  pas  auprès  de  la  Nécropole,  c'est- 
à-dire  loin  des  habitations,  mais  autour  du 
palais  royal,  npàç  toîç  pamÀeiot;.  On  ne  saurait 
donc,  comme  l'ont  prétendu  quelques-uns, 
établir,  pour  ainsi  dire  a  priori,  que  les 
Juifs  de  la  dispersion,  par  suite  de  leur 
répulsion  instinctive  pour  la  société  des 
Gentils,  préférassent  les  lieux  écartés  des 
grands  centres,  où  les  théâtres,  les  temples 
et  l'agitation  d'une  vie  licencieuse  et  effé- 
minée n'auraient  que  trop  blessé  leurs  sen- 
timents religieux  (4). 

L'aspect  qu'offrait,  suivant  Procope,  le 
Cerateum  avec  ses  groupes  de  constructions 
séparées  les  unes  des  autres  par  de  larges 
intervalles,  indique  assez  clairement  que  ce 
quartier  devait  se  trouver  dans  la  partie 
de  la  vieille  Antioche  de  Séleucus,  où  la 
ville  pouvait  s'agrandir  plus  facilement.  Or, 
cet  accroissement  n'était  guère  possible,  ce 
semble,  des  trois  côtés  Nord,  Ouest  et  Sud. 
Au  Nord-Ouest,  en  effet,  elle  était  bornée 
par  la  rive  gauche  de  l'Oronte  qui  coulait 

1.  Cf.  Libanii  Artemis,  p.  236  ;  Antiochia,  p.  354  ;  Ad 
Theodos.,  p.  651,  édit.  Reiske. 

2.  Lib.  1,  42. 

3.  Flav.  Josèphe,  Contra  Apioncni,  lib.  II,  c.  4. 

4.  Cf.  Le  Camus,  l.c.,  t.  III,  p.  3S. 


REVL'E   UE   L'ART   CHRÉTIEN. 
189g.   —   Sme    LIVRAISON. 


386 


3&ebue  lie  r&rt  cjjrcttcn. 


au  pied  des  murailles  couronnées  de  tours  ('); 
au  Sud-Ouest,  c'est-à-dire  à  gauche,  son 
extension  eût  été  gênée  par  des  éboulements 
et  glissements  de  la  montagne  (■),  et  par  les 
torrents,  qui,  nous  l'avons  dit,  décidèrent 
Séleucus  à  reporter  la  cité  vers  la  plaine. 
Seule  la  partie  orientale,  dans  le  haut, 
comme  dans  la  plaine,  offrait  un  espace  sus- 
ceptible de  recevoir  de  nouvelles  construc- 
tions. Le  fait  même  que  les  deux  nouvelles 
villes  ajoutées  à  l'Antioche  de  Séleucus  par 
Antiochus  Épiphane  et  par  Callinique,  se 
développèrent  l'une  du  côté  de  l'Est,  l'autre 
sur  la  rive  droite  de  l'Oronte,  reliée  à 
l'ancienne  au  moyen  de  cinq  ponts,  prouve 
que  la  vieille  ville  ne  pouvait  s'étendre  qu'à 
l'Est.  Aussi  peut-on,  ce  semble,  affirmer 
que  le  quartier  dit  Cerateum,  habité  par 
les  Juifs  antiochiens,  devait  être  situé  sur 
les  flancs  du  Stauris  à  l'Est  de  la  ville. 

Les  souvenirs  qui  nous  restent  de  la  pre- 
mière prédication  des  Apôtres  à  Antioche, 
confirmeraient  cette  opinion.  Il  est  certain 
que,  dès  le  milieu  du  IVe  siècle,  il  existait 
sur  les  flancs  du  Stauris  une  grotte  dite  de 
S.  Paul.  Théodoret  rapporte  en  effet  que 
pendant  la  persécution  de  Valens,  un  véné- 
rable moine,  du  nom  de  Julien,  fut  invité, 
après  l'exil  de  Mélèce,  à  se  rendre  dans 
cette  ville  et,  ajoute-t-il  :  il  habitait  dans  les 
cavernes  qui  sont  aie  pied  de  la  montagne, 
où  la  tradition  veut  que  f  apôtre  saint  Paul 
ait  habité  et  se  soit  cache'  (3).  Outre  la  grotte, 
on  y  voyait  encore  des  eaux  vives  et  des 
sources  limpides,  une  église  et  un  monas- 

i.  «  Aia^EOjJiEvou  tï,  rÔXei  toj  7tOT«|ioû  v.'x:  JtEœiÇiovvôovtOî, 
■/-/■  y-y//;  ç7ta<pa?(  TiEparXEXOfjiivou  thV,  nupY<o(iaxtov  zùtî);.  » 
Joan.  Phocas,  Bescr.  terme  sanctae,  C.  930. 

2.  «  Situs  urbis  porrectus  in  immensam  longitudinem  ; 
in  alto  angustior,  quia  praerupto  montis  a  laeva  arctatur, 
ut  extendi  alterius  metandae  urbis  spatia  nequiverint.  t> 
Ambros.,  De  excidio  urbis  t  lieras.,  lib.  II,  5. 

3-  <  KaTïi^fli)  8è  èv  toïî  itapà  Tfl  ôntopeîq:  it.i,'i-j:',- 
/.-/.':  -.!,-i  hiio-,  à7tô<rtoXovtov  (ucxâptov  riaûXov  xoTa/ÔJjvai te 
v.-r.  xpupTJvai  œaaiv.  >  Theodor.,  Religiosa  historia,  c.  II. 


tère,  et  plus  tard  la  porte  orientale  de  la 
ville  qui  prirent  le  nom  de  l'apôtre  des  gen- 
tils comme  autant  de  témoins.  Ces  souve- 
nirs qui  renouaient  les  premières  traditions 
judaico-chrétiennes  d'Antioche,  furent  te- 
nus en  grande  vénération  même  aux  épo- 
ques suivantes,  comme  en  témoignent 
Guillaume  de  Tyr  ('),  à  la  fin  du  XI  Ie  siècle, 
et  Willebrand  d'Oldenbourg  (2),  au  com- 
mencement du  XI I  Ie.  De  nos  jours,  malgré 
son  état  de  malpropreté  et  d'abandon,  on 
montre  encore  la  grotte  de  saint  Paul, 
longue  de  dix  mètres  sur  vingt  de  large, 
près  de  l'une  des  sources  limpides  et  de  la 
fontaine,  qui  serait  celle  d'Olympiade,  mère 
d'Alexandre  le  Grand  (3). 

Nous  ne  pouvons  omettre  un  autre  té- 
moignage que  nous  offre  l'auteur  des  Clé- 
mentines, cité  par  Origène.  Il  vivait  sous 
Caracalla,  de  211  à  217,  et  était  originaire 
de  Palestine,  comme  l'indiquent  son  livre 
même  et  aussi  la  connaissance  qu'il  avait 
des  lieux  de  l'Itinéraire  de  Jérusalem  à 
Antioche  (4).  Après  avoir  introduit  l'apôtre 
Pierre  dans  cette  ville  et  raconté  l'accueil 
empressé  dont  il  y  avait  été  l'objet,  il  met 
immédiatement  en  scène  Clément,  l'un  des 
compagnons  de  voyage,  et  lui  fait  dire  :  Et 
Pierre  nous  ayant  pris  avec  lui,  nous  nous 
rendîmes  dans  les  quartiers  à  lEst  de  la 
ville,  où  il  y  avait  des  eaux  abondantes  et 
claires  —  xai  rcapaXx(3ùv  $)(*%;  £;/,î'.ulev  y.y-'x  àva- 

1.  «  In  plaga  enini  superiore  (civitatis)  quae  ad  oiien- 
tem  respicit,  état  porta  una  quae  hodie  dicitur  sancti 
Pauli  ;  eo  quod  monasterio  ejusdem  Aposloli  in  clivo 
montis  posito  sit  subjecta.  »  Lib.  IV,  13  —  V.  encore  lib. 
1,  10. 

2.  «  Item  in  uno  montium,  de  quo  supra  dixi,  est  coe- 
nobitim  monachorum  dives  in  honorent  sancti  Pauli  fun- 
datum,  in  quo  monstratur  parva  crypta,  aureis  picturis 
non  plurimum,  sicut  decet,  ornata  ;  vcl  caverna  in  qua 
S.  Paulus,  facta  praedicatione  in  villa,  solebat  requiescere 
et  epistolas  scribere  :  et  habetur  in  pulcra  veneratione.  » 
Itinerarium  Ternie  Sanctae. 

3.  Cf.  Millier,  /.  c,  p.  32  ;  Le  Camus,  t.  III,  pp.  .30-38. 

4.  Cf.  Gallandi,  Veter.  Pair.,  11,  xxxn,  2  ;  et  Freppel, 
Les  pires  apostoliques,  neuvième  leçon. 


£©artpre  et  sépulture  Des  3®acl)abéeg. 


387 


xa&apà  (').  La  prédication  de  Pierre  à  An- 
tioche  visait  principalement  les  Juifs;  aussi 
le  fait  de  le  diriger  à  peine  entré  dans  la 
capitale  de  la  Syrie  vers  les  quartiers  Est 
de  la  ville,  suppose  chez  l'écrivain  palesti- 
nien la  connaissance  que  c'était  là  le  centre 
des  Juifs  antiochiens.  Tout  cet  ensemble 
d'indications  contribue  puissamment  à  éta- 
blir que  le  quartier  juif  du  Cerateum  était 
à  l'Est  de  la  ville,  et  que  le  tombeau  des 
Machabées,  situé,  comme  on  l'a  vu,  en  cet 
endroit,  devait  très  probablement  se  trouver 
au  pied  du  Stauris,  lieu  où  s'ouvraient  dans 
le  roc  un  grand  nombre  de  grottes  qui  se 
prêtaient  à  merveille  à  l'usage  des  sépul- 
tures selon  les  coutumes  judaïques. 

V 

IL  nous  reste  à  parler  de  la  basilique 
antiochienne,  élevée  en  l'honneur  de 
nos  martyrs  et  où  leurs  précieux  restes 
furent  conservés  certainement,  jusqu'au 
VIe  siècle. 

Aucun  témoignage,  aucun  indice  n'auto- 
rise à  faire  remonter  l'existence  de  cette 
basilique  avant  le  IVe  siècle  :  au  contraire 
tout  semble  démontrer  que  le  culte  des 
Machabées,  comme  l'église  élevée  à  leur 
mémoire,  date  de  cette  ère  de  réparations  et 
de  ferveur  chrétienne.  Mais  je  ne  crois  pas 
qu'on  en  puisse  attribuer  l'érection  à  Con- 
stantin. Eusèbe  de  Césarée,  qui  assistait  au 
concile  d'Antioche  où  fut  déposé  Eustache, 
dont  on  lui  offrit  et  dont  il  refusa  la  succes- 
sion, ne  pouvait  ignorer  ce  qui  s'y  passait. 
Or  il  cite  et  décrit  amplement  la  grande 
construction  du  Dominicain  aîtreum,  entre- 
prise à  Antioche  par  l'empereur  et  non 
achevée  ;  mais  il  ne  dit  mot  d'aucun  autre 
édifice.  Ce  que  n'aurait  pas  fait  le  savant 

1.  Clément,  epist.  de  geslis  Pétri,  C.  142.  Migne,  P.  G., 
t.  II,  C.  574. 


panégyriste  du  prince  bien-aimé,  si  l'on 
avait  dû  cette  basilique  à  sa  munificence. 
Sous  Constance  l'Église  d'Antioche  fut 
continuellement  déchirée  par  les  schismes  ; 
Julien  et  Valens  lui  firent  souffrir  des  per- 
sécutions sans  trêve.  Saint  Augustin  nous 
affirme  du  reste  que  la  basilique  des  Ma- 
chabées d'Antioche  ne  fut  pas  élevée  par 
un  empereur,  mais  bien  par  les  chrétiens. 
Haec  basilica  a  Chrislianis  tenetur,  a  Chri- 
st ianis  aedificata  est  ('). 

Pourtant  on  doit  admettre,  ce  semble, 
que  l'érection  de  la  basilique  eut  lieu  dans 
la  seconde  moitié  du  IVe  siècle.  Il  est  hors 
de  doute  qu'entre  l'année  3S6  où  saint 
Jean  Chrysostome  fut  ordonné  prêtre,  et 
l'année  398  où  il  fut  élevé  sur  le  siège  de 
Constantinople,  la  basilique  existait  déjà  ; 
car  il  y  prononça  plusieurs  discours  sur  le 
tombeau  et  en  l'honneur  des  Machabées. 
Puis,  si  l'on  songe  que  l'Église  d'Antioche, 
longtemps  déchirée  par  les  ariennes,  com- 
mença à  jouir  de  la  paix  sous  Flavien,  fa- 
vori du  pieux  empereur  Théodose,  on  ne 
s'écartera  guère  de  la  vérité  en  lui  attribuant 
ce  monument.  Saint  Jean  Chrysostome,  en 
effet,  loue  hautement  ce  vénérable  prélat, 
le  Damase  de  la  capitale  de  l'Orient,  d'y 
avoir  élevé  avec  magnificence  une  foule 
d'églises  aux  saints  martyrs  et  de  s'être 
appliqué  à  en  propager  le  culte  :  //  (Flavien, 
comme  Babylas)  restait  fidèle  an  cnlte  des 
martyrs,  non  seulement  en  leur  élevant  de 
splendides  édifices,  en  les  honorant  de  fêtes 
continuelles,  mats,  ce  qui  vaut  mieux  encore, 
en  imitant  leur  vie  —  v.fShv.  GspaTOixov  touç 
jjtàp-'jpas,  oux'  o'.xo3o|ji.ar<;  jjw'vov  Xaa-paù;,  oùok  S7ra)>- 
XtiXolç  eopra^ç,  âXkz  tw  j3eXt£ov.  tojtwv  tootiw.  Tiç 
Sk  sit'.v  o'JTOç  ;  M'.jj.ELTai.  ràv  j3'.ov  kûtwv  (-). 

Mais  quand  et  de  quelle  manière  les 
reliques   des   Machabées,  appartenant  à  la 

1.  Senn.  CCC,  n.  5  de  Machabaeis. 

2.  De  sancto  liieromartyre   Babyla,  n.  3.  Migne,  P.  G., 
t.  XLIX,  col.  534. 


?88 


Bclntc  De  l'&rt  chrétien. 


synagogue  juive  du  Cerateum,  passèrent- 
elles  aux  mains  des  chrétiens,  je  ne  puis  le 
préciser  avec  certitude.  Toutefois  il  semble 
que  saint  Augustin  ait  fait  allusion  à  ce  fait 
lorsque,  après  avoir  reproché  au  judaïsme 
l'oubli  de  ces  martyrs,  morts  pro  Christi 
nomine  in  lege  velato,  il  ajoute  :  Haec  basi- 
lica a  Christianis  tenelur,  comme  s'il  eût 
voulu  dire:  Elle  n'est  plus  au  pouvoir  des 
fuifs.  Pour  donner  de  ce  fait  une  explica- 
tion acceptable,  il  nous  faut  rappeler  les 
rapports  qui  existaient  à  cette  époque  entre 
les  chrétiens  et  les  Juifs. 

Il  n'y  arien  de  mieux  établi  dans  l'histoire 
des  premiers  siècles  de  l'Eglise  que  la  per- 
sévérante hostilité  des  Juifs  contre  les 
chrétiens.  Délateurs,  instigateurs  des  per- 
sécutions, ils  ne  connaissent,  ils  ne  res- 
pirent que  la  violence.  L'œil  fixé  sans  cesse 
vers  le  maître  du  moment,  à  peine  l'avaient- 
ils  soupçonné  moins  favorable  aux  chrétiens, 
qu'ils  entraient  immédiatement  en  jeu,  sûrs 
de  l'impunité,  La  paix  accordée  à  l'Église, 
Constantin  fut  des  premiers  à  réprimer 
l'audace  des  Juifs,  en  sauvegardant  princi- 
palement chez  les  néophytes  la  liberté 
d'embrasser  le  nouveau  culte  dont  il  favo- 
risait la  propagation.  Constance  fut  encore 
plus  sévère,  punissant  certains  actes  inju- 
rieux au  christianisme  de  la  confiscation 
des  biens.  Sous  Julien,  son  successeur,  les 
Juifs  relevèrent  la  tête  et  recoururent  aux 
plus  iniques  violences.  Ils  se  signalèrent 
d'une  façon  toute  spéciale  en  incendiant, 
surtout  en  Orientées  basiliques  chrétiennes, 
comme  il  est  aisé  de  le  voir  par  ce  qu'en 
écrivait  saint  Ambroise  à  l'empereur  Théo- 
dose (').  La  mort  de  Julien,  et  l'arrivée  au 

I.  «  Al  certe  si  jure  gentium  agerem,  dicerem  quantas 
Ecclesiae  basilicas  Judaei  tempore  imperii  Juhani  incen- 
derint.  Puas  Damasci,  quarum  una  vix  reparata  est,  sed 
Ecclesiae,  non  synagogae  impendiis  :  altéra  basilica  infor- 
mibus  horret  ruinis.  Incensae  sunt  basilicae  Gazis,  Asco- 
lonae,  Beryto  et  illis  fere  locis  omnibus,  et  vindictam  nemo 


pouvoir  de  princes  dévoués  à  l'Église,  de- 
vait nécessairement  amener  de  la  part  des 
chrétiens,  ce  qui  eut  lieu  effectivement,  une 
violente  réaction  contre  les  Juifs  :  elle  dé- 
passa les  bornes,  et  les  empereurs  eux- 
mêmes,  qui  avaient  fermé  les  yeux  au  dé- 
but, furent  obligés  d'y  mettre  un  frein. Pour 
ne  pas  sortir  des  limites  de  mon  sujet,  il 
me  suffira  de  dire  que  les  synagogues  furent 
l'objet  principal  des  représailles  :  les  unes 
furent  incendiées,  les  autres  confisquées  et 
converties  en  églises  chrétiennes.  Et  cette 
réaction  fut  de  longue  durée. 

Théodose  le  Grand  fut  le  premier,  par 
une  loi  du  29  septembre  393,  à  réprimer 
nimietatem  eorum  qui  sub  chrislianae  reli- 
gionis  nomine,  s'élevant  contre  les  Juifs, 
destruere  synagogas  atque  expoliare  cotian- 
tur  (').  D'autres  lois  d'Arcadius,  en  397, 
d'Honorius  et  de  Théodose  le  Jeune,  en 
412,  415  et  423,  prescrivaient  les  mêmes 
mesures,  peu  suivies  en  réalité  (').  Il  y  était 
spécifié  qu'on  laissât  les  synagogues  des 
Juifs  in  quicte  solita  permanere  ;  que  nul 
n'osât  les  violare  vel occupata  detinere ;  niuic 
et  deinceps  synagogas  eorum  nul/us  occupet, 
nullus  incendat.  Néanmoins  les  incendies, 
la  confiscation  des  synagogues  juives  et 
leur  affectation  au  culte  chrétien,  conti- 
nuaient, en  dépit  des  lois;  et  les  empereurs 
ou  fermaient  les  yeux  ou  encourageaient  le 
mouvement.  L'une  des  plus  belles  lettres 
de  saint  Ambroise  a  rendu  célèbre  l'incendie 
de  la  synagogue  de  Castrum  Callinicum 
dans  la  province  osroène  d'Orient.  Théo- 
dose avait  condamné  l'évêque  du  lieu  à  la 
rebâtir  aux  frais  de  l'Eglise  ;  mais  le  grand 

quaesivit.  Incensa  est  basilica  et  Alexandriae  a  Gentilibus 
et  Judaeis,  quae  sola   piaestabat  caeteris.  Ecclesia  non 
vindicata  est,  vindicabitur  synagoga?  » 
Epist.  XL  ad  Theodos.  aug.,  n.  15. 

1.  Loi  IX,  Cod.  Theod.  De  Judaeis,  Coelicolis  et  Sauta- 
ritanis. 

2.  Lois,  12,  20,  21,  25,  26,  27,  Cod.  Thcod.  même  titre. 


09artpre  et  sépulture  tiec  0f)act)abées. 


389 


Pontife  de  Milan  intervint  et  le  fit  absoudre. 
A  Constantinople,  la  synagogue  que  les 
Juifs  avaient,  dès  le  temps  de  Constantin, 
dans  le  quartier  nommé  Chaloprateorum, 
fut,  grâce  à  Théodose  et  à  Pulchérie,  trans- 
formée  en  église  et  dédiée  à  la  Sainte 
Vierge  (').  Ces  cas  n'étaient  pas  rares,  ils 
se  reproduisirent  même  en  Occident  sous 
le  roi  Théodoric  (2)  et  saint  Grégoire  le 
Grand  (3).  Les  lois  impériales,  édictées 
pour  la  défense  des  synagogues,  eurent 
elles-mêmes  à  subir  des  modifications  im- 
portantes. Ainsi  il  fut  interdit  de  construire 
de  nouvelles  synagogues,  les  anciennes 
devant  rester  dans  l'état  où  elles  étaient  ; 
on  abolit  celles  qui  ne  se  trouvaient  pas 
dans  les  grands  centres  populeux,  et  dont 
la  suppression  ne  donnait  lieu  à  aucun  dé- 
sordre (4)  ;  une  synagogue  une  fois  occupée 
par  les  chrétiens  et  convertie  en  église  ne 
devait  plus  être  rendue,  mais  on  accordait 
ailleurs,  à  titre  d'indemnité,  un  terrain  con- 
venable (5). 

A  Antioche,  vers  la  fin  du  IVe  siècle,  les 
Juifs,  quoique  fort  nombreux,  n'avaient 
que  deux  synagogues,  l'une  dans  la  cité  (6) 
et  l'autce  dans  le  faubourg  de  Daphné. 
Cette  dernière,  incendiée  plus  tard  sous 
l'empereur  Anastase,  fut  convertie  en  église 
sous  le  vocable  de  Saint-Léonce  (7).  Quel 
fut  le  sort  de  la  synagogue  primitive  du 
Cerateum,  il  est  difficile  de  le  dire.  Sans 
aucun  doute  c'était  sous  les  Séleucides  un 
édifice  remarquable.  Flavius  (8)  l'appelle 
TÔ  Lepov   à  cause  de    la   magnificence   de  la 

1.  Cf.  Anonym.  Origin.  conslantinopolit.,  dans  le  t.  II 
Actuar.  Combefis  ;  et  Théoph.  Chronogr.  ad  an.  442. 

2.  Epist.  ad senatum  Urbis  Romae,  Cassiod.,    Variât. , 

IV,  43. 

3.  Epist.  ad.  Januar.  caralit.,  lib.  IX,  Ind.  1 1,  c.  VI  ;  et 
ad  Fantinum  defens. panormit.,  lib.  IX,  Ind.  II,  c.  LV. 

4.  Cf.  loi  XXII  cod.  Théod.  de  Judaeis. 

5.  Cf.  loi  XXV  même  titre. 

6.  S.  Jean  Chrysos.,  Orat.  I,  adv.  Jndaeos,  n.  6. 

7.  Malala,  Chronogr.,  lib.  XVI,  c.  585. 

8.  De  bello  judaico,  lib.  VII,  c.  in,  n.  3. 


construction,  qui  avait  les  formes  architec- 
toniques  d'un  temple,  et  par  un  acte  de 
haute  bienveillance,  ces  rois  avaient  permis 
d'y  déposer  les  bronzes  enlevés  au  temple 
de  Jérusalem.  A  l'époque  de  la  domination 
romaine,  sous  l'empereur  Caius,  les  Grecs, 
à  l'occasion  d'une  sédition  populaire,  mas- 
sacrèrent un  grand  nombre  de  Juifs  et  brû- 
lèrent leurs  synagogues,  êœdvsuuav  tuoXXoùç 
'IouSaîou?,  xai  xà;  awxvWYàç  aÙTÙv  Ixautrav  ('),  — 
ce  qui  donnerait  lieu  de  croire  que  tel  fut 
le  sort  de  celle  du  Cerateum.  Au  IVe  siècle, 
les  Juifs  antiochiens  étaient  devenus  souve- 
rainement odieux  aux  chrétiens.  Les  six 
discours  que  prononça  contre  eux  Chrysos- 
tome  à  Antioche,  et  où  il  va  jusqu'à  les 
qualifier  de  gens  souillés  de  toute  iniquité, 
itâtr^ç  7iapxvoiua;ys[Jiova;  (2),en  sont  une  preuve 
éclatante.  Rien  donc  de  plus  naturel  que 
la  synagogue  du  Cerateum  et  l'emplacement 
des  tombeaux  des  Machabées  n'aient  été, 
par  suite  de  représailles,  occupés  et  gardés 
par  les  chrétiens,  chose  qui,  de  l'aveu  des 
empereurs  Honorius  et  Théodose,  ne  man- 
quait pas  de  se  reproduire  passim  (3).  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que  vers  l'année  423, 
l'empereur  Théodose,  à  l'instigation  du 
préfet  du  Prétoire,  avait  envoyé  un  rescrit 
par  lequel  il  enjoignait  de  rendre  aux  [uifs 
établis  à  Antioche  les  synagogues  que  les 
chrétiens  leur  avaient  enlevées.  —  ©soSoffîou 
toù  aÙTOxpctTopoç  teOet-'.xoto;  toÎç  xarà  T/yv  'Avtioyo'j 
'IouSxioiç  âîtoSoGrjvat  tàç  crowv  ffuvavuvàç,  Sotieo 
s<pQ/iTav  Trxpà  yp'.TT'.xvwv  àcp7)p7if*Évoi.  —  L'inter- 
vention du  vénérable  Simon  Stylite  fit  an- 
nuler le  rescrit,  et  le  Préfet  fut  destitué.  Le 
fait  nous  est  raconté  par  Évagre  le  Scholas- 
tique,  syrien  de  naissance  et  qui  avait  vécu 
de  longues  années  à  Antioche  (4).  Étant 
donné   tout  l'ensemble   des   circonstances, 

1.  Malala,  Chronogr.,  lib.  X,  c.  374. 

2.  Orat.  VI.  advers.  Judaeos,  t.  I,  p.  656,  éd.  Montfauc. 

3.  Cf.  loi  XXV,  Cod.  Théod.  De  Judaeis. 

4.  Histor.eccles.,  lib.  I,  C.  13. 


390 


débite  De  l'&rt  chrétien* 


l'occupation  par  les  chrétiens  de  la  syna- 
gogue du  Cerateum  en  même  temps  que  du 
tombeau  des  Machabées,  tolérée  ou  ratifiée 
par  les  empereurs,  nous  semble  expliquer 
le  passage  de  ces  augustes  reliques  à  l'église 
catholique. 

Ces  pages  étaient  écrites  et  déjà  pu- 
bliées ('),  lorsqu'en  faisant  des  recherches 
à  la  Bibliothèque  vaticane  sur  la  topo- 
graphie d'Antioche,  notre  attention  s'est 
portée,  heureusement,  sur  le  Codex  M  S 
arabe  286,  qu'avait  cité  Mai'  dans  son 
catalogue  des  MSS.  orientaux  (2),  et  que 
Miiller,  suivant  la  description  de  ce  dernier, 
avait  faussement  attribué  à  Zeineddino  (3). 
Nous  éprouvâmes  une  surprise  bien  agréa- 
ble en  voyant  ici  consignée  par  un  auteur 
arabe  inconnu  et,  ce  semble,  chrétien,  sur 
la  foi  d'anciens  documents,  une  donnée  des 
plus  précieuses,  qui  est  la  confirmation 
explicite  de  tout  ce  que  nous  avons  exposé 
jusqu'ici.  Le  MS.,  encore  inédit,  appartient 
au  XVIe  ou  au  XVIIe  siècle  et  est  l'un  de 
ceux  que  Joseph  Simon  Assemani  fit  venir 
d'Orient  pour  enrichir  la  Bibliothèque 
apostolique.  11  renferme  onze  opuscules 
d'auteurs  différents,  dont  le  sixième,  sans 
nom,  concerne  les  origines  de  la  métropole 
syrienne.  La  description  de  la  ville,  occu- 
pant huit  pages  tout  entières  [111-118] 
in-40,  offre  un  ensemble  de  renseignements 
topographiques  intéressants  et  de  notes 
explicatives  ;  et,  chose  digne  de  remarque, 
il  n'y  a  pas  la  moindre  trace  d'allusion  aux 
transtormations  subies  par  Antioche  à  partir 
du  VIe  siècle,  soit  à  l'occasion  de  catas- 
trophes naturelles,  soit  par  les  invasions 
barbares  étrangères.  Les  murailles,  les 
tours,  les  portes,  l'acropole  n'ont  pas  changé; 
la  domination  gréco-romaine  des  empereurs 

1.  Bessarione,  n.  10-13,  1S97. 

2.  Scriptor.veter.nov.  collect.,  t.  IV,  p.  455-456. 

3.  Antiguitaies  anlîochianae,  p.  132,  note  7. 


de  Byzance  y  brille  dans  tout  son  éclat  ;  et 
l'auteur  déclare  relater  à  propos  de  la  ville 
«  ce  qu'il  a  reçu  des  anciens  (')  ».  Il  eut  aussi 
entre  les  mains  des  documents  écrits  en 
grec  (2).  Il  n'est  pas  improbable  que  plu- 
sieurs indications  qu'il  donne  proviennent 
de  l'ouvrage,  aujourd'hui  perdu,  de  l'histo- 
rien cappadocien  Pausanias,  lequel  avait 
pour  titre,  «  de  la  fondation  d'Antioche,  — 
itepl 'AvTto^sîaç  xxîffswi;  (3)  ».  Et  notre  opinion 
se  trouve  confirmée  non  moins  par  le  con- 
tenu de  l'opuscule  que  par  le  préambule 
dont  l'a  fait  précéder  l'auteur  (4).  Or  voici 
en  quels  termes,  vers  la  fin,  l'anonyme  y 
décrit  la  synagogue  du  Cerateum  avec  les 
tombeaux  des  Machabées  :  «  Dans  celte 
ville  est  un  grand  édifice  qtie  la  population, 
après  avoir  embrassé  la  foi  du  Christ,  con- 
vertit eu  église  sous  le  vocable  de  Sainte- 
Aschmunit.  Cette  église  était  appelée  maison 
de  prière  par  les  Juif  s, et  était  située  à  l'Ouest 
près  du  sommet  de  la  montagne.  Au-dessous 
se  trouvait  une  sorte  de  crypte  avec  tombeaux, 
à  laquelle  on  accède  au  moyen  d'escaliers. 
Cette  église  renferme  le  tombeau  d '  Ezra 
[Eléazar] prêtre,  et  ceux  d' Aschmunit  et  de 
ses  sept  fils,  que  le  Roi  Agappius  [Antiochus] 
avait  mis  à  mort  à  cause  de  leur  foi  ;  et  ils 
sont  enterrés  dans  ce  souterrain  (5).  » 

Il  n'y  a  donc  pas  à  en  douter:  Aschmunit, 
à  laquelle  était  dédiée  à  Antioche,  l'église 
où  elle  était  inhumée   avec    ses   sept  fils, 

1.  V.  p.  112. 

2.  V.  pp.  1 14,  1 16. 

3.  Il  est  cité  par  Jean  Tzetzes,  écrivain  byzantin  du 
XIIe  siècle,  dans  la  Chili.ule,  lib.  VII,  v.  168.  —  V.  Fa- 
bricius,  Bibliotheca  gracca,  t.  X,  p.  267. 

4.  L'Anonyme  commence  ainsi  la  traduction  de  l'arabe  : 
«  Avec  l'aide  du  Tris-Haut  nous  entreprenons  de  raconter 
la  fondation  de  la  grande  ville  d'Antioche,  sa  construction 
et  toutes  les  choses  1/111  /ni  appartiennent  :  <<•  qu'acoûti  sa 
fondation,  quel  est  celui  qui  l'a  construite.  Bénisse»  nous, 
Seigneur.  »  V.  p.  m. 

5.  V.  dans  le  texte  italien,  p.  51,  la  version  syriaque 
originale 


5@arfpre  et  Sépulture  îie0  £©ad)abces. 


391 


n'était  autre  que  la  Sch  !  muni,  mère  des 
Machabées,  mentionnée  par  le  martyrologe 
syriaque  du  IVe  siècle.  Nous  en  avons  la 
preuve  dans  l'antique  évangéliaire  hiérony- 
mien,  publié  en  1861  par  le  ccmte  Maris- 
calchi,  où  figurent,  à  la  date  du  Ier  août, 
les  Machabées  Aschmunit  et  ses  fils  :  «  Au- 
gustus,  feria  I  in  ea  commemoratio  Amka- 
biam  Ascemonit  et  filiorum  suoruiu  (').  » 
L'édifice,  converti  en  église  par  les  chré- 
tiens, est  appelé  Kasr  par  l'écrivain  arabe, 
mot  qui  désigne  une  habitation  vaste  et 
somptueuse,  un  palais  ou  résidence  royale, 
et  donne  l'idée  générale  d'un  grand  édifice 
construit  en  pierre  (').  Que  cet  édifice,  situé 
sur  la  montagne,  fût  la  synagogue  Cerateum, 
élevée  pour  les  Juifs  avec  de  grandes  pro- 
portions architectoniques  sous  Séleucus 
Nicator,  cela  ressort  clairement  du  nom 
même  qu'il  portait  :  Lieu  ou  maison  de 
prière  pour  les  Juif  s  qui  est  la  traduction 
littérale  du  grec  reporeu^.  Les  «  mpoaeu^ât  », 
où  les  Juifs  tenaient  leurs  assemblées  reli- 
gieuses, étaient  le  plus  souvent  de  vastes 
édifices,  comme  il  est  aisé  de  le  voir  dans 
Flavius  Josèphe.  Celui-ci,  à  propos  d'une 
réunion  des  Juifs  de  Tarichée,  près  de 
Tibériade,  dit  que  «  tous  se  réunirent  dans 
la  TtpoTSjy/,,  vaste  édifice  capable  de  contenir 
une  foule  immense,  uuvâvovTai  7iàvTeç  i'.ç  ty,v 
7cpo5c'jyY>v,  jjiey'.TTOV  oiXTipix,  rcoXùv  oy Aov  emS'sijaffSai 
oyvâpuîvov  (3).  Avec  le  tombeau  de  la  mère  et 
des  sept  frères  Machabées  se  trouvait  en- 
core celui  du  prêtre  Eléazar.  Le  traducteur 
arabe  a,  par  contraction,  fait  de  son  nom 
Ezra,  mot  qui,  en  ne  tenant  pas  compte 
des  deux  premières  lettres  supprimées, 
représente  les  éléments   radicaux  du   mot 

1.  Evangeliarium  hierosolymitinum  et  eod.  vatic.  pa- 
iaesti/io,  t.  I,  p.  560. 

2.  V.  G.  W.   Freytag,   Lexicon  arabo-latiimm,    Hallis 
Saxonum,  1S35. 

3.  Flav.  Joseph.,  De  vi/a  sua,  cap.  liv. 


Éléazar,  comme  on  le  voit  clairement  par 
le  texte  hébreu  primitif  -pir'px  [Eléazar] 
Puis  la  mention  expresse  qui  est  faite  du 
tombeau  du  vieillard,  existant  au  milieu  des 
tombeaux  des  sept  frères  et  de  leur  mère, 
omise  par  le  martyrologe  syriaque  et  par 
l'itinéraire  d'Antonin  de  Plaisance,  milite 
non  seulement  en  faveur  des  témoignages 
de  Chrysostome,  dont  les  discours,  dans  la 
basilique  du  Cerateum,  ne  séparent  pas  son 
souvenir  de  celui  de  la  mère  et  des  fils  ; 
mais  confirme  encore  l'authenticité  des 
reliques  vénérées  à  Rome  dans  l'église  de 
St-Pierre-ès-Liens.  Reste  encore  unique- 
ment à  corriger  l'erreur  du  traducteur 
arabe,  ou  plutôt  du  copiste,  qui,  voulant 
désigner  le  monarque  syrien  des  Machabées 
a  fait  du  véritable  nom  d'Antioclze,  Agapius. 
Rien  de  plus  intéressant,  du  reste,  que 
les  indications  topographiques  données  par 
l'Anonyme.  —  Il  nous  apprend  que  la 
synagogue  juive,  dont  les  chrétiens  firent 
un  temple  en  l'honneur  des  Machabées, 
était  dans  la  ville  et  en  même  temps  près 
du  sommet  de  la  montagne.  Il  s'agit  donc 
évidemment  de  la  montagne  englobée  dans 
les  murailles  d'Antioche,  et  qui  était,  nous 
le  savons,  une  ramification  du  Silpius,  situé 
à  l'Est  de  la  même  ville.  L'église  qu'on 
nous  dit  située  près  du  sommet  de  la  mon- 
tagne et  à  l'Ouest  de  celle-ci,  devait  préci- 
sément se  trouver  auprès  de  l'acropole,  que 
couronnait  la  ville  haute  de  Séleucus,  sous 
le  règne  duquel,  nous  l'avons  vu,  la  pre- 
mière synagogue  juive  avait  été  élevée  avec 
la  magnificence  d'un  temple,  et  c'est  là  que 
furent  déposés,  quelques  années  plus  tard, 
les  restes  des  Machabées.  L'édifice  était  bâti 
sur  le  roc,  au  dedans  duquel  étaient  creusés 
des  antres  et  des  cavernes,  il  était  par  con- 
séquent exact  de  le  dire  suspendu  ou  fien- 
sile  ;  ces  sortes  de  constructions,  du  reste, 


392 


3&ebue  Dr  rart  chrétien. 


n'étaient  pas  rares  à  Antioche  dans  la  partie 
haute  et  escarpée  de  la  montagne  (').  Aussi 
descendait-on  par  un  escalier  à  X hypogée, 
lieu  de  la  sépulture  des  Machabées.  Le 
texte  arabe  se  sert  d'une  expression  qui 
signifie  lieu  cache'  ou  sotiterrain,  expression 

i.  V.  Miiller,  Antiquit.  atttioch.,  p.  113. 


correspondant  au  verbe  grec  xpiiirrM,  d'où 
vient  le  mot  crypte  ou  hypogée.  Données 
qui  toutes  confirment  merveilleusement  et 
de  tous  points  nos  déductions. 


Card.  Rampolla 

(traduit  par  Mgr  Lemonnier). 


(A  suivre.) 


oLffi*  K^*  A**^*  *^*  **^*  ^^  ***£*  ***£*  *g*  ffi*  **%*  a,*v£*  **y£*  **g*  x**E*  *g£ 


Habenne  et  Bologne.       Carnet  oe  dopage. 


3iiiiiiiitiiiiiii^iii^iii>iiiiiiiviiiiiiiziiiiiii^xiJiiiiii^-^i^"iiii-Jii»iiiiii^iiiiiiixiiiiiiii:iiiiiiiKiiTiiTir,iiiiTrt3crirrrTryxrii  nnr~i  H 


T&*  W  W  Ts&*  va*1v  v£t*  v^v  W  W  W  *£!*  Téî*  T<&*  Tét*  *x&*  ^ 


jORSQU'ON  réside  en  per- 
manence en  Italie,  et  qu'on 
a  conservé  le  goût  du  dé- 
placement, il  est  bon  de 
fixer  à  chaque  tournée  un 
but  spécial  ;  il  y  a  tant  à 
voir  et  à  étudier  qu'on 
risque  de  trop  embrasser  à 
la  fois,  si  on  ne  sait  pas  se  limiter,  et  par  con- 
séquent de  mal  étreindre. 

Je  connais  de  vieille  et  de  récente  dates  Ra- 
venne  et  Bologne,  et  cependant  j'ai  éprouvé  le 
besoin  d'y  retourner  :  à  Ravenne  pour  les  tra- 
vaux en  cours  et  la  technique  de  la  mosaïque,  à 
Bologne  pour  les  sépulcres  des  lettori  de  l'an- 
cienne Université  et  les  œuvres  du  sculpteur  Al- 
phonso  Lombardi. 

De  retour  à  Florence,  j'ai  mis  au  net  et  com- 
plété dans  une  certaine  mesure  mes  notes  de 
Ravenne  et  de  Bologne,  et  classé  momentané- 
ment celles  de  Ferrare,  Forli  et  Faenza. 

I 

JE  crois  que  depuis  bien  des  siècles  c'est  la  pre- 
mière fois  que  Ravenne,  jadis  RAVENNA 
FELIX,  et  depuis  si  longtemps  morne  et  triste, 
assiste  à  un  mouvement  aussi  prononcé  d'acti- 
vité relative,  dans  ses  insignes  monuments. 

Au  mausolée  de  Galla  Placidia,  à  San  Appo- 
linare  in  Classe,  au  Baptistère  des  Orthodoxes, 
au  Palais  de  Théodoric,à  San  Vitale,  architectes, 
artistes  et  ouvriers  sont  à  l'ouvrage. 

C'est  grâce  à  un  ministre  éclairé,  M.  Con- 
dronchi,  sénateur  du  royaume,  que  les  travaux 
d'entretien,  d'assainissement  et  de  restauration 
ont  commencé  en  1897. 

Après  un  voyage  qu'il  fit  à  Ravenne,  le  mi- 
nistre prit  la  résolution  d'affecter  quelques  fonds 
aux  monuments  nationaux  de  la  cité  et  de  créer, 
pour  Ravenne  spécialement,  une  surintendance 
des  travaux,  qui  fut  attribuée  à  M.  Corrado  Ricci, 
architecte  et  archéologue  distingué. 

Les  fonds  ne  sont  pas  abondants,  mais  l'Italie 
a  tant  à  faire  pour  ses  monuments  ! 


A  leur  insuffisance  sont  venues  parer,dans  une 
certaine  mesure,  les  contributions  volontaires  des 
citoyens.  Toujo  urs  en  Italie,  lorsqu'il  s'agît  des 
monuments  de  la  cité,  de  la  charité  et  de  la 
bienfaisance,  la  généros  ité  individuelle  se  fait 
sentir. 

Etant  incompétent  en  architecture,  je  ne  puis, 
donner  sur  les  travaux  que  des  vues  sommaires, 
des  notes  d'amateur. 

Mausolée  de  Galla  Placidia. 

Jadis  on  a  muré  un  certain  nombre  de  fenêtres 
presque  toutes  dans  la  zone  inférieure  du  monu- 
ment ;  les  ouvertures  vont  être  rétablies,  et  à 
l'intérieur  on  va  garnir  de  revêtements  de  marbre 
la  muraille  au-dessous  des  mosaïques,  comme 
cela  était  précédemment. 

Dans  presque  tous  les  monuments  de  Ravenne, 
on  remarque  des  fenêtres  bouchées  ;  il  est  diffi- 
cile d'expliquer  comment  cette  singulière  idée 
a  pu  surgir. 

Le  sol  de  Ravenne  a  toujours  été  d'une  humi- 
dité très  grande  ;  actuellement  encore  le  parquet 
de  San  Appolinare  in  Citta  est  mouillé  alors 
même  que  l'air  est  sec  depuis  longtemps  ;  à  Santa 
Maria  in  Porto  Fuori  et  à  San  Appolinare  in 
Classe,  les  bases  des  colonnes  trempent  dans 
une  nappe  d'eau. 

Les  an  ciens  architectes  ont  donc  à  dessein 
multiplié  les  fenêtres  pour  aérer  les  édifices,  et 
les  mosaïstes  ont  exécuté  les  mosaïques  en  rai- 
son de  l'abondance  de  lumière  que  leur  don- 
naient ces  baies  nombreuses.  Les  murer  c'était 
aller  contre  le  bon  sens  et  l'art,  mais  ce  n'était 
pas  faire  acte  de  vandalisme  puisque  les  erreurs 
sont  réparables.  Si,  à  Ravenne  et  ailleurs  en 
Italie  et  en  Europe,  on  n'avait  pas  été  plus  loin, 
nous  n'aurions  pas  le  droit  de  nous  plaindre. 

Baptistère  des  Orthodoxes. 

Les  marbres  de  la  zone  inférieure  avaient  été 
enlevés  comme  ceux  de  Galla  Placidia.  La  ma- 
nufacture royale  de  pierres  dures  de  Florence, 
sous  la  conduite  de  son  chef  distingué  M.  Mar- 
chionni,  a  rétabli  la  parure. 

San  Appolinare  in  Classe. 

Les  travaux  consistent  à  déboucher  les  fenêtres 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  5me  LIVRAISON. 


394 


3Rrtme  tre  rstrt  chrétien* 


et  à  dégager  les  arcades  de  la  nef  qui  avaient  été 
murées. 

Palais  de  Théodoric. 

Le  palais  a  été  isolé  des  constructions  voisines 
sur  quelques  mètres  de  profondeur.  On  rebâtit  la 
façade  d'après  le  type  primitif,  représenté  dans 
la  mosaïque  de  San  Appolinare  in  Citta  ;  mais 
la  question  de  la  décoration  n'est  pas  tranchée  ; 
on  ne  songe  pas,  bien  entendu,  à  refaire  la  mo- 
saïque du  triclinium  grattée  au  VIIIe  siècle  au 
profit  de  Charlemagne. 
San  Vitale. 

C'est  ici  que  s'exécutent  les  plus  importants 
travaux  ;  mon  ignorance  m'interdit  de  les 
détailler.  Ils  consistent  à  ouvrir  des  fenêtres 
bouchées,  et  à  débarrasser  le  temple  des  autels, 
de  l'orgue  et  des  meubles  de  styles  étrangers  à 
l'édifice. 

Les  escaliers  donnant  accès  au  gineceo  seront 
changés;  leur  disposition  était  si  défectueuse  que 
cette  galerie  supérieure,  jadis  réservée  exclusi- 
vement aux  femmes,  était  dans  un  permanent 
état  d'humidité. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  donner  des  rensei- 
gnements précis  sur  l'opération  essentielle  qui 
consiste  à  refaire  la  toiture  ;  il  s'agit  de  remplacer 
la  toiture  en  bois  par  une  construction  en  briques. 
Les  codes  de  Théodose  et  de  Valentinien  inter- 
disaient l'usage  du  bois  dans  les  basiliques  ;  si 
j'ai  bien  compris,  ces  prescriptions  furent  d'abord 
observées  à  San  Vitale,  en  partie  du  moins,  puis 
plus  tard  le  bois  fut  substitué  à  la  brique  ;  main- 
tenant on  revient  à  l'a  brique  pour  des  motifs  de 
solidité  et  de  salubrité.  Il  y  a  là  pour  un  archi- 
tecte doublé  d'un  archéologue,  motifs  à  d'inté- 
ressantes études. 

En  résumé  les  travaux  de  Ravenne  ont  pour 
but  non  seulement  d'assainir  et  de  consolider  les 
monuments,  mais  encore  de  les  remettre,  autant 
que  possible,  dans  leur  état  primitif. 

Au  cours  des  démolitions  nécessaires,  on  a 
trouvé  par  centaines  des  morceaux  et  des  débris 
de  marbre  qui  seront  utilisés;  on  a  découvert  des 
inscriptions,  des  sculptures  et  plusieurs  de  ces 
anciens  tombeaux  dont  Ravenne  possède  des 
types  nombreux  dans  ses  églises  et  son  musée. 

Au  mausolée  de  GallaPlacidia, deux  tombeaux 
étaient  engagés  dans  les  murs  ;  leur  existence 


était  ignorée  et  les  noms  des  personnes  qu'ils 
renferment  l'est  encore. 

A  San  Appolinare  in  Classe,  les  découvertes 
en  ce  genre  ont  été  très  importantes  ;  une  di/.aine 
de  tombeaux  ont  été  remis  en  lumière  ;  l'un  est 
une  arcaàu  Ve  siècle,  montrant  en  bas-reliefs  des 
croix  placées  sous  des  arcades  drapées,  et  une 
autre  du  VIe  avec  des  rinceaux,  des  croix,  des 
ceps  de  vigne  et  des  animaux;  ce  tombeau  reçut 
au  siècle  suivant  les  restes  de  l'archevêque  de 
Ravenne  Théodore.  C'est  certainement  une  pièce 
de  premier  ordre  (:). 

Donc  à  tous  les  points  de  vue,  les  travaux 
actuels  de  Ravenne  sont  une  entreprise  des  plus 
utiles  et  des  plus  intéressantes;  on  ne  saurait 
trop  féliciter  l'honorable  sénateur  Condronchi 
d'en  avoir  pris  l'initiative. 

II 

L'ÉTUDE  de  la  technique  ne  fournit  pas 
l'occasion  de  ces  brillantes  dissertations 
sur  l'esthétique  et  la  philosophie  de  l'art  à  la 
mode  de  notre  temps,  mais  en  revanche  elle 
donne,  en  bien  des  cas,  les  motifs  de  l'attraction 
que  l'ouvrage  exerce  sur  l'esprit  et  les  sens. 

En  mosaïque,  par  exemple,  il  arrive  qu'une 
œuvre  captive  l'attention  malgré  les  défauts  de 
la  composition  et  du  dessin,  alors  qu'un  autre 
ouvrage  mieux  disposé  et  plus  correct  nous  laisse 
froid.  Cette  différence,  dans  l'impression,  a  sou- 
vent ses  raisons  dans  la  technique,  c'est-à-dire 
dans  les  procédés  matériels  suivis  par  le  mosaïste. 

Par  suite  l'étude  de  la  technique  a  un  attrait 
particulier  pour  ceux  qui  s'y  adonnent. 

Je  n'ai  donc  pas  manqué  cette  fois,  comme 
précédemment,  d'examiner  les  mosaïques  de  Ra- 
venne à  ce  point  de  vue  spécial. 

Mes  premières  appréciations  n'ont  pas  été 
modifiées  ;  nulle  part  en  Italie  les  mosaïstes 
n'ont  eu  au  même  degré  le  sentiment  des  qualités 
expressives  des  matières  employées  dans  la  mo- 
saïque pariétaire  ;  à  cet  égard  Ravenne  n'a  pas 
été  égalée,  même  au  XIIIe  siècle,  dans  les  absides 
de  Sainte-Marie  Majeure  et  de  Saint-Jean  de 
Latran  à  Rome. 

i.  J'ignore  si  les  tombeaux  de  Ravenne  ont  donné  lieu  à 
une  publication  illustrée  spéciale;  il  y  a  là  les  éléments  d'un 
ouvrage  de  haut  intérêt  pour  l'histoire  de  l'Art  chrétien. 


i&fttjenne  et  Pologne. 


395 


Comme  ce  n'est  pas  un  manuel  à  l'usage  des 
mosaïstes  que  je  veux  écrire,  je  serai  aussi  bref 
que  possible. 

Les  mosaïques  de  Ravenne  sont  faites  au 
marteau,  ce  qui  veut  dire  que  la  galette  d'émail 
est  posée  à  plat  sur  une  petite  enclume  taillée  en 
biseau,  tagliola,  puis  débitée  en  cubes  au  moyen 
d'un  marteau  tranchant,  martellina. 

Ce  n'est  pas  que  les  mosaïstes  n'aient  pas 
connu  la  meule,  rotino,  pour  user  la  matière  et 
la  mettre  à  la  forme,  mais  ils  ne  l'ont  employée 
qu'avec  beaucoup  de  discrétion,  et  seulement 
pour  les  éléments  devant  simuler  des  perles  et  des 
pierres  précieuses;c'est  visiblement  démontré  pat 
la  reproduction  ci-jointe  du  portrait  de  l'empe- 
reur Justinien  à  San  Vitale.  (Fig.  i.) 

La  meule  était  connue  des  mosaïstes  de  l'an- 
tiquité ;  elle  est  devenue  indispensable  lorsqu'au 
XVIIe  siècle  on  a  commencé,  pour  Saint-Pierre 
deRome.lareproduction  des  tableaux  de  maîtres, 
entreprise  funeste  pour  l'art  de  la  mosaïque. 

Les  mosaïques  de  Ravenne  sont  à  couleurs 
franches,  ce  qui  veut  dire  que,  pour  une  robe 
grise  par  exemple,  le  mosaïste  n'a  employé  que 
le  gris.  Cette  pratique  paraît  tellement  naturelle, 
qu'il  peut  sembler  étrange  que  je  la  présente 
comme  une  qualité,  et  c'en  est  une  cependant. 
Plus  tard,  insensiblement,  et  surtout  à  partir 
du  XVIIe  siècle,  les  mosaïstes  ont  pris  l'habi- 
tude de  poser  l'un  à  côté  de  l'autre  deux  cubes 
de  couleurs  différentes  dans  le  but  de  produire 
à  distance  l'effet  d'une  couleur  unique  ;  ainsi 
au  lieu  de  prendre  du  gris  pour  une  draperie 
grise,  ils  ont  pris  des  cubes  d'une  teinte  rosée 
et  des  cubes  d'une  teinte  verdàtre  et  les  ont 
placés  en  échiquier  ;  à  distance  les  deux  éléments 
se  confondent  et  forment  une  teinte  grise,  qui 
paraît  très  homogène. 

Il  est  fort  probable  que  la  première  cause  de 
l'échiquier  a  été  l'absence  dans  la  provision,  muni- 
zione,  des  émaux  de  la  couleur  juste,  mais  petit 
à  petit  l'échiquier  est  venu  en  faveur  dans  les 
ateliers,  par  suite  de  la  disposition  des  praticiens 
des  temps  de  décadence,  de  se  complaire  dans  la 
virtuosité  et  la  difficulté  vaincue. 

Quelle  que  soit  l'habileté  du  mosaïste  à  prati- 
quer l'échiquier,  il  n'arrivera  jamais  à  l'éclat,  à  la 
force,  à  la  vibration  d'une  mosaïque  à  couleurs 
franches. 


L'emploi  des  couleurs  franches  n'oblige  nulle- 
ment le  mosaïste  à  s'en  tenir  à  une  seule  couleur 
pour  exprimer  les  carnations,  les  tissus,  les  acces- 
soires et  les  terrains.  Si,  par  exemple,  sa  draperie 
est  flottante,  il  accusera  les  plis  soit  avec  des 
tons  d'intensité  différente  pris  dans  le  même 
corps  de  couleur,  soit  par  des  cubes  choisis  dans 
un  corps  d'autres  couleurs. 

Au  Baptistère  des  Orthodoxes,  qui  est  du  Ve 
siècle,  la  couleur  locale  des  vêtements  des  apôtres 
est  le  jaune,  le  creux  des  plis  est  brun  et  les 
lumières  sont  en  or  ;  dans   le  jaune  et  le  brun  il 


Fig 


Portrait  de  l'empereur  Justinien  (VIe  siècle). 
Basilique  San  Vitale  à  Ravenne. 


n'y  a  que  deux  tons  posés  à  plat.  Dans  les  car- 
nations on  observe  une  tendance  vers  un  certain 
modelé,  car  du  clair  à  l'obscur  il  y  a  jusqu'à 
quatre  tons  sans  cependant  que  l'un  pénètre 
dans  l'autre. 

Au  mausolée  de  Galla  Placidia,  à  peu  près 
contemporain  du  Baptistère,  les  carnations  ont 
un  modelé  plus  accusé. 

Les  intentions  de  modelage  disparaissent  dans 
les  deux  basiliques  du  VIe  siècle  dédiées  à  San 
Appolinare  ;  ici  les  carnations  ne  sont  plus  trai- 
tées qu'avec  deux  éléments. 

On  risquerait  donc  de  faire  erreur,  si,  à  défaut 
d'autres  arguments,  on  voulait  dater  une  mo- 
saïque par  le  moyen  de   la  technique  et  donner 


596 


&e1uu  tic  r&rt  chrétien. 


la  plus  ancienne  date  à  la  technique  la  plus  som- 
inaire,puisqu'ici,dans  la  même  cité.les  mosaïques 
du  VIe  sont  plus  simples  que  celles  du  Ve. 

La  qualité  des  matériaux  n'est  pas  non  plus  à 
considérer  pour  fixer  l'âge  d'une  mosaïque  ;  ce 
serait  par  exemple  se  méprendre  que  de  penser 
que  plus  il  y  a  des  cubes  de  marbres  dans  une 
mosaïque,  plus  elle  est  ancienne. 

Il  ne  m'a  pas  paru  qu'il  y  ait  des  cubes  de  mar- 
bres au  Baptistère  des  Orthodoxes  et  à  Galla 
Placidia;àSan  Appolinare  in  Classe.ils  abondent 
non  seulement  dans  les  draperies  et  les  archi- 
tectures figurées,  mais  même  dans  les  carnations. 

La  même  pratique  se  remarque  d'ailleurs  dans 
la  cathédrale  de  Salerne  du  XlVsiècle.à  Saint- 
Marc  de  Venise  et  même  dans  les  voûtes  de 
Saint-Pierre  à  Rome.  A  Salerne,  on  s'est  servi 
des  galets  du  golfe  et,  à  Rome,  d'une  pierre  cou- 
leur de  chair  provenant  de  Catanello  dans  la 
campagne  romaine. 

A  l'inverse  de  San  Appolinare  in  Classe,  il 
n'y  pas  de  marbres  à  San  Appolinare  in  Citta, 
ni  à  San  Vitale. 

La  mosaïque  de  San  Vitale  a  été  particulière- 
ment soignée,  par  adulation  sans  doute;  le  trésor 
impérial  fournissant  les  fonds,  il  n'y  avait  pas 
lieu  d'économiser  en  mettant  des  marbres  au 
lieu  d'émaux. 

Je  ne  parle  pas  du  Baptistère  des  Ariens  dont 
la  mosaïque, relativement  pauvre,a été  retouchée; 
au  XVIIe  siècle,  le  cardinal  Cesare  Rasponi 
ragguisto  Pantica  musaica. 

La  mosaïque  de  la  chapelle  de  l'Archevêché  a 
également  été  reprise  assez  maladroitement  ; 
dans  les  têtes  en  médaillons,  les  pommettes  des 
joues  sont  très  saillantes  et  accusées  par  un 
disque  rouge,  ce  qui  ne  se  voit  dans  aucune  mo- 
saïque du  VIe  siècle. 

La  Madone  en  orante  qui,  dans  ce  sanctuaire, 
fait  tableau  d'autel,  a  été  ajoutée  ultérieurement; 
tout  le  monde  l'a  répété.  Mais  d'où  vient-elle  ? 
A  Ravenne  on  dit  qu'elle  provient  de  la  mo- 
saïque de  l'abside  de  l'ancienne  cathédrale,  exé- 
cutée en  n  12  et  sacrifiée  en  1734  lors  de  la 
reconstruction  du  dôme.  Il  me  semble  que  cette 
figure  est  plus  ancienne;  je  lui  trouve  de  grandes 
analogies  de  style  et  de  facture  avec  une  Ma- 
done dans  le  même  mouvement,  placée  à  San 


Marco  de  Florence  et  provenant  de  l'oratoire 
dédié  à  la  Mère  de  Dieu,  dans  l'ancienne  basi- 
lique de  Saint-Pierre  de  Rome,  par  le  pape 
Jean  VII,  en  706. 

Dans  la  chapelle  de  l'Archevêché  on  constate 
des  peintures  en  remplacement  des  mosaïques 
tombées  ;  il  y  en  a  également  qu3lques-unes  dans 
d'autres  édifices  de  Ravenne  ;  pour  l'Archevêché 
le  fait  est  assez  singulier,  puisque  la  mosaïque 
est  dans  un  lieu  clos  et  sec. 

III 

AU  rapport  de  Vasari,  Domenico  Ghirlandaio 
avait  coutume  de  répéter  :  «  la  vera  pittura 
per  la  eternita  essere  il  musaico  ».  Domenico 
s'est  mépris. 

Le  cube  d'émail  de  la  mosaïque,  lorsqu'il  est 
bien  préparé,  peut  résister  plus  qu'aucune  autre 
matière  artificiellement  mise  en  couleur:  mais  le 
ciment  dans  lequel  le  cube  est  planté  est  sujet  à 
se  détacher  du  mur  pour  bien  des  raisons  et  avec 
lui  la  mosaïque  tombe. 

Puis  toutes  les  masses  d'émail  ne  sont  pas 
également  bien  composées;  on  remarque  à  Saint- 
Pierre,  dans  la  robe  de  la  femme  à  genoux  de  la 
Transfiguration,  une  altération  sensible  dans  les 
colorations,  et  cependant  la  mosaïque  n'a  pas 
deux  siècles  d'existence;  de  rose  la  couleur  tend 
à  tourner  au  vert.  Cela  vient  évidemment  d'une 
mauvaise  composition  et  d'un  excès  de  matières 
alcalines. 

Mais  c'est  dans  les  ors  surtout  que  les  altéra- 
tions sont  fréquentes,  et  les  mosaïques  de  Ra- 
venne n'ont  pas  été  plus  épargnées  que  les  autres. 

Le  cube  qui  sert  aux  fonds  d'or  ou  d'argent, 
n'est  pas,  comme  les  autres,  coloré  dans  la  masse  ; 
il  est  composé  de  trois  éléments  distincts  réunis 
à  chaud:  premièrement  un  morceau  de  verre  ou 
d'émail,  secondement  une  feuille  d'or,  troisième- 
ment une  pellicule  de  verre  incolore  qui  recouvre 
la  feuille  d'or.  Après  un  temps  plus  ou  moins 
long,  la  pellicule  de  verre  se  détache  et  laisse  à 
nu  la  feuille  d'or  qui  n'étant  plus  soutenue  finit 
par  tomber;  alors  apparaît  la  matière  du  fond. 
De  là  ces  taches  nuageuses  qui  assombrissent 
les  fonds  métalliques  des  mosaïques. 

Je  ne  suis  pas  de  ceux  qui  estiment  que  ces 
taches  donnent  à  la  mosaïque  une   patine  parti- 


i&atoenne  et  Bologne. 


397 


culière  dont  l'effet  est  de  corriger  le  trop  grand 
éclat  des  fonds;  je  trouve  au  contraire  que  ces 
altérations  sont  nuisibles;  elles  n'ont  pas  été  pré- 
vues par  le  mosaïste  d'abord,  pas  plus  que  le 
peintre  n'a  prévu  l'embu  lorsqu'il  a  peint  son 
tableau. 

De  plus  un  mosaïste  qui  connaît  son  métier 
choisit  avec  discernement  les  émaux  coloriés  qui 
doivent  avoisiner  Les  ors;  il  sait  que  l'or  a  une 
qualité  expressive  particulière,  qu'il  est  vibrant 
et  absorbant  à  ce  point  que  telle  couleur  qui  de 
sa  nature  est  claire,  paraît  foncée  dès  qu'elle  est 
placée  en  tangente  d'une  masse  dorée. 

A  Ravenne  l'altération  des  ors  donne  aux 
fonds  d'Appolinare  in  Citta  un  reflet  chatoyant 
et  diapré  peu  agréable;  à  Galla  Placidia  et  au 
Baptistère  des  Ariens,  le  cube  d'or  désagrégé  a 
fait  paraître  les  fonds  avec  un  aspect  rougeâtre 
apparent  surtout  à  la  lumière  frisante. 

Ces  effets  sont  contraires  aux  intentions  du 
mosaïste  et  portent  atteinte  à  l'harmonie  de  l'en- 
semble. 

IV 

QUOIQUE  tous  ceux  qui  s'occupent  de  mo- 
saïque, ou  qui  ont  été  simplement  à  Ra- 
venne par  curiosité,  aient  remarqué  la 
couleur  des  vêtements  du  Christ  et  de  la  Madone, 
je  dois  cependant  en  dire  quelques  mots. 

Malgré  la  richesse  de  la  langue  française,  nous 
manquons  souvent  de  mots  pour  désigner  une 
couleur,  ou  bien  nous  avons  des  mots  tellement 
conventionnels,  que  pour  les  comprendre  il  faut 
être  du  métier. 

On  sait  ce  que  veut  dire  vert  émeraude  parce 
que  la  comparaison  est  prise  dans  la  nature;  il 
faut  être  initié  pour  savoir  ce  que  c'est  que  le 
vert  Veronèse,  le  brun  Van  Dyck,  le  jaune  indien, 
attendu  que  ni  Veronèse,  ni  Van  Dyck,  ni  les 
Indiens  n'ont  eu  un  vert,  un  brun,  un  jaune  par- 
ticulier. 

A  cet  égard  les  Chinois  sont  plus  avancés  que 
nous  lorsqu'ils  disent  :  bleu  du  ciel  après  l'orage, 
feuille  de  thé  en  poudre,  blanc  de  lune  après  la 
pluie,  foie  de  mulet,  poumon  de  cheval,  jaune 
d'anguille,  aubergine,  poil  de  lièvre,  etc.,  etc. 

Je  ne  sais  donc  comment  désigner  la  couleur 
des  vêtements  en  question,  si  ce  n'est  en  disant 
qu'ils  sont  d'un  brun-rouge  tirant  sur  le  violet. 


Ce  qu'il  y  a  d'incontestable,  c'est  que  le  mo- 
saïste, en  adoptant  cette  couleur,  a  voulu  revêtir 
les  personnages  de  la  pourpre  souveraine. 

La  pourpre  n'a  pas  eu  toujours  la  même 
couleur. 

Pline,  dans  son  Histoire  naturelle  (Lib.  IX,  63) 
écrit  :  «  Nepos  Cornélius  qui  divi  Augusti  princi- 
«  patu  obiit:  me,  inquit,  iuvene,  violacea  purpura 
«  vigebat,  cuius  libra  denariis  centum  venibat  : 
«  nec  multo  post  rubra  Tarentina.  Huic  successit 
«  dibapha  Tyria,  quae  in  libras  denariis  mille 
«  non  poterat  emi.  » 

Je  ne  sais  pas  quelle  était  la  couleur  exacte 
de  la  pourpre  de  Tyr  au  temps  de  Cornélius 
Nepos,  mais  il  est  certain  que  les  mosaïstes  de 
Ravenne  ont  adopté  non  la  rubra  Tarentina  mais 
la  violacea  purpura. 

Rien  ne  les  empêchait  de  prendre  de  préfé- 
rence la  pourpre  rouge;  ils  la  connaissaient  et 
l'ont  employée  à  San  Appolinare  in  Citta  dans 
les  chaussures  des  Saintes  et  dans  quelques  par- 
ties des  vêtements  des  Rois  Mages. 

On  a  cru  que  la  formule  de  l'émail  rouge  était 
alors  perdue,  ce  n'est  pas  exact  ;  à  la  vérité  elle 
paraît  avoir  été  perdue  plus  tard.  Je  n'ai  trouvé 
de  rouge  vif  dans  aucune  des  terres  émaillées  du 
XVe  siècle  de  Luca  et  d'Andréa  délia  Robbia,  si 
habiles  cependant  dans  l'art  des  émaux  ;  chaque 
fois  qu'ils  ont  eu  à  confectionner  l'écusson  de  la 
Commune  de  Florence:  le  lis  rouge  sur  le  champ 
blanc,  ils  n'ont  pu  reproduire  le  rouge  franc  et  vif 
du  modèle  peint  et  ont  dû  se  borner  à  donner  à 
l'emblème  une  couleur  violacée  vineuse  qui  s'éloi- 
gnait sensiblement  de  l'armoriai  officiel  adopté 
en  125  1. 

Je  résume  la  technique. 

Les  matières  des  mosaïques  de  Ravenne  sont 
de  première  qualité  ;  les  couleurs  des  émaux  sont 
franches  et  les  ciments  plus  solides  qu'ailleurs, 
malgré  l'humidité  qui  règne  dans  la  contrée.  Si 
les  ors  ne  sont  pas  restés  intacts,  la  cause  en  est 
dans  la  fabrication  qui,  de  notre  temps  même,  n'a 
pu  être  perfectionnée. 

V 

ON  parle  fort  peu  dans  les  écrits  sur  Ra- 
venne de  la  mosaïque  de  l'église  San  Mi- 
chèle in  Africisco,  et  la  raison  en  est  bien  simple: 
la  mosaïque  n'est  plus  en  place. 


398 


&ebtte  lie  T^rt  dbrétten* 


Comme  elle  n'est  pas  détruite  et  que  proba- 
blement elle  reparaîtra  quelque  jour  —  non 
pas  à  Ravenne  —  il  n'est  peut-être  pas  inutile 
d'en  dire  quelques  mots. 

L'église  San  Michèle  in  Africisco  a  été  bâtie  au 
milieu  du  VIe siècle;  au  commencement  du  XIXe 
elle  a  été  désaffectée   et  convertie    en   magasin. 

En  1843,  la  mosaïque  qui  décorait  l'abside  a 
été  vendue  au  gouvernement,  ou  bien  au  roi  de 
Prusse. 

Elle  a  été  détachée  du  mur  avec  son  ciment, 
par  fractions,  et  envoyée  à  Berlin  où  elle  est 
restée  en  caisse  depuis  cette  époque. 


Il  existe  de  cet  ouvrage  à  Ravenne  une  aqua- 
relle et  une  gravure.  J'ai  pu,  à  l'intention  de  la 
Revue  de  l'Art  chrétien,  me  procurer  un  exem- 
plaire de  la  gravure  ;  sa  reproduction  me  dispense 
de  toute  description.  (Fig.  2.) 

La  gravure  donne,  je  crois,  une  idée  assez 
juste  de  la  composition  qui,  m'a-t-on  dit,  mesure 
à  la  base  environ  six  mètres  ;  il  est  visible  que 
pour  le  caractère  des  figures  elle  s'éloigne  ab- 
solument de  l'original  :  évidemment  celui-ci  est 
dans  le  style  du  VIe  siècle,  mais  certes  on  ne  s'en 
douterait  pas  à  voir  la  gravure. 

Chaque  époque  a  une  façon  de  dessiner;  jamais 


Fig.  2.  —  Mosaïque  de  l'ancienne  abside  de  l'église  San  Michèle  in  Africisco  à  Ravenne  (VIe  siècle). 


il  n'y  en  a  eu  de  plus  déplorable  que  celle  à  la 
mode  vers  1825,  qui  est,  je  crois,  la  date  de  la  gra- 
vure. Lorsqu'on  consulte  les  dessins  de  Lasinio  du 
Campo  Santo  de  Pise  de  ce  temps,  les  planches 
du  Musée  de  Sculpture  du  Louvre  par  le  comte 
de  Clarac,  et  nombre  d'autres  reproductions,  on 
ne  peut  comprendre  comment  des  artistes,  qui 
cependant  n'étaient  pas  des  sots,  ont  pu  négliger 
à  ce  point  le  style  des  ouvrages  qu'ils  avaient  à 
copier  :  antiquité,  moyen  âge,  renaissance,  tout 
est  compris  de  la  même  façon  sans  aucun  souci 
du  caractère  propre. 


Après  tout  ne  négligeons  pas  trop  cette  gra- 
vure de  l'abside  de  San  Michèle  et  regrettons  de 
ne  pas  avoir,  même  sous  une  forme  aussi  mé- 
diocre, des  dessins  des  mosaïques  disparues  de 
Ravenne  :  la  nef  de  San  Appolinare  in  Classe, 
l'église  de  Saint-Jean  Évangéliste,  le  palais  de 
Théodoric  et  le  Dôme. 

Même  lorsque  tous  les  travaux  en  cours  seront 
achevés,  il  restera  beaucoup  à  faire  à  Ravenne, 
qui  a  tant  souffert  des  hommes  et  de  la  nature. 

Peu  de  voyageurs  connaissent  l'église  de  Santa 
Maria  in  Porto  Fuori;  pour  la  grande  masse  des 


touristes,  Ravenne  se  concentre  dans  les  mosaï- 
ques, et  les  fresques  ne  les  intéressent  pas  ;  il  y 
en  a  cependant  de  Giotto  dans  l'église  de  Saint- 
Jean  FÉvangéliste  et  de  ses  élèves  plus  ou  moins 
directs  à  Santa-Maria,  qui  méritent  une  sérieuse 
attention. 

L'église  de  Santa  Maria  in  Porto  Fuori  est  à 
quatre  kilomètres  de  Ravenne,  isolée  dans  une 
plaine  verte  à  cause  de  l'humidité,  mais  déserte  ; 
contre  ses  flancs  subsistent  quelques  arcades 
d'un  ancien  couvent  et  une  grande  tour,  il  f anale, 
qu'on  croit  être  un  ancien  phare  du  temps  où 
l'église  était  sul  lido  Adriano,  comme  dit  Dante 
dans  son  Paradis. 

Ce  fut  d'abord  une  chapelle  à  l'usage  de  quel- 
ques religieux  réfugiés  dans  cette  solitude  dès  le 
milieu  du  XIe  siècle  ;  vers  1096,  un  nommé  Pier 
dit  Peccatore,  qui  avait  sans  doute  des  méfaits  sur 
la  conscience,  fit  vœu,  pendant  une  tempête  qu'il 
essuya  dans  l'Adriatique,  de  convertir  l'humble 
chapelle  en  une  église. 

En  1246,  un  notaire  de  Ravenne,  Graziadeo, 
fit  une  donation  au  temple  pour  le  faire  décorer 
à  fresque;  au  commencement  du  XVIe  siècle,  les 
religieux  abandonnèrent  la  localité,  qui  était 
par  trop  malsaine,  et  firent  construire  dans  l'inté- 
rieur de  Ravenne  une  église  dénommée  égale- 
ment Santa  Maria  in  Porto. 

L'église  élevée  aux  frais  du  Peccatore  subit  des 
changements;  les  fresques  dues  à  la  libéralité  de 
Graziadeo  reçurent  les  atteintes  de  l'humidité. 
Une  partie  disparut,  quelques  morceaux  furent 
retouchés,  et  d'autres  remplacés  sottement  ;  la 
presque  totalité  fut  badigeonnée.  En' 1850,  le  des- 
servant don  Pio  Pozzi  entreprit  d'enlever  le  ba- 
digeon ;  pour  n'avoir  pas  été  du  métier  il  réussit 
assez  bien. 

Je  suis  très  étonné  que  toute  la  peinture  n'ait 
pas  été  ruinée  entièrement  ;  l'état  d'humidité  de 
la  localité  est  excessif  ;  en  soulevant  une  trappe 
près  de  l'autel  on  découvre  une  nappe  d'eau 
même  en  temps  de  sécheresse  ;  les  fenêtres  et  les 
portes  ferment  mal. 

Cette  résistance  surprenante  prouve  que  les 
peintres  qui  ont  travaillé  à  Santa  Maria  connais- 
saient à  fond  leur  métier  ;  mais  ils  n'étaient  pas 
seulement  praticiens  habiles,  c'étaient  encore  des 
artistes  de  grand  mérite. 


Le  plus  grand  éloge  qu'on  puisse  faire  de  leur 
talent,  est  que  pendant  longtemps  les  fresques 
ont  été  attribuées  à  Giotto.  Maintenant  on  les 
accorde  à  deux  peintres  de  Rimini,  Giovanni  et 
Pietro;  l'hypothèse  est  basée  sur  la  comparaison 
avec  d'autres  fresques  exécutées  au  XIVe  siècle 
par  les  mêmes  artistes  dans  diverses  localités  des 
Marches,  des  Romagnes  et  de  l'Emilie. 

La  décoration  peinte  de  Santa  Maria  com- 
prend l'abside  et  des  chapelles  voisines;  elle  est 
dans  un  sincère  sentiment  religieux,  bien  com- 
posée, distinguée,  délicate,  simple  et  franche  de 
colorations. 

Il  y  aurait  exagération  à  la  mettre  au  même 
rang  que  les  meilleures  fresques  de  la  Toscane 
de  l'époque,  mais  elles  supportent  la  comparaison 
avec  les  peintures  de  second  ordre  de  Sienne,  de 
Pise  et  de  Florence. 

Voici  quelques-uns  des  sujets  : 

Episodes  de  la  vie  de  la  Vierge. 

Massacre  des  Innocents. 

Épisodes  de  la  vie  de  saint  Jean-Baptiste. 

Le  Rédempteur  et  les  Apôtres. 

Saints  et  martyrs. 

Le  pape  Jean  Ier  et  Théodoric. 

L'un  des  compartiments,  celui  qui  montre  la 
Présentation  de  la  Vierge  au  Temple,  mérite  une 
attention  très  particulière. 

Dans  un  groupe  de  personnages  debout  on 
remarque  deux  hommes  qui  peuvent  être  Guido 
Novella  da  Polenta  et  Dante. 

Polenta,  protecteur  des  lettres  et  des  arts,  est 
le  père  de  Françoise  de  Rimini  ;  il  gouverna 
Ravenne  en  souverain  de  1275  à  1323;  Dante 
était  son  ami;  en  1321,  Polenta  organisa  les  fu- 
nérailles et  prononça  l'oraison  funèbre  du  poète. 

Dans  la  fresque,  Polenta  est  représenté  presque 
de  face,  les  bras  entr'ouverts,  attentif  à  écouter 
Dante.  Le  prête  est  vu  de  profil;  d'une  main  il 
soutient  son  lucco  —  c'est  le  nom  de  la  robe  des 
anciens  Florentins  —  et  de  l'autre,  levée,  il  fait  le 
geste  d'un  homme  qui  veut  spécifier  et  accentuer 
les  paroles  qu'il  prononce. 

Il  n'est  pas  besoin  de  vivre  à  Florence  pour 
connaître  le  masque  de  Dante;  il  faut  admettre 
cependant  que  nous  avons  ici  plus  d'occasions 
qu'ailleurs  de  nous  familiariser  avec  son  effigie. 


400 


3Rctmc  tir  l'&rt  cbvétteiu 


Je  n'étais  pas  prévenu  ;  au  premier  coup  d'œil 
j'ai  reconnu  Dante.  En  rentrant  dans  la  cité,  j'ai 
communiqué  mon  impression  et  j'ai  appris  que 
d'autres  personnes  avaient  été  également  frap- 
pées de  la  ressemblance. 

Il  est  étrange  que  les  Guides  n'en  disent  rien 
et  que  Burckhardt,  dans  son  Cicérone,  ne  men- 
tionne même  pas  Santa  Maria  in  Porto  Fuori. 

Si  vraiment  le  personnage  est  Dante,  et  cela 
ne  me  paraît  pas  douteux,  il  y  aurait  là  un  docu- 
ment précieux  entre  tous. 

On  sait  que  de  tous  les  anciens  portraits  de 
Dante,  un  seul  est  considéré  comme  ayant  été 
peint  d'après  nature;  il  est  dans  la  fresque  de 
Giotto  dans  la  chapelle  du  Bargelloà  Florence. 
Malheureusement  la  figure  a  été  repeinte  en  1840 
lors  de  sa  découverte;  du  reste,  elle  a  donné  lieu 
à  des  contestations,  et  la  controverse  n'est  pas 
terminée. 

La  figure  de  l'église  Santa  Maria  n'a  pas  été 
retouchée.  Je  m'en  suis  assuré  très  discrètement; 
si  elle  n'a  pas  été  peinte  du  vivant  de  Dante,  il 
est  fort  probable  qu'elle  date  de  peu  d'années 
après  sa  mort. 

Les  fresques  des  peintres  de  Rimini  suffisent 
pour  motiver  les  travaux  dont  l'église  a  le  plus 
grand  besoin  ;  on  m'a  assuré  à  Ravenne  qu'ils  ne 
tarderont  pas  à  être  entrepris. 

VI 

RAVENNE  a  deux  musées  fort  peu  visités 
par  les  étrangers. 

Le  Musée  National  appartient  à  l'État;  il  oc- 
cupe les  salles,  la  chapelle  et  les  cloîtres  d'un 
ancien  couvent. 

La  collection  contient  : 

Des  antiquités  étrusques,  grecques  et  romaines. 

Des  sarcophages  dont  le  plus  remarquable  est 
du  Ve  siècle;  les  sculptures  représentent  Y  Ado- 
ration des  mages,  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions, 
la  Résurrection  de  Lazare,  le  Monogramme  du 
Christ  entre  les  paons  symboliques.  Au  VIIe  siècle 
l'exarque  Isaac  fut  déposé  dans  ce  sépulcre. 

Des  couvertures  d'Évangéliaires. 

Des  parements  ecclésiastiques  anciens  dont 
un  du  VIIIe  siècle. 

Des  sculptures,  des  faïences  et  des  verreries 
italiennes,  etc.,  etc.  Dans  le  réfectoire,  le  peintre 


Luca  Longhi  a  peint,  en  1 580,  les  Noces  de  Cana; 
c'est  un  très  bon  ouvrage,  nullement  banal,  mais 
qui  ne  vaut  pas  à  Longhi  le  titre  de  «  Raphaël 
des  Romagnes  »  qui  lui  a  été  décerné  jadis  par 
ses  concitoyens  de  Ravenne. 

La  galerie  de  l'Académie  des  Beaux  Arts  de 
Ravenne  est  un  musée  de  peinture  administré 
par  une  Société  fondée  en  1827;  elle  forme  une 
annexe  à  l'école  des  Beaux  Arts  de  la  cité.  Les 
tableaux  sont  disposés  autant  que  possible  dans 
l'ordre  chronologique  à  commencer  par  le  XIe 
siècle. 

Dans  les  plus  anciennes  séries,  il  y  a  quelques 
centaines  de  ces  petits  cadres,  qu'on  vendait  aux 
fidèles  dans  les  églises  et  les  couvents,  comme 
maintenant  on  vend  l'imagerie  populaire;  ce  sont 
évidemment,  en  grande  partie,  des  copies  de 
peintures  connues  représentant  des  scènes  tirées 
des  Évangiles  ;  quelques  pièces, cependant.doi vent 
être  des  originaux,  par  exemple,  les  tableaux 
votifs.  Malgré  l'inhabileté  de  la  main  qui  les  a 
tracées,  on  a  plaisir  à  regarder  ces  images;  elles 
respirent  la  Foi. 

Puis  viennent  des  peintures  du  XIVe  siècle  et 
du  XVe,  dues  principalement  à  des  peintres  des 
Romagnes,  et  enfin  quelques  œuvres  du  XVIe  et 
des  temps  modernes. 

Je  ne  puis  ici  entrer  dans  les  détails,  et  je  dois 
me  borner  à  dire  que  les  musées  de  Ravenne,  très 
bien  tenus,  ne  cherchent  pas  à  rivaliser  avec 
d'autres;  ils  sont  modestes  mais  intéressants  et 
dirigés  avec  un  zèle  intelligent  et  désintéressé 
vers  un  but  logique  :  la  réunion  et  la  conservation 
des  œuvres  ressortissant  aux  arts  de  la  contrée 
ou  provenant  de  ses  édifices  religieux  et  pro- 
fanes ('). 

VII 

AINSI  que  je  l'ai  dit,  cette  fois,  mon  princi- 
pal objectif  à  Bologne  était  les  monuments 
funèbres  des  professeurs  de  l'ancienne  Université 
et  les  œuvres  du  sculpteur  Alfonso  Lombardi. 

Il  n'existe  en  effet  aucune  Université  au  monde 
qui  possède  autant  de  sépultures  de  professeurs 
que  Bologne,  Bologna  la  dotta,  et  aucune  cité  n'a 

1.  La  galerie  de  l'Académie  vient  de  disposer  sur  le 
parquet  de  ses  salles  de  belles  mosaïques  romaines  trou- 
vées aux  abords  de  San  Appolinare  in  Classe. 


iftatoenne  et  Bologne. 


401 


pu,  avec  plus  de  droit,  inscrire  sur  ses  monnaies: 
Bologna  docet,  Aima  studiorum  Mater. 

Quant  à  AlfonsoLombardi,si  on  trouve  ailleurs 
quelques-uns  de  ses  ouvrages,  c'est  à  Bologne 
seulement  qu'il  peut  être  jugé. 

Je  serai  bref  de  descriptions,  estimant  toujours 
que  rien  ne  vaut  la  reproduction  des  œuvres 
qu'on  veut  faire  connaître. 

J'ai  eu  l'embarras  du  choix  ;  je  me  suis  borné 
à  quelques  monuments  choisis  parmi  les  plus 
caractéristiques. 


Lo  Studio,  l'Université  de  Bologne, a  été  fondée 
en  1288  par  quelques  professeurs  libres;  cin- 
quante ans  après,  elle  avait  15,000  élèves,  mais 
dès  le  XIe  siècle,  le  pape  Alexandre  II,  ponti- 
ficat de  1061  à  1073,  avait  institué  des  cours 
de  jurisprudence  dans  la  cité,  évidemment  déjà 
préparée  à  faire  prospérer  un   tel   enseignement. 

A  côté  de  l'Université  officielle  vinrent  se 
grouper  divers  collèges  de  nations  ;  Bologne 
conserve  encore  plusieurs  bâtiments  de  ces  in- 
stitutions, tels  : 


Fig.  3.  —  Sépultures  des  glossateurs  Accorso,  place  San  Francesco  à  Bologne,  1260  et  1265.  (Photogiaphie  Popri  à  Bologne.) 


Le  collège  d'Espagne,  fondé  en  1364  par  le 
cardinal  Albanoz  ; 

Le  collège  hongrois,  fondé  en  1537  ; 

Le  collège  Poeti,  fondé  vers  1550  par  le  capi- 
taine Teodorio  Poeti; 

Le  collège  des  Flamands,  fondé  en  1682  par 
Jacobs,  orfèvre  à  Bruxelles. 

Dans  les  premiers  siècles,  l'Université  n'avait 
pas  de  palais  ;  les  professeurs,  lettori,  donnaient 


les  leçons  dans  leurs  domiciles  particuliers  ou 
dans  des  salles  disséminées,  concédées  par  le  Mu- 
nicipe.  En  1520,  les  cours  de  droit,  seuls,  comme 
étant  les  plus  importants  de  l'Université,  furent 
installés  dans  une  dépendance  de  l'église  San 
Petronio. 

En  1562,  le  pape  Pie  IV  fit,  par  les  soins  de 
son  légat  Charles  Borromée,  édifier  pour  lo  Studio 
un  palais  spécial,  V Archigimnasio  actuel. 


REVUE   DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.   —   5me   LIVRAISON 


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4-02 


WitWt  tie  l'ftrr  cjirétten. 


L'Université  faisait  la  gloire  et  la  prospérité 
de  Bologne  :  aussi  les  professeurs,  choisis  avec 
grand  soin,  même  au  dehors  de  l'Italie, étaient 
libéralement  rétribués  et  hautement  honorés. 

Les  honneurs  les  suivaient  dans  la  tombe, 
comme  en  témoignent  encore  les  monuments 
funèbres  conservés  dans  les  églises  ou  leurs  dé- 
pendances et  au  Musée  civique  qui  a  recueilli 
quelques  sarcophages  complets,  les  faces  anté- 
rieures sculptées  d'un  plus  grand  nombre  et 
quelques  pierres  tombales. 

L'importance  du  sarcophage,  ici  comme  ail- 
leurs, ne  correspond  pas  toujours  aux  mérites 
des  défunts  ;  c'est  affaire  de  circonstances  :  goût, 


Fig.  4. —  Sépulture  de  Giovanni  d  Andréa,  lecteur  de  droit  canon. 

-f*  1348,  par  Jacopo  Lanfranl  Musée  civique  de  Bologne. 

(Photographie  Porii  a  Bologne.) 

fortune,  générosité,  vanité  de  ceux  qui  prennent 
l'initiative  de  la  sépulture. 

Cependant,  le  monument  d' Accorso  (fig.  n°  3), 
élevé  vers  1260,  est  bien  en  rapport  avec  le  renom 
mérité  de  ce  savant  que  les  contemporains  ap- 
pelaient X Idole  des  Jurisconsultes. 

A  côté  se  trouve  le  monument  du  fils  d'Ac- 
corso  (►£<  1265),  qui,  paraît-il,  ne  méritait  pas  le 
même  honneur  que  son  père. 

Ces  édicules  font  partie  d'un  groupe  nommé 
les  sépulcres  des  glossateurs,  situé  près  de  l'église 
San  Francesco. 

Les  sépulcres  des  deux  Accorso  ont  été  remis 
au  jour  il  y  a  dix  ans  seulement  (')  ;   ils  étaient 

1.  M.  l'architecte  A.  Rubbiani  a  dégagé  ces  monuments 
tics  habilement  ;  il  m'a  para. qu'ils  n'ont  de  neuf  que  la 
toiture  en  tuiles  vernissées  vertes  d'un  heureux  effet  ;  ils 
étaient  ainsi  dans  le  principe. 


restés  longtemps  cachés  dans  des  murailles, 
mais  leur  existence  était  connue. 

Ce  sont  les  plus  anciens  tombeaux  de  pro- 
fesseurs conservés  à  Bologne. 

La  cité  possède  d'autres  monuments  du  même 
style,  également  du  XIIIe  siècle,  notamment 
près  de  l'église  San  Domenico  :  celui  de  Fosche- 
rari,  lecteur  de  droit  canon,  mort  en  1289  et 
celui  de  Passagerio,  mort  en  1300.  Aux  obsèques 
de  Foscherari,  les  canonistes  portèrent  pour  la 
première  fois  la  robe  écarlate  jusqu'alors  exclu- 
sivement réservée  aux  professeurs  de  droit  ro- 
main. 

Je  trouve  les  tombeaux  en  pyramide  de 
Bologne  supérieurs,  dans  leur  simplicité,  aux 
fastueux  tombeaux  des  Scaliger  à  Vérone, qu'une 
admiration  conventionnelle  impose  à  l'attention. 

Le  type  disparaît  à  Bologne  au  XIVe  siècle, 
et  on  peut  le  regretter  ;  il  me  semble  qu'il 
remplissait  parfaitement  sa  fonction  d'hommage 
public,  surtout  lorsqu'il  était  isolé  sur  une  place 
ou  dans  un  cimetière. 

Le  sépulcre  de  Giovanni  d'Andréa  (►£<  1348) 
(fig.  4),  lecteur  de  droit  canon  et  de  procédure 
judiciaire,  donne  le  type  généralement  adopté 
au  XIVe  siècle  ('). 

La  représentation  du  cours  se  trouve  cepen- 
dant déjà  au  siècle  précédent  ;  le  tombeau  était 
in  aria,  en  l'air,  adossé  à  la  muraille  et  soutenu 
par  des  consoles.  Tous  les  sépulcres  des  pro- 
fesseurs du  XIVe  siècle  n'étaient  pas  de  la  même 
qualité  que  celui  d'Andréa  ;  le  plus  grand  nombre 
de  ceux  qui  subsistent  sont  pourvus  de  bas-reliefs 
d'une  exécution  plus  lourde  et  plus  sommaire; 
mais  dans  tous,  le  lecteur  dans  sa  chaire  et  les  étu- 
diants sur  les  bancs  ou  devant  les  pupitres,  sont 
bien  observés  et  exactement  dans  l'attitude  et  le 
mouvement  qui  leur  conviennent. 

Le  monument  de  Giovanni  d'Andréa  est 
l'œuvre  de  Jacopo  Lanfrani  de  Venise;  ce  sculp- 
teur est  peu  connu  :  il  n'y  a  rien  de  lui  dans  sa 
patrie  ;  à  l'église  de  San  Domenico  de  Bologne 
il  a  laissé  le  sarcophage  de  Taddeo  Pepoli,  bon 
ouvrage,  mais  qu'on  ne  regarde  pas  (2). 

1.  Le  bas-relief  (fig.  8)  donne  une  idée  de  ce  style. 

2.  Le  monument  d'Andréa  est  un  des  seuls  tombeaux 
de  professeurs  que  le  Musée  civique  possède  en  entier  ; 
pour  la  plupart  des  autres  il  s'est  contenté  de  la  partie 
antérieure  du  sarcophage  ;  c'est  regrettable. 


Kcutie  De  l'Hrt  c&rétien. 


Pu  VIII. 
* 


Fig.  5.  — Sépulture  ù'JJntOtlJO  Gtlliù.vO   BdltllicgllO,  hliore  nello  Studio, *k  1435, 
par  Jacopo  délia  Quercia.  Eglise  San  Giacomo  Maggiore  à  Bologne. 

(Photographie  Ai.inari  à  Florence.) 


i&atoenne  et  Bologne. 


40: 


L'église  San  Giacomo  Maggiore  conserve  un 
sépulcre  de  professeur  de  toute  beauté  d'une 
composition  parfaite,  logique  et  d'une  rare  élé- 
gance (fig.  5,  pi.  VIII).  C'est  le  plus  important 
monument  funèbre  de  Bologne  du  XVe  siècle  ; 
on  peut  lui  appliquer  sûrement  lepithète  de 
chef-d'œuvre  dont  on  abuse  tant  aujourd'hui  ; 
comme  celui  d'Andréa,  il  est  en  l'air,  adossé  à  la 
muraille  et  soutenu  par  des  consoles. 

On  a  coutume  de  le  donner  à  Antonio  Galeazzo 
Bentivoglio,  /ettore  nello  Studio  (')  (►£<  1435),  et  de 
le  tenir  comme  l'œuvre  de  Jacopo  délia  Quercia 
(1371-1438). 

Il  est  en  effet  digne  de  lui;  la  Madone  et  l'En- 
fant, les  saints  Pierre  et  Paul,  les  quatre  vertus 
cardinales,  la  Justice,  la  Prudence,  la  Tempé- 
rance et  la  Force,  qui  décorent  le  mausolée,  sont 
incontestablement  de  la  même  main  que  les 
sculptures  du  grand  portail  de  San  Petronio  : 
délia  Quercia  a  devancé  Michelange  de  plus  d'un 
siècle,  et  en  bien  des  points,  notamment  par  la 
grâce  unie  à  la  force,  il  lui  est  supérieur. 

Mais, comme  le  fait  justement  remarquer  l'émi- 
nent  professeur  Ricci,  auquel  j'emprunte, Quercia, 
appelé  à  Bologne  en  1425  par  l'archevêque 
d'Arles,  avait  depuis  longtemps  quitté  la  cité 
en  1435,  année  de  la  mort  de  Galeazzo  Benti- 
voglio.  M.  Ricci,  avec  d'autres  arguments  encore, 
suppose  que  le  tombeau  a  été  exécuté  par  Jacopo 
délia  Quercia  pour  Vari,  lecteur  de  médecine 
pratique  et  acquis  plus  tard  par  Annibale,  fils  de 
Galeazzo  Bentivoglio,  pour  honorer  la  mémoire 
de  son  père.  Ceci  explique  comment  le  monu- 
ment de  Bentivoglio  est  privé  de  toute  inscrip- 
tion, alors  que  les  autres  tombes  de  professeurs 
en  sont  pourvues  :  Annibale  ne  pouvait  en  effet 
donner  aux  deux  effigies  du  tombeau  le  nom  de 
son  père,  puisqu'elles  ne  le  représentent  pas. 

Le  voyageur  qui  visite  Bologne  avant  Florence, 
s'arrête  volontiers  devant  le  tombeau  d'Ales- 
sandro  Tartagni,  jurisconsulte  (►!<  1477),  élevé 
dans  l'église  San  Domenico,  et  signé  OPVS 
FRANC  •  SIMONIS  ■  FLORENT,  (fig.  6). 
Au  contraire,  lorsqu'on  connaît  Florence,  l'œuvre 
du  florentin  Francesco  di  Simone  n'a  plus  du  tout 
le  même  intérêt.  Le  sculpteur  en  effet  n'a  donné 

1.  Lettore  nello  Studio  veut  dire  professeur  à  l'Univer- 
sité', c'est  le  titre  de  principe. 


à  Tartagni  qu'une  sorte  de  pastiche  affaibli  du 
célèbre  tombeau  de  Carlo  Marzuppini  (>i*  1455), 
secrétaire  de  la  République  de  Florence,  élevé  à 
Santa  Croce  et  commandé  par  la  Seigneurie,  à 
Desiderio  da  Settîgnaro  (1428-1464).  Ce  sculp- 
teur, d'un  talent  supérieur  du  reste,  avait  adopté, 
par  ordre  probablement,  le  type  du  tombeau  à 
niche,  créé  par  Gamberelli,  dit  Rossellino  (14 17- 


«n  a 


Fig.  6.  —  Sépulture  d'Alexandro  Tartagni,  jurisconsulte,  -^  1477, 

par  Francesco  di  Simone.  Église  San  Domenico  à  Bologne. 

(Photographie  Alinari  à  Florence.) 

[479),  l'auteur  du  monument  de  Leonardo  Bruni, 
également  secrétaire  de  la  République,  et  de 
même  à  Santa  Croce. 

Les  éloges  qu'on  serait  tenté  d'accorder  à 
Francesco  di  Simone  doivent  donc  remonter  aux 
deux  grands  artistes  qui  ont  laissé  à  Santa  Croce 
d'admirables  monuments  en  tant  qu'invention  et 
style  décoratif. 

Pour  terminer  les  reproductions  des  sarco- 
phages, voici    le  tombeau   de    Pietro  Canonici, 


404 


&ctntc  De  l'art  cbvétten. 


lecteur  de  droit  civil,  mort  en  1 502  (fig.  7).  La 
décoration  est  bien  du  temps,  mais  si  on  jugeait 
par  les  disciples  seulement  on  ferait  remonter  la 
sculpture  à  une  époque  antérieure. 

Les  pierres  tombales  n'offrent  rien  de  parti- 
culier. Le  défunt  est,  comme  de  juste,  revêtu  du 
costume  de  lecteur  :  cappa  longue  et  large  robe; 
cappucio,  petit  capuchon  ;  mantollina,  pèlerine  en 
vair;  manipolo,  manipule  également  en  vair  ; 
presque  toujours  plusieurs  volumes  sont  à  ses 
côtés. 

Je  n'ai  pas  remarqué  de  pierres  antérieures 
à  1348,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il  n'y  en  ait 
pas  de  plus  anciennes;  je  n'ai  reproduit  que  cinq 
sépulcres  qui  vont  de  1260  à  1503.  C'est  peu  par 


"*.-.'  t  y-  -  • — 7 — 


ifm 


,'  11" 


Fig.  7.—  Sépulture  de  Pietro  Canonici,  lecteur  de  droit  civil,  -J-  1502. 
Musée  civique  de  Bologne.  (Photographie  Alinari  à  Florence.) 

rapport  à  ceux  qui  subsistent  à  Bologne  et  ex- 
ceptionnellement dans  d'autres  villes,  notamment 
à  Vérone  et  à  IVIodène.  Les  reproductions  ont  été 
choisies  parmi  les  types  principaux  les  mieux 
conservés;  il  existe  des  sépulcres  plus  simples 
que  ceux  de  Giovanni  d'Andréa  et  de  Galeazzo 
Bentivoglio;  cependant,  en  général,  ils  montrent 
tous,  sur  la  partie  antérieure,  le  lecteur  professant 
son  cours. 

Aux  sculpteurs  déjà  nommés  Lanfrani,  délia 
Guercia.de  Simone,  il  est  juste  d'ajouter  Andréa 
da  Fiesole,  l'auteur  du  beau  sarcophage,  dei 
Saliceti,  lecteursde  droit,  morts  en  1402  et  1412. 
Le  sculpteur  a  signé  OPVS  ANDREE  DE 
FESVLIS. 

Quelques  autres  sépulcres  sont  de  sculpteurs 
fort  peu  connus,  mais  la  plupart  des  monuments 
sont  anonymes. 


VIII 

DANS  l'une  des  salles  du  Musée  civique,  en 
partie  réservées  à  l'ancienne  Université,  on 
remarque  un  bas-relief  avec  la  Madone  et  l'En- 
fant et  six  personnages  à  genoux  à  ses  côtés;  ce 
monument  est  intitulé  Pace  del  1321  (fig.  8).  Voici 
son  histoire  : 

En  1321  un  étudiant  fut  condamné  à  mort  et 
exécuté  pour  un  méfait  qui  ne  méritait  pas  un 
tel  châtiment.  L'Université  prit  fort  mal  la  con- 
damnation, et  pour  manifester  nettement  leur 
sentiment,  nombre  de  lecteurs  et  d'écoliers  quit- 
tèrent Bolosrne  et  s'en  furent  à  Sienne. 


£jtf.8F.1rar.|ffir,sui,..rçh 

'BKÏDIB  :  fPOlOTmo.? 


Fig  8.  —  La  paca  de  1321.   Musée  civique  de  Bologne. 
(Photographie  Poppi  à  Bologne.) 

Le  sénat  de  Bologne  fut  alarmé  et  entra  en 
négociations  avec  les  émigrés  qui  consentirent 
à  rentrer  sous  certaines  conditions.  Une  des 
clauses  du  traité  de  paix  fut  la  construction,  aux 
frais  de  la  cité,  d'une  église  Santa  Maria  délia 
Pace,  située  dans  le  quartier  fréquenté  par  les 
étudiants.  Le  souvenir  de  cette  paix  fut  de  plus 
consacré  par  un  bas-relief  qui  est  resté  dans 
l'église  jusqu'en  1813,  époque  de  la  démolition. 

L'inscription  latine  rappelle  que  la  réconci- 
liation a  eu  lieu  sub  regimint  de  B.utholomi 
Lamberti  de  Chypre,  chanoine  ultramontain  de 
Famagouste  ('),  et  de  Bernard  Catcnacc,  chanoine 
cismontain  de  Saint-Antoine  de  Plaisance. 

Les  personnages  à  genoux  marquent  le  carac- 
tère international  de  l'Université,  ce  sont  : 


1.  L'ancienne  Fama  Augusta  de  l'Ile  de  Chypre 


Iftatoenne  et  Bologne. 


405 


A  main  droite  de  la  Madone  : 

Petins  Revonii  de  Burgondia. 

Iaroslaus  de  Polonia. 

Rector  ultramontanorum. 

A  main  gauche  : 

Recto  r  citi  a  m  on  ta  11 0  ru  m . 

Aynardus  de  Montebello. 

Jacobus  de  Languilla  de  Janna. 

Les  écussons  ont  été  martelés  à  la  fin  du 
XVIIIe  siècle  par  des  mains  révolutionnaires, 
mais  ils  sont  connus  par  un  dessin  conservé  à  la 
bibliothèque  communale. 

Le  bas-relief  était  intéressant  à  cause  de  son 
origine;  les  docteurs  sont  d'une  facture  un  peu 
lourde,  mais  la  Madone  est  belle,  empreinte 
d'une  physionomie  sérieuse  tempérée  par  la  man- 
suétude. 

IX 

LES  sculpteurs  de  Bologne  n'ont  pas  été  à  la 
hauteur  de  ses  peintres  et  de  ses  architectes, 
bien  que  la  cité  honorât  et  encourageât  tous 
les  arts;  le  fait  est  peu  explicable,  mais  il  existe. 

A  de  rares  exceptions  près,  les  ouvrages  remar- 
quables de  sculpture  conservés  à  Bologne  pro- 
viennent d'artistes  étrangers  à  la  cité;  je  n'ai  pas 
à  les  nommer  ici,  ils  sont  connus. 

Il  est  cependant  un  sculpteur  qui  n'est  pas 
suffisamment  apprécié  par  les  voyageurs  tout  au 
moins,  car  à  Bologne  il  est  en  grande  estime.  C'est 
Alfonso  Lombardi.de  son  vrai  nom  Alfonso  Cit- 
tadella  (1497-1538). 

Est-il  étranger  ? 

Oui,  dans  un  sens,  puisqu'il  est  né  à  Ferrare, 
d'une  famille  d'origine  lucquoise. 

Est-il  bolonais  ? 

Oui,  dans  un  sens,  puisqu'il  est  venu  à  Bologne 
très  jeune,  qu'il  y  a  débuté  dans  son  art,  et  qu'il 
y  a  travaillé  constamment. 

Vasari  nous  apprend  qu'il  excellait  dans  les 
portraits  en  forme  de  médaillon  ;  il  fut  le  créateur 
du  genre,  et  le  mit  à  la  mode;  le  pape  Clé- 
ment VII,  l'empereur  Charles-Quint,  Alfonse, 
duc  de  Ferrare,  le  prince  Doria,  l'Arioste,  les 
cardinaux  Bembo  et  Hippolyte  de  Medicis  et 
nombre  d'autres  personnages  eurent  aussi  leurs 
effigies  modelées  d'après  le  naturel,  dal  vero,  en 
terre  cuite,  en  stuc  ou  en  cire. 


On  ignore  s'il  reste  dans  les  familles  beau- 
coup de  ces  objets,  mais  les  bustes  et  les  médail- 
lons actuellement  encore  en  vue  dans  les  palais 
et  les  églises  sont  nombreux.  Notamment  dans 
le  chœur  de  San  Giovanni  in  Monte  se  trouvent 
les  bustes  en  terre  cuite  des  douze  apôtres;  à 
Ferrare  dans  le  Dôme,  il  y  a  aussi  le  Christ  et 
les  douze  Apôtres  en  terre  cuite  peinte,  d'après 
le  naturel;  ils  ont  une  allure  différente  de  ceux 
de  San  Giovanni  ;  jadis  ils  étaient  à  Bologne. 

Les  têtes  sont  étonnantes  de  vitalité  et  de 
vérité,  on  sent  qu'elles  ont  été  copiées  directe- 
ment sur  la  nature  sans  la  préoccupation  de  leur 
faire  exprimer  le  moindre  sentiment. 

Pour  mon  compte,  je  n'éprouve  aucun  plaisir, 
—  au  contraire,  —  devant  ce  réalisme,  même  lors- 
qu'il atteint  la  perfection  du  genre,  comme  le 
buste  en  terre  cuite  peinte  de  Nicolo  da  Uzzano 
par  Donatello,  conservé  au  Musée  du  Bargello  à 
Florence. 

Mais  Alfonso  Lombardi  ne  s'est  pas  tenu  aux 
médaillons  et  aux  bustes;  il  s'est  lancé  dans  la 
grande  sculpture  alors  qu'il  était  encore  fort 
jeune. 

A  Bologne  on  met  à  son  compte  un  grand 
nombre  d'ouvrages;  le  contrôle  est  impossible 
par  les  documents;  à  la  vue  il  est  difficile,  telle- 
ment est  grande  la  différence  de  style  entre  les 
uns  et  les  autres. 

Mentionnons  comme  sûrement  de  lui,  en  outre 
des  médaillons  et  des  bustes  : 

La  mort  de  la   Vierge. 

La  Résurrection  de  Notre -Seigneur. 

Le  tombeau  de  Ramaszotto  à  San  Michèle  in 
Bosco. 

Les  épisodes  de  la  vie  des  Saints,  bas-reliefs 
du  soubassement  de  Yarca  de  San  Domenico. 

La  Madone  à  la  Madonna  dei  Baraccano. 

Hercule  terrassant  l'hydre  à  l'ancien  palais 
apostolique. 

Ercole  Bottrigari  couché  sur  sa  tombe  à  la 
Certosa. 

San  Bartolomeo  à  l'orphelinat  de  Sainte-Marie- 
Madeleine. 

Les  statues  des  saints  Petronio,  Precule,  Fran- 
çois et  Dominique  au  Palais  du  Podestat. 

L' Annonciation,  le  Péché  originel  dans  l'inté- 
rieur de  San  Petronio. 


4o6 


Bebue  be  l'&rt  cbrétten- 


Ferrare,  en  outre  des  bustes  du  Dôme,  conserve 
aussi  quelques  œuvres  authentiques  de  Lombardi. 

De  tous  ces  ouvrages  nous  n'en  retiendrons 
que  deux,  d'abord  par  nécessité  de  se  borner,  et 
ensuite  parce  qu'ils  sont  particulièrement  carac- 
téristiques ;  cette  qualité  manque  à  quelques 
œuvres  de  Lombardi.  Il  faut  par  exemple  savoir 
à  l'avance  que  les  bas-reliefs  de  Yarca  de  Saint- 
Dominique,  Y  Annonciation,  le  Péché  originel  et 
les  trois  médaillons  de  Y  Histoire  de  Moïse  à  San 
Petronio  sont  de  lui;  à  voir  ces  ouvrages  on  ne 
s'en  douterait  pas  tant  leur  style  apaisé  s'éloigne 
des  bustes  et  du  Transito. 


Le  Transito  délia  Verginc  est  fort  peu  connu 
(fig.  9)  étant  placé  dans  un  local  fermé.  A  côté 
de  l'église  Santa  Maria  délia  Vita,  rue  Clavature, 
près  de  San  Petronio,  se  trouve  un  bâtiment 
affecté  à  l'administration  des  hôpitaux;  des  bu- 
reaux on  pénètre,  —  en  demandant  la  permis- 
sion,—  dans  un  oratoire  ;  c'est  là  qu'est  le  Transito 
groupe  en  terre  cuite  mélangée  de  stuc,  de  gran- 
deur colossale. 

Au  lieu  de  le  nommer  :  le  Trépas  delà  Vierge 
il  serait  plus  exact  de  le  désigner  :  Le  châtiment 
du  Juif.    • 

Alfonso  Lombardi  a  représenté  en   effet   une 


Fig.  9.  —  La  mort  de  la  Vierge,  par  Alfonso  Lombardi,  1519.  Office  des  Hôpitaux  de  Bologne.  (Photographie  Powi  à  Bologne.) 


scène  tirée  d'un  livre  De  Transita  Virginis  ;  le 
récit  a  été  attribué  à  Melito,  évèque  de  Sardes, 
capitale  de  la  Lydie,  qui  vivait  en  l'an  169. 

J'ai  essayé  de  savoir  si  Lombardi  avait  exac- 
tement interprété  le  texte;  je  n'ai  trouvé,  dans 
le  peu  qui  reste  des  écrits  de  Melito,  aucune  trace 
de  cet  ouvrage  ('),  et  même  je  n'ai  pu  consulter 
ici  le  De  'Transita  Virginis  qui  existe  cependant. 

Quel  que  soit  l'auteur  du  livre,  la  scène  est  con- 
nue; Vasari  la  cite  et  d'autres  artistes,  Sansovino 
notamment,  l'ont  représentée. 

Lombardi    montre  le  Juif  terrassé  pour  avoir 

I.  A.  Gallaudi,  Hihliotheca  veterum  palrum  antiquo- 
rumqtte  scriptorum  ccclcsi,isticoriim.  Venise,  1765. 


touché  le  cercueil  de  la  Vierge,  et  JÉSUS-CHRIST, 
entouré  des  apôtres,  empêchant  l'un  d'eux  de 
lancer  un  volume  sur  l'Hébreu. 

Si  on  ne  connaissait  pas  la  date  du  groupe, 
on  le  placerait  certainement  parmi  les  sculptures 
de  ceux  qui  ont  subi  l'influence  de  Michelange; 
mais  en  15  19,  époque  où  Lombardi,  âgé  de  vingt 
et  un  ans,  a  fait  le  Transito,  Michelange  n'avait 
pas  encore  exercé  son  action  et  Lombardi  ne 
connaissait  de  lui  que  Y  Ange  à  genoux  de  Yarca 
de  Saint-Dominique,  d'une  tenue  calme  et  tran- 
quille; du  reste, ce  n'est  qu'une  quinzaine  d'années 
plus  tard  que  Lombardi,  appelé  par  le  cardinal 
Hippolyte  de  Medicis,  s'en  fut  à  Florence  et  à 
Rome. 


iftatoenne  et  Bologne. 


407 


Dans  l'expression  dramatique,  comme  dans  la 
puissance  et  l'énergie  imprimées  au  corps  humain, 
Alfonso  Lombardi  est  donc  incontestablement 
parmi  ceux  —  car  il  n'est  pas  le  seul  —  qui  ont 
devancé  Michelange;  c'est  un  mérite  qui,  à  mon 
sens,  n'a  pas  été  suffisamment  reconnu. 

Le  Transita  est,  comme  on  dit  en  Italie,  un 
ouvrage  stupendo,  surprenant,  par  la  date  et  en 
raison  de  l'âge  de  l'auteur  qui  n'avait  que  vingt 
et  un  ans  ;  il  fut,  selon  Vasari,  sommamente 
extrêmement  apprécié  et  fit  la  réputation  du 
sculpteur. 


Les  commandes  lui  arrivèrent;  l'une  des  plus 
importantes  fut  la  Résurrection  (1526).  J'ai  pensé 
qu'il  était  utile  de  reproduire  cette  œuvre  à  côté 
du  Transite;  par  sa  sobriété,  sa  tenue  et  sa  pon- 
dération, elle  s'éloigne  des  premiers  ouvrages 
d'Alfonso;  s'il  a  calmé  sa  fougue,  c'est  que  la 
Résurrection  (fig.  10)  devait  figurer  sur  la  façade 
de  San  Petronio  illustrée  par  Jacopo  délia  Quer- 
cia;  elle  y  tient  dignement  sa  place,  et  fait  grand 
honneur  à  l'artiste  qui  l'a  conçue. 

Gerspach. 


Fig   10  —  La  Résurrection,  par  Alfonso  Lomdakdi,  1526.  Église  San  Petronio  à  Bologne.  (Photographie  Alinari  à  Florence. 


A^X  »*g*  J&ÏA  \<*)t*  A^E*  i&}*.  X^-A  A*g*  i&A  *ffi*  iffi*  A7*!*  à5$X  a5£*  *5E*  ' 


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Diiiiiiniiiiimniiiirumin]  niiiniTiiiitixiiiiiiiiiiuiinimTTiiniiiim  mmimiiinnuinni]  iiiiiiiicit]; 


!Qes  peintures  DetJean  Van  Cpcft  restées  tnac!)etoées. 


t:  c  1 1  m  ii  y.  n  i  mru 


niiiiiimmiiuLiiiimxiiiiiii  u 


iimin[iiiim:umiii:iiiiimi[iiiiiii:a 


iiiiuuiii: 


T£t*  ^^  W  TjÔ*  vaÔ*  Tsô*  Ts&*  *&*  *tël*  *!Ô*  v^*  W  W  w  w 


L  existe  trois  tableaux 
authentiques  de  Jean 
Van  Eyck  qui,  pour  l'une 
ou  l'autre  raison,  sont 
restés  inachevés.  Le 
plus  ancien  est  daté  du 
30  octobre  1421,  le 
deuxième  de  1437,  le  troisième  enfin,  est 
la  dernière  œuvre  du  grand  maître.  C'est 
de  ce  dernier  que  je  vais  m'occuper,  en 
remettant  à  plus  tard  ce  que  j'aurai  à  dire 
sur  le  premier. 

Dans  les  Annotations  de  feu  M.  C.  Rue- 
lens  sur  «  Les  anciens  Peintres  flamands  » 
de  Crowe  et  Cavalcaselle  imprimées  à  la 
suite  de  la  traduction  française  publiée  à 
Bruxelles  en  1863, on  trouve  réunis(tome  II, 
p.  CIV  à  CXIII)  tous  les  renseignements 
qu'il  a  pu  rassembler  sur  cette  œuvre  qui 
se  trouvait  autrefois  dans  le  chœur  de 
l'église  Saint- Martin  à  Ypres  et  où  elle 
était  encore  en  17 13.  Nous  ajouterons  que 
dans  le  «  Voyage  littéraire  de  deux  reli- 
gieux Bénédictins  (Paris,  1717,  tome  I, 
2e  partie,  p.  189),  on  lit  :  «  On  voit  encore 
dans  le  chœur  une  nôtre  Dame  sur  du  bois, 
faite  par  le  premier  peintre  qui  a  peint  en 
huile.  »  Entre  1757  et  1760  le  triptyque 
original  fut  enlevé  de  l'église  et  transporté 
à  l'évêché,  et  une  copie  du  panneau  central 
fut  placée  dans  la  chapelle  de  la  Sainte- 
Vierge  près  de  l'autel. 

M.  Ruelens  termine  ses  Annotations  par 
les  observations  que  voici  :  «  De  cet  en- 
«  semble  de  renseignements  il  ne  ressort, 
«  selon  nous,  rien  de  clair  ni  de  précis. 
«  Quant  à  la  copie,  nous  y  croirions  diffici- 
«  lement  :  on  termine  un  tableau  inachevé, 
«  on  ne  le  copie  guère  (') Ce  qui  nous 

1.  Cette  copie  du  panneau  central  est  depuis  long- 
temps dans  la  possession  de  Myt  F.  Bethune  à  Bruges. 


«  semble  de  plus  admissible,  c'est  que  le 
€  tableau  de  Saint- Martin  est  une  œuvre 
«  attribuée  à  Jean  Van  Eyck  par  suite  d'une 
«  tradition  erronée.  » 

Le  triptyque  original  est  resté  à  l'évêché 
jusqu'à  la  prise  de  la  ville  par  les  Français, 
à  la  fin  du  siècle  dernier  ;  alors  il  a  été 
vendu  à  vil  prix  à  un  boucher,  ensuite  il  a 
été  sauvé  de  la  destruction  par  un  M.  Wael- 
wyn  d'Ypres,  qui  plus  tard  l'a  vendu  à  M. 
Bogaert  de  Bruges  dont  les  héritiers  le  re- 
vendirent à  M.  Van  denSchrieck  de  Louvain. 
Après  le  décès  de  celui-ci,  il  passa  dans  la 
possession  de  son  gendre, M.  F.  Schollaert. 

Le  triptyque  a  figuré  à  l'Exposition  de 
tableaux  anciens  à  Bruges,  organisée  par  la 
Gilde  de  St-Thomas  et  de  St-Luc  en  1867 
(n°  4  du  Catalogue.)  Le  panneau  central  a 
im72  de  haut  sur  99  c.  de  large  ;  les  volets, 
41  c.  de  large.  Dans  un  portique  voûté  de 
style  roman  à  chapiteaux  richement  sculptés 
on  voit  à  gauche  la  Sainte  Vierge  debout, 
tenant  l'Enfant  Jésus  sur  le  bras  droit  et 
retenant  ses  jambes  de  la  main  gauche. 
Elle  est  bien  posée  dans  une  attitude  fort 
gracieuse  ;  ses  cheveux,  retenus  au-dessus 
du  front  par  une  couronne  d'or  garnie  de 
perles  et  de  pierreries,  tombent  sur  les 
épaules  en  longues  boucles  ondoyantes. 
Un  ample  manteau  de  drap  écarlate,  main- 
tenu par  deux  petites  cordelettes,  la  couvre 
et  descend  jusqu'à  terre  ;  il  est  ourlé  d'une 
large  et  riche  broderie  en  or  avec  pier- 
reries ;  l'encolure  de  sa  robe  est  aussi  ornée 
de  broderies,  et  le  bord  inférieur  garni  de 
fourrure.  L'enfant,  entièrement  nu,  tient  de 
la  main  gauche  l'encolure  de  la  robe  de  sa 
mère  et  de  la  droite  une  banderole  chargée 
d'une  légende.  Il  se  penche  en  avant  vers 
un  prêtre  agenouillé  à  gauche,  revêtu  d'une 
chape  de  brocart  bleu  et  or  à  orfrois  brodés 


îlea  peintures  De  Jean  fltlan  Gpth. 


409 


avec  des  figures  d'apôtres  dans  des  com- 
partiments couronnés  de  dais.  C'est  le 
portrait  de  Nicolas  van  Maelbeke,  prévôt 
de  l'église  ;  il  tient  entre  les  mains  un  livre 
d'Heures  et  de  la  gauche  une  sorte  de 
crosse  dont  la  hampe  ornée  d'un  dia- 
prage  de  rieurs  de  lys  dans  des  losanges, 
est  surmontée  de  statuettes  de  saints  dans 
des  niches  à  dais,  couronnés  par  un  fleu- 
ron qui  soutient  une  figure  de  saint  Martin 
à  cheval  coupant  son  manteau  pour  le  par- 
tager avec  un  pauvre  mendiant.  Le  pavé 
est  en  pierres  de  couleurs  diverses  formant 
des  dessins  géométriques.  La  vue  entre  les 
colonnes  des  arcades  donne  sur  un  paysage 
s'étendant  à  perte  de  vue,  étoffé  de  bâti- 
ments et  de  figures. 

A  l'entour,  sur  le  cadre  qui  est  cintre 
par  le  haut,  on  lit  l'antienne  que  voici  en 
lettres  majuscules  :  Sancta  Maria  succurre 
miseris  •  iuva  pusillanimes  •  refove  flebiles  ■ 
ora  pro  populo  •  interveni  pro  clero  •  inter- 
cède pro  devoto  femineo  sexu  :  sentiant 
omnes  tuum  iuvamen  quicumque  célébrant 
tuam  commemorationem.  Hec  virgo  Maria 
ex  semine  Abrahe  orta  •  ex  tribu  Iuda 
virga  de  radice  Iesse  •  ex  stirpe  David  • 
filia  Iherusalem  ■  Stella  maris  •  ancilla  Do- 
mini  •  regina  gentium  •  sponsa  Dei  •  mater 
Christi  ■  Conditoris  templum  Sancti  Spi- 
ritus  sacrarium. 

Les  volets  sont  divisés,  chacun  en  deux 
tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur.  Sur  l'in- 
térieur du  volet  gauche  on  voit  en  bas 
Gédéon  debout  tenant  une  lance,  devant 
l'ange  ;  sur  le  cadre:  Vellus  Gedeonis.  Dans 
le  compartiment  supérieur  est  représenté  le 
Buisson  ardent  qui  croît  dans  un  jardin  en- 
touré d'un  fossé  où  nagent  des  cygnes  ;  au- 
delà.un  manoir  et  quelques  maisons  en  bois, 
une  auberge,  des  personnages  à  cheval,  un 
château  et  d'autres  constructions  où  l'on  voit 
des  cigognes  sur  les  toits.  Le  Buisson  se 


développe  et  aux  deux  tiers  de  la  hauteur 
remplit  toute  la  largeur  du  volet  ;  sortant  à 
mi-corps  des  langues  de  feu  qui  partent  du 
sommet  de  l'arbre  on  voit  le  Père  Eternel 
portant  une  tiare  et  revêtu  d'une  aube  et 
d'une  chape  en  drap  d'or  fermée  par  une 
bille  ronde  ornée  d'un  rubis  entouré  de  neuf 
perles  ;  il  lève  la  main  droite  pour  bénir  et 
tient  de  la  gauche  un  globe  surmonté  d'une 
croix  en  cristal  se  terminant  en  fleurs  de 
lys.  Sur  la  moulure  qui  sépare  ce  compar- 
timent de  celui  en  dessous  se  lit  :  Rubus 
ardens  et  non  comburens.  Tout  en  haut  on 
voit  un  ange,  et  en  dessous  de  lui  un  second 
ange  armé  d'un  glaive  pour  garder  le  Pa- 
radis. 

Sur  l'intérieur  de  l'autre  volet  on  voit 
dans  le  compartiment  inférieur  Aaron  re- 
vêtu d'une  aube  et  d'une  chape  verte  à 
larges  orfrois  brodés,  à  genoux  devant  un 
prie-Dieu,  tenant  une  verge  qui  fleurit. 
Sur  le  cadre  se  trouve  :  Virga  Aaron  rlorens. 

Dans  le  compartiment  supérieur  se 
trouve  représentée  la  porte  fermée  d'Ézé- 
chiel,  flanquée  aux  angles  de  quatre  tours 
cylindriques  ;  au-dessus  de  l'entrée  il  y  a 
une  statue  de  femme  —  la  Svnagfogfue  — 
qui  a  les  yeux  bandés  ;  elle  tient  les  tables 
de  la  Loi  renversées  et  une  bannière  dont  la 
hampe  tombe  en  morceaux  ;  à  côté  d'elle  se 
trouvent  des  statues  de  Moïse  et  de  trois 
prophètes  tenant  des  banderoles;  l'encadre- 
ment de  la  porte,  est  orné  de  quatorze 
statuettes  de  prophètes  posées  sur  des  con- 
soles et  surmontées  de  dais  :  la  porte  même 
est  ornée  de  pierreries  ;  devant  l'entrée 
croissent  des  fleurs.  La  toiture  de  la  porte 
est  rouge,  le  crêtage  à  sa  naissance  ainsi 
que  celui  sur  le  sommet  sont  d'un  dessin 
fort  élégant  ;  au-dessus  du  crénelage  se 
trouvent  seize  statues  dans  des  niches.  Sur 
la  moulure  en  dessous  de  ce  compartiment 
on  lit  le  texte  :  porta  Ezechielis  clausa.  Tout 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  5me  LIVRAISON. 


410 


ÏUtoue  tue  l'&rt  chrétien. 


en  haut  on  voit  un  ange  dans  un  médaillon, 
et  plus  bas  Adam  et  Eve  sous  l'arbre  d'où 
le  serpent  parle. 

Les  sujets  dans  les  compartiments  infé- 
rieurs ne  sont  qu'esquissés. 

Sur  l'extérieur  on  voit  la  Sibylle  tibur- 
tine  coiffée  d'un  turban,  debout,  la  main 
levée  vers  le  ciel  pour  attirer  l'attention  de 
l'empereur  à  genoux  vis-à-vis  d'elle  sur 
l'autre  volet  ;  il  est  couronné  et  porte  une 
longue  barbe  pointue;  il  a  les  mains  jointes, 
et  les  élève  ainsi  que  la  tête  en  regardant 
la  Sainte  Vierge,  qui,  vue  à  mi-corps  portant 
l'Enfant  sur  le  bras  droit,  apparaît  dans  une 
ellipse  au-dessus  de  la  Sibylle.  Dans  la 
partie  supérieure,  de  l'autre  volet  se  trouvent 
trois  anges  qui  sonnent  de  la  trompette.  Les 
légendes  explicatives  sont:  Maria;  Ara  celi; 
Sibilla;  Octavianus. 

L'authenticité  de  l'œuvre  est  prouvée 
par  deux  documents  du  quinzième  siècle 
à  peu  près  contemporains.  Le  premier  est 
un  dessin  à  la  pointe  d'argent  qui  a  27  c.  8  m. 
de  haut  sur  18  c.  de  large  conservé  à  l'Al- 
bertina  à  Vienne  qui  a  toujours  passé  pour 
être  de  la  main  de  Van  Eyck  (')•  Le  second 
est  un  autre  dessin  à  la  pointe  d'argent 
(13  c.  5  m.  x  15c)  au  Musée  germanique  à 
Nuremberg  attribué  à  Roger  de  la  Pasture 

1.  Examen  fait  de  presque  tous  les  dessins  attribués  à 
Jean  Van  Eyck,  mon  opinion  est  qu'il  n'y  en  a  pas  un  seul 
qui  puisse  lui  être  attribué  avec  quelque  certitude. 


(van  der  Weyden).  Ces  deux  dessins  sont 
précieux,  parce  qu'ils  représentent  le  pan- 
neau central  inachevé  tel  que  Van  Eyck  l'a 
laissé.  Le  premier  est  dans  un  bon  état  de 
conservation  ;  le  second  a  un  peu  souffert. 

Il  est  à  remarquer  que  le  bandeau  qui 
retient  les  cheveux  de  la  Vierge  est  très 
simple  sur  les  dessins,  évidemment  l'orfè- 
vrerie du  style  de  la  fin  du  XVe  siècle  qui 
le  décore  dans  le  triptyque  est  une  ajoute. 
La  broderie  à  l'encolure  de  sa  robe  et  sur 
le  bord  du  manteau  sont  aussi  des  ajoutes. 
A  moins  que  je  me  trompe,  le  soulier  et  le 
patin  du  pied  gauche  de  la  Vierge,  visibles 
dans  les  dessins,  sont  dans  le  tableau  cachés 
par  le  manteau.  La  banderole  que  tient 
l'Enfant  est  dans  les  dessins  plus  simple 
de  forme  que  dans  le  tableau,  aussi  ne 
porte-t-elle  pas  de  légende. 

Dans  les  dessins  le  prévôt  a  une  large 
tonsure  mais  ne  porte  ni  moustache,  ni 
barbe;  ses  traits  sont  aussi  ceux  d'un  homme 
plus  distingué  ;  les  plis  de  sa  chape  et  le 
contour  de  la  bille  sont  esquissés,  mais  il 
n'y  a  aucune  indication  ni  du  brocard  ni  des 
broderies  sur  les  orfrois.  La  voûte  du  por- 
tail est  simple,  le  décor  polychrome  et  les 
clefs  sculptées  accusent  dans  le  tableau  la 
fin  du  quinzième  siècle.  Enfin  les  dessins 
n'indiquent  pas  le  fond  du  paysage. 

VV.-II.  James  Weale. 


i&i*  a$E*  J*U  a*v£*  x5k  a^c  a*v£*  a*v£*  >&U  a^-a  a*v£*  a5£*  a*vEx  a*»£*  a^Ex 


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xiiiiiii»iiiiiii^riiiiii:aiiiiii)iiiiiiii::iiiii  tiiiiiii:c^ixmi-iJ^ 


^WWWWW^F^WM^^WWW 


Croir  stationalc. 


A  croix  en  cuivre  doré  dont  nous 
donnons  la  reproduction  est  d'une 
forme  élégante  et  d'un  dessin  tradi- 
tionnel. Nous  l'offrons  en  modèle  aux 
orfèvres  et  aux  dinandiers  dont  l'étude  se  porte 
de  préférence,  pour  les  travaux  qu'ils  exécutent 


en  vue  des  églises,  vers  les  meilleurs  siècles  du 
moyen  âge. 

Le  travail  original  est  une  «  épave  »,  comme 
dirait  notre  collaborateur  M.  deFarcy,  demeurée 
dans  la  sacristie  d'une  église  de  village  au  Nord 
de  la  France,  ignorée  des  révolutionnaires  qui  ont 
porté  à  la  fonte  tant  de  croix  similaires  en  métal, 
inconnue  des  brocanteurs  et  des  antiquaires  qui 


Croix  stationale,  face 


vont  rôdant  sans  cesse  autour  des  anciennes 
églises  et  sacristies  pour  faire  des  monuments  de 
la  piété  de  nos  ancêtres,  des  objets  de  trafic  et 
des  bibelots  de  collectionneurs.  C'est  même  pour 


ne  pas  leur  donner  un  renseignement  dont  ils 
feraient  profiter  leur  commerce  que  je  préfère 
laisser  ignoré  le  nom  du  village  où  la  croix  est 
conservée  actuellement. 


412 


^ebuc  tir  l'art  chrétien. 


Cette  intéressante  épave  est  une  croix  statio- 
nale,  c'est-à-dire  que,  surmontant  une  hampe, 
elle  servait,  et  sert  peut-être  encore  de  croix  de 
procession  ;  plantée  sur  un  pied  en  métal,  c'est 
une  croix  d'autel.  A  ce  point  de  vue  c'est  un 
excellent  modèle  que,  comme  je  viens  de  le  dire, 
on  peut  recommander  à  l'imitation  des  artistes. 


Le  dessin  de  l'ensemble  comme  le  décor  sont 
d'ailleurs  fort  simples.  La  face  où  est  représenté, 
en  ronde  bosse,  le  Christ  nimbé  du  nimbe  cruci- 
fère, est  ornée  de  quatre  gros  cabochons  et  de  trois 
plus  petits,  en  cristal  de  roche.  Au  pied  du  Christ 
une  bâte  en  forme  de  losange,  qui  paraît  rap- 
portée après  coup,  contient  une  pierre  de  couleur. 


Croix    stationale,  revers 


La  sertissure  des  cabochons  est  entourée  de  rin- 
ceaux gravés  dont  le  dessin  est  d'une  grande 
élégance. 

Au  revers,  les  extrémités  fleurdelisées  de  la 
croix  encadrent  les  symboles  évangéliques  dans 
l'ordre  généralement  adopté  :  aigle,  lion,  bœuf, 
homme  ailé.  Au  centre,  dans  un  champ  quadran- 


gulaire,  le  Christ  est  assis  dans  une  cathedra, 
la  droite  levée  pour  bénir.  Le  fond  de  ces  diffé- 
rentes figures  et  toutes  les  places  restées  libres 
entre  les  bordures  sont  ornés  de  rinceaux  gravés 
d'un  goût  excellent. 

Le  caractère  de  ces  rinceaux  ainsi  que  la  forme 
des  fleurs  de  lis  qui  terminent  les  extrémités  de 


Mélanges. 


413 


la  croix,  la  feront  dater  de  la  seconde  moitié  du 
XIIIe  siècle  ou  de  la  première  moitié  du  siècle 
suivant;  ils  permettent  de  croire  que  l'ensemble 
est  un  travail  mosan,  pouvant  sortir  des  ateliers 
de  Dinant,  de  Liège  ou  de  Maestricht. 

J.  H. 


I?otcs  pratiques  pour  la  construction 
D'une  église  (:) 

ONSIEUR  le  chanoine  Mallet,  ancien 
professeur  d'archéologie  et  auteur  du 
manuel  d'archéologie  religieuse  le 
plus  répandu  en  France,  est  bien  connu 
de  nos  lecteurs.  Il  a  la  compétence  et  l'autorité 
voulues  pour  guider  ses  confrères  dans  le  sacer- 
doce en  cette  intéressante  matière.  Son  nouveau 
livre  envisage  au  point  de  vue  pratique  les  ques- 
tions dont  il  a  si  bien  étudié  et  enseigné  naguère 
la  théorie. 

Cette  matière  a  été  traitée  d'une  manière  ma- 
gistrale par  notre  collaborateur  Mgr  X.  Barbier 
deMontault  (2);et  elle  l'avait  été  plus  brièvement 
et  sous  une  forme  aussi  méthodique  qu'agréable 
par  l'abbé  Th.  Pierret  (3). 

M.  Mallet  refait  à  peu  près  l'œuvre  de  ce  dernier, 
mais  à  un  point  de  vue  peut-être  plus  pratique; 
il  s'adresse  aux  pasteurs  qui  ont  assumé  la  tâche 
de  la  construction  d'une  nouvelle  église  parois- 
siale.  La  question  est  intéressante  pour  nos  lec-  ] 
teurs;  nous  allons,  en  la  reprenant,  suivre  pas  à  ; 
pas  notre  auteur. 

Il  prend  la  question  à  ses  hautes  origines 
esthétiques,  à  la  définition  de  l'art  chrétien.  L'art 
est  «  la  reproduction  du  beau  naturel  et  sensible  » 
par  l'homme,  qui  y  ajoute  son  sentiment.  Bacon  a 
dit  :  «  l'art  c'est  l'homme  s'ajoutant  à  la  nature  ». 
L'art  en  lui-même  est  distinct  du  bien, et  M. Mallet 
ajoute  avec  M.  Loth:  «  Le  beau  est  beau  en  soi... 

1.  V.  L'Art  chrétien.  Entretiens  pratiques,  par  M.  l'abbé 
Mallet,  chanoine  hon.  de  Séez.  In-8°  de  380  pp.  Paris, 
Poussielgue,  1899. 

2.  Traité  pratique  des  constructions,  de  l'ameublement  et 
de  la  décoration  des  églises.  Paris, Vivez,  1878.  2  vol.gr.  ni-8°    J 
de  530  et  590  pp. 

3.  Manuel  d'archéologie  pratique.  Paris,  Lethielleux, 
1870.  In-8°  de  460  pp. 


Un  objet  est  beau  indépendamment  de  toute 
idée  morale  de  bien.  »  On  pourrait  faire  ici  des 
réserves.  Mais  ce  que  l'auteur  veut  établir  est  in- 
contestable, savoir  que  l'art  chrétien  ne  s'arrête 
pas  au  beau  naturel  et  lui  est  supérieur.  Ayant 
pour  objet  Dieu,  lui  du  moins  ne  saurait  se 
séparer  du  beau  moral.  Ses  sources  sont  la  théo- 
logie, la  mystique  sacrée  et  le  symbolisme.  C'est 
pour  avoir  méconnu  ces  principes  et  avoir  séparé 
l'art  (M.  Mallet  dit  le  beau)  du  vrai  et  du  bien, 
que  la  Renaissance  a  failli  à  l'art  chrétien. 

La  loi  souveraine  du  beau  artistique  est  la  con- 
venance; elle  se  complète  par  la  parfaite  exécution 
de  la  forme.  Platon  et  S.  Thomas  ont  dit  :  «  Le 
beau  est  la  splendeur  du  vrai.  »  Or  «  qu'est-ce  que 
le  vrai,  sinon  la  convenance,  et  sa  splendeur, 
sinon  la  forme  ?  »  En  outre  l'art  chrétien  suppose 
l'idéalisation  du  beau  naturel. 

Ces  principes  posés,  nous  passons  aux  consi- 
dérations pratiques.  Il  s'agit  de  l'érection  d'une 
église.  Quel  style  faut-il  adopter  ?  Le  pseudo-grec 
n'est  qu'une  émanation  du  paganisme.  Le  style 
basilical,  le  style  byzantin,  le  roman  et  le  go- 
thique sont  seuls  éclos  d'un  souffle  de  christia- 
nisme ;  encore  les  deux  derniers  seuls,  qui  relèvent 
exclusivement  de  l'art  chrétien,  s'adaptent-ils 
adéquatement  à  nos  besoins  religieux  actuels. 
Nous  ajouterons  que  le  roman  n'étant  que  du 
gothique  en  voie  de  formation,  il  est  privé  de  sa 
splendeur  et  de  ses  perfections  techniques.  Quant 
au  style  de  la  Renaissance,  il  jette  un  vêtement 
profane  sur  le  fond  traditionnel.  Heureux  sommes- 
nous,  dit  M.  Mallet,  de  nous  être  débarrassés 
depuis  cinquante  ans  de  ses  fausses  conceptions. 
D'ailleurs  notre  Saint  Père  Léon  XIII  n'a-t-il 
pas  lui-même  tranché  ce  point  important  dans  la 
lettre  qu'il  adressa  jadis  au  Conseil  de  fabrique 
de  l'église  de  Saint-François  d'Assise  à  Bologne, 
que  la  Revue  de  l'Art  chrétien  a  reproduite  dans 
la  IVe  livraison  de  l'année  1894,  et  que  nous 
regrettons  de  ne  voir  pas  au  moins  rappelée  dans 
le  livre  de  M.  Mallet. 

«  Quant  à  Nous,  dit  Sa  Sainteté,  de  même  que  Nous  nous 
sommes  appliqué  et  que  Nous  nous  appliquons  encore  à 
faire  renaître  la  solide  sagesse  des  anciens  en  choisissant 
comme  guides  dans  la  philosophie  saint  Thomas  d'Aquin, 
dans  les  lettres  Dante  Alighieri,  ainsi  Nous  prédisons 
d'une  façon  certaine,  que  les  autres  arts  produiront  des 


4U 


Brtntc  tic  Part  cbrctten. 


fruits  excellents,  pourvu  qu'ils  recherchent  et  apprécient 
les  modèles  de  cette  même  époque.  »  (Le  XIIIe  siècle.) 

Le  style  arrêté,  il  faut  tracer  le  plan.  Mais  une 
question  préalable  se  présente  d'abord,  celle  de 
la  capacité  de  l'église.  Moins  exigeant  que  saint 
Charles  Borromée  ('),  qui  veut  qu'elle  puisse  con- 
tenir la  population  entière  de  la  paroisse,  et  en- 
core en  prévoyant  son  accroissement  probable, 
notre  auteur  ne  réclame  que  la  moitié,  ou  au 
moins  les  deux  tiers  de  cette  capacité.  L'abbé 
Pierret  et  Mgr  Barbier  de  Montault  estiment  cette 
dernière  mesure  bien  suffisante  en  ville,  où  la 
multiplicité  des  messes  partage  les  fidèles.  D'ail- 
leurs la  fréquentation  de  l'église  varie  d'une  région 
à  l'autre  avec  le  degré  de  dévotion  du  peuple. 

Si  l'on  est  fixé  sur  le  nombre  maximum  des  per- 
sonnes que  l'église  doit  recevoir  aux  jours  de 
grande  afHuence,  on  peut  mesurer  la  superficie  à 
raison  de  400  mètres  carrés  pour  mille  personnes, 
en  déduisant  le  chœur  et  les  parties  de  l'église 
inaccessibles  aux  fidèles.  S.  Charles  demande  par 
personne  omS3  xom53, plus  tous  les  vides  utiles 
à  la  circulation,  etc.:  la  Commission  diocésaine  de 
Poitiers  a  fixé  le  chiffre  om50  X  Om50.Une  place  de 
om50xom90  est  largement  comptée.  En  France 
les  autorités  civiles  appliquent  le  barème  suivant: 
on  déduit  l/l  de  la  population  de  la  commune  ; 
on  divise  la  population  restante  par  le  nombre 
des  messes  qui  se  disent  le  dimanche,  et  le  chiffre 
trouvé  indique  le  nombre  des  fidèles  qui  doivent 
pouvoir  trouver  place  en  même  temps  à  l'église. On 
compte  ensuite,  que  5  personnes  occupent  deux 
mètres  carrés  (la  surface  du  chœur  non  comprise  ). 

Selon  l'autorité  diocésaine  de  Gand.ce  barème 
est  acceptable  comme  minimum  en  général,  mais 
il  faut  tenir  compte,  i°  de  l'accroissement  de  la 
population,  2°  de  la  place  perdue  par  les  confes- 
sionnaux et  autres  grands  meubles,  30  de  l'usage 
des  chaises,  40  de  ce  que  les  enfants  fréquentent 
en  grand  nombre  l'église,  50  de  ce  que  dans  cer- 
tains cas,  salut,  mission,  etc.,  la  plus  grande  partie 
des  fidèles  doivent  trouver  place  dans  l'église. 

Laissons  de  côté  des  questions  techniques  qu'il 
convient  d'abandonner  aux  praticiens,  de  crainte 
d'erreurs  fâcheuses  (2)  et   de   banalités.  Celle   de 

1.  Instructionem  fabricae  et  supcllectilis  ecctcsiasticae 
libri  duo.lS.Wa.Xi,  1577. 

2.  Comme  de  dire  qu'il  faut  éviter  pour  l'emplacement 


l'orientation  nous  intéresse  absolument,  et  il  im- 
portait même,  selon  nous,  d'y  insister  davantage, 
parce  que  l'esprit  public  y  est  trop  indifférent. 

Rappelons  du  moins  le  traité  qu'a  écrit  sur 
cette  matière,  M.  Alberdingk  Thym  (*);  nous 
nous  souvenons  avoir  entendu  son  beau-frèré, 
le  grand  architecte  hollandais  Cuypers  (qui 
s'honorait,  lors  de  son  jubilé  de  septante  ans, 
d'avoir  élevé  septante  églises),  défendre  la  règle 
de  l'orientation  avec  chaleur  : 

«  Avant  la  Renaissance,  dit-il,  on  se  fût  gardé  d'y  man- 
quer. C'est  depuis  la  prétendue  Réforme  que  le  clergé  s'est 
relâché  de  la  stricte  observance  des  prescriptions  litur- 
giques; c'est  une  situation  fâcheuse,  pénible  à  constater; 
aussi  oserai-je  formuler  le  vœu,  de  voir  tenir  plus  scrupu- 
leusement la  main  à  ce  que  la  liturgie  de  notre  sainte 
religion  soit  fidèlement  observée  par  tous  ceux  qui  sont  en 
état  d'exercer  une  action  sous  ce  rapport  (-).  » 

Nous  devons  admirer  nos  pères,  qui  sacrifiaient, 
s'il  le  fallait,  au  sentiment  de  la  liturgie  l'économie 
de  la  construction  et  même  le  tracé  des  rues.  Avant 
tout  ils  tenaient  à  prier,  à  l'exemple  des  apôtres, 
les  yeux  tournés  vers  l'Orient,  vers  le  paradis 
terrestre  et  la  terre  sainte,  vers  le  Calvaire  et  le 
tombeau  du  Sauveur,  vers  le  pays  où  s'est  levée 
l'étoile  des  Rois  Mages.  Quand,  à  la  messe  ma- 
tutinale,  le  soleil  levant  illuminait  les  vitraux  de 
l'abside,  il  était  à  leurs  yeux  la  resplendissante 
image  de  N.-S.  JÉSUS-CHRIST,  lumière  du  monde 
et  de  l'Évangile  qui  a  dissipé  les  ténèbres  de 
l'erreur.  D'ailleurs,  supprimez  l'orientation,  et  le 
sens  symbolique  attaché  à  diverses  parties  de  l'é- 
glise, et  l'adaptation  du  décor,  et  l'emplacement 
des  autels  des  fonts,  etc.,  perdent  leur  signifi- 
cation. «  L'évangile  qui  doit  se  réciter  tourné  vers 
le  Nord,  perd  le  sens  mystique  que  l'Église  a 
attaché  à  cette  direction,  prescrite  aux  messes 
basses  comme  aux  messes  solennelles  (3).  » 

La  question  Remplacement  dépend  en  pratique 

d'une  église  tout  terrain  formé  de  gypse...  et  de  marne 
(p.  68). 

1.  Alberdyngk-Thym,  De  heilige  Unie.  —  V.  aussi 
Kempeneers,  L'orientation  symbolique  des  églises  chré- 
tiennes,— et  MM.  Mason,  Weale  et  Webb,  Le  symbolisme 
dam  les  églises  du  moyen  âge,  traduction  de  Bourassé 
(Meaux). 

2.  Excursion  de  la  Gilde  de  St-Thomas  et  de  St-Luc, 
à  Rolduc. 

3.  V.  Mgr  X.  Barbier  de  Montault,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  21. 


Mélanges. 


415 


de  circonstances  toutes  contingentes.  L'isolement 
et  une  position  élevée  sont  surtout  désirables. 

Nous  aurions  voulu  des  solu- 
tions plus  précises  peut-être 
des  exemples,  en  ce  qui  con- 
cerne le  tracé  en  plan,  si  bien 
déterminé  par  la  tradition, 
de  nos  églises  catholiques.  Il 
semble  que  des  formes  types 
soient  ici  à  préconiser. 

Les  convenances  liturgiques 
réclament  le  plan  rectangulaire 
allongé.  Pour  une  simple  cha- 
pelle, on  se  contentera  d'une  nef 


Plan   de  l'église  Ste- 
Madeleine  à  Tournai 


augmentée  d'une  abside  conte- 


nant l'autel  ;  mais  pour  une 
église,  si  petite  soit-elle,  il  faut, 
pour  le  chœur,  un  prolongement  du  vaisseau  légè- 
rement rétréci  ;  le  chevet  pourra  être  plat,  solu- 


Plan  de  l'église  St-Jacques  à  Tournai  (1). 

tion  simple  qui  permet  d'ouvrir  de  belles  lumières 
dans  un  chevet  relativement  étroit  ;  le  sanctuaire 
demi  circulaire  ou  polygonal  ne  conviendra  que 

1.  N.  B.  La  figure  représente  l'état  actuel,  chevet  poly- 
gonal, chœur  accosté  de  chapelles  de  plain  pied;  mais  on 
y  a  figuré  aussi  l'ancien  chœur  à  chevet  plat   et  sans 
hapelles. 


pour  un  chœur  d'une  certaine  dimension.  Mais 
des  autels  latéraux  et  des  chapelles  secondaires 
ont  ordinairement  leur  place  marquée  aux  deux 
côtés  du  chœur,  et  leur  établissement  est  gran- 
dement facilité  par  l'adoption  du  transept.  Aussi 
saint  Charles  remarque-t-il  que  la  forme  préfé- 
rable de  l'église  est  celle  de  la  croix;  la  croix 
latine  est  la  forme  consacrée  dans  nos  pays. 

Une  paroisse  nombreuse  réclame  une  église  à 
trois  nefs.  Nous  sommes  amené  logiquement  au 
plan  basilical,  qui  est  le  type  normal  du  temple 
chrétien.  Il  est  susceptible  d'un  perfectionne- 
ment qui  consiste  à  accoler  au  chœur  deux  cha- 
pelles latérales;  celles- 
ci  sont  accessibles  par 
l'officiant  de  plain 
pied,  ayant  leur  sol  au 
même  niveau  que  le 
chœur,  qui  est  lui- 
même  surélevé  par 
rapport  au  reste  de 
l'église.  Cette  disposi- 
tion du  plan  s'appli- 
que à  merveille  à  des 
paroisses  même  con- 
sidérables; elle  n'est 
autre  que  celle  de  la 
cathédrale  d'Autun, 
que  reproduit  Viollet- 
le-Duc  en  son  dictionnaire  et  de  N.-D.  de  Lescar 
que  nous  donneronsdans  la  prochaine  livraisbn(T). 

Ce  plan  type  est  susceptible  d'amplifications 
favorables  à  l'élégance  et  à  la  commodité  du  ser- 
vice religieux.  La  plus  belle  consiste  à  créer  un 
déambulatoire  autour  du  chœur.  C'est  le  plus 
prestigieux  des  dispositifs.  Il  dégage  le  chœur  et 
permet  l'accès  par  les  fidèles  et  par  les  serviteurs 
de  l'église,  sans  traverser  le  sanctuaire,  vers  la  sa- 
cristie ordinairement  établie  sur  le  côté  de  l'église 
haute.  Le  large  déambulatoire  qui  contourne  le 
chœur  de  l'église  Saint-Sauveur,  au  Petit-An- 
dely  (Eure)  en  fait  un  temple  d'une  suprême 
élégance.  Cette  ordonnance,  où  la  haute  église 
prédomine  sur  la  basse,  conviendrait  à  une  pa- 
roisse peu  populeuse  mais  riche. 

Toutefois  cet  ambulacre  ne  constituerait 
qu'une  ajoute  plutôt  luxueuse,  s'il  n'était  utilisé(et 

1.  Diction,  raison,  d'archit.,  t.  II,  p.  345. 


4i6 


Peinte  De  l'&rt  chrétien. 


ce  fut  sa  raison  d'être  originelle)  pour  l'accès  de 
chapelles  absidales,  ou  tout  au  moins  d'une  cha- 
pelle de  chevet,  chapelle  ordinairement  consacrée 
à  la  Sainte  Vierge  ou  au  St-Sacrement.  Le  reste 
du  pourtour  se  présente  à  merveille  pour  y  placer 
les  stations  du  chemin  de  la  croix. 

Si  le  culte  local  réclame  un  grand  nombre  de 
chapelles,  comme  c'est  le  cas  dans  les  paroisses 
anciennes,  riches  en  dévotions  traditionnelles,  ou 
dans  des  localités  où  florissent  de  nombreuses 
confréries,  la  multiplication  des  autels  et  des  cha- 


qu'on   le  retrouve,   à   une  échelle  monumentale, 
dans  le  superbe  chevet  de  la  cathédrale  du  Mans. 


Plan  de  l'église  de    Petit-Andély. 

pelles  peut  être  réalisée  de  deux  manières  diffé- 
rentes :  par  les  absidioles  rayonnantes  ou  par  les 
chapelles  des  collatéraux. 

Les  premières  rayonnent  en  éventail  au  pour- 
tour de  l'ambulacre,  selon  l'élégante  disposition 
propre  au  style  gothique  français.  Elles  offrent 
cet  inconvénient,  que  les  autels  qu'on  y  in- 
stalle se  trouvent  ou  dissymétriquement  placés, 
ou  désorientés;  hélas!  le  préjugé  régnant  fait 
rechercher  une  symétrie  inutile  aux  dépens  de 
l'orientation  liturgique  si  désirable,  des  autels. 
Les  couronnes  de  chapelles  rayonnantes  sont 
généralement  réservées  aux  cathédrales  ou  du 
moins  aux  très  grandes  églises. 

Les  chapelles  absidales  peuvent  être  dispersées 
au  pourtour  du  déambulatoire,  de  manière  que 
leurs  entrées  alternent  avec  les  fenêtres  de  celui-ci, 
ainsi  que  cela   se   faisait  à  l'époque   romane    et 


Chevet  de  la  cathédrale  du  Mans. 

Elles  peuvent  aussi  être  contigués,  de  manière 
que  leurs  murs  séparatifs  constituent  des   piliers 


Plan  d  église  paroissiale, 
Projet  de  M.  l'architecte  Bosschaert. 

butants   pour  le  soutien   des   voûtes  hautes   du 
chœur,  et  c'est  la  disposition  usuelle. 

Les   chapelles   de  rond-point  sont  toujours  en 


Mélanges. 


417 


nombre  impair;  celle  qui  tombe  dans  l'axe  du 
chœur  est  souvent  notablement  plus  profonde 
que  les  autres. 

Signalons  une  disposition  spéciale,  usitée  dans 

quelques  églises 
anciennes,  qui  con- 
siste à  accoler  au 
déambulatoire  des 
pseudo  -  chapelles, 
grâce  à  des  saillies 
à  trois  pans,  comme 
ci-contre  au  chœur 
de  l'ancienne  ca- 
thédrale de  Bou- 
logne ('). 

On     peut     aussi 

J;.-V;;^v      '' i'-i^Wr'-W^     établir  une  double 
a  ly~jU&  série   de    chapelles 

'  j  I  le     long    des    nefs 

4Ëp  _  -Œk   «fMK    latérales       il     y 

place  là  pour  une 
quantité  de  sanc- 
tuaires particuliers: 
deux  par  travée  de  la  grande  nef;  il  est  sage  de 
n'utiliser  que  les  travées  hautes,  jusqu'à  concur- 
S, 


Plan  du  chœur  de  l'ancienne  cathé- 
drale de  Boulogne. 


rr^l  i-r* 


Plan  de  l'église  abbatiale  de  Villers. 

rence  des  besoins.  On  utilise  ainsi  dans  les  églises 
gothiques  les  intervalles  entre  les  piliers  butants. 
Cette  disposition  fut  générale  à  partir  du  XIVe 

1.  Nous  reproduisons  ce  plan  d'après  M.  E.  Enlart,  Les 
anciens  édifices  de  Boulogne.  Le  même  dispositif  existe 
aux  églises  de  Seclin,  de  N.-D  de  Tournai  et  de  Saint- 
Nicolas  à  Gand. 


siècle,  lorsque  se  multiplièrent  les  corporations 
de  métiers  ou  autres,  qui  toutes  avaient  leur  fête 
religieuse  et  la  plupart,  leur  chapelain.  Elle  est 
utilisée  aujourd'hui  dans  des  cas  spéciaux,  no- 
tamment pour  les  églises  qui  sont  le  but  de  grands 
pèlerinages  accompagnés  d'ecclésiastiques,  qui 
doivent  trouver  chacun  des  autels  pour  y  célébrer 
la  messe.  L'inconvénient  est,  que  les  officiants 
doivent  traverser  les  parties  de  l'église  réservées 
aux  fidèles.  A  la  basilique  de  Lourdes  et  dans 
plusieurs  églises  conventuelles,  on  a  établi  ces 
chapelles  au  niveau  du  chœur  ;  et,  par  des  baies 


Plan  de  la  cathédrale  de  Coutances. 

percées  dans  les  murs  séparatifs,  on  les  a  mises 
en  communication,  plus  tard,  avec  l'église  haute. 
Ainsi  est  conçu  le  projet  jadis  dressé  par  feu 
le  baron  J.  Bethune  pour  l'église  des  PP.  Jésuites 
de  Bruges  et  reproduite  dans  la  Revue  de  l'Art 
chrétien,  année  1897,  pi.  XXXVIII. 

Il  existe  une  troisième  solution,  mais  pro- 
pre aux  églises  monacales,  usitée  surtout  jadis 
chez  les  Cisterciens  :  celle  de  chapelles  ouvertes 
dans  le  mur  oriental  des  deux  croisillons  du 
transept,  comme  à  l'abbatiale  de  Villers  ;  elle 
exige  un  énorme  développement  de  celui-ci  (l). 

(A  suivre.)  L.  C LOQUET. 

1.  Plan  de  l'abbatiale  de  Villers  {Revue  de  F  Art  chrétien, 
année  1896,  p.  342.) 


BEVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.   —  5me   LIVRAISON 


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ttnc  méDatlle  )tiiucûc;ilotrc=Seigncur. 

La  découverte. 

ONSIEUR  Boyer  d'Agen,  l'historien 
intime  de  Léon  XIII,  l'éditeur  de  ses 
lettres,  est  un  amant  passionné  du 
vieux  Rome.  Il  aime  à  se  promener  au 
Campo  di  fiori  le  mercredi,  jour  où  les  Juifs 
tiennent  un  marché  à  l'usage  des  Romains,  mais, 
surtout  des  étrangers.  On  trouve  de  tout  dans  ce 
marché  ;  des  chasubles  de  belle  époque,  des  den- 
telles anciennes,  de  vieux  cuivres,  des  émaux, 
et  jusqu'à  des  soutanes  violettes  qui  côtoient  les 
barettes  usées  de  cardinaux.  Le  faux  y  coudoie 
le  vrai,  surtout  en  cuivres,  et  le  Père  Grisar,  il  y  a 


Un  bénédictin,  archéologue  de  valeur,  Dom 
Anselme  Caplet,  qui  connaît  bien  son  Campo  di 
fiori,  me  disait  un  jour  :  «  Quand  je  vois  dans 
ce  marché  une  pièce  ancienne,  je  dis  a  priori 
qu'elle  est  fausse,  et  j'ai  90  chances  sur  IOO  de 
ne  point  me  tromper.  » 

Monsieur  Boyer  d'Agen  se  promenait  donc  au 
Campo  di  fiori  au  printemps  1897. 

Dans  l'échoppe  d'un  marchand,  simple  paysan 
de  la  campagne  romaine  d'après  lui,  ou  mieux 
un  de  ces  Juifs  retors  qui  savent  donner  à  leur 
personne  la  couleur  locale  pour  mieux  empaumer 
l'acheteur,  il  trouvait  une  médaille  de  bronze, 
de  35  mm.  de  diamètre,  couverte  de  terre  et  de 
patine,  et  pourvue  d'un  anneau  pour  la  suspendre. 
Elle  représentait,  d'un  côté,  une  tête  de  profil,  les 


Médaille  juive 
à  l'effigie  du  Sauveur. 


Revers 


Avers. 


quatre  ans,  a  montré  à  la  conférence  d'archéo- 
logie chrétienne  un  cuivre,  provenant  du  Campo 
di  fiori,  qui  n'était  qu'un  vulgaire  pastiche,  disons 
le  mot,  une  falsification  éhontée. 

On  ne  peut  contrefaire  les  vieux  ornements, 
car  le  prix  n'en  payerait  point  les  peines,  mais 
pour  les  vieux  argents,  les  vieux  cuivres,  la  peine 
est  peu  de  chose  et  le  profit  parfois  considérable. 
On  sait  que  le  fameux  trésor  de  Gian-Carlo  Rossi, 
si  splendidement  édité  par  son  propriétaire,  a  été 
fabriqué  à  Rome  par  deux  ouvriers  experts  à 
faire  du  vieux.  Par  conséquent,  quand  on  ren- 
contre dans  l'échoppe  en  plein  vent  de  ces  mar- 
chands une  chose  rare  et  de  prix,  qui  vous  est 
cédée  relativement  pour  peu  de  chose,  c'est  le 
cas  d'être  prudent. 


longs  cheveux  flottant  sur  les  épaules,  et  flanquée 
de  lettres  hébraïques.  De  l'autre  côté,  était  une 
inscription  en  caractères  de  la  même  langue. 
De  plus,  la  médaille  portait  des  traces  manifestes 
d'un  long  usage,  les  mèches  de  cheveux  ne  mon- 
traient plus  aucun  détail,  et  la  partie  supérieure 
de  la  tête  qui  devait  offrir  une  courbe,  était 
aplatie,  donnant  à  la  figure  une  apparence  doli- 
cocéphale.  La  médaille  avait  coûté  0,10. 

Je  laisse  la  parole  à  M.  Boyer  d'Agen  tradui- 
sant malheureusement  une  version  italienne  de 
la  notice  qu'il  a  publiée  à  ce  sujet.  «  C'est  préci- 
sément ce  morceau  de  métal,  sans  aucune  appa- 
rence, qui  est  maintenant  devenu  la  merveilleuse 
médaille  dont  se  sont  occupés  jusqu'à  présent 
tous  les  musées  de  numismatiques  et  toutes  les 
académies  d'Europe.  » 


Correspoutiance. 


419 


Son  origine. 

UN  problème  se  posait  immédiatement.  Cette 
médaille  remontait-elle  seulement  à  la  Re- 
naissance, ou  datait-elle  de  l'époque  classique  de 
Rome? 

M.  Boyer  d'Agen  se  prononça  carrément  pour 
la  dernière  hypothèse. 

Tout  en  admettant  qu'il  y  ait  eu,  au  moment 
de  la  Renaissance,  des  médailles  juives  imitant 
à  peu  près  celle  qu'il  avait  trouvée,  il  découvrait 
dans  la  sienne  des  qualités  artistiques  dont  les 
autres    étaient   dépourvues,   et   qui    la   faisaient, 


selon  lui,  le  prototype,  mais  remontant  aux  ori- 
gines de  l'ère  chrétienne,  de  toutes  les  autres. 

Elle  aurait  été  peut-être  trouvée  dans  un  tom- 
beau, aurait  inspiré  les  artistes  de  la  Renaissance 
et  servi  de  modèle  pour  les  autres  médailles 
semblables,  éparses  dans  différentes  collections 
d'Europe. 

A  quelle  époque  remonterait-elle  ? 

L'auteur  de  l'article  exclut  l'époque  de  Con- 
stantin et  se  prononce  pour  le  Ier  siècle,  soit 
parce  que  la  tête  n'a  pas  de  nimbe,  soit  surtout 
à  cause  de  ses  caractères  artistiques. 


Médaille  d  argent  à  l'effigie  de  Sauveur. 
(Propriété  de  Mgr  Battandiek.  —  Reproduction  au  double  de  la  grandeur  naturelle.) 


Et  cette  thèse  était  adoptée  par  le  savant  car- 
dinal Parocchi  qui  disait  à  M.  Boyer  d'Agen  : 
«  Ma  foi  n'a  pas  besoin  de  me  représenter  le 
Christ  dans  la  chair.  Mais  si  j'avais  à  m'en  faire 
une  image,  je  ne  pourrais  la  construire  d'une  façon 
plus  idéale  que  les  traits  que  je  contemple  dans 
cette  médaille.  Avec  sa  tristesse  infinie  et  son 
infinie  beauté,  elle  est  humaine  autant  que  peut 
l'être  un  Dieu,  et  divine  autant  que  peut  le  de- 
venir un  homme.  »  On  le  voit,  ce  sont  les  carac- 
tères intrinsèques  de  la  médaille  qui  faisaient  la 
base  du  plaidoyer  en  faveur  de  sa  haute  antiquité. 


Reproduction  de  la  médaille. 

EN  admettant  la  thèse  du  savant  littérateur, 
il  est  clair  que  la  médaille  du  Campo  di 
fiori  offrait  un  intérêt  hors  ligne.  Datant  du 
Ier  siècle,  elle  aurait  été  faite  du  vivant  même  de 
Notre-Seigneur,  ou  au  moins  sur  des  souvenirs 
précis,  peut-être  des  peintures,  des  camées,  etc. 

Dès  lors  une  pareille  rareté  offrait  au  com- 
merce un  numéro  tout  à  fait  exceptionnel,  et  en 
effet  M.  Falize,  orfèvre  parisien  bien  connu,  lança 
l'affaire  et  fit  imprimer  dans  divers  journaux  une 
annonce  où  on  lisait  :  M,  Portrait  de  Jésus-Christ, 
an  I  de  l'ère  chrétienne.  Médaille  dite  du  Campo 


di  fiori...  réduction  en  or  déposée  dans  le  trésor 
du  Vatican  par  S.  S.  Léon  XI II,  le  10  fév.  1899.» 
Et  le  prospectus  qui  donnait  les  prix  des  diffé- 
rentes réductions,  s'appuyait  sur  un  article  de  la 
Semaine  religieuse  de  Paris  du  10  fév.  1899. 

Nous  ne  ferons  qu'une  seule  remarque  sur 
cette  réclame  commerciale  :  c'est  que  l'ère  chré- 
tienne ayant  commencé  quatre  ans  avant  la  nais- 
sance de  Notre-Seigneur,  il  s'en  suivrait  que  nous 
aurions  un  portrait  prophétique  positivement 
merveilleux,  puisqu'il  aurait  été  gravé  avant  la 
naissance  de  la  personne  dont  il  devait  repro- 
duire la  figure. 

Description  de  la  médaille. 

PRENONS  l'avers.  A  côté  de  la  tête  du  Christ, 
qui  est  d'une  grande  douceur  d'expression, 
est  un  aleph  dont  la  signification  n'est  pas  claire. 
Ce  ne  peut  être  un  numéro  d'ordre  pour  désigner 
le  Ier  siècle,  puisque  c'est  seulement  au  VIe  siècle 
que  l'on  commença  à  compter  les  années  à 
partir  de  la  naissance  du  Sauveur.  De  l'autre 
côté  de  la  tête  se  trouvent  les  lettres  qui  forme- 
raient le  nom  de  Iechouah  ou  Jésus.  On  a  voulu 
expliquer  V aleph  d'une  façon  plus  rationnelle  en 
supposant  qu'il  était  une  abréviation  du  mot 
Adonaï,  et  nous  aurions  alors  les  mots  «  Le 
Seigneur  Jésus  ».  Cette  interprétation  cependant 
ne  semble  pas  claire,  et  n'est  nullement  dans  les 
habitudes  juives. 

Quant  au  revers,  M.  Boyer  d'Agen  interprète  : 
«  Le  Messie,  le  roi  est  venu  en  paix,  il  est  la 
lumière  du  monde,  il  vit  »,  mais  cette  traduction, 
donnée  déjà  par  Grimoard  de  St-Laurent  en 
1873,  et  qui  d'ailleurs  lui  est  antérieure,  est  loin 
d'avoir  été  acceptée  par  tout  le  monde. 

D'autres  hébraïsants  y  lisent  :  «  Le  Messie  roi 
est  venu  en  paix,  illustre  parmi  les  hommes  pour 
lesquels  il  a  donné  sa  vie.  »  Un  autre  :  «  Messie 
roi  est  venu  en  paix,  il  a  brillé  parmi  les  hommes 
et  il  leur  a  apporté  le  salut  »  ;  ou  encore  :  «  Le 
Messie,  le  roi  est  venu  en  paix,  et  homme,  il  a 
sauvé  (vivifié)  l'homme  »  ;  ou  bien  :  «  Le  Messie 
roi  est  venu  en  paix,  il  était  le  premier  des 
hommes  et  a  été  fait  le  dernier.  » 

Il  faut  citer  ceux,  en  petit  nombre,  qui  ont  lu: 
«  Le  Messie,  le  roi  qui  viendra  dans  la  paix,  et 
seulement  par   les   hommes   fait  ».  Cette  leçon, 


tout  à  fait  extraordinaire,  suppose  que  le  Christ 
n'est  pas  encore  venu  et  il  faudrait  alors  dire  que 
cette  médaille  aurait  été  coulée  par  un  Juif  qui, 
sous  couleur  de  christianisme,  aurait  voulu  se 
moquer  des  chrétiens. 

De  ces  différentes  interprétations,  il  faut  re- 
tenir que,  seule,  la  première  partie  du  texte  est 
certainement  déchiffrée.  «  Le  Messie,  le  roi  est 
venu  en  paix.  »  La  seconde  partie  reste  encore 
dans  l'obscurité,  et  les  divergences  entre  les  dif- 
férents interprétateurs  sont  telles  que  je  renonce 
à  les  concilier.  Peut-être  que  des  hébraïsants  se 
mettront  à  l'ouvrage,  et  comparant  le  texte  de  la 
médaille  avec  celui  qui  se  trouve  identique,  mais 
plus  ou  moins  bien  dessiné,  sur  d'autres  médailles 
de  ce  genre,  arriveront  à  nous  donner  la  vraie 
version  de  ce  texte,  dont  la  difficulté  s'accroît  par 
l'absence  des  points  massorétiques  et  surtout  par 
l'incertitude  d'identification  d'un  certain  nombre 
de  lettres. 

Médailles  similaires. 

LA  découverte  de  M.  Boyer  d'Agen  n'en  était 
au  fond  pas  une,  car  cette  médaille,  ou  des 
médailles  similaires  (disons  cependant  que 
M. Boyer  d'Agen  donne  la  sienne  comme  unique), 
se  trouvaient  dans  nombre  de  collections. 

Le  Vatican  possède  six  de  ces  médailles,  mais 
aucune,  comme  l'aurait  assuré  M.  Serafini,  cus- 
tode du  Musée,  à  M.  Boyer  d'Agen,  n'aurait  les 
qualités  artistiques  de  la  sienne. 

Observons  toutefois,  à  propos  de  ces  qualités 
artistiques,  que  l'usure  a  donné  à  la  médaille  un 
flou  qui  laisse  deviner  les  détails  au  lieu  de  les 
donner.  Une  personne,  vue  dans  une  obscurité 
qui  permet  de  saisir  seulement  les  grandes  lignes 
de  son  visage,  paraîtra  souvent  beaucoup  plus 
belle  que  si  on  la  met  en  pleine  lumière.  Or  l'usure 
dans  les  monnaies  produit  le  même  effet.  La 
médaille  neuve  est  naturellement  dure,  c'est  l'effet 
du  reste  du  métal,  mais  quand  le  frottement  a 
un  peu  adouci  les  angles,  diminué  les  saillies 
trop  accusées,  elle  prend  facilement  un  cachet 
artistique  dont  elle  était  auparavant  dépourvue. 
Et  je  crois  que  la  médaille  de  M.  Boyer  d'Agen 
n'aurait  pas  eu  tant  de  fortune  si  elle  avait  été 
neuve. 

Je  puis  le  dire  d'autant  mieux  que  je  possède 
moi-méme,depuis  plus  de  treize  ans,  une  médaille 


Correspondance. 


421 


analogue,  mais  en  argent,  métal  froid,  alors  que  le 
cuivre  est  métal  chaud.  En  voici  la  reproduction, 
au  double  de  grandeur  pour  mieux  la  dessiner. 
Or  cette  médaille,  qui  est  dans  un  état  parfait 
de  conservation,  n'a  pas  d'anneau,  n'a  jamais  été 
portée,  n'a  aucun  signe  d'usure,  reproduit  abso- 
lument le  même  type,  mais  avec  plus  de  dureté 
dans  les  traits.  Usée  par  le  frottement,  elle  ferait 
l'effet  de  celle  de  M.  Boyer  d'Agen. 

M.  Grimoard  de  Saint-Laurent,  dans  son  Guide 
de  l'art  chrétien,  tome  1 1,  p.  247,  s'occupe  de  cette 
médaille  et  écrit  :  «  Quand  nous  disons  que  les 
plus  anciennes  monnaies  au  type  du  Sauveur 
publiées  par  le  Dr  Walsh,  ne  remontent  pas  au 
delà  du  VIIe  siècle,  c'est  que  nous  ne  pouvons 
pas  regarder  comme  très  sérieuse  la  prétention  à 
l'antiquité  de  la  curieuse  médaille  qu'il  pose  ce- 
pendant en  tête  de  son  livre...  Elle  a  été  assez 
répandue,  car  on  l'a  trouvée,  à  des  époques  très 
différentes,  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Irlande. 
Après  avoir  beaucoup  occupé  les  esprits  au  com- 
mencement du  XVIe  siècle,  elle  avait  été  à  peu 
près  oubliée,  lorsque  la  découverte  de  nouveaux 
exemplaires  l'ayant  remise  en  évidence,  le 
Dr  Walsh  l'a  reproduite.  » 

Une  revue  d'art  italienne,  YEmporium,  dans 
son  numéro  d'avril  1898,  pag.  262,  publiait  une 
médaille  absolument  identique  à  celle  deM.  Boyer 
d'Agen, et  l'autre  qui, déjà  donnée  par  leDr  Walsh, 
se  trouve  au  Musée  d'Oxford.  L'origine  de  cette 
médaille  serait  assez  curieuse.  Une  paysanne  de 
Cork,  en  Irlande,  ramassait,  en  1812,  des  pommes 
de  terre  dans  un  champ  où  jadis  avait  été  érigée 
une  abbaye  bénédictine.  Or,  en  se  livrant  à  son 
travail,  elle  trouva  une  motte  de  terre  dans 
laquelle  était  une  médaille  ayant,  d'un  côté,  un 
profil  d'homme,  de  l'autre,  des  caractères  incon- 
nus :  c'était  la  médaille  juive  de  Notre-Seigneur. 

Cette  médaille  au  XVIe  siècle. . 

ON  a  dit  que  cette  médaille  eut  un  regain  de 
publicité  au  XVIe  siècle.  Nous  voyons  en 
effet  que  Jules  III,  au  milieu  du  XVIe  siècle,  en 
fait  le  revers  de  la  22e  médaille  de  son  pontificat. 
Cette  médaille,  toutefois,  a  le  profil  du  Sauveur 
tourné  en  sens  inverse  et  la  tête  est  surmontée 
d'un  nimbe  elliptique.  Paul  IV  (^  1 559)  a  em- 
ployé le  même  type  pour  la  4e  médaille  de  son 


pontificat,  mais  la  tête  est  cette  fois  tournée 
comme  dans  la  médaille  trouvée  par  M.  Boyer 
d'Agen.  La  3e  médaille  du  même  pape  repré- 
sente le  même  type, mais  nimbé.  S.  Pie  V  (>k  1565) 
a  pris  deux  fois  cette  tête  de  Christ  pour  en  faire 
la  21e  et  la  22e  médaille  de  son  pontificat. 
Mais  la  première  a  le  nimbe  crucifère  ;  la  seconde 
en  est  dépourvue.  De  plus,  le  revers  de  la  3e  mé- 
daille de  son  pontificat  a  été  usité  en  dehors  de 
cette  collection.  Ce  revers  représentait  les  mages 
apportant  leurs  trésors  à  l'enfant  Dieu.  A  l'avers 
on  y  a  mis  cette  tête  traditionnelle  du  Christ  avec 
ces  mots  EGO  SVM  LVX  MVNDI...  Ajoutons 
que  c'est  le  graveur  Antonio  Rossi  qui  exécuta 
ce  travail  pour  ce  pape. 

Maïs  cette  médaille  est  certainement  anté- 
rieure, car  elle  existait  dans  le  trésor  de  Jules  II 
(  *i*  I5I3).  ainsi  qu'en  fait  foi  TJiesaeus  Ambrosius 
{De  litt.  samar.,  chap.  V,  fol.  2 1  )  qui  en  donne  une 
description  et  transcrit  même  le  sens  de  l'ins- 
cription qui  y  était  gravée. 

Nous  voyons  donc,d'une  part,que  cette  médaille 
était  connue  au  commencement  du  XVIe  siècle, 
mais  de  l'autre,  il  faut  avouer  que  l'on  manque 
absolument  de  documents  pour  la  faire  remonter 
plus  haut. 

Discussion    sur   l'antiquité   de   la    médaille 
juive. 

C"*'EST  ici  que  devrait  normalement  se  placer 
^  la  discussion  entre  l'opinion  de  M.  Boyer 
d'Agen  et  celle  de  nombre  d'autres  numismates 
qui  sont  loin  d'avoir  embrassé  sa  thèse. 

Les  arguments  de  M.  Boyer  d'Agen  se  basent 
sur  ce  critérium  :  La  beauté  du  type  et  son  ins- 
cription. Les  caractères  inscrits  aux  côtés  de  la 
figure  et  surtout  la  légende  nous  reportent  hors 
de  la  période  des  persécutions  proprement  dites, 
durant  laquelle  régnait  la  loi  du  secret.  Or,  l'é- 
poque constantinienne  ne  peut  convenir;  un  peu 
parce  que  la  médaille  n'a  pas  de  nimbe,  et  surtout 
parce  que  la  finesse  de  son  travail  ne  s'accorde- 
rait point  avec  les  monuments  qui  nous  restent 
du  IVe  siècle.  Il  faut  donc  remonter  au  Ier  siècle. 

Cette  médaille  aurait  servi  aux  premiers 
chrétiens  et  pouvait  avoir  été  utilisée  comme 
tessera.  L'Apocalypse  (XIII,  16)  demande  d'avoir 
«  habere  characterem  m  dextera  manu  sua  »,  et  ce 


422 


Bcbue  tie  rsirt  cbrétten. 


serait  une  application  matérielle  de  ce  texte. 
Cette  médaille  serait  un  signe  de  reconnaissance 
pour  les  Juifs  convertis  au  catholicisme. 

Les  académies  se  sont  presque  toutes  inscrites 
à  l'opinion  contraire,  qui  a  trouvé  un  champion, 
entre  beaucoup  d'autres,  dans  M.  Louis  Esqieu, 
de  Cahors.  Celui-ci,  dans  un  petit  journal,  La 
France  chrétienne,  a  défendu  et  soutenu  brillam- 
ment cette  thèse,  que  cette  médaille  est  l'œuvre 
de  la  Renaissance,  opinion  qui  est  partagée  par 
le  plus  grand  nombre  des  numismates.  Je  me 
contenterai  de  citer  l'opinion  de  M.  Muntz  qui 
fait  autorité.  «  Pour  moi,  dit-il,  il  n'y  a  pas  de 
doute,  c'est  une  médaille  du  XVIe  siècle.  N'ou- 
blions pas  d'ailleurs  que  le  moyen  âge  n'a  pas 
fait  de  médailles.  Il  faudrait  donc  admettre  que 
celle-ci  est  des  tout  premiers  temps  du  chris- 
tianisme et  les  médailles  de  cette  date  sont 
toutes  différentes  de  celle-ci.  Le  numismate 
Jobert  écrivait  en  1655  que  de  son  temps  on 
fabriquait  de  ces  médailles  en  Allemagne,  mais 
qu'elles  sont  facilement  reconnaissables,  n'eût-on 
qu'une  science  médiocre.  En  conséquence,  la  mé- 
daille à  l'effigie  de  JÉSUS-CHRIST,  quoiqu'elle 
puisse  avoir  été  fabriquée  par  un  Juif  converti  au 
christianisme,  n'est  qu'une  de  ces  médailles  in- 
ventées et  fabriquées  à  plaisir  dans  le  siècle 
dernier.  » 

Voilà  sur  ce  point  une  nouvelle  opinion;  ces 
médailles  seraient  une  production  juive  du  siècle 
dernier,  et  les  Juifs  l'auraient  lancée  pour  se  mo- 
quer des  chrétiens. 

Cependant,  quand  on  compare  non  seulement 
la  médaille  juive, mais  les  médailles  duXVIcsiècle 
à  l'effigie  du  Sauveur,  on  voit  qu'elles  offrent 
toutes  un  grand  air  de  ressemblance  et  se  sont 
inspirées  les  unes  des  autres.  Si  un  savant  doublé 
d'un  artiste  voulait  faire  une  étude  comparative 
sur  ces  différents  types,  réunissant  les  traits  en  ce 
qu'ils  ont  de  commun,  il  s'apercevrait  bien  vite 
que  ces  graveurs,  ou  se  sont  astreints  à  une  tra- 
dition claire,  ou  se  sont  inspirés  à  un  modèle 
qu'ils  avaient  sous  les  yeux  et  qu'ils  interprétaient 
sans  le  reproduire  servilement. 

Un  type  du  Sauveur  conservé  ainsi  dans  la 
tradition  ne  pourrait  guère  guider  l'artiste.  Nicé- 
phore,  dans  son  Histoire  ecclésiastique  (liv.  II, 
ch.   XLI1I)  nous   donne   bien  une   description 


du  Sauveur  :  mais  dix  peintres  ayant  son  texte 
comme  seule  et  unique  indication,  réussiraient 
difficilement  à  faire  un  portrait  uniforme. 

Il  faut  alors  recourir,  pour  expliquer  ces  mé- 
dailles qui  ont  pullulé  au  XVIe  siècle,  à  un  type. 
Loin  de  nous  la  pensée  de  vouloir  imposer  une 
opinion;  nous  ne  nous  en  sentons  ni  le  droit,  ni 
la  force,  mais  on  ne  peut  toutefois  s'empêcher 
de  remarquer  que  le  type  de  ces  médailles  se 
rapproche  énormément  du  portrait  du  Sauveur 
peint  par  Léonard  de  Vinci  (  >î<  15 19)  dans  le 
fameux  tableau  de  la  Cène.  On  pourrait  donc 
parfaitement  dire  que  Léonard  de  Vinci,  s'inspi- 
rant  de  tout  ce  que  la  tradition  pouvait  lui  fournir, 
avait  réalisé  un  type  idéal  du  Sauveur,  et  que  ce 
type  aurait  séduit  les  artistes  de  la  Renaissance 
qui  s'en  seraient  servis  dans  leurs  œuvres  et  en 
particulier  dans  la  fabrication  de  ces   médailles. 

On  pourra  remarquer  qu'il  y  a  là  une  simple 
coïncidence,  et  j'avoue  qu'en  l'absence  de  toute 
preuve  positive,  il  serait  malaisé  de  soutenir  la 
thèse;  elle  me  semble  cependant  probable. 

Le  décret  de  l'Index  et  les  médailles  juives. 

ON  a  fait  beaucoup  de  bruit  d'un  décret  de 
l'Index,  du  16  mars  162 1,  condamnant  une 
médaille  juive  qui  portait  la  figure  de  Notre-Sei- 
gneur.  Voici  ce  que  dit  le  catalogue  de  l'Index. 
«  Anguisciola,  Ang.  Gab.  délia  hebraica  medaglia 
detta  Maghen  David  et  Abraham.  Dichiarazione. 
Prohibetur  ctiam  omne  hujusmodi  nutnisma  et 
mandatur  ut  qui  illud  habent,  ad  S.  Officiant  vel 
ad  episcoptim  déférant.  » 

Or  cette  médaille,  et  l'opuscule  qui  la  défen- 
dait, a  été  condamnée  par  décret  du  28  sept.  1C20 
(c'est  donc  une  erreur  dans  le  catalogue  de  l'In- 
dex) et  la  condamnation  porte  principalement 
sur  la  brochure  publiée  à  son  occasion  par  le 
chan.  régulier  Anguisciola.  Quant  à  la  médaille 
elle-même,  je  n'ai  pu  la  retrouver,  car  bien  que 
j'aie  fouillé  tout  le  dossier,  aucune  médaille  n'y 
était  malheureusement  annexée.  Seulement  dans 
la  description  sommaire  qu'en  fait  le  rapporteur, 
il  donne  l'inscription  de  l'endroit  et  du  revers. 
A  l'endroit  on  lit:  JESVS  -  SCVTO  CIRCVM- 
DABIT  VERITAS  EIVS,  et  au  revers  FA- 
CIES PANIS,  encore  PANIS  FACIEI.  Cette 
médaille  n'a  donc  rien  de  commun  avec  celle  de 
M.  B-oyer  d'Agen. 


CorresponDance. 


423 


Conclusion  et  résumé. 

CETTE  médaille  trouvée  par  M.  Boyer 
d'Agen  n'est  point  rare.  Nombre  de  col- 
lections la  conservent,  et  j'ai  personnellement 
reçu  plusieurs  lettres  me  demandant  à  quel  prix 
leur  propriétaire  pourrait  s'en  défaire.  Tous  les 
auteurs  qui  s'en  sont  occupés  ont  donné  le  nom 
d'un  ou  plusieurs  possesseurs  de  cette  médaille. 
M.  Pécoul,  savant  et  érudit  comme  un  bénédictin, 
la  trouvait  couramment  au  Campo  di fiori  à  1,50 
quand  il  était  attaché  d'ambassade  à  Rome  au 
moment  du  Concile.  Elle  a  baissé  de  valeur  depuis, 
ainsi  que  le  démontre  l'achat  fait  par  M.  Boyer 
d'Agen. 

Cette  médaille  ne  saurait  remonter  au  Ier  siècle; 
aucun  numismate  un  peu  sérieux,  aucune  aca- 
démie n'a  embrassé  cette  opinion  que  contredit 
aussi  le  fini  de  la  médaille  qui  suppose  des  pro- 
cédés de  frappe  plus  perfectionnés  que  ceux  que 
l'on  possédait  au  Ier  siècle  de  l'ère  chrétienne. 

Cette  médaille  appartient  à  l'époque  de  la  Re- 
naissance où  elle  a  eu  une  grande  diffusion,  et  en 
rapprochant  les  types  de  Christ  se  rapportant  à 
ce  siècle,  il  ne  serait  pas  improbable  que  Léonard 
de  Vinci,  dans  sa  Cène,  eût  fixé  les  traits  du 
Sauveur  que  la  médaille  a  ensuite  interprétés. 

Cette  médaille  devait  probablement  servir  de 
signe, de  fessera,  pour  les  Juifs  convertis  ou  mieux 
encore,  leur  était  donnée  à  leur  conversion  comme 
pour  bien  leur  montrer  que  le  Christ  unissait 
l'ancienne  et  la  nouvelle  loi.  C'était  aussi  un 
moyen  de  propagande  parmi  les  Juifs.  Écrite 
dans  leur  langue  native,  l'inscription  devait  attirer 
leurs  regards,  et  la  douceur  de  l'image  du  Sau- 
veur aurait  touché  leur  cœur.  Aujourd'hui,  après 
une  cérémonie,  on  distribue  souvent  des  médailles 
commémoratives  ;  on  aurait  eu  alors  cet  usage, 
ce  qui  n'a  rien  d'étonnant...  De  plus,  ces  mé- 
dailles ne  se  faisaient  point  seulement  en  bronze, 
mais  en  argent,  témoin  celle  que  je  possède,  et 
on  variait  la  qualité  du  métal  suivant  la  fortune 
de  celui  à  qui  elle  était  destinée. 

Je  pourrais  m'étendre  bien  davantage  sur  une 
question  que  je  n'ai  fait  que  résumer,  mais  le  peu 
qui  vient  d'être  dit  suffit.  Une  étude  plus  consi- 
dérable ne  pourrait  se  dispenser  d'embrasser 
toutes  les  représentations  graphiques  du  Sauveur 
(achérotypes  ou  non), ce  qui  est  au  delà  des  limites 
et  de  la  portée  de  cette  note. 

Albert  Battandier. 


Italie. 


ANS  ma  correspondance  du  mois  de 
juin,  j'ai  annoncé  la  reproduction  du 
tableau  de  Botticelli  vendu  récemment 
par  le  prince  Chigi  ;  malgré  mon  insis- 
tance, je  n'ai  pu  me  procurer  à  Rome  la  photo- 
graphie qui  cependant  était  dans  le  commerce 
quelques  mois  avant  la  vente  ;  il  y  a  là  un  petit 
mystère  qui  n'est  pas  bien  difficile  à  deviner  :  il 
est  probable  que  le  vendeur  et  l'acheteur  ne  veu- 
lent pas  faire  connaître  la  peinture  afin  de 
dépister  les  recherches  dont  elle  est  l'objet. 

Il  semble  résulter  de  l'enquête  ouverte  par  le 
ministre  de  l'instruction  publique  que  le  tableau, 
retouché  dans  certaines  parties,  ne  vaut  pas  les 
300,000  fr.  qu'il  a  été  payé;  qu'en  Italie  on  n'en 
aurait  pas  trouvé  le  tiers  de  cette  somme;  que 
le  tableau  a  été  vraisemblablement  expédié  en 
Angleterre. 

Un  fait  qui  a  été  très  remarqué,  c'est  un  avis 
transmis  récemment  par  le  ministre  des  affaires 
étrangères  aux  ambassadeurs,  les  informant  que 
les  édits  Pacca  étaient  applicables  aux  expédi- 
tions faites  à  l'étranger  sous  le  couvert  diplo- 
matique. 

Il  se  confirme  que  le  ministre  est  décidé  à  faire 
un  procès  au  prince  Chigi.  La  condamnation 
n'est  pas  douteuse  :  elle  ne  fera  sans  doute  pas 
rentrer  à  Rome  la  Madone  et  V Enfant,  mais  elle 
fera  verser  au  trésor,  en  plus  de  l'amende,  une 
somme  de  vingt  et  un  pour  cent  de  la  valeur  de 
l'objet  vendu. 

Les  édits  Pacca,  non  abrogés,  imposent  à  vingt 
pour  cent  de  la  valeur,  le  droit  à  payer  à  la  sortie 
des  États  pontificaux  ;  à  cette  taxe  s'ajoute  celle 
d'un  pour  cent  qui  est  perçue  d'une  façon  générale 
dans  tout  le  royaume. 

Il  n'est  pas  besoin  de  faire  remarquer  que  la 
perception  de  ces  taxes  est  très  difficile,  lorsque 
l'expéditeur  a  négligé  de  faire  une  déclaration. 

Comment,  en  effet,  soumettre  à  la  visite  les 
innombrables  caisses  qui  sortent  chaque  année 
du  territoire  italien  ?  C'est  impossible  dans  un 
pays  où  les  frontières  terrestres  et  maritimes 
sont  découpées  à  l'extrême? 

En  fait  les  poursuites  ne  peuvent  guère  avoir 
lieu  que  lorsqu'il  s'agit  d'un  objet  d'art  connu,  ou 
lorsque  le  hasard  fait   découvrir   la  tentative;  ce 


424 


Betnte  tie  P&rt  chrétien. 


dernier  cas  s'est  présenté,  il  y  a  quelques  années, 
à  Bergame.  De  grandes  fresques  détachées  de 
la  maison  de  Colleone,  le  célèbre  condottiere, 
étaient  emballées  et  en  gare  pour  l'étranger,  lors- 
qu'elles ont  été  saisies,  une  circonstance  fortuite 
ayant  fait  ouvrir  les  caisses.  Gerspach. 


Hnglcterre. 


lia 


croir  artocc^cente  "  De  Godjspi. 
lie  ûe  "WiBljt.  


PART  l'intérêt  qu'offrent  les  églises 
de  l'île  de  Wight  en  ce  qui  concerne 
leur  architecture  et  leur  histoire,  il  y 
en  a  une  qui  mérite  une  place  à  part 
dans  les  colonnes  de  la  Revue  de  l 'Art  chrétien. 
Nous  voulons  faire  allusion  à  une  fresque  du 
Christ  en  croix,  de  l'église  de  Godshill-lez-Vent- 
nor,  île  de  Wight. 

La  croix,  comme  nos  lecteurs  peuvent  voir 
par  l'illustration  que  nous  en  donnons,  forme 
virtuellement  un  arbre,  dont  les  branches  portent 
des  tiges,  sans  qu'il  y  ait  des  feuilles  visibles. 

On  assure  que  la  fresque  se  trouvait  autrefois 
au-dessus  de  l'autel  de  la  chapelle  (dite  de 
St-Etienne),  qui  appartenait  alors  aux  Prieurs 
d'Appuldurcombe  (Dépendance  de  l'abbaye  de 
Moulsbury .donnée  plus  tard  aux  Minorités  «extra 
Aldgate  »,  Londres).  La  charpente  de  la  chapelle 
fut  placée  vers  1450,  et  la  fresque  daterait,  dit-on 
de  cette  époque. 

Au  XVIe  siècle  on  la  badigeonna.  Au  siècle 
suivant,  Sir  John  Oglander  décrivit  la  chapelle 
et  ses  monuments  funéraires  (Brasses),  sans  men- 
tionner la  croix.  Ces  monuments  ont  été  enlevés 
au  temps  de  la  guerre  civile. 

La  découverte  de  la  croix  date  d'il  y  a  environ 
50  ans;  au  lieu  d'employer  un  expert,  on  fit  venir 
le  maçon  du  village,  qui,  à  l'aide  d'une  truelle, 
enleva  le  badigeon.  Apparemment  les  quatre 
banderoles  sortent  des  bouches  des  figures,  — 
probablement  des  anges,  —  qui  aujourd'hui  sont 
entièrement  effacés.  Une  des  inscriptions  est 
lisible,  comme  suit  :  «  Ora  pro  nobis  Jesu  »  ;  les 
trois  autres  sont  indéchiffrables.  La  Sainte  Face 
est  en  partie  effacée  par  le  temps  et  l'enlèvement 
du  badigeon  ;  les  doigts  de  chaque  main  ne  sont 


plus  visibles,  mais  la  chevelure,  la  barbe  et  la 
couronne  d'épines,  comme  aussi  le  corps,  se  dis- 
tinguent plus  ou  moins  nettement. 

L'église  elle-même  est  la  seule  en  forme  de 
croix  qui  existe  dans  l'île  de  Wight.  A  l'exté- 
rieur de  l'un  des  transepts,  au  sommet  du  pignon, 
est  une  cloche,  suspendue  sous  un  petit  baldaquin 
s'élevant  à  quelques  pieds  et  posé  sur  des  con- 
soles. 

On  attribue  la  fondation  de  cette  église  à  l'in- 
tervention divine.  La  fresque  se  trouve  sur  le  mur 
Est  de  la  chapelle,  la  fenêtre  étant  du  côté  Sud. 
Le  dessin  de  M.  Stone,  dans  ses  Architectural 
antiquities  of  the  Isle  of  Wight,  ne  paraît  pas 
tout  à  fait  d'accord  là-dessus. 

La  fresque,  en  hauteur  et  en  largeur,  couvre 
toute  la  muraille,  à  partir  d'une  hauteur  de  4 
pieds  du  sol  actuel  de  la  chapelle. 


* 
*  * 


De  chaque  côté  de  la  fenêtre,  il  y  a  des  traces 
de  décoration  murale,  évidemment  par  le  même 
artiste. 

Par  trois  fois,  dit  la  légende  pittoresque  qui 
s'y  rattache,  la  pierre  principale  a  été  posée  à  un 
autre  endroit  de  la  vallée,  au  pied  de  la  colline 
où  se  trouve  actuellement  l'église.  Pendant  la 
nuit,  la  pierre  aurait  été  transportée  miraculeu- 
sement au  sommet  de  la  colline.  A  la  troisième 
reprise,  il  devint  évident  (toujours  selon  la  lé- 
gende) que  l'église  devait  être  construite  sur  la 
colline  même,  et  non  dans  la  vallée  ;  les  maçons 
renoncèrent  à  leurs  essais  d'édifier  l'église  dans 
l'endroit  de  leur  choix,  et  continuèrent  leur  tra- 
vail sur  le  site  actuel. 

Ce  serait  là  l'origine  de  l'église,  et  celle  du 
nom  du  village  de  Godshill  (Colline  de  Dieu). 


*  * 


A  l'église  de  Shorwell  (île  de  Wight),  il  y  a 
quelques  années,  une  grande  fresque,  à  plusieurs 
sujets, fut  découverte  sous  le  badigeon, mais  celle- 
là  tomba  en  miettes,  étant  exposée  à  l'air.  On  a 
pu  cependant  en  faire  un  dessin  soigné. 

L'ancienne  église  normande  deBonchurch(fau- 
bourg  de  Ventnoi)  contient  aussi  des  restes  de 
fresques. 


Correspondance. 


425 


LE  Conseil  communal  de   Londres   a  décide"  de  for- 
mer un  Comité   pour   traiter    les    affaires   d'art  et 

d'histoire. 

# 
*  # 

Récemment  l'idée  originale  de  décorer  l'intérieur  des 
wagons  du  chemin  de  fer  a  été  suggérée  dans  un  de  nos 
journaux  d'architecture.  Les  illustrations,  qui  accompa- 
gnaient l'article  en  question,  tendent  à  faire  croire  que  l'ar- 
tiste ne  connaît  d'autre  style  que  celui  del'éternel  «  Oueen 
Anne  >.  Ce  genre  de  décoration  remonte  à  l'époque 
où  les  artistes  se  vouaient  au  culte  du  Tournesol,  et 
voulaient  faire  passer  leurs  absurdes  dessins  pour  le 
comble  de  l'élégance  et  de  l'art/  Espérons  qu'on  ne  nous 
infligera  rien  de  semblable  ! 


Nous  avons  annoncé  dernièrement  que  M.  Bodley  avait 
reçu  la  médaille  d'or  de  l'architecture.  Le  Iiuilder  a  pu- 
blié, dans  son  n°  du  Ier  juillet,  le  portrait  de  cet  architecte 
hors  ligne,  et  une  revue  de  ses  plus  remarquables  travaux. 
Le  même  numéro  contient  des  dessins  et  un  plan- côté 
des  restes  importants  d'une  des  rares  abbayes  du  Pays  de 
Galles,  celle  de  Valle  Crucis,  avec  sa  superbe  façade  occi- 
dentale. 

*  * 

La  décoration  de  la  nouvelle  cathédrale  de  Westmin- 
ster est  confiée  au  professeur  Seitz,  de  Rome.  Il  y  aura 
}8  compositions  pour  la  nef,  mesurant  5  mètres  sur  4.  De- 
puis juin  1895,  la  somme  de  £  100,000,  —  soit  2  %  mil- 
lions de  francs,  —  a  été  reçue  pour  subvenir  aux  frais  des 

travaux. 

* 

#  * 

Les  ruines  du  vieux  château  historique  de  Caistor  sont 
mises  en  vente.  Le  château  a  été  construit  par  sir  John 
Fastollf  au  moyen  des  sommes  payées  pour  la  rançon  du 
duc  d'Alençon  à  Azincourt.  Tout  près  de  ce  manoir  se 
trouvaient  aussi  les  restes  d'un  ancien  collège  pour  7  prê- 
tres et  7  prieurs  (bedesmen),  fondé  également  par  Fastollf. 


La  pierre  employée  par  Lord  Grimthorpe,  dans  sa  ré- 
novation destructive  de  l'abbaye  de  St-Alban,  se  détériore 
au  point  que  les  maçonneries  nouvelles  ont  elles  mêmes 
besoin  de  restauration. 


Un  tableau  de  la  Madone  conduisant  par  la  main  l'En- 
fant Jésus,  par  Francesco  di  Giorgio,  faisant  partie  autre- 


fois de  la  collection  Bardini  et  datant  du  XVe  siècle, 
vient  d'être  placé  à  la  Galerie  Nationale. 


A  Bangor,  Galles  du  Nord,  sur  le  site  du  couvent  des 
Dominicains,  on  a  dernièrement  découvert  deux  sarco- 
phages en  pierre  richement  sculptés,  longs  d'environ 
2  mètres  ;  le  plus  beau  étant  d'une  seule  pièce,  orné  de 
fleurs  de  lis  en  haut  relief  et  d'un  écusson  en  forme  de 
cœur  ;  le  second  cercueil  était  en  trois  pièces  qui,  jointes, 
présentaient  comme  décor  une  croix  en  relief. 


Signalons  la  magnifique  conférence  donnée  ces  jours 
derniers  par  sir  \V.  Brampton  Gurdon  sur  «  La  restau- 
ration d'art  destructif  ».  Ses  observations  peuvent  se 
rapporter  au  continent  aussi  bien  qu'à  l'Angleterre  ! 


Les  restaurations. 

L'église  d'Anwick,  Gincs,  le  chœur  deviendra  plus 
long  qu'il  n'était  autrefois,  et  sera  rehaussé  jusqu'à 
l'ancien  niveau  ;  —  la  cathédrale  de  Killaloe,  Irlande,  dont 
on  reconstruira  la  partie  supérieure  de  la  tour  jusqu'à  son 
ancienne  hauteur  ;  —  l'église  de  Llandingatt,  près  Llan- 
dover,  Galles,  dont  la  tour  des  XIIIe  et  XIVe  siècles 
menace  ruine.  La  partie  supérieure  sera  démolie  et  recon- 
struite ensuite,  et  on  y  posera  un  nouveau  toit  ;  il  n'y 
aura  pas  de  pierre  faîtière.  Les  baies  rendues  aveugles  se- 
ront rouvertes  et  toutes  les  anciennes  fenêtres  vitrées  : 
l'église  a  une  toiture  en  pierre  ;  on  l'enlèvera  pour  la  re- 
mettre à  neuf. —  On  restaure  également  l'église  prieurale 
de  Chatteris,  Cambs,  du  XIVe  siècle,  celle  de  Sampford 
Courtenay,  église  d'origine  Normande,  mais  construite  en 
grande  partie  au  XVe  siècle  ;  cette  église  a  une  superbe 
charpente  du  XVe  siècle  et  possédait  une  des  plus  belles 
clôtures  du  Devonshire  (démolie  par  le  recteur  en  1830)  ; 
on  vient  d'en  retrouver  les  pièces  sous  le  plancher, 
et  elle  sera  reconstruite  en  place.  Les  colonnes  de  cette 
église  n'avaient  pas  de  fondations.  Elles  étaient  construites 
sur  le  sol,  et  par  conséquent  sont  maintenant  inclinées  ; 
elles  seront  reconstruites  droites,  pierre  par  pierre,  sur 
des  fondations.  Les  matériaux  des  anciens  bancs  forme- 
ront des  panneaux  le  long  du  mur  intérieur,  et  la  grande 
fenêtre  du  chœur,  qui  n'est  plus  d'aplomb,  sera  recons- 
truite. 

John  A.  Randolph. 


REVUE  DE  L'ART  CHRETIEN. 
189g.    —  5me  LIVRAISON. 


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Excursion  de  la  Gilde  de  Saint-Thomas 
et  de  Saint- Luc  dans  le  Maine,  la  Touraine  et 
l'Anjou.  —  Lundi  4  septembre,  par  une  belle 
matinée,  quittant  la  gare  Montparnasse  dans  des 
wagons  spéciaux,  sous  les  auspices  de  l'agence 
Lubin  et  sous  la  conduite  vaillante  et  dévouée 
du  Comité  organisateur  dont  M.  Joseph  Casier 
est  l'âme,  la  Gilde  partait  pour  la  Touraine.  Elle 
avait  à  sa  tête  son  estimé  président  le  baron 
Bethune  de  Villers,  et  M.  le  chanoine  Delvigne, 
vice-président. 

Superbe,  le  trajet  à  travers  les  riches  environs 
de  Paris  et  la  vaste  agglomération  si  pitto- 
resque de  Point  du  Jour.  Nous  apercevons  Ver- 
sailles, puis  l'Ecole  Saint-Cyr.  Nous  traversons 
les  plaines  fertiles  de  la  Beauce,  et  nous  arrivons 
à  Chartres  par  un  ciel  d'azur  et  une  chaleur 
étouffante. 

Par  une  habileté  de  nos  organisateurs,  nous 
avons  parcouru  Chartres  et  gagné  le  soir  sans 
avoir  pénétré  dans  la  fameuse  cathédrale;  prélu- 
dant par  les  monuments  accessoires  et  par  les 
abords  et  l'extérieur  de  l'incomparable  édifice,  on 
nous  garde  pour  finir  les  grandes  émotions.  Nous 
nous  sommes  complus,  en  attendant,  aux  points 
de  vue  de  cette  ville  accidentée  et  à  la  visite  de 
monuments  de  second  ordre. 

L'église  de  Saint-Agnan  nous  a  intéressés,  avec 
son  large  vaisseau  du  XVIe  siècle,  sa  polychro- 
mie renouvelée  par  M.  Boeswilwald  et  ses  nom- 
breux vitraux  de  la  Renaissance.  Notons  en 
passant  la  ci-devant  église  de  Saint-André,  dont 
jadis  le  sanctuaire  était  porté  sur  l'Eure  par  des 
arches  hardies  et  qui  montre  encore  une  belle 
façade  et  un  élégant  portail  roman,  aux  vous- 
sures toutes  normandes. 

L'église  romane  de  Saint-Brice c\  sa  crypte  re- 
maniée ont  soulevé  des  discussions  archéolo- 
giques. Mais  l'intérêt  de  la  journée  s'est  concentré 
dans  l'ancienne  abbatiale  bénédictine  de  Saint- 
Père  (lisez  St-Pierre).  Elle  offrait  un  chœur  roman 
du  XIe  siècle,  qu'on  démolit  jusqu'au-dessus  des 
grandes  arches  pour  y  greffer  le  haut  mur  au 
XIVe  siècle,  après  avoir  refait  les  nefs  au  XIIIe. 
La  tour  romane  subsiste  tronquée,  ainsi  que  le 
déambulatoire.  Cet  hybride  vaisseau  est  prodi- 
gieusement hardi  et  léger,  surtout  le  chœur,  dont 
le  large  triforium  est  transformé  en  fenestraçes. 
Les  verrières  immenses,  toutes  garnies  de  vitraux 
du  XIIIe  siècle,  produisent  un  effet  magique; 
c'est  une  colossale  lanterne  qu'inonde  une  lumière 
polychrome  encore  bien  harmonieuse,  maigre  les 
ravages  que  le  temps  a  exercés  sur  ses  verrières 


historiées.  A  l'extérieur  s'alignent  des  rangées 
d'arcs-boutants  à  deux  étages,  d'un  effet  étrange 
et  rare.  Notons  l'élégant  amortissement  qu'offre 
près  du  seuil  le  large  chanfrein  qui  ébrase  exté- 
rieurement les  baies,  de  curieux  contreforts  ornés 
de  colonnettes  jumelles  dont  la  hauteur  inégale 
nous  a  mystifiés  et  une  élégante  galerie  exté- 
rieure accédant  à  la  tour. 

Sa  Grandeur  Mgr  Mollien  a  daigné  présider  la 
séance  du  soir,  tenue  en  son  palais  épiscopal,  qui, 
mal  entretenu  par  le  pouvoir  civil,  ne  se   montre 


Fig.  1.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Chartres. 

guère  digne  d'abriter  un  prince  de  l'Église.  Le 
président  baron  Bethune,  rendant  à  Sa  Grandeur 
hommage  au  nom  de  la  Gilde,  a  fort  heureuse- 
ment rappelé  que  Mgr  Mollien,  naguère  évêque 
d'Amiens,  aujourd'hui  successeur  de  saint  Ful- 
bert à  Chartres,  se  trouve  préposé  par  la  Provi- 
dence aux  deux  cathédrales  qui  constituent  les 
chefs-d'œuvre  suprêmes  de  l'art  chrétien. 

La  séance  débuta  selon  l'usage  par  des  rap- 
ports du  secrétaire  et  du  trésorier.  Un  souvenir 
empreint  de  regret  fut  accordé  à  un  excellent 
confrère    décédé,    le    peintre-verrier    Osterrath  ; 


Fig  2.  —  Façade  de  la  cathédrale  de  Chartres. 


428 


débite  ïjc  P&rr  chrétien. 


deux  membres  actifs  furent  proclamés  membres 
d'honneur,  aux  applaudissements  de  l'assemblée, 
Messieurs  les  Ministres  G.  Cooreman  et  baron 
M.  Van  der  Bruggen. 

Après  avoir  fixé  Bruges  comme  le  lieu  de  sa 
prochaine  réunion,  la  Gilde  a  ouvert  ses  discus- 
sions habituelles  sur  les  monuments  visités. 
M.  Cloquet  a  ouvert  le  feu  en  exposant  la  thèse 
toute    récente    de    M.   Lanore,    de    l'École    des 


chartes,  en  vertu  de  laquelle  il  faut  désormais, 
retournant  les  données  admises,  considérer  le 
clocher  vieux  de  la  cathédrale  comme  le  vrai 
clocher  neuf  et  réciproquement.  Chose  curieuse, 
le  clocher  Nord-Ouest  fut  originellement  tout  à 
fait  isolé;  quand  on  allongea  la  nef  on  construisit 
le  second,  qui  a  été  proclamé  avec  raison  le  roi 
de  tous  les  clochers  du  monde;  puis  on  ferma 
l'intervalle  par  le  splendide  portail  de  l'Ouest.  A 


Fig.  5.  —  Vue  à  vol  d'oiseau  de  la  cathédrale  de  Chartres. 


ce  sujet  nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  notre 
dernière  livraison.  Cet  aperçu  obtint  l'adhésion 
de  M.  l'abbé  Clerval,  le  savant  historiographe 
de  la  cathédrale  de  Chartres.  M.  l'abbé  Métais, 
secrétaire  de  l'Evêché  (notre  collaborateur),  fit 
un  intéressant  rapprochement  entre  le  clocher- 
roi  de  Chartres  et  celui  de  Vendôme  (qui  a 
été  également  isolé),  et  M.  le  baron  Bethune  à 
son  tour  compara  les  tours  de  Lincoln  au  clocher 
méridional    de    Chartres.    Le   secrétaire    de    la 


Revue  de  l'Art  chrétien  signale  également  l'in- 
térêt desétudes  de  M.  Lambin,  sur  la  flore  de 
la  cathédrale.  —  Le  président  s'occupa  ensuite 
de  la  classification  chronologique  des  chapi- 
teaux de  la  basilique  de  Saint-Brice,  parmi 
lesquels  on  retrouve  une  corbeille  corinthienne 
en  marbre  blanc,  sans  doute  retirée  de  quelque 
temple  païen,  un  de  ces  oiseaux  caractéristiques 
de  l'époque  mérovingienne  et  de  l'art  des  Goths, 
dont  nous  faisons  mention  ailleurs  à  propos  des 


Cratoauj:  Des  Sociétés  savantes. 


429 


ruines  de  Saint-Maurde  Glanfeuil,  et  de  curieux 
chapiteaux  romans  historiés  et  feuillages.  —  Puis 
la  séance  fut  levée. 

Le  matin  de  la  seconde  journée  (c'est  l'usage 


de  la  Gilde),  est  consacré  au  souvenir  des  con- 
frères défunts,  pour  lesquels  M.  le  chan.  Delvigne 
a  célébré  la  sainte  Messe  aux  pieds  de  Notre- 
Dame  de  Dessous-terre,  dans  le  sanctuaire  sou- 
terrain le  plus  ancien  des  Gaules. 


Fig.  4.  —  Vue  intérieure  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Chartres. 


Avant  de  pénétrer  dans  l'église  haute,  nous 
visitons  la  crypte,  guidés  par  le  savant  abbé 
Clerval,  qui  nous  fait  discerner  les  âges  antiques 
de  ces  vénérables  fondements,  qui  nous  montre 
la  crypte  de  Saint-Lubin  construite  au  Xe  siècle 
et  appuyée  à  un  mur  romain,  ainsi  que  les  beaux 


fragments  de  sculpture,  débris  de  l'ancien  jubé, 
soigneusement  conservés  dans  les  souterrains,  etc. 
Un  coup-d'ceil  est  jeté  sur  le  vaste  chantier 
établi  pour  la  restauration  du  portail  méridional. 
C'est  plutôt  un  remaniement  complet,  qui  com- 
porte le  démontage  et  la  reconstruction.  Que 


43° 


orbite  ïie  V&vt  cbrctten. 


diraient  certains  artistes  gantois  conjurés  contre 
les  plus  respectueuses  restaurations,  devant  cette 
effrayante  entreprise  ?  Disons,  toutefois,  que 
l'ouvrage  se  fait  sous  la  direction  d'un  maître 
consciencieux,  M.  Selmersheim.  Les  savants 
ecclésiastiques  chartrains  qui,  avec  une  profonde 
et  passive  sollicitude,  regardent  faire  les  ouvriers 


du  Gouvernement,  se  montrent  assez  rassurés. 
Ce  sont,  d'ailleurs,  des  hommes  hautement  com- 
pétents, que  MM.  les  abbés  Clerval  (')  et  Métais, 
témoins  leurs  excellentes  publications  archéolo- 
giques, qui  nous  ont  été  d'un  si  grand  secours. 
Nous  voici  enfin  sous  la  majesté  sombre  des 
voûtes  de  Notre-Dame,  les   plus   puissantes   qui 


I  -  La  nef  de  la  cathédrale  de  Chartres 


aient  été  élevées  au  moyen  âge,  et  sous  lesquelles, 
selon  l'expression  de  Bonaparte,  le  mécréant  ne 
doit  pas  se  trouver  à  l'aise.  Elles  évoquent  le 
souvenir  des  sombres  forêts  druidiques  ;  leurs 
nervures  touffues  et  la  frondaison  qui  tapisse  les 
chapiteaux  accentuent  la  ressemblance,  au  point 
que   M.  Lambin    veut  sérieusement  y   voir  une 


imitation  directe  des  mystérieux  bocages  qui 
abritèrent  les  druides  (-).  Nous  foulons  un  sol  ex- 
clusivement dédié  à  la  Vierge,  et  d'où  l'on  a  exclu 
toute  sépulture,même  celle  des  rois  et  des  évêques. 
La  lumière  irisée  qui   pénètre   dans   le  vaisseau 

i.  V.  Chartn  r,  ta  cathidi  ti  .  tei  monuments,  par  A.  Clerval. 

2.  V.  dans  notre  dernière  livraison,  aux  Mélanges.  La  cathédrale 

et  la  I 


Cratoauj:  Des  Sociétés  savantes. 


431 


est  tamisée  par  le  plus  riche  ensemble  de  vitraux 
du  XIIe  et  du  XIIIe  siècle  qui  existe.  Que  c'est 
peu  d'une  matinée,  pour  fouiller  du  regard  cette 
forêt  de  colonnes,  ces  multiples  chapelles,  ces 
nombreuses  verrières, ce  fameux  tour  du  chœur  où, 
durant  un  siècle,  les  imagiers  de  la  Renaissance 
poursuivaient  une  œuvre  relativement  belle  dans 
sa  méritoire  unité  et  prodigieusement  riche,  œuvre 
analysée  par  notre  collaborateur  M.  de  Mély  ; 
pour  voir  le  trésor  et  contempler  en  sa  châsse 
le  voile  de  la  Ste  Vierge;  pour  visiter  la  chapelle 
un  peu  parasite  de  Saint- Fiat,  pour  adresser 
une  prière  à  la  Vierge  Noire  du  pilier;  pour  jeter 
un  coup-d'œil  au  labyrinthe,  un  autre  à  ce  maître- 
autel  abracadabrant,  entièrement  occupé  par  le 
groupe  en  marbre  blanc  de  l'Assomption  de 
Cli.  Bridon  installé  de  telle  manière,  que,  sur  la 
table,  il  n'y  a  plus  place  pour  les  candélabres. 
Pour  mieux  éclairer  cette  sculpture  de  style  mo- 
derne, on  n'a  pas  hésité  à  arracher  de  la  claire- 
voie  du  chœur  quelques-uns  de  ses  splendides 
vitraux  anciens,  et  pour  en  supporter  la  masse 
on  a  remanié  les  voûtes  de  la  crypte  vénérée  de 
Saint-Lubin.O  aberration  d'un  art  dévoyé!  Ajou- 
tons que  le  stucquage  et  les  marbreries  postiches 
ont  altéré  l'".jpect  du  chœur  d'une  façon  navrante. 
Encore  un  coup-d'œil  sur  l'extérieur,  sur  le 
grand  portail,  objet  des  récentes  études  de 
M.  Marignan  dans  le  Le  Moyen  Age,  et  sur  les 
curieux  arcs-boutants  du  chœur,  que  M.  l'abbé 
Métais  a  si  bien  décrits  dans  nos  colonnes;  on 
se  rappelle  les  belles  vues  dessinées  et  photo- 
graphiées qu'il  nous  a  fournies  (I). 

En  deux  heures  le  chemin  de  fer  nous  a  menés 
de  Chartres  au  Mans,  à  travers  de  vastes  pâtu- 
rages desséchés  par  les  ardeurs  excessives  du 
soleil. Nous  avons  tout  d'abord  visité  Notre-Dame 
de  la  Couture,  curieuse  église  du  XIe  siècle,  avec 
crypte;  l'examen  de  la  nef  suscite  tout  un  pro- 
blème.D'après  des  vestiges  à  peu  près  certains,  on 
doit  avoir  transformé  au  XIIe  siècle  les  trois  nefs 
basses  en  un  vaisseau  unique,  analogue  à  ceux  de 
l'Anjou.  Au  XIIIe  siècle  on  éleva  les  deux  tours 
de  façade  restées  inachevées;  d'autres  remanie- 
ments eurent  lieu  au  XIVe  siècle.  Cette  église 
offre  un  portail  fort  remarquable  et  possède  une 
gracieuse  madone,  qui  est  de  Jean  Goujon,  selon 
un  acte  authentique  de  1570.  Au  musée  voisin 
nous  admirons  le  fameux  émail  funéraire  de 
Geoffroy  Plantagenet,  qu'a  publié  Viollet  le  Duc 
dans  son  Mobilier,  et  quelques  tableaux  notables, 
notamment  un  David  et  un  Clouet. 

Inoubliable  séance,  que  celle  que  nous  réser- 
vaient, le  soir,  les  membres  si  aimables  de  la 
Société'  d'archéologie  du  Maine,  en  la  maison  dite 
de  la  Reine  Bérengère.  Une  tradition  populaire  at- 

1.  V.  Revue  de  i 'Art  chrétien,  année  1896,  p.  387. 


tribue  en  effet  à  la  noble  veuve  de  Richard-Cœur- 
de  Lion,  ce  ravissant  logis,  qui  ne  date  que  du 
XVIe  siècle.  Bien  rares  sont  les  habitations  an- 
ciennes aussi  bien  conservées.  Ce  logis  qui,  s'il 
n'abrita  pas  une  reine,  fut  du  moins  la  demeure 
d'un  des  premiers  magistrats  du  Mans,  offrait  au 
rez-de-chaussée  une  seule  pièce,  vaste,  il  est  vrai, 
et  munie  de  deux  grandes  cheminées,  où  vivaient 
en  commun  le  maître  de  cet  hôtel,  sa  famille  et 
ses  sujets,  en  ce  temps  de  mœurs  bien  moins 
compliquées  que  les  nôtres.  Aux  étages,  deux 
chambres  se  commandent  l'une  l'autre;  celles  du 


Fig.  6.—  Détail  de  la  maison  de  la  Reine  Bérengère  (1). 

premier  sont  séparées  par  un  merveilleux  refend 
de  menuiserie  ouvragé,  que  reproduit  notre  fig.  6. 

Un  généreux  habitant  du  Mans,  M.  Singher, 
devenu  propriétaire  de  cet  admirable  immeuble, 
qu'il  sauva  de  la  destruction,  y  a  installé  un  très 
riche  musée  d'archéologie  ;  il  en  a  voulu  faire 
ensuite  le  local  de  la  Société  d'archéologie  du 
Maine.  Pour  faire  place  à  son  riche  trésor,  il  a 
fallu  annexer  la  maison  voisine.  Des  objets  d'art 
ancien  de  premier  choix,  disposés  avec  goût, 
remplissent  toutes  les  chambres,  les  combles, 
les  cours  et  jusqu'aux  souterrains.  Sous  prétexte 
de  quelque  mystérieux  problème  à  élucider,  nous 
fûmes  attirés  dans  les  vastes  caves,  féeriquement 
éclairées  à  l'électricité,  et  qui  n'étaient  point 
seulement  garnies  d'antiquités. 

Parmi  les  objets  d'art  ancien  que  renferme  le 
musée  Singher,  signalons  une  poutre  sculptée  du 
XVe  siècle,  un  beau   «  sépulcre  »,  six  panneaux 

i.    Extrait    du   Tuile  d'architecture,   par   L.    Cloquet,    Paris, 
Kaudry,  1899. 


432 


3&elntc  fie  l'Art  chrétien. 


en  bois  polychrome  figurant  les  Prophètes,  une 
corbeille  de  mariage  en  velours  ciselé  (XVIe  s.), 
une  grande  tapisserie  de  Flandre  du  XVIe  s., 
une  chaise  seigneuriale  du  XVe,  une  chaire  épis- 
copale  du  XVIe,  etc....  Dans  sa  propre  demeure 
M.  Singher  a  réuni  des  objets  d'époques  plus 
récentes,  notamment  des  faïences  et  porcelaines 
de  choix.  Nous  y  avons  admiré  entr'  autres  un 
épi  de  comble  en  faïence  de  toute  beauté,  que 
nous  espérons  voir  publier  parla  Société  archéo- 
logique du  Maine. 

C'est  clans  la  grande  salle  du  bas,  décorée  de 
drapeaux  belges  et  français,  merveilleusement 
appropriée  à  pareille  réunion,  au  milieu  d'une 
foule  d'œuvres  d'art  disposées  avec  goût,  que 
s'est  tenue  une  séance  très  brillante  dont  nous 
garderons  longtemps  le  souvenir.  S.  G.  Mgr 
l'évêque  du  Mans,  empêché,  M.  le  préfet  de  la 
Sarthe,  absent,  avaient  bien  voulu  s'excuser.  Le 
général  commandant  le  4e  corps  d'armée  s'était 
fait  remplacer  par  M.  le  colonel  du  Martray,  chef 
d'état-major,  à  côté  de  qui  avaient  pris  placeM.le 
baron  Bethune  et  le  bureau  de  la  Gilde;  MM.  les 
vicaires  généraux  Geslin  et  Dubois  représen- 
taient Mgr  du  Mans;  étaient  présents  M.  Galpin, 
député  de  la  Sarthe,  M.  le  contre-amiral  Cau- 
lambeaud,  Mgr  de  Durfort,  prélat  de  Sa  Sainteté, 
M.  Auburtin,  président  du  tribunal,  M.  le  vicaire 
général  Albin,  M.  Gentil,  président  de  la  Société 
d'agriculture  etc.,  de  la  Sarthe,  M.  Tournouer, 
président  de  la  Société  historique  de  l'Orme,  le 
comte  de  Bourmont,  secrétaire  général  de  la 
Société  bibliographique,  le  chanoine  Urseau,  le 
comte  Ch.  de  Beaumont,  M.  le  marquis  de  Beau- 
chesne,  d'autres  représentants  des  Sociétés  sa- 
vantes de  la  Touraine,  du  Maine  et  de  l'Anjou. 

M.  Robert  Triger  prit  le  premier  la  parole  au 
nom  de  la  Société  historique  et  archéologique 
du  Maine,  pour  souhaiter  la  bienvenue  aux  mem- 
bres de  la  Gilde,  dans  un  discours  très  applaudi. 
«  Permettez-moi,  dit  M.  Robert  Triger,  tout 
d'abord,  Monsieur  le  président  et  Messieurs  les 
membres  de  la  Gilde  de  Saint-Thomas  et  de 
Saint-Luc,  de  vous  offrir  nos  meilleurs  souhaits 
de  bienvenue,  non  seulement  au  nom  de  la  Société 
historique  et  archéologique  du  Maine  et  de  tous 
nos  confrères  de  la  Sarthe,  mais  aussi  au  nom  de 
l'illustre  veuve  de  Richard  Cœur-de-Lion,  qui  fut 
pendant  vingt-six  ans  dame  du  Mans,  et  qui  y 
est  devenue  de  nos  jours,  par  un  extraordinaire 
concours  de  circonstances, la  protectrice  ou  mieux 
la  très  gracieuse  hôtesse  des  Sociétés  savantes. 

«La  bonne  reinej'en  ai  la  ferme  confiance,  ne 
me  désavouera  pas.  La  part  considérable  qu'elle 
a  prise  à  la  construction  du  magnifique  chœur 
de  notre  cathédrale,  les  encouragements  qu'elle 
a  prodigués  aux  travailleurs  de  tout  ordre,  ses 
charitables  sympathies  pour   les  humbles  et  les 


faibles  témoignent  devant  l'histoire  de  ses  goûts 
artistiques  et  de  ses  sentiments.  Si  elle  était  en- 
core parmi  nous,  elle-même  serait  heureuse  de 
remercier  ce  soir  les  représentants  de  la  noble  et 
intelligente  Belgique,  venus  de  si  loin  étudier  sur 
les  bords  de  la  Sarthe  les  monuments  de  l'art 
français.  » 

M.  Robert  Triger  salue  d'abord  en  M.  le  chef 
d'état-major  du  4e  corps,  le  représentant  de  cette 
armée  dont  les  officiers  sont,  dans  les  colonies, 
les  auxiliaires  si  dévoués  et  les  premiers  pion- 
niers de  la  science  archéologique.  Il  remercie 
particulièrement  M.  le  chef  d'état-major  du 
4e  corps,  de  vouloir  représenter  en  cette  cir- 
constance l'armée  à  laquelle,  dit-il,  «  nous  avons 
tous  voué  un  si  respectueux  et  si  inébranlable 
attachement  ».  —  «  De  tout  temps,  Messieurs, 
ajoute-t-il,  l'étude  de  l'histoire  a  été  une  grande 
école  de  patriotisme,  car  c'est  à  l'armée  que 
notre  histoire  nationale  doit  ses  plus  belles 
pages.  » 

L'orateur  rappelle  que,  sans  posséder  des  mo- 
numents aussi  nombreux  que  certaines  cités 
belges,  la  ville  du  Mans  est  intéressante  pour 
l'archéologue,  en  ce  qu'elle  a,  suivant  le  mot  d'un 
auteur,  l'avantage  de  présenter  les  éléments  d'un 
cours  complet  d'archéologie.  Toutes  les  civilisa- 
tions y  ont  laissé  leurs  traces  depuis  18  siècles  : 
les  Gaulois,  les  Romains,  l'époque  romane  à 
l'église  du  Pré  et  dans  la  nef  de  la  cathédrale,  le 
XIIIe  siècle  dans  le  chœur  de  la  cathédrale,  le 
XIVesiècle  au  portail  de  la  Couture,  le  XVe  au 
transept  Nord  de  la  cathédrale,  la  Renaissance  en 
quelques  maisons  et  notamment  à  celle  de  la  reine 
Bérengère,  le  XVIIIe  siècle  à  la  Visitation. 

L'orateur  a  rendu  un  bel  hommage  à  l'un  des 
plus  éminents  historiens  de  la  Belgique,  M.  Go- 
defroid  Kurth,  professeur  à  l'Université  de  Liège, 
membre  de  la  Gilde,  et  de  l'Académie  royale  de 
Bruxelles,  qui,  dans  un  récent  ouvrage  sur  Clovis, 
a  élucidé  un  point  curieux  de  l'histoire  du  Mans 
au  Ve  siècle;  puis  il  a  évoqué  le  souvenir  des 
temps  mérovingiens,  où  Belges  et  Français  ne 
formaient  qu'un  seul  peuple  de  même  race,  et  il 
a  salué  dans  ses  hôtes,  non  plus  des  savants 
étrangers,  mais  des  amis  de  même  sang,  de  vieux 
compagnons  d'armes  de  Tolbiac,  leur  exprimant 
toutes  ses  sympathies  pour  le  vaillant  royaume 
de  Belgique,  si  utile  à  l'Europe  contemporaine. 

M.  le  baron  Bethune,  président  de  la  Gilde,  a 
remercié  la  Société  archéologique  du  Maine  de 
son  accueil. 

«  Nous  voyageons  beaucoup,  dit-il,  et  au  cours 
de  nos  excursions  nous  avons  eu  plus  d'une  fois 
la  bonne  fortune  de  trouver  des  réceptions  ou 
charmantes  ou  magnifiques.  Nous  avons  eu 
l'honneur  d'être  reçus  par  le  Lord-Maire  de  Lon- 
dres, qui  était  membre  de  notre  modeste  Société, 


Cratoaujc  &es  Sociétés  aatoanteg. 


433 


dans  son  splendide  palais,  à  sa  table  où  viennent 
s'asseoir  les  souverains  et  les  plus  puissants  du 
jour.  Mais  jamais,  de  mémoire  de  «  Gildman  », 
nous  n'avons  reçu  une  hospitalité  plus  aimable, 
plus  cordiale,  dans  un  cadre  si  bien  approprié  à 
nos  goûts  et  à  nos  travaux. 

«  Cette  maison  de  la  reine  Bérengère  évoque, 
dès  qu'on  y  pénètre,  le  souvenir  des  troubadours, 
des  trouvères  du  moyen  âge.  Chez  nous,  les 
troubadours  s'appellent  des  «  singers  »,  et  voyez 
comme  tout  change  avec  le  temps  :  jadis,  le 
«  singer  »  sollicitait  l'hospitalité  des  châtelains; 
aujourd'hui,  c'est  le  Singer  qui  nous  reçoit.  Et 
c'est  à  lui  tout  d'abord  que  je  dois  dire  :  Merci, 
du  fond  du  cœur,  au  nom  de  la  Gilde,  merci  de 
la  charmante  hospitalité  que  vous  voulez  bien 
nous  accorder  dans  cette  maison,  dont  votre  goût 
exquis  a  su  faire  un  véritable  palais.  » 

M.  le  baron  Bethune  remercie  chaleureusement 
le  sympathique  et  savant  vice-président  de  la 
Société  archéologique  du  Maine,  M.  Robert  Triger, 
1'éminent  et  infatigable  archéologue  qui  honore 
sa  ville  natale  autant  qu'il  l'aime,  et  qui  a  orga- 
nisé cette  charmante  réception.  —  Il  remercie 
aussi  M.  le  chef  d'état-major  du  4e  corps  d'avoir 
honoré  de  sa  présence  cette  fête  de  famille. 

«Vous  nous  avez  apporté,  au  nom  de  l'armée, 
dit-il,  le  salut  de  l'épée;  nous,  Belges,  nous  vous 
devons  le  salut  au  drapeau.  Au  nom  des  patriotes 
belges,  je  la  salue  respectueusement,  cette  épée 
de  la  France,  l'épée  de  Jeanne  d'Arc,  l'épée  de 
Duguesclin,  cette  épée,  symbole  de  vaillance, 
symbole  de  générosité  chevaleresque,  qui  a  fait 
la  France  grande  et  forte.  » 

M.  le  baron  Bethune  rappelle  à  son  tour  les 
souvenirs  historiques  qui  unissent  la  Belgique  et 
la  France. 

Clovis  est  né  à  Tournai,  qui  garde  aussi  le 
tombeau  de  Childéric.  La  Belgique  a  donné  au 
Mans  plusieurs  de  ses  évêques,  entre  autres 
Pierre  et  Henri  de  Luxembourg.  Guillaume  Fil- 
lastre  fut  évêque  du  Mans  après  avoir  été  évêque 
de  Tournai.  S'il  figure  dans  vos  vitraux,  il  a  laissé 
à  Tournai  une  chape  superbe  à  ses  armoiries. 
Mais  sans  chercher  si  loin,  les  Belges  n'oublieront 
jamais,  par  exemple,  l'intervention  du  maréchal 
Gérard,  qui,  en  1831,  travailla  à  consolider  leur 
indépendance  nationale.  Et,  dit  l'orateur,  tout 
récemment  encoie,  dans  des  pays  lointains,  un 
de  vos  compatriotes,  pour  accomplir  son  héroïque 
campagne,  eut  sous  ses  ordres  en  même  temps 
que  des  Français,  des  Belges  heureux  de  se 
dévouer  avec  lui  à  la  cause  de  la  civilisation. 

En  l'absence  de  M.  le  député,  maire  du  Mans, 
et  des  adjoints,  qui  avaient  bien  voulu  faire  par- 
venir l'expression  de  leurs  regrets,  M.  le  député 
Galpin  s'est  fait  alors  l'interprète  des  habitants 
de  la  Sarthe,  pour  assurer  les  membres  de  la 


Gilde  et  leur  très  distingué  président,  député  de 
la  Flandre  orientale,  du  plaisir  que  leur  visite 
causait  à  tous.  En  terminant,  il  a  comparé  avec 
beaucoup  d'à-propos  les  monuments  du  Mans  et 
ceux  de  Bruges. 

La  soirée  s'est  achevée  par  la  visite  des  riches 
collections  de  la  maison  de  la  reine  Bérengère, 
dont  M.  Adolphe  Singher,  fort  bien  secondé  par 
M.  Gustave  Singher,  fit  les  honneurs  à  ses  hôtes 
avec  la  plus  parfaite  bonne  grâce,  et  par  l'ex- 
ploration des  souterrains  où  les  attendait  une 
agréable  surprise. 

On  n'est  pas  bien  d'accord,  avait  dit  M.  Robert 
Triger,  sur  le  but  de  ces  souterrains.  Les  uns 
y  veulent  voir  de  noirs  cachots  où  l'on  en- 
fermait des  prisonniers  ;  d'autres  prétendent 
qu'ils  servaient  simplement  de  caves  au  proprié- 
taire de  la  maison.  M.  Singher  croit  avoir  trouvé 
une    autre    solution    à  cette  grave  controverse. 


Fig.  7.  —  Plan  de  la  cathédrale  du  Mans 

Dans  les  souterrains,  en  effet,  éclairés  à  pro- 
fusion, était  dressé  un  magnifique  buffet,  où  des 
serviteurs,  en  costume  du  temps,  versaient  le 
Champagne  à  flots.  La  solution  de  M.  Singher  a 
rallié  tous  les  suffrages. 

Si  notre  plus  grande  impression  a  été  de  péné- 
trer sous  les  voûtes  de  Chartres,  notre  plus  agréa- 
ble surprise,  du  moins  pour  les  nouveaux  venus  au 
Maine,  a  été  de  contempler,  tant  au  dehors  qu'à 
l'intérieur,  l'incomparable  chevet  de  la  cathédrale 
du  Mans.Autant  le  chœur  de  Chartresest  massif  et 


REVUE    DE   LAKT   CHRETIEN. 
1899.    —   5me    LIVRAISON 


434 


3&ebuc  tic  P9rt  cbréttcn. 


puissant,  dans  ses  membres  de  géant,  autant  celui 
du  Mans  est  svelte  et  léger,  avec  ses  nombreux 
et  légers  arcs-boutants  à  plusieurs  étages  et  à 
plusieurs  travées,  se  bifurquant  vers  le  dehors, 
pour  prendre  appui  à  la  fois  sur  les  murs  de  deux 
absides  voisines  et  non  soudées. 

Par  une  géniale  conception,  l'architecte  a 
modifié  l'ordonnance  typique  des  chapelles 
rayonnantes  ;  il  les  a  séparées  de  manière  à 
intercaler  entre  elles  des  fenêtres  éclairant  le 
collatéral  du  chœur,  lequel  collatéral  est  ici 
doublé,  ce  qui  a  permis  de  donner  aux  chapelles 
une  profondeur  considérable  et  insolite.  On  peut 
reprocher  seulement   à  ce  collatéral  l'étroitesse 


des  travées,  sensible  dans  les  voûtes  contiguës 
au  chœur.  A  cette  originale  disposition  se  lient 
d'autres  particularités,  notamment  l'introduction 
d'un  triforium  du  collatéral,  et  cet  étagement 
prestigieux  de  l'intérieur  des  nefs  successives  qui 
se  rencontre  à  Bourges  comme  ici.  Ajoutez  que 
la  plus  admirable  série  de  vitraux  anciens,  relati- 
vement bien  conservés,  habilement  restaurés  et 
d'une  étonnante  transparence,  ajoute  à  ce  chevet 
superbe  leur  éblouissante  coloration.  Rien  ne 
peut  se  concevoir  de  plus  radieux  que  le  spectacle 
dont  on  jouit  quand  on  se  trouve  au  pied  de 
l'autel,  et  que,  de  toutes  les  absidioles,  de  toutes 
les  fenêtres  intercalaires,  de  tous  les  entre-colon- 


Fig.  8.  —  Vue  extérieure  de  la  cathédrale  du  Mans. 


nements,  de  tous  les  étages,  on  voit  converger  ces 
irradiations  colorées  et  se  développer  ces  perspec- 
tives féeriques. 

Si  le  chœur  est  prestigieux  dans  sa  structure, 
les  nefs  sont  admirables  aussi  dans  leur  élégance 
plus  massive.  Si  elles  n'étaient  écrasées  par  la 
magnificence  du  chœur,  elles  seraient  admirées  à 
l'égal  des  plus  purs  morceaux  d'architecture  qui 
•existent. 

A  la  séance  tenue  le  soir,  on  n'a  pas  manqué 
de  faire  ressortir  les  curieuses  analogies  qui  unis- 
sent le  chevet  du  Mans  aux  cathédrales  de  Bour- 
ges, de  Cologne,  de  Beverley,  de  Lincoln,  et  aux 
églises  normandes.  On  a  aussi  étudié  les  curieux 


remaniements  jadis  opérés  dans  la  nef  romane  (Ij. 

Le  temps  nous  manque  pour  parler  des  gra- 
cieuses maisons  de  la  Renaissance  qui  sont  un 
des  charmes  des  rues  du  Mans,  l'hôtel  du  Graba- 
toire  (infirmerie  des  chanoines, construite  de  1532 
à  1542)  les  maisons  des  Morets,  du  Pèlerin  de 
Scarron,  d'Adam,  etc.,  sans  parler  de  celle  déjà 
citée,  qui  porte  obstinément  le  nom  de  la  reine 
Bérengère. 

Mais  nous  ne  pouvons  manquer  de  signaler  les 
richesses  du  Musée  archéologique,  où  l'on  trouve 
une  imposante  rangée  de  ces  gisants  en  pierre 
du  moyen  Age,  évoquant  l'idée  des  fameux  Che- 

1    V.  l'excellente  monographie  de  M.  l'abbé  Ledru. 


Œratoauj:  des  Sociétés  savantes. 


435 


valiers  en  bronze  qu'on  admire  au  Temple  à 
Londres,  notamment  la  statue  couchée  d'un 
vicomte  de  Beaumont  du  XIIIe  siècle  ;  le  très 
remarquable  dessin  original  du  jubé,  malheureu- 
sement disparu,  de  la  cathédrale  ;  les  superbes 
collections  de  faïences  régionales;  les  nombreux 
sceaux,  les  poteries  romaines  et  anciennes  remar- 
quables, etc.  Mais  hélas  !  quelle  triste  hospitalité 
est  donnée  à  ces  objets  riches  et  précieux,  dans 
les  caves  d'un  théâtre  !  C'est  un  entassement  de 
magasin,  une  confusion  de  bric-à-brac,  en  dépit 
des  dispositions  prises  par  le  conservateur,  M. 
Hucher,  pour  y  établir  un  ordre  relatif. 

La  Gilde,  partie  du  Mans,  s'est  arrêtée  à  Sablé, 
a  gagné  la  Sarthe  en  voiture,  a  passé  la  rivière  en 
ponton,  et  s'est  arrêtée  à  Solesmes  devant  une 
grandiose  bâtisse  néo-romane,  qui  s'est  élevée 
depuis  à  peine  deux  ans  à  côté  du  monastère 
illustré  par  la  présence  de  Dom  Guéranger  et 
de  E.  Cartier,  et  aussi  par  la  grotesque  équipée  de 
l'armée  française,  chargée  naguère  d'y  remplacer 
les  moines  expulsés, tandis  que  ceux-ci  se  tenaient 
en  cantonnement  dans  le  village.  Maintenant 
l'ancien  monastère  fait  maigre  figure  à  côté  de 
la  nouvelle  abbaye,  le  Maredsous  de  France. 

Il  n'y  a  encore  qu'une  aile,  mais  elle  est  ma- 
jestueuse, dans  son  rude  et  vigoureux  appareil, 
avec  ses  nombreux  étages  percés  de  fenêtres  un 
peu  petites  et  d'une  irrégularité  affectée  ;  peut- 
être,  telle  qu'elle  se  présente  actuellement,  a-t- 
elle  une  physionomie  un  peu  plus  féodale  que 
monacale  ;  mais  quand  l'abbaye  sera  terminée, 
elle  pourra  être  comparée  aux  grands  monastères 
du  moyen  âge.  Le  réfectoire  notamment,  par  ses 
proportions  grandioses,  fait  penser  aux  fameuses 
salles  du  Mont-Saint-Michel.  On  ne  peut  dire 
que  le  style  en  soit  très  pur,  ni  que  les  origi- 
nalités qui  la  distinguent  soient  toutes  plausibles, 
surtout  certaine  affectation  d'irrégularité  et  de 
pittoresque  artificiel  et  cette  idée  étrange,  en 
révolte  contre  les  principes  les  mieux  établis  de 
l'art  décoratif,  d'user  des  artifices  de  la  perspec- 
tive, non  seulement  dans  la  peinture  murale,  mais 
même  encore  dans  le  relief  architectonique  comme 
celui  des  arcades  construites  qui  encadrent  les 
panneaux  réservés  aux  fresques. 

Néanmoins,  cette  construction  colossale,  à  la- 
quelle ont  consacré  leur  talent  primesautier 
deux  artistes,  le  R.  P.  bénédictin  Dom  Merlet  et 
son  frère  M.  Merlet,  architecte  à  Rennes,  con- 
stitue incontestablement  un  monument  de  grande 
allure,  une  œuvre  grandement  conçue.  Les  hum- 
bles moines  de  Solesmes  empilent  les  blocs 
énormes  dans  des  murs  cyclopéens,  bandent  des 
voûtes  gigantesques,  dressent  des  tours  altières 
pareilles  à  des  donjons,  comme  en  se  jouant  et  de 
la  matière  et  des  difficultés  de  l'art  et  du  prix  de  la 


main-d'œuvre.  Ils  font  revivre  les  formes  les  plus 
archaïques  et  les  plus  robustes  (presque  suran- 
nées) du  roman  primitif  en  même  temps  qu'ils 
utilisent  les  procédés  les  plus  modernes,  tels  que 
ceux  du  ciment  armé  et  de  la  charpenterie 
d'acier.  Ils  sont  véritablement  étonnants  ! 

L'abbaye  doit  se  développer  autour  d'un  très 
grand  cloître,  accolé  à  une  église  de  style  roman- 
normand  ;  un  plus  petit  cloître  sera  annexé  au 
premier  et  sera  adjacent  à  l'église  de  l'ancienne 
abbaye  de  Saint-Pierre,  où  l'on  admire  actuelle- 
ment les  fameux  «Saints  de  Solesmes  ». 

Ce  serait  répéter  des  choses  connues  de  tous, 
que  de  redire  la  valeur  artistique  du  sépulcre  de 
Solesmes,  de  la  dormition  et  de  la  pâmoison  de 
la  Vierge,  et  de  ces  savoureux  morceaux  que 
l'on  vient  y  contempler,  et  qui  ont  été  attri- 
bués à  maints  auteurs  différents,  à  Floris  d'An- 
vers, par  feu  Cartier,  appuyé  naguère  dans  nos 
colonnes  par  M.  B.  de  V.  (');  à  Lîgier  Richier, 
par  M.  le  chan.  Soubaut,  chaudement  soutenu  par 
M.  le  chanoine  Didiot  (2)  ;  à  Michel  Colomb, 
Jean  des  Marais  et  Jean  Giffard,  pour  une  partie, 
par  feu  L.  Palustre  (3).  M.  E.  Mùntz  a  montré 
l'influence  italienne  visible  dans  ces  sculptures, 
et  Dom  de  la  Tremblaye  (4),  auquel  l'on  doit  la 
belle  monographie  de  ces  chefs-d'œuvre,  résume 
leur  caractère  en  disant  :  l'art  qui  y  règne  est 
italien,  le  ciseau  qui  traduit  est  français.  Il  sera 
bien  intéressant  d'entendre  là-dessus,  ou  plutôt  de 
lire  dans  le  Bulletin  de  la  Gilde  de  Saint-Thomas 
et  de  Saint-Luc,  l'opinion  de  nos  confrères  les 
plus  compétents. 

Intéressant  à  d'autres  égards  est  le  monastère, 
tout  voisin,  des  Sœurs  Bénédictines,  consacré 
à  sainte  Cécile.  Il  est  déjà  plein  de  souvenirs 
pour  plusieurs  d'entre  nous,  notamment  pour  le 
confrère  J.  P.  et  pour  notre  dévoué  et  charmant 
trésorier.  Les  noms  belges  des  Casier,  des  de 
Hemptinne,  des  Desclée,  etc.,  sont  ici  familiers 
et  vénérés. 

Le  monastère  de  Sainte-Cécile  est  bâti  en  style 
^"thique  un  peu  moderne  et  très  peu  monacal 
avec  la  belle  pierre  blanche  de  la  Sarthe.  L'éelise 
offre  un  transept  dont  1  un  des  croisillons  est 
occupé  par  le  chœur  des  moniales  et  un  chœur 
avec  triforium  ajouré  servant  de  fenestrelles  ; 
l'infirmerie  et  les  orgues  sont  remarquables.  On 
sait  avec  quelle  perfection  le  chant  liturgique 
est  interprété  par  les  Bénédictines  aussi  bien  que 
par  leurs  voisins,  les  frères  de  Dom  Pottier. 

L'église  paroissiale  est  une  simple  nef  ro- 
mane, décorée  de  bonnes  peintures  murales  et 
d'excellents  vitraux. 

i.   V.  Revue  de  l  Art  chrétien,  1885,  p.  103. 

2.  V.  Ibid.,  année  1895,  p.  511. 

3.  V.  Ibid.,  année  1887,  p.  508. 

4.  Revue  de  t  Art  chrétien,  année  1894,  p.  341. 


436 


débite  lie  r&rr  chrétien. 


Avant  de  quitter  Sablé,  la  Gilde  fut  reçue  de 
la  manière  la  plus  gracieuse,  par  Madame  la 
duchesse  de  Chevreuse,  en  son  magnifique  châ- 
teau. Cette  résidence  princière  a  été  élevée  en 
style  Louis  XI V  à  remplacement  d'un  important 
château-fort,  dont  il  ne  reste  que  l'enceinte.  En- 
touré d'un  parc  très  remarquable,  il  se  dresse  sur 
la  hauteur  dominant  la  vallée  de  la  Sarthe  et  une 
riante  agglomération.  La  duchesse  est  un  écri- 
vain et  une  artiste  dont  nous  avons  admiré  les 
œuvres  picturales,  et  apprécié  l'exquise  amabilité. 

La  cinquième  journée  de  l'excursion  s'est 
passée  dans  la  belle  ville  d'Angers,  sous  la  con- 
duite de  notre  excellent  et  ancien  collaborateur, 
digne  émule  de  MM.  Singher  et  Triger  au  Mans, 
M.  L.  de  Farcy. 

M.  de  Farcy  s'est  fait  depuis  longtemps  l'histo- 
riographe de  la  cathédrale  d'Angers  ;  nos  lecteurs 
se  rappelleront  l'article  consacré  dans  notre 
Revue  (*)  par  M.  F.  de  Mély  à  ses  travaux.  Il  a, 
dans  des  opuscules  divers,  étudié  les  clochers,  la 
sonnerie  et  les  cloches,  le  porche,  les  orgues,  les 
autels,  les  tombeaux  des  évêques,  l'ancien  trésor 
et  surtout  les  tentures,  tapisseries  et  broderies  de 
la  cathédrale.  C'est,  comme  le  disait  M.  de  Mély, 
une  monographie,  chapitre  par  chapitre,  de  cette 
curieuse  cathédrale.  On  se  rappellera  qu'il  a 
donné  dans  nos  colonnes  des  études  importantes 
sur  les  très  remarquables  tapisseries  de  l'Apoca- 
lypse (2)  et  sur  les  autres  tapisseries  et  broderies 
de  Saint-Maurice  d'Angers  (3). 

Par  une  charmante  attention  d'archéologue, 
il  avait  couvert  tous  les  murs  de  la  salle  du 
Grand  Hôtel  réservée  à  nos  séances  d'une  su- 
perbe collection  de  tapisseries  et  de  broderies 
anciennes,  sorties  de  son  propre  cabinet  ou  du 
trésor  de  la  cathédrale.  L'auteur  si  connu  du 
meilleur  ouvrage  existant  sur  la  broderie  an- 
cienne (4),  nous  a  fait  connaître,  avec  la  compé- 
tence qui  lui  appartient,  tout  l'intérêt  des  plus 
remarquables  morceaux  de  cette  exhibition. 
Ajoutons  que  nous  avons  rencontré  également 
des  guides  savants  autant  qu'aimables  en  M.  le 
chanoine  Urseau  et  en  M.  G.  d'Épinay. 

La  Gilde  a  commencé  par  visiter  ce  joyau  du 
style  François  Ier, que  l'on  appelle  l'Hôtel  Pincé, 
si  merveilleusement  pittoresque  et  si  joliment 
restauré  par  M.  Lucien  Magne  ;  il  faut  toutefois 
regretter  vivement,  que  l'on  ait  modernisé  le 
pignon  regardant  l'entrée  de  la  cour.  C'est  à  l'un 
des  avant-corps  de  cet  hôtel,  que  l'on  voit  cet 
exemple  classique  de  trompe  saillante  sur  l'angle, 

i.  Y.  Revue  de  t Art  chrétien,  année  1887,  p.  233. 

2.  Ibid.,  année  1890,. p.  155  ;  1891,  p.  138. 

3.  Ibid.,  année  1887,  p.  273. 

i. ,  année  1892,  p.  343. 


On  y  voit  aussi  de  délicieuses  niches  renaissance 
et  la  voûte  plate  qui  couvre  la  grande  vis  est  un 
petit  chef-d'œuvre. 

Outre  des  objets  d'art  nombreux,  on  y  re- 
marque une  collection  de  dessins  de  quelques 
maîtres  en  architecture  inoderne  :  le  relevé  de 
l'église  de  Vézelay  par  Degeorges,  celui  de 
l'église  de  Monréale,  par  J.  L.  Duc,  le  grand 
sphinx  de  Gizeh,  par  Loriot,  le  monument  de 
Gambetta,  par  Sauvageot,  l'église  Saint-Bernard 
de  Paris,  le  projet  de  Parlement  de  Saint-Cloud, 
le  théâtre  d'Angers  par  J.  Magne,  la  fontaine  des 
Jacobins  et  le  projet  du  théâtre  des  Jacobins  à 
Lyon  par  G.  A.  André,  etc.  L'hôtel  renferme  en 
outre  la  collection  laissée  par  Lancelot  Théodore 
comte  de  Turpin  (>J<  1859). 

L'hôtel  Barrau,  qui  nous  est  montré  ensuite, 
offre  de  piquantes  originalités  architecturales, 
notamment  des  encorbellements  en  forme  de 
demi-flèches  renversées  et  une  galerie  curieuse- 
ment voûtée.  L'architecte,  pour  une  raison  ou 
pour  une  autre,  s'est  trouvé  dans  le  cas  d'écarter 
beaucoup  les  piles  extérieures  de  celle-ci,  sur 
lesquelles  il  a  appuyé  des  arcades  surbaissées, 
selon  la  mode  du  XVIe  siècle.  Il  n'a  pas  voulu 
néanmoins  se  priver,  du  côté  du  mur,  d'appuis 
aisés  à  prendre,  et  il  a  établi  deux  retombées  par 


c  c 

Fig-  9.  —  Plan  des  voûtes  de  la  galerie  de  1*  hôtel  Barau  à  Angers. 

travée,  une  au  droit  des  piles,  A,  et  une  entre  les 
deux  B.  Il  a  ensuite  décomposé  le  comparti- 
ment carré  en  trois  triangles,  couverts  par  trois 
voûtes  d'arête  à  triples  voûtains. 

L'hôtel  Barrau  renferme  d'importantes  collec- 
tions d'histoire  naturelle,  de  peinture  et  de  sculp- 
ture ;  on  peut  y  voir  notamment  une  bonne  par- 
tie de  l'œuvre  de  David  d'Angers. 

Angers  possédait  au  moyen  âge  un  magnifique 
hôpital.  A  cette  époque  les  locaux  qui  servaient 
à  loger  les  malades  étaient  généralement  de  très 
vastes  salles,  où  l'air,  l'espace  et  la  lumière  étaient 


Cratoauj;  Des  Sociétés  savantes. 


437 


largement  distribués.  Au  lieu  d'une  série  de  ces 
pavillons  isolés  dans  lesquels  les  malades  sont 
aujourd'hui  distribués  par  catégories,  une  seule 
salle  les  réunissait,  abritée  ordinairement  sous 
une  grande  voûte  en  berceau  lambrissée.  Chose 
curieuse,  cette  forme  de  la  superstruction  des 
salles  d'hôpitaux  gothiques  semble  être  le  dernier 


EGLISE  de  ia  TRINITE 


LEGENDE 

I.    crande  ne/  de  l^lut  du  Rancerar 

2    Pr'ile  ne) 

j    p.,,1,  nef  iransionr.ee  en  cloiire  au  XVW  siècle 

J  -      >5M_ve 

S.  Transepl  du  clocher  mamlenjnt  en  ruines 

6     Transept   ou  est  installer  U  Imgene  de  I  Seule  des  Arl* 

,u  dessous  desquelles  son!  les  trois  chapelles  «la 
Crypte  de  N  D  du  etoneeray     fi-ABslde  la  plus  rapprochée 
e  de  u,  Thmle  est  mamienan!  une  chapelle  de  celle 
église  ) 
U.  ksur  enlrc  teglese  &  la  rue  de  la  Censene 

9  Portes  s  entrer  de  ieqlise  donnanl  sur  la  rue 

10  Perles  .enlree  donnanl  sur  le  ctoilre 
■    . a  Tnnjlo 

12.  Escalier  donnanl  aeeas  a  la  Cr/ple 
13    Perler,  .enlree  de  lEolise  doia  Thnile 

..  la  Tnntlé 
15,  'antrejorti  de  (Eglise  primitive  de  LrTnnite 


Fig.  10.  —  Plan  des  deux  églises  du  Ronceray  a  Angers. 

mot  de  la  science  moderne;  préconisée  en  France 
par  M.  Tollet,  elle  a  prévalu  aux  hôpitaux  ré- 
cents du  Mans,  du  Havre,  etc. 

Les  plus  importantes  des  salles  de  malades 
anciennes  parvenues  jusqu'à  nous  sont  celles  de 
la  Biloque  à  Gand,  de  Lubeck,  de  Clermont- 
Tonnerre,  de  Tournai  (récemment  démolie)  et 
celle  de  l'hôpital  de  Saint-Jean  d'Angers.  Cette 
dernière,  à  trois  nefs  couvertes  par  24  voûtes 
hautes  de  12m. sous  clé.est  désaffectée  et  devenue 
un  musée.  Si  nous  avons  dû  déplorer  l'indigence 
du  local  affecté  aux  collections  du  Mans,  il  faut 
reconnaître  que  celles  d'Angers  sont  superbement 
logées;  elles  le  méritent  d'ailleurs.  Le  conser- 
vateur du  Musée  Saint-Jean,  M.  Michel,  nous  a 
fait  avec  beaucoup  d'amabilité  les  honneurs  de 
son  trésor,  dont  le  catalogue  a  été  rédigé  d'une 
manière  remarquable  par  M.  V.  Godard-Faultrier 
d'Angers. 

Pour  en  finir  avec  les  monuments  profanes, 
civils  et  religieux,  citons  l'immense,  le  colossal 
château-fort  du  XIIIe  siècle,  qui  domine  la 
Maine  de  ses  dix-huit  tours  formidables,  du  haut 
desquelles  on  jouit  d'une  vue  superbe. 


Les  monuments  religieux  d'Angers,  fort  re- 
marquables, représentent  pour  nous  un  style  sin- 
gulièrement intéressant,  parce  que  tout  nouveau. 
Ce  sont  d'abord,  dans  l'ordre  chronologique,  les 
deux  églises  du  Ronceray,  l'abbatiale  et  la  parois- 
siale. La  première,  consacrée  en  1028,  occupée  par 
les  locaux  de  l'École  des  arts  et  métiers,  est  un 
type  du  roman  tout  primitif,  avec  sa  grande  nef 
voûtée  en  berceau.  «  C'est,  dit  M.  d'Epinay,  une 
des  constructions  les  plus  complètes  et  les  plus 
remarquables  que  possède  l'Anjou.  »  Nous  re- 
produisons (fig.  10),  le  plan  de  l'abbaye  d'après  la 
monographie  anonyme  de  Notre-Dame  de  Ron- 
ceray, éditée  par  la  maison  Lecoq. 

Au-dessus  de  la  porte  principale  de  l'abbatiale, 
l'appareil  en  fougères  et  l'appareil  hexagonal 
sont  figurés  par  de  faux-joints  marqués  en  rouge, 
curieux  reste  d'une  tradition  latine. 

La  tour  s'élève  sur  le  transept  droit,  les  ab- 
sides sont  ornées  à  l'extérieur  de  colonnes  appli- 
quées, et  construites  en  opus  reticulatum  à  l'instar 
des  maçonneries  romaines  (T);  le  berceau  de  la 
grande  nef  est  brisé  et  muni  de  doubleaux  en  fer  à 
cheval  ;  les  nefs  latérales  ont  des  berceaux  perpen- 
diculaires au  grand  axe  de  l'église  ;  autant  de  traits 
rares  d'une  architecture  vraiment  antique.  Les 
chapiteaux  historiés  sont  des  plus  curieux  ;  l'un 
d'eux  représente  un  saint  avec  un  oiseau  posé 
près  de  son  oreille.  Les  personnages  en  fonction 
de  cariatide  soutenant  des  volutes  se  retrouvent 
dans  l'Évangéliairede  Saint-Médard  de  Soissons 
(XIe  s.)  (2).  La  crypte  offre  des  voûtes  mul- 
tiples portées  par  32  colonnes  aux  chapiteaux 
très  ornés.  La  chapelle  du  milieu  contient  un  autel 
antérieur  à  1028. 

L'église  paroissiale  est  comme  soudée  à  l'ab- 
batiale, contre  le  clocher  qui  a  un  de  ses  murs 
commun  avec  elle.  Elle  n'a  qu'une  nef,  à  sept 
travées,  dont  six  couvertes  de  trois  voûtes  carrées. 
Elle  nous  montre  la  rencontre  et  l'union  des  deux 
grandes  écoles  d'architecture  française  à  l'époque 
de  transition.  La  voûte  en  coupolede  l'Aquitaine 
s'y  marie  à  la  croisée  d'ogives  de  l'Ile-de-France  ; 
les  nervures,  les  doubles  formerets  et  ledoubleau 
de  recoupement  s'y  greffent  gauchement  sur  le 
dôme  à  pendentifs  ;  les  gildemans  belges  ne  pou- 
vaient faire  visite  plus  instructive  que  celle-ci  (3). 

Les  murs  sont  creusés  en  forme  de  niches, 
comme  le  montre  notre  plan.  M.  de  Farcy  incline 
à  voir  dans  cette  disposition  extraordinaire  le 
résultat  de  remaniements  subis  par  l'église  pri- 
mitive, qui  aurait  eu  trois  nefs.  Cette  tendance  à 
transformer  les  trois  nefs  en  une  seule  se  remarque 


r.  l.opus  reticulatum,  dit  Courajod  (8«  leçon,  p.  500),  a  conservé 
jusqu'aux  temps  romans  ses  qualités  de  construction  de  choix. 

2.  Ibid. 

3.  Dans  notre  figure  la  projection  des  voûtes  est  fautive. 


438 


3&r\nte  tjr  l'Slrt  cftrétten. 


cà   et  là  ;    nous  l'avons    constatée  encore  à  la 
Couture  du  Mans. 

Mais  voici  les  pittoresques  ruines  de  1  ancienne 
collégiale  de  Toussaint,  que  la  ville  d'Angers  se 
propose  d'aménager  en  promenade  publique.  On 
y  retrouve  les  vestiges  de  cette  belle  et  svelte 
architecture  Plantagenet,  que  les  PP.  Domini- 
cains ont  entrepris  de  restituer  dans  leur  nouvelle 
église  conventuelle,  très  élégante,  mais  qu'on  vou- 
drait plus  correcte.  Ce  fut  un  des  plus  hardis  vais- 
seaux qu'on  pût  voir,  avec  ses  voûtes  angevines 
qui,  à  la  croisée,  retombaient  sur  deux  colonnes 
hautes  de  8  mètres  et  n'ayant  que  0,32  m.  de  dia- 
mètre. Rondelet,  qui  l'a  relevé  et  publié  assez 
mal  d'ailleurs,  admirait  sa  structure. 

Le  transept  offrait  un  magnifique  spécimen  de 
ces  voûtes,  que  l'on  semble  d'accord  pour  nommer 
plus  particulièrement  du  nom  des  Plantagenet,  et 
qui  ont  été  étudiées  par  MM.  l'abbé  Choyer, 
Godard-Faultrier,  G.  d'Espinay,  J.  Berthelé  et 
Bossebceuf;  arrêtons-nous-y  un  instant. 

D'après  Parker,  le  style  Plantagenet  (il  faut 
plutôt  dire  Angevin),né  un  peu  avant  U56,et  par- 
faitement développé  à  l'hôpital  d'Angers,  éma- 
nerait de  la  nef  de  Saint-Maurice,  qui  dériverait 
à  son  tour  de  celle  de  Fontevrault  et,  par  elle,  du 
Périgord.  Toutes  gardent  le  plan  carré  et  la 
forme  bombée  qui  a  porté  Parker  à  les  nommer 
domicales.EMes  sont  à  double  croisée  de  nervures, 
et  la  direction  des  assises  a  cessé  d'être  horizon- 
tale pour  devenir  parallèle  à  l'axe  des  pseudo- 
berceaux incidents. 

Dans  le  type  angevin  primitif  les  nervures 
sont  à  simples  croisées,  quadrangulaires,  bito- 
riques,  et  l'entre-deux  des  tores  est  souvent  dé- 
coré de  rosettes.  Telles  sont  les  voûtes  de 
Saint-Maurice,  qui  font  l'admiration  des  archi- 
tectes par  leur  grande  élévation  et  leur  portée 
hardie. 

A  la  fin  du  XIIe  siècle,  les  arcs  d'ogives  offrent 
trois  tores,  celui  du  milieu  prédomine  (transept 
de  la  Trinité  d'Angers,  chœur  et  croisillon  de  la 
Trinité  de  Saumur,  etc.). 

Les  trois  tores  finissent  par  se  fondre  en  un 
seul  de  grêle  proportion.  Ensuite  apparaissent  les 
liernes  à  la  clef  de  berceaux  incidents,  et  le 
profil  des  nervures  s'affine.  Les  voûtes  du  chœur 
de  Saint-Martin  d'Angers  sont  probablement 
les  plus  anciennes  de  l'espèce.  Elles  se  compli- 
quent, à  la  Trinité,  du  doubleau  de  recoupement 
et  de  doubles  formerets.  Des  têtes  ou  de  petites 
statuettes  sont  appliquées  à  l'extrémité  des 
liernes  joignant  les  formerets.  Les  trois  admi- 
rables nefs  de  l'hôpital  Saint-Jean  (vers  il 80) 
sont  couvertes  de  voûtes  angevines  types,  carrées, 
domicales,  à  nervure  monotorique  uniforme  pour 


/   \L/   \ 


le  doubleau,  les  formerets,  les  diagonaux   et   les 
liernes. 

Dans  une  période  subséquente,  la  voûte  Planta- 
genet, à  mesure  qu'on  s'avance  vers  le  XI  IIe  siècle, 
s'enrichit  de  nervures  nouvelles,  en  même  temps 
que  de  figurines   et  de  médaillons.  Leurs  types 
sont  à  Saint-Serge  et  à  l'église  de  Toussaint,  dont 
nous   parlions   tantôt.  Dans  le    premier,  chaque 
voûte  forme  un  tout  distinct,  dans  le  second,  les 
voûtes  se  tiennent  les  unes  les  autres.  M.  Berthelé 
explique  avec  précision   comment  ces  deux  der- 
niers types   naquirent   de  l'application  aux  che- 
vets à  pans  coupés  de  la   voûte  sur  plan   carré 
propre  à  l'Anjou  (').  Dans   un   carré,  inscrivons- 
enun  autrejoignantlemilieudes  côtés  (fig.i  i);sur 
ce  dernier,  construisons  une  croisée  d'ogives  ordi- 
naire à  liernes,  et  couvrons   les  quatre  triangles 
restant  par  des  demi-croisées;  nous  aurons  le  dis- 
positif nouveau.  Les  retombées  A,  B,  C,D,  pour- 
ront s'appuyer  sur  des  encor- 
bellements   ou   sur    des    co- 
lonnes. 

Qu'on  veuille  nous  suivie 
encore  un  instant.  Le  dispo- 
sitif en  question  s'applique  au 
chevet,  soit  en  À,  et  aux 
murs  latéraux,  soit  en  B  et  C. 
Mais  du  quatrième  côté, 
le  vaisseau  se  prolonge, 
couvert  par  un  système  de  croisées  d'ogives 
chevauchant  l'une  sur  l'autre.  En  D,  au  lieu  d'une 
retombée,  on  a  un  doubleau,  et  les  doubleaux  se 
répètent  à  chaque  de- 
mi-travée. Les  diago- 
naux, ici,  ne  prédomi- 
nent plus  sur  les  ner- 
vures secondaires,  et  il 
en  est  de  même  de 
l'arc  doubleau.  On  ar- 
rive à  avoir,  dans  la 
longueur  du  vaisseau, 
trois  voûtes  se  mêlant 
et  détachant  trois  li- 
gnes de  clefs,  pendant 
que  les  diagonaux  che- 
vauchentd'unetravée  à 
l'autre  (fig.  1 2).  On  voit 
des  exemples  d'une 
disposition  pareille  aux  églises  de  Saint-Bavon 
et  de  Saint-Michel  à  Gand.  Les  croquis  ci-contre 
(fig.  12  et  13)  en  donnent  une  idée. 

Ce    point   expliqué,   revenons    aux    fameuses 
voûtes  de  Toussaint  (4).  Divers   archéologues   se 

1.  Histoire  des  arts  en  Poitou,  1890,  p.  137. 
2  et  3.  Ces  figures  sont  extraites  du  Traité d'architecture,  pal  L 
Cloquet,  Paris,  Bnudry,  1899. 
4.  V.  Rondelet,  Traité  d'architecture ,  t.  III,  pi.  179- 


D 
Fig.   11  (2). 


Fig.  12  (3). 


Cratoauj:  &e0  ^octétés  savantes. 


439 


sont  évertués  à  les  reconstituer  d'après  les  vestiges, 
qui  laissent  planer  des  doutes.  M.  Fr.  Bossebœuf 
semble  avoir  résolu  ce  problème  d'une  manière 
définitive.  Nous  reproduisons(fig.i  5)  le  plan  qu'il 
a  donné  (').  «  L'édifice,  dit  il,  était  divisé  dans  le 
sens  de  la  longueur  en  quatre  travées  carrées  de 


Fig.  13.  —  Croquis  de  voûtes  gantoises. 

10  mètres  de  côté,  suivant  les  lignes  AB,  CD,  EF. 
Une  de  ces  travées  formait  le  chœur;  une  autre, 
flanquée  de  ces  travées  carrées  de  5  mètres  de  côté, 
formait  le  transept,  et  les  deux  autres  grandes 
travées  se  partageaient  la  nef. 

«  Le  chœur  portait  une  voûte  identique  (à  part 
un  petit  détail)  à  celle  du  sanctuaire  de  Saint- 
Jean  de  Saumur  (2).  Les  trois  voûtes  du  milieu 
du  transept  et  de  la  nef  ressemblaient  à  celle  du 
chœur,à  part  une  très  légère  modification,  comme 


Fig.  14.  —  Plan  du  chœur  de  l'église  d'Asnières. 

il  est  aisé  de  s'en  rendre  compte  en  comparant 
leurs  lignes  dans  le  plan  de  projection.  Le  tran- 
sept dans  son  ensemble  était  l'image,  presque 
trait  pour  trait,  du  chœur  d'Asnières.  »  (Fig.  14.) 
De  son  côté  M.  J.  Berthelé  s'exprime  ainsi  : 
«  La  substitution  des  voûtes  domicales  à  quatre 
voûtains  aux  voûtes  domicales  simplement  à 
huit   nervures,  pour  la  partie  centrale,  et  le  fait 

ï.  V.  Bossebœuf,  L'architecture  Plantagenet   Angers,   Lachène 
1897. 

2.  C'est-à-dire  pareille  à  celle  que  nous  avons  expliquée  en  notre 
figure,  à  cette  réserve  près,  que  du  côté  D,  il  n'y  a  qu'un  grand 
voûtain  correspondant  au  quart  du  carré  total  de  la  travée. 


de  placer  les  supports  non  plus  au  point  de  départ 
des  doubleaux  et  des  formerets,  mais  là  où  se 
trouvait  primitivement  la  clef  des  formerets, 
—  en  second  lieu  l'addition  de  petites  voûtes 
latérales,  complètes,  juxtaposées  aux  voûtains 
d'angle,  telle  est  la  double  originalité  du  chœur 
d'Asnières  et  du  transept  de  Toussaint  compara- 
tivement au  chœur  de  Saint-Serge.  » 

Le  merveilleux  chœur,  si  élancé, de  Saint-Serge 
(fig.  16),  élevé  vers  1 120  selon  M.  Berthelé, diffère 
notablement,  nous  l'avons  dit,  de  celui  de  Tous- 
saint. Il  offre  trois  nefs;  l'architecte  a  rompu  avec 
l'usage  d'une  nef  unique  existant  avant  lui  dans 
l'architecture  Plantagenet.  Il  imite  les  nefs  de 
l'hôpital  Saint-Jean,  mais  en  introduisant  le 
nouveau  procédé  que  nous  venons  d'expliquer, 
de  voûtes  d'angle  et  de  doubles  formerets. 


Fig.  15.  —  Plan  restitué  de  l'église  de  Toussaint  à  Angers. 

Une  double  rangée  de  colonnes,  mesurant  40 
modules,  partage  le  vaisseau  en  trois  séries  de 
voûtes  domicales  à  double  croisée.  La  dernière 
de  chaque  série  appartient  au  type  Plantagenet 
et  comporte  contre  le  chevet  et  les  murs  latéraux 
une  série  de  demi-croisées  d'ogives,  comme  le 
montre  la  figure,  que  nous  empruntons  égale- 
ment à  M.  Bossebœuf.  Dans  son  ensemble  c'est 
une  merveille. 

La  noble  église  de  Saint-Martin,  tristement 
abandonnée,  offre  une  croisée  de  transept  très 
remarquable,  avec  ses  piliers  en  grand  appareil  de 
pierre,  alternant  avec  de  triples  assises  de  briques, 
qui  portent  des  arcs  dont  les  claveaux  sont  sé- 
parés par  des  briques  ;  elle  est  couverte  d'une  cou  - 
pôle  hémisphérique.  Un  croisillon  est  couvert 
par  un  berceau  en  bois  de  la  dernière  époque 
gothique,  qui  a  gardé  son  décor  polychrome. 


44Q 


ftcbur  De  r&rr  cbvéttea. 


Le  vaisseau  est  couvert  de  curieuses  voûtes  à 
S  nervures,  offrant  cette  anomalie,  qu'une  colon- 
nette  soutient  la  clef  des  formerets. 

Nous  terminons  notre  journée  par  la  cathé- 
drale d'Angers.  M.  de  Farcy  nous  refait  l'his- 
toire de  ses  curieuses  transformations  et  nous 
montre,  plans  en  mains,  quelle  était  la  disposi- 
tion du  large  porche  qui  la  précédait.  L'église 
Saint-Maurice  se  montre  à  nous  en  grande  toi- 
lette, c'est-à-dire,  toute  garnie  de  superbes  tapis- 
series appendues  à  ses  galeries.  Nous  avons  sous 
les  yeux  le  type  majestueux  du  large  vaisseau 
angevin,  avec  ses  grandes  voûtes  bandées  sur  une 
portée  unique  de  15  mètres.  Elle  offre  encore  en 
ses  verrières  comme  un  reflet  de  la  brillante 
vitrerie  de  Chartres  et  du  Mans  ;  son  trésor  est 


tamés  par  de  courtes  pénétrations  au  droit  des 
grandes  arcades;  les  trois  dernières  travées  vers 
l'Ouest  ont  des  voûtes  barlongues  à  8  nervures 
séparées  par  de  larges  doublcaux.  Le  bas-coté 
de  la  nef  offre  des  voûtes  angevines,  hormis  la 
travée  sous  la  tour,  que  couvre  une  coupole  sphé- 
rique  sur  trompes,  les  bras  du  transept  et  le  colla- 
téral du  chœur  sont  voûtés  d'arêtes  simples;  à 
ce  dernier  s'adossent  3  chapelles  en  hémicycle. 
Cette  église  devrait  être  relevée  avec  soin.  Ses  200 
chapiteaux  sont  ornés  de  riches  sculptures.  Le 
portail  Nord  semble  occuper  l'emplacement  de 
l'arc  triomphal  des  églises  antérieures  dont  la 
tour  actuelle  aurait  couvert  la  croisée. 


Fig.  16.—  Plan  du  chœur  de  l'église  de  Saint-Serge  à  Angers. 

rempli  d'orfèvreries  et  de  broderies  anciennes  et 
modernes  intéressantes,  notamment  le  grand 
ostensoir  fait  à  Paris,  ainsi  que  la  chape,  la  crosse 
et  la  mitre  offertes  à  Mgr  Freppel  à  l'occasion  de 
son  jubilé.  Enfin,  le  palais  de  l'évêché  nous 
présente  son  architecture  romane  passablement 
restaurée,  et  ses  collections  archéologiques  d'une 
grande  valeur. 

Nous  rentrons,  las  de  voir  de  belles  et  curieuses 
choses,  et  nous  résumons  nos  impressions  en 
séance  du  soir,  en  écoutant  une  savante  disser- 
tation de  M.  de  Farcy  sur  les  influences  diverses 
qui  distinguent  l'art  local,  surtout  en  matière  de 
broderie,  et  une  causerie  pleine  d'érudition  que 
le  chanoine  Delvigne  improvise  au  sujet  des 
colombes  eucharistiques. —  Un  repas  plein  d'en- 
train couronne  cette  journée. 

En  nous  rendant  à  Tours  nous  visitons  la  très 
curieuse  église  de  Cunault,  qui  présente  une  si 
belle  collection  de  voûtes  diverses.  Le  chœur 
est  voûté  en  berceau  avec  doubleaux,  ainsi  que 
5  travées  de  la  grande  nef;  les  berceaux  sont  en- 


L.  C LOQUET. 


(A  suivre.) 


Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  —  Séance  du  21  avril  1899.  —  M.  Mûntz 
communique  un  mémoire  de  M.  Maxe-VVerly, 
conservateur  du  Musée  de  Bar-le-Duc,  sur  Fran- 
cesco  de  Laurana,  sculpteur  et  médailleur  italien, 
un  des  artistes  attitrés  du  roi  René.  M.  Miïntz 
rappelle  tout  d'abord  une  remarque  faite,  il  y  a 
dix  ans,  par  l'abbé  Requin  :  c'est  que  Laurana, 
que  l'on  croyait  avoir  disparu  vers  1490,  vivait 
encore  en  1499.  A  ce  moment,  pour  payer  ses 
dettes,  il  vendit  plusieurs  immeubles  qu'il  possé- 
dait à  Marseille.  Cette  découverte  vient  appuyer 
la  conjecture  de  M.  Maxe-Werly,  qui  attribue  à 
Laurana  l'exécution  du  tombeau  de  la  duchesse 
Yolande  d'Anjou,  fille  du  roi  René,  et  de  son 
époux,  le  duc  Ferry  de  Vaudémont,  dans  l'église 
de  Joinville  (Haute-Marne).  On  sait  en  effet, 
qu'en  1495,  maître  Laurent,  le  fondeur,  demeu- 
rant alors  à  Nancy,  travaillait  au  tombeau  en 
question.  On  peut  sans  témérité  proposer  d'iden- 
tifier ce  Laurent  au  célèbre  artiste  italien,  le  pro- 
tagoniste de  la  Renaissance  dans  notre  pays. 

Ce  tombeau  a  été  détruit  en  1792;  mais  une 
série  de  descriptions  anciennes, ainsi  que  quelques 
planches  malheureusement  défectueuses,  ont  per- 
mis de  le  reconstituer.  Il  se  composait  d'un  sou- 
bassement orné  de  colonnettes  entre  lesquelles 
se  développaient  les  armoiries  de  Lorraine  et 
d'Anjou,  et  de  deux  statues  couchées,  en  cuivre 
jaune.  Au  chevet,  un  ange  agenouillé  sur  une 
colonne  torse,  tenant  un  casque.  D'après  un 
dessin  de  1504,  le  soubassement  de  marbre 
aurait  été  exécuté  par  Jacques  Bichot,  tailleur 
d'images.  Enfin,  M.  Maxe-Werly  pense  que  la 
participation  de  Laurana  se  borne  aux  deux  sta- 
tues; ce  qui  expliquerait  pourquoi  ce  tombeau 
n'est  pas  entièrement  conçu  dans  le  style  de  la 
Renaissance,  ainsi   que  l'est  celui  du   comte  du 


Cratoauj:  Des  Sociétés  aatoaittes. 


44 1 


Maine,  dans  la  cathédrale  du  Mans,  œuvre  indis- 
cutable de  Laurana. 

Société  d'études  de  la  province  de  Cam- 
brai. — -  Il  vient  de  se  fonder  à  Lille  une  Société 
d'études  approuvée  par  arrêté  de  M.  le  Préfet  du 
Nord  en  date  du  29  avril.  Cette  Société  a  pour 
but  unique  la  recherche,  la  mise  en  œuvre  et  la 
publication  de  tous  les  documents  intéressant 
l'histoire  de  la  Province  de  Cambrai;  nous  com- 
prenons sous  ce  titre  les  départements  du  Nord 
et  du  Pas-de-Calais,  Flandre,  Artois,  Hainaut, 
Cambrésis,  et  la  partie  autrefois  française  du 
Midi  de  la  Belgique. 

Un  certain  nombre  de  travaux  sérieux  con- 
cernant l'histoire  de  cette  région  n'ont  pu,  jus- 
qu'ici, être  menés  à  bonne  fin,  à  cause  de  l'isole- 
ment de  leurs  auteurs  ou  de  leur  éloignement 
des  bibliothèques  et  des  grands  dépôts  d'archives. 
La  Société  se  propose,  par  son  Bulletin  pério- 
dique, de  créer  un  lien,  un  organe  de  communi- 
cation permanent  entre  tous  ceux  qui  se  livrent 
à  l'étude  de  l'histoire  locale  ou  régionale.  Ce 
Bulletin  fera  connaître,  les  uns  aux  autres,  ceux 
qui  travaillent  tels  ou  tels  sujets  analogues,  par- 


fois aussi  ceux  qui  dirigent  leurs  recherches  dans 
la  même  voie  et  sur  le  même  objet;  il  fera  naître 
ainsi  d'utiles  collaborations,  ou  évitera  aux  tra- 
vailleurs une  perte  de  temps  et  d'infructueuses 
recherches. 


Académie  des  Beaux  -  Arts.  —  Dans  sa 
séance  du  5  août  1899,  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  —  Institut  de  France  —  a  partagé  ainsi 
qu'il  suit  le  prix  Bordin  :  1500  fr.  à  M.  André 
Berard  et  Alfred  Berthier,  de  Paris;  1000  fr.  à 
M.  Henri  Chabeuf,  président  de  la  Commission 
départementale  des  Antiquités  de  la  Côte  d'Or, 
vice-président  de  l'Académie  de  Dijon;  500  fr.  à 
M.  George,  architecte  à  Lyon.  Le  sujet  mis  au 
concours  était  celui-ci  :  Des  rapports  entre  l'ar- 
chitecture et  l'archéologie  et  des  avantages  et  des 
inconvénients  qui  peuvent  résulter  pour  les  arts, 
notamment  pour  l'architecture,  de  l'élude  de  cette 
science  (').  On  n'apprendra  à  aucun  de  nos 
lecteurs  que  M.  Henri  Chabeuf  est  un  des  plus 
zélés  collaborateurs  de  la  Revue  de  l'Art  chrétien. 


1.   Nous  ne  sommes  pas  absolument  certain  de  donner  le  texte 
même  de  la  question  mise  au  concours,  mais  tel  en  est  le  sens. 


REVUE  DE  L'ART  CHRÉTIEN. 
1899.  —  5me  LIVRAISON. 


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^J  ^     ,«     w    ,  »       /  I        % 


^s^s^s^s  ^Bibliographie.  ?i^^s: 


ECCK  HOMO  DE  LA  CATHÉDRALE  DE 
MEAUX,  par  le  chanoine  Jouy  ;  Mcaux,  1899,  in-8° 
de  5  pag.,  avec  3  vignettes. 

Cette  statue,  autrefois  coloriée,  date  du  XVIe 
-siècle.  Sur  le  socle  sont  figurées,  dans  un  écusson, 
les  armoiries  de  la  Passion.  Les  vignettes  repré- 


Ecce  Homo,  cathédrale  de  Meaiix.  XVI'  siècle. 

sentent  la  statue,  la  tète  et  le  donateur  agenouillé, 
vêtu  d'un  surplis  et  l'aumusse  au  bras. 

X.  B.  DE  M. 


S.  ANTOINE  LE  GRAND  ET  SA  STATUE,  A 
OCQUERRE  (Seine  et  Marne),  par  le  ch.  Jouy  ; 
Meaux,  1899,  in-&°  de  4  pag- ,  avec  une  vignette  et  une 
phototypie. 

La  statue,  d'une  exécution  peu  commune,  re- 
monte au    XVe  siècle.   L'auteur  la   décrit   avec 


Saint  Antoine  le  Grand  à  Ocquerre  (i). 

beaucoup  de  précision   et   insiste  sur  la  signifi- 
cation des  attributs,  qui  ici  sont  au  complet. 

X.  B.  DE  M. 

NOTICE   SUR    M.  L'ABBÉ  CHARLES   CERF, 
chanoine    de    l'Église    métropolitaine    de    Reims, 


I.  Nous  devons  les  deux  gravures  de  cette  pnge  à  l'obligeance  de 
M.  le  chanoine  Jouy. 


Idibltograplne, 


443 


membre  de  l'Académie  nationale  de  Reims,  1824- 
189S,  par  l'abbé  Al.  Hannesse,  chanoine  honoraire, 
secrétaire  de  l'archevêché.  Reims,  Monre,  1899,  in-8° 
de  53  pag.,  avec  2  porlraits. 

Cette  notice  consacre  la  vie  sacerdotale  et 
littéraire  du  chanoine  Cerf,  que  connaissent  les 
lecteurs  de  la  Revue,  car  plusieurs  fois  j'ai  eu 
occasion,  ici  même,  d'annoncer  et  louer  ses  nom- 
breux travaux  d'archéologie  locale.  La  liste  en 
est  donnée  à  la  fin  de  la  brochure  et  va  de  1861 
à  1898;  elle  comprend  48  nos  pour  les  «ouvrages 
et  opuscules  »,  sans  compter  les  articles  de  revues 
qui  n'ont  pas  tous  été  tirés  à  part. 

Qu'on  me  permette  deux  observations  à  pro- 
pos du  titre,  pour  faire  voir  combien  peu  en 
France  nous  sommes  pénétrés  du  vrai  style  ec- 
clésiastique, par  suite  d'une  laïcisation  à  outrance 
contre  laquelle  nous  ne  cherchons  même  pas  à 
réagir. 

Les  armes  du  chanoine  étaient  parlantes,  c'est- 
à-dire  qu'elles  se  rapportaient  au  nom  :  on  y 
voit  donc  un  cerf  se  dirigeant  vers  une  source 
tombant  en  cascade  d'un  rocher,  pendant  une 
nuit  étoilée.  Devise  :  Desiderat,  qui  se  réfère  à  ce 
texte  de  David  :  «  Quemadmodum  desiderat 
cervus  ad  fontes  aquarum,  ita  desiderat  anima 
mea  ad  te,  Deus  »  [Psalm.  XLl). 

L'idée  est  heureuse,  mais  il  y  manque  la  forme 
héraldique.  De  plus,  au  lieu  du  cartouche  sur 
lequel  s'appuie  l'écusson  ovale,  n'était-il  pas  pré- 
férable de  le  sommer  du  chapeau  canonial,  de 
sable  à  deux  rangs  de  houppes  ? 

Pas  de  chapeau,  pas  de  titre.  On  dit  M.  V Abbé 
tout  court,  comme  s'il  était  question  du  premier 
venu.  La  tradition  française  la  plus  respectable, 
mais  jetée  au  panier  de  l'égalité,  exigerait  Mes- 
sire,  au  lieu  de  Monsieur.  Passe  encore,  mais 
qualifier  abbé  un  chanoine,  qui  a  droit  à  Très  Ré- 
vérend, c'est  montrer  le  bout  de  l'oreille  !  Ignore- 
t-on  ou  méprise-t-on  ?  Peut-être  l'un  et  l'autre. 
La  politesse  ne  s'en  va  pas,  elle  a  disparu. 

X.  B.  DE  M. 


ROULEAUX  D'EXULTET,   par  P.   Latil,  reli- 
gieux bénédictin  du  Mont-Cassin,  1899. 

LES  rouleaux  d'Exnltet  forment  parmi  les  ma- 
_t  nuscrits  liturgiques  du  moyen  âge  un  groupe 
spécial  et  très  intéressant;  ils  appartiennent  pour 
la  plus  grande  partie  aux  XIe  et  XIIe  siècles  et 
à  l'Italie  méridionale.  D'Agincourt,  qui  possédait 
un  de  ces  précieux  parchemins,  leur  a  consacré 
une  part  importante  dans  son  ouvrage  et  de  nos 
jours  les  archéologues  les  recherchent  avide- 
ment.—  Le  Père  Latil,  religieux  du  Mont-Cassin, 
en   a  non  seulement  fait   la   recherche,  mais    il 


en  a  trouvé  un  grand  nombre  et  publie  en  ce 
moment  huit  rouleaux  inédits;  il  les  publie  avec 
tout  le  soin  et  le  luxe  désirables,  et  nous  ne 
saurions  trop  recommander  aux  amis  de  l'art 
chrétien  une  telle  publication.  —  Le  chant  du 
Samedi-Saint,  si  suave,  si  poétique  était  par  les 
images  qu'on  déroulait  sous  les  yeux  des  fidèles 
mis  à  leur  portée,  et  il  nous  plaira  à  nous-mêmes 
encore  mieux  dans  le  cadre  d'enluminures  que 
reproduit  le  savant  religieux  du  Mont-Cassin. 

G.    R.OHAULT  DE  FLEURY. 


L'ART  GOTHIQUE  ET  LA  RENAISSANCE 
EN  CHYPRE,  par  M.  C.  Enlart.  Paris,  Leroux, 
2  vol.  in-8°;  xxxn-756  pages,  avec  34  pi.  et  421  fig. 

NOS  lecteurs  ont  eu  la  primeur  des  études 
de  M.  C.  Enlart  sur  l'architecture  médié- 
vale dans  l'île  de  Chypre.  Ils  ont  pu  apprécier, 
par  un  important  fragment,  la  valeur  de  cet 
ouvrage,  qui  atteste  d'une  manière  glorieuse  pour 
le  moyen  âge  français  l'expansion  lointaine  de 
son  style.  Nous  aimons  à  reproduire  l'article  qu'a 
consacré  à  son  œuvre,  dans  la  Chronique  d  Ai-t, 
M.  J.  Marquet  de  Vasselot. 

Dans  un  cours  professé  à  la  Bibliothèque  Nationale,  et 
publié  en  1857,  M.  Beulé  se  demandait  si  vraiment  la 
France  avait  jamais  eu  un  style  architectural  qui  lui  fût 
propre,  et  déclarait  qu'il  était  «  inquiet  »  quand  il  enten- 
dait «  proclamer  que  l'architecture  gothique  est  notre 
architecture  nationale  ».  Le  style  gothique,  disait-il,  «  est 
le  style  d'une  époque  et  non  pas  d'un  pays.  »  —  Ce  qui  ne 
l'empêchait  point,  d'ailleurs,  de  vouloir  en  trouver  l'origine 
dans  les  contrées  septentrionales  : 

«  L'accumulation  des  formes,  la  confusion  des  traditions 
les  plus  étrangères  les  unes  aux  autres,  de  l'art  grec  avec 
l'art  du  Nord,  de  l'art  romain  avec  l'ait  oriental,  l'absence 
de  proportions,  de  mesure,  de  clarté,  le  goût  de  l'ornement 
avec  une  nudité  triste,  l'instinct  à  la  place  de  la  science,  la 
fantaisie  à  la  place  de  la  raison,  un  système  logique  en 
apparence,  une  série  d'inconséquences  en  réalité,  la  pour- 
suite de  l'idée  et  l'oubli  de  la  forme,  des  monuments  qui 
commencent  avec  emphase  et  qui  ne  savent  point  finir, 
une  poésie  vague  que  ne  comporte  point  la  matière  et  une 
exécution  défectueuse  qui  vise  surtout  à  l'effet;  enfin,  à 
côté  d'une  patience  laborieuse,  une  étrange  naïveté  dont 
je  subis  souvent  le  charme  :  partout  je  reconnais  le  génie 
du  Nord,  le  génie  germanique...  » 

Si  une  pareille  opinion  (qui  tenait  à  des  causes  très 
diverses)  devait  déjà,  en  1S57,  sembler  un  peu  arriérée  à 
beaucoup  de  bons  esprits,  elle  nous  paraît,  aujourd'hui, 
tout  à  fait  étrange.  Dans  les  cathédrales  de  Paris, 
d'Amiens,  de  Chartres  ou  de  Reims,  nous  ne  sommes  pas 
choqués  par  «  l'absence  de  proportions  »,  et  nous  ne 
voyons  point  l'œuvre  de  «  l'instinct  à  la  place  de  la 
science  ».  De  plus,  nous  ne  croyons  plus  que  ces  monu- 
ments aient  été  élevés  chez  nous  sous  l'influence  de  l'art 
germanique.  Car,  non  seulement  il  est  établi,  aujourd'hui, 
que  l'art  gothique  est  né  dans  l'Ile-de-France,  mais  encore 
il  se  confirme  peu  à  peu  que  c'est  à  la  France  que  les 
autres  peuples  ont  emprunté  ce  style,  et  que  par  consé- 
quent notre  pays  a  été  pendant  deux  ou  trois  siècles  du 
moyen  âge,  l'éducateur  artistique  de  l'Europe. 


444 


Betnte  lie  l'&rt  chrétien* 


La  démonstration  définitive  de  ce  fait,  si  important 
pour  l'histoire  de  la  civilisation,  est  due  en  partie  à 
M.  Enlart  :  tous  nos  lecteurs  connaissent  ses  travaux  sur 
€  Les  Origines  françaises  de  l'architecture  gothique  en 
Italie  v>,  et  sur  divers  monuments  gothiques  d'Espagne  et 
de  Grèce.  L'ouvrage  considérable  qu'il  nous  donne  aujour- 
d'hui est  la  suite  naturelle  de  ceux  que  nous  venons  de 
citer.  Nous  y  voyons  comment  l'architecture  française  a 
été  implantée  et  s'est  développée  en  Chypre.  Cette  implan- 
tation, qui  avait  déjà  été  signalée,  s'explique  aisément  par 
l'histoire  de  l'île  :  le  royaume  de  Chypre,  qui  a  duré  pen- 
dant quatre  siècles  (de  1 196  a  1571),  n'a  été  autre  chose, 
en  effet,  qu'une  colonie  française,  où  l'assimilation  avec  la 
métropole  fut  complète  :  si  les  Assises  de  Jérusalem, 
recueil  des  lois  du  royaume  de  Chypre,  font  partie  inté- 
grante de  notre  ancien  droit  national,  les  cathédrales  de 
Nicosie  et  de  Famagouste  ont  leur  place  indiquée  dans 
une  histoire  de  l'architecture  française. 

Le  livre  de  M.  Enlart,  qui  commence  par  une  histoire 
abrégée  du  royaume  de  Chypre,  est  divisé  en  deux  grandes 
parties  :  d'abord  l'architecture  religieuse,  puis  l'architec- 
ture civile  et  militaire.  Dans  chacune  d'elles,  les  monu- 
ments sont  étudiés  suivant  l'ordre  géographique  des 
districts. 

D'une  façon  générale,  les  monuments  chypriotes  dé- 
rivent de  prototypes  français  ;  mais  leurs  auteurs  ne  se 
sont  pas  inspirés  des  mêmes  modèles  :  ils  ont  imité  tour 
h  tour  l'école  de  l'Ile-de-France,  celle  de  la  Champagne, 
et  celle  du  Languedoc  et  de  la  Provence.  La  première 
semble  n'avoir  eu  d'action  directe  que  sur  la  cathédrale 
de  Nicosie,  dont  le  fondateur  était  d'ailleurs  le  frère  d'un 
chanoine  de  Notre-Dame  de  Paris.  La  seconde,  certaine- 
ment moins  originale,  a  eu  hors  de  son  territoire  une 
influence  considérable,  qui  se  retrouve  en  Espagne,  en 
Allemagne,  en  Grèce  et  aussi  en  Chypre.  L'influence  des 
monuments  champenois  est  évidente  à  Nicosie,  a  Fama- 
gouste, à  Lapais,  à  Dali,  à  Morphou,  à  Paphos,  à  Achero- 
piitou.  Enfin,  l'imitation  de  l'art  du  Midi  de  la  France  est 
sensible  àAfenduka,  Sykha,  Kanakaria,  Stazousa,  Nicosie, 
Famagouste,  Paphos,  Lapais,  Trimithi,  Chiti,  Saint- 
Sozomène. 

Comparée  à  celle  de  la  France,  l'influence  des  autres 
pays  semble  assez  secondaire  en  Chypre  ;  il  faut  pourtant 
mentionner  celle  de  la  Catalogne.  Quant  à  celle  de  l'Italie, 
facilement  expliquée  par  l'occupation  vénitienne,  elle  ne 
devient  considérable  qu'à  l'époque  de  la  Renaissance. 

Nous  ne  pouvons  songer  à  citer  ici  tous  les  édifices 
importants  signalés  par  M.  Enlart;  mais  il  en  est  deux 
qui  méritent  une  mention  particulière  :  la  cathédrale  de 
Nicosie  et  celle  de  Famagouste.  La  première,  commencée 
en  1209,  consacrée  solennellement  en  1326,  a  une  unité  et 
une  simplicité  pleines  de  grandeur,  bien  que  ses  diffé- 
rentes parties  remontent  à  des  dates  assez  différentes.  La 
seconde,  commencée  vers  1300,  et  achevée  probablement 
vers  1350,  offre  pour  nous  cet  intérêt  d'être  une  imitation 
de  celle  de  Reims  ;  si  elle  n'a  pas  la  richesse  de  son  mo- 
dèle champenois,  elle  est  remarquable  par  «  la  pureté  du 
style,  l'entente  exquise  des  proportions,  la  franchise  et  la 
perfection  de  la  construction,  la  parfaite  convenance  et 
l'excellente  exécution  des  ornements  ».  Et  M .  Enlart  n'a 
pas  craint  d'ajouter  qu'  «  aucun  monument  français  du 
XIVe  siècle  n'offre  à  la  fois  l'importance  et  l'unité  de  la 
cathédrale  de  Famagouste  ». 

Si  les  monuments  d'architecture  anciens  sont  nombreux 
en  Chypre,  il  n'en  est  pas  de  même  des  peintures,  des 
sculptures  et  des  objets  d'art,  dont  la  disparition  presque 
totale  est  aisément  expliquée  par  trois  siècles  d'occupa- 
tion musulmane. 

En  ce  qui  concerne  les  fresques  du  XIVe  et  du  XVe 


siècle,  dont  on  voit  des  vestiges  à  Famagouste,  à  Nicosie, 
à  Lapais,  à  Pyrga,  à  Pelendria,  il  convient  de  remarquer 
que  presque  toutes  sont  de  style  giottesque  et  doivent 
avoir  été  exécutées  par  des  artistes  italiens.  Ce  mélange 
d'architecture  française  et  de  peintures  italiennes,  au 
XIVe  siècle,  rappelle  celui  que  l'on  constate  dans  certains 
monuments  du  Midi  de  la  France;  et  c'est  peut  être  une 
des  conséquences  des  rapports  qu'eut  avec  Chypre  la 
cour  papale  d'Avignon. 

Les  sculptures  ont  presque  toutes  disparu,  et  ce  qui  en 
subsiste  n'a  pas  une  grande  valeur  d'art.  L'une  des  plus 
intéressantes  est  certainement  un  petit  bas-relief  du 
XI  Ve  siècle,  provenant  d'un  sarcophage  et  représentant 
un  prince  de  la  maison  de  Chypre,  que  M.  Enlart  a  trouvé 
à  Nicosie,  et  qu'il  a  donné  récemment  au  Musée  du 
Louvre. 

Quant  aux  objets  d'art,  leur  nombre  est  également  très 
restreint.  En  dehors  des  boiseries  dorées,  de  style  véni- 
tien, dont  il  subsiste  des  échantillons  assez  nombreux,  on 
ne  peut  guère  signaler  que  des  pièces  isolées,  comme  les 
deux  candélabres  en  fer,  du  XIVe  siècle,  de  la  cathédrale 
de  Famagouste,  les  plats  en  dinanderie  de  Lapais  et  du 
monastère  de  Sainte-Barbe,  la  herse  en  dinanderie  de 
Pelendria,  les  pentures  de  la  cathédrale  de  Nicosie.  Et 
cependant  les  arts  mineurs  ont  été,  on  le  sait,  très  floris- 
sants dans  l'île  ;  une  des  meilleures  preuves  que  l'on  en 
puisse  donner,  est  le  grand  nombre  de  poteries  chypriotes 
des  XI  Ve,  XVe  et  XVIe  siècles,  qui  sont  parvenues  jusqu'à 
nous;  ces  pièces,  ornées  d'un  décor  gravé  sur  engobe  et 
vernissées,  d'une  exécution  assez  sommaire,  sont  curieuses 
par  le  mélange  de  motifs  gothiques  et  de  motifs  orientaux 
qu'elles  présentent.  Ce  mélange,  d'ailleurs,  ne  se  trouve 
pas  seulement  sur  les  objets  fabriqués  par  les  chrétiens, 
mais  aussi  sur  ceux  qui  sortent  des  ateliers  musulmans. 
Un  des  exemples  les  plus  curieux  qu'on  en  puisse  citer  est 
le  grand  bassin  en  cuivre  gravé  et  incrusté  d'argent, 
exécuté  pour  Hugues  IV,  roi  de  Chypre  (1324-1361). Cette 
belle  pièce,  qui  appartient  à  M.  Henri-René  d'Allemagne, 
a  été  étudiée  par  lui  dans  un  article  imprimé  à  la  fin  du 
livre  de  M.  Enlart;  elle  porte  une  inscription  française, 
en  capitales  gothiques. 

L'ouvrage  de  M.  Enlart  prouve,  une  fois  de  plus,  com- 
bien grande  a  été,  au  moyen  âge,  l'influence  de  l'art 
gothique  français.  A  Chypre,  d'ailleurs,  l'imitation  de 
notre  art  national  n'est  pas  banale  et  servile,  mais  au 
contraire  «  souple,  raisonnée,  parfaitement  adaptée  à  la 
différence  de  climat  et  de  ressources  matérielles  ».  Le 
style  gothique  de  Chypre  «  est  un  style  de  première 
main  »;  il  peut  être  considéré  «  comme  une  variété  com- 
plétant le  tableau  des  écoles  françaises  :  c'est  notre  art 
national  colonial  ». 

Jean-J.  Marquet  de  Vasselot. 


SAINTE-CLOTILDE  DE  REIMS,  monument  du 
centenaire  (1496-1896),  par  A.  Gosset,  architecte.  — 
In-40  et  5  pi.  en  phototypie. —  Reims,  Michaud,  1899. 

NOS  lecteurs  connaissent  M.  Gosset,  l'ar- 
chitecte rémois,  dont  les  aptitudes  em- 
brassent à  la  fois  la  théorie  et  la  pratique  et 
des  suj'ets  aussi  divers  que  les  théâtres  et  les 
temples.  La  Revue  de  l'Art  chrétien  a  parlé 
notamment  de  sa  monographie  de  la  cathédrale 
de  Reims,  et  de  ses  études  sur  les  coupoles 
d'Orient  et  d'Occident,  qui  tui  ont  fait  une  noto- 


Bibliographie. 


445 


riété  (')•  Sa  prédilection  pour  ce  dernier  sujet 
d'études  va  de  pair  chez  notre  confrère  avec 
une  préférence  pour  le  type  byzantin  des  églises 
chrétiennes,  non  seulement  dans  les  œuvres 
du  passé  mais  encore  dans  les  applications 
nouvelles.  Une  occasion  rare  s'est  présentée 
à  cet  artiste  convaincu  de  faire  passer  son  idéal 
dans  l'ordre  des  faits,  à  l'occasion  de  l'élévation 
de  l'église  votive  de  Sainte-Clotilde  et  grâce  à 
la  faveur  de  S.  É.  le  cardinal  Langénieux.  Il  a 
voulu  faire  faire  à  l'architecture  un  pas  en 
avant  et  produire  une  application  nouvelle  et 
toute  moderne  d'une  formule  monumentale, 
qui  n'avait  pas  encore,  selon  lui,  engendré  ses 
dernières  conséquences,  et  produit  ses  plus  beaux 
résultats,  même  dans  les  grandes  mosquées  ot- 
tomanes. Appelant  à  son  secours  les  ressources 
de  la  charpenterie  d'acier,  il  a  élevé  à  50  mètres 
de  hauteur  une  voûte  sphérique  à  pendentifs, 
épaulée  de  quatre  hémicycles,  constituant  le 
type  complet  d'un  système  ecclésiastique  qui  n'a 
jamais  reçu,  du  moins  dans  les  temples  chrétiens, 
une  application  intégrale  et  typique  ;  nous  le 
félicitons  d'abord  d'avoir  eu  cette  bonne  for- 
tune, si  rare  pour  nous  architectes,  de  réaliser 
ainsi  le  rêve  de  son  esprit,  ensuite  de  l'avoir 
fait  avec  un  art  raisonné. 

La  monographie  qu'il  donne  de  son  œuvre  est 
d'ailleurs  un  plaidoyer  pour  son  système.  Il  est  à 
peine  nécessaire  d'ajouter,  qu'ici  nous  nous  sépa- 
rons de  lui.  Il  nous  sera  permis  d'indiquer  com- 
bien sa  thèse  nous  paraît  faible. 

Il  l'appuie  d'abord  de  cet  argument,  que  les 
siècles  écoulés  ont  épuisé  la  formule  de  la  basi- 
lique latine,  laquelle  a  parcouru  les  trois  phases 
de  sa  vie:  formation,  splendeur  et  décadence.  Il 
admet  ainsi  implicitement  cette  idée,  très  fausse, 
pensons-nous,  que  la  forme  d'église  parfaite  est, 
non  point  celle  qui  convient  le  plus  rigoureuse- 
ment aux  vœux  de  la  liturgie  et  aux  conve- 
nances du  temps  et  du  lieu,  mais  celle  €  qui  n'a 
pas  encore  donné  tout  ce  que  peut  engendrer 
l'évolution  de  ses  formes  ». 

Le  second  argument  est  plus  satisfaisant  et  cer- 
tainement respectable  :  le  type  à  coupole,  à  effet, 
convergeant  en  hauteur  au-dessus  de  l'autel  cen- 
tral, produit  un  grand  effet  religieux.  C'est  ce 
motif  qui  l'a  fait  adopter  pour  l'église  du  Sacré- 
Cœur  de  Montmartre.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  le  type  basilical,  développé  dans  la  cathédrale 
française,  est  resté  bien  supérieur  au  point  de  vue 
des  convenances  liturgiques,  des  traditions  occi- 
dentales et  de  l'expression  esthétique. 

1.  V.  Les  conférences  de  M.  Gosset  sur  les  Coupoles  d'Orient  et 
d'Occident  données  au  Congrès  international  des  architectes  de  1890, 
à  la  Soc.  des  Architectes  de  la  Marne,  à  la  Soc.  archéologique 
de  Bruxelles,  etc.  —  Reims,  chez  Matot-Braine,  1891. 


M.  Gosset  dit  encore  en  faveur  de  son  type  : 
«  Cette  forme  d'église  est  aussi  traditionnelle 
que  l'autre  dans  l'histoire  de  la  religion.  »  —  Oui, 
mais  en  Orient  et  nous  sommes  en  France. 

Les  papes  «  souverains  juges  de  la  liturgie  » 
l'ont  sanctionnée  en  l'adoptant  pour...  Saint-Pierre 
de  Rome.  — ■  M.  Gosset  ne  pourrait  soutenir 
sérieusement  ce  qu'il  insinue  ici,  à  savoir  que  les 
papes  aient  cédé  à  des  considérations  liturgiques 
plutôt  qu'à  l'entraînement  du  style  régnant,  en 
élevant  la  basilique  vaticane  qu'un  historien 
de  la  Renaissance  en  France,  Léon  Palustre,  avec 
beaucoup  d'autres,  considérait  comme  une  œuvre 
ratée. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  nous  mettre  en 
frais  de  syllogisme  pour  repousser  cet  autre  argu- 
ment, que  N. -S.  Jésus-Christ  a  indiqué  lui-même 
sa  préférence  pour  le  type  d'église  à  coupoles... 
lorsque  dans  son  sermon  de  la  montagne,  il  a 
groupé  la  foule  de  ses  disciples  autour  du  plateau 
qu'il  dominait  lui-même. 

M.  Gosset  invoque  le  Saint-Sépulcre  de  Jéru- 
salem, le  Baptistère  de  Sainte-Constance,  le  Pan- 
théon d'Agrippa.  Mais  précisément  la  forme 
voulue  par  les  tombeaux,  les  baptistères  et  les 
laconicon  n'est  pas  celle  qui  réalise  l'idéal  d'un 
grand  temple  chrétien,  et  l'auteur  aurait  dû  être 
frappé  de  cette  circonstance  si  curieuse,  que  les 
architectes  de  Sainte- Sophie  de  Constantinople 
ont  répudié  eux-mêmes  la  forme  de  la  croix 
grecque  et  allongé  leur  temple  dans  le  sens 
basilical  au  prix  d'une  profonde  altération  du 
type  dont  il  s'agit,  et  d'une  disposition  des  nefs 
latérales  qui  a  été  fatale  à  la  beauté  de  la  grande 
œuvre  de  Justinien  (voir  la  figure  ci-dessous). 


Plan  de  l'église  Sainte-Sophie  à  Constantinople. 


446 


3&c\nic  lie  l'&rt  ebrétten. 


En  ce  qui  concerne  la  structure  de  l'édifice 
nouveau,  nous  sommes  loin  de  cette  harmonieuse 
logique,  qui  doit  faire  le  fond  de  l'art  monu- 
mental nouveau  guidé  par  la  science.  Les  formes 
d'ensemble  et  en  quelque  sorte  enveloppantes  de 
Sainte-Clotilde  sont  essentiellement  et  foncière- 
ment celles  de  la  voûte,  et  elles  sont  réalisées  par 
une  superstructure  métallique  qui  n'a  absolument 
rien  de  commun  avec  la  technique  des  maçons. 
L'économie  générale  de  l'œuvre  est  donc  irration- 
nelle au  premier  chef.  En  outre,  le  grand  modèle 
de  la  coupole  externe  qui  gouverne  toute  la  con- 
ception constitue  une  forme  de  structure  fictive, 
un  colossal  et  mensonger  décor,  comme  à  Venise 
et  aux  Invalides  de  Paris.  Grâce  aux  peintures 
murales  que  M.  Gosset  compte  pouvoir  exécuter, 
ce  que  nous  lui  souhaitons  de  tout  cœur,  l'inté- 
rieur de  ce  curieux  vaisseau  pourra  revêtir  un 
aspect  vraiment  prestigieux.  Mais  nous  ne  pou- 
vons y  voir  ni  une  heureuse  innovation  quant  au 
plan,  ni,  quant  à  la  structure,  un  nouveau  pas  vers 
la  perfection  dans  l'évolution  de  la  voûte  à  pen- 
dentifs ;  car  de  voûtes,  il  n'y  en  a  plus. 

L.  C. 


MONOGRAPHIE  DE  L'ÉGLISE  ET  DE  L'AB- 
BAYE ST-GEORGES  DE  BOSGHERVILLE,  par 
A.  Besnard,  beau  vol.  in-40,  de  347  pag.,  97  gravures 
dans  le  texte,  12  planches  noires  et  coloriées  hors 
texte.  Prix:  20  fr.  Paris,  Lechevalier,  189g. 

Ce  beau  livre  nous  fait  connaître  en  détail, 
l'église  romane  de  St-Georges  de  Boscherville 
et  la  salle  capitulaire  qui  lui  est  annexée,  salle 
qui,  en  elle-même,  est  un  chef-d'œuvre  de  grâce 
et  de  goût.  Ces  édifices,  intéressants  par  leur 
histoire  comme  par  leurs  rapports  avec  l'histoire 
générale  de  l'art,  sont  décrits  avec  talent  par 
l'homme  qui  les  a  le  plus  étudiés  et  qui  n'a 
négligé  aucun  des  très  intéressants  problèmes 
qu'ils  soulèvent. 

L'église  de  Boscherville  est  la  plus  belle  église 
romane  de  la  Haute-Normandie.  Son  unité  est 
telle,  qu'elle  a  dû  être  bâtie  d'un  seul  jet  en  6  ou 
7  ans,  vers  la  fin  du  XIe  siècle  ou  au  commence- 
ment du  XI  Ie;  les  opinions  diffèrent.  M.  Besnard 
place  sa  construction  entre  1075  et  1090,  bien 
que  l'on  y  rencontre  des  joints  minces  au  lieu 
des  joints  épais  usités  au  cours  du  XIe  siècle,  des 
moulures  toriques  aux  archivoltes,  des  griffes 
aux  bases,  une  grande  élégance  de  détails,  etc. 
Ce  qui  est  caractéristique,  c'est  l'impossibilité, 
avouée  par  l'architecte,  de  voûter  la  nef  où  il 
avait  laissé  des  arcs  transversaux  et  des  colonnes 
d'attente.  Les  voûtes  actuelles  sont  du  second 
quart  du  XIIIe  siècle,  à  juger  par  le  style  des 
chapiteaux.    Les    clochers    occidentaux    furent 


Les  deux  petites  faces  du  chapiteau  aux  musiciens  de  Boscherville. 


Btbltograptne. 


447 


^s^Buimë     -3Ëgg^^gg| 


Les   deux  grandes  faces  du  chapiteau  aux   musiciens  de    Boscherville 


448 


3&etnte  ï>e  T^rt  ti)vétten. 


S   l  ■  ~J- lui»  ° 


refaits  vers  la  même  époque;  depuis,  l'église  de 
Saint-Georges  est  restée  intacte,  sauf  quelques 
réfections  de  détail. 


Cette  église  est  mal  orientée. Elle  offre  trois  nefs 
de  huit  travées,  un  transept  avec  une  absidiole  à 
chaque  croisillon  au  delà  duquel  se  prolonge  l'or- 


Btbltograpljte. 


449 


donnance  de  nefs  sur  deux  travées  et  une  abside 
accostée  d'absidioles  au  fond  des  bas-côtés  du 
chœur.  C'est  le  plan  roman  le  plus  commun  en 
France:une  grosse  tour-lanterne  couvre  lacroisée; 
deux  minces  tourelles  flanquent  le  pignon  occi- 
dental selon  l'usage  local.  Les  bas-côtés  sont 
voûtés  d'arêtes  ;  la  charpente  de  la  nef  cen- 
trale était  primitivement  apparente.  Néanmoins 
sur  l'avant-chœur,  l'architecte  a  risqué  des  voûtes 
d'arêtes  romanes  barlongues.  Les  croisillons  ont 
des  tribunes,  destinées  aux  expositions  de  reli- 
ques, selon  l'habitude  normande.  Les  voûtes  du 
XIIIe  siècle  ont  pu  être  bandées  sans  arcs-bou- 
tants  ;  l'architecte  normand,  qui  semble  avoir 
prévu  les  voûtes  de  l'avenir,  avait  donné  aux 
murs  goutterots  une  épaisseur  suffisante. 

L'extérieur  offre  la  noble  simplicité  des  façades 
romanes  normandes.  L'accent  décoratif  est  porté 
sur  les  nombreuses  voussures  concentriques  des 
porches,  garnies  de  frettes  crénelées,  de  dents  de 
scie,  etc.  La  tour  centrale,  avec  sa  flèche  en  char- 
pente, est  une  des  plus  belles  de  Normandie. 

A  l'intérieur  notons  le  cintre  en  fer  à  cheval 
à  l'entrée  de  l'abside.  Aux  voûtes  des  nefs  les 
doubleaux  sont  en  tiers  point.  Les  moulures  tori- 
ques abondent,  et  en  cela  l'édifice  est  en  avance 
sur  son  époque.  Les  modillons  des  corniches  de 
Boscherville,  que  M.  Besnard  s'est  plu  à  dessiner, 
sont  remarquables  de  variété  et  de  verve.  Plus 
importante  encore  est  la  série  de  vignettes  figu- 
rant les  principaux  chapiteaux  ;  ils  sont  à  nattes, 
à  entrelacs  simples  ou  perlés,  à  dessins  géomé- 
triques, striés,  à  ornements  flabelliformes  ;  les 
plus  abondants  sont  à  feuillages  ou  historiés,  tel 
le  célèbre  chapiteau  du  frappeur  de  monnaie. 

La  salle  capitulaire  est  un  joyau  d'art  de  la 
transition.  M.  Besnard  la  date  de    1200  environ. 

Les  salles  capitulaires  du  moyen  âge  consis- 
taient régulièrement  en  une  pièce  rectangulaire 
tournant  son  grand  axe  dans  le  sens  perpendicu- 
laire à  l'église,  et  couverte  de  voûtes  à  six  travées 
posées  sur  deux  colonnes.  Or,  dans  la  province 
ecclésiastique  de  Rouen,  l'axe  étant  parallèle  à 
celui  de  l'église,  les  piliers  sont  supprimés  ;  la 
salle  prend  l'allure  d'une  chapelle  accolée  à 
l'église.  L'entrée  est  à  trois  baies  majestueuses  ; 
une  de  porte,  deux  de  fenêtre  enrichies  dans  la 
profondeur  du  mur  d'une  riche  multiplicité  de 
lignes  bien  normande.  Les  arcades  sont  rempla- 
cées par  des  voûtes  sixpartites  à  nervures  et  leur 
retombée  pose  sur  trente  colonnettes  ingénieu- 
sement groupées,  le  tout  couvert  d'un  abondant 
décor  géométrique  rehaussé  de  superbes  chapi- 
teaux, et  au  surplus  ordonné  avec  un  fier  dédain 
de  la  symétrie. 

Du  cloître  contemporain  de  la  salle  capitulaire, 


on  garde  quelques  vestiges  des  riches  chapiteaux, 
parmi  lesquels  figure  le  très  célèbre  chapiteau 
des  musiciens  faisant  danser  une  jongleresse  (*). 
Nous  laissons  de  côté  les  développements 
purement  historiques  que  comporte  cette  mono- 
graphie, faite  par  un  maître,  et  qui  est  l'une  des 
meilleures  que  l'on  ait  consacrées  aux  monu- 
ments de  moyen  âge. 

L.  Cloquet. 


©értolitques. 


L'AMI  DES  MONUMENTS  ET  DES  ARTS, 
sous  la  direction  de  Ch.  Normand,  n°  72. 

A  noter  une  notice  de  M.  A.  Darcel  sur  les 
restaurations  de  N.-D.  de  Paris  jusqu'à  1862. 
C'est  le  XVIIIe  siècle  qui  entre  tous  s'est  montré 
le  plus  impitoyable  et  N.-D.  de  Paris  eut  à  s'en 
plaindre  cruellement  ;  il  lui  infligea  notamment 
l'opération  pratiquée  par  Soufflot  sur  sa  grande 
porte  centrale  ;  un  concours  fut  ouvert  en  1845 
pour  la  restauration. 

Elle  fut  dirigée  par  Lassus  jusqu'en  1857,  puis 
par  Viollet-le-Duc.  Ce  sont  ces  restaurations 
dont  M.  Darcel  fait  le  brief  historique. 

M.  Ch.  Normand  exhibe  d'intéressants  dessins 
de  l'église  disparue  de  Saint-Étienne-du-Mont 
provenant  du  cabinet  de  Rondelet. 

L '  Illustrazione  italiana  du  30  juillet  1899  a 
publié  un  intéressant  article  de  M.  Franc.  Mala- 
guzzi,  /  restauri  di  Ravenna,  sur  les  travaux  de 
restauration  exécutés  depuis  1 897  dans  les  églises 
de  Ravenne  sous  la  direction  de  M.  le  docteur 
Corrado  Ricci.  Treize  vignettes  accompagnent 
cet  article,  onze  similigravures  d'après  des  photo- 
graphies et  deux  clichés  d'après  les  dessins  de 
M.  Pazzini.  On  remarquera  surtout  l'ancien 
autel  majeur  de  Saint-Vital,  table  d'albâtre  cé- 
lèbre dans  les  annales  du  lieu  et  retrouvée  par 
M.  Ricci  dans  un  autel  de  style  baroque  du 
XVIIe  siècle,  et  trois  remarquables  sarcophages; 
celui  de  l'archevêque  Théodore,  un  autre  du 
cinquième  siècle,  présentant  sur  la  face  un  curieux 
décor  architectonique,  un  troisième  enfin,  du 
VIe  siècle,  tous  trois  dans  l'église  Saint-Apol- 
linaire in  Classe.  Il  est  peu  de  revues  illustrées 
qui  fassent  une  aussi  grande  part  aux  choses  de 
l'art  que  V Illustrazione  italiana. 

H.  Chabeuf. 

1.  Ayant  visité  ces  jours  l'église  de  Boscherville,  nous  y  avons 
cherché  en  vain  les  célèbres  chapiteaux  historiés  de  lajongleresse  et 
des  musiciens  :  ils  sont  sans  doute  disposés  dans  un  musée. 


KEVUE   DE   L'AKT   CHKETIEN. 
189g.    —   5me    LIVRAISON 


45° 


ftrtnte  tje  r&rt  chrétien. 


ïn&ejr  bibliographique.   | 
archéologie  etBeaur  ^rts0. 


JFrancc. 


*  Besnard   (A.).  —   Monographie  de   l'église 

ET  DE    L'ABBAYE    St-CiEORGES    DE    BOSCHERVILLE.  — 

Beau  vol.  in-4°,  de  347  pag.,  97  gravures  dans  le  texte, 
12  planches  noires  et  coloriées  hors  texte.  Paris, 
Lechevalier,  1899.   Prix  :  20  fr. 

Delaage  (L'abbé  A.).  —  La  chapelle  française 

DÉDIÉE    A    SAINT  LOUIS    DANS    LA    BASILIQUE    DE     LO- 

RElïE.  —  Paris,  1899. 

De  la  Croix  (Le  R.  P.).  —  Fouilles  archéolo- 
giques   DE    L'ABBAYE     DE    St-MaUR     DE    GLANFEUIL 

(Maine-et-Loire),  en  189899,  d'après  des  textes 
anciens.  —  23  pp.  in-4°,  pi.  et  photo.  Paris.  A  Picard. 

Duchesne  (L'abbé  L .).  —  Origines  du  culte 
chrétien.  Étude  sur  la  liturgie  latine  avant 
Charlemagne.  —  2e  édition.  Paris,  1898. 

*  Enlart  (M.  C).  —  L'Art  gothique  et  la  Re- 
naissance en  Chypre.  —  2  vol.  in-8°;  xxxn-756  pag., 
avec  34  pi.  et  421  fig.  Paris,  Leroux. 

Grébauval  (Arnaud).  —  Au  pays  Casin  (des 
Alpes  au  Vésuve.)  —  Paris,  1899. 

*  Gosset  (A.).  —  Sainte-Clotilde  de  Reims, 
monument  du  centenaire  (1496-1896).  —  In-40  et  5 
pi.  en  phototypie.  Reims,  Michaud,  1899. 

*  Hannesse  (L'abbé  Al.).  —  Notice  sur  l'abbé 
Charles  Cerf,  chanoine  de  l'Église  métropolitaine 
de  Reims,  membre  de  l'Académie  nationale  de  Reims, 
1824-1898.  --  In-8°  de  53  pag.,  avec  2  portraits. 
Reims,  Monce,  1899. 

I.  Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  (*)  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


*  Jouy  (Le  chanoine).  —  Ecce  Homo  de  la 
cathédrale  de  Meaux.  —  In-8°  de  5   pages,  avec 

3  vignettes.  Meaux,  1899. 

*  Le  même.  —  S.  Antoine  le  grand  et  sa 
statue,  a  Ocquerre  (Seine  et  Marne).  —  In-8°  de 

4  pages,  avec  une  vignette  et  une  phototypie.  Meaux, 
1899. 

Poinssot  (Louis).  —  Note  sur  une  statue  de 
St  Jean  -  Baptiste,  découverte,  en  1898,  dans 
l'église  de  Rouvres.  —  14  pp.  gr.  in-8°.  Paris,  Le- 
roux, 1899. 

*  Rouleaux  d'Exultet.  —  P.  Latil,  religieux 
bénédictin  du  Mont-Cassin,  1899. 

Roman  (Joseph).  —  Notre-Dame  d'Embrun  et 
San-Zeno  de  Vérone,  dans  Bulletin  de  la  Société 
d'étude  des  Hautes  Alpes,  icr  trimestre  1899. 


Shopfer  (Jean). 
Paris,  1889. 


Voyage  idéal   en  Italie.  — 


Allemagne. 


Stiehl  (O.).  —  Der  Backstein  Romanischer 
Zeit  besonders  in  Ober  Italien  und  Nord 
Deutschland. —  In-fol.  94  pp.,  27  pi.,  113  fig.  Leip- 
sig,  1898. 


Van  Dijk.    - 
Londres,  1899. 


Angleterre.  — == 

Translated    by    Campbel  Dogson. 

=  Italie.  _=^ 


Carratelli  (Don  Paolo).    —    Un  cimelio  della 

CATTEDRALE  Dl  PlENZA,  OSSIA  IL  CELEBRE    PIVIALE  Dl 

Pio  II.  —  Firenze,  1899. 

Melani  (A.).  —  Manuale  di  scultura  italiana 
antica  e  moderna.  —  Milano,  1899. 

Pesciolini  (V.).  —  Feste  centenarie  in  San 
Gimignano.  —  Sienna,  1899. 


TBelgiojie. 


Pholien  (F).  —  La  verrerie  au  pays  de  Liège. 
—  Gr.  in-8°,  200  pp.  nomb.  grav.  Liège,  Benard,  rue 
Lambert  le  Bègue,  13. 


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^rt)rOntC)UC«  SOMMAIRE:  CONGRÈS:  Boulogne,  Kiew,  Gilde  de  St-Thomas  et 
de  St-Luc.  —  MONT  ST-MICHEL.  —  RESTAURATIONS:  cathédrale  de  Rouen  ;  église  de 
Lobbes,  de  Flobecq,  tour  Saint-Jacques  à  Anvers,  Chemin  de  Croix  à  Gand,  etc.  ;  COM- 
MISSION ROYALE  DES  MONUMENTS  DE  BELGIQUE.  —  EXPOSITIONS:  Exposition 
rétrospective  de  Bayeux,   Exposition  d'Art  chrétien  à   Bruxelles.   —  NOUVELLES. 


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Congrès. 


L' Archéologie  au  Congrès  de  Boulogne.  —  Une 
heureuse  innovation  a  marqué  le  Congrès  parti- 
culièrement réussi  que  Y  Association  française  pour 
l'avancement  des  sciences  a  tenu  cette  année  à 
Boulogne.  Encouragée  par  l'essai  fait  au  Congrès 
de  Saint-Étienne  où  l'on  eut  la  primeur  du  beau 
travail  de  MM.  F.  et  N.  Thiollier  sur  les  monu- 
ments du  département  de  la  Loire,  l'Association 
s'était  adjoint  une  Section  d'archéologie  et  d'his- 
toire qui  a  donné  du  premier  coup  d'excellents 
résultats. 

La  présidence  de  cette  section  a  été  confiée 
à  notre  collaborateur  M.Camille  Enlart,  membre 
résident  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France, 
avec,  pour  présidents  d'honneur,  deux  membres 
de  l'Institut,  MM.  Cagnat  et  Hamy,  et  pour 
secrétaires,  deux  érudits  connus  par  leurs  tra- 
vaux sur  l'histoire  de  Boulogne,  M.  Alph. 
Lefebvre  et  Henri  Mois.  Parmi  les  érudits  qui 
ont  honoré  de  leur  adhésion  la  section  du  Con- 
grès de  Boulogne,  citons  encore  M.  le  comte  de 
Marsy,  directeur  de  la  Société  Française  d'Ar- 
chéologie ;  M.  Edgar  Mareuse,  M.  V.  J.  Vaillant, 
M.  Arthur  de  Rosny,  M.  Balner,  conservateur  au 
South-Kensington  Muséum;  M. Chavanon, archi- 
viste du  département;  MM.  G.  Digard  et  L.  Mirot, 
anciens  membres  de  l'Ecole  de  Rome  ;  MM.  R. 
Richebé  et  Deslanders,  archivistes  paléographes, 
M1,e  Marie  Bengesco  ;  MM.  Macqueron,  Justin 
Deschamps  de  Pas,  Lecesne,  Barbier,  le  chanoine 
Joncquel,  le  comte  G.  de  Lhomel,  R.  Rodière, 
délégués  de  diverses  sociétés  savantes.  La  presse 
parisienne  était  représentée  par  MM.  Lardeur  de 
la  Vérité  et  H.  Bourgery  de  \' Estafette. 

Parmi  les  communications  faites  au  Congrès, 
il  faut  signaler  les  études  magistrales  de  M.  B. 
Cagnat  sur  Carausius,  Round  sur  Boulogne  et 
l'Angleterre  au  XIIe  siècle,  Hamy  sur  le  Bou- 
logne romain,  V.  J.  Vaillant  sur  une  question  de 
balistique  du  moyen  âge  ;  la  monographie  du 
château  de  Douvres  par  M.  Palmer,  celle  de 
l'église  de  Daunes  par  M.  Rodière  ;  celle  du 
temple  d'Estrielles  par  M.  A.  Lefebvre  ;  les  mé- 
moires de  M.  Chavanon  sur  le  port  de  Calais  au 
XIVe  s.  et  de  M.  Mirot  sur  le  mariage  d'Isabelle 
de  France.  Mgr  X.  Barbier  de  Montault  avait 
adressé  un  inventaire  inédit  ;  Mlle  Bengesco  a 
traité  des  boiseries  du  XVIIIe  siècle  au  Boulon- 


nais ;  le  comte  de  Lhomel  a  prouvé  que  les 
poteries  dites  de  Sorrus  doivent  être  attribuées 
à  Montreuil  et  à  des  familles  d'artistes  dont 
il  a  restitué  l'histoire  ;  M.  C.  Enlart  a  donné 
au  Congrès  la  primeur  de  son  rapport  sur  les 
fouilles  très  fructueuses  entreprises  par  M.  de 
Bayenghe  sous  sa  direction  dans  les  ruines  de 
la  cathédrale  de  Thérouanne. 

Le  Congrès  a  visité  les  monuments  de  Bou- 
logne et  des  environs,  de  Montreuil  et  de  Calais  ; 
il  a  fait  deux  excursions  à  Douvres  et  à  Cantor- 
bery  sur  l'invitation  gracieuse  et  cordiale  de 
V Association  britannique,  et  une  excursion  finale 
de  trois  jours  a  mené  les  congressistes  à  Arras, 
Douai,  Saint-Omer,  Bergues  et  Dunkerque.  Par- 
tout les  Sociétés  savantes  et  les  municipalités 
leur  ont  fait  le  plus  charmant  accueil,  et  ils  se 
sont  séparés  profondément  satisfaits  de  ces  dix 
journées  si  bien  employées.  La  ville  de  Boulogne 
a  offert  à  chacun  des  membres  du  Congrès  deux 
magnifiques  volumes  illustrés  contenant  toute 
l'histoire  et  la  description  du  Boulogne  ancien  et 
moderne  rédigés  par  un  groupe  de  spécialistes, 
tous  compétents  et  appartenant  tous  au  pays.  On 
ne  saurait  assez  louer  l'accueil  qu'elle  a  fait  à  ses 
hôtes  savants  et  applaudir  aux  résultats  du  Con- 
grès en  général,  de  la  section  d'archéologie  en 
particulier.  Espérons  que  les  sciences  historiques 
continueront  d'avoir  leur  place  dans  les  Congrès 
de  \'  Association  française. 


Le  Congres  russe  d' Archéologie  a  tenu  à  Kiew 
sa  i  Ie  session.  Les  séances  ont  eu  lieu  à  l'Univer- 
sité impériale  Saint-Wladimir. 

Ces  assises  scientifiques  ont  été  solennellement 
ouvertes  le  13  août  par  M.  Véliaminof-Zornoff, 
curateur  de  l'Université,  en  présence  d'un  grand 
nombre  d'archéologues;  le  baron  de  Baye,  dé- 
légué de  la  Société  nationale  des  antiquaires, 
représentait  la  France. 

Le  professeur  Antovitch  a  réuni  à  l'Université 
de  Kiew,  dans  les  salons  qui  précèdent  la  salle 
du  Congrès,  une  importante  exposition  d'anti- 
quités locales. 

— i®î  »  i@<— 

Gilde  de  Saint-Thomas  et  de  Saint-Luc.  — 
Excursion  en  Anjou. —  Nous  rendons  compte  plus 
haut  de  l'excursion  des  archéologues  et  artistes 
chrétiens  de  Belgique  dans  le  Maine,  l'Anjou   et 


45  2 


3&cbut  ïic  P&rt  cbrétten. 


la  Touraine.  Nous  trouvons  dans  la  Semaine  reli- 
gieuse d'Angers  une  intéressante  relation  de  leur 
passage  à  Angers,  due  à  la  plume  de  M.  l'abbé 
Houdebine.  Il  raconte  d'abord  les  journées  du  7 
et  du  S  septembre, dont  nous  avons  suffisamment 
parlé;  nous  complétons  notre  compte  rendu  en 
lui  empruntant  les  lignes  suivantes  consacrées  à 
la  journée  du  9. 

Le  9  septembre,  après  avoir  visité,  sous  la  savante  et 
aimable  direction  de  M.  le  chanoine  Urseau,  les  restes  de 
la  collégiale  de  Saint-Martin,  les  cloîtres,  la  porte  du 
réfectoire  et  la  tour  de  la  vieille  abbaye  de  Saint-Aubin, 
MM.  de  la  Gilde  de  Saint-Luc  et  de  Saint-Thomas  disaient 
adieu  à  la  ville  des  fleurs.  A  10  heures,  le  train  les  con- 
duisait à  travers  le  val  de  la  Loire,  le  long  de  cette  digue 
qu'admirait  déjà,  en  1 199,  saint  Hugues  d'Avallon,  évêque 
de  Lincoln,  avec  son  cortège  de  chanoines  et  de  clercs. 
Des  voitures  les  transportèrent  ensuite  à  travers  de  jolis 
paysages,  des  Rosiers  à  Gennes  et  à  Cunault.  L'église 
prieurale,  dédiée  à  Notre-Dame,  fut  admirée  de  tous. 
C'était,  parmi  nos  amis,  à  qui  dessinerait  à  la  hâte  les  cu- 
riosités de  l'édifice,  les  détails  de  son  architecture,  la 
châsse  de  saint  Maxenseul,  la  tribune  des  expositions,  le 
chasublier  du  XIVe  siècle,  les  curieuses  peintures.  La 
vieille  église  est  aujourd'hui  bien  délaissée,  les  pèlerins 
n'y  viennent  plus  en  foules  adorer  Dieu  et  prier  Notre- 
Dame.  Quelques  instants  consacrés  à  l'église  de  Trêves, 
au  prieuré  de  Saint-Macé,  aux  ruines  de  Saint-  Florent-le- 
Jeune,  un  voyage  rapide  à  travers  les  rues  de  Saumur,  et 
ce  fut  fini  :  il  fallut  se  séparer.  A  6  h.  1/2,  les  excursion- 
nistes prenaient  le  train  de  Tours,  la  ville  de  saint  Martin, 
le  grand  thaumaturge  des  Gaules. 

Ils  emportaient  le  souvenir  d'un  beau  pays,  où  le  passé 
a  laissé  des  traces  nombreuses  d'un  goût  parfait  pour  les 
arts.  L'Anjou,  sous  le  régime  des  Plantagenets  et  des 
«  Fleurs  de  lys  »,  eut  ses  maîtres  maçons,  ses  artistes  de 
génie.  Ils  cherchèrent  à  résoudre,  à  leur  façon,  les  grands 
problèmes  qui  faisaient  le  désespoir  de  leurs  collègues  sut 
les  chantiers  de  l'Ile-de-France,  delà  Flandre,  du  Brabant 
et  du  Pays  de  Liège.  Angers  était  un  centre  artistique  des 
plus  actifs;  la  Doutre,  la  Ville  et  la  Cité  voyaient  s'élever, 
comme  par  enchantement,  de  merveilleux  monuments, 
aujourd'hui  encore  notre  orgueil  et  notre  gloire.  Le  reste 
de  la  terre  angevine  imitait  sacapitale. Abbayes  et  prieurés, 
barons  et  paysans,  riches  et  pauvres  apportaient  aux  bâtis- 
seurs leur  or  et  leurs  bras. 

Ces  constructions  qui,  au  temps  jadis,  surgissaient  de 
notre  sol  comme  sous  la  baguette  d'une  fée,  prenaient  les 
aspects  les  plus  variés  :  elles  répondaient,  dans  chacune 
de  leurs  parties,  aux  ressources  de  ceux  qui  les  bâtis- 
saient, à  l'usage  qu'on  en  voulait  faire.  Ainsi  «  la  grant 
salle  »  de  l'Evêché  avait  la  forme  d'un  tau,  comme  il 
convenait  aux  nombreux  invités  qui  s'y  pressaient,  les 
jours  «  defestages  »,  autour  de  la  table  de.l'Evêque  (').  La 
tour  Saint-Aubin  s'élevait  grandiose  et  élégante,  grâce  aux 
ouvertures  de  ses  clochetons,  comme  le  symbole  de  la 
puissance  d'une  riche  abbaye  bénédictine.  La  salle  Saint- 
Jean,  avec  ses  annexes  merveilleuses,  c'était  le  palais  con- 
sacré par  la  charité  de  nos  pères  à  «  nos  Seigneurs  les 
Pauvres  »  ;  l'église  de  Cunault,  riche  de  l'aumône  des 
pèlerins,  ouvrait  ses  larges  nefs  aux  foules  qui  s'y  pres- 
saient, certains  jours  de  l'année,  autour  de  la  statue  de 
Notre-Dame.  Le  chœur  de  Saint-Serge,  voilà  le  monu- 
ment que  l'on  rêve  encore  pour  les  fils  de  saint  Benoît 
occupés  à  chanter  tous  les  jours  la  gloire  de  Dieu  et  à 
mettre  au  service  du  Créateur  toutes  les  ressources  des 
arts.  Une   petite  église,   comme  celles  de  Trêves  et  de 

[.Nous  avons  publié  une  notice  de  M.  d<:  Karcy  sur  cette  intéres- 
sante salle  (année  1898,  p.  202). 


Saint-Macé,  était  une  œuvre  d'art  aussi  bien  que  la  riche 
cathédrale,  la  splendide  abbatiale.  —  La  plus  grande 
liberté  existait  pour  les  architectes,  les  peintres  et  les 
sculpteurs.  Il  n'y  a  pas  en  Anjou  deux  édifices  du  XI  Ie  ou 
du  XIIIe  siècle  qui  se  ressemblent,  au  point  de  vue  du 
plan,  de  l'élévation,  des  profils,  des  sculptures  et  des  pein- 
tures. 

Nos  amis  de  Belgique  avaient  vu  bien  des  merveilles  à 
Chartres  et  au  Mans,  ils  trouvèrent  encore,  en  Anjou,  des 
monuments  à  admirer.  C'est  qu'autrefois,  chaque  province 
formait  un  monde  original.  On  n'était  point,  comme  au- 
jourd'hui, à  la  remorque  de  Paris  ;  l'initiative  privée  était 
plus  grande  que  maintenant,  la  vie  provinciale  était  par- 
tout active,  débordante  ;  chaque  province  formait  un  petit 
monde  dans  le  beau  pays  de  France. 

Nous  aurions  voulu  garder  plus  longtemps  parmi  nous 
de  si  aimables  visiteurs,  jouir  du  charme  de  leur  présence 
et  de  leurs  conversations.  Il  nous  restera  du  moins  un 
agréable  souvenir  de  leur  présence.  Nous  nous  rappelle- 
rons leur  touchante  piété.  Plus  d'une  personne  à  Angers 
a  dû  s'étonner  de  voir,  le  8  septembre,  à  la  cathédrale  et 
dans  les  chapelles  de  la  ville,  ces  étrangers  s'approcher  de 
la  Table  sainte.  Comme  les  grands  artistes  d'autrefois, 
frère  Hugo  d'Oignies,  Fia  Angelico,  les  membres  de  la 
Gilde  de  Saint-Luc  et  de  Saint-Thomas  ont  à  cœur  de 
prouver  par  leur  vie  que  tout  ce  qu'ils  sont  ils  le  doivent 
à  leur  profonde  et  sincère  piété.  Pour  eux,  le  maître  de 
tous  les  actes,  l'idéal  de  ceux  qui  veulent  réaliser  le  beau, 
c'est  Dieu.  «  Connaître  Dieu,  disait  un  jour  l'un  deux, 
«  M.  le  député  Helleputte,  c'est  tout  connaître,  aimer  Dieu, 
«  c'est  aimer  lotit  ce  qui  est  noble,  tout  ce  qui  est  grand.  » 

Nous  garderons  encore  le  souvenir  de  leur  confraternité 
touchante.  Trop  souvent,  chez  nous,  même  parmi  les 
catholiques,  une  certaine  morgue  sépare  les  hautes  classes 
des  masses  populaires.  Ainsi  l'on  ne  fait  point  tout  le  bien 
qu'on  voudrait.  L'union  fait  la  force.  Fidèles  à  la  devise 
de  leur  pays,  les  membres  delà  Gilde  de  Saint-Luc  et  de 
Saint-Thomas  ne  forment  qu'une  grande  famille.  Person- 
nages de  l'aristocratie,  députés,  sénateurs,  riches  indus- 
triels, prêtres,  artisans,  tous  ont  confiance  les  uns  dans 
les  autres  ;  la  plus  franche  cordialité  ne  cesse  d'exister 
dans  tous  leurs  rapports. 

Puissions-nous  profiter  de  leurs  exemples,  pratiquer 
leurs  vertus  sociales  et  privées,  aimer  nos  monuments 
comme  ils  aiment  ceux  de  leur  pays.  Les  richesses  artis- 
tiques que  nous  ont  léguées  nos  pères,  que  les  étrangers 
nous  envient,  nous  les  gaspillons  tous  les  jours.  La  tour 
Saint-Aubin  s'en  va  en  morceaux;  les  greniers  Saint-Jean 
menacent  ruine.  Comme  il  serait  à  souhaiter  que  la  muni- 
cipalité angevine  prit  enfin  en  considération  la  situation 
de  ces  deux  édifices  !  Les  monuments  dans  une  cité  tout 
comme  les  meubles  dans  un  appartement  sont  un  orne- 
ment, ils  ont  aussi  leur  utilité  pratique.  Il  serait  intéres- 
sant d'installer  dans  la  tour  Saint-Aubin,  restaurée  et 
dégagée,  une  belle  horloge  municipale  avec  carillon, 
comme  en  possèdent  les  villes  de  Flandre  et  d'Angleterre 
ou  comme  celui  de  Levallois- Perret.  Quelle  belle  annexe 
pour  le  Musée  archéologique  que  nos  greniers  Saint-Jean 
restaurés,  au  milieu  d'un  jardin  public  !  Nous  laissons 
nos  monuments  anciens  s'en  aller  en  miettes,  nous  laissons 
la  réalité  pour  aller  aux  chimères.  Mettons  de  côté  ce  goût 
des  choses  exotiques,  qui  ne  conviennent  ni  à  notre 
climat,  ni  à  notre  génie  national.  Comme  les  étrangers  le 
font  chez  eux,  inspirons-nous,  en  Anjou,  de  ce  qui  est 
notre  patrimoine  artistique,  de  touscesmonuments, grands 
ou  petits,  qui  ont  donné  à  notre  région  tant  de  cachet  et 
une  si  grande  originalité  ! 

T.-L.  Houdebine, 

prêtre. 
(Extrait  de  la  Semaine  religieuse  du  diocèse  d  Angers.) 


Chronique 


453 


Uc  ffîont  Saint  flaicîjel 


N  correspondant,    bien   connu  de  nos 

lecteurs,  qui  signe  André  Arnoult  au 

Journal  d 'Art,  pousse  un  cri  d'alarme 

«  Le  Mont  Saint-Michel   est   menacé, 

le  Mont  Saint-Michel  est  atteint  : 

«  Au  point  de  vue  artistique,  la  levée  longue  de  1,930 
mètres,  qui  prolonge  jusqu'au  Mont  la  route  de  Pontor- 
son,  est  déjà  une  chose  très  fâcheuse  ;  l'aspect  d'isole- 
ment qu'offrait  la  sainte  montagne  surgissant  de  sa  lagune 
grisâtre  est  irrémissiblement  perdu.  Toutefois,  cette  digue 
présente  en  soi  certains  avantages  matériels  qui  per- 
mettent de  plaider,  non  l'acquittement,  h  coup  sûr,  mais 
les  circonstances  atténuantes  en  faveur  de  MM.  des  ponts 
et  chaussées.  Tandis  que  dans  la  saison  quelques  cen- 
taines de  voyageurs  se  succédaient  au  Saint-Michel,  on 
les  compte  maintenant  par  milliers  et  leur  nombre  s'ac- 
croît chaque  année.  La  facilité  d'accès  et  de  ravitaillement 
n'est  pas  un  facteur  négligeable  ;  néanmoins,  ayant  tou- 
jours eu  cette  idée  que  rien  n'était  plus  respectable,  plus 
utile  que  le  beau,  je  regrette  fort  l'existence  de  la  digue  de 
1880.  Mais,  comme  on  ne  la  détruira  pas,  n'en  parlons 
plus. 

«  Seulement,  le  plus  simple  bon  sens,  le  souci  le  plus 
élémentaire  de  la  dignité  et  de  la  conservation  des 
vieilles  murailles,  commandaient  qu'on  ne  poussât  pas  la 
chaussée  jusqu'au  pied  de  celles-ci.  Or,  on  l'a  fait,  et  elle 
vient  donner  un  coup  de  bélier  dans  la  courtine  d'enceinte, 
entre  deux  tours  assez  voisines  pour  induire  MM.  des 
ponts  et  chaussées  en  tentation  d'y  pratiquer  une  porte. 
Ici,  j'espère  bien  que  la  Commission  des  monuments 
historiques  mettra  le  holà  ;  mais  quand  il  s'agit  de  faire 
quelque  chose  de  laid  et  de  commode,  on  est  terriblement 
fort. 

«  On  se  demande,  en  effet,  pourquoi  la  levée  va  butter 
ainsi  contre  les  murailles  si  l'on  n'a  pas  contre  celles-ci 
des  desseins  ténébreux  et  jusqu'aujourd'hui  inavoués. 
L'accès  de  la  porte  unique  du  bourg,  est,  pour  les  piétons, 
par  une  passerelle;  pour  les  voitures,  par  une  rampe  déta- 
chée de  la  digue  et  conduisant  à  la  grève  ;  celle-ci,  il  est 
vrai,  accessible  seulement  à  marée  basse  ;  mais  ce  mo- 
ment-là dure  à  peu  près  dix  huit  heures  par  jour.  Eh  bien! 
pourquoi  ne  pas  couper  la  digue  sur  une  longueur  de 
200  mètres  avant  les  remparts,  de  manière  à  restituer  au 
Mont  cet  isolement  inséparable  de  sa  beauté,  qu'a  détruit 
notre  époque  ?  Ce  serait  un  jeu  pour  nos  ingénieurs  d'ima- 
giner un  engin  d'accès,  dussent-ils  ne  rien  inventer  et 
nous  donner  une  réédition  du  pont  glissant  de  Saint- 
Malo. 

«  Mais  l'urgent  est  de  sauver  les  murs  de  granit  qui, 
depuis  des  siècles,  ont  subi,  inébranlés,  les  assauts  des 
Anglais,  et  ceux  plus  formidables  des  terribles  et  rapides 
marées  de  la  baie.  La  clameur  d'alarme  est  universelle  ; 
refoulé  violemment  par  l'obstacle  au  lieu  d'envelopper  le 
Mont,  le  flot  bat  avec  une  force  irrésistible  les  tours  et 
les  courtines.  Aux  grandes  marées  d'équinoxe,  aux  coups 
de  vent  du  Nord  en  hiver,  le  spectacle  doit  être  terrifiant 
et  fort  beau.  Mais  on  ne  joue  pas  impunément  avec  les 
puissances  de  la  mer,  et  celles-ci  feraient  crouler  à  la 
longue  les  Pyramides.  La  coupure  de  la  digue  s'impose 
donc  impérieusement,  et  j'ajoute  qu'il  n'est  que  temps. 

i  Par-dessus  le  marché,  on  médite  de  pousser  un  em- 
branchement ferré  de  Pontorson  au  Mont  !  Voyez-vous 
une  gare  avec  ses  organes  et  ses  fumées  se  carrant  au 
pied  des  remparts  ?  Et  si,  comme  à  Vitré,  on  avait  l'idée 


triomphante  de   nous   donner  une   gare   moyen-âge,  ce 
serait  le  comble. 

«  Et  ce  n'est  pas  tout,  d'autres  digues  sont  à  l'étude  pour 
joindre  à  l'Est  et  à  l'Ouest  le  Saint-Michel  à  la  terre 
ferme  ;  ainsi  la  mer  n'arriverait  plus  au  Mont  qu'au  Nord, 
du  côté  de  la  pente  boisée  que  couronne  cet  entassement 
de  lo<ns,  couvent,  forteresse  et  palais,  la  Merveille,  comme 
la  nomme  depuis  plus  de  six  cents  ans  l'admiration  des 
hommes.  Si  ce  projet  dont  plusieurs  variantes  sont  à 
l'étude,  est  réalisé  sous  une  forme  quelconque,  le  XIXe 
siècle  pourra  se  vanter  d'avoir  fait  ou  préparé  l'amoin- 
drissement irrévocable  d'une  des  plus  belles  choses  monu- 
mentales qui  soient  en  Europe.  Serons-nous  donc  toujours 
les  premiers  artistes  du  monde  dans  les  petites  choses  et 
perdrons-nous  notre  vertu  quand  il  s'agit  des  grandes  ? 

«  Pourquoi  ne  pas  laisser  agir  les  forces  lentes  de  la  na- 
ture ?  Jusqu'à  l'an  709  après  ].-C,  le  golfe  était  beaucoup 
plus  rétréci  qu'il  ne  l'est  de  nos  jours.  Jersey,  Aurigny,  les 
îles  Chaussey  s'unissaient  à  la  terre  du  Cotentin  ;  les  îlots 
des  Minquiers  formaient  une  masse  compacte  deux  ou 
trois  fois  plus  grande  que  Jersey  ;  de  nombreux  villages 
dont  on  sait  les  noms  étaient  répandus  çà  et  là  ;  l'épaisse 
forêt  de  Scissy  remplissait  l'anse  où  s'élevaient,  inhabités, 
le  Saint-Michel  et  Tombelaine  ;  enfin  une  voie  romaine 
partait  de  Rennes  se  dirigeant  vers  Granville  à  travers  la 
grève.  En  mars  de  cette  année  709,  un  tremblement  de 
terre  accompagné  sans  doute  d'une  terrible  marée,  donna 
aux  côtes  et  aux  îles  la  forme  qu'elles  présentent  depuis 
près  de  douze  siècles  ;  les  villages,  la  forêt  furent  balayés 
par  le  flot  et  seul  l'inébranlable  granit  du  Saint-Michel 
demeura  debout  avec  Tombelaine.  Le  9  janvier  1755,  des 
troncs  d'arbres  et  des  vestiges  d'un  village,  Saint-Étienne- 
de-Paluel,  furent  retrouvés  ensevelis  :  en  1892,  à  3  m.  30 
de  profondeur,  on  mit  pour  un  instant  au  jour  sous  ces 
boues  épaisses  et  fertiles  que  l'on  appelle  noblement  les 
sables  du  Mont  Saint-Michel,  un  tronçon  de  la  voie 
romaine  qui  était  pavée  en  diorite.Eh  bien,  ce  que  la  mer 
a  conquis  un  jour,  la  terre,  le  véritable  élément  mobile 
dans  la  nature,  le  reprend  ;  la  grève  s'exhausse  lentement; 
qu'on  la  laisse  faire. 

«  Et  si  l'on  a  la  très  louable  ambition  de  conquérir 
quelque  part  un  nouveau  domaine  sur  la  mer,  n'existe-t-il 
pas  entre  Montpellier  et  Perpignan  des  étangs  pestilen- 
tiels, couvrant  des  milliers  d'hectares  et  qui  offrent  un 
champ  presque  infini  à  l'art  de  l'ingénieur  et  de  l'agri- 
culteur ?  » 


ïlcstautations. 

Rouen. —  L'œuvre  de  la  restauration  du  su- 
perbe portail  de  la  cathédrale  inauguré  grâce  à 
l'initiative  du  regretté  cardinal  Sourriaud, marche 
activement  et  peut-être  trop  activement  s'il  faut 
en  croire  M.  B.  Chartraine. 

Pourquoi  faut-il  constater,  une  fois  de  plus,  ainsi  s'ex- 
prime ce  dernier  ('),  que  nos  restaurateurs  officiels,  même 
les  plus  éminents,  et  Viollet-le-Duc  à  leur  tête,  ne  bornent 
pas  leur  rôle  à  remettre  en  l'état  où  nous  les  ont  légués 
nos  grands  ancêtres,  les  monuments  confiés  à  leurs  soins  ? 
Ils  n'ont  pas  le  respect  pieux  de  l'œuvre  telle  qu'elle  est 
partie  du  passé,  même  dans  ce  qu'ils  peuvent  estimer  ses 
erreurs.  Leurs  arrière-neveux  leur  rendront,  espérons-le, 
la  pareille  avec  d'autant  plus  d'entrain  que  nos  matériaux 
actuels,  atteints  de  nous  ne  savons  quelle  dégénérescence, 
n'ont  ni  la  résistance  ni  la  solidité  des  pierres  de  jadis. 

1.  Journal  des  Arts,  10  août  1899. 


454 


Brime  fce  Part  chrétien. 


Toujours  est-il  que  nos  architectes  diocésains  —  dont 
nous  n'entendons  certes  contester  ni  le  mérite  ni  la  science 
—  paraissent  «  vouloir  rétablir  les  édifices  dans  leur  plan 
<S  primitif,  tels  qu'ils  avaient  été  ou  tels  qu'ils  auraient  dû 
«  être  à  l'origine,  sans  souci  de  respecter  tout  ce  que  les 
«  siècles  avaient  ajouté  peu  à  peu  à  une  église,  à  une  ab- 
«  baye,  à  un  château.  Faire  disparaître  les  anachronismes 
«  et  ramener  un  édifice  à  son  unité  première.nous  semblent 
«  une  barbarie  scientifique  aussi  redoutable  que  celle  de 
«  l'ignorance». 

L'œuvre  «architecturale»  ne  doit-elle  pas  être  l'objet 
d'une  vénération  égale  à  celle  de  l'œuvre  «  écrite  »  de  nos 
grands  auteurs  ?  Viendrait-il  jamais  à  la  pensée  d'un  édi- 
teur actuel  de  Rabelais  ou  de  Corneille  de  modifier,  au 
gré  de  son  savoir  actuel  et  de  sa  conception  personnelle, 
quelque  passage  de  Gargantua  ou  du  Cid  ? 

Le  même  critique  déplore  le  délabrement  et 
l'abandon  de  l'église  Saint-Laurent,  dont  la  des- 
truction —  probable,  à  la  suite  de  son  achat,  il 
y  a  quelques  années,  par  un  notaire  rouennais  — 
causa  si  grand  tapage. 

«  Que  deviendra-t-elle  ?  Pour  éviter  cette  destruction 
—  qui  n'eût  point  été  peut-être  si  complète,  car  l'acqué- 
reur, homme  de  goût...  autant  que  de  ressources,  eût  dû, 
tout  en  l'appropriant  à  son  usage,  en  respecter  la  tour  et 
les  parties  essentielles  —  on  eut  recours  à  l'expropriation 
publique  et  l'heureux  notaire  récolta,  si  nous  avons  bonne 
mémoire,  une  cinquantaine  de  mille  francs  dans  cette 
opération. 

«  Et  depuis  lors,  la  vieille  église,  ballottée,  si  l'on  peut 
dire,  entre  l'État  et  la  Ville,  reste  inutilisée  —  ce  qui  serait 
un  médiocre  mal  —  mais  inentretenue  —  ce  qui  est  dé- 
plorable ;  c'est  à  qui,  de  ces  deux  «  collectivités  »,  se 
désintéressera  de  la  question  ;  en  attendant  les  ogives, 
les  corniches,  les  gargouilles,  les  aiguilles  de  Saint-Lau- 
rent sèment  sur  le  pavé  municipal  leurs  larmes  de  pierre. 
Oui  les  réparera  ?  l'État  ou  la  Ville?  Quelle  énigme  !  La 
Ville  ou  l'État  ?  Ne  soyons  pas  trop  injustes  cependant.il 
y  a  un  an,  celui-ci  s'est  décidé  a  refaire  en  belles  ardoises 
neuves  la  toiture  à  peu  près  tout  entière  disparue.  » 

— *©* i®i— 

Lobbes.  —  Des  équipes  d'ouvriers  sont  actuel- 
lement occupés  à  la  restauration  complète  de  la 
vieille  église  paroissiale  de  Lobbes,  dédiée  à 
saint  Ursmer.  Ce  travail,  qui  coûtera  environ 
80,000  francs,  nécessitera  le  placement  de  quatre 
nouveaux  autels  et  d'une  nouvelle  chaire  de 
vérité,  conçus  dans  le  caractère  architectural  de 
l'église. 

Celle-ci  est  un  des  monuments  les  plus  impor- 
tants du  pays,  tant  au  point  de  vue  de  son  aspect 
architectonique  qu'au  point  de  vue  historique  ; 
elle  fut  bâtie  en  1077  et  constitue  un  spécimen 
remarquable  du  style  roman  primitif.  L'église  a 
une  crypte  précieusement  conservée  où  se  trou- 
vent les  sarcophages  de  saint  Ursmer,  de  saint 
Ermin,  de  saint  Hydulphe  et  de  saint  Abel, 
archevêque  de  Reims. 

Jadis,  l'église  desservait  la  célèbre  abbaye  de 
Lobbes,  fondée  au  VIIe  siècle  par  saint  Lan- 
delin,  et  qui  devint,  grâce  à  de  riches  donations, 


une  des  plus  opulentes  de  la  Belgique.  Mais  pen- 
dant les  troubles  politiques,  l'abbaye  fut  détruite 
et  pillée  maintefois,  Aujourd'hui,  il  ne  reste  plus 
que  les  vastes  bâtiments  de  la  ferme,  le  moulin 
et  la  brasserie,  formant  un  quadrilatère  imposant 
sur  la  rive  gauche  de  la  Sambre,  en  face  de  la 
gare. 

r-*@i  ■■  l®t- 

ON  est  occupé  à  restaurer  l'ancienne  et  belle 
église  de  Flobecq  dans  laquelle  quatre  vi- 
traux en  style  du  XVe  siècle  viennent  d'être 
placés  représentant  :  i°  la  Ste  Famille,  2°  la  Plaie 
du  côté  de  Notre-Seigneur  ;  30  et  40  les  quatre 
Évangélistes,  surmontés  dans  les  tympans  par 
des  anges  volants,  suivant  les  traditions  des 
anciens.  Les  vitraux  du  chœur  sont  de  Messieurs 
Comère  et  Capronnier,  à  Bruxelles. 

-«3<— — *£H— 

D'IMPORTANTS  travaux  de  restauration 
s'exécutent  à  la  tour  de  Saint-Jacques  à 
Anvers.  Il  y  aurait  lieu  d'en  profiter  pour  dégager 
l'édifice  des  masures  qui  y  sont  accolées  et  le 
défigurent  L'intérieur  est  encore  déshonoré  par 
le  badigeon  ;  ne  le  verrons-nous  pas  sauvé  de 
cet  opprobre  ? 

— *©t— -J©t- 

ENCORE  une  croix  triomphale  à  remettre 
en  place  ou  du  moins  à  restaurer,  à  Appel- 
terre  (Belgique).  La  croix  elle-même  n'existe 
plus,  mais  on  conserve  les  statues  de  la  Ste  Vierge 
et  de  S.  Jean.  Puissions-nous  les  voir  remonter  à 
leur  place  d'honneur. 

M.  Bressers  de  Gand  s'occupe  actuellement  de 
décorer  de  peintures  murales  la  belle  église  de 
Dadizeele. 

M.  J.  Osterrath  a  peint  récemment  de  beaux 
vitraux  dans  l'église  de  Sluze,  et  l'on  a  orné 
l'Hôtel  de  Ville  de  Binche  de  vitraux  de  style 
exécutés  par  J.  Casier  de  Gand. 

L'église  de  Saint-Martin  à  Saint-Trond  pos- 
sède une  très  intéressante  Vierge  en  bois  ( Scdes 
sapientiae),  d'un  caractère  roman.  On  espère  la 
voir  restaurer  et  polychromer  avec  soin. 

-*©<—» -4©i- 

La  Commission  royale  des  monuments  a  tenu 
son  assemblée  générale  annuelle  lundi  après- 
midi,  dans  la  salle  de  Marbre  du  Palais  des 
Académies  à  Bruxelles,  sous  la  présidence  de 
M.  Charles  Lagasse-de-Locht.  M.  le  ministre  de 
la  justice,  MM.  les  gouverneurs  des  provinces 
de  Namur,  de  Liège,  de  la  Flandre  Orientale,  du 
Limbourg  et  beaucoup  d'archéologues  des  diffé- 
rentes provinces  du  pays,  étaient  présents. 


Chronique. 


455 


M.  A.  Massaux,  secrétaire,  a  donné  lecture  de 
son  rapport  sur  les  travaux  de  la  Commission 
royale  des  monuments.  Il  a  rendu  hommage  au 
gouvernement,  qui  vient  d'acquérir  les  ruines 
historiques  de  Franchimont,  et  il  a  profité  de 
cette  circonstance  pour  recommander  à  l'État  les 
superbes  ruines  d'Orval. 

Les  délégués  des  comités  provinciaux  ont 
rendu  compte  des  travaux  accomplis  par  ces 
divers  comités  durant  le  dernier  exercice,  et 
M.  le  baron  de  Montpellier,  gouverneur  de  la 
province  de  Namur,  a  signalé  à  l'attention  du 
gouvernement  l'ancienne  église  de  Walcourt. 

M.  V.  Dumortier,  architecte  provincial  du 
Brabant,  a  entretenu  l'assemblée  des  progrès 
accomplis  depuis  quelques  années  dans  la  res- 
tauration des  monuments.  Il  a  recherché  les 
moyens  à  employer  pour  continuer  à  suivie  la 
même  voie  progressive,  et,  en  terminant,  il  a  pré- 
conisé l'intervention  du  pouvoir  central  dans  le 
choix  des  architectes  à  qui  l'on  confie  les  restau- 
rations. 

On  a  fait  remarquer  à  cet  égard,  que  le  Gou- 
vernement est  peu  disposé  à  entrer  dans  cette 
voie;  les  règlements  de  la  Commission  royale  lui 
interdisaient  d'intervenir  dans  le  choix  des 
architectes  :  celui-ci  devant  être  réservé  aux 
Administrations  dont  dépendent  les  édifices  à 
restaurer. 

M.  le  baron  Bethune  a  fait  une  communication 
très  intéressante  sur  l'art  du  vitrail  dont  il  a 
résumé  l'histoire,  rappelant  les  colorations  qui 
caractérisent  chaque  époque  et  le  caractère  ico- 
nographique des  vitraux  en  général.  L'orateur  a 
également  parlé  de  la  technique  du  peintre  sur 
verre  et  il  a  donné  de  curieux  détails  sur  la 
grisaille,  le  vitrail  incolore  et  l'harmonie  des 
couleurs  et  des  émaux. 

Quelques  paroles  ont  encore  été  prononcées 
par  M.  H.  Schuermans,  et  la  séance  a  été  levée 
à  5  heures. 


Grposition. 

Exposition  de  Bayeux.  —  Pour  la  première  fois 
la  Société  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  de 
Bayeux  a  organisé  cette  année,  avec  ses  seules 
ressources,  dans  l'ancien  palais  épiscopal,  une  ex- 
position d'art  contenant  une  partie  rétrospective. 
C'est  dans  la  salle,  dite  du  Faune,  qu'on  a  in- 
stallé cette  dernière. 

Les  vieilles  dentelles  de  Bayeux  y  ont  leur 
place  naturelle.  M.  Callevats  montre  une  bande 
du  guipure  duchesse  très  fine  du  XVIIIe  siècle, 
destinée  à  un  bonnet  monté  de  dame  du  pays; 
à  côté,   c'est   une   manche  d'aube   en    point    de 


Venise  du  XVIIe  siècle,  avec  entrelacs  ajourés. 
MM.  G.  Villers  et  Lefébure,  de  Paris,  ont  envoyé 
de  riches  dentelles  anciennes  de  Bayeux,  ou  en 
point  de  Venise  et  d'Angleterre. 

Une  vitrine  contient  de  vieux  fichus  normands. 
M.  G.  Villers  a  envoyé  une  série  de  bijoux  nor- 
mands et  des  boutons  en  verroterie  locale,  en 
usage  à  la  fin  du  XVIIIe  siècle. 

Parmi  les  peintures,  on  remarque  le  portrait 
du  colonel  Le  Ménestrel  des  Granges  et  un  por- 
trait  de  femme  attribués  à  de  Troy. 

Il  convient  aussi  de  mentionner  un  acte  de 
mariage  du  10  février  1568;  jolie  enluminure, 
ornée  dans  ses  angles  des  figures  des  quatre 
évangélistes  fort  bien  peints. 

Citons  un  lot  de  tabatières  décorées  générale- 
ment de  miniatures  par  Goubert,  Hall,  Robinet 
et  autres,  ainsi  qu'un  drageoir  en  or  ciselé  et 
émaillé  de  Louis  XVI. 

Parmi  les  meubles,  il  convient  de  signaler  un 
cabinet  italien  Louis  XIII,  en  marqueterie,  ap- 
partenant à  M.  le  marquis  de  Vologé  ;  et  l'élégant 
bureau  Empire  orné  de  cuivres,  de  M.  R.  de 
Portalis;  une  viole  curieuse  fabriquée  par  un 
luthier  de  Bayeux. 

Parmi  les  faïences  et  porcelaines  se  trouvent 
un  grand  plat  rayonnant  à  décors  bleus,  style 
Bérain,  en  faïence  de  Rouen  ;  un  petit  déjeûner 
en  vieux  Bayeux,  décor  chinois;  une  assiette  et 
une  tasse  à  thé  polychrome.de  la  même  fabrique 
normande,  qui  a  fonctionné  jusqu'en  1860. 

Une  curieuse  assiette  en  étain  à  festons 
Louis  XV,  porte  au  centre  le  porc-épic  royal  avec 
la  devise;  ce  modèle  ancien  a  été  copié  de  nos 
jours  et  se  retrouve  chez  tous  les  brocanteurs. 


UN  Comité  formé  par  la  Direction  à&Duren- 
dal  organise  à  Bruxelles,  au  Musée  mo- 
derne, que  le  Gouvernement  a  mis  à  sa  disposition 
à  cet  effet,  une  exposition  d'art  religieux. 

Le  Comité  d'honneur  est  composé  de  Mme  la 
princesse  de  Caraman-Chimay;  Mme  de  Denter- 
ghem,dame  d'honneur  de  S.  M.  la  Reine;  Mme  la 
comtesse  de  Hemricourt  de  Griinne,  Grande 
Maîtresse  de  la  Maison  de  S.  M.  la  Reine;  la 
marquise  Pierre  Imperiali;  la  comtesse  Edouard 
de  Liedekerke. 

MM.  A.  Beemaert,  Ministre  d'État,  président 
de  la  Chambre;  le  baron  de  Beeckman  ;  le  mar- 
quis de  Beauffort,  sénateur;  Alexandre  Braun, 
ancien  bâtonnier  de  l'ordre  des  avocats  ;  le  baron 
Goethals;  G.  Kurth,  professeur  à  l'Université  de 
Liège  ;  Ch.  Lagasse  de  Locht,  président  de  la 
Commission  royale  des  Monuments;  J.  Lejeune, 
ministre  d'État;  le  baron   de  Moreau  d'Andoy, 


456 


3Rcbuc  lie  rart  cïjrétten. 


ancien  ministre;  L.  de  Somzée,  membre  de  la 
Chambre  des  Représentants  ;  Valère-Mabille, 
industriel;  le  chanoine  Van  den  Gheyn,  direc- 
teur du  collège  St-Liévin  de  Gand  ;  Arthur  Ver- 
haegen,  membre  de  la  Députation  permanente 
de  Gand. 

Ko  tm  cil  es. 

M.  Chardon,  lieutenant  d'artillerie,  en  garnison 
au  fort  d'Estrées,  près  du  cap  Matifou  (départe- 
ment d'Alger),  vient  de  découvrir  l'emplacement 
d'une  basilique  du  IVe  ou  du  Ve  siècle. 

Le  sol  de  cette  basilique  est  décoré  d'une  mo- 
saïque offrant  une  superficie  de  près  de  cent 
mètres,  ornée  d'inscriptions  et  de  dessins. 

— JCM— —KiM— 

L'ARRANGEMENTentre  le  Gouvernement 
italien  et  la  famille  Borghèse,  pour  l'acqui- 
sition par  l'État  de  la  galerie  et  du  musée  de  la 
villa  Borghèse,  vient  d'être  signé.  Le  Gouver- 
nement paiera  3  millions  600,000  lires  en  dix 
annuités  portées  aux  budgets  de  l'instruction  pu- 
blique et  du  Trésor.  Le  tableau  du  Titien,  Amour 
sacré  et  profane,  a  été  évalué,  à  lui  seul,  à  deux 
millions  et  demi. 

— t@t   ■  l@t  ■ 

CONTRAIREMENT  aux  dispositions  de 
l'édit  Pacca,  le  prince  Chigi,  aurait,  dit-on, 
vendu  à  l'étranger,  pour  la  somme  de  300,000 
francs,  un  tableau  de  Botticelli.  Des  explications 
ayant  été  demandées  au  vendeur,  celui-ci  aurait 
déclaré  que  l'acheteur  avait  pris  l'engagement  de 


laisser  le  tableau  en  Italie.  Toutefois  celui-ci 
ayant  donné  une  fausse  adresse,  le  ministre  Bac- 
celli  aurait  ordonné  une  enquête. 

-*©*-— »©t- 

DANS  les  fouilles  pratiquées  pour  la  conti- 
nuation des  travaux  de  la  Cour  d'appel  au 
Palais  à  Paris,  on  a  trouvé  divers  fragments  de 
statues  sans  tète  et  quatre  parties  inférieures 
de  corps,  qui  semblent  provenir  des  statues  de 
moines  assis,  et  peuvent  dater  du  XIIIe  siècle. 
M.  Charles  Sellier,  estimant  que  ces  débris  de 
sculpture  méritent  d'être  conservés  comme  spé- 
cimens d'une  bonne  époque,  les  a  fait  admettre 
au  musée  Carnavalet. 

-*©<— — i©t- 

ON  vient  encore  de  découvrir,  à  Saint-Mau- 
rice, l'abside  d'une  ancienne  basilique  ;  c'est 
la  deuxième  qu'on  découvre  cette  année.  Au-des- 
sous du  pavé  des  églises,  construites  à  partir  de 
l'an  IOOO,  on  peut  voir  maintenant  trois  absides 
mises  au  jour  par  les  travaux  des  fouilles. 

ON  annonce  que  le  docteur  Bredius,  directeur 
du  Musée  de  La  Haye,  a  découvert  dans 
l'église  baptiste  de  Singel,  à  Amsterdam,  un 
tableau  de  Rembrandt  :  portrait  d'un  jeune 
homme  âgé  d'environ  vingt  ans. 

Cette  toile  aurait  été  peinte  par  l'illustre  maître 
vers  1632.  M.  Bredius  en  a  offert  15,000  florins. 

L.  C. 


Imprimé  par  Desclée,  De  Brouwer  et  O,  Bruges. 


SixiiiAiJijpnrTTTnjxxxu/jqiiMiiiiifTnrrtTrnTT^r^ciutxiMJinn  n;miifP[„niiimiiuimn»Tifiipmiiuiuiuif; 


Betoue  lie 


l'Hrt  rftrétten 


yauaistfant  ton*  les  benr  mofjEî. 

42nie  Hnnée.  —  5e  Série. 


««< 


(Conte  X  (xlviif  de  fa  collection).   4< 


6me  lierais.  —  Ijotocm&re  ^899. 


E3 


m 


s 


^PÎ5^^P??^?P^P?y^î^?5^?§^?^^^^ 


fflart|>re  et  sépulture  lies  fflacbabées  (suite  et  en)  o. 


VI 

UEL  fut,  après  le  VIe 
siècle,  le  sort  de  la  basi- 
lique antiochienne  con- 
sacrée au  culte  des 
Machabées  et  de  leurs 
restes,  c'est,  malgré  la 
pénurie  des  documents, 
chose  assez  facile  à  déduire  de  certains  faits 
qu'on  peut  regarder  historiquement  établis. 
Il  est  hors  de  doute,  avant  tout,  que  des 
voyageurs  visitèrent  leurs  tombeaux  à  An- 
tioche  au  VIe  siècle,  peu  après  le  tremble- 
ment de  terre  qui  causa  tant  de  ruines  dans 
plusieurs  villes  de  Phénicie,  de  Syrie  et  de 
Palestine.  D'après  le  témoignage  de  Théo- 
phane,  rapporté  ci-dessus,  si  l'on  en  pouvait 
garantir  l'exactitude,  il  faudrait  croire  que 
la  catastrophe  dont  il  s'agit  n'eut  pas  lieu 
avant  543.  Mais  ce  témoignage,  adopté 
comme  terme  extrême,  demeure,  au  point 
de  vue  de  la  critique,   sujet  à  de  grandes 

.1.  V.  la  1"  part.,  p.  290  et  la  2me  part.,  p.  377,  1899. 


réserves;  soit  parce  que  l'autorité  de  Théo- 
phane,  comme  l'ont  fait  remarquer  Goar  (') 
et  Constant  (2),  quoique  inattaquable  dans 
le  Fond  du  récit  historique,est  très  douteuse 
en  ce  qui  concerne  la  chronologie  ;  soit 
parce  qu'il  est  en  contradiction  avec  d'autres 
auteurs  plus  autorisés.  Malala,  en  effet, 
résumant  l'époque  de  l'empereur  Justinien, 
reporte  cet  événement  à  l'indiction  XIV, 
qui  correspond  à  551.  Avec  non  moins  de 
précision  l'auteur  contemporain  des  Fram- 
menti  storici  tusculani,  publiés  par  Mai  (3), 
hxe  la  date  du  terrible  fléau  le  6'  jotir  de 
juillet  de  la  quatorzième  indiction,  sous  le 
règne  de  Justinien,  èm.  t%  (3acr.>,£ia;  -où  àu-zoû 

ZÙ'ZS.fjZ'JVZXVJ     Yl<7.to7      r>£T7TOT0'J,      [A7|vl     'lotAîw      £V     T7) 

rijjipa  É'x-rj,    tvoixTt.wv!,  TEffTap'.a-  xai  Zzy.ô--i\.    Aga- 
thias,  de  son  côté  (4),  auteur  d'une  histoire 

1.  Jac.  Goarius,  Notae  ad  Theoph.  Chronoçr.,  Mio-rie 
P.  G.,  t.  CVIII,  p.  14. 

2.  P.  Constant,  De  Vigilii  Papae  gestis,  dans  card. 
Pitra,  Analecta  noviss.  spicileg.  Solesm.  altéra  continuât., 
pp.  425-427. 

3.  Spicilegium  romanum,  t.  11,  part.  III,  fragm.  iv, 
pp.   1-28. 

4.  Agathiae  scholast.  Myrin,  Historiar.,  lib.  II,  15. 


RBVUK    DE   LART    CHRÉTIEN 
iSgg.   —   6me  LIVRAISON. 


458 


3&et)ue  t>e  PiSrr  chrétien* 


contemporaine  qui  embrasse  les  événe- 
ments des  années  552-558  de  notre  ère, 
plaçant  le  susdit  tremblement  de  terre  dans 
ce  laps  de  temps,  corrige  l'erreur  de  Théo- 
phane,  si  tant  est  que  l'année  543,  assignée 
par  ce  dernier,  ne  doive  pas  s'entendre, 
d'après  les  Alexandrins,  et  commencer  en 
septembre  550.  Dans  tous  les  cas  les  tom- 
beaux des  Machabées  existaient  certaine- 
ment à  Antioche  jusqu'en  551.  A  partir  de 
cette  date,  nous  voyons  disparaître  la  trace 
non  seulement  des  tombeaux,  mais  même 
de  la  basilique  érigée  en  leur  honneur. 

Il  faut  assurément  chercher  la  cause  de 
ce  fait  dans  les  grands  malheurs  qui  ame- 
nèrent, sous  Justinien,  la  ruine  de  l'an- 
cienne métropole  de  l'Orient  et  la  firent 
disparaître  entièrement  pour  donner  place 
à  une  ville  nouvelle.  Dans  cette  lugubre 
catastrophe,  les  traces  des  anciens  édifices 
furent  effacées  au  point  que,  s'il  faut  en 
croire  Procope  ('),  personne  n'eût  été  ca- 
pable de  désigner  la  place  qu'ils  avaient 
occupée.  Les  églises  d'Antioche  détruites 
ou  menaçant  ruine  (2),  il  n'y  a  donc  pas 
lieu  de  s'étonner  que  la  basilique  des  Ma- 
chabées ait  eu  le  même  sort,  et  que  l'em- 
pereur Justinien,  avec  le  zèle  qu'il  apportait 
au  culte  et  à  la  translation  des  reliques  des 
saints,  pour  en  orner  la  capitale  de  l'empire, 
ait  songé  à  y  transporter  leurs  cendres. 

Or  cette  hypothèse  se  trouve  confirmée 
par  les  faits  :  à  partir  de  l'année  551,  nous 
avons,  tant   à    Constantinople   qu'à  Rome, 

1.  Procope.,  De  aedificiis  Justiniani,  il.  10. 

2.  Procope  [De  bello  persico,  lib.  II,  c.  10]  affirme  que, 
lors  de  l'incendie  de  la  ville,  aucune  église  ne  fut  épargnée, 
r,  ;/:v  ouv  èxx).i)<jta,  xaôatpEBeforiç  ''];  t.O.zm;,  èXei'98»)  p-dvr). 
—  Malala  [Ckronogr.,  lib.  XVII,  c.  620]  est  d'accord 
avec  lui  quand  il  raconte  que,  toutes  les  autres  ayant  été 
détruites,  la  grande  église  bâtie  par  Constantin  resta  seule 
debout  pendant  deux  jours,  supportant  le  fléau  de  la  colère 
divine,  r,  ?à  ;.i.Eyi/.r,  h/./j.t^ij.  'Avxio^EÎaç  r<  x-CKTÔEÎtra  Otto 
Kiovotavtîvou  t'/j  MôfâXou  fyaaiXétiii  tt,;  0£O|j.ï)vkx<;  ysyojj.évr,; 
xal  --j.T.in-1  -.z---<»/.' -.">•/  ;•.;  ti  ÊSatpoç  èttt,  èiti  i)p.épo;  B'.  — 
Cf.  encore  Georg.  Cedren.  ad.  an.  6  Justiniani. 


des  preuves  manifestes  de  cette  translation. 
De  Saussy  ('),  sur  la  foi  de  documents  qu'il 
avait  sans  doute  entre  les  mains,  affirme 
que  les  cendres  des  Machabées  furent  trans- 
portées par  Justinien  à  Constantinople,  et 
ce  témoignage  a  dans  l'histoire  une  coïnci- 
dence qui  le  rend  pleinement  acceptable. 
En  effet,  nous  savons  par  le  Chronicon 
paschale, qu'en  l'année  626, environ  soixante 
ans  après  la  mort  de  Justinien, sous  le  règne 
d'Héraclius,  il  existait  à  Constantinople,  et 
précisément  dans  le  quartier  des  Sice,  èv 
Euxaîç,  une  église  consacrée  aux  martyrs 
Machabées  (2).  Or  cet  édifice  n'était  pas 
antérieur  à  Justinien  ;  car  les  Suxai,  figuiers, 
qui  formaient  le  treizième  district  de  Con- 
stantinople au  delà  du  golfe,  correspondant 
au  quartier  actuel  de  Galata  (3),  reçurent 
leur  plus  grand  accroissement  de  cet  empe- 
reur, de  sorte  qu'ils  prirent  le  nom  de  Sicae 
justinianae  (4),  et  de  cité  justinienne  (5).  Il 
y  éleva  en  effet  de  splendides  monuments, 
parmi  lesquels  on  cite  l'église  de  Sainte- 
Irène,  dont  la  dédicace  se  fit  avec  une 
pompe  royale  sous  le  patriarche  Menas,  et 
qui  passa  vers  l'année  1303  aux  Génois 
établis  à  Galata  (6).  Mais  l'ancien  Plan  ou 
Description  de  Constantinople  (7),  opuscule 
de  la  première  moitié  du  Ve  siècle,  qui  re- 

1.  Martyrolog.  gallican,  ad.  diem  I  aug. —  Cf.  Sollier, 
Acta  SS.  aug.  ad  diem  1'",  §  iv,  p.  9  sq. 

2.  A  propos  de  l'invasion  des  Perses,  le  Chronicon  fait 
mention  de  la  vénérable  église  des  saints  Machabées  aux 
Sice,  ■z'yj  a£paa|juou  dixou  TOV  àyi'iov  Maxxapatojv  èv  Eoxaîç. 
—  Chron.  pasch.  ad  an.  626.  —  Cf.  Ducange.  Constantino- 
polis  christiana,  lib.  IV,  sect.  IV,  n.  20. 

3.  Cf.  A.  M.  Belin,  Histoire  de  la  Latinité  de  Constan- 
tinople, p.  124. 

4.  Ducange,  /.  <..,  lib.  I,  22. 

5.  Chronicon  paschale,  ad  an.  528.  — Stephan.  Byzant., 
De  urbibus,  écrit  :  Suxal,  ttoàh;  àvxixpi  zr^  via;  'A<t>p.i)C,  i, 
xaO'  'iM'i;  'louTtiviaval  TipoffaYopeuôéïffa.  —  Malala  appelle 
le  même  quartier  èv  'louanviavaïç. —  Chronogr.,  lib.  XVIII, 
C  7^3- 

6.  Belin,  /.  c,  p.  1,  S.  —  Cf.  encore  Malala,  /.  c. 

7.  Descripiio  urbis  constantinopolitanae  secundum  qua- 
tuordecim  regioncs,  Regio  XIII. 


£^artpre  et  sépulture  Des  ®ad)abées. 


459 


présente  l'état  de  la  ville  avant  les  agran- 
dissements du  VIe,  nous  apprend  que  le 
quartier  des  Figuiers  ne  possédait  qu'une 
seule  église,  ecclesiam,  dédiée,  semble-t-il,  à 
l'illustre  martyre  Thècle.  Église  ignorée 
de  Gyllius  et  de  Ducange  ("),  dont  le  chro- 
niqueur Ephrem  nous  a  conservé  le  souve- 
nir dans  son  catalogue  en  vers  des  Patriar- 
ches de  Constantinople,  publié  par  Mai  (2), 
où  il  dit  de  Flavitas,  qui  succéda  à  Acacius 
en  489,  quêtant  prêtre  il  était  attaché  au 
temple  de  la  martyre  Thècle  aux  Sicé  : 

'Av/ip  (I>),a[j'!Taç   [j.âpTupoi;  vaoO  0Ixàï)<; 
Tû'j  xaxa  Suxaç  o'.axei.|jt.svou   Ç)ÙTf,<;. 

L'église  dédiée  aux  Machabées  que  nous 
trouvons  déjà  existante  dans  le  quartier 
sicena  au  commencement  du  septième  siècle, 
ne  peut  donc  avoir  été  bâtie  que  par  Justi- 
nien  lui-même  ou  par  ses  successeurs  im- 
médiats (3),  et  trouve  assurément  sa  raison 
d'être  dans  la  translation  des  reliques  des 
glorieux  martyrs  survenue  après  la  ruine 
de  leur  basilique  antiochienne. 

Un  autre  argument  qui  démontre  d'une 
manière  plus  pertinente  encore  que  la  trans- 
lation des  reliques  des  Machabées  d'An- 
tioche  se  fit  après  551,  nous  est  fourni  fort 
à  propos  par  la  tradition  de  l'Église  romaine. 
Son  martyrologe,  en  rapportant  aux  ca- 
lendes d'août, la  mortdesMachabées, affirme 
que  leurs  reliques  furent  transportées  à 
Rome  et  déposées  dans   la  basilique  eudo- 

1.  Gyllius,  de  Bosp.  Trac,  lib.  II,  c.  10  ;  —  Ducange, 
/.  c,  lib.  II,  c.  22,  p.  67. 

2.  Mai,  Script,  veter.  nov.  collect.,  v.  9741-9742. 

3.  Procope,dans  son  ouvrage  <LDe  aedificiis  Justiniani>) 
ne  fait  pas  mention  de  l'église  élevée  aux  Machabées  aux 
Sice ;  mais  comme  il  écrivait  avant  la  mort  de  l'empereur, 
on  ne  saurait  rien  inférer  de  son  silence.Donc  la  construc- 
tion de  l'église  doit  être,  ce  semble,  attribuée,  si  non  à 
Justinien,  du  moins  à  Justin,  lequel  se  montra  dans  le 
culte  des  saints  le  digne  imitateur  de  la  munificence  de 
son  oncle  maternel  et  grand  amateur  de  constructions, 
d'où  lui  vient  le  titre  de  'iiXo/.TiŒ-ïï,;  [Théoph.  ad  an.  5 58  ; 
—  Joël,  Chronogr.,  c.  265]. 


xienne  de  St-Pierre-ès-Liens  (');  et  l'ins- 
cription suivante  en  vers  qu'on  lisait,  dès 
les  temps  les  plus  reculés,  dans  cette  même 
église,  nous  a  conservé  la  date  précise  de 
cette  translation,  qui  eut  lieu  précisément 
sous  le  pontificat  de  Pelage  Ier,  de  556  à 
56i  C): 

HOC  DOMINI  TEMPLUM  PETRO  FUIT  ANTE  DICATUM 
TERTIUS  ANTISTES  SYSTUS  SACRAVERAT  OLIM 
CIVILI  BELLO  DESTRUCTUM  POST  FUIT  IPSUM 
EUDOXIA  QUIDEM  TOTUM  RENOVAVIT  IBIDEM 
PELAGIUS  RURSUS  SACRAVIT  PAPA  BEATUS 
CORPORA  SANCTORUM  CONDENS  IBI  MACHABAEORUM. 

Impossible  de  nier  la  parfaite  harmonie 
de  cette  indication  de  source  romaine  avec 
la  tradition  du  transfert  des  reliques  des 
Machabées  après  l'année  551,  pour  peu  que 
l'on  songe  à  certaines  circonstances  histo- 
riques du  temps.  —  Nul  n'ignore  que  l'in- 
gérence excessive  de  Justinien  dans  les 
discussions  théologiques  avait  attiré  à  la 
Cour  de  Byzance  le  Pape  Vigile,  et  qu'il 
séjourna  dans  cette  ville  impériale  du  com- 
mencement de  l'année  547  jusque  vers  le 
mois  de  juin,555,  à  l'occasion  de  l'affaire  des 
Trois  Chapitres.  Quoiqu'il  ait,  pour  cette 
raison,  encouru  l'indignation  du  Prince  et 
en  ait  subi  des  violences,  il  est  certain  qu'il 
finit  néanmoins,  vers  l'année  554,  par  re- 
couvrer pleinement  ses  bonnes  grâces.  Cette 
réconciliation  nous  est  affirmée  à  l'unani- 
mité par  tous  les  historiens  byzantins  de 
l'époque,  entre  autres,  par  l'auteur  des 
Frammenti  storici  htsculani  (3),   par   Ma- 

1.  «  Eorum  reliquiae  Romain  translatae  in  eadem 
«  ecclesia  sancti  Pétri  ad  vincula  conditae  fuerunt.  » 

2.  Cette  inscription  a  été  rapportée  par  Ugonio  [Thea- 
trum  urbis  Romae ;  Cod.  ms.  de  la  Barberini,  n.  1057]; 
par  Martinelli  [Roiua  ex  ethnica  sacra,  p.  2S4]  ;  par  le 
cardinal  Tommasi  [Ad  Capitulare  Evangelior.  Antiq. 
lib.  Missar.,  p.  188,  éd.  Rom.  1691]  ;  par  Giorgi  [Mar- 
tyrolog.  Adonis  ad  diem  im  aug.,  p.  369]  ;  par  les  frères 
Ballerini  [S.  Leonis  m.  opp.,  t.  I,  p.  4SS]  ;  par  Monsacrati 
[De  catenis  s.  Pétri,  p.  vi]  et  autres. 

3.  €  TéXoç  Si  èi-jÉ/Of)  jTCô  f*.e-ra|i.ô>a)6Évxoc;  Èuae^îdTïT'jj 
Tjljuôv  'jîtjTtoTou  6  à'jxôç  Tri-naç  BiyîXioç,  à  la  fin  notre  très 
religieux  seigneur,  touché  de  repentir,  reçictdans  ses  bonnes 
grâces  le  Pape  Vigile.  »  —  Mai,  Spicil.  rom.,  I.  c,  frag.  IV. 


460 


3&cbuc  De  l'Srt  chrétien. 


lala  (')  et  Théophane  (•).  Comme  gage  de  la 
paix,  Vigile  obtint  de  Justinien  des  faveurs 
insignes  pour  l'Église  romaine  et  pour  l'Ita- 
lie,  cruellement  ravagées  et  désolées   par 
l'invasion  des  Goths,  que  le  vaillant  Narsès 
avait    enfin    soumis.    Au    nombre    de    ces 
faveurs  figurent  la  reconnaissance  des  do- 
nations faites  à  l'Église  romaine  par  Ama- 
lasonte,  Théodat  et  Atalaric  (3);  et  aussi  la 
Pragmatique  sanction  du  13  août  554  con- 
cernant les  dispositions  au  profit  de  l'Ita- 
lie (4).  Ceci   posé,  il    n'y  a   pas   besoin   de 
torturer  l'histoire  pour  supposer  que  Vigile, 
avant  son  départ,  en    555,    ait  obtenu  de 
l'empereur  pour  l'Église  de  Rome,  en  tout 
ou   en   partie,  les   reliques  des  Machabées 
jadis    apportées    d'Antioche  ;    et    qu'étant 
mort,  à  son  retour  à  Syracuse,  le  7  juin  de 
la  même  année,  le   diacre  Pelage  qui  l'ac- 
compagnait et  lui   succéda  immédiatement 
dans  le  pontificat,  les  ait  portées  à  Rome  et 
déposées,  comme  le  porte  l'inscription,  dans 
la  basilique  eudoxienne.  Que  si  l'on  écartait 
cette   hypothèse,   laquelle    semble    la   plus 
probable,  il  ne  resterait  plus  qu'à  admettre 
que   le  don   de   l'empereur  fut  fait  directe- 
ment à  Pelage,  si  en  faveur  auprès  de   lui. 
Ce  Pontife,  aussi  énergique  et  entreprenant 
qu'habile  dans   le  maniement  des  affaires 
publiques,  avait  su,  pendant  son  long  séjour 
à  Constantinople  comme   apocrysiaire  du 


1.  «  Mi)Vt  'louvftj)  y.é,  LvStXTÎovi  t^  àoif,  [iy']  êS&tÔT)  G  Èitt- 
-y.'j-',;  'l'io'jr,;  BiytXtot;  ùizà  tou  BaaiXétoç,  le  26  juin  de  la 
llï  indiction  l'Kvêque  de  Rome,  Vigile  fut  reçu  dans  les 
bonnes  grâces  de  l  Empereur.  »  —  Malala,  Chronogr., 
lib.  XVIII,  c.  702. 

2.  "  '••  8è  paaiXsùç  jj.Exa|j.îXTiO£tç,  ê8é5aTO  xiv  Triirnav 
Bi  V  lov,  l'Empereur  repentant  admit  le  Pape  Vigile  dans 
son  amitié.  »  — Théophane.,  Chronogr.,  dans  Migne,  P.  G., 
t.  CVIII.C  498. 

3.  Cf.  Pitra,  Analecta  noviss.  spic.  Solesm.  aller,  con/in., 
t.  I,  p.  48. 

4.  Cf.  la  Novella  de  Justinien  dans  l'éd.  de  C.  E.  Za- 
charia  von  Lingenthal,  Leipsick,  18S1,  2,  354-366,  qui 
débute  ainsi  :  ••  Pro  pelitione  l 'igilii  venerabiîis  anti- 
quioris  Romae  episcopi  quaedam  disponenda  esse  censui- 
mus,  »  etc. 


siège  apostolique,  se  concilier  l'estime  et 
l'amitié  de  Justinien,  et  de  même  qu'après 
avoir,  avec  le  concours  du  pieux  Narsès, 
bâti  à  Rome  la  basilique  dédiée  aux  apôtres 
Philippe  et  Jacques,  il  obtint  leurs  reliques 
d'Orient  ('),  ainsi  il  put  obtenir  celles  des 
Machabées  pour  les  placer  dans  l'église  de 
Saint-Pierre-ès-Liens,  restaurée  par  ses 
soins.  Toutefois  l'affirmation  de  l'ancienne 
inscription  de  la  basilique  eudoxienne 
trouve  un  solide  appui  dans  l'histoire. 

Pour  donner  plus  de  poids  à  la  démons- 
tration de  cette  hypothèse,  nous  devons 
signaler  l'importante  découverte  faite  il  y  a 
une  vingtaine  d'années.  Lorsqu'on  démolit, 
en  septembre  1876,  les  degrés  du  maître 
autel  de  la  basilique  pour  creuser  l'hypogée 
qu'on  y  devait  construire,  on  se  trouva  ino- 
pinément en  présence  d  un  sarcophage  chré- 
tien en  marbre  qui  renfermait  les  restes  des 
Machabées  vénérés  de  longue  date  dans 
cette  église.  La  Commission  d'archéologie 
sacrée,  mandée  immédiatement  sur  les  lieux 
par  l'autorité  compétente,  reconnut,  après 
mûr  examen,  un  sarcophage  du  IVe  ou  du 
Ve  siècle,  historié  sur  le  devant  de  sculp- 
tures en  relief  partagées  en  cinq  groupes 
représentant  des  sujets  du  cycle  évangé- 
lique,  auquel  avait  été  adaptée,  ancienne- 
ment, une  grande  plaque  de  marbre  pour 
en  former  le  couvercle.  L'intérieur  du  sar- 
cophage, et  ceci  est  à  remarquer,  était  divisé 
en  sept  compartiments  ou  cases  (loculi)  au 
moyen  de  six  plaques  de  marbre  phrygien 
insérées  sur  la  longueur  dans  les  parois.  Au 
fond  de  chacune  des  sept  cases  se  trouvait 
une  couche  de  cendres  avec  fragments  d'os. 
On  découvrit  également  deux  bandes  de 
plomb  [A,  B]  avec  les  inscriptions  sui- 
vantes; l'une  [AJ,  très  oxydée,  était  adossée 
à  la  petite  séparation  intérieure  du  premier 

1.  Cf.  Grisar,  S t or  ta  dei  Papi  de!  mcdio  evo,  t.  II,  p.  325. 


S^avtprt  et  sépulture  Des  £@acl)abéeg. 


461 


compartiment,  l'autre  [B],  en  bon  état,  était 
dehors  à  quelque  distance  du  sarcophage  (')  : 


B 


IN  .  EUS  . 

SEPTEM  . 

LOCV 

CONDITA 

.      SVNT 

.     OS 

SA  .  ET  .  C1NERES    . 

SCOR 

SEPTEM    . 

FRATRVM 

.  MA 

CHABEOR 

.    ET   .    AMROR- 

PARF.NTV   .   EOR?  .  AC 
MERABILIV  .  ALIOR-. 

.  1NV 

SCOR? 

IN.  HIS.LOCVLIS.  SVNT.  RE 

_n_ 

SIDVA  .  OSSIV  .  ET  .  CINER? 

_n_  _o_ 

SCOR;  .  SEPTEM   .  FRATRV 

MACHABEOR  .  ET.  AMBOR; 

PARENTV.  EORî.AC.  INNV 

MERABILIVM  .  ALIORl 

SANCTORVM. 


Les  archéologues  ont  longuement  dis- 
cuté,  sans  parvenir  toutefois  à  se  mettre 
d'accord,  sur  l'âge  de  ces  inscriptions.  Mais 
il  est  certain  que  les  deux  bandes  y  ont  été 
visiblement  mises  à  des  époques  différentes, 
celle  du  dehors  étant  non  seulement  par  la 
place  qu'elle  occupe  et  son  meilleur  état  de 
conservation,  mais  encore  au  point  de  vue 
de  la  paléographie,  de  date  plus  récente  (2). 
Le  fait  même  que  la  plaque  intérieure  parle 
simplement  de  «  ossa  et  cineres  »,  tandis  que 
la  plaque  extérieure  n'indique  que  «  restdua 
ossium  et  cinerum  »,  donnerait  lieu  de  suppo- 
ser que  celle-ci  a  été  placée  ultérieurement, 
lorsque  les  Pontifes  Romains  consentirent  à 
distribuer  une  partie  des  saintes  reliques 
aux  autres  Églises  d'Occident  (3). 

Sans  nous  arrêter  à  une  controverse,  qui 
attend  encore  sa  solution,  bornons-nous  à 
faire  observer  que  la  récente  découverte 
porte  manifestement  l'empreinte  et  de  la 
provenance  antiochienne  des  saintes  reli- 
ques et  de  leur  passage  à  Constantinople. 

Inutile   de   dire  que   l'état   des   reliques 

i.Cf.  De  Rossi,  Biillettino  di  Archeologia  cristiana, 
troisième  série,  année  I,  pp.  7375. 

2.  Les  petits  traits  placés  sur  la  voyelle  V  pour  indiquer 
la  suppression  de  la  lettre  M,  et  sur  le  sigle  SCOR 
(sanctorum)  dans  la  bande  intérieure,  sont  horizontaux, 
tandis  que  dans  l'extérieur,  ils  sont  recourbés  au  milieu 
en  demi-cercle. 

3.  V.  Acta  SS.,  ad  diem  1  aug.,  §  IV,  pp.  10-11. 


retrouvées  dans  la  basilique  eudoxienne, 
lesquelles  ne  consistent  pas  en  squelettes 
entiers  ou  en  ossements  bien  conservés, 
mais  seulement  en  une  couche  de  cendres 
avec  parcelles  d'ossements,  correspond  par- 
faitement à  ce  que  présentaient  à  Antioche 
au  temps  de  Chrysostome,  les  restes  des 
Machabées  :  c'est-à-dire,  de  la  poussière,  de 
la  cendre  et  des  ossements  consumes  par  le 
temps,  tv-v  scôviv,  tt)v  Tscppav,  ta  '/pôvio  oa-avr.OÉvT-/ 
do-T£à(I).  Il  existe  une  preuve  plus  décisive 
encore  en  faveur  de  leur  identité  dans  le 
fait  singulier  sur  lequel  j'ai  déjà  appelé  l'at- 
tention :  quoique  le  sarcophage  décrit  plus 
haut  renferme  tout  ensemble  et  les  restes 
des  sept  frères  et  ceux  de  leur  mère  et 
d'Éléazar,  la  main  qui  les  y  a  déposés  a 
voulu  conserver  soigneusement  la  réparti- 
tion en  sept  cases.  Or  ce  fait,  inexplicable 
en  lui-même,  trouve  sa  pleine  raison  d'être 
dans  l'état  où  étaient  les  reliques  à  Antioche 
vers  la  moitié  du  sixième  siècle,  époque, 
comme  on  l'a  vu,  de  leur  translation. 

Les  discours  prononcés  par  saint  Jean 
Chrysostome  en  l'honneur  des  Machabées 
au  jour  anniversaire  de  leur  mort,  donnent 
à  entendre  que  la  basilique,  où  reposaient 
les  cendres  des  sept  frères,  abritait  encore 
celles  de  leur  mère  et  du  vénérable  Éléazar.. 
En  effet,  martyrisés  les  uns  et  les  autres 
pour  la  même  foi,  n'était-il  pas  tout  naturel 
qu'un  même  lieu  reçût  leurs  dépouilles  ? 
Ceci  explique  comment  Chrysostome  asso- 
ciait dans  le  même  anniversaire  le  souvenir 
de  la  mère  à  celui  de  ses  fils,  la  mémoire 
de  ceux-ci  à  celle  d'Eléazar.  De  plus,  en 
exhortant  les  fidèles  à  accourir  ce  même 
jour  à  la  basilique,  il  s'exprime  de  manière 
à  faire  nettement  comprendre  qu'elle  est 
bien  le  lieu  de  leur  sépulture  commune. 
Jeune  encore,  véoç,  c'est-à-dire  dans  les  pre- 

1.  S.  Jean.  Chrys.,  Humilia  l  in  sanctos  Machabaeos 
et  matrem  corn  m,  n.  1. 


462 


jRrtmc  t)t  l'&rt  chrétien. 


mières  années  de  son  sacerdoce,  il  disait  à 
ses  chers  antiochiens:  si  Éléazar,  tout  vieux 
qu'il  était,  a  osé  affronter  la  mort,  et  si  la 
mère  de  ces  bienheureux  a ,  dans  l'âge  le  plus 
avancé,  supporté  de  sigtands  tourments,  quel 
prétexte \quelle  excuse  pourriez-vous  invoquer, 
si  quelques  stades  vous  effraient  pour  assis- 
ter au  spectacle  de  leurs  combats  ?  —  El  yàp 
yépwv  o  'EXsàÇapoç  ïrupèç  xaTeTÔX^ffS,  xal  T|  [AYyrrçp 
twv  piaxapLWV  éxeivcov  êv  eoyà-w  yrçpff  toaraÛTaç  (jtzs- 
jjic'.vev  ô&uvaç  ■  Ttoîav  à'v  aypirfîs  otTïoÀoyîav,  Tcoiav 
ffUYVvwjjnfiv,  (jur,8è  dXîyouç  ffraSiouç  BiaitspûvTeç  6-ep 
tyj;  Oewp'la;  twv  7caXai<T(JiâTwv  ixsîvwv  (');  —  Si, 
d'une  part,  le  langage  de  Chrysostome  nous 
autorise  à  croire  que  les  cendres  de  nos 
martyrs  étaient  vénérées  ensemble  dans 
la  basilique  antiochienne,  de  l'autre  il  ne 
nous  permet  pas  de  savoir  le  nombre  exact 
des  cases  ou  loculi  qui  renfermaient  ces 
gages  sacrés.  Mais  cette  indication  nous  a 
été  transmise  avec  la  plus  grande  précision 
par  un  voyageur  du  VIe  siècle,  dont  le 
pseudonyme  auteur  de  l'itinéraire  cité  plus 
haut  a  recuelli  le  témoignage.  Il  a  vu,  en 
effet,  vu  de  ses  propres  yeux,  à  Antioche, 
entre  autres  tombeaux  de  martyrs,  les  cen- 
dres des  frères  Machabées  rangées  dans 
sept  tombeaux  distincts,  et  fratres  Macha- 
baei,  hoc  est  septem  sepulcra  :  d'où  il  est  fa- 
cile de  conclure  que  les  cendres  de  la  mère 
et  d'Êléazar  étaient  comprises  dans  ce 
nombre  de  tombeaux.  Preuve  non  équi- 
voque de  l'identité  des  reliques  romaines 
des  septem  fratrum  et  amborum  parentum 
eorum  renfermées  dans  les  sept  loculi  dis- 
tincts du  sarcophage  de  la  basilique  eudo- 
xienne. 

Mais  arrêtons-nous  ici  quelques  instants 
pour  répondre  à  une  objection.  —  Gilde- 
meister,  professeur  à  l'Université  de  Bonn, 
dans    son  édition    récente    de    l'itinéraire 

i.  S.  Jean  Chrysost.  Homilia  IX  de  Eleazaro  et  septem 
puais,  n.  4,  Migne,  P.  G.,  t.  LXIII,  c.  530. 


d'Antonin  de  Plaisance,  se  croyant  suffi- 
samment autorisé  à  rectifier  en  cet  endroit 
tous  les  textes  antérieurs,  adopte  une  ver- 
sion différente  de  celle  que  nous  avons 
donnée  et  qui  est  comme  généralement 
reçue.  Voici  en  quoi  consiste  cette  diffé- 
rence. Pendant  que  la  version  commune 
porte  :  «et  fratres  Machabaei,  hoc  est,  sep- 
«  tem  sepulcra  et  super  uniuscuiusque  sepul- 
«  crum  scriptae  sunt  passiones  eorum  (')  »  : 
le  professeur  de  Bonn  lit  :  «et  fratres  Ma- 
«  chabaei,  hoc  est,  novem  sepulcra  et  super 
«  uniuscuiusque  sepulcrum  pendent  tor- 
«  menta  ipsorum  (■).  » 

Ou  nous  nous  trompons  fort,  ou  les  deux 
variantes  adoptées  par  Gildemeister  ne  ré- 
sistent pas  à  l'examen  d'une  saine  critique. 
Avant  tout,  elles  ont  contre  elles  la  raison 
extrinsèque  de  l'autorité  dont  on  ne  saurait 
méconnaître  la  portée  immense.  Qu'on  ne 
l'oublie  pas,  la  version  commune,  telle  que 
nous  l'ont  donnée  avec  tant  de  soin  Tobler 
et  Molinier.dans  l'édition  de  Genève  (1S77- 
1880),  a  pour  base  toutes  les  éditions  pré- 
cédentes et  quatorze  manuscrits,  dont  plu- 
sieurs très  anciens  et  d'excellente  marque(3). 
Mais  les  raisons  extrinsèques  sont  encore 
plus  frappantes.  En  effet,  faire  dire  au  pèle- 
rin qu'il  a  vu,  à  Antioche,  sur  chacun  des 
tombeaux  des  martyrs  visités  par  lui,  sus- 
pendus tormenta  ipsorum,  ou,  suivant  la 
traduction  du  professeur  de  Bonn,  les  in- 
struments de  leur  martyre  —  ihre  Marier- 
werkzeuge  (4),  voilà  ce  qui,  non  seulement, 
étonne  grandement  à  cause  de  l'étrangeté 
du  fait,  inouï  dans  les  fastes  de  l'antiquité 
chrétienne,  mais  encore  accuse  une  erreur 
manifeste.  Quels   instruments  de  supplice, 

1.  Tobler  et  Molinier,  Itinera  hierosolymiiana  et  des- 
criptiones  Tenue  Sam-tac,  t.  I,  p.  1 1 8,  et  II,  p.  381. 

2.  Gildemeister,  Anlonini  Piacentini  itintrarium, 
v.  p.  33,  Iîerlin,  1889. 

3.  V.  Praefat.,  §  VII,  t.  II,  p.  XXIX. 

4.  /..  c.,  p.  62. 


£©artpre  et  sépulture  De0  £@act)abée0. 


463 


par  exemple, pouvait  bien  offrir  aux  regards 
du  visiteur  la  tombe  de  Julien  d'Anazarbe, 
jeté  à  la  mer  dans  un  sac  rempli  de 
sable  (')?  De  même  les  tombeaux  des  Ma- 
chabées,  consumés  par  le  feu,  huit  siècles 
auparavant,  après  une  série  de  cruels  tour- 
ments (2)  ? 

On  ne  comprend  pas  davantage  comment 
on  aurait  pu  voir  suspendues  sur  la  tombe  de 
Babylas  les  chaînes  de  son  martyre,  quand 
nous  savons  de  toute  certitude  qu'elles 
furent  enfermées  avec  ses  restes  dans  son 
tombeau  (3).  Par  contre,  combien  l'autre 
version  :  super  uniuscuiusque  sepulcrum 
scriptae  sunt  passiones  eoruni,  n'est-elle  pas 
plus  conforme  à  la  raison  et  à  la  vérité?  Ce 
qui,  remarquons-le,  ne  doit  pas  s'entendre 
de  tous  les  martyrs  et  de  chacun  d'eux  cités 
par  l'itinéraire;  car  l'usage  ne  le  comportait 
pas,  et,  généralement  parlant,  il  n'eût  pas 
été  facile  de  graver  sur  les  tombeaux  des 
martyrs  les  actes  de  leur  supplice  :  mais 
seulement  des  septem  fratres,  et  ceci  veut 
dire  que,  pour  rendre  leur  tombeau  plus 
auguste  et  vénérable,  on  avait  sur  les  cases 
respectives  gravé  en  lettres  grecques  les 
passages  du  second  livre  des  Machabées 
qui  ont  trait  à  leur  supplice. 

Quant  à  l'autre  version  de  novem  au  lieu 
de  septem,  il  est  clair  que,  dans  la  pensée 
de  Gildemeister,  il  faut  rapporter  le  novem 
à  tous  les  martyrs  nommés  précédemment. 
Or  il  est  facile  de  l'admettre  ;  les  visiteurs, 
comme  on  le  voit  encore  par  l'itinéraire  de 

1.  S.  Joan.  Chrysos.,  Homilia  in  S.  Julianum  marty- 

rem,  n.  3. 

2.  Flav.  Joseph.,  De  Machabaeis. 

3.  D'après  Chrysostonie,  Babylas  voulut  qu'on  enterrât 
avec  son  corps  les  emblèmes  de  son  triomphe,  «  aùtà  tûv 
àOXwv  ta  <nj;j.6oXa  auviaoîjvac  xeXEÛercijJ  aw[j.axt  »,  ajoutant: 
et  aujourd'hui  les  chaînes  reposent  avec  ses  cendres,  «  y.y.': 
Ktivzai  vOv  ;j.;-:â  xîj;  TÉtppcci;  ai  -kHoii  ».  De  S.  Babyla  contra 
Julianum  et  Gentites,  n.  il.  —  V.  encore  Métaphraste, 
Cerlamen  S.  Babylae,  §  XVII. 


Salzbourg  ('),  remarquant  dans  un  même 
endroit  que  le  nombre  des  martyrs  ne  ré- 
pondait pas  à  celui  des  tombeaux,  parce 
que  plusieurs  corps  avaient  été  mis  ensem- 
ble, signalèrent  le  fait  ;  mais  il  serait  étrange 
de  supposer  que,  ayant  compté  les  martyrs 
enterrés  en  divers  lieux  et  dans  des  con- 
trées éloignées,  but  principal  de  leur  voyage, 
ils  eussent  l'intention  d'en  calculer  le  nom- 
bre total  sur  celui  des  tombeaux.  Ceci  posé, 
laissant  de  côté  Justine,  dont  on  ne  sait 
rien  de  positif,  il  est  à  remarquer  que  Ba- 
bylas avec  les  trois  enfants,  était,  après  la 
translation  du  faubourg  daphnitique,  en 
262,  inhumé  dans  sa  nouvelle  basilique  au 
delà  de  l'Oronte  vers  le  septentrion  (2)  ; 
Julien  reposait  dans  son  église  à  environ 
trois  milles  d'Antioche  (3)  ;  et  les  frères 
Machabées  dans  leur  basilique  du  Cera- 
teum,  en  deçà  du  fleuve,  à  l'extrémité 
orientale  de  la  ville.  Et  cependant  nous 
devons  raisonnablement  admettre  que  la 
version  authentique  est  septem  sepulcra,  car 
elle  se  rapporte  exclusivement  aux  septem 
fratres  Machabaei,  enterrés  dans  le  même 
endroit  avec  leur  mère  et  le  saint  vieillard 
Eléazar.  Cette  version  se  trouve  admirable- 
ment confirmée  par  la  découverte  de  leurs 
reliques  dans  la  basilique  eudoxienne  en 
sept  cases  ou  compartiments  distincts,  fait 
qui  ne  pourrait  avoir  une  autre  explication 
plus  rationnelle  et  moins  arbitraire. 

La  mention  des  amborum  pareulitm,  ré- 
pétée deux  fois  dans  la  sépulture  romaine, 
est  entièrement  nouvelle.  On  sait  que  la 
mère  des  Machabées  subit  héroïquement  le 
martyre  avec  l'un  de  ses  fils,  dont  les  cendres 
partagèrent  la  même  tombe  ;  mais  nous 
n'avons  trace  de  leur  père,  ni  dans  le  récit 

1.  De  locis  sanctorum  marty rum  quae  suntforis  civitalis 
Romae  dans  Urlichs,  Codex  Urb.  Rom.,  p.  82,  sq. 

2.  S.  Joan.    Chrysost.,    Hom.  de  sancto  hieromariyre 
Babyla,  n.  3. 

3.  Malalas,  Chronogr.,  lib.  XVII,  c.  622. 


464 


3&etnte  t>e  rart  chrétien. 


biblique,  ni  dans  Josèphe  ;  et  la  tradition 
antiochienne  l'exclut  manifestement.  Car  si 
Antioche,    au    témoignage    de    saint   Jean 
Chrysostome  (*).  entourait  d'un  culte  so- 
lennel les  sept  frères  et  avec  eux  leur  mère 
et  le  saint  vieillard   Éléazar,  elle  ne  songea 
jamais  à  faire  de  ce  dernier  l'époux  et  le 
père   de  ces    illustres   martyrs.    Il    affirme 
même  explicitement  que  la  mère  des  Ma- 
chabées   était   veuve    et    avancée    en   âge, 
y.-j).  vàp  pynrip  vyv,  xaî  yj,py-,  xaî  s-.;  ïayxzov  ëkr\ka.- 
xuîa  yïip»?    (").    La    même    tradition    a    été 
constamment  admise  dans  tout  l'Occident. 
Les  anciens  Pères  s'accordent  tous  à  célé- 
brer uniquement  la  mère  des  sept  frères, 
martyres  et  martyriun  matrem   (3),    recon- 
naissant avec  saint  Cyprien  que  in  passio- 
nibus  sola  cum  liberis  mater  est.  Ils  font  en 
outre  un  titre  de  gloire  à  l'intrépide  héroïne 
d'avoir  subi  sept  fois  la  mort  à  la  vue  du 
martyre  de  ses  sept  enfants  :  mais  du  mar- 
tyre de  son  époux,   il   n'est  pas  question. 
Les  pères  et  les  écrivains  ecclésiastiques 
du  moyen  âge,  tels  que  saint   Isidore  de 
Séville  (*),  Bède  (5),  Raban  Maur  (6),  l'abbé 
Rupert  (7),  Flodoard  (8)  et  autres,  n'ont  pas 
fait  non  plus  mention  de  ce  père  des  Ma- 
chabées.  Enfin  les  martyrologes  de  toutes 
les  Églises  et  de  tous  les  temps,  sans  qu'on 
puisse  invoquer  aucune  exception   contre, 
reconnaissaient  les  septem fratres  cum  maire 

i.  S.  Jean  Chrys.,  Homil.  i  in  sanctos  Machabaeos  et 
matrem  eorum;  homil.  II  in  sanctos  Machabaeos  ;  homil. 
m  in  sanctos  Machabaeos,  t.  II  ;  homil.  XI,  de  Eleazaro 
et  septem  pueris,  t.  XII,  opp. 

2.  Homil.  v,  de  studio  praesentium,  etc.,  n.  3.  M  igné, 
P.  G.,  t.  LXIII,  C.  488. 

3.  S.  Léon  le  Grand,  Sertno  de  Machab. 

4.  S.  Isidore  Hispal.,  Questiones  in  vêtus  testamen.,  de 
Machabaeis,  t.  V,  p.  552,  éd.  Arev. 

5.  Beda,  Quaestiones  in  libros  Regun,  lib.  IV,  c.  XII. 

6.  Raban  Maur,  Comment,  in  lib.  XII  Machabaeor., 
cap.  V-Vl. 

7.  Rupert  abb.,  De    Victoria   Verbi  Dei,  lib.   IX,  cap. 

29-32- 

8.  Flodoard,  De  triumphis  Cliristi  Anliochiae  gestis, 
lib.  I,  C.  I. 


sua,  mais  ne  font  nullement  mention  des 
arborum  parentum  eorum,  que  nous  trou- 
vons indiqués  pour  la  première  fois  sur  les 
deux  bandes  de  Saint-Pierre-ès-Liens. 

Ce  fait  si  étrange,  demandant  une  expli- 
cation adéquate,  constitue  une  donnée  cer- 
taine   pour    assigner    à    Constantinople    la 
provenance    des     reliques    romaines     des 
Machabées  ;  elle  prouve  que  celles  d'Antio- 
che,  avant  d'arriver  à  l'ancienne,  passèrent 
parla  nouvelle  Rome.  En  effet,  l'Église  de 
Constantinople  fut   la  seule  qui,  entraînée 
dans   l'erreur,  nous  le  verrons  bientôt,  par 
l'interprétation     abusive    d'un     des     Pères 
grecs,  dont  les  œuvres  lui  étaient  familières, 
entoura  d'un  culte  public   les   parents   des 
Machabées,    considérant    Éléazar    comme 
étant  réellement  leur  père.  Ses  livres  litur- 
giques, notamment   les  ménéums  dans  les 
tropaires,  confirment  cette  croyance.  Ainsi 
dans  I'QSti  VI  du  canon  conservé  par  saint 
André  de  Crète,  qui  était  diacre  de  l'église 
de  Constantinople  et  écrivit  à  son  usage,  il 
est  dit  à  propos  des    Machabées  :  Le  père 
fut  le  premier  à   la  peine,  que  les  fils  com- 
battent tous  et  que  la  mère  tressaille  avec  nous, 
upoEv/jOA/^î  7uax'/)p,  o-jvxrAo'ji!.  xaî  uloî,  EÛœpaivïff^o 
ituv  Oijùv  xaî  ri  pyrrip.  A  quoi  répond  l'Assem- 
blée :   Votis  avez  confondit  les  menaces  du 
tyran,  comme  défenseurs  de  la  loi  et  en  mar- 
chant sur  les  traces  de  votre  père  avec  votre 
heureuse  mère,  toû  Tupâwou  -■!.$  à-£'.).->.;  xy.r^yi,- 
•/y.-.i,  (o;  tou   •/iwj  'J-ivji.y./O'.,  xaî  to'j  -a-rioç   àxô- 
Xouflot,  y£vôu.evot  crûv  ['■'~^-  eîi'fpovi,.    Plus   claire- 
ment   encore  l'Ei-aTTOï-eîXap'.ov,  qui  peut   être 
d'un  autre  auteur,  dit  :  Chantons  les  admi- 
rables Machabées,  fils  d  Éléazar  et  de  Salo- 
mona,    -oi>ç  Saupaoroùç  6u.v^*ti)|Aev   Maxxa|3a£ouç 
'EXea£âpou  TcaîSaç  xaî  EaXopi<5v7|ç  ('). 

Quant  à  l'origine  de  cette  erreur,  qui  s'est 
glissée  jusque  dans  la  liturgie  de  Constan- 

1.   Cf.  Combefis,  ad  l'iav.  Joseph.,  not.  6,  t.  II,  p.  511 
éd,  Amsterdam. 


©artpre  et  sépulture  Ses  £@aci)abée0. 


âô- 


tinople,  elle  provient,  semble-t-il,  de  la 
fausse  interprétation  de  certains  passages 
du  discours  de  saint  Grégoire  de  Nazianze 
en  l'honneur  des  Machabées.  Celui-ci,  nous 
l'avons  dit,  avait  entre  les  mains  et  com- 
menta l'opuscule  de  Flavius  Josèphe,  où 
Éléazar  est  appelé  maître  ou  précepteur 
des  frères  martyrs,  naiSeur-nç  -hfjiûi/,  ce  qui  in- 
dique la  qualité  de  prêtre  et  docteur  de  la 
loi,  lepeùç  xa'.  vôfnxoç  et  non  un  lien  particulier 
de  famille.  Saint  Grégoire,  développant 
cette  pensée  d'une  manière  oratoire,  appelle 
plusieurs  fois  Eléazar  père  des  sept  frères, 
toutefois,  dans  le  sens  de  paternité  spiri- 
tuelle, comme  quand  il  le  représente  en  sa 
qualité  de  prêtre  s'offrant  lui-même  en  holo- 
causte au  Très- Haut  avec  les  sept  fils,  xouç 
ï--.y.  raûBaç,  fruit  de  son  enseignement  ;  et  il 
ajoutait  qù  attribuer  aux  parents  les  vertus 
des  enfants  est  chose  éminemment  raisonna- 
ble et  juste,  xà  yàp  xùv  -aîowv  xû  Tiaxpi  \o-fi- 
Çeadai,  xùv  EvvofjiwTàTwv  x£  xai  o'.xatwxâxwv  ('). 
Ces  expressions  ont  été  quelque  peu  adou- 
cies et  mieux  expliquées  par  Nicétas  dans 
l'exposé  de  ce  passage  (2).  Du  reste,  il  res- 
sort clairement  de  tout  le  contexte  du  dis- 
cours que  saint  Grégoire  de  Nazianze  parlait 
de  paternité  spirituelle,  et  qu'il  y  a  eu  évi- 
demment un  malentendu  de  la  part  des 
auteurs  des  tropaires  de  l'Eglise  de  Con- 
stantinople. 

La  mention  des  parents  des  Machabées, 
qui,  contrairement  à  la  constante  et  univer- 
selle tradition  de  l'Église  d'Antioche  et  de 
l'Occident  tout  entier,  a  été  trouvée  sur  les 
plaques  ou  petites  bandes  de  la  basilique 
eudoxienne,  trahit  donc  évidemment  la 
qualification  donnée  aux  reliques  à  leur  pas- 

i.  Orat.  xv,  de  Mach  ibaeis,  n.  3.  v.  Suidas,  Lexicon  au 
mot  :  Wi-i'j/o:. 

2.  Voici  en  quels  termes  Nicétas  commente  le  passage 
en  question  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  :  Ta  yàp  iwv 
iratStov  x.a.\  'jyJfr^O')'/  xaTOf.floj|j.ïTaTil!i  TOXTpl xac xtp  o'.oax/.y/<;j 
avaTiOssOoa  Sîxatov. 


sage  à  Constantinople,  et  est  comme  le 
sceau  qui  atteste  leur  provenance  de  cette 
métropole. 

Maintenant  que  nous  avons  épuisé  le 
sujet  que  nous  nous  étions  proposé,  en 
démontrant  la  parfaite  harmonie  de  la  tradi- 
tion scrupuleusement  étudiée  dans  ses  ori- 
gines et  dans  ses  progrès,  avec  le  récit 
biblique,  relativement  au  lieu  du  martyre 
et  à  la  sépulture  des  Machabées  ;  et  en  élu- 
cidant une  question  que  la  pénurie  des 
documents  enveloppe  sur  plusieurs  points 
d'obscurités  et  d'incertitudes,  notre  tâche 
est  achevée.  —  Toutefois,  si  nous  nous  re- 
portons par  la  pensée  aux  souvenirs  chré- 
tiens de  l'Eglise  d'Antioche,  dont  nous 
nous  sommes  principalement  occupé,  nous 
ne  pouvons  pas  ne  pas  reconnaître  un  des- 
sein merveilleux  de  la  Providence.  Pierre 
établit  la  première  Église  à  Antioche;  mais 
il  l'abandonne  bientôt  pour  transporter 
définitivement  à  Rome  le  centre  du  chris- 
tianisme :  quelques  siècles  s'écoulent,  et  la 
belle  Antioche,  la  capitale  de  tout  l'Orient, 
disparaît  profondément  ensevelie  sous  les 
cendres  et  sous  les  ruines  ;  et  Rome  est  de- 
bout, resplendissant  de  force  et  de  vie, 
après  dix-neuf  siècles  de  luttes  contre  les 
hommes  et  contre  les  âges.  Et  les  gloires 
les  plus  pures  de  la  capitale  de  la  Syrie, 
Ignace  le  Théophore,  Jean  à  la  bouche  d'or, 
l'héroïque  mère  avec  ses  sept  héroïques  fils, 
surnommée  par  saint  Ambroise,  l'éblouis- 
sant chandelier  de  l' Église,  brillant  de  sept 
flammes  ('),  par  des  voies  différentes  et  en 
divers  temps,  partent  des  rives  de  l'Oronte 
et  du  Bosphore  pour  aller  chercher  sur  cel- 
les du  Tibre,  à  l'ombre  de  Pierre,  un  cher 
et  tranquille  asile  pour  leurs  mortelles  dé- 
pouilles. 

Card.  Rampolla 

(traduit  par  Mgr  Le.MONNIER). 
1.  De  Jacob  et  vita  beata,  lib.  Il,  C.  XII,  n.  53. 


REVUE    DE   L  AKT   CHRÉTIEN. 
189J.    —   6me    L1VKAISON. 


***  A*Vk  &U  ï*l*  a^^c  ***£*  >M*  **g*  a*v£x  a*5U  x5kc  *5E*  <$£*  jg*  A**?*  >&**>$ 


i 


tiixiixixiiri^rcixiiiiixiiriiirxiiiTrcixiïixTïixirrii 


Ec'Cgltse  ïîotre^Danu  ïie  lascar, 


— *©*— 


ancienne  catt)éDrale  Des  Gtats  &e  Béarn. 


— K54— 


iiiiriiiiiiiurjunuminiiu 


ii^iiixiiJj^'ii^iiJixiiTcoxrririjriiiixxriiTiiitiiiiiiiïiiiiiiiT-iiiiiiixiiiiiiixiiiiiiiiiiii 


Si  *&*  r>&*  w  r^  ***-*  ?<&*  r<#*  **ô*  yiô*  y^  *$-*  w  r»***  y£t*  **£*  * 


A  pittoresque  petite  ville 
de  Lescar,  située  sur 
une  colline,  à  quelques 
kilomètres  de  Pau,  est 
bien  déchue  de  sa  gran- 
deur passée.  Aujour- 
d'hui simple  chef-lieu 
de  canton  du  département  des  Basses- Py- 
rénées, elle  était  autrefois  la  capitale  du 
Béarn,  et  demeura  jusqu'à  l'époque  de  la 
Révolution  française  le  siège  d'un  impor- 
tant évêché. 

Il    faut   cependant   remonter    plus   haut 
dans  l'histoire  pour  découvrir  la  véritable 
origine  de  Lescar.   Des  fouilles  faites,  il  y 
a  une  dizaine  d'années,  en   un  lieu  appelé 
Saint-Miguen  ou  Saint-Michel,  très  voisin 
des  murs  de  la  ville,  ont  mis  au  jour  les 
substructions  d'une  importante  villa  romaine 
ayant  dû,  selon  toute  probabilité,  servir  de 
résidence  au  préteur  ou  au  chef  de  ce  poste 
militaire  dont  le  nom  était  alors  Beneharum. 
Les  monnaies  et  les  médailles  trouvées  au 
cours  des  travaux  permettent,  d'après  leurs 
effigies,  d'attribuer  à  ces  constructions  la 
date  du  IVe  siècle.  Une  ville  gallo-romaine 
importante  s'étant  formée  à  l'abri  de  cette 
protection,    devint    bientôt    la    capitale  de 
toute  la  province,  et  saint  Julien,  disciple  de 
Léonce,  évéque  de  Trêves  et  exarque  de 
la  diocésie  gallicane  en  407,  fut  le  premier 
évéque  de  Beneharum. 

Charlemagne,  à  son  retour  d'Espagne,  fit 
construire,  au  point  le  plus  élevé  de  la  ville, 
une  cathédrale  placée  sous  l'invocation  de 
Notre-Dame,  pour  remplacer  l'antique  et 
pauvre  église  située  au  milieu  des  bois  ; 
mais,  vers  le  milieu  du  IXe  siècle,  les  Nor- 


mands saccagèrent  Beneharum  et  détrui- 
sirent la  cathédrale  ;  l'administration  du 
diocèse  fut  alors  dévolue  aux  évêques  de 
Gascogne.qui  la  conservèrent  pendant  deux 
cents  ans. 

En  1056,  un  évéque  particulier  vint 
reprendre  possession  du  siège  abandonné. 
Pendant  ce  temps  une  ville  nouvelle  s'était 
créée,  Beneharum  n'existait  plus;  Lascarris, 
aujourd'hui  Lescar,  nom  provenant  du 
ruisseau  Lascourre  ou  Lescourre  qui  coule 
à  ses  pieds,  s'élevait  florissante  ;  dès  lors,  il 
fallut  construire  une  nouvelle  cathédrale. 

Les  habitants,  dispersés  par  les  envahis- 
seurs venus  du  Nord  et  du  Midi,  n'avaient 
pas  tardé,  après  leur  départ,  à  se  grouper 
de  nouveau  auprès  de  leurs  anciennes  de- 
meures,les  avaient  réparées,  et,  leur  nombre 
venant  à  s'accroître,  avaient  édifié  plusieurs 
petites  églises  dont  le  service  était  confié 
à  des  frères  de  l'Ordre  des  Augustins. 
Guillaume  Sanche,  duc  de  Gascogne,  vou- 
lant donner  au  nouvel  évéque  une  grande 
autorité  et  une  situation  nettement  prépon- 
dérante, fit  en  sa  faveur  d'importantes  do- 
nations, lui  déféra  la  suprématie  administra- 
tive et  judiciaire  sur  la  ville  et  lui  octroya  la 
présidence  des  Etats  de  Béarn. 

Commencée  dès  l'année  ioôo,  la  cathé- 
drale nouvelle  s'élevait  sur  un  plan  régulier 
et  dans  des  proportions  grandioses  ;  aussi, 
les  travaux  durèrent-ils  longtemps  :  Guy 
ou  Guido  de  Loth,  évéque  de  1 1  1  5  à  1 1 4 1 , 
eut  la  grande  satisfaction  de  les  voir  ter- 
miner pendant  son  épiscopat.  Ce  prélat 
enrichit  son  église  et  y  installa  un  chapitre 
de  chanoines  réguliers. 


îL'égltse  jRotre^ame  De  Hescat. 


467 


Ce  beau  monument  eut  à  subir  de  graves 
vicissitudes  qui  en  altèrent  aujourd'hui  la 
pureté.  Vers  le  milieu  du  XIIIe  siècle,  un 
incendie  en  détruisit  une  partie.  A  la  suite  de 
cet  accident,  les  voûtes  durent  être  refaites 
ainsi  que  certaines  portions  des  murs  laté- 
raux et  la  façade  principale  tout  entière. 
La  date  de  cette  réfection  ne  peut  plus  être 
déterminée  exactement,  car,  par  suite  de 
travaux  postérieurs,  il  n'est  guère  possible 
d'en  retrouver  les  traces,  et  les  annales  de 
l'évêché,  auxquelles  on  aurait  pu  recourir, 
ont  été  complètement  détruites  pendant  la 
Révolution. 

Au  commencement  du  XVe  siècle,  de 
grandes  fenêtres  furent  ouvertes  pour  éclai- 
rer les  nefs  latérales,  et  l'on  reconstruisit 
tout  le  portail.  Ici  nous  sommes  fixé  avec 
certitude,  sur  l'époque  de  ces  travaux,  non 
seulement  par  le  caractère  particulier  de  la 
nouvelle  architecture,  mais  surtout  par  l'ins- 
cription phebvs  .  me  .  fe  .  que  l'on  voit 
encore  gravée  au-dessus  de  la  porte  et  qu'il 
faut  rapporter  à  François  Phébus, prince  de 
Béarn,  mort  en  1483.  Enfin,  en  1608,  l'an- 
cien clocher  s'écroulait  et  n'était  pas  relevé: 
ce  fut  le  dernier  malheur.  Pendant  le  cours 
des  XVIIe  et  XVIIIe  siècles,  aucun  chan- 
gement bien  important  n'a  été  apporté  à 
l'état  du  monument.  Marc  Antoine  de  Noë, 
dernier  évêque  de  Lescar,  ayant  émigré  en 
1790,  laissant  le  siège  vacant,  l'église  et  le 
palais  épiscopal  sont  alors  déclarés  biens 
nationaux,  et  ce  dernier,  mis  aux  enchères, 
est  vendu  le  26  vendémiaire  an  VI I.  Immé- 
diatement démoli  par  le  nouveau  proprié- 
taire, les  matériaux  furent  employés  à  la 
construction  d'un  moulin. 

Depuis  les  premières  années  du  XIXe  siè- 
cle, l'ancienne  église  cathédrale,  dépouillée 
de  ses  prérogatives  ainsi  que  de  son  cha- 
pitre de  chanoines,  avait  été  réduite  à  l'état 
de  simple  cure   paroissiale  et  ne  disposait 


pas  de  ressources  suffisantes  au  bon  entre- 
tien d'un  monument  de  cette  importance  ; 
aussi,  pendant  près  de  cinquante  années, 
fut-il,  po  ur  ainsi  dire, abandonné  à  lui-même. 
De  sérieuses  dégradations  s'étaient  déjà 
produites,  lorsqu'en  1859,  le  Conseil  munici- 
pal,gardien  responsable  de  l'édifice.s'imposa 
un  grand  sacrifice,  obtint  un  important  se- 
cours de  l'État,  et  entreprit,  sous  la  direc- 
tion d'un  architecte  distingué,  une  restau- 
ration générale.  Désormais,  l'église  de 
Lescar,  classée  au  nombre  des  monuments 
historiques,  n'a  plus  à  redouter  aucun 
abandon. 


Construite  dans  le  plus  pur  style  roman, 
l'ancienne  cathédrale  comprend  trois  nefs, 
celle  du  milieu  deux  fois  plus  large  que  les 
bas-côtés,  aboutissant  à  un  transept  indiqué 
extérieurement  par  une  saillie  des  murs 
latéraux.  Au  delà  de  ce  transept,  et  vis-à-vis 
des  nefs,  s'ouvrent  trois  absides  distinctes, 
mais  communiquant  entre  elles  par  une 
ouverture  en  arcade  pour  ne  former  qu'un 
seul  sanctuaire.  Sur  le  côté  gauche  de  l'ab- 
side principale,  une  porte  basse  permet 
d'accéder,  d'une  façon  bien  peu  commode, 
il  est  vrai,  à  la  sacristie  nouvelle,  rajoutée 
et  assez  mal  ajustée  au  reste  de  l'édifice  ; 
l'ancienne  sacristie,  transformée  en  salle 
des  archives,  s'ouvre  à  l'extrémité  du  bras 
droit  du  transept  orienté  au  Midi.  Les  nefs 
sont  séparées  par  deux  rangées  de  cinq 
piliers  également  espacés  ;  un  sixième  pilier, 
situé  dans  le  même  alignement  que  les 
précédents,  mais  de  l'autre  côté  du  transept, 
complète  l'ordonnance. 

Cette  disposition,  reproduisant  la  forme 
basilicale  dérivée  des  basiliques  antiques, 
mais  adaptée  par  les  constructeurs  des  pre- 
miers édifices  chrétiens  aux  besoins  du 
nouveau  culte,  est  fort  ancienne  ;  on  la 
rencontre   pour   la  première   fois,   avec  les 


468 


$kt\nit  De  rart  chrétien. 


trois  nefs  et  les  trois  absides  bien  mar- 
quées, vers  le  IVe  siècle,  dans  la  Syrie 
centrale,  aux  belles  églises  de  Béhio,  de 
Sagonza  et  de  Tourmanin  ;  elle  fait  son  ap- 
parition à  Rome  à  l'église  de  Sainte-Marie 
in  Cosmedin,  restaurée  et  considérablement 


Plan  de  l'église  Notre-Dame  de  Lescar. 

agrandie  par  le  Pape  Adrien  à  la  fin  du 
VIIIe  siècle;  aussi,  le  chroniqueur  du  Liber 
Pontifïcalis  a  bien  soin  de  rapporter.comme 
un  fait  remarquable,  que  cette  église  pos- 
sédait trois  absides,  «  très  absides  in  éa 
constituens  (')  ». 

I.  Consulter  le  très  intéressant  article  donné  par  le 
R.  Père  II.  Grisar  dans  le  numéro  de  la  Revue  de  PArt 
chrétien   paru  en  mai    1898  —  41e  année  —  4e  Série  — 


Les  croisés,  revenant  de  Syrie  et  de  Pa- 
lestine, les  pèlerins  ayant  été  vénérer  le 
tombeau  de  saint  Pierre,  rapportèrent  de 
ces  lieux  consacrés  par  les  origines  du 
christianisme,  le  désir  d'imiter  les  monu- 
ments religieux  qu'ils  y  avaient  rencontrés  ; 
et  les  constructeurs  adoptèrent  prompte- 
ment,  surtout  dans  les  provinces  méridio- 
nales de  France,  le  plan  des  églises  à  trois 
nefs  avec  trois  absides  correspondantes. 
Suivant  les  contrées,  ces  basiliques  furent 
couvertes  par  des  voûtes  en  pierre  ou  par 
des  charpentes  en  bois;  dans  quelques-unes, 
les  deux  systèmes  avaient  été  employés 
simultanément,  voûte  en  pierre  au-dessus 
de  la  nef  principale,  charpente  en  bois  sur 
les  bas-côtés.  Mais  il  est  certain  que,  sauf 
en  Italie,  où  le  système  d'une  charpente 
générale  en  bois  a  persisté  pendant  long- 
temps, dans  tous  les  pays  ayant  subi 
les  invasions  normandes  ou  sarrazines,  les 
incendies  avaient  eu  si  facilement  raison 
des  édifices  couverts  en  bois  qu'à  partir  du 
XIe  siècle  toutes  les  églises  nouvellement 
construites  furent  voûtées  en  pierre. 


L'église  de  Lescar  est  un  des  plus  beaux 
types  que  l'onpuisse  rencontrer  del'architec- 
ture  romane  du  commencement  du  XIesiè- 
cle.  Bien  que  ses  dimensions  ne  soient  pas 
considérables,  elle  a  6omo7  de  longueur  en 
totalité  sur  22m3ô  de  largeur  et  le  transept 
débordant  un  peu  sur  les  longs  murs,  me- 
sure 2  7m  85  dans  le  sens  transversal.  La  fa- 
çade principale  a  été,  à  plusieurs  reprises, 
remaniée  ;  le  portail  saillant  est  tout  à  fait 
moderne,  il  est  précédé  d'un  perron  de  onze 
marches.  Au-dessus  du  porche,  trois  œils- 
de-bceuf  correspondaient  aux    trois    nefs  ; 

Tome  IX  — sur  les  grands  travaux  de  restauration  en- 
trepris a  l'église  de  Ste-Marie  in  Cosmedin  par  VAssocia- 
zione  artistica  di  Roma. 


IL'égltse  JSotreDame  De  îlescar. 


469 


celui  du  milieu  a  été  transformé  en  rosace, 
les  deux  autres  ont  été  aveuglés.  La  façade 
latérale  Nord  est  percée  de  quatre  gran- 
des fenêtres  divisées  en  deux  parties  par  un 
meneau  prismatique  supportant  des  tri- 
lobes  et  des  arcs  en  accolade,  indication 
très  nette  de  la  décadence  du  style  ogival  ; 
période  appelée  bien  à  tort  flamboyante, 
car  le  génie  des  grands  constructeurs  du 
moyen  âge  s'y  est  complètement  éteint.  Sur 
la  façade  latérale  Sud  on  retrouve  les  tra- 
ces des  baies  étroites,  basses,  rentrées  et 
enfoncées  dans  un  large  ébrasement  ayant 
appartenu  à  la  construction  primitive  du 
XIe  siècle.  De  ce  côté  on  peut  entrer  dans 
l'église  par  une  petite  porte  sur  laquelle 
est  inscrite  la  date  1725  ;  tout  auprès,  en- 
castrée dans  le  mur,  une  pierre  tumulaire, 
provenant  de  la  sépulture  de  l'abbé  Guido, 
le  fondateur  de  la  cathédrale,  ou  du  moins, 
celui  qui  en  fit  achever  les  travaux,  porte 
la  date  MCLI  ;  une  inscription  épigra- 
phique  qui  l'accompagne  indique  que  cette 
dalle  fut  relevée  en  1620.  Non  loin  de  cette 
porte,  une  tourelle  cylindrique  renferme  un 
escalier  à  vis  qui  donnait  autrefois  accès  au 
clocher,  ou,  pour  employer  une  expression 
plus  exacte,  à  la  tour-lanterne  octogonale 
située  au-dessus  de  la  partie  centrale  du 
transept.  Ce  clocher  disparu  a  été  remplacé 
par  un  petit  lanternon  en  bois  d'un  aspect 
tout  à  fait  mesquin  et  disparate. 

Les  tours-lanternes,  dont  les  constructeurs 
de  la  période  romane  couronnaient  très 
fréquemment  leurs  églises,  étaient  d'origine 
syrienne,  on  en  retrouve  les  plus  anciens 
exemples  à  l'églisede  Saint-Georges  d'Ezra, 
en  Syrie  centrale,  datant  de  l'année  516  ; 
ils  ont  été  reproduits  dans  bien  des  cas,  et, 
pour  ne  nommer  que  les  principaux,  nous 
rappellerons  l'églisede  Théotocos,  construite 
àConstantinopleau  IXesiècle,et  celled'Aix- 


la-Chapelle  qui  lui  est  à  peu  près  contem- 
poraine. 

Du  même  côté  que  l'escalier  et  à  la 
partie  inférieure  du  mur  du  transept,  un 
petit  bâtiment,  voûté  en  deux  parties  et 
recouvert  d'une  toiture  à  deux  pentes,  ser- 
vait de  sacristie. 

Toute  cette  façade  était  appuyée  à  un 
cloître  construit  sous  l'épiscopat  de  l'évêque 
Guido,  pour  les  chanoines  réguliers  de  St- 
Augustin  ;  il  occupait  l'emplacement  actuel 


~Ç: 


Extérieur.   —  Abside,  vue  du  cimetière. 

de  la  Place  royale.  Devenu  inutile,  après 
la  sécularisation  du  chapitre  en  1537,  ce 
cloître  fut  démoli  ;  on  peut  néanmoins  re- 
connaître encore  les  traces  de  quelques-unes 
de  ses  arcades.  Cet  ensemble  était  complété 
par  un  superbe  palais  épiscopal  élevé  vis-à- 
vis  de  la  cathédrale.  En  partie  reconstruit, 
une  première  fois,  par  l'évêque  Hardouin  de 
Chalon,  vers  1750,  il  fut  complètement  rasé 
à  la  suite  de  la  vente  aux  enchères,  faite  le 
14  fructidor  an  VIII  de  la  République. 


47© 


3Rebue  toe  P&rt  cbrétten. 


Le  chevet  est,  sans  contredit,  la  partie 
la  plus  intéressante  et  la  mieux  conservée 
de  l'église.  Pour  le  bien  examiner,  il  faut 
pénétrer  dans  le  vieux  cimetière  situé  de 
ce  côté,  et,  bien  que  les  hauts  cyprès  qui 
abritent  les  tombes,  en  dérobent  en  partie 
la  vue,  on  peut  encore  admirer  son  architec- 
ture pure  et  élégante. 

Des  trois  absides,  nettement  détachées 
l'une  de  l'autre,  celle  du  milieu  s'élève  de 
toute  la  hauteur  des  voûtes  du  transept, 
tandis  que  les  absides  latérales,  beaucoup 
plus  basses,  viennent  l'accoter  de  chaque 
côté.  L'ordonnance  adoptée  par  le  con- 
structeur se  compose  d'un  soubassement, 
ayant  environ  4moo  de  hauteur,  sur  lequel 
repose  un  étage  couronné  par  une  corniche 
et  surmonté  d'un  toit.  Entre  les  contreforts, 
placés  de  distance  en  distance  pour  main- 
tenir la  poussée  des  voûtes  intérieures,  les 
murs  sont  percés  de  fenêtres,  trois  pour 
l'abside  principale,  trois  pour  chacune  des 
absides  latérales.  La  corniche,  très  finement 
détaillée,  est  formée  d'un  larmier  saillant 
orné  extérieurement  d'une  rangée  de  bil- 
lettes,  et  supporté  par  une  série  régulière 
de  consoles  représentant  des  animaux  fan- 
tastiques ou  des  figures  diaboliques  ;  des 
rosaces  sculptées  entre  ces  consoles  et  ré- 
pétées sur  la  face  inférieure  du  larmier, 
donnent  à  cette  corniche  un  aspect  d'élé- 
gance et  de  richesse  peu  ordinaire.  Les 
contreforts  sont  agrémentés  de  deux  hautes 
et  sveltes  colonnes,  ayant  des  bases  sépa- 
rées, des  chapiteaux  distincts,  et  supportant 
un  petit  pyramidion  triangulaire  qui  fait 
saillie  au-dessus  du  toit  ;  un  bandeau  orné 
passant  à  peu  près  au  tiers  de  la  hauteur 
de  ces  colonnes,  forme  bagues  et  se  pour- 
suit sur  les  murs  de  chaque  côté.  Les  fe- 
nêtres latérales,  hautes  et  cintrées,  s'ouvrent 
sous  une  arcade  dont  l'archivolte,  ornée  de 
têtes  d'animaux  et  de  rosaces,  s'appuie  sur 


le  bandeau  horizontal  ;  deux  colonnes  en- 
gagées, logées  dans  l'ébrasement  du  mur, 
supportent  la  retombée  de  cette  archivolte  ; 
leur  chapiteau,  orné  de  deux  rangées  de 
feuilles,  rappelle  de  loin  la  forme  du  chapi- 
teau corinthien  ;  chacune  de  ces  ouvertures 
s'appuie  sur  un  second  bandeau  denticulé. 
La  fenêtre  du  milieu,  beaucoup  plus  élevée 
et  plus  large  que  les  deux  autres,  n'est  pas 
accompagnée  de  colonnes,  son  archivolte 
repose  simplement  sur  une  moulure  ornée  ; 
elle  est  divisée  dans  sa  hauteur  par  un  me- 
neau triangulaire  supportant  des  trilobés, 
indice  d'une  transformation  analogue  à  celle 
des  fenêtres  de  la  façade  latérale,  et  se  rap- 
portant à  la  même  époque.  Les  deux  ab- 
sides secondaires  sont  couvertes  d'une  toi- 
ture reposant  sur  une  corniche  denticulée 
soutenue  par  des  modillons  en  forme  de 
têtes  d'animaux  variés,  sculptés  dans  le 
même  esprit  que  les  consoles  de  la  corniche 
de  la  grande  abside. 


L'ésdise  de  Lescar  offre  à  l'intérieur  des 
dispositions  architectoniques  tout  à  fait 
particulières  et  une  décoration  absolument 
remarquable  ;  nous  allons  donc  entrer  dans 
quelques  détails  pour  bien  faire  comprendre 
l'importance  archéologique  de  cet  édifice. 

Si  l'on  se  rapporte  aux  dispositions  du 
plan  général,  on  constate  que  la  grande 
nef  a  iom  76  de  large  et  les  bas-côtés  5111  80, 
que  les  travées,  entre  les  piliers,  sont  d'iné- 
gale largeur,  que  la  plus  voisine  de  la  façade 
mesure  5m  2  1  tandis  que  les  quatre  suivantes 
comprennent  un  espace  de  8m  46.  Cette 
inégalité  provient  sans  doute  du  besoin  de 
consolider  l'extrémité  du  monument,  en  re- 
liant plus  intimement  la  dernière  voûte  au 
mur  de  la  façade,  et  en  réduisant  ainsi  l'ef- 
fet des  poussées  latérales  dans  le  sens  de 
la  longueur  de  la  nef.  Le  transept  a  o,n  5  1 


H'égltae  fàotvtJDâmt  De  îlcscar. 


471 


de  large  ;  le  sanctuaire  avec  l'abside  qui  le 
termine  n'ont  pas  moins  de  iim  51,  tandis 
que,  du  transept  au  fond  des  petites  absides, 
on  ne  compte  que  7111  25. 

Douze  piliers,  rappelant   par  ce   nombre 
symbolique  celui   des  Apôtres,  soutiennent 
la  voûte  de   l'église  ;    ils   sont   placés,  cinq 
sur  chaque  rangée,  et  un  sixième  de  l'autre 
côté  du  transept  ;  à   chacun   des   piliers  de 
la  nèf  correspond  un  pilastre  encastré  dans 
le   mur  latéral    intérieur   et   un    contrefort 
extérieur.  Les  piliers,  ou  points  d'appui  iso- 
lés, sont  formés   de   la   réunion    de   quatre 
pilastres  saillants  renforcés  sur  chaque  face 
par  une  colonne  engagée  à   moitié  de  son 
diamètre,  ce  qui  leur  constitue  huit  arêtes 
saillantes  séparées  par  quatre  parties  demi 
circulaires.  Du   côté   de  la  grande  nef,  le 
pilastre  et  sa  demi-colonne  s'élèvent  à  gm  90 
de  hauteur  et  supportent  un  solide  arc  dou- 
bleau  qui   franchit   l'espace  avec  un  rayon 
de  4m  85,  tandis  que  les  colonnes  et  les  pi- 
lastres   latéraux   n'ont   plus   que  5"1  70  de 
haut,  et  reçoivent  la  retombée  d'un  arc  de 
3m  25.  Cette  disposition  permet  donc  à  la 
voûte  cylindrique  de  la  grande  nef  de  s'ap- 
puyer directement   de   chaque  côté  sur  un 
bandeau  horizontal   passant  au-dessus  des 
chapiteaux  des  grandes  colonnes  et  porté  sur 
l'extrados  des  arcades  latérales.  Sur  la  face 
postérieure  des  piliers  la  demi-colonne  est 
beaucoup  moins  élevée  que  les  précédentes, 
sa  hauteur  n'est  plus   que  de   2m  85,  chapi- 
teau compris  ;  elle  correspond  à  une  autre 
demi-colonne   semblable  encastrée  dans   le 
mur  ;     une    arcade    de     2m  80     de     rayon 
passe  de  l'une  à  l'autre,  et   forme  ainsi  un 
véritable   arc-boutant   intérieur.    Les    ban- 
deaux horizontaux, s'appuyant  sur  l'extrados 
de  ces  arcs,   reçoivent   la   retombée  d'une 
voûte  cylindrique  dont  l'axe  est  perpendicu- 
laire à  celui  de  la  grande  nef;  aussi,  la  lon- 
gueur des  bas-côtés  se  trouve-t-elle  divisée 


en  autant  de  sections  qu'il  y  a  d'entrecolon- 
nements  dans  la  grande  nef,  et,  chaque  sec- 
tion peut  donner  lieu  à  l'établissement  d'une 
chapelle  distincte.  Cette  appropriation  et 
cette  division  ne  sont  que  la  conséquence 
du  système  de  construction,  très  ingénieu- 
sement combiné  dans  le  but  évident  d'op- 
poser une  efficace  résistance  aux  poussées 
toujours  énergiques  des  voûtes  en  plein 
cintre.  Par  ce  moyen,  on  a  pu  donner  à  la 
nef  principale  une  largeur  bien   rarement 


Grande  nef  et  bas-côté  gauche. 

atteinte  par  les  constructeurs  de  cette 
époque  sans  élever  les  piliers  à  une  hauteur 
exagérée,  et  surtout,  sans  recourir  à  l'em- 
ploi de  ces  puissants  contreforts  extérieurs 
qui  dénaturent  la  forme  d'un  édifice  et  eh 
altèrent  singulièrement  l'unité.  Un  autre 
résultat  de  cette  combinaison  des  voûtes  est 
de  supprimer  toute  pénétration  d'une  voûte 
dans  une  autre,  système  complexe,  toujours 
délicat  dans  sa  conception,  et  comportant 
des  difficultés  d'exécution  que  les  construc- 
teurs de  l'église  de  Lescar  n'étaient  pro- 
bablement pas  en  état  de  résoudre. 


472 


Bcbuc  tic  l'8vt  cbrétten. 


Pour  donner  plus  d'assiette  aux  piliers, 
l'architecte  les  a  élevés  au-dessus  d'un  socle 
circulaire  de  forte  saillie  sur  lequel  portent 
les  bases  des  colonnes.  Cette  sage  précau- 
tion, qui  ajoute  à  la  stabilité  de  la  pile,  ne 
nuit  en  rien  à  l'harmonie  générale  :  au  con- 
traire, elle  donne  à  l'ensemble  de  l'édifice 
un  caractère  de  force  tout  particulier,  d'au- 
tant plus  que  la  saillie  de  ce  socle  se  répète 
au  long  des  murs  latéraux.  Le  peu  de  hau- 
teur de  ce  soubassement  permet  de  s'y  as- 
seoir pendant  la  durée  des  offices. 

Le  transept  est  couvert  dans  la  partie 
qui  fait  face  à  la  grande  nef,  par  une  voûte 
d'arête  régulière,  construite  sur  plan  presque 
carré,  avec  nervures  saillantes,  et,  au-dessus 
des  deux  bras  latéraux  par  des  voûtes 
cylindriques  en  berceau.  Au  delà  du  tran- 
sept, les  deux  petites  absides,  voûtées  elles- 
mêmes  en  cul- de- four,  contrebutent  les 
poussées  qui  doivent  se  produire  de  ce  côté, 
tandis  que  la  grande  abside,  s'élevant  jus- 
qu'à la  hauteur  de  la  voûte  principale,  ter- 
mine l'édifice. 

Comme  on  peut  s'en  rendre  compte  par 
cette  description  sommaire,  il  y  avait  corré- 
lation absolue  entre  toutes  les  parties  du 
monument,  et  cohésion  parfaite  entre  tous 
les  éléments  devant  servir  à  la  résistance. 
Dans  sa  simplicité  relative,  il  présentait  un 
ensemble  de  combinaisons  toutes  particu- 
lières, nouvelles  pour  l'époque  de  sa  con- 
struction, déduites  et  mises  en  œuvre  avec 
une  science  que  nous  sommes  encore  forcé 
d'admirer  aujourd'hui. 


La  décoration  du  mur  circulaire  de  la' 
grande  abside  consiste  en  une  arcature 
basse  composée  de  huit  arceaux  saillants, 
à  moulure  torique,  passant  sous  un  ban- 
deau denticulé  et  portant  sur  des  colonnes 
appuyées  contre  le  mur.  Au-dessus  de  cette 


arcature,  dont  la  hauteur  correspond  au 
soubassement  extérieur,  s'ouvrent  les  trois 
fenêtres.  Les  chapiteaux  des  colonnes,  lar- 
gement évasés,  affectent,  sous  un  haut  et 
massif  tailloir  sculpté,  la  forme,  encore  re- 
connaissable,  du  chapiteau  corinthien  ro- 
main, mais  ce  n'est  qu'un  souvenir,  et,  si 
les  détails  indiquent  une  certaine  habileté 
de  main,  les  véritables  proportions  sont 
étrangement  méconnues.  Il  serait  permis  de 
penser  que  ces  réminiscences  de  l'architec- 
ture classique  pouvaient  venir  de  quelque 
souvenir  local,  car  le  pays  de  Béarn  n'était 
pas  sans  présentera  cette  époque, des  restes 
de  monuments  romains;  mais  la  multiplicité 
des  exemples  de  ce  genre  d'ornementation, 
dont  nous  trouvons  le  type  le  plus  parfait 
à  l'église  de  Saint-Nazaire  à  Toulouse, 
nous  force  à  rattacher  l'arcature  du  chœur 
de  Lescar  à  une  grande  école  d'art,  pre- 
nant sa  source  dans  les  anciennes  provinces 
romaines  de  la  Syrie  centrale,  et  venue  se 
développer  au  Midi  de  la  France,  dans  la 
seconde  moitié  du  XIe  siècle. 

Chacune  des  arcades  encadre  une  pein- 
ture à  fresque  représentant  une  scène  de  la 
vie  de  la  Vierge  :  Visitation,  Annonciation, 
Apparition  de  l'ange  aux  bergers,  Nais- 
sance, de  Je  sus- Christ,  Adoration  des  Mages, 
Fuite  en  Egypte,  etc.,  etc.  ;  entre  les  fenêtres 
se  voient  encore  quatre  grandes  figures  de 
Prophètes  et  sur  la  voûte  de  l'abside,  le 
Couronnement  de  la  Vierge  domine  tout 
l'ensemble.  Ces  peintures,  assez  mal  con- 
servées, portent  le  caractère  des  œuvres 
similaires  italiennes  de  la  fin  du  XVe  siècle  ; 
les  personnages  sont  naturellement  posés, 
sans  raideur,  dans  des  vêtements  amples  et 
drapés  avec  art,  les  gestes  sont  expressifs 
et    les   groupes   harmonieusement   formés. 

Malgré  toutes  ces  qualités  relatives,  et, 
bien  que  le  coloris  apparaisse  encore  puis- 


H'église  jî2otre*2Dame  tie  îlescar. 


473 


santdans  les  parties  non  dégradées,  il  serait 
téméraire  d'attribuer  à  ces  fresques  une 
valeur  extraordinaire  ;  cependant  elles  ont 
le  mérite  de  former  une  œuvre  importante, 
tendant  à  un  but  unique,  et  dominée  par 
une  seule  pensée  :  la  glorification  de  la 
Vierge  Marie,  patronne  de  l'église.  Il  serait 
peut-être  plus  téméraire  encore  de  chercher 
à  désigner  l'auteur  de  ces  peintures  ;  ita- 
liennes elles  sont  et  par  le  sentiment  et 
par  la  composition   des   sujets  ;  cela  est  in- 


dubitable. Depuis  le  cardinal  Pierre  Ier  de 
Foix,  évêque  de  Lescar  de  1405  à  1422, 
jusqu'à  Amanieu  d'Albret,  cardinal  et  ad- 
ministrateur perpétuel  du  diocèse,  entre  les 
années  15 13  et  1 5 1 5,  les  rapports  entre 
les  primats  de  Béarn  et  la  Cour  de  Rome 
avaient  dû  être  tellement  fréquents  qu'il  n'y 
a  rien  de  bien  surprenant  qu'un  pareil  tra- 
vail ait  été  confié  à  un  artiste  venu  d'Italie. 
Certes,  nous  n'avons  pas  devant  les  yeux 
l'œuvre  d'un   maître   de   l'école   ombrienne 


—f — -^fn 

Cathédrale  de  Lescar.    -  Intérieur  du  chœur. 


ou  florentine,  d'un  Pinturicchio,  d'un  Be- 
nozzo  Gozzoli  ou  d'un  Lucas  Signorelli, 
dont  on  connaît  tant  d'œuvres  de  même  na- 
ture et  d'importance  considérable  ;  tout  au 
moins  peut-on  les  attribuer  à  un  élève  dis- 
tingué de  ces  maîtres  ayant  apporté  à  Les- 
car la  tradition  de  ces  célèbres  écoles  d'art. 


Mais  revenons  au  XIe  siècle  et  à  l'époque 
de  la  construction  de  notre  cathédrale. 
C'était  un  temps  où  l'imagination  jouait  un 
grand  rôle  dans  l'expression  et  l'interpré- 
tation figurée  des  dogmes  religieux  ;  l'ico- 
nographie était   chargée   d'étaler  aux  yeux 


des  fidèles  un  symbolisme  frappant  de 
toutes  les  croyances,  de  tous  les  châtiments, 
de  toutes  les  espérances  qui  pouvaient  af- 
fermir le  chrétien  dans  la  voie  du  salut  ; 
les  constructeurs  de  la  cathédrale  de  Les- 
car n'ont  pas  manqué  à  ce  devoir.  Sous 
l'empire  des  instructions  données  par  saint 
Jean  Damascène  et  sanctionnées  par  les 
décisions  du  synode  d'Arras,  tenu  en  1026, 
les  sculpteurs  s'efforcèrent  de  reproduire, 
dans  les  chapiteaux  des  colonnes,  les  scènes 
les  plus  populaires  de  l'Ancien  et  du  Nou- 
veau Testament  ainsi  que  certaines  allégo- 
ries faciles  à  saisir  par  des  spectateurs  le 
plus  souvent  illettrés.  Ces  artistes,  encore 


REVUE    1)Ë   1.  ART   CHRETIEN. 
1899.    —   6me    LIVRAISON. 


474 


3&et)uc  lie  l'art  chrétien* 


doués, sinon  de  beaucoup  de  talent.au  moins 
d'une  certaine  adresse  pratique,  réussirent 
à  traduire  ces  sujets  avec  une  naïveté  tout 
à  fait  surprenante  ;  aussi,  la  revue  de  cette 
sorte  de  musée  de  la  sculpture  au  moyen 
âge,  offre-t-elle  une  curieuse  étude. 

Ne  pouvant,  malheureusement,  donner 
ici  un  dessin  exact  de  tous  ces  chapiteaux, 
nous  allons  en  faire  l'énumération  en  nous 
reportant,  pour  en  définir  le  sujet  et  en 
trouver  l'interprétation,  à  la  savante  mono- 
graphie écrite  par  l'abbé  Laplace,  curé  de 
Bassillon,  bourg  situé  dans  le  voisinage  ('). 

Les  plus  anciens  chapiteaux  se  trouvent 
auprès  du  chevet,  non  loin  par  conséquent 
de  cette  arcature  circulaire  dans  laquelle 
nous  avons  constaté  des  souvenirs  de  l'é- 
poque romaine.  En  faisant  le  tour  de  l'église, 
et  en  commençant  par  le  côté  de  l'épître 
pour  revenir  par  celui  de  l'évangile,  on 
rencontre  :  i°  La  Tentation  et  la  Chute 
d'Adam  et  d'  Eve.  —  2°  L'Ange  chassant 
Adam  et  Eve  du  Paradis.  —  30  Caïn  armé 
d'une  pierre  saisit  son  frère  Abel  par  les 
cheveux.  — 40  Un  ange  tenant  une  sorte 
de  livre  qu'il  présente  à  un  personnage 
nimbé,  ce  qui  devait  indiquer  la  promesse 
d'un  Rédempteur.  —  50  Un  chapiteau  à 
feuilles,  très  richement  sculpté.  —  6°  Quatre 
colombes  becquetant  des  pommes  de  pin 
représenteraient  les  justes  prenant  la  nour- 
riture céleste. —  70  Le  Sacrifice  d'Abraham: 
vêtu  de  la  longue  robe  et  du  camail  des 
chanoines,  il  lève  le  bras  armé  du  glaive, 
l'ange  l'arrête  et  lui  montre  le  bélier  dans  le 
buisson.  —  8°  Deux  lions  affrontés  se 
dressent  contre  une  plante  divisée  en  plu- 
sieurs tiges,  un  oiseau  perché  sur  une  des 
branches  becqueté  le  fruit.  —  90  Le  Juste 
Habacuc  est  saisi  aux  cheveux  par  un  ange 
qui  le  transporte  à  Babylone.  —  io°  Daniel, 

1.  Monographie  de  Notre-Dame  de  Lescar,  par  l'abbé 
!..  P.  Laplace.  Pau,  Imprimerie  Vinancourt,  1S63. 


assis  pour  manger,  reçoit  dans  sa  robe  re- 
levée le  pain  que  lui  envoie  le  Seigneur.  — 
ii°  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions,  debout, 
les  mains  iointes.  Nous  voici  arrivés  au 
bas  de  la  nef  :  en  remontant  de  l'autre  côté 
nous  allons  passer  en  revue  les  souvenirs 
de  la  vie  de  Notre-Seigneur.  La  série  com- 
mence par  :  1 20  Le  festin  d'Hérode  ;  la  tête 
de  saint  Jean-Baptiste  est  offerte  à  Salomé. 

—  130  Jésus  assis  au  milieu  de  ses  disciples; 
sa  tête  est  nimbée,  sa  main  droite  est  levée 
pour  enseigner  ;  le  Livre  de  la  Loi  est 
ouvert  sur  ses  genoux  ;  dans  un  nuage  ap- 
paraît la  main  du  Père  Eternel.  —  14°  Sous 
une  arcade  retombant  sur  deux  colonnes, 
un  personnage.revêtu  delachape  pontificale, 
est  assis,  tête  nimbée,  sur  un  trône  ;  deux 
anges  se  tiennent  derrière  les  colonnes,  et 
un  adolescent  est  assis  sur  un  banc  ;  cette 
scène  un  peu  complexe  serait  la  traduction 
d'une  parabole  rapportée  par  l'évangéliste 
saint  Jean  :  Ego  stim  ostium.  —  150  Quatre 
colombes  buvant  ou  becquetant.  — 160  Autre 
scène  du  Repas  d'Hérode.  —  iy°  Une  voûte 
en  coquillages  sous  laquelle  reposent  deux 
lions,  un  enfant  et  un  chevreau  ;  scène  re- 
présentant l'âge  d'or  du  monde.  —  18° 
Marie  salue  Elisabeth.  —  190  Le  Christ 
nimbé  dans  une  auréole  avec  les  quatre 
animaux  évangéliques.  —  200  Deux  singes 
accroupis;  les  bras  liés  à  un  bâton  symbo- 
lisent les  passions  dégradantes.  —  210  La 
Fuite  en  Egypte. —  220  Marie  dans  1  etable 
de  Bethléem  ;  sur  l'astragale  du  chapiteau 
est  écrit  :  magni  munere  cristo  offer  ; 
ce  qui  tendrait  à  prouver  que  plusieurs 
particuliers  ou  familles  avaient  offert  le  prix 
d'une  ou  de  plusieurs  de  ces  sculptures.  — 
230  Perroquets  placés  sur  la  tête  d'animaux. 

—  240  Quatre  serpents  ailés  enlacés,  repré- 
sentant les  vices,  déchirent  des  malheureux. 

—  250  Quatre   quadrupèdes   dévorent   des 


H'égltae  jBotr  étante  De  Hescar. 


475 


hommes  placés  la  tête  en  bas  ;  supplice  ré- 
servé aux  misérables  pécheurs. 

Il  est  certain  que  la  plupart  de  ces 
symboles  pouvaient  s'interpréter  de  diffé- 
rentes façons,  et  que  grande  liberté  était 
laissée  à  l'artiste  à  ce  sujet.  Les  ateliers  de 
sculpture  avaient  à  cet  égard  des  documents 
tout  préparés,  ce  que  nous  appellerions  des 
poncifs,  qu'ils  emportaient  avec  eux  dans 
leurs  tournées  artistiques  ;  aussi,  presque 
toutes  les  églises  un  peu  importantes,  con- 
struites vers  la  fin  du  XIe  siècle,  ou  au 
commencement  du  XIIe,  en  Languedoc, 
province  où  l'influence  byzantine  et  sy- 
rienne s'était  largement  fait  sentir  au  retour 
des  premières  croisades,  sont-elles  ornées 
de  sculptures  ayant  une  grande  analogie 
avec  celles  de  la  cathédrale  de  Lescar,  et 
traitées  dans  le  même  esprit.  Sans  parler 
de  la  célèbre  église  abbatiale  de  Vézelay, 
qui  ne  compte  pas  moins  de  94  chapiteaux 
analogues  à  ceux  de  Lescar,  du  magnifique 
sanctuaire  de  Saint-Sernin  à  Toulouse  et 
de  bien  d'autres  grands  édifices  où  les  ar- 
tistes de  l'époque  romane  ont  pu  donner  un 
libre  cours  à  leur  fantaisie,  on  peut  retrou- 
ver la  plupart  des  sujets  symboliques 
cités  plus  haut,  avec  d'autres  de  même  style 
et  de  même  caractère  religieux,  dans  des 
monuments  de  moindre  importance  ;  on  en 
rencontre  en  Bourgogne,  où  l'Ordre  de 
Cluny  nous  en  a  conservé  quelques  exem- 
ples ;  en  Poitou  et  dans  certaines  parties 
de  la  Touraine,  où  nous  pouvons  citer, 
parmi  les  édifices  les  plus  remarquables  de 
cette  époque,  la  charmante  église  abbatiale 
de  Preuilly-sur-Claise,  ainsi  que  la  célèbre 
abbaye  de  Fontgombauld.sa  voisine;  l'une, 
fondée  la  première  année  du  XIe  siècle, 
l'année  1001,  d'après  les  Annales  du  P.  Ma- 
billon,  mais  n'ayant  pris  sa  forme  définitive 
que  plus  tard,  1050  ;  l'autre,  due  aux  tra- 
vaux et  aux  diligences  de  l'abbé  Pierre  de 


l'Étoile,  premier  successeur  de  l'ermite 
Gombauld,  en  1091.  Cette  dernière,  un 
des  plus  nobles  types  de  cette  belle  archi- 
tecture romane,  ruinée,  détruite  en  grande 
partie,  ne  montre  plus  guère  que  son  por- 
tail où  l'on  retrouve  des  traces  manifestes 
d'une  antique  splendeur:  les  chapiteaux  des 
huit  colonnes  et  des  deux  piliers  latéraux, 
tous  variés  de  forme  et  de  sujet,  appar- 
tiennent à  cette  imagerie  sculptée  et  sym- 
bolique dont  la  cathédrale  de  Lescar  nous 
fournit  de  si  curieux  exemples. 

L'église  de  Lescar  possède  deux  sacris- 
ties: la  plus  ancienne,  qui  date  de  la  fonda- 
tion, est  une  petite  pièce  faisant  suite  à 
l'aile  droite  du  transept  dont  elle  occupe 
toute  la  largeur  ;  elle  est  voûtée  de  deux 
travées  d'arêtes  séparées  par  un  arc  dou- 
bleau.  La  seconde  sacristie,  beaucoup  plus 
récente, date  de  l'époque  où  furent  ouvertes, 
aux  deux  extrémités  du  transept,  les  grandes 
fenêtres  à  meneaux,  ses  voûtes  ogivales 
aiguës,  à  nervures  saillantes,  l'attestent 
avec  certitude;  elle  est  du  reste  mentionnée, 
comme  étant  la  sacristie  nouvelle,  dans  un 
acte  passé  le  31  août  1534,  conservé  aux 
archives  de  la  préfecture  des  Basses- Py- 
rénées. 

Autour  du  maître-autel,  le  pavement  du 
chœur  est  formé  de  trois  panneaux  de  mo- 
saïques, deux  anciens  et  un  moderne.  Ces 
mosaïques  ayant  été,  il  y  a  déjà  quelques 
années,  le  sujet  de  savantes  controverses 
de  la  part  de  nombreux  archéologues, 
l'église  de  Lescar  a  bénéficié  de  cette  no- 
toriété nouvelle  ;  l'attention  des  pouvoirs 
publics  a  été  attirée  sur  le  mauvais  état  dans 
lequel  se  trouvait  l'édifice  et  l'Administra- 
tion des  Monuments  historiques  en  a  or- 
donné une  restauration  générale, 


476 


Hebue  lie  r&rr  cbtctten. 


Ces  panneaux  encadrent  le  maître-autel  ; 
circulaires  du  côté  qui  confine  à  la  muraille 
de  l'abside,  rectilignes  au  droit  des  marches 
qui  environnent  l'autel,  ils  occupent,  depuis 
le  XIIe  siècle,  la  place  où  nous  les  voyons 
aujourd'hui,  car  tout  le  monde  est  d'accord 
pour  en  attribuer  l'adaptation,  sinon  la  créa- 
tion à  l'évêque  Guy  ou  Guido,  le  grand 
restaurateur  de  la  cathédrale.  Recouvertes 
par  un  plancher  sur  lequel  reposaient  les 
stalles  du  chœur,  ces  mosaïques  furent  de 
nouveau  mises  au  jour  à  l'occasion  du  dépla- 
cement de  ces  stalles  en  1838.  C'est  alors 
que  prirent  naissance  les  opinions  diver- 
gentes ;  les  uns  voulaient  considérer  le 
pavement  entier  comme  l'œuvre  de  Guido, 


Mosaïque   gallo-romaine. 
Panneau  de   droite  avant  la  restauration. 

s'appuyant  sur  ce  qu'on  y  voyait  reproduits 
le  nom  et  les  armoiries  de  l'évêque  ;  les 
autres,  plus  clairvoyants,  ou  mieux  instruits, 
lui  attribuaient  une  origine  gallo-romaine. 
Le  sujet  est  bien  fait  du  reste  pour  dérou- 
ter les  investigations:  sur  un  des  panneaux, 
un  chasseur  perce  de  sa  lance  la  tête  d'un 
sanglier,  tandis  qu'à  côté,  et  tourné  en  sens 
inverse, un  cerf  est  terrassé  par  deux  dogues, 
l'un  en  avant,  l'autre  en  arrière  ;  cette  scène 
repose  sur  une  bordure  d'entrelacs.  Sur 
l'autre  panneau,  un  chasseur  nègre,  privé 
d'un  pied,  mais  s'appuyant  sur  une  jambe 
de  bois,  bande  son  arc  ;  derrière  ce  person- 
nage vient  un  mulet  traînant  un  animal 
féroce  attaché  à  sa  queue  ;  l'inscription 
«  Dominus  Guido  episcopus  Lascarensis  hoc 
Jieri  fecit  pavimentum  »  était  comprise  dans 
ce  panneau  et  précédait  le   motif  décoratif. 


Le  troisième  panneau,  situé  derrière  le 
maître-autel,  a  été  complètement  fait  à  neuf 
par  le  mosaïste  Facchina  pour  raccorder 
les  deux  premiers.  M.  Lafollye,  alors  archi- 
tecte diocésain,  chargé,  en  1885,  de  diriger 
cette  restauration,  a  fait  reproduire  sur  ce 
dernier  panneau  un  fragment  de  pavement 
gallo-romain,  représentant  des  entrelacs  et 
des  rosaces,  découvert  dans  le  voisinage,  à 
l'église  de  Pont  d'Olly  de  Jurançon. 

Depuis  cette  restauration,  l'opinion  s'est 
affirmée  avec  M  M.  Léon  Palustre.Taillebon, 
Lecœur,  architecte,  et  surtout,  après  les  très 
intéressantes  recherches  et  les  nouvelles 
découvertes  de  M.Hilarion  Barthély,  mem- 
bre de  la  Société   française   d'Archéologie, 


> 


Mosaïque  gallo-romaine. 
Panneau  de  gauche  avant  la   restauration. 

qui,  habitant  Lescar  même,  a  pu  mettre 
son  érudition  au  service  de  cette  cause.  Or, 
il  n'est  pas  douteux  pour  M.  Barthély  que 
la  mosaïque  ne  soit  gallo-romaine.  Il  en 
indique  même  l'origine.  Elle  proviendrait 
de  la  villa  prétorienne  dont  nous  avons 
marqué  l'existence  au  début  de  cette  étude, 
et  aurait  été  transportée  dans  l'église  par 
l'évêque  Guido,  en  faveur  de  qui  l'inscrip- 
tion aurait  été  ajoutée.  Des  fouilles  récentes 
ont  fait  découvrir  d'autres  mosaïques  de 
même  nature  dans  plusieurs  salles  de  la 
villa. 

Du  reste,  l'examen  de  cette  mosaïque  n'a 
pas  laissé  l'ombre  d'un  doute  dans  notre 
esprit;  la  facture  grossière,  l'incorrection  du 
dessin,  la  nature  des  matériaux  employés, 
tout  indique  l'œuvre  d'artisans  malhabiles, 
ayant  voulu  reproduire  un  sujet  déjà  mainte 


3L'églt0e  JlMte-SDame  De  3Le#cat\ 


477 


fois  traité,  travaillant  à  bon  compte,  et 
parcourant  les  provinces  pour  y  placer  les 
produits  de  leur  industrie. 

Toute  habitation  romaine,  on  le  sait,  de- 
vait nécessairement  comporter  un  ou  plu- 
sieurs pavements  en  mosaïque  ;  c'était 
l'usage,  personne  n'aurait  songé  à  y  con- 
trevenir, et,  un  sujet  de  chasse  convenait 
parfaitement  à  la  demeure  d'un  officier 
occupant  un  poste  lointain  au  milieu  d'un 
pays  sauvage.  L'évêque  Guido,  cela  n'est 
donc  pas  douteux,  a  déplacé  la  mosaïque 
pour  en  orner  son  église.  La  vanité  ou  la 
flatterie  lui  ont  attribué,  dans  l'inscription, 
le  mérite  de  l'avoir  fait  faire,  sans  se  rendre 
compte  que  ces  grotesques  chasseurs,  ces 
animaux  bizarres,peut-être  acceptables  pour 
parer  le  triclinium  d'une  villa,  eussent  été 
absolument  déplacés  dans  un  lieu  consacré 
au  culte  divin. 

Notre-Dame  de  Lescar,  que  l'on  se  plaît 
à  décorer  dans  le  pays  du  nom  de  Saint- 
Denis  de  Béarn,  renferme  en  effet  les  tom- 
beaux de  plusieurs  princes.  En  1483,  Fran- 
çois Phébus,  le  restaurateur  du  grand  por- 
tail de  l'église,  y   est   enterré  ;  un  peu  plus 


tard,  en  1515,  on  y  dépose  les  restes  de 
Jean  II  d'Albret  ;  en  15 17,  sa  femme, 
Catherine  de  Foix,  vient  se  ranger  à  ses 
côtés  ;  la  reine  Marguerite  de  Valois  y 
trouve  son  dernier  asile  ;  enfin,  en  1555, 
un  tombeau  y  est  élevé  pour  Henri  II  de 
Béarn,  le  père  de  Jeanne  d'Albret.  Les 
guerres  de  religion  furent  fatales  au  vieux 
monument,  les  soldats  de  Mongommeri  le 
saccagèrent  et  l'incendièrent. 

La  cathédrale  de  Lescar  est  donc  un 
monument  historique  et  patriotique  par 
excellence,  offrant  de  plus  à  l'artiste  et  à 
l'archéologue  un  champ  d'étude  du  plus 
haut  intérêt. 

Elle  est  dans  l'ensemble  de  sa  construc- 
tion ainsi  que  dans  beaucoup  des  détails  de 
son  ornementation  un  très  remarquable 
type  de  cette  belle,  savante  et  simple  archi- 
tecture romane  de  l'époque  primitive  que 
la  nécessité  de  couvrir  de  trop  vastes  es- 
paces n'avait  pas  encore  fait  dévier  de  sa 
pureté,  de  son  absolue  convenance  et  de 
ses  rapports  intimes  avec  l'architecture  ro- 
maine. 

G.  Clausse, 

architecte.    . 


Sfe»  SVA  f*U  XSJA  A^C  >MA  &1  A  &1-A  &l*  K^U  *&A  X*»E*  VV^t  >&U  »5£*  »5£*  ¥^ 

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#***&*  TëF  T.&*  W  **T*  *A*  W  W  W  W  yx£*  W  y^x  y^y  v^v 

la  renfermer,  le  petit  monument,  aujour- 
d'hui en  ruines,  dont,  grâce  à  M.  le  Chr  Fra- 
cassetti,  préfet  de  la  bibliothèque  de  Fermo, 
je  puis  donner  le  dessin  fait  d'après  les 
débris  qui  subsistent,  ainsi  que  les  détails 
qui  suivent. 


[ermo  (Marches),  1273.  --  D'après 
une  tradition  qui  se  retrouve  chez 
_j§||jj  les  historiens  de  Fermo  les  plus 
anciens,  l'épine  qui  y  est  aujourd'hui  vé- 
nérée, fut  apportée  en  1273  à  Sant  Elpidio 
a  Mare,  petite  localité  voisine  de  Fermo, 
par  le  bienheureux  Clément  Briotti,  qui  en 
était  originaire. 


')  "■.'.i.iAii:),Tiii',.1niiMiiiiiift^<nm 


Premier  reliquaire  de  pierre  de  la  sainte  Épine  à 
Sant'  Elpidio  a  Mare. 

De  la  règle  de  St-Augustin,  sa  piété  et 
sa  science  l'avaient  fait  élire  général  de 
l'Ordre.  Il  vint,  en  1  272,  visiter  la  province 
<le  France,  et  sut  s'attirer  la  bienveillance 
et  conquérir  l'estime  de  Philippe-le-Hardi, 
qui  lui  donna  une  des  Épines  de  la  Couronne 
de  la  Sainte-Chapelle.  A  son  retour  en 
Italie,  il  la  déposa  dans  l'église  de  son  mo- 
nastère où,  au  siècle  suivant,  fut  élevé,  pour 


mssmÊm 


^~s> 


-. 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  de  Fermo. 

Comme  on  le  voit  par  l'inscription,  il  fut 
érigé  le  1  5  mars  137  1. 

MCCCLXXI  DI  XV  DE  MACO  FO  FATO  QVESTO 
I.AVOR1RO  QVI  DENTRO  CAXli  LA  SP1NA  SCA. 

La  statue  de  saint  Augustin  sculptée  sur 
la  façade,  semble  veiller  sur  le  trésor  de 
son  Ordre. 

Mais  la  sainte   Epine   ne  demeura   pas 


i&eltques  de  Conôtantinople. 


479 


longtemps  dans  ce  reliquaire  de  pierre.  En 
1377,  dans  la  nuit  du  8  septembre,  pendant 
une  sédition,  les  habitants  de  Fermo,  sous 
la  conduite  de  leur  chef  Rinaldo  di  Monte- 
verde,  s'emparèrent  du  bourg  de  Sant 
Elpidio  et  emportèrent  triomphalement  à 
Fermol'Épinequ'ilsdéposèrent  dans  l'église 
de  Saint-Augustin. 

Cette  même  année,  l'évêque  de  Fermo  fit 
subir  à  deux  Epines  l'épreuve  du  feu:  tandis 
que  l'une  était  réduite  en  cendres,  l'autre, 
celle  de  Clément  Briotti,  sortait  indemne 
de  la  fournaise  «  sollevandosi  a poco  a  poco 
e  trattenendosi  illesa  in  aria  senza  che  niano 
visibile  la  sostenesse  » . 

En  1405,  un  P.  augustin,  Rogeroli  da 
Fermo,  fit  présent  du  riche  reliquaire  dans 
lequel  elle  est  encore  enfermée,  et  en  1574, 
le  F.  Silvestro  da  Rossano,  capucin,  in- 
stitua la  confrérie  du  Précieux-Sang  et  de 
la  Sainte-Épine. 

On  vénère  également  à  Fermo,  dans  l'é- 
glise collégiale  de  Saint- Michel,  archange, 
une  Épine,  qui  appartient  à  la  famille  des 
comtes  Gigliucci.  Mais  il  n'existe  pour  elle 
d'autre  authentique  qu'un  procès-verbal  de 
reconnaissance,  daté  de  j  568.  Nous  n'a- 
vons donc  pas  à  nous  en  occuper  ici  ('). 


Bergen,  i  274.  — L,&sLectiones Bergenses, 
publiées  par  Riant  (2),  nous  apprennent  que, 
le  30    septembre   1274,    Philippe-le-Hardi 

1.  Bibliographie.  —  Adami  Francisci  De  rébus  in 
civitate  Firmi gestis  fragmeniorum  libri  duo.  Romœ,  A.  et 
H.  Donangeli,  1591,  in-8°. 

Medaglia  (Natale),  Memorie  istoriche  délia  cilla  di 
Chôma,  oggi  S.  Elpidio.  Macerata.  Panneli,  1692,  in-8°. 

Bacci  (Andréa),  Origine  délia  cilla  di  Cluana  oggi  S. 
Elpidio  e  di  moite  altre  cittei  et  luoghi  deW  antico  Piceno. 
Macerata,  T.  Pannelli,  1716,  in-8°. 

Antonii  di  Niccolo  Cronache  Fermane  dal  1176  al 
1447.  — T.  IV  dei  Documeiiti  di  Storia  Italiana  publicat. 
a  cura  délia  R.  Députas,  negli  Studidi  Storia  Patria  per 
le  provincie  délia  Toscana,  delV  Umbria  e  délie  Marche. 
Firenze,  Cellini,  1870,  in-40. 

2.  T.  II,  p.  4. 


chargea  Jean,  archevêque  de  Norvège,  de 
passage  à  Paris  au  retour  du  Concile  de 
Lyon,  de  porter  à  Magnus  IV,  roi  de  Nor- 
vège, un  reliquaire  en  forme  d'ange  qui 
tenait  dans  sa  main  une  Épine  que  le  roi  de 
France  avait  fait  détacher  en  sa  présence  de 
la  sainte  Couronne.  Les  neuf  leçons  du 
Bréviaire  de  Drontheim  relatent  tout  le 
détail  de  la  donation  (30  sept.),  de  l'arrivée 
en  Norvège  (4  nov.),  de  la  susception  (9 
nov.  ).Cette  Épine,  qui  appartenait  au  trésor 
royal,  subit  les  vicissitudes  des  insignes 
royaux  avec  lesquels  elle  était  conservée  ; 
une  lettre  de  Berger,  roi  de  Suède,  datée  de 
Suderkoping  le  24  août  131 1,  adressée  au 
chapitre  d'Upsal,  met  en  dépôt  entre  les 
mains  des  chanoines  la  sainte  Épine,  encore 
dans  le  reliquaire  envoyé  par  Philippe  à 
Magnus  ('). 


Ascoli,  1280.  —  M.  Em.  Bertaux,  étu- 
diant le  reliquaire  d'Ascoli  (2),  a  été  con- 
duit nécessairement  à  s'occuper  de  la  re- 
lique qu'il  contenait.  Comme  il  résume  tout 
ce  qui  a  été  écrit  antérieurement  sur  ce 
sujet, je  ne  saurais  mieux  faire  que  de  le 
citer  textuellement.  Il  a  eu  la  pièce  en  mains, 
alors  que  je  n'avais  que  des  photographies  ; 
il  me  serait  donc  difficile  dédire  aussi  bien, 
de  montrer  aussi  complètement  les  détails, 
qu'il  l'a  fait  dans  l'étude  à  laquelle  j'em- 
prunte ce  qui  suit  : 

«  Ce  reliquaire,  en  argent  faiblement  doré,  d'un 
dessin  lourd  et  d'un  travail  sommaire, se  compose  d'un 
pied  de  forme  hexagonale,  bizarrement  coupé  au  milieu 
par  une  niche  qui  contient  un  crucifix  minuscule 
entre  les  figurines  de  la  Vierge  et  de  saint  Jean  et  d'un 

i.Liljegren  (J.-C.)etHildebrand(B.-E.),i?;/i/(?;««!/,ï;7'«w 
Suecanum.  Holmire,  Norstedt,  in-40,  t.  II I,  n°  I  (1845), 
P-  30-31- 

2.  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire  de  P  école  de  Rome, 
(janvier-février,  1897).  M.  l'abbé  Duchesne  a  bien  voulu 
me  confier  la  planche  de  l'ange  reliquaire,  qui  illustrait 
l'article  de  M.  Bertaux.  Je  lui  en  exprime  ici  toute  ma 
reconnaissance. 


480 


3&ebue  fce  r&rt  chrétien* 


édicule  de  même  forme  avec  des  frontons  en  accolade. 
Chacun  des  six  frontons  porte  gravées  des  figures 
vues  à  mi-corps  sur  lesquelles  on  distingue  des  traces 
d'émail  translucide  :  ces  figures  sont  la  Vierge,  saint 
Jean  et  quatre  saints  dominicains,  dont  trois  sont 
désignés  par  des  initiales  :  saint  Dominique,  saint 
Thomas  d'Aquin  et  saint  Pierre  martyr. 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  d'Ascoli. 

«  Au-dessus  de  la  couronne  qui  surmonte  Pédicule 
est  posée  une  statuette  d'ange,  en  argent,  avec  les  vête- 
ments dorés,  qui  tient  d'une  main  l'épée  et  de  l'autre 
l'écusson  d'Ascoli,  chargé  d'une  tourelle  et  de  deux 
ponts.  Dans  Pédicule  même,  est  abrité  un  autre  ange  en 
argent  complètement  doré,qui  tient  d'une  main  un  petit 
cadre  où  la  sainte  épine  est  enfermée  sous  un  cristal 
épais. La  date  exacte  du  reliquaire  est  inconnue,mais  on 


peut  le  rapporter  aux  dernières  années  du  XVe  siècle. 
De  plus, deux  inscriptions  en  onciales  d'argent  champ- 
levées  sur  un  fond  d'émail  bleu  opaque,  donnent  les 
noms  du  donateur  et  de  l'auteur.  L'une,à  la  partie  supé- 
rieure du  pied,  porte  ceci  : 

HOC  OPUS  FIERI  FEC1T  VANNES  NlCOLAI  DE  PORCIA 
PRO  SUA  ANIMA. 

«  Le  bourg  de  Porchia  se  trouve  à  peu  de  distance 
d'Ascoli  près  de  Montalto. 

«  L'autre  inscription,  à  la  partie  inférieure  du  pied, 
est  la  signature  de  l'ortèvre. 

NlCHOLAVS  AURIFEX  DE  CAMPLO  ME  FECIT. 

«  On  sait  que  la  ville  de  Campli  est  située  à  l'entrée 
des  Abruzzes  sur  la  route  de  Teramo  à  Ascoli. 

«  C'est  à  ce  Nicola  de  Campli  que  M.  Luzi  attribue 
le  reliquaire  tout  entier  y  compris  les  deux  anges.  Mais 
il  est  facile  de  voir  qu'autant  l'ange  qui  surmonte 
Pédicule  est  gauche  et  lourd,  avec  ses  yeux  durs,  ses 
traits  carrés,  son  vêtement  mal  drapé  qui  ne  tient  pas 
au  corps,  autant  l'ange  qui  présente  la  relique  est  gra- 
cieux et  fin  avec  son  visage  enfantin,  les  boucles  anne- 
lées  de  ses  cheveux,  son  manteau  qui  tombe  en  larges 
plis,  ses  ailes  mêmes  délicatement  ciselées.  Il  y  a  entre 
ces  deux  statuettes,  non  seulement  toute  la  différence 
qui  sépare  un  ciseleur  moderne  d'un  artiste  raffiné, 
mais  encore  celle  qui  sépare  les  arts  de  deux  pays  et  de 
deux  siècles. 

«  L'origine  de  la  relique  que  le  bel  ange  d'argent 
doré  tient  dans  ses  mains,  nous  est  indiquée  par  une 
tradition  très  vraisemblable,  que  confirme  un  acte 
rédigé  au  XVIe  siècle,  à  ce  qu'il  semble  d'après  un  ori- 
ginal plus  ancien  (').  Cette  relique  fut  apportée  à  Ascoli, 
par  un  dominicain  natif  de  la  ville  même,  Fr.  Fran- 
cesco  de'  Sarli,  qui  avait  été  confesseur  de  Philippe- 
le-Bel.  Le  roi  de  France  aurait  échangé  la  sainte  Epine 
contre  une  dent  de  saint  Dominique.  Or,  la  statuette 
conservée  dans  le  reliquaire  de  Nicola  de  Campli  a 
précisément  le  visage  arrondi,  la  bouche  menue,  le 
menton   bien   détaché   et  légèrement  pointu  des  figu- 

i.Anno  domini  M°  CC°  LXXXX".  tempore  domini 
Nicolai  pape  III  et  indictione  III  et  tempore  venerabilis 
domini  Schiapte  de  Cancelleriis  de  civitate  l'istorii  hono- 
rabilis  Potestatis  Esculane  civitatis,  sanctissima  relit  [il  in 
sanctissime  spine  corone  Domini  nostri  Jesu  Christi  Es- 
culum  portata  est  de  mense  madii  per  venerabilem  fia 
trem,  Franciscum  de  Sarlis  de  Esculo,  ordinis  fratrum 
predicatorum.  Cujus  modus  talis  fuit.  Cum  prédirais 
frater  Franciscus  esset  confessor  régis  Francie,  apud 
queni  erat  corona  Christi,  exigita  a  Vendis  ad  petitionem 
Constantini  imperatoris,  impretravit  predictus  frater 
Franciscus  apud  dictum  regem  un.im  de  Spinis  Corone 
Domini,  pro  qua  dédit  predicto  régi  dentem  Sancti 
Dominici. 


îReltques  de  Conatanttnople. 


481 


rines  françaises  de  la  fin  du  XIIIe  siècle;  il  est  évident 
dès  lors  qu'elle  a  été  donnée  aux  religieux  d'Ascoli 
avec  la  sainte  Epine,  dont  elle  était  le  reliquaire.  La 
largeur  du  modelé  et  la  richesse  de  l'épaisse  dorure 
font  un  chef-d'œuvre  accompli  dans  sa  petitesse  de 
cette  statuette  française  oubliée  dans  une  sacristie  des 
Marches,  après  avoir  appartenu  à  un  roi  de  Fiance.  » 


M.  Giulio  Gabrielli,  le  savant  biblio- 
thécaire d'Ascoli,  ne  s'est  pas  contenté  de 
m'envoyer  la  photographie  du  reliquaire,  il 
a  joint  à  sa  lettre  quelques  renseignements 
intéressants  que  je  n'aurai  garde  de  passer 
sous  silence. 


Ange  portant  l'Épine  du  reliquaire  d'Ascoli. 


«  La  hauteur  de  l'ange  qui  surmonte  l'édicule  est 
«  de  0.20  cent,  son  poids  de  420  gr. 

«  La  hauteur  de  l'ange  qui  tient  l'Épine  de o  155  mm. 

«  La  hauteur  du  reliquaire  entier  de  0.92. 

«  Le  coffre  où  est  enfermé  le  reliquaire  est  de  noyer, 
long  de  1  m. 03,  haut  de  0.59,  large  de  0.55.  Sa  serrure 


et  les  quatre  bracelets  extérieurs  sont  décorés  de  rosaces 
en  lames  de  fer,  repercées  à  jour  sur  drap  rouge.  Le 
coffre  est  du  XVe  siècle,  contemporain  du  reliquaire. 

«  L'inscription:  «  Hoc  opus  fecit  fieri  Vannes  Nicolai 
de  Porcia  pro  sua  anima  »,  appartient  peut-être  à 
Giovanni  Nicolo  de  Porchia,  descendant  de  la  famille 
des  Nobili,  établi  à  Ascoli  au  milieu  du  XVe  siècle  » 


KEVUE   DE  L'ART   CHRÉTIEN. 
1899.  —  6me   LIVKAISON. 


482 


ÏUtoue  De  l'art  chrétien. 


La  fête  de  la  sainte  Épine  d'Ascoli  se 
célèbre  le  dimanche  Infra  Octavam  Ascen- 
tionis :  l'office  est  celui:  Sacratissimœ spinœ 
corona-  D.  N.  J.  C.  Les  chanoines  de  la 
cathédrale,  après  none,  vont  en  procession 
à  l'église  de  Saint-Pierre  Martyr,  avec  le 
clergé  et  les  confrères  du  rosaire  portant  le 
reliquaire.  On  chante  l'hymne  «  Vexilla 
Régis  prodcunt  ».  Le  municipe  autrefois 
participait  à  cette  procession,  car  dans  le 
Statulo  de  1387,  la  fête  de  la  sainte  Epine 
était  une  des  fêtes  officielles  de  la  ville. 


M ARIENTHAL,   ail.     12/0.     111    Kal.    Oct. 

Anniversarium  excellentissimi  Domini  Philippi  régis 
Frauda  qui  dedii  nobis  CC.  et  L.  libras  Turonenses  et 
argenteum  angelum  cum  una  Spina  de  Corona  Domini 
et  crucem  argenttam  cum  parte  de  ligno  Domini.  Hac 
die  habebit  conventus  XX.  solidos  ad  pitanciam  de  bonis 
de  Norlzingen. 

Ce  passage  du  Nécrologe  du  couvent  de 
Marienthal,  nous  a  été  conservé  par  le 
P.  Alex.  Wiltheim,  dans  sa  vie  de  Yolande 
de  Vianden  (Anvers,  1674)  et  nous  apprend 
que  «  Mortuo  deinde  Ludovico  antw  1270,  ei  succedit 
Philippin  filius.  Is,  procurante  Yolanda  cognata  ejus  ('), 
misit  sanctimonialibus  Mariai  Vallis,  de  Corona  Christi 
Spinam  unam,  gestatatn  a  simulachro  argenteo  angeli, 
additis  250  libris  nummum  Turonensium...  Angélus 
spinam  crystallo  inclusam  manibus prœferl  estque  materia 
argentum  inductum  aura,  niagnitudine  Jere  pedaii, 
donum  sane  et  donantis  accipienlisque  contemplatione 
gemmis  omnibus  longe  anteferendum.  » 

Le  couvent  de  Marienthal  a  été  supprimé 
en  1783,  sous  Joseph  II.  La  plus  grande 
partie  des  archives  a  été  transportée  aux  Ar- 
chives du  gouvernement  de  Luxembourg. 
On  y  trouve,  sous  la  date  de  1295,  une 
charte  d'indulgence  de  quarante  jours,  ac- 
cordée aux  pèlerins  qui  visiteront  la  relique 
de  la  vraie  croix  et  la  sainte  Épine. 


1.  Sa  mûre  était  Marguerite,  comtesse  de  Vianden,  fille 
de  Pierre  de  Courtenay  II,  empereur  de  Constantinople, 
qui  avait  épousé  en  premières  noces  Raoul  III  d'Issoudun, 
et  en  secondes  noces,  Henri  de  Vianden. 


Les  Deux:-Siciles  ont  possédé  de  nom- 
breuses reliques  de  la  sainte  Couronne.  La 
Sicilia  sacra,\es  Sacres  regiœ  visitât  ioues  per 
S  ici  liain,  éditées  par  J.-  A.  de  Ciocchis,lV/«//a 
sacra,  nous  en  font  connaître  plus  de  trente. 
Mais  celles  dont  nous  pouvons  reconstituer 
l'histoire  sont  rares.  Avec  l'Epine  de  Mon- 
reale,  que  nous  retrouverons  tout-à-1'heure 
sous  la  date  de  1378,  celles  d'Andria,  de 
Bari,  de  Catane,  et,  bien  qu'il  nous  faille 
passer  les  mers,  l'épine  de  Médina  del 
Campo  en  Espagne,  sont  les  seules  qui 
semblent  pouvoir  se  rattacher  à  l'histoire 
de  la  Couronne  de  la  Sainte-Chapelle. 

On  était  convaincu  que  ces  Épines  ve- 
naient de  Charles  Ier  d'Anjou,  qui  devait 
les  avoir  reçues  de  son  frère  saint  Louis, 
alors  qu'il  l'accompagnait  à  la  susception  de 
Sens  et  de  Paris  ;  l'identification  était  ten- 
tante en  effet.  On  croyait  pouvoir  s'appuyer 
également  sur  le  texte  de  la  permission  ac- 
cordée au  roi  Robert,  par  Clément  V,  en 
131 1,  d'exposer  à  Naples,  à  la  vénération 
des  fidèles,  les  reliques  insignes  de  sa  fa- 
mille: mais,  comme  il  n'est  fait  aucune  men- 
tion d'Épines  dans  le  document  rapporté  par 
Raynaldi,  nous  croyons  devoir  conformer 
notre  opinion  à  l'inscription  du  reliquaire 
contemporain  d'Andria,  détruit  le  25  mars 
1799,  lors  de  la  prise  d'Andria  par  les 
Français,  dont  heureusement  Sarnelli,  dans 
ses  Lettres  ecclésiastiques,  nous  a  conservé 
le  texte. 

En  cuspis  de  tôt  majoribus  una  Corona, 
Qua  dune  pupugere  manus  pia  tempora  Jksu  : 
Quando  Parasceve,  et  martii  vigesima  quinta 
Concurrunt,  veluti  majores  oie  probarunt, 
Una  hase  (O  quam  mirum  !)  tota  cruenta  videtur, 
Qua:  solet  esse  alias  guttis  aspersa  quibusdam 
Gloria  victori,  palma;  et  monumenta  perenni  : 
Cornua  etenim  Satana;  spinosa  fronte  répressif. 
Ad  nos  Trinacrias,  Carolus  rex  ille  secundus, 
Transtulitex  Parisiis,  qua?  Urbs  Regia  Galba-  habetur. 
Detqueilli  Dominus  pro  tanto  hue  pignore  vecto 
Cuncti  exoremus  felicia  régna  Polorum. 


Pectore  devoto,  venerandaque  poplite  fiexo  est. 
Spina  Redemptoris,  roseo  suffusa  cruore, 
Cum  sentes,  ut  acies  totidem,  toleraverit  ultor 
Humani  sceleris,  gratissima  metra  canamus. 

L'Épine  aurait  donc  été  rapportée  de 
Paris  par  Charles  II  et  non  par  Charles  Ier; 
la  tradition  constante,  et  nous  ne  pouvons 
avoir  de  documents  écrits,  puisque  les  ar- 
chives de  la  cathédrale  furent,  une  première 
fois,  incendiées  en  1345,  par  les  Hongrois, 
brûlées  en  1528,  enfin  pillées  en  1556,  rap- 
porte, et  cela  très  vraisemblablement,  que 
l'Épine  fut  donnée  à  la  cathédrale  d'Andria 
en  1 308,  par  Béatrice  d'Anjou,  quand,  veuve 
d'AzzoVIII  d'Esté,  marquis  de  Ferrare, 
elle  épousa  Bertrand  del  Balso,  auquel  elle 
apporta,  dans  sa  dot,  le  comté  d'Andria 
qu'elle  avait  reçu  de  son  père,  Charles  II, 
en  1305. 

Le  plus  ancien  document  d'archives  qui 
la  mentionne  actuellement  est  l'inventaire 
de  1586,  fait  par  Mgr  D.  Luca  Antonio 
Resta,  évêque  d'Andria  :  «  Una  ex  spinis 
majorions  Corone  Christi,  in  acie  et  medio 
sanguineis  maculis  perfusa.  »  Si  le  reliquaire 
n'existe  plus,l' Epine  fut  retrouvée  en  octobre 
1837  à  Venouse  et  restituée  à  la  cathédrale 
d'Andria  où  elle  est  actuellement  vénérée('). 

L'office  de  la  sainte  Épine  ne  fait  aucune 
allusion  ni  au  don,  ni  au  donateur  :  on  y 
récite  au  capitule:  Eg7'ediniini ;  aux  vêpres, 
on  chante  :  Vexilla  Régis  prodennt  ;  à  ma- 
tines :  Pange  lingua  gloriosi  ;  à  laudes  : 
Lustra  sex  qui jam  peregit. 


Bari.  —  Malgré  une  tradition  qui  paraît 
très  sûre  d'elle-même,  on  ne  saurait  ranger 
autrement  que  parmi  les  Épines  probables 

1.  La  plus  grande  partie  de  ces  renseignements  m'ont 
étécommuniqués  par  Monseigneur  Emm.Merra,  d'Andria, 
qui  vient  de  publier  une  savante  étude  sur  l'Epine  de  sa 
cathédrale.  —  Una  délie  maggiori  spine  délia  corona  di 
Nostro  Signore  nel  Duomo  di  Andria.  Trani,  Vecchi. 
1897,  in-8°. 


celle  de  Bari.  Mais  incontestablement  elle 
se  rattache  à  la  même  origine  sicilienne, 
puisqu'on  s'accorde  à  reconnaître  qu'elle  fut 
donnée  à  la  cathédrale  par  Charles  1 1 
d'Anjou,  lorsqu'il  vint  visiter  le  tombeau 
de  saint  Nicolas  ('). 


Reliquaire  de  la  sainte  Épine  de  Bari. 


Catane,  1339. —  Au  contraire,  parmi  les 
huit  Épines  connues  de  Catane  il  en  est 
deux  dont  la  filiation  angevine  semble  in- 
discutable:celles  deSaint-Nicolas  deArenis, 
monastère  deClarisses,  et  celle  des  Francis- 
cains. Elles  furent  léguées  à  ces  deux 
monastères,  en  1339,  par  Éléonore,  femme 
de  Frédéric  II,  fille  de  Charles  II,  sœur 
de  saint  Louis  de  Toulouse.  Morte  chez  les 
Clarisses,  dont  elle  avait  pris  l'habit  à  la 
mort  de  son  mari,  elle  fut  inhumée  dans 
l'église  de  Saint-Michel   Castri  Ursini  des 


ranciscains 


(*)■ 


1.  Moroni,  v"  Spine  et  Civilta  cattolica,  2e  sér.,  t.  II, 
(1893)  p.  329.  Je  dois  à  Mgr  X.  B.  de  Montault  la  com- 
munication de  la  photographie  ici  reproduite.  Cf.  Revue 
de  V Art  chrétien,  18S3,  p.  462. 

2.  Sicilia  sacra,  539,  577. 


484 


3Reliue  De  PSÏrt  chrétien. 


Medina  del  Campo,  1338.  —  On  ne  son- 
gerait guère  à  rattacher  au  trésor  des  rois 
de  Sicile,  descendants  de  Charles  d'Anjou, à 
ce  petit  centre  secondaire  de  distribution, 
l'Épine  donnée  au  couvent  de  Medina  del 
Campo,  par  la  reine  de  Castille  et  d'Aragon, 
DonaLeonor,  veuve  de  Fernando  IV,  si  une 
étude  de  M.E111.  Bertaux  sur  les  reliquaires 
du  couvent  (')  ne  nous  avait  fait  toucher  du 
doigt  leur  origine  napolitaine.  Elle  semble 
indiscutable.  Castillo,  dans  son  Historia 
général  de  Santo  Domingo  (2),  indique  les 
plus  importantes  reliques,  données  au  mo- 
nastère par  la  reine  ;  on  y  voit  figurer 
une  épine,  à  côté  du  bras  de  saint  Luc,  à 
côté  du  bras  de  saint  Louis  de  Toulouse, 
et  «  todas  est  an  muy  bien  guarnecidas  de 
plata  dorada  con  sus  viriles  de  cristal  » .  Or 
M.  Bertaux  a  pu  démontrer  que  deux  de  ces 
reliquaires  avaient  été  exécutés  en  1338, 
qu'ils  portaient  les  armes  de  la  reine  Sancia 
et  qu'ils  avaient  été  commandés  par  le  roi 
Robert-le- Magnifique.  L'origine  royale  et 
napolitaine  de  ce  trésor  ne  saurait  donc  être 
contestée. 


Besançon,  1330.  —  Ln  1320,  au  mois 
de  juin,  Hugues  Michiel,  de  Besançon, 
chantre  de  Paris,  fondait  la  fête  de  la  sainte 
Couronne  à  Besançon.  Évêque  de  Paris,  il 
envoyait,  en  1330,  deux  Epines,  dont  l'une 
était  destinée  au  chapitre  de  Saint-Jean, 
l'autre  à  la  Madeleine.  La  lettre  d'Hugues 
à  ses  confrères,  les  chanoines  de  Besançon, 
a  été  publiée  par  Castan  dans  les  Mémoires 
lus  à  la  Sorbotine  en  1865  (3).  Le  ms.  830 
de  la  Bibliothèque  de  Besançon,  dans  un 
inventaire,  signale  la  petite  colonne  d'argent 

1.  Chronique  des  arts,  1898,  p.  45. 

2.  Castillo  (Fernando),  Historia  gênerai  de  Santo  Do 
mingo  et  de  su  or  de  11  de  Predicadores.  Valladolid,  161  221, 
in-f -,  t.  II,  p.  31. 

3.  Histoire,  p.  893. 


dans  laquelle  l'une  des  Épines  fut  conservée 
à  Saint-Jean  jusqu'à  la  Révolution.  L'office, 
qui  était  celui  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris, 
occupe  les  fol.  259271  v°  d'un  Lcctionnairc 
de  la  cathédrale  de  Besançon  du  XI  Ie  siècle, 
à  la  Bibliothèque  nationale,  auquel  ii  a  été 
ajouté.  On  y  trouve,  en  neuf  leçons,  le  récit 
de  la  translation  de  la  sainte  Couronne,  tel 
qu'il  a  été  publié  dans  le  Recueil  des  histo- 
riens, jusqu'aux  mots  Nihil  in  via  cotitra- 
riumeontristavit.  Hugues  de  Besançon  dut 
l'envoyer  en  même  temps  qu'il  faisait  la 
fondation. 

Les  Epines  actuellement  vénérées  à  Be- 
sançon viennent  de  Rome. 


Josaphat-lez-Chartres,  vers  1340.  — 
On  lit  dans  le  manuscrit  r  163  de  la  Biblio- 
thèque municipale  de  Chartres  : 

«  Philippe  VI,  roi  de  France,  bienfaiteur  de  l'abbaye 
de  Josaphat  y  aiant  fait  des  donations  considérables, 
dont  on  jouit  en  partie,  son  affection  particulière  pour 
Josaphat  nous  procura  la  Couronne  d'Epines  de  N.-S. 
qu'il  fît  mettre  en  dépôt  dans  ce  monastère,  ce  qui  a 
donné  lieu  à  une  cérémonie  particulière  tous  les  ven 
dredis  saints,  où  le  peuple  vient  en  abondance  à 
Josaphat,  dès  minuit.  » 

Lecocq  a  publié  l'histoire  de  ce  pèleri- 
nage (');  le  Nécrologe  de  l'abbaye  nous  ap- 
prend que  ce  n'était  pas  la  sainte  Couronne 
elle-même,  mais  simplement  une  Épine. 

9  mai.  «  Obiit  Dominus  Vrafran,  miles,  qui  multa 
nobis  bena  largitui  est  et potissimum  coronati  Christi  spi 
nam,fai<ore  régis  Pliilippi,  abbate  uostro  Thoma  (r333- 
1351)  hoc  procurante,  nobis  contulit.  » 


Pavie,  av.  1350. —  La  cathédrale  prétend 
posséder  trois  Épines  de  la  couronne  du 
Christ.  En  réalité  il  n'y  en  a  que  deux;  mais 
l'une  d'elles  est  fourchue.  Elles  apparte- 
naient aux   Visconti,   qui   les   conservaient 

1.  Lecocq  (Ad.),  dans  les  Mémoires  de  la  Société  '  archiol, 
d'/iure-et-Loire,  t.  Vil  (1882;,  p.  437. 


iReltque0  ùe  Constatittnople, 


485 


dans  leur  château  de  Pavie  ;  elles  entrèrent 
au  trésor  de  la  cathédrale  le  2  septembre 
1499.  Une  avait  été  donnée  au  duc  Jean 
GaleazzoVisconti.en  1400, parEmmanuel  1 1 
Paléologue,  empereur  de  Constantinople, 
lors  de  son  séjour  à  Pavie  :  l'autre  avait  été 
envoyée  à  Pavie  par  Philippe  de  Valois,  qui 
l'avait  détachée  de  la  Couronne  de  la  Sainte- 
Chapelle.  Jacques  Gualla,  professeur  à 
l'Université  de  Pavie,  mort  en  1505,  affirme 
dans  son  Papiœ  Sanctuarium  ('),  que  les  au- 
thentiques de  ces  deux  reliques  existaient 
encore  de  son  temps  dans  les  archives  du 
château  (2). 


Monreale,  1378.  —  En  1270,  PhilippelV 
ramenait  à  travers  la  Sicile  et  l'Italie  la 
dépouille  de  saint  Louis,  mort  devant  Tunis. 
Le  corps,  pendant  l'arrêt  à  Palerme,  fut 
déposé  à  la  basilique  de  Monreale.  Charles 
d'Anjou,  frère  du  roi,  obtint  d'y  conserver  le 
cœur  du  roi  et  ses  entrailles,  tandis  que 
Philippe  emportait  vers  la  France  les  osse- 
ments royaux.  A  Consenza  mourait,  le  28 
janvier  1271,  Isabelle  d'Aragon,  femme  du 
Roi  ;  et  des  artistes,  certainement  français, 
ainsi  que  le  montre  M.  Em.  Bertaux,  éle- 
vaient en  Pouille  un  précieux  monument 
sur  les  restes  de  la  Reine.  Lorsqu'on  trouve 
dans  la  Sicilia  sacra,  à  Monreale  «  spinam  ex 
corona  quam  a  Galliœ  Rege  dono  acceperunt 
monachi  »  (3),  on  pourrait  croire  que  c'est 
vers  cette  époque,  vers  1274,  comme  l'avait 
supposé  Riant,  qu'elle  avait  été  envoyée  par 
Philippe-le- Hardi;  mais  à  la  vie  de  l'arche- 
vêque Avedutus,  la  Sicilia  sacra  (<)  nous 
donne  une  date  beaucoup  plus  précise.  Vers 
1378,  les  derniers  ossements  de  saint  Louis 

1.  Jacobi     Gualie    jurisconsulti  Papiœ   Sanctuarium, 
Papiœ,  J.  de  Burgofrancto,  1505,  lib.  VI,  p.  89. 

2.  Renseignements    communiqués    par    M.  Jean   del- 
l'Acqua  et  par  le  Bibliothécaire  de  la  ville  de  Pavie. 

3.  Sicilia  sacra,  II,  1213. 

4.  I,  463. 


restés  à  Monreale  auraient  été  transférés  en 
France,  et  à  cette  occasion,  le  roi  de  France, 
qui  était  alors  Charles  V,  aurait  envoyé  de 
nombreuses  reliques,  parmi  lesquelles  une 
Epine  de  la  sainte  Couronne.  Cette  transla- 
tion de  reliques  peut,  au  premier  abord, 
sembler  bien  extraordinaire,  alors  qu'on 
croit  être  certain  que  Philippe  III  rapporta 
avec  lui  tous  les  ossements  du  roi.  Mais  la 
pancarte  du  cierge  pascal  de  la  Sainte-Cha- 
pelle de  1327  qui  nous  signale  la  translation 
des  reliques  de  saint  Louis,  de  St- Denis  à 
la  Sainte-Chapelle,  ne  parle,  au  17  mai  1306, 
que  du  chef  du  Roi  :  la  translation  des  osse- 
ments d  e  1 392,  si  tardive,  alors  qu'il  eût  été, 
au  contraire,  si  naturel  que  le  roi  reposât 
dès  la  fin  du  XIIIe  siècle  dans  la  basilique 
qu'il  avait  fait  élever,  près  des  reliques  qu'il 
avait  réunies,  trouverait  alors  son  explica- 
tion très  naturelle  dans  cette  dernière  trans- 
lation de  Monreale  en  1378,  et  l'envoi  des 
reliques  par  Charles  V  y  rencontrerait  aussi 
sa  confirmation. 


Charles  IV,  1353  et  1356.  —  Lorsqu'on 
connaît  le  nombre  vraiment  incroyable  d'É- 
pines qui  étaient  vénérées  en  Allemagne, 
lorsqu'on  voit  des  trésors  comme  celui  de 
Wittemberg  en  posséder  onze,  comme  celui 
de  Halle  en  exposer  jusqu'à  dix-sept,  on 
peut  se  perdre  en  conjectures  sur  leurs  ori- 
gines. Le  trésor  de  Prague,  où  furent  au 
moyen  âge  réunies  tant  de  reliques  par 
Charles  IV,  n'en  avait  pas  un  nombre  aussi 
considérable, on  n'en  vénérait  que  trois  dans 
la  basilique. Mais.jusqu  a  ces  derniers  temps, 
leur  origine  française,  bien  que  soupçonnée, 
n'avait  encore  pu  être  authentiquement 
prouvée.  Le  Plwspkorus  septicomis  de  Pes- 
sina  de  Czechorod  (1673),  dont  j'ai  eu  à 
faire  usage  pour  l'histoire  de  la  sainte  Lance 
d'Allemagne,  m'a  donné  la  solution  long- 
temps cherchée.   Il   rapporte  un  inventaire 


486 


îfÀctntc  t>e  V&xt  tbxititn. 


du  18  août  1368  dans  lequel  on  lit:  «  Imago 
Ludovici  régis,  tenens  crystallinam  mons- 
trantiam.  In  qua  est  una  spina  de  corona 
Domini. 

«  Duœ  spinœ  coronœ  Passionis  Dominicce 
crystallo  incluses.  » 

Le  Magnum  Chronicon  belgicum,  men- 
tionnant, à  propos  de  la  fête  de  la  sainte 
Lance  que  Charles  IV  avait  obtenue,  en 
1353,  d'Innocent  VI,  l'autorisation  de  célé- 
brer en  Allemagne,  ajoute  :  «  Qui  Carolus 
etiam  a  rege  Franciœ  obtinuit  spinam  unam 
de  Corona  Domini,  unde  promeruerit  a  papa 
Innocentio  VI,  festum  fieri  per  totam  Al- 
maniam  de  Corona  et  Clavis Domini.  »  Nous 
sommes  en  1353.  Or,  Pessina  (')  imprime 
une  lettre  de  Jean  II  le  Bon,  qui  envoie,  en 
mai  1356,  àCharlesIV.à  Metz,  deux  Epines 
qu'il  a  fait  prendre  à  la  Sainte-Chapelle, 
par  Pierre,  archevêque  de  Rouen,  et  qu'il 
lui  fait  remettre,  par  le  Dauphin  Charles, 
duc  de  Normandie.  Les  trois  Épines  se 
trouvent  ainsi  parfaitement  dégagées,  par 
cette  pièce,  dont  un  vidimî(s,de  1 54  r ,  est 
encore  conservé  aux  archives  de  Prague  (2). 


Bourbon -l' Archambault,  i 393.  —  Nous 

ne  trouvons  dans  l'acte  de  fondation  de  la 

Sainte-Chapelle  de  Bourbon-l'Archambault, 

le  16  juin  1355,  par  Louis  Ier  de  Bourbon, 

mention     d'aucune     relique    spécialement 

désignée.  Mais  dans  le  manuscrit  latin  de 

la  Bibliothèque  Nationale  17  108,  à  la  suite 

de    la  copie  de  l'acte  de  fondation,   il  est 

rappelé    que  le   fondateur  fit   présent   à  la 

Chapelle  de  plusieurs  reliques  : 

«  Entre  lesquelles  estoit  celle  de  la  vraye  Croix 
qu'il  avoit  eue  de  Robert  comte  de  Clermont,  son 

père,  lequel  reliquaire  n'estoit  que  d'argent; Louis 

II,  en  1397,   fît   enchâsser  en   or  dans  un  reliquaire 

1 .  Phospkorus,  p.  464. 

2.  Copiarium  privilégia um  ,t  litierarum  regni  Bo- 
hemiœ;  renseignement  communiqué  par  M.  le  DrJ.Teige, 
archiviste  de  la  ville  de  Prague. 


pesant  environ  15  marcs  tout  parsemé  de  fleurs  de 
lys  et  enrichi  de  quantité  de  perles  et  de  pierres  pré- 
cieuses, la  précieuse  croix  de  Nostre  Seigneur » 

Il  n'est  pas  ici  question  d'épine  ;  on  ne 
peut  nier  cependant  que  le  reliquaire  en 
renfermât  une.  La  description  du  Dic- 
tionnaire universel  de  la  France,  de  Robert 
Hesseln,  ne  saurait  laisser  de  doute  à  cet 
égard. 

«  La  troisième  Chapelle  est  appelée  le  Trésor.  Elle 
est  souterraine  et  bien  claire.  On  y  descend  par  un 
escalier  de  pierres  de  taille  de  vingt  marches,  de  quatre 
pieds  de  long.  C'est  dans  cette  chapelle  qu'on  garde 
une  très  belle  croix  d'or  de  ducat  du  poids  d'environ 
quatorze  marcs,  dont  le  montant  est  long  d'un  pied  et 
demi,  le  travers  d'environ  un  pied  et  la  largeur  de  l'un 
et  de  l'autre  est  de  quatre  travers  de  doigt.  Au  bout 
de  cette  croix  est  une  couronne  d'or  qui  porte  sur  une 
de  ses  bandes  l'inscription  suivante  :  «  Louis  de  Bour- 
«  bon,  second  duc  de  ce  nom,  fit  garnir  de  pierreries  et 
«de  dorures  cette  croix  l'an  1393.  »  Cette  croix  est 
enrichie  de  trente  grosses  perles  et  de  cinq  pierres 
précieuses. Elle  renferme  une  Épine  de  la  Couronne  de 
Jésus-Christ  ainsi  qu'une  petite  croix  faite  de  la  vraie 
Croix  de  Notre  Seigneur.  Une  montagne  ou  calvaire 
de  vermeil  sert  de  piédestal  à  cette  croix  au  bas  de 
laquelle  on  voit  à  genoux  le  duc  Jean  de  Bourbon  et 
la  duchesse  Jeanne  de  France,  sa  femme,  avec  leurs 
couronnes  et  habits  de  cérémonie.  Le  haut  de  ce  cal- 
vaire est  fait  en  pointe  et  comme  une  colonne  torse 
percée  au  bout,  où  est  plantée  la  croix  d'or.  Cette 
colonne  est  embrassée  d'un  côté  par  la  Magdelaine 
qui  est  à  genoux  et  de  l'autre  côté  est  la  figure  de  la 
Vierge  dans  l'attitude  d'une  personne  qui  a  peine  à  se 
soutenir  et  supportée  par  saint  Jean.  Au  pied  de  la 
croix  d'or  est  une  tète  de  mort,  avec  ossements  de 
mort,  le  tout  d'argent.  La  colonne  et  la  montagne 
sont  d'argent  doré  et  pèsent  avec  tout  ce  qu'elles 
portent  treize  livres,  poids  de  marc.  » 

L'identification  des  deux  croix  est  cer- 
taine, par  conséquent.  Or  la  première,  d'ar- 
gent, dans  laquelle  était  la  vraie  croix, 
avec  l'Epine,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  men- 
tionnée nominativement, et  qui  fut  plus  tard 
habillée  d'or,  par  Louis  II  de  Bourbon, 
Robert  de  Clermont  la  tenait  de  son  père 
saint  Louis.  Il  épousa  en  1272  Béatrice 
de  Bourgogne,  qui  lui  apportait  en   dot  la 


Reliques  De  Constanttnople, 


487 


seigneurie  de  Bourbon.  C'est  ainsi  que  l'É- 
pine était  en  la  possession  de  Louis  Ier  de 
Bourbon,  quand  il  fit  élever  la  Sainte-Cha- 
pelle de  Bourbon-l'Archambault. 


Vincennes,  133g.  — L'actededonationde 
l'Epine  de  la  Sainte-Chapelle  de  Vincennes 
n'est  pas  parvenu  jusqu'à  nous.  Mais  il  se 
peut  fort  bien  qu'il  n'ait  jamais  existé;  c'est 
ce  qui  semblerait  résulter  du  texte  même  de 
la  Gallia  qui  rapporte  que,  lorsqu'en  mars 
1399,  Charles  V  restaura  la  Sainte-Chapelle 
de  Vincennes,  dotée  par  saint  Louis  en 
1248,  il  lui  donna  un  morceau  de  la  vraie 
croix  et  une  Épine  de  la  sainte  Couronne 
dans  une  couronne  ornée  de  pierres  pré- 
cieuses, sur  laquelle  «  autkenticum  incidi 
fecit.  »  C'était  par  conséquent  le  reliquaire 
même  qui  servait  de  lettre  d'envoi,  et  la 
destruction  du  monument  entraîna,  par  cela 
même,  la  suppression  de  la  pièce  qu'assu- 
rément nous  chercherions  en  vain. 


Notre-Dame  de  Clérv,  1482.  —  Le 
1  i  février  Louis  XI,  revenant  de  Saint- 
Claude  à  Notre-Dame  de  Cléry  qu'il  avait 
fondée,  envoya  de  Thouars,  au  chapitre,  une 
épine  enfermée  dans  un  reliquaire  de  cristal 
monté  en  or.  Du  Saussay,  dans  les  Annales 
de  l'église  d  Orléans,  nous  a  conservé  le  texte 
de  la  lettre  royale.  Lemaire,  dans  son  His- 
toire de  la  ville  d'Orléans  (1648),  nous  fait 
connaître  que  la  veille  de  la  Saint-Martin 
1631,  des  voleurs  s'emparèrent  du  trésor  de 
Cléry, et  que  l'Épine  disparut  à  cette  époque. 

Un  instant,  j'ai  cru  que  cette  relique 
pouvait  peut-être  venir  du  château  de 
Thouars.  Mais  en  étudiant  l'inventaire  de 
1470  ('),  en  examinant  les  papiers  des  La 

1 .  Ledain  (Delisaire)  Inventaire  du  château  de  Thouars, 
24  mars  1470.  Saint-  Maixent  Reversi,  1886,  in-f.  p.  11-12. 
(Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  de  statistique  des 
Deux-Sèvres). 


Trémouille  ('),  on  ne  trouve  aucune  trace 
d'Épines,  quand  une  relique  de  la  vraie  croix 
est  au  contraire  signalée.  D'ailleurs,  les  rois 
de  France  voyageaient  avec  des  phylac- 
tères garnis  de  reliques  ;  celle  de  Venise, 
qui  suit,  ne  fut-elle  pas  prise  à  Fornoue, 
dans  les  bagages  de  Charles  VIII.  Enfin 
plusieurs  envois  d'Épines,  par  saint  Louis, 
sont  datés  de  villes  éloignées  de  la  Sainte- 
Chapelle,  Liège,  de  Senlis  :  Vézelay,  de 
Sens  :  et  Tolède,  d'Etampes. 


Venise,  1495  —  On  ne  saurait  douter 
de  l'origine  française  d'une  épine  de  Saint- 
Marc  de  Venise,  qui  d'ailleurs  aujourd'hui 
a  disparu  de  la  basilique.  Cornélius  (2)  rap- 
porte qu'en  son  temps  on  admirait  au  trésor 
un  petit  reliquaire  très  orné  qui  contenait 
des  parcelles  des  reliques  de  la  Passion  avec 
cette  inscription  :  «  Lignum  sanctissitnœ 
crucis  :  de  columna  ubi  flagellatus  fiiit 
Christns  ;  de  arundine  super  quant  posita 
fuit  spongia  felle  et  aceto  pleua,  cum  qua 
potatus  ftdt  D.  N.  J.  C:  de  spinea  corona 
Christi.  »  Il  était  arrivé  à  Venise,  après  la 
bataille  de  Fornoue,  où  il  avait  été  pris  sur 
le  valet  de  chambre  de  Charles  VI 1 1,  Gabriel 
de  la  Bondinière,  alors  qu'au  passage  du 
Taro  il  défendait  les  bagages  du  Roi  (3). 

L'étude  du  Dr  G.  Gusmini  (4)  donne  sur 
la  prise  de  ce  reliquaire  de  bien  intéressants 
détails.  Ce  fut  un  nommé  Crisoporo  Viscalo, 
ou  Cristoforo  Cristallo,  car  le  nom  est 
assez  difficile  à  lire,  qui,  s'en  étant  emparé, 

1.  M.  le  duc  de  La  Trémouille  a  bien  voulu  me  dire 
qu'il  n'avait  pas  trouvé  d'Épine  dans  les  archives  de  sa 
famille. 

2.  Cornélius  (Flaminius),  Ecclesiœ  Venetœ  monumenla, 
t.  X,  p.  163. 

3.  Mémoires  de  Commynes,  édités  par  MeIle  Dupont. 
Paris,  Renouard  (Société  de  l'Histoire  de  France),  1840, 
in-8°,  t.  II,  p.  478. 

4.  La  sacratissima  spina  de  la  corona  di  N.  S.  Gesu 
Cristo  venerata  nella  parocchia  di  S.  Giovanni  Bianco 
(Diocèse  de  Bergame).  Bergamo,  Alexandro,  1895,  in-120. 


488 


Be\)ttr  tic  P8rt  cbrctten. 


l'offrit  à  la  Seigneurie  de  Venise.  Elle  le 
récompensa  magnifiquement,  ainsi  que  nous 
le  fait  voir  sa  délibération  du  16  août  1495, 
par  laquelle  elle  accorde  au  dit  Crisoporo 
detto  Viscallo  di  Giovanni  de  roda  di  Valle 
Brembana,  cinquante  ducats,  un  sauf-con- 
duit pour  homicide,  et  une  rente  viagère 
mensuelle  de  dix  florins.  En  outre  elle 
s'emploiera  à  obtenir  du  Souverain  Pontife, 
pour  son  fils  qui  est  dans  les  ordres,  un  bé- 
néfice de  cent  ducats.  Le  coffret,  mais  sans 
les  reliques,  existe  encore  au  Trésor  de 
Saint-Marc  ('). 


San  Giovanni  Bianco.  —  Comment  ce 
Viscalo,  de  retour  dans  son  pays,  remit-il  à 
D.  Antonio  de'  Boselli,  curé  de  S.  Gio- 
vanni Bianco,  une  épine  ?  Comment  l'avait- 
il  obtenue  ?  Le  Dr  Gusmini  n'a  pu  décou- 
vrir d'autres  renseignements  qu'un  inven- 
taire de  1536,  et  une  tradition  constante. 
Certainement  je  n'aurais  pas  cru  devoir  la 
signaler,  si  elle  n'avait  tenu  ou  paru  tenir  à 
une  relique  se  rattachant  aussi  intimement 
à  notre  histoire  nationale. 


Duc  de  Bekrv,  XVe  siècle.  —  Les  inven- 
taires de  Jean  de  Berry  nous  révèlent  la 
présence  dans  le  Trésor  du  duc,  de  sept 
Epines. Nous  n'enavonspascertainementles 
authentiques,  mais  nous  connaissons  nombre 
de  pièces  qui  constatent  l'envoi  au  duc  de 
plusieurs  reliques  de  la  Sainte-Chapelle.  Sa 
parenté  royale,  jointe  à  son  goût  bien  connu 
des  reliques  les  plus  précieuses,  ne  sauraient 
nous  laisser  de  doute  sur  l'authenticité  des 
Épines  que  nous  rencontrons  ici.  Les  anno- 
tations des  inventaires  nous  font  connaître 
le  sort  de  six  d'entre  elles.  Trois  furent 
données  à  la  Sainte-Chapelle  de  Bourges  : 

I.  Malgré  mes  demandes  il  m'a  été  impossible  d'en 
obtenir  une  photographie. 


Le  Voyage  littéraire  de  deux  Bénédictins 
en  signale  encore  une  dans  une  couronne 
d'or,  au  moment  où  D.  Martène  visitait 
la  Sainte-Chapelle;  celle  de  l'article  272 
est  donnée  au  roi  des  Romains,  Wenceslas, 
fils  de  Charles  IV,  empereur  d'Allemagne  ; 
une  autre  enfin  fut  offerte  par  le  prince  au 
duc  d'York. 


Nancy,  XVe  siècle.  —  Nancy  a  possédé 
cinq  Épines.  L'abbé  Didrit,  dans  un  très 
savant  mémoire  publié  en  1S97,  avait  très 
bien  dégagé  celle  de  la  collégiale  de  Saint- 
Georges  donnée  à  Raoul  de  Lorraine  fon- 
dateur de  la  collégiale,  par  Philippe  VI 
de  Valois.  L'office  de  la  sainte  Couronne 
d'Épines  à  l'usage  de  l'église  Saint  Georges 
de  Nancy,  en  rapporte  l'histoire  avec  la  des- 
cription du  reliquaire  dans  la  sixième  leçon 
du  IIe  nocturne. 

Un  nouveau  mémoire  de  M.  l'abbé  Didrit 
qui  continue  ses  recherches,  vient  de  pa- 
raître dans  la  Semaine  religieuse  de  Nancy, 
de  1898  ;  il  prouve  que  les  trois  historiens 
lorrains,  Aulbery,  Rennel,  le  chanoine  La 
Flize  et  enfin  le  Bréviaire  ont  fait  une 
confusion. 

Il  a  découvert  en  effet  le  vidimus  d'un 
inventaire  de  1373,  relevé  par  le  chanoine 
Perrin,  écolâtre  de  Saint-Georges  en  1559, 
puis  un  inventaire  dressé  en  1608  par  Jean 
de  Mousson,  prévôt  de  la  collégiale  de 
Saint-Georges  de  1558  à  1614.  Dans  ce 
dernier  nous  lisons  : 

«  Deux  Épines  de  la  sainte  Couronne  de  Notre- 
Seigneur,  l'une  desquelles  a  esté  apportée  en  la  dite 
chapelle  et  donnée  à  l'église  susnommée  par  Mon- 
seigneur le  Duc  son  fondateur,  et  l'autre  par  feu  le 
Roy  René,  duc  de  Lorraine,  qui  l'obtint  de  la  Sainte- 
Chapelle  de  Paris,  où  il  la  fit  richement  enchâsser 
dans  un  vaisseau  de  cristal  enrichy  d'une  corone 
d'épines  portée  par  deux  anges  posez  sur  un  pied 
d'estal,  le  tout  d'argent  doré,  comme  elle  se  voit  à 
cette  heure.  » 


îReltquea  De  Constantinople, 


489 


Quel  est  le  roi  René  de  Lorraine  dont  il 
est  ici  question  ?  Est-ce  René  Ier  ou  René  1 1  ? 
M.  l'abbé  Didrit  pense  que  c'est  René  Ier 
(1431-1455)  à  qui  l'on  attribue  plus  volon- 
tiers le  titre  de  roi,  et  qui  s'occupait  beau- 
coup de  recueillir  des  reliques.  Elle  lui 
aurait  donc    été    donnée  par   Charles  VII. 

Dans  l'inventaire  de  1373  on  lit  encore  : 

«  Une  patène  en  laquelle  est  li  espine  de  la  Coronne 
Notre-Seigneur.  » 

Et  à  la  fin  du  dit  inventaire  : 

«  Ce  sont  les  reliques  que  M.  le  Duc  nous  ait 
donné,  qui  vinrent  de  Thuringe,  de  la  chapelle  de 
madame  sa  mère.  » 

Celle-là  venait  donc  de  la  chapelle  de 
l'empereur  Albert  d'Autriche,  qui  l'avait 
donnée  à  sa  fille  Isabelle.  Elle  l'apporta  en 
Lorraine  lors  de  son  mariage  avec  le  duc 
Ferry  IV  (1312-1328);  son  fils  fut  le  duc 
Raoul  «  de  très  heureuse  mémoire  fonda- 
teur de  la  dite  église  ». 

La  description  des  deux  reliquaires  res- 
pectifs permet  donc  de  les  distinguer  et  de 
suivre  la  relique  provenant  de  la  Sainte- 
Chapelle  de  Paris. 

En  1664,  elle  est  encore  mentionnée 
dans  l'inventaire  de  la  collégiale  de  Saint- 
Georges;  en  1742,  elle  est  transportée  à  la 
Primatiale  lors  de  la  réunion  des  deux  cha- 
pitres. En  1768,  d'après  un  office  imprimé 
à  cette  date,  elle  y  était  vénérée;  les  derniers 
inventaires  de  la  Révolution  de  1790  et  de 
1792,  font  une  fois  encore  mention  d'  «  un 
reliquaire  renfermant  une  parcelle  de  la 
sainte  Couronne,  représentant  deux  petits 
anges».  Il  disparut  à  ce  moment. 


Pierre  du  Chatel,  1549. —  Nous  avons 
parlé  plus  haut  (p.  95)  du  procès-verbal  de  la 
levée  de  reliques  du  26  juillet  1549,  faite  par 
Pierre  du  Chatel,  êvêque  de  Maçon, grand 
aumônier  de  France,  qui,  au  nom  de  Henri 


1 1,  vint  chercher  à  la  Sainte-Chapelle  un 
certain  nombre  de  reliques,  parmi  lesquel- 
les se  trouvait  un  fragment  delaCouronne 
d'Épines  ;  nous  n'avons  à  le  signaler  de 
nouveau  que  pour  indiquer  combien  sont 
peu  nombreuses  maintenant  les  épines  qui 
restent  au  trésor  de  la  Sainte-Chapelle. 


Ecosse,  1587.  —  Elles  ne  doivent  plus 
être  que  cinq  en  effet,  car  celle  qui 
s'appelait  l'Épine  d'Ecosse  et  que  je  signale 


Reliquaire  de  Gand. 

seulement  à  cette  date  de  1587,  était  depuis 
longtemps  dans  le  Trésor  des  rois  d'Ecosse, 
puisqu'on  assure  qu'elle  avait  été  envoyée 
par  saint  Louis  à  Alexandre,  roi  d'Ecosse  ('). 
Elle  resta  dans  la  possession  de  la  famille 
royale  jusqu'en  1587,  date  à  laquelle  Marie 
Stuart,  montant  sur  l'échafaud,  la  donna  au 
comte  de  Northumberland  :  sa  fille  l'offrit 


1.  J'ai  vainement  cherché  dans  les  inventaires  d'Ecosse 
de  1291  à  1493;  je  n'ai  trouvé  que  le  bois  de  la  vraie 
Croix.  Il  faut  dire  qu'il  m'a  été  impossible  de  me  procurer 
l'inventaire  de  Glasgow  de  1433  et  que  mes  demandes  à 
Edimbourg  sont  demeurées  sans  réponses. 


REVUE    DE    L'ART    CHRÉTIEN. 
1899.    —   6llle    LIVRAISON. 


490 


<Eebue  t>e  rsirt  chrétien. 


plus  tard  au  P.  Le  Clerque,  provincial  des 
Jésuites,  qui  l'envoya  au  collège  de  la  So- 
ciété, à  Watten.  En  i  763,  elle  fut  transportée 
au  collège  de  Gand,  et  lors  de  sa  suppres- 
sion, elle  passa  aux  mains  de  l'évêque.  Elle 
est  aujourd'hui  à  l'église  de  Saint-Michel 
dans  un  reliquaire-ostensoir,  en  forme  de 
croix  de  cristal  cylindrique  soutenu  par  un 
pied  rond,  entouré  d'une  couronne  d'épines 
et  surmonté  d  un  monogramme  de  N.-S. 
Sur  le  pied  on  lit  : 

«  Hsec  spina  de  corona  Dni  sancta,  fuit  primo 
Maria;  Reg.  Scot.  Mart.  :  ab  ea  data  comiti  Northumb. 
Mart.  :  qui  in  morte,  misit  illam  filiae  sure  Eliz.  qure 
dédit  Soc.  hancq.  I.  Wils  ornavit  auro.  » 


Coimbre,  1607.  —  Le  règne  de  Henri  IV 
verra  disparaître  les  trois  dernières  Épines 
qui  restaient  à  la  Sainte-Chapelle.  En  1607, 
le  roi  en  offre  une  au  P.  Jean  Alvrès.  Le 
Ménologe  de  la  Compagnie  de  Jésus  rapporte 
ainsi  cette  donation  : 

«  Le  10  mars  1623,  Jean  Alvrès  mourut  au  collège 
de  Coimbre  après  6r  ans  de  vie  religieuse.  Il  fut  rec- 
teur du  collège  de  Porto,  puis  provincial,  assistant, 
préposé  de  la  maison  professe.  Pendant  son  séjour  à 
Rome,  il  rendit  à  l'Église,  à  la  Compagnie,  et  tout 
particulièrement  à  la  France  de  grands  services.  Nous 
ne  saurions  oublier  la  part  insigne  qu'il  eut  avec  le 
Cardinal  Tolet  à  la  sentence  d'absolution  et  de  réha- 
bilitation de  Henri  IV  par  le  Saint-Siège.  Aussi,  lors- 
qu'il retourna  par  terre  à  Lisbonne,  en  1607,  le  roi 
voulut  le  voir  à  Paris  et  le  combla  publiquement  des 
témoignages  les  plus  vifs  de  sa  reconnaissance.  Puis, 
au  départ  du  P.  Alvrès,  Henri  lui  fit  présent  d'un 
magnifique  reliquaire  de  cristal,  en  forme  de  croix, 
qui  renfermait, entr'autres  précieuses  richesses, une  des 
épines  du  Sauveur,  détachée  de  la  sainte  Couronne  en 
faveur  de  l'humble  religieux,  et  qui  fut  conservée  pré- 
cieusement dans  le  trésor  du  collège  d'Evora  jusqu'à 
la  destruction  de  la  Compagnie.  »  (Portugal,  t.  I, 
pp.  239-240.)  (■)• 

Marie  de  Médicis,  1645.  —  Les  deux 
dernières  Épines  se  trouvent  citées  dans 
l'inventaire  de  Marie  de  Médicis   en  1645. 

Elles  étaient  ainsi  inventoriées  dans  les 

«  Inventaires  des  meubles  et  relicquaires  qui 

1.  Document  communiqué  par  le  T.  R.P.  Sommervogel. 


se  sont  trouvez  dans  l'oratoire  du  Roy,  et  dans 
F  inventaire  des  hardes  tirées  de  l'oratoire  de 
la  Reyne  ('). 

«  Un  coffret  de  velours  incarnat  garny  de  dentelles 
d'or  et  d'argent  dans  lequel  il  y  a  une  boiste  de  velours 
rouge,  de  forme  ronde,  dans  laquelle  est  un  reliquaire 
de  cristal,  où  est  une  sainte  Espine  de  la  Couronne  de 
Nostre-Seigneur. 

«  Deux  soleils  d'or  enrichis  de  diamants  portés 
chacuns  par  deux  anges  d'or  sur  deux  terraces  d'or 
esmaillez  :  à  l'un  des  dits  soleils,  il  y  a  de  la  vraye 
Croix  et  à  l'autre  de  la  sainte  Epine.  » 

Ces  deux  derniers  reliquaires  seuls  se 
retrouvent  dans  l'inventaire  après  décès 
de  la  reine  Anne  d'Autriche  (1666)  (=). 

Le  premier  reliquaire  rond,  de  cristal, 
avait  été  donné  à  M.  de  la  Potterie,  prêtre 
de  l'église  de  Saint-Jacques-du-Haut-Pas, 
qui  l'offrit,  le  23  mars  1656,  à  la  Maison  de 
Port- Royal  de  la  Ville.  Je  ne  saurais  en  effet 
interpréter  autrement  le  passage  de  Fon- 
taine qui,  dans  ses  Mémoires  pour  servir  à 
l 'histoire  de  Port-Royal,  parle  cependant  de 
deux  Épines  que  M.  de  la  Potterie  aurait 
reçues  de  la  Reine,  tandis  que  Baillet  ne 
parle  que  d'une  seule:  la  date  de  1656  fait 
d'ailleurs  bien  supposer  que  c'est  assuré- 
ment là  l'Épine  de  l'inventaire  de  l'oratoire 
du  Roi, qui  manque  dans  l'inventaire  d'Anne 
d'Autriche  de  1666. 


Ainsi  furent  dispersées  dans  l'Europe 
entière,  jusqu'à  la  dernière,  les  Épines  de  la 
relique  de  Constantinople.  Mais  si  le  plus 
grand  nombre  de  ces  fragments  est  aujour- 
d'hui détruit,  quelques  chartes  ignorées, 
quelques  reliquaires  contestés  vont  se 
trouver  mis  en  lumière  et  recevoir  ainsi 
une  preuve  indéniable  d'identification. 

Dans  le  prochain  article,  nous  passerons 
en  revue  les  Épines  qui  proviennent  direc- 
tement de  Constantinople. 

(A  suivre.)  F.    DE    MÉLY. 

1 .  Port  (C),  Revue  des  Sociétés  savantes,  i  S6o,pp.  544-547. 

2.  Grouchy  (Le  Vlc  de),  Société  de  l'Histoire  de  Paris, 
t.  XVIII-XIX  (1892). 


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nniimnmmiii  i  rrocnrarm  tttttttx 


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ffîunicf).  


MUNICH, sur  l'Isar.capitale  du  royaume, 
comme  elle  était  autrefois  la  capitale  du 
duché  de  Bavière  proprement  dit,  a  une 
population  de  407,174  habitants,  «l'une 
«  des  cités  où  les  étrangers  affluent  en 
«  plus  grand  nombre  pour  contempler  les 
«  monuments  et  visiter  les  galeries  de  ta- 
«  bleaux.  En  effet,  le  roi  Louis  Ier  et  son  fils 
«  Maximilien  ont  pris  à  tâche  d'élever  des 
«  constructions  de  tous  les  styles  et  de 
«  transformer  ainsi  leur  résidence  en  un 
«  vaste  musée  d'architecture.  Dans  le  nou- 
«  veau  quartier.dont  lesrues  coupéesà  angle 
«  droit  s'étendent  au  Nord-Ouest  de  l'an- 
«  cienne  ville,  s'élèvent  des  édifices  à  colon- 
«  nades  grecques  d'ordre  dorique,  ionique 
«  et  copinthien.  Non  loin  des  propylées, 
«bâtis  en  l'honneur  de  l'indépendance  hel- 
«  lénique,  est  une  basilique  italienne  dans 
«  le  style  du  VIe  siècle,  ornée  de  fresques 
«  byzantines  ;  un  arc  de  triomphe,  imité  de 
«  celui  de  Constantin,  termine  l'une  des 
«  grandes  avenues  au  Nord  de  la  ville  ; 
«  dans  le  faubourg  d'Au,  sur  la  rive  droite 
«  de  l'Isar,  se  dresse  la  flèche  à  jour  d'une 
«  église  copiée  sur  les  monuments  de  la 
«  première  époque  ogivale.  Le  nouveau  pa- 
«  lais  royal  doit  rappeler  le  palais  Pitti  de 
«  Florence,  tandis  que,  dans  le  voisinage, 
«  une  galerie  à  trois  arcades  fait  songer  à 
«  la  loggia  dei  lanzi.  »  (Reclus.) 

A  ces  monuments  on  peut  ajouter  tous 
ceux  du  vieux  Munich,  la  chapelle  de  la 
Résidence,  élevée  sur  le  modèle  des  basi- 
liques byzantines,  et  bien  d'autres  monu- 
ments de  tous  genres,  construits  pour  réa- 


liser dans  toute  sa  plénitude  la  conception 
royale. 

Munich  produit  une  tout  autre  impres- 
sion que  celle  à  laquelle  on  s'attend  géné- 
ralement après  avoir  lu  les  ouvrages  publiés 
sur  cette  ville,  et  en  particulier  l'œuvre, 
d'ailleurs  profondément  érudite,  d'Hippo- 
lyte  Fortoul  (De  l'art  en  Allemagne). 

On  se  figure  trop  souvent  qu'on  n'y  ren- 
contrera que  des  monuments  de  l'antiquité 
grecque  et  romaine  créant  une  sorte  d'at- 


I.  Voyez  la  lre  livr.,  p.  13  ; 
livr.,  p.  227,  1899. 


la  2" 


livr.,  p.  104  et  la 


Munich.  —  Basilique  Saint-Boniface. 

mosphère  artificielle  où  la  vie  moderne 
sera  comme  étouffée;  tout  autre  est  la  réa- 
lité. Si  Munich  offre  des  monuments  remar- 
quables d'une  renaissance  hellénique,  elle 
présente  aussi  des  œuvres  très  intéressantes 
de  l'art  du  moyen  âge  et  de  l'époque  mo- 
derne. A  côté  du  monde  qui  visite  les  mu- 
sées, sanctuaires  des  arts,  vit  et  s'agite  une 
population  remuante,  active,  industrielle  et 
riche,  fréquentant  la  bourse  et  les  tavernes. 
A  l'inverse  de  beaucoup  d'autres  cités, 
Munich  vaut  mieux  et  plus  que  sa  réputa- 
tion :  elle  réunit  les  avantages  d'un  centre 
artistique  et  intellectuel  de  premier  ordre 
à  ceux  d'une  capitale,  enrichie  par  le  com- 
merce et  l'industrie. 


492 


&ebue  fce  l'&rt  chrétien. 


D'autre  part  trop  souvent  ses  panégy- 
ristes,en  parlant  d'elle,  ne  célèbrent  que  ses 
monuments  de  style  antique,  œuvres  inté- 
ressantes à  coup  sûr,  mais  en  somme  copies 
de  monuments  fameux,  comme  si  elle  ne 
possédait  pas  d'oeuvres  originales  et  propres 
à  son  sol.  Il  n'en  est  pas  ainsi,  heureuse- 
ment: le  moyen  âge  y  a  laissé  son  empreinte 
profonde.et  à  côté  des  horizons  helléniques, 
on  trouve  les  coins  si  vivants  et  si  pitto- 
resques des  vieilles  villes  allemandes,  de 
telle  façon  que  les  monuments  de  la  Grèce 
et  de  Rome,  loin  d'absorber  toute  l'atten- 
tion et  d'éclipser  ceux  du  moyen  âge,  se 
fondent  avec  eux  en  un  ensemble  dont 
ils  augmentent  considérablement  l'intérêt. 
On  comprend  l'engouement  qui  s'est  pro- 
duit pour  les  premiers  qu'on  considérait 
comme  l'expression  d'un  art  très  supérieur, 
à  l'époque  où  les  œuvres  du  moyen  âge 
étaient  dédaignées,  méprisées  même  et 
laissées  dans  un  lamentable  état  de  déla- 
brement. Mais  actuellement  Munich  a 
réparé  ses  places  et  ses  rues  aux  maisons 
anciennes  ;  les  monuments  du  moyen  âge 
et  de  la  renaissance  allemande  ont  été  rele- 
vés de  leurs  ruines  et  restaurés  avec  une 
science  parfaite;  l'histoire  du  Vieux  Munich 
renaît  dans  les  monuments  témoins  de  son 
passé,  et  les  monuments  de  l'art  antique, 
voire  même  de  l'art  italien,  au  lieu  d'anni- 
hiler les  autres,  ne  font  plus  qu'ajouter  des 
pages  brillantes  à  l'histoire  générale  de  l'art 
dont  Munich  est  comme  le  livre  vivant. 
Ce  mélange  des  arts  les  plus  divers,  en  spé- 
cimens remarquables,  donne  à  la  ville  une 
physionomie  bien  particulière,  qui  rappelle 
tout  à  la  fois  la  vieille  Allemagne,  l'Italie 
médiévale,  la  Grèce  antique,  toutes  les  ci- 
vilisations qui  ont  fait  l'Europe  moderne  ! 

Bien  que  l'ensemble  de  la  ville  soit  très 
curieux,  c'est  cependant  par  le  détail  de 
chacun  de  ses  monuments  qu'on  appréciera 


sa  véritable  valeur,  car  Munich  est  et  reste, 
selon  l'expression  de  Reclus,  un  musée  d'ar- 
chitecture. Il  faut  la  visiter  d'une  façon  mé- 
thodique, ce  qui  est  d'autant  plus  obliga- 
toire que  les  divers  monuments,  musées  et 
collections,  ne  sont  pas  visibles  en  même 
temps,  mais  seulement  à  des  jours  et  à  des 
heures  déterminés,  différents  pour  chacun 
d'eux. 

Le  centre  de  la  vieille  ville  est  la  Ma- 
rienplatz  (place  Notre-Dame ),où  s'élève  le 
nouvel  hôtel-de-ville  de  style  néo-gothique 
allemand,  et  à  l'extrémité  de  cette  place 
I'ancien  HOTEL-DE-viLLE(Rathhaus)  récem- 
ment restauré,  qui  date  du  XVe  siècle.  Il 
se  compose  d'une  vaste  halle  avec  pignons  à 
escaliers  crénelés,  et  d'une  tour  carrée.  Ces 
bâtiments  barrent  la  rue,  et  la  circulation 
(trams,  voitures,  piétons)  se  fait  sous  des 
arcs  percés  dans  le  rez-de-chaussée. 

Au  centre  de  la  place,  la  Mariensaule, 
colonne  surmontée  de  la  statue  de  Notre- 
Dame,  érigée  en  1638  et  qui  a  été  copiée 
presque  textuellement  à  Vienne  quelques 
années  plus  tard. 

Dans  le  voisinage  de  cette  place  s'élève 

l'église  CATHÉDRALE  DE  NoTRE-DAME(Frau- 

enkirche),  bâtie  à  la  fin  du  XVe  siècle, 
entièrement  en  briques  et  dépourvue  de 
tout  ornement  à  l'extérieur.  Deux  tours, 
hautes  de  99  mètres,  flanquent  la  façade 
principale  ;  elles  sont  surmontées  de  dômes 
en  métal  de  forme  baroque,  absolument  en 
opposition  avec  le  style  de  l'édifice. 

L'intérieur  est  peu  remarquable  au  point 
de  vue  du  style,  mais  il  ne  manque  pas 
d'intérêt  cependant,  Sa  hauteur  exagérée 
et  la  forme  droite  et  élancée  privée  de  tout 
détail  font  paraître  la  construction  grêle  et 
étriquée.  Les  piliers,  de  forme  octogone, 
n'ont  ni  chapiteaux  ni  bases.  L'église  a  trois 
nefs  d'égale  hauteur  comptant  douze  tra- 
vées, un  chœur  polygonal   et  pas  de  tran- 


€n  Baînère.  —  Jpotes  De  toopage. 


493 


sept.  L'ensemble  est  pesant,  et  la  délicatesse 
de  certains  détails  ne  parvient  pas  à  corriger 
cette  impression. 

Des  vitraux  anciens,  contemporains  de 
la  construction,  garnissent  les  fenêtres. 
Tous  les  autels  sont  ornés  d'un  retable 
ancien,  gothique,  en  bois  sculpté,  en  partie 
doré  et  polychrome,  avec  tableau  à  volets 
occupant  le  centre.  Le  maître-autel,  de 
Knabb,  ainsi  que  le  trône  épiscopal  et  les 
stalles  du  chœur,  du  XVe  siècle,  sont  en  bois 
naturel.  La  chaire  de  vérité  est  du  même 
travail,  mais  paraît  moderne. 

Dans  le  bas  de  l'église  se  dresse  le  monu- 
mental tombeau  de  l'empereur  Louis  leBava- 
;w'.?,mort  en  1 347, et  dont  la  pierre  sépulcrale 
primitive  a  été  recouverte,  en  1625,  par 
l'imposant  catafalque,  œuvre  de  PierreCan- 
dide. 

C'est  un  monument  carré  surmonté  de 
génies  avec  les  emblèmes  de  la  dignité  im- 
périale ;  il  est  entouré  de  balustrades  avec 
grands  chandeliers  aux  angles;  deux  statues 
en  bronze,  plus  grandes  que  nature,  placées 
aux  côtés  du  cénotaphe,  représentent  Al- 
bert V  et  Guillaume  V,  ducs  de  Bavière,  et 
à  chacun  des  angles  un  guerrier  agenouillé 
porte  un  étendard  aux  armes  de  l'Empire. 
Le  tout  est  en  marbres  de  divers  tons  et  en 
bronze. 

Cette  tombe  qui  se  trouvait  autrefois  à 
l'entrée  du  chœur  a  été  récemment  trans- 
portée dans  le  bas  de  l'église.  D'autres  tom- 
bes, des  statues,  des  dalles  funéraires  sculp- 
tées mériteraient  une  description,  tout  ce 
qui  est  détail  et  décoration  offrant  plus  d'in- 
térêt que  la  masse  même  de  la  construction 
qui  est  d'un  style  assez  peu  correct. 

De  belles  rues  bien  bâties  et  animées  par 
une  abondante  circulation  entourent  l'hôtel- 
de-ville.  L'une  d'elles,  Dienerstrasse,  con- 
duit à  la  place  Max-Joseph,  où  soudain 
apparaît  l'évocation  de  la  cité  savante  et 


classique  créée  par  le  roi  Maximilien,  suc- 
cédant à  la  ville  du  moyen  âge  dont  la 
Marienplatz  forme  le  centre. 

C'est,  d'un  côté,  la  poste  aux  lettres,  avec 
façade  précédée  d'une  galerie  ouverte,  à 
colonnes,  de  style  romain, avec  peintures  de 
style  pompéien,  sur  fond  rouge,  bâtie  par 
de  Klenze,  en  1836  ;  de  l'autre  côté,  la 
somptueuse  façade  du  Théâtre  de  la  cour 
(  Hoftheater), ornée  d'un  portique  à  colonnes 
corinthiennes, supportant  un  fronton  sculpté 
par  Schwanthaler,  sur  un  fond  richement 
polychrome  et  doré.  Le  troisième  côté  est 
occupé  par  une  aile  du  palais  royal  (la  rési- 
dence),bâtie  de  1826  à  1835, sur  le  modèle 
du  palais  Pitti  à  Florence,  par  de  Klenze, 
qui  est  aussi  l'architecte  du  théâtre.  Au 
centre  de  la  place,  la  colossale  mais  peu  élé- 
gante statue  en  bronze  du  roi  Maximilien  I, 
représenté  assis;  entre  la  théâtre  et  la  poste, 
l'entrée  de  la  rue  Maximilieu,  l' une  des  plus 
importantes  du  nouveau  Munich, ouverte  en 
1854,  où  se  trouvent,  parmi  beaucoup  de 
constructions  importantes  et  d'hôtels,  la 
Monnaie,  le  palais  du  gouvernement,  le 
musée  national,  une  place  carrée  avec  mas- 
sifs de  verdure  et  quatre  statues  de  Bava- 
rois célèbres,  puis,  à  l'extrémité  de  la  rue, 
la  statue  en  bronze  doré  du  roi  Maximi- 
lien IL 

L'ensemble  des  diverses  constructions 
qui  composent  La  Résidence  ou  palais 
royal,  offre  une  très  grande  variété  de  styles  ; 
il  comprend  la  vieille  résidence,  le  Feest- 
saalbau,  le  Koningsbau,  l'église  de  tous 
les  Saints,  le  théâtre,  les  écuries  et  le  musée 
des  voitures,  plus  un  grand  nombre  de  dé- 
pendances. 

La  vieille  Résidence,  qui  date  de  la  fin 
du  XVIe  siècle  (1596-1617),  a  une  façade 
aujourd'hu  iabsolument  nue,  mais  qui,  autre- 
fois, a  dû  être  couverte  de  fresques;  elle  est 
percée    de   fenêtres   sans   encadrement,   et 


494 


Hetntc  lie  VQLxt  tbxétim. 


décorée  seulement  par  deux  portes  monu- 
mentales et  une  statue  de  la  Vierge,  en 
bronze,  sous  un  fronton  en  marbre,  appli- 
qué au  centre  de  l'édifice. 

Les  façades  des  cours  intérieures  ne  sont 
pas  plus  élégantes,  sauf  celles  des  cours  de 
la  Fontaine  et  de  la  Grotte. 

Dans  cette  dernière  cour,  se  trouve  un 
monument  très  intéressant,  la  grotte  pro- 
prement dite,  ou  fontaine  de  style  renais- 
sance, riche  et  surchargé,  dont  tous  les 
détails,  architecture,  décoration  et  person- 
nages même,  sont  façonnés  en  coquillages, 
comme  l'étaient  les  grottes  à  rusticités  figu- 
lines  de  Bernard  Palissy,  au  Louvre,  faites 
à  l'imitation  de  certains  travaux  antiques 
dont  on  retrouve  des  restes  dans  les  ruines 
de  Pompéi.  C'est  un  spécimen  curieux  d'un 
genre  d'ouvrage  devenu  des  plus  rares 
aujourd'hui. 

Deux  fontaines  élégantes  et  des  statues 
en  bronze  ornent  ces  cours. 

Certains  appartements  du  palais  peu- 
vent être  visités,  il  en  sera  parlé  plus  loin. 
On  visite  aussi  la  riche  chapelle  et  le 
trésor  ;  la  première  est  un  petit  oratoire  où 
on  a  entassé  les  métaux  et  les  marbres  les 
plus  précieux.  C'est  éblouissant,  mais  la 
sensation  d'art  fait  défaut...  Le  trésor 
constitue  un  musée,  petit,  mais  immensément 
riche,  de  pièces  d'orfèvrerie,  de  l'époque 
de  la  Renaissance  pour  la  plupart,  de  joyaux 
et  de  gemmes.  On  y  remarque  les  couronnes 
de  Henri  II  et  de  Cunégonde  (ioio),  une 
petite  statue  équestre  de  S.  Georges,  toute 
en  or  et  en  pierreries,  des  bijoux,  vases  et 
ustensiles  en  matières  précieuses,  un  autel 
portatif  ayant  appartenu  à  Marie  Stuart  ; 
enfin  mille  autres  objets  de  valeur  et  remar- 
quables à  des  titres  divers. 

La  nouvelle  résidence,  ou  Kônigsbau, 
fait  suite  à  la  vieille  résidence,  et  forme  un 
des    côtés    de    la   place   Max-Joseph  ;  elle 


rappelle  le  palais  Pitti  de  Florence.  L'étage 
de  ce  palais  est  affecté  aux  appartements 
privés  des  souverains,  entièrement  décorés 
à  fresque  par  les  meilleurs  artistes  allemands 
et  que  le  public  n'est  pas  admis  à  visiter  ; 
on  voit  seulement  les  salles  du  rez-de- 
chaussée  (fresques  des  Niebelungen)  dont 
nous  parlerons  plus  loin. 

Le  Feestsaalbau  est  le  plus  monumen- 
tal, mais  non  le  plus  intéressant,  des  trois 
palais;  il  mesure  233  mètres  de  façade, 
occupe  le  côté  qui  regarde  les  jardins  du 
palais  (Hofgarten).  Construit  par  de  Klenze, 
de  1832  à  1842,  dans  le  style  classique 
avec  péristyle  à  colonnes  ioniques,  il  est 
surmonté  de  statues  allégoriques.  Ces  divers 
palais  communiquent  entre  eux  par  des 
cours  intérieures,  toutes  portes  ouvertes,  de 
telle  sorte  que  le  public  peut  les  traverser 
et  y  circuler  librement. 

La  visite  de  I'intérieur  des  palais  se 
fait  sous  la  conduite  de  guides,  par  groupes, 
à  jours  et  à  heures  fixes,  —  tout  d'une  traite, 
en  commençant  par  le  Feestsaalbau. 

Les  salles  de  l'étage,  auxquelles  donne 
accès  un  escalier  monumental,  sont  d'un 
style  mi-pompéien  et  mi-empire  ;  c'est 
d'abord  la  grande  salle  de  danse  ornée  de 
colonnes  et  de  cariatides  supportant  des 
tribunes  aux  extrémités,  et  de  bas-reliefs 
par  Schwanthaler  ;  puis,  deux  salons  de  jeu 
ornés  de  portraits  de  femmes  et  formant 
une  galerie  de  beautés  de  l'époque  du  roi 
Louis  Ier.  Les  murs  et  les  encadrements 
des  portes  sont  en  marbre.  Ensuite,  la 
grande  salle  des  batailles,  la  salle  de  Char- 
lemagne,  celle  de  Barberousse,  celle  des 
Habsbourg,  aux  murs  couverts  de  tableaux 
et  de  fresques  reproduisant  des  sujets  his- 
toriques. Plafonds  à  caissons,  mobilier  de 
style  empire. 

La  salle  du  trône  (longue  de  34  mètres  et 
large  de  22),  toute  en  marbre  blanc,  décorée 


6n  Batotère.  —  fôotts  De  toopage. 


495 


en  or  ;  galeries  latérales  supportées  par  des 
colonnes  corinthiennes,  entre  lesquelles 
douze  statues  colossales  en  bronze  doré, 
par  Schwanthaler,  des  ancêtres  de  la  maison 
de  Wittelsbach,  actuellement  régnante. 

On  passe  ensuite  dans  les  appartements 
de  la  vieille  résidence,  du  XVIIe  siècle  et 
meublée  à  diverses  époques,  depuis  le  com- 
mencement du  XVIIe  siècle  jusqu'à  la  fin 
du  XVIIIe;  ce  sont  les  anciens  apparte- 
ments de  l'empereur  Charles  VII  :  salle  à 
manger  ornée  de  beaux  Gobelins.  Salon 
décoré  de  pyramides  de  porcelaines  de 
Chine  appliquées  contre  les  murs,  chambre 
à  coucher  tendue  d'étoffes  deChine  brodées, 
grand  poêle  en  faïence,  blanc  et  or,  deux 
petites  salles  avec  très  belles  tapisseries 
de  Munich,  exécutées  en  1773,  meubles 
de  style  rocaille  garnis  de  bronze  doré,  très 
abondants  et  très  riches,  meubles  de  style 
renaissance  dans  le  goût  de  Nuremberg. 

Autre  série  d'appartements  de  style  ro- 
caille et  d'une  richesse  de  décoration  inouïe  : 
grand  salon  rouge  à  lambris  blanc  et  or, 
poêle  en  faïence  (rocaille)  aussi  blanc  et  or, 
consoles,  tables  et  mobilier  en  bois  doré  ; 
autre  salon  du  même  genre  avec  des  meubles 
superbes  ;  pendule  genre  Boule,  sur  socle, 
garde-feu  en  fer  forgé  et  doré  ;  salon  drapé 
de  velours  rouge  ciselé  sur  fond  blanc  ; 
chambre  à  coucher  avec  lit  d'apparat,  dra- 
peries de  soie  rouge  surchargées  de  bro- 
deries d'or  et  qui  sont  bien  les  plus  somp- 
tueuses et  les  plus  lourdes  qui  aient  jamais 
été  exécutées.  Pendules,  vases,  meubles  en 
laque  de  Chine  garnis  de  cuivres  ;  petit 
salon  à  panneaux  de  glace  encadrés  de 
boiseries  dorées  avec  de  petits  socles  sup- 
portant des  objets  en  porcelaine  de  Chine  ; 
boudoir  orné  de  miniatures  de  diverses 
époques  dans  des  cadres  richement  sculptés. 

Appartements  dits  Steinerne  Zimmer  ou 
chambres  de  pierre,  aux  murs   décorés  de 


mosaïques  en  marbre  dans  le  goût  italien, 
fontaine  dans  le  genre  de  celle  de  la  grotte 
à  coquillages,  sièges  italiens  aux  initiales 
F.  M. 

Salon  rouge  suivi  d'une  chambre  à  cou- 
cher verte,  qu'habita  le  pape  Pie  VI  en 
1782.  Cabinet  dont  les  murs  sont  ornés  de 
mosaïques  de  marbre,  datées  1632;  toutes 
pièces  richement  meublées. 

Ces  divers  appartements  demanderaient 
à  être  vus  en  détail,  à  l'aise,  comme  un 
musée,  avec  un  guide-catalogue  ou  sous  la 
conduite  d'un  gardien  intelligent  :  on  les 
parcourt  malheureusement  en  troupe  nom- 
breuse et  au  galop.  Trente  minutes  seule- 
ment y  sont  consacrées. 

Les  dernières  salles  qu'on  visite  sont 
celles    du    Kônigsbau    où    se    trouvent  les 

FRESQUES    DES   NlEBELUNGEN,    par  Schnorr, 

exécutées  de  1846  à  1867. 

Ces  salles  se  trouvent  au  rez-de-chaussée 
du  palais  ;  elles  ne  sont  affectées  à  aucun 
usage  et  impressionnent  péniblement  par 
leur  état  d'abandon.  On  visite  successive- 
ment le  vestibule  où  sont  représentés  les 
principaux  personnages  de  la  légende  des 
Niebelungen,  la  salle  des  noces  (mariage  de 
Siegfried  et  de  Crimhield);  la  salle  de  la 
trahison  (Siegfried  assassiné  par  Hagen);  la 
salle  de  la  vengeance  (luttes  et  mort  de 
divers  héros)  et  la  salle  des  lamentations 
(les  funérailles). 

On  ne  peut  plus  visiter  actuellement  tout 
une  série  de  peintures  dans  le  genre  de 
celles  du  Kônigsbau  et  qui  forment  avec 
elles  un  ensemble  décrit  par  Fortoul  dans 
son  Histoire  de  l'Art  en  Allemagne,  actuel- 
lement encore  l'ouvrage  le  plus  intéressant 
qui  ait  été  écrit  sur  ce  pays;  ces  salles  sont  : 
au  rez-de-chaussée  du  Fest-Saalbau,  sous 
les  salles  décrites  plus  haut  et  décorées  de 
peintures  rappelant  l'histoire  du  moyen  âge 
en  Allemagne  par  Jules  Schnorr,  les  appar- 


496 


Bebue  fce  l'&vt  chrétien. 


tements  où  se  trouve  retracée  l'Iliade  d'Ho- 
mère par  Hiltensperger,  sur  des  dessins  de 
Schwanthaler  (le  sculpteur);  puis,  au  Ko- 
nigsbau,  le  premier  étage  affecté  aux  ap- 
partements privés  des  souverains  et  entiè- 
rement décorés  de  fresques  représentant 
l'histoire  de  la  poésie  grecque  (dans  les 
appartements  du  roi)  et  celle  de  la  poésie 
allemande,  dans  les  appartements  de  la 
reine.  La  première  série  comprend  l'histoire 
des  Argonautes  par  Schwanthaler  (anti- 
chambre), l'histoire  des  Dieux  d'après  Hé- 
siode par  Hiltensperger  (2e  antichambre); 
les  Hymnes  d'Homère  par  Schnorr  (salle 
de  service)  ;  celles  de  Pindare  par  Schwan- 
thaler (salle  du  trône);  les  chants  d'Ana- 
créon  par  Zimmermann  (salle  à  manger)  ;  les 
tragédies  d'Eschyle  par  Schwanthaler  (salle 
de  réception)  ;  les  idylles  de  Théocrite  par 
Hess  (chambre  à  coucher). 

La  seconde  série  comprend  à  son  tour  la 
bibliothèque,  avec  les  poésies  de  Tieck  par 
Schwindjle  cabinet  à  écrire,  avec  les  œuvres 
de  Schiller  par  Lindenschmidt  et  Foltz;  la 
chambre  à  coucher  avec  les  œuvres  de 
Goethe  parKaulbach;  le  salon  avec  l'Obéron 
de  Wieland  par  Neureuther  ;  la  salle  du 
trône  avec  les  poésies  de  Klopstock  par 
Kaulbach;  la  chambre  de  service  avec  les 
poésies  de  Burger  par  Foltz;  l'antichambre 
avec  le  roman  de  Parsifal  par  Herman. 

Au  rez-de-chaussée,  la  légende  des  Nie- 
belungen,  décrite  plus  haut. 

Les  palais  royaux  comprennent  encore 
une  chapelle  consacrée  à  tous  les  Saints,  le 
théâtre  de  la  cour  et  celui  de  la  résidence, 
plus  petit  et  actuellement  en  réparation,  et 
enfin  de  grandes  écuries,  un  manège  et  un 
musée  des  voitures. 

La  chapelle  de  la  cour  (Église  de  tous 
les  Saints),  bâtie  en  1837,  par  de  Klenze, 
dans  le  style  byzantin,  est  une  des  pages  de 
l'histoire  de  l'architecture  dont  le  roi  Louis 


dota  sa  capitale.  Bâtie  sur  le  modèle  d'une 
église  de  Palerme,  elle  rappelle  St-Marc 
à  Venise;  elle  est  de  forme  rectangulaire, 
longue  de  48  mètres,  large  de  29  et  haute 
de  24;  la  nef  est  couverte  par  deux  cou- 
poles basses;  les  nefs  latérales  sont  sur- 
montées de  tribunes,  supportées  par  des 
colonnes  de  marbre  de  couleur,  à  chapi- 
teaux dorés;  les  murs  revêtus  de  marbre, 
les  voûtes  et  le  fond  du  sanctuaire  décorés 
de  fresques  sur  fond  d'or  par  Hess.  Les 
fenêtres  sont  peu  nombreuses  et  disposées 
de  telle  façon  que  jamais  l'œil  ne  perçoive 
un  jour  direct. 

La  demi-obscurité  qui  règne  dans  l'édifice, 
voulue  par  l'architecte,  produit  une  impres- 
sion et  un  effet  très  grands. 

Les  écuries,  la  sellerie  et  le  musée  des 
voitures  forment  un  ensemble  curieux,  mais 
assez  spécial  et  peu  archéologique.  Les 
équipages,  traîneaux  et  harnais  sont  d'un 
grand  luxe. 

La  rueMaximilicn,  l'une  des  plus  grandes 
de  Munich  et  la  principale  du  quartier  nou- 
veau créé  au  Sud  de  la  résidence,  conduit  au 
Musée  national,  où  sont  conservés  les  col- 
lections d'antiquités  et  les  spécimens  des 
arts  décoratifs.  Le  Musée.fondé  en  1855, par 
le  roi  Maximilien  II,  a  été  construit  de 
1858  a  1866  par  Riedel.  L'architecture  de 
l'édifice  est  d'un  style  peu  défini  ;  sa  dispo- 
sition intérieure  est  convenable,  mais  les 
locaux  sont  devenus  insuffisants,  et  on  est 
occupé  à  en  construire  de  nouveaux  ('). 

Les  collections,  qui  sont  très  importantes 
et  très  riches,  sont  classées  méthodiquement. 

1.  Le  Musée  est  ouvert  gratuitement  deux  jours  par 
semaine,  les  autres  jours  on  paie  un  mark  d'entrée.  Des 
cartes  d'entrée  libre  sont  distribuées  à  ceux  qui  y  font  des 
études,  et  une  salle  de  travail  est  mise  à  leur  disposition. 
Il  y  a  aussi  une  bibliothèque.  Outre  les  catalogues  des 
diverses  sections,  il  y  a,  comme  dans  presque  tous  les 
musées  d'Allemagne,  un  Guide  du  visiteur  au  musée  : 
Ftihrer  durch  dus  K.  />'.  national  Muséum  in  Miinchen 
(.S96). 


€n  Batuère.  —  jRote*  De  fcopage. 


497 


Elles  se  divisent  en  deux  grandes  séries  ; 
l'une  comprend  les  salles  où  les  objets  sont 
disposés  par  groupes  et  par  ordre  chrono- 
logique, par  exemple,  la  salle  romane,  la 
salle  gothique,  celle  de  la  renaissance,  celle 
du  XVIIIe  siècle,  etc.;  plusieurs  de  ces 
salles  sont  au  rez-de-chaussée,  et  les  autres 
au  deuxième  étage  ;  la  seconde  série  com- 
prend les  salles  où  les  objets  sont  classés 
au  point  de  vue  de  la  matière  ou  de  l'usage; 
par  exemple  :  objets  en  métal,  étoffes,  céra- 
mique, bois  sculptés,  armes,  instruments  de 
torture,  etc. 

Il  y  a  donc  des  collections  générales  par 
ordre  chronologique,  et  des  collections  par- 
ticulières des  produits  de  certaines  branches 
des  arts  et  de  l'industrie. 

La  visite  des  collections  commence  par 
le  rez-de-chaussée,  à  gauche  en  entrant.  La 
première  et  la  deuxième  salle  renferment 
les  antiquités  de  l'âge  du  bronze  et  du  fer, 
de  l'époque  romaine  et  de  l'époque  germa- 
nique.Cette  dernière, qui  correspond  à  l'épo- 
que franque,  est  représentée  par  des  spéci 
mens  magnifiques.  Aux  murs,  très  belles 
tapisseries  de  Bruxelles  avec  la  marque 
G.  Peemans.  Dans  les  salles  suivantes,  ou- 
vrages en  métal,  fer  forgé,  bronze,  cuivre, 
étain  ;  cette  série  est  particulièrement  re- 
marquable. Splendide  porte  en  fer,  petites 
plaques  funéraires  en  bronze  provenant 
d'une  église  de  Nuremberg,  beaux  plats  en 
étain  d'Enderlein  (né  en  1633).  Aux  murs, 
tapisseries  de  Florence  et  de  Bruxelles 
(XVIe  siècle)  portant  divers  monogrammes. 
Deux  salles  pleines  de  moulages  d'objets 
divers,  puis  un  cabinet  avec  instruments  de 
justice  et  de  torture,  et  en  particulier,  une 
série  de  vingt-deux  masques  très  réjouis- 
sants, que  les  condamnés  à  certaines  fautes 
légères  devaient  porter  pendant  un  temps 
déterminé. 


La  visite  continue  par  le  côté  droit  du 
rez-de-chaussée,  mais  l'ordre  logique  de- 
manderait qu'on  parcoure  d'abord  le  premier 
étage,  où  se  continuent  les  séries  particu- 
lières. Les  premières  salles  renferment  des 
armes  et  des  armures,  divers  costumes  an- 
ciens et  des  uniformes  militaires.  On  y  re- 
marque un  certain  nombre  de  chausses  de 
toile  garnies  de  mailles  (1320- 1380),  pièces 
très  rares  ;  une  vingtaine  de  cottes  de 
mailles  ;  beaucoup  de  boucliers  de  formes 
diverses  ;  des  épées  chevalières  (  1 450- 1 500) 
et  des  arquebuses  ayant  appartenu  à  des 
ducs  de  Bavière  (1 550-1650).  Le  grand 
nombre  de  pièces  ordinaires  semblables  qui 
composent  les  trophées  indique  qu'elles 
proviennent  d'un  arsenal.  Belles  hallebardes 
gravées,  armures  gravées  et  dorées  d'un 
prince-évêque  de  Salzbourg  (1570-1600), 
casque  vénitien  (  [58o-i65o),etc;  vêtements 
du  XVIe  et  du  XVIIe  siècle  ;  collection  de 
chaussures  parmi  lesquelles  il  en  est  de 
romaines  et  de  byzantines,  costumes  mo- 
dernes très  abondants,  allant  jusque  1820 
et  même  1841  ;  vêtements  portés  par  des 
souverains,  uniformes  militaires  bavarois 
jusqu'en  1870,  et  armes  de  cette  époque. 

Les  panneaux  des  salles  sont  ornés  de 
peintures  murales  (histoire  de  la  Bavière), 
et  de  tapisseries  de  Bruxelles  (de  types 
divers)  ainsi  que  de  Munich  (les  unes  datées 
1724,  les  autres  avec  la  signature  de  Hans 
van  der  Biest  ou  son  monogramme  H. V.  B.). 

Salle  des  instruments  de  musique  —  ar- 
ticles de  Nuremberg  —  sceaux  —  modèles 
de  navires  —  plans  de  villes,  etc. 

Les  salles  17  et  suivantes  contiennent 
une  merveilleuse  collection  de  vêtements 
très  anciens  et  de  tissus.  Étoffes  égyp- 
tiennes, byzantines,  romanes,  manteau 
de  l'empereur  Henri  II  (>j<  1024),  mitre 
épiscopale  du   XIIe   siècle,   aube  gothique 


REVUE    DE   L'ART   CHRÉTIEN. 
1899.  —  6me  LIVKAISON. 


493 


3Rcbuc  tic  r&rt  chrétien. 


(XIVe  siècle),  chasuble  ronde  du  Xe  ou  du 
XIIe  siècle,  rational  (parure  épiscopale)  du 
XVIe  siècle  ;  superbe  série  de  vêtements 
liturgiques  ;  tapis  et  tapisseries,  série  de 
petites  pièces  parmi  lesquelles  il  faut  spé- 
cialement noter  celles  qui  appartiennent  à 
la  fabrication  allemande;  toiles  blanches  ou 
décorées  ;  soies  et  broderies  ;  lit  de  parade 
du  roi  Louis  II  en  velours  bleu  brodé  d'or; 
dentelles  et  guipures. 

Salle  25,  collection  céramique,  renfer- 
mant des  spécimens  de  tous  les  temps  et  de 
toutes  les  manifestations  de  Y  art  de  terre, 
et  en  particulier  un  pot  d'Hirshvogel,  des 
carreaux  de  poêle,  du  même  et  de  ses 
continuateurs,  ainsi  que  les  moules  qui  ont 
servi  à  les  faire.  Grès  de  Nassau,  de  Sieg- 
bourg,  de  Creussen  ;  faïences  de  Nurem- 
berg (aux  tons  bleu-pâle)  ;  porcelaines  de 
Meissen,  de  Frankenthal,  Hoechst,  Nym- 
phenbourg,  Ludwigsbourg,  Sèvres  (un  très 
beau  service),  Berlin,  Vienne,  Wegdwood, 
etc.;  verres  de  Bohême,  taillés,  gravés  et 
dorés,  allemands  (armoriés  et  émaillés),  de 
Venise,  etc.,  sculptures  sur  bois,  etc. 

On  reprend  ensuite  la  visite  de  l'aile 
droite  du  rez-de-  chaussée  où  sont  rangés 
les  objets  d'antiquité  par  époques,  c'est-à- 
dire  dans  l'ordre  chronologique.  La  première 
salle  est  celle  de  l'époque  romane  ;  frag- 
ments de  sculptures,  coffret  en  ivoire  du 
VIe  ou  du  VI I  Ie  siècle, autel  portatif  de  l'an 
1  soo.chandeliers  en  bronze  doré  ou  émaillé, 
grands  ou  petits  (XIIe  siècle). 

Salle  gothique  (XI  IIe  et  XIVe  siècles)  : 
ivoires  (originaux  et  moulages),  statue  fu- 
néraire d'un  chevalier,  couché,  de  la  fin  du 
XIVe  siècle  (venant  de  Rothenbourg)  ;  joli 
petit  retable  à  reliques  (vers  1350)  ;  beau- 
coup de  statues  de  Notre-Dame,  portant  l'en- 
fant Jésus  sur  le  bras  droit  ;  manuscrits, mi- 
niatures, chartes  ;  un  petit  repos  de  Jésus  ; 


tapisserie  gothique  représentant  saint 
Laurent,  qui  vient  de  Nuremberg  ;  sculp- 
tures en  bois,  retables,  statues,  chefs  de  S. 
Jean;  splendide  tapisserie  provenant  de  la 
maison  de  Nassau  à  Nuremberg  et  repré- 
sentant l'Adoration  des  bergers  et  des 
mages,  indiquée  comme  travail  flamand 
(1400- 1500)  et  qui  pourrait  bien  être  un 
produit  des  ateliers  de  Tournai.  Grand  bas- 
relief  par  Kraft,  venant  de  Nuremberg; 
meubles  en  bois  à  sculptures  plates  et 
ferrures  abondantes  ;  lit  de  même  style 
avec  un  très  long  baldaquin,  petits  autels 
domestiques  (hausaltârchen)  du  XVe  siècle; 
plusieurs  lustres  en  cornes  de  cerf  ;  autre  lit 
et  grandes  armoires  gothiques,  énormes, 
droites,  carrées, à  sculpture  plate;  la  plupart 
de  ces  meubles  sont  en  sapin  ;  coffrets  en 
bois,  de  toutes  formes,  en  cuir,  en  fer,  etc.; 
livres  à  miniatures. 

9e  salle.  C'est  une  longue  galerie  toute 
remplie  de  sculptures  gothiques  :  les  douze 
apôtres  par  Tilman  Riemenschneider(i4S3- 
1531),  buste-reliquaire,  retable  d'autel, 
statues  diverses  par  le  même,  en  bois 
polychrome  ou  naturel.  Statues,  retables, 
tombeaux  en  telle  abondance  qu'ils  sont 
entassés  les  uns  sur  les  autres  ;  tapisseries 
diverses  :  un  petit  antependium  représen- 
tant la  Résurrection;  un  autre  représentant 
l'Adoration  des  mages  et  deux  Saintes,  ta- 
pisserie d'un  grain  très  fin,  laine  et  soie. 
L'un  des  mages  porte  écrit  sur  un  galon  de 
son  vêtement,  ABIVG,  dans  le  bas,  la  re- 
ligieuse qui  a  exécuté  ce  travail  s'est  repré- 
sentée elle-même,  tissant  sa  tapisserie  sur 
un  métier  à  hautes-lisses.  Le  catalogue 
indique  que  cette  pièce  vient  de  Bamberg 
(1400-1500).  —  Superbe  tapisserie,  soie, 
laine  et  or,  admirable  de  couleur  et  de 
conservation  ;  sujet  allégorique  :  l'homme, 
entouré  et  sollicité  par  plusieurs  vices  sous 


€n  Batnère.  —  J12otes  ht  toopage. 


499 


les  traits  de  femmes  charmantes,  est  pour- 
suivi par  la  Justicedont  la  Miséricorde  retient 
le  glaive;  dans  le  haut  de  la  tenture  on  voit 
Dieu  le  Fils.  Les  costumes  annoncent  la  fin 
du  XVe  siècle  ;  les  noms  des  personnages, 
écrits  en  caractères  romains,  sont  tracés  à 
travers  leurs  habits  ;  paysage  dans  le  goût 
flamand,  avec,  au  premier  plan,  des  fleu- 
rettes et  des  fraisiers  ;  bordure  à  feuillage 
et  fleurs  grêles. 

Cette  tenture,  de  fabrication  flamande, 
d'après  le  catalogue,  rappelle  beaucoup 
celles  du  Musée  de  Nancy,  provenant  de 
la  tente  de  Charles  le  Téméraire. 

La  série  des  collections  générales  conti- 
nue au  second  étage,  où  se  trouvent  les 
salles  de  la  renaissance  et  des  temps 
modernes,  décorées  de  tapisseries  de 
Bruxelles,  de  Munich,  etc.  Elles  sont  mal- 
heureusement fermées  en  ce  moment. 

Tout  proche  de  la  résidence,  à  l'entrée 
de  la  rue  Louis,  la  galerie  des  généraux, 
vaste  portique  copié  de  la  Loggia  dei  Lanzi 
de  Florence,  est  dédiée  aux  généraux  ba- 
varois, mais  elle  est  vide  ou  à  peu  près,  et 
fait  assez  pauvre  figure,  si  on  la  compare 
à  son  modèle,  embelli  par  les  plus  célèbres 
sculptures  de  la  renaissance. 

l'église  des  Théatins,  paroisse  de  la 
cour  et  lieu  de  sépulture  des  souverains, 
bâtie  au  XVIIe  siècle,  est  intéressante  par 
son  dôme  et  les  deux  tours  de  sa  façade 
dont  la  silhouette  tourmentée  est  pleine 
d'élégance.  La  rue  Louis,  qui  part  de  cet 
endroit  et  s'étend  sur  une  longueur  de  1200 
mètres  environ,  est  une  des  principales  de 
la  ville  et  doit  sa  création  au  roi  Louis  Ier; 
elle  est  bordée  sur  toute  sa  longueur,  de 
palais  et  d'édifices  publics  :  palais  royaux, 
ministères,  bibliothèque,  église  St-Louis, 
université,  séminaire,  académie  des  beaux- 
arts.  Tous  sont  construits  dans  le  style  de  la 


renaissance  allemande  ou  italienne  avec 
une  grande  variété  qui  donne  une  haute 
idée  de  l'architecture  moderne  en  Bavière. 

L'extrémité  de  la  rue  Louis,  à  l'entrée 
du  faubourg  qui  y  fait  suite,  est  fermée  par 
la  Sièges  thor,  porte  de  la  Victoire,  qui 
rappelle  par  sa  forme  et  ses  dimensions  les 
arcs  de  triomphe  romains.  Elle  est  sur- 
montée d'un  quadrige  tiré  par  des  lions  et 
conduit  par  la  figure  allégorique  de  la 
Bavière,  le  tout  en  bronze. 

Du  côté  Nord  de  la  rue  Louis  s'étendent 
les  nouveaux  quartiers  où  ont  été  érigés 
des  monuments  importants,  et  que  la  Brien- 
nerstrasse,  une  des  plus  belles  et  des  plus 
intéressantes  de  la  ville,  met  en  communi- 
cation avec  la  Résidence. 

Parmi  ces  monuments,  le  plus  célèbre  est 
I'ancienne  pinacothèque  ou  Musée  des 
peintures  anciennes,  érigé  sur  les  plans  de 
de  Klenze,  de  1826  à  1836.  La  construction, 
de  style  renaissance,  manque  de  caractère, 
mais  la  galerie,  ou  plutôt  les  salles  de  pein- 
tures, situées  à  l'étage,  sont  disposées  de  la 
façon  la  plus  pratique  et  la  plus  ingénieuse 
pour  faire  valoir  les  œuvres  qu'elles  ren- 
ferment. 

Ce  n'est  pas  en  effet  une  de  ces  vastes 
galeries  où  la  vue  se  perd  au  loin,  mais  une 
succession  de  salles  et  de  cabinets  où  les 
toiles  sont  groupées  par  écoles,  en  tenant 
compte  de  leurs  dimensions.  Le  classement 
est  simple  :  l'école  de  Cologne,  l'école  rhé- 
nane et  l'école  allemande  ;  l'école  hollan- 
daise,l'école  flamande  quioccupe  trois  salles, 
au  centre  de  l'édifice  et  neuf  cabinets  ; 
l'école  italienne,  l'école  vénitienne,  enfin 
l'école  espagnole  et  l'école  française,  cette 
dernière  assez  pauvrement  composée. 

Le  premier  groupe  se  compose  des  œuvres 
des  diverses  écoles  allemandes  du  Rhin,  de 
Nuremberg  et  de  la  Souabeavec  lesquelles 


50o 


3&e\nte  ï>c  P&vt  chrétien. 


sont  confondues  celles  de  la  vieille  école 
des  Pays-Bas. 

Parmi  les  plus  remarquables,  il  faut  noter, 
nos  101  à  103,  le  grand  triptyque  de  Rogier 
van  der  Weyden  (de  le  Pasture)  1400- 1464, 
représentant  l'Adoration  des  mages,  l'An- 
nonciation et  la  Présentation  au  temple  ; 
n°  100,  du  même,  saint  Luc  peignant  le 
portrait  de  la  Vierge,  admirable  peinture  ; 
n°  134,  Pieta,  de  Quentin  Metsys  ;  portrait 
de  Jean  de  Carondelet,  du  même  ;  huit  ta- 
bleaux du  peintre  dit:  «  Meister  des  Marien- 
lebens  »  ;  Memling,  les  sept  joies  de  la 
Sainte  Vierge  ;  Albert  Durer  :  divers  por- 
traits, celui  du  peintre  par  lui-même,  Des- 
cente de  croix,  et  figures  d'apôtres. 

Les  œuvres  de  Diirer  brillent  en  tête 
de  l'école  de  Nuremberg  et  de  la  Souabe, 
qui  compte  parmi  ses  maîtres  :  Schafner, 
Wohlgemuth,  Holbein,  Zeitbloom,  Burgk- 
mair,  Cranach,  etc. 

L'École  hollandaise  occupe  la  4e  salle. 

L'école  flamande  (salles  5,  6  et  7,  et  cabi- 
nets 8  à  16),  est  la  mieux  représentée  dans 
la  galerie,  par  Snyders,  de  Vos,  Teniers, 
Brouwer,  Van  Dyck  qui  compte  un  grand 
nombre  de  compositions,  et  enfin  Rubens. 
Parmi  les  œuvres  de  cet  artiste  hors  pair  on 
remarque  une  chasse  au  lion,  le  portrait  de 
l'artiste  et  de  sa  première  femme  Isabelle 
Brants,  le  grand  jugement  dernier,  portrait 
d'Hélène  Fourment,  deuxième  femme  du 
peintre,  et  de  son  fils,  des  esquisses,  etc. 
C'est  peut  être  l'ensemble  le  plus  important 
d'œuvres  du  maître  et  on  leur  a  donné  la 
place  d'honneur;  mais  à  quoi  faut-il  attribuer 
que  les  tableaux  du  grand  peintre  flamand, 
d'ordinaire  si  hauts  en  couleur,  semblent 
avoir  perdu  ici  une  partie  de  leur  éclat  ? 

L'école  italienne,  comme  l'école  fran- 
çaise, ne  brille  par  aucune  œuvre  de  tout 
premier  ordre. 


Sur  un  des  longs  côtés  du  Musée  se  dé- 
ploie la  galerie  à  arcades  appelée  les  loges, 
décorée  de  fresques,  qu'on  ne  peut  visiter. 
Au  rez-de-chaussée,  collection  d'estampes, 
de  dessins  et  de  vases  antiques. 

La  nouvelle  Pinacothèque,  construite 
après  l'ancienne  et  dans  le  voisinage  de 
celle-ci,  renferme  les  œuvres  de  l'école 
moderne  de  peinture  dont  Munich  est  le 
centre,  et  qui  s'est  affirmée  avec  éclat.  Les 
peintres  étrangers  y  sont  aussi  représentés, 
par  Munckacsy,  Gallait,  Verboeckhove, 
etc. 

Une  salle  est  réservée  aux  peintures  sut- 
porcelaine  reproduisant,  sur  des  plaques  de 
petites  dimensions  et  encadrées  comme  des 
tableaux, les  plus  belles  œuvres  de  l'ancienne 
pinacothèque 

Dans  ce  même  quartier  des  Musées,  au 
centre  d'une  oasis  de  verdure,  et  comme 
séparé  de  la  ville  moderne,  se  trouve  un  en- 
semble de  monuments  de  pur  style  antique, 
au  milieu  desquels  on  peut  se  croire  trans- 
porté sur  les  rives  de  la  Grèce  ;  ce  sont  les 
propylées,  la  glyptothèque  et  le  palais  des 
Beaux-Arts. 

La  Glyptothèque  (musée  de  sculpture), 
de  forme  carrée  et  basse  et  de  style  grec,  est 
un  quadrilatère  sans  étage  et  sans  fenêtres, 
du  moins  à  l'extérieur,  avec  portique  à  fron- 
ton sculpté,  supporté  par  des  colonnes  ioni- 
ques. Elle  a  été  bâtie  de  1 S 1 6  à  1S30  sur 
les  plans  &<tdeKlenze.  Les  salles  d'exposition 
ne  reçoivent  d'éclairage  que  par  les  plafonds 
ou  par  des  ouvertures  ménagées  dans  le 
haut  des  murs  donnant  sur  la  cour  centrale. 

Les  œuvres  de  sculpture  sont  classées 
par  écoles  et  par  époques,  et  grâce  au  grand 
nombre  des  salles  et  à  leurs  vastes  dimen- 
sions, elles  sont  rangées  en  bon  ordre,  sans 
entassement  et  sans  mélange.  La  valeur  et 
l'importance  de  cette  collection  sont  consi- 


en  Jdatotère,  —  /Botes  De  toopage. 


501 


dérables,  sans  qu'elle  puisse  toutefois  être 
comparée  à  celles  du  British  Muséum  et  du 
Louvre.  Il  suffira,  pour  montrer  leur  impor- 
tance, d'indiquer  la  succession  des  diverses 
salles  qui  renferment  les  œuvres  de  sculp- 
ture :  salle  assyrienne,  salle  égyptienne,  salle 
des  incunables  ou  œuvres  de  la  Grèce  pri- 
mitive, salle  des  marbres  d'Épire,  ou  sculp- 
tures de  la  grande  époque  de  l'art  grec  ; 
salles  d'Apollon,  de  Bacchus,  des  Niobides, 
des  Dieux,  toutes  consacrées  à  l'art  grec, 
de  même  que  la  salle  troyenne  et  celle  des 
héros  ;  la  salle   des   Romains    et  celle  des 


sculptures  en  marbre  de  couleur,  et  enfin  la 
salle  des  modernes  où  on  rencontre  quelques 
œuvres  seulement  de  sculpteurs  contempo- 
rains :  Canova,  Thornwaldsen,  Rauch,  etc. 
Faisant  face  à  la  glyptothèque,  le  Palais 
de  l'exposition  des  Beaux Arts  achevé  en 
1845,  de  style  grec,  à  colonnes  corinthien- 
nes, et  rappelant  la  forme  générale  de  ce 
monument.  Il  sert  à  une  exposition  perma- 
nente de  peintures  modernes. 


(A  suivre.) 


Eugène  Soil. 


*  A.'ÇE*  i&rA  *$£*  A^X*  X^*  A^A  A*»X*  A^X*  A**X*  xÇE*  A~5X*  »**X*  A^vJ*  A^  A^X*  v4£ 


I 


Tuim;cit 


iiiiiriikimiii  (iiiiiiitiirmiiiiiiiiiiiiimmiiiiiiiiiiiniiiiiiiiii 


iiirxxxiiixixiiixnij 


Jlt  trésor  lie  l'cglisr  JSt  Hmbrotse  à  ffltlan(0* 


tiijiiuxuiniLiTXTrTiiijiiiirrniiiiiixxxxxiTi 


iiiniKiniixniiTii]  mimniiinr 


mil'" 


*$*"  W  ^*  *.*T*  V1***T*  r£*  VI  v  v^y  v^v  v^-v  r^v  v^y  y^*  v^v  *ô*ï$| 


ES  sujets  des  panneaux 
retracent  la  vie  de  S. 
Ambroise  (2). 

S.  Ambroise  au    ber- 
ceati  :  vbi  •  exam  •  apv  • 

PVERI    •    OS    -    CÔPLEVIT   ■ 

mwmwm  Kbkosi  (3).  ^  gaajw^ 

apuiu  pueri  os  complevit  Ambrosii.  L'enfant 
est  couché  dans  un  lit,  couvert  d'un  drap 
qui  forme  en  retombant  des  plis  symé- 
triques :  les  deux  pieds,  légèrement  courbés, 
indiquent  qu'on  peut  lui  imprimer  un  mou- 
vement d'oscillation,  propre  à  hâter  le 
sommeil  (4).  La  mère  se  tient  au  chevet, 
en  face  du  père,  qui  porte  un  riche  costume, 
composé  d'une  tunique  galonnée  et  d'une 
chlamyde.  Tous  les  deux  font  un  geste 
d'étonnement,  car  de  la  bouché  de  l'en- 
fant sortent  des  abeilles,  semblables  à  des 
oiseaux  qui  s'envolent  dans  les  airs.  Dans 
le  ciel,  à  des  niveaux  différents  et  disposés 

1.  Deuxième  partie,  voyez  la  4",e  livr.,  page  306. 

2.  Cette  face  est  reproduite  dans  les  Tavole  cronolo^iclic 
de  Mozzoni,  Sec.  IX  et  dans  le  BulUttino  di  archeologia 
Cfistiana,  1864,  p.  19.  Millin  décrit  ainsi  les  sujets  : 

«  1"  Il  est  enfant,  et  des  abeilles  viennent  déposer  leur 
miel  dans  sa  bouche;  2°  Il  part  pour  la  Ligurie  ;  30  Inspiré 
par  le  Saint-Esprit,  il  revient;  40  II  est  baptisé  par  un 
évéque  catholique;  5°  Il  est  ordonné  évêque  au  bout  de 
huit  jours;  6"  Il  est  transporté  à  Tours  pendant  qu'il  dort 
sur  un  autel;  70  II  ensevelit  saint  Mattin;  8"  Il  prêche, 
mais  c'est  un  ange  qui  parle;  9°  Il  guérit  un  boiteux  ; 
io'  Jésus  vient  à  lui;  u"  Saint  Honorât  lui  donne  le 
viatique  ;  12"  Pendant  qu'il  est  encore  sur  son  lit  de  mort, 
son  finie  monte  au  ciel.  T> 

3.  «  Ambrosius,  filius  Ambrosii,  praefecti  Romae,  cum 
in  cunabulis  in  atrio  praetorii  esset  positus  et  dormiret, 
examen  apum  subito  veniens  faciem  ejus  et  os  ita  com- 
plevit ut  quasi  in  alveolum  suum  intrarent  pariter  et 
exirent.  Qu.c  posteaevolantes  in  tantam  aëris  altitudinem 
sublevatac  sunt  ut  humanis  oculis  minime  viderentur.  Quo 
peracto,  territus  pater  ait  :  Si  vixerit  infantulus  iste,  ali- 
quid  magni  erit  >  (Leg.  aurea). 

4.  Au  moyen  âge,  on  disait  berseil et  berseuère,  expres- 
sions non  moins  significatives  que  berceau  et  qui  peignent 
toutes  le  balancement  donné  à  ce  petit  lit  pour  endormir 
plus  promptement  l'enfant.  (V.  Glossaire  de  De  Laborde, 
p.  164,  165.) 


sur  trois  lignes  horizontales,  sont  des  nuages 
d'où  s'échappent  des  flammes. 

Voyage  de  S.  Ambroise  en  Emilie  et  en 
Ligurie:  vbi  •  abrosis  •  emilia  •  petit  . 
ac  •  ligvria  (').  Jeune  et  imberbe,  vêtu 
de  la  chlamyde,  il  galope  sur  un  cheval  à 
longue  allure,  dont  il  tient  la  bride  de  la 
main  droite.  Il  s'affronte  à  un  arbre,  au  pied 
d'une  colline  qui  cache  en  partie  Rome, 
ville  fortifiée,  qu'il  vient  de  quitter.  Les 
arbres,  bien  dessinés  et  à  tronc  sinueux,  se 
terminent  ordinairement  par  une  ou  plu- 
sieurs feuilles,  plates  et  découpées. 

Retour   de  S.    Ambroise  :    vbi    fvgiens 

SPV    •    SCO  FLANTE  REVERTITVR  (  Ubi  fugicllS, 

Spiritu  Sancto  fiante,  revertitur).  La  scène 
ne  varie  pas  comme  tableau,  c'est  la  même 
ville  avec  enceinte  renforcée  de  tours,  la 
même  montagne,  mais  avec  un  arbre  plus 
maigre.  S.  Ambroise  arrête  son  cheval  lancé 
au  galop  et  veut  lui  faire  rebrousser  chemin. 
Il  se  détourne,  car  une  voix  lui  parle  au 
ciel.  Or  la  voix  est  exprimée  par  une  main 
qui  bénit  à  la  manière  grecque  ou  plutôt 
qui  fait  le  geste  de  l'allocution  :  elle  sort, 
emmanchée,  d'un  triple  cercle  de  nuages 
et  projette  des  rayons  de  lumière  jusque 
sur  le  fugitif  qu'elle  éclaire  en  le  convain- 
quant qu'il  doit  retourner  sur  ses  pas  et 
aller  à  Milan  où  sa  présence  est  nécessaire. 
Baptême  de  S.  Ambroise  :  vbi  a  catiio- 
lico  baptizatvr  epo.  (episcopo)  (2).  Le  ca- 

1.  <  A  Valentiniano  imperatore  ad  regendam  Liguriam 
Emiliamque  provinciam  directus  est  »  (Leg.  •ucr.). 

2.  «  Inventus  cum  adhuc  esset  catechumeims,baptizatur 
et  VI 11  die  in  episcopalem  cathedram  sublimatur  > 
(Leg.  aur.). 

C'est  a  l'occasion  de  ce  baptême  que  le  K.  P.  Graniello, 
barnabite  de  Rome  (depuis  cardinal),  a  publié  dans  le 
Giornale  Arcadico  sa  savante  dissertation  intitulée  :  «  11 
battesimo  per  immersione-infusione  rappresentato  nel 
paliotto  di  S.  Ambrogiu  Xouv.  s/r.,t.  XXXVI,  1864). 
Il  en  a  été  fait  un  tirage  a  part  dont  l'auteur  a  bien  voulu 
m'offrir  un  exemplaire. 


3le  trésor  fce  f  égltse  &U2Lm\)voi8t  à  £0(lan.       503 


téchumène  est  plongé,  entièrement  nu,  dans 
une  cuve  à  six  pans,  où  l'eau  monte  au- 
dessus  de  ses  jambes  :  de  la  main  gauche 
il  cache  sa  nudité.  L'évêque,  en  chasuble, 
étole  et  pallium,  se  tient  à  sa  droite  et  pose 
sa  main  sur  sa  tête  pour  l'immerger,  tandis 
qu'à  l'opposé,  un  acolyte,  tonsuré,  debout 
sur  un  escabeau  en  plan  incliné,  verse  l'eau 
de  son  amphore,  de  manière  à  compléter 
l'immersion  par  l'infusion.  L'évêque  a  dans 
la  main  gauche  un  rouleau  qui  contient  les 
prières  baptismales  ('). 

Ordination  de  S.  Ambroise  :  vbi  octavo 
die  ordinatvr  eps  (episcopus).  S.  Am- 
broise,  nimbé,  vêtu  de  la  chasuble  et  du 
pallium  (2),  un  livre  fermé  dans  la  main 
gauche,  est  escorté  des  deux  évêques  qui 
ont  procédé  à  son  ordination  :  leur  costume 
est  identique  à  celui  de  l'évêque  de  Milan. 
Celui  de  droite  déroule  un  phylactère  (3), 
pendant  qu'il  bénit  à  la  manière  grecque 
de  la  main  droite;  l'autre  porte  un  livre. 

Sommeil  de  S.  Ambroise  :  vbi.  sv~p(er)  al- 

TARE.  DORMIENS.  TVRONIAM  PETIT  (4).  L'autel 

est   un   cube   d'or,   exhaussé  d'une   marche 

1.  Si  la  vocation  de  S.  Martin  se  manifesta  à  Pavie,  où 
habitaient  ses  parents,  vers  l'âge  de  quinze  ans,  pourquoi 
n'aurait-il  pas  été  baptisé  par  S.  Ambroise?  Il  voulait  se 
retirer  au  désert,  mais  son  père  en  fit  un  soldat  pour 
mettre  obstacle  à  sa  vocation.  Une  église  atteste  le  sou- 
venir de  son  séjour  à  Pavie  :  c'est  la  plus  ancienne  con- 
struite en  son  honneur,  assure  le  Pèlerin  (n°  du  S  octobre 
i879). 

2.  Tous  les  évêques  figurés  sur  l'autel  portent  la  cha- 
suble relevée  sur  les  bras  et,  par-dessus,  un  pallium,  long 
et  frangé,  retombant  des  deux  côtés,  comme  s'ils  étaient 
archevêques. 

3.  Les  rouleaux  étaient  encore  en  usage,  aux  XIIe  et 
XIIIe  siècles,  pour  les  fonctions  ecclésiastiques,  témoins 
les  Exultet  de  la  cathédrale  de  Pise  et  de  la  bibliothèque 
de  la  Minerve  à  Rome  :  ils  étaient  confiés  à  la  garde  d'un 
rotularius  (V.  Muratori,  Ant.  /ta/.,  t.  IV,  dissert.  LVII). 

4.  La  liturgie  s'est  emparée  de  ce  fait  relaté  dans  trois 
proses  de  S.  Martin. 

Dans  le  Missale  Vedastinum,  ms.  du  XIVe  siècle,à  Arras 
'Dreves,  Anal,  liymn.  med.  œvi,  X,  257)  : 

«  Cras  undeno  noni  mensis 
Prassul  Mediolanensis 
Mente  raptus  est  suspensis 
Ve-rbis  ad  obsequia.  » 


dont  la  tranche  est  gemmée  :  les  deux 
faces  que  l'on  aperçoit  sont  traversées  par 
une  croix  gemmée.  Au-dessus  est  suspen- 
due par  trois  chaînes  une  couronne,  sertie 
de  pierres  précieuses  et  à  laquelle  pendent 
trois  croix  perlées,  formées  chacune  de  cinq 
perles.  S.  Ambroise,  nimbé,  en  chasuble  et 
pallium,  sommeille  :  le  parchemin  qu'il  tient 
va  lui  échapper  des  mains.  Son  diacre,  por- 
tant l'étole  sur  la  dalmatique  selon  le  rite 
ambrosien,  le  secoue  inutilement  à  l'épaule 
pour  le  réveiller  ;  pendant  ce  temps  le  lec- 
teur, debout  sur  un  escabeau  gemmé,  lit 
dans  un  livre  ouvert. 

Sépulture  de  S.  Martin  :  vbi  sepelivit 
corpvs  beati  martini.  Le  sarcophage,  dans 
lequel  est  déposé  l'évêque  de  Tours,  a  la 
forme  d'un  grand  coffre  rectangulaire,  dé- 
coré d'arcades,  avec  un  courant  de  rinceaux 
à  la  partie  supérieure.  S.  Ambroise,  nimbé, 
tient  des  deux  mains  la  tête  du  cadavre, 
également  nimbé,  tandis  qu'un  acolyte,  qui 
est  descendu  dans  le  sarcophage,  le  prend 
par  les  pieds.  Le  défunt  est  entièrement 
enveloppé  de  son  suaire,  lié  de  bandelettes 
et  a  la  face  couverte.  En  arrière,  un  autre 
acolyte  tient  sous  le  bras  gauche  un  rituel  à 
couverture  gemmée  et,  de  la  main  droite, 
un  chandelier  à  pied  épais,  dont  le  fût  se 
compose  d'une  succession  de  globules  et 
qui  se  termine  par  un  cierge  court  ('). 

Dans  le  Missale  S.  Amandi,  ms.  du  XIVe  siècle,  à 
Valenciennes  (Dreves,  X,  260)  : 

«  Ad  sepulchrum  cujus  visus 
Vel  totalis  vel  divisus 
Legitur  Ambrosius.  J> 

Le  missel  de  Marmoutiers,  imprimé  en  1508,  a  cette 
strophe  (Dreves,  Sequent.  inédit.,  p.  190),  dans  la  prose 
In  transit u  S.  Martini: 

<L  Angelorum  sonat  melos 

Dura  Martinus  intrat  cœlos, 

Severinus  audit  cantum, 

Clerus  stupet  quare  tantum 

Dormitat  Ambrosius.  » 
1.  Les  deux  scènes  du  sommeil  à  l'autel  et  de  l'assis- 
tance aux  funérailles  de  S.  Martin  ont  été  exécutées  en 
mosaïque,   au  XIIe  siècle,  dans  l'abside  de  l'église   de 


504 


Brtuc  fte  l'&rt  chrétien. 


Prédication  de  S.  Ambroise  :  vbi  predi- 
CAT  AGLO  loq;nte  ÂBROSIV  (').  (Ubi prccdi- 
cat,  angeloloquente,  Ambrosius  ).S.  Ambroise, 
nimbé,  adresse  la  parole  à  trois  seigneurs, 
que  distingue  leur  riche  costume,  qui  com- 
prend une  tunique  galonnée  et  unechlamyde 
agrafée  sur  l'épaule  droite.  Pendant  qu'il 
prêche,  un  ange,  debout  derrière  lui,  nimbé 
et  les  ailes  baissées,  lui  souffle  à  l'oreille  ce 
qu'il  doit  dire. 

Gnérison  d'un  malade  :  vbi  pede  abrosivs 
calcat  dolenti.  S.  Ambroise  célèbre  à  un 

St-Ambroise.  Celle  de  la  sépulture  a  été  gravée  sur  bois 
dans  le  5.  Martin  de  Lecoy  de  la  Marche  et  reproduite 
dans  la  Gazette  des  Beaux- Arts,  2e  pér.,  t.  XXIII,  p.  74. 

Tel  est,  d'après  Grégoire  de  Tours,  le  fait  ici  rappelé  : 

«  Qualiter  beato  Ambrosio  idem  transit  us  est  ostensus. 
—  Eo  namque  tempore  beatus  Ambrosius,  cujus  hodie 
flores  eloquii  per  totam  Ecclesiam  redolent,  Mediolanensi 
civitati  pnuerat  episcopus.  Cui  celebrandi  festa  Dominicas 
diei  ista  erat  consuetudo,  ut  veniens  lector  cum  libro  suo 
non  antea  légère  praesumeret  quam  sanctus  nutu  jussisset. 
Factum  est  autem  ut  illa  die  Dominica,  prophetica  lectione 
recitata,  jam  lectore  ante  altare  stante,  qui  lectionem  beati 
Pauli  proferret,  beatissimus  antistes  Ambrosius  super 
sanctum  altare  obdormiret.  Quod  videntes  multi,  cum 
nullus  eum  penitus  excitare  praesumeret,  transactis  fere 
duarum  aut  trium  horarum  spatiis,  excitaverunt  eum  di- 
centes  :  Jam  hora  prœterit.  Jubeat  domnus  lectori  lectio- 
nem légère;  exspectat  enini  populus  valde  jam  Iassus. 
Respondens  autem  beatus  Ambrosius  :  Nolite,  inquit,  tur- 
bari.  Multum  enim  mihi  valet  sic  obdormisse,  cui  taie 
miraculum  Dominus  ostendere  dignatus  est.  Nam  nove- 
ritis  fratrem  metim  Martinum  sacerdotem  egressum  fuisse 
de  corpore,  me  autem  ejus  funeri  obsequium  pr.-ebuisse, 
peractoque  ex  more  servitio,  capitellum  tantum,  vobis 
excitantibus,  non  explevi.  Tune  illi  stupefacti,  pariterque 
admirantes,  diem  et  tempus  notant,  sollicite  requirentes. 
Qui  ipsam  diem  tempusque  transitus  sancti  repererunt, 
quod  beatus  confessor  dixerat  se  ejus  exequiis  deservisse.  » 
(Gregor.  Turonen.,  De  mirac.  S.  Martini,  lib.  I,  cap.  V.) 

Mgr  Chevalier  a  écrit  :  <  M.  de  St-Laurent  se  trompe  en 
rattachant  la  mort  de  S.  Martin  à  l'an  400.  C'était  bien  la 
date  donnée  par  les  historiens  du  XVIIe  siècle,  avant  les 
beaux  travaux  qui  ont  fixé  définitivement  la  chronologie. 
Mais  X Art  de  vérifier  les  dates  assigne  l'an  396,  en  sorte 
que  l'assistance  de  S.  Ambroise  aux  obsèques  de  S.  Martin 
aurait  été  chronologiquement  possible.  » 

Mgr  Biraghi  (p.  106)  affirme,  au  contraire,  que  S.  Mar- 
tin mourut  «  tre  anni  dopo  Sant'  Ambrogio  e  forse  sette 
anni  ». 

1.  «  Quidam  hasreticus,  accerrimus  disputator  et  durus 
et  inconvertibilis  ad  fidem,  cum  audiret  Ambrosium  pra:- 
dicantem,  vidit  angelum  ad  aures  ejus  loquentem  verba 
qu.i:  populo  proedicabat.  Quo  viso,  fidem  quam  perseque- 
batur  cœpit  defendere  >  (Leg.  aur.). 


autel,  semblable  pour  la  décoration  à  celui 
de  la  scène  du  sommeil.  Sur  sa  table,  évi- 
dée  en  creux,  c'est-à-dire  avec  un  rebord 
extérieur,  sont  quatre  hosties  marquées 
d'une  croix  et  placées  elles-mêmes  en  croix. 
A  l'angle  gauche  se  tient  le  diacre,  portant 
l'étole  sur  la  dalmatique  et  présentant  des 
deux  mains,  par  les  anses,  un  large  et 
profond  calice.  L'évêque,  nimbé  et  vêtu 
toujours  du  même  costume,  célèbre  à  la 
manière  antique,  en  se  tournant  vers  l'assis- 
tance. Il  pose  sa  main  droite  sur  l'épaule 
d'un  seigneur,  en  même  temps  qu'il  marche 
sur  son  pied  gauche  pour  le  guérir. 

Vision  du  Christ  :  vbi  iîïvm  ad  se  videt 
veniente  (').  S.  Ambroise,  nimbé  (5)  et 
vêtu  d'une  simple  tunique,  est  étendu,  la 
tête  légèrement  relevée,  sur  un  lit  à  quatre 
pieds.  Il  tend  les  bras  au  Christ  qui  lui 
apparaît  et  le  bénit  à  trois  doigts,  à  la 
manière  latine.  Le  Sauveur  est  imberbe, 
porte  le  nimbe  crucifère,  les  cheveux  longs, 
les  pieds  nus  et,  dans  la  main  gauche,  un 
rouleau,  lié  d'une  cordelette.  En  avant  du 
lit  est  un  escabeau  sur  lequel  sont  placées 
les  chaussures  du  malade. 

Apparition  d'un  ange  :  vbi  amonit  ho- 
norât eps  dni  off  cor  (3).  (Ubi  admonitits 
Honoratus  episcopus  Domini  offert  corpus). 
Le  lit  et  l'escabeau  sont  les  mêmes  que  dans 
la  scène  précédente.  S.  Honorât,  nimbé  et 
imberbe,   écoute   l'ange   qui   lui  parle.   Cet 

1.  «  In  loco  autem  in  quo  jacebat  vidit  Jesum  ad  se 
venientem  et  sibi  vultu  alacri  arridentem  >•  (Lei;.  aur.). 

2.  Peu  de  temps  avant  sa  mort,  sa  tête  fut  environnée 
d'un  disque  de  feu  :  i  Ante  paucos  dies  quam  lectulo  deti- 
neretur,  cum  XLIIII  psalmum  cum  notario  dictaret,  su- 
bito ipsi,  vidente  notario,  in  modum  scuti  brevis  ignis 
caput  ejus  operuit  atque  paulatim  per  os  ejus,  tanquam  in 
domum  habitator  intravit  »  (Ibid.). 

3.  «  Honoratus  vero,  episcopus  Vercellensis,  qui  beati 
Ambrosii  obitum  expectabat,  cum  se  sopori  dedisset, 
vocem  tertio  se  clamantis  audivit  :  Surge,  quia  mox  est 
recessurus.  Qui  consurgens  Mediolanum  concitus  venit 
et  ei  dominici  corporis  sacramentum  dédit  moxque  ille 
manus  in  modum  crucis  expandit  et  ultimum  sptritum 
inter  verba  oris  effl.ivit  î>  (lbid.). 


île  trésor  tie  l'église  &U2LmbvQi8t  à  ©tlan.       505 


ange,  les  ailes  baissées,  fait  le  geste  de  la 
bénédiction  grecque  :  il  avertit  l'évêque  de 
Verceil  d'aller  assister  l'évêque  de  Milan  à 
ses  derniers  moments. 

Mort  de  S.  Ambroise  :  vbi  anima  in  ce 

LVM  DVCITVR  CORPORE  IN  LECTO  POSITO  ('). 

Le  Saint  est  étendu  horizontalement  dans 
un  lit  à  quatre  pieds,  recouvert  d'un  drap 
qui  forme  des  plis.  Le  corps  est  recouvert 
d'une  riche  étoffe,  et  la  figure  seule  est 
visible.  Aux  pieds  du  lit  se  tient  S.  Hono- 
rât, nimbé,  avec  la  chasuble  et  le  pallium  :  il 
porte  la  main  à  son  visage  pour  témoigner 
sa  douleur.  Dans  un  des  angles,  la  main  de 
Dieu  sort  du  ciel,  exprimé  par  trois  cercles 
concentriques,  bénit  et  lance  des  rayons  de 
lumière  sur  l'âme  du  défunt  qui  lui  est  pré- 
sentée par  un  ange.  Cette  âme,  dont  la  tête 
est  juvénile  et  nimbée,  consiste  en  un 
buste  drapé  :  elle  est  offerte  à  deux  mains 
par  un  ange  qui  plane  dans  les  airs  et  se 
distingue  par  ces  deux  caractères  habituels 
qui  sont,  en  plus  du  nimbe  de  la  sainteté, 
les  ailes  et  les  pieds  nus. 

Le  panneau  du  milieu  admet  une  triple 
bordure  :  c'est  d'abord  une  série  de  perles  à 
l'extérieur    d'un    cavet,    puis,    entre    deux 

1.  Il  ne  faudrait  pas  voir  là  un  miracle  dont  ne  parle 
pas  la  légende.  En  effet,  l'Église,  dans  le  Rituel,  aux 
obsèques  des  fidèles,  continue  à  demander  l'assistance  des 
anges  pour  que  les  âmes  soient  offertes  au  Très- Haut  : 
«  Occurrite,  angeli  Domini,  suscipientes  animam  ejus, 
offerentes  eam  in  conspectu  Altissimi.  Suscipiat  te  Chri- 
stus  qui  vocavit  te  ». 

Cependant  la  Légende  d'or  cite,  comme  fait  historique, 
des  visions  où  l'on  vit  des  âmes  emportées  au  ciel  par  les 
anges.  Voir  édit.  de  Brunet,  t.  I,  p.  75,  143  ;  t.  Il,  p.  21. 
Je  lui  emprunterai  ce  seul  exemple  fourni  par  la  vie  des 
SS.  Pierre  et  Marcellin  :  «  Quorum  animas,  vestibus  splen- 
didis  et  gemmis  indutas,  ab  angelis  in  cœlum  deferri 
spiculator,  nomine  Dorotheus,  vidit  ;  unde  et  christianus 
effectus  est  »  {Legenda  aur.,  édit.  Grcess,  p.  344).  Dans 
les  actes  de  S.  Irénée,  d'après  Ruinart,  on  lit  :  «  Sanctus 

vero  Dei  martyr,  cum  venisset  ad  pontem ,  expolians 

se  vestimenta  sua  et  extendens  manus  in  cœlum,  oravit 
dicens:  Domine  Jesu  Christe,  qui  pro  mundi  salute  pati 
dignatus  es,  pateant  cœli  tui.ut  suscipiant  angeli  spiritum 
servi  tui  Irenaei,  qui  propter  nomen  tuum  et  plebem  tuam 
pneductam  de  ecclesia  tua  catholica  Sirmiensium  haec 
patior  ». 


torsades, desplaques  d'émail  que  rehaussent, 
de  distance  en  distance,  des  cabochons  ; 
enfin,  en  haut  et  en  bas,  une  large  bande 
perlée  avec  de  gros  cabochons  montés  en 
bâte  filigranée  et  perlée.  Les  trois  cabo- 
chons, alignés  à  la  partie  supérieure,  sont 
entourés  de  perles  en  verre  rouge,  et  l'un 
d'eux,  celui  de  gauche,  est  un  cristal  de 
roche  doublé  d'un  paillon  rouge. 

Ce  panneau  est  divisé  lui-même  en  deux 
volets,  historiés  chacun  de  deux  grands 
médaillons  ('),  représentant,  en  haut,  les 
archanges  S.  Michel  et  S.  Gabriel  et,  en  bas, 
le  donateur  et  l'orfèvre.  S.  Michel,  ses 
michael,  occupe  la  droite.  Il  est  nimbé,  a 
les  ailes  étendues,  tient  dans  la  main  gauche 
un  bâton  terminé  par  deux  boules,  à  quel- 
que distance  l'une  de  l'autre  et  est  vêtu  d'une 
tunique  longue,  ceinte  à  la  taille  et  galonnée 
à  la  partie  inférieure.  Ses  ailes  sont  large- 
ment ouvertes,  et  de  la  main  droite  il  semble 
accueillir  ou  inviter  l'évêque  placé  au-des- 
sous de  lui.  Ses  pieds  sont  chaussés,  ce  qui 
n'est  pas  absolument  rare  dans  l'icono- 
graphie byzantine,  et  il  est  debout  sur  un 
escabeau  gemmé.  S.  Gabriel  lui  fait  pen- 
dant :  il  a  aussi  son  nom  inscrit  à  mi-hauteur 
du  médaillon  :  ses  GABRi(W,).Cet  ange  n'est 
qu'une  réplique  du  précédent,  mais  en  sens 
inverse,  en  sorte  qu'ils  se  tournent  le  dos. 

Dans  le  médaillon  que  surmonte  l'ar- 
change S.  Michel,  on  voit  S.  Ambroise, 
ses  ambrosivs,  imberbe,  debout  sur  un 
escabeau  gemmé,  vêtu  du  pallium  et  de  la 
chasuble,  recevant  l'offrande  qui  lui  est 
faite.  Aussi  de  la  main  droite  pose-t-il,  sur 
la  tête  du  généreux  donateur,  une  espèce 
de  calotte  dont  le  bandeau  est  gemmé  et 
surmonté  de  trois  petites  boules,  qui  indique 
certainement  la  couronne  céleste,  le  donum 
sublime    de   l'inscription.    Angilbert,    ainsi 

1.  Ces  deux  médaillons  sont  gravés  séparément  dans  les 
Memorie  de  Giulini,  I,  182. 


REVUE    DE   l.'AKT    CHRÉTIEN. 
1899.    —   6lue    LIVRAISON. 


5°° 


Brtuc  be  r&rt  chrétien 


nommé  domnvs  angilbertvs,  s'incline  res- 
pectueusement devant  son  protecteur.  Il  a 
le  costume  épiscopal,  chasuble  et  pallium, 
et  des  deux  mains  il  présente  l'autel  d'or, 
marqué  d'une  croix  sur  sa  face  antérieure  ('). 
Derrière  sa  tête  se  dresse  un  nimbe  rec- 
tangulaire, qui  est  le  nimbe  des  vivants  : 
c'est  une  tablette  épaisse  et  dont  la  tranche, 
taillée  en  biseau,  est  entourée  d'une  série 
de  perles. 

Au  médaillon  qui  fait  face,  on  voit  S. 
Ambroise,  dans  les  mêmes  attitude  et  cos- 
tume, ses  ambrosivs,  un  livre  dans  la  main 
gauche,  posant  sur  la  tête  de  l'orfèvre  une 
couronne  dont  le  bandeau  est  aussi  sur- 
monté de  trois  boules.    Maître  Volvinius, 

WOLVINIVS    MAGISTER    PHABER    (2),   s'incline 

profondément  et  tend  les  bras  vers  son  bien- 
faiteur, comme  pour  lui  exprimer  sa  recon- 
naissance (3).  A  côté  de  S.  Ambroise  est 
une  espèce  de  cornet,  qui  pourrait  être  la 
marque,  le  poinçon  de  l'orfèvre,  à  moins 
qu'on  ne  veuille  y  voir  l'écritoire  du  saint 
docteur. 

1.  Cet  autel  n'a  pas  de  ciborium,  pas  plus  que  les  deux- 
autres  autels  ligures  sur  la  même  face.  On  pourrait  peut- 
être  en  déduire  que  le  ciborium  qui  surmonte  le  maître- 
autel  n'existait  pas  encore  :  il  passe  pour  être  du  IXe 
siècle,  mais  son  style  le  ferait  plutôt  attribuer  au  XIIe. 

2.  Voici  exactement  la  disposition  des  lignes  de  cette 
importante  signature,  mal  reproduite  par  d'Agincourt  et 
Ferrario  : 

VVOL 

VI 
NIVS 
MAGIS 
T 
PHABER 

3.  Volvinius  porte  deux  tuniques  superposées,  une 
longue  et  une  courte.  Je  n'ai  point  vu  qu'il  soit  <  vêtu 
comme  Angilbert  d'une  tunique  et  d'un  pallium  »  {Annal. 
arch.,  t.  IV,  p.  286),  ce  qui  en  ferait  un  évêque  :  or  rien 
n'est  moins  prouvé  que  son  caractère  même  sacerdotal, 
que  semble  exclure  le  qualificatif  magister. 

Millin  a  écrit  VVolvinus  :  «  Il  y  a  sur  chaque  battant 
deux  médaillons;  les  deux  supérieurs  représentent  les 
Archanges  Gabriel  et  Michel;  sur  l'un  des  deux  autres,  on 
voit  saint  Angilbert  aux  pieds  de  saint  Ambroise,  à  qui  il 
présente  l'autel  qu'il  lui  consacre;  le  saint,  reconnaissant, 
lui  pose  une  couronne  sur  la  tête  :  tous  deux  ont  un  pal- 
lium, orné  de  pierres  précieuses  et  non  de  croix,  et  leur 


Ces  quatre  médaillons,  historiant  les 
volets,  sont  reliés  aux  cadres  extérieurs  par 
des  bandes  droites  ou  zigzaguées,  qui,  au 
milieu,  sont  coupées  par  des  cabochons, 
pendant  que  les  quatre  angles  sont  garnis 
de  carrés  en  torsade.  Chaque  carré  inscrit, 
dans  un  cercle  aussi  en  torsade,  un  médail- 
lon à  fond  vert,  ce  qui  donne  quatre  mé- 
daillons en  haut  et  quatre  en  bas.  Tous  ces 
disques  sont  faits  sur  un  modèle  identique, 
c'est-à-dire  qu'ils  représentent  un  buste 
d'ange,  exprimé  en  émail  cloisonné  et  trans- 
lucide. Ces  émaux  ont  un  aspect  rude  et 
presque  sauvage.  Les  yeux  sont  très  grands, 
et  l'iris  est  formé  par  un  point  bleu;  ils 
s'abritent  sous  des  sourcils  verts.  Les  che- 
veux sont  rouges,  bordés  d'une  dentelure 
bleue  qui,  dans  l'intention  de  l'artiste,  peut 
vouloir  exprimer  une  couronne,  dont  chaque 
lobe  est  pointillé  de  blanc.  La  carnation  est 
blanchâtre,  avec  des  taches  rosées  aux 
pommettes  et  au  cou.  De  chaque  côté  se 
dressent  deux  ailes  bleues. 

Le  grand  intérêt  des  deux  médaillons 
qui  décorent  le  bas  des  volets  consiste  dans 
la  répétition  du  nom  du  donateur,  mais 
surtout  dans  la  présence  de  celui  de  l'orfè- 
vre, qui  mérite  de  passer  à  la  postérité.  Ce 
nom  a  souvent  préoccupé  les  archéologues 
qui  cherchent  à  y  trouver  un  signe  de  na- 
tionalité. La  forme  indique  évidemment  un 
nom  latinisé,  mais  dont  le  radical  n'est  ni 
byzantin,  ni  italien  :  il  serait  plutôt  alle- 
mand (').  En  effet,  on  peut,  sans  trop  de 
témérité,  supposer  que  ce  radical  est  Wo/f, 
dont  nous  aurions  ici,  avec  une  légère  alté- 

tête  est  nue;  ils  sont  vêtus  d'une  tunique  longue  et  d'une 
espèce  de  chape;  leurs  noms  sont  écrits  :  S.  Ambrosivs. 
domnvs  Angilbertvs.  Le  sujet  de  l'autre  médaillon  est 
à  peu  près  semblable  ;  l'orfèvre  qui  a  conduit  ce  travail 
est  également  aux  pieds  de  saint  Ambroise,  dont  il  reçoit 
aussi  une  couronne  ;  il  a  une  tunique  longue  sous  une 
plus  courte,  et  un  petit  capuchon;  on  lit  auprès  :  VVoL- 
VINVS  MAGISTER  PHABER  ». 

I.  Pour  Ferrario,  l'artiste  serait  romain  :  «  non   sola- 
mente  italiano,  ma  cittadino  romano  >  (P.  121). 


île  trésor  De  l'église  ^)t^mbrot0e  à  $)tlan.       5o7 


ration,  très  probablement  le  diminutif  ('). 
Quant  au  W,  il  n'est  pas  tellement  propre 
aux  Allemands  qu'on  ne  le  rencontre  à 
l'époque  romaine  d'abord, puis  aux  I  Xe  et  Xe 
siècles,  dans  l'épigraphie  et  la  paléographie 
latines  (2).  L'abbé  Texier  avait,  à  l'aven- 
ture et  sans  examen  suffisant,  adopté  l'opi- 
nion d'un  écrivain  qui  l'aurait  fait  limou- 
sin (3),  mais  Didron  lui  a  répondu  avec 
beaucoup  de  bon  sens  :  «  Nous  ne  saurions 
partager  cette  opinion  de  MM.  Didier 
Petit  et  Texier.  Wolvinius  est  aussi  bien 
latin  et  surtout  allemand  que  français. 
D'ailleurs,  un  artiste  italien  pourrait  assu- 
rément porter  un  nom  français  sans  être 
Français  de  naissance.  Que  de  noms  à  ter- 
minaison, et  même  à  racine  italienne,  sont 
portés  par  de  très  bons  et  très  anciens 
Français!  En  science,  même  pour  une  con- 
jecture, il  faut  des  preuves  plus  rigoureu- 
ses. Pour  les  mêmes  motifs,  nous  ne  pou- 
vons admettre  que  maître  Alpais  soit  un 
Grec,  qui  ait  fait  de  l'orfèvrerie  à  Limoges. 
Nous  voudrions  également  de  bonnes  preu- 
ves à  l'appui  de  l'opinion  qui  fait  Italien 
Francisais  Piloxus  et  même  Laçants  de 
Franceschi,  deux  artistes  qui  avaient  exé- 
cuté, en  1453,  une  image  de  la  sainte 
Vierge  dans  l'église  Saint-Martial  de  Li- 
moges. Ce  doute,  nous  l'avons  soumis  au 
regrettable  M.  du  Sommerard,   qui   avait 

1.  Le  docteur  Labus  avait  raison  quand  il  voyait  dans 
ce  nom  un  reste  des  invasions  étrangères,  «  settentrionali 
nazioni  ». 

2.  «  Il  V  consonante  e  si  pure  vocale  dall'  idiotico  e 
rustico  favellare  del  volgo  soleansi  addoppiare  in  Roma 
e  in  Italia  da'  tempi  molto  più  antichi,  si  nei  nomi 
proprj,  corne  AVVREL1VS,  EVVODVS,  FLAVVIVS, 
MVVC1VS,  PROTESILAVVS  e  si  in  altre  voci,  come 
1VVS,  LVVCE,  SVVO  »  (Ferrario,  p.  121).  A  mon  avis, 
ce  redoublement  a  pour  but  de  mettre  d'accord  l'ortho- 
graphe avec  la  prononciation  qui  disait  ou.  Ferrario  cite 
de  nombreux  exemples  du  VV  dans  des  chartes  ita- 
liennes. 

3.  Les  Limousins  ont  été  certainement  emportés  ici 
au  delà  des  bornes  par  l'enthousiasme  patriotique. 


fini  par  le  prendre  en  sérieuse  considéra- 
tion »  {Ann.  arck.,  t.   IV,  p.  287). 

La  nationalité  se  dégage  encore  du  tra- 
vail lui-même,  qui  est  essentiellement 
latin  (').  Toutefois,  il  faut  faire  ces  réser- 
ves, ou  l'artiste  a  travaillé  dans  des  ateliers 
byzantins  ou  il  s'est  inspiré  de  modèles 
venus  de  l'Orient.  Toutes  les  inscriptions 
sont  latines,  mais  l'iconographie  est  en 
général  plutôt  grecque,  quoique  avec  plu- 
sieurs tâtonnements,  puisqu'on  trouve  les 
anges  avec  les  pieds  nus  ou  chaussés  et 
une  fois  la  bénédiction  latine  substituée  à  la 
bénédiction  en  usage  dans  l'Église  orien- 
tale. Somme  toute,  le  style  est  bon,  la  main 
habile  ;  malgré  cela,  les  figures  émaillées 
sont  très  mal  réussies,  tandis  que  l'émail 
lui-même  est  heureusement  traité  et  que  le 
procédé  du  cloisonnage  rappelle  complète- 
ment l'Orient.  Il  y  a  donc  une  influence 
byzantine  réelle,  mais  plutôt  pour  la  con- 
ception que  pour  l'exécution  (2). 

4.  Les  deux  petits  côtés  de  l'autel  se 
ressemblent  comme  aspect,  et  les  person- 
nages seuls  varient  (3).  Le  méandre  con- 
tinue à  orner  la  table,  et  les  palmettes  sont 
appliquées  à  la  plinthe,  pendant  que  le 
cadre  tout  entier  conserve  la  forme  géné- 
rale des  grandes  faces.  Dans  ce  cadre  prend 
place  un    panneau  qui  a  une  double   bor- 

1.  «  Cet  ouvrage  prouve  que,  dans  le  neuvième  siècle, 
la  Haute  Italie  possédait  déjà  d'habiles  orfèvres  »  (Millin, 
t.  I,  p.  176). 

2.  «  L'art  byzantin  ne  nous  a  laissé  aucune  pièce  de 
cette  époque,  comme  affirmation  de  cet  art,  mais  tous  les 
textes  sont  formeIs,et  l'existence  seule  de  l'autel  de  Sainte- 
Sophie  suffirait  à  nous  prouver  que  l'émail  était  pratiqué 
sur  une  grande  échelle  à  Byzance.  Tout  naturellement,  sa 
fabrication  fut  introduite  en  Italie  vers  une  époque  assez 
avancée,  IXe  et  Xe  siècles  »  (Bapst,  Le  Musée  rétrospec- 
tif du  Métal,  p.  20). 

3.  Alfred  Darcel  a  publié  dans  la  Gazette  des  Beaux- 
Arts,  t.  XIX,  p.  255-256,  un  des  petits  côtés,  le  soubas- 
sement et  sa  corniche,  de  l'autel  de  S.-Ambroise,  qu'il 
attribue  à  «  l'année  835  »  et  apprécie  ainsi  :  «  Rien  n'est 
emprunté  à  une  flore  quelconque  dans  l'œuvre  de  Vol- 
vinius,  rien  n'y  rappelle  non  plus  les  formes  de  l'archi- 
tecture. > 


5o8 


&ctnte  be  l'$rt  chrétien* 


dure,  la  première  émaillée  et  la  seconde 
émaillée  et  gemmée.  Dans  ce  carré  s'inscrit 
un  losange,  qui  se  relie  aux  angles,  par  des 
bandes  droites.  Ce  losange  et  ses  appen- 
dices sont  émaillés  et  gemmés  :  dans  les 
triangles  qu'ils  laissent  entre  eux  sont  figu- 
rés des  anges  au  nombre  de  huit,  un  par 
compartiment. 

Les  angles  du  losange  sont  fermés  par 
un  demi-cercle  (')  où  s'inscrit  un  médaillon 
historié,  duquel  se  dégagent  des  feuillages 
et  des  fleurs  (2).  Une  croix  pattée  relie 
ensemble  ces  quatre  quarts  de  cercle  :  elle 
est  perlée  sur  ses  contours,  émaillée  dans 
son  champ,  garnie  d'un  gros  cabochon  au 
milieu  et  accostée  de  quatre  personnages, 
un  par  canton.  Dans  cette  vigoureuse  ar- 
mature les  personnages  tendent  à  s'effacer, 
car  les  reliefs  puissants  qui  les  entourent 
les  écrasent  complètement. 

Du  côté  de  l'épître,  les  quatre  petits 
médaillons  à  l'intérieur  du  losange,  repré- 
sentent, en  haut,  S.  Ambroise,  âbr  (Am- 
brosius)  ;  en  bas,  S.  Simplicien,  évêque  de 
Milan  (3),  sipl  (Simpliciamis),  l'un  et 
l'autre  avec  le  pallium    sur   la   chasuble   et 

i.  Au  moyen  âge,  le  demi-cercle  ou  son  dérivé  se  nom- 
mait demi-compas:  «  Item,  un  fremail  d'or,  en  façon  de 
quatre  demis-compas,  où  il  a  lettres  d'or,  où  il  a  VIII 
assiettes  de  pelles  à  chascune  trois,  et  y  a  quatre  balès  et 
trois  saffirs,  et  samble  que  il  faille  le  Ve.  Ou  milieu  a  un 
home  sauvage  d'or  et  a  lettre  environ  lui  »  (Inv.  de  la 
Reine  Jeanne,  1360,  n°  59).  Ces  quatre  demi-compas  réunis 
formaient  un  quatrefeuilles,  type  commun  au  XIVe  siècle 
pour  les  agrafes. 

2.  Au-dessous  de  S.  Ambroise  se  croisent  deux  palmes, 
dont  la  signification  est  donnée  par  la  liturgie  qui  em- 
prunte ce  texte  à  la  Bible  :  «  Justus  ut  palma  florebit  ». 
Quant  aux  branches  feuillagées  et  fleuries,  elles  sont  un 
symbole  expressif  d'une  vie  conforme  à  celle  du  Christ  et 
par  conséquent  ayant  mérité  les  gloires  de  la  résurrection  : 
«  Si  enim  complantati  facti  sumus  similitudini  mortis 
ejus,  simul  et  resurrectionis  erimus  »  (S.  Paul,  ad  Roman., 
VI,  S)- 

3.  11  importe  de  noter  que  sur  le  paliotto  aucun  éveque 
ne  porte  la  mitre,  ce  qui  prouve  d'une  manière  irrécusable 
que,  dans  la  première  moitié  du  IXe  siècle,  le  Saint  Siège 
n'avait  pas  encore  octroyé  ce  privilège  aux  archevêques 
de  Milan. 


le  livre  fermé  dans  la  main  gauche.  A  droite 
est  S.  Protais,  prô"  ( Protasius )  et,  à  gauche, 
S.  Gervais,  gër  (Gervasius),  tous  les  deux 
en  tunique  et  chlamyde,  la  barbe  au  men- 
ton et  une  couronne  gemmée  dans  les 
mains.  Ces  quatre  saints,  patrons  de  l'église 
de  Milan,  sont  dessinés  seulement  en  buste 
et  nimbés  :  au  contraire,  les  diacres  tonsu- 
rés qui  cantonnent  la  croix  sont  en  pied, 
dans  des  attitudes  suppliantes,  soit  qu'ils 
s'inclinent,  soit  qu'ils  s'agenouillent.  Ils  ont 
l'étole  sur  la  dalmatique  et  le  manipule 
frangé  au  poignet  du  bras  gauche.  Leur 
nimbe  indique  leur  sainteté  :  le  martyrologe 
de  l'église  de  Milan  pourrait  seul  donner 
leurs  noms  qui  nous  échappent.  Un  arbre, 
placé  près  d'eux,  indique  qu'ils  habitent  les 
jardins  du  paradis. 

Les  anges  qui  occupent  les  triangles  ex- 
térieurs sont  nimbés  et  pieds  nus  :  ils  ont 
pour  vêtements  une  tunique  longue  et  un 
manteau  flottant  et  tiennent  un  rouleau  fi- 
celé ;  un  seul  n'a  pas  de  volumen  et  fait  le 
geste  de  la  bénédiction  grecque.  Les  deux 
en  haut  planent  horizontalement  ;  ceux  de 
droite  et  de  gauche  sont  debout  ou  courbés, 
et  enfin  ceux  d'en  bas  s'agenouillent  d'un 
seul  genou. 

Du  côté  de  l'évangile,  nous  retrouvons 
les  mêmes  anges,  dans  le  même  costume 
et  à  peu  près  dans  la  même  attitude.  En 
haut,  ils  s'agenouillent  sur  les  nuages  et, 
en  bas,  ils  sont  aussi  à  deux  genoux,  mais 
entre  des  arbres.  Des  arbres  accompagnent 
encore  ceux  des  côtés,  qui  se  tiennent  de- 
bout sur  des  escabeaux,  pour  indiquer  qu'ils 
appartiennent  à  un  ordre  supérieur  :  je  ne 
serais  pas  étonné  que  ce  fussent  Raphaël 
et  Uriel  (').  Les  deux   plus  élevés   ont  les 

1.  M.  de  Caumont  a  écrit  :  «  Quatre  archanges,  Michel, 
Gabriel,  Raphaël  et  Uriel  occupent  les  compartiments 
latéraux  à  droite  et  à  gauche  s>  {Buliet.  tnonum.,  t.  XXIV, 
p.  328).  Je  ne  puis  être  de  cet  avis,  d'abord,  parce  qu'il 
n'est  pas  démontré  que  les  huit  anges   de  chaque  côté 


3U  trésor  De  l'église  £>t  ambrotse  à  30ilan.       509 


pieds  chaussés  (')  et  portent,  sous  la  chla- 
myde,  une  tunique  richement  galonnée  à  la 
partie  inférieure  et,  dans  une  des  mains,  un 
bâton  pommeté. 

Les  quatre  bustes  des  médaillons  repré- 
sentent :  en  haut,  S.  Martin,  mârt,  et  en 
bas,  S.  Materne,  mânv  ( Maternus )  en  cos- 
tume épiscopal  et  un  livre  fermé  dans  la 
main  gauche  ;  puis,  à  droite  et  à  gauche, 
S.  Nabor,  nâbô  (  Nabor j l'et  S.  Nazaire,  nàzâ 
(Nazarius),  identiques  aux  S.  Gervais  et 
Protais  (2),  d'où  il  résulte  que  les  évêques 
sont  sur  une  ligne  verticale  et  les  martyrs 
sur  une  ligne  horizontale,  comme  aux  mé- 
daillons précédents. 

Les  quatre  personnages  des  cantons  de 
la  croix  sont  aussi  nimbés  :  en  haut,  ils  sont 
accostés  de  nuages  et  montrent  S.  Martin; 
ils  ont  devant  eux  un  édicule  rectangulaire 
à  deux  étages,  dont  le  sens  n'est  pas  suf- 
fisamment clair.  Les  deux  autres,  sous  les 
bras  de  la  croix,  se  prosternent  humble- 
ment, en  avant  d'un  arbre  qui,  par  sa 
courbe,  suit  le  mouvement  de  leur  corps. 

Les  deux  côtés  sont  aussi  soignés  que  la 
face  postérieure  et,  par  conséquent,  indi- 
quent la  main  même  de  Wolvinius  et,  comme 
cette  seconde  face    contraste  avec   l'autre 

soient  les  mêmes,  répétés  deux  fois  ;  puis  parce  que  deux 
ont  déjà  figuré  sur  les  volets  et  qu'il  n'y  a  pas  nécessité 
de  les  reproduire  ;  enfin  parce  que  deux  seulement  ont  le 
triple  attribut  du  bâton  pommeté,  de  l'escabeau  et  d'un 
costume  plus  riche  que  celui  des  autres  anges.  Il  n'y  a 
donc  ici  bien  évidemment  que  deux  archanges  qui,  unis 
aux  deux  de  la  face  postérieure,  donnent  les  quatre  ar- 
changes connus  et  honorés  publiquement  par  des  églises 
qui  entouraient  autrefois  la  cathédrale  de  Milan  (X.  B.  de 
M.,  Œuvr.  compl.,  XI,  209-217). 

1.  L'abbé  Texier  a  donc  été  trop  absolu  quand  il  a  affir- 
mé sans  restriction  que  «  les  anges  ont  les  pieds  nus  » 
{Annal.  arc/i.,t.  IV,  p.  2S7). 

2.  Les  noms  de  tous  ces  saints  sont  bizarrement  et  irré- 
gulièrement abrégés.  C'est  sans  doute  faute  d'espace  qu'on 
a  supprimé  le  qualificatif  sanctus,  qui  a  son  équivalent  et 
sa  traduction  dans  le  nimbe. 

Mgr  Biraghi  {Daliana  historia  Ecclesiœ  Mediolanensis, 
Milan,  1848)  donne  en  lithographie  le  médaillon  central, 
S.  Félix,  S.  Materne  et  S.  Nabor. 


pour  l'exécution,  qui  est  bien  inférieure 
sous  le  rapport  de  l'orfèvrerie,  il  faut  en 
conclure  que  le  travail  a  été  fait  par  deux 
artistes  différents,  Wolvinius  l'emportant 
sur  son  concurrent  ou  sur  celui  qui  aurait 
achevé  son  œuvre  interrompue  ('). 

5.  Les  pierres  qui  étincellent  au  milieu 
des  émaux  sont  de  toutes  formes  et  de  toutes 
sortes,  améthystes,  grenats,  saphirs  pâles  et 
rubis  :  on  voit  aussi  des  verres  doublés.  La 
plupart  de  ces  pierres  sont  modernes.  Gé- 
néralement, elles  sont  arrondies  en  cabo- 
chon, mais  plusieurs  sont  demeurées  à  l'état 
naturel,  ce  qu'on  nomme  pierres  baroques  ; 
quelques-unes  sont  percées  de  part  en 
part(*),  comme  si  primitivement  elles  avaient 
été  traversées  par  un  fil  d'or  pour  les  monter 
en  collier.  La  sertissure  est  toujours  en  bâte, 
avec  une  série  d'arcades,  des  torsades  ou 
encore  des  filigranes  très  fins  et  des  étoiles 
à  rais  plats  et  surélevés  {flanchis,  comme 
on  dit  en  blason),  alternant  avec  des  roses  à 
six  lobes,  dont  le  cœur  est  une  perle  fine 
ou  une  perle  rouge. 

Parmi  ces  pierres,  il  se  trouve  plusieurs 
antiques.  Ainsi  une  tête  de  Mercure  (?), 
sculptée  en  camée  et  six  intailles,  dont  voici 
la  description  : 

Pierre  semblable  à  la  lave  du  Vésuve  et 
représentant  un  homme  debout,  qui  tient 
un  vase  de  la  main  gauche. 

Une  cornaline,  sur  laquelle  est  écrit  à  re- 
bours, de  manière  à  donner  une  empreinte 
droite  sur  la  cire  :  votvriade. 


1.  Cette  différence  notable  entre  les  œuvres  des  deux 
artistes  n'a  pas  échappé  à  Ferrario,  qui  s'en  prend  exclu- 
sivement à  la  matière  employée:  «  Il  lavoro,  invenzione 
del  maestro  e  artefice  Volvinio,  è  tutto  in  basso  rilievo, 
meno  perô  spiccato  e  risultante  nelle  lastre  d'oro  che  in 
quelle  d'argento,  nelle  quali,  siccome  più  in  grande  e  in 
materia  più  atta,  riesce  anche  più  peifetto  »  (p.  114). 

2.  «  Item,  en  une  viefs  bourse  semmée  de  pelles,  trois 
gros  saffirs,  l'un  en  un  anneau,  l'autre  percié  parmi,  et 
l'autre  bourde.  »  {Inv.  de  la  reine  Jeanne,  1360,  n°  12.)  — 
«  Item,  un  gros  saffir  cornu,  percié  dulong.  »  {Ibid.,  n° 
51.)  —  «  Item,  un  gros  saffir  percié,  en  une  queue  d'or  et 
en  une  cordelette.  »  {Ibid.,  n°  144.) 


5io 


débite  be  l'&rt  cbvétten. 


Une  cornaline  :  une  femme  debout,  avec 
une  corne  d'abondance  dans  la  main  droite 
et  un  bâton  dans  la  main  gauche. 

Sur  cornaline,  deux  espèces  de  gousses 
superposées,  avec  des  filaments  qui  s'en  dé- 
tachent. 

Sur  cornaline  encore,  un  sphinx  accroupi 
et  enfin,  sur  une  pâte  rouge,  placé  la  tête 
en  bas,  un  amour  assis. 

6.  Les  émaux,  remarquables  par  leur  fi- 
nesse et  leur  transparence,  varient  souvent 
leur  composition  :  aussi  peut-on  les  répartir 
en  quatre  catégories,  dont  une  encadre  les 
panneaux  de  la  vie,  soit  du  Christ,  soit  de 
S.  Ambroise;  une  seconde  se  remarque  au 
panneau  central,  une  troisième  autour  des 
médaillons  de  ce  même  panneau  et  enfin 
les  montants  extérieurs  ont  une  forme  à 
part. 

Au  milieu,  le  fond  est  rouge,  semé  d'an- 
nelets,  alternativement  en  blanc  pointillé 
de  bleu  ou  en  vert  pointillé  de  blanc  au 
pourtour  des  médaillons,  le  fond  est  vert 
et  porte  deux  patinettes  accolées  ou  affron- 
tées, blanches  et  bleues,  sortant  d'un  vase 
bleu  avec  un  cœur  rouge  bordé  de  bleu.  En 
bas,  deux  palmettes  semblables  sont  sépa- 
rées par  un  rond  bleu,  pointillé  de  blanc  ou 
par  un  rond  rouge,  également  pointillé  de 
blanc.  Enfin,  dans  la  première  série  des 
émaux,  nous  trouvons  deux  feuilles  blan- 
ches avec  un  cœur  rouoe. 

Les  croix  des  deux  extrémités  de  l'autel 
sont  particulièrement  riches.  Elles  sont  re- 
haussées de  bandeaux  gemmés  et  perlés:  les 
perles  sortent  d'une  petite  rose  et  forment 
l'orle  des  lignes  transversales  et  les  axes. 
Le  fond  est  en  émail  vert,  avec  des  pal- 
mettes blanches  qui  se  répètent  aussi  sur  le 
losange.  Ou  bien  encore  le  losange  offre  sur 
émail  vert  des  dessins  blancs,  d'où  jaillissent 
des  crochets  de  même  nuance  ;  quant  à  l'ex- 
térieur du  cadre  et  aux  diagonales,   on   y 


trouve  un  échiqueté  de  blanc,  pointillé  de 
vert  ou  de  vert,  pointillé  de  bleu. 

La  grande  bordure  émaillée  du  pourtour 
ressemble  à  celle  des  montants  extrêmes  ; 
autrement  dit,  le  fond  est  vert  translucide 
avec  une  série,  en  haut  et  en  bas,  de  petits 
lobes  bleus  à  bordure  blanche  et,  au  centre, 
de  gros  pois  bleu  turquoise,  qui  est  la 
nuance  générale  du  bleu.  Le  bleu  et  le 
blanc  sont  opaques. 

A  l'intérieur,  au  côté  gauche,  sont  douze 
petites  plaques  semblables,  quatre  par 
cadre.  Le  fond  est  vert,  égayé  de  quatre 
fleurons  opposés  en  sautoir  ou  blanc  avec 
t  un  losange  rouge  au  cœur,  lobes  bleus  dans 
les  joints  et,  aux  angles,  fleurons  gris. 

Les  neuf  plaques  du  côté  droit  présentent 
un  autre  dessin  :  le  fond  est  vert,  avec  de 
longues  feuilles  rouges  et  le  reste  blanc  et 
!  gris  au  cœur  et  aux  angles.  En  haut  et  en 
bas,  il  y  a  six  plaques,  dont  les  feuillages, 
alternativement  rouges  et  blancs,  ressortent 
sur  un  fond  vert. 

A  la  plaque  du  centre,  il  y  a  les  trois 
nuances  blanc,  bleu  et  gris  et,  en  haut,  une 
seule  fois  du  rouge.  Certaines  parties  res- 
i  semblent  à  la  grande  bordure,  à  part  toute- 
fois que  le  bleu  des  lobes  est  remplacé  par 
de  l'émail  gris. 

Au  côté  gauche,  nous  constatons  encore 
toujours  le  fond  vert,  avec  des  détails  bleu- 
lapis,  blanc  et  bleu-turquoise,  mais  peu  de 
rouge. 

Les  émaux  sont  striés,  sur  le  fond,  de 
lignes  horizontales  et  verticales  qui  se  cou- 
pent à  angle  droit,  de  manière  à  mieux 
faire  adhérer  la  pâte.  On  ne  s'aperçoit  du 
procédé  qu'aux  endroits  où  l'émail  a  disparu. 

Les  montants,  aux  extrémités,  entre  les 
deux  bandes  d'émaux,  sont  modernes, 
ainsi  que  leurs  attaches  de  filigranes.  La 
bordure  en  or  qui  forme  encadrement  est 
également  de  notre  époque.    Les  bordures 


île  trésor  de  l'église  £>r*2tmbrotse  a  0f)tlan.       511 


inférieures  et  supérieures  sont  en  argent  ; 
en  haut,  on  remarque  des  croix  gemmées 
et,  en  bas,  des  fleurons  émaillés. 

Les  filigranes  sont  partout  très  soignés: 
plusieurs  des  attaches  se  sont  conservées 
sur  les  côtés,  et  il  a  été  facile  de  les  copier 
pour  la  partie  renouvelée.  Les  vrilles  se 
terminent  par  une  tête  d'épingle  et,  de 
distance  en  distance,  saillissent  des  roses 
en  relief  et  de  petits  cônes,  sans  doute 
pour  imiter  des  grappes  de  raisin  ('). 

La  question  des  émaux  ayant  particu- 
lièrement préoccupé  un  de  ses  historiens 
les  plus  distingués,  Alfred  Darcel,  je  dois 
m'y  arrêter  encore  un  instant  pour  l'éclairer 
autant  que  possible  sur  leur  nationalité. 

Cet  archéologue  classe  parmi  les 
«émaux  byzantins»  ceux  de  «  l'autel  d'or  de 
St-Ambroise  de  Milan,  fabriqué  par  Vol- 
vinius  en  825  ».  (Gaz.  des  Beaux-Arts, 
t.  XXII,  p.  431).  Si  Volvinius  est  l'auteur 
incontesté  des  plaques  d'orfèvrerie,  com- 
ment ne  le  serait-il  pas  aussi  des  émaux 
qui  complètent  son  œuvre  et  peut-on  sup- 
poser qu'il  ait  appelé  à  son  aide  des  artistes 
étrangers  pour  parachever  \&paliotto  ?  Son 
nom  n'indique  pas  le  moins  du  monde  une 
origine  orientale  ;  pourquoi  alors  admettre, 
gratuitement  et  sans  preuves,  deux  mains 
et  deux  procédés,  là  où  un  seul  artiste, 
orfèvre  et  émailleur,  suffit  à  tout  expliquer  ? 
Si  l'orfèvrerie  est  occidentale,  1  emaillerie 
l'est  aussi  et  jusqu'à  présent  aucun  argu- 
ment sérieux  n'a  été  produit  pour  établir 
une  distinction  et  une  provenance  que  con- 
tredit explicitement  l'inscription  ou  plutôt 
la  signature,   car  alors  Volvinius,  pour  être 

1,  Nous  ne  saurions  trop  louer  le  zèle  du  prévôt  Gabriel 
Nava,  et  du  chancelier  du  chapitre  Luigi  Tosi  qui,  en 
1797,  par  leur  fermeté  et  leur  habileté  parvinrent  à  sauver 
l'autel  d'or  de  la  rapacité  du  Directoire  Exécutif  de  la 
République  qui  avait  décrété  sa  réquisition.  Ferrario 
rapporte,  p.  126-129,  les  documents  à  l'appui  ;  ils  méri- 
tent certainement  de  passer  à  la  postérité. 


vrai,   aurait   dû  ajouter:  cum    socio    suo... 
grœco. 

Darcel  écrivait  en  1875  dans  la  Gazette 
des  Beaux- Art  s  (2e  pér.,  t.  XI,  p.  184)  : 
«  Nous  avouons  ne  point  reconnaître 
d'émaux  du  IXe  siècle  autres  que  les  vrais 
byzantins,  cloisonnés  en  or».  Il  sera  satis- 
fait, car  voici  un  produit  non  byzantin,  qui 
est  incontestablement  du  IXe  siècle  (r). 

1.  L'histoire  de  l'émaillerie  se  poursuit  ainsi  aux  Xe  et 
XIe  siècles  :  Les  reliquaires  du  bâton  de  S.  Pierre  et  du 
S.  Clou  prouvent  qu'au  Xe  siècle  on  cultivait  l'émaillerie 
à  Trêves  et  par  conséquent  en  Allemagne.  Une  lettre, 
adressée  à  l'archevêque  de  Trêves  par  l'archevêque  de 
Reims,  le  célèbre  Gerbert,  fait  allusion  à  ce  mode  de 
décoration  (Rev.  de  l'Ait  chrét.y  t.  XXXI,  p.  73),  qui  est 
appelé  tout  bonnement  du  verre.  La  date  de  cette  lettre 
se  place  entre  975  et  988.  «  Destinato  operi  designatas 
mittimus  species  (la  matière)  admirabilem  formam  (le 
dessin)  et  quas  mentem  et  oculos  pascat...  Exiguam  ma- 
teriam  nostram  magnum  et  célèbre  ingenium  vestrum 
nobilitavit,  cum  adjunctione  vitri,  tum  compositione 
artificis  elegantis  »  {Epist.  civ,  Palrolog.,  édit.  Migne, 
t.  137,  col.  514). 

«  Il  est  constant  qu'à  la  fin  du  XIe  siècle,  Didier,  abbé 
du  Mont  Cassin,  fut  contraint  d'avoir  recours  aux  ouvriers 
de  Constantinople  pour  faire  exécuter  un  parement  d'au- 
tel où  la  légende  de  S.  Benoît  était  figurée  par  des 
émaux.  Cependant  un  auteur,  a  peu  près  contemporain, 
le  moine  Théophile,  en  décrivant  la  fabrication  des  émaux 
dont,  en  son  temps,  on  décorait  les  pièces  d'orfèvrerie, 
nous  prouve  que  les  procédés  byzantins  étaient  pratiqués 
dans  la  contrée  où  il  travaillait,  contrée  qui  était  ou 
l'Italie  du  Nord,ou  plus  probablement. l'Allemagne. L'Alle- 
magne, en  effet,  semble  pouvoir  revendiquer  la  fabrication 
de  plusieurs  émaux  cloisonnés  conservés  dans  le  trésor 
de  l'église  d'Essen...  L'un  représente...  deux  person- 
nages désignés  par  les  inscriptions  :  MATHILD  ABBA 
et  OTTO  DVX.  La  Mathilde  dont  il  s'agit  est  la  fille  de 
Ludolf,  fils  aîné  de  Othon  II  et  abbesse  d'Essen  de  974 
à  1013.  L'Othon  est  son  frère,  duc  de  Souabe  de  973  à 
982.  Sur  la  seconde  plaque,...  l'inscription  MATHILD 
(is)  ABATTI  (ssa)  désigne  la  même  Mathilde.  Enfin  une 
troisième  croix  porte  sur  sa  tranche,  en  argent  repoussé, 
le  nom  de  Théophanie,  petite-fille  de  l'impératrice  du 
même  nom,  abbesse  d'Essen  de  1041  à  1054... 

«  Il  y  a  de  grandes  différences  dans  l'inscription  de  ces 
émaux.  Le  premier  dénote  un  ouvrier  habile  et  qui  devait 
être  un  artiste  byzantin  travaillant  pour  une  princesse. 
Le  second  est  d'une  exécution  maladroite  et  pourrait  bien 
être  l'œuvre  de  quelque  ouvrier  allemand  voulant 
s'astreindre  à  une  pratique  nouvelle  pour  imiter  peut- 
être  le  précédent  émail  donné  par  Othon  à  sa  sœur.  Ce 
serait  le  fait  de  quelque  orfèvre  ouvrier  de  l'abbaye 
d'Essen. 

«Quant  aux  émaux  de  la  troisième  croix,  ils  sont  en 
décadence  par  rapport  à  ceux  de  la  seconde  et  ils  montrent 
même   l'alliance  des   deux  procédés   du  cloisonné  et   du 


512 


Peinte  lie  Part  cbrétten. 


Je  répondrai  maintenant  à  Paul  Mantz, 
à  propos  du  bijou  du  roi  Alfred  (872-900), 
conservé  à  Oxford  {Gazette  des  Beaux- Arts, 
2e  pér.,  t.  I,  p.  7-8).  La  face  présente  «  une 
sorte  d'émail  ou  de  pâte  vitreuse  où  domi- 
nent trois  couleurs  :  le  vert,  le  violet  pour- 
pre et  le  bleu  foncé.  Les   chairs  sont  d'un 


champlevé,  alliance  à  laquelle  les  émailleurs  allemands 
se  montrent  fidèles  dans  leurs  premiers  monuments 
d'émaillerie  sur  cuivre  I  {Gazette  des  Beaux-Arts, 
t.  XXII,  p.  432-434). 


blanc  légèrement  teinté  de  gris.  »  L'auteur 
paraît  être  un  anglo-saxon,  assez  barbare, 
quoique  Paul  Mantz  y  voie  un  parti  pris 
d'école  dont  le  principe  doit  être  cherché 
dans  l'art  byzantin.  On  ne  pouvait  guère, 
à  la  fin  du  IXe  siècle,  regarder  d'un  autre 
côté*  Le  paliotto  de  Milan  dément  formel- 
lement cette  assertion. 


(A  suivre.) 


X.  Barbier  de  Montault, 

prélat  de  la  Maison  de  S.  S. 


J^E*  A*g*  *?*U  A^A  A*VU  A^*  A*»E*  &U  A^k  **g*  A**k  A**U  A^k  A*?U  A^U  *^S 


iinnn  rxn  n  rtnu 


£g  ^@^^^©^k©^)  ffiélanges. 


ciiiiiriirxixxnraiiJiJxiJuiixiiixiiiiiiixiT^  x  ri  rïri  rrrrr^ 


fictnturc  sur  ticrre. 


N  jeune  peintre  verrier  qui  a  suivi 
la  dernière  excursion  de  la  Gilde 
de  Saint-Thomas  et  de  Saint- 
Luc  à  Chartres,  au  Mans,  à  An- 
gers et  dans  d'autres  villes  de  France,  nous 
adresse  les  notes  suivantes.  Elles  sont  le 
résultat  de  ses  observations  et  manifestent 
sa  grande  admiration  à  la  vue  des  magni- 
fiques vitraux  qui  ornent  encore  ces  diffé- 
rentes cathédrales. 

Les  vitraux  ont  été  souvent  étudiés,  et 
les  sentiments  d'admiration  qu'ils  inspirent 
ont  depuis  longtemps  trouvé  d'éloquents 
interprètes  :  les  principes  de  la  peinture  sur 
verre,  telle  qu'elle  doit  être  comprise  et 
qu'indique  M.  Osterrath,  ont  souvent  été 
formulés.  Mais  comme  ils  sont  trop  fré- 
quemment méconnus  par  un  grand  nombre 
de  peintres  verriers  modernes,  il  y  a  utilité 
à  les  rappeler  ;  et,  dans  tout  état  de  cause, 
nous  éprouvons  une  véritable  satisfaction  à 
les  voir  affirmer  une  fois  de  plus,  par  un 
praticien  qui,  sans  doute,  les  fera  prévaloir 
dans  ses  propres  travaux. 

«  Au  cours  de  l'excursion  dans  le  Maine, 
l'Anjou  et  la  Touraine,  la  Gilde  de  Saint-Thomas 
et  de  Saint-Luc  eut  l'occasion  d'admirer,  outre 
les  merveilles  architecturales  du  moyen  âge,  les 
chefs-d'œuvre  de  la  peinture  sur  verre. 

Quel  spectacle  plus  grandiose  pourrait  s'offrir 
à  l'œil  de  l'artiste,  que  celui  des  cathédrales  de 
Chartres  et  du  Mans  !  Certes  leurs  gigantesques 
et  superbes  constructions  impressionnent  vive- 
ment l'âme,  celle-ci  fût-elle  même  peu  sensible 
aux  beautés  de  l'art  ;  mais  aussi  quelle  part 
importante  les  verrières  n'apportent-elles  pas 
à  la  majesté  de  ces  édifices  ! 

Les  XIIe  et  XIIIe  siècles  furent  pour  la 
peinture  sur  verre  l'apogée  de  cet  art,  comme  ils 


l'ont  été  d'ailleurs  pour  la  sculpture  et  l'archi- 
tecture. 

Les  tendances  au  naturalisme,  secondées  par 
de  nouvelles  découvertes  techniques  dont  bientôt 
on  fit  abus,  prévalurent  ensuite;  la  gravure  du 
verre  par  l'acide,  l'emploi  de  l'or  et  de  l'argent, 
apportent  au  peintre  verrier  de  nouvelles  facilités. 
Le  XVe  siècle  déjà  en  abuse  largement,  le  XVIe 
aggrave  le  mal  en  s'écartant  complètement  de 
tous  les  principes  anciens.  Engagé  dans  cette 
voie  fâcheuse,  en  dehors  de  tout  principe,  et 
renonçant  à  toutes  les  traditions,  le  vitrail  dispa- 
raît et  devient  tableau  plus  ou  moins  transparent. 

Cette  décadence  fit,  au  bout  de  deux  siècles, 
tomber  complètement  dans  l'oubli  un  art  dont  le 
moyen  âge  a  su  tirer  un  si  magnifique  parti.  De- 
puis une  soixantaine  d'années  seulement,  grâce  à 
l'initiative  de  fervents  artistes  secondés  par  des 
hommes  qui  possédaient  une  connaissance  appro- 
fondie de  l'archéologie,  on  a  vu  reparaître  les 
procédés  et  les  pratiques  de  l'art  ancien  et  bien- 
tôt, cette  voie  une  fois  ouverte,  le  mouvement 
s'accentuer  dans  ce  sens  avec  une  rapidité  remar- 
quable. Malheureusement,  de  nos  jours,  beaucoup 
de  peintres  verriers  se  laissent  guider  encore  par 
la  fantaisie  rejetant  les  principes  anciens  et 
obéissant  aux  caprices  d'une  mode  sans  art. 

Jetons  un  regard  rapide  sur  les  travaux  des 
peintres  verriers  du  moyen  âge,  sur  leurs  modes, 
sur  l'âge  d'or  de  la  peinture  sur  verre,  je  parle 
des  XIe,  XIIe  et  XII 1°  siècles. 

Toutes  ces  œuvres  respirent  une  grande  naïveté 
unie  à  un  sentiment  sincèrement  pieux  et  chré- 
tien. 

Certes  le  dessin  était  moins  développé  dans 
les  débuts,  moins  correct,  mais  la  conception 
générale  et  la  coloration,  par  leur  franchise  et 
leur  éclat,  effaçaient  complètement  aux  regards 
les  imperfections  de  la  forme. 

Le  vitrail  était  réellement  un  vitrail  ;  sa  tech- 
nique parfaitement  comprise  et  habilement  ap- 
pliquée en  assurait,  plus  qu'à  n'importe  quelle 
autre  époque,  toute  la  beauté.  Pas  de  perspective 
dans  le  dessin,  pas  de  succession  dans  les  plans, 
pas  d'ombres  cherchant  l'effet  plastique  ;  seul  le 


REVUE  DE  L'ART  CHRETIEN. 
1899.  —  6me  LIVKAISON. 


5'4 


ïUtnte  De  l'gtrt  chrétien* 


trait  accusait  les  ombres  et  le  dessin  ;  partout, 
Sans  obstacle,  la  lumière  traversait  le  vitrail  : 
celui-ci  était  une  vraie  peinture  plate  et  ne  pa- 
raissait pas  comme  troué  par  l'application 
d'ombres  plus  ou  moins  opaques. 

C'était  à  vrai  dire  une  nappe  transparente  en 
tous  points  et  ornée  de  traits  formant  dessins. 
Le  plomb  s'ajoutait  à  la  ligne,  accentuant  habi- 
lement le  dessin  tout  en  se  confondant  avec  lui. 

Le  dessin  d'ornement  avait  atteint  son  maxi- 
mum de  richesse  et  de  grandeur  :  les  belles 
bordures  de  ces  époques,  surtout  celles  du  XIIe 
siècle,  en  témoignent  assez.  Animaux  et  flore 
idéalisés,  s'entrelaçant  avec  grâce  sans  se  répéter, 
offraient  la  plus  grande  variété  dans  l'expression 
du  génie  artistique  qui  domine  ces  superbes 
mosaïques.  Quant  à  l'effet  magique  de  la  colo- 
ration, jamais  il  n'a  été  surpassé  dans  la  suite; 
ces  verres  bleus  et  rouges,  parsemés  d'inégalités 
de  tons,  présentent  réellement  l'aspect  de  la  mo- 
saïque, et,  par  leur  force  donnent  à  toute  cette 
coloration  si  vive  et  si  harmonieuse,  un  aspect 
grandiose. 

La  palette  du  peintre  verrier  se  composait  de 
peu  de  couleurs,  mais  toutes  sont  également 
puissantes  et  belles  ;  son  talent  excellait  surtout 
dans  l'heureuse  juxtaposition  de  ces  couleurs. 
Avec  un  petit  nombre  de  verres  différents  il 
obtenait  une  parfaite  unité  dans  la  coloration. 

Chartres  et  le  Mans  possèdent  certainement 
les   plus   belles  pages  de    la  peinture  sur  verre. 


Angers  et  Tours  en  offrent  également  bon 
nombre;  malheureusement  celles  des  deux  der- 
nières cathédrales  sont  trop  peu  connues;  elles 
mériteraient  de  l'être  tant  à  cause  de  leur  nombre 
que  pour  leur  grande  variété.  C'est  à  ces  sources  et 
à  ces  sources  seulementque  de  nos  jours  le  peintre 
verrier  doit  puiser  et  faire  son  école.  Il  y  trouvera 
avec  l'habileté  de  l'exécution,  la  parfaite  connais- 
sance artistique  et  théorique  du  vrai  vitrail,  les 
principes  si  profondément  religieux  de  nos 
ancêtres.  S'il  sait  s'y  conformer,  toutes  ses 
œuvres  en  porteront  la  trace. 

Je  ne  m'attarderai  pas  à  faire  ici  l'historique  de 
la  peinture  sur  verre  ni  à  décrire  sa  technique  à 
travers  les  diverses  époques,  le  sujet  en  serait 
trop  long,  et  fournirait  matière  à  des  volumes. 
De  plus  érudits  ont  longuement  et  savamment 
traité  ces  questions. 

Mon  seul  but  était  de  constater  une  fois  de 
plus  la  supériorité  des  époques  primitives  du 
XIe  au  XIIIe  siècle  dans  le  domaine  de  la  pein- 
ture sur  verre,  et  d'exprimer  l'espoir  que,  grâce  à 
l'étude  de  ces  chefs-d'œuvre,  le  peintre  verrier 
pourra  de  nouveau  arrivera  produire  des  œuvres 
de  même  valeur. 

L'étude  en  est  longue,  mais  le  résultat  sera 
abondant;  il  obtiendra,  comme  l'ont  obtenu  nos 
ancêtres,  la  réalisation  de  l'idéal  du  véritable 
artiste  chrétien,  la  glorification  de  Dieu  par  ses 
œuvres.  » 

Joseph  OSTERRATH. 


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» 
§ 


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description  D'une  église  cfjrétïennc 
au  IIe  siècle. 


lie  Testament  Du  seigneur. 

ON  Excellence  Mgr  Ephrem  Rhàmani, 
patriarche  syrien  d'Antioche,  est  un 
prélat  qui  unit  aux  labeurs  d'un  fati- 
gant apostolat  l'amour  de  l'étude,  et 


la  recherche  des  monuments  qui  se  rattachent 
aux  premiers  siècles  de  l'Église.  Il  n'y  a  plus 
guère  de  trouvailles  à  espérer  en  compulsant 
les  documents  latins  ou  grecs,  et  force  est,  pour 
trouver  de  l'inédit,  de  recourir  aux  Orientaux 
qui  ont  fait,  à  des  époques  plus  ou  moins  loin- 
taines, des  versions  de  textes  grecs  aujourd'hui 
disparus. 

Mgr  Rhàmani  a  trouvé,  dans  la  bibliothèque 
métropolitaine  de  Mossoul,  un  manuscrit  de 
1654  contenant,  outre  la  version  syriaque  de  la 
Bible,  la  Peschito  ou  Pshittà,  la  série  des  livres 
que  nous  connaissons  sous  le  nom  de  Canons 
des  apôtres, Canons  ecclésiastiques,  Constitutions 
apostoliques,  Sentences  des  apôtres.  Mais  ces 
livres  étaient  précédés  de  deux  autres,  cités  par 
l'antiquité,  et  jusqu'à  hier  perdus.  L'un  était  le 
«  Testamentum  Dominé,  seu  verba  quae  Dominas 
noster  a  mortués  resurgens  ad  apostolos  habilita. 
L'autre  «  Jussa  et  statu  ta  Dominée. 

Ces  livres  ont  été  cités  par  l'antiquité,  et  de 
leur  étude  il  ressort  que,  soit  les  Canons  des 
apôtres,  soit  les  Constitutions  apostoliques,  n'ont 
été  qu'une  sorte  de  commentaire  de  ce  livre 
primitif.  C'est  ce  que  démontre  magistralement 
l'auteur  dans  les  prolégomènes.  Mgr  le  patriarche 
en  a  retrouvé  des  fragments  dans  un  manuscrit 
du  VIIIe  siècle  de  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris,  et  une  copie  assez  récente  au  Musée 
Borgia,  à  Rome,  qui  contient  aussi  une  version 
arabe  du  même  texte.  Les  fragments  du  codex 
du  VI IIe  siècle  suffisent  à  eux  seuls  pour  montrer 
l'antiquité  des  manuscrits  de  ces  livres. 

antiquité  Du  Dominent. 

IL  serait  trop    long  de  résumer    les    savants 
prolégomènes  qui  précèdent  le  texte  syriaque 
et  les  dissertations  qui  le  suivent.  Le  volume  est 


imprimé  à  Leipsig,  chez  W.  Drugulin,  Konigs- 
strasse,  10,  où  les  savants  pourront  se  le  pro- 
curer. Cependant  il  faut,  avant  d'entrer  dans  le 
vif  du  sujet,  dire  un  mot  en  passant  des  ar- 
guments qui  prouvent  la  haute  antiquité  de 
ces  deux  livres. 

Ce  livre  appartient  indubitablement  à  l'épo- 
que des  persécutions.  L'évêque  recommande  aux 
prières  les  confesseurs  qui  gémissent  dans  les 
fers  et  s'adresse  à  Dieu  pour  leur  délivrance  ; 
il  implore  pour  les  fidèles  la  constance  dans  les 
supplices  ;  il  parle  des  catéchumènes  jetés  dans 
les  fers  ou  condamnés  à  mort  avant  d'avoir  reçu 
le  saint  baptême.  Nous  sommes  en  pleine  per- 
sécution. 

Le  livre  existait  avant  le  commencement  du 
IVe  siècle.  Il  détermine  en  effet  que,  pour  l'ordi- 
nation d'un  évêque,  un  seul  évêque  suffira,  les 
autres  prélats  rassemblés  n'étant  là  qu'ad  solem- 
nitatem.  Or  le  Concile  d'Arles  établit  (en  314, 
can.  21)  que  l'ordination  épiscopale  devra  être 
conférée  par  trois  évêques. 

Il  existait  au  milieu  du  IIIe  siècle.  Les  pé- 
nitents existent  dans  ce  Testament,  il  est  vrai, 
mais  ils  ne  forment  pas  encore  une  classe  séparée, 
soumise  à  certaines  règles  déjà  établies,  témoin 
S.  Grégoire  de  Néo-Césarée,  au  milieu  du 
IIIe  siècle.  De  même,  à  l'époque  de  S.  Cyprien 
(251),  les  sous-diacres  avaient  le  pas  sur  les 
lecteurs.  Ici  les  lecteurs  passent  après  les  diacres, 
et  les  sous-diacres  n'ont  pas  d'attributions  bien 
définies. 

Après  les  diacres  viennent,  non  pas  les  dia- 
conesses, qui  sont  postérieures,  mais  les  veuves, 
suivant  le  précepte  de  S.  Paul.  Elles  ont  une 
place  à  part  dans  l'église,  reçoivent  de  l'évêque 
une  bénédiction  particulière  qui  les  constitue  in 
ordine  viduitatis,  chose  que  n'ont  pas  encore 
les  vierges.  Elles  sont  obligées  à  des  prières 
réglées  ;  en  un  mot  elles  constituent  le  premier 
ordre  religieux  de  femmes  dans  l'Eglise. 

Mais  nous  pouvons  sans  peine  remonter  en- 
core plus  haut. 

Prêtres  et  évêques  doivent,  ce  trait  est  à  noter, 
observer  le  célibat,  et  pour  mieux  le  garder,  sont 
astreints  à  l'abstinence  de  vin  et  de  viande.  Le 


5'6 


Bebuc  t>e  r^Lrt  chrétien. 


Baptême  se  confère  in  aquis  fluentibus.  Le  Sym- 
bole des  apôtres  forme  la  triple  demande  que  fait 
l'évêque  au  baptisé,  mais  on  n'y  voit  pas  le  dogme 
de  la  résurrection  des  morts,  qui  était  encore 
sous  la  loi  de  Yarcanum  et  ne  se  communiquait 
qu'après  le  Baptême.  La  liturgie  nous  offre 
aussi  un  argument  bien  intéressant  à  développer, 
s'il  ne  devait  pas  nous  entraîner  trop  loin.  La 
communion  n'est  pas  distribuée  par  l'évêque, 
mais  par  le  diacre,  qui  donne  à  chaque  fidèle 
et  le  corps  et  le  sang  du  Sauveur,  comme  cela 
se  pratiquait  à  l'époque  de  saint  Justin  ;  c'est  la 
communion  sous  les  deux  espèces. 

Mais  enfin  ce  livre  contient  une  prière  qui 
suppose  que  les  charistnata  étaient  encore  un 
don  habituel  dans  l'Église...  Ceux  qui  les  pos- 
sèdent ont  une  place  à  part  dans  l'assemblée 
des  fidèles,  et  à  la  messe,  l'évêque  récite  pour 
eux  cette  oraison  :  «  Eos  qui  sunt  in  charisma- 
tibus  revelationum,  sustine  usque  in  finem  ;  qui 
sunt  in  charismate  sanationis,  confirma  ;  qui  ha- 
bent  virtutem  liuguarum,  robora.  »  Or,  ces  cha- 
risma ta  ont  cessé,  au  temps  de  S.  I renée,  de 
faire  partie  de  la  vie  habituelle  de  l'Église,  et 
n'y  sont  restés  que  d'une  façon  intermittente 
suivant  les  besoins  des  fidèles.  Le  manuscrit 
lui  est  donc   antérieur. 

Mais  tout  ceci  n'est  qu'un  prolégomène,  aussi 
écourté  toutefois  qu'il  était  nécessaire.  J'en  ar- 
rive maintenant  à  la  façon  dont  était  conçue 
l'église,  ou  lieu  d'assemblée  des  fidèles,  à  ces 
premiers  temps  du  christianisme. 

Cette  description  rentre  évidemment  dans  le 
cycle  de  la  Revue  de  l'Art  chrétien,  car  elle  est 
comme  un  manuel  d'architecture  religieuse  de 
l'époque,  et  que  l'on  suivait  autant  que  les  cir- 
constances le  permettaient. 

Je  me  contente  de  traduire  la  version  latine 
très  fidèle  que  Son  Excellence  le  patriarche 
d'Antioche  a  mise  en  regard  du  texte  syriaque 

Description  ou  lieu  o'a&fcmblcc  ûe£  tibélec 

(Chap.  XIX  et  suiv.  du  livre  I,  Testamentum 
Domini...) 

«  Je  vous  dirai  donc  comment  il  faut  orga- 
niser la  maison  sainte  et  donnerai,  après,  la  sainte 
règle  pour  les  prêtres  de  l'Église. 

«  L'Église  doit  être  ainsi  :  qu'elle  ait  trois  en- 
trées comme  le  type  de  la  Trinité. 


«  Le  Diaconicon  sera  à  droite  de  l'entrée  de 
droite  pour  que  l'on  puisse  voir  les  Eucharisties 
et  oblations  que  l'on  offre.  Le  Diaconicon  doit 
avoir  un  atrium  avec  un  portique  qui  l'entoure. 

«  Il  y  aura  dans  l'atrium  la  maison  du  baptis- 
tère, ayant  21  coudées  (x)  de  long  pour  figuier 
le  nombre  complet  des  prophètes,  et  une  largeur 
de  12  coudées  pour  représenter  ceux  qui  ont 
été  constitués  pour  prêcher  l'Évangile.  Il  y  aura 
une  porte  pour  entrer,  et  trois  portes  pour  sortir. 

«  L'église  aura  la  maison  des  catéchumènes 
qui  sera  aussi  la  maison  de  ceux  qui  doivent  être 
exorcisés.  Que  cette  maison  ne  soit  point  sé- 
parée de  l'Eglise,  c'est-à-dire  de  la  maison  sainte, 
puisqu'il  est  nécessaire  que  les  catéchumènes  qui 
s'y  tiennent  debout,  écoutent  les  leçons,  les  can- 
tiques spirituels  et  les  psaumes. 

«  Ensuite  que  le  trône  (de  l'évêque)  soit  vers 
l'Orient,  et  à  droite  et  à  gauche  seront  les  places 
des  prêtres.  A  droite,  s'asseoiront  ceux  qui  sont 
plus  éminents  et  plus  honorables  et  qui  travail- 
lent au  ministère  de  la  parole  ;  à  gauche,  ceux 
d'un  âge  moyen. 

«  Que  ce  lieu  du  trône  soit  élevé  de  trois  gradins, 
parce  qu'il  faut  y  placer  aussi  l'autel.  Que  cette 
maison  ait  à  droite  et  à  gauche  deux  portiques, 
l'un  pour  les  hommes,  l'autre  pour  les  femmes. 

«  Que  tous  ces  lieux  soient  éclairés,  soit  à  cause 
de  la  signification  (mystique),  soit  pour  les  leçons. 

«  L'autel  aura  un  voile  de  pur  byssus,  parce 
qu'il  est  immaculé. 

«Que  le  baptistère  soit  de  même  couvert  d'un 
voile. 

«  Que  l'on  construise  pour  les  commémoraisons 
un  lieu  où  se  tiendront  le  prêtre  avec  le  premier 
diacre  et  les  lecteurs  qui  inscriront  les  noms  de 
ceux  qui  offrent  des  oblations,  ou  de  ceux  au 
nom  de  qui  elles  sont  offertes,  afin  que  lorsque 
le  sacrifice  est  célébré  par  l'évêque,  le  lecteur 
ou  le  premier  diacre  les  nomme  dans  la  commé- 
moraison  que  font  pour  eux  les  prêtres  et  l'as- 
semblée suppliante.  Tel  est  en  effet  le  type  dans 
le  ciel. 

«  Le  lieu  des  prêtres  est  derrière  le  voile,  près 
du  lieu  des  commémoraisons. 

I.  La  coudée  de  cette  époque  oscillerait  entre  45  et 
50  centimètres,  ce  qui  donnerait  pour  le  baptistère  une 
pièce  ou  espace  de  10  mètres  sur  6. 


Correspondance. 


517 


«  Près  du  Diaconicon  il  y  aura  le  tronc  et  le 
gazophylaciu  m . 

«  Que  le  lieu  pour  lire  les  leçons  soit  peu  distant 
de  l'autel. 

«  La  maison  de  l'évêque  sera  près  du  lieu  que 
l'on  appelle  atrium. 

«  Il  y  aura  de  même  la  maison  des  veuves  qui 
sont  dites  avoir  la  préséance  du  siège. 

«  La  maison  des  prêtres  et  des  diacres  sera 
près  du  baptistère. 

«  Les  diaconesses  au  contraire  se  tiendront 
près  de  la  porte  dominicale. 

«  L'église  aura  à  proximité  un  hospice  dans 
lequel  le  premier  diacre  recevra  les  pèlerins.  » 

Ob£erbatfon£. 

IL  y  aurait  de  longs  et  savants  commentaires 
à  faire  sur  ce  texte,  mais  je  ne  suis  pas  assez 
savant  pour  les  faire  longs.  Je  me  bornerai  donc 
à  quelques  simples  remarques  qui  jaillissent  na- 
turellement des  lignes  qui  précèdent. 

Tout  d'abord  il  existe  un  type  de  cette  église 
primitive  :  c'est  l'église  de  Choré  à  Constantino- 
ple,  église  bien  ancienne,  puisqu'elle  est  men- 
tionnée en  280.  Elle  a  son  diaconicon,  son  atrium, 
et  la  maison  des  catéchumènes  est  adossée  à  l'é- 
glise avec  laquelle  elle  communique  par  le  moyen 
d'une  porte  que  l'on  ouvre  pendant  la  partie  des 
offices  à  laquelle  ceux-ci  peuvent  assister. 

Ensuite,  il  ne  faudrait  pas  prendre  à  la  lettre 
le  mot  aedes  comme  si  c'était  toujours,  dans  cette 
description,  un  édifice  totalement  séparé  des 
autres,  ayant  sa  maçonnerie  indépendante.  Cela 
pourra  se  faire  plus  tard,  quand  la  paix  aura  été 
rendue  à  l'Église,  mais  en  ces  temps  on  se  bor- 
nait à  établir  des  séparations  entre  les  diffé- 
rentes parties  de  l'édifice  suivant  les  services 
auxquels  elles  étaient  destinées.  Nous  en  avons 
la  preuve  quand  on  parle  de  Yaedes  catechume- 
norum.  Ce  lieu  ne  doit  pas  être  séparé  de 
l'église,  puisque  les  catéchumènes  doivent,  sans 
sortir  de  l'endroit  qui  leur  est  assigné,  pouvoir 
écouter  les  leçons  et  chanter  avec  le  peuple. 
Exception  est  faite  pour  le  Diaconicon  qui  doit, 
dans  son  atrium,  contenir  le  baptistère. 

L'église  est  déjà  orientée  liturgiquement.  Le 
trône  de  l'évêque  est  à  l'Orient,  il  a  devant  lui 
l'autel,  à  droite  et  à  gauche  les  prêtres,  en  un 
mot,  ce  que  nous  appelons  l'abside  se  retrouve 
déjà  à  cette  époque,  et  nous  en  avons  fait  ce 
qu'on  appelle  à  Rome  le  type  basilical. 


Quand  on  dit  que  l'église  doit  avoir  deux  por- 
tiques, l'un  pour  les  hommes,  l'autre  pour  les 
femmes,  on  ne  parle  pas  de  portiques  extérieurs; 
ils  sont  au  contraire  au  dedans  de  l'église,  et  for- 
ment les  deux  nefs  latérales.  C'est  pour  cela  qu'il 
y  a  trois  portes,  l'une  pour  les  hommes  corres- 
pondant à  leur  portique  ou  leur  nef,  l'autre  pour 
les  femmes,  et  celle  du  milieu  pour  l'entrée  du 
clergé,  les  cérémonies,  etc.  Nous  voyons  déjà  la 
séparation  des  sexes,  qui  est  encore  de  rigueur 
dans  nombre  d'églises  en  Italie. 

Il  peut  être  intéressant  de  comparer  ce  pas- 
sage avec  celui  des  Constitutions  apostoliques 
qui  lui  est  certainement  postérieur,  et  s'en  peut 
dire  le  commentaire.  (Coust.  Apost.,  liv.  II,  chap. 
557,  Patr.  grec,  Migne,  t.  II,  pag.  725.) 

«  Tout  d'abord  que  l'édifice  soit  oblong,  tourné 
vers  l'Orient  et  ayant  deux/tfjA7//W/tf  (portiques) 
tournés  vers  l'Orient,  et  qu'il  soit  semblable  à  un 
navire.  Au  milieu  est  le  trône  de  l'évêque  ;  de 
droite  et  de  gauche  s'asseoient  les  prêtres  et  que 
les  diacres  soient  debout  et  légèrement  vêtus  ; 
ils  sont  en  effet  semblables  aux  marins  placés 
aux  flancs  du  navire.  Par  leur  soin,  que  les  laïques 
s'asseoient  de  l'autre  côté  de  l'église,  en  ordre  et 
paix,  que  les  femmes  s'asseoient  séparément  et 
qu'elles  s'abstiennent  de  parler.  Au  milieu  est  le 
lecteur...  » 

On  voit  immédiatement  les  traits  de  ressem- 
blance des  deux  descriptions.  La  première  est 
plus  précise,  parce  qu'il  fallait  fixer  les  règles  qui 
devaient  présider  à  la  construction  de  l'église  ; 
la  seconde  suppose  ces  règles  connues,  en  usage, 
et  insiste  sur  une  signification  mystique  qui  lui 
semble  le  point  important  à  faire  connaître.  L'é- 
glise est  un  vaisseau  dont  les  diacres  sont  les 
marins  et  l'évêque  le  pilote. 

La  publication  du  savant  patriarche  est  appe- 
lée à  avoir  un  grand  retentissement  dans  le 
monde  savant.  Les  deux  livres  qu'il  vient  de  re- 
trouver seront  doctement  commentés;je  voulais 
seulement  les  faire  connaître  aux  lecteurs  de  la 
Revue  de  l'Art  chrétien.  Il  est  consolant  que,  cette 
fois  au  moins,  ce  n'est,  ni  un  protestant,  ni  un 
Juif,  qui  nous  révèle  ces  premiers  monuments 
de  notre  histoire,  et  l'illustre  Église  d'Antioche 
peut  être  à  bon  droit,  fière  de  son  patriarche. 

Albert  Battandier. 


5»8 


3Rcbuc  tic  rart  chrétien. 


Italie. 


EistOia  :  Grpoaition  o'Hrt  sacre.  —  Hnnonciatione.  — 
COtne:  un  tableau  Br  Bapbaelê  —  San  fflinidto  .il 
Tcûc.s'i'0  :  Drcourjfttc  Bf  freenura-   - 

A  Socielà  Utile  e  Diletto  de  Pistoia  a 
organisé  cet  été  une  exposition  agri- 
cole et  industrielle  des  produits  de  la 
région  ;  selon  l'usage  pris  en  Italie,  elle 
a  annexé  à  l'exposition  une  section  rétrospec- 
tive d'art  profane  et  sacré.  Peu  avant  l'ouverture, 
l'entreprise  a  failli  sombrer:  l'exposition  de  Corne 
ayant  été  en  partie  détruite  par  un  incendie,  le 
ministère  de  l'instruction  publique  et  des  Beaux- 
Arts  décida  qu'à  l'avenir  aucun  des  objets 
d'art  dont  il  a  la  tutelle,  ne  figurerait  plus  dans 
les  expositions. 

A  Corne,  la  section  rétrospective  avait  été 
épargnée,  mais  en  vérité  elle  avait  couru  de 
grands  risques  ;  la  décision  du  ministre  était 
sage  et  logique,  cependant  elle  ne  fut  pas  ap- 
pliquée à  Pistoia  en  raison  de  l'état  complet 
des  installations  à  ce  moment-là. 

L'exposition  a  donc  eu  lieu  conformément 
au  programme,  mais  il  est  fort  probable  que 
ce  sera  la  dernière,  au  moins  en  ce  qui  concerne 
les  objets  d'art  appartenant  aux  communes  et 
aux  entités  morales,  civiles  et  religieuses. 

Elle  comprend  dans  la  section  rétrospective 
environ  2000  objets  de  natures  diverses  et  de 
qualités  très  inégales  ;  il  en  est  qu'on  serait 
embarrassé  de  classer  dans  telle  ou  telle  caté- 
gorie. Voici,  par  exemple,  un  bois  de  lit  qui  depuis 
l'an  1336  appartient  à  l'hôpital  del  CV//0,  célèbre 
par  sa  frise  émaillée  établie  de  1514  à  1525. 
C'est  un  vrai  lit  d'hôpital  simple  et  solide,  unique 
fort  probablement  dans  le  monde  entier  par  le 
nombre  de  souffrances  dont  il  a  été  le  témoin 
muet  ;  jusqu'à  un  certain  point  il  se  rattache 
à  l'art,  par  les  peintures  dont  sa  boiserie  de  tête 
est  pourvue.  La  Madone  et  les  Saints  sont  d'une 
médiocre  exécution,  il  est  vrai,  mais  qu'il  ne  faut 
juger  qu'au  point  de  vue  du  sentiment  qui  les  a 
produits.  Ce  lit  est  peut-être  l'un  des  plus  an- 
ciens témoignages  de  la  sollicitude  qu'on  remar- 
que en  Italie,  d'adoucir  aux  malades  le  séjour 
de  l'hôpital  par  la  vue  de  peintures  édifiantes  , 
dans  maintes  cités,    les  anciens  hôpitaux    sont 


des  palais  avec  des  salles  de  malades  décorées 
comme  les  cloîtres  et  les  réfectoires  des  couvents: 
rappelons  seulement  qu'à  l'hôpital  délia  Scala,  à 
Sienne,  on  conserve  une  civière  peinte  à  figures 
par  Benvenuto  di  Giovanni (1496- 15 18)  et  des 
fresques  de  Domenico  Bartoli  (1441),  de  Vec- 
chietta  de  la  même  époque  et  deBeccafumi(i5i2). 
A  Venise,  Lorenzo  Lotto  (1476- 1556),  excellent 
peintre  quoique  de  second  plan,  fut  chargé  de 
peindre  à  figures  et  ornements,  les  tablettes  de 
bois  qu'on  suspendait  au-dessus  des  lits  et  qui 
portaient  les  noms  des  malades. 

On  pense  bien  que  je  ne  puis  entreprendre  la 
description,  même  des  objets  les  plus  importants 
qui  ont  figuré  dans  la  section  de  l'art  sacré  ;  voici 
cependant  des  indications  générales  qui  permet- 
tront de  retrouver  au  besoin  quelques  pièces  mar- 
quantes. 


Fig.  1.  —   Reliquaire  de  San  Jacopo  (1407). 
Trésor  de  la  cathédrale  de  Pistoia. 

Le  trésor  de  la  cathédrale  de  Pistoia  a  exposé 
une  partie  de  ses  richesses,  notamment  des  reli- 
quaires et  des  calices  des  XIVe  et  XVe  siècles, 
dus  à  Enrico  1369,  Rombolo  Salvci  da  Firenze 
1379,  Andréa  Braccini  da  Pistoia  1384.  La  plus 
belle  pièce  de  l'exposition,  le  reliquaire  de  San 
Jacopo,  daté  de  1407,  appartient  également  au 
dôme  ;  c'est  un  morceau  hors  ligne  que  je  regrette 
de  ne  pouvoir  reproduire  (')  que  sous  une  forme 
trop  réduite  et  trop  sommaire. 

L'hôpital  du  Ceppo  a  envoyé  des  sculptures  et 
des  étoffes  du  XIVe  au  XVI<=  siècle. 


1.  Les  photographes  ont  négligé  l'exposition  de  Pistoia; 
celle  de  Corne  a  été  plus  favoriséej'en  reproduis  un  crucifix. 


Correspondance. 


519 


La  commune  de  Pistoia,  une  Annonciation 
peinte  du  XVe,  un  calice  du  XVe,  signé  Andréas 
de  Pistoiis,  un  diplôme  du  XIe  siècle,  adressé  au 
couvent  de  la  Badia  avec  la  signature  autogra- 
phe de  la  comtesse  Mathilde. 

L'église  de  San  Francesco  de  Pistoia,  une  fi- 
gure de  saint  François  d'Assise  avec  des  épisodes 
de  sa  vie,  peints  au  XIIIe  siècle  ;  ce  portrait  peut 
être  utilement  comparé  à  d'autres  du  même 
Saint. 

Dans  la  grande  quantité  d'objets  exposés  par 
la  noble  famille  Forteguerri,  on  a  remarqué  une 
Pace  de  1400,  plaquette  de  cuivre  repoussé  mon- 
trant la  Flagellation. 

Je  m'arrête  là  par  impossibilité  de  mentionner 
les  nombreuses  églises  du  diocèse  de  Pistoia  et 
les  amateurs  qui  ont  répondu  à  l'appel  du  Comité. 

On  ne  cesse  de  répéter  que  l'Italie  est  épuisée  ; 
les  expositions  d'art  sacré,  nombreuses  dans  ces 
dernières  années,  prouvent  bien  qu'il  n'en  est 
rien.  Depuis  qiïe  le  goût  des  objets  anciens  s'est 
répandu,  une  énorme  quantité  d'ouvrages  enfouis 
dans  les  églises,  les  couvents,  les  confréries  et 
les  familles,  a  été  exhumée  et  remise  en  lumière  ; 
il  est  regrettable  que  Pistoia  n'organise  pas  un 
de  ces  musées  civiques  si  répandus  aujourd'hui 
en  Italie,  si  intéressants  et  si  utiles  tant  pour 
l'étude  que  pour  la  conservation  des  objets. 

Pistoia  est  beaucoup  trop  négligée  ;  au  début 
du  voyage,  le  touriste  est  impatient  d'atteindre 
les  grandes  villes  renommées  ;  au  retour,  fatigué 
et  saturé,  il  brûle  les  cités  qui  lui  paraissent  d'im- 
portance secondaire. 

Pistoia,  Lucques,  Arezzo,  Pérouse,  Assise, 
Ferrare,  Ravenne,  Padoue,  Vérone,  Sienne  même 
sont  ainsi  généralement  sacrifiées.  Mais  lorsqu'on 
a  le  bonheur  d'avoir  des  loisirs  ou  de  demeurer 
en  Italie,  il  serait  impardonnable  de  ne  pas  ac- 
corder toute  l'attention  qu'elles  méritent  à  ces 
localités  et  à  bien  d'autres  encore,  qui,  chacune 
avec  son  caractère  particulier,  offrent  un  champ 
d'études  spéciales. 

Pour  nous,  habitant  de  Florence,  l'excursion 
de  Pistoia  est  une  très  facile  partie  de  plaisir:  je 
me  l'accorde  fréquemment  et  toujours  j'y  trouve 
mon  profit.  Il  en  est  de  même  dans  toutes  les 
villes  de  l'Italie  ;  on  croit  avoir  tout  vu  à  peu 
près,  et  chaque  fois  qu'on  y  retourne,  on  observe 


des  choses  qui  précédemment  nous  avaient  échap- 
pé, on  ne  sait  comment. 

Depuis  plusieurs  années  je  m'occupe  teV  An- 
nonciation, figurée  en  peinture  et  en  sculpture,  et 
je  réunis  sur  le  sujet  tous  les  documents  que 
je  puis  me  procurer.  Pistoia  m'a  fourni  plusieurs 
pièces,  notamment  deux  bas-reliefs  que  je  repro- 
duis, avec  les  sujets  qui  les  accompagnent.  Tous 
deux  appartiennent  à  des  chaires  à  prêcher. 


Fig\  2.  —  L'Annonciation, 

par  Guido  DA  Como  (1250).  Eglise  San  Bartolomeo  in  Pantano  à  Pistoia. 

(Photographie  Alinari  à  Florence.) 

L'une  est  de  Guido  da  Como  et  se  trouve  dans 
l'église  San  Bartolomeo  in  Pantano  ;  l'autre  est 
de  Fra  Gugliemo  da  Pisa  et  appartient  à  l'église 
San  Giovanni  Fuorcivitas.  Celle  de  Guido  est  de 
1250,  l'autre  a  été  terminée  en  i  270  ,  et  elle  com- 
porte :  V Annonciation,  la  Visitation,  la  Nativité, 
V Adoration  des  rois,  le  Lavement  des  pieds,  la 
Crucifixion,  la  Mise  au  tombeau,  le  Christ  à  Ventrée 
de  l' Enfer,  Y  Ascension,  la  Descente  du  Saint-Es- 
prit, la  Mort  de  la  Vierge.Ce  fut  donc  un  travail  de 
longue  haleine,  et  pour  ce  motif  on  peut  dire  qu'il 
est  de  la  même  époque  que  la  chaire  de  Guido. 

Quelle  différence  cependant  entre  le  style  de 
ces  deux  sculptures  et  le  sentiment  qui  les  anime! 


520 


&c\)itc  ï>e  rart  chrétien. 


Il  est  inutile  d'insister  pour  la  faire  sentir,  un  coup 
d'œil  suffit. 

Ne  serait-on  pas  tenté  de  faire  remonter  les 


scènes  de  San  Bartolomeo  à  près  d'un  siècle  plus 
haut  que  celles  de  San  Giovanni?  et  cependant 
elles  sont  contemporaines 


Fig.  3   —  L'Annonciation,  la  Visitation,  l'Adoration  des  Rois  Mages,  par  Kra  Gi/gliému  da  Pisa  (1270). 
Église  San  Giovanni  Fuorcîvitas  à  Pistoia.  (Photographie  Alinari  à  Florence.) 


Cet  exemple  montre,  qu'à  défaut  d'autres  in- 
dications, le  style  d'un  ouvrage  est  parfois  insuf- 
fisant pour  fixer  sa  date,  et  c'est  pour  en  donner 


une  preuve   de  plus  que  je  reproduis  ces  deux 
ouvrages. 

Corne.  —  Un  tableau  de  Raphacl. 


Correspondance. 


521 


Madame  Teverine  Riva,  veuve  Binda,  a  exposé 
dans  la  section  des  Beaux-Arts  à  Come,  un 
tableau,  le  Massacre  des  Innocents,  que  certaines 
personnes  affirment  être  un  ouvrage  authentique 
de  Raphaël. 


Le  tableau  a  appartenu  au  cardinal  d'Esté, 
puis  à  Marguerite  d'Esté  Gonzague. 

Je  n'ai  trouvé  aucune  mention  de  ce  tableau 
dans  les  auteurs  qui  ont  dressé  la  nomenclature 
des  peintures  de  Raphaël. 


Fig.  4.  —  Croix  processionnelle,  par  Pietro  Lienni  da  Como,  1593.  Église  de  Domoso  (Lombardie).  (Photographie  Alinaki  à  Florence.) 


Il  y  a  bien  de  lui  quelques  dessins  pour  ses 
tapisseries  sur  le  même  sujet  et  des  gravures 
anciennes,  mais  de  peintures  originales   ou  seu- 


lement attribuées  il  n'y  a  point  de  traces,  à  ma 
connaissance  du  moins. 

San  Miniato  al  Tedesco  (Toscane).  —  On  vient 


KEVUE    DE    l.'AKT    CHKBTIKN. 
1899.    6,tle    LIVRAISON. 


522 


Urinte  lie  F&it  chrétien- 


de  découvrir  dans  l'église  des  SS.  Jacopo  e  Lucia 
dei  Domenicani  des  fresques  du  XVe  siècle  ;  elles 
représentent,  d'une  part,  des  saints  et  des  anges 
tournés  vers  un  espace  vide,  qui  sans  doute  con- 
tenait une  figure  de  la  Madone,  et  d'autre  part, 
une  barque  flottant  sur  la  mer;  au  fond  de  la 
barque,  git  le  cadavre  d'un  saint  entouré  de 
plusieurs  mariniers. 

La  peinture  est  délicate  ;  elle  se  rapproche  de 
la  manière  de  Fra  Angelico  qui  peut-être  en  a 
dirigé  l'exécution  ;  l'église  appartenait  alors  à  la 
congrégation  des  Dominicains  de  Saint- Marc  de 

Florence. 

GERSPACH. 


Hnfjlctcrrc. 


'ENDANT  que  l'on  était  occupé  à  revêtir  de 
]|  plomb  la  flèche  de  l'église  St-Cuthbert,  à 
Darlington  (Durham),  on  a  découvert,  au 
sommet  de  la  tour,  deux  dalles  funéraires 
du  XIIIe  siècle,  richement  sculptées,  appartenant  à  deux 
tombeaux  d'enfants.  Ces  pierres  ont  été  employées  à  bou- 
cher l'ouverture  N.-E.  à  l'angle  supérieur  de  la  tour. 


Le  vieux  château  historique  de  Chepstow,  datant  de  la 
conquête,  a  été  mis  en  vente  le  mois  dernier. 


Nous  avons  fait  connaître,  il  y  a  quelques  mois,  que  l'on 
allait  construire  un  porche  à  l'église  abbatiale  de  Sem- 
pringham.  Celui-ci  est  achevé,  et  vient  d'être  «béni»  par 
le  curé  protestant.  St  Gilbert  de  Sempringham  est  natif 
de  la  ville  dont  il  porte  le  nom. 


Le  Recteur  de  l'abbaye  de  Hexham  fait  un  pressant  appel 
aux  fidèles,  dans  les  colonnes  du  Times.  Il  vient  solli- 
citer une  somme  de  ,£13,000  pour  la  «  restauration  »  de  la 
grande  église  en  question. Le  secrétaire  de  la  Société  pour 
la  Protection  des  Anciens  Bâtiments  lui  répond  dans  le 
même  journal,  par  une  critique  sévère  des  travaux  pro- 
jetés par  le  Recteur,  —  travaux  qui  détruiraient  le  carac- 
tère particulier  de  l'édifice.  L'un  de  ces  projets  serait  la 
construction  d'une  nef,  dans  le  style  du  XVe  siècle  1  C'est 
là  un  vandalisme  absolument  inutile.  Des  £  13,000  dont 
le  Recteur  a  besoin,  il  n'y  en  aurait  que  £  1,500  affectées 
aux  travaux  de  restauration  vraiment  justifiés;  tout  le 
reste  serait  absorbé  par  de  nouvelles  constructions  et  par 
des  décorations  et  meubles  (buffet  d'orgue  etc.)  défigurant 


et  masquant  la  construction  actuelle  !  Il  faut  espérer  que 
la  Société  réussira  dans  ses  efforts  pour  empêcher  ces 
rénovations  de  toute  sorte  à  l'abbaye  de  Hexham  ! 


La  Société  dont  nous  venons  de  parler  n'est  pas  bien 
vue  de  la  plupart  des  architectes  ;  cependant  elle  a 
prouvé  qu'elle  sait  bien  faire  les  choses  par  la  restauration 
habile  de  la  tour  de  l'église  de  Clare  (West  Suftolk;. 
Cette  tour  commençait  à  pencher  sérieusement  ;  mais  il 
importait  de  ne  pas  déplacer  une  seule  pierre  de  l'exté- 
rieur. La  tour,  dont  l'intérieur  était  construit  en  cailloux, 
a  été  littéralement  reconstruite  en  pierre,  à  l'intérieur,  de 
fond  en  comble.  Le  but  de  consolidation  a  été  atteint. 


A  Waverley  Abbey,  les  fouilles  ont  mis  à  jour  les  fon- 
dations d'un  corps  de  bâtiment  de  112  pieds  sur  8o,renfer- 
mant  différentes  salles  ;  la  cuisine  de  l'hôpital  de  l'abbaye 
a  également  été  retrouvée. 


L'abbaye  de  Basingwerk,  près  de  Holywell  (Galles  du 
Nord),  —  propriété  privée,  —  tombe  de  plus  en  plus  en 
ruines.  Le  propriétaire  n'y  prend  apparemment  aucun 
intérêt. 


A  l'ancien  prieuré  de  Warten  (Yorks.),  des  fouilles  ont 
fait  découvrir  des  fondations  étendues,  et  d'intéressants 
débris  de  vitraffx  du  XIV1-'  siècle. 


L'ancienne  abbaye  de  Medmenham  (BucksJ,  récem- 
ment  restaurée  grâce  à  une  dépense  de  £  io,ooo,  est 
offerte  en  vente,  «  avec  autant  de  terrain  que  l'on  en 
désirerait  ». 


Une  importante  découverte  de  pavé  romain  en  mo- 
saïque a  été  faite  hors  la  ville  de  Donchester. Il  est  d'une 
surface  considérable,  et  bien  conservé.  Les  autorités  du 
British  Muséum  sont,  dit-on,  en  négociation  pour  en 
acheter  une  partie.  Le  pavé  est  situé  au  delà  de  l'amphi- 
théâtre et  des  murs  romains.  —  Près  de  Glossop  on  vient 
de  déterrer  un  vieux  mur  romain,  sur  le  site  de  l'ancien 
Château  Melandra. 


Récemment  l'Exposition  d'hygiène,  tenue  à  Southamp- 
ton,  a  reçu  une  pétition  pour  la  conservation  d'une  cave 
du  moyen  âge,  qui  se  trouve  dans  la  ville.  C'est  une  très 
belle  et  très  rare  construction  de  ce  genre,  bien  con- 
servée, avec  une  belle,  mais  simple  voûte. 


Correspondance. 


523 


Une  nouvelle  Bibliothèque,  en  style  du  XIVe  siècle, 
digne  d'être  mise  au  rang  de  nos  grandes  bibliothèques 
collégiales  du  moyen  âge,  vient  d'être  ouverte  à  Man- 
chester :  c'est  un  don  de  M'"e  Ryland,  fait  en  souvenir  de 
feu  son  mari,  lequel  était  millionnaire,  et  grand  bienfaiteur 
de  la  cité  en  question.  Les  exemplaires  de  la  Sainte  Bible 
formeront  une  section  très  importante  de  la  vaste  collec- 
tion de  livres  donnés  avec  le  local  de  la  Bibliothèque. 


Dans  la  maison  de  feu  Lord  Leighton,  le  grand  artiste, 
en  son  vivant  président    de   la  Royal  Academy,    vient 


d'avoir  lieu  une  Exposition  de  dessins  et  de  modèles  d'art 
ecclésiastique. 


A  Ashmansworth  (Hants.),  on  vient  de  découvrir  sur 
les  murs  de  la  nef  de  l'église  normande,  des  fresques 
peintes  vers  l'an  1200,  et  représentant  la  Descente  de  N.- 
S.  aux  Enfers.  D'autres  sujets  bibliques  y  sont  repré- 
sentés. 


John  A.  Randolph. 


Londres,  ce  17  octobre 


jfe&  *fe  *&  *afe  *&  ^  *&.  ^  *fe  ^  ■•*&  *#.  -4fe  *fc  ^  *&  ^  ^  ••#, *&  *&  ^  ■•*&  3&lfc 


»^a  TFratoauj:  Des  Sociétés  savantes. 


Excursion   de  la  Gilde  de  Saint-Thomas  en  Belgique,  n'a  pu  prendre  part  à  la  seconde 

et  de  Saint- Luc  dans  le  Maine,  la  Touraine  et  partie  de  l'excursion  de  la  Gilde.  Il  fait  appel  à 

l'Anjou.  Suite(l). —  Notre  confrère,  M.  Cloquet,  nos  souvenirs  pour  compléter  son  compte  rendu; 

obligé  par  ses  devoirs  professionnels  de  rentrer  nous    aurions   mauvaise    grâce    de    marchander 


:    .  Casier. 


Intérieur  de  1  église  de  Cunault 


notre  concours,  tout  modeste  soit-il,  à  celui  qui    I    cause  de  l'art  et  spécialement  à  la  Revue  Je  /'.  !,/ 
se  dévoue  avec  une  activité  sans  égale  à  la  grande        chrétien. 

>.  i.  Voyez  la  livraison  de  septembre,  page  426.  Nous  reprenons  donc  le  récit  de  la  session  de 


Cratuw  Ses  Sociétés  garantes. 


525 


la  Gikle  au  départ  d'Angers.Pour  atteindre  Tours, 
nous  choisissons  le  chemin  des  écoliers  ;  au  lieu 
de  franchir  cette  distance  en  deux  heures  de  che- 
min de  fer,  nous  parcourons  en  voiture  la  vallée 
de  la  Loire  depuis  les  Rosiers  jusqu'à  San  mur. 
Les  grands  horizons,  la  verdure,  le  grand  air  for- 
maient un  délicieux  contraste  avec  les  Mails 
modernes,  les  rues  tortueuses  ou  les  places  régu- 
lières des  villes  visitées.  Aussi  avons-nous  goûté 
un  charme  particulier  à  parcourir  cette  vallée  où 
la  Loire  s'est  nonchalamment  creusé  un  lit  aussi 
large  que  peu  profond. 

Les  souvenirs  religieux  et  archéologiques  y 
abondent  ;  ils  sont  dus  pour  la  plupart  aux 
moines,  ces  pionniers  de  la  civilisation,  ces  vail- 
lants bâtisseurs  des  grands  siècles  chrétiens. 
Que  de  bourgs  et  de  villes  leur  doivent  l'exis- 
tence et  quelle  dut  être  leur  activité,  quand  on 
constate,  après  tant  de  siècles  de  dévastation  et 
d'ignorance,  le  nombre  encore  grand  d'édifices 
importants  dus  à  leur  génie  ! 

L'église  de  Cunault  méritait  une  visite  à  divers 
titres.  M.  Cloquet  a  signalé  ses  voûtes  diverses 
et  la  richesse  de  sa  flore  sculpturale.  Nous  avons 
été  particulièrement  séduit  par  la  sévérité  de  la 
ligne,  la  grandeur  et  la  majesté  de  ce  beau  tem- 
ple. En  pénétrant  sous  le  porche  qu'orne  au  tym- 
pan une  gracieuse  Vierge  assise  avec  l'Enfant 
JÉSUS,  l'œil  saisit  dans  toute  son  ampleur  ces 
rangées  de  colonnes,  ces  arcatures  d'une  tonalité 
chaude  et  paraissant  faire  escorte  au  Christ 
immense  qui,  au  fond  du  temple,  domine  l'autel. 
On  peut  regretter  l'absence  de  polychromie,  d'un 
mobilier  riche  et  brillant,  de  tentures  luxueuses, 
ornements  dignes  de  la  maison  de  Dieu;  mais 
combien  suggestives  et  impressionnantes, en  leur 
froideur  monastique,  ces  nefs  profondes  sur  la 
blancheur  desquelles  se  détache,  seul  et  gran- 
diose, le  divin  Crucifié  ! 

Nous  avons  remarqué  avec  un  vif  intérêt  trois 
pièces  de  mobilier  qui  méritent  l'attention  :  un 
chasublier  ('),  une  châsse  en  bois  doré  contenant 
les  reliques  de  saint  Maxentiole  et  une  petite  tri- 
bune.également  en  bois  et  d'un  travail  soigné.  Le 
reliquaire  a  subi  des  remaniements;  mais  tel  qu'il 
est,  il  présente  de  l'intérêt.  La  tribune  est  accro- 
chée très  haut  au-dessus  de  la  porte  d'entrée;  elle 
est  de  petite  dimension  et  paraît  pouvoir  contenir 
à  peine  deux  personnes.  On  ne  saurait  y  avoir 
accès  qu'à  l'aide  d'une  échelle  ;  aussi  sommes- 
nous  porté  à  croire  qu'elle  n'a  pas  été  faite  pour 
la  place  qu'elle  occupe.  Peut-être  placée  plus  bas 
autrefois,  servait-elle  pour  l'ostension  des  reliques 
aux  jours  d'affluence  ? 

A  proximité  de  Cunault,  s'élève  la  belle  tour 

1.  Publié  dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien,  année  1898,  p.  308. 


de  Trêves  construite  par  Robert  le  Maçon,  vers 
le  milieu  du  XVe  siècle  ;  elle  commande  le  pas- 
sage de  la  Loire  dominant  la  modeste  église 
paroissiale.type  de  ces  nombreuses  églises  rurales 
élevées,  au  XIIe  siècle,  par  les  moines  béné- 
dictins pour  le  service  des  serfs  et  des  vassaux. 
Elle  renferme  le  tombeau  de  Robert,  mort  en 
1442  ;  il  y  est  représenté  revêtu  de  la  simarre  de 
chancelier  Pt  les  pieds  appuyés  sur  un  lion. 
Une  tourelle  ajourée  du  XVe  siècle  a  soulevé  une 
discussion  au  sujet  de  sa  destination. 

Faut-il  y  voir  un  tabernacle  pour  la  Sainte  Ré- 
serve? est-ce  une  lanterne?  le  cadre  de  ce  rapide 
compte  rendu  ne  nous  permet  pas  de  reproduire 
les  arguments  présentés  par  nos  confrères. 

A  deux  kilomètres  dans  l'intérieur  des  terres, 
sur  le  penchant  opposé  d'un  coteau,  en  un  lieu 
solitaire,  nous  avons  visité  les  ruines  d'un  édifice 
fort  intéressant  et  dont  l'ancienneté  paraît  indis- 
cutable :  le  prieuré  de  Saint-Macé.  L'enceinte 
fort  ancienne  pourrait  dater  de  l'époque  romaine. 
La  chapelle  est  plus  récente  ;  elle  est  bâtie  en 
grand  appareil,  et  couverte  d'une  voûte  ogivale 
en  berceau  ;  des  arcades  ouvertes  forment  une 
manière  de  porche.  A  côté  de  la  chapelle,  un 
espace  carré  évoque  l'idée  de  cloîtres  avec  petites 
arcatures  en  plein  cintre.  Ces  constructions 
remonteraient,  au  dire  de  M.  d'Espinay,  aux 
IXe  et  Xe  siècles,  pour  les  parties  les  plus  an- 
ciennes, au  XIIe  siècle  pour  la  chapelle. 

Plus  près  de  Saumur,  s'élevait  autrefois  la  célè- 
bre abbaye  de  Saint-Florent-sur-le-Thouet  fon- 
dée par  Foulques,  comte  d'Anjou.  Le  narthex  et 
une  crypte  sont  les  seuls  souvenirs  qui  aient 
survécu  aux  ravages  du  temps  et  de  la  malveil- 
lance. 

Le  narthex,  couvert  d'une  belle  voûte  Planta- 
genet.sert  actuellement  de  chapelle  à  la  commu- 
nauté du  Bon  Pasteur  ;  grâce  à  une  permission 
toute  spéciale  de  Sa  Grandeur  l'évêque  d'Angers, 
nous  avons  pu  pénétrer  dans  la  clôture,  et  par- 
courir les  jardins  au  fond  desquels  se  trouve  la 
crypte  ;  les  fleurs,  les  arbres  la  recouvrent,  et  l'on 
songe  mélancoliquement  au  temple  magnifique,la 
merveille  de  l'Anjou,  qui  s'élevait  à  cette  place  et 
que  la  rage  révolutionnaire  fit  disparaître. 

Cette  crypte  paraît  dater  du  XIIe  siècle  ;  elle 
se  compose  de  trois  nefs  voûtées  en  arête,  dont 
les  arcs  reposent  sur  de  courtes  colonnes.  Son 
état  d'abandon  provoque  de  justes  regrets,  tem- 
pérés toutefois  par  la  vue  de  l'œuvre  sublime  de 
régénération  sociale  accomplie  en  ce  lieu  par 
les  Sœurs  du  Bon  Pasteur. 

Mais  le  temps  presse,  et  nous  devons  écourter 
cette  intéressante  visite  pour  traverser  Saumur 
et  nous  rendre  à  la  gare  ;  au  passage  nous  pou- 


526 


Bctnte  ïic  r^rt  chrétien. 


vons  jeter  un  regard  sur  l'admirable  situation  de 
cette  ville  placée  à  l'extrémité  d'une  étroite 
bande  de  terre  qui  s'allonge  entre  la  rive  gauche 
de  la  Loire  et  le  Thouet  avant  leur  confluent. 
Une  colline  escarpée,  dessinée  par  la  rencontre 
des  deux  vallées,  domine  la  ville  et  porte  le 
château.  La.  Loire  elle-même  est  divisée  en  deux 
bras  devant  la  ville,  par  une  île  sur  laquelle 
s'étend  le  faubourg  des  Ponts.  Au  point  de  vue 
archéologique,  Saumur  n'offre  peut-être  pas  un 
grand  intérêt  ;  mais  en  revanche  quel  aspect  pit- 
toresque et  original  ne  présente-t-elle  pas  avec 
son  beau  fleuve  bordé  de  quais,  son  vieux  donjon 
qui  la  couronne,  ses  églises,  son  hôtel-de-ville 
ogival,  bref  par  ses  monuments  de  diverses 
époques  groupés  harmonieusement  dans  un  cadre 
gracieux  et  varié. 

En  quittant  l'Anjou,  nous  emportons  le  sou- 
venir d'un  pays  riche  en  monuments  très  carac- 
téristiques et  digne  de  fixer  l'attention  des  artis- 
tes. Ce  souvenir  s'associait  au  regret  de  nous 
séparer  de  nos  aimables  guides,  MM.  de  Farcy 
et  le  chanoine  Urseau  ;  ils  ont  pris  une  large  part 
au  succès  de  notre  session  et  se  sont  acquis  des 
droits  imprescriptibles  à  notre  vive  reconnais- 
sance. Nous  leur  disons  un  cordial  adieu  et  nous 
partons  pour  Tours. 

A  la  descente  du  train,  M.  l'abbé  Bossebceuf, 
l'aimable  président  de  la  Société  archéologique, 
vint  nous  saluer  et  mettre  à  notre  disposition 
son  érudition,  son  amabilité,  son  temps,  ainsi 
que  ceux  de  ses  collègues  pendant  toute  la  durée 
de  notre  séjour.  Nous  avons  abusé  largement  de 
leur  obligeance  et  contracté  une  dette  de  recon- 
naissance qu'il  nous  sera  bien  difficile  d'acquitter. 

Suivant  l'usage,  le  programme  de  la  session 
consacrait  le  repos  du  septième  jour  ;  c'était  un 
dimanche.  Nous  en  profitons  pour  jeter  un  coup 
d'œil  d'ensemble  sur  la  ville  et  excursionner  par 
petits  groupes  dans  les  environs. 

Tours  est  une  grande  ville  que  V kausmanisation 
moderne  transforme,  assainit  sans  doute,  mais 
prive  lentement  de  ses  coins  pittoresques.  Ses 
monuments  ne  sont  pas  nombreux,  et  les  nou- 
velles constructions  civiles  font  regretter  leurs 
devancières.  Ses  églises,  fort  intéressantes  du 
reste,  ne  font  pas  oublier  la  célèbre  basilique  qui 
renfermait  le  tombeau  de  saint  Martin.  Cette 
tombe  fut  le  noyau  autour  duquel  se  forma  la 
ville. 

«  Le  quartier  Saint-Martin  a  conservé  en 
«  partie  la  physionomie  que  les  siècles  lui  avaient 
«  donnée.  Çà  et  là  de  vieilles  églises,  à  moitié 
«  détruites  ou  converties  à  des  usages  profanes, 
<<  rappellent  cette  multitude  d'établissements 
«  religieux  qui  florissaient  autrefois  autour  de 
«  la    basilique  ;  des    hôtelleries    qui   datent    du 


«  moyen  âge  reçoivent  encore  des  voyageurs  ; 
<<  des  maisons  à  tourelles  ou  à  pignons  sculptés 
«  font  songer  aux  bourgeois  fastueux  du 
<i  XVe  siècle  ;  la  rue  du  Change  n'a  plus  de  ban- 
«  quiers,  mais  les  salles  et  les  marchés  sont  un 
«  foyer  continu  d'activité,  et  les  rues  voisines 
«  sont  toutes  livrées  au  commerce.  Enfin  le  sanc- 
«  tuaire  de  la  basilique,  arraché  à  la  ruine  et  à 
«  l'oubli,  voit  renaître  le  pèlerinage  qui  a  créé  la 
«  moitié  de  la  ville  de  Tours  (').  » 

Les  environs  de  Tours  offrent  à  l'historien,  à 
l'archéologue,  à  l'artiste  un  vaste  champ  d'études  ; 
une  grande  partie  de  l'histoire  politique  de  la 
France  a  eu  la  Touraine  pour  théâtre.  Le  Chris- 
tianisme s'y  implanta  dès  le  IIIe  siècle  sous  l'im- 
pulsion du  premier  évêque,  saint  Gatien  ;  saint 
Lidoire,  second  évêque  de  Tours, bâtit  la  première 
église  ;  mais  à  saint  Martin  était  réservé  la 
gloire  de  convertir  la  Touraine,  tout  en  exerçant 
sa  bienfaisante  influence  sur  la  Gaule  entière  ; 
à  sa  mort  survenue  en  397,  le  paganisme  ne 
comptait  presque  plus  d'adeptes  dans  le  pays. 

La  culture  des  arts,  surtout  de  l'architecture, 
fit  couvrir  la  Touraine  d'un  grand  nombre  de 
monastères, d'églises  abbatiales, de  châteaux.  Aux 
XVe  et  XVIe  siècles  l'efflorescence  de  l'art,  in- 
fluencéeparl'Italie,produisit  ces  demeures  royales 
et  seigneuriales  dont  la  renommée  est  universelle. 
Il  suffit  de  citer  Amboise,  Chenonceaux,  Ussé, 
Azay-le-Rideau,  Langeais,  Luynes,  Blois,  Cham- 
bord,  Plessis-les-Tours.  Il  ne  pouvait  être  ques- 
tion pour  la  Gilde  de  voir  toutes  ces  merveilles  ; 
le  temps  limitait  forcément  les  visites  et  un  choix 
s'imposait  :  il  porta  sur  quelques  types  d'aspects 
et  d'époques  différents. 

Quelques  confrères  consacrèrent  la  journée  du 
dimanche  à  visiter  le  château  de  Chenonceaux.  Sa 
célébrité  paraît  mieux  motivée  par  sa  ravissante 
situation  que  par  sa  conception  architecturale. 

De  l'ancien  château  bâti  par  Jean  Marques, 
dans  la  première  moitié  du  XVe  siècle,  il  ne  reste 
qu'une  grosse  tour  ronde  en  avant  des  bâtiments  : 
elle  faisait  partie  d'un  système  de  défense  du 
moulin  établi  sur  le  Cher. 

Au  début  du  XVIe  siècle,  Thomas  Bohier 
acquit  le  domaine  et  entreprit  la  construction  du 
château  à  la  place  du  moulin. 

C'est  un  vaste  quadrilatère  flanqué  aux  angles 
de  tourelles  en  encorbellement  ;  la  façade  est 
simple,  mais  originale.  De  chaque  côté  de  la 
porte  en  anse  de  panier  des  piliers  engagés  sur 
une  de  leurs  faces  supportent  deux  tribunes  en 
encorbellement  dont  la  saillie  dépasse  ainsi  le 
demi-cercle.  Il  semble  que  l'architecte,  épris  du 
site  ravissant  qui   encadrait  son  œuvre,  chercha 

/.  Guide  pittoresque  du  voyageur  en  Touraine,  par  Mgr  Chevalier. 


Cratoauj;  Des  Sociétés  savantes. 


527 


à  multiplier  les  endroits  où  l'on  pût  jouir  du 
paysage  environnant. 

Vers  l'amont  deux  bâtiments  en  saillie,  sorte 
d'éperons,  rompent  la  monotonie  de  la  cons- 
truction ;  l'un  d'eux  renferme  la  chapelle,  la 
seule  partie  du  château  qui  offre  des  réminiscences 
ogivales.  La  Renaissance  reprend  ses  droits  par- 
tout ailleurs. 

Le  château,  baigné  par  le  Cher,  était  relié  à  la 
rive  gauche  par  un  pont  de  bois.  Diane  de  Poitiers 
en  devint  propriétaire  en  1555  et  donna  ordre  à 
Philibert  Delorme  de  construire  un  pont  de 
pierres  et  d'élever  sur  celui-ci  une  galerie.  Celle- 
ci  acquit  une  importance  exagérée  sous  Catherine 
de  Médicis,  au  point  de  masquer   une  partie  du 


château  et  de  couper  absolument  la  vue  de  la 
rivière.  Les  détails  des  façades  sont  loin  de  ra- 
cheter ce  grave  défaut  :  c'est  lourd  et  massif.  La 
décoration  intérieure  de  cette  galerie  est  abso- 
lument mauvaise  ;  elle  est  toute  récente  et  «  s'in- 
«  spire  de  l'art  des  décadents  du  XVIIIe  siècle... 
$  Ses  murs  sont  couverts  de  compositions  inco- 
«  hérentes,  où  le  symbole  côtoie  la  farce,  où  l'ab- 
«  sence  d'esprit  est  trop  notoire,  où  la  tendance 
«  à  la  trivialité  se  fait  trop  sentir. C'est  du  Tiepolo, 
«  si  l'on  veut,  mais  du  Tiepolo  encanaillé  («).  » 

La  quatrième  journée  de  la  session  fut  con- 
sacrée à  la  visite  de  Loches. 

C'est  une  charmante  petite  ville,  à  quelques 
lieues  de  Tours,  peu  connue  des  touristes,  peut- 


PUot.  Jos.  Casier. 


Loches. 
Le  Donjon. 


être  même  de  beaucoup  d'archéologues.  Elle 
mérite  leur  attention  au  double  point  de  vue 
de  sa  situation  très  pittoresque  et  d'un  ensemble 
de  monuments  exceptionnels. 

Bâti  sur  le  plateau  d'une  colline  dominant  la 
vallée  de  l'Indre,  Loches  possède  une  physiono- 
mie caractéristique  ;  la  vieille  ville  a  conservé 
son  vieux  château  dominé  par  un  colossal  donjon, 
ses  fossés,  deux  portes,  son  antique  collégiale, 
bref,  tout  un  ensemble  de  souvenirs  du  passé  re- 
levés par  un  cadre  enchanteur.  Les  souvenirs 
historiques  y  abondent  :  depuis  Childebert  Ier, 
fils  de  Clovis,  jusqu'à  François  Ier,  les  rois  de 
France  y  firent  de  nombreux  séjours  dans  le  joli 
château  (aujourd'hui  la  sous-préfecture)  qui  do- 
mine la  petite  ville  ;  de  sa  terrasse  on  jouit  d'un 
admirable  panorama  sur  la  vallée  verdoyante 
dans  laquelle  l'Indre  trace  ses  méandres  argentés; 


au  loin   pointe  l'admirable  tour  de  l'abbaye  de 
Beaulieu,  inspirée  de  l'architecture  normande. 

Le  château  de  Loches  en  est  le  monument  le 
plus  considérable.  Dans  son  ensemble,  il  com- 
prend une  vaste  enceinte  de  deux  kilomètres  de 
circonférence,  au  sommet  d'une  colline  séparée 
par  une  dépression  et  par  un  fossé,  au  Sud,  des 
coteaux  de  Bellébat  et  de  Vignemont.  Il  est  en- 
touré d'un  double  rang  de  murs  crénelés  et  d'une 
ligne  de  fossés  profonds,  convertis  par  le  temps 
en  rues,  jardins,  promenades  publiques.  A  l'inté- 
rieur s'élève,  d'une  part,  le  donjon  avec  la  prison 
actuelle  ;  d'autre  part,  la  sous-préfecture,  ancien 
séjour  des  rois  ;  au  centre,  la  collégiale  de  Notre- 
Dartie,  aujourd'hui  église  paroissiale  de  Saint- 
Ours  ;  entre  ces  monuments  se  sont  élevées  des 

1.  Léon  Palustre. 


528 


Bebur  fce  T^tt  chrétien. 


maisons,  et  l'on  a  tracé  des  rues  qui  constituent 
un  quartier  séparé  de  la  ville. 

La  double  enceinte  et  plusieurs  tours  ont  dis- 
paru pour  faire  place  à  des  rues  et  surtout  au 
Mail,  bref  à  des  travaux  de  modernisation.  L'im- 
portance de  ce  compte  rendu  ne  comporte  pas 
une  description  de  ce  qu'étaient  autrefois  les  for- 
tifications de  Loches  :  nous  devons  nécessaire- 
ment nous  borner  à  des  indications  fort  res- 
treintes. 

L'entrée  du  château,  encore  fort  intéressante, 
était  protégée  par  quatre  tourelles  extérieures  et 
défendue  par  un  pont-levis  à  bascule  ;  on  entrait 
alors  sous  une  voûte  assez  spacieuse,  fermée  par 


11  Loches. 

Une  rue  du  château  et  la  collégiale  Notre-Dame. 

les  hauts  personnages  qui  leur  déplaisaient. 
Louis  XI  accentua  le  régime  et  fit  édifier  le 
second  donjon  appelé  la  Tour  ronde  :  celle-ci 
relie  la  première  à  la  seconde  enceinte. 

A  la  partie  inférieure  existe  une  salle  ronde 
où  fut  suspendue  la  cage  dans  laquelle  fut  en- 
fermé le  cardinal  la  Balue  :  d'autres  personnages 
y  subirent  le  même  sort. 

Les  autres  cachots  de  Loches  occupent  le  sou- 
bassement d'une  construction  du  XVe  siècle,  le 
Martelé!,  dont  les  étages  supérieurs  sont  détruits. 


Les  murs  portent  le  souvenir  des  prisonniers  et 
une  seconde  porte  garnie  d'une  herse  ;  il  y  avait 
même  après  le  corps  de  garde  une  troisième 
porte. 

Le  donjon  proprement  dit  constitue  le  plus 
ancien  ouvrage  du  château  de  Loches  :  il  est 
formé  de  deux  rectangles,  dont  l'un  a  des  pro- 
portions doubles  de  l'autre.Ces  constructions  sou- 
lèvent de  nombreuses  questions  auxquelles  il 
nous  paraît  hasardé  de  donner  une  réponse.  Mais 
les  opinions  paraissent  s'accorder  pour  fixer  l'é- 
poque de  la  construction  au  XIe  siècle  avec  des 
remaniements  du  XIIe,  époque  à  laquelle  l'archi- 
tecture militaire  était  déjà  plus  perfectionnée  ; 
les  contreforts  demi-cylindriques  du  grand  don- 
jon paraissent  avoir  été  ajoutés  après  coup. 

La  forte  situation  du  château  de  Loches  le 
destinait  à  garder  facilement  les  prisonniers.  Les 
comtes  d'Anjou  s'en  servirent  fréquemment  et  à 
leur  exemple,  les  rois  de  France  y  enfermèrent 
la  trace  de  leurs  souffrances.  De  nombreuses  in- 
scriptions rappellent  leurs  réflexions,  entr'autres 
celle-ci  pleine  de  sagesse  et  attribuée  à  Commi- 
nes  :  Dixisse  me  aliquando  pœnituit,  tacuisse  nun- 
quam. 

En  quittant  ces  lieux  sombres,  évocateurs  de 
crimes  et  de  douleurs,  nous  portons  nos  pas  vers 
le  Logis  du  Roi  qui  s'élève  à  l'autre  extrémité 
de  l'enceinte  du  château. 

La  partie  la  pi  us  intéressante  date  deLouisXII; 
la  façade  qui  s'élève  sur  la  terrasse  est  gracieuse; 
une  des  tours  renferme  le  tombeau  d'Agnès 
Sorel,  œuvre  fine  et  distinguée  de  l'école  française 
de  la  Renaissance  ;  des  restaurations  importantes 
nous  paraissent  y  avoir  été  faites. 

La  Collégiale  de  Notre-Dame  est  un  des  mo- 
numents les  plus  curieux  de  Loches  ;  d'aucuns 
le  qualifient  d'exceptionnel,  tel  Viollet-le-Duc 
qui  ne  craint  pas  d'affirmer  {Dict.  Arcli.,  vol.  IV, 
page  364)  que  «  c'est  un  monument  unique  au 
«  monde,  complet  et  d'une  sauvage  beauté,  dans 
•<  lequel  viennent  pour  ainsi  dire  se  fondre  les 
«  influences  de  l'art  oriental  avec  les  méthodes 
1  de  construire  adoptées  dans  le  Nord  au  com- 
<  mencement  du  XIIe  siècle.  » 

Le  plan  de  l'église  est  à  une  seule  nef  divisée 
par  quatre  travées  à  plan  carré  chacune.  La  pre- 
mière travée  forme  le  narthex  et  appartenait  à 
l'édifice  bâti  par  Foulques  II  et  consacré  en  965  ; 
elle  est  surmontée  d'une  tour  ou  clocher  carré  à 
la  base,  octogonal  à  l'étage  avec  arcade  ouverte 
en  plein  cintre  sur  chaque  'face,  couronnée  par 
une  pyramide  également  en  pierre.  Une  tour 
semblable  couvre  la  quatrième  travée,  mais  son 
développement  est  plus  grand;  les  angles  sont 
chargés  par  des  pinacles  qui  par  leur  poids  sur 
les  angles  augmentent  la  stabilité  du  système. 


Cratoauj:  Des  ^octétés  savantes 


529 


Mais  la  caractéristique  de  !a  collégiale  Saint- 
Ours  se  trouve  dans  les  deux  travées  intermé- 
diaires, couvertes  non  de  coupoles  ou  de  voûtes 
d'arête,  mais  de  pyramides  creuses  portées  en 
encorbellement  sur  les  piliers  des  angles.  A  la 
base,  chaque  pyramide  affecte  la  forme  d'un  oc- 
togone régulier  inscrit  dans  le  carré  formé  par 
la  travée.  Les  grands  triangles  en  encorbellement 
qui  portent  le  système  «  ne  sont  que  la  prolon- 
«  gation  de  quatre  des  pans  de  ces  pyramides 
«  entre  les  arcs  doubleaux  et  les  formerets.  Ici 
«  la  construction,  ajoute  Viollet-le-Duc,  est  d'ac- 
«  cord  avec  la  forme  ;  car  des  pyramides  creuses, 
«  composées  d'assises  dont  les  lits  sont  horizon- 
«  taux,  constituent  une  des  constructions  les 
«  plus  solides  qu'il  soit  possible  de  combiner  (I).» 


l'hot.  Jos.  Casier.  Loches. 

La  collégiale  Notre-Dame,  vue  de  la  vallée  de  l'Indre. 

Le  système  est  original  et  l'effet  étrange.  Deux 
petits  bas-côtés  ont  été  ajoutés  au  XIIe  siècle  et 
remaniés  plus  tard. 

Un  porche  ou  narthex  a  été  ajouté  vers  le 
milieu  du  XIIe  siècle;  sa  porte  extérieure  est  à 
trois  colonnettes  et  trois  tores  ;  la  porte  d'entrée 
de  l'église  est  également  à  trois  colonnettes  sou- 
tenant un  tore  et  une  double  arcature  plate  ornée 
de  feuillages  et  de  figures  fantastiques.  Cette 
double  arcature  est  elle-même  encadrée  d'une 
voussure  avec  personnages  allongés  et  porte  des 
traces  de  polychromie.  Cette  porte  est  accostée 
de  deux  figures  mutilées;  au  tympan,  une  Vierge 
assise  à  l'Enfant  et  de  part  et  d'autre  des  figures 
fort  mutilées  où  nous  avons  cru  reconnaître  l'A- 
doration des  Mages.  A  mi-hauteur  de  l'arcature, 
deux  figures  de  chaque  côté. 

Dans  les  quatre  coins  du  narthex,  une  colonne 

1,  Dict.  Archii.,  vol.  IV,  page  364  et  suiv. 


engagée,  flanquée  de  deux  colonnettes,  sup- 
porte les  arcs  formerets  et  transversaux  de  la 
voûte  ;  les  chapiteaux  sont  très  intéressants.Tout 
ce  narthex  est  fort  beau,  et  les  vestiges  sculp- 
turaux font  regretter  une  fois  de  plus  que  les  van- 
dales de  la  Révolution  aient  porté  le  marteau  sur 
ces  vénérables  souvenirs  du  passé. 

Dans  ce  porche,  un  débris  païen  (est-ce  un 
autel?)  avec  sculptures  caractéristiques,  sert  de 
bénitier;  des  têtes  au  profil  antique,  des  gladia- 
teurs, des  vases,  des  arabesques  remplissent  les 
compartiments  marqués  par  des  filets. 

En  1839,  on  a  découvert  une  chapelle  souter- 
raine sous  le  chevet  du  collatéral  Sud;  on  lui 
donne  diverses  attributions  ;  les   traces  de  déco- 


Phot.  Jos.  casier.  Loches. 

L'Hôtel-de-ville  et  la  porte  Picoys. 

ration  murale  en  font  attribuer  la  fondation  à 
Louis  XI. 

En  sortant  de  la  collégiale,  nous  quittons  le 
château  par  l'unique  porte  extérieure  et  descen- 
dons par  la  pittoresque  rue  du  Château  ;  là  s'élève 
X Hôtel  de  la  chancellerie,  bâtie  à  deux  époques 
différentes;  la  partie  la  plus  avancée  sur  la  rue 
paraît  dater  du  règne  de  François  Ier.  La  seconde 
partie  appartient  au  règne  de  Henri  II  et  date  de 
1551  :  au-dessus  d'un  écusson  à  tête  ronde  (le 
soleil  ?)  on  lit  les  devises  :  Prudentia  nutrisco  et 
au-dessous  :  Justitia  regno.  Les  initiales  de  Diane 
de  Poitiers  et  de  Henri  II,  se  retrouvent  dans  les 
frises.  Tout  l'édifice  présente  l'aspect  riant  et 
gracieux  de  l'époque. 

Plus  bas  X Hôtel-de-ville,  construit  sur  le  mur 
de  ville  lui-même  dans  un  espace  restreint,  est 
attenant  à  la  porte  Picoys.  Du  côté  de  la  ville  il  se 


REVUE   DE  L'ART   CHRÉTIEN. 
l8g0.   —   6me   LIVRAISON. 


DO 


o 


&cbue  De  rairt  chrétien. 


compose  d'un  gros  pavillon  qui  renferme  l'escalier 
et  un  corps  de  logis  :  les  fenêtres  et  les  lucarnes 
sont  dans  le  style  du  XVIe  siècle  avec  pilastres 
et  chapiteaux  d'ordre  ionique  dont  les  sculptures 
sont  fantaisistes.  Du  côté  du  rempart  le  corps  du 
logis  se  compose  de  pignons  faisant  suite  à  la 
porte  Picoys.  Il  est  fâcheux  que  des  maisons  aient 
été  bâties  dans  l'ancien  fossé  et,  masquant  une 
partie  de  l'hôtel  de  ville,  diminuent  l'aspect  pit- 
toresque de  cette  construction. 

La  tour  Saint-Antoine,  qui  domine  majes- 
tueusement la  ville  basse,  est  un  bel  édifice  de  la 
Renaissance  attribué  à  la  générosité  de  Fran- 
çois Ier,  vers  1525. 

Elle  est  ornée  d'une  galerie  à  jour  dont  les 
meneaux  affectent  la  forme  de  lettres  ;  de  belles 
fenêtres  en  plein  cintre  avec  pilastres  et  chapi- 
teaux sculptés,  l'éclairent  dans  les  étages  supé- 
rieurs; elle  est  couronnée  par  un  dôme,  surmonté 
d'une  lanterne. 


Phot.  [os.  C  .-11 1  Loches. 

La  porte  des  Cordeliers. 

La  porte  des  Cordeliers  est  une  intéressante 
construction  carrée  du  XVe  siècle,  flanquée  de 
quatre  échauguettes,  à  toit  rectangulaire  percé 
de  fenêtres;  elle  faisait  partie  de  l'enceinte  de  la 
ville;  appelée  autrefois  porte  du  Nord,  elle  était 
attenante  à  un  mur  de  circonvallation  crénelé  et 
garnie  d'une  herse  et  d'un  pont-levis  à  bascule. 

Nous  passons  sous  cette  porte  et  nous  nous 
engageons  dans  la  longue  rue  des  Ponts  qui  relie 
Loches  à  Beaulieu;  c'est  une  jolie  promenade 
dans  le  fond  de  la  vallée,  avec  des  échappées  de 
vue  sur  le  château  de  Loches.  Nous  jetons  un 
coup  d'ceil  au  passage  sur  l'intéressant  château 
de  Sansac  que  décore  un  buste  de  François  Ier. 


Beaulieu  justifie  son  nom  par  son  site  ravis- 
sant, ses  rues  pittoresques,  et  le  joli  cours  d'eau 
qui  le  traverse.  Son  église  abbatiale,  bâtie  par 
Foulques  Nerra  au  début  du  XIe  siècle,  est  un 
remarquable  édifice  roman  ruiné  en  grande  par- 
tie. Le  mur  Nord  de  la  nef,  le  transept  et  la  su- 
perbe tour  subsistent  encore.  Le  transept  et  le 
chevet  servent  actuellement  d'église  paroissiale 
après  des  remaniements  importants  exécutés  au 
XVe  siècle.  Un  nouveau  chœur  a  été  inscrit  dans 
l'ancienne  construction  dont  on  retrouve  encore 
quelques  absidioles  en  ruines. 

A  l'extérieur  du  transept  Nord,  des  sculptures 
tout  abîmées  décorent  le  pignon;  elles  soulèvent 
plusieurs  problèmes  d'interprétation.  Quant  au 
mur  de  la  nef,  sa  stabilité,  malgré  son  élévation, 


Phot.  Jos.  Casier.  Beaulieu. 

La  tour  de  l'église  abbatiale. 

l'absence  de  contre-forts  et  les  nombreux  rema- 
niements dont  il  porte  la  trace,  attestent  la 
science  de  son  constructeur. 

La  superbe  tour,  bien  conservée,  porte  le 
caractère  des  clochers  normands;  elle  est  recou- 
verte d'une  pyramide  octogonale  en  pierre  :  les 
belles  ouvertures  du  beffroi  sont  ornées  d'un  tri- 
ple rang  de  colonnettes  à  chapiteaux  en  volute; 
une  triple  archivolte  cintrée  les  ferme.  Ce  clocher 
date  assurément  du  XIIe  siècle. 

L'ancienne  église  paroissiale  de  Beaulieu,  dé- 
diée à  saint  Laurent,  est  aujourd'hui  abandonnée 
et  bien  proche  de  sa  ruine.  C'est  une  construc- 
tion du  style  de  la  fin  du  XI  Ie  siècle;  quoique  ses 


Cratoauj:  Des  Sociétés  ©ayantes. 


531 


proportions  soient  modestes,  elle  a  un  joli  aspect  ; 
sa  nef  comprend  trois  travées  ;  le  transept  donne 
accès  aux  trois  absides  du  chevet  ;  les  fenêtres 
sont  de  simples  baies  ogivales  ;  les  voûtes  sont 
encore  du  type  particulièrement  répandu  en 
Anjou,  à  fausse  coupole  Plantagenet. 

Nous  avons  quitté  Loches  et  Beaulieu  à  regret  ; 
cette  visite  comptera  certainement  parmi  les 
meilleurs  souvenirs  de  cette  excursion.  Cette 
agréable  journée  ne  pouvait  mieux  se  terminer 
qu'au  siège  de  la  Société  archéologique  de  Tours. 
M.  l'abbé  Bossebceuf,  son  président,  assisté  de 
ses  collègues,  voulut  bien  nous  en  faire  les  hon- 
neurs et  nous  dire,  en  des  termes  d'une  haute 
éloquence,  tout  le  plaisir  qu'il  éprouvait  de  la 
visite  de  la  Gilde  belge.  Fidèles  à  nos  usages, 
nous  abordons  ensuite  notre  ordre  du  jour  qui 
comportait  les  observations  au  sujet  des  monu- 
ments visités  depuis  le  départ  d'Angers.  Nos 
confrères  en  profitèrent  pour  mettre  à  contribu- 
tion l'obligeance  et  la  science  de  notre  aimable 
guide,  M.  Bossebceuf.  Le  cadre  de  ce  compte 
rendu  ne  nous  permet  pas  de  consigner  ici  toutes 
ces  explications  marquées  au  coin  d'une  science 
mûrie  par  l'étude  et  l'observation. 

Les  deux  journées  suivantes  furent  consacrées 
à  la  visite  des  curiosités  de  Tours  ainsi  qu'à 
des  excursions  à  Langeais  et  Amboise. 

YJéglise  Saint-Julien  est  un  bel  édifice  du 
XIIIe  siècle.  Le  plan  diffère  du  type  générale- 
ment suivi  à  cette  époque,  et  sous  ce  rapport  il  y  a 
peut-être  matière  à  regret.  On  retrouve  les  trois 
nefs  et  le  transept;  mais  le  chœur  est  flanqué  de 
quatre  collatéraux,  deux  de  part  et  d'autre,  sans 
déambulatoire;  le  chevet  est  plat. 

Les  absidiolesdes  deux  collatéraux  extérieurs 
ont  été  ajoutées  au  XVIe  siècle. 

Malgré  certaines  critiques  à  propos  du  plan, 
Saint-Julien  n'en  demeure  pas  moins  un  bel  édi- 
fice ogival,  aux  proportions  harmonieuses  et  d'un 
effet  pittoresque.  Les  sculptures  des  chapiteaux 
sont  fort  belles  ainsi  que  celles  des  clefs  de  voûte  ; 
on  y  voit  les  armes  de  saint  Louis  et  de  sa  mère 
la  pieuse  reine  Blanche. 

Les  piliers  de  la  nef  sont  cantonnés  de  quatre 
colonnettes  et  surmontés  de  chapiteaux  à  feuil- 
lages; ceux  de  l'abside  sont  monocylindriques. 
Aux  murs  d'élégantes  arcatures  rompent  l'uni- 
formité. La  disposition  du  transept  Sud  mérite 
l'attention;  ses  trois  fenêtres  à  lancettes  canton- 
nées de  gracieuses  colonnettes  et  la  belle  rose 
qui  les  surmonte  présentent  d'harmonieuses  pro- 
portions. 

La  tour  romane,  du  XIe  siècle,  renferme  à 
l'étage  une  chambre  aux  reliques  :  le  mur  oriental, 
datant  des  premières  années  du  XIe  siècle,  est 


décoré  au  bas  par  deux  arcatures  aveugles  sé- 
parées par  une  ouverture  à  terminaison  angulaire 
et  au-dessus  par  trois  arcatures  aveugles,  le  tout 
surmonté  d'une  corniche  romane  au  galbe  clas- 
sique. Les  parois  du  Nord  et  du  Sud  sont  de  la 
même  époque,  mais  les  fenêtres  ont  été  modifiées 
au  XIIe  siècle. 

Au  Nord  de  l'église  Saint-Julien,  une  partie 
des  anciens  bâtiments  conventuels  est  restée 
debout;  nous  devons  y  signaler  une  magnifique 
salle,  probablement  celle  du  chapitre,  qui  sert 
aujourd'hui  d'écurie.  Elle  est  à  trois  nefs  d'égale 
largeur;  les  voûtes  s'appuient  sur  des  colonnes 
monocylindriques  dont  la  base  est  enfouie  sous 
le  pavement   et   dont   les   chapiteaux  sont  fort 


Phot.  Jos.  Casier.  Tours 

Transept  de  l'église  Saint-Julien. 

détériorés  :  on  attribue  cette  salle  au  XIIe  siècle, 
sauf  les  voûtes  à  nervures  toriques  qu'on  croit 
avoir  été  refaites  au  XVe  siècle,  probablement 
en  1464,  après  l'incendie  du  quartier  abbatial. 

Dans  cette  salle,  le  23  mars  1589,  Henri  III, 
chassé  de  Paris  par  la  Ligue,  fit  l'ouverture 
solennelle  du  parlement  :  pendant  cinq  ans,  les 
cours  souveraines  du  royaume  résidèrent  à  Tours. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  souhaiter  que  les 
pouvoirs  publics  s'entendent  pour  empêcher  la 
destruction  de  cette  salle  et  assurer  sa  conserva- 
tion par  une  intelligente  restauration  ! 

La  cathédrale  Saint-Gatien  fut  fondée  au 
IVe  siècle;  des  vicissitudes  nombreuses  forment 


532 


&ebue  tre  r^rt  chrétien. 


la  trame  de  son  histoire  et  expliquent  les  trans- 
formations subies. 

La  façade  et  les  basses  nefs  souffrent  de  nom- 
breux remaniements  et  de  restaurations  plus 
fâcheuses  encore.  Une  profusion  de  sculptures, 
fouillées  à  l'excès,  recouvre  la  puissante  et  ma- 


jestueuse ligne  des  tours  du  XIIe  siècle.  Maison 
oublie  ces  défauts  en  présence  du  chœur  du 
XIIIe  siècle;  toutes  proportions  gardées,  il  rap- 
pelle celui  de  la  cathédrale  de  Reims;  le  chevet 
est  admirable  de  proportions  ;  ses  lignes  sont  har- 
monieuses, et  l'ensemble  impressionne  vivement. 


Façade  de  la  cathédrale. 


C'est  du  reste  la  partie  capitale  du  monument. 
A  l'intérieur  de  belles  colonnes  cylindriques, 
cantonnées  de  quatre  tores,  et  surmontées  de 
gracieux  chapiteaux  feuillages,  en  forment  la 
ceinture;  les  chapelles  rayonnantes  contribuent 
à  l'effet  par  leur  élancement  et  leurs  fenêtres  à 
lancettes  ;  le  triforium  et  les  hautes  fenêtres, 
garnies  de  superbes  vitraux  anciens,  complètent, 


avec  les  voûtes  à  nervures   toriques,  cette  admi- 
rable couronne  aérienne. 

La  série  des  vitraux  anciens  des  hautes  fenêtres 
et  du  pourtour  du  chœur  est  fort  intéressante; 
sans  égaler  ceux  du  Mans  ou  de  Chartres,  ils 
présentent  une  vigoureuse  coloration  et  une 
savante  harmonie  des  tons.  Les  artistes  des  XIIIe 
et  XIVe  siècles  savaient  juxtaposer   les  rouges, 


Cratmuj:  lies  ^ottétés  savantes. 


533 


les  bleus  et  les  jaunes  dans  une  mesure  parfaite- 
ment raisonnée;  ils  savaient  discerner  avec  tact 
les  nuances  et  produire  des  effets  puissants  sans 
heurt,  harmonieux  sans  mollesse.  Cette  délica- 
tesse de  tonalité  n'est  pas  toujours  comprise  par 


ceux  qui  sont  appelés  à  restaurer  ces  vitraux; 
il  est  fâcheux  de  voir  des  bleus  crûs  remplacer 
les  bleus  verts  et  rompre  une  harmonie  si  heu- 
reusement combinée. 

Au  croisillon  Nord,  sous  la  rosace,  les  fenêtres 


Cathédrale  de  Tours.  —  Partie  supérieure  du  vitrail  de  St-Martin  dans  une  des  chapelles  rayonnantes. 


sont  garnies  de  vitraux  intéressants  duXVesiècle. 
Mais  ils  ne  sauraient  être  comparés  à  ceux  qui 
décorent  la  façade  principale.  Dans  la  rangée  de 
lumières  placées  sous  la  grande  rose,  nous  avons 
remarqué  deux  panneaux  du  XIVe  siècle  (sacri- 
fice d'Abraham)   et   surtout   quelques   superbes 


figures  du  XVIe  siècle,  vigoureusement  dessinées 
et  harmonieusement  coloriées.  Elles  mériteraient 
d'être  relevées  avec  soin. 


Joseph  Casier. 


(A  suivre.) 


A  la  Société  d'archéologie.  —  La  Société 
d'archéologie  de  Bruxelles  a  fait  sa  rentrée  en 
octobre. 

Une  exposition  d'objets  d'art  et  d'antiquités  a 
été  offerte  aux  membres,  dans  cette  séance.  Au 
cours  de  celle-ci,  de  nombreuses  communications 
ont  été  faites. 

M.  le  député  J.  Van  der  Linden,  président,  a 
d'abord  rendu  compte  des  travaux  du  Congrès 
tenu,  en  août,  à  Arlon  et  à  Luxembourg. 

M.  Jos.  Destrée  a  fait  ensuite  une  causerie  sur 
des  tapisseries  conservées  au  musée  du  Cinquan- 
tenaire et  sur  deux  sculptures  de  Lucas  Faid- 
herbe  avec  exhibition  de  photographies  de  ces 
œuvres  d'art. 

Lors  du  Congrès  d'Arlon,  deux  membres  de 
la  Commission  des  fouilles,MM.  Hankar  et  Poils, 
avaient  pratiqué  dans  cette  ville  des  fouilles  dont 
le  résultat  fut  la  découverte  d'une  série  de  sculp- 
tures  romaines.    Celles-ci   ont   été    déposées   au 


Musée  provincial  du  Luxembourg  belge.  Un  rap- 
port a  été  lu  sur  ces  travaux  et  ces  antiquités. 

Il  en  a  été  déposé  un  autre  sur  le  cimetière 
franc  de  Villers-devant-Orval,  fouillé,  en  pré- 
sence des  congressistes,  par  MM.  J.  Clary,  juge 
de  paix  à  Florenville,  et  le  baron  de  Loë. 

Enfin,  M.  de  Raadt  a  fait  connaître  des  parti- 
cularités sur  le  commerce  des  poissons  à  Brux- 
elles, au  vieux  temps,  et  les  vains  efforts  que 
firent  aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles,les  Bruxellois 
pour  s'émanciper  du   monopole  des   Hollandais. 

La  Société,  accueillant  une  motion  de  M. Van 
Havermaet,  a  émis  le  vœu  de  voir  les  fabriques 
d'église  veiller  à  ce  que  les  ex-voto,  dont  elles 
garnissent  les  murs  des  temples,  affectent  des 
formes  artistiques. 

MM.  Cumont  et  E.  L'hoest  se  sont  occupés  de 
l'art  industriel  de  la  faïencerie  et  de  la  porce- 
laine. 


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HISTOIRE  DE  L'ART  DANS  L'ANTIQUITE 
(  Phénicie,  Egypte,  Assyrie,  Judée,  Asie-Mineure,  Perse, 
Grèce),  par  MM.  Georges  Perrot,  membre  de  l'In- 
stitut, directeur  de  l'École  normale  supérieure,  et 
Charles  Chipiez,  architecte  du  gouvernement.  T.  VII  : 
La  Grèce  de  l'épopée,  La  Grèce  archaïque  (le  Temple). 
—  Un  volume  in-8°  Jésus,  contenant  50  planches  et 
300  gravures  dessinées  d'après  les  originaux  ou  d'après 
les  documents  les  plus  authentiques.  —  Hachette 
et  C'e,  Paris.  Broché,  30  fr.  ;  relié,  37  fr. 

^^i^ffi  MksURE  que  l'horizon  de  nos  con- 
naissances  s  élargit,  nous  nous  aper- 
cevons que  tout  n'est  qu'un  perpétuel 
jte  renouveau  qui  se  tient,  s'enchaîne, 
;'«V vjni  dont  chaque  feuillet  explique  le  sui- 
vant, après  l'avoir  préparé.  Et  cette  Histoire  de 
l'Art  de  MM.  Perrot  et  Chipiez,  déjà  à  son 
septième  volume,  est  de  ces  ouvrages  qu'il  faut 
lire  parce  qu'on  y  trouve  les  genèses  des  choses, 
dont  on  demanderait  vainement  aux  siècles  sui- 
vants l'explication.  Nul  ne  saurait  aujourd'hui 
se  cantonner  dans  ses  études  particulières  ;  et 
si  forcément  le  champ  de  nos  travaux  se  resserre, 
si  chacun  de  nous  ne  peut,  comme  ses  devanciers, 
embrasser  de  larges  étendues,  nos  investigations 
doivent  s'enfoncer  au  loin,  très  loin,  vers  des 
contrées  où  nous  étions  convaincus  naguères  que 
nous  n'aurions  jamais  à  pénétrer.  Lorsqu'on  voit 
avec  quelle  science,  M.  Perrot,  s'appuyant  sur 
l'épopée  homérique,  reconstitue  toute  une  période 
absolument  ignorée,  quand  on  admire  ses  resti- 
tutions, quand  on  compare  l'art  de  cette  époque 
préhistorique,  si  difficile  à  pénétrer  avec  notre 
moyen  âge,  on  reste  confondu  de  ce  qui  nous 
reste  à  apprendre  pour  expliquer  et  commenter 
avec  méthode  ce  que  nos  ancêtres,  depuis  l'ère 
chrétienne,  ont  écrit  et  produit.  Et  il  semble 
vraiment  que  ce  livre,  dont  le  compte  rendu  se 
trouve  si  rapproché  de  celui  de  M.  Mâle,  soit  la 
précise  justification  de  la  nécessité  de  remonter 
aux  origines,  pour  expliquer  principalement  un 
symbolisme  dont  les  idées  premières  se  trouvent 
si  souvent  dans  les  premiers  âges  du  monde. 

M.  Perrot  n'hésite  pas  à  écrire  que  la  mytho- 
logie homérique  est  de  la  mythologie  défraîchie; 
pour  lui  peut-être  ?  Mais  que  le  médiéviste  re- 
monte seulement  jusque-là,  qu'il  interroge  ces 
instructifs  chapitres  avant  de  prononcer  un  juge- 
ment impartial  sur  ce  qu'il  a  devant  les  yeux; 
il  y  verra  nombre  de  théories  trouver  là  leur 
explication  très  naturelle. 

De  la  religion  découlent  de  nombreuses  cou- 
tumes :  l'adoration  des  arbres,  les  bétyles,  l'astro- 


Iâtrie,  fruit  du  premier  effort  de  réflexion  de 
l'esprit  humain.  L'arbre  attirait  à  lui  tous  les 
maux  des  hommes  et  les  en  délivrait  :  ce  que  l'on 
adorait  en  lui  c'était  sa  plénitude,  sa  surabon- 
dance de  vie,  cet  annuel  renouveau  qu'on  désirait 
pour  les  faibles  mortels.  Le  Comité  d'archéo- 
logie ne  demandait-il  pas  naguères  à  ses  corres- 
pondants de  recueillir  tous  les  renseignements 
sur  le  culte  des  fontaines  au  moyen  âge  ?  Qui  de 
nous  n'a  vu  justement  près  de  ces  sources  réputées 
antiques,  buts  de  pèlerinages,  de  vieux  arbres 
centenaires  couverts  de  loques  et  de  chiffons, 
pieux  ex-voto  de  pèlerins  qui  venaient  leur  de- 
mander la  guérison  de  leurs  maux  ?  Les  bétyles  ? 
Mais  est-ce  autre  chose  que  le  premier  culte  des 
pierres,  la  reconnaissance  de  leur  puissance  ma- 
gique, source  des  Lapidaires  dont  Marbode  passa 
si  longtemps  pour  le  véritable  auteur  ?  L'astro- 
lâtrie  ?  Aucune  époque  fut-elle  plus  superstitieu- 
sement soumise  aux  astrologues  que  la  Renais- 
sance ?  Et   ce  que   je    ne    fais    qu'esquisser    en 


Plaque  d  or  trouvée  à  Eleusis. 

quelques  lignes  pour  notre  moyen  âge,  M.  P.  le 
fait  précisément  pour  l'art  de  cette  Grèce  qu'il 
nous  développe  si  excellemment.  Dans  le  poly- 
théisme, il  voit  le  développement  des  arts  du 
dessin,  car  il  impose,  dit-il,  à  la  faculté  plastique 
un  effort  que  n'exige  pas  le  fétichisme.  L'artiste 
doit  créer  des  types,  dont  chacun  sera  la  traduc- 
tion sensible  d'une  idée  générale,  qui  permet  de 
représenter  des  divinités  déterminées;  n'est-ce 
pas  la  règle  artistique  de  notre  moyen  âge,  où 
le  sculpteur  met  aux  portails  des  cathédrales 
des  représentations  que  le  médiéviste  peut  im- 
médiatement identifier,  tout  comme  l'archéologue 
doit  reconnaître  dans  une  statue  antique,  un 
Zeus,  un  Hermès,  un  Apollon  ;  et  je  voudrais 
qu'il  fût  bien  compris  que  si,  pour  l'antiquité 
s'abaisse  et  s'ouvre  par  larges  brèches,  à  chaque 
découverte  que  fait  l'histoire,  la  barrière  que 
l'orgueil  national  avait  jadis  dressée  entre  les 
Hellènes  et  ceux  qu'ils  appelaient  barbares, 
l'archéologie  médiévale  ne  peut  exister  qu'autant 


536 


3&etwc  ïie  l'Srt  chrétien. 


que  ses  études  personnelles  se  poursuivront  aussi 
loin  que  possible  dans  le  domaine  de  l'archéologie 
la  plus  ancienne. 

M.  P.  nous  fait  assister  à  ce  patient  travail  qui 
du  bétyle  dégage  la  statue  à  peine  commencée. 
Dans  ces  premiers  essais  qui  nous  sont  parvenus, 
il  me  semble  voir  cet  art  mérovingien,  où  sou- 
vent il  est  impossible  de  distinguer  les  membres 
du  personnage  ;  j'admire  aussi  cette  plaque  d'or 
d'Eleusis,  qui  peut  si  bien  se  comparer  aux  orfè- 


vreries franques,  et  devant  ce  bouclier  votif, 
devant  cette  tête  de  lion  je  me  sens  forcé  à  une 
intime  comparaison  avec  ces  deux  lions  de  la 
porte  de  la  cathédrale  du  Puy,  pour  lesquels  j'ai 
toujours  été  incapable  de  donner  aucune  solution. 
Il  n'est  pas  jusqu'à  la  glyptique  qui,  suivant  M.  P., 
subissant  à  l'époque  homérique  une  éclipse  mo- 
mentanée pour  renaître  avec  la  sculpture  au 
VIP  siècle,  ne  nous  rappelle  la  disparition 
presque  complète  de  cet  art,  dans  notre  Occident, 


Bouclier  votif  en  bronze. 


du  IIIe  siècle  peut-être,  jusqu'au  duc  Jean  de 
Berry. 

Toujours,suivant  pas  à  pas  Homère,  M.  P. décrit 
les  belles  armes,  les  belles  coupes  d'or  et  d'argent, 
les  beaux  bijoux  qui  provoquent  l'admiration 
et  que  chante  le  poète. 

Après  le  bouclier  d'Achille,  dont  il  commente 
les  différentes  restitutions,  voilà  la  cuirasse  d'Aga- 
memnon.  Ici  je  ne  serai  pas  d'accord  avec  M.  P. 
Ce  kyanos,  bleu  de  cuivre,  mêlé  au  cassiteros,  sur 


une  plaque  de  bronze,  n'était  point  l'émail  bleu, 
mais  une  sorte  de  malachite  dont  les  diaprurcs 
justement,  devaient  merveilleusement  simuler  les 
écailles  des  serpents  du  bouclier.  Puis  voilà  de 
délicats  joyaux,  où  se  sent  une  influence  étran- 
gère, mais  cependant  si  bien  elle-même,  que 
M.  P.  n'hésite  pas  à  écrire  que  ces  bijoux  sont 
bien  l'œuvre  d'un  orfèvre  grec,  probablement 
même  d'un  orfèvre  établi  à  Egine.  Vient  un  long 
chapitre  consacré  à  la  fibule,  dont  on  s'est  telle- 


Btbltograptne. 


537 


ment  préoccupé  pendant  les  dernières  années, tant 
au  point  de  vue  antique  qu'au  point  de  vue  mé- 
rovingien.Or,  ce  qui  est  particulièrement  curieux, 
c'est  que  ni  la  Chaldée,  ni  l'Assyrie,  ni  l'Egypte, 
ni  la  Phénicie   n'ont  connu  la  fibule;  elle  ne  fait 


Peudan     <!^  coïlier  en  or. 


son  apparition  qu'en  Italie,  chez  les  peuples  des 
Terramares,  dans  la  vallée  du  Pô,  en  Grèce,  vers 
la  fin  de  la  période  mycénienne;  on  la  rencontre 
constamment  dans  les  tombes  de  la  période  qui 
s'ouvre  par  cette  invasion,  et  depuis  lors,  nous  la 


3. 

Fibule  d'Asie  mineure    —  z   Fibule  de  Dodone 
spires  de  Béotie. 


retrouverons  partout  aussi  bien  dans  l'Europe 
centrale  que  chez  les  riverains  de  la  Méditer- 
ranée. Est-ce  à  un  besoin   de  climat,  à  la  néces- 


sité de  tenir  fermé  le  vêtement  flottant  des  pays 
du  soleil  qu'il  faut  en  attribuer  l'emploi  ?  En  tous 
cas  il  est  précieux  pour  les  études  du  costume  du 
moyen  âge  de  voir  combien  peu  elle  a  varié  depuis 
ses  origines  jusqu'à  la  période  mérovingienne. 

Dans  le  Livre  XIII,  M.  Perrot  commence 
l'histoire  de  l'art  dans  la  Grèce  archaïque.  Toute 
cette  dernière  partie  est  uniquement  consacrée  à 
l'architecture  ;  le  mode  dorique  et  les  temples 
qu'il  nous  a  légués  est  étudié  dans  toutes  ses 
manifestations,  le  mode  ionique  lui  succède  avec 
une  étude  comparative  des  deux  ordres  et  de 
leurs  origines.  Je  laisse  à  d'autres,  plus  compé- 
tents, le  soin  de  dire  l'intérêt  qui  s'attache  à 
ces  pages,  où  toutes  les  découvertes  les  plus  ré- 
centes de  l'archéologie  se  trouvent  représentées. 
J'ai  seulement  voulu  montrer  aujourd'hui,  par 
un  côté,  peut-être  un  peu  trop  négligé,  quelles 
ressources  nos  études  pouvaient  rencontrer  dans 
cet  ouvrage,  et  quels  éclaircissements  devait 
apporter  aux  obscurités  du  moyen  âge,  qui  n'en 
eut  certainement  pas  conscience,  cette  reconsti- 
tution si  attachante,  si  précise  de  la  vie  des 
hommes  de  l'époque  homérique,  de  leurs  mœurs 
et  de  leurs  croyances.  ^  nF  \rKT  v 


SCOPERTE  DI  ANTICHITA  IN  NAPOLI  DAL 
1876  A  TUTTO  IL  1897,  con  notizie  délie  scoperte ante- 
riori  e  ricordi  storico-artistico-topografici,  per  Ferdinando 
Colonna,  dei  principi  di  Stigliano.  Naples,  Giannini, 
1898,  in-8°  de  XXIV-649  l»g. 

LA  ville  de  Naples,  trois  fois  éprouvée  par  le 
choléra  de  1884  a  1887,  est  en  train  de  s'as- 
sainir par  des  percements  de  rue,  qui  ont  amené 
le  bouleversement  du  sol  et  par  suite  la  décou- 
verte de  nouveaux  débris  romains  ou  du  moyen 
âge,  fragments  d'architecture,  tombeaux,  statues, 
inscriptions,  armoiries,  mosaïques,  etc.  Le  relevé 
de  ces  fouilles  heureuses  a  été  fait  avec  le  plus 
grand  soin  :  l'auteur,  élargissant  son  sujet,  jette 
un  regard  en  arrière,  en  sorte  qu'on  assiste  à  ces 
opérations  fructueuses,  bien  dirigées,  qui  ont 
enrichi  les  musées  municipaux.  La  part  faite  aux 
inscriptions  y  est  vraiment  considérable,  ce  dont 
se  réjouiront  les  épigraphistes.  L'utilité  de  cette 
publication  est  incontestable  et  elle  a  la  valeur 
d'un  document  historique  qu'il  faudra  désormais 
consulter. 

Dans  ce  renouvellement  de  la  vieille  cité,  6$ 
églises  ou  chapelles  auront  disparu  ;  en  certains 
endroits,  les  parties  les  plus  notables  ont  été 
conservées  sur  place  ou  transportées  ailleurs,  ou 
encore  le  souvenir  en  a  été  maintenu  par  des 
épigraphes  commémoratives. 

J'ai  cité  dans  le  tome  XII  de  mes  Œuvres  com- 
plètes, p.  462,  l'inscription  relative  à  Ste  Hélène, 


REVUE  DH  L'ART  CHRETIEN. 
1899.    —   6me  LIVRAISON. 


538 


Betnic  lie  l'ftrt  chrétien. 


qui  est  au  Vatican.  Du  même  genre  sont  les  deux 
exhumées  à  Naples  et  reproduites  pp.  271,  467  : 

PIISSIMAE    •    AC    •    VENERABILI 

DOMTNAE    •    NOSTRAE    •    HELAENAE 

AVGVSTAE    •    MATRI 

DOMINI    •    NOSTRI    -   VICTORIS 

SEMPER    •  AVG    •    CONSTANTINI    •    ET 

AVIAE    •    DOMINORVM    •    NOSTRORVM 

BEATISSIMORVM    •    CAESARVM 

ORDO    •    ET    •    POPVLVS    •    NEAPOLITANVS 

PIISSIMAE    •   AC    •   CLEMENTISSIMAE 

DOMINAE    .    NOSTRAE    •    AVGVSTAE 

HELENAE    •    MATRI 

DOMINI    •    NOSTRI    •   VICTORIS 

SEMPER    ■    AVGVSTI    -   CONSTAN 

TINI    •    ET    •    AVIAE 

DOMINORVM    •    NOSTKORVM 

CAESARVM    •    BEATORVM 

VXORI    •    DIVI    •    CONSTANTII 

ORDO    •    NEAPOLITANORVM 

ET    •    POPVLVS 

Une  inscription  de  1818  (pp.  105,  486)  place 
l'hospice  des  aveugles  sous  la  protection  de 
S.  Joseph  et  de  Ste  Lucie. 

Comme  curiosité,  je  citerai  ces  inscriptions  de 
1618,  1623  et  1629,  apposées  sur  les  murs,  qui  dé- 
fendent aux  propriétaires,  voisins  d'églises  ou 
de  couvents,  sous  peine  d'une  forte  amende  ou 
même  du  fouet,  de  louer  aux  personnes  déshon- 
nètes,  courtisanes,  étudiants  et  teneurs  de  tripots: 
«  Che  non  allochino  loro  case  a  meritrice,  stu- 
denti,  alloggiatori  ed  altre  persone  disoneste.  » 
«  Non  ardiscano  locare  le  loro  case  ne  fare  abitare 
in  quelle  donne  corteggiane,  studenti  et  altre 
persone  disoneste  e  chi  tenesse  giochi  publici.  » 

Je  ne  ferai  qu'un  reproche  à  cet  ouvrage,  c'est 
le  nombre  extraordinaire  des  fautes  typographi- 
ques qui  ont  motivé  20  pages  d'errata. 

X.  B.DE  M. 

ANALECTAHYMNICA  MEDII  JE.VI,  par  les 
PP.  Blume  et  Dreves,  S.  J.  Leipzig,  Reisland,  1898, 
in-8°  de  312  pag. 

Ce  fascicule,  qui  est  le  30e,  comprend  167  nos, 
qui  se  répartissent  ainsi,  sous  le  titre,  un  peu 
banal,  de  Fia  dictamina  :  Dieu,  la  Vierge,  les 
saints  et  les  défunts,  gloses  diverses.  Les  saints 
n'y  sont  qu'au  nombre  de  douze,  chacun  a  son 
Petit  office,  pour  la  dévotion  privée. 

La  glose  sur  le  Veni  Creator  commente  chaque 
mot  par  une  strophe  de  huit  vers.  Voici  la  doxo- 
logie  ancienne: 


Sit  laus   Patri  cura   Filio, 
Sancto  simul  Paraclito, 
Nobisque  mittat  Filius 
Charisma  sancti  Spiritus.  Amen. 

Dextne  Dei  tu  digitus  est  le  texte  primitif,  cor- 
rigé dans  le  Romain  en  Tu  digitus  paternœ  dex- 
terœ,  qui  n'a  pas  de  sens,  car  la  main  divine  n'est 
pas  nécessairement  celle  du  Père,  puisque  la 
bénédiction  se  fait  à  trois  doigts,  au  nom  de  la 
Ste-'Trinité.  Le  manuscrit  de  Clairvaux,  daté  de 
1444,  donne  un  autre  symbolisme  :  le  St-Esprit 
n'est  plus  seulement  V index,  mais  il  est  représenté 
par  les  cinq  doigts  de  la  main,  ainsi  expliqués  : 

Tu  digitus  es  medicus, 
Surdas  aures  aperiens  ; 
Ocularis  clarificus, 
Cœcos  videre  faciens  ; 
Tu  digitus  es  medicus, 
Daemonia  ejiciens  ; 
Tu  es  index  salvificus, 
Pollex  promissa  largiens. 

Il  y  a  ici  deux  fautes  que  je  ne  sais  à  qui 
attribuer,  à  l'original  ou  à  la  copie.  Medicus  est 
évidemment  pour  médius,  puisqu'il  s'agit  du  doigt 
du  milieu  et  iudex  pour  index,  le  doigt  indicateur, 
placé  entre  celui  du  milieu  et  le  pouce. 

Le  Petit  office  de  la  Vierge,  emprunté  à  un 
manuscrit  des  Augustins  de  Mayence,  des  XVe 
et  XVIe  siècles, établit  delà  sorte  la  symbolique 
des  couleurs  afférentes  aux  vêtements  de  Marie, 
suivant  l'occurrence.  Ces  couleurs,  au  nombre  de 
sept,  sont  :  pourpre,  rouge,  bleu,  gris,  vert,  noir, 
blanc. 

La  pourpre  convient  à  la  souveraine  clémente 
et  à  la  reine  glorieuse  : 

Vesteni,  ecce,  prœparamus 
Purpuream  et  rogamus 
Te  clementem  Dominam... 
Nos  custodi,  o  Regina 
Et  da  cœli  gloiiam. 

Le  rouge  indique  l'amour  de  feu,  qui  compète 
à  la  mère  : 

Mater  régis  supernorum 
Caritate  ignea. 

Salve,  murra  semper  fragrans, 
Jugiter  amore  flagrans 
Pietate  nitida. 
Veste  rubea  amari 
Teque  prolem  venerari 
Fac  nos,  flos  convallium. 

Étoile  du  matin,  Marie  brille  au  firmament,  le 
bleu  est  donc  sa  couleur  céleste  : 

Salve,  Stella  matutina,... 
Stolam  blaniam  (')  parare 
Ac  peccata  emendare, 
Ad  superna  respirare 
Fac  nos,  pia  Domina. 

I.  Restituer  bliviam. 


Btbltograptne. 


539 


A  sexte,  le  soleil  baisse  et  le  soir  est  venu. 
Marie,  étoile  du  soir,  adopte  alors  la  couleur  grise, 
qui  rappelle  au  voyageur  la  poussière  du  chemin: 

Ecce  vestis  grisea, 
Stella  vespertina,... 
Iter  viatorum. 

Marie  est  la  vigne,  dont  les  pampres  verts  sont 
un  gage  d'espérance  pour  les  dons  de  Dieu  : 

Salve,  vitis  irrigata, 
Stola  vindi  ornata, 
Dei  donis  decorata, 
Vera  spes  terrigenis. 

A  vêpres,  heure  du  crucifiement,  le  noir  dénote 
le  deuil  de  l'âme,  à  l'occasion  de  la  mort  du 
Sauveur  : 

Heu  !  Maria  videt  natum 
Fixum  cruci,  desolatum 
In  monte  Calvariae... 
Vestem  nigram  prneparare, 
Jesu  mortem  frequentare 
Nos  fac,  Mater  gratiae. 

A  complies,  le  blanc  fait  allusion  à  la  gloire 
céleste,  à  la  récompense  éternelle,  à  la  lumière 
du  soleil,  dont  Marie  est  l'aurore  et  aux  noces 
de  l'Époux. 

Vale,  aula  prasmunita, 
Stola  alba  redimita, 
Dos  asterni  muneris. 
Vale,  sponsa  Dei  dicta, 
Sole  Olympi  amicta... 
Nos  perfrni  perennibus 
Caelorum  regni  tinnulis 
Da,  fulgens  aurora. 

X.  B. DE  M. 


POUR  LA  CROIX.  ESQUISSE  ARCHÉOLO- 
GIQUE, AVEC  36  DESSINS  DE  L'AUTEUR, 
par  Frédéric  Christol.  Paris,  Fischbacher,  Noël  1898, 
pet.  in-40  de  32  pages. 

M.  F.  Christol,  pasteur  de  l'Église  réformée, 
ancien  élève  de  l'École  des  Beaux-Arts,  a  anté- 
rieurement livré  au  public  un  ouvrage,  Au  Sud 
de  l' Afrique;  c'est  le  récit  d'une  mission,  enrichi 
de  150  dessins  et  croquis,  très  caractéristiques  et 
d'une  artistique  originalité.  La  très  jolie  plaquette 
récemment  parue  ne  compte  que  trente-deux 
pages,  et  les  figures  y  tiennent  plus  de  place  que 
le  texte.  Ces  figures,  bien  dessinées  et  qui  parais- 
sent exactes,  sont  d'une  variété  étonnante. 

Partant  de  la  célèbre  et  ignoble  caricature 
romaine  conservée  au  MuséeKircher.pour  aboutir 
à  une  croix  très  moderne  peinte  sur  une  église 
vaudoise,  l'auteur  nous  offre,  en  passant,  des  sar- 
cophages, des  mosaïques,  d'anciennes  miniatures 
et  gravures,  des  croix  de  carrefour  et  de  cime- 
tière, des   calvaires   bretons,  des   médailles,  des 


bijoux,  etc.,  sans  omettre  quelques  monuments 
exotiques  et  non  chrétiens,  tels  que  la  croix  de 
Palenké,  au  Mexique. 

Les  neuf  chapitres  du  texte  se  rapportent  à  la 
croix  d'une  manière  également  très  variée  et  sont 
trop  courts  pour  être  détaillés  ici.  Il  s'agit  bien, 
comme  le  dit  l'auteur,  sous  le  titre  un  peu  singu- 
lier Pour  la  croix,  d'une  Esquisse  archéologique, 
que  l'on  doit  considérer  comme  telle;  car  autre- 
ment nous  serions  en  droit  de  regretter  que  les 
désignations  soient  généralement  peu  précises, 
les  références  très  vagues,  et  que,  pour  les  dessins, 
elles  fassent  trop  souvent  défaut;  nous  serions 
aussi  disposé  à  présenter  des  observations  assez 
nombreuses  sur  différents  points. 

Par  exemple,  l'auteur  aurait  pu,  sans  beaucoup 
de  peine,  préciser  l'endroit  des  «  Lettres  choisies 
de  saint  Jérôme,  traduites  par  J.  P.  Charpentier  », 
où  ce  Docteur  de  l'Église  affirmerait,  en  parlant 
de  l'armée  romaine,  que  «  l'étendard  des  soldats, 
c'est  la  croix  ».  A  notre  avis,  il  s'agit  certaine- 
ment, non  de  la  croix,  mais  du  chrisme,  c'est-à- 
dire   du   monogramme  J?,  et  le  savant  chanoine 

Martigny  fait  remarquer  combien  l'on  a  trop 
souvent  confondu  ces  deux  symboles  (T). 

Nous  aurions  aussi  des  réserves  très  sérieuses 
à  faire  relativement  à  tout  ce  qui  est  dit  du  laba- 
rum.  Mais  il  ne  convient  pas  de  s'appesantir  mi- 
nutieusement sur  ce  gracieux  recueil  de  curieux 
dessins.  Nous  aimons  à  croire  qu'en  lui  faisant 
bon  accueil,  nous  encouragerons  son  auteur  à 
continuer  ces  études  archéologiques,  où  il  ne 
tardera  pas,  nous  en  sommes  convaincu,  à  se 
défaire  de  certaines  préoccupations  confession- 
nelles et  à  donner,  illustrées  avec  le  talent  qu'il 
possède,  des  œuvres  utiles  à  la  science  et  à  la 
piété  de  tous  les  chrétiens. 

L.  Germain. 


FOUILLES  ARCHÉOLOGIQUES  DE  L'AB- 
BAYE  DE   SAINT-MAUR   A   GLANFEUIL,   par 

le  P.  De  la  Croix,  plaquette  in-40  de  210  pp.,  5  pi.  et 
plusieurs  phototypies.  Paris,  A.  Picard,  1899. 

LES  ruines  du  monastère  de  Saint-Maur  de 
Glanfeuil  dédié  en  1036,  sont  au  nombre 
des  restes  les  plus  curieux  du  XIe  siècle.  On  y 
trouve  les  bases  ornées  de  cordelettes  et  le  cha- 
piteau renversé,  décoré  de  ce  que  Viollet  le  Duc 
appelait  des  fleurs  de  lotus.  Sur  la  façade  de 
Saint-Maur  on  voit  l'oiseau  à  bec  crochu  qui  se 
retrouve  à  Charnay,  dans   des  manuscrits  méro- 

1.  Dut.  des  Antiquités  chrétiennes,  1877,  art.  Croix,  p.  214  : 
«  ...  Souvent  les  textes  anciens  désignent  le  monogramme  (le 
chrisme)  sous  le  nom  de  Croix,  ce  qui  peut  donner  lieu  à  bien  des 
méprises.  » 


54Q 


3Re\nic  De  l'&rt  chrétien. 


vingiens,  sur  les  bijoux  des  Goths,  dans  l'île  de 
Gotland,  etc.  (l). 

Odon  de  Glanfeuil,  abbé  de  Saint-Maur,  dans 
une  chronique  écrite  au  VIe  siècle,  indique  d'une 
manière  précise  l'existence  de  quatre  oratoires 
dans  l'abbaye.  D'après  son  texte,  le  P.  De  la  Croix 
a  été  assez  heureux  d'en  retrouver  les  substruc- 
tions,  assises  sur  celles  d'une  villa  romaine. 

Les  temples  chrétiens  du  VIe  siècle  sont  choses 
extrêmement  rares  en  Gaule.  Nous  en  avons  ici  un 


CHAPCU.E  SAIKT-::.'  DE  SAINTE 

spécimen,  très  petit  il  est  vrai  (il  mesure  à  peine 
12  m.  sur  7  m.  hors  œuvre).  Aussi  croyons-nous 
intéressant  de  reproduire  en  réduction  le  plan  de 
la  chapelle  de  Saint-Maur  avec  la  cellule  que  le 
Saint  a  habitée. Le  P.  De  la  Croix  a  retrouvé  aussi 
les  restes  de  la  chapelle  de  St-Séverin,  mais  ils 
paraissent  ne  remonter  qu'à  l'époque  romane.  De 
l'église  abbatiale  de  St-Pierre,  il  ne  reste  guère 
pierre  sur  pierre.  La  villa  contenait  une  nymphée, 

i.    V.    L.  Courajod,  Leçons  professées  au  Louvre,  p.  491.    Paris, 
Picard,  1899. 


qui  fut  transformée  par  S.  Maur  en  la  chapelle 
St-Michel,  dont  on  retrouve  également  des  ves- 
tiges. 

Toutes  ces  découvertes  d'un  si  haut  intérêt 
sont  brièvement  présentées,  avec  la  réserve  et 
la  précision  qui  distinguent  le  vrai  savant. 

L.  C. 

UNE  STATUE  DE  SAINTE  CÉCILE  A  LA  CA- 
THÉDRALE DU  MANS,  par  M.  R.  Triger.  — 
Broch.  —  Le  Mans.  —  A.  de  Saint-Denis,  1896. 

Le  culte  de  la  patronne  des  musiciens  est  eu 
honneur  au  Mans,  surtout  depuis  la  fondation, 
faite  en  1633  par  le  chanoine  Le  Rouge,  d'un 
concours  annuel  de  motets  en  son  honneur.  Cet 
ecclésiastique  érigea  dans  la  cathédrale  un  autel 
où  Ste  Cécile  était  représentée,  accompagnée  de 
Ste  Marthe  et  de  Ste  Marguerite. 

M.  Triger  nous  fait  connaître  la  statue  princi- 
pale de  cet  autel,  actuellement  conservée  au 
Musée  de  la  Psallette,  et  dont  il  faut  avec  lui 
souhaiter  le  retour  à  la  cathédrale.  Elle  est  en 
terre  cuite,  jadis  rehaussée  de  couleurs.  L'œuvre 
de  Charles  Hoyau  est  médiocrement  pieuse  et 
plutôt  trop  élégante;  mais  on  pourrait,  sans  en 
faire  une  pure  image  de  dévotion,  lui  trouver 
quelque  honorable  coin,  où  elle  pourra  rappeler 
la  grâce  de  la  plastique  mancelle  au  XVI  Ie  siècle 
dans  une  œuvre  d'une  grande  noblesse. 

L.  C. 

LE  MANS  A  TRAVERS  LES  AGES,  par  M. 
R.  Triger.  Broch.  Le  Mans,  A.  Saint-Denis,  1898. 

Le  discours,  prononcé  en  la  séance  d'ouverture 
du  Cercle  archéologique  du  Maine,  par  son  vice- 
président,  est  un  savoureux  morceau  d'éloquence 
archéologique.  Versé  dans  la  littérature  et  l'his- 
toire comme  dans  les  antiquités,  bel  écrivain, 
chrétien  et  patriote  fervent,  l'auteur  a  fait  de 
ce  simple  aperçu  rétrospectif  un  chant  à  la 
gloire  de  la  cité  mancelle,  que  saint  Julien  a 
faite  chrétienne,  et  que  les  évêques  Maurice, 
Geoffroy  de  Laval,  Geoffroy  de  Londet  ont  dotée 
d'une  merveilleuse  cathédrale  ;  que  la  Renais- 
sance a  coquettement  ornée,  et  où  un  Cercle  ar- 
chéologique très  actif  maintient  le  culte  des  belles 
traditions  dans  l'incomparable  local  dit  de  la 
Reine  Hérangère. 

L.  C. 


LES  SAINTS  ET  LES  ANIMAUX,  par  M.  BOUR- 
GEOIS. 1  vol.  grand  in-8"  de  240  pages,  illustré  de 
20  gravures.  Société  St-Augustin,  Lille.  Prix  :  fr.  1,50. 

M.  H.  Bourgeois,  en  écrivant  ce  livre  attrayant, 
a   eu    pour  but  d'exalter   l'honneur   des  Saints, 


Bibliographe. 


541 


d'intéresser  la  jeunesse  et  de  prêcher  le  sympathie 
envers  les   animaux.  Son   ouvrage  pourra   inté- 


resser  nos  lecteurs  par   les  accointances  qu'ont 
ensemble  l'hagiographie,  la  légende   et   l'art,  et 


Saint  Antoine  et  les  lions. 


par  les  rapports  qu'il  présente  avec  l'iconographie 
des  Saints,  dont  un  si  grand  nombre  ont  pour 
caractéristique  un  animal. 

L.  C. 

ESSAI  SUR  MATHIEU  DIONISE,  SCULP- 
TEUR MANCEAU,  par  le  Cle  Ch.  de  BeaujMont, 
Mamers,  Fleury,  1899  (Extrait  de  la  Revue  hist.  et 
arch.  du  Maine.  —  Brochure. 

On  conserve  à  Buissière-Badil  (Dordogne)  et 
à  Parigné-l'Évêque  (Sarthe)  deux  madones,  dont 
on  avait  déjà  remarqué  les  airs  de  famille  avec 
la  Vierge  de  Germain  Pilon  conservée  à  La  Cou- 
ture du  Mans. 

Cette  circonstance  donnait  un  intérêt  parti- 
culier à  ces  sculptures  qui  sont  d'ordre  infé- 
rieur. M.  de  Beaumont  leur  a  assuré  une  valeur 
plus  grande  en  faisant  connaître  leur  auteur, 
Mathieu  Dionise  du  Mans.  Celui-ci  a  signé  la  pre- 
mière, et  l'a  datée  de  1581;  un  texte  ancien,  de 
l'année  1613,  atteste  qu'il  exécuta  la  seconde, 
aidé  de  son  neveu,  le  sieur  de  la  Barre. 

Mathieu  Dionise,  sculpteur  et  peintre,  a  sculpté 
également  et  décoré  le  saint  Georges  de  Saint- 
Georges-de-la-Couée  (SartheJ  en  1597. 

On  ne  peut  assez  louer  les  archéologues  de 
province  qui  savent,  par  des  travaux  aussi  sérieux, 
tirer  de  l'oubli  des  objets  d'ordre  secondaire  mais 
souvent   d'un    vif  intérêt,  et  parviennent   à   leur 


faire  dire  tout  ce  qu'ils  peuvent  nous  apprendre 
sur  leur  auteur,  l'école  à  laquelle  ils  appar- 
tiennent, leur  origine,  leur  histoire  et  les  pratiques 
de  l'art  régional;  retrouver  en  quelque  sorte  leur 
état  civil  authentique,  et  dégager  tous  les  en- 
seignements qui  ressortent  de  leur  iconographie. 
C'est  ce  qu'a  fait  M.  de  B.  dans  cette  substantielle 
plaquette  fort  bien  illustrée  de  clichés  photogra- 
phiques dont  il  est  l'auteur. 

L.  C. 

COLLECTION  D'IMAGES  SCOLAIRES.  — 
Série  I.  Histoire  Sainte.  —  Bertrand  Lyson,  1,  place 
Saint  François- Xavier,  Paris. 

Nous  sommes  heureux  de  faire  connaître  cette 
excellente  série  d'images  (bons  points  scolaires), 
comprenant  32  numéros  et  consacrés  aux  faits 
saillants  de  l'Ancien  Testament.  Cette  petite 
bible  des  enfants  en  images  est  conçue  de  la  belle 
manière,  dessinée  au  simple  trait,  très  sobrement, 
mais  avec  maîtrise,  et  rehaussée  de  quelques 
teintes  plates  de  couleur.  Ces  chromos  sont  de 
vrais  modèles,  offrant  les  grandes  qualités  re- 
quises :  pureté  du  trait,  noblesse  des  figures,  clarté 
des  sujets. 

Nous  disons  :  bravo  !  à  l'éditeur  et  souhaitons 
de  pouvoir  annoncer  et  louer  au  même  titre 
d'autres  séries. 

L.  C. 


542 


3&etnte  De  r&rt  chrétien. 


Bértoluques, 


BULLETIN  DES  COMMISSIONS  ROYALES 
D'ART  ET  D'ARCHÉOLOGIE.  —  1899,   1-2. 

M.  E.  de  Prelle  de  la  Nieppe,  le  nouveau  con- 
servateur du  Musée  royal  d'armures  de  Bruxelles, 
se  signale  comme  chercheur  perspicace  et  cri- 
tique entendu  par  une  étude  sur  l'ancienne  abbaye 
de  Villers,  qui  modifie  les  idées  reçues  quant  à 
l'âge  des  différentes  parties  de  l'église  abbatiale. 

D'après  les  idées  reçues  jusqu'à  présent  cette 
importante  église  aurait  été  commencée  vers 
1200,  par  le  chœur,  et  les  travaux  arrêtés  en 
1225,  alors  qu'il  y  manquait  encore  6  travées 
vers  l'Ouest;  repris  en  125  1,  ils  auraient  été  ache- 
vés en  1272;  les  chapelles  latérales  du  côté  Nord 
auraient  été  ajoutées  au  XIVe  siècle. 

La  thèse  de  M.  de  Prelle  vieillit  toutes  les 
parties  de  l'édifice.  Se  fondant  surtout  sur  la 
discussion  de  documents  et  de  faits  historiques,  il 
s'attache  à  prouver  que  l'entreprise  a  dû  être 
inaugurée  sous  la  direction  personnelle  de  saint 
Bernard  lui-même,  dès  l'arrivée  de  ses  moines 
en  1147.  Le  grand  réformateur  aurait  consacré 
le  maître  autel  dès  1151. 

Une  suture  visible  à  la  6e  travée  à  partir  du  por- 
tail Ouest  trahit  une  interruption,  et  la  cessation 
de  travaux,  motivée  par  le  manque  de  ressources, 
a  été  fixée  par  plusieurs  archéologues  vers  1223. 
Mais  précisément,  observe  notre  auteur,  c'est 
l'époque  de  l'épanouissement  de  l'abbaye;  où, 
essaimant  au  dehors,  elle  allait  engendrer  ses 
deux  filles,  les  abbayes  de  Grandpré  et  de 
Saint-Bernard.  On  oublie  une  circonstance  anté- 
rieure, qui  fut  une  calamité  pour  Villers,  c'est-à- 
dire,  à  la  suite  du  synode  tenu  à  Huy,  en  12 12, 
par  le  prince-évêque  de  Liège,  l'excommunication 
du  duc  de  Brabant,  et  la  disgrâce  encourue  par 
l'abbé  de  Villers,  Conrad  de  Furstenbeig,  qui 
vraisemblablement  avait  pris  le  parti  de  son 
suzerain,  l'ar  des  considérations  développées 
auxquelles  nous  renvoyons  le  lecteur,  M.  de 
Prelle  admet  l'année  1220  pour  la  reprise  des 
travaux,  1230  pour  l'achèvement  de  l'église  et 
1240  au  lieu  de  1300  pour  la  construction  des 
chapelles.  D'ailleurs,  il  ne  prétend  pas  imposer 
son  opinion  :  la  discussion  reste  ouverte. 

L.  C. 

ART  ET  INDUSTRIE.  Revue  mensuelle  illus- 
trée publiée  par  la  Société  Impériale  d'encouragement 
des  Arts  en  Russie.  —  Nos  7  et  8  de  1899. 

CETTE  Revue,    qui   a    pour    rédacteur-chef 
M.  V.  Lobka,  est  une  des   plus  riches  des 
revues  européennes  de  son  genre;  elle  paraît  en 


format  grand  in-40,  imprimée  sur  papier  de  luxe 
en  rouge  et  noir  comme  la  Revue  de  l'Art  chré- 
tien et  contient  parmi  ses  riches  illustrations  des 
chromolithographies  noyées  dans  le  texte. 

Signalons  quelques  articles  :  M.Lizoff  nous  fait 
connaître  le  Musée  historique  russe  de  Moscou, 
fondé  en  1872,  et  montrant  le  développement 
historique  de  la  Russie  par  des  antiquités  classées 
chronologiquement. 

M.  Makowski  nous  donne  de  curieuses  repro- 
ductions en  couleur  d'oeufs  de  Pâques  peints 
par  les  paysans  russes. 

M.  Selivonoff  consacre  une  étude  bien  illustrée 
au  grand  peintre  belge,  Antoine  Van  Dyck,  dont 
les  Anversois  viennent  de  fêter  le  centenaire  et 
dont  la  Russie  a  le  bonheur  de  posséder  des 
chefs-d'œuvre  de  premier  ordre. 

L.  C. 

L'ARTE.   Rome,  Danesi,   1898,  livr.  octobre-décembre. 

1.  Mauceri.  Colonne  tortili  cosi  dette  del  tempio 
di  Salomone  (p.  377-384).  Les  colonnes  torses 
et  vitinées,  qui  sont  à  St-Pierre  de  Rome,  ne 
proviennent  certainement  pas  du  temple  de  Salo- 
mon.  On  les  croyait  telles,  et  c'est  pourquoi  le 
Bernin  les  a  prises  pour  modèles  de  son  balda- 
quin de  bronze  qui  surmonte  l'autel  papal.  L'au- 
teur les  croit  médiévales.  Je  ne  suis  pas  de  son 
avis,  car  rien  n'infirme  ce  texte  du  Liber  pontifi- 
calis,  qui  donne  leur  origine  vraie:  «Fecit  Augus- 
tinus  Constantinus,  ex  rogatu  Sylvestri  episcopi, 
basilicam  beato  Petro  apostolo  in  tempio  Apol- 
linis....  Sic  inclusit  corpus  beati  Pétri  apostoli  et 
recondidit,  et  ornavit  supra  ex  columnis  porphy- 
reticis  et  alias  columnas  vitineas  quas  de  Grœcia 
perduxit  »  (In  vita  S.  Sylvestri). 

2.  Fraschetti.  /  sarcofagi  dei  reali  Angioini  in 
Santa  CIliara  di  Napoli  (p.  385-438).  Etude  fort 
importante  et  abondamment  illustrée,sur  les  tom- 
beaux des  rois  de  la  maison  d'Anjou,  à  Ste-Claire 
de  Naples  (XI IP-XI Ve  siècles). 

3.  Cook.  Corriere  d ' Inghilterra  (p.  444-445). 
Signature,  à  Londres,  d'un  portrait  d'homme  par 
Ambrogio  de  Prédis  (1494)  :  AMB  PRE, 

4.  Venturi.  Corriere  di  Lombardia  (p.  448-454). 
Signatures  d'artistes  à  l'Exposition  deBergame  : 

Vierge  de  Bartolomeo  Vivarini.de  Murano. 

FACTVM  VENETIIS  PER  BARTHOLOMEVS 
VTVARINVM  DE  MVRIAXO  P  ■  1485  ' 

Retable  d'autel  :  OPVS  LEuNARDI  BOLDRINI 
BENEDICTI  P  :  Leonardo  Boldrini  appartient  à 
l'école  de  Vivarini. 


$értotnque0. 


543 


Vierge, par  Jacopo  Gavazzi:  lo  Jacobi  gavazi  de 

postcantu  pinxit. 
M  -  D  -  XII. 

Ste  Trinité  d'Andréa  Previtali  (15 17)  : 

Andréas  Privitaus 

fatiebat 

M  •  D  '  XVII. 

S.  Martin,  à  cheval,  donnant  son  manteau  à 
un  pauvre,  par  Lattanzio  Pagani,  de  Rimini  :  LA- 
TANZIO  ARIMINENSIS. 

Vierge,  par  Giovanni  de'  Galizzi,  de  Bergame, 

(1543)- 

•  I  '  D  '  XXXXIII  • 

•  IOANNES  •  DE  •  GALIZIS  ■  Bergomensis 
■  PINXIT  •  HOC  •  OPVS  ■  IN  '  VENETIIS 

Vierge,  par  Giovanni  Battista  Moroni  (1577)  : 

IO  ■  BAPT  .  MORONVS  -  P  -  M  •  D  •  LXXVII 

Déposition  de  la  croix  par  le  même  : 

10  • bap  • 
MORONVS 


Le  Christ  aux  anges,  par  Giovanni  Pietro  Sil- 
vio,  de  Venise  :  lo  •  Pet  rus  •  Silvius  '  Venetus 
pinxit. 

5.  Venturi.  Corriere  di  Torino  (p.  454-449).  A 
S.  Stefano  de  Bologne,  reliquaire  en  argent  doré, 
daté  de  1380,  signé  par  l'orfèvre  Bolonais  Jacopo 
Rosceto  :  Rosetns  de  bononia  me fecit  ....  lacobus 
dictus  Rosetns  fecit. 

A  Verceil,  tableau  de  Girolamo  Giovenone  : 

HIERONIMI 
IVVENONIS 
OPIFICIS 

6.  De  Fabriczy.  Pittura  (p.  483-484).  Signa- 
ture de  Tommaso  da  Modena,  à  Trévise  (1385)  : 
Thomas  fecit  ijSj. 

7.  Macterlenek.  Notisie  su  Gaspard  e  Nicolas 
Van  Eyck  (p.  504).  Fêtes  champêtres  :  I  •  C  •  V  ■ 
EYCK  •  1685  •  ROMA  ■ 

X.  B.  de  M. 


544 


Betntc  fie  P3rt  c^rctten. 


S 


ïn&ejc  bttUtograplmiue. 


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^  »5?  »V  »V  *5ï'  "ift  «5s  *W  H?  «*'  «W  •%  *3î  »■«  «e  flï  «Je  **j  *K  • 

archéologie  etBeau^  ^rt0(,), 

=—=    JFrancc.  = 


Album  archéologique  de  la  société  des  Anti- 
quaires de  Picardie.  —  In-40  avec  grav.,  Paris. 
Picard  et  fils. 

Artigarum  (L'abbé  J .).  —  Le  Rythme  des  Mé- 
lodies grégoriennes.  —  In-40  de  iv-71  pages  sur  2 
colonnes.  Étude  musicale,  historique  et  critique.  — 
Paris,  A.  Picard  et  fils. 

Babelon  (E.).  —  Histoire  d'un  médaillon  dis- 
paru (Justinien  et  Bélisaire).  —  In  8°  avec  fig. 
Nogent-le-Rotrou,  Daupeley- Gouverneur. 

Barbier  de  Montault  (X.)  —  Les  Chambres 
Borgia  du  VATic.\N,dans  le  journal  Le  Prêtre,  février 
1898.  —  In-8°.  Arras,  Sueur-Charrucy. 

Barrai   (De).  —  Notices    sur    les    châteaux, 

ABBAYES  ET  MONUMENTS  DU  DÉPARTEMENT  DU   CHER. 

—  In-8°.  Paris  et  Lyon,  Delhomme  et  Briguet. 

*  Beaumont  (Le  Cte  Ch.  de).  —  Essai  sur 
Mathieu  Dionise,  sculpteur  manceau.  —  (Extrait 
de  la  Revue  hist.  et  arch.  du  Maine).  —  Brochure. 
Mamers,  Fleury,  1899. 

Berger  (S.).  —  Les  Manuels  pour  l'illustra- 
tion du  Psautier  au  XVIIIe  siècle.  —  In  8°. 
Nogent-le-Rotrou,  Daupeley-Gouverneur. 

Bernard.  —  Les  vitraux  de  l'église  de 
Lhuître  dans  les  Notes  d'art  et  d'archéologie,  février- 
mars-juin,  1898. 

Bigeon  (H.).  — ■  L'art  du  moyen  âge.  Éducation 
artistique  et  industrielle  au  moyen  âge  et  aujourd'hui. 

—  In-8°  avec  grav.  Paris,  imp.  de  l'École  municipale 
Estienne. 

Bonno.  —  L'église  Saint-Pierre  de  Provins, 
d'après  un  inventaire  inédit  de  1782.  —  In-8°.  Paris, 
Imp.  Nationale. 

Bourdery  et  Em.  Lachenaud.  —  L'œuvre 
des  peintres  émailleurs  de  Limoges.  Léonard 
Limosin,  peintre  de  portraits.  —  In-8°  de  xxxû- 
395  PP->  planches.  Paris,  May. 

*  Bourgeois.  —  Les  saints  et  les  animaux.  — 
1  vol.  grand  in-8°  de  240  pages,  illustré  de  20  gra- 
vures. Société  St-Augustin,  Lille.         Prix  :  fr.  1,50. 

Briand  (E.).  —  Histoire  de  sainte  Radegonde, 
reine  de  France,  et  des  sanctuaires  et  pèleri- 
nages en  son  honneur.  —  I11-80  et  fig.  Poitiers  et 
Paris.  Oudin. 

I.  Les  ouvrages  marques  d'un  astérisque  (")  ont  été,  sont  ou 
seront  l'objet  d'un  article  bibliographique  dans  la  Revue. 


*  Christol   (F.).    —   Pour   la  croix     Esquisse 

ARCHÉOLOGIQUE,    AVEC    36    DESSINS    DE  L'AUTEUR.   

In-4'  de  32  pages.  Paris,  Fischbacher. 

*  Collection  d'images  scolaires.  —  Série  I. 
Histoire  Sainte.   —   Bertrand  Lyson,  Paris. 

*  De  la  Croix  (Le  P.).  —  Fouilles  archéo- 
logiques de  l'abbaye  de  Saint-Maur  a  Glanfeuil. 

—  Plaquette  in-40  de  210  pp.,  5  pi.  et  plusieurs  pho- 
totypies.  Paris,  A.  Picard. 

Des  Méloizes.  —  Guide  archéologique  pour 
les  excursions  du  Congrès  de  Bourges  de  1898. 

—  In-S°.  Paris,  Picard. 

Dimier  (L.)  —  Les  logis  royaux  du  palais  de 
Fontainebleau,  de  François  Ier  a  Charles  IX.  — 
In-S0,  Fontainebleau,  Bourges. 

Fleureau  ( T  ).  —  Les  enseignes  et  les  logis 
historiques  d'Avon.  —  In  16,  Fontainebleau, 
Bourges. 

Fontaine  (P.). —  L'art  chrétien  en  Italie  et 
ses  merveilles,  i"  partie  :  Gênes,  Pise,  Rome.  — 
2e  partie  :  Naples,  Orvieto,  Assise,  Pérouse,  Flo- 
rence, Sienne,  Bologne,  Padoue,  Venise,   Milan. 

—  In-8°  avec  grav.  Lyon,  Vitte. 

*  Perrot(G)  et  Chipiez  (Ch).  —  Histoire  de 
l'art   dans  l'antiquité   (Phénicie,  Egypte,    Assyrie, 

Judée,  Asie-Mineure,  Perse,  Grèce},  t.  VII  :  La  Grèce 
de  l'épopée,  La  Grèce  archaïque  (le  Temple).  — -  Un 
volume  in-8°  Jésus,  contenant  50  planches  et  300  gra- 
vures dessinées  d'après  les  originaux  ou  d'après  les 
documents  les  plus  authentiques.  —  Hachette  et  Cie, 
Paris.  Broché,  30  fr.  ;  relié,  37  fr. 

*  Triger  (R.).  —  Une  statue  de  sainte  Cécile 
a  la  cathédrale  du  Mans.  —  Broch.  Le  Mans, 
A.  Saint-Denis. 

*  Le  même.  —   Le  Mans  a  travers  les  âges. 

—  Broch.  Le  Mans,  A.  Saint-Denis. 


Allemagne. 


*  Les  PP.  Blume  et  Dreves  (S.  J.).  —  Analecta 
hy.mnica  medii  /EVi.   —   In-8°  de  312  pag.    Leipzig, 

tieisland.  • 


Italie. 


*  Colonna  (F.)  —  Scoperte  di  antichita  in 
napoli  dal  1876  a  tutto  IL  1897,  con  notizie  délie 
scoperte  anleriori  e  ricordi  storico-artistico-topografici. 
—  In-8°  de  XXÏV-649  pag.  Naples,  Giannini. 


"Belgique. 


*  Bulletin   des  commissions   royales  dart  et 
d'archéologie.  —  1-2,  1899. 


fôoilanrje. 


*  Thompson   (H.).    —  Sint-Bavo  :   de  nieuwe 
kathedrale  kekk  van  Haarlem.  —  Haarlem,  Coe- 

bergh. 


3fefe  «&  *#.*#.  *&  S.  «#,  *#,  *#,  *#,  »&  *&  *&.  »«..  *s.  ^  *&  *&  *&  *a&  *&  *&  *#.  *,*.  *& 


sTt)rOntC)U6.  SOMMAIRE:  UNE  EXPOSITION  D'ART  RELIGIEUX  A  BRU- 
XELLES. —  ŒUVRES  NOUVELLES  :  Église  de  Saint-Etienne  de  Niort.  —  VANDALISME. 
—    RESTAURATIONS  :    cité  de  Carcassonne.   —  VARIA. 


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CCnc  erpositton  D'Hct  rcligtcur  à 
Brurcllcs. 

I OUS  donnons  à  titre  d'information  l'an- 
nonce d'une  Exposition  d'Art  religieux 
à  Bruxelles  qui  doit  s'ouvrir  au  15  dé- 
cembre prochain.  Déjà  ses  organisa- 
teurs ont  recueilli  de  hauts  patronages  ;  nous 
nous  en  voudrions  de  laisser  inaperçue  une  expo- 
sition qui  assure  d'avance  «  qu'elle  marquera  une 
date  et  sera  le  point  de  départ  de  progrès  futurs  ». 

A  vrai  dire  il  y  a  lieu  d'admirer  l'assurance 
des  organisateurs  de  l'entreprise,  si  même  on  ne 
partage  pas  leur  foi.  L'essor  de  l'art  religieux, 
ses  développements,  ses  progrès,  répondent  en 
général  à  l'état  d'àme,  à  la  sincérité  de  la  foi  des 
nations  où  cet  art  fleurit  et  des  artistes  qui,  de 
leur  travail,  font  l'expression  de  leurs  sentiments 
les  plus  délicats  et  les  plus  élevés.  Cet  art-là,  nous 
le  craignons,  ne  sera  pas  relevé  par  les  exposi- 
tions publiques  de  sa  «  déchéance  passagère  » 
lorsque  cette  déchéance  existe...  même  passa- 
gèrement comme  on  l'annonce. 

Les  expositions  cependant  peuvent  être  utiles, 
et  elles  ont  déjà  en  France  par  les  très  remar- 
quables expositions  rétrospectives  —  dont  l'art 
religieux  faisaient  les  principaux  frais  —  à  Paris 
en  1867,  l'exposition  d'art  religieux  à  Lille  en 
1874,  de  Rouen  en  1885,  de  Limoges  en  1889,  eu 
une  véritable  influence  sur  les  progrès  de  l'art 
chrétien.  En  Belgique  le  résultat  de  ces  sortes 
d'expositions  pour  la  pratique  de  l'art  ont  peut- 
être  été  plus  sensibles  encore.  Nous  devons 
rappeler  particulièrement  les  expositions  d'art 
religieux  organisées  à  la  suite  d'un  Congrès 
catholique  à  Malines  en  1864,  et  des  exposi- 
tions d'art  rétrospectives  ouvertes  plus  tard  à 
Bruxelles  et  à  Liège.  Celles-là,  en  offrant  à  l'étude 
et  à  l'imitation  des  artistes,  des  modèles  excel- 
lents,—  en  épurant  le  goût  des  membres  du  clergé 
et  des  fidèles  dont  la  générosité  envers  l'Église 
s'exprime  souvent  par  l'art,  —  ces  expositions, 
disons-nous,  ont  été  vraiment  utiles  et  ont  porté 
plus  d'un  artiste,  notamment  dans  les  arts  du 
métal  et  de  la  broderie,  à  faire  d'heureux  efforts 
pour  atteindre  à  la  hauteur  de   leurs  devanciers. 

A  l'Exposition  de  Malines  on  avait,  par  un 
concours,  dans  les  domaines  de  l'architecture  et 
de  l'orfèvrerie,  donné  aux  artistes  qui  y  ont  pris 
part,  l'occasion  de  faire  connaître  leurs  travaux 
au  public.  Ces  concours  ne  sont  pas  restés  sans 
quelques  succès. 

Seulement,  ces   expositions   se   sont  ouvertes 


sans  prospectus  pompeux,  sans  promesses,  ou 
rien  de  ce  qui  pût  avoir  une  analogie  lointaine 
avec  la  réclame.  Leurs  promoteurs  ne  se  sont 
nullement  inquiétés  de  ce  que  «  l'art  religieux 
évoque  facilement  l'idée  d'archéologie  et  de 
formes  traditionnelles  ».  Ils  savaient  que  dans 
toutes  les  choses  qui  touchent  à  la  foi  catholique, 
et  surtout  dans  l'art  au  service  de  son  culte,  le 
respect  de  la  tradition  est  de  la  plus  haute  impor- 
tance et  les  études  archéologiques  indispensables. 
Ils  n'auraient  pas  compris,  pas  plus  que  nous 
ne  comprenons  nous-même,  et  qu'il  faut  entendre 
par  les  «  siècles  morts  ». 

Il  n'y  a  eu, depuis  l'avènement  du  Christ, qu'une 
série  de  dix-neuf  siècles,  très  vivants,  et  que  nous 
comptons  bien  continuer.  Ils  ont  été  plus  ou 
moins  inspirés  dans  le  domaine  de  l'art,  suivant 
le  plus  ou  moins  de  ferveur  qui  animait  les 
peuples  ou  le  plus  ou  moins  d'inspirations  des 
artistes;  mais  aucun  n'a  été  absolument  stérile, 
et  tous  ont  mérité  de  vivre  dans  le  souvenir  des 
siècles  qui  leur  succèdent. 

L'espèce  de  prospectus  que  nous  avons  sous 
les  yeux  assure  que  «  dans  une  œuvre  aussi  ardue 
de  longs  efforts  sont  nécessaires  »  :  Nous  le 
croyons  volontiers,  d'autant  que  l'éclectisme  le 
plus  large  paraît  avoir  guidé  les  organisateurs,  et 
que  les  portes  de  l'exhibition  seront  ouvertes 
toutes  grandes  aux  conceptions  modernes. 

Nous  souhaitons  les  meilleurs  succès  aux  or- 
ganisateurs et  nous  comptons  bien  voir  le  résultat 
de  leurs  efforts  lorsque  ceux-ci  auront  réussi  à 
former  un  ensemble;  très  heureux  si  nous  pou- 
vons constater  les  progrès  que  l'on  nous  fait 
espérer  et  l'idée  moderne  prendre  forme  par  des 
chefs-d'œuvre,  dont   le  besoin  se   fait  générale- 


ment sentir. 


J.  H. 


Une  Exposition  d'Art  religieux  va  s'ouvrir  à  Bruxelles 
dans  les  salles  du  musée  moderne,  sous  le  haut  patronage 
de  S.  A.  R.  M"K  la  comtesse  de  Flandre. 

Toutes  les  branches  de  l'Art  religieux  y  seront  admises. 

L'ouverture  aura  lieu  le  15  décembre  1899. 

L'entreprise  pouvait  paraître  hardie  à  notre  époque. 
Sans  se  laisser  décourager  par  le  scepticisme  des  uns  ou 
l'indifférence  des  autres,  les  organisateurs  lancèrent  leur 
appel  à  tous  les  artistes  du  pays  et  de  l'étranger,  à  tous 
les  amis  de  l'Art  chrétien. 

Les  réponses  vinrent  assez  nombreuses,  les  encourage- 
ments ne  firent  pas  défaut,  et  l'on  peut,  dès  à  présent, 
annoncer  l'ouverture  du  «  premier  salon  d'Art  religieux  > 
contemporain. 

Pour  relever  de  sa  déchéance  passagère  un  art  qui 
autrefois  a  resplendi  à  de  si  hauts  sommets,  de  longs 
efforts  sont  nécessaires;  quelle  que  soit  l'issue  de  cette 


REVUE    DE   L'ART    CHRÉTIEN. 
l80q.  —  6me    LIVRAISON. 


546 


3Rctntc  tje  r&rt  cbvctten. 


première  Exposition,  elle  marquera  une  date   et   sera  le 
point  de  départ  de  progrès  futurs. 

Chaque  année,  les  promoteurs  en  sont  convaincus,  con- 
solidera l'œuvre  commencée,  accentuera  le  mouvement  et 
groupera  davantage  les  artistes  sans  distinction  de  clan 
ni  d'école. 

Ici  une  question  se  pose  :  L'idée  d'Art  religieux  évoque 
facilement  l'idée  d'archéologie,  de  formules  tradition- 
nelles, d'art  coulé  dans  les  moules  des  siècles  morts. 
Quelle  sera  donc  la  part  de  l'archéologie  dans  cette  expo- 
sition ?  Quelle  sera  la  part  de  l'idée  moderne,  neuve,  ori- 
ginale? L'éclectisme  le  plus  large,  on  nous  l'assure,  a 
guidé  les  organisateurs. 

Sans  repousser  la  tradition,  l'Exposition  ouvrira  ses 
portes  toutes  grandes  aux  conceptions  modernes. 

Dans  une  œuvre  aussi  ardue,  de  longs  efforts  sont  né- 
cessaires. 

La  réalisation  d'un  pareil  projet  entraine  aussi  des  frais 
considérables.  Les  organisateurs  s'adressent  donc  à  la 
générosité  de  tous  les  catholiques.  Les  souscripteurs 
auront  la  satisfaction  d'avoir  coopéré  à  une  belle  œuvre. 
Toute  personne,  qui  souscrira  pour  25  francs  au  moins, 
recevra  une  carte  d'entrée  permanente  donnant  droit 
d'assister  aux  conférences  et  auditions  musicales. 

Envoyer  les  adhésions,accompagnées  des  nom,  prénoms, 
adresse  et  l'indication  de  la  somme  souscrite,  au  secré- 
tariat de  l'Exposition,  rue  Berchmans,  à  Bruxelles. 

OSuorcs  nouocilcs. 

Église  de  Saint-Étienne  de  Niort.  — -  On  vient 
d'élever  à  Niort  une  intéressante  et  belle  église. 


, 


N 


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M  i 


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M 

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Poitiers.  Sur  notre  demande,  Monsieur  le  curé  et 
notre  confrère  M.  Bontaud  nous  en  ont,  avec  un 
aimable  empressement,  fourni  des  photographies 


d'après  lesquelles  nous  avons  fait  faire  des  clichés 
que  le  lecteur  verra  avec  plaisir.C'est  une  églisede 
grand   style,  dans  le  sentiment  du   XIVe  siècle, 


Elle  est   l'œuvre  de  M.   l'architecte   Bontaud  de 


fort  élégante  d'aspect,  avec  ses  murs  en  pierre 
percés  de  larges  verrières  à  meneaux  rayonnants. 
L'effet  est  puissant  par  la  simple  répétition  de  ce 
beau  fenestrage.  Le  comble  est  un  peu  dépri- 
mé, mais  le  vaisseau   est  vraiment   remarquable 


Chronique. 


547 


dans  sa  noble  simplicité.  Il  dessine  en  plan  un 
rectangle  terminé  par  un  chevet  à  trois  pans,  de 
largeur  égale  à  celle  des  travées  courantes.  L'o- 
riginalité de  l'œuvre  consiste  dans  l'idée  d'élargir 
le  rez-de-chaussée  de  cette  nef  unique,  d'une  série 
de  pseudo-chapelles  collatérales  aveugles,  com- 
prises entre  les  contreforts,  et  en  dessous  d'un 
triforium.  Les  voûtes  reposent  sur  des  piliers,  qui, 
à  l'aide  de  vigoureux  encorbellements,  s'arrêtent 
un  peu  au-dessus  du  sol,  pour  dégager  l'espace  et 
reporter  la  poussée  en  dehors.  Les  voûtes,  de 
grande  portée,  sont  à  croisées  d'ogives,  avec 
liernes,à  huit  compartiments  ;  les  nervures  sont  en 


pierre.les  voussoirs,en  briques,  formant  monolithe, 
malheureusement  dissimulées  sous  un  enduit  sur 
lequel  on  a  tracé  une  fausse  imbrication. 

Le  triforium,  aux  arcs  trilobés,  est  d'un  bel 
effet  ;  les  colonnettes  sont  en  granit  poli  comme 
celles  descendant  des  voûtes. 

Sous  le  chœur  règne  une  crypte  à  trois  nefs. 
L'autel  est  abrité  sous  un  ciborium,  très  louable 
réinstauration  d'un  antique  et  excellent  usage. 

Nos  gravures  présentent  une  vue  intérieure  sur 
le  chevet,  une  vue  de  flanc  vers  le  portail,  et  une 
vue  extérieure  copiée  sur  une  gravure  des  Notes 
d'art  et  darcliéologie.  Nous  ajoutons  une  vue  de 
l'autel  abrité  sous  un  somptueux  triforium. 
L'œuvre  de  M.  Bontaud  est  digne  d'éloges  ;  il  a 


fidèlement  suivi  les  plus  nobles  traditions  mé- 
diévales tout  en  faisant  œuvre  neuve  et  person- 
nelle. 

L.  C. 

Vandalisme. 


ES  destructions  les  plus  déplorables  se 
multiplient  en  France.  D'après  la 
Chronique  des  Arts,  après  avoir  déman- 
telé Arras,  Saint-Omer,  Valenciennes, 
Douai,  Cambrai,  Landrecies,  Aire-sur-la-Lys,  on 
va  jeter  bas  les  remparts  de  Péronne. 

En  dix  ans,  toute  une  région  aura  été  hauss- 
mannisée.  Il  ne  restera  plus  de  ces  nobles  profils 
des  cités  fortes  qui  jadis  étaient  fières  de  leur 
couronne  murale  comme  d'un  blason  d'honneur, 
qu'un  souvenir  poétique. 

A  ces  destructions  aucune  nécessité.  La  plu- 
part de  ces  villes  sont  des  villes  mortes  sur  les- 
quelles les  entrepreneurs  se  sont  abattus  :  An- 
tibes  leur  a  vendu  ses  nobles  fortifications,  sans 
profit.  Aiguës- Mortes  est  menacée,  et  Rochefort 
est  condamné  à  perdre  ses  tours  sans  utilité  non 
plus. 

Pendant  ce  temps  la  protection  des  beautés  de 
l'art  et  de  la  nature  s'est  organisée  chez  tous  les 
voisins.  En  Italie,  en  Suisse,  en  Belgique  le  mou- 
vement de  l'opinion  en  ce  sens  est  remarquable. 
Depuis  les  Calabres  jusqu'aux  bords  du  Rhin, 
jusqu'à  Gand  ou  Bruges  on  veille.  En  Angle- 
terre il  en  va  de  même.  En  France  les  revendi- 
cations si  légitimes  de  ceux  qui,  ne  faisant  partie 
d'aucuneCommission  officielle,  ont  gardé  la  vertu 
de  s'indigner,  restent  sans  écho. 

BLestaurations. 

Carcassonue.  —  On  lit  dans  le  Journal  des 
A  rts. 


A  restauration  de  la  cité  de  Carcassonne,  com- 
mencée vers  le  milieu  du  siècle,  est  au  mo- 
ment d'être  achevée.  On  vient  de  rétablir 
la  grande  tour  de  l'enceinte  extérieure,  dite  de 
Bénézet,  ouverte  à  la  gorge  sur  le  chemin 
de  ronde,  au  devant  de  la  porte  du  Nord  vue  de  Rodez. 
C'est  cette  petite  porte  secondaire  de  la  cité  qui  avait 
amené  la  construction  de  la  tour  extérieure,  plus  grande 
que  les  autres,  de  même  qu'à  l'extrémité  opposée  de  l'ovale 
de  l'enceinte,  au  Midi,  la  poterne,  percée  sur  le  côté  de 
la  tour  Saint-Nazaire,  avait  fait  construire  la  grande  tour 
ou  plutôt  la  Crémade. 

Un  fragment  du  cylindre  de  la  tour  Bénézet,  renversé 
sans  doute  par  les  travaux  de  mine  de  quelque  siège, 
montrait  encore  les  cintres  de  ses  assises  inclinées  sans 
être  disjointes,  lorsque  les  artistes  dirigés  par  le  baron 
Taylor  vinrent  dessiner  les  monuments  du  Languedoc, 
dans  les  premières  années  d'enthousiasme  pour  les  arts 
du  moyen  âge.  Plus  tard,  le  génie  militaire  ferma  la  brèche 
par  un  mur  droit  surmonté  de  la  tablette  d'appui  régle- 
mentaire qui,  vraiment,  blessait  les  yeux  les  moins  archi- 
tectoniques. 


54§ 


Bcbuc  tie  P&rr  chrétien. 


Ce  front  de  la  cité  porte  d'autres  marques  d'une  violerite 
attaque.  La  tour  de  Marquié  qui  flanque  la  porte  de  Rodez 
est  fortement  inclinée  dans  sa  partie  inférieure  de  l'époque 
visigothique  et  on  la  jugea  cependant  assez  solide  encore 
pour  supporter  les  assises  redressées  en  pierres  à  bossa- 
ges des  constructions  de  Philippe  le  Hardi.  C'est  ainsi  que 
les  étages  supérieurs  de  la  tour  penchée  de  Pise  repren- 
nent la  verticale,  si  toutefois  cette  célèbre  tour  tout  en- 
tière n'a  pas  été  construite  dès  le  niveau  du  sol  avec  une 
inclination  voulue,  ainsi  qu'a  cherché  de  le  prouver  un 
archéologue  anglais. 

C'est  sans  doute  l'inclination  de  la  tour  de  Marquié  qui 
a  fait  naître  la  légende  d'une  tour  de  la  cité  qui  aurait 
salué  Charlemagne.  Mais  comme  ce  ne  pouvait  être  que 
la  plus  haute  tour  de  la  vaste  forteresse  qui  aurait  rendu 
cet  honneur  au  grand  empereur  à  la  barbe  fleurie,  on  avait 
attaché  cet  héroïque  souvenir  a  la  tour  Pinte  du  château, 
laquelle  est  parfaitement  verticale. 

La  restauration  de  la  cité  de  Carcassonne  fut  l'œuvre  de 
prédilection  de  Viollet-le-Duc  et  elle  demeure  aussi  la 
plus  irréprochable.  Le  grand  initiateur  de  l'art  du  moyen 
âge  était  guidé  d'ailleurs  par  l'état  des  constructions  dont 
les  couronnements  seuls  et  les  toitures  avaient  disparu.  Il 
n'a  guère  pu  commettre  d'erreurs.  La  couverture  en  ar- 
doise des  tours,  qu'on  lui  a  reprochée,  était  indiquée  par 
le  mur  pignon  de  la  tour  du  Trésor,  par  un  bas-relief  scul- 
pté représentant  les  tours  de  la  porte  Narbonnaise  et  par 
la  grande  quantité  de  débris  d'ardoises  retrouvés.  Les  tours 
furent  reconstruites  d'ailleurs  sous  les  ordres  des  rois  de 
France,  par  les  maîtres  d'œuvre  du  Nord  qui  avaient  tou- 
jours employé  ce  mode  de  couverture.  Seulement  Yiol- 
let-le-Duc  a  cru  pouvoir  se  permettre  et,  en  vérité,  on  ne 
saurait  l'en  blâmer,  de  remplacer  les  ardoises  de  la  mon- 
tagne Bisre  par  celles  d'Angers,  plus  légères  et  plus  résis- 
tantes. 

Mais  n'aurait-il  pas  dû  laisser  la  tuile  romaine  recou- 
vrir les  tours  plus  petites  du  château  et  celles  qu'il  appelle 
visigothes  qui  furent  peut-être  construites  par  les  Romains 
au  IVe  siècle?  Ces  tours  élevées,  celles-ci  à  une  époque  où 
on  n'employait  pas  encore  l'ardoise,celles-là  par  les  archi- 
tectes des  comtes  de  Carcassonne,  avaient  certainement 
conservé  la  tuile,  toujours  locale  d'ailleurs.  L'effet  général 
gagnerait  à  cette  variété  autant  que  la  variété  archéolo- 
gique, et  rien  n'est  plus  contraire  au  sentiment  du  moyen 
âge  qu'une  uniformité  déterminée  et  absolue. 

Viollet-le-Duc  a  recouvert  une  seule  tour  par  un  dallage, 
celle  de  Saint-Nazaire.  Elle  était  la  plus  ruinée,  démolie 
presque  jusqu'au  sol  intérieur.  Il  était  donc  libre  d'ima- 
giner un  couronnement  nouveau,  qu'il  n'avait  pas  prévu 
toutefois  dans  son  premier  projet  gravé  dans  les  Archives 
des  monuments  historiques,  mais  qu'il  a  justifié  plus  tard 
par  l'opportunité  de  dresser  des  pierriers  ou  mangonneaux 
sur  cette  tour,  bâtie  sur  une  des  parties  des  plus  exposées 
de  l'enceinte.  Le  plus  haut  étage  de  toutes  les  autres  tours 
est  en  plancher  ;  il  est  donc  évident  qu'elles  étaient  cou- 
vertes par  une  charpente  et  un  toit. 

Le  maître  restaurateur  avait  indiqué  un  pignon  beau- 
coup moins  élevé  que  celui  qu'on  vient  de  rétablir,  pour 
les  bâtiments  du  château  qui  accostent  la  tour  Pinte.  Les 
successeurs  l'ont  haussé  presque  jusqu'à  la  hauteur  de 
cette  fière  tour  de  guette  à  laquelle  ils  ont  fait  perdre 
ainsi  le  caractère. 

Ils  n'auraient  pas  dû  de  même  remonter  à  neuf  la  fenêtre 
à  meneaux  que  Charles  VI I  permit  d'ouvrir  àla  tour  Saint- 
Sernin  devenue  l'abside  d'une  chapelle.  L'ancienne  était 
suffisamment  conservée,et  elle  laissait  apparaître  le  rema- 
niement curieux  du  XVe  siècle  dont  la  trace  a  maintenant 
disparu. 


On  voit  vraiment  trop  de  parties  entièrement  neuves  a 
la  cité,  surtout  au  château. 

Si  la  restauration  de  la  partie  ogivale  de  l'ancienne 
cathédrale  est  inattaquable,  on  doit  reprocher  à  Viollet- 
le-Duc  d'avoir  relevé  en  grand  appareil  la  façade  roma- 
ne où  le  petit  appareil  se  montre  si  nettement  dans  les 
assises  inférieures.  Le  grand  architecte  était  moins  fami- 
lier avec  l'architecture  romane  méridionale  qu'avec  l'art 
gothique.  Il  l'a  bien  prouvé,  hélas  !  à  Saint-Sernin. 

J.  DE  L. 

Varia. 

LE  12e  Congrès  des  Orientalistes  a  été  ouvert 
à  Rome,  au  Capitole,  le  4  octobre,  à  10  h. 
du  matin,  en  présence  des  Ministres,  des  autorités 
civiles  et  militaires,  et  de  nombreux  congressistes  ; 
1,200  membres  étaient  inscrits.  Le  Congrès  a  élu 
le  sénateur  Ascoli  comme  président  d'honneur; 
le  comte  de  GwbernAXÀs, président  effectif;  le  comte 
de  Pulle,  secrétaire  gâterai  :  les  professeurs  Lasi- 
nio,  Nocentini  et  Schiaparelli,  vice-présidents. 

M.  Baccelli  a  salué  en  latin  les  congressistes 
au  nom  du  roi.  Ont  pris  ensuite  la  parole  le  repré- 
sentant du  maire,  le  professeur  de  Gubernatis, 
président  du  comité  et  organisateur  du  Congrès, 
et  tous  les  délégués  des  gouvernements  repré- 
sentés. 

LA  section  du  Congrès  des  Orientalistes  de 
l'Asie  centrale  a  approuvé  la  proposition  du 
comte  Pulle,  d'instituer  un  Comité  pour  l'explo- 
ration archéologique  de  l'Asie  centrale.  Le  Co- 
mité aura  son  siège  à  St-Pétersbourg. 


LE  Congrès  d'archéologie  chrétienne,  qui  de- 
vait se  tenir  à  Ravenne  cette  année,  a  été 
remis  au  milieu  d'avril  1900  et  aura  lieu  à  Rome. 


DES  statues  qui  semblent  dater  de  l'époque 
de  saint  Louis  viennent  d'être  découvertes 
auprès  de  la  Conciergerie,  là  où  sont  effectués 
des  travaux  pour  l'agrandissement  de  la  prison. 
Ce  sont  des  figures  de  moines  avec  des  scapu- 
laires  qu'on  suppose  avoir  été  adossées  au  mur 
d'un  cloître,  mur  qui  reliait  le  palais  à  l'église, 
complètement  disparue,de  Saint-Martin,  laquelle 
était  située  sur  l'emplacement  où  est  installée  à 
présent  l'infirmerie  spéciale.  Les  statues  seront 
transportées  au  Musée  Carnavalet. 

Note.  —  Par  suite  d'abondance  de  matière  nous  de- 
vons remettre  à  la  livraison  prochaine  un  compte  rendu 
de  l'Exposition  de  Van  Dyck  à  Anvers. 


Imprimé  par  Desclée,   De  Brouwer  et  Cic,  Bruges. 


Florence,  Musée  en  plein  air,  par  M.  Gerspach 

Porte   de    l'église    abbatiale    de  Moutier-Saint-Jean  (Côte-d'Or),  par 
Statuette    de   la    sainte    Vierge  du  XIVe  siècle,  par  M.  J.  Helbig.     ... 

En  Bavière,  notes  de  voyage,  par  M.  Eug.  Son, 

(Voir  la  suite  en   1900). 

Reliques  de  Constantinople,  par  M.  F.  de  Mély 

L'achèvement  de  la  tour  de  St-Rombaut  à  Malines,  par  M.  J.  Helbig. 
Le  déplacement  des  fresques,  par  M.  Gerspach.         


H.  Chabeuf. 


p.  1 

p.  6 

P-  " 

pp.   13,  104,  227,  491 


pp.  91,  208,  318,  478, 

...     p.         185 
P-         191 


Le  Prieuré  de  la   Haie-aux-Bons-Hommes,   par  M.   l'abbé  T.-L.    Houdebine.     pp.   213,  275  (fin). 

L'art  hollandais  ;   Enghelbrechtsz,  par  M.  E.  Gavelle pp.   221,  325  (fin). 

Martyre  et  sépulture  des  Machabées,  par  Son  Ém.  le  Gard.  Rampolla.        pp.  290,  377,  457  (fin). 
Le  trésor  de  l'église  St-Ambroise    à   Milan,   par   Mgr  X.    Barbier    de    Montault.     pp.   309,  502 
(Voir  la  suite  en   1900). 

Ravenne  et  Bologne  (Carnet  de  voyage),   par    M.    Gerspach p.         393 

Les  peintures  de  Jean  Van   Eyck  restées  inachevées,   par  M.  W.-H.  James  Weale.     p.         408 
Église  Notre-Dame  de  Lescar,  par  M.  G.  Clausse p.         466 


ffîéianges. 


L'abbaye  et  les  cloîtres  de  Moissac  (J.  Helbig).  —  Notice  sur  d'anciennes  pein- 
tures inconnues  de  l'Ecole  flamande  (le  même).  —  Le  Congrès  d'art  public  et 
les  musées  de  l'Italie  (M.  Gerspach).  -  -  Une  fausse  sainte  Radegonde  (Mgr  X. 
Barbier  de   Montault).  —   Essai   liturgique  (le  même) p. 

Le  débadigeonnage  des  anciennes  peintures  murales  (J.  Helbig).  —  La  maison 
des  Chartreux  à  Dijon  (H.  Chabeuf).  —  Une  hardiesse  iconographique  (Mgr  X. 
Barbier  de  Montault).  —  L'ivoire  de  Narbonne  (le  même).  —  Le  peintre  Cornelis 
vander  Capelle  (M.  W.-H.  James  Weale). —  Les  icônes  russes  (L.  Ci.oquet). —  La  ligne 
droite  et  la  ligne  courbe  (le  même) p. 

Le  Vase  antique  de  Saint-Savin  (J.Helbig).—  L'église  abbatiale  de  Cluny  (H.  Chabeuf).  p. 

Reconstruction  de  la  façade  de  la  cathédrale  de  Chartres  au  XIIe  siècle  (ierart.) 
(M.  Lanore).  —  Le  tombeau  de  saint  Wenceslas  à  la  cathédrale  de  Prague 
(F.  de  Mély).  —  Pierre  sépulcrale  de  l'église  de  Maing  (L.  Serbat).  —  La  cathé- 
drale et  la  forêt  (L.  Cloquet) p 


25 


110 

235 


3-'8 


1899.    —    REVUE    DKL'ART   CHRETIEN. 


550  3&cl)uc  tic  l'&vt  chrétien* 

Croix  stationale  (J.    Helbig).  —  Notes  pour  la  construction    d'une  église    (ier  art.) 

(L.  Cloquet) P-         411 

Peinture  sur  verre  (J.  Osterrath) p.         513 

CorrespouDances. 

Italie,  par  M.  Gerspach pp.   47.   ,24>  243>  423,  S'8 


Une  église  chrétienne  au   II'   siècle,  par  M.  Alb.  Battandier 

Rome,  par  M.   Alb    Battandier 

Une  médaille  juive  de  Notre-Seigneur,  par  M.  Alb.  Battandier. 

San  Gimignano,  par  M.  H.  Chabeuf.         

Angleterre,  par  M.  John  A.  Randolph pp 

Espagne,   par   M.   P.   Gascon    de   Gotor 

Lettre  de  M.  H.  Chabeuf 


P-  5'5 

p.  126 

P-  4i8 

P-  342 

52,  138.  343.  424,  522 

P-  132 

P-  53 


Tratoaur  De©  Sociétés  0atiante0. 


FRANCE.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de   France 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  pp 

Société   des   Lettres,    Sciences  et  Arts  de  Bar-le-Duc.  ...      

Congrès  des  Sociétés  savantes  de  Toulouse  en  1899 

Congrès  des  Sociétés  savantes  en  1893.  

Académie  d'Amiens 

Commission  du  Vieux  Paris 

Société  académique  de  Saint-Quentin.  

Commission  départementale  des  Antiquités  de  la  Côte-d'Or.  

Société  d'archéologie  lorraine.  

Société  historique  d'açchéologie  de  Corbeil,  d'Étampes  et  du  Hurepoix.  

Conférence  d'histoire  et  d'archéologie  du  diocèse  de  Meaux.  

Société  des  Beaux-Arts  des  Départements. 

Socié.é  des  amis  des  monuments  

Comité  des   travaux  historiques 

Congrès  archéologique  de  France.  

Commission  extramunicipale  du  Vieux   Paris.         

Excursion  de  la  Gilde  de  St-Thomas  et  de  St-Luc  dans  le  Maine,  la  Touraine  et  l'Anjou. 

Société  d'études  de  la  province  de  Cambrai 

Académie  des  Beaux-Arts.  

BELGIQUE.  —  Académie  d'archéologie   d'Anvers 

Société  d'archéologie  de  Bruxelles 

Cercle  archéologique  de  Malines.  

Congrès  archéologique  d'Arlon 

Académie  royale  d'archéologie  de   Belgique 

Société  historique  de  Tournai.  

Société  d'art  et  d'histoire  du  diocèse  de   Liège 


pp. 

54, 

142,  245,  345 

55. 

143, 

245,346,432 
PP  56,  149 

pp. 

56,  147,  246 
...  p.  146 
...  p.  148 

pp. 

148,251,351 
...  P-  149 
...  p.  148 
...  p.  150 
...  p.  150 
...  p.  151 
...  p.  250 
...  p.  251 
...  p.  347 
...  P-  347 
•■■  P-  351 

u. 

pp.  426,  524 
...  p.  44' 
...  p.  441 
...  P-  57 
PP-  150.  534 
...  p.  150 

...  P-  35° 

•  ••  P-  352 
...  p.  352 

•  ••  P-  352 

Btbitograptw. 


Première  livraison. —  Les  épées  d'honneur  envoyées  par  les  Papes  aux  rois  de  Portugal  au  XVe  siècle,  par 
le  marquis  Mac  Swiney  de  Mashanaglass.  —  Fondation  Eug.  Piot.  Monuments  et  Mémoires.  —  Le  Mont 
Saint-Michel,  par  l'abbé  A.  Bouillet.  —  Noëls  du  Bas-Limousin,  par  Ern.  Rupin.  —  Calendario  d'Oro.  An- 
nuario  nobiliare,  par  le  chev.  Contigliozzi.  —  Annuaire  du  Coaseil  héraldique  de  France,  par  le  vicomte 
de  Poli.  —  La  maison  du  Grand  St-Bernard,  par  le  chan.  E.  P.  Duc.  —  L'ancienne  cloche  de  Mattaincourt, 
1723,  par  L.  Germain.  —  S.  Mathurin,  par  Eug.  Thoison.  —  Un  livre  allemand  sur  le   Limousin,  par  L.  Gui- 


Cable  Des  matières.  55i 

bert.  —  Cathédrale  de  Barcelone,  par  F.  R.  Pedrosa.  —  Fra  Angelico  de  Fiesole,  par  Et.  Beissel,  S.  J., 
traduit  par  J.  Helbig.  —  Ruskin  et  la  religion  de  la  Beauté,  par  R.  de  la  Sizerane.  —  Tableaux  offerts  à  la 
confrérie  de  N.-D.  de  Puy  à  Amiens,  par  R.  Guerlin.  —  Le  mobilier  des  églises  bretonnes,  par  l'abbé  Abgrall. 

—  L'église  du  Sacré-Cœur  de  Lille,  par  L.  Quarré-Reybourbon.  —  Anciennes  peintures  inconnues  de 
l'école  flamande,  par  M.  Delignières.  —  Fouilles  dans  l'amphithéâtre  de  Carthage  (1896-1897),  par  le 
R.  P.Delattre p.         58 

Deuxième  livraison.  —  Léonard  de  Vinci,  par  Eug.  Mùntz.  —  Civiltà  cattolica,  par  le  R.  P.  Grisar.  —  Das 
Vater  TJnser  im  Geiste  der  aeltesten  Kirchenvaeter  in  Bild  und  Wort,  par  L.  Glôtzle  et  Dr  A.  Knopfler.  — 
Petites  Méditations,  par  Mme  de  Waresquiel.  —  La  Vierge  de  Celles-sur-Belle,  par  Alfr.  Largeault.  —  On 
two  unusual  forms  of  linen  vestments,  par  Wickham  Legg.  —  The  blessing  of  the  episcopal  ornament 
called  the  Pall,  par  le  même.  —  Les  églises  de  Paris,  par  l'abbé  A.  Bouillet  et  G.  Petit.—  L'Art  chrétien  dans 
la  vallée  d'Aoste,  par  l'abbé  F. -G.  Frutaz.  —  Le  reliquaire  à  roues  de  la  collégiale  de  St-Aignan  d'Orléans, 
par  L.  Dumuys.  —  Culte  de  S.  Grat,  par  le  chan.  Duc.  —  Monasticon  belge,  par  D.  Ursm.  Berlière.  —  Claustros 
romanicos  espanoles,  par  D.  Enr.  Serrano  Fatigati.  —  Sentimiento  de  la  naturaleza  en  los  relieves 
medioevales  espanoles,  par  le  même. —  Histoire  de  l'architecture,  par  Aug.  Choisy.  —  Le  Musée  d'Amsterdam, 
par  V.  De  Striers.  —  Le  vieil  Anvers.  —  L'émeraude  de  Bajazet  II  et  la  médaille  du  Christ  d'Innocent  VIII, 
par  F.  de  Mély.  —  Dictionnaire  de  la  Bible,  par  l'abbé  F.  Vigouroux.  —  Le  martyre  de  saint  Sébastien,  par 
M.J.  Nève.  —  La  renaissance  des  études  liturgiques,  par  le  chan.  UI.  Chevallier. —  Documents  concernant 
le  bienh.  Urbain  V,  pape,  par  Ch.  Albanès  et  le  chan.  UI.  Chevallier.  --  Cartulaire  de  Saint-Bernard  de 
Romay,  par    le  chan.    UI.  Chevallier.  —  Gallia  Christiana  novissima,  par  le  même.  —  La  cathédrale  du  Puy. 

—  Gravures  d'un  fondeur  de  cloches,  par  M.  Germain.  —  L'ancienne  cloche  de  Mattaincourt,  1723,  par  le 
même.  —  Les  XV  joies  de  Notre-Dame,  par  le  même p.        155 

Troisième  livraison.  —  Hubert  et  Jan  Van  Eyck,  par  L.  Kaemmerer.  —  Collections  du  château  de  Golu- 
chéw,  par  \V.  Froehner  — L'église  de  Laval-Dieu  (Ardennes),  par  Bouillet.  —  Notre-Dame  d'Auteuil,  par 
Bouillet  et  Petit.  —  La  tombe  de  l'év.  Lancelot  du  Fau,  Claude  Content,  orfèvre  de  Tours,  par  L.  de  Grand- 
maison.  —  Une  planche  à  gravure  d'un  fondeur  de  cloches,  par  L.  Germain  de  Maidy.  —  Bibliographie  des 
Inventaires.  —  Comptes  du  duc  François  II  de  Bretagne,  par  A.  de  la  Borderie.  —  Inventaire  du  trésor 
de  Saint-Aignan,  par  L.  Dumuys.  —  Jeanne  de  Montmorency  et  sa  fille,  1579-1629.  —  Inventaire  de  l'église 
de  Siran,  en  1695.  —  St-André  de  Léjos,  en  1783.  —  Inventaire  du  Grand-St-Bernard.  —  Trésor  de 
l'église  de  Ste-Radegonde  de  Poitiers  (1791),  par  Largeault. —  Inventaire  de  la  cathédrale  de  Narbonne. 

—  Bulletin  de  la  Société  archéologique  d'ille  et  Vilaine.  —  Le  Crucifiement  dans  l'Art  plastique,  par 
M.Engels.  —  Traité  d'architecture,  par  L.  Cloquet. —  Louis  Courajod,  par  A.  Marignan. —  Les  monuments 
anciens  de  Boulogne,  par  C.  Enlart.  —  Les  cloches  d'Anvers,  par  Feid.  Donnet.  —  Œuvres  complètes  de 
Mgr  X.  Barbier  de  Montault.  —  L.  Dalman,  peintre  espagnol,  parj.  Nève.  —  Excursion  dans  le  départe- 
ment de  la  Loire.  —  Dictionnaire  de  la  Bible,  par  F.  Vigouroux. —  L'église  de  Cremeaux,  par  N.  Thiollier.  — 
Notice  de  l'église  de  Curgy,  par  le  même p.       252 

Quatrième  livraison.  —  L'Art  du  XIIIe  siècle  en  France,  par  Ém.  Maie.  —  La  Vierge  ouvrante  de 
Boubon,  par  l'abbé  Lecler  et  le  B"  de  Verneilh.  —  Monographie  de  la  cathédrale  d'Angers,  par  J.  Denais.  — 
Pia  dictamina,  par  le  P.  Clém.  Blume.  —  Registre  des  anniversaires  de  la  communauté  de  prêtres  séculiers 
de  St-Maximin,  à  Magnac-Laval,  par  L.  Guibert.  —  Bibliographie  des  Inventaires  :  Testament  de  dame 
Hélène  Volcho,  en  1337  :  Inventaires  de  deux  Bourgeois  de  St-Jean  d'Angely,  du  XIVe  siècle  inventaire 
de  Pierre  Surreau,  par  F.  Félix  ;  Consignation  d'armes  italiennes  à  Lyon,  en  1561,  par  Giraud;  Inventaire 
des  armes  et  munitions  d'Albi,  en  1595,  par  de  Rivières  ;  Inventaire  du  mobilier  d'un  négociant  Malouin 
au  XVIIIe  siècle,  par  Decombe  ;  Inventaire  de  Jean  Berain,  en  1711.  —  Culte  de  S.  Grat,  par  le  chan.  Et.  Duc. 

—  St-Etienne  du  Mont,  par  Bouillet  et  Petit.  —  Église  Sainl-Vulfran  à  Abbeville,  par  Em.  Delignières.  — 
Ecce  Homo  de  la  cathédrale  de  Meaux,  par  le  chan.  Jouy.  —  S.  Antoine  le  Grand  et  sa  statue  â  Ocquerre, 
par  le  même.  —  St-Germain  l'Auxerrois,  par  Bouillet  et  Petit.  —  S.  Julien  du  Mans  et  l'Église  slave,  par  le 
chan.  Didiot. — Un  Crucifix  habillé  du  Xe  siècle,  par  Mgr  X.  Barbier  de  Montault. — Volets  de  retable  peint  par 
Hans  Memlinc  pour  l'abbaye  de    St-Bertin  et  St-Omer,   par  D.   J.  de   Pas p.       356 

Cinquième  livraison.  —  Ecce  Homo,  par  le  chan.  Jouy.  —  Statue  de  saint  Antoine,  par  le  même.  —  L'abbé 
Ch.  Cerf,  par  l'abbé  Al.  Hannesse.  —  Rouleaux  d'Exultet,  par  P.  Latil.  —  L'Art  en  Chypre,  par  C.  Enlart.  — 
Sainte-Clotilde  de  Reims,  par  A.  Gosset.  —  Saint-Georges  de  Boscherville,  par  A.  Besnard p.       446 

Sixième  livraison.  —  Histoire  de  l'Art  dans  l'Antiquité,  par  G.  Perrot  et  Ch.  Chipiez. —  Scoperte  di  antichita 
in  Napoli  dal  1876  a  tutto  il  1897,  par  Feid.  Colonna.  —  Analecta  Hymnica  Medii  JE.\i,  par  les  PP.  Blume 


552  Wit\)m  De  r&rt  chrétien. 

et  Dreves.  —  Pour  la  Croix,  esquisse  archéologique,  par  Fr.  Christol. —  Fouilles  de  l'abbaye  de  Saint-Maur 
à  Glanfeuil,  par  le  P.  de  la  Croix.  —  Les  Saints  et  les  animaux,  par  M.  Bourgeois.  —  Une  statue  de  sainte 
Cécile,  par  R.  Triger.  —  Mathieu  Dionaise,  sculpteur  Manceau,  par  le  comte  Ch.  de  Beaumont.  —  Le  Mans  à 
travers  les  âges,  par  R.  Triger.  —  Images  scolaires.  —  Bulletin  des  Commissions  royales  d'Art  et 
d'Archéologie.  p.       535 

Périodiques.  pp.     72,  168,  263,  363,  449,  542 

Index  bibliographique pp.    7$,  170,  264,  365,  450,  544 

ClKOiuque. 

Première  livraison.  —  MONUMENT  DU  CARDINAL  LAV1GERIE.  —  L'ORNEMENTATION  DES 
ÉGLISES.  —  RESTAURATIONS  :  Notre-Dame  de  Paris;  Musée  de  Cluny  ;  Mont  St-Michel  ;  Ste- 
Walburge  à  Audenarde  ;  Collégiale  de  Soignies,  etc. —  NOUVELLES  :  Saint-Séverin  à  Paris  ;  Florence  ; 
Monastère  du  Puy  à  Périgueux,  etc.  —  PORCHES  LATÉRAUX  DE  CHARTRES.  —  CHAPELLE 
DE  SAINT-MARTIN  EN  BOCAGE.  -  LES  BRESLAY  A  LA  CATHÉDRALE  D'ANGERS.  —  Sar- 
cophage à  Pamiers  ;  —  Cloche  à  La  Fère.  —  BELGIQUE  :  Discours  de  M.  le  ministre  De  Bruyn.  —  Ex- 
position.   —    Peintures    murales.   —  NÉCROLOGIE  :  Stuart  Knill p.         76 

Deuxième  livraison.—  ÉCOLES  SAINT-LUC.  —  ŒUVRES  NOUVELLES:  coupole  de  la  rue  Jean 
Goujon;  vitraux.-  ANCIENNES  PEINTURES  MURALES.  —  PORTRAIT  DU  CHRIST.  — 
RESTAURATIONS  :  cathédrale  d'Alby,  Saint- Wulfran  d'Abbeville,  Saint-Jacques  de  Dieppe,  Notre- 
Dame  du  Sablon  à  Bruxelles,  Sainte-Walburge  d'Audenarde,  Hôtel  Gruthuuse  à  Bruges,  Halles  de 
Malines.  —  MUSIQUE  RELIGIEUSE  :  a  Solesmes,  à  Maredsous.  —  NOUVELLES  :  Société  de  Saint- 
Jean,  les  clochers  de  Chartres,  Sorbonne,  Chauvigny,  etc.  —  DÉCOUVERTES  :  à  Sancerre,  à  Vienne, 
à  Châteauneuf,  à  Bruges  et  à  Liège.  p.        174 

Troisième  livraison.  —  CONSERVATION  DES  MONUMENTS.  —  FRANCE  :  hôtel  Lauzun  à  Paris; 
basilique  du  Sacré-Cœur;  Comités  archéologiques;  Sainte-Chapelle.  --  ROME.  —  ALLEMAGNE: 
Inauguration  du  Musée  Sainte-Odile.  —  BELGIQUE:  triptyque  du  XVe  siècle;  halles  de  Malines; 
restaurations  à    Bruges,  à    Tournai.   —  VARIA.  —  NÉCROLOGIE  :   Le  docteur  Franz  Bock.     p.       268 

Quatrième  livraison.  —  NOUVELLE  ÉGLISE  A  LOURDES.  —  L'EFFIGIE  DU  CHRIST.  —  FRES- 
QUES A  DIJON.  —  COLLECTION  DE  BAYE.  —  LES  MONUMENTS  EN  BELGIQUE.  —  VARIA.  — 
NÉCROLOGIE:  Le  comte   Vespignani P-       37° 

Cinquième  livraison.  —  CONGRÈS:  Boulogne,  Kiew,  Gilde  de  St-Thomas  et  de  St-Luc.  —  MONT 
ST-MICHEL.  —  RESTAURATIONS:  cathédrale  de  Rouen;  église  de  Lobbes,  de  Flobecq,  tour 
Saint-Jacques  à  Anvers,  Chemin  de  Croix  à  Gand,  etc.  ;  COMMISSION  ROYALE  DES  MONU- 
MENTS DE  BELGIQUE.  —  EXPOSITIONS  :  Exposition  rétrospective  de  Bayeux,  Exposition  d'Art 
chrétien  à   Bruxelles.   —  NOUVELLES P-       451 

Sixième  livraison.  --  UNE  EXPOSITION  D'ART  RELIGIEUX  A  BRUXELLES.  —  ŒUVRES 
NOUVELLES:  Église  de  Saint-Étienne  de  Niort.  —  VANDALISME.  —  RESTAURATIONS:  cité 
de  Carcassonne.  —  VARIA P-       545 


i§  Table  Ses  Planches,   frt» 


I.  —  Statuette  de  la  Ste  Vierge  du  XIVe  siècle. 

II.  —  La  Sainte  Cène,  tapisserie  de    1516,    conservée    à    la    Congrégation    du    Saint-Sacrement    à 

Camaiore  (Toscane). 

III.  IV  et  V.  —  Peintures  murales  du  Prieuré  de  la  Haie-aux-Bons-Hommes. 

VI.  —  Partie  centrale  du  grand  triptyque  d'Enghelbrechtsz  au  Musée  de  Leyde. 

VII.  —  Pierre  funéraire  de  l'église  de  Maing,  près  de  Valenciennes. 

VIII.  —  Sépulture  d'Antonio  Galiazzo  Bentivoglio  à  Bologne. 

IX.  —  Face  antérieure  du  Sarcophage  des  Machabées  à  Rome. 


Cable  Des  matières. 


553 


Vignettes  intercalées  Dans  le  tejrte. 


Porte  de  l'église  de  Réome  (XIIIssièc!e).     ... 
Wùrzbourg. —  Tombeau  de  l'évêque  Jean  II. 

Rothenbourg.    —  Mur   d'enceinte 

Nuremberg.  —  Le  tombeau  de  saint  Sébald. 
Id.  Église    Saint-Laurent. 

Id.  Id.  Id.         (chœur). 

Moissac.  —  Plan  de  l'église  et  du  cloître. 
Id.  Tombeau  de  R.  de  Montpezat. 

Id.  Inscription   de  1063.  

Id.  Inscription  de  la  construction 

du  cloître.  

Id.  Saint  Simon 

Id.  Chapiteaux.  pp. 

Id  Saint  Pierre,  statue  du  portail. 

Id.  Trumeau  du  portail  de  l'église. 

Id.  Église,  côté  du  Sud.  

Id.  Id.        salle  voûtée.  

La  Madone  et  l'Enfant  ;  sainte  Marie  Ma- 
deleine et  saint  Jean-Baptiste,  peintures. 
La  Résurrection,    à   l'église   del    Carminé     à 

Brescia. 
Noli  me  tangere.  Id.  Id. 
L'Apparition  de  N.-S.  à  la  Ste  Vierge.  Id. 
Croix  de  l'Impératrice  Galla  Placidia  (Ve  s.). 
Portraits  de  l'Impératrice  Galla  Placidia, 
d'Honorius  et  de  Valentinien  III,  mé- 
daillon.   

Buste  de  sainte  Fortunade 

Abbaye  du  Mont  Saint-Michel. —  Salle  des 

Chevaliers. 
Id.  Id.  Grotte  de  l'Aquilon. 

Id.  Id.  Cloître 

Le  Mont  Saint-Michel,  vu  de  la  digue.     ... 
Barcelone.   —   Plan  de  la    cathédr.    et     du 

cloître 

Id.  Base  de  colonne  soutenant  le 

tombeau  de  Ste  Eulalie  dans  la  crypte. 

Chapiteau  de  la  crypte.  

Personnages    des    fresques    de    Nieuport. 
Id.  Id.  Id. 

Id.  Id.  Id. 

Saint  Louis,  miniature 

Réception  par  S.  Louis  de  la  Ste  Couronne 

d'épines 

Ste  Couronne  d'épines  de  N.-D.    de  Paris. 
Nouveau  reliquaire  de  la  Ste  Couronne  de 

N.-D.  de  Paris 

Sainte  Couronne,  premier  reliquaire. 

Id.  reliquaire.  

Id.  Id.     au  XVIIe  siècle. 

Reliquaire  de  la   sainte  Épine  du    Puy. 
Reliquaire  des  Stes  Épines  de  St-Marc  de 

Venise.         

Sainte  Épine  de  Séez 


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2>  18 

V>  20 

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5>  IO0 

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Nuremberg.  —  La   fontaine   de  la   vertu. 
Id.  La  Maison  de  Nassau. 

Nuremberg.  —  La  Maison  d'Albert  Durer. 
Id.  Id.  (vue  intérieure). 
Id.  Fortifications 

La  maison    du  Miroir  à  Dijon.  

Sarcophage  de  Ste   Engracia    à  Saragosse. 

Porte  de  Ville  de  Southampton 

La  flèche  tordue  de  Chesterfleld 

Plan  de  l'église  cathédrale   de  Meaux. 

Triforium  Id.  Id. 

L'Adoration  des  Mages,  par  Léonard  de  Vinci. 

Saint  Jérôme.  Id. 

Esquisse  de  la  statue  de  François  Sforza. 

La  belle   Ferronnière 

Fragment  de  la  Cène 

Spécimen  d'écriture  de  Léonard  de  Vinci. 

Tour  de  Saint-Rombaut 

Id.  Id.  

Déplacement  des  fresques,  nos  1   à    4.  pp.  11 

Reliquaire    de   la  sainte   Épine  d'Assise. 
Id.        du  couvent  de  la  Trinité  à  Paris. 

Reliquaire  des  Stes  Épines  à  Roncevaux. 

Reliquaire    de  la   sainte   Épine   d'Arras. 
)d.  de  Saint-Maurice  en  Valais. 

Triptyque    d'Enghelbrechtsz  au  Musée  de 
Leyde pp.  2: 

Adoration  des  rois  de  Gentile  da  Fabriano. 

Ratisbonne.  —  Cathédrale 

Id.  Église  Saint-Jacques. 

Vue  générale  de  l'abbaye  de  Cluny. 

Église  de  Saint-Sernin  à  Toulouse. 

Halles  de  Malines 

Souterrain   de   l'Évêché    de  Tournai. 

Reliquaire  de  la  sainte  Épine  des  Domi- 
nicains de  Liège 

Couronne  des  Dominicains  de  Liège. 

Lettre   de  saint  Louis  à  Gui  de  la  Tour. 

Croix  d'Orval 

Reliquaire   des   épines  de   Sainte-Praxède 
à  Rome 

Reliquaire  de  la  sainte  Épine  au  British- 
Museum.  

Partie  centrale  d'un  retable  du  Musée  de 
Cluny 

Figures  d'un   volet    du    grand    triptyque 
d'Enghelbrechtsz    au    Musée    de  Leyde. 

Façade  de  la  cathédrale  de  Chartres. 

Détails  des  clochers  Nord  et  Sud 

Portail  de  la  cathédrale  de  Chartres. 

Statue  de  St  Firmin.   —  Amiens 

Statue  de  St  Théodore.    —  Chartres. 

Statue  de  St  Paul. —  Musée  de  Toulouse. 

Le  Jugement  dernier  à  Bourges 


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3'8 

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» 

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554 


WitWt  De  l'&rt  chrétien. 


Portrait  de  l'emper.  Justinien  à  Ravenne. 
Mosaïque  de  l'église  San  Michèle.     Id. 

Bologne.   Sépultures  des  Accorso 

Id.      Sépulture  de  Giovanni  d'Andréa. 
Id.  Id.  d'Alexandro  Tartagni. 

Id.  Id.  de  Pietro  Canonici. 

Id.      La  pace  de  1321 

Id.      La  mort  de  la  Vierge.  

Id.       La   Résurrection 

Croix  stationale,  face 

Id.  revers 

Plans  d'églises.  

Plan   de  l'église  de  Petit-Andély 

Chevet  de  la  cathédrale    du  Mans. 

Plan    d'église  paroissiale 

Plan    de   l'ancienne   cathéd.    de    Bologne. 

Plan   de   l'abbatiale  de    Villers.  

Plan  de  la   cathédrale  de  Coutances. 
Médaille  juive  à  l'effigie  du  Sauveur. 
Id.  Id.  Id. 

Cathédr.  de  Chartres.  —  Plan 

Id.  —  Façade.  

Id.  — Vue  h  vol  d'oiseau. 

Id.  — Vue  int.  du  chœur. 

Id.  —        Id.       de  la  nef. 

Maison  de  la  reine  Bérengère 

Cathédrale  du  Mans.  —   Plan 

Id.  —  Vue  extérieure. 

Angers.    —    Plan    des    voûtes    de    l'hôtel 

Barrau 

Id.  —  Plan  des  deux  églises  de  Ronceray. 

Croquis   de  voûtes   gantoises 

Plan  du  chœur  de  l'église  d'Asnières.      ... 

Angers.  —   Plan  de  l'église    de  Toussaint. 

Id.         —  Plan  du  chœur  de  Saint-Serge. 

Ecce  Homo,    XVIe  siècle 

Statuette   de  saint  Antoine 

Plan   de   l'église    Ste-Sophie  à  Constanti- 

nople.  

Chapiteaux  de  Boscherville 

Id.  Id-        


395 
398 
401 
402 
403 
404 
404 
406 
407 
411 
412 

4i5 

416 
416 
416 
4i7 
4i7 
417 
418 
419 
426 

427 
42S 
429 
430 

43' 
433 

434 

436 
437 
439 
439 
439 
440 
442 
442 

445 
446 

447 


L'église  de  Boscherville  (Haute-Normandie). 

N.-D.  de  Lescar.   —   Plan 

Id.  Abside.         

Id.  Nefs 

Id.                       Intérieur  du   chœur. 
Id.                      Mosaïque     gallo-ro- 
maine.   

Premier  reliquaire  de    pierre  de  la  sainte 

Épine    à   Sant'   Elpidio  a  Mare 

Reliquaire  de  la  sainte  Épine  de  Fermo. 

Id.  Id.  d'Ascoli. 

Ange  portant  l'Épinedu  reliquaire  d'Ascoli. 
Reliquaire  de  la  sainte  Épine  de  Bari. 

Id.  Id.  à  Gand.     ... 

Munich.  —  Basilique  Saint-Boniface.     ... 
Reliquaire  de  San  Jacopo  (1407),  à  Pistoia. 

L'Annonciation   (1250),  à   Pistoia 

L'Annonciation,  la  Visitation,  l'Adoration 

des    Rois    Mages  (1270),  à  Pistoia. 
Croix  processionnelle  (15921,  à  Lombardie. 

Cunault.  —  Intérieur  de  l'église 

Loches.      —  Le  donjon 

Le  château  et  la  collégiale. 
La  collégiale  Notre-Dame,  vue 
de   la  vallée  de  l'Indre. 

Hôtel-de-ville 

La  porte  des  Cordeliers. 
-  La  tour  de  l'église  abbatiale. 


P- 

44b 

» 

468 

» 

469 

> 

471 

» 

473 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 
Beaulieu. 
Tours.  —  Transept  de  l'église  Saint-Julien.     » 

Id.  Façade  de  la  cathédrale » 

Id.  Partie  supérieure  du   vitrail   de 

St-  Martin » 

Plaque  d'or  trouvée  à   Eleusis.  » 

Bouclier  votif  en  bronze » 

Pendant  de  collier  en  or > 

Fibules    d'Asie    mineure,   de   Dodone  et  à 

spires  de  Béotie.  » 

Plan  de  l'abbaye  Saint-Maur > 

Saint  Antoine  et  les  lions » 

Niort.  —  Vues  intérieures  de  l'église  Saint- 

Étienne pp.   546  à 


»  476 

»  478 

»  478 

»  480 

»  481 

»  4S3 

»  489 

>  491 
»  518 

»  519 

>  520 

>  521 

»  525 

>  527 
»  528 


529 
529 
53° 
530 

53i 

532 

533 
535 
536 

537 

537 

540 

54i 
547 


4jj  Table  par  noms  D'auteurs.  $h 


ARNOULD   (André.)  —   Fresques  à   Dijon  (Chronique) 

Baruier  de  MONTA ULT  (Mgr  X.)  —  Le  trésor  de  l'église  St-Ambroise  à   Milan 

Une  fausse  sainte  Radegonde  (Mélanges) 

Un  essai    liturgique    (  Id.  ).  

Une  double  hardiesse  iconographique  (  Id.  ) 

L'ivoire  de  Narbonne  (   Id.  ) 

Bibliographie.      pp.  64,  65,  66,  160,  161,  162,  163,  253,  254,  357,  358»  359i  360, 

Il  \i  IANDIER  (I)om  A.).  —  Rome,  Le  Colisée  et  les  martyrs  (Correspondance) 

Une  médaille  juive  de  Notre-Seigneur   (   Id.  )       

Description  d'une  église  chrétienne  au  II'' siècle  (   Id.  ) 


...  P-     370 

pp.  306,  502 

...  p.       42 

...  p.       45 

...  p.     118 

...  p.      iiy 

361,  363,442, 

542,  547,  548 

...  p.      126 

...  p.     418 

...  P-     5  '  5 


Cable  Des  matières. 


555 


Casier  (Jos.).  - 
Clausse    (G.). 
Chabeuf  (H.). 


Clerval  (A.).  — 
Cloquet  (Louis). 


60 
466 
6 
1 10 
238 
342 

53 
449 

80 


Cloquet  et  Casier. - 

DE   FARCY  (L.).   — 
DE    MÉLY   (F.).   — 

E.  S.  — 

Gascon  de  Gotor  (P 

Gavelle  (Ém.). 

Germain  (L.).  — 
Gerspach.  — 


Helbig  (J.).  — 


Houdebine  (Tim.L.). 
Lanore  (M.).  — 

Lucas  (Ch.).  — 
L.  J.  L.  - 
L.  S.  — 


Bibliographie.         p 

L'église  de   Notre-Dame  de  Lescar.  p 

Porte  de  l'église  abbatiale  de  Moutier  St-Jean  (Côte  d'Or) p 

Le  débadigeonnage  des  anciennes  peintures  murales  (Mélanges) p 

Comment  a  été  détruite  l'église  abbatiale  de  Cluny  (   Ici.  ).  p 

San  Gemignano  (Correspondance).         p 

Correspondance.  p 

Périodiques.  p 

Porches  latéraux  de  Chartres  (Chronique) p 

L'ivoire  de  Narbonne  (Mélanges).         

Les  icônes  russes.   (   Id.  ).         

La  ligne  droite  et  la  ligne  courbe  (   Id.  ) 

La  Cathédrale  et  la  Forêt   (Mélanges) 

Notes  pratiques  pour  la  construction  d'une  église  (Mélanges) 

Travaux  des  Sociétés  savantes.  

Bibliographie,     pp.  66,  69,   70,   71,  164,  165,  166,  167,  257,  259,  260,  261,  262,  362, 

539, 
Périodiques.  

Nouvelle  église  à  Lourdes  (Chronique) 

L'effigie  du  Christ  (   Id.  ) 

Chronique 

-  Excursion  de  la  Gilde  de  St-Thomas    et  St-Luc  dans  le   Maine,  la  Tou- 
raine  et  l'Anjou  (Tr.  des  Sociétés  savantes).  pp. 

Les  de  Breslay  à  la  cathédrale  d'Angers 

Reliques  de  Constantinople.  pp.    91,208, 

Le  tombeau  de  saint  Wenceslas  à  la  cathédrale  de   Prague  (Mélanges). 

Bibliographie pp.  58,  155,  253, 

Travaux  des  Sociétés  savantes.  

).  —  Correspondance  d'Espagne 

Contribution    à     l'étude    de    l'art    hollandais    antérieur    au  XVIIe  siècle. 
Englielbrechtsz pp. 

Bibliographie 

Florence.   Musée  en  plein  air 

Le  déplacement  des  fresques 

Ravenne  et   Bologne.  —  Carnet  de  voyage.  

Le  Congrès  d'art  public  de  Bruxelles  et  les  Musées  de  l'Italie  (Mélanges). 

Correspondance  d'Italie.  pp.  47,  124   243, 

L'achèvement  de  la  tour  de  St-Rombaut  à  Malines 

Statuette  de  la  Ste  Vierge  du   XVe  siècle 

L'abbaye  et  les  cloîtres  de  Moissac  (Mélanges).  

Notice  sur  plusieurs  anciennes  peintures  inconnues  de  l'École  flamande 

(Mélanges).  p.       38 

Le  Vase  antique  de  St-Savin  (Mélanges) p.     23; 

Croix   stationale  (  Id.  ) p.     411 

Bibliographie pp.    58,  158,  159,  252 

Périodiques.  p.      168 

Nécrologie  :  Stuart   Knill p.       88 

-Le  Prieuré  de  la  1  Haie-aux-Bons-Hommes-lez-Angers  » p.     213 

Reconstruction  de  la  façade  de  la  cathédrale  de  Chartres  au   XII"  siècle 
(Mélanges) p.     328 

Bibliographie p.     256 

L'ornementation  des  églises  (Chronique).  p.       76 

Pierre  sépulcrale  de  l'église  de  Maing  (Mélanges) p.     337 


P- 

119 

p- 

121 

p- 

122 

p- 

339 

p- 

413 

p- 

142 

444, 

446, 

540, 

541 

P- 

169 

P- 

3^o 

P- 

37o 

P- 

45i 

426 

524 

P- 

82 

3i8 

478 

P- 

335 

353, 

5  35 

P- 

347 

P- 

132 

!2I,  325 

P-     539 

1 

191 

393 

39 


423,  51S 
p.  185 
p.  10 
p.       25 


Marquet  DE  Vassei.OT  (Jean-J.). —  Bibliographie 

Osterrath  (J.).  —       Peinture  sur  verre  (Mélanges) 

RAMPOLLA(leCard.). —  Martyre  et  sépulture  des  Machabées 

Randolph(Jo1iii  A.). —  La  «croix  arborescente  ))  de  Godshill.  Ile  de  Wight. 

Correspondance  d'Angleterre 

ROHAULT  DE  FLEURY  (G.)-  —   Bibliographie 


ROULIN  (Dom  E.)  — 

R.  V.  — 

Soil  (Eug.).  — 

Th.  - 

WEALE  (YV.-H.  James). 


Bibliographie 

Périodiques.  

Périodiques.  

En  Bavière.  (Notes  de  voyage) 

Bibliographie 

—  Les  peintures  de  Jean  Van  Eyck  restées  inachevées. 
Le  Peintre  Gornelis  vander  Capelle  (Mélanges). 


P-     443 

P-     5'3 

...     pp.  290,  377,  457 

P-     424 

pp.  52,  138,  343,424,  522 

P-     443 

pp.  163,  164 

p.     168 

P-       72 

pp.    13,  104,  227,  491 

P-     256 

p.     408 

p.     120 


Talilc  analytique.    v|f 


Aaron,  409. 

abbaye,  de  :  Auberive,  114  ;  —  Basingwerk, 
522  ;  —  Cluny,  348  ;  —  Denligh,  140  ;  — 
Fontgombault,  475  ;  —  Granselve,  250  ;  — 
Hayles,  141  ;  —  Herham,  522  ;  —  Llan- 
tony,  140  ;  —  Lobbes,  454  ;  —  Malmesbu- 
ry,  140;  —  Medmenhani,  522  ;  —  Mont- 
Saint-Michel,  60,  146;  —  Moutier-St-Jean, 
6;  — Nantua,  45;  —  Saint-Alban,  140, 
425  ;  —  Saint-Florent  sur  le  Tliouet,  525  ; 

—  Solesmes,    43s  ;    —   Valcroissant,  109  ; 

—  Villers,    542  ;    —   Waverley,    139  ;    — 
Westminster,   138. 

abbayes  d'occident,  250. 

abbés-chevaliers,  26. 

Abbeville,  Ecce  hommo,  98  ;  — église  St-Wul- 
fran,  177,  361;  —  peintures  flamandes,  71; — 

abside  en  cul  de  four,  216. 

Académie,  d'Amiens,  148  ;  —  d'archéologie 
d'Anvers,  57  ;  —  des  beaux-arts,  441  ;  — 
des  Inscriptions  et  Belles- Lettres,  143,  245, 
346,  446  ;  —  royale  de  Belgique,  352. 

Accorso  (sépulture  des)  401. 

Acta  urbis  Antioehiœ,  377. 

Adam  donnant  leurs  noms  aux  bêtes,  280. 

Adam  et  Eve  (Iconographie  d'),    133. 

Adoration  des  mages,  155. 

Aerschot,  église  Notre-Dame,  175. 

Agamemnon  (cuirasse  d'),  536. 

Agathias,  457. 

Agen,  objets  gallo-romains,  245. 

Agincourt  (d'),  443. 

Aix-la- Chapelle, dalmatiquede  Saint- Laurent, 
307  ;  —  paliotto,  314. 

Albanie,  antiquités  découvertes,  144  ;  —  né- 
cropoles, 250. 

Alby,  cathédrale,  176. 

Alcobazar  (chaudron  d'),  143. 

Alexandrie,  colosse.  146. 

Alfred  (bijou  du  roi),  512. 

Allemagne,  270  ;  —  Musée  du  Mont-Sie- 
Odile,  270. 

Alost,  hôtel  de  ville,  79. 

Avibrosiana,  336. 

âme,  iconographie,  118,  136. 

Ami  des  monuments  (Y),  263,  449. 

Amiens,  Académie,  148  ;  —  ateliers  de  pein- 
ture, 70  ;  —  statue  de  S.  Firmin,  354. 

Amphithéâtres  à  Rome  (les),  127. 

Atnpkitheatrum  Castrense,  128. 

ampoules  à  eulogies,  143. 

Amsterdam,  musée  national,  164,  225  ;  — 
tableau  de  Rembrand,  456. 

Analecta,   Bollandiana,    126  ;   —   hymniea, 

162,    358.    538. 

Andréa  (Giov.  )  (tombeau  d'),  402. 

Andréa  da  Fiesole,  sculpteur,  404. 

Andria,  Ste  Épine,  483. 

âne,  iconographie,  311, 

Angelico  da  Fiesole,  9,  69. 

Angers,  armoiries,  276; — cathédrale,  72,  162, 
287,  357.  436  ;  —  château-fort,  437;  —  église 
du  prieuré  de  la  Haie-aux-Bons-Hommes, 
116,  275,  —  église  du  Ronseray,  437  ;  — 
église  St  Martin,  439  ;  —  église St-Maurice, 
440  ;  —  église  Si-Serge,  440  ;  —  église  de 
Notre-Dame,  452  ;  — évêché,  287;  —  Gilde 


S t- Thomas  et  St-Luc,  452  ;  —  Grand  hôtel, 
436;  —  greniers  St-Jean,  284,  452;  — 
hôpital,  436  ;  —  hôtel  Barrau,  436  ;  —  hôtel 
Pincé,  436;  —  prieuré  de  la  Haie-aux-Bons- 
Hommes,  213-216,  257-285;  —  musée,  59  ; 

—  la  Ronceray,  287  ;  —  ruines  de  la  collé- 
giale de  la  Toussaint,  438.  439;  —  tour 
St-Aubin,  287,  452  ;  —  la  Trinité,  287. 

Angleterre,  restaurations  monumentales,  53, 

141.  344.  425 
Anguisciola,  et  son  opuscule,  422. 
Anjou,  au  XII«  s.,   287,  288  ;  —  excursion 

archéologique,  451. 
Anna/es  archéologiques,  211. 
Anne  {style  de  la  reine),  52. 
Annonciation,  310,  311,  519. 
Ansbach,  17  ;    —   château  du  prince,  17  ;  — 

église  St-Cunibert,  17;  — statue  de  Georges 

le  Pieux,  17. 
Antibes,  fortifications,  547. 
Antioche,  basilique  des  Machabées,  387  ;   — 

cerateum,  383-385,  390  ;  —  évêque,  304  :  — 

fondations,  380  ;  —  grotte  de  St-Paul,  386  ; 

—  lieu  du  martyre  des  Machabées,  295  ;  — 
topographie,  384  ;  —  reliques  des  Macha- 
bées, 296. 

Antiochus,  290,  380  ;  —  (persécution  d'),  291. 

antiquités,  judaïques, 294,  295;  —  nationales, 
209. 

Antoine,  ingénieur,  417. 

Antonin  (temple  d'),  246. 

Antonin  de  Plaisance,  297,  462. 

Anvers,  académie  d' archéologie,  57;  — cloches 
anciennes,  260;  —  tour  St-Jacques,  454;  — 
Vieil  Anvers,    165  ;    —    Vieille  boucherie, 

373- 

Aoste,  Annuaire  du  diocèse,  263  ;  —  culte  de 
St-Grat,  162  ;  —  reliques  à  la  cathédrale, 
162. 

Aphko,  cachet  phénicien,  145. 

apôtres  (les),  315. 

apparition  de  N.  S.  à  la  Ste  Vierge,  peinture 
du  XV1«  s. ,  49. 

Appelterre,  croix  triomphale,  454. 

Aquene,  statue  de  St  Antoine,  362. 

Arbres  de  Jessé,  79. 

Arcanum  (loi  del'),  130. 

architecture,  bourguignonne,  251  ;  —  fran- 
çaise, 444  ;  -gothique,  166,  339;  —  métal- 
lique, 445; — militaire  en  France,  56;  —  ro- 
mane, 146,  247,  486  ;  —  style  de  la  reine 
Anne,  52, 

Architecture  ( Histoire  de  l'J,  164; —  f  traités 

d-),  256. 

Architrulinus,  134. 

Archives,  départementales  de  l'Aveyron,  55  ; 

—  de  Fontenelle,  338  ;  —  delà  TrémouiUe, 
487  ;  — du  Luxembourg,  482. 

Argentine,  244. 

Ariège,  église  gothique,  166  ;  —  église  ro- 
mane, 237. 

Arles,  église  St-Trophime,  8;  — concile,  515. 

Arlon,  congrès  archéologique,  350. 

armes,  en  bronze, 371;  — italiennes  (inventaire 
<0.  359- 

Arnaut  (Rich.)  (inventaire  d"),  359. 


Arnould  (André),  177,  178,  370. 

Arras,  reliquaire,  211. 

art,  ancien,  85,  535  ;  —  arabe,  54  ;  —  asiati- 
que, 144  ;  —  bourguignon,  8,  9  ;  —  byzan- 
tin, 507  (V.  Ravenne);  —  chrétien,  85,  161, 
^74-  37J.  455.  5l8-  545  :  —  chypriote,  444; 

—  égyptien,  245;  —  franc,  258;  — français, 
12.  28,  143,  164,  257,  258  ;  —gallo-romain, 
258  ;   —  gothique,   80,  258,  286,  443,  444; 

—  grec,  491,  492  ;  —  hollandais,  221,   325  ; 

—  italien,  343  ; —  mérovingien,  ^36  ;  —  du 
moyen  âge,  n  ;  —  plastique,  256  ;  —  ro- 
main, 143,  158  ;  —  roman,  250  ;  —  toscan, 
342. 

Ait,  et  industrie,  542;  —  du  XI H*  siècle  en 
France  (Y),  353  ;  —  (Histoire  de  l'J,    5^5. 

Arte  (L  j,  363,  542. 

artistes,  hollandais,  221  ;  —  du  moyen  âge, 
283  ;  —  toscans,  342  ;  —  (natures  d'),  363, 
542.  543- 

Artois,  maîtres  d'oeuvres,  363. 

Aryens,  351. 

Ascoli,  reliquaire  de  la  Ste  Epine,  479-481. 

Ashmansworth,  fresque  du  XIIe  s.,  523. 

Asnière,  église,  439. 

assiette  en  étain,  455. 

Assise,  reliquaire  de  la  Ste  Epine,  208. 

Assises  de  Jérusalem,  444. 

Assomption,  136,  137. 

Ath,  tour  du  Burbant,  273. 

Auberive,  abbaye   114. 

Aubriot,  Guillaume,  Jacques  et  Jean,  115. 

Audenarde,  église  Ste-Walburge,  78,  179. 

Autel  d'or,  306,  309. 

Autun,  cathédrale,  349. 

Auxerre,  10. 

A  vallon,  église  St-Lazare,  349, 

Avent,  45. 


Baal,  '78. 

Babylas  (tombeau  de),  463. 

Badeix,  prieuré,  217. 

badigeon  (V.  débadigeonnage). 

Baelen,  église,  273. 

Bajazet  II  (émeraude  de),  166. 

Bamberg,  bibliothèque,  229;  —  cathédrale, 
227  ;  —  église  Saint-Jacques,  229  ;  —  église 
St-Michel,  229  ;  —  église  Notre-Dame,  229; 

—  hôtel  de  ville,  220  ;  —  résidence  des  évê- 
ques,  229. 

Bangor,  sarcophages,  425. 

Baptistère  de  Ravenne,  393,  39. 

Barcelone,  base  de  colonne  et  chapiteau,  68  ; 

—  cathédrale,  66  ;  —  Ste  Épine,  212. 
Bardo,  musée,  245. 

Bari,  reliquaire  de  la  Ste  Epine,  483. 
Barna  de  Sienne,  342. 
Bartoh  (Taddeo),  342. 
Basile  (ménologe  de),  31:,  378. 
basilique  latine,  455. 
Basingwerk,  abbaye,  522. 
bas- Limousin  (Noélsdu),  64. 
bas-relief  du  XIVe  s,,  444. 
Basse-Egypte,  statuette  en  bronze,  142. 
bassin  en  cuivre  gravé,  444. 
Bastille  (la),  148. 

Batonard,  acquéreur  de  l'abbaye  de  Cluny, 
240.. 


1899.  —  Table  analytique. 


558 


3&etnte  tic  ravr  chrétien. 


Battandier  (Mgr),   126,  418.515. 

Baudouin  (empereur),  91. 

Bavière,  13  ;  —  Arts,  13,  15  ;  —  Notes  de 
voyage,  13.  104,  227,  491. 

Baye  (de)  (collection),  37t. 

Bayeux,  exposition,  455. 

Beau  artistique  (le),  413;— esthétique,  70,413. 

Beaulieu,  église  abbatiale,  530  ;  —  église  pa- 
roissiale, 530. 

lïeaumont,  église,  250. 

Beaumont  (VIe)  (statue  couchée  du),  435. 

Beaune.  collégiale  Noue-Dame,  348. 

Beauté  (religion  de  la),  70. 

Beethoven,  180. 

Belgique  (monuments  de),  372. 

Belot  (M.  Charles),  8. 

Bénévent,  lampe  en  bronze  du  IVe  s.,  345. 

Bentivoglio  (Ant.)  (tombeau  de),  403. 

Béotie,  fibules  à  spires,  537. 

Bérain  (J.}  (inventaire  de),  360. 

Bérangere,  maison  de  la  reine,  431  ;  —  sou- 
terrains, 433 

Bérénice  (vase  de),  345. 

Bergen,  Ste  Épine,  479. 

Berlin,  musée,  166. 

Bernard,  abbé,  6  ;  —  l'Apothicaire,  9  ;  — 
saint,  11  + 

Berry  (duc  de)  (Ste  Épine  du),  488 

Berzé-la-Ville.  chapelle,  349  ;  —  château  des 
moines,  349. 

Besançon,  lectionnaire  du  XII-  s  ,  484  ;  — 
Ste  Epine,  484. 

Bethune  (B"»),  175. 

B^uron,  bénédictins  artistes,  118. 

Beyrouth,  inscription  en  bronze,  345. 

Bible,  latine  de  Frédéric  d'Urbin,  363; —  Ma- 
zarine.  53;  —  deSt-Paul  à  Rome,  137, 
314  ;  —  syriaque,   515. 

Bible  [dictionnaire  de  là) ,  166. 

Bibliographie,  58,  155,  252,  353,  422,  535. 

bijoux  albanais,  250. 

Binche,    hôtel  de  ville,  454. 

Biran  imaréch.  de),  167. 

Bock  (le  D'Pr.),  273. 

bœuf,  iconographie,  311. 

Bois-Rahier  (le)  en  Touraine,  214. 

boiseries  sculptées,  253. 

boites  eucharistiques,  306. 

Bolgary,  anciens  cadenas,  142. 

Bollandistes  (les),  297. 

Bologne,  Face,  404  ;  —  pierres  tombales, 
404  ;  —  reliquaire  en  argent  doré,  543  ;  — 
sculpteurs,  405  ;  —  tombeau  des  Accorso, 
401-402;  —  de  Bentivoglio,  403;  —  de 
canonici  Pietro,  404  ;  —  de  Giovanni  d'An- 
dréa, 402  ;  —  de  san  Giacomo  Maggiore, 
403  ;  —  de  Torquati,  403  ;  —  tombeaux 
antiques,  402  ;  —  université,  401. 

Bonn,  panneau  peint, 120. 

Bordas  de  St-Malo  (inventaire  de),  360. 

Borghèse,  musée  de  la  villa,  456. 

Bosceto  (Jac.  ),  orfèvre,  543. 

Boscherville,  église  et  abbaye  St-Georges, 
446,  448- 

Bouicelh  (vente  d'un  tableau  de),  423,  456. 

Boubon,  vierge  ouvrante,  357. 

Bouby,  ruines,  247. 

Bouchardon  (Edme),  178, 

bouclier  votil  en  bronze,  536. 

Boulogne,  cathédrale,  417;  —  congrès,  451  ; 
monuments  anciens,  259. 

Bourbon  l'Archambault,  Ste  Épine, 486. 

Bourg-Moyen,  Ste  Kpine,  322. 

Bourgeois  (Jean),  1 15. 

Bourges,  cathédrale,    2^1  ;    —    Le   jugemen  ( 

dernier,  356. 

Bourgogne,  maîtres  d' œuvres,  263. 

Boutin  (Gui  11.)  (inventaire  de),  359. 

bras-reliquaire,  56  ;  —  du  XIII'  s.,  150. 

Brecht  (Campine),  église,  179. 

Brescia,  croix  de  Galla  Placidia,  48;  —  dé- 
couvertes de  fresques,  47  ;  —  musée  chré- 
tien, 48. 

Bresly,    l  Ltuetti      [dlo-romaines,  54. 


Bretagne,  mobilier  artistique  des  églises,  70. 

Brioude,  église  St  Julien,  250. 

British  muséum,  139,  166. 

bronze  (taureau  de;,  147. 

Bruges,  cathédrale,  78  ; — cheminée  ancienne, 
373  ;  —  collection  de  dentelles,  373  ;  - 
église  Ste-Walburge,  179;  —  église  des  PP. 
Jésuites,  417  ;  — exposition  de  tableaux  an- 
ciens, 408  ;  —  hôtel  Gruuthuuse,  179  ;  — 
Maison  noire  (la),  79  ;  —  maternité  (la), 
hôpital  St-Jean,  271  ;  —  restauration  des 
monuments,  372  ;  —  tombeaux  polychro 
mes,  183,  352. 

Bruni  (Léon)  (tombeau  de),  124. 

Bruniel  (tombeau  des),  339. 

Bruxelles,  Commission  royale  des  monuments, 

84,  454  ;  —  cours  d'art  public,  39  ;  — église 
duSablon,  179;  —  exposition  d'art  religieux, 

85.  545;  —  grande  Place,  372  ;  —  musée 
national,  270  ;  —  Société  $  archéologie  x 
150. 

Butlder  [the),  425. 

Buissière-Badil,  madones  antiques,  541. 

Buisson  ardent  (le),  409. 

Bulletin  monumental,  169,  263, 

Buompedoni  (famille),  346. 

buste  en  bronze,  142. 


G. 

cadran,  d'horloges,  140;  —  solaire,  144. 

Caïphe,  325. 

Caistor,  château,  425. 

Calendrier  de  Coligny,  143. 

calendrier  constantinien,  346. 

calice  antique,  253. 

Camaiore,  tapisserie  de  1516,  126. 

Cambrai,  société  d'études,  441. 

Canici  (Guetano),  342. 

Canone  [la),  manuscrit  ancien,  319. 

Canonici  (Piet.)  (tombeau  de),  404. 

Canterbury.  carillon  mécanique,  52. 

Capelle  (Cornélis  van  der),  peintre,  120. 

Capitole,  245.' 

Carcassonne,  restaurations,  547. 

carillon  mécanique,  52. 

Carmen  paschale,  315. 

Carnavalet,  musée,  54. 

carçuan,  anneau  de  fer,  323. 

carreaux  vernissés,  248,  249. 

Carthage,  cadran  solaire,  144  ;  — -découvertes 
archéologiques,  143,  346  ;  —  fouilles,  71, 
245  ;  —  hache  phénicienne,  245  ;  —  inscrip- 
tion étrusque,  143,  144  ;  —  lampe  antique, 
142  ;  — musée.  345  ;  —  nécropole  punique, 
145  ;  —  portes  antiques,  55  ;  —  statues  an- 
tiques, 246. 

Casier  (Jos.),  60,  524. 

Castagno  (Andr.  del),  peintre.  243. 

Castelsarrazin,  clocher,  250. 

castor,  iconographie,  282. 

Catane,  Ste-    pine,  483. 

cathédrale,  d'Alby,  176  ;  —  Angers,  82,  162, 
357'  43°  !  —  Autun,  349  ;  —  Barcelone,  66; 

—  Boulogne.  417;  —  Bourges,  251;  —  Bru- 
ges, 78  ;  —  Chartres,  318,  426-430,  513;  — 
(  ItTinont,  248  ;  —  Coutances,  417;  —  Dur- 
ham,  140;  —  Famagouste,  444  ;  —  Fulbert, 
328;  —  Gloucester,  343;  —  I_.angres.349  >  — 
Londres  (St-Paul),  343  ;  —  Mans,  446,  1  $3, 
513;  —  M  eaux,  151,  152,  154,  442;  — 
Munich,  442;  —  Nicosie,  444  ;  —  Norwich, 
139,344;  —  Périgueux,  54;  —  Peterborough, 
140;  —  Puy,  166;  —  Ratisbonne  231  ;  — 
Reims, 146;  —  Rouen,  453;  — Salei  ne, 

—  Senlis,  154;  —  Sens,  151;  —  Soutwark, 
z,^  ;  —  Tours,  531  ;  —  Truro,  52,  140  ;  — 
Westminster,  141,425  ;— Winchester,  141  ; 

— Wùrzbourg.  17. 
Caucase,  ossements  peints,  345  ;  — petits  édi- 

cules,  142. 
caves  ogivales,  352. 
Ceccarelli  (Ohnto)  342. 


Celles-sur-Belle,  Vierge  miraculeuse,  160. 

cène  (fresque  de  la),  (Léon,  de  Vinci),  157;  — 
tapisserie  à  Camaiore,  166-127. 

céramique,  collection,  438. 

ciratenm,  302. 

Cerf  (le  chIlc  Ch.  ),  442  ;  —  armoiries,  443. 

Chabeuf(H.)  6,  10,53,  73>  "8,  143,  238, 
242,  441,  449. 

Chabotteau,  tondeur  decloches,  352. 

chaire  épiscopale  du  XIVe  s.,  69. 

Chaire-du- Vicomte,  église,  248. 

Chambéry,  musée,  9. 

Champmol,  chartreuse,  115. 

Champollion,  132. 

chant  grégorien,  i79.(V.  musique  religieuse). 

Chaptal,  241. 

Charismata,  516. 

Charlemagne,  466  ;  —  statue,  54. 

Charleroi,  forteresse,  352. 

Charles,  le  Téméraire  (tombeau  de),  149  ;  — 
IV  (Ste  Épine  de),  485  ;  —V,  9;  —  VI,  115. 

Chartres,  cathédrale,  328-330,  340,  426,-430, 
513;  —  clochers,  180.  328;  —  crypte  de 
St-Lubin,  429;  —  église  St-Agnan,  426  ;  — 
église St-Brice, 426;  — église  St- Pierre, 426; 

—  obituaire  du  Chapitre,  334  ;  —  porches 
latéraux,  80;  — statue  de  S.  Théodore, 
354,  —  vitraux,  356. 

Châsse  de  Mummol,  54. 

château,  d'Angers  (V.Angers);  —  d'Ans- 
bach;  —  de  Berzé-la-Ville,  349,  359;  — 
'  !aistor,425  ;  —  Chepstow,  522  ;  —  Gérard 
le  Dialjleà  tiand,i73  ; —  Loches,  527;  — 
Noue,  268  ;  —  Nuremberg,  706  ;  —  Sand- 
gate,  -2  ;  —  Septfontaines,  351  ;  —  Tours, 
526  ;  —  Verzé-la-Ville,  347;  —  Villers-Cot- 
teret,  268. 

Châteauchalon,  reliquaire,  251. 

Châteauneuf,  cloche  du  XVe  s.,  182. 

Chatel  (Pierre  du)  (Ste-Épine  de),  489. 

Chaumont  (vandalismeà),  178. 

Chauves  (Nic.de),  architecte,  151. 

Chauvigny,  édifices  féodaux,  181. 

Chepstow,  château  historique,  522. 

Chéragau,  maison  de  campagne  romaine, 247; 

—  statues  de  dieux.  247. 
Cherlieu,  abbaye,  114. 
Chesterfield,  flèche  tordue,  139. 
Choré  (église  de). 

Chosroès,  385. 

chrétiens  aux  lions  (les),  129. 

Christ,  9,  44.  141,  166,  275  ;  —  médailles,  54, 
166,  345,  370,  418-422  (Voir  médaille)  ;  — 
portrait,  176;  —  crucifiement,  256  ;  — en 
majesté,  362. 

Chronicon  paschale,  4^6. 

Chronique,  76,  174,  268,  370,  451,  545. 

Chronique,  liégeoise,  318  ;  —  de  l'art,  443. 

Chypres,  art  gothique  et  la  Renaissance,  442: 

—  objets  d'art,  444. 
Ciecchi  (Giovanni),  342. 

cierge  pascal  (pancarte  de),  144,  181. 
1  i'  1  g}  1  église,  262. 
Cimetière  franc,  351,  374. 
Citeau,  abbaye,  6.  114,  242. 
citerne  antique,  245. 
1  ivii  re  peinte  du  X\v  s.,  519. 
Civiltà  cattolica,  158. 
Clare,  église,  522. 
Clarse  (G.).  466. 

Clément  II  (tombeau  de),  288  ;  —  X  (inscrip- 
tion du),  132. 
I  li  mente  (Aur,  Prud,),  poète,  132. 
(  lermon t.  bréviaire,  320  ;  —  cathédrale,  248; 

—  Ste  Épine,  319. 
Clerval  (H.1.  80. 
Clerv,  Sir  Epine,  487. 
Clèves  (A.lulphe  IV  de),    166. 
Clichv,  statue  funéraire.  54. 

Cloche  du  XVe  s.,  72  ;  —  a  la  Fère,  83  ;  —  à 
Mattaincourt,  66,  167;  —  à  Tournai,  261. 

clocher,  Castelsarrazin,  250  ;  —  Chartres, 
180,328;   -  Chàieauneuf,    182. 


Cable  analytique. 


559 


cloches,  anciennes,  260;  —  fondeurs  de,  140, 
167,   261,  352,  440,  etc. 

clochers,  en  forme  de  tiare,  161  ;  —  de  bri- 
ques, 250  ;  —  du  X  Ves. .  72  ;  —  du  XVIe  s. , 
262  ;  —  du  diocèse  de  Montauban,  250. 

clochettes  (origine  des),  260. 

cloîtres  espagnols,  163. 

Cloquet  (L),  66.  69.  70,  71,  ne,  122,  142, 
164,  168,  257-262,  339,  362,    370,  413,  426. 

444.  446.  45i.  539.  34°.  54i- 
Cluny,  abbaye,  348;  —  église  abbatiale,  238; 

—  destruction.  242  ;  —  musée,  78,  325  ;  — 
retabledu  XVles. ,  326;  —  vue  générale,  239. 

Codex  Rossa7iensis,   54. 

coffrets  en  ivoire,  53,  54. 

Coïmbre,  Ste  Épine,  490. 

Coligny,  calendrier  en  bronze.  55. 

Colisée,  126-132. 

Colle  (Antonio  da),  342. 

Colîectio  Byzantina,  377. 

collection  d'antiquités.  245. 

colliers  antiques,  371. 

Collobium,  134. 

Cologne,  panneau  peint,  120. 

colombe  eucharistique,  168. 

colosse  d'Alexandrie,  146. 

Colweyn  Bay,  monnaies  romaines,  52. 

Corne,  massacre  des  innocents,  521. 

Comités  des  travaux  historiques,  347. 

comités  archéologiques,  269. 

Commission,  départementale  des  antiquités 
de  la  Côte  d'Or,  r48  ;  —  des  monuments 
historiques,  177  ;  —  royale  des  monuments, 
372- 

Condé  (Maison  de),  112. 

Congrès,  archéologique  d'Arlon,  35  1  ;  —  de 
Boulogne,  451  ;  —  de  France,  347  ;  —  des 
orientalistes  à  Rome,  548  ;  —  russe  d'ar- 
chéologie à  Kiew,  451  ;  — des  sociétés  sa- 
vantes, 146,  246;  — des  sociétés  savantes 
de  Toulouse,  56,  146. 

Conques,  trésor  de  l'abbaye,  251. 

consécration  (croix  de).  282. 

Constantin  le  Grand  (monnaies  de),  54. 

Constantinople,  ancien  plan,  459  ;  —  église  : 
de  Choré,  517  ;  —  de  Ste-Irène,  458  ;  — 
des  Machabées,  458  ;  —  de  Ste-  Sophie,  445  ; 

—  reliques,  9T,  208.  318,  478;  — Synagogue, 
389  ;  —  temple  de  Thècle,  459. 

constructions,  angevines  au  XIIe  s.  ;  287  ;  — 
chaldéennes,  246  ;  —  d'églises  (notes  pra- 
tiques), 4T3  ;  —  de  l'Ordre  de  Grandmont, 
214. 

Contri  (Ant.),  peintre,  200. 

convenance  (la),  loi  du  beau  artistique,  413. 

Corbeil,  Ste  Epine,  101. 

Cornélius,  487. 

Corniche,  279. 

correspondance.  d'Angleterre,  52,  T38,  343, 
424,  522;  — d'Espagne,  132,  ^42;  —  d'Italie, 

47.  124.  243.  423.  5i8- 
costume,  liturgique,  159  ;  —  (histoire  du),  56. 
coudée  (longueur  de  la),  516. 
coupoles,  444.  445. 
Courajod  IL.).  257. 
couronne  d'épines  (la  Ste),  fragments,   320  ; 

—  nature,  94  ;  —  reliquaires,  95-103  ;   — 
de  Paris,  92. 

Coutance,  cathédrale,  4r7. 

Craon.  Ste  Epine,  103. 

Cremeaux,  église,  262. 

Croisille  (la),  fondeur  de  cloches,  261. 

croix,  48,  539;  —  arborescente  de  Godshill, 
424  ;  —  de  consécration,  282  ;  —  proces- 
sionnelle, 176,  521  ;  —  sculptée  du  IXe  s.. 
147  ;    —   stationales,    44  ;  —  triomphales, 

273.  454- 
crucifix,  habillés,   i6r,  362  ;  —  en  ivoire,  228. 
crucifixion.  3^. 
Cruilles    (amiral    Gaufredo     Guilaberto    de) 

(tombeau  de),  24s- 
Cunault,  église,  286,  440,  524  ;  —  reliquaire 

en  bois  doré,  525. 
Cupidon  Ifigure  de),  34^. 


t'urgy,  église,  147. 

cuves  baptismales  en  plomb,  146. 


D. 


Dadizeele,  église,  454. 

Dainville  (M),  219. 

dalles  funéraires  du  XIIIe  s.,  522. 

Dalman  (L.  ),  peintre  espagnol,  261. 

dalmatique.  308  ;  —  du  IVe  s.,  306. 

Daly  (César),  architecte,  176. 

Danemark.  Stes  Epines,  488. 

Dante,  315,  342,  399. 

Darlington  (Durhatn),  église,  422. 

débadigeonnage  des  anciennes  peintures,  no 

découvertes  archéologiques,  en  Albanie,  144; 

—  à  Alexandrie,  146  ;  —  Bolgary,  142  ;  — 
Brescia,  47  ;  —  Bruges,  183,  352  ;  —  Car- 
tilage, 142,  143,  245,  246,  346  ;  —  Caucase, 
345  ;  —  Destelbergen,  374  ;  —   Eleusis,  55  ; 

—  Florence,  51  ;  —  Hatnmersnnth,  52;  — 
Liège,  183;  —  Louvain,  175;  —  Lyon, 
146  ;  —  Maheda,  345  ;  —  Montagnac,  345  ; 

—  Naples,  537  ;  —  Neeroeteren,  175  ;  — 
Paris,  456,  548  ;  —  Rome,  246  ;  —  Saint- 
Romain  du  Gall,  182;  —  San  Miniato 
Tedesco,  51  ;  — Stok-Dry,  53  ;  —  Ternath, 
175  ;  —  Tongres,  350  ;  —  Warlen,  522  ;  — 
Waverley  abbey,  522. 

déesses  mères,  55. 

Dembigh,  abbaye,  140. 

dentelles  anciennes,  455. 

De  Saussy,  4s8. 

dessins,  du  XIVe  s.,  151  ;  —  du  XVe  s..  144. 

Destelbergen,  découvertes  archéol. ,  455. 

Deynoc,  verrières,  175. 

diacre,  515. 

diaconesse,  515. 

Dictionnaire  de  la  Bible,  166,  262. 

Dieghem.  anciennes  peintures,  jyô. 

Dieppe,  église  St-Jacques,  178. 

Diest,  anciens  édifices,  150. 

Dijon,  armes,  47;  —  chartreuse,  115;  — 
coffrets  en  ivoire,  53  ;  —  commission  de 
l'art  religieux,  373  ;  —  église  Notre-Dame, 
9  ;  —  église  St-Philibert,  8  ;  —  excursion 
archéologique,  148  ;  —  ferme  La  Noue, 
149  ;  —  fresques,  370;  — maison  du  miroir, 
112,  113  ;  —  Musée  de  la  Monnaie,  251  ;  — 
Vierge  du  XVe  s.,  371. 

diplôme  du  XIe  s. ,  519. 

divinités  accroupies.  351. 

Dodone,  fibules,  537 

Dolmen,  142,  371. 

Domoso,  croix  processionnelle,  521. 

Donchester,  pavé  romain,  522. 

Dougga,  tête  en  marbre  blanc,  146. 

Dronisse  (Matth.),  sculpteur  manceau,  541. 

Drontheim,  bréviaire,  479. 

druides,  341. 

Duchesnes,  302,  303. 

Durand  (l'abbé),  33. 

Diirer  (Alb.  ),  226,  500. 

Dnrham,  cathédrale,  140. 


East-Acklau.  église,  52. 
Rcce  homo,  178. 

école  romane  d'architecture,  auvergnate,  248  ; 

,  —  bourguignonne,  9,  348  ;  —  flamande,  38. 

Ecosse.  Stes  ^pines,  489. 

église,  à  Aerschot,  175;  —  Angers,  216,  275, 

437-440,  452  ;  —  Ansbach,  17  ;  —  Arles,  8  ; 

—  Asnière,  439  ;  —  Audenarde,  78,  179  ;  — 
Avallon,  349;  —  Baelen,  273;  —  Bamberg, 
229  ;  —  Beaulieu,  530  ;  —  Beaumont,  250; 

—  Beaune,  348  ;  —  Boscherville.  446,  456  ; 

—  Brioude,    250;  —  Bruges,  179,  417;   — 


Bruxelles,  179;  —  Chartres,  426;  —  Ciergy, 
262  ;  —  Clare,  512  ;  —  Cluny,  238  ;  — 
Constantinople.445.458,  517;  —  Cremeaux. 
262  ;  —  Cunault,  286,  440,  524  ;  —  Curgy. 
167  ;  —  Dadizeele,  454  ;  —  Darlington,  522  ; 

—  Dieppe,  178  ;  —  Dijon,  8,  9  ;  —  East- 
Acklau,  52  ;  —  Ezza,  469  ;  —   Pelwell,  52  ; 

—  Flobecq,  454  ;  —  Florenne,  124  ;  —  Fo- 
rest,  ^y^  ;  —  Foy  Notre-Dame,  273  ;  — 
Gand,  175;  —  Handforth.  52;  —  Inverugie, 
140  ;  —  Kensinglon,  140  ;  —  Lescar,  466- 
473;  —  Levai-Dieu,  253;  —  Lille,  71  ;  — 
Lobbes,  454  ;  —  Loches.  528  ;  —  Lourde, 
370;  —  Louvain,  79,  179;  —  Maing,  337- 
339  ;  —  Mans,  362,  431  ;  —  Matifou.  456  ; 

—  Mespelaeie,  273  ;  —  Milan,  306,  502  ;  — 
Minories.  138  ;  —  Moissac,  13,  36,  37  ;  — 
Moutier  Si-Jean,  0  1  —  Munich,  449  ;  — 
Niedeggen,270;  —  Nieuport,  179; —  Niort, 
546,   547  ;  —  Notre-Dame  d'Auteuil,  253  ; 

—  Noyon,  18;  —  Nuremberg,  21-23;  — 
Paray-le-Monial,  348  ;  —  Paris,  78,  163, 
351,  361,  362,374.  449.  —  Petit  Andely.  416; 

—  Preuilly  sur  Claire,  475  ;  —  Ratisbonne. 
233  ;  —   K  aven  ne,  393  ;  —  Reading,   140  ; 

—  Reims,  444  ;  —  Rome.  445  ;  —  Rot'ne- 
bourg,  19;  —  Rouen,  454  ;  —  Saint- Denis- 
des-Coulommiers,  151;  —  Saint-Séverin,  78, 
373  ;  —  Saint-Severs,  347  ;  —  San  Gemi- 
gnano,  342;  —  Shorwell,  424;  —  Sluze,  454; 
— ■  Soignies,  78  ;  —  Solesmes,  435  ;  — 
Strood-lez-Rochester,  140;  —  Toulouse. 
247  .  —  Tournai,  415;  —  Tournus,  349;  — 
Tours,  531  ;  —  Tremolar,  247;  —  Venise, 
396  ;  —  Verdelot,  151  ;  —  Vezelay,  349  ;  — 
Villers  devant  Orval.  417  ;  —  Walcourt, 
455  i  —  Weris,  174  ;  —  Wervicq,  455  ;  — 
Wiirzhourg,  16. 

Eglise,  chrétienne  aux  Iers  siècles,  516;  — 
slave,  362. 

églises  basilicales,  455. 

églises  paroissiales,  capacité,  414  ;  —  con- 
struction, 413  ;  —  emplacement,  415  ;  — 
mobilier,  70  ;  —  orientation,  414,  517  ;  — 
ornementation,  76  ;  —  plan,  415. 

églises  romanes,  248  ;  —  de  l'Ariège,  247  ;  — 
de  Mauriac,   347  ;  —  de   Ratisbonne,  254. 

Egypte,  étoffes  antiques,  145  ;  —  statuettes 
en  bronze.  142. 

Éléazar,  382  ;  —  (tombeau  d'),  391. 

éléphant,  iconographie.  28. 

Eleusis,  plaque  d'or,  535  ;  —  tombeaux  dé- 
couverts, 55. 

Eisa  (Pays  de  T),  342. 

émail  rouge,  397. 

émaillerie  {histoire  de  1'),  511. 

émaux  byzantins,  511. 

émeiaude  de  Bijazet  II,  t66. 

Emporium,  421. 

Enghelbrechtz,  peintre  hollandais,  221,  325; 

—  (triptyque  d'),  326-32;. 
épées  d'honneur,  58. 

Épine  (l.i  Ste),  d'Andria,  483  ;  —  Ascoli.470; 

—  Assise,  208  ;  —  Barcelone,  212  ;  —  Bari, 
483  ;  —  Bergen,  479  ;  —  Besançon,  484  ;  — 
Bourbon  l'Archambault,  486  ;  —  Bourg 
moyen,  322  ; —  Catane,  483;  —  Charles  IV, 
485  ;  —  Clermont,  319  ;  —  Coïmbre,  490  ; 

—  Corbeil,  101  ;  —  Craon,  103  ;  —  Dane- 
mark, 323  ;  —  duc  de  Berry,  488  ;  —  Ecosse, 
489;  —  Fermo,  478;  —  Flines,  321;  — 
Josaphat  lez  Chartres,  484  ;  —  Liège,  318  ; 

—  Marie  de  Médicis,  490  ;  —  Marienthal, 
482; —  Maubrisson,  323;  —  Médina  del 
Campo,  484  ;  —  Monreale,  485  ;  —  Mont 
St-Éloy,  209;  —  Nancy,  488;  —  Notre- 
Dame  de  Cléry,  487  ;  '—  Orval,  322  ;  — 
Pampelune,  209; —  Paris  (Notre-Dame), 
320  ;  —  Paris  (Ste-Chapelle),  320  ;  —  Paris 
(Ste-Trinité).  209  ;  —  Pavie.  484  ;  —  Pierre 
du  Chàtel,  489  ;  —  Puy,  99  ;  —  Rome  (Ste- 
Placide),  323  ;  —  Royaumont,  321  . 
Saint-Maurice   en  Vêlais,  211  ;  —  Saint- 


560 


3&clntc  tjc  rart  chrétien. 


Quentin.  101  ;  —  San  Giovanni  Bianco, 
488  ;  —  Séez.  102  ;  —  Senlis,  322  ;  —  Sens, 
^22  ;  —Tolède,  101  ;  —  Toulouse,  323  ;  — 
Valence,  102;  —  Valenciennes,  101  ;  — 
Venise,  100,  487  ;  —  Vezelay,  212  ;  —  Vi- 
cence,  208  ;  —  Vincennes,  487. 

Épine  (reliquaire  de  la  Ste),  à  Ascoli,  479-681  ; 
—  à  Assise,  208  ;  —  à  Bari.  483;  —  Fermo, 
478  ;  —  Liège,  318  ;  —  Paris,  209  ;  —  Rome, 
323  ;  —  Ronceveaux,  210  ;  —  Sant-Elpidio 
a  Mare,  428. 

Erdington,  monastère,  53. 

Eros  (statuette  d'),  54. 

Espagne,  correspondance,  132  ;  —  exclusion 
archéologique,  168. 

essai  liturgique,  45. 

esthétique,  122. 

étain,  assiette.  455  ;  —  gobelet.  347  ;  —  fonts- 
baptismaux,  181. 

étoffes  anciennes,  54,  346. 

études,  iconographiques,  144  ;  —  liturgiques, 
45.  166. 

Euiies  IV,  duc  de  Bourgogne,  115. 

eudoxienne  (basilique),  158. 

évangéliaire  hiéronymien,  391. 

évangélistes  (les),  315. 

évêque  (ordination  d'),  515. 

excursion  archéol.  en  Anjou.  451  ;  —  en  Es- 
pagne, 168. 

exultet  (rouleaux  d').  443,  503. 

Ézéchiel  (porte  fermée  d'),  409. 

Ezza  (Syrie),  église  St-Georges,  469. 

Eyk  (Van),  252,  408,  410. 


F. 


faïences  tournaisiennes,  57. 
Famagouste,  cathédrale,  44J. 
Farcv  (L.  de),  82. 
Fay  (Antoine  de),  imprimeur,  6, 
Felwell,  église,  52. 
fer  dans  les  constructions  (le).  370. 
Fermo,  reliquaire  de  la  Ste  Epine,  478. 
Ferrari  (Fr.  Bianchi),  364. 
Ferrion  (Jean),  115. 
Ferronnière  (la  belle),  156. 
fibules  antiques,  537. 
fichus  normands,  455. 
Flandrin  (Hippolyte),  241. 
Flavien  (habitation  de).  114. 
Flavius  Josèphe,  293,  379,  380,  383,  385. 
flèche  tordue,  139. 
rleurage,  66. 
Flines,  Ste  Epine,  321. 
Flobecq,  église,  454. 
flore  gothique  à  Chartres,  340. 
Florence,  Annonciation,  2,  194;  —  artistes, 
3.  4  ;  —  Cenacolo  de  Sant'  Apollinare,  243; 

—  la  Crusca,  201  ;  —  église  Santa  Croce, 
124  ;  —  œuvres  des  délia  Robbia,  3  ;  — 
fresques,  5»,  125,  192,  243;  —  ivoire  du 
VI'-  s.,  364;  —  musée  en  plein  air,  1  ;  — 
palais  de  la  Crocetta,  196  ;  —  palais  vieux, 
5  ;  -  peintures,  3.4;  —  pièces  de  métal- 
lurgie, 3  ;  —  Santa  Reparata,  194  ;  —  ta- 
bernacle de  Guirlandajo,  2  ;  —  tabernacles, 
4;  —  tombe  de  Guiberti,  50  ;  —  tour  Ra- 
m  iLjiianti.  2. 

I-oix  (  Mathieu  de),  116. 

Fontenay,  abbaye,  114. 

Fontenelle,  archives.  338. 

Fontgombault,  abbaye.  475. 

fonts  baptismaux,  [46;  —  de  Rurernberg,  21  ; 

—  Paignton,  53  ;  —  en  étain  de  Prague, 
181  ;  —  de  Rumon,  150. 

Forest.  église.  373. 

inspiratrices  de  l'architecture  go- 
-,  340. 
Forlet,  caves  ogivales,  352. 
Fornarina  (la),  364. 


Forum  romain,  55,  142,  145,  146,  345. 

fouilles,  à  Carthage,  71,  245;  —  Glanfeuil, 
539  ;  —  Kauban  (Caucase),  245  :  —  Lam- 
bèse  (Algérie),  55  ;  —  Martres  (Tolosane), 
245,  247  ;  —  Paris,  143;  —  Rome  (forum), 
145.  146,345  ;  —  Salona,  159  ;  —  Sancerre, 
182  ;  —  Tombelaine,  248,  268  ;  —  Tongres, 
350;  —  Warlen,  522. 

Foy-Notre-Dame,  église,  273. 

Franchi  (Bruno),  342. 

Frandiimont,  ruines  historiques,  455. 

François  II  (compte  des  dépenses  de),  254. 

Frédéric  d'Urbain  (bible  latine  de).  363, 

Fredi  (Maestro  Bartolo),  342. 

fresques,  à  Ashmansworth,  523;  —  Brescia, 
47,  48;  —  Chypriotes,  444;  —  Florence.  51, 
124,  125.  192,  243  ;  —  Nieuport,  86,  87  ;  — 
San  Gemignano,  342  ;  —  San  Miniato  Te- 
desco.  5t,  522  ;  —  Sienne.  197;  —  Stoke- 
Drv,  53  ;  —  Vatican.  192  ;  —  Zepperen. 
(Lunbourg),  86.  (V.  peintures  murales.) 

Fulbert,  cathédrale,  328. 

Furtin,  maire  de  Cluny,  242. 

fuseau,  attribut  de  la  Vierge,  310. 


Gaddi  (Th.),  125,  192. 

Gallizi  (Giov.  dei).  peintre,  543. 

Galla  l'Iacidia  (croix  de),  48  ; —  (portr.  de).  51. 

Gallia,  487  ;  —  Crisliana  novissima,  166. 

Gand,  adoration  de  l'agneau ,  252  ;  —  chapelle 
du  Poortacker,  175  ;  —  château  de  Gérard 
le  Diable,  273  ;  —  châtellenie  du  Vieux 
Bourg,  374;  — église  St-Michel,  175;  — 
façades  anciennes,  372  ;  —  Musée,  374  ;  — 
reliquaire  de  la  Ste  Epine,  489. 

Garnier  (archiviste),  114,  116. 

Gascon  de  Gotor(P.  ),  132. 

Gauzon,  monie  et  architecte,  238. 

Gavazzi  (Jos.),  peintre,  543. 

Gavelle  (E.  ).  221,  325. 

Gazette  des  Beaux- Arts,  5  [  1 . 

Gelis-Didot  (M.),  282.  283. 

Germain  (E.  ),  fondeur  de  cloches,  261. 

Germain  (L.),  549. 

Genèse,  manuscrit,  346. 

Genillou,  acquéreur  de  l'abbaye  de  Cluny.  240. 

Géorgie,  antiquités,  143. 

Gérard,  abbé,  ir5. 

Gerspach,  1,  39,  47.  124,  191,  243,  393,423. 

Gézer,  ville  chananéenne,  55. 

Ghiberti  (tombe  de),  50. 

Ghirlandaio  (Dom,),  396. 

1  rit  iedeSt-  Thomas  et  de  Si-Luc,  420,451,  524. 

Giorgio  (Pr.  di)  (tableau  de),  425, 

Giornale  arcadico.  502. 

Giotto  (fresque  de).  124. 

Giovanni  di  san  Giovanni,  146, 

Giovenone  (Gér.),  peintre,  543. 

gladiateur,  t2g. 

Glanfeuil.  abbaye,  539  ;  —  feuilles  archéolo- 
giques, 539. 

Glossap.  vieux  mur  romain,  522. 

Gloucester,  cathédrale,  363. 

gobelet  en  étain  du  XIIIe  s.,  367. 

1  iodard-Faultrier,  219. 

Godshill,  croix  arborescente,  424. 

Goluchow  (collection  de),  253. 

1  iozette,  peintre,  251. 

Gozzoli  (Benozzo),  342. 

1  -m  h  irdre  de),  213. 

Grand-Saint-Bernard  (inventaire  du),  255. 
ibbaye,  250. 

gravure  sur  verre.  513. 

Grégoire  XI,  285,  286. 

griffon  (tête  de),  55. 

1  un amonte,  sculpteur.    ; 

gui  rriei  g  uili  i  ■    figui    d 

Guglielmo  da  Pi    1    fra     p    ntre,  519. 
■il  .178. 

Guide  </<  l'Art   krétieit,  421. 


Gviido  da  Como,  peintre,  519. 
Guillaume,  abbé.  112. 
Guimet,  Musée.  371. 
Guy  de  Loth,  466. 


H. 


habitation  romaine,  477. 

Baie  aux    Bons  Hommes,  prieuré,  213,  275, 

4SI- 

Hainaut,  maîtres  d'œuvre,  363. 

Hal,  lutrin-aigle,  78,  373. 

Hanunersmith,  antiquités  romaines,  52. 

Handlorth,  église.  52. 

Hasparren.  inscription  latine,  245. 

Hayles  (Gloucestershire),  abbaye,  141. 

Helbig  (J.),  10,  25,  38,  58,  88,  138,  168,  185, 
235.  3-43.  4>>.  424. 

Henri  II  [tombeau  de),  228. 

Hérodote,  345,  347. 

Hexham,  abbaye.  522. 

Hezelon,  moine  et  architecte,  238. 

Hilarius,  6. 

Honorius  (portrait  d'),  51. 

Hortus  deliciarum,  270, 

hôtel  de  ville,  à  Alost,  79  ;  —  Bamberg,  229  ; 
—  Binche,  454  ;  —  boches,  529;  —  Lou- 
vain,  79,  373  ;  —  Munich,  492  ;  —  Nurem- 
berg, 104;  —  Ratisbonne,  233;  —  Rotten- 
bourg,  19. 

Houdebine  (l'abbé  Tim. ),  203,  275,  451. 

Huelin  (Jean),  maître  maçon,  351. 

Hugues,  abbé,  115;  —  IV,  duc  de  Bourgogne, 
114  ;  —  saint,  238. 

humidité,  ennemie  des  fresques,  193. 

hymnes,  162,  358,  538. 


icônes  russes,  121. 

iconographie,  d'Adam  et  d'Eve,  133  ;  —  de 
L'âme,  118,  136  ;  —  des  apôtres,  315  ;  — du 
calvaire,  125,  325;  —  du  Christ,  48,79,  155, 
310,  311,  313.  314.  342.  362  ;  —  407,  519  ; 

—  de  la  Vierge,  36,  117. 

llle-et-  Vilaine,  mémoires  delà  société  archéo- 
logique, 256. 

Ilskaia,   collection  d'objets  anciens,  371. 

Ile  de  France,  berceau  de  l'art  gothique,  443. 

Illustration  italienne  (l'I,  342,  449. 

imagerie  religieuse,  77  ;  —  en  Russie,  121. 

images  scolaires,  541. 

Innocent  II,  238. 

inscription,  antique  à  Lambèze,  144  ;  —  sur 
bronze,  345; —  de  Clément  X,  132;  — 
étrusque,  143,  144;  —  latine  du  XVI  s., 
58  ;  —  d'Hasparren,  245  ;  — de  Milan,  317; 

—  romaine,  144  ;  —  du  XVIe  s.,  83. 
inscriptions,  antiques  à  Carthage,  71; — grec- 
ques, 55,  142  ;  —  latines  à  Naples,  538  ;  — 

inventaires,  133,  254  ;  —  (bibliographie  des), 

358,  360. 
lnverugie  (Ecosse),  église  ancienne,  140. 
Isengrin  (représentation  d'),  278. 
Is-sur  1  ille  ii  lote  d'Or),  169. 
Italie,   correspondance,  47,   124,   243,    423, 

518;  —  législation  sur  la  vente  des  tableaux, 

423  ;  —  musées  civiques,  40. 
ivoin-,  ,  5  ;    -  du  XIB  s.,  119. 

ivoires  anciens,  182,  498. 


Jean.de   B -ny   (inventaire  de),    488;    —   le 
rerrible(i  isquede),  in;  —  sans  peur.  1 16. 
fean  P  es,  peintre,  126. 

'      Montmorency,  254;  — -  II  (livre 
d'heures  de), 
Jonas  (histoire  de),  306. 


Cable  analytique. 


561 


Josaphat-Iez-Chartres,  Ste-Épine,  484. 

Joseph  {histoire  de),  peintures,  279. 

Josué  (tombeau  de),  363. 

Jourdain  (abbé),  (dalle  tumulaire  de),  248. 

Journal  des  Arts,  177,  178,  453. 

Judas  (deniers  de),  345. 

Jugement,  dentier  de  Fra  Bartholomeo,  186  ; 

—  de  Salomon,  de  de  Crayer,  374. 
Julien  l'apostat  (statue  de),  143. 
Jupiter,  380. 
Justinien  (médaillon  d'or  de),  54  ;  — (portrait 

de),  395- 

K. 

Kalendarium  greco-moscuvi,  304. 
Kauban  (Caucase),  fouilles,  245. 
Keldermans  (J.),  architecte,  285. 
Kensington,  église  St-Marc,  r4o. 
Kenton  (Anglet.  ).  chaire  en  chêne,    52. 
Kessel,  croix  triomphale,  273. 
Kiew,  congrès  russe  d'archéologie,  451. 
Knill  (Stuart),  nécrologie,  88. 


la baru m,  539. 

La  Bussière,  abbaye,  114. 

Lactance,  130. 

La  Fère,  ancienne  cloche,  83, 

La  Ferté  sur  Grosne,  abbaye,  114. 

Lallemand  (J.  S.),  peintre,  238,  239. 

Lamartine,  342. 

Lambere  (Algérie),  fouilles,  ^;  — inscription 
antique,  144. 

Lambert  Jean,  fondeur  de  cloches,  149. 

Lancelot  de  Pau  (tombe  de),  253. 

Lanfrani  (Jac),  sculpteur,  402. 

Langre,  cathédrale,  349. 

La  Noue,  ferme,  149. 

Larchat,  retable  de  chapelle,  269. 

larrons  (les),  325. 

La  Tremouille  (Jean  de),  116  ;  —  (archives 
des),  487. 

Laurana  (Fr.  de),  sculpture,  59,  440. 

Laurent  (S.  )  (dalmatique  de),  307. 

Laurent  (maître),  fondeur  du  XVe  s.,  440. 

Lavagnola,  tableau,  51. 

Lavigerie  (Mgr).  (Mausolée),  76. 

Leciiones  èergenses,  479. 

lectionnaire  du  XIIe  s.,  484. 

légende  dorée,  505. 

Le  Ménestrel  des  Granges  (portrait  de),  455. 

Le  Miroir,  abbaye,  114. 

Le  Noir,  Alexandre,  241. 

Léon  XIII,  j2Ô,  i4r,  244,  413. 

léopard,  iconographie,  281. 

Lescar,  église  Notre-Dame,  466,  473  ;  — 
architecture,  468  ;  —  décoration,  472  ;  — 
disposition  arc  hitectonique  intérieure,  470  ; 

—  mosaïque  gallo-romaine,  476;  —  ori- 
gine, 466; — sculpture,  473  ;  — tombeau, 
477- 

lettres  ecclésiastiques,  482. 

Levai-Dieu,  église,  253. 

Leyde,  Musée,  222,  326  ;  —  retable  du  XVI« 
s.,  326;  —  triptyque  d'Enghelbrechtz,  222- 
225. 

Liber pontiûcalis,  308,  384,  468,  562. 

licorne,  iconographie,  281. 

Liège,  concours  de  la  société  d'art  et  d'histoi- 
re, 352;  —  couronne  des  dominicains,  318; 

—  découvertes  archéologiques,  183  ;  — 
reliquaire  de  la  Ste-Epine,  318. 

ligne  droite  architecturale  (la),  222. 
Lille,  église  du  S.  Cœur,  71. 
Limotte  (P.),  fondeur  de  cloches,  83. 
Limousin,  66. 
lion,  iconographie,  280. 
Lippi  (Filippo),  342. 
lit  du  XIVe  s.,  518. 

liturgie,  inspiratrice  des  artistes,  44,  166  ;  — 
bénédiction  des  palliums,  160  ;  —  des  vête- 


ments sacerdotaux,  160  ;  —  office  de  la  Ste- 
Vit;rge,  du  XVe  s. ,  538  ;  —  rite  quadruplex, 
3Ôr  ;  —  vêtements  liturgiques,  56,  160,  306, 
308. 

Llantony,  abbaye.  140. 

Llautwit-major,  Vierge  du  XIVe  s.,  343. 

Lobbes,  abbaye,  45^;  —  église  St-Ursmer, 454. 

Loches,  château,  527  ;  —  collégiale  N.-D., 
528.  529  ;  —  hôtel  de  la  chancellerie,  519  ; 
—  hôtel  de  ville,  529  ;  —  porte  des  corde- 
liers,  530  ;  —  porte  Picoys,  529  ;  —  tour  St- 
Antoine,  530. 

lois  romaines  condamnant  aux  bêtes,  129, 131. 

Lombardi  (AIT  ),  sculpteur,  405  ;  —  (  Mort  de 
la  Vierge  de),  406. 

Londres,  cathédrale  St-Paul,  343;  —  comité 
d'art  et  d'histoire,  425;  —  County  council, 
140  ;  —  exposition  Burne-Jones,  182  ;  — 
Maison  de  Garde  à  la  Tour,  140;  —  reli- 
quaire de  la  Ste-Epine,  323. 

Longhi  (Luca),  peintre  du  XIIIe  s.,  400. 

Lorette,  Sauta  Casa,  64. 

Louis,  XIII,  113  ;  —  le  Bavarois  (tombeau 
de),  493. 

Louis  (S.  ),  lettre  à  Guy  de  la  Tour,  319. 

Lourde,  basilique,  417;  —  nouvelle  église, 
370- 

Louvain,  collégiale  St- Pierre,  79,  179;  — dé- 
couverte de  peintures,  175;  —  hôtel  de  ville, 
79,  373  ;  —  verrières,  273. 

Louvre, 9,  142,  374;  —  ivoires  anciens,  182  ;  - 
vase  antique  en  terre  cuite,  246. 

Lucas  (Ch.  ),  256. 

lune,  iconographie,  313. 

Luria,   mosaïque  représentant  Orphée. 

Luxembourg  (Jean  de),  116  ;  —  archives  du 
gouvernement,  482. 

Lyon,  disque  de  bronze,  55;  —  trouvaille  ar- 
chéologique, r46. 

Lysias,  381. 


M. 


Machabées  (basilique  antiochienne  des),  457; 
—  captivité,  378  ;  —  culte,  300  ;  —  langue, 
293;  —  martyre  et  sépulture,  290,  377, 
457  ;  —  parents.  465  ;  —reliques,  296,388, 
458,  459  ;  —  sarcophage  à  Rome,  460  ;  — 
supplice,  292,  295  ;  —  tombeau,  295,  381, 
383.  458. 

Maçon,  239  ;  —  St-Vincent  le  Vieux,  348. 

Madone  et  l'Enfant  (la),  fresque  à  Brescia, 
47- 

Maelbeke  (Nicolas  van)  (portrait  de),  409. 

Maestricht,  coupe  de  verre  du  XIVe  s.,  236. 

Magalazzi  (Franc.  ,449. 

Magnac- Laval,  communauté  de  prêtres  sécu- 
liers, 358. 

Magnum  ekronicum  belgtcum,  486. 

Mahéda,  ossements  peints,  345. 

mal//,  représentant  Dieu  le  Père,  137. 

Maimordi  (Sébastien),  342. 

Maing,  église,  338  ;  —  pierre  sépulcrale,  357. 
333,  389- 

Maisons   anciennes,    à   Angers,    433  ;    à 

Dijon,  112  ;  —  à  Gand.  372  ;  —  à  China- 
gon,  247  ,  —  au  Mans,  434  ;  —  à  Rome, 
477- 

Maîtres  d'eeuvres,  d'Artois,  363;  —  de  Bour- 
gogne,  363. 

Majano  (Benedetto  et  Julien  da),  342,  343. 

Malala  (J,),  (chronique  de),  377,  381,  383, 
457.  458- 

Malines,  cathédrale,  185  ;  —  Cercle  archéo- 
logique, 150;  — halles  anciennes,  179,  270, 
271  ;  -•  peintures  murales  150  ;  —  tour  St- 
Rombaut,  185,  187,  189. 

Mallet(leCh.).  413. 

Malmesbury,  abbaye,  140. 

Manchester,  bibliothèque,  523. 

Mans  (le),  cathédrale,  416,  423,  434,  313  ; 

église  Notre-Dame  de  la  Couture,  43/;  — 


église  St-Julien,  362  ;  —  émail  funéraire  de 
Geoffroy  Plantagenet,  431  ;  —maison  delà 
reine  Bérangère,  431  ;  —  maison  de  la  Re- 
naissance. 434  ;  —  Musée  d'archéologie 
431  ;  —   statue  de  Ste-C'écile,  Ç40. 

manuscrit  du  VII Je  s.,  515. 

manuscrits,  anciens,  270,  29g,  319  ;  (con- 
servation des),  54,  56  ;  —  syriaques,  301 

Marbre  sculpté  du  XI Ve  s.,  245. 

Marc-Aurèle  (tête  en  marbre  blanc  de),  245. 

Marecisous,  nouvelles  orgues,  180. 

Marie  de  Médias  (inventaire  de),  490  ;  — 
(Ste-Epine  de),  490. 

Marienthal,  nécrologe  du  couvent,    482;  

Ste-Epine,  482. 

Maris  Stella,  abbaye,  ri4. 

Marqtiet  de  Vasselot  (.1.-1.),  443. 

Marsay  (Etienne  de),  sénéchal  d'Anjou,   214. 

Martres  (Tolosane),  fouilles,  241;,  247. 

martyrologe,  de  l'Eglise  d'Occident, '300  :  — 
syriaque  du  IVe  s. .  302,  383  ;  —  du  VIIIe 
s. ,  302  ;  —  de  Toulon,  55. 

Martyrologium  gallicanum ,  93. 

Marzappini  (tombeau  de),  124. 

masque  de  femme,  59. 

Matifou,  basilique  du  IVe  s.,  4^6. 

Mattaincourt,  ancienne  cloche,  66,  167. 

Matthieu  (vocation  de  S.  ).  312. 

Maubrisson,  Ste-Epine,  323. 

Mauran  (Jér.),  (itinéraire  de),  346. 

Mauriac. églises  romanes del'arrondissement, 
337- 

Meaux,    cathédrale,    rsr,    152,   154,   442; 

conférence  d'histoire  et  d'archéologie  '  du 
diocèse,  150  ,  —  Ecce  Aomo,  362,  442. 

médaille,  antique,  149  ;  —  juive  de  Boyer 
d'Agen,  4r8  ;  —  juive  (autre  exemplaire), 
419  ;  —  juive  et  l'index,  422. 

Médecis  (voir  Marie  de  Médicis). 

Médina  del  Canipo,  Ste-Epine,  484. 

Medmenham,  abbaye.  522. 

Mely  (Fr.  de),  58,  96,  155,  208,  253,  318, 
335.  353.  478.  535- 

Menilinc  (J.),  500  ;  —  (retable  de),  362. 

Meiinui  (Lippo).  342. 

ménologe  de  la  C'e  de  Jésus,  490. 

Mercure,  statuette  en  bronze,  143. 

Mespelaere.  église.  273. 

Melsys  (Q.  ).  175,  500. 

meubles  artistiques,  455. 

meules  préhistoriques,  350. 

Meylinger  (Bay),  114. 

Michelozzo,  architecte,  194. 

Milan,  autel  d'or,  309;  —  boites  eucharisti- 
ques, 306;  —  Cenacolo,  195;  —  dalmatique 
duXVus.,  306;  —  église  St-Ambroise,  306, 

502  ;  —  émaux,  510  ;  —  mosaïque,  308  ;  — 
trésors,  306. 

Millau,  ancien  pilori,  247. 

Millière  (famille  et  hôtel  des),  103. 

miniatures,  hollandaises.  223;  — juives,  142. 

Minorics,  église  de  la  Trinité,  138. 

Mirebeau  (Côte  d'Or),  119. 

Miroir  (maison  du),  ou  des  Chartreux,  112. 

Missale,  Fictaviense,    163  ;   —    Vedastinum, 

503  ;  —  S.  Amandi,  503. 
Mythologie  homérique.  535. 

mobilier,  455  ;  —  coffret,  53,  54  ;  —  lit,  51S, 
mobilier  religieux,  .miel,"  306,  309;  — 
bénitier,  7  ;  —  chaire,  52  ;  —  ch.  épisco- 
pale,  60;  — colombe  euch.,  IÉ8; —taber- 
nacle, 4;  —  11  ;,il  les,  69,  325-326  ;  —  stal- 
les, 49. 

moines  (les),  64,  525  ;  —  lépieux,  218. 

Moïse  de  Michel-Ange,  50. 

Moissac,  abbaye,  25,  26  ;  —  chapiteaux,  29, 
34  .'  —  église,  13,  36,  37  ;  —  sculptures,  27. 

Moiturier  (le),  sculpteur,  72. 

Monasticon  belge,  163. 

monnaies  asiatiques,  146. 

Monreale,  Ste-Epine,  485. 

Mons,  tourSte-Waudru,  186,  351. 

Mont  St-Eloy,  Sle  Epine,  209. 

Mont  St-Michel,  abbaye,  146,  453, 


562 


&rtuc  lie  r&vt  cbrctteu. 


Montagnac,  colonne   à   inscription  gauloise. 

345- 

Mont.iigo,  potier  du  XIIIe  s.,  347. 

Montalivet  (comte  de),  177. 

Montauban,    cloches   du   diocèse,    250  ;     — 

Musée,  54. 
Montault   (i/lgi  X.  B.).   42,  45.  64.  66,  118. 

119,  160,  163,  235,  253,  254,  306,  357,  363. 

442,  502,  537,  542  ;   —  Œuvres  complètes, 

261. 
Monte  (castel  del),  363. 
Montereux,  statuette  de  Mercure,  143. 
Montmartre,  Sacré-Cœur,  445. 
Montpezat  (tombeau  de  l'abbé  Ravmond  de), 

26. 
Montre^  66. 

monuments,    du  XIIIe  s.,  342  ;  —  conserva- 
tion des  anciens,  268. 
Morimont,  abbaye,  114. 
Moro  (Luigi  del),  342. 
Moroni  (Giov.  Bat.),  peintre,  5  13. 
mosaïque  (technique  delà),  396. 
mosaïques,  byzantines,  71;  — gallo-romaines, 

476  ;  —  de  Ravenne,  398;  —  de  St  Venance, 

mosaïstes  italiens,  394. 

Moscou,  musée  historique,  542. 

Mossoul,  bible  syriaque  du  XVIIe  s.,  515. 

Mostart  (Jan),  peintre,  278. 

moules  romaines  du  IVe  s.,  143. 

Moutier  St- Jean,  abbaye.  6  ;  —  bénitier,  7  ; 
—  église,  o  ; —  ivoires  du  XI  Ve  s.,  9  ;  — 
pote  du  XIII'-' s.,  7-8  ;  — sarcophage,  8. 

moyen  âge,  287,  353. 

Muller,  377 

Mumrnole  (châsse  dite  d  ■),  54. 

Munich,  ancien  hôtel  de  ville,  492;  —  ancien- 
ne pinacothèque,  499  ;  —  ancienne  résiden 
ce  royale,   493  ;  —  basilique  St  Boniface, 

491  ;  — cathédrale  Notre-Dame,  492;  — 
chapelle  de  la  cour,  496; —  église  des  Théa- 
tines,  499  ;  —  feestsalbau,  494  ;  —  gale 
rie  des  généraux,  499  ;  —  glyptothèque 
500;  -  Marien-saale,  492  ;  —  monuments 
modernes,  493  ;  — Musée  national,  496;  — 
nouvelle  pinacothèque, 500;  —  nouvelle  rési 
dence  royale,  494  ,  —  place  Notre-Dame, 

492  ;  —  porte  de  la  Victoire,  499  ;  —  rue 
Maximilien,  496; —  tombeau  de  Louis  le 
Bavarois,  492. 

Misée,  d'Amsterdam,  164,  254  ;  —  Angers, 
59;  —  archiépiscopal  d'Utrecht,  224;  — 
Bardo,  245  ;  —  Berlin,  166;  —  Carnavalet 
54;  Carthage,345; — du  Capitoleà  Rome 
142  ;  —  chrétien  de  Brescia,  48  ;  —  civique 
de  Pise.  126  ;  —  Cluny,  78,  325  ;  —  Gand 
374;  —  Guinet,  371,  —  germanique  à 
Nuremberg,  108  ;  —  historique  de  Moscou, 
542  ;  —  Leyde,  222,  326  ;  —  Louvre,  54, 
142,  182  ;  -  Mons,  431,  —  de  la  monnaie 
à  Dijon,  251  ;  —  Montauban.  543  ;  — mu 
nicipal  de  Prague,  181  ;  —  Mont  Ste-Odile, 
270;  —  Namiir.  237;  —  National  de 
Bruxelles.  270  ;  —  National  de  Munich 
496  ;  —  Ravenne,  400  ;  —  South  Kensing 
ton,  343  ;  —  Toulouse,  250  ,  —  Villa  Bor 
ghèse,  456. 

musées,  gratuité  des  entrées,  42  ;  —  civiques 
en  Italie,  39. 

musique  religieuse,  à  Maredsous,  180;  — à 
Solesmes  (V.  chant).  179. 


N. 


Namur,  musée,  237  ;  —  le  vieux  Namur,  273. 

Nancy,  inventaires,  488  ;  —  Ste-Epine,  488. 

N.intua,  abbaye,  45. 

Naples,  découverte  d'antiquités,  537  ;  — in- 
scriptions latines,  538  ;  —  tombeaux  de 
rois  de  la  maison  d'Anjou,  542. 

Napoléon,  239. 

Nar-Baal  p.  «  Ran-Baal,  278. 


nécrologie,    Franz    Bock    (le    D'),    273  ;    — 
Smart    Knill,  88  ;   —  Vespignani    (leCte), 

375- 
nécropole  d'Albanie,  250. 
Neeroeteren,  découverte  de  peintures,  175. 
Nérun,  128,  130. 
Nicosie,  cathédrale,  444. 
Niedeggem,  église,  270. 
Nieuport,  église,  179  ;  —  peintures  murales, 

8687. 
Niort,  église  St-Etienne,  546,  547. 
Noël  (fête  de),  304. 
Noels  anciens,  64. 
Noli  me  tanière,  49. 
Norwich,  cathédrale,  139,  344. 
Notker,  378. 

Notre-Dame  (les  quinze  joies  de),  167. 
Notre-Dame  d'Auteuil,  église, 253. 
Noue,  château,  268. 
Noyon,  église  Notre-Dame,  18. 
numérotage  des  maisons  anciennes  (invention 

du),  114. 
Nuremberg,  artistes,  20,  —  château,  106  ;  — 

église  Notre-Dame.  23  ;  — église  St-Sébald, 

21  ;  —  église  St-Laurent,  22  ;  —  fontaines, 

104  ;  —  fonts  baptismaux,  21  ;  —  fortifica- 
tions,   108  ;   —  hôtels  de  la  Renaissance, 

105  ;  —  hôtel  de  ville,  104  ;  —  maison  d'Al- 
bert Durer  (grav.  ).  106,  107  ;  —  maison  de 
Nassau,  104  ;  —  musée  germanique,  108  ; 
—  presbytèredeSl-Sébald,  22;  — tabernacle 
du  X\Tt  s.,  23;  —  tapisseries  gothiques, 
23  ;  —  tombeau  de  St-Sébald,  20,  2t. 


O. 

Ocquene,  statue  de  S.  Antoine,  442. 

office  de  la  Vierge  du  XVe  s.,  538. 

Olla,  237. 

Orantes.  136,  137. 

Orfèvrerie,  en  France,56;  —  limousine,  72; 

(V.  reliquaires-trésors  de  Conques,  251  ;  • 

de  Prague,  de  Rossi,  418.) 
Orgues,  180 

Orientalistes  (congrès  des),  548. 
Orléans,  reliquaire  à  roues,  161. 
Orley  (Bern.  van),  peintre,  87. 
Oronte  (monnaies  du  satrape),  1,46. 
Orval  (la  croix  d'),  322  ;  —  Ste  Epine,  322. 
osculnm,  59. 
Osterrath  ()'),  513. 
Oxford,  manuscrit,  381. 


P. 


Pacca  (les  édits),  423. 

pact  du  XIVe  s.,  519. 

Pagani  (Lattanzio),  peintre,  543. 

Partis  arduennensis ,  350. 

Paignton,  fonts  baptismaux,  53. 

Palais  épiscopal  de  Tournai,  271. 

Palliot,  Pierre,  117;  —  (René),  héraldiste,  117. 

p'illhims  (bénédiction  des),  160; 

Pamier  ,  sarcophage  roman,  83. 

Panpelune,  Ste  Epine,  209. 

Panthère,  iconographie,  282. 

Papebroeck,  279, 

Paray  le  Monial,  basilique  N.-D. ,  348. 

Paris, anciens  murs  romains,  55;  —  basiliquedit 
S.  Cœur,  270,  445  ;  —  chapelle  rue  Jean 
Goujon,  174  ;  —  cloche  du   XVIe  s.,    362  ; 

—  commission  du  Vieux  Paris,  148,  251, 
351  ;  —  commission  des  Monuments  histo- 
riques,i77;  —  Construction  du  vieux  Paris, 
269;  —  découvertes  archéologiques, 456;  — 
de  statue,  548  ;  —  église  Notre-Dame,  78, 
.-17  1,  II''.  —  St-Séverin,  351;  —  St-lttienne 
du  Mont.  361,  449;  —  St-Germainl'Auxer- 
11  ,  362;  — églises  paroissiales,  160,  361, 
362;  —fouilles,  142,  143,;  —  hôtel  Lauzun, 
268  ;  —   maison  de  la  reine  Blanche,  25t  ; 

—  manuscrit  du  VIIIe  s.,  515  ;    —  pan 


carte  de  cierge  pascal,  144,  181  ;  —  poteau 
cornier,  79  ;  —  reliquaire  de  la  Ste  Epine, 
209;  —  Sainte  Chapelle,  160,  181,  182, 
269  ;  —  sainte  couronne  d'épine,  91  ;  —  So- 
ciété de  St  Jean,  180  ;  —  des  Beaux-Arts 
des  départements,  250  ;  —  vente  de  tableaux 
eu  1710,  231. 

Pasignano  (Domenieo  da),  342. 

Passau,  234. 

Pater  noster  en  images  (le),  159. 

pavé  romain,  522 

Pavie,  Ste  Epine.  484. 

Pays  poitevin  (le),  262. 

Pazzi  (conjuration  des),  243. 

peintres,  flamands  anciens,  408;  —  verriers 
du  moyen  âge,  513. 

peinture  (la),  murale,  284;  — sur  verre  (tech- 
nique), 455,  513  ;  —  sur  porcelaine,  500. 

peintures,  flamandes  anciennes,  38  ;  —  à 
fresque,  192  ;  —  murales  anciennes,  à  Die- 
ghem,  176  ;  —  à  Malines,  150  ;  —  à  Nieu- 
port, 86-87;  —  (débadigeonnage  des),  110; 
—  simulant  l'architecture,  269. 

Peiresc  (lettre  de),  345. 

pénitents,  515. 

Penjon  (A.),  239. 

pendant  de  collier  en  or,  537. 

Pentecôte  (la),  303. 

Périgueux,  cathédrale,  54  ;  —  monastère  du 
Puy,  80. 

périodiques,  72,  168,  263.  363.  449,  542. 

Péronnes,  remparts,  547. 

personnages  symboliques  :  Miles,  281  ;  — 
Venator.  281. 

Peschito,  515. 

Peterborough,  cathédrale,  140. 

Petit-Andély,  église,  416. 

Phénicie,  tremblement  de  terre,  457. 

Philippe  le  Bon,  38;  —  le  Hardi,  115  ;  — 
(tombeau  de),  118. 

Php'pkorits  septicomis,  33s,  48^. 

Phylactère  du  XIIIe  s.,  58. 

pierre,  funéraire  du  XIVe  s.,  337; —  litho- 
graphique de  Munich,  251. 

pierres  gravées,  245. 

pilori  Millau,  247. 

Pineau  (Nie.)  dessinateur,  251. 

Pmturicchio,-342. 

Piot  (Eug. ),  fondation,  58,  72. 

Pise.  cnmpo  santo,  206  ;  —  musée  civique, 
126. 

Pistoie,  Annonciation  du  XIIIe  s.,  519  ;  — 
cathédrale,  518  ; — exposition  d'art  sacré, 
518; — reliquaire  de  san  Jacopo,  518;  — 
trésor  de  la  cathédrale,  518. 

planche  à  gravures,  254. 

Plancher  (Dom  Urbain),  6,  8. 

Plantagenet  (les),  Henri  11,214,  —  Richard 
Cœur  de  Lion,  214  ;  —  (le  style),  438. 

plaque  de  fondation,  82. 

Pline,  397. 

poignard  Scandinave,  57.  , 

Poitiers,  inventaire  de  l'église  Ste-Radegonde, 

255- 
Pollajuolo  (Pietto  del)  342. 
Polomé  Sylvius  (almanach  de).  300. 
Pompei,  statuette  en  bronze,  142. 
Pontailler  (Guillaume  de),  115. 
P'intigny,  abbaye,  114. 
Poppée  (règne  de),  55. 
Portails  (les).  332. 
portes  polychromées,  282. 
potiers  chypriotes.  144. 
pourpre  (la),  347. 
Poyp,  r,  55. 
Prague,  musée  municipal,  181;  —  tombeau  de 

S.  Wenceslas,  335  ;  —  trésor,  485.  — 
Pratellessi  (palais),  343. 
Prétentation  (la),  311. 
Preuilly-sur-CIaire,  église  abbatiale, 
Pievitali  (And.),  peintre,  543. 
Provins,  monuments  antiques,  25t. 

r  de  St  Louis,  54. 
Puy,  Ste  Épine,  99. 


Cable  analytique. 


563 


Quedlimbourg,  coffret-reliquaire,  55. 
Quieta,  6. 

R. 

Ragenfroid  (crosse  de),  357. 

Rampolla  (S.  E.  le.  O'),  290,  377,  457. 

Randolf  (John  H.)  52,  138,  343,  424,  522. 

Raphaël,  9. 

Ratisbonne,  220;  —  cathédrale  (ancienne), 
233; —  (actuelle)  231,  232;  —  église  St-Em- 
meran,  234  ;  —  église  St-Jacques,  233  ;  — 
églises  romanes,  234;  —  hôtel  de  ville,  230; 

—  pont  du  XIIe  s.,  230  ;  —  trésor,  232. 
Ravenne,  258  ;  —  baptistère  des  orthodoxes, 

393,  395  ;  —  galerie  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts, 400  ;  —  Madone  en  Orante,396; 

—  mausolée  de  Galla  Placidia,  393,  395;  — 
mosaïques,  395,  396,  398  ;  —  musée  natio- 
nal, 400  ;  —  palais  de  Théodoric,  394  ;  — 
portrait  de  Justinien,  395  ;  —  restauration, 
393,  400  ;  —  San  Apollinare  in  Classe,  393, 
394;  —  San  Vitale,  394.  449;  —  sarcophage 
du  Ve  s.,  449  ;  —  tombeaux,  394. 

Reading,  église St-Laurent,  140. 

Rebaix,  croix  triomphale,  273. 

Reims,  cathédrale,  146  ;  —  Ste-Clotilde,  444. 

Reine- Blanche  (maison  de  la),  148. 

Reliquaire,  251; —  Arras,  211,  — (-bras),  50. 
150;  —  en  bois  doré  de  Cunault,  525;  —  à 
roues  à  Orléans,  lôr  ;  —  de  la  Ste  Epine  à 
Ascoli,  479-481; —  à  Assise,  108;  —  à  Bari, 
485  ;  —  a  Ferino,  478  ;  —  Liège,  318  ;  — 
Paris,  209  :  —  Rome,  323  ;  —  Ronceveaux. 
210  ;  —  Sant-Elpidioa  Mare,  428. 

Renaissance  (la),  443  ;  —  idéaliste,  169. 

Renaud,  Clc  de  Xevers  (monument  de),  145. 

restaurations,  en  Angleterre   43,  14t. 344, 425; 

—  en  Belgique,  455  ;  —  à  Alost,  48  ;  — 
Appelterre.  454;  —  Anvers,  454  ;  —  Aude- 
narde,  78,  179  ;  —  Bruges  78.  79,  179,  271; 
Bruxelles.  179;  —  Carcassonne,  537;  — 
Dieghem,  176;  —  Dieppe,  T79;  —  Flobecq, 
454;  —  Forest,  373;  —  Garni,  373;  —  Hal, 
78,  373  ;  —  Lobbes,  454  ;  —  Louvain,  78, 
179,  373  ;  —  Malines,  270,  271  ;  —  Nidde- 
gem,  270; —  Paris,  78; —  Ravennes,  393; 

—  Rouen ,  453  ;  — Saint-Séverin ,  78  ;  —  Soi- 
gnies,  78,  373  ;  —  Wervicq,  273. 

Résurrection  (la),  48,  314.407. 

Retable  du  XVIe  s.,  à  Cluny,  325,  326  ;  —  à 
Leyde,  326. 

Ribchester,  camp  romain,  52. 

Ricchi  (Dr  Carrado).  447. 

Robert,  fondeur  de  cloches,  167  ;  —  le  ma- 
çon (tombeau  de),  325;  —  11,  duc  de  Bour- 
gogne, 115. 

Rochechouard-Chandenier  (abbé  de),  6, 

Rochefort,  tours,  547. 

Rohault  de  Fleury  (G.),  443. 

Rome,  amphithéâtre,  127; —  Campo  de'  fiori, 
418  ;  —  Capitole,  245;  —  cimetières  chré- 
tiens, 131  ;  —  Colisée,  126;  —  collection  de 
tableaux,  51  ; —  collection  Falcioni,  126;  — 
colonnes  torses,  542; —  Congrès  des  orienta- 
listes, 548;  —  dalle  funéraire  du  IVe s.,  237; 
— découvertesarchéologiques,  241; — forum, 
55,  142,  145,  t4Ô,  246  ;  —  fresque  de  St- 
Jean  de  Latran,  200;  —  gallerie  Chigi,  244  ; 

—  inscription  latine  des  Machabées  459, 
461  ;  — manuscrit  arabe,  390  ;  —  Mérode 
(legs  de);  269  ;  —  Musée  du  Capitole,  r42  ; 

—  Plaque  commémorative,  269  ;  —  reli- 
quaire des  Stes Epines,  323;  —  Saint-Pierre 
445;  —  Trinité  du  Mont,  196;  —  Sarco- 
phage en  marbe  des  Machabées,  460;  — 
Voie  antique  au  Vatican,  237. 

Romulus  (tombeau  de).  r4j. 

Ronceveaux,  reliquaire  des  Stes  Epines,  2ro. 

Rose  (Guillaume),  178. 

Rosselli  (Mat.),  peintre,   196. 


Rossi  (de),  302. 

Rossi  (Gian-Carlo)  (trésor  de),  418. 

Rotschild  (baron  Ferd.  de)  (collection  de)  9, 

139- 
Rottenbourg,  17  ;  —  anciennes  fortifications, 

18  ;  —  Eglise  St-Jacques,  197;  —  hôtel  de 

ville,  14. 
Rouen,  cathédrale,  453; —  Eglise  St-Laurent, 

454- 
rouleaux  d'exultet,  443. 
Roulin  (Dom  E. ).  163,  164. 
Rouvres,  statue  de  Jean-Baptiste,  142. 
Royaumont.  Ste  Epine,  34. 
Rubens,  500. 

Rumon,  cuve  baptismale,  150. 
Rupin(Ern.),  25. 
Ruskin,  70. 


Saba  (la  reine  de),  43. 

Sablé,  château  de  Chevreuse.  436. 

saint  Ambroise,  388;  —  (vie  de),  302,  504  ;  — 
(mort  de),  505  ;  —  (sarcophage  de),  316  ;  — 
André  de  Crète, 464;  —  Antoine  (statuede), 
362,  442;  — et  les  lions,  541;  —  Bartolo. 

342  ;  —  François  d'Assise  (figure  de), 
519  ;  —  Gabriel,  162;  —  Gaudens  de  Bres- 
cia,  383  ;  —  Gervais  (sarcophage  de),  316  ; 

—  Grat  (culte de),  162,  360;  —  Grégoire  de 
Nazianze,  303,383;—  Grégoire  d'Ortie, 
162;  —  Hugues,  238  ;  —Jean  Baptiste,  277; 

—  Jean  Chrysostome,  296,  303,  378,  383, 
385.  387.  461  ;  —Jérôme,  136;  —Julien. 
122  ;  —  Louis,  roi  de  France,  92;  —  Niai  tin 
(chapelle  à),  81  :  —  (vocation  de),  503  ;  — 
(sépulture  de),  503,  504;  —  Mathurin,  66;  — 
(vocation  de).  312;  —  Pierre  (statue  de), 
35,  158  ;  —  chaînes  de  158  ;  —  Protais  (sarco- 
phage de),  316  ;  —  Sébastien  (martyre  de), 
166. 

Saint-Alban,  abbaye,  140,  425  ;  —  André  de 
Léjos,  visite,  255;  — Ayoul,  prieuré, 251  ;  — 
Bénigne,  abbaye,  112;  —Bernard  (maison  du 
grand —),  65  ;  —  Berten,  retable,  362:  — 
Denis-des-Coulommiers,  église,  151;  — Flo- 
rent sur  le  Thouet,  abbaye,  525;  -•  crypte 
du  XII>=s.,  52c;  —  Jean  de  Réôme,  6  ;  — 
Jean  les  Bons-Hommes,  214;  —  Luc,  écoles, 
174;  —  Macé,  prieuré,  525;  —  Maur  (con- 
grégation de),  240  ;  —  (croix  sculpter  .1 1  17  ; 

—  Maurice,  ancienne  basilique,  456;  — 
Maurice  en  Vêlais,  Ste  Épine,  211,  212  ;  — 
Michel  (mont),  abbaye,  60;  —  cloître,  62;  — 
grotte  de  l'Aquilon,  61  ;  —  salle  des  che- 
valiers, 60  •  —  statue  de  l'archange  S.  Mi- 
chel, 78  ;  —  Miguen,  villa  romaine,  466  ;  — 
Quentin,  Ste  Epine,  101  ;  —  Romain  en 
Gall,  sarcophages  gallo-romains,  186;  — 
Savin,  four  de  verrerie,  236  ;  — vase  antique, 
235  ;  —  Séverin,  église,  78,  373  ;  —  Severs, 
église,  347  ;  —  Thibaud,  église,  6,  9  ;  — 
Trond,  vierge  en  bois,  454  ;  —  Urbain, 
abbaye,  ri4;  —  Valéry  en  Somme,  petit 
sépulcre,  251. 

sainte,  Anne  (tableau  de  Léon,  de  Vinci). 
I.S7  I  —  Cécile  (statue  de).  540  ;  —  Eulalie 
(tombeau  de),  69  ;  —  Eurosie,  162;  —  Fina, 

343  :  —  Fortunade  (buste  de),  59  ;  —  sainte 
Hélène,  r62  ;  —  Radegonde.  42. 

Sainte-Livrade  (médaille  de  plomb  à),  53. 

Salerne,  cathédrale,  396. 

salles  capitulaires  du  moyen  âge,  449. 

Salomona,  mère  des  Machabées,  304. 

Salona,  fouilles,  159. 

Salzbourg  (itinéraire  de),  463. 

San  —  Elpidio  a  Mare,  reliquaire  de  la  Ste- 
Epine,  478  ;  -  Gemignano,  342  ;  —  cha- 
pelle Ste-Fina,  342  ;  -  église  St. Augustin. 
342  I  —  Giovanni- Bianco,   Ste-Epine,  488  ; 

—  Miniato  al  Tedesco,  fresques,  51,  522. 
Sandgate,  château,  32. 

Saragosse,  catacombes  de  Santa  Engracia, 
132.  134- 


sarcophage  du  IVe  s.,  132,  135. 

sarcophages,  à  Bangor,  425  ;  —  de  France  et 
d'Italie,  137, 

Sardes,  bijoux  d'or,  246. 

Saumur.  526. 

scribe  (antiques  palettes  de),  164. 

sculpture,  gothique,  498;  —  romane,  340. 

seau  de  bronze,  142. 

Séez.  Ste  Epine,  102. 

Ségrier.  351. 

Seigneur  (testament  du),  315,  316. 

Sempringham,  église  abbatiale,  522. 

Semur  en  Auxois  (Notre-Dame),,  6, 10. 

Senlis,  cathédrale,  134  ;  —  Ste-Épine.  322. 

Sens,  cathédrale.  131  ;  —  étoffes  anciennes, 
54  :  —  Ste  Epine,  322  ;  —  tissu  bizantin, 
142  ;  —  trésor  de  la  cathédr.,  346. 

Seplfontaines.  château,  351. 

sépultures  des  princes   luxembourgeois,  350. 

Settignano  (Des.  da),  sculpteur.  603. 

Sforza  (Fr.),  statue  équestre.  156. 

Shorwell  (ile  de  Wight),  église,  424. 

Sibérie,  objets  antiques,  377. 

Sibylle  tiburline,  410. 

Sicilia  sacra,  485. 

Sienne,  fresques,  197. 

Sillon  (le),  169. 

Silos,  colombe  eucharistique,  168. 

Simon,  stylite,  389. 

Siran,  inventaire  de  l'église.  234 

Sluter  (Claus),  116. 

Sluze,  église'  454. 

Société,  académique  de  St-Quentin,  149  ;  — 
des  amis  dei  monuments.  231  ;  —  des  anti- 
quaires de  France,  142.  245  ;  — archéologi- 
que de  Lorraine,  150  :  —  d' archéologie  de 
Bruxelles,  r  50  ;  —  d'art  et  d'histoire  du 
diocèse  de  Liège,  352  ;  —  d'étude  de  la  pro- 
vince de  Cambrai,  441  ;  —  historique  de 
Tournai,  332  ;  —  historique  et  d'archéolo- 
gie de  Corbcil,  150;  —  des  lettres,  sciences  et 
arts  de  Bar  le  Duc,  36.  149;  —  nationale  des 
antiquaires  de  France,  34.  345. 

Sociétés  savantes,  523;  —  (congrès  des),  146. 

Sodonia  (le),  peintre,  3_|2. 

Soignies,  373  ;  —  collégiale,  78. 

Soil  (E.).  13,  104,  227.  491. 

soldats  au  pied  de  la  croix,  325. 

soleil,  iconographie,  313. 

Solesmes,  abbaye,  435  ;  —  église  paroissiale, 
435;  —  monastère  Sainte-Cécile;  — œuvres 
artistiques,  435. 

Sollikof  (vente).  9. 

sonnettes,  du  XVIe  s.,  57  ;  —  historiées  du 
XVLs.,57. 

Sorrus  |  poteries  dites  de),  431. 

Southamphon,  cave  du  moyen  âge,  522;  — 
porte  ancienne,  138,  344. 

South  Kensington,  141. 

Soutwark,  cathédrale,  C3, 

Spéculum  ma/us,  333. 

Spisking  (Jean),  architecte,  33r. 

stalles  en  noyer,  49. 

statue,  de  S.  Antoine,  562,  442  ;  —  auvergna- 
te du  XVIe  s. ,  243;  —  du  Ve  de  Beaumont, 
435  '■  —  de  Ste  Cécile.  540  ;  —  de  Charle- 
magne,  54;  —  de  François  Sforza,  354;  — 
de  Georges  le  Pieux,  17  ;  —  de  S.  Firmin 
354  ;  —  de  S.  Jean  Baptiste,  142;  —  de  Ju- 
lien l'apostat,  143  ;  —  de  S.  Michel.  78  ;  — 
de  S.  Paul,  355  ;  —  de  S.  Pierre,  35.  158  ; 

—  de  S.  Théodore,   354  ;    —   de  la  Vierge 
Marie,  n,  T7. 

statuette,  en  bronze  de  la  Basse-Egypte, 142  ; 

—  d'Eros,54;  — en  bronze  de  Mercure,i43; 

—  en  bronze  à  Pompéi  142. 
statuettes  gallo-romaines,  54. 

statues, antiques,  246:  —  couchées;  —  de  dieux 

247  ;  —  funéraires  à  Clichy,  54. 
stèle  punique.  143. 

Stockolm,  musée  royal  des  armures.  r43. 
Stoke  Dry,  fresques,  53. 
Strood-lez-Rochester,  église,  140. 
style  de  la  Reine  Anne,  52. 
Succi,  peintre,  201. 


564 


Betntc  ïie  P&rt  cfjrétten. 


Suisse  (Charles),  architecte    117,  118. 

Surreau(P.)  \inventaire  de),  359. 

symbolique  religieuse,  44.  ( V. iconographie. ) 

symbolisme,  des  animaux  282  ,  —  de  l'âne, 
311;  —  du  bœuf,3ii;  —  du  cochon,  282;  — 
de  leléphant,  28  ;  —  du  griffon,  55  ;  —  du 
léopard,  281,  505  ;  —  delà  licorne,  28 1  ;  — 
du  lion,  280  ;  —  de  la  panthère,  282. 


tabatières  artistiques,  455. 

tableaux  (vente  de),  423. 

tapisserie  du  XVe,  s.,  85  ;  —  du  XVIe  à  Ca- 
maiore,  126  ;  — gothique  à  Nuremberg, 23. 

Laques  de  foyer,  351. 

taureaux  eu  bronze,  347. 

Telaf,  bague  eu  01  du  XVIe  s.,  142. 

Temple  d'Antonin.  246. 

Terek  (objets  provenant  de),  371. 

Termonde,  chapelle  des  pauvres  claires,  175. 

Ternate,  découverte  de  peintures,  175. 

Tertullien,  170,  131. 

testament  du  Seigneur,  515 

Tevssouge,  jambe  de  taureau  en  bronze,  347. 

Théodore,  archevêque,  449. 

Tiiéod-ise  le  Grand,  388,  449. 

Thérouanne,  fouilles,  55,  346. 

Thésut  1  Louis  de),  abbé,  6. 

Theuley,  abbaye,  114. 

Thouars  (chartiier  de),  254. 

Thuison.  église  cartusienne,  38. 

tigre,  iconographie,  282. 

Titus,  127. 

Tolède,  101. 

tombeau,  des  Accorso,  401  ;  — d"Andrea  Gio- 
vanni. 402  ;  —  de  Babylas.  463;  —  de  Ben- 
tivoglio,  403;  —  de  Bruni  Leonardi,  124  ; 
de  Bruniel,  339  ;  —  de  Charles  le  Témé- 
raire. 149  ;  —  de  Clément  II.  228  ;  —  de 
Cruilles,    amiral,   245  ;    —  d'Eléazar,    391  ; 

—  d'Eulalie  (Ste), 69  ;  —  de  Galla  Placidia, 
3Q3,  395  ;  —  de  Ghiberti.  50  ;  —  de  Henri 
I  I  -:j8  ;  -  de  Jean  II  (évêque),  16  ;  —  de 
Lavigerie  (  Mgr)  76  ;  —  de  Lancelot  du 
Parc,  253;  —   de  Louis  le  Bavarois,  493; 

—  des  Machabées,  295,  381,  383,  458,  460  ; 

—  de  Marzuppini,  124  ;  —  de  Philippe  le 
Hardi,  118;  —  de  Raymond  de  Montpezat, 
26  ;  —  de  Robert  le  Maçon,  523  ;  —  de 
Romulus,  145  ;    —  deSébald  (S.),  20,    21  ; 

—  de  Tartagni  (Aless.),  403  ;  —  de  Turgot, 
148  ;  —  de  Wenceslas  (3.),  335  ;  —  de 
Yolande  d'Anjou,  440. 

tombes  puniques,  146. 

Tombelaine,     église   et   forteresse,    248  ;    — 

fouilles,  248,  268. 
Tongres,  fouilles  et  découvertes,  250. 
Toulon,  martyrologe   de  la  cathédrale,  55. 
Toulouse,  congrès  des   sociétés  savantes,  56, 

246  ;    —   église  St-Sernin,    247,    249  ;    — 

Musée,  250;  — Ste- Epine,  323;  —  statue 

de  S.  Paul,  355. 
Touraine,   aqueducs   de    l'époque    romaine, 

247. 


Tournai,  cloche  du  XV*=  s.,  261  ;  —  école  St- 
Luc,  174  ;  —  exposition  d'art  ancien,  85  ; 
—  église  St-Jacques.  415  ;  —  église  Ste- 
Madeleine,  415  ;  —  faïences,  $7;  —  halle 
(1rs  doyens,  352  ;  —  halle  des  magistrats, 
352  —  hôtel  des  portes,  272  ;  —  monu- 
ments anciens,  352  ;  —  palais  épiscopal, 
271,  272. 

Tour  nus,  église  St-Philibert,  349. 

tours,  à  Ath.  373  ;  —  à  Florence.  2  ;  —  à 
Mons,  351  ;  —  à  Malines,  185,  187,  189  ; 
à  Trêves,  525. 

Tours,  basilique  St-Martin,  248  ;  —  cathé- 
drale St-Gatien,  531,  532  ;  —  château  du 
XVe  s.,  526;  — église  St-Julien,  531  ;  — 
fragments  de  vitraux,  149  ;  —  vitrail  de  St- 
Martin,  533. 

Transfiguration,  312. 

Treignes(Namur),  croix  processionnelle,  176. 

tremblement  de  terre  en  Phénicie,  457. 

Trémolar,  église,  247. 

Trésor,  de  Conques,  251  ;  —  de  Milan,  306  ; 
de  Pistoie,  518  ;  —  de  Prague.  483  ;  —  de 
Ratisbonne,  232  ;  —  de  Sens,  346. 

Trêves,  tour  du  XVe  s.,  525. 

Trinité,  fresque,  243. 

Triptyque  du  XVIe  s.,  159,270. 

Truro,  cathédrale,  52.  140. 

tuiles,  antiques,  345;  —  marquées,  149. 

Tuileries,  55. 

Turget  (sépulture  de),  148. 

Turin,  exposition  d'art  sacré,  47  ;  — statue  de 
la  Madone,  244. 

u. 

Umiiiati,  195. 
Urbain  II,  138, 
Utrecht,  musée  archiépiscopal,  224. 

V. 

Vachier,  acquéreur  de  l'abbaye  de  Cluny,  240. 

Valcroissant,  abbaye,  169. 

Valence,  Ste-Epine,  102. 

Valencienne,  Ste-Epine,  tôt. 

Valentinien  III  (portrait  de),  51. 

Vailly  (X.  de).  n5, 

Vandalisme  en  Krance,  547. 

Van  Dyck  (Ant.),  542. 

Win  Eyck  (Hub.  et  Jean),  252  ;   —  peintures 

inachevées  de  Jean,  408. 
Vasari,  124,  396,  405. 
Vases  liturgiques,  253. 
Vatican,  fresque  à  \a,segnatura,  192  ;  — Vase 

antique,  237. 
Vauvert  (Dom  Aubry),  116. 
Vendôme  (Geffroy  de),  214. 
Venise,  église  St-Marc,  396; — Ste-Epine,  487. 
Venus  Fornarina,  364. 
Veo  (Raoul  de).  214. 
Verdelot,  Notre-Dame  du  Pilier,  151. 
Vergy  (Ant.  de),  116. 
Veineilh,  217. 
verres  chrétiens,  253. 


vertus  chrétiennes,  160. 

vêtements  anciens.  307,  498  ;  —  liturgiques 
anciens,  56,  16c,  307. 

Vezelay,  église  abbatiale,  349  ;  —  Ste-Epine, 
212;  — Ste-^Iadeleine,  242. 

Vicence,  Ste-Epine,  208. 

Victoire  (les  saintes).  144. 

Vierge  Marie,  9,  276;  —  (statue  de  la),  17  ; 
—  (statuette  de  la),  11. 

vierge  du  XIVe  s.,  343. 

Vieux  Paris  (commission  du).  148. 

Vigouroux,  290. 

Villers,  abbaye,  542. 

Villers  Coterets,  château,  268. 

Villers  devant  Orval,  374;  — cimetière  franc. 
;  m  ;  —  église  abbatiale,  417. 

Vinagium,  361. 

Vincenne.  Ste-Epine,  487. 

Vincent  de  Beauvais  (Sommedt),  353. 

Vinci  (Léon,  de),  155,  195,  422,  423; —  (acadé- 
mie), 156;  — (écriture  de),  157. 

Viollet  le  Duc,  164,  338.  340,  548. 

visite  des  Marie,  ivoire  du  IXe  s.,  314. 

Vitraux,  140,  175,  356,  4,-5,  522,  533. 

Vivarini  (Bart.),  peintre,  542. 

Vivarium^  140,  175. 

Volche  (dame  Hélène)  (testament  de),  358. 

Volvinius,  506. 

voûtes,  en  berceau  gothique,  278  ;  —  gantoi- 
ses (croquis  de),  439;  —  domicales,  438, 

439- 
Vovage  littérairedt  deux bénédictins ,320,321. 
Vuilicharius  (dalle  commémorative  de),  245. 

w. 

wagons  de  chemin  de  fer  (décoration  des), 

425- 

Walcourt,  église,  455. 

Warten,  vitraux,  du  XIVe  s.,  522. 

Waverley,  abbaye,  239  ;  —  fouilles,  522. 

Weale  (W.  H.),  120,  408. 

Weris  (Luxembourg),  église,  179. 

Werve  (Claus  de),  sculpteur,  116, 118;  —  (épi- 
taphe  de),  221. 

Wervicq,  église,  455. 

Westminster,  abbaye,  138  ;  —  cathédrale, 
.41,  425. 

Weyden  (Roger  van  der),  39. 

Winchester,  cathédrale,  141. 

Wiirzbourg,  cathédrale,  17;  — église,  16;  — 
monuments  funéraires,  17;  — pontduXV<= 
s.,  16  ;  —  résidence  des  princes-évêques, 
16  ;  —  tombeau  de  l'évoque  Jean  IT,  iê. 


Yolande  d'Anjou  (tombeau  de),  440. 
Ypres,  église  St-Martin.  373,  408. 
Yriarte  (Ch.  )  (papiers  de),  346. 

z. 

Zamiés,  115. 

Z.imora  (bréviaire  de),  162. 

Zepperen  (I.iinbourg),  peintures  murales,  86. 


ANNEE  1899.  —  ERRATA  &   ADDENDA. 


Page      6,  2e  col.,  31e  ligne,  au  lieu  de  :  St  Barthélémy,  lisez  :  St  Thomas. 

»  Haseloff,  lisez  :  Haseloff. 

»  Tustin,       »       Tuskin. 

»  Pake,         »       />#>-£. 

»  Herenni,    »       Perenni. 

»  Codor  Rossassenois,  lisez  :  Codex  Rossanensis. 

»  Haseloff,  lisez  :  Haseloff. 

»  71/^,          »       Maidy. 

»  Estog,          »       Estouy. 

après  :  Philippe  Auguste,  ajoutez  :  étf  Philippe  le  Bel. 

au  lieu  de  :  dessin,  lisez  :  *&z/ù. 

»  Orient,     »        (9»«A 

»  Striers,    »       Stuers. 

»  .?d  Vendémiaire  an  VII,  lisez  :  y /  fructidor  an  VIII. 

»     528.  Z«\j  /;>««  ?  «  ;?o  <A?  /«  2'  col.  font  suite  à  la  14e  ligne  de  la  1"  col. 


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Imprimé  par  Desclée,  De  Brouwer  el  C'«,  Bruges. 


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