■'"M
'>
t*m
'Y/w/^v'V'Vv
L!**
iTOte' lBiftfmfTrBKt^ loi ^ïW MlfiTl IWuraES
!'.'».- Mil . - „
A,
fc^w^as^
^ i '/Tri '/TTV
wtNot
yA/n/r^
-M,-, ,
f,'i" ■
(MWMfl&K;
- •:,-• ■••:•. '-:■■ :- .. - '- . -
\/"V%
/* fA^ A
.M;/,
i™^
■ ,--''V^ &* A^^^i^W.K..^ >*a a*v>\
I
„ $ A A -:> .-. £i -,
y •' --v.
,**.» ,,«„,/.
g^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^fe
>®mm® Retoue lie l'Hrt chrétien. *ins*sks
WWWWWWW^WWW^ÏÏWWWWWWWWWWWWWW1^
^* i^»:¥TTTTlTl llr^n r* fiiiim r» iutttttttt. rnrTTTTmTnmirtnriYwurïn f»»»»»»»»^.— r-»»» ■ ■■■»«. .^mn ■ ■■■■■■■* r-^-» »■■■■«■■■■! * -*-i i ■ »*■* « ■ ■»» i ifinri TTTn 1---1 ifffiiiffiiiik'.MIIIIIIII ■ înn . .
~ ■""" iTTl ['771 r i irra
^r i muni ; ■ ; [IlIUIin [77j 'XII.I * 1.X T T'l 71» '"■' mi'r-i nu iitttt rr"]cxixii.iilJ £77] 1 1 1 1 1 1 1 ttti r*"l 1 1 1 1 1 1 1 1 CP |77| mm 'T"m 1 IXCSIIflX , 7, [JXUJJ^^- f^ JL1X1XXI-
Betme îie
l'Hrt chrétien
i|2
#> paraissant tons les bcur mois. ^
<#<
42me Hnnéc. - 4e Série. ^®
tContr X C^Lvme be la collection). 4<
$. ire livraison. — -»D:ant)iEr 1 899.
a
>^5^J^j^?Wî^J^5^5ë^5^5^?J^5^
>®mmm Florence, ffîusée en plein air. «as?»®
'^i^^^^^ N le répète souvent :
Florence est un musée
à ciel ouvert.
En effet aucune cité
en Italie, et à plus forte
raison dans le monde
^&WWW& entier) ne présente au-
tant d'œuvres d'art aux regards du passant.
Statues, bas-reliefs, écussons, peintures,
métallurgie décorative, abondent sur les
surfaces extérieures des monuments civils
et religieux, des palais particuliers et des
maisons privées.
Cette exceptionnelle et remarquable a-
bondance résulte d'abord du goût pour les
arts, inné chez le peuple toscan, puis de
mesures édictées par les pouvoirs publics
en vue du respect dû aux croyances reli-
gieuses, de l'encouragement aux arts et de
la beauté de la cité.
Pour arriver à de tels résultats, la Sei-
gneurie de la République de Florence et
plus tard les Grands-Ducs n'ont pas hésité
à attenter d'une façon directe aux droits
de propriété. Il ne semble pas du reste
que cette violation ait jamais provoqué
de sérieuses réclamations ; nous trouvons
en effet cette phrase dans les considérants
d'une loi de 1 57 1 sur la matière : secondo
l'uso et inveterata consuetudine délia città
(délia quale non è memoria alcuna in con-
trario), c'est-à-dire que la loi est conforme
à l'usage et aux anciennes coutumes de la
cité et qu'il n'y a aucun souvenir d'actes
contraires.
En vertu de cette disposition, tout objet
d'art, de décoration et de souvenir, placé
soit isolément sur la voie publique, soit
contre la surface extérieure d'un immeuble,
ne peut être détruit ou déplacé par son
propriétaire, que ce propriétaire soit l'État,
la Commune, une église ou oratoire, une
œuvre pie, une congrégation civile ou re-
ligieuse ou un simple particulier.
Le gouvernement royal n'a pas abrogé
la loi toscane de 1 57 1, et il faut l'en féliciter;
kEVUK DE L'ART CliKliTlKN.
1899. — Iie 1.1VKA1SON.
3Rcbuc fcc l'art chrétien.
présentement ces objets sont classés par
l'Office des monuments nationaux dans la
catégorie des oggetti vinçolati da publica ser-
vitît.
Au lieu d'entrer dans le détail de cette
législation, je vais citer quelques exemples
de son application.
Non loin de la porte San Frediano, près
de la rive de l'Arno, on trouve, dans un édi-
cule, un tabernacle peint par Domenico
Ghirlandaio ; la fresque n'a été mise à cette
place qu'en 1856 aux frais du Grand-Duc
et de la Commune ; elle appartenait à un
couvent démoli. Conformément à la loi,
elle devait être, après la démolition, posée
sur les bâtiments nouveaux, si on en con-
struisait, ou bien être placée dans le voi-
sinage dans des conditions aussi semblables
que possible à l'état précédent.
Au borgo San Jacopo il y a encore une
de ces anciennes tours jadis si nombreuses
à Florence, la tour Ramaglianti ; en 1830
le propriétaire de l'immeuble, Sorbi, anti-
quaire, fit disposer, en guise d'enseigne
peut-être, sur la muraille extérieure une
Annonciation en terre cuite émaillée, de
Giovanni délia Robbia, et quelques autres
objets. Tant que Y Annonciation était restée
dans l'intérieur de la tour, Sorbi pouvait en
disposer à son gré, sauf pour l'exportation
qui n'est permise qu'avec l'autorisation du
ministère ; placée à l'extérieur elle a été at-
teinte par la servitude et ne peut plus être
enlevée. Si la tour vient à être démolie, Y An-
nonciation devra être placée sur la muraille
extérieure du nouvel immeuble; si la chose
n'est pas possible, l'Administration lui cher-
chera un emplacement dans les environs.
Le transport de tabernacles, notamment
d'un endroit à un autre, en cas de démo-
lition ou de désaffectation de l'immeuble
primitif, a été effectué quelquefois al culto
dei passeggicri, par les soins et aux frais
de personnes pieuses ou des héritiers des
donateurs, sans que l'Administration ait eu
besoin d'intervenir.
La loi a été souvent violée; la quantité des
tabernacles actuels est inférieure à ce qu'elle
était jadis ; de plus dans nombre de cadres
on a substitué des objets modernes sans
qualités d'art aux anciens ouvrages. Mais
enfin, grâce à la loi, Florence conserve
sur rues et places des œuvres d'art de
premier ordre et d'autres d'un mérite rela-
tivement secondaire, mais d'une réelle valeur
cependant. Pour ce qui touche aux édi-
fices publics, aux églises, aux œuvres pies,
il n'y a là, sauf pour le nombre et la qualité,
rien de particulier à Florence, mais en ce
qui concerne les immeubles de propriété
privée, l'exemple de Florence et de quel-
ques villes de la Toscane est, je crois,
unique, la grande majorité des peintures,
bas-reliefs, ferronneries immobilisées étant
contre des constructions particulières.
Le nombre, dans l'enceinte actuelle de
Florence, des oggetti vincolati da publica
servith, pour cause d'exposition sur les voies
publiques et antérieurs au XIXe siècle, peut
être estimé à douze cents environ. Je me
tiens à une estimation approximative, carie
long et difficile travail que j'ai commencé il
y a quelques années, n'est pas terminé et
lorsqu il le sera, il faudra procéder à une
revision.
Dans ce chiffre ne sont pas compris les
écussons des Medicis et les petits écussons,
très nombreux, posés sur les immeubles en
signe de propriété.
Je me hâte d'ajouter, pour ne pas créer
d'illusion, qu'un peu plus de la moitié des
objets immobilisés sont de grands écussons
sculptés aux emblèmes du Peuple, de la'
Commune, des prieurs, des arts majeurs
et mineurs, des magistratures, des partis,
politiques et des familles.
iflorence, £@us;ée en pletn air.
3
Ces bas-reliefs ne sont pas seulement
d'intéressants souvenirs historiques, mais ils
constituent de réelles décorations murales ;
de grands artistes, Brunellesco, Donatello,
Luca et Andréa délia Robbia, Benedetto da
Rovezzano, Desiderio da Settignano, Jean
Bologne ont donné leurs soins à quelques
-modèles de cet armoriai.
On comprendra que je ne puis dresser ici
-une sorte d'inventaire des objets frappés de
.servitude, en me limitant même aux plus
remarquables ; je resterai donc dans les
généralités.
La sculpture tient le premier rang.
Du XIIIe siècle, il n'y a que quelques
écussons et peut-être quelques bas-reliefs à
figures, d'auteurs inconnus.
Puis nous trouvons les noms suivants.
XIVe : A. Arnoldo, Giovanni d'Am-
brogio, Giotto, Andréa Pisano, Niccolo
Aretino, Jacopo di Piero.
XVe : Donatello, Ghiberti, Michelozzo,
Filippi di Cristoforo, Simone Ferrucci da
Fiesole, Mino da Fiesole, Benedetto da
Maiano, Rosellino, Baccio da Montelupo,
Desiderio da Settignano, Verrocchio, Dello,
Luca et Andréa délia Robbia, Benedetto da
Rovezzano.
XVIe : Giovanni délia Robbia, Tadda,
B. Bugliani, Danti, Rustici, Sanzovino,
Raffaello da Montelupo, Rosso, Nanni di
Banco, Jean Bologne, Bandinelli, Anima-
nati, Benvenuto Cellini, Tacca.
Il y a là de très grands artistes d'une
renommée universelle, d'autres excellents
mais dont la réputation est restée locale ; le
talent d'un très petit nombre seulement est
discutable.
Ici se présente une observation impor-
tante.
Si, à quelques rares exceptions près, on
connaît les auteurs des statues, il y a incer-
titude sur certains bas-reliefs, classés parmi
les meilleurs; pour d'autres, il faut se con-
tenter de les rapprocher de la manière d'un
maître, et enfin il en existe une notable
quantité qui ne sont que des répliques plus
ou moins fidèles d'ouvrages antérieurs.
Ainsi Florence a la bonne fortune unique
de conserver sur rues environ quarante
pièces des Robbia, mais à côté de ces terres
cuites émaillées, il y en a à peu près autant
exécutées depuis la mort du dernier de la
famille, dans divers ateliers toscans, notam-
ment à Montelupo, d'après les types des
Robbia et souvent avec de sensibles modi-
fications.
Ce n'est pas tout : dans certains taber-
nacles, on remarque des figures en stuc
peintes en imitation de terres émaillées et
de marbre blanc; il est probable que ces
pièces ont, en partie, remplacé les originaux
primitifs.
Presque toutes les pièces de métallurgie
décorative classées, lanternes (?), porte-
bannières, porte -flambeaux, anneaux, sont
de Caparra, très habile forgeron de la fin du
XVe siècle ; cependant il en est d'après les
modèles de Jean Bologne. C'est pour me
conformer à l'usage que je me suis servi du
mot lanterne; à mon sens la célèbre lan-
terne du palais Strozzi ne peut pas servir à
l'éclairage ; c'est un ornement qui dérive des
anciens porte-feux dont on trouve encore
quelques types en Toscane.
Les peintures sur rue ont naturellement
plus souffert que la plastique ; il en est qui
ont été retouchées et même entièrement
renouvelées; d'autres n'existent plus qu'en
partie ; heureusement que l'Administration
s'est avisée de préserver les meilleures de
celles qui sont tombées dans le domaine
public, mais ses droits ne vont pas jusqu'à
forcer les propriétaires à poser des vitrages.
Ici comme pour la sculpture, je me borne
à citer les noms.
IRetoue lie l'&rt chrétien.
Du XIVe siècle nous avons B. Daddi,
Jacopo di Casentino, Gerini et quelques
fresques dans la manière de Giotto, T.
Gaddi, Orcagna.
Le XVe a laissé Domenico Ghirlandaio,
Bicci de Lorenzo, Andréa di Giusto, Paolo
Schiavo, Filippo Lippi, Filippino Lippi,
Gerardo, Buffalmaco, Francesco Fiorentino.
P. Cellini, Neri di Bicci et d'autres dans
la manière de Botticelli, A. di Castagno,
Fra Bartolomeo, Lnrenzo Monaco, Loren-
zo di Credi, Roselli.
Pour le XVIe nous trouvons David et
Michel Ghirlandaio, Andréa del Sarto,
Mainardi, F. Boschi, Buggiardini, Poc-
cetti, Puligo, Balducci, Pontormo, Fran-
ciabiagio, Sogliani et d'autres dans la ma-
nière d'Empoli.
Le XVIIe donne Giovanni di San Gio-
vanni, Allori, Ulivelli, Matteo Roselli, Po-
merancio, Naresi, B. Arrighi.
Au XVIIIe, il n'y a guète à citer que
A. Gherardini et P. Dandini.
En peinture nous avons moins de noms
illustres qu'en sculpture et plus de célébri-
tés éphémères ; le XVe siècle cependant est
fort bien représenté; le XVIe et le XVIIe
le sont aussi bien que le permettait l'état
de la peinture à ces époques.
L'ancienne Toscane n'avait pas de pré-
dilection pour les statues isolées sur les
places publiques ; à Florence la République
et la Principauté n'en ont laissé qu'une
quinzaine en six siècles ; c'est peu en raison
de l'éclat de la sculpture toscane et par
rapport au nombre des statues établies
dans les niches des constructions.
Presque toutes les peintures murales et
les bas-reliefs occupent le fond des lunettes
de portes et des tabernacles; généralement
les tabernacles, encore à présent au nombre
de deux cents environ, ont des encadre-
ments sculptés, mais les sculptures sont
rarement de la même époque que les sujets.
Le sujet de beaucoup le plus répandu est
la Madone et l'Enfant Jésus, la sainte
Vierge ayant été proclamée première avvo-
cata, patronne, de Florence, par un décret
de la Seigneurie de 1360.
En prenant cette décision, la République
avait répondu à un sentiment depuis long-
temps populaire et dont l'expression s'était
manifestée surtout vers 1254 lors de l'héré-
sie des Patérins. Pour combattre le mal,
le pape Innocent IV avait envoyé à Flo-
rence le frère Pietro da Verona ; ce puissant
et courageux prédicateur, mort victime de
sa foi, recommanda aux fidèles d'affirmer
leur croyance en plaçant l'image de la Ma-
done à l'extérieur des maisons. Ce fut l'o-
rigine des tabernacles à Florence ; le nom-
bre en fut grand déjà à cette époque, mais
il augmenta encore aux moments des pestes
qui ont si souvent décimé la cité. Par me-
sure de salubrité publique on dut condam-
ner à l'isolement les quartiers contaminés;
seuls les prêtres, les médecins et les fos-
soyeurs pouvaient y pénétrer. Certains
quartiers interdits n'ayant pas d'églises, le
clergé, pour donner aux malheureux les
consolations de la religion, installa des au-
tels provisoires ; après la fin de l'épidémie
le peuple voulut conserver les saintes ima-
ges. De mobiles les effigies devinrent ainsi
tabernacles permanents.
D'autres circonstances donnèrent égale-
ment lieu à des tabernacles sur rues : dé-
votions particulières et collectives, vœux,
commémorations d'événements heureux.
Les citoyens personnellement, les corpo-
rations pieuses ou professionnelles, même
les associations fesleggiante qui n'avaient
que le plaisir pour but, mettaient un cer-
tain amour-propre à élever des tabernacles;
l'un des plus importants de Florence, con-
struit en l'honneur de la Madone avec l' En-
jFlorence, $)u£ée en plein atr.
fant et des saints et saintes Catherine,
Barbe, Jean, Jacques et Roch est dû à une
société carnavalesque que l'autorité fut obli-
gée de dissoudre à cause des scandales
qu'elle provoquait.
Florence continue à entourer ses taber-
nacles de vénération ; ce sentiment s'est
manifesté particulièrement lors du trem-
blement de terre de 1895.
Nous avons assisté alors à un spectacle
émouvant : craignant le retour des secous-
ses le peuple a invoqué la protection de
sa Madone ; les tabernacles ont été décorés
de tleurs et de draperies et le soir illuminés
a giorno; après le travail, la foule compacte,
agenouillée devant les effigies, psalmodiait
des prières ; la manifestation avait été
spontanée, nulle autorité ecclésiastique ou
civile n'était intervenue.
Malgré quelques lacunes la décoration
extérieure de Florence donne un résumé
de l'organisation civile, de l'esprit religieux
et de l'art de l'ancienne cité.
Voici les écussons du Peuple, de la Com-
mune et des Arts (*) ; sur le palais de la
Mercansia, tribunal et chambre de com-
merce de la République, on voit encore
Jésus-Christ bénissant et l'inscription du
XIVe siècle Omnis Sapientia Da Domini
Dad Est.
I. Je me propose d'entier dans quelques détails sur les
corporations Arti dans un travail sur l'église Or San Mi-
chèle que je prépare pour la Revue.
Le groupe de Judith et d'Holopherne, de
Donatello, placé en 1495 en face du Palais
Vieux porte les mots Exemplum Salutis
Publicae Posnere Cives.
Au-dessus de l'entrée du même édifice,
un bas-relief montre les lions de Florence,
les lettres I H S dans une auréole et l'ins-
cription médicéenne Rex Regnm Et Domi-
nus Dominantium. Il est regrettable que
les Médicis grands-ducs aient effacé la pré-
cédente inscription Rex Popnli Eiorentini
que la République expirante avait fait gra-
ver pendant le siège de 1529, à la suite d'un
vote répété du Grand-Conseil qui avait
proclamé Jésus-Christ roi et la Madone
reine de Florence à perpétuité.
Voici en statues, bas-reliefs et peintures
les types des belles époques où régnaient
la simplicité naturelle et le sentiment ; voici
de même les œuvres des artistes qui ont
succédé aux quattrocentistes ; l'inspiration
religieuse leur fait défaut, mais ils restent
excellents décorateurs.
C'est par abus de langage qu'on a quali-
fié d'art populaire ces ouvrages épars dans
la cité. A Florence le mot n'a aucun sens ;
ici on n'a jamais connu un art avec une
manière spéciale pour le peuple ou pour l'a-
ristocratie ; tous, peuple, clergé, patriciens
avaient au même degré le sentiment de
l'art et en comprenaient l'expression dune
façon identique.
Gerspach.
Florence 1898.
t
•i)7V« SSi
J&v
»5£* ifrU Jiffi* \^* **%* >M* *5kt **»>* &J* ifty. A^-X **%* iffl-A »Ç£* A7*^
i ixtui 1 1 1 ijLnnxuxi
i
Borte Dr régltge abbatiale tie ffîoutter
m^^m JSatnt^ean (Côte^lfOr)- *©»&*§i
£&*£* W W W W W y^ *S
^j^^iHStSS ^ beau morceau du plus
pur XIIIe siècle, est
tout ce qui subsiste de
l'église abbatiale de
Moutier . Saint -Jean,
ou Saint-Jean de Réu-
ni e.
L'abbaye, la plus ancienne du diocèse
primitif de Langres et de la Bourgogne,
avait été fondée vers 440, c'est-à-dire à une
époque où, pour des siècles encore, les
lieux où s'élèveront Cluny et Cîteaux
sont des déserts, par Jean, fils de Hilarius
et de Quitta, l'un et l'autre des premières
familles dijonnaises, loués par S. Grégoire
de Tours, et inhumés en l'église Saint- Bé-
nigne de Dijon. La nouvelle abbaye s'éleva
dans l'archidiaconné de Tonnerre, sur une
hauteur au pied de laquelle coule un ruis-
seau, le Réome, affluent de l'Armançon af-
fluent lui-même de l'Armance qui se jette
dans l'Yonne. Elle a compté LXXXII ab-
bés dont le dernier, Louis IV de Thésut,
fut nommé en 1 72 r. Après lui, en 1 731, le
titre fut éteint et la mense abbatiale réu-
nie à celle de l'évêchéde Langres, en corn-
pensation du démembrement qu'il su-
bissait, cette même année, par suite de la
création d'un évêché à Dijon. En 1681,
le LXXIXe abbé, Claude-Charles de Ro-
chechouart-Chandenier, établit pour les 17
paroisses composant la terre abbatiale, un
hôpital qui existe encore dans les mêmes
conditions. Aujourd'hui, Moutier-Saint-Jean
— la routine administrative s'obstine à
écrire Moutiers — est une commune de 345
habitants, au canton de Montbard, arrondis-
sement de Semur-en-Auxois, Côte d'Or.
* *j&* *£* ^ W W *&* ï&*.
Le portail et la nef de l'église abbatiale
remontaient au XIIe siècle, mais le tran-
sept et le sanctuaire avaient été reconstruits
en 1730. Dans X Histoire générale et parti-
culière de Bourgogne par un religieux
Bénédictin (') de l Abbaïe de S. Bénigne de
Dijon et de la Congrégation de S. Maur —
A Dijon chez Antoine de Fay, Imprimeur
des Etats, de la Ville et de l 'Université
MDCCXXXIX, t. [er, p. 516, on trouve
une description de ce portail élevé comme
l'église par l'abbé Bernard II, élu en 1102,
mort en 1133, et une planche hors texte
en donne l'image. Il est bien entendu que
la reproduction de l'œuvre du XIIe siècle
par un dessinateur du XVI I Ldénote la plus
entière inintelligence du style, mais il est
manifeste que le traducteur s'est appliqué
à rendre consciencieusement les choses
comme il les voyait. Aussi pourrait-on
rétablir facilement sur le papier le monu-
ment détruit tel qu'il se présenterait aujour-
d'hui aux yeux d'un dessinateur de l'école
médiéviste.
Le portail devait être précédé d'un por-
che qui n'a jamais été exécuté, et la gravure
montre seulement les amorces des arcs de
pierre. Il en est de même à l'église Notre-
Dame de Semur-en-Auxois, à la très belle
porte avec bas-reliefs intacts représentant
la légende de saint Barthélémy, qui s'ouvre
au transept Nord ; la même disposition se
rencontre aussi dans une église voisine,
celle de Saint-Thibault, dont l'imagerie bien
conservée est remarquable. A Moutier-
Saint-Jean, il y avait trois portes ; d'après
les mesures données par le texte, celle du
I. D. Urbain Plancher.
0orte îie l'église abbatiale De â@outier*&aint*3Iean.
7
milieu avec son large ébrasement n'aurait
pas eu moins de 22 pieds de large. Elle se
présente cantonnée de chaque côté de qua-
tre colonnes à chapiteaux très ornés de
feuillages entremêlés de figures ; au tru-
meau se dresse une statue de la Vierge avec
l'Enfant — la patronne primitive de l'église.
Même dans une image aussi imparfaite, le
caractère hiératique apparaît grand et beau;
en retour sont deux colonnes à très riches
chapiteaux: à celui de droite — côté de l'É-
pître — est représentée la Fuite en Egypte.
L'autre ne montre que des ornements feuil-
lages. Devant le trumeau est posé, isolé, un
bénitier, dont la vasque circulaire, large et
profonde est supportée par un pied haut
et mince. Au t. II, p. 201 de son Diction-
naire de l' Architecture, Viollet-le-Duc a re-
Ancienne porte de 1 église de St-Jean de Réome (XIIIe siècle).
produit, mais en le stylisant, le bénitier de
Moutier-Saint-Jean ; voici ce qu'il en dit :
« La façade de cette église avait été élevée
« vers ii 30, et le bénitier semble apparte-
« nir à la même époque ; autant qu'on en
« peut juger par la gravure, fort grossière -
« ment exécutée ('), ce bénitier paraît avoir
€ été en bronze et posé immédiatement
« sous les pieds de la statue de la Vierge
I. Pour être sans caractère archéologique, la gravure
n'est pas si grossière que cela.
« qui fait partie du trumeau. Nous donnons
« ici une copie de ce bénitier avec son en-
« tourage. Il était porté sur une colonne
« dont l'excessive maigreur nous fait sup-
« poser qu'elle était en métal. » Et en note :
« Nous nous sommes permis, tout en con-
« servant aussi fidèlement que possible les
« formes indiquées par la gravure, de rap-
« procher notre dessin du style du XIIe
« siècle, la gravure étant complètement dé-
« pourvue de caractère. »
8
Belnte De P&rt chrétien»
Au linteau sont représentés dans des
niches les douze apôtres ; au tympan est la
figure du Christ dans un oval aigu au con-
tour en rinceau feuillage, ce qui n'est pas
ordinaire, mais il est difficile de croire ici à
une fantaisie du dessinateur.
Selon la formule iconographique du
temps, la figure du Sauveur est accompa-
gnée des symboles évangéliques.
Il est à remarquer que l'arc est brisé et
non à plein cintre ; c'est une preuve de plus
à l'appui de ce théorème d'archéologie que
le plein cintre et l'ogive ne sont point en
soi les éléments constitutifs du style roman
et du style ogival. A Notre-Dame de Noyon
on les voit entremêlés, les pleins cintres
surmontant parfois les ogives, ce qui exclut
toute idée d'un changement de style survenu
au cours d'un édifice élevé avec une cer-
taine lenteur dans une période de transition.
A Saint-Trophime d'Arles, qui est du plein
XIIe siècle, et du XIIe siècle méridional
encore, c'est-à-dire fort pénétré des tradi-
tions romaines, l'arc de la grande porte est
légèrement brisé. Enfin, à Notre-Dame de
Dijon, et ici nous sommes dans le plus pur
XIIIe, le plein cintre apparaît à la porte
centrale du portail et aux arcatures des ab-
sidioles.
Revenons à Moutier-Saint-Jean ; dans la
première voussure, celle de l'intérieur, cou-
rent des ornements où Dom Plancher voit
naïvement « des hiéroglyphes avec cordons
entrelacés ». Dans la seconde sont des
anges jouant de divers instruments; la troi-
sième est toute en rinceaux et en feuillages
stylisés dans le goût bourguignon, tel qu'il
se révèle dans les belles portes romanes de
Saint- Lazare d'Avallon, et à Saint-Philibert
de Dijon, dans la porte latérale, un chef-
d'œuvre qui périt moins par l'effet des in-
jures du temps, que par les coups de pierres
des polissons dijonnais.
Les deux autres portes sans tympan à
figures sont accostées de quatre colonnes
pour chaque ébrasement et portaient une
seule voussure à rinceaux.
L'église renfermait un très ancien sarco-
phage en marbre blanc, avec couvercle à
deux rampants. La face antérieure présen-
tait dans des niches les figures en pied du
Christ et des douze apôtres tenant des
phylactères ; les petits côtés étaient couverts
d'un réseau d'imbrications. On tenait, mais
sans preuves, ce sarcophage pour celui du
saint fondateur mort, selon la légende,à l'âge
de 120 ans, vers 525. La gravure qui se
trouve au t. II, p. 521 de Dom Plancher
est sans caractère, mais l'ensemble permet
d'attribuer ce monument au XIe siècle. Il
fut refait en 1744.
La porte accessoire dont j'offre aux lec-
teurs de la Revue une image fidèle et inédite
d'après le cliché d'un jeune photographe
amateur, M. Charles Belot, né à Moutier-
Saint-Jean, est assurément un des plus
précieux restes de l'art du XIIIe siècle en
Bourgogne. On en peut admirer le beau
calibre et l'ampleur du style. Contre les
colonnes en ébrasement étaient appliquées
autrefois des statues, une de chaque côté,
dont il ne subsiste plus, encore très mutilés,
que les dais aux formes empruntées à
l'architecture, et les tenons de fer qui les
maintenaient. En retour, au droit du mur,
l'ébrasement se cantonne de deux demi-
colonnes dont les fûts creusés en niches tri-
lobées abritent de chaque côté quatre sta-
tuettes assises, rois de Juda ou prophètes.
Cette disposition est très décorative ; tou-
tefois cette superposition d'évidements affai-
blit pour l'œil des contreforts — ces demi-
colonnes ne sont pas autre chose — que la
logique commanderait pleins.
Limité extérieurement p.tr de fortes
moulures toriques, l'arc présente une seule
0orte De l'église abbatiale De ^outter^atntvjean.
et large voussure où se superposent, pres-
qu'en ronde bosse, des anges à grandes
ailes, séparés par des dais fenestrés dont
chacun sert de base à la figure au-dessus.
Contrairement à ce qui se rencontre d'ordi-
naire dans les compositions de cette famille,
il n'y a aucune tête ou figure à la pointe
interne de l'ogive. Un trilobé ourlé d'un
rinceau du plus beau style délimite le champ
du tympan, où est représenté un sujet cher
au moyen âge, le Couronnement de laVierge.
On connaît ce beau thème qui a inspiré
tant de peintres, entre autres, Fra Angelico
de Fiesole et Raphaël, de verriers, d'ima-
giers, de ciseleurs en ivoire et de tapissiers.
Au portail de Notre-Dame de Dijon, il
figurait au tympan central où l'a anéanti
en 1794 le marteau d'un jacobin imbécile,
l'apothicaire Bernard, dont je ne cesserai
jamais de citer le nom pour le signaler au
mépris des honnêtes gens. D'après ce qui
nous reste épars dans l'église, l'imagerie du
portail était un chef-d'œuvre et elle a péri
sous les coups du plus stupide des sectaires.
On voit le même sujet à peu près intact
à la porte de cette église priorale aujour-
d'hui paroissiale de Saint-Thibault, dont j'ai
fait mention plus haut. Enfin parmi les
ivoires, on connaît le beau groupe du XIVe
siècle, provenant très probablement du
trésor de Charles V, conquis par le Louvre,
il y a quelque trente-cinq ans, à la vente
Soltikof. Il a été complété en 1895, par la
restitution de deux figures d'anges debout
qui appartenaient au Musée de Chambery,
mais il y manque encore, et elle manquera
peut-être toujours, la figure du donateur
agenouillé, qui fait partie de la collection
Rothschild.
D'après l'iconographie du sujet, les deux
figures du Christ et de sa Mère sont repré-
sentées assises sur un même banc, mais
cette égalité est corrigée par des différences
d'attitude très faciles à étudier dans ie haut
relief de Moutier-Saint-Jean. Ainsi le Sau-
veur, la main gauche posée sur un disque
crucifère, — ailleurs c'est sur un livre — ne
baisse et n'incline ni le corps ni la tête vers
la Vierge, tandis que celle-ci se tourne vers
lui, et les mains jointes, s'infléchit lég-ère-
ment pour recevoir la couronne royale que
lui pose sur la tête son divin Fils. De cha-
que côté est agenouillé un ange adorateur
tenant un grand chandelier sans cierge.
En l'état la voussure paraît un peu vo-
lumineuse pour les ébrasements de soutien;
mais les colonnes rongées par le temps n'ont
plus leur masse primitive, de plus, si on
leur restitue par la pensée les statues dé-
truites, le rapport d'équilibre entre les élé-
ments de la structure se trouvera heureu-
sement rétabli. La flore stylisée est des
meilleures qu'ait produites la pure école
bourguignonne. Malheureusement, le temps
et surtout la main des hommes ont mis le tout
dans le plus déplorable état ; non seulement
les statues des ébrasements ont disparu,
mais les six têtes d'anges ont été brisées ;
manquent aussi celle du Christ, les bras
de la Vierge et la tête de l'ange de gauche.
Enfin un coup d'œil jeté sur les figures fai-
sant colonnes à droite et à gauche, montre
toutes les mutilations qu'elles ont subies.
J'ajoute que la baie a été plus qu'à moi-
tié maçonnée ; on y a employé pêle-mêle
des débris de l'église, entre autres une pierre
tombale représentant un moine portant un
ciboire; un lambeau de l'inscription montre
des caractères du XIVe siècle. La photo-
graphie fait voir encore deux charmants
culs de lampe du XVIe, formés par de
sveltes figures d'anges, et l'accolade d'un
tympan enserre une figure contournée d'ani-
mal fantastique.
Au beau temps du romantisme, un adepte
de ce cénacle dont Victor Hugo était
RKVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
189g.— Ire LIVRAISON.
IO
Bttiuc t>e r9rt cbrcttcn.
le dieu visible, aurait été ravi de ces mi-
sères, de ce mélange de pieux souvenirs et
de réalisme. Il eût complaisamment décrit
en prose ou en vers, cette noble architecture
mutilée encadrant tant de pauvretés moder-
nes ; il eût dit cette fenêtre à la menuiserie
banale et vide, ces chaînes pendant aux te-
nons de fer où s'accrochaient des figures de
saints taillées par des imagiers contempo-
rains de saint Louis, ce tréteau, ce fouil-
lis de loques et de débris, et sur ce thème il
eût brodé de brillantes et faciles antithèses.
Ces idées ne sont plus les nôtres, nous n'é-
prouvons plus aucun plaisir à voir ainsi
abolir, souiller les monuments les plus vé-
nérables, et le pittoresque apparent qui ré-
sulte de cet amalgame ne nous touche
plus ; nous cherchons ailleurs et plus haut
des leçons sur l'instabilité et la misère des
choses humaines, et voyons seulement ici
une preuve de l'indifférence de l'homme
pour ce qu'il y a cependant de plus noble
dans l'histoire, le passé religieux. Pour
moi donc, et j'ai la confiance que ma con-
clusion sera celle de tous les collaborateurs
et lecteurs de cette Revue, j'aimerais à voir
dégagé, épuré, ce beau fragment d'architec-
ture bourguignonne en son meilleur temps.
Et il me paraît d'autant plus intéressant
que j'y trouve le caractère, non tout à fait
de l'art bourguignon de Notre-Dame de
Dijon, mais plutôt de celui de Semur-en-
Auxois, qui s'affine au voisinage de l'école
de l'Ile de France ; Auxerre qui ne devint
Bourgogne qu'en 1435 seulement, alors
qu'étaient déjà mis en l'état où nous les
voyons ses beaux édifices du moyen âge, y
compris sa très remarquable cathédrale,
sert en cela de transition entre le style
bourguignon pur et celui de l'Ile de France.
Or Moutier-Saintjean est voisin de l'Au-
xerrois.
Mais je serais désolé qu'allant au delà
d'une simple épuration l'on cherchât à re-
faire ce qui a été détruit. Même en son état
actuel de demi-ruine, la porte de Moutier-
Saint-Jean parle fortement aux yeux et à
l'esprit ; rejointoyée, piquée des touches
blanches de la pierre neuve, son charme
délicat et pénétrant, ce charme des vieux
monuments et des vieux souvenirs s'éva-
nouirait tout entier pour faire place à
l'insignifiance d'un bibelot trop restauré.
Dans les bâtiments de l'abbaye trans-
formés en habitations particulières et qui
datent du XVIIIe siècle, on voit un assez
bel escalier à rampe de fer forgé et de riches
boiseries d'un style orné et cependant grave
dont le caractère ne messied nullement à
une maison religieuse.
Henri Ciiabeuf.
Hctiue De l'Hrt chrétien
PL. I.
fr* A^ *<% A A^* ifrH &&* *X*U A*%* **g* A*v£* A*5U A^X A^X A*v£* >M* A*vkt
ailIITnmTnTTTTTTTTTntlIIIIUÏtlTITTniIlHTTrilIU
innrxiiinii
JStatuette lie la JSte Vierge bu XIVe stècle. jjfe
uiiiiuxiiiiiirairiiirxiiiiiii
1 1 1 ii urninroiiiiii x
nci ii ii i ixixi 1 1
&;*&* 'ai-* ***** *&* ^x^î^ *i#* *£** rg** w y^î* w ^^ w Y^ ^
pRmro^ï^^wn
§5 A Sainte Vierge, mère,
avec son divin Enfant,
a été et restera bien
longtemps encore, il
n'est pas permis d'en
douter, une source iné-
puisable d'inspiration
pour l'art. Thème à la fois religieux et si pro-
fondément humain, il offre l'image de ce
qu'il y a de plus tendre et de plus aima-
ble dans l'humaine nature : une jeune mère
avec son enfant, et de ce qu'il y a de plus
mystérieux et de plus élevé dans les dog-
mes de la foi catholique, l'incarnation du
Christ, une Vierge ornée de toutes les ver-
tus et de tous les attributs de la maternité,
s'abandonnant aux caresses enjouées avec
son Fils qui est en même temps son Dieu !
Aussi que d'imagiers du moyen âge ont
pris à tâche d'aborder ce thème ! Nous en
avons mis déjà un certain nombre de mo-
numents sous les yeux des lecteurs de la
Revue, et, dans l'intérêt des artistes qui
aiment à s'inspirer des traditions anciennes,
nous désirons en multiplier les exemples,
ces vieux imagiers ayant souvent accompli
leur tâche avec bonheur. Dans l'échange des
sentiments d'amour de la Mère avec l'En-
fant, il semble qu'ils aient mis quelque
chose des accents du Magnificat, de ce
cantique que chantent toutes les générations
en l'honneur de celle qui a été choisie pour
être la Mère du Christ rédempteur.
L'art du moyen âge a parfois atteint au
sublime par la simplicité, la candeur de ses
sculpteurs, par la sincérité de leur foi. L'art
de la Renaissance a voulu suppléer à ce
qui lui faisait défaut à cet égard par le savoir
technique, la beauté des formes, la virtuo-
sité du dessin, et l'art moderne, trop souvent
dénué de convictions religieuses et même
de principes esthétiques, s'est égaré en pour-
suivant les sentiers tracés parla Renaissance.
Il cherche, le plus souvent.un modèle d'une
beauté suffisante, et il le copie. Mieux vaut
certainement, pour répondre aux sentiments
d'une véritable piété, s'en tenir aux tradi-
tions et aux modèles qui ont été inspirés
par ces mêmes sentiments de piété simple
et convaincue.
La plupart de ces charmants groupes du
XIVe et du XIIIe siècle, représentant la
Vierge Marie avec l'Enfant Jésus, n'ont pas
d'histoire. Leurs auteurs nous sont restés
inconnus ; aucun chroniqueur n'a pris les
peines d'enregistrer leur nom. Celui que
nous offrons aujourd'hui à nos lecteurs n'a
pas échappé à cette commune loi ; à peine
avons-nous quelques renseignements sur
ses antécédents.
Ce joli groupe taillé dans le bois de buis
avec une grande finesse et une délicatesse
pleine de charme, est d'une hauteur de 46
centimètres ; il est bien conservé malgré
quelques violences sur lesquelles nous allons
revenir.
Il a appartenu longtemps à une maison
religieuse fondée vers la fin du XIVe siècle
par la famille des Montmorency, et il y était
en grande vénération. Pendant la tourmente
de la Révolution, cette Vierge fut gardée avec
une piété jalouse, et sa dimension la rendant
facilement transportable, il fut aisé de la
soustraire aux dangers que couraient les
objets de cette nature. Dans le couvent, la
Vierge des Montmorency jouissait d'ailleurs
d'une confiance très grande inspirée par des
récits légendaires qu'on aimait à se répéter.
12
3&clntt lie P&rt cbvctten.
Cependant la partie inférieure, la base de
la statuette, a souffert, ce qui a nécessité une
légère restauration. lia fallu aussi faire dis-
paraître deux fiches en bois fixées dans le
bras et le genou droits de la Vierge, afin de
pouvoir étaler dans toute leur ampleur la
large robe et le manteau dont on avait affu-
blé jusque dans ces derniers temps, cette
belle sculpture. Les murs du cloître qui
l'avaient mise à l'abri des dangers de la
Révolution n'avaient pu la soustraire aux
injures des évolutions de la mode.
On l'avait aussi enduite de plusieurs cou-
ches d'une peinture grossière ; celles-ci ont
été enlevées il y a quelque temps, malheu-
reusement sans s'arrêter aux traces de la
polychromie primitive qui existaient encore.
Il est très probable aussi que, dans l'origine,
des couronnes en métal étaient placées sur
la tête de la Vierge comme sur celle de l'En-
fant. La croix fixée sur le globe que celui-ci
tient de la main gauche est moderne.
On remarquera particulièrement la grâce
de l'arrangement du voile et de la coiffure,
l'intimité des expressions.et l'éloquente ten-
dresse des mains de la Mère ; la manière
dont elles tiennent le divin Enfant est une
caresse. L'artiste semble y avoir mis toute
son âme.
Cette statuette semble appartenir à cet
art français du XIVe siècle qui, dans le do-
maine de l'art plastique, a produit tant de
chefs-d'œuvre, dont les artistes sont encore
à chercher.
Aujourd'hui, ce groupe d'un travail si
achevé, semble avoir pour longtemps un
avenir assuré. Il appartient à un ecclé-
siastique qui est en même temps un archéo-
logue très distingué, un archéologue de
race, comme on dirait aujourd'hui, parce
qu'il appartient à une famille où les études
archéologiques sont de tradition. Il a placé
la Vierge dans son oratoire privé, qui res-
semble à un musée, et si l'image inspire la
piété du prêtre, elle réjouit aussi, dit-on,
l'archéologue en répondant à ses meilleures
aspirations. Voilà donc une œuvre d'art qui
répond de tout point à l'objet pour lequel
elle a été créée.
j. H.
» aÇI* A*VU *&* >&£* &U *&A A**E* *$kt *$£* A**** ïtyt tffo ^ ^ AT%* ■
iTrTixirrmnmximju.xi.mxi:
TiTiTin rmiiiiniT
Trxnzijrmixiicixnui tlHHH:rxOJ_
I
6n Babtère. - Dotes ce bocage. <i" Bar«e.)
XTTTTTTTV7Ï n \ irirrrrriTr/THiTiTmiifT Itlliiim
§S
immniiiiiiiiiiiiiiiiiirniiniiiimir':iiij]"
*&* *£c* **£* W **£* T<*î* *^(-* t^r *&* *&* *x£* y^v y^r y^ *^f ^
phique.Un seul grand fleuve arrose ce pays,
c'est le Danube, appelé avec raison le roi
des fleuves de l'Europe, et dont le nom
évoque les plus grands souvenirs.
Nulle part, en Allemagne, les arts n'ont
brillé d'un plus vif éclat qu'en Bavière, soit
qu'on les considère dans les manifestations
d'ordre supérieur des Beaux-Arts propre-
ment dits, soit qu'on s'arrête aux arts déco-
ratifs qui revêtent les objets les plus simples
d'une forme élégante et appropriée à leur
destination. Les lignes qui suivent traiteront
des œuvres de l'architecture, de la peinture
et de la sculpture, dans cette région, et ce
n'est pas le cas de parler ici du quatrième
des Beaux-Arts, la musique ; sa renommée
a franchi depuis longtemps les frontières
de la patrie allemande !
L'architecture, à toutes les époques du
moyen âge et de la période moderne, a cou-
vert ce pays des monuments les plus impo-
sants; nombreuses sont les villes bavaroises
qui furent des foyers d'art; c'est Bamberg,
Wurzbourg, Ratisbonne, Munich, Ulm avec
leurs cathédrales, leurs églises gothiques et
leurs constructions de l'époque de la renais-
sance; c'est encore Munich et Ratisbonne
avec leurs monuments qui ressuscitent
l'antiquité grecque; c'est l'art si vivant et si
pittoresque de la riche bourgeoisie à Nurem-
berg et à Ulm, l'art féodal et aristocratique
à Ratisbonne et à Augsbourg, l'art militaire
à Rothenbourgf et à Nuremberg, l'art des
savants et des humanistes à Munich !
Le même sentiment qui a créé ces monu-
ments a aussi pourvu à leur conservation.
Partout dans le royaume, une noble ému-
lation s'est emparée des municipalités pour
restaurer et compléter les monuments de
l'antiquité, témoins des gloires du passé,
gg|gagggM|fcto n A R M I les Etats du Cen-
tre de l'Europe, la Ba-
- vière est à coup sûr l'un
là des plus intéressants,
Il et peut-être en même
■^Id: temps l'un des moins
^""^ v '^ connus. Il mente cepen-
dant de l'être, à bien des égards, et c'est ce
qui nous a engagé, après l'avoir parcouru, à
lui consacrer ces quelques notes, rapide-
ment prises, et qui n'ont d'autre prétention
que d'attirer l'attention sur cette contrée si
riche en trésors archéologiques.
La Bavière, qui a une population de
six millions d'habitants, n'existe, comme
royaume portant ce nom, que depuis 1805.
Elle se compose d'un certain nombre de
provinces qu'il n'est pas inutile de rappeler
ici, parce que leurs noms reviendront sou-
vent, en parlant des diverses écoles d'art
de ces différentes contrées. Ce sont : la
Bavière proprement dite, l'ancien duché de
Souabe au Sud, dont les principales villes
sont: Munich, Augsbourg, Neu-Ulm; la
Franconie, au Nord, avec Wurzbourg, Bam-
berg, Anspach, Nuremberg ; le HautPa-
latinat, au Nord également, avec Ratis-
bonne et Passau, et le Bas-Palatinat ou
Bavière Rhénane, dont la ville principale
est Spire.
Cette dernière province est séparée des
autres par le duché de Bade. Le reste du
royaume constitue un ensemble dont les
limites politiques s'accordent assez bien
avec celles tracées par la nature ; aucun
obstacle naturel n'empêchant le libre pas-
sage des populations de l'une à l'autre
extrémité des provinces qui forment la
moderne Bavière, l'unité politique a été
grandement facilitée par l'unité géogra-
14
Bebue fce l'&rt chrétien.
témoins vivants de l'histoire héroïque des
villes allemandes. Partout des musées et des
écoles d'art ont été créés pour fournir des
modèles aux constructeurs et aux déco-
rateurs.
Ratisbonne et Ulm, comme Cologne,
complètent leur cathédrale et élèvent jus-
qu'aux cieux leurs flèches merveilleuses;
partout on répare, on restaure, on rétablit
les monuments dans l'état où ils étaient à
l'époque de leur splendeur; une pensée éle-
vée, quoique mal inspirée, a fait surgir des
monuments de l'art grec sur le sol de la
Germanie ; et dans les constructions nou-
velles, on revient aujourd'hui à l'ancien art
allemand « altdeutsch )> et on renoue les
traditions de l'art local un moment oubliées.
Ce mouvement de restauration, qui date
de loin, reçoit une impulsion extraordinaire
de nos jours par suite de la période de pros-
périté et de développement merveilleux que
traverse l'Allemagne, et une fois de plus
se vérifie cet axiome que les manifestations
de l'art architectural reflètent exactement
la situation économique d'une nation.
Il serait difficile de dire que l'architec-
ture, dans les contrées qui composent au-
jourd'hui la Bavière, présente auxdifférentes
périodes de son histoire, un caractère propre
qui la différencie de l'art de bâtir dans les
pays voisins; elle paraît, au contraire, avoir
suivi les règles générales des grandes écoles
d'art qui se sont succédé à travers les
siècles. Les monuments romans n'ont pas
l'oriofinalité de ceux du Rhin, les construc-
tions gothiques dérivent des écoles fran-
çaises ; celles de la renaissance ont, plus
que d'autres, un caractère propre et parti-
culier; les musées et les palais modernes
copient les temples grecs ou les œuvres
de la renaissance italienne, comme ceux du
XVIIIe siècle avaient copié les rocaillesdu
style Louis XV français. Quant aux travaux
de l'époque contemporaine qui rappellent
l'art allemand de la renaissance, nous n'en
parlerons pas ici. D'une manière générale
on peut dire que les monuments de cette
région se signalent par l'abondance des
détails décoratifs; leur richesse est parfois
excessive et il y a un certain manque d'u-
nité dans leur décoration dont les éléments
sont empruntés aux styles et aux temps
les plus divers.
Les monuments de la Bavière, ou du
moins ses monuments du moyen âge sont
peu connus des archéologues de langue
française, et c'est grand dommage, car ils
sont remarquables et intéressants à bien des
titres. Les autres, ceux qui ont été élevés
sous les règnes des rois Maximilien et
Louis, sont l'objet des appréciations les
plus opposées. Tel les célébrera comme
l'effort le plus prodigieux qui ait été tenté
de nos jours dans le domaine des arts; tel
autre ne verra en eux que des pastiches
malheureux de constructions d'un art surfait
et démodé. Une fois de plus, la vérité est
entre ces deux extrêmes : certes les Propy-
lées et le Walhalla, par exemple, malgré la
pureté de leurs lignes et la perfection de
leur exécution, n'ont pas l'austère majesté
des monuments authentiques de la Grèce,
mais qui pourrait nier, cependant, que ce
sont des constructions d'un mérite véri-
table ? Oui pourrait se refuser à rendre
justice à cette entreprise d'un souverain
éclectique dans son amour de l'art, et dési-
reux de faire connaître à son peuple les
monuments des styles les plus différents ?
Il a cherché à rappeler à la fois les chefs-
d'œuvre de l'antiquité grecque et romaine,
de l'art roman et de l'art gothique. Au
point de vue du goût et des convictions on
peut contester la valeur de pareille tentative,
mais il faut reconnaître la pensée généreuse
du monarque voulant initier son peuple à la
(Btx Batotère. — fôott& ht fcopage.
15
connaissance du beau sous toutes ses formes,
l'élever à une haute intelligence de l'art
et choisissant pour atteindre cette fin le
mode d'action qui lui semblait le plus propre
à la réaliser.
On peut aimer ou non les œuvres de telle
école déterminée; on peut regretter qu'une
entreprise qui ne se renouvellera peut-être
plus, n'ait pas pris pour objectif unique,
et en lui donnant tous les développements
dont il est susceptible, l'ancien style national
par excellence, le style gothique, capable
de produire encore de nouveaux chefs-
d'œuvre ; mais on ne peut méconnaître la
hauteur de vues qui a créé cette renaissance
de l'art antique en Bavière et le résultat
remarquable atteint par les souverains qui
l'ont conçue et réalisée avec le concours
d'une pléiade d'artistes d'élite dans toutes
les branches des arts !
La sculpture, en Bavière, est abondante
et variée dans ses manifestations ; vraiment
supérieure au XIIe et au XIIIe siècle, elle
fournit à toute époque des spécimens d'une
haute valeur. Empreinte d'un réalisme pro-
fond qui lui donne une perfection relative
aux grandes époques de l'art, elle devient
lourde et maniérée dans les périodes moins
brillantes et lorsqu'elle cesse d'être pratiquée
par des artistes d'élite. Dans le genre pure-
ment ornemental et abstraction faite de la
figure humaine, elle est à toute époque d'une
abondance exceptionnelle, d'une souplesse
exquise et d'une exécution remarquable.
La cathédrale de Bamberg, et à une
époque postérieure, les églises et la fontaine
de Nuremberg ; les travaux en bronze fon-
du et ciselé, les sculptures sur bois d'Ulm,
Rothenbourg et Nuremberg, ainsi que les
œuvres des sculpteurs bavarois que gar-
dent les musées, témoignent de l'impor-
tance et de la perfection de cet art.
Riemenschneider, Kraft, Vischer, Syrlin
sont les noms de sculpteurs fameux des
XVe et XVIe siècles ; ceux de leurs prédé-
cesseurs n'ont malheureusement pas été
conservés.
La peinture, à l'époque gothique, compte
deux grandes écoles dans ce pays, celle de
Nuremberg et celle de la Souabe, toutes
deux connues par les œuvres de maîtres
illustres. La première compte Berthold,
Maître Pfennig, Michel Wolgemut, Pley-
denwurff ('), et le célèbre Albert Durer,
l'élève de Wolgemut ; la seconde Lucas
Moser, Frédéric Herlin dont l'œuvre capi-
tale se voit à l'église St-Jacques de Rothen-
bourg ; Martin Schongauer, Barthélémy
Zeitblom, et Martin Schaffner. Herlin et
Schongauer se sont certainement inspirés
des œuvres de Rogier de le Pasture.ou Van
der Weyden, peintre tournaisien établi plus
tard à Bruxelles, et toute l'école de Souabe
semble d'ailleurs avoir subi l'influence de
l'école dite flamande, des Pays-Bas, avec
laquelle ses œuvres présentent des ressem-
blances frappantes.
L'école moderne, établie à Munich, a
brillé d'un vif éclat; mais de même que l'ar-
chitecture et la sculpture modernes, elle
n'est pas du domaine de cette étude.
Ce grand courant artistique a imprimé
un caractère particulier aux œuvres des arts
accessoires qui fait que toutes choses, dans
ce pays, ont une valeur propre, et contri-
buent à former un ensemble dans lequel
rien ne détonne et où l'homme de goût
éprouve une perpétuelle satisfaction.
"Wur^ bourg.
WiJRZBOURG, la première ville im-
portante de la Bavière quand on arrive par
la ligne de Francfort, est le siège d'une an-
cienne principauté ecclésiastique, annexée
I. V. Henry Thode, Die Malerschule von Nttrnberg
im XIV und XVJahrhundert.
là
Retour De r&rt chrétien.
Wiirzbourg —Tombeau de 1 évêque Jean II dans la cathédrale.
à la Bavière en 1803. C'est une jolie loca-
lité de 69,000 habitants. Elle a les allures
d'une petite capitale, avec son palais entouré
de vastes jardins, un château-fort (qui fut
encore bombardé lors de la guerre de 1866)
sur la colline de Marienberg,des boulevards
occupant la place des anciens remparts et
de jolis quais le long du Mein.où à part la
vue de Marienberg, il n'y a de remarquable
que les bâtiments de la douane (Zollamt)
et une grue monumentale.
Un roNT du XVe siècle, en partie refait
au XVIIe siècle.et dont les garde-fous sont
ornés de statues.comme le pont Saint-Ange
à Rome, met en communication les deux
rives du fleuve. Il fait suite à la Domstrasse,
principale rue du vieux Wiirzbourg.
La ville ne possède pas de monuments
de premier ordre, mais elle a assez de ca-
chet et renferme des palais et des églises
dignes d'attention. Ce sont d'abord la Ré-
sidence, ancien palais des princes-évêques,
actuellement château royal, qui a la préten-
tion de rappeler Versailles, de loin, il est
vrai. Les jardins du palais sont ouverts au
public ; ils sont clôturés par de beaux gril-
lages et des portes en fer forgé qui peuvent
être comparées à celles de Jean Lamour,
de Nancy, ce qui n'est pas peu dire. La
Bavière est d'ailleurs très riche en œuvres
de ferronnerie artistique conservées dans
les monuments et les musées, témoins d'une
industrie autrefois très florissante dans
toute la région.
L'église dite Neu-Munster-Kirche, ro-
mane de construction, a été toute défigurée
par des remaniements postérieurs ; la Ma-
rien-Kapelle, de style gothique avec une
jolie tour et de bonnes sculptures ; l'église
St-Michel ( 1 765); Stift Haug(Église Haug)
du XVIIe siècle ; l'hôtel de ville, à l'extré-
mité de la Domstrasse, avec tour carrée dont
la silhouette seule est intéressante.
Cn Bavière. — ilotes De toopage.
17
Plusieurs statues de Notre-Dame à l'an-
gle des rues ou au-dessus des portes, rap
pellent que la ville lui était autrefois con-
sacrée.
La cathédrale (Dom) est en voie de
restauration. C'est un édifice roman du
XIIe siècle, avec deux tours carrées à la
façade, de construction assez pauvre. L'in-
térieur, vaste vaisseau avec bas-côtés, sans
transept, aurait beaucoup de caractère s'il
n'avait été complètement modernisé au
XVIIIe siècle, et on sait ce que cela veut
dire.
La cathédrale renferme une très intéres-
sante série de monuments funéraires des
princes évêques, consistant généralement
en une dalle sculptée, dressée contre un des
piliers de la nef, où le défunt est représenté
sous une arcade gothique, debout, revêtu
des ornements épiscopaux, tenant de la
main gauche la crosse et appuyant la main
droite sur l'épée (mise dans le fourreau). Le
plus ancien de ces monuments appartient
au XIIIe siècle ; l'évêque est figuré bénis-
sant de la main droite et soutenant en même
temps, le livre, emblème de la doctrine,
et l'épée, emblème du pouvoir séculier ;
sa main gauche tient la crosse. Parmi les
plus intéressants on peut citer celui de
l'évêque Jean II (►{« 1440) et celui de
Rudolf II (►£ 1495). Ce dernier monument
est l'œuvre de Tilman Riemenschneider, le
grand sculpteur du XVIe siècle, né à Wlirz-
bourg, où on conserve quelques-unes de ses
œuvres (un Christ à la cathédrale, plusieurs
statues à l'église Notre-Dame), et dont les
travaux se trouvent dans la plupart des
grands monuments et des musées de la
région.
Des fontaines monumentales, et quelques
constructions modernes importantes, té-
moignent du goût artistique de la moderne
Wtirzboure.
Hnsbacb.
ANSBACH ou Anspach (16,000 habi-
tants), ancienne capitale des margraves de
ce nom, est une localité dépourvue d'intérêt.
L'immense château du prince, de style re-
naissance, aujourd'hui en partie inoccupé,
impressionne tristement le voyageur.
Les deux églises (protestantes), encom-
brées de bancs, d'estrades, de loges, de
galeries disposées comme celles d'un théâ-
tre, et d'où les fidèles entendent le prêche
du dimanche, ne disent plus rien, à l'inté-
rieur.
L'une d'elles, St-Gombert, a une tour
carrée à la façade, accompagnée de deux
tourelles plus petites, toutes trois surmon-
tées d'assez élégantes flèches du XIVe siècle
en pierre.
Sur la place qui sépare les deux églises,
jolie fontaine avec statue dorée d'un mar-
grave, Georges le Pieux, mort en 1543.
ïtotbcnbourg;.
R.OTHENBOURG sur la Tauber, petite
ville quelque peu perdue et où l'on arrive
par une ligne de chemin de fer encore très
primitive, est une des plus curieuses villes
de la région et mérite à tous égards une
visite.
Elle est d'ailleurs le but du pèlerinage de
nombreux artistes et de touristes, la plupart
anglais, qu'attirent ses monuments anciens,
sa merveilleuse enceinte fortifiée de l'époque
gothique, et l'aspect général de cette char-
mante localité, type de petite ville du
moyen âge d'aspect très archaïque, et en
même temps gaie, claire, proprette, bien
aérée, éclairée à l'électricité, et jouissant de
tous les avantages du confort et de l'hy-
giène modernes.
Bien qu'elle ne compte que 7,000 habi-
tants ou environ, elle a un air d'aisance, de
KHVUK DE L'AKT LHKET1KN.
l3grj. — ire LIVRAISON.
i8
3&e\me tic l'&rt cbrcttcu.
propreté et une bonne tenue générale
qu'on ne rencontre souvent que dans les
villes beaucoup plus importantes.
Les rues sont irrégulières à plaisir, bor-
dées de vieilles maisons, égayées par quel-
ques plantations, des fontaines, des monu-
ments anciens, particulièrement des tours de
défense et des tourelles ornementales qui
font point de vue à tous les carrefours.
Les anciennes fortifications de la ville
sont encore complètes, ou peu s'en faut, et
forment un ensemble de constructions mili-
taires du plus haut intérêt.
Elles datent du XIVe siècle vraisembla-
blement, et sont, dans leur ensemble, anté-
rieures à l'époque de l'invention de l'artil-
lerie.
Un des côtés de l'enceinte est particu-
Rothenbourg. — Le mur d'enceinte (Stbberleinsthurm), près de la porte de l'hôpital.
lièrement intéressant, c'est celui qui s'étend
entre la Burgthor et la Spitalthor. De la
porte dite Burgt/ior, on découvre un beau
panorama de la ville en même temps qu'une
vue superbe sur une grande étendue de
l'enceinte fortifiée, dont on peut saisir, d'un
coup d'œil la disposition générale. La porte
de l'hôpital (Spitalthor) est la plus impor-
tante des portes de la ville. Elle se compose
d'un ouvrage avancé construit en pierres et
dont les murs sont surmontés d'une toiture
supportée par des pièces de bois reposant
sur des corbeaux en pierre faisant l'office
des hourds dans l'architecture militaire de
nos pays. Des ouvrages plus récents (1586)
ont été ajoutés à ceux-ci; ils les complètent
sans les défigurer.
La Burgtlior, bien que datant de la
même époque, est d'un aspect beaucoup
plus moderne. Quelques détails d'architec-
ture accusent le XVIIe siècle ; les tours,
rondes et basses, ont été surmontées de
hautes toitures en pointe assez pittoresques.
Le mur de défense qui s'étend entre ces
deux portes, irrégulier dans sa forme et ses
dimensions suivant les reliefs du sol et les
<Sn Bavière f®ott8 De dopage.
J9
sinuosités des constructions, est bâti en
pierres de petit appareil et de forme irrégu-
lière. Il est généralement assez bas, uni du
sommet à la base et percé dans le haut
d'une série de petites ouvertures carrées,
sorte de larges meurtrières. Il est couronné,
du moins en certains endroits, d'un toit à
deux versants, celui qui regarde vers la
ville plus large que l'autre, et couvrant le
chemin de ronde à l'intérieur du mur. Ce
chemin de ronde qui surplombe le mur, est
supporté par des corbeaux en pierre, tandis
que des poteaux en bois supportent la toi-
ture de ce côté; des tours, assez espacées,
renforcent le mur d'enceinte, leur saillie,
particularité curieuse, étant généralement
à l'intérieur; elles sont très élevées, de forme
carrée pour la plupart, et couvertes d'une
toiture à quatre pans. L'une d'elles a des
tourelles aux anodes.
La Kobolzellerthor, porte entre la Burg-
thor et la Spitalthor, est l'une des plus
intéressantes ; c'est peut-être celle où le
système de défense se montre le mieux
dans tous ses détails.
Rothenbourg est particulièrement inté-
ressant par l'ensemble de ses habitations, la
disposition si pittoresque de ses rues, et l'a-
bondance des constructions anciennes de
tout genre qu'on y rencontre, mais ses
monuments proprement dits sont peu im-
portants.
Le Rathaus (hôtel-de-vilU) est cepen-
dant une construction remarquable, com-
posée de deux bâtiments juxtaposés dont
l'un appartient à la renaissance allemande,
tandis que l'autre est gothique, et com-
prend un haut pignon du centre duquel
s'élève une tour carrée de 70 mètres de
haut.
L'église St-Jacques, qui date de la fin
du XIVe siècle, est d'un gothique maigre
et froid, très peu orné. Elle a deux chœurs
avec deux tours accolées aux flancs du
chœur de l'Est, et pas de transept. Par
suite de la déclivité du sol sur lequel l'église
est assise, le chœur de l'Ouest a dû être
surélevé sur une arche puissante qui sup-
porte les murs du sanctuaire au-dessous
duquel passe une rue.
L'église est affectée au culte protestant.
On y voit, sur les autels, trois magnifiques
retables du XVe siècle, tout entiers en
chêne sculpté : le sujet central, les pan-
neaux des volets, les clochetons et les statues
qui le surmontent et l'encadrent. On y con-
serve encore un retable à volets peint par
Herlin en 1466.
;ottrcmtJcrg.
NUREMBERG, ancienne ville libre im-
périale, attribuée au royaume de Bavière
en 1806, sur la Pegnitz, petite rivière non
navigable, compte 150,000 habitants.
C est une de ces villes-types dont la répu-
tation est universelle, et que les relations
de voyage et la gravure ont tellement po-
pularisées qu'on croit les connaître déjà
avant de les avoir vues. Trop souvent, en
pareil cas, la réalité est au-dessous de la
réputation, et le premier sentiment éprouvé
par le visiteur est une déception. Tel n'est
pas le cas pour Nuremberg, qui reste au-
dessus de sa renommée et donne plus que
celle-ci n'avait promis.
La ville n'a pas une histoire politique
bien brillante : née à l'ombre du château
fort du XIe siècle qui la domine, sur la rive
droite de la Pegnitz, elle ne dépassa pas
d'abord cette rivière et eut pour centre l'an-
tique église de St-Sébald ; puis elle s'agran-
dit, traversa la Pegnitz, fonda une seconde
église (St-Laurent) et doubla en quelque
sorte son territoire bâti. Les deux villes
jumelles avaient dans le principe des forti-
fications distinctes qui leur permirent de
20
orbite tir r&rt chrétien.
résister à plusieurs sièges. A la fin du XVe
siècle, elles les renversèrent pour leur sub-
stituer une enceinte unique, enveloppant
tout le territoire de la ville, et cette enceinte,
terminée au commencement du XVIe siècle
seulement, subsiste encore aujourd'hui.
Bien que les anciens habitants s'appli-
quassent tout particulièrement au com-
merce, les sciences et les lettres furent
cultivées avec succès à Nuremberg, et pour
ne parler que du plus populaire de ses litté-
rateurs, qui ne connaît Hans Sachs, le
Nuremberg:. — Le tombeau de saint Sébald.
cordonnier-poète célébré par Wagner dans
les Maîtres chanteurs de Nuremberg, plus
célèbre que maints savants écrivains, ses
concitoyens, et auquel Nuremberg a élevé
une statue, tout comme à Durer et à
Behaim ! Oui ne connaît les artistes d'élite :
Michel Wolgemut (* 1539), Albert Durer
(* 1528), Culmbach, tous trois peintres;
Adam Kraft (* 1507), Peter Visscher
(^1509), Veit Stoss(* 1533), sculpteurs;
<£n Idaînère* — iï^oteô ûe toopage.
21
et encore les Hirschvogel, peintres-verriers.
Leurs œuvres, à tous, brillent dans leur ville
natale. Ils y ont suscité tout un peuple
d'ouvriers d'élite, continuateurs jusqu'au-
jourd'hui de leurs traditions. Ils ont peuplé
d'oeuvres d'art les monuments et les maisons
de Nuremberg et ont en outre façonné
de telle sorte le goût de leurs concitoyens
que ceux-ci ont persévéré dans les mêmes
voies sans s'en eloignerjamais.de telle sorte
que la ville se présente encore de nos jours
sous l'aspect qu'elle avait au XVIe siècle,
bâtie, décorée, meublée d'après les traditions
des maîtres de cette époque, tout en ayant
adopté, hâtons-nous de le dire, les nombreux
bienfaits de la science moderne, éclairage et
voitures électriques, hygiène et confort mo-
dernes, et comme conséquence étant par-
venue à une richesse et une prospérité
toujours grandissantes.
Il résulte de tout ceci que l'antiquité dans
ce qu'elle a de pittoresque, d'artistique et
de poétique se fond avec le modernisme le
plus raffiné pour faire de Nuremberg une
des villes les plus intéressantes en même
temps que les plus agréables qu'on puisse
rencontrer.
#
# #
L'église St-Sebald est le plus ancien
des trois principaux monuments religieux
de Nuremberg(St-Laurentet Notre-Dame).
Certaines de ses parties appartiennent
encore au style roman, mais l'ensemble est
de style gothique. La plus belle partie, à
l'extérieur, est le chœur, dont les contreforts
sont décorés de statues; quelques bas-reliefs
qui garnissent le plat des murs, sous les
fenêtres, sont fort remarquables ; tel le mo-
nument Schreyer représentant la Mise au
tombeau, et plusieurs scènes de la Passion
par Adam Kraft ; la porte de la fiancée
(Brauthtir), avec les statues des vierges
sages et des vierges folles, sujet souvent
reproduit dans ce pays ; la façade de l'Ouest
comprend le chœur ancien, entre deux tours
carrées, achevées au XIVe siècle.
Intérieur. La nef centrale appartient
à l'époque de la transition ogivale ; elle est
étroite et d'architecture massive. Le chœur
de l'Est, de style gothique (1377), est
entouré de bas-côtés, dont les voûtes s'élè-
vent à la même hauteur que celles du
chœur. Il est très élégant, et de nombreux
détails sont remarquables : tels, une jolie
tribune-balcon ; un tabernacle du XIVe siè-
cle, encadré de pilastres à clochetons, et de
nombreuses statues, le tout en pierre ; des
bas-reliefs sculptés par Veit Stoss (Jésus
au jardin des Oliviers) ; un calvaire du
même artiste, sur le maître-autel ; des fres-
ques du XVe siècle ; des vitraux du XVIe
siècle, par Veit Hirschvogel ; enfin l'œuvre
capitale du sculpteur Pierre Visscher, le
tombeau de S. Sébald (*), en bronze fondu et
ciselé. Commencé en 1508 il fut achevé en
1513, dans le style de la renaissance.
L'œuvre dans son ensemble est très remar-
quable, mais elle est inégale, au point de
vue de la composition : plusieurs statues
des douze apôtres sont admirables.
Les peintures conservées à St-Sébald,
bien qu'intéressantes, ne comptent cepen-
dant pas de chefs-d'œuvre proprement dits.
Il faut excepter toutefois un triptyque à
volets de 15 13, peint par Jean Culmbach.
Le chœur de l Ouest est roman, d'une
architecture très caractérisée. On fait re-
monter sa construction au Xe siècle. Il sert
de baptistère. Les fonts, en forme de coupe
cylindrique, à pied large et bas, décoré
d'arcatures gothiques de peu de relief, et
des statues des quatre évangélistes, passent
pour le plus ancien travail de bronze, ou
I. Voir Revue de VArt chrétien, I, VI (i
p. 5.
22
3&ctnic tic l'&rt cbrétten.
dinanderie, exécuté à Nuremberg. Ils da-
tent du XIVe siècle.
Le presbytère de St-Sébald (Pfarrhof),
près de l'église de ce nom, possède une
remarquable bretèche, de style gothique,
construite en 1318, ornée de bas-reliefs très
délicats, en encorbellement sur la façade et
supportée par un pied en forme de pilier,
orné d'élégants fenestrages. Était-ce bien
une bretèche, à l'origine, ou n'était-ce pas
plutôt le chevet d'une chapelle privée ?
Nuremberg- — Église Saint-Laurent.
L'église St-Laukent, plus jeune d'un
siècle que St-Sébald (1287-1477), est assez
vulgaire à l'extérieur, et dépourvue de
toute décoration, si ce n'est d'un côté de la
façade, où elle en est, au contraire, très
abondamment ornée, mais d'une décora-
tion trop menue et un peu sèche. Comme
à St-Sébald, deux tours, carrées à la base,
terminées en flèche, encadrent la façade
occidentale, dans laquelle s'ouvre, au rez-
de-chaussée, une porte aux multiples archi-
voltes, et à l'étage une rose de 9 mètres
de diamètre dont les rayons sont nombreux,
très ouvragés et très compliqués.
A l'intérieur, l'église est un peu sombre,
dans sa partie basse, mais la nef s'éclaire
en approchant du sanctuaire et le chœur est
Nuremberg. — Église Saint-Laurent (chœur).
baigné de lumière ; cette clarté peu or-
dinaire est due en partie à l'élévation des
voûtes des bas-côtés, presque aussi hautes
que la voûte centrale. Un balcon avec
garde-fou en pierre sculptée, situé à mi-
hauteur entre les fenêtres basses et celles
€it Barrière. — fôotts De toopage.
d'en haut, contourne tout le chœur. Le
transept ne s'accuse pas dans le plan de
l'église ; il ne dépasse pas, en longueur, la
largeur des nefs. A l'entrée du chœur sur
une poutre transversale, maigre et arquée,
une croix en •forme d'arbre avec feuillage
traité d'après nature.
Les bas-côtés renferment plusieurs tribu-
nes réservées. Un élégant escalier en pierre,
à plusieurs paliers, conduit à l'une d'elles.
De nombreux retables sculptés ou peints,
parmi lesquels celui qui est dédié à S. Roch,
est particulièrement curieux ; des obiit
sculptés, fixés aux murs latéraux ; des sta-
tues accrochées aux piliers, d'une exécution
généralement lourde et tourmentée ; des
vitraux superbes, des peintures de l'an-
cienne école allemande ; des tapisseries très
anciennes, font de St-Laurent un véritable
musée.
Le tabernacle, en forme de tourelle, haute
de vingt mètres, sculptée, ajourée, et termi-
née en flèche, adossée au premier pilier du
chœur, est l'œuvre d' 'Adam Kraft, qui l'exé-
cuta de 1493 à 1500, en pierre blanche,
dans le style gothique. Le maître s'est re-
présenté lui-même avec deux ouvriers,
portant sur leurs puissantes épaules la ga-
lerie inférieure du tabernacle.
Au centre du chœur, suspendu à la
voûte par une tige de fer, un grand médail-
lon en bois sculpté et polychrome par Veit
Stoss, représentant l'Annonciation, entouré
de sept petits médaillons (les sept joies de
la Ste-Vierge) et surmonté de la figure du
Père éternel, entouré d'anges ('). Ces an-
ges si gracieux on les trouve toujours en
abondance dans les œuvres allemandes. On
les rencontre encore à St-Laurent, agenouil-
lés sur les bouts de poutre surmontant les
1. L'église de Le'au possède un médaillon semblable et
aussi un tabernacle en tourelle, de style renaissance,
aussi beau, dans son style, que celui de Nuremberg.
stalles du chœur, et au maître-autel (moder-
ne) portant des flambeaux qui remplacent
les chandeliers ordinaires.
Le Christ, qui se dresse au centre du
retable, est de Veit Stoss ; le très beau
lustre gothique, en bronze, suspendu à la
voûte du chœur, est l'œuvre de Pierre
Visse her (1489).
Les vitraux des fenêtres hautes du chœur
comptent parmi les meilleurs qu'aient pro-
duits les peintres-verriers nurembergeois
(1450-1490). Beaucoup d'autres vitraux,
également intéressants, garnissent les fenê-
tres des nefs et des collatéraux du chœur.
Enfin l'église renferme bon nombre de
tapisseries gothiques dont la plupart occu-
pent encore la place pour laquelle elles ont
été faites, c'est-à-dire le haut des dossiers
aux stalles du chœur, ou les murs au-dessus
des lambris de quelques chapelles.
Certaines de ces tapisseries paraissent de
fabrication flamande, telle l'histoire d'un
pape, en six tableaux ; d'autres qui remon-
tent, dit-on, au XIVe siècle, comme la lé-
gende de St Laurent et celle de Ste Ca-
therine, semblent être d'origine allemande,
voire même de Nuremberg.
La troisième église qu'on ne peut man-
quer de visiter est la Fkauen Kirciie ou
Église Notre-Dame, d'un tout autre genre
que les deux précédentes. Sa façade est
devenue populaire par les nombreuses vues
de Nuremberg, où elle se trouve associée
à la belle Fontaine, sur la pittoresque place
du marché. A vrai dire Notre-Dame est
tout entière dans sa façade, car l'église est
dépourvue de profondeur ; c'est plutôt une
chapelle composée seulement d'une courte
nef et d'un chœur. Bâtie de 1355 à 1361,
elle est en forme de haut fronton triangu-
laire, la partie supérieure décorée de plu-
sieurs rangées d'arcatures, avec une tou-
relle légère, octogone, occupant le sommet
24
îRebttc Ïjc l'art chrétien*
du pignon. Un porche aux larges arcades,
encadrant les portes, surmonté d'un étage
fermé, servant de chapelle, couronné lui-
même par un pignon triangulaire dans
lequel est encastrée une horloge célèbre de
1509, se détache fortement de la façade, et
lui donne un cachet tout particulier.
Les sculptures qui l'ornent, très abon-
dantes, sont de bon style.
L'intérieur de l'église a été complètement
restauré et polychrome depuis qu'elle a été
rendue au culte catholique, sous la direction
d'Essenvvein, le célèbre archéologue aile-
mand, décédé le i3oct. 1892. Elle renferme
quelques bonnes œuvres d'art, entr'autres
un tableau, en forme de retable, attribué à
Wolgemut et un bas-relief sculpté par
Kraft.
Eugène Soil.
(A suivre.)
li 1 1 1 1 1 1 : [ 1 1
x5£* »&y. x5I * k^H **5£* **5£* ***£* J^Vl-A A*»£* A,^ *%* A^A ***%* *5£* *5£x
■muni; ;
^k©^k©^k©ï§k©^) ffîélanges. ïmtmmmmmm®
U'abbape et les cloîtres De ffîotssac (')
OUS sommes fort en retard pour
signaler à nos lecteurs l'importante
monographie que M. Rupin a entre-
prise avec unevéritable prédilection et
achevée avec le soin et l'étude qui caractérisent
généralement ses travaux. « Oui n'a entendu
parler de l'abbaye de Moissac,dont la renommée
s'étendait au loin, — dit-il dans son avant-propos,
— de son église, des merveilleuses sculptures de
son portail et de son cloître appelés justement
un musée d'iconographie romane?
« Son nom seul rappelle, pendant une longue
période de onze siècles, mille souvenirs histo-
riques tour à tour agréables ou terribles, tristes
ou glorieux.
« Cette opulente abbaye bénédictine, où la ré-
gularité et la piété s'unissaient à la science, floris-
sait à un moment donné d'une manière admi-
rable. Pillée et presque détruite à différentes
reprises, après le calme elle se relevait plus puis-
sante que jamais. »
Plan de l'église et du cloître de Moissac.
Je crois utile de citer ces lignes par lesquelles
débute le livre, parce qu'elles caractérisent en
réalité la grande communauté à laquelle cette
i. Ernest Rupin, V abbaye et les cloîtres île Moissac, ou-
vrage orné de 240 gravures, dont 5 planches hors texte,
d'après les dessins et les photographies de l'auteur ; publié
sous les auspices de la Société archéologique de la Cor-
rèze ; honoré d'une subvention du ministre de l'instruction
publique. Paris, Alphonse Picard, 1S97.
étude est consacrée, et son histoire, jusqu'au
moment où, hélas ! elle ne devait plus se relever ;
elles caractérisent aussi l'esprit dans lequel
M. Ernest Rupin a entrepris son livre.
M. Ernest Rupin, grand travailleur, et qui, à
côté des instants qu'il consacre à des articles de
revue, à la direction de la Société historique de
la Corrèze et à des recherches de toute nature,
BHVUli Uli LAKT CHKET1HN.
J899. — IfC LIVRAISON.
26
&ctntc De ravt cljvctteiu
trouve encore le temps de publier des volumes
comme l'Œuvre de Limoges et celui dont le
titre figure en tête de ces lignes, a sur beaucoup
d'autres érudits l'incontestable avantage d'étu-
dier en savant et de voir en artiste. Il a con-
servé un peu de cette chaleur, de cet enthou-
siasme qui ont été la force initiale des études
archéologiques en France, et ont donné nais-
sance aux Annales archéologiques, à la Revue
de l'Art chrétien et à un grand nombre de livres
remarquables. Si une partie notable du volume
est consacrée à l'étude des cloîtres où l'art plas-
tique du XIIe siècle a trouvé une si abondante
source d'inspiration, la première partie donnant
toutes les recherches historiques, avec l'indication
des sources et l'examen des documents, dénote
des recherches minutieuses dont le résultat offre
entière satisfaction au lecteur désireux de con-
naître l'histoire de la grande maison bénédic-
tine.
Des chapitres particuliers étudient : i° La
topographie générale de Moissac; 2° Un aperçu
de ses abbés-chevaliers. L'abbaye de Moissac,
fondée probablement dans la première moitié du
VIIe siècle, et placée, dès cette époque, sous la
protection royale, ne tarda pas à prendre une
Tombeau de l'abbé Raymond de Montpezat.
extension considérable; elle fut l'objet d'impor-
tantes largesses, mais, comme le remarque l'au-
teur, « par un malheureux retour des choses
humaines, les grandes largesses suscitent aussi de
grandes convoitises». Les possessions considé-
rables de l'abbaye furent souvent envahies et ra-
vagées par de peu scrupuleux voisins ; de là devait
naître pour les moines la nécessité de chercher
des protecteurs dans les seigneurs les plus puis-
sants du pays. Les religieux de Moissac, obligés
d'avoir recours à ce genre de protection pour leur
défense, trouvèrent un appui auprès de grands
personnages que l'on nommait indifféremment
avoués, patrons, défenseurs, mais qui se don-
nèrent eux-mêmes le nom plus expressif d'abbés-
chevaliers, ou d'abbés-militaires. Ces abbés-che-
valiers ou abbés-laïques ne donnaient pas gra-
tuitement leur protection; bientôt l'institution
dégénéra, et souvent ces abbés-chevaliers devin-
rent les rivaux redoutés des abbés réguliers.
A la biographie de ces derniers telle qu'il est
possible de la tirer des documents d'archives, —
l'auteur consacre un long chapitre, plein de
recherches.
Dans la longue liste des abbés de Moissac, dont
M. Ernest Rupin a compulsé les annales avec
Mélanges.
27
autant d'érudition que de soin, plusieurs figures
se détachent avec un relief particulier. L'abbé
Raymond de Montpezat, dont l'abbatiat s'étend
des années 1229-1245, et qui embrasse une période
singulièrement troublée de l'histoire du monas-
tère, est l'une des figures les plus intéressantes
parmi les religieux appelés à gouverner cette
grande maison bénédictine Ses efforts pour y
conserver la règle et pour maintenir ses droits,
lui imposèrent une lutte continuelle qui semble
avoir usé sa vie. Dans l'esprit du peuple, il mou-
rut en odeur de sainteté. Son corps fut placé dans
un tombeau qui n'a pas été fait pour lui, sarco-
phage fort ancien et qui pourrait bien avoir con-
tenu les reliques de saint Ansbert, abbé de Mois-
sac au septième siècle. Ce beau monument existe
encore dans l'église St-Pierre à Mois?ac, bien
qu'il ne soit plus à la place primitive. Le crayon
de M. Rupin nous permet d'en mettre le dessin
sous les yeux de nos lecteurs.
La liste des abbés est suivie d'un dictionnaire
géographique des possessions de l'abbaye de
Moissac,— et c'est seulement après avoir recher-
ché tout ce que l'histoire a conservé de cette
importante maison qui, à un moment donné,
abritait plus de huit cents religieux, dont l'au-
torité religieuse s'étendait sur sept grandes
abbayes, sur trente-sept prieurés et qui avait
plus de cent églises sous sa juridiction, que
M. Rupin entreprend l'étude des ruines consi-
dérables encore que le temps, la révolution et la
barbarie des ignorants ont laissées debout sur le
I©BVSO<EOÎNS®MVOT-[DEW
flyXIV50SliNDVLAŒ0RADl!)TRrtlMVNDV©NVENAWILMV{i)REXITA(Î^W[f[MU
IVSSITEIERAŒLVNKE'BEOfiRAOT^^
wMnmmsmmm
mmwsmmmciooo\jmm\W^mmimmmmWS
MYRI/^i)5LV^lSAP&^E^K^ES■©OI)WS^VIRGI^EVfARTV■6)BAT®g^NI:VE^tRAN&
Inscription de la consécration de l'église de Moissac, faite en 1063, sous ! abbé Durand.
sol ; ruines dont le cloître encore existant — il
y en a eu deux — forme la partie la plus intéres-
sante, et qui, depuis la suppression de l'abbaye
n'ont cessé de courir des dangers ^t de subir des
outrages dont plusieurs sont de date récente.
M. Rupin nous apprend que après cette sup-
pression qui eut lieu en 1790, l'Administration
des domaines mit en vente l'église abbatiale,
mais celle-ci ne trouva pas d'acquéreur. Le cloître
seul trouva preneur pour la somme de 300 et
quelques livres. Il fut adjugé au secrétaire de la
commune, digne fonctionnaire qui n'avait fait
cette acquisition que pour conserver ce remar-
quable monument à la ville, à laquelle il s'em-
pressa de céder son cloître au prix coûtant, dès
que les esprits calmés étaient en état d'en com-
prendre la valeur. Mais tout danger n'était pas
encore dissipé; lors des études pour la construc-
tion du chemin de fer de Bordeaux à Cette,
Messieurs les ingénieurs de la compagnie avaient
décidé la suppression du cloître, et c'est seule-
ment sur les démarches de quelques personnes
influentes que la compagnie consentit à déplacer
de quelques mètres le tracé qui aurait fait dispa-
raître à jamais un monument si important pour
l'histoire de l'art.Cependant les sculptures du cloî-
tre de Moissac qui avaient eu à souffrir pendant
la période révolutionnaire, où bien des mains
barbares ont pris plaisir à briser les figures sur les
chapiteaux, ont eu à subir la continuation des
mêmes outrages en 1870, année où les mobilisés
de l'arrondissement de Moissac, réunis pour les
manœuvres militaires, ont continué l'œuvre des
insensés du siècle passé.
28
3Re\mc îse r^vt chrétien.
Ces faits de date récente et dont le retour est
toujours possible, doivent nous rendre particu-
lièrement reconnaissants pour les travailleurs qui,
par les descriptions et les reproductions, appel-
lent de plus en plus l'attention sur ces monu-
ments remarquables de l'art français des meilleurs
siècles, et en conservent au moins l'image, si
Inscription de la construction du cloître de Moissac.
bientôt ils devaient encore être amoindris ou
détruits.
Nous avons dit que l'abbaye de Moissac avait
deux cloîtres; on s'accorde à reconnaître dans
celui qui existe « le grand cloître », quant au
petit, il a disparu.et ce n'est pas sans difficulté que
l'on peut aujourd'hui en désigner l'emplacement.
C'est ce grand cloître et notamment le décor
plastique des chapiteaux et des piliers d'angle
des galeries qui sont l'objet particulier de l'étude
archéologique de M. Rupin. Il en décrit l'icono-
graphie dans tous ses détails et les fait connaître
au moyen de 165 reproductions, dont les unes
ont été prises au moyen des procédés photogra-
Saint Simon.
phiques et les autres sont dues au crayon très
fidèle, très archéologique de l'auteur.
Ces chapiteaux sont établis sur un même plan ;
« ils ont la forme d'une pyramide tronquée et
renversée, surmontée d'un haut tailloir, chanfreiné
dans sa paitie inférieure. Le tailloir est pris dans
une autre assise de pierre et dépasse de beaucoup
en saillie le diamètre de la colonne qu'il sur-
©élanges.
29
monte. La corbeille, fortement évasée, se relie au
tailloir par quatre consoles en forme de volute
placées aux angles et par une sorte de modillon
qui occupe le milieu supérieur de chaque face ;
elle repose sur une astragale formée par un
simple tore, généralement uni, parfois orné d'une
torsade. La partie plate du tailloir est souvent
chargée d'inscriptions relatives aux sujets repré-
sentés sur la corbeille. »
C'est ainsi que l'auteur décrit la forme géné-
Les damnés.
raie de ces chapiteaux ; forme un peu bizarre et à
laquelle il serait peut-être difficile de trouver des
points de comparaison dans d'autres pays, mais
dont l'aspect est loin d'être dépourvu d'élégance.
C'est sur la corbeille de ces chapiteaux, et
le plat de quelques-uns des piliers d'angle du
cloître, tous de forme carrée, que se déploie dans
toute son abondance le décor iconographique et
végétal de ces cloîtres. Les sculpteurs y ont laissé
libre cours à leur fertile imagination, qui était
évidemment guidée par l'un des religieux de
Moissac, quelque théologien bien au courant de
Le triomphe de la Croix.
l'histoire biblique et des évangiles. Cependant
dans les thèmes iconographiques, on trouve peu
l'expression de ces poèmes symboliques que,, à
cette époque, on voit souvent traités dans les
30
Hetiuc &e l'&rt chrétien.
Mélanges.
31
œuvres de l'art plastique. Comme je viens de le
dire, ce sont les livres de l'ancien et du nouveau
Testament qui ont inspiré l'artiste. M. Rupin
les décrit longuement, avec beaucoup de clarté,
et les légendes que le tailleur d'images a eu soin
d'inscrire sur ces chapiteaux, ne permettent pas
le moindre doute sur les «histoires » qui y sont
représentées. Les beaux clichés, mis si généreu-
Les Palmes.
sèment à notre disposition, permettront au lecteur
de se faire une idée très précise de cette impor-
tante série de sculptures auxquelles il serait dif-
ficile de trouver des analogies, aussi bien dans
les monuments de France que dans ceux de
l'étranger. Il est même étonnant que Viollet-
iiiKÉÉfc
Les Colombes.
le-Duc, à l'article consacré dans son Diction-
naire de V Architecture, à cet élément si important
de la construction et du décor plastique, n'ait re-
produit aucun des chapiteaux de Moissac, d'un
type si original et m caractérisé ; il se contente
d'une simple mention, par laquelle il constate que
32
Betnte fce rstvt chrétien.
Les Noces de Cana.
■_!- // /"a
Mélanges.
33
les figurines en sont sculptées avec la plus grande
finesse (*).
L'auteur est trop archéologue pour n'avoir pas
cherché à fixer par une étude approfondie la date
'(il
des différentes parties des constructions de l'ab-
baye. A cet effet il examine les matériaux, le
style de l'architecture, celui de la décoration
sculpturale, et enfin les documents historiques.
Les invasions des Sarrazins, les guerres, les in-
cendies, n'ont rien laissé debout des construc-
tions antérieures à la première moitié du onzième
siècle. L'abbé Durand s'occupa avec beaucoup
de suite de la reconstruction d'une nouvelle
église dont il fit la dédicace en 1063. De cette
SS^E^^MgMM
Saint Martin de Tours
bâtisse il reste le narthex, les murs de la nef
avec leurs baies qui ont été bouchées plus tard,
mais que l'on voit encore de l'extérieur, et de
1. Dictionnaire de l'Architecture française, t. II, p. 501.
gros pilastres qui ont servi de points d'appui aux
coupoles. C'est le même abbé qui aurait fait sculp-
ter le tympan du porche qui a été déplacé depuis,
et sur lequel nous aurons à revenir. L'abbé
REVUE DE L'ART CHKÉTiew.
1899. — I™ LIVRAIS»*,
34
3&ctntc lie l'&rt cbvctien.
a
CL
^ ï#
©élange0.
35
Ansquitil (1085-1115) construisit le cloître et
décora l'église et l'abbaye de riches statues. Ce
renseignement est d'autant plus précieux que la
date de l'an 1100 et le nom d'Ansquitil se trou-
vent gravés sur un pilier de la galerie occidentale.
Il fit aussi sculpter, sur le pilier central de la
galerie orientale, l'effigie de l'abbé Durand, en
face de la salle capitulaire où on la voit encore.
Cependant, si ces piliers et d'autres de même
date sont restés en place, le cloître tel qu'il avait
été établi par l'abbé Ansquitil, a subi d'importan-
tes modifications. Ce nouveau travail, selon tou-
tes les apparences, est dû à son successeur l'abbé
Roger (1 1 15-1 131), qui fit faire les colonnettes
avec leurs magnifiques chapiteaux, dont la scul-
pture, plus fouillée et plus élégante, est aussi
Saint Pierre, statue du portail de Moissac.
d'un style moins archaïque que celle des piliers.
Ici encore, les reproductions mises sous les
yeux de nos lecteurs me dispensent d'insister sur
l'extrême variété et la richesse du décor plas-
tique de ces chapiteaux.
Un dernier chapitre est consacré à l'étude du
Trumeau du portail de l'église de Moissac.
porche de l'église de Moissac ; ce n'est pas la
partie la moins intéressante du livre. Deux bon-
nes planches font connaître la sculpture du tym-
pan, si instructive pour l'étude de la statuaire au
onzième siècle, où le Christ, de proportions co-
lossales, apparaît en majesté, entouré des em-
36
3&ebue tic rart chrétien.
blêmes évangéliques, d'anges et des vingt-quatre
vieillards de l'Apocalypse. Sous ce tympan la
porte est divisée en deux baies par un pilier
carré orné, sur trois faces, de sculptures, dont
le sens n'a pas encore été suffisamment expliqué.
Le lecteur pourra se rendre compte du carac-
tère de ces sculptures par celle des faces que
nous donnons, occupée par une statue en demi-
relief de proportions excessivement allongées,
probablement un apôtre ; la figure semble s'ap-
Église de Moissac, côté Sud.
puyer sur les reliefs de l'autre face décorées de
groupes de lions entrecroisés, d'un type fort ori-
ginal.
Au côté droit du portail, se trouve, en haut
relief, la figure de saint Pierre, tenant les clefs
qui le caractérisent et foulant aux pieds le lion,
symbole qui lui est bien rarement attribué ; ici, le
prince des apôtres fait pendant au prophète Isaïe,
que l'on reconnaît facilement au texte relatif à
la naissance du Sauveur, gravé sur une banderole
que porte le prophète.
Au surplus, la vue de la façade du côté Sud,
où se trouvent aujourd'hui les scupltuies dont il
vient d'être question, offre un mélange bizarre
de lourdeur et de recherche dans la décoration
plastique, d'appareil militaire et d'iconographie
Mélanges.
37
religieuse. M. Rupin explique, par l'histoire. de
l'abbaye, cette opposition si apparente ici.
L'abbaye, pendant longtemps englobée pour
ainsi dire, dans les murs et les travaux de forti-
fications de la ville de Moissac, avait édifié ses
constructions sans la préoccupation de les rendre
défendables ; elle était à cet égard, pour ainsi
dire, solidaire des destinées de la cité. Mais il
arriva un jour que celle-ci, vaincue, fut obligée,
par le traité de Meaux (1220), de démolir ses
murs de défense et de combler ses fossés. Dès
ce moment, l'abbaye de Moissac, devait pourvoir
à sa sécurité, et prendre les mesures nécessaires
pour se mettre tout au moins à l'abri des coups
de main. Il se trouva alors que le porche de
l'église.déjà défendu par l'épaisseur de ses mu-
railles, était tout indiqué pour servir de réduit
en cas d'attaque. Il suffit de quelques travaux
Église de Moissac, salle voûtée au-dessus du porche.
pour en faire une forteresse. On doubla le mur
extérieur, dont la saillie permit alors d'établir
au-dessus de la porte un chemin de ronde pro-
tégé par un mur percé de quelques meurtrières
et crénelé pour défendre l'entrée de l'église. C'est
ainsi que s'explique l'aspect étrange du porche
dont le croquis que nous donnons page 12 fait
mieux comprendre les dispositions.
La salle voûtée du premier étage au-dessus
du porche est un très intéressant exemple de
l'art avec lequel les constructeurs de cette époque
savaient allier une grande force à une véritable
beauté. Ici, les forces mises en œuvre sont par-
faitement justifiées, car sur les piles qui soutien-
nent la voûte devait s'élever un clocher qui n'a
pas été terminé.
38
3Rebue De l'&rt ribrctten.
Je suis persuadé qu'il suffira de ces indications
tirées du livre de M. Rupin pour faire compren-
dre que son étude sur l'abbaye et les cloîtres de
Moissac doit être mise au rang des travaux les
plus intéressants et les plus soigneusement pré-
parés qui, depuis un quart de siècle, font de plus
en plus la lumière sur l'histoire monastique de
la France.
Jules HELBIG.
IJottce sur plusieurs anciennes pein=
tures inconnues De l'école flamande.
OUS ce titre M. Emile Delignières,
président de la Société d'Émulation
d'Abbeville, a fait, au mois d'avril der-
nier, une intéressante communication
à la réunion des Sociétés départementales des
Beaux-Arts, à l'École des Beaux-Arts. Je crois
utile d'en faire connaître la substance, le mémoire
de M. Delignières apportant sur les peintures de
l'ancienne École flamande quelques renseigne-
ments qu'il importe de recueillir.
Il existait à l'ancienne Chartreuse, fondée au
XIVe siècle, au faubourg de Thuison, près d'Ab-
beville, une église dont l'autel majeur était sur-
monté d'un retable en bois de chêne sculpté et
entièrement doré, dont les divers groupes repré-
sentaient la Passion de N.-S. Jésus-Christ. Ce
magnifique ouvrage n'était visible que les jours
de fête. D'ordinaire, il était fermé par des volets
ornés de peintures, à l'intérieur et à l'extérieur.
D'un côté ces peintures représentaient la sainte
Vierge et saint Jean-Baptiste, patron de la Char-
treuse, saint Honoré, et saint Hugues, évêque
de Lincoln. De l'autre côté, — visible lorsque les
volets étaient ouverts — les peintures représen-
taient la Cène, la Résurrection, l'Ascension et la
Pentecôte.
L'ancienne Chartreuse, qui portait le vocable
de St-Honoré, fut détruite à la Révolution, et son
mobilier religieux, qui était très considérable, fut
dispersé avec les autres richesses de la commu-
nauté. Le magnifique retable dont il vient d'être
question, ne fut naturellement pas épargné. Ce-
pendant si la partie centrale, œuvre plastique
dorée — probablement seulement en partie, et
du reste polychromée, — est aujourd'hui perdue,
les panneaux peints ont été heureusement re-
trouvés à l'exception de celui représentant la
Résurrection.
Au surplus, les panneaux ont été sciés en
deux, de façon à en former des tableaux isolés
peints d'un côté seulement.
Ce sont ces peintures qui font l'objet de l'étude
pleine de recherches de M. Delignières. Il leur re-
connaît avec beaucoup de raison une origine fla-
mande. II en était de même sans aucun doute,
du retable sculpté et doré, dont ces panneaux
formaient les volets ; ceux-ci, achetés parM. l'abbé
Cauchy, curé de l'église du St-Sépulcre à Abbe-
ville, furent sauvés de la destruction qui les
menaçait.
D'après l'abbé Lefebvre, ce serait Philippe le
Bon, le célèbre duc de Bourgogne, qui, avec d'au-
tres dons qui sont énumérés, aurait aussi donné
les quatre tableaux de bois doré que l'on met sur le
grand autel.
Cette origine historique ajoute certainement à
l'intérêt qui s'attache à ces peintures et permet-
tra peut-être d'en découvrir l'auteur. En atten-
dant il y a plusieurs particularités assez bizarres
à noter et qu'il resterait à éclaircir. Comment les
religieux ont-ils pu commander à un atelier fla-
mand un retable sculpté, peint et doré, sans vo-
lets, ce qui est absolument en dehors des usages
du temps ? Ne semble-t-il pas probable que puis-
que le noble duc a donné les volets, avec d'autres
cadeaux faits à la Chartreuse de Thuison, il ait
aussi donné le retable ?
M. Delignières complique encore cette diffi-
culté, en émettant l'opinion que ces panneaux
n'auraient été peints que d'un côté, celui où sont
représentées les scènes historiques de l'Évangile.
Les figures isolées des quatre saints seraient d'une
autre main et d'une date postérieure.
Il ne semble guère admissible que la généro-
sité de Philippe le Bon se soit arrêtée à ne don-
ner que les volets du retable, et encore à ne faire
peindre ces volets que d'un côté.
Au surplus, les planches en phototypie qui ac-
compagnent l'étude de M. Delignières, si impar-
faites qu'elles soient, ne permettent pas d'assi-
gner une époque différente aux peintures des
faces et à celle des revers de ces panneaux. Tout
£©élange0.
39
ce que l'on pourrait concéder, ce serait qu'elles
sont de mains différentes. Il arrivait en effet que
le maître chargé d'exécuter les volets d'un reta-
ble, se réservait la face qui offrait le plus de dif-
ficultés, abandonnant les revers où il n'y avait
à peindre, que des figures isolées à ses élèves.
M. Delignières, après avoir décrit et fait l'his-
torique de ces peintures, cherche à en trouver
l'auteur et, à défaut de documents historiques, il
est obligé de baser ses recherches sur des analo-
gies de style et de facture avec les travaux de
maîtres connus. C'est là un terrain difficile sur
lequel l'auteur ne s'avance qu'avec réserve et
beaucoup d'hésitations. Enfin, il s'arrête au nom
de Roger Van der Weyden, autrement dit Roger
de la Pasture.
Il existe heureusement encore un certain nom-
bre de peintures de ce maître, bien connues et
souvent étudiées ; à juger des reproductions pho-
tographiques du mémoire sur les anciennes pein-
tures flamandes, celle-ci ne semblent guère offrir
d'analogie avec les œuvres de Roger Van der
Weyden. Au surplus, au point où nous en som-
mes, il vaut mieux se montrer sobre d'attribu-
tions lorsqu'on n'a pas des données précises
pour les formuler. Il est certain qu'à côté des
grands maîtres flamands dont les œuvres et les
noms sont connus, il a existé bon nombre de
peintres d'un véritable talent ; on retrouve par-
fois leurs travaux, mais il reste à en découvrir
les noms. Je pense que les peintures d'Abbeville
appartiennent à cette dernière catégorie ; en at-
tendant les recherches qui permettront peut-être
d'en découvrir l'auteur, il faut être reconnaissant
de celles que M. Delignières a entreprises pour
en faire l'historique et signaler leur existence
restée inconnue jusqu'à ce jour. J. H.
Hc Congres D'art public De Brtirelles
*~ — •■ et les ffîusees De l'Italie. ^—
AMAIS Congrès d'art n'a eu
un
programme plus vaste et plus hé-
rissé de difficultés que le Congrès de
Bruxelles de 1898.
L'art devait y être discuté au point de vue
social, esthétique, technique et législatif!
En d'autres termes le programme comportait :
Les méthodes d'enseignement de tous les arts
y compris la gymnastique.
Les musées et les expositions.
Les conférences.
Les sociétés d'art.
Les récompenses.
Les concours y compris le prix de Rome
belge.
Les publications illustrées.
Les enseignes, les affiches et la réclame.
Les quartiers nouveaux des villes.
La protection des œuvres d'art public et des
sites naturels.
Sur toutes ces questions, on devait, en cinq
jours, discuter les principes et les applications et
surtout définir l'action des pouvoirs publics.
La plupart des problèmes ont été résolus par
des vœux platoniques et d'autres ont été ajour-
nés à l'exposition de Paris de 1900; aucun n'a
été traité à fond.
Prenons par exemple l'intéressante question
des musées.
Le Congrès a émis des vœux en faveur de la
création de musées cantonaux, du placement
méthodique des objets «afin de faire des musées
de véritables établissements d'éducation popu-
laire )) et aussi de la gratuité des entrées.
Il semble que pour mettre le Congrès à même
de discuter en connaissance de cause, le promo-
teur de ces propositions aurait dû faire un exposé
des motifs dans lequel il aurait expliqué :
i° La nécessité de musées cantonaux et les
raisons de choisir pour circonscription de musée,
le canton qui jusqu'à présent n'a été qu'une
division judiciaire.
2° La composition du plus modeste de ces
musées en tant qu'œuvres originales, moulages et
reproductions et écrits sur l'art.
30 Les crédits de première installation et d'en-
tretien annuel, et les voies et moyens de pourvoir
à ces dépenses.
40 L'état actuel des musées dans les divers
pays de l'Europe, au point de vue de leur nombre,
du placement des objets et de la gratuité des
entrées.
Un tel rapport eût été très instructif; la ques-
tion des crédits surtout aurait eu un intérêt
4°
Bebue tjc r&rt cbvétten.
majeur, puisque de sa solution dépendait la créa-
tion des musées cantonaux; j'imagine que si elle
avait eu la priorité.le Congrès.effrayé par le nom-
bre de millions nécessaires, se serait empressé de
passer à un autre sujet.
Sur l'organisation actuelle des musées, je crois
que le promoteur de la question eût été bien in-
spiré en indiquant comment cette organisation
est comprise au moins en Italie, car de l'avis de
ceux qui jugent de visu et sans parti pris, aucun
pays d'Europe ne peut à cet égard rivaliser avec
l'Italie.
Je vais exposer la situation des musées italiens ;
c'est rester dans une certaine mesure dans le
cadre de la Revue de V Art chrétien, puisque le
fond de la plus grande partie de ces collections
ressortit à l'art chrétien.
I
L'ITALIE possède environ centquatre-vingt-
cinq musées d'art et d'archéologie; nous
sommes loin, on le voit, de ce que le Congrès a
rêvé pour elle, soit de 1780 musées, qui est le
nombre des tnandati, cantons.
Chaque année voit naître de nouveaux musées,
et on peut prévoir que bientôt il y en aura deux
cents.
C'est un fort beau chiffre, proportionnellement
beaucoup plus élevé qu'ailleurs.
Dans le nombre actuel l'État entre pour qua-
rante-cinq musées, le Saint-Siège pour deux, les
œuvres pies pour une dizaine, et les provinces
pour six. Les autres, au nombre de cent vingt-
cinq environ, sont des musées communaux ; dans
quelques cités ils portent des noms spéciaux
mais généralement ils sont désignés : pinacothè-
ques, musées, galeries civiques.
L'organisation administrative des musées de
l'État est à peu près la même qu'en France et en
Belgique, sauf la taxe d'entrée; quelques grands
musées communaux ou provinciaux sont dans
les mêmes conditions que les collections de l'État,
il n'y a donc pas à insister.
En revanche, il importe de faire connaître avec
quelques détails le système des musées civiques.
D'abord il ne faut pas se méprendre sur cette
désignation de civique, elle n'est nullement syno-
nyme de laïque; sauf dans les rares musées exclu-
sivement consacrés aux antiquités étrusques,
grecques et romaines, la grande majorité des
objets appartient à l'art chrétien.
Le musée civique, je parle toujours en général,
est habituellement installé dans un ancien édifice
de la commune, ou dans un couvent désaffecté,
décoré de fresques et pourvu de portiques ; il est
peu de cités italiennes qui ne possèdent de sem-
blables monuments; quelquefois la collection est
dans le palais servant encore aux services du
municipe. Ces cadres se prêtent à souhait aux
musées et ils ont en plus l'avantage de ne rien
coûter.
Les objets composant le musée sont de nature
et d'origine diverses.
Le municipe réunit tout ce qui lui appartient
en propre en fait de peintures, sculptures, inscrip-
tions, mobilier, écussons, bannières, tissus, céra-
mique, orfèvrerie, etc., en un mot, tout ce qui peut
avoir un intérêt d'art ou d'histoire.
Arrive-t-il dans la commune des suppressions
d'église ou de couvents, le municipe se met
en quête auprès des autorités compétentes pour
obtenir tout ou partie au moins des objets dis-
ponibles. C'est même de cette source que pro-
viennent, depuis les premières années du siècle,
les pièces les plus importantes.
Dès qu'un musée civique est fondé, il reçoit
des dons et des dépôts.
Les dons sont quelquefois de grande valeur, et
les dépôts proviennent de l'État, de particuliers,
d'églises et de couvents.
L'esprit municipal est très développé en Italie,
l'habitant est fier de sa localité et s'il dépose au
musée civique des objets d'art, c'est qu'il estime
qu'ils seront là non seulement bien soignés, mais
bien en vue et qu'ainsi, ils feront honneur à la
cité.
Il est évident qu'avec un pareil système, les
petits musées civiques ont beaucoup d'objets
secondaires, car ils acceptent tout sans y regar-
der de très près; mais aussi que d'oeuvres de pre-
mier ordre n'ont-ils pas recueillies! Je n'ai pas
visité tous les musées des villes de médiocre
importance, il s'en faut de beaucoup, mais dans
les collections que je connais, j'ai vu des œuvres
hors ligne qu'accepteraient avec empressement
les premiers musées de l'Europe.
2®élamt8.
41
L'essentiel donc est que le musée civique
existe ; il se développera plus ou moins vite selon
que la fortune le favorisera. L'Italie est en quel-
que sorte inépuisable tant elle a été féconde
durant cinq siècles; malgré les exportations, les
destructions et les grandes collections, il reste
des quantités d'objets de valeur dont beaucoup
sont peu connus et qui, en partie du moins, iront
aux musées civiques.
Les musées communaux de Rome, Pérouse,
Pise et d'autres cités importantes ont des conser-
vateurs et des gardiens, mais les frais de person-
nel et d'entretien sont couverts par la recette qui
donne même à la caisse municipale de notables
bénéfices.
Pour les petits Musées civiques, il n'y a pas
de personnel; c'est un employé du municipe qui
ouvre la porte aux visiteurs et c'est un amateur
bénévole qui se charge de la fonction de conser-
vateur. On remarque que presque partout les
objets sont munis d'un cartouche explicatif ;
au besoin on consulte l'inventaire dressé sous le
contrôle des fonctionnaires des Offices régionaux
des monuments nationaux.
Telle est à peu près la situation des musées en
Italie; je ne crois pas qu'il en existe de meilleure
en Europe et je ne crois pas non plus qu'on
puisse faire mieux.
J'estime qu'il y a là un exemple à suivre; au
lieu de caresser la chimère des musées canto-
naux, il eût été plus rationnel de montrer au
Congrès de Bruxelles le résultat pratique atteint
dans un pays fier de ses artistes et qui a conservé
le culte des arts.
Les musées civiques d'Italie ne coûtent rien
aux municipes ; les musées cantonaux exige-
raient des millions !
II
ON n'a pas attendu le Congrès pour formuler
la théorie que la meilleure disposition à
adopter dans les musées consiste dans le classe-
ment des objets par région de production et
dans chaque région par époques.
Mais de la théorie à la pratique il y a loin.
Lorsque le bâtiment a été construit avec intel-
ligence dans le but de servir de musée, ce qui est
l'exception, un semblable arrangement est à peu
près possible tout en présentant de sérieuses
difficultés. Le conservateur doit, en effet, consi-
dérer la dimension des toiles, l'éclairage qui leur
convient le mieux, la qualité de la peinture, le
renom du peintre, etc., etc.; tout cela n'est pas
toujours aisé à concilier avec le programme théo-
rique, d'autant plus encore qu'une salle de musée
doit être d'aspect attrayant.
Mais les musées construits exprès sont rares,
et généralement les collections sont conservées
dans des palais désaffectés.
On s'arrange alors pour le mieux, et aucun
musée d'Italie n'y a manqué.
Presque partout on trouve, lorsque le local le
permet, des salles spéciales pour les Toscans, les
Vénitiens, les Ombriens, les Bolonais, etc. A Flo-
rence, à la Galerie de l'Académie, 1 eminent direc-
teur des musées de l'État, M. E. Ridolphi, a pu
aller plus loin.
Sans enlever un tableau aux salles de Fra
Angelico, Perugin et Botticelli, ni aux Offices ni
à Pitti, il a disposé en trois salles consécutives
environ cent trente peintures des peintres toscans
du XIIIe au XVIIIe siècle.
Berlinghieri Bonaventura, né en 1235, com-
mence la série, et A. Veracini, mort en 1762, la
termine. Cette route de cinq siècles est jalonnée,
— je ne cite que quelques noms — par Cimabue,
Giotto, Lorenzetti, A. Gaddi, Spinello Aretino,
Angelico, Lorenzo Monaco, Gentile da Fabriano,
D. Ghirlandaio, Benozzo Gozzoli, Botticelli,
Fra Bartolomeo Albertinelli, Bronzino, Vasari,
Santi di Tito, Carlo Dolci, etc.
En une heure on passe en revue la peinture
toscane, on assiste à ses débuts, à son apogée et
à sa décadence ; c'est une leçon, mais pour en
saisir le sens, il faut déjà une certaine culture ou
être guidé. Le Congrès s'est fait illusion en pen-
sant que pour l'éducation populaire une simple
disposition méthodique des tableaux suffirait; le
peuple trouvera dans les musées les éléments
pour former son goût ou l'épurer, mais si on veut
l'instruire il faudra des explications; c'est ainsi
qu'on procède dans ces tournées d'étudiants
étrangers qui viennent en Italie sous la conduite
de leurs professeurs.
Le classement rationnel facilite l'éducation, il
est insuffisant pour la donner.
KKVUK UK L'AKT CHKëIIKN.
1899. lre LIVKAISON.
42
ïEetme tic F&rt chrétien»
m
SI les musées étaient suffisamment dotés pour
les acquisitions, la gratuité des entrées de-
vrait être de règle absolue, mais il n'en est pas
ainsi.
La question n'est pas là, répondent les parti-
sans de la gratuité : les musées sont des établis-
sements d'éducation populaire, le peuple, les
ouvriers, ceux qui ne sont pas favorisés par la
fortune, doivent y avoir libre accès; le musée
fait partie du domaine public, tous ont le droit
d'en jouir.
Ce raisonnement peut se faire dans tous les
pays, et tous les gouvernements ont souci d'in-
struire le peuple ; cependant la taxe est appliquée
à Londres et en Allemagne dans certains musées,
avec des jours gratuits bien entendu, et en Italie
dans tous les musées de l'État et dans les grands
musées communaux.
Si en Italie on s'est décidé à la taxe, c'est
qu'on a parfaitement compris que ceux qui vivent
de leur travail n'ont pas le temps de fréquenter
les musées en semaine et que le dimanche, jour
gratuit, leur suffit parfaitement.
Du reste des cartes de gratuité sont très géné-
reusement délivrées aux artistes, aux écrivains,
aux élèves des écoles, aux professeurs et spécia-
lement aux ouvriers et artisans des industries
ayant rapport avec les arts du dessin ; les étran-
gers qui ne sont pas nantis de titres, doivent
s'adresser à leurs consuls pour obtenir la gra-
tuité.
Les sous-officiers et soldats en uniforme ne
paient pas.
Les entrées gratuites, les jours payants, sont
d'environ cent mille par an.
La taxe est perçue dans les musées et divers
palais et anciens couvents qui, en fait, sont de
véritables musées ; elle est perçue également dans
des chapelles, et réfectoires désaffectés, et aux
portes de quelques ruines et excavations.
La recette totale annuelle est de 250,000 à
300,000 francs ; dans ce chiffre n'est pas com-
prise la taxe des musées pontificaux ni celle des
musées communaux.
Les sommes encaissées viennent en augmen-
tation du budget normal de chaque établissement,
mais elles ne peuvent être appliquées qu'à des
dépenses de matériel; très sage mesure qui em-
pêche la création d'emplois nouveaux.
La taxe n'a d'aucune façon diminué le nombre
des entrées. En 18S5, le Musée de Naples étant
gratuit a reçu 17,278 visiteurs, en 1867 la taxe
étant appliquée il en a reçu 49,489 dont 1,727
soldats et marins !
Certaines industries d'art sont très remarqua-
bles en Italie : la faïence, le fer battu, le bois
sculpté, la reliure, la verrerie, la mosaïque, l'or-
fèvrerie religieuse notamment, sont traités avec
goût et une grande intelligence des qualités ex-
pressives de la matière; depuis vingt-quatre ans
que la taxe a été appliquée dans toute l'étendue
du royaume, ces industries sont restées à leur
hauteur.
L'exemple de l'Italie prouve donc que les
entrées payantes ne causent de préjudices d'au-
cune espèce et pour ceux qui peuvent suivre de
près le mouvement des musées, il démontre que
la taxe a été un bienfait.
Grâce aux suppléments de crédits qu'elles pro-
curent, les Galeries italiennes peuvent faire des
acquisitions qu'elles n'auraient pu espérer avec
leur budget normal, et améliorer les installa-
tions.
L'art et le public y trouvent leur compte, on ne
peut le nier; je n'en suis pas moins convaincu que
le système des taxes ne fera aucun progrès à une
époque de sophismes comme la nôtre.
Gerspach.
Florence, 1S98.
CCne fausse sainte BLaOerjonoc.
I
N lit dans La Cathédrale, par M. Huys-
mans, 3e édit., pp. 247-248, cette des-
cription d'une des statues de reines,
sculptées au X I Ie siècle, qui flanquent
la grande porte de l'Occident, à Chartres :
«. Les plus admirables de ces statues, sont
celles des reines.
« La première, celle de la maritorne royale,
au ventre bombé, n'est qu'ordinaire
« La première, longue, étirée, tout en hauteur,
a le front cerné d'une couronne, un voile, des
cheveux plies de chaque côté d'une raie et tom-
Mélanges.
43
bant en nattes sur les épaules, le nez un peu re-
troussé, un tantinet populaire, la bouche prudente
et décidée, le menton ferme. La physionomie
n'est plus jeune. Le corps est enserré, rigide, sous
un grand manteau, aux larges manches, dans la
gaîne orfévrie d'une robe sous laquelle aucun des
indices de la femme ne parait. Elle est droite,
asexuée, plane; et sa taille file, ceinte d'une corde
à nœuds de franciscaine. Elle regarde, la tête un
peu baissée, attentive à l'on ne sait quoi, sans
voir. A-t-elle atteint le dénûment parfait de toute
chose? Vit-elle de la vie unitive au delà des
mondes, dans l'absence des temps? On peut l'ad-
mettre, si l'on remarque que, malgré ces insignes
royaux et le somptueux apparat de son costume,
elle conserve l'attitude recueillie et l'air austère
d'une moniale. Elle sent plus le cloître que la
Cour. L'on se demande alors qui la plaça en sen-
tinelle près de cette porte et pourquoi, fidèle à
une consigne qu'elle seule connaît, elle observe,
de son œil lointain, jours et nuits, la place, atten-
dant, immobile, quelqu'un qui depuis sept cents
ans ne vient point ?
« Elle semble une figure de l'Avent, qui
écoute, un peu penchée, sourdre de la terre les
dolentes exorations de l'homme ; un éternel
Rorate chante en elle; elle serait, dans ce cas,
une reine de l'Ancien-Testament, morte bien
avant la naissance du Messie qu'elle annonça
peut-être.
« Comme elle tient un livre, l'abbé Bulteau
insinue qu'elle pourrait être un portrait en pied
de Ste Radegonde. Mais il y a d'autres princesses
canonisées et qui tiennent, elles aussi, des livres;
cependant, l'attitude claustrale de cette reine, ses
traits émaciés, son œil perdu dans l'espace des
rêves intérieurs, s'appliqueraient assez justement
à la femme de Clotaire qui s'interna dans un
cloître.
« Mais elle serait en attente de quoi? de l'arri-
vée redoutée du roi voulant l'arracher de son
abbaye de Poitiers pour la replacer sur le trône?
En l'absence de tout renseignement, il n'est au-
cune de ces conjectures qui ne demeure vaine ('). »
De part et d'autre, l'attribution est donnée sous
forme dubitative et l'autorité des deux écrivains
I. Après tout, l'auteur n'y tient guère, car, page 323, il
l'appelle < la fausse Radegonde ».
n'est pas assez grande pour imposer pareille
« conjecture » à la science. Il faut donc prudem-
ment, jusqu'à plus ample information, s'en tenir
simplement à la désignation reçue. Jusqu'à pré-
sent, on n'y a vu, en effet, qu' « une reine de
l'Ancien-Testament », qui a annoncé le Messie et
peut être préfiguré Marie.
« Les uns, ajoute M. Huysmans, veulent y voir
les ancêtres du Messie, mais cette assertion ne
s'étançonne sur aucune preuve. » La preuve se
fait d'elle-même, car les reines accompagnent des
rois ; ainsi s'établit la généalogie du Sauveur,
figurée d'une autre façon par V Arbre de Jessé. Il
s'agit donc bien d'ancêtres, non des plus reculés,
mais de ceux qui ont illustré la race de Juda (»).
Un monument, quel qu'il soit, ne doit pas se
juger isolément. Pour l'interpréter sûrement, il
est indispensable de le rapprocher de ses simi-
laires et contemporains.Or.au Mans, à Bourges,
à Angers, au Marilais, les statues des rois et des
reines n'ont pas d'autre signification.
Quant au livre, il est l'emblème à la fois de la
prière et de la parole; la prière appelle le Messie,
la parole montre qu'on le désire et attend.
II
PUISQUE M. Huysmans, malgré sa propen-
sion au mysticisme, n'a pas compris le
sublime enseignement du thème iconographique
des portails romans, il ne sera pas hors de propos
d'en esquisser ici les grandes lignes, en attendant
que je dise toute ma pensée dans le Traité de
svuibolisi/ie que je prépare. Aussi bien, d'autres
que le brillant écrivain en profiteront, car je ne
sache pas que ce sujet ait été traité de la sorte.
Le portail admet deux étages qui se super-
posent directement : l'un, qui s'appuie sur le sol,
se réfère entièrement à l'humanité du Sauveur,
tandis que l'autre, qui s'élève pour ainsi dire dans
les airs, exalte sa divinité.
I. Alors, comment expliquer qu'une des statues ait été
appelée Ste Clotilde, ou même la reine de Saba? « Ste
Clotilde, hasarde l'abbé Bulteau Mais il a été reconnu
depuis que cette statue portraiturait la reine de Saba.
Sommes-nous donc en présence de cette souveraine ?
Pourquoi alors, quand elle n'est pas inscrite au livre de
vie, une auréole? Il est très probable qu'elle n'est ni la
femme de Clotaire ni l'amie de Salomon, cette étrange
princesse » (p. 249).
44
débite De V&xt cijrétten.
L'humanité est en bas, parce qu'elle est d'ordre
inférieur et que son but est de racheter, par les
voies humaines, la postérité d'Adam perdue par
le péché. Le Verbe fait homme se présente au
milieu de la porte, sur le trumeau; il indique de
suite qu'il est la porte par laquelle doivent entrer
les fidèles dans l'église, c'est-à-dire le bercail où
se réalisera l'unité et qui affirme la sûreté du
salut (')• Mais, pour montrer immédiatement d'où
il procède comme homme, il s'entoure de ses an-
cêtres, dont le plus noble fut David.
Ce n'est pas sans raison que cette porte s'ouvre
à l'Occident (2), car ce point cardinal représente
la chute et la mort, puisque là se couche le soleil
et qu'après lui viennent les ténèbres. L'avène-
ment du Christ met fin à l'ancien monde (3), qu'il
relève par sa grâce et sa doctrine : aussi, sur le
trumeau, est-il représenté bénissant et l'Evangile
en main.
Qu'on regarde au-dessus de cette scène ter-
restre et l'on verra immédiatement le même
Christ, mais glorifié, assis en majesté sur un trône
et prêt à juger l'humanité qu'il a rachetée. Là il
se montre en Dieu, avec sa cour, composée des
évangélistes qui l'ont fait connaître au monde,
des apôtres qu'il associe à l'acte final et qui en
conséquence sont assis (4),et des anges qui, dans
l'éternité, chantent ses louanges, ou, selon l'Apo-
calypse, sa sagesse, sa puissance et sa gloire (5).
Là encore la vraie place du Jugement dernier
était à l'occident, qui tue, comme disait le moyen
âge, en face de ce parvis où les morts dormaient
dans leurs tombes.
Or le lien qui unit ces deux scènes distinctes
nous est fourni par la liturgie elle-même, qui tant
i. « Ego sum ostium. Per me si quis introierit salvabi-
tur Et fiet unum ovile et unus pastor >) (S. Joan.,
X, 9, 16).
2. Si la porte est au midi, comme à la cathédrale du
Mans, on peut lui appliquer ce répons de l'office du mardi
de la première semaine d'Avent : « Ecce ab Austro venio,
ego Dominus Deus vester, visitare vos in pace. >
3. « Vergente mundi vespere », dit poétiquement la
liturgie.
4. « Cum sederit Filius hominis in sede majestatis stuc,
sedebitis et vos super sedes duodecim, judicantes duo-
decim tribus Israël » {S. Matth., xix, 28).
5. « Et omnesangeli stabant in circuitu throni, dicen-
tes : Amen, benedictio et claritas, et sapientia et gratiarum
actio, honor et virtus et fortitudo Deo nostro in -
saeculorum. Amen > {Apocal., vu, 12).
de fois fut l'unique inspiratrice des artistes (*).
Pendant l'Avent, on chantait une hymne du pape
S. Grégoire, que le Bréviaire Romain a con-
servée, après l'avoir dénaturée. La voici dans sa
saveur primitive (2) :
« Conditor aime siderum,
.Eterna lux credentium,
Christe, Redemptor omnium,
Exaudi pièces supplicum.
Qui condo'ens interitu
Mortis perire saeculum,
Salvasti mundum languidum,
Donans reis remedium.
Vergente mundi vespere,
Uti sponsus de thalamo
Egressus honestissimo,
Virginis matris clausula
Te deprecamur, agie,
Venture judex saeculi,
Conserva nos in tempore,
Hostis a telo perfidi. »
L'hymne des matines, présumée de S. Am-
broise, met en parallèle la naissance du Verbe et
le jugement. Elle aussi a été malheureusement
modifiée, il faut donc recourir au texte authen-
tique (3).
« Verbum supernum prodiens,
A Pâtre olim exiens,
Oui natus orbi subvenis
Cursu declivi temporis
Judexque cum post aderis,
Rimari facta pectoris,
Reddens vicem pro abditis,
Justisque regnum pro bonis 5>.
1. M. Huysmans a pleinement raison quand il écrit,
dans La Cathédrale, pp. 473, 4S3 : « J'ai abordé la symbo-
lique religieuse,.... qui divulgue par des images, par des
signes, ce que la liturgie exprime par des mots. Pour être
plus juste, il conviendrait plutôt de dire, de cette partie de
la liturgie qui s'occupe plus spécialement des prières, car
l'autre, qui a trait aux formes et aux ordonnances du culte,
appartient au symbolisme surtout, car c'est lui qui en est
l'âme; la vérité est que la démarcation des deux sciences
n'est pas toujours facile à tracer tant parfois elles se
greffent l'une sur l'autre, s'inspirent mutuellement, s'entre-
mêlent, finissent presque par se confondre. — Les vraies
exorations sont celles de la liturgie Elles sont com-
plètes et elles sont souveraines. »
2. Pimont, Les hymnes du Bréviaire Romain, t. II,
pp. 13-14. L'auteur inscrit en tête :« Auteur présumé,
S. Ambroise ■■.
3. l'imont, pp. 29-30.
Mélanges.
45
Aux laudes, toujours avec S. Ambroise, l'on
revient sur la même pensée, maltraitée par les
réformateurs (*).
« E sursum Agnus mittitur,
Laxare gratis debitum,
Omnes pro indulgentia,
Vocem demus cum lacrymis.
Secundo ut cum fulserit,
Mundumque hoiror cinxerit,
Non pro reatu puniat,
Sed nos pius tune protegat. »
D'après cet enseignement substantiel, l'anti-
thèse est des pius transparentes et il eût été
étonnant qu'en raison de l'insistance qu'y met le
liturgiste (2), elle n'eût pas pris corps sur la pierre
pour mieux la faire saisir aux fidèles qui venaient,
pendant l'Avent, se préparer par la prière à la
fête de Noël.
"L'Avent, liturgiquement, annonce l'avènement
du Messie. Mais ce premier avènement fait aussi-
tôt songer au second. Les deux sont alors mis eu
parallèle. La partie terrestre du portail manifeste
l'humanité du Christ, qui a pris une chair sem-
blable à la nôtre pour nous racheter; la zone
céleste nous transporte au séjour de la divinité,
de Celui qui a créé les astres et est X éternelle lu-
mière des croyants.
L'Avent, si l'on peut se permettre un jeu de
mots auquel le moyen âge ne répugnait pas, est
l'ouverture du cycle liturgique, comme le portail
ou avant de l'église introduit dans sa nef.
X. Barbier de Montault.
1. Pimont, 39-40.
2. On pourrait peut-être croiie qu il n'y a là que fan-
taisie du poète. L'office du premier dimanche de l'Avent
se charge de nous convaincre. Au second nocturne, la
4e leçon, tirée de S. Léon, débute ainsi : « Cum de adventu
Dei et de mundi fine ac temporum, discipulos suos Salva-
tor instrueret totamque Ecclesiam suam in Apostolis eru-
diret : Cavete, inquit, » et il continue à la 5e leçon :
« Ad cujus adventum omnem hominem prseparari i>.
Le répons qui suit est non moins explicite : <,< Salvato.
rem expectamus Dominum JesUM CHRISTUM, qui refor-
matait corpus humilitatis nostras, configuratum corpori
claritatis sua.'. Sobrie et juste et pievivamusin hoc seculo,
expectantes beatam speni et adventum glorire magni Dei.»
Le 9e répons parle dans le même sens : <i Ecce dies ve-
niunt, dicit Dominus, et suscitabo David germen justum ;
et regnabit Rex, et sapiens ei it, et faciet judicium et justi-
tiam in terra. »
— *©*-— K2H—
an essai liturgique.
SS AI est défini par Richelet : « Petite
portion de quelque chose qui sert à
juger du reste. Petit vase où on le
met. » Boistel est encore plus vague :
« Épreuve faite d'une chose. »
L'essai liturgique est un vase spécial, destiné,
à la messe pontificale, à goûter le vin et l'eau
dont on doit faire l'épreuve avant de le servir à
l'évêque.
Ces sortes de vases sont apparemment fort
rares, car je n'en ai point encore rencontré dans
les collections, et aucun archéologue, que je sache,
n'en a parlé. Il y a donc un intérêt majeur à faire
connaître celui sur lequel j'ai été consulté, peu de
temps avant sa mort, par Alfred Darce), directeur
du Musée de Cluny. Il en résultera peut-être, ce
que je souhaite vivement, d'autres découvertes
du même genre : après cette courte notice, on
pourra sûrement diagnostiquer la destination des
vases similaires que le hasard fera rencontrer.
« On a trouvé en terre, m'écrivait M. Darcel,
à Echallon (Ain), sur des terrains ayant dépendu
de l'ancienne abbaye de Nantua, de l'ordre de
S. Bruno, une petite tasse d'argent, de 0,081 de
diamètre, comme celles dont se servent les mar-
chands de vin. Au fond est insérée une médaille
de Clemens XI pont. opt. m., dont le revers est
un soleil excentrique à la médaille, avec cette
légende CVNCTIS CLEMENS. L'anse est for-
mée de deux têtes d'aigle (?) mordant une boule.
Enfin, on a gravé sous le bord, à l'extérieur, le
nom I. B. ROSEL, sur deux petites branches de
laurier. »
La pièce de monnaie du fond date l'objet, qui
remonte ainsi au pontificat de Clément XI Albani
(1700-1721). Ce n'est pas une médaille, car elle
ne figure pas dans le catalogue officiel des mé-
dailles de ce pape que j'ai publié {Œavr., t. III,
pp. 400-401). Je ne trouve pas la devise dans l'ar-
ticle d'Achille Monti : I motti sacn, morali ed
istorici, intagliati salle monete di alcuni papi
{Il Buonarotti, t. VIII, 1873). Il se pourrait donc
que cette pièce fût très rare : il conviendrait alors
de consulter le grand ouvrage de Cinagli sur les
monnaies des papes.
Sa présence n'indique pas nécessairement que
46
Betmc tir l'Srt cbvéttcn.
ce vase fût à l'usage du pape ; bien au contraire,
puisque le propriétaire est clairement désigné
par les têtes d'aigle et la boule, empruntées à ses
armes.
Rosel est le nom de l'orfèvre très probable-
ment ; peut-être aussi celui du premier possesseur,
comme je l'ai démontré à propos de YEcitelle à
vin de la famille Poitdret, à Poitiers.
L'usage ressort de la forme : ce vase n'est ni
une coupe baptismale, ni une coupe à boire,
mais un essai. Il a servi à un dignitaire ecclésias-
tique, évêque ou abbé ou prélat ayant droit aux
pontificaLK ; non un cardinal, puisqu'il n'est pas
doré, les cardinaux et les patriarches ayant seuls,
avec le pape, le privilège de l'or pour leur cha-
pelle, tandis que les prélats inférieurs ne peuvent
y employer que l'argent.
L'essai est prescrit par le Cérémonial des
/vécues : « Uiaconus parnm vini et aquae ex am-
pullis, quas ibidem acolythus tenet, in aliquem
cyathum infundit, ex quo sacrista illud bibit »
(lib. II, c. VIII, n. 62). Il se fait encore à la messe
pontificale du pape: je l'ai rétabli en 1859, à la
cathédrale d'Angers, mais je ne pense pas que
ce rite s'observe ailleurs en France actuellement.
Ce cyathus me paraît français d'après le nom
qui y est gravé. Il s'en suit qu'il a dû appartenir
à un prélat que seules ses armes permettraient
d'identifier et qui a dû avoir des relations per-
sonnelles avec le pape Clément XI, dont il a tenu
à conserver de cette façon le souvenir. Probable-
ment, c'est ce pape qui l'avait pourvu du poste
élevé qu'il occupait dans la hiérarchie.
Ce petit vase est d'une extrême rareté et, quoi-
que peu ancien, il mérite d'être soigneusement
conservé et publié, car il forme un document
pour l'histoire de la liturgie dans notre pays. Sa
vraie place serait, en conséquence, dans un mu-
sée public.
X. Barbier de Montault.
^ *& *&■*&*& ^ ■*& *fr ±Sk *#, *& *& :^j^^^^^^^^^^^^
— — — — — Italie.
Tiuin : (ïrpoaition De l'Hrt jSauc. — Brescia :
Dccoiitifttfo De fresques ; la croie lie dalla BlaciBia. —
Borne : ©on au .Saint Bère. — Florence : lies restes
De Gubtberti. — Ban ffiinfato Teocjsco et Iiaraguola :
■ — X)ccoutoertes De peintures.
URIN. — On sait que S. S. le pape
Léon XIII a institué un prix de
10,000 lires à l'Exposition de l'art
sacré de Turin ; la récompense était
destinée au meilleur tableau représentant La
Sainte Famille.
Le jury n'a pas décerné le prix, et le concours
reste ouvert pendant l'année 1899.
La somme de 10,000 lires est une prime atta-
chée à l'ouvrage, qui reste propriété de l'auteur.
Brescia. — Dans le Duomo Vecchio, aussi dé-
nommé La Rotonda, on a découvert une fresque
au-dessus de l'autel de la chapelle du Saint-
Sacrement. C'est une Flagellation traitée par un
peintre du XVe siècle, d'une façon assez peu cor-
recte comme dessin, mais avec énergie et mou-
vement.
L'ouvrage était caché par un tableau.
La Madone et l'Enfant ; sainte Marie Madeleine et saint Jean-Baptiste.
En 1893, M. Cicogna, directeur de la pinaco-
thèque Moretto à Brescia, et M. Da Ponte, un
érudit de cette cité, ont découvert des peintures
dans une chapelle de l'église dèl Carminé ; la
chapelle est située sur le pourtour extérieur de
l'église et ne communique directement ni avec le
temple, ni avec la rue, elle s'ouvre sur une cour
circulaire et servait de magasin. Ces circon-
48
Hetntc De Part chrétien.
stances peuvent expliquer comment les peintures
sont restées ignorées si longtemps; comme elles
n'ont jamais été reproduites et qu'aucun auteur
n'en a fait mention, nous en donnons la repro-
duction.
La paroi du fond montre la Résurrection et
au-dessous La Vierge sur un trône, saint Jean et
sainte Marie- Madeleine.
Sur le mur de droite : Noli me tangere.
Sur le mur de gauche : /' Apparition du Sau-
veur à sa Mère.
En avant à l'entrée: Deux saints.
La fresque est relativement en bon état et n'a
jamais été badigeonnée.
Dans le haut de la Résurrection, M. Cicogna a
trouvé la date de 1502, ou peut-être de 1503 en
très petits chiffres.
C'est le seul renseignement découvert jusqu'à
présent.
Il est visible que les fresques du fond ne sont
pas de la même main que celles des parois laté-
rales et que les deux saints sont d'un troisième
peintre.
Je n'ai trouvé à Rrescia ni dans les musées,
La Résurrection (Premières années du XVIe siècle). — Église del Carminé à Brescia. (Phot. Capitani à Brescia.)
ni dans les églises une peinture pouvant être
rapprochée des fresques de cette petite chapelle;
par leur style et leur date, elles ne sont certaine-
ment pas d'un peintre toscan ou ombrien.
Je ne les présente pas comme un ouvrage supé-
rieur, mais simplement comme une œuvre inté-
ressante que bien des pays autres que l'Italie,
seraient sans doute heureux de posséder.
Le Musée chrétien de Brescia conserve entre
autres objets de grand intérêt, la croix dite de
Galla Placidia ; selon la tradition le roi Didier
l'aurait donnée au VIIIe siècle au couvent de
San Salvador, où sa fille, la reine Ermengarde
s'était retirée après avoir été répudiée par Char-
lemagne.
C'est un très beau type de l'orfèvrerie reli-
gieuse du Ve siècle ; au point de vue des matières
elle n'est pas aussi précieuse que peut le faire
croire la reproduction que nous en donnons.
Elle n'est pas en or massif, mais en bois recou-
vert d'une feuille d'or; si elle est ornée en partie
de pierres précieuses et de camées, elle est trop
Correspondance,
49
Noli me tangere (Premières années du XIe siècle). — Église del Carminé à Brescia. (Phot. Capitani à Brescia.)
L'Apparition de Notre-Seigneur à la sainte Vierge (Premières années du XVIe siècle). — Église del Carminé à Brescia. (Phot. Capilani à Brescia.)
abondamment pourvue d'agates communes, de
verroteries en cabochons et en masques moulés,
mais ceci ne diminue nullement sa valeur comme
œuvre d'art.
Le médaillon que nous reproduisons à la gran-
deur réelle, donne les portraits de l'Impératrice
Galla Placidia, d'Honorius et de Valentinien III.
Le Christ en croix date du XVIe siècle et fut
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN,
iSgQ. — ire LIVRAISON.
5o
Urtnte t>e V&xt cbrétten.
placé lorsque la croix passa du couvent de San
Salvador à celui de Santa Giulia.
La croix mesure Vn26 de haut sur im de large.
Rome. — Les dames catholiques de l'Australie
ont constitué à Sydney un Comité dont la mission
est d'offrir un présent à S. S. le pape Léon XIII.
Le don consistera en une réduction en or mas-
sif, ornée de pierres précieuses, de la célèbre sta-
La croix de l'Impératrice Galla
Piacidia (Ve siècle).
Hauteur : i^ô, largeur : imoo.
(Musée chrétien de Brescia).
Phot Capitani à Brescia.
tue du Moïse de Michel-Ange; le poids de l'ou-
vrage sera de cinquante kilogrammes, ce qui
représente pour l'or seulement une valeur d'envi-
ron 160,000 francs.
L'intention est certes des plus louables, mais
l'entreprise nous paraît hasardeuse.
De nombreuses réductions de statues de Mi-
chel-Ange ont été tentées depuis la mort du
grand artiste ; les résultats ont été médiocres
alors même qu'ils ont été faits par d'habiles scul-
pteurs, dégagés de toute préoccupation com-
merciale. Déjà l'étonnant Moïse, placé presque
La croix de l'Impératrice Galla
Piacidia (Ve siècle).
(Musée chrétien de Brescia).
Phot. Capitani à Brescia.
de plain pied à S. Pietro in Vincoli, ne donne
pas l'impression que la statue aurait produite si
elle était vue de plus loin, comme cela devait
être dans le projet du tombeau de Jules II, la
violence et les détails se font trop sentir; une
réduction, si elle est fidèle, ne pourra que les ac-
centuer encore plus.
Florence. — Quelques journaux français ont
annoncé que M. Franceschini a retrouvé dans le
vieux cimetière de l'église Santa Croce la tombe
de Ghiberti.
C'est aller un peu vite.
Je connais et j'estime M. Franceschini ; de sa
profession il est libraire en vieux. Par goû t, il est
passionné pour Florence et a publié des travaux
très intéressants sur sa chère cité ; c'est à lui no-
tamment qu'on doit la découverte des restes de
Laurent le Magnifique dans la nouvelle sacristie
de Saint-Laurent.
CorresponDance.
51
Par tempérament M. Franceschini est ardent
polémiste; lorsqu'il a une idée, il ne la lâche pas
et la controverse ne fait qu'aiguiser sa verve.
Il ne faut pas lui donner plus qu'il ne réclame ;
dans la présente circonstance, il ne s'appuie que
sur des conjectures pour essayer de démontrer
que les restes de Ghiberti sont — non pas dans
le vieux cimetière de Santa Croce comme on l'a
dit — mais dans l'église même. Pour arriver à la
certitude il faudra mieux que des hypothèses.
M. Franceschini demande aussi qu'une memo-
ria soit consacrée à Ghiberti dans Santa Croce.
Portraits de l'impératrice Galla Placidia, d'Honorius et de
Valentinien III. (Médaillon de la croix de Galla Placidiaàla grandeur de
l'original.) Phot. Capitani à Brescia.
On sait que dans le temple il y a des tombeaux
réels, des monuments ou de simples plaques
commémoratives.
Certes Ghiberti (1378-1455) mérite au moins
une memoria dans ce panthéon ; c'est l'un des
sculpteurs toscans qui a le plus honoré l'art
chrétien. Sa célèbre porte du Baptistère, dite du
Paradis, attire tous les regards, mais à côté de
cet ouvrage, Ghiberti a fait la porte du Nord du
Baptistère, qu'on néglige un peu trop et qui ce-
pendant est au point de vue architectonique su-
périeure à celle du Paradis. Il a également pro-
duit trois statues à Or San Michèle ; son saint
Etienne, qui occupe la niche de XArte délia Lana,
est une œuvre absolument hors ligne comme di-
gnité de style; Florence, si riche en statues, en a
peu qui puissent rivaliser avec elle ; malgré ses
qualités exceptionnelles, le saint Etienne n'est
pas apprécié à sa valeur ; c'est là une de ces in-
justices trop fréquentes dans l'histoire de l'art.
San Miniato Tedesco (Toscane). — Dans l'é-
glise des Saints-Jacob et Lucie, nommée aussi de
Saint-Dominique, on vient de découvrir des fres-
ques de la fin du XIVe siècle. Elles représentent
la Naissance de la Vierge, la Présentation au
Temple. Y Annonciation, le Mariage ; l'auteur
est vraisemblablement un peintre florentin ; les
fresques sont assez bien conservées et d'une
bonne exécution sans être cependant de premier
ordre.
Lavagnola. — Cette petite localité, située près
de Savone, possède dans son église un tableau
à tempera qui peut donner lieu à d'intéressantes
discussions.
Il est divisé en cinq compartiments et montre
sur fond d'or : la Madone et l'Enfant, les saints
Pierre, Paul, Dalmazio, archimandrite, patron de
l'église, Michel archange ; toutes ces figures se
présentent en pied et de face. Dans la cuspide il
y a la Crucifixion, saint Jean Évangéliste et trois
apôtres et évêques
Au-dessous du compartiment central on lit :
AVE VIRGO MATER CHRISTI 1057.
A première vue le style du tableau ne concorde
pas avec la date, mais on fait remarquer à Savone
qu'au XIe siècle la peinture était relativement
avancée dans cette ville et dans d'autres locali-
tés de la Ligurie.
Voilà donc un nouveau problème à résoudre.
Si le tableau vient à être photographié, nous
ne manquerons pas d'en donner la reproduction.
Florence, décembre 1898. — On vient de découvrir
à Santa Croce des fresques du XIVe siècle ; nous
en parlerons dans la prochaine correspondance.
Rome, décembre 189S. — Une annonce d'une
rare audace a paru dans divers grands jour-
naux de l'Europe.
On a fait savoir que la collection de tableaux
d'un comte allemand allait être mise en vente.
La collection, d'après la réclame, comprend des
tableaux des maîtres allemands, hollandais, espa-
gnols, français et italiens.
Dans les italiens sont mentionnés : Fra Bar-
tolomeo, Raphaël, Corrège.Guide, Salvator Rosa,
Titien, G. del Piombo, Léonard de Vinci, etc.
Un bon nombre de ces tableaux proviennent des
galeries du Vatican et avaient été vendus au comte
52
3&ebue ïie r&rt cjjrétten*
par le pape Pie IX la veille de l'entrée des trou-
pes italiennes à Rome, dit littéralement l'individu
chargé de la vente.
Il est inutile de démentir une telle nouvelle,
mais il est nécessaire de la signaler.
Gerspach.
Hnglctcrre.
Bemarquaule mélange dan* la construction D'une
chaire. — Découverte de regteg romafn? à Eam»
mer?mitb(Iionûrc?).— lie c&ant grégorien .sur un
carillon. — Une Démission à .South Ben?ington
ffiu?cum. — Démolition D'une ancienne égli?e. —
« fiugin Démoûé » ! — Be?tauration D'une égli?c
normanDc au Bap£ De Galle?. — Une cathéûralc
temporaire pour Carnartion (fi. De Galle?). —
Dérouucrte De fresque?. — £ 2950 pour un erem=
plaire De la Bible ffiasarinc. — « Botibeau ?t"le
architectural pour égli?c? ». — ffiaûcmoi?clle exac-
te?, architecte. — Hgranûi??cment Du monastère
û'GrDington.— ffiort De .sir jStuart Knill. — lie?
Be?tauration?.
Kf.nton, près Dawlish (South Devonshire),
il existe une superbe chaire en bois de chêne,
de style ogival, composée en grande partie de
fragments très anciens récemment décou-
verts. La clôture du chœur sera traitée dans le même style.
Le Daily Mail du 29 nov. dernier a reproduit la chaire
dans ses illustrations. M. Herbert Read, de St-Side-
well's, Exeter, a exécuté la sculpture sur les plans de
l'architecte M. F. Bligh Bond, de Bristol.
*
* *
A Canterbury on vient d'installer, à la chapelle St-An-
dré, un carillon mécanique, sonnant aux quarts d'heure;
l'air est un ancien chant grégorien à 4 vers par strophe,
un vers se faisant entendre à chaque quart d'heure, le
chant est complet à l'heure.
*
* *
Le camp romain à Ribchester est plus riche en trésors
de l'époque que l'on ne supposait au prime abord ; on y
annonce maintenant une nouvelle trouvaille. Puisque nous
parlons d'antiquités romaines, signalons une belle décou-
verte à Hammersmith (Londres) près du Pont. Ce sont
des pavés très complets, d'une rare beauté. Signalons
aussi la découverte, à Cohvyn Bay, de monnaies romaines
,\ l'effigie de Constantin le-Grand, contenues dans un
vase. Dans un champ à Hayling Island, lez Portsmouth,
on a mis également des restes romains au jour.
*
* «■
Monsieur T. Armstrong, C. B., vient de donner sa dé-
mission de directeur au Département des Sciences et
Arts, et de conservateur des tableaux a South Kensington
Muséum.
Les journaux d'architecture anglais ont publié des
notices sur feu Puvis de Chavannes, le Builder étant,
comme toujours, le plus complet en ce qui concerne les
détails professionnels. Le Magasine 0/ Art a donné
le portrait du défunt.
***
La tempête de la fin d'octobre a endommagé les murs
du château de Sandgate, construit par Henri VIII, et
visité par la reine Elisabeth en 1573.
*
* #
On annonce la démolition, — et non la restauration, —
de l'ancienne église de Handforth, lez Chester. En revan-
che, on y construit une nouvelle, plus grande. Les maté-
riaux de l'ancienne église seront — vendus !
#
* *
« Pugin démodé 1>1\ Selon le Builder, oui, pour le
moment. La manie du « Style de la Reine Anne » est en
train de rendre les églises au dessin vraiment ecclésias-
tique démodées. Plusieurs projets passables d'ailleurs,
sont manques, soit dans la tour, la flèche, le portail, une
fenêtre, par la conception ou d'autres détails tout à fait
en désaccord avec le restant des édifices. Non content de
projeter des caricatures d'églises en ce qui concerne le
style, voilà que l'on en est arrivé à proposer sérieusement
des églises en fer forgé ! (Voir la proposition in extenso
dans une lettre imprimée dans le Building News du 2 dé-
cembre). Le Britisli Arcliitect, dans son n" du 4 décembre,
a publié des projets d'églises absolument hideux.
* #
Mademoiselle Charles, ayant passé ses trois examens
comme architecte, vient d'être admise par la Profession
comme architecte accompli. Nous nous demandons, avec
un célèbre auteur français : « Voyons, Messieurs, du pro-
<\ grès féminin !... qui changera les langes de bébé, ou
arrosera de son jus le poulet à la broche ? »
*
* #
Actuellement la somme de £ 27,500 est en caisse pour
la continuation de la nef a la cathédrale de Truro ; les
travaux seront entamés au commencement de 1S99. Les
tours attendront encore que de nouveaux fonds arrivent !
■*
* *
Les catholiques au pays de Galles (Nord), sont deve-
nus si nombreux, qu'il a été décidé de bâtir une cathé-
drale temporaire à Carnarvon, au coût de £ 10,000.
***
L'église d'East Aeklam, près de Malton (Vorks.), a été
fermée par suite de l'instabilité du pignon de la façade
principale qui menace ruine.
#
* #
Au cours de la restauration de la tour de l'église de
Feltwell, celle-ci s'effondra subitement pendant le repas
des ouvriers. Les cloches ont été dispersées de tous côtés.
CorresponDance,
53
Pendant les travaux de restauration à l'église de Stoke
Dry, du XI I Ie siècle, des fresques de grand intérêt ont été
découvertes, sur les murs N. et S. de la nef et celui de l'ex-
trémité du chœur : cette dernière a pour sujet le martyre
de S. André, patron de l'église. Les fresques sont d'un
style fort primitif.
*
* *
A la vente récente, à Londres, de la collection Makel-
lar, un exemplaire de la Bible Mazarine, imprimé en ca-
ractères mobiles, a été vendu £ 2,950 !
*
* *
A la nouvelle église St-André, à Paignton, on vient de
replacer les fonts baptismaux de l'ancienne église. Ces
fonts servaient dernièrement de grand pot à fleurs dans
un jardin de l'endroit, et étaient couverts de plâtre !
*
* *
Le monastère d'Erdington, construit en 187g, sur les
projets de M. le baron de Hemptinne, disent les journaux
d'architecture, vient d'être agrandi au coût de £ 7,000.
L'architecte, M. Haigh, de Leicester, serait responsable,
dit-on, de ces travaux d'agrandissement. La tour a 70 pieds
de haut ; le triptyque est de M. Bodley.
***
Nous déplorons ici la grande perte que nous venons
d'éprouver dans la personne de Sir Stuart Knill. Ses ser-
vices dans la cause de l'Art chrétien sont bien connus
de nos lecteurs. R. I. P.
*
* *
Un nouveau vitrail vient d'être placé à la cathédrale
St-Georges, Southwark (Londres), en commémoration
des fêtes d'Ebb's Fleet, lez Ramsgate, en 1S97. Ce vitrail
contient les portraits de LL. ÉÉ. les cardinaux Vaughan
et Perraud, de Mgr l'évêque Bourne, de l'abbé de Rams-
gate, et d'autres. M. Walters, l'architecte de l'église du
S. C. à Wimbledon, en est le dessinateur, et la maison
Hardman l'a exécuté. Un autre vitrail, don de feu Sir
Stuart Knill, sera placé sous peu.
*
* *
M. Charles Perceval Rowly, dans une lettre récem-
ment adressée au « Times'b contre les « embellissements»
de Rome, annonce € la démolition du Colysée » par le
< Municipio ». C'est assurément une erreur de sa part !
*
* #
Les Restaurations.
Église de Cogan (Glamorganshire, Pays de Galles) :
cette église a 50 pieds de long;elle est peut-être antérieure
à la période normande , la nef et le chœur sont séparés
par un mur épais percé d'un petit arc normand. Il y a aussi
une plate-forme près des fonts baptismaux, probablement
pour les chevaliers des environs. Dans le petit cimetière
de l'église, existe encore la base de l'ancienne croix,
mais de la croix elle-même, il ne reste plus rien. — Ors-
dall Hall, Manchester ; — Shorwell (Ile de Wight), nou-
veaux toits et clôtures par P.G. Stone,le savant antiquaire
qui fit les restaurations au château de Carisbrooke, et dé-
couvrit les fondations de l'ancienne abbaye de Quarr, lez
Ryde; - église Ste Mildred,Bread Street, City (Londres);
cette église remplace celle de l'an 1300 détruite au grand
incendie de 1666 ; son intérieur est le meilleur travail de
Wren que nous ayons, et date de 16S3 ; église de la
Sainte Trinité, Hull (York.), pour laquelle on a déjà
£ 3,000 en caisse, et le don d'une clôture qui coûte £1,500 ;
— Croix de village, Eckington (Worcestershire), dont la
tige est des XIIIe et XIVe siècles;— le toit et la voûte de
la cathédrale de Winchester, pour lesquels on demande
encore £ 9,500. Les travaux sont des plus urgents au bas-
côté Sud;— Clôture de chœuràlpplepin, du XVe siècle ;
— Église Normande des Saints-Hélène et Gilles, à Rain-
ham (Essex); — Chapelle St-Clément, à la cathédrale de
Chichester; cette chapelle était dernièrement divisée en
deux, la chapelle de St-Georges dans une moitié, et celle
de St-Clément dans l'autre. La nouvelle clôture a les
statues des saints Clément, Alphège et Anselme, dans
ses arcatures latérales. L'ancienne piscine et la petite ar-
moire (aumbry) resteront intactes.
John A. Randolph.
Londres, ce 12 décembre 1898.
Monsieur le directeur.
Je lis dans le dernier n° de la Revue de l'Art
chrétien, p. 508, une note signée X. B. de M., des
initiales faciles à déterminer, et relative à la boîte
d'ivoire sur laquelle j'ai publié un article dans la
même Revue, 1898, pp. 227-228. Je remercie l'au-
teurde cette noted'avoir signalé une inconcevable
omission de ma part. Depuis longtemps, en effet,
je considère les coffrets du Musée de Dijon comme
des boîtes à hosties, et je les ai données pour tel-
les, d'abord dans mon ouvrage : Dijon, monuments
et souvenirs, publié en 1894 et qui a obtenu de
l'Académie française le prix Thérouanne en
1895, ensuite dans un article publié dans le Ma-
gasin pittoresque, 1896, pp. 255-256. En vérité, il
m'est difficile de comprendre comment l'explica-
tion a pu demeurer au fond de mon encrier; et
dire que vous m'avez envoyé deux épreuves et
que la lacune ne m'a pas sauté aux yeux !
Quoiqu'il en soit, je suis porté plutôt à m'ap-
plaudir d'une étourderie à laquelle je dois d'avoir
obtenu pour mon explication l'approbation d'un
érudit tel que M. X. B. de M.
Veuillez agréer, etc.
Dijon, le 12 janvier I899.
Henri Ciiaiîeuf.
mm® TFrabauy bes JSoctctés savantes, s®*^
llWfWW^^^W^W^WWWWWWWWWf^
Société Nationale des Antiquaires de
France. — Séance du y novembre 1898. —
M. Corroyer fait une communication sur la cathé-
drale de Saint-Front de Périgueux.
M. Omont fait part à la Société des résultats
de la conférence internationale tenue récemment
à St-Gall (Suisse), pour étudier les moyens d'as-
surer la conservation des plus anciens et des plus
précieux manuscrits.
M. le commandant Mowat fait une communi-
cation sur un bas-relief représentant St-Julien-le-
Pauvre et sur une statue de Charlemagne con-
servée dans cette église.
M.Cagnat donne lecture d'une note de M. l'abbé
Morillot, curé de Sombernon, sur un autel votif
dédié aux déesses mères.
M. Michon signale une statue funéraire de
basse époque grecque, que l'on a prétendu à tort
avoir été découverte à Clichy.
Séance du 0 novembre. — M. le Dr Hascloff,
de Berlin, lit un mémoire sur les peintures du
Psautier dit de S. Louis, que possède M. Rustin,
de Coniston Pake (Angleterre), et compare l'or-
nementation de ce manuscrit avec celle de diffé-
rents volumes exécutés pour le roi S. Louis.
M. Babelon communique un moulage conservé
au Musée Britannique du grand médaillon d'or de
Justinien qui a disparu lors du vol fait en 1831
au Cabinet des Médailles.
M. Prou propose une nouvelle lecture de l'ins-
cription de la châsse dite de Mummole, conservée
à St-Benoît-sur-Loire.
M. Ém. Molinier communique un coffret en
ivoire sculpté, récemment acquis par le Musée
du Louvre et qui constitue un des plus beaux
spécimens de l'art arabe implanté en Espagne.
Il présente en même temps un magnifique oli-
phant en ivoire sculpté, du VIIIe ou IXe siècle.
M. Héron de Villefosse donne lecture de diffé-
rentes communications de MM. l'abbé Hamard,
Brassard, Dourif et le capitaine Espérandieu.
Séance du 23 novembre. — M. Omont fait une
communication sur le projet qu'avait eu Peiresc
en 1622 de faire graver et de publier les minia-
tures du célèbre manuscrit de la Genèse de
Cotton.
M. le Cte de Lasteyrie donne lecture d'une
note de M. de Romejoux sur deux statuettes
gallo-romaines découvertes à la Bresly près de
Villeron Vaucluse.
Séance du jo novembre. — M. E. Michon lit
un mémoire sur deux monuments conservés au
Musée de Montauban ; une statuette antique
d'Éros bandant l'arc, et un marbre, surmonté de
trois bustes barbus, avec l'inscription : DUS PR.
OPI. M. HERENNI VIVATIS.
M. Maurice fait une communication sur quel-
ques monnaies nouvelles de Constantin le Grand.
M. S. Berger commente quelques peintures du
Codor Rossanenois des évangiles qui viennent
d'être récemment publiés par M. le Dr Hascloff.
Séance du y décembre. — M. Edgar Mareuse
entretient la Société de l'enseigne en bois repré-
sentant le passage de la Seine par St-Julien, qui
n'a jamais été placée dans l'église de S. Julien-
le-Pauvre mais a toujours été placée sur la mai-
son qui portait le nom de l'image de S. Julien.
Cette enseigne est aujourd'hui au Musée Carna-
valet.
M. Ém. Molinier communique la photographie
d'un dessin artistement exécuté au début du
XVe siècle à l'occasion de la modification du
costume des chevaliers de l'Ordre de St-Michel.
M. l'abbé Thédenat donne lecture d'une note
de M. G. Saige tendant à restituer à Barre-des-
Cevennes la monnaie mérovingienneà la légende
BARRO CAITSO attribuée à Bar-Corrèze.
M. Babelon communique les moulages de deux
pierres gravées trouvées en France et récemment
acquises par le Cabinet des Médailles.
Séance du ij décembre. — M. Maurice commu-
nique quelques monnaies nouvelles de Constan-
tin le Grand conservées dans les Musées de
Londres et de Vienne.
M. Prou communique la reproduction de frag-
ments d'étoffes anciennes récemment découvertes
par M. l'abbé Chartraire dans le trésor de la
cathédrale de Sens. Sur ces fragments d'étoffes on
voit figurée une partie de la vie de Joseph avec
légendes grecques en lettres onciales.
M. Schlumberger insiste sur l'importance de
ces fragments dont il serait porte à reculer la date
jusqu'au VIP ou VIIIe siècle.
M. de la Tour présente quelques remarques au
sujet de la médaille du Christ récemment signa-
lée par M. Poyer d'Agen. Il rapproche cette
pièce d'un médaillon de facture analogue gravé à
Rome à la fin du XVe siècle par le milanais
Gio-Antonio Rossi. Ce devait être une sorte
de médaille d'identité portée par les Juifs con-
vertis.
Cratoaujr Des £>octété0 savantes.
55
M. S. Berger critique un mémoire de M. Léon
Germain sur la médaille de plomb découverte à
Ste-Livrade (Tarn-et-Garonne) et signalée dans
la séance du 13 juillet dernier. Cette médaille
n'est autre chose qu'un talisman ou une mé-
daille destinée à être distribuée à des Juifs
convertis.
M. Caron communique une série de pièces
inédites relatives à la construction des Tuileries
datées de 1563 à 1570 et restées jusqu'ici iné-
dites.
M. J.-J. Marquet de Vasselot communique les
photographies d'un coffret-reliquaire, conservé
dans le trésor de l'église abbatiale de Qued-
limbourg (Saxe prussienne) et qui est orné de
plaques en ivoire sculpté du Xe siècle.
Séance du 21 décembre. — M. l'abbé Thédenat
donne quelques renseignements sur les travaux
qu'on exécute en ce moment au Forum romain
et sur les découvertes faites dans les temples de
Vesta et de César.
Il donne ensuite lecture d'une note deM. l'abbé
Marchand relative à l'identification des poypes de
la Bresse avec les mottes féodales.
M. le Cte de Loisne lit un mémoire sur les
fouilles récemment entreprises par M. de Bayem-
ghem sur l'emplacement de l'ancienne cathé-
drale de Thérouanne.
M. l'abbé Bouillet donne lecture d'une note
sur un fragment d'un nouveau manuscrit des
miracles de sainte Foy conservé aux archives
départementales de l'Aveyron.
M. E. Michon lit un mémoire de M. l'abbé
Morillot relatif à une tête de Griffon provenant
de l'ancien temple païen de Malain (Côte d'Or).
M. Cagnat signale la découverte récente à la
pointe de la Cité, rue de la Colombe, d'une por-
tion de l'ancien mur romain de Paris.
M. Babelon communique le moulage d'une
pierre gravée récemment acquise par le Cabinet
des Médailles. C'est un moule en serpentine qui
parait devoir être rattaché aux pierres gnos-
tiques.
Académie des Inscriptions et Belles-Let-
tres. — Séance du 2c octobre i8ç8. — M. Ch.-E.
Bonin, à qui l'Académie a confié une mission
dans la haute Asie, adresse un rapport sur sa
visite aux temples d'Omei-Shan, la montagne
sainte des Thibetains et des Chinois bouddhistes.
M. Foucart lit une note sur une découverte
que la Société archéologique d'Athènes a faite à
Eleusis, dans une nécropole qui renfermait quatre
couches de tombeaux. La couche supérieure
semble dater du VIIe ou VIIIe siècle avant notre
ère ; mais dans la couche basse, beaucoup plus
ancienne, on a trouvé deux tombes contenant
des parures en porcelaine égyptienne, des scara-
bées à légendes hiéroglyphiques et, dans l'une
d'elles, une statue d'Isis.
M. Clermont-Ganneau fait une communication
sur « la ville royale chananéenne de Gézer »,
l'une des plus anciennes de la Palestine.
Séance du 4. novembre. — M. Héron de Ville-
fosse présente quelques observations au sujet
d'une inscription, sur un disque de bronze, qui
vient d'être découvert à Lyon, sur la colline de
Fourvière, non loin de l'emplacement présumé
de l'atelier monétaire.
M. Besnier, membre de l'École de Rome, fait
une communication sur les fouilles qu'il a exécu-
tées en Algérie aux frais de l'Académie dans le
camp romain de Lambèse.
M. Marcel Schwob lit un travail sur « le Grand
et le Petit Testament de Villon ».
Séance de 18 novembre. — M. Philippe Fabia,
professeur à l'Université de Lyon, lit un chapitre
intitulé « Le règne de Poppée » d'une étude qu'il
a faite sur la seconde femme de Néron.
M. Viollet lit une note sur la signification du
mot consul dans les textes du moyen âge.
M. Clermont-Ganneau commence l'explication
de divers fragments d'inscriptions grecques pro-
venant de la Palestine.
M. Hamy présente à l'Académie un ouvrage
intitulé C lave gênerai de leroglificos americanos
de don Ignacio Borunda, manuscrit inédit que
vient de publier, à Rome, le duc de Loubat.
Séance du 11 novembre. — M. Héron de Ville-
fosse communique une note de M. Pr.-P. Thiers,
relative au calendrier en bronze de Coligny (Ain).
M. Delisle fait une communication sur un
mémoire de M. de Manteyer, membre de l'école
française de Rome, relatif au manuscrit 540 du
fonds de la reine de Suède, au Vatican, qui con-
tient un martyrologe à l'usage de la cathédrale
de Toulon.
M. Viollet donne lecture d'un mémoire sur la
commune et les membres de la commune au
moyen âge.
M. Cagnat lit une nouvelle note du lieutenant
de vaisseau de Roquefeuille sur les sondages
qu'il a opérés dans la baie du Kram pour arriver
à la connaissance des ports antiques de Carthage.
M. Omont fait part à l'Académie des résultats
de la conférence internationale tenue récemment
à Saint-Gall (Suisse) pour examiner les causes
de destruction qui menacent les très anciens
56
3Rebuc tir P&rt chrétien.
manuscrits et étudier les moyens d'assurer leur
conservation. Le P. Ehrle, préfet de la Biblio-
thèque Vaticane, qui avait pris l'initiative de la
réunion de cette conférence, avait pu, grâce à
l'autorisation libérale du souverain pontife, mettre
sous les yeux des membres de la conférence des
spécimens des plus anciens et des plus précieux
manuscrits de la Vaticane restaurés par ses soins :
les deux Virgiles à peinture, le palimpseste du
De Republica de Cicéron, le Fronton, le Strabon,
le Suétone, etc.
Société des Lettres, Sciences et Arts de
Bar-le-Duc. — Séance dn 5 octobre i8gS. —
M. Léon Germain communique, accompagnées
d'une notice, deux photographies que lui a adres-
sées Mgr Enard, évêque de Cahors, membre de
la Société. Elles représentent un bras-reliquaire
conservé dans une paroisse de son diocèse et
renfermant une relique du roi saint Louis, auquel
l'église est dédiée. A défaut d'authentique, il y a
lieu de joindre à la tradition et à la possession,
l'examen ostéologique et l'étude archéologique.
Sur ce dernier point, le bras-reliquaire est un
objet très intéressant et artistique : le style qui
indique la fin du XIIIe siècle, le geste et la
richesse de la décoration où se remarquent un
grand nombre de fleurs de lis, paraissent réelle-
ment se référer au saint roi. M. Germain, espère
que ses confrères seront comme lui, reconnais-
sants à Mgr Enard de cette communication.
Congrès des Sociétés savantes à Toulouse
en 1899. — Le ministre de l'instruction publique
a désigné la ville de Toulouse comme devant
être le siège du prochain congrès des Sociétés
savantes, au mois d'avril 1899. Nous publions
ci-dessous parmi les sujets proposés aux érudits
ceux qui intéressent le plus nos lecteurs : le pro-
gramme comporte en outre toute une série de
questions relatives à l'histoire de Toulouse et du
Languedoc.
Archéologie du moyen âge. — Étudier et
décrire les poids des villes du Midi de la France
au moyen âge; rechercher ceux de ces monu-
ments qui ne seraient pas encore déposés dans
les musées.
Dresser la liste, avec plans et dessins à l'appui,
des édifices chrétiens et des monuments sculptés
d'une province ou d'un département réputés an-
térieurs à la période romane.
Étudier les caractères qui distinguent les di-
verses écoles d'architecture religieuse à l'époque
romane, en s'attachant à mettre en relief les élé-
ments constitutifs des monuments (plan, voûtes,
etc.).
Cette question, pour la traiter dans son ensemble, sup-
pose une connaissance générale des monuments de la
France, qui ne peut s'acquérir que par de longues études
et de nombreux voyages. Aussi n'est-ce point ainsi que
le Comité la comprend. Ce qu'il désire, c'est provoquer
des monographies embrassant une circonscription don-
née, par exemple un département, un diocèse, un arron-
dissement, et dans lesquelles on passerait en revue les
principaux monuments compris dans cette circonscrip-
tion, non pas en donnant une description détaillée de
chacun d'eux, mais en cherchant à dégager les éléments
caractéristiques qui les distinguent et qui leur donnent
un air de famille. Ainsi, on s'attacherait à reconnaître
quel est le plan le plus fréquemment adopté dans la ré-
gion ; de quelle façon la nef est habituellement couverte
(charpente apparente, voûte en berceau plein cintre ou
brisé, croisées d'ogives, coupoles) ; comment les bas-
côtés sont construits, s'ils sont ou non surmontés de tri-
bunes, s'il y a des fenêtres éclairant directement la nef,
ou si le jour n'entre dans l'église que par les fenêtres des
bas-côtés ; quelle est la forme et la position des clochers ;
quelle est la nature des matériaux employés ; enfin, s'il
y a un style d'ornementation particulier, si certains dé-
tails d'ornement sont employés d'une façon caractéristique
et constante, etc.
Rechercher, dans chaque département ou ar-
rondissement, les monuments de l'architecture
militaire en France aux diverses époques du
moyen âge. Signaler les documents historiques
qui peuvent servir à en déterminer la date. Ac-
compagner les communications de ce genre de
dessins et de plans.
Signaler, dans chaque région de la France, les
centres de fabrication de l'orfèvrerie pendant le
moyen âge. Indiquer les caractères et tout spé-
cialement les marques et poinçons qui permettent
d'en distinguer les produits.
Il existe encore dans un grand nombre d'églises, prin-
cipalement dans le Centre et le Midi, des reliquaires,
des croix et autres objets d'orfèvrerie qui n'ont pas encore
été étudiés convenablement, qui bien souvent même n'ont
jamais été signalés à l'attention des archéologues. Il con-
vient de rechercher ces objets, d'en dresser des listes
raisonnées, d'en retracer l'histoire, de découvrir où ils
ont été fabriqués, et, en les rapprochant les uns des autres,
de reconnaître les caractères propres aux différents cen-
tres de production artistique au moyen âge.
Recueillir des documents écrits ou figurés in-
téressant l'histoire du costume dans une région
déterminée.
Au moyen âge, il y avait dans beaucoup de provinces
des usages spéciaux qui influaient sur les modes. Ce sont
ces particularités locales qu'on n'a guère étudiées jus-
qu'ici. Il serait intéressant d'en rechercher la trace sur
les monuments.
Signaler les carrelages de terre vernissée, les
documents relatifs à leur fabrication et fournir
des calques des sujets représentés.
Cratoatu* &e0 Sociétés savantes,
57
Académie d'archéologie d'Anvers. — L'A-
cadémie royale de Belgique, dans sa séance de
décembre dernier, a entendu la lecture d'un
intéressant travail de M. E. Soil.de Tournai, sur
les faïences tournaisiennes.
L'auteur a décrit et étudié comparativement
les pièces les plus importantes qui ont récem-
ment figuré à l'exposition d'art ancien de
Tournai.
Passant en revue l'origine et les développe-
ments de cette industrie si artistique, il montre
Scorian,le premier faïencier tournaisien, ouvrant
un atelier dès 1670 et y faisant travailler des
ouvriers hollandais. Puis viennent les fabriques
fort connues des Simon, des Caluwé et des
Beghin, prédécesseurs de l'établissement si im-
portant de Carpentier qui florissait à la fin du
siècle passé.
Les produits de ces divers ateliers furent fort
abondants et adoptèrent les genres de décoration
les plus divers. Les fabriques de Tournai et leurs
succursales de Saint-Amand fournissent des pro-
duits d'un intérêt artistique indéniable et d'une
variété fort grande. On est tout étonné de devoir
restituer aux ateliers de Tournai des faïences
qui, à première vue, sembleraient appartenir à la
fabrication de Bruges, de Bruxelles, de Stras-
bourg ou de Rouen.
M. le docteur Bamps, de Hasselt, exhibe une
curieuse sonnette coulée, en 1574, pour Thomas
Grammey. Elle porte les armoiries de ce person-
nage et est ornée de divers motifs, représentant
des épisodes d'une chasse au chien courant, etc.
M. Bamps croit pouvoir affirmer que cet objet
est de fabrication allemande; il fournit de nom-
breux détails au sujet de la famille et de la
personne de Grammey, natif d'Anvers, mais
descendant d'une illustre famille italienne.
M. Donnet émet une opinion différente. Il
affirme, en procédant par comparaison, que
cette relique campanaire n'est pas allemande
mais bien malinoise, et qu'elle proviendrait de
l'atelier du célèbre fondeur Pierre Van den Gheyn.
Il démontre également que les renseignements
fournis sur Thomas Grammey sont inexacts et
inventés par les généalogistes complaisants du
XVIe siècle. Au début de sa carrière, en 1500,
l'auteur de cette famille était ouvrier à la mon-
naie d'Anvers et en même temps cabaretier à
l'enseigne de Lituhvonn, rue Haute.
Donnant quelques détails complémentaires au
sujet des sonnettes historiées du XVIe siècle,
dont les collectionneurs de France surtout se dis-
putent les exemplaires, M. Donnet prouve que le
fondeur dont les produits sont les plus recher-
chés, Joannes a Fine ou Van Eynde, n'était,
comme on l'a imprimé, ni Brugeois, ni Malinois,
mais bien Anversois, et qu'il était le fournisseur
attitré du Magistrat de la ville.
M. Blomme.de Termonde, exhibe ensuite un
fort intéressant poignard récemment trouvé dans
l'Escaut à Termonde. Le manche en cuivre, d'un
travail fort curieux, porte une inscription dont le
sens est incompréhensible et qui semble être
talismanique. Suivant l'orateur, ce serait un pro-
duit de l'industrie Scandinave du XVIIe siècle ;
d'autres membres, au contraire, croient pouvoir
attribuer à cette arme une origine plus ancienne
et la dater du XVe siècle.
KEVl E UE L AKT CHKElll-.N.
1899. — Ire LIVRAISON
*fc *afe. safe *&.<& *& *&. *& *& *& ^ *ft *&. *& *& ^ «&• •■*»• *g% »#, :;v£ *& gl -;&^£[£
ffWWW^fWWWWWWWWWWWWWf
LE PORTUGAL ET LE SAINT-SIEGE. LES
ÉPÉES D'HONNEUR ENVOYÉES PAR LES
PAPES AUX ROIS DE PORTUGAL AU XVIe
SIÈCLE. MÉMOIRE LU AU IVe CONGRÈS
SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL DES CA-
THOLIQUES A FRIBOURG, par le marquis Mac
Swinev de Mashanaglass, Chambellan intime de Sa
Sainteté. Paris, Alph. Picard et fils, éditeurs, 1898.
jj|g!^j|Éy?OS lecteurs connaissent le sujet de
| jflfjiSif^E la dissertation lue au IVe Congrès
| fvMflwii de Eribourg, par M. le marquis de
lp IpISjOII Masnanag'ass- Us savent, grâce à
ît'-is'w vy^Htè l'étude publiée dans cette Revue par
notre savant collaborateur, M. Eug. Miintz (*),
l'importance historique des épées d'honneur en-
voyées aux princes par les papes ; ils savent aussi
la haute distinction que, dans l'esprit des Souve-
rains-Pontifes, comme dans celui des souverains
qui les recevaient, conféraient ces insignes.
L'auteur du mémoire reprend le sujet traité
dans son ampleur et sa généralité par M. Mùntz,
pour en étudier les épisodes historiques relatifs
au Portugal, sa patrie. Le mémoire est écrit avec
élégance et un accent patriotique qui ne laisse
pas que d'intéresser le lecteur. Il s'aperçoit, en
effet, bientôt, que le marquis de Mashanaglass est
un catholique de vieille roche, sincèrement dévoué
à son pays, à la gloire de sa patrie, à l'Eglise
comme à la royauté qui est la plus haute expres-
sion de son pays.
C'est dans cet esprit qu'après avoir rapporté
avec de nombreux et d'intéressants détails, les
rapports religieux et politiques du Saint-Siège
avec le Portugal, et notamment ceux de Pie V
et de Grégoire XIII avec le roi Dom Sébastien, il
relate comment, par un bref daté du 10 sept. 1567,
le Saint-Père conféra au jeune et chevaleresque
prince, nouvellement monté sur le trône, le cha-
peau et l'épée.
C'est le cardinal Jean André Cagliari qui fut
chargé de porter au roi de Portugal les précieux
insignes; l'auteur donne, en rapportant le voyage
du nonce et son arrivée à destination, des détails
nombreux et précis tirés des archives papales sur
le cérémonial en usage pour la remise du cha-
peau et de l'épée au roi Sébastien. Ces renseigne-
ments historiques sont corroborés par la relation
faite par le cardinal de sa mission. Ils forment la
partie la plus neuve et la plus intéressante du
mémoire de M. le marquis de Mashanaglass.
J. H.
1. Revue de V Art chrétien , 1889, 3"'' série, t. VII, pp. 408-411, et
1890, 4"'0 série, t. I, p. 281.
FONDATION EUG. PIOT. MONUMENTS ET
MÉMOIRES, publiés par X Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres. In-40, 189S, t. IV. Paris, Leroux.
LA part faite au moyen âge dans le t. IV des
Monuments et Mémoires de la fondation
Piot est peut-être moins considérable que dans
les volumes précédents. Mais il faut reconnaître
que l'année 1897 avait été fertile en découvertes
antiques admirables et que, si dans le premier
fascicule deux chapitres étaient réservés aux
études médiévales, le buste d'Elché, l'aurige de
Delphes, les Mosaïques Virgiliennes de Sousse,
étaient de celles que leur actualité comme leur
importance, désignaient pour cette publication
dont l'intérêt est toujours égal, dont les notices
sont toujours impeccables, dont l'exécution est
toujours irréprochable. Nos études sont ici repré-
sentées par trois notices signées de noms bien
connus des travailleurs. Après M. Ém. Molinier,
qui décrit un phylactère du XIIIe siècle de la
collection de M. Martin Le Roy, à Paris, il ne
reste guère à glaner. Bien que le petit monument
ne soit pas inédit, il n'avait jamais été donné de
le voir représenté avec cette netteté, de lire avec
cette certitude l'inscription et le petit authen-
tique du XVIe siècle qui l'accompagne, d'en
pouvoir par conséquent préciser avec certitude
l'origine et la destination. L'origine ? L'inscrip-
tion en repoussé va nous la donner :
+ AN(n)0 ' D(omi)NI • M ■ CC • XLVII ■ I(n)FESTO ■
AP(osto)LOR(um) ■ PETRI ■ PAVLI ■ RENOVATA ■
E(st) ■ H(aec) ■ ROTA ■ ET ■ HEE ■ RELIQ(u)IE ■
I(n) • EA • RECONDITE • D(e) ■ VE 11 STE ■ D(omi)N I ■
ANDREEA (sic) ■ BARTHOLOMEI ■ THOME ■ SY-
MONIS • IVDE ■ STEPH(an)I ■ M(artyris) • AGNE-
TIS • MAVRICII • MARTINI + , Ceci est écrit sur
la tranche. Sur le revers :+ GORDIANI • EPIM 11
ACHI • CORBIN II IANI -DION II ISII ' PAN(cracii).—
+ PANTHALEOIINIS ■ M(artyris) ■ CASMSIANI,
E(t) Il AL(iorum) ■ SAN(ctorum).
Sur le petit authentique manuscrit on lit : Hoc
osctiluin renovatu(m) est stib Christoforo : Bon-
h(e)r: abbate huj'us mo |[ nasterii Marchtalli an-
(11)0 155S, ç Maii.
M. M. est persuadé que le « renovata est hœc
rota » bien qu'amphibologique, désigne une
réfection totale et pas une restauration : et ce-
pendant le petit authentique ne dit-il pas aussi
Hoc osculum renovatum est anno 155S ?
Nous sommes certain pourtant que la pièce
est du XIIIe siècle et n'a pas été refaite au XVIe:
il n'y a donc pas là un argument absolument con-
vaincant. Cependant je partage l'avis de M. M.
Bibliographie.
59
Mais si je date ce petit monument de la pre-
mière moitié du XIIIe siècle, c'est bien plutôt
parce que les reliques que nous y trouvons sont
de celles qui furent rapportées de Constantinoplc
par les Croisés et j'opinerais beaucoup plus
volontiers que le jour de la fête des SS. Pierre
et Paul de l'année 1247, ce reliquaire fut ré-
paré, pour y mettre les reliques suivantes :
DE VESTE DOMINI etc.. qu'un croisé venait
peut-être de donner à l'abbaye de Marchtal.
Mais ceci n'est qu'une discussion sur des mots:
le reliquaire est du commencement du XIIIe'
siècle ; peut-être seulement la face avec ses fili-
granes, et le cercle qui borde le revers, sont-
ils de quelques années plus anciens que l'inscrip-
tion, qui serait la partie de la « rota renovata».
C'est le seul point qui est discutable. Quant à
Vosculum, M. M. ne se trompe pas en le traduisant
par paix. Dans la liturgie actuelle, si les membres
du clergé ont conservé pour eux dans les céré-
monies de la messe l'usage des baisers liturgi-
ques, pour le peuple, c'est la patène portant l'a-
gneau, qui sert de paix ; il est donc très proba-
ble que ce petit reliquaire portatif, rempli de
reliques précieuses, était devenu l'instrument de
paix de l'abbaye de Marchtal, au diocèse de
Constance.
M. Eug. Mlintz, avec son habituelle précision
et sa science critique si fine, décrit le tombeau
de Jean Cossa, comte de Troja, qu'il a visité dans
la crypte de Sainte-Marthe de Tarascon. Au pas-
sage, il signale dans l'église un triptyque à fond
d'or, daté de 1 5 1 5, une Adoration des Mages, un
Miracle de sainte Marthe.
En quelques lignes il trace la biographie de
Jean Cossa, « la plus belle acquisition que le roi
René ait faite en Italie ». Il cite d'abord les points
de contact qui ont existé entre Cossa et le sculp-
teur Laurana. Tous deux ont quitté Naples pour
s'attacher au roi René, tous deux ont vécu côte
à côte en Provence, Laurana enfin a fait en 1466
une médaille de Jean Cossa. Il détaille alors le
mausolée de Charles du Maine à la cathédrale du
Mans, le retable de Saint-Didier à Avignon, le
monument de Saint-Lazare à Marseille,et il en fait
le rapprochement le plus précis de sévérité, de
sobriété, de correction, d'élégance avec l'œuvre
de Laurana. Mais il s'arrête au soubassement et
à la statue même ; car dans les génies, dans les
pilastres, par des aperçus auxquels le maître
nous a habitués, il distingue une autre main, une
collaboration qu'il n'hésite pas à attribuer à To-
maso Malvito.
Enfin M. Eug. M. n'abandonne pas Tarascon,
sans chercher d'autres traces de Laurana. Il les
aperçoit dans une fenêtre de la prison départe-
mentale. L'épigraphiste, l'historien, reprennent
là leurs droits : et c'est sur les itinéraires du roi
René, sur la forme des lettres qu'il discute autant
que sur le faire même du monument. Ses argu-
ments, comme d'ailleurs toutes les fois qu'il ap-
profondit une question, sont de la plus haute va-
leur, et la conviction qu'il s'est formée surplace,
nous pénètre, à la lecture de son étude.
L'entrée dans la collection Camondo d'un
masque d'homme, en cuivre repoussé et doré,
Buste de Ste Fortunade.
(Bois communique par la Gazette des BeauX'Arts.)
est pour M. J.-J. Marquet de Vasselot l'occasion
de nous présenter un masque de femme, aujour-
d'hui au Musée d'Angers, qui, avec le masque
d'homme fit naguère partie de la collection Mor-
dret d'Angers, dispersée en 18S1. Ce sont là
deux pièces bien curieuses. Sur leur « provenance
de l'abbaye de Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-
Loire) », ainsi que le voulaient faire croire les
étiquettes, âgées de plus d'un demi-siècle, collées
à l'intérieur, nous ne saurions, après l'enquête de
M. de V., conserver aucune illusion. L'érudit au-
6o
Hetme tic r&vr chrétien.
teur n'a rien trouvé dans les archives de Saint-
Florent qui pût le mettre sur la trace des masques
funéraires, dont réellement l'importance n'aurait
pas échappé aux chroniqueurs du temps passé.
Mais si nous avons quelques regrets de ne
pouvoir pénétrer leurs origines, nous éprouvons
devant ces figures hiératiques, une impression
très particulière. Je ne saurais en effet, comme
M. de V., trouver l'exécution du masque de
femme très faible, pas plus d'ailleurs que celle
des figures des deux chefs-reliquaires inédits, de
Saint- Martin de Brives, et de la collection Des-
mottes. En vérité, ce n'est pas le chef si exquis
de sainte Fortunade, mais n'ont-ils pas cette sa-
veur de terroir très spéciale qu'on goûte avec
plus de plaisir encore, quand on a vu à l'étran-
ger, à Turin par exemple, proposer à notre ad-
miration les trois tristes bustes-reliquaires, —
tristes est bien l'adjectif qui leur convient — de
Santa Corona, de Santa Appollonia, de San
Vittore, exécutés en 1398 et appartenant aujour-
d'hui à l'église de Saint- François de Padoue ?
Décidément nos vieux maîtres provinciaux ne
sont pas à dédaigner. Rien ne vaut pour nous
les faire admirer comme une pointe à l'étranger
et une étude comme celle que je viens d'analyser
rapidement. DE MÉ[ y
LE MONT SAINT-MICHEL, par l'abbé A. BoUIL-
let, 24 planches en héliogravure et 79 gravures dans
le texte d'après les photographies de Henri Magron,
Lemale et C'e, imprimeurs-éditeurs au Havre.
ON remplirait aisément une bibliothèque avec
les livres écrits sur le célèbre Mont des Mar-
ches Normandes (•): les archéologues, les artistes,
Abbaye du Mont Samt-Michel. - Salle des Chevaliers.
1. V. Revue de l'Art chrétien, années 1883, p. 441 ; 1886, p. 536 ; 1887, p. 247 ; 1889, pp. 12S el 141.
Bibliographie.
61
les savants, les historiens, les touristes trouvent
aisément de nombreux ouvrages écrits à leurs
divers points de vue. L'un des meilleurs est sans
conteste celui de M. Corroyer, le savant archi-
tecte restaurateur du Mont St-Michel : aucun
auteur n'était mieux à même d'en faire une mono-
graphie archéologique : elle est complète sous
le double rapport du texte et des plans.
Abbaye du Mont Saint-Michel. — Grotte de l'Aquilon.
D'autres écrivains ont préféré le côté pitto-
resque ou historique du monument ; tel notre ami,
M. Ernest Goethals, dont la plume élégante a
tracé du Mont merveilleux un tableau plein de
charme et de poésie.
Mais à toutes ces publications manquait l'union
62
Hetme t>e l'ftrt cfjrétten.
de l'illustration et du texte, nous entendons par-
ler de l'illustration sérieuse, consciencieusement
faite, jointe à une description complète.
Le livre que nous présentons à nos lecteurs
réunit toutes ces qualités au plus haut degré ; il
fait partie du vaste ouvrage que MM. Lemale et
u
I
Cie, éditeurs au Havre, ont entrepris à la gloire
de leur province : La Normandie pittoresque et
monumentale.
L'auteur de la monographie du Mont-St-
Michel appartient au clergé de France; M. l'abbé
Bouillet réunit les qualités de l'écrivain, du pen-
Bibliographie.
63
seur, de l'historien, de l'archéologue. Son style
est sobre et élégant: sa pensée est nette et pré-
cise; puisant aux meilleures sources, il coordonne
les travaux de ses devanciers, il les complète et
trace de haute main un tableau excellent du
Mont Michaelesque.
Nous comprenons son enthousiasme et nous
le partageons : en feuilletant ce beau livre, nous
avons revécu les journées délicieuses passées sur
la grève, dans la pittoresque rue, sur les remparts,
dans la Merveille, à l'église, au cloître, d'où l'on
jouit d'un panorama admirable sur la Bretagne,
64
3&ct>uc tic rart chrétien.
le Mont-Dol, la pointe de Cancale et la mer.
L'Histoire du Mont St-Michel n'est-elle pas
l'histoire de la France, légendaire dans ses ori-
gines, chrétienne dans les premiers temps de son
histoire, chevateresque à l'âge d'or de la foi et de
l'art, vacillante bientôt sous l'influence du despo-
tisme et de la richesse, étendue à terre, brisée,
anéantie par la tourmente révolutionnaire? Les
moines firent la France chrétienne : ce furent eux
qui, à force de travail, de science, de génie artis-
tique, lancèrent vers les deux cette église aé-
rienne et cette admirable construction, justement
appelée la Merveille, dans laquelle l'élégance des
formes, la finesse et la délicatesse des sculptures
ne le cèdent en rien ni à la beauté solennelle de
la ligne architecturale, ni à la hardiesse de con-
struction.5'imagine-t-on les difficultés pour élever
un monument de granit de 70 mètres de hauteur
sur le flanc escarpé, presque à pic, d'un rocher
isolé au milieu d'une grève mouvante? Vraiment
l'esprit reste confondu devant un pareil poème de
pierre !
Et que de difficultés de tous genres au cours
de ces dix siècles! la guerre, l'incendie viennent
tour à tour arrêter ou détruire l'œuvre commen-
cée : de là ces constructions enchevêtrées, souve-
nirs du XIe au XI IIe siècle, qui soulèvent encore
de nombreux problèmes malgré les savantes
recherches de M. Corroyer.
Mais de toutes ces constructions, de ces murs
hardis, de ces fortifications, de ces tours et tou-
relles, de ces pinacles, de ces dentelles de pierre,
se dégage une expression d'art puissant qui force
l'admiration : on sent, on tâte le génie d'une
grande époque. Oh ! qu'ils devaient être beaux
ces cloîtres aériens, ce temple majestueux, cette
Salle des chevaliers, ce Réfectoire des hôtes, le
Promenoir lorsque les moines les peuplaient, y
jetaient la vie et répandaient dans cette grande
ruche, le bourdonnement de la prière et l'activité
du travail !
Mais le livre de M. l'abbé Bouillet serait in-
complet, malgré le luxe d'impression de cet in-
folio, s'il n'était illustré avec un soin et un talent
parfaits. Les clichés de M. Magron sont excellents
au double point de vuede la technique et de l'art ;
leurs reproductions ne laissent rien à désirer, au
moins pour les héliogravures : il n'en est pas de
meilleures ; les zincogravures dans le texte sont
généralement très bonnes : trois ou quatre à
peine mériteraient une réserve.
L'absence d'une carte et d'un plan général est
à regretter : mais cette légère critique n'enlève
lien aux éloges très grands que mérite cet ou-
vrage. Nous adressons nos plus sincères félicita-
tions à M. l'abbé Bouillet, à M. Magron et aux
éditeurs, M. M. Lemale et Cie : leur travail mérite
de prendre place dans la bibliothèque de tous les
amateurs : c'est le succès que nous lui souhai-
tons.
Jos. Casier.
NOELS DU BAS-LIMOUSIN, recueillis par Er-
nest Rupin. Musique de Frédéric Noulet (dans le
Bulletin de la Société archéologique de la Correze, Brive,
1S9S, t. XX, pp. 21-147).
LES recueils de Noëls sont nombreux, toutes
nos provinces ont le leur. Il manquait à la
collection ceux du Bas-Limousin, autrement dit
de la Corrèze, que le président de la Société ar-
chéologique de ce département vient de publier,
au nombrede trente-deux, en les accompagnant de
la traduction française, car ils sont composés en
patois, et de la musique. Je pense que l'auteur
en aura fait un tirage à part ou s'empressera d'en
donner au public une édition définitive ; elle ga-
gnerait même beaucoup à être illustrée avec les
monuments contemporains, car ces Noëls ne re-
montent guère au delà des deux derniers siècles.
Il y a des traits que nous ne devons pas lais-
ser échapper. Le 3e Noël dit, en parlant de l'An-
nonciation :
<{ L'ange Gabriel prit la volée,
Vive Jésus !
A Nazareth il alla.
Alléluia!
Il trouva la porte fermée,
Vive Jésus !
Par la fenêtre il entra.
Alléluia.
Il trouva la Vierge en prière.
Vive Jésus !
A la Santa Casa de Lorette, on montre la
fenêtre par laquelle entra le messager céleste.
L'iconographie, depuis le XVe siècle, représente
Marie en prière.
Le 19e Noël débute ainsi :
« Cette nuit JÉSUS est né pour nous sauver.
« Une Vierge l'a produit vers les minuit» ;
et on lit dans le 23e : « Il me semble que j'ai en-
tendu un ange qui chantait. Il chantait cette
nuit, environ vers minuit, que la Vierge enfantait.»
C'est la tradition de l'Église, qui a institué pour
cela, à Noël, la messe de minuit et qui chante, dans
l'introït de la messe du dimanche dans l'octave
de Noël : « Dum médium silentium tenerent
omnia et nox in suo cursu médium iter haberet.»
S. Joseph éclairait les ténèbres de la nuit avec
sa petite lampe à huile à un bic, dite chaleil ou
Btbltograplne.
65
chareil : « Nous vîmes l'enfant adorable que
l'ange avait annoncé. Sa mère, qui était près de
lui, à ce moment-là le changeait de linges ; le bon
Joseph lui aidait et tenait la petite lampe à queue
(tsolel) » (5e Noël). Aussi <i Tony disait : Pour
moi, je fournirai l'huile, pour l'éclairer, le voir
mailloter » (22e Noël).
X. B. DE M.
GALENDARIO D'ORO. ANNUARIO NOBI-
LIARE, DIPLOMATICO, ARALDIGO, par le
chev. Contigliozzi. Rome, 1S98, in-8° de 431 pp.,
avec de nombreux blasons et portraits.
La noblesse italienne y est inscrite par ordre
alphabétique : on y donne les armes et la généa-
logie des principales familles. Quelques articles
de fond précèdent : il importe de les signaler.
\. Ordini equestri (pp. 37-42). Ce sont ceux con-
férés par le roi d'Italie, le pape, la république de
St-Marin et le grand'maître de Malte.
2. Padiglione. Dell' Ordine siiprewo délia SS.
Annunziala e del sno Fert (pp. 92-107).
3. Bouton, La Maison de Savoie (pp. 107-m).
4. Presterà, Sulla nobiltà generosa di Stilo (pp.
III-U3)-
5. X. Barbier de Montault, Les armoiries de
l'école Si-Paul, à Angoulème (pp. 11 3- 114).
6. Guelfi, Le armi del Cornu ne di Firenzc (pp.
114- 116).
7. Gourdon de Genouillac, Des locutions vicieu-
ses en héraldique (pp. 1 16-1 18).
8. Presterà, Sull' origine délie armi délia Cala-
bria (pp. 11 8- 11 9).
9. X. Barbier de Montault, Le sceau du prieuré
de Notre-Dame de Bonrepos (pp. 1 19-120).
Ce beau et intéressant volume, comme ses
aînés, a été publié, au nom de l'Institut héraldi-
que d'Italie, par le chevalier Contigliozzi, qui a
apporté tous ses soins à sa composition et à son
illustration. Nous le félicitons du succès obtenu,
qui va toujours croissant d'année en année.
X. B. DE M.
ANNUAIRE DU CONSEIL HÉRALDIQUE
DE FRANCE, par le vicomte De Poli, 11e année.
Paris, 1898, in-12 de 467 pages.
Voici le relevé des principaux articles :
De Poli, Les Héros de Péronne (1536). — Cou-
ret, Réception chevalei-esque en 1J4J-. — Bouly de
Lesdain, Les armoiries des femmes d'après les
sceaux. — Tamizey de Larroque, Un petit épisode
de l'histoire de la famille de Casenove. — Pellot,
Inventaire des titres de la maison de la Grange.
— Guignard de Butteville, Blois et son état civil.
— Le Court, La famille Le Cornu et ses alliances
avec la famille de Jeanne d'A rc. — De Poli, Croisés
de France. — De Poli, Famille de Cirano. — Gé-
raud de Niort, Jurisprudence nobiliaire. — Lau-
rent, Notes d'État civil. — Bibliographie.
L Annuaire, grâce à l'habile direction de M. le
vicomte Oscar de Poli, se maintient toujours à
son même niveau et intéresse à la fois par l'éru-
dition et la variété des sujets traités.
X. B. DE M.
LA MAISON DU GRAND S. BERNARD ET
SES TRÈS RÉVÉRENDS PRÉVÔTS, par le ch.
E. P. Duc. Aoste, 1898, in-8° de 318 pages.
Cet ouvrage, qui dénote des recherches consi-
dérables, est le premier qui paraisse sur cet im-
portant sujet. Si les archives ont fourni des
documents nombreux pour la biographie des
dignitaires, elles ont aussi l'avantage, à propos
d'inventaires, de visites et de chapitres, d'intéres-
ser les archéologues et les canonistes. Je me
bornerai à quelques citations, relatives à l'art et
à la liturgie.
Un inventaire de 1419 (page 70) révèle les
noms de deux calligraphes,qui ont écrit, l'un un
antiphonaire et l'autre un graduel : « Unum
librum antyphonarium scriptum per DnmJohan-
nem de Clusis.canonicum Montis Jovis. — Unum
librum graduale, scriptum per Dnm Aymonem
Fornerij. » Le premier était un chanoine régulier,
résidant au Mont Joux ; le second probablement
un laïque, puisqu'il n'est pas qualifié.
En 1489, un franciscain, frère Guillaume Grie-
rez, peignit le plafond ou lambris de l'église :
« Item, fuit ordinatum super factis solanis (!) per
fratrem Guillelmum Grierez, ordinis sancti Fran-
cisci, quod ipse frater Guillermus debeat perfinire
et reborsare (2) solanum dicte ecclesie et illud
dipingere in quo fuit inceptum et depictum. Et
pro his fiendis et jam factis, ipse Dns Ludovicus
Parisij, olim sacrista Montis Jovis, teneatur sibi
dare septem florenos parvi ponderis » (p. 87).
En 1610, le prévôt, « Révérend Messire André
Tillier », fit don « à ceste esglise de trois chappes
de damasc rouge cramoisi, avec les montres et
ornements de broderie en toile d'or » (p. 1 12).
Ailleurs, p. m, le mot chape se dit en latin
pluviale. En 1665, le prévôt Antoine Berthod
avait donné « une chappe à fleurage, en toile
d'or». La toile d'or correspond à notre drap d'or.
1. Du Cange n'a pas solanum avec cette acception, mais seulement
solarium, qu'il définit « domus contignatio ».
2. Ce mot n'est pas sous cette forme dans Du Cange, qui donne
l'équivalent dans rebolare, « denuo obturare quod aperium est aut
fissum iterum obruere ».
REVUE DE L ART CHRÉTIEN.
1899. — Ire LIVRAISON.
66
Bebuc ïie P^rt chrétien.
Le fleurage est un semis de fleurettes: «Une
chasuble de damas rouge à fleurage blanc. » On
distingue la fleur, le fleuron qui est plus gros et
\e fie u rage, qui est un diminutif: « Une chasuble...
avec ses passements d'or et sa croisade de coleur
d'isabelle à fleur rouge. » — « Un voile de calice,
de satin blanc, à fleurons rouges et verds, ayant
dentelles d'argent autour. »
Le mot montre est nouveau pour nous ; il si-
gnifie l'orfroi qui, étant d'une étoffe plus riche,
puisqu'elle est en toile d'or sur damas rouge, fait
montre, c'est-à-dire produit plus d'effet.
Puisque nous sommes dans le pays où il se
fabrique, mentionnons le fromage de gruyère,
dont le nom figure sous cette forme et aussi sous
celui de grivière(€ deux fromages de grivière»,
1677), qui se traduit littéralement en latin grive-
rta{i) (« duorum caseorum griverise», 1677).
X. B. de M.
L'ANCIENNE CLOCHE DE MATTAIN-
COURT, 1723, par Germain deMaidy. Nancy, Sidot,
1898, in-8° de 8 pages.
Cette cloche, refondue en 1882, portait cette
formule pieuse : ►!< Jésus Maria. Christus vincit.
Christus régnât. Christus imperat et ab oinni malo
nos defendat. Benedicite fulgura et nubes Domino,
/guis, grando, nix, glacies, spiritus procellarum
laudent nomen Domini.
L'auteur proteste avec raison contre les inscrip-
tions contemporaines, qui prouvent que les
cloches ont été laïcisées. « De nos jours, les in-
scriptions sont généralement très longues, mais
destinées surtout à perpétuer les noms du parrain,
de la marraine et de toutes les personnes qui ont
contribué moralement ou matériellement à la
création ou à la refonte de la cloche. Par là, en
dépit de qualifications parfois inexactes, de titres
souvent sujets à caution, les cloches constituent
encore des monuments utiles à l'histoire. Cepen-
dant les traditions n'y sont plus que rarement
observées, l'idée religieuse en semble absente ou
rejetée à l'arrière-plan : c'est l'adulation qui
domine » (page 7). x B DE M
S. MATHTJRIN, ENSEIGNES, MÉREAUX,
MÉDAILLES, par Eugène Thoison. — Noticeicono-
graphique, ornée de 26 vignettes. Fontainebleau, Hunot,
1897, in-22 de 44 pages.
Cet opuscule (2), fort intéressant au point de
vue de la numismatique religieuse et populaire,
est aussi complet que possible. Il serait à sou-
1. Encore un mot à ajouter au glossaire de Du Cange.
2. Il a été rendu compte d'une première édition de cette notice
dans la Kevue de F Ail chrétien, année 1891. p. 77.
haiter que chacun des saints les plus en vogue
eût ainsi un dossier iconographique.
L'auteur me permettra de revenir sur quelques
passages pour manifester une opinion différente
de la sienne, mais motivée. Page 16, fig. 5, « Le
petit JÉSUS a le front chargé de trois cornes? »
Nesont-ce pas plutôt les trois pointes de la cou-
ronne, d'autant plus que l'enfant est tenu par sa
mère, assise en majesté ?
Page 17, fig. 6, le personnage agenouillé et
offrant un cierge n'est point « un ange », mais le
père de Théodora, qui lui fait pendant, comme
fig. 11.
C'est encore le père, en empereur, non « un
soldat », qui est représenté fig. 24.
Un lapsus a fait dénommer « encensoir » un
objet liturgique, qui est certainement un osten-
soir en forme de soleil.
La figure S serait le « monument le plus an-
cien de toute la série». Je ne le pense pas, car
ailleurs le style fait remonter au XIIIe siècle,
tandis qu'ici il faut descendre jusqu'au XIVe siè-
cle,surtout en raison du type de la fleur de lis et
du trèfle à lobes aigus.
X. B. DE M.
UN LIVRE ALLEMAND SUR LE LIMOUSIN,
par Louis Guibert. Limoges, 1898. in-180 de 23 pp.
Ce livre, imprimé en 1817 et réimprimé en
1829, est intitulé : Description de la province du
Limousin et de ses habitants ; extraits du journal
d'un officier prussien, prisonnier de guerre des
Français, en 18 19. L'auteur, mort vers 1860, se
nomme Frédéric Neigebaur : c'est un littérateur,
jouissant d' « une certaine réputation comme
voyageur » ; il « avait alors 27 ans et servait dans
un régiment d'infanterie». Son exil ne paraît
nullement lui avoir été désagréable, car il parta-
geait son temps entre «les sciences» et « le
plaisir ».
X. B. DE M.
CATHÉDRALE DE BARCELONE. — Descrip-
tion ardstico-archéologique de F. R. Pedrosa, archi-
tecte, précédée d'un aperçu historique par l'abbé G.
Soler, traduction de l'espagnol par A. H. Bertol.
Grand in-40 de luxe illustré de 70 pi. et d'un grand
nombre d'autotypies de J. Furnells, Barcelone, Parera
et C°.
L'ÉDITEUR Parera a entrepris une vaste
publication, qu'il inaugure avec cet ouvrage,
sous le titre général de : L'Espagne artistique,
archéologique, monumentale ; elle doit constituer
un monument typographique en l'honneur de
l'art de la péninsule, à qui ses malheurs et son
courage attirent à ce moment les sympathies
Bibliographie*
67
de l'Europe. Puissent les récentes calamités de
l'héroïque nation ne pas entraver cette entre-
prise généreuse.
A l'époque féconde que marque la fin du XIII"
siècle, Barcelone avait atteint l'apogée de sa
prospérité ; elle venait de conquérir sous Wil-
fride le Velu son autonomie, de développer
son industrie, et ne s'était pas pressée d'imiter
les autres grands centres européens dans l'érec-
tion de cathédrales nouvelles. En rebâtissant la
Plan de la cathédrale et du cloître de Barcelone.
sienne, elle resta fidèle aux traditions locales.
Sans viser à la richesse du décor, l'église nou-
velle, relativement modeste dans ses dimensions,
fut surtout harmonieuse et majestueuse dans ses
lignes, comme tout l'art catalan, qui est assez
grand d'ailleurs pour se passer de décor.
Nous devons féliciter les auteurs de cette
luxueuse monographie. Sa lecture inspire un
68
IBitWt De T&rt cbvctten.
seul regret, c'est que la traduction française ait
été faite d'une manière trop littérale, et dans
une forme qui laisse beaucoup à désirer au point
de vue de la clarté. Il eût été désirable que
la version fût entreprise par un écrivain maître
de la terminologie architectonique française, et
qu'elle fût débarrassée des métaphores spéciales
à la noble langue espagnole, qui, reproduites en
français, ne conservent que de l'emphase et de
l'obscurité au lieu des élégances du texte original.
La cathédrale de Barcelone est enserrée entre
des rues étroites ; on aperçoit à peine la ligne hori-
zontale qui termine ses murs et marque sa plate
Base de colonne soutenant le tombeau de Ste Eulalie
dans la crypte de Barcelone.
superstructure. On ne jouit guère que de sa
façade, d'ailleurs récente, avec l'énorme gable
qui couvre le portail central et dont la pointe
atteint à la corniche supérieure de l'édifice.
A l'intérieur la majestueuse architecture du
vaisseau, en style du XIVe siècle.se révèle tout
entière au premier coup d'ceil, et le regard va
tout droit aux mystérieuses profondeurs des
voûtes superbes; il y est d'ailleurs conduit par
l'harmonieux ensemble des piliers développés en
faisceaux de colonnettes qui rappellent ceux de
Cologne et de Rouen. L'intérêt se concentre dans
la riche architecture du chœur, qui recouvre la
crypte de sainte Eulalie et sa voûte, gigantesque
araignée.avec sa clef colossale.L'architecte incon-
nu (') et très habile de cet édifice, privé d'un
large emplacement, chercha une compensation
dans l'élancement du vaisseau ; il banda de lar-
ges arcades sur des piliers hardis, il éleva les
basses nefs à une grande hauteur de façon à
élargir d'autant le centre du vaisseau, il ménagea
sous les voûtes des collatéraux entre les piliers
très distancés des chapelles accouplées et pro-
fondes, au chevet perpendiculaire à l'axe de
l'église. Sur le déambulatoire du chœur, il rangea
les chapelles rayonnantes. Enfin il voulut planter
deux belles tours sur les portails latéraux. En
fait elles ne furent pas construites.
Chapiteau de la crypte.
Le vaisseau n'est pas exactement orienté. La
longueur de l'édifice est de 93 m. et sa plus grande
largeur, de 45. Le porche central ouvre, chose
peut-être unique, sur un vestibule grandiose
destiné à recevoir le dôme et semblable à une
croisée de transept, suivent les très larges travées
des nefs, d'une hardiesse superbe, suivies de
deux travées pareilles, couvrant le pseudo-tran-
sept et l'avant-chœur ; encore une petite travée,
et puis vient enfin le rond-point et le chevet en
éventail. Deux clochers se dressent sur les porches
du transept. Une seconde grande nef semble
régner au-dessus de chaque rangée des chapelles
1. M. Pedrosa incline à croire que le maître de l'œuvre fut Jacquet
Fabri, architecte de St-Domiriique de Majorque.
250Hiograptne.
69
latérales. Au sommet de la nef centrale court une
légère galerie de triforium surmonté de roses.
La base octogonale du dôme inachevé porte par
des trompes sur ses gigantesques piliers. Les
clefs de voûtes sont historiées et polychromées.
Comme dans la plupart des églises espagnoles
le chœur envahit presque toute la nef centrale.
Le sanctuaire, dit originalement notre auteur,
« présente le maximum d'idéalité et d'élévation
d'esprit auquel peut aspirer le génie gothique ».
Signalons l'intéressante chaire épiscopale, en
marbre blanc, de style du XIVe siècle, la riche
chaire à prêcher avec son bel escalier et la curieuse
arcade donnant accès vers la crypte, dont l'archi-
volte est garnie d'une série de têtes. Le maître-
autel est formé d'une grande table de marbre
posée sur une colonne unique. Il est actuellement
complété par un retable du XVe siècle, en den-
telles de fenestrage, plus admiré qu'il ne vaut ; le
tombeau roman de sainte Eulalie est autrement
remarquable. Très riche est la clôture du chœur
en pierre, à arceaux gothiques reposant alterna-
tivement sur des colonnettes et sur des corbeaux
à figures. Les stalles, en noyer, furent exécutées
partie par Mathieu Bonafé en 1457, partie par
les allemands Michel Loquer et Jean Frédéric.
Il faut encore citer la belle tombe de l'évêque
Escales, au cénotaphe orné de pleureurs dans la
manière bourguignonne. On conserve au trésor le
missel de sainte Eulalie, enrichi de superbes
miniatures de style flamand.
L. C.
FRA ANGELICO DE FIESOLE, sa vie et ses
travaux, par Et. Beissel, S. J. — Ouvrage traduit de
l'allemand et précédé d'une introduction par Jules
Helbig. Un vol. grand in-40 de 144 pages, illustré de
10 planches et de 45 grav. dans le texte. Prix : 7,50 fr.
— Desclée, De Brouwer et Cie, Société St-Augustin,
Bruges et Lille.
Nos lecteurs se sont spécialement intéressés
aux articles que le Directeur de la Revue de
V Art chrétien, M. Helbig, a consacrés à Fra An-
gelico, le peintre suave et inspiré, articles qui
étaient la traduction de l'ouvrage composé en
langue allemande par le R. P. Beissel.
Plus d'un aura sans doute éprouvé le désir de
voir ces pages si attachantes réunies en un volume
que l'on puisse feuilleter parfois, pour retremper
son idéal à la source de ces conceptions vrai-
ment célestes, que rien n'a pu atteindre ou du
moins surpasser dans l'art humain le plus élevé
et le plus pur. — Nous avons le plaisir de leur
annoncer que ce desideratum est réalisé. La
maison St-Augustin vient de publier le même
texte, avec une illustration plus abondante,
dans un beau et large format, et l'éditeur a
fait de cet ouvrage un volume élégant et peu
coûteux malgré le luxe de sa typographie aux
grandes marges et en deux couleurs.
Nous n'avons plus à faire l'éloge d'une œuvre
que ceux qui nous lisent ont déjà appréciée.
Toutefois il nous paraît bon, pour faire ressortir
sa portée, de reproduire quelques lignes qu'un
correspondant distingué du Bien Public de Gand
lui a consacrées.
L. C.
€ Fra Angelico de Fiesole, le peintre mystique italien
du XVe siècle, a le mieux re'ussi à rendre la pureté, la
noblesse, la joie des âmes animées du sentiment chrétien ;
il a peint, en ses fresques et en ses tableaux, de nombreux
coins de Ciel rayonnant d'une splendeur et d'un calme
inconnus sur la terre, et qui ont ému jusqu'aux éclectiques
et aux blasés de notre époque, à en juger par la valeur
attribuée de nos jours aux œuvres de l'humble dominicain
et par les prix fabuleux qu'elles atteignent.
« Le R. P. Beissel a entrepris la tâche de suivre à travers
sa carrière de moine et de peintre, le Frère Jean Angélique
de Fiesole. Le livre que nous avons sous les yeux est le
fruit de ses études et de ses recherches. Il offre un réel
intérêt, et nous espérons, avec M.Jules Helbig, l'éminent
artiste chrétien belge qui s'en est fait le traducteur, que
la lecture et l'étude de la biographie, de l'inspiration et
des procédés du peintre angélique deviendront classiques,
au moins chez les jeunes artistes, enthousiastes de leur
foi et possédés de la noble passion d'en faire passer les
clartés dans leurs œuvres.
« C'est à eux surtout que le livre est destiné. C'est pour
eux que M. Helbig l'a traduit et pourvu d'une introduc-
tion, éloquent appel aux chrétiens, aux jeunes, aux en-
thousiastes.
« Semblable publication, qui complète la série déjà longue
des ouvrages consacrés à Fra Angelico, eût profondément
réjoui feu le baron J. Bethune, l'illustre rénovateur de
l'art chrétien. Il y eût vu, outre la glorification d'un artiste
chrétien, la réalisation d'une de ses plus chères espé-
rances, la mise à la portée de la jeunesse catholique de
l'œuvre inspirée du moine dominicain, il s'en fût servi
pour prouver aux plus sceptiques qu'il existe un art chré-
tien apprécié dans tout l'univers civilisé et que la voie est
toute tracée aux hommes de foi qui veulent faire revivre
dans l'art le sentiment chrétien.
« Nul doute, d'ailleurs, que les continuateurs du baron
Bethune, ceux qu'il a conquis à l'art christianisé, accueil-
lent avec faveur un ouvrage, qui est à la fois une affirma-
tion et un enseignement.
« Ajoutons que tous ceux qui ont quelque poésie dans le
cœur, qui ne se sont pas juré de ne jamais quitter le che-
min de la banalité et de la mode, liront avec une haute
satisfaction le livre du P. Beissel, si élégamment traduit
par M. Jules Helbig.
« Les éditeurs ont réussi à offrir au public, pour une
somme modique, un beau livre abondamment illustré.
Nous les en remercions, mais ils nous permettront de for-
muler le vœu qu'une édition enrichie de reproductions
plus grandes, plus nettes, quelques-unes plus soignées et
plus dignes de l'œuvre de Fra Angelico, succède à celle-ci.
■■ /vir» '*™ «si?* ™
7o
Hebue îie l'&rt chrétien.
RUSKIN ET LA RELIGION DE LA BEAUTÉ,
par Robert de la Sizerane, Paris, Hachette, 1898.
Un homme a vécu de l'autre côté de la Manche,
qui eut assez d'empire sur les esprits britanniques
pour les acheminer vers les extases des primitifs
et leur imposer son esthétique rétrograde jusque
dans le vêtement; qui, artiste, moraliste ou socio-
logue.vit ses paroles recueillies comme les gouttes
de sang d'un martyr par une multitude de ses
contemporains; dont les livres furent répandus
dans toute l'Angleterre, le nouveau monde et jus-
que dans le Far- West. Des sociétés de lecture
furent fondées pou ries commenter, un journal pour
les annoncer, une librairie pour les répandre; des
artistes se consacrèrent à graver ses dessins, des
écrivains à raconter sa vie. Il fut proclamé : « le
plus brillant génie vivant en Angleterre ». Il fut
le chef d'une école d'art puissante, parente de
l'Ecole gothique et qui a répandu ses principes
en tous pays. Il fut le prophète d'une religion,
celle de la Beauté; il fut le guide inspire de
milliers de pèlerins de l'art devant les mer-
veilles répandues dans les musées et les monu-
ments anciens, parmi les villes mortes transfor-
mées en reliquaires; il fut l'amant éperdu de la
nature, mais pour lui la nature, c'était le sublime
idéal. Il fut le plus convaincu des réalistes, mais
d'un réalisme qui enchanta son existence avide
de beauté intellectuelle.
Quel est cet homme étrange; quelle est sa
doctrine paradoxale; quelle est son œuvre éton-
nante? C'est ce qu'on a généralement ignoré sur
le continent, alors que Ruskin était déjà l'idole
de nos voisins d'outre-Manche. C'est ce que M. R.
de la Sizerane nous fait connaître dans le livre
attachant dont le titre est ci-dessus.
Impossible d'analyser ce livre. Contentons-
nous d'en copier une jolie page, qui symbolise la
doctrine sociale de Ruskin. C'est le commen-
taire du The golden stairs de Burne-Jones.
L. C.
« Dans un cadre étroit et haut, un escalier doré sans
rampes, comme un escalier de songe, s'élève en spirale,
conduisant d'un rez-de-chaussée qu'on ignore à un étage
supérieur qu'on ne voit pas. Des jeunes filles aux tuniques
légères et creusées de plis comme des colonnes, des-
cendent les degrés, tenant les unes des voiles, les autres
des symboles ou des tambourins, d'autres de ces longues
trompettes qui jaillissent des mains des anges sur le bleu
du ciel de Fia Angelico. Leurs pieds nus se posent sur
des marches d'or et leurs doigts sur les cordes d'argent
des luths ou sur les trous des flûtes. Des feuillages
jonchent le sol comme un parvis d'église au matin du
dimanche des Rameaux. Çà et là, une tête se retourne
comme pour un regret; un front se penche comme pour
un problème ; des bouches se sourient comme pour un
baiser. Quelques yeux, sous ces fronts, regardent plus loin
que le cadre, plus loin que la salle, plus loin que la
maison, plus loin peut-être que la vie. La grâce est dans
les gestes, le calme est sur les fronts. Et tout au haut de
la toile, des colombes sont posées sur les tuiles pour faire
envier au ciel ce joli coin de terre, ou prêtes à porter, aux
destinées ambitieuses ballottées sur les brisants du
monde, la branche d'olivier cueillie ici... Car ici... au lieu
de grimper vers la chimère, on descend joyeusement les
échelons des conditions sociales, on descend les marches
de Y Escalier d'or.
... Lorsque les temps seront venus de la vie ruski-
nienne, l'Humanité, au lieu de monter à l'assaut de la
richesse, descendra V Escalier d'or >.
NOTES SUR LES TABLEAUX OFFERTS A LA
CONFÉRENCE DE N.-D. DE PUY A AMIENS,
par M. R. Guerlin. Brochure. Paris, Pion, 1898.
On ignore les auteurs de ces tableaux bien
connus de nos lecteurs (r), du moins de ceux
que l'on conserve encore. Néanmoins des auteurs
locaux ont fourni les noms de peintres, auteurs
d'autres tableaux analogues, notamment celui
de Raoul Maressal, exhibé par M. Dubois et
ceux du frère Luc, récollet, de Firrriin Le Bel, de
Matthieu le Pruis et de Jehan de Paris, auxquels
M. Guerlin ajoute Zachai ie de Cellers, les d'Ypres
les Barbe, les Beugier, etc.
D'ailleurs l'importance des ateliers d'Amiens
est attestée par leurs exportations. Ainsi en 1606,
un maître-peintre de Rouen chargeait sur son
navire à Dieppe, à destination d'Espagne, 158
tableaux religieux fournis par ses confrères d'A-
miens. Bref, M. Guerlin considère comme très
vraisemblable, que les Amienois aient produit
eux-mêmes les peintures dont s'enorgueillissait
leur cathérale.
Parmi ces dernières plus d'une subsiste égarée
et méconnue. M. Guerlin apporte les preuves, qu'il
a extraites de l'une d'elles figurant au Musée
de Cluny, comme provenant de la cathédrale de
Reims. Il refait l'histoire des pérégrinations d'un
autre remarquable tableau de même origine de-
venu propriété de la commune de Coullement,
dont il nous offre la reproduction photogra-
phique.
L. C.
LE MOBILIER ARTISTIQUE DES ÉGLISES
BRETONNES, par M. l'abbé Abgrall. Brochure.
Quimper, Cotonnec, 1898.
M. le chanoine Abgrall a inventorié les autels
et retables, jubés, chancels et clôtures, stalles,
chaires à prêcher, cuves baptismales, vitraux, ta-
bleaux, objets d'orfèvrerie, etc., de la Bretagne.
La cathédrale de Saint-Pol garde encore
neuf autels du XVe siècle, et à Folgoët on en
1. V. Revue de ï Art chrétien, année 1890, pp. 183 et 269.
Bibliographie.
71
compte huit de la même époque. A Melgoën, un
joli autel en granit de Scoër porte le millésime
1489. A Port-Croix, on voit un autel sur colon-
nettes qu'on pourrait faire remonter au XIVe s.
Parmi les retables en bois, le superbe retable
de Kerdévot est un travail du XVe siècle prove-
nant d'Anvers; les autres sont des œuvres de la
Renaissance.
Parmi les jubés, celui de Folgoët est la mer-
veille de la sculpture en pierre du pays. Le jubé de
Lombadec (1480) est l'expression la plus remar-
quable du travail sur bois. A la Route-Maurice, on
est eti plein style Louis XIII. Les jubés de Saint-
Herbot et de Saint-Bavon sont aussi des œuvres
marquantes de la Renaissance. Celui de Saint-
Croix de Quimperlé, terminé en 1 58 1, est un
riche ouvrage en pierre de Taillebourg. Au châ-
teau de Rosgand se voit une remarquable cloison
ajourée en chêne, où se mêlent les emblèmes
sacrés et profanes. Des jubés, il faut rapprocher
les clôtures et les stalles de Saint-Pol de Léon, de
Folgoët et de Lanmeur.
Notons spécialement, à cause de la rareté
des meubles de l'espèce, la chaire à prêcher de
Ouimper.
La contrée abonde en portes et corniches en
bois de Norwège. Nulle part l'imagination des
sculpteurs ne s'est donné plus libre champ que
dans ces tirans de charpente saisis à leurs extré-
mités par la gueule d'un monstre et couverts
parfois de bas-reliefs (*), comme à Lampaul-Gui-
milion de La Roche (1559), de Goueznon (1615),
de Bannalec (1605).
Notons encore la jolie croix en orfèvrerie Re-
naissance, à clochettes, de Pleyber-le-Christ, plu-
sieurs sépulcres, dont le plus ancien est celui de
Sainte-Croix de Quimperlé, et les deux plus
beaux, ceux de Saint-Thégonnec et de Lampaul.
L. C.
L'ÉGLISE ET LA PAROISSE DU SACRÉ-
CŒUR DE lille, par L. Quarré-Revbourbon.
Lille, 1898 (-').
Nous pouvons ajouter encore une unité à la
liste des monographies paroissiales que nous
nous plaisons à enregistrer après les avoir si sou-
vent préconisées. Celle que l'on doit à M. Quarré
concerne un édifice moderne qui n'est pas un
chef-d'œuvre, malgré les bonnes tendances de son
style. C'est, dit l'auteur, « celui du XIIIe siècle,
mais modernisé par un souffle de Renaissance
très heureusement et très discrètement répandu
sur la conception générale. » (?) Un souffle de sim-
1. V. Revue de l' Art chrétien, année 1888, p. 389.
2. En vente à l'église du Sacré-Cœur.
plicité aurait pu être plus avantageusement ré-
pandu sur les formes externes, surtout sur celle de
la tour, et aussi sur les allures du mobilier : autel,
stalles, confessionnaux, cadres du chemin de la
croix, dais de la chaire de vérité, etc. Il vaut mieux
négliger ici le côté artistique de l'œuvre et louer
le sentiment de piété familiale et paroissiale,qui a
porté l'auteur àconsigner dans un élégant volume
l'histoire de l'érection de cette église votive, due
à un magnifique élan de pieux patriotisme pen-
dant la guerre de 1870. Son livre est rempli de
documents, vivement intéressants pour les Lillois ;
il contient en outre de jolies pages bien senties,
et propres à entretenir la piété chez les parois-
siens du Sacré-Cœur.
L. C.
NOTICE SUR PLUSIEURS ANCIENNES
PEINTURES INCONNUES DE L'ÉCOLE FLA-
MANDE, par M. Delignières. Brochure. Paris, Pion
et Nourrit, 1898.
On conserve à Abbeville des panneaux d'un
grand polyptique provenant de l'ancienne Char-
treuse de Saint-Honoré au faubourg de Thérison.
Ces panneaux figurent la Cène, la Résurrection,
la Pentecôte, la Vierge, S. Jean- Baptiste, S. Ho-
noré et S. Hugues. Ils font partie du retable du
maître-autel, et furent apparemment donnés par
Philippe le Bon. M. Delignières incline à attri-
buer à Roger de la Pasture les trois premiers
panneaux ; les gracieuses figures de saints, d'une
tout autre facture, paraissent postérieures.
Tels sont le sujet et le résumé des conclusions
de cette notice consciencieuse et singulièrement
intéressante (').
L. C.
FOUILLES DANS L'AMPHITHÉÂTRE DE
CARTHAGE (1896-1897), par le R. P. Delattre.
Brochure. Paris, 1898.
Le R. P. Delattre a voulu mettre au jour les
vestiges de l'arène carthaginoise. Il a réussi au
delà de son attente, et a exhumé, notamment,
plus de deux cents pierres portant des inscrip-
tions. Leur reproduction précise fait l'objet de la
présente notice du savant missionnaire que la
Revue de l'Art chrétien & l'honneur de compter
parmi ses collaborateurs.
L. C.
1. V. Revue de l'Art chrétien, année
— K]>*—— Ky*—
p. 322.
72
3Rebue lie l'&rt chrétien.
wm ©értoluques, ?saa
FONDATION EUGÈNE PIOT.
Monuments et Mémoires.
Tome III. — M. Gauckler étudie la villa des
Laberii à Uthina, en Tunisie, et publie les belles
mosaïques qui la décorent ; cet article, travail de
premier ordre, est d'une importance capitale
pour la connaissance des luxueuses habitations
romaines en dehors de l'Italie. M. Ch. Diehl
revient sur les mosaïques byzantines de S. Luc
en Phocide, qui lui ont fourni, en 1889, la matière
d'une intéressante monographie. M. Marquet de
Vasselot publie les sculptures du portail de
Saint-Antoine en Viennois (Isère) qu'il attribue
à Antoine le Moiturier, artiste français du XVe
siècle (J). M. A. Michel donne des raisons pour
attribuer à Jacopo délia Ouercia la statue en bois
peint et doré de la Madone avec l'enfant récem-
ment acquise par le Louvre.
T. IV. — M. Marquet de Vasselot étudie quel-
ques pièces d'orfèvrerie limousine du XII Ie siècle,
I. V. Revue de l' Art chrétien, année 1898, pp. 164 et 324.
dont l'une particulièrement curieuse (p. 268),
chef en cuivre doré de la collection Desmottes,
reproduit exactement le sourire des statues
grecques archaïques. M. E. Mobilier réédite un
phylactère du XIIIe siècle appartenant à M.
Martin-Leroy.
(Chron. des Arts et C.)
REVUE DU BAS-POITOU.
L'ÉGLISE de Châteauneuf (arrondissement
des Sables d'Olonne. Vendée) a l'exception-
nelle fortune de posséder unecloche du XVe siècle
(1487), signalée par M. l'abbé Teillet, et qui a pu
survivre aux déprédations révolutionnaires. Or,
on annonce que la fabrique de cette église met
en vente ce précieux morceau d'art campanaire,
afin de s'offrir une sonnerie nouvelle!
Sans doute la cloche en question ferait très
bonne figure dans l'un de nos musées; mais nous
n'en devons pas moins protester très vivement
contre cette fâcheuse tendance des églises de
province à se dessaisir à prix d'or des objets d'art
dont la piété de nos pères les avaient dotées.
R. V.
^
Btbltograplne.
73
«y. •» •» -y- «y '» '» »y «,« «y «ta. «y. »y «y. «y »» «y «as. «y «a »» .,« «y ,nt.
Tnbtx bibliographique.
^lrcl)rologte etBeaujr *2Lvt8{l).
jTvancc.
* Abgrall (L'abbé).
DES ÉGLISES BRETONNES.
nec.
Le mobilier artistique
- Broch. Quimper, Coton-
Album archéologique et monumental du dé-
partement de Seine-et-Oise, ier fascicule : Le cloî-
tre de l'église Saint-Spire, a Corbeil, par A. Du-
four (pp. i à 8); 2me fascicule : Ruines du château de
Bevnes, par A. de Dion (pp. 9 à 15 et planche). —
In-4". Versailles, Cerf.
Ballu (Albert). — Le monastère byzantin de
Tebessa. — In-f", dessins et phototypies, Paris,
Leroux.
*Bouillet(L'abbéA.). — Le mont Saint-Michel,
24 pi. en héliogravure et 79 gravures dans le texte
d'après photographies de M. H. Magron. — Le Havre,
Lemale et Cle.
Le même. — Les églises paroissiales de
Paris. Nos 2 et 3 : Notre-Dame (fin). N° 4 : Saint-
Éttenne du Mont. — Fasc. in-8", ill. Paris, librairie
de la France illustrée.
Bourdery (L.) et Lachenaud (E.). — L'œuvre
des peintres-émailleurs de Limoges. Léonard
Limosin, peintre de portraits. — Gr. in-8°, 25 pi.
Paris, May.
Chabeuf (H.). — Dijon a travers les âges :
histoire et description. — Gr. in S°, 85 gr. et
1 pi. en couleurs. Dijon, Donudot.
Charvet (E.-L.-G.). — Les édifices de Brou, a
Bourg-en-Bresse, depuis le xvie siècle jusqu'à
nos jours. — In-8°, avec grav. Paris, Pion, Nourrit
et O.
Colleville (J.). — Abécédaire d'architecture
ancienne. — In-S°, Paris, Biblioth. de l'Association.
Conservation du chef de saint Yves, a Tré-
guier, en Bretagne, dans la Revue des sciences ecclé-
siastiques, août 1897.
Curzon(H. de). — Le donjon de Chatillon-
sur-Loing (Loiret). — In-8°, grav. Fontainebleau,
Bourges.
* Delattre(Le R. P.).
théâtre de Carthage. -
-Fouilles dans l'amphi-
Brochure. Paris.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (•) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
* Dsligoières. — Notice sur plusieurs ancien-
nes peintures inconnues de l'école flamande.
— Broch. Paris, Pion et Nourrit.
* Ds Poli. — Annuaire du conseil héraldique
de France, i ie année. — In- 12 de 467 pp. Paris.
Dieulafoy. — ■ Le château Gaillard et l'ar-
chitecture MILITAIRE AU XIIIe siècle. — In-40, grav-
Paris, C. Klincksieck.
* Dac (Le ch. E -P.). — La maison du grand S.
Bernard et ses très révérends prévôts. — In-8°,
de 318 pages. Aoste.
* Farcy (L. de). — La broderie, du XIe siècle
jusqu'à nos jours. — In-fol. 100 phototypies. Angers,
Belhomme.
Prix : 100 fr.
* Fondation Eug. Pio r. Monuments et mémoires,
publiés par l' Académie des Inscriptions et Belles- Lettres,
t. IV. — In-40, Paris, Leroux.
Gabeau (A.) — Le Beffroi municipal d'Amboise
(1495-1502). — In-8°, Tours, Bousrez.
* Germain de Maidy (L.). — L'ancienne
cloche de Mattaincourt. — I11-80 de 8 pag. Nancy,
Sidot.
Ginoux (Ch.). — Notice historique sur les
ÉGLISES DES DEUX CANTONS DE TOULON ET DESCRIP-
TION D'OBJETS D'ART QU'ELLES RENFERMENT. In-8°.
Paris, Pion, Nourrit et Cie.
Givelet (Ch.). — L'église et l'abbaye de Saint-
Nicaise de Reims. — In-40, 6 plans, 36 pi. et sodess.
dans le texte. Reims, F. Michaud.
Guerlin (M.-R.). — Notes sur les tableaux
OFFERTS A LA CONFÉRENCE DE N.-D. DE PUY A AMIENS.
— Broch. Paris, Pion.
* Guibert ( Louis). — Un livre allemand sur le
Limousin. — In- 18 de 23 pag. Limoges.
Ismala. — Les Vierges miraculeuses, dans la
Revue de la France moderne (octobre 1897).
Jarry (L.). — Inventaire des templiers d'É-
TAMPES ET DE L'ÉGLISE DE CHALON-MoULINEUX
(1444), dans les Annales de la Société historique et
archéologique du Gatinais (3e trimestre, 1897).
* MacSwiney de Mashanaglass(Le marquis).
— Le Portugal et le Saint-Siège. Les épées
d'honneur envoyées par les papes aux rois de
Portugal au XVIe siècle. Mémoire lu au IVe
Congrès scientifique international des catho-
liques a Fribourg. — Paris, A. Picard.
Mély (F. de). — Le « De Monstris » chinois et
les Bestiaires occidentaux. — In-8°, fig. Paris,
Leroux.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
189Q. — Ire LIVRAISON.
74
3ketntc De r&rt chrétien.
Normandie monumentale et pittoresque (La).
Orne. — Héliograv. d'après les photographies d'H.
Magron. Texte par une réunion de littérateurs et d'ar-
chéologues. — Gr. in-fol. Le Havre, Lemale et Cie.
Perrault-Dabot (A.). — L'église de Marol-
les en-Brie. — In-8°, 14 gr. Paris, Chevalier.
* Quarré-Reybourbon (L.). — L'église et la
paroisse du Sacré Cœur a Lille. — Lille (').
Quesvers (P.). — Les trois églises du Boulay
et leurs pierres tombales, dans les Annales de la
Société historique et archéologique du Gatinais, Ier et 2e
trimestres de 1897.
Quesvers (Paul) et Stein (Henri). — Inscrip-
tions de l'ancien diocèse de Sens, publiées d'après
les estampages d'Edmond Michel. I. (Ville et fau-
bourgs de Sens). — In-40, et pi. Paris, Picard.
RÉUNION DES SOCIÉTÉS DES BEAUX-ARTS DES
DÉPARTEMENTS, A L'ÉCOLE NATIONALE DES BEAUX-
Arts, du 20 au 24 avril 1897 (21e session). — In-S°,
50 pi. Paris, Pion, Nourrit et Cie.
* Rupin (Ernest). — Noels du Bas-Limousin.
Musique de Frédéric Noulet, dans le Bulletin de la
Société archéologique de la Corréze. — Brive, t. XX,
1S98, pp. 21-147.
Sizerane (R. de La). — Ruskin et la religion
de la beauté. — Paris, Hachette.
* Thoison (Eugène). — S. Mathurin, enseignes,
méreaux, médailles. Notice iconographique.ornée de
26 vignettes. — In-22 de 44 pag. Fontainebleau,
Hunot.
Veulliot (J.). — L'église d'Ancy-le-Franc. —
In-8°. Tonnerre, P. Bailly.
Vidier (A.). — Répertoire méthodique du
moyen âge français. (Histoire, Littérature, Beaux-
Arts), 2e année. — In-8°, Paris. Bouillon.
Wismes (G. de). — Les personnages sculptés
des monuments religieux et civils des rues,
places, promenades et cimetières de la ville de
Nantes (fin), dans la Revue de Bretagne, de Vendée et
d'Anjou (octobre 1897).
Allemagne.
Creizenach (W.). — Contribution a l'intelli-
gence de quelques œuvres italiennes (Botticelli
et Filippo Lippi), dans Repertorium fur Kunstivissen-
scha/l, t. XXI (1" fascicule, 1898).
Ehrenberg (H). — Cornelis Floris et Jacol
Bink, dans Repertorium fur Kunstivissenschaft (t. XXI,
icr fascicule, 1898).
1. En vente à l'église du Sacré-Cœur.
Frimmel (Th. von). — Geschichte der Wiener
Gemaeldessammlungen. I Band, i Lieferung. Ein-
leitung. — In-8°, Leipzig, G. H. Meyer.
Graeven (H.). — Les prototypes des illustra-
tions du psautier d'Utrecht (IXe siècle), dans
Repertorium fiïr Kunstivissenschaft, t. XXI, 1" fasci-
cule, 1898.
Junghaendel (M.). — La arquitectura de
Espana estudiata en sus principales monumentos.
Texte sommaire, par D. Pedro de Madrazo. — In-8°,
Dresde, Gilbers.
Kirchbach (W.). — L'art religieux et ses
manifestations pendant XIX siècles, dans Die
Kunst unserer Zeit (cf année, 5e et 6e fascicules, 1898).
Kohte (J.). — Verzeichnis der Kunstdenk-
maeler der Prov. Posen. IV. Band. Der Reg-Bez.
Bromberg. — In-8°, fig. 6 pi. Berlin, J. Springer.
Lehfeldt (P.). — Bau- und Kunst Denkmaeler
Thûringens. Heft 24 : Grossherzogthum Sachsen
Weimar Eisenach, Amstyer. Bezirke Neustadt A.
Orla und Auma. — In-8°, 63 grav. 9 pi. Iena, G.
Fischer.
Le retable de l'église de Sainte-Catherine du
musée de Nuremberg (XVe siècle), dans Anzeiger
des germanischen National Muséums (n° 1, 1898).
L'idéal des madones de Michel-Ange, dans
Zeitschrift fur bild. Kunst. Revue catholique des rez'ues,
octobre 1897.
Lubeck. : Seine Bauten und Kuxstwerke. —
In-fol. 37 pi. avec texte. Lubeck, Noehring.
Mackensie (F.) et Pugin (A.). — ■ Gothische
Architekturen nach alten Bauwerken zu Ox-
ford aufgen. und gezeichnet. 2-6 Lief.(53 planches).
— Gr. in-40, Berlin, Hessling.
Paulus (E.). — Die Kunst und Altertums-
Denkmale im Kœnigr. Wurtemberg. Lief. 16-20 :
Schwarzwaldkreis (Schluss) (VI et p. 289-552 avec fig.
et 6 pi.). Lief. 21-22 : Donaukreis. — I11-80, 64 pp.
avec 7 pi. Stuttgart, P. Neff.
Philippi (A.). — Kunstgeschichtliche Einzel-
darstellungen. I : Die Kunst der Renaissance in
Italien. II : Die Fruhrenaissance in Toskana
und Umbrien (VIII et p. 113-312 avec 95 gr.). III:
Der Norden Italiens bis auf Tizian, Mantegna,
Giorgione, Palma Vecchio (VIII et p. 313 416 av.
59 pi.). IV: Die Hochrenaissance. I. Lionardo da
Vinci und seine Schule. (VIII et pp. 417-512 av.
5S grav. — In-8°, Leipzig, Seemann.
Schaefer (K). — L'album de l'architecte
nurembergeois Wolf Jacob Stromer, dans Anzeiger
des germanischen National Muséums, n" 6, 1897.
Schmidt (Charles). — Herrade de Lansperg.
— In-40, Strasbourg, Heitz et Mundel.
Btbliograptne.
75
Sitte (G). — Le château de KREUZENSTEiN,dans
Kunst und Kunsthandwerk (ire année, n°3, 1898.)
Weese (A.). — Die Bamberger Domsculpturen.
— In 8°, 175 p. et 33 pi. Strasbourg, Heitz et dans
Deutsche Lilteraturzeitung (n° 12, 1898.)
3nQlctetrc.
Caldicott (C). — Guide to Hereford Cathe-
dral. — In-S", Londres, Idiffe.
Italie.
Beltranni (L.). — L'Arte negli arredi sacri
DELLA LOMBARDIA CON NOTE STORICHE E DESCRIT-
tive. — Info, 80 pi. Milan, U. Hoepli.
Busiri-Vici (A.). — Il ministero della SS.
EUCHARISTIA IN UN DIP1NTO DI SCUOLA VENETA DEL
secolo decimoquinto. — In-40, fig. 5 pi. Rome,
Soc. typogr.
* Contigliozzi (Le chev.). — Calendario d'Oro.
Annuario nobiliare, diplomatico, araldico. —
In-'8°de 431 pag., avec de nombreux blasons et por-
traits. Rome.
Franceschini (P.). — La tomba di Lorenzo
dei Medici detto il Magnifico. — In-8°, 4 pi.
Florence, Baroni et Lastrucci.
Grisar (H.) S. J. — Il musaico dell' oratorio
Lateranense diSanVenanzioegli scavi di Salona.
Dans Civiltà Caftolica, tom. I (Archeologia), Rome,
1S98.
Le même. — Gli antichi abiti sacri e profani,
specialmente sul musaico lateranense di San
Vf.nanzio (Jbid., Archeologia, n. 86-89). hm
Le même. — Della statua di bronzo di san
Pietro apostolo nella basilica vaticana. Difesa
della sua antichita (Ibid., tom II, Archeologia, n.
9>"93)-
Le même. — Della catena romana di san
Pietro apostolo e dell' antichita della basilica
Eudossiana {Ibid., tom. III, Archeologia, n. 94-97).
Orioli (P.). — Il pemsiero religioso, civile, ar-
tistico ovvero reminiscenze, arte ed inscrizioni
nel duomo di mantova, con brevi cenni sulla
PIAZZA SORDELLO, ALIAS DI S. PlETRO. III 8°. Man-
toue, Aldo Manuzio.
Serino (V.). — Cenni sulla pittura fioreniina
del XV e XVI secolo. — In-S°, Naples, A. Tocco.
. Spighi (C.) — Un voto della giunta supe-
riore di belle arti sulla tomba di Lorenzo il
Magnifico. — In-8°, pi. Florence, Ariani.
Supino (J.-B ). — Il campo santo di Pisa. —
In-8°, Florence, Alinari.
Torre (R. della). — ■ Una lapide bizantina e il
battisterio di Callisto, Monumenti eucaristici
nella città di Cividale del Friuli. — In-S°, pi.
Cividale, F. Strazolini.
Trenta (G.). — Alcune osservazioni sopra il
Camposanto di Pisa, di F. Benvenuto Supino, con
documenti inediti. — In-8°, Florence, B. Seceber.
Espagne.
* Pedrosa (F.-R ) — Cathédrale de Barce-
lone. — Grand in-40 de luxe, illustré de 70 pi. et d'un
grand nombre d'autotypies de J. Furnells. Description
artistico-archéologique, précédée d'un aperçu histori-
que par l'abbé Soler, traduction de l'espagnol par A.
H. Bertol. — Barcelone, Parera et C°.
^>uèoc.
Bœttiger. — La collection des tapisseries de
l'État suédois, t. IV. Traduction par G. L. Ull-
mann. — In-fol., Stockholm, Imprimerie royale.
9ntricfjc= longue.
Caprin (C). — Il trecento a Trieste. — Gr.
in-8°, avec grav. et 2 pi. Trieste, F-H. Schimpff.
Chini (G.). — Ilpalazzo municipale diRovereto,
note storico - descrittive. — In-8°, Rovereto, tip.
Roveretana.
Goldschmied. — L'iconographie des patriar-
ches au moyen âge, dans le t. Il des Publications de
/a Société littéraire Israélite de Hongrie.
Richter (J.P.). — Quellen der byzantinischen
Kunstgeschichte. Ausgewaehlte Texte ûber die
Kirchen, Kloester, Palaeste, Staatsgebaeude
und andere Bauten von Konstantinopel. — In-8°,
Vienne, C. Graeser.
IRussie.
Korelin (M.S.). — Otcherki italianskago
vozroydeniia. La Renaissance italienne. — In-16,
Moscou, Kuchnerev.
Laskine. — Remarques sur les Antiquités de
Constantinople, dans la Revue byzantine russe, t. IV,
fascicules 3-4.
Latychev (V.-V.). — Sbornik gretcheskukh
NADPISEI KHRISTIANK.UKH VREMEN IZ TUYNOI RoSSII.
(Inscriptions grecques chrétiennes de la Russie mé-
ridionale). — In-8°, et 12 pi. Saint-Pétersbourg, imp.
de l'Académie des sciences.
TBcIgiquc.
Goblet d'Alviella. — Des influences classi-
ques dans l'art de l'inde, dans le Bulletin de l'A-
cadémie royale des sciences, des lettres et des Beaux- Arts
de Belgique, N° 7 (1897).
Helbig (Jules). — Fra Angelico de Fiesole, sa
vie et ses travaux, par Et. Beissel, S. J. — Un vol.
grand in-40, de 144 pages, illustré de 10 planches et
de 45 grav. dans le texte. Desclée, De Brouwer et Cie,
Société Saint-Augustin, Bruges et Lille.
Prix : fr. 7,50.
Inventaire archéologique de Gand. Catalogue
descriptif et illustré des monuments, œuvres
d'art et documents antérieurs à 1S30. — In-8° en
feuillets. Gand, N. Heins.
frtt *% *% *&. :^. *& *dfe *& *dfe *#. *& ^ ^ ^, «#, •■*& *& ^ S& -^fe ^ ^, *& ^ *&
*wl) l OlîtCJUC. SOMMAIRE: MONUMENT DU CARDINAL LAVIGERIE. - L'OR-
NEMENTATION DES ÉGLISES. — RESTAURATIONS: Notre-Dame de Paris; Musée de
Cluny ; Mont St-Michel ; Ste-Walburge à Audenarde ; Collégiale de Soignies, etc.— NOUVEL-
LES : Saint-Séverin à Paris ; Florence ; Monastère du Puy à Périgueux, etc. — PORCHES
LATÉRAUX DE CHARTRES. — CHAPELLE DE SAINT-MARTIN EN BOCAGE. — LES
BRESLAY A LA CATHÉDRALE D'ANGERS. — Sarcophage à Pamiers ; — Cloche à Fère.
— BELGIQUE : Discours de M. le ministre De Bruyn. — Exposition. — Peintures murales. —
NÉCROLOGIE : Stuart Knill.
H la mémoire De ffirjr Uatugeric.
nE mausolée du Cardinal vient d'être
inauguré solennellement à Carthage.
Dans une lettre adressée à ses « col-
laborateurs » pour l'œuvre de ce mo-
nument, S. É. Mgr l'archevêque de Carthage
rappelle que dès que la Providence l'eut conduit
à Tunis pour recueillir une portion de l'héritage
paternel, son désir le plus vif fut d'honorer, par
un hommage durable, l'illustre mémoire du
défunt.
« Je songeais, dit Son Éminence, à l'érection
d'un mausolée dans la basilique de Carthage,
près du caveau qu'il s'était choisi, qu'il avait
voulu bénir et que, par un sentiment d'humilité
sincère, il avait orné d'une épitaphe pleine
d'enseignement sur la vanité des grandeurs hu-
maines. »
L'exécution du projet confié à M. Gustave
Crauck n'a pas exigé moins de trois ans. Voici
quelques données sur le monument.
Deux religieux, absorbés dans le recueillement
de la douleur, pleurent et prient agenouillés aux
pieds de leur Père ; des nègres, dans l'ardente
reconnaissance de leur liberté reconquise, agitent
leurs chaînes brisées ; une femme arabe lui
présente l'enfant qu'il a sauvé de la faim, le Car-
dinal lui-même, dans l'attitude du héros blessé,
tombe sur le champ de bataille.
Le sarcophage est enrichi d'une inscription due
à la science de Mgr Robert, évéque de Marseille.
CAKOLO. MARTIALI. S. R. E. CARDINALI. LAVIGERIE
ARCH. CARTHAGIN. ET. ALGERIEN. AFRICAE. PRIMAT]
QVEM. EX. ORACVLO. LEONIS. XIII PONT. MAX.
SINGVLARIA. IN. AFRICAM. MERITA. SIC. COMMENDANT
VT. CVM. VIRIS. DE. CATHOLICO. NOMINE. VRBANOQVE. CVLTV
SVMME. MERITIS. COMPARANDVS. ESSE. VIDEATVR
BARTHOLOMAEVS. CLEMENS. COMBES. FILIVS. ET. SVCCESSOR
HOC. MONVMENTVM. FACIENDVM. PIE. CVRAYIT
H'orncmcntatton Des églises. —
N docteur en théologie écrit au Bien Public
de Gand.
u
Avec le plus vif intérêt j'ai lu les très remarquables
Causeries artistiques, publiées ces dernières semaines
dans le liien Public.
Les idées exposées en ces articles m'ont paru frappées
au coin du bon sens et du bon goût.
Toutefois dans la dernière Causerie, A propos d'Art
religieux, il est deux points, que, si vous le permettez, je
voudrais agrémenter de quelques discrètes notules.
Certes, il est déplorable de voir souvent, à propos du
Mois de Marie ou d'autres circonstances, « de belles
architectures masquées par des draperies lourdes et criar-
des » ; certes, il est à souhaiter, que, sans hésitation, on
remise au hangar à vieilleries 4 les vases à fleurs artifi-
cielles en papier froissé sans formes, les candélabres d'un
goût plus que douteux et les boules de verre argenté au
mercure ».
Mais faut-il pour cela mettre à l'index les tentures, et
préconiser, indifféremment partout, le décor artistique
obtenu au moyen de plantes ornementales? Je ne le pense
pas, et voici pourquoi.
Nous devons chercher nos inspirations, même esthé-
tiques, non pas avant tout dans le goût du monde, fût-il
intrinsèquement artistique, mais dans les, lois et les
usages de la Liturgie romaine. C'est à l'Eglise notre
Mère que nous devons, en tout premier lieu, demander
ordre ou conseil.
Or, au sujet de l'ornementation de nos autels de circon-
stance, tels que les reposoirs, les trônes de Marie, etc.,
l'Église nous donne une norme précieuse, quand elle règle
la manière de décorer l'autel-reposoir du Jeudi-Saint,
autel que l'on appelle souvent, mais bien improprement,
le sépulcre.
La rubrique préceptive du Missel nous dit : « Paretur
locus aptus, et decenter, quoad fieri potest ornetur cum
velis et luminibus. » — « On doit préparer un endroit
convenable, et l'orner le mieux que l'on pourra, avec des
tentures et des lumières. »
Le Jeudi-Saint, il est donc prescrit d'employer, comme
moyen principal d'ornementation, les tentures et le
luminaire.
La Sacrée Congrégation des Rites a déclaré à plusieurs
reprises, qu'il était défendu d'orner le Repositorium du
Jeudi-Saint dételle façon que l'auguste Sacrement appa-
raisse comme au milieu d'un jardin.
Nous avons donc une loi positive et formelle pour
l'autel du Jeudi-Saint. Cette loi nous indique clairement
quel est l'esprit, et quels sont les vœux de l'Église pour
les autres cas qui peuvent se présenter.
Le Cérémonial des Évêques (1. r, c. 12, n. 5) dit au sujet
des décors de circonstance pour les solennités :< Intus, si
ficri poterit, parie/es Ecclesiœ, si militer aillais, tribunœ
vero holosericis aut nobilioribus cortinis, coloris cceterorum
paramentorum pro festi qualitate contegantur. » — < A
l'intérieur, si cela est possible, on couvrira les murs de
l'église de tentures, on mettra aux tribunes des courtines
de soie ou d'étofte encore plus ornée ; la couleur en devra
être celle des autres ornements exigés par la qualité de
la fête. >
C'est conformément à cette ordonnance, tout au moins
directive, que les Romains savent orner leurs églises avec
un goût exquis aux jours des solennités. Dans les grandes
basiliques, et dans les moindres sanctuaires de Rome,
c'est l'emploi des tentures, et non point des plantes orne-
mentales, qui fait presque tous les frais des décors de
circonstance.
Il y a quelques années, comme on s'était permis, dans
une église secondaire de Rome, d'adopter l'usage de
Chronique.
77
plantes ornementales, VOsservatore Romano fit paraître
de suite le communiqué suivant : « Nous sommes chargés,
par l'autorité qui préside au maintien des rites sacrés de
l'Église, de faire savoir que les corbeilles de fleurs artifi-
cielles, suspendues aux voûtes, ne conviennent point à la
sainteté de nos temples. Relativement aux fleurs employées
comme ornement dans les circonstances solennelles, leur
usage a été parfaitement approuvé dès les premiers siècles
de l'Eglise, pourvu qu'elles soient disposées sous forme
de guirlandes ou de couronnes entremêlées de feuilles de
laurier, comme l'atteste S. Paulin de Noie dans ses admi-
rables poèmes, et comme on les emploie encore aujour-
d'hui à l'occasion des canonisations des Saints. Au con-
traire, suspendre des corbeilles de fleurs, spécialement
sous les arceaux des voûtes.est chose inusitée dans l'Eglise
et ne convient qu'aux spectacles profanes. Ces observations
empêcheront, nous n'en doutons pas, un pareil abus de
se renouveler à Rome et ai/leurs. >>
Personne ne niera que ce communiqué, reproduit aussi-
tôt dans les colonnes du Bien Public, ne nous donne, tout
au moins, une direction aussi précieuse que précise.
Vous me direz : Pourquoi n'aimez-vous pas l'emploi des
plantes ornementales comme moyen de décor dans les
églises ?
Les raisons sont bien simples. Tout d'abord, comme le
fait remarquer VOsservatore Romano, cela sent trop le
spectacle profane et ne convient guère à la sainteté de nos
temples. Il suffit, pour s'en convaincre, d'avoir vu une
église de Paris toute remplie de plantes rares, et d'avoir
contemplé une basilique romaine vêtue de ses ornements
de soie, ou l'une de nos vieilles cathédrales du Nord parée
de ses gobelins ; d'un côté c'est un salon ou une salle de
spectacle, e t de l'autre c'est un temple, la maison de Dieu,
et le lieu de la prière.
A cette raison liturgique, qui est la principale, viennent
se joindre des raisons d'ordre moindre, mais très pra-
tique.
Il n'est pas possible dans tous les climats de se procurer
et de conserver des plantes ornementales. On ne peut
annexer à chaque église paroissiale une serre chaude. Il
est au contraire très facile de se pourvoir de tentures, si
modestes soient-elles, de les serrer soigneusement pour
les conserver longtemps, et de les draper avec goût. Cela
peut se faire partout, en Sibérie aussi bien qu'au Congo.
Or, l'Église fait sa loi, et donne ses conseils, pour tous les
peuples qui sont tous ses enfants.
En dernier lieu, il est difficile d'éviter les inconvénients
multiples que présente l'emploi des plantes ornementales
dans les églises.
Ces plantes apportent presque inévitablement avec elles
tout un casernement d'animalcules: araignées, cloportes,
etc., qui envahissent l'autel et exposent nos Saints Mys-
tères à des profanations ou à des accidents éminemment
regrettables. Un jour d'adoration perpétuelle du Très-
Saint-Sacrement, alors que le chœur tout entier s'était
transformé en une pyramidale exposition de plantes de
toute espèce, j'ai pu voir, non sans indignation, un gros
ver de terre et une demi-douzaine de limaces se glisser
sur la nappe d'autel pendant la célébration du Très Saint
Sacrifice. Les horticulteurs les plus savants et les plus
soigneux ne sauraient parvenir à nous garantir contre des
incursions de ce genre.
D'ailleurs, pour me mettre au point de vue esthétique,
n'est-il pas aussi facile de tomber dans les excès du mau-
vais goût en employant comme décor principal les plantes
ornementales, qu'en mettant en œuvre plus spécialement
les traditionnelles tentures ?
J'ai vu de ces prétendus décors de plantes ornementales
qui étaient de parfaites horreurs. Dan's les grandes villes
cela pourra réussir, surtout dans les églises de couvents,
où l'on peut avoir des remises spacieuses, des soins assi-
dus, et un personnel spécial. Mais dans les campagnes et
dans la plupart des églises paroissiales, là où l'on devra
se contenter de plantes prêtées ou louées, l'effet obtenu
sera souvent d'un mesquin et d'un criard insupportable.
Et puis, où s'arrêtera-t-on dans la voie de l'abus? Je me
souviens d'avoir vu, il y a quelques années, un Mois de
Marie inoubliable. Dans une très joliette église de petite
ville, on avait transformé le chœur en jardin ; le parquet
du sanctuaire, disparu sous une épaisse couche de terre,
offrait un jardin anglais en miniature ; pelouses, corbeilles,
chemins sablés de gravier fin, minuscule étang avec pois-
sons rouges, quantité de fougères et de grandes plantes
ornementales, voire de vrais sapins très élevés, rien n'y
manquait ; il y avait même, dans des cages dissimulées
çà et là, des serins chargés de contrefaire le rossignol...
Et au milieu de tout cela apparaissait l'autel de la Sainte
Vierge. C'était à se tordre de rire... ou de pleurer. Pour
du mauvais goût, c'était, n'est-ce pas, du très mauvais
goût. Ce qui prouve que ce n'est pas l'exclusion « du dais
classique » et l'emploi des plantes ornementales qui fera
disparaître le fléau du goût antiesthétique.
Ne soyons donc pas exclusifs. Laissons à l'emploi des
tentures et des draperies la première place qu'elles occu-
paient déjà au Cénacle « Caenaculum grande, stratum >
et que leur assigne la Liturgie, et laissons aux fleurs, et
peut-être, en certains cas, aux plantes ornementales, la
place accessoire qui leur revient.
Si la Liturgie se tait au sujet des plantes ornementales
elle adopte les fleurs comme un des ornements prescrits
aux solennités {Cérémonial des Evêques, I. i, c. 12, n. 12).
A défaut de fleurs naturelles, le Cérémonial des Évêques,
/. c, tolère même les fleurs artificielles faites en soie, ma-
tière riche et d'un grand effet.
A Rome on fait grand usage de fleurs disposées en
bouquets ou en guirlandes entremêlées de verdure et de
galons d'or.
En signe de joie, on répand aussi devant la porte prin-
cipale du buis, des lauriers, ou des fleurs effeuillées,
comme au temps de S. Paulin de Noie.
La causerie artistique du 23 décembre traite aussi, très
complètement et très opportunément, la question si im-
portante de l'imagerie religieuse.
Certes, il y a là beaucoup à reprendre, et l'Église de-
puis quelques années y a beaucoup repris. Beaucoup
d'évêques, et nos évêques de Belgique sont de ce nombre,
ont édicté ou plutôt renouvelé les plus sages et les plus
minutieux règlements à ce sujet. Nos éditeurs belges, et
en particulier la maison Desclée, nous donnent actuelle-
ment des images aussi artistiques que religieuses. Il n'en
est pas de même de tout ce qui nous vient du beau pays
de France. « On ne peut s'empêcher de sourire, et
souvent même on doit s'indigner delà façon ridicule dont
l'Eglise, ses Saints et ses Sacrements sont représentés. »
Où est le remède ? Dans l'abstention des acheteurs
Il y a là une grève générale à décréter bien utilement.
Si tous les acheteurs, — prêtres et laïques — refusaient
impitoyablement ces piètres productions qu'on ose quali-
fier d'imagerie religieuse, la rétorme serait bientôt opérée ;
les éditeurs ne demanderaient pas mieux que d'observer
les sages règlements de l'autorité ecclésiastique, et nous
aurions bientôt partout une véritable imagerie religieuse,
qui serait, pour l'instruction et l'édification du peuple
chrétien, un puissant adjuvant.
L. J. L.
78
Bebue fce r&rr chrétien.
Restaurations.
ES échafaudages ont été dressés à la
première galerie de N.-D. de Paris,
devant les statues d'Adam et Eve
dont les longues silhouettes dominent
le parvis. Cela a inquiété les archéologues. Il est
vrai que la sculpture de l'étage de la Vierge est
en grande partie moderne. Adam, Eve, la Vierge
portant le Christ entre deux anges, le long
défilé des rois (de France, ou de Judée ?), toutes
ces statues, mutilées en 1793, ont été plus ou
moins refaites sous la direction de Viollet-le-
Duc, par les Dechaumer, les Toussaint, les
Chevilon, les Pascal, les Fromage. L'ancien
Adam est à Cluny.
NOUS avons parlé du Musée de Cluny, le
seul monument civil de Paris qui ait con-
servé son aspect primitif et le plus ancien de
tous les monuments de la capitale : le palais des
Thermes, en effet, dont la grande salle existe
encore intacte, avec son immense voûte, remonte
à l'époque de l'empereur Julien l'Apostat (360).
Les travaux de restauration n'ont fait que lui
conserver toute sa délicatesse et son extrême
originalité. C'est un véritable bijou d'architecture.
Le Journal officiel au 17 novembre publie la loi
qui approuve la convention passée entre l'État et
la ville de Paris pour le dégagement du Musée
et ouvre à cet effet au ministre de l'instruction
publique et des beaux-arts, sur l'exercice 1S9S,
un crédit extraordinaire de 600,000 fr.Les dépen-
ses sont évaluées provisoirement à 1,200,000 fr.
dont 600,000 fr. à la charge de la ville de Paris,
qui devra procéder immédiatement aux forma-
lités nécessaires, pour l'acquisition des terrains
par voie d'expropriation. Le sol à provenir de
cette expropriation sera converti en un square
public qui s'étendra ainsi entre la façade de la
Sorbonne et Cluny et qui restera la propriété
exclusive de la ville de Paris à la charge pour
elle d'en assurer l'entretien.
OX vient de placer définitivement au sommet
de la flèche de 40 mètres de hauteur édifice
sur la tour en granit de l'abbaye du Mont Saint-
Michel la statue de l'Archange aux ailes dé-
ployées. Cette statue en bronze doré, haute de
4 mètres et pesant 1,500 kilos, plane ainsi à
200 mètres audessus de la baie. M. Frémiet,
auteur de cette noble statue, en avait exposé
la maquette au Salon de 1896.
Journal des Arts, 21, 8. 97.
— K-M— — »©*-
LA fabrique d'église de Sainte-Walburge à
Audenarde a eu l'heureuse idée de faire
restaurer la partie la plus ancienne de son église
et de lui rendre ainsi le cachet de grandeur
qu'elle avait en 1150. En 17S6, cette église
subit une malheureuse transformation, qui lui
enleva en grande partie son caractère artistique.
Après la restauration, qui est poussée active-
ment en ce moment par M. Langerock, le chœur
central sera terminé par un chevet plat, comme
le sont les deux choeurs latéraux. Chacun des
chevets sera percé d'une immense fenêtre ogivale
à meneaux. Les murs Nord et Sud des chœurs
latéraux seront percés de fenêtres géminées à
lancettes avec colonnettes, chapiteaux et bases.
Les trois chœurs seront cantonnés par quatre
tourelles rondes, très élégantes, décorées d'une
double rangée d'arcatures avec colonnettes. Les
deux tourelles démolies en 1406, lors de la con-
struction du chevet polygonal du chœur central,
seront rétablies.
Les maisons adossées aux trois chœurs ont été
expropriées en partie ; plusieurs vont disparaître.
On pourra ainsi mieux admirer l'édifice entier,
qui constitue un admirable monument d'art ar-
chitectural.
— îO< *©*-
ON va placer trois nouvelles verrières dans
la chapelle de Sainte-Croix à la cathédrale
de Bruges (auteur M. Grosse).
—t®l ■ iQf-
A T Lenertz a été chargé de la restauration
[yXi ^u célèbre lutrin-aigle de l'église de Hal,
œuvre de dinanderie tournaisienne.
LA remarquable petite église romane de Saint-
_j Séverin-en-Condroz, qui constitue un des
vestiges les plus précieux du style roman en
Belgique, menaçait ruine; on va y exécuter d'ur-
gence les travaux nécessaires pour la sauver.
ON poursuit lentement la restauration de la
collégiale romane de Soignies, sous la
direction de M. A. Verhaegen. On va démolir les
voûtes de la grande nef, du transept et de la
croisée, afin de rétablir les antiques plafonds
plats, dont il reste des vestiges. En vue de pré-
venir l'incendie, on établira au-dessus de ces
plafonds un gitage-hourdis système Hennebique.
On va rétablir la lanterne de la croisée avec
ses fenêtres. On a renoncé à conserver a nu
Chronique.
79
l'appareil intérieur, trop fruste; cet appareil est
des plus curieux ; il est à rapprocher de celui
d'une porte du château des comtes de Gand ;
nous avons reproduit l'un et l'autre de ces arcs
intéressants (*).
La question de la restauration intérieure du
mur du chevet est réservée à cause du maître-
autel qui y est adossé. Il en est de même pour le
jubé.
-}©<-—»©*—
ON restaure le souterrain de l'ancien Hôtel-
de-ville d'Alost; on y a déblayé des caves
intéressantes du XIIe et du XIIIe siècle, fort
joliment voûtées.
ON poursuit la restauration de l'Hôtel-de-
ville de Louvain, et M. Langerock pour-
suit la série des travaux de restauration de la
collégiale de Saint-Pierre dans la même ville.
Ces travaux, correctement conduits, auront pour
résultat une véritable transfiguration de ces
monuments remarquables.
A BRUGES, rue des Tonneliers, s'élève une
construction d'aspect sombre, surnommée la
Maison noire. Datant du XVe siècle, la façade
est unique en son genre ; l'intérieur offre des
salles bien conservées.
La vente publique de cet ancien édifice étant
annoncée, le Knnstbond s'en occupa et délé-
gua un de ses membres, conseiller communal,
pour solliciter de l'administration communale
l'acquisition de cet intéressant immeuble, qui
paraît tout indiqué pour servir de local de fêtes
et d'expositions, et répondrait, de cette façon, à
un véritable besoin. Tout était pour le mieux et
les amis de l'art attendaient avec confiance l'ad-
judication définitive, quand on apprit que la
Maison noire venait d être adjugée à un brasseur
pour la somme de 39,300 frs.
La déception fut grande. L'acquéreur privé
aurait donné l'assurance qu'il achèterait la Mai-
son twire pour la restaurer complètement tant
à l'intérieur qu'à l'extérieur.
( Chron- des trav. pnbl.)
IJoutielles.
LE « poteau cornier % si remarquable du coin
de la rue Saint-Denis et de la rue des
Prêcheurs, à Paris, va disparaître par suite de
l'expropriation de la maison contre laquelle il
1. V. Revue de V Art chrétien, année 1896, p. 422; année 1897,
P. 437-
o
est appuyé. C'était le dernier des arbres de Jessé
que Paris a possédés. Ces arbres, on le sait, repré-
sentent l'ascendance de JÉSUS-CHRIST à partir
de Jessé, père du roi David. Celui de la rue
Saint-Denis, tout mutilé qu'il soit, demeure un
des plus rares spécimens de notre charpenterie
décorative du quinzième siècle. Il existe des
poteaux corniers du même genre sur de vieilles
maisons d'Angers, de Chartres, de Reims, de
Sens, d'Orléans, de Beauvais et de Rouen. Les
deux plus connues représentations de l'arbre de
Jessé à Rouen, sont celles du tympan du grand
portail de la cathédrale et celle du vitrail de
St-Godard.
— *©*— -4©i—
N lit dans le Petit Temps du 8 décembre :
La Commission spéciale de l'Hôtel de Ville qui
a été chargée d'examiner les anciens vitraux de la vieille
église Saint-Séverin, dont la restauration est devenue né-
cessaire, a fait une curieuse découverte.
Au-dessous de la travée des vitraux dont il s'agit et qui
datent des quatorzième et quinzième siècles, se trouve
une série inférieure de vitraux modernes, puis encore au-
dessous de ceux-ci, éclairant les bas-côtés, quelques autres
vitraux très artistiques, mais contemporains, présents des
fidèles de la paroisse à l'occasion de cérémonies de fa-
mille. Au nombre de ces derniers est, au fond du bas-côlé
de droite, non loin du bénitier, un vitrail en triptyque re-
présentant Jésus-Christ au milieu d'une foule d'hom-
mes, de femmes et d'enfants qui se pressent autour de
lui. Ce vitrail porte l'inscription suivante:
Jésus bénissant les enfants
Souvenir de première communion
3 mai 1877.
Cette date du 3 mai 1877 est celle de la première com-
munion de Christian Garnier, fils de l'architecte, et le vi-
trail a été donné par la famille damier à l'église Saint-
Séverin, sa paroisse, à l'occasion de cette cérémonie.
Or, par une fantaisie de Charles Garnier, le panneau
de gauche de ce vitrail triptyque garde sous les costumes
nazaréens, parmi la foule qui entoure JÉSUS, les portraits
parfaitement reconnaissables, bien qu'ils remontent à plus
de vingt ans, de Christian Garnier, de Mmt Garnier et de
Charles Garnier lui-même. Charles Garnier, qui se trouve
modestement le dernier personnage à gauche de la com-
position, s'avance vers le Christ précédé par un apôtre
au front nimbé, devant lequel marche Mme Garnier, tenant
par la main le petit Christian qu'elle va présenter au
Seigneur.
LE manifeste suivant, publié par la Société
pour la défense de la vieille Florence, fait
appel à l'opinion publique éclairée de tous les
pays.
« La ville de Florence se trouvant actuellement menacée
de la perte de plusieurs de ses rues et de ses monuments
les plus importants sous le rapport artistique et historique,
il s'y est constitué une Société pour la « défense de la
vieille Florence » sous la présidence du prince Corsini
et parmi les membres de laquelle nous signalons MM. le
prince Strozzi, le comte A. délia Gherardesca, le comte
U. Serristori, le comte F. .Guicciardini, le comte Pietro
8o
3Rctnic tir V&xt rbréticn.
Capponi, le marquis Dino Uguccioni, le marquis Carlo
Niccolini, le marquis F. Torrigiani, le professeur Yillari,
U. Cantagalli, le professeur Biagi, directeur de la Biblio-
thèque Mediceo Laurenziana, le professeur Supino, direc-
teur du Musée du Bargello. Cette Société ayant publié
dans ses règlements qu'elle s'occupe plus spécialement de
< soulever l'opinion publique contre la démolition, la
transformation et la dispersion des trésors artistiques et
historiques de Florence », les soussignés étrangers de tou-
tes les nationalités, unis par l'affection envers une des plus
belles et des plus hospitalières villes de l'Europe, s'em-
pressent d'exprimer à la « Società per la Difesa di Firenze
Antica » leurs sentiments de vive sympathie pour le but
qu'elle se propose, ainsi que leurs vœux les plus sincères
pour la parfaite réussite de ses efforts aussi généreux
qu'éclairés.»
ON est occupé présentement à une triste
besogne : la démolition du monastère du
Pny à Saint-Front de Périgueux. U y a 25 ans
déjà, F. de Verneilh prévoyait cet acte de van-
dalisme et adjurait les Périgourdins de s'en
épargner le tort : aujourd'hui, écrivait-il, ils de-
vraient se souvenir, que le monastère de Puy-
Saint-Front a été l'origine, puis la sauvegarde de
la ville actuelle. Les pressentiments de l'illustre
archéologue se sont réalisés ; il ne reste plus rien
de ce cloître élevé au XIe siècle sur les fonde-
ments d'un temple païen et le donjon qui le flan-
quait tombe à son tour sous la pioche brutale.
L'Architecture, dans sou numéro du 14 janvier
1899, salue le vénérable édifice qui disparaît, en
en reproduisant le relevé, dû à M. J. Mandin. Il
y signale la découverte de deux fragments de
sculpture du IXe siècle.
L. C.
Borcbcs larcraur De Cbarrrcs.
Nous lisons dans la Semaine Religieuse de
C hartres :
Jusqu'ici les archéologues admettaient que les porches
latéraux de notre cathédrale dans leur ensemble avaient
été faits d'une haleine, immédiatement après les façades
qu'ils décorent, de 1:40 à 12S0 environ, et qu'ils étaient
sortis tout entiers, tels à peu près que nous les voyons, du
cerveau de l'admirable architecte qui les conçut.
Un examen plus approfondi de ces magnifiques mor-
ceaux de l'art gothique, examen que nous ont facilité les
travaux de consolidation dont le porche Sud est l'objet,
nous a permis de constater avec certitude que, contraire-
ment à l'opinion commune, ils ont été construits en deux
fois et à des époques relativement distantes l'une de
l'autre.
On ne pensa d'abord qu'à imiter le portail occidental,
lequel ne comportait de statues qu'aux ébrasements et
aux voussures des portes et n'avait point de porche en
saillie. Sur son modèle, les deux porches latéraux primi-
tifs ne dépassèrent pas les ébrasements et les voussures
de leuis portes. Les baies des extrémités ne reçurent de
chaque côté que trois grandes statues, et si les baies cen-
trales en possédèrent six, quatre seulement se dressèrent
sur chaque ébrasement, et les deux autres se tinrent en
avant, selon une disposition qui reste un peu obscure. Les
voussures ne furent garnies que de trois ou quatre cor-
dons. Et ce fut tout.
C'était trop peu pour ces larges façades, d'autant plus
que l'effet de ces portails était notablement diminué par
les quatre grands contreforts qui descendaient alors jus-
qu'en bas et se projetaient à deux mètres et demi des
portes.
C'est pourquoi l'on fut bientôt amené a compléter les
portails par des porches saillants, soutenus en avant par
des piliers décorés de scènes ou de grandes statues. Pour
insérer ces nouvelles constructions, on coupa les contre-
forts et on les soutint par des linteaux armés de fer ; de
plus, on appuya les voûtes nouvelles non contre les vous-
sures primitives, mais, en passant par-dessus, contre la
muraille même de la façade.
L'on a pu facilement constater combien cette addition
était postérieure, lorsque l'on a dû récemment démolir
pierre par pierre les parties avancées de la baie de droite
et de la baie centrale du portail Sud.
Ainsi les porches ne sont pas de la même façon et du
même plan que les portails. Ils leur ont été accolés après
coup, très habilement sans doute, non toutefois si bien
que l'on ait pu dissimuler leur point de jonction.
Ce fait si grave se trouve confirmé par mille observa-
tions d'ordre architectural et artistique qu'il serait trop
long de mettre ici en lumière. Qu'il suffise de dire que les
deux parties accusent leur distinction, une fois qu'on en
est prévenu, par la nature et la taille de leurs pierres res-
pectives, par la disposition des joints, et surtout par la
diversité des styles propres aux décorations et aux statues.
Cette diversité n'avait pas échappé à un certain nombre
d'artistes, mais ils ne savaient qu'en conclure, parce qu'ils
croyaient toujours que les porches étaient contemporains
des portails et sortaient du même jet.
Puisque nous sommes certains que ce sont des œuvres
distinctes et successives, nous sommes libres, à défaut de
textes, d'attribuer à chacun d'eux la date que lui assignent
la nature des sujets qu'ils représentent et la façon dont
ils sont traités.
Pour les portails eux-mêmes, il est sûr qu'ils furent
construits en même temps que la façade dont ils font
partie. Le caractère de leurs statues, surtout des plus
grandes, qui sont toutes hiératiques et sévères, les rattache
certainement à la première moitié du XIIIe siècle. Le por-
tail Sud paraît avoir été terminé plus tôt que celui du
Nord; il est plus grave; celui-ci renferme en effet des sta-
tues plus jeunes, surtout dans la baie de gauche (Visita-
tion, Annonciation); peut-être même ces dernières statues
ne furent-elles achevées que lors de la construction des
porches.
Quant aux porches eux mêmes et aux mille sculptures
décoratives ou historiées dont ils sont ornés, leur ensem-
ble révèle une imagination si riante et un ciseau si fin, qu'il
faut les attribuer au premier quart du XIVe siècle ou au
moins aux dernières années du XIIIe.
On dut commencer par le porche Sud et terminer par
le porche Nord; tous deux sont d'une élégance exquise,
mais le second est encore le plus raffiné. La nature des
sujets traités nous reporte sûrement à l'époque indiquée.
On y trouve dans l'un et dans l'autre bien des personnages
chartrains : saint Laumer, saint Avit, saint Cheron, saint
Calétric, saint Solenne, et surtout saint Modeste et saint
Potentien, avec le puits des SS. Forts; or c'est surtout,
c'est presque uniquement au début du XIVe siècle que
ces sujets locaux tirent invasion dans l'art et dans l'his-
toire. De même la présence de saint Louis, canonisé en
1297 et représenté pieds nus, et celle de Philippe le Hardi,
Chronique.
81
mort en 1 285, nous relance jusqu'au* approches du même
siècle. Que ne pouvons-nous retrouver dans ces documents
le Roder ou Robert qui a mis son nom sur un des piliers
du porche Nord? nous serions tout à fait fixés.
Cela posé, on ne peut qu'admirer l'art des architectes
de la seconde période. En complétant les portails par les
porches, ils les ajustèrent très adroitement ensemble. Ils
adoptèrent des sujets en parfaite conformité avec ceux que
les premiers artistes avaient ébauchés ; et ils ne se dis-
tinguèrent de leurs prédécesseurs que par les qualités
de finesse et de naturel exigées par les progrès de leur
époque; et encore, ils ne firent rien qui fût disparate et
heurté. En un mot, ils conservèrent l'unité matérielle et
morale du porche, et en cela ils exécutèrent un véritable
prodige de souplesse qu'il est bon de signaler.
A. Clerval.
Sur le même suj'et M. A. Marignan vient de
publier dans la Revue du Aloyen Age un article
dont voici le résumé d'après M. Clerval.
Les archéologues prétendaient jusqu'ici que ce por-
tail, appelé aussi le portail royal, avait été construit de
1145 à n.50, en arrière des clochers, et qu'en 1194,
après l'incendie de la cathédrale précédente, on s'était
contenté de le reporter un peu plus en avant des mêmes
clochers tel qu'il était, sans grande retouche. Autre est
l'opinion de M. A. Marignan. « L'étude minutieuse de ce
<k portail, dit- il, nous conduit à la fin du XIIe siècle. C'est
« bien vers 1 194, c'est-à-dire au moment où l'église fut
« brûlée, qu'on édifia ce porche, en faisant servir peut-être
« les colonnes de l'église de 1145, mais ni le dessin des
« petites figures des tympans, ni celui des statues colonnes
« ne peuvent nous fournir la preuve qu'elles ont été faites
« dans la première partie du XI Ie siècle. »
Pour appuyer cette conclusion, l'auteur passe en revue
les différentes parties de ce portail et porte sur chacune
des jugements que d'aucuns trouveront hardis, parce qu'ils
vont a l'encontre des appréciations traditionnelles, mais
qu'il serait imprudent de rejeter en bloc. Les sept arts
libéraux représentés à la voussure du porche droit lui
paraissent, comme sujet et comme dessin, du XIIIe siècle.
Les anges du porche gauche lui semblent aussi d'un faire
et d'un geste trop souples pour être du XIIe siècle. Il
remarque que les statues-colonnes ont été toutes ajoutées
postérieurement aux colonnes primitives si ouvragées,
puisque, pour les y poser, on a dû couper les premières.
Encore a-t on fait cette addition assez maladroitement; les
statues n'ont pas les mêmes dimensions. « Les unes sont
« trop longues, les autres sont trop courtes; celles-ci pla-
« cées trop haut ; celles-là trop bas; quelques-unes ont
« des supports simples sans ornementation, d'autres des
« animaux, enfin celles du porche du côté droit, des per-
« sonnages, comme à l'église de Senlis. »
Le dessin des statues elles-mêmes, si vantées, accuse
non pas un art parfait, mais plutôt, dit M. Marignan, « un
« art qui commence ou qui est à son déclin. Analysez
<S celles qui sont au portail du côté gauche. Les têtes sont
« trop petites, disproportionnées aux corps. On peut te
« connaître sans peine une main qui accuse la décadence
<L d'un art. Il ne faudrait pas aussi que les statues du
« porche central puissent nous donner le change. Certes,
« le second artiste qui les a faites appartient encore à la
« lignée de ceux qui ont sculpté les statues-colonnes des
<t églises du Mans, de Saint Loup de Naud; son dessin
■« est plus large, les proportions plus justes, les plis moins
C accentués ; mais ces figures trahissent cependant le
i canon gothique, c'est-à-dire le commencement du
« XIIIe ou la fin du XIIe siècle. Ce sculpteur est sans nul
« doute inférieur à celui à qui sont dues les statues-
« colonnes de Corbeil. »
Finalement, l'auteur annonce qu'il montrera que les
artistes ayant influé sur ceux de Chartres sont ceux du
Languedoc et non ceux de la Provence, comme on le
disait naguère. Nous attendrons qu'il ait achevé ses études
si intéressantes pour apprécier définitivement le jugement
antitraditionnel mais curieux qu'il porte sur l'âge et la
valeur esthétique de notre portail royal (').
A. Clerval.
CCne Cfjapcllc antique oc Satnt=ffiarttn
en Bocarjc IJormanD (2).
UR les montagnes voisines du Pont-
Erambourg (ligne de Caen à Condé-
sur-Noireau) saint Martin possède une
antique chapelle renommée par ses
pèlerinages.
La chapelle et le cimetière remontent à la plus
haute antiquité : le vocable du Saint en est un
indice, et les découvertes incessantes de sarco-
phages, de pierres tombales anciennes, de croix
archaïques, de souvenirs gallo-romains confir-
ment la tradition qui fait dater la construction
du temple des premiers âges du Christianisme.
Réédifiée ou réparée à travers les siècles, cette
église porte encore les traces des temps lointains.
Dans l'un des bas-côtés est ouverte une cheminée
qui fait présumer la résidence, en ces lieux, jadis,
de quelqu'ermite ; aux côtés du chœur est placée
dans le mur une crédence.
La Semaine religieuse de Bayeux donne sur ce
sanctuaire les détails qui suivent.
L'église, de style roman, possède un autel qui date du
XVIIe siècle; le tabernacle est élégant et bien sculpté; le
retable présente une niche aveuglée aux tons bleus semés
de fleurs pendantes ; la partie supérieure est bordée de
rinceaux en or diamanté sur fond d'azur ; de chaque côté
s'élèvent des pilastres composites, et des colonnes avan-
cées du même ordre aux chapiteaux de feuilles d'acanthe
dorées ; une croix latine domine la nef, tandis que, du
haut du tabernacle, le Saint, couvert de riches ornements
rouges et or, appelle sur les fidèles la bénédiction divine.
Les boiseries latérales, formées de portes et de seize pan-
neaux, sont couvertes de nielles ou feuillages dorés d'une
grande légèreté, et toutes ces sculptures, ces frises, ces
Hsteaux, ces volutes présentent une heureuse variété des
marbres verts, jaunes, gris, roses, blancs rehaussés de
nombreuses dorures et formant une décoration riche et
séduisante, et toutes ces teintes douces se fondent dans
un ensemble d'une majestueuse harmonie.
De chaque côté de l'autel, deux grandes toiles entourées
de cadres aux oves dorés montant en pointe surmontée
d'une croix latine retracent des épisodes de la vie du
Saint. La première rappelle ses actes de charité : soldat,
il est à cheval, casqué et couvert d'une courte tunique; il
1. Semaine religieuse de Chartres.
2. Chapelle actuelle du cimetière, ancienne église paroissiale de
Saint-Denis-de-Meré.
REVUE DE L ART CHRETIEN.
l80Q. — Ire LIVRAISON".
82
îRelntr De r&rt cljrcttcn.
vient de couper son manteau et d'en donner une partie
au pauvre qu'il a trouvé sur son chemin; le temps est
hivernal et gris, les frimas glacent les membres, la neige
blanchit la terre, la monture est arrêtée, le cavalier se
penche et s'empresse de soulager la misère; près de lui
le malheureux presse le vêtement précieux contre sa poi-
trine grelottante; sa figure, ses gestes expriment la plus
vive gratitude ; sa nudité, ses infirmités, sa jambe sus-
pendue, ses béquilles, tout chez lui fait naître la compas-
sion augmentée par les rigueurs du froid intense. Cette
scène symbolique est esquissée avec art, et M. Grohand ('),
qui l'a composée, a bien groupé ses personnages. Le visage
du pauvre est expressif et son attitude répond à ses souf-
frances et à ses sentiments. Peut-être le cavalier pourrait-
il soulever quelque critique : si sa position équestre est
régulière, sa physionomie ne paraît pas irréprochable et
son épée semble trop ombrée.
L'autre peinture est moins connue ; elle représente le
Rêve de saint Martin. Dans une chambre assombrie par
la nuit se dessine vaguement un lit et des consoles cou-
vertes de livies ; sur le sol sont jetés en premier plan,
une moitié de manteau, l'épée, le cuissard, le casque et le
bouclier. Près de ces armes le soldat en prière a un genou
fléchi et porte en arrière la jambe droite dans un élan
mystique ; sa face en extase aspire vers le ciel, et son œil
fixe est celui d'un voyant ; sa main gauche sur son cœur
et le bras droit tendu expriment de vifs sentiments d'amour
pour le Très-Haut : c'est qu'aux cieux Dieu lui apparaît
assis sur les nues selon les Écritures, portant sur les
genoux la moitié du manteau donné au mendiant. Le
Seigneur envoie vers le Saint deux de ses séraphins : l'un
offre la mitre et l'autre lui présente la crosse épiscopale,
présage de sa mission future. Cette belle inspiration artis-
tique et idéale devait naître dans une âme profondément
religieuse; aussi est-elle sortie du pinceau d'un moine du
monastère de Mondaye (Calvados); le Père Restout a
conquis son renom par les grandes et belles peintures
murales et les célèbres voûtes qui décorent son abbaye.
Souvent les peintres se rendent à l'antique basilique pour
puiser à cette source des inspirations; mais le Rêve n'est
plus en ce lieu ; il fallait découvrir cette œuvre oubliée
dans une église de campagne (Colombelles), et c'est là
que M. Grohand a eu le mérite de deviner cette belle
toile, de la publier, de s'en inspirer. Toutefois, il a cru
devoir dans cette reproduction adopter certaines préfé-
rences contemporaines en revêtant les anges d'une lévite.
Le religieux compositeur de cette œuvre avait préféré
retracer les aspirations artistiques d'une autre époque ; le
reproducteur du Rêve aurait dû au moins répandre sur la
toile les transparences nébuleuses d'un songe : il semble
que la Divinité et les anges auraient été moins en vue,
moins éclairés, et c'est au milieu d'un rayonnement dia-
phane et céleste que la vision divine se serait montrée dans
toute sa majesté. Le Christ paraît trop sacrifié au Saint
qu'il protège ; celui-ci en effet heureusement présenté et
bien peint possède des mouvements savamment combinés.
En somme, le tableau dans son ensemble doit attirer
des éloges au décorateur de mérite de la chapelle.
Dans ce temple se trouvent encore quelques tableaux
sans valeur artistique. Tous représentent saint Martin et
saint Denis à différentes époques ; ils n'offrent qu'un
intérêt archaïque, et leur conservation dans ce lieu ne
s'explique que par leur ancienneté.
Un Membre de Sociétés archéologiques
françaises et grecques.
i. M. C. Grohand, rue Grusse, 4, Caen.
religieuse.
Peinture décorative
Ir.es oc Brcslap à la catbcorale
D'Hngcrs.
On lit dans la Semaine Religieuse d'Angers,
n° du 6 Nov. 189S :
Ces jours derniers, en échafaudant l'arcade dans la-
quelle sera placé le monument de Mgr Freppel, on a mis
à nu dans la cathédrale les traces d'une grande plaque de
fondation, entourée jadis de moulures et de motifs d'ar-
chitecture, rasés au niveau du mur, et les restes d'une
décoration peinte. L'espace occupé par la peinture est
moins large que le fond de l'arcade. Une partie semble
avoir été sacrifiée au-dessus de l'écusson qui domine le
tout : je crois aussi que l'ornementation descendait jadis
plus bas. Ce qu'il en reste paraît avoir été protégé par un
tableau, dont on voit encore les deux anneaux de suspen-
sion et les pattes de soutènement jusqu'au badigeonnage,
exécuté vers 1782 par Borani.
Avant la disparition définitive de ces vestiges, j'ai voulu
savoir de quels personnages ils pouvaient bien évoquer le
souvenir. Grâce aux manuscrits de la Bibliothèque et aux
dessins de Gaignières, rien n'est plus facile.
Voici le résultat de mes investigations : je le dédie aux
Angevins, attachés de cœur a leur vieille cathédrale
(ecclesia mater) et à son histoire.
Parmi les illustres dignitaires du chapitre d'Angers,
vivaient au XVIe siècle Pierre et René de Breslay.
Le premier, chantre de Saint-Maurice, mourut a 29 ans,
le 16 septembre 1 583, de la peste, pendant le concile de la
province de Tours, qui se tenait à Angers dans la chapelle
de Sainte- Anne (aujourd'hui du Christ). Cette circonstance
lui valut les prières de l'archevêque de Tours et des évé-
ques, qui se réunirent dans la salle du chapitre pour y
réciter le Subvenite à son intention. Pierre de Breslay fut
enterré devant l'autel de Saint-Nicolas, auquel du reste
fut mis son portrait seulement en 1635, au moment de sa
reconstruction, dont je parlerai plus loin. Cet autel occu-
pait la place de celui qu'on a dédié, il y a quelques années,
à saint Joseph.
Le hasard m'a fait trouver pour le Musée diocésain une
plaque ovale de marbre noir, portant l'épitaphe de ce per-
sonnage, gravée non au moment de sa mort, mais après
164.1, date de celle de son frère. Lehoreau, dans son céré-
monial, en donne le texte ('). Je le publierai en fac-similé
dans la Monograpliie de la cathédrale, commencée depuis
longtemps et que j'espère bientôt achever.
Le second, chanoine, grand archidiacre d'Angers, puis
évêque de Troyes, était abbé de Saint-Serge, conseiller et
aumônier d'Henri IV. Il mourut en 1641 et fut enterré
dans la cathédrale de Troyes, qu'il combla de bienfaits.
Sa générosité ne fut pas moindre pour Saint- Maurice. En
1635, il fit remplacer les quatre autels de la chapelle des
Evèques ou transept Nord (-') par trois autres, ornés de
marbres et de motifs d'architecture, dans le goût du
temps. Ainsi en témoignait une inscription sur marbre
noir, dont voici le texte : Hac condita sunt, procurante
Domino Renault huius Ecclesiw Canonico Domini turn
Tricent. episcopi et Cantuarii ex sorore nepote, 1635 (<).
Cet Etienne Benault fit dorer les autels, que Mgr Henri
Arnauld dédia le 19 juin 1651, le plus voisin du chœur à
saint Nicolas, celui du milieu à saint Sébastien, et le
1. Bib. de l'Évêché. Cérémonial manuscrit. 1. I, p. 38r.
2. Ces quatre autels, construits en 1451, par Guillaume Robin,
maître des œuvres de l'Église d'Angers, furent consacrés le 31 mars
de la mmi- année par l'évoque d'Orange. Ils étaient dédiés a saint
Nicolas — à la Vraie Croix et à sainte Véronique — à saint Julien
— à saint Enstache et à sainte Madeleine.
3. Bib. de la ville. Ms. N. 869, p. 478.
Chronique.
83
dernier à saint Etienne. Au premier se voyait le portrait
de Pierre de Breslay, au dernier celui de René.
Non content d'avoir fait reconstruire à ses frais les trois
autels, l'évêque de Troyes légua à la cathédrale d'Angers,
le 13 décembre 1640, la somme de deux' mille livres pour
un anniversaire en musique à cinq chapes doubles, avec les
cérémonies, luminaires, sonneries et solennités accoutumées
aux anniversaires de Nosseigneurs les évéques et un libéra
sur la sépulture, de messire Pierre de Breslay, son frire,
vivant chantre et chanoine de cette même église, et la somme
de quinze cents livres pour la célébration de trois messes à
basse voix par semaine après celle du chœur alternative-
ment aux trois autels qu'il a fait construire, etc. (').
En souvenir de cette double fondation, Etienne Benault
fit placer dans l'arcade voisine des trois autels (dans celle
précisément où va s'élever le monument de Mgr Freppel)
une grande plaque de cuivre encadrée de deux colonnes
de marbre noir, couronnée d'un fronton, portant les armes
de René de Breslay (2) et surmontée de deux anges accom-
pagnant une croix dorée. Le dessin de cet ensemble, qui
se rapproche beaucoup du monument commémoratif de
Gabriel Constantin, existant encore derrière la boiserie
du chœur, a été conservé par Gaignières et par Ballain.
Ce sont les restes des pierres incrustées dans le mur qu'on
aperçoit en ce moment.
Les peintures rappellent aussi le souvenir du même
prélat. On distingue sur un fond bleu sombre deux fois les
initiales D et B et une fois deux R enlacés (René de Bres-
lay), une rose d'or h double rang de pétales et tout au
haut l'écusson de l'évêque dans un grand cartouche accom-
pagné des glands du chapeau épiscopal. Celui-ci manque
actuellement.
Il est curieux de constater combien de changements
subit un même emplacement dans la suite des siècles.
Cette arcade abrita, en 1439, le portrait et le tombeau en
bois (bien misérable) d' Hardouin de Beuilj ils dispa-
rurent en 1635 (3). Etienne Benault la consacra au souve-
nir de son oncle, René de Breslay, après 1641, par l'érec-
tion du monument de la fondation et la peinture, dont on
voit les derniers vestiges. Le Chapitre fit raser et suppri-
mer la plaque à la fin du dernier siècle, badigeonner le
tout, et voici qu'en 1898 on y érige le monument de Mgr
Freppel ; espérons qu'il y restera à perpétuité.
L. DE Farcv.
Un sarcophage rouan de Pamiers. — M. le
curé de Saint-Jean de Verges vient de découvrir
un très beau sarcophage. Ce monument est en
marbre blanc du pays (4). Il a été trouvé près du
chevet extérieur de l'église romane de cette pa-
roisse, orienté de l'Est à l'Ouest, et situé dans
l'axe de l'absidiole de droite.
Il présente, à chacun des quatre angles, une
colonnette sculptée dans le bloc, semblable à
celles que l'on trouve dans le chœur de l'église.
Ces ornements et l'absence même de toute in-
scription (on n'en trouve pas avant le X I Ie siècle)
1. Extrait du texte de la plaque de fondation, d'après Gaignières.
2. D'argent, au lion rampant de gueules, cantonné à droite d'un
croissant d'azur.
3. Tous les samedis, dit Lehoreau (t. I. p. 438), on chantait un
Subvenite en souvenir de Hardouin de Bueil à la fin de la messe
d'après Matines.
4. Il a une hauteur extérieure de o m. 55 et avec le couvercle
om. 80 ; sa largeur extérieure est de o m. 80 ; à l'intérieur, ses di-
mensions sont de 2 mètres de long sur o m. 60 de large eto m. 43
de haut.
permettent d'affirmer que ce tombeau est con-
temporain de l'église, par conséquent du XIIe
siècle.
On a retrouvé tout à côté, dans un plan paral-
lèle, et dans la même orientation, deux autres
tombeaux d'égales dimensions que le premier,
mais sans ornements ni sculptures, dont les cou-
vercles avaient été brisés. L'ouverture en a été
faite le 22 octobre, en présence de M. le maire
de Saint-Jean, de M. Sicard, curé de la paroisse,
de M. Poux, archiviste, de MM. les docteurs
Dunac, Troy et Dresch.
L'intérieur était rempli de terre, il ne faut pas
s'en étonner; ici, même pour ce cercueil de pierre,
les prescriptions de la liturgie chrétienne ont été
observées : le mort a été réellement enseveli dans
la terre, et in pulverem reverteris.
On croit être en présence du tombeau du pre-
mier Prieur de Saint-Jean de Verges. Telle est
du moins l'opinion que M. l'abbé Sicard établit
sur des considérations historiques (*).
NOTRE collaborateur M. J. Berthelé a rele-
vé sur la cloche de l'ancienne prison de la
Fère (1653). l'inscription suivante:
>b Honorables hommes Messires (?) Laurent Belin,
maïenr de la Fère, L. Camus, J. Gobault, C.
Hemmdin, L. Wibert et H. Doffemont, jurez
(pour jurés), J. Marcq, procureur, A. Bottée,
greffier, et J. Rillart, argentier, m'ont nommée
Montaine et fait faire en i6jj.
Pierre Linotte m'a faict.
Il résulte de la teneur de cette inscription que
la cloche de l'ancienne prison de La Fère était
au premier chef une cloche municipale.
L'inventaire des Archives du département de
l'Aisne, rédigé par M. Aug. Matton, a permis à
M. Berthelé de reconnaître comme laférois la
plupart des noms de famille cités dans l'in-
scription.
Le fondeur Pierre Linotte, auteur de la
cloche, n'était guère connu jusqu'ici. On savait
seulement qu'un fondeur portant ce nom et ce
prénom avait été établi vers cette époque à Sois-
sons. Il est même assez probable qu'il mourut
dans cette ville; en tout cas, des papiers relatifs
à sa succession ont été signalés par M. Matton
dans les Archives hospitalières de Soissons. —
Certains indices porteraient à supposer que Pierre
Linotte était peut-être originaire de La Fère ou
y avait des parents.
M. B. ne croit pas se tromper en lui attribuant
I. Sem. relig. de Pamiers.
84
WitWt De r&rt chrétien.
la paternité de deux cloches, fondues en 1647 et
en 1662, qui ont survécu jusqu'à nos jours àTros-
ly-Loire, où elles servent de timbres à l'horloge
communale (J).
Belgique.
Commission royale des monuments — Nous
avons entretenu nos lecteurs de l'assemblée
générale annuelle de la Commission royale des
monuments, tenue l'été dernier à Bruxelles (2). Il
y avait trente ans que cette assemblée générale
n'avait plus eu lieu, malgré le règlement qui
prescrit la réunion annuelle.
Dans cette assemblée M. le ministre De Bruyn
a jeté un coup d'ceil rétrospectif sur les travaux
qui ont été exécutés à « nos monuments d'art
anciens.
« A l'une de vos assemblées générales, dit-il, tenue il y a
près de quarante ans — cela se passait en 1861 — un de vos
membres les plus éminents, M. James Weale, élevait la
voix pour déplorer le dommage que des restaurations trop
hâtives avaient fait subir à nombre de monuments du
pays. Il énumérait les œuvres d'architecture auxquelles
des travaux, exécutés avec plus de zèle que de prudence,
avaient enlevé une grande partie de leur intérêt artistique
ou archéologique.
« Il faut bien le reconnaître, ces critiques n'étaient que
trop justifiées et, en jetant un cri d'alarme, le savant que
je viens de nommer rendait un service au pays et à l'art.
« Si j'ai évoqué ce souvenir.c'est parce qu'il m'est agréa-
ble, messieurs, de constater combien la science archéolo-
gique, la connaissance de l'architecture du moyen âge, le
respect des monuments anciens ont fait de progrès dans
notre pays depuis un quart de siècle, et combien sont
plus satisfaisantes les appréciations que l'on peut émettre
sur les restaurations exécutées pendant cette dernière
période.
« On n'aborde plus aujourd'hui la restauration d'un
monument ancien qu'après avoir étudié ce dernier dans
toutes ses parties, après lui avoir fait révéler tous ses se-
crets. On s'impose pour loi de rendre avec une fidélité
absolue la pensée de son auteur. Les questions conjectu-
rales ne sont tranchées qu'avec la plus extrême prudence,
après avoir analysé les documents, comparé les analogies,
épuisé toutes les sources d'information. On ne se contente
pas de restituer au monument ses lignes et ses surfaces ;
afin de lui conserver ce que sa physionomie a de plus in-
time, on s'astreint à employer des matériaux identiques
à ceux utilisés dans le monument primitif, à respecter les
dimensions de l'appareil, le mode de taille, ce que j'ap-
pellerai la facture de l'édifice.
" L'unité de style a été pendant longtemps considérée
comme un dogme, au nom duquel on n'hésitait devant
aucun sacrifice. Nos architectes sont heureusement reve-
nus à une appréciation plus saine, et tout le monde est
d'accord aujourd'hui pour respecter, dans un monument
du moyen âge, les modifications et les apports de la Re-
naissance et des époques subséquentes, lorsqu'ils présen-
1. Ces deux cloches ont été décrites en 1869 par M. Mai lin Mar-
ville dans son Histoire de Trosty-Loire, et en 1887, par M Dutail-
ly, dans sa Notice historique sur les Cloches du canton de Chauny.
2. Revue de ï Art chrétien, année 189S, p. 506.
tent un intérêt artistique ou historique. Vous avez à cet
égard, messieurs, une importante mission de surveillance
à exercer, et il dépend de votre attention et de votre zèle
de conserver à nos monuments la partie souvent la plus
riche de leur mobilier et de leur décoration.
« Le métier de restaurateur a ceci de spécial que la
sagesse s'y manifeste, dans bien des cas, plutôt par l'ab-
stention que par l'action. Le comble de l'art c'est de res-
taurer le plus discrètement possible. Toutes les restaura-
tions n'ont pas été conçues dans cet esprit conservateur.
Certains monuments ont subi des réfections tellement ra-
dicales, qu'ils ne sont plus que des fac-similé plus ou moins
exacts de l'édifice primitif. Est-il besoin de dire que ces
froides reproductions, que le temps n'a pu dorer de sa
patine, destituées de l'autorité et de la poésie de la chose
ancienne, ne satisfont ni les artistes, ni les archéologues,
ni aucun de ceux qui professent le respect 'du passé ? C'est
à vous, messieurs, qu'appartient la belle mission de dé-
fendre les vestiges de nos monuments anciens et de mar-
quer, par vos conseils et vos avis, la limite à laquelle doit
s'arrêter une restauration intelligente. De grands résultats
ont été atteints dans ce sens, et je n'hésite pas, messieurs,
à vous en attribuer le mérite. Je crois pouvoir compter
sur vous pour assurer d'une façon encore plus complète et
plus définitive le triomphe de ces idées.
« Le gouvernement ne s'est jamais désintéressé des ef-
forts et des sacrifices faits pour conserver au pays ses ri-
chesses monumentales. Il n'a jamais marchandé son inter-
vention pécuniaire, et ses subsides ont toujours été calculés
largement, en tenant compte à la fois de la valeur artisti-
que du monument à conserver, de l'importance des tra-
vaux à exécuter et des ressources financières des commu-
nes et autres administrations locales, directement inté-
ressées à la conservation de leurs monuments. Quelque-
fois même, il est allé plus loin ; c'est ainsi qu'il a acheté
les ruines de l'abbaye de Villers, qu'il a acquis le droit de
conservation des ruines de l'abbaye d'Aulne.
<L II considère qu'il est de son devoir de veiller, dans
l'intérêt de tous, a l'avenir du patrimoine artistique du
pays. Les travaux ainsi exécutés avec son concours con-
tribuent à entretenir dans la nation le culte et la tradition
du beau et peuvent être considérés comme un encoura-
gement et un exemple donnés aux propriétaires d'eeuvres
d'art ancien.
« Mais il semble qu'à mesure que le gouvernement se
montre plus soucieux à remplir son rôle, des exigences
nouvelles s'affirment avec plus de ténacité. D'aucuns ne
paraissent pas éloignés de considérer l'État sinon comme
le promoteur, du moins comme l'associé obligé — et prin-
cipal, cela va sans dire — de toutes leurs entreprises,
comme le tuteur et l'administrateur de tous les intérêts.
Il ne peut convenir au gouvernement de s'engager dans
une telle voie. Rien n'est plus contraire à nos mœurs et à
nos traditions respectueuses du principe de l'initiative
privée, de la responsabilité personnelle et de la décen-
tralisation.
« En ce qui concerne les objets qui vous intéressent
plus spécialement, messieurs, le gouvernement croit rem-
plir tout son devoir en contribuant à conserver pour les
générations futures les monuments publics qui peuvent
être considérés comme faisant en quelque sorte partie de
notre richesse commune.
« A côté de ces monuments, notre pays plus riche sous
ce rapport que beaucoup d'autres, peut montrer bien des
constructions anciennes intéressantes ou remarquables à
divers titres. C'est aux propriétaires de ces constructions
qu'incombe l'obligation morale d'assurer leur conserva-
tion. Je me plais à reconnaître que ce devoir est, de jour
en jour, mieux compris, et que l'initiative privée nous fait
assister à une véritable résurrection de nos villes ancien-
nés. Je suis heureux de pouvoir citer ici l'exemple des
villes de Bruxelles et de Bruges qui ont su, tout en se
pliant aux nécessités de la vie moderne, conserver, avec
leurs seules ressources, ce caractère artistique qui en fait
en quelque sorte des lieux de pèlerinage pour les touristes
du monde entier.
Ajoutons que presque tous les comités provin-
ciaux ont émis le vœu de recevoir communica-
tion avant la Commission centrale des projets
relatifs à leur province respective. Ce point dé-
pend surtout de l'initiative du gouverneur. Or
M. le baron Ruzette, gouverneur de la Flandre
Occidentale, vient de le réaliser.
Cette mesure donnerait beaucoup de besogne
au Comité provincial. Aussi M. le Gouverneur
propose-t-il simultanément d'augmenter le nom-
bre de leurs membres.
Parmi les noms proposés pour les places nou-
velles, il faut citer : M Ronse, représentant, à
Bruges ; M. le baron Charles Gilles de Pélichy,
docteur en droit, à Iseghem ; M. de Spot, séna-
teur, à Fumes.
Ces nominations seraient accueillies avec fa-
veur dans la province, où l'on espère que la pro-
position de M. le Gouverneur sera accueillie.
— *©< ■■ >&i—
Exposition d'Art ancien à Tournai. — ■ L'Ex-
position d'Art ancien, ouverte à Tournai du 1 1 au
25 septembre dernier, a eu une durée trop éphé-
mère pour nous permettre d'appeler sur elle l'at-
tention de nos lecteurs, pendant qu'elle était
ouverte. Cependant, son succès a été grand et
elle a eu assez d'importance, pour en conserver
le souvenir.
On ne saurait trop encourager l'organisation
de ces expositions régionales, généralement très
intéressantes, toujours instructives en ce sens
qu'elles réunissent un grand nombre d'objets de
nature diverse mais d'origine commune. Dis-
persés chez les amateurs, les collectionneurs et
les anciennes familles, ces objets présentent des
spécimens de toute nature de l'art national, ou,
si l'on aime mieux, provincial, qui font connaître
les tendances et l'esprit de la région délimitée
par le programme de l'Exposition.
Celle de Tournai, organisée sous les auspices
du Comité tournaisien de l'Association congo-
laise de la Croix Rouge, mais particulièrement
par les soins de M. Eugène Soil, l'archéologue bien
connu par ses travaux sur l'arc tournaisien et par-
ticulièrement par son beau livre sur les tapisseries
et les hautelissiers de Tournai, comprenait un
grand nombre d'objets appartenant aux arts et
aux industries d'art les plus divers. En général il
a été répondu largement à l'appel que le Comité
a adressé aux administrations, aux églises et
aux particuliers détenteurs d'objets intéressant
l'histoire locale et les beaux-arts. Les églises de
Tournai, notamment, dont quelques-unes possè-
dent encore des trésors d'un haut intérêt, ont
tenu à participer à l'Exposition. Les industries
locales étaient largement représentées. C'est ainsi
qu'il s'y trouvait une intéressante collection de
tapis de Tournai, parmi les plus belles pièces de
laquelle il convient de citer un tapis exposé par
une maison de Lille portant la date de 1 549 ; une
splendide tapisserie de fabrication toumaisienne
du XVe siècle, représentant l'histoire de Judith
et Holopherne, avait été prêtée par M. Somzée
de Bruxelles ; beaucoup d'autres objets de
cette nature seraient à citer. Une autre industrie
d'art locale était également très bien représen-
tée, nous voulons parler de la porcelaine, dont
précisément à Tournai on a fait des applications
si diverses, au point d'aborder même la statuaire
de grande dimension. Ici, il y aurait à citer bien
des choses d'un grand intérêt, appartenant à tou-
tes les catégories de ce genre de fabrication. Des
collectionneurs comme M. Soil pouvaient, à eux
seuls, former une exposition bien instructive à
cet égard. Il y aurait encore à citer les manus-
crits, les dentelles, les ivoires, l'argenterie dont
une grande quantité de pièces remarquables or-
naient les salons de ce musée éphémère ; la
plupart des anciennes familles de Tournai ont
voulu envoyer les trésors réunis par les soins de
plusieurs générations.
Tout cela n'était pas classé méthodique-
ment, mais disposé, pour le plus grand plaisir
des yeux, dans un arrangement pittoresque, où
souvent le contraste faisait valoir, comme dans
un salon aristocratique, les objets des natures les
plus diverses. Ce qui rehaussait surtout cet en-
semble c'était quelques bonnes peintures, et no-
tamment une série de portraits de grande valeur.
M. le général de Formanoir de la Cazerie avait
exposé ses beaux Holbein ; M. le comte de Né-
donchel le portrait du duc et de la duchesse de
Choiseul, par Drouais et par Largillière ; enfin
une vitrine toute garnie de miniatures attirait
particulièrement les visiteurs de l'Exposition.
Ceux-ci étaient nombreux, car la recette pour
l'œuvre de l'Association congolaise de la Croix
Rouge, au profit de laquelle l'Exposition était
organisée, a été très respectable.
— K>i— — i®i-
ON prépare à Bruxelles, pour le mois de sep-
tembre prochain, une Exposition interna-
tionale d'art chrétien, qui serait installée dans les
locaux du Musée moderne. Les organisateurs
ont pour but, en montrant les beautés sobres et
sévères des accessoires et ornements véritable-
- - ■ ■ - r v
86
Bcbuc De rairt chrétien.
ment artistiques du culte, de combattre la profu-
sion et le mauvais goût des ornementations ac-
tuellement employées.
Peintures murales à Zepperen (Limbourg). —
On a mis au jour, à l'église paroissiale de Zeppe-
ren lez-Saint-Trond, la trace de peintures mu-
rales cachées sous une couche de chaux ; l'on a,
sous la direction intelligente de M. l'abbé Poly-
dore Daniels, membre de la Commission provin-
ciale des monuments, commencé à dégarnir ces
splendides peintures, qui offrent une belle repré-
sentation Au Jugement dernier.
Sur un autre mur ont apparu un gigantesque
saint Christophe et d'autres images de saints.
La voûte de la nef centrale semble également
entièrement peinte de fleurs et figures.
D'après M. l'abbé Daniels, les peintures datent
des premières années du XVIe siècle, et sont en-
tièrement dans le style du XVe.
— fSW K3tf—
Peintures murales de l'église de Nieaport, — En
1887, en procédant au grattage des piliers du
«m
Personnages des fresques de Nieuport.
transept, on découvrit d'anciennes peintures mu-
rales exécutées directement sur le mur sans mor-
tier et faites à l'huile ou à l'encaustique. Elles
s'étendaient du bas aux chapiteaux des colonnes
et offraient deux figures assez remarquables. Un
des personnages représentés est un empereur
en costume guerrier, la tête couronnée, portant
la barbe et ayant le trait caractéristique de
Chronique.
87
Charles-Quint (la lèvre inférieure et le menton
très saillants). La figure faisant pendant doit être
sa femme Isabelle de Portugal. De l'autre côté
se trouvent un roi et son épouse. Ce sont les pa-
rents de Charles-Quint, Philippe le Beau et la
reine Jeanne d'Aragon.
A l'époque présumée de l'exécution de la pein-
ture, Charles-Quint venait de remporter la vic-
toire de Pavie, en 1525. Son mariage, en 1526, et
son couronnement, en 1530, par le pape Clémtnt
VII furent l'occasion des fêtes qui furent données
en son honneur dans les Flandres. Rien d'éton-
nant que ces peintures fussent exécutées en sou-
venir de ces fêtes et à la gloire de Charles-Quint.
A la cour de Marguerite d'Autriche se trou-
vait comme peintre Bernard van Orley (<i> 1 541 )
qui étudia en Italie sous Raphaël. Les peintures
sont-elles de ce maître ? Le dessin et l'exécution
Personnages des fresques de Nieuport.
font croire qu'elles sont plutôt d'un de ses élèves.
Le même sort fut réservé par les iconoclastes
aux statues de l'église de Nieuport qu'à tant
d'œuvres d'art en Belgique.
Les peintures en question ont été soigneuse-
ment relevées, ainsi que d'autres plus récentes qui
les recouvraient, par M. A. Wybo, artiste peintre
à Fumes qui a été chargé de les restaurer sous les
auspices delà Commission royale desmonuments
et de M. le Bourgmestre de Roo. Étant donné
le talent distingué et l'esprit consciencieux de
cet artiste, l'on peut être rassuré sur la valeur de
cette restauration. Nous devons à l'obligeance de
M. Wybo de pouvoir reproduire ces deux person-
nages et le croquis de la niche qui faisait partie
des peintures subséquentes.
■ I ■! "l lM ■■ — ■■ ..Il
. — -■- h
88
Bebue tfc F&rt chrétien.
ï£î£î£»&:&î£*:£^^^:&îS^^îS.!ï&î&ï&!£:&s&îa5i&!&fe'
Stuart Brttïï.
LE 19 novembre dernier, est mort à Londres
Sir Stuart Knill, président de la Gilde de
St-Grégoire et de St-Luc d'Angleterre.
11 est décédé à sa résidence de Blackheath,
bien connue des nombreux amis, prêtres, artistes
et hommes d'oeuvres qui y ont joui de l'hospitalité
cordiale et chrétienne, l'une des vertus caracté-
ristiques du défunt,
Sir Stuart Knill, fils de John Knill, était né à
Londres en 1824. 11 avait succédé à son père
dans la firme de MM John Knill et O, arma-
teurs et expéditionnaires, directeurs de l'entrepôt
de Fresh Wharf et Cox's Quai, près de London
Bridge. Au début de sa carrière il s'était tenu à
l'écart de la politique et des agitations de la vie
communale à Londres, mais en 18S5, à la mort
de Sir Charles Witham, l'attention se porta sur
lui, des influences et des intérêts considérables
réclamant un candidat capable de représenter le
quartier au Conseil communal de Londres. A
aucune époque de sa vie Stuart Knill n'avait dis-
simulé ses convictions catholiques, et tous ceux
qui le connaissaient, le savaient incapable de
transiger ou de dissimuler ses opinions dans
l'espoir d'un siège à Guild Hall. Le candidat qui
lui fut opposé était M. John Voce Moore (aujour-
d'hui Sir), actuellement Lord Maire, et après une
lutte des plus vives M. Stuart Knill l'emporta. Il
accepta les fonctions de sheriff de Londres
en 18S9.Au cours des évolutions ordinaires dans
le Conseil où d'année en année les membres se
succèdent à la plus haute magistrature, son tour
à l'élection de lord maire devait venir en 1892.
Mais avant de mettre cette élection à l'ordre
du jour, il s'éleva au sein du Conseil une contro-
verse passionnée sur la question de savoir si un
catholique romain aussi fervent que M. Knill
— tellement fidèle à sa confession qu'il s'abstien-
drait certainement de paraître aux offices de la
cathédrale St-Paul qui avaient un caractère
officiel, et où les fonctions de lord maire l'obli-
geaient à faire acte de présence, ni dans d'autres
temples du culte établi — pouvait occuper le siège
de premier magistrat de la ville. — ... Au cours
de ces débats, l'alderman Stuart Knill prit une
position très nette. Il adressa une lettre au Lord
Maire d'alors (Sir David Evans) par laquelle il
déclarait vouloir rester scrupuleusement fidèle à
l'attitude que, conforme à ses convictions, il avait
prise jusqu'alors, quelles qu'en fussent les consé-
quences. Que s'il était élu, il nommerait à la
vérité un membre du clergé de l'église établie
d'Angleterre, comme son chapelain — ou plutôt
comme le chapelain officiel de sa charge; — que
dans toute autre question il continuerait à suivre
les traditions et à accomplir les devoirs de sa
haute position — toutes les fois qu'elles ne l'obli-
geraient pas à agir contre sa foi religieuse. La
franchise de cette déclaration n'empêcha pas
son élection ; il fut à la vérité vigoureusement
gourmande alors par ses concitoyens protestants,
mais jamais il ne céda un pouce du terrain sur
lequel il s'était placé.
Son nom et celui de l'alderman Georges
Faudel-l'hilipps — l'un catholique romain, et
l'autre Juif d'esprit libéral, — furent soumis au
choix de la cour des aldermen (Conseil coin-
Chronique.
89
munal de Londres). Celle-ci se prononça en
faveur de l'alderman Stuart Knill.
Ses adversaires et même les journaux généra-
lement peu favorables au catholicisme, sont
convenus qu'au cours de sa magistrature, sa con-
duite a toujours été digne, que son action dans
les affaires de la commune a été utile et féconde.
Aux grandes cérémonies officielles, il s'abstint
de paraître dès qu'elles prenaient un caractère
confessionnel. Lorsque, dans ces circonstances, le
conseil municipal en corps se rendait à la cathé-
drale St-Paul, Stuart Knill faisait partie du cor-
tège jusqu'à la porte de l'église, et il reprenait
sa place à la tête du Conseil lorsque celui-ci sor-
tait du temple.
Le jour de l'an 1S93, '' fit une visite officielle
à la ville de Dublin, pour assister à l'inauguration
du lord maire de cette ville; il y fut reçu avec
enthousiasme par toute la partie catholique de
la population, et avec déférence par le reste des
habitants.
Lors du mariage du duc et de la duchesse
d'York, le lord maire et les sheriffs allèrent
au-devant du couple royal, sortant de St-Paul, et
ils les accompagnèrent à travers les rues dans la
visite que les conjoints firent à la cité de Londres.
Lorsque le roi et la reine de Danemark vinrent
à Londres pour le mariage de leurs fils, Stuart
Knill les reçut à Guild Hall en sa qualité de lord
maire au nom de la Corporation de Londres. Dans
toutes ces circonstances il mettait dans sa tenue
une grande dignité qui n'excluait ni la simplicité,
ni la bienveillance. Lors de la réunion du Congrès
de l'Institut britannique pour l'hygiène publique
tenu à Edimbourg, le lord maire et les sheriffs
de Londres honorèrent le Congrès de leur visite,
et l'Université d'Edimbourg offrit à cette occa-
sion à Stuart Knill, le diplôme d'honneur de
docteur de l'Université.
Sous sa magistrature un événement bien dou-
loureux pour l'Angleterre mit en relief sa géné-
rosité et ses capacités. La perte du vaisseau
Victoria de la marine royale entraîna dans ce
désastre pour le pays, la mort de plus de 400 per-
sonnes. Il se créa, par souscription, pour venir au
secours des veuves et orphelins, un fond qui
s'éleva à plus de 68,000 livres sterlings, et Stuart
Knill fut nommé commissaire royal pour l'admi-
nistration de cette œuvre patriotique ; d'autres
fonds de même nature lui furent confiés, car à
Londres on connaissait son esprit de charité et
son énergie au travail.
Dans les lignes que l'on vient de lire, je me
suis laissé entraîner, a la suite des articles nécro-
logiques parus dans les grands journaux de
Londres, à mettre en relief les traits du catholique
sans peur et sans reproche, du magistrat et du
citoyen dévoué aux intérêts de ses commettants.
Il importe de faire connaître ses titres à un
souvenir dans les colonnes de cette Revue.
En réalité Stuart Knill aimait sincèrement
l'art, et comme nous, il l'aimait comme l'expres-
sion la plus élevée et la plus populaire de la foi
catholique. Aussi, lorsqu'il s'est agi de fonder en
Angleterre sur le modèle delà Gilde belge de
St-Luc une association pour la pratique et l'étude
de l'art consacré au culte, en s'inspirant de l'art
national, les membres de cette association qui
prit le nom de Gilde de St-Grégoire et de St-Luc,
furent unanimes pour placer Sir Stuart Knill à
leur tête. C'est qu'il avait déjà dans les travaux
publics ou privés, dont il était le promoteur,
donné des gages de sa haute intelligence des
meilleurs principes de l'art, et de sa générosité
à en patronner les œuvres.
Après le décès de sa mère, il avait fait ériger, en
1862, une chapelle commémorative, une chante-
rie,dansla cathédrale de St-Georges,South\vark,
bâtie par Pugin.dont les vitraux d'excellent style
représentent les saints patrons des membres de
sa famille. C'est mu par les mêmes sentiments de
piété pour les siens, qu'à la mort de deux de ses
enfants, il fit construire une chapelle au cimetière
de Brockley, au-dessus du caveau de famille,
richement décorée de sculptures et de vitraux.
Ceux au-dessus de l'autel, à deux lumières,
représentent le Christ en Majesté, comme sou-
verain juge et S. Michel pesant les âmes. Les
autres verrières sont historiées de figures d'ar-
changes. Les sculptures de la chapelle représen-
tent le jugement dernier. L'architecte de cet
oratoire est Edward Pugin, et les vitraux sont
de John H. Powell, un des peintres-verriers les
plus distingués de l'Angleterre.
Lorsque Stuart Knill fut élevé à la dignité de
sheriff de Londres 1889-90, il fit exécuter à ses
frais la riche peinture murale qui orne la tribune
(Lobby) de la chambre du Conseil ou guildhall,
travail considérable dont la description serait
trop longue pour trouver sa place ici.
Très simple dans ses manières et dans les
choses qui le concernaient personnellement,
Stuart Knill, lorsque comme magistrat il devait
représenter la grande capitale dont il s'honorait
d'être le citoyen, devenait généreux et même
magnifique, bien au delà de ce qu'exigeait sa
position. Son hospitalitésemblait nepas connaître
de limites, et, en dehors des dîners et fêtes aux-
quels l'obligeait sa charge officielle, on rappelait
volontiers à Londres, les circonstances où, répon-
dant au caractère britannique et le représentant
en quelque façon, son hospitalité avait des allures
somptueuses. On citait entre autres un dîner
offert à M.Waddington, l'ambassadeur de France,
où il ne voulut pas seulement fêter l'envoyé d'une
grande nation, mais encore le savant orientaliste.
KKVUE DK l'art ctikétiln.
l8ûg. — Ire LIVRAISON.
9°
éclate fie Part chrétien.
Stuart Knill offrit une fête du même genre au
général lord Roberts au retour de sa mission
dans l'Inde; il voulut recevoir dans un banquet
les membres de la Comédie française, lors de leur
visite à Londres. Les membres de la Gilde belge
de St-Thomas et de St-Luc, dont Stuart Knill
était membre, se rappellent volontiers l'hospita-
lité tout à la fois cordiale et somptueuse avec
laquelle il les reçut dans un banquet à Guild
Hall.
Stuart Knill a été, depuis la Réforme, le pre-
mier catholique qui soit arrivé à la dignité de
Lord Maire de Londres, sans dissimuler un instant
la confession dont il était l'adepte. Polydore De
Keyser, catholique libéral avait, à la vérité été
élu deux ans auparavant, mais ses convictions
ne paraissent pas avoir été de nature à lui
susciter une opposition quelconque.
Cette fermeté à affirmer la foi catholique, sans
exciter l'animosité de ses concitoyens et l'ascen-
dant par lequel il s'est imposé à leur suffrage, est
certainement le trait caractéristique de la carrière
officielle de Stuart Knill. Nous admettons volon-
tiers que son élection est un signe du temps, la
preuve que bien des haines, bien des fanatismes
se sont émoussés et que l'intensité des préjugés
confessionnels a disparu dans les classes diri-
geantes de la nation anglaise. Mais le succès des
revendications deStuart Knill s'explique surtout
par son caractère. S'il entendait conserver,même
au grand soleil de la publicité, toute la liberté
et l'intégrité de ses convictions, il le faisait
sans ostentation, sans jactance, sans prétendre
porter un défi à des opinions contraires. C'est
ainsi que, dans une circonstance où il était par-
ticulièrement en vue, lorsqu'il offrit un banquet
au cardinal Vaughan et aux évêques catholiques
d'Angleterre, ayant à prendre la parole pour le
premier toast, il proposa de boire «au Saint Père
et à la reine d'Angleterre». A cette occasion, il
eut de nouveau maille à partir avec le Collège de
la Corporation de Londres qui ne voulait pas ad-
mettre cette sorte de préséance accordée au pape.
Mais le lord maire, dont le « loyalisme » ne
pouvait être mis en doute par personne, fit com-
prendre que, comme catholique, il avait bien le
droit d'adopter une formule correspondant au
toast protestant de « Church and Queen ». En
haut lieu on accepta parfaitement l'attitude de
Stuart Knill ; car peu de temps après cet inci-
dent, Gladstone, alors ministre, annonça que la
reine avait conféré au Lord Maire le titre de
baronet.
Stuart Knill n'était pas seulement généreux
lorsque les événements de la vie publique l'obli-
geaient à se montrer digne magistrat d'une
grande cité: il était surtout large et charitable
comme l'un des notables laïcs de la confession
catholique à Londres. Pour être ignorées presque
toutes, ses libéralités envers les œuvres, le clergé,
les pauvres et tous ceux qui avaient recours à sa
charité, n'en étaient que plus généreuses.
Stuart Knill était bon archéologue. Il trouvait
ses distractions favorites dans l'étude des arts et
des monuments. Il aimait à voyager, et bien qu'il
fût président delà Gilde anglaise, il venait sou-
vent sur le continent pour accompagner dans ses
excursion? lointaines et ses explorations la Gilde
de St-Thomas et de St-Luc. Après les séances
où l'on étudiait les édifices religieux et leur
décor, il trouvait grand plaisir à prendre part
aux causeries amicales qui succédaient aux con-
troverses archéologiques.
Jules HELBIG.
Imprime par Dcsclée, De Brouwer et '", Bruges.
1 1 1 1 ï i ittti i ' 1 iiiiiiiiii ) '.' 1 fTftrtTfjyr?1rTfTTCTTT?ifgijiiiliryTfir°) trirïïiiiî ir^firiniiiwi'T f 1 fjftmWWr?ilttfTllWTlr?i B^TTTÎtHnrrlWWWWWi lU Cxff&xZfiï r . 1) il i frT^reir-'
Beïme îie
l'Hrt cjjrétten
>%> paraissant tous les bcur mois.
42me Hnnéc. — 4e Série.
>&>
^ (Conte X (xLvme be ïa collection).
#. 2me livraison. — fflars {899. ^
S
B
*®m*®^m*® Heltques lie Constanttnople* m^^*n
ITa Sainte Couronne D'Gpines.
Ucommencement dusiè-
^ cle, Gosselin énumérait
27 épines détachées de
g: la sainte Couronne ; en
1883, R. de Fleury en
comptait 103 ; actuel-
^Hwû'wtiM^wH lementles Chroniques ç.\.
les Inventaires nous en ont déjàfait connaître
570. Ce nombre, si considérable, permet
difficilement de les étudier dans leur ordre
alphabétique, encore moins chronologique.
Un classement, très simple d'ailleurs, s'im-
pose immédiatement (T).
La sainte Couronne reposa pendant le
cours des siècles dans trois sanctuaires: Jéru-
salem, Constantinople, Paris : chaque épine
doit se rattacher à l'un de ces trois centres
de distribution : ce sont les trois premiers
i.Que les savants qui m'ont si aimablement prêté l'aide
de leur érudition pour cette longue étude, veuillent bien
recevoir ici l'expression de mes remerciements.Leurs noms
seront inscrits à la suite des documents qu'ds ont pris la
peine de me communiquer. Mais il en est un auquel je
dois une toute particulière reconnaissance. M. le D'Imbert-
chapitres naturels. Dans un quatrième vien-
dront se grouper toutes celles dont il est
impossible de connaître l'origine.
Je voudrais aujourd'hui faire connaître
les épines, qui, séparées de la relique con-
servée à la Sainte-Chapelle, furent distri-
buées, jusqu'à la dernière, par les rois de
France, du XIIIe au XVIIe siècle.
#
# #
On connaît l'arrivée à Paris de la sainte
Couronne. Il est cependant nécessaire d'en
reprendre l'histoire pour élaguer certaines
légendes, pour rectifier quelques erreurs,
pour ajouter enfin de nouveaux détails à
l'une des époques les plus intéressantes de
notre histoire nationale.
En 1238, Baudouin, empereur de Cons-
tantinople, est à Paris. Dans sa détresse, il
Groubeyre, de Clermont-Ferrand, en mettant à ma dis-
position avec une si grande libéralité, les dossiers qu'il
réunissait depuis de longues années sur la Couronne
d'épines, n'a pas seulement facilité mes recherches, mais
j'ai trouvé en lui un véritable collaborateur, dont le nom
ne saurait être séparé de ce travail.
REVUE DE LART CHRÉTIEN.
iSoQ. — 2me LIVRAISON.
Saint Louis vénérant les saintes Reliques dans la Sainte-Chapelle
d'après le Ms. lat. 5716 de la Biblioth. Nat.
Pierre Zanni,
et aux citoyens
de Gênes qui
avaient con-
senti tout d'a-
bord le prét(').
Suivant les
conventions,
les ambassa-
deurs français
doivent alors
partir avec la
relique, vers le
25 décembre
1238, pour rac-
compagner a
implore l'assistance finan-
cière de saint Louis et lui
propose, en échange, de lui
engager la Couronne d'é-
pines. Le roi accepte et fait
partir immédiatement pour
Constantinople deux frères
prêcheurs, Jacques et André
de Longjumeau, qu'il charge
de lui rapporter la précieuse
relique. Les ambassadeurs
arrivent à Byzance, mais
pour trouver la Couronne
engagée pour 1 3, 1 34 hyper-
pères d'or, par les régents
de l'empire, Anseau de
Caieu, Narjot de Toucy,
Geoffroy de Méry, Villain
d'Aulnoy, Gérard d'Etrun
et Miles Tirel, à Nicolas
Quirino, de Venise, qui, le
4 septembre 123S, s'était
substitué à la commune de
Venise, à l'abbesse de Per-
ceul, à Nicolas Cornaro, à
Venise, d'où ils
pourront seulement la dégager lorsque le
frère Jacques, envoyé vers saint Louis, et
Nicolas Sorel, chevalier, rapporteront au
frère André resté à Venise, les ordres du
roi de France.
On peut les suivre, du moins en partie,
au retour. Le 29 février 1239, ils passent à
Verceil. De Troyes.ils font prévenir le Roi,
qui s'avance jusqu'à Villeneuve-l'Arche-
Réception par saint Louis de la Couronne d'épines,
d'après le Ms. lac. 102^, f° 389 v° de la Bibliot. Nat.
(Dessin de M. G. Rohault de Flbuky.)
vêque le i o août, d'où il apporte la Couronne
à Sens dans une procession solennelle. Il
est accompagné par Gautier Cornut, arche-
vêque de Sens, par Bernard, évêque du
Puy, par sa mère, par ses frères, Robert
d'Artois, Alphonse de Toulouse, et Charles
d'Anjou. Gautier Cornut a laissé de la
1. Riant, Exuvice sacra, t. I, p. clxxv; t. II, p. 1 19.
iReiîques De Conetanttnople.
93
réception à Sens, le i i août, et du départ
pour Paris, un récit très détaillé ("), qui
semble avoir été étudié assez superficiel-
lement, puisque les rédacteurs du Bréviaire
parisien de 1778 ont cru devoir insérer
dans les leçons de la susception de la sainte
Couronne, que la réception en avait eu
lieu à Paris le 18 août, alors qu'il est de
toute évidence, d'après le récit de Gautier
Cornut, aussi bien que d'après la Chronique
de Saint-Denis, qu'elle eut lieu le vendredi
19 août('). Les comptes royaux vont ensuite
faire évanouir une légende pleine de poésie
d'ailleurs. Non, le roi saint Louis n'a pas
accompagné jusqu'à Paris la Couronne, les
pieds nus, par le simple motif qu'un écuyer,
nommé Denis, l'apporta de Sens à Vin-
cennes par bateau et que pour ses peines
et dépenses, il reçut au milieu de la route,
le 14 août, à Melun xn 1., ix s., vi d. (3).
Le 19 août, à l'aube, la procession part
de Vincennes. Aux princes que nous avons
vus figurer dans le cortège de Sens.Philippe
Mouskes ajoute ici la reine Marguerite et la
reine de Danemark — qui doit être Éléo-
nore de Portugal, veuve de Valdemar. —
Après une station à Notre-Dame, la sainte
Couronne, suivie d'un peuple immense, est
déposée à la chapelle Saint-Nicolas du Pa-
lais. De ce jour, jusqu'à l'inauguration delà
Sainte-Chapelle, qui va s'élever sur l'empla-
cement de la chapelle de Saint-Nicolas, on
n'entend pas parler de la sainte Couronne :
le Roi même ne distribue pas, que nous
sachions, une seule épine. Si bien que Mo-
rand se demandera ce qu'elle est devenue
pendant les neuf années qui s'écouleront
jusqu'à la dédicace de la Sainte-Chapelle.
Mais c'est Morand lui-même qui nous
met sur la trace de son nouveau séjour. En
même temps qu'un compte royal nous ap-
prend que le 3 octobre 1239 la Couronne
est portée à Saint-Denis ("), la pancarte du
cierge pascal de 1327 nous fait connaître
que les travaux de la Sainte-Chapelle com-
mencent en 1240. Les deux dates sont donc
absolument concordantes, et il est mainte-
nant hors de doute que la Couronne de-
meure à Saint-Denis pendant toute la durée
des travaux (2).
Si on ne connaissait pas davantage la
date de sa rentrée à la Sainte-Chapelle, la
même pancarte du cierge pascal, rapprochée
du Martyrologium Gallicanum de Du
Saussay, va nous montrer que c'est incon-
testablement le 25 mars 1248 qu'elle y est
replacée, en même temps que les reliques
du troisième apport de Constantinople,
dont jusqu'ici on ignorait la date (5), dans
le reliquaire de pierre, dont la dédicace
allait avoir lieu le 26 avril suivant.
# #
1. Riant, t. I, p. 45.
2. Mély, Bulletin archéologique du Comité des travaux
historiques, 1899, p. III et p. 76.
3. Historiens de la France, t. XXI, p. 601 et Riant, t. II,
p. 241.
Au cours des siècles, il est plusieurs fois
question du vol de la sainte Couronne et
de son déplacement ; pourtant on la re-
trouve toujours intacte, et elle est encore
actuellement à Paris ; les textes cependant
s'expliquent facilement. La Couronne, c'est
presque toujours une ou deux épines seule-
ment. Philippe VI dépose-t-il à Josaphat-
lez-Chartres la sainte Couronne ? Le Né-
crologe de l'abbaye nous apprend que c'est
une épine qu'il envoie simplement, vers
1330, à l'abbé Thomas, par un chevalier
nommé Vrafran ; Charles VII emporte-t-il,
en 1445, la Couronne à Bourges pour la
1. Historiens de la France, t. XXI, p. 605 et Riant, t. II,
p. 241.
2 Mély, Chronique des Arts, 1S99, p. 24.
3 Mély, Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions
el Belles- Lettres, 6 janvier 1S99, p. S.
94
débite toe l'&rt chrétien.
soustraire aux Anglais ? Ce sont les épines
de Saint-Denis dont il s'agit. Lorsque Bran-
tôme, L'Estoile parlent à mots voilés du vol
de la Couronne, en 1575, il est question du
vol de la grande croix, dans laquelle était
enchâssée une épine ; mais la Couronne
elle-même, jusqu'à la Révolution, demeure
dans son reliquaire à la Sainte-Chapelle :
elle sera plus tard transportée à Notre-
Dame où elle est aujourd'hui vénérée.
Comment, par exemple, cette relique
dont nous admirons actuellement l'intégrité
presque complète, car s'il existe quelques
reliques du jonc même de la Couronne, elles
sont si peu nombreuses, qu'alors que nous
aurons signalé les fragments d'Arras, d'Au-
tun, de Bordeaux, de Clermont, des Ursu-
lines de Grenoble, de Lille, de Lyon,
d'Orléans, de la comtesse Reille, de Sainte-
Marie-du-Mont, de Sens, de la Trappe, de
Tourves, de Vaugirard, nous les aurons
assurément presque tous nommés, com-
ment, dis-je, cette relique a-t-elle pu, sans
être vraiment réduite en poussière, sup-
iJipfc
t„Vv.
m
'^Szêr
Couronne d'épines de Notre-Dame de Paris
porter tant d'attouchements, subir tant de
froissements, alors qu'on en détachait les
épines, dont nous allons voir le nombre,
vraiment incroyable, que les rois de France
en ont successivement arraché ?
#
# #
On peut discuter sur la nature de la cou-
ronne, c'est un point qui ne sera jamais
élucidé : mais ce qu'on peut montrer, c'est
que sous saint Louis, la couronne était telle
que nous la voyons aujourd'hui. Un dessin
contemporain, que je dois à l'amabilité de
M. G. Rohault deFleury(p. 96), représentant
le roi sur son trône, tenant le reliquaire, ne
laisse aucun doute à cet'égard. Et cependant,
alors que la Couronne de Notre-Dame est de
simples joncs, tous les érudits sont d'accord
pour reconnaître dans les épines, les pointes
d'un arbrisseau à tige ligneuse, le zyzypkus
spina Christi. L'embarras est donc grand
quand on réfléchit aux soixante-trois épines
authentiques, qu'il faut presque certainement
augmenter de sept à peu près aussi authen-
tiques, provenant de la Sainte-Chapelle :
sur une branche seule, espacées de 0111. 05 c,
ifteltques tie Constanttnople
95
elles fourniraient une longueur de 3 m. 50 c.
garnie de longues pointes. Est-ce donc dans
cette petite monstrance, ou bien dans le
reliquaire des Heures d' Anne de Bretagne.
ou dans celui de Pierre Blosse, que sem-
blable faisceau, enroulé en plus autour de la
couronne de joncs aurait pu être renfermé?
On ne conçoit pas réellement davantage
saint Louis coupant, de 124S à 1270, peut-
être plus de vingt-cinq fois des épines,
fixées solidement à une relique aussi fragile.
Il faut donc chercher une nouvelle expli-
cation : les textes contemporains vont peut-
être nous la fournir. C'est d'abord la tradi-
tion arménienne du XIIIe siècle qui rap-
porte que la couronne était composée de
Nouveau reliquaire de la sainte Couronne de Notre Dame de Paris.
deux parties distinctes(') ; c'est ensuite Man-
deville, qui nous apprend qu'il a vu à part
les épines dont une lui a été remise « par
très grant especialité, car il y en a plusieurs
brisées en ou vaissel ;>> ; enfin, le procès-
verbal d'une levée de reliques du 16 juillet
1549, par Pierre Duchatel, évêque de
Maçon, grand aumônier de France, qui
vient au nom de Henri II, chercher à la
I. Inventaire arménien publié dans ^Histoire de la
sainte Lance, pp. 14 et 15.
Sainte-Chapelle un certain nombre de re-
liques, parmi lesquelles se trouve un frag-
ment de la Couronne d'épines, relate qu'elles
furent simplement tirées de la châsse des
reliques ('). Ne semble-t-il pas naturel dès
lors d'admettre que les épines, d'ailleurs
d'une nature bien différente de la couronne
de joncs, étaient conservées à part, et que
pour les distribuer, nul besoin ne fut d'ouvrir
1. Morand (Le chan.j, Hisl. de la Sainte-Chapelle.
96
WitWt tic rart chrétien.
le reliquaire où se trouvait renfermée la
couronne de joncs ?
Mais reste un dernier point, bien diffi-
cile à élucider. Combien y avait-il d'épines
avec la couronne, ou plutôt, combien en
restait-il quand elle fut remise à saint Louis ?
Aucun auteur n'en fait mention : cependant
la chose était d'importance. Seul, saint
Vincent Ferrier, dans un sermon du jeudi-
saint, parle des soixante-douze épines qui
blessèrent si cruellement la tête du Sauveur.
N'est-ce pas là. par exemple, un nombre
Premier reliquaire de la sainte Couronne,
d'après le Brevîarium parisiense. Ms. lat. 1053 de la Biblioth. Nat.,
(Dessin de M. G. Rohault de Fleury.)
purement symbolique ? Faut-il au contraire
y voir une tradition dominicaine ? H ypothèse
peut-être bien hardie. Une chose néanmoins
est frappante. Des recherches qui suivent
se dégagent déjà soixante-dix épines venant
de la Sainte-Chapelle ; ce nombre approche
bien des soixante-douze de saint Vincent
Ferrier, sans même qu'il soit nécessaire de
faire remarquer combien il est probable que
quelques-unes ont échappé aux recherches
même les plus minutieuses, surtout quand
on verra dans quels sanctuaires peu connus,
dans quelles mains inattendues, allèrent
reposer quelques-uns des envois royaux.
Avant d'examiner en particulier chaque
épine, sous sa date d'envoi, ou sous la date
à laquelle elle se rencontre pour la première
fois, il importe de ramener à sa juste valeur
la tradition qui fait attribuer par saint Louis
une épine au légat, aux cinq archevêques,
et aux onze évêques qui assistèrent à la
consécration de la Sainte-Chapelle, le 26
avril 124S (').
N'est-il pas vraiment bien extraordinaire
que pas une pièce officielle, pas une charte,
pas un inventaire, ne nous fasse connaître
un seul de ces dons, alors qu'au contraire
l'épine du Puy, par exemple, donnée à Ber-
nard, au moment de la susception de la
Couronne à Sens, traverse les ans accom-
pagnée de sa lettre de donation du 12 août
1239 ; alors aussi, que nous allons trouver
trente épines données par le Roi, sans qu'il
se rencontre parmi les donataires, un seul des
prélats consécrateurs de la Sainte-Chapelle ?
Mais voici qui est plus précis. Si les
cathédrales de Rouen, de Tours, de Meaux,
de Bayeux, d'Evreux, n'eurent jamais de
reliques de la Couronne dans leur trésor,
parmi elles, un seul diocèse, celui de Meaux,
eut une fête de translation et de sus-
ception de la sainte Couronne. Amiens eut
une simple commémoration de la fête :
les autres n'eurent aucun office particulier.
Quant aux autres basiliques, elles eurent,
il est vrai, des épines, parmi leurs reliques
1. Le légat était Eudes de Châteauroux, évéque de
Tusculum ; les cinq archevêques, ceux de Bourges, de
Sens, de Rouen, de Tours, de Toulouse ; les onze évêques,
ceux de Laon, de Soissons, d'Amiens, de Senlis, de
Langres, de Chartres, d'Orléans, de .Meaux, de Bayeux,
d'Evreux, d'Apros 'Macédoine). Ce dernier évoque, qui
s'appelait Hugues et que les uns ont supposé être évëque
d'Apt, les autres d'Avranches (Aptensis, Aprencensis
pour Abrinsensis), vient d'être définitivement identifié
pai M. Léopold Delisle, dans le Journal des Savants,
1898, pp. 309-317, et dans le Bulletin de la Société de
l'Histoire de Paris, [898, pp. 159-162.
(Charte d'indulgences accordées aux visiteurs des re-
liques de la Sainte-Chapelle, avril 1248. — Riant, t. II,
P- 1350
Reliques De Con0tanttuople.
97
insignes, mais leur origine, à laquelle on
peut remonter, est bien étrangère à la dédi-
cace de la Sainte-Chapelle. Dès maintenant,
on peut dire que les épines de Bourges
étaient celles du duc de Berry ; qu'à Sens,
si une provient peut-être de saint Louis,
Reliquaire de la sainte Couronne,
d'après les Heures d'Anne de Bretagne.
(Dessin de M. G. Rohault dk Fleuey.)
elle avait été donnée très probablement à
Gautier Cornut, le 1 1 août i 239: à cette date,
d'ailleurs, Sens possédait déjà ab antiquo
des épines ('); à Toulouse, dès 1226, St-
Sernin pouvait donner à Grandmont un
reliquaire avec une épine: les Chevaliers de
1. Albénc, dans Riant, t. 11, p. 242.
Malte de cette ville en possédaient une
également : la tradition conserve enfin le
souvenir d'une épine, donnée en 1251 à
St-Sernin par Alphonse, frère de saint
Louis ; à Laon, un inventaire de 1502 est
la seule pièce qui signale une épine; l'épine
de Soissons, avait été rapportée en 1 204 de
Constantinople par Nivelon; celle de Senlis
Reliquaire de la sainte Couronne au XVIIe siècle,
d'après Pierre Blosse. (Dessin de M. G. Rohault de Fleusy.)
fut donnée à la cathédrale par Adam de
Chambly, 49e évêque, le 1e1' mai 1242;
l'épine de Langres est signalée pour la pre-
mière fois dans un inventaire de 1 5 1 3 ; celle
de Chartres, cataloguée dans l'inventaire
de 1323, était dans un reliquaire avec ins-
criptions grecques, dont l'origine byzantine
n'est par conséquent pas douteuse ; quant à
Orléans, l'inventaire de 1562 parle bien
98
Bctnte tir F&vt chrétien.
d'une épine, mais comme celui de 1329 n'en
fait aucune mention, il est certain qu'elle est
arrivée au trésor entre ces deux dates. Si
enfin nous disons qu'Eudes de Château-
roux, évèque de Tusculum, légat du pape,
qui présida la consécration, ne laisse dans
sa succession aucune épine, que si sa ca-
thédrale en possédait une, elle avait été
léguée en 1 2 1 9 par Nicolas de Clermont, et
qu'elle venait de Godefroid de Bouillon, il
ne saurait, je crois, rien demeurer de la
tradition qui fit distribuer par saint Louis,
le 26 avril 1248, dix-sept épines aux prélats
qui l'entouraient.
Mais il n'est pas que cette tradition qui
soit légendaire. Baillet cite nombre d'églises
de Paris qui reçurent des épines de la
Sainte-Chapelle : Saint-Eustache, Saint-
Germain l'Auxerrois, les Saints-Innocents,
Saint- Barthélémy, les Mathurins, lesCarmes
de la place Maubert, Port-Royal des
Champs, Port- Royal de la Ville. Or, il n'en
est qu'une, les Mathurins, dont nous ayons
pu retrouver la donation par saint Louis,
dans les Annales de l'Ordre de la Trinité,
à l'année r 270 ('). Une autre épine provient
également de la Sainte-Chapelle, celle de
Port-Royal de la Ville : mais M. de la Pot-
terie la reçut de Marie de Medicis et l'offrit
à la Maison, le 20 mars 1 656. Pour les autres
je n'ai pu découvrir aucun document.
Le P. Danzas, dans ses Études sur les
temps primitifs de F Ordre de Saint-Domi-
nique, indique, en outre, un certain nombre
d'épines qui proviendraient de la libéralité
de saint Louis : celles d'Avignon, de Car-
pentras, de Carcassonne, du Buy, par
exemple. Or, il est certain que celle de la
cathédrale d'Avignon est inventoriée dès la
fin du X I Ie siècle : elle vient de Jérusalem
1. Et encore cette date est fausse, puisque nous avons
la lettre de saint Louis date'e du mois de mars 1260. Voir
plus loin.
d'où elle fut rapportée par l'évêque Benoît I ,
mort vers 1040: que celle de Saint- Didier
d'Avignon n'est signalée pour la première
fois que le 4 mars t66S ; que celle de Car-
cassonne n'a laissé aucune trace; que celle
du couvent des Dominicains de Carpentras,
qui leur a été rendue par la cathédrale en
1895, n'avait pas d'autre histoire que la tra-
dition de guérir les maux d'yeux. D'ailleurs,
si on poussait plus loin les recherches, la cha-
pelle de la Sainte-Épine de Carpentras ne
fut élevée que sous l'antipape Benoît XI II,
dont les armoiries se voient au milieu
de la voûte ; celle du Buy, enfin, aurait
été donnée par Humbert II, dauphin de
Viennois, lors de son retour d'Orient
(septembre 1347), en même temps qu'il en
offrait une aux religieuses de Montfleury.
Riant a cru pouvoir regarder comme
authentiquement données par saint Louis,
des épines pour lesquelles les chartes ou
même les textes faisaient défaut. Je ne
saurais le suivre dans toutes ses affirma-
tions (").
Pour Royaumont, nous avons le passage
de Gaignières, qui l'a trouvé dans les Chro-
niques de l' abbaye. Pour Sens, pour Senlis,
nous avons des preuves morales vraiment
d'une grande valeur, mais pour Royal-Lieu,
pour Vincennes, pour Cluny, c'est tout
autre chose.
Royal- Lieu est fondé par Philippe-le-Bel,
saint Louis n'a donc pu lui donner une épine ;
Vincennes, ainsi que nous le verrons tout à
l'heure, reçoit son épine en 1379 seulement;
quant à Cluny, aucun inventaire ne men-
tionne d'épine dans son trésor, avant 13S2 ;
l'abbaye n'en avait donc pas antérieurement
à cette date.
On en arriverait enfin très facilement à
admettre que toutes les épines qui appar-
1. Royaumont, Royal-Lieu, Sens, Senlis, Cluny et Vin-
cennes, t. I, p. clij.
i&eltques De Constanttnople.
99
tiennent à la famille royale de France
doivent provenir de la relique de saint
Louis. Il serait imprudent, croyons-nous,
d'accepter sans une critique très sévère cette
hypothèse. Certainement, on ne saurait re-
jeter, jusqu'à preuve contraire, l'identifica-
tion des épines ayant appartenu à Blanche
de Castille, à Charles d'Anjou, à Jean de
Berry, à Marie de Médicis, à Anne d'Au-
triche ; mais, outre que depuis 1204, un
certain nombre rapportées directement de
Constantinople dans les Flandres, avaient
pu, par héritage, passer dans la Maison de
France, il en est, comme celle de Moulins,
donnée par le duc de Bourbon dont l'histoire
est bien connue, ou comme celle du château
de Blois (inventaire de 141 7), dont les
origines sont ignorées, qu'il est réellement
impossible de classer jusqu'à plus ample
informé, comme venant de la Sainte-
Chapelle.
Ainsi déblayé, le terrain va nous per-
mettre d'avancer, en ne nous appuyant que
sur des preuves à peu près indiscutables.
#
# #
Le Puv, 1239. — La première donation
par saint Louis d'une épine, est très proba-
blement celle faite à Bernard, évêque du
Puy, le lendemain de la susception de la
sainte Couronne, à Sens, au moment du
départ pour Paris. La lettre de donation,
datée de Sens, le 12 août 1239, est publiée
par Riant ('). L'original est photographié
dans un article de l'abbé Chambeyron (?).
Pendant tout le moyen âge, elle est reli-
gieusement vénérée et cependant on ne
trouve de fête propre dans le bréviaire du
Puy qu'en 1624 (3).
Aujourd'hui on conserve à l'église du Puy,
1. T. II, p. 125.
2. Revue du Lyonnais, janvier 1S92.
3. U. Chevalier, Rcpert. hymnolog., 1S87.
dans un reliquaire du XVe siècle, naguères
publié par A. Aymard et Hip. Maligné ('),
une épine, dont le bréviaire, dans sa leçon
des matines de la fête de la susception, célé-
Reliquaire de la sainte Épine du Puy (Haute-Loire).
brée le 26 août, nous fait connaître l'histoire.
La Semaine religieuse du diocèse de Lyon
(16 octobre 1S96) complète le texte du
bréviaire, en nous apprenant le nom de
^j. Album d'archéologie religieuse, Paris, 1S57, in-f°.
REVUE DE L AKT CHRËTtKN.
1899. — 2rae LIVRAISON.
lOO
Peinte tic Part cfjrétten.
l'abbé Borie, qui, au moment de la Révolu-
tion, acheta.de ceux qui allaient la brûler, la
sainte Épine et le sachet de soie dans lequel
étaient renfermés et la lettre de saint Louis
et un vidimus de 1381, pour les emporter
à Saint- Etienne où, après la Révolution, il
exerça les fonctions vicariales à Notre-
Dame. En mourant il laissa à cette église
la relique qu'il avait sauvée.
Mgr de Bonald, alors évêque du Puy,
essaya vainement d'obtenir la restitution de
la relique qui avait quitté son diocèse ;
devenu archevêque de Lyon, métropole de
Saint- Etienne, il aurait détaché un fragment
très menu de l'épine de Saint-Etienne qu'il
offrit à son ancienne cathédrale dans la
monstrance actuelle du XVe siècle.qui vient,
croit-on, précisément de l'ancien trésor du
Puy. Cependant l'inventaire de 1444 n'en
fait pas mention. Elle a subi de très impor-
tantes restaurations.
Venise, 1240. — Il n'est pas ici question
des épines de Saint-Biaise dont Riant rap-
porte l'histoire (^jleur caractère légendaire
ne saurait faire doute un instant, il semble
même inutile de les discuter. Mais il existe
à Saint-Marc un reliquaire contenant deux
épines dont on paraît s'être peu préoccupé,
malgré la tradition constante de l'envoi
de saint Louis à la basilique après le déga-
gement de la sainte Couronne et son arrivée
à Paris. Le don est très admissible, très
naturel même, et l'absence de documents
écrits peut être presque remplacée par les
preuves morales contre lesquelles on ne
saurait s'élever. D'abord Dandolo (2) a bien
soin de signaler le dégagement, par saint
Louis, des reliques de la Passion, mises à
gage parles Grecs, à Venise, et l'envoi gra-
1. T. II, p. 167.
2. Riant, t. II, p. 255.
cieuxpar le roi de France au doge de quel-
ques fragments en 1240. Le Ménologe de
Venise précisera le jour en inscrivant :
« Secunda ex quintis Feriis Mensis Martii :
Festum sacratissime Corone spinarum Do-
mini nostri Jesu Christi ('). » Les écrivains
Reliquaire des saintes Épines de Saint-Marc de Venise.
postérieurs puiseront certainement là leurs
renseignements ; Cornélius, par exemple,
parlera de quatre épines, alors que nous en
trouvons seulement deux actuellement dans
le reliquaire. D'autres existent bien, dans
un reliquaire byzantin avec inscription
grecque ; elles ne nous intéressent pas ici.
1. Cornélius (Flaminius), Ecclesiœ Venetœ Monumenta,
Venise, 1749, in-40, t. XIII, p. 410.
iReliques &e Constantinople.
IOI
Mais, pourrait-on dire, les épines du re-
liquaire ne peuvent-elles donc pas venir de
Constantinople directement, du pillage de
1204?
Andréas Maurocenus, rapportant l'incen-
die qui détruisit, en 1231,1e trésor de Saint-
Marc ('), énumère avec grands détails les
reliques qui, seules, échappèrent au désastre,
et si le bois de la Croix, l'ampoule du saint
Sang, les vertèbres de saint Jean-Baptiste
sont les seuls cités, c'est qu'il n'y avait cer-
tainement pas alors d'épines dans le trésor,
sans cela elles n'auraient pas été oubliées
lors d'un sauvetage aussi miraculeux.
Enfin les dates concordent parfaitement.
On constate en effet à Sens que les sceaux
qui ferment la triple enveloppe de la cou-
ronne, posés à Constantinople avant le dé-
part pour Venise, sont absolument intacts.
Ce n'est donc pas pendant le séjour à Venise
que la levée put être opérée mais seule-
ment après l'arrivée à la Sainte-Chapelle,
peut-être lors du transfert à Saint-Denis,
et l'arrivée à Venise le 1 2 mars 1 240 devient
parfaitement acceptable. Nous trouverons
plus loin, en 1495, l'entrée au trésor de
Saint-Marc d'une autre épine certainement
de la Sainte-Chapelle. Mais celle-là n'avait
pas été envoyée en don, elle fut prise sur
Charles VIII, à la bataille de Fornoue.
Valenciennes, 1244. — Si l'on croit
pouvoir admettre l'épine de Valenciennes
aunombre de celles données par saint Louis,
et le manuscrit G. 394, des Archives de
Valenciennes me semble assez catégorique
pour être accepté, on ne saurait la cataloguer
après 1244. Dans l'énumération des reliques
possédées avant la Révolution par les églises
et couvents de la ville, que M. l'abbé Delille
. 1. Cornélius (Flaminius), Eccles. Venet. Monum., t. X, .
P- 317.
a pris la peine de m'envoyer, on lit : « La
chapelle des Récollets gardait une épine qui
avait été donnée aux enfants de saint Fran-
çois par la comtesse Jeanne de Flandre qui
l'avait reçue de saint Louis son parent, »
La comtesse était effectivement tante de
Louis IX et comme elle meurt en 1244, la
relique doit prendre place parmi les dons
royaux antérieurs à cette date.
Tolède, 1248. — Par une lettre datée
d'Étampes, mai 1 248, le roi envoie à l'église
de Tolède des reliques de la Passion, et
utiam de spinis sacrosancte spinee Corone (x).
Saint-Quentin, 1251. — Je ne vois rien
qui puisse justifier la date de 125 1, pour
l'envoi du reliquaire d'or contenant des
reliques de la Couronne d'épines, par saint
Louis à Roger de Provins, son médecin,
chanoine de Paris, chanoine et chancelier
de l'église de Saint-Quentin.
A cette date, saint Louis est à Césarée, et
je ne trouve pas parmi les Croisés ce Roger
de Provins. Mais le Nécrologc de Saint-
Quentin mentionne, au 30 juillet, le don
du reliquaire par Roger de Provins ; je
croirais volontiers qu'il l'a reçu avant le
départ du roi, et que c'est probablement en
1251 seulement, « dans la suite », comme
dit Colliette, qu'il l'offrit à l'église de Saint-
Quentin^). En tous cas, Colliette et Quentin
de la Fons, bien que ne publiant pas le do-
cument lui-même, sont assez précis pour
ne laisser place à aucune incertitude sur la
personne du donateur.
Corbeil. 1255. — C'est dans Me Jean de
la Barre (3) que nous lisons la première men-
1. Riant, t. 11, pp. 137-13S.
2. Riant, t. II, p. 13g.
3. Les Antiquités de la Ville, Comté et Ckatelenie de
Corbeil, Paris, La Coste, 1647, in-40, p. 16S
102
3kebue &e l'Slrt chrétien.
tion de l'épine donnée à Saint-Guénault,
par Regnault de Corbeil, évêque de Paris,
qui la tenait de Blanche de Castille. « Saint
Louis, à la prière de sa mère, destacha
une espine de la Couronne, qui fut enchâssée
en un vase de cristal : Blanche la conserva
en grande vénération jusqu'à sa mort; alors
elle la donna à Regnault de Corbeil. Il
l'offrit le jour de la fête des Innocents 1255,
en l'accompagnant de lettres d'indulgences
de quarante jours, aux pèlerins qui Tiraient
vénérer. » L'abbé Lebeuf (') insère ce
passage dans son ouvrage, et le Cueilloir
des revenus du Prieuré de Si- Guénault vers
I75°< Par Guiot(2) montre comment les tra-
ditions se trouvent bizarrement transfor-
mées : le passage mérite d'être copié.
« Cette légère portion de la Couronne de
N.-S.estoit un don de saint Louis à Regnault
de Corbeil, évêque de Paris, qui la transmit
à sa incre. Cette dame bienfaisante quoi-
qu'inhuméeàSt-Spire, ne la laissacependant
pas à ce Chapitre qui avoit déjà tant de
reliques, mais au Prieuré qu'elle avoit tou-
jours affectionné. )) Ainsi la mère du roi est
ici devenue la mère de Regnault de Corbeil.
D'après le manuscrit de Guiot, cette
épine serait passée dans la suite à Port-
Royal, qui fut dirigé par plusieurs prieurs de
Saint-Guénault: plus loin, nous verrons, au
contraire, que l'épine de Port- Royal fut
donnée à la Maison par M. de la Potterie,
qui la tenait de Marie de Médicis, et l'iden-
tification avec cette dernière est certaine,
puisque le fameux miracle de la guérison
de la fistule lacrymale de Mlle Perrier, at-
tribué à cette épine et rapporté par Guiot,
est également cité par Fontaine, qui signale
dans ses Mémoires pour servir à F histoire
1. Histoire de la ville et du diocèse de Paris, Haris,
Féchoz, 1863, in-8°, t. IV, p. 2S3.
2. Manuscrit de la Bibliothèque de Corbeil, p. 191. —
Renseignement communiqué p ir M. Dufour.
de Poî't - Royal i^) et le miracle et l'origine
de l'épine qui l'a produit.
Valence (Espagne). — Du mois de mars
1 256, datée de Paris, est la lettre par laquelle
saint Louis annonce à l'évêque et au cha-
pitre de Valence l'envoi d'une épine de la
sainte Couronne (').
La relique existe encore à Valence, avec
la lettre du roi, mais le reliquaire ancien a
été fondu.
Sèez, ir octobre 1259. — Le jour de la
fête de saint Rémi, saint Louis adresse aux
Cordeliers de Séez une épine de la sainte
Couronne accompagnée d'une lettre d'en-
voi (3). Cette relique devait prendre place
dans l'église dédiée à la sainte Couronne
d'épines par Geoffroy de Mayet, 43e évêque
de Séez, le 24 mai 1252. C'est cette date,
comme aussi la bulle d'Innocent IV, du
mois d'août 1254, qui aura fait supposer à
François de Gonzaga, puis à Wadding, que
le don royal datait de 1252. Mais l'envoi
eut lieu seulement après le passage de
saint Louis à Séez, en mai 1256. D'ailleurs
la lettre a été publiée, d'après l'original, par
de nombreux éditeurs, et la date de 1259 est
indiscutable.
On gardait au XVIe siècle cette lettre
« dans un petit coffre de buis, relié de fer
où est la lettre de saint Louis, comment il
envoya une des Espines de la Couronne de
N. S. Et une lettre de la duchesse Margue-
rite d'Alençon, qui donne un morceau de
la Ste Croix (4). »
1. Cologne, aux dépens de la Compagnie, 1738, in-8°,
t. II, p. 131.
2. Riant, t. 1 1, p. 140.
3. Riant, t. II, p. 140.
4. Mémoire et estai des archives du Couvent de l'Es-
troicte observance de Séez, publié par l'abbé Sevray, Les
Cordeliers de Séez, Alençon, Renaut de Broise, 1886, in-8°,
p. 21.
ifteltques tic Constantmople.
103
Si la relique elle-même a été conservée
jusqu'à nos jours, sauvée qu'elle fut pendant
la Révolution, le reliquaire fut envoyé à la
monnaie. Il s'appelait la Croix d'épine, et
sa description se lit dans les registres
municipaux (8 mai 1791).
« La sainte Epine se trouve renfermée
dans un petit tuyau lequel est placé lui-
même entre deux cristaux, contenus et ren-
fermés dans unecouronne de vermeil, établie
sur un reliquaire en forme decroix en argent,
de la hauteur d'environ quatorze pouces,
fermé en devant par un cristal et placé
sur un pied en cuivre doré ('). »
L'épine dont nous donnons la photogra-
phie présente à la pointe, comme à la base,
une fracture : elle ne semble pas avoir été
détachée, mais brisée. Ce qui nous permet
d'en rapprocher le fragment de Craon
(Vienne) qui semble bien en dépendre. Il
appartenait en effet avant 1S11 au R. P.
Coudruc, qui fut précisément grand-vicaire
de Mgr de Boischollet, évêque de Séez,
I. Dumaine (L'abbé L.- V'.), La sainte Epine de la cathé-
drale de Se'ez, Séez, Montauzé, 1893, in-S", pp. 30 à 60.
qui avait réintégré, le 30 août 1806, à la
cathédrale, l'épine conservée pendant toute
la Révolution par la veuve de l'agent na-
tional Bouglier Dubordage.
L'authentique qui accompagne l'épine de
Craon est ainsi conçu :
<i Hilario Franciscus Chevigné de Boischollet, im-
« perii Baro, misericordia divina et St?e Sedis apo-
« stolica; gratia Sagiensis episcopus, testamur in hac
« cruce argentea contentas esse sacras reliquias ex
« ligno sacratissimaeCrucis et sanctae Coronae spinae
« Salvatoris Domini Nostri Jesu Christi, in cujus rei
'< (idem huic nostro testimonio cum suscriptione vi-
■< carii nostri generalis apposuimus.
<< Datum Parisiis die décima tertia februarii 181 1.
F. M. J. Coudruc, v. g.
Sagiensis. »
Elle fut donnée par le P. Coudruc vi-
caire général de Séez, en 181 1, à M. Chau-
veau, de Craon, qui devint plus tard cha-
noine titulaire de la cathédrale de Poitiers.
Il semble bien qu'on ne puisse douter un
instant qu'elle fut séparée de l'épine de
Séez aujourd'hui brisée.
F. de Mély.
(A suivre.)
Sainte Épine de Séez.
A7*^* *'V>* iJ\}.A\^}.A &}* &J-& VVl-A xÇT* A^* ATVk V^î-X J^* *5£* a5-U \5£*
[iiiiiii; iiiiniiiiiiiii.iiiiiiiiiiiiinnniTïifïiiiiniïniiii ri(iiiiiii.[iminmiiiiinnTiiniiiiiii}[niniiiiiiiiiiininriniiiiiii]ii
1
| Gn Babtcre. Dotes De bocage. (^-same.) co
iixniii:::iii.ixiii~iiiiiii:iiiniiixiiiiii.iiii
iiiinii.iiiii [lîiriimiuiiiiii muni: un i n n îiTiiiiimi i;ii i iimurinmirmiïnnn
fZv^v W vi)v **T* *&* W *£>* *£:* v^ *&* W yi£t* W *&* Tsô*
ES édifices civils ne sont
pas abondants à Nu-
5 remberg, qui n'est d'ail-
leurs pas riche en mo-
numents proprement
? dits : ce sont l'hôtel-de-
f ville, les fontaines, et
quelques riches hôtels.
L'Hotel-de-ville (Rathaus), ou du
moins la partie la plus importante de ce
Nuremberg. — La fontaine de la vertu.
monument, est de style Renaissance du
XVI Ie siècle, sans relief et sans intérêt. Une
ajoute considérable, plus conforme aux
traditions artistiques nurembergeoises, et
1. Voyez la l" partie, livraison de janvier 1899.
conçue dans le style de la partie la plus
ancienne (la grande salle gothique à haut
pignon), a été récemment construite. La
cour centrale, où s'accusent les diverses
époques de la construction de l'hôtel-de-
ville, est impressionnante; on y voit une
petite fontaine en bronze du XVIe siècle.
L'intérieur de l'hôtel-de-ville peut être
visité. L'une des salles est ornée de fresques
par Albert Durer et par d'autres peintres
de son école. Le cicérone ne manque pas
de faire remarquer, parmi ces peintures, une
figure de la guillotine, antérieure de deux
siècles à la machine de ce nom qu'on croyait
inventée en France à l'époque de la Révo-
lution; un plafond de galerie est décoré de
figures grandeur nature, en relief, repré-
sentant des chevaliers qui prennent part à
un tournoi. On peut juger de la valeur
esthétique de semblable composition !
Nuremberg est renommée pour ses fon-
taines, œuvres d'architecture ou de fondeurs
en bronze. C'est, d'abord, la belle fon-
taine, pyramide ogivale en pierre décorée
à chacun de ses étages de statues de per-
sonnages historiques. Elle mesure 19 mètres
et demi de haut, a été érigée en 13S5, et
restaurée en 182 1. Elle était, dans le prin-
cipe, entièrement polychromée.
Les autres fontaines sont en bronze, et
datent du XVIe siècle ; fontaine de la vertu,
ornée de multiples statues allégoriques,
près de St- Laurent; fontaine de l'homme
aux oies près de Notre-Dame; celle de
l'hôtel-de-ville, etc.
Une belle demeure patricienne, parmi les
plus anciennes de la ville, est la maison de
Nassaîi,s\t\iè& en face de l'église St- Laurent.
Elle a un faux air de forteresse, grâce à sa
€n î&atrtère. — ilotes De tiopage.
105
forme carrée et à ses tourelles d'angle en
encorbellement. Elle date du XI Ve siècle et
paraît être le seul spécimen de ce genre et
de cette époque, qu'ait gardé Nuremberg.
Quelques beaux hôtels de l'époque de la
Renaissance, les maisons Peller, Tucher,
Fembo et bien d'autres, aussi intéressantes
par les détails de leur agencement intérieur
que par leurs façades, et enfin la maison
d'Albert Durer, plus modeste, mais bien
curieuse, bâtie en pans de bois. Elle a été
conservée, ou rétablie, à l'intérieur comme à
l'extérieur, dans son état primitif et quelques
salles de l'étage renferment un petit musée
de souvenirs du maître nurembergeois, l'un
des plus grands, si non le plus grand des
peintres de la vieille école allemande, mort
en 1528.
Les rues de Nuremberg, voilà peut-être
encore ce que la ville offre de plus curieux,
tant leur ensemble a conservé son cachet
ancien, si pittoresque et si agréablement
varié.
Il semble qu'ici nulle loi n'ait tracé l'ali-
gnement des voies publiques. Les rues,
sans être étroites ou malsaines, sont irrégu-
lières à plaisir, et les maisons elles-mêmes
sont parfois plantées irrégulièrement sur le
terrain qui leur est assigné. Presque toutes
se terminent par un pignon élevé, au som-
met aigu; des sculptures garnissent leurs
pièces de bois, des enseignes pittoresques
pendent devant les portes, de nombreuses
statues de Saints et parfois des tourelles
sont accrochées aux angles des maisons;
des balcons fermés, en encorbellement, don-
nent du jeu et du mouvement aux façades
et caractérisent un type bien particulier,
bien local.
L'édilité moderne, loin de contrarier ce
laisser-aller, encourage au contraire les
constructeurs à persévérer dans les erre-
ments anciens. C'est ainsi que les rues que
le mouvement des affaires oblige à élargir,
dans la partie ancienne de la ville, sont
tracées sur un plan irrégulier pour conserver
ce beau désordre qui est un effet de l'art.
C'est ainsi encore qu'une maison ancienne,
en face de St-Laurent, obstruant en partie
l'issue de la rue Caroline, ayant été démo-
lie, est en ce moment même rebâtie exacte-
Nuremberg. — La maison de Nassau.
ment sur le même plan. Combien d'admi-
nistrations, dans nos pays, auraient décrété
d'alignement cette malencontreuse bâtisse
qui rompt la ligne droite, et profité de la
première occasion pour la faire disparaître !
Nuremberg n'a pas que ses rues pitto-
resques, elle a encore son cours d'eau, la
Pegnitz, coupant la ville en deux parties
égales, reliées par plusieurs ponts fixes. Les
maisons riveraines baignent leur pied dans
io6
3&e\ntc tie ravt chrétien
la rivière, beaucoup d'entre elles ont l'aspect
de vastes cités ouvrières construites en
pans de bois, à étages multiples, longés par
d'étroits balcons et surmontés d'énormes
toitures. La rivière, sans bateaux, coule
lentement entre deux rangées de maisons ;
ses divers bras forment plusieurs iles,
égayées parfois par un peu de verdure, et
sur le bord desquelles ont été construits des
moulins et des tours fortifiées.
L'un des points de vue les plus intéressants
sur la rivière est celui dont on jouit d'un
pont neuf ou du moins remis à neuf, du côté
des remparts, d'où l'on découvre un beau
panorama de la ville et bonne partie du
cours de la Pegnitz, avec, au premier plan,
d'énormes maisons de bois, la tour qui ser-
vait de prison communale, le pont et la tour
du bourreau, voisine de la première, un
rustique pont de bois, des arbres, etc.
Mais nous n'avons rien dit encore de
la ceinture de remparts qui ont rendu
Nuremberg célèbre, ni de son Burg té-
moin des origines mêmes de la cité et qui
Nuremberg. — La maison d'Albert Durer, vue extérieure.
rappelle les plus anciens laits de son
histoire.
Le château, ou Burg, élevé sur le point
culminant de la ville, date du XIe siècle,
mais certaines de ses parties ont été
remaniées ou construites à des époques
très postérieures, tels les appartements
proprement dits qui n'appartiennent à aucun
style et dont le mobilier est de la plus
grande simplicité, et même d'un goût dé-
plorable. Il faut excepter, naturellement,
les belles tapisseries, laine et soie, de la
fabrication de Munich, dont elles portent la
marque, et les magnifiques poêles en terre
émaillée, types remarquables d'une industrie
locale, dont quelques spécimens se rencon-
trent encore dans le pays.
Le caractère militaire du château ne s'af-
firme que par quelques tours qui forment
un assez pauvre système de défense. L'une
d'elles (la tour des païens) renferme une
belle chapelle castrale, de l'époque romane,
à deux étages, communiquant entre eux par
une ouverture au centre du sol de la
chapelle supérieure, comme au château de
Vianden; une autre, la tour pentagone, est
€n Batofère. Ilotes Ut dopage.
107
une ancienne prison avec chambre de la
question, qui a conservé son ancien attirail
d'instruments de torture, parmi lesquels le
plus connu et le plus extraordinaire est la
Vierge de Nuremberg, statue en fer, un peu
plus grande que nature, creuse et s'ouvrant
au moyen de volets, sur le devant; garnie à
l'intérieur de longues pointes acérées qui
perçaient le patient aux yeux et à la poi-
trine,quand ces volets se refermaient sur lui!
Le château se rattache au système géné-
ral de défense de la ville, et celui-ci est
demeuré, malgré le développement de la
cité, les exigences du commerce et de
l'industrie, auxquelles il a été donné d'ail-
leurs satisfaction, presque complet. L'en-
ceinte, les tours de défense, les fossés pro-
fonds, les portes de la ville avec leurs
ouvrages avancés et leurs passages étroits
ont été conservés, mais en même temps sur
cinq ou six points, où l'importance de la
circulation l'exigeait, on a fait, à côté des
portes anciennes, une large brèche dans les
murs, et jeté un pont sur les fossés. C'est par
Nuremberg. — La maison d'Albert Durer, vue intérieure.
là que passent trams électriques, chariots,
voitures, cavaliers et piétons pressés, tandis
que les promeneurs paisibles continuent à
entrer et sortir par les poternes et les ponts
volants, en bois! Chacun y trouve son
compte, mais bien rares sont les administra-
tions qui savent ainsi faire la part de
chacun, artistes et archéologues, commer-
çants et hommes d'affaires !
C'est seulement, avons-nous dit, au
XVe siècle, que, pour protéger l'ensemble
formé par les deux parties anciennes de
Nuremberg, on éleva les remparts qui
existent encore aujourd'hui; ils comprennent
un mur d'enceinte parfois simple, parfois
double, renforcé par des tours carrées, assez
basses, avec toits en batière couverts en
tuiles; de distance en distance, une tour
s'élève, plus haute que les autres, avec
toitures pyramidales et tourelles d'angle.
Enfin, auprès de chacune des portes ancien-
nes, se dresse une tour très haute, ronde,
percée de fenêtres du côté de la ville, et
surmontée d'une large toiture conique assez
basse. Ces tours rondes ont été construites
d'après les dessins d'Albert Durer. Le mur
REVUR DE L ART CHRETIEN.
189Q. — 2me LIVRAISON.
io8
Bctnte De l'&rt cbrcttcn.
d'enceinte est dégagé, du côté de la ville,
et longé par une ruelle étroite. Au sommet
du mur, vers la ville, règne un chemin de
ronde, protégé par une toiture, soutenue
elle-même par un système de poutres qui
forme en même temps garde-fou. Des
escaliers en bois, placés de distance en dis-
tance, y donnent accès.
Les murs, les tours, les défenses sont
constamment réparés et entretenus dans
leur état ancien; beaucoup de tours sont
habitées ou du moins utilisées, ce qui con-
tribue à assurer leur entretien. Presque
partout existent encore les fossés profonds
qui précèdent le mur d'enceinte; en certains
endroits ils ont été conservés dans leur état
primitif, en d'autres ils ont été dessinés en
jardinets; les boulevards, plantés d'arbres,
longent ces fossés, et de l'autre côté du bou-
levard s'étendent les quartiers neufs de la
Nuremberg industrielle et commerçante.
A Nuremberg, a-t-on dit maintes fois,
le Musée est dans la rue, et la ville tout en-
tière elle-même est comme un vaste Musée.
Nuremberg. — Fortifications. Vue des murs et des tours.
Rien n'est plus vrai, mais cette considération
n'a pas empêché les administrateurs d'ériger
un musée proprement dit pour y conserver
les œuvres d'art, les chefs-d'œuvre de l'in-
dustrie, les meubles et les menus objets que
les artistes et les ouvriers d'art ont produits
avec une abondance prodigieuse. Telle est
la destination du musée germanique, un
des plus considérables qui existent en Alle-
magne, dont la visite exige au moins deux
jours, et où on a centralisé les musées par-
ticuliers qui avaient été fondés, il y a quel-
que 60 ans, sur divers points de la ville,
pour en former une collection historique de
l'art germanique dans ses diverses applica-
tions.
Il est établi dans l'ancien couvent des
Chartreux, dont certaines parties et, en par-
ticulier, les cloîtres datant du XVe siècle,
sont très importants, et auxquels on a ajouté
de nombreuses constructions, faites dans le
style de la Renaissance allemande.
€n Bavière. - ilotes ht tiopage.
109
On voit successivement, classés dans un
nombre considérable de salles, des objets de
tout âge et de tout genre :
Antiquités romaines et germaniques ;
série importante de poêles en terre vernis-
sée ou étnaillée, et d'autres en faïence ;
collection d'ouvrages de serrurerie, l'une
des industries les plus florissantes de la
contrée; monuments funéraires en pierre,
originaux ou moulages; statues et sculp-
tures de l'époque du moyen âge ; ivoires ;
collections céramiques : une centaine de
pièces de porcelaine de Bottger, l'inventeur
de la porcelaine dure européenne, les unes
en terre rouge comme la poterie de Boc-
caro, les autres en brun foncé avec dessins
en or; porcelaines et faïences allemandes,
etc., (peu de pièces remarquables). Dans
l'ancienne église, on a groupé les objets
d'art religieux, émaux, orfèvreries, sculp-
tures, étoffes; collection de meubles et
d'objets se rapportant à la vie civile et
domestique ; reconstitutions d'anciens ap-
partements, tels que chambres, cuisines,
boutiques ; cette série est l'une des plus
fournies et des plus intéressantes de la col-
lection; armes et armures, pièces d'artillerie
et accessoires; costumes, etc.
A l'étage, nouvelles séries du même
genre : manuscrits, imprimés, reliures,
ivoires, instruments scientifiques, instru-
ments de musique, costumes nationaux,
série de portraits classés au point de vue du
costume, et enfin galerie de tableaux. Celle-
ci, qui est très longue, et en même temps
très étroite, puisqu'elle ne mesure que quatre
mètres et demi de largeur, sur une hauteur
à peu près égale, est partagée en un certain
nombre de salonnets, par des rideaux dra-
pés; cette disposition, outre qu'elle est très
économique, permet d'étudier dans les meil-
leures conditions les œuvres des maîtres et
de n'en voir qu'un petit nombre à la fois,
sans que l'attention soit distraite par des
œuvres qui ne seraient pas en harmonie
avec les premières; on y trouve les maîtres
des anciennes écoles allemandes, Meister
Wilhelm, Stephan Lochner, Wolgemiit,
Holbein, Albert Diirer, Cranach, Zeitbloom
et de nombreux anonymes, chez lesquels
l'influence de la vieille école flamande se
fait sentir fortement, comme nous aurons
encore l'occasion de le constater; le Musée
renferme encore des peintures, d'ailleurs
peu intéressantes, de diverses écoles étran-
gères.
Le Musée doit la plupart de ses richesses
et sa remarquable organisation à M. Essen-
wein, qui en a été longtemps le directeur
et lui a consacré bonne partie des dernières
années de son existence.
Tout est classé avec science et méthode,
mais en même temps avec un certain pitto-
resque qui charme l'esprit et le repose. Le
Musée germanique est ouvert au public,
tous les dimanches, gratuitement. Dans la
semaine on paie un mark d'entrée.
Il y a un Guide-catalogue, comme dans
presque tous les Musées d'Allemagne: Die
Kunst und Kulturgescnicktlichen Sanim-
lungen des germanischeu Muséums. ïVeg-
iveiser fur die Besucher, iSçy.
Eugène Soil.
(A suivre.)
-rto
)&*. V»U **%£» A7*^ \^ÎA *(*i* tM* »*%* V»>* >&* A^)* ï*l* *5U A^* A^ *S
ninnifi u 1 1 umimnoii
iiniiiiiii. iiixiiii(iiiizits[itiiiiii:iixii-[iiiiniT1.iiixxi<:
$ «$g&®®;®®*@&@s@ fficlanges. f&@s®®s©®i&&8
V BuiiiiiixnniTiTnnTiiTTTTrTTrrniTnTTTTTTTTTTinTnnniiiiiiiiiuiuuiiii;iiniiiiiiiiiix:iiii^
TlÔ* *j£* W *X&* V^V W ***** *&* Y^V **&* ^^ Y^ V *4** Y^* ^ * V
3
£c tJébaoirjconnagc Des anciennes
peintures murales. ~^^^~
N découvre souvent encore, dans nos
églises, d'anciennes peintures murales
qu'il importe de débarrasser du lait de
chaux et des couches de badigeon qui
les ont soustraites à la vue pendant des siècles.
Pour les remettre au jour, un certain nombre
de procédés ont été employés avec plus ou
moins de succès. L'intérêt qui s'attache à ces
anciennes peintures nous porte à faire connaître
un procédé que, dans un journal allemand, le
«Kirchenschmuck », le peintre-restaurateur au-
trichien, M. Melicher, décrit avec les détails
techniques qui le mettent à la portée de tous
les praticiens.
Notre collaborateur, M. Gerspach, a donné
dans la Revue (') des informations très intéres-
santes et très précises sur le système suivi en
Italie pour le nettoyage des anciennes peintures
que l'on y découvre fréquemment dans les églises.
Les procédés que nous décrivons dans les lignes
qui suivent ne font pas double emploi avec les
renseignements transmis par notre savant cor-
respondant: les procédés dont se sont servis, dans
l'exécution de leurs travaux, les peintres de ce
côté des Alpes, ne sont généralement pas ceux
des artistes italiens qui employaient avec tant
d'habileté ce qu'ils appelaient la« bonne fresque» ;
d'ailleurs lorsqu'il s'agit d'opérations aussi déli-
cates que celles de la mise au jour et du
nettoyage d'anciennes peintures, il importe de
connaître les différentes méthodes et tous les
moyens techniques dont on s'est servi avec quel-
que succès jusqu'à ce jour.
Le procédé qui consiste à détacher le badi-
geon des peintures murales, en frappant à petits
coups redoublés, au moyen d'un maillet en bois
ou en caoutchouc, la superficie des anciennes
couches de badigeon, doit être proscrit. U est
désastreux pour les peintures qu'il s'agit de
remettre au jour. 11 ébranle la surface peinte ;
I. Revue de CArt chrétien, 1898, p. 211.
des parties s'écaillent, et souvent des fragments
considérables de l'ancien enduit se détachent
en même temps du mur.
Si des peintures, ainsi débarrassées du badigeon
qui les couvraient, deviennent visibles et pa-
raissent même adhérer encore au mur qu'elles
couvrent, il suffit souvent d'un simple accident
ou d'une secousse quelconque, pour en faire
tomber des morceaux. C'est que, en frappant le
mur au moyen d'un maillet, on ignore jusqu'où
se fait sentir la percussion, et il est facile de com-
prendre que le choc qui fait éclater les couches du
badigeon, affecte aussi l'ancien apprêt qui porte la
peinture. IJn autre système, qui consiste à piquer
le badigeon avec le côté aigu du marteau dont
se sert le maçon et à le faire écailler par place,
n'imprime pas, à la vérité, des secousses, comme
le fait le maillet, l'opérateur ne travaillant pour
ainsi dire qu'avec le tranchant de l'instrument ;
mais dans ses effets, ce procédé est souvent plus
fâcheux encore pour la peinture. Celle-ci est réel-
lement coupée en morceaux par l'instrument
tranchant, et là où plusieurs incisions se croisent,
la surface peinte se détache complètement.
Pour débarrasser les anciennes peintures des
couches de détrempe ou de badigeon à la colle
qui les couvre, on ne peut guère donner que
des indications générales. Aux mains inexpé-
rimentées on doit même conseiller de ne pas s'en
tenir à ces indications lorsque s'élèvent des dif-
ficultés inattendues ; il convient alors d'appeler
un spécialiste pour vaincre celles-ci.
Voici, au surplus, le moyen le plus prudent
pour ne pas léser les peintures murales qu'il s'agit
de découvrir.
Il importe d'abord d'examiner attentivement
le badigeon et de se rendre compte de son épais-
seur. S'il n'y a qu'une couche et que l'on voit
transparaître la peinture après avoir humecté les
surfaces au moyen d'une éponge imbibée d'eau,
on laissera bien sécher la partie humide, que peut-
être il sera possible d'enlever à la brosse, en se
servant d'une brosse à crins très courts. Si ce
procédé ne produit pas l'effet attendu, le minis-
tère d'un homme du métier devient nécessaire.
Mélanges.
1 1 1
En général les couches de badigeon très minces
sont les plus difficiles à enlever. Elles sont par-
fois liées d'une manière si intime à la peinture
que l'emploi de moyens chimiques devient néces-
saire, et encore le succès de ces moyens est-il pro-
blématique. Cependant les cas de cette nature
sont rares ; en général les couches de badigeon
qui recouvrent les peintures ont été multipliées.
et elles ont acquis une épaisseur qui réclame un
traitement particulier.
Alors il convient en premier lieu de les enduire
d'eau de colle. Cette solution de colle ne doit pas
être trop faible, et elle doit être étendue sur le
mur, comme s'il s'agissait de le blanchir. Il de-
vient facile alors de reconnaître les parties badi-
geonnées qui ont moins d'épaisseur, la peinture
commençant à y transparaître. Il faut s'arrêter à
ces places et éviter d'y étendre la solution de
colle ; faute de cette précaution ces parties de
badigeon ne pourraient qu'adhérer plus ferme-
ment à la peinture, et en rendre l'enlèvement
plus difficile. L'opération qui consiste à éten-
dre l'eau de colle sur le mur a un double but.
En premier lieu, elle facilite l'adhérence de la
toile ou de l'étoffe qu'il s'agira plus tard de fixer
sur le badigeon au moyen d'amidon, et, en second
lieu les vieilles couches de badigeon décompo-
sées,par le tempset peu adhérentes, se soulèveront
et se détacheront comme une sorte de pelure.
Dans ce cas il suffira de réserver les places plus
compactes et mieux adhérentes, à l'application
des morceaux de toile. Il va de soi que cette
opération ne peut se faire avec succès que dans la
bonne saison. En hiver ce premier lavage à l'eau
de colle, au lieu de sécher, prendrait de la moi-
sissure, ou s'évaporant insensiblement perdrait
sa force.
Lorsqu'on a laissé sécher ce lavage à l'eau de
colle pendant cinq ou six heures, on prépare une
bouillie épaisse, en se servant d'amidon de la qua-
lité la plus commune, avec une petite quantité
d'eau froide ; la bouillie formée, on l'allonge au
moyen d'eau bouillante que l'on ajoute en
petite quantité à la fois, en ayant soin de remuer
continuellement le mélange. L'eau bouillante
doit être ajoutée en quantité assez considérable
pour que la bouillie ne reste pas trop épaisse; ce
serait contrarier l'usage auquel elle est destinée.
On prend ensuite des morceaux de toile de
coton, de qualité très ordinaire, en évitant celles
qui sont apprêtées et luisantes ; on peut même
se servir de vieilles doublures que l'on découpe
en morceaux, aussi grands que possible, suivant
les surfaces à couvrir, et on les colle ensuite au
moyen du papin dont nous venons d'indiquer la
composition, sur le mur enduit d'eau de colle.
Il est inutile de coller du papier, comme on le
recommande quelquefois. Là où le papier pro-
duirait de l'effet, le badigeon tombera de lui-
même en le frappant avec le plat de la main.
Lorsque, en suivant les procédés du tapissier,
on a couvert de toile la partie du mur dont on
veut enlever le badigeon, on prend une vieille
brosse dont l'usage a raccourci les crins, et tour
à tour on appuie, frotte et tape au moyen de
cette brosse l'encollage de toile, afin de la faire
adhérer partout et le mieux possible au badigeon
trempé d'eau de colle ; après cela on cherche
à produire la dessiccation la plus rapide possible,
en établissant des courants d'air par la ventila-
tion, par le chauffage, ou tout autre moyen qui
peut en activer l'effet.
Cette dessiccation artificielle, dont les effets se
produisent naturellement d'abord à la surface de
la toile, y opère un retrait dont l'action est
insensible au commencement, puis qui travaille
d'une manière plus énergique le badigeon ad-
hérent à la toile au moyen de la colle. Plus la
dessiccation de la toile s'opère, et mieux aussi
s'opère un tiraillement dans tous les sens, au-
quel même les parties les plus adhérentes du
badigeon doivent céder. L'action du retrait de
la toile sera d'autant plus efficace que les mor-
ceaux seront plus grands ; c'est une condition
qu'il convient de ne pas perdre de vue, et par
la même raison il est bon que la toile dépasse
les dimensions de la peinture que l'on veut décou-
vrir. La solution de colle étendue sur le badi-
geon avant l'application de la toile, n'a pas encore
eu le temps de s'évaporer dans les profondeurs,
mais elle a agi comme émollient sur les parties
les plus épaisses du badigeon, tandis que le retrait
de la toile, produit par la dessiccation, agit sur
les surfaces. Il en résulte que les endroits encore
humides en contact avec la peinture, commen-
cent à céder au mouvement qui s'opère à la sur-
I 12
3Re\ntc fie part chrétien.
face et toute la croûte du badigeon appliqué à
la peinture se désagrège et se sépare de celle-ci.
On laisse ainsi la toile collée sur le mur pen-
dant un ou plusieurs jours, exposée aux courants
d'air, à la chaleur, à tous les agents d'une prompte
dessiccation, après quoi on peut commencer à
retirer la toile du mur. Au bord, par lequel on
commence à tirer la toile à soi, elle n'emportera
le badigeon avec elle, que si on a frappé ce bord
avec un maillet en caoutchouc, ou, mieux encore,
si l'on a fait une entaille afin d'obtenir un bord
net et bien délimité. Cependant, au centre où
la tension a été la plus forte, et où l'étoffe adhère
le mieux au badigeon, le succès sera plus certain.
Ce procédé aura d'ailleurs un résultat d'autant
plus favorable que l'église ou l'édifice où se trouve
la peinture seront moins humides, et que le badi-
geon plus sec sera plus près de sa décomposition.
On ne se laissera pas décourager si la peinture
n'apparaissait pas complètement, et si le badigeon
n'avait cédé que dans ses couches superficielles.
Si les couches qui sont restées adhérentes ne
laissent pas encore transparaître la peinture,
l'opération est à renouveler. Mais si la peinture
est mise à nu, et si le badigeon ne subsiste que
par places isolées, il convient d'avoir recours à
d'autres moyens, car il faut bien se garder de
mettre la peinture découverte en contact direct
avec la colle et la toile amidonnée.
Les taches où le badigeon est resté adhérent
ont pour cause les rugosités de l'enduit primitif
ou d'autres accidents qu'il n'est pas toujours
facile de reconnaître ; mais il est probable que
leur adhérence a déjà beaucoup diminué par le
procédé que nous venons d'indiquer. Il faut donc
chercher à les enlever par le grattage, les fai-
sant écailler ou sauter, en se servant à cet effet
d'un couteau à palette, très flexible mais nulle-
ment tranchant. Cette opération réclame autant
de précaution que de dextérité de la main, car
il s'agit de faire passer la lame entre le badigeon
et la peinture, sans entamer cette dernière. Il est
vrai que dans un travail de cette nature de lé-
gères atteintes à la peinture sont presque inévi-
tables ; mais au moins elles sont faciles à réparer
lorsque l'enduit est resté intact, et que toutes les
précautions pour atteindre le but ont été prises.
J. H.
Ca maison Du ifiiroir ou Des Cdamcur
ORME par la rencontre à angle droit
des rues de la Liberté, Bossuet et des
Godrans, le carrefour, le coin du Mi-
roir, comme on dit de temps immémo-
rial à Dijon, a été et est de plus en plus un des
nœuds vitaux de la vieille ville. Les noms des
rues sont d'ailleurs tout modernes ; la rue Bossuet
qui s'élargit pour former la place Saint-Jean, où
s'élève encore, étroite et modeste, la maison na-
tale du grand évêque, est l'ancienne rue de
l'Oratoire, plus anciennementGrande rueSt-Jean;
on a donné à la rue des Champs le nom des deux
magistrats qui, à la fin du XVIe siècle, ont fondé
le collège des Jésuites de Dijon, le collège
Godran, comme on a dit pendant deux siècles.
Enfin les rues Guillaume et Condé forment
aujourd'hui la rue de la Liberté, substitution
fâcheuse qui abolit deux des plus grands souve-
nirs historiques de l'ancienne Bourgogne. Au
XIe siècle, en effet, le vénérable Guillaume, abbé
de Saint-Bénigne, a été un des hommes les plus
illustres de son temps ; une sorte de Pierre le
Vénérable qui partout, dans la France entière
comme à Dijon, affermit l'Ordre de saint Benoit,
et dans les monuments comme dans les œuvres
morales, lui donna un nouvel éclat. Mais ce n'est
pas le grand abbé dont le souvenir est demeuré
pendant tant de siècles présent aux Dijonnais
et demeure encore populaire, c'est le bon abbé
qui pendant une famine n'hésita pas à sacrifier
les vases sacrés de son église, à dépouiller de ses
plaques de vermeil ciselé la châsse de l'apôtre de
la Bourgogne, saint Bénigne, à vendre jusqu'aux
colonnes de marbre précieux qui la supportaient,
pour soulager les membres souffrants de JÉSUS-
Christ.
Quant à la rue Condé, percée en 1721, elle rap-
pelait un autre grand souvenir, celui de l'admi-
nistration de la province par les princes de
Condé, gouverneurs héréditaires du Ier duché de
France de 1630 à 1789. Leur rôle n'avait été ni
sans honneur ni sans profit pour la Bourgogne,
et les Condé étaient fiers de présider à cette libre
administration de la province qui se gouvernait
elle-même par ses États-Généraux avec une
Mélanges.
113
financière, une liberté tout court, qui devait dis-
paraître sans retour en 1789.
Le carrefour du Miroir est aujourd'hui fort
modernisé et élargi ; les tramways électriques
qui s'y croisent à grand bruit, ont accroché aux
maisons les consoles du système Trolley, et
tendu au-dessus des voies le réseau de leurs fils.
Cependant, à l'entrée de la rue Bossuet.des mai-
sons en pans de bois, posés sur de robustes
consoles de pierre, profilent encore sur le ciel
■ " -> ■
La Maison da Miroir à Dijon. (Restitution de M. Ch. Suisse, architecte.)
leurs trois pignons aigus qui ont vu l'entrée
triomphale du Téméraire en 1474, et, l'ancien
hôtel des Millière, une famille éteinte du Parle-
ment de Bourgogne, accroche toujours à l'angle
le gros cylindre à deux étages de sa tourelle, un
morceau de la toute dernière Renaissance, celle
qui finit avec la minorité de Louis XIII.
En face, un grand logis moderne est cette
ancienne maison du Miroir qui a donné son nom
au carrefour. Sur la foi d'une tradition très
H4
3&ctntr lie V&xt chrétien.
vague, on a longtemps répété à Dijon, que ce
nom lui venait de l'abbaye cistercienne du
Miroir, en Bresse, dont elle aurait été la maison
de ville. Les recherches de M. Joseph Garnier,
archiviste de la Côte d'Or, ont démontré qu'il
n'en était rien.
D'après les statuts cisterciens, la célèbre
charte dite de Charité, promulguée en 1119,
et la plus ancienne des constitutions qui ré-
gissent aujourd'hui des sociétés humaines, les
abbés des cinq filiations, Cîteaux, la Ferté-sur-
Grosne, Pontigny, Clairvaux et Morimond de-
vaient se réunir chaque année en chapitre géné-
ral au chef d'Ordre. Les représentants s'assem-
blaient en général à Dijon, en la maison de
ville dite le Petit-Cîteaux, et qui existe encore
rue Saint-Philibert, d'où la longue cavalcade
blanche partait processionnellement pour l'ab-
baye-mère ; la Ferté étant au Sud de Cîteaux,
l'abbé s'y rendait directement. Toutefois, si court
que fût le séjour en ville d'un aussi grand nom-
bre de religieux soumis à la règle la plus austère,
on comprit de bonne heure la nécessité d'avoir à
Dijon des locaux suffisants pour que les trois
filles de Citeaux dont les maisons étaient situées
de telle sorte que pour se rendre à Citeaux il
fallait traverser Dijon, pussent recevoir les abbés
d'une même filiation. C'est ainsi que Pontigny,
Clairvaux et Morimond eurent leurs maisons de
ville ; celle de Clairvaux existe encore en partie
et présente à peu près intact un très curieux
cellier extérieur du XIIe siècle à deux étages
voûtés, qui est un diminutif de l'immense bâti-
ment de même destination encore debout dans
l'enclos de l'abbaye fondée par saint Bernard.
Un autre fragment de cellier, mais du XIIIe et
beaucoup moins important, est tout ce qui sub-
siste de l'ancienne maison de Morimond; celle-ci
a donné son nom à la place voisine, seulement on
s'obstine a en écrire le nom Morimont au lieu de
Morimond, comme si Morimundus s'était appelé
Mortis-Mons. D'autres abbayes, qui avaient des
biens fonds à Dijon ou dans le Dijonnais, eurent
aussi leurs maisons de ville, Auberive, la Bus-
sière, Theuley, Cherlieu, Fontenay.
Mais dès le XIVe siècle, la plupart renoncè-
rent à ces habitations urbaines ; la maison de
Pontigny, au faubourg Raines, disparut en 1358,
quand on acheva dans cette partie de la ville
l'enceinte fortifiée tracée deux siècles aupara-
vant. Celles d'Auberive et de Cherlieu furent
englobées, la première dans l'enclos des Corde-
liers, la seconde dans celui du Petit-Cîteaux. La
Bussière, Fontenay, Theuley, accensèrent les
leurs, Morimond n'aliéna la sienne qu'au XVIIe
siècle. La réunion des abbés et délégués au Cha-
pitre général ne se fît d'ailleurs que plus stricte-
ment encore au Petit-Cîteaux, et nous savons
par le récit du moine suisse, Joseph Meglinger,
sous-prieur de l'abbaye de Maris-Stella, qu'au
Chapitre de 1667, tous les abbés, même celui de
la Ferté, s'étaient rendus à Dijon. Le même récit
nous montre que les délégués descendaient à
l'auberge, ainsi Meglinger et son compagnon,
l'abbé de Saint-Urbain, furent hébergés à l'hôtel-
lerie de la Cloche.
Quant à un prétendu hôtel du Miroir, les docu-
ments sont absolument muets ; en vérité, on se
demande comment une abbaye située au Sud de
Cîteaux et si pauvre qu'elle dut être supprimée,
aurait eu à Dijon un hôtel et un hôtel aussi im-
portant que la maison dont il s'agit.
La première pièce produite par M. Garnier
remonte à l'année 1265, au règne du duc Hu-
gues IV; la maison est ainsi désignée : Donna ,/it
Mireor aparté Vici magnomm camporum. La rue
des Grands-Champs, c'est à ne pas douter la rue
des Godrans actuelle ; l'identification est donc
certaine. La maison tirait manifestement son
nom d'un emblème sculpté ou peint sur la façade
ou à l'angle, au poteau cornier. On sait qu'avant
l'invention si simple du numérotage, mais qui
date seulement du XVI IIe siècle, les maisons les
plus importantes d'une rue servaient de point de
repète et portaient un nom caractéristique, reli-
gieux ou pittoresque, parfois plaisant ; ainsi il y
avait à Dijon les maisons de l'Arbre de Jessé, de
saint Christophe, du Singe, du Bœuf, de la
Couronne, du Dauphin, du IIeaume.de la Truie
qui file, du Rabot, de la Charrue, de la Musette,
etc. Il en était de même dans l'ancienne Rome,
et l'enseigne de l'Ours coiffé aurait pu figurer
dans une ville du moyen âge. La demeure
fort modeste des Flaviens, au Palatin, était la
maison de la Pomme d'Arabie, c'est-à-dire de la
grenade.
£©élange0.
115
Leduc Robert II, fils et successeur de Hu-
gues IV, ne se montra jamais favorable aux
libertés communales. En 1277, saisissant le
prétexte du retard apporté par la ville de Dijon
dans le paiement de la prestation annuelle de
500 marcs d'argent prix des franchises de la
commune, il chassa les maire et échevins élus et
les remplaça par des officiers à sa discrétion. Ce
coup d'Etat causa une fermentation très vive et
qui aurait pu dégénérer en révolte ouverte; mais
les bourgeois eurent le bon sens d'employer les
voies légales et recoururent au roi Philippe III,
le Hardi, suzerain du duc et gardien de la charte
communale. Le roi saisit avec empressement l'oc-
casion d'affirmer son droit supérieur, il donna
tort au duc et les magistrats chassés reprirent
leurs fonctions.
Mais si le duc avait cédé à la puissance de la
royauté,il n'en conservait que plus amèrement le
souvenir de son échec, et au mépris des droits de
la commune, voulut posséder en dehors de son
palais une maison forte qui pût tenir en bride la
bourgeoisie turbulente de sa capitale. Située au
centre d'un quartier populeux, commandant à
quatre rues importantes, la maison du Miroir
réunissait toutes les conditions souhaitées par lui.
En même temps qu'il négociait avecGuillaumede
Pontailler la cession de la vicomte de Dijon, pat-
acte d'août 1279, passé sous les sceaux des deux
grands abbés dijonnais, Hugues, abbé de Saint-
Bénigne, et Gérard, abbé de Saint-Etienne, il
acquit des enfants de Jean Buiron, moyennant
200 livres tournois, le tiers de la maison du Mi-
roir ('); c'est sans doute Robert II qui la fit créne-
ler et la transforma en une manière de forteresse,
telle qu'elle a subsisté jusqu'au XVIIIe siècle.
Mais les Dijonnais, mis en éveil, luttèrent éner-
giquement contre la réunion de la vicomte à la
couronne ducale, ce qui aurait virtuellement sup-
primé leurs franchises et après un débat de deux
ans, eurent gain de cause auprès du roi. La vi-
comte fut réunie à la commune, et le maire
i.Rien n'est plus difficile que de déterminer le rapport
de valeur entre la monnaie d'autrefois et la nôtre ; je
crois cependant, que le chiffre de 22 fr. 48e, donné par M.
Zamièsd'aprèsN. deVailly,comme correspondant à l'unité
de la livre tournois à cette époque, est beaucoup trop
faible.
prit désormais le titre de vicomte-maïeur qu'il
garda jusqu'à la révolution de 1789. Ce fait, un
des plus importants par ses conséquences, de
l'histoire communale de Dijon, dégoûta sans
doute les ducs de la possession d'une maison
dont ils ne pouvaient tirer aucun parti, puis-
qu'au siècle suivant elle était redevenue propriété
particulière. Elle appartenait, en 1322, à Jean
Bourgeoise, receveur général du duché de Bour-
gogne, qui était alors sous le coup de poursuites
pour malversations; le duc Eudes IV lui fit grâce
moyennant diverses cessions, entre autres celle
de la maison du Miroir donnée à son chancelier,
Jean Aubriot,mort évèque de Chalon-sur-Saône,
en 135 1, laissant pour héritiers ses deux neveux,
Guillaume et Hugues Aubriot ; celui-ci est le
célèbre prévôt de Paris.
C'est en 1391 qu'apparaissent pour la première
fois les appellations de rue et de « carron » ou
carrefour du Miroir.
Étant donné l'objet de cette étude, la série des
propriétaires importe peu, et j'en viens à l'année
141 3. Dix-neuf ans auparavant, le duc Philippe
le Hardi (') avait fondé près de Dijon la char-
treuse de Champmol destinée à être le Saint-
Denis de sa race, comme Cîteaux l'avait été de
la première race ducale, la race capétienne. Mais
le nouveau monastère si riche en œuvres d'art et
en trésors sacrés était sans protection pour les
hommes et pour les choses. Aussi les vénérables
Pères Chartreux songèrent-ils bientôt à se ména-
ger dans la ville une maison « pour y retraire et
« mettre en tout temps leurs reliques, chartes,
« titres, lettres, chasubles, draps de soie, aourne-
« ments, parements, bleds, avoynes et autres
« choses de leur église ; comme aussi y répairer,
« conserver et être plus solitairement, purement,
« honorablement et religieusement ainsi que
« l'ordre veult et requiert » (2). Ils jetèrent les
yeux sur la maison du Miroir qui appartenait
alors à Jean Eerrion, valet de chambre du roi
Charles VI, et l'acquirent pour le prix de 2000
1. Ainsi nommé, non pour la bravoure dont tout jeune
il avait fait preuve aux côtés de son père, dans la funeste
journée de Poitiers, mais pour avoir usurpé le premier
rang, sur ses aînés et le frère du roi au sacre de Charles VI,
4 novembre 1480.
2. Archives de la Côte-d'Or, pp. 774, Fonds de la char-
treuse de Dijon.
KKVUE DE L AKT CHKÊTIEN
1899. — 2,ne LIVRAISON.
n6
&ctntc lie r&rt chrétien*
livres ('). Dom Aubry Vauvert conclut le mar-
ché avec le vendeur les 2 juin et 14 juillet 141 3>
et l'entrée en possession eut lieu le 30 juillet.
Sans perdre de temps, les Pères Chartreux se
mirent à la besogne pour approprier la maison
à sa nouvelle destination. Comme beaucoup
d'autres logis dijonnais, elle était construite sur
de vastes caves qui s'étendaient sous tout le bâti-
ment beaucoup plus profond que large, et où
les Chartreux, grands propriétaires de vignobles,
emmagasinèrent leurs vins vieux. Au-dessus des
caves dont les voûtes s'élevaient plus haut que le
niveau du sol, était une grande salle de rez-de-
chaussée, dont on refit les portes, les fenêtres et le
pavé. Il y avait encore une salle peinte,sans doute
celle qui s'éclairait par le grand fenestrage du
premier étage, une chapelle, une « estude », une
« escriptoire » avec tablettes pour recevoir les
livres et les papiers, une cuisine dont on refit le
pavé, enfin un pressoir,des étables, un puits avec
son auge et un jardin avec treillages peints en
vert. L'entrée des parties d'exploitation était rue
des Champs, là où est encore la porte-cochère de
la cour actuelle.
On voit qu'entre les mains des Chartreux —
tout ce qui vient d'être énuméré est tiré des
comptes conservés aux archives départementales
— la maison du Miroir devint comme une villa ur-
baine^ prendre ce mot, non dans le sens qu'on lui
donne aujourd'hui, mais dans celui qu'il avait à
Rome et d'où est venu le terme de village ; le
Petit-Citeaux, l'hôtel de Clairvaux, celui de Mori-
mond étaient de même des maisons d'habitation
auxquelles se joignaient tous les bâtiments et
engins nécessaires à l'exploitation d'un domaine
rural ou viticole.
Ces dispositions prises, les Pères Chartreux
voulurent mettre leur sceau monumental sur leur
œuvre et s'adressèrent au premier artiste du
temps, à Claus de Werve. Celui-ci, natif de
Hatheim — aujourd'hui Hattem — Gueldre,était
le neveu de ce grand Claus Sluter, probablement
originaire du même lieu, qui succéda en 1389 à
Jehan de Marville comme valet de chambre
imagier du duc de Bourgogne, à Dijon, exécuta
le calvaire du grand cloître de la Chartreuse,
1. M. Joseph Garnier estime d'après les tables annexées
aux Mémoires de Leber, que cette somme de 2000 livres
représente 88000 livres au pouvoir actuel de l'argent.
fit les modèles du tombeau de Philippe le Hardi,
et mourut en 1404. Son neveu lui succéda dans
ses charges, et le tombeau est à peu près entière-
ment son œuvre, du moins pour l'exécution.
Comme le monastère de Champmol était
sous le vocable de la Sainte-Trinité, Claus Sluter
eut la commande de mettre au centre de la façade
sur la rue Guillaume une image de la Trinité,
composée selon la formule du moyen âge, et posée
sur une base aux armes de Bourgogne qui étaient
celles du monastère ; deux figures de Chartreux
debout complétèrent la décoration, et c'est
ainsi que l'ancienne maison laïque, demi forte-
resse, demi-logis privé, reçut pour trois siècles et
demi le caractère de sa destination religieuse.
Enfin, comme marque de propriété seigneuriale,
une « bannerote » armoriée fut plantée à l'angle
du grand pignon ; elle sera remplacée plus tard
par une croix.
Il restait à remplir une dernière formalité pour
que les vénérables Pères devinssent propriétaires
incommutables de la maison du Miroir, c'était
celle de l'amortissement ('). La chose se fit en
grande pompe et le duc Jean-sans-Peur qui, après
une absence de cinq années, se trouvait en ce
moment à Dijon, non seulement accorda tout
aussitôt aux religieux les lettres sollicitées par
eux, mais encore annonça qu'il visiterait le
logis du Miroir.
Et de fait, le 24 mars 1414-15, les Dijonnais
assistèrent à un spectacle dont ils étaient depuis
longtemps privés ; précédé des archers de sa
garde en livrée aux couleurs ducales, noir,
blanc et vert « gay », ayant à ses côtés son
gendre, Adolphe IV comte de Clèves, et Jean,
de Luxembourg, suivi de Mathieu de Foix,
d'Antoine de Vergy, de Jean de La Trémoille,
ses chambellans, et de nombreux seigneurs, Jean
sortit du palais ducal et arriva à la maison du
Miroir; il y entra, la parcourut et octroya sur le
champ les lettres d'amortissement qui, par ex-
traordinaire, furent expédiées et scellées dans la
maison même.
On renverra à la notice de M.Joseph Garnier,
publiée dans le tome XII des Mémoires delà
Commission des antiquités de la Côte-dOr, pour
1. Concession aux communautés religieuses et main-
mortables du droit de devenir propriétaires.
Mélanges.
117
le détail des entrées solennelles dont fut témoin
la maison du Miroir aux XVe et XVIesiècles,et la
description de ces échafauds richement ornés où
dans ces occasions mémorables on plaçait les
personnages vivants ou les mannequins représen-
tant ce que l'on nommait alors des € mystères »
Ou des « histoires ».
On franchira donc plus d'un siècle et demi
pour en venir à l'année 1 595 où, dans les luttes
civiles auxquelles donna lieu la prise de Dijon
par Biron le 28 mai, la possession de la maison
du Miroir fut vivement disputée. En 1636, lors
de l'invasion des Impériaux en Bourgogne, elle
servit de refuge aux Chartreux comme au temps
du siège de la ville par les Suisses, en 15 13. En
165 1, quand le château de Dijon demeuré en la
puissance du prince de Condé, bombarda la
ville, la maison du Miroir fut criblée de projec-
tiles.Mais ce furent les derniers coups de feu tirés
en Bourgogne sous l'ancien régime; la province
est désormais pacifiée et la maison du Miroir
cesse d'être un logis de refuge en temps de trou-
bles pour devenir, comme on dirait aujourd'hui,
un immeuble de rapport.
Cet énorme bloc qui rétrécissait singulièrement
le carrefour du Miroir, un des plus fréquentés de
la ville, était depuis longtemps visé par la cham-
bre de ville qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, fit
les plus louables, les plus intelligents efforts
pour améliorer la voirie urbaine. Le logis mal
entretenu était à demi ruiné et les Chartreux
se seraient facilement résignés à l'abattre pour le
remplacer par une construction moderne, si, en
vertu d'un plan d'alignement bien conçu, la ville
ne leur avait imposé l'obligation de reculer tant
sur la rue Guillaume que sur celle des Champs.
Ils se résignèrent enfin, et le premier coup de
pioche fut donné à la vénérable maison le 28 fé-
vrier 1767; mais l'ingénieur Antoine l'avait des-
sinée et à plusieurs exemplaires, ce qui a permis
à M. Charles Suisse, architecte en chef des mo-
numents historiques, de faire la restitution
archéologique en pur style du XIIIe siècle, dont
on trouvera ici une reproduction.
Cette image dispensera de toute description
détaillée; on remarquera assurément la belle
présentation de cette façade, son aspect robuste
de forteresse, son pignon en escalier comme il en
existait beaucoup à Dijon en ce temps, la no-
blesse, le beau style, les excellentes proportions
de l'arcature fenestrée, enfin les sculptures des
tympans, scènes de fabliaux parmi lesquelles
on cherche en vain le miroir qui a donné son nom
à la maison. On reconnaît surtout la lutte plai-
sante d'un chevalier contre un escargot.
La Sainte Trinité et les deux statues de reli-
gieux sont à leur place ; le groupe central pose
sur une console aux armes ducales mises non pas
en écartelure, mais en parti et timbrées de la
couronne; sous les deux religieux sont les armes
de Dijon, de gueules au chef de Bourgogne, qui lui
fut donné par Philippe le Hardi, la ville portait
auparavant de gueules plein. On remarquera que
les deux écus s'inclinent vers le groupe sacré.
Il est même probable que dans celui de gauche,
les bandes de Bourgogne ancien avaient la forme
de barres et accentuaient ainsi le mouvement qui
dirigeait l'écu vers le centre. C'est là une subtilité
héraldique fort en usage à cette époque de raffi-
nement extrême en toutes choses; dans sa Vraie
et parfaite science des armoiries, 1660, l'héraldiste
Pierre Palliot a donné différents exemples em-
pruntés à des monuments dijonnais aujourd'hui
disparus. Mais il s'en rencontre du même temps
dans la bordure inférieure d'un des retables en
bois sculpté, peint et doré, qui de la Chartreuse
de Dijon ont passé au Musée de la ville.
L'étage inférieur avait été complètement
refait en 1660; la porte date de cette époque et
aussi les arcs formant boutiques. Très certai-
nement les caves ne prenaient jour sur la rue
Guillaume que par des soupiraux ; comme dans
d'autres vieilles maisons dijonnaises, la voûte
primitive en dut être détruite et baissée si
non même remplacée par des planchers horizon-
taux pour permettre l'établissement de boutiques
ouvrant de plain pied sur la voie publique. Peut-
être ces modifications ont-elles fait disparaître le
miroir qui donnait son nom à la maison; souvent
cet emblème particulier qui caractérisait un logis,
se voyait dans le tympan de la porte principale.
D'autres maisons bourguignonnes présentaient
cette galerie à claire-voie analogue à celle que
nous voyons ici; il en existait une contemporaine
dans une maison de la rue Barbisey, n° 5, à Di-
jon ; elle a été détruite il y a une soixantaine
u8
îlctwc tic rart chrétien.
d'années. La Revue de l'Art chrétien (') a donne,
d'après une photographie, l'image exacte de celle
que l'on voit à Bèze, Côte-d'Or. Bèze était autre-
fois en Champagne, mats le style de cette belle
construction civile est tout bourguignon.
Que sont devenues les images taillées par
Claus de Werve? On l'ignore; sans doute, elles
furent dédaigneusement jetées aux décombres
comme barbares. Cependant dans la Chartreuse
même, en un coin de l'enclos où se dresse,
veuf de son calvaire, ce piédestal que l'on
nomme le Puits de Moïse, on voit fruste et sans
tête, une statue de chartreux, qui pourrait bien
être une épave de la maison du Miroir. Peut-être
dans son dessin si remarquable à tous égards
par l'exécution et le caractère archéologique,
M. Suisse a-t-il donné un peu trop d'élancement
aux deux statues de moines ; les petites figures,
œuvres de Sluter et de Claus de Werve, qui en-
touraient le tombeau de Philippe le Hardi, sans
parler de celui de Jean-sans-Peur, donnent des
types moins élégants que ceux-ci, mais d'une
plus forte carrure.
Une grande maison à deux étages et en recul
sur l'alignement de l'ancienne remplaça bientôt
le vieux logis du Miroir. C'est assurément la
banalité même ; toutefois, comme dans toutes
les constructions du temps, on y peut reconnaî-
tre un sentiment des proportions, du rapport entre
les vides et les pleins, dont pourraient utilement
s'inspirer nos architectes contemporains.
La maison des Chartreux fut vendue nationale-
ment le 24 mai 1791, au sieur Morisot, de Dijon,
pour la somme de 57,800 fr. Elle appartient
aujourd'hui à M. Piot, sénateur de la Côte-d'Or ;
on médite, et l'idée est heureuse, de placer à
l'angle une plaque commémorative avec une
représentation au trait de l'ancien logis dont
l'histoire vient d'être sommairement racontée.
Henri CHABEUF.
Une Double frarûicssc iconorjrapfnquc.
ICONOGRAPHIE a ses lois basées
sur la tradition. Aller à l'encontre de
ces règles générales, qui ont reçu leur
sanction du temps, c'est s'exposer à
t. V. tome V, 1894, 5,; livraison, p. 383.
faire fausse route. Pour deux cas déterminés,
je me garderais bien de louer, sans toutefois ris-
quer un blâme: aussi, pour ne pas employer le
mot erreur, qui dépasserait certainement ma
pensée, je me contenterai du terme adouci har-
diesse, puisqu'il y a réellement innovation.
Les Bénédictins artistes de Beuron ont repré-
senté, en peinture murale, la délivrance des
âmes du purgatoire par le sacrifice de la messe.
Or ces âmes ont ce double caractère: elles sont
sexuées et nimbées. C'est à ce sujet que je voudrais
fournir quelques explications, qui me semblent
indispensables en esthétique chrétienne.
Il est impossible de figurer une âme, qui de sa
nature est immatérielle. Pour lui donner une
forme concrète, un seul moyen se présente, qui
est de l'assimiler à notre humanité, tout en la
dépouillant le plus possible de la matière faite
pour alourdir. Dans ce cas, on a recours à la
convention. Le type du moyen âge, admis jus-
qu'après la Renaissance, est un petit enfant, sans
sexe, presque toujours nu, mais souvent aussi
habillé, principalement en Italie, pour sauvegar-
der le sentiment de la pudeur.
A Beuron, les peintres ont abandonné l'enfant,
absolument impersonnel et se sont conformés à
la figuration qui prévaut en Italie depuis près de
trois siècles. Ils reconstituent la personnalité
propre, avec différence de sexe et à l'âge adulte.
Je m'empresse de déclarer que, contrairement à
la pratique italienne qui pousse au nu, ils savent,
par des procédés habiles, dissimuler ce qui ne
doit pas paraître, parce que la crudité des détails
anatomiques choquerait les regards pieux. Mais
ils n'en restent pas moins dans le naturalisme,
ce qui est un tort grave pour une mise en scène
symbolique et raffinée. Le tort, le voici: au lieu
d'un symbole de l'âme, on fait un corps humain;
or le corps, à cette place, semblerait attester une
résurrection anticipée, qui est reculée, par
l'enseignement théologique, jusqu'au jugement
dernier. Cette représentation inexacte devra donc
être l'objet d'une étude sérieuse pour la recon-
stituer d'une façon normale et irréprochable.
De plus, le corps-âme reçoit le nimbe dans son
trajet du purgatoire au paradis. N'est-ce pas
aller trop vite? En effet, le nimbe étant jugé la
récompense, il convient d'en retarder l'emploi
jusqu'à l'admission au séjour céleste. Mais là
Mélanges.
n9
n'est pas la hardiesse, puisqu'il ne s'agit que
d'anticipation et par conséquent d'une question
de temps. C'est la conception elle-même de l'in-
signe que je conteste.
Le nimbe, d'après la tradition iconographique,
est le signe officiel de la sainteté consommée et
parfaite. Il se décerne officiellement par l'Eglise
dans l'acte de la canonisation. On doit donc le
réserver aux saints reconnus comme tels et
inscrits au Martyrologe. Cette antienne des
matines du commun d'un martyr a été considérée
comme l'application de ce principe primordial :
« Scuto bonse voluntatis tuai coronasti eum, Do-
mine. » Et aussitôt est promulgué le décret
divin dans cette autre antienne: «Filii hominum,
scitotequia Dominus sanctum suum mirificavit »,
et un troisième texte en montre l'effet direct :
« In universa terra gloria et honore coronasti
eum. » D'où résulte clairement que le nimbe, en
forme de disque qui le fait ressembler au bouclier
antique, équivaut à une couronne et qu'il est le
don spécial du Seigneur par un acte de sa bonne
volonté, mirifiaut son serviteur aux yeux des
hommes, par toute la terre, en lui attribuant
Y honneur et la gloire.
Cela est si vrai, que la Sacrée Congrégation des
Rites refuse le nimbe plein aux Bienheureux et
n'autorise pour eux qu'un simple rayonnement
autour de la tête.
Le moyen âge n'a pas nimbé les élus. Faisons
de même et par l'emploi de ce signe spécial,
évitons qu'on les confonde avec les Saints pro-
prement dits. Contentons-nous, avec l'Eglise,
dans la messe des Morts, de les plonger dans la
lumière céleste: «Lux perpétua luceat eis. »
La morale de cette note revient à ceci : s'en
tenir scrupuleusement à la tradition iconogra-
phique, quand elle suffit à exprimer ce qu'on
veut dire; raisonner son sujet, pour voir si, en
innovant, on ne va pas directement offenser soit
une loi existante, soit une convenance d'ordre
supérieur.
X. B. DE M
— »©<-.-*©*-
ITitioitc De IJarbonnc
f'I VOIRE de la cathédrale de Narbonne
est connu par la planche qui en a été
donnée dans les Annales archéolo-
giques, tome XXVII, page 5. et la
description qui l'accompagne. La date avait été
fixée au XIe-XIIe siècle et l'interprétation des
sujets exactement déterminée.
Voilà que, sans motif et sans preuves à l'appui,
une opinion nouvelle se produit dans leBitlletiu de
la Commission archéologique de Narbonne (189S);
on peut, heureusement, la contrôler sur une excel-
lente phototypie, supérieure à la gravure des
Annales. Je lis, page 93: «On lui donne pour
date le XIIe ou le XIIIe siècle. S'il nous était
permis d'avancer une opinion, nous ne pensons
pas que son acte de naissance puisse remonter
aussi haut, et, son examen consciencieusement
et minutieusement fait, nous croirions qu'il est
plus exact d'assigner pour date le commence-
ment du XVIe siècle. Cette opinion peut être
corroborée par Millin ». Millin est une piètre
autorité pour le moyen âge ; de plus, le style
n'est nullement celui de la Renaissance, mais bien
de l'époque romane.
Les y" et S°- scènes sont ainsi décrites : « Salo-
mon visité par la reine de Saba. — La fondation
de l'Église : JÉSUS donnant ses pouvoirs à Simon-
Pierre». Rien de tout cela en réalité, car l'unité
iconographique ne permet pas de sortir de la
Passion et de la Résurrection. Donc l'ordre lo-
gique est celui-ci : 1. Cène. 2. Baiser de Judas.
3. Crucifixion. 4. Présentation de l'éponge au fiel
et au vinaigre. 5. Percement du côté. 6. Partage
de la robe sans couture. 7. Visite des Maries au
Sépulcre (l'ange a été transformé en Salomon).
8. S. Thomas mettant sa main dans le côté du
Christ ressuscité (non la dation des clefs). 9. L'As-
cension. 10. La Pentecôte.
Il importait, dans l'intérêt de la science, de
barrer le chemin à ces opinions erronées qui ne
peuvent avoir cours auprès des archéologues
sérieux.
X. B. DE M.
120
Bebue De rstrt cjjréttem
Ec Bctntrc Cornclis uanDcr Capcllc.
Sy\3 AXS le Supplément de la 2e édition
ËafË <i t'u Dictionnaire des Peintres de Siret,
^| p. 1047, col. 2, on lit : « Corneille
(Claude). E. Fr. * XVIe siècle. La
« HAVE. Histoire. Etabli à Lyon où il mourut.
« Peintre des rois François Ier, Henri II, Fran-
« çois II et Charles IX. Il protégea le jeune
<i peintre flamand, Stradan, lors du séjour de ce
<i dernier à Lyon. »
Le vrai nom de ce peintre est Cornelis vander
Capelle; il est natif de La Haye en Hollande. Il
fut peintre non de François Ier, mais du Dauphin,
qui régna sous le nom de Henri II (nommé par
lettres du 7 janvier 1540), ensuite de ce prince
devenu roi, de François II, de Charles IX, et de
Catherine de Medicis. En 1547 il obtint des
lettres de naturalisation. Il habitait alors Lyon,
où il s'était établi en 1544; il fit probablement
choix de cette ville parce que plusieurs de ses
compatriotes qui s'étaient, comme lui, séparés de
l'Église s'y étaient réfugiés. Nous ne savons pas
combien de temps il resta hors de l'Église, mais
dans un état des « Huguenots réduictz et qui
ont fait confession de foy, et qui ont vescu despuis
et touiours vivent catholiquement et fréquenté
les églises, » pièce qui porte la date du 2 décembre
1569, se trouvent « Corneille de Laye painctre
et sa femme et sa fille et serviteurs ('). » Corneille
décéda à Lyon en 1574-5. Il eut un fils du même
nom et une fille qui, au dire d'Antoine Du Ver-
dier, « peignoit divinement bien » et qui fut
enterrée aux Frères Prêcheurs à Lyon, le 11 no-
vembre 1589 (2).
Dans la collection de M. J. B. Meyer à Bonn
se trouvait un panneau que j'ai examiné en 1864,
dont j'ai donné la description que voici : Bois,
H. om 92. L. Im 14. Un homme, probablement le
receveur des contributions ou le trésorier d'une
ville néerlandaise, vêtu d'une robe en velours
noir et d'un manteau gris doublé de fourrure
sans manches, la tête couverte d'un bonnet noir
doublé de fourrure brune, est assis et pèse des
écus dans une balance triangulaire. A sa gauche,
1. N. RoNDOT, Les protestants à Lyon au dix-septième
siècle. Lyon, 1S91, p. 14.
2. Ibid., p. 14.
une jeune femme en robe rouge doublée de four-
rure et sous-robe verte, avec coiffure en velours
rouge et voile en gaze, regarde la balance et feuil-
lette des deux mains un livre. Plus loin, à gauche,
une porte entr' ouverte, par laquelle un jeune
homme vêtu de bleu entre tenant une lettre à la
main. Sur la table couverte d'un tapis vert on voit
un encrier, des plumes, des pièces d'or et d'argent,
une boîte ouverte contenant une série de poids,
quelques bourses, etc. Derrière, contre le mur,
une planchette sur laquelle plusieurs boîtes con-
tenant des parchemins. D'autres parchemins y
sont attachés par des clous. Sur un de ceux-ci
se trouve écrit :
Rekenîghe van Jan obrechts
van ziin half iaer de
Anno vierendertich vand'
cleeneontfanck.
ce qui veut dire : Compte de Jean Obrechts de
son semestre de l'an 1534 de la petite recette.
Sur un autre :
Ende concluderende mitsdiê die zelffde
meester Cornelis van der capella als
hier boue mact heeft van desê ghecôcludeirt.
heefft ghehadt onder huer.
Une copie de ce tableau se trouve au Musée
d'Anvers (n° 128 du Catalogue de 1857), où elle
est désignée comme étant de l'école de Quentin
Metsys.
Dans la collection de M. le baron Oppenheim
à Cologne se trouve un panneau (H. om,885,
L. om,705) qui représente un sujet du même
genre, dont une copie conservée au château royal
de Windsor et connue sous le nom des « Deux
Avares(1)» était attribuée à Quentin Metsys, mais
elle est aujourd'hui considérée comme une copie
par son fils Jean Metsys d'après un original pro-
bablement perdu. Voici la description du pan-
neau de M. Oppenheim.
Deux changeurs sont assis à un comptoir :
l'un est vêtu d'une robe grise verdàtre doublée
de fourrures et coiffé d'un couvrechef rouge, orné
d'un affiquet formé d'un saphir et de trois perles.
11 porte un anneau au second doigt de la main
1. Gravée dans Waagen, Manuel de F Histoire de la
Peinture, tome I, p. 163. Bruxelles, 1863.
Mélanges.
121
droite dont le chaton est formé par un écusson
d'azur à la fasce d'argent chargée de trois mou-
ches au naturel et accompagnée de trois étoiles
d'or, deux en chef, une en pointe. Il porte des
besicles sur le nez et écrit sur le feuillet gauche
d'un livre de comptes. De la main gauche il tient
une pièce d'or qu'il range à côté d'autres placées
sur la table. A son côté gauche se trouve l'autre
personnage qui a un air narquois ; il tire la
langue en clignant de l'œil. Il est vêtu d'une
tunique rouge doublée de bleu, et coiffé d'un
large chaperon vert dont la patte retombe sur les
épaules. Sa main droite est posée sur l'épaule
gauche du premier personnage et indique de
l'index l'argent qui occupe celui-ci ; de la main
gauche, posée sur la table, il tient une bourse
vide munie de sa courroie à boucle. Derrière, sur
un rayon, se trouvent un chandelier dont la mèche
fume encore, une boîte pleine de parchemins
dont les sceaux débordent, et une petite caisse à
trébuchet à moitié ouverte qui porte entre deux
empreintes de cachets le mot CUELEN. D'un
clou pendent des ciseaux entr' ouverts. Dans
le fond à gauche une porte entrebaillée. La table
est couverte d'un tapis vert ; à droite on voit un
sablier en bois de buis, une écritoire et son étui à
plumes ; à gauche, un joyau orné d'un grenat et
de trois perles, posé sur un morceau de soie et un
saphir sur un fragment de parchemin, ainsi qu'une
quantité de pièces d'argent et d'or. Sur le livre
se trouve LE ROY DOICT A
MAISTRE CORNEILLE
DE LA CHAPELLE SON
PAINCTRE SVR LA
GABELLE DV SEL
LA SOMME DE
DEVX MILLE
LIVR
RE LA
ESTE
E
RE
Sir Charles Eastlake, avec qui j'ai été la pre-
mière fois examiner ce tableau, l'attribuait à
Metsys, de même que celui de Windsor.
\V. H. James Weale.
J2C5 icônes tusses.
'ART tient dans la vie contemporaine,
dans nos pensées, dans nos travaux,
nos plaisirs, une place souveraine. Les
journaux ne tarissent pas de ses mani-
festations innombrables; les tableaux s'entassent
dans les expositions, les statues pullulent sur la
voie publique, les illustrations couvrent les pages
des livres. A quoi bon cette dépense prodigieuse
d'efforts talentueux ? A la gloriole ou au profit
lucratif des artistes et à la distraction du public,
bien plus qu'au bonheur et à l'amélioration de la
société. Peut-on se dissimuler, que l'action bien-
faisante de l'art honnête est écrasée sous la
prédominance de l'art dépravé ?
Que faisons-nous, devant cette calamiteuse
situation, nous les amis du bel idéal et des
mœurs pures, les partisans de la foi et du progrès
chrétien ? Que tentons-nous pour mettre à profit
les immenses ressources que, nous aussi.nous pour-
rions tirer de l'art dirigé vers ce but noble et légi-
time, vers des applications salutaires et fécondes?
Rien que dans le domaine si pratique de
l'imagerie, nous avons à notre disposition une
force énorme.des moyens puissants pour l'instruc-
tion du peuple, la propagande de la vérité, et la
satisfaction honnête des instincts artistiques.
Nous négligeons ce moyen d'une manière impar-
donnable ; nous n'avons encore su tirer qu'un parti
dérisoire de l'imagerie populaire. Avec la puis-
sance productive sans limite de l'imprimerie,
avec les ressources magiques de la projection
lumineuse, avec les moyens illimités de la vulgari-
sation qui sont à notre portée, nous devrions
avoir fait déjà de l'imagerie populaire chrétienne
un puissant instrument d'évangélisation.
Le moyen âge nous a fourni des modèles par-
faits: quelques éditeurs dignes de tous éloges en
ont conçu les types modernes; l'œuvre de l'ima-
gerie est virtuellement créée, mais elle ne trouve
qu'un écho misérable chez les personnes appelées
par leur position à promouvoir, à soutenir, à en-
courager de pareilles tentatives.
Nous devrions rougir de notre inaction, quand
nous considérons ce qu'ont fait à cet égard des
nations schismatiques, et notamment le peuple
russe. Quelle est, chez ces chrétiens égarés,
122
îEcbuc De P&rt chrétien.
l'industrie nationale la plus importante à tous
les points de vue? C'est celle des icônes, nous
répond M. E. de Wassilieff dans un récent article
de la Revue des Arts décoratifs {f).
Un des grands moyens de conquête des
Russes, ce sont ces icônes, qu'ils expédient
souvent par dizaines de mille exemplaires. « La
bonne parole est le grain semé,et l'icône conservée
est là pour faire germer la moisson en renouve-
lant toujours le souvenir. » Les images sont des
objets religieux dont aucun Russe ne saurait se
passer; on leur donne une utilité morale plus
grande, en les rendant décoratives au degré
suprême.
Les icônes russes sont de divers styles, savoir:
i° celles de style byzantin, 2° celles du style de
Novgorod (XI IIe siècle) plus adoucies de couleur,
plus austères et plus vivantes, 30 celles du style
Stroganoff (XVIe siècle), d'un genre plus léger,
40 celles du style Friatakoff, intermédiaire entre
l'iconographie stylisée et la peinture incolore.
Toutes sont l'objet d'une vaste fabrication in-
dustrielle, à laquelle l'imagerie française ne peut
être aucunement comparée, même de très loin. Il
en existe environ vingt-cinq grandes fabriques; les
plus importantes sont celles de Postnikof et Dika-
ref à Moscou (icônes anciennes), de Zabounof, à
Moscou; de Mordwinkine, à Saratof; de Valanof
(prov. de Wladimirsk); de Chichkine (prov. de
Tver); d'Oudalof, à St-Pétersbourg ; d'Alekseiét
et Siline à Moscou.
Cette puissante imagerie russe, M. le chanoine
Didiot l'a fait connaître a nos lecteurs dans sa ma-
nifestation populaire, c'est-à-dire dans la vignette
imprimée sur papier (2).Son article, fort remarqué,
a provoqué des observations très intéressantes,
et ses études ont mis au jour des rapprochements
aussi curieux qu'inattendus entre l'iconographie
slave et l'iconographie française. Notre docte
collaborateur avait été frappé de l'absence de
tout saint latin, même de saint Pierre et de saint
Paul, dans la copieuse collection de l'imagerie
russe qu'il avait réunie et qu'il nous a si bien
décrite. Quelle n'a pas été cependant sa surprise,
d'y découvrir un saint Julien, évêque de Keno-
mani. Des recherches menées avec méthode l'ont
1. Revue de Part décoratif, n° 1 1, 1898.
2. Revue de tari chrétien, année 1898, p. 294.
amené à établir d'une manière rigoureuse l'iden-
tité du saint russe avec saint Julien, évêque du
Mans; la nouvelle en a paru dans nos colonnes,
mais ce rapprochement d'un intérêt piquant a
été l'objet, de la part du Doyen de la Faculté
de théologie de Lille, d'une nouvelle étude parue
dans la Revue historique et archéologique du Maine,
étude que nous signalons tout spécialement aux
personnes qui cultivent l'iconographie.
Comment le culte de saint Julien a-t-il passé
d'Occident en Orient ? — Des relations sont con-
statées dès le IXe siècle entre le Mans et Pader-
born. En 959, Olga, régente de Kiew, baptisée à
Constantinople sous le nom d'Hélène, obtint de
l'empereur Othon Ier des missionnaires latins, qui
ont pu appartenir à l'église de Paderborn, et Olga
a bien pu réclamer dans la rédaction des offices
liturgiques une place pour saint Julien, honoré
dans cette ville. Telle est l'hypothèse de M. le
chan. Didiot. L. C.
Ua ligne Droite et la ligne courbe.
M. H. Mayeux prend dans Y Architecture
(mars 1899) la défense de la ligne droite architec-
turale qu'on paraît, surtout en Belgique, vouloir
sacrifier à la ligne courbe, sous prétexte d'art nou-
veau .
La ligne droite a régné en maîtresse dans le
passé. Elle régit les pylônes, les terrasses, les plate-
bandes de l'Egypte; elle domine le cintre dans les
murs d'aplomb et crénelés de l'Assyrie, et reprend
tous ses droits dans les colonnades persépoli-
taines. L'art dépravé de l'Inde lui-même lui
reste soumis. En Grèce, la ligne s'assouplit, mais
la ligne droite régit les grandes moulures, et, dans
le décor, elle va jusqu'à briser les postes, et à
former les méandres de la ligne droite fractionnée.
Chez les Romains la droite s'allie a la courbe,
mais à cette courbe sévère et logique, qui forme
le cintre des arcades et des voûtes. L'art byzan-
tin sacrifie davantage au cercle et à ses dérivés,
de même que l'art roman, mais uniquement aussi
en faveur de ces formes organiques, qui régissent
le cintrage des voûtes. Au XIIIe siècle les lignes
verticales filent avec élan, et la courbe repasse au
second plan. Ce n'est qu'au XVe siècle, époque de
décadence, que la ligne se contourne en double
courbure, en accolades, en flammes, en sinuosités.
La Renaissance produit une réaction en faveur
de la ligne droite. C'est quand on tombe au
XVIIIe siècle, époque de la décadence consom-
mée, que la ligne courbe s'insinue plus avant
dans l'art, rongeant partout la ligne droite...
Dans le style rocaille la courbe et la contrecourbe
finissent par tout envahir, surtout dans le mobi-
lier et dans la décoration intérieure. Enfin, sous
Louis XVI, la ligne courbe, fourbue, abandonne
de nouveau le courant à la ligne droite, qui
triomphe sous l'Empire.
Aussi pouvons-nous considérer comme une
mode décadente, cet engouement actuel pour les
tracés en serpentin, en coup de fouet, en paraphe,
qu'avec une affectation obsédante, plusieurs archi-
tectes et décorateurs introduisent non seulement
dans l'ornement, mais encore dans la structure
des édifices et du mobilier, et le plus souvent
en dépit de la technique et de la nature des
matériaux.
« C'est du Nord, cette fois, dit M. Mayeux, que
nous vient la lumière...; tout ce qui ne provient
pas de cette source est qualifié « vieux jeux » :
c'était fatal. Aussi la règle et l'équerre sont-elles
devenues des gêneuses d'inspiration ; on ne trace
plus que des courbes, encore des courbes, et tou-
jours des courbes, comme cela, sans compas, au
hasard de la main : c'est bien plus artiste. »
Dès lors surgissent ces architectures inver-
tébrées dont la pierre se plisse comme une peau
molle, où les linteaux de fer se tordent à contre-
sens, tandis que les bois se courbent, de parti
pris, à contrefil. Puis on y applique, comme adju-
vant, la décoration à coup de fouet, projetant
partout des lanières entrecroisées en parafes, en
serpentin, aux extrémités crochues, afin de mieux
cingler.
Si la pauvre ligne droite se montre encore
dans quelque coin, elle n'a qu'à bien se tenir...
sinon !...
Rassurons-la ; sa situation n'est pas encore
très inquiétante. La trop longue nomenclature
de tout à l'heure a suffisamment démontré que
l'œil se fatigue vite de la monotonie, quelque soit
sa provenance. La ligne courbe est en train de
lasser le public; nous n'avons qu'à attendre.
Il est bon toutefois que nous témoignions
publiquement de l'intérêt à celle qui fait l'objet
du présent plaidoyer.
L C.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 2me LIVRAISON.
g.1 & •■*», Hjjfe <V& ^ *& *& *& *# *& *& *& ^ *& *& ■*&.*&*% ■*&. :■#, :^ ^. ^ -^ g&
Italie.
Flore nrf : Drcoutomes De fresques à .Santa Croce. —
EijSe: musée cibique. — Bomc : musée orcoorten. —
Cflmafore : Tapisserie.
'ÉGLISE Santa Croce de Florence,
commencée à la fin du XIIIe siècle et
consacrée en 1442, est l'une des plus
!' connues de l'Italie.
Les Franciscains, ses fondateurs, la Seigneurie
de la République, les familles patriciennes
concessionnaires des chapelles mirent à contri-
bution, pour la décorer, les plus grands artistes :
Giotto, Taddeo et Agnolo Gaddi, Andréa da
Castagno, Giottino, Gerini comme peintres ;
Ghiberti, Desidero da Settignano, Rossellino,
Benedetto da Maiano, Donatello, Verrochio
comme sculpteurs, pour ne citer que le XIVe
et le XVe siècle.
L'aspect du temple était admirable : les mu-
railles étaient peintes à fresques ; des tombeaux
étaient adossés aux parois ; le sol était couvert
de pierres tumulaires à figures ; aux piliers
étaient attachés des trophées de batailles et les
blasons des citoyens ayant honoré la République;
aux poutres du faitage flottaient des étendarts
et des draperies ; de grandes Crucifixions en
forme de croix étaient suspendues dans l'espace;
aux sommets des voûtes, le Lis de la Commune
et la Croix rouge du Peuple.
Santa Croce, basilique chrétienne et panthéon
républicain, était bien le temple d'un peuple ar-
tiste dont les sentiments patriotiques étaient
inséparables des sentiments religieux.
Per disgracia, car ce fut un malheur, Vasari
fut chargé, en 1560, par le grand duc Cosme Ier,
de modifier l'intérieur de l'édifice ; il fit acte de
courtisan comme architecte du prince, et de
vandale comme artiste.
Les étendards, les trophées, les écussons de
famille furent arrachés ; ils rappelaient trop la
République.
Pour faire place à des autels de son invention,
Vasari, comme ensuite à Santa Maria Novella,
supprima presque tous les tombeaux (') et les
fresques de la nef.
Si les peintures de Giotto des chapelles Peruzzi
et Bardi, les fresques que Taddeo Gaddi fit, de
1332 à 1338, dans la chapelle Baroncelli et quel-
ques autres ont été respectées au XVIe siècle,
c'est vraisemblablement parce que les chapelles
étaient patronnées.
Mais plus tard, le funeste exemple donné par
Vasari fut suivi même dans des chapelles à pa-
tronat. En 17 14, les fresques de Giotto furent
badigeonnées d'un lait de chaux, et dans notre
siècle, d'autres peintures ont été recouvertes
d'enduit pour former les fonds des monuments
funèbres consacrés à des personnes nullement
qualifiées pour reposera Santa Croce.
Mais une réaction salutaire se manifeste, très
heureusement; vers 1840, on commence à remettre
au jour les fresques de Giotto, et le travail con-
tinue dans d'autres parties de l'édifice ; seule-
ment, en principe, on ne restaure plus; on se con-
tente de nettoyer, ce qui est beaucoup plus sage
et plus prudent. Quelques travaux restent inache-
vés faute d'argent : de cette façon les fragments
découverts jouent en quelque sorte le rôle de té-
moins. Dans bien d'autres églises de la Toscane,
j'ai vu, sur de grandes parois badigeonnées,
quelques mètres seulement débarrassés, parce
que, pour le moment, on n'a pu faire plus ; ce
sont de bonnes précautions pour empêcher des
dégradations et attirer l'attention sur ce qui
reste à faire.
L'Office des monuments nationaux de la Tos-
cane a entrepris, depuis quelques mois, divers tra-
vaux dans Santa Croce et ses dépendances ; on
répare la chapelle des Pazzi (2), insigne monu-
ment conçu par Brunellesco et décoré par Luca
1. On sait que des anciens tombeaux du XVe siècle qui
étaient dans la nef, il n'en reste que deux : celui de
Leonardi Bruni, mort en 1444, historien et secrétaire de
la République, par Gamberelli dit Rossellino, et celui
de Marzuppini, successeur de Bruni, par Desidero da
Settignano. Ce sont des types accomplis de monuments
funèbres du temps.
2. On sait que cette chapelle est placée en dehors, dans
l'ancien cimetière Sud.
Correaponîiance.
125
délia Robbia, Desidero da Settignano et Dona-
tello ; on a replacé des écussons de famille et
quelques tombeaux sous les portiques extérieurs
de l'église.
Il entrait dans le programme des travaux de
sonder toutes les parois des nefs et des transepts
non occupées par des monuments funèbres
qui, par Vasari et depuis, ont été recouvertes ;
le sondage ayant pour but de s'assurer de l'exis-
tence des fresques ou de leur absence.
Voici les résultats de l'opération faite en dé-
cembre dernier.
Sauf autour du monument de Galilée, dans la
nef de gauche et sur quelques parties de la nef
de droite, on n'a trouvé sous les couches de ci-
ment et de chaux que le mur nu et, par endroits,
quelques taches de couleur. Toute la décoration
avait été grattée !
Dans la nef de droite les peintures découvertes
sont peu de chose ; dans la nef de gauche elles
ont de l'importance.
Les habiles opérateurs chargés d'enlever les
enduits ont eu une besogne très délicate ; je
les ai vus à l'œuvre.
Dans quelques endroits les peintures étaient
recouvertes d'une pellicule de chaux de moins
d'un millimètre d'épaisseur ; plus loin cette pre-
mière couche avait, après siccité, été recouverte
d'autres pellicules plus fortes ; ailleurs on s'est
trouvé en présence découches de mortier grume-
leux de cinq à douze millimètres d'épaisseur ;
tous ces enduits ont été enlevés par petites par-
celles.
Comme toujours en pareil cas, il restait sur la
peinture des traces de chaux tellement minces,
qu'on n'osa plus employer d'outils, de crainte
d'entamer la couleur ; il fallait cependant faire
disparaître cette sorte d'estompage laiteux.
J'ai indiqué déjà comment l'on procède en de
semblables circonstances (I). Si la peinture est
entièrement à buon fresco, il suffit d'un lavage à
l'eau légèrement vinaigrée, mais à Santa Croce
avec le buon fresco il y a de la tempera : le fond
bleu d'outre-mer d'abord, puis le noir, et quelques
rouges et verts, tous solubles à l'eau; le lavage
étant, par suite, interdit, on a procédé à l'enlè-
vement des traces de chaux au moyen de bou-
1. Revue de l'Art chrétien, mai 1898.
lettes de mie de pain. Cette opération s'est faite
assez facilement, les fresques n'ayant été al-
térées ni par le chanci ni par la fumée des
cierges et de l'encens.
Les fresques mises au jour ne présentant pas
un ensemble complet, elles sont interrompues
par les autels et le monument de Galilée ; la dé-
coration est divisée en compartiments limités
par des bordures.
Les personnages sont plus grands que nature;
mais pas tous complets, ils représentent :
Le Christ en croix avec les anges recueillant
le sang divin, sainte Marie-Madeleine embras-
sant l'instrument du supplice et quelques sol-
dats.
Le Bon larron.
L' Ascension.
Noli me tangere.
Plus loin, au delà d'un autel, on voit dans le
compartiment du haut les saints Jean Évangé-
liste, François et Antoine.
Aucun document écrit ne fournit de rensei-
gnements sur les auteurs de ces peintures ; à
première vue on sent qu'elles sont de deux mains
différentes.
Vasari nous apprend que Taddeo Gaddi(i300-
1366) a travaillé à Santa Croce dans la chapelle
du Saint-Sacrement et dans la chapelle Baron-
CL-lli, mais il ne parle pas des fresques de la nef;
la comparaison étant facile, je me suis convaincu
que les faits se rapportant au Rédempteur étaient
de Taddeo. Vasari ajoute que Taddeo était le
meilleur disciple de Giotto.qu'il a constamment
suivi la manière de son maître sans l'améliorer,
tout en donnant aux colorations plus de fraî-
cheur et de vivacité.
Il est bien rare qu'un peintre de génie ait fait
des élèves qui soient devenus des artistes de gé-
nie;Taddeo a du sentiment et une grande facilité,
mais il s'exprime sans beaucoup de distinction ;
on ne sent pas chez lui le souffle puissant de
son maître. Les fresques de la nef sont de bons
ouvrages, semblables à la Vie de la Vierge de la
chapelle Baroncelli ; les draperies sont souples
et sans violence de tons ; les figures n'ont rien
de cette raideur et de cet ascétisme qu'on s'ob-
stine à trouver dans les trécentistes et les quat-
trocentistes.
I2Ô
3Rc\nte De P&rt chrétien.
N'est-il pas singulier d'avoir à constater la
persistance des formules de convention ?
Je ne sais quel est le critique qui, le premier,
a déclaré que les figures des peintres toscans,
jusque et y compris D. Ghirlandaio, étaient
émacices ; je crois que cet écrivain a tout jugé
d'après les deux types exceptionnels de saint
Jean et de sainte Marie-Madeleine dans le dé-
sert. Il suffit cependant de regarder pour se con-
vaincre que ces peintres ont souvent donné à
leurs figures plus d'ampleur qu'il ne convient ;
c'est même le cas du suave Angelico pour cer-
taines de ses madones. Mais les formules ont la
vie dure, et il est si commode d'en user !
Les trois saints Antoine, François et Jean
Évangéliste sont, comme facture, d'un siècle au
bas mot moins anciens que les fresques deTaddeo,
ils sont plus doux, plus fondus et surtout très
bien mis dans leur lumière ; je ne sais à qui on
peut les attribuer, aucune des peintures de San-
ta Croce ni même de Florence ne permettant
de comparaison.
La récente découverte serait un événement
hors de l'Italie ; ici, en Toscane surtout, elle n'a
rien d'extraordinaire, et l'avenir nous réserve de
plus importantes surprises ; mais elle confirme
qu'à Santa Croce les nefs latérales étaient cou-
vertes de peintures, du sol jusqu'à la naissance
des arcs.
Elle confirme aussi que Vasari, qui dans ses
écrits a dit tant de bien des vieux peintres tos-
cans,notamment deTaddeo Gaddi.s'est empressé
de détruire leurs œuvres dès qu'il en a eu la
puissance !
Pise. — Le musée civique a reçu un tableau a
tempera de Jean Pierre de Naples fort peu connu ;
ce peintre a travaillé à Pise, au commencement
du XVe siècle, avec Martino di Bartolommeo
Bolgarini. C'est encore un nom pour le futur
dictionnaire des peintres.
Le tableau représente jÉSUS-CHRISTen croix,
la Madone, saint Jean, saint François et plusieurs
personnes de petites dimensions, à genoux. Sur
la partie inférieure on lit l'inscription suivante :
Facta fuit tempore sororis Clare priorisse istuts
monasterii anni Domini MCCCCV. — Fieri fecit
Stefanus Lapi Domini Lapi roghate Deum pro co
— folies Pétri du Napoli pinsit.
La peinture provient du couvent de Saint-Do-
minique ; elle est dans un état de conservation
discreto, dans le style du temps, médiocre de
qualité, mais intéressante à cause de sa rareté.
Rome. — S. S. le Pape Léon XIII a fait l'ac-
quisition de la collection Falcioni, au prix de
60,000 livres, payables en neuf années.
La collection se compose d'objets en or, bronze,
terre-cuite etc. d'origine étrusque ; pour l'art et
l'histoire, elle est d'un très grand intérêt. Elle
sera déposée dans le musée Grégorien du Vati-
can, consacré à l'art étrusque, et classée par
M. Orazio Marucchi, conservateur.
Camaiore (Toscane). — La congrégation du
Saint-Sacrement de cette petite localité possède
une importante tapisserie représentant la Sainte
Cène. La tenture n'ayant pas été reproduite
encore, nous en donnons la reproduction.
La composition se distingue par l'adjonction
au sujet principal du Baiser de Judas et du Lave-
ment des pieds; l'ouvrage est daté de 1516, je
le crois d'origine allemande.
Cette tapisserie, conservée dans une bourgade
obscure, est un nouveau témoignage de l'action
des associations chrétiennes sur le développe-
ment des arts.
Si la tenture de Camaiore vient à être connue,
elle excitera sans doute les convoitises ; mais les
offres les plus séduisantes pour une humble con-
grégation seront inutiles.
La loi interdit formellement aux œuvres
pies et autres entités morales, la vente de leurs
œuvres d'art ; l'État et les communes peuvent
seuls s'en rendre acquéreurs, mais alors les objets
sont immobilisés entre les mains de leurs nou-
veaux propriétaires.
Gerspach.
Home.
Ht Collée et U$ mattpri.
EL est le titre d'une très intéressante
dissertation lue au commencement de
février par Mgr J. B. Lugari, promo-
teur de la foi, à l'Académie pontificale
d'archéologie.
Pour en connaître l'origine, il faut se rapporter
à une note qui avait paru dans les Analecta
Correspondance.
127
Bollandiana ("Torn. XVI, pag. 226). i L'amphi-
théâtre était plus spécialement affecté aux chasses
et aux combats de fauves. Il semble, dès lors,
assez probable que les chrétiens condamnés aux
bétes aient été martyrisés là plutôt qu'ailleurs.
Pourtant, en dehors d'un témoignage formel, il
n'est pas permis de l'affirmer. Il y avait à Rome
au moins deux amphithéâtres, il y avait des cir-
ques où l'on organisait également des combats,
et pendant plusieurs années le stade remplaça
l'amphithéâtre en restauration... Il faut donc une
attestation positive pour localiser dans l'amphi-
théâtre les supplices des martyrs qui ont servi
aux amusements de la foule. »
Mise même sous cette forme adoucie, l'affirma-
tion est fausse et ne s'accorde pas avec l'ancienne
tradition chrétienne, consignée plus tard par
Clément X sur les murs mêmes du Colisée. Mais
d'autres sont venus renchérir sur cette opinion, et
ont prétendu que le Colisée n'avait servi quV.r-
traordinairetnent au supplice des martyrs. C'est
contre les uns et les autres que Mgr Lugari,
jaloux défenseur des traditions romaines qui
n'ont pas encore été trouvées en contradiction
avec les saines données de l'histoire, a fait son
discours. Nous allons en résumer les points prin-
cipaux, intervertissant parfois l'ordre des ma-
tières et des preuves, pour en faire un tout qui
rentre mieux dans le cadre de l'excellente Revue
de l'Art chrétien.
I. — Où se donnaient les combats de gladia-
teurs et les chasses de bêtes fauves?
Ces deux sortes de spectacles étaient unies
chez les Romains, et on passait indifféremment
dans le même endroit de l'un à l'autre. Mais les
conditions de sécurité de la foule devaient être
telles que celle-ci fût toujours hors de portée de
la griffe des lions ou des bonds d'un tigre. Le
local où se donnaient des spectacles devait donc
offrir une protection suffisante, qui n'était pas de-
mandée pour les jeux du cirque.Celui-ci d'ailleurs
offrait un double défaut.
Il ne protégeait pas les spectateurs assis sur
des gradins qui descendaient presque jusqu'à
l'arène. Aussi Jules-César, voulant donner des
combats dans un cirque, fut obligé de faire creuser
un grand fossé rempli d'eau pour arrêter l'élan
des bétes fauves. De plus la spina du cirque était
remplie de metœ, d'obélisques et autres orne-
ments d'architecture qui auraient empêché les
spectateurs de voir commodément le spectacle.
On donnait ces luttes le plus souvent dans des
enceintes provisoires en bois. Auguste conçut le
projet d'édifier au milieu de la ville une construc-
tion qui servît précisément à ce but, et Statilius
Taurus, consul, sûr de la pensée du maitre, édifia
en pierre le premier amphithéâtre au Campo
Marzo.
Vespasien construisit plus tard l'édifice que
nous appelons le Colisée et qui alors, à cause de
sa masse imposante, des 80,000 spectateurs qu'il
pouvait contenir, fut appelé simplement l'amphi-
théâtre. Déjà à cette époque, la construction de
Statilius Taurus, détruite par un incendie, n'était
plus qu'une ruine.
Titus fit la dédicace solennelle du Colisée
par des fêtes qui durèrent cent jours et où l'on tua
9,000 bêtes féroces,d'après Dion Liv. XVI, c. 25),
5,000 d'après Suétone 'in Tit., ci. Trajan fit
faire les substructions de l'arène, et Adrien y
donna à son tour des fêtes splendides. En un jour
on y tua cent lions et cent lionnes ; en six jours,
mille fauves, et il serait trop long de donner,
d'après les auteurs de l'époque, la longue liste des
cruels spectacles donnés dans cet amphithéâtre.
On peut dire qu'il fut le seul en activité pendant
l'ère des persécutions, sauf quelques intervalles
qui obligèrent à les transporter ailleurs.
C'est ainsi que sous le règne de Macrin, à la
suite d'un incendie, le Colisée fut fermé pour y
faire les réparations indispensables. Héliogabale
les commença. Alexandre-Sévère les acheva et
rit une solennelle inauguration de l'édifice Dar
des jeux dont parlent tous les auteurs Ainsi
donc l'amphithéâtre était le lieu desl lux
combats des gladiateurs et aux : s, et ce
ne fut qu'extraordinairement. et seulement en
suite de circonstances spéciales, qu'on les donna
autre part.
II. — Combien y avait-il d'amphithéâtres
à Rome?
Il y en avait trois. Celui de Statilius Taurus,
le premier par ordre de date; celui de Vespasien.
qui effaça complètement la renommée du pre-
mier ; et \' amphilJuatrum C
128
3Rebue lie l'&rt cfjrétten.
Or le premier était peu usité, car, construit
par un particulier, il était forcément petit. La
preuve en est que, lorsque les empereurs romains
voulaient donner de grandes fêtes au peuple
(pour la préture de Drusus, l'anniversaire d'Au-
guste, la mort d'Agrippa, etc.), ils les donnèrent
dans des enceintes provisoires formées par des
palissades, ou dans quelques cirques que l'on
arrangeait pour cette circonstance ; mais ils ne se
servirent pas de cet amphithéâtre.
Caligula voulut y donner des fêtes, qui ne
répondirent pas à son attente, cet amphithéâtre
étant trop petit, et pour les grandes réjouissances
de l'an 38 de notre ère, il fit construire une en-
ceinte en bois.
Néron fit dresser au Campo Marzo même, c'est-
à-dire près de l'amphithéâtre de Taurus, une
enceinte en bois pour y donner des jeux, et la
quatrième année du règne de ce prince, l'amphi-
théâtre de Taurus fut brûlé (Dion Cassius).Quand
on construisit le Colisée, on ne pensa aucune-
ment à réparer le précédent, la masse imposante
de l'amphithéâtre Flavien l'aurait rendu presque
ridicule ; on ne met pas un pygmée à côté d'un
géant. Cet amphithéâtre fut parfaitement oublié,
les auteurs postérieurs à son incendie n'en parlent
pas, bien qu'au IVe siècle on en vît encore des
restes considérables ; et d'après Cassiodore, il
était, sous le règne de Théodoric, devenu une
propriété privée.
Nous avons déjà parlé de la magnifique con-
struction de Vespasien. Les Romains la tenaient
en si grande estime, que nommer l'amphithéâtre
indiquait, sans ajouter autre chose, ce que nous
appelons aujourd'hui le Colisée. Je citerai seule-
ment en confirmatur ce texte de Lampridius à
propos d'Héliogabale. « Atnphitheatrum ab eo
instauratum post exustionem. » Vopiscus dit de
même: « Addidit in alia die in amphitheatro in
uria missione centum jubatos leoues, etc. » Maffei,
dans son livre premier de la Verona illustrata,
rassemble en quelques lignes la tradition sur
ce point. « La manière constante de s'exprimer
chez les écrivains chrétiens et païens fait assez
connaître qu'il n'y avait qu'un seul amphithéâtre
qui servit et porta ce nom. Et en effet, on ne le
distingue pas d'autres par un nom surajouté, mais
on dit — on restaura l'amphithéâtre ; — il fut
conduit dans l'amphithéâtre, — on donna des
jeux dans l'amphithéâtre — et par ces expres-
sions on entend toujours parler de celui de Titus,
ce qui montre qu'il était unique >.
On objecte cependant la présence d'un troi-
sième amphithéâtre, dit Castre use, et dont on voit
encore, encastrés dans l'enceinte aurélienne, les
restes près de Sainte-Croix de Jérusalem. Il serait,
d'après quelques auteurs, un troisième cirque où
l'on aurait pu donner des combats de fauves et
où auraient pu être massacrés des chrétiens.
Il faut bien en effet délimiter la question. Les
Bollandistes, et ceux qui les suivent, ne veulent
certainement pas dire que les chrétiens n'ont pas
été condamnés aux bêtes. Une pareille assertion
serait tellement contraire à toute l'histoire ecclé-
siastique qu'on ne pourrait la soutenir sans une
témérité coupable. Mais la discussion s'agite
uniquement sur une controverse locale. Les Ro-
mains ont toujours dit:« Ces martyrs ont été mis
à mort dans l'amphithéâtre Flavien. » Non,
répliquent les autres. Ils ont pu être mis à mort
dans cet amphithéâtre, mais aussi dans les autres
amphithéâtres et les divers cirques de Rome.
L'amphithéâtre Castrense serait un de ceux-là
et aurait eu la gloire de voir son arène empour-
prée du sang des martyrs.
Or les anciens se taisent presque unanimement
sur cet amphithéâtre. Ses dimensions étaient
peu considérables, et ridicules même eu égard à
la population: il n'avait que neuf rangées de gra-
dins, était fait en briques, et aurait été complè-
tement détruit si Aurélien n'en avait pas inséré
une partie dans les murs de son enceinte. Il est
aisé, dit Mgr Lugari, de savoir à quoi servait cet
amphithéâtre Castrense. Il se base pour cela sur
un passage de Procope, qui dit expressément
exister près de la porte de Préneste un édifice
fait par les anciens Romains pour garder les bétes
qui devaient figurer dans les jeux de l'amphi-
théâtre, et que cet endroit s'appelait vivarium,
vivier, servant ainsi comme de réserve aux bêtes
fauves.
Grâce à ces indications, il est parvenu à iden-
tifier sûrement le vivarium avec V atnphitheatrum
Castrense, situé près de la porte de Palestrina.
L'examen des constructions montre d'ailleurs
la réalité de cette destination, car on a pu retrou-
ver les cella (espèces de cellules) où étaient en-
fermées les bêtes en attendant leur entrée à
Correspondance,
129
l'amphithéâtre. Le nombre de cella que pouvait
contenir cet amphithéâtre était de 160, ce qui
suffisait pour les spectacles ordinaires. Quand il y
avait une représentation solennelle, on faisait
venir les fauves en plus grand nombre deux ou
trois jours avant le spectacle, et on les gardait
dans des enceintes provisoires en bois jusqu'au
moment où elles devaient paraître devant le
public.
Mais cet édifice avait encore un autre but. Le
métier de gladiateur était de ceux qui s'appren-
nent; il fallait, pour être habile dans cette partie,
un exercice plus ou moins considérable, et cette
construction formait une petite enceinte, image
de celle du Colisée (il avait seulement 9 rangées
de gradins), où venaient prendre des leçons les
gladiateurs et où se donnait, si on peut le dire,
la répétition des drames sanglants qui devaient
se dérouler devant les empereurs et le peuple
romain.
Le nom de cet amphithéâtre indique son
propriétaire. Très usité dans l'antiquité, cet ad-
jectif castrense désigne quelque chose qui ap-
partenait aux prétoriens. Il y avait parmi eux,
ainsi qu'on le relève des inscriptions, une classe
qui se consacrait à ces jeux et était appelée Ve-
natores. Ils étaient chargés de dresser les bêtes
et de former les gladiateurs à leur art. C'est à
cela que servait l'amphithéâtre Castrense.
L'amphithéâtre Castrense n'étant donc point
fait pour donner des spectacles, mais uniquement
pour les préparer, garder les bêtes, exercer les
gladiateurs, les chrétiens n'y ont pu confesser
leur foi et seul, le sable de l'amphithéâtre Flavien
s'est rougi de leur sang. On ne veut pas nier
que, par suite de circonstances particulières,
comme par exemple quand le Colisée fut en ré-
paration sous Héliogabale et Alexandre-Sévère,
on ne donnât ailleurs, en s'arrangeant du mieux
qu'on pouvait, des spectacles sanglants dont les
chrétiens faisaient parfois les frais, mais ces
exceptions ne faisaient que confirmer la règle.
Celle-ci donnait le Colisée comme le lieu or-
dinaire, classique des luttes de gladiateurs, des
combats de fauves et du martyre des chrétiens.
III. — Les chrétiens furent-ils condamnés
aux bêtes?
Toute la dissertation précédente, et que j'ai
dû écourter,surtout dans la partie vraiment origi-
nale qui parle de l'amphithéâtre Castrense, serait
inutile, si on ne prouvait que les chrétiens étaient
condamnés aux bêtes en vertu des lois de l'em-
pire. Essayons donc de documenter légalement
le cri qui a retenti pendant 250 ans dans tous
les échos du monde romain: « Les chrétiens aux
lions ! »
Le supplice de l'amphithéâtre était souvent
infligé, et voici, d'après les décisions du juriscon-
sulte romain Paulus, quelques-unes des lois qui
y condamnaient.
1. — Qui noctu manu facta praedandi ac depo-
pulandi gratta templum irrumpunt, bestiis obii-
ciuntur.
2. — Auctores seditionis et tumultus vel con-
citatores populi pro qualitate dignitatis aut in
crucem tollnntur, aut bestiis obiiciuntur, aut in in-
sulam deportantur.
3. — Lex Corneliapoenam deportationis infligit
ei qui hominem occiderit, eiusve rei causa furtive
faciendi ettiu telo ferierit, quive veneiium hominis
necandi causa habuerit,falsumve testimonium dixe-
rit quo quis periret, mortisve causant praestiterit ;
quae omnia facinora in honestiores poena capitis
vindicari placuit, liumiliores vero, aut in crucem
tollnntur, aut bestiis obiiciuntur.
4. — Qui sacra, impia nocturnave ut quem ob-
cantarentdefigerent,obligarent,fecerint,faciendave
curaverint, aut cruci suffigantur, aut bestiis obii-
ciuntur.
5. — - Qui hominem immolaverint exve eius
sanguine litaverint,fanum templumve polluerint,
bestiis obiiciuntur, vel si lionestiores sint, capite
puniuntur.
6. — Magicae artis conscios summo supplicia
affici placuit, id est bestiis obiici aut cruci suffigi.
7. — ■ Qui pat rem, matrem, arum, aviam, fra-
trem, sororem, patronnai, patronam occiderit, etsi
antea insuti culleo in mare praecipitabantur,kodie
tamen vivi exuruntur vel ad bestias danlur.
8. — ■ Lege Iulia maiestatis tenetur is cuius ope,
consilio adversus imperatores vel rempublicam ar-
ma mota sunt,exercitusve eius in insidias deductus
est, quive iniussu imperatoris bellum gesserit dite-
130
3&clnte De r&rt cbrcttcn.
ctutnve kabuerit, exercitumve comparaverit sollici-
taveritve, quo desereret imperatorem. Hi antea in
perpetuum aqua et igni inlerdicebantur, nunc vero
humiliores bestiis obiiciuntitr, vel vivi exiiruntuv,
honestiores capile puniuniur.
Or il est facile de tirer de ces lois les motifs qui
faisaient condamner les chrétiens, et en grand
nombre, aux bêtes.
Quand Néron brûla, dans un moment de folie,
la ville de Rome, il détourna les soupçons en ac-
cusant d'abord les juifs de ce crime. Popée, juive
elle-même, et qui connaissait bien, non seulement
la différence entre juifs et chrétiens, mais avait
contre ces derniers toute l'animosité de sa race,
détourna le coup en le faisant retomber entière-
ment sur les disciples du divin Crucifié. A son
instigation, les juifs s'empressèrent, et pour se
disculper plus encore, et pour satisfaire leur
haine.d'accuserles chrétiens auprès des tribunaux
comme coupables de tous les crimes :'leur reli-
gion était nouvelle; elle employait les sacrifices
humains, la chair et le sang des enfants ; ils te-
naient des réunions ténébreuses et impies et enfin
étaient des séditieux et des agitateurs du peuple,
accusation portée déjà contre Notre-Seigneur au
tribunal de Pilate. Les chrétiens, de leur côté,
liés qu'ils étaient par la loi de Yarcanum, ne vou-
laient pas révéler aux païens leurs saints mys-
tères. Si.d'une part ils se proclamaient innocents
de ces crimes, ils ne pouvaient, de l'autre, nier tenir
leurs réunions secrètement et souvent la nuit. Ils
ne pouvaient non plus nier les miracles dont
Dieu récompensait leur foi (accusation de magie),
et la conséquence naturelle était que les juges,
ignorants comme ils étaient des choses du chris-
tianisme, poussés par les accusations des juifs et
aussi par la volonté de Néron, les trouvèrent
coupables de suivre, comme écrit Suétone (In
Neronem c. 16), une religion nouvelle et malfai-
sante, de faire des sacrifices impies et ténébreux,
d'être des magiciens, des séditieux et des agita-
teurs du peuple.
Ce fut à cette occasion que le nom de chré-
tien fut publiquement proscrit. Nous avons une
preuve dans la fameuse lettre de Pline à Trajan,
(Epist. 1. X) demandant « nomen ipsum, etiam si
flagiliis careat, an jlagitia cohaerentia nominipu-
niatur ». Cette demande présuppose une loi
existante qui proscrivait le nom chrétien. « No-
men ipsum, etiam si flagiliis careat. » Trajan ré-
pondit sans détruire cette loi. « Conquirendi non
sunt, si défera n tu r et arguanlur, puniendi sunt. »
Tertullien met bien en relief que le nom chrétien
était condamné, et que l'aveu d'appartenir à cette
religion empêchait toute défense. « Sed cliristia-
nis solis nikil permittitur loqui quod causant pur-
get, quod veritatem de/endat, quod judicium non
facial injustum, sed illum solum expectatur, quod
odio publico necessarium est, confessio nomiuis, non
examinatio criminis. » Et on ne gardait pas,
notons-le bien, la même ligne de conduite quand
il s'agissait d'un crime vulgaire, car alors les lois
romaines réclamaient absolument la preuve du
délit. Être chrétien, c'était être coupable, comme
le rappelle l'apôtre S. Pierre (/ Petr., IV, 14 et
suiv.), « que nul de vous ne souffre comme ho-
micide ou voleur... si autem ut Chris tianus,
non erubescat. »
Néron, appelé par Tertullien « dedicatore datn-
nationis nostrae », avait porté contre le nom chré-
tien des édits qui restèrent en vigueur comme
loi existante jusqu'à Constantin. Seulement, sui-
vant que les empereurs étaient plus ou moins per-
sécuteurs, ils les appliquaient avec plus ou moins
de rigueur, et cette accusation était une épée
de Damoclès toujours suspendue sur la tête du
chrétien, laissé ainsi sous le bon plaisir du tyran.
Ces crimes étaient celui de religion nouvelle,
perturbation des esprits, sédition, pratiques illi-
cites, impies et nocturnes, magie ; et ces crimes,
comme on l'a vu par les citations précédentes
des lois romaines, condamnaient aux bêtes ceux,
humiliores ', qui en étaient convaincus. Or, Ter-
tullien le dit expressément, l'aveu d'être chrétien
suffisait.
IV. — Mais les chrétiens furent-ils vraiment
condamnés aux bêtes?
On pourrait, en effet, objecter que même en
admettant ces lois existantes, elles n'étaient pas
appliquées. Or un passage de Lactance (Divines
institutions, 1. V, c. XI), qui avait vu et entendu
ce qu'il racontait, nous enseigne qu'Ulpien fit un
recueil spécial de ces lois contre les chrétiens, et
certainement pour urger leur application, car
sans cela cette codification n'aurait pas eu de
Correspondance.
131
but. « Domitius, de officio Proconsulis, libro sep-
timo rescripta principum nef aria collegit ut doce-
ret quitus pœnis affici oporteret eos qui cultures
Dei confiterentur. » Ces lois disparurent, sous
Justinien, de la législation romaine, mais leur
existence antérieure n'en est pas moins certaine :
Latance les a vues,et son témoignage ne saurait
être révoqué en doute.
Pour être traîné devant les tribunaux romains,
il fallait y être dénoncé, et certes les accusateurs
ne manquèrent pas. Juifs et païens se donnaient
à l'envi cette triste mission. Tertullien nous at-
teste qu'une jeune fille qui aurait refusé la main
à un païen était dénoncée comme chrétienne ; de
même, un maître qui battait son esclave pouvait
être l'objet de la même dénonciation. Mais
en plus il y a toujours eu des Judas parmi les
chrétiens, et ceux-là, avec la connaissance qu'ils
avaient des assemblées des fidèles, de leurs noms,
de leurs lieux de réunion, étaient les grands
pourvoyeurs des magistrats.
Si la délation ne fonctionnait pas suffisamment,
les magistrats eux-mêmes pouvaient se faire ac-
cusateurs publics, emploi qu'ils cumulaient avec
celui de juges ; et c'est ce à quoi cherche à s'op-
poser Trajan dans le texte cité plus haut : conqui-
rendi non sunt. . .
Aussi, dès que les édits de persécution étaient
connus, les chrétiens, suivant le précepte de l'a-
pôtre, fuyaient au loin pour échapper à ces in-
quisitions, car être dénoncé, s'avouer chrétien,
être condamné aux bêtes, était tout un.
De plus, il fallait des victimes pour les jeux de
l'amphithéâtre,le peuple les réclamait avec insis-
tance et alors comme aujourd'hui, il faisait loi :
Entendez Tertullien (Apologeticus, c. 1. fin) : « Si
Jyberis ascendit in mœnia, si Nilus non descen-
dit in arva, si cœlum stetit, si terra movit,si famés ,
si lues, statim christianus ad leones acclamatur. '»
Un individu condamné aux bêtes devait subir
son supplice. On lit dans le Digeste (1. XLVIII
tit. XIX, 1. 3 1), <i ad bestias damnalos favore populi
prases dimittere non débet ». Un jour où les vic-
times manquaient pour l'amphithéâtre, Caligula
faisait prendre un certain nombre de spectateurs,
probablement les plus infimes, et les forçait a
descendre dans l'arène pour que les jeux pussent
avoir lieu. Nous avons vu d'ailleurs plus haut
(n° 7 et 8 des citations des lois romaines) que
pour satisfaire la passion populaire, on avait
dérogé à d'anciennes lois, et remplacé par les
bêtes les supplices alors en vigueur.
V. — Les chrétiens à Rome.
Ces lois générales s'appliquaient à tout l'em-
pire, mais c'est à Rome, sous les yeux des empe-
reurs, qu'elles étaient appliquées avec le plus de
cruauté. Nous savons en effet qu'il y eut sous
Claude de fréquentes disputes entre les chrétiens
et les juifs qui voulaient continuer dans la capi-
tale de l'empire leur rôle de persécuteurs des
disciples du Galiléen. Suétone nous dit {In Clau-
dio, XXV) : « Judœos impulsore Christo assidue
tumultuantes Roma expulit, » et Christo désigne
bien, comme le dit de Rossi, les chrétiens.
On sait avec quelle rapidité le christianisme
se répandit dans la capitale de l'empire. Saint
Paul adresse une lettre aux Romains ; il salue
Aquila et Prisca, d'autres, et qui cum eis sunt
fratres... et omnes qui cum eis sunt sanctos. Dans
son épître aux Philippiens, il parle de ceux qui
de Cœsaris domo sunt, et à l'occasion de l'in-
cendie de Néron, Tacite nous apprend que les
chrétiens conduits devant les tribunaux furent
multitude- ingens. Et comme le sang des martyrs
devenait une semence de chrétiens, peu s'en fal-
lut que la croix ne montât, avec les petits-fils de
Domitien.sur le trône de César. Les nombreux
cimetières chrétiens, dont on compte actuelle-
ment trente remontant avant le troisième siècle,
conduisent à la même conclusion. Et on en
trouve presque chaque jour de nouveaux d'une
étendue plus ou moins considérable, ainsi qu'il
vient d'arriver encore récemment près de l'église
de St-Onuphre.
VI. — Conclusion.
On voit donc que les chrétiens n'ont pas man-
qué à Rome, et, placés au centre de la foi nouvelle,
ils dépassaient en nombre ceux qui se trouvaient
dans les autres villes. On a vu que les lois de
l'empire condamnaient les chrétiens aux bêtes,
que les délateurs juifs, ou mêmes chrétiens se
chargeaient de les y déférer, et que les magistrats
qui les condamnaient pouvaient, au besoin, faire
les fonctions d'accusateurs publics.
KEVUE L>E L'ART CHKÉ mi
l3gg. — 2n,e LIVRAISON.
132
Hetoue De rstrt cftrctten.
Or il n'y avait qu'un seul amphithéâtre où se
donnaient ordinairement les combats de gla-
diateurs et les venationes ou combats de fauves
contre des hommes. Les gladiateurs combattaient
contre elles avec des armes, mais les chrétiens
leur étaient donnés en vile pâture et confessaient
devant So.ooo spectateurs le Dieu, ce JÉSUS de
Nazareth, pour lequel ils mouraient.
Les tenants de l'opinion contraire objectent
n'avoir pas trouvé de témoignages formels de
ces massacres ; mais si le texte précis manque,
il existe des inductions plus fortes que lui. On
peut solliciter doucement un texte; on ne peut
fausser une induction basée sur les règles inflexi-
bles de l'histoire et de la logique. Or le Colisée
était le seul endroit (l'amphithéâtre de Taurus
brûlé sous l'empire de Néron ne fut pas recon-
struit) où se donnaient ces jeux cruels, il servit
donc nécessairement pour les martyrs. Il est vrai
qu'il y eut trois interruptions, l'une sous Adrien,
l'autre sous Héliogabale et les premières années
de Septime-Sévère, la troisième sous l'empereur
Philippe, mais, coïncidence singulière, ces trois
époques n'ont pas eu de persécutions, et mar-
quent comme une trêve dans la lutte d'extermi-
nation sanglante que l'empire romain faisait à
la religion de JÉSUS-CHRIST.
Les inscriptions de Clément X gravées sur le
Colisée parlent de martyrs innombrables. « Quant
sacro innumerabilium martyrum encore illustre.!)
Et cette assertion est exacte. Nous ne connais-
sons pas le nombre de ceux qui ont rendu à
Rome témoignage au Christ, mais il ressort de
l'étude ci-dessus que presque tous les martyrs
condamnés aux bêtes ont versé leur sang dans
l'amphithéâtre Flavien. Et la conséquence natu-
relle en est qu'il n'est pas au monde, après ceux
sanctifiés par le Christ, un lieu si vénérable que
l'arène du Colisée. Le Calvaire, empourpré du
sangd'un Dieu, a sauvé le monde;d'innombrables
chrétiens ont rendu dans le Colisée à leur Dieu
le témoignage de leur foi, ils y ont accompli en
eux ce qui manquait à la passion du Christ, et
c'est pour ce motif qu'après le Calvaire, nous
devons vénérer le Colisée.
Albert BATTANDIER.
esparjne.
'ILLUSTRE égyptologue, M. Cham-
pollion, dit dans une de ses savantes
lettres que « les matières archéolo-
giques sont considérées en France avec
autant d'indifférence, qu'elles paraissent être
tombées dans un complet oubli ». Ces paroles,
qui qualifient la France de son temps, peuvent
s'appliquer avec plus de raison à l'Espagne.
De même que les compatriotes de M. Cham-
pollion ne s'inspiraient que des grands travaux
des Italiens, ainsi il semble que les Espagnols,
même pour juger le mérite, l'antiquité indiscu-
table d'une œuvre quelconque, ont besoin de re-
courir non pas à l'Italie ou à Rome, mais même
à la Grèce ; ce qui ne serait pas le pire, car l'étude
et la comparaison, pour en déduire un juge-
ment raisonné, doivent se baser sur des œuvres
classiques. Mais la manie d'apprécier par-dessus
tout ce qui est exotique et vient de l'étranger,
nous rend injustes et nous fait voir avec un cer-
tain dédain nos propres monuments nationaux,
comme manquant d'art ou d'antiquité, et les
prive ainsi d'être connus et appréciés.
Une des victimes de ce manque de connais-
sance ou d'amour de l'art est sans doute le sarco-
phage de la « Basilica sanctorum décent et octo »,
dénommée ainsi par S. Eugène III (640-646),
qui fut construite en 312, et qui, aujourd'hui, est
connue sous le nom de « catacombes de Santa
Engracia » de Saragosse, en Espagne.
L'immortel poète de Caesaraugusta, Aurelio
Prudencio Clémente, chantait au IVe siècle la
gloire des premiers athlètes du christianisme
dans les vers suivants de son « Hymne aux
Martyrs » :
%. De diez y oclio martyres Cenizas
Conserva nueslro pueblo en un sepulchro ;
Llamemosle Ciudad de Zaragoza
A esta que tan grande dicha goza ('). >
Prenons note de ce témoignage précieux,
qui nous affirme qu'à cette époque, les restes de
dix-huit martyrs étaient conservés dans un sé-
1. Traduction faite du latin au XVIIIe siècle par le
P. Martnn. — Notre ville conserve de dix-huit Martyrs —
Les cendres dans un sépulcre — Appelons Saragosse la
ville — Oui jouit d'un si grand bonheur. —
Cont0p<m&ance.
133
pulcre, pour examiner si le sarcophage des cata-
combes de Saragosse, comparé aux exemplaires
conservés en France et en Italie, se trouve être
de la dite époque, et analyser ensuite le sym-
bolisme d'une des figures qui y sont sculptées.
Le sarcophage des dix-huit martyrs occupe le
centre du mur Sud de la crypte appelée des
« Santas Masas » ; il est long de 1 m J$, large et
haut de 0,69. Voici les passages bibliques qui y
sont sculptés.
Face à la droite du spectateur. — Le péché et le
châtiment d'Adam et d'Eve. — Nos premiers pa-
rents, ainsi qu'on a coutume de les représenter,
sont debout à côté de l'arbre de la science,
autour duquel s'enroule le serpent. Leur nudité
est couverte de feuilles de figuier ou d'un autre
arbre analogue, « campestra », dit S. Augustin,
(/« Gen. ad litt. XI, I. cap. I), « perizomata », dit
la Vulgate (Gen., I. 7), au lieu de se couvrir d'une
main seulement ; de la main droite ils mon-
trent le fruit défendu. Aux pieds d'Adam, près
de l'arbre, se trouve une gerbe d'épis, et aux pieds
d'Eve un agneau, qui la regarde fixement. Le
symbole de cette scène semble rappeler la sen-
tence divine, qui condamne le premier homme à
cultiver la terre et sa compagne à travailler la
laine, pour vêtir la famille (Gen, III 17).
Elle ressemble beaucoup, est presque iden-
tique à d'autres en bas-reliefs, p. e. celui du sarco-
phage de Junius Bassôs (Bosio, pag. 145 —
Bottari, tab. XV), avec la différence que dans
le relief qui nous occupe, apparaît derrière Eve
la figure courroucée du Seigneur tenant en sa
main le rouleau de la Loi.
Plan à la gauche du spectateur. — Dieu, sous la
figure d'un jeune homme, qui n'est autre que le
Christ, aux cheveux longs, revêtu de la toge et
les pieds nus, montre d'un aspect courroucé la
gerbe à Adam, et à Eve l'agneau, que les deux
saisissent de leurs mains. Cette représentation de
la chute de nos premiers parents ressemble à une
autre sculpture décrite par Aringhi, et la figura-
tion en serait semblable, si derrière Adam ne
paraissait un vieillard, qui lui place la main sur
l'épaule, et qui pourrait bien être le créateur, et
non pas Isaac ou S. Jean-Baptiste (I), comme si
1. En 1737 on voyait écrits à l'encre, et non gravés, les
noms de ISAC au-dessus du vieillard ; ADAM-EVVA au-
l'artiste avait voulu représenter parles figures du
Père et du Fils, d'Adam et d'Eve,- la réconcilia-
tion de l'homme avec Dieu par la médiation du
Verbe fait chair. Bien que tous les archéologues
chrétiens veulent expliquer, comme observe
Aringhi, dans tous les monuments et marbres dé-
couverts, comme ceux de Rome près l'église de
Saint-Sébastien, la même représentation par la
condamnation prononcée par le Seigneur contre
l'homme, à gagner sa vie à la sueur de son front,
à notre avis cette explication est inadmissible, si
nous considérons que cette idée du châtiment est
déjà clairement figurée dans la sculpture du côté
droit de l'urne de Saragosse.
Face principale. — L'hémorrhoïsse ou guérison
d'une femme qui souffrait d'un flux de sang.
Prudence chante ce miracle dans les vers sui-
vants : « La femme touche à la dérobée le bord
de la tunique sacrée — Aussitôt la guérison
s'opère — la pâleur disparaît de sa figure, et le
flux de sang, qui sans cesse coulait, tarit »
(Cathan., hymn., IX, 40) (l).
Le Sauveur est représenté sous la figure d'un
jeune homme sans barbe, comme allusion à sa
nature divine, qui n'est pas sujette aux vicissi-
tudes du temps ; ses cheveux longs, divisés sur le
front, retombent en boucles ; il est d'une stature
plus élevée que la femme guérie, pour marquer
sa supériorité, et c'est ainsi que le représentent
toujours les artistes néophytes chrétiens, dans les
scènes précédées d'un miracle (Mabillon, Iter.
Ital, 1, 103); dans sa gauche le Christ saisit, con-
formément à l'usage antique de représenter son
pouvoir,le rouleau de la Loi ; dans d'autres monu-
ments, il porte, pour exprimer la même idée, un
sceptre, « insigne de sa royauté et de son pouvoir
de discipline» (Eusèbe), « insigne de son pouvoir
sacerdotal » (Durant), et « de la doctrine » (Cas-
siodore), ou bien il est assis sur un globe, que
dessus des premiers parents, et au-dessus du Christ, en
forme d'étoile, renfermée dans une auréole le monogram-
me du Sauveur.
I. Selon plusieurs Pères, entre autres S. Ambroise [Lib.
II In Luc, c. vin) et Théophile d'Antioche (/// Evang.,
1, VI,) l'hémorrhoïsse a été aux yeux des premiers chré-
tiens la figure de l'Eglise ex gentibus, et son sang la figure
des martyrs. Cassiodore (In psalm. XXXII) dit que le
bord du vêtement du Christ, au contact duquel la femme
fut guérie, signifie l'Église, et la femme représente lagen-
tilité, qui ne trouve le salut qu'en entrant dans l'Église.
134
3Rctntc ïjc l'&rt chrétien.
d'autres mettent à ses pieds (Bugatti). Sa droite
repose sur la .tête de l'hémorrhoïsse, qui est à
ses pieds, les mains jointes, dans l'attitude de la
prière, tandis que JÉSUS porte sur elle un regard
de bonté et de miséricorde. Derrière le Sauveur
apparaît une autre figure, probablement S.Jean,
témoin du miracle.
Une orante placée entre S. Pierre et S. Jean. —
Cette orante ne doit pas être chrétienne, à en
juger par la position de ses bras ; les chrétiens
dans leurs prières étendaient leurs bras presque
horizontalement, et la figure du sarcophage les
élève en direction verticale, comme les païens,
conformément à ce que dit Tertullien : « Nous
autres, chrétiens, nous n'élevons pas les mains
avec ostentation, mais avec modestie et modé-
ration. » Elle est vêtue du collobium à courtes
manches, qui lui couvre la tète et retombe sur
les épaules.
5. Pierre et S. Jean et entre les deux une femme
(orante?) dont la main droite est saisie par une
autre main qui semble sortir de l'urne (M. — La
Sarcophage de sainte Engracia à Saragosse.
(D'après nature par M. Anselme Gascon de Gôtôr, corresp. de l'Académie royale esp. de St-Ferdinand.)
figure du prince des apôtres ressemble au por-
trait qu'en fait Nicéphore Calixte, selon les
monuments antiques ; d'une stature élevée, il
porte la chevelure et la barbe épaisses et crépues,
coupées court ; la figure est ronde, aux traits
presque vulgaires, les sourcils froncés et le nez
long. De la droite il tient un rouleau ou codex, la
gauche est élevée; sa physionomie exprime l'ad-
miration. La figure de S. Jean est acéphale.
Miracle de l'enfant aveugle-né. — Le Christ
guérit Bartimée,y?/j- de Ttmée,ou selon S. Jérôme,
fis aveugle, en touchant les yeux de l'index
et du doigt du milieu. Derrière JÉSUS on aper-
çoit une figure, qui pourrait bien être le père qui
présente l'enfant au Sauveur; mais en présence
des mutilations de cette partie du monument
nous nous abstenons de tout commentaire.
Miracle de Caua. — Le Christ fait le geste
de toucher avec une baguette les amphores. Bien
que le texte de l'Évangile (/oan.,\\) parle de six
amphores, il n'en parait que cinq sur notre mo-
nument, comme on représente généralement
ce passage biblique (Bottari), et on explique l'ab-
sence de la sixième par le manque d'espace. Sur
d'autres monuments on n'en trouve que trois ;
deux sur un sarcophage d'Arles, reproduit par le
P. A. Martin, et même une seule selon que
l'affirme Bottari (tab. XIX).
i. Nous reviendrons plus loin sur le symbolisme de
celte femme.
Correspondance.
135
A côté de la figure du Christ il s'en trouve une
autre acéphale, et que notre illustre ami, le savant
académicien A. Femandez Guerra, croit être le
Christ, qui, tenant le rouleau de la loi dans sa
gauche, annonce qu'il n'est pas venu pour abolir
la loi et les prophètes, mais pour les accomplir.
Cette explication nous plairait ; mais après avoir
étudié différentes sépultures.diptyques et ivoires,
nous ne croyons pas que ce soit le Sauveur.mais
plutôt l1 ' architriclinus qui est toujours représenté
par les premiers artistes chrétiens, dans ce pas-
sage biblique avec un codex dans la main. La
tablette d'ivoire publiée par Mamachi, Bottari
et Gori nous confirme dans cette opinion. Aux
angles de l'urne il y a des génies nus qui sem-
blent soutenir le lourd couvercle, qui a omi5
d'épaisseur.
Dans son ouvrage Origen y antiguedades del
subterraneo celebérrimo santuario de Sauta Maria
de las Santas Masas, le P. Marton remarque que
primitivement quelques parties des figures ont
dû être peintes sur or.
Quant aux noms qui ont été gravés sur les
rebords inférieur et supérieur des hauts reliefs,
rien ne peut se préciser, à cause des altérations
qui y ont été faites. Cependant nous dirons à
titre de curiosité que, sous la figure de l'hé-
morrhoïsse, se trouve le nom de MARTA,
croyant peut-être reconnaître en elle la sœur de
Lazare qui vient à la rencontre du Sauveur ; le
nom de IZO à la figure qui est derrière elle ;
ARON le vieillard qui se trouve à la droite de
l'orante ; au-dessus de celle-ci INCRATIVS (*)
et à ses pieds Z ACO ; au-dessus du jeune homme
qui se tient à sa gauche (S. Jean) PETRVS ; et
FLORIA la femme qui saisit de sa droite la
main qui semble descendre du ciel (depuis 1814
ce nom a été transposé sur Eve du côté droit —
Guerra) ; PAVLVS le vieillard à sa gauche,selon
l'inscription supérieure, et ZO selon celle du bas.
A la figure qui se détache sur l'aveugle-né on
donne le nom de XVSTVS ; FACCEVS au
spectateur du miracle de Cana et MVSES au
Rédempteur (?) qui prêche, plutôt l'architriclinus.
1. On conserve dans la même crypte un autre sarco-
phage qui sert de table au maître autel, lequel est dédié
à santa Engracia ; l'exécution est plus parfaite que celle
des dix-huit martyrs.
En 1814, les soi-disant restaurateurs chan-
gèrent les noms à leur fantaisie, et pas un n'est
resté à sa place.
M. Fernandez Guerra écrit : « Les deux sarco-
phages ayant été enterrés pendant cinq siècles,
l'humidité effaça les inscriptions et à leur décou-
verte on ne put rien déchiffrer du sépulcre de Ste
Engracia, et en reconstituant celle du sarcophage
des dix huit martyrs, sans en comprendre le sens,
on transposa les lettres et on les sépara arbitrai-
rement. Là où peut-être on lisait primitivement :
►i< SYROPHOEN (ISA) INCARNATIO PETRVS
MARIA PAVLVS * GALILEVS
on barbouilla en 1389
►^ IZO ARON INGRATIVS PETRVS FLORIA
PAVLVS ►£ XVSTVS ►£« FACCEVS MVSES
et on écrivit MARTA... ZACO... ZO où il
aurait peut-être fallu lire :
MARTIRES DECEM ETOCTOORATEPRO NOBIS
L'antiquité de ce monument est incontestable.
Si l'on compare les figures qui y sont représen-
tées avec celles d'autres monuments du IIIe et
du IVe siècle conservés en Italie et en France,
on y trouve le même tracé des lignes dans les
contours, qui nous révèle la même époque
encore soumise à une certaine influence du paga-
nisme, vu que les premiers artistes chrétiens n'a-
vaient, pour se guider, que les modèles romains ;
sans aucun doute le sarcophage des dix-huit
martyrs est un travail du IVe siècle. Nous avons
en plus, pour corroborer cette affirmation, le
témoignage de Prudencio Clémente, qui dans
l'hymne cité plus haut, assure que les cendres des
héros du christianisme reposaient dans un sépul-
cre ; celui de S. Ildephonse et de S. Eugène au
VIIe siècle ; le missel mozarabe du VIIIe et
l'antique lectionnaire de l'Eglise de Saragosse
du XIVe.
En plus la crypte fut construite en 312 et dé-
diée dès son origine aux dix-huit martyrs.
11 n'y a rien d'extraordinaire à ce que le sarco-
phage soit de cette époque et du pur style roma-
no-chrétien, car les archéologues savent très bien
que les évêques prenaient grand soin de donner
des instructions, et même, des modèles aux ar-
tistes, pour éviter dans l'exécution des person-
nages des réminiscences païennes;de là peut venir
136
&etoue lie l'&rt cbrcttcn.
la ressemblance, qui nous frappe dans beaucoup
de monuments, qui peut-être ont été sculptés
pour être exposés à la vente dans les ateliers, en
réservant un espace libre pour y tailler l'effigie
de la personne défunte, à laquelle le sépulcre
était destiné. Peut-être le sarcophage de Ste En-
gracia est un de ces exemplaires ; pour cette
même raison, il est plus parfait dans la compo-
sition et l'exécution, ce qui n'est pas le cas pour
celui des dix-huit martyrs, où la facture et le
style du sculpteur sont plus imparfaits.
Une fois mis sur le terrain des suppositions)
on peut aussi admettre qu'on a pris le sépul-
cre destiné à une matrone, du nom de Floria,
mais alors on aurait effacé son nom ; et en adop-
tant cette supposition, comment se ferait-il qu'on
aurait sculpté sur l'urne deux orantes : l'une en
peine, et l'autre sur le point d'être introduite
dans la gloire par la main qui semble descendre
du ciel, et encore moins l'aurait-on représentée
confondue avec le groupe de personnages bi-
bliques.
Cette supposition ne peut donc pas être ad-
mise, parce que, en dehors des raisons données
antérieurement, on ne trouve dans aucun sépul-
cre conservé à l'étranger une orante représentée
au moment d'entrer dans la joie de la présence
divine ; ce que l'on trouve souvent, ce sont des
orantes en attitude de prière, représentant l'âme
chrétienne, qui anima un jour les dépouilles mor-
telles ; symbolisant au moyen de colombes et de
palmes la prière, la douleur, la résignation et le
triomphe (Boldetti, 229). Parfois l'orante est ac-
compagnée des apôtre Pierre et Paul, comme on
le voit sur beaucoup de reliefs romains ; d'autres
fois c'est une sainte avec l'inscription AGNE et
finalement la Vierge avec S. Pierre et S. Paul et
l'inscription en lettres d'or PETRVS-MARI A-
PAVLVS.
Quelles sont donc les deux figures de femmes
représentées sur le sarcophage des dix-huit
martyrs ?
Nous avons déjà remarqué que la première des
orantes paraît être païenne, d'après la manière
d'étendre les bras, verticalement et non horizon-
talement, comme les chrétiens. Cette observation
ne nous paraît pas sans intérêt: quand il s'agit
d'une chrétienne quelconque, conçue dans le
péché originel et pécheresse elle-même, il est
juste qu'elle élève les bras sans ostentation,
avec modestie et crainte, à l'encontre de la
païenne qui n'a aucune notion de la doctrine
du Christ. Ce monument serait-il donc païen ?
Point du tout, parce que dans ce cas on n'aurait
pas choisi pour le décorer des motifs d'une reli-
gion persécutée par les Césars. Il ne peut-être
que chrétien. Mais comment explique-t-on que
l'attitude des mains de l'orante contredise l'affir-
mation de Tertullien : « nous autres chrétiens,
nous élevons les mains sans ostentation » ?
Parce que l'orante parait être une créature ex-
ceptionnelle, libre du péché originel, préservée de
toute tache ; en sorte que son attitude n'est ni
celle des orantes chrétiennes, ni celle des païen-
nes, et nous arrivons ainsi à la déduction, qu'il
s'agit de la Vierge Marie dans le mystère de l'In-
carnation.Remarquons que l'inscription INCRA-
TIO(INCaRnATIO, selon Guerra) fait suppo-
ser qu'on se trouve en face de la représentation
du mystère de l'Incarnation, supposition qui
s'harmonise avec la conviction que deux des su-
jets représentés sur la façade principale du sar-
cophage, se rapportent à la Mère de Dieu : l'In-
carnation et l'Assomption, les deux seules fêtes
de la Vierge que l'Église d'Espagne célébra de-
puis les premiers temps.
Nous voici en présence d'un autre point
capital : Le symbolisme de la seconde femme,
orante (?) placée entre S. Pierre et S. Jean, et
dont la main saisit une autre main, venant d'en
haut, et qui occupe le centre de la face principale.
Le mot Assomption explique l'idée de la fête
célébrée par l'Église, que Marie fut assumpta,
enlevée, transportée, reçue au ciel ; dias tenta, en
grec \pausatio, repos, arrêt, mort, conformément
à un calendrier de Ste Geneviève de Paris du
milieu du VIIIe siècle. S. Augustin appelle dor-
mitio le passage de la Vierge de la terre au Ciel,
comme cela est consigné dans le Mariologe
grec et chez Balsamon, et finalement il est
appelé panagia.
La commémoration de l'Assomption remonte,
selon la croyance générale, aux temps aposto-
liques. Il est avéré d'une manière indiscutable
qu'on célébrait cette fête avant le IVe siècle ; au
IXe le pape Nicolas Ier prescrit qu'elle soit pré-
cédée de vigile et de jeûne, et le Pape Léon IV
(847) en institua l'octave.
Correapontiance.
137
Passons après cette digression sur le glorieux
mystère de la Vierge, à l'orante (?) ou femme
qu'on croit être la mère de Dieu.
Après les indications faites plus haut, nous
n'avons plus besoin de revenir sur la manière
de représenter les orantes. Il n'en est pas de
même de la Vierge ; mais avant d'aborder ce
sujet, nous nous voyons dans la nécessité de ré-
péter la douloureuse phrase de S. Augustin :
« Nous ne possédons aucune image authentique
de la Mère de Dieu. » (De trinit, VIII.)
Généralement on la représente dans tout l'éclat
de la jeunesse, portant sur les traits l'empreinte
d'une pureté divine. Sa tête est couverte d'un
voile qui encadre le visage et retombe sur les
épaules selon la coutume des juives. La Vierge
du cimetière de Ste-Agnès (Perret, Il.pag. I, v.
et de Rossi. op. laitrf., tab. VI) a les bras dans la
même position que celle du sarcophage de Sara-
gosse, à l'exception de la main droite, qui en
saisit une autre qui semble sortir du ciel.
Pour expliquer que l'orante est Marie dans son
Assomption, nous allons examiner le symbo-
lisme de la main sortant de l'urne.
Dès les quatre premiers siècles, il était d'un
usage général de représenter Dieu le Père sous
le symbole de la main : dans aucun des curieux
monuments que décrivent Bottari, Bossio, Per-
ret, Ciampini, Buonarruoti, l'abbé Trivulcis, de
Rossi, on voit que la main (Dieu éternel) sai-
sit celle d'une orante ; tandis qu'il existe un
beau modèle du IXe siècle, une miniature de la
Bible de St-Paul extra muros de Rome (') qui
nous aidera à déchiffrer la partie principale du
sarcophage des dix-huit martyrs. Elle représente
le sommet d'une montagne au pied de laquelle
on voit la coupole et les tours d'un somptueux
palais ou d'un temple entouré de lauriers. Au
sommet le Christ, la lète entourée d'une auréole,
tient dans sa gauche le signe de la rédemption,
tandis que la droite saisit une main céleste, qui
semble l'attirer vers les nuages. De chaque côté
un ange paraît consoler Marie et les apôtres, qui
élèvent les mains vers le ciel, d'où tombe une
pluie de roses. Sous le Sauveur, entre les lauriers
et le temple, se trouve l'inscription :
ASCENDITXPS
IN ALTUM.
1. S/oria deli'arte, 43.
Nous pouvons donc conclure que la main
(Dieu) qui saisit la droite d'une femme, tel que
nous le représente le sarcophage de la crypte des
dix-huit, ne peut avoir d'autre explication, sous
la loi de la grâce, que de représenter Marie au
moment où son corps immaculé est enlevé au
ciel par la puissance divine, conformément à
l'opinion de l'archéologue Fernandez Guerra,
opinion considérée comme probable après plu-
sieurs conférences, par l'illustre Commandeur de
Rossi.
Nous pourrions terminer ici ce travail, mais il se
présente une objection qu'on pourrait nous faire.
Les premiers chrétiens croyaient-ils au mystère
de l'Assomption ? et s'ils y croyaient, pourquoi
ne le trouve-t-on pas représenté sur les sarco-
phages d'Italie et de France, où était le centre
du christianisme, et où résidaient à cette époque
les Saints Pères ?
Quant au premier point, nous dirons, après ce
que nous avons expose plus haut, que S. Grégoire
de Tours paraît être le premier qui ait affirmé,
avec des témoignages catégoriques, que Marie
fut enlevée au ciel avec corps et âme. Peu de
temps après cet événement miraculeux, cette
croyance se répandit au point qu'elle fut intro-
duite dans la liturgie, comme il résulte d'un
sacramentaire gallican renfermé dans le Musœum
Italicnm, Nous la retrouvons dans le missel go-
thique, où il est dit dans la messe de l'Assomp-
tion, que le corps de Marie fut transporté au
ciel, dans le martyrologe de S. Jérôme, le
calendrier de Luca y de Corbia et beaucoup
d'autres cités par Martène ; finalement l'em-
pereur Maurice (IVe siècle) transféra au mois
d'août la fête de l'Assomption, qui autrefois se
célébrait le 18 janvier.
Il suffira de remarquer, pour répondre au
second point de l'objection, que les ai tistes.tout
en exécutant leurs œuvres pénétré de l'esprit de
l'Eglise et sous sa direction, jouissaient d'une
grande liberté dans le cadre qui leur était tracé,
pour satisfaire la dévotion particulière et les aspi-
rations du peuple. La preuve en est que, tout en
admettant une grande analogie entre les sarco-
phages d'Italie, de France et d'Espagne, il est
rare de trouver sur ceux de l'Italie le passage de
la iner Rouge, l'histoire de Susanne, la pluie des
138
WitWt De r&rt chrétien.
cailles dans le désert, etc., etc., tandis que nous
les retrouvons très fréquemment sur ceux de
France.
Étant prouvé que les premiers chrétiens
croyaient à l'Assomption de la Vierge, et que
cette fête, avec celle de l'Incarnation, étaient les
deux seules solennités de la Vierge célébrées
en Espagne avec une dévotion particulière, qu'y
a-t-il d'étrange à ce que l'artiste reproduisît sur
le marbre un sujet qui inspirait tant d'amour et
de vénération aux Espagnols, comme en France
la Résurrection du Christ est le passage typique,
préféré, que nous retrouvons sur les monuments
primitifs de cette nation ?
Nous finirons donc par l'affirmation que le
sarcophage des dix-huit martyrs de Saragosse
est du IVe siècle, que, entre autres passages
bibliques, s'y trouve sculpté le glorieux mystère
de l'Assomption de la Ste Vierge au ciel, et
que ce monument archéologique est le seul
qu'on connaisse avec ce symbolisme d'une
époque si éloignée.
Pierre GASCON DE GOTOR,
Prêtre, Correspondant de l'Académie
royale d'Histoire.
Madrid, janvier 189g.
Hnrjletcrrc.
i ES lecteurs du hardi Daily Mail, — et il y a
pas mal d'architectes parmi eux, — ont
éprouvé une rude surprise, le 19 janvier ; le
journal en question publiait ce jour-là un des-
sin de l'aboaye de Westminster, ou plutôt une vue, prise
depuis l'extrémité de la chapelle Henri VII jusqu'au
milieu de la nef, montrant la tour centrale actuelle sur-
montée d'un étage gothique et d'une flèche écrasante en
pierre. Ce projet doit son origine à l'élargissement de
Whitehall, aux abords du Parlement qui vient de s'ache-
ver. Il faut espérer que si l'on ajoute quelque chose à la
tour actuelle sur les transepts, on s'en tiendra à une seule
tour digne d'être placée à coté de celles de nos nombreu-
ses cathédrales à trois tours. Une flèche centrale, lorsqu'il
existe déjà deux tours à la façade principale, ne se voit
pas chez nous, et l'idée est plutôt continentale qu'an-
glaise.
L'église de la Sainte-Trinité, Minories (près la Tour de
Londres;, vient d'être fermée. Elle a une histoire bien
intéressante, et renferme une grande partie de la muraille
nord de l'ancienne église abbatiale d'Eastminster, une
des abbayes hors les murs de Londres au moyen âge.
La chaire de vérité et le maître-autel sont en bois de
chêne sculpté de grande beauté. M. Brewer les a repré-
sentés dans un dessin publié par le Daily Graphie du
31 janvier ; et le London A rgu s du 14 janvier donne deux
charmantes vues, l'une extérieure et l'autre intérieure, de
la petite église ; il en donne également l'histoire.
La ville de Southampton possède, outre de nombreux
restes intéressants du passé, une porte très ancienne,
— actuellement l'hôtel-de-ville, — dont l'origine re-
monte au XI le siècle, quoique les trois arcs du rez-de-
chaussée et les quatre fenêtres de l'étage de chaque côté
du monument appartiennent au style ogival. En janvier,
la ville voulait entreprendre un tramway, le long de High
Street (où est la porte en question), à traction électrique.
La largeur de la rue, en cet endroit, suffit à peine à la
circulation actuelle, et par conséquent le Conseil munici-
pal proposa deux modes pour faciliter le passage des
voitures du tramway, dont le premier réclamait simple-
ment : 1° La démolition du Monument j 2° la démolition
de quelques maisons des deux côtés de la rue au niveau de
la porte, pour établir une voie autour du monument.Cette
dernière alternative fut, par un vote du Conseil, reconnue
Toux» »#V»ij-è7
impraticable ; il ne restait donc qu'à procéder à la démo-
lition de la porte ! Grande indignation, par conséquent, non
seulement dans la ville, mais dans la province entière, et
chez les architectes et les archéologues particulièrement,
qui pétitionnèrent en si grand nombre contre ce vanda-
lisme, que le Conseil a dû céder. L'auguste administration
locale épargnera le monument, et se tirera d'affaire en
baissant graduellement le niveau de la rue des deux côtés
jusqu'à l'arc central sous la porte. Le Daily Ckronicle,àz
Londres, publia, le 28 janvier, une grande illustration de
la porte qui faillit succomber aux Vandales qui, non seu-
lement ne connaissent rien aux antiquités, mais qui s'in-
quiètent fort peu du passé glorieux de la ville dont ils
règlent les affaires dans l'intérêt de leurs électeurs ! Ils
sont tiers d'être membres du Conseil, sans doute ; mais
les électeurs prendront bonne note, à la prochaine élec-
Correspondance.
!39
tion, des noms de ceux qui ont voté en faveur du vanda-
lisme projeté. Ce sont les électeurs qui seront fiers ce
jour-là ! The Antiqicary de février donna une vue de
l'autre côté de la porte que celui que nous avons choisi.
Nous possédons à Chesterfield (Derbyshire), une flèche
unique en son genre, — une flèche tordue (') ! Elle est de
plomb, et des théories sans nombre ont été avancées sur
la cause du phénomène, — si phénomène il y a ! Peut-
être est-ce une idée (comme une autre) d'un architecte
excentrique. Cependant les archives n'en disent mot. Cette
curieuse flèche, dit-on, est caduque, et l'on veut y exé-
cuter des travaux afin de la rendre stable. On verra, par
notre croquis, que cela en vaut bien la peine. Le Daily
Mail du 20 janvier a donné un dessin de l'église, mais
sur une échelle trop minime pour être utile aux archi-
tectes. Nous n'en avons pas encore vu d'illustration dans
les journaux architecturaux ; notre croquis est d'après
une photographie en notre possession.
Depuis plusieurs mois, la nef de la cathédrale de Nor-
vvich a été fermée au public pour y faire des travaux de
nettoyage et de réparation. Les deux tiers des travaux
sont terminés, et les résultats sont de très grande impor-
tance, puisque des restes d'une église antérieure ont été
retrouvés, comme aussi des fresques, notamment une
qui existe près la porte du Prieur. Des traces des
chapelles latérales ont été également mises au jour,
près de la clôture vitrée. A deux travées de la porte du
I. Cette flèche n'est pas unique comme le croit notre correspon-
dant : Il en existe un exemple très remarquable à la cathédrale de
Gelnhausen, ville du Grand-Duché de Hesse-Darmstadt. 11 en existe
également une à l'église de Palleur, en Belgique. N. D. l. r.
Prieur on voit un curieux réduit semi circulaire, précédé
de deux colonnes. Dans la sacristie, il existe encore des
réduits de plus grandes proportions. Au-dessus de l'arc,
entre la 3e et la 4e travée depuis la porte du Prieur, se
trouvent des peintures murales circulaires, dont la pre-
mière représente, apparemment, un édifice quelconque.
Les autres ne sont pas encore déchiffrées ; dans celle de
droite on voit deux femmes. Une des plus importantes
découvertes pendant ces travaux de nettoyage, est la
chapelle mortuaire de l'évêque Nix. Devant la chapelle,
il y a de très beaux panneaux sculptés. Il est à espérer
qu'une brochure illustrée sera publiée à l'achèvement des
travaux, et mise en vente à bas prix.
La collection de feu le baron Ferdinand de Rothschild
(bijouterie, émaillerie, poterie, etc.) et missels enlu-
minés, d'une valeur totale de £ 300,000, a été léguée au
British Muséum. La première partie de la collection a
été reçue par le bibliothécaire en chef, le 7 février.
Le comté de Surrey ne possède pas moins de cinq
abbayes du moyen âge, dont celle de Waverley a été la
première de l'Ordre cistercien en Angleterre. Des.fouilles
ont été faites en 1898 ; les résultats connus aujourd'hui
sont de haute importance. Les découvertes comportent :
la partie occidentale de la salle capitulaire et les restes
de sa belle porte d'entrée ; la salle elle-même et le corri-
dor qui y conduisait ; dans le terrain situé au Sud du
cloître, entre le cellarium et le dortoir, les offices de la
cuisine ont été entièrement mis à découvert ; les murs du
réfectoire, avec le banc en pierre sur 3 des 4 côtés, et des
portions de mur du chauffoir, et d'autres salles. L'en-
ceinte de l'église a été également mise au jour en partie.
On a retrouvé les divisions pour les chapelles des
transepts. Des morceaux de vitraux-peints et de gri-
sailles, comme aussi la mise en plomb de plusieurs pan-
neaux de fenêtres, des dalles, dont bon nombre sont
ornées de dessins, de la poterie du moyen âge, des
coupes en verre, et une quantité de petits objets ont
formé une collection intéressante, si longtemps sous
terre. Les travaux d'exploration ont été suspendus pen-
dant l'hiver, mais ils recommenceront à la bonne saison.
On fait un appel au public pour couvrir les frais considé-
rables de ces travaux.
Monsieur James Weale est actuellement employé au
British Muséum à dresser un catalogue complet de
reliures dans le « Département des livres imprimés et des
manuscrits ». Dès qu'il a été mis à la retraite à South
Kensington, le British Muséum lui a trouvé un emploi,
sans donner le temps à d'autres de réparer les mauvais
procédés du « Département de Science et d'Art ».
BEVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 2me LIVRAISON.
140
3&cbuc lie r&rt ctncttnu
La ville d'Exeter a vu dernièrement une pierre énorme
destinée aux ateliers de M. Harry Hems. Elle venait de
Mansfield (Notts), non loin de Derby, et pesait près de
10 tonnes (44,800 kilos) ! Elle est destinée à la colossale
figure du Christ en croix pour le maître-autel à l'abbaye
de St-Alban.
M. Brewer a publié, fin décembre, un dessin de l'abbaye
de Malmesbury (Wiltshire), dans le Daily Graphie. Nos
lecteurs se souviendront que ce vénérable reste du passé
doit sous peu être mis entre les mains des restaurateurs.
Pendant le grand ouragan qui a sévi en janvier, la
tour de l'église Saint-Laurent, près de l'ancienne abbaye
de Reading (Berkshire), a été endommagée. L'un des
grands pinacles ayant été enlevé par le vent, est tombé
sur le toit de la nef et a traversé celui-ci. Les journaux
(non-professionnels, soit dit en passant) ont annoncé la
destruction de la flhhe de l'église Saint-Laurent ! Dans
toute la ville, il n'existe pas de flèche, mais les journaux
de Londres se sont copiés servilement les uns les autres
répétant ce détail.
* *
L'ancienne église de l'abbaye de Denbigh (Pays-de-
Galles) actuellement un dépôt de laine, a été détruite par
le feu, en janvier.
Dans len° du jour de l'an du Builder figurent des des-
sins et un plan de l'ancienne abbaye de Llanthony
(Pays-de-Galles) ; la gravure comprenant deux pages,
prise du Nord-Ouest, vaut le prix du n° tout entier.
La chaire de vérité en bois de chêne de l'église
(démolie) de Saint-Michel, Cheapside (Londres), vient
d'être placée à l'église Saint-Marc, Kennington.
Les travaux de reconstruction au pignon Sud-Ouest de
la façade principale de la cathédrale de Peterborpugh,
s'achèvent rapidement. Cette partie du monument exige
peu de réparations, et par conséquent l'opération ne sera
ni aussi longue, ni aussi coûteuse que la réfection du
pignon Nord-Ouest.
* *
On a décidé de continuer immédiatement les tours de
la cathédrale de Truro, au moins jusqu'à la hauteur des
toits des bas-côtés, et si les fonds arrivent assez rapide-
ment, on poussera les travaux jusqu'à la hauteur du toit
de la nef £ 30,000 sont garanties, mais il en faut encore
£ 20,000. Alors se posera la question des flèches. L'en-
semble du projet est vraiment grandiose, et feu M. Pear-
son, son architecte, y a donné au pays un bijou architec-
tural en style du XIIIe siècle pur.
L'église ancienne d'Inverugie (Ecosse), datant de
1380, et la propriété des comtes de Marischal, a été telle-
ment endommagée par l'ouragan de janvier dernier,
qu'elle doit être démolie.
H»
* #
On vient de démolir la maison de garde principale, à la
Tour de Londres, pour la reconstruire dans un caractère
mieux en harmonie avec la tour.
L'église de Strood-lez-Rochester est «l'église la plus
hideuse de Kent ». Elle est archimoderne, et se trouve
sur le site de l'ancienne, qui subsista de 1 1 58 à 1812. La
tour, seul reste de l'église du moyen âge, prit feu, en
décembre dernier, et tout l'intérieur a été détruit. Pen-
dant le grand ouragan de janvier, un des quatre pans
restants de la tour s'est effondré.
LeCounty Council de Londres demande un architecte,
auquel il donnerait des appointements de £ 2,000. L'ar-
chitecte qui a donné sa démission avait £ i,5co par an.
Nous voudrions attirer l'attention de nos lecteurs sur la
série de grandes vues photographiques de la cathédrale
de Durham, dans VArchitect. La clarté dans la repro-
duction des détails ne laisse rien à désirer, et le choix est
excellent. La vue, surtout, des tours de la façade, du jardin
de l'évêque, et celle de la superbe tour centrale, prise des
cloîtres, donneraient à nos lecteurs l'envie d'aller étudier
et esquisser le monument.
A la réunion bimensuelle de 1' Architectural Associa-
tion, la semaine dernière, il y a eu une très intéressante
et importante conférence sur les vitraux et leur fabrica-
tion, par M. Christopher Whall.
Un article très instructif sur le dessin architectural des
cadrans d'horloge, illustré d'exemples tant du continent
que de l'Angleterre, parut cette semaine dans le Builder.
M. Bodley vient de recevoir, du Royal Instilute oj
British Architecls, la médaille royale d'or, la plus haute
distinction professionnelle que la Société puisse conférer
à un architecte. La Société elle-même est aux architectes
ce qu'est la Royal Acadcmy aux peintres.
Correspondance.
141
Les Restaurations.
Un Comité s'est formé pour la réparation de la façade
de l'ancienne église abbatiale de Bath. Cette façade est
curieuse ; à chaque côté de la grande fenêtre du XV
siècle, se trouve une échelle, sculptée dans la pierre,avec
des anges ascendants et descendants.
Sont en voie de restauration : l'église de Dormston
(Worcestershire), avec sa tour à moitié en poutres et
poutrelles, son pignon principal dit saddle-back (toit en
batière), et son portail en bois ; celle de Hacconby (aux
seuls frais du comte d'Ancaster) ; celle de St-Thomas
l'apôtre, à Naverstock-les-Romford (Essex), dont une
partie remonte au XIIe siècle, et pour laquelle il faut
£ 2,000 ; la même somme est requise pour celle de Pal-
ling (East Norfolk) ; celle de Keston,près Boston (Lines),
vient d'être ouverte après restauration. Jusqu'en 1800,
elle était une des plus grandioses de la province, époque
où les habitants démolirent la superbe tour centrale, et en
construisirent une à la façade principale. La partie an-
cienne vient d'être restaurée. La cathédrale St-David
(Pays de Galles), datant de 11 80, est en traitement ; les
bâtiments à l'Est de la cathédrale ont absorbé la somme
de £ 12,000 pour leur restauration, il y a quelques années;
l'église de Bothwell vient de voir ses travaux de répara-
tion terminés, comme aussi celle de Coddenham. L'église
Saint-Cuby à Fregony, vient d'être ouverte après restau-
ration. On y trouve deux colonnes qui figuraient autrefois
dans l'église. Celles-ci, et les arcades ont été remises en
place, et le toit baissé à son niveau primitif. L'église de
Dalton-le-Dale, près du port de Seaham, et dédiée à
S. André, tombe graduellement en ruines. On demande la
somme de £ 700 pour la remettre en état. L'église de
Cringleford, où l'on voit des arcs, des croix et des cha-
piteaux de la période saxonne, et un double réduit à
l'extérieur, comme aussi une fenêtre pour les lépreux,
vient d'être ouverte après la restauration, pendant
laquelle la plupart des antiquités citées ont été trouvées.
On se prépare activement, à South-Kensington, pour la
cérémonie de la pose de la première pierre des nouveaux
bâtiments, fixée au 17 mai. Sa Majesté la Reine posera
la pierre, et l'on dit que c'est la dernière fonction publique
à laquelle elle assistera. Les bâtiments affectés actuelle-
ment au service du département des sciences seront con-
servés au nouveau musée ; ils ne contiendront que sa
Bibliothèque ; les classes des sciences seront transférées
dans une nouvelle construction à l'autre côté de l'Exhi-
bition Road.
***
Un Christ en croix vient d'être placé au retable du
maitre-autel de la cathédrale de Winchester. L'espace
immédiatement au-dessus de l'autel, autrefois occupée
par un tableau de West, représentant « La Résurrection
de Lazare >, sera remplie par un groupe en pierre, de la
Sainte Famille.
***
Une des chapelles de la nouvelle cathédrale de West-
minster sera dédiée à Ste Winefrède.Une source miracu-
leuse que l'on attribue à cette sainte se trouveà Holywell,
(Galles Nord); les frais de la construction et la décoration
de cette chapelle seront couverts par une seule personne.
Leur valeur totale est de £ 7000.
Citons un intéressant article, paru dans le Builder,
sur les restaurations et les nouvelles constructions qui se
font à Bruges. L'architecte auquel nous le devons connaît
bien la ville, ayant été élève, il y a plus de 20 ans, de
l'Académie de cette ville, et ayant étudié sous un archi-
tecte brugeois dont la réputation n'est plus à faire.
Le Great Western Railway, en préparant les nouvelles
voies projetées, a absorbé les propriétés de l'ancienne
abbaye de Hayles (Gloucestershire), et du vieux prieuré
de Llanthony, dans le même comté. Avant que la compa-
gnie ne puisse commencer ses travaux, la Société Archéo-
logique de Bristol et du Gloucestershire entreprendra des
fouilles sur les propriétés en question ; elle fera des dé-
marches pour conserver autant que possible les restes de
ces deux vénérables monuments.
Parmi les restaurations importantes notons spéciale-
ment : l'église de Brierley Hill, au coût de £ 5,000 ; le
chœur de l'église d'OIdbury-on-Severn ; l'église d'Over-
ton (Lancs), datant de l'an 1100 (dont la porte principale
et quelques autres détails sont Normans et auxquels on
ne touchera pas) ; l'église de Bishop's Cleeve-lez-Chelten-
ham ; le transept de l'église de Wadham et sa superbe
piscine du commencement du XVe siècle ; l'église d'Il-
minster, et l'église, du XVe siècle, de St-Mary-le-Quay,
Ipswich.
*
* *
Sa Sainteté Léon XIII a récemment offert à S. M. la
Reine une grande statue de Notre-Seigneur debout sur
un globe, la main droite levée, tandis que la Croix repose
contre le bras gauche. La statue sort des ateliers de
MM. Rosa et Zanario ; une réplique sera faite pour l'ab-
baye de Westminster. On prête au Saint-Père l'intention
de donner d'autres exemplaires de cette statue aux sou-
verains européens ; mais la statue originale sera envoyée
à notre Reine.
John A. Randolph.
Londres, le 15 avril 1898.
«&«&*& :^^^^^ *&*&«& *&*& & *& *#. ^ ^ ^ ^ *&. *&. *& ■*& 22%
TFvabaujc Des JSoctétcs savantes.
|WWW¥WW^WWfWWWWW««WWi
Société des Antiquaires de France. —
Séance du 4. janvier i8çç. — M. Bapst, président,
donne lecture de son discours de sortie. M. Emile
Molinier prend possession du fauteuil.
M. Vauville entretient la Société des fouilles
opérées à Paris, rue de la Colombe.
M. Héron de Villefosse invite ses confrères à
visiter les restes des murs de la vieille enceinte
de Paris, mis au jour en cet endroit et qui vont
disparaître.
Notre collaborateur M. le baron de Baye pré-
sente une bague en or rapportée de sa dernière
mission au Caucase. Ce bijou, trouvé à Télaf, en
Géorgie, est antérieur au XVIe siècle.
Séance du 11 janvier. — M. l'abbé Thédenat
donne des renseignements sur les travaux exé-
cutés actuellement au Forum.
M. Guiffrey présente huit dessins récemment
entrés au Musée du Louvre ; ce sont des projets
ou plutôt des modèles de tapisseries que l'on
peut rapporter à la deuxième moitié du quin-
zième siècle.
M. Samuel Berger entretient la Société de
curieuses miniatures inspirées par des juifs et
faites pour des juifs. On les retrouve en assez
grand nombre dans d'anciens manuscrits alle-
mands, italiens et espagnols.
Séance du 18 janvier. — M. Cagnat commu-
nique une lampe trouvée à Carthage, portant un
souhait de bonne année. MM. de Villefosse et
Mowat citent des inscriptions analogues, mais
avec des variantes.
M. Vauville donne des renseignements com-
plémentaires sur les fouilles de la rue de la Co-
lombe. Il y a constaté la présence des restes d'une
église, pierres tombales, chapiteaux, colonnes, etc.
Il pense que ces anciens vestiges sont les restes
de la chapelle de St-Aignan.
Séance du 25 janvier. — M. de Villefosse pré-
sente, de la part de M. Engel, la photographie
d'un seau de bronze ayant appartenu à une
noria romaine placée au fond d'une mine à Sotel
Coronado (Province de Huelra, Espagne). Sur le
rebord intérieur de cet objet on remarque une
inscription indiquant qu'il appartenait à L. Vi-
bius Amarantus.
M. Petit donne communication de documents
servant à prouver qu'aux XIIIe et XIVe siècles,
des familles féodales portant l'écu de Bour-
gogne ancien n'appartenaient pas forcément à
la maison ducale.
M. le baron de Baye entretient la Société de
petits édicules qu'il a vus au Caucase, édicules
consacrés au culte. Les populations y apportent
des offrandes. Il y a là des objets chrétiens et
d'autres ayant un caractère païen. On pourrait
faire de curieuses collections ethnographiques et
archéologiques dans ces chapelles remontant à
des temps très anciens.
Séance du Ier février. — M. Prou donne de
très intéressants détails sur un tissu byzantin
en soie du trésor de la cathédrale de Sens.
M. Vitry signale deux épreuves d'un buste en
bronze par Warin, l'une à l'Albertinum de Dres-
de, l'autre chez un marchand de Paris. Ces deux
épreuves doivent être ajoutées à la liste de celles
étudiées par Courajod et proviennent vraisem-
blablement de la série des 6 épreuves comman-
dées, en 1643, par 'es héritiers de Richelieu.
Sur la proposition de M. Mareuse, la Société
émet le vœu que la Porte de Paris, à Montlhéry,
menacée de destruction, soit conservée.
Séance du 8 février. — M. le baron de Baye
communique une série de cadenas qu'il a réunis
durant ses missions en Russie. Les plus anciens
proviennent des ruines de l'ancienne Bolgary.
M. Hauvette étudie deux inscriptions récem-
ment découvertes, l'une à Delphes, l'autre à Athè-
nes, et toutes deux relatives à un athlète fameux,
Phaijllos de Crotone.
M. Poinsot présente la photographie d'une
statue de St Jean-Baptiste découverte dans
l'église de Rouvres près Dijon. Cette œuvre très
remarquable appartient au XIVe siècle; elle est
donc antérieure à la floraison de l'art bour-
guignon. On la trouvera reproduite dans les
nos 69-70 de l' A mi des monuments.
Séance du i'r mars. — M. Blanchet rapproche
deux statuettes, l'une en bronze trouvée à Pom-
péï et l'autre en terre cuite trouvée dans la Basse
Egypte, toutes deux représentant un satyre te-
nant des outres. Il propose une nouvelle inter-
prétation d'une figure de guerrier gaulois sculp-
tée sur le sarcophage de la vigne Ammendola
conservé au Musée du Capitole à Rome.
Le baron de Baye entretient la Société de
dolmens qu'il a découverts au Nord du Caucase
dans le gouvernement de la mer Noire et dans
la province du Kouban. Ces dolmens ont un de
leurs supports percé d'une ouverture ronde com-
me plusieurs monuments mégalithiques de
France, de Portugal, de Syrie et même des Indes.
Cratoauj; &es Sociétés savantes.
'43
M. Miction montre la photographie d'une
mosaïque en relief représentant Hercule au jar-
din des Hespérides.
Séance du 8 mars. — M. Martha entretient
la Société de l'inscription étrusque trouvée à
Carthage par le R. P. Delattre. Au lieu du nom
Melkarth, l'inscription contient, selon lui, le nom
de Carthage (Kardazie). M. Miction, au nom de
M. Cagnat, lit une note du docteur Carton sur
les mines de Ksar-Djema-el-Djir en Tunisie.
M. Charles Ravaisson Mollien explique que le
portrait de la collection Esterhazy portant les
noms de Délia Torre et de Léonard de Vinci,
restauré au XVIe siècle, représente l'anatomiste
et non pas le peintre, son auteur. M. Lafaye pré-
sente des moules romains en terre cuite qui ont
servi à couler au commencement du IVe siècle
de notre ère des monnaies portant des effigies
des empereurs du IIIe siècle. Ces moules ont été
acquis par lui à Bordeaux.
Séance du ij mars. — M. le baron de Baye fait
part de la découverte dn comte A. Bobrinsky,
au Musée royal des Armures de Stockholm,
d'un casque de Jean le Terrible.
M. Prou communique de la part de M. Paul
Quesvers une statuette en bronze de Mercure
trouvée à Montereux.
M. Miction lit un mémoire sur de nouvelles
ampoules à eulogies conservées au Louvre et en
particulier sur des exemplaires provenant des
environs de Smyrne trouvés par M. Gaudin.
Séance du 22 mars. — M. Michon signale dans
une statue récemment trouvée à Antioche une
réplique de la statue dite de Julien l'Apostat, dont
les deux seuls exemplaires connus étaient ceux
du Louvre et du Musée de Cluny, et indique
l'importance de cette nouvelle découverte pour
l'identification du personnage représenté.
M. Babelon rappelle qu'il y a quelques mois il
a présenté à la Société un grand camée repré-
sentant probablement Julien en costume impé-
rial, trouvé l'année dernière dans les ruines
d Antioche. Il y a entre la découverte de la
statue dont a parlé M. Michon et celle de ce
camée un rapprochement, une coïncidence au
moins curieuse. Le costume de philosophe donné
à l'empereur dans les statues qu'on lui attribue
au lieu du costume impérial ordinaire, peut être
considéré comme une flatterie à l'adresse de
Julien qui tenait par-dessus tout à être considéré
comme empereur philosophe.
Séance du 12 avril. — La comtesse Ouvaroff
invite les membres de la Compagnie au Congrès
russe d'archéologie qui se tiendra à Kief du
13 août au Ier septembre.
Le baron de Baye soumet à la Société des
épées et une hache rapportées par lui de Géorgie.
Ces bronzes appartiennent à une civilisation
encore peu étudiée, qui a laissé des vestiges en
Transcaucasie. Il compare ces antiquités prove-
nant de sépultures mises au jour en Katholie
et en Kartholinie avec celles découvertes par
Schlieman à Mycènes.
M. Emile Eude donne quelques détails sur un
monument archéologique portugais, le chaudron
d'Alcobaza. Ce chaudron, aujourd'hui disparu,
était énorme de dimension, puisqu'on pouvait y
faire cuire quatre bœufs entiers.
Académie des Inscriptions et Belles-Let-
tres, — Séance du 16 décembre r8ç8. — M. Cler-
mont-Ganneau présente, de la part de M.Troisier,
le moulage d'une petite stèle punique venant
de Tunisie.
M. Th. Reinach achève la lecture de son rap-
port sur « Un temple élevé par les femmes de
Tanagra ».
M.Eug.Miintz présente un travail deM. Ch.Ca-
sati intitulé : Étude sur la première époque de l'art
français et sur les monuments de la France les
plus utiles à conserver.
M. Héron de Villefosse, au nom de M. le capi-
taine Espérandieu, offre une planche en couleur
avec le titre, du Calendrier de Coligny.
Séance du 23 décembre. — M. S. Reinach an-
nonce une importante découverte due à M.Gsell.
Sur un bas-relief provenant de Carthage, il a
reconnu des copies des trois grandes statues qui
ornaient, à Rome, le temple de Mars Ultor.Ch.A-
cune de ces statues est sur un piédestal; au milieu,
Mars ; à gauche, Vénus et Éros ; à droite, César.
Par là notre connaissance de l'art romain officiel
de la plus belle époque se trouve notablement
accrue.
Séance du jo décembre. — M. Héron de Ville-
fosse annonce que le mur antique mis à jour
dans la rue de la Colombe est actuellement vi-
sible, et que, par une gracieuse décision de M. le
docteur Lamouroux président du «Vieux-ParisS,
les travaux seront suspendus pendant quelques
jours, afin de permettre aux membres de l'Aca-
démie de se rendre compte de cette découverte.
Ce mur, prolongation de celui qui fut découvert
l'an dernier rue Chanoinesse, sera démoli, et les
pierres sculptées ou gravées seront déposées au
musée Carnavalet.
M. Delisle présente le dernier volume de X In-
ventaire sommaire des manuscrits grecs de la
Bibliothèque nationale, par M. Omont.
Séance du 6 janvier r8çç. — Notre collaborateur
M. de Mély, dans une note qu'on trouvera à
144
Hetntc lie T^rt cftrétten
la Chronique, signale un document historique
important, qui a passé jusqu'ici inaperçu. Il
s'agit de la pancarte du cierge pascal de la
Sainte-Chapelle, de l'année 1327. Il donne trois
dates de notre histoire qu'on ne connaissait pas
encore: la date dei24S, très probablement le
25 mars, pour l'apport du troisième envoi des
reliques de Constantinople, cédées par Baudouin
à saint Louis ; la date de 1240, pour la pose de
la première pierre de la Sainte-Chapelle ; celle
de janvier 1295 pour la naissance du roi Char-
les IV. Enfin, la mention de l'apport du chef de
saint Louis à la Sainte-Chapelle explique un
passage des Chroniques de Sicile relatant la
translation des reliques de ce roi de Monreale à
Paris vers 1378.
Dans la même séance, M. Rréal communique
et commente une inscription votive étrusque
relevée sur une lamelle en ivoire, qui lui a été
envoyée de Carthage par le R. P. Delattre, et qui
présente cette singularité d'avoir été trouvée
dans un tombeau punique, ainsi que celle de
contenir le nom du dieu Meikarth.
M. S. Reinach annonce que M.Degrand, consul
de France à Scutari, a fait don aux musées
nationaux d'une intéressante collection d'anti-
quités découvertes dans une nécropole de l'Al-
banie, sise à l'Est de Scutari et remontant aux
premiers temps de l'Empire.
M. Camille Julian communique une note sur
les saintes Victoire de Provence, celle de Voix
(Basses- Alpes) et celle de la montagne célèbre
des environs d'Aix. Il montre que, malgré la
similitude de nom, celle de Voix est d'origine
celtique et rappellerait la déesse Voconce An-
darte. Au contraire, celle d'Aix viendrait du latin
Venturius, qui est également, du reste, le nom
primitif du mont Ventoux, et n'aurait par consé-
quent rien à voir avec la Victoire de Marius.
M. Maximin Deloche offre à l'Académie un
travail dont il est l'auteur et qui a pour titre Les
Ai chiprêtres de l'ancien diocèse de Limoges depuis
le douzième siècle jusqu'en i8ço.
Séancedu ij janvier. — M. Clermont-Ganneau
communique, de la part du P. Germer Durand,
une inscription romaine récemment découverte
en Palestine sur une borne milliaire de la voie
antique allant de Jérusalem à Bethléem. C'est
une dédicace à l'empereur Macrin et à son jeune
fils Diaduménien, associé par lui à l'Empire.
Dans son mémoire intitulé X Iconographie du
Roman de la Rose, M. Eug. Miïntz insiste sur l'op-
portunité qu'il y aurait de revenir aux études ico-
nographiques, longtemps florissantes et aujour-
d'hui délaissées. Il s'attache à montrer quel rôle
l'élément allégorique a joué dans la littérature et
surtout dans l'art; l'auteur en cite, comme preuve,
une cinquantaine de manuscrits enluminés et une
série de tapisseries où sont représentés les per-
sonnages populaires de Bel- Accueil, Liesse, Male-
bouche, Faux-Semblant, etc. Les succédanés
du Roman de la Rose, tels que le Siège du château
d'Amour, la Cita des Dames, ont sollicité davan-
tage encore le talent des peintres et des sculp-
teurs. M. Miïntz signale entre autres quinze ivoires
des XIVe et XVe siècles, relatifs à la première
de ces œuvres, et des tapisseries de la collection
Richard Wallace représentant la seconde.
M. Paul Tannery fait une communication sur
un cadran solaire vertical déclinant, de l'époque
romaine, trouvé à Carthage. Il fait ressortir les
caractères techniques qui le différencient, soit
des cadrans modernes, soit des cadrans grecs
antiques du même type.
M. Héron de Villefosse lit une note sur la dé-
couverte d'inscriptions faite récemment en Tu-
nisie par le P. Heurtebise, supérieur de l'orpheli-
nat agricole de Saint-Joseph de Thibar.
Séance du 20 janvier. — M. l'abbé Montagnon,
curé de Lambèze, a relevé une inscription (un
règlement de collège militaire) dans le jardin de
la maison centrale de cette localité. M. Heuzey
présente la restitution en plâtre d'antiques pa-
lettes de scribes, d'après divers fragments,
notamment des envois de M. Flinders-Petrie. Ces
objets remontent à la IVe dynastie égyptienne,
et à cette forme de l'art, qui a été reconnue
depuis peu et dont l'apparence asiatique a causé
une vraie surprise.
M. Miïntz offre à l'Académie, de la part de
M. Sidney Colvin, conservateur du «Print Room »
au British Muséum, un volume richement illus-
tré, intitulé A jlorentine Picture chronicle..., by
Maso Finiguerra.
L'auteur, dans une très savante introduction,
élucide l'origine et retrace les vicissitudes de
l'important recueil de dessins qui.de la collection
de M. John Ruskin, le célèbre esthéticien, vient
d'entrer au British Muséum. C'est une de ces
histoires universelles, depuis la création du monde
jusqu'à la naissancedu Christ, si populaires pen-
dant le moyen âge, comme le prouvent le Miroir
hystorial ou le Trésor des ystoires. Exécuté à
Florence vers le milieu du quinzième siècle, le
recueil nous fait passer en revue, dans des accou-
trements et avec des attributs plus ou moins
bizarres, les personnages qui personnifient les
cinq premiers âges du monde, depuis Adam et
Eve jusqu'à Milon de Crotone. L'antiquité clas-
sique y tient une place d'honneur à côté de l'anti-
quité biblique. De nombreux rapprochements
entre les dessins du recueil et les monuments
Cratmuj* Ses Sociétés savantes.
145
d'architecture, de sculpture, de peinture contem-
porains ou encore avec des gravures, ne contri-
buent pas médiocrement à aviver et à éclairer la
curieuse suite d'iconographie sacrée et profane
mise en lumière par M. Sidney Col vin.
Séance du 27 janvier. — M. Silvain Lévi rend
compte à l'Académie de la mission qu'il a ac-
complie pour le ministère de l'Instruction pu-
blique dans l'Inde et au Japon.
M. Héron deVille fosse communique une note
du R. P. Delattre, notre correspondant, sur les
fouilles de la nécropole punique située entre
Bordj-Djedid et la colline dite de Sainte-Mo-
nique, à Carthage. Ces fouilles, qui ont eu lieu
en octobre, novembre et décembre 1898, ont été
menées à bonne fin, grâce à la subvention de
l'Académie. Plus de trois cents puits funéraires
ont été déblayés et visités par le R. P. Uelattre,
qui a recueilli un très intéressant mobilier funé-
raire, et qui a envoyé les photographies des
pièces les plus importantes.
On doit placer au premier rang une lame
d'ivoire ornée, d'un côté, d'un bas-relief qui repré-
sente un groupe de deux animaux (probablement
un sanglier terrassant une biche). Le revers de
la plaque porte une inscription étrusque de vingt-
cinq lettres, dans laquelle M. Bréal a reconnu le
nom du dieu Melkhart. Une patère en terre cuite
peinte permet de dater les sépultures de cette
nécropole. Elle est décorée d'une tête de femme
de profil, avec un diadème, de longues boucles
d'oreilles et la chevelure serrée dans une résille.
Cette patère provient sans aucun doute d'une
fabrique de l'Italie méridionale; elle appartient
à une série dont le Musée du Louvre possède
plusieurs spécimens. On peut en faire remonter
la fabrication au IIP siècle avant notre ère. C'est
un exemple curieux de l'importation des pro-
duits italiens dans le Nord de l'Afrique; c'est en
même temps un document qui confirme la date
précédemment assignée à la nécropole de Bordj-
Djedid.
Séance du j février. — M. Gaston Boissier
entretient l'Académie d'une lettre qu'il a reçue
de M. l'abbé Duchesne au sujet des fouilles qui
ont été faites au Forum de Rome depuis quelque
temps. On y a découvert, devant le temple de
César, une base qu'on suppose avoir supporté la
colonne qui fut élevée en l'honneur de César, à
l'endroit où son corps avait été brûlé. Sur la voie
qu'on a mise au jour derrière l'arc de Sévère, on
a cru retrouver le tombeau de Romulus dont il
est question dam> Festus et dans Porphyrion.
Cette opinion, après avoir été acceptée, est, en
ce moment, très vivement combattue. En même
temps qu'on travaille à fouiller le terrain dans
les environs de l'église Saint- Adrien, on restaure
certaines parties du Forum. A ce propos,
M. Boissier se fait l'écho des savants,qui craignent
qu'on ne les restaure trop.
M. Ernest Petit présente à l'Académie la pho-
tographie d'un monument qui, dans son opinion,
aurait été élevé en 1040 au lieu dit « le champ
de Ber », commune de Sainte-Vertu (Yonne), à
la mémoire de Renaud, comte de Nevers. M. de
Lasteyrie conteste qu'on ait élevé ce monument,
qui ne convient pas au XIe siècle, à Renaud, qui
fut enterré à Auxerre. D'après M. Saglio et
M. Deloche, il daterait de la fin de l'époque ro-
maine.
Ouvrages offerts à l'Académie: — Un historien
de l'Art français, Louis Courajod : I. Les temps
francs, résumé des leçons professées par Coura-
jod, à l'école du Louvre et recueillies par un de
ses auditeurs et amis, M. A. Marignan. Ce pre-
mier volume traite de l'art en Gaule avant les
invasions, de l'ornementation gréco-orientale,
de l'art mérovingien et carolingien. On y trouve,
en outre, un catalogue des monuments et frag-
ments de sculpture de cette période à Rome et
en France.
Séance du 10 février. — M. E. Guimet pré-
sente des étoffes antiques trouvées dans les
tombes d'Antinoé (Egypte). Certains coussins
brodés, sur lesquels reposaient des têtes de da-
mes romaines, sont datés par les coiffures des
masques de plâtre reproduisant les portraits
des défuntes. On y reconnaît les modes suivies
depuis Hadrien jusqu'à Septime-Sévère. Une des
coiffures, frisée au petit fer sur le devant, roulée
en huit en arrière, hautement étagée, semble être
retenue par un peigne dont on croit voir les
arêtes parallèles.
Les soieries très fines qui garnissaient les cafe-
tans des tombes de l'époque byzantine devaient
pour la plupart être plus anciennes que les cos-
tumes qu'elles ornaient. On a utilisé en les cou-
pant, sans tenir compte des décors, d'anciennes
étoffes de style asiatique. Des chevaux ailés, des
moufflons harnachés, sont tout à fait sassanides.
Les étoffes coptes, plus grossières, seraient pos-
térieures a ces costumes byzantins. M. Guimet
se propose de communiquer ces modèles aux
manufactures de soieries de Lyon.
M. Clermont-Ganneau présente, de la part de
M. le docteur Lortet, un très ancien cachet phé-
nicien recueilli par lui à Aphko, dans le Liban.
Il y déchiffre le nom du possesseur, Milk-Yaazor
signifiant littéralement <L que le dieu Moloch soit
secourable! » et il s'appuie sur la forme gramma-
ticale très intéressante de ce nom pour proposer
une nouvelle explication d'une série de noms
propres dans la Bible.
146
3&cbue tir T&rt chrétien.
M. Clermont-Ganneau offre ensuite, de la part
du même auteur, la Syrie d'aujourd'hui, ouvrage
qui se recommande par l'abondance et la
richesse des illustrations exécutées d'après les
documents recueillis sur place et qui est aussi
intéressant pour l'archéologie que pour les scien-
ces naturelles.
Séance du 24. février. — M. G. Boissier com-
munique une dépêche de M. l'abbé Duchesne,
directeur de l'Ecole française de Rome. Les tra-
vaux entrepris par la municipalité romaine ont
fait découvrir plus de 250 fragments du célèbre
plan de Rome dans un mur de la Renaissance
près du palais Farnèse.
M. Boissier expose le résultat des fouilles que
M. le docteur Carton vient d'exécuter au théâtre
de Dougga. Les voûtes qui portaient la mosaïque
de la scène ont été dégagées et en partie con-
servées. Parmi les sculptures découvertes on
remarque une tête colossale, en marbre blanc, de
l'empereur Lucius Verus.
M. Babelon lit une notice sur les monnaies
que le satrape Oronte fit frapper en Asie Mineure,
comme chef de l'insurrection contre Artaxer-
xès III Mnémon, en 362 avant JéSUS-Christ.
Ges monnaies donnent l'effigie du satrape ; c'est
un des plus beaux portraits de la numismatique
grecque.
Séance du j mars. — M. Dissard, conservateur
du Musée de Lyon, annonce qu'en démolissant
une maison du XVIe siècle, située dans le quartier
Saint-Paul de Lyon, on a trouvé un fragment
important du monument élevé, dans l'enceinte
de l'Assemblée des trois provinces de la Gaule,
en l'honneur d'un prêtre à l'autel de Rome et
d'Auguste, Sextus Julius Thermanius et de sa
famille.
M. Maspero place sous les yeux de ses confrères
une photographie représentant la tête d'une reine
d'époque ptolémaïque, coiffée en Isis. Un autre
fragment montre deux mains serrées, l'une
d'homme, l'autre de femme. C'est tout ce qui reste
actuellement des colosses découverts à Alexan-
drie et décrits depuis plus de trente ans. Ces
débris appartenaient très probablement aux deux
statues érigées à l'entrée du temple de Deméter
et de Proserpine et qui figuraient Antoine et
Cléopâtre assimilés à Osiris et à Isis. La tête de
Cleopâtre est assurément un portrait et la repré-
sentation la plus authentique de la célèbre reine ;
malheureusement le nez est mutilé.
.M. l'abbé Thédenat fait une communication
sur les fouilles entreprises au Forum romain.
On a pu restituer, avec des fragments dispersés, un petit
édicule situé prés de la porte de la maison des Vestales.
Les débris des colonnes gisant au pied des bases, qui
bordent la Voie Sacrée, en face de la Basilique Julia, ont
été redressés sur deux de ces bases.
Au temple de Vesta, à 2 mètres de profondeur, on a
trouvé un sol antique, des substructions et une fosse dont
il est difficile de déterminer l'usage. Au temple de César,
on a trouvé un soubassement, sous la façade, d'une base
d'un peu moins de 1 mètre : c'est l'autel de César. Derrière
cet autel ouvrait une porte communiquant avec le sous-sol
du temple. A un endroit situé en face de l'arche de droite
de l'arc de Sévère, quand on regarde le Capitole, on a
trouvé un espace rectangulaire d'environ 2 mètres de côté,
pavé en noir, où l'on a cru à tort reconnaître le tombeau
de Romulus. Près de là, à une assez grande profondeur, a
été mis au jour le pavé d'une voie antique.
Congrès des Sociétés savantes de 1898. —
Nous avons rendu compte du Congrès en temps
utile. Le dépouillement du Bulletin archéologique
du Comité des travaux historiques nous permet
de revenir sur quelques points intéressants d'une
manière plus précise.
Le mémoire de M. de Lahondès sur les églises
gothiques de l'Ariège définit le type régional: nef
unique languedocienne avec chapelles entre les
contre-forts (Mirepoix, Laroques, Montreuil), à
l'instar de St-Étienne de Toulouse (Xlll'siècle).
Les absides sont polygonales, les clochers sont
élevés sur le porche ou au-dessus de l'autel. Les
voûtes sont en berceau. La tradition romane est
persistante.
M. de Rochemonteix définit de son côté les ca-
ractères de l'architecture romane de l'arrondisse-
ment de Mauriac (Cantal). Le plan des églises est
en croix latine, à trois nefs, la centrale voûtée en
berceau; abside en hémicycle, coupole sur la
croisée. Les influences poitevines, auvergnates et
surtout limousines se sont fondues dans la tradi-
tion locale.
S'occupant de l'abbaye du Mont St-Michel,
M. l'abbé Bossebceuf prouve que le dortoir
actuel a été effectivement le réfectoire.
Comme nous l'avonsdéjà rapporté, M. Demaison
a reconnu que le chevet de Saint-Remi de Reims
a été imité à Saint-Symphorien de Reims, à
Soissons(croisillon Sud), à l'abbaye d'Arbois et à
la cathédrale de Reims. Le chevetde Notre-Dame
de Châlons est lui même le prototype de ceux-ci:
il fut rebâti entre 1157 et 1183; le chevet de
Saint-Remi fut commencé en 1170 et terminé
en 1 190.
M. Demaison ajoute quelques renseignements
sur les architectes de la cathédrale de Reims,
Maître Adam doit être contemporain de saint
Louis. Il se confirme que Bernard de Soissons
est de la fin du XIIIe siècle, il est cité dans un
document de 1287. Colard Gidry était maitre
maçon de la cathédrale au XVe siècle
Signalons un article de M. le chan. Pollays
sur les cuves baptismales en plomb du diocèse
de Montauban.
Cratoauj: Ses Sociétés savantes.
147
Très curieuse est la croix sculptée, découverte
dans les greniers de l'église abbatiale de Saint-
Maur en Anjou, derrière un pignon. M. Cli.Urseau,
d'après des déductions qui paraissent rigou-
reuses, l'attribue au IXe siècle.
Arrêtons-nous un instant à une note de
M. N. Thiollier sur l'église de Curgy (Saône-et-
Loire). On connaît l'influence expansive du style
bourguignon, qui s'étendit à la cathédrale de
Langres (Haute-Marne), à celle de Lausanne en
Suisse, au château de Saint-Germain-en-Laye,
(Ile-de-France), au Bourbonnais, au Lyonnais, à
l'Italie, etc. Ce style est caractérisé, à partir du
XI Ie siècle, par l'emploi du berceau brisé sur une
nef à claire-voie. La grande nef est contrebutée
par les voûtes des bas-côtés, qui sont tantôt
des berceaux transversaux, tantôt des berceaux
longitudinaux, soit en plein-cintre, soit en demi-
cintre comme en Auvergne. C'est le cas à Curgy;
cependant l'influence auvergnate paraît absente
ici. L'abside a gardé des peintures murales
romanes nouvellement mises au jour.
Congrès des Sociétés savantes à Toulouse.
t- En attendant que nous puissions résumer les
travaux du Congrès, comme nous le faisons
chaque année, d'après les documents officiels ou
le rapport du secrétaire du Congrès, nous repro-
duisons une intéressante relation due à un
archéologue de terroir et empruntée au Journal
des arts.
Le Congrès des Sociétés savantes qui, depuis trente-
sept ans, se tenait à la Sorbonne, vient d'inaugurer à
Toulouse sa première réunion provinciale. La ville de
l'antique L'niversité fondée par saint Louis, la patrie des
poètes et des artistes, la capitale si heureusement placée
au centre des provinces méridionales, a paru en effet
naturellement désignée pour cet essai de décentrali-
sation.
Il a été couronné par le succès. Plus de cinq cents
congressistes se sont trouvés réunis dans les salles de
l'hôtel d'Assézat, dont la séduisante magnificence avait
fortement contribué au choix de Toulouse et dans celles
des Facultés des sciences et de médecine, dont les collec-
tions et les laboratoires étaient nécessairesauxspécialistes.
Deux cent cinquante mémoires ont été lus. Les obser-
vationsetlesdiscussions courtoises qui suivaient la plupart
de ces lectures attestaient leur valeur. II est évident que
beaucoup d'entre elles n'auraient pas été envoyées aux
Congrès parisiens. Les travailleurs, d'ailleurs, gens pai-
sibles, ne peuvent tous se rendre à Paris et neconsent iraient
pas volontiers à confier leur manuscrit au hasard d'une
lecture de rencontre, sans pouvoir défendre leurs conclu-
sions si, d'aventure, elles étaient contestées. Puis c'est
chez eux, dans le cadre de leurs études et de leurs sujets
d'observations, qu'il convient de les entendre et de les
voir. On peut ainsi vérifier sur place ce qu'ils disent d'un
monument, par exemple, d'une institution ou d'un détail
d'histoire naturelle locale.
Après quelques années de ces discussions scientifiquesi
on aurait toutes facilités pour comparer l'état intellectuel
de chacune des provinces et l'on reconnaîtrait les res-
sources que ne cesse d'offrir notre terre féconde. Les
étrangers qui sont venus à Toulouse ont été frappés du
mouvement d'idées qui s'y révèle. Une dizaine de sociétés
diverses tiennent des séances hebdomadaires, constamment
remplies par des lectures originales et des études inédites.
Chacune publie son bulletin ou son volume de mémoires,
et ce n'est pas un mince travail que de se tenir au courant
de la bibliographie toulousaine.
Mais si nos visiteurs ont eu plaisir et profil à voir nos ho-
rizons et nos monuments, ceux des provinces du Nord sur-
tout, aussi dépaysés quand ils arrivent devant nos briques
et nos tuiles romaines et sous notre ciel bleu, dans nos
larges nefs et en face de nos robustes clochers, quand ils
entendent, dans nos montées et nos rues, les sonorités
chaudes de notre vieille langue, que nous, lorsque nous
entrons en Catalogne ou en Toscane, leurs observations
et leurs causeries nous éclairent parfois sur des points
inaperçus de notre art et nous révèlent des sources d'ad-
miration souvent trop négligées par nous-mêmes.
Ils ont ainsi reconnu dans notre Musée des Antiques,
que vraiment les fouilles de Martres avaient mis au jour
la villa la plus importante des Gaules ; dans celui des
sculptures du moyen âge, une incomparable collection
d'oeuvres d'art de la pierre, attestant l'inspiration puisée à
des sources multiples, mais puissamment originale à son
tour, d'une école qui a rayonné dans nos provinces méri-
dionales et fécondé le génie français. Le musée Saint-
Raymond, fondé, hélas ! cinquante ans trop tard, n'en
renferme pas moins des richesses qui ont vivement surpris
ceux qui ont su trouver le temps de le visiter. Richesses
est le mot exact. Peu de Toulousains se doutent que telle
vitrine vaut près d'un million !
J'ai eu l'occasion de montrer nos précieux manuscrits
des jeux floraux, non seulement aux éminents romanistes,
MM. Gaston Paris et Chabaneau, très impatients de les
examiner après les avoir longtemps étudiés dans des
copies, mais aussi à des professeurs des Universités de
Coïmbre, de Leyde et d'Helsingfors. La vue de ces recueils
fameux, plus fameux peut-être à l'étranger, en Allemagne
particulièrement, que chez nous, a été une des joies de leur
séjour.
On doit bien penser que puisque le Nord bouge.le Midi
a bougé. Chacune des soirées a eu sa fête. Mardi, jour de
l'ouverture, au Capitole ; mercredi, à l'hôtel d'Assézat,
avec concert de musique indigène, illuminations et em-
brasement général de la cour superbe et de son élégante
lanterne ; jeudi, dans les salles et dans l'église même du
cloître antique des Jacobins, merveilles de hardiesse et
de robuste légèreté ; vendredi, au théâtre avec les artistes
de l'Opéra ; samedi, enfin, après la clôture du Congrès,
avec la présence de M. le ministre de l'Instruction
publique, dans la brillante salle des Illustres, banquet
dans l'immense réfectoire des Jacobins qui date de 1303,
et comédies par des sociétaires du Théâtre-Français.
La fête d'ailleurs n'est pas finie à l'heure où nous traçons
ces lignes. Dimanche une soixantaine de congressistes
ont visité la cité de Carcassonne, le Pompei du moyen
âge; aujourd'hui, lundi, ils sont à Saint-Beitrand-de-
Comminges et sur le terrain des fouilles de Martres ;
demain, mardi, pour laisser aux voyageurs un souvenir
charmé, par un ensemble d'art incomparable, nous les
conduirons à Sainte-Cécile d'Albi.
Bien que le Congrès des Beaux-Arts doive être tenu la
semaine après la Pentecôte, devant l'hémicycle de Paul
Delaroche, comme d'habitude, plusieurs communications
sur l'art méridional ont été présentées au Congrès de
Toulouse.
Ainsi par M. Borrel, Le temple gallo-romain de Mous-
tiers, découvert en iSqj; par M. l'abbé Cau-Durban, Les
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
189g. — 2me LIVRAISON.
148
3Rc\nic De l'&rt chrétien.
sépultures préromaines de VAriige; par M. F. Regnault,
Œuvres artistiques de [âge du renne; par M. de Lahondès,
l 'tu si due de saint Louis à Carcassonne; par M. Roger,
Les églises '"' pays de Foix et de Cotiserons ; par M. Bru-
tails, Note sur l'antériorité de l'École romane auvergnate;
par M. Anthyme Saint-Paul, Etude sur Saint-Sernin de
Toulouse ; par M. Ronhach, Étude sur quelques thèmes
décoratifs de l'art romain; par M. Bonnet, Les jetons des
États généraux du Languedoc ; par M. Barrière Flavy,
L'art îles peuples barbares de la Gaule.
Ces agapes scientifiques ne donnent pas seulement aux
amis de l'étude, qui ne se connaissaient que de nom, le
plaisir de nouer par de longues et cordiales causeries, des
relations devenues bientôt intimes ; elles doublent les
mâles voluptés du travail par la communication des idées
et les éclaircissements des entretiens ; elles établissent, à
travers la distance, une fraternité qui a sa source dans les
plus nobles sentiments, le culte du beau et l'amour du
vrai et du bien. Mieux encore, elles montrent qu'au-dessus
de la surface tumultueuse et factice de la politique, l'âme
française poursuit sa voie de lumière et d aspirations
élevées, en même temps que ses recherches obstinées pour
l'amélioration du sort des humbles.
J. DE L.
Académie d'Amiens. — Le 13 janvier a eu
lieu par l'Académie d'Amiens, à l'Hôtel de Ville,
la réception de l'un de ses membres, récemment
élu, M. Jules Boquet, artiste peintre, dont les
œuvres figurent chaque année au Salon de Paris.
Dans son discours de réception, M. Boquet a fait
une très pittoresque description du vieil Amiens,
où ont été restitués avec beaucoup d'exactitude
et un charme réel de poésie, nombre d'aspects
particuliers de l'ancienne cité amiennoise.
Les quartiers d'autrefois, les églises, sans
oublier la célèbre cathédrale, les logis et autres
monuments du passé aussi bien que les scènes de
la vie journalière, les mœurs et coutumes des
ancêtres ont trouvé en M. Boquet à la fois un
peintre habile et un historien bien informé.
M. le docteur Peugniez, qui présidait, a ré-
pondu au récipiendaire en termes fort bien appro-
priés où le talent de M. Boquet a été exactement
défini.
Commission du Vieux-Paris. — La Com-
mission s'est réunie le 9 février, à l'Hôtel-de- Ville,
sous la présidence du préfet de la Seine.
M. Georges Villain a donné lecture d'un rap-
port sur les recherches faites pour retrouver la
sépulture de Turgot aux Incurables.
M. G. Lenôtre a saisi la Commission de la
découverte des vestiges d'une tour de la Bastille,
la tour de la Liberté. Le métropolitain passe en
cet endroit. On recueillera les vestiges de cette
tour qui seront reconstitués dans un square.
M. Geoffroy demande qu'il soit fait des photo-
graphies et des relevés de la maison dite de la
Reine-Blanche, aux Gobelins, qui va disparaître.
Sur avis de M. Laugier, empreinte sera prise
également de la très curieuse inscription gothique
qui est sur la maison de Nicolas Flamel, au
Marais.
M. Charles Normand, au nom de la Société
des Amis des monuments parisiens, demande la
création d'un musée aux Arènes qui dirait l'im-
portance de ce théâtre gallo-romain. Une sous-
commission étudiera ce projet.
M. Guillemet fait voter un vœu pour que l'État,
qui a donné à l'église Saint-Nicolas un tableau
de Corot représentant Le baptême du Christ
(daté 1844), reprenne ce tableau contre une copie.
Il est urgent d'enlever cette œuvre unique de la
chapelle où elle se détériore.
M. Lucien Lambeau propose le classement
de la tour du Sud-Est de l'enceinte fortifiée du
prieuré de Saint-Martin-des-Champs. Cette tour,
de 20 m. de hauteur, et en très bon état de con-
servation, sert d'escalier à la maison portant le
n° 7 de la rue Bailly.
M. Tesson rend compte d'une excursion faite
par la ire sous-commission à l'église Sainte-Mar-
guerite; il signale d'anciens vitraux et une cha-
pelle intéressante au point de vue artistique, qu'il
serait urgent de réparer.
Commission départementale des Antiqui-
tés de la Côte-d'Or. — Quelques jeunes membres
de cette société, — que préside notre collabora-
teur M. Henri Chabeuf, — ont eu l'heureuse
idée d'organiser des excursions archéologiques
dans les environs de Dijon. Chaque dimanche, ils
se donnent rendez-vous sur un point déterminé
à l'avance et sous la conduite des gens du pays,
explorent le sol et les vestiges du séjour de
l'homme. Ces excursions ont déjà donné d'excel-
lents fruits ; ces messieurs ont reconnu, déterminé,
mesuré nombre d'enceintes préhistoriques ou
gauloises, de tumulus, d'abris de l'âge de la pierre,
de villas gallo-romaines. Il résulte de leurs obser-
vations, que dans le très lointain passé de l'his-
toire, la montagne était peuplée et cultivée, alors
que la plaine demeurait un désert et un marécage.
Un des plus grands événements humains dans
les régions comme la Côte-d'Or a été précisé-
ment l'abandon de la montagne par l'homme et
la conquête de la plaine assainie et rendue
habitable.
Les enceintes retranchées sont très nombreuses
en Côte-d'Or dans la région dijonnaise; il est évi-
dent qu'à ces époques lointaines l'état de guerre
était l'état naturel de la société. Beaucoup de ces
retranchements présentent parmi les empierre-
ments des masses de chaux produite sur place
par une combustion intense.
Cratmujt Des £>octéfé0 0atmnte0.
149
A 2 kil. au Sud de Dijon, près de la ferme de
la Noue, dont les terres sont traversées par le
chemin de fer de Paris à Lyon, on a reconnu les
restes d'un établissement important de l'époque
romaine. Le sol a livré notamment des débris
de marbre blanc, ce qui est une rareté dans la
région, et des tuiles marquées au nom de la
VIIIe légion, l'Augusla, dont, grâce à des décou-
vertes semblables sur divers points, on commence
à déterminer avec exactitude le cantonnement.
Il semble avoir occupé une aire étendue, dont
les points extrêmes seraient les trois sommets
d'un triangle : La Noue, au Sud de Dijon; Mi-
rebeau, à 25 kil. à l'Est, et Is-sur-Tille, à 24 au
Nord. (Jou mal des A rts. )
Société académique de Saint-Quentin. —
Cette société vient de publier le tome XII delà
quatrième série de ses Mémoires. Ce nouveau
volume contient, outre les discours et rapports
lus dans les précédentes séances publiques, les
intéressantes études suivantes : Histoire de l'ab-
baye de Saint-Nicolas-aux-Bois (ire partie), par
M. R. Duval ;la ile partie du journal de Charles
de Croix, chanoine de Saint-Quentin (3 février
1645 — 3 octobre 1685), par M. Henri Cardon ;
Les verres francs à emblèmes chrétiens, et, Les
cimetières francs de Mayot et d'Anguilcourt-le-
Sart, par M. Jules Pilloy ; Les peintures murales
de l'église de Pleine-Selves représentant le mar-
tyre de Ste-Yolaine, par M. Rabelle. Plusieurs
de ces travaux sont accompagnés de planches
d'illustrations.
Société des Lettres, Sciences et Arts de
Bar-le-Duc. — Séance du 7 septembre i8ç8. —
M. L. Maxe-Werly adresse une note sur le
fondeur Jean Lambert connu par la refonte de
la célèbre cloche de la cathédrale de Metz, la
Mutte, en 1479, et des cloches de l'église Saint-
Evre de Nancy en 1508. Il conteste l'opinion des
auteurs qui font naître cet artiste à Anvers, et
propose de voir en lui un descendant de « Maître
Lambert le canonnier » attaché au service des
ducs de Bar, et envoyé, en 1403, par le duc Robert,
à Loîigwy, pour y faire une grosse bombarbe.
M. Léon Germain, reprenant la description du
tombeau de Charles le Téméraire dont M. L.
Maxe-Werly a publié un dessin retrouvé par lui
à Oxford {Mém. de la Soc. des Lett. de Bar-le-
Duc, t. VI [1S97], planche III, p. 42) s'attache à
l'identification des statuettes qui décoraient ce
monument funèbre, aujourd'hui détruit. L'une de
ces figures, notamment, qui fait pendant à celle
de Charlemagne, vers le haut du tombeau, lui
paraît représenter X empereur saint Henri, carac-
térisé par les insignes impériaux, et par le petit
édifice qu'il tient de la main gauche, en souvenir
de la cathédrale de Bamberg dont il est le fonda-
teur. M. Léon Germain rappelle à ce sujet que
saint Henri était bien connu en Lotharingie, et
qu'il eut l'intention de se faire moine à l'abbaye
de Saint- Vanne de Verdun, où il laissa en sou-
venir un peigne d'ivoire sculpté, encore conservé
au musée de cette ville. Il serait intéressant de
recueillir les autres figurations du saint Empereur
en Lorraine.
Dans une seconde communication, M. Léon
Germain appelle l'attention sur trois fragments
de vitraux du Musée archéologique de Tours,
qui offrent les armoiries portées par le roi René
de 1466 jusqu'à sa mort (1480) ; celle du fils ou
du petit-fils de René, et de Jeanne de Laval,
seconde femme du roi René.
Séance du ç novembre. — M. L. Germain en-
voie la photographie d'un Tableau de l'église de
Brouvelieures ( Vosges ) et le croquis des armoi-
ries que l'on y remarque. Ces armoiries sont
celles du duc de Lorraine Charles IV et de
Marie-Louise d'Apremont, sa seconde femme
légitime ; il l'épousa en 1665 et tous deux furent
chassés de Nancy, par les troupes françaises, en
1670. Malgré des retouches regrettables, ce
tableau, qui représente l'Adoration des Mages,
semble être une œuvre de mérite ; il constitue un
souvenir intéressant très rare de la jeune femme
qu'une fantaisie du romanesque souverain fit
asseoir, pour environ cinq ans, sur le trône ducal
de Lorraine et Barrois.
A propos d'un Médaillon à l'effigie du Christ,
offrant au revers une inscription hébraïque, lequel
a fait l'objet d'une communication à la Société
des Antiquaires de France, le 13 juillet dernier,
M. L. Germain fait connaître une médaille ana-
logue, de sa collection. Il propose de rectifier
l'interprétation de M.C.Tholin.et de reconnaître
la formule : Christus Rex venit in pace, et Ihus
homo factus est, qu'il a rencontrée ailleurs. Sur la
pièce de M. L. Germain, la légende est à la fois
en hébreu et en latin, ce qui donne toute certi-
tude à l'interprétation. Remarquant, après M.
Tholin.que le médaillon en question a été trouvé
à Sainte-Livrade, dans le Lot-et-Garonne, non
loin de Cadillac, où travaillèrent vers 1604 Jean
et Joseph Richier, petits-neveux de Ligier
Richier, M. Germain se demande, — ■ sans insister
sur cette supposition, — s'il n'y aurait pas quel-
ques rapports à établir entre ces médaillons talis-
maniques,et les portraits-médaillons que Jean et
Jacob Richier ont laissés.
Séance du 3 octobre. — M. Léon Germain com-
munique, accompagnées d'une notice, deux pho-
i5o
3&ebue De V&xt ttirctten.
tographies que lui a adressées Mgr Enard,évêque
de Cahors, membre de la Société. Elles repré-
sentent un bras-reliquaire conservé dans une
paroisse de son diocèse et renfermant une relique
du roi saint Louis, auquel l'église est dédiée. A
défaut d'authentique, il y a lieu de joindre à la
tradition et à la possession, l'examen ostéolo-
gique et l'étude archéologique. Sur ce dernier
point, le bras-reliquaire est un objet très intéres-
sant et artistique : le style qui indique la fin du
XIIIe siècle, le geste et la richesse de la décora-
tion où se remarquent un grand nombre de fleurs
de lis, paraissent réellement se référer au saint
roi. M. Germain espère que ses confrères seront,
comme lui, reconnaissants à Mgr Enard.de cette
communication.
Société d'archéologie lorraine. — Cette
Société a célébré l'an dernier son cinquantenaire.
Quoique tardivement, nous aimons à consigner
ici les souvenirs de cette solennité qui eut lieu le
28 juin. Elle a été marquée par une conférence de
M. le professeur Pfister, accompagnée de pro-
jections sur Nancy à travers les âges, par un ser-
vice religieux en mémoire des membres décédés
accompagné d'une allocution de M. l'abbé Martin,
par une visite des monuments de la ville. M. Ch.
Guyot y a narré l'histoire de la Société. Une mé-
daille a été remise à notre collaborateur M. L.
Germain de Mody, l'érudit et zélé secrétaire
perpétuel de la Société. Des lectures ont été
faites ensuite, l'une par le Dr Bleiche sur les
sciences préhistoriques de Lorraine, une autre
par M. l'architecte Demogeot, sur les origines de
la Renaissance et les maisons de Banoi.Un ban-
quet cordial a naturellement terminé ces fêtes
dignes d'un long souvenir.
Société historique d'archéologie de Cor-
beil,d'Étampes et du Hurepoix. — CetteSociété
toute jeune — elle est née en 1875, — a regagné le
temps perdu par son activité. Elle a son siège
alternativement dans les trois centres énumérés
dans son titre. Le Bulletin est d'un grand inté-
rêt Déjà elle est parvenue à créer un musée, et
grâce à M. Darblay, elle a pu l'installer dans
l'ancienne église des Chevaliers de St-Jean de
Jcrusalem. Elle publie, outre son bulletin.des do-
cuments parmi lesquels figure une notice de
l'église de Saint-Germain de Corbeil.
Société d'archéologie de Bruxelles. — La
Société s'est émue de l'abandon où se trouvent
les anciens édifices de la petite ville de Diest et
y a envoyé des délégués. Les ruines de l'église de
Saint-Jean, situées dans le cimetière, menaçaient
de disparaître, si l'État ne les rachetait. L'église
du Béguinage, qui appartient aux hospices, est
aussi en triste état, l'ancien cimetière est devenu
un ignoble dépotoir, les décombres couvrent les
pierres tombales. L'ancienne Halle réclame res-
tauration.
M. le Dr Raeymaekers a rendu service à l'ar-
chéologie en signalant un dessus de cuve baptis-
male provenant de l'église de Rumon, qui a
échoué à Tirlemont et qu'on devrait faire entrer
dans un musée. C'est une pierre qui a appartenu
à des fonts, mosans d'origine et de style, à gros
pédicule central cantonné de quatre colonnettes.
Le style des chapiteaux et des moulures accuse
nettement le XVe siècle, bien que l'auteur de la
notice les fasse remonter jusqu'à l'époque ro-
maine. Les quatre têtes traditionnelles, qu'on voit
d'ordinaire aux angles, ont passé au milieu des
faces de la cuve.
Cercle archéologique de Malines. — Elles
affluent de toutes parts, les contributions à l'his-
toire de la peinture murale, tant contestée, de nos
anciennes églises. M. le chevalier A. Wouters de
Bouchout nous fait connaître aujourd'hui des
fragments de celles qu'on a retrouvées sur les
murs de l'église N.-D. au delà de la Dyle.
Il a retrouvé les vestiges de celles qui déco-
raient le pilier auquel s'adossait l'autel des jar-
diniers, et le décor en est caractéristique autant
que pittoresque et naïf: des légumes alternant
avec des instruments aratoires. Ailleurs on a re-
levé une collection d'élégants navires, emblèmes
non des bateliers, mais des poissonniers. En
dehors de ces pieuses et florissantes corpora-
tions de métiers, qui ont tant fait pour l'embel-
lissement du culte, on trouve de toutes parts les
vestiges d'une décoration générale, aux piliers
du transept, aux clefs de voûtes des nefs et du
transept, aux piliers de l'ambulacre.
En termes heureux, M. Wouters déplore la
juxtaposition d'objets mobiliers et de décors de
style renaissance à l'architecture de nos belles
églises gothiques, et s'élève avec beaucoup de
raison contre l'idée.qu'après avoir gratté le plâtras
qui les a déshonorées, on doive en rester là et
proscrire le complément si nécessaire de la pein-
ture murale. Les murs dénudés, dit-il, supportent
malaisément la richesse des autels ciselés ; entre
les chefs-d'œuvre sculptés et richement décorés
qui meublent nos églises et la sobre grandeur
des lignes architecturales, il faut un lien, qui est
la peinture murale. D'aucuns, conservateurs
quand même du vieux parce que vieux, taxeront
cette manière de voir de lèse-archéologie. M. A.
Wouters s'est fait de l'art chrétien un autre con-
cept, et c'est le bon.
Cratoauj: hts £>octété0 garantes.
151
Les comptes-rendus du VIIIe exercice de la
Société sont remplis des intéressantes discus-
sions relatives au projet d'achèvement de la tour
de St-Rombaut. Nous nous dispenserons d'en
parler ici, le Directeur de la Revue en traitant
ailleurs.
MM. Van Boameer, Kempeneer et le chan.
Van Caster se sont fait les champions de cette
belle cause, et M. Magnus a fait à notre Revue
l'honneur d'ouvrir la discussion à laquelle cette
question a donné lieu par une citation de notre
article plusieurs fois rappelé de 1887.
Conférence d'histoire et d'archéologie du
diocèse de Meaux. — Ce cercle d'études est
bien le modèle de ceux que nous voudrions voir
fonctionner et fleurir dans tous les diocèses,
et son excellent Bulletin en montre toute la
vitalité. Il a du reste pour cheville ouvrière un
ecclésiastique qui est à la fois archéologue con-
sommé et artiste délicat, dont le crayon excelle
à reproduire avec charme et correction aussi
bien l'architecture que la sculpture. C'est à lui
que nous devons la gracieuse image de N.-D. de
Rampillon, que nos lecteurs auront sous les yeux
prochainement, par suite d'une gracieuseté de
M. l'abbé Jouy, et qui ouvre le premier numéro
de 1899 du Bulletin de la conférence de M eaux.
Le même artiste y donne un charmant dessin de
N.-D. du Pilier, à Verdelot, telle qu'il l'a croquée
avant sa restauration. De lui aussi, une notice sur
VEcce homo de la cathédrale, qu'il rapproche à
tort, nous semble-t-il, du grand Dieu de Thé-
rouanne. D'après nos souvenirs personnels, celui-
ci est l'image du Juge suprême ; il figurait au
frontispice de la cathédrale disparue accosté de
la Ste Vierge et S. Jean. Il porte, il est vrai,
la couronne d'épines et le manteau de pourpre
sur sa divine nudité, mais tel on le voit en une
multitude de Jugements derniers.
Très intéressante au point de vue du mobilier
liturgique, l'analyse du compte des marguiliiers
de l'église de St-Denis-des-Coulommiers. Les
autels étaient entourés de courtines (nommées
custodes) pendues à des colonnes surmontées
d'anges portant des candélabres, dispositif uni-
versellement usité jadis, et qui a persisté ici jus-
qu'au XVIIIe siècle. L'église possédait sept pa-
rements d'autels. Le maître-autel était abrité
sous un ciborium, nommé ici cincenier (x). Chose
curieuse, le verre entrait dans la composition du
ciboire. Le jubé était surmonte d'un grand
crucifix et orné du Christ en majesté accom-
1. A Tournai j'ai rencontré linchenier ou lichenier dans le sens
de jubé. (V. L. Cloquet, Notes sur quelques usages liturgiques des
églises de Tournai.)
pagné des Apôtres. L'auteur principal du jubé,
remanié en 151 1, est Adrien Testard, d'Estogen
Beauvoisis. Le lutrin aiglier en laiton est acheté
à Paris en 1513. Signalons encore une statue de
S. Antoine.
Nous résumerons, pour terminer avec cet inté-
ressant périodique, une étude sur la cathédrale de
Meaux, accompagnée de bons dessins qu'il nous
est donné de reproduire.
Considérant la façade principale de la cathé-
drale, M. le chanoine Jouy remarque d'abord,
que les trois portails sont de dates différentes :
les deux premiers, de droite à gauche, de la
seconde moitié du XIVe siècle, le troisième, du
XVe ; on pourrait dater la statuaire des voussures
de 1350, et de 1375 la résille du fronton principal.
Beaucoup ont. cru, bien à tort, que cette façade
fut le couronnement longtemps attendu de
l'église élevée sous Philippe-Auguste ; on se
trouve au contraire en présence d'une reconstruc-
tion de la façade primitive.
Notre ami exhibe ici un dessin du XIVe siècle,
daté de 1327, publié naguère par M. H. Stein ;
il en résulte qu'à cette époque l'architecte Nicolas
de Chaunes, maître de l'œuvre du Roi, et archi-
tecte de la cathédrale, de Sens, allongea l'église
d'environ « huit parches, de terre en long et en
lé ». — L'église (comme le montre le plan ci-
contre, dressé ainsi que le beau dessin du trifo-
rium, par M. Jouy qui nous l'a gracieusement
prêté) comprenait en deçà de la croisée deux
travées doubles à doubleau de recoupement.
Deux tours furent élevées au bas des collatéraux,
en T. T. Comme longueur, c'était peu ; la décli-
vité du sol vers l'Orient motivait ce petit déve-
loppement de nef, compensé par des tribunes. A
partir de 1265 on entreprend d'accroître la nef
d'une demi-travée comprenant le porche, de ma-
nière à laisser franches les quatre demi-travées de
l'ancienne nef. Provisoirement pourtant on con-
serva pour le culte et pour le guet la tour de
gauche (1 '), jusqu'à ce qu'on eut rebâti la tour 1 .
Cette circonstance du maintien prolongé du
vieux clocher explique la déconcertante variété
de style du soubassement intérieur de la tour de
clocher et d'autres anomalies de parties avoi-
sinantes dues à des reconstructions ultérieures.
Seules les deux premières travées en arrière de
la rosace, comprises entre les deux tours et
bâties au XI Ve siècle, sont intactes. Les profils
du triforium sont identiques à ceux de la
galerie du chœur et datent du second quart du
XIVe siècle.
Après avoir ainsi résume les constatations du
savant archéologue de Meaux, il convient de lui
laisser la parole, pour formuler de graves obser-
vations.
ÉGLISE CATHÉDRALE DE MEWX
L« .Hi.T^Linjles pointtllèes
Jonnerd ta W-e nonionble
les voûtes primitives
xustxir-xiii'si«i«l
xrav au'-xiv»
XlVtfXlV'-XV»
Parties iléli uttes
7T»j«
■ !■■
.6 |7 l| 19 Jo 3' 35 31 M
-4 1 1 1 1 1 1 1 1
71.-I.,, ^
i54
Belnte lie P&vt chrétien.
« Il est temps d'expliquer pourquoi j'ai tenu
à conserver par la gravure l'aspect général de
ces raccords présentement en reconstruction.
C'est que j'y vois toute une page d'histoire que
les architectes sont en train de déchirer, sous
prétexte de la remplacer par le texte primitif et
de sacrifier au fameux principe d'unité, principe
excellent, dont les applications peuvent fort bien
être absurdes. Or n'est-ce pas le cas ?
Sous le spécieux prétexte d'unifier le style de
la nef, on sape triforium à sections prismatiques
et fenêtres à meneaux flamboyants, pour les
rétablir en leurs formes anciennes, très belles,
c'est entendu. Mais pour ce faire, on est contraint
d'adopter coûte que coûte l'alignement plus mo-
derne, dévié au point de soudure à cause de la
grande saillie des piles intérieures des tours. En
sorte que l'on crée de fort jolies choses, plus
jolies assurément que celles que l'on prétend
reconstituer, mais... en dehors de l'alignement
normal. Quand le temps aura déposé sa patine
sur les pierres aujourd'hui si bien lustrées, quel-
que « connaisseur » mettra naïvement cette
déviation d'axe, ce gauchissement du mur sur le
compte de l'impéritie des bâtisseurs gothiques ;
à moins qu'un Mérimée ou un Huysmans de ce
temps-là n'y découvre la symbolique torsion du
martyr à qui l'église est dédiée.
Il paraît que le côté Nord est voué au même
traitement. Naturellement, la voûte, rajeunie il y
a quelques années, intéressante pour les construc-
teurs en ce que les deux moitiés transversales
appartiennent à deux époques, devra disparaître
par amour de l'unité. Et que d'autres morceaux
y passeront encore !... Les tours elles-mêmes en
bonne logique, devraient sauter.
J'oserai dire en terminant, — le dire avec
d'autant plus de fermeté que cette protestation,
platonique restera sans aucun effet, MM. les
architectes s'étant de longue date entièrement
affranchis de l'influence du clergé, du contrôle
des archéologues et de tous ceux qui pouvaient
mettre un frein à leurs systèmes et à leurs fantai-
sies — : Voilà des améliorations que rien ne
justifie, concession coûteuse à la vieille manie de
régularité, qui fait mentir le monument, et fausse
l'histoire. Quand Didron, en 1854, s'écriait :
« Personne, sous prétexte d'amélioration, ne peut
porter la main sur un ancien porte-à-faux de la
cathédrale de Reims, sur une moulure grossière
de la cathédrale de Paris, sur une baie sauvage
de la cathédrale de Chartres ; le porte-à-faux, la
moulure, la baie appartiennent à l'architecte du
treizième siècle et nous n'avons pas le droit d'y
toucher », beaucoup ne virent là qu'un paradoxe
de plus.
Les artistes sérieux se rangèrent à l'avis du
fougueux publiciste : « Il est fort périlleux, dit
Viollet-le-Duc, d'entrer dans la voie des modifi-
cations, lorsqu'on restaure un monument. Une
restauration n'est pas une création, c'est un
souvenir qu'on perpétue. En restaurant l'extérieur
de la Sainte-Chapelle du Palais à Paris, M.
Lassus a conservé religieusement le portail du
XVe siècle. Les exemples de ce genre abondent
et les autorités aussi.
Parlant des cathédrales de Senlis et de Meaux,
au Congrès archéologique de 1876, M. Anth.
Saint-Paul disait qu' « il n'y a pas beaucoup
d'édifices où l'histoire de l'art puisse être étudiée
avec plus de fruit que dans ces deux églises ».
Il ignorait alors les nombreux remaniements qui
menacent de faire de notre cathédrale un
enchevêtrement d'énigmes. »
L. C LOQUET.
*&*&*& *& *& *& & -J& ^^&*&*& «& *& *&. ::&. :^, ^ *& *& *& *#, ^ :^ *£
$
9EK
^®^g!
Bibliographie* ^^^^^)^^^
le maître publie aujourd'hui, est, à lui seul, une
de ces œuvres dans lesquelles il semble qu'une
vie de travail tout entière vienne se résumer. De
fait, ce sont les notes de toute une existence de
labeur qui se fondent dans ces pages magistrales,
d'une critique si sûre qu'il devient superflu de
dire qu'elle est impeccable, où les textes et les
documents se commentent mutuellement, et dans
lesquelles, quoi qu'en dise M. M., ce qui n'est pas
parfaitement élucidé, court risque de demeurer
toujours obscur.
M. M. prend Léonard à son enfance, l'accom-
pagne dans ses essais, le suit dans l'atelier de
LEONARD DE VINCI, L'ARTISTE, LE PEN-
SEUR, LE SAVANT, par Eue. Muntz. — Paris,
Hachette, 1899, in-40 avec 44 planch. et 200 gr.
!$SÉwmKhI!!E monument que M. Eug. Miintz
•■••
-..■
-.'
!(* élève à la glorification de l'art italien
qu'il connaît si bien, devait néces-
1^ sairement comprendre une longue
à^BpSpîpirJâ 6tude sur la personnification la plus
éclatante du génie qui préside à la Renaissance.
Mais malgré ce que les volumes précédents de-
vaient nous faire attendre, nos espérances sont
de bien loin dépassées. Le Léonard de Vinci que
L Adoration des Mages.
Verocchio, le compare à ses condisciples, au Pe-
rugin, à Lorenzo de Credi, à Atalante ; puis, exa-
minant ses larges pages, la Méduse, la Tentation
d'Adam et d'Eve, Y 'Annonciation, X 'Adoration des
Mages, Saint Jérôme, il étudie jusqu'à son départ
pour Milan cette invraisemblable fécondité, une
des plus extraordinaires qu'il nous soit donné
d'approfondir. Nous ne tardons pas à le retrouver
à la cour des Sforza, changeant son pinceau
contre le ciseau, exécutant l'ouvrage qui l'occupe
pendant dix-sept années, la statue équestre du
duc François Sforza, père de Ludovic le More.
Peu nombreux sont les dessins pour la Cène,
que nous possédons, mais cependant, tout le
REVUE DE l'aici I HNÉT1KN
l8çg. — 2,lle LIVRAISON
156
JRcliuc lie l'&vt chrétien.
prouve, l'enfantement en a été laborieux. Rien,
d'ailleurs, dans l'œuvre de l'artiste ne prend corps
qu'après un travail considérable : les croquis, les
ébauches qui demeurent, montrent la conscience
apportée par Léonard aux plus petits détails,
les portraits, comme les caricatures mêmes, étu-
diées d'après nature. La Belle Ferronnière qui ne
serait autre que la favorite de Ludovic le More,
Lucrezia Crivelli, et Monna Lisa Gioconda dont
les poètes, les romanciers, les historiens, les esthé-
ticiens ont célébré les splendeurs, en échafaudant
sur le caractère de l'original, les hypothèses les
plus ingénieuses, ne sont pas, entre tant d'autres,
pour contredire M. Miintz.
Saint Jérôme.
Mais Léonard ne se contente pas de produire,
il veut enseigner, et fonde l'Académie qui porte
son nom : Academia Leonardi Vinci; et l'on s'ac-
corde à considérer ses manuscrits comme l'en-
seignement qu'il y donna. Beaucoup sont perdus,
et cependant il en reste plus de cinq mille pages,
couvertes d'une écriture, au premier abord indé-
chiffrable, tracée de droite à gauche à la façon
des Orientaux, et qu'il semble avoir adoptée dès
1473 pour empêcher qu'on lui dérobât ses secrets.
Peut-être était-ce là réellement son désir; ce-
pendant, quand on songe qu'il suffit de mettre
une glace devant le texte pour le lire couram-
ment, ne faudrait-il pas, sans aller chercher bien
loin, y voir une simple habitude de graveur?
Esquisse de la statue équestre de François Siorza.
L'artiste ne s'arrête pas seulement aux choses
de l'art : il est ingénieur et s'applique aux pro-
blèmes les plus ardus, comme le vol des oiseaux ;
La belle Ferronnière.
il est poète, il étudie les sciences occultes et l'an-
tiquité si étroitement unies qu'elles ne sauraient
être séparées, et c'est dans Vincent de Beauvais,
Bibliographie,
157
puis dans les livres arabes, attribués à Avi-
cenne, alors que c'est le Livre IV des Météores
d'Aristote, qu'il trouve certainement la théorie,
d'abord attribuée à Bernard Palissy, puis dont
actuellement on lui attribue la paternité, de la
libration des continents, de la formation des mon-
tagnes, de l'origine des fossiles qu'on y rencontre,
théorie que Cuvier saura faire définitivement
accepter, après que depuis vingt-et-un siècles, elle
dormait dans les écrits du philosophe de Stagire.
Fragment de la Cène.
Est-ce en résumé enlever quelque chose à Léo-
nard ? N'est-ce pas un grand honneur, pour cet
esprit supérieur, que d'avoir accepté une vérité
que nul ne voulait admettre 3
Mais nous arrivons à la vieillesse. Son protec-
teur, Ludovic le More, tombe. Isabelle de Man-
toue, épouse de Jean François de Gonzague,
poursuit pendant des années l'idée fixe d'obtenir
Esquisse et spécimen d'écriture de Léonard de Vinci.
de Léonard un tableau pour son cabinet de tra-
vail : l'artiste la paye en promesses, il finira même,
dit M. M., par remporter le prix de lenteur, et la
marquise, découragée, dut faire le sacrifice de ses
espérances.
Vers l'année 1502, il met la dernière main à
un de ses chefs-d'œuvre, la Sainte Anne, dont
François Ier fera l'acquisition vers octobre 1516.
Puis voilà que l'artiste part pour Florence, puis
pour Rome, puis pour la France. Comme le fait
i58
&cbuc tic rart cljvcticn.
très bien remarquer M. M., enfant naturel, céli-
bataire, sans famille, le maître illustre détaché de
toute affection féminine, changeait sans regret
de foyer, suivait tour à tour César Borgia, le
maréchal d'Amboise, Julien de Medicis, Fran-
çois Ier : il se décide, déjà sexagénaire, à tenter
la fortune de ce côté des Monts. C'est à Amboise
qu'il vient finir ses jours ; c'est là qu'il dicte son
testament, qu'on crut si longtemps perdu, emporté
qu'il fut.lors d'une crue de la Loire.dans le tonneau
où étaient empilées les archives du notaire Boreau,
testament dont une copie, heureusement décou-
verte par M. Scribe, professeur de dessin à Ro-
morantin, nous apprend avec quel soin minu-
tieux l'artiste avait réglé jusque dans ses détails
les cérémonies de ses obsèques, qui eurent lieu,
comme il l'avait voulu, dans l'église du chapitre
de Saint-Florentin, où il fut inhumé le 12 août
1519.
Voilà bien rapidement résumé ce que M. M.
met au point. L'ouvrage se termine par un cata-
logue de l'œuvre peint, sculpté, dessiné et gravé
par Léonard de Vinci, résumant dans trente-
huit pages de petit texte, en les classant par
pays, les productions de l'un des plus puissants
esprits de la Renaissance.
Avais-je donc tort d'écrire au commencement
que tout semblait dit maintenant sur Léonard de
Vinci ?
F. de MÉLY.
LE R. P. Grisar a publié dans la Civiltà
cattolica les articles suivants qui intéressent
à un haut point l'archéologie romaine.
I. Délia statua di bronzo di S. Pietro ap. ne II a
basilica vaticana.
De la statue de saint Pierre, apôtre, dans la
basilique vaticane.
II. Délia catena Romana di S. Pietro ap. e del-
Fantichita délia basilica Eudossiaua.
De la chaîne de saint Pierre, apôtre, à Rome
et de l'antiquité de la basilique Eudoxienne.
III. Gli antichi abiti sacri e profani, special-
mente sul musaico lateranense di S. Venanzio.
Les anciens ornements sacrés et profanes, par-
ticulièrement sur la mosaïque de S. Venance au
Latéran.
IV. // musaico dell 'oratorio lateranense di S.
Venanzio e gli scavi di Salona.
La mosaïque de l'oratoire de St- Venance au
Latéran et les fouilles de Salona.
I.
Dans la première de ces études, le savant auteur
fait ressortir avec beaucoup de raison que peu
d'antiquités religieuses de Rome ont été l'objet
d'autant de controverses et d'opinions divergen-
tes que la statue en bronze de saint Pierre vénérée
dans la basilique consacrée à cet apôtre.
Il rappelle notamment les articles parus dans
les Annales archéologiques où Didron voit
dans cette statue une œuvre du XIIIe siècle, et
Grimouard de St-Laurent, au contraire, la fait
remonter au règne de S. Léon le Grand.
La plus ancienne mention historique de la
célèbre statue est celle de Maffeo Vegio (1406-
1457). A cette époque elle se trouvait, peut-être
depuis longtemps déjà, dans l'oratoire de St-AIar-
tin, derrière l'abside de la basilique vaticane.
L'examen technique auquel l'auteur s'est livré
avec d'autres experts a établi que la statue est
fondue d'une pièce et n'a subi que de légères
détériorations ; le métal et la fonte sont de qua-
lités médiocres.
Personne ne saurait assigner à cette œuvre
d'un art qui dénote plutôt une période décadente,
une époque plus probable que celle du déclin de
l'art antique romain. Vers le Ve siècle, les artistes
chrétiens dans la conscience de leur faiblesse, ont
adopté les éléments et le caractère d'un art pré-
existant, auquel ils ne pouvaient atteindre.
Parmi les points sur lesquels le R. P. Grisar
appuyé son opinion, il fait ressortir dans la statue
de l'Apôtre l'absence de tonsure comme une
preuve de son antiquité.
La plupart des lecteurs accepteront certaine-
ment les conclusions de cette étude ; mais dans
son admiration pour cette imposante effigie
l'auteur va trop loin lorsqu'il assure que ni le
XIIe, ni le XIIIe siècle, n'ont su égaler dans leur
relief et la brisure des plis, les draperies de la
statue de S. Pierre. Je ne saurais, comme œuvre
d'ait, placer aussi haut la statue vénérée. Plu-
sieurs des figures sculptées des cathédrales
françaises, celles des statues au dôme de Naum-
bourg, celles des effigies au tombeau de Henri
le Lion et de sa femme à Brunswick, enfin les
statues des vierges sages et des vierges folles
aux portails de Strasbourg, offrent des draperies
d'un art plus vivant, plus souple et plus sûr de
lui-même.
[I.
Dans sa dissertation sur les chaînes romai-
nes de S. Pierre aux liens, l'auteur poursuit au
moyen de textes et d'inscriptions l'histoire de
cette célèbre relique, jusque vers le IVe siècle. Il
fait à cette occasion une visite à la basilique
Eudoxienne dont il recherche avec la science
archéologique et l'esprit de critique qu'on lui
connaît, les éléments primitifs et la disposition
ancienne. Les belles colonnes monolithes en
marbre proviennent sans aucun doute d'une
Btbltograplne.
r59
grandiose construction romaine qui a complète-
ment disparu.
III et IV.
Ces deux études sont consacrées à la mosaï-
que de l'oratoire de Saint-Venance, au Latéran.
On connaît l'importance archéologiquede cette
mosaïque qui se trouve encore en assez bon état,
bien qu'elle ait été exécutée sous le pape Jean IV
(640-642) et son successeur Théodore. Le R. P.
Grisar s'attache à bien établir l'identité des saints
qui y sont représentés, et sur lesquels les fouilles
récemment pratiquées à Salona, ville de la Dal-
matie autrichienne, ont apporté un jour nouveau.
Ce sont, en effet.les figures des martyrs de Salona
qui, à côté de la Sainte Vierge, des apôtres
Pierre, Paul et Jean, de S. Jean-Baptiste, et des
deux papes donateurs de la mosaïque, y sont
représentés. Le second article inspiré par cette
même œuvre d'art du septième siècle, examine
les figures qui représentent les divers grades de
la hiérarchie ecclésiastique, sous le rapport du
costume liturgique des différents dignitaires de
l'Église.
Il est hors de doute que les ornements et les
vêtements sacerdotaux ont pris une forme tra-
ditionnelle et liturgique par un développement
fort lent, mais indubitable de la forme des vête-
ments profanes. Dans le principe il n'y avait pas
de différence entre prêtres et laïcs, mais le clergé
a conservé pour le culte, les vêtements qui, en de-
hors de lui, subissaient les transformations de la
mode. Les figures de la mosaïque latérane per-
mettent d'étudier quelques-uns des vêtements
sacerdotaux en usage dans leclergéau VI Ie siècle:
la tunique, la planeta où chasuble, la dalmatique,
le pallium.
On comprend l'intérêt qui s'attache à ces sortes
de recherches lorsqu'elles sont entreprises avec
toute l'érudition du R. P. Grisar.
J. H.
DAS VATER UNSER IM GEISTE DER AEL-
TESTEN KIRCHENVAETER IN BILD UND
WORT.DARGESTELLT VON LUDWIG GLOET-
ZLE, HISTORIENMALER IN MUNCHEN UND
Dr. ALOIS KNÔPFEER, PROFESSOR DER
KIRGHENGESCHIGHTE AN DER UNIVER-
SITAET IN MUNCHEN. — Freiburg im Breis-
gau, Herder'sche Verlagshandlung.
Le Pater noster, selon l'esprit des plus anciens
Pères de l'Eglise, en images et en paroles, par
Ludwig Glôtzle, peintre d'histoire à Munich et le
D. Aloïs Knôpfter, professeur d'histoire de l'É-
glise à l' Université de Munich: neuf héliogravures
et 41 pp. de texte, pet. in-f°. Herder, Fribourg
en Brisgau.
Voici une publication très soignée, d'aspect
élégant et qui me semble une apparition peu
ordinaire dans le monde de la librairie. Elle est
ornée de gravures reproduisant des compositions
de style où les grandes figures de l'histoire sainte
se mêlent aux personnages revêtus du costume
moderne ; en prenant le volume en main, on croit
avoir affaire à un album destiné à orner la table du
salon pour y être feuilleté pendant quelques
instants et occuper au besoin les loisirs du visiteur
qui attend le maître du logis. Mais pour peu que
l'on commence la lecture du texte, on ne tarde
pas à y trouver un recueil des plus graves médi-
tations, sur chacune des demandes de la prière
par excellence, l'oraison dominicale.
Pour faire comprendre le livre, il importe d'en
citer la dernière page. Au lieu de préface, l'au-
teur, dans cet appendice, fait connaître l'origine
de la publication ; je vais en traduire quelques
lignes qui, plus qu'une longue dissertation, don-
nent les renseignements nécessaires sur l'histo-
rique et la portée de l'ouvrage.
« Depuis des années, dit M. Knôpfler, je me
suis attaché dans mes heures de loisir, à recher-
cher dans les^plus anciens écrits des Pères et des
auteurs de l'Eglise, des explications sur le Pater
noster. En les lisant j'ai pris soin de noter les
passages les plus intéressants relatifs à chacune
des demandes de cette prière. Insensiblement, je
parvins ainsi à former un recueil considérable de
maximes et de pensées graves et profondes.
Comme elles me semblaient d'une valeur inesti-
mable pour l'intelligence complète de la prière
la plus importante et la plus féconde de l'Eglise
du Christ, — ces pensées émanant des témoins les
plus anciens de la foi catholique, — le désir de les
rendre accessibles à un grand nombre s'empara
de mon esprit. Je ne pus me dissimuler cepen-
dant qu'une semblable publication avait besoin
d'un complément, et que des images représen-
tant chacune des demandes de l'Oraison domini-
cale formeraient un appoint éminemment dési-
rable, non seulement pour ménager un accueil
favorable à ce choix de pensées, mais parce qu'il
apporterait pour ainsi dire une lumière nouvelle
à l'entière compréhension de la prière. Je ne tar-
dai pas à trouver en M. Louis Glôtzle un artiste
dispose à prêter son crayon à l'expression de
cette conception. Mais, en cherchant a réaliser ce
projet, nous avons reconnu toute la difficulté de
trouver des compositions qui pussent interpréter
dans le langage imagé de l'art le thème abstrait
de la prière. C'est ainsi, qu'après maint essai ont
été produits les dessins qui ornent ce volume.
Ils ne doivent pas être considérés comme les
inspirations d'un moment, mais au contraire
comme le produit d'une étude approfondie et de
nombreuses consultations.
i6o
Hebue lie rstrt chrétien.
« L'objet que nous avions en vue était la créa-
tion d'une sorte de livre de famille, où les vieux
comme les jeunes pussent trouver un guide aimé
conduisant à une intelligence plus complète, à
une récitation plus fervente de l'oraison que le
Seigneur lui-même nous a enseignée. »
L'auteur rappelle que, dans le choix des tex-
tes, il s'est attaché exclusivement aux auteurs
sacrés antérieurs à l'année 450. Parmi ceux-ci il
cite le plus fréquemment Origène d'Alexandrie,
Cyrille, évêque de Jérusalem, S. Grégoire, S. Au-
gustin, Tertullien, Cyprien, etc.
On comprend aisément qu'en puisant à des
sources aussi pures, en s'étayant d'autorités aussi
graves, les commentaires à l'Oraison dominicale
aient pris une sûreté austère et forment un en-
seignement de l'ordre le plus élevé. La maison
Herder en les publiant, accompagnés des com-
positions d'un artiste habile, a soin de les offrir
au public sous un aspect particulièrement gra-
cieux.
Je n'oserais affirmer que le peintre ait toujours,
quant à la clarté de ses conceptions, triomphé
de toutes les difficultés signalées par l'auteur du
texte, mais il y a toujours plaisir à voir un talent
réel mis au service d'une bonne pensée. M.Glotzle
en faisant intervenir dans ses compositions des
personnages revêtus des costumes que nous
avons tous les jours sous les yeux, à côté de
figures idéales ou de héros historiques, a donné à
son œuvre une portée morale plus grande, un
enseignement plus populaire. lia réussi à le fai-
re, en sauvant, avec beaucoup de tact, ce qu'il
pouvait y avoir d'osé et de disparate dans cette
tentative.
J- H.
PETITES MÉDITATIONS SUR LES VERTUS
CHRÉTIENNES, dédiées aux enfants de la pre-
mière communion et de la persévérance, par
Mme de Waresquiel. Paris, 1898, in-16 de 86 pages,
avec planches.
Je n'ai point à insister sur le côté pieux;
qu'il me suffise de le recommander aux pen-
sionnats religieux, qui goûteront certainement cet
opuscule. Mon rôle est tout autre ici. J'ai à
montrer que c'est la première fois peut-être que
l'archéologie est appelée à illustrer un livre de
pure dévotion. Les neuf planches, d'un dessin
ferme et délicat, témoignent d'un goût parti-
culier, qui a cherché ses modèles en Italie,
de préférence à Rome et a Florence. Je ne sau-
rais trop féliciter l'auteur, qui appartient abonne
école, car s'il m'est permis d'être indiscret en
révélant son nom, je dirai, pour ma justification,
que M'"e la comtesse de Waresquiel est appa-
rentée à ces grands archéologues chrétiens,
MAI. Rohault de Fleury, qui ont produit les
ouvrages les plus curieux et les plus utiles à con-
sulter sur l'art primitif et médiéval, au point de
vue de la tradition.
X. B. de M.
LA VIERGE MIRACULEUSE DE CELLES-
SUR-BELLE, ( Deux Sèvres), par Alfr. Largeault.
Melie, Lacuve, 1898, in-8' de 9 pages.
Cette Vierge, qui opérait des miracles, appa-
rut pour la première fois en 1095 au milieu delà
lumière et motiva la construction de l'abbaye. On
la vénérait dans un caveau situé derrière
l'abside. Elle a été détruite par les protestants.
X. B. DE .M.
ON TWO UNUSUAL FORMS OF LINEN
VESTMENTS, par Wickham Legg. Londres, 1898,
in 4 , avec pi.
Cette très curieuse brochure, amplement illus-
trée, appelle l'attention des érudits sur deux
vêtements de lin, l'un usitéjadis et l'autre encore
conservé. Le surplis, en forme de chasuble
antique relevée sur les bras, a disparu ; mais
Milan a conservé, pour l'offrande, le fanon, vaste
écharpe qui recouvre les bras et les mains.
X. B. DE M.
THE BLESSING OF THE EPISCOPAL ORN A-
MENT CALLED THE PALL, par J. WlCKHAM
Legg. York, 189S, in-Sc>de24 pages.
Cette brochure, très érudite comme tout ce
qu'écrit l'auteur.reproduit le rit et la formule de
prière pour la bénédiction des palliums, tels
qu'ils ont été usités à diverses époques. Qu'il me
soit permis d'ajouter deux observations à ce tra-
vail si complet et intéressant : dans la dernière
édition de mon Année liturgique à Rome, j'ai
traité cette question au point de vue contempo-
rain, et Mgr Wilpert a publié dans VArte, 1898,
pp. 89-120, un article très documenté et corro-
boré de vignettes sur les transformations du
pallium sous ce titre: Un capitolo di storia del
vestiario.
X. B. de M.
LES ÉGLISES PAROISSIALES DE PARIS.
MONOGRAPHIES ILLUSTRÉES. N' 5. LA
SAINTE -CHAPELLE. Texte par M. l'abbé A.
Bouillet. Photographie et gravure par G Peut. Paris,
Rondelet, in-8" d'une feuille, avec 22 vignettes.
Prix : 1 fr.
Cette publication est excellente sous tous rap-
ports et destinée, en conséquence, à devenir
promptement populaire. Elle servira de guide
pour visiter les monuments, sous la direction
Btbltograplne.
161
d'un archéologue distingué qui décrit en un
style fort agréable et n'oublie aucun détail ; les
vignettes très nombreuses fixeront les souvenirs.
L'éditeur me permettra de lui signaler quel-
ques améliorations qu'il ne récusera pas, j'en suis
persuadé.
Le titre devrait être ainsi modifié : Les églises
et chapelles. Pourquoi limiter aux seules églises
paroissiales, quand nombre de chapelles ont leur
importance? Dès la 5e livraison, il faut faire ex-
ception, puisque la Sainte-Chapelle n'est pas
paroisse: on pourrait l'appeler de son vrai nom,
ancienne collégiale. Est-ce que le Sacré-Cœur de
Montmartre n'y figurera pas à bon droit, quoi-
que ce ne soit pas non plus une paroisse? Elar-
gissez le cercle trop restreint de ces monographies,
qui doivent comprendre aussi, par exemple, les
Carmes, la Sorbonne, etc.
Les vignettes manquent d'indication, ce qui
force à lire le texte pour savoir au juste ce qu'el-
les représentent. Un mot, s. v. p., pour préciser
le sujet et la date. L'époque est nécessaire, puis-
que toutes les parties de la Sainte-Chapelle ne
remontent pas au XIIIe siècle ; il en est du XVe.
Le lecteur qui n'est pas archéologue apprendra
ainsi, sans effort, à reconnaître les styles.
L'œuvre capitale, après l'architecture, est la
décoration par la statuaire et les vitraux. On
voit, trop en petit, les apôtres tenant les croix
de consécration, que Courajod attribuait au
XIVe siècle. Il était essentiel d'en donner deux
de grande dimension.
Les vitraux n'apparaissent que confusément.
J'en réclame au moins deux panneaux, laissant
reconnaître le style et le sujet.
Enfin, faute d'autel, la Sainte-Chapelle, comme
le dit très bien l'auteur, est devenue <L un corps
sans âme». Cette âme, on pouvait la retrouver
dans une des miniatures du Pontifical de Juvé-
nal des Ursins, qui n'eût pas été déplacée ici.
X.B. de AI.
L'ART CHRETIEN DANS LA VALLEE
D'AOSTE. CONFÉRENCE PRONONCÉE A
TURIN A L'EXPOSITION D'ARTE SACRA, LE
4 OCTOBRE 1898, par l'abbé F. G. Frutaz. Aoste,
imprimerie catholique. in-8°, de 32 pag.
Ce discours, écrit avec une éloquence persua-
sive, trace, d'une manière rapide mais suffisante,
l'histoire de l'art religieux dans lediocèse d'Aoste,
du premier siècle à nos jours. Il insiste sur deux
points: l'influence française, au moyen âge, pour
l'architecture et, pour la peinture au contraire,
sur celle qu'établissait forcément le voisinage
de l'Italie. Dans cette vaste synthèse il y a des
aperçus nouveaux et utiles: je citerai entre autres
l'opinion sur la date exacte de la mosaïque de la
cathédrale, publiée en France comme étant de
l'époque romane et dont l'auteur dit : « La mo-
saïque remonte à l'an 1429. Elle est l'œuvre d'un
artiste valdotain, Etienne Mossettaz, qualifié du
titre de magister imaginum » (p. 15). Ce sera à
vérifier et discuter. Mais ce qui est incontestable,
c'est que les crucifix habillés ne sont pas tous
« antérieurs au XIe siècle », puisqu'il y en avait
un du XIIIe, en émail champlevé, à la dernière
exposition rétrospective de Tours et qu'il en
existe un de la Renaissance en Anjou.
J'insiste sur cette particularité des clochers en
forme de tiare, parce qu'on y a songé pour le
Sacré-Cœur de Montmartre : << Les clochers de
Courmayeur et de Valgrisanche, au lieu d'une
flèche, sont surmontés d'une espèce de tiare. C'est
là un souvenir des dissensions qui travaillèrent
l'Église à la fin du XIVe et au commencement
du XVe siècle. La vallée d'Aoste, comme tous
les Etats de Savoie, avait adhéré au parti de
Robert de Genève, de Pierre de Lune et, plus
tard, à celui de Félix V » (p. 9).
X. B. DE M.
ÉTUDE SUR LE RELIQUAIRE A ROUES DU
TRÉSOR DE LA COLLÉGIALE DE S. AIGNAN
D'ORLÉANS, par Léon DuMUYS.Orléans, Herluison,
1898, in-8°, de 58 pag., avec 4 phototypies.
Cette intéressante dissertation, écrite avec
autant d'érudition que de conscience, a pour but
de faire connaître un reliquaire du premier quart
du XI 11° siècle, que je n'hésite pas à dire unique
en son genre. L'auteur m'a fait la gracieuseté,
avec l'autorisation de Mgr l'Évêque d'Orléans,
de me l'apporter à Poitiers, afin d'avoir mon
opinion motivée sur sa date, son style et son
iconographie. J'ai donc pu l'examiner à loisir, et
rien ne pouvait m'être plus agréable.
Je souscris volontiers aux conclusions posées,
mais il est une attribution que je ne puis accep-
ter. Le troisième personnage serait un ange,
quoiqu'il n'ait ni ailes ni nimbe et que ses pieds
soient chaussés, fait absolument insolite dans
l'iconographie française. Or sa quadruple carac-
téristique consiste dans une couronne, des che-
veux longs tombant sur les épaules, une figure
âgée et féminine, le geste indicateur, tous attri-
buts qui ne peuvent convenir qu'à l'impératrice
Ste Hélène, qui entreprit des fouilles sur le Cal-
vaire. Or précisément le reliquaire dut contenir
une relique de la passion ou du Saint-Sépulcre.
Cette brochure substantielle revient de droit à
tous ceux qui s'occupent d'ecclésiologie : je me
plais à constater qu'elle fait faire un pas notable
à cette science.
X.B. DE .M.
IÔ2
3ketntc ïie V&vt cljrcttcn.
HYMNODIA HIBERICA, par le R. P. Dreves,
S. J. Leipzig, Reisland, in-8°, de 290 pag.
Ce volume forme le 1 6e fascicule des Analecta
hymnica. Il est exclusivement consacré aux
hymnes recueillies en Espagne, au nombre de
500 et continue la série locale, qui comprend déjà
l'Allemagne, la Bohème, Moïssac, Limoges et
Naples. Quand l'ouvrage sera achevé, une table
générale deviendra indispensable pour relier
entre eux tous ces documents divers.
Nos saints français sont ici largement repré-
sentés. Voici S. Eugène (p. 114), S. Gilles
(p. 66), S. Honorât (p. 153), S. Lazare (p. 198),
S. Léonard (p. 202), S. Louis de Toulouse (p. 207),
Ste Marthe (p. 225). S. Maur(p. 226), S. Vincent
Ferrier (p. 275), S. Yves (p. 188).
Ces hymnes méritent d'être étudiées à plu-
sieurs points de vue que je vais signaler.
Le rôle de S. Gabriel est ainsi déterminé par
le bréviaire de Zamora au XVe siècle ; il est l'ange
spécial de Daniel, de Zacharie, de la Vierge, de
S. Joseph, de l'annonce aux bergers (p. 141) :
« Tu Danieli mystica
Arcana pandis plurima
Futura quue sint posteris,
Hebdomadis haec computans.
« Tu Zachariaî nuntias
Hune nasciturum filium
Magnum Johannem, Lucifer
Oui Christi foret prœvius.
« Ad Virginem tu missus es,
Dicturus alta mystica,
Gnatum Dei qua; gigneret
Mansura semper intégra.
« Joseph volenti linquere
Sanctam suamqueconjugem
Apparuisti, proterens
Plenam fuisse Flamine.
« Pastoribus tu gaudium
Annuntias quam maximum :
Est natus mfans Bethlehem,
Salvator inquis omnium ».
La protection des saints est affirmée en des
circonstances spéciales. Ste Eurosie est invoquée
contre la sécheresse (p. 124), S. Grégoire contre
les sauterelles (p. 143), Ste Hélène pour les
choses perdues (p. 144).
€ De S/a Eurosia :
Ut pluvialis laticis
Procuret stillicidium
Sircis terras latibulis,
Cœlorum pulset intimum ►.
« De S. Gregorio Ostiemi :
Patris jussis obtemperans,
Venisti in Hispaniam,
Prospéra mundi refutans
Ob pestem locustariam.
« Tua prece sanctissima
Cuncta fugas incommoda,
Per quam Ula nequissima
Fugit pestis per omnia ».
« De Sla Helena :
Hac sanitates tiibuit
Deus pie petentibus,
Res perditas restituit
Hac plene confîdentibus » (').
L'iconographie de S. Eustache, par exemple,
est clairement spécifiée dans ces strophes qui le
montrent privé de sa femme qui lui est enlevée
et de ses enfants qui sont emportés par un loup
et un lion, comme on le voit sur un vitrail de la
cathédrale d'Angers (XV siècle), puis supplicié
avec eux dans un bœuf d'airain rougi au feu.
« Navigio dum vehitur,
Uxor pro naulo rapitur
« Lupus hune privât rîlio,
Léo fugit cum alio
« Uxor a tactu sordido,
Proies a morsu rabido
Christi servatur munere
i Post hase pro Christi Domine
Consummato certamine,
Bovem intrantes asneum
Regnum scandunt aîthereum •>.
X. B. de M.
CULTE DE S. GRAT, par le chan. Duc, 5e fasc.
Aoste, 1896, in-S°.
Ce fascicule traite trois sujets : 1' « église »,
la « prébende canoniale », les « chapelles dédiées
à S. Grat dans la cité d'Aoste » et 1' « icono-
graphie du saint ».
L'église a été profanée en 1781, par autorisa-
tion du chapitre, qui a permis au syndic d'y re-
miser deux pompes a incendie, comme s'il n'y
avait pas place ailleurs dans la ville ; cet acte
de civisme est aussi regrettable que blâmable.
La prébende, de l'ordre des diacres, fut fondée
au XIIIe siècle, puis unie à la mense épiscopale.
La stalle qui lui correspond porte la statue de
S. Grat. Or ces stalles sont datées de 1429 et
signées de ces deux noms, où l'on veut voir ceux
des sculpteurs, ce qui paraît difficile avec le quali-
ficatif dominus, quand il faudrait magister: D. Io.
Vion. de Samnen. — D. Johes de Clietso,
En 1683, le baron de Roncas donna à la cha-
pelle qu'il avait fondée à la cathédrale : « Un
ornement, consistant en deux chappes, deux
tuniques, une chasuble, devant d'autel, de velours
cisellé, de couleur d'aurore, à fond et dentelles
d'argent ». Le chanoine Duc ne s'explique pas
sur cette couleur, anormale en liturgie : était-elle,
pour l'Italie, propre à Aoste, quand servait-elle,
I. Une strophe (p. 145) nous apprend que le corps de Ste Hélène
était à l'abbaye de Hautvillers, archidiocése de Reims :
« In Belgica provincia
Inque Remensi termino
AUuin Yillare gratia
Helenam fert ei gaudio ».
Btbltograplne.
163
tenait-elle lieu du rose (') ? La réponse à ces
questions a son intérêt.
L'iconographie procède par une succession
de descriptions afférentes à toutes les représen-
tations connues, mais elle a le tort de ne pas ré-
sumer les attributs, qui, pour le P. Cahier, mal
renseigné, se réduisent à deux -.puits, où S. Grat
trouva la tête de S. Jean-Baptiste, et raisins,
parce qu'il est protecteur de la vigne. Il y en a
bien davantage comme on va voir :
Chanoines, auxquels il désigne S. Joconde com-
me son successeur.
Chef de S.Jean-Baptiste, qu'il apporta de Jéru-
salem à Rome et dont il garda la mâchoire infé-
rieure.
Diable, qu'il expulse des nuées dévastatrices.
Enfants, qu'il ressuscite.
Puits, dans lequel il précipite la foudre.
Tempêtes, qu'il conjure.
Parmi les reliques de la cathédrale, il en est
deux qui se réfèrent à S. François d'Assise et
dont voici les étiquettes « gothiques » : Hic est
de poste super q/tetu fuit latus B. Francise. De
habitu et de sacco ejusdem. « La couleur de cette
pièce est plutôt violette, mais le temps a pu
altérer la couleur primitive. » Il y aurait une
étude curieuse a faire sur la couleur, la forme et
le tissu des vêtements de S. François, sujet
que j'ai inutilement recommandé aux auteurs de
sa vie illustrée, où il y a tant de superfluités et où
manquent tant de choses essentielles : non omnes
capiunt istud (2).
X. B. DE M.
MONASTICON BELGE, par D.UrsmerBERLlERE.
Maredsous, 1897, in-40, 2e livr. du t. I.
Cette seconde partie du Ier volume de l'impor-
tant ouvrage, publié par un bénédictin de Ma-
redsous, contient le supplément à la province
de Namur et la province de Hainaut. Les Ordres
monastiques dont on a ici l'histoire, bourrée de
faits et de dates, sont de S. Benoît, de Cîteaux,
de Prémontré, des Chanoines-réguliers de
S. Augustin, et des Chartreux.
L'auteur dont j'admire les patientes et fruc-
tueuses recherches, me permettra-t-il de lui pré-
senter une observation pour l'amélioration de
son ouvrage? Évidemment, il a écrit en vue des
historiens, mais n'y aurait-il pas place aussi, sans
allonger beaucoup, pour les archéologues, qui
réclameraient les armoiries, les sceaux et les
épitaphes des dignitaires ecclésiastiques, abbés
1. La rubrique du iMissale Pictaviense, en 1767, porte : « Si
ornamenta alia habemur fulvi coloris, qui vulgo dicitur àanrore, ea
pro colore albo et rubeo cequaliter adhiberi possunt » (p. V).
2. X. B. de M., Œuvr. compl., IX, 322-325.
et prieurs ? Par ce côté spécial, il rendrait service
à la science, sans augmenter notablement sa be-
sogne.
X. B. DE M.
CLAUSTROS ROMANIGOS ESPANOLES, par
D. Enrique Serrano Fatigati. Madrid, 1898, in-8°,
53 pp., 26 figures dans le texte et 2 phototypies.
EN présentant aux lecteurs de la Revue
l'étude du savant professeur de l'Institut
du cardinal Cisneros, nous regrettons une fois de
plus que la langue espagnole soit trop ignorée
dans les divers pays de l'Europe. Conséquence
nécessaire: les travaux qui sont publiés dans la
péninsule sont peu étudiés; bien souvent même,
c'est à peine si on connaît leur existence et la date
de leur apparition. C'est vraiment dommage.
L'étude de D. Enrique Serrano Fatigati, par
exemple, serait très instructive pour ceux qu'in-
téressent la construction et l'ornementation des
cloîtres espagnols, car c'est le seul travail d'en-
semble qui leur soit consacré.
La première partie traite des caractères et de
l'état des principaux cloîtres espagnols. Ce sont,
pour la Catalogne: ceux de Ripoll, de Villaber-
tran, de Girone, de San Cucuphat del Vallès, de
Tarragone, de San Benito de Bages, de Poblet,
de San Pablo del Campo ; — pour 1 Aragon : ceux
de San Juan de las Abadesas et de San Pedro
el Viego; — pour la Castille: ceux de Silos, de
las Huelgas, de San Pedro de Soria ; — pour la
Navarre : ceux d'Iranza et de la Oliva; — pour
la Galice : celui de Santa Maria de Sar.
Dans la seconde partie, l'auteur recherche s'il
existe des relations entre les cloîtres espagnols
et les cloîtres étrangers. La troisième partie traite
de l'ornementation des cloîtres : la quatrième,
du cloître de Silos; la cinquième, du cloître de
Tarragone.
On voit facilement, en lisant ce petit ouvrage,
que D. E. Serrano Fatigati s'est livré à un exa-
men détaillé, à de multiples comparaisons, à
des recherches prolongées. Le travail, en somme,
est fait avec une grande compétence. Nous
exprimerons cependant quelques desiderata :
i° A propos de la façon dont les galeries sont
couvertes, il eût été intéressant, croyons-nous, de
mentionner les divers cloîtres romans qui sont
voûtés (nous en connaissons plusieurs en Cata-
logne), d'examiner brièvement le système des
voûtes, de le comparer avec celui qui a été em-
ployé pour certains monuments du Midi de la
France. La question est des plus importantes dans
les constructions des cloîtres. — 2° En traitant
des arcades (p. 5 ), celles de San Pablo del Campo
(Barcelone) méritaient d'être signalées d'une
façon particulière. La forme très spéciale de
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. 2me LIVRAISON.
164
3Ret>ue tje VflLtt chrétien»
ces arcs, les uns trilobés, les autres quintilobés,
n'existe en effet dans aucun autre cloître roman.
— 3° Les figures sont dessinées d'une façon trop
sommaire. Un travail aussi excellent que celui de
D. E. Serrano Fatigati méritait assurément une
illustration plus soignée.
Dom E. Roulin.
SENTIMIENTO DE LA NATURALEZA EN
LOS RELTEVESMEDIOEVALES ESPANOLES,
par le même. Madrid, 1898, gr. in-8°, 27 pp., trois
planches hors texte et 13 figures dans le texte.
L'auteur étudie, dans cette brochure, les plan-
tes, les monstres, les luttes d'animaux, puis enfin
les apologues et les travaux de l'homme, tout
cela d'après les reliefs du moyen âge conservés
en Espagne. Cette étude est également intéres-
sante et faite avec le même soin que l'ouvrage
précédent. Mais, ici encore, nous regrettons que
les nombreuses figures soient trop défectueuses.
E. R.
HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE, par Au-
guste Choisy. — 2 vol. grand in-8° de 644 et 800 pp.
avec 866 fig 40 f. (1899). Paris, Gauthier — Villars,
éditeur, quai des Grands Augustins, 55.
LE dictionnaire raisonné d'architecture de
Viollet-le-Duc,qui a été toute une révélation
de l'art fiançais, en offrait une merveilleuse ana-
lyse, qui fit vivement désirer la synthèse. Les
hommes d'étude ont, depuis 25 ans, appelé de
leurs vœux un traité didactique de l'histoire de
l'architecture. Or cette tâche vient d'être remplie
en maître par M. Choisy, et il l'a étendue à l'uni-
versalité des temps et des lieux. Il nous donne
à la fois l'analyse et la synthèse des différentes
architectures du monde ; il le fait dans un style
technique, sans pédantisme, en une langue claire
et élégante, avec des vues larges, avec une
précision algébrique et en s'aidant de dessins
très remarquables en perspective cavalière. Per-
sonne n'a jamais tiré aussi beau parti de la figu-
ration schématique, et rien n'est plus frappant,
mais aussi plus instructif que les originales et
curieuses vignettes (gravées par M. Sulpis), qui,
semées dans tout l'ouvrage, lui donnent sa belle
unité et trahissent partout la main de l'habile
auteur.
Ce livre, qui est le développement d'un cours
professé à l'Ecole des ponts et chaussées, réalise
à peu près le plan proposé jadis par M. Haïr
Ferrée par l'étude de r Architecture comparative.
C'est une histoire de l'architecture où il n'y a
pas un seul monument historique décrit ; on n'y
trouve que les formules des procédés, et la des-
cription des types et de leurs formes rationnelles.
Dans la pensée de l'auteur, une histoire de l'ar-
chitecture doit être avant tout une étude des
principes mêmes de l'art envisagés dans la sé-
rie de leurs manifestations.
Cette génération des procédés et des formes,
l'auteur la suit depuis les âges préhistoriques jus-
qu'à l'époque contemporaine. S'interdisant les
documents de seconde main, il s'est attaché à
n'admettre comme garant des théories qu'il déve-
loppe, que des faits appuyés sur ses observations
personnelles ou contrôlées par la photographie.
Nous comptons revenir sur cet intéressant
ouvrage.
L. C.
LE MUSÉE NATIONAL D'AMSTERDAM.
Album in-folio. Texte de M.Victor De Striers. Plan-
ches de M. P. T. Cuypers. Amsterdam, Arnad, 1898.
Ce monument typographique a été consacré
à célébrer un monument d'art architectural,
et l'un est digne de l'autre. L'éditeur est au
niveau du constructeur, et la plume de M. V. De
Striers est bien stylée pour commenter les pro-
duits remarquables de l'habile crayon de De Cuy-
pers, le célèbre architecte dont les architectes de
l'Europe fêtaient naguère le jubilé de cinquante
ans de profession.
Le Musée national d'Amsterdam, fondé^ en
1875, est un des principaux édifices que l'Etat
hollandais ait fondés dans ce siècle, c'est le chef-
d'œuvre d'un artiste dont la carrière fut féconde
entre toutes, et il peut être cité comme un des
plus beaux musées de l'Europe, avec cet avan-
tage, qu'il est un musée collectif de tous les
arts: peinture, sculpture, moulages, art indus-
triel, etc., et cet édifice qui abrite les produits
des divers arts réunis, est précisément un des
premiers monuments modernes où ont été appli-
qués les principes féconds, et méconnus depuis
la Renaissance, de l'union entière de l'architec-
ture et des arts décoratifs soumis l'une et les
autres à des règles rationnelles. Ce fut en effet
l'honneur de Maître Cuypers, d'avoir, par son
exemple, réhabilité l'architecture traditionnelle
et logique.
Cette manière, nouvelle pour notre époque, l'a
obligé à concevoir et à fixer personnellement les
plusmenusdétailsdesonceuvre.qui se trouve com-
plètement pénétrée de l'empreinte de son talent.
Aussi, quand on parcourt la magnifique monogra-
phie qu'il nous en a donnée, on est étonné de la
puissance de production de son crayon, de la ma-
nière consciencieuse et précise dont il a détaillé
sonœuvre;et rien n'est plusédiliantpour les archi-
tectes de l'avenir, que ce travail fouillé, détaillé,
Bibliographe.
165
savoureux, énorme par son étendue et supérieure-
ment soutenu dans son importante unité.
Le premier, pensons-nous, M. Cuypers a écrit
dans son musée, en caractères bâtis, l'histoire de
l'architecture, et a donné l'architecture comparée
comme cadre aux collections artistiques ancien-
nes.Rien n'estplusheureuxquecette successionde
salles érigées dans différents styles, avec leurs
voûtes, leurs plafonds, leurs portes, leurs lambris
et cheminées, leur vitrage et leur polychromie
adaptés à chaque époque et formant un ensemble
complet de chaque style. Comme les salles sont
disposées dans l'ordre chronologique, on passe
sans heurt d'une période à l'autre et l'on a sous
les yeux des réalités dont il serait impossible de
donner aux visiteurs une idée par d'autres modes
de groupement. Nous espérons que M. Bordiau,
qui est appelé à organiser les nouveaux musées
du Cinquantenaire de Bruxelles, et que nous
croyons disposé à entrer dans la même voie,
saura tirer un parti nouveau de cet heureux
précédent.
L. C.
LE VIEIL ANVERS. Album de luxe sur papier
à la main. — Bruxelles, Lyon-Claesens, 1898. —
Prix : 150 frs.
Les grandes expositions ont été souvent
accompagnées, et ce fut leur principale « attrac-
tion », de restitutions architectoniques figurant
quelque coin de vieille cité. Aucune n'a égalé en
intérêt et en valeur artistique celle du Vieil
Anvers en 1894; elle a été admirée et son souve-
nir restera impérissable. Peu de villes possédaient
les éléments d'une plus riche évocation du passé
que cette métropole qui, il y a trois siècles, mon-
trait à côté de ses pittoresques pans de bois de
somptueuses demeures respirant à la fois la
richesse et l'amour de l'art ; et qui, par le faste des
costume et par des fêtes publiques splendides,
proclamait sa prospérité et manifestait la puis-
sance des communes flamandes.
Il s'est trouvé des artistes capables de faire
revivre à nos yeux ces merveilles qu'avec mélan-
colie nous revoyions bien vagues à travers les
récits de l'histoire. La presse européenne a été
unanime à rendre hommage à la parfaite correc-
tion et au charme attirant de l'œuvre du Vieil
Anvers, due à l'initiative et surtout au talent
de M. F. Van Kuyck et de ses collaborateurs.
Dans ces murs moyenâgeux l'on perdait tout
à coup la notion de l'époque actuelle et de notre
milieu si prosaïque. On marchait enchanté de
surprise en surprise, dans ces rues pittoresques
et vivantes, où le style des maisons et le costume
des habitants vous faisait oublier le XIXe siècle.
Ces pignons à gradins ou aux rampants con-
tournés, ces balcons fleuris et ces bretèques sail-
lantes, ces pans de bois aux poutres sculptées,
ces tourelles, ces poternes défendues par des gen-
darmes, ces enseignes parlantes, ces intérieurs
prestigieux avec leurs plafonds de bois, leur
devise, leur mobilier gothique, leurs ustensiles
antiques, leur vaisselle artistique, leurs nappes
brodées et leurs vitraux de couleur, tout était
d'une vérité à confondre les antiquaires et à
ravir le public.
Combien étaient intéressants, fidèlement
reproduits et replacés dans leur cadre primitif.ces
édifices chers à nos souvenirs, tels que la Bourse,
la Chapelle, l'Hôtel de Ville, l'Hospice, le Jardin
joyeux, la maison du Margrave. Quel enseigne-
ment intuitif de l'architecture ancienne, de notre
bel art national, que ces monuments et ces
maisons dont on avait reproduit les principaux
types historiques avec une consciencieuse fidé-
lité. Le grand public a plus appris à connaître
l'architecture flamande en cette saison de festi-
vités joyeuses, que durant des années passées sur
les bancs des écoles.
Un pareil effort serait mal récompensé, s'il
n'avait dû en résulter que la délectation passagère
des visiteurs ; un souvenir durable en est heureu-
sement conservé par la riche et artistique mono-
graphie qu'a éditée la Maison Lyon-Claesens.
C'est une œuvre typographique digne des presses
plantiniennes; le texte rappelle les chefs-d'œuvre
xylographiques des grands imprimeurs anversois,
avec ses vignettes au simple trait enluminées à
la main. Les édifices du Vieil Anvers revivent
dans des eaux fortes de facture inégale, mais
dont quelques-unes sont des chefs-d'œuvre : telles
les vues de la façade et de deux salles intérieu-
res de la maison des Lchevins et du «Jardin
joyeux ». (Signées G. Garen.)
Les jolis pignons de la Cour de Londres, des
. I nues de Matines et des Trois Rois offrent des
types parfaits (et singulièrement instructifs) de
l'architecture privée flamande en bois, en briques
et en pierre. Au-dessus de tout faut-il louer,
comme composition artistique, les délicieuses
reproductions des cortèges historiques qui, sous
l'inspiration de M. Van Kuyck, ont donné tant
d'attrait au Vieil Anvers. La joyeuse-entrée de
Charles-Quint, le tournois et le char de l'Annon-
ciation de la Vierge, sont des dessins d'un style
exquis, rehaussant par le cachet artistique du
rendu des conceptions que l'on peut qualifier de
chefs-d'œuvre, en fait de compositions proces-
sionnelles.— Quelques phototypies reproduisent
sur le vif des groupes vivants de la population
costumée du Vieil Anvers. Deux portraits indi-
viduels de figurants, présentés à trop grande
échelle, donneront seuls prise à la critique qui
tiendrait à chercher noise. L. C.
i66
&etnte lie F&rt chrétien.
L'ÉMERAUDE DE BAJAZET II ET LA
MÉDAILLE DU CHRIST D'INNOCENT VIII,
par F. de Mélv.
La récente découverte par M. Boyer d'Agen
d'une monnaie juive à effigie du Christ (*) a
remis à l'ordre du jour les empreintes de l'espèce.
Nous avons fait connaître, il y a neuf ans (2),
d'après la Revue allemande;^' l'Art chrétien, les
rapprochements curieux établis par le Dr Bode,
entre une tête de Christ du Musée de Berlin,
attribuée a Van Eyck, et celle que porte l'avers
d'une médaille italienne plus récente, reprodui-
sant une émeraude envoyée par le grand Turc,
le sultan Bajazet II, au pape Innocent VI 1 1,
afin de l'intéresser à la captivité de son frère
Zizim. Notre collaborateur, Mgr X. Barbier de
Montault, a signalé depuis une série de repro-
ductions de ce type, autrefois très répandu.
A ces figurations du Sauveur se rattachent des
problèmes complexes , à la solution desquels
M. de Mély vient de faire faire un pas.
Il existe deux exemplaires de l'intéressante
médaille, l'un au British Muséum, l'autre au
Musée de Berlin. Or, chose importante, M. de
Mély a découvert que la médaille de Berlin
porte tous les caractères d'un moulage fait sur
une pierre, plutôt que d'un produit du burin dans
le métal. Ce précieux relief serait donc l'em-
preinte même de l'entaille envoyée par Bajazet 1 1
à Innocent VIII. L. C.
DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, publie par
l'abbé F. Vigouroux. — Paris, Letouzey, 1898.
La belle œuvre d'érudition de M. F. Vigou-
roux se poursuit régulièrement, nous ne pour-
rions dire lentement, quoique les fascicules se
suivent a notables intervalles depuis l'année 1 891;
car, étant donnée l'immense quantité de docu-
ments condensés dans ces pages substantielles,
il faut une puissante activité pour marcher avec
cette vitesse relative. Le fascicule XIV nous
mène jusqu'au mot Esther. Puisse le ciel accor-
der au vaillant auteur de cette savante entreprise
de lire en titre courant de la présente édition les
lettres X, Y et Z !
Les archéologues qui nous lisent trouveront
dans cette livraison des données intéressantes au
sujet des épées antiques, de la ville d'Èphèse,
ses ruines, son théâtre, son prytanée et son gym-
nase, et des mines de l'église Saint-Jean, à propos
du tombeau d'Esdras. Au mot Esther, sont
donnes les plans de l'acropole de Suse et l'ande-
ron du palais royal à Téhéran.
Les mots escabeau, escalier, espérance offrent
quelqu'intérêt au point de vue constructif et ico-
nographique. L. C.
1. Notre correspondant de Rome nous promet une communication
sur ce
2. Revue de t Art cttriïitn, année 1890. p. 70.
LE MARTYRE DE SAINT SÉBASTIEN, ta-
bleau de Memling au Musée de Bruxelles, par M.
J. NÈvE.
M. J. Nève, qui vient de quitter la direction des
Beaux-Arts au ministère de M. De Bruyn, était
bien l'érudit que réclamaient ces fonctions distin-
guées. Nous avons fait connaître naguère ses
opinions, aussi nettes que judicieuses selon nous,
quant aux principes à suivre dans les restaura-
tions artistiques et monumentales. La nouvelle
étude qu'il vient de publier dans le Bulletin de
la commission royale d'art et d'archéologie a trait
à la critique artistique et apporte des arguments
nouveaux à l'appui de l'attribution à Memling
d'un tableau dont jusqu'ici l'on avait fait honneur
à Thierry Bouts. L. C.
LA RENAISSANCE DES ÉTUDES LITUR-
GIQUES, par le chan. Ulysse Chevallier, 2e mé-
moire^ Extrait de l' Université Catholique, Lyon, 1S98.)
ACTES ANCIENS ET DOCUMENTS CONCER-
NANT LE BIENHEUREUX URBAIN V, PAPE,
recueillis par le chan. Ch. Albanès et publiés par le
chan. Ulysse Chevallier. (I. — Gr. in-8°, 483 pp.
Paris, Picard, 1897.)
CARTULAIRE DE SAINT-BERNARD DE
ROM A Y, nouv. édit. augmentée, classée par ordre
chron. par le chan. Ulysse Chevallier 1898.
GALLIA CHRISTIANA NOVISSIMA, histoire
des archevêchés, évêchés et abbayes de France, par
le chan. Ulysse Chevallier. — Gr. in-40, 933 pp.
Valence, imprimerie Valencinoise, 1899.
C'est un monument d'histoire, que ce recueil,
édité avec un certain luxe et des soins minutieux,
de notes relatives aux divers établissements
monastiques et ecclésiastiques de France par un
de nos plus savants historiens d'après des
documents de première main et de parfaite
authenticité. Ces documents sont ceux que re-
cueillit feu le chanoine S. H. Albanès dans les
archives du Vatican, et que M. le chanoine U.
Chevallier, membre de l'Institut, a complétés et
annotés avec son érudition vaste et sûre. Cette
importante publication a vu le jour sous les
auspices de Mgr Robert, évêque de Marseille.
Elle est illustrée de 44 sceaux et de 8 fac-similé.
LA CATHÉDRALE DU PU Y. — In- 1 2, 84 pages
illustre, Le Puy, Prades, 1897.
Le porche du Puy, qu'on a appelé : un hymne
bâti éi la gloire de la Vierge d'Auis, est l'un des
plus pittoresques que l'on puisse voir, et rien
n'égale la beauté du panorama que l'on découvre
de son parvis, encadre de ses arches puissantes.
Btbltograplne.
167
La façade, élevée au XIe siècle, fut amplifiée
aux XIIe et XIIIe, rehaussée d'une polychromie
naturelle résultant de l'emploi en imbrication de
deux couleurs de pierres. A droite et à gauche
s'ouvrent deux petites chapelles qui indiquent
que c'était là l'atrium des anciens jours ; leurs
portes sont couvertes d'une sculpture méplate
des plus curieuses, jadis polychrome. Ce sont des
pages historiées racontant la Naissance, la Passion
et la Résurrection du Sauveur. La voûte et les
murs de l'escalier furent couverts de fresques.
Quelques marches mènent à la porte dort'e. Là
s'élevait entre les deux colonnes de porphyre
rouge oriental une huisserie couverte de bronze
ciselé ; là commence l'église du XIIe siècle.
C'est la 132e marche du long escalier qui donne
accès à la basilique, laquelle a trois nefs sans
déambulatoire autour du chœur et qui se termine
en abside carrée. On compte huit travées dans
toute la longueur du vaisseau. Chacune est cou-
verte d'une coupole posée sur des arcs transver-
saux. L'intérieur est décoré de fresques. L'en-
semble dessine une croix latine ; la croisée est cou-
verte d'un dôme octogonal. Dans la dernière travée
on remarque plus d'ornementation : la coupole est
supportée par d'élégantes colonnes accouplées.
Les deux transepts ont chacun une tribune ; celle
du Nord communique à une petite chapelle bâtie
au-dessus de la porte Saint-Jean, voisine de
l'église St-Jean des Fons. Par celle du Midi on a
accès à une jolie chapelle gothique élevée au-
dessus du porche. Sous les tribunes s'ouvrent
deux chapelles géminées et demi circulaires.
Le clocher est adossé à l'ancienne forteresse.
Les arcades ont des chapiteaux ouvragés ; les
arcades et les murs offrent, comme la façade de
l'église, un revêtement de mosaïques formé de
carreaux rouges, jaunes et noirs.
Le clocher «angélique» commencé au XIe siè-
cle, ne fut terminé qu'au XIVe. D'allure originale,
il est formé d'une superposition d'étages ayant
pour liaison dans le sens vertical quatre sortes
de lucarnes à gables aigus. N'aurait-il pas été
dédié à S. Michel, comme tant d'autres, en sou-
venir de l'apparition de l'archange au mont Gar-
gano ? Le beffroi, riche naguère de 12 cloches,
n'en a plus que trois.
La porte dite <l du Fort » a pour fronton le
couronnement de la cippe funéraire de l'évèque
Seutaire, constructeur de l'église primitive. Le
porche lui-même est un produit des plus capri-
cieux de roman byzantin fleuri de XII' siècle.
L'église a été restaurée à partir de 1840.
L'auteur anonyme de l'excellent petit guide
dont nous venons de résumer la partie descriptive
(laissant décote la notice historique) ajoute pour
conclure : « comme à Saint-Julien de Brioude,
la construction se sent de l'influence d'architectes
étrangers. Les colonnes engagées aux angles des
piliers des deux dernières travées sont de l'école
normande. Les coupoles rappellent le byzantin.
Les pilastres cannelés sont de l'école bourgui-
gnonne, les mosaïques bicolores sont un souvenir
de l'Auvergne, et le porche lui-même présente
des réminiscences des édifices mauresques. »
L. C.
UNE PLANCHE DE GRAVURES D'UN FON-
DEUR DE CLOCHES, par M. Germain, — Broch.
(Ext. du Bull, de la Soc. Philomatique Vosgienne),
Saint-Dié, 1899.
M.Robert, fondeur de Nancy, descendant d'une
famille vosgienne de fondeurs, possède, entre
autres reliques domestiques et techniques, plu-
sieurs de ces planches à sujets destinées à être
moulées en cire, pour être reproduites dans
l'airain des cloches. M. Germain étudie la plus
intéressante et se livre à cette occasion à une
instructive dissertation iconographique, inté-
ressant surtout la dévotion au St-Sacrement et
le symbolisme de l'Assomption.
L. C.
L'ANCIENNE CLOCHE DE MATTAIN-
COURT, 1723, par le même. — Broch. Nancy, 1898.
Respectons, dit M. Germain, admirons les
anciens clochers ; ce sont de précieux témoins
de l'histoire, des monuments vénérables et sacrés
de la foi de nos pères ; et il prêche d'exemple
dans cette petite monographie, qu'il ajoute à tant
d'autres, dues à sa plume érudite et vaillante.
L. C.
LES QUINZE JOIES DE NOTRE-DAME,
par le même. — Broch. Nancy, 1898.
Mgr Barbier de Montault touchait naguère à
ce sujet à propos d'une poésie publiée par le
R. P. Drèves (T). Les quinze joies de Notre-Dame
eurent grande vogue au XVe siècle ; il ne faut
pas les confondre avec les cinq joies et les sept
joies, qui ont beaucoup occupé le moyen âge.
M. Germain étudie les quinze joies dans deux
anciens livres d'heures.
L. C.
1. Revue de l'Art chrétien, 1898, p. 75.
i68
Betnic De P&rt chrétien.
mm ©cvtoluques, \
NOTES D'ART
NOTRE savant collaborateur, le R. P. Dora
E. Roulin, a publié, dans les Notes d'art et
d'archéologie une intéressante étude sur un
objet appartenant au monastère bénédictin de
Silos, qu'il intitule Tête antique et Colombe
eucharistique. Si bizarre que paraisse ce titre, se
rapportant à un même objet, il est cependant
justifié de tout point. Cette pièce du trésor de
l'abbaye est formée du singulier assemblage :
une colombe eucharistique, soudée, par une de
ces fantaisies bien difficiles à expliquer qui peu-
vent passer par un cerveau déséquilibré, à la tête
en bronze d'une statue antique. La colombe est
en effet, comme le rapporte l'auteur, une colombe
eucharistique en argent gravé, qui peut remonter
au XIVe siècle, objet fort connu, quoique les
exemplaires conservés soient assez rares, dans le-
quel on suspendait autrefois au-dessous de l'au-
tel, la réserve eucharistique ; M. Eugène Rupin,
dans son bel ouvrage sur l'œuvre de Limoges, en
donne une série d'exemples et en explique très
clairement le mode de suspension et l'usage dans
les églises au moyen âge (i). Nul doute, que la
colombe de Silos n'ait la même origine. A une
époque que le R. P. Roulin n'a pu déterminer,
les religieux ont jugé à propos d'en faire un
reliquaire, en y introduisant un fragment de la
mâchoire de S. Christophe et du sang de sainte
Catherine. C'est probablement à la même époque
que, pour donner un aspect plus majestueux au
reliquaire, on l'a soudé sur une tête de femme
en bronze. Le texte le plus ancien qui fasse
mention de cet objet qui, paraît-il, se compliquait
autrefois d'une couronne, se trouve dans un
inventaire de l'année 1440. Pour ajouter encore
à l'intérêt du reliquaire ainsi formé, la légende
prétend qu'il aurait été fabriqué conformément
à la volonté de S. Dominique de Silos, abbé de
1041 à 1073. Dom Roulin n'a pas de peine,
grâce aux données archéologiques, à mettre un
peu d'ordre dans ces légendes, et un peu de
lumière dans l'obscurité qui entoure cet étrange
assemblage du profane et du sacré.
M. Rupin donne l'énumération des colombes
eucharistiques au nombre de 12, qui existent
encore; celle du monastère de Silos serait donc à
ajouter à ce catalogue.
J. H.
1. Œuvre de Limoges, pp. 225-234.
- :-Oi- — KDK—
BOLETIN DELA SOCIEDAD ESPANOLA DE
EXCURSIONES. 6e année, gr. in-8°, 208 pp., 21 pi.
hors texte et nombreuses figures dans le texte, 12 frs.
E
NCORE une publication espagnole que
bien peu de lecteurs français ont l'avan-
tage de connaître, nous avons du moins tout
lieu de le supposer ! Mais, d'abord, rassurons les
vrais travailleurs. Le Boletin n'est pas consacré
à de superficiels récits de voyages. Il est l'organe
d'une société d'archéologues, de vrais amateurs,
de gens sérieux et studieux qui organisent de
fréquentes excursions dans toutes les parties de la
péninsule, pour voir, étudier et faire connaître des
monuments de tous genres, principalement ceux
qui sont les plus ignorés. Cette revue paraît tous
les mois à Madrid. Chaque numéro comprend
phototypies et figures dans le texte. Voici un
simple relevé des principaux articles parus pen-
dant la sixième année (mars 1898 à février 1899) :
Excursion au château de Batres, par le comte
de Velasco (p. 1-4.)
Animaux et monstres de pierre, par D. E. Ser-
rano Fatigati (pp. 5 a 14).
Préjugés populaires, par le même (pp. 17 à 22).
Épigraphie arabe. Inscription sépulcrale d'un
cippe récemment découvert à Tolède, par D.
Rodrigo Amador de los Rios (p. 22 et 23).
L'histoire de la province d'Andalousie de la
Compagnie de JÉSUS, du P. Martin de Roa, par
D. Rafaël Ramirez de Arellano (pp. 25 à 33, 50
à 54, 78 à 85, 107 à 118, 144 à 152, 174 a 178,
196 à 204).
Les tracés géométriques des monuments espa-
gnols du moyen âge, par D. Vicente Lamperez
y Romea (p. 39-39).
Une excursion à Illescas (province de Tolède),
par le comte de Polentinos (p. 41-50).
Les chapelles de l'évêque et de Saint-Isidore
(à Madrid), par D. Vicente Lamperez y Romea
(p. 57-62).
Souvenirs d'une excursion à Tolède. Les
palais de Galiana, par D. Rodrigo Amador de
los Rios (p. 62-67).
Notes pour l'histoire de l'architecture en Es-
pagne par D. Pedro A. Berenguer(p. 67-72, 164-
168).
Une excursion àDeva (province deGuipuzcoa),
par le comte de Polentinos (p. 73 76).
Voyage en Grèce, au Mont-Athos et à Con-
stantinople, par D. José Ramon Mélida (p. 89-
I05).
Épigraphie arabe, par D. Rodrigo Amador de
los Rios (105-107).
Le graveur Barcelon, par J. Cacerés Pla (p.
120-122).
BtMtograpUte.
169
Collection des peintures que réunit dans son
palais le marquis de Leganés, D. Diego Felipe
de Guzman, par D. Vicente Polers (p. 122-134).
Excursion à Arenas de San Pedro (province
d'Avila), par le comte de Cedillo (p. 137-144).
Une visite à l'église de Portugalete par D.
Rafaël Ramirez de Arellano (p. 153-158).
Souvenirs de Tolède. Palais de l'alguazil
majeur de Tolède, Suero Telles de Menejes, par
D. Rodrigo Amador de los Rios (p. 158- 163).
Don Rafaël Monje, par D. E. Garcia de
Quevedo y Concellon (pp. 169 à 173).
Figures en jais, de Compostelle.par José Villa-
Amil y Castro (p. 185-194).
Bronzes égyptiens du musée archéologique
national (de Madrid), par D. José Ramon Melida
(p. 194-196).
Dom E. RoULlN.
BULLETIN MONUMENTAL. MM. Jadart et
Demaison consignent dans le n° 3 (1898) du Bulletin
diverses inscriptions commémoratives d'églises de la
région rémoise ; il vaut la peine de les enregistrer ici :
Tannay (977), église métr. de Reims ( 1 2 1 1 ), église
Saint-Nicaise de Reims (1 231), Mouzon ( 1 23 1 ), Saint-
Léonard (1272), Chaudardes (1350), Auberive (1438),
Herpy(i44s), Monthermé (1452), Wez (1459), Me-
zières (1499), Prunay (1507), Ventelay (1509), Givry
(1521), Epoye (1532), Rethel (15 1 i),Thergny (1555),
Nauroy (1556), Asfeld (1604), Mouzon (1621).
D'autre part, M. N. Canat de Chizy s'occupe
des maîtres d'oeuvres en Bourgogne, sous les
Valois ( 1 363-1473.), et son étude doit être signa-
lée comme une des plus importantes parues
dans l'excellent Bulletin monumental. Elle éclaire
une des faces de l'histoire de l'architecture au
moyen âge.
BULLETIN D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE
ET D'ARCHÉOLOGIE RELIGIEUSE DES DIO-
CÈSES DE VALENCE, GAP, GRENOBLE ET
VIVEZ.
Les différentes livraisons de l'année écoulée
contiennent un respectable ensemble de docu-
ments d'histoire et d'archéologie locale.
Le R. P. dominicain Denifle ayant dépouillé
300 in-folio des archives vaticanes, pour sa
Gallia C/iristiana, en a tiré le tableau de la
désolation de l'Eglise de France à la fin de la
guerre de Cent ans ; M. le chan. Ulysse Cheval-
lier donne un résumé de ce travail. M. le chan.
Jules Chevalliera fait l'histoire de l'abbaye cister-
cienne de N.-D. de Valcroissant (dioc. de S.-Dié).
M. l'abbé J. Chabert fait l'histoire de la commune
deBeauregard pendant la Révolution, et M. l'abbé
Logier, celle de la baronnie de Bressieux.
LE SILLON.
Le Sillon est un sympathique et vaillant or-
gane fondé en 1894 par un groupe d'étudiants
catholiques, et voué à l'action intellectuelle
morale et sociale. Il vient d'ouvrir une enquête
sur la « Renaissance idéaliste ». A une série de
notabilités intellectuelles de tendances diverses
il a posé les trois questions suivantes :
I- — La Renaissance idéaliste... paraît-elle
devoir s'orienter d'une manière définitive vers
l'idéal chrétien ?
2. Aboutira-t-elle à la création d'une littéra-
ture et d'un art catholique?
3. Le public catholique est-il éducable au
point de vue littéraire et artistique?
Des réponses ont été données par MM. J. K.
Huysmans, Fr. Coppée, R.Bazin, H. Mazel, A. ,Mi-
thouard, G. Fonsagrive, R. de Gourmont, etc.
M. Huysmans répond au premier point : j'en
doute un peu; au second, j'en doute plus qu'un
peu; au troisième, j'en doute tout-à-fait.
M. Fr. Coppée pense qu'il n'y a pas de public
catholique et ne pense pas qu'une renaissance
de l'art religieux amènerait une renaissance de
la Foi.
M. R. Bazin croit de son côté qu'il n'y a pas
de littérature catholique.
M. H. Mazel aussi sépare la renaissance
idéaliste du catholicisme. Il constate que « l'in-
souci du beau est vraiment, hélas! catholique ».
L'Église n'a pas d'artistes. Tout cela peut
changer ; peut-être suffirait-il d'une orientation
nouvelle donnée aux séminaristes. Il n'y a,
d'ailleurs, pas d'esthétique catholique, mais la
Religion peut féconder l'Art.
Et voilà en quel marasme nous a conduits la
doctrine de l'art pour l'art !
L. C.
ù&k
m. • •
vl>V« %W»
170
Peinte De VSLxt chrétien.
«y. «as. «y »». •». •» '». i». «s «as «ib «is «is «y .y. *», .&, ,» .& «1s «y «us. «a «y fo
Xndev tnbliograpbtque.
«1
* _
$ «S»^»S»V«V«V«V«^Or«V«^*V*WV«¥*,*V*V«VAr«^«5y»5?f?
^rcbcoiogie et Beau* • £rfB(,).
.fiance.
* Albanès (Ch.) et Chevallier (le chan. Ul.).—
Actes anciens et documents concernant le bien-
heureux Urbain V, pape. — Gr. in-8° de 483 pp.
Paris, Picard.
Arbellot (L'abbe). — Vie de saint Éloi — In-8°,
Limoges, Ve Ducourtieux.
Saint-Martin. — In-40, avec
Bas (L'abbé H.),
fig. Tours, Dubois.
Bayle (G ). — Notes historiques sur l'église
de Saint-Pierre d'Avignon. — In-8°, et grav. Avi-
gnon, Seguin.
Beau repaire (C. de). — Mélanges historiques
et archéologiques concernant le département
de la Seine-Inférieure et plus spécialement la
ville de Rouen. — In-8", Rouen, Gy.
Benoît (A.). — L'abbaye de Haute-Seille, dans
le comté de Salm. — In-80, et pi., Saint-Dié, Humbert.
Berthele (J.). — Le grand orgue de la cathé-
drale de Montpellier, dans la seconde moitié du
XVIe siÈcLE,dans le Bulletin monumental, n° 4, 189S.
Bosredon (P. de). — Sigillographie de l'an-
cienne Auvergne (du XIIe au XVIe siècle). — Gr.
in-40, et album de 15 pi. Brive, Roche.
* Bouillet (L'abbé A.) et Petit (G). — Les
églises paroissiales de Paris. Monographies illus-
trées, n" 5, la Ste-Chapelle. — In-S" d'une feuille,
avec 22 vignettes. Paris, Rondelet. Prix: 1 fr.
Calmet(P.). — Pierre de Pleine Chassaigne,
son testament, Inventaire de ses meubles dans
les Annales de Saint-Louis-des-Français, avril 1897.
Cartulaire du chapitre de la cathédrale
d'Amiens. M émoires de la société des antiquaires
de Picardie. Documents inédits concernant la
province. — In-40, Paris, Picard et fils.
Cassan (L'abbé Léon). — Guide des pèlerins
et des touristes a Saint Guilhem-du-Désert. —
In-16 de 42 pp. Montpellier, Martel.
Chazal (F.). — Histoire de l'abbaye de Pont-
levoy, dans la Revue de Loir-et-Cher, mars 1898.
* Chevallier (Le chan. Ul). — La Renaissance
des études liturgiques, 2me mémoire. (Extrait de
V Université catholique, Lyon, 1898.)
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (") ont été, sont ou
seront l'objet d'un article l>iL>liographique dans la A'evus.
* Le même. — Cartulaire de Saint-Bernard
de Romay, nouvelle édition augmentée, classée par
ordre chronologique.
* Le même. — Gallia Christiana Novissima,
histoire des archevêchés, évêchés et abbayes de
France. — Gr. in-40 de 399 pp., Valence, imp. Valen-
cinoise.
* Choisy (Aug.). — Histoire de l'architecture.
— 2 vol. gr in-8° de 644 et 800 pp. avec 866 fig.
40 f. Paris, Gauthier-Villars.
Clermont-Ganneau (L.). — Les tombeaux de
David et des rois de juda et le tunnel aqueduc
de Siloé — In-8°, Paris, Imp. nationale.
Collou (L'abbé A.). — La chape de saint Martin
a Bussy, d'après l'abbé Fossin. Critique historique.
— In 18, Paris et Poitiers, Oudin.
Corroyer (Ed.). — Les origines de l'architec-
ture française du moyen âge. — In-40, 17 pp-> pi-
Paris, Firmin-Didot.
Delignières (E.). — Poultier (Jean-Baptiste),
sculpteur picard (1653-1719). — In-8°, et grav.
Paris, Pion et Nourrit.
* Duc (Le chan.). — Culte de St Grat, 5e fasc.
— In-8°. Aoste.
* Dumuys (L.). — Étude sur le reliquaire
A rouks du trésor de la collégiale de St-
Aignan d'Orléans. — In-8° de 58 pp. avec 4 pho-
totypies Orléans, Herluison.
* Farcy (L. de).
jusqu'à nos jours.-
Belhomme. Prix : fr.
— La Broderie du XIe siècle
- In-fol., 100 photoiypies, Angers,
100.
Flament (L'abbé R.). — La chapelle et les
BATIMENTS DU GRAND SÉMINAIRE DE MONTPELLIER.
— In-12 de 127 pp. Montpellier, Firmin et Montane.
Fontaine (P.). — L'art chrétien en Italie et
ses merveilles. 2e partie [Naples, Orvieto, Assise,
Pérouse, Florence, Sienne, Bologne, Padoue, Venise,
Milan] — In 8°, et grav. Lyon, Vitte.
Fossin (P.). — La Cappa ou Chape de saint
Martin de Bussy-Saint-Martin. — In 18, avec grav.
Ligugé, Imp. Saint-Martin.
Frussotte. — Un reliquaire de sainte Scolas-
tique a Juvigny-les Dames, dans la Revue bénédictine,
mars 1898.
Gautier (J.). — Les dangers du symbolisme
(illustr. artistiques en photogr. instantanées), dans le
Figaro illustré, février 1898.
Genty (L'abbé A.-E.). — Livry et son abbaye.
Recherches historiques. — In-8° et fig. Paris, Mouillot.
Bibliographe.
171
* Germain (M.). — Une planche de gravures
d'un fondeur de cloches, dans le Bull, de la Soc.
Philomatique Vosgienne, 1899.
* Le même. — L'ancienne cloche de Mattain-
court. — Broch., Nancy.
* Le même. — Les quinze joies de Notre-
Dame. — Broch., Nancy.
Gerspach. ■ — Une fresque de Domenico Ghir-
landaio, dans Le petit Temps, 9 février 1898.
Grandmaison (L. de). — Les auteurs du tom-
beau des Poncher (Musée du Louvre), Guillaume
Regnault et Guillaume Chaleveau. — In-8°, grav.
Paris, Pion, Nourrit et Cie.
GuifFrey. — Inventaire des meublas précieux
de l'hôtel de Guise et de l'hôtel de Soubise en
1644, 1688 et 1787, dans la Revue de l'art français
ancien et moderne, juillet, août, septembre, 1896.
Histoire du monastère de Notre Dame de
Prouille. — In 8°, Grenoble, Baratier et Dardelet.
Jaillot (J.L.). — Recherches sur l'abbaye de
Chéherv. — In-8°, Sedan, Jourdan.
La cathédrale du Puy. Histoire et archéolo-
gie. — In- 16 et grav. Le Puy, Prades-Freydier.
Lami (Stanislas). — Dictionnaire des sculp-
teurs de l'Ecole française du moyen âge au
règne de Louis XIV. Préface de G. Larroumet. —
In-8° de VIII 581 pp. Paris, H. Champion.
La Normandie monumentale et pittoresque,
(Orne). — In-fol. et pi. Le Havre, Lemale.
* Largeault (Alfr. ). — La Vierge miraculeuse
de Celles-sur-Belle (Deux-Sèvres). — In-8° de 9 pp.
Melle, Lacuve.
Ledru (E.). — Le prieuré de Saint-Thomas
d'Épernon (Etude historique.) — Grav., Chartres,
Métais.
L'Hotel-Dieu de Charlieu (1259-1897). — In-8°,
Charlieu, Alix jeune.
Maes (J.). — Le triptyque de Quentin Matsys,
dans la France illustrée, 16 avril 189S.
Marignan (A.). — L'Ecole de sculpture en
Provence du XIIe au XIIIe siècle, dans Le Moyen
âge, 1. XII, 1899, livraison de janvier et février,
pp. 1 à 64.
Maxe-Werly (L). — Jean Crocq, de Bar-le-
Duc, sculpteur imagier, et sa famille. — In 8°, et
pi. Bar-le-Duc, Constant-Laguerre.
Mazerolle (F.). — Les dessins de médailles
et de jetons attribués au sculpteur Edme Bouchar-
don. — In-8°, Paris, E. Pion, Nourrit et Cie.
Le même. — Documents sur les relieurs,
miniaturistes et calligraphesdes ordres royaux
de Saint-Michel et du Saint Esprit. — In-8°, et
grav., Paris, Techener.
* Mély (F. de). — L'émeraude de Bajazet II
et la médaille du Christ d'Innocent VIII, dans
la Gazette des Beaux-Arts, 1898.
Le même. — Les objets d'art aux Salons
de 1898 (Paris), dans le Gaulois-Salon, juin 1898.
* Muntz (Eug.). — Léonard de Vinci, l'artiste,
le penseur, le savant. — In-40 avec 44 planches et
200 grav. Paris, Hachette.
Puisaye (J. d'Anselme de). — Étude sur les
diverses publications du R. P. Delattre. — Grand
in-8°. Paris, E. Leroux.
Quatre chefs-d'œuvre d'architecture reli-
gieuse a Florence (fin), dans la lievue catholique des
revues, 20 février 1898.
Rohault de Fleury (G.). — Saint-Pierre.
— In-40 de 148 pp., 109 pi. et grav. Paris.
Rondot (N.). — Bernard Salomon, peintre et
TAILLEUR D'HISTOIRES A LYON, AU XVIe SIÈCLE. —
In-8°, Lyon, Mougin-Rusand.
Le même. — Les graveurs de monnaies a Lyon
du XIIIe au XVIIIe siècle. — In-8», Maçon, Protat.
Thévenin (L.). — L'art chrétien chez Luc
Olivier Merson. — In- 16, Paris, Vanier.
Thiollier (Noël). — L'art du moyen âge et de
la renaissance aux salons de 1896. — Saint-Denis,
H. Bouillant.
Le même. — Étude sur l'architecture reli-
gieuse a l'époque romane dans l'ancien diocèse
du Puy. — Chalon-sur-Saône, Marceau.
Le même.— Notice archéologique de l'église
de Rosières (Haute-Loire). Le Puy, Marchessou.
Le même. — Moyens de nettoyer et de con-
server LES OBJETS ANCIENS TROUVÉS EN TERRE. —
Montbrisson, C. Brassart.
Le même. — Note sur deux cuillers de
bronze des XVe et XVIe siècles trouvées en
forets. — Montbrisson, C. Brassart.
Le même. — Lettres de Charles VII, permet-
tant de fortifier Apinac. — Montbrisson, C. Brassart.
* Vigouroux (L'abbé F). - Dictionnaire de
la Bible (E.F.). — Paris, Letouzey.
Vital is (Alexandre). — Une exposition artis-
tique a l'hotel-de-ville de Lodève (22 23-24 oc-
tobre 1898), avec préface de J. Sahac. — In-8° de
8 3 PP- grav- dans le texte et hors texte. Lodève, Jullian.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
189Q. — 2me LIVRAISON.
172
Bebue lie P&rt chrétien.
Volynski. — Léonard de Vinci, sa vie et ses
TRAVAUX SCIENTIFIQUES ET PHILOSOPHIQUES, dans le
Messager du Nord, mars 1898.
♦Waresquiel (Mme de). — Petites Méditations
sur les vertus chrétiennes, dédiées aux enfants de
la première communion et de la persévérance. — In 16
de 86 pp. avec planches. Pans.
Wismes (Le baron G. de). — Les personnages
sculptés des monuments religieux et civils des
rues, places, promenades et cimetières de la
ville de Nantes. — In-8°, Vannes, Lafolye.
Allemagne.
Baumgarten. — ■ Addition a l'article de Saeg-
muller sur le trésor de Jean XXII, dans Histo-
risches Jahrbuch, Ier trimestre 1898.
Braun (J.). — Le vêtement liturgique aux
cinq premiers siècles, dans Stimmen ans Maria
Laach, 21 avril 1898.
Burckhardt (J.). — Erinnerungen an Rubens.
— In-8°, C. F. Lendorff, Basel.
Conrady (L). — Geschichte des Kôning-
reichs Jérusalem, par R. Roehricht, dans Litera-
rische Rundschau, mai 1898.
* Dreves (Le R. P.). — Hymnodia hiberica. —
In-8° de 290 pp. Leipzig, Reisland.
Firmenich-Richartz (E.). — Roger van der
Weyden, der Meister von Flemalle. Ein Beitrag
fur Geschichte der Vlaemischen Malerschule,
dans Zeitschrift fur Bildende Kutist, Ier octobre 1898.
— Gr. in-8°. I. Leipzig, Seemann und C°.
Fonck (L.). — La liturgie juive et l'art chré-
tien pRiMiTiF,dansZ<77«-/z?7////» katlwlische Théologie,
2e trimestre 1898.
* Glôtzle (Ludwig) et Knôpfler (Le dr Aloïs).
— Das Vater Unser im Geiste der aeltesten
Kirchenvaeter in Bild und Wort. — Petit in f°,
9 héliograv. et 41 pp. de texte. Herder, Freiburg im
Brisgau.
Goette (A.). — Holbeins Totentanz und seine
Vorbilder. — In-8°, avec 95 fig., 2 append. et 9 pi.
Strassburg, K.-J. Trùbner.
* Kaemmerer (L.). — Hubert und Jan van
Eyck. -- In-8", 118 pp., S8 gr. Leipzig, Velhagen
und Klasing.
Kelterborn (R.). — Hans Holbein. Sitten-und
Lebensbild aus der Reformations Zeit. — In-8°.
Zurich, T. Schroeter.
Meissner (Fr. Herm.). — Kunstler-Monogra-
PH1EN XXVI. Vkronese. — In-8°, 88 fig. Bielefeld,
Velhagen und Klasing.
Meyer (Le dr Alfr.Gh.). — Ober italiaenische
Fruhrenaissance. Bauten und Bildwerke der
Lombardei I. (Die Gothik desMailànder Dômes und
der Uebergangsstil.) — In-40, 10 pi. Berlin, W. Ernst
und Sohn.
anfjlctcrre.
Cust (L.). — Albrecht Durer. A study of his
life and work. — In-S°. Seeley.
Marquand (Allan.)and Frothingham (Arth.).
— A Text book. of the history of sculpture. ■ —
In-8°. New-York, Longmans, Green and C°.
* Wickham-Legg.
of linen vestments.
On two unusual forms
In-40 avec pi. Londres.
* Le même. — The blessing of the episcopal
ornement called the Pall. — In-8° de 24 pp.
York.
Jtalie.
Angelini (G.). — Libri di guide e viaggi per la
Terra Santa nel 500, dans la Rassegna Nationale,
1 mai 1898.
Antichissima imagine di Maria Ssma nel
cimiteri di Priscilla, dans Bessarione, août et sep-
tembre [896.
* Frutaz (L'abbé F.-G). — L'Art chrétien
dans la vallée d'aoste. conférence prononcée
a Turin a l'exposition d'Arte sacra, le 4 oc-
tobre 1S98. — In-8° de 32 pp. Aoste, Impr. cathol.
Locati (Lu.). — Brève compendio di storia
delle belle arti in Italia dalle origini FINO Al
giorni nostri I. (Pittura.) — In-8° et fig. Torino,
Tip. Salesiana.
Paoletti (Pietro). — L'architecture et la sculp-
ture de la Renaissance a Venise ; recherches
historico-artistiques. Première partie (période de
transition), traduit par M. Le Monnier. — In-16, Ve-
nise, Ongania.
Espagne.
Alcahali (Le baron de). — Diccionario biogra-
fico de artistas Valencianos. — In-40, Valencia,
Federico Domench.
L'Espagne artistique, archéologique et monu-
mentale : La cathédrale de Palma de Majorque.
— In-40, 44 PP-i 18 pi. hors texte (16 fr.). Barcelone,
Parera et Cie.
* Serrano Fatigati (I). Enrique). — Claustros
romanicos espanoles. — In-8° de 53 pp., 26 figures
dans le texte et 2 phototypies. Madrid.
* Le même. — Sentimiento de la naturaleza
EN LOS RELIEVES MEDIOEVALES ESPANOLES. Grand
in-8° de 27 pp., 3 pi. hors texte et 13 fig. dans le texte.
Madrid.
Btbltograptne.
!73
Amérique.
Anderson (W.-J.). — The architecture of the
Renaissance in Italy ; a général view. — In-8°.
New- York, Scribner's sons.
Conder (C.-R.). — The latin kingdom of Jé-
rusalem, 1099-1291. — In-8°, New-York, New Amster-
dam Book C°.
— ===== = ^ollanoe. =====
* De Striers (Victor). — Le Musée national
d'Amsterdam. — Planche de M. P.-J. Cuypers.
Amsterdam, Arnad.
======= IBclrjiquc. =====
* Berlière (D. Ursmer). — Monasticon belge,
Maredsous.— In-40, 2e livre du t. I.
Boulmont (G.). — L'abbaye d'Aulne ou origi-
nes, splendeurs, épreuves et ruines de la perle
monastique d'Entre-Sambre-et-Meuse. Deuxième
fascicule, contenant la description complète des ruines.
— In-8°, p. 49 à 136, pi. hors texte. Namur,V. Delvaux.
Beaucourt de Noortvelde (R. de). — Une
VISITE AU CHATEAU DE VVYNENDAEL, ANCIENNE RÉSI-
DENCE DES COMTES DE FLANDRE. — In-8°, 84 pp., grav.
Ostende, Albert Bouchery et Cie (f. 1.50).
Ferrant (L'abbé). — Esquisse historique sur le
CULTE ET LES RELIQUES DE SAINT BERTULPHE DE
Renty en l'église d'Harlebeke. — In-8°,22o pp., pi.
hors texte.Bruges, imprimerie L.De Plancke.Prix : 3 fr.
(Extrait des Annales de laSociété d'émulation pour l'étude
de l'histoire et des antiquités de la Flandre, 1898.)
Joseph (Le dr D.). — Bibliographie de l'his-
toire de l'art de la première Renaissance (tre-
cento et quattrocento) en Italie. — In-8°, Bruxelles,
Ferd. Larcier.
* Le Vieil Anvers. — Album de luxe sur papier
à la main. Bruxelles, Lyon-Claesens. Prix: 150 frs.
Marchai (E.). — Quelques considérations sur
l'histoire de la sculpture belge, dans le Bulletin
del 'Académie royale des sciences, des lettres et des
Beaux-Arts de Belgique, N° 4, 1898.
Monchamp (L'abbé). — Les reliques de sainte
Julienne de Cornillon, a l'abbaye de Villers.
Contribution a l'histoire de son culte. — Ptt. in-
8°, 31 p. Liège, L. Demarteau.
* Nève (J.). — Le martyre de saint Sébastien,
tableau de Memling au Musée de Bruxelles.
Tarideu (Ch.). — Sur l'art au XIXe siècle,
dans les Bulletins de V Académie royale de Belgique,
1898.
Van Even (E.). — Le contrat pour l'exé-
cution du triptyque de Thierry Bouts, de la
collégiale de Saint-Pierre, a Louvain, dans le
Bulletin de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et
des Beaux-Arts de Belgique. N° 4, 1898.
Wytsman (P.). — Intérieurs et mobiliers an-
ciens. Collection recueillie en Belgique. Deu-
xième et troisième livraisons. — In-40, p. 7 à 14. 20 pi.
en phototypie. Bruxelles, P. Wytsman. Prix : 20 fr.
frtt ^ :^^ -,s& aflfe -aSc *& *& *& ^ ^ *#. *fe ^ *& *#, :^ *& *& ^ ^ ^ $& ^ |g
3
^TI)rOIÎÎCJUC. SOMMAIRE: ÉCOLES SAINT-LUC. — ŒUVRES NOUVELLES:
coupole de la rue Jean Goujon ; vitraux. — ANCIENNES PEINTURES MURALES. -
PORTRAIT DU CHRIST. — RESTAURATIONS : cathédrale d'Alby, Saint- Wulfran d'Ab-
beville, Saint-Jacques de Dieppe, Notre-Dame du Sablon à Bruxelles, Sainte-Walburge
rï'Audenarde, Hôtel Gruthuuse à Bruges, Halles de Malines. — MUSIQUE RELIGIEUSE :
à Solesmes, à Maredsous. — NOUVELLES : Société de Saint-Jean, les clochers de Chartres,
Sorbonne, Chauvigny, etc. — DÉCOUVERTES : à Sancerre, à Vienne, à Châteauneuf, à Bruges
et à Liège.
iwwwwwwwwww^wwwwwwwwwww^
Gcolcs Satnt=Huc.
E 18 décembre dernier, a eu lieu la dis-
tribution des prix à l'Ecole de St-Luc
de Tournai. Le discours d'usage a été
prononcé par RI. le commandant de
Vignol, du 3e chasseurs à pied.
L'orateur, par une heureuse association d'idées,
a fait à grands traits l'histoire à la fois de l'art
chrétien et des anciennes gildes, d'essence plé-
béienne, d'origine Scandinave et germaine, proté-
gées par les monastères et par l'Église, foyers de
la prospérité des communes. Il montre combien
fut féconde autrefois l'union de l'art et du métier.
Dans ce mouvement séculaire, l'Institut des
Frères avait sa place marquée ; ils furent les
artisans dévoués de l'œuvre de St-Luc, dont
M. de Vignol expose les principes et les méthodes,
et qui a pour but la régénération et la dignité
morale du métier artistique.
Il parle en termes émus de l'art du moyen âge,
qu'il compare à l'art antique ; il montre la pro-
fonde impression de beauté que tout ouvrier,
aux siècles chrétiens, savait mettre dans son
œuvre, si modeste fût-elle, et l'influence délétère,
au point de vue esthétique, des procédés de l'in-
dustrie moderne ainsi que les écarts fâcheux des
décadents du jour. L'orateur termine en appelant
sur l'école St-Luc, et sur l'école de musique de
St-Grégoire qui, à Tournai, marchent de pair, la
sympathie des classes éclairées, leur protection
et celle du clergé.
Ensuite M. V. Façon a présenté un rapport
nourri des travaux de l'année. — Les cours tech-
niques ont été fréquentés par 250 élèves, quantité
d'œuvres d'art ont été exécutées dans les locaux
même de l'école professionnelle et par les seuls
élèves, pour différentes églises ou établissements
notables. Quant à l'école de musique, elle forme
une phalange qui n'a pas reculé devant l'exécu-
tion des œuvres de Palestrina et de Roland de
Lattre, devant celles des Haller, des Diebold.des
Stchle et des Tinel.
L'opuscule qui nous apporte ces deux discours
est illustré de la reproduction d'un beau bas-relief,
et d'un intéressant autel, à retable historié, qui
attestent la fécondité de l'œuvre.
— K5X ïO*—
OKuurcs nouvelles.
La coupole de la chapelle de la rue Jean Goujon.
— Les travaux de la chapelle que l'on élève rue
Jean Goujon à la mémoire des victimes de
l'incendie du 4 mai 1897 sont aujourd'hui très
avancés.
L'architecte, M. Guilbert, vient de faire la
maquette de la coupole qui doit couronner le
monument. Il y a fait figurer les décorations
architecturales, sculpturales et picturales qu'elle
comporte. L'exécution des peintures intérieures
a été confiée à M. Albert Maignan, qui a fait une
petite esquisse de la composition qu'il destine à
la coupole. Cette esquisse donne une idée très
précise de ce que sera le décor de la chapelle de
la rue Jean Goujon.
M. Albert Maignan nous montre le Christ recevant
dans sa gloire les victimes de la charité.
En avant d'un groupe allégorique des trois vertus théo-
logales, la Foi, l'Espérance et la Charité, cette dernière
inscrivant les noms des nouveaux élus sur des tables de
marbre, JÉSUS marche les bras ouverts, appelant à lui
des femmes vêtues de blanc qui s'élèvent vers le Seigneur
sur de lumineuses nuées. On reconnaît quelques-unes de
ces élues, car Maignan a voulu faire les portraits de cer-
taines victimes.
Un peu plus loin, c'est saint Vincent de Paul qui reçoit
les deux petites sœurs des pauvres mortes dans la catas-
trophe : elles portent le costume de leur ordre et leurs
cornettes blanches se détachent dans le ciel à côté de la
silhouette du saint devant lequel elles sont agenouillées.
Enfin l'auteur des Cloches, qui excelle dans les envolées
de figures à travers l'espace, a fermé le cycle de résurrec-
tion par un hosaima, qu'il exprime en un groupe d'anges
s'élevant vers les sublimes clartés, où rayonnent entre
leurs mains la croix, la couronne d'épines, les fouets de la
flagellation, tous les instruments de la Passion du Christ.
Le cadre de cette composition sera l'œuvre du sculp-
teur Hiolin.
Sur la corniche en couronne que soutiennent de
hautes colonnes en marbre vert cipolin, quatre figures
d'enfant sont assises. Par les deux premières, Al. Hiolin
a symbolisé l'idée de la mort et l'idée de la résurrection,
adroite et à gauche de l'autel ; par les deux autres, l'idée
de la douleur et l'idée de l'espérance.
C'est au même artiste qu'a été confiée l'exécution des
deux grandes compositions tumulaires avec des figures de
femmes qui pleurent, destinées aux deux annexes de droite
et de gauche de la chapelle. Ces figures sont en marbre
blanc, appuyées sur des sarcophages de marbre noir,
auprès de colonnes de marbre grand antique des Pyrénées
à larges veines noires et blanches.
Chronique.
175
Enfin la Vierge des sept douleurs de M. Daillon, figure
colossale, est tout en cuivre martelé et doré.
Tous ces artistes, tandis que s'achève la partie archi-
tecturale de l'œuvre de M. Guilbert, se sont mis au travail,
et la chapelle de la rue Jean Goujon pourra être inaugurée
le 4 mai 1900 par un service anniversaire à la mémoire des
victimes de la charité.
Vitraux. — On sait quelle fut l'importance de
l'atelier de vitraux artistiques que feu le baron
Bethune a fondé à Gand et dirigé avec un talent
éminent. Jean Bethune fut, du moins en Belgique,
le véritable restaurateur de cet art prestigieux,
appelé à donner son couronnement à la décora-
tion des églises. Son atelier, comme on le sait,
subsiste, fidèle à ses traditions premières, dans
les mains habiles d'un des plus fervents disciples
du maître à jamais regretté, M. Jos. Casier. Nous
sommes heureux de constater l'activité conso-
lante de cette officine d'art chrétien de bon aloi,
et de pouvoir énumérer ici les produits qui en
sont sortis depuis quelque temps.
M. J. Casier a placé dans le chœur de la gra-
cieuse église paroissiale de Deynoc, deux verrières
de deux lumières chacune, figurant le Couronne-
ment de la Ste Vierge, avec S.Roch et Ste Justine,
S. Dominique recevant le S. Rosaire, accosté de
S. Joachim et de Ste Anne.
A l'église St-Michel à Gand, il a posé une ver-
rière dans les hautes fenêtres du chœur (côté
Sud), don de feu la Douairière de Kerefoor de
Naeytr. — Elle a quatre lumières, où figurent
Ste Alice, S. Frédéric, Ste Elisabeth, S. Paul.
La chapelle des Pauvres Claires à Termonde a
été ornée par cet artiste d'un vitrail à deux
lumières, représentant la rencontre de S. Domi-
nique et S. François d'Assise, scène inspirée
du célèbre tympan d'Andréa délia Robbia, à
Florence.
La chapelle du Poortacker à Gand a reçu un
vitrail offert par M. Laminens en souvenir des
25 années de vie religieuse de sa fille, Mme Marie
Lammens des Dames de l'Adoration perpétuelle.
Dans une lancette se trouvent 2 figures super-
posées : la Bienheureuse Eve et Ste Julienne de
Cornillon.
A l' Eglise N.-D. à Aersclwt, deux verrières ont
été posées dans la chapelle de Ste-Anne, côté
Sud de l'église. Ce sont deux œuvres importantes,
l'une consacrée à Ste Anne et a la Ste Vierge,
la seconde à St Antoine. Voici les dispositions.
Vitrail de Ste Anne :
Tympan, orné de feuillages et de cartouches
avec invocation à Ste Anne.
Quatre lumières
Rencontre de
Ste Anne et
de Joachim à la
porte dorée.
Ste Anne in-
struisant la Ste
Vierge.
Ste Anne pré-
sentant Marie
au temple.
La Ste Famille
de Nazareth.
Dans les socles, un prophète sous chaque
groupe, portant un cartouche avec une prophétie
relativement à la Ste Vierge.
Vitrail de S. Antoine :
Dans le tympan, divers emblèmes de l'Ordre
séraphique, rieurs, etc.
Quatre lumières
L'EnfantJÉsus
apparaissant à
S. Antoine.
Le miracle de
l'âne s'age-
nouillant de-
vant la Ste Eu-
charistie.
La Ste Vierge
apparaissant à
S. Antoine.
S. Antoine prê-
chant, arrête la
foudre prête à
tomber sur ses
auditeurs.
En ce moment, on place l'avant-dernier vitrail
du pourtour de l'église N.-D. de Hal.
— anciennes peintures murales. —
Peintures murales. — On entend de temps à
autre des archéologues, mal inspirés selon nous,
s'élever contre l'idée de la polychromie des églises,
et émettre des doutes sur la réalité de l'ancienne
coutume de les orner par la peinture. Or tous les
jours nous avons des preuves nouvelles de la
généralité de cet usage. Récemment on décou-
vrait une série de vestiges des plus remarquables
d'anciennes fresques dans l'église N.-D. au delà
de la Dyle à Malines ('). Aujourd'hui, c'est à
Ternath (Belgique) que nous voyons des pein-
tures murales mises au jour en débadigeonnant
le chœur ; elles représentent la conversion de
St Hubert.
M. L. Bressers, de Gand, a été chargé de
mettre à découvert et de calquer les curieuses
peintures retrouvées à l'église de Neeroeteren,
offrant notamment de remarquables décorations
de voûtes de deux époques différentes. Nous
comptons publier ultérieurement ces curieuses
peintures.
D'anciennes peintures murales viennent d'être
mises au jour à la collégiale de St-Pierre de Lou-
vain. Ce sont des peintures décoratives remontant
au XVe siècle, et dont le dessin gracieux et
l'exécution soignée méritent de fixer l'attention
de ceux qui s'intéressent à la décoration de
nos monuments religieux. Les premières ont été
retrouvées à côté de l'autel de Y Aima Mater, la
patronne de l'Université. Les traits, de couleur
noire, sont tracés sur la pierre même de l'édifice.
Les auties figurent à la chapelle de St Charles
Borromée, autrefois dédiée à Ste Anne. C'est
pour l'autel de ce même oratoire, que Quentin
Metsys exécuta, en 1509,5011 célèbre triptyque :
1. Nous en reparlerons dans la prochaine livraison à propos des
Travaux ties Sociétés savantes.
176
Bebue De r&rt chrétien.
la légende de Ste Anne, qui figure actuellement
au Musée de Bruxelles. Dans vingt arcatures
successives, sous les appuis des fenêtres, existent
des peintures en damas, sur fond rouge vif, d'un
dessin élégant et facile, et dont la Belgique n'a
conservé que de rares spécimens.
LA restauration de peintures découvertes sur
les colonnes de l'église de Dieghem (Bra-
bant) ne se fait pas sans encombre. La Commis-
sion des monuments a rejeté les essais qu'on a
d'abord faits et demandé l'intervention d'un meil-
leur artiste. Elle a examiné la peinture murale
de l'église de Ternath (Brabant); représentant la
conversion de S. Hubert; c'est un spécimen inté-
ressant de polychromie monumentale.
On a trouvé à l'église de Treignes (Namur),des
figures qui formaient un ensemble avec la croix
triomphale. Le Christ, les apôtres, les saints y
sont figurés en buste, d'une exécution médiocre.
L'église de Treignes possède une croix proces-
sionnelle très intéressante, qui paraît remonter
au XIVe siècle.
Portrait Du Cfmst.
IiOUS avons fait connaître la merveil-
leuse manifestation de la figure du
Sauveur par le Saint-Suaire de Turin,
et donné une reproduction de cette
image célèbre (x). On s'occupe beaucoup en
ce moment d'un autre portrait du Christ, celui
de la médaille découverte par M. Boyer d'Agen.
En attendant une correspondance que nous a
promise à ce sujet notre correspondant romain,
Mgr Battandier, nous empruntons les lignes sui-
vantes à la Semaine religieuse de Cambrai.
Dans le temps même où le Saint Suaire appelait l'at-
tention des pieux chrétiens, un autre portrait du Christ
sortait, semblait-il, d'une longue obscurité.
En fouillant dans le tas des vieux sous romains dont
les Juifs du Ghetto encombrent, chaque mercredi, le
marché du Campo dei Fiori à Rome, M. Boyer d'Agen,
naguère, crut reconnaître la figure du Christ sur une
médaille au métal incertain que la patine ou la crasse,
plutôt que l'usure, avait recouverte entièrement. Il
demande le prix du pezzaccio en question.
Due soldi ! fit le Juif, sans même regarder la pièce.
Et M. Boyer d'Agen échangea, moyennant deux sous
italiens, l'effigie broussailleuse du roi Victor-Emmanuel
contre l'image idéale de JÉSUS. Car c'était bien un por-
trait du Christ, et on pouvait le croire, l'nn des plus
anciens qui venait d'être retrouvé.
De retour à Paris, après avoir décrassé le métal,
M. Boyer d'Agen a eu l'occasion de présenter cette pièce
aux fils Falize, les joailliers bien connus qui, sans préjuger
de l'authenticité du document, n'en admirant que les
1. V. Revue de t Art chrétien, année 1898, p. 390.
lignes admirables vraiment, demandèrent et obtinrent
l'honneur de frapper en bronze et en argent une repro-
duction de cette médaille. M. Boyer d'Agen accepta cette
reproduction pour s'aider lui-même, en répandant le
document, à l'étudier plus sérieusement avec la collabo-
ration des numismates de France. Plusieurs des person-
nalités scientifiques auxquelles cette médaille a été déjà
soumise, affirment qu'on se trouve en présence d'un por-
trait à peu près authentique de JÉSUS, à coup sûr devant
une figure des plus anciennes de l'ère chrétienne que
l'art a le plus artistiquement et le plus religieusement
reproduites.
Voici la description qui en est donnée :
« Sur la face est inscrit en hébreu le nom de JÉSUS ;
au revers on lit, toujours en hébreu et en caractères d'un
merveilleux classique, assez rares pour une inscription de
ce temps, la légende suivante littéralement traduite :
« Le Messie, le Roi, viendra en paix ; il est la lumière
« des hommes, incarné, vivant. >
Cette médaille a été l'objet d'une communication à
l'une des dernières séances de la Société des antiquaires ;
et voici ce qu'en dit le procès-verbal de la séance :
« M. de la Tour présente quelques remarques au sujet
de la médaille du Christ, récemment signalée par M. Boyer
d'Agen. 11 rapproche cette pièce d'un médaillon, de fac-
ture analogue, gravé à Rome à la fin du XVe siècle, par
le Milanais Gio Antonio Rossi. Ce devait être une sorte
de médaille d'identité portée par des juifs convertis. »
D'après ce procès-verbal, il faudrait donc se résigner
à ne pas trop vieillir ce portrait. Oui possédera la repro-
duction qu'en ont faite des joailliers de talent, ne sera
donc pas certain de posséder un document prototype.
Restaurations.
Cathédrale d'Alby. — On lit dans le Journal
des A ris :
J'ai lu dans le Journal des Arts du 18 février l'article le
Cas de Sainte-Cécile iVAlby, signé J. de L. et y donne mon
adhésion la plus entière, la plus chaleureuse. Je connais
depuis longtemps l'admirable édifice — admirable d'ail-
leurs, surtout par les peintures de la voûte qui sont sans
supérieures en Europe — et n'ai jamais goûté le couron-
nement si lourd que lui a imposé César Daly, non plus
que les lanternons dont la volonté de l'architecte avait
commencé à surcharger les contreforts. Je sais bien que
l'exhaussement de la ligne supérieure de la construction
avait pour but de constituer un système compliqué d'écou-
lement des eaux destiné à préserver de toutes infiltrations
la précieuse voûte. Mais la masse en a reçu un singulier
caractère de lourdeur, et il est permis de penser qu'on
aurait pu combiner autrement les choses en leur conser
vaut leur rôle utile.
Quant aux lanternons,il est impossible de les défendre;
la beauté de cette grande niasse de briques qu'est Sainte-
Cécile, réside précisément dans cette structure de bloc
terminé par une puissante ligne horizontale profilée sur
le ciel. Hérisser celle-ci de ces clochetons malencontreux
était une complète erreur de goût ; comment César Daly
ne s'est-il pas rendu compte de cette vérité bien simple
que dans les monuments du Midi dominent les lignes
horizontales et romaines, et dans ceux du Nord les lignes
verticales?
Mais si je suis de l'avis de M. J. de L. au sujet de l'er-
reur commise à grands frais à Sainte-Cécile, j'en suis
encore au sujet du rôle que pourraient remplir utilement
les Sociétés archéologiques locales quand il s'agit de la
Chronique.
177
restauration des monuments historiques. Oui, ces Sociétés
« sont composées d'hommes indépendants et désintéres-
« ses auxquels l'amour pour leurs églises ou leurs hôtels,
« leurs études constantes et leur familiarité avec les
«moindres détails de leurs édifices donnent peut-être
« quelque compétence. Ils ont fait l'éducation de leurs
« yeux depuis leur naissance avec l'harmonie entre les
« formes monumentales et leur horizon, entre la couleur
« des matériaux et leur ciel, entre les assises des construc-
« tions et l'histoire de leur ville ou de leur contrée. Un
« étranger, si habile qu'il soit, ne saisit pas toujours et
«tout de suite ces concordances. » J'ai cité les paroles
mêmes de mon confrère en collaboration au Journal des
Arts, parce qu'il me paraît impossible de mieux penser
et dire.
Et cela m'amène à parler du rôle de la Commission qui
conduit de Paris le troupeau entier des Monuments histo-
riques français. Je ne pense pas avoir besoin de protester
ici de mon très sincère respect pour les hommes distin-
gués, archéologues et architectes à la fois, qui composent
la Commission, créée par M. de Montalivet en 1837, non
plus que de ma conviction qu'elle rend les plus grands
services, qu'elle exerce une autorité aussi indispensable
qu'utile ; si elle n'existait pas, il faudrait l'inventer. Mais
n'a-t-elle pas pris quelque chose de cet exclusivisme
bureaucratique et, disons-le franchement, un peu trop
autoritaire, caractéristique ordinaire des administrations
qui gouvernent de loin et en toute puissance les choses de
la province ? Je le crois. La Commission fait souvent trop
bon marché des vœux de ceux qui, après tout, sont les
payeurs, elle décourage certains donateurs en ne tenant
aucun compte de leurs désirs. Sans doute, elle a le strict
devoir de résister à maintes lubies de curés,de sacristains
et de paroissiens plus généreux qu'éclairés, mais ne
pousse-t-elle pas souvent les choses trop loin ? Je le
pense, et le pensant, je le dis à cette libre tribune du
Journal des A ris.
J'ajoute que les architectes delà Commission sont trop
portés à considérer les églises comme de gigantesques
bibelots de pierre et à ne tenir qu'insuffisamment compte
des conditions les plus nécessaires du service. Les neuf
dixièmes des Monuments historiques français sont des
églises, c'est-à-dire des édifices d'usage, et il est de la
dernière évidence qu'il y a un accord à établir entre les
droits de l'art et ceux du service religieux. Je ne voudrais
pour rien au monde que ces édifices qui constituent assu-
rément la plus belle parure architecturale de la France,
fussent livrés sans un contrôle sévère au bras séculier des
fabriques, mais je souhaiterais que la Commission des
Monuments historiques vît autre chose dans ses pupilles
de pierre que la simple beauté géométrique. Ce sont des
êtres vivants d'une vie multiple, abondante, et s'il est im-
possible de leur rendre cette noblesse des vieux souvenirs
accumulés, depuis plus d'un siècle abolie, s'il faut les
défendre énergiquement contre le mauvais goût et l'abus
de ce que par antiphrase, sans doute, on appelle dans le
langage du commerce spécial « des ornements d'église »,
il faut travailler à les rendre accessibles, d'usage aisé, et
ne jamais oublier que toute tutelle est établie pour l'avan-
tage et le plus grand intérêt des mineurs.
Actuellement, dans la lutte entre le clergé et les archi-
tectes,la force est incontestablement du côté des seconds;
je voudrais qu'il n'y eût pas lutte du tout, mais accord, et
avec de la bonne volonté de part et d'autre, ce serait si
facile ! Eh bien ! les archéologues et les Sociétés de la
province pourraient, le plus utilement du monde, remplir
le rôle de modérateurs et d'arbitres, à coup sûr de bons
conseilleurs. Et c'est pourquoi j'adhère pleinemeut aux
paroles si modérées et si sages de M. J. de L.
André ARNOULT.
Restauration de l'église Saint- Wulfran dAbbe-
ville. — Nous trouvons dans le Journal des Arts
sous la signature Em. D., une correspondance
intéressante dont nous extrayons les détails qui
suivent :
Lorsqu'il y a huit ans on a commencé à étudier
sérieusement l'état des tours du beau monument
abbevillois, on s'est aperçu qu'elles menaçaient
ruine sur divers points, surtout celle du beffroi au
Nord; l'architecte du gouvernement, M. Danjoy,
dut même interdire la sonnerie à volée. Aujour-
d'hui, et grâce au concours de la Fabrique, des
habitants, de l'État, du Conseil général et du
Conseil municipal, la consolidation du portail,
des tours et du beffroi est un fait accompli, au
moins dans les parties les plus essentielles. Le
beau portail apparaît rajeuni. On admire ce
merveilleux ensemble, ces portes admirablement
sculptées, ces grands saints de pierre, qui font
saillie sur les contreforts, ces profondes voussures
chargées de statues et d'ornements délicats.
Les réparations et réfections ont eu lieu pres-
que partout sur cette façade. La galerie centrale
a été refaite entièrement, de même que plusieurs
balustrades à jours des autres galeries avec leurs
clochetons. Enfin, la grande baie du pignon cen-
tral avec sa rose dont les morceaux ne tenaient
que par miracle, a été l'objet d'un travail entière-
ment neuf exécuté avec soin; il en est de même
du tympan de la grande porte.
Si l'on pénètre dans l'intérieur de l'église par
les portes latérales, on admire l'arc triomphal qui
relie les tours ; sa haute balustrade ouvragée,
ses fines découpures à jours, et les autres orne-
ments sculptés qui le décorent rappellent la
richesse du portail ; des niches pratiquées à droite
et à gauche, avec socles et dais ouvragés, sont
disposées pour recevoir des statues. Enfin, si l'on
s'avance jusqu'au sanctuaire, apparaît la grande
fenêtre du pignon central dont la rosace garnie
de vitraux peints, dus au talent de M. Didron,
présente un véritable bouquet de fleurs irradian-
tes; sous peu, le tympan de la grande porte sera
également garni de ses vitraux.
L'arc triomphal, travail entièrement nouveau,
forme l'un des points essentiels de la consolida-
tion des deux tours, principal objectif des tra-
vaux ; sa conception fait honneur à M. l'architecte
Danjoy.
La restauration n'est pas entièrement termi-
née. Il reste à consolider le premier contrefort
du Nord, à refaire les meneaux de la fenêtre du
même côté, à reprendre certaines parties dans le
mur du fond de la tour du beffroi, puis à restau-
rer les galeries donnant sur l'avenue du Rivage.
Enfin, le trumeau central de la grande porte
attend, après sa réparation, et sur un socle à
i/8
Brbue De l'&rt chrétien.
refaire, cet ecce liomo resté légendaire, qui frappait
les regards à l'entrée dans le lieu saint ; on a, fort
heureusement, retrouvé des débris de cette statue
et ils pourront aider à la restituer dans le style
du Père Étemel qui se détache d'une manière
grandiose au centre du portail. Ce n'est pas tout
encore. Les gros piliers d'entrée du chœur, celui
de droite surtout, sont à reprendre ; le buffet
d'orgues est resté en souffrance ; les voûtes de la
nef ne sont toujours soutenues que par des étais
de fer et de bois du plus fâcheux effet et qui
ne peuvent être enlevés sans des travaux im-
portants ; et cependant ces travaux s'imposent
pour rendre à la vaste nef son grand caractère.
Ayons confiance dans les administrateurs de
l'église et surtout dans son digne et sympathique
curé, M. l'archiprêtre Caron, dont le dévouement
et l'habileté ont été à la hauteur de la tâche.
DES restaurations importantes ont été faites
récemment au portail de l'église Saint-
Jacques de Dieppe, sous la direction de M. Le-
fort.architecte départemental. Ce portail gothique
comportait autrefois une statue du saint patron
de l'église, mais cette statue, depuis longtemps
mutilée, a dû être remplacée. M. Eugène Bénet,
sculpteur dieppois, chargé d'exécuter la nouvelle
statue, s'est inspiré, comme il convenait, du style
de l'époque, et a reproduit la tête de l'ancien
saint Jacques, conservée au musée de la ville.
On lit dans le Journal des Arts :
Le vandalisme à Chaumont, — J'ai signalé dans un des
derniers numéros du Journal des Arts une étrange déli-
bération du Conseil municipal de Chaumont (Haute-
Marne) relative à l'église Saint-Jean-Baptiste, et approu-
vant la proposition faite par le conseil de fabrique de
vendre les tapisseries de l'église pour payer les dépenses
occasionnées par la construction du calorifère. Ces tapis-
series et broderies, car il s'agit également d'anciens orne-
ments, sont estimés 6.000 fr.
Un article signé H. Cavaniol, inséré dans Le Petit
Champenois du 17 décembre, et en tête du numéro, ce
qui montre l'importance qu'y attache, à bon droit, la
rédaction, revient en détail sur celte affaire. Il paraît que
l'opinion s'est émue à Chaumont de la dispersion annon-
cée des pièces données par Guillaume Rose en 1601, et
par mademoiselle de Briocourt en 1621. Les premières,
en huit pièces, donnaient l'histoire de David ; la seconde
série, de quatorze, continuait la première en y ajoutant le
mariage de Jacob, le tout de haute lisse, et comme on
voit par les dates, d'une belle époque. Plusieurs morceaux
avaient déjà disparu, et à une époque relativement an-
cienne ; il s'agit maintenant de compléter l'extermination.
Il faut espérer que l'administration supérieure saura
mettre le holà et que la fabrique trouvera autrement les
fonds dont elle a besoin.
Quant à la délibération du Conseil municipal relative à
des tableaux prétendus indécents qui existeraient dans
l'église, ce dont personne ne s'était aperçu depuis deux
siècles, l'article de M. Cavaniol nous apprend qu'il s'agit
de ceux d'un artiste chaumontais né en 1689, mort en
1762, Lullier. C'était un artiste médiocre, mais qui ne
manquait pas de goût, et, d'après M. Cavaniol, il lui
manqua surtout de sortir deChaumont, de voir le monde
et d'étudier sous un bon maître. Il mérite en tout cas
une place dans la nomenclature des artistes chaumontais
parce qu'avec le sculpteur Jean- Baptiste Bouchardon, il
fut un des premiers maîtres d'un des plus grands artistes
du XVIIIe siècle, Edme Bouchardon, et de Laurent
Gttiaid, un autre chaumontais, né en 1723, mort en 1788,
qui fut aussi, toutefois au second ou troisième rang, un
sculpteur distingué. Ces deux noms appartiennent à l'his-
toire générale de l'art, mais M. Cavaniol ajoute que Lul-
lier fut le grand' père de Dalle. Qu'est-ce que Dalle? Un
peintre? un sculpteur? Je ne sais et ai cherché en vain
ce nom-là dans tous les répertoires, notamment dans
l'excellent et si complet << Dictionnaire » de Bellier de la
Chavignerie, continué et achevé par M. L. Auffray.
Il paraît que c'est une certaine Décollation de saint
Jean-Baptiste, placée dans la chapelle Sainte-Anne, qui
a été honorée tout particulièrement de la colère munici-
pale. Il y a là une Hérodiade décolletée en carré, à
laquelle ni le clergé ni les fidèles n'ont jamais trouvé rien
de repréhensible, mais qui semble le comble de l'impu-
deur à certains membres du Conseil. J'avoue ne pas con-
naître le tableau qui m'a toujours échappé dans les visites
que j'ai faites à la très intéressante et très agréable église
Saint-Jean- Baptiste de Chaumont ; mais j'ai peine à
croire qu'on ait mis deux siècles à s'apercevoir de sa
prétendue immoralité.
Pour ce qui est d'une atteinte quelconque portée au
corps même de l'égliseje crois que l'on peut être tranquille
à Chaumont sur ce point. Saint-Jean-Baptiste est classé
parmi les monuments historiques, il n'y peut donc être
touché que par les mains de l'architecte de la Commission
et avec approbation de celle-ci. Il n'y a donc qu'à rire et
non à s'inquiéter de l'étonnante délibération chaumon-
taise. Reste, il est vrai, la question des tapisseries, mais
je me refuse à croire que l'autorité préfectorale, dûment
avertie, autorise un tel dépouillement.
André ArNOULT.
Post-scriptum. — L'administration des Beaux-Arts
s'était émue des faits signalés dans les articles Au Journal
des Arts, et un inspecteur a été envoyé pour procéder à
une enquête. Il a été reconnu, que les tapisseries à vendre
étaient dans le plus mauvais état et qu'une restauration
coûteuse s'imposait. Or la fabrique était hors d'état de
l'entreprendre, d'ailleurs une réfection si complète eût
enlevé à cette tenture tout caractère archéologique en la
transformant en décoration d'intérieur moderne. Dans
ces conditions, M. l'inspecteur a jugé que l'aliénation des
tapisseries présentait peu d'inconvénients et l'a autorisée ;
mais l'acquéreur prétendu avait négligemment demandé
que l'on ajoutât au lot comme appoint de vieux ornements
en étoffes brochées ; M. 1 inspecteur s'est méfie et s'est fait
présenter ces tissus jugés inutiles. Or il les a trouvés fort
beaux, en parfait état et la vente n'en a pas été autorisée.
Pour ce qui est de la délibéi ation par laquelle le Conseil
municipal avait signalé et voué à la destruction cei tains
détails d'ornementation, drolatiques mais nullement
indécents, de l'église Saint-Jean- Baptiste, il va sans dire
qu'elle n'a et n'aura aucun effet, si ce n'est de vouer au
ridicule ceux qui l'ont provoquée ou s'y sont associés.
A. A.
— K5I ■■ 1®*-
Chronique.
179
PARMI les restaurations en cours en Belgique,
notons celle de Ste-Walburge d'Audenarde,
qui va être dégagée des maisonnettes qui en-
serrent l'abside. M. l'architecte Langerock, chargé
de cette restauration, vient de découvrir le pave-
ment ancien de la chapelle Nord du chœur. C'est
un damier en carreaux de terre cuite vernissés
jaune et noir. La Commission des monuments a
décidé que ce pavement servirait de type pour le
chœur et les deux chapelles latérales.
On se propose aussi de reprendre la restaura-
tion de la belle église de Furnes et d'achever le
transept.
Les travaux de restauration de l'église du
Sablon à Bruxelles marchent avec une sage len-
teur. Cependant, le grand portail commence à
montrer sa riche architecture au-dessus d'une
forêt de madriers. Il aura dorénavant grand
aspect dans sa nouvelle parure, toute garnie de
fleurons. Sitôt ce portail achevé on commencera
les travaux de restauration rue de la Régence,
la façade Nord étant dans un état de délabre-
ment absolu. Restituée, elle fera de cet édifice
l'un des plus intéressants de la capitale.
On délibère toujours au sujet du sort de la très
curieuse petite église de Wéris (Luxembourg),
qui remonte au XIe siècle. Elle mérite une restau-
ration complète, et nous espérons que, l'État
aidant (il a la meilleure volonté), on trouvera les
ressources nécessaires.
L'entrepreneur prend ses dispositions pour
entamer sous peu la troisième série des travaux
de restauration extérieure de l'intéressante église
Saint-Pierre de Louvain, sous la direction de l'ar-
chitecte Langerock. L'année prochaine, il s'agira
de restaurer les chapelles latérales du chœur et le
transept ; on pourrait en profiter pour dégager ce
bel édifice et démolir les vieilles bicoques, dont
il est flanqué vers la place de l'hôtel-de-ville. Les
travaux du premier exercice de ce dernier édifice
sont des plus réussis.
Des travaux de restauration viennent d'être
exécutés à l'église de Brecht (Campine) ainsi que
des peintures décoratives. On a restauré et décoré
l'intéressant berceau lambrissé du XVe siècle
posé sur toutes les parties de cette jolie église,
dont le chœur porte le millésime de i486. —
Des travaux analogues ont lieu à l'église monu-
mentale de Saint-Léonard, qui conserve une jolie
couronne de lumière pédiculaire de la fin de
l'époque gothique.
On poursuit les travaux de l'église de Nieu-
port, où ont été trouvées des fresques reproduites
dans notre dernière livraison ; on prépare ceux
que réclame l'église de Ste-Walburge à Bruges,
dont la constiuction remonte au XVIIe siècle.
On débadigeonne la crypte romane de Saint-
Hermes à Renaix et l'on déchausse les colonnes
en abaissant le sol.
La restauration extérieure de l'hôtel Gruut-
huuse à Bruges étant terminée par les soins
de M. Delacenserie, on songe à l'ameublement.
L'aile gauche est déjà occupée depuis quelques
années par la riche collection de dentelles an-
ciennes due à la générosité de M. le baron
Liedts et de sa noble épouse. Le baron Gilles de
Pélichy offre de son côté, de confier à la Ville,
pour une période de vingt années, les intéres-
sants produits des fouilles qu'il a fait exécuter
dans un cimetière gallo-romain découvert dans
une de ses propriétés. Ces objets seraient dépo-
sés également au palais Gruuthuuse. Enfin, la
Société archéologique, qui se sent à l'étroit dans
les galeries Est du Beffroi, sollicite quelques
salles du palais Gruuthuuse pour y installer ses
collections les plus précieuses. Avec l'appoint
de quelques tableaux et gravures de maîtres
anciens, l'ameublement de l'édifice se trouvera
ainsi assuré.
La restauration des anciennes Halles de
Malines, ce magnifique bâtiment gothique du
XIIIe siècle, qui jusqu'ici avait été laissé dans le
plus grand état de délabrement, faute d'argent,
est enfin décidée. Le Gouvernement vient, en
effet, de proposer à la ville l'achat de cet immense
bâtiment pour y ériger un nouveau bureau de
poste central, que les Malinois réclament depuis
de longues années. Le coût des travaux de répa-
ration à effectuer sera de un million de francs.
ffitisique religieuse.
A Solesmes. — Un critique musical réputé,
M. Bellaigue, ayant eu la bonne fortune de passer
quelques jours à Solesmes, rapporte en ces termes
dans la Revue des deux Mondes l'impression qu'il
a ressentie des beautés de l'art grégorien.
« Cet art grégorien, si sobre, si faible en appa-
rence, et qui n'est qu'une ligne de sons, je l'ai vu
mêlé à l'acte le plus grave comme aux pratiques
journalières de la vie monastique. Et cette vie
tout entière, en ce qu'elle a de plus sublime ou
de plus simple, — je dirais de plus ordinaire, si
rien était ordinaire ici, — le plain-chant seul est
capable et digne de l'accompagner et de la
représenter à la fois, d'en être le témoin et l'inter-
prète, le signe sensible et comme l'âme sonore.
S'il est vrai, suivant une parole ancienne, que
le but et la nature même ou l'essence de l'art est
une convenance, il n'y a pas d'art qui l'emporte
sur le plain-chant tel qu'il est compris et pra-
tiqué à Solesmes. Une pensée unique et supé-
rieure est exprimée là dans sa forme la mieux
appropriée et la plus adéquate à cette pensée
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 2,Ile LIVRAISON'.
i8o
&ebue lie r&rr chrétien*
même. Ce n'est pas tout : au-dessus de cette con-
venance première, d'autres, qui sont plus hautes
et plus larges, ne tardent point à se découvrir.
On s'aperçoit bientôt que cet art est plus que
tout autre imprégné, saturé de vérité, qu'il est
totalement étranger au mensonge, ou seulement
à la fiction et aux apparences vaines.
Enfin, — et pour s'en convaincre, il suffit de
quelques jours vécus parmi ces hommes, — il est
impossible de rêver pour un art qui n'est que
piété, sainteté, des interprètes plus proches et
plus dignes de lui ; pour un plus pur idéal, de
plus purs serviteurs. A propos du plain-chant la
question de l'art et de la morale ne peut même
pas se poser. Ainsi nous voyons se fermer le
cercle harmonieux des convenances suprêmes.
Ainsi, par une rencontre peut-être unique, le vrai,
le beau et le bien se rejoignent ici, et leur trinité
sublime, absente de tant de chefs-d'œuvre, je
parle même des plus grands, apparaît réalisée
et vivante dans la chapelle où prient en chantant
d'humbles moines à genoux.
On rapporte que Beethoven disait : « Je suis
plus près de Dieu que les autres hommes. » A de
certaines heures, quelques moines, chantant une
simple mélodie grégorienne, m'ont paru plus
près de Dieu que Beethoven lui-même. J'ai senti
que leur art est tout entier divin, que, venu de
Dieu seul, c'est à Dieu seul qu'il retourne, que
pour objet et pour auteur il n'a que Dieu. Il ne
se complaît pas en soi-même et ne s'y rapporte
pas. Il ne s'égare jamais parce que jamais il ne
s'éloigne. Il a pour devise le mot de Kundry,
l'héroïne du drame mystique et monastique de
Wagner : « Dieneu, servir. »
Il ne sert que le vrai et le bien. « La vie est
plus que la nourriture, et le corps plus que le
vêtement. » La doctrine de l'art pour l'art n'a
que trop méconnu, dans le domaine de l'esthé-
tique, cette hiérarchie nécessaire. A Solesmes,
tout la rétablit et la consacre ; tout rappelle que
le fond prime la forme, et la pensée l'expression
ou le signe : qu'en dehors, surtout à rencontre
du vrai et du bien, il ne saurait exister de beauté
parfaite, et que si l'art est admirable lorsqu'il
s'impose, il peut être plus sublime encore quand
il s'efface. » ,Ct , 1Q1
A Maredsous. — La fête de saint Benoît et
une sextuple profession monastique avaient at-
tiré à Maredsous le 21 mars, malgré le temps
très refroidi, une foule considérable venue pour
vénérer le saint Patriarche des moines d'Occi-
dent, et assister aux offices pontificaux célébrés
par Mgr l'abbé Primat, rentré de Rome l'avant-
veille. Les Pères Bénédictins voulurent profiter
de la circonstance pour inaugurer les nouvelles
orgues de leur église abbatiale.
Les orgues sont installées au côté de l'Évan-
gile, derrière les stalles. Les claviers à la hauteur
et au rang des prie-Dieu du chœur : l'organiste,
qui est un religieux, demeure parmi ses con-
frères. Par suite de cette disposition spéciale
et pour respecter les lignes architecturales du
chœur, le facteur d'orgues, M. Georges Cloetens,
de Bruxelles, s'est vu forcé de réaliser des tours
d'adresse, en logeant tout le mécanisme et les
tuyaux de son instrument dans un double buffet
qui ne dépasse pas la hauteur des stalles. Les
orgues, du système mécanique, le seul en qui le
facteur ait pleine confiance, mais qui lui coûte un
travail considérable, comptent 31 jeux complets,
trois claviers de 56 notes chacun et des pédales
séparées de 30 notes. Les claviers sont d'une
surprenante légèreté vu leur distance tout-à-fait
extraordinaire des sommiers, dont quelques-uns
sont reliés à la console par un mécanisme long
de 18 mètres.
L'inauguration, présidée par Mgr l'abbé de
Maredsous, primat de l'Ordre bénédictin, en fit
valoir les qualités.
Le salut qui suivit, montra l'orgue sous les
doigts de son excellent organiste D. Anselme,
dans sa véritable fonction, faisant résonner avec
les accents grandioses du Te Deiuu la louange
divine. Il doit l'accompagner désormais tous les
jours dans cette belle église abbatiale dont il est
à présent la grande voix vibrante chantant à
l'unisson du chœur des moines, la gloire de Dieu
et de son serviteur saint Benoît.
Douuellcs.
Société' de Saint-Jean. — Nous avons ie plaisir
d'annoncer la nomination de M. l'abbé A.
Bouillet, au titre de Président de la Société de
Saint-Jean. Nos lecteurs connaissent l'auteur des
intéressantes monographies des anciennes églises
de Paris et le distingué collaborateur des Notes
d'Art.
Les clochers de Chartres. — Dans notre dernière
livraison nous avons fait connaître le résultat des
études de M. l'abbé Clerval et de M. Marignan
sur l'âge du portail royal de Chartres ('). M. C.
Métais a publié, depuis, dans la Semaine religieuse
de Chartres les lignes qui suivent au sujet d'une
étude de M. Lanore, que nous nous proposons
de publier sous peu :
« M. Maurice Lanore, dans la thèse (') qu'il doit dé-
fendre à TÉcoledes Chartes, expose un système nouveau,
1. Année 1899, p. 80.
2. Les premières Cathédrales de Chartres, (2-U94, par Maurice
Lanore, licencié es lettres) Chalon-sur-Saône, 1899.
Cijrontque.
181
intermédiaire entre l'ancienne tradition et les conclusions
de M. Marignan. II s'appuie d'ailleurs sur une assertion
également neuve relative à la construction des clochers.
Le porche daterait bien de 1 1 45 à 11 50, comme l'affir-
ment tous nos auteurs, mais il aurait été construit non
pas à l'angle intérieur, mais immédiatement à sa place
actuelle en même temps que les étages inférieurs du clo-
cher vieux. Voici d'ailleurs l'énoncé de la thèse pour
cette partie :
La cathédrale au XIIe siècle (1134-1194). Incendie de
1 134 ; les clochers seuls sont atteints, la façade de Fulbert
subsiste.
« Théorie nouvelle sur la reconstruction après 1 134. Le
clocher neuf est antérieur au clocher vieux ; preuves ti-
rées de la comparaison des profils, des chapiteaux, des
systèmes de voûte (coupole du premier étage du clo-
cher neuf) ; preuve tirée de l'emplacement initial des deux
clochers : le clocher neuf a été construit tout à fait isolé
en avant de la façade (disposition des fenêtres), le clocher
vieux a toujours été tangent à la façade.
i Chronologie de la reconstruction après 1134, d'après
cette théorie : construction du clocher neuf seulement de
1134 a 1 1 45 ; ferveur religieuse vers 1145, le Chapitre en
profite pour développer l'église édifiée par Fulbert ; de
1 143 à 1 150, démolition de la façade de Fulbert, agran-
dissement de l'église et de la crypte d'une travée ; con-
struction des étages inférieurs du clocher vieux et d'une
façade nouvelle au ras des clochers (cette façade nouvelle
est la façade actuelle) ; de 1 150 à 1194, achèvement du
clocher vieux, percement de la porte Sud de la crypte et
élargissement de ses fenêtres. >
M. Emile Maie, ancien élève de l'Ecole nor-
male supérieure, a soutenu les deux thèses sui-
vantes, pour le doctorat, devant la Faculté des
Lettres de Paris, en Sorbonne :
Thèse latine : Quomodo Sibyllas rece?itiores artifices
reprœsentaverint ;
Thèse française : l'Art religieux du treizième siècle en
France. Etude sur l'iconographie du moyen âge et sur ses
sources d'inspiration. Nous en rendrons prochainement
compte.
LA petite ville de Chauvigny (Vienne) pos-
sède un ensemble d'édifices féodaux d'un
grand intérêt au point de vue des constructions
militaires d'autrefois : ce sont quatre châteaux et
donjons en ruine qui occupent un espace considé-
rable au sommet d'une montagne dominant un
large paysage. La Nouvelle Revue ayant avancé
que l'État était sur le point de vendre cet en-
semble de vieilles constructions historiques, les
journaux de la Vienne ont protesté contre ce
projet, s'il a jamais existé, en rappelant que,
d'abord, ces monuments sont classés et ensuite
qu'ils ont été confiés à la garde de la Société des
antiquaires de l'Ouest qui ne les laisserait pas
disparaître sans en appeler à la fois au Gouver-
nement et à l'opinion publique.
ON va inaugurer, dans la capitale de la Bo-
hême, un Musée municipal dont les collec-
tions sont très importantes au point de vue de
l'histoire et des métiers nationaux. On y compte
des plafonds, des vitraux, des retables, des ou-
vrages de sculpture en pierre, en bois, en bronze,
des grilles en fer, des objets religieux, chandeliers,
calices, un encensoir précieux du XIIIe siècle,
etc. Une pièce des plus intéressantes en ce genre
est un font de baptême en étain, travail bohé-
mien du XVIe siècle, à forme de cloche renversée
et aux trois pieds minces, type dont les églises
de la Bohême et, notamment, la Theinkirche, à
Prague, possèdent de nombreux spécimens. La
direction de ces collections a été confiée à M.
B. Jelinek et à M. F. H. Harlas.
Le bâtiment du nouveau Musée municipal,
dont l'architecte est M. Balsanek, remplace la
petite maison qui renfermait naguère le musée
de la ville de Prague. Quant à l'initiative et à la
conduite de cette entreprise, on les doit à l'énergie
d'un amateur érudit et distingué, M. I.-V. Novak.
Dr Th. V. Fr. (Chronique des arts.)
NOUS relevons dans les Procès-verbaux de
l'Académie des Inscriptions de Belles
Lettres, une communication que notre collabo-
rateur M. de Mély a faite dernièrement à la
Compagnie. Comme elle est de nature à intéres-
ser les archéologues et qu'elle éclaircit plusieurs
questions absolument ignorées, nous croyons
devoir la reproduire in extenso.
Paris, 4 janvier 1899.
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de signaler à l'Académie un document
historique d'une grande importance. Bien qu'il ait été
imprimé, il ne semble pas qu'on se soit aperçu des rensei-
gnements, vainement cherchés ailleurs, qu'il renfermait ;
si donc je me permets d'en indiquer aujourd'hui sommai-
rement l'intérêt, c'est que les questions très complexes
qu'il touche dépendent d'études très particulières et qu'il
me paraît utile d'appeler l'attention des spécialistes sur
les points divers qu'il vient éclairer.
Il s'agit de la pancarte du cierge pascal de la Sainte-
Chapelle, en 1327. Morand l'a reproduite dans son His-
toire de la Sainte-Chapelle; il l'avait copiée dans le registre
Qui es in cuclis de la Chambre des Comptes, de l'année
1327.
J'avais tenté de consulter ce registre sans y parvenir ;
l'inépuisable complaisance de M. Léopold Delisle me l'a
fait retrouver à la Bibliothèque nationale.
Après avoir mentionné les dates générales, inscrites sur
chaque cierge pascal, le tableau porte une série d'anni-
versaires spéciaux à la chapelle du Palais. Deux, jusqu'ici,
sont absolument inconnus des historiens.
Tout naturellement figurent au premier rang les trois
apports à Paris des grandes reliques de Constantinople :
celui de la sainte Couronne, 1 1-19 août 1239; celui de la
grande Croix, 30 septembre 1241; quant au troisième,
M. Miler, qui s'en était occupé particulièrement, ne savait
vraiment à quelle époque le fixer après 1241. Le compte
Riant s'était avancé jusqu'en 1246, mais, faute de docu-
ments, il n'osa continuer. Le cierge pascal donne la date
de 1248.
182
HkcWt De rstrt cbrctttn.
Si nous reprenons le calendrier des reliques de Con-
stantinople, dressé par le comte Riant, nous trouvons en
effet trois anniversaires : n août, susception de la sainte
Couronne; 30 septembre, arrivée de la grande Croix ; il
reste à la date des 24-25 mars, l'pstension du linteum, et
précisément aussi, des reliques qui composaient le troi-
sième apport; peut-être, dès lors, pourrait-on supposer
que c'est le 24-25 mars 1248, qu'il arrive à Paris, bien que
remis aux Frères Mineurs, à Constantinopie, peu après
1241, par Baudouin lui-même qui, de retour en France,
abandonnait à saint Louis, en juin 1247, toutes les reliques
qu'il lui avait engagées.
La date suivante se rapporte à la dédicace de la Sainte-
Chapelle : 1240. Nous avons bien lieu d'être surpris, car
la dédicace, nous le savons, eut lieu le 26 avril 1248. Ce
n'est donc certainement pas de celle-là qu'il s'agit. Il est
ici question de la pose de la première pierre de la cha-
pelle qui va s'élever sur l'emplacement de la chapelle de
Saint- Nicolas du Palais, où fut déposée, le 19 août 1239,
la sainte Couronne, chapelle dédiée à la précieuse relique.
Ce qui confirme d'ailleurs cette supposition, c'est que
Morand, se demandant ce qu'avait bien pu devenir la
sainte Couronne pendant les travaux de construction de
la Sainte-Chapelle, n'a pas vu dans les comptes de saint
Louis que, le 3 octobre 1329, le trésorier du Roi avait
payé <i à Renerius Testa cocta, lxx s. pour fourniture des
cierges qui brûlèrent autour de la sainte Couronne pen-
dant qu'on la portait à Saint-Denis. » Les dates coïncident
donc bien.: la sainte Couronne quitte la chapelle de Saint-
Nicolas le 3 octobre 1239; pendant l'hiver 1239- 1240, on
démolit la chapelle, et l'année 1240 voit commencer les
travaux de la nouvelle chapelle, la Sainte- Chapelle dédiée
à la sainte Couronne.
Voici la mention de la translation du chef de saint
Louis : 1306. Ce n'est que beaucoup plus tard, en 1392,
que Charles VI dépose à la Sainte-Chapelle les autres
reliques royales. Mais cet apport tardif nous engage alors
à étudier de très près le passage de la Sicilia sacra, qui
mentionne le don par le roi de France, à Monreale, d'une
épine de la sainte Couionne, lors d'une translation d'osse-
ments de saint Louis, vers l'année 137S.
La date de la naissance de Charles VI le Bel n'est pas
absolument certaine. La pancarte va nous permettre de la
fixer d'assez près, et de confirmer ainsi ce qui n'était que
supposition. Le roi meurt en 1328,1e Ier février, âgé de
S3 ans, ce qui nous donne 1295. La pancarte nous apprend
qu'à Pâques 1327, il a 32 ans, ce qui nous donne encore
1295 : et en plus, nous déduisons naturellement qu'il
prend ses années de janvier à Pâques. La date de sa
mort, Ier février, resserre alors les limites ; il naît donc en
janvier 1295, ce <T" d'ailleurs se trouve corroboré par la
naissance, en 1294, de son frère, Philippe V le Long, son
prédécesseur.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de
mes sentiments de haute considération.
F. DK MÉLY.
<ires du Louvre. — M. E. Molinier donne
dans la Gazette des Beaux-Arts des renseigne-
ments intéressants sur la nouvelle acquisition du
Louvre en fait d'ivoires anciens. Signalons un
oliphant du Xe siècle, d'origine orientale, comme
la plupart de ces trompes médiévales ; puis une
plaque de coffret en os sculpte, provenant d'E-
gypte, avec figure de Vierge (moyen' âge) ; une
plaque carolingienne, avec la crucifixion; d'autres
du même genre, un manche de flabellum oriental,
enfin et surtout une boîte arabe provenant d'Es-
pagne, du XIe siècle, qui est d'une importance
de premier ordre. Une inscription coufique in-
voque la bénédiction divine sur AbderRaman III,
qui vivait en 967.
—i®i - )©<—
L'Exposition Bume-Jones à la New Gallery. — Cette
exposition a été une des principales attractions de la
saison d'hiver pour les amateurs d'art à Londres. La
remarquable collection qui s'y trouve réunie comprend à
peu près tous les tableaux de Burne-Jones qui existent en
Angleterre, au nombre de cent quarante, ainsi qu'une
grande quantité d'études et de dessins et quelques admi-
rables tapisseries et tentures eNécutées d'après les cartons
du maître pour la résidence de M. d'Arcy, à Stanmore.
Ces dernières sont tendues dans la salle d'entrée et lui
donnent un lustre somptueux. Le mérite de cette expo-
sition, au point de vue artistique, est sa triomphante vertu
décorative.
Toute la série des œuvres de 1 artiste est ici réunie,
depuis la première époque, où il fut gagné à l'enthousiasme
de Rossetti, jusqu'à V Arthur à i'iic cPAvaton inachevé,
morceau de grande .allure, dans lequel Burne-Jones a
voulu mettre la plus haute entreprise de son art ; on s'ac-
corde à croire qu'il va être acheté aux héritiers pour être
placé au Musée Tate, le musée d'art anglais moderne.
C'est à coup sûr, dit le correspondant de la Chronique
des Arts, un échantillon typique de l'art de Burne-Jones,
et ses dimensions insolites sont de nature à faire reculer
les collectionneurs privés.
H.C.
X>ccotit)ertes.
Melle de Crussol d'Uzès, propriétaire du château
de Sancerre (Cher), dirige depuis quelques mois
d'importantes fouilles archéologiques sur rempla-
cement de l'ancienne église de Saint-Romble,
située au versant de la colline de Sancerre. Ces
fouilles, poursuivies avec méthode, ont fourni
déjà des résultats intéressants. On a découvert
dernièrement les bases d'un édifice du onzième
siècle, sous le chœur duquel était une crypte qui
renferma la tombe de l'ermite Romulus.
ON écrit de Vienne, le 31 janvier :
M. Genin, propriétaire au lieu dit de Saint-
Jean, situé sur la commune de Saint-Romain-en-
Gall (Rhône), en faisant des fouilles dans un
champ, a mis à découvert deux sarcophages en
pierre qui remontent à l'époque gallo-romaine.
OX lit dans Le Pays poitevin : « La fabrique
de la paroisse de Châteauneuf (Vendée)
met en vente la cloche de son église, objet du
XVe siècle, d'une certaine valeur. C'est là un pro-
jet dont l'exécution constituera un de ces actes
de vandalisme trop communs dans nos églises.
Nous protestons energiquement. »
Chronique.
183
EN ouvrant une tranchée rue de Lille, devant
l'hôtel de Pomereu, les ouvriers ont mis
au jour une énorme pierre dans laquelle était
encastré un coffre de chêne. C'est la première
pierre de l'ancienne Cour des comptes, qu'on
avait vainement cherchée lors de la démolition
du monument.
Le coffre renfermait deux plaques en métal
sur lesquelles sont gravés le procès-verbal de la
cérémonie de pose de la première pierre et les
noms des hauts fonctionnaires présents, avec la
date de 1810.
-K5i ■ iffli
On vient de mettre au jour, au cimetière de
Notre-Dame, à Bruges, deux tombeaux en ma-
çonnerie paraissant dater du milieu du XIVe
siècle, selon M. le chan. Van der Gheyn qui a
fait de ces tombeaux polychromes une étude
spéciale et ornés de peintures — sans huile —
très remarquables ; elles représentent : en tête,
un Christ en croix avec un candélabre de chaque
côté ; et, chose insolite, sur les pavots latérales,
une sainte Vierge et un saint Jean.
On attache une grande importance à ces pein-
tures, dont une, le saint Jean, décèle un cachet
particulièrement artistique.
La paroi de chevet d'un des tombeaux a pu
être transportée au musée archéologique ; l'autre
est tombé en ruines.
— KSn ■■ î©<—
DES ouvriers occupés à ouvrir une tranchée
Place Verte à Liège, ont mis au jour quel-
ques vestiges de l'ancienne cathédrale Saint-Lam-
bert.saccagée et détruite.à la fin du siècle dernier,
par les révolutionnaires. D'après M. l'architecte
Fernand Lohest, ce sont des vestiges d'une
grande importance.
Il y a une tête de Vierge que l'on doit attribuer,
d'après le style, à la bonne sculpture du XIIIe s.;
une tête d'enfant, vraisemblablement de la même
époque, puis deux têtes de saints malheureuse-
ment assez détériorées, et un reste d'arcature
remontant au XIVe siècle.
Tout cela a été trouvé à proximité de l'empla-
cement qu'occupait la façade de Saint-Lambert
avec ses deux tours et son portail. Il est possible
que la Vierge portant l'Enfant JÉSUS dont on
vient de retrouver les restes, occupa le tympan
d'un des portails.
Ces têtes étaient polychromées, car elles sont
encore partiellement couvertes de l'enduit que
l'on appliquait au moyen âge avant la poly-
chromie ; et cela n'a rien d'étonnant, on sait que
les portails à Saint-Lambeit furent richement
polychromes et dorés.
La tour la plus haute de St-Lambert, 1 30 mètres
à peu près, avait sa flèche entièrement recouverte
de lamelles, en plomb et dorée de la corniche à
la croix, elle brillait de toutes parts, comme dit
Philippe de Hurges dans la relation d'un voyage
à Liège, accompli au commencement du XVIIe
siècle.
Ajoutons que tous ces objets ont été mis à l'abri
au musée de l'Institut archéologique, grâce à la
vigilance et à l'activité de son président M. De
Puydt, chef du contentieux de la ville de Liège.
ERRATA
— K£i—
Page 42, 2e col, 4e ligne, au lieu de: 1885, lisez: 1865.
» 47, ajoutez au titre de la gravure : Église del Carminé à Brescia, premières années du
XVIe siècle. (Phot. Capitani à Brescia.)
» 49, titre de la gravure Noli vie tangere, au lieu de : XIe siècle, lisez: XVIe siècle.
— 0-
Imprimé pai Desclée, De Brouwer et O, Bruges.
ffiffift^a^ifcfa
Belme "De
l'Hrt cijrétten
paraissant tons les bcur nroijS.
<§<
42me Hnnée. — 5e Série.
(Come X (xlviii» be ïa coïïecttoiO. 4
3me livraison. — ffiai (899. 4]'~
Ic'acljèbement ie la tour De JSi>Rombaut à fflaltnes.
^ÇgE voyageur qui, partant
T d'Anvers, a pris le train
pour se rendre à Bru-
xelles, voit, longtemps
avant d'arriver en gare
de Malines, la lourde et
imposante masse d'une
construction carrée qui s'élève au-dessus de
la ville, et semble au loin dominer les plaines
fertiles du Brabant. Ce gigantesque tron-
çon c'est la tour inachevée de l'église mé-
tropolitaine de Malines.
La cathédrale elle-même, commencée
vers la fin du XI Ie siècle, était achevée en
131 2. Mais elle fut ravagée par un incendie
en 1 34 1 , puis rebâtie dans la seconde moitié
du XIVe siècle, et ce travail fut continué
dans la première partie du siècle suivant,
grâce aux offrandes des pèlerins qui ve-
naient vénérer les reliques de saint Rom-
baut. La construction de la tour fut com-
mencée en 1452, sur les plans grandioses de
Jean Keldermans, mais les travaux conti-
nués pendant plus d'un siècle, ont été aban-
donnés en 1583. A cette époque néfaste, les
pierres, amenées à pied d'œuvre pour com-
mencer la construction de la flèche ajourée
qui devait former le magnifique couronne-
ment du clocher, furent emportées en Hol-
lande par le prince d'Orange pour servir à
bâtir la ville de Wilhelmstadt. La construc-
tion actuelle, qui s'élève à la hauteur de 97
mètres, 30 cent, devrait, avec la flèche,
atteindre l'élévation de 160 mètres.
Il y a donc plus de trois siècles que le
travail a été interrompu et que la tour attend
son achèvement. L'œuvre de Keldermans
est là, debout, et semble faire appel aux
générations indifférentes qui passent, avec
la confiance qu'un jour des hommes de foi
et de générosité viendront achever ce que
des hommes de foi ont commencé. Cepen-
dant le pays et la cité jouissent d'une grande
prospérité; on travaille autour de la cathé-
drale, on cherche à l'orner à l'intérieur, et
l'on restaure même la tour inachevée dont
le temps a déjà rongé les détails trop fleuris
du décor en pierre. De temps à autres, dans
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 3me LIVRAISON.
i86
Bebuc tie l'art chrétien.
les Congrès et dans les Sociétés archéolo-
giques, une voix s'élève pour rappeler que
ce clocher majestueux a été érigé pour ser-
vir de base à une flèche, que ce complément
est un travail nécessaire au point de vue de
l'art, digne d'un peuple religieux et libre,
digne d'une époque qui a conscience de la
valeur des monuments du passé. On applau-
dit dans les Congrès et les Cénacles archéo-
logiques, puis le silence se fait, et le majes-
tueux tronçon, du haut de ses dernières
assises, continue à attendre les hommes qui
viendront élever vers le ciel la flèche pro-
jetée par le premier maître de l'œuvre.
On s'est demandé quelquefois d'où venait
cette apathie. Ce sera l'une des gloires de
notre siècle d'avoir repris et achevé quel-
ques-uns des monuments les plus grandioses
que le moyen âge avait conçus et com-
mencés. Notre génération a vu terminer des
travaux plus considérables que la tour St-
Rombaut, et qui réclamaient un plus grand
effort. Nous avons vu reprendre et achever
la cathédrale de Cologne avec son vaisseau
immense et ses deux flèches, œuvre vrai-
ment grandiose celle-là. Nous avons vu
s'achever la tour majestueuse de la protes-
tante cathédrale d'Ulm, l'une des plus
élevées du monde. Florence a su édifier la
remarquable façade de son dôme, demeurée
tant de siècles à l'état de projet et à l'aspect
de ruine. N'est-ce pas le cas de dire avec
l'apôtre : ce que ceux-ci et ceux-là ont fait,
pourquoi ne le ferions-nous pas? pourquoi
ce que les populations allemandes et les
citoyens de Florence ont osé commencer et
mènera bonne fin, ne pourrait-il être entre-
pris par la riche et catholique Belgique?
Il y a deux ans, dans la réunion du IIIe
Congrès de la Fédération historique et
archéologique, qui avait précisément lieu à
Malines, on a de nouveau agité la question
de savoir si l'on pourrait achever la tour de
Saint-Rombaut, d'après le plan publié en
1844 par Renier Chalon.
La question a donné lieu à d'intéressants
débats. MM. le chanoine Van Caster, l'ar-
chitecte Hubert, MM. Van Boxmer, Kern-
peneer et d'autres membres du Congrès,
prirent part à la discussion. On a constaté
d'abord que la publication par Renier Cha-
lon, du plan original, document important,
n'avait pas produit grande sensation, — fait
qui s'explique aisément. En le faisant con-
naître au public, Chalon avait commis une
erreur qui ôtait bonne partie de l'intérêt qui
s'attache à ce document. L'ayant trouvé à
Mons, et ne s'étant pas donné le temps de
faire du plan une étude suffisante, il le pré-
senta comme le plan de la tour de Sainte-
Waudru à Mons, construction de même
style et de la même époque que la tour de
St-Rombaut. Or, cette tour, dans sa partie
existante, offrait des différences notables
avec le dessin sur parchemin retrouvé.
Celui-ci ne présentait donc que l'intérêt d'un
document dénué de toute utilité pratique.
Il en eût été tout autrement si ce plan,
dessiné sur six feuilles de parchemin et
formant un rouleau de 3 m. 46, eût été
donné pour ce qu'il est en réalité, — le
patron de la tour la plus considérable du
pays restée inachevée, et qui, s'il s'agissait
de terminer l'œuvre commencée, aurait au
point de vue pratique, une importance supé-
rieure à sa valeur archéologique.
La méprise de Chalon est au surplus
d'autant plus étonnante qu'il était facile
d'identifier le plan retrouvé à Mons avec la
tour commencée par Keldermans, d'autant
que Hollar avait gravé celle-ci en 1649. Si
la gravure est défectueuse en ce qui con-
cerne le style des détails, — comme le sont
tous les dessins de cette époque où les
artistes avaient perdu l'intelligence des
monuments de style ogival, — l'ensemble
Ha tour îie £>M&ombaut à Câlines.
187
de la disposition et la place de tous les dé-
tails est identique à l'ensemble et aux détails
du plan publié par Chalon (').
La discussion du Congrès eut plutôt une
portée archéologique. On se mit d'accord
pour reconnaître que ce plan était bien celui
de la tour de St-Rombaut, et nullement
celui de la tour de Ste-Waudru de Mons ;
cependant la question de l'achèvement de
la tour fut également examinée, et on dif-
féra d'avis sur cette autre question de savoir
si le plan gravé par Hollar, ou bien celui
publié par Chalon, devait être suivi dans
l'éventualité de l'achèvement de la tour.
Un membre du Congrès, M. Van Boxmer,
assura «qu'il y avait moyen de terminer la
tour, et que les parties déjà construites
peuvent supporter la surcharge à leur don-
ner pour monter l'édifice à la hauteur de
160 mètres. »
Cependant la controverse aboutit à un
vote formulé en ces termes : « Le Congrès,
sous l'impression de ses sentiments patrio-
tiques et archéologiques, émet le vœu de
voir achever la tour de Saint- Rombaut (2). »
En présence de la grandeur de l'œuvre
et de l'importance du but à atteindre, il y
avait peut-être quelque chose de plus à
faire. Il eût été bon, tout au moins, d'indi-
quer les premiers moyens à employer pour
donner une impulsion aux esprits favorables
à ce travail. Comme l'a dit un jour un
orateur, « il appartient aux convaincus
d'entraîner les hésitants ». Il y avait lieu de
préparer l'organisation d'un Comité d'action.
Il y a plus de quarante ans, un vœu sem-
blable a été émis par une voix éloquente,
non sans un certain retentissement, dans un
autre Congrès qui siégeait dans la même
ville. L'émission périodique du même vœu
1. Ce plan est conservé aujourd'hui à la bibliothèque
royale de Bruxelles.
2. Compte rendu du Congrès arch êologique de Mnlines,
1897, p. 241.
ne saurait, hélas ! ajouter une assise de plus
à la tour incomplète.
Tour de Saint Rombaut, d'après la gravure de Jos. Hunik (i).
Il vient un moment où l'émission des
vœux ne suffit plus.
Cependant la controverse dont nous
venons de rendre compte aboutit à un ré-
1. La Revue a déjà donné une reproduction de cette
gravure dans de plus grandes proportions. Y. année 1S97,
PI. XIII.
i88
Betntc lie l'&rt cbrcttem
sultat dont il y a lieu de s'applaudir. Le
président du Congrès, M. le chanoine Van
Caster, a voulu soumettre à un examen
approfondi le plan retrouvé à Mons, et il
en a fait l'objet d'une publication qui vient
de paraître sous le titre: Le vrai plan de
la tour de Saint-Rombaut à Matines (').
L'auteur soumet à une nouvelle étude
tous les plans et toutes les reproductions
de la tour de Saint-Rombaut, en examinant
avec un soin particulier le plan gravé par
Wenceslas Hollar, celui de Hunin (gravé
en 1812), les gravures sur bois fort incom-
plètes d'un auteur inconnu, datées de 1734,
et enfin les gravuresexécutées pour l'ouvrage
intitulé Les Délices des Pays-Bas. Enfin,
il se livre à une étude comparative des
plans de la flèche de Saint-Rombaut, et des
flèches de même style contemporaines :
la flèche de Notre-Dame d'Anvers.attribuée
aux architectes Rombaut Keldermans et
Dominique Waghemakere ; celle de Zierick-
zee, construite sur un dessin attribué à An-
toine Keldermans le vieux. Enfin les con-
clusions très précises sont en faveur du plan
publié par Chalon, qui, aux yeux de l'auteur,
est une copie faite en 1 550 du plan original.
Ce dessin aurait été fait pour répondre au
désir des chanoinesses de Sainte- Waudru
de Mons, afin de servir en quelque façon
de source d'inspiration et d'étude au maître
chargé d'ériger la tour de leur collégiale.
M. le chanoine Van Caster, en analysant
le plan, en met les différentes parties en
regard de photographies reproduisant les
détails déjà exécutés de la tour de Malines,
et tout lecteur de bonne foi devra se rendre
à cette démonstration. Le dessin retrouvé à
Mons ne peut être qu'une copie fidèle du
plan suivi pour la construction de la tour
!. Malines, Imprimerie ),. et A. Godenne, éditeurs,
MDCCCIC, avec une préface de Paul Saintenoy, grand
in-S , XIV et 98 pp. orné d'un grand nombre de gravures
dans le texte et de 6 doubles planches hors texte.
de Malines. C'est là un point désormais
acquis, et s'il s'agit d'achever cette tour en
la couronmnt par la flèche qui lui manque;
on possède un document précis qui permet
de continuer l'œuvre conformément au
dessin du maître qui en a conçu le majes-
tueux ensemble.
Cette constatation a son importance; mais
plus d'un lecteur de l'étude de M. Van
Caster se demandera si le moment n'est pas
venu de faire sortir la question de l'achève-
ment de la tour de Saint-Rombaut du do-
maine des vœux, des hypothèses et des
aspirations...
Tout le monde sera d'accord avec l'au-
teur de la savante étude que nous venons
d'analyser, pour conclure avec lui que pour
l'achèvement du clocher de Malines, il faut
suivre le dessin authentique retrouvé à
Mons. « Cet achèvement, disait M. l'archi-
tecte Hubert, serait une œuvre nationale. »
Je pense comme lui que « pour aucune
œuvre de cette nature, l'appui des pouvoirs
publics ne pourrait être aussi bien justifié. »
C'est fort bien, mais s'il est permis d'es-
pérer et même d'attendre cet « appui )), il
n'entre guère dans les habitudes, ni même
dans les attributions des pouvoirs publics,
de prendre l'initiative en pareille matière.
Le gouvernement, qu'en Belgique on in-
voque comme une sorte de providence, un
dieu-Etat, serait en droit de répondre avec
le proverbe «Aide-toi, et Dieu t'aidera!»
Sans doute l'imposant travail qu'il s'agit
d'entreprendre devra devenir une œuvre
nationale, mais avant cela il faut qu'elle soit
une œuvre régionale, et avant tout, œuvre
urbaine.
Ce n'est pas à dire que la flèche s'élèvera
par un décret communal de la ville de Ma-
lines ; mais l'impulsion première doit venir
de l'ancienne cité qui sera la première à
profiter de l'œuvre achevée, à profiter
3La tour ht. â>MRombaut à 0Dalfnes.
189
même du travail nécessaire pour atteindre
ce but.
J'ai eu l'honneur, en 1887, à l'occasion
d'une séance de la Gilde de St-Thomas et
de St-Luc, à l'hôtel-de-ville de Malines, à
laquelle assistait le premier magistrat de la
ville, le vicomte de Kerckhove, de rappeler
le vœu émis par le Congrès catholique de
1864, en faveur de l'achèvement de la tour
de la cathédrale de Malines, vœu unanime-
ment acclamé alors, sur la proposition de
mon défunt ami, Auguste Reichensperger.
Partie du côté oriental comprenant deux étages de la tour de Saint-Rombaut.
Dans les conversations que j'eus plus tard
à ce sujet, avec le vaillant lutteur catho-
lique, et même dans ses lettres, il aimait à y
revenir avec une insistance qui témoignait,
non seulement de l'intérêt qu'il prenait à
cette œuvre, mais de sa conviction abso-
lue qu'elle était réalisable.
Et personne plus que lui n'avait autorité
pour exprimer une opinion basée sur l'ex-
périence : jeune encore, il avait été membre
du Comité d'hommes dévoués et généreux
qui ont entrepris l'achèvement de la cathé-
drale de Cologne ; pendant de longues an-
nées il a été le secrétaire, c'est-à-dire, la
iço
débite lie r^rt chrétien.
cheville ouvrière de ce Comité. Grâce à ses
efforts persistants, il setait établi des sous-
comités du Dombauverein, non seulement
en Prusse et sur les bords du Rhin, non
seulement dans tous les pays de langue al-
lemande, mais partout à l'étranger où se
trouvaient assez de nationaux pour s'im-
poser un sacrifice à l'œuvre nationale ; il
s'en était formé jusque dans les États-
Unis d'Amérique. A Cologne on ne pouvait
entrer dans le plus modeste cabaret, sans
voir, bien en évidence, le tronc qui solli-
citait une aumône en faveur de l'achèvement
de la cathédrale. Ainsi le concours de tous
était continuellement demandé ; les dons
du roi de Prusse et du roi de Bavière furent
particulièrement généreux ; on organisa des
fêtes musicales et des tombolas très consi-
dérables où bon nombre de lots se compo-
saient de tableaux de maîtres modernes
achetés aux peintres avec des réductions
que ceux-ci acceptaient volontiers, en fa-
veur de l'œuvre. Tout ce mouvement était
dirigé par le Comité local qui avait pris l'ini-
tiative de l'œuvre. Pour entretenir les es-
prits dans la ferveur initiale, il avait fondé
un excellent organe périodique Das Dom-
ô/all, dont les articles bien rédigés passaient
souvent dans les colonnes des grands jour-
naux acquis à la cause. De la sorte l'intérêt
du public pour la poursuite de l'œuvre était
toujours tenu en éveil. Aussi ce fut une
grande fête et une grande joie, le jour où
l'on vit descendre du tronçon de tour le
plus avancé, la vieille grue qui, depuis le
quinzième siècle, n'avait plus monté de
pierre et n'était plus d'aucun usage ! Avec
quel enthousiasme on la vit remplacer par
des engins modernes dont l'activité ne cessa
que le jour où le fleuron terminal fut établi
au haut de la flèche ! En même temps la
seconde tour, dont à peine quelques assises
étaient sorties de terre, s'élevait graduelle-
ment lorsque les grands travaux des tran-
septs de la nef centrale étaient terminés.
Mais jamais, au cours de plus d'un demi-
siècle ne se ralentit l'entrain des popula-
tions et le dévouement des membres du
Comité qui dirigeaient l'œuvre.
Heureuses les populations capables d'un
effort aussi soutenu pour une œuvre vrai-
ment digne de faire vibrer la fibre natio-
nale ! Elles peuvent un jour contempler
avec fierté le monument qui redira aux gé-
nérations futures la devise nationale: « l'U-
nion fait la force ». Enfin, elles trouvent
dans leur propre énergie le ressort néces-
saire pour reprendre aux jours de prospé-
rité les œuvres interrompues pendant les
siècles moins favorisés.
Jules Helbig.
A*yT* a5£* a*vX-* i&U a^ a*vT* a5£* a%* A*yl* A52* a5$* a5£* a5£x xÇE* a7»!* *ffl«
rrrrm nnxixnri-ii-
rrTTT'"»»»*TTTTTr:
*s*s*s lie tiéplacement lies fresques» mmm |
rHTTMI2flIHItïlIII^lHirTTtt«IIH lITtTTITTTTT»' IIIHHHII ITtTITlITIlUTTTTTTrTTnTTTTriItlTri I f TTfTTTIi j I 1 1TI II: 1 1 II 1 ITTÏTl 1 LLli: 1 1 TZ1TT Y~T TtT. ^C
WW^WWW^WWW^^WW^f;
NOS lecteurs se rappellent sans aucun doute
le travail publié par M. Gerspach dans
notre Revue (*) sur le nettoyage des anciennes
fresques. Cette étude, d'une utilité si pratique,
a été très remarquée et le Gouvernement belge
en a fait la base des mesures qu'il recommande
pour les soins à donner aux peintures murales
que l'on découvre dans les églises et les monu-
ments publics.
Nous avons prié M. Gerspach de compléter
son premier travail, en nous faisant connaître les
procédés actuellement en usage en Italie pour
déplacer les fresques et les peintures murales en
général, opération pratiquée assez fréquemment
et avec succès dans ces derniers temps.
Notre collaborateur a bien voulu répondre au
désir qui lui était exprimé, par la notice détaillée
et précise que nous donnons aujourd'hui.
J. H.
A question n'est pas ex-
clusivement italienne ;
la fresque que Michel-
Ange appelait lapittura
degli uomini, est, après
un long abandon, rentrée
partout en faveur. Dans
diverses contrées de l'Europe, en Belgique
notamment, on se préoccupe, non seulement
des soins à donner à ces vieilles peintures,
mais de l'éventualité de leur déplacement.
Une fresque en effet est sujette à être
déplacée pour de nombreux motifs : démo-
lition de l'édifice, état malsain de la mu-
raille, changements dans l'affectation de
l'immeuble, désir de mettre la peinture en
meilleure lumière, et même spéculation.
Le déplacement est une opération com-
plexe qui excite la curiosité ; c'est à satis-
faire cette curiosité que je vais m'appliquer
i. Année îî
p. 209.
et non — on le verra bien du reste — à
rédiger un manuel à l'usage de ceux qui
pourraient être chargés de semblables
travaux.
Il existe sur le sujet plusieurs publica-
tions ; j'ai pris connaissance de celles qui
ont paru en Italie et en France ; aucune,
même la plus récente, n'est complète et ne
pourrait servir de guide ; en se bornant
à ces écrits, on resterait en retard de plus
d'un quart de siècle.
Voici par exemple le dernier ouvrage
paru (').
L'auteur, il est vrai, ne consacre qu'un
seul chapitre à l'enlèvement et au nettoyage
des fresques, et il a soin de prévenir que le
chapitre n'est inclus dans son traité qu'à
titre purement documentaire.
Mais, encore même à titre documentaire,
il aurait dû être mieux renseigné. Il ne dit
mot du procédé d'application sur réseau
métallique qui a servi aux fresques de Bot-
ticelli et de Fra Angelico, au Musée du
Louvre depuis 18 ans. Dans ses explications
sur le report sur toile, il ne signale pas le
danger de l'opération, lorsque la fresque —
ce qui arrive souvent cependant — n'est pas
entièrement à buon fresco.
Pour débarrasser les fresques du badigeon
qui les recouvre, l'auteur indique, entre
autres procédés, l'application de bandes de
toiles enduites de substances résineuses ;
et ajoute qu'ainsi « on parvient à mettre
entièrement au jour l'œuvre jusqu'alors
cachée sans lui faire subir la moindre alté-
ration. »
Ce n'est pas pour le vain plaisir de criti-
quer que je relève ce passage, mais bien
1. Ch. Dalbon, Traité technique et raisonné de la Res-
tauration des tableaux'. Paris, 1898.
192
3Reliuc tic rsirr rijvcrtcn.
parce que le procédé, au lieu de nettoyer la
peinture, est de nature à ruiner la fresque.
L'enquête que je poursuis en Italie depuis
plusieurs années sur le déplacement et le
nettoyage des fresques, n'a pas été sans
difficultés ; j'ai eu cependant la bonne for-
tune d'assister à quelques opérations et de
recueillir les enseignements de plusieurs
artistes et praticiens d'une compétence pra-
tique reconnue.
Je résume aujourd'hui le résultat de mes
lectures en ce qui concerne quelques faits
historiques, et de mes observations person-
nelles ainsi que des notes prises auprès de
personnes qualifiées, pour ce qui touche à
la technique.
I
AVANT tout il convient d'expliquer
non seulement comment se fait une
fresque, mais encore dans quel état elle
peut se trouver au moment où va se mettre
à l'ouvrage l'opérateur chargé de la dé-
placer.
Lorsqu'il est décidé qu'un mur sera peint
à fresque et que le peintre a arrêté sa
composition, le maçon pose sur le mur une
première crépissure de chaux et de sable ;
cette couverture est nécessaire, que le mur
soit en marbre, en briques, en pierres ou en
matières mélangées ; au Campo Santo de
Pise, par exemple, le revêtement extérieur
est en marbre, à l'intérieur il est doublé
d'un appareil en briques.
Sur cette crépissure le peintre reporte sa
composition au trait ; lorsqu'il est prêt à
peindre, le maçon rustique la crépissure,
et à raison d'un mètre carré environ par
jour, il la recouvre d'un enduit frais ; s'il
fait chaud il faudra dans la journée mouiller
l'enduit, dont la composition a varié selon
les époques et les localités ; elle peut être
de chaux et de pouzzolane, de chaux et de
poudre de marbre, avec ou sans mélange
de sable plus ou moins fin, etc., etc.
L'épaisseur de l'enduit varie, selon les
circonstances, de deux à trois millimètres à
plusieurs centimètres.
Le peintre ne délaye pas dans l'eau tou-
tes ses couleurs d'une façon identique ; dans
une même fresque, on peut remarquer des
couleurs tellement fluides que l'enduit se
voit à travers la pellicule, alors qu'à côté
d'autres couleurs, à cause de leur épaisseur,
cachent complètement l'enduit.
A Venise et en Lombardie les couleurs
sont plus pâteuses qu'en Toscane.
Le peintre ne réussit pas toujours à
mener à bonne fin son entreprise avec le
seul moyen du buon fresco, c'est-à-dire avec
des couleurs à l'eau posées sur enduit frais;
alors il termine, sur l'enduit sec, a tempera,
c'est-à-dire avec des couleurs préparées à
l'œuf, à la colle ou avec d'autres matières
agglutinatives. Dans certains cas, la tem-
pera est une nécessité, parce que quelques
couleurs ne s'obtiennent pas autrement,
tels le bleu d'outremer, le vert vif, le rouge
cinabre.
Au mois de décembre dernier, j'ai suivi
de près à l'église Santa Croce de Florence
la remise au jour de fresques peintes au
XIVe siècle par Taddeo Gaddi et non re-
touchées ; j'ai facilement reconnu la tem-
pera dans un des rouges, un des bleus, un
noir et un vert. L'expérience est facile, il
suffit de frotter légèrement avec le doigt
mouillé ; la tempera déteint, le buon fresco
ne bouge pas.
On a remarqué aussi des colorations qui
ne sont ni à buon fresco ni à tempera.
Je sais pertinemment, par le peintre
même qui l'a constaté, qu'au Vatican, dans
la chambre de la Scg/iatura, il y a des sub-
stances colorantes d'une nature indéfinie
3Le Déplacement Des fresques.
193
dans quelques-uns des médaillons, vraisem-
blablement retouchés, qui symbolisent la
Jjtstice, la Poésie, la Théologie et la Science.
Ces substances sont dans les obscurs ; il a
semblé au peintre que les couleurs avaient
été mélangées avec une poussière de char-
bon de bois provenant sans doute des
scaldini, petits réchauds que les peintres
tiennent à côté d'eux pour se chauffer les
mains.
On sent que même en présence d'une
fresque restée per fortuna à peu près dans
son état primitif, l'opération doit compter
avec la qualité des matériaux du mur ; avec
l'enduit, qui, selon son épaisseur et sa com-
position, a des aptitudes diverses d'adhé-
rence à la muraille et d'absorption des
couleurs ; avec la nature des couleurs, qui
sont insolubles à l'eau en biiou fresco et
solubles en tempera.
Et ce n'est pas tout, il s'en faut de
beaucoup.
L'action du temps, du milieu et des
hommes n'a pas épargné nombre de
fresques.
L'humidité est leur ennemi le plus puis-
sant. Insensiblement elle envahit la ma-
çonnerie, l'enduit et les couleurs ; elle
donne naissance à des formations chimi-
ques et à des chancis qui, petit à petit,
dévorent la fresque. Pour entraver son
action on a essayé le chauffage, l'encausti-
cage et l'isolement ; ce dernier procédé seul
a donné de bons résultats, mais il est d'une
application difficile, très onéreuse et ne
peut être employé que dans des cas excep-
tionnels ('). Les effets de l'humidité sont
tels qu'après une inspection attentive, l'opé-
rateur est amené à déclarer qu'il est im-
puissant à préserver ou à enlever la
1. Plus loin on trouvera quelques indications sur un
procédé d'isolement pratiqué au Campo Santo de Pise.
fresque et qu'il faut la laisser périr de mort
naturelle.
A la longue, l'enduit peut se détacher
du mur par endroits sans cependant tomber
tout à fait.
Les couleurs à l'eau peuvent se désagré-
ger et tourner en poussière, tout en restant
sur l'enduit.
La fumée des cierges et de l'encens
peut déposer sur la fresque une suie
graisseuse ; des gouttelettes de cire peuvent
l'atteindre; les insectes peuvent la salir ; la
poussière peut la couvrir.
La fresque a pu être cachée sous une
couche de lait de chaux qui laisse des traces
même après avoir été enlevée.
Enfin il y a les restaurations à l'huile.
De ces circonstances — et je ne les ai pas
énumérées toutes — l'opérateur est obligé
de tenir compte avant de commencer son
travail de déplacement. Il est comme un
médecin à sa première visite chez un malade
paralysé et muet; il tâte le pouls, il aus-
culte, il diagnostique, puis il rédige son
ordonnance.
Je vais passer en revue, d'une façon aussi
sommaire que possible, les divers procédés
usités pour le déplacement d'une fresque
et donner quelques détails historiques à
l'occasion.
Le plus ancien moyen consiste dans le
déplacement de la muraille en totalité ou
en partie; puis on est arrivé à lever la pel-
licule de couleur seulement; de notre temps
on est parvenu à enlever l'enduit peint sans
creuser le mur, et plus récemment on a
réussi à reporter sur un réseau métallique
l'enduit seul ou doublé d'une très mince
couche détachée de la muraille.
Aucun des anciens moyens n'a été aban-
donné d'une façon absolue; on .les emploie
encore selon les circonstances.
BEVUE DE L ART CHRETIEN.
189g. — 3Ule LIVRAISON.
194
3&eliuc lie Part ctntticn.
ii
JUSQU'A présent, je n'ai trouvé au-
cun renseignement précis sur le point
de savoir si l'antiquité a pratiqué le
déplacement de murailles couvertes de pein-
tures; cela me paraît vraisemblable.
Ce genre de décoration était si fréquent
et le goût des arts si répandu, qu'on peut
admettre, par exemple, qu'un amateur, en
chaneeant de demeure, ait tenu à faire trans-
porter dans sa nouvelle résidence les pein-
tures qu'il avait plaisir à regarder; il est
également probable que dans les thermes
et les pinacothèques on avait réuni des pein-
tures murales renommées que les peintres
avaient exécutées dans des palais et des
villas ; l'opération était facile, comme le
prouvent le grand nombre de peintures mu-
rales antiques conservées dans les musées
modernes.
En ce qui concerne le moyen âge, je n'ai
trouvé aucune mention du déplacement an-
térieur à la fin du XIVe siècle.
A Florence, en 1296, la Seigneurie, pour
satisfaire aux vœux du peuple, décréta que
la cathédrale de Santa- Reparata serait dé-
molie et remplacée par un édifice plus digne
de la cité; en 1360, elle dédia le nouveau
temple à Sainte-Marie-des-Fleurs. Divers
œuvres d'art de Santa-Reparata furent
transportées à Santa- M aria, notamment
en 1397, une fresque représentant la Con-
ception; elle fut placée dans le mur de droite
de la nef; malheureusement elle a disparu.
Pourlesfresques transportées qui existent
encore, la tradition ne va pas au delà du
XVIe siècle.
Des circonstances exceptionnelles m'ont
amené à penser que la tradition n'est' pas
fondée.
La fresque la plus populaire de la cité, est
X Annonciation de l'église de la Santissima
Annunziazione desservie par les Servîtes;
l'ouvrage étant toujours voilé, sauf dans
des cas très rares, n'est guère connu que
par d'innombrables reproductions, dont pas
une, je puis l'assurer, ne donne l'impression
pénétrante et délicieuse de l'original.
Selon les Servîtes, la fresque aurait été
peinte en 1252 par un peintre Bartolomeo
inconnu d'ailleurs ; seulement Bartolomeo,
n'aurait peint que l'Ange, et la Vierge
résulterait d'une intervention miraculeuse.
Malgré mon respect pour les Servîtes, je
ne puis adopter leur version ; la fresque n'est
pas du XI I Ie siècle; je reviendrai peut-être
quelque jour sur cette question.
En 1448, les Médicis firent construire par
Michelozzo, dans l'intérieur de l'église, une
chapelle spéciale pour X Annonciation; la
fresque occupe au-dessus de l'autel la paroi
du fond, les autres côtés sont ouverts.
Lors du tremblement de terre de mars
1895, les voiles qui couvrent X Annonciation
furent levés pendant une semaine; l'af-
fluence des fidèles de la cité et des environs
fut énorme. Vingt-cinq mille personnes par
jour passèrent, l'une après l'autre, devant
l'image vénérée, avec interdiction de s'ar-
rêter pour ne pas entraver le mouvement. Il
me fut possible de défiler une vingtaine de
fois et de me pénétrer ainsi du sentiment de
la composition, de sa technique et de son
état de conservation.
D'après divers indices et notamment à
cause de l'absence de la bordure montante
de droite, je suis resté convaincu que la
fresque a été déplacée; il est même possible
qu'elle l'ait été plusieurs, fois; en ce cas le
dernier déplacement du mur aurait eu lieu
entre 1448, époque où l'architecte a com-
mencé les travaux de la chapelle, et 1452,
année de la consécration de l'autel par le
cardinal Guillaume d'Estouteville. L'opé-
ration était très praticable, la fresque ne
3U Déplacement Des fre0que0.
195
mesurant que 2m8o de large sur 2m28 de
haut.
Tous les projets de déplacements n'ont
pas été suivis d'exécution, il s'en faut de
beaucoup. Le roi de France Louis XII
eut l'ambition de faire transporter en France
le célèbre Cenacolo du couvent de Sainte-
Marie-des-Grâces à Milan; je crois que la
peinture occupe une surface d'environ 58
mètres carrés ; les ingénieurs déclarèrent
l'entreprise impossible, et le Cenacolo resta
en place.
Eut-il été mieux conservée en France?
Je ne le pense pas.
A une époque qui n'a pas été déterminée
exactement, Léonard de Vinci commença
le Cenacolo; sauf la tête du Christ que
Léonard ne put se décider à peindre, l'œuvre
fut terminée en 1498. Léonard n'aimait pas
à travailler à fresque, son tempérament s'y
opposait et peut-être aussi méprisait-il,
comme beaucoup d'hommes de génie, les
sentiers battus. Toujours est-il qu'il inventa
un enduit particulier et qu'il le recouvrit
de couleurs àl'huile spécialement préparées ;
l'enduit était mauvais et les couleurs aussi,
à ce point que, vers 1540, après moins d'un
demi-siècle, la peinture était déjà écaillée
en partie; les couches dont elle fut recou-
verte depuis lors ne résisteront pas davan-
tage, la préparation n'étant pas de nature à
retenir la pellicule de couleur.
Ici je ne puis m'empêcher de faire une
remarque.
Les écrits sur le Cenacolo, les Guides, et
par suite les visiteurs se plaisent, à la vue
de cette ruine, à accuser la fatalité de lèse-
majesté.
D'un côté l'un des chefs-d'œuvre de
l'art n'est plus que l'ombre d'une ombre; en
face la médiocre fresque la Crucifixion par
Montofarno a été épargnée.
Qu'on observe cependant que les condi-
tions locales ont été les mêmes pour les
deux peintures ; du moment que la fresque
de Montofarno a résisté, c'est que le réfec-
toire n'était pas malsain comme on le répète
sans cesse. Si Léonard avait peint à buon
fresco, son Cenacolo serait dans le même état
que la Crtuifixion. Mais il n'a pas voulu
faire comme les autres, et c'est là qu'on peut
chercher l'intervention de la fatalité.
Pour en revenir aux fresques déplacées et
encore actuellement aux places où elles ont
été mises, les auteurs citent comme les plus
anciennes celles de l'église Ognissanti de
Florence ; je crois que \ Annonciation des
Servîtes a la priorité, mais enfin pour Ognis-
santi il y a une certitude plus grande que
pour V Annonciation.
Le couvent et l'église d'Ognissanti appar-
tenaient aux Umilitati ; ces moines ont été
les créateurs, à Florence, de l'industrie des
draps de laine, devenue la plus importante
de la cité. Vers le milieu du XVIe siècle,
les Franciscains remplaçaient les Umilitati,
non dans leur fabrication, mais dans la pro-
priété des immeubles ; peu après ils firent
dans l'intérieur de l'église d'importantes mo-
difications ; un certain nombre de fresques
disparurent, d'autres furent, à cette époque
et plus tard, cachées sous des tableaux
d'autel. Par exception le saint A icgustin, par
Botticelli, et le saint férôme, par Dominico
Ghirlandaio, furent respectés ; les deux
fresques étaient à l'entrée du chœur sur des
surfaces qui devaient être percées pour éta-
blir des chapelles ; on enleva les pans de
murs en 1564 et on les engagea, l'un en
face de l'autre, dans les parois de la nef ;
à les voir on ne se doute pas qu'elles ont
été déplacées (').
1. Il est difficile de mesurer les tableaux dans les égli-
ses ; il faut donc se contenter de dimensions approxima-
tives ; j'estime que chaque fresque a environ i m. 50 de
large sur 2 m. de haut.
196
Bclnte De l'&rt chrétien.
Il est fort probable qu'après le résultat
obtenu à Ognissanti, il y a eu à Florence
d'autres transports de fresques, mais je ne
puis en indiquer aucune avec quelques
chances de vérité.
Je connais bien le Jugement dernier peint
par Fra Bartolomeo, à la fin du XVe siècle,
et terminé par Albertinelli, pour l'hôpital de
Santa- Maria- N uova.
C'est encore un chef-d'œuvre à peu près
perdu. Il est ici, malgré son état de ruine,
en grande considération, car on veut que
Raphaël s'en soit inspiré pour la partie cé-
leste de la Dispute du Saint- Sacrement .
La fresque était dans le cimetière de l'hô-
pital ; pour la préserver on la transporta
dans l'intérieur ; elle fut placée dans le mur
d'un corridor et si bas qu'elle fut ruinée par
le frottement des passants. Ensuite, mais
beaucoup trop tard, elle prit place dans la
galerie de peintures de l'hôpital.
Avec le XVIIIe siècle, nous arrivons à
des déplacements qui marquent dans l'his-
toire des transports des murailles peintes à
fresques.
Dans le jardin du palais de la Crocetta (')
se trouvait une petite chapelle ouverte,
d'une architecture fréquente dans les pays
chauds ; l'édicule était voûté et clos seule-
ment dans le fond et sur les faces latérales.
Giovanni da San Giovanni (1592-1636),
bon peintre et le plus habile décorateur flo-
rentin de son temps, revêtit toute la surface
intérieure de fresques; le sujet principal
est la Fuite en Egypte ; des motifs de la
vie de la Vierge, des Anges, des fleurs et
des ornements complètent la décoration ;
l'ensemble est charmant, très coloré, mais
1. Le palais dit de la Crocetta est l'édifice où se trou-
vent actuellement le musée archéologique, égyptien, et
des tapisseries ; il tire son nom d'un ancien couvent dé-
nommé la crocetta, parce que les religieuses portaient une
petite croix rouge sur leur robe de dominicaine.
un peu faible de style comme toute la pein-
ture toscane de l'époque.
En 1 788, le grand-duc Pierre Léopold or-
donna à l'architecte Paoletti de transporter
la chapelle tout entière dans une salle de
l'Académie des Beaux-Arts. L'opération fut
considérée alors comme audacieuse, mais
elle réussit à souhait ; en examinant cet
édicule, on a peine à croire qu'il n'a pas
été construit à la place qu'il occupe.
J'en donne les mesures approximatives
prises à l'intérieur.
Longueur sur le sol : 3 m. 20.
Largeur sur le sol : 2 m. 70.
Hauteur des murs : 3 m. 80.
Hauteur sous la voûte : 4 m. 00.
Le grand-duc Léopold fit également dé-
placer un cabinet peint à fresque dans la
villa du Poggio impériale située hors les
portes de Florence. La hauteur m'a paru
la même que celle de la chapelle de la Cro-
cetta, mais la longueur et la largeur sont
à peu près du double ; le cabinet est voûté
et percé de deux portes et d'une fenêtre.
Toutes les surfaces avaient été peintes à
fresques par Matteo Rosselli (1578-1650)
d'ornements et de sujets d'histoire : Chris-,
tophe Colomb, la Bataille de Lépante, etc.
La décoration est élégante, mais elle ne
méritait certes pas les frais considérables
d'un déplacement de quatre murs et d'une
voûte ; c'est un caprice de prince.
Dans les premières années du XIXe siè-
cle, après la fondation du royaume d'Italie
par Napoléon et la suppression des couvents,
un si grand nombre de murailles peintes à
fresque furent déplacées, que quelques
années après 1805, date de son ouverture,
le Musée Bréra de Milan comptait déjà
près de quatre-vingts peintures de ce genre.
Par suite je n'aurai plus à signaler que
quelques cas particuliers.
L'église de la Trinité du Mont à Rome,
3le Déplacement Des fresques.
197
a été construite en 1494 par ordre du roi de
France, Charles VIII, sur les instances de
saint François de Paul. Daniel de Volterre
(1509- 15 56) fut chargé d'une partie de la
décoration, il peignit à fresque notamment
La Descente de croix, d'après le dessin ou
tout au moins les conseils de son ami
Michel-Ange. L'ouvrage fut tenu, non seule-
ment pour le chef-d'œuvre de Daniel, mais
pour l'un des chefs-d'œuvre delà peinture ;
Poussin le mit sur le même rang que la
Transfiguration de Raphaël et la Commu-
nion de saint Jérôme du Dominiquin.
L'église avait été mal construite ; en 1 774
on fut obligé de refaire la voûte, et au com-
mencement de notre siècle, d'autres parties
menacèrent ruine, le mur de la Descente
de croix surtout. En 181 1, le général fran-
çais Miollis, gouverneur de Rome, résolut
de sauver la fresque ; la peinture fut levée
avec son enduit et une épaisseur d'environ
sept à huit centimètres du mur ; le travail
mécanique réussit assez bien, et après la
reconstruction de la muraille, la fresque
fut replacée ; pour la maintenir, on avait eu
soin de la doubler d'un fort parquet de bois.
Malheureusement les opérateurs avaient
employé pour préserver la peinture des
bandes de toile imbibées de colle de mau-
vaise qualité ; la fresque déjà en médiocre
état fut tellement abîmée, que, pour le
moment, on renonça à la restaurer. Plus
tard, l'opération fut tentée cependant sur les
instances du duc de Blacas, ambassadeur du
roi Louis XVIII près du Saint-Siège; un
peintre fort renommé alors, Camuccini, dé-
barrassa la peinture des colles qui étaient
restées adhérentes et reprit au pinceau les
parties détruites ou altérées ; les retouches
ne furent pas heureuses, et l'on peut dire
que de l'œuvre de Daniel de Volterre, il ne
reste plus que la composition.
Je suis entré dans quelques détails, à
cause du renom de la peinture et pour rec-
tifier une erreur. On lit partout que la fres-
que a été portée sur toile ; toujours en mé-
fiance des écrits qui se répètent générale-
ment les uns les autres, sans rien vérifier,
j'ai touché la fresque et une légère percus-
sion m'a prouvé que la peinture n'était pas
sur toile, mais bien sur un support plus
ferme ; j'ai fait alors quelques recherches,
et je suis arrivé au résultat que j'indique.
Vers i840,Sienne se distingue particuliè-
rement.dans un but unique de conservation ;
des fresques d'Ambrogio Lorenzetti, Signo-
relli, Bazzi, pour ne nommer que les plus
célèbres, furent transportées avec les pans
de murs, d'une église dans une autre, d'un
couvent dans une église, d'une église dans
les palais et dans les salles de l'Institut des
Beaux-Arts. Parmi de plus récentes opé-
rations, il est juste de mentionner particu-
lièrement le transport de la salle capitulaire
du couvent de San Francesco dans l'éçrlise
attenante, de deux fresques de Lorenzetti,
une Crucifixion et saint Louis, évêque de
Tou/ouse, ordonné par Boniface VIII : la
dimension de ces peintures qui mesurent
5m50 de haut sur 4mio de large, rendait le
travail difficile; il fut exécuté heureusement
par G. Vestri, Maestro muratore.
III
UN dessin bien lisible est toujours pré-
férable à une description écrite, aussi
j'ai fait faire pour la Revue quelques dessins
qui me dispenseront d'entrer dans les détails
de charpentes, de ferrures, etc., etc.
Le dessin n° 1 représente un tabernacle
avec une Crucifixion, peinte dans la pre-
mière moitié du XVe siècle ; le tabernacle
était engagé dans la muraille de l'ancienne
enceinte de Florence, près de la Porte San
Gallo.
Le dessin n° 2 montre une fresque pro-
198
Bebuc ïie rglrt chrétien.
bablement par Andréa del Castagno ( 1 390 ?-
1457), représentant saint Eustache et quel-
ques épisodes de sa vie ; elle provient de
l'église démolie de San Jacopo tra' Fossi
à Florence.
Les deux pièces sont représentées dans
l'état où elles étaient lorsque de la muraille
qui les retenait, elles ont été mises en ma-
gasin.
On voit qu'il suffirait de les capitonner et
i---'
Déplacement de fresque, n'J 1.
de les mettre en caisse pour les expédier
sans risques à n'importe quelle distance.
L'opération ne présente nulle difficulté
lorsque le mur peut être démoli intégrale-
ment ; il faut cependant avoir soin de n'em-
ployer le marteau, ni pour clouer l'appareil
en bois, ni pour dégager la fresque, les
coups pouvant ébranler la pellicule de cou-
JLt Déplacement îic0 fresques.
i99
leur. Les pièces de bois doivent être réunies
avec des vis et les matériaux voisins enlevés
à la main, par grattage ou sciage.
Si le mur est trop épais ou qu'une partie
seulement doit être levée, il y a lieu à plus
de précautions encore.
On commence par réduire le mur à l'é-
paisseur jugée convenable ; elle ne peut être
déterminée en théorie ; elle varie selon la
dimension de la peinture et la nature des
matériaux.
Lorsque le mur est réduit à l'épaisseur
•0.1g; 0,20*""
Déplacement de fresque, n° 2.
voulue, on couvre provisoirement la fresque
à sec d'une façon quelconque, puis on isole
la peinture en pratiquant autour des espè-
ces de caniveaux aussitôt garnis de pièces
de bois qui formeront un véritable cadre
comme l'indique le dessin n° 2. On com-
mence par la ligne horizontale inférieure et
on continue par les montants ; avant de
creuser le caniveau du haut on construit
au-dessus un arc de briques dont la corde
correspond à la largeur de la peinture ; c'est
une précaution contre la chute possible des
matériaux.
Tous ces soins n'ont pas toujours été pris.
Je connais des pans de murs peints à
fresque, qui ont été simplement sciés sans
200
Hetntc ïe V&xt chrétien.
être inscrits dans des cadres de bois, levés,
transportés plus loin et engagés dans des
murailles, le tout sans trop de dégradation;
ce n'est pas une raison pour tenter pareille
aventure.
Quoiqu'il ne s'agisse pas d'une fresque,
je dois dire quelques mots d'une importante
opération faite de notre temps, qui a eu
pour objet de lever une décoration murale
avec son enduit et de la remettre ensuite à
sa place primitive.
La grande mosaïque de l'abside hémis-
phérique de la basilique de Saint-Jean de
Latran à Rome a été exécutée dans les
dernières années du XII Ie siècle par le fran-
ciscain Toriti et son compagnon frère
Camerino. Je ne connais pas ses dimen-
sions, mais je puis en donner une idée
approximative.
La mosaïque est divisée en trois sections;
dans celle du milieu, aux côtés de la croix,
se tiennent la Vierge et plusieurs apôtres ;
j'ai mesuré l'un d'eux, il est haut de 4 m.
20 cm. et comme ces personnages sont en
parfaite proportion avec l'ensemble, ils per-
mettent de se fiourer les vastes dimensions
de l'abside.
En 1879, l'abside étant en péril à cause
du tassement des murs, les architectes pon-
tificaux résolurent d'abattre la vieille mu-
raille et d'en construire une nouvelle. Ils
commencèrent par diviser la mosaïque en
sections rationnelles mais non régulières ;
chaque section fut soutenue par un gabarit
dont la courbe correspondait à celle de la
voûte ; puis on démolit la muraille jusqu'au
ciment qui retient les cubes delà mosaïque.
Dans quelques endroits le ciment à la
chaux avait à peine un centimètre d'épais-
seur ; ailleurs il en avait jusqu'à six, il était
alors mélangé de paille hachée afin de le
rendre moins lourd. La dépose eut lieu sans
accidents ; après la reconstruction du mur.
la mosaïque fut remise en place.
Il est clair que ce qu'on a fait à Saint-
Jean pour la mosaïque peut être réalisé
pour une fresque.
IV
MAIS dans certains cas, l'enlèvement
complet d'un mur ou même d'un
morceau de mur est chose difficile sinon
impossible ; il est donc tout naturel qu'en
Italie, où il y a tant de fresques, on ait
cherché les moyens de lever la pellicule de
couleur sans attaquer le mur et de la trans-
porter sur une autre surface.
Il n'entre guère dans mes goûts de re-
chercher les priorités d'invention ; on se
perd dans ces discussions souvent obscu-
res, et souvent aussi une invention résulte
des efforts de plusieurs chercheurs qui, sans
se connaître, ont tenté de résoudre un pro-
blème dont la solution était nécessaire.
Dans la présente notice, je n'ai par suite
cité de noms qire dans le cas où la personne
de l'inventeur est hors de contestation.
C'est un peintre de Ferrare, Antonio
Contri, qui, le premier, a reporté sur toile la
pellicule de couleur d'une fresque. Étant à
Naples en 1725, il fut chargé d'enlever
d'une église une fresque miraculeuse repré-
sentant la Madone et de la transporter dans
une autre église nouvellement construite.
Il se livra à de nombreuses expériences sur
des morceaux de peu d'importance; il paraît
même qu'il tenta de lever la fresque avec
son enduit, devançant ainsi, au moins pour
le principe, un système adopté de notre
temps. Contri réussit à enlever la pellicule
de couleur seule et à la mettre sur une toile
préparée à cet effet. On le vit travailler ; il
procédait par application de bandes d'étof-
fes imbibées de colle, mais il garda le secret
de la composition de sa colle.
3Lt tiéplacement Des fresque0.
20 1
La réputation de Contri s'était vite répan-
due en Italie ; il leva des fresques dans les
palais de Naples, à Crémone, à Ferrare, à
Mantoue. A sa mort, survenue en 1732,
ses fils héritèrent de son procédé et de sa
clientèle.
Mais il est impossible de garder indéfini-
ment les secrets de métier ; aussi en 1775,
Succi, peintre d'Imola, pénétra les procédés
de Contri et les perfectionna, au point
qu'il passa pour l'inventeur du système.
Succi leva une fresque dans la cathédrale
d'Imola, et il fit don d'un fragment au pape
Pie VI. Ce cadeau fut l'origine de sa fortune.
Succi n'était pas seul de sa profession,
d'autres ont, en même temps que lui, tra-
vaillé dans diverses parties de l'Italie ; l'un
fut, en 1787, chargé par le grand-duc de
Toscane, Pierre Léopold, de porter sur toile
la fresque d'un tabernacle de l'hôpital
San Bonifazio de Florence, peinte vers
1425 par Cennino Cennini, élève d'Agnolo
Gaddi, et montrant la Madone et l'Enfant
de grandeur naturelle ; la fresque est main-
tenant au Musée de l'hôpital Santa Maria
Nuova, où j'ai été la voir ; elle est mécon-
naissable autant par des retouches que par la
disparition presque complète des deux têtes,
preuve certaine d'un entoilage mal réussi.
Succi travailla à Rome pour les particu-
liers et pour le pape Pie VI ; le pontife fut
tellement satisfait qu'en 1796 il lui décerna
le titre à! Estrarista délie pitture de! Sacro
Palazzo Apostolico.
Je crois que ce titre n'a été porté que par
Succi.
Le mot estrarista est bien construit et se
comprend facilement, mais il n'est pas dans
la langue usuelle et ne se trouve dans aucun
dictionnaire italien, même pas dans le dic-
tionnaire de la Crusca qui a en Italie l'au-
torité du dictionnaire de l'Académie de
France.
En 1582, le grand-duc Cosme Ier fonda
à Florence une Académie pour fixer la lan-
gue italienne comme fit Richelieu à Paris
un demi-siècle plus tard. L'Académie de
Florence prit le nom de Crusca, son, elle a
conservé cette dénomination et avec nombre
d'autres travaux, elle continue son diction-
naire, dont la cinquième édition est encours
de publication.
Selon les écrits du temps Contri, Succi
et leurs émules auraient réalisé des merveil-
les ; qu'ils aient fait parfois ce qui était
regardé comme infaisable, c'est évident,
mais les difficultés de l'opération sont si
grandes et leurs échecs ainsi que ceux de
leurs successeurs, sont si nombreux, que je
crois à beaucoup d'exagération.
Le plus connu des travaux de Succi est
à la pinacothèque du Vatican ; c'est la pein-
ture de Melozzo da Forli (1436-1492) ; elle
représente le pape Sixte IV, donnant au-
dience à Barlolomeo Sacchi, dit Platina,
préfet de la bibliothèque Vaticane ; le Pon-
tife est entouré du cardinal Julien délia
Rovère, qui fut Jutes II, du cardinal Pierre
Riario, de Jean délia Rovère et de Jérôme
Riario. La fresque était dans l'ancienne
bibliothèque du Vatican, la Floreria, d'où
le pape Léon XII — pontificat de 1S27 à
1829 — la fit enlever et mettre sur toile.
Elle mesure 3m88 centim. de haut et 3 m 34
centim. de large. On y remarque des affai-
blissements dans quelques colorations, et par
suite en certaines parties une sensible rup-
ture de l'harmonie ; je crois, avec d'autres,
que l'entoilage n'a pas complètement réussi.
Il n'est pas nécessaire de citer d'autres,
exemples plus ou moins satisfaisants d'en-
toilages de fresques, je dois cependant ne
pas omettre deux peintures, les Capitani,
bien connues de tous ceux qui ont visité le
dôme de Sainte- Marie des Fleurs.
Pour reconnaître les services rendus à la
KKVUE UB L AKT CHKÊTlliN,
1899. — 3me LIVRAISON.
202
Betwc De PStrt cftrctten*
République par le général anglais John
Hawkwood, surnommé Giovanni Acuto, la
Seigneurie de Florence décréta, en 1393,
du vivant même du général, que son effigie
serait peinte à fresque dans la cathédrale ;
en 1455, un semblable décret fut pris pour
le général Nicolo Tolentino, mort en 1433.
La représentation dans un temple, d'hom-
mes d'armes, alors même que leurs exploits
ont été sans effets pour la religion, et que
leurs restes sont ailleurs, n'a rien d'insolite
dans les pays où, comme à Florence, l'al-
liance de la patrie et de la religion, était la
base de la politique.
Aussitôt après les décrets, Paolo Uccello
peignit Hawkwood, et Andréa del Cartagno
fit Nicolo Tolentino ; les deux capitaines,
plus grands que nature.sont figurés à cheval
et surmontent des soubassements de gran-
des proportions.
Les fresques étaient sur le mur de la nef
gauche de la cathédrale ; en 1842, l'intérieur
du dôme fut l'objet de grands changements :
des tombeaux furent changés de place, quel-
ques peintures disparurent, et on décida de
mettre les Capitani au-dessus des deux
portes mineures de la façade. Pour réaliser
cette idée, dont il est assez difficile de saisir
le sens, les fresques furent mises sur toile. Je
crois qu'en raison de leurs dimensions ('),
elles ont dû être coupées, non en morceaux
réguliers, mais en suivant certains contours ;
d'en bas, on ne voit pas ces sections, mais on
distingue sans peine des altérations dans
les couleurs et des retouches rendues néces-
saires par un entoilage médiocrement réussi.
V
E vais maintenant donner quelques
explications sommaires sur la mise sur
toile, et les inconvénients du système.
C'est une affaire d'habileté de main et
J
1. A la vue, j'estime que chaque peinture a environ
5 mètres de large sur 8 '" 50 à neuf mètres de haut.
surtout de collage. Les colles ont, dans
l'opération, un rôle prépondérant ; chaque
opérateur avait les siennes : les bases sont
à peu près identiques, mais les proportions
varient ainsi que les modes de préparation.
Il n'y a donc aucun intérêt à donner ici
les poids et les modes de cuisson, d'autant
plus, — tout le monde est d'accord sur ce
point, — que les formules valent peu dans la
pratique.
Avant tout, la fresque doit être absolu-
ment nettoyée. Poussières, couche de lait de
chaux, suies résultant de la fumée des cierges
et de l'encens, chancis, traces minérales
provenant des matériaux de la muraille, tout
ce qui affecte la peinture en mal, doit dispa-
raître entièrement. Si on n'arrive pas à ren-
dre la fresque propre, il faut renoncer à
l'entoilage ; il ne réussira pas (').
Voilà déjà une première difficulté et non
des plus minces.
Lorsque la fresque est bien nette, on
applique sur sa surface des bandes de coton
très fin imbibées de colle de poisson addi-
tionnée légèrement de vinaigre ou d'acide
acétique ; sur cette première couverture
on en applique une seconde en toile de lin
assez forte, imbibée de colle de poisson mé-
langée avec de la farine de froment. La
fonction du premier entoilage est de dé-
tacher la pellicule de couleur et de la fixer
contre la toile de coton ; la toile de lin sert
simplement de soutien à l'autre.
Après siccité les deux toiles sont déta-
chées du mur en même temps ; si elles sont
grandes on peut les rouler sur un cylindre.
Puis elles sont étendues sur une surface
plane, le côté imprégné de couleur contre
la surface ; l'autre côté, le revers par con-
séquent, est soigneusement débarrassé des
i.Pour le nettoyage des fresques.voir ma notice publiée
par la Revue de V Art chrétien, mai, 1898.
3U Déplacement Des fresques.
203
petits fragments de l'enduit qui ont pu y
rester.
Il faut à présent porter la fresque sur
son support définitif; il peut être de diver-
ses matières, généralement c'est une forte
toile de lin préalablement imbibée d'une
mixture de lait écrémé et caillé ou de ca-
séine, de colle de poisson, de sérum du
sane, de chaux blanche éteinte, et de blancs
d'ceufs ; la toile est étendue avec soin sur
le revers de la pellicule de couleur.
Tout le système est mis pendant plusieurs
jours sous une pression continue et égale
partout ; après siccité on retourne l'appareil ;
on détache à l'eau chaude les deux toiles
qui ont été posées pour commencer; la
fresque étant alors à découvert est passée
à l'eau pour enlever la colle qui est restée
adhérente à la couleur ; il ne reste plus alors
qu'à tendre la toile définitive sur un châssis,
garni à l'intérieur d'un solide parquet.
Telle est l'opération prise dans son en-
semble; elle est extrêmement délicate. Outre
l'habileté de main de l'opérateur il faut
des colles excellentes ; ce n'est pas tout que
la colle dont la toile de coton a été imbibée
détache bien la couleur posée sur l'enduit
et que la mixture de l'entoilage définitif
prenne à son tour la pellicule, il faut encore
qu'elle soit apte à la retenir; à cet égard on
a eu à constater des échecs : il est arrivé
que des mises sur toiles ont paru d'abord
bien réussies et qu'au bout de quelques
années, à cause de la mauvaise qualité de
la mixture, la couleur s'est fendillée et
écaillée et a fini par tomber.
Même avec de bonnes colles et une
grande pratique, l'opération ne réussira que
si la fresque se présente dans des conditions
particulières.
Il faut qu'elle soit parfaitement bien net-
toyée ; que ses couleurs ne soient pas effri-
tées ; que l'absorption des couleurs par l'en-
duit ait été à peu près égale ; qu'elle soit
entièrement à buoii fresco, c'est-à-dire sans
retouches de tempera et à fortiori à l'huile.
En effet, l'entoilage sur toile de coton ne
peut prendre que les couleurs à l'eau ayant
encore une certaine consistance ; non seu-
lement il ne retient pas les couleurs à
tempera, mais il les fait disparaître par dis-
solution, comme, du reste, les feraient
disparaître les lavages à l'eau qui terminent
l'opération.
Pour remédier à cet inconvénient majeur,
on a cherché d'autres formules de colle,
mais sans réussir.
Feu le comte Secco Suardo a proposé de
couvrir la tempera d'une couche de paraffine;
le remède est, paraît-il, absolument ineffi-
cace.
M. Valentino Bernardi, peintre et restau-
rateur de peintures à Bergamo, a récemment
préconisé l'application d'une dissolution
d'alun qui isolerait la tempera; c'est un
très grand progrès, il trouverait son emploi
non seulement dans le transport sur toile
mais dans les nombreux cas où une fresque
retouchée à tempera a besoin d'être lavée
à l'eau.
On sent maintenant ce qui arrive si la
fresque n'est pas complètement homogène.
L'entoilage de coton viendra avec des af-
faiblissements de couleurs et des lacunes
complètes ; l'harmonie générale sera rom-
pue; une fresque pourra paraître comme une
plante vieillie avec des branches encore
vertes et d'autres décolorées ou sans feuilles.
Les anciens opérateurs n'ignoraient pas
les inconvénients du report sur toile, mais
ils s'efforçaient de ne pas les divulguer. Pour
conserver leur crédit, ils travaillaient à
portes closes et tentaient de dissimuler les
lacunes et les faiblesses par des retouches
plus ou moins habiles.
Tant que les retouches ont été tolérées
204
Bebue tie l'&rt cbrétten.
dans une certaine mesure — et cette période
a duré beaucoup trop longtemps — l'entoi-
lage est resté en faveur ; mais depuis que
les retouches ont été défendues, au moins
par les services publics, les opérateurs ont
cherché des moyens de se passer du pro-
cédé de report sur toile.
VI
L'UN de ces moyens paraît chimérique
à première vue, et cependant il a été
employé avec succès par M. Bianchi de
Florence.
Pour éviter le report sur toile, on a ima-
giné d'enlever la fresque avec son enduit
sans démolir la muraille.
Sur la fresque on colle une toile imbibée
d'une mixture de farine de froment délayée
et bouillie dans du lait écrémé. Cette mix-
ture n'a plus, comme dans le système du
report sur toile, la fonction de détacher la
peinture ; tout au contraire, elle doit la
maintenir contre l'enduit.
La toile est fixée par des traverses de
bois contre la ligne supérieure de la fresque ;
lorsqu'elle est sèche, on pratique des cani-
veaux au bas et sur les côtés verticaux de
la peinture. Puis avec un marteau de bois
enveloppé de peau, et en commençant par
le bas, on frappe à petits coups réguliers ;
la percussion a pour résultat de faire cesser
l'adhérence de l'enduit à la muraille.
Il peut arriver qu'en certain endroit l'ad-
hérence résiste aux coups de marteau ;
alors on détache au moyen de lames d'acier
dentelées ou non ; pour manœuvrer ces
outils il faut nécessairement pratiquer au-
tour de la fresque, des cavités assez pro-
fondes pour donner à la main une certaine
liberté de mouvement.
M. E. Ridolfi, l'éminent directeur actuel
des Musées et galeries de l'État, à Florence,
a employé, vers 1856, notamment dans
l'église Santa Maria Bianca à Lucques, un
procédé des plus ingénieux pour lever une
fresque avec son enduit sans pratiquer
autour de la peinture les cavités qui peu-
vent être dommageables.
Après avoir usé du martelage, il s'était
trouvé en présence de points qui résistaient ;
il a eu l'idée de soulever l'encollage par le
bas comme on soulèverait une tapisserie
pour nettoyer le dessous sans la détacher
entièrement du mur.
Pour faciliter l'opération il a posé de
flexibles et minces bandes d'acier contre les
montants et le bas de la fresque, puis, sou-
levant l'encollage avec des cordes, il a intro-
duit en-dessous une sorte de fourchette.plate
emmanchée et il s'en est servi pour vaincre
les points d'attache qui avaient résisté aux
coups de marteau.
Lorsque la fresque avec son enduit est
entièrement détachée du mur, on fixe une
table de bois sur l'encollage et on lève
tout l'appareil ; après avoir bien nettoyé à
plat l'envers de l'enduit, on le consolide avec
un mastic à la chaux et on pose l'appareil
sur un parquet de bois définitif préalable-
ment enduit d'une mixture adhérente qui
se combine avec le mastic dont l'enduit a
été couvert. Après quelques jours de mise
sous pression, on enlève la planche de bois
et on lave la fresque à l'eau pour la dé-
barrasser de la colle.
Si je me suis fait comprendre, l'avantage
du système par percussion ne paraîtra pas
douteux ; il n'exige pas, en effet, comme le
procédé du report sur toile, un double en-
collage, et il n'exige pas davantage que la
fresque soit débarrassée des impuretés sou-
vent difficiles à enlever.
Cela ne veut pas dire que la méthode ne
présente pas certains inconvénients.
D'abord pour se servir avec succès du
marteau et des outils, il faut une expérience
3le déplacement Des fresques.
205
consommée, puis il reste toujours la question
des couleurs a tempera si la fresque a été
ainsi retouchée ; au lavage final, ces cou-
leurs se dissoudront dans l'eau, et la fres-
que se présentera avec des lacunes.
VII
J'ARRIVE enfin aux plus récentes mé-
thodes ; elles ont à présent la préfé-
rence.
Il fallait sortir des impasses et en fin de
compte s'affranchir de l'emploi des colles
dont j'ai indiqué les inconvénients.
Déplacement de fresque. n° 3.
Les opérateurs y sont arrivés avec le
système dit à réseaux métalliques.
Voici en quoi il consiste.
Le praticien commence par sonder autour
de la fresque pour se rendre compte de
l'épaisseur de l'enduit ; puis il pratique des
caniveaux et loge dans les creux un cadre
de bois comme déjà je l'ai indiqué ; sur la
face le cadre dépasse un peu le niveau de
la fresque, à l'envers il dépasse l'enduit de
quelques centimètres.
On pose ensuite sur la face, à sec, un
carton assez fort mais souple et imper-
méable. Il importe que le carton soit bien
appliqué, afin qu'il n'y ait ni frottement ni
creux ; les uns le fixent avec des règles,
d'autres prennent de plus minutieuses pré-
cautions surtout dans le cas assez fréquent
où la fresque n'est pas tout à fait plane et
qu'elle présente des gondolages.
Sur le cadre ils vissent des traverses de
bois ; entre les traverses ils glissent des
fiches également en bois, de façon que le
carton suive exactement le gondolage
(figure n° 3).
Déplacement de fresque, n " 4.
Ceci fait, on attaque le mur par derrière ;
on le réduit à la scie si c'est possible ou par
enlevage à la main, jusqu'à ce qu'on arrive
au cadre de bois (figure n° 4).
La dépouille se fait par fractions ; les
uns la poussent jusqu'à l'enduit ; d'autres,
lorsque c'est possible, laissent contre l'en-
duit une petite couche des matériaux du
2o6
Brinte fie l'&rt cbrcttcn*
mur ; sur le cadre on visse des crochets et
on dresse un réseau de fils de cuivre ou de
fer galvanisé ; le réseau est noyé dans une
couche de plâtre qui couvre naturellement
aussi tout l'enduit ; on passe à un autre
segment et ainsi de suite.
L'opération terminée, la fresque est enle-
vée et posée sur un solide parquet de bois;
après quoi on la débarrasse du carton, s'il y
a lieu, ou bien on laisse le carton si la
peinture doit être emballée et expédiée au
loin.
La méthode a le très grand avantage
d'éviter les encollages toujours chanceux,
mais en revanche elle nécessite la démoli-
tion du mur en bien des cas, et ce n'est
pas là un grand obstacle ; la percée d'une
fenêtre ou d'une porte est chose fréquente
et au surplus on peut rebâtir à nouveau le
pan de mur enlevé.
L'application sur réseau métallique a été
faite avec succès par M. Bardini de Flo-
rence aux fresques qu'il a cédées à divers
musées, notamment à la Crucifixion par
Fra Angelico, à la fresque de Botticelli
Giovanna Tornabuoni et les Trots grâces, à
une autre fresque dans la manière de Botti-
celli Lorenzo Albizzi et les Arts, acquises
par le Musée du Louvre en 1880 et en 1882.
La Crucifixion provient du couvent de San
Domenico et les deux autres de la villa
Lemmi, située sur la colline de Fiesole.
Récemment j'ai vu M. Lucarini(') trans-
porter sur réseau plusieurs fresques prove-
nant des démolitions du centro de Florence
et conservées à présent dans le grand cloître
du couvent San Marco.
L'application sur réseau métallique a
donné lieu à un travail spécial au Campo
Santo de Pise ; à la vérité il ne s'agissait
pas du transport d'une fresque d'un endroit
1. M. l'architecte Lucarini a bien voulu exécuter nos
dessins.
dans un autre, mais bien de la conservation
d'une fresque ; comme l'opération est inté-
ressante et peu connue, je crois qu'il est
utile d'en parler.
Le Campo Santo est humide ; depuis
longtemps les fresques ont souffert de cet
état, et divers procédés ont été employés
pour prolonger leur existence. Ils n'ont pas
tous été heureux, on regrette notamment
une sorte de vernis à la cire dont on a jadis
revêtu quelques morceaux.
M. Fiscali, très qualifié pour tout ce qui
touche à l'entretien des fresques, soumit à
la Commission compétente un remède radi-
cal pour empêcher l'humidité des murailles
d'atteindre les couleurs ; la proposition
acceptée, M. Fiscali opéra sur les fresques
d'Antonio Veneziano (1319-1383) repré-
sentant la mort de saint Ranieri, patron de
Pise.d'une superficie de vingt-quatre mètres
carrés. La pellicule de couleur fut enlevée
par le procédé habituel de l'encollage, et
reportée sur une toile métallique galvanisée
enduite de mastic ; le mur de briques fut
dépouillé d'une partie de son épaisseur,
puis la toile métallique fut mise en place
de façon à laisser entre son plan et celui du
mur un espace suffisant pour permettre la
circulation de l'air. Cette ingénieuse opéra-
tion a été faite, il y a une dizaine d'années, et
depuis lors les peintures d'Antonio Vene-
ziano sont à l'abri des atteintes de l'humidité.
J'ai terminé ce que je m'étais proposé de
dire ; la tâche a été malaisée, par suite la
notice a été d'une lecture pénible, je le re-
connais, mais en matières techniques il en
est ainsi généralement.
Il faut conclure maintenant.
Le mieux est de laisser les fresques en
place si c'est possible.
Si la construction doit disparaître forcé-
ment, on enlèvera la muraille peinte ; c'est
He Déplacement Ses fresques»
207
une affaire mécanique qui ne présente pas
de difficultés sérieuses.
Si la construction doit subsister, mais
que pour une raison quelconque la fresque
doit être enlevée, on lèvera le pan du mur
décoré et on le remplacera par une maçon-
nerie nouvelle ; l'opération ne présente pas
non plus de réelles difficultés, si on sait
employer le report sur un réseau métal-
lique.
Dans les deux cas précédents, la fresque
apparaîtra à sa nouvelle place à peu près
comme elle était dans l'ancienne ; il y aura
bien quelques fentes et quelques éraflures,
mais l'ensemble n'en souffrira pas beaucoup.
Le système du martelage est excellent,
si la fresque est en bon état, à biion fresco
et si l'opérateur est d'une habileté con-
sommée ; sans ces deux conditions réunies,
— ce qui n'est pas facile, — le procédé ne
devra pas être tenté.
Enfin lorsque tous les autres moyens sont
impossiblesetqu'à toutprix il faut sauver les
fresques, on pourra se hasarder au système
de la levée de la pellicule seule et à son
report sur toile. Le procédé est périlleux
mais il peut réussir si l'opérateur est heu-
reux et si la fresque est saine et homogène;
si elle ne l'est pas, on n'obtiendra qu'un
résultat médiocre.
C'est le remède in extremis.
Gerspach.
Florence, Février.
' »^A A*VU *f*J* A*»U **5U A^X A^Lc A^t A^C A**£* A^£* A^X A^C A*v£* A^-* *&j
„ Ttl ,,,TTTTT1tjxaxiririxoxiJiiijrrixiirixiiriixixiixr^ JÇ
cxi-i-LiirxxiXErrrrTryTrTT
*sh® Heltques lie Constanttnople. (suite.) >®^ |
■ " .«,T,^TT.rTTTTTTtlrtTIÏlTITTTTIIIIIlIIIIIIÏIIIIIIIlIIIIIIIÏIIIIIIlïIlIIIIIlIIIIlIIÏIIIIjrmi)M V
j jJIII-rç1^XI_I:IjII^IIiirxIllIJTTITTTT-reTTl^TTT^^
^Z*x&* T&* W W W **£* W y^-v v^* **&* W W va*1* W Ti&*
«awcHtjgj'di'ni^fe; i c e y c e . 1259. — Il ny
j' '
a certainement pas a e-
t pines dont l'histoire ait
été plus complètement
faite que celle de Vi-
cence. Les Bollandistes
ip.WM*(if£L ont même renoncé à
publier tous les textes qui témoignent du don
de saint Louis au bienheureux Barthélémy
de Bragance.
Riant a publié (') la lettre d'envoi datée
de Paris du 11 décembre 1259, et Ughelli
nous dit qu'elle fut apportée à Vicence avec
un amict du roi.
Assise, 1260. — Il ne reste d'autre do-
cument officiel de l'envoi d'une épine par
saint Louis au couvent des Frères Mineurs
d'Assise, que le décret de la Sacrée Con-
grégation des Rites du 4 juillet 1 733, qui
autorise la célébration de l'office de la sainte
Couronne dans le couvent d'Assise ratione
unius spiuae, basilicae praefati sac ri cou-
vetitus a s. Liuiovico Galliarum Rege, de
anno 1260 datae. Mgr de Persiis, évèque
d'Assise, qui avait bien voulu m'envoyer ce
texte, ajoutait que les archives du couvent
avaient été transportées au Municipe en
1860.
Le professeur Alessandri, bibliothécaire de
la ville, que j'ai alors interrogé, et qui a bien
voulu me faire exécuter la photographie du
reliquaire, m'a répondu que la seule trace
de la donation qui en restât actuellement,
était le passage suivant d'un inventaire
inédit de 1338. Item unum pulchrum ta-
beruaculum de argento, cum pede de argento
inaurato, cum quatuor smallis in pede et sex
1. T. II, p. 141.
in porno et ciborio cum quatuor columpnis
in quo est spina corone Xi quant misit rex
Franciœ.
Reliquaire de la sainte Épine du couvent des Frères Mineurs
d'Assise.
Paris, Sainte-Trinité, 1260. — Suivant
Baillet, huit églises ou abbayes de Paris,
îReliques De Constanttnopie.
209
possédaient chacune une épine provenant
de la Sainte-Chapelle : Saint- Eustache,
St-Germain l'Auxerrois, les Sts-Innocents,
Saint- Barthélémy, les Mathurins, les Carmes
de la Place Maubert, Port- Royal des
Champs et Port-Royal de la Ville. En tous
cas, il n'en est qu'une, parmi celles énu-
mérées ici, que saint Louis ait, que nous
sachions, honorée d'un semblable présent.
Les Annales de la Sainte- Trinité, à l'année
1270, mentionnent le don du roi, qui avait
Reliquaire de la sainte Épine du couvent de la Trinité.
également donné des ornements précieux,
des gants, et une couronne garnie de pierres
précieuses.
Il est vraiment surprenant que Baro n'ait
pas donné de plus précis renseignements.
Saint Louis, en effet, avait accompagné
d'une lettre, datée de mars 1260 qui était
encore dans les archives du couvent à la fin
du XVIIIe siècle, l'envoi des reliques et
du reliquaire. Si nous n'en avons plus le
texte authentique, Millin du moins, dans ses
Antiquités nationales, t. III, nous en a con-
servé la traduction qu'il accompagne du
dessin de la couronne qui contenait les pré-
cieuses reliques que le roi avait adressées au
couvent, par Pierre d'Arras, son chapelain.
En voici la traduction :
« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France, à ses
« bien-aimés les minisires et religieux de Saint-
« Mathurin de Paris, de la Sainte-Trinité et des Captifs
« salut et dilection. Voulant décorer votre église de
« quelques marques vénérables de notre Rédemotion,
« à l'honneur et à la gloire du Rédempteur et en sa
« mémoire perpétuelle, nous avons jugé à propos de
« vous envoyer par notre bien-aimé chapelain, frère
« Pierre d'Arras, de votre ordre, une épine de la sacro-
« sainte Couronne de Notre-Seigneur, et une lame de
« sa très Sacrée Croix, priant attentivement en notre
<< dévotion, que recevant de Nous ce présent avec le
« respect qui lui est dû, vous ayez soin de le conserver
« ci-après en considération du Sauveur de tous les
« hommes, avec toute révérence et honneur et priez
« pour nous. Fait à Vincennes, l'an de Notre-Seigneur
« MCCLX, au mois de Mai. »
Pampelune, 1 266. — Don José Moret ('),
qui consacra sa vie à l'histoire de la Na-
varre, relate que des deux épines vénérées
à Pampelune, l'une venait certainement de
saint Louis, qui l'avait prise à Saint-Denis
et donnée en cadeau de noces à Thibault 1 1
de Champagne, roi de Navarre, lors de son
mariage avec Isabelle de France : quant à
l'autre, on croit, dit-il, qu'elle venait de
Thibault le père, qui l'aurait rapportée d'un
voyage à Jérusalem.
Moret a certainement puisé ses rensei-
gnements dans un écrivain antérieur. Effec-
tivement Prudentio de Sandoval (2) rapporte
que du temps de Don Pedro IV Ximenez de
Gazolaz, évèque de Pampelune, Thibault II,
roi de Navarre, reçut de saint Louis une
épine du Christ, qu'il la donna dans un reli-
quaire d'argent doré à l'église le 25 octobre
1266. Mais qu'est-elle devenue ?
Alors qu'on trouve bien dans les textes la
mention de cette épine, on n'en trouve au-
1. Los Annales de Navarra, Pampelune, 1704, t. III
p. 89.
2. Sandoval (Don Fray Prudentio de), Catalogo del
Obispos que ha tenido la santa Iglesia di Pamplona, Pam-
pelune, Nicolas de Assiayn, 1614, in-4°, f° 93 v".
KBVU14 DE LAKT CHK&TJKN
1899. — 3""= UVKAISON.
2IO
Peinte tic P&vt fbvctten
cune trace dans le trésor: et si, aujourd'hui
encore, quelques voyageurs mentionnent,
sur la foi de leurs prédécesseurs, à la cathé-
drale, un reliquaire français du XIIIe siècle
qui, suivant la tradition, aurait été envoyé
par saint Louis (') les savants qui ont
eu accès au trésor, comme M. Privât, de
Toulouse, comme M. Brutails (-'), n'y ont
Reliquaire des saintes Épines à Roncevaux.
trouvé qu'un reliquaire cruciforme en or,
contenant une parcelle de la vraie croix,
donné par Manuel Paléologue, ainsi qu'il
résulte du diplôme expédié du Louvre, le 6
janvier 1402, écrit en grec et en latin et
portant la signature de l'Empereur en ver-
millon, scellé d'une bulle d'or présentant d'un
côté l'image de Jésus-Christ et de l'autre
saint Pierre.
1. Bulletin archiolog. du midi de la France, 1898, p. 25.
2. Congres delà société archéolog. française, 1S88, p. 304.
Et l'embarras devient extrême, quand, à
Roncevaux, M. J.-J. Marquet de Vasselot
découvre un reliquaire du XVIe siècle, au-
quel, plus tard, on a ajouté deux balustres
supportant deux tubes en verre où sont
deux épines. Précisément au XVI Ie siècle le
licencié Huerta, sous-prieur de Roncevaux,
dont certains manuscrits édités par Sar-
rasa (') m'ont été signalés par M. Marquet de
Vasselot, « opina que las dos espinas de la
Corona del Senor y los agregadas al cuadro
del ajedrez (2), las trajo el rey D. Teobaldo,
regaladas por el de Francia, para cujo efecto
las sacaron de San Dionisio de Paris. »
N'est-ce pas la tradition même de Moret,
leur apport de Saint-Denis par Thibaut II,
mais cette fois, appliqué à Roncevaux ?
Comme les épines de Pampelune,en résumé,
ne sont plus signalées à partir de Moret, qui
écrivait au XVIIe siècle, je ne vois d'autre
solution scientifique, alors que Huerta est un
auteur auquel on peut accorder une certaine
confiance, tandis que Moret ne saurait être
acceptéque sous bénéfice d'inventaire, que
de supposer vers cette époque le transfert des
épines de Pampeluneà Roncevaux, pendant
que les écrivains religieux continuaient, —
et ils continuent encore actuellement ne
venons-nous pas de le voir, — à parler des
épines conservées au trésor de la cathédrale,
alors que depuis déjà longtemps peut-être,
elles en avaient été enlevées.
Mont-Saint-Elov, 1261. — La lettre
d'envoi de saint Louis aux religieux du
Mont Saint-Eloy est datée de Paris, le 17
septembre 1261 (3).
1. Sarrasa Hilario, Resena historicade la real casa de
nuestra senôra de Roncesvalles, descripcion de su conlorno
Pampelune, 1878, in-S°.
2. Marquet de Vasselot (J.-J.), Le Trésor de Roncevaux,
dans la Gazette des Beaux-Arts, 1897.
3. Riant, t. Il, p. 143.
i&eltque0 &e Constanttnople.
21 I
Nous ignorerions certainement le sort de
cette épine et du reliquaire qui la renfer-
mait, si M. de la Fons Melicocq, dans les
Annales archéologiques, t. IX, p. 270, n'avait
très heureusement rappelé le passage de
Lenain de Tillemoni qui laisse supposer que
le reliquaire du Mont-Saint-Eloy a pu, à
un moment donné, passer dans le trésor de
Reliquaire d'Arras.
l'abbaye du Verger. Or, le chanoine Le-
quette (Ibid., t. XII, p. 264) s'était précisé-
ment occupé de la sainte épine du Verger,
près le bourg d'Oisy, naguère du diocèse
de Cambrai, aujourd'hui du diocèse d'Arras.
A la Révolution le trésor de l'abbaye fut
dispersé, et la dernière abbesse emporta
au couvent des Dames Augustines d'Arras
lereliquaire,que nous admirons aujourd'hui.
Lorsque M. le chanoine Lequette le décou-
vrit, à demi brisé, il trouva dans l'intérieur,
un morceau de soie jaune, entouré d'une
banderole de parchemin, portant en carac-
tères semblables à ceux qui entourent le
pied : « Spina de Corona Domini » ; et au
milieu une épine de trois à quatre centimè-
tres blanchâtre. Le reliquaire a été restauré,
mais heureusement, avant les réparations,
il a été décrit minutieusement par Didron
et Linas.
Saint- Maurice en Valais, 1262. — La
lettre de saint Louis est du mois de février
1261 v. s., 1262, par conséquent, datée de
Paris. Elle est adressée à ses co-chanoines
de Saint- Maurice, par l'entremise de l'abbé
Girold, venu à Senlis apporter au roi des
reliques de saint Maurice et des martyrs de
la Légion Thébaine. Le reliquaire qui ren-
ferme la sainte Épine se compose d'une
petite monstrance à jour, garnie de deux
verres, entre lesquels descend du sommet,
dans un petit tube de verre, la sainte épine;
la monstrance, en forme d'ellipse, est fixée
par deux feuilles d'ache qui la pincent, à un
pied beaucoup plus grêle que celui des
calices de la même époque, avec un nœud
au milieu. La partie supérieure au-dessus
du nœud jusqu'à la feuille d'ache est aplatie,
tandis qu'au-dessous du nœud la tige est
ronde comme le pied duquel elle s'élance.
Sur le plat du pied est gravée circulaire-
ment l'inscription suivante : « Spina de sa-
crosancta corona Domini. »
La monstrance mesure deux cent cinq
millimètres de hauteur, le pied quatre-
vingt-treize millimètres. Ici il faut faire une
distinction indispensable. Lamonstranceest
d'or fin, d'une délicatesse extrême, c'est un
pent-à-col, véritable bijou orné de pierreries,
212
3Rel)tte t>e l'&rt chrétien.
rubis et émeraudes ('), montés sur de petites
rosettes d'or et de perles, fixées par un fil
d'or qui les traverse, au plat de l'encadre-
ment, simplement bordé de deux petites
moulures, unies mais d'un goût exquis : une
charnière, qu'on distingue encore malgré un
resoudage ancien, et un petit trou très appa-
rent, à la partie supérieure, où était assuré-
ment attaché un anneau, sont les preuves les
plus évidentes de sa destination première.
L'abbé Girold l'emporta certainement ainsi
suspendu à son col, dans son abbaye, où, très
Reliquaire de la sainte Épine de Saint-Maurice (Valais, Suisse).
probablement, fut exécuté le pied d'argent
doré qui supporte aujourd'hui le médaillon.
Cette seconde partie de la monstrance est
d'un travail aussi ordinaire que celui du
médaillon est fin ; le quatre-feuilles qui
sert de pince, ne sort pas du commun, les
arêtes de la tige sont fiasques, le nœud
dur, le pied d'une exécution sommaire, la
gravure de l'inscription grossière; bref.il est
impossible de citer le monument dans son
ensemble, comme un type de reliquaire du
XIIIe siècle, tandis qu'en le décomposant,
en laissant de côté la base, œuvre d'un
i. Largeur du cadre 8 millim. ; largeurde la monstrance
50 millim. ; hauteur S4 millim. ; dimensions intérieures :
hauteur du verre 60 millim. ; largeur 35 millim.
simple ouvrier, il reste un bijou exquis, du
goût le plus pur, que sa valeur même a dû
désigner au choix d'un royal donataire pour
servir de monstrance à la relique la plus
précieuse de son trésor.
Barcelone, i 262. — Cette même année,
mais sans qu'on en connaisse la date, une
lettre de saint Louis annonce aux Frères
prêcheurs de Barcelone, qu'il leur envoie
par le frère François de Cendra, une épine
de la sainte Couronne (').
M. Lubio y Lluch veut bien réappren-
dre qu'à Barcelone se trouvent actuellement
quatre épines : à la cathédrale, à Santa
Maria del Mar, à Fino et Petralba. Mais
il se demande s'il ne les faudrait pas rap-
procher de celles du testament du roi Don
Martin, en 1407 : Item... et quatuor spinae
eoronae, quae sacratissimo capiti suo fîiit
imposita tempore sues salutiferae passionis,
car un incendie a complètement détruit, en
1835, le couvent des Frères prêcheurs.
Vezelav, 1267. — Saint Louis avait as-
sisté, pendant l'octave de Pâques, 1267, dans
l'église de l'abbaye de Vezelay, à la trans-
lation des reliques de sainte Marie-Made-
leine. Ace moment les religieux lui avaient
remis le bras et la mâchoire avec trois dents
de la Sainte; au mois de juillet, il renvoyait
à l'abbaye, par G[odefroid], archidiacre de
Paris, les reliques richement habillées.
En même temps, le porteur du don royal
était chargé de remettre aux Pères une
lettre qui leur annonçait l'envoi de plusieurs
reliques de la Passion, tirées du trésor de la
Sainte-Chapelle, parmi lesquelles se trou-
vaient deux épines de la sainte Couronne(f).
(A suivre.) F. de Mélv.
1. Riant, t. II, p. 145.
2. Ibid., p. 154.
lie Brteuré oe la " lîateauj- Bons- Hommes 1E3
:miij
□
:
*ft» A*g* *&* 1&U A^A A*5k A?*£* jflEx A*v£* A**£* a5£* A%* A^A A*Vk A*vE* A*vkc *&«
ji ]^I'TTirg7lITIIIXJIIIIIl»IIIIlIIIJIIIllJMIIirTTTTTTTTTTTIlriTiriIIIIIIIIIlllIIJXXI^lXIXIIIIIIITTIITTIIirrTTTiriJ
55
Hnger0'\-Son église et les peintures qut la décorent.
iimmimiiuiimiixnmiiumiiijamii] nixoTTiSr]
*jô* *SF T&* *&* *&* Tx«* y£t* Ti*î* W W *^ W* ><&* W *&* ïfe
g^t^^^^'ORDRE de Grandmont
formait un groupe à part
dans la grande famille
monastique, il avait une
règle particulière, nette-
ment caractérisée, il était
fortement centralisé en-
tre les mains d'un seul chef qu'on appela
« le Prieur », jusqu'en 1317, «l'Abbé », à
partir des réformes de Jean XXII. Les
pièces d'archives, les maisons de l'Ordre
encore aujourd'hui conservées ou à l'état
de ruines, tous les « documents » nous
montrent les mêmes distributions à l'inté-
rieur des prieurés de Grandmont, dans les
pays de la langue d'oc et de la langue
d'oïl.
C'est ce qui frappait MM. de Dion et
L. Guibert, en 1874-1876, dans leur en-
quête archéologique sur le caractère et le
style des constructions grandmontaines. Le
Bois-Rahier en Touraine, N.-D. des Mou-
lineaux, au diocèse de Chartres, St-Jean-
les- Bons- H ommes, à Sauvigny, près d' A val-
lon, le Parc-lez-Rouen, Badeix, aux portes
de Lodève, Treizen en Limousin, toutes
les maisons qu'ils ont étudiées se ressem-
blent.
Partout, MM. de Dion et L. Guibert ont
retrouvé les mêmes dispositions : une église
orientée, longue, étroite, voûtée en berceau,
terminée par une abside circulaire ; au Sud,
adossé à l'église, le cloître, vaste quadrila-
tère, entouré des bâtiments monastiques.
Ces caractères architectoniques.nous les re-
trouvons identiques dans les « celles »
bâties en Anjou par l'Ordre de Grandmont,
à la Haie-aux-Bons-Hommes, à la Primau-
dière, au Breuil- Bellay ; partout, c'est la
même simplicité en harmonie avec les
austérités de la règle et le goût des reli-
gieux pour la. solitude, pour le « désert ».
Cela devait être, tous ces prieurés ont été
fondés et bâtis à la même époque, à la fin
du XIIe siècle ou au commencement du
XIIIe. La décadence très rapide de cet
Ordre austère ne permit pas de tenter, au
XVe ou au XVIe siècle, des reconstruc-
tions et d'essayer de nouvelles dispositions,
un nouveau style (').
Grandmont, comme Cîteaux, se contenta
d'offrir à Dieu ce que S. Bernard appelait
l'offrande des simples « simplicium oblatio-
nem ».
La nudité exagérée de ses églises fut
une protestation contre la somptueuse or-
nementation des églises clunisiennes, il
rejeta le luxe des sculptures, les pavages
historiés, les splendeurs éblouissantes des
vitraux coloriés.
Ces réflexions nous ont semblé néces-
saires avant de décrire la Haie-aux-Bons-
Hommes, son église et les peintures qui la
décorent.
Pour comprendre un document, surtout
quand il est effacé, interpolé, pour le rendre
à son premier état, il faut savoir la langue
du temps, c'est-à-dire le sens des mots,
les tournures, les idiotismes. Pour com-
prendre un monument, pour se le repré-
senter tel qu'il existait primitivement, il
l. Cf. le Bulletin monumental, 1874-1876. 3 articles
sur le style et les monuments de l'Ordre de Grandmont,
par MM. de Dion et L. Guibert.
214
Betnte De l'&rt chrétien.
faut savoir la façon de bâtir propre à chaque
siècle, les formules particulières à tel Ordre
monastique, à telle classe de la société. .
La plupart des anciens bâtiments de la
Haie ont disparu, quelques arrachements,
une porte, des documents, des analogies, la
manière de bâtir de l'Ordre de Grandmont
nous permettront de remettre sous les yeux
du lecteur notre prieuré angevin tel qu'il
existait aux premiers temps de sa construc-
tion.
Ec Bucuré De la )5aic=atir^Bons=
Rommes
LA Haie-aux-Bons-Hommes fut bâtie
par Raoul de Veo et son frère le
sénéchal Etienne de Marsay, de 1178 à
1182 ('), aux portes d'Angers, dans « un
beau désert », comme le disait notre vieil
historien Barthélémy Roger. Richement
doté de biens et de privilèges par Henri 1 1
Plantagenet et Richard Cœur-de-Lion, par
les rois de France et les princes apanagistes
d'Anjou, ce prieuré ne tarda point à devenir
l'un des plus importants de l'Ordre de
Grandmont ; il en resta, jusqu'à la fin, l'un
des plus curieux.
Le plan de la Haie présentait les dispo-
sitions que l'on retrouve dans tous les
monastères et dont Geoffroy de Vendôme
nous a donné la théorie dans son « Carmen
« de laude vitae monasticae (2). »
« Quadratam speciem structura domestica praefert,
« Atria bis binis inclyta particibus.
« Quae tribus inclusae domibus, quas corporis usus
« Postulat, et quarta quae domus est Domini,
« Quarum prima domus servat potum cibumque
« Ex quibus hos reficit juncta secunda domus.
« Tertia rnembra fovet vexata labore diurno.
Quarta Dei laudes assidue resonat. »
1. Cf. La bulle de Clément III. —Archives deMaine-
et-Loiie. G. 870.
2. GeoffV. de Vendôme. —Carmen de laude vitae monas-
ticae.
Le cloître adossé à l'église, vers le Sud,
existait encore après la Révolution française.
Il était fort curieux. Toussaint Grille ('),
après avoir décrit l'église St-Martin d'An-
gers, ajoute : « Le cloître de St-Martin
« vaut la peine qu'on s'y arrête. Ceux
« de l'Hôtel-Dieu, de la Haie-aux-Bons-
« Hommes et celui de l'Esvière qui avaient
« survécu à la Révolution, peuvent se corn-
« parer à celui de St-Martin. » Le cloître
de l'Hôtel-Dieu n'a pas disparu complète-
ment, il en reste encore deux côtés, c'est
plus que suffisant pour permettre de se
figurer ce que devait être le cloître de la
Haie. Aux angles de la cour intérieure,
devaient se trouver de grosses piles, comme
on en voyait dans les monastères romans.
Des arcades les reliaient l'une à l'autre; elles
reposaient sur des colonnes simples ou
géminées, ornées d'un chapiteau rudimen-
taire à feuilles d'eau. La toiture en appentis,
très simple, sans entraits, reposait directe-
ment sur la colonnade, sans corniche, et la
dépassait de quelques centimètres. Ces élé-
ments, nous les trouvons à St-Jean-les-
Bons-Hommes, au Bois-Rahier, deux
maisons du même Ordre.
Primitivement, les murs du cloître paral-
lèles à la colonnade ne devaient avoir
aucune décoration.
Qui a l'amor de Dieu el cuer,
Les images qu'il voit défuer,
Si ne li font ne froit ne chaut.
Plus tard, la peinture fit disparaître, au
moins sur certains points, la nudité des
murs. On en retrouve des traces nombreuses
vers la belle porte gothique qui donnait
accès du cloître dans l'église.
Autour du cloître, s'étendaient les bâti-
ments du prieuré. A l'Est, tout près de la
maison de Dieu, se trouvait la sacristie.
I. Toussaint Grille. — Topographie. — Biblioth. mun.
d'Angers.— M" 1744-1746.— La Haie-aux-Bons-Hommes.
iLe prieuré De la $aie*aujr*Bong*$ommes. 215
En 1654 (').on y voyait, entre autres choses,
les objets suivants :
<< Une fontaine d'estaing, deux calices, deux croix
« de cuyvre, deux petits chandeliers de cuyvre, pour
« les offices de nuict, six grands chandeliers de bois
« doré, quatre chopineaulx d'estaing, » — le linge de
l'église en belle toile de Hollande, les ornements
sacerdotaux parmi lesquels « une chappe d'étoffe an-
« cienne. »
Le trésor y renfermait bien des objets précieux :
« une croix d'argent doré d'ancienne orfèvrerie enrichie
< de pierreries, en laquelle est de la vraie croix de
« Notre-Seigneur. » — (C'était un don d'Henri II
Plantagenet qui l'avait reçue d'Amaury, roi de Jéru-
salem) — << un bras de cuyvre argenté contenant un
« ossement de Monsieur S' Geoffroy, — un reliquaire
« d'argent où sont trois cristaux contenant plusieurs
<( reliques, — ■ un autre reliquaire garny d'argent où
<< est un ossement de S1 Luc Évangéliste, — un petit
« coffret de cuyvre émaillé, — deux aultres petits
<< reliquaires, — un petit soleil d'argent, — un anneau
« d'argent doré, — un tabernacle de cuyvre émaillé. »
La plupart de ces objets aujourd'hui perdus appar-
tenaient à l'œuvre de Limoges (2).
A la sacristie tenait la salle du Chapitre,
elle était voûtée; au XVIIe siècle on y
voyait encore la grande cheminée. Là se
réunissaient les religieux à divers moments
de la journée pour y parler des affaires de
la maison, des intérêts de l'Ordre tout entier.
On y écoutait la lecture du Martyrologe et
de l'Obituaire. De temps à autre, on y rece-
vait « le rouleau des morts » apporté par
quelque religieux de Grandmont ou d'un
autre Ordre en union de prières avec la
Haie. — A l'extrémité de la salle du Cha-
pitre, se trouvait sans doute l'escalier qui
menait au dortoir. Cet appartement, pro-
bablement voûté, occupait tout l'étage ; il
était divisé, par des cloisons peu élevées, en
une série de chambrettes fermées par des
courtines. Au XVIIe siècle, le dortoir fut
1. Procès-verbal de visite. — Archives de Maine-et-
Loire. G. 871.
2. Procès-verbal de visite. — Archives de Maine-et-
Loire. G. 871.
transporté, à l'Ouest, dans les bâtiments
qui existent aujourd'hui. Le dortoir dans
tous les monastères du XIIe et du XIIIe s.
était placé à l'Est, près du chevet de l'église.
C'est là qu'on le trouve au Bois-Rahier et
à St-Jean-les-Bons-Hommes. — Au Midi,
se trouvaient vraisemblablement le réfec-
toire et la cuisine, tout près des caves et
des granges. Au-dessus, devaient être la
Bibliothèque et le Chartrier. La Bibliothè-
que, où l'on voyait au XVIIe s. quatre
portraits de moines, comprenait, en 1661,
440 volumes dont 12 r in-fol. ('). — Le
Chartrier contenait le grand Cartulaire du
prieuré, l'Obituaire, la Règle de l'Ordre,
magnifiques Mss du XVe s. sur vélin réglé,
d'une écriture gothique très nette et très
régulière, avec capitales en couleurs histo-
riées et armoriées. — Là se voyaient les
chartes des rois de France et d'Angleterre,
les bulles des papes, les lettres des évêques,
les titres de propriété, de fondations, de
dotations, les procès-verbaux rédigés par
les visiteurs de Grandmont, les reçus des
dîmes et des fermages (2). — Les bâtiments
que l'on trouve actuellement du côté Ouest
sont du XVI Ie s. La date 1637 qui se lit
sur un contrefort, à gauche, indique l'époque
de leur construction. C'est là que les reli-
gieux installèrent leur dortoir composé de
huit cellules, au-dessus du nouveau réfec-
toire, l'ancienne salle du Chapitre devint
une salle de billard. Primitivement, dans
les prieurés de Grandmont, à St-Jean-les-
Bons- Hommes, au Bois-Rahier dont on a
conservé les plans, il n'y avait point de
bâtiments d'habitation à l'Ouest du cloître.
1. C'étaient des ouvrages de philosophie, de théologie,
d'histoire de France, une Bible manuscrite en 3 vol. in-f°.
Le catalogue de tous ces livres est aujourd'hui conservé
aux archives de Maine-et-Loire. G. 871.
2. Le Cartulaire, l'Obituaire, la Règle sont aujourd'hui
conservés à la Bibliothèque municipale d'Angers, M^yàj-
768. — Les autres titres sont aux Archives de M.-et-L.
G. 859, 920.
210
Brbut De r&rt chrétien.
Les Grandmontains, dans toute la ferveur
et la « droiture » de leur jeunesse monas-
tique, prenaient grand soin de s'isoler des
gens du dehors qui avaient accès dans leurs
enclos par la grande porte située au Nord-
Ouest. Ils habitaient dans la retraite la plus
complète, « brûlants et priants », loin de tout
bruit extérieur. — Au Nord du cloître, se
trouve l'église prieurale. Elle nous reste
seule de toutes les constructions primitives
avec quelques portes de la fin du XIIe ou
du commencement du XI Ile siècle conser-
vées à l'intérieur des appartements de
l'Ouest et du Sud rebâtis au XVIIe siècle.
jreglisc prieurale De la ïiaie=aur=Bon$=
Hommes.
Son architecture.
L'ÉGLISE prieurale de la Haie-aux-
Bons-Hommes, conformément aux
traditions de l'Ordre de Grandmont, est très
longue et très étroite. La façade est de la
dernière simplicité. Elle se compose d'un
grand mur sans autre ornement qu'un écus-
son fruste au pignon. Au milieu, une grande
fenêtre romane est largement évasée. La
grande porte à pilastres qu'on voit au-des-
sous est du XVI Ie s., elle fut probablement
ouverte du temps de Louis XIII par ordre
du prieur Claude Ligier. Les murs très
épais sont formés de deux parements à
grand appareil ; les pierres blanches unies
par un bon mortier encadrent un lit de
schiste. En deux endroits, à la façade
Ouest, du sol à la naissance de la grande
fenêtre et, au Nord, vers l'abside, le pare-
ment n'existe pas à l'extérieur, le schiste
seul apparaît. Des contreforts à glacis avec
ou sans gorge, très peu épais et de largeur
variable, rompent la monotonie des murs à
l'abside et à la partie inférieure de la cha-
pelle. — Du côté du cloître, deux portes
donnent accès dans l'église. La porte C,
aujourd'hui quelque peu enterrée par les
exhaussements de la cour, est gothique,
mais d'un gothique très rudimentaire, c'est
à peine si le cintre est brisé. Elle est à cla-
veaux et formée de trois tores concentriques
couverts d'un plâtras sous lequel apparais-
sent des traces de polychromie ancienne.
Deux colonnes à chapiteaux supportent
l'ogive rudimentaire. Les chapiteaux formés
de deux rangs de crochets sont très élé-
gants ; ils rappellent ceux de la cathédrale
d'Angers. Cette porte fait grand effet, elle
est d'un très bon style. — La porte D, bien
retouchée.semble d'une époqueplus récente,
elle est sans ornements. — La porte H,
dans le mur Nord, était la porte principale.
Elle était réservée aux étrangers. Une
archivolte composée de tores la décore
à l'extérieur. Les pieds droits devaient être
ornés de colonnes à chapiteaux ; mais des
constructions récentes empêchent de voir
ces ornements. — Trois fenêtres romanes,
très longues et étroites, à l'abside ; la grande
fenêtre de la façade sont les seules ouver-
tures qui donnent du jour à l'édifice. — - La
toiture de l'église est basse. — Autrefois, un
clocher en charpente, couvert d'ardoises,
s'élevait sur le chœur. Ce clocher, plusieurs
fois remanié, a été dessiné par Ballain ('),
il n'en reste rien à l'extérieur.
L'intérieur de l'église est de la plus
grande simplicité (-). La nef, très longue,
très étroite, est voûtée en berceau gothique.
L'abside.voûtée en cul-de-four, présente une
particularité qui doit être rare en dehors
des édifices grandmontains, elle déborde la
1. Ballain. Mss 867, Biblioth. mun. d'Angers.
2. Dimensions de l'église. — Longueur totale : 34 m. 70.
Largeur: 6 m. — Grande fenêtre (Ouest). Largeur: 1 m. 10.
Évasement intérieur 0.60 A 0.60. — Fenêtres de l'abside.
Largeur extér. : 0.62. Évas. 0.45. Larg. intér. 0.83. — Con-
treforts. (Abside.) Saillie 0.35. Larg. 0.96. GJ contrefort
au Sud. Larg. 3 m. 80. Du grand contrefort Sud à l'axe de
3U prieuré De la ^ate*au^2Bon0^omme0.
217
nef de chaque côté de 23 cm. J'ignore la
raison de cette bizarrerie, je serais très
heureux qu'un lecteur de la Revue de
l'Art chrétien voulût bien m'en donner
l'explication. Les trois fenêtres de l'abside
peu larges mais très hautes et très évasées,
la fenêtre de la façade laissaient pénétrer
à l'intérieur une lumière fort discrète tami-
sée par les vitraux. Ces derniers étaient
probablement dans le genre qu'affection-
naient les Cisterciens ; le Martyrologe de la
Haie, à l'obit d'Antoine de la Forie, nous dit
qu'ils étaient à la mode antique «vitra anti-
qua (') ».
On ne trouvait point dans l'église de la
Haie la riche ornementation des édifices
de Cluny ; dans la nef et autour de l'ab-
side, l'architecte n'avait admis pour rompre
la sévérité des lignes qu'une corniche haute
de 25 cm., épaisse de 10 cm., composée
d'un larmier, d'une gorge et d'un tore. Mais
cette corniche, dans la pensée du construc-
teur, devait être, en même temps qu'un orne-
ment, l'appui nécessaire des formes en char-
pente sur lesquelles il allait bâtir la voûte.
Dans l'abside, à l'endroit où celle-ci déborde
la nef, de chaque côté, se trouve, engagée
dans l'épaisseur du mur, une colonne très
fluette. La base est brisée, le chapiteau est
orné d'une feuille d'eau. Au-dessus de la
colonne et de la corniche, un tore limite
l'extrémité du berceau gothique.
Monsieur de Verneilh décrivant l'église
du prieuré de Badeix semblable à celle de
la porte C : 8 m. 95. De l'axe de la porte C au 1' petit con-
trefort Sud, 5 m. 40. Petits contreforts Sud. Saillie : 0.35.
Largeur : 1 m. 10. Du r p1 contrefort Sud au 2" et du 2"
au 3e : 3 m. 80. Du 3e petit contrefort au point F :4m. 20.
De la façade Ouest au 1' contrefort Nord : 4 m. 90. Du ir
contrefort Nord au 2e et du 2e au 3e: 3 m. 80. Contreforts
Nord. Saillie : 4.35. Larg. 1 m. 40. Porte des étrangers.
4. Larg. à l'intér. 1 m. 60. Epaisseur du mur 1 m. 40. Cf.
le plan par terre. Planche IV.
1. Obituaire de la Haie-aux-B.-H. Biblioth. mun. d'An-
gers. M5S 767.
la Haie disait : <"< Rien de plus solide et de
« moins intéressant. » Il avait tort de dédai-
gner ce genre de construction. La simplicité
d'un édifice ne lui enlève pas son charme. On
peut admirer les églises clunisiennes et les
cisterciennes, elles n'ont point cependant le
même genre de beauté. Autant les unes sont
ornées, autant les autres sont austères, elles
correspondent aux goûts de l'Ordre qui les
a élevées. On aime à trouver de l'harmonie
entre nos édifices et les goûts, la situation,
la manière de penser des gens qui les fré-
quentaient. D'ailleurs l'église de la Haie est
admirablement proportionnée ; elle dérive
tout entière du triangle isocèle égyptien.
Ce triangle, dont la base se divise en quatre
parties et la verticale tirée du milieu de la
base au sommet en deux parties et demie,
donne aux édifices qui en dérivent un
aspect de solidité et d'équilibre qui fait
plaisir aux yeux.
A côté de l'église prieurale de la Haie, du
côté du Nord, vers l'abside, se trouve un ap-
partement long de 14 m., large de 4 m. 50.
Comme l'église, il est bâti en belles pierres
blanches bien appareillées ; comme elle, il
est voûté en berceau gothique. Jusqu'ici on
s'est demandé à quoi il pourrait bien avoir
servi. Les procès-verbaux rédigés par les visi-
teurs de Grandmont aux XVI Ie et XVI I Ie
siècles, aujourd'hui conservés aux archives
de Maine-et-Loire, nous en parlent comme
d'un ancien portique ; mais cet étrange por-
tique était bien loin de la porte qui donnait
aux étrangers l'accès de l'église. Il semble
que cet appartement pourrait bien être la
chapelle où les religieux lépreux assistaient,
certains jours, aux offices de leur Ordre.
La maison de la Haie-aux- Bons- Hommes
avait été fondée, comme le Bois- Rallier en
Touraine, pour des religieux sains et lépreux
« tam sanis quam leprosis », dit la charte
REVUE DE L ART CHRÉTIEN.
189g. — 3me LIVRAISON.
2l8
3Rrtwc lie rart chrétien.
récrite d'Henri Plantagenet. Ces pauvres
moines lépreux, dès 1 1 86, le pape U rbain 1 1 1
les avait pris sous sa protection ('). Les lé-
proseries de la Haie et du Bois-Rahier
étaient les seuls établissements de ce genre
que possédât l'Ordre de Grandmont. Elles
existaient encore en 1440 (2).
La lèpre faisait de si grands ravages, au
moyen-âge, qu'on isolait les lépreux pour
préserver les autres hommes de tout con-
tact dangereux ; les maladreries, ladreries
ou léproseries s'élevaient à l'écart. L'habita-
tion particulière des religieux lépreux de
la Haie-aux-Bons-Hommes pourrait bien
avoir été du XIIe au XVe siècle, à quelques
centaines de mètres au Sud-Ouest des bâti-
ments claustraux, à l'endroit qu'on appelle
maintenant « le Prieuré » commandataire. Il
y a là une chapelle en ruines bâtie au XIIe
siècle, comme l'église prieurale, en belles
pierres bien appareillées ; ce devait être
l'oratoire privé des lépreux. Toute agglomé-
ration de ces malheureux devait avoir son
église et son cimetière, d'après les prescrip-
tions du IIIe concile général de Latran,
1 179 (5). Il est probable que ces reclus, sé-
parés du monde, n'étaient pas privés de tous
les bénéfices de la prière en commun, qu'ils
pouvaient assister au moins à quelques
offices particuliers à leur Ordre, toutefois
1. Bullaire d'Urbain III, n° 14.
2. Cette année-là, le Chapitre général renouvelle les
prescriptions relatives à l'envoi des religieux lépreux dans
ces maladreries, il rappelle la somme que chaque prieuré
devra payer pour l'entretien de ceux qui lui appartien-
dront : « Item injungitur prioribus de Haia et de Bosco
« Raiherii, ut teneant domos leprosis fratribus in statu
« debito et competenti, et illuc mittantur fratres leprosi,
< et pro pensione cujuslibet solvantur XV librae a prio-
« ratu.in quo dicti leprosi commorabantur». Cf. Lévesque,
Annales Grandim., p. 336.
3. « De benignitate apostolicaconstituimus ut ubicum-
< que tôt simul sub communi vita fuerint congregati qui
< ecclesiam cum ccemeterio constituere et proprio gaudere
« valeant presbytero sine contradictione aliqua permit-
« tantur habtre. » — Apud Labbe, Sacrosancta concilia,
t. X, p. 1 520.
sans être jamais en contact avec les autres
religieux. Alors, ils sortaient de leur maison
et venaient, suivant les prescriptions du
temps, avec le chapeau d'écarlate, la marque
sur l'habit, le long bâton et la cliquette dans
leurs mains gantées. Si quelqu'un leur par-
lait à l'aller ou au retour, ils devaient se
mettre sous le vent pour ne point souiller de
leur souffle leur interlocuteur. Ces parias de
la vie se rendaient ainsi à la chapelle qui leur
avait été bâtie le long de l'église prieurale,
assez loin de la porte des étrangers. Par
une ouverture pratiquée dans -le mur de
leur oratoire, ils avaient la vue de l'autel, ils
faisaient partie de l'assistance religieuse
sans avoir avec elle le moindre contact.
Cette ouverture, en forme de meurtrière,
ressemblait à celles que l'on voit dans la
clôture du chœur de la cathédrale de St- Pol-
de- Léon. Elle a disparu à la Haie-aux-Bons-
Hommes sous le plâtre qui la recouvré; le
plan du Bois-Rahier, conservé aux archives
d'Indre-et-Loire, nous montre une fenêtre
de cette sorte dans le mur qui sépare la
chapelle dite de St-Étienne de l'église du
prieuré. — Cf. le plan ci-dessous dessiné
par M. L. Guibert de Limoges.
ITGçrlisc prieurale Oc la Raic=aur=BonS'
Bommes.
Ses peintures.
ON ne trouvait point à la Haie-aux-
Bons-Hommes « des logis reposant
« sur gros piliers de cassidoine et porphyre,
« à beaulx arcs d'anticque au dedans des-
« quelz étaient belles gualleries, longues et
« amples, ornées de cornes de cerfs, licornes,
« rhinocérotz, hippopotames, dents d'élé-
« phants et autres choses spectables». —
C'était partout la plus grande austérité, la
plus grande simplicité, partout la nudité des
murs sans autre ornement qu'une corniche
'Knuie Dr l'Hit rtjrêtien
m. iv.
Prieure De la Kate-nur -B.-B.
Beintutcs De l'église (Détails)
3U prieuré De la $aie*aur*Bon& gommes.
21g
rudimentaire, quelques colonnes engagées,
quelques tores aux archivoltes des portes.
Un jour vint cependant où l'Ordre de
Grandmont, comme celui de Cîteaux, aban-
donna le dédain intransigeant qu'il affectait
pour les arts, et l'église de la Haie se couvrit
de peintures ; on ne pouvait résister à la
tradition. La peinture a toujours été le com-
plément nécessaire de l'architecture.
Les peintures de l'église prieurale de la
Haie-aux-Bons-Hommes sont aujourd'hui
en fort mauvais état. Elles ont été signalées
autrefois à l'attention du public dans le
« Bulletin de laSociétéd'agriculture, sciences
et arts d'Angers », par AI. Godard Faul-
trier ('). Le savant archéologue leur a con-
sacré une intéressante notice accompagnée
de planches dessinées par M. Dainville.Ces
planches représentent la voûte de l'abside,
elles ne rendent point du tout le caractère
de l'original. Nous avons cru qu'il était bon
d'étudier à nouveau ces peintures ; elles
méritent d'être conservées comme docu-
ments et aussi comme modèles. Au mois de
septembre dernier, nous en avons fait le
relevé, avec le père du propriétaire actuel
de la Haie-aux-Bons-Hommes, Monsieur
L. de Farcy, dont les lecteurs de la Revue
de V Art chrétien connaissent les savants
écrits. Qu'il reçoive ici publiquement nos
remerciements pour les conseils qu'il nous a
donnés et l'aimable empressement qu'il a
mis à nous faciliter la besogne.
On trouve rarement aujourd'hui un en-
semble de décoration polychrome aussi
important que celui de la Haie-aux-Bons-
Hommes. Les peintures y couvrent totale-
ment les murs et les voûtes de l'église.
Préparées à la colle, elles adhèrent à un
enduit peu épais qui cache les belles pierres
I. Bulletin de la soc. d'agr., se. et arts d'Angers. —
Année 1846.
appareillées du XIIe siècle. La longue nef
a été divisée en cinq travées avec clefs de
voûte, arcs doubleaux, arcs ogives, arcs
formerets et liernes. Quatre travées ont les
mêmes dimensions, la plus rapprochée de
l'abside est un peu moins grande que les
autres. Les nervures, larges de 0,04 cm., ne
sont point traitées en trompe-l'œil ; seule-
ment les bords sont plus sombres que le
centre où l'on remarque, espacées réguliè-
rement, des marguerites noires à huit lobes.
Les arcs doubleaux, les formerets, les liernes
sont de couleur brune, les arcs ogives sont
bleus. Toutes ces nervures, régulièrement
tracées, sans la moindre hésitation, malgré
les difficultés que présentaient les courbures
de la voûte en berceau, retombent avec
grâce sur un chapiteau peint que porte un
long pilier. Entre les piliers, court tout le
long des murs de la nef et de l'abside, une
large litre avec enlacements, palmettes et
« hystoires ». Au milieu de chacune des tra-
vées, il y avait sur la muraille une croix de
consécration. Nous en avons retrouvé
deux presque complètement effacées. Les
contours laissés sur l'enduit par le compas
paraissaient encore, quelques traces de cou-
leurs nous ont permis d'en reconstituer le
dessin. Au mur de l'Ouest, une belle bor-
dure à longues palmes court le long de la
voûte, une autre accompagne la grande
fenêtre, une autre encore se trouve au lin-
teau de la porte C qui donne entrée du
cloître dans l'église.
L'abside voûtée en cul-de-four, grâce à
ses peintures, forme une grande coupole à
huit voûtains. Au centre, se trouve une clef
de voûte fort belle, très grande, avec des
liernes rouges et bleues qui retombent sur
des tiercerons rouges. Au-dessous des tier-
cerons, les arcs formerets romans sont plus
larges que ceux de la nef et décorés de jolis
feuillages. L'arc triomphal est bordé de
220
aRelme De l'&rt chrétien.
belles feuilles d'eau alternativement rouges
et bleues.
En face de la porte des étrangers —
(Cf. le plan parterre, porte H) — se trou-
vait une fresque aujourd'hui à peu près
disparue. Au milieu d'une grande auréole de
forme ovale apparaissait le Christ assis « en
majesté ». Autour de N.-S. il y avait un vol
d'anges. Toussaint Grille affirme, dans ses
notes, qu'on y voyait aussi « plusieurs per-
« sonnages du temps de la chevalerie » (fon-
dateurs ou bienfaiteurs). Ces personnages
représentaient probablement les quatre
Bons Hommes ou Francs Bourgeois dont
parlent les chartes d'Henri 1 1 et de Richard
Cœur-de-Lion.
La décoration picturale de l'église de la
Haie ainsi comprise est d'un très grand
effet.
Timothée L. Houdebine,
prêtre, professeur d'histoire.
(A suivre.)
I
**%* *5f* **g* !^*.!^*-!^*.1^* A*^* K^* aT^* a^* **^* **^* »*g* »*g* *&«
IIIII'IIIIIII;
Contribution à Vétvtot îie l'art Jjollanïiais
H
a
antérieur au XVIIe siècle, Cngtjelhrecbtaft,
tmf
a
- *
Introduction (*).
g^^g^^^^gA personnalité, l'indépen-
| dance de l'art hollandais
ne datent pas seule-
ment, comme le croyait
Taine ('), de la sépara-
tion des Pays-Bas du
SwwflSwW Nord et des Pays-Bas
méridionaux.
Personne aujourd'hui ne peut plus penser
ainsi et il n'est pas nécessaire de refaire ici
une démonstration que l'on trouvera dans
« Les origines de l'Art hollandais » de
Monsieur Pit (2).
Dès la fin du XIVe siècle (-'), cet art a
conquis sa personnalité : on en peut juger,
pour la peinture, par les deux panneaux de
Geertje van Sint-Jan conservés à Vienne,
et même par les œuvres de Bouts. Bouts
a vécu à l'étranger, il est vrai, mais il vint
à Louvain à un âge assez avancé pour con-
server dans l'exil les qualités qui distin-
guaient déjà l'art hollandais de son temps.
* J'avais en main les premières feuilles imprimées de
mon article, quand je reçus l'intéressante thèse de M.
Dulberg {Die Leydener Malerschule. 1 Gcrardus Ley-
danus. II Cornelis Enghelbrechtsz. Berlin, Gust. Schade.
(Otto Francke), éditeur. Après en avoir pris connaissance,
j'ai ajouté à mon étude les notes précédées d'un astérisque,
où j'ai traduit plusieurs passages du travail de M. Dulberg.
i. H. Taine, Philosophie de P Art. Paris, Hachette,i895,
vol. II, page 83.
2. Paris, Honoré Champion, 1894.
3. On a des monuments de l'art hollandais antérieurs
au XIVe siècle, principalement des manuscrits à minia-
tures, qui ne se distinguent guère d'abord des manuscrits
anglo-saxons, puis des manuscrits flamands ou français
(V. Pit). Les peintures murales de St-Jean de Gorinchem,
par leur réalisme naïf, sont peut-être plus caractéristiques.
(V. L. J. F. Janssen, De muurschilderijen der Sl-Janskerk
te Gorinchem, Amsterdam, C. G. van der Post, 1858.)
Quant aux volets du retable d'Amsterdam que mentionne
également M. Pit sont-ils hollandais?
M. Pit fait observer que si sa peinture est
flamande, son dessin est hollandais. La
même originalité se montre chez les tailleurs
d'images. Claus Sluter (') et Claus de Wer-
ve (2) vécurent, eux aussi, à l'étranger; mais
établis à Dijon (3) au XIVe siècle, ce
sont pourtant des Hollandais authentiques.
On trouve dans le puits de Moïse, où l'on
ne peut soupçonner une direction autre que
la leur, les caractères qui distingueront
par la suite l'art des Pays-Bas : le réalisme
joint à une ingénieuse entente du pittores-
que, l'ampleur du style unie à une certaine
« bonhomie ». Cet art appartient bien à la
même nation que celui de Rembrandt :
Rembrandt si profondément hollandais et
qui ne paraît isolé parmi ses compatriotes
que parce qu'il a réuni, concentré en lui,
toutes les qualités qu'ils se partagent.
A la veille de la Renaissance, à l'époque
où naît Enghelbrechtsz, l'art hollandais est
donc constitué de longue date, doué d'une
force propre et de qualités indépendantes,
et si, dans l'état présent de l'érudition, on ne
1. « Nous, frère Robert de Baubigney, docteur en décret,
abbé du monastère de St-Étienne de Dijon Savoir
faisons à tous que pour les agréables services que Claus
Sluter de Orlandes, ouvrier d'ymages et varlet de chambre,
de Monsr le Duc de Bourgogne... etc. » L. Courajod et
P. F. Marcou. Cotai, du Mus. du Trocadéro, p. 97.
2. Son épitaphe, relevée au XVIIIe siècle par Pierre
Palliot, était ainsi conçue « Cy gist Claus de Werve, de
Hatheim au comté de Hollande [tailleur d'imjaiges et var-
let de chambre de Monseigneur le duc de Bourgogne, qui
trespassay lejeudy VIIIe jour d'octobre MCCCXXX[IX].
Dieu ait son âme. Amen. » lit., p. 99.
3. Il y eut bien d'autres artistes hollandais qui s'établi-
rent en France à la fin du moyen âge, par exemple cet
Ernoul Delft, natif « de la ville de Delft au Pays de Hol-
lande » qui acheta la bourgeoisie à Abbeville en 1463 (Voir
Bulletin trimestriel de la Société d'Émulation d 'Abbeville
1897-S, p. 163). Certaines statues du portail de St-Vulfran
d'Abbeville ne doivent-elles pas être rattachées à l'École
hollandaise (,XVle s.) ?
222
&cbur t>e V&vt chrétien.
peut guère nommer pour la période du
moyen âge que des artistes établis hors de
la Néerlande, le témoignage de leurs œu-
vres n'en est que plus probant, puisque leur
tempérament national fut assez fort pour
résister aux influences ambiantes.
En étudiant Enghelbrechtsz il faudra
donc tenir compte de ce long passé de
l'École hollandaise.
Enghelbrechtsz est né à Leyde en 146S,
il est mort en 1533 ('). Une tradition pré-
tend que son père était graveur sur bois ;
maison n'a jamais pu retrouver de planche
de sa main et les registres delà garde civi-
que de Leyde (*) le donnent pour charpen-
tier (2). On n'a guère de détails sur la vie
d'Enghelbrechtsz ; Van Mander lui attribue
plusieurs tableaux et des peintures murales
dont il aurait orné les remparts de sa ville
natale. Par Van Mander nous savons ésfale-
ment qu'il fut le maître de Lucas de Leyde.
Au Musée de Leyde on conserve de lui
deux tableaux provenant de l'abbaye de
Marienpoel. D'après M. Taurel, le donateur
représenté dans ces deux triptyques serait
le chanoine Jacob Maartensz. M. Taurel
appuie son opinion de raisons qui paraissent
des plus sérieuses. Jacob Maartensz mourut
à Marienpoel, à l'âge de 50 ans, en 1526,
après avoir été vicaire d'abord (3), puis ré-
*. Monsieur Dulberg fait observer que l'on n'a pas la
preuve que le charpentier mentionné en 1457 parmi les
arquebusiers soit le père d'Enghelbrechtsz, il ajoute:
« Si l'on admet cela avec Taurel, on peut aussi reconnaître
pour le grand-père du maître un « Cornelis die Tym-
merman » qui, à peu près à la même époque, paraît dans
un procès.
Cette double hypothèse est très vraisemblable.
1. Voir Van Mander.
2. Voir Taurel.
3. Taurel, p. 186. Il était auparavant chanoine régulier
à Heilo, p. 1S7 : < Il porte l'habit blanc de St-Augustin et
un petit capuchon ou aumusse noire, marque de sa di-
gnité. A Heilo, où il était chanoine régulier, se trouvait le
couvent de St-Willebrod habité par des chanoines régu-
liers qui, depuis 1438, suivaient la règle de S. Augustin. Le
couvent dépendait ainsi que celui de Marienpoel du cha-
pitre établi à Delft. >
gent. L'exécution de nos deux tableaux doit
donc être placée avant 1526 et probable-
ment après 1508. époque de son établisse-
ment à Marienpoel (*).
Dans la présente étude l'art d'Enghel-
brechtsz sera étudié au moyen de ces deux
tableaux.
Cfjapitrc premier.
LES deux triptyques de Leyde repré-
sentent des épisodes de la Passion.
Le plus petit est une Déposition de la croix ;
à l'intérieur des volets figurent les donateurs
et leurs patrons, à l'extérieur quatre Saintes.
Le plus grand montre dans son panneau
central le Calvaire; sur les volets le sacrifice
d'Abraham et le serpent d'airain, considérés
comme symboles du sacrifice du Rédemp-
teur ; au revers des volets, le Christ dé-
pouillé de ses vêtements et le Couronnement
d'épines ; à la prédelle le cadavre d'Adam,
dans lequel l'arbre de la croix prend racine
(conformément à la légende) et les dona-
teurs.
L'explication de chacun des éléments de
ces scènes ne saurait entrer dans le cadre
de cet article ■ elle fera l'objet d'une étude
d'une portée plus générale, sur les repré-
*. La donatrice serait, toujours d'après M. Taurel, une
sœur de J. Maartensz, religieuse à Marienpoel. M. Dulberg
(Inaugural Dissertation, p. 46) s'exprime ainsi : « Si l'on
admet la détermination du fondateur, de Taurel, les deux
retables doivent avoir été exécutés entre l'année 150S, où
J. Maertensz vint à Marienpoel comme chapelain, et 1526,
année où il mourut. Mais il me semble qu'il est possible
de dater les deux œuvres d'une manière plus précise : les
fondateurs sur les volets de la Descente de croix sont
représentés à un âge bien plus avancé que celui qu'ils ont
à la prédelle (du triptyque de la Crucifixion)... Le fonda-
teur a l'air dans ce retable de la Descente de croix pres-
que d'un homme de cinquante ans. Et puisque Jacob
Maertensz n'atteignit que l'âge de cinquante ans, l'œuvre
ne peut avoir été terminée longtemps avant sa mort. A
la prédelle il paraît approcher de la trentaine. Il en ré-
sulte vraisemblablement ceci : Le retable de la Cruci-
fixion a été peint peu après 1 50S sur l'ordre de Jacob
Maertensz, de sa sœur Marguerite et de cinq religieuses de
Marienpoel, et le retable de la Descente de croix peu
avant 1526, sur l'ordre de Jacob et de Marguerite seule-
ment. »
Contribution à l'étutie oe l'art hollandais
223
sentations de la Passion chez les derniers
artistes gothiques. Quelques particularités
rares sont pourtant à signaler. C'est ainsi
que le bon larron (celui qui est placé à la
droite de Jésus), tend vers lui son poing
fermé : il ne faut pas voir d'ailleurs dans ce
mouvement un geste injurieux;au contraire,
c'est un geste de supplication (').
Dans un groupe placé à l'arrière-plan,
autour du centenier proclamant la divinité
du supplicié, figure un juif (reconnaissable
à sa robe jaune et à son bonnet pointu).
Un cavalier nègre (2) accompagne Héro-
de, Pilate et Caïphe, à cheval également au
pied des croix.
Sur le sol traînent, parmi d'autres osse-
ments, un crâne allongé et une patte d'a-
gneau, allusion à l'agneau pascal considéré
comme symbole du Rédempteur crucifié.
A première inspection, on est frappé par
la tonalité brunâtre des deux tableaux : une
lueur roussâtre s'épand sur toute la compo-
sition, verdissant les bleus, alourdissant les
rouges. Bien probablement, quoi qu'en pa-
raissent penser MM. Woltmann et Woer-
mann, c'est le fait d'une altération des
vernis : il n'est guère admissible qu'Enghel-
brechtsz ait peint des ciels verts (3). La
prédelle du grand triptyque a été plus
respectée par le temps et les restaurateurs ;
les étoffes qui y sont représentées se dis-
tinguent de tout le reste par une grande
fraîcheur de coloris, et c'est là seulement
sans doute, que l'on peut prendre une idée
exacte de la couleur d'Enghelbrechtsz.
1. M. Dulberg croit que ce larron injurie le Christ.
(Inaug. dissert., p. 48.) Cette interprétation me paraît
inadmissible. (V. ma Notice sur l'église et le retable de
Rumilly, chap. II, p. 27.)
2. Un nègre figure également dans un calvaire flamand
du XVe siècle, n° 114 du Musée Kums, attribué à Mem-
ling.
3. M. Dulberg dit que dans le tableau d'Amsterdam
portant la signature apocryphe de D-iïrer (voir infra), ce
costume de la Vierge est vert-bleu. Il devrait être bleu :
ce sont les vernis altérés qui l'ont verdi.
Dans sa facture, comme beaucoup de ses
compatriotes du même temps, il emprunte
quelque chose aux procédés de la miniature:
il obtient des lumières, des reflets par des
hachures blanches analogues aux hachures
de gouache des enlumineurs (') qui trans-
paraissent sous de légers glacis.
Partie centrale du petit triptyque d'Enghelbrechtsz au
Musée de Leyde.
Il en est ainsi du moins de ses meilleurs
morceaux : les volets extérieurs du grand
triptyque au contraire sont peints en cou-
leurs opaques et l'on n'y voit guère de ha-
chures. Ces deux morceaux sont d'ailleurs
à beaucoup d'égards inférieurs au reste du
triptyque ; il est assez probable que le maî-
tre les a fait exécuter par un élève.
1. Il est à noter que ces hachures ne se retrouvent pas
seulement dans les miniatures hollandaises, Foucquet
s'en est servi mais avec une grande délicatesse dans
l'exécution de ces merveilleuses miniatures conservées
aujourd'hui au château de Chantilly.
224
débite îie P&rt chrétien.
M. Taurel loue à l'excès la perspective
aérienne, le clair-obscur d'Enghelbrechtsz;
à l'en croire, le vieux maître de Leyde
serait arrivé à la perfection.
En réalité, comme il en est de tous les
gothiques, sa science en cette matière n'est
ni bien forte, ni bien sûre d'elle-même.
Pourtant il est à ce point de vue très en
progrès sur ses prédécesseurs et ses con-
temporains du Nord, sans en excepter
Quentin Matzys (').
Chez Engelbrechtsz, les figures humaines
sont d'une grande élégance, se contournant
pour la plupart selon de grandes courbes
(S très allongés) avec une certaine grâce
maniérée (2), surtout dans la composition
du Calvaire.
1. La disposition de la lumière dans le petit triptyque
est remarquable.
2. Franz Dulberg, Rcpcrtorium Lucas von Leiden ah
Illustrator, note 151 : «cette tendance à l'élégance dans
l'ordonnance et l'exécution se montre dans toute l'école
de Leyde et elle y tient lieu de la recherche de la beauté
qui y fait défaut. On en peut citer un exemple pour En-
ghelbrechtsz: le tableau d'autel de la Crucifixion au Musée
archiépiscopal d'Utrecht qui, jusqu'à présent, ne lui a pas
été attribué, mais qui lui appartient sûrement et dont le
comte Pottenegg à Vienne possède une réplique plus pe-
tite et un peu modifiée. »
Voici la note que j'ai prise sur mon carnet au Musée
archiépiscopal d'Utrecht en présence de ce tableau :
Triptyque dans la troisième salle. Attribuable à Enghel-
brechtsz, doit être celui que Dulberg désigne comme tel,
en tous cas excellent tableau bien conservé (*).
Panneau central : le Christ en croix entre les deux
larrons. Celui de droite (gauche du Christ) se contourne
selon la même ligne que le larron de droite de Leyde.
Seulement, détail très curieux, le larron de gauche (droite
du Christ) détourne également le visage du Christ. Tout
à fait anormal.
Les chairs sont extrêmement pâles, même chez les
hommes. Ne serait-ce pas de Lucas de Leyde, tout jeune
et non encore affranchi de l'influence de son maître ?
Mains et pieds médiocres comme souvent chez les jeunes
artistes. Ce tableau pourrait être rapproché aussi peut-être
de celui qui, au Musée d'Amsterdam, porte le mono-
gramme apocryphe de Diirer.
Encadrement en grisaille avec le serpent d'airain et le
sacrifice d'Abraham. Dans les lointains de la compo-
sition principale, ruines paraissant reproduire les carac-
tères de l'architecture orientale.
tableau, d'après M. Dulberg (/iiaug. Dissert., p. 77), porte
l'étiquette suivante :
« Ontkleeding, Kruisiging, Verrijzenis. Oud Hollandsche school.
Les chairs masculines sont fortement
colorées, les visages de femme au contraire
blancs et roses ; c'est encore une analogie
avec la miniature. On trouve aussi dans le
dessin de ces visages une réminiscence de
l'ancienne école flamande ; un petit détail
suffirait à le démontrer : les larmes patiem-
ment ouvrées qui roulent sur les joues des
saintes femmes. (Vr R. van der Weyden.)
D'ailleurs ces types féminins, d'un dessin
un peu conventionnel, pour ainsi dire hié-
ratique, d'une grâce un peu fade, sont chez
Enghelbrechtsz bien inférieurs aux types
masculins ; ceux-ci sont au contraire, très
variés, très expressifs et d'une vérité sur-
prenante. Le colloque autour du centenier
en est un exemple ; la tête de Caïphe aussi,
si vivante qu'on ne peut s'empêcher de
penser qu'on a là le portrait de quelque
rabbin du XVIe siècle.
Le Christ mort du petit triptyque est
également un morceau des plus curieux par
Omstr. helft der 16 eeuw. Gesch. v. zijnedoorl. Hoogw. Mgr H. J.
Schaepmans. »
Voici la description qu'il donne de la partie centrale (description
conforme au croquis que j'avais pris à Utrecht).
« Le Christ est attaché à une croix élevée, la tète contournée vers
la gauche (du spectateur) ; sa ceinture blanche flotte au vent vers la
droite. Le larron de gauche (â la droite du Christ) est suspendu par
les cordes sur la croix, sa tète imberbe toute empreinte de douleur
tournée vers la gauche. Le larron de droite, barbu, avec de longs
cheveux en mèches, a un bras en l'air, l'autre enlaçant la traverse
de la croix, le poing crispé. Le ton fondamental de la chair est gris
jaunâtre ; les corps, maigres de torses, sont bien et finement mo-
delés. Les cordes avec lesquelles les larrons sont attachés volent au
vent. La Madeleine est, encore une fois, agenouillée au pied de la
croix, qu'elle entoure de ses deux bras. Sa tête est tournée vers la
gauche, la ligne de son corps forme exactement un point d'interro-
gation ; son vêtement est en brocart rouge et or.
A gauche, Marie, qui peut à peine se tenir sur ses pieds, est sou-
tenue par S. Jean ; celui-ci regarde vers le Christ. Marie est en bleu,
S. Jean en rouge. A droite un vieillard montre la croix du Christ de
l'index levé et se tourne vers un guerrier qui regarde aussi la
croix. Le premier porte une barrette, son costume est presque en-
tièrement fait de la même étoffe rouge et or que celui de la Made-
leine. Le second porte un casque, une armure et un manteau violet-
grisâtre. Derrière ces deux hommes se trouvent deux soldats dont
l'un est frappant, avec ses longues moustaches pendantes, et plus
loin, trois cavaliers et un piéton. Le sol, en avant, est fait de couleurs
brunes et grises ; derrière les personnages on voit un groupe
d'arbres et des murailles croulantes à portes ogivales; plus en arrière,
une plaine irriguée, des montagnes, aux pentes douces et un ciel
nuageux. Le fond reste en teintes très délicates : le paysage est gris
foncé, bleuâtre et vert foncé, le ciel avec des nuages gris foncé et
blancs a la couleur bleu foncé et bleu clair de l'air. »
M. Diilberg remarque, p. 79, que dans la réplique du I " Ivueneg.
le larron de gauche regarde le Christ.
Contribution à i'étu&e De fart l)oUanDat0. 225
son réalisme hardi : l'artiste capable de
nuancer ainsi une figure, de détailler les
moindres transparences du corps humain (')
est beaucoup plus peintre au sens moderne
du mot que la plupart de ses contemporains
(comparer le Christ mort de Quentin Mat-
zys à Anvers d'un coloris si conventionnel
et si terne).
Les personnages d'Enghelbrechtsz se
partagent la garderobe la plus disparate :
costumes de convention (S. Jean, la Vierge);
L'étude de ces costumes ne nous appren-
drait donc rien de particulier à Enghel-
brechtsz ; il suffira de signaler le bonnet ou
capuchon pointu de Caïphe ; les peintres
des autres écoles, prédécesseurs ou con-
temporains d'Enghelbrechtsz, représentent
plus souvent « l'évêque des Juifs » coiffé
d'une mitre posée en travers.
Pour son temps, Enghelbrechtsz a été
dans les Pays-Bas un animalier de premier
ordre (Cf. Bouts). Il paraît avoir fait des
Groupe de cavaliers dans le grand triptyque d Enghelbrechtsz.
toilettes féminines contemporaines du pein-
tre (Madeleine); vêtements d'homme (bour-
geois, reitres, lansquenets, juifs, bourreaux),
que l'artiste a pu voir dans son entourage ;
enfin habillements orientaux. Une certaine
logique, mais traditionnelle et respectée par
tous les artistes de la dernière période go-
thique, régit en réalité ce désordre apparent.
1. Il y a des détails de ce cadavre si curieusement étu-
diés que l'on a tout lieu de croire qu'Enghelbrechtsz l'a
non seulement dessiné, mais peint d'après nature ; ce sont
des particularités du corps que le peintre avait devant les
yeux et qu'il a fidèlement rendues. Autre remarque con-
cernant la Descente de la croix de Leyde : derrière le
groupe formé par S. Jean et les saintes femmes entourant
le corps de Jésus, se tient un autre groupe composé de
deux femmes et de trois hommes ; l'un de ces derniers
est un vieillard imberbe, grisonnant, avec de gros plis
au cou, très vivant, très expressif et que l'on prendrait
volontiers pour un portrait. Cette figure présente une
analogie frappante avec une figure de vieillard de ce petit
Groupe de cavaliers dans l'Adoration des rois de Ger.tile da Fabriano.
chevaux une étude toute particulière, et il
est bien plus près de la vérité dans la ma-
nière dont il comprend leurs formes et leur
allure que ses contemporains flamands ou
ses prédécesseurs.
L'influence de l'Italie est d'ailleurs très
sensible dans le dessin des chevaux du grand
tableau hollandais du Musée d'Amsterdam portant la
signature apocryphe de Durer.
Toutefois le bras du vieillard d'Amsterdam est comme
« accroché à l'envers », comme maladroitement imité du
bras du personnage de Leyde, pour cette raison, l'ana-
logie entre les deux figures ne me parait pas révéler un
auteur commun (*).
* M. Diilberg, au contraire [Inaus>. Dissert., p. 70), croit pouvoir
attribuer ce tableau à Enghelbrechtsz. Au sujet de la Déposition de
croix de Leyde, il désigne le vieillard dont je parle plus haut comme
Nicodème, et son interlocuteur à ample bonnet, seul visible sur les
reproductions accompagnant mon article, comme Joseph d'An-
mathie. Ces deux figures sont d'après lui « imitées des mêmes figures
dans l'œuvre de Geertgen tôt Sint Jean ». Il avait fait plus haut déjà
(p. 12) la même remarque a propos du tableau de Geertgen. (Dépo-
sition de croix conservée aujourd'hui au Hofmuseum de Vienne,
N" 645.)
REVl E DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 3me LIVKAI^ON.
226
Bebue De l'ftrt cbrctten.
triptyque et il serait difficile de ne pas
reconnaître une réminiscence plus ou moins
directe du cortège des Mages de Gentile
dans les trois petits cavaliers placés sur une
hauteur. On a d'autant plus raison de le
croire que ce groupe ne joue aucun rôle
dans la composition d'Enghelbrechtsz ; c'est
simplement un morceau de bravoure où il
a voulu faire montre de ses connaissances.
Le cheval d'Hérode rappelle d'une manière
bien plus frappante encore deux chevaux
de Gentile : le corps de l'un, la tète de
l'autre (').
Excepté la grande ferme au pied des
remparts de la Ville sainte, les fabriques du
grand triptyque sont loin de présenter les
caractères de l'architecture du Nord à la fin
du moyen âge ; elles rappellent plutôt les
constructions du Midi de l'Europe et de
l'Orient. Il se peut, il est vrai, que sans
songer du tout à l'art italien, Enghelbrechtsz
ait imaginé sa Jérusalem en s'inspirant de
descriptions et de croquis de pèlerins. Il
savait en tous cas, mieux que quiconque
i. On retrouve un cheval analogue dans une gravure
de Jacob Cornelisz van Oostsanen ; celui-là est identique
de position au cheval de Gentile (le Calvaire, planche
ronde d'Oostsanen n° 10 de Bartsch et Passavant).
Dans une planche d'Oostsanen, de la série des
comtes de Hollande, j'ai trouvé un cheval absolument
analogue au cheval vu par la croupe dans l'Adoration des
Mages de Gentile. Notez un cheval de face du type de
Gentile ci-dessus mentionné, mais tourné complètement
en sens inverse dans la planche de Lucas de Leyde n°24
de Bartsch (la fille de Jephté).
Enfin, il me paraît bien probable que Durer, dans l'A-
doration des Mages conservée aujourd'hui à Florence,
s'est souvenu du cavalier caracolant de Gentile, lorsqu'il
a dessiné le groupe placé dans les lointains de sa compo-
sition. (Voir Knackfuss, Durer, p. 38.J
Sauf en ce qui concerne cette dernière œuvre de Durer,
je ne prétends pas que les auteurs de peintures et gravures
ont connu le tableau de Gentile : je veux dire seulement
que si de semblables groupements et types de cavaliers,
de semblables formes de chevaux se retrouvent dans la
peinture italienne, c'est chez Gentile qu'on en pouvait
trou\er les prototypes.
On peut remarquer aussi que le turban du nègre figuré
dans le triptyque de Leyde paraît une imitation mala-
droite du turban que chez Gentile porte le roi, qui est le
plus pi es de JÉSUS.
alors, créer d'immenses villes de légende,
entassant palais, tours et terrasses dans un
fouillis mystérieux.
Quant au paysage, son origine n'est pas
discutable : ces rochers escarpés surplom-
bant, percés en arc de triomphe, appartien-
nent sans conteste à l'École vénitienne ;
ils sont de la même famille que les rochers
de Cima da Conegliano et de Marco Basaïti.
On peut donc, sans prétendre toutefois
donner une formule adéquate du talent
d'Enghelbrechtsz, résumer ainsi l'analyse à
laquelle nous venons de nous livrer.
Enghelbrechtsz procède directement de
l'École hollandaise du moyen âge, dont il
continue avec éclat les traditions réalistes ;
elle lui a légué avec sa technique, ses habi-
tudes d'observation consciencieuse et per-
spicace, sa composition dramatique, sa
sympathie pour les animaux.
Mais il procède aussi des Van Eyck et
des anciens Flamands ; son idéal de beauté
est le leur.
Il doit au moins à l'art italien, une partie
de ses qualités de paysagiste et d'animalier
directement ou indirectement.
On peut ajouter qu'il fit son profit d'un
apport purement allemand et peut-être
d'une contribution française.
Doué d'un tempérament assez robuste
pour conserver son originalité et sa nationa-
lité au contact de l'art italien, ou bien pré-
servé d'une influence trop directe et trop
continue par les circonstances, il sut coor-
donner heureusement tous ces éléments
étrangers, et les modifier selon son propre
génie. Il entrevit les lois du clair-obscur
et fut peut-être le premier, dans le Nord, à
abandonner les conventions de la fresque
ou de la miniature dans la distribution de
la lumière ; il préparait ainsi l'éclosion du
merveilleux génie de Rembrandt.
(A suivre.)
Emile GAVELLE.
g* ffi* »**£* »*g* À*%* A*Vkt A^-* A^A A^ A^C A^t A^Vkt A^k A*¥kl A^l >&U
6n Babtère, — Dotes lie bocage. (3«»a«ieo
. .TTÏTIrTIIIrlinTTTTITKTTITTTrTTTTTtTTrrTTTTTTTIIT t T I IJ1LIJ-IXIJ ][ rUXriTtXXIII I T 11 1 I 1 I I I I in — ' Ri ri
, W *!&* V** W ya*I* W *^[^ *&* W *x&* M^ W W* M"* *£!* *3S
Bamberg.
BAMBERG, ville de 39,000 habitants,
sur la Pegnitz, ancienne principauté ecclé-
siastique, réunie à la Bavière en 1802. Elle
est dominée par les quatre tours de sa
cathédrale (le Dom) qu'on aperçoit de
loin dans la campagne, monument de tout
premier ordre, dont l'étude offre le plus
grand intérêt. C'est un important édifice
roman fondé, en 1004, par l'empereur Hen-
ri II, mais bâti au XIIe siècle seulement.
Il a deux chœurs flanqués chacun de deux
tours carrées à flèche élancée. La partie
centrale de la construction, nef et transept,
à l'exception des portes dont nous parlerons
plus loin à propos des sculptures, est dé-
pourvue de tout ornement. Le chevet du
chœur de l'Est est au contraire assez décoré,
percé de fenêtres aux archivoltes multiples
reposant sur des colonnettes, la partie in-
férieure ornée de petites arcatures suppor-
tées par des modillons; contreforts en forme
de colonnes engagées. Sous la corniche de
la toiture règne une arcature ouverte rap-
pelant le style roman rhénan. Les quatre
tours (on avait projeté d'en bâtir une cin-
quième, à la croisée, mais ce projet n'a pas
été exécuté), sont élancées, un peu grêles,
mais élégantes et richement décorées. L'ar-
chitecte les a rejetées aux deux extrémités
de l'édifice, ce qui diminue beaucoup leur
effet décoratif.
Elles appartiennent à l'époque de transi-
tion romano-ogivale et sont d'un style mi-
français et mi-allemand particulièrement
curieux à étudier. Elles diffèrent d'ailleurs
entre elles, par les détails de leur ornemen-
tation.
1. Voyez la i™ livr., p. 13 et la 2m<: livr., p. 104, 1899.
Inférieur de la cathédrale. L'immensité
du vaisseau frappe par ses dimensions, mais
il semble vide et laisse froid. On éprouve
comme un sentiment de malaise, encore
augmenté par une restauration trop com-
plète, peut-on dire, commencée il y a
fort longtemps, et terminée, croyons-nous,
vers 1860. Les murs sont en pierre d'un
blanc gris sale, et leurs immenses surfaces
sont dépourvues de tout décor peint ou
sculpté. La voûte d'ogive est la conception
de l'architecte primitif; elle repose sur des
piliers carrés cantonnés de colonnes aux
chapiteaux gothiques, et reliés par des arcs
ogivaux.
Aux deux extrémités se dressent les
chœurs, tous deux surélevés de 14 marches
au-dessus du sol de la nef; celui de l'Est est
roman avec fenêtres à plein cintre et voûte
en cul de four; celui de l'Ouest est gothique;
il est précédé d'un transept à chevets plats
percés de roses romanes.
Des cryptes, seulement à demi enfoncées
dans le sol, régnent sous les deux chœurs et
prennent jour sur leurs collatéraux ; celle
de l'Est est la plus importante ; elle a une
voûte en berceau reposant sur des colonnes
avec chapiteaux unis et bases à pattes. Un
puits est ouvert sous cette crypte.
Les sculptures du chœur et celles des
divers portails sont peut-être, avec quelques
tombes monumentales, l'objet le plus inté-
ressant à étudier dans le monument. Les
premières, qui sont les plus anciennes, ont
un caractère particulier très marqué, et ap-
partiennent à une école romano-gothique
où se rencontre un réalisme singulièrement
énergique qui apparaît dès la fin du
XI le siècle et qui, pendant une longue
228
Betiuc &c P8vt chrétien.
période, caractérisera les œuvres de cette
région. Elle a été étudiée par Kugler et
d'autres auteurs allemands, plus tard par
Viollet-le-Duc et enfin par M. Louis Gonze,
qui signalent son caractère profondément
dramatique, mais en même temps un peu
trop recherché qui aboutira vite au maniéré,
et manque un peu d'élévation, de telle sorte
que ses œuvres sont restées au-dessous de
celles de la grande statuaire française du
XIIIe siècle.
Les plus intéressantes de ces sculptures
sont celles qui décorent la clôture du chœur
oriental exécutées au XIe ou au XI Ie siècle,
et représentant des figures d'apôtres, deux
par deux, tenant dans les mains des phy-
lactères et semblant discuter entre eux ; elles
mesurent un mètre environ de hauteur et
ont été autrefois polychromées ; la statue
équestre de l'empereur Conrad appliquée
contre le premier pilier de la nef ; les figures
de l'Eglise et de la Synagogue et celles des
prophètes et des évangélistes au portail
Nord ; ces dernières sont particulièrement
curieuses, car elles représentent chacun des
prophètes portant sur ses épaules un évan-
géliste, symbolisant ainsi que la loi ancienne
est le fondement et le soutien de la loi
nouvelle, idée exprimée, comme on sait,
d'une manière remarquable dans les vitraux
de Chartres, à peu près contemporains des
sculptures de Bamberg.
Les sculptures du second groupe appar-
tiennent à une époque beaucoup plus ré-
cente. Ce sont : le tombeau de l'empereur
Henri II et de l'impératrice Cunégonde,
de forme carrée, en marbre jaune et pierre
lithographique, supportant les statues cou-
chées des défunts en demi-ronde bosse,
exécutées, ainsi que les bas-reliefs du sar-
cophage, par le grand sculpteur bavarois
TU man Riemenschneider (1499- 15 13). Ces
sculptures sont très belles, mais le massif
de maçonnerie qui les supporte est trop
élevé, ce qui fait qu'on n'aperçoit pas les
statues des gisants. (Pour les voir on doit
monter sur un escabeau prêté par le sacris-
tain !)
La tombe du pape Clément II ('), sculp-
ture italienne en marbre, du XI I Ie siècle,
et plusieurs tombes d'évêques du XIIIe au
XVIIIe siècle, sont dans le chœur occiden-
tal. (Ce chœur possède des stalles sculptées
du XVe siècle.)
La cathédrale renferme encore un grand
nombre de monuments funéraires, mais ils
ne présentent pas tous un égal intérêt. On
en trouve une très grande quantité (plaques
en bronze ciselé ou gravé) dans une cha-
pelle du XVe siècle, bâtie en hors-d'œuvre,
près du chœur occidental.
Sur un autel latéral, voisin du même
chœur, on voit un crucifix en ivoire d'une
haute antiquité (du IVe siècle d'après cer-
tains auteurs, du IXe ou du XIe d'après
d'autres). Il est d'assez grandes dimensions
et ne présente pas le type traditionnel de
nos pays. Le Christ porte le perizonium, il
n'est pas couronné d'épines, ses pieds sont
percés de deux clous (et non l'un sur
l'autre).
Le trésor de la cathédrale est riche en
reliques et en objets précieux, parmi les-
quels on en remarque plusieurs ayant ap-
partenu à l'empereur Henri 1 1 et à l'impé-
ratrice Cunégonde (tous deux canonisés),
savoir : des autels portatifs, des couronnes,
des croix, l'épée et le couteau, divers reli-
quaires et deux manteaux en velours ornés
de médaillons à sujets brodés en or ; le ca-
lice la mitre et la crosse de l'archevêque
Othon (XI IIe siècle) etc., etc.
Les autres édifices de Bamberg sont
1. Voir Revue de tArt chrétien, t. VII, 1896, p. 349-
€n Bavière, — /Rotes &e toopage.
229
peu importants, comparés à la cathédrale.
L'Église Notre- Dame (Ober-Pfarrkirche),
du XIVe siècle, a un beau porche latéral
(la porte du mariage), décoré des statues
des vierges sages et des vierges folles, qui
sont fréquemment représentées dans les
monuments de cette région ; le style de ces
figures, qui rappellent celles de la cathé-
drale, est encore excellent. Près de la porte
principale de l'église, sous un édicule de
style gothique, la représentation de Jésus
au jardin des Oliviers, sujet qu'on rencontre
fréquemment en Bavière, à l'extérieur des
églises.
Jacobskirche, Église St-Jacques, con-
struction romane du XIe siècle, à trois nefs
couvertes d'un plafond. Des colonnes gal-
bées, à chapiteaux sphérico-cubiques por-
tant des arcs plein-cintre, supportent le mur
supérieur de la nef centrale. Il n'y a pas
de transept à proprement parler ; le chœur
est gothique.
Église St-Michel, au Michaelsberg, avec
deux tours, en partie romanes, et les vastes
bâtiments de l'abbaye de ce nom, recon-
struite au XVIIIe siècle.
Ces diverses églises occupent la partie
supérieure de la ville, avec la résidence,
ancien palais des princes-évêques, qui se
compose de deux grandes constructions,
l'une du XVIe siècle avec façade et cours
intérieures assez pittoresques, l'autre des
premières années du XVIIIe siècle, d'un
style froid et sans relief.
Les quartiers marchands et industriels
sont situés dans la partie basse de la ville,
près de la rivière qui se divise en plusieurs
bras, offrant des points de vue assez pitto-
resques.
L'hôtel de ville (Rathaus), bâti de 1744 à
1 756, est sans intérêt. Les façades sont cou-
vertes de grandes fresques représentant des
sujets historiques ou mythologiques, fort
dégradées ; quelques détails, et en parti-
culier un balcon, de style rocaille, sont
assez remarquables.
La Bibliothèque de la ville est réputée
pour ses manuscrits et les précieux ivoires,
souvent décrits, servant de couverture aux
livres d'heures d'Henri II et de Cunégonde.
ïtatisbonnc.
RATISBONNE, qui compte 41,500 habi-
tants, assise sur le Danube, à l'embouchure
de la Regen, petite rivière qui lui donne
son nom (Regensburg), est une ancienne
ville libre impériale rattachée au royaume
de Bavière en 18 10 seulement. C'est une
cité vénérable par son antiquité, puisqu'elle
existait déjà du temps des Gaulois et que
les Romains, après la conquête, en firent le
centre de leur pouvoir sur le haut Danube;
célèbre par son histoire, puisqu'elle fut à
maintes reprises la résidence des empereurs
et siège de la diète de l'Empire; riche enfin
par son commerce qui fut très florissant au
moyen âge. Elle serait encore l'une des plus
belles et des plus curieuses villes de l'Alle-
magne, si, à l'exemple de ce qui a été fait
pour d'autres localités, on s'appliquait à
rendre à cette ville et à ses monuments,
si intéressants, leur physionomie ancienne.
Et sous ce rapport, on obtiendrait à Ratis-
bonne des résultats bien supérieurs à ceux
qu'on a atteints à Nuremberg, sa voisine ;
ses monuments, qui sont plus nombreux,
plus importants, et qui appartiennent pour
la plupart à l'architecture romane ou au go-
thique primaire, portent l'empreinte d'une
époque et d'une organisation politique où
l'aristocratie dominait dans la cité, tandis
que ceux de Nuremberg, en général, et
spécialement les habitations privées, ne
datent que de la fin du moyen âge et ressem-
blent à ceux de bon nombre de villes alle-
mandes de cette époque, administrées par
230
iRcbur lie rart ebretten-
un gouvernement plus ou moins démocra-
tique.
Nombreux sont les hôtels de patriciens
et les demeures de riches bourgeois, puis-
sants négociants ou armateurs, datant des
XIIe et XIIIe siècles, dont les formes en-
core complètes se devinent sous un plâtras
plus ou moins moderne ou derrière les
constructions postérieures qui y ont été
accolées. Ces palais de l'aristocratie se dis-
tinguent par un caractère à demi militaire
que leur donnent de hautes et solides tours
carrées occupant généralement le centre de
la façade, semblables au donjon d'une forte-
resse. De nombreuses maisons ont des
pignons à escaliers ou à créneaux avec tou-
relle d'angle; beaucoup ont conservé, du
moins aux étages supérieurs, les petites
fenêtres géminées ou triples du gothique
primaire; il n'y aurait qu'à gratter le plâtras
pour remettre au jour une foule de maisons
d'un intérêt exceptionnel. Certaines des
tours de ces anciens palais, et en particulier
celle qui est voisine de la cathédrale, peu-
vent dater de l'époque romaine ; d'autres,
telles que celle de l'hôtel-de-ville et de
l'auberge de la Croix d'or, datent du XIIe
siècle. Elles ont généralement de nom-
breux étages (parfois même 9 ou 10) indi-
qués par des petites fenêtres bien caracté-
risées.
Quant à l'ensemble des places et des rues,
et abstraction faite des monuments, il a
conservé dans les anciens quartiers, beau-
coup de cachet, grâce aux vieilles maisons
à pignons, aux tourelles à l'angle des rues,
aux enseignes suspendues à des potences, et
aux loggia dans le genre de Nuremberg.
La vue la plus pittoresque et la plus
générale de la ville est celle qu'on a de
l'autre côté du Danube, au faubourg de
Stadt-am-Hof où l'on voit Ratisbonne se
déployer en une longue silhouette dentelée
de clochers au milieu d'une vaste plaine.
Le pont qui relie les deux rives du fleuve,
date du XIIe siècle ( 1 1 35 à 1 146), comme
l'indiquent ses quinze arches plein-cintre.
Il est long de 315 mètres environ, et était
autrefois fortifié, coupé et défendu par des
ouvrages d'art militaire qui ont disparu à
l'exception de la dernière porte, située du
côté de la ville; malheureusement c'était
la plus simple et la moins intéressante de
toutes.
Une maquette de ce pont, tel qu'il
était avant la démolition de ses ouvrages
de défense, se trouve au musée de l'ancien
hôtel-de-ville.
Le Rathaus ou hotel-de-ville se com-
pose de trois parties, d'âge et de style
différents, l'une, relativement moderne, du
XVIIe siècle, sans intérêt ; l'autre, du
XVe siècle, et la troisième du XIIe siècle.
La partie principale, celle du X I Ve siècle,
est peu décorée, mais fort pittoresque et
ayant beaucoup de caractère. C'est là que
se tinrent pendant près de deux siècles les
diètes de l'Empire. Le rez-de-chaussée
n'est percé que de portes et de fenêtres
basses ; il est occupé aujourd'hui par des
boutiques. L'étage est éclairé par un pre-
mier rang d'ouvertures carrées plus larges
que hautes, divisées en quatre baies égales
et surmonté de quelques fenêtres ogivales
à deux lumières. Au centre de la façade une
bretèque ou loggia de peu de saillie, repo-
sant sur un pilier, et surmontée d'un fron-
ton avec pinacles aux angles. C'est à ce
balcon que se proclamaient autrefois les
actes de l'autorité impériale.
Dans l'angle formé par les bâtiments de
l'ancien et du nouvel hôtel-de-ville, une
porte ogivale avec couronnement de forme
rectangulaire, dans lequel est inscrit un
fronton triangulaire rappelant en tous points
celui de la bretèque, décoré, en outre, dans
€n Batofère. — 1®ott& de toopage.
231
les écoinçons de deux figures de guerriers à
mi-corps, armés le premier d'une arbalète,
le second d'une pierre qu'il semble lancer
sur celui qui voudrait franchir la porte.
La salle de la diète occupe tout le premier
étage ; elle est vaste, nue, et dépourvue
aujourd'hui de tout mobilier. Un escalier,
établi dans un des angles de la salle, conduit
à une tribune faisant partie de la même
salle, et de là, à quelques petites chambres
où est installé aujourd'hui un intéressant
musée d'objets historiques et de souvenirs
locaux : tableaux, pièces d'orfèvrerie, bois
sculptés, faïences, médailles, ainsi qu'une
série extrêmement curieuse de vieilles tapis-
series gothiques de différents types. Dans
une autre salle on a rassemblé les fac-similé,
à une échelle réduite, de monuments anciens
de Ratisbonne dont beaucoup ont malheu-
reusement disparu. Collection précieuse
pour l'histoire locale, et qu'il serait bien dé-
sirable de voir établir dans toutes nos villes
où sévit à outrance la manie du modernisme
et où tant de mouvements disparaissent
souvent sans qu'il en reste trace.
Ainsi, à défaut du monument lui-même,
démoli souvent sans motif et même contre
toute raison, on garderait au moins son
image !
L'aile moderne du Rathhaus est sans inté-
rêt, et quant à la troisième construction qui
fait partie des bâtiments de l'hôtel-de-ville,
elle est beaucoup plus ancienne que les
deux autres, et parait remonter à la période
romane. Mais aujourd'hui, entièrement défi-
gurée.elle n'a conservé qu'un pignon ancien,
et sa haute tour qui pourrait facilement être
restaurée.
Les souterrains eu Rathhaus, obscurs, tor-
tueux et à plusieurs étages, affreux réduits
où l'air et la lumière ne pénètrent pas,
servaient autrefois de prisons et de cham-
bres de torture; ce sont peut-être les plus
curieuses et les plus complètes qui existent
encore, car elles ont gardé en place, et prêt
en quelque sorte à fonctionner encore, tout
le matériel employé jadis pour l'application
de la question, ou pour infliger aux crimi-
nels les supplices auxquels ils avaient été
condamnés. La chambre de torture est divi-
sée en deux par une cloison grillée, derrière
laquelle se tenaient le magistrat et son
greffier (les sièges et le pupitre à écrire
sont encore en place), pour surveiller
l'exécution de la sentence ou recueillir les
aveux des criminels mis à la question.
Le monument le plus considérable de
Ratisbonne est à coup sûr sa cathédrale
(Dom); vaste édifice gothique commencé
au XIIIe siècle (1275) avec une façade
datant du XVe siècle et deux tours sembla-
bles, couronnées de flèches en pierre,
ajourées, construites seulement de nos jours
(1859 à 1869), en même temps qu'on res-
taurait tout l'édifice.
La valeur architecturale des diverses par-
ties de l'édifice est très inégale ; on peut dire
d'une manière générale qu'il manque d'élé-
gance et de pureté, et qu'il y a surcharge
de détails nuisant à l'effet d'ensemble.
La partie la plus intéressante est le
chevet du chœur, d'une ligne plus pure que
le reste de l'édifice; il n'a pas de bas-côtés.
Un chemin de ronde extérieur a été ménagé
sur la banquette qui contourne l'édifice et
forme une sorte de socle qui donne beau-
coup de légèreté au reste de la construction.
Les façades latérales sont dépourvues
d'ornements, tandis que la façade principale
est surchargée de détails d'un style d'ail-
leurs assez médiocre. La porte centrale est
précédée d'un petit porche triangulaire,
forme peu usitée, et qui paraît en contra-
diction avec sa propre destination, puisque
son pilier central obstrue et ferme en quel-
que sorte le passage.
232
3&ctntc De l'&rt djrcttcn.
L'intérieur de la cathédrale, bien qu'un
peu froid et nu, est plus beau que l'extérieur;
ses lignes ont de l'ampleur et de la majesté.
On remarque, à la hauteur des fenêtres
inférieures (et à peu près à la même hauteur
que celui de l'extérieur), un chemin de ronde
intérieur avec balustrade en pierre ajourée;
sous les fenêtres du clair étage, il y a un
Ratisbonne. — Cathédrale.
triforium. Les vitraux, pour la plupart
anciens, n'ont pas été restaurés. Contre le
mur du pignon du transept, à l'intérieur,
au-dessus de la porte d'entrée, et suivant le
contour de cette porte, s'élève un double
escalier avec un balcon (au point culminant)
qui peut avoir servi de tribune pour l'osten-
sion des reliques.
Au centre de la nef principale, vers le
bas de l'église, le mausolée d'un évêque du
XVIe siècle, représenté à genoux au pied
d'un énorme crucifix ; contre le mur de la fa-
çade occidentale, grandes statues équestres
de S. Georges et de S. Martin; près du
portail du Sud, puits à margelle octogone
surmonté d'un très élégant baldaquin en
pierre, de style gothique ; tabernacle en
forme de tour, surmonté d'une flèche, haute
de 17 mètres; nombreuses pierres tombales
d'évêques, droites ou couchées ; autel prin-
cipal avec retable, totalement recouvert de
plaques d'argent (1785); cinq autels (dans
les basses-nefs), établis contre le mur des
bas-côtés et sans qu'ils soient entourés de
clôtures formant chapelle; ils sont surmon-
tés d'un ciborium ou baldaquin à fronton
triangulaire, avec clochetons aux angles,
statues surmontées de dais, et balustrade
reliant le tout. Ce sont des spécimens en
bon état et très précieux d'une forme d'autel
rarement usitée.
Le trésor de la cathédrale est fort riche
et se trouve très convenablement installé
dans des armoires vitrées disposées dans
une salle voûtée, au-dessus de la sacristie,
spécialement aménagée à cette fin et facile
à défendre contre les voleurs et contre le
feu. On y remarque entr'autres choses: des
croix très précieuses du XIIIe et du XI\V
siècle, un rational, ornement liturgique que
les évêques de Ratisbonne avaient le privi-
lège de porter ; ces ornements sont devenus
fort rares, on n'en connaît que peu d'exem-
plaires, dont un au Musée de Munich. Celui
de Ratisbonne remonte au XIIe siècle, il
est brodé sur fond d'or. Chasuble romane
et calice en onyx datant de 994; reliquaire
(moderne) avec la main de saint Jean-Chry-
sostome; chandeliers, vases, statues et reli-
quaires en argent (XVIIIe s.) pour garnir
le maître-autel; plusieurs pièces, émaillées,
et notamment une superbe croix, etc.
€n Bafctère. — #ote0 De toopage.
233
Entre la cathédrale et le Danube s'étend
la partie la plus ancienne de la ville et en
particulier l'ensemble de bâtiments désignés
sous le nom de Aller Dom, ou vieille cathé-
drale, qui comprennent des cloîtres et des
dépendances avec plusieurs chapelles très
anciennes qui ont été conservées après la
construction de la cathédrale nouvelle. Ce
cloître a été renouvelé et appartient, dans
son état actuel, au XVe siècle, mais les cha-
pelles, l'une dite l'ancienne cathédrale ,1'autre
dédiée à tous les saints et qui semble, à cause
de sa forme octogonale, avoir été primiti-
vement un baptistère, sont de style roman
primitif, du XIIe ou même du XIe siècle,
bien que certains auteurs aient voulu les
faire remonter jusqu'au VIIe siècle. Elles
sont extrêmement intéressantes, ayant été
débarrassées du plâtras et des ornements de
style rocaille qui les défiguraient autrefois.
Une tour carrée à toiture pyramidale datant
aussi de l'époque romane, a été englobée
dans la construction de la cathédrale ac-
tuelle. Tout le cloître est rempli de pierres
tombales sculptées, de différentes époques
et de valeur fort inégale.
Plus bas que le cloître de la cathédrale se
trouve une construction romaine, enclavée
dans des bâtiments modernes ; c'est une
ancienne porte de ville (porta Pretoria)
construite en pierres irrégulières, de grand
appareil, et dont il ne reste plus qu'une
arcade, c'est-à-dire la porte proprement dite,
avec une des deux tours qui la défendaient.
De l'autre côté de la cathédrale subsiste
encore une autre construction qu'on dit
également romaine ; c'est une grande tour
carrée, beaucoup plus importante, par ses
dimensions, que les autres tours du même
genre conservées à Ratisbonne.
L'Eglise Sî-Jacques, qui dépendait autre-
fois d'un couvent de religieux écossais,
bâtie en 1112, offre la disposition propre
aux basiliques romaines, trois nefs termi-
nées par des absides voûtées en cul de four,
et à l'extrémité opposée une sorte de nar-
thex, au porche intérieur, dans lequel se
trouve le baptistère.
Les murs de la nef centrale reposent sur
des arcs plein-cintre supportés par des
piliers carrés (les quatre premières travées)
ou par des colonnes aux chapiteaux riche-
ment sculptés ; la nef centrale est couverte
par un plafond en bois, les basses nefs ont
des voûtes d'arête. Ce chœur est éclairé
par trois grandes fenêtres en plein-cintre.
La porte Nord de cette église est abon-
damment ornée de sculptures bizarres et
Ratisbonne. — Eglise Saint Jacques.
d'un art déconcertant : les archivoltes repo-
sent sur des colonnes sculptées ; à droite et
à gauche de la porte, trois rangs de petites
arcatures superposées, supportées par des
colonnettes ou des modifions ; les fûts des
colonnes de la zone du milieu sont rempla-
cés par des statuettes de personnages his-
toriques ou symboliques, supportant le cha-
piteau de la colonne. Plusieurs arcs ou
colonnettes reposent sur des lions couchés,
des sculptures énigmatiques, hommes ou
animaux, occupant le panneau inférieur,
semblent y avoir été placées après coup ;
leur origine et leur signification n'ont pas
été expliquées jusqu'ici. Quant au portail
lui-même, il a été construit en l'an 1200.
REVUE DE LAKT CHRETIEN.
1899. — 3me LIVRAISON.
C'est encore à l'époque romane qu'appar-
tient I'église de Saint-Emmeran, qui fait
partie du palais des princes de Tour et
Taxis, établi dans un ancien couvent de
Bénédictins; l'église est précédée d'une tour
isolée, de style roman, carrée, à toiture pyra-
midale percée de quelques petites fenêtres
à plein-cintre, généralement géminées, et
ornée de statues de Saints, se détachant
du plat du mur, supportées par des consoles
et surmontées de dais. Sur le côté de la
tour, un mur décoré de deux rangs d'arca-
tures gothiques, aveugles, d'un très bon
style, orné de peintures à fresques et percé
de deux portes ; il donne accès à la cour
(ancien cimetière)qui précède l'église. Cette
église elle-même est un composé de plu-
sieurs chapelles, autrefois indépendantes les
unes des autres, aujourd'hui communiquant
entr'elles, datant toutes de l'époque romane
primitive, ou plus anciennes encore, mais
horriblemenc défigurées au XVIIIe siècle.
C'est d'abord un vaste porche roman,
ouvert, d'un très grand caractère, et dont
l'ordonnance générale a été respectée; puis
les diverses églises ou chapelles, apparte-
nant à des types variés d'architecture
romane, latine ou byzantine, dont certaines
parties anciennes se révèlent sous le décor
rocaille qui les couvre.
Les sculptures, statues et tombeaux qui
remontent aux Xe, XIe et XI Ie siècles, peut-
être même au VIIe, doivent être rangées
parmi les plus curieuses et les plus précieu-
ses qui existent. Elles constituent, avec le
monument lui-même, un ensemble de docu-
ments du plus haut intérêt pour l'étude de
l'art allemand à ces époques reculées.
L'ancien cloître conventuel, de style
gothique, est immense mais froid, il sert
aujourd'hui de vestibule au palais. Contre
une de ses ailes on a construit la chapelle
funéraire des princes de Tour et Taxis ;
l'étage inférieur est occupé par le caveau
funéraire dont on voit les cercueils déposés
sur le sol, à travers une ouverture pratiquée
dans le pavement de la chapelle. Les autres
bâtiments qui composent le palais, sont
modernes.
Près de l'église Saint-Emmeran, sont
deux autres églises romanes comme les
précédentes; également défigurées par un
remaniement complet au XVIIIe siècle.
Elles ont des tours carrées du même type
que celles de Saint-Emmeran.
Cet ensemble de constructions d'un style
si particulier et encore si peu étudié, est
véritablement unique et d'un intérêt excep-
tionnel pour l'étude de l'art monumental.
Il ferait de Ratisbonne une ville sans égale
sous ce rapport, si une restauration, habile-
ment conduite, leur rendait leur splendeur
primitive.
Baissai! .
PASSAU est la dernière ville bavaroise,
sur le Danube, du côté de l'Autriche. Elle
a une population de 17,500 habitants et se
distingue par son admirable situation au
confluent de l'Inn et de l'Illz avec le Da-
nube. C'est là que commence la navigation
à vapeur sur le fleuve, et c'est au départ
vers Vienne qu'on jouit de la plus magni-
fique vue panoramique de Passau.
La ville a un aspect mi-allemand et mi-
italien, comme, en général, les localités du
Tyrol ; les monuments ne présentent qu'un
intérêt secondaire au point de vue archéo-
logique. On remarque les volets des fenê-
tres aux maisons anciennes, en fer, et ren-
forcés par de solides armatures en fer éga-
lement, qui les font ressembler à des portes
de coffres-forts.
(A suivre.)
Eugène Soil.
j&y. i&y. i&u \5%* *$£* *5$* £*y> *5k £*$* \r*u *5£* »5£* *?*u *?»£* *5Ex
ixixiinx
rcnrixiroLX.
fflélanges, mmz®mm®mm®
nTimtriiiiiiTTi.TTir
iiimini:[iimiEn
TraiirmrTTTurrtiirirrrn
'*&* w rët* rét* *&* *&* *£t* y^ w t<ô* ?*&* **£* w r&* **$*
Et VaSC antiqUE DC Satnt=Satiin (>)• . Les investigations faites pour connaître les
circonstances par lesquelles le vase était venu
entre les mains de M. le doyen Lebrun aboutirent
aux informations suivantes. Lors de la restaura-
tion de l'autel majeur de Saint-Savin, ou plutôt
lorsqu'il s'est agi de le remplacer par un nouvel
autel que l'on jugeait être mieux en rapport avec
le style de l'église, on trouva dans le massif de
l'autel placé au XVIIIe siècle, dans une sorte de
petite niche ou de casier disposé tout exprès « un
vase antique de belle forme, en verre bleuâtre,
orné symétriquement en saillie de filets et de
boutons blancs, émaillés, sans inscriptions, conte-
nant les seules reliques de l'autel (r) ».
M. le doyen Lebrun, qui donne ce renseigne-
ment, ajoute: « Je pense que ces reliques étaient
celles du XIe siècle, ainsi transmises, et par consé-
quent des reliques de saint Savin. J'ai gardé ce
vase antique comme document, plus une partie
des reliques, et j'ai placé le reste dans l'autel ma-
jeur actuel. »
Mgr B. de M. décrit fort longuement ce vase,
dont il donne d'ailleurs une bonne reproduction
en chromo. Le vase mesure une hauteur totale de
dix centimètres et demi ; il a neuf cent, à son
orifice et douze à son plus grand diamètre. Il se
compose de trois parties : un pied très bas et
étroit ; une panse, ou renflement au milieu di-
minuant en courbe gracieuse vers les extrémités,
et à l'orifice un rebord arrondi et saillant.
La matière est en verre bleu, mat, translucide;
au jour la teinte est claire et verdâtre au soleil.
Le décor, rapporté après coup, consiste en une
série de filets et de boutons formant des sortes
de rosettes, que l'auteur nomme « pastillages »,
qui se détachent en blanc opaque sur le fond bleu.
M. Léon Palustre.décédé avant d'avoir terminé
l'étude entreprise, ne laissa que quelques notes;
Mgr B. de M. se trouva donc seul en présence
du problème archéologique dont son ami s'était
chargé. Quelque ardu que fût celui-ci, notre
docte et infatigable collaborateur n'était pas
homme à abandonner la partie. Il chercha tout
jOTRE savant collaborateur Mgr Bar-
bier de Montault a publié, en 1897, une
très intéressante et très complète étude
intitulée Le vase antique de Saint-
Savin. Je me reprocherais de n'avoir pas ap-
pelé plus tôt l'attention de nos lecteurs sur ce
travail, si je m'étais senti la compétence néces-
saire pour le faire avec sûreté, et si je n'avais
espéré pouvoir confier cette tâche à l'un de nos
collaborateurs plus initié à la connaissance des
instruments liturgiques en usage aux premiers
siècles du Christianisme. Cet espoir ne s'étant pas
réalisé, force m'est de donner un compte rendu
qu'il importe de ne pas réserver indéfiniment.
Mais avant d'aborder l'examen de l'étude
même, il convient de rappeler les circonstances
qui ont amené Mgr Barbier de Montault à l'en-
treprendre.
En faisant, en 1882, l'inventaire des curiosités
archéologiques de l'ancienne église abbatiale de
St-Savin sur Gartempe (Vienne), Mgr B. de M.
prit note d'un vase en verre que M. le doyen
Lebrun conservait sur la cheminée de son cabi-
net. Le trouvant extrêmement remarquable,
il en écrivit immédiatement à son ami Léon Pa-
lustre,qui, à son tour, émerveillé de la découverte,
accepta de rédiger la notice qui devait accompa-
gner laphotogravure de l'objet dans la publication
des trésors des églises entreprise par les deux
savants.
Cependant, en présence de la beauté et de la
rareté exceptionnelle du vase et de la fragilité de
sa matière, il était au moins dangereux de le
laisser sur la cheminée du digne ecclésiastique
qui ne paraissait pas trop avoir conscience de sa
valeur. Aussi, convaincu de la nécessité de le
soustraire à une situation aussi précaire, Mgr B.
de M. fit, auprès du ministre des beaux-arts, des
démarches dont le résultat fut la remise du pré-
cieux vase au Musée de Poitiers.
1. Le Vase de Saint-Savin, par X.Barbier de Montault,
prélat de la Maison de Sa Sainteté.
1. L'Abbaye et l'église de Saint-Savin, Poitiers, 1SS8,
par le doyen Lebrun.
236
Peinte tie P8rt chrétien.
d'abord à s'éclairer de l'opinion des savants qu'il
croyait le mieux à même de l'aider dans ses
recherches : à cet effet il leur envoya la reproduc-
tion du vase, avec un questionnaire portant sur
les points de savoir si le vase de Saint-Savin
était païen ou chrétien, sur sa destination pre-
mière et la date à lui assigner, l'endroit où il
pouvait avoir été fabriqué, s'il existait des simi-
laires connus, etc. Enfin toute la littérature qui
existe à ce sujet fut soigneusement consultée.
La première question qu'il importait de tran-
cher était celle de savoir si le vase était d'origine
païenne ou chrétienne.
Léon Palustre le croyait d'origine païenne, et
cette opinion était partagée par MM. le chanoine
Schniitgen de Cologne, M. Schone de Berlin, Mgr
Bulic, directeur du Musée de Spalatro; plusieurs
savants restèrent douteux. Il en est enfin qui,
croyant le vase de fabrication païenne, admet-
taient qu'il avait pu servir à un usage liturgique
chrétien.
Mgr Barbier de Montault, au contraire, croit
que le vase est exclusivement d'origine chré-
tienne. Toute sa très compendieuse, très savante
et très instructive étude a pour objet de faire
passer cette conviction dans l'esprit du lecteur.
Je ne saurais dire si ses recherches très ardues
et qui dénotent une érudition peu ordinaire, ont
abouti à cette conviction, ou bien si celle-ci s'est
en quelque façon imposée à l'auteur par les cir-
constances qui ont amené la découverte du vase
précieux, mais je suis certain que le lecteur n'a
pas à se plaindre des efforts de Mgr B. de M.
pour le convaincre. Si même on ne pouvait ad-
mettre complètement les conclusions du savant
prélat, on est au moins heureux de s'éclairer de
sa science.
Mgr B. de M. non seulement attribue au vase
de Saint-Savin une origine chrétienne, mais il
semble très disposé à croire qu'il a été confec-
tionné dans les régions mêmes où il a été trouvé.
Disons d'abord que dans l'opinion de tous les
savants consultés, et dans celle de l'auteur du
travail que nous examinons, le vase ne saurait
être antérieur au premier siècle de notre ère, ni
postérieur au quatrième.
Il se trouve dans les papiers délaissés par
feu Palustre deux copies d'actes qui établissent
qu'en 1454, l'abbé de Saint-Savin concède à deux
verriers le droit de réédifier un four de verrerie
tombé en ruines établi autrefois dans la forêt de
Meudon, et de l'exploiter contre une redevance
annuelle. Le fait assurément est intéressant et
mérite d'être consigné. Mais n'y a-t-il pas quel-
que hardiesse à pousser les conjectures au point
de le rattacher au vase antique, objet de l'étude
de Mgr B. de M. ? En effet, il se demande si le
four en question est tombé en ruines, ce ne serait
pas de vétusté? et si cette verrerie ne serait pas
la continuation d'un établissement carolingien,
mérovingien, ou même gallo-romain? C'est là, ce
me semble, remonter un peu prestement une
série de siècles pour arriver à une fabrication in-
digène.
En réalité notre savant collaborateur assure
que le vase est « unique ». C'est là une opinion
fondée jusqu'à présent, et qui n'a été contestée
par aucun des savants consultés sur cet objet
remarquable. Mais du fait qu'il est unique résulte
précisément la difficulté de trouver des points de
comparaison connus, étudiés et qui pourraient
mettre sur la voie d'une réponse adéquate aux
questions qu'il soulève. On peut, en vérité, citer
à titre de documents historiques, quelques vases
qui ne sont pas sans analogie avec celui de Saint-
Savin et qui pourraient mettre sur la voie de
l'usage auquel il a pu servir.
Ainsi la coupe en verre rougeâtre, conservée à
l'église de Maestricht et connue sous le nom de
« coupe de saint Servais », porte en elle-même,
comme le fait très justement remarquer M. Ro-
hault de Fleury.les preuves de son antiquité.C'est
un bol, dont la forme générale n'est pas sans ana-
logie avec le vase de Saint-Savin; la tradition qui
le fait remonter à saint Servais, décédé en 384,
n'a pas trouvé de contradicteurs : un poète du
XIIe siècle atteste que, à cette époque, peut-être
même plus tôt, de nombreux pèlerins venaient
boire dans cette coupe, à laquelle ils attribuaient
une vertu miraculeuse, pour la guérison de la
fièvre. Nous pouvons la regarder comme contem-
poraine du vase de Saint-Savin, et, à en juger
par la forme, elle a pu servir aux mêmes usages.
Mais, du fait que la coupe aurait appartenu à un
Saint, personne n'a encore tiré la conclusion
qu'elle aurait servi à un usige liturgique. La lé-
Splangeeu
237
gende même qui donne à ce Scyphus une origine
miraculeuse n'en fait qu'un récipient dont le Saint
se serait servi pour boire de l'eau, et si jamais le
vase avait été consacré à un usage eucharistique,
il n'est pas probable qu'on eût permis plus tard
aux pèlerins fiévreux de s'y désaltérer. La coupe
de saint Servais ne peut donc guère servir
qu'à fixer approximativement l'âge du vase de
Saint-Savin. Or c'est précisément un point sur
lequel les savants paraissent d'accord.
Mgr B. de M., qui mentionne en passant la
coupe de saint Servais, parcourt tous les vases
connus de cette époque, existant en nature, ou
par reproductions ; mais son étude des antiquités
chrétiennes ne lui suggère pas de monuments
ni d'exemples décisifs.
La science de Mgr B. de Montault ne redoute
aucun problème, et le lecteur n'a qu'à se féliciter
en suivant les arguments que lui suggère son
érudition, quand même ils ne lui paraîtraient
pas convaincants. C'est ainsi que pour appuyer
la thèse qui ferait du vase de Saint-Savin un
vase liturgique, il attache une importance parti-
culière à un vase en forme de barillet, conservé
au Vatican, et dont le dessin se trouve dans l'ou-
vrage de M. Rohault de Fleury sur la Messe,
t. IV, p. 42. L'usage eucharistique de ce vase
reçoit une confirmation très intéressante par une
dalle funéraire du IVe siècle, qui se trouve dans
la basilique de Sainte-Marie du Transtévère à
Rome, et dont le dessin est également reproduit
dans l'important ouvrage que nous venons de
citer. Sur cette dalle est figuré également un
tonnelet accosté de deux colombes qui paraissent
vouloir s'y désaltérer.
C'est dans ces récipients en forme de petits
tonneaux que Mgr B. de M. croit reconnaître le
type du vase de Saint-Savin.
Si, en effet, ce tonnelet était redressé et posé
verticalement au lieu de l'être horizontalement, il
rappellerait non seulement la forme du vase en
question, mais encore les cercles qui forment son
décor.
J'avoue, malgré les développements donnés à
la démonstration qui s'appuye de ces deux
exemples, ne pouvoir y reconnaître un argument
décisif. D'abord les deux tonnelets ne sont pas
posés de manière à faire naître ce rapproche-
ment, mais si le vase de Saint-Savin a été fa-
briqué dans les premiers siècles de notre ère,
époque que l'on peut regarder comme acquise,
on se demande pourquoi l'artiste aurait cherché
dans un tonnelet, le type de son travail, alors
qu'il n'avait qu'à suivre la forme d'urnes mille
fois répétée, et dont les exemples devaient cer-
tainement se trouver à sa portée.
Le vase de Saint-Savin, par sa forme, corres-
pond exactement au type de YOlla, de cette
coupe, généralement en terre cuite, qui, en con-
servant le même contour, varie de dimensions et
parfois de décor, car il est assez souvent orné
au renflement le plus marqué, à la panse, d'un
dessin fait à la roulette, d'autres fois d'ornements
en saillie et qui sont rapportés. Presque toujours
ces vases sont en terre rouge, homogène, mais
qui souvent paraît noire, — couleur produite,
dit-on, par la cuisson au bois vert. Ces Olla se
trouvent en très grandes quantités dans les
tombes franques et gallo-romaines, où elles ont
servi à contenir les cendres des défunts. Elles
sont fort abondantes dans les régions des bords
de la Meuse, aux environs de l'ancienne cité de
Tongres, notamment à Connixheim, à Juslenviile
près de Spa, enfin dans la province de Namur où
les fouillesont été si productives en vasesromains,
gallo-romains et francs. Dans le riche Musée de
Namur et dans celui de Liège, se trouvent plu-
sieurs de ces vases en verre, qui, sans avoir la
beauté et la coloration du vase de Saint-Savin, re-
montent à la même époque et ont, au point de vue
de la forme, la plus grande analogie avec celui-ci.
Parmi les vases en terre, un certain nombre ont
conservé leur couvercle et pourraient ainsi satis-
faire à l'un des points du questionnaire formulé
par Mgr B. de M. Ces couvercles ont une forme
conique, évasée, et s'amortissent par un bouton
qui permet de les saisir facilement. Si le vase
de Saint-Savin a eu un couvercle, il semble hors
de doute qu'il a dû être de même type.
Dans la réponse faite par M. Rohault de
Fleury, aux questions qui lui ont été posées, se
trouvent ces lignes : « Je suis fort embarrassé
dans la réponse que je puis vous faire, n'ayant
jamais rencontré dans mes investigations, aucun
vase eucharistique de cette forme... » Puis il
ajoute : « Soyons persuadés que les premiers
ustensiles ou vêtements liturgiques n'ont été
autre chose que les ustensiles et les vêtements
238
Brtnte îie P&rt tftrétten.
ordinaires antiques, que cette origine a consacrés
et dont elles ont assuré la permanence (J). »
Tout le monde admettra l'opinion d'un savant
qui, depuis de longues années, s'est adonné à
l'étude des instruments liturgiques et de tout ce
qui concerne la célébration du saint Sacrifice de
la Messe. D'un autre côté, le regretté Palustre
qui avait voulu écrire la notice sur le vase de
Saint-Savin, déclarait qu'il aurait renoncé avec
plaisir à préparer l'étude qu'il s'était engagé bien
inconsidérément à donner !
Cet embarras se conçoit facilement, en effet.
Si « les premiers ustensiles et vases liturgiques
ne sont autre chose que les vases et ustensiles
servant aux premiers siècles aux usages de la
vie ordinaire », on se demande comment on pour-
rait, à moins de documents certains, ou des cir-
constances contingentes particulièrement carac-
téristiques d'une trouvaille, reconnaître un vase
liturgique primitif? La beauté de la fabrication
n'apportera aucun indice, et la question de l'usage
auquel le vase de Saint-Savin a pu être consacré
à l'origine, me semble insoluble.
Jules Helbig.
Gomment a été Détruite l'église abba=
■v^^^^ tialc ne Climp.
L y a un siècle, la Bourgogne était
fière de posséder la plus vaste église
de la chrétienté après Saint-Pierre de
Rome. Et, en effet, Saint-Pierre et
Saint-Paul de Cluny avait 171 mètres de lon-
gueur en œuvre — 127 pour l'église proprement
dite, et 44 pour le porche — c'est-à-dire 12 de
moins que la métropole romaine, 5 de plus que
Saint-Paul de Londres. Pour les plans dus aux
moines clunisiens Hezelon et Gauzon,même pour
la construction matérielle, l'immense église était
l'œuvre de cette ruche laborieuse, la grande
abbaye chef-d'Ordre. Saint Hugues l'avait com-
mencée en 1089; cinq ans plus tard le sanctuaire
était achevé et bénit par le pape Urbain II reve-
nant de Clermont; en 1131, Innocent II faisait
la dédicace de l'église que saint Hugues, avant
1. P. 24.
de mourir en 1 109, avait eu la joie de voir pres-
que terminée.En 1220, l'abbé Rolland de Hainaut
ajouta ce grand vestibule fermé ou narthex, à trois
nefs, ample à lui seul comme une église ordinaire
et dont la porte s'ouvrait entre deux tours carrées.
La grande église était à cinq nefs, en forme de
croix archiépiscopale, c'est-à-dire à deux tran-
septs, avec déambulatoire et chapelles rayon-
nantes. Trois clochers de pierre s'élevaient au-
dessus du grand transept, celui de milieu plus
important et carré ; un autre, octogone et plus
modeste, au-dessus du petit. La façade occi-
dentale était fort simple, mais à mesure que le
regard se portait plus loin, la masse de l'église
grandissait de plus en plus magnifique et souve-
raine, lançait dans les airs ses hautes flèches,
ardoisées semblables à une gerbe de prières mon-
tant de la terre vers le ciel. Quels artistes, quels
poètes étaient ces architectes chrétiens du moyen
âge! par quelle gradation intelligente et au sens
profond, ils conduisaient les yeux et l'âme des
simplicités du seuil aux splendeurs monumen-
tales du sanctuaire! Au siècle suivant l'art laïc
des cathédrales procédera autrement et au de-
vant des amples nefs gothiques, jettera ces por-
tails gigantesques, vrais livres de pierre vivante
dont les façades des grandes Notre-Dame
françaises sont les plus beaux exemplaires. Ce
sont là deux conceptions très différentes, oppo-
sées même, mais égales en beauté et en signifi-
cation morale. « Il y a plusieurs demeures dans
la maison de mon Père », a dit l'Évangile.
Du côté des jardins, l'aspect de l'énorme abside
avec ses chapelles, ses transepts, ses clochers,
était incomparable; aucune autre église romane
existant en Europe ne se développe avec une
telle magnificence de lignes compliquées et pour-
tant sévères. Et nous en pouvons juger d'après
une gravure du siècle dernier, exécutée sur un
dessin du peintre dijonnais J.-B. Lallemand ;
certes le style n'est pas compris comme par un
Viollet-le-Duc, mais l'intelligence de l'art médié-
val est à peu près suffisante et je n'ai jamais con-
templé sans le plus amer regret, cette image de
ce qui est à jamais détruit. On sait en effet que
du colossal édifice, il ne subsiste plus que la
partie méridionale du grand transept avec son
clocher, et quelques pans de murs.
Mélanges.
239
Comment a disparu l'immense et magnifique
église qui, à ne parler qu'au point de vue de l'art
et de l'intérêt purement humain, serait aujour-
d'hui la fortune de la petite ville? Est-il vrai que
les habitants du lieu se soient acharnés eux-
mêmes à la détruire et, malgré les ordres réitérés
du pouvoir central, en aient fait une carrière?
Sur ce point, la légende est très généralement
affirmative, et les légendes ont la vie dure. On
raconte même qu'en 1805, passant par Maçon
pour aller se faire couronner roi d'Italie à Milan,
Napoléon aurait répondu rudement aux habi-
tants de Cluny qui sollicitaient l'honneur d'une
visite impériale : « Vous avez laissé vendre et
« détruire votre magnifique église, allez, vous
« êtes des vandales; je ne visiterai pas Cluny. »
Aucune autorité sérieuse n'atteste ce prétendu
mot historique; j'imagine, d'ailleurs, que Napo-
léon, fort indifférent comme un demi-italien et un
homme du XVIIIe siècle, à un art réputé bar-
bare, et qui demandait partout du païen à co-
lonnes, devait se soucier fort peu de la destruction
de l'église abbatiale. En tous cas sa boutade por-
tait à faux, et en conscience il eût été singulière-
ment injuste de reprocher aux pauvres habitants
de Cluny de ne s'être pas opposés au vandalisme
du pouvoir central. Comment l'auraient-ils fait ?
Est-ce que les protestations locales sont jamais
écoutées ? Est-ce que, à l'heure où j'écris
ces lignes, alors que l'on saccage Paris même
sous prétexte de gare des Invalides, de gare
d'Orléans, de métropolitain et d'exposition uni-
Vue générale de l'abbaye de Cluny, d'après J.-B. Lallemand.
verselle, la voix des artistes, des hommes de bon
sens, la voix du Conseil municipal, celle même du
Parlement ont été écoutées par les bureaucrates
et les ingénieurs?
La vérité sur cet acte de vandalisme qui priva
la France d'un de ses plus précieux monuments,
est bien connue aujourd'hui, et j'emprunte ma
démonstration à un ouvrage publié à Cluny
même, en 1884 — Cluny, la ville et l'abbaye, par
A. Penjon, professeur à la faculté des lettres de
Douai, ancien professeur à l'école de Cluny. Je
laisse de côté les faits accessoires ordinaires, bris
de vitraux, de tombeaux, mutilations de sculp-
tures, enlèvements de grilles, de cloches, gaspil-
lage des ornements, pour ne m'attacher qu'à
l'église elle-même.
Certains auteurs ont écrit que les habitants des
communes rurales étaient les ennemis hérédi-
taires des grandes abbayes féodales et avaient
pris âprement part à la criée offerte par les décrets
des 2-4 novembre 1789, qui mettaient les biens
du clergé « à la disposition de la nation ». Cette
assertion n'est pas exacte; qu'il y eût dans les
populations un levain d'opposition à tout ce qui
constituait le régime seigneurial, cela ne fait pas
doute. D'ailleurs les appétits n'allaient être que
trop surexcités par la mise en vente des biens
d'église. Mais laïcs et religieux vivaient en bonne
intelligence ; les premiers étaient fiers des grandes
abbayes comme l'Anglais l'est de ses lords; le
joug des seigneuries religieuses pesait peu, les
terres affermées à des taux modérés demeuraient
240
3Rebur ïie P8rt cbrcttem
depuis des générations dans les mêmes familles
de cultivateurs ; l'hospitalité était large à l'abbaye,
les aumônes abondantes. Enfin la congrégation
de Saint-Maur pouvait passer pour un modèle de
piété et de bonnes mœurs. Restait, il est vrai, la
question des abbés commendataires qui, étran-
gers à leurs abbayes, n'y paraissant presque
jamais, n'en prélevaient pas moins plus de la
moitié des revenus. Mais les moines, eux, vivant
parmi les populations, en contact permanent
avec elles, ayant d'ailleurs des intérêts le plus
souvent en conflit avec ceux de l'abbé, étaient
aimés. Et on le vit bien quand s'exécutèrent les
décrets de nationalisation ; il n'y eut nulle part de
violence contre les hommes ni même contre les
choses et en plusieurs lieux, des moines, chassés
de la maison conventuelle, vécurent paisiblement
et honorés dans la commune même.
Au point de vue religieux, le respect était
entier; si les communes cherchèrent le plus sou-
vent à s'emparer des églises abbatiales, ce fut
dans le but d'en faire le siège de la paroisse et de
les substituer aux édifices plus modestes où se
célébrait le culte. Mais on était surtout attaché
au mobilier ecclésiastique; en maints lieux, les
municipalités luttèrent énergiquement pour con-
server les reliquaires et ne se résignèrent à les
envoyer à la fonte que quand il n'y eut plus
moyen de faire autrement.
Ainsi donc et pour résumer la situation faite
au clergé régulier, on peut dire que la destruction
de la puissance féodale acceptée sans difficulté,
fut poursuivie sans haine ni violences. Et pour
ce qui est de la destruction du pouvoir religieux
dont les églises étaient l'expression vénérée, ni
les municipalités, ni les habitants ne s'y prê-
tèrent.
A Cluny, le Conseil général de la commune
adressa à tous les pouvoirs publics, à l'Assemblée
nationale, aux administrations de département et
de district — celui de Maçon — un mémoire dans
lequel étaient rappelés tous les bienfaits que la
ville de Cluny devait aux moines: défrichement
des campagnes, prospérité agricole et commer-
ciale, accroissement de la population. Comme
compensation à ce qu'allait perdre la commune,
le Conseil général demandait pour elle la création
d'un grand établissement à organiser dans l'ab-
baye devenue déserte. Je regrette que l'auteur du
livre qui me sert ici de guide n'ait pas repro-
duit in extenso, ou du moins par extraits guille-
metés, une délibération qui est tout à l'honneur
de l'abbaye et de la ville. Le Comité d'aliénation
de l'Assemblée répondit en demandant un plan
de l'abbaye, mais ce fut tout.
Les 6 janvier et 23 décembre 1791, nouvelles
pétitions au district pour la conservation de
l'église abbatiale ; le 6 juillet 1792, la municipa-
lité refuse de livrer les cloches, décide en novem-
bre de la même année que le culte divin sera
célébré dans l'église et exprime le vœu que le
mobilier des trois paroisses y soit transporté. Le
palais abbatial servirait au logement des trois
curés ; aucune suite ne fut donnée aux proposi-
tions de la commune.
En l'an IV — 1796 — le dépérissement des
bâtiments dont on avait enlevé tous les plombs,
s'aggravait avec rapidité, et chaque jour des
déprédations étaient signalées. La municipalité
du canton de Cluny s'adressa alors à l'admi-
nistration centrale de Seine-et-Loire, pour lui
représenter que ni la vente ni la mise en lo-
cation ne seraient avantageuses à la nation et
que mieux valait essayer d'obtenir du ministère
de la guerre l'installation d'un corps de vétérans,
c'est-à-dire une succursale des invalides. Cette
nouvelle demande n'eut pas meilleure fortune
que les précédentes, et le 2 floréal an VI — 21
avril 1799 — l'ensemble de l'abbaye formant une
enceinte particulière, fut adjugé au citoyen Ba-
tonard, marchand à Maçon, ayant pour associés
les citoyens Vachier et Genillon — ce dernier
était un prêtre assermenté — pour le prix de
2,014,000 fr. Mais la municipalité ne perdit pas
courage pour cela, et quand les acquéreurs vou-
lurent tirer parti de leur acquisition, elle préten-
dit que l'enlèvement des monuments formant la
parure de l'intérieur était contraire à la loi, et
adressa au préfet du département des plaintes
que celui-ci transmit au ministre de l'intérieur,
qui répondit le 7 frimaire an IX — 2S novembre
1800 : « J'ai reçu, citoyen, avec votre lettre,
i, celles qui vous ont été adressées par le maire
« de Cluny, relativement à la destruction de
« quelques monuments qui existent dans l'église
« de la ci-devant abbaye de cette commune.
Mélanges.
241
« Il me semble que vous auriez pu prendre
« contre les délits que vous dénoncez, les mesures
« répressives qui étaient à votre disposition.
« Au reste, je vous autorise à suspendre toute
« démolition jusqu'à nouvel ordre. Vous voudrez
€ bien donner connaissance de cette décision
« aux acquéreurs de cette église.
«Je vous salue, Chaptal. »
Ainsi, voilà qu'intervient un ministre du Pre-
mier Consul ; les travaux sont suspendus en vertu
d'un droit de réserve dont on ne nous dit pas le
fondement, et un procès-verbal dressé contra-
dictoirement fait reconnaître, en 1S01, que la
grande église a besoin de réparations aux toitu-
res pour une somme de 27,961 fr. C'est plus que
ne peut faire la municipalité et elle s'adresse
encore au gouvernement : « L'objet intéresse
« trop les arts et la nation française, dit-elle,
« pour ne pas rendre à ce monument son pre-
« mier lustre, étant l'unique dans son genre pour
« sa grandeur et son élévation.
« La mise en vente de cet édifice et de la
« superbe maison dont il faisait la pièce essen-
« tielle, doit laisser des regrets bien sensibles à
« ceux qui l'ont provoquée.
« Quelque détériorée que soit cette maison
« aujourd'hui, il est encore possible d'en tirer
« un parti très avantageux pour l'intérêt général.
1 Le principal corps de bâtiment subsiste, sauf
« quelques dégradations faciles à réparer.
« Il faudrait que le gouvernement revînt sur
« cette vente et indemnisât les acquéreurs, s'il y
« a lieu. »
Mais tout devait être inutile, et la liberté fut
rendue aux acquéreurs, disposés cependant à un
arrangementqui leur permit de sedéchargerd'une
charge onéreuse. Pour tirer parti de cet immense
enclos où l'église se dressait comme un barrage,
ils imaginèrent d'y tracer une rue — derniers
jours de l'an IX — 1S01 — qui, partant du centre
de la ville, au Midi, aboutissait au Nord à la porte
des Prés, en coupant le vaisseau en deux.
Conserver celui-ci était de plus en plus au-
dessus des forces de la commune ; elle voulut du
moins sauver de l'abbaye ce qui en pouvait être
sauvé et par acte sous seings privés du 2 vendé-
miaire an X — 24 septembre 1801 — elle céda
aux adjudicataires ses halles estimées 5,000 fr., et
des prairies d'une superficie de 16 hectares 2 ares,
et d'une valeur de 25,000 fr. Elle reçut en échange
toute la partie occidentale du cloître, les deux
ailes, le jardin, l'emplacement actuel du dépôt
d'étalons, etc.
L'empire vit consommer la ruine commencée ;
à ce moment la plus grande partie de l'église
subsistait encore, les deux transepts avec leurs
clochers, le sanctuaire, le déambulatoire et les
chapelles rayonnantes. Cet ensemble aurait suffi
pour constituer une église de premier ordre par
la beauté et les proportions ; on sait en effet que
la cathédrale de Beauvais ne se compose que du
chœur et du transept, et celle de Narbonne du
chœur seulement ; même ainsi réduite l'église de
Cluny eût encore été un des plus beaux, des
plus rares monuments de la France ; ainsi aurait
été conservée la grande peinture sur fond d'or
qui remplissait la voûte en demi-coupole de
l'abside. On y voyait la figure de N.-S. haute de
dix pieds, porté sur des nuages, une main levée,
l'autre posée sur le livre de l'Apocalypse fermé
des sept sceaux. A ses pieds reposait l'Agneau
sans tache, et autour de lui étaient les figures
symboliques des quatre Évangélistes. Le fond
était non pas d'or uni, ce qui tue toute couleur,
mais un réseau, sans doute irrégulier, de traits
bruns imitant le jeu vibrant des mosaïques et
éteignant dans une juste mesure l'éclat du métal.
Raphaël n'a jamais manqué d'agir ainsi et il est
fâcheux que cette tradition ne soit plus suivie
aujourd'hui ; on peut penser, en effet, que les
belles peintures d'Hippolyte Flandrin à Saint-
Germain-des-Prés et à Saint- Vincent-de-Paul, de
Paris, et à Saint-Paul, de Nîmes, gagneraient à
être jetées sur un fond d'or craquelé. Alexandre
Lenoir admirait beaucoup la demi-coupole de
Cluny ; l'œuvre du XIIe siècle avait conservé
toute sa fraîcheur.tout son éclat.et si elle existait
encore, nos yeux la verraient encore brillante et
jeune, alors que noircissent et se décomposent à
l'envi les hectares de peintures dont notre âge a
vu enduire les chapelles des églises de Paris. Il
est vrai que l'art n'y perd pas grand' chose.
A partir de juin 181 1, la destruction se pour-
suivit avec acharnement.etcomme ailleurs, on em-
ploya la poudre. Soixante-quinze coups de mine
REVUE DE L'ART CHRETIEN
1899. _ 311e mvRAISON.
242
Brtnte De Part chrétien.
eurent raison à grand'peine du sanctuaire et des
clochers ; les matériaux servirent à construire les
dépendances du dépôt d'étalons, dont l'emplace-
ment au Nord de l'église avait été cédé à l'Etat
par la commune en 1806. Toutefois, le maire de
Cluny, M. Furtin, un nom à retenir, obtint que
l'on conservât le bras méridional du grand tran-
sept avec son clocher, celui de l'Eau bénite ;
on en a fait une église dont on admire le grand
style ; quant au clocher octogone à deux rangs
d'arcatures, haut de 62 mètres, c'est le plus beau
type du clocher bourguignon, tel qu'on en ren-
contre de nombreux exemples dans la région.
Je m'arrête et crois en avoir assez dit pour
justifier ma proposition ; non, la commune de
Cluny n'est pas responsable de la destruction
du plus beau monument religieux du XIIe siècle
qui fût au monde. Sans doute, il y eut des excès
de détail, des à-coup populaires, on brisa des
vitraux armoriés, on mutila des écussons histo-
riques et des sculptures; à combien peu d'églises
demeurées debout et l'honneur de la France
monumentale, ont été épargnées ces épreuves?
Mais le gros œuvre était intact.et à tout prendre,
les blessures faites à l'édifice par la fureur déma-
gogique n'étaient que des atteintes légères. Le
coupable fut le pouvoir central ; sollicité, averti
par la municipalité qui sent tout le prix du trésor
en péril, sa vigilance ne s'éveille un instant que
pour abandonner tout, et avant de tomber l'Em-
pire aura le temps d'arracher du sol jusqu'aux
fondations de la reine incontestée des églises
bénédictines.
C'est ainsi que sont tombées les cathédrales
d'Arras et de Cambrai, celle-ci, une des plus
magnifiques des Pays-Bas, Saint-Nicaise,la perle
de Reims, Saint-Martin de Tours, un des plus
amples, des plus révérés sanctuaires de la France,
la Sainte-Chapelle de Dijon, les églises de
Cîteaux et de Clairvaux, que sais-je encore?
Comme elle était touffue cette forêt de pierre
que la foi, la science et l'art avaient fait jaillir
du sol français, puîsqu'après tant de destruc-
tions imbéciles, et dont hélas ! le dernier mot n'est
pas dit, notre pays est encore un des plus riches
de l'Européen chefs-d'œuvre du moyen âge ?
Imaginez ce que serait aujourd'hui Cluny, la
petite ville au beau site, aux vieux logis,
aux vieilles murailles, aux antiques souvenirs, si
elle possédait encore sa grande église ! On peut
s'en rendre compte en voyant ce que Vezelay,
jeté isolé sur sa montagne, loin des voies ferrées,
doit d'illustration, de vie, de richesse à son église
de la Madeleine. Quand donc comprendra-t-on
cette vérité que je ne cesserai jamais de répéter,
c'est que les œuvres d'art et surtout des monu-
ments, comme l'église de Cluny, sont des capi-
taux productifs? Et je ne parle pas seulement des
fruits de piété, d'inspiration artistique, qui sont
sans prix, mais des produits purement matériels;
aussi les sacrifier est-ce tuer la poule aux œufs
d'or.
Du moins le crime stupide commis à Cluny
contre la religion des souvenirs et du beau, cet
anéantissement sans cause ni but de richesses
accumulées par les générations qui s'étaient
succédé à l'ombre de la grande abbaye, ne sont
pas le fait des habitants du lieu. C'est malgré
eux que l'attentat a été consommé par la bureau-
cratie impériale, et comme ce qui a été accompli
alors s'est continué et se continue encore depuis
un siècle, il n'est jamais hors de propos de rap-
peler les fautes du passé, sans grande espérance
d'ailleurs, d'empêcher celles de l'avenir ; mais il y
a ici un devoir de justice, de conservation sociale
à remplir, et la vaillante Revue de l'Art chrétien
n'y manquera jamais.
Henri CiiaijEUF.
•v>H
• •:• .
-Ô7Y» -S)7Y»
ffl*& *&, <&^*fc ■*&, ■&, *fc *# *& *afe «& *&■ *afe *flfe >ti&*flfe*fl& --as. -^ sas. ^ :;^^^
*
*
ItaltC. " Sans doute il faut reconnaître qu'il donne à
ses personnages une grande intensité de vie, qu'il
connaît l'anatomie, et qu'il a des coups de dessins
corrects, mais c'est une raison de plus pour re-
gretter qu'il ait appliqué son talent à reproduire
la laideur plutôt que la beauté.
De même qu'un chardon fait peine dans un
plan de fleurs délicates, de même Andréa fait
tache à côté de Fra Angelico, Massaccio, Lippi.
Ce n'est pas un peintre religieux.
En 1478 éclate à Florence la conjuration des
Pazzi. Julien de Medicis fut tué et son frère
Laurent le Magnifique blessé, sur les marches de
l'autel de Sainte-Marie-des-Fleurs. Plusieurs as-
sassins furent exécutés.d'autres furenteondamnés
par défaut à la pendaison. La Seigneurie de-
manda à Andréa del Castagno de peindre les
effigies des contumaces sur la façade du palais du
Podestat.Andrea accepta très volontiers; il peignit
les pendus suspendus par les pieds et, dit Vasari,
« la fece tanto bella che fu uno stupore » si beaux
que le peuple donna au peintre le nom d'Andréa
degl' impiccati, Andréa des pendus.
C'est bien le surnom que méritait ce réaliste.
La mise au jour de la Trinità a remis en ques-
tion le cenacolo de l'ancien couvent de Sant'
Apollonia.
Les personnes qui ont visité Florence en détail
n'ont pas perdu le souvenir de cette fresque
énergique, très colorée mais absolument dépour-
vue de sentiment religieux. La critique avait
pendant longtemps donné cet ouvrage à Paolo
Uccello (1397-1475), puis il a été attribué à
Andréa del Castagno, mais sans preuves.
Vasari dit qu'Andréa peignit un cenacolo dans
le réfectoire du couvent de Santa Maria Nuova,
peut-être a-t-on confondu ce couvent avec celui
de Sant' Apollonia ?
Il me semble qu'après la découverte de la
Santissima Annunziata et en comparant cette
peinture avec les autres d'Andréa qui restent à
Florence, — le cenacolo de Santa Maria Nuova
n'existe plus — il faut renoncer à donner la
fresque de Sant' Apollonia à Andréa del Cas-
Florence: Bccoubcrtc D'une fresque o'XlnDrta tel Caa-
tagno. — Turin : btnéïictiort D'une etatuc De la Shoone.
Borne : bente D'une fflaDonc par BotticcIIi.
LORENCE, — Les découvertes d'an"
ciennes fresques se succèdent ; après
les églises San Simone, San Felice,
Ognissanti, Santa Croce, c'est à la
Santissima Annunziata que vient d'être remise
au jour une fresque du XVe siècle.
Dans sa vie d'Andréa del Castagno (1390- 1457)
Vasari mentionne une Trinité de ce peintre dans
l'église des Servites et il indique ensuite la cha-
pelle où elle a été peinte.
La Société Kunsthistorisches Institut, dont j'ai
parlé dans la Revue de septembre 1898, fut au-
torisée à faire des recherches ; elle a trouvé sous
un tableau d'autel d'Allori, la Trinité annoncée.
La fresque est presque complète, il ne manque
au bas qu'une petite bande du terrain et dans le
haut une partie du ciel; quelques éraflures sont
sans importance.
Dans le haut de la composition le Père éternel,
le Saint-Esprit et Jésus-Christ crucifié.
Du divin supplicié on ne voit que la tête, le
buste et les bras attachés à l'instrument du sup-
plice ; c'est bien ce que dit Vasari : e sopra vi
fece una Trinità cou un Crocifisso che scorta, une
crucifixion en raccourci.
Debout sur le terrain : saint Jérôme avec son
lion et à ses côtés la sainte Vierge, et une autre
sainte, de profil.
Le saint est de face, décharné et à peine vêtu
selon la tradition ; il a la bouche entr'ouverte et
un bras en avant mais ployé ; on ne comprend
pas cette attitude, elle paraît rendre la figure
complètement étrangère au mystère.
Les deux saintes devraient être en adoration
devant la Trinité ; elles semblent être en affliction
et ne considérer que Jésus-Christ crucifié.
La composition est donc médiocre ; les figures
sont vulgaires et rentrent dans la manière habi-
tuelle d'Andréa qui consiste à donner la préfé-
rence à des types communs.
244
3Rrinte toc P&rt chrétien.
tagno, sans pour cela la mettre nécessairement
au compte de Paolo Uccello.
C'est un nouveau problème à résoudre.
Turin. — Le cardinal Richelmy a béni dans
l'église du Sacré-Cœur, une statue colossale de
la Madone, destinée à être mise au sommet du
mont Rocciamelone, à 3537 mètres d'altitude.
Il n'y a jamais eu de statue placée à une pa-
reille hauteur.
Les dépenses ont été couvertes par une sous-
cription publique réservée exclusivement aux
enfants italiens : cent vingt mille bambini ont
apporté leur offrande à cette œuvre intéressante.
Sa Sainteté le pape Léon XIII a rédigé l'épi-
graphe qui sera gravée sur le piédestal du monu-
ment.
Rome. — Le prince Ghigi a vendu au prix de
300,000 lires un tableau de Botticelli (1447-
1510).
Botticelli, étant toujours en très grande faveur,
nous reproduirons ce tableau peu connu, ce qui
vaut mieux que de le décrire. Sans être de pre-
mier ordre dans l'œuvre du maître, l'ouvrage est
intéressant.
Cette vente donnera peut-être lieu à un procès.
La galerie Ghigi n'est pas sous le régime fidei-
commissaire, comme les galeries Albani, Barbe-
rini, Sciarra, Noria, Ludovisi, Eospigliosi et
quelques autres, mais les édits du cardinal Pacca,
pris vers 1820, sont toujours en vigueur dans les
anciens Etats pontificaux ; or une des disposi-
tions de ces édits interdit la vente sans autorisa-
tion et, à plus forte raison, l'exportation des
œuvres d'art appartenant à des particuliers lors-
qu'elles ont un intérêt pour l'art et l'archéologie.
Les édits Pacca ont été souvent violés, et la
jurisprudence n'est pas fixée sur leur application.
Le ministère de l'instruction publique a or-
donné une enquête sur la vente du Botticelli ;
nous en donnerons le résultat.
Gerspach.
Juin 1899.
aflfe *£, 3fl6 :^ ^ *& *flfe *flfr. *& ^ ■*&. <&. ^ *& :^ *& *&*& *& ^ *& ^ ^ *& *&
f^WWWWWWWfWWWWWWWWWWlW
Société des Antiquaires de France. —
Séance du iç avril iSçç. — M. Ballon commu-
nique de la part de M. de Rochemonteix un
mémoire sur une statue auvergnate de S. Chris-
tophe, de 1505. M. S. Berger, à l'occasion de cette
communication, signale la coutume qu'il a obser-
vée dans l'église d'Avesnières (Mayenne) con-
sistant à enfoncer des épingles dans les talons
d'une statue en bois qui représente S. Christophe.
Le Baron de Baye donne des renseignements
sur les fouilles opérées par la Commission impé-
riale d'archéologie de St-Pétersbourg dans les
dolmens sous tumulus découverts dans la pro-
vince de Kauban (Caucase).
Séance du 26 avril. — M. Babelon fait part à
la Société du don d'une collection de 167 pièces
gravées antiques que M. Oscar Pauvel de La
Chapelle vient de faire au Cabinet des Médailles.
Cette collection, formée en grande partie à Rome,
se compose de cylindres Assyriens et Réthéens,
de cachets concides, de scarabées et de cachets
grecs et romains.
M. Emile Eude présente la photographie du
tombeau de l'amiral Gaufredo Guilaberto de
Cruilles. Cet amiral est célèbre par la victoire
qu'il remporta en 1339 sur Ja flotte des Infidèles.
Le tombeau en question est conservé dans la
chapelle des morts au cimetière de Gérone (Ca-
talogne).
Séance du j mai. — La Société a élu notre
collaborateur M. Camille Enlart, membre rési-
dant en remplacement de M. Ch. Read. —
M. Joulin entretient la Société des fouilles prati-
quées récemment à Martres (Tolosane).
Séance du 10 mai. — M. C. Enlart présente à
la Société un marbre rapporté en 1896 de sa
mission archéologique- dans l'île de Chypre et
qu'il vient d'offrir au Musée du Louvre. Cette
sculpture datant du XIVe siècle a fait partie de
la face antérieure d'un sarcophage ; elle repré-
sente l'effigie funéraire d'un prince de la maison
royale des Lusignans de Chypres.
M. Prou lit au nom de M. J. Michel un mé-
moire sur la dalle commémorative de Vuilicha-
rius, abbé de Saint-Maurice d'Agaune et évêque
de Sion.
M. J. Marquet de Vasselot fait une communi-
cation sur un ivoire sculpté conservé au Musée
de Bargello à Florence. Cet ivoire présente cer-
tains caractères qui permettent de le considérer
comme l'œuvre d'un faussaire.
Séance du ij mai. — M. A.Blanchet fait divers
rapprochements entre les représentations de
l'Annona, fournies par des tessères en plomb et
par les monnaies romaines. Il communique deux
pierres gravées trouvées en Italie qui complètent
les renseignements donnés par les autres monu-
ments au sujet de la divinité qui présidait aux
distributions gratuites de blé sous l'empire ro-
main.
M. Babelon communique une pierre gravée
qui représente la légende relative à la construc-
tion du Capitule et rappelle le texte de Tite-Live
concernant cet événement de l'histoire de Rome.
M. Héron de Villefosse présente la photogra-
phie d'une hache phénicienne trouvée à Carthage.
Ce monument porte des traces sensibles de l'in-
fluence de l'art égyptien.
Séance du 24. mai. — M. S. Berger lit une note
de M. Tholin sur une récente découverte d'objets
gallo-romains faite à Agen. Le plus important
est un bas-relief représentant Apollon.
M. Lafaye, présente quelques observations sur
l'inscription latine d'Hasparren (Basses-Pyré-
nées).
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance du 10 mars. — M. G. Perrot
communique un mémoire de M. Gauckler sur les
fouilles faites à Carthage. Elles attestent l'exis-
tence de trois civilisations en quelque sorte
superposées, et correspondant aux trois époques
du bas Empire, du haut Empire et, après, une
lacune, à l'époque phénicienne.
En attaquant le sol actuel, on rencontre divers
débris, carreaux de revêtements, monnaies, lam-
pes, poteries. A 1 m. 50 de profondeur, on trouve
des tombes byzantines, avec mosaïques grossiè-
res. Au-dessous, on arrive à quelques construc-
tions de basse époque, puis à une maison romaine
qui semble être de l'époque constantinienne,bien
qu'elle renferme des débris d'une période plus
ancienne,notamment une tête colossale de Marc-
Aurèle en marbre blanc. On y remarque une
citerne àquatre compartiments, un bassin bétonné
se déversant par un jet d eau dans une vasque
en mosaïque. Au Sud, deux chambres rectangu-
laires sont pavées en mosaïque. La plus grande
a 4 mètres sur 5 ; elle représente un paysage ma-
ritime avec personnages ; la deuxième, d'un tra-
vail plus négligé, représente une chasse aux
animaux féroces.
Après avoir soulevé les deux mosaïques, qui
ont été transportées au Musée du Bardo, on s'est
246
3Retntc ïie P&rt cbréttm.
aperçu qu'elles cachaient des constructions plus
anciennes entièrement comblées, notamment
une salle importante, si l'on en juge par les
stucs peints recouvrant les murs. On y a trouvé
des débris de poteries, des lampes chrétiennes, des
fragments de stuc peints dans le style pompéien,
etc. ; ainsi que quatre statues en marbre blanc
presque intactes. C'est la Déméter grecque, la
Ceres aj "ricana romaine, qui a remplacé la phéni-
cienne Tanit. Ces statues sont ciselées avec un
art infini dans un marbre aux tons dorés avec
une légère couche de peinture. Elles sont dans
un état de conservation remarquable.
Au-dessous du caveau on ne trouve plus que
des tombes puniques très anciennes et l'on passe
brusquement des premiers siècles de notre ère au
sixième avant Jésus-Christ. L'auteur donne ici
des détails très complets en décrivant ces sépul-
tures puniques, fosses à inhumation, fosses recou-
vertes d'une simple dalle, et énumère les pièces
qui composaient le mobilier funéraire.En somme,
dit-il, ces fouilles de la plus ancienne nécropole
punique nous mettent en présence d'une civilisa-
tion étrange, très raffinée déjà, mais tout impré-
gnée encore d'éléments asiatiques et égyptiens
et n'ayant subi qu'à un faible degré l'influence
des peuples occidentaux. C'est la Carthage phé-
nicienne qui se révèle à nous avec toute la saveur
de son originalité primitive.
M. de Mély termine la lecture de son étude sur
la 4 répartition des épines de la célèbre couronne
de Jésus-Christ», étude que nous publions plus
haut (V. p. 208).
Séance du ij mars. — M. l'abbé Thédenat
donne, d'après une lettre de M. l'abbé Dufresne,
de nouveaux renseignements sur les travaux du
Forum à Rome. En face de la basilique de Con-
stantin, le long de la Via nova, on a trouvé des
chambres dont les murs en briques sont recou-
verts de stuc. Devant la RegiajÔM côté qui regarde
VArea du Forum, on a mis au jour un petit
hypocauste. L'escalier du temple d'Antonin et de
Faustine a été complètement déblayé. Deux
bustes sans tête ont été trouvés. La destruction
du talus, à gauche du temple d'Antonin, a fourni
de nombreux morceaux de marbre et, entre
autres, de beaux fragments d'une frise. En ce
moment on déblaye l'espace compris entre les
temples de Romulus et d'Antonin. Enfin, une
nouvelle découverte porte à plus de quatre cents
le nombre des fragments du plan de Rome.
M. Heuzey commence à présenter à l'Acadé-
mie les pièces justificatives d'une série d'études
sur les plus anciennes constructions chaldéennes
découvertes par M. de Sarzec, qui remontent par
delà le quarantième siècle. Cette donnée repose
toujours sur la date de 3757 pour le règne de
Naram-Sin, fournie par les Babyloniens eux-
mêmes. On pouvait craindre quelque exagération
de leur part, mais il y a à l'appui un grand nom-
bre de documents découverts par M. de Sarzec à
Sirpoula.
M. Collignon présente des bijoux d'or prove-
nant d'une sépulture ancienne trouvés près de
Sardes, en Lydie. Ces bijoux lui ont été commu-
niqués par M. P. Gaudin. La parure se compose
d'un petit pectoral, d'un médaillon et d'un pen-
dant de collier. Ce sont des spécimens d'une orfè-
vrerie très primitive, et ces objets paraissent
antérieurs à la civilisation qui se développa en
Lydie sous la dynastie des Mermnades.
M.Clermont-Ganneau fait une communication
sur une acquisition récente du Louvre, un petit
vase ovoïde en terre cuite, richement décoré de
peintures à la manière noire, dans le style du
sixième siècle avant notre ère.
Congrès des Sociétés savantes. — Nous
avons donné dans notre précédente livraison un
premier et court compte rendu du Congrès
annuel des Sociétés savantes. Ce Congrès qui
se tenait jusqu'ici à Paris, a eu lieu cette année
pour la première fois en province, à la suite
de la décision prise au ministère de l'Instruc-
tion publique et des Beaux-Arts, dans un but de
décentralisation. On aura désormais une année
par décade, ces assises dans une ville de second
ordre. Cette année Te Congrès s'est ouvert à
Toulouse, dans l'hôtel d'Assezat, le mardi 4 avril.
M. Levasseur, membre de l'Académie des sciences
morales, présidait la séance d'ouverture. Les
travaux du Congrès se sont poursuivis pen-
dant les journées des 5, 6 et 7 avril. La séance
solennelle de clôture, au Capitole, a été présidée
par le ministre de l'Instruction publique et des
Beaux-Arts. MM. Héron de Villefosse, Baillaud,
directeur de l'observatoire de Toulouse, Gaston
Paris et Leygues y ont pris la parole.
Pendant la durée du Congrès, des fêtes y ont
été données aux congressistes par la Ville, les
Sociétés savantes et l'Université de Toulouse. Des
excursions ont été organisées à Carcassonne, à
Saint- Bertrand-de-Comminges et à Martres-
Tolosane, à Albi et au Gouffre-Padirac. Le pre-
mier soir a eu lieu une brillante réception par le
Maire, M. Lenes, dans les salons de l'llôtel-de-
Ville. Le mercredi, les Sociétés savantes de
Toulouse ont régalé les congressistes à l'Hôtel
d'Assezat de projections lumineuses reproduisant
les sites environnants et de photographies en
couleurs (procédé Lumière). Le jeudi, réception
au petit lycée (couvent des Jacobins) par les
membres de l'Université; vendredi, spectacle de
gala au Capitole ; samedi, banquet au réfectoire
Cratmuj: Des ^otiétis savantes.
247
des Jacobins, présidé par le Ministre M. Leygues.
Nous extrayons du Journal officiel, le compte
rendu de quelques-unes des communications
faites à la section d'archéologie.
M. Regnault donne lecture d'une étude de M.
Bousrez sur les aqueducs de l'époque romaine
en Touraine.
M. Constans lit une note sur un curieux mo-
nument observé à Millau (Aveyron) et qui porte
une inscription dont l'interprétation n'a pu être
donnée jusqu'ici. Il s'agit de l'ancien pilori. L'in-
scription qui y est gravée ne saurait être posté-
rieure au début du quatorzième siècle ; elle est
en langue vulgaire. On peut la lire ainsi : Quara
que f aras enant que comedes vostra (viattda ).Se\on
toute apparence, c'est une colonne provenant de
quelque château ou de quelque réfectoire con-
ventuel, invitant les convives à prier le Seigneur
avant de prendre leur repas. On suppose qu'elle
a pu être enlevée de quelque maison religieuse
pillée par les protestants dans les guerres du
seizième siècle. M. le chanoine Pottier signale un
pilori conservé au Musée de Montauban. C'est
une simple colonne en marbre blanc, avec une
inscription.
M. R. Roger communique une étude, accom-
pagnée de très nombreuses planches, sur les
églises romanes de l'Ariège. Cette étude se divise
en deux parties. La première analyse les carac-
tères généraux de l'architecture romane. Dans la
région montagneuse du pays de Foix, on peut
considérer comme originale la simplicité des
édifices religieux. Dans la plaine, au Nord de
Planturel et dans la haute vallée de l'Ariège, les
églises les plus importantes ont été élevées sous
l'influence de Saint-Sernin de Toulouse. Le Cou-
serans, sans offrir de différences bien tranchées,
pourrait cependant être rattaché au Comminges
et au pays des Quatre- Vallées. De même, dans
l'ornementation, qui n'a pas été prodiguée, il est
possible de reconnaître deux genres distincts, l'un
dû aux artisans locaux, sculpture fruste et de
tournure archaïque, l'autre qui n'apparaît qu'au
douzième siècle avec les monuments élevés par
les artistes toulousains. La seconde partie du
travail de M. Roger se compose de monographies
des églises romanes de l'Ariège.
M. Jules Mandin donne la description d'un
petit édifice en ruines conservé à Bouley, près de
Montignac-sur-Vézère (Dordogne). C'est une
petite chapelle de forme rectangulaire et du type
le plus simple. Elle ne paraît pas avoir été jamais
voûtée. On peut l'attribuer au douzième siècle.
M. Mandin communique ensuite une note,
accompagnée de relevés graphiques, sur l'église
de Trémolac, curieux édifice construit sur les
bords de la Dordogne à quelques centaines de
mètres de la ligne ferrée du Buisson. La nef de
cette église est couverte par une série de coupoles
sur pendentifs ; elle a été agrandie au siècle
dernier par l'adjonction de chapelles au transept.
M. Brutails appelle l'attention sur certaines
particularités techniques que présente la con-
struction des coupoles de Trémolac.
M. Joulin communique le résultat de ses fouil-
les à Martres-Tolosane, en y joignant des plans
et les photographies des principales sculptures
trouvées dans cette curieuse ville gallo-romaine.
Les dernières fouilles de 1897 et de 1898 ont fait
découvrirles substructions d'une immense maison
de campagne à Chiragan, qui couvrait 3 hectares
avec ses vastes cours intérieures. Son plan rap-
pelle celui de Diomède à Pompéi. Les bâtiments
dont M. Joulin a relevé le plan à Chiragan
avaient été commencés à l'époque d'Auguste et
agrandis sous les Antonins. Les portiques des-
cendaient jusqu'au bord de la Garonne, et leur
hauteur était de 14 mètres environ. La décoration
sculpturale était du meilleur style, et les fragments
de nombreuses fresques indiquent que les salles
étaient ornées avec le même goût que celles des
maisons de Pompéi. Les grands pilastres de
Chiragan se distinguent par une décoration
variée, qui porte l'empreinte d'une décadence
déjà sensible à l'époque des Antonins. On y
remarque des palmettes, des rinceaux, des feuil-
les de lierre et d'acanthe, des semis d'insectes et
d'oiseaux. Les architectes se sont servis de mar-
bres des Pyrénées. Il faut en conclure que ces
matériaux furent mis en œuvre au milieu du
deuxième siècle, car la plus ancienne inscription
du Musée de Narbonne, sur une stèle de marbre
des Pyrénées, est datée de l'an 149, et c'est à
cette époque que les premières carrières furent
exploitées. Les fouilles de Chiragan ont fait
découvir soixante-douze statues de dieux et de
déesses de la bonne époque romaine. Le culte
des divinités égyptiennes était également pra-
tiqué à Chiragan.
M. Anthyme Saint-Paul lit une étude sur
l'église Saint-Sernin de Toulouse, dont nous
reproduisons la vue ci-après et dans laquelle il
cherche à déterminer les dates de construction
de cette église. Les caractères architectoniques
du chœur n'empêchent en aucune manière de le
considérer comme celui qui fut consacré par
Urbain II en 1096 ; l'étage supérieur seul peut
avoir été rebâti dans la première moitié du
douzième siècle. La nef, d'un style roman si pur,
n'a pu être exécutée après le douzième siècle ;
tout ce qu'on a fait depuis lors, ce sont des
ravalements, des placements de chapiteaux, des
travaux de remaniement ou d'achèvement dans
la façade et la région attenante. Le chœur de
l'église actuelle a dû être commencé vers 1080,
plutôt un peu avant qu'un peu après ; il était
248
3rAclntc te r^rt chrétien.
sans doute complètement terminé lors de la
consécration de 1096, et il est probable qu'à cette
date Raymond Gayrard avait déjà pris en mains
la direction des travaux, qu'il garda jusqu'à sa
mort, en 11 18, laissant les murs du pourtour de
l'église achevés jusqu'aux premières corniches.
Si les croisillons n'étaient pas complètement
terminés à la mort de Raymond Gayrard, ils le
furent tout de suite après. On entreprit les parties
hautes de la nef travée par travée, et en même
temps on refit la partie supérieure de l'abside, ce
qui conduisit à 1 1 35 ou 1140 environ. La con-
struction de la nef traîna assez péniblement ;
pendant qu'elle se poursuivait, on prolongea
l'église, on détruisit une façade déjà commencée
pour en élever une autre en avant, et celle-ci,
après avoir été, avec la travée des deux tours
occidentales, l'objet de retouches et de remanie-
ments particuliers, finit par rester incomplète. Il
existe une famille d'églises romanes méridionales
dont le groupe intime est composé de Sainte-Foy
de Conques, de Saint-Sernin de Toulouse et de
la célèbre cathédrale de Saint-Jacques-de-Com-
postelle. La première est l'origine du type, les
deux autres en sont l'épanouissement ; mais la
cathédrale espagnole s'est directement inspirée
de la basilique toulousaine, et, si l'une et l'autre
n'ont pas le même architecte, elles sont du moins
les œuvres de deux artistes, dont le premier,
celui de France, a eu le second pour élève et pour
imitateur. Saint-Sernin de Toulouse marque
l'apogée et constitue le monument le plus im-
portant de l'école romane toulousaine ou du
Sud-Ouest, qui, malgré ses analogies étroites
avec l'école auvergnate, n'est pas, dans ses origi-
nes, absolument dépendante de celle-ci, et qui, si
elle peut à la rigueur être contestée comme école
d'architecture, ne saurait être méconnue comme
une de nos plus grandes écoles de sculpture
monumentale. M. Mandin fait remarquer l'ana-
logie du plan de Saint-Sernin avec celui de la
basilique de Saint-Martin de Tours. M. le cha-
noine Pottier pense que l'imitation de l'église de
Saint-Sernin à Saint-Jacques-de-Compostelle
s'explique facilement par les pèlerinages. Le
président, M. de Lahonde, estime que M. An-
thyme Saint-Paul a définitivement fixé les dates
de la construction de l'église Saint-Sernin.
M. Avenet donne lecture d'un mémoire de
M. l'abbé Bossebceuf, dans lequel celui-ci expose
le résultat des fouilles qu'il a faites dans l'îlot de
Tombelaine, près du Mont Saint-Michel, sur
l'emplacement de l'église du prieuré, et qui lui
ont livré, entre autres monuments, la dalle tumu-
laire de l'abbé Jourdain, du XII Ie siècle. La
reproduction photographique d'un ancien dessin
conservé à la Tour de Londres, représentant
l'église, est placée sous les yeux du Congrès.
Les monuments détruits de Tombelaine, église
et forteresse, offraient un grand intérêt ; le tra-
vail de déblaiement, qui sera poursuivi, permettra
d'en rétablir au moins le plan. M. Emile Travers
donne des explications sur la position de l'îlot
de Tombelaine et sur le rôle de sa forteresse dans
les guerres du XVe siècle.
M. Brutails lit une note sur l'antériorité et
l'influence de l'école romane auvergnate. Il con-
state que l'on n'a pas de texte à l'appui de
l'opinion qui attribue à l'année 946 la dédicace
de l'ancienne cathédrale de Clermont. Il fait
observer que cette cathédrale a vraisemblable-
ment été rebâtie au début de XIe siècle. Il ap-
pelle l'attention sur ce fait, que le texte d'Hel-
gard, fréquemment cité par les auteurs qui étu-
dient ce problème, limite au chevet la copie de la
cathédrale de Clermont par l'architecte de Saint-
Aignan d'Orléans. Or, le chevet n'a, dans la con-
stitution du style roman, qu'une importance très
secondaire. M. Brutails admet néanmoins l'anté-
riorité de cette école d'Auvergne et, comme
l'Auvergne est un pays que sa position géogra-
phique isole, il faut en conclure que ni les incur-
sions normandes ni les influences orientales n'ont
exercé sur l'origine de cette architecture le rôle
qu'on leur a prêté. En ce qui concerne l'influence
de l'école auvergnate, M. Brutails estime qu'elle
est beaucoup plus restreinte qu'on ne le pense et
que les voûtes en quart de cercle notamment,
qui apparaissent déjà dans les constructions an-
tiques,ne suffisent pas à la constater. M. Anthyme
Saint-Paul admet très volontiers que la cathé-
drale de Clermont, imitée à Saint-Aignan d'Or-
léans, était, non de 946, mais du temps du roi
Robert ; on ne l'aurait pas imitée à ce moment
si elle ne s'était pas imposée à l'attention par un
progrès notable et récent. Il ajoute que l'école
auvergnate, qui, par les dessins en mosaïque,
se rattache à la basilique romane bâtie vers 450
par l'évêque Namatius, a pu se former de bonne
heure, qu'elle est d'origine indigène, à la différence
des écoles bourguignonne et provençale, qu'il y a
eu en Auvergne toute une floraison artistique et
littéraire jusqu'au XIIe siècle, où se produisit
l'oppression féodale qui abaissa les caractères.
M. Anthyme Saint-Paul recommande aux ar-
chéologues, au point de, vue des origines auver-
gnates, l'église Saint- Etienne au cimetière de
Gannat (Allier). M. Mandin rappelle qu'il existe
en Vendée une église, celle de la Chaise-du-
Vicomte, bâtie sous l'influence auvergnate.
M. Lavergne, place sous les yeux du Congrès
douze matrices à fabriquer les carreaux vernissés,
découvertes en 1892 à Castelnau. Les sujets re-
présentés sont un chasseur, un lévrier, des entre-
lacs, etc. On connaît des carreaux, produits à l'aide
de quelques-unes de ces matrices, encore en place
Cratoauj: Des Sociétés garantes
249
dans le bâtiment abbatial du XVe siècle, à Mois-
sac. M. Lavergne lit un mémoire où il passe en
revue les principaux carrelages de terre vernissée.
spécialement ceux de l'abbaye de Flaran (Gers),
ceux de l'ancien château des archevêques d'Auch
à Barran (Gers). M. le chanoine Pottier fait re-
Église de Saiut-Sernin à Toulouse.
marquer, que les matrices présentées par M. La-
vergne ou des matrices analogues ont servi à faire
aussi certains des carreaux de Belleperche et de
Granselve. Il donne d'intéressants détails sur le
carrelage de Moissac. M. Planté rappelle que le
déblaiement du château de Gaston-Phcebus, a
RKVUH 1>1Ï I- AKT CHRET1FK
1899. — 3me LIVRAISON.
250
&ebuc ïie r&rt chrétien.
Orthez, a donné lieu à la découverte de beaux
carreaux vernissés.
M. le chanoine Pottier lit un mémoire sur les
clochers de brique au pays toulousain. Le clocher
de Saint-Sernin de Toulouse et celui des Jacobins
ont été les prototypes d'un mode de construction
qui s'est prolongé jusqu'au XVIIe siècle. M. le
chanoine Pottier se borne à l'étude des clochers
du diocèse de Montauban. Le plus ancien est celui
de l'église Saint-Sauveur de Castelsarrasin, qui
offre tous les caractères des clochers toulousains.
L'église de la célèbre abbaye de Granselve avait
à la croisée un clocher, qui est reproduit sur de
grandes châsses du trésor de cette église. L'église
de Beaumont est imitée de celle des Jacobins
de Toulouse. Comme exemple de clocher du
XVe siècle, on peut citer celui de l'église de
Montech. M. le chanoine Pottier met sous les
yeux du Congrès le dessin du clocher d'Aucam-
ville, tracé par l'architecte en 1527. A la fin du
XVIIe siècle on construisait encore des clochers
en brique de style toulousain, comme en témoigne
la date de 16S5 inscrite sur le clocher de Finan.
M. Roschach, lit une étude sur quelques
thèmes décoratifs de l'art roman. Dans ce mé-
moire, appuyé de la description critique d'en-
viron deux cents pièces de sculpture du XIe et
du XIIe siècle, conservées au Musée de Tou-
louse et provenant pour la plupart des anciens
cloitres de Saint-Etienne, de la Daurade et
de Saint-Sernin, description accompagnée de
nombreux dessins, M. Roschach, en s'attachant
surtout a rechercher l'origine et la filiation
des types, analyse successivement le décor
géométrique, le décor végétal, les animaux,
la figure humaine, les êtres chimériques, les
tableaux dramatisés de scènes appartenant à
l'histoire sainte ou à la vie courante, les motifs
architecturaux. De cette longue et minutieuse
enquête ressort la constatation d'un art très
savant et très complique, dont l'exécution varie
de l'extrême rudesse au plus exquis raffinement
de ciselure, mais dont la poésie est toujours inté-
ressante et la composition ingénieuse. La déco-
ration romane n'est pas une pure dégénérescence
de l'arc gréco-romain ; l'âme celtique s'y mani-
feste, impressionnée par la poésie hébraïque et la
doctrine des premiers apôtres du christianisme.
L'originalité des entrelacs, les combinaisons
étranges de bêtes et de plantes, le sentiment
profond et sincère des scènes d'adoration et de
martyre témoignent d'un état mental incompa-
tible avec ce qu'on sait de la décrépitude des
derniers temps de la société romaine. Il faut y
voir l'influence des centres puissants de propa-
gande chrétienne qu'étaient les grandes abbayes
d'Occident, où s'étaient concentrés les éléments
d'art nouveau dont la tentative de renaissance
entreprise par Charlemagne favorisa le dévelop-
pement. Ces abbayes devinrent pour une assez
longue période l'unique refuge de l'art, réduit par
la dureté des temps à des œuvres de calligraphie,
d'enluminure, d'orfèvrerie, au travail de l'ivoire
pour la reliure des beaux manuscrits. La décora-
tion romane procède beaucoup plus du raffine-
ment de ces arts d'intérieur, dont elle est la tra-
duction lapidaire, que des traditions de la grande
sculpture. Ces conditions paraissent infirmer
l'hypothèse d'un art local doué de mérites ex-
ceptionnels. Un pays condamné aux construc-
tions de briques par la pénurie de matériaux
supérieurs semble médiocrement prédestiné à
fournir des pépinières de sculpteurs. De plus, le
recrutement des ordres religieux les faisant
échapper au particularisme provincial, la décora-
tion architecturale employée par eux leur em-
prunte un caractère de catholicité qui laissait
bien peu de chances à la formation d'école de la
région.
M. le chanoine Pottier donne lecture d'un mé-
moire de M. Degrand, ancien consul de France
à Scutari, sur les deux nécropoles découvertes
en Albanie. Les tombes sont faites à l'aide de
plaques schisteuses et étaient remplies de terre
contenant des débris de charbon. Il y avait quel-
quefois plusieurs squelettes dans la même sépul-
ture. On avait enterré les morts avec leurs bijoux,
et M. Degrand a recueilli des fibules, des colliers
et des bracelets en bronze, des boucles d'oreilles,
des bagues en bronze et en argent, des perles de
verre, deux haches en fer et d'autres instruments
de même métal. Malheureusement, comme l'or-
nementation des bijoux albanais est encore em-
preinte aujourd'hui d'un certain archaïsme, il est
difficile de fixei la date de ces anciens cimetières.
Sociétés des Beaux-Arts des Départe-
ments. — Le vingt-troisième Congrès des So-
ciétés des Beaux-Arts de Paris et de la province
s'est ouvert mardi dernier, sous la présidence de
M. de Fourcaud, professeur à l'École nationale
des Beaux-Arts, assisté de M. Crost et de
M. Jouin, secrétaire rapporteur du Comité.
Outre les délégués assistaient à la séance
d'inauguration: MM. Marcou, inspecteur^ général
adjoint des monuments historiques; Edouard
Garnier et Charvet, inspecteur de l'enseignement
du dessin et des musées.
Voici d'après la Chronique d'Art, les lectures
faites pendant les premières séances de la ses-
sion :
M. Léon Giron, membre non résidant du Co-
mité au Puy, a pris la parole sur « une peinture
murale de l'église Saint-Julien de Brioude », spé-
Cratoauj: bts Comtés savantes.
251
cimen des conceptions étranges des peintres du
moyen âge.
La parole a été donnée ensuite à M. Joseph
Pierre, membre de la Commission du musée à
Châteauroux, pour sa lecture sur « le chœur de
la cathédrale de Bourges et le sulpteur Louis
Vassé ».
M. Jacquot, de Nancy, expose les grandes
lignes d'un « essai d'un répertoire des artistes
lorrains ».
M. Fouque, de Toulouse, traite de 1' « origine
de la lithographie en France ».
C'est une pierre lithographique rapportée de
Munich, en 1805, par le général Lejeune, qui
sert de sujet et d'argument à ce savant. Cette
pierre est la première qui fut importée en
France.
M. Biais, d'Angoulême, expose les grandes
lignes d'un travail sur les « Nicolas Pineau, des-
sinateur, sculpteur et architecte ».
Ce mémoire fixe l'identification certaine de cet
artiste, trop souvent confondu avec divers mem-
bres de sa famille.
M. Gauthier, de Besançon, communique un
mémoire sur « l'architecture civile en Franche-
Comté au XVIe siècle. »
L'auteur fait ressortir la lente pénétration de
la Renaissance italienne dans l'architecture bour-
guignonne.
L'abbé Brune, de Baume-les-Messieurs ( Jura),
décrit un reliquaire de l'abbaye de Château-Cha-
lon, décoré à l'intérieur de divers petits panneaux
d'un style remarquable.
M. Leroy, de Melun, donne lecture d'une mo-
nographie sur le « tapissier Gozette, peintre et
portraitiste ». Cet artiste n'avait pas encore été
étudié sous cet aspect.
M. Delignières, d'Abbeville, communique une
notice sur « le petit Sépulcre de la chapelle de
Saint-Valery-sur-Somme », qui date du XVIe
siècle et se recommande à l'attention par le fini
des détails.
M. Thiollier, de Saint- Etienne, communique
ensuite une notice sur une « vente de tableaux
de maîtres à Paris en 17 10 ».
Le vendeur est Montarry ; l'acquéreur est
Ronde. Tous deux sont connus.
Il serait intéressant de savoir où est passée la
galerie de Montarry.
L'abbé Bouille, du comité de Nancy, commu-
nique un travail sur « un problème d'orfèvrerie ».
Il s'agit du trésor de l'abbaye de Conques. Il est,
suivant l'auteur, probable qu'un centre de fabri-
cation de pièces rares a dû exister dans cette
abbaye ou à proximité.
M. Fernand Mazerolle, correspondant du co-
mité de Dijon, développe une très intéressante
étude sur « le Musée de la Monnaie et sa créa-
tion en 1827 ».
L'auteur fait, avec sa compétence accoutumée,
l'histoire détaillée de cette fondation si peu con-
nue du public et des artistes mêmes, qui fait
l'objet des soins dévoués et éclairés de notre ad-
ministration des monnaies.
Société des amis des monuments. — La
dernière promenade d'études des adhérents de
l'Ami des Monuments et des Arts, a eu lieu à
Provins, le lundi de la Pentecôte.
A Provins, ville des roses, la beauté du site le
dispute aux ruines qui en rehaussent l'agrément :
les remparts antiques, les tours, les portes, les
vieux et beaux logis aux silhouettes imprévues,
aux masses bien pondérées, rivalisent en nombre
et en intérêt avec les églises; de vastes souter-
rains, ornés magnifiquement, s'étagent sous les
habitations, dont certaine, une maison romane,
présente le type le plus complet de ces plus
vieilles maisons, dont on ne connaît qu'une cin-
quantaine d'exemples en France, la plupart à
l'état fragmentaire. Au prieuré de Saint-Ayoul
on retrouve le souvenir du séjour d'Abailard; à
l'hôpital, de superbes cloîtres (r), à la tour de
César un des donjons (2) les plus remarquables,
dont l'origine remonte à l'époque gauloise; la
Villa Garnier garde le nom d'un bienfaiteur de
Provins et les débris des monuments disparus
de cette cité. A la grange aux Dîmes, vaste et
superbe crypte.
On trouvera dans le tome II, page 193 et
tome VIII, page 53, de Y Ami des Monuments et
des Arts, des notes, des gravures sur Provins et la
liste des ouvrages utiles à consulter.
Commission du Vieux-Paris. — La Com-
mission du Vieux- Paris réunie, en mai, à l'Hôtel-
de-Ville, s'est occupée de la conservation de la
maison de la Reine-Blanche, dans le 13e arron-
dissement, un des rares types de l'architecture au
XVe siècle. Une proposition de M. Bouvard, ten-
dant à la participation de la Commission du
Vieux-Paris à l'Exposition de 1900, a été approu-
vée. A été également adoptée une proposition de
M. Lucien Lambeau, archiviste du Conseil mu-
nicipal, ayant pour but de faire déposer dans les
écoles professionnelles de la ville de Paris,
Diderot et Boulle, les échantillons de ferronnerie
ancienne, appuis de fenêtres et rampes d'escalier,
ainsi que les boiseries sculptées provenant des
expropriations faites par la Ville.
1. Voy. L'Ami des Monuments , t. II, p. 191.
2. V. Ibid., t. II, p. 193.
«as. *&. Hflfr, Hjfe «afe *afe ^ ^ ^ *& ■■&. *as, ^ *& »afc, ^ *# ^ ^ ^ *& *& ^, *& *flfefe
9
*
ggsgâ^s^ss&s Bibliographie*
HUBERT UNO JA.N VAN EYCK, par Ludwig
Kaemmerer. Bielefeld und Leipzig, Vethagen und
Klasing, 1898, in-40, 118 pp., et 88 reproductions de
peintures et de dessins.
^$jj'EST à mes yeux un des bons signes
F du temps que l'apparition fréquente
ï| en France, comme en Angleterre et
| en Allemagne, de ces monographies
^^"^ d'artistes écrites par des chercheurs
et des studieux, et pourtant destinées à un grand
public. Elles forment tout un travail de vulgari-
sation sans être superficielles, et presque toujours
elles sont œuvres d'érudition sans être arides ni
encombrantes. Les reproductions dont elles sont
enrichies avec la fidélité que donnent en général
les moyens photographiques, ajoutent l'image à
la parole, et contribuent dans une large mesure
à donner au lecteur une conception nette de
l'œuvre du maître que l'auteur a étudiée.
Le livre de M. Kaemmerer sur les frères Van
Eyck est une étude de cette nature, dont la lec-
ture donne une véritable satisfaction. Après les
recherches, dont les deux grands maîtres origi-
naires des bords de la Meuse, ont été l'objet dans
tous les dépôts d'archives où l'on pouvait espérer
retrouver leurs traces, par des savants comme le
comte de Laborde, De Busscher, James Weale,
l'abbé Carton et d'autres, on peut regarder comme
close la période d'investigations dans le domaine
des documents contemporains des deux peintres.
Il ne reste plus qu'à les coordonner, à les join-
dre à ce qu'ont écrit les anciens biographes et à
tirer les conclusions de l'ensemble des faits
acquis. Enfin, une autre source d'études reste
toujours accessible, c'est l'œuvre même des artis-
tes que l'on peut interroger à nouveau, dont on
peut comparer entre eux les travaux successifs
en les soumettant tout à la fois à une critique
sévère, au point de vue historique, comme à celui
de leur valeur esthétique.
C'est la voie que M. Kaemmerer a prise, et il
faut lui savoir gré de l'avoir fait tout à la fois
avec le sentiment de la haute valeur des maîtres
qu'il étudie et l'esprit critique nécessaire pour
écarter les fausses attributions et mettre en relief
les panneaux d'ordre supérieur.
Le livre débute par un examen très détaillé du
célèbre polyptyque représentant l'Adoration de
l'Agneau mystique,l'incomparable retable d'autel
de la chapelle Vydt de l'église Saint-Bavon à
Gand, où le travail des deux frères se confond
dans un ensemble qui n'a pas été surpassé. L'au-
teur ne se contente pas de l'étudier dans sa
valeur technique, il s'attache à en faire ressortir
le thème théologique et la donnée philosophique,
et il le fait d'une manière très judicieuse en y
voyant l'illustration monumentale du septième
chapitre de l'Apocalypse de saint Jean.
On sait que l'aîné des deux frères, Hubert Van
Eyck, celui auquel l'œuvre était commandée et
qui parait en avoir conçu l'ensemble, est mort
plusieurs années avant l'achèvement de ce vaste
travail, le seul auquel son nom restera attaché
aussi longtemps qu'il restera un souvenir de l'art
flamand. Jean Van Eyck termina cette série de
chefs-d'œuvre et puis continua seul la carrière
lumineuse inaugurée sous la direction de son
aîné.
M, Kaemmerer donne sur cette carrière tous
les renseignements biographiques certains que
l'on possède, et note avec beaucoup de soin les
travaux qui en marquent les étapes successives.
Le livre est particulièrement instructif par le
soin que l'auteur met, non seulement à placer
chaque peinture du maître dans son ordre chro-
nologique, mais à discuter l'authenticité de l'at-
tribution, parfois par des comparaisons avec des
œuvres similaires dues au pinceau d'élèves ou
d'imitateurs. Les nombreuses reproductions,
généralement bonnes, qui accompagnent ces dis-
sertations, ajoutent beaucoup à leur intérêt et à
la clarté des déductions.
M. Kaemmerer fait ressortir avec infiniment de
raison combien l'œuvre des Van Eyck marque
une évolution importante dans l'histoire de l'art.
Jusqu'au moment de l'apparition de ces maîtres,
la peinture du moyen âge est exclusivement au
service de l'Église : elle est pour ainsi dire dog-
matique ; c'est une des formes de l'enseignement
offert au peuple pour lui apprendre le catéchis-
me, l'Évangile, l'histoire sacrée.Avec l'avènement
des frères Van Eyck, sans rompre volontairement
avec les traditions existantes, la peinture devient
comme un chant glorifiant l'œuvre de la création,
en dérobant à la nature même les secrets de la
joie et de l'admiration dont elle est l'objet au
cœur de l'homme.
Les peintures de Jean Van Eyck, portraits,
Vierges entourées de saints et de donateurs,
panneaux du retable de Gand, sont inimitables
par leur réalité, leur accent de vérité ; ce sont de
véritables évocations jusque dans le moindre dé-
tail qui accusent à la fois la sincérité et l'art infini
du peintre, et cependant, conclut M. Kaemmerer,
un sentiment religieux bien profond se manifeste
dans les créations du plus jeune des deux frères.
Tout ce qu'il a étudié, ce qu'il a vu et gagné à
Bibltograptnc.
253
son art, il le porte à l'autel, et ce n'est pas acte
de servilité qui le pousse, il répond à un besoin
de sa nature. Il est pénétré d'un sentiment de
gratitude pour les dons si exceptionnellement
riches qui lui ont été départis. Les magnificences
de la nature deviennent sous son pinceau le can-
tique joyeux de l'artiste au créateur.
En somme, étude excellente, dont une traduc-
tion française serait à désirer.
J. Helbig.
COLLECTIONS DU CHATEAU DE GOLU-
CHÔW, par AV. Froehner. Verres chrétiens à figures
d'or, Paris [Fischbach], 1899, in-40, 5 planch. en
chromolithogr.
ELLES sont bien rares aujourd'hui les occa-
sions de parler de ces reliques du passé
que Garucci a si patiemment cataloguées. Et
cependant, M. Froehner, avec son érudition si
patiente et si pleine d'aperçus nouveaux et
ingénieux, nous présente et nousdécrit onze pièces
de la collection Goïuchôw, d'un intérêt absolu-
ment particulier. Les deux premiers fonds de
coupe, dont l'un est rehaussé de touches de
couleur qui donnent à son tableau une singulière
animation, reproduisent plusieurs objets du culte
judaïque, l'arche sainte en forme d'armoire, gardée
par deux lions couchés, à gueule béante, deux
chandeliers à sept branches séparés par le
lonlab, le schofar en forme de corne qui était
la trompette juive et deux ampoules de verre.
M. F. rapproche le candélabre d'or du fond
de coupe, de celui de l'arc de triomphe de Titus ;
puis il rappelle que depuis le triomphe de Titus,
tous les objets figurés sur ces deux médaillons
se trouvaient à Rome, ainsi que le constatent
deux inventaires, qui n'ont pas été jusqu'à pré-
sent utilisés pour ces questions, l'un de Flavius
Josèphe, l'autre du XIIIe siècle, qui semble
avoir puisé ses renseignements à des sources très
anciennes.
Un calice à figure d'or, protégé par un délicat
réseau de verre, monté sur un pied, peut être un
travail des bords du Rhin, de Cologne où il a été
trouvé. Sa forme est celle d'un canthare antique,
le sujet figuré est païen ; les anses, ajourées, sont
ornées de pétoncles, un des motifs favoris des
verriers du Bas Empire.
Cette pièce, qui est le second exemple connu
de cette technique, permet de faire un rapproche-
ment avec le verre Uisch, aujourd'hui dans une
collection particulière à Paris et de discuter,
grâce aux fines remarques de AI. F., l'origine et
la date de fabrication de cette pièce vraiment
extraordinaire.
Depuis longtemps, nous n'avions pas eu à
enregistrer une semblable contribution à l'étude
des verres chrétiens, auxquels peut-être, on n'a
pas encore demandé tout ce que l'archéologie
était en droit d'en attendre.
F. DE MÉLY.
L'ÉGLISE DE LAVAL-DIEU (ARDENNES)
ET SES BOISERIES SCULPTÉES, par BoUILLET.
Paris, Pion, 1898, in-8° de 12 pag. avec 2 planches.
L'ÉGLISE est une ancienne abbatiale de l'or-
dre de Prémontré, fondée au XIIe siècle
et restaurée au XVIIe. Les boiseries sculptées
qui garnissent les murs appartiennent à cette
dernière date, caractérisée, en maint endroit, par
le soleil rayonnant de Louis XIV, qui, à la même
époque, figurait partout dans la grande et belle
église de St-Maixent (Deux-Sèvres).
X. B. DE M.
NOTRE-DAME D'AUTEUIL, par BOUILLET et
Petit. Paris, Rondelet, in-3° de 16 pag., avec 18
vignettes.
L'église est entièrement neuve et construite en
style roman. S'il y a de belles parties architectu-
rales, d'autres, au détail, sont complètement
manquées, comme le maître-autel et les ambons.
Quant au clocher, il ne suffit pas de dire qu'il est
<{. singulier» ; extravagant et monstrueux sont
mieux appropriés à sa laideur.
J'admire l'auteur qui a su intéresser à une bâ-
tisse moderne, si mal pondérée au point de vue
de l'esthétique chrétienne ; il y avait là une
grosse difficulté dans la rédaction. Je constate
volontiers l'expression de ses regrets pour le clo-
cher de l'ancienne église, qui méritait d'être con-
servé à tout prix, car son type était unique a
Paris et d'un bon style médiéval.
La Vierge de douleurs par Carpeaux est une
oeuvre d'un réalisme saisissant, qu'on a bien fait
de reproduire.
Ici domine l'art contemporain, je ne crois pas
qu'il soit de nature à faire oublier le passé.
X. B.DEM.
LA TOMBE DE LANCELOT DU FAU, ÉVÊ-
QUE DE LUÇON ET CLAUDE CONTENT,
ORFÈVRE DE TOURS (1523), par Louis de
Grandmaison. — Vannes, Lafolye, 1S99, in-8° de
11 pag.
Lancelot du Fau naquit en Touraine et y mou-
rut, l'an 1523. C'est en Touraine qu'a été retrouvé
l'acte par lequel il commandait une tombe en
254
Bctiuc De l'art ebreritn.
cuivre et un aigle pour le chœur de sa cathédrale.
Le contrat fut passé au nom du joaillier Jean
Rembert, qui en confia l'exécution à Claude
Content, orfèvre et bourgeois de Tours.
X. B. DE M.
UNE PLANCHE A GRAVURE D'UN FON-
DEUR de CLOCHES, par Léon Germain de
Maidy. St-Die, 1899, in-8° de 15 pages, avec une
phototypie.
Cette planche date du XVIIe siècle. C'était
un moule en creux dans lequel les fondeurs cou-
laient la cire qu'ils reportaient ensuite sur le
moule de la cloche ; aussi répétaient-ils souvent
les mêmes motifs iconographiques, tels que la
Crucifixion, la Vierge: ici, S. Nicolas et S. Hu-
bert spécifient une origine Lorraine. Ces plan-
ches n'étant pas précisément communes, il y a
lieu de signaler toutes celles qu'on rencontrera.
X. B. DE M.
BIBLIOGRAPHIE DES INVENTAIRES.
Ce genre de documents étant de plus en plus
recherché, il est indispensable, ce me semble,
de lui consacrer une revue spéciale, qui en fasse
connaître à la fois l'existence et les particularités
notables.
Aux inventaires proprement dits j'adjoindrai
les titres connexes, comme testaments et visites
pastorales.
1. COMPTES DE DÉPENSES DU DUC ET DE
LA DUCHESSE DE BRETAGNE, FRANÇOIS II
ET MARGUERITE DE FOIX, AU XVe SIÈCLE,
par A. de la Borderie (Bull, et Mém. de la Soc.
arch. d'/lle et Vilaine, t. XXVII, p. XIX-XX).
Curieuse mention de velours noir, pour poi-
gnées à tenir le cierge, à la fête de la Chandeleur
et couvrir les heures de la duchesse :
« Pour garnir les poignées de cierges de nous
et de nostred. compaigne, pour le jour de la
Chandeleur, ung tiers de velours noir tiers poil,
au prix de 4 réaux l'aulne. — A mad. Dame,
pour couverture d'eures, demye aulne de veloux
noir tiers poil, valant L sols ».
2. INVENTAIRE DES OBJETS ENLEVÉS
PAR LES PROTESTANTS LE 29 AVRIL 1562
AU TRÉSOR DE SAINT-AIGN AN ET DÉPOSÉS
A LA TOUR NEUVE, par Léon Dumuvs. Orléans,
1898, in-8'J de 2 pages.
Cet inventaire compte 24 articles non numé-
rotés. Les plus saillants sont, au point de vue
lexicographique :
« Une mentonnière d'argent, dite la menton-
nière de Saint-Aignan. » Le reliquaire révélait
la nature de la relique, qui était un menton, ou
mâchoire inférieure.
« Une église de Notre-Dame d'argent (petite
effigie dans une crèche) » ; peut-être, au lieu
d'une église entière, n'y avait-il que la façade, qui
abritait la statuette.
« Une petite table de pierre, enchâssée d'ar-
gent » ; autel portatif ou pierre sacrée.
« Un corporaire » : on disait ordinairement
corporalier.
3. JEANNE DE MONTMORENCY, DUCHESSE
DE LA TRÉMOILLE ET SA FILLE, LA PRIN-
CESSE DE CONDÉ, 1579-1629 ; Nantes, Grimaud,
1895, in-40 de 194 pages.
M. le duc de la Trémoille poursuit avec une
ardeur infatigable et un vrai luxe de bibliophile,
la publication des documents inédits qui forment
le fonds, pour ainsi dire inépuisable, du chartrier
de Thouars, dont il a hérité de ses ancêtres. Au
point de vue strictement archéologique, dans ce
volume, digne de ses aînés, et qui a plutôt un
cachet historique, je signalerai en particulier
des comptes datés de 1574 a 1585, un inventaire
de la vaisselle d'argent, mais surtout, parce que
ce sera certainement un régal pour les liturgistes,
le Mémoire des cérémonies observées aux funé-
railles de feu madame la princesse douairière de
Coudé, en 1629, à Paris.
4. INVENTAIRE DE L'ARGENTERIE DE
L'ÉGLISE DE SIRAN, en 1695.
Siran est une paroisse de l'ancien diocèse de
Saint-Pons. Le recteur a transcrit cet inventaire
sur le registre paroissial. La Commission archéo-
logique de Narbonne l'a publié en 1898, pp. 178-
179 de son Bulletin, où il est comme perdu au
milieu de documents divers.
Il ne contient que six articles, où sont à en-
registrer les mots suivants :
Bouton (r), nœud de croix d'autel, de calice et
de soleil : « Une croix, ... avec son pié..., avec
sou crucifix, les quatre figures en dessein relief
aux quatre coins et autres quatre figures de
S. Jean-Baptiste, etc., dans leurs niches, chacune
en relief au bouton... »
Calice, dont la coupe n'adhère pas au pied et
dont la fausse coupe a la forme d'un artichaut (2).
« Un autre beau calice, dont la coupe est assise
dans un artichaut doré par dedans (dehors), le
bouton ouvré et se séparant de la coupe, ... le
tout d'argent. »
Soleil, sphère rayonnante, qui s'enlevait à
volonté pour faire place à une coupe de ciboire
1. Boulon manque, avec cette acception, dans le Glossaire ar-
chéologique de Gay.
2. V. Gay n'a pas ce mot.
Btbltograpt)te.
255
qui se vissait sur le pied : « Le soleil, assez gros-
sièrement et à l'ancienne mode travaillé, doré en
ses rayons et la croix et doré en certains tours
dessus et dessous le bouton. — Nous n'avions
qu'une fort petite custode ou ciboire, pour garder
en réserve le Saint Sacrement et même sans pie ;
il est vrai qu'au commencement que je fus icy,
je l'avois fait accomoder au pié du soleil, qui luy
servoit lorsqu'il ne fallait pas exposer le Saint
Sacrement. »
Porte-Christ, custode pour le viatique : « Le
petit porte-Christ. »
5. VISITE DE ST-ANDRÉ DE LÉJOS, EN 1783.
L'acte de visite, en date du 20 mai 1783, est
signé par François de Bernis, évêque d'Apollonie
et vicaire général du cardinal de Bernis, arche-
vêque d'Albi. Il a été publié, sans numérotage
ni commentaire, par Y Albin christiana, dans son
n° d'août 1898, p. 188.
Quelques articles appellent l'attention. Ainsi la
balustrade du chœur, la coulisse du confessionnal,
l'encadrement du devant l'autel et le blanchis-
sage de l'église; toutes choses qui indiquent bien
la pratique courante.
« Le balustre qui sépare le sanctuaire de la
nef, sera remis à neuf. — Le confessionnal, qui
est dans la sacristie, sera transporté dans la cha-
pelle de Notre-Dame et il y sera fait... unecou-
lisse à celle de ses grilles qui en manque. — Le
bas du cadre du devant d'autel sera remis à
neuf(I). — La voûte de la nef sera crépie et
blanchie. »
6. INVENTAIRE DU GRAND-ST-JBERNARD,
AU XVIIe SIÈCLE.
Cet inventaire, réduit à quelques extraits, a
été donné par le chanoine Duc dans son ouvrage
intitulé La maison du Grand- St- Bernard et ses
très révérends prévôts, Aoste, 1898, pp. 128-129.
Je ne m'arrêterai qu'aux mots spéciaux qui de-
vront désormais figurer dans les glossaires.
Barre, orfroi vertical qui se met en arrière à la
chasuble romaine, le devant étant occupé par
une croix : « Une chasuble de damas verd, avec
sa barre dernier (derrière) violette (1647). » Cet
ornement réunissait donc deux couleurs.
Nous voyons la même pratique, et en plus
l'usage du bleu, à un voile de calice : « Un voile
de calice, d'armisin rouge à un des d'un costé et
de l'autre bleu, servant de tous les deux costés,
ayant ses croix et dentelles d'argent. »
Bouton, nœud de calice : « Un grand calice,
doré dedans et dehors, ayant au pied la croix
1. Ce cadre était d'un usage général en France, malgré la défense
formelle du Céréynonial des Éviqw.s. Le bas devait être usé par le
frottement des pieds du célébrant.
blanche (de Savoie) et au botton, six pierres
enchâssées. — Un calice d'argent doré, ayant sa
patène.et au botton du milieu, huit roses smaltées,
avec l'inscription... l'an MCCCCXXII. »
7. ÉTAT DES VASES SACRÉS, ORNEMENTS,
LINGES, LIVRES, ETC., DE L'ÉGLISE COLLÉ-
GIALE DE Ste-RADEGONDE DE POITIERS
(1791), par Largeault. Poitiers, Oudin, 1898, in-8°,
de 12 pag.
Cet inventaire est de date trop récente pour
être intéressant, mais il le devient par les nom-
breuses et excellentes notes qui le commen-
tent. Il comprend 108 numéros, parmi lesquels
sont à noter les dons royaux, comme « un
dauphin d'argent », <( un chœur (sic) d'argent
doré » et un ornement qui subsiste encore, mais
mal restauré. Deux mots doivent prendre place
dans les lexiques spéciaux bandoulière et tour-
noir. « Deux bandolières, avec les écussons en
argent » (n° 13). Elles complétaient le costume
du suisse. L'écusson était aux armes du chapitre:
D'azur, à trois fleurs de lis d'or, deux en chef et
une en pointe, celle-ci accostée d'un S et d'un R (*)
de même.
« Vingt-six tournoirs » (n° 54). Le tournoir
est une longue serviette sans fin, qui tourne sur
un cylindre horizontal.
8. INVENTAIRE DE LA CATHÉDRALE DE
NARBONNE, AU XVIIIe SIÈCLE.
La Bulletin de la Commission archéologique de
Narbonne reproduit, 1898, pp. 112-114, un extrait
de l'inventaire du « trésor de St-Just », « daté
de quelques années avant la Révolution ». Pour-
quoi n'avoir pas donné la date exacte et le texte
intégral ? Le document en valait la peine. Qu'on
en juge par ces simples citations qui se réfèrent
à des croix doubles et à des doubliers : « Une
croix d'argent doré, pour servir à un patriarche.
— Autre croix double, en forme de croix de pa-
triarche, faite toute de pierres d'agathe, rassem-
blées avec des petites lames d'argent doré. » Ces
croix n'avaient que la forme de la croix dite
patriarcale : leur destination était tout autre,
elles contenaient de la vraie croix, directement
envoyée d'Orient, et c'est pour cela que l'enve-
loppe, formant reliquaire, avait cet aspect par-
ticulier.
« Deux draps de velours violet pour l'épitre
et l'évangile, garni de fleurons d'or, avec les
armoiries du chapitre et celles du cardinal de
Ferrare de l'autre. — Deux épistolaires de satin
blanc, avec ramages de velours rouge, où pen-
dent les armoiries de l'église et deM.deVervins.»
Ces draps avaient un nom propre à Narbonne,
1. Sancta Radeeundis.
2^6
Betntc De l'&vr chrétien.
où on les appelait épistolaires (mot inconnu au
Glossaire de Gay), parce qu'ils formaient pare-
ment à l'analogie sur laquelle le diacre et le sous-
diacre chantaient l'évangile et l'épître, aux
messes solennelles ; justement la cathédrale de
Narbonne conserve une analogie du XIVe siècle,
en fer forgé,que Viollet-le-Duc a figurée dans son
Dictionnaire du mobilier, au mot pupitre, t. I,
p. iSi. Si les armoiries du chapitre et du dona-
teur pendent, c'est qu'elles sont apposées aux
extrémités du doublier, aux parties qui pendent
et sont plus en vue.
9. BULLETIN ET MÉMOIRES DE LA SOCIÉ-
TÉ ARCHÉOLOGIQUE DU DÉPARTEMENT
D'ILLE ET VILAINE, tome XXVI, in-8°.
Quatre documents méritent une mention, quoi-
que très incomplètement reproduits, sans anno-
tation ni numérotage.
1588. La chambre de la santé en temps de
peste (page 87), est chauffée par « ung astre »
et « une brassière d'estain », termes peu usités
pour âtre et brasero.
1684. Inventaires de Jean d'Estrades, abbé de
S. Melaine de Rennes, par Parfouru (p. 243-248).
Analysé d'une façon très insuffisante. Citons au
hasard :
« Un bassin à faire le poil ».
« Une grande chaise roulante garnie ».
« Un lit de damas violet ».
1724. Frais du « convoi et enterrement de
Monsieur Saubois», à St-Nicolas-des-Champs, à
Paris (pp. 273-274) ; compte de l'apothicaire
(pp. 276-277), où se trouvent ces deux synonymes :
« Un clister purgative et rafréchissant, très com-
posé», « un lavemant réitérée ». Inventaire du
mobilier, par le victe du Pontavice (p. 278-284),
dont il n'est donné que deux pages, où je relève
ces deux mots :
« Une adrienne de Perce, parmantée de taf-
fetas bleuf, 1 1 livres.
i Un jupon de Damas Parterre, avecq une
petite dentelle d'argent, 12 1. 55 s.
Le damas, souvent mentionné, est « blanc »,
« orore », •< jaulne », « vert », « sitron », « rayé
rouge et chamois », { couleur de rose, fleur ar-
gent ». Parterre indique évidemment la réunion
de plusieurs couleurs, comme les fleurs variées
d'un jardin.
La provenance des tapisseries d'Aubusson et
de Fellettin est ainsi indiquée : « Six pièces de
tapisserie de haute lisse verdure au Busson,
425 livres. Une tapisserie feillantine de 7 pièces,
30 livres. »
X. B. DE M.
LE CRUCIFIEMENT DU CHRIST DANS
L'ART PLASTIQUE. Étude iconographique et his-
torico-artistique, par Michel Engels, peintre et pro-
fesseur de dessin à l'athénée de Luxembourg. Avec 94
gravures et 42 tableaux en photo-lithographie. Petit
in-folio. 1899.
LE savant artiste se propose dans cet ouvrage
de faire connaître au lecteur chrétien en
parole et en image le développement historique
du plus sublime sujet que l'art chrétien connaisse,
du drame du Crucifiement du Christ. Dans le
choix de cette immense matière il se borne à
traiter les exemplaires les plus essentiels que lui
offrent les recherches iconographiques et l'histoire
de la peinture et de la plastique d'Italie, de By-
zance, d'Allemagne, des Pays-Bas, d'Espagne,
etc.
Le choix des tableaux est fait avec soin. Les
uns, il les a dessinés lui-même d'après les ori-
ginaux ou d'après les meilleures reproductions,
les autres ont été reproduits par la photographie.
La première partie de l'ouvrage comprend une
collection de notes très intéressantes sur la phy-
sionomie et le corps du Sauveur et les différents
monogrammes du Christ.
La seconde partie traite de la représentation
du crucifiement en peinture et en plastique.
L'ouvrage se recommande par la profondeur
de l'étude de l'auteur et par son esprit judicieux.
Th.
TRAITÉ D'ARCHITECTURE, par L. CloqUET.
— Paris et Liège, 1898, 3 vol. in-S', nombr. grav.,
librairie polytechnique Baudry et Cie.
NOUS reproduisons ci-après le rapport pré-
senté par M. Ch. Lucas à la Société cen-
trale des Architectes français sur le dernier ouvrage
du secrétaire de la Revue de l'Art chrétien.
Messieurs! Il n'est aucun de nous qui ne se soit trouvé
parfois dans un étrange embarras.
Un jeune homme de nos relations, muni d'une instruc-
tion générale suffisante, veut commencer ses études
d'architecture.
A Paris, il entre le plus souvent dans un atelier prépa-
ratoire à l'École des beaux-arts ; en province, il entre
chez un maître privé ou il se fait recevoir dans une des
écoles régionales ou municipales des beaux-arts dans
lesquelles existe une section d'architecture.
Dans l'un et l'autre cas, quelques beaux et bons ou-
vrages d'architecture proprement dite et de construction
plus ou moins pratique peuvent être consultés par lui, à
la bibliothèque de l'atelier ou de l'Ecole, à une biblio-
thèque publique ou chez d'anciens confrères déjà dans la
carrière.
Mais ces ouvrages, qui nous ont tous instruits et char-
més, qui, pour quelques-uns d'entre nous, ont décidé de
notre vocation, sont généralement des dictionnaires, des
Btbltograplne,
257
revues, des encyclopédies, des traités, en de nombreux
volumes, copieusement et luxueusement illustrés, et, la
plupart du temps, ces ouvrages s'adressent à des élèves
plus forts que le commençant dont je parle et aussi
traitent de l'architecture en dehors de la construction,
discutant du style d'une partie d'édifice et ne montrant
pas à côté le mode de construction de cette partie.
Enfin, le jeune homme nous interroge et nous demande
quel Manuel nous lui conseillons d'acheter, ajoutant que
ses ressources sont limitées et que cependant il voudrait
bien avoir un livre assez complet et qui ne le rebute pas
par une science trop aride.
Et de cette question du jeune homme commençant ses
études d'architecture naît notre embarras.
D'autre part, non moins grand est l'embarras de
certains confrères — et aujourd'hui ceux dont je vais
parler sont nombreux — qui, ayant fait de bonnes études
complètes d'architecture, acceptent de professer, dans
une association d'enseignement ou dans une école pro-
fessionnelle, un cours d'architecture, complémentaire des
autres cours donnés dans cette association ou dans cette
école ; il leur faut, eux aussi, chercher, au fur et à mesure
de leurs leçons, un ouvrage sommaire, quoique assez
complet, pouvant raviver leurs souvenirs et réunissant ces
deux éléments dont se compose notre art, la construction
et la décoration.
Peut-être penserez-vous que la question a été résolue
plus d'une fois déjà par ceux d'entre nous qui ont été
appelés à professer des notions d'art dans ce que l'on
pourrait appeler des écoles secondaires, et non plus des
cours de théorie ou d'histoire de l'architecture, non plus
des cours de construction, mais toute l'architecture en un
assez petit nombre de leçons et dans les données les plus
pratiques.
Ceux-là ont dû se faire à eux-mêmes, dans ces circons-
tances, ce qui pourrait être à la fois, en pédagogie, et le
Livre du Maître et le Cahier de l 'élève ; ceux-là ont dû, à
certains jours, préparer des figures simples, techniques,
faciles à tracer sur un tableau noir au cours de la leçon,
et y joindre des gravures, des photographies montrant
des motifs ou des ensembles et qu'ils ont fait circuler
dans la classe ; ils ont dû, de plus, noter chaque fois quels
ouvrages de bibliothèque ils ont consultés, afin de pouvoir
reprendre et compléter à l'occasion les leçons dont ils y
ont puisé les éléments.
Seulement, Messieurs, ces architectes professeurs, dont
nous connaissons tous un certain nombre, qui font de bons
cours, donnent de bonnes leçons où ils prodiguent le
meilleur d'eux-mêmes, afin d'enseigner la construction et
d'éveiller le goût de l'architecture chez leurs élèves, ont
tous ou presque tous laissé à l'état de manuscrits, même
de notes souvent éparses, de fiches et de documents
graphiques joints à des sommaires, les leçons qu'ils ont
ainsi données, et c'est pour cela que nous sommes aussi
embarrassés quand les élèves architectes nous demandent
de leur indiquer un ouvrage pas trop gros, pas trop cher,
assez complet et qui les intéresse.
Eh bien, il est permis d'espérer que cette lacune, que
tous nous avons eu occasion de signaler, est sur le point
d'être comblée.
Notre honoré confrère M. L. Cloquet, ingénieur hono-
raire au corps des ponts et chaussées de Belgique, profes-
seur d'architecture à l'Université de Gand et correspon-
dant étranger dès 1895 de notre Société centrale des
architectes français, s'est préoccupé de réunir en volumes
les leçons qu'il professe, depuis plusieurs années, à cette
Université. Deux volumes ont déjà paru, traitant des
Eléments d'Architecture, et consacrés d'une manière
générale aux Travaux de Maçonnerie, à la Construction
en bois, aux Ouvrages mécaniques, aux Escaliers, aux
Cheminées et aux Couvertures, pendant qu'un fascicule
supplémentaire, plus récemment livré au public, traite de
V Hygiène, du Chauffage et de la Ventilation.
Ces volumes renferment un grand nombre de gravures,
près de deux- mille quatre cents : les unes, simples traits
donnant un schéma géométrique ou le tracé d'un assem-
blage ; les autres, et celles-là sont multipliées, repro-
duisant des fragments d'architecture, et toutes, bien à leur
place, viennent élucider le texte et compléter heureuse-
ment les indications qu'il renferme.
Deuxautres volumes, en préparation, et ceux-là destinés
à des élèves plus forts, à des élèves de cours supérieurs,
traiteront : l'un, des Types d'Édifices ; l'autre, de \' Esthé-
tique, de la Composition et de la Pratique de F Architec-
ture.
Vous avez eu déjà plus d'une fois, Messieurs, occasion
d'adresser vos félicitations à notre confrère gantois, M. L.
Cloquet, pour les études diverses qu'il vous a adressées et
qui ont été examinées par votre Commission d'archéo-
logie ; mais, aujourd'hui, vous voudrez lui réitérer ces
félicitations pour un service plus grand et plus général
qu'il rend à l'architecture, en vulgarisant les éléments de
cet art.
Son livre, déjà classique en Belgique, où il s'est pré-
senté sous le patronage d'un souverain ami des monu-
ments et protecteur des artistes, sera, nous n'en doutons
pas, bientôt répandu en France ; mais nous espérons, et
ce sera notre dernier mot, qu'il suggérera à un de nos
jeunes confrères, à un de ces professeurs libres d'architec-
ture auxquels je faisais allusion plus haut, la pensée et le
courage de réunir, lui aussi, les leçons qu'il professe, et
de doter notre librairie française d'architecture d'un
ouvrage qui lui fait actuellement quelque peu défaut sous
cette forme concise, avec ce luxe d'illustrations et dans
des conditions relativement modérées de prix.
Charles Lucas.
UN HISTORIEN DE L'ART FRANÇAIS —
LOUIS COUR A JOD : I. LES TEMPS FRANCS, par
A. Marignan. — In-8°, 187 pp. Paris, Bouillon, 1899.
L'EDITEUR A. Picard a annoncé et mis en
souscription le recueil, à paraître sous la
direction de MM. H. Lemonnier et A. Michel,
des leçons professées à l'École du Louvre, de 1887
à 1896, par le regretté L. Courajod. Cette inté-
ressante publication tarde à paraître. En atten-
dant nous voici en possession d'un excellent ré-
sumé de la première partie de l'enseignement
du maître enrichi de recherches nouvelles d'un
savant disciple et d'un fidèle ami. Le volume
que M. Marignan consacre à l'art des Francs
sera suivi d'un second réservé à l'art du Moyen
Age. Nous n'y trouvons à la vérité que l'abrégé et
pour ainsi dire le canevas des leçons du Louvre,
mais l'auteur y ajoute une multitude de rensei-
gnements et de références dans des notes dues à
ses études personnelles et qui donnent à sa pu-
blication une valeur particulière pour les hommes
d'étude.
A notre tour résumons l'œuvre de M. Mari-
gnan, pour indiquer à nos lecteurs ce qu'ils pour-
KEVUB DE LART CHKBTIEN
1899. — 3™e LIVRAISON.
258
Betnic ïie l'&rt chrétien.
ront y trouver ; en même temps il nous est parti-
culièrement agréable de reprendre ici les thèses
si intéressantes du maître auquel nous avons
voué nos plus vives sympathies et qui voulut bien
nous honorer des siennes.
On a eu tort de croire que les Gaulois n'avaient
rien apporté à l'art français; leur art,il estvrai.fut
rudimentaire et ne comportait que les ornements
géométriques : la spirale, le zig-zag, les entre-
lacs, les stries, les lignes courbes, les signes en S,
la roue, la swastica, la croisette, les cercles con-
centriques. Étrangers à l'architecture, ils aimaient
cependant la parure et les vases précieux. Après
la conquête romaine, la partie de la France qui
conserva le mieux leurs traditions fut le pays
arrosé par la Seine et l'Oise. Mais avant l'inva-
sion romaine la Gaule fut, par Marseille, en con-
tact avec les Grecs, tandis que par le Nord et
le Danube elle était en rapports avec l'Inde et
l'Assyrie.
L'art gallo-romain, qui le supplanta, n'a pas
été assez étudié. Il devint prédominant en Gaule,
mais pénétré d'influences alexandrines et peut-
être syriennes. M. S. Reinach croit reconnaître
le caractère syrien dans l'allure réalistique des
bas-reliefs funéraires gallo-romains du Belgium
(Igel, Arlon, Neumagen).
Après la chute de l'empire romain et de sa
civilisation tout urbaine, les éléments gaulois,
dont la tradition avait été gardée par les cam-
pagnards, reparurent à la faveur d'un renouveau
que les invasions franques ménagèrent aux cou-
tumes anciennes.
C'est entre Tournai, Laon, Soissons et Paris
que se concentre ensuite le foyer artistique franc
et que s'élabore l'art français. L'influence chré-
tienne se produit alors sous le manteau gréco-
oriental ; plus tard elle se renouvellera par les
éléments syriens.
Arrêtons-nous à cette influence exercée par
l'Orient. Un courant d'art irrésistible était né
dans ces régions ; Constantinople était devenue
la nouvelle Rome. Au contact de l'Orient l'art
gréco-romain se métamorphose et se complique.
Il abandonne la ronde-bosse pour le relief méplat
et l'ornement géométrique et végétal ; la figure
disparaît, et l'architecture reprend sa suprématie.
Or, c'est par la voie byzantine que les peuples
d'Occident héritent de l'art latin pendant la pre-
mière étape du moyen âge ; témoins ces chancels,
ces pulpits, ces arcosolia et ce chapiteau pseudo-
corinthien dont la feuille est ciselée d'une ma-
nière si particulière. La basilique latine impose
ses grandes lignes, mais le décor est bien byzan-
tin. La grammaire ornementale se compose, non
des oves, des perles, des denticules, des méandres
païens, mais des rosettes et des marguerites, des
fleurs de lis, des palmettes, des tresses et des
entrelacs, de l'as de pique, de l'étoile à six rais,
de la croix grecque, etc. Courajod a spéciale-
ment étudié l'origine de ces symboles, devenus
de simples ornements ; il place leur origine sur
les côtes de la Syrie et de l'Egypte, pendant
la période chrétienne antérieure à l'invasion
arabe ; et ce fut une des parties les plus remar-
quables de son enseignement. Du VIe au IXe
siècle, conclut-il, nulle part l'ornement gréco-
oriental ne fut plus florissant qu'en Occident.
Ici M. Marignan fait un tableau des deux
grands centres artistiques de l'Italie, Rome et
Ravenne. Cette dernière, où règne l'influence by-
zantine, est pleine de monuments précieux, dont
notre auteur résume l'histoire en des notes excel-
lentes. Rome, que Courajod a étudiée à ce point
de vue nouveau, Rome dégénérée, abandonnée,
devenue vassale de Byzance après lui avoir fourni
les éléments de son art, reste sous le joug, alors
que l'Occident crée un art nouveau. Les artistes
du Mont Cassin appelés par Desiderius sont des
Grecs,qui restaurent les peintures et les mosaïques ;
témoins les fresques de S. Angelo in Formis.
Les Papes, la plupart syriens, accueillent les or-
thodoxes chassés par les sectaires de Mahomet,
et des quartiers grecs se constituent à Rome.
Ce fut une main-mise de Byzance, sa sœur aînée.
Les sculptures de cette époque, éparses dans les
basiliques et les musées, sont très curieuses à cet
égard; continuateur fervent de Courajod.M. Ma-
rignan en dresse un catalogue, où l'on trouve con-
signés tous les vestiges de la décoration gréco-
orientale et longobarde.
Il revient à la Gaule et étudie l'art mérovin-
gien. Il insiste sur l'existence en France de co-
lonies orientales, qui ont rendu plus ou moins
cosmopolite le personnel des cloîtres des pre-
miers siècles, et explique les mélanges des deux
éléments latin et byzantin à la base de l'art
romain.
Viennent ensuite les invasions barbares et les
temps mérovingiens. M. M. fait de ceux-ci une
étude approfondie ; il examine a quel degré les
différentes régions delà France furent pénétrées
par l'élément germain, qui s'implanta surtout
dans le Nord et le Nord-Est, entre la Somme et
la Loire. L'art montre quelle fut, après le passage
des Romains et la domination franque, la survi-
vance du vieux fond gaulois. Avec la France
s'accuse aussitôt une vie religieuse très intense,
en dépit de la brutalité des mœurs. L'architec-
ture en bois s'étend sur nos contrées où se
développe une ornementation spéciale. Les né-
cropoles franques ont révélé chez ce peuple un
art industriel propre, caractérisé par des motifs
décoratifs linéaires : points, lignes frisées, entre-
Bibliographie.
259
lacs, zig-zag, spirales, et une décoration animale
rudimentaire.
Les monuments élevés alors sont gallo-romains
de construction, et gréco-orientaux de décors,
tandis que les objets mobiliers sont francs ; Cou-
rajod l'a montré après l'abbé Cochet et avec notre
collaborateur le baron de Baye, en étudiant les
mobiliers funéraires francs.
Nos lecteurs se rappelleront les études du
maître, dont nous avons rendu compte, sur l'élé-
ment barbare dans l'art médiéval. Les Germains
ont apporté à cet art le monstrueux, le grotesque,
le fantastique et en outre l'instinct de la char-
penterie. Avec feu de Linas, notre ami regretté,
et M. de Baye, il a fixé l'origine de l'orfèvrerie
cloisonnée mérovingienne, qui n'a rien de com-
mun avec Byzance, mais dérive des Goths et de
l'orfèvrerie sassanide.
Quant à l'architecture, à partir de Clovis les
églises en bois se multiplient dans le Nord de la
Gaule jusqu'au XIe siècle. L'action de cet élé-
ment sur la basilique romane se traduit par
l'adjonction des clochers et des tours-lanternes.
Ici M. Marignan précise la thèse de Courajod,
qui a été mal comprise : il n'a pas soutenu une
influence directe du procédé, mais seulement du
principe de l'architecture de bois et de ses ten-
dances. L'art gothique est, selon lui, le produit
du mélange des peuplades germaniques avec les
indigènes du pays de la Champagne et de la
Picardie ; il insiste sur les caractères ethniques
dans l'étude des formes de style ogival. Notre
auteur compare les nefs étroites et sombres,
massivement appareillées et voûtées, éclairées de
fenêtres étroites, portées sur des piliers robustes,
de l'Aquitaine et de l'Auvergne, avec les églises
normandes aux larges arcades superposées, aux
vastes fenêtres, aux colonnettes en faisceaux, à la
superstructure de charpente : ces deux construc-
tions appartiennent bien à des groupes ethniques
différents et traduisent évidemment, non pas des
connaissances plus ou moins avancées, mais des
intérêts divers. En Angleterre, on voit s'élancer
des colonnettes allant jusqu'au haut des nefs
chercher des arcs imaginaires, et, à leur défaut,
s'arrêter brusquement sous des charpentes do-
rées :ces arcs ne pouvaient être des berceaux ro-
mains, le constructeur semble attendre d'instinct
la voûte ogivale. Nous ne reviendrons pas sur les
intéressantes théories de Courajod au sujet de
l'influence de la charpenterie #franque sur l'art
gothique ; nous les avons exposées au long C1).
M. Marignan renchérit en quelque sorte sur
l'idée de Courajod, quand il insiste au sujet de
l'influence de la même architecture sur la décora-
tion gothique, ou du moins sur les formes secon-
daires, telles que les gables, les sculptures fines
et dentelées, les flèches aiguës, etc.
Nous avons rappelé ce que fut l'art franc. Le
maître avait sur l'art carlovingien des vues très
personnelles. L'analyse des monuments de Ra-
venne permet de conjecturer ce que fut l'art des
Goths. Ils séjournent en France dans la Guienne,
la Septimanie et la Narbonnaise (Regia gothica)
et ils ont laissé comme traces de nombreux sar-
cophages chrétiens ; ils y bâtirent des basiliques
en pierre et emportèrent des produits de leur
industrie. On appela more gothico l'art de con-
struire en pierre. Sous la Renaissance, dite de
Charlemagne, il y eut un retour à l'antiquité, une
architecture néo-latine, dont les types sont la
Basse-Œuvre de Beauvais et la nef de Château-
Laudun, que nous avons publié, architecture née
de l'art gréco-romain et de la maçonnerie gallo-
romaine : absence de colonnes et d'ornements
sculptés ; comme support, le pilier carré et le
pied droit : petit appareil avec insertion de bri-
ques (assez fortes au IXe siècle), posé sur lit de
mortier ; décoration apparentée à la néo-grecque.
Ce style reste empreint dans le roman de l'Anjou.
Au point de vue de la sculpture il existe un art
préroman bien déterminé.
Enfin M. Marignan a entrepris, selon le désir
de son maître et ami, de former un corpus des
fragments de sculpture de l'époque franque, et ce
précieux inventaire, établi par ordre alphabé-
tique des départements, termine son premier
volume, si instructif, et qui fait vivement désirer
le second.
L. Cloquet.
LES MONUMENTS ANCIENS DE BOU-
LOGNE, par C. Enlart. — (Extrait de l'ouvrage of-
fert par la ville de Boulogne-sur-mer aux membres du
Congrès des sciences tenu en cette ville en 1899. —
Boulogne-sur-mer, Soc. typographique, 1899.)
Boulogne a, grâces à l'auteur de ce livre, une
monographie faite de main de maître de ses
vieux monuments ; c'est une bonne fortune que
bien des villes lui envieront encore longtemps.
Prenons-y quelques notes à l'intention de nos
lecteurs.
L'église de Notre-Dame fut rebâtie en 1 104
par Ste Ide, qui y installa des chanoines réguliers
comme elle venait de le faire à St-Wilmer. Notre-
Dame y fit des miracles retentissants ; ce sanc-
tuaire fut jadis ce qu'est Lourdes de nos jours.
C'est du XIIIe siècle que paraît dater la Vierge
assise qui reçut tant d'hommages, et qui, après
avoir échappé aux Anglais et aux Huguenots,
périt sur le bûcher en 1793.
Les fondations de l'ancienne cathédrale et de
ses adjonctions gothiques restent sous la nou-
1. V. Revue de ï Art chrétien, année 1893, p. 232.
2ÔO
3rÀebue De l'8rt chrétien.
velle église, si différente de style, et notre colla-
borateur a pu restituer le plan primitif et même
l'élévation de ce monument, aussi intéressant
que beau. Elégant vaisseau à croix latine, à
trois nefs, coupé au milieu par une tour-lanterne
carrée, prolongé au XIVe siècle par un chevet
entouré de quatre absidioles et d'une grande cha-
pelle de Notre-Dame. Ces pseudo-chapelles, for-
mées chacune d'une travée de déambulatoire
élargi par la seule saillie de trois pans extérieurs,
offrent un tracé rare autant qu'heureux, et qui se
retrouve à la cathédrale de Tournai et à St-Ni-
colas de Gand. Un autre trait rattache cette
église à celles du bassin de l'Escaut, ce sont les
deux tourelles flanquant le pignon d'Orient,
comme à St-Ouentinde Tournai, à Notre-Dame
de Deynze, à St-Nicolas de Gand et à Notre-
Dame de Bruges. Signalons les deux cryptes du
XIIe et du XIIIe siècle, dont l'une subsiste. Le
portail principal offrait cette particularité, qu'il
s'ouvrait au flanc de la première travée vers le
Sud, sans doute pour garer des vents de mer
balayant en rafale, comme à présent encore, la
rue que borde le grand pignon. Les douze pi-
liers de la chapelle de la Vierge portaient les
statues des apôtres.
L'ouvrage abonde en détails inédits sur l'ancien
jubé, les stalles, les couronnes de lumières la tou-
relle ou « cibole » de la réserve eucharistique, la
chaire à prêcher, les fonts, l'horloge, les sépulcres,
les vitraux, les peintures murales, etc. toutes
choses malheureusement disparues.
Une étude analogue est consacrée à l'église de
St-Wilmer entièrement disparue et aux autres
anciens monuments de Boulogne. Notons d'inté-
ressants croquis du plan restitué et d'une vue
perspective du chœur de St-Nicolas et une no-
tice sur le château et les remparts.
L. C.
LES CLOCHES D'ANVERS ; LES FONDEURS
ANVERSOIS, par Fernand Donnet. In-8° de
370 pp. Anvers, De Backer, 1899.
Les clochettes, sinon les cloches, remontent
aux temps bibliques. Les grands-prêtres juifs
portaient des mesillot à'or à leurs vêtements, ainsi
que les femmes juives, tout comme les fous des
rois et nos arlequins. M. Layard découvrit à
Nimroud, So clochettes en bronze avec battants
en fer. Le prophète Zachaiie fait mention des
sonnettes qu'on attachait au cou des chevaux.
On connaît assez par les auteurs classiques le mot
lintinnabulum, remarquable par son harmonie
imitative.
Noie, en Campanie, passe pour avoir donné
naissance à la cloche ; les grandes cloches s'ap-
pellent campante. L'Eglise les employa dès le
Ve ou le VIe siècle. Le pape Sabinien, élu en 604,
régla leur usage liturgique. Les plus anciennes
cloches sont du VIIIe siècle.
D'après Golein, auteur du XIVe siècle, les
couvents du moyen âge avaient la cloche, pour
sonner à l'église, Vesquille pour appeler au réfec-
toire ; le timbre, pour convoquer au cloître ; la
noie, donnant le signal pour se rendre au chœur ;
la nolette, marquant l'heure.
Nos beffrois avaient la Bancloque qui appelait
le peuple en assemblée et aux armes ; le Vigne-
ron, qui indiquait les heures du travail et d'ouver-
ture et de fermeture des portes, le couvre-feu ;
le timbre, qui sonnait les heures et le tocsin.
Au XIe siècle une cloche de 2600 livres passait
pour admirable. Au XIIIe siècle les cloches de-
vinrent volumineuses et nombreuses ; on arrive,
dans le Nord, à l'époque des joyeux carillons.
Au XIVe siècle il y eut des abus quant au
nombre des cloches dans les monastères ; on a
réglementé ce nombre pour les églises conven-
tuelles, paroissiales et cathédrales ; selon saint
Charles Borromée, une cathédrale doit en avoir
sept, une collégiale trois, une paroissiale en a
deux ou trois. Les Franciscains n'eurent droit
qu'à une cloche.
La technique des cloches n'est pas moins inté-
ressante que leur histoire. La terminologie dé-
signe la patte (mince bord inférieur) ; la panse,
partie évasée que frappe le battant ; les salis-
sures, partie moyenne (cylindrique); la gorge ou
fourniture entre la panse et les saussures ; le vase,
qui s'étend des saussures au cerveau, lequel forme
calotte ; les anses ou bras par lesquels la cloche
est pendue au mouton.
Les saintiers nomades du moyen âge parcou-
raient la chrétienté fondant leurs cloches sur
place, et faisant la coulée au milieu des prières.
Le démoulage se faisait au son du Te Deum.
Il a été souvent question ici des inscriptions
et images qui décoraient les cloches. Au
XIIIe siècle, c'étaient des cercles étages, qu'au
XIVe on garnit de figures et de textes ;on ajouta
les images des saints patrons, et divers sujets
pieux. Aux XVe et XVIe paraissent les armoi-
ries des donateurs ; on se sert pour cela de pro-
cédés de moulage variables avec les époques.
La cloche se montait sur des beffrois de char-
pente au sujet desquels il y aurait long à dire.
Quant aux artisans eux-mêmes, leur histoire
reste à faire. Dans cette histoire, pour ce qui
concerne le Nord, les Dinantais prendront une
place honorable, ainsi que les Tournaisiens. L'une
des plus anciennes cloches mentionnées dans nos
pays est celle que fit fondre, vers 835, l'abbé
Herbert de Lobbes par Paterne, le patriarche
}M)ltograpl)te.
261
des fondeurs wallons. La plus âgée des cloches
hollandaises remonte à 1307. La plus vieille de
Flandre est celle de Lampernesse (1352). Tour-
nai possède des cloches du XVe siècle, cloches
parlantes, portant de charmantes inscriptions,
telles que la suivante .
. Marie suis qui sonne au lever Jésus- Christ ; je
sers contre l'erage qui dans l'air tonne et ist ; au
mois de mars nous trois on nous posa céans en lan
xli avec XIII.
C'est vers la fin du XIVe siècle que l'industrie
de la fonte des cloches s'est implantée à Tournai.
La célèbre famille de Croisille fait la plupart des
grandes cloches du Nord. Dès 1381 Jean de
Harlebeke fond la cloche du beffroi de Mons (I).
Cette histoire des cloches, si attrayante, que
nous avons esquissée à notre point de vue et
pour l'utilité du lecteur, M. Donnet la résume
en tête du beau volume qu'il consacre à l'art
campanaire anversois. Nous ne pouvons le suivre
dans ses recherches locales, très intéressantes
d'ailleurs même au point de vue général de l'his-
toire de l'art. Il fait connaître les cloches de
diverses églises, couvents et autres beffrois d'An-
vers, leur histoire y compris les calamiteuses péri-
péties de leur destruction, de leur vente et de leur
rachat, etc. Il s'occupe des fondeurs anversois,
les Melchior de Haze, les Georges Dumery, les
Guillaume Witlockx. Sans oublier la liturgie et
le symbolisme des cloches, il relate des inscrip-
tions conjuratives de l'orage, comme celle que
nous donnons nous-même plus haut, et qui est la
plus ancienne conservée dans notre pays.
Il s'arrête à l'épigraphie campanaire si abon-
damment étudiée par nos collaborateurs M. J.
Berthelé et L. Germain ; il s'occupe enfin des
petites sonnettes historiées des fondeurs van
den Gheyn et van den Eynde. Il établit que ce
dernier, beaucoup plus connu sous la traduction
de A Fine, que le chanoine Pottier considérait
comme brugeois, et M. le comte de Marsy, comme
malinois, n'est rien autre qu'anversois.
L. C LOQUET.
ŒUVRES COMPLÈTES DE Mgr X.BARBIER
DE MONTAULT. — Tome XIII. Rome. VI. Hagio-
graphie. Poitiers. — Biais et Roy, 1899.
Le grand érudit et le fécond écrivain que nous
comptons parmi nos plus anciens et plus dévoués
collaborateurs, honore sa verte vieillesse par le
déploiement d'une activité remarquable. Voici le
treizième des gros volumes de ses Œuvres que
nous avons le bonheur d'annoncer au public stu-
dieux, et comme le précédent.c'est un grand in-40
1. V. L. Cloquet et de Lagrange, L'art tournaisicii, t. II, p. 330.
de plus de 550 pp. serrées et denses. Pour bien
apprécier la valeur d'une pareille production, il
faut se rappeler que le docte prélat écrit sur des
matières spéciales, et dans la manière magistrale,
didactique et scientifique. Toutes ses études ap-
portent quelque chose de neuf aux questions
dont il s'occupe. Tantôt il résume en la complé-
tant une question qui n'a encore été abordée
qu'à des points de vue particuliers ; tantôt il élu-
cide un point douteux, fait connaître un objet
inédit digne d'être présenté au public, ou redresse
des erreurs courantes ; toujours il fait progresser
les sciences auxquelles il a consacré sa longue
et laborieuse existence : liturgie, iconographie,
droit canonique, archéologie, hagiographie, etc.
Le présent volume contient une mine de do-
cuments sur saint Martin, sur saint Maurice, sur
saint Nicolas ; sur leur culte et les églises qui leur
sont consacrées, sur leur épigraphie et leur icono-
graphie, leur histoire, leurs fondations, leurs
reliques, les œuvres d'art qui se rattachent à leur
souvenir.
Vient ensuite une série d'articles bibliogra-
phiques dont plusieurs ont paru dans nos co-
lonnes; réunis avec ordre, ils prennent leur place
dans un vaste chapitre qui emprunte une cer-
taine unité de la méthode particulière et des vues
spéciales caractérisant la science et le style de
Mgr Barbier deMontault.On sait d'ailleurs quelle
est la valeur des notices bibliographiques de cet
écrivain, qui, par suite de ses vastes recherches
et de documents nombreux amassés sur de di-
verses matières, a généralement quelque chose
de notable à ajouter aux travaux même appro-
fondis des autres.
Parmi les sujets spéciaux les plus intéressants
qui entrent dans le cadre du tome XIII, citons
la chape et le tombeau de S. Martin, les tapisseries,
vitraux et œuvres d'art qui lui sont consacrés,
le râteau de la cathédrale de Tours, les reliques
de S. Maurice, la cathédrale d'Angers, l'abbaye
d'Agaune, la collégiale d'Oiron, diverses églises
de Rome, le culte de S. Nicolas de Bari, l'arbre
de Jessé, l'iconographie du Sacré-Cœur, de
S. Gengoul, de S. Georges, de S. Jean-Baptiste,
de S. Léger, de Ste Macrine et de Ste Pezenne,
l'imagerie religieuse, etc.
Une table analytique rend très faciles les
recherches parmi ce riche recueil de documents.
L. C.
L. DALMAN, PEINTRE ESPAGNOL, ÉLEVÉ
DE J. VAN EYCK, par J, NfcvE. Brochure Anvers
de Backe, 1899. ( Extrait du Bulletin de l ' Acad. royale
de Belgique.)
M. Nève a fait une étude spéciale, qu'il nous
présente appuyée d'instructifs clichés photogra-
2Ô2
Bctnte lie P8rt chrétien.
phiques, d'une peinture espagnole conservée à
Barcelone, déjà signalée par Justi et d'autres
comme apparentée à l'école flamande, et qui a
récemment appelé l'attention de M. De Vriendt.
Son auteur est évidemment un élève de Van
Eyck; M. Nève en fournit des preuves frappantes.
L. C.
EXCURSION DANS LE DÉPARTEMENT
DE LA LOIRE. — Saint-Etienne. — Thiolier, 1897.
Cette petite plaquette est un guide sommaire
du Forez édité à propos du dernier Congrès ar-
chéologique, guide fort succinct,mais bien illustré.
L. C.
LE PAYS POITEVIN. — C'est le titre d'une
nouvelle revue comme nous souhaiterions d'en
voir éclore dans chaque province de France: son
but, en effet, est la restauration de la vie régio-
nale par l'art, par les mœurs, par l'étude et le
maintien des traditions ; cet organe de l'actif
Comité d'ethnographie et d'art populaire du
Poitou et des Charentes, qui depuis deux ans a
obtenu des résultats dont on trouvera l'exposé
dans la Revue encyclopédique du 24 décembre
dernier, est devenu, sous la direction de MM.
G. Boucher et C. Roy, une revue provinciale
type. C'est ■ un recueil intéressant de chansons,
de noëls, de légendes, de faits historiques, d'ar-
chéologie, d'art populaire, abondamment orné
de gravures reproduisant des monuments, des
objets d'art, des bijoux du pays, etc. Dans les
quatre premiers numéros, nous relevons les
études suivantes, qui intéressent plus particuliè-
rement l'art chrétien: l'historique de l'abbaye de
Ligugé, par dom Basquin; — un article de
M. G. Boucher faisant connaître les principales
curiosités recueillies au Musée du Poitou chrétien,
récemment fondé; — une étude de Mgr X.Barbier
de Montault sur le Symbolisme architectural de la
cathédrale de Poitiers; — une notice sur l'église
Saint-Denis de Jaulnay, par M. P. Métais ; —
une monographie de l'abbaye de Fontenay-le-
Comte, par M. P. de Montabert (3 grav.), etc.
L. C.
DICTIONNAIRE DE LA BIBLE, publié par
F. Vigouroux, avec le concours d'un grand nombre
de collaborateurs. Prix du fascicule: 5 fr. franco. —
Paris, fasc. XIV orné de 67 gravures, Esturgeon-
Fontaine.
Nous avons maintes fois insisté sur l'impor-
tance de ce recueil scientifique contenant tous
les noms de personnes, de lieux, de plantes,
d'animauxmentionnésdans les Saintes Écritures,
les questions théologiques, archéologiques, scien-
tifiques, critiques relatives à l'Ancien et au Nou-
veau Testament, et des notices sur les commen-
tateurs anciens et modernes, avec des renseigne-
ments bibliographiques. La plupart de nos lec-
teurs en connaissent l'importance. Actuellement,
près de la moitié de la publication est en vente.
La fin du t. II formera la Ire partie du fasci-
cule XVI qui ne tardera pas à paraître.
Le fascicule XIV qui vient de sortir de presse,
contient entr'autres articles : Evangiles apo-
cryphes, par M. Batiffol ; Euphrate, Fenêtre, par
M. Beurlier ; Etam, par M. Heidet; Etienne (S.),
par le R. P. Lagrange ; Etham, Fontaines, par
M.Legendre; Étoile, Étoile des Mages, Étrangers,
Eunuques, Evocation des Morts, Expiation
(Fête de 1'), Famille, Femme adultère, Festins,
Fites, Fils de Dieu, etc., par M. Lesètre ; Etain,
Fer, Figures, par M. Levesque ; Étendards, Évan-
giles,Ezc'chias, Fin du monde, par M. Mangenot;
Éthiopienne (langue), {versions), par le R. P.
Méchineau ; Évilmerodach, par M. Pannier ;
Ézéchiel, par M. Philippe ; Eusèue, par le R. P.
van den Gheyn ; Étabïe, Ethiopie, Evangéliste,
Évoque, Ewald, Femme, par M. P. Vigouroux.
L. C.
L'ÉGLISE DE CREMEAUX, par N. Thiollier,
broch. Thomas, Saint-Etienne, 1899.
Courte et utile notice illustrée sur une église
de la fin de l'époque gothique qui vient d'être
démolie.
L. C.
NOTICE ARCHÉOLOGIQUE DE L'ÉGLISE
DE CURGY, par le même, broch. Autun, Dejussieu,
1899.
Son antiquité, la disposition auvergnate de
ses voûtes, insolite dans l'Autunois et les anti-
ques fresques qui décorent son abside, assurent
un vif intérêt à cette petite église du style roman
primaire, qui vient d'échapper à la destruction et
d'être classée parmi les monuments historiques.
Signalons à cette occasion une série de petites
monographies d'édifices de la même région que
M. Thiollier publie dans le Mémorial delà Loire,
notamment celles du château de l'Aubépine, le
pont de Sainte-Prève à Pommiers (Forez), l'église
de Valbenoîte (Saint-Étienne), la chapelle du
Refuge à Saint-Étienne et l'église du Saint-
Sauveur à Rece (Loire).
L. C.
BtMtograpl)te.
263
Bcuoluque*.
ANNUAIRE DU DIOCESE D'AOSTE, par le
Ch. P. Duc. Aoste, 1898, in-8°, de 53 pages.
Cet Annuaire, outre l'état actuel du clergé,
donne la série des curés de plusieurs paroisses.
Parmi les documents se trouvent quelques pro-
cès-verbaux de visites et deux inventaires, dont
il importe de dégager les termes curieux pour
la liturgie et la philologie.
1413. Visite de l'église de Pollein (p. 26-37).
Une lampe brûle devant la porte : « Una lampas
ante altare ad expensas parochianorum et una
ante portam ecclesie, que débet ardere omni
nocte, ad expensas Richardi de Pleo. » — Les
fenêtres, si elles ne sont pas vitrées, doivent au
moins être garnies de toile : « Fiant vitrie in
fenestris, saltem de tela. »
1416. Idem (p. 27). La réserve se fait dans un
vase de bois : « Corpus Domini, existens in vase
ligneo, in quo erant due hostie consecrate. »
1421. Idem (p. 27). Tabernacle au maître-autel
et vitres aux fenêtres: « Fecerunt de novo taber-
naculum super altare magnum, vitriaverunt duas
fenestras prope magnum altare. »
1434. Visite de l'église de Roisan (p. 52). La
réserve est dans deux pyxides, une ronde en bois
peint, avec un linge blanc dedans et une autre,
aussi ronde, mais en airain : « Corpus Christi in
duabus piscidibus, una de frustea rotunda de-
picta, in linteo albo ; alia de arano rotonda. »
1460. Visite de l'église de Rême (p. 42). Cas-
sette en bois pour reliques sans étiquettes :
€ Una capsa nemorea, in qua sunt duo ossa in
bursa cornea, sine brevettis. »
1596. Visite de l'église de Quart (p. 40). Taber-
nacle peint, avec pyxide de bronze doré : « Vi-
sitavit SS. Sacramentum, repositum in uno
tabernaculo, noviter confecto et decenter depicto,
et una pixide œnea deaurata, cui jussit apponi
cupam argenteam, cum virgula et catenula pro
nrmacione illius. »
1620. Dons faits à l'église S. Remy par la
confrérie du Rosaire (p. 50). «Ung devant d'autel,
avec ses oreilles. » Il faut restituer oreilles, qui
sont les coussins destinés au missel. — « Une
couverte d'autel perse, avec ses croix rouges. »
— € Ung linceul grosse toile à codure. » Codure
doit être une expression locale qu'il eût fallu
expliquer.
1673. Inventaire de l'église de Rême (p. 44-45).
« Plus, un autre devant d'autel de peau doré
(cuir), usé, ayant l'image de Sainct George. —
Plus, une chasuble argentée et figurée, ayant le
crucifix dernier (derrière) d'icelle, usé. — Plus,
une chasuble de caresme de mezelaine et floret
(laine et soie) à fleurs blanches, presque neufve.
— Plus, un plat d'estain pour les battisalies
(baptêmes). »
L'AMI DES MONUMENTS.
Relevons dans le nos 69-70 la description de
la belle église métropolitaine de Sainte-Sophie à
Nicosie (île de Chypre), par notre collaborateur
M. C. Enlart, une note pratique sur le procédé de
moulage de Lotton de Laval, en reconstitution
du jubé de l'abbaye de Fecamp, par M. L. Sauva-
geot, une note sur la conservation et la répara-
tion des manuscrits anciens par le P. Ehrle, S. J.,
et un rapport de M. Sauvageot sur le projet de
restauration de la vieille église de Saint-Pierre de
Montmartre.
BULLETIN MONUMENTAL, n° 4, 1898.
Dans une étude parue au Bulletin archéologique
du Comité des travaux historiques (') et repré-
sentée au Congres archéologiqtie de France
(t. XIII et suiv.) M. L. Maitre a énoncé les
graves conclusions que voici : « au point de vue
décoratif, l'histoire de l'art modifiera ses
leçons sur les principes de l'architecture romane,
qu'on a trop séparée jusqu'ici des écoles précé-
dentes. En conservant l'église de Saint-Philibert
de Charlieu nous sauvons du naufrage un
type quia complètement, disparu en France.»
M. J. À.Brutails constate que les preuves d'une
telle affirmation n'ont pas été fournies. Il rejette
l'attribution faite par M. Maitre de la crypte
et de l'abside de Saint-Philibert au IXe siècle. La
nef peut remonter à cette époque, encore que ce
ne soit pas prouvé ; elle a été voûtée vers 1200.
L'abside et la crypte paraissent romanes.
1. 1896, p. 524.
* °° ■• é
264
3&c\nic De l'&vt chrétien.
ï
Xn&ejr bibliographique.
archéologie et Jdcaujr 2lrtô(,\
= — = Jrvancc. — ==
Babelon (Ernest). — Catalogue des camées
ANTIQUES ET MODERNES DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIO-
NALE. — Ouvrage accompagné d'un album de 76
planches gr. in-8°. Paris, Leroux.
Beaumont (Ch. de). — Un prototype inédit de
la tapisserie d'Artémise. — In- 8°, avec grav. Paris,
Pion.
Beaurepaire (E. de). — Les peintures mura-
les de l'église de Savigny (près Coutances). — In-
8° et pi. Caen, Delesques.
Brassart (F.). — La tombe élevée d'un pane-
1TER DE SAINT LOUIS, PlERKE ORIGHE, CHEVALIER,
FONDATEUR DE LA CHAPELLE DE LA MADELEINE A
Douai. — In-8°. Lille, Danel.
* Bibliographie des Inventaires.
* Borderie (A. de La). — Comptes de dépenses
DU DUC ET DE LA DUCHESSE DE BRETAGNE, FRAN-
ÇOIS II et Marguerite de foix, au XVe siècle,
dans les Bull, et Mém. de la Soc. arch. d'Ille et Vilaine,
t. XXVII, p. xix-xxx.
* Bouillet. — L'église de Laval-Dieu (Ar-
dennes) et ses boiseries sculptées. — ■ In-8° de
12 pag. avec 2 planch. Paris, Pion.
* Bouillet et Petit. — Notre-Dame d'Auteuil.
— In-8° de r6 pag. avec 18 vign. Paris, Rondelet.
* Bulletin et Mémoires de la Société archéo-
logique du département d'Ille et Vilaine. —
In-8°, tome XXVI.
Champeaux (A. de). — L'art décoratif dans
le vieux Paris. — Gr. in-S", grav. Paris, Schmidt.
Chappée (J.). — Les sépultures de l'abbaye
de Champagne et les fouilles de 1895-1896. —
In-8°, fig. et plan. Mamers, Fleury et Dangin.
* Cloquet (L). — Traité d'architecture. —
In-S", nombr. grav., librairie polytechnique Baudry et
C'c, Paris et Liège.
Delattre (Le R. P. A.). — Le cimetière super-
posé de Carthage. — Broch. Paris, Leroux.
* Dnmuys (Léon). — Inventaire des objets
ENLEVÉS PAR LES PROTESTANTS LE 29 AVRIL 1562 AU
trésor de St-Aignan et déposés a la Tour ni r, e,
— I11-80 de 2 pages. Orléans.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
* Engels (Michel). — Le crucifiement du
Christ dans l'art plastique. Etude iconographique
et historico-artistique. — Petit in-folio, avec 94 gra-
vures et 42 tableaux en photo-lithographie.
* Enlart (C). — Les Monuments anciens de
Boulogne. — (Extrait de l'ouvrage offert par la ville
de Boulogne-sur-mer aux membres du Congrès des
sciences tenu en cette ville en 1899). — Boulogne-sur-
mer, Soc. typographique. ■
* Excursion dans le Département de la Loire,
Saint-Etienne. Thiolier.
Favarcq (L.). — Peintures du XIVe siècle,
découvertes dans l'ancienne chapelle de la
Chartreuse de Sainte-Croix. — In-S". Montbrison,
Brassart.
Fayolle (de). — Le trésor de l'église de Saint-
Nectaire en Auvergne. — In-8°, avec grav. Caen,
Delesques.
Fillet. — Le mobilier au moyen âge dans le
sud-est de la France — In-8°. Paris, Imp. natio-
nale.
* Froehner (W.). — Collections du château
de Goïuchow. — In-40, 5 planch. en chromolithogr.
Paris [Fischbach].
■ Sept cloches an-
In-S°. Broch. Caen,
Germain de Maidy (L ).
ciennes des Côtes du Nord.
Delesques.
* Le même. — Une planche a gravure d'un
fondeur de cloches. — In-8° de 15 pages, avec
une phototypie. St-Dié.
Giraud (J.-B.). — ■ Documents pour servir a
L'HISTOIRE DE L'ORNEMENT AU MOYEN AGE ET LA RE-
NAISSANCE. — 2 vol. 111-4°. Lyon, chez l'auteur.
* Grandmaison (L. de). — La tombe de Lan-
CELOT DU FAU, ÉVÉQUE DE LUÇON ET CLAUDE CON-
TENT, orfèvre de Tours (1523). — In-8" de 11 pp.
Vannes, Lafolye.
Hènault (M.) et Rouault. — Les boiseries de
l'abbaye de Vicoigne et les Schleiff, SCULPTEURS
valenciennois. — In-8°, aAec grav. Paris, Pion,
Nourrit et Cie. •
Herpin (A.). — Notice historique sur les per-
sonnages COMPOSANT LA GRANDE 1 VVALt VDE REPRI
SENTANT L'ENTRÉE A ÀLENÇON, EN 1527, DE MAR-
GUERITE de Navarre et de François 1". — 1 n-16.
Alençon, Vvc Guy.
* Inventaire de l'argenterie de l'église de
Siran, en 1695.
* Inventaire du Grand Si --Bernard, au XV IL
SIÈCLE.
* Inventaire de la cathédrale de Narbonne,
au XVIIIe siècle.
Bibliographe.
265
* Jeanne de Montmorency, Duchesse de la
Trémoille et sa fille, la Princesse de Condé,
15 79- 1629. — In-4° de 194 pages. Nantes, Grimaud.
Jouin(H.). — La sculpture dans les cime-
tières de Paris. (Le Père Lachaise, Montmartre,
Montparnasse.) Ouvrage précédé du Musée de la
Mort et suivi du Jour de Van des Trépassés. — In-S",
avec 1 pi. Maçon. Protat.
* Lafenestre (B.) et Richtenberger (Eug.). —
La peinture en Europe, La Hollande. — 1 vol.
in-8°, 100 reproductions. Paris, Société française d'édi-
tions d'art.
Lamy (Stanislas). — Dictionnaire des sculp-
teurs DE L'ÉCOLE FRANÇAISE DU MOYEN AGE AU REGNE
de Louis XVI. — In-40. Paris, Champion.
* Largeault. — État des vases sacrés, orne-
ments, LINGES, LIVRES, etc., DE L'ÉGLISE COLLÉGIALE
de Ste-Radegonde de Poitiers (1791). — In-8°, de
12 pag. Poitiers, Oudin.
Léonard de Vinci. — I manoscritti della
REALE BIBLIOTHECA DE WlNDSOR. DELL' AnATOMIA.
Fogli pubblicati da Teodoro Salachnikoff. Trascritti e
annotati da Giovanni Piumati con traduzione in lingua
francese preceduti da uno studio di Matthias Duval.
— In-4°, grav. Paris, Rouveyre.
Les chefs-d'œuvre de la sculpture, Ier vol. —
In-40, I2 livraisons de 12 planches chacune. Paris,
A. Calavas.
* Marignan (A). — Un historien de l'art
français. — Louis Courajod. — In-8°, 187 pp.
Paris, Bouillon.
Maxe-Werly (L.). — Un monument lapidaire
du musée de Bar-le-Duc, la pierre tombale de
Colin Massey. XVe siècle. — Bar-le-Duc, Coutant-
Laguerre.
* Œuvres complètes de Mgr X. Bareier de
Montault. — Tome XIII. Rome, VI. Hagiographie.
Poitiers, Biais et Roy.
Porée (L'abbé). — Note sur la statue funé-
raire de Geoffroy Faé, évêque d'Évreux, con-
servée dans l'église de Saint-Èloi de Fourques (Eure).
— In-8°, et 2 pi. Évreux, Hérissey.
Picardie historique et monumentale; N° 5,
arrondissement d'Amiens. — Canton de Conty,
notices par B. de Guyencourt. — Canton de
Picquigny, notices par J. Rouf. — Gr. in-8°. Paris,
Picard.
Raulin (T.). — Banc d'église, et chaire de vé-
rité, DANS UNE PAROISSE DE l'AvRANCHIN (1743).
— In-8°. Caen, Delesques.
Rosenberg (Ad.). — Leonardo da Vinci. —
In-40, T27 grav. Paris, Fischbacher.
*Roulin(LeR. P. Dom). — Tète antique et co-
lombe eucharistique. — Paris, Pion, Nourrit etC'e.
Thiollier (N.). — Notice archéologique sur
l'église de rosières (Haute-Loire). — In-16, avec
grav. Le Puy, Marches sou.
* Le même. — L'église de Cremeaux. —
Broch. Thomas, Saint-Etienne.
* Le même. —
l'église de Curgy.
Notice archéologique de
— Broch. Autun, Dejussieu.
Thomas (J.-J.) — Les vitraux de Notre-Dame
de Dijon. — In-16, 2 planches. Dijon, Jobard.
La Touraine artistique et monumentale : Am-
boise, le chateau, la ville et le canton. — in-40,
grav. et planches. Tours, Péricat.
Valabrègue (A). — Le musée de Bale. — Gr.
in-8°,33fig. Paris, Bureaux de la Gazette des Beaux- Arts.
* Visite de Si-André de Léjos, en 1783.
* Vigouroux (L'abbé F.). — Dictionnaire de la
Bible. — ■ Prix du fascicule : 5 fr. franco. — Paris,
fasc. XIV orné de 67 gravures, Esturgeon-Fontaine.
Voulot. — Le pied humain, le pied et le fer
DE CHEVAL ET LES CkOIX A TRAVERS LE MONDE ET LES
âges, dans le Bulletin de la Société philomatique vos-
gienne, 1896-1897.
Allemagne.
Albrecht (R.). — Meisterwerke deutscher
Bildschnitzerkunst im germanischen National
Muséum zu Nùrnberg. Photograph. Orig. Auf-
nahmen mit einem Vorwort und erlauet. Texte
von Dr H. Schaefer ; 3-6 (von Schluss). — In-40, 2
feuilles et texte. Niirnberg, Schrag.
Bach (Max). — Hans Multscher, peintre et
sculpteur du X V'siècle, dans Zeitschrift fur Bildende
Kunst^vixn 1898.
Beissel (Le H. Steph.). — Mosaïques romaines
du VIP au IXe siècle, dans Zeitschrift fur Christ-
liche Kunst, Xe année, 5e et 6e fasc, 1897.
Boeheim. — Armures et armes du Musée
d'artillerie de Paris, provenant du château
d'Ambras, dans fahrbuch der Kunsthistorischen Samm-
lungen des Allerhoechsten Kaiserhauses, t. XIX (1898).
Bode (W.). — Rembrandt. Beschreibendes Ver-
zeichniss seiner Gemaelde mit den heliographi-
schen Nachbildungen, Geschichte seines Lebens
und seiner Kunst, unter Midwirkung von
C. Hofstede de Groot. II Band. — (In-f°, 77 pi.)
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
i8gg. — 3me LIVRAISON.
266
3Rebue De l'&vt chrétien.
Traduction française par Auguste Marguillier. nevol.
(77 pi.). Trad. anglaise par Florence Simmonds.
Vol. II (77 pi.). Paris, Ch. Sedelmeyer.
Demiani (Hans). — François Briot, Gaspar
Enderlein und das Edelzinn. — In-40. Leipzig,
Hiersemann.
Dobbert (T.) — L'évangéliaire du XIIIe siècle
de Goslar (Prusse), dans Jahrbuch der Kœn. preus-
sischen Kunstsammlungen, t. XIX (1S98), 3e fasc.
Fabriczy (C. von). — Un sculpteur oublié du
Quattrocento, Domenico Rosselli, dms Jahrbuch
der Kœn. preussischen Kunstsammlungen, t. XIX,
(1898) 2e fasc.
FUHRER DURCH DIE GeMAEI.DE GALERIE DER
kunsthistorischenSammlungen desallerhœchst.
Kaiserhauses. Alte MeisterII.Niederlaendische
und Deutsche Schulen. — In-12 avec fac-similés.
Wien. Leipzig, A. Schulze.
Geymûller (Le Dr Heinrich von). — Die Bau-
kunst der Renaissance im Frankreich. — In-8°,
266 gr. et pi. Stuttgart, Bergstrcesser.
Grseven (Hans). — Diptyques en ivoire de la
reine Amalasvinha (VIe siècle), dans Jahrbuch der
Kœn. preussischen Kunstsammlungen, t. XIX (1898),
2e fasc.
Gurlit (E.). — Die Baukunst Frankreichs. 12
Lief., 25 Tafeln. — In-folio. Dresden, Gilbers.
Hanfstaengl (F.). — Meisterwerke der Kgl.
aelterer Pinakotkek zu Munchen. — Gr. in-8°,
230 grav. Munich.
Italienische Sculpturen aus den Kœnigl.
Museen zu Berlin. Mit ^rklaer. Text von der
Direction der Sammlung. II Band Italienische
Bildwerke der christl. Epoche aus den kœn.
Museen zu Berlin. 2e série. — In-8°. Berlin, Graph.
Gesellschaft.
* Kaemmerer (Ludwig). — Hubert und Jan
Van Eyck. — In-40, 118 pp. et 88 reproductions de
peintures et de dessins. Bielefeld und Leipzig, Vet-
hagen und Klasing.
Kurth (J.). — Les inscriptions des mosaïques
chrétiennes de Salonique, dans Miitheilungen der
K. d.Archceologischen Instituts. Athenische Abtheilung.
T. XXII (1897). 4e fasc, pi. XV et XVI.
List (Camillo). — Zacharias Lencker, orfèvre
d'Augshourg, dans Jahrbuch des Kunslhistorischeu
Sammlungen des allerhœchsten Kaiserhauses, t. X I \,
1898.
Loefen (W. von). — Die Feste Marienberg und
ihre Baudenkmale. — In f", et 32 ill. W'urzburg,
Stuber.
Mackensie (G.) et Pugis (A.). — Gothische
Architecturen und Einzelheiten als Thore,
Thuren, Fenster,Giebkl, Pfeiler, Thuerme, etc.,
nach alten Bauwerken zu Oxford. — 64 Taf. (in-
6 Lief). I Lieferung (n Taf.). Grand in-40. Berlin,
B. Hessling.
Mackowsky(Hans). — Sperandio deMantoue,
dans Jahrbuch der Kœn. preussischen Kunstsammlungen,
t. XIX (1S98). 3e fasc.
Rahn (J.-B.). — ■ Architekturdenkmaeler des
Cantons Thurgau. Lief. 6, 8. — Zurich, Antiq.
Gesellschaft.
SchevyrefT. — Historische Notizen uber die
Cartons von Raphaël. — In-8°. Berlin.
Schlosser (F. von). — Tommaso da Modena et
LES ANCIENNES ŒUVRES DE PEINTURE A TRÉVISE,
dans Jrhrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen des
alterhœchsten Kaiserhauses, t. XIX (1898).
Sedlacek (A.). — Hrady ajamkyceskë. Dil XI,
Sesit 12- 14. (BURGS ET CHATEAUX DE LaBOHÊME, t. XI).
— In-fol. 5 planches. Prag, Fr. Simacek.
Semper (H.). — Autels portatifs a volets en
ivoire du XIVe siècle, dans Zeitschrift fur Christ-
lichen Kunst, 3e et 5e fasc, XIe année (1898).
Volkamer auf Kirgensittenbach (G. von).
— Die Stadmauern von Nurnberg mit ihren
Veranderungen waehrend drei Jahrhunderte,
dargestellt durch Abbildungen aus den 17, 18
und 19 Jahrh. i Lieferung. — In-4°, 12 planches.
Munchen, Deiglmayr und Fuhrmann.
Kullrich (F.). — Bau-und Kunstgeschichtli-
ches aus Dortmunds Vergangenheit. — In-S°,
avec 1 plan, 10 planches, et n grav. Dortmund, Kcep-
pen.
Weese (A.). — Die Bamberger Domsculpturen.
— In-8°, 33 pi. Strasburg, Heitz.
Winkler (A.) et Mittelsdorf (J.). — Die Bau-
und Kunstdenkmaeler derStadtHanau. I.Theil.
Festschriftzum 300 Jaehr. Jubil/eum der Grun-
dung der Neustadt Hanau.' — In 8°, 138 gravures
et 1 planche. Hanau, G. M. Alberti.
anfflctccrc
Berenson (B.). — The Central Italian Pain-
iers of the Renaissance. — In-16, 1 pi. London
and New-York, Putnam's sons.
Maggibbon (D.) et Ross (Th.). — The Eccle-
siastical Architecture of Scotland, from the
earliest times to the seventeenth century. t. 1 1.
— In-8°. Edinburgh, D. Douglas.
Bibliographe.
267
Italie.
Bertoldi (D. G.). — Di una nuova ta vola di
RAFFAELLO SCOPERTA E ILLUSTRATA. — In-I2. Asolo,
F. Vivian.
Gasparri (D.). — Illustrazione del politico
ATTRIBUITO A CaRLO CRIVELLI E CONSERVATO NELLA
CHIESA PAR. DI S. GlOV. BATT. IN ToRRE DI PALME. —
In- 16. Fermo. Upuci.
Jocobsen (E.). — Allegoria della Primavera
di Sandro Botticelli. Saggio di una nuova inter-
pretazione. — Id. in-40, 9 gr. Roma,Tip. dell.Unione
coop.
Le gallerie Nazionali Italiane. Notizie e do-
cumenti. Anno III. — In-4°, avec pi. Roma, percura
del Ministero della publica istruzione.
Lisini (Alessandro). — ■ Nuovi documenti per la
Storia dell' arte Senese. — Siena, Torrini.
Malaguzzi-Valeri (F.). — I monumenti del-
l'Apennino modenese. — In-16, avec fig. Bologna,
Zamorani e Albertazzi.
Mospurgo (S.). — Un affresco perduto di
Giotto nel palazzo del podesta di Firenze. —
In-8°. Tip. G. Carnesecchi.
Stabile (L.). — Sunto di storia ed archeologia
della citta di Napoli. — In-16. Napoli, Tip. del
Diogene.
(ZEsparjne.
* Serrano Fatigati (D. Enrique). — Claustros
ROManicos espanoles. — In-S°, 53 pp. 26 figures
dans le texte et deux phototypies. Madrid.
* Le même. — Sentimientosdelanaturaleza
en los relieves medioevales espanoles. — In-8°,
27 PP-, 3 planches hors texte et 13 figures dans le
texte. Madrid.
Belgique.
* Donnet (Fernand). — Les cloches d'Anvers ;
les fondeurs anversois. — In-8° de 370 pages.
Anvers, De Backer.
* Nève (J.). — L. Dalman, peintre espagnol,
élève de J. Van Eyck. — (Extrait du Bulletin de
l'Académie royale de Belgique, i8çç.) Broch. Anvers,
De Backer.
^ Sevens (Th.). — De kerk van O. L. Vrouw te
KORTRIJK, VAN DEN VROEGSTEN TIJD TOT HEDEN. —
In-8°, avec pi. et 1 carte. Courtrai, E. Beyaert.
Wauters (A. J.). — La grand' place de Bruxel-
les. — In-8° grav. et portrait. Bruxelles, P. Weissen-
bruch.
it)ollanûc.
Memling (Hans.) — L'hôpital Saint-Jean a
Bruges. — 2 livraisons in-folio de 10 planches. Har-
lem, H. Kleinman et C'6,
% «ft «ft *& «ft «fc ^ ^ »& ^i^ :;^ «ft ife^ ^ «as. *fc ** *afc *fe *fc *fc *fc «flft *»■
a
*
^Tl) t* 0 tî t Q U C ♦ SOMMAIRE: CONSERVATION DES MONUMENTS. — FRANCE:
hôtel L. mi ii ii à Paris ; basilique du Sacré-Cœur ; Comités archéologiques ; Sainte-Chapelle. —
ROME. — ALLEMAGNE : inauguration du Musée Sainte-Odile. — BELGIQUE : triptyque du
XVe siècle; halles de Malines ; restaurations à Bruges, à Tournai. — VARIA. — NÉCRO-
LOGIE : Le docteur Franz Bock.
WfWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWlW
*
Conservation Des monuments.
FRANCE.
1ES adhérents de Y Ami des Monuments
et des Arts ont visité, sous la conduite
de M. Ch. Normand, le château de
Villers-Cotteret, ainsi que le château
de Noue, son voisin.
Ce dernier est encore complètement entouré
de ses vieilles murailles, garnies de tours rappe-
lant celles du curieux château de Vez ; lecréne-
lage existe encore à Noue. L'aspect de la façade
est monumental ; au milieu se détache un pavil-
lon de la renaissance ; il renferme un porche
voûté, une belle cheminée.
Celui de Villers-Cotteret a fait l'objet de remar-
quables dessins de M. Pottier-Delengi, exposés
au salon d'Architecture. On a admiré les voûtes du
grand et du petit escalier, chef-d'œuvre de la re-
naissance. On a récemment dégagé certains petits
plafonds et découvert des décors qui couvraient
les murs de la cage d'escalier. Les assistants ont
émis le vœu de voir dégager ces décorations des
constructions parasites qui les cachent. La grande
salle du premier étage était jusqu'ici désignée
indifféremment comme l'ancienne salle des États
généraux et comme la chapelle ; une discussion
engagée dans le monument même a établi, dit
Y Ami des Monuments, que c'étaitbien la chapelle ;
le point était d'autant plus aisé à trancher, que
la pièce est orientée, qu'elle a gardé son petit
clocher et qu'on y voit encore des emblèmes
eucharistiques; c'est ainsi que « les assistants ont
tranché un point de l'histoire architecturale de
la Renaissance française (sic) ».
M. l'abbé Bossebœuf a fait des fouilles dans
l'îlot de Tombelaine près du Mont Saint-Michel,
sur l'emplacement de l'église du prieuré qu'on y
élevait jadis. Il a mis à découvert une dalle tu-
mulaire du XIIIe siècle, celle de l'abbé Jourdain.
Tombelaine possédait une église fortifiée d'un
grand intérêt dont un ancien dessin est conservé
à la tour de Londres.
— KïM— -i©*—
L' Hôtel Lauzun à Paris. — M. Charles Nor-
mand et la Société des Amis des Monuments
parisiens qu'il préside, ont mené une active cam-
pagne en faveur de la sauvegarde par la Ville,
de l'admirable Hôtel Lauzun. M. Auge de Lassus,
non moins ardent à la poursuite de ce desidera-
tum, a publié, dans Y Ami des Monuments et des
Arts, un remarquable article sur ce sujet ('').
La Société des Amis des Monuments parisiens
a fait appel à la Ville de Paris pour que cet
Hôtel soit acheté pour être ensuite affecté à l'un
quelconque de ses services, ce qui assu rerait sa
conservation.
« L'Hôtel Lauzun, dit la requête des Amis des Monu-
ments, reste en effet, dans Paris, à peu près le seul
exemple d'un logis de grand luxe, comme le voulait la
mode parisienne aux environs de 1660. Il y a là un
ensemble admirable et unique de peintures, de figures
allégoriques, de sculptures, de boiseries, qui marque une
étape dans l'art français.
Ainsi tout doit recommander un édifice si bien consa-
cré par l'Art et l'Histoire. En ces derniers temps, plusieurs
Hôtels très intéressants mais non pas plus remarquables,
ont disparu. Il faudrait que ces destructions lamentables
trouvassent plus de résistance et de protestation. L'Hôtel
Lauzun est en vente ; il peut être, il sera sans doute, en
un prochain lendemain, mutilé, dépecé, détruit si la
Municipalité parisienne n'intervient.
Elle s'honorerait grandement en témoignant une fois
encore pour le Vieux Paris, d'une sympathie dont elle a
déjà donné des preuves. L'Hôtel, mitoyen à une école de
la Ville, pourrait être utilisé comme bibliothèque de quar-
tier ou à quelque autre usage. En tous cas, c'est une pa-
rure de Paris, et il devrait appartenir à Paris en pleine
propriété, comme il lui appartient déjà par le souvenir
qu'il évoque et les magnificences décoratives qu'il carde.
Le payement effectué en de longs intervalles, ne charge-
rait pas sensiblement un budget comme celui d' une ville
comme Paris.
Paris se doit de rester le Paris, capitale de l'Art et de
toute beauté, Paris se doit de sauver ce qui peut être
encore sauvé du Vieux Paris... Ht
Dans sa séance du 24 mars 1899 le Conseil
municipal prenait la délibération suivante :
« L'Administration est invitée à négocier avec
les héritiers intéressés l'achat de l'immeuble de
l'Hôtel Lauzun, quai d'Anjou, 17, au prix de
300,000 francs. »
C'est à présent chose faite : l'intéressant hôtel
est devenu propriété de la Ville de Paris.
M. Coyecque propose de l'affecter au dépôt cen-
tral des historiques du notariat de la Seine.
Ce n'est pas, comme le remarque M. Ch. Nor-
mand, le meilleur usage à en faire, cette affecta-
1. V. tome XII, p. 67.
Cijromque.
269
tion obligeant d'exiler les intéressantes décora-
tions du vieux logis.
— *©*— - 4©<— •
Le 21 juin, les membres de la Société des Amis
des Monuments parisiens, sous la conduite de
M. Normand, ont visité les constructions du
Vieux Paris établies sur les bords de la Seine,
près le pont de l'Aima, intéressante reconstitu-
tion des habitations d'autrefois, dressées sous la
direction de M. Benouville, architecte, d'après
les dessins de M. Robida.
En ce moment les travaux offrent un intérêt
exceptionnel, car, quoique déjà fort avancés, on
peut étudier la structure, encore visible, mais qui
prochainement disparaîtra sous les ornements et
les étalages de choses anciennes. Les promeneurs
ont vu la forêt des mille pilotis qui supportent
le sol artificiel établi sur la Seine ; la Chapelle
des Ménétriers, la Maison de Molière, la Tour
du Collège du Fortet, les vieilles rues, les par-
ties en construction de la porte du Châtelet, etc. ;
le tout agréablement commenté au point de vue
artistique et historique, par MM. Charles Nor-
mand, Léon Benouville et Robida qui, tour à
tour, ont pris la parole.
La carte d'invitation, adressée à chacun des
visiteurs, est une jolie eau-forte gravée en bistre
par M. Robida et qui sera conservée comme
souvenir de la promenade.
M. Casati des Casati a récemment proposé de
créer dans chaque arrondissement des comités
archéologiques se rattachant à un Comité central
établi au Ministère, avec mission de dresser
l'inventaire monumental de la France par fiches
séparées et non par gros registres ; on pourrait
ainsi protéger contre la destruction tous les
monuments remarquables du passé. Une Com-
mission composée de MM. de Barthélémy,
de Villefosse, Bertrand, Muntz et Lasteyrie a
été chargée par le ministre d'examiner cette
proposition. Son rapport sera probablement
publié dans le Bulletin du Ministère (').
La flèche delà Ste-Chapelle. — Selon une note
de Lassus publiée dans l' Ami des momiments, la
flèche primitive de la Sainte-Chapelle, élevée par
Pierre de Montereaux, fut remplacée en 1483,
alors qu'elle se trouvait consommée par le char-
pentier Robert Fouchier. Détruite par l'incendie
de 1630, elle fut rétablie sur le style de la dernière
époque gothique, pour être remplacée sous Louis
1. On peut le dire dans l'Ami des Monuments et des Arts (tome
XII, n°67, p. 147).
XIII par une flèche fort lourde, qui a détrôné,
à son tour, celle qui se voit depuis 1852 et qu'a
dessinée Lassus.
— f©4— — J€H—
Le retable de la chapelle de la Vierge à
Larchat est un chef-d'œuvre de la sculpture du
XVe siècle auquel des dégradations successives
avaient enlevé le plus beau de sa valeur. Il a
été restauré par M. Barbey, qui l'a fait généreu-
sement en corvée pour la Vierge. On dit grand
bien de cette œuvre.
ROME.
Mgr de Mérode. — Le 14 mars a été solennel-
lement inaugurée une plaque commémorative de
la munificence de Mgr de Mérode, sur l'empla-
cement de la catacombe de Domitille où cette
munificence s'était particulièrement vouée à
faire revivre les glorieux souvenirs de sainte
Pétronille et des saints Nérée et Achillée. A cette
occasion M. Horace Marucchi, l'un des plus
distingués archéologues formés à l'école de
l'immortel de Rossi, a prononcé un éloquent
discours, où il a rappelé comment ce prince de
l'archéologie chrétienne trouva son meilleur
Mécène en Mgr de Mérode pour les découvertes
accomplies dans cette catacombe de Domitille,
l'une des plus intéressantes de la Rome sou-
terraine. M. Marucchi a été aussi très heureu-
sement inspiré en faisant à la fin de son discours
un éloquent parallèle entre les qualités militaires
et l'héroïsme chrétien des SS. Nérée et Achillée
pour en faire l'application à l'illustre prélat qui
fut ministre des armes du Pape, et qui ne brilla
pas moins par son zèle apostolique. Le ministre
de Belgique près le Saint-Siège, Son Exe. M. le
baron d'Érp, le président du Collège belge, Mgr
de T'Serclaes, avec une députation de ce Collège,
une nièce de Mgr de Mérode, mariée au marquis
Ferrajoli, et beaucoup d'autres personnages for-
maient, avec le Co/legium Cnltorum Martyrum,
la magnifique assistance de la cérémonie
La basilique du Sacré-Cœur à Paris. — Depuis
quelques semaines on peut voir monter très rapi-
dement le dôme central de la basilique du Sacré-
Cœur.
Les échafaudages qui, durant vingt-cinq années,
encombrèrent le sommet de Montmartre, vont
disparaître.
M. Rauline, l'architecte du Sacré-Cœur, assure
que dès le mois de septembre prochain, le grand
dôme sera terminé, et aussi le lanternon qui le
couronne, et sur ce lanternon sera posée la
grande croix latine en pierre de Château-Landon
270
Urinte De l'&rt chrétien.
qui ne mesure pas moins de deux mètres soi-
xante de hauteur.
En octobre, on déséchafaudera la partie cen-
trale et la plus élevée du Sacré-Cœur, mais on
travaillera encore aux petits dômes des angles.
Ce n'est qu'en juin prochain que tous les écha-
faudages auront disparu et que la basilique se
détachera libre dans le ciel, à deux cent sept
mètres au-dessus du sol de Paris.
Pour les étrangers venus à l'Exposition, ce ne
sera pas une des moindres curiosités de Paris,
que ce temple immense élevé lentement, sou par
sou, par la foi des fidèles, et qui aura coûté plus
de trente millions !
ALLEMAGNE.
LE 3 mai, l'empereur et l'impératrice d'Al-
lemagne, accompagnés de divers person-
nages, ont inauguré le Musée du Mont Sainte-
Odile fondé par le Dr Forrer. Celui-ci guidait les
visiteurs et leur expliquait les objets exposés
qui ont trait au Mont et au « Mur païen » qui
le couronne (un de ces refuges gaulois décrits
par César dans sa « Guerre, gauloise »). L'at-
tention des visiteurs s'est portée ensuite sur
les miniatures du Hortus deliciarum de Herrade
de Landsperg.
Des travaux de restauration entrepris à l'église
paroissiale catholique de Nideggen (Prusse rhé-
nane) viennent d'y faire découvrir d'intéressantes
peintures murales du XIIIe siècle, qui offrent le
caractère des peintures monumentales de l'école
de Cologne. Ce sont, dans l'abside : au centre,
Jésus-Christ, dans une auréole, entouré des
symboles des quatre Évangélistes et accompagné
de saint Jean-Baptiste et de la Vierge, puis deux
chevaliers armés tenant de boucliers et des figures
féminines isolées, d'un très beau caractère, pa-
rentes des figures de saintes de Saint-Géréon,
de Cologne. Dans le chœur sont des ornements
divers et, à l'arc triomphal, deux grandes figures
d'anges. Enfin, dans la nef, se voient aussi des
restes de décoration polychrome et de grandes
figures peintes sur les piliers.
BELGIQUE.
NOS lecteurs se rappellent sans doute les
reproductions que nous avons données
d'un triptyque du XVIe siècle ('), accompagnées
d'une étude de cette remarquable peinture, alors
la propriété de M. le Comte d'Oultremont de
Warfusée.
1. Année 1896, p. 349.
Ce triptyque vient d'être acquis par l'État
belge et figurera désormais dans la salle déjà si
riche du Musée national de Bruxelles consacrée
aux œuvres des maîtres antérieurs à la renais-
sance. C'est une très belle acquisition, dont il y a
lieu de féliciter le Musée de Bruxelles. Les amis
de l'art chrétien aussi ont lieu de s'en féliciter,
puisque désormais cette série de peintures impor-
tantes représentant plusieurs scènes de la Pas-
sion reste accessible à tous.
Notre étude n'est pas restée isolée. La Gazette
des Beaux-Arts, dans les livraisons d'Avril et de
Mai de cette année, a publié sur le même trip-
tyque une notice due à la plume de M. Camille
Benoît, dont les appréciations et le jugement
sont, à beaucoup d'égards, conformes aux nôtres.
Seulement M. Camille Benoît a fait faire à
l'étude de cette œuvre un pas important en
désignant Jan Mostart de Haarlem comme l'ar-
tiste auquel on la doit.
Ce savant s'est attaché d'une manière toute
particulière à l'étude de ce maître dont, jusqu'à
ce jour, il n'existait pas une seule peinture qui
pût lui être attribuée avec certitude. Tout son
renom était basé sur la notice biographique de
Van Mander et des peintures que la légende ou
des hypothèses prétendaient reconnaître comme
œuvres de son pinceau.
Si, comme il y a lieu de l'espérer, l'attribution
à Jan Mostart est fondée, toute une série d'autres
peintures de ce maître devront lui être restituées.
Nous aurons peut-être à revenir sur l'étude de
ce triptyque.
Matines. — La restauration des Halles de
Malines, construction pittoresque du XIVe siècle,
est décidée, grâce à l'initiative éclairée du minis-
tre Van den Peereboom, qui a proposé à la Ville
l'achat de l'aile gauche des bâtiments donnant
rue de Beffer pour la somme de 5 S, 000 francs,
afin d'y ménager un hôtel central des postes,
télégraphes et téléphones, que les Malinois récla-
ment depuis de longues années. L'administration
communale a approuvé l'offre du Gouvernement.
L'État s'est engagé à restaurer l'aile gauche
dans son état primitif; de son côté, la Ville va
restaurer l'autre partie dont les plans et devis ont
déjà été approuvés. De plus, les Halles seront
complètement dégagées. Les vieilles masures qui
y sont actuellement adossées seront expropriées.
Ce sera, au point de vue archéologique, un
travail d'une très grande importance.
On estime que l'ensemble de ces travaux coû-
tera un million de francs. On espère pouvoir
mettre la main à l'œuvre dans peu de temps.
Chronique.
271
Quant à l'aile gauche dont nous venons de
parler, elle offre des vestiges d'une œuvre consi-
dérable du célèbre architecte brabançon Rom-
baut Keldermans, savoir l'ancien palais du Grand
Conseil ; cet édifice, de style flamboyant tour-
menté et richissime rappelant fort l'hôtel-de-ville
de Gand, offrait sur la place et surtout sur la rue
de Beffer un grand développement de façade avec
portique sur arcades surbaissées. Un relevé et
une restitution de cette remarquable architecture
ont été faits avec talent par M. Mertens d'Anvers.
-K>i KiX—
Halles de Malines.
Les plans de restauration complète de la série
des pignons de la Maternité et des différentes
façades du très ancien hôpital Saint-Jean à
Bruges sont terminés et soumis à l'appréciation
des autorités compétentes. L'exécution de ce
projet grandiose, auquel ont collaboré MM. les
architectes De la Censerie et De Wulf, se fera
par parties, en commençant par la Maternité.
L'intéressante revue « Kunst » de Bruges
confirme la bonne nouvelle. Tout en faisant
l'éloge du dit projet, elle émet des doutes sur
l'exactitude de quelques détails qui lui semblent
Souterrain de l'Évêché de Tournai (étage inférieur). Détail des voûtes.
des enjolivements qu'on devrait supprimer. Elle
pose ensuite les questions que nous avons déjà
souvent répétées : Quand mettra-t-on la main
à la restauration de la façade principale de l'é-
glise de Notre-Dame? A quand la démolition
des maisons voisines de la Gruuthuuse ? Il paraît
que pour la façade de Notre-Dame on hésite
devant les difficultés du maintien de la tour de
gauche, fort compromise.
272
3Rebuc lie ï'&rt cfjrétten.
Tournai. — On a procédé récemment au grat-
tage des murs extérieurs de l'évêché de Tournai
et l'on a mis au jour les vestiges signalés jadis (J)
mais peu connus, d'une belle galerie romane,
reste de l'élégante ordonnance de l'ancien palais
des puissants évêques de Tournai. Cette galerie
part de la chapelle de Saint-Vincent, qu'éleva
l'évêque Etienne, et régnait sur toute la façade
du palais. On sait d'ailleurs que cet évêque, élu
en 1192, ajouta ce portique à la façade de
l'évêché, mais cette galerie est de style plus an-
cien ; il semble remonter à l'époque des nefs de
la cathédrale. Il est hautement désirable de voir
restaurer ce beau reste de l'architecture civile
romane dont la Belgique garde si peu d'exemples.
On peut voir d'autres vestiges de la mê me
époque dans les sous-sols du même édifice,
notamment un remarquable souterrain dont
nous avons naguère publié les dessins (2) et que
reproduit la vignette ci-contre.
La première construction du palais épicopal
remonte à Anselme, premier évêque sacré après
la séparation de l'évêché de Tournai d'avec
celui de Noyon. Il fut agrandi au XIIIe siècle par
Walter de Marvis; incendié en 1304, il fut
rebâti par Gui de Bologne et achevé par Guil-
laume de Ventadour ; Ferry de Clugny et Jean
Chevros l'agrandirent à leur tour.
La cathédrale elle-même est le plus vieux mo-
nument de la Belgique et l'une des plus gran-
dioses basiliques romanes du pays. Malheu-
reusement elle est encastrée dans un pâté de
constructions qui la cachent en grande partie.
Tel qu'il apparaîtrait entièrement dégagé, avec
ses cinq tours surmontées de flèches et les ma-
gnifiques absides qui terminent le transept, l'édi-
fice produirait un effet grandiose.
Le chevet du chœur surtout offrirait, s'il
était découvert, un des plus prestigieux spec-
tacles qu'on puisse rêver.
On lit à ce sujet dans la Chronique des travaux-
publics :
« Il ne faut pas compter, pour le moment, sur un déga-
gement coûteux et radical, mais un dégagement partiel et
suffisant s'impose.
Le projet, depuis longtemps préconisé par M. l'archi-
tecte Cloquet, est le dégagement du chevet de la cathé-
drale, qui semble devoir bientôt se réaliser.
11 s'agirait de percer une ouverture de 20 mètres de
largeur à travers les immeubles peu profonds qui séparent
ce chevet de la rue des Chapeliers et de transformer en
rue publique le chemin de service qui contourne le chœur
vers le Nord. Du même coup on ouvrirait une communi-
cation entre l'Hôtel des postes projeté et le quartier du
Séminaire et du Parc.
1. V. L. Cloquet, Tournai et Tournaisis, p. 157.
2. V. L. Cloquet et A. de Lagrange, Études de l'art à Tournai.
En attendant, la restauration de la cathédrale continue
toujours sous la direction de M. l'architecte Sonneville.
Cette restauration coûtera environ 600,000 francs, dont
400,000 francs à charge de l'Etat et 200,000 francs à
charge du chapitre. Elle durera une dizaine d'années. >
Le même journal ajoute :
Le projet de la construction d'un Hôtel des postes à
Tournai, que viennent de déposer MM. les architectes
Cloquet et Mortier, comprend un bâtiment à étage, le
long de la rue du Curé-Notre-Dame et, d'un côté du
Marché-aux-Fruits, une aile basse laissant voir les nefs
de la cathédrale ou du moins la chapelle paroissiale qui
les masque en partie. L'angle de l'édifice à construire est
marqué par une tourelle téléphonique visible de la rue
qui vient de la gare (rue de l'Hôpital). Une autre aile
sans étage raccordera la Porte Mantile par un alignement
oblique.
Les architectes proposent en même temps, un rema-
niement du lourd perron de la Porte Mantile (ou portail
Nord) dans lequel le bas de cet admirable portail est ac-
tuellement noyé. Il y a lieu, d'après eux, de reporter sous
l'abri du porche une partie des degrés malencontreux et
de faire un escalier beaucoup moins encombrant.
M. Delwart, échevin des travaux publics, voudrait, au
contraire, voir prolongé, jusque contre la cathédrale,
l'alignement de la rue de l'Hôpital, et élever, sur le mar-
ché, la façade principale de l'Hôtel des postes. Ainsi, on
verrait de très loin l'église et l'on aurait une place plus
régulière.
A cette idée les architectes font plusieurs objections,
indépendantes de la question du terrain perdu : une
façade à étage vers le Marché masquerait entièrement la
vue de la partie Ouest de la cathédrale (nefs romanes) ;
le bâtiment des postes ne serait plus aperçu de la rue
venant de la gare ; enfin, le raccordement de l'aile en
retour de celui-ci avec la cathédrale se ferait d'une ma-
nière défectueuse, la jonction étant indiquée, au point de
vue esthétique, au droit du portail, là où commence la
chapelle-paroisse.
La perspective à sauver avant tout, disent-ils, est celle
dont on jouit du Marché-aux-Fruits vers les nefs de Notre-
Dame, et leur projet la ménage amplement. Le bâtiment
projeté étant conçu dans le même style que la cathédrale,
il est avantageux qu'il se présente, même de l'autre coté,
comme avant-plan du monument roman, au lieu d'être
dissimulé.
Il paraît qu'on s'est mis d'accord, sauf l'approbation de
monsieur le Ministre, sur une solution transactionnelle
qui reculerait le coin de l'Hôtel des postes à peu près jus-
qu'à l'angle de la rue de l'Hôpital, tout en conservant l'aile
principale le long de la rue du Curé-Notre-Dame. Ce
recul entraînera l'acquisition d'un immeuble en plus. Dès
lors on serait amené assez logiquement à une transfor-
mation complète de tout le front sud de cette dernière rue.
Pourquoi, en effet, ne pas reculer ce front, pour l'ali-
gner de ce côté avec la rue de la Cordonnerie, et rebâtir
les deux ou trois maisons formant le coin et joignant les
Anciens-Prêtres en style approprié ? On aurait alors, sur
tout le contour de l'îlot, du portail Nord au grand portail
de la cathédrale, un ensemble complet, de style monu-
mental, qui remplacerait et rappellerait les anciennes
annexes capitulaires de Notre-Dame.
— KIM— — JOt-
Chronique.
273
Varia.
X poursuit la restauration de l'église de
Wervicq ; la tour doit être surmontée
d'une flèche nouvelle.
On en est à la dernière série des
travaux pour la restauration de l'église de Wal-
court. Le mobilier va être refait en style du
XVe siècle d'après les plans de M. Langerock.
L'église de Baelen sur Nèthe (Anvers) a été
rangée dans la 2e classe des édifices monu-
mentaux du culte.
On projette la restauration de l'église de Foy-
Notre-Dame (Namur). Cette église possède un
plafond peint à caissons très intéressant ; elle a
été classée dans la 3e classe des monuments, ainsi
que l'église-forteresse d'Autelhaut(Luxembourg).
Gand. — M. Verhaegen vient d'achever et
d'envoyer à l'autor'œ supérieure les plans pour
la restitution du château de Gérard-le-Diable. Ce
monument aura environ le double de son impor-
tance actuelle. La partie à ajouter a existé
autrefois. Le tout formera un excellent dépôt
pour les archives.
Les bureaux seront installés dans une annexe
conçue par l'architecte dans un style de la même
époque.mais moins sévère que le style du château
proprement dit. Le travail de M. Verhaegen est
digne de tous les éloges.
On va restaurer la tour du Burbant à Ath, et
de rares donjons de l'époque romane que con-
serve la Belgique.
— J€H— -i®i—
Félicitons M. le curé de Kessel, qui a la bonne
inspiration de rétablir dans son église la croix
triomphale. Rien n'est plus souhaitable, que
la remise en honneur partout de cette grande
image du divin Crucifie, qui jadis partout planait
à l'entrée du chœur. Le chœur de l'église de
Kessel possède de beaux vitraux dûs à feu Me
Bethune ; il est question d'en placer des
nouveaux; puissent-ils être dignes de ceux aux-
quels ils doivent faire suite.
A Rebaix (Hainaut) l'église garde aussi une
croix triomphale, non sans mérite, remontant au
XVe siècle. On voulait la vendre ; mais la Com-
mission des monuments est intervenue pour la
faire reprendre et faire placer à ses côtés sur des
socles, les statues de S. Jean et de la Vierge,
également anciennes.
Des vestiges de peintures murales ont été
découverts à l'église de Mespelaer (Flandre
Orientale). Malheureusement elles ont été dé-
truites avant même que l'on ait pu en prendre
note. M. l'architecte provincial Mortier a pu
constater qu'elles dataient, à en juger par leur
style, du XVe au XVIe siècle.
Celles que l'on a trouvées naguère dans l'an-
cienne église de Laeken (Brabant) ont été soi-
gneusement copiées par M. Bressers. Là encore,
on s'est hâté de les faire disparaître. Fort heureu-
sement la copie de M. Bressers permettra de les
restituer.
— KS?< ■■ i®<—
M. Osterrath, fils, le successeur du regretté
peintre-verrier de Tilf (Belgique), est chargé de
placer cinq verrières au chœur de la collégiale de
Louvain.
M. Franz Kegeljan, le peintre belge connu,
vient d'entreprendre en une suite de douze
tableaux, la reconstitution du Vieux Xamur,
dont l'aspect caractéristique tend à disparaître
par de fâcheuses transformations. Parmi les
sites étudiés par l'artiste, on cite : le Château-
fort avec la porte de Grognon et le pont de la
Meuse ; l'ancien Musée avec la porte Gravière ;
la Basse-Sambre et les moulins ; la vieille
Porte - Hoyuoul ; les Écluses de la Plante ; la
chapelle Notre- Dame-du-Rempart, etc. Ces
peintures sont destinées au Musée de Namur.
vu, *$.. os. an, «g, «as. os os. «g. «« .*» .'». •&. *&. «as, »». *» «a; os, as •». •$•«&.-&,
^ï«5?55J«Si?
Ϋ5s,*b'«W»W>ïcï55[S
Ue X)r Fran? Bock.
— r©*
-K>i—
LA Revue allemande Zeitsclirift fiir Clirist-
liche Kunst consacre au défunt les lignes
suivantes, que nous traduisons en nous associant
aux sentiments qui y sont exprimés.
Franz Bock est décédé à Aix-la-Chapelle à l'âge
de 76 ans. Quoique cet archéologue n'ait pas été
en rapport avec notre Revue, elle ne saurait, au
moment de la mort de Bock, passer sous silence
ses grands mérites dans le domaine de l'étude et
de la renaissance de l'art médiéval.
Doué de talents peu ordinaires et d'une intel-
ligence remarquable de l'art chrétien, et surtout
en ce qui concerne les arts décoratifs du moyen
âge, il sut, alors qu'il était encore étudiant, se
passionner lui-même et inspirer aux autres l'ad-
miration qu'il professait pour l'art consacré au
culte. Devenu prêtre en 1S50, il ne cessa de col-
lectionner les objets d'art ecclésiastique et notam-
KEVUB DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 3nic LIVRAISON.
274
3&rtue lie T&rt chrétien.
ment les tissus ; par des études et des voyages
répétés, il s'était acquis une somme considérable
de connaissances. Par de nombreuses publica-
tions parmi lesquelles il convient de citer en pre-
mière ligne « Die Kleinodien des kl. Romischen
ReichesDeutscher Nation f> et « Die Gesclnchte der
liturgischen Gewaendes des J I ittelalters », livres
qui dénotent plutôt une intelligence intuitive et
un grand esprit d'observation que de savantes
recherches, les connaissances qu'il s'était acqui-
ses pénétrèrent aussi bien dans le monde reli-
gieux que chez les laïcs ; il gagna une véritable
influence et de nombreux adeptes, notamment
parmi les artistes qu'il savait inspirer et diriger
en les mettant en rapport avec les beaux modèles
du moyen âge. Il est demeuré fidèle jusqu'à la
mort à sa voie et à la direction qu'il avait prise,
malgré les coups du sort et les fluctuations d'une
vie agitée. Le zèle sans trêve ni repos avec lequel
il poursuivait ses collections, a servi à enrichir
plus d'un musée, de même que ses publications
furent estimées, bien que leur style un peu am-
poulé ne soit pas de nature à captiver le lecteur.
Bock mérite une place à part parmi les écrivains
i. conseillers des artistes »et les hommes qui ont
travaillé « à décorer la maison de Dieu. » R. I. P.
Imprimé par Desclee, De Brouwer et Cta, Bruges.
j ËiffiSSHSS^^HB^^EJfflS^IDSSSS^Iil
Beïme tie
l'Hrt chrétien
$> paraissant tous les beur mais.
42me Hnnée. — 5e Série.
(Came X (xLvine be la collection).
£ 4me livraison. — -Juillet J899.
s
0
w^wiwmwn^vmwiWi^^wwmwn
Ht !Qrtcuré oe la " !Rate<aur^BonsORommes(,) ie3*
Hngers". -Bon église et les peintures qui la Décorent.
Hnalysc Des peintures De rérjlise pricu-
talc De la Raie = aur = Bons Sommes.
lE botaniste, après avoir
décric les fleurs aux
riches couleurs, les dis-
sèque pour les connaître
dans leur structure in-
time. Nous ferons com-
me lui, après avoir décrit
dans leur ensemble les peintures de l'église
prieurale de la Haie-aux-Bons-Hommes,
nous allons les analyser dans leurs détails.
« Les hystoires painctes » et les symboles
nous les expliquerons, chemin faisant, en
devisant.
L'abside.
La clef de voûte. — La clef de voûte de l'abside
est fort curieuse. L'encadrement est formé d'un
grand cercle noir sur lequel se trouvent des pal-
mettes rouges à bord blanc entre deux cercles
jaunes. Le tout est inscrit dans un encadrement
1. Voy. la 3me livraison, page 213.
KfcVuti DE l.'AKT CHKHTIKN.
1899 — 4"le LIVRAISON.
hexagonal à grands fleurons rouges dont les
bords sont blancs cernés de noir. On dirait une
de ces clefs de voûte ajourées et sculptées que l'on
voit si souvent dans les charpentes anglo-nor-
mandes du XIVe et du XVe siècle. Au centre,
sur un fond bleu tendre, se trouve le Christ
bénissant. Les traits de son visage, sa chevelure,
sa barbe, son auréole crucifère sont peints à
l'ocre rouge. De sa main gauche, le Sauveur
tient le globe surmonté de la croix, symbole de
la puissance. Un manteau rouge est jeté par-
dessus sa robe blanche très curieuse décorée de
croix noires, rouges au centre et reliées en
losanges par des traits rouges et noirs.
Les voûtains. — Les parties A de la voûte ren-
ferment un joli rosier dont les tigelles bleues for-
ment de délicieuses arabesques. Les roses, de cou-
leur brun rouge, portent à leur centre un point
jaune. — Dans les parties B,se trouvent de grands
cercles jaunes avec des aigles éployées et des
lionsdont les contours bruns grossièrement peints
ont presque complètement disparu aujourd'hui.
Entre les cercles jaunes, sont disposés des mar-
guerites bleues et des losanges dont les bords
bleus, coupés d'une ligne blanche, renferment des
quatre-feuilles bleues accostées de petites feuilles
276
WitWt tic l'&rt dnctteu
de la même couleur. Ces losanges forment le
milieu de grandes croix composées de tigelles
de couleur brun rouge recourbées et terminées
par des trèfles.
Arcs-formerets romans. — Les arcs-formerets
romans comprennent un double encadrement
brun rouge au milieu duquel, sur un fond noir,
se détachent de jolis feuillages blancs, avec
nervures alternativement rouges et bleues. —
Cf. la planche IV, n° 17.
Appareils de la voûte. — Entre les arcs-for-
merets de la voûte et les tiercerons se trouve un
appareil brun rouge au milieu duquel trois tiges
bleues portent <i fleurs d'églantier et lis et roses ».
Au-dessous des arcs-formerets, des tiges bleues
forment un buisson très tourmenté.
Clef des arcs-tiercerons. — A la rencontre des
liernes et des tiercerons, se détachent à mi-corps,
de petits anges, les mains jointes. Leurs vête-
ments sont alternativement rouges et bleus.
La fresque de la Vierge. — Au fond de l'ab-
side, entre la corniche et l'arc-tierceron, se trouve
une frise aujourd'hui en fort mauvais état, mais
très intéressante. Nous n'avons pu en faire le
relevé, à notre grand regret. Au centre, la
Ste Vierge est assise sur un trône qui rappelle
les grands « faldistoirs )) des Mss du XIIIe et
du XIVe siècle. Elle tient sur ses genoux l'en-
fant Jésus. La couronne qu'elle porte est jaune
à trois fleurons trèfles. De la tête de la Vierge,
dont les traits sont effacés, tombe, sur la poitrine
et sur les épaules, un voile bleu. La robe de la
Ste Vierge et celle de l'enfant Jésus sont rouges
avec un semis de croix noires. — De chaque côté
du groupe, deux anges au visage gracieux, les
ailes étendues, sous l'arc-tierceron, sont agenouil-
lés. Ils sont vêtus de bleu et tiennent des en-
censoirs jaunes à chaînettes noires qu'ils agitent
devant l'Enfant divin.
Cette fresque est à la place d'honneur. Bien
des fois les religieux, après avoir médité sur « la
voie de Paradis », ont dû jeter leurs regards vers
« Madame Ste Marie ». Bien des fois, ils ont dû
adresser à la divine Mère la prière du poète :
Roine débonoire
Les iex du cuer m'esclaire,
Et l'obscurté m'esface,
Si qu'à toi puisse plaire,
Et ta volonté faire :
Car m'en donne la grâce (').
1. Kutebeuf, Le Miracle de Théophile, V. 507.
Arc triomphal. — Les deux petites colonnes
engagées de chaque côté de la nef, à l'intérieur
de l'abside, étaient autrefois coloriées, la pein-
ture a disparu le long du fût. Les feuilles d'eau
du chapiteau étaient rehaussées de nervures
rouges et bleues. — L'arc triomphal lui-même,
le long de la voûte, est formé d'un encadrement
rouge et jaune. Au milieu, sur un fond noir, se
détachent de longues palmettes d'eau, comme on
en trouve souvent dans les peintures de l'école
poitevine. Les hachures sont alternativement
bleues et rouges. — Le tore qui limite la voûte
de la nef est décoré d'une torsade noire sur fond
jaune. — Cf. la planche IV, n° 15.
La nef.
Voûte de la nef. — Clefs de voûte. — Travée
C. — L'encadrement de la clef de voûte, en par-
tant du centre, est formé d'un filet noir, d'une
bordure jaune et d'un grand ruban noir sur lequel
se détachent très nettement de grandes feuilles
blanches à nervures bleues. Du pied de ces
feuilles, sort une petite feuille rouge a bord blanc.
Au milieu, sur un fond bleu semé de croix noires,
se trouvait la Vierge dont la chevelure couleur
brun rouge se détachait sur une auréole jaune. Sa
robe était brune, il n'en reste presque plus rien.
La figure et tout le milieu du corps ont disparu.
Au rebord de la clef de voûte, du côté Ouest, on
voit, séparés par la lierne, ces deux mots de la
Salutation angélique : « <àU€ $® &!&,'$$. ».
Du côté Est on soupçonne le texte suivant :
« EC(B3ilîa a£1ë> (en) CâDEHDjtfC ».
Cf. la planche IV, travée C, n° 5.
— Travée D. — Le fond de la clef de voûte a
disparu, il ne reste plus que quelques détails qui
nous ont permis d'en restituer le dessin. A l'in-
térieur, se trouve un cercle jaune; tout autour, sur
un fond noir, apparaissent des groupes de tigelles
blanches à feuilles recourbées dont les hachures
sont rouges. Entre ces feuilles, près du cercle in-
térieur jaune, il y a des trèfles blancs dont l'inté-
rieur est jaune ; à l'extérieur, entre les groupes de
feuilles, d'autres trèfles complètement jaunes,
servent de bordure. — Cf. la planche IV, travée
D, n° 6.
— Travée E. — Deux cercles (rouge et jaune)
sont inscrits dans une bordure blanche à filet
bleu de forme octogonale. De chaque côté des
Ht prieuré &e la $afe*atu'*15ong gommes. 277
fleurons trèfles de l'octogone partent deux petites
feuilles blanches avec hachures rouges. Entre
elles, vers leur pointe.se trouve un trèfle blanc à
centre bleu. Le champ de cette clef de voûte est
bleu ; il porte un « Agnus Dei » dont les yeux
sont finement dessinés en noir. Les diverses
parties de sa toison sont marquées par quelques
traits rouges. Il porte un gonfanon à trois pointes
et la terre sur laquelle il repose est brune. — Cf.
la planche IV, travée E, n° 2.
— Travée F. — La clef de voûte de cette
travée est très simple, mais fort belle ; un filet
rouge et un filet jaune, de grandes feuilles blan-
ches à nervures rouges en forme de torsade sur
un fond noir, composent tout l'encadrement. Au
centre, sur un fond bleu de cobalt, se détache
S. Jean-Baptiste. La tête barbue du Précurseur
est dessinée en brun sur une auréole plus foncée.
La toison qui lui sert d'habit est de couleur jaune
avec une large bande ardoisée sur la poitrine. Le
Saint tient un livre de la main gauche et il bénit
de la main droite. On remarque une sorte de
listel sous le bras droit. Ce personnage a été peint
par un homme maître de son pinceau ; on ne
sent nulle part la moindre hésitation. On remar-
que sur les mains, sur le livre et sur la manche
droite quelques traits rouges pour accrocher la
lumière en donnant du relief. — Cf. la planche I V,
travée F, n°4.
— Travée G. — Les couleurs de cette clef de
voûte sont moins riches. Le cadre se compose
d'un cercle jaune uni, d'un filet brun rouge et d'un
large tour blanc fleuronné avec rehauts bleus.
Un ange, les mains jointes, occupe le centre de
couleur bleue. L'auréole, les traits du visage, les
cheveux, les mains finement dessinées, les ailes
sont de couleur ocre. La tunique est blanche avec
collet jaune orné de traits qui se coupent en X.
Les parements des manches sont bruns. — Cf. la
planche IV, travée G, n° 3.
Clefs des arcs-doubleaux. — Les arcs-dou-
bleaux ont leur clef formée de cercles jaunes, au
milieu desquels se trouvent des quatre-feuilles
avec hachures alternativement rouges et bleues.
— Laclefdel'arc-doubleau entre les travées D-E
est particulièrement intéressante. Dans le cercle
jaune, quatre têtes de femmes couvertes d'une
guimpe se touchent par le menton. Ces figures
sont dessinées en brun, à part les yeux qui sont
bleus. De petits feuillages bleus les séparent. —
Cf. la planche IV, travée, n° 7.
Clefs des arcs-formerets. — A la clef des for-
merets se trouvent des personnages ou des ani-
maux, des mascarons, dans le genre de ceux que
représentaient fréquemment les sculpteurs du
moyen âge à l'endroit où les liernes rencon-
traient les arcs-doubleaux ou les formerets.
— Travée C. — Côté Sud. — Buste de moine.
— La tête regarde l'abside ; elle porte des che-
veux de couleur jaune, coupés en couronne.Vêtu
d'un habit bleu, le moine tient dans ses mains un
parchemin et il chante. — Côté Nord. — Buste
de moine. — Ce religieux a la même attitude que
celui d'en face. Comme lui, il porte la couronne
monastique de même couleur. Son habit est à
manches bleues. La poitrine est couverte d'un
scapulaire jaune. Sur le dos, on voit une sorte de
bâton terminé par deux pommes rouges. — Cf.
la planche V, travée C, n°24.
— Travée D. — Côté Nord. — Un petit per-
sonnage émerge d'un cul-de-lampe à feuillages
rouges, liserés de blanc ; il porte sur la tête un
écusson. Sa chevelure, divisée sur le front, est très
abondante, elle est peinte couleur ocre ainsi que
les traits du visage. — Son habit est bleu. —
L'écusson est très curieux et très important, il
pourra nous aider à déterminer la date des pein-
tures de l'église. Nous ne retrouvons point dans
ce blason l'application de toutes les règles de
l'art héraldique. C'est une œuvre de fantaisie. Le
champ et le chef sont tous les deux de couleur
jaune ; généralement quand il y a deux parties
dans un blason, leurs émaux sont de couleurs
différentes. Voici comment on doit le lire : «D'or
« à deux fleurs de lis de sable, au chef d'or et à la
« clef de sable brochant sur le tout. » Il y a là, il
nous semble, une réminiscence ; le peintre a pensé
reproduire, de mémoire, les parties et les meubles
des armoiries d'Angers : « De gueules à la clef
«en pal d'argent, au chef d'azur, chargé de deux
« fleurs de lis d'or» ; il a changé seulement les
émaux et les meubles de place. — Côté Sud. —
Sorte de « Janus bifrons ». Deux têtes sous la,
même couronne royale (jaune) à trois fleurons
trilobés. Les cheveux et la barbe de ces deux
figures accolées sont bleus, les yeux, la bouche
278
Bebue toc V&xt chrétien.
et les sourcils sont de couleur noire. — Cf. la
planche V, travée D, n° 23.
— Travée E. — Côté Nord. — Léopard man-
geant deux têtes. — La tête du léopard «moult
« de fier regart» est traitée avec verve et grande
habileté. Les paupières supérieures, la prunelle
des yeux, l'extrémité du nez ont été peintes en
noir ; les traits principaux en brun rouge. — Les
deux têtes que l'animal tient dans sa gueule
portent une épaisse chevelure. Les paupières, le
profil ont reçu quelques retouches jaunes qui
éclairent le visage et lui donnent une très grande
expression. — Côté Sud. — Personnage accroupi
supportant un entablement. L'entablement est
jaune avec des traits noirs qui en séparent les
diverses parties. — Le personnage, faiblement
dessiné et peint en rose, est en fort mauvais état.
— Travée F. — Côté Nord. — Tète de lion.
— L'animal tient un listel dans sa gueule large
et fendue « moult grinçante ». Sa langue pendante
est rouge, cernée de blanc. Le ton général est bleu
ardoisé avec quelques rehauts blancs et verts.
— Côté Sud. — Deux têtes de poissons accolées,
dont la gueule ouverte mord l'arc-formeret. L'une
a l'œil ouvert et des dents très pointues à la mâ-
choire supérieure, l'autre a l'œil «dormant ». Ces
deux têtes rappellent celles qu'on trouve fré-
quemment aux entraits des églises de Bretagne ;
elles sont peintes en vert avec nervures noires et
rehauts bleus. — Cf. la planche V, travée F, n° 25.
— Travée G. — Côté Nord. — Tête de mons-
tre à face humaine. — L'animal porte des cornes
et une coiffure dont les pans encadrent les joues
un peu à la façon des sphinx de l'Egypte. Les
yeux, d'une vivacité étonnante sous d'épais sour-
cils, regardent de travers. Le nez, le rictus des
lèvres, le menton très fort donnent à cette étrange
figure une énergie d'expression étonnante très
« espoentable >>. La couleur de la bête est le bleu
ardoisé. Les traits dessinés en noir sont accentués
par quelques lignes blanches. Au-dessus de la
tête, on lit de chaque côté de la lierne «j]î£l&-
T£>!à (a) IL pour « nar-Baal », vieille expression
orientale d'origine égyptienne qui signifiait «nom,
puissance de Baal (')». C'était l'un des noms que
I. Cf. Mém. de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. ic série, t. X,i897. — Étude de M. Robiou sur les
religions syro-babylon. et l'Éran.
le moyen âge donnait au démon. L'aspect de la
« beste » fait songer au « Harballeur» toujours
en quête d'une nouvelle proie «quaerens quem
« devoret ». — Côté Sud. — De ce côté se trouvait
la représentation du Loup, comme le témoigne
l'inscription <<31»>(E.-ï£-(lf5E3] (n) ».I1 ne reste plus
rien du personnage, tout est effacé. On était aux
XIIe, XIIIe et XIVe siècles très occupé des
exploits de « Goupil le Renart » et du « loup
« Isengrin son chier compère. » Notre peintre
avait lu probablement l'épopée héroï-comique du
« Renart », il connaissait le « Renart le Nouvel »
composé par Jakemar Gelée à Lille en Flandre,
l'an de Notre-Seigneur 1288, il s'était diverti à
la lecture de « Renart le contrefait » que donnè-
rent des trouvères champenois au début du
XIVe siècle. Ces livres satiriques couraient dans
toutes les mains, ils entraient même parfois dans
les cloîtres. Gautier de Coinsy, dans son livre des
« Miracles de la Vierge » 1233, censure les
hommes d'Église qui
En lor moustier ne font pas fère
Si tost l'image Nostre Dame
Corn font Isengrin.
Appareils des voûtains. — Les peintres
décorateurs du moyen âge ont toujours con-
formé leurs peintures à la structure des
édifices. Logiciens en tout, c'est en suivant
les règles imposées par la raison qu'ils
ont adopté ces appareils si fréquents dans
l'ornementation des voûtes et des murs du
XIIe au XIVe siècle. Les appareils de la
voûte de la Haie-aux-Bons-Hommes sont
arrangés à la façon des petits appareils des
voûtes à nervures, les uns sont perpendi-
culaires, les autres parallèles aux liernes qui
relient la clef de voûte aux arcs-doubleaux.
Ils sont de la plus grande simplicité et tou-
jours tracés en couleur brun rouge sur fond
blanc teinté de rose. Filés au pinceau, ils
font valoir les clefs de voûte, les arcs, les
liernes, la litre, tout le reste de l'ornemen-
tation plus compliquée et chargée de cou-
leurs plus variées sur fond noir. Le centre
des appareils est orné de jolies plantes dont
"Kiuuir te l'Hit rtjrctim.
El.V.
* xn*^*
48
NJ.^
49
>o
/)
5'
• » .
** ' /<
firieuréDe la Eaie-aur-B.-H.
Peintures De l'église (Détails)
3le prieuré fce la ^ate*auj^Bon0#ûmim0. 279
la tige et les branches sont bleues ; les
fleurs et les boutons sont de couleur brun
rouge. Les motifs varient à chaque travée,
entre la corniche et les arcs-formerets, dans
les voûtains 2, 3, 4, 5. Ce sont ordinaire-
ment des fleurs très délicates, des lis, des
roses, des campanules exécutées avec une
grande sûreté de main. « Nous avons été
« principalement frappé de l'élégante végé-
« tation qui tapisse les voûtes, écrivait
« M.Godard-Faultrier.en i84Ô.Çà et là vous
« voyez des fleurs étoilées, des tiges déli-
« cates et grimpantes, vous diriez des myo-
«sotis herbacés, des lianes comme il doit
« s'en trouver dans les bois qui avoisinent
« cet ancien prieuré. » Cf. la planche V,
nos 40, 4 1 .
Corniche.
Le larmier de la corniche est peint en
jaune, la gorge, à la partie supérieure, porte
une bande brune au-dessous de laquelle se
trouve un rinceau assez compliqué de cou-
leur ocre. Le tore est brun rouge.
La litre.
La litre qui s'étend au-dessous de la
corniche se compose d'un encadrement
rouge et jaune. Le milieu, dont le fond est
noir, porte un méandre coloré en brun rouge
et en blanc. Chaque ton du méandre est
modelé au moyen de trois hachures paral-
lèles d'un ton plus accentué et dont la lar-
geur augmente à mesure qu'elles se rap-
prochent des bords postérieurs. Ces hachures
sont en brun foncé pour les parties brunes,
bleues pour les parties blanches. De distance
en distance, sont inscrits, dans le méandre,
de jolis bouquets de palmettes avec des
hachures bleues et rouges sur fond noir.
De chaque côté de la nef, à partir de la
grande fenêtre de l'Ouest, il y a dans les
travées F. G. à la place des palmettes toute
une série d' « hystoires ». Du côté Nord,
c'est l'histoire de Joseph, le fils de Jacob ;
du côté Sud, Adam qui donne leurs noms
aux bêtes et toute une suite d'animaux
symboliques.
Côté Nord. — Histoire de Joseph le fils de
Jacob. — Embrasure de la fenêtre de l'Ouest. —
Sur le ruban jaune de la litre on lit : (Hl)C
(I)NCIPIT (HI)ST(ORIA) DE (I)HOSEP. Au-
dessous de cette inscription se trouve le songe de
Joseph. « Vidi per somnium quasi solem et
« lunam et stellas undecim adorare me. — J'ai
« cru voir en songe que le soleil, la lune et onze
« étoiles m'adoraient.» {Gen., XXXVIT, 9.) Joseph
repose nu, suivant l'usage du moyen âge; sa tête
est appuyée sur un oreiller, d'épaisses couvertu-
res couvrent une partie de son corps et retom-
bent en larges plis le long du lit. Dans le ciel du
tableau apparaissent sept étoiles rouges à six
pointes. — Cf. la planche V, n° 32.
Toutes les scènes placées sur le mur de l'Ouest
et dans la travée G, jusqu'au n° 1, ont disparu.
C'est à peine s'il reste çà et là quelques têtes,
quelques taches de couleurs.
N° 1. — Joseph est vendu par ses frères. —
« Vendiderunt eum Ismaelitis viginti argenteis ».
{Gen., XXXVII, 28.) Les frères de Joseph, vêtus de
bliauts serrés à la ceinture et de couleursvariées,
finissent le marché et donnent la main aux mar-
chands Ismaélites par-dessus la tête de celui dont
ils veulent se défaire. L'un des marchands a la
tête couverte de la « calette » noire et il porte
le bliaut. L'autre a une longue chevelure ; ses
épaules sont couvertes d'un long manteau, et près
de lui se trouve un chameau. — Cf. la planche V,
n°33-
Travée F. N° 5. — - Joseph est emmené en
Egypte par les marchands. « Qui duxerunt eum
« in Egyptum ». {Gen., xxxvn, 28.) Joseph, vêtu
d'un bliaut à col jaune et d'un maillot rouge est
monté sur un chameau très bien dessiné. Derrière
lui suivent à pied les marchands. — Cf. la plan-
che V, n° 39.
N°4. — On apporte à Jacob la robe ensan-
glantée de son fils. « Tulerunt autem tunicam.
« Hanc invenimus, vide utrum tunica filii tui sit
« an non. » {Gen., xxxvn, 32.) Parmi les fils de
Jacob, les uns sont coiffés de la « calette », les
autres ont la tête nue. Deux personnages à
28o
Bcbuc tir P&rt chrétien.
bliaut se détachent du groupe, l'un d'eux tend
au père la robe ensanglantée ornée de grands
cercles bleus. Jacob est debout près de sa maison
il est coiffé d'une toque et vêtu d'un bliaut rouge
clair sans ceinture. — Cf. la planche V, n° 35.
N° 3. — La femme de Putiphar parle à Joseph.
€ Qui nequaquam acquiescens operi nefario dixit
« ad eam : Quomodo ergo possum hoc malum
« facere et peccare in Deum meum ? — Joseph
■• ayant horreur de consentir à une action crimi-
« nelle dit à la femme de Putiphar : Comment
<< donc pourrais-je commettre un crime et pécher
« contre mon Dieu ? » (Ge/i., XXXIX, 8, 9.) Joseph
dont les traits sont bien dessinés est debout.
Il porte sur la tête la «calette», il est vêtu d'une
robe bleue à manches rouges que recouvre une
petite cape bleue à capuchon. La femme de
Putiphar est debout et gesticule : elle est coiffée
de la guimpe et porte une robe jaune. Elle est
devant sa maison peinte en jaune et en rouge. —
Cf. la planche V, n° 37.
N° 4. — Fuite de Joseph. « Qui relicto in manu
« ejus pallio fugit et egressus est foras. — Joseph
« laissant son manteau entre les mains de la
« femme de Putiphar s'enfuit et sortit hors du
<< logis.» (Gen., XXXIX, 12.) Ici le peintre a dû être
fort distrait. C'est la femme de Putiphar qui s'en-
fuit. Joseph vêtu d'un habit rouge tient le man-
teau, il a l'air très embarrassé et en « grant
« angoisse ». — Cf. la planche V, n° 36.
N° 5. — Joseph est mis en prison. « Tradidit-
« que Joseph in carcerem. — Le maître de
<i Joseph le fait mettre en prison. »(GV«„ XXLIX,
20.) Un personnage couvert d'un bliaut rouge
sans ceinture pousse Joseph en prison. Le mal-
heureux intendant, les deux bras en avant, est
rudement bousculé ; il porte un long bliaut bleu
à ceinture. — Avec la scène du n° 5, « explicit
«, historia de Joseph ». — Cf. la planche V, n° 38.
Côté Sud. — Les sujets que l'on trouve de ce
côté sont du plus haut intérêt. Dans l'évasement
de la grande fenêtre et sur le mur Ouest se trou-
vent deux scènesqui font partie d'un même tout,
comme l'indique l'inscription suivante placée à la
partie supérieure de la litre : « BESTI(l)S
«ADAM QVI INPOSVIT NOMINA». Dans
l'embrasure de la fenêtre, Adam vêtu et assis,
montre du doigt et nomme les animaux qui se
présentent successivement dans le cadre suivant.
Le Père du genre humain a une pose gracieuse,
empreinte d'une grande majesté. Des animaux
qu'il nomme, on ne voit plus que la tête, le reste
est complètement effacé. — Cf. la planche V,
n° 34-
Sur le mur du Midi, le long du cloître, se trouve
toute une série d'animaux. Le moyen âge aimait
ces représentations, il les a multipliées dans la
décoration peinte et sculptée, aux balustrades
des clochers, aux plomberies des toitures, aux
encorbellements des galeries. Il les a mises dans
les vitraux, sur les tissus, les tapisseries et les
broderies, partout le long des murs, dans les
églises, dans les châteaux. Ces animaux étaient
des symboles dont on trouvait la clef dans les
Bestiaires, les Physiologes, les Commentaires de
la Bible et les Sermons. Le symbole que définis-
sait Hugues de St- Victor « la représentation
« allégorique d'un principe chrétien sous une
« forme sensible » est vieux comme le monde.
L'ancienne loi fut une traduction anticipée de
la nouvelle. « Tout arrivait aux Hébreux en
figures, » nous dit l'apôtre des Gentils. Notre-
Seigneur rappela ce fait à ceux qui le sui-
vaient. Son langage aussi fut bien souvent sym-
bolique. Que de fois, pour se faire comprendre
des foules, il employa les paraboles ! — « Une
« chose notifiée par allégorie, disait S. Augustin,
« est plus expressive, plus agréable, plus facile
« à comprendre qu'énoncée en termes techni-
« ques. » On aimait au moyen âge le symbolisme
dont sont remplis les Bestiaires et l'on repré-
senta par des animaux réels ou chimériques les
passions du cœur humain, les vertus et les
vices (').
N° 5. — « LEO ». Le Lion. — La série des
animaux symboliques commence par le plus
noble.
Ceo qui en grié est leun, en français rei a nun.
Le lion, le roi des animaux, est le symbole de
Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Li leun senefie le filz Sainte-Marie.
Reiz est de tout gent (-).
1. Sur le symbolisme, Cf. Huysmans, La cathédrale,
pp. 119-121.
2. Cf. Ph. de Taun, The Bestiary, p. 75.
île prieuré De la ^ate^aujc-Uôons^ommes. 281
Le lion, c'est le Christ ressuscité qui a triomphé
du péché, de la mort et de l'enfer. « Dicitur
« Christus leo quia fortis est et sine timoré et
€ quia sicut leo praemortuus nascitur et tertia
« die ad vocem patris excitatur, ita Christus die
4. tertia ad vitam surrexit ('). »
Le lion symbolise encore la réunion des deux
natures en Jésus-Christ. D'après la légende, le
lion n'a de force que dans ses membres anté-
rieurs. Dieu a mis le siège de la beauté, de la
force dans sa figure et sa crinière. Par la tête, le
poitrail, les deux pattes de devant il représente
la divinité du Christ, par la partie postérieure il
signifie l'humanité du Fils de Dieu assujettie à
nos misères.
Le traict qu'il a derrière
Demunstre humanité
De mult grêle manière
Qu'il out ot Déité (') !
Le lion, quand il dort, a les yeux ouverts et
étincelants. Les païens en avaient fait l'un des
emblèmes de la vigilance, les chrétiens virent dans
ce caractère du lion un symbole de la nature
divine que n'atteignit pas le tombeau où l'hu-
maine nature de Jésus-Christ subit une mort
véritable (3).
On voyait encore dans le lion une« allusion »
au mystère qui voilait la divinité du Sauveur.
Quand le lion fuit vers la montagne, devant les
chasseurs, il efface ses pas avec sa queue traî-
nante. C'était l'image du Fils de Dieu cachant
sa nature divine sous les traits de l'homme
pour dérouter la curiosité criminelle du « mauves»
et des hommes méchants (4).
N° 4. — « LEOPARDVS ». — Le Léopard.
— Le léopard c'est le païen, l'hérétique autre-
fois accablé sous le poids de ses fautes, aujour-
d'hui revenu à la vérité. Les taches de sa vie
ancienne ont été effacées par le baptême et la
pénitence (s).
N° 3. _ « VNICORNUS ». — La Licorne.
— Le peintre a représenté sous le texte une
scène fort jolie. La licorne, poursuivie par un
1. Cf. Anselm Cantuar. Enarrat. in Apoc, V.
2. Cf. Ph. de Cham, The Besiiary, p. 75.
3. Cf. Brun. d'Asti. — Commentar. in Gen., c. XLIX.
4. Cf. passim S. Epiphane, Physiologus, tous les com-
mentateurs.
5. Cf. Annales archéol.de Didron, pp. 103-104.
chevalier vêtu de son haubert, se réfugie dans le
giron d'une pucelle dont la pose est gracieuse au
possible. — La licorne « ceste beste merveil-
« leuse » — € Qui une corne a en la teste », tient
de la chèvre par sa barbiche et la fourche de son
pied, du cheval par le reste du corps. Elle était le
symbole de la chasteté. Quand les chasseurs
voulaient prendre la licorne, ils envoyaient une
jeune fille dans la forêt où elle avait son gîte.
Dès qu'elle l'apercevait, cette bête, qui d'un coup
de son pied tranchant comme une lame tuait un
éléphant, se radoucissait aussitôt. Elle accourait,
se couchait sur les genoux de la jeune fille et
se laissait prendre par les chasseurs. — La
licorne <i senefiait » encore Notre-Seigneur (x).
Jhesus-Christ nostre Sauveur,
C'est l'unicorne espirituel
Qui entre la Vierge prist ostel (-).
Notre-Seigneur, le modèle des vierges, fut sou-
vent représenté au moyen âge monté sur une
licorne blanche. C'est ainsi qu'on le voit sur les
tapisseries qui servaient à St-Pierre de Rome à
la procession du « Corpus Domini ». — Cf. la
planche V, n° 31.
N» 2. — « ELEPHAS». — Un éléphant de
couleur bleue ardoise sanglé de rouge porte sur
une housse jaune une tour de même couleur.
L'éléphant était regardé comme le plus religieux
des animaux. Il était le symbole de la Religion.
Au rapport de Pline, l'éléphant adorait le soleil
et les étoiles. A la nouvelle lune, il allait se bai-
gner dans les rivières, puis après s'être lavé, il
semblait invoquer le secours du ciel. — L'élé-
phant était encore regardé comme le symbole
de la tempérance (3) — Cf. la planche V, n0ç.
N° 1. — « MILES ». Un homme vêtu d'un
bliaut bleu est monté sur un cheval rouge et
sonne de l'oliphant. — Cf. la planche V, n°2Q.
Travée F. — N° 5. — « VENATOR ». — Le
Chasseur. — Un homme à pied, vêtu d'un bliaut
bleu à capuchon jaune, tient dans sa main un
arc, il sonne de la trompe. Devant lui court un
lévrier de couleur rouge. — «Venatores daemones
« vel homines pravi, » disait S. Méliton (4). — Je
1. Cf. le Bestiaire divin, p. Hippeau.
2. Cf. le Bestiaire fr. rimé, t. I, p. 126.
3. Cf. Didron, Ami. Arch., XVII, p. 267, xxv., p. 296.
4. Cf. Clavis S. Melitonis, Spicilegium Solesmense,
t. II, p. 103.
282
&etntc lie i'&rt chrétien.
ne traduirai point ce texte de peur de faire delà
peine aux chasseurs et aussi à S. Hubert.
No 4. _ « CASTOR ». — Le Castor. -- Les
nombreux Physiologes du moyen âge parlent
du castor qui « moult est suef bestes ». Quand
il est poursuivi par les chasseurs.s'il se voit serré
de trop près, il tranche avec les dents sa poche à
musc. Les chasseurs s'arrêtent alors pour prendre
le « castoreum » qui « est de grandes médecines ».
— Le castor représentait, aux yeux des com-
mentateurs, les chrétiens qui poursuivis par le
démon lui laissent entre les mains leur cœur. Il
était aussi le symbole de ceux qui € veulent
« garder le commandement de Dieu et vivre
« nettement. » Ceux-là tranchent eux-mêmes
« tous les mais vices » et les jettent « el visage
« del veneor, » c'est-à-dire du « dyable qui tous
« les jors les cache » (les chasse). — Cf. la
planche V, n° 30.
No i._ «TIGRIS ».— Le Tigre. — Le tigre
est une bête de telle nature, disent les Bestiaires,
« si fïère et si cruels que nus hom vivans ne
l'ose habiter ». Quand il a des petits, les chas-
seurs qui veulent les prendre, «gaitent tant qu'ils
« le veoient aller déduire et qu'il n'est pas sor sa
« fosse à faons» ; alors ils les emportent et laissent
derrière eux des miroirs « si com ils s'en vont. »
Le tigre en revenant vers ses petits aperçoit les
miroirs, s'arrête devant chacun, « il se délite tant
« à regarder sa bonne taille qu'il oublit de cachier
« (de chasser) cels qui ses faons li ont emblé (') ».
— Prenons garde.disent les auteurs des Bestiaires
et des Physiologes, d'être comme le tigre. Que
chacun de nous soit « entretiens de garder son
<! faon, c'est à-dire l'âme, car li veneors nous
« gaitent et espient et ont adès lor mireor prest
« se ils pensent notre faon embler. » Les miroirs
sont les « grands déduyts » les plaisirs mon-
dains que nous désirons. Pendant qu'on regarde
au miroir, l'âme s'en va au diable. « Que chascun
« reste donc el service de son créator (2). »
Travée E. — N° 5. — « PANTHER».— La
Panthère. — « Ceste beste tachiée de petiz cer-
« clés blancs autrement com de petits oilz
(yeux), » disait Brunetto Latini, avait au moyen
1. Cf. Best, fr., M de la Bibl. de l'Arsenal. Paris.
2. Cf. /(/. opus.
âge dans la langue des symboles souvent la
même signification que le léopard et le tigre (*).
Tous ces animaux sont peints en rouge, sauf
la licorne qui est jaune. Au-dessus et au-dessous
de ces représentations se trouvent des rinceaux
roses terminés par des ornements en forme de
flèches qui rappellent les ramages des ors gau-
frés et certains dessins de la belle armoire du
trésor de Noyon.
Pilastres et chapiteaux. — De larges
pilastres bleus, à dessins jaunes terminés
par des chapiteaux à feuillages bleus et
rouges, coupent la litre de distance en dis-
tance et séparent les diverses travées.
Croix de consécration. — Sur les murs
de la travée F nous avons retrouvé à droite
et à gauche, deux croix de consécration.
Quelques traces d'une esquisse au compas,
quelques taches nous ont permis de les
reconstituer. Elles se composent d'une croix
jaune inscrite dans un cercle de même cou-
leur. Tout autour de la croix, émergent
d'un fond noir de jolies palmettes blanches
à nervures rouges et bleues. Dès les pre-
miers temps de l'Église on prit grand soin
de garder sur les murs des é lifices reli-
o-ieux le souvenir des onctions saintes faites
par la main du pontife. Petit à petit on en
vint à couvrir d'ornements ces endroits
devenus sacrés. Au moyen âge, les croix
de consécration plus ou moins riches en
couleurs tinrent une grande place dans la
décoration des églises. Bien souvent dans
les églises pauvres.elles furent le seul orne-
ment des parois verticales, on les mit en
harmonie avec le ton de fond, avec les
joints des appareils employés. — Cf.
M. Gélis-Didot, La peinture décorative en
France du XIIe au XVIe siècle.
Porte C. — Au-dessus de la porte C, qui
donne accès du cloître dans l'église prieu-
1. Cf. Didron., Ann. arch., XXIV, p. 8, XXVI, p. 207
et 208.
3Le prieuré &e la ty&it>â\xxJ&on8^ommt8. 283
raie, on trouve, à l'intérieur, de jolis orne-
ments traités de la même façon que ceux
que nous avons déjà décrits, palmettes
blanches sur fond noir aux hachures rouges
et bleues avec deux rubans dont l'un brun
et l'autre jaune servant d'encadrement. —
Cf. la planche V, n° 20.
Appareil des parois de la nef. — Le
grand appareil des parois de la nef est com-
pris de la même façon que celui des voû-
tains. Il est peint en brun rouge. Le milieu
est occupé par des tiges bleues avec roses
rouges à centre jaune. — Cf. la planche V,
n°44-
Mur de l'Ouest et grande fenêtre. — La
grande fenêtre du mur de l'Ouest présente
un évasement bien plus considérable que
celui des fenêtres de l'abside, elle est dé-
corée à la partie supérieure d'un ange dont
la tête et le corps sont complètement effa-
cés. Il a de longues ailes jaunes et brunes,
et il tient dans chaque main les chaînes
d'un encensoir. — L'archivolte de la fenêtre
est formée d'une belle bordure à grands
ramages bleus et rouges cernés de noir; on
dirait certaines bordures des vitraux du
XIIe et du XIIIe siècle. Elle repose sur
deux chapiteaux composés chacun de deux
feuillages bleus. Les deux colonnes au-des-
sous ont presque complètement disparu. —
Le long de la voûte, à partir de la corniche,
se trouve une belle et large bordure com-
posée de grands feuillages blancs à ner-
vures bleues et rouges sur fond noir. L'en-
cadrement est composé de rubans rouges,
jaunes et blancs. — Cf. la planche IV, nos 13,
14. — Laus Deo ! ici finit notre analyse.
Caractère Des peintures De la Kaic=aur=
Bons-Sommes.
LE moyen âge savait embellir les égli-
ses. Les artistes qui à cette époque
travaillaient à décorer la maison de Dieu
n'étaient point toujours des hommes de
génie ; mais c'étaient des hommes de bon
sens, ils savaient qu'on peut profiter du
travail des anciens et bénéficier de leur ex-
périence. Les décorateurs de l'église de la
Haie-aux-Bons- Hommes apprirent à leur
école la valeur des couleurs, les effets des
juxtapositions de tons. Ils apprirent que les
trois couleurs fondamentales de la gamme
sont le jaune, le bleu, le rouge. Le blanc et
le noir ne sont en effet que deux négations,
le blanc c'est « la lumière non colorée, le noir
« l'absence de lumière (') ». Des trois cou-
leurs fondamentales, ils savaient tirer toutes
les autres. Avec le blanc et le noir, ils ajou-
taient à la lumière, ou la restreignaient sui-
vant les besoins. S'il fallait faire ressortir la
valeur des couleurs, ils employaient des
fonds blancs ; mais comme le blanc rayonne,
s'il n'est arrêté, ils le fixaient en le cernant
de noir.C'est en restant fidèles observateurs
de ces règles précises qu'ils ont orné les
murs et les voûtes de l'église de la Haie-
aux-Bons-Hommes. Jamais ils n'ont songé,
un seul instant, à reproduire dans leurs pein-
tures, de dimensions relatives, le modelé
des formes, l'apparence réelle des reliefs,
des moulures, des chapiteaux. Nervures,
litre, bordures, arcs-formerets, arcs-dou-
bleaux.liernes et tiercerons,ils ont su donner
à toutes ces choses, en les interprétant,
toute la valeur que leur permettaient les
ressources de leur art, ils les ont fait entrer
pour ainsi dire dans le domaine de la pein-
ture. Chaque détail à la voûte et aux murs
de l'église a reçu les formes qui convenaient
à sa place, à la fonction qu'il devait remplir
dans le plan général du décor. La litre a
des ornements horizontaux, des rubans
bruns et jaunes qui la font paraître en avant
des appareils bruns à ramages bleus et en
1. Cf. Viollet-le-Duc, Die/, raison, ite V architecture,
t. VII, p. 79.
REVUE DE LART CHRÉTIEN.
1899. — 4,ne LIVRAISON.
>84
&cbur lie l'&vt chrétien.
arrière des piliers plus nettement soulignés.
Les piliers ont leur surface verticale pour
paraître rigides ; les nervures de la voûte
ont pour tout ornement quelques margue-
rites noires à S feuilles qui n'enlèvent rien
à leur tonalité et ne les brisent nulle part.
Les clefs de voûte, les clefs des arcs-dou-
bleaux et formerets tranchent sur les fonds,
et cependant on sent partout que ces orne-
ments sont peints. Nulle part, les décora-
teurs n'ont eu recours au trompe-l'ceil pour
les faire paraître en relief. Le trompe-l'œil
est un procédé enfantin et de mauvais goût
dans la peinture murale, il ne trompe per-
sonne. Un moment vient où l'illusion tombe,
et il ne reste plus que le regret d'avoir été
trompé. Le beau dans les arts a des lois
certaines qui reposent sur la raison ; la pein-
ture murale ne ressemble pas au décor de
théâtre, ses procédés sont différents.
Les peintres de la Haie avaient à repré-
senter des «hystoires» sur les murs de
l'église. Ils interprétèrent les hommes et les
animaux comme ils avaient interprété les
feuillages et les nervures d'architecture. Ils
évitèrent de mettre plusieurs personnages
l'un devant l'autre, ils les fixèrent en des po-
ses expressives (cf. planche V, nos 36, 37, 38)
souvent gracieuses (cf. la planche V, nos 31,
34,39). Les habits furent colorés par larges
teintes plates et les plis marqués par des traits
noirs. Les couleurs qu'ils employèrent pour
les cheveux et les vêtements ne sont pas
toujours « nature », comme on dirait aujour-
d'hui. Toute perspective est absente, les
personnages sont sur le même plan, il n'y a
d'autre sol que la ligne horizontale du cadre.
C'était voulu, c'était conforme à la raison.
La peinture appliquée à l'architecture n'a
pas la même manière de faire que la pein-
ture sur chevalet. L'artiste qui fait un
« tableau » a recours à toutes les ressources
que lui donnent la perspective, le jeu de la
lumière et des ombres, le trompe-l'œil ; il
veut donner l'illusion de la réalité. Devant
son œuvre, on ne songe plus à la toile qui
sert de fond, on est tout entier à la scène où
se meuvent des personnages, au paysage
qu'il a voulu représenter. Il n'en est pas de
même de la peinture murale. C'est une
peinture de convention, elle ne doit plus
rechercher les mêmes effets. S'il s'agit de
décorer une muraille, il faut la faire valoir
et non essayer de la faire disparaître par
des procédés. La peinture murale s'inspi-
rera des œuvres de la nature ; mais en les
interprétant de façon à ne pas cacher « le
support». Son but est de créer une harmonie
parfaite entre les formes et les couleurs et
non d'essayer de les détruire les unes par
les autres.
La décoration picturale de l'église de la
Haie-aux-Bons-Hommes faite d'après ces
principes a donné à l'édifice si simple, mais
si bien proportionné une très grande élé-
gance. La tonalité générale des rinceaux,
des feuillages est bleue. C'était ce qui con-
venait à un intérieur sombre : le bleu accro-
che la lumière et la répand sur les surfaces.
Des points rouges et jaunes par ci par là
attirent l'attention sur les détails et les font
valoir. Plus d'un visiteur, en entrant dans la
vieille église grandmontaine, n'a pu taire
son étonnement devant un ensemble si bien
réussi et d'un si grand effet. « Vous diriez,
«écrivait M. Godard Faultrier en 1846,
« vous diriez un croquis colorié des nervu-
« res en haut-relief qui se voient aux voûtes
«de la salle St-Jean et à celles du chœur
« de St-Serge ('). » La voûte de l'abside a
grand aspect. Le matin, quand la lumière
pénètre par les fenêtres fortement évasées,
les parties B avec leurs cercles jaunes enso-
leillés sur le fond blanc brillent de vives
1. Cf. Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et
arts d'Angers, année 1S46.
3U prieuré &e la ^aieau^Bons gommes. 285
clartés ; pendant que les parties A se colo-
rent de nuances bleues, moins lumineuses.
On a ainsi, entre les liernes, des parties très
éclairées, d'autres qui le sont moins. Je ne
sais si l'artiste a voulu l'effet produit ou s'il
y est arrivé par hasard, en tout cas, il a
montré qu'il était maître dans son art. La
voûte qu'il a décorée, bien que présentant
les mêmes courbes partout, semble avoir de
vraies profondeurs. On dirait la voûte absi-
dale de nos belles églises du XIIIe et du
XI Ve siècle, avec leurs fortes membrures et
leurs voûtains profonds.
X>atc Dcspcinturcs De l'église pricuralc
De la Haic*aur*Boni805ommc!8.
M. Godard Faultrier croyait que les
peintures de la Haie-aux- Bons- Hommes
étaient, à quelques exceptions près, contem-
poraines de l'église, c'est-à-dire du XIIe
siècle. « Qui sait, disait-il, c'est peut-être à
« la Haie qu'il convient d'étudier les pre-
« miers rudiments, l'origine de ce genre
« architectural qu'à tort ou à raison je me
« suis permis de baptiser du nom de style
« Plantagenet('). » Quelques parties de nos
peintures semblaient donner raison au sa-
vant archéologue. Les clefs de voûte, les
bordures, les arcs-formerets du chœur, la
litre, tous ces motifs semblent traités à la
façon du XIIe et du XIIIe s. Les feuillages
sont blancs cernés de noir, quelques traits
coloriés marquent les nervures. Les habits
des personnages sont formés de teintes
plates; on ne sait d'où vient la lumière qui
les éclaire ; les plis sont marqués par quel-
ques traits noirs, il n'y a ni modelé ni relief.
Le brun rouge, le jaune, le bleu, le rouge
sont les seules couleurs employées. Les
costumes sont semblables à ceux que l'on
1. Cf. Godard-Faultrier, Bulletin île la société d'agri-
culture, sciences et arts d'Angers, 1846.
trouvesur les sceaux et dans les miniatures
du XIIIe s., et sur quelques peintures mu-
rales qui existent encore en différents en-
droits. Le haubert et le surcot du chevalier
de la chasse à la licorne se retrouvent dans
la statuaire des portails élevés au XIIIe s.
à l'extrémité du transept de Notre-Dame
de Chartres. Les souliers que portent les
personnages ont encore la forme usitée à la
fin du XI Ie siècle et au XIIIe. Le manteau
de l'un des Ismaélites, dans un des registres
de la litre, est de tout point semblable à celui
d'un personnage du « vitrail des marchands
de draps » à la cathédrale de Chartres. La
robe des femmes, la guimpe qui encadre
leur visage rappellent l'habillement des
châtelaines du XIIIe siècle.
Nous ne pouvons plus cependant admet-
tre aujourd'hui lejugement de M. Godard-
Faultrier. Les progrès accomplis par la cri-
tique depuis 1846 nous permettent de serrer
de plus près les caractères de ces peintures
et de les attribuer à une époque bien plus
récente, le milieu du XIVe s. Nous avons
un texte formel qui en fait honneur à Pierre
Roger de Beaufort, ancien prieur commen-
dataire de la Haia, devenu cardinal deSainte-
Marie-Nouvelle et pape sous le nom de Gré-
goire XI, 1370- 1378. « Dominus de Bello-
« forti dictus Cardinalis de Rosa diu prior
« fuit de Haya Andegavensi ordinis Gran-
« dimontis : cumque ipsum prioratum tene-
« ret in commendam, ipsius ecclesiam roseis
« depingi fecit, deinde fuit assumptus ad
« summi pontificis apicem ('). » Pierre
Roger fut prieur en 1345, il avait 9 ou 10
ans. En 1348, son oncle, le pape Clément VI,
lui donnait le cardinalat avec le titre de
Sainte-Marie Nouvelle. Ce doit être vers
1360 que le cardinal de la Rose fit faire les
peintures de l'église de la Haie et semer
sur les murs les fleurs de son blason, qui
1. Cf. Annales ordin. Grandim., par Lsivesque, p. 314.
286
&ctntc tic l'&vt cbvcttcn.
était (( d'argent à la bande de gueules ac-
compagnée de six roses de même en orle ».
Il faut être très circonspect, nous le
savons, quand il s'agit d'établir l'âge d'un
monument, l'âge d'une œuvre artistique.
Les textes ne sont pas toujours la dernière
preuve. « Il n'y a qu'une méthode, dit M.
« Gonse (") dans son beau livre deWlrt
« gothique, il n'y a qu'une méthode qui per-
« mette d'établir sur des données positives
« et rationnelles l'âge d'un monument, c'est
« celle qui est basée sur l'étude approfondie
« des caractères. Toute autre indication
« doit être accueillie avec la plus extrême
« réserve. Les dates fournies parles pièces
« d'archives ou les témoignages contempo-
« rains n'ont de valeur absolue que dans
« des cas bien définis, lorsqu'il s'agit d'édifi-
« ces ou de portions d'édifices faciles à
« identifier. » Cette méthode rigoureuse est
sage. Dans le cas présent, nous pouvons
adopter avec confiance les données des an-
nales de Grandmont relatives au priorat de
Grégoire XI à la Haie-aux-Bons-Hommes.
La décoration de l'église qu'on lui attribue
est bien de son temps, nombre de faits le
prouvent.
D'après M. Gélis-Didot (2), il n'est pas
rare de trouver dans les peintures murales
des cas d'archaïsme. On imite des modèles
vieillis, des ornements, des costumes d'un
caractère plus ancien qu'il ne convient au
temps où on les emploie ; mais alors, il y a
toujours dans la manière de faire quelque
chose qui trahit l'époque où l'on travaille.
Les peintures de la Haie-aux-Bons-Hom-
mes ressemblent toutà fait à celles de l'église
de Cunault, attribuées par M. Gélis-Didot
à la fin du XI IL s. ou au commencement
du XI Ve. Dans la belle église des bords
i. Cf. Gonse, L'Art gothique, p. 75.
2. Cf. M. Gélis-Didot, La peinture murale en France
i/u XI au .\ /'/' siècle.
de la Loire se trouve un magnifique ensem-
ble décoratif. Les murs et les colonnes
peints en jaune sont couverts d'un petit
appareil brun. Les arcs-ogives arrondis, les
intrados des aics-doubleaux et formerets
composés d'une partie plane entre deux
tores ont été seuls couverts de peinture de
façon à les faire valoir et à rehausser leurs
formes architectoniques. L'ensemble de ce
décor a le même aspect que celui de la
Haie-aux-Bons- Hommes. Des quatre-feuil-
les, des palmettes d'eau, nombre de feuil-
lages, les marguerites des nervures, tous
ces motifs offrent le même aspect dans les
deux endroits. Le coloris y est entendu de
la même façon.
Ce que M. Gélis-Didot disait, dans son
grand ouvrage sur la peinture murale du
XIe au XVIe siècle, au sujet de Cunault,
peut se dire des bordures, des clefs de voû-
te, de la litre de la Haie-aux-Bons-Hom-
mes. Si le dessin appartient encore à la
façon défaire du XI I Ie siècle, «la pauvreté
« des procédés de coloration prouve qu'elles
« ne sont que des productions dégénérées. »
Le modelé alternativement rouge et bleu
à la Haie est rouge et vert à Cunault. « Il
« est obtenu, dans les deux endroits, par des
« hachures ; mais il est décoloré à distance
« par la dureté de l'opposition du blanc et du
« noir ('). )> A la Haie comme à Cunault, on
a employé dans les bordures, des cordons
brun-rouge et des rubans jaunes sans-au-
cune transition. Au XI Ie siècle et au début
du XIIIe, on ne mettait point ces deux
couleurs brutalement l'une à côté de l'autre.
On les séparait par un perlé blanc, par une
ligne blanche ou noire. A Cunault, « les
« galons jaunes qui bordent les suites d'or-
« nements offrent seuls des taches de cou-
« leur assez larges pour être appréciées (2). )>
1. Cf. Gélis-Didot, op. lit.
2. Cf. Gélis-Didot, op. cit.
Ht prieuré De la ^atrau^Bons gommes.
287
A la Haie les galons jaunes, les disques
jaunes de l'abside, les points jaunes semés
par ci par là dans les roses du cardinal de
Beaufort sont aussi les seules taches appré-
ciables dans le décor général. La tonalité
de l'ensemble n'a plus le ton aquarelle que
l'on retrouve partout dans les peintures
murales du XIIe et du XIIIe siècle, elle
est plus vive et elle est comprise de la
même façon dans nos deux monuments
angevins. Ce sont peut-être les mêmes
individus qui, au XIVe siècle, à deux mo-
ments de leur vie, ont travaillé dans les
deux endroits.
Ce qui confirme tout à fait les données
des annales de Grandmont relatives à la
date des peintures de la Haie, c'est le
caractère des lettres de l'alphabet gothique
employé dans les inscriptions de la litre,
on les dirait extraites de quelque texte
lapidaire du XIVe siècle. Les lis si fré-
quents dans les appareils de la voûte, on les
dirait tirés des miniatures ou des peintures
de la même époque.
Enfin l'écusson que nous avons trouvé à
la voûte de l'église, cf. la planche V, n° 23,
nous permet de nous prononcer définitive-
ment pour la date 1360 ou pour les années
voisines. Après l'érection par Jean le Bon
du comté d'Anjou en duché-pairie en faveur
de son fils Louis, l'un des «sires des fleurs
de lys», la ville d'Angers, vers 1360, fut
rangée parmi les « Bonnes villes » du
royaume. Elle reçut alors un blason et
un «chef de France ». Jusque-là elle n'avait
pas d'armoiries, elle était simplement la ca-
pitale de l'Anjou.
Conclusion.
Certains hommes pleins d'orgueil et de
haine qui n'ont pas su lire au grand livre
de notre Mère la France, ont voulu nous
représenter le moyen âge comme une épo-
que de barbarie ou d'anarchie mongole.
Aujourd'hui, grâce à de nombreux travaux
entrepris par amour de la vérité, on sait à
quoi s'en tenir sur des théories que n'ap-
puyaient aucunes preuves. Aux XIIe et
XIIIe siècles, pendant que Louis VI, Louis
VII et Philippe- Auguste, dans leurs che-
vauchées, assemblaient la terre de France,
pendant que S. Louis rendait la justice et
en imposait au monde chrétien et « sar-
rasinois » par l'éclat de ses vertus, il y
avait dans notre pays une vie débordante.
« La population rurale était fort nombreu-
« se et tendait à s'accroître au lieu d'émigrer
« comme maintenant dans les grandes vil-
« les ('). » Elle était gaie et chantait avec la
«calandre» (l'alouette), dans les vignes et
dans les chaumes. Dans les villes, de nom-
breuses associations réunissaient les gens
des métiers. La foi était vivante dans les
cœurs. L'initiative privée n'était point, com-
me aujourd'hui, muselée, on n'attendait
point tous les jours le mot d'ordre de
Paris; la vie provinciale était partout active.
Dans les domaines de la couronne, on tra-
vaillait à la construction des belles cathé--
drales, des riches abbatiales ; dans les pays
vassaux on remuait aussi les pierres, on les
mettait en place. L'Anjou, sous le régime
des Plantagenets ou des « fleurs de lis»,
avait ses maîtres maçons : ils cherchaient
la solution des grands problèmes qui tra-
cassaient leurs collègues sur les chantiers
de l'Ile de France. Angers était alors un
centre artistique des plus actifs. « La Dou-
tre, la ville et la Cité » revêtaient la robe
blanche de leurs édifices. La maison épis-
copale, la cathédrale, St-Serge et la mer-
veille de son chœur, St- Aubin avec sa tour
et son cloître, St- Martin, Toussaint, le
Ronceray, la Trinité, l'Hôpital St-Jean et
1. C. Lefèvre-fontalis, L'architecture religieuse dans
Fancien diocèse de Soissons, I, p. 26.
288
ïktnic De l'&rt cljvcttcu.
ses annexes, tous ces monuments s'éle-
vaient comme par enchantement. Le reste
de la terre angevine imitait sa capitale.
Abbayes et prieurés, barons et paysans,
riches et pauvres apportaient aux bâtisseurs
leur or et leurs bras.
Les constructions qui apparaissaient ainsi
sur la terre angevine comme dans une féerie,
prenaient les aspects les plus variés, et dans
chacune de leurs parties répondaient à
l'usage qu'on en voulait faire. A l'évéché
« la grant salle » avait la forme d'un Tau,
comme il convenait aux foules, qui s'y pres-
saient les jours de « festage » autour de la
table de Révérend Père en Dieu Monsei-
gneur Maître Guillaume de Beaumont. La
tour St-Aubin, si imposante et si élégante,
grâce à ses clochetons ouverts aux angles,
s'élevait dans les airs comme le symbole
d'une riche et puissante abbaye bénédic-
tine. La salle St-Jean, c'était le palais ouvert
par la charité à « Nos Seigneurs les pau-
vres ». Le chœur de St-Serge, voilà le mo-
nument que l'on rêve encore pour des
hommes qui chantent le « Laus perennis »
et font servir les arts à la gloire de Dieu.
Une petite église comme celle de la Haie-
aux-Bons- Hommes était une œuvre d'art,
aussi bien que la riche cathédrale, la splen-
dide abbatiale. Dans les campagnes, en ces
temps-là, on ne cherchait point à faire des
réductions de cathédrales. On bâtissait,
suivant les besoins auxquels il fallait pour-
voir, suivant les moyens dont on disposait,
et le vaisseau s'élevait grand ou petit, tou-
jours en harmonie avec le goût, les ressour-
ces, la situation de ceux qui devaient le
fréquenter. Si, plus tard, la peinture venait
orner les murs de ces édifices, elle les enlu-
minait, suivant des règles certaines, ration-
nelles.en tenant compte des jeux de lumière;
les membres architectoniques.elle les faisait
valoir au lieu de les diminuer par ses pro-
cédés. C'est ainsi que les hommes du XIIe
et du XIIIe siècle entendaient les choses
de l'art, c'est ainsi que les comprenaient
leurs successeurs au XIVe, au XVe et au
XVIe sièclejusqu'aujour où l'on abandonna
les vieilles traditions françaises pour intro-
duire chez nous des formes de monuments
qui ne convenaient ni à nos mœurs, ni à
notre civilisation, ni à notre climat.
Il y a peu de pays au monde qui aient un
héritage artistique aussi riche, aussi varié
que la France. Ces richesses que nous ont
léguées nos pères, que les étrangers nous
envient, nous les gaspillons tous les jours.
Plutôt que d'étudier les saines traditions qui
ont fait de chacune de nos provinces un
monde original, nous nous engouons pour
des modes éphémères, nous laissons la réa-
lité pour aller aux chimères, nous nous
extasions devant des constructions bâtardes
que dressent sur nos places et dans nos
campagnes de prétendus éclectistes. Ces
hommes entassent les uns sur les autres des
motifs qui hurlent de se sentir ainsi rappro-
chés,et les merveilles qu'ils prétendent nous
imposer méritent autant notre admiration
qu'un discours composé suivant les règles
de la syntaxe française avec les métaphores
exagérées de l'Inde et les monosyllabes de
la Chine.
Laissons donc de côté ce goût des choses
extraordinaires et bizarres qui ne convien-
nent pointa notre génie national. Etudions
les lois des proportions, les préceptes du
goût et de l'harmonie que nous ont laissés
nos pères. Inspirons-nous de ce qui est notre
patrimoine artistique, de tous ces détails
qui ont donné à chacune de nos régions,
tant de cachet etd'originalité.Oue de choses
curieuses pourraient apprendre un archi-
tecte, un peintre décorateur, dans une petite
île prieuré De la $ate*aujr -Bonshommes. 289
église comme celle de la Haie-aux- Bons-
Hommes! Ilstrouveraient là bien des motifs
intéressants pour la décoration d'une église
de campagne, d'une chapelle de commu-
nauté.
Ami lecteur, je serai heureux, si j'ai pu
vous intéresser à ma causette sur l'architec-
ture et les peintures de la Haie-aux-Bons-
Hommes ; si j'ai abusé de votre patience,
je vous en demande pardon.
Timothée L. Houdebine,
prêtre, professeur d'histoire.
l^r^^ & *& *&. *& *&. *& *& *& *& *& *& &&&*&&*£&&j&&ïp
■^ir^^^j^IiraiIIllg.XlItlin-rTITTTrciTIIIIITimiTXVnrTTTn^^ *
^
%
fflart^re et sépulture ties ffiacljabéea0*
Jf Ijnmnnii
n-TTimn nnimcininEn
p rm mx tt i umi mirrraii ^rm :
feWW^WWWW^WWWfWWWWWWWW^
I
I
HSgARMI toutes les difficul-
tés qui ont été soulevées
contre l'autorité histo-
rique du second livre
des Machabées, il en est
une que l'on tire du récit
■ ,. M] r-~ ±
vwwr-'* du martyre des sept
frères, cruellement immolés sous Antiochus
Épiphane avec leur héroïque mère et le
vieillard Éléazar.
Quelques uns voudraient placer cet évé-
nement à Jérusalem ; et comme, d'après
l'écrivain sacré, il eut lieu en présence du
roi de Syrie, ils n'hésitent pas à l'accuser
de supercherie ; le monarque, qui était alors
à Antioche, n'ayant pu se trouver en même
temps ailleurs. M. Vigouroux (2), l'un des
plus savants exégètes contemporains, réfu-
tant les rationalistes et, en particulier, Nol-
deke, se contente de signaler la difficulté,
l'effleure et passe outre. Aussi le doute est-il
encore le partage d'un trop grand nombre ;
tandis que les uns, alléguant l'Ecriture,
placenta Jérusalem le lieu du supplice ; les
autres, partisans de la tradition, veulent
quAntioche de Syrie ait été le théâtre de
cette sanglante tragédie. — Aussi avons-
nous cru devoir entreprendre la solution de
ce problème, pour mieux faire ressortir, à la
lumière d'une large et saine critique, la
parfaite concordance du texte biblique avec
la tradition de l'Église.
On a prêté à tort au récit du second livre
des Machabées l'intention de fixer à Jéru-
salem le lieu du supplice de ces glorieux
i. Première partie.
2. Les /ivres saints et la critique rationaliste, t. I V,
pp. 641 -642.
précurseurs des martyrs chrétiens. La nar-
ration biblique est contenue tout entière
entre le verset 18 du chapitre VI et le ver-
set 41 du chapitre VIII ; et il n'y a point
dans l'ensemble de ce passage un seul mot
qui indique, d'une manière ou de l'autre,
soit la capitale de la Palestine, soit quelque
autre ville. L'unique fondement sur lequel
repose cette opinion, est l'hypothèse que la
persécution d'Antiochus fut locale, c'est-à-
dire dirigée contre les Juifs de Palestine ;
et que par conséquent leur capitale dut en
être le centre. Mais cette hypothèse est en
opposition avec le texte biblique.
On le sait, les livres des Machabées,
quoique écrits par des auteurs différents,
renferment tous deux la même histoire : le
premier la continue pendant un plus long
espace de temps, le second la prend à une
date plus reculée. Mais l'un et l'autre, sous
une forme différente toutefois, retracent
par rapport au peuple juif les événements
qui se déroulèrent sous le règne d'Antiochus
Épiphane, et la persécution que celui-ci,
vainqueur de Ptoléméeen Egypte, déchaîna
contre les Hébreux. Après la prise de Jéru-
salem, qui eut lieu l'an des Grecs 144, après
le massacre des Juifs et le pillage du temple,
Antiochus, enivré de ses succès et conscient
de ses propres forces, entreprit, à l'exemple
des grands conquérants, d'affermir son
trône en faisant un seul peuple de tous les
sujets de son empire. Son intention arrêtée
était donc d'helléniser les Juifs ('), au sein
desquels s'était formé, à la faveur des luttes
intestines, un parti des grécisants, ambi-
tieux, avides de nouveautés, cupides et con-
tempteurs des traditions nationales.
1. I Mack., 1, 43.
arfpre et sépulture Des ^acrjabees.
291
L'auteur du second livre des Machabées,
sans doute pour arriver à résumer en quinze
chapitres les cinq livres de l'ouvrage de
Jason de Cyrène ('), et parce qu'il visait à
une concision excessive (-), ne jugea pas à
propos de s'arrêter aux détails circonstan-
ciés que présentait assurément la narration
plus étendue de son modèle. C'est comme
ex abrupto, sans le rattacher au texte pré-
cédent, et sans tenir compte des particu-
larités qui en formaient la trame (3), que
l'abréviateur insère dans son récit le tou-
chant épisode du martyre des Machabées,
n'ayant d'autre but que de mettre en relief
la violence de la persécution et d'animer
les Juifs par un exemple de courage héroïque
à défendre les lois menacées de la patrie (4).
Il commence par dire quelle fut l'origine
de la persécution contre le peuple juif. Le
roi de. Syrie envoya d'Antioche à Jérusa-
lem, avec l'ordre et les pouvoirs nécessaires
pour amener les Juifs à l'apostasie, non pas
un vieillard, comme l'ont prétendu quel-
ques-uns, mais un Sénateur athénien, vépovxa
'Âflrjvaîbv, c'est-à-dire l'un des premiers ma-
gistrats. On sait en effet qu'Antiochus
Épiphane avait élevé hors la banlieue de
la capitale du royaume, pour les Athéniens,
premiers habitants d'Antigonie, le Sénat,
(îouXetmWov, lieu de réunion pour les séna-
teurs, magistrats et principaux citoyens (5).
Mais ce n'était pas tout. En même temps
que le magistrat athénien recevait une mis-
sion en Palestine, un décret royal était pro-
mulgué contre les Juifs qui vivaient disper-
sés dans les autres villes du royaume syro-
macédonien : Un ordre, suggéré par les
Ptolémées, parut aussi dans les villes envi-
1. II Mach,, 11, 24.
2. Ibici., v, 25-32.
3. Ibid., vi, 18.
4. Ibitl., VI, 31 ; vu, 42.
5. Cf. Malalas, Chronograph.,\\b. VIII, c. 322 ; Aligne,
P. G., t. XCV1I.
ronnanles, potir les obliger d'agir de la même
sorte contre les fui/s, et de les contraindre
à sacrifier, ou de tuer ceux qui ne voudraient
point embrasser les coutumes des Gentils (').
L'auteur du premier livre ne s'exprime pas
autrement quand il dit : Et le roi Antiochus
écrivait des lettres à tout son royaume, afin
que tous ne fissent plus quun seul peuple et
que chacun abandonnât sa loi particulière (2).
Et après avoir spécialement fait mention
des ordres expédiés par Antiochus à Jéru-
salem et aux villes de Juda, et prescrivant,
sous peine de mort, la violation des lois
nationales (3), il ajoute : II écrivait de cette
sorte dans totit son royaume, y.y-v. Ttàvraç toùç
Xoyouç to'Jto'jç Évpa^e tAit^ r/j fiaaCktiq. gcjto'j ('').
La persécution que suscitait Antiochus
contre les Juifs n'était donc pas locale et
restreinte aux confins de la Palestine, mais
générale et étendue à toutes les villes du
royaume où ceux-ci demeuraient mêlés aux
Gentils. Par conséquent les persécutions
et les supplices, dont parlent, après avoir
indiqué l'édit général d'Antiochus à tous ses
sujets, les auteurs du premier et du second
livre, sans indication de lieu (5), ne peuvent
raisonnablement avoir trait à la Judée seu-
lement : ils pouvaient se produire ailleurs
aussi bien qu'à Jérusalem ; et l'on ne voit
aucune raison de prendre cette ville plutôt
qu'une autre. De plus le texte biblique, à
bien examiner les circonstances qui accom-
pagnèrent le martyre des Machabées, in-
dique assez nettement, ce semble, comme
théâtre de leur dernier combat, non la ca-
pitale delà Judée, mais Antioche, résidence
du monarque syrien.
1. 'I'rî'i'.7;j.x Se Ë!;Étis(Jôv EJç ta- a<jTi>YErtovaç -oÀ£'.; 'KÀ/.r,-
Wôa?, riToXe|;.ai(iJv ûhotiSe|aîvhjv tt,'/ à'jtfjv àyoyr,-/ /.axa xoiv
'louSauov.àysivxai onrXavj^vîSsiv ' xoùç $ï ;jl-Jj npoaipoupé'vou;
ij.Exaf!aiv£tv Èiri -ra EXXi)vixà y.ocraaç/àÇE'.v. // Mach., VI, 8-9.
2. 1 Mach., I, 43.
3. Ibid., V, 46-52.
4. Ibid., v, 53.
5. I Mach., I, 43-67 ; II Mach., VI, S-31 ; VII, I-42.
KHVUK L'E LAKT LHK&T1EN
1899. 4me LIVRAISON.
ig2
3Rcbuc tir rflvr cbrcttcn.
Il est à remarquer que sous lçs Séleu-
cides, la métropole de la Syrie comptait
parmi ses habitants un très grand nombre
de Juifs ('). Dès l'époque d'Antiochus le
Grand, la Célésyrie tout entière était rem-
plie d'une foule d'émigrés, venus de Pales-
tine (2), pour différentes raisons. Seleucus
Nicanor, en jetant les fondements de la
nouvelle ville- qu'il bâtissait, avait offert
l'hospitalité à une multitude d'autres Juifs,
et leur avait accordé, avec le droit de cité,
les mêmes avantages qu'aux Grecs et aux
Macédoniens ('). Éoiphane, après le mas-
sacre de Jérusalem, n'en tira pas moins de
mille esclaves (4) ; et plus tard Apollonius,
qu'il avait envoyé dans cette ville pour y
percevoir les impôts, en ramena avec lui
dans la cité royale de la Syrie une foule de
femmes et d'enfants réduits à l'esclavage (5).
De telle sorte que si ledit d'Antiochus-
Épiphane, comme nous l'avons vu, concer-
nait tous les Juifs du royaume, il n'est pas
douteux que des massacres et des supplices
n'aient eu lieu aussi à Antioche, et avec
une violence d'autant plus grande, que plus
vive était la nécessité de fondre en un seul
corps les divers habitants de la métropole,
et plus énergique l'action exercée direc-
tement dans ce but par le souverain.
En outre le texte biblique nous apprend
que le supplice des Machabées eut lieu en
présence d'Antiochus (6), lequel ne se trou-
vait pas alors à Jérusalem, mais à Antioche.
Pour s'en convaincre, il suffit de reprendre
dans leur ordre chronologique la suite des
principaux événements. Au cours de l'an-
née 144 des Grecs, qui correspond à la
145e judaïco-macédoiiienne, le roi de; Syrie.
1. I'Iav. Josèphe, De belto judaico,\\h. VII, c. III, n. 3.
2. Ici., Anliq.judaic, lib.XII, c. m, n. 3.
3. Id., Ibid., et Contra Apionem, lib. II, n. 4.
4. Id., Anliq.judaic, lib. XI I, c. v, n. 4.
3. / .!/ ' <',., I, 34.
<>. II Mach., vu, 3, 12, 24, 39-
avait d'abord emporté d'assaut et ravagé
Jérusalem, il avait envoyé ensuite Apol-
lonius pour en achever le sac et le pillage,
et c'est vers la fin de la même année qu'il
promulgua les édits d'hellénisation, que
suivirent immédiatement les supplices (').
Si par conséquent l'on tient compte de la
longue absence d'Antiochus due à son
expédition en Perse, au printemps de
l'année 146 ("), et pendant laquelle il
mourut, il faut nécessairement conclure que
le supplice infligé aux Machabées en sa
présence ne put avoir lieu ni avant l'année
145, ni après le printemps de 146. Or dans
cet intervalle non seulement nous ne trou-
vons aucune trace du retour d'Antiochus à
Jérusalem ; mais nous rencontrons plutôt
des indices non équivoques de la prolon-
gation de son séjour dans la capitale de la
Syrie. En effet sa dernière apparition, en
144, à Jérusalem, fut de très courte durée ;
dans la crainte sans doute d'embûches et
de soulèvements provoqués par ses odieux
attentats, il revint proinfttement à Antioche,
Bârrov s'.'; 'Av-r'.o/s'.av zyMoiih, (3). Voulant peu
après appesantir sa main sur les Juifs par
les édits de persécution, et les forcer à
abandonner les lois mosaïques, il ne se
rendit pas lui-même en Palestine, mais il y
envoya d'Antioche des mandataires spé-
ciaux changés d'exécuter ses ordres ; ce qui
prouve le parti-pris de ne pas y aller en
personne (4). Nous le trouvons encore à
Antioche à l'automne de l'année 145,
occupé, pendant un mois, à donner des jeux
aux faubourgs de Daphné et à recevoir, les
jeux terminés, Tiberius Gracchus, ambas-
sadeur de Rome (5).
1. Cf. Patritii, De consensu utriusque libri Mâcha
baeorum, pp. 94-100.
2. Ibid., p. 104 ; et Annal., I.XX, p. 130.
3. // Mach., v, 21.
4. I Mach., I, 49-52 ; // Mach., VI, 1-2.
5. Patritii, c. I, pp. 102-103, e' Annot., LXIV, p. 11S;
£©artpre et sépulture Des ©acrjabées.
293
Nous le voyons partir d'Antioche pour
la Perse (') à la fin du printemps de l'année
suivante (146) avec une partie de son
armée. On ne peut cependant pas, sans
violenter l'histoire, admettre un second
voyage d'Antiochus à Jérusalem dans le
seul but de voir le sang du peuple juif
inonder les rues de cette ville.
Il n'est pas hors de propos, à l'appui de
cette assertion, de faire remarquer la
manière précise dont l'historien sacré rap-
porte le dialogue des martyrs avec le
Monarque syrien. Chacun des sept frères,
excepté le second (2), parle la langue d'An-
tiochus, qui est la langue grecque (3), et ils
se font tous comprendre ("). La mère, elle
aussi, entend le langage du roi et lui
répond en grec (5) ; mais avec ses fils elle
s'exprime dans l'idiome national, en hébreu,
TÎj -a-puo owv/j (6), TTJ TOTrpwa: owv/j (7), ttj ^paîot
G'.a)ix-w (8) ; idiome que n'entend pas le Roi,
lequel se croit bravé, o&jasvoî xaTaopoveîffflxt (9).
Ce qui prouve à l'évidence que la famille
des Machabées, à l'exception du second fils,
avait été élevée, ou du moins avait vécu
quelque temps en un pays étranger, où la
langue grecque devait être l'idiome ordi-
naire du peuple au milieu duquel elle vivait;
ce qui cadre parfaitement avec leur séjour
à Antioche. S'il se fût agi de Jérusalem,
l'historien n'eût pas pris la peine de spéci-
fier à propos des martyrs qu'ils parlaient
l'idiome maternel, car il était tout naturel
qu'ils parlassent la langue de leur peuple,
Freinshem, Liv. siippl., 1. XLVI, 14 ; Polyb., Excerpt.
légat., C\\ Diodor. Sic, Exccrpta ex /ib. XXXI, l. II,
p. 583, éd. Amsl. 1746.
1. I Mach., ni, 37-
2. II Mach., vu, 8.
3. Ibid., 2, 11, 14, 16-19,30-38.
4. Ibid., 3, 12, 39.
5. Ibid., 25-26.
6. Ibid., 21.
7. Ibid., 27.
8. Flav. Josèphe, De Machabaeis, n. 16.
9. Il Mach., vu, 24.
et l'on ne peut supposer que des Juifs d'un
caractère aussi fortement trempé, qui unis-
saient au culte enthousiaste de la religion
et de la patrie un sentiment d'horreur pour
les superstitions de provenance hellénique,
aient consenti, sans y être obligés par la
nécessité, à en apprendre la langue, car la
communauté de langage suppose la commu-
nauté d'idées.
Ce qui a contribué surtout à donner au
récit biblique une signification étrangère,
pour ne pas dire opposée, à la pensée de
l'auteur, c'est le témoignage si souvent cité
de Flavius Josèphe, écrivain grave assu-
rément et très versé dans l'histoire judaïque.
Dans son opuscule sur les Machabées, qu'il
intitula « de rationis imperio », et qui est,
sous forme de panégyrique, une paraphrase
du texte sacré, il affirme nettement la pré-
sence d'Antiochus à Jérusalem, ajoutant que
celui-ci, après le martyre d'Éléazar et des
sept frères avec leur mère, quitta cette ville
pour se rendre en Perse, -ô-z à-xpxç x-ô tûv
'lEpo7o).ujJi.ti)v éTTpaTSUTEV s~L nspffx; (').
Une foule d'écrivains, et des plus auto-
risés, tels que Grotius (2), Ittigius (3) et
Cave (4), ont révoqué en doute l'authen-
ticité de cet opuscule : Sollier n'en tient
aucun compte (5). D'après eux, la manière
de dire et la phrase ne sont pas celles de
Josèphe ; il y aurait des contradictions avec
ses œuvres authentiques ; et des emprunts
manifestes aux livres du Nouveau Testa-
ment trahissent plutôt la plume d'un Juif
chrétien. Nous n'avons pas l'intention
d'entrer dans cette discussion. Il est cer-
tain, d'autre part, qu'Eusèbe (6) attribue à
1. De Machabaeis, seu de rationis imperio, n. iS.
2. Ad Liccae, XVI, 19.
3. Prolegom. ad nov. Joseph, edit., p. Si.
4. Histor. litterar. Scriptor. ecclesiast., p. 24, édit. de
Genève, 1705.
5. Acta SS. Augusti, t. I, p. 12.
6. Hist.eccles., lib. III, n. 10.
?94
3&cbuc De l'&rt chrétien.
Flavius ce livre, qui est, pour les anciens,
le quatrième des Mackabées : qu'à l'avis
d'Eusèbe se sont rangés : S. Jérôme ('),
Philostorge ("), Anastase le Sinaïte ('),
Suidas (4), Nicétas (5), Nicéphore Cal-
liste (6). S. Grégoire de Nazianze (7), quoi-
qu'il en ait cité le titre sans le nom de
l'auteur, l'a eu entre les mains et s'en est
servi ; Morcelli soutient encore que S. Gré-
goire d'Agrigente ne l'a connu que sous le
voile de l'anonyme (8). Mais, abstraction
faite de l'authenticité problématique du
livre, il n'est pas difficile de répondre aux
objections qu'on en tire.
Il faut se rappeler avant tout que les
paroles de Josèphe citées plus haut figurent
dans le dernier paragraphe, c'est-à-dire à la
fin de l'opuscule. Dans le récit détaillé des
supplices qui précède, il n'y a rien qui
puisse créer l'ombre d'une difficulté. Du
reste, que ces paroles soient absolument
contraires à la vérité historique et étran-
gères au texte primitif, nous en avons la
preuve dans le fait qu'elles ne sont pas
moins en contradiction avec le texte bibli-
que qu'avec Flavius lui-même ; et par con-
séquent elles ne peuvent rendre fidèlement
sa pensée. En effet, dans les Antiquités
judaïques, œuvre d'une authenticité incon-
testable, après avoir parlé de la victoire de
Juda sur l'armée syrienne, commandée par
Apollonius, il ajoute qu'Antiochus, profon-
dément humilié dans son amour-propre,
réunit le reste de ses forces et leva des
troupes mercenaires dans les îles, dans le
but d'envahir la Judée ati commencement du
1. Devins illustr., c. 13 ; et advers. pelagïan., lib. II.
2. Hist. eûtes., lib. I, n. 1.
3. Quasi., VIII.
4. Cf. Lextcon,'ld>arpzoç.
5. Comm.in Gregor. Nazianz. Oral, de Machabaeis.
6. Hist. eccles., lib. II, 11. 18.
7. Oratio XVde Maihabacis,n. 2.
S. S.Grégor.Agrig. VitaIX,chtt M igne,P.G., t. X LV 1 1 1 ,
c. 562.
I printemps, y-o-.jjiàlJETo nspl t>,v àp/V,v xoù lapoç e£ç
t>,v 'IouSaîav é[j.6aXeîv. Mais, n'ayant pu perce-
voir les impôts de plusieurs provinces ré-
voltées, la pénurie de ses ressources vint
modifier ses projets et il résolut d'aller
d'abord en Perse recueillir les tributs de ce
pays, â'yvw TïpÛTOv vlç tïjv lÏEpïioa TtopeuOeiç toÙ;
-jôooj; t/,; '/wpaç (yuvavaysïv. Confiant à Lysias
le gouvernement de la Syrie et la tutelle
de son fils en bas âge, Antiochus partit pour
la Perse l'an cent quarante sept [de l'ère des
Séleucides, d'après le calendrier judaïque]
et, ayant passé /' Euphrate, s'achemina vers
les provinces supérieures ■ — 6 fia<TiXsùç 'Avtw-^o;
È;/,AaT£y c'.'ç t/,v IIîot'Iox tw sxa-OTTÙ xal T£<73-apa-
xoarâ xal sSÔoijlw £t£'. xal -spa'.ws-àaîvo; ~ov Eû-
topâr/iv ivs^x'.vs -pi; TO'J; kvu aaTpx-a; (').
Josèphe ne pouvait donc pas affirmer
dans son Maxxaj"ix'.vov qu'Antiochus partit de
Jérusalem pour la Perse. Ce qui eût été de
plus en opposition avec le récit biblique,
que Flavius suit fidèlement, et où il est dit
qu'Antiochus prit la moitié de l'armée qui
lui restait, partit d'Autioc/ie, capitale de son
royaume, eu la cent-quarante-septième année,
passa l' Eupkrate et traversa les provinces
supérieures — xal h j3xt'.),£'j; -apiXaSî Ta; Y.ul^l;
twv o'jvàaswv tx; xzTaXet-pOïwra;, xal iïrijpsv à-o
WvTW/ela;à-o -oàeio; (iaT'.).îla; xijto'3,£to,j;£JÏoo;.i'j'j
xal T£77a3aX0TTQJ Xal EXaTOTTOJ • xal O'.STTEpaTE
tov Eûîpoxr/w -OTamov, xal 0'.z-oztùt~o Ta; £-àvo)
Xwpa? (*).
Remarquons encore, à propos de ce pa-
ragraphe final de l'opuscule attribué à
Josèphe, que l'auteur, après avoir célébré
les faits et gestes des sept frères, rapporté
les paroles admirables et le glorieux trépas
de leur mère, donne à son récit la conclusion
qu'il comportait. Il met de nouveau cette
dernière en scène, la fait discourir sur ses
propres vertus et place sur ses lèvres des
réflexions qui n'ont pas ici leur raison d'être.
1. Flav. Josèphe, Antiquit. judaïc, lib. XII, c. vu, n. 2.
2. 1 Mach., ni, 37.
£©artpre et sépulture Des £@act)abées.
295
Aussi, suivant lesjudicieuses remarques de
Lowth, convient-il de voir dans cette haran-
gue l'œuvre de quelque rhéteur ou sophiste
de second ordre, ou bien, avec Havercamp,
dans le paragraphe tout entier la main d'un
faussaire (').
Quelques-uns ont cru justifier l'opinion
contraire par un passage du XIIe livre des
Antiquités judaïques (2). Mais ce texte n'a
point pareille portée. A propos de la venue
d'Antiochus à Jérusalem, l'an 145 de l'ère
judaïco-macédonienne.Josèphe, en quelques
mots, résume dans ce passage le récit des
deux livres des Machabées concernant les
massacres et les violences exercés à des
époques différentes et sur diverses per-
sonnes en exécution des édits royaux pour
l'hellénisation des Juifs. Mais le texte bi-
blique affirme expressément qu'Antiochus
partit immédiatement de Jérusalem, où il
n'était guère que depuis trois jours (3). On
ne peut cependant pas attribuer à la narra-
tion abrégée de Flavius une portée plus
considérable que celle du texte sacré.
II
SI la Bible n'offre aucun argument qui
permette de fixer à Jérusalem le mar-
tyre des Machabées ; et, qu'au contraire,
d'après Sollier (4) et Calmet (5), l'opinion
la plus commune et de beaucoup la plus
conforme au récit biblique milite en faveur
d'Antioche, il faut reconnaître la valeur
exceptionnelle qu'ajoute à celle-ci le senti-
ment unanime de la tradition. Il est donc
1. Annotât, ad FI. /os., édit. d'Amst. 1726, p. 519. —
Toutefois l'interpolation supposée ne pourrait avoir eu
lieu qu'avant le I Ve siècle ; car le texte de l'opuscule, dont
s'est évidemment servi S. Grégoire de Nazianze [Orat. X V,
n. 2], plaçait déjà dans la ville maîtresse de Juda le mar-
tyre des Machabées {Ibid., nn. 5, 11).
2. Chap. V, 4.
3. IIMach., v, 14, 21.
4. Acta SS. Augusti, t. I, p. 5.
5. Dictionaiïum biblicum, v. Machabaeus.
souverainement important dans cette con-
troverse de recueillir et examiner avec soin
toutes les sources de ce grand fleuve, en
remontant aussi haut que possible dans le
cours des âges. Chose significative et dont
la saine et impartiale critique est obligée
de tenir compte : aucune ville de Palestine,
pas même Jérusalem dans l'antiquité, n'a
gardé le souvenir de nos martyrs, ni pré-
tendu en posséder les restes. S. Jérôme
seul (') semble affirmer le contraire. A pro-
pos du village de Modein, ou Modin, près
de Diospolis, il raconte qu'on y montrait
de son temps les tombeaux des Machabées :
ce qui est bien vrai, si l'on entend sous ce
nom les guerriers de la descendance de
Mathathias (2), dont les tombeaux dans ce
village étaient.au témoignage de Josèphe (3),
connus des Juifs, trois siècles avant S. Jé-
rôme, et furent visités aux âges suivants
par les chrétiens (4) ; mais il ne peut être
ici question des martyrs qui durent le nom
de Machabées non pas à la communauté du
sang, mais à la même grandeur et intrépi-
dité de caractère. Par contre, en regard du
silence de la Palestine, de l'insouciance du
peuple juif (5), se dresse l'affirmation uni-
verselle et explicite de la tradition chré-
tienne, laquelle a fixé à Antioche, capitale
du royaume syro-macédonien, le lieu du
martyre et vénéré le tombeau des sept
frères.
Dans cette ville, en effet, au temps de
S. Jérôme, on montrait les reliques des
1. De situ et no minibus locorum hebraicorum, Migne,
P. L., t. XXUI.c. 911.
2. I Mach., It, 70 ; IX, 10 ; XIII, 25-30.
3. Antiqnit. judaic, lib. XII, c. VII, n. 4 ; et c. XI, n. 2.
4. Eugesip., De locis sanctis ; Fretellus, Enar. locor.
Terrae sanctae ; Joan. Wirzburgen, Descript. Terrae
sanctae.
5. S. Augustin, parlant du culte rendu par le Chris-
tianisme aux Machabées, reproche aux Juifs de les avoir
négligés : Quidlalejudaeicelebrare noverunt? Serm. CCC,
de Sanctis, N. S., édit. Maur.
296
îftctntr De l'&rt cbrcttcn.
Machabées martyrs, qu'il confond par mé-
garde, comme le fait justement observer
Vallarsi ('), avec Mathathias, Judas et les
autres : Modela — ce sont ses propres pa-
roles — vicies juxta Diospolin, unde fuerunt
Machabaei, quorum hodieque ibidem scpulcra
monstrantur : satis ilaque ntiror quomodo
Antiochiae eorum reliquias oslendunt, aut
quo hoc certo auctore sit credilum.
Le témoignage de Chrysostome est sur-
tout précieux. Il était, sur le déclin du
IVe siècle, la grande figure d'Antioche sa
patrie, où le prestige du savoir et de l'élo-
quence donna à son zèle sacerdotal une
merveilleuse fécondité. Au jour anniver-
saire des Machabées, 'et en présence d'une
fouleinnombrable suspendue à ses lèvres (2),
il commençait ainsi sur le tombeau des
martyrs (3) l'une de ses homélies les plus
belles: «Qu'elle est brillante et joyeuse,
«notre ville! Combien ce jour est plus
« éclatant que tous les autres jours de l'an-
« née! Non pas que le soleil envoie aujour-
« d'hui sur la terre un rayon plus lumineux
« qu'à l'ordinaire ; mais c'est que la splen-
« deur des saints martyrs éclaire notre cité
« tout entière plus vivement que la foudre ;
« car ils sont plus radieux que mille soleils,
« plus resplendissants que des astres. Grâce
« à eux, la terre est aujourd'hui mieux dé-
« corée que le ciel. Ne me parlez pas de
« poussière, ne songez ni à la cendre, ni aux
« ossements consumés par le temps, piyâp ]xv.
« T7\V xîV'.v sCrrr,;, ul7|0£ T/|v TÉfflpav Xoyii^v, [-lïjok Ta
1. Annot. in S. Hieron., t. III, p. 250, édit. Vallar.
2. Cf. Homil. III in sanctos Machabaeos, c. 675 .
3. Conjointement aux corps des sept jeunes frères on
vénérait à Antioche les cendres de leur mère et du vieil-
lard Éléazar, car S. Jean Chrysostome, même Homélie
que ci-dessus, dit expressément : « Il (le Christ) n'a pas
amené dans la lice des athlètes vigoureux, mais de tout
jeunes adolescents, et avec eux un vieillard, Éléazar, puis
une femme avancée en âge, la mère de ces jeunes gens,
n.v.'A/.vj. xou,tSÇ, y.'/: vit' sxEtvb>v yipovza, tôv 'EXEotÇapov,
suft irpo? rouTotç yuvaïxa Y6"if*lp*xvïav, ttjv (AïTCcpa t<5v
pxipaxûuv. Ibid., c. 619.
« ypôvcp oa-avv/jivT-/ (Jarà : non ; mais ouvrez les
« yeux de la foi, et regardez la puissance
« divine siégeant auprès d'eux, la grâce
« du Saint-Esprit qui les environne, et la
« gloire de la lumière céleste dont ils sont
« revêtus. Les rayons que darde sur la
« terre le disque du soleil, n'égalent point
« ces clartés, ces jets de flammes qui s'élan-
« cent de leurs corps, èx tûv ^w^àxtov, et vont
« aveugler le démon lui-même ('). »
Donc, dans la seconde moitié du IVe siè-
cle, on ne montrait pas seulement à An-
tioche, comme le veut saint Jérôme, les
reliques des Machabées ; mais on les y en-
tourait encore d'un culte très solennel. La
fête, précédée d'une vigile, se continuait le
lendemain par de nombreux discours (") ;
et on y voyait accourir, outre la population
indigène, chez laquelle dominait l'élément
grec, la grande multitude des Syriens pro-
prement dits disséminés dans les campagnes
voisines, et qui en ce jour affluaient tous
dans la grande cité (3). Tel était l'éclat de
ces cérémonies que nous en retrouvons
l'écho jusque dans le lointain Occident. Au
témoignage de S. Augustin, la basilique
que les habitants d'Antioche avaient élevée
sur la tombe des saints martyrs était célèbre
et renommée même en Afrique: Sanctorum
Machabaeorum basilica esse in Antiochia
praedicatur ; in illa scilicet civitate, quae
regis ipsius persecutoris nomine vocatur (4),
Ce n'est donc pas l'affirmation d'un seul
individu, si considérable qu'elle soit ; c'est
le témoignage public et solennel que rend
un peuple tout entier à l'existence réelle
1. S. Joan. Chrys., Homil. I in sanctos Machabaeos et
matrem eorum, n. 1 ; Migne, P. G., t. XLIX, c. 617.
2. S. Joan. Chrys., Homil. II in sanctos Machabaeos,
n. 1, t. II, c. 623 ; et Homil. XI de Elcasaro et septem
pueris, n. 1, t. XII, c. 525.
3. Id., Sermo de sanctis inartyribus, Migne, V. G.,
t. XLIX, c. 647.
4. Serm. CCC, de Sanctis, n. 5.
0E)arîpre et 0cpulture ties ®acl)abce0.
297
des tombeaux des Machabées dans la mé-
tropole de Syrie.
Cette affirmation se répercute d'ailleurs
de tous côtés dans les siècles suivants. Et
nous en avons une preuve non moins expli-
cite qu'inattendue, dans saint Isidore de
Séville.
Au chapitre LXIV de son livre, De orlu
et obitu Patrum, lorsqu'il parle des martyrs
Machabées, il ne donne, suivant les ancien-
nes éditions, aucune indication sur leur
tombeau, ni sur le lieu de leur supplice.
Arevalo ('), le premier, dans sa savante
édition des œuvres de saint Isidore, tira
des notes de l'illustre Zaccaria une impor-
tante variante empruntée à un manuscrit
véronais du IXe siècle, laquelle faisait partie
du chapitre ci-dessus. En voici la teneur:
« Machabaei septem fratres ab una matre
<J nomine Machabaea (3)geniti, custodientes
« legem patria traditione non manducantes
« carnem porcinam. 06 hoc ab Antiocho rege
« saevissimo in Antiochia martyrii gloria
« coronati sunt cnm matre sua atqtie sepulti
« cum magna veneratione (3). » La seconde
partie de cette variante, reproduite en ca-
ractères italiques, ayant été récemment con-
firmée par six autres exemplaires, il n'y a
pas lieu de douter de son authenticité.
Les Bollandistes, après Ménard, publiè-
rent, en 1680, d'après un codex de Tournai
et le MS. n. 636 de la Vaticane, un opuscule
intitulé : Antonini Placentini itinerarium,
connu dès 1640 par l'édition due à un ano-
nyme d'Angers et faite sur deux MSS.
aujourd'hui perdus. Dans cet écrit, certai-
1. S. Isidor. Hispalens., De orlu et obitu Patrum,
c. LXIV, n. 105 en note; Cf. Prolegom., part. I, c. XLIH,
n. 32-34 ; et part. II, c. LXI, n. 41.
2. Cette appellation est donnée à la mère des sept frères
dans un sermon attribué à saint Fulgence, Serm. LXIX,
in app. opp. S. Fulgentii, Migne, P. L., t. LXV, c. 241.
Cf. encore Honorât. Ant. Const., ep. ad. Arcad., n. 2 ; et
Redano, Magn. apparat., pp. 45 sq.
3. Cf. Migne, P. L., t. LXXXII, c. 148.
nement apocryphe ('), puisque le martyr de
Plaisance, soi-disant contemporain de Dio-
ctétien, y parle de choses postérieures à
cette date, les uns, avec Papebroech, n'ont
trouvé aucune trace de voyage ; d'autres
ont reconnu à certaines pages luculeniia
antiquitatis documenta ('). Sans entrer dans
la discussion, il est hors de doute que le
pseudonyme itinéraire est une œuvre du
moyen âge, ni antérieure au VIe siècle,
puisqu'il y est fait mention de l'empereur
Justinien ; ni postérieure au IXe siècle,
époque où remonte le codex 133 de Saint-
Gai], qui est le plus ancien qui nous l'ait
transmis. Papebroech le croit écrit entre le
Xe et le XIe siècle ; mais la critique moderne
lui attribue avec juste raison une antiquité
plus haute et une importance plus grande.
En tout cas, de l'avis de quelques-uns, il
n'est point l'œuvre d'une personne qui ait
fait réellement le voyage aux lieux qu'elle
décrit, et celui qui en est l'auteur l'a composé
en se servant de descriptions et de relations
autorisées dues à d'autres pèlerins, et dont
il a fait un récit original, tout comme le
1. Tobler et Molinier, Itinera hierosolymitana, etc.,
préf. VII, p. xxv-xxvi, ne prennent pas le titre de martyr
donné à Antonin de Plaisance dans le sens ecclésiastique,
mais comme un simple surnom justifié par les privations
du voyage, et ne voient là qu'une erreur de copistes trom-
pés par l'identité du nom. De Rossi, Bull., 1865, p 82 ;
1890, p. 152, pense qu'on doit le prendre dans le sens
moral de protection. — Ces assertions ne sont point
fondées, parce que ce n'est pas seulement V Itinéraire qui
donne à l'auteur le titre de martyr, mais encore les vieilles
traditions mêmes de l'Église de Plaisance, qui attribuent
le pèlerinage d'Orient au martyr du IIIe siècle. En effet,
dans les anciens actes de l'invention du corps de ce saint,
publiés récemment par les Bollandistes d'après deux
manuscrits du XIe siècle, de la Bibliothèque ambrosienne,
sur la foi des plus anciens documents, il est dit : Igilur
hune Antoninum martyre m Cliristi ferunt quodam tem-
pore placentinae urbis finibus egressum a/que orientales
pertransisse provincias, inullaqtie in iisdcm provinciis
eum miraculafecisse serip/um reperimusj denique soeiuin
fuisse beati Mauritii martyris et ex eiusdem legionis
ordiue, qui pro Christo sanguine m fundere meruerunt,
attestantur. — Analecta Bollandiana, t. X, p. 120.
2. Cf. La préface des Bollandistes dans les Aeta Sanct.,
Maii, t. II ; et Migne, P. L., t. LXXII, c. 898.
298
Bctwc De r&vr chrétien.
Diacre Pierre a utilisé dans le même but
les écrits de Ste Silvia. — A la fin du susdit
itinéraire, dont nous avons indiqué la valeur,
nous lisons que, à leur retour des lieux
saints, les compagnons de voyage se rendi-
rent d'Apamée, ville de Syrie, à Antioche.
où ils trouvèrent, entre autres tombeaux,
celui des Machabées : Inde exe unies venu
mus Antiochiam majore m ('), in qua re-
quiescit sanctus Babylas episcopus et très
parvuli, et sancta Justina, et fulianus et
fratres Machabaei, hoc est septem sepukra,
et super uniuscujusque sepulcrum scriptac
sunt passiones eorum. »
Ces indications paraissent fondées ; on
sait, en effet, que, dès le IVe siècle, on hono-
rait à Antioche l'évêque Babylas et trois
enfants, dont le martyrologe hiéronymien
annonçait ainsi la fête au 24 janvier : Antio-
chiae Babylae episcopi cum tribus parvulis.
Qu'il ait été, en même temps que le martyr
Julien d'Anazarbe et les frères Machabées,
l'objet d'un culte spécial de la part des
habitants d'Antioche, nous en avons la
preuve indiscutable dans les homélies pro-
noncées sur leurs tombeaux par Chrysos-
tome au jour de leur anniversaire (3). Et
comme, d'une part, il n'est plus fait mention
des reliques des Machabées à Antioche
chez les historiens des Croisades, qui nous
ont laissé sur cette ville et sur ses souvenirs
religieux qui existaient encore, des détails
si précis, et que, d'autre part, nous les voyons
vénérées à Rome dès le pontificat de Pelage
1er : il s'en suit que l'auteur de l'itinéraire a
dû puiser ses renseignements à une source
antérieure à l'année 561, date de la mort
1. C est-à-dire r, p.v(&\-r\ Avcio^eîa, comme l'appellent
ordinairement les écrivains du temps de Justinien. Le
Ils. latin 4847 de la liibl. nat. de Paris donne la leçon
préférable de Anliochiam magnam.
2. Cf. Homil. de hieromartyre Babylas 'n ss. martyres
Machabaeos, 1, II et III, t. Il; de Etectzaro et septem
pueris, t. X 1 1 ; in sanclum Julianum, t. II, opp. S.joan.
Chrys.
de ce pape. Si l'on observe ensuite que cet
écrivain parle à plusieurs reprises de Justi-
nien et des affreux tremblements de terre
qui vinrent attrister son règne ; de la ville
de Sidon en partie ruinée quae ex parte mit;
de Jéricho, dont les murs apparaissaient
diruti ex terraemotu ('); on conclura sans
hésitation que ces renseignements provien-
nent de voyageurs du VIe siècle qui visi-
tèrent ces contrées de 543 à 561.
Mais la tradition chrétienne nous offre,
relativement au lieu du martyre des Macha-
bées, un témoignage bien autrement caté-
gorique, et digne assurément d'être soumis
à la critique la plus rigoureuse: c'est l'accord
complet de l'Églised'Occident et de l'Église
d'Orient sur ce point. Nous ne nous arrête-
rons pas aux martyrologes de Bède, de
Florus, de Wandelbert, de Notker, d'U-
suard, d'Adon, y compris le Romanum par-
vum copié par celui-ci à Ravenne ; tous,
sans exception, fixent aux calendes d'août
et à Antioche de Syrie la passion ou nais-
sance (à une vie meilleure) des Machabées.
En omettant dans l'énoncé de cette nais-
sance toute indication topographique, Ra-
ban Maur ne jette pas une note discordante,
mais se tait, dans ce concert unanime.
Inutile également d'invoquer les ménologes,
les ménéums, les synaxaires de l'Église
d'Orient. Ce sont des documents de seconde
main, provenant de sources plus anciennes
et auxquelles il nous faut remonter.
Dès l'époque de Cassiodore, les Églises
d'Occident avaient entre les mains un mar-
tyrologe qui, faussement attribué à saint
1. « Le 9 juillet, un grand et épouvantable tremblement
« de terre se fit sentir dans toute la Palestine, l'Arabie, la
< Mésopotamie, la Syrie et la Phénicie, et couvrit de
<i ruines lés villes de Tyr, Sidon, Berytus, Tripoli et
« Byblos. — Ttp 8è 'IouXiqj p.ï|vi 0' iyév&zo jeiiiià; [tÀfCK xai
•< oo|3spà< Èv ~ï7r, -.i, J£u>pa [IaXai<mvi)Ç /.t.: 'ApafJtaç /.xi
•( Msaoïtoxafuac xai Eupiaç xai <I>oivîxi);, xai êitaÔEv Tôpoç xai
•( EtSùv Ttat B-rjpuxo; xai 'J'pnroXtc xai Bû^Xoî. » Théophane,
Chronographia ad an. jjj. Malalas le repoi te à l'année
55-:. Cf. C/iro/i., 702.
a^arfpre et sépulture Des £©act)abées.
299
Jérôme, contenait une multitude de noms
de martyrs avec l'indication du lieu de leur
supplice ('). Sous le Pontificat de saint
Grégoire le Grand, nous voyons l'Église
romaine conserver ce livre, dans un texte
certainement plus pur qu'ailleurs : témoin
la lettre du même Pape en réponse à Eulo-
gius, patriarche d'Alexandrie (2).
Un fait cependant aujourd'hui bien con-
staté, c'est que les plus anciennes copies
de ce livre parvenues jusqu'à nous ne re-
montent pas au delà du VIIIe siècle, et
que parmi elles le nombre des MSS. pleni
est excessivement restreint, car De Rossi,
après les plus diligentes et les plus heu-
reuses recherches dans les bibliothèques
d'Europe, n'en a pu compter que treize,
tandis que les abrégés ou extraits existent
en nombre très considérable. Nous nous
MS. EPTERN.
kl. agùs antioc mâcha-
beorû VII. ffrûm cum
matre.
MS. BERN.
KL. AGUS.
IN ANTIOCHIA
Passio Scôrum Mâcha-
beorû septê fratrum cû
matre sua. qui passi sunt
sub antiocho rege.
On pourrait faire une objection : ce té-
moignage, quoique unanime, ne va pas au
delà du VIIIe siècle, et ces Mss., personne
ne l'ignore, loin de donner le martyrologe
de l'Eglise d'Occident dans son état origi-
nal, représentent, par les nombreuses addi-
tions faites au texte primitif, une espèce de
centon, où il est souvent difficile, parfois
même impossible, de distinguer ce qui est
du premier auteur. — Il y a là, incontesta-
blement, une difficulté sérieuse, et à laquelle,
en ce qui concerne le texte ci-dessus de la
fête des Machabées, il importe de répondre
1. Cassiodoie, De institut, divin, lection., c. 32.
2. Ad. Eulog. Pair. A/exan., epist. XXIX, lib. VII, ind. I.
arrêterons aux plus importants des manus-
crits pleniores, parce qu'ils sont la source
d'où proviennent tous les autres. Le plus
ancien, d'après De Rossi et Duchesne ('),
est le Ms. d'Epternach (Lux. holl.), de pro-
venance anglo saxonne, contemporain de
saint Willibrord (658-738) ; on regarde
comme très insigne celui de Berne à l'usage
du diocèse de Metz, des dernières années
du VI I Ie siècle; vient ensuite celui de Wis-
senbourg ou Blumianus, de l'année 772; on
y ajoute encore, pour sa plénitude, celui de
Corbie, publié par d'Achéry, quoiqu'il ap-
partienne à une époque plus récente (2).
Ceci posé, mettons sous les yeux du lecteur
les textes des manuscrits ci-dessus qui s'ac-
cordent tous à placer à Antioche le martyre
des Machabées :
MS. WISSEMB.
kl. agustas In antiochia
pas scorum machabeorum
septem fratrû cum matre
MS. CORB.
kal. aug. Litania indi-
cenda. In Antiochia passio
sanctorum Machabaeorum
a qui passi sunt sub an- , septem fratrum cum matre
tioco régi.
sua qui passi sunt sub An-
tiocho rege.
de manière à ne pas laisser l'ombre d'un
doute.
Les copies hiéronymiennes, dans l'état
où elles nous sont parvenues, représentent
en effet un centon d'anciens documents du
IVe, du Ve et des siècles suivants; mais on
y rencontre les traditions hagiographiques
les plus anciennes et les plus vénérables du
monde chrétien. Pour ne parler que de
l'Église de Rome, il est avéré désormais
que le centon hiérony mien contient les jours
de fête, ou listes des solennités annuelles,
1. Joh. Bapt. De Rossi et Ludov. Duchesne, Marlyro-
logium hieronymian. dans les Acta SS. Novembris,
t. II, p. IV.
2. Spiàlegium, t. II, c. 1. ■
REVUE DE L'AKT CHRÉTIEN.
1899. — 4me LIVRAISON.
*oo
Brime lie rart cbvétten.
décrétées sous les papes Melchiade (311-
314); Marc (336); Libère (352-366); Inno-
cent Ier (401-417); Boniface Ier (418-423).
Il est établi en outre par une saine critique
que le compilateur eut entre les mains et
mit à contribution un martyrologe grec en
usage dans les Églises d'Orient au IVe siè-
cle ('). Reste à démontrer que l'énoncé de
la fête des Machabées, qui figure dans le
centon hiéronymien, est dû au premier
compilateur et ne peut être postérieur au
IVe siècle ou au commencement du Ve.
Contrairement à l'opinion de Galesino, il
semble difficile d'admettre que le culte pu-
blic de maryrs rendu par le Christianisme
aux Machabées, qui appartenaient à l'an-
cien Testament, puisse remonter à une date
antérieure au IVe siècle, sauf quelques ex-
ceptions particulières, comme en Syrie et
peut-être aussi en Afrique. Il est certain que
S. Cyprien.au II Ie siècle, fit un magnifique
éloge des Machabées, les proposant pour
modèles aux chrétiens qu'il exhortait au
martyre (2). Et à cette occasion nous dirons
que l'admirable exemple de fidélité à la
religion de leurs ancêtres et de sublime hé-
roïsme, qui couvrit de gloire les Machabées,
fut le motif principal pour lequel l'Église
chrétienne les honora du culte public, propo-
sant leur courage à l'imitation des fidèles (3).
Telle en fut en effet la raison principale
et première, quoique on en ait invoqué
d'autres, et qu'on ait eu recours à bien des
subtilités pour expliquer le fait du culte
1. Cf. De Rossi et Duchesne, /. c, p. L-LXIX.
2. Epistola ad Fortunatum de exhortatione martyrii,
c. XI ; et Epist. ad Thibaritanos de exhortatione mar-
tyrii, n. 4.
3. « Formant] tolerantiae pnubuerunt isti beatissimi
fratres [Machabaei] futuris post passionem Christi mar-
tyribus, ut intelligant quanta animi magnitudine et con-
Stantia pro Redemptoris nomine dimicare debeant, pro
cujus mandata pertinaciter ipsi certassent. i S. Gaudent.
Prix , Set m. XV, de diversis capitulis quint us, die natali
Machabaeorum.
rendu par les Chrétiens à des Juifs (').
D'ailleurs on ne saurait le nier : la fête des
Machabées rencontra à l'origine une oppo-
sition, contre laquelle durent s'élever les
Pères ("); néanmoins elle ne tarda guère à
être universellement acceptée.
Il n'est pas besoin de citer le calendrier
de l'Église de Carthage (3), de la première
moitié du VIe siècle, qui porte la fête des
Machabées ; ni l'Almanach de Polomée
Sylvius, évêque dans les Gaules, publié en
448 d'après un autre plus ancien, puisqu'il
signalait laterculum, quem prioresfecerunt,
dans lequel les calendes d'août sont con-
sacrées à solenniser marlyrmm Macha-
baeorum (4). Nous avons une série de Pères
de la première moitié du Ve et de la seconde
du IVe siècle, qui témoignent que cette fête
était dès lors communément reçue. Un
sermon attribué à saint Léon le Grand (5) ;
un autre de saint Valérien (6) ; quatre de
saint Augustin (7) ; trois de saint Maxime
de Turin (8) ; un, déjà cité, de saint Gau-
dens de Brescia, dont il fait mention dans
la préface à Bénévole ; quatre de S. Jean
1. Cf. S. Bern., epist. XCVIII, ad quaestionem cur ex
justis antiquae le gis solis Machabaeis Ecclesia diein festum
decreverit.
2. i Nemo ergo dubitet, fratres mei, imitari Mâcha-
baeos ; ne cum imitatur Machabaeos, putet se non imitari
christianos. Prorsus imitationis affectus ferveat in cordibus
nosttis. Discant viri mori pro veritate. Discant feminae
de matris illius tanta patientia, ineffabili viitute, quae
noverat servare filios suos. Habere noverat quae perdere
non timebat. » S. Aug., Serm. CCC de sanctis, n. 5. Cf.
S. Greg. Nazianz., Oral. XV; dr Machabaeis, n. 1-2; et
S. Joan. Chrys., Hom. de Eleasaro et septem pùeris, n. i.
3. Cf. Mabillon, Analector. vêler., t. III, p. 398.
4. Cf. Bolland, Acta SS., t. I, p. xliv.
5. S. Leonis M. PP., t. I, col. 453, éd. Baller.
6. S. Valeriani, episc. cemelien. Hom. XVIII de Macha-
baeis.
7. S. August., Sermon, de sanctis, CCC, CCCI, CCCI I,
éd. Maur;et Serm. LXXVI, éd. Caillau, t. XXIV bis,
p. 51.
8. S. Max. Tnur. Serm. LXXIX, LXXX, LXXXI1I,
Migne, P. L., t. LVII.
09artpre et sépulture ùes £©acl)abée0.
301
Chrysostome (') et un de S. Grégoire de
Nazianze (-), furent tous prononcés à l'oc-
casion du jour anniversaire des Machabées,
sans compter tous ceux qui, d'une authen-
ticité douteuse, ont été renvoyés à la fin de
leurs œuvres respectives. Il existe encore,
dans les manuscrits syriaques du Musée
britannique, deux hymnes pour la même
fête composées par S. Ephrem(3). D'autres
Pères de l'Église d'Occident, contemporains
des premiers, insèrent dans leurs écrits de
merveilleux éloges des Machabées et pro-
posent leur martyre comme exemple ; ce
qui prouve que leur culte est suffisamment
connu et répandu. Citons tout spécialement
l'ancien auteur du poème « de natali Jl/a-
chabaeorum » ("), Prudence (5), saint Zenon
de Vérone (6), saint Ambroise (7), saint
Hilaire d'Arles (8). Saint Ambroise, dans
une lettre adressée à l'empereur Théodose,
vers la fin de l'année 388, nous apprend en
outre que certains religieux de son temps
avaient Xliabitude, habitude déjà ancienne,
d'aller processionnellement, au chant des
psaumes, célébrer la fête des martyrs Ma-
chabées — psalmos canentes ex consuetudine
usque veteri pergebant ad celebritateni Ma-
chabaeorum martyrum (9). D'où il est per-
mis de conclure que l'usage de solenniser
la fête des Machabées avait été transporté
en Occident bien des années avant saint
1. S. Joan. Chrys., Hom. I, in SS. Machabacos, et in
matrem eorum ; II et III in SS. Machabaeos ; Hom. de
Eleazato et septem pueris, t. II et XII opp.
2. S. Gregor. Nazianz., Orat. XV, de Machabaeis.
3. V. Lamy, S. Ephraemi syri hymniet sermones, prœf.,
t. I, p XVI.
4. Migne, P. L., t. L, c. 1283.
5. Hymn. V et X De coronis.
6. Tract. De resurrectione, Migne, P. L., t. XI, c. 38.
7. De officia ministr., c. xli, n. 201, t. XVI, c. 83 ; De
Jacob et vita beata, lib. II, cap. X-XII, t. XIV, c. 632-638,
éd. Migne.
8. Cf. Combefis, Bibl. PP. concion., t. VII, p. 460 ; éd.
Paris, 1662.
9. Epist. XL, ad Imperat. Theodos. August., n. 16,
t. XVI, c. 1107.
Ambroise. Ajoutons enfin, en dernier lieu,
que, dès le IVe siècle et au commencement
du Ve, on trouve déjà des basiliques érigées
et dédiées aux martyrs Machabées (').
Aussi Théophile, patriarche d'Alexandrie,
dans sa troisième lettre pascale, écrite l'an
404, pouvait-il affirmer en toute vérité que
le culte des Machabées était en honneur
dans toutes les Églises de l'univers : tolius-
qtie or bis in Ecclesiis Christi laudibus prae-
dicantur (2).
Ceci posé, il est facile de conclure que les
textes des copies hiéronymiennes citéesplus
haut, lesquelles renferment, nous l'avons vu,
les anciens calendriers ou nomenclatures
des fêtes de l'Église d'Occident au IVe et
au Ve siècle, étant pleinement d'accord
entre elles et avec les témoignages des
Pères et des monuments contemporains, ne
proviennent pas d'additions postérieures,
mais appartiennent à la première rédaction
du martyrologe en usage dans les Églises
occidentales. Il n'y a donc pas lieu de s'éton-
ner si la leçon des plus anciennes copies qui
soient parvenues jusqu'à nous : In Aulio-
chia passio sanctorum MacJiabaeorum [sep-
tem fralrum cum maire sua] qui passi sunt
sub Antiocho rege se trouve, à l'inversion
des mots près, rapportée presque textuelle-
ment par saint Augustin : Antiochumqtiippe
regem perseaitorem impium pertulerunt
[septem fr aires cum matre sua\ et memoria
martyrii eorum in Antiochia celebratur (3).
Si nous voulons pénétrer plus avant dans
l'étude des sources, et examiner de quelle
manière le souvenir du jour anniversaire
des Machabées est entré dans les fastes de
l'Église d'Occident, nous pourrons affirmer,
ce semble, qu'il est venu d'Orient, et pré-
1. Sollier, Acta SS. Aug., t. I, ad diem 1'" m. § II, n. 16.
2. Lettres de S. Jérôme, epist. C, n. 9.
3. Serm. CCC, n. 5 cité plus haut.
K52
3&rtntr tre V&xt chrétien*
cisément d'un férial ou martyrologe de
l'Eglise d'Antioche.
De Rossi et Duchesne ont savamment
démontré, par d'excellentes raisons, que
les saints orientaux cités avec la mention
fréquente de leurs provinces respectives
par le centon hiéronymien, proviennent de
source orientale. Wright, en 1866, publia,
accompagné de la version anglaise, un mar-
tyrologe syriaque d'après un manuscrit du
Musée Britannique retrouvé dans un mo-
nastère de Nitria. C'est le plus ancien
manuscrit syriaque que l'on connaisse ; car
il remonte à l'année 723 de l'ère des Séleu-
cides, qui correspond à l'année 411-412 de
l'ère chrétienne. Ce martyrologe se divise
en deux parties : la seconde renferme une
liste de martyrs perses, appartenant à la
persécution de Sapor au IVe siècle : la pre-
mière est un vrai martyrologe, quoique
maladroitement abrégé. Les mois y sont
désignés par leur nom syriaque, mais cor-
respondent aux romains ; et les jours sont
comptés sans interruption du commence-
ment jusqu'à la fin du mois. Le texte sy-
riaque que nous avons, évidemment n'est
pas l'original, mais seulement une traduc-
tion en abrégé d'un martyrologe plus com-
plet écrit en grec et non parvenu jusqu'à
nous, dont l'auteur, outre les calendriers et
listes des fêtes des différentes Eglises, s'est
servi des deux livres d'Eusèbede Césarée,
l'un également perdu, qui avait pour titre :
^ ffuvaYWp) "wv àpyaiwv ptapx'jpîwv (') » : l'autre,
existant, qui est le livre connu « de mar-
tyribtis palaestinis ».
Après ces courtes indications, suffisantes
à mieux faire ressortir l'importance du do-
cument, nous croyons utile de mettre sous
les yeux du lecteur la version gréco-latine
1. Euseb., Hist. eccles., lib. IV, c. 15, 48.
du premier jour d'août consacré au culte
des martyrs Machabées :
■J. -r,\l UT.v'j; /.l-'-l TOÙî EX-
7.i)va(,btULapxup£< oî ixTÛvev
'Avxioystç, lytot Iv KEpateîqf,
Sa(j.ouvaç, o\ h Maxxajjat'oiç
aevot.
rrimafdie] mensis secundum
Graecos, martyres (')ex iis qui
in Antiochia, sive in Cerateo,
depositi sunt, tîlii Samunae
inter Machabaeos annumerati.
Inutile de nous arrêter sur le nom de
Samuna, Sciïmûni, donné à la mère des
sept frères, nous y reviendrons plus loin :
nous nous bornerons à faire remarquer
l'importance de l'indication de leur sépul-
ture, qui eut lieu à Antioche et précisément
dans le Ceratcum. Le Cérateum, -h xspâTEiov
ou y.£pà7£ov,qui est la même chose que xepâ-re£a
ou xspaTia, désigne le fruit et même la plante
du siliquastrum ou du caroubier, arbre qui
croît dans le Levant et aime surtout les
fissures des rochers. C'est donc d'un carou-
bier que vient le nom d'un quartier d'An-
tioche, et l'auteur du martyrologe primitif
écrit en grec, voulant préciser l'endroit
qu'occupaient, au IVe siècle, dans la grande
métropole de l'Orient, les tombeaux des
Machabées, s'exprimait ainsi : h \/-'.v/zir,
Y-o'. ïv KspxTsûf. Ce qui semblerait indiquer :
ou que l'écrivain était originaire d'Antioche,
ou du moins qu'il y avait habité un certain
temps, puisqu'il avait une connaissance
exacte des différents quartiers dont se com-
posait la ville. Un étranger, peu au courant
du pays, n'aurait pas spécifié le lieu de cette
maison en faisant une exception à l'usage
généralement observé. De plus l'énoncé
même de la fête des Machabées, relative-
ment au temps où il a été écrit, en trahit
manifestement l'origine antiochienne.
Le martyrologe en question contient
quelques noms de martyrs de la persécution
de Julien ; il est donc évident qu'il ne peut
être antérieur à l'année 362. Mais lemanus-
1. Le texte syriaque porte confessores, toutefois dans le
sens de martyres.
30arîpre et sépulture De0 3@acr)abées.
303
crit syriaque de l'année 41 1-412, loin de
nous donner le texte Original, reproduit au
contraire une version du grec ; et comme il
n'est pas certain que cette version soit con-
temporaine du manuscrit qui nous l'a trans-
mise, il s'ensuit que l'on peut, sans crainte
de se tromper, assigner approximativement
le texte primitif grec aux vingt-cinq der-
nières années du IV? siècle. Or, pendant
cette période, la fête des Machabées, excepté
à Antioche, n'était guère connue en Orient,
et rencontrait de graves difficultés en raison
même, je l'ai dit, de leur origine judaïque.
Témoin saint Grégoire de Nazianze qui
commence ainsi le magnifique discours qu'il
prononça, vers l'année 2,73, à Antioche de
Cappadoce, en l'honneur de nos martyrs :
Pourquoi les Machabées ? C'est à etix certai-
nement qu'est dédiée cette fête, quoique beau-
coup ne les honorent pas sous prétexte que
leur martyre n'a pas eu lieu depuis Jésus-
Christ ; il est poiirtant bien juste que nous
les honorions tous en raison de leur intré-
pidité à défendre les lois de leurs pères. —
Tî os ol Maxxa{3aîb'. ; toutuv vào y, t.-j.Wjs-j. -y.v/,-
yuptç, oj îtapà ttoàXoÎç f.ii Tip.wji.evwv, ot'. uy ps-rà
'/p'.TTOVY, aO/.Y,7'.; ■ -7.7'. 02 -.'.'if.nh T. xlj'.ov, OT'.TOpl T'.JV
TcaxpÎMv y, xapTepîa ('). Et saint Jean Chrysos-
tome, encore jeune, eut à combattre, lui
aussi, le préjugé de ceux qui ne voulaient pas
admettre les Machabées au nombre des mar-
tyrs (2). Il ne semble donc pas probable
i. S. Grégor. Nazianz., Oratio XV in laudem Mâcha?
baeomm, n. i.
2. La veille de la fête des Machabées, Chrysoslome
disait aux habitants d' Antioche : « Mais remettons à de-
main le soin de les louer : aujourd'hui bornons-nous à
reprendre les plus faibles de nos frères , car un grand
nombre d'esprits simples, cédant aux caprices de leur ima-
gination et entraînés par les ennemis de l'Eglise, n'ont pas
pour ces saints l'estime qui leur est due, ne les comptent pas
au nombre des martyrs, disant qu'ils n'ont pas versé leur
sang pour le Christ, mais pour la loi et les prescriptions
de la loi, égorgés qu'ils o>il été pour des viandes de porc.
Or il faut redresser leur sentiment. A/./.' à fv ttov È^xtofitoiv
Zï'.'.o.- £■; -r,v TJÇloy 'r,\j.i^ r^i.iyxi ivajJlîvlxiiJ " -r,y.iyji ôi
xoO; àoOevetrcépouî ~.Cr< àSsXoûv ^fMÔv 3iopÔa>ffO(xsv. 'Ettî'.otj
qu'un compilateur grec de provinces éloi-
gnées de la métropole de la Syrie, ait pu
insérer dans son martyrologe une fête abso-
lument propre à cette cité et qui n'était
guère propagée en Orient où elle n'était
pas reçue sans opposition.
Un autre indice analogue nous amène à
la même conclusion. M. Duchesne fait ju-
dicieusement observer que le traducteur
syrien du martyrologe grec, lequel était, ce
semble, d'Édesse et appartenait certaine-
ment à la Syrie orientale, où seulement les
lettres syriaques étaient alors en usage,
ouvre la série des fêtes par le 26 décembre,
omettant le 25, jour de Noël, et faisant au
contraire mention de la solennité de l'Epi-
phanie au 6 janvier. Ce qui prouve chez
lui l'intention de ne pas se borner à con-
signer uniquement les fêtes des martyrs.
Pour avoir de ce fait une explication plau-
sible, il ne faut pas oublier que le texte grec,
dont dérive le syriaque, commençait l'année
le 25 décembre, comme cela se pratiquait
dans tout l'Occident ; mais le traducteur
syrien, pour se conformer à la coutume de
son Eglise, tout en gardant l'ordre des
jours et des fêtes, tel que le donnait l'exem-
plaire grec, mit de côté à dessein la susdite
solennité de Noël. Cette particularité vient
encore confirmer que le martyrologe pri-
mitif écrit en grec appartenait à l'Eglise
d'Antioche. Car il est à remarquer que si
l'Occident, depuis la Thrace jusqu'au détroit
de Gadès, 'a-o Qoi/.r^ y-ipy. raSeîpuv ('), sui-
vait la tradition romaine, de célébrer la
nativité le 25 décembre, l'Orient demeura
yàp -rSi'i.'i: tûv àipsXsa-tÉpcdY xatà -.i;i Stâvotav /(u/.EJcv-re;,
•JTTo Tiô'/ È^Bpûv -?,; ExxXijat'aç rcapzaupojj.svo!, où ttjh -yj-ir
xouaav —-y T(3v ây.iov ToÛTtov Sogav l^oumv, où8s âfioûuç :'..;
tàv Xowtôv x&v [xapTupuiv oc-Jto -j- xazaLkéyouacv vopôv, '/.(■■'ji-.i-
ÔTI oj UTïÈp /yz-.'yj -Jj y~\'>.ï l\i/i%i, xXX' bïtèp toû vo'aoj xai
tûiv i-i Tiù vdpiqj ■;yj.î).\ii-.fii, Entèp -/y.yv.wi jawsvtEç xpstîta'
sspE 8t] -r,v i/.v.'iun 3iop6u)ffco|x£v Stâvotav. » Homil. de Elea-
zaro et septem pucris, n. I.
1. Id., Homil. in diem nal. D. N. J. C, n. 14.
304
Peinte ïie l'&rt cbrcttcn.
longtemps hostile à cet usage, et ne com-
mença à l'adopter peu à peu, et non sans con-
tradiction, que vers la moitié du IVe siècle.
L' Église d'Alexandrie avant le Ve siècle (');
celle de Jérusalem avant le VIe (2) ; les
Grecs de Chypre à l'époque de saint Épi-
phane ne l'avaient pas encore admise (3) ;
ni les Arméniens eux-mêmes (4). Une
homélie de saint Jean Chrysostome, pro-
noncée l'an 386, nous apprend que la fête
de Noël, établie à Antioche depuis une
dizaine d'années (5) à peine, y était l'objet
d'une controverse, 'auto'.ç^ïyrwusv-ri. D'un
autre côté, remarquons qu'Édesse, malgré
la dépendance où elle était du patriarcat
d'Antioche, n'avait pas encore accepté cette
fête (6). Par conséquent, quoi déplus naturel
que de la capitale de la Syrie, de l'Église
mère, fut parvenu aux traducteurs d'Édesse,
à la distance de sept journées de marche
seulement (7), le texte grec du martyrologe
avec la fête de Noël, reçue là dès 377 ; et
qu'elle ait été effacée de la version syriaque
en raison de la pratique opposée, suivie
alors par l'Église d'Édesse ?
D'autres arguments viennent encore con-
firmer cette opinion. Et d'abord de l'examen
comparatif du court abrégé du martyrologe
grec, qui nous reste dans la version syriaque,
il ressort que le traducteur qui arrive à peine
1. Cf. Cassian. Collât. X ; Gennad., De vins, 59 ; Har-
douin, Conc, t. I, p. 1693; Isidor. Pelus., lib. III, epist. ex.
2. Cf. Peregrinat. Silviae, éd. par Gamurrini, dans la
Bibliothecastorico-giuridica, t. IV; Cosma Indicopleustes,
De opific.mundi, lib. V, pp. 194-195, éd. par Montfaucon.
3. S. Epiph. Hœres., LI, § 24.
4. Cf. Joan. Episc. Citri, Respon. inédit, ad Cabasil.
epist. Dyrrach., dans Cotelerio, Not. ad. constitut. apost.,
lib. V, c. 13.
5. « 0j7tco Ssxatov èjtiv È'xo;, è; o-j 5t)Xtj xai yvcApifU); f,;j.r>
bwti) r, ^(xÉpa y^'t,-**.. » Homil. ci-dessus.
6. Edesse célébrait la Nativité Vil Iidus januar., comme
le rapporte saint Ephrem, père de l'Église syriaque, dans
\ftSerm.IV in Natal. Domini, opp. syriaco-latin.,\. II,
p. 415, édit. rom. 1740.
7. D'après 1' ' Itinerarium burdigalense du IVe siècle An-
tioche était à sept journées de marche d'Édesse.
à enregistrer les noms de vingt évêques pour
toutes les Églises orientales et occidentales
de l'empire romain, en nomme huit d'Antioche
seulement, à savoir, Babylas, Maxiittin,
. hupliimel, Pltilippe,Eros,Sérapion, Ignace,
et Zébenon ; et qu'il fait de même mention
des martyrs de l'Église d'Antioche, qui y
étaient principalement fêtés dans la seconde
moitié du IVe siècle, et dont saint Jean
Chrysostome célébra le jour anniversaire
par de brillantes homélies, tels que les
RIachabées, Ignace, Pélagie, Bernice, Pros-
doce, Romain, Barlaam, Babylas, Lucien (').
Faisons une dernière observation sur ce
point: le nom donné par la tradition à la
mère des Machabées n'est pas le même
dans les Églises d'Orient : les unes l'appel-
lent Saniona^y.y.ovxç et en syriaqueSc/i ni uni;
les autres Salomona, Sa^ojjtovr,, comme on lit
dans toutes les menées et synaxaires (2), ou
Salomonide, Ea^ojjiqvÉ;, suivant le ménologe
de l'Empereur Basile.
Il n'importe pas de rechercher le fon-
dement de cette tradition, non plus que la
raison de cette divergence : nous nous
bornons à constater simplement le fait. Or
il est certain que toutes les Églises grecques
relevant des patriarcats de Constantinople,
Alexandrie et Jérusalem, lesquels adoptè-
rent les livres liturgiques en langue grecque
ou les traduisirent dans leur idiome propre,
ignoraient la dénomination de Samona, et
appelèrent constamment Salomone ou Sa-
1. Lucien et Babylas sont les fameux martyrs d'Antioche
que l'abréviateur syrien place parmégarde sous l'indication
de Nicomédie ; ils appartiennent à Antioche, qui les ho-
norait les 7 et 24 de janvier. Cf. S. Jean Chrys., Homil. in
sanction martyr em Luciunum, n. 1-2, t. LIX, col. 520-522;
et l'autre de hieromarlyre Iiabyla, c. 527.
2. Le Kalendarium graecomoscum porte au 1" août :
Kïjaav Èvi itptorfy 2oXou.ovr)V èirtâ teoloû;. De plus le Cod.
ms. n. 1875 de la Bibliothèque nationale de Paris, à la fin
du livre de Flavius Josèphe de Machabaeis, donne à leur
mère le nom de SoXop.ovi5 ; de même Érasme dans sa pa-
raphrase si arbitraire de ce livre.
£gartpre et sépulture hts 09aerjabées.
305
lomonide la mère des sept frères. Par contre,
les Églises de la Syrie orientale et occi-
dentale, qui relevaient de l'ancien patriarcat
d'Antioche, furent les seules qui gardèrent
le nom de Samona ou Sclimiinî, et ne con-
nurent pas l'autre ('). D'où il est permis
d'inférer que le nom de Sc/imûnî, donné à
la mère des Machabées par le martyrologe
syriaque du IVe siècle, atteste à l'évidence
l'oçigine antiochienne du texte grec primitif,
dont fit usage le traducteur de 377 à 412.
1. Cl. Nilles, Kalendar. utriusque eccles., t. I, p. 230 et
t. II, p. 593 ; Assem. biblioth. orient., t. III, P. I, p. 647.
On ne saurait voir dans tout cet ensemble
de circonstances un effet du hasard ; ou
nous nous trompons fort, ou elles consti-
tuent un argument qui nous autorise à ad-
mettre que la fête des Machabées inscrite
au martyrologe hiéronymien provenait des
fastes grecs de l'Église d'Antioche du
IVe siècle. Reste maintenant à rechercher
les origines et le progrès de la tradition
antiochienne.
Card. Rampolla
(traduit par Mgr Le.monnier).
(A suivre.)
*ft* A*Vl* &A J^A Jfffif* SîiA A^A >MA »*%* A*Sk A^I* A?*I* A^* A?Vl* A^VC A^X *&g
11
lie trésor tic l'cgltse JSr=Hmbrotsc à ffîtlan.
jixiiTTBirrriiixiiiiiiixiixtiiJxiiriTiixii-iiiiiiiiiiii-txiiixjiiiLiiiriii-criiJiit:!.
TirTTTTVTTTTTTriCIIIXIIIXriTTTIIXIIIXIIXXXLJ
a
k **&* **&* ^^ W W W y^* *&* W W y^ W ?■£* y^v VI* S
PRÈS avoir visité le
trésor du dôme, il ne
faut pas oublier celui
de l'église Saint-Am-
broise ('). L'un et l'au-
tre se complètent : en
m¥v*!3iWWaps» effet, la basilique am-
brosienne possède des richesses d'art qui
ne se trouvent pas à la cathédrale. Sans
doute, dans l'église paroissiale, autrefois
abbatiale, puis collégiale, les objets en or-
fèvrerie sont peu nombreux, mais ils mé-
ritent une attention particulière par leur
beauté artistique et leur intérêt archéolo-
gique. Ce qui est conservé à la sacristie se
voit facilement et, à deux voyages succes-
sifs, les custodes se sont montrés, pour
Léon Palustre et moi, d'une rare complai-
sance, bien que nos séances aient été fort
longues chaque fois. Je tiens à leur donner
ici un témoignage public de ma gratitude.
Pour l'autel d'or, il faut une permission
spéciale du curé, qui, du reste, la donne
très obligeamment, et, naturellement, moyen-
nant finance (2) : pareille volupté des yeux
et de l'esprit n'est pas faite évidemment
pour le vulgaire. La pièce capitale est pré-
cisément cet autel, sur lequel je m'étendrai
avec quelques détails, au risque de paraître
i. La ville de Milan possède, dans ses églises, trois
trésors de premier ordre, que les archéologues ne peuvent
se dispenser de visiter: ils sont au dôme, à St-Ambroiseet
àSte-Marieprès St-Celse. J'ai publié ce dernier, en 1SS5,
dans la Revue de l'Art chrétien, pp. 287298, 479490;
il en a été fait un tirage à part. Le second parait aujourd'hui.
J'espère ne pas trou faire attendre désormais le premier,
qui sera imprimé ici même.
2. Du Pays {Itinéraire descriptif, historique et artistique
de l'Italie, Paris, Hachette, 1855; renseigne ainsi le> voya-
geurs, page 117 : « La principale curiosité (de St-Am-
broise; est le paliotto ou devant du maître-autel, en or,
merveilleux travail d 'orfèvrerie, donné par l'archevêque
Angilbert Pusterla,vers 855. Il faut payer 5 fr.pour le voir. >
méticuleux et prolixe, le reste pouvant
n'exiger qu'un examen plus rapide et pour
ainsi dire sommaire.
I. — .Boîtes eucharistiques (IV«-V« s.).
Je ne les connais que par Millin qui les
décrit ainsi :
« La sacristie de Saint-Ambroise ren-
ferme quelques monuments, entre autres
deux artophores (') en ivoire (2). On voit,
sur l'un, l'histoire de Jonas (3), et sur l'autre,
quatre miracles de Jésus-Christ (4). »
(Millin, Voyage dans le Milanais, t. I,
p. 187).
II. — Dalmatiquc De samMim&roige
(IVe-XIes.).
1. Je n'ai trouvé, à son sujet, que cette
seule mention dans la Revtie de l'Art chré-
tien, t. III, p. 10S : «A Milan, une dal-
matique pourrait bien avoir servi au cou-
ronnement de l'empereur Conrad le Salique
par l'archevêque Héribert ou Arriberto, en
La date n'est pas exacte, peut-être n'est-ce qu'une eneur
de typographie. Le nom de l'archevêque peut être intéres-
sant pour le public; mais, à coup sûr, celui de l'orfèvre l'est
bien davantage. Il ne s'agit pas d'un devant d'autel, mais
à! un autel complet, cas exceptionnel. L 'orfèvrerie n'est pas
tout dans cette merveille : pourquoi omettre les émaux et
les gemmes ? Voilà comment les guides informent les
voyageurs !
1. « De stpTroir, pain, et çopsw, porter, c'est-à-dire boîte
à contenir le pain consacré. »
2. « Ils sont gravés dans le recueil de Gori, intitulé
Monument a sacra eburnea, pi. XXIV*. »
3. « La place qu'occupe cette histoire prouve que, selon
l'opinion de saint Augustin, De syntb. adeatech., cvi, l'his-
toire de Jonas est une allégorie de la mort et de la résur-
rection de J.-C; un ange portant une croix paraît ordonner
au cétacé d'engloutir Jouas, mais de ne le point faire
mourir ; l'ange qui est pics de Jonas endormi, après être
sorti du ventre du cétacé, ne tient pas de croix, parce que
cette seconde partie de l'histoire de Jonas est une allé-
gorie de la Résurrection. î>
4. « La Résurrection de Lazare, l'Hémorroïsse, la gué-
rison d'un Paralytique, celle de l'Aveugle-né. »
3Le trésor De l'église ^t^mbrotse à SEiïlan. 3o7
1026 : c'est un large galon, or et rouge,
figurant un treillis à mailles hexagonales,
chargées en abyme d'un petit rectangle ;
sauf le dessin, comme matières premières et
distribution des couleurs, il est identique au
vêtement sacerdotal de Maubeuge. Il est
vrai que la disposition géométrique de ce
galon ne permet pas de l'attribuer à d'autres
ateliers qu'à ceux de Constantinople. »
2. La dalmatique de Saint-Ambroise est
conservée dans une des chapelles latérales,
sous un autel dont la partie antérieure est
vitrée. On la voit mal et surtout non dépliée.
Une relique de cette importance, au double
point de vue de l'hagiographie et de l'ar-
chéologie, mériterait d'être mieux traitée et
la vénération qui s'y attache n'aurait rien à
y perdre. Il conviendrait donc de l'exposer
dans une châsse, ouverte sur ses deux faces,
et de la montrer entièrement déployée, afin
que ceux qui ont besoin de l'étudier puis-
sent le faire à l'aise. Il ne suffit pas de voir
l'étoffe, il est essentiel aussi de savoir com-
ment elle a été taillée. Une dalmatique du
IVe siècle est chose unique au monde, et
même mutilée, elle est encore infiniment
précieuse (').
Ce vêtement insigne a été découvert,
enfermé dans une caisse de plomb, dans
l'ancienne église de Saint-Nabor, qui, mal-
heureusement, est devenue la caserne de
Saint-François.
Je distingue trois pièces différentes : la
dalmatique proprement dite, un premier
suaire et le suaire de l'archevêque Héribert.
La dalmatique est en soie rouge, mince
comme le taffetas. Elle n'a plus la forme
d'un vêtement. Près d'elle est un morceau
plié, en soie jaune, que l'on estime être la
i.On conserve à Aix-la-Chapelle, dans l'église Ste-Thé-
rèse « quelques parties d'une dalmatique et des linceuls de
S. Laurent » (Beissel, Le petit /ivre des grandes reliques,
p. 31). Voilà incontestablement le plus ancien spécimen
de ce vêtement : il remonte, en effet, au IIIe siècle.
doublure, quoiqu'il en soit complètement
détaché.
Le premier suaire est aussi une dalma-
tique, en soie violette : on la considère
comme l'enveloppe de la relique.
Pour moi, c'est une étoffe arabe. Elle est
traversée au milieu par deux raies jaunes et,
en bas, à une raie bleue et à une raie blanche
jumelles succède, à quelque distance, une
raie rougeâtre. On a de cette dalmatique
une manche entière avec la bordure. Le
suaire, si c'en est un, avait donc complète-
ment épousé la forme du vêtement original.
Le second suaire date du XIe siècle. Il
fournit à la fois la date précise et authen-
tique de la dalmatique de Saint-Ambroise.
On lit, en lettres bleues, de forme onciale, en
caractères presque classiques, sur un ruban,
large de 0,06 et long de 1,83, ce rensei-
gnement précieux :
& SVB HOC PALLIO TEGITVR DALMATICA SCI
AMBROSII *b SVB QVO EANDEM DALMATICAM
TEXIT DOMNVS HERIBERTVS ARCMIEPISCOPVS.
Ce texte est très explicite. La dalmatique
de Saint-Ambroise est simplement recou-
verte, protégée, tegitur, texit, par un paille,
pallio, qui n'en adopte pas la forme, mais
se contente de l'envelopper. Sa longueur
est celle du ruban.
De ce paille on ne voit qu'une partie.
L'étoffe est blanche, avec des dessins jaunes,
légèrement mêlés de bleu et de rouge. A la
bordure supérieure, des lions posés alter-
nent avec des rinceaux enroulés, que par-
fois ils mâchent. Au-dessus se développe
une série d'arcades en plein cintre, suppor-
tées par des colonnettes, à bases et chapi-
teaux évasés : des rinceaux tapissent les
écoinçons et le champ des arcades, qui abri-
tent chacune un soldat, en jaquette courte,
épée au côté, appuyé sur sa lance, la tête
nue, le bouclier au bras gauche et portant
des hauts de chausses de couleur. Ces guer-
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN
1899. — 4me LIVRAISON.
3o3
3Rrimc De P&rt chrétien.
riers sont vus de face. On dit qu'ils repré-
sentent S. Gervais et S. Protais, ce qui
n'est possible qu'en admettant une répé-
tition, laquelle, d'ailleurs, n'est pas insolite
sur les étoffes. Comme il y en a quatre, ce
serait plutôt peut-être une garde d'honneur
offerte à S. Ambroise. A la partie inférieure
règne un soubassement uni.
Le dessin est maigre et rude.
3. La dalmatique fut, à l'origine, un vête-
ment usuel ('). Selon le Liber pontificalis,
le pape S. Silvestre la prescrivit aux diacres
de Rome comme insigne de leur dignité :
« Hic constituit ut diaconi dalmatica ute-
rentur in ecclesia. » Dès lors, elle fut d'un
usage exclusivement ecclésiastique, comme
l'avait ordonné un de ses prédécesseurs
pour les autres vêtements du clergé.
En effet, le Liber pontificalis dit du pape
S. Etienne, qui vivait au IIIe siècle:
« Hic constituit sacerdotes et levitas ves-
tibus sacratis in usu quotidiano non uti et
nisi in ecclesia tantum. » Au IXe siècle, Isi-
dore Mercator citait du même pontife cette
décrétale : « Vestimenta vero ecclesiastica,
quibus Domino ministratur, cultusque divi-
nus omni cum honorificentia et honestatea
sacerdotibus reliquisque Ecclesire ministris
celebratur, et sacrata esse debent et honesta,
quibus in aliis usibus (cum Deo ejusque ser-
vitio consecrata et dedicata sint) nemo débet
frui quam ecclesiasticis et Deo dignis offi-
ciis. Quae nec ab aliis debent contingi aut
ferri, nisi a sacratis hominibus, ne ultio
quae Balthasar regem percussit super haec
transgredientes et talia prsesumentes veniat
divina. »
i La dalmatique fut de toute antiquité l'un
des vêtements du souverain pontife quand
il officiait pontificalement. Jean Diacre
(Ilist. S. Greg., c. 84) fait mention de la
dalmatique de S. Grégoire le Grand (V. en
1. Annal, arch., t. II, p. 154.
outre les ordres I, III et IV). De bonne
heure, les papes furent dans l'usage de la
décerner aux évêques, comme une distinc-
tion et une récompense; ceux-ci en faisaient
quelquefois la demande au St-Siège pour
eux mêmes... C'est ce qui semble du moins
ressortir d'une lettre du pape Zacharie à
Austrobert, évêque de Vienne (Bibliotlt.
vet. Floriac, pars III, Lugdun., 1605):
Dalmaticam usibus vestris misimus, ut quia
Ecclesia vestra ab hac Sede doctrinam fidei
percepit, et moreni habitus sacerdotalis, ab
Ma etiam percipiat décorent lionoris. Ici
l'envoi de la dalmatique est représenté
comme un gage de communion d'une église
particulière avec l'Église romaine. C'est
pour un motif analogue que S. Grégoire
l'accorda à S. Arey, évêque de Gap et à
son archidiacre (Greg., lib. vu, epist. 112,
ind. 11) Jusqu'au Ve siècle, il semble
qu'elle ait été réservée aux évêques et aux
prêtres, ailleurs qu'à Rome, où les diacres
la portaient... Les évêques ont conservé la
coutume de porter la dalmatique sous la
chasuble à la messe pontificale ». ( Martigny,
Dict. des antiq. chrét., 2e édit., p. 235236.)
Les évêques grecs officient pontificale-
ment avec la seule dalmatique.
Voyons maintenant l'usage de l'église de
Milan.
Dans la mosaïque de la chapelle de Saint-
Satyre, à St- Ambroise, qui date du Ve siècle,
S. Ambroise est représenté avec la cha-
suble rouge et, par-dessous, une dalmatique
blanche, laticlavée de bleu, dont les larges
manches sont aussi parées d'un double la-
ticlave de même couleur.
Dans la mosaïque absidale de la même
église, qui est du XIIe siècle ('), S. Am-
broise porte, sous la chasuble, une dalma-
tique blanche, rayée bleu et or.
1. J'ai publié cette mosaïque, en 1881, clans la Revue de
l'Art chrétien, XXXII, 153-161.
He trésor îie l'égltse £>t ZmbYoi&t à ^ptlan. 309
La dalmatique, prescrite par la liturgie,
était donc bien aussi dans la tradition
locale.
III. — Il'aUÎCl D'Or (vers 835).
1. Le maître-autel est isolé et placé sous
un ciborium ('), à l'entrée du chœur. Il est
en or pur (2), ou vermeil émaillé et gemmé.
Il a quatre faces : l'une regarde le chœur
et l'autre la nef, ce sont les deux princi-
pales ; les deux autres, de moindre dimen-
sion, forment les côtés, en sorte que l'aspect
général est celui d'un coffre rectangulaire,
d'une largeur de deux mètres, sur quatre-
vingt-cinq centimètres d'élévation (,).
Dans sa hauteur, ce coffre comprend trois
parties : une table, un devant et un soubas-
sement. La table, légèrement en saillie, a
son bord supérieur en argent, orné d'une
grecque faite au repoussé et dont le motif,
indéfiniment répété, reproduit une croix
coudée. Le raccord se fait avec le devant
au moyen de deux cavets, séparés par un
tore. Ces trois moulures sont unies, ce qui
est presque nécessaire pour reposer les
yeux; mais, de distance en distance, ainsi
1. « St-Ambroise, écrit Alfred Ramé, mérite toute
l'attention des historiens de l'art. On y trouve l'œuvre la
plus authentique et la plus considérable de l'orfèvrerie
carlovingienne, l'autel du maître Wolvin, achevé en 835
par ordre de l'archevêque Angilbert. Le ciborium qui le
surmonte ne doit pas en être séparé > (Bullet. du Comité
des trav. historiq., 1882, p. 199). Si le ciborium est du
même temps que l'autel, comment se fait-il qu'il ne figure
pas une seule fois dans les tableaux où l'on représente
un autel, surtout à la scène où S. Ambroise officie?
M. Rohault de Fleury a démontré péremptoirement qu'il
ne peut dater du IXe siècle (Ciboria, p. 32-33).
2. « Les plaques qui forment les panneaux du devant de
l'autel sont en or : celles de côté sont- en argent doré »
(Bullet. monuiii., t. XXIV, p. 32S). Ce renseignement est
emprunté à Ferrario, p. 113.
3. « A l'exception des jours solennels, cet autel est tou-
jours conservé dans une cage de bois solidement fermée,
il faut une permission particulière pour le voir : c'est un
monument de l'art de l'orfèvrerie dans le moyen âge ; la
face principale est couverte de lames d'or pur, les trois
autres sont d'argent doré » (Millin, Voyage dans le Mila-
nais, t. I).
qu'aux cornières, sont disposés des ban-
deaux filigranes et gemmés qui forment
comme des attaches. Il en fut ainsi dès
le principe, comme le démontrent quelques
parties anciennes : ce cadre lisse a été
presque entièrement renouvelé.
Le soubassement est identique à la table ;
seulement il est posé en sens inverse, et la
plinthe, qui correspond à l'épaisseur de la
table est rehaussée de palmettes en argent,
ornement modeste qui a sa raison d'être à
cause du frottement incessant des pieds qui
aurait pu altérer un décor plus ouvragé.
Le soubassement est relié à la table, de
manière à compléter l'encadrement de l'au-
tel par une riche bordure émaillée, qui, à
l'intérieur, comprend trois moulures unies,
agrémentées, vers le milieu, d'un bandeau
horizontal, filigrane et gemmé.
Tout le champ de ce vaste tableau, net-
tement circonscrit, est divisé, dans le sens de
la hauteur, en trois panneaux égaux qu'en-
toure une bande émaillée et perlée, analogue
à celle des angles de l'autel, ce qui délimite
parfaitement les panneaux, distincts ainsi
les uns des autres. Ces panneaux sont eux-
mêmes divisés en plusieurs compartiments,
qui ont aussi une bordure émaillée et gem-
mée, la plus riche de toutes : comme le
sujet historié se trouve en retrait de 0,25 c.
sur cette bordure, il en existe une seconde,
plus petite, qui est taillée en biseau et di-
versement nuancée de perles et de verro-
teries. De la sorte, chaque sujet a son cadre
particulier, et tous ces cadres réunis forment
comme une armature vigoureuse qui attire
l'attention dès le premier instant. On est
même ébloui par l'éclat incomparable des
émaux et des .pierres précieuses, qui ont
pour but de rendre hommage au Christ et
à ses Saints.
Quant aux sujets, forcément restreints
;io
Bclmc tic r&vt chrétien.
dans leur développement ('), ils sont figurés
au repoussé avec beaucoup d'art, tant pour
la composition que pour l'exécution. A la
façon des Byzantins, l'artiste a été sobre
d'accessoires, le nombre des personnages
est très limité; aussi n'y a-t-il nulle confu-
sion. Parfois il semble s'essayer à la per-
spective, en traçant plus en petit les objets
du second plan.
2. La partie antérieure du paliotto, ainsi
qu'on dit en Italie, comme s'il ne s'agissait
que d'un revêtement, est entièrement consa-
crée à la vie du Christ et à son triomphe. Les
panneaux de droite et de gauche le montrent
sur la terre, tandis que le panneau central
le représente régnant dans les cieux, conti-
nuant à enseigner et à sauver le monde,
qu'il juge d'après sa loi et avec le cortège
ordinaire de ses apôtres. Cette partie de
l'autel regarde l'Occident, car, suivant la
belle expression de S. Thomas d'Aquin, le
Christ est venu dans le monde à un âge
qu'il compare au soir (2) et le soleil cou-
chant fait penser à la fin dernière et au
jugement qui en sera la conclusion défini-
tive. C'est sous l'impression de cette même
pensée que, du XIIe au XIVe siècle, aux
portails des églises, on reproduit invariable-
ment la scène du jugement dernier : et l'on
sait que ces façades sont toujours tournées
vers l'Occident. Qu'il nous suffise d'en citer
trois exemples : la cathédrale d'Angers,
pour le XIIe siècle; la métropole de Paris,
pour le XIIIe et, pour le XIVe, la cathé-
drale de Poitiers.
Le panneau de droite, celui de l'évangile,
qui se trouve à la gauche du spectateur,
x. 0,19 de hauteur sur 0,20 de largeur. Chaque panneau
est délimité par un grénetis d'or.
2. « Verbum supernum prodiens
Nec Patris linquens dexteram,
Ad opua suum exiens,
Venit ad vilas vesperam. >
(Hymne des laudes, à l'ojjice du St-Sacrement.)
commence la vie terrestre du Christ, et celui
de gauche, la termine : l'on va ainsi de
l'Annonciation à l'Ascension, c'est-à-dire du
moment où le Christ entre dans le monde,
descendant des cieux, jusqu'à celui où il y
retourne. Les scènes sont au nombre de
douze, six par panneau. A chaque panneau,
il faut les lire de bas en haut et de gauche
à droite, car elles sont superposées par
groupes de deux, ce qui donne trois rangs
en hauteur.
Le premier panneau offre successivement
l'Annonciation, la Nativité, la Présentation
au temple, le miracle des Noces de Cana, la
Vocation de S. Matthieu et la Transfigura-
tion ; sur le panneau opposé se succèdent
l'Expulsion des marchands du temple, la
Guérison de l'aveugle-né, la Crucifixion, la
Pentecôte, la Résurrection et l'Ascension.
Annonciation. — La Vierge, nimbée, est
assise, les pieds chaussés, à l'entrée d'une
maison, figurée par une arcade surbaissée
que supportent deux colonnes feuillagées.
Son siège est élevé de deux degrés, insigne
de dignité spéciale. Elle tient de la main
gauche un fuseau ('), car elle vient de
suspendre son travail et sa main droite
ouverte fait un geste d'acquiescement. Un
voile couvre sa tête et retombe sur ses
épaules. L'ange, debout devant elle, mais
les jambes légèrement fléchies pour témoi-
gner son respect, fait le geste de l'allocution
ou de la bénédiction grecque. Ses pieds
sont nus, comme il convient à un messager
céleste, dont la mission est indiquée par un
long sceptre crucifère qu'il tient de la main
gauche. Les ailes sont abaissées Un nimbe
I. Le fuseau est l'attribut de la Vierge, dans la scène
de l'Annonciation, au VI'' siècle, a Pesaro et à Milan;
au VIIIe, à Bologne (Kohault de Fleury, Lu S/e Vierge,
t. I, pi. IX); au IX1', a Rome, dans la mosaïque des
SS.-Nérée et Achillée (Rohault de Fleury, L'Evangile,
t. I, pi. III, fig. 3) et au Xe, sur un ivoire du Louvre et
une miniature du bénédictionnaire de S. Ethelwold (Lu
SU Vierge, pi. XIII et XIV).
2U trésor fce l'église &t>2LrribxoiBt à ©tlan.
:i i
entoure sa tête; il est strié, comme tous
ceux qui sont figurés sur cet autel (').
Nativité (2). — L'enfant Jésus est étendu,
nu et la tête entourée d'un nimbe crucifère,
dans une crèche en maçonnerie dont le
pourtour supérieur est décoré d'arcades.
L'âne le réchauffe de son haleine : le bœuf
couché rumine et est attaché par une corde
à l'étable (f). Aux pieds de son enfant,
Marie, nimbée et voilée, est assise (4), les
deux mains appuyées sur les pommes de
son siège à escabeau ; sa figure est pensive.
En face d'elle s'avance un berger, en ja-
quette courte ceinte à la taille, qui s'appuie
1. L'Annonciation est gravée dans La Sle Vierge, pi. X.
M. Rohault de Fleury dit à ce propos : « Les figures
n'offrent pas un dessin très correct, les pommettes sont
saillantes, les yeux à fleur de tête, les attitudes souvent
peu gracieuses. Ajoutons que l'éclat de l'or rend assez
difficile d'apprécier le modelé » (t. I, p. 8t).
2. La fête de la Nativité de Notre-Seigneur se nomme
généralement en latin Natale, d'où est dérivé Nau dans
le langage vulgaire et Noël dans la langue usuelle. C'est
la plus simple comme la plus sûre transformation, sans
qu'il soit besoin de recourir au grec pour une expression
découlant du latin. Il est toujours bon de relever les inep-
ties du genre de la suivante :
« On laisse le peuple appeler cette fête chrétienne Noël,
c'est-à-dire, fête du Nouveau-Soleil. (Du grec: vsoç :X'.o;on
a fait veo-eX puis par contraction Noël.) Cette étymologie
me parait la moins sotte de toutes celles qu'on voudra
faire. »
{Recueil de la Société de Sphragistique, art. de M. Ros-
signol, t. IV, p. 101.)
3. Un manuscrit de la bibliothèque de la ville d'Angers
précise le symbolisme de ces deux animaux : le bœuf re-
présente le peuple juif et l'âne les gentils. « Bos, qui co-
gnovit possessorem suum, et asinus, qui novit presepe
domini sui, judeum et gentilem populum significant, quia
uterque, peccati vinculis absolutus, sitim estumque hujus-
modi haustu dominici fontis deposuit. In his duobus ani-
malibus vocationem duorum populorum adversantibus
judeis pronunciat Dominus ». L'attitude donnée au bœuf
par l'artiste convient très bien au peuple juif, qui fut rejeté,
tandis que les gentils lui furent substitués, ce que traduit
fidèlement l'empressement de l'âne auprès de l'enfant
Dieu.
4. Le comte de St- Laurent a fait cette remarque sur
cette attitude : i Quant à la Sle Vierge, quoique bien plus
souvent, dans la période dont nous parlons, elle soit
couchée, il n'est pas absolument très rare qu'on l'ait re-
présentée assise. Telle est, pour le Xe siècle, la miniature'
du Ménologe de Basile » (Rev. de l'Art chrét., t. XXX,
P- 339)-
sur un bâton ('), pendant que, d'un autre
côté, un second berger, les bras tendus,
témoigne de sa surprise et de son admira-
tion. Au-dessus de sa tête brille une étoile
à six rais, qui manifeste la divinité du nou-
veau-né. Dans le fond on aperçoit les deux
villes de Jérusalem et de Bethléem, tracées
sur plan carré, avec tours aux angles et
porte d'entrée à la face principale: l'intérieur
est rempli de maisons.
Présentation. — L'intérieur du temple
est indiqué par une suite d'arcs en plein
cintre, élevés sur des colonnes en spirale :
nous sommes donc dans la grande nef, les
arcades de communication dénotant un bas-
côté. A l'étage supérieur sont percées des
fenêtres. Sur les quatre travées figurées,
deux doivent plus spécialement désigner le
sanctuaire, car deux couronnes y sont sus-
pendues : elles ont trois chaînes d'attache et
des pendants en perles. L'autel, au-dessus
duquel est reçu l'enfant Dieu, a la forme
d'un cube : il est recouvert d'une nappe
formant des plis et dont chaque partie, aussi
bien celle du dessus que des côtés, est tra-
versée par une croix, du genre de celles
qu'en blason on nomme croix pleines.
Siméon, nimbé, se tient en avant de l'autel:
il reçoit dans ses bras l'enfant Jésus, en-
tièrement habillé et reconnaissable à ces
deux signes caractéristiques, le nimbe cru-
cifère et le geste de bénédiction. Anne la
prophétesse suit le vieillard Siméon : elle
tient un livre en main, pour attester qu'elle
passe sa vie dans la méditation des choses
saintes et aussi qu'elle a salué la venue du
Messie (2). La Vierge, nimbée, présente
1. «A côté paraît un personnage mitre dans lequel il est
difficile de reconnaître S. Joseph » (Rohault de Fleury,
La Sle Vierge, t. I, p. 130). Je n'ai pas vu de mitre, mais
bien le pileus antique : le costume court et le bâton con-
viennent mieux à un berger qu'à S. Joseph. D'ailleurs, le
texte évangélique pastores nécessitait la présence d'au
moins deux pasteurs.
2. « Et erat Anna prophetissa... qu.c non discedebat
312
3ftc\ntc tic r&rt chrétien.
elle-même son enfant. Elle est accompagnée
de S. Joseph, imberbe et sans nimbe, qui
tient les deux colombes du rachat dans les
plis de son manteau, dont par respect il a
enveloppé ses mains.
Noces de Cana. — Marie, nimbée et de-
bout, d'un geste suppliant prie son fils de
faire un miracle. Le Christ, aussi debout,
et distingué par son nimbe crucifère, bénit
les six urnes rangées à ses pieds. Un servi-
teur, de très petite taille et en jaquette,
pour témoigner de sa condition infime, y
verse l'eau de son amphore ; un second
vient, portant sur ses épaules une amphore
pleine, mais si lourde qu'il est obligé d'ap-
puyer son bras sur sa hanche. La salle du
festin est un grand bâtiment rectangulaire,
dont l'entrée est llanquée de deux colonnes
supportant un fronton, qui se modèle sur
l'inclinaison du toit. En arrière, l'architriclin,
assis, goûte le vin qui lui est offert et qu'il
trouve délicieux : il boit dans une corne (').
Vocatioti de S. Matthieu. — Le Christ,
pieds nus, ainsi que ses apôtres, est vêtu
comme eux d'une robe et d'un manteau. Il
a le nimbe crucifère, mais ses apôtres sont
dépourvus de cet insigne, ce qui a lieu
d'étonner à cette époque. Dans la main
gauche il tient un volumen, dénotant qu'il
parle et qu'il enseigne ; de la main droite il
bénit à la manière grecque. Deux apôtres le
suivent : ce sont S. Pierre, que distingue sa
tonsure et qui appuie sur sa poitrine le rou-
leau qu'il porte de la main gauche ; puis
S. Jean, imberbe et muni d'un livre en
de templo, jejuniis et obsecrationibus serviens nocte ac
die. Et hœc, ipsa horasuperveniens, confitebauu Domino:
et loquebatur de illo omnibus qui expectabant redemp-
tionein Israël > (S. Luc, II, 36-38).
1. Celte scène a été gravée par M. Rohault de Fleury
dans la Ste Vierge, t. I, pi. XLiv. L'auteur nomme
« l'époux » celui <l dont on aperçoit la tète au-dessus du
toit » (p. 186). 11 ajoute avec raison : < La scène est toute
extérieure, et les convives sont supposés cachés dans la
maison. >
qualité d'évangéliste. En face du Sauveur,
légèrement incliné, on voit un homme barbu,
dont le riche vêtement est galonné à la
partie antérieure : ses deux mains sont
tendues vers celui qui l'appelle ('). Il semble
sortir de sa maison, édifice étroit, percé
d'une grande porte carrée et, sur le côté,
d'une série de fenêtres : le sol que foulent
les quatre personnages est accidenté, comme
s'il était composé de rochers.
Quelle est cette scène ? Peut-être a-t-on
voulu représenter la vocation deS. Matthieu,
homme riche qui quitta à la fois sa banque
et ses trésors. Pourquoi a-t-on donné la
préférence à cette vocation, quand d'autres
auraient pu être choisies ? Je l'ignore. Peut-
être a-t-on songé à résumer en un seul
plusieurs traits épars de l'évangile en figu-
rant le plus saillant ?
Transfiguration. — Le Christ, debout
sur le Thabor, de la main droite bénit à la
grecque et de la main gauche montre ouvert
le livre de sa doctrine : il a en tête le nimbe
crucifère, mais ne porte pas de chaussures
aux pieds, ce qui est un double caractère
de divinité. De son corps jaillissent des
rayons lumineux dans tous les sens, comme
l'ont fait les Byzantins. Il est escorté, mais
à un plan inférieur, de Moïse et d'Elie,
nimbés, barbus et pieds nus, qui s'inclinent
humblement, tout en causant avec le divin
Maître : leurs bras tendus font le geste de
l'étonnement. Au bas de la montagne sont
prosternés les trois apôtres Pierre, Jacques
et Jean, sans nimbe : S. Pierre est tonsuré,
comme le veut la tradition; il porte sa main
à sa tête, ébloui qu'il est par la lumière
divine.
Expulsion des vendeurs du temple. — Le
Christ, suivi de trois apôtres, parmi lesquels
I. « Et cum transiret intle Jésus, vidit homineni seden-
teni in telonio, Matth.umn nomine. Et ait illi: Sequeie me
Et surgens secutus est eum > (.S". Malt h., IX, ())■
île trésor &e f église ^t^mbrotse à ®tlan. 3i3
S. Pierre, tonsuré, apparaît sous l'arcade
centrale du portique du temple. Il a le fouet
en main pour châtier les coupables ; la nudité
des pieds, le nimbe crucifère et le double
vêtement sont sa caractéristique habituelle.
Deux des marchands qu'il expulse s'en vont
mécontents : ils retournent la tête en arrière
pour voir s'ils sont suivis de près et dans
leur précipitation leurs sacs d'argent qui
se sont effondrés, chemin faisant, jonchent
le sol de monnaie. Ils portent la jaquette
courte des gens de condition inférieure. Un
bœuf, figuré au premier plan, montre quel
était leur genre de négoce, approprié toute-
fois aux nécessités des sacrifices sanglants.
Guérison de l'aveugle né. — Le Christ,
nimbé comme il convient à un Dieu, est
toujours escorté de ses trois apôtres fidèles,
parmi lesquels S. Pierre se distingue au
premier rang à sa tonsure. Il met la main
droite aux yeux du jeune aveugle, qui tend
ses bras vers son bienfaiteur en signe de
reconnaissance. L'aveugle vient de sortir
de sa cabane circulaire, faite en feuillage et
que surmonte une touffe de branchages. Au
second plan, sur la recommandation du
Christ, il va se laver les yeux à la fontaine
de Siloé ('), fontaine originale, où un chien,
assis sur un tronçon de colonne, verse l'eau
par la gueule. Dans le lointain on aperçoit
Jérusalem avec sa porte, son enceinte for-
tifiée et ses maisons; en regard est une
maison, qui peut symboliser une bourgade
voisine, un lieu quelconque en dehors de
la ville (=).
Crucifixion. — La croix est large et
plane, avec une base épatée et un titre très
développé. Les bras du Crucifié sont presque
i. « Dixit ei : Vade, lava in natatoria Siloe.... Abiit
ergo et lavit > (S. Joann., IX, 7).
2. « D'après S. Jérôme, Siloé était une fontaine au pied
du mont Sion,... en face du village de Siloan » (Rohault
de Fleaty,L'ÉvattgiIe, t. II, p. 43).
horizontaux, un nimbe crucifère entoure la
tête, un linge noué en avant ceint les reins
et deux clous percent les pieds. Marie- et
Jean, nimbés, témoignent leur douleur en
portant à leur visage leurs mains envelop-
pées dans leur manteau. A droite, S. Longin
s'apprête à percer le côté du Sauveur de sa
lance, et l'épongier.à gauche, retire l'éponge
fixée au bout du roseau qu'il avait trempée
dans le seau portatif qu'il tient à la main. Ces
deux petits personnages sont de moindre
dimension que les autres et portent le cos-
tume des serviteurs. Au-dessus des croisil-
lons surgissent à mi-corps deux anges,
nimbés et ailés, qui symbolisent le soleil et
la lune. Leur main se porte à leur tête en
signe de douleur : ils tiennent une torche
pour indiquer la lumière de l'astre qu'ils
figurent; mais, pour mieux caractériser en-
core la lune, un croissant brille au dessus
de son nimbe (').
Pentecôte. — Ce tableau et les deux sui-
vants sont modernes et par conséquent
n'offrent aucun intérêt spécial. Exécutés au
XVIIe siècle, ils sont conçus dans le style
du temps, quand il était si facile de copier
des modèles contemporains du paliotto. Or
ces modèles ne manquent pas, les monu-
ments peints et sculptés pouvant fournir
1. Suivant S. Ambroise (ce texte a été imprimé à la suite
de ses œuvres par les Bénédictins, en 1690, t. II, quoiqu'il
soit du XIe siècle et de Berengaudus), le soleil signifierait
les Juifs et la lune la Synagogue :
« Et sol factus est niger tanquam saccus cilicinus. Per
solem Judeorum populus designatur. Sol igitur factus est
niger tanquam saccus cilicinus, quia populus Judeorum,
qui propter cognitionem uni us Dei et propter custodiam
legis velut sol in mundo refulgebat, inter ceteras gentes
factus est omnibus hominibus odiosus propter iniquitates
suas. Sacco nàfriq'ue pénitentes vestiuntur, ut indicet se
esse peccatores. Sol ergo nigredinem sacci habuit, quia
omnibus gentibus facinora-Judeorum patuerunt. Et luna
facta est sicut sanguis. Eamdem significationem habet
luna et sol. Signifiait namque Synagogam". Luna ergo
speciem sanguinis visa est habuisse, quia omnibus cl. nuit
Judeos propter effusionem sanguinis Xristi, sanctorunique
ejus esse deletos. T> Je cite d'après le manuscrit de la
bibliothèque d'Angers.
3H
débite be l'art chrétien.
plus d'un exemple autorisé; mais entre tous
il importe de signaler le paliotto du trésor
d'Aix-la-Chapelle, qui est aussi en or et à
peu près de la même époque que l'autel de
Milan ('). Il est à souhaiter que ces trois
tableaux soient promptement remplacés,
car ils offensent le regard en détruisant
l'harmonieuse unité de l'ensemble.
LeSt-Esprit plane au milieu des nuages,
dans une auréole de langues de feu, qui se
dispersent pour atteindre la tête des apôtres,
groupés au nombre de douze et assis en
cercle autour de la Vierge, centre de la
composition. Cette scène est fort déplacée à
cet endroit, puisqu'elle interrompt le récit
évangélique et ne devrait venir qu'après
l'Ascension. Sans doute le restaurateur a
été embarrassé pour occuper la place vide.
Il n'y avait pourtant pas lieu à pareille
difficulté, les monuments montrant toujours
à cet endroit la descente aux limbes, scène
intermédiaire entre la Crucifixion et la Ré-
surrection.
Résurrection. — Le Christ sort du tom-
beau, la croix à étendard en main; sa tête
rayonne, et sa lumière dissipe les nuages.
Deux soldats sont renversés par le trem-
blement de terre et éblouis par la lumière.
Pour le IXe siècle, la résurrection n'existe
pas à proprement parler : les artistes se
contentent de la constater.Aussi l'ange dit-il
aux saintes femmes qui apportent des par-
fums: Le Christ est ressuscité, il ri est pas ici.
C'est donc la visite des Maries au sépulcre
qui doit être le sujet normal de ce tableau
renouvelé (2).
Les apôtres, agenouillés ou debout, con-
templent le Sauveur qui s'élance au milieu
1. L'autel d'Aix-la-Chapelle est attribué au commence-
ment du XIe siècle, bien qu'il ait un caractère un peu
plus ancien {Bulletin monum., t. XLIII, p. 224-226).
2. Rohault de Fleury a gravé, dans l'Évangile, l. II,
pi. xcn, la visite des Maries, d'après l'ivoire de Metz, qui
est à la Bibliothèque nationale et qui date du IX" siècle.
d'une nuée du sommet du mont des Oliviers,
où il a laissé l'empreinte de ses pieds. Au
IXe siècle, on représentait le Christ de
profil, faisant comme un bond énergique et
saisi par la main de Dieu le Père qui l'em-
mène aux cieux (').
Le panneau central est traversé par une
croix pattée, circonscrite par un bandeau
émaillé et gemmé, semblable à celui du
pourtour du panneau. Au milieu trône le
Christ dans un médaillon ovale, avec la
même bordure que précédemment. Sur les
quatre bras de la croix sont disposés les
quatre évangélistes dans cet ordre : en haut,
l'aigle de S. Jean ; en bas, l'ange de
S. Matthieu ; à droite, le lion de S. Marc
et, à gauche, le bœuf de S. Luc. Les quatre
cantons de la croix, pour me servir de l'ex-
pression héraldique, sont remplis par les
douze apôtres, par groupes de trois.
Le médaillon elliptique, placé à l'inter-
section des bras de la croix, forme comme
une auréole, serrée par un double rang de
perles entre lesquelles s'étale un bandeau à
fond vert, rehaussé de feuillages d'or et semé
de distance en distance de grosses gemmes,
montées en bâte, à l'aide de portes ou ar-
cades. Le biseau, qui descend de la bor-
dure au médaillon, est couvert de filigranes,
embellis alternativement de perles et de
gemmes : enfin l'orle intérieur est formé de
O
petites perles de verroterie, qui ont été
autrefois enfilées, sans doute pour servir à
un collier.
Le Christ est assis sur un siège sans dos-
sier: il pose ses pieds nus sur un large esca-
beau en émail vert, bordé en dessous d'é-
mail blanc et rouge et précédé d'une marche
plus étroite, également en émail vert, avec
de petits globules bleus et d'autres plus
1. Voir la miniature carolingienne de la Bible de l'ab-
baye de St-Paul hors-les-murs, à Rome, gravée dans Ro-
hault de Fleury, la Sic Vierge, t. 1, pi. LU.
île trésor De l'église £>t- ombreuse à filait 3i5
grands, aussi de couleur bleue, mais con-
tournés de blanc. II tient de la main gauche
un rouleau, lié en deux endroits, et de la
droite une croix de procession pattée. Il
porte la barbe et, sur son nimbe, trois ca-
bochons rouges accusent les branches de
la croix : le fond du nimbe est grenat, ourlé
de bleu. Quatre étoiles brillent à la hauteur
des épaules et vers les pieds, pour indiquer
celui qui a créé les astres, complétés par
deux disques qui, à la rigueur, peuvent
exprimer le soleil et la lune ('). Les étoiles
se composent d'un cabochon central, autour
duquel rayonnent huit pointes triangulaires,
terminées chacune par une perle : le triangle
est rempli par un grenat taillé en table, qui
rend bien la vivacité de la lumière.
Les quatre symboles des évangélistes
sont tous nimbés, ailés de six ailes et munis
d'un livre fermé, dont le plat est rehaussé
d'une imitation de gemmes. Le lion et le
bœuf sont accroupis, laigle se tient au repos
et l'ange semble voler dans les airs. Le nom
de chacun est sommairement indiqué par
les deux premières lettres, excepté pour
S. Marc, où nous avons la première et la
troisième lettre : 10, ma, mr, lv. La tranche
intérieure de la croix est gemmée et perlée
sur un fond de filigrane et bordée intérieu-
rement de perles blanches et de perles rou-
ges, les premières naturelles et les secondes
en matière précieuse.
I. Sedulius, dans le Carmen paschate, chante le Dieu
tout-puissant, fabricateur du ciel et de ses astres :
« Omnipotens œterne Deus, spes unica mundi,
Qui cœli fabricator ades, qui conditor orbis,...
Qui solem radiis et lunam cornibus impies,
Inque diem ac noctem lumen metiris utrumque ;
Qui stellas numeras, quorum tu nomina solus,
Signa, potestates, cursus, loca, tempora nosti. »
Dante montre Dieu, entouré du soleil et des étoiles,
quand il crée le monde par amour : à plus forte raison
doit-il en être accompagné quand, après avoir racheté ce
même monde, il devient son juge au dernier jour.
« E'1 sol montava in su con quelle stelle
Ch' eran con lui, quando l'Amor divino
Mosse da prima quelle cose belle. »
Les apôtres sont debout, pieds nus, sur
un sol rocailleux. Leur mission, si bien
remplie dans le monde qu'ils ont enseigné,
est caractérisée par le livre fermé ou le volu-
men et le geste de la prédication : le nimbe
qui entoure leur tête est un indice à la fois
de sainteté et de glorification. S. Pierre
marche à la tête du collège apostolique, à
la droite du Sauveur : on le reconnaît à sa
tonsure et à ses deux clefs symboliques qui
prennent la forme monogrammatique, c'est-
à-dire que la première clef, terminée en T,
porte le long de sa hampe les lettres P et
R, tandis que le E est accolé à la seconde
tige, ce qui donne le radical du mot Petrus,
PETR(').
3. La face postérieure de l'autel regarde
l'abside. Sa disposition est la même : ainsi
table et soubassement identiques, analogie
qui s'étend aussi au cadre lisse du pourtour.
Les deux panneaux extrêmes sont consa-
crés à la vie de S. Ambroise, et celui du mi-
lieu par ses archanges rappelle le ciel, où
prennent place les élus, parmi lesquels se-
ront certainement appelés le donateur et
l'orfèvre, par suite de leur générosité et de
leur mérite personnels. Ici la bordure d'é-
mail que nous avons vue précédemment sé-
parer les panneaux est remplacée par une
inscription commémorative, où les caractè-
res se détachent en nielle sur un fond d'ar-
gent. Les caractères sont la majuscule
romaine, nette, plutôt allongée et maigre,
avec quelques lettres liées, sans séparation
des mots ni abréviation (3). La partie in-
férieure a été refaite au XIIe siècle, depuis
A w^r^/V jusqu'à Dominoque inclusivement.
Cette inscription est fort importante,
1. Voir sur ces clefs monogrammatiques les planches
Cil et CVIII du grand ouvrage de M. Rohault de Fleury
sur Saint Pierre.
2. La seule lettre qui se différencie du type classique
est le Q, dont la queue est droite et rentiée à l'intérieur
du cercle.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 4II1C LIVRAISON.
3i6
WitWt De r&rt chrétien.
parce que ses dix vers hexamètres nomment
le donateur, qui est l'évêque Angilbert,
dont l'épiscopat correspond au milieu du
IXe siècle ('). Les deux premières lignes
donnent à cet autel le nom d'area : c'est
donc, à proprement parler, un reliquaire,
une châsse, un coftre, dont la destination
est accusée par les deux vers suivants, qui
parlent des ossements sacrés qu'il contient
à l'intérieur. Or, les corps saints, en l'hon-
neur desquels il fut fabriqué, sont ceux de
S. Gervais, de S. Protais et de S. Am-
broise (2), qui est dit positivement reposer
dans ce temple. L'autel est brillant à la fois
de l'éclat de Yor et de celui des émaux et
des gemmes: évidemment le mot metallorum
garde ici la signification qui lui est attribuée
dans les mosaïques absidales des églises de
i. La date généralement acceptée pour l'offrande de
l'autel est l'an 835.
2. Le 8 août 1871, eut lieu la découverte du sarcophage
contenant ces trois corps saints. Tous les documents re-
latifs à l'invention et à la récognition sont réunis dans un
opuscule, imprimé à Rome en 1873 (in-8° de 131 pages) et
intitulé : Acla apnd Sanctam Sedem super judicio de iden-
titate sacrorum corporum Atnbrosii, episc. doct., Medio-
lanensis antistitis et inclitorum Christi martyrum Gerua-
siiet Protasii, invent. Mediol. die VIII aug. M DCCCLXX1.
En effet, la cause fut réservée au St-Siège, en raison de
son importance majeure.
J'extrais de ce recueil hagiographique, d'un haut in-
térêt, quelques renseignements archéologiques. Les trois
corps, réduits à l'état de squelettes, mais intacts, reposaient
sous l'autel majeur, dans un sarcophage de porphyre, en-
foui sous terre et plein d'une eau claire, à sédiment brun,
provenant des vêtements. L'examen de ce qui y fut trouvé
donne les indications suivantes : Poussière d'un noir
rouge, qui colore l'eau en rouge-amarante, provenant de
la cochenille ; ossements colorés en rouge brun par cette
même poussière; fils de laine, de soie et de lin teints en
rouge; fils d'or encore enroulés autour de la soie; deux
globules encore gemmés, que l'on suppose des fibules :
fond d'une ampoule ayant contenu du sang. Voici com-
ment le procès-verbal rapporte ces divers faits : <L Nulla-
tenus contactu aquarum aut astate emollita fuisse ossa
tum majora, tum etiam minima comperta sunt.... Demum
inspiciendi penitus sedimenti quod in arca manserat, fa-
cultas facta est.... Maxima lucentis auri pars quandoque
in filum deducta, ut plurimum attrita in pulverem, non
modo fundum tegebat, sed ossibus etiam inha:serat; re-
liqua vero materies, si manibus eam teras, purpureo eas
tegit colore atque ubi in globulos, licet parvulos, coales-
cit, vestigia exhibet purpurata panier serica; textui;e ;
ex quibus sane facili judicio deducitur nil aliud decom-
Rome('). Sans doute, il a le sens générique
de bronze (3), de marbre, mais aussi, à l'oc-
casion, il signifie l'oxyde métallique joint à
un fondant vitreux qui compose l'émail des
orfèvres, aussi bien que celui des mosaïstes.
positas has substantias reprœsentare nisi auratas vestes
quibus tria corpora operiebantur In dextera arca;
parte.... etiam deprehensos fuisse globulos duos aureos,
parvis ornatos gemmis, aptosque, ut videtur, jungendo ad
pectus aurea vestimenta » (p. (26-127).
Cette étoffe de soie à fils d'or est certainement le cliry-
soclavus, suivant le nom que lui donnent les inventaiies
du Liber pontificalis : « Abunde secernebantur purpura
ac fila aurea et serica > (p. 17). — «La sostanza.... di co-
lore in alcune parti violaceo e quasi nero.... e al di supra
frammescolata a fili e pagliette d'oro » (p. 49).
En dehors du sarcophage étaient des pièces de monnaie
jetées par les fidèles : « Numismata, anteriora, coœva et
posteriora sunt temporibus Attila; qui, ut notum est, Me-
diolanum evertit » (p. i [)• — « Cum ad porphyreticam
aream custodiendam loculus constructus fuisset, loculus
ipse superne claudebatur duobus marmoreis opertoriis
gravissimi ponderis, in ipsorum intercapedine per septem
foramina supenoia introducta fuere plura numismata et
monetae(p. 1). » Or les dernières en date parmi ces pièces
sont du XVI I Ie siècle, en passant par les diverses époques
du moyen âge. Quatre nous intéressent particulièrement :
l'une, du IXe siècle (elle correspond pour la date à celle
même de l'autel), fut frappée dans la ville du Mans par
Charles le Chauve. On y lit, sur la face, le monogramme
KaRLvS et en légende -j- GRATIA DEI rex et, au revers :
-j-CINOMANIS CIVITS. La seconde est attribuée à S. Louis;
la troisième porte le nom de Galéas Visconti, comte de
Vertu : au milieu, G Z (Galeaz) et autour D. MEDIOLANI ;
au revers, comes virtvtvm. La quatrième fut frappée par
François Ier, duc de Milan de 1515 a 1521 après la victoire
de Marignan : face, un lis et + Fft . D . G . FRANCOR; .
REX; revers, une croix et légende : mkdiolani dvx ET
G (Genuœ)i*).
1. « Ista domus piidem fuerat confracta ruinis ;
Nunc rutilât jtigiter, variis decorata metallis. »
{Mosaïque de Ste-Marie in Domnica, an. 818.)
i Emicat aula piae, variis decorata metallis,
Praxedis. >
{.Mosaïque de S te- Praxède, an. S 19.)
« Haec domus ampla micat, variis fabricata metallis. »
(Mosaïque de Ste-Cea'le, an. 820.)
2. Du Cange a cette définition ; « Metallum, ses ; metal-
iinus, aereus, de métail. On traduit donc bronze ou airain;
les Italiens disent métallo, pour un métal inférieur, où
domine le cuivre.
Un moine de St-Gall, au IX' siècle, parlant de l'autel
dans lequel était, à St-Maixent (Deux-Sèvres), le corps de
S. Léger, évèque d'Autun, le dit en métal fauve, ce qui ne
peut s'entendre de l'or :
<î Illic ara nitet, fulvo constructa métallo. >
* Au-dessus du tombeau de S. Eutrope, A Saintes, lors de sa dé-
couverte en 1843, on trouva 150 monnaies de toute sorte depuis le
IX* siècle (Briand, Hitl. de l'Église Santone, t. III, p. 642-643).
3Le trésor oe l'église ^P^LmbxoiSt à 3©tlaiu 317
Voici cette longue inscription, divisée
comme elle doit se lire :
EMICAT ALMA FORIS RVTILOQVE DECORE VENVSTA
ARCA METALLORVM, GEMM1S QVAE (') COMPTA CORVSCAT.
THESAVRO TAMEN HAEC CVNCTO POTIORE METALLO (').
OSSIBVS INTERIVS POLLET DONATA SACRATIS,
EGREG1VS QVOD PRAESVL OPVS SVB HONORE EEATI
INCLITVS AMBROSII, TEMPLO RECVBANTIS IN 1STO,
OPTVLIT ANGILBERTVS OVANS DOMINOQVE D1CAVIT,
TEMPORE QVO NITIDAE SERVABAT CVLMINA SEDIS.
ASPICE, SVMME PATER; FAMVLO MISERERE BENIGNO (') :
TE MISERANTE, DEVS, DONVM SVBL1ME REPORTET (4).
En haut, nous avons donc trois vers,
alignés à la suite l'un de l'autre; après quoi
l'on descend, à droite, pour le quatrième
vers : puis l'on revient à gauche pour le
cinquième, qui est également vertical. Les
trois suivants forment une seule ligne au-
dessus du soubassement, et les deux derniers
se lisent verticalement, de chaque côté du
panneau central. Par une combinaison in-
1. Presque tous les auteurs ont lu gemmisgue, même le
comm. de Rossi. 11 y a quœ, comme l'exige la construction
de la phrase : Aima arca emicat foris, quœ coruscat com-
pta gemtnis et (que) venusta ruiilo décore mctallorum.
2. La même pensée se retrouve dans la dédicace de l'é-
vangéliaire de Théodulphe, évêque d'Orléans de 78S à 821
et qui est maintenant la propriété de la cathédrale du Puy :
« Codicis hujus opus struxit Theodulphus amore
Illius hoc cujus lex benedicta tonat,
Nam foris hoc gemmis, auro splendescit et ostro,
Splendidiore tamen intus honore micat. >
3. Dans son cvangéliaire du IXe siècle, conservé à la
cathédrale du Puy, l'évêque Théodulphe se recommandait
aux prières du lecteur :
« Vive Deo felix per plurima tempora, lector;
Theudulfi nec sis immemor, oro, tui. »
4. Mgr Biraghi {lire sepolcii santambrosiani scoperti
nel gennajo 1864, Milan, 1864, in-S", p. 73-82) commente
1 inscription de l'autel d'or et donne en gravure, p. 50,
le médaillon de S. Ambroise et d'Angilbert.
<L On voit qu'il n'y est question dans cette inscription
que de saint Ambroise : il est étonnant que, ni dans les
figures, ni dans l'inscription, il ne soit parlé de saint
Gervais et de saint Protais ; mais cela ne prouve rien
contre l'opinion des Milanais, puisque les corps de ces
saints n'auraient pas encore été enlevés à cette époque. »
(Millin, t. I, p. 176).
On sait par l'histoire que S. Ambroise envoya à S.
Martin des reliques des SS. Gervais et Protais (*).
* L'inscription est reproduite dans la Revue de l'Art chrétien,
t. XXXIV, p. 320 et dans le Bulletin d'Archéologie chrétienne,
1864, p. 20. Millin l'a donnée également.
génieuse, qui épargne deux lettres dans le
sens de la hauteur, l'initiale est la même
pour deux vers : Ainsi, au commencement,
E appartient a. emicat et à egregius. Ou bien
la dernière lettre d'un mot commence le
suivant : par exemple, A finit venusta et
commence aspicc, T est la finale de corttscat
et l'initiale de le; O finit métallo et com-
mence ossibus; 1 termine Beati et donne
aussitôt le début à'inclitus; O unit ensemble
beato et obtulit, T reportet et tempore ; enfin
le S, finale de sacratis, devient aussi celle
de sedis. Cette singularité épigraphique ne
pouvait être passée sous silence.
Les sujets ne se lisent pas ici, comme à
la face antérieure, par panneaux séparés. Il
faut, au contraire, les considérer comme
n'étant pas désunis, en sorte que, en com-
mençant par le bas, on épuise d'abord les
quatre médaillons de la série horizontale
pour passer à la seconde, puis à la troisième.
Les tableaux sont donc superposés dans
chaque panneau deux à deux, mais se lisent
quatre à quatre, ce qui donne trois rangs
de tableaux en hauteur. Chaque sujet est
élucidé par une inscription, écrite sur une
seule ligne, en lettres saillantes, à la partie
inférieure du tableau. Les caractères sont
toujours la majuscule romaine, et les mots
sont généralement séparés les uns des autres
par un point-milieu : on y remarque quel-
ques ligatures et enclaves, avec des abré-
viations nécessitées par le peu d'espace dont
l'artiste disposait (').
X. Barbier de Montault
Prélat de la Maison de S. S.
(A suivre.)
1. Je crois que l'abbé Texier n'avait pas vu l'autel, car
il appelle les filigranes des « guillochures >> et ajoute
inconsidérément : « La face postérieure, consacrée à la
vie de S. Ambroise, est en argent et l'or ne s'y montre
que sur les encadrements et sur quelques draperies des
personnages » (Annal. arch.,t. IV, p. 286). Il importe de
relever ces erreurs pour qu'elles ne s'accréditent pas, d'au-
tant plus que l'auteur en tirait une déduction symbolique.
g» »*%* >&* *^* »*%* ***** ***** >&* *&* **ï* *^A ^A A^* *^* Arv^* **%<
Juuinfraiimni
iiinni: 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ; imimiiiiiuain
mm Heltques ïic Congtantmople, gmtej >mm
**$-* ^ *iè* *&* *&* W *&* W W W W v^v W W WI
dans un tube de cristal, au centre de la
croix si admirablement conservée, que nous
reproduisons ici : puis la couronne, si riche
de pierreries, si fine de ciselures délicates,
en contient une autre. Si les reliquaires ne
sont pas spécifiés dans la lettre d'envoi,
M. Helbig, dans son mémoire ('), cite la
Chronique liégeoise, inédite de Van den
Berch, qui les énumère ainsi :
« L'an mil deux cents soixante-sept, saint
Louis, roy de France, en témoignage de
l'affection et amitié qu'il portait à la cité et
[ége, 1267. — C'est au savant M.
J. Helbig, de Liège, que revient
l'honneur d'avoir reconnu, dans
les merveilleuses pièces d'orfèvrerie décou-
vertes au palais de Bruhl (Saxe), par le pro-
Reliquaire de la sainte Épine des Dominicains de Liège,
aujourd'hui au Palais de Bruhl (Saxe).
fesseur Ch. Andreœ, en 1875, 'es reliquaires
envoyés par saint Louis, aux Dominicains
de Liège, le 8 septembre 1267. Bien qu'il
ne soit fait mention dans la lettre du roi
que d'une épine, dans ce trésor nous en
trouverons deux : une d'abord, enchâssée
Couronne des Dominicains de Liège, aujourd hui au Palais de
Bruhl (Saxe).
Frères prescheurs de Liège, leur envoyât
divers présents entre lesquels y avoit une
de ses couronnes, ung calice de platène
d'or, qui se voient présentement aux Frères
prescheurs et spécialement une des espines
de la couronne du Saulveur du monde, ainsi
que le témoigne la lettre suivante que j'ai
copié hors de celle des dits prescheurs es-
tant escript sur parchemin (J). (Sachez que
l'évesque Groesbeek at obtenu une portion
de la dite espine, dont le reste est enchâssé
i.Les reliques et les reliquaires donnés par saint Louis,
roi de France, au couvent des Dominicains de Liège,
dans le T. XLIV (18S1), des Mémoires couronnés pu-
bliés par l'Académie royale des sciences, des lettres et des
beau r-ai ts de Belgique.
2. Riant, t. II, p. 156.
IReltques De Constanttnoplc
319
dans une belle croix de cristalle ainsi que
j'ai appris des dits Prescheurs.)
Clermont, 1 269. — Saint Louis vint deux
fois àClermont.La première fois à son retour
deTerre Sainte, en 1254, ainsi que nous l'ap-
prend le rouleau des Gites du Seigneur roi
Louis à son retour de Palestine; la deuxième
fois, en 1262, pour le mariage de son fils
Philippe avec Isabelle d'Aragon. Ces deux
fois, il avait trouvé sur le siège épiscopal
de Clermont, Gui de la Tour (1250-1286),
,
de l'Ordre de Saint- Dominique. Le 30 dé-
cembre 1269, il lui envoyait, dans une
croix d'or, ornée de pierres précieuses, plu-
sieurs reliques énumérées dans la lettre
reproduite par Riant ('), lettre dont l'ori-
ginal est parvenu jusqu'à nous.
L'église de Clermont possédait un autre
fragment de la couronne d'épines. Nous
l'apprenons par un manuscrit de 1291, dit
La Canone, appartenant à la Bibliothèque
du Chapitre. C'est un mémorial des reliques
que saint Austremoine aurait apportées
dans le cité des Arvernes.
w
S.- -1--{K- 4Bt&JJlmA Tx ■ y.\v,n,-. ,n£i>in<£ tnn ?.lHfiFrK«i .f^ff&tZ j)l«> ).it-Cr-i:rf-'V"rr v.'cc.V
Lettre de saint Louis à Gui de la Tour, évêque de Clermont.
« Memoriale reliquiarum quas sanctus Austremonius
« secum detulit ad Urbem Arvernensem: in primis de
« umbilicofilii Dei cum quinque unguibus de sinisira
« manu, prepucium ipsius cum duabus unguibus de
« sinistra manu et de pannis quibus fuit involutus et
« undecimam partem sudarii qua fuit ante oculos ejus,
« cum sanguine ipsius et de tunica et de barba et de
« capillis et de pnecincto ejus cum sanguine et très un-
« gués ejus ex recisione manus ejus dexteras, et par-
« tem spine corone, et de pane quem ipse benedixit,
« et ex spongia ejus et de sepulcro ipsius Domini, et
« ex virgis quibus lresus fuit, et de capillis beatre Mariœ
« très, et brachiale ejus, et de vestimento ipsius cum
« lacté, et de pallio quod ipsafecit. Has vero reliquias
« Stephanus episcopus condivit in ymaginem matris
« Domini et in ymaginem Filii ejus. »
Nous n'avons pas à discuter l'origine de
ces dernières reliques mais simplement à
constater qu'elles sont assurément diffé-
rentes de celles envoyées par saint Louis
à l'église de Clermont. Le dernier évêque
de Clermont du nom de Stephanus, est
Etienne VI de Mercœur, mort en 1 [69.
D'ailleurs, en 1291, elles sont renfermées
dans une statue de la Vierge, une de ces
Bennœ que nous retrouvons dans les inven-
taires de Mayence et Wurtzbourg, tandis
que les reliquaires envoyés par saint Louis
existaient encore en 1742, comme on peut
le voir dans le Catalogue des reliçuaires
renfermés dans l'armoire sous le maître
autel de léglisc cathédrale de Clermont
1. T. II, p. 159.
320
Brime tic l'&rt cbvétten.
(Archives du Puy de Dôme, fonds de la
cathédrale).
« Premièrement, une croix d'or enrichie
de grosses perles fines sur un pied de ver-
meil à l'antique, contenant du bois de la
vraie croix envoyé par saint Louis.
« Plus une autre croix d'or enrichie de
pierreries sur un pied de vermeil, renfer-
mant aussi la sainte épine envoyée par
saint Louis. ))
Tous ces reliquaires ont disparu à la Ré-
volution.
S'il existe actuellement à la cathédrale
de Clermont, un fragment de la sainte Cou-
ronne,c'est un morceau de jonc deo,027inm.
de longueur. Il porte le sceau en cire de
Mgr de Belloy, archevêque de Paris. Cette
relique a été donnée à la cathédrale par
Mgr du Val de Dampierre, ancien vicaire
général de Paris, évêque de Clermont
(1802-1833).
Au XIVe siècle, le bréviaire de Cler-
mont contenait un office de la sainte Cou-
ronne dans lequel se lisaient les hymnes :
« j. Etcrno régi glorice devota laudum can-
tica, » et « Lauda fidelis concio, spitue tro-
phceum inclytum. »
Bourg-Moyen, 1 269. — L'épine envoyée
par saint Louis à l'abbaye de Bourg- Moyen,
en 1269, était accompagnée d'une lettre,
publiée par Riant ('). Le 29 avril 1270,
Pierre de Mincy, évêque de Chartres, ac-
cordait des lettres d'indulgence, en faveur
des pèlerins qui viendraient tous les ans
vénérer la sainte relique: le 7 janvier 1276,
Gilles Cornut, archevêque de Sens, y ajou-
tait de nouvelles indulgences.
Dom Martène, qui a publié toutes ces
pièces, d'après les archives du monastère,
consigne dans son Voyage littéraire de deux
1. T. II, p. 158.
bénédictins que la relique disparut en 1562,
lors du pillage de l'abbaye par les Hugue-
nots.
#
# #
Nous ne connaissons pas d'autres envois
officiels de saint Louis, mais des documents,
qui sont réellement un commencement de
preuve, nous permettent de regarder comme
détachées sous son règne les épines de
Notre-Dame, de la Sainte-Chapelle, de
Flines, d'Orval, du British Muséum, de
Senlis et de Sens.
Paris, Notre-Dame. — - L'inventaire de
1343 ('), sous le n° 17, signale:
Item quedam corona argcntea deaurata
cum pcde alto, quam \donavit\ B. Ludovicus,
rex Francice, in qna sunt repositœ reliquiœ
Çuœ secunlur, videlicet : de vestimento Do-
mini, de spongia, de spina Dominicœ coronœ
et de sepulchro Domini.
Paris, Sainte-Chapelle. — Dans l'in-
ventaire de 1532 (2), nous trouvons la
description suivante:
« 74. Ung angèle doré assis sur un pied
de huict quarrures, lequel tient en ses mains
un petit reliquaire carré, duquel la bordure
par dessus est d'or, dedans lequel reliquaire
y a une des espines de la Corone Nostre
Seigneur et du linge dont il fut ceynt et
circuit, du suaire, des draps de l'enfance et
des vestemens de pourpre, duquel angèle
les esles sont de cuivre doré. »
Ce reliquaire fut vendu en 1592.
L'épine est donc différente de celle qui
disparut avec la grande croix lors du vol
de 1595 (3)-
1. Revue archéol., t. XXVII (1874), p. 252.
2. Revue archéol., t. V (1848), p. 191.
j. Voir p. 94.
i&eltques De Constanttnople.
321
Bien que pour ces deux épines nous
n'ayons pas d'autres renseignements, l'en-
droit où nous les rencontrons, la forme des
reliquaires, la composition du petit trésor
qu'ils renferment ne nous laisse aucune
hésitation sur leur provenance. Tout au plus
y aurait-il une question de date à discuter,
mais elles proviennent assurément de la
relique de la Sainte-Chapelle et c'est pour
notre étude le point important.
Flines. — L'abbaye de Flines était très
riche en reliques. Rayssius, dans son
Hierogazophylaciiim belgicuni, consigne :
« Est ibidem colombœ argentecc effigies, in
qua recunduntur hce reliquia : de sanguine
CJirisli, de mensâ, lancea. spongia, capillis,
scpîilchro, sudario, corona, veste et tunica. »
Le Voyage littéraire de deux Bénédictins (')
rapporte que : « Marguerite, comtesse de
Flandres et de Hainaut, qui en fut la fonda-
trice, y est enterrée, aussi bien que Guy de
Dampierre, aussi comte de Flandres.
« Le trésor est un monument de la piété
de la fondatrice.
« Voici les lettres qui accompagnaient la
donation qu'elle fit des reliques.
« Nous, Marguerite, comtesse de Flandres
et de Haynaut, faisons sçavoir à tous ke
nous pour Dieu et en aumosne, et pour le
remède de nostre ame et de nos anchisseurs
et successeurs, donnons et avons donnez
aprez nostre décès à nostre abbaye de Féli-
ne, nostres vaisseaus de relicques, à tout les
relicques ki chi apries sunt devisei : c'est
assavoir, la grant crois d'argent, à tout le
piet a quatre clokeriens. La couronne, à
tout la croisette d'or, ù il a du sanc nostre
Seigneur et de la vraye Crois ki sauva. Le
vaissiel ù li mentons saincte Agathe est, et
une des espines de la couronne par deseure.
1. T. II, pp. 217-218.
Le vaissiel ù il a une coste de sainct Ni-
cholai, et une coste de saincte Elizabeth.
Le vaissiel à deux fuelles, ù il a deseure
de la vraye Crois, et desous avoec autres
relicques les dens sainct Pierre et sainct Pol.
Le vaissiel couvert d'argent à deux fuelles,
ù il a dou chef sainct Clément. Le texte à
la double crois, et le vaissiel de la Maade-
laine, ke li roys Loyss nous envoya par
les Lettres pendans. En tesmoing et en
seureté de laquelle chose, nous avons fait
mettre nostre saiel à ces présentes Lettres,
données l'an de l'Incarnation mil deux cens
soissante diz et vvit, el mois de May ('). »
Il est bien probable que le roi saint Louis
attribua « le vaisseaus » de ces précieuses
reliques à la comtesse Marguerite, lors-
qu'elle eut fait son hommage au roi et se
fut soumise à son jugement qui, en 1246,
adjugeait la Flandre à l'aîné des Dampierres
et le Hainaut au premier des d'Avesnes (2).
Cette lettre en plus, par sa date, nous
fait voir que Marguerite, loin être morte
en 1275, vivait encore en 1278.
Royaumont. — Gaignières (Biblioth.
Nat. F. L. 5472, p. 3) consigne : « Saint
Louis donna à l'abbaye de Royaumont des
fragments de la croix de J.-C. et de sa Cou-
ronne pour remplir deux croix d'argent,
dont une partie a esté transportée dans une
croix de cuivre. Et depuis dix ans dans une
d'argent que les religieux ont achepté. »
C'était une des épines dont Riant regar-
dait l'identification comme certaine. On
connaît d'ailleurs l'affection toute particu-
lière que saint Louis portait à Royaumont,
où s'abritait Vincent de Beauvais, son ami,
1. Egalement publiées dans Hautcœur (L'abbé E ),
Cartulaire de l'abbaye de Flines, Lille, Quané, 1873, in 8",
p. 122, N' cci.
2. Le reliquaire de saint Louis a disparu vers 1840.
Hautcœur (L'abbé E.), Histoire de l'abbaye de Flines,
Paris, Dumoulin, 1874, in S°, pp. 77 et 374.
322
3&rt>uc tic l'&rt chrétien.
et dont l'abbé, en 1270, fut nommé par le
Roi, dans son testament, un de ses exécu-
teurs testamentaires.
Orval. — On n'aurait vraiment pu soup-
çonner, si le reliquaire aujourd'hui à Saint-
Amand de Montrond (Cher) n'était parve-
nu jusqu'à nous, que la croix de vermeil de
l'abbaye d'Orval contenait, non pas un frag-
ment de la vraie croix, mais une épine et des
Croix d'Orval.
reliques du lait de la Vierge. L'inscription,
du temps de saint Louis, les armes du Roi
et de Blanche de Castille, la tradition enfin,
constatée par une inscription que fit graver
le grand Condé en 1651, en offrant la base
d'argent qui la devait supporter, nous per-
mettent de ranger cette épine au nombre de
celles qui viennent assurément de la Sainte-
Chapelle.
Mais son origine est absolument in-
connue. On doit supposer que l'intervention
des Seuly, nouveaux seigneurs d'Orval
après 1250, a pu déterminer la générosité
de saint Louis.
Voici ce que porte le pied du XVIIe
siècle (').
SERENISS. PR. REG. SANG. HENR. LVDOVIC. BORBON.
DVX. ENGHIENENS. VIC TENVI CRVCI PRETIOSISSIME
TEMPORE S. LVDOV1CI RŒGIS E1VS. PROAVi FABRICAT/E
1JASIM ARGENTEAM ADOIDIT. AN. GR. MDCLI. MENSE AVG.
Senlis. — Le don de l'épine de Senlis,
par Adam de Chambly, à sa cathédrale, en
1242, peut paraître presqu'un authentique ;
c'est ainsi d'ailleurs que Riant considérait le
passage de la Gallia (2), qui nous a conservé
la trace de cette donation.
Sens. — A Sens, un petit reliquaire
portatif d'argent, avec une couronne de
lis, conservé depuis une très ancienne
époque, consigné dans Rohault de Fleury,
inventorié par Julliot en 1885, contenait
une épine que la tradition attribuait à saint
Louis. Malheureusement, reliqueet reliquaire
ont récemment disparu : il ne nous reste
donc aucun moyen de contrôler un sou-
venir, que l'archéologie peut-être nous eût
permis de dater. Mais n'est-il pas naturel
de croire, que saint Louis n'avait pas quitté
Sens, au moment de la susception sans
laisser à l'archevêque métropolitain une
épine, alors qu'il en donnait une à Bernard,
évêque du Puy ?
Cette tradition même avait de telles ra-
cines, que l'abbé Lebeuf (3) rapporte qu'il
n'est réellement pas supposable que Gautier
Cornut, archevêque de Sens, ait donné à
l'église de La Chapelle-Gautier, du doyenné
de Champeaux (Seine et Oise), l'épine qu'on
1. Buhot de Kersers, Stat. moniim. du départ, du Cher,
t. VI, p. 161.
2. T. X, p. 146.
3. Hist. de la ville et du diocèse de Paris, t. V, p. 427.
ifteltques ht Constanttnopie.
323
y vénérait, alors que l'église était en dehors
de son diocèse et qu'aucun lien particulier
ne paraissait l'y rattacher.
#
# #
Pour les épines de Maubuisson, de Tou-
louse, de Danemark, que nous rencon-
trerons dans un autre chapitre, nous n'avons
trouvé aucune pièce qui nous permette,
malgré notre conviction, de les proposer
comme indiscutables.
Il est indispensable enfin de rappeler,
mais sans qu'on puisse les classer, même
parmi les reliques douteuses de la Sainte-
Reliquaire des épines de Sainte-Praxède, à Rome.
Chapelle, les trois épines de Sainte-Praxède
de Rome.
Malgré la constante tradition, malgré les
savants travaux du R. P. Vannutelli, je ne
trouve rien qui puisse confirmer semblable
donation. D'après Moroni, saint Louis
aurait envoyé à Sainte-Praxède trois épines
dans un précieux reliquaire en échange de
l'anneau de fer de la sainte Colonne que
possédait la basilique.
Une première constatation était bien
facile à faire. Le reliquaire, même derrière
ses nouveaux embellissements (?), n'appa-
raît pas du tout du XIIIe siècle; tels ne
sont nulle autre part les reliquaires envoyés
par saint Louis. Mais ce ne serait pas là
assurément une cause absolue de négation ;
l'inexistence dans le trésor de la Sainte-Cha-
pelle de ce fameux anneau de la Colonne,
motif de l'échange, me semble une objection
beaucoup plus sérieuse.
Il est parfaitement vrai qu'on trouve
dans les premiers inventaires de la Sainte-
Reliquaire de la sainte Epine au British-Museum.
Chapelle un anneau de fer, inscrit tout
d'abord sous le nom de Carguan. Mais la
lettre de cession des reliques de Constan-
tinople par Baudouin à saint Louis, compte
au nombre des reliques Cathetiam etiam,
sive vinculum ferreutn, quasi ni modum
anuulli factum, quo creditur idem Domimts
noster fuisse ligatus ('). Nous devrions
1. Riant, t. II, p. 135.
REVUE DE L ART CHRETIEN.
189g. — 4me LIVRAISON.
324
3Retnie lie l'&rt chrétien.
donc dans les inventaires suivants, en
même temps que nous continuons à voir cet
anneau, trouver un second anneau, celui de
Sainte-Praxède. Or on ne l'y rencontre pas :
pas plus d'ailleurs que dans Y Acte de dé-
charge de la daine veuve Robertet, du X VIII
mars 1533, des reliçues de la Sainte Chapelle
du Palais à Paris, dont Charles VIII lui
avait confié la garde (,). » Il semble donc bien
que cette tradition est absolument légen-
daire, comme d'autres, moins importantes
d'ailleurs, et que pour ce motif, il est inutile
de discuter et même de signaler, dans le
chapitre consacré exclusivement aux épines
données par saint Louis.
A ces dernières épines si probablement
distribuées par saint Louis, mais pour les-
quelles manquent les dates, nous croyons
1. Felebier, Histoire de Paris, t. III, pp. 149-15°-
pouvoir joindre l'épine du si délicat petit
médaillon qui naguère appartenait au baron
Pichon, aujourd'hui au British-Museum.
Son enveloppe est, ce me semble, un au-
thentique aussi sérieux qu'une charte ou
un texte, toujours falsifiable. Une pareille
monture rencontrerait à peine de nos jours
un artiste assez habile et en même temps
assez archéologue pour la composer, et
j'avoue qu'en nombre de cas, et sur la fin
de sa vie, Riant s'était rallié à cette opinion,
un petit monument aussi archéologique-
ment caractérisé est souvent d'une plus
grande autorité historique que ces docu-
ments écrits, dont les cartulaires du moyen
âge nous ont si souvent appris à nous
méfier.
F. de Mélv.
(A suivre.)
»5£* jgk **»£* *5£* *5îx *5%* >&U **yU *5£» *5kt *5£* *5£* ***£* »$£* *5E*
Contribution à Tétuïie lie l'art jjollanliais
antérieur au XVIIe siècle. Gngijelbrecjjt^
(0
^^wwwwwwwwwwwww:
Chapitre Dcurtèmc.
ON sait que les tailleurs d'images tra-
vaillaient d'ordinaire d'après les car-
tons que leur fournissaient les peintres (2).
On peut donc s'attendre à trouver des
retables du XVIe siècle rappelant de très
près les œuvres de tel ou tel peintre.
Un des grands retables du Musée de
Cluny me paraît devoir être rapproché des
œuvres d'Enghelbrechtsz que nous venons
d'étudier. Ce monument (3) mesure 2 m. 90
de haut au centre sur 2 m. 58 de large et
représente divers épisodes de la vie du
Christ et de la Vierge. Il provient du
magasin de St-Denis, et son origine est
inconnue. En tous cas, il a été exécuté par
un tailleur d'images flamand ; sans que l'on
ait à étudier la facture, la marque d'Anvers
(une main) empreinte sur la terrasse de
plusieurs scènes suffit à le prouver. Cette
marque se trouve en particulier sur la par-
tie reproduite par la photographie jointe
à cette étude.
En se reportant à ces photographies, on
pourra remarquer à première inspection
certaines analogies d'ordre général entre le
tableau principal du retable et le grand
triptyque de Leyde : superposition de plu-
sieurs groupes dans une perspective forcée,
de manière à les montrer tout entiers; sou-
plesse, élégance des figures se contournant
en S très allongée ; en outre, de nombreux
1. Voyez la 3mi! livraison, page 221.
2. Les œuvres dues au même ciseau peuvent être très
différentes de composition, de dessin même, parce que les
projets ne sont pas dus au même crayon, on doit s'en
souvenir en étudiant la sculpture gothique.
3. Il ne porte pas de n° d'ordre au Musée.
rapprochements de détail, sont bien plus
frappants encore. En voici le relevé :
i° Caïphe. — ■ Le Caïphe du retable et le
Caïphe de Leyde sont tournés en sens in-
verse, mais sont presque semblables :
homme et cheval, type, attitude et costume.
20 Les larrons. — Ils se contournent
dans les deux compositions selon des cour-
bes analogues.
30 Longin et son compagnon. — Le Lon-
gin de Paris ne ressemble pas au Longin
de Leyde ; en revanche il est le portrait
(type et costume) exact du chevalier qui
chez Enghelbrechtsz dirige la lance de
l'aveugle.
40 Les deux soldats debont au premier
plan du Calvaire. — Comparer les deux
soldats qui figurent au premier plan du
tableau de Leyde avec les deux soldats
placés de même au panneau principal du
retable. Les costumes diffèrent ; mais les
draperies ont ici et là le même caractère.
Comparer les jambes des soldats vus de dos.
Comparer les jambes du soldat vu de profil
dans le retable avec les jambes du soldat
vu de profil au volet extérieur droit du trip-
tyque.
50 Le nègre. — Comparer la tête du roi
nègredans l'Adoration des Mages du retable
et la tête du cavalier nègre d'Enghel-
brechtsz ; analogie de costume : tunique
raide, à plis droits, jugulaire à la coiffure (').
Enfin si l'on peut trouver dans le Cal-
vaire d'Enghelbrechtsz plusieurs réminis-
cences des Mages de Gentile da Fabriano,
1. La différence de caractère des coiffures peut tenir à
une infidélité d'interprétation du tailleur d'images.
326
Hrmte De l'art cfjréttcn.
Partie centrale d'un retable du Musée de Cluny.
(Bois. Ecole d'Anvers.)
remarquons, sans y attacher trop d'impor-
tance, que les mêmes souvenirs paraissent
avoir influencé le peintre qui a fourni au
tailleur d'images l'esquisse de l'Adoration
des rois ; le groupement est le même dans
les deux œuvres, si les attitudes ne sont
pas identiques ; le roi nègre du retable re-
produit même dans son allure et son dessin
d'ensemble (") tous les caractères de l'un
des rois du maître italien.
Sans doute on pourrait continuer la com-
paraison entre le retable du Musée de Cluny
.
Figures d'un volet du grand triptyque d'Enghelbrechtsz
au Musée de Leyde.
et le tableau du Musée de Leyde ; mais les
remarques qui précèdent me paraissent
suffire à établir l'existence d'analogies in-
discutables.
i. Cette ressemblance de groupement et de gestes avec
le tableau italien ne se retrouve peut-être aussi complète
dans aucune autre œuvre du Nord, ni dans l'Adoration
des rois de Rogier Vander Weyden en tous cas, qui pour-
tant s'y souvint certainement, comme le fait remarquer
M. Wauters, de l'Adoration de Gentile qu'il avait pu voir
dans son voyage en Italie, ni chez Thierry Bouts, ni dans
les deux Adorations attribuées à Lucas de Leyde au Mu-
sée d'Anvers, ni dans les Adorations du Musée archiépis-
copal d'Utrecht attribuées à Oostsanen, ni dans l'œuvre
de Durer citée plus haut.
Bctwc De l'Hrt chrétien.
Pl. VI.
Contribution à l'étude De l'art rjollanîmis. 327
En conclurons-nous qu'Enghelbrechtsz
a fourni un carton à l'auteur du retable ?
Il serait dangereux d'être affirmatif en
pareille matière. En tout cas, que le retable
du Musée de Cluny ait été exécuté d'après
une composition fournie par Enghelbrechtsz
ou imitée de ses œuvres, les faits suivants
restent acquis :
Le retable du Musée de Cluny a été
exécuté à Anvers ; il est contemporain de
deux peintres de natures très différentes :
Quentin Matzys et Cornelis Enghel-
brechtsz. Le premier vivait à Anvers même,
le second à Leyde. Or le retable du Musée
de Cluny n'a aucune analogie avec les ta-
bleaux de Quentin Matzys et rappelle au
contraire d'une manière indéniable le grand
triptyque d'Enghelbrechtsz conservé à
Leyde.
Ce simple fait même sans explication m'a
paru digne d'être signalé. Il prouve la
grande importance qu'eut en son temps la
personnalité d'Enghelbrechtsz;il nous mon-
tre que l'influence de l'École de Leyde au
XVIe siècle s'étendit hors du Comté de
Hollande et se fit sentir jusque dans l'art
flamand.
Emile Gavelle.
' )&£* A*g* A%X i&i* l&U i&i* »*%* *XV^* Ï*U A^VU *$U **%* jffi* »*g* **g* '
IIIIIIIIIXIIOIXIXXIXXIXI
iixiuxniiiir
iixiijnTTiTirxiLiiii'Lxiijrr]
mmtmm®mëm fflélanges. ^m^m^m^mm I
niiiiixiHiniiiin unniiiii!Liiiiiiimiiiiniimii]Liiiii:amiii^nni]inii
miuxiixinixmiiiimiiiiiniiii.iiJixi
Reconstruction De la facaoc De la ca=
tbcoralc De Cbartres au XIIe siècle.
GtuDc chronologique.
ÎA cathédrale que l'évêque Fulbert
(1006- 1028) fit élever à Chartres pour
remplacer l'église carolingienne dé-
truite par le feu en 1020, se conserva
jusqu'à l'incendie de 1194 (')• Mais dans cet in-
tervalle de près de deux siècles, elle subit un
certain nombre de remaniements, parmi lesquels
il faut ranger en première place la reconstruction
des parties occidentales dans le courant du
XIIe siècle. Cette reconstruction offre un intérêt
tout spécial, puisqu'elle a laissé dans la cathé-
drale actuelle des restes de la plus haute impor-
tance : la tour du Clocher Neuf, le Clocher Vieux,
la base de la façade; c'est-à-dire une des parties
les plus absolument belles de tout le monument,
la plus féconde à coup sûr en problèmes archéo-
logiques.
Sur les dates et la marche de cette recon-
struction, on est loin de s'entendre. On la fait
commencer soit en 1 1 34, soit vers 1 1 10, soit même
à la fin du XIe siècle. Pour les uns le Clocher
Vieux fut seul entrepris d'abord; pour d'autres
on commença les deux clochers en même temps,
mais le Clocher Neuf, construit plus lentement,
ne put être terminé avant 1 194; d'autres ne posent
même pas la question d'antériorité. Quant aux
portails, ils dateraient dans leur état actuel soit de
1 145 environ, soit, d'après une récente opinion (2),
de l'extrême fin du XIIe siècle. On s'accorde
1. Sur la cathédrale de Fulbert et ses transformations,
voir l'excellent ouvrage de MM. René Merlet et abbé
Clerval, Un manuscrit chartrain du. XI' s., Chartres, Gar-
nier, 1893, in -4'' ; A. Clerval, Guide chartrain, Chartres,
s. d. ; et deux articles de M. R. Merlet : Date de tu cons-
truction des cryptes de la cath. de Chartres (Mém. de la
Soc. archéol. d'Eure-et-Loir, t. X, p. 161), et Fouilles...
pour V établissement d'un calorifère (ibid., p. 289). Ces
travaux rectifient pour cette époque l'ouvrage de M. l'abbé
Bulteau, Monographie de la cath. de Chartres, t. I, 1885 ;
t. 11, 1S91 ; Chartres, Garnier, in-8° [inachevé].
2. Cf. art. de M. A. Marignan, dans le Moyen A^e, nov-
déc. 1898.
M
seulement à fixer comme date moyenne de l'en-
semble des travaux les années 1145 à 1 1 50.
Cette chronologie est donc des plus flottantes.
Nous allons voir qu'on peut la rectifier et la pré-
ciser dans une certaine mesure, en examinant de
plus près les textes contemporains, et surtout
le monument lui-même qu'on a parfois un peu
négligé de consulter.
I
ETTONS-NOUS tout d'abord en face du
monument et voyons ce qu'il voudra bien
nous apprendre sur sa propre histoire. La com-
paraison des clochers va nous apparaître féconde
en enseignements et nous révéler ce double fait :
le Clocher Neuf est antérieur au Clocher Vieux, et
fut construit seul, isolé en avant de la façade, à une
époque où la cathédrale était plus courte qu'aujour-
d'hui ; — le Clocher Vieux fut construit plus tard,
tangent à la façade, après qu'on eut avancé et
reconstruit celle-ci au niveau de l'arrière du Clocher
Neuf déjà en place.
En examinant les tours des clochers de Char-
tres, on remarque d'abord que jusqu'au niveau
inférieur de la galerie des Rois, où se termine
dans le Clocher Neuf la partie XIIe siècle, leurs
principales dispositions sont identiques, comme
il convient à deux tours bâties à époques rappro-
chées pour encadrer une même façade (fig. i)(f).
— Mais si d'autre part on étudie de plus près, en
les comparant, les parties correspondantes de
ces deux tours, on constate dans les détails un
certain nombre de dissemblances, quelques-unes
très caractéristiques, sur lesquelles il faut insister,
parce qu'elles vont nous permettre de fixer sur
quelques points l'historique de leur construction.
Le grand intérêt de ces différences de détail,
c'est qu'elles accusent entre les deux clochers
des différences d'âge, et permettent par consé-
quent de déterminer lequel des deux est antérieur
à l'autre. Or, ce qui ressort d'un examen attentif,
c'est la preuve, évidente je crois, de l'antériorité
du Clocher Neuf par rapport au Clocher Vieux.
1. Sur la figure, le Clocher Neuf est à gauche, le Clocher
Vieux a droite.
Mélanges.
329
Pour éviter toute confusion, je désignerai dé-
sormais les deux clochers par les termes clocher
Nord, clocher Sud, étant sous-entendu qu'il s'agit
toujours des deux clochers de la façade Ouest.
A ce propos, remarquons en passant que les
expressions actuelles sont toutes modernes et ne
remontent pas au delà du XVIe siècle, où l'on
couronna le clocher Nord d'une flèche neuve en
pierre ( 1 506-1 5 1 3). Si j'y insiste un peu, c'est
qu'il semble qu'on se soit laissé parfois influencer
inconsciemment par ces appellations; du moins
qu'ayant en quelque sorte ces expressions dans
Fig.
Façade de la cathédrale de Chartres. Vue d'ensemble (i).
l'oreille, on n'ait pas songé à étudier comme
elle le mérite cette question de l'âge relatif des
clochers. Jusqu'au XVIe siècle les deux clochers
sont désignés presque uniquement par les termes
clocher de pierre pour le Clocher Vieux, clocher
de plomb pour le Clocher Neuf (2).0n trouve^aussi,
1. Cette vue d'ensemble est fautive en ce qui concerne les
détails. Nous donnerons dans la suite de l'article une re-
production photographique de cette belle façade, (n.d.l.r. )
2. En voici quelques exemples entre beaucoup d'autres :
« A Guillaume Porcheret et son compaignon pour avoir
33°
&cbue tic rart chrétien.
mais exceptionnellement, l'expression la grant
tour pour désigner le Clocher Vieux; sans doute
parce qu'il était en pierre dans toute sa hauteur(').
Enfin, il est bien question d'une turris nova dans
un obit du XIIIe siècle, celui de Me Pierre de
Bordeaux, archidiacre de Vendôme, mort vers
1261 (2); mais rien n'autorise à identifier, comme
le fait M. l'abbé Bulteau, cette tjur ?ieuve avec
le Clocher Neuf actuel.
Ce qui, plus encore que son nom moderne, a
pu contribuer à égarer l'opinion au sujet de l'âge
du Clocher Neuf, c'est l'idée répandue qu'on
n'avait pu l'achever avant l'incendie de 1 194. Je
crois que c'est une erreur. Qu'il n'ait pas reçu
alors de flèche en pierre, cela ne prouve rien. Il
était probablement destiné à ne recevoir qu'un
couronnement de charpente, comme beaucoup
de clochers en France et la plupart de ceux
de la région. C'est pourquoi sans doute ses
contreforts s'évanouissent si brusquement au
premier étage. Il dut passer pour terminé le jour
où l'on put voir, au-dessus de son rez-de-chaussée,
s'élever ses deux étages de pierre. La corniche
qui règne au niveau inférieur de la galerie des
Rois marque cette limite.
Quant à l'opinion de M. l'abbé Bulteau, pour
qui l'élégance et la construction si savante du
Clocher Vieux sont une preuve qu'il est antérieur
fait guet nuict et jour ou clochier de filon, 22 s. 6 d. »
(Comptes de l'œuvre de la Cathédrale pour i^rj-14/6. pu-
bliés par L. Merlet, Bullet. archéol. du Comité des trav.
hislor., 1889, p. 35-94; cette mention revient presque
chaque semaine); — « Pour la sonnerie du cloehier de
filon, 5 s. ; pour la sonnerie des cloches du cloehier de
fiierre, 7 s. 6 d. T> {Ibid., p. 53). — Dans une ordonnance
capitulaire de 1498 : « Capitulum ordinavit suspendi cam-
panam de Gabriel in comparait lafiideo a parte seu latere
Cambiorum » (Lecocq, Mém. de la Soc. archéol. d'Eure-
et-Loir, t. IV, p. 135). — Au XVIe s. encore, dans le
marché entre le chapitre et Jean de Beauce pour la re-
construction du clocher Nord, en 1506, on lit que «Jehan...
a promis faire construire et édifier bien et deuement de
son mestier de maçon le clocher de notre église qui estait
de bois couvert de filomb, et puis nagueres par fouldre et
tonnerre a esté brûlé, et iceluy faire et parfaire de pierre
de la haulteur du clocher de fiierre d'icelle église ou aultre
haulteur plus convenable... t> {Reg. des baux et contrats du
chapitre, Arch. Défi. d'Eure et Loir. G. 181, fol. 125). —
Pour les appellations modernes à la suite de la reconstruc-
tion du XVIe s., v. Arch. Dép., G. 261, G. 404....
[. V. acte des Registres cafiilulaires, 5 sept. 1316 (cf.
Lecocq, La Cathédrale et ses Maîtres de l'œuvre, ap. Mém.
de la Soc. archéol. d'Eure-et-Loir, t. VI).
2. L. Merlet et de Lépinois, ('•titulaire de AT.-D. de
C/;ar//vi, Chartres, Garnier, 1862-65,3 v.in-40; t. III, p. 162.
au Clocher Neuf, plus simple et plus grossière-
ment construit, il n'y a pas lieu de s'y arrêter. Un
archéologue non prévenu aurait conclu dans
l'autre sens.
Nous allons voir en effet que le Clocher Neuf
est certainement le plus ancien.
II
C'EST ce que semblent indiquer d'abord
quelques différences dans les profils des
moulures, les systèmes de voûte et le style des
chapiteaux, différences qui, considérées isolément,
ne seraient pas suffisamment significatives peut-
être, mais par leur ensemble et parce qu'elles
témoignent toutes dans le même sens, consti-
tuent une précieuse indication et un commence-
ment de preuve.
Si, par exemple, nous comparons les bases des
colonnettes engagées qui supportent les longues
arcatures du rez-de-chaussée, à l'extérieur des
deux tours, nous constatons entre leurs profils
un écart très caractéristique. On sait que le dessin
de la scotie, le développement relatif de chacun
des tores dans la base dérivée du type attique,
constituent l'un des plus sûrs éléments de la chro-
nologie architecturale. Or voici les profils res-
pectifs de ces bases dans les deux clochers (fig. 2).
Fig. z. — Bases des arcatures extérieures du rez-de-chaussée :
a) Clocher Nord ; /■) Clocher Sud.
Au Nord, la scotie est très haute, très ouverte et
peu profonde ; le tore inférieur, très peu déve-
loppé par rapport au supérieur, ne vient pas
s'écraser sur le socle ; le dessin général est ana-
logue à celui qu'on trouve à la fin du XIe siècle,
mais tracé avec plus de soin. Au Sud, au con-
traire, le profil se rapproche du profil en vogue à
la fin du XIIe siècle: la scotie, profondément
creusée et bordée d'un ressaut, rapproche ses
lèvres ; le tore inférieur, très développé, s'aplatit
franchement sur le socle. A peu près toutes les
bases du clocher Nord jusqu'au niveau de la
galerie des Rois, et du clocher Sud, dans toute sa
hauteur, ont respectivement ces deux profils si
Mélanges.
331
caractéristiques. Et même en admettant que
l'architecte qui dessina les bases du clocher Nord
retardait, et que celui du clocher Sud avançait
sur son époque, il est impossible, tant l'écart est
grand entre ces deux profils, de n'y pas voir un
indice au moins de l'antériorité du clocher Nord.
Le fait apparaît plus nettement encore si l'on
compare les bases des piédroits, dans les portes
aujourd'hui murées qui donnaient accès autrefois
au rez-de-chaussée de chacun des clochers : sur
la face septentrionale du clocher Nord, sur la
face méridionale du clocher Sud (J). Au Nord le
profil est le même que dans toutes les bases du
clocher ; au Sud le tore inférieur non seulement
s'aplatit sur le socle mais le déborde assez forte-
ment, comme dans les bases des trois portails de
façade.
Je signale encore quelques différences de profils
qui donnent une indication analogue quoique
moins nette. Telle est la présence du tore aminci
dans le profil des arcatures extérieures du rez-
de-chaussée du clocher Sud, alors qu'au Nord
on trouve le tore ordinaire (jîg.j). Le tore amin-
Fig. 3.
Profil des arcatures extérieures du rez-de-chaussée :
a) Clocher Nord; b\ Clocher Sud.
ci se retrouve encore au clocher Sud dans les
bases des colonnes d'angle à l'intérieur du pre-
mier étage, et aux fenêtres du deuxième ; il n'y
en a nulle part dans le clocher Nord.
De même dans les moulures du clocher Sud
on trouve parfois (par ex. aux mêmes arcatures
du rez-de-chaussée) le tore dégagé par des cavets,
en vertu du principe cher à l'art gothique d'op-
poser les courbes aux courbes. Dans les arca-
tures correspondantes du clocher Nord on trouve
au lieu de cavets de simples angles droits
(fig-3)-
Les profils des ogives dans les salles du rez-
de-chaussée, quoique assez voisins, ne semblent
1 . J ai soin de ne comparer que les parties rigoureuse-
ment correspondantes des deux tours : rez-de-chaussée à
rez-de-chaussée, etc.. ; et de ne m'attacher qu'aux diffé-
rences qui peuvent servir à dater ces parties l'une par
rapport à l'autre.
pas exactement contemporains : le profil du côté
Sud, beaucoup moins lourd, paraît plus récent
(fig. 4.). De plus, au Nord, l'ogive est décorée de
dents de scie, au Sud, elle est nue, malgré le souci
de décoration que révèle ce clocher. Or l'usage
de décorer les ogives tend à disparaître à mesure
qu'on avance vers le plein gothique ; sans doute
on en a des exemples encore après la transi-
tion (') ; mais lorsque dans un même monument
certaines ogives sont décorées, d'autres non, il y
a des chances pour que ces dernières soient les
plus récentes, surtout si, comme c'est ici le cas,
leur profil est aussi plus avancé.
Si nous passons aux systèmes de voûte, nous
constatons que dans le clocher Sud la croisée
d'ogives est seule employée : on la rencontre au
rez-de-chaussée et au premier étage, qui sont les
seules parties voûtées du clocher. En est-il de
même du côté Nord ? Là l'ogive se voit seule-
ment au rez-de-chaussée (2). Quant au premier
Fig. 4. — Ogives du rez-de-chaussée :
a) Clocher Nord ; ^Clocher Sud.
étage, il est couvert d'une coupole, de plan octo-
gone sur encorbellements, dont l'existence peu
connue est un fait intéressant dans la région.
Ce mélange de la coupole et de la voûte d'ogives
dans le clocher Nord peut être considéré encore
comme un indice d'antériorité, rapproché de
l'emploi unique de l'ogive dans le clocher Sud.
La comparaison des chapiteaux témoigne, je
crois, dans le même sens. Si nous examinons à
ce point de vue les deux salles de rez-de-chaussée,
nous voyons d'abord qu'au clocher Nord les
chapiteaux du type à feuillages présentent pour
la plupart, en place de feuilles, des sortes de
1. Par exemple dans l'Ile de France et la Picardie on
peut citer vers 1130 Lucheux (Somme), édifice de pleine
transition, puis St-Germer (Oise), puis, vers 11 50, Namps
au Val (Somme), etc.
2. La voûte d'ogive du deuxième étage est postérieure
au XIIe s. Ce n'est qu'à la fjn du XIII- s., quand on mit
en place la galerie des Rois, que cet étage fut surélevé,
comme on le voit aujourd'hui, de toute la portion de mur
adjacente à cette galerie ; et plus tard encore qu'il fut
voûté.
REVUE DE LART CHRETIEN.
189g. — 4nie LIVRAISON.
332
&cbuc fce r&rt cftrétten.
lanières, presque des entrelacs, parfois décorées
de zig-zags ; tandis que ceux du clocher Sud ont
de belles corbeilles de feuillages, déjà d'une al-
lure vivante et d'un style naturaliste.
Nous trouvons ensuite du côté Nord tout un
groupe de chapiteaux à figures. On en voit trois
aux massifs de l'entrée, copies ou imitations de
deux œuvres orientales et d'un bas-relief antique,
ce qui explique la beauté relative de leur style.
A l'intérieur de la salle un chapiteau montre un
homme poursuivant un animal fantastique dont
le double corps garnit deux des faces de la cor-
beille, tandis que la tête unique soutient l'angle
du tailloir ; le chapiteau voisin est décoré de longs
oiseaux affrontés d'allure romane ; un autre a des
têtes aux angles. A l'extérieur du même clocher,
on trouve encore l'animal double à tête unique,
et des tètes dans des entrelacs. — Dans le
clocher Sud, au contraire, nous ne voyons pas
un seul chapiteau à figures. On constate, en effet,
en approchant de la pleine constitution du go-
thique, que la figure, si fréquente dans les
chapiteaux romans, tend à disparaître des cor-
beilles pour se réfugier dans d'autres parties de
la construction (').
Et sans doute le fait de trouver des chapiteaux
à figures dans le clocher Nord ne suffirait pas à
le dater d'une façon précise : on a sculpté des
animaux affrontés jusqu'à la fin du XIIe siècle
dans la région de l'Ile-de-France (2). Mais il peut
servir à dater ce clocher par comparaison, à le
situer dans le temps relativement à l'autre clocher.
En effet, la question est ici la suivante, et seule-
ment ceci : étant donné deux parties d'un même
monument, le Clocher Neuf et le Clocher Vieux
de Chartres, parties bien distinctes, mais symé-
triques et imitées l'une de l'autre dans la plupart
de leurs dispositions, — les situer chronologique-
ment l'une par rapport à l'autre. Or, trouvant
d'une part dans le clocher Nord une série de
chapiteaux historiés, dont quelques-uns très
proches du roman, mélangés à quelques chapi-
i. Il faut en excepter les chapiteaux des portails ; c'est
aux portails, en effet, que tend à se condenser alors toute
la décoration sculpturale de l'édifice.
2. P. ex. au chœur de StJGermain des Prés ( 1 163) et
dans plusieurs églises de l'Aisne : cf. Eug. Lefèvre-Pon-
talis, D Architecture religieuse dans l'ancien diocèse de
Soissons, au XI' et au XII' siècle; 4e partie.
teaux à feuillages presque romans aussi ; —
d'autre part, dans le clocher Sud, tout un ensemble
de chapiteaux, où n'apparaît plus la figure, uni-
quement ornés de feuillages déjà souples et pres-
que réalistes, du type dit de transition, nous
pouvons en conclure hardiment, je crois, que ce
deuxième groupe est postérieur au premier. On
reconnaîtra en tout cas que la conclusion con-
traire est impossible.
III
CE faisceau de probabilités en faveur de notre
thèse a déjà quelque force, et serait de na-
ture tout au moins à faire douter de l'antériorité
du clocher Sud. Mais voici qui peut trancher
définitivement la question. C'est l'étude des dis-
positions, encore mal connues, qu'affectaient
primitivement, je veux dire dans les premiers
temps de la reconstruction du milieu du XIIe
siècle, les parties Ouest de la cathédrale. L'étude
de l'emplacement initial des clochers par rapport
à la façade proprement dite, vient confirmer la
conclusion suggérée, un peu timidement encore,
par les remarques précédentes, et transformer
l'hypothèse probable en une solide réalité.
Tout le monde admet que les portails avant
1194, n'affleuraient pas comme aujourd'hui la
face antérieure des clochers, mais étaient au
niveau de leur face postérieure, en recul de toute
l'épaisseur des tours ('). Or, un examen attentif
de la face orientale du clocher Nord, aujourd'hui
en grande partie dans l'église, montre qu'il fut
primitivement non pas seulement hors œuvre,
comme on le dit, et accolé à la façade, mais com-
plètement isolé en avant de cette façade.
Je remarque en effet qu'il y a au rez de-chaus-
sée du clocher, du côté Est, une fenêtre aujour-
d'hui bouchée. Malgré le blocage, recouvert d'un
badigeon, qui l'obstrue, cette fenêtre est encore
très visible dans la salle d'en-bas du clocher
Neuf, appelée aujourd'hui chapelle des Fonts, Elle
est en plein cintre, étroite et haute. A chacun des
étages supérieurs, il y a aussi sur cette même
face une fenêtre, dans l'axe de celle du rez-de-
1. Une des meilleures preuves de ce fait est la présence
des grandes fenêtres du premier étage sur les faces, qui
se regardent aujourd'hui dans l'église, des deux clochers;
depuis qu'on a avancé la façade, elles sont devenues inu-
tiles et ont été bouchées.
Mélange©.
333
chaussée : celle du deuxième étage, étant au-
dessus du toit du bas-côté actuel, est restée seule
ouverte. Pourquoi une seule fenêtre à chaque
étage sur cette face de la tour, et non pas deux
comme sur les autres faces? C'est que l'emplace-
ment de la seconde est occupé par la tourelle de
l'escalier. — Cette disposition indique très claire-
ment que le clocher autrefois ne touchait pas
l'église, et prenait jour à chaque étage du côté
de l'Est par ces fenêtres. Lorsque, à une époque
que nous préciserons plus loin, on avança la
façade de l'église contre le clocher déjà en place,
la fenêtre du rez-de-chaussée devenue inutile fut
bouchée (*).
Une autre disposition vient appuyer cette
remarque. La tourelle d'escalier qui flanque le
clocher Nord" sur cette même face était autrefois
éclairée intérieurement par de petites fenêtres,
étroites et longues. Ces fenêtres subsistent encore,
mais actuellement elles ne donnent plus aucun
jour et sont devenues inutiles, parce quelles
ouvrent toutes dans l'intérieur de V église et non
sur le dehors, étant pratiquées exclusivement sur
les faces Est et Sud de la tourelle, qui sont en-
globées dans l'église. Puisque depuis Fulbert la
largeur de la cathédrale n'a jamais varié (2), on
ne peut admettre l'hypothèse d'une église plus
étroite que celle d'aujourd'hui, qui aurait laissé
complètement dégagée, à l'extérieur de ses murs
latéraux, la tourelle du clocher Nord dans le
courant du XIIe siècle. Il faut donc qu'originai-
rement le clocher se soit trouvé isolé en avant de
la façade. S'il lui avait été tangent, on aurait
percé les fenêtres sur la face Nord de la tourelle
d'escalier, de façon qu'elles ouvrent sur le dehors,
comme nous allons voir qu'on l'a fait au clocher
Sud. Au contraire, il n'y a aucune baie sur cette
face (3); elles furent toutes percées systématique-
i. Celle du premier étage ne dut être obstruée qu'après
1 194, quand on construisit la cathédrale actuelle; il est
probable que la toiture du bas-côté de l'église antérieure
venait buter, après qu'on eut avancé la façade, au-dessous
de l'appui de cette fenêtre, l'église étant moins haute
qu'aujourd'hui.
2. Ses murs latéraux, depuis Fulbert, reposent sur ceux
de la crypte, qui n'a jamais été élargie comme l'ont prouvé
les fouilles; cf. René Merlet, Fouilles.... pour rétablisse-
ment d'un calorifère,^. Mém. de la Soc. archéol. d'Eure-
et-Loir, t. X, p. 289.
3. Même on a engagé cette face de la tourelle, à sa
partie inférieure, dans un contrefort qui rendait difficile
ment sur les deux autres faces, aujourd'hui dans
l'intérieur du bas-côté, mais qui à l'origine étaient
certainement dégagées et baignées par la lumière.
Il n'en est pas de même dans le clocher Sud.
C'est qu'en effet ce clocher, au contraire de l'autre,
ne fut jamais isolé. Aucune trace de fenêtre au
rez-de-chaussée de la tour, sur la face Est actuel-
lement dans l'église et qui y a toujours été. La
tourelle d'escalier fut évidemment aussi construite
pour être en partie englobée comme aujourd'hui
dans le bas-côté; car, à l'opposé de ce que nous
avons vu dans le clocher Nord, pas une seule
baie de cette tourelle n'ouvre à l'intérieur du
monument ; toutes sont percées vers l'extérieur,
en dehors de l'église, sur la face Sud qui est tout
entière à l'air libre, quelques-unes sur la face Est
au-dessus du point où vient buter le toit du
collatéral. Le clocher Sud a donc toujours été
contigu à l'église, accolé à sa façade sur laquelle
à l'origine il faisait saillie.
En résumé, le clocher Nord, qu'on appelle ac-
tuellement Clocher Neuf, fut construit en avant
de la façade, à l'époque où l'église était moins
longue qu'aujourd'hui. Cela ne doit pas nous sur-
prendre; au début du XIIe siècle, la crypte était
plus courte d'une travée que la crypte actuelle (*);
l'église supérieure dont elle formait le soubas-
sement devait avoir même longueur, c'est-à-dire
près de deux travées de moins qu'aujourd'hui (2).
Le Clocher Neuf se trouvait ainsi complètement
isolé. — Au contraire, le clocher Sud ou Clocher
Vieux fut construit contre l'église, après qu'on
eut décidé de l'allonger en reportant la façade
au niveau de l'arrière du clocher Nord déjà en
place. — La conclusion s'impose : le clocher
Nord révélant une disposition de la façade for-
cément antérieure à celle que suppose le clocher
Sud, a été indubitablement construit le premier.
Les précédentes remarques conduisent néces-
sairement à modifier la chronologie de la recon-
d'éclaire* plus tard par là l'escalier intérieur. On ne pré-
voyait pas alors l'allongement possible de l'église.
1. V. R. Merlet et l'abbé Clerval, op. cit.... L'ancienne
limite Ouest de l'église est indiquée dans la crypte par
un retour de mur qui subsiste en partie dans la galerie
Nord entre la première et la deuxième travée.
2. Car aujourd'hui, à cause de la place prise par l'esca-
lier qui réunit chacune des galeries de la crypte à la base
des clochers, la crypte est plus courte que l'église supé-
rieure de près d'une travée.
334
WitWt De rsivt cbrctten.
struction des parties Ouest de la cathédrale, et la
marche admise pour cette reconstruction.
IV
LE moment est venu d'utiliser un certain
nombre de textes qui peuvent se rapporter
à cette reconstruction et aider à en préciser les
diverses étapes.
A quelle époque fut commencé le clocher
Nord ? L'obituaire du chapitre mentionne, vers la
fin du XIe siècle, la construction d'une tour à
laquelle contribua le doyen Adélard (*), mort en
1092. Il est impossible d'y voir le Clocher Neuf:
les ogives du rez-de-chaussée, avec leurs retom-
bées liées intimement à la maçonnerie, en sont
une preuve entre autres; la base du clocher n'est
pas antérieure au XIIe siècle. Il dut remplacer,
dans la première moitié de ce siècle, un clocher
antérieur s'élevant sans doute du même côté de
la façade : ce clocher antérieur ne peut être le
clocher figuré dans la miniature, de 102S environ,
qui accompagne l'obit de Fulbert dans le ma-
nuscrit de Saint- Etienne (2), car celui-ci est au
Sud delà façade; c'est donc très probablement
la tour du doyen Adélard.
Mais quel fait détermina la réédification
dans la première moitié du XIIe siècle, d'une
tour de construction si récente, peut-être à peine
achevée alors ? Très probablement le terrible
incendie qui ravagea, en 1 134, la ville de Chartres.
Le 5 septembre il 34, la ville fut en partie la
proie des flammes. L'église abbatiale de St-Père,
les collégiales St-Aignan et St-André furent
ruinées de fond en comble ; en revanche, par un
bonheur qui parut miraculeux aux âmes pieuses
de l'époque, la cathédrale semble avoir peu souf-
fert. Voici comment s'exprime à ce sujet un
contemporain, l'auteur de la première Translatio
sancti Aniani dans la leçon où il énumère les
divers sinistres de la ville de Chartres : « Ouinta
quidem [succensio] facta est anno m0 centesimo
tricesimo II 11°, quarta feria nonas Scptembris, in
qua fere tota civitate consumpta, sed per mira-
bilan Jesu Cliristi misericordiam sue genetricis
1. V. au 7 des Kal. de septembre, dans l'Obituaire
publié par MM. R. Merlet et l'abbé Clerval, op. cit.
2. Ce manuscrit fait l'objet de la publication de
MM. R. Merlet et l'abbé Clerval, citée souvent dans le
cours de cet article.
ecclesia a flammis incumbentibus liberata est ('). >
A la vérité, sinon le monument lui-même, du
moins ses dépendances immédiates souffrirent
beaucoup des flammes qui venaient pour ainsi
dire lécher les murs de l'église, flammis incum-
bentibus. L'Hôtel-Dieu du chapitre, situé tout
près de la façade Ouest, fut détruit; nous voyons
dans le Nécrologe que le chevecier Bernard, mort
vers 1140, avait contribué à sa reconstruction
« aprè-i l'incendie » (2). Le clocher de façade
dont j'ai parlé (3), assez voisin de l' Hôtel-Dieu, fut
ruiné comme lui ; on trouve dès cette époque
dans le Nécrologe de nombreuses donations
pour l'œuvre d'une, puis de deux tours. Les
auteurs d'Un manuscrit cliartrain du XIe siècle
pensent que le mur de façade de la cathédrale
fut assez sérieusement endommagé pour qu'on
l'ait jeté à bas et reconstruit peu après l'incendie.
La Translatio n'en dit rien et semble même sous-
entendre le contraire en affirmant que la cathé-
drale fut préservée. Nous verrons en effet que c'est
dix ans seulement après l'incendie, et pour des
raisons d'un autre ordre, que la façade fut recons-
truite, lorsqu'on agrandit l'église vers l'Ouest
jusqu'à toucher l'arrière du clocher Nord déjà en
place. Puisque l'on peut expliquer autrement que
par sa destruction, en 1 134, sa reconstruction vers
le milieu du siècle, évitons d'aller à l'encontre
du texte si net et si formel de la Translatio.
A vrai dire ce texte est muet aussi sur la
destruction du clocher ; mais cela se comprend
mieux : un clocher ne fait pas partie essentielle
et intégrante de l'église, surtout s'il est situé à la
façade et hors œuvre, comme c'était très proba-
blement le cas ici (4). On s'explique dès lors que
1. V. abbé Clerval, Translationes S. Aniani, ap. Anal.
Bol/and., t. VII, p. 332, lectio Q".
2. Cartul.deN.-D., t. III, p. 58. Lorsqu'en 1873 on mit
à bas les restes de l'Hôtel-Dieu, on trouva des vestiges
de cette reconstruction.
3. MM. R. Merlet et l'abbé Clerval, op. cit., supposent,
peut-être avec raison, que le clocher figuré dans la mi-
ni.unie du ms. de Saint-Etienne, au Sud de la façade de
l'église, subsista jusqu'au XII" siècle. Mais cela n'est rien
moins que certain, étant donné surtout qu'un incendie en
[030 avait détruit un autre clocher, figuré dans la minia-
ture près du chevet. Je ne m'en occupe donc pas ici.
4. Il était très probablement hors œuvre puisque le
clocher Sud de la façade de Fulbert l'était, et que le clo-
cher Neuf actuel, qui remplaça ce clocher Nord, fut non
seuK nient hors œuvre mais isolé. Peut-être même était il
isolé comme lui.
Mélanges.
335
tout le reste du monument, c'est-à-dire l'église
proprement dite, étant épargné, l'auteur ait pu
écrire, malgré la ruine partielle ou totale du
clocher, bien faible dommage auprès de la des-
truction complète des autres églises de la ville :
«... ecclesia aflammis incumbentibus liberata est. »
AUSSITOT après l'incendie de 1134, on
entreprend la construction d'un clocher du
côté de la façade vers le Nord : c'est le Clocher
Neuf actuel.- C'est à lui par conséquent qu'il faut
rapporter les donations ad opus turris, que nous
trouvons pour cette époque dans le Nécrologe :
donations de l'archidiacre Gautier (mort entre
1 134 et 1 138), de l'archidiacre Ansgerius (mort
entre 11 39 et 1 142) et probablement d'Arnoul
Payen de Mongerville (*). On élève le clocher
isolé en avant de l'église ; peut-être parce que
c'était l'emplacement delà tour qu'il remplaçait ;
mais l'hypothèse n'est pas nécessaire. Vers le
même temps, à Vendôme, on en construisait un
situé de même ; on en a d'autres exemples à
différentes époques.
A coup sûr, en l'élevant à cette place, on n'en-
tendait pas se ménager la possibilité d'agrandir
bientôt l'église vers l'Ouest en avançant jusqu'au
clocher sa façade: la disposition des fenêtres étu-
diée plus haut le prouve. On peut croire même
qu'on ne projetait pas un second clocher symétri-
que : cette conception de deux clochers de façade
isolés est fort peu vraisemblable. On se contentait,
comme on le fit à Vendôme et ailleurs, d'un seul
clocher dressé comme un donjon devant l'église
au centre de la ville épiscopale qu'il dominait,
signe sensible de la puissance spirituelle et tem-
porelle de l'évêque et du chapitre.
Voilà, dans la reconstruction du milieu du
XIIe siècle, une première étape, qu'il faut bien
1. Cartitl. de N.-D., t. III, p. 124, 131, 179. Arnoul
Payen est peu connu: il n'était pas mort en 11 24 et figure
dans une charte de St-Père de Chartres antérieure à 1 1 29;
mais vécut-il longtemps après ? — La plupart des dona-
tions pour les clochers n'ont pu jusqu'ici être datées
exactement. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est qu'elles
sont postérieures à 1030 et antérieures pour la plupait à
11S0, comme le prouvent les diverses rédactions de
l'obituaire. Cf. Un ms. chartrain du .VA' siècle, et l'intro-
duction du Nécrologe au t. III du Cartul. de N.-D. de
Chartres.
distinguer et nettement séparer de l'ensemble
des travaux qui vont suivre. Car ce projet rela-
tivement modeste fut bientôt élargi ou plutôt
complètement modifié.
(A suivre.) Maurice LANORE.
Uc tombeau De saint "Wenccslas à la
catbcDralc De Brague.
N parcourant dernièrement un ouvrage
des plus rares, dont le titre ne pour-
rait guère au premier abord faire
soupçonner l'intérêt artistique et reli-
gieux, le Phosp/ioriis Septicornis (x), que Pessina
de Czechorod consacre à la description de la
cathédrale de Prague, j'ai lu, dans l'extrait d'un
inventaire du 4 janvier 1387, la description du
tombeau de saint Wenceslas, d'une richesse si
extraordinaire qu'elle semblait dépasser tout ce
qu'il est possible de rêver de plus somptueux et
de plus magnifique.
Bien que les Bollandistes l'aient également
reproduite dans leurs Acta SS. (2) à la Vie de
saint Wenceslas, duc de Bohême, comme l'in-
ventaire même, publié par Bock (3) n'en fait pas
mention, il peut donc être regardé, si non comme
inédit, du moins comme très peu connu.
C'est par conséquent une contribution presque
nouvelle à l'histoire du moyen âge, dans une de
ses branches que les hommes et le temps ont le
moins épargnée, et j'ai cru qu'il était utile pour
nos études archéologiques, de le rééditer à nou-
veau aujourd'hui.
F. DE MÉLY.
Ultimo res postulat, etiam aliqua de supellectili sacra, qua
Ecclesia Metropolitana quondam niirilïce claruit, et quee etiam
ad ipsius veterem gloriam multum facit, paucis deliberare. Non
puto autem quod nielius ac convenientius id prosequi poterimus,
quam si consignalionem ejus, sive ut communiler vocanius,
inventarium ciijuscumqiie anni, pro ut supra cum SS. reliquiis
fecimus, legentibus hic exhibuerimus perpendendum. Et quia
raihi in prresens, non aliud, quam anni 1387, per Bohuslaum
Decanum factum, pr.e manibus est, illud accipiamus.
Sed et hoc, dum penitius legendum suscipio, tam vasium ac
copiosum invenio, ut si hic totum referri deberet, paginas facile
1. Pessina de Czechorod (T. F.), Pkosphorus Septicornis, Pragse,
Arnolti de Dobroslavina, 1675, in-40,
2. 28 septembre, t. VII, p. 805-808.
3. Mittkeilungen <hr A". A*. Central Commission, t. IV (1859),
pp. 241-333'
336
3Ret>uc tic VQLxt cbrcttrn.
triginta mihi occuparet. Quod utique institut! hic nostri ratio-
nem longe excederet ; et credo etiam, quod ab;que lectoris tœdio
integrum minime percenseri posset. Ideoque, unum duntaxat hic
referemus, ex quo reliquorum magnitudinem et copiam, splen-
dorem et excellentiam, ut ex linea Apellis fecit Protogenes,
cognoscamus. Id porro erit qu îd de ornamentis tumb.e seu
sepulchri D. Wenceslai reperio his verbis consignatum.
TUMBA S. WENCESLAI.
In capite Tumbae in parte inferiori sunt duse imagines de
gamau : videlicet Imperatoris et Imperatricis. In capite impe-
ratoris est corona, in principio sui habens crucem auream cum
tribus perlis parvis et parvam imaginem crucifix! : in principio
ejusdem coronas, sup:r caput, una crux in medio habens sapphi-
rum et in marginibus quatuor parvos rubinos : post liane crucem,
in eadem corona.sequitur alia parva crux ad modum lilii, habens
très perlas et parvum pallasium splendidum. Post hoc in medio
sequitur crux habens in medio unum sapphirum et quatuor parvos
rubinos in lateribus et très perlas ; desuper tandem sequitur
parva crux ad modum lilii, habens très perlas et in medio unum
pallasium : demum ad occiput corona; est iterum una crux,
habens in m;dio sapphirum et quatuor rubinos ad quodlibet
latus et très perlas parva-;. In circulo coronœ superiori sunt sex
gemma?, et novem perlae magna; ; in inferiori et in auriculari
dependenti ad aures sunt octo gemma? et octodecim péris,
dure et dus continue junctre. Item in corona capitis Imperatri-
cis, est una parva crux aurea, sive crucifixus, habens très perlas ;
et alia in principio corona? habens sapphirum in medio, et qua-
tuor rubinos ad modum adamanlis : et alia parva crux ad molum
lilii, habens in medio unum pallasium et très perlas. Item in
medio una crux, habens unum sapphirum, et quatuor rubinos et
très perlas : alia ad modum lilii habens pallasium et très perlas :
et alia crux in occipite, habens unum sapphirum in medio, et
quatuor rubinos ad latus et très perlas. lu circulo superiori
corona; sunt sex gemma; et novem perla; ; in circulo vero infe-
riori sunt quinque gemma; et duodecim magna; perlre dua; et
dure simul junct.e ; desuper vero imago S. Wenceslai, habens in
manu dextra lanceam, cum vexillo habente aquilam, in sinistra
vero clippeum cum leone de perlis facto.
In inferiori parte habet coronam continentem tria lilia magna
et duo parva ; in primo lilio sub manu dextra continetur magnus
pallasius rubeus, et très sapphiri ad latera, et in summitate
magna perla, et ad latus secunda : in parvo lilio, quod post
hoc sequitur, in medio parvus rubinus, et quatuor sapphiri ad
latera et una perla in summitate; in magno lilio, in medio
corona: magnus rubinus, quasi granatus et quatuor sapphiri ad
latera et très parva; perla;. Item in parvo lilio, sub manu sinistra,
in medio unus rubinus, et quatuor sapphiri ad latera, et in supe-
riori parte una perla : in magno lilio, sub sinistra manu, unus
pallasius in superiori parte fractus et très sapphiri, et duse perla:
magna: : in inferiori circulo ejusdem corona; sunt novem gem-
ma: magna; pretiosa? et viginti perla; magna-, et quatuor parva;
gemma; intersertie. Item thoraces integri continentes triginta
unam genimam et unum monile in pectore, in medio habens
unum sapphirum et in circulo sex parvas gemmas et sex perlas ;
et in tibula ad dextram partem unum pallasium, in medio tria
magnas perlas et duos smaragdos : in lîbulaad sinistram partem
unum pallasium, très magnas perlas et duos smaragdos. In dia-
demate vero imaginis anle faciem très sapphiri magni et tria
parva lilia; unum habet très perlas, secundum 1res et lertium
très, sed majores : ex alia parte in diademate duo magni sapphiri
et duo parva lilia, quodlibet habens très perlas.
In corona S. Wenceslai in lilio ad dextram partem très sap-
phiri, et in medio unus pallasius : in parvo lilio, unus pallasius
parvus et una perla : in medio lilio magno, unus pallasius, qua-
tuor sapphiri et très parva; perla; : in alio parvo lilio, unus palla-
sius, et una perla parva : in lilio magno super caput, unus palla-
sius, 1res sapphiri et dua: perla; magna;. In inferiori parte
corona; sex gemmre et octodecim perla; : ad dextram partem
unus Angélus super vexillo, in circumferentia nubis sex habens
gemmas, et septem perlas, diadema et alas sine defectibus : ad
sinistram partem al ius Angélus, in circumferentia nubis sex habens
lapides et quinque perlas, diadema et alas sine defectibus. Item
sub manu Christi est magnus thopasius : in manu Christi dure
prétexta: manicarum; in superiori prétexta sunt viginti gemm.-e,
in inferiori prretexta habet parvas gemmas sine defectu : in digilo
medio est annulus habens in se adamantem bene magnum. Item
monile sub manu habet octo smaragdos et alias gemmas cum
perlis sine defectu : supra manum in summitate est unus annulus
habens in se sapphirum magnum : in annulo est unus magnus
smaragdus in summitate sepulchri et ultra smaragdum, est unum
pretiosum monile, habens caput humanum in medio et in circum-
ferentiis octo lapides pretiosos. Per rigam inferiorem ad dextram
partem sub monili descendendo, sunt triginta très gemma: et
in secunda linea supra illam, sunt septem monilia cum octo
gemmis. In tertio monili in eadem riga ascendendo déficit una
perla : in tertia riga supra illam sunt triginta quinque gemma; et
sexta déficit leclulo rémanente. Item sub superiori monili ad
sinistram partem in riga inferiori, sunt triginta dure gemma; et
déficit una lectulo rémanente : in alia linea supra istam, sunt
septem monilia et septem gemma;. In superiori monili illius
rigee déficit lectulus unus cum perlis: et in quarto monili descen-
dendo déficit una perla : in superiori riga sunt triginta quatuor
gemmre, déficit una lectulo rémanente et secunda cum lectulo.
Item ad dextram partem allerius manus Christi, sunt duodecim
monilia et très gamau cum imaginibus, et quatuor gemma;. Sub
annulo ad dextram partem, monilia parva sunt quadraginta octo,
in monili circa manum Angeli, déficit parvus lapillus cum lec-
tulo : in monili sub nube Angeli, deficiunt quatuor parva; perla; ;
in monili superiori sub ala Angeli, déficit una perla et sub eo in
tertio monili déficit unus lapillus; ibidem in monili supra gamau
cum imaginibus déficit una perla; ibidem infra gamau déficit
una perla. Sunt autem gemma: prretiosre sub Angelo ad latus
dextrum, exceptis monilibus, trigenta una et monile magnum
continens in se Gamau magnum cum facie virili, habens in cir-
cuitu octo gemmas et viginti très perlas, et déficit una perla.
Item sub gemmis in eadem parte in pede Tumbae, sunt octo
cruces; in prima déficit gemma superior, leclulo rémanente,
habens in superiori parte très perlas, et quatuor gemmas et in
pede très parvas perlas, déficit quarta. Alise omnes cruces ha-
bent per quinque gemmas et in parte superiori per très perlas
magnas et circa pedem per quatuor perlas. Item ad latus sini-
strum sub manu Christi sunt parva monilia quinquaginta tria et
unum magnum cum gamau, et reliquum circa caput Angeli de
gemmis magnum : in monili sub manu Christi deficiunt duo
parvi lapides : et a latere clypei in secundo et tertio monili defi-
ciunt duo lapidi, alia sunt plena. Gemmae in eodem latere ultra
monilia sunt novem decim et in pede sepulchri ejusdem lateris
sunt quinque parva: Cruces, qurelibet habens quinque gemmas
et très perlas, in superiori parte, excepta cruce pênes imaginem
Imperatoris, qure caret tribus perlis. Item in latere, in tabula,
Mélanges.
337
ciim imagine S. Tauli, in diademate sunt qninque gemmas, et
déficit una et sunt quatuor perlas magnas; ad lattis clextrum ima-
ginis sunt septem gemmas et ad sinistrum similiter septem gem-
œ; ad latus dextrum sunt très perlas et ad sinistrum similiter
très perla?, et sub imagine S. Tauli sunt duodecim gemmas et
viginli una perlas; sub imagine S. Pauli in alia tabula est imago
S. Viti habens in diademate quinque gemmas et quatuor magnas
perlas; ad latns vero dextrum imaginis novem gemmas et ad
sinistrum similiter novem. Item sub hac imagine, in tabula infe-
riori est passio S. Viti, ad latus dextrum habens quinque gemmas
et ad sinistrum quinque. Item in tabula superiori est imago
S. Pétri habens in diademate undecim gemmas et quatuor
magnas perlas : ad latus dextrum, habet undecim gemmas, ad
sinistrum undecim; et ad latus dextrum très perlas, ad sinistrum
très similiter perlas : Sub diademate sunt duodecim gemmas et
oclodecim perla?. Item sub hac imagine est imago S. Adalberti
in diademate habens gemmam et in humerali duas, in pectore
déficit una, lectulo rémanente. Ad latus dextrum sunt septem
gemmas et ad sinistrum similiter septem : ad dextrum sunt tria
parva monilia et ad sinistrum similiter tria. Item in tabula infe-
riori, sub hac imagine est passio S. Adalberti et habet parva sex
monilia.
Ilem tertia tabula in parte superiori habet imaginem Majes-
tatis et quatuor Evangelistas : in circuitu imaginis, sunt octo
decim gemmas et septem decim perlas; in maiginibus tabulas,
sunt quinqunginta très gemmas: sub hac est imago S. Wences-
lai, in diademate habens très gemmas et quatuor maximas per-
las; in pectore habet très gemmas, ad latus dextrum quatuor
gemmas et ad sinistrum similiter quatuor. Sub hac tabula, in
tabula inferiori est passio S. Wenceslai habens octo gemmas.
Item quarta tabula superior habet imaginem B. Virginis, in dia-
demate sunt septem gemmas et quatuor decim perlas, in pectore
B. Virginis una gemma. Item sub imagine B. Virginis, ad latus
dextrum est cristallum habens de capillis B. Virginis, ad latus
vero sinistrum déficit cristallum. Sub hac imagine est tabula
continens crucem auream et unum Angelum ad dextrum latus- et
alium ad sinistrum ; in parte superiori crux continet tredecim
gemmas et quatuor decim perlas. Sub hac imagine, tabula infe-
rior nullam imaginem habet, continet quatuor gemmas (in qua
tabula prius pendebat Prassepe Domini) et unum lectulum inter
quatuor gemmas superioiis crucis.
Item, quinta tabula in parte superiori habens plenaiium
S. Marci ; in superiori parte est imago S. Marci sine defectibus,
habens quatuor gamau,duo in superiori parte et duo ab inferiori :
Subtus monde pretiosum est, quod ab una parte imaginem Impe-
ratoris et a secunda episcopi habet, unam gemmam in medio et
sex in circumferentiis, perlas septem decim déficit décima octava.
Sub hac est tabula, in qua est imago S. Ludmillas, in diademate
continet novem gemmas et octo perlas; ad latus dextrum habet
quinque gemmas et ad sinistrum sex et in pectore parvum monile.
Sub hac est parva tabula continens passionem S. Ludmillas et
quatuor gemmas. Item ultima tabula est trium evangelistarum,
habens octo monilia, diademata, et alas sine defectibus. Sub hac
est tabula quinque Fratrum imago formalis, in diademate habet
septem gemmas, et duodecim parvas perlas; ad latus dextrum
quatuor gemmas, ad sinistrum très. Secunda imago habet in dia-
demate septem gemmas et undecim parvas perlas, in medio inter
tertiam imaginem, très gemmas. Tertia imago habet quinque
magnas gemmas in diademate et ad dextram partem duas parvas
gemmas et in medio perlam ; ad sinistram similiter duas gemmas
et in medio perlam ; inler tertiam et quartam imaginem sunt très
gemmas. Quarta imago habet in diademate septem gemmas et
octo decim parvas perlas; inter quartam e* quintam imaginem
sunt très gemmas. Quinta imago in diademate habet septem gem-
mas et novem perlas, deficiunt novem : et ad latus sinistrum ha-
bet très gemmas. In inferiori tabula est passio dictorum quinque
Fratrum et habet decem parva monilia. Item super imaginem
S. Pauli pendet cor aureum et in fine tabulas, circa cor sunt très
gemmas.
Post hase sequitur unum magnum monile, includens in se
aliud parvum, in cujus medio est sapphirus magnus : in majoii
circulo monilis sunt sex pnrva monilia, quod libet continens gem-
mam et sex alia, quod libet continens magnam perlam cum par-
vis gemmis, post hase sequitur lapis admodum cristalli. Item
supra imaginem S. Pétri est secundum monile, habens in se sap-
phirum splendidum, habens in majori circulo sex gemmas et sex
perlas, in minori similiter sex gemmas e{ sex perlas : post hase
sequitur parvum monile in medio habens sapphirum parvum et
in circumferentia novem gemmas. Item supra imaginem Maje-
statis est magnum monile sapphirum habens in medio, gamau et
sex gemmas majores in circumferentiis; tandem sequitur unum
parvum monile habens gemmam. Item supra imaginem B. Vir-
ginis est monile habens sapphirum et in circumferentiis octo
gemmas mixtas perlis : post hoc sequitur parvum monile ad mo-
dum stellas, habens rubeam gemmam. Tandem inter tabulant
B. Virginis et tabulant S. Marci est aliud monile habens etiam
sapphirum in medio, et in circumferentiis parvas gemmas rubeas :
tandem parvum monile habens smaragdum. Post hase supra
tabulant] S. Marci, est unum monile habens in medio sapphirum
et in circumferentiis sex gemmas mixtas cum parvis perlis : tan-
dem unum gamau, quod habet caput hominis. Item supra imagi-
nem S. Lucas est aliud monile habens in medio sapphirum et in
circumferentiis quatuor gemmas et quatuor perlas; est etiam quas-
dam gemma per se. Item supra imaginem S. Matthasi est aliud
monile, in medio habens smelcz, et in circumferentiis parvas gem-
mas : et quasdam gemma ad modum cristalli inter imaginem
S. Matthasi et S. Joannis. Supra imaginem S. Joannis est parvum
monile et cor aureum pendens et duas gemmas circa cor. Item
in pede inferioris coopertorii sunt quinquaginta quinque di versas
gemmas, pro majori parte gamau, et una parva crux aurea. In
coopertorio ab inferiori parte, sunt imagines Dominorum cum
armis eorum, P. Arnesti Archi. Ep. D. Alberti de Sternberg,
episcopi Luthomislensis et D. Joannis Comitis de Luczemburg
Episcopi Argentinensis et sex imagines DD. Secularium cum
armis eorum. Superius coopertorium habet laminas auieas et in
eis expressa sunt arma Baronum, Militum etc. Regni Bohemias.
(Pessina, Phosphorus, p. 715-722.)
Kicrrc sépulcrale De l'église oe ffîainçj.
ANS l'église de Maing ('_), près de
Valenciennes, se trouve une pierre
funéraire du XIVe siècle, que sa dispo-
sition particulière a, depuis longtemps,
fait remarquer. Signalé dès 1843 (2), ce curieux
monument ne devrait plus, semble-t-il, être
l'objet d'une nouvelle description après les quel-
ques lignes, qu'à deux reprises Mgr Dehaisnes
1. Maing, canton Sud de l'arrondissement de Valen-
ciennes (Nord).
2. Bulletin de la Commission historique du département
du Nord, tome Ier, p. 164.
Cf. même Bulletin, tome VIII, p. 113. Statistique
archéologique du département du Nord.
338
3Rcbue lie P8vt chrétien.
lui a consacrées (') ; mais, cependant, il n'a pas
encore été reproduit, ni publié, et c'est là ce qui
permet de le présenter aux lecteurs de la Revue
de l'Art chrétien.
C'est une lame de <( pierre bleue », large de i m.
70 c, haute de o m. 45 c. Elle conserve le souve-
nir de cinq membres d'une même famille : père,
mère, fille, fils, belle-fille, dont les effigies sont
représentées, non en pied comme de coutume,
mais en buste : cinq bustes (2) largement dessi-
nés sont encadrés par cinq arcatures entourées
elles-mêmes d'une inscription relative à chacun
des défunts. Les écoinçons entre les arcatures
sont ornés de rosaces et autres remplages d'un
dessin très varié. Sur la partie inférieure de la
pierre s'étend, d'une extrémité à l'autre, une
longue inscription de deux lignes réglant une
fondation en faveur des pauvres.
Voici ces six inscriptions :
Chi ' devant - gist ' Jehans ■ Bruniaus ■ con ■
dist • Rikiers ■ Ici ' trespassa ■ l'an • M ' CCC • LV ■
ou ' mois • d'Aoust ■ priies ■ pour ■ s'ame.
Chi • gist ' demizielle " Climence ■ de : Bouzies '
se ' femme ' Ici ' trespassa ' l'an ' M ' CCC " LVI '
ou • mois • de ' Feverier ■ priies ■ pour • s'ame.
Chi • devant ' gist - demizielle ■ Magne ■ fille ■
Jehan " Bruniel " ki ' trespassa " l'an ' M " CCC.
Chi • gist • Jehans ■ Bruniaus ■ fils ' Jehan " Bru-
niel ' con ' dist • Rikiers ■ ki ' trespassa - l'an '
M ■ CCC.
Chi - gist - demizielle ■ Marie ' de • Vienne ■
femme ' Jehan ■ Bruniel ' ki ■ trespassa ■ l'an '
M -CCC.
Sacent " tout ■ con ■ doit ■ donner ■ pour ■ les ■
armes ■ de ■ Brunel ' et É de ■ demizielle ■ Climence ■
Se • femme • et • de • leur ■ anciseurs ■ tous ■ les •
mois • de ' l'an • a ■ tous 'Jours • II ■ witeus ' de '
pain • quit • a • VIII d • pries ■ dou ■ mille.... ||
a ' tous • les ' paures • de - le • ville ■ ki ■ sont ■ au
moustier ■ le ' jour ■ con ' fait ■ le • siervice ■ et ■
est • ces • blés ■ bien ' asenes ■ sur ■ XI il ' men-
caus ■ de ■ tierre • si ■ qu'il ■ a [ ppert ] : Y [ ar ] ■ le •
tiestament • ki ' est ■ en ■ le ■ glize ■ de ■ FJontenelle].
1. Notices descriptives sur les monuments historiques
conservés tluns le départemetit du Nord, Lille, 1-894,
p. 36 ; et Le Nord monumental et artistique, Lille, 1897,
p. 183.
Cf. encore: L. Cloquet, Exportation de sculptures
tournaisiennes, dans le Compte rendu du Contre \ arc/idô-
logique de Tournai. Tournai, 1896, p. 647.
2. Et non quatre.
Le dernier mot de cette ligne est détruit, sauf
la première lettre où l'on distingue le haut d'une
F ; on peut donc proposer de lire Fontenelle,
nom d'une abbaye de cisterciennes située à quel-
ques centaines de mètres de l'église de Maing,
sur le territoire du village de Trith. La lacune
de l'inscription s'étend sur une longueur assez
grande pour que toutes les lettres nécessaires à
la composition de ce mot y trouvent place, mais
pas davantage. L'abbaye possédait encore en
1788, époque de la rédaction d'un état des dîmes
de Maing ('), une terre de la contenance de treize
mencaudées, superficie beaucoup plus vaste que
celle des autres champs du village, lesquels ne
dépassaient plus alors cinq ou six mencaudées ;
on peut voir dans cette plus grande étendue
l'indice d'une donation déjà ancienne, faite dans
un temps où la terre était moins divisée. Toute-
fois les archives, peu importantes, de Fontenelle,
aujourd'hui déposées à Lille, ne renferment pas le
testament annoncé par l'inscription, et le silence
d'un petit obituaire de la fin du XVIIe siècle,
appartenant encore à l'église de Maing, prouve
que dès lors la fondation n'y était plus exécutée.
Est-ce à dire que cette pierre ait été rapportée
d'une autre église, de celle de Fontenelle? Cela
n'est nullement probable, mais en tout cas elle
n'est plus à sa place primitive : encastrée dans
un mur de bas-côté en briques et pierres, et
point antérieur au XVIIe siècle (2), elle est à
o m. 50 c, seulement au-dessus du pavement,
derrière un banc qui la rend à peu près invisible,
mais la protège contre de nouvelles détériora-
tions. Jusqu'à présent, sa conservation est parfaite;
les courtes lacunes de l'inscription sont le fait
de pesées pratiquées autrefois pour la desceller.
Si l'origine du monument est incertaine, la
famille pour laquelle il fut exécuté n'est guère
mieux connue. Aucun épitaphier de Hainaut ou
1. Bibliothèque de Valenciennes, ms. 572, fol. 122:
<i Cartulaire de la dime de Maing fait et dressé en vertu
des lettres de continuation de terrier de l'archevêché de
Cambrai. »
2. L'église de Maing est de différentes époques. La nef se
compose de gros piliers rectangulaires surmontés simple-
ment d'un chanfrein et d'un bandeau et supportant des
arcs brisés. Elle est couverte d'un plafond ; il ne semble
pas qu'il y ait jamais eu de voûte. La façade, également
très simple, est en grès; Ces deux morceaux peuvent
remontei à la fin du XIIe siècle.
ou
c
—
w
C3
3
ta
<n
"S
vu*
«
Mélanges.
339
de Valenciennes ne fait mention de la sépulture
des Bruniel ; l'histoire de l'abbaye de Fonte-
nelle (') ne parle d'eux pas plus que les volumi-
neux recueils de généalogies locales dressées par
M. De Sars de Solmon, pour le XIVme siècle du
moins. Jean Bruniel devait être bourgeois de
Valenciennes, mais point des premières familles.
Clémence de Bouzies, sa femme, ne figure pas
dans les généalogies de la maison noble de ce
nom. S'il y a bien un Jean Li Bruns échevin en
1304,011 ne voit pas de Bruniel dans les listes du
Magistrat (2) pendant tout le XIVe siècle.En 1390
seulement, un Jean Bruniel est « XIII hommes »,
et ce n'est qu'en 1482 que, après avoir été mas-
sart (receveur de la ville), Pierre Bruneau devint
prévôt de Valenciennes. Mort de peur (3) à
l'arrivée de commissaires envoyés de Malines
par l'archiduc Philippe le Beau pour réformer
certains abus de l'administration valenciennoise,
il fut enterré dans l'église des Frères Mineurs,
dite depuis des Récollets : « en entrant au reves-
tiaire à la main senestre y a trois personnages de
blanche pierre en habit de cordelier, un homme
et deux femmes (4) » — Marguerite de St-Ghis-
lain et Péronne Le Bonne, femmes du prévôt.
Son fils, anobli par Charles V le 6 juin 1548,
obtint confirmation des armes paternelles —
d'azur à trois roses d'or — avec adjonction d'une
demi-aigle en chef (5).
Le tombeau de Pierre Bruneau a disparu avec
toutes les autres sépultures si célèbres de l'église
des Récollets : aussi regrettable eût été la dispa-
rition de la pierre commémorative des Bruniel à
Maing. Dans ses dimensions restreintes en effet,
ce monument est, comme le dit Mgr Dehaisnes,
« très remarquable au point de vue artistique » ;
les dessins et inscriptions ont été tracées « par
une main très habile et très sûre d'elle-même » ;
l'exécution du travail offre certaines particula-
1. Ms. de la Bibl. de Cambrai « Mémoires pour l'his-
toire de l'abbaye de Fontenelle recueillis par D. Gilles
Lolivier et U.Augustin Dourdier, religieux de Cambron î>.
2. Bibl. de Valenciennes, ms. 549-559. Magistrats de la
ville.
3. Mémoires historiques sur P arrondissement de Valen-
ciennes publiés par la Société d'agriculture, sciences et
arts, Tome III, p. 64.
4. Bibl. de Valenciennes. Ms. 762, fol. 63 v°, Epitaphes
de l'église des Frères Mineurs.
5. Ibid. Recueil De Sars, tome Ier, fol 33.
rites : les traits des visages (comme les encadre-
ments et les caractères des inscriptions) se
détachent en saillie « et ont pris une teinte noire
à cause du polissage, tandis que le fond de la
figure et le col, un peu creusés parle marteau du
piqueur de grès, ont conservé la nuance gris-
bleuâtre de la pierre. » Ces fonds rugueux et
pleins d'aspérités étaient peut-être destinés à
recevoir un enduit dont il ne reste plus de traces.
Aujourd'hui encore le petit monument frappe
par son aspect peu ordinaire. Rarement on voit
autant d'effigies sur une même pierre; cependant,
à l'église de Fouju (Seine et Marne) la dalle des
cinq enfants d'Henri Briart (') représente le fils
aîné sous un édicule gothique auquel servent de
base quatre arcatures contenant les imagts des
quatre autres frères et sœurs ; mais les ci-
personnages sont dessinés en pied: une dispe
sition tout à fait analogue à celle qui fut adoptée
à Maing se rencontre à l'époque romaine, où
souvent on sculptait en bas-relief et alignés
dans des niches carrées, séparées par de très
étroits trumeaux, les bustes un peu monotones
de toute une famille : il en reste encore d'assez
nombreux exemples à Rome, entre autres sur la
voie Appienne et au Musée de Latran. L'artiste
tournaisien qui grava la pierre funéraire de la
famille Bruniel avait-il fait le voyage de Rome ?
y avait-il vu quelque sculpture de ce genre dont
il se serait inspiré ?
L. S.
Ha Catbcûrale et Ha Forêt (2).
ANS cette curieuse brochure notre col-
laborateur développe d'une manière
attachante et séduisante un véritable
'J paradoxe. Il reprend à son compte la
jolie boutade de Chateaubriand ou la doctrine
de Warburton, qui fait dériver l'architecture go-
thique de l'imitation des forêts de la Gaule (3).
1. Guilliermy, Inscriptions de la France, tome V,
p. 72.
2. La Cathédrale et la Forêt, par Em. Lambin, bro-
chure. Paris, Lechevalier,i899. (Extrait du Bull, de la Soc.
archéol. de Sois sons.)
3. La même opinion avait déjà été énoncée par Raphaël
(v. J. Helbig, Revue de P Art chrétien, — ainsi que M. J.
Helbig le rappelait naguère ici).
REVUE DE L ART CHRETIEN.
189g. — 4me LIVRAISON.
34o
3fÀctntc De P&rt cbrétten.
Notre ami fait ressortir des ressemblances qui
sont dans la nature même des choses; il invoque
des particularités curieuses, comme les nervures
de l'Etang-la-Ville qui s'épanouissent en fron-
daisons, comme celles de la Tour de Jean-sans-
Peur taillées en troncs d'arbre.
Il observe justement que dans la sculpture ro-
mane les billettes ne sont que des bois coupés,
Jes chevrons, des bois brisés, que les dents de scie
et les têtes de clous sont des motifs empruntés tout
droit à la charpenterie, et que l'on rencontre dans
certains décors jusqu'aux piles de bois copiées
sur les chantiers de charbonniers. Il faut en con-
clure une seule chose, selon nous :c'est que les con-
structeurs romans et gothiques, en vrais Aryens,
avaient le génie de la charpenterie. Ils en ont ap-
pliqué à la construction en pierre non seulement
les thèmes décoratifs, mais encore les principes
constructifs. C'est ce que feu Courajod a abon-
damment démontré, en insistant surtout sur le
rôle de Vétai dans la construction romane, et
M. Benouville, dans une belle page que nous
avons reproduite, a prouvé que les voûtes hardies
et presque téméraires de Beauvais sont conçues
comme de la charpenterie en pierre; et, pour en
revenir au roman, feu Ruprich Robert n'a-t-il pas
prouvé que le chapiteau sphérico-cubique ou
rhénan dérive directement des constructions en
bois de la Scandinavie?
Nous renchérissons donc sur les arguments de
M. Lambin, s'il s'agit d'établir une affinité entre la
maçonnerie romano-gothique et la technique
de la charpenterie, mais il y a loin de là à pré-
tendre, que les formes si logiques de la structure
ogivale visent à l'imitation matérielle de la forêt.
Il est bien inexact de dire, qu'en élançant leurs
nefs les constructeurs gothiques ont voulu repro-
duire la fière envolée des hautes futaies. Viollet-
le-Duc a démontré quelque part, d'une façon ma-
thématique, que leur cauchemar a été la difficulté
de réaliser la combinaison des voûtes sans exalter
démesurément la hauteur des nefs, et que tous
leurs efforts ont tendu à diminuer celle-ci. De ces
efforts mêmes est née la voûte barlongue.
Mais que les cathédrales possèdent par la force
des choses la fraîcheur, l'ampleur, l'obscurité re-
lative de la forêt, c'est ce qu'on peut considérer
comme une poétique ressemblance. Au surplus, on
ne peut nier que le décor des bois ait largement
déteint sur leur sculpture et nul n'a su le montrer
comme M. Lambin, qui a écrit là-dessus des
pages remarquables que nous avons signalées.
Nos lecteurs nous sauront gré d'en reproduire
encore une, qui résume le tableau de la flore
chartraine.
A cette architecture nationale, qui s'élevait grandiose
et fantastique dans les brumes de l'Occident, il fallait une
ornementation de même origine, c'est-à-dire prise dans
la flore indigène. Rivalisant de génie avec les construc-
teurs, nos sculpteurs eurent alors la pensée d'aller cher-
cher sur les bords des cours d'eau, dans nos champs, dans
nos prés et dans nos bois les modèles de leurs composi-
tions.L'acanthe romane.souvenir de l'antiquité, disparut, et
fit place à l'arum, au nénuphar, au plantain, à la fougère,
à la vigne. Puis vinrent le trèfle, la renoncule, la chélidoine,
l'ancolie, le chêne, le figuier, le lierre et le rosier. Ce fut le
fond de la flore gothique. A ces plantes s'ajoutèrent encore
d'autres feuilles que l'on peut appeler feuilles isolées,
parce qu'elles sont plus rares que les premières, et dissé-
minées çà et là dans les édifices. Ce sont : la benoîte, la
grande-berce, la bryone, la quinte-feuille, le pas-d'âne, la
lampsane, l'argentine, la mauve, le liseron, l'églantier, le
géranium des champs, l'hellébore noir, le hêtre, l'aulne,
l'érable, le peuplier-tremble, le poirier et d'autres encore
que de nouvelles recherches pourront faire découvrir.
Enfin parurent l'armoise, le houx, le houblon, le chardon,
le chou frisé ou la chicorée et les algues marines. Les
magnifiques floraisons de feuillage, que les artistes gothi-
ques jetèrent sur les piliers des nefs, sur les colonnettes
des galeries, autour des clefs de voûte, sans parler de
celles qui formèrent les rinceaux des voussures des portes
et les frises des façades, furent l'indispensable complément
de la nouvelle architecture et achevèrent de lui donner
son caractère de haute et sombre futaie.
La cathédrale de Chartres présente à cet égard une
particularité remarquable. On sait qu'au temps de César,
le pays chartrain, pays des Carnutes, était considéré
comme le centre de la Gaule. Là se tenaient les assemblées
annuelles des Druides, là se rendaient tous ceux qui avaient
des différends, pour les soumettre à leur jugement, et at-
tendre leurs arrêts ('). Cette région, alors couverte de
forêts, était sombre et sévère ; cet aspect elle l'a encore
gardé de nos jours, et Notre-Dame de Chartres en a reçu
dès son origine, une teinte ineffaçable. On dirait que les
hommes qui ont élevé cet édifice, qui en ont sculpté les
chapiteaux, se souvenaient de la vieille Gaule, et que, en
souvenir du passé, ils aient voulu mettre beaucoup de
chêne, l'arbre préféré des aïeux, dans leur cathédrale.
Il y a effectivement, à Chartres, de nombreux chapiteaux
composés uniquement de chêne, et plusieurs donnent ce
chêne interprété d'une façon que l'on ne retrouve pas ail-
i. César, De Bello gallico, VI, 13.
£0élangc0.
341
leurs, car la feuille forme la croix symbolisant en quelque
sorte la Gaule païenne devenue chrétienne. Les Carnutes
des XIIeet XIIIe siècles avaient pu oublier leurs origines,
mais il reste dans les masses, ainsi que nous l'avons dit
plus haut, des instincts de race auxquels elles obéissent
sans s'en douter et qui se manifestent parfois en des œu-
vres surprenantes. De plus, une tradition légendaire,
connue de tous, nous dit que les Druides avaient eu le
pressentiment de la venue du Christ, environ cent ans avant
sa naissance; et que, sous l'empire de cette révélation in-
térieure, ils avaient élevé dans une grotte cachée au fond
de leur forêt une statue en bois à la Vierge qui devait en-
fanter : Virgini pariturœ. Eh bien ! c'est sur cette gtotte
que fut construite par les chrétiens la première église de
Chartres et que se dresse aujourd'hui la grande cathé-
drale, les descendants des Celtes paraissant avoir associé
dans leur esprit l'ancien culte au nouveau.
L. Cloouet.
Portail de la cathédrale de Chartres.
% ^ «fr *ft »fc ^ ^ «fr *fr *%• *ft *fr ^ :;^ ^ :;^ "%■• ^ »qg :;^ :;^ *y :;^ :;^ :;^ fé
San Gimignano. ~^^^=w~
ANS son n°du 25 juin 1899, Y Illustra-
tion italienne a publié un intéressant
article de M. Bruno Franchi, sur San
Gimignano. La vieille ville toscane
vient de célébrer l'anniversaire six fois séculaire
de l'ambassade envoyée de Florence, pour es-
sayer de détacher de la ligue Guelfe San Gimi-
gnano et le pays de l'Eisa. L'ambassadeur, un
homme de 34 ans, se nommait Dante Alighieri,
et le 7 mai 1299, il fut reçu dans la grande salle
du palais ancien du podestat, aujourd'hui palais
communal. Une plaque inaugurée le 7 mai 1899
rappelle qu'en ce lieu « a retenti la parole magna-
nime de Dante Alighieri ». Un autre grand sou-
venir est aussi inscrit sur cette plaque comme-
morative, celui du plus grand des enfants de
San Gimignano, saint Bartolo ; né au XIIe siècle,
il appartenait à l'illustre famille des Buompedoni,
comtes de Mucchio, et se voua au soulagement
des lépreux. Au XVe, on lui éleva dans l'église
Saint-Augustin une chapelle magnifique, dont
l'autel fut sculpté en 1494 par Benedetto da
Majano, et dont un artiste né à San Gimi-
gnano, Sébastien Mainardi, élève de Ghirlan-
dajo, peignit à fresque les murailles. Récemment
on y a placé une grille en fer forgé, beau travail
exécuté par un artiste du pays, M. Olinto Cec-
carelli, sur le dessin de M. Luigi del Moro.
San Gimignano, une sorte de Pompeï, mais un
Pompeï vivant, est une des villes de Toscane où
revit le plus intact le moyen âge toscan, « et
sans aucune odeur de musée », nous dit M. Fran-
chi. Ah! comme il a raison ! Les musées sont un
mal nécessaire, mais enfin il est permis de con-
cevoir pour eux quelque chose de l'aversion qu'ils
inspiraient à Lamartine. On connaît au moins
par les gravures et les photographies ce formi-
dable profil de ville tout hérissé de tours déme-
surément hautes, hors d'échelle avec les demeures
serrées à leur pied, carrées, nues comme des che-
minées d'usines modernes, semblables à une
futaie de menhirs dressés par une race de géants
disparus. Ces tours, restes et témoins d'une
époque où dans l'enceinte d'une même ville,
chaque maison était l'ennemie de sa voisine,
sont du XI IIe siècle et aussi 1' « insigne » collé-
giale, l'église Saint-Augustin, les deux palais du
podestat, d'autres palais privés et de simples
logis de bourgeois et d'artisans.
M. Franchi en u m ère les artistes qui ont peint
et sculpté dans la cathédrale : Bartolo di Maestro
Fredi, Siennois, 1356 ; Giovanni Ciecchi, 1379;
Taddeo Bartoli, Siennois, 1 392 ; Benozzo Goz-
zoli, Florentin, 1465 ; Gaetano Cannici, Piero
del Pollajuolo, 1483; Matteo Rosselli, 1700;
Domenico da Pasignano, Antonio da Colle et
autres moindres; au XIVe siècle, Barna de
Sienne se tua en tombant d'un échafaudage d'où
il peignait des scènes du Nouveau Testament.
Le Sodoma a peint le dessus de la porte ex-
térieure au palais ancien du podestat ; dans le
nouveau l'on voit nombre de peintures, fresques
ou tableaux, de Lippo Meinmi, de Filippo Lippi,
du Pinturicchio, de Guido de Sienne et autres
artistes de l'école siennoise. Le chœur de Saint-
Augustin montre des fresques qui comptent
parmi les chefs-d'œuvre de Benozzo Gozzoli. On
y voit représentée en dix-sept tableaux la vie de
saint Augustin ; il en existe des reproductions
excellentes en chromolithographie dans les
publications de la Société d'Arundel, qui a le
très bon esprit de s'en tenir aux œuvres de cette
famille ou des écoles septentrionales, sans aborder
la reproduction, impossible par les procédés mé-
caniques, des peintures romaines, florentines ou
vénitiennes du XVIe siècle.
Mais la merveille de San Gimignano, c'est la
chapelle de sainte Fina, la protectrice du pays,
avec l'histoire de la sainte, représentée par le
Ghirlandajo dans une série de fresques admi-
rables. Benedetto da Majano a sculpté l'autel
majeur où le marbre est fouillé avec une légèreté,
une souplesse inouïes; des figures d'anges ornent
ce « divin » morceau, comme le qualifie M. Fran-
chi. Aux angles de la corniche, Sébastien Mai-
nardi a peint six saints et six prophètes ; d'autres
artistes moindres ont concouru à la décoration
CoiTCSponDance.
343
de cette chapelle élevée, noble et élégante, sur
quatre piliers corinthiens, d'après les plans de
Julien de Majano.
Autour de la colline qui porte San Gimignano,
d'autres pentes forment un amphithéâtre fertile,
semé de villas et de châteaux perdus dans la
verdure ; dans la vallée serpente, capricieuse, la
Eisa ignorant qu'elle a eu l'honneur d'être nom-
mée par le Dante.
Plusieurs gravures photographiques accompa-
gnent l'article de M. Franchi : une vue générale
de San Gimignano ; le principal groupe des tours
seigneuriales ; les fenêtres du palais Pratellessi ;
un fragment des fresques de Gozzoli montrant
une riche architecture à rinceaux et une figure
d'évêque tenant dans ses deux mains le relief
très reconnaissable de la ville ; une des anciennes
portes ; le palais ancien du podestat ; enfin une
admirable composition de Ghirlandajo, les funé-
railles de sainte Fina. Elle est étendue nimbée
sur un lit funèbre, au-devant d'une abside demi
circulaire à pilastres corinthiens, laissant voir
latéralement les hautaines perspectives de la
ville féodale. Une assistance nombreuse de clercs
et de laïcs entoure le lit funèbre ; à gauche, à la
tête de la jeune expirée, un groupe de chanteurs
et un évêque lisant dans un livre ; au centre de
la scène, derrière le lit, une femme, la tète inclinée
sous une ample capeline blanche, pose les deux
mains sur le corps, dont un enfant de chœur
baise les pieds nus. Cette scène est d'une paix,
d'une majesté simple que l'on ne peut qu'admirer;
les têtes, fort expressives et belles, présentent
un caractère personnel qui les élève à la dignité
de portrait. En définitive nous avons là un
des thèmes les plus familiers à l'art italien du
XVe siècle, la mort d'un saint personnage en-
touré d'assistants recueillis ; ainsi depuis des
siècles, le groupe de la Vierge et du divin Enfant
demeure toujours nouveau et exerce sans les
épuiser jamais le talent, le génie et la foi des
artistes chrétiens.
Une observation pour finir. Ainsi, dans cette
ville italienne de quatrième ordre abondent les
œuvres d'art du premier, et non seulement les
révolutions de la politique et de la mode les ont
respectées, mais encore on sait leur histoire et à
chaque pierre, à chaque pan de muraille est at-
taché un nom historique. Eh bien, je ne puis
m'empêcher d'admirer, d'envier même cette cons-
cience qu'a eue de tout temps le peuple italien
de sa dignité artistique. Pourquoi n'en est-il pas
ainsi dans nos pays du Nord, où presque toutes
les œuvres du même temps sont muettes, où tant
d'artistes, des peintres surtout — les sculpteurs
sortent peu à peu des ténèbres — sont connus
par leurs œuvres, presqu'aucun par son nom ?
Notre art, admirable d'ailleurs, et qui peut sou-
tenir la comparaison avec n'importe quel autre,
est anonyme ; regrettons-le mais n'accusons pas
nos artistes ; ce furent des humbles de cœur.
Heureux, par leur labeur ignoré, d'avoir fait
œuvre de talent et de foi, ils n'ont pas cherché
par surcroît la gloire hurraine pour récompense
Henri CHABEUF.
.Hngletcrre.
i|A pose de la première pierre des nouvelles
constructions du Musée de South Kensing-
ton, par S. M. la Reine Victoria, a eu lieu le
17 mai, avec beaucoup d'éclat, sous une
grande marquise érigée pour cette solennité.
On vient de découvrir une vierge du XIVe siècle, à
l'église de Llantwit Major, sur un escalier muré condui-
sant à un appartement au-dessus du portail. L'escalier
était condamné depuis deux ou trois siècles.
Un grand vitrail, donné par le baron de Ferrières, a
été placé dernièrement dans la chapelle N.-D., à la
cathédrale de Gloucester. Au centre tst représentée
l'Incarnation, avec des anges et l'archange Gabriel dans
les divisions supérieures. A la 3e rangée sont les saints et
saintes britanniques : Patrice, Bède, Hélène, Bridget et
David. Les divisions inférieures contiennent des repré-
sentations des scènes de leur vie. Trois autres vitraux
sont attendus.
Des protestations sans nombre contre la décoration du
dôme de la cathédrale St-Paul, à Londres, ont mis fin
aux essais entrepris récemment pour trouver un mode de
décor artistique pour l'embellissement de ce lugubre
intérieur.
344
3&cbuc t>c U&xt chrétien.
Les restaurations à la cathédrale de Norwich, qui, en
tout, ont duré neuf années, et ont coûté £ S,ooo, viennent
de s'achever; la nef a été réouverte au service religieux,
ces jours derniers. Pendant toutes ces neuf années, on
n'a pas eu à regretter un seul accident.
La Société archéologique de Hampshire a proposé la
réparation de la porte de ville de Southampton, dite
Westgate, sous la direction de M. Percy Stone (qui a
dirigé les travaux au château de Carisbrooke, et les
fouilles au site de l'abbaye de Quarr, lez-Ryde (Ile de
Wight), et formeront un musée. Cette initiative, soumise
à la Commission locale des travaux publics, fait honneur
à la Société.
Les Restaurations.
L'abbaye de Hexham (dont la nef sera reconstruite en
style du XVe siècle, avec les anciennes stalles etc., repla-
cées au chœur et dans les chapelles), ainsi que celle de
Paisley (Ecosse) (au coût de ^40,000); cette dernière
restauration, pour laquelle la plus grande partie de la
somme est garantie, sera effectuée en trois sections :
d'abord les transepts et les quatre grands arcs de la tour
centrale; puis la reconstruction du chœur, — dont les
fondations et la partie inférieure des murs sont intacts;
et finalement, l'achèvement de la tour, sur laquelle on
posera un toit en bâtière, semblable à celui de Uun-
drennan, et d'autres abbayes écossaises ; — l'abbaye de
Romsey (Hampshire); York (au coût de £ 50,000 sous
la direction de M. Iîodley) ; l'abbaye de Malmesbury,
et l'abbaye de Croyland (Lines), dont on doit démolir
une partie de la nef pour la reconstruire d'aplomb ;
l'église de Thiving, York (dans laquelle se trouve le
monument ancien d'un prêtre revêtu de ses vêtements
sacerdotaux ; — l'arc du chœur est normand, comme aussi
le portail sud et les fonts baptismaux): l'église de Ran-
uorth, du XVe siècle (le Christ en croix placé au-dessus
de la clôture du chœur de cette église est le plus beau
qui existe chez nous); l'église d'Inglesham (Wilts), —
(vieille de 700 ans, et qui n'a pas été « touchée » depuis
le XVIe siècle); la tour, du XIIIe siècle, de Strood (qui
aura un crénelage, après restauration); et les tours et
la flèche de Steeple Gidding, lez-Peterborough (dont les
frais sont garantis par M. Heathcote) ; et l'importante
église de Knowle (\Yarwickshire).
John A. Randolph.
Londres, ce 14 juin 1S99.
«rtfc gft jflS Hflfe, »fe «& ^flfe «fo Hflfe ^ gfi g g gg ^ *& *^ ^ *^ ^ ^ ^ ^ ^ ^fr
a w w ^ ^ ^ ^ ^ ^? *» ^ sg gg ^ «» ^ ^ ^ ^ ^ :;^ :;^ ^ :;^ :;^ ^
Société des Antiquaires de France. —
Séance du 7 juin 1899. — M. de Villefosse pré-
sente une très remarquable lampe en bronze de
l'époque chrétienne découverte à Bénévent. Cette
lampe, de forme élégante, éveille l'idée d'une na-
celle dont la haute poupe serait formée par le
cou et la tête d'un griffon. Le monstre tient un
fruit rond dans son bec ; la tête est surmontée de
la croix monogrammatique. Ce monument peut
remonter à la fin du IVe ou au commencement
du Ve siècle de notre ère.
M. Toutain fait une communication relative à
un texte d'Hérodote, relatif à quelques peuplades
de l'Afrique qui, raconte-t-il, se teignaient le
corps en rouge. Une récente découverte de
M. Mowat, à Maheda, entre Sousse et S fax, a
prouvé que les anciens habitants du pays tei-
gnaient en vermillon les ossements de leurs morts.
La concordance entre la coutume rapportée par
Hérodote et l'usage funéraire ainsi révélé, donne
une grande valeur à l'observation de l'historien
grec.
M. le baron de Baye signale la récente décou-
verte d'ossements humains teints en rouge trou-
vés dans deux dolmens fouillés au Caucase ; cet
usage funéraire avait été observé dans des tom-
beaux de l'Ukraine.
Séance du 16 juin. — M. Leite de Vascon-
celles fait une communication sur deux monu-
ments trouvés en Portugal. L'une est une
mosaïque romaine représentant Orphée, prove-
nant des environs de Luria; l'autre, une inscrip-
tion latine.
Au nom de M. de Villefosse.M. l'abbé Thédenat
présente le dessin d'une colonne découverte à
Montagnac (Hérault), aujourd'hui déposée au
Musée de Béziers et portant une nouvelle in-
scription gauloise en caractères grecs.
M. l'abbé Thédenat fait ensuite une commu-
nication sur les fouilles récemment faites au
Forum romain sous le pavé noir où l'on avait cru
découvrir le tombeau de Romulus. Les objets
trouvés rendent cette attribution peu vraisem-
blable, il y avait là un locus sacer remontant à la
plus haute antiquité, mais dont la destination
est inconnue.
Séance du 28 juin. — M. Cagnat entretient la
Société d'une inscription sur bronze qui lui a été
communiquée de Beyrouth par le P. Ronzevalle.
C'est une lettre adressée aux raviculaires d'Arles
par un personnage auquel ils avaient présenté
leurs doléances. Il y est question des mesures à
prendre pour assurer l'intégrité de la livraison du
blé fourni par la Gaule narbDiinaise à la ville de
Rome.
M. Mowat, cherchant à expliquer la présence
d'un fragment de damier derrière la figure
d'Orphée dans la mosaïque de Luria, commu-
niqué dans la dernière séance par M. Leite de
Vasconcelles, la rapproche d'une plaque d'argent
publiée par Caylus et portant une figure de Cu-
pidon sur un fond décoréen damier. M. Molinier
fait remarquer que le fragment de damier de la
mosaïque paraissait être un objet mal représenté
plutôt qu'un décor continu.
M. Blanchet lit un travail de notre collabo-
rateur M. de Mély sur les deniers de Judas.
Séance du 19 juillet. — M. Bruston, associé
correspondant, entretient la Société de la mé-
daille du Christ à inscription hébraïque dont il
a été plusieurs fois parlé depuis quelque temps
et dont il est encore question plus bas. D'après
lui, cette inscription aurait une double significa-
tion, chrétienne ou juive, suivant le sens où on la
lirait.
MM. Samuel Berger et Babelon croient qu'il
est difficile de voir dans cette inscription autre
chose qu'une inscription chrétienne.
M. Gauchler, associé correspondant, détermine
l'usage d'un objet publié récemment dans le
catalogue du Musée de Carthage. C'est une tuile
couvre-joint jouant le rôle de fausse gargouille.
M. Saglio entretient la Société de divers objets
antiques en forme de pommes trouées munies
d'un manche creux et qui paraissent être des
arrosoirs.
M. Babelon annonce que les fils de Beulé ont
fait don au Cabinet des médailles de deux vases
provenant de la collection de leur père, dont l'un
est bien connu sous le nom de vase de Bérénice.
A ces comptes rendus actuels et sommaires,
nous croyons utile d'ajouter quelques notes ré-
trospectives plus détaillées, que nous extrayons
du Bulletin des Antiquaires récemment paru.
Séance du 23 novembre 1898 :
M. H. Omont, membre résidant, communique à la So-
ciété le texte de diverses lettres de Peiresc adressées au
grand amateur anglais sir Robert Cotton et à l'historien
Guillaume Camden. Ces lettres, aujourd'hui conservées
au Musée britannique, écrites par Peiresc de 161 7 à
1622, contiennent de nombreux détails relatifs au prêt qui
lui avait été fait par Cotton de son célèbre manuscrit grec
346
&cbue be V&rt chrétien.
de la Genèse. Le manuscrit avait été utilisé à Paris pour
l'édition de la version des Septante que préparait le
P. Fronton du Duc. Les nombreuses miniatures dont il
était orné firent l'admiration de Peiresc, qui eut le des-
sein, non seulement de les faire reproduire en couleurs
pour sa satisfaction personnelle, mais encore de les faire
graver toutes en taille douce et de les publier en un petit
volume séparé. Ainsi, c'est à Peiresc que revient l'honneur
d'avoir, le premier, entrevu, dès le déout du XVH" siècle,
l'intérêt et l'utilité de la reproduction des peintures des
anciens manuscrits.
On lui doit en effet la reproduction et la conservation
totale ou partielle djs peintures du fameux Calendrier Con-
stantinien, l'un des joyaux de sa propre bibliothèque et
dont on déplore aujourd'hui la perle; du célèbre livre
d'Heures de Jeanne 1 1, reine de Navare, qu'on a long-
temps cru perdu et qui, après avoir figuré dans les collec-
tions du comte d'Ashburnham, est aujourd'hui lune des
perles du cabinet d'un riche aimteur anglais, M. Yates
Thompson ; enfin, de ce manuscrit de la Genèse, qui
devait être en grande partie détruit par le feu en 1 73 r,
dans l'incendie de la bibliothèque de Cotton. Si Peiresc
avait mis entièrement son projet à exécution, il nous aurait
ainsi conservé un ensemble de 250 miniatures remontant
au Ve ou au VIe siècle et qui devaient former l'une des
plus merveilleuses illustrations de la Bible.
Séance du ij. décembre :
M. M. Prou, membre résidant, communique à la Société
la reproduction de fragments d'étoffes anciennes, ré-
cemment découverts par M. l'abbé Chartraire dans le
trésor de la cathédrale de Sens. Sur ces fragments d'é-
toffe de soie on voit figuré un épisode de la vie de Joseph,
avec des légendes en lettres onciales grecques.
M. G. Schlumberger, membre résidant, insiste sur l'in-
térêt de cette découverte ; deux seuls monuments de ce
genre, et d'une époque beaucoup plus tardive, étaient
jusqu'ici connus. D'après les sceaux, il serait porté aussi à
attribuer au VI Ie ou au VII l' siècle la date de ces fragments,
si l'on en peut juger par le caractère des légendes.
Séance du 21 décembre. — Le comte de Loisne,
associé correspondant national, signale à la So-
ciété les fouilles récemment entreprises à Thé-
rouanne sur l'emplacement de la cathédrale :
« On sait qu'après s'être emparé de la capitale de la
Morinie, en 1553, Charles-Quint ordonna sa destruction
de fond en comble et que des champs cultivés occupent
son ancien emplacement. Le village actuel, qui a pris le
nom de l'ancienne Thérouanne, a été construit en dehors
de l'enceinte fortifiée, à la place de l'ancien faubourg du
Saint-Esprit, qui formait paroisse sous le nom de Saint-
Martin-outre-eau (oultre l'eawe).
< De nombreux objets des époques romaine, gallo-
romaine, du moyen âge et de la Renaissance ont, dans
le courant de ce siècle, été trouvés dans la commune. On
fondait surtout des espérances sur des fouilles opérées
méthodiquement à l'endroit marqué sur le plan cadastral
comme étant celui où s'élevait la cathédrale. Jusqu'à ces
derniers temps, les démarches de la Société des Anti-
quaires de la Morinie auprès du propriétaire du terrain,
M. de Bayenghem, étaient demeurées sans succès. Celui-
ci paraissait avoir scrupule de troubler dans leur dernier
sommeil les pieux évêques, dont l'un, Jean de Warneton,
fut canonisé, les hauts personnages de l'ordre ecclésias-
tique et civil qui furent inhumés sous les dalles de Notre-
Dame.
" M. de Bayenghem finit toutefois par se laisser con-
vaincre. Des travaux de déblaiement furent entrepris par
ses soins au mois d'avril dernier. Comme il était impos-
sible, à l'aide des plans ou de la configuration du sol, de
se guider exactement pour l'ouverture des tranchées, on
commença par pratiquer des sondages, en ayant soin
de planter un jalon chaque fois que l'on rencontrait la
maçonnerie. C'est ainsi que furent découvertes les fonda-
tions, dont le quart, environ, a actuellement été mis au
jour.
« Ces fondations, qui étaient recouvertes de 1 m. 50
environ de matériaux de démolition, ont 7 mètres de pro-
fondeur et sont épaisses de 3 à 4 mètres. La pierre blanche
du pays paraît avoir été seule employée. Voici quelles
ont été les découvertes, qui, il faut l'avouer, ont peu ré-
pondu jusqu'à présent à l'attente des archéologues :
« Quatre chapelles ont été déblayées, et l'on y a mis au
jour cinq sépultures, dont trois en forme de fours à voûte
en plein cintre pratiqués dans les murs. Les squelettes
avaient tous la tête séparée du tronc,ce qui prête à diverses
hypothèses sur l'identité et le genre de mort des défunts.
Dans une de ces sépultures se trouvaient des débris d'or-
nements sacerdotaux ; dans une autre une écharpe de
commandement en soie, à franges d'or.
« A cela il faut ajouter d'intéressantes sculptures poly-
chromées à dorures encore très vives, des débris de frises,
de chapiteaux, de colonnettes, de vitraux de toute couleur.
Mais rien de l'ancien dallage et des nombreuses pierres
tombales de l'ancienne cathédrale. Tout parait avoir dis-
paru dans le sac du monument et dans des pillages pos-
térieurs !
« M. de Bayenghem se propose, si le temps le permet,
de recommencer ses fouilles le 1" mars et de poursuivre
notamment la recherche de la crypte. Il base sa conviction
de l'existence de celle-ci sur ce fait que la sonde, à dis-
tance égale des murs 1 itéraux, signale une voûte, à 2 m. 50
de profondeur ; or, une voûte à ce niveau semble supposer
l'existence d'une crypte qu'elle recouvre.
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance du 7 avril i8çç. — M. Ph.
Berger fait connaître les dernières découvertes du
P. Delattre à Carthage.
M. L. Doux communique une note concernant
l'itinéraire de Jérôme Maurand, prêtre d'Antibes.
Cet itinéraire, rédigé en italien et accompagné
de croquis à la plume, est l'œuvre d'un modeste
érudit provençal qui suivit en qualité d'aumônier
le capitaine Polin, ambassadeur de François Ier
en Turquie, lorsqu'il alla reconduire à Constan-
tinople la flotte de Soliman II venue avec Bar-
berousse au secours du roi de France(i 543-1 544).
La première partie de cette relation raconte les
déprédations commises par Barberousse sur les
côtes italiennes. La seconde contient des rensei-
gnements sur les îles grecques et une description
de Constantinople. La publication prochaine de
l'itinéraire placera Jérôme Maurand, déjà connu
comme épigraphiste, au nombre des plus intéres-
sants auteurs de voyages du seizième siècle.
Séance du /./ avril. — M. Muntz annonce à
l'Académie qu'ayant été chargé par les exécu-
teurs testamentaires du regretté Charles Yriarte
de trier ses papiers, il leur a proposé d'en attrt-
CvatoatH* Des Sociétés savantes.
347
buer une partie à la Bibliothèque de l'École des
beaux-arts et l'autre à la Bibliothèque de l'Insti-
tut, ce qui a été fait. Ces papiers sont intéressants
pour l'histoire du XIVe au XVIIIe siècle. Outre
les recherches de Ch. Yriarte qui avaient porté
principalement sur l'art, ils comprennent de
nombreuses copies exécutées dans les archives
de Milan, de Venise, de Mantoue, de Parme, de
Bologne et de Florence par l'heureux chercheur
Armand Bischet, qui les a léguées à Yriarte. On
y trouve une masse de documents propres à élu-
cider les rapports de la France avec l'Italie
depuis Louis XI jusqu'à Louis XV, des copies
de lettres de Lucrèce Borgia, de François Ier, de
Catherine et de Marie de Médicis, de Christine
de Suède, etc. Les savants voués à l'étude de la
Renaissance apprécieront particulièrement la
collection des documents inédits qui ont servi de
base au travail de Ch. Yriarte sur la marquise
Isabelle d'Esté. Un autre dossier renferme la sé-
rie des actes notariés relatifs aux artistes véni-
tiens des quatorzième, quinzième et seizième
siècles.
M. G. Foucart, chargé de cours à la Faculté des
lettres de Bordeaux, fait une lecture sur le cha-
pitre 148 du livre II d'Hérodote. Il montre qu'on
peut ajouter foi au récit de l'historien grec pour
les faits matériels de sa visite au temple d'Ammon
de Thèbes et de l'existence des statues de grand-
prêtre dont il parle.
M. Héron de Villefosse présente des photo-
graphies d'une jambe de taureau en bronze dé-
couverte au bois de Teyssonge, à six kilomètres
au Nord de Bourg. Ces photographies, exécutées
par M. Aimé Hudellet, sont accompagnées d'une
note de M. Joseph Bûche, professeur au lycée de
Bourg, qui explique l'intérêt de cette découverte
et la rapproche de celle de Colligny. On sait que
les taureaux en bronze provenant de la partie
orientale de la Gaule sont assez nombreux : celui
du bois de Teyssonge serait, par ses dimensions,
le plus important de tous. La Société d'émulation
a résolu d'entreprendre des fouilles à cet endroit
afin d'y rechercher des autres fragments de cette
belle œuvre de bronze.
M. Maspero présente la notice que M. Virey,
élève de M. Chabas, vient de publier sur la vie
de son maître le grand égyptologue.
Comité de travaux historiques. — Signalons
quelques travaux intéressants pour nos lecteurs.
Communication de M. Brutails sur l'église de
Saint-Sever (Calvados). Son chevet offre, bien
conservée, la curieuse disposition de celle de Cha-
teauveillant (Berry) qui est fort mutilée, tandis
que celle de Saint-Sever reste entière. Il s'agit de
deux groupes de 3 absidioles ouvertes dans les
croisillons du transept et diminuant de profon-
deur vers les extrémités de ceux-ci.
Compte rendu, par M. l'abbé Urseati, de la
découverte de la sépulture de l'évèque Hardouin
de Bueil.
Étude de M. A. de Rochemonteix sur les
églises romanes de l'arrondissement de Mauriac,
et sur le mélange des influences limousine, pro-
vençale et languedocienne, constituant ce que
l'auteur appelle avec M. l'abbé Chabau la famille
Cantalienne. Ou trouve ici décrites les églises de
Mauriac, d'Anglards-de-Salers, de Lanobre, de
Riom-es-Montagnes, de Saignes, de Trizac, de
Menet, de Moussages, de Vernet, d'Yoles, de
Brajeac, groupe remarquable de petites églises
romanes. .
Très intéressantes sont les notices de M. J.
Gauthier sur le palais de l'archevêché à Besançon
et le château des archevêques à Gy, et sur l'ambon
de la cathédrale de Besançon. Cet ambon du
XIe siècle offre sculptés sur ses faces les animaux
évangélistiques.
M. le chan. Pottier fait connaître un couvercle
de gobelet du XIIIe siècle en étain avec inscrip-
tions portant la signature du potier Montaigo.
Congrès archéologique de France. — Le
66e congrès annuel archéologique, organisé par
la Société française d'archéologie, s'est ouvert à
Maçon, le 14 juin 1899, et s'est prolongé jusqu'au
2i du même mois, sous la présidence du comte
de Marsy, directeur de la Société française d'ar-
chéologie. Le ministre de l'instruction publique
s'y est fait représenter par M. Héron de Ville-
fosse, membre de l'Institut, et le gouvernement
belge par le comte de Ghellinck d'Elseghem.
Comme les précédentes sessions des Congrès
français, celui de Maçon a obtenu un grand et
légitime succès. Les séances ont été remplies par
de très intéressantes communications sur les arts
de la région et en particulier sur l'étude et
les découvertes d'antiquités gauloises, romaines
et mérovingiennes, auxquelles s'intéressent spé-
cialement les archéologues bourguignons. Les
excursions, nombreuses, variées et fort bien orga-
nisées, ont conduit les nombreux congressistes
(il y avait plus de deux cents adhérents inscrits,
parmi lesquels un bon nombre d'étrangers :
belges, suisses, anglais) dans des endroits fort
variés où monuments et musées ont occupé tour
à tour leur attention : Cluny, la puissante abbaye
bénédictine dont l'influence se fit sentir dans tous
les domaines de l'activité humaine ; Maçon et
l'église St-Vincent; Paray le Monial, à la riche
basilique romane ; Solutré, célèbre station de
REVUE DE L ART CHRETIEN
1^99. — 4rae LIVRAISON.
348
Bebue lie P&rt chrétien.
l'époque néolithique; Berzé-le-Châtel et Berzé-
la- Ville, aux curieux châteaux du moyen âge;
Bourg en Bresse et sa superbe église de Brou,
élevée par Marguerite d'Autriche pour être le
lieu de sa sépulture ; Tournus, siège d'une abbaye
filiale de Cluny, dont l'église romane offre le plus
vif intérêt; Chalons-sur-Saone; Autun, aux mo-
numents romains, aux riches musées, à la cathé-
drale romatio-ogivale, et enfin Beaune dont la
collégiale de Notre-Dame et l'hôpital du XVe
siècle sont bien connue des lecteurs de la Revue
de l'A rt chrétien.
De ces monuments, il en est tout un groupe,
appartenant à une même école, l'école romane
bourguignonne, qui offrent un intérêt particulier
et qui permettent de se faire une idée d'ensemble
de cette architecture assez spéciale, qui a fait
sentir son action dans un cercle très étendu.
Nous voulons parler des monuments élevés sous
l'influence de l'abbaye de Cluny et sous la direc-
tion des architectes qui s'y sont formés, c'est-à-
dire le vieux Saint-Vincent deMacon, la basilique
(ancienne abbatiale) de Paray le Monial, l'église
de Tournus, celle de Notre-Dame de Beaune, la
cathédrale d'Autun; à ces monuments, il faut
encore ajouter, bien qu'elles n'aient pas été
visitées cette année par le Congrès, qui les avait
étudiées dans une précédente session, les églises
St-Lazare d'Avallon et de l'abbaye de Vézelay.
L'abbaye de Cluny fut fondée au Xe siècle, et
en 1089 commença la construction de l'église
qui devait servir de type à tous les monuments
élevés pendant deux siècles dans cette région et
donner le nom d'école de Cluny au style bour-
guignon proprement dit. Cette église a été décrite
dans cette Revue (année 1899, page 238), et ses
dimensions considérables qui en faisaient le
temple le plus vaste de la chrétienté (171 mètres
dans œuvre) indiquent déjà un des principaux
caractères de ce style qui est le faste et la gran-
deur; l'abondance et la richesse de la décoration
en sont un autre; les clochers sont multiples, de
forme octogone, le plus souvent, ornés de plu-
sieurs rangs d'arcatures, ouverts en lanterne, à
l'intérieur ; des porches énormes précèdent l'église
et le plus souvent font corps avec la nef; ils sont
parfois surmontés d'une chapelle dédiée à saint
Michel; le chevet du chœur est circulaire, avec
déambulatoire bordé de trois ou cinq chapelles
également circulaires, avec voûtes en cul de four ;
les transepts sont peu accusés et se terminent
d'ordinaire par un mur plat; les nefs sont voûtées
en berceau; sous le chœur s'étend une crypte.
La construction présente, dans les divers mo-
numents de l'école de Cluny, une grande variété,
mais ce qui se rencontre partout dans ses œuvres
c'est la richesse et l'abondance de la décoration :
partout les arcs et les arcatures sont ornés de
multiples archivoltes sculptées; les fûts des co-
lonnes et des colonnettes sont fréquemment
ouvragés, les bases sont garnies de pattes, les
chapiteaux sont abondamment sculptés avec
figures d'hommes et d'animaux, de fleurs et de
feuillages; cette sculpture est grasse et touffue,
largement traitée et avec des reliefs étonnants ;
une réminiscence frappante des monuments
romains se présente sous forme de pilastres étroits
et cannelés, remplaçant les colonnes et les colon-
nettes engagées.
Les portails des églises, à la façade principale,
et sur les façades latérales, sont les parties les
plus riches en sculpture.
La décoration peinte ne le cédait en rien à
la sculpture, comme le prouve en particulier
la chapelle du château des moines, dont nous
reparlerons plus loin.
Des bâtiments anciens de l'abbaye de Cluny,
il ne reste que peu de chose, un bras de transept
surmonté d'un clocher, qui serait bien insuffisant
pour donner une idée de l'architecture particu-
lière à l'école de Cluny, si d'autres monuments
de la même région ne suppléaient à cette insuf-
fisance.
Saint-Vincent le Vieux, à Maçon, n'a conservé
que son ancien narthex ou porche fermé, placé au
devant des tours de la façade (et aujourd'hui
transformé en chapelle). Il est richement décoré
de sculptures, surtout au portail intérieur, qui,
du porche, donnait accès à l'église. Les scènes et
les statues abondent, la sculpture décorative est
riche et touffue, et les pilastres cannelés, caracté-
ristiques du roman bourguignon, s'y montrent en
plusieurs endroits.
La basilique de Paray le Monial ('), ancienne
abbatiale sous l'invocation de Notre-Dame, est
demeurée complète. Elle a été commencée au
XIe siècle, et achevée seulement au XIIe. Son
style est assez rude. Le porche, de grandes
dimensions, qui précède la façade, est ouvert par
trois baies sans aucun ornement; il a trois nefs
séparées par deux piliers à quatre colonnes, les
fûts confondus; leurs chapiteaux sont très ornés.
Les nefs sont séparées par des piliers ornés de
pilastres à cannelures, mais les arcs des murs
gouttereaux sont déjà ogivaux. Le transept est
long et élevé, terminé par un mur plat; l'abside
du chœur a neuf travées, les arcs plein-cintre
supportés par des colonnes isolées, reposant sur
un soubassement continu ; le chevet est circulaire,
trois chapelles, également circulaires, s'ouvrent
dans le déambulatoire du chœur.
L'église collégiale de Notre-Dame de Beaune
est du même type que celle de Paray le Mo-
Revut de l Art chrétien, .innée 18
p. 123.
Œratoauj: de0 Sociétés 0atmntes.
349
niai, mais plus grande qu'elle, plus riche, et
se rapprochant beaucoup de la cathédrale de
Langres. Ici encore les transepts ont le chevet
plat, et le chevet du chœur est circulaire avec
ses trois étages de toitures si caractéristiques des
monuments de cette région, la toiture du chœur,
celle du déambulatoire et celles des chapelles. A
la façade, un grand porche ouvert, du X 1 1 Ie siècle.
L'intérieur est roman, tout entier, orné de nom-
breux pilastres à cannelures, assez riches; beau-
coup de chapiteaux des colonnes sont lisses sans
aucun ornement. Voûtes en berceau ogivales;
dans les voûtes d'arête des basses-nefs quelques
restes de peintures murales.
Tournus possède comme église paroissiale celle
de l'ancienne abbaye de bénédictins, dédiée à
saint Philibert ('). Elle date du commencement
du XIe siècle, et a été achevée au XI Ie. C'est une
des plus intéressantes constructions romanes de
la région.
Précédée, comme Cluny, par un vaste porche
fermé, elle est, comme les monuments de cette
école, riche en sculptures, et elle possède, comme
eux, un chevet circulaire avec déambulatoire et
chapelles absidales.
Mais à l'intérieur, la donnée générale de la
construction est fort différente de celle des
autres édifices dus aux architectes clunisiens.
Les murs gouttereaux sont supportés par d'é-
normes colonnes cylindriques isolées, reliées
entre elles par des arcs plein-cintre, les chapiteaux
sont dépourvus de sculpture. Des colonnettes plus
légères, reposant sur le chapiteau des premières,
portent les arcs doubleaux sur lesquels repose la
voûte de la nef, construite en berceau, non dans
le sens de la longueur, mais dans celui de la lar-
geur, chaque travée ayant sa voûte distincte,
système de construction d'ailleurs très logique.
Au transept et au chœur les chapiteaux sont
sculptés. Le chevet du chœur est circulaire à
colonnes supportant sept arcs plein-cintre, sur-
montés de cinq fenêtres très ornées.
Le déambulatoire possède cinq chapelles absi-
dales, élevées sur un plan carié, particularité
rencontrée ici seulement. Le porche, qui compte
trois travées, est construit dans le même système
que l'église. Il est surmonté, comme celui de
Vézelay, d'une chapelle dédiée à saint Michel.
Sous le chœur, crypte dont la partie centrale est
partagée en trois nefs de cinq travées, avec
déambulatoire. Ces voûtes sont a arêtes ; chapi-
teaux des colonnes de type corinthien, bases à
trois tores superposés; trois autels et un puits.
L'église est en partie fortifiée, notamment du
côté de la façade, qui complétait, avec le mur
I. Revue de C Art chrétien , année 1888, p. 187, et 1889, p. 377.
d'enceinte de l'abbaye, le système de défense de
celle-ci.
La cathédrale d'Autun, dédiée à saint Lazare,
dont on voit au portail l'image, accompagnée de
ses deux sœurs, a été construite au XIIe siècle,
mais totalement remaniée au XVe siècle, de telle
façon que l'extérieur a un aspect absolument
gothique.
A l'intérieur, certains détails sont restés ro-
mans, tels les pilastres à cannelures, dont les
riches chapiteaux sont décorés de sujets histo-
riques ou symboliques. Tel encore le riche portail
aux multiples sculptures ('). Un porche ouvert,
très grand, fort original et très décoré, a été élevé
devant la façade au XIIe siècle.
L'église St-Lazare d'Avallon, construite sur
un plan très différent de ceux qui précèdent, a
été fortement remaniée. Il reste toutefois cer-
taines paities qui accusent bien l'architecture
clunisienne, comme le chevet du chœur et surtout
le portail où se déploie toute l'abondance de la
sculpture bourguignonne.
Quant à l'église abbatiale de Vézelay, à la res-
tauration de laquelle Viollet-le-Duc a consacré
de nombreuses années (2), elle mériterait à elle
seule une description plus longue que cet article
entier; c'est là que se déploie dans toute sa
pompe et sa richesse, la merveilleuse architecture
romane dont Cluny traça les règles.
Cet ensemble de monuments, dus à une même
inspiration et chez lesquels il fut possible d'étu-
dier dans leurs formes générales et dans tous
leurs détails, les manifestations d'un art local
nettement caractérisé, le roman bourguignon ou
clunisien, fut certainement l'attrait principal du
66e Congrès d'archéologie.
Il est cependant encore un édifice que nous
ne pouvons nous dispenser de signaler à l'atten-
tion des lecteurs de la Revue de V Art clirétien,
c'est le château des moines de Berzé-la-Ville,
près de Cluny, où les moines de cette abbaye
avaient établi leur infirmerie. Du château ancien
il ne reste que la chapelle, longtemps abandonnée
aux plus vils usages, et qui vient d'être déblayée
et rendue à l'admiration des amis des arts par le
zèle de M. l'abbé Jolivet, qui a réussi à la faire
ranger parmi les monuments historiques. Bâtie
vers 1080, elle se compose d'une nef, d'un chœur
et d'une abside.d'une longueur totale de 1 3 mètres
20 centimètres dans œuvre, et son architecture est
des plus simples : la nef est éclairée par 3 fenêtres
inscrites dans des arcatures sans profondeur,
supportées par des consoles ; le chœur est séparé
de la nef et de l'abside par un arc doubleau, sup-
porté par une colonne engagée au chapiteau à
1. Revue de l'Art chrétien, année 1895, p. 254.
2. Ibid., année 1895, p. 514.
35Q
3&ebuc be l'&vt chrétien.
feuillage, et éclairé de chaque côté par deux
fenêtres superposées ; enfin l'abside circulaire se
compose de cinq arcatures dont trois sont ou-
vertes. La voûte de la nef est en berceau, celle
de l'abside en cul de four.
Mais ce qui fait l'intérêt de la chapelle, ce
sont les peintures à fresque qui ornent toute
l'abside et qui forment une décoration complète,
de l'époque romane. Trois zones la divisent: dans
la première qui occupe le cul de four et la voûte,
le Christ en majesté dans une vaste ellipse, ayant
à sa droite et à sa gauche les apôtres, les diacres
Laurent et Vincent et deuxévêques. La seconde
zone comprend les arcatures, et dans les deux
qui sont aveugles, le -peintre a figuré, d'une part,
deux scènes de la légende de saint Biaise, d'autre
part, deux scènes de la vie de saint Laurent.
Dans les écoinçons des arcatures on voit la
figure de six des Vierges sages, et aux extré-
mités deux abbés bénédictins. La troisième zone,
qui occupe le soubassement de l'abside, est divisée
en neuf compartiments dans lesquels sont repré-
sentés neuf bustes de Saints.
L'ensemble de cette peinture, encore bien
complète, est extrêmement harmonieux et té-
moigne, dans certaines parties surtout (car il y
en a de plus faibles, qui semblent indiquer que
plusieurs moines y ont travaillé), d'un art avancé.
La figure du Christ est très majestueuse, vivante
et expressive ; les draperies sont savantes et
traitées avec beaucoup d'art ; les couleurs variées
ec harmonieuses. Les figures des Saintes ou des
Vierges sages ont un type byzantin très accusé,
et à première vue on les croirait des mosaïques
de Ravenne ; de même les deux figures d'abbés
qui les accompagnent. Les scènes de la vie de
S. Laurent et de S. Biaise nous ramènent à un
art plus occidental et ont un grand air de parenté
avec les peintures delà légende de sainte Margue-
rite à la cathédrale de Tournai, qui doivent dater
de la même époque. Les Saints qui occupent la
3e zone sont du même style, mais traités d'une
façon plus sommaire.
Les peintures de cette chapelle constituent,
nous ie répétons, un ensemble des plus impor-
tant et un exemple des plus intéressant de
peintures à fresques romanes. Elles seront con-
servées, et c'est le point principal, grâce à la
mesure qui a classé la chapelle parmi les monu-
ments historiques ; mais il serait hautement à
désirer qu'on les étudiât dans une monographie
où elles seraient décrites en détail et complète-
ment reproduites. M. Lex, l'érudit archiviste de
Maçon qui leur a déjà consacré une intéressante
brochure, paraît tout désigné pour entreprendre
ce travail. E. S.
Congrès archéologique d'Arlon. — Le con-
grès annuel de la Fédération des sociétés d'ar-
chéologie de la Belgique et du Nord s'est tenu
cette année dans la capitale du Luxembourg
belge. La première section a entendu des rap-
ports, avec exposition des pièces, sur les fouilles
faites à Tongres par M. Huibregts, qui y a dé-
couvert, dans un puits de 6 m. 50 de profondeur
une urne, des fragments de fer, etc., qu'il croit
pouvoir attribuer à une peuplade d'origine
orientale.
Le préhistorique lorrain et les meules préhisto-
riques ont fait l'objet de discussions, d'où il appert
que ces meules ont servi pendant l'époque gallo-
romaine, très probablement déjà auparavant et
même au commencement du moyen âge; les
carrières d'où elles proviennent pourront encore
être observées dans les assises de l'arkose sédi-
nienne dans la région ardennaise.
La section historique, sous la présidence du
vénérable comte Van der Straeten-Ponthoz, a
entendu d'abord l'exposé de trois savants mé-
moires de l'infatigable abbé Roland, sur la topo-
nymie en Ardenne, le pagus Arduennensis, et les
divisions politiques et ecclésiastiques dans notre
pays autrefois.
L'Arlon romain constitue pour M. l'abbé Loës
le thème d'une intéressante conférence sur le sol
de cette ville et des environs.
La hauteur qui domine Arlon fut, dès l'origine
de la période romaine, occupée par un poste
militaire solidement retranché dans un castellum.
Au pied du château s'entrecroisaient les deux
voies militaires de Trèves-Ivoix et de Tongres-
Titelberg. Dans les campagnes étaient des villas
aux vastes dépendances agricoles.
Le comte de Handeclocque donne des ren-
seignements sur les commissaires nommés en
Flandre pour la paix de Nimègue et pour celle
de Ryswyck.
M. Van Werveke étudie les différents systèmes
de création des villes du Luxembourg. Il distingue
les chartes de Beaumont, d'Echternach et de
Luxembourg, de Grevenmacher et, enfin, celle
de Vianden ou de Trêves.
Il étudie ensuite les records de justice, quant
à leur importance pour l'histoire du droit, de la
division territoriale et de la situation des com-
munes.
M. l'abbé Grote fait remarquer, qu'il faut
distinguer encore les records synodaux ou des
marguilliers qui, eux aussi, sont d'une grande
importance pour l'histoire du pays.
A la section archéologique, présidée par M.
Vanderlinden, M. Van Werveke s'occupe des
sépultures des princes luxembourgeois. Les prin-
t£ratoauj: îtts Sociétés garantes.
35 *
ces de la maison de Luxembourg furent enterrés
à St-Maximin de Trêves, à l'abbaye de Munster
de Luxembourg et dans l'abbaye de Clairefon-
taine. Wenceslas Ier, duc de Brabant et de
Luxembourg, est enterré à Orval.
M. Bogaert-Vaché soutient que le véritable
auteur des plans de Sainte-Waudru à Mons, est
Jean Spiskin (nom bruxellois) qui dirigea les
travaux depuis la pose de la première pierre
(1450) jusqu'à sa mort (1457). Son serment, le
logement et la robe qui lui furent offerts par le
chapitre, semblent démontrer, selon lui, sa qualité
d'architecte. Cette thèse est combattue par M. J.
Hubert, l'architecte actuel de l'église, qui attri-
buerait plutôt le projet à Jean Huelin, maître
maçon du Hainaut, dont Spiskin n'aurait fait
qu'exécuter le plan.
Faut-il préconiser un style spécial pour nos
églises et hôtels-de-ville? C'est la question qui a
été longuement débattue par la section archéolo-
gique. Le sentiment général était de s'abstenir
de formuler des règles générales et de laisser
tout le monde libre d'adopter tel style qui con-
viendrait le mieux selon les circonstances.
On a ensuite examiné la question de savoir si
l'on peut attribuer à saint Willebrord les autels
chrétiens que, dans le Luxembourg, on trouve
superposés à des autels païens ; quelle est la zone
de la Trévirie où l'influence de cet apôtre de
l'Ardenne s'est exercée de cette manière ? Adhuc
sitb judice lis est !
Enfin, on a passé en revue l'architecture des
plus anciennes églises du Grand-Duché.
Le Congrès a visité les remarquables
de l'abbaye d'Orval.
A Villers-devant-Orval, M. J. Carly, juge de
paix, exhibe un cimetière franc dont une partie,
18 tombes, vient d'être fouillée. Elles sont dé-
blayées, et squelettes et mobiliers funèbres s'ex-
hibent à nos yeux. Ce cimetière date du VIe- VI Ie
siècle de notre ère.
Les délégués des Sociétés fédérées ont décidé
la création d'un bureau permanent auquel sera
confiée l'organisation des congrès futurs. Cette
modification essentielle du fonctionnement des
congrès futurs est le résultat d'un vœu présenté à
l'assemblée de clôture de la session précédente.
La première section a discuté l'origine de la
population du Centre et de l'Occident de l'Europe.
Quelles sont ies populations aryennes et quelles
sont les populations aryanisces ? M. de Villenoisy
voit dans le type brun les représentants des
Aryens et dans le type blond ceux des aryanisés.
M. le Dr Jacques est d'un avis opposé, se basant
à la fois sur les arguments tirés de l'ethnologie
de la mythologie et de la linguistique.
M. Fourdrignier, recherchant les divinités
vestiges
accroupies connues, montre diverses photogra-
phies de vases et de monuments qui semblent
indiquer une origine du Nord. M. Comhaire
demande, s'il ne faudrait pas voir une de ces
divinités dans saint Capret (capra — chèvre)
vénérée autrefois à Chèvremont.
M. Jottrand tend à démontrer que les Segniens,
clients des Tréviriens, avaient pour siège de leur
curia le village de Zengshem et pour limite celui
de Zengscheid, Trierscheid étant la limite des
Tréviriens.
M. Schvversthal, bibliothécaire de S.A. le comte
de Flandre, présente une curieuse étude sur les
noms de lieux, qui donne matière à un échange de
vues très animé.
On émet le vœu de voir confectionner une
table complète des publications des congrès anté-
rieurs.
La troisième section, présidée par M. le cha-
noine Van Caster, a étudié à fond la question
des taques de foyer et a entendu un exposé très
intéressant sur l'école de peinture al fresco du
Frère Abraham d'Orval.
Les congressistes se sont rendus en voiture, à
Septfontaines, dont ils visitent le château médié-
val en ruines et l'église; de là, ils ont continué
leur route par la vallée de l'Eysch, visitant les
châteaux anciens et modernes d'Ansenbourg,
où l'accueil le plus charmant leur est fait par le
comte et la comtesse d'Ansenbourg et le baron
d'Anethan, ministre de Belgique, à Paris, puis
l'ancienne abbaye de Marienthal, le château de
Hollenfels et suivant les sinuosités de l'Eysch,
arrivent à Mersch, dont les antiquités sont étu-
diées en passant.
Ensuite, un train spécial a emmené les con-
gressistes à Luxembourg.
Commission extramunicipale du Vieux
Paris.
Dans le but de conserver à ces rues et places
leur caractère architectural, il a été de tout temps,
interdit aux propriétaires ou locataires de placer
sur leurs façades des écriteaux ou enseignes
faisant saillie au dehors. Cette défense n'a pas
toujours été observée; on craint qu'elle ne soit
enfreinte à nouveau, par suite de la vente récente
de plusieurs des immeubles dont il s'agit, et, sur
la plainte de la Société des architectes diplômés,
la Commission a décidé qu'elle veillerait à ce
que les intéressés observassent strictement les
règlements.
M. Menant, directeur des affaires municipales,
a signalé l'état de délabrement dans lequel se
trouve l'église Saint-Séverin, une des plus belles
de Paris, et il a demandé qu'on l'aidât à obtenir
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 4me LIVRAISON.
352
&ebue De r&rt chrétien.
de la Commission supérieure des monuments
historiques les crédits nécessaires à la restaura-
tion de cette église. La Commission du Vieux
Paris a émis un avis favorable à cette proposition
et insisté spécialement sur la nécessité de déga-
ger le cloitre de l'église.
M. Lucien Lambeau a demandé que l'admi-
nistration fût invitée a faire nettoyer, avant l'Ex-
position de 1900, les façades de celles des maisons
communales qui présentent quelque valeur artis-
tique.
On entend la lecture de deux rapports : l'un,
de M. Lucien Lambeau, sur les caves ogivales
de l'ancien collège de Fortet (actuellement 19,
rue Valette); l'autre, de M. Sellier, sur les trou-
vailles archéologiques faites au cours des travaux
du métropolitain.
Académie royale d'archéologie de Bel-
gique.— La séance de juin a été intéressante.
M. le chanoine Van den Gheyn a rendu com-
pte de la récente découverte faite à Bruges d'une
nouvelle série de tombeaux polychromes. Il a
notamment rectifié les récits fort inexacts que
les journaux avaient donnés de cet événement.
Rien d'extraordinaire n'a été constaté dans la
disposition de ces monuments funéraires, ni dans
la nature des ossements qu'ils renfermaient. Les
peintures qui ornaient les parois.exécutéesd'après
le mode ordinaire, en couleurs simples telles que
l'ocre rouge, le bleu et le rouge, offraient cepen-
dant une certaine particularité.
Dans les tombeaux jusqu'ici découverts, sur
la paroi de tête, étaient représentés le Christ en
croix avec la Vierge et saint Jean ; aux pieds, la
Vierge portant l'enfant Jésus, et, sur les côtés,
des anges encensant, les patrons du défunt, etc.
Dans la tombe nouvellement découverte à Bruges
le Christ en croix occupe seul le panneau de tète,
tandis que la Vierge et saint Jean sont peints
sur les côtés. D'après M. Van den Gheyn, ces ca-
veaux polychromes auraient été construits vers le
milieu du XIVe siècle, c'est-à-dire de 1340 à 1350.
M. Geudens fait ensuite l'analyse d'un livre
qu'il est sur le point de faire paraître et qui, sous
le titre de Le compte moral de l'an XIII, fournit
nombre de renseignements intéressants relatifs
aux différents hospices et à la plupart des fon-
dations pieuses de la ville d'Anvers.
M. Van Bastelaer a dépose un travail relatifà
la forteresse de Charleroi, dont il décrit en dé-
tail la fondation, les sièges divers, les destruc-
tions et reconstructions. L'impression de ce mé-
moire dans les annales de l'Académie est votée.
Le même savant entretient ensuite la compagnie
de la pierre mégalithique, appelée Pierre du diable,
existant à Alle-sur-Semois, en Ardennes.
Société historique de Tournai. — Annales,
nouvelle série, t. III.
M. A. de Lagrange, dont les recherches sur
l'histoire artistique de Tournai ont été si fécondes,
nous fournit des données originales sur la Halle
du Magistrat de cette ville.
La nouvelle Halle des Doyens fut construite
vers 1383 avec l'aide du subside accordé par le
roi de France aux Tournaisiens «qui avaient en-
comenchié faire un biel édifice qui a desja gran-
dement cousté et coustera encore avant qu'il soit
parfait» : cet édifice faisait face au Beffroi. Son
architecte fut Jacques de Brabant, l'auteur du
chœur de l'église deSt-Jacques (J), aidé de Guil-
laume Hondreman. Son coût total fut de 1494
pièces d'or.
Le t. III des Annales de la vaillante Société
tournaisienne est riche en documents historiques
et archéologiques. Citons des notices sur les
divers couvents, le cloitre des Clarisses, les
maisons des Carmélites, des Dominicaines, des
Annonciades célestes, des religieuses de Sion.des
Ursulines ; une autre, sur les fondeurs de cuivre et,
en particulier, sur Pierre Chabotteau, fondeur
bouvignois du XVIIe siècle, établi à Tournai, et
M. A. Hanois; des recherches sur les armoiries et
sceaux de Tournai par MM. de Lagrange et
Hocquet. Ajoutons un compte rendu plein de
renseignements intéressants sur l'exposition
d'antiquités, ouverte l'an dernier à Tournai ; il
est d'un auteur compétent, M. E. Soil, qui a été
l'âme et la cheville ouvrière de l'exposition.
La Société d'art et d'histoire du diocèse de
Liège a décidé d'ouvrir trois concours : l'un sur
la biographie d'un saint, d'un savant ou d'une
notabilité liégeoise d'avant ce siècle ; un autre,
sur l'étude ou l'histoire d'un monument ou œuvre
d'art du diocèse ; le troisième, sur l'histoire d'une
paroisse ou d'une localité du même diocèse.
Les travaux pourront provenir d'une seule
personne ou d'un groupe de travailleurs.
1. V. L. Cloquet, Monographie de T église Si-Jacques à Tournai.
.♦•
VS7-V
V
*flfe gg gg g6 ^ ^ gg ^ *& ^ ^ gg gS ggg gg ggj «#■ *d& ^ *&■ *& ^ *fe&^|£
ggsg&sgsggKs BtMtograpJue. sgsssfcgsaassaB
*
&
|WW¥WWWW¥fW^WWWWWW«WWWWW^
L'ART DU XIII1 SIECLE EN FRANCE, par
Ém. Mâle. — Paris, Leroux, 1898, in-S° de 534 pp.,
96 grav
Bffi«ft«<fcjgM a beaucoup écrit sur le X 1 1 Iesiècle.
F Mais personne ne nous a jusqu'ici
* donné sur cet art incomparable, si
essentiellement français dans sa
pureté, un livre comme celui de
i
M. Maie. Ce n'est pas un résumé de ce qui a
été dit jusqu'ici, ce sont des aperçus personnels,
des idées remuées, des genèses découvertes, qui
remplissent ces pages, dont chacune nous force à
réfléchir. Mais c'est une thèse dans toute l'accep-
tion du mot, et M. M. la défend habilement. Si sur
beaucoup de points on ne se sent pas d'accord
avec lui, très volontiers cependant on le suit
tout en discutant ses appréciations.
Quoiqu'il s'en défende, mollement, disons-le,
M. M. est un symboliste dans toute la force du
terme. C'est l'homme des anciens textes, et son
érudition extrême nous convaincrait, si, dans le
recul, on pouvait admettre toutes ses conclusions.
On ne fera certainement pas de plus intéressant
examen de cet ouvrage, que l'article de M. E.
Bertaux dans la Revue des deux mondes (ier mai
1899): avec la plus amicale et la plus savante
courtoisie, il met le doigt sur le défaut de la
cuirasse, et, à mon avis, on ne doit plus séparer
cette critique, de l'œuvre de M. M., qu'elle com-
plète en la mettant en sa valeur véritable.
Résumons la thèse de M. Mâle.
« Le moyen âge a conçu l'art comme un ensei-
i gnement, et la cathédrale qui est la Bible des
« pauvres, est une œuvre de foi, élevée par de
« dociles artistes, soumis aveuglément du premier
« au dernier, à l'enseignement de l'Eglise.»
Aussi, alors que Victor Hugo, que Viollet le
Duc, croient voir dans nos maîtres d'œuvre du
moyen âge, des esprits essentiellement laïques,
s'attaquant même au sacerdoce, M. M. se ratta-
chant à l'école de Didron et de ses successeurs,
qui voient la clef de toute l'iconographie du
moyen âge dans la théologie, croit devoir donner
de toutes les merveilles qu'il nous décrit, une ex-
plication uniquement symbolique. Et pour faire
pénétrer dans nos esprits ce qu'il regarde comme
un dogme, il prend comme cadre de son travail
cette incomparable Somme de Vincent de Beau-
vais, résumé de toutes les connaissances du
XIIIe siècle, et développant successivement
chacun des quatre grands chapitres du Spéculum
ma/us, il fait découler tout cet art du XIIIe siècle
du Miroir de la nature, du Miroir de la science,
du Miroir moral, du Miroir historique. 11 était
réellement impossible de choisir un plan plus sé-
duisant : mais il fallait en même temps une bien
grande sûreté d'érudition, pour demeurer dans
des limites d'autant plus difficiles à suivre qu'elles
étaient plus étendues, pour ne pas perdre de vue
le but à atteindre, au milieu de l'infini du détail.
M. M. était bien préparé pour cette tâche, il a
suivi sa droite ligne sans dévier, et il semble à
la fin sorti victorieux de toutes les objections qu'il
rencontre sur sa route.
Pourtant, comme dans tout ce qui est humain,
l'absolu ne saurait exister. Que le XIIIe siècle
se soit bercé en grande partie de symbolisme,
rien d'étonnant; mais, c'est lui qui l'invente, en
quelque sorte. M. M. nous parle bien de sources
antérieures auxquelles est allé puiser Vincent
de Beauvais. Jamais je ne saurai vanter assez la
science de M. M. qui parvient à expliquer, par
des textes presqu'inconnus, des portails, des vi-
traux, des statues, dont avant lui on avait vaine-
ment cherché le sens. Mais réellement, s'il re-
monte jusqu'à Isidore de Séville, en résulte-t-il
qu'antérieurement il n'y avait rien ? Parle-t-il des
Bestiaires, du de Monstris ? A le lire, on croirait
vraiment qu'il ignore qu'Isidore de Séville n'a
fait que résumer, non seulement Pline, mais des
originaux ou soi-disant grecs, où étaient contenus
tous, et je dis tous les détails qui vont peu à peu
sous nos yeux se transformer en symbolisme.
Tel ce CIIARADRIUS du moyen âge, cet oiseau
qu'il remarque au vitrail de Lyon, avec la
légende CLADRIVS. Est-ce autre chose que le
CALANDARIVS des Bestiaires de l'antiquité ?
M. M. approfondit le Spéculum majus, et il
en conclut, oh ! combien discrètement ! que le
XIIIe s. artistique ne vit que par lui. Non pas
qu'il ne se rende pas compte de l'influence des
petits monuments : mais avec quelle rapidité il
les signale : et puisque la cathédrale de Chartres
est un des pivots de son œuvre, il me permettra
de lui demander ce qu'il fait de ce chapiteau de
la chapelle des Fonts, qui de l'avis de tous est la
copie d'un coffret persan. Le P. Cahier y voyait
cependant un symbolisme bien évident ! Et cet
admirable support de Saint-Sernin de Toulouse,
qui est un véritable ivoire indien ? Est-ce aussi
du symbolisme ?
Comme son thème repose sur des détails, je
voudrais montrer que dans nombre de cas, de
ceux qu'il nous donne, il ne saurait tirer de con-
clusions certaines. Trop souvent, il ne parle que
354
3&ebue lie P&rt cljrctten.
de seconde main, et en plus, quelquefois, ne
serait-on pas en droit de lui demander même s'il
a vraiment lu les ouvrages qu'il cite.
S'agit-il de la déviation de l'axe des églises?
Pourquoi ne pas rappeler que l'axe du temple
Saint Firmin.
de Luxor était ni plus ni moins dévié que l'axe
de nos cathédrales du XIIIe s. ? (Voir Foucart,
Hist. de l'Ordre loti/orme, p. 199). Le portail
de Vezclay ne saurait été passé sous silence,
et voilà que M. M. se refuse à l'étudier, parce
qu'il est roman. Mais, c'était précisément le cas
de l'examiner dans une histoire du symbolisme,
car Viollet le Duc était dans le vrai, alors qu'il
y voyait en dehors de toute idée symbolique, la
représentation de l'humanité tout entière, y com-
pris les monstres dont Yantiquité nous a légué
l'histoire et la description, s'avançant vers le tri-
bunal de Dieu pour y subir le dernier jugement.
Au Miroir de la science, se rattachent les mé-
tiers. Ces représentations de confréries au bas
Saint Théodore. — Chartres.
des grands vitraux seraient-elles uniquement la
glorification du travail manuel ? Mais alors, pour
être logiques, nous devrons reconnaitre dans les
grands seigneurs peints aux vitraux voisins, la
glorification de la noblesse. Soyons plus simples
et regardons les uns et les autres, nobles et mar-
chands, clercs et vilains du bas des verrières,
comme les portraits des donateurs sans y re-
chercher d'autres considérations. Signalons par
exemple.dans ce chapitre, une très curieuse étude
i5tbltograpt)te.
355
des calendriers, ainsi que le profit tiré par M. M.
du bon livre de M. l'abbé Clerval sur les Écoks
chartraines.
Nous avançons : et voici que nous trouvons sous
la plume de M. M. une remarque fort naturelle,
mais de nature à bien nous surprendre ici. € Pour-
Saint Paul.
Musée de Toulouse.
quoi donc le symbolisme du XIIIe s. n'est-il plus
celui des catacombes ? » C'est en une ligne le
procès même du symbolisme. On ne saurait
mieux montrer avec quelle prudence il s'en faut
servir. Pourquoi le symbolisme n'est plus le
même ? L'art a changé simplement parce que
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 4me LIVRAISON.
356
3&cMic fie r&rt chrétien.
l'idéal s'est transformé, et réciproquement. Les
premiers chrétiens vivaient dans une ambiance
artistique très délicate ; le XIIIe s. se voit forcé
de se recréer une vie intellectuelle après les
obscurités du moyen âge. Les premiers étaient
contemporains de Virgile, dans un pays baigné
de soleil; le second est le temps des rudes Pères
de l'Eglise, avec d'âpres paysages : pour les pre-
miers, Mercure Criophore devient le Bon Pasteur,
pour le second, il n'y a que le diable à combattre :
le démon, l'ennemi, remplace la tendresse : le
Samaritain, les Vierges folles, l'Enfant prodigue
supplantent les idylles du Mont Athos : et je
citerai enfin la phrase de M. M. « La puissance
de l'Art sur le peuple fut si grande que les
emblèmes imaginés par les artistes ont parfois
donné naissance à des légendes nouvelles. » Rien
ne saurait mieux faire voir, ce me semble, le
banc de sable sur lequel veulent bâtir ceux qui
croient que toute cette époque repose exclusi-
vement sur le symbolisme.
Si j'ai dit en commençant que M. M. était
l'homme des anciens textes, je ne voudrais pas
paraître m'être avancé à la légère. Que l'histoire
archéologique récemment écrite, des trésors des
églises qu'il étudie lui semble inutile à lire, c'est
affaire d'appréciation ; pourquoi cependant ex-
primer le regret de ne savoir où trouver le cata-
logue des reliques possédées par la cathédrale de
Chartres au XIIIe s., par exemple ? Il me semble
avoir naguère entendu parler d'un livre où il aurait
trouvé les sources qu'il réclame : il y découvrirait
non seulement les inventaires de Chartres, de
Sens, mais ceux de presque toutes les grandes
cathédrales de l'Europe : et l'ouvrage n'est pas
introuvable, puisqu'il a été édité par le ministère
de l'Instruction publique, et que les trois volumes
de la Bibliographie des Inventaires imprimés sont
la tête d'une série publiée par le Comité d'ar-
chéologie.
Nous abordons les vitraux de la cathédrale
de Chartres : j'y trouve parfaitement citée mon
Étude sur les vitraux, mais alors pourquoi écrire
qu'on ignore le nom du chevalier qui donna le vi-
trail de saint Eustache, puisqu'au n°io, j'explique
comment j'ai pu l'identifier avec le seigneur de
Beaumont-sur-Rilles. Est-ce tout? S'il signale le
fac-similé héliographique que j'ai donné de
l'inscription du vitrail de saint Vincent, il le
reproduit d'après l'ouvrage de F. de Las-
teyrie; si bien qu'il est impossible de déchiffrer
ce que sur la photographie on peut découvrir :
. . . entera a cest autel totes les messes qen en
chai e sont acoilli : li confrères Saint Vincent...
cil qui doerent ces te ver ri... .
Plus loin mon procès s'instruit, très courtoise-
ment d'ailleurs. Il paraît que je me suis trompé à
propos du cardinal Etienne de Vancza, qui serait
Etienne de Pérouse : je me doutais bien un peu
de mon erreur. Mais j'aurais cru que depuis 1S90,
nous étions d'accord avec M. M. Une communi-
cation à l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, de M. l'abbé Clerval, ne peut plus laisser
aucun doute à cet égard. Ce n'est ni Etienne de
Vancza, ni Etienne de Pérouse, mais Etienne
Bibliographie.
357
Chardonnel, chanoine de N.-D. de Paris. Le tra-
vail a été publié dans les Mémoires de la Société
d'archéologie d Eure-et-Loir (t.X), où M. M. aurait
également trouvé une notice de M. R. Merlet, sur
la verrière de Garin de Friaize, qui est la très
fine reconstitution d'un monument à demi brisé.
Il est enfin certains renvois qui ne sont plus
permis; entre un grand nombre, je citerai Wille-
min, pour le dessin de la crosse de Ragenfroid,
alors que cet admirable monument a été publié
en héliogravure sous toutes ses faces, par la Ga-
zette archéologique en 1888.
Bref, c'est par la bibliographie contemporaine
que pèche l'ouvrage; M. M. vit dans le XIIIe s.,
il s'y confine : le reste semble ne pas exister pour
lui. A un certain point de vue nous aurions mau-
vaise grâce de nous en plaindre; il s'est identifié
avec lui, et n'en parle que mieux, par conséquent.
Aussi, je serais au regret qu'on pût croire un seul
instant que c'est uniquement pour le plaisir de
critiquer que j'ai mis ainsi en évidence certaines
erreurs de détails : je les regarde au contraire
comme des plus importantes. Ce livre est une
synthèse; si à cette synthèse on enlève un certain
nombre de points qu'on prétend acquis, l'en-
semble tout entier en est ébranlé. Je ne partage
pas tout à fait les idées de M. M.: je crois à une
association de l'art et de la théologie, je n'ad-
mets pas l'asservissement de l'artiste au clerc.
Ce dernier, autrefois comme aujourd'hui, com-
mandant, a certainement prétendu conserver la
direction générale, tracer les grandes lignes de
l'œuvre, mais l'artiste a gardé sa liberté. L' Album
de Villard de Honnecourt n'est-il pas là pour le
proclamer bien haut? Et cette alliance a été
féconde, puisqu'elle a légué à notre patrie les
plus admirables souvenirs. p Mfri v
LA VIERGE OUVRANTE DE BOUBON,
TRIPTYQUE EN IVOIRE DU XIIIe SIÈCLE
(date attribuée 1240, règne de S. Louis) S'OU-
VRANT & MONTRANT, SCULPTÉES AU DE-
DANS D'ELLE-MÊME, LA NAISSANCE, LA
VIE, LA MORT, LA RÉSURRECTION ET LA
GLOIRE DU SAUVEUR! par l'abbé Lecler et le
baron de Verneilh ; Limoges, Ducourtieux, 1898,
in-8° de 24 pages, avec 2 phototypies.
CE bloc d'ivoire, d'une rare beauté, appar-
tient à M. Sailly, notaire à Limoges, qui le
met en vente. Sa vraie place est dans un musée,
comme le Louvre et Cluny. Avant qu'il quitte
le Limousin, je demande instamment qu'il en
soit fait un moulage, d'abord pour le musée de
la ville, puis pour le commerce ; ce sera un ser-
vice rendu aux études archéologiques.
On connaît à cette Vierge magistrale deux
similaires, l'un au Louvre, l'autre à Lyon. L'ori-
ginal, seul authentique, serait à Limoges. M. de
Verneilh estime que cet ivoire aurait pu être
sculpté dans cette ville, pure hypothèse à laquelle
il n'y a pas lieu de s'arrêter.
L'ivoire du Louvre a été mis de côté; il ne figure
plus ni sur le catalogue ni dans la partie exposée.
C'est peut-être se prononcer vite sur une
question pendante, car il en est qui tiennent pour
l'authenticité et leur nom fait autorité. Il suffira
de citer Didron qui a donné dans les Annales
archéologiques plusieurs planches du triptyque,
maintenant réputé faux. J'insiste pour la révision
d'autant qu'une réplique est parfaitement admis-
sible.
X.B. DE M.
MONOGRAPHIE DE LA CATHÉDRALE
D'ANGERS, MONUMENT, SÉPULTURES,
TRÉSOR, TAPISSERIES, VITRAUX, etc., par
J. Denais; Paris. Rcnouard, 1899, in-8° de 500 pages,
avec 7 planches et un plan.
Cet ouvrage a une grande importance archéo-
logique, car il est aussi complet que possible et
fait connaître en détail un monument plus inté-
ressant par son mobilier que par son architec-
ture. Que de patience et de recherches il a fallu
pour l'écrire !
Trois points surtout appellent l'attention des
studieux : l'épigraphie, les tapisseries et les vi-
traux. M. Denais a bien fait de reproduire toutes
les inscriptions, qui ont disparu ; c'est de l'his-
toire locale.
Je lui conseille de former pour les tentures et
les verrières deux albums photographiques, qui
sont désormais indispensables et qui auront de
suite un réel succès. Les tapisseries sont insuffi-
samment connues par de médiocres reproduc-
tions : or elles constituent un ensemble des plus
précieux du XIVe au XVIIIe siècle, sur lequel
M. de Farcy a particulièrement attiré l'attention
dans une brochure spéciale.
Sans donner tous les vitraux, car plusieurs
sont trop mutilés pour pouvoir en tirer parti, il
conviendrait de faire choix des plus beaux : il en
est un entre autres, dans la nef, provenant du
château du Verger, qui est unevéritable merveille
d'art de la Renaissance. L'iconographie gagnera
beaucoup à ce groupement, qui ne redoute pas la
comparaison avec les verrières similaires de
Bourges, de Tours et du Mans.
On ne saurait trop louer l'initiative féconde
de la Société d'agriculture, sciences et arts
d'Angers, qui, par cette publication entreprise
sous son patronage et à ses frais, montre en
quelle estime elle tient l'archéologie et les
monuments que la science a besoin de connaître.
358
ïUMic De r&vr chrétien.
La monographie de la cathédrale est la pre-
mière d'une série qui comprendra toutes les
églises de la ville : celles de la Trinité et de St-
Serge ont une haute valeur et feront bonne
figure auprès de l'église -mère.
X. B. DE M.
PIA DICTAMINA, par le P. Clément Blume»
S. J-; Leipzig, Reisland, 1898, in-8°, de 218 pag.
Ce fascicule est le 31e des Analecta hymnica
médit œvi. J'aurais préféré un autre sous-titre,
car c'est la quatrième fois qu'on lit Pia dicta-
mina, ce qui peut amener de la confusion dans
les citations.
Le nombre des pièces reproduites est de 210.
Toutes n'ont pas un caractère liturgique. Le Te
De/nu Marianum (p. 212) diffère de celui de
S. Bonaventure. Ici, c'est plutôt une espèce de
paraphrase ; on peut en juger par cette première
strophe :
« Te Deum digne laudibus et Dominam fatemur,
Te in terris virginem aeternam veneramur,
Te feminam eximiam omnes laude famur. »
Les documents sont répartis en deux séries :
De Deo et de Beata. Cette dernière est très riche
et sera utile à consulter pour l'iconographie,
surtout des figures de la Vierge dans l'Ancien
Testament. M. Léon Germain de Maidy, qui a
si bien traité la question des Joies de la Ste
Vierge, trouvera là un précieux complément au
groupe qu'il a formé sur ce sujet.
Deux pièces du XVe siècle ne me semblent
pas à leur place. Il eût été opportun de les réser-
ver pour un fascicule consacré aux Tropes qui
s'impose nécessairement. Ce sont, p. 14-15. Ie
rythme qui glorifie la Trinité et le S. Sacrement ;
la dernière strophe est ainsi formulée :
« Benedicamus Domino,
Laudetur sancta Trinitas ;
De Christo Dei Filio
Deo dicamus gratias. »
L'autre, relative à l'Annonciation, se termine
par cette 19e strophe (p. 130) :
«Nos de tali mysterio
Inter laudes angelicas
Benedicamus Domino,
Dicentes Deo gratias. »
Ce sont, évidemment, les tropes d'un Benedica-
mus des vêpres à la Fête-Dieu et à l'Annon-
ciation.
X. B. DE M.
REGISTRE DES ANNIVERSAIRES DE LA
COMMUNAUTÉ DE PRETRES SÉCULIERS
DE St-MAXIMIN, A M AGNAC-LAVAL, par
Louis Guibert. Limoges, Ducourtieux, 1899, in-8°
de 23 pag.
Ce registre, conservé à Magnac, en Limousin,
date du commencement du XVIe siècle. Il con-
tient la liste, en latin, des anniversaires fondés
en cette église de St-Maximin, avec leur dota-
tion et les noms des bienfaiteurs. Ces fonda-
tions devaient être acquittées, non par les reli-
gieux qui desservaient le « prieuré », mais par la
communauté des prêtres séculiers de Magnac,
« presbyteri servientescommunitati sancti Maxi-
mini ». On les nommait, en Limousin, «prêtres
communalistes » ; « ils habitent, en général, des
maisons appartenant à l'église ou à la commu-
nauté et situées à proximité de l'édifice ; mais
ils ne vivent pas ensemble et n'ont pas d'obliga-
tions d'une nature spéciale... Les ecclésiastiques
qui composent ces associations paraissent avoir,
à une certaine époque, récité l'office en commun .
Ils vivent des revenus de la communauté, dont
une portion déterminée, un gros, est assignée à
chacun. Presque toujours, il est attribué à cha-
que prêtre, en outre de ce gros, les revenus des
fondations spécialement affectées à la chapelle
ou à l'autel qu'il a mission de desservir... Une
seule condition semble, à l'origine, avoir été
réclamée pour leur admission dans la commu-
nauté : la justification de leur qualité de filleuls
de la paroisse, c'est-à-dire de leur baptême aux
fonts paroissiaux » (p. 5). X B DE M
BIBLIOGRAPHIE DES INVENTAIRES.
1. — TESTAMENT DE DAME HÉLÈNE
VOLCHO, EN 1337, dans le Bidlettino di archeo-
logia e storia Dalmata, Spalato, 1898, p. 15-18.
L'acte notarié, passé à Spalato, dans le monas-
tère de St-Benoît,où elle s'était retirée après son
veuvage, a été publié par M. Alacevic, sans anno-
tation ni numérotage des articles. Parmi les legs
je note des tasses : « A Madona abadissa de san
Benedetto taze do, una grande e altra pizola »;
« una taza d'arzento mazor » ; des tapis : « dui
trapeti » ; une fourrure de peau de lapin et une
autre de renard : « Una fodra de conigli» ; « la
mia fodra de volpe » ; des colliers tordus :
« Item, lego a Madona abadissa Mira choslieri
storti cinque e a sor Micha de Andréa choslieri
storti tre e a Mira choslieri quatro ». Voici donc
douze colliers, dont la matière n'est pas précisée
(peut-être étaient-ils en or ?) : que pouvaient en
faire les religieuses à qui ils étaient légués, puis-
qu'elles ne devaient évidemment pas les porter
sur elles ?
Bibliographe.
359
2. — INVENTAIRES DE DEUX BOURGEOIS
DE S. JEAN D'ANGELY, DU XIVe SIÈCLE,
1897, pp. 8692.
Les Archives de Saintonge contiennent deux
inventaires, de peu d'importance, dont on a
oublié de numéroter les articles, malgré la
recommandation expresse qui en a été faite
tant de fois déjà.
L'inventaire de Guillaume Boutin, bourgeois
de St-Jean d'Angely, date de 1 397. Il est curieux
en ce sens qu'il donne la forme patoise des
mots: ainsi taux pour tasse, tr/p/poux trépied, etc.
Le second est de la même année et relève les
«biens qui furent à feu Arnaut Richart, jadis
bourgeois de la commune de la ville Saint-
Jehan.» L'énumération des étoffes mérite d'être
signalée : « Quatre groux draps de la fasson de
Poictou», «la moitié d'un gris deMontberon» (*),
« dix aulnes d'un rolleau blanc d'Angleterre »,
« une couverte (de lit), de la fasson de
Parthenay (2).
« Une petite cassette, où avoit quatre livres de
chandelles de mole, » c'est-à-dire faites dans un
moule. Cette expression manque au Glossaire
de Gay, ainsi que la suivante, qui a son équi-
valent dans escame et eschamel: « Une table et
deux eschemaux, qui est en lommeau », signifie
une table à manger, munie de deux escabeaux,
en bois d'ormeau. Les formes sont des bancs,
probablement à dossier : « Une table et deux
eschemaux et deux petites formes pour manger.»
« Un mortier de perre et une reboule de boys.»
La reboule, poignée terminée en boule, est le
pilon du mortier de pierre, employé à la cuisine.
«Une petite arche, en laquelle avoit deux
buieres, en chascune desquelles avoit un petit
bouchon d'argent.» Les deux ampoules ou bu-
rettes, à bouchons d'argent, constituent un
huilier.
3. — INVENTAIRE DE PIERRE SURREAU,
RECEVEUR GÉNÉRAL DE NORMANDIE,
SUIVI DU TESTAMENT DE LAURENT SUR-
REAU ET DE L'INVENTAIRE DE DENISE
DE FOLLEVILLE, par F. Félix, publiés pour la
première fois avec notes et glossaire. Rouen, Lestrin-
gant, in-S" de XII 444 pages.
Ce volume, copieusement annoté pour la partie
historique, contient trois documents intéressants :
Y Inventaire de Pierre Surreau (1435), le Testa-
ment de Laurent Surreau, chanoine de Roue?i
(1476) et l'Inventaire de Denise de Foville, prieure
de St-Paul-lès-Rouen (1465). Il est regrettable
que les articles des inventaires ne soient pas nu-
1. Montbron, en Angoumois.
2. Parthenay (Deux-Sèvres).
mérotés et que les mots du Glossaire, très com-
plet, n'y renvoient pas.
La lecture en est très profitable pour quicon-
que aime ce genre de littérature médiévale.
Aussi je ne m'arrêterai pas à quelques points de
détail sur lesquels je pounais me trouver en dés-
accord avec l'auteur. Je tiens seulement à éluci-
der le motpers, qui revient fréquemment dans ces
pages et qui est défini, p. 390 : « Bleu, violet,
violacé, et par extension, pâle, livide ». Aucune
de ces expressions n'est exacte : bien ne pourrait
être conservé qu'en ajoutant vert ; quant à violet,
qui manque dans le Glossaire, quoique ce mot
reparaisse souvent, sa nuance est bien connue. Un
exemple suffira pour redresser cette inexactitude:
Poitiers a conservé à une de ses rues, d'une an-
cienne enseigne, le nom de Cloche-perse. Or pers
e^t précisément la couleur propre du métal de
cloche, du bronze, que le temps patine, ou vert
d'une teinte spéciale ; l'équivalent serait donc
couleur de bronze. Boiste, dans son Dictionnaire,
se contente, comme d'habitude, d'un à peu près:
« Pers, glaucus, couleur entre le vert et le bleu ».
La prieure de Foville portait bien « une robe
noire», mais elle y ajoutait « une manche drap
violet ». Il est fait mention dans son « mobilier »
d'une tenture en « sarge perse ». Donc pers et
violet sont deux couleurs distinctes.
4. — CONSIGNATION D'ARMES ITALIEN-
NES A LYON, EN 1561, par Giraud, dans le
Bulletin archéologique. Paris, 1898, pp. 53-62.
Cet inventaire, très spécial, n'a pas ses articles
numérotés, mais en revanche il est parfaitement
commenté. Sur un seul point je ne suis pas d'ac-
cord avec l'auteur, qui affirme que « l'expression
de corcellet garni s'entend de la cuirasse, avec ses
brassards, gantelets, cuisseaux et harnais de
tête, soit l'armure défensive complète ». Est-ce
bien sûr? Il peut y avoir doute en certains
cas, par exemple: «deux cent corcellets blancs,
tous garnis». Ailleurs, en déplaçant une virgule,
le sens est différent : « sept harnois et armes
d'homme à cheval, tous gamys avec grèves et
scarpes ». J'écrirais : « tous garnis, avec grèves et
scarpes»,car il n'est pas démontré que grèves
et scarpes forment la garniture, qui, pour moi,
consiste en une doublure. Le sens est très clair
ici : « Un corsellet,garny de veloux rouge, gravé».
Est-ce le velours ou l'acier qui est gravé ? Je
penche pour ce dernier : « Deux aultres corcel-
let z gravés, tous fournysde velours, l'un de rouge
et l'autre de verd ». Fourny signifie bien fourre,
dans le sens de foderaius ; mais ailleurs il se
prend dans une autre acception : « Ung harnois
d'homme de cheval gravé, tout fourny de ses
grèves et scarpes ». La rédaction manque donc
de précision par endroits.
360
Bebue lie V&vt djrétten.
A noter deux modes de dorure : i Huit mor-
rions dorez d'or de feuilles. Item, une salade do-
rée d'or molu ».
5. — INVENTAIRE DES ARMES ET MUNI-
TIONS DE LA VILLE D'ALBI, EN 1595, par
de Rivières. Paris, Imprimerie nationale, in-8° de
S pages.
Il eût été plus exact d'intituler ce document,
en 99 articles : Inventaire du mobilier de V hôtel
de ville. Les mots à retenir sont les suivants :
Nauc, auge ou mesure légale : « Ung nauc
rond de pierre, pour faire une mesure à mesurer
le bled » (n° 14).
Limande, armoire à deux battants : € Une
grande limande ou drappier de menuiserie neufve
lamée de fer, fermée à trois cadenats, servant
d'archivé pour tenir les papiers du diocèse» (n°
28).
Clochette à main : « Une petite clochette de
laton, servant pour appeler les serviteurs (') »
(n° 48).
Tambourin, pour les cérémonies où figure le
corps de ville : « Ung tambourin de guivre,
vieulx » (n° 50).
Marque, qui, rougie au feu et empreinte sur
le bois ou le cuir, indique par les armoiries la
propriété de la ville: «Deux marques fer des
armoyries de la ville » (n° 56).
Seringue, pour l'extinction des incendies,
comme à Troyes : « Dans un des coffres s'est
trouvé cinq ciringues de Iatoum (laiton), avec les
armoiries de la ville à chascune » (n° 88).
Calel(2), lampe portative : « Deux calels, fuilhe
de fer blanc, grands, vieulx » (n°95).
Aiguière (3), à laver les mains : « Une ayga-
dière estaing, couverte (n° 98).
6. — INVENTAIRE DU MOBILIER D'UN
NÉGOCIANT MALOUIN AU XVIIIe SIÈCLE,
par Decombe, dans le Bulletin et Mémoires de la
Société archéologique d'il le et Vilaine, t. XXVII,
pp. 3 16.
Le titre pèche par trois endroits: la date eût
été plus précise en inscrivant 17 14, en donnant
le nom du négociant, Bordas et en substituant
St-Malo à Malouin, car dans un classement
méthodique le document sera mis indifférem-
ment a son millésime ou aux noms de personne
et de lieu.
Je reprocherai encore à la transcription d'être
incomplète et de n'avoir pas numéroté les articles,
en général peu saillants, à part ceux-ci :
1. Le Glossaire de Gay se tait sur cette destination.
2. Rabelais, dans Pantagruel (II, 23) et Favyn, dans Théâtre
d'honneur (I, 432), écrivent caleil.
3. Gay n'a que aiguière et esguière.
Couleur d'or : « Un lit de drap couleur d'or ».
Etamine : « Deux rideaux de fenêtre et deux
portières d'étamine rouge. — Un rideau de fenê-
tre d'éîamine rouge ».
Placet (tabouret) : « 4 petits placets de satin
usé, de peu de valeur ».
7.— INVENTAIRE DE JEAN BERAIN, EN
1711.
M. Valabrègue, dans sa vie de Jean Berain,
maître décorateur de la Cour, publiée par la
Lorraine-artiste, 1898, p. 329, donne en abrégé
<< la description du mobilier qui se trouvait dans
l'appartement et dans l'atelier du défunt ». Deux
objets seulement sont dignes d'une mention :
<L Dans la salle à manger, au premier étage,
s'est trouvé un bureau de bois de violette, garny
de neuf tiroirs, compris celuy de frisure et un
guichet au milieu.
« Deux petits bustes de marbre blanc, posés
sur leurs pieds de marbre, et l'un d'iceux sur sa
gaine de bois ».
X. B. DE M.
CULTE DE S. GRAT, ÉVEQUE ET PATRON
DU DIOCÈSE D'AOSTE. BÉNÉDICTION DE
S. GRAT, par le ch. Etienne Duc. Aoste, in-8° de
32 pages.
Cette brochure est la cinquième afférente au
culte de S. Grat : elle s'occupe exclusivement
des bénédictions faites en l'honneur du patron
du diocèse d'Aoste. Elles sont au nombre de
cinq : nous en avons ici les formules.
1 . Modus aquœ benedicendœ in honorent S. Grati,
va/lis Augustœ episcopi, adversus animantia f ru-
gibus terrœ nocentia. Les oraisons disent quels
sont ces animaux nuisibles : locusta, bruchus,
eruca, talpa, mus, serpens, gatta, et quels sont ces
fruits : olera, rapœ, etc.
2. Ritus benedicendi terrant in honorent S. Grati,
adversus fructibus terrœ nocentia. Le but est le
même que pour l'eau.
3. Methodus benedictionis candelarum in hono-
rent S. Grati, contre les orages et la grêle.
4. Benedtctio salis et aquœ quœ fit die S. Ste-
phaui ad usuni almœ Ecclesiœ Augustensis pro
hominibus eoru nique habitationibus neenon pro
animalibus eorum.
5. Benedictio vinagii. Ce vinage est du « vin
bénit par l'immersion à nu de chacune des reli-
ques de l'église ».
Toutes ces bénédictions sont anciennes et
très populaires : la rédaction en est très pieuse
et s'inspire surtout des formules liturgiques. Elles
se font en présence des reliques de S. Grat, dont
BtMtograptne.
361
on se sert ensuite pour bénir l'eau, la terre et les
chandelles. Il importerait, pour continuer à en
user légitimement, de les faire revoir et approu-
ver par la S. C. des Rites.
Je profiterai de cette étude sur un sujet inté-
ressant pour expliquer deux mots qui y sont
employés.
En 1698, la fête de S. Etienne est qualifiée,
comme rite, quadruplex. A considérer l'antienne,
dite une fois, deux ou trois, la fête était dite
simplex ou semiduplex, duplex et triplex. Quadru-
plex est beaucoup plus rare, et la quadruple répé-
tition, au lieu de se faire à tous les psaumes,
était réservée à l'introït, au Benedictus et au
Magnificat. L'antienne se disait avant et après
le psaume, au milieu et à la fin de la doxologie.
A Aoste, d'après une rubrique, quadruple se disait
aussi de la sonnerie, probablement à quatre
cloches ou plutôt à quatre reprises : « Aux 2e5 ves-
pres de l'Invention de la Ste Croix, l'on sonne
quadruple, à cause de la feste du S. Suaire qui
se suit ».
Vinagium signifie un vin bénit et l'ablution
de vin après la communion. En voici l'origine,
d'après le procès-verbal de visite de l'archidiacre
en 1436 : « Et faciat de omnibus reliquiis vina-
gium, intingendo in vinum infra calicem ibidem
paratum, de quo in fine collacionis ministretur
bibere omnibus prsesentibus ».Or, ce vin se distri-
buait à l'aide d'une cuiller : « Item, la couppe de
S. Bernard (de Menthon), de bois de brisi (Brésil)
et dans icelle une cuiller d'argent, avec laquelle
on donne boire le vin bénit » (Inventaire de 1666).
L'archidiacre faisait le vinage, lorsqu'il procédait
à la visite des reliques. Dans le principe, il sor-
tait les reliques des reliquaires et les lavait avec
du vin, soit pour les nettoyer, soit pour mieux
en assurer la conservation : naturellement ce vin
était distribué aux pieux fidèles.
En 1346, fut fondée la prébende de Quart, à la
condition que le « prébendier fournirait annuelle-
ment une émine de vin rouge parochianis S.Eu-
sebii communicantibus in Pasca. Dans les statuts
synodaux, promulgués en 1597, Mgr B. Ferrari,
évêque d'Aoste, constate cette ablution comme
usage diocésain, mais il ordonne de se servir
d'une coupe au lieu d'un calice : « Prohibemus
pro purificatione communicantium usum calicis,
sed habeatur in qualibet parochiali ad hune
usum cyathus vitreus seu stanneus non conse-
cratus ». Ces deux faits viennent en confirmation
de ce que j'ai dit du scyphus ou coupe d'ablution
au tome VI de mes Œuvres, p. 293 et suiv.
X. B. DE M.
ST-ETIENNE DU MONT, par BoUILLET et
Petit. Paris, Rondelet, in-8° de 16 page?, avec 22
vignettes.
La série des Églises paroissiales de Paris con-
tinue avec ce n° 4, d'une lecture très instructive
et d'une illustration parfaite, les planches étant
d'une netteté irréprochable et donnant des dé-
tails architectoniques du plus haut intérêt, comme
le pavé et l'enchevêtrement des nervures de la
voûte centrale.
L'auteur a tort de ne pas se prononcer sur la
déviation d'axe, qui tient uniquement à l'inter-
ruption des travaux après l'achèvement ducheeur,
qui date de 1517a 1537, tandis que la nef est
bien postérieure, puisque le portail n'a eu sa
première pierre posée qu'en 1610. Il n'y a pas à
invoquer les « exigences symboliques », qui
n'ont jamais existé sur ce point, sinon dans l'ima-
gination trop féconde de certains archéologues
contemporains.
Les livres utiles ne parviennent pas toujours
directement à la connaissance de ceux qu'ils in-
téressent spécialement. Souvent on ignore l'an-
nonce ou le compte rendu qui peuvent les rendre
attrayants, comme aussi on ne passe pas devant
la librairie qui les édite et les expose. Pour re-
médier à cet inconvénient grave, il n'y a qu'un
moyen très efficace, celui de faire vendre les mo-
nographies aux portes mêmes des églises, où se
tiennent les marchands de la Semaine religieuse
et des objets de piété. Le visiteur est ainsi solli-
cité par la vue de la notice illustrée qui lui ap-
prendra tant de choses curieuses et il se retirera
d'autant plus satisfait qu'il n'aura pas fait de frais:
le bon marché, en la circonstance, est une ga-
rantie de succès, que nous souhaitons de cœur à
cette série de plaquettes, aussi bien informées
qu'imprimées et illustrées.
X. B. DE M.
ÉGLISE SAINT-VULFRAN A ABBEVILLE.
Conférence, par M. Emile Delignières, avocat.
Abbeville, Paillart, 1S9S, in-8° de 45 pag.
Cette brochure pourra servir de guide aux
visiteurs de l'église collégiale d'Abbeville, con-
struite à la fin du XVe siècle et restée inachevée
en 1539. Il serait utile de la compléter par quel-
ques vignettes.
Une particularité intéressante consiste dans la
donation des statues du portail par les corpora-
tions ouvrières, qui ont apposé leurs armoiries
sur le socle et choisi leurs patrons respectifs.
Ainsi S. Fiacre a été offert par les jardiniers ;
S. André, par les bouchers ; S. Jean-Baptiste, par-
les peaussiers ; S. Thomas d'Aquin, par les brou-
tiers et porteurs de sacs ; S. Paul, par les van-
362
Hcbue De l'&rr cljrctteiu
niers et cordiers ; S. Firmin, par les tonneliers ;
S. Pierre, par les tondeurs de draps ; Ste Made-
leine, par les marchands de vin et les boursiers ;
S. Maurice, par les sergents royaux ; S. Eusta-
che, par les marchands de drap ; S. Éloi, par les
orfèvres ; S. Georges, par les mariniers.
X. B. DE M.
ECCK HOMO DE LA CATHÉDRALE DE
MEAUX, par le chanoine Jouy ; Meaux, 1899, in-S°
de 5 pag., avec 3 vignettes.
Cette statue, autrefois coloriée, date du XVIe
siècle. Sur le socle sont figurées, dans un écusson,
les armoiries de la Passion. Les vignettes repré-
sentent la statue, la tête et le donateur agenouillé,
vêtu d'un surplis et l'aumusse au bras.
X. B. DE M.
S. ANTOINE LE GRAND ET SA STATUE, A
OCQUERRE (Seine et Marne), par le ch. JoUY ;
Meaux, 1899, in-8° de 4 pag-, avec une vignette et une
phototypie.
La statue, d'une exécution peu commune, re-
monte au XVe siècle. L'auteur la décrit avec
beaucoup de précision et insiste sur la signifi-
cation des attributs, qui ici sont au complet.
X. B. DE M.
ST-GERMAIN L'AUXERROIS, par BouiLLET
et Petit ; Paris, Rondelet, 1899, in-40 de 16 pag., avec
20 phototypies.
Ce fascicule est le 8e des Églises paroissiales
de Paris. Le monument intéresse par ses diffé-
rents styles archéologiques et son mobilier ;
peut-être une part trop grande y est-elle faite à
l'histoire proprement dite. Sous une forme un
peu plus didactique, cette notice, très complète
pourrait servir de guide à la visite détaillée de
St-Germain l'Auxerrois.
Je réclame de nouveau une lettre indicative
à chaque vignette. Ainsi, page 2, voici une statue
qui aurait pu être ainsi spécifiée : Statue de Ste-
Marie Egyptienne, au portail, XV' siècle.
De qui est le tombeau, figuré page 15, avec sa
statue couchée ? On aimerait le savoir, comme
aussi le nom de la statue de la page 2.
La cloche de 1527 qui, en 1572, sonna la
St-Barthélemy, méritait bien les honneurs d'une
vignette, c'est à la fois de l'archéologie et de
l'histoire. Or, M. le chanoine Bouillet s'entend à
merveille à les faire vivre en bonne harmonie et
nous lui saurons gré de faire à la science la plus
large part possible.
X. B. DE M.
SAINT JULIEN DU MANS ET L'ÉGLISE
SLAVE.
Notre collaborateur, M. le chanoine J. Didiot,
professeur aux Facultés catholiques de Lille,
a fait connaître cette circonstance curieuse,
du culte de saint Julien commun au diocèse du
Mans et à l'Église slave. Une nouvelle note du
même érudit communiquée à la Revue hist. et
archéol. du Mans nous apprend que, grâce à des
renseignements fournis par notre collaborateur
polonais, M. l'abbé Bryckzynski, l'identité du
patron russe et de l'évêque catholique peut être
considérée comme authentique ; elle est reconnue
par l'autorité ecclésiastique orthodoxe de Russie.
Au surplus, il est établi que cette curieuse im-
portation liturgique et hagiographique s'est faite
directement d'un port occidental où saint Julien
était honoré, dans un centre oriental et slave
assez puissant pour le faire rayonner ensuite
jusqu'en Moscovie et en Serbie ; ce centre pour-
rait être Paderborn ou Kiew.
UN CRUCIFIX HABILLÉ DU Xme SIÈCLE.
Brochure par Mgr X Barbier de Montault.
Mgr Barbier de Montault est à l'affût des
choses cachées et intéressantes que révèlent les
expositions rétrospectives. Ainsi, à l'exposition
de Tours il a remarqué un beau crucifix limousin
en émail champlevé figurant le Christ habillé
et vivant, type rare.
A ce propos l'auteur discute le terme usuel de
Christ en majesté; d'après lui, ce terme est ap-
plicable non seulement au Christ assis sur le
trône, mais aussi bien au Christ debout, pourvu
qu'il figure comme Sauveur, comme fuge, comme
Rémunérateur ou comme Vainqueur.
L. C.
LES VOLETS DE RETABLE PEINT PAR
HANSMEMLINCPOUR L'ABBAYE DE SA1NT-
BERTIN ET SAINT-OMER, par D. J. DE PAS.
(Soc. des antiquaires de ta Morinie.) Saint-Omer,
Homot, 1899.
La Revue de l'Art chrétien a publié na-
guère (') un savant travail de Mgr Dehaisnes
sur le retable de Saint-Bertin, qu'il attribuait à
Simon Marmion, bien qu'il fût communément
attribué à Memlinc. La Société des antiquaires
de Picardie a obtenu de la princesse de Wied l'au-
torisation de faire photographier les deux vo-
lets qui font actuellement partie de sa galerie.
M. de Pas a pu les étudier en détail, et il se range
de l'avis de M. Revillon, qui, appuyé sur des
1 Année 1892. t. II, 4" et 6I: livr.
Bibliographie.
363
probabilités sérieuses, incline à restituer ce chef-
d'œuvre au peintre brugeois, qui doit avoir fait
un séjour assez prolongé à Saint-Bertin sous
l'abbé Guillaume Fillastre.
m& ©évtotuques.
BULLETIN MONUMENTAL, n" 3, 1898.
M. V. Cunat de Chizy achève son instructive
étude sur les maîtres des œuvres de Bourgogne
que nous avons déjà signalée (voir livr. de mars,
p. 169). Il s'occupe des maîtres suivants, du
XIVe siècle : Belin d'Achenoncourt, Nicolas
Bonnevaine, Jacques Vion, Drouhet de Damp-
martin, Geoffroy de Saint-Martin, Thomas de
Sombrasse, Hugues Douay, Hugues d'Ausnoy,
Jean Bourgeois ; puis, au XVe siècle, il rencontre
les suivants : Pierre de Villers, Perrenot de Chas-
signey Pierre Herendel, Philippe Mideau, Guil-
laume de Chaumont, Pierre Arondel, Demoingeot
Gauthier, Etienne le Tascheret, Nicolas Petit,
Jean de Monsterot, Gauthier Menestrier, Aimé
Grosperrin, Jean Gerry, Jean Dombelle, Severin
Bourgeois, Philibert de Faye.
Pour les maîtres d'œuvres en Artois, il enre-
gistre le nom de Gilles Largent, le collaborateur
bien connu d'Hué de Corbie à Cambrai (XIVe s.),
ainsi que ceux de Gilles Laigue et de Jehan
Amel (XVe s.).
Enfin, il cite quelques maîtres d'œuvre en Hai-
naut; du XVe s. : Jean Huelin, Jean Meurantier,
Armand Millon, Jean Cressonnier.
Oudart Douay (XIVe s.), Nicolas Vaillant,
Jean de Saulx et Jacquot Varry (XVe s.) sont
rangés parmi les visiteurs d'ouvrage.
A l'occasion du prochain congrès archéologique
de Maçon, M. Léonce Lex fournit une courte
notice de monuments à Maçon, Cluny, Paray-le-
Monial, Bourg et Brou, Tournus, Châlons-sur-
Saône, Autun, etc., localités qui seront visitées
par les membres du comité français d'archéo-
logie.
L'ARTE, Rome, Danesi, 1898, livr. II, mars-mai.
1. Wilpert, Un capitolo di storia del vestiario,
tre studi sul vestiario dei tempi poscostantiniani
(p. 89-120). Cette étude, très documentée et cor-
roborée de nombreuses phototypies, décrit : i° le
costume triomphal des consuls, tunique, dalma-
tique et toge ; 2° le pallium d'après la loi de l'an
J82 ; 30 le pallium sacré.
2. Rocchi, Castel del Monte (p. 121- 137). Ce
château, situé dans la Pouille, est une œuvre re-
marquable du second quart du XIIIe siècle ; en
plan, il dessine un octogone, flanqué à chaque
angle d'une tour octogonale. L'auteur conteste à
M. Bertaux qu'il ait été construit par un archi-
tecte français.
3. Biscaro, Lorenzo Lotto a Treviso, nella prima
décade del secolo XVI {p. 138-153). La pala di
Asolo est signée Laurent. Lotus Junii ijoô.
L'auteur cite cette autre signature d'un tableau
qui est à Augsbourg : Jac. DE Barbari F. 1504.
Ces deux peintres ne doivent pas être confondus.
4. Venturi, II Pontificale di Antonio da Monza
nella Biblioteca Vaticana (p. 154-164) La Sfor-
ziada, au British Muséum, porte la signature de
cet artiste de la Renaissance, que quatre grandes
planches permettent d'apprécier.
5. Jacobsen (p. 165-17 1). La mostra eucaristica
a Venezia, i8çj (p. 165-171), avec reproduction
d'une très belle croix, prêtée par l'église St-Jean
à Venise.
6. Signatures d'artistes. A Naples, triptyque
représentant la vie du Christ et de la Vierge :
EGO IOANES . MARIA . SCVPVLA . DE . ITRVNTO .
PINXIT.IN. HOTRÂTO (p. i89).Ce peintre,qui tra-
vaillait au XIVe siècle à Otrante(Deux-Siciles),
est cité par Siret, Dictionn. des peintres, comme
auteur d'un triptyque du musée Campana,
transporté à Paris : Joannes Maria Scopula de
Trunto pinxit in Otranto.
Un bas-relief de la Vierge, à l'hôpital St-Jac-
ques à Rome, porte ces deux mots:OPVS .ÂDREAE
(p. 217-219), qui ne peuvent s'attribuer qu'à
Andréa Verrocchio.
Livr. VI-IX. — 1. Hans Graeven, 77 rotulo di
Giosué (p. 221-230). Ce rouleau, qui contient
une série de curieuses miniatures byzantines,
appartient à la bibliothèque Vaticane.
2. Toschi, Ambrosiana (p. 231-244). Les deux
questions traitées sont la date de l'église St-Am-
broise, à Milan, qui n'est certainement pas le
« IXe siècle » et, dans la même église, la mo-
saïque à l'effigie de St- Ambroise que de Rossi dit
«n'être pas antérieure à la fin du Ve siècle ou au
commencement du VIe. » J'ai parlé de cette mo-
saïque dans la Revue de l'Art chrétien, 1881,
t. XXXII, p. 121-140
3. Fraschetti, Dei bassorilicvi rappresentanti la
leggenda di santa Caterina, in Santa Cliiara di
Napoli (p. 245-255). Œuvre exquise du XIVe
siècle, complètement reproduite.
4. Hermanin, La Bibbia Latina di Federigo
d'Urbino nella Bibliothcca Vaticana (p. 256-
272). Cette Bible splendide est datée de 147S.
Six miniaturistes y ont travaillé, dont un est
le célèbre Attavante. Elle fut exécutée à Floren-
ce. Le calligraphe était un fiançais se nommant
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
189g. — 4me LIVRAISON.
564
ÎRelntc lie r&rt chrétien.
Hugues de Comminges (?):«Ugonis de Commi-
nellis Francigene manu descripta est. »
5-Lina Corsini Sforza, La collezione arlistica di
Caterina Nobili Sforza, confessa di Santafiora
(p. 273-278). Elle mourut en 1605 et a son tom-
beau à Rome, dans l'église de St-Bernard. Dans
cettecollection existait une Vénus, qui portait, au
bras gauche, sur un bracelet cette signature :
RAPHAËL URBINAS ; elle est actuellement dans
la galerie Barberini sous le nom de la Fornarina.
Le mariage de Ste-Catherine est maintenant au
Louvre dans le salon carré.
6. Venturi, // maestro del Correggio (p. 279-
303). Ce maître est Francesco Bianchi Ferrari,
mort en 15 10 et auteur de l'admirable petit
S. Jean du Louvre, donné ici en phototypie,
page 285.
L'auteur a relevé cette signature de Michèle
Mazzola, au début du XVIe siècle : OPVS DE MA-
ZOLLIS.
7. Venturi, Esposilione di Londra (p. 315-
318). On y a vu l'Annonciation de Solario :
ANDREAS DE SOLARIO F. 1506.
S. Esposilione délia società storico-artistica, a
Berlino (p. 318-320). Un bronze italien porte
cette signature :
FRAN°CIS° • GALLO.
FACE •
9. Filangieri di Candida. / restauri dei mo-
saici del battistero di San Giovanni in fonte nel
duomo di Napoli (p. 325-327). L'énumération des
mosaïques napolitaines omet la description que
j'en ai publiée dans la Revue de l'Art chrétien,
1883, p. 571-578.
10. Gruamonte, satltore di due architravi a
Pistoia (p. 336). Cet artiste, qui vécut au XIIe
siècle, signait : fecit hoc op. G manions inagisl.
bon. et Adeodat pater eius. — G ru a nions ma-
gister bonus fec. hoc opus.
11. Fraschetti, Vasi délie farmacie romane
fabbricati a Roma e non a Caff'agiolo (p. 346-354).
Plusieurs sont marqués F., qui peut signifier
FILINIO ROMANO, nom deux fois répété sur ces
belles faïences de la Renaissance.
1 2. L. Corsini Sforza, Lafabbrica d'Arazzi Bar-
berini nel suo primo periodo (p. 354-356). Cette
fabrique fut montée par Urbain VIII, en 1635, et
son directeur fut Jacques de la Rivière. Puisqu'on
a oublié de me mentionner, je dirai que je suis
le premier à avoir, en 1858, signalé dans la Revue
de l'Art chrétien, t. III, p. 52S, quelques-unes de
ses œuvres (la vie du Christ) et sa signature.
13. Venturi, Un quadro di Bcrnardo Parenzano
nella Galleria del Louvre (p. 357). Cette adoration
des mages est inscrite au Louvre sous le nom
d'Ansuino da Forli.
14. Modigliani, Avori dei bassi tempi rappre-
sentanti una impératrice (p. 365-367). Les ivoires
de Florence et de Vienne seraient du VIe siècle
et non du VI Ie, comme l'a imprimé M. Molinier.
15. Giovannoni, Porta nella via del Gesh in
Roma (p. 368-373) ; elle n'est pas antique, mais
de la Renaissance, en imitation de l'antique.
X. B. DE M.
Bfblfograplne.
365
~«
9
9
In&ejr bibliographique.
*,_
archéologie etBeaujr*3rt0(I>.
=— = jFrance. ^==^=
Aubert (E .). — Un curieux stratagème de
Michel Ange a la Chapelle Sixtine, dans Revue
populaire des Beaux-Arts, 22 août 1899.
Barbier de Montault (X.). - ■ L'émail de
PLIQUE DE LA FIN DU XIVe SIECLE, COLLECTION
Tornezy a Poitiers {Extrait de la Revue archéol.
poitevine, 1S98.) — In-8°. Poitiers, Oudin.
Le même. — Les crucifix émaillés d'Angou-
lème, dans Bulletin scientif., histor. et archéol. de la
Correze (1898). — In-8°. Brive, Roche.
* Le même,
chure.
Un crucifix habillé.
Bro-
Bayle (G.). — Contribution a l'histoire de
l'école avignonnaise de peinture au XVe SIÈCLE.
— In-8°, Nîmes, Chastanier.
Berchem (M. van). — Note sur les fondations
du phare d'Alexandrie, dans les Comptes rendus de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, mai-juin 1899.
Berger (Samuel). — Le manuel pour l'illus-
tration du psautier au xme siècle, extrait du
t. LVII des Mémoires de la Société nationale des Anti-
quaires de France (1898).
Bernard (L'abbé Th.). — Les cérémonies d'une
consécration d'église, d'après le Pontifical
romain. — In-16, et fig. Paris, Berche et Tralin.
Bernard. — Les vitraux de l'église de
Lhuitre, dans Notes d'art et d'archéologie, mai 1898.
Berthelot. — Nouvelles recherches sur les
MIROIRS DE VERRE DOUBLÉS DE MÉTAL DE L'ANTIQUITÉ.
dans Cosmos, 20 août 1898.
Blangy (Le comte A. de). — La formule des
TOURNOIS AU TEMPS DU ROY U'I'ER ET DU ROY ARTUS,
SUIVIE DE L'ARMORIAL DES CHEVALIERS DE LA TABLE
ronde. — In-40, 150 pi. Caen, Valin.
Blochet (E.). — Inventaire et description
DES MINIATURES DES MANUSCRITS ORIENTAUX CON-
SERVES a la Bibliothèque nationale, dans Revue
des Bibliothèques, mars-avril-mai 1898.
Bou ange (Mgr G. M. -F.). — Histoire de l'abbaye
d'Aurillac, précédée de la vie de St Gérard,
son fondateur. — - 2 vol. in-8°, Paris, Foncemange.
1. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
Bouillet (L'abbé A.). — Liber miraculorum
sanct^e Fidis, publié d'après le manuscrit de Schle-
stadt avec une introduction et des notes. — In-8°,
Paris, Picard et fils.
* Bouillet et Petit. — St-Germain l'Auxer-
rois. — In-40 de 16 pag., avec 20 phototypies. Paris,
Rondelet.
* Les mêmes. — St-Étienne du Mont. —
In-8° de 16 pp. avec 22 vignettes. Paris, Rondelet.
Brandicourt (V.). — La flore ornementale
a la cathédrale d'Angers, dans Notes d'art et
d'archéologie, août 1898.
Bulliot(J.-G.). — Les fouilles duMontBeuvray
(ancienne Cibracte). — Autun, Dejussieu.
Caix Saint-Aymour (Le vicomte de). —
Mémoires et documents pour servir a l'histoire
des pays qui forment aujourd'hui le département
de l'Oise. — ■ Beffroy de Senlis, Anciennes tombes
découvertes à Mont l'Évêque, vie versifiée de saint
Germer, etc. — In 8", Paris, Champion.
Chappée (J.). — Le carrelage de l'abbaye de
Champagne (Sarthe), dans Revue historique et archéo-
logique du Maine. 4e livraison, 1898.
Chazal (F.). — Histoire de l'abbaye de Pont-
levoy, dans Revue de Loir-et-Cher, juin 1S98.
Chavanon (J.). — Initiales artistiques ex-
traites des chartes du Maine, dans Revue histo-
rique et archéologique du Maine, 4e livraison, 1898.
Clausse (G). — Les origines bénédictines —
Subiaco, Moni'-Cassin, Monte Oliveto. — In-S°,
Paris, Leroux.
Daux. — Le pèlerinage a Compostelle et la
confrérie des pèlerins de Mgr saint Jacques de
Moissac. — In-8°, Paris, Champion.
D. B. — Le corail dans l'antiquité, dans La
Nature, 3 septembre 1898.
* De Bas (D. J.). — Les volets de retable
peint par Hans Memlinc pour l'abbaye de Saint-
Bertin et Saint-Omer {Extrait des Mém. de la Soc.
d'antiquaires de la Morinie, 1S99). — Saint-Omer,
Homot.
* Decombe. — Inventaire du mobilier d'un
négociant malouin au XVIIIe siècle, dans le
Bulletin et Mémoires de la Société archéologique d'Llle
et Vilaine, t. XXVII, pp. 3-16.
* Delignières (Emile). — L'église Saint-
Vulfran a Abbeville. — In-8° de 45 pag. Abbeville,
Paillart.
* Denais (J.). — Monographie de la cathé-
drale d'Angers, Monument, Sépultures, Trésor,
Tapisseries, Vitraux, etc. — In-8° de 500 pages,
avec 7 planches et un plan. Paris, Renouard.
366
Peinte ïic V&xt cbrcttcn.
Deslandes (L'abbé E.). — Le trésor de l'église
de Notre-Dame de Baveux (Extrait du Bulletin
archiol. du Comité des travaux historiques, 1898). —
In-S°. Paris, Impr. nationale.
* De Rivières. — Inventaire des armes et
MUNITIONS DE LA VILLE D'ALBI EN 1595. — Ill-S° de
8 pages. Paris, Imprimerie nationale.
Dieulafoy (M.). — Le château Gaillard et
l'architecture militaire au XIIIe siècle (Extrait
des mémoires de V Académie des inscriptions et belles-
lettres, 1898). — In-40. Paris. Impr. nationale.
Dimier (L.). — Benvenuto Celi.ini a la cour
de France. — In-S°. Paris, Leroux.
Dupont (L'abbé). — L'abbaye royale de Saint-
Evroult. La chapelle Montigeon. — In-16.
Ehrle (F.). — Sur la conservation et la restau-
ration des anciens manuscrits, dans Revue des
Bibliothèques, mars-avril-mai 1898.
Engerand (Fernand). ■ — Inventaire des ta-
bleaux du Roi, rédigé par Nicolas Bailly, 1709-
17 10. — In-8°, Paris, Leroux.
* Félix (F). — Inventaire de Pierre Surreau,
Receveur général de Normandie, suivi du testa-
ment de Laurent Surreau et de l'Inventaire de
Denise de Folleville. — In-S° de XII-444 pages.
Rouen, Lestringant.
FourierdeBacourt (Le cte E.). — Épitaphes et
monuments funèbres inédits de la cathédrale
et d'autres églises de l'ancien diocèse de Toul.
— In-8°. 15 pi. N° 1. Bar-le-Duc, Constant Laguerre.
GelTroy (A.). — Études italiennes. — In-12,
Paris, Colin.
Ginou (G.) — La sculpture florentine au xive
SIÈCLE, dans Université catholique, décembre 1898.
* Giraud. — Consignation d'armes italiennes
a Lyon, en 1561, dans le Bulletin archéologique du
Comité (1898), p. 53-62.
Glaire (L'abbé). — Les saints évangiles. Illus-
trations d'après les MAÎTRES DES XIVe, XV? ET XVIe
siècles. Notes artistiques par E. Muntz. L'évan-
gile selon saint Matthieu. — In-4°, Liv. 1. Paris,
J. Boussod et Manzi.
Gosset (A.). — Coupe transversale de la cathé-
drale de Reims, dans les Comptes rendus des travaux
de l'Académie nationale de Reims, t. CI (1896-97).
Grente (L'abbé). — Notice historique sur les
RELIQUES DE SAINT MaGLOIRE ET AUTRES SAINTS
PROVENANT DE L'ABBAYE HE S.-\I NT- M AGLOIRE ET CON-
SERVÉES ACTUELLEMENT DANS L'ÉGLISE SAINT-JACQUES
de Haut-Pas. — In-16, Paris, Champion.
Grente (L'abbé) et A. Havard. — Yii.ledieu-
LES-PoÈLES, SA COMMANDERIE, SA BOURGEOISIE, SES
métiers. — In-8° Paris, Champion.
* Guibert (Louis). — Registre des anniver-
saires DE LA COMMUNAUTÉ DE PRÊTRES SÉCULIERS
de St-Maximin, a Magnac-Laval. — In 8° de 23 pp.
Limoges, Ducourtieux.
H.-M.-B. — Note sur la tête du Christ, dans
Notes d'art et d'archéologie, mai 1898.
* Inventaires de deux bourgeois de St-Jean
d'Angely, du XIVe siècle, 1897, pp. 86 92.
* Inventaire de Jean Berain, en 1711.
Jarossay (E.). — Histoire de l'abbaye de
Ferrièrf.s en Gatinais, dans les Annales de la
Société historique et archéologique du Gatinais, 4me
trimestre 189S.
* Jouy (Le chanoine). — Ecce Homo de la
cathédrale de Meaux. — In-8° de 5 pages, avec
3 vignettes. Meaux.
* Le même. — S. Antoine le grand et sa
statue, a Ocquerre (Seine et Marne). — I11-80 de
4 pages, avec une vignette et une photoiypie. Meaux.
La basilique de Saint-Éitenne de Jérusalem,
dans La Terre Sainte, Revue de l'Orient chrétien,
15 juin 1S98.
Lamy (E.). — La cathédrale d'Amiens, dans
Comptes rendus des travaux de l'Académie nationale
de Reims, t. CI (1896-97).
Laumann (E.M.). — La machinerie au théâ-
tre depuis les Grecs jusqu'à nos jours. — In-8°,
avec 26 grav. Paris, FirminDidot.
* Lecler (L'abbé) et Verneilh (Le baron de). —
La Vierge ouvrante de Boubon, triptyque en
ivoire du XIIIe siècle (date attribuée 1240, règne
de S. Louis) s'ouvrant et montrant, sculptées au
dedans d'elle-même, la Naissance, la Vie, la
Mort, la Résurrection et la Gloire du Sauveur.
— In-8° de 24 pages, avec 2 phototypies. Limoges,
Ducourtieux.
Le Grand (L.). — La désolation des églises,
MONASTÈRES ET HOPITAUX EN FRANCE, VERS LE
milieu du XVe siècle, d'après l'ouvrage du
P. Denifle, dans Revue des questions historiques,
juillet 1898.
Le Saint-Suaire et le portrait de Notric-
Seigneur, dans La Terre Sainte, Revue de l'Orient
chrétien, Ier juillet 1898.
Le sculpteur Michel Bourdin a Saintes, dans
Revue de Saintonge et d'Aunis, 6' livr., 1898.
LES PREMIERS MONASTÈRES DE LA PALESTINE, dans
Bessarione, n° 23-24
Maître (I,.). — Une église carolingienne a
Saint-Philbert de Grandlieu (Loire Inférieure),
dans le Bulletin monumental, 189S, 11° 2.
Bibliographie.
367
* Maie (Ed.). — L'art du XIIIe siècle en
France. — In-8° de 534 pp., 96 grav. Paris, Leroux.
Margemont (A.). — Une médaille du Christ,
dans la France illustrée, 3 décembre 1S99.
Marignan (A.). — Le portail occidental de
Notre-Dame de Chartres, dans Moyen âge, sep-
tembre-octobre 1898.
Maxe-Werly (L.). — Jean Crocq, de Bar-le-
Duc, sculpteur imagier et sa famille, dans
Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-
le-Duc, t. VI (1897).
Mommeja (J.). — Notes quercvnaises, le
sculpteur Jean Tocermer, dans Bulletin archéolog.
et hist. de la Société de Tarn et Garonne, 3e trim. 1898.
Mortet (V.). — Étude archéologique sur
l'église abbatiale Notre-Dame d'Alet (Aude)
dans Bulletin monumental, 1899, n° 2.
Muntz (E.). — L'art et la morale, dans Revue
politique et littéraire, n juin 189S.
Miintz (E.). — Les arts a la cour des papes
Innocent VIII, Alexandre VI, Pie III (1484-
1503). — In-40, 94 grav. Paris, Leroux.
Nau (F.). — Le martyre de saint Luc évan-
géliste, dans Revue de l 'Orient chrétien. N° 2, 1898.
Planchon (M.). — L'horloge, son histoire
rétrospective, pittoresque et artistique. — In-8°,
et 107 fig. Paris, Laurens.
Pottier (E.). — La peinture industrielle chez
les Grecs. — In-16, avec fig. Paris, May.
Richard (P.). — Visites pastorales de Mon-
seigneur de Marquemont (1613-1614), dans Revue
du Lyonnais, juillet 1898.
Richard (P.). — Visites pastorales de Mon-
seigneur de Marquemont, dans Revue du Lyon-
nais, octobre 1898.
Rochebrune (O. de) et Boutin (H.). — La
Vendée qui s'en va : le château d'Aspremont,
dans Revue du Bas-Poitou. 2me livraison, 1898.
Rohault de Fleury (C). — Les saints de la
MESSE ET LEURS MONUMENTS. SAINT-PlERRE.
— In-40, Bourges, Tardy Pigelet.
Roujon (H.). — Le triptyque des Portinari,
dans Le Gaulois, 6 juin 1898.
Saget (L.). — Notre-Dame de Cléry et le
tombeau de Louis XI, dans Notes d'art et d'ar-
chéologie, mai 1S98.
* Saint Julien du Mans et l'Église slave.
Spriet (L.). — Marchienne : son abbaye. — In-
8° et fig. Orchies, Dubois-Grépin.
Stein (H.). — Claux Sluter l'aîné et Han-
NEQUIN DE BOIS-LE-DUC A LA COUR DE JEAN, DUC DE
Berry (1385), dans Bibliothèque de V Ecole des Chartes,
1899.
Le même. — Quatrième centenaire de Hans
Holbein. Bibliographie des publications relatives au
peintre Hans Holbein (1479-1543). — In-8°. Paris,
Picard et fils.
Sully-Prudhomme (A.). — Œuvres. L'ex-
pression dans les beaux arts: application d'une
théorie générale de l'expression a l'étude de
l'artiste et des beaux-arts. — In-8°. Paris, Lemerre.
Thiollier (Félix et Noël). — ■ L'art et l'archéo-
logie DANS LE DÉPARTEMENT DE LA LOIRE. — In-8°.
Saint-Étienne, Thiollier.
Tholin(G.). — Deux vieilles églises de Mont-
pezat, dans Revue de V Agenais, septembre-octo-
bre 1898.
T. S. — Hugo van der Goes et le triptyque
des Portinari, dans Le Temps, 27 juin 1898.
Turmel (J.). — Histoire de l'angélologie des
temps apostoliques a la fin du Ve siècle, dans
Revue d'histoire et de littérature religieuses, septembre-
décembre 1898.
Un portrait inédit du pape Innocent V, dans
Revue du Lyonnais, juillet 1898.
Vaboisson. — Le Saint-Suaire de Turin et
les révélations d'Anne-Catherine Emerich, dans
La Vérité, 7 novembre 1898.
V. H. (L. de). — Pourquoi on voile les statues
au temps de la Passion, dans Revue des traditions
populaires, avril-mai 1898.
Viatte (J.). — L'église Saint-Juliên-lePauvre
de Paris In-8°, et 14 pi. Châteaudun, Prudhomme.
Volkov (T.). — Saint Georges dans la légende
de l'Ukraine, dans Revue des traditions populaires,
avril-mai 1898.
"Wilmotte. — Les Passions allemandes du
Rhin dans leur rapport avec l'ancien théâtre
français. — In-8°. Paris, Bouillon.
Allemagne.
Beda Kleinschmidt. — Les vêtements sacer-
dotaux (suite), dans Theologisch-Praktische Quar-
ialschrift, 3e trimestre 1898.
Beckett (F.). — Florentinsche Kunstnere
fra Giotto til Fiesole. — In-8°. Kjœbenhavn Gad.
Berenson (Bernh.). — Die florentinischen
Maler der Renaissance. Aus dem Engl. von Otto
Dammann. — In-8°, Oppeln, G. Maske.
* Blume, S. J. (Le P. Clément). — Pia dicta-
mina. — In-8° de 218 pages. Leipzig, Reisland.
368
3Rcbuc De P&rt chrétien.
Buchkremer (J.). — L'atrium de la chapelle
w.ais carolingien d'Aix, dans Zeitschrift des
Aachener Geschichtsvereins, i S9S.
Buchwald (Conrad). — Adriaen de Vries. —
in-S", S fig. Leipzig, Seemann.
Crnologar (K ). — Quelques églises de Car-
niole, dans MÙtheilungen der K. K. Central Commis-
sion, \" fasc, 1S9S.
Czerny (A.). — Le monastère de Saint-Flo-
kian, dans Kunst und Kunsthandwerk, 1899, n° 3.
Festing (F.). — [-'art religieux aux exposi-
tions munichoises, dans Historisch-PolitischeBlaetter,
ier décembre 189S.
Franz (A.). — h/ruDE sur les croix, dans Mil-
theilungen der K. K. Central Commission, 4e fasc,
1898.
Hoernes (M.)- — Urgeschichteder bildenden
Kunst in Europa von den Anfangen bis um 500
vor Christus. — In-8°, 203 fig. Wien, Holzhausen.
Kirsch. — La couronne de fer lombarde, dans
Historisch-Politische Blaetter ier, 16 novembre 1S9S.
Mackowsky (H.). — Francisco Pesellino,
dans Zeitschrift fiir Bildende Kunst, janvier 1899.
ManteufFel (G.). Monstrance gothique de
1474, dans Pezegland Powszechny, octobre 1898.
Matthaei (Adalbert). — Le sculpteur Hans
Bruggemann d'Husum, dans Zeitschrift fur Bildende
Kunst, juin 1S9S.
Muller (R.). — ■ Notes d'art en Bohème, dans
Mittheilungen der K. K. Central Commission, 1898,
4e fasc.
Pfleiderer (Le dr Rud.). — Die Attribute der
Heiligen. Ein Alphabet. Nachschlagebuch zum
Verstandnis kirchlicher Kunstwerke. — In-8°,
Ulm, H. Kerler.
Philippi (Ad.). — Die Kunst des 15 und 16
JAHRHUNDERTS IN DeUTSCHLAND UND DEN NlEDER-
landen. — In-8°. Leipzig, Seemann.
Oidtmann (Le dr H.). — Die Glasmai.erei. II.
Die Geschichte der Glasmalerei. Die Fruhzeit
lis zum J. 1400. — In-8°. Kôln, J.-P. Bachem.
Sabalich (G.). — Guida archeologica di Zara.
— In-16 et fig. Zara, Woditzka.
Schlie (F.). — Fonts baptismaux en bronze,
dans Zeitschrift fur Christliche Kunst, 3e fasc,
XL année, 1898.
Schnutgen. — Croix-reliquaire du trésor de
Halle, au Musée de Stockholm, dans Zeitschrift
fiir Christliche Kunst, 3e fasc , XL année, 1898.
Le même. — La crosse du cardinal Albert
de Brandebourg, au Musée national de Stock-
holm, dans Zeitschrift fier Christliche Kunst, 3e fasc,
XL année, 1898.
Schrcers (H.). — Giovanni da Fiesole, dans
Zeitschrift fiir Christliche Kunst, XL année, 11e livr.,
1898.
Le même. — La pensée fondamentale de la
Dispute du Saint-Sacrement de Raphaël, dans
Zeitschrift fiir Christliche Kunst, XL année, 11e livr.,
189S.
Weilbach (P.). — Nvr dansk Kunstner Lesi-
kon, XVP. — In-8°. Kjœbenhavn, Gyldendal.
Wilpert (J.). — Le vêtement chrétien aux
premiers siècles, dans Gorres Gesellschaft. — 3 Ver-
einschrift.
Witting (Fel.). — Piero dei Franceschi. Eine
Kunsthistor. Studie. — In-80, et 15 pi. Strassbmg,
J. H. Heitz.
amerique.
Hurll (Estelle M.). — The Madonna in art. —
I11-80, et fig. Boston, L. C. Page et C°.
Ward (Jam). — Historic ornament, treatise
ON DECORATIVE ART AND ARCHITECTURAL ORNAMENT ;
TREATISE OF PREHISTOR1C ART, ANCIENT ART AND
ARCHITECTURE, EaSTERN, EARLY CHRISTIAN, BYZAN-
TINE, Saracenic, Romanesque, Gothic and Re-
naissance ARCHITECTURE AND ORNAMENT. — Ll-80,
317 fig. New-York, Scribner's Sons.
anrjlctctrc.
Benvenuto Cellini. — The treatises on
goldsmithing and sculpture, traduct. Ashbee dans
The Academy, n° 1402, 1899.
Backetl (Oliver). — Les coffres de mariage,
dans The Architectural Review, décembre 1898.
Cattaneo (R.). — Architecture in Italy from
the 6th to the 11TH Century. Trans. by the
Contessa Isabel Curtis-Cliolsneley, in Bermani. —
In-40 avec illust. T. Fisher unddin.
Descriptive Catalogue of the Maiolica and
enamelled eauthenware of ïtaly, persian, and
other wares in the Ashmolean Muséum, Oxford,
Fortnum Collection. — In-S", et pi. London,
Frowde.
Evans (Sir J.). — Ancient stone implements,
weapons and ornaments of Great Britain. —
In 8°. London, Longmans.
Hamerton (P. G) et Binjon (L). — The
etchings of Rembrandt, and Dutch etchers of
the 17TH century. — In 8°, Seeley.
James (R.-N.). — Painters and their Works.
DlCÏTONARY OF GREAT AR ITSI'S NOT NOW ALIVE,
GIVING NAMES, LIVES, PRICES l'AID FOR WORKS AT
auctions. — In-8°. II. London, L. YV. Gill.
Macalister (R. A. -S.). — Ecclesiastical vest-
MENTS : THEIR DEVELOPMENT AND HISTORY. — In-8°.
London, Stock.
Bibltograpln'e.
369
Stephens (W. R.) and Madge (F. T.). —Docu-
ments RELAT1NG TO THE HlSTORY OF THE CATHEDRAL
church OF Winchester in the 17TH. century. —
In-8°. London, Simpkin.
Torr (Cecil). — On portraits of Christ in the
British Muséum. — In-8° de 14 pp. avec 4 fig.
Cambridge, University Press.
Wheatley (H. B.) — Historical portraits ;
Notes on painted Portraits of celeerated cha-
racters of England, Scotland and Ireland. —
In-8°. London, Bell.
Italie.
Bertaux (Em.). — Castel del Monte, dans
VArte, fasc. III-V, 1898.
Biscaro (B.). — Lorenzo Lotto aTreviso, dans
VArte, fasc. III-V, 1898.
Calzini (Egidio). — Urbino e i suoi monumenti.
— In-40 et 28 pi. Bocca S. Casciano, tip. Sicinio
Cappelli.
* Duc (Le ch. Etienne). — Culte de S. Grat,
évêque et patron du diocèse d'Aoste, béné-
diction de S. Grat. — In-8° de 32 pages.
Faini (G.) et Galli (A.). — Monumenti funebri
dei. cimiterio monumentale di Milano. Fasc 1-2.
(Cappelle, Monumenti isolali.) — In-8°, 50 pi. Milano,
Antonio Vallardi.
La Vita italiana nel trecento. Conferenze
tenute a Fikenze. [Ste-Marie des Fleurs, Cathé-
drale de Milan.]. — In-12. 3e édit. Milano, Trever.
Nella Terra di Bari. — Ricordi di Arte
Medi.ïvale. — 68 p. et 127 gr. Trani.
Molmenti (P.). — T. da Modena e la pittura
antica in Treviso, dans Nuova Antologia. i"août
1898.
Salazar (L). — La famiglia Salazar, dans
Giornale Araldico, novembre 1897.
Sant'Ambrogio (D.). — La statuaria nella
facciata della Certosa di Pavia. — In-8° et
1 planche.
Venturi (A.). — Il pontificale di Antonio da
Monza, dans VArte, fasc. III-V, 1898.
espagne.
Jimeno de Lerraa (F.). — Estudios sobre
musica religiosa. El canto liturgico. — In-40.
Madrid, Felipe Marqués.
Los Rios (Amador de). — Influence des An-
nales sur les arts et la littérature en Espagne,
dans Bolelin de la R. Academia de la Hisioria, dé-
cembre 1898.
Valancia (V. de). — Catalogo historico des-
criptivo de la Real Armeria de Madrid. — In-40,
photogravures, Madrid.
©tiig.se.
Fribourg artistique a travers les âges. — In-
fol. 6 pi. 1. Fribourg, Josué Labastion.
Mitius (Otto). — Ein Familienbild aus der
Priscilla Katakombe. — In S°. Fribourg, i. B.,
Mohr.
Le même. — Jonas auf Denkmaelen des
Christlichen Alterthums. — In-S°, 2 pi. Fribourg,
i. B., Mohr.
autriebe.
* Testament de dame Hélène Volcho, en 1337,
dans le Bulletino di archeologia e storia Dalmata,
(Spalato), 1898, pp. 15-18.
^— — = Eussic. — ==
Pavlutskil (G.O.). — O janrovykh sinzetakh
V. GRETCHESKOM ISKUSSTVIE DO EPOKHI ElLENIZMA.
(Les sujets de genre dans l'art grec à l'époque de
l'Hellénisme). — In-£" et pi. Kiev, S. V. Kuljenko.
=== = Belgique. — ==
Baadt (J.-T. de). — Sceaux armoriés des Pays-
Bas ET DES PAYS A VOISINANTS : BELGIQUE, ROYAUME
des Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne, France,
dans Recueil historique et héraldique. 3e et 4e fasc. —
In-8° avec fig. Bruxelles, Société belge de librairie.
Beissel (St.). — Autels flamands dans les pro-
vinces rhénanes et en Westphalie, dans Dietsche
Warande, n° 5, 1898.
Bergmans (P.). — Notice sur un manuscrit-
flamand a miniatures du XVe siècle, dans Annales
de V Académie royale d'archéologie de Belgique. 2rae li-
vraison 1898.
Béthune (Le baron). — Epitaphes et monuments
des églises de Flandre au XVIe siècle, Ire partie
(Oost-Flandre). — In-40. Bruges, De Plancke.
La Grange (A. de). — Roger de la Pasture,
peintre tournaisien, dans les Annales de l'Académie
royale d'archéologie de Belgique. 2e livraison, 1898.
Rouyer (J.). —Le nom de Jésus employé comme
type sur les monuments numismatiques du
XVe siècle, principalement en France et dans les
pays voisins. — In-8", et fig. Bruxelles, Goemaere.
Spilbeeck (J. van). — Les armoiries de l'abbaye
de Beau Repart de l'ordre de Prémontré, dans
Annales de l'Académie royale d'archéologie de Belgique.
2me livraison, 1898.
Vlaminck (Alph. de).'— L'église collégiale
Notre-Dame a Termondë et son ancien obituaire.
IL — "In-80. Bruxelles, Huysmans.
l.t)ollanue.
Sire (Le dr G). — Les Peintures du Tir des
Arbalétriers a Amsterdam, dans Oud Holland
3e livr., 1897.
*as*fe *afc. *#. *& *&. *afe. *afe *& ^, ^ *#, ^ *afe *a& *■& -.afc *£, ;^M^^â^
3
^
*
Cl)rOnll)UC. SOMMAIRE: NOUVELLE ÉGLISE A LOURDES. — L'EFFIGIE
DU CHRIST. — FRESQUES A DIJON. — COLLECTION DE BAYE. — LES MONUMENTS
EN BELGIQUE. — VARIA. — NÉCROLOGIE.
WWWWW¥WWWWWW¥¥WWWWWWWWWf
Ko ut) clic église à HourDcs.
OUT le monde connaît la basilique de
Lourdes, dressant ses lignes gothiques
et sveltes sur le rocher voisin de la
grotte, et la chapelle souterraine du
Rosaire, d'allure romano-byzantine, œuvre très
remarquable de feu Hardy, avec son large portail
inspiré de Cluny et ses rampes magistrales, si
réussies, où se déroule l'interminable serpent
des processions de pèlerins. Ces vastes con-
structions sont devenues trop petites encore en
présence de l'affluence des foules, et M. Ern.
Renard a été chargé de dresser le plan d'une
église nouvelle, dont la chapelle du Rosaire sera
la crypte et dont la basilique primitive deviendra
en quelque sorte la chapelle de chevet, à l'instar
de la principale des chapelles absidales des an-
ciennes cathédrales.
M. Benard base sa conception artistique sur
les traditions du XIIe et du XIIIe siècle, com-
binéesavec les procédés métallurgiques modernes.
Le fer est considéré par lui comme impropre
à traduire une impression monumentale, artis-
tique, et comme devant servir uniquement de
moyen pour établir, avec la plus grande économie,
une structure générale d'une stabilité et d'une
résistance parfaites ; il sera caché par les ma-
çonneries et, seulement dans les parties où son
rôle énergique devra être accusé, revêtu de
cuivre ou de bronze doré inoxydable. Toute la
maçonnerie extérieure sera en pierre du pays ;
l'intérieur sera orné surtout de mosaïques et de
verrières.
L'extérieur se termine par une maîtresse cou-
pole ajourée, figurant une couronne supportée
par douze grandes figures d'anges ou d'apôtres.
Toute celte superstructure sera en cuivre mar-
telé et doré, enrichi de cabochons multicolores
en verre que, parait-il, on songerait à rendre
lumineux la nuit.C'est là, nous semble-t-il a priori,
une conception un peu théâtrale où les formes
essentielles et dominantes s'écartent des données
logiques de la convenance et de la structure, et
ouvrent le champ à des écarts d'imagination qui
font penser aux merveilles des expositions inter-
nationales, plutôt qu'aux grandes manifestations
de la foi chrétienne. Cela s'écarte trop des su-
blimes et austères créations du moyen
L. C.
H'cfficue Du Christ.
OUS avons entretenu nos lecteurs de
la médaille à l'effigie du Christ trouvée
par M. Boyer d'Agen. Nous croyons
intéressant de résumer ici les re-
marques dont elle a été l'objet au sein des Anti-
quaires de France (*).
Selon M. H. de la Tour, ce type du Christ est
loin de remonter « aux premiers temps aposto-
liques ». La médaille ne date que du XIIIe
siècle. La figure divine qu'on y voit est une créa-
tion de l'école milanaise ; il ne serait pas impos-
sible qu'il émanât de Léonard de Vinci lui-même.
Le buste fut exécuté par Giovan-Antonio de
Rossi. Le type nouveau influença heureusement
les médaillons du XVIIe siècle. Rubens semble
s'en être inspiré dans sa Résurrection de Lazare.
La médaille doit avoir été faite pour être distri-
buée à des juifs convertis.
M. L. Germain a présenté aux antiquaires une
autre médaille analogue, du XVIIe siècle, remar-
quable en ce qu'elle paraît due à des artistes de
la famille des Ligier.
D'ailleurs la question n'est pas nouvelle. Les
savants suisses et allemands du XVIIe siècle,
J. H. Hottinger et C. Wase, ont étudié des mo-
numents de la même famille.
M. Boyer d'Agen est donc loin d'avoir décou-
vert « la plus ancienne image du Christ ». Pa-
reil mérite reviendrait bien plutôt à l'effigie
signalée naguère par le D1 Bode (2), et dans nos
colonnes par M. X. Barbier de Montault et
étudiée naguère encore par M. de Mély (3).
L. C.
Fresques à !Oijon.
M. Louis Yperman, un peintre distingué connu
de nos lecteurs, qui a déjà restauré à Dijon Le
Calvaire, peint dans le transept septentrional
de Notre-Dame, et à Chambolle, la décoration
qui couvre le sanctuaire entier de l'église, est
chargé, par le ministère des Beaux- Arts, d'achever
la restauration de ce qui reste des peintures mu-
rales du XVe siècle à Notre-Dame. Ces peintures,
d'une grande valeur artistique, mais qui ont sur-
vécu à l'état de ruine grâce à l'application inten-
i. Nous publierons dans notre prochaine livraison un article sur
le H" m'- sujet, de notre correspondant de Rome, Mgi Battandier.
2. V. Revue de t Art chrétien , année 1890, p. 70.
3. Ibid. , 1899, p. 166.
Chronique.
371
sive du badigeon et du lait de chaux, présentent
les sujets suivants :
Dans le collatéral du Nord, une grande com-
position, La Circoncision et Le Baptême ; à côté,
un groupe de saints : Saint Guillaume, sainte
Venisse ( Véronique) et sainte Catherine avec un
donateur et une donatrice agenouillés ; en face,
dans le collatéral du Sud, un fragment avec in-
scription montre, sur un fond de damas sainte
Sabine portant sa tête. Enfin, dans l'ébrasement
de la porte du Sud au grand portail, une Vierge
exquise avec un clerc donateur agenouillé ayant
au-dessus de sa tête un écu à ses armes.
Il ne s'agit pas, d'ailleurs, de restaurer complè-
tement ces morceaux précieux, dont les repro-
ductions à l'aquarelle, exécutées parM.Yperman,
il y a quelques années, ont fait sensation au Salon
de Paris. La tâche de l'artiste, et elle est délicate,
est seulement de nettoyer la peinture, d'enlever
les traces du badigeon et de la fumée des cierges,
de consolider les parcelles d'enduit prêtes à tom-
ber, enfin d'exécuter au pinceau les raccords et
retouches indispensables, mais sans chercher à
compléter ce que le temps et les hommes ont
rendu imparfait, et à suppléer par l'imagination
à ce qui manque. C'est dans cet esprit, avec cette
mesure, qu'a déjà été exécutée en perfection par
M. Yperman la restauration du Calvaire.
Sa tâche achevée à Notre-Dame, M. Yperman
entreprendra, mais peut-être dans des conditions
de liberté plus grande, la restauration d'un mor-
ceau non moins précieux. Il s'agit de cette belle
Vierge peinte qui se voit rue Turgot, dans une
cour occupant l'emplacement de l'ancienne église
des Cordeliers. Peinte sur fond d'or dans le tri-
lobe d'une porte intérieure de l'église détruite,
cette Vierge du XVe siècle est une œuvre de pre-
mier ordre que l'on peut attribuer à n'importe
lequel des Flamands qui, aux XIVe et XVe siècles,
ont formé à Dijon une colonie d'artistes du Nord.
On connaît les noms des principaux peintres,
Melchior Broederlam, Jehan de Beaumez, Pierre
Spicker, Jehan Mahvel, que nous appelons Ma-
louel, Henry Bellechose, tous de grands artistes,
assurément, mais modestes, et qui n'ont écrit
leurs noms sur aucune de leurs œuvres.
On ne peut que louer les RR. PP. Dominicains,
propriétaires de l'immeuble où se voient les restes
de cette admirable figure, d'en assurer ainsi la
conservation.
(Journal des Arts.) André ARNOULT.
Collection De Bape.
On lit dans la Correspondance archéologique.
Du 14 mai au 30 juin dernier ont été exposés au Musée
Guimet, dans une salle spéciale, les objets rapportés par
M. le baron de Baye, de sa mission au Daghestan et en
Transcaucasie ; cette exposition comprenait des séries
archéologiques, des séries ethnographiques, et une petite
série géologique. Nous ne nous occuperons ici que de ce
qui a rapport à l'archéologie. Nous avons tout d'abord
remarqué une série de colliers fort curieux en raison des
grains qui les composent ; lorsqu'un habitant du Daghe-
stan (aoul Karaboudakh-Kent) veut donner un collier à
une femme, il va fouiller un de ces tombeaux si abondants
dans la région ; il le fait sans remords : car ils appartien-
nent à une autre race que la sienne ; il y prend les grains
de colliers qu'il y trouve, et les mélangeant souvent à des
grains modernes en pâte de verre ou autres, il en forme
une parure ; de là une grande variété dans la composition
des grains qui sont formés des matières les plus diverses,
roches dures, ambre, quartz, etc. Quelques-uns de ces
grains présentent des intailles gravées de caractère sassa-
nide ; il y a aussi un minuscule vase en ambre, dont le
fond a été scié, un scarabée égyptien, et deux petits lions
couchés.
Plus loin nous voyons des armes en bronze (Transcau-
casie et Géorgie) semblables à celles trouvées à Mycènes
par Schliemann. De l'aoul Karagatche près Alaguire,
province du Terek dans le Nord du Caucase, proviennent :
une hache mince, de type très spécial, ornée de dessins en
creux, un petit miroir métallique, un objet d'usage inconnu
et orné de trois têtes de moufflon ; — de Dido, dans le
Daghestan, de petites idoles très primitives ; — des en-
virons de Grozny des pointes de flèches en bronze ana-
logues aux flèches scythiques, trouvées dans des Kour-
ganes. Enfin, un vase zoomorphique en terre, ayant la
forme grossière d'un oiseau, a été trouvé en Transcaucasie
à Ourbnissi.
A Ilskaïa, province de Kouban, se trouve un important
gisement paléolithique ; M. de Baye en a rapporté, à côté
d'ossements d'animaux disparus, des pierres taillées, des
os éclatés et coupés par la main de l'homme ; dans des
Kourganes du même pays, il a trouvé une série d'osse-
ments et de crânes humains dont l'un encore coiffé d'un
casque en fer ; des objets en fer : force, épée, etc., des
boucles d'oreilles, des pierres à aiguiser, des vases en
terre qui semblent rappeler l'influence grecque, des vases
en verre avec peintures, des défenses de sangliers, des
bagues en spirale, des grains de collier, des fusaïoles, des
os d'oiseaux d'usage indéterminé, mais qui sans doute
servaient de pendeloques à un colliers, et une aiguille en
os ornée de stries gravées ; enfin des sortes de dés à
coudre en bronze, percés dans le haut, et qui sans doute
étaient des espèces de bouterolles.
Dans une ancienne sépulture de Coronaï (Daghestan)
a été trouvé un crâne déformé, et, à Elenovka, sur la
route d'Oxtafa-Erivan (District de Novo-Bayasit), on a
rencontré des pointes de flèche et des fragments taillés
en obsidienne.
Une série de vases en terre, très intéressants et d'ex-
cellente facture, rapportés du gouvernement d'Elisavets
pol, semblent inspirés, sinon copiés sur des vases grec-
en bronze.
N'oublions pas deux dolmens, l'un à Maria-Rotcha
près Guélendjik, et l'autre à Ilskaïa, dont M. de Baye a
rapporté la photographie.
Enfin une vitrine est consacrée à une exposition en
quelque sorte rétrospective ; on se souvient que, l'an der-
nier, M. de Baye avait fait une exposition des objets par
lui rapportés de sa mission de Sibérie ; un certain nombre
de ceux-ci n'étaient point arrivés à temps pour être mon-
trés au public, et c'est cette année qu'on a pu les voir. On
a pu examiner des poteries avec ornements en relief en
terre grossière, de fines lames de silex, des pointes de
flèches taillées et retouchées avec infiniment de soin ; des
haches polies, chose absolument rare, et remarquables,
provenant de Lodeïky et de Bazaïkha, sur les bords
REVUE DE L ART CHRETIEN
1S99. — 4me LIVRAISON.
372
3Rcbuc lie l'Art rbrcttra.
de finisse! ; des pointes de javelot en os trouvées dans
une grotte près d'Atchinsk, ainsi que de très petits grat-
toirs et des grains de collier en dentales ; de nombreux
ossements quaternaires, rencontrés à Afontova Go.ra ; des
haches et bronzes divers de l'Altaï, flèches et poignards
très intéressants.
Hes monuments en Belgique.
ANS la séance inaugurale du conseil
provincial de la Flandre orientale,
M. le Gouverneur baron de Kerckhove
d'Exaerde a prononcé un discours
dans lequel il a accordé son attention aux intérêts
de l'art monumental. Après avoir rappelé que
les provinces des Pays-Bas, ayant été dans le
passé le champ clos des puissances européennes
rivales, ont été entravées dans leur essor artis-
tique, il a constaté qu'elles n'ont pas néanmoins,
laissé périr leurs glorieuses traditions.
« Aujourd'hui, ajoute-t-il, nous voyons tout ce que nous
a légué le passé dans tous les ordres de l'activité humaine
remis en honneur, recherché, étudié, reproduit, restauré
avec un soin jaloux, parfois même avec un souci peut-
être exagéré des formes archaïques, et ce retour de faveur
qui s'attache à tout ce qui est ancien ne se limite plus aux
amateurs ou aux savants. L'opinion publique, on pourrait
même dire l'opinion populaire, est entrée dans ce courant
qui distingue si profondément la fin de ce siècle de son
début.
« La création de la Commission royale des Monuments
fut un des premiers symptômes de cette évolution.
« Organisée, dès 1835, sous le ministère de Theux, dans
le but d'assurer la conservation des monuments remar-
quables par leur antiquité, par les souvenirs qu'ils rap-
pellent, par leur importance sous le rapport de l'ordre,
elle rec;ut pour mission de donner son avis sur la ré-
paration des églises et des autres édifices publics.
«Cette institution fut complétée en 1860 par la création
des Comités Provinciaux des membres correspondants
chargés de recueillir les renseignements, de donner des
avis, de surveiller l'exécution des travaux approuvés par
la Commission (?), de signaler d'office les mesures utiles à
la conservation des monuments et des objets d'art.
« En dépit d'inévitables critiques auxquelles ont pu
donner lieu ses tendances et son intervention, ce double
organisme a rendu et rend encore des services dont l'im-
portance est de jour en jour mieux appréciée. Bien des
actes de vandalisme ont pu être évités ; bien des monu-
ments ont été sauvés de la destruction ; bien des mutila-
tions ou des restaurations maladroites ont été conjurées.
« Cependant, son action eût été, sans nul doute, plus
efficace, si certaines dispositions réglementaires n'étaient
point tombées dans un regrettable oubli.
" L'une d'elles, notamment, veut que les Comités Pro-
vinciaux du pays se réunissent, chaque année, avec la
Commission Royale, en assemblée plénière, et présentent
un rapport sur leurs travaux.
«Cette prescription, éminemment utile pour éclairer les
comités et pour stimuler leur activité, devait maintenir
l'unité de vues entre la commission centrale et les divers
comités provinciaux, d'une part, et de l'autre, entre ces
comités eux-mêmes.
r l'initiative du nouveau président de la Commission
Royale, la réunion annuelle réglementaire a eu lieu au
mois d'octobre dernier pour la première fois depuis trente
ans et elle va désormais se renouveler chaque année.
« Constatons, à cette occasion, que le Comité provincial
de la Flandre Orientale a été l'un de ceux dont le rapport
a été le [dus remarqué et a témoigné de l'activité la plus
grande.
• Plus tard, les principales villes du pays ont de leur
côté institué des comités locaux des monuments dont l'in-
tervention produit des résultats dont il est juste de recon-
naître l'importance.
« Mais, c'est principalement par des institutions dues à
l'initiative privée, que s'est manifesté le retour de l'opinion
vers les œuvres du passé.
« Il convient de citer, tout d'abord, les écoles St-Luc ;
celle de Gand, qui fut la première, a fêté avec éclat, en
1891, le 25e' anniversaire de sa fondation et son influence
s'impose aujourd'hui même aux esprits les plus prévenus
contre ses tendances. Ces écoles se sont appliquées plus
spécialement à vulgariser l'étude de l'art chrétien, leur
réputation s'étend bien au delà de nos frontières et les
plus belles restaurations de nos monuments religieux sont
en grande partie le résultat de leur enseignement.
« A côté d'elles viennent se placer de nombreux cercles
archéologiques. Dans la province, ceux du pays de Ter-
monde et du pays de Waes ont une existence déjà longue.
Plus récemment s'est formé celui de Gand, qui fait preuve
d'une très grande et très féconde vitalité. »
M. de Kerckhove rappelle ensuite les belles et
utiles expositions et concours organisés par la
chambre syndicale provinciale des arts industriels
créée à Gand en 1876 ; puis il jette un coup d'œil
sur les travaux considérables entrepris pour sau-
ver et conserver les monuments anciens, et sur
ce qui reste à faire pour arracher à la destruction
même les édifices privés intéressants au point de
vue de l'art.
<• Sans doute, malgré la législation défectueuse qui nous
régit, des résultats parfois considérables ont pu être at-
teints; c'est ainsi que la Grande Place de Bruxelles, qui
constitue un ensemble si remarquable de constructions
publiques et privées, a pu être conservée dans son unité.
L'Administration communale s'est entendue avec les pro-
priétaires des maisons qui l'entourent pour établir sur ces
immeubles une servitude au profit de l'Hôtel de ville, l'une
se chargeant de l'entretien des façades à des conditions
déterminées, les autres s'interdisant de les modifier.
A Bruges, la situation est différente : il s'agit de con-
server le caractère, non pas seulement d'une place, mais
de l'ensemble de la cité.
Là, l'Administration communale intervient pour une
p. m dans la restauration des façades présentant une va-
leur artistique, moyennant l'engagement pris par les pro-
priétaires pour eux-mêmes et pour leurs ayants-droit, de
conserver la restauration ou de rembourser à la caisse
communale le montant des subsides reçus. Avec une dé-
pense restreinte ce système a produit des résultats rela-
tivement importants.
A Gand, un crédit figure, depuis 1895, au budget com-
munal en vue de constituer un fonds pour la restauration
d'édifices ou de maisons présentant un intérêt archéolo-
gique.
D'autre put. un projet d'ensemble comprenant tout le
Marché du Vendredi et s'inspirant du système suivi pour
la ( '. i.inde Place de Bruxelles, est soumis aux délibérations
du Conseil communal.
Chronique.
373
La ville de Gand possède, du reste, un grand nombre
d'édifices dont les façades présentent, au point de vue de
l'art, un très réel mérite. Ces édifices sont, pour la plupart,
groupés dans les quartiers anciens de la cité, et s'il était
possible de trouver un moyen pratique de généraliser leur
restauration extérieure sans dépenses trop grandes, cer-
taines parties de la ville reprendraient un caractère des
plus intéressants.
Ce qui est vrai pour Gand, l'est aussi pour beaucoup
de villes de notre Flandre ; même dans les campagnes, les
constructions où se révèlent les préoccupations artistiques
ne sont pas rares et il est hautement désirable que les ad-
ministrations s'efforcent par les moyens divers dont elles
disposent, d'encourager la conservation et la restauration
de ces vestiges du passé. »
L'orateur a terminé cet intéressant discours
par des considéiations sur les règles à suivre en
matière de restauration et de réparation des mo-
numents, insistant sur cette pensée, qu'il serait
fâcheux de remplacer des œuvres artistiques
anciennes disparates de style mais d'une va-
leur considérable, par des objets relevant de l'in-
dustrie plutôt que de l'art.
Le Gouvernement belge donne une grande
impulsion à la restauration des monuments reli-
gieux. Il serait impossible d'examiner ici toutes
les églises anciennes, importantes ou modeste?,
qui sont l'objet de travaux subsidiés.
Celle de Forest, en Brabant, de l'époque ro-
mane, va être isolée, dégagée, réparée et classée
parmi les monuments de 3e ordre.
Celle de Soignies, la seconde en importance
parmi les basiliques romanes belges, est en voie
de restauration d'après les plans de M. Verhaegen.
L'enduit des murs sera renouvelé progressive-
ment, maïs on laissera à nu une des curieuses
arcades, dont l'appareil, semblable à celui des
baies les plus anciennes du château des Comtes
de Gand, montre qu'à l'époque de leur édification
les maçons du pays n'étaient pas en pleine pos-
session des règles de l'appareillage des arcs (r).
On a constaté que les colonnes sont dépourvues
de bases. On va démolir la voûte de la grande
nef, et rétablir le plafond plat auquel elle a été
substituée.
On poursuit la restauration du pignon occi-
dental de l'Hôtelde-ville de Louvain en pierre
de Refroy.
M. Bressers est chargé de la décoration du
transept de l'ancienne et belle église de Dadi-
zeele ; on doit s'attendre à une œuvre de bon style
de la part de cet artiste, disciple de feu Jean
Bethune.
La belle église deSt-Martin à Ypres est ornée
d'une série de trois vitraux modernes. Avant sa
I. V. les vues de ce curieux monument quenous avons données à
la page 422 (PI. XX) de l'année 1896 de la Revue de F Arl chrétien.
mort tant regrettée, ftu Osterrath, de Tilf, avait
composé cinq verrières à y ajouter ; elles sont en
voie d'exécution dans l'atelier de son fils.
M. Lenerts a été chargé de la restauration du
remarquable lutrin-aigle de St-Martin à Hal.
Nous avons déjà entretenu nos lecteurs de la
curieuse petite église romane de Saint-Sévérin en
Condroz. Son état de délabrement est tel, que
l'édifice paraît compromis. Le pignon d'Ouest
est hors plomb. La Commune et la Fabrique,
également pauvres, se sont saignées à blanc pour
réunir 5,000 frs sur les 60,000 nécessaires à
la restauration. Le conseil communal, sectaire,
refuse tout subside à ce monument unique en
son genre en Belgique, parce que c'est un édifice
religieux. Le gouvernement est sollicité de
prendre les frais à sa charge. Ce sacrifice s'impose.
La ville d'Anvers vient de faire l'acquisition,
pour la somme de 300,000 frs, de la Vieille Bou-
cherie qui sera transformée en musée. L'édifice
exigera de nombreuses réparations.
La ville de Bruges a acheté la cheminée an-
cienne, ornée d'une fresque remarquable récem-
ment découverte et dont nous avons donné une
reproduction (') avec une notice de M. Tulping.
On placera dans une des salles de Gruuthuuse
cette curiosité archéologique d'une valeur consi-
dérable. De généreux donateurs vont contribuer
à garnir quelques salles du merveilleux édifice
précité : Mr le baron et Mme la baronne Liedts, qui
y ont déjà installé à leurs frais une collection de
dentelles anciennes évaluée à 100,000 francs,
offrent d'y placer une nouvelle collection plus
importante encore. M. le baron Gilles de Pélichy,
propriétaire à Iseghem, offre de déposer, dans les
salles de l'aile orientale les précieux objets pré-
historiques, produits de fouilles faites dans ses
vastes propriétés. La Société archéologique de
Bruges, qui déjà a reconstitué une cuisine, offre
encore des meubles de l'époque des seigneurs de
Gruuthuuse pour garnir deux ou trois salles.
Varia.
Dijon. — Mgr Le Nordez, évêque de Dijon,
vient d'instituer une commission de l'Art religieux
dans le diocèse. Composée de six ecclésiastiques
et de trois laïques, elle aura pour mission de
veiller à la conservation des objets d'art existant
dans les églises, aux réparations à faire aux édi-
fices religieux, aux embellissements divers dont
ils sont susceptibles. Il s'agit surtout d'éclairer, de
guider les membres du clergé dont le goût n'est
pas toujours très pur, de les défendre surtout
contre les persécutions des brocanteurs à qui, de
1. V. not. livr. de juillet 1898, p. 278.
374
&rime ï>c l'&vt cbvétien.
guerre lasse, ils abandonnent souvent, et sans
droit, des objets dont ils ne soupçonnent pas la
valeur. Cette commission qui pourra rendre de
grands services, a naturellement pour président
Mgr l'évêque; mais elle a choisi pour son vice-
président un laïque, notre collaborateur, M. Henri
Chabeuf, président de la commission départe-
mentale des antiquités de la Côte d'Or.
— >©< K5*—
Notre-Dame de Paris. — Nous avons annoncé,
il y a quelques mois, la réfection des statues
d'Adam et d'Eve placées à la première galerie
de Notre-Dame de Paris, statues exécutées
d'après les modèles anciens sous la direction de
Viollet-le-Duc. La Vierge aux anges, de même
date, qui occupe la place centrale et se découpe
sur la grande rosace, va être également rem-
placée. Il serait à désirer que les nouvelles statues
soient quelque peu patinées; leur blancheur s'exa-
gère vraiment sur le voile gris foncé qui recouvre
Notre-Dame.
- lOt " iOi '
Musée du Louvre. — Le Louvre vient d'ac-
quérir et d'exposer, dans la salle dite des Sept
mètres, un beau panneau de Borgognone qui a
pris heureusement sa place en pendant au pan-
neau jumeau que le musée possédait déjà. Il s'agit
d'un volet de triptyque représentant Saint Au-
gustin et un donateur, et le volet que nous possé-
dions représente, on le sait, Saint Pierre martyr
et une donatrice; quant au panneau central, il
est considéré comme perdu. Le triptyque fut
peint pour la Chartreuse de Pavie, d'où provien-
nent les deux fragments subsistants.
Le Saint Augustin fut exposé l'an dernier à
Londres, lors de l'Exposition des maîtres de
l'école lombarde au Burlington Fine-Arts Club,
et nous en avons donné la reproduction dans
l'article qu'écrivit alors pour nous M. G. Frizzoni.
Villers-devant-Orval. — A quelques centaines
de mètres de la frontière, on vient de découvrir
en Belgique, entre les ruines de l'ancienne abbaye
d'Orval et Montmédy, un cimetière franc dans
une propriété de M. Ecren. Les sépultures,
entourées de pierres plates qui forment de véri-
tables cercueils, sont à une profondeur variant
de o m. 50 à I mètre. Ces sépultures sont dispo-
sées méthodiquement sur deux rangs et de la
même façon ; les ossements sont bien conservés ;
on a trouvé beaucoup de poteries, des framées,
poignards, boucles de ceinturons assez bien con-
servés ; des bracelets de bronze et des boucles
ont été trouvés sur les squelettes d'hommes et
d'enfants. Il y a quelques années des sépultures
semblables avaient été découvertes en cet endroit.
Destclbergen (Flandre). — A l'emplacement du
vieux château féodal, on a mis au jour des ca-
veaux et divers objets, entre autres des pièces
d'or à l'effigie d'empereurs romains, et portant
le millésime 600, des vases en argent, des osse-
ments, etc. Les travaux se continuent avec beau-
coup de soin.
Au Musée de Gand. — On lit daus la Chro-
nique des arts :
Le Jugement de Su/aman, par Gaspard de Craeyer, que
plusieurs auteurs considèrent comme le chef-d'œuvre du
maître, est incontestablement un des plus beaux du Musée
de Gand.
Il se trouvait jadis placé dans la Chambre collégiale du
Vieux-Bourg, résidence princière de nos comtes de
Flandre, où naquit Charles V. A part ce simple rensei-
gnement, on ne savait rien au sujet de cette belle œuvre.
L'époque et le lieu où elle fut peinte restaient un problème
non résolu jusqu'ici.
Sachant que les archives de l'État conservent des do-
cuments très complets concernant l'ancienne châtellenie
du Vieux-Bourg, j'ai cru que des recherches fructueuses
pourraient y être faites. Je croyais pouvoir espérer retrou-
ver, parmi les comptes du XVIIe siècle, la quittance de
de Craeyer, qui habita Gand à partir de 1649 et y mourut
en 1669.
Grâce au concours du conservateur-adjoint des Archi-
ves, M. R. Schoorman, j'ai eu l'heureuse fortune de re-
trouver non seulement cette quittance, but de mes re-
cherches, mais encore nombre de pièces curieuses, qui me
permettent de reconstituer l'histoire complète de la com-
mande et de l'exécution de ce tableau.
La première mention en est faite en séance du collège
du 11 décembre 1619. Le procès-verbal de ce jour porte
dans le livre des i résolutions » qu'une lettre a été écrite à
Gaspard de Craeyer pour lui confirmer la commande du
Jugement de Salonwn, pour la châtellenie, « Casselrye ».
Ce tableau devait être placé devant la cheminée de la
chambre collégiale, « voor de schauvve van de groote
camere ».
Dans cette même lettre, on lui demande l'envoi d'une
esquisse sur échelle, « model met ruyten », pour bien dé-
terminer les dimensions de l'œuvre à exécuter.
Après une discussion relative au sujet à représenter,
que quelques membres du collège auraient voulu voir
remplacer par une autre représentation ou allégorie de la
Justice, il fut décidé de s'en tenir au premier projet et
d'attendre l'arrivée de l'esquisse Au Jugement de Salomon
primitivement commandé. La « résolution » suivante
(11 janvier 1620) nous montre que déjà, à cette époque,
l'artiste n'était pas libre dans la composition de son œuvre.
Effectivement, le collège, tout en adoptant l'esquisse, y
demande plusieurs modifications ; notamment, le trône de
Salomon ayant e'té trouvé trop simple, il fut enjoint à de
Craeyer d'y mettre des ornementations ou broderies plus
riches « andere borduringhe ».
Comme de nos jours, on lui constitue une commission
de surveillance en la personne du haut bailli de notre
ville, « Hoog Baillu », qui se trouvait à cette époque à
Chronique.
375
Bruxelles. Celui-ci fut chargé de veiller, « de hand te
houden » ('), à ce que le tableau fût fait selon les désirs
du collège. < Behoorlyk worde gelrokken en gemaect. »
D'après le procès-verbal, cité plus haut, nous voyons que
ce tableau fut exécuté à Bruxelles avant son séjour à Gancl.
En date du 22 janvier 1620, la « résolution » du jour
« nous apprend que de Craeyer a renvoyé le contrat de la
commande du collège dûment signé et qu'au même jour
un double de ce contrat lui a été envoyé avec un premier
paiement ou acompte » de II C. L. G. (deux cents livies
de gros).
Il n'y a rien de neuf sous le soleil ; les artistes du
XVIIe siècle n'étaient pas plus exacts que ceux de nos
jours ; car, au 13 janvier 1622, nous trouvons une « réso-
lution » d'écrire une nouvelle lettre à de Craeyer lui de-
mandant pour quelle raison son tableau n'a pas été en-
voyé à l'époque stipulée.
Le tableau fut livré quelques mois plus tard, car, le
8 juin 1622, une « résolution » donne ordonnance de payer
pour la châtellenie le troisième et dernier acompte. Le
collège dut se montrer, à juste titre, satisfait de l'œuvre
de de Craeyer, car, outre la somme de XI I C. L. G. (douze
cents livres de gros), montant du dernier paiement, la
châtellenie décide galamment d'offrir à la femme du
peintre une faille ou mantille « hooft cleet » d'une valeur
de XV G (vingt-cinq florins).
Les deux quittances se trouvent conservées dans les
comptes, folio 283. Nous y remarquons que la femme de
de Craeyer portait le nom étrange de Catharina Janssens
van Uuveland (') et qu'en bonne ménagère elle préfera re-
1. Tenir la main (traduction littérale).
i. La traduction littérale de van Duveland est « du pays du
Diable ».
cevoir en espèces sonnantes et trébuchantes les vingt-cinq
florins de sa mantille si généreusement offerte par le
Collège.
L. Maeterlinck, Conservateur du Musse de Gand.
"5s'«W*('>5e'«0fc''«0e'<B'<!k'«%?«w •¥•*' *tf 'W«îfe'»!)le'«W«3S«5s'«9e'«W«Stf«5e,<S|ï
He comte Vespignani.
LE 4 juillet la ville de Rome rendait les hon-
neurs suprêmes au comte François Ves-
pignani, architecte des palais apostoliques, l'un
des catholiques les plus actifs et les plus zélés de
la Ville Éternelle.
Le comte Vespignani personnifiait pour ainsi
dire l'action catholique à Rome depuis près de
trente ans.
Il fut un des fondateurs du cercle Saint-Pierre
et de la société des intérêts catholiques. Avec le
cardinal Jacobini, alors simple prêtre, et quelques
autres catholiques zélés, il constitua la célèbre
association artistique ouvrière de charité réci-
proque qui ne cesse d'opérer des merveilles et
compte plus de trois mille membres.
Imprimé par Desclée, De Brouwer et Cie, Bruges.
^^ttttkhitttttâ£k9*kUkUkUkUïtUp>
ra^s&H^^aEJ^^Ba^^B^ii&iaaaa.iiiflaffiBgsëgaL^
Belnte îie
tl'Brt cjjrétfen
>#» paraissant tous (es bctn; mois.
$>
$, 42me Hnncc. — 5e Série.
^ (Coinc X (xLvme ae la collection).
J 5melitirais. — Septembre {899.
0
s
F?fo t JK^rfl r"?1rfiWTTgTit F°1 ftrtWJfe Eft rrWWZ-W RH 'im iii'i'fn F - 1 l"W""fi r .' iffiir?JrTTÎ r '^ rfrrrraTT 7 !; . Lxtïf trtif- f '.' ' r^T'Y^ra-r^ F?]rn numiil" ItWtti t ii\ '_ uTmrtir^
?^J^Ï^F^J^J^Î^5^J^Ï^5^>^
ffiart^re et sépulture lies ffiact)abée<5*(stutc)()
m
-OUR ces recherches la
g chronique de Jean Ma-
lala est des plus pré-
cieuses. Non seulement
le témoignage de Da-
mascène, qui le ciie
3 sous le nom de 'Iwâvwi?
'AvTio^eîaç (2), mais encore et surtout les
choses qu'il raconte en décèlent à chaque
page l'origine antiochienne. C'était un rhé-
teur ou sophiste de profession, ce qui signifie
précisément en syriaque la dénomination
de Ma/a/a, et il vivait sous le règne de
l'empereur Justinien, comme l'a démontré
Dindorf (3), après d'autres savants, dans sa
« Collectio Byzantina », publiée à Bonn,
en 1830. Rectifiant les jugements trop
exagérés de critiques antérieurs, la critique
moderne, plus impartiale, a dû reconnaître
chez Malala des qualités exceptionnelles,
1. Voyez la i'e partie, 4me livraison, 1899, p. 290.
2. S. Jean Damasc, Oratio III, de imaginibus.
3. Cf. Praefat. ad Joan, Malalam.
surtout en ce qui concerne l'histoire d'An-
tioche sa patrie. Millier, qui l'avait en sin-
gulière estime, en a tiré grand parti pour
son savant ouvrage « De antiquitatibus an-
iiochenis », écrivant que Malalas Antioche-
nus per milita egregia fide ex optimis fonti-
bus sumpia tradidit ('). De plus, avec sa
haute culture et sa compétence habituelle,
il a reconnu et démontré que ou Malala
lui-même, ou Donnine, évêque d'Antioche,
dont, d'après Buntlec, Malala aurait utilisé
la chronique (2), eut entre les mains et mit
à contribution les Acta lirais Antiochiae,
semblables aux Acta diur/ia populi romani,
où étaient consignés, avec les édits, les
règlements concernant les édifices, les tra-
vaux publics, les incendies et les tremble-
ments de terre, les faits les plus importants
de la cité et tout ce qui avait rapport à
elle (3). Ces Acta, Malala les cite textuelle-
ment quand il parle de la dénomination de
1. M.ù\\er,De anliquit. antioclien., p, 53. Charles-Otfried.
2. Epist. ad Millium, p. 73.
3. Mullér, L. c, p. 76-77.
REVUE DE L ART CHRETIEN
189g. — 5me LIVRAISON.
378
Hctntc tie l'&vt chrétien.
OsoJno/.'.; donnée, sous Justinien, à Antioche,
par acclamation populaire ('). Mùller ne se
faisait pas faute d'attribuer ces actes aux
temps des Séleucides. D'où il est facile de
conclure que l'autorité de Malala relative-
ment aux choses d'Antioche n'a d'autre
valeur que celle des sources où il a puisé :
et nous verrons bientôt que le martyrologe
syriaque cité plus haut rend à la véracité
et à la précision du chroniqueur antiochien
un nouvel et éclatant témoignage.
La tradition ecclésiastique, tant en Orient
qu'en Occident, admet que la famille des
Machabées avait été emmenée en esclavage
à Antioche par Antiochus Épiphane. —
Pour ce qui concerne l'Église orientale, le
ménologe de l'empereur Basile affirme ex-
plicitement que le peuple juif , après la dé-
vastation de Jérusalem (par Antiochus Épi-
phane) (2), avait été emmené en esclavage,
que ceux-ci (les Machabées) furent pris à
leur tour et obligés de se souiller en mangeant
des viandes immolées par les Gentils —
rcopB^ffavroç os EeXetixou toÛ (3aaiXé(»>ç Ta 'kp&TÔÀ'jia.a,
xai 70 TÙv ëj3paîcDV ye'voç afy(AaX«i)TÎ<7avTOÇ, êxparrç-
8ïi<rav v.'j). vj-fj', xai y'vayxàa-fJT,ac.v éXXïivwûv à-oyeù-
saaGat Suffiùv xai [xiapo<pay/î<ya'. (3). Et quant à
l'Occident, Notker, rapportant, dans son
martyrologe, le supplice des Machabées à
Antioche, écrit que ceux-ci, proscrits de leur
pays, consacrèrent de leur sang le sol des
gentils — çuos crudelissimus Antichristi
praecursor Antiochus de patria elimiualos,
gentile solum sa cri sanguinis effusione fecit,
invidus atque inscius, consecrare (').
Nous découvrons encore une allusion à
i. Il dit avoir trouvé le fait dans les Actes de la ville :
' OU /y.r -.[<,:; eûpÉSi] TÛÎV ~.y. i'xtoc ypaçdvTcuv TÎjî '/'jTt,;;
TtdXEtaiç. Malala, Chron., lib. XVIII, c. 654.
2. Signalons l'erreur du ménologe qui attribue à Seleu-
cus, au lieu de son fils Antiochus Epiphane, la prise de
Jérusalem.
•?. Menol. Basil, imper, mense aug. die I ; M igné, P. L.,
t. CXVII.c. 568.
4 Notker, Martyrol. ad Kal. Atigust.
la captivité des Machabées à Antioche et à
leur promiscuité avec les Gentils dans le
poème du IVe ou du Ve siècle, attribué par
tous les anciens à Marius Victorius et par
Oudin et Schoenemann à saint Hilaire
d'Arles ('). Quel qu'en soit l'auteur, après
avoir dit que la mère se trouvait avec ses
sept fils dans le royaume de Syrie sous
Antiochus,
Rex fuit Antiochus Syriae ditissimus olim,
In cujus regno mater na tique fuerunt
Sept eut, ut fuma refert ;
il montre celle-ci exhortant au martyre le
quatrième de ses enfants en ces termes :
genitori accède priorum,
Quorum progenies totuin dispersa per orbein
Invidiam patitur : Dominum quia sola patentent
Mente colit, turbae nec mixta accedil iniquae (2).
Cette tradition commune aux deux
Églises provient de l'Église d'Antioche.
Là le souvenir de la captivité juive, qui eut
lieu sous Antiochus Épiphane, était encore
resté, bien des siècles après, profondément
gravé dans les esprits, et elle était mise sur
le pied des grandes servitudes égyptienne
et babylonienne. Témoin saint Jean Chry-
sostome qui, combattant les Juifs, leur dé-
montrait que les trois servitudes avaient
été. annoncées par les prophètes: taç a'.'yjjta-
),(0Tia; a-àïaç [jteTa rcpoîpï'^eoj; oeîçxvTe; e-sysy-
Ssiixaç dutoôç, vty èv Aivùrcxto, t/jv bi BafiuÀÙvt, Tr,v
£-;. 'AvtiÔvou to'j 'ETUtpavoùi; (3).
Malala ne faisait donc qu'enregistrer dans
sa Chronique la tradition antiochienne, lors-
que, rapportant la vengeance tirée par
Épiphane sur les Juifs de Palestine, parti-
sans de Ptolémée, il écrivait que le roi de
Syrie, ayant vaincu l'ennemi, tourna ses
1. Cf. Sclioeneman, Biblioth. hist. litter. patr. latin.,
t. I, in Ililario arelat., 1 1.
2. Versus in natali Machabaeorum martyruin, M igné,
1'. L., t. L, col. 12S3.
3. S. Joan. Chrys. Oratio VI advers. Jud., n. 2.
£@artpre et sépulture ties 09acï)abée0.
379
armes contre Jérusalem, l'assiégea, et, après
l'avoir emportée d'assaut, la dévasta par un
affreux carnage; mais le grand prêtre
Éléazar et les Machabées, emmenés à An-
tioche, y furent mutilés et mis à mort — ■
ÎùtX'.itzo xaxà ttJç ÏËppurâX^p xal «oîaopxTfcaç
aÛTTiv ènokèfi-r\<!S, xai. roxpéXaêev aùr/yy, xal xaTÉo^açs
àvTa; • tov os 'EXeàÇ,ap tov Spyispêa twv
Io'j
oaîwv (') xal toÙç Maxxaj3eiç Iv Âvxio^eiqt àyaywv
xoXaTa; e'iOve'JTe (2).
Que l'affirmation de Malala ait été puisée
à des sources anciennes et autorisées, Fla-
vius nous en fournit la preuve. Après avoir
rapporté le trépas glorieux d'Éléazar, il
poursuit son récit en disant que Antiochus,
profondément irrité de l'affront qu'il en
avait reçu, ordonna de lui amener les autres
prisonniers juifs, c'est-à-dire les Machabées
— Tooooa 7tepLTOx8<âç exsAsuTîv txXXou; sx tv",ç tùv
ÈPpaîwv Xswcç (3). Or il n'est pas besoin de
démontrer que tï Xdot. la proie, la capture, en
parlant des hommes, désigne ceux que le
vainqueur emmène en servitude. — Il y a
là encore une preuve de l'interpolation du
Maxxa,3a'.xov de Flavius, car si les sept frères
avec leur mère faisaient partie de la proie
emmenée à Antioche par le monarque vic-
torieux, ce fut dans cette ville et non à
Jérusalem qu'ils durent subir le martyre.
Nous avons en outre dans le chroniqueur
d'Antioche, l'indication précise du lieu du
supplice des Machabées : Antiochus les fit
mourir un peu avant d'arriver à la ville
d' Antioche, dans la montagne toujours gémis-
sante, visà-vis de Jupiter Cassius — upo
jjuxpoù yàp tîjç uoAewç 'Avuoy/îotÇ ItiyMtçTpxio
aÙTO'j; 'Avtw^oç èv tû àel xXaîova opei xaxévavxi xoù
Kaufou Aîoç (4).
La position du Cassius, sur le sommet
i. Eléazar était, suivant Josèphe, Upsôç, et non àp^iepsùç.
Cf. De Machabaeis.
2. Malala. Chronoçr., lib. VIII, c. 322.
3. De Machabaeis, n. 8.
4. Malala, lib. VIII, c. 323.
duquel était un temple dédié à Jupiter ('),
est bien déterminée. Situé au Sud-Ouest de
la ville, entre la mer et la rive gauche de
l'Oronte, à trois milles du Viens tiberinus,
et à une petite distance du faubourg de
Daphné, il avait devant lui la porte occi-
dentale qui donnait sur la route de Séleucie,
entrepôt de la capitale de la Syrie (2). Par
conséquent il en défendait la gauche. Aussi
la montagne, à gauche d'Antioche, qui
devait nécessairement regarder les hautes
cimes du Cassius, ne pouvait être que la
partie occidentale du Silpius, appelée dans
la suite Orocassiade.
On serait tenté de penser à l'Amanus,
situé au Nord, et par conséquent en face du
Cassius, connu chez les anciens sous le nom
deMélanzinus.où était le templedeVesta(3),
et chez les croisés sous celui de Montagne
noire (4), mais la distance où il se trouve de
la banlieue ne permet pas de dire de lui
Tcpô [À'-xpoû t7)Ç toXswç 'AyTioveiaç.
Du reste, les notes indiquées ci-dessus
conviennent toutes à la partie occidentale
du Silpius, ou Orocassiade, laquelle, située
à gauche d'Antioche, et par là même en
face du Cassius, xarévayn xoû Kanîou Aîoç, en
était encore très rapprochée. Séleucus
Nicator, en effet, en jetant les fondations
de la nouvelle ville, l'éloigna quelque peu
du Silpius, où était Ioneou Iopolis, ancienne
colonie argienne pour la reporter vers le
plan de la vallée inférieure le long du fleuve,
à l'opposé de la montagne (5).
Il convient de signaler ici une circons-
tance particulière, qui fait encore mieux
ressortir l'accord des indications fournies
par Malala avec le texte biblique. Les
1. Ammien Marcell., XXIII, 14, 4.
2. Nicéphore, Vita s. Simeonis junior., Act. SS. Maii,
t. V, pp. 361, 412, 413.
3. Malala, lib. VIII, c. 311.
4. Guillaume de Tyr, Hist. rer. transm., lib. IV, c. 10.
5. Malala, lib. VIII, col. 314.
38o
WitWt tue l'&rt chrétien*
édits d'Antiochus qui visaient la conversion
des Juifs à l'hellénisme en leur faisant ab-
jurer la religion de leurs pères, portaient
qu'ils ne devaient pas seulement manger
les viandes de porc que leur interdisait la
loi, mais que celles-ci devaient être immolées
devant les divinités grecques. En effet,
suivant le texte biblique, Antiochus ordonna
qu'on bâtît des autels et des temples, et des
idoles, et qu'on sacrifiât la chair de pourceau
et des bêles immondes, 6isiv ûîta (') ; et ainsi
l'autel du temple de Jérusalem, profané par
l'idole, était en outre chargé de viandes in-
terdites par les lois mosaïques — to os Buffiaa--
x/.v.ov toi; à-o5'.S!77a),;ji£vo'.; ino twv vou.wv d9e[Attoiç
£-£-/.r,^oTo (2), évidemment dans le but d'être
offertes à manger aux Juifs. Et en effet on
servit à Éléazar des viandes enlevées du
sacrifice (3). Flavius Josèphe affirme pareil-
lement qu'Épiphane forçait les Juifs à sa-
crifier des porcs sur l'autel, <yu; eWJûs-.v xû
[îwv.ù (4) ; et dans le récit du supplice des
Machabées, il montre le prince les obligeant
à goûter aux viandes des pourceaux immolés
à l'idole — xoeùv 6e£wv xal e''ooùo9'Jxwv àvayxàÇs'.v
à-oyvjzJh.'. (5). Aussi est-il permis de sup-
poser que la famille des Machabées fut
amenée par le monarque syrien devant
l'autel de l'un des temples d'Antioche, et
que c'est là qu'on lui fit subir les violences
les plus cruelles pour la faire renoncer à la
religion de ses pères.
Mais, demandera-t-on, quels pouvaient
être ce temple, cet autel ? — Si l'on réfléchit
à ce double fait, qu'Antiochus Épiphane
favorisait de préférence le culte de Jupiter(6),
et que, pour honorer cette divinité, il avait,
après les décrets de persécution contre les
1. / Mac:/:., I, 50.
2. II Mach., vi, 5.
3. Ibid., v, 21.
4. De bellojudaico, lib. I, c. I, n. :.
5. De Machabaeis, n. 5.
6. Cf. Millier, antiq. Antioch., p. 62.
Juifs, fait dresser la statue de Jupiter Olym-
pien dans le temple de Jérusalem, et celle
de Jupiter l'Étranger dans le temple de Ga-
rizim chez les Samaritains ('), on peut pré-
sumer avec raison que, de même à Antioche,
le temple et l'autel désignés pour être
témoins de l'apostasie des Machabées ne
furent autres que le temple et l'autel de ce
dieu. Mais précisément à l'endroit même
de leur supplice indiqué par Malala, se
trouvait le temple de Jupiter Céraunios,
bâti, suivant une tradition, par Persée (2).
Personne ne saurait donc ne pas remarquer
le merveilleux accord qui existe entre le
texte biblique et les indications du chroni-
queur antiochien.
Quant à la dénomination de montagne
toujours gémissante, êv xû àsl xXoûovu ôpet,
attribuée parle même chroniqueur à la partie
occidentale du Silpius, nous n'avons pu en
retrouver la trace dans l'antiquité. C'était
sans doute un surnom populaire, par lequel
les habitants de l'endroit désignaient cer-
taine région de la grande montagne. Or,
on sait que précisément cette partie du
Silpius, où était située Jopolis avec le
temple de Jupiter, avait des eaux abon-
dantes, et que celles-ci, pendant l'hiver,
grossissaient de manière à menacer la nou-
o
velle cité. C'était la crainte de ce danger
qui avait décidé Séleucus à jeter, nous
l'avons vu, les fondations d'Antioche un peu
plus loin vers la plaine, vis-à-vis de la mon-
tagne : xai fjprfk'.ç xà; 1iù<T£!.ç xoù SiXitîou ô'pouç
xal xo'jç xaxepyQuivouç è; aùxcj y£'.p.àp'liou;, èv r/j
-eooàoi xoO à'jXùvo; xaxévavxi xoù ô'poyç... o£eyàpa;av
xà QepéXia xoj rei/oj; x. x. ).. (3). Encore à l'é-
poque des Croisades on voyait le Silpius
sillonné de limpides ruisseaux (4) Or, étant
1. II Mach., VI, 2.
2. Malala, lib. VIII, col. 314.
3. Ibid., col. 314, /. c.
4. Guillaume de Tyr, Histor.rer. transm.,\\\i. IV, c. 10.
âgartpre et ©épulfure Des 4©ad)abte0.
38 r
donné la nature des roches, les grottes et les
cavernes qui s'y trouvent ('), il n'y aurait
rien que de très naturel à ce que l'infiltration
des eaux, pénétrant goutte à goutte dans le
calcaire, y eût produit une sorte de murmure
intérieur ; d'où la dénomination populaire
de montagne qui gémit toujours. Telle est,
du moins à notre avis, l'explication la plus
plausible.
Nous avons, à la lumière de la tradition
en harmonie avec la Bible, déterminé l'en-
droit précis du martyre des Machabées ;
reste maintenant à parler de leur tombeau.
La Chronique, si souvent citée, de Malala,
après avoir raconté que la persécution
d'Antiochus Épiphane pour helléniser les
Juifs, dura trois ans, et marqué la mort de
celui-ci, ajoute :
« Ainsi finit Antiochus, et après lui régna
« pendant deux ans son fils Antiochus
« Glaucus, dit Géracé ou Antiochus Eu-
«pator. »
« Il eut pour successeur Démétrianus ou
« Démétrius Sotère, fils de Séleucus qui
« régna sept ans. Et un nommé fudas, d'ori-
« gine juive, étant venu dans la grande An-
«. tioche, il décida à force d'instances le roi
« Démétrianus .à lui rendre le temple et les
« restes des Machabées: et il les ensevelit dans
« la grande Antioche, à l'endroit qu'on
« appelle Cerateum, parce que là était la sy-
« nagogue des Juifs. — xaî êX8wv sv 'Avcio^eîa
« Tïj |AeyâXï| 'Ioûoaç tiç o'vopum, 'IouSaioç tu I8vei,
i, éouTw-riffe Aï)U.Y|Tpiavàv tov (UaTiAsa rocpaxaXéffaç
« aÙTÔv, xal uapéo'Yev a'Jxw to '.epèv xai, Ta Xsûpava
« twv Maxxajîafov. Rai êQa^av aùxà èv 'AvTioyeta
« tt, [AsyaX-/) Èv tw Xeyofjisvw KspaTÉw • t,v yàp
« o-uvayuvYj éxsv twv 'Iouoai'wv (2).
Ce passage, à part quelques inexacti-
tudes, provenant soit de l'incorrection du
1. Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, t. II,
PP- 47, 49-
2. Malala, Chronogr., lib. VIII, C. 324.
Ms. d'Oxford, qui en a conservé le texte,
soit de la transposition ou abréviation faite
sur les documents dont se servit Malala,
attribuant à Démétrius Sotère les conces-
sions d'Antiochus Eupator à Judas Ma-
chabée, confirme de plus en plus l'autorité
des sources auxquelles il puisa, comme on
le verra mieux encore par la comparaison
de ses indications avec d'autres témoi-
gnages autorisés.
Avant tout il s'agit de bien établir l'ac-
cord des affirmations de Malala avec le
texte biblique de l'histoire des Machabées.
Or, d'après le texte sacré, Antiochus Epi-
phane étant mort et son fils Eupator lui
ayant succédé sur le trône de Syrie, Lysias,
vaincu par les armes de Judas et réduit à
prendre honteusement la fuite, envoya à ce
dernier, même avant de regagner Antioche,
des ambassadeurs pour traiter de la paix (').
Judas se prêta à ces ouvertures, mais ne se
rendit pas personnellement à Antioche, il
envoya Jean et Abesalom pour le repré-
senter avec des lettres qui renfermaient ses
demandes, et, surtout avant toute autre,
restitution du temple. Et Lysias, qui était
de fait tuteur du jeune Roi et le régent
effectif de la Monarchie, répondit qu'il avait
tout exposé au Roi, et que celui-ci avait
accordé tout ce qu 'exigeaient les circon-
stances — - S 3k t,v èvosyo|i.£va, oweyùpTjO-ev (2).
La restitution du temple était spécifiée
en toutes lettres : nous avons arrêté d or-
donner, écrivait le Roi, que leur temple leur
fût rendu, afin qu'ils puissent vivre selon la
coutume de leurs atuêtres — xpîvopiev -6 te
lepôv duToîç à.TSjv.y-z.i-T.'ïïyj.'., xai Tzo'h'.-eùe-ïHM xaxà
xà èm twv itpoydvwv àuTwv è'9ï} (3).
Et l'historien sacré ajoute : Tout ce que
Machabée demanda par écrit à Lysias en
1. II Mach., XI, 13 sq. — Cf. Patrizi, De consens, utriusq.
lib. Mach., pp. 262, 264.
2. Ibid., xi, 18.
3. II Mach., 25.
382
Htbue be l'&rt c&rétten*
faveur des Juifs, le Roi l'accorda — Sua yàp
ô Maxxajy.ro; èrcÉSuxe T'f) A.UTÎa v.à ypaitnov t.iv.
tùv 'louSaîwv, ffuvEywpiriTcV 6 [jx-'.aî'J; (').
Donc l'assertion de Malala disant que
Judas obtint le temple, après avoir adressé
une requête au Roi à Antioche, non en
personne, mais par lettre et au moyen
d'ambassadeurs, est sur ce point absolu-
ment conforme au récit biblique. Et quelle
vraisemblance n'y a-t-il pas aussi d'ailleurs,
que la seconde partie de la demande exau-
cée concerne la sépulture des Machabées ?
Il n'est pas inutile d'observer que le
martyre des sept frères mis à mort en même
temps que leur mère veuve et le vieil Eléa-
zar, ne fut pas un supplice vulgaire. Jason
de Cyrène, auquel l'emprunta l'auteur du
second livre des Machabées, en fit une
sorte d'épopée, qu'il enchâssa, comme une
perle précieuse, dans son histoire. Le sup-
plice, en effet, eut lieu en présence du
monarque lui-même, entouré de sa cour.
Tour à tour insinuant et cruel, le roi met
tout en œuvre, caresses et menaces, pour
extorquer en un moment de faiblesse à ces
héroïques défenseurs des lois paternelles et
divines un assentiment quelconque. D'où
l'on voit mieux encore le but politique de
ce prince, absorbé par l'idée d'helléniser
les Juifs du royaume et en particulier ceux
de la capitale. Il avait déjà triomphé des
plus ambitieux et des plus faibles, chose
assez fréquente dans l'histoire ; mais au-
jourd'hui il se trouvait en face d'une éner-
gique résistance. S'en prendre d'une ma-
nière si étrange et si solennelle à un vieil-
lard, à une femme et à quelques jeunes
gens était, sans doute, un procédé com-
mandé par la raison d'Etat. Leur exemple
sur le reste de la nation juive qui résistait,
devait avoir, dans la pensée du monarque
l. II Miich., 15.
syrien, une influence considérable. D'où il
faut conclure que la situation personnelle
des martyrs leur avait mérité un grand
respect et une grande autorité parmi leurs
compatriotes.
A propos d'Ëléazar, le texte sacré dit
que c'était un des premiers docteurs de la
loi, homme avancé en âge et d'un visage vé-
nérable (') : et il semble même indiquer
l'antique noblesse de sa race (2). Flavius le
représente comme un personnage véné-
rable, de famille sacerdotale, légiste de pro-
fession, avancé en âge — -b yévoç Upeùç-, ~>jv
s-wrriy./jv vofuxoç, xal rrv r,Xuiav npaqxcov (3). La
tradition ajoute qu'il était encore Si8â<r*aXoç:
et ce qualificatif lui est donné principale-
ment par les ménéums grecs, qui joignent
à l'énoncé de la fête des sept frères le sou-
venir de leur maître Éléazar, roû Bi&fcrxot/taj
ow:ti)v'E},Ea':;àpo'j; rapport de disciples à maître,
dont il n'y a pas trace dans le texte biblique.
Mais cet énoncé renferme une erreur, pro-
venant de ce que le compilateur des mé-
néums empruntant sans doute à des monu-
ments plus anciens l'épithète de BiSiffxaXoç
attribuée à Eléazar, l'interprète a tort,
comme s'il eût été le maître de la famille
des Machabées. Au contraire le wAiv-iXa^
dont fait mention le Ms. Théodosien (''),
était chez les Juifs une des premières
dignités à laquelle était attaché le rôle d'in-
specteur ou surveillant de la discipline et
des mœurs du peuple (5). — Antiochus
visait surtout à gagner à l'hellénisme le
personnage le plus en vue, le plus sympa-
thique, que possédassent les Juifs à An-
tioche ; et celui-ci à son tour ne se dissi-
mulait pas l'influence qu'exercerait son
1. II Mack., vi, 18.
2. Il/id., 23.
3. De Machabacis, n. 5.
4. Lois I, de Jitdaeis, Coelicolis et Samaritanis.
5. Cf. Godefroy dans les Commentaires de la susdite
loi.
£0artpre et sépulture îies ©acljabées.
383
exemple soit pour pervertir le peuple soit
pour le confirmer dans l'observance de la
loi (<).
La Bible ne dit mot du rang social de la
mère et des sept frères ; mais la tradition
nous les représente animés de sentiments
généreux et de noble lignage. Josèphe nous
dit que Antiochus fut frappé de leur dignité
et noblesse — xal tyJç etfTcpeTOÎàç èxTrXayel; xal
!tT,ç eûysveiaç (2). D'après S. Gaudens de
Brescia, « cognomentum Machabacorum tra-
itebant ex génère, sic ut hodie Aniciorum pro-
genies, vel si qua sunt hujîtsmodi nuncupa-
tionum vocabula, quae stirpeni nobililatis
usjirpeut ex divitiarum lerrestrium cumulo
descendentem (3). » De plus l'auteur de l'an-
cien poème sur les Machabées, cité plus
haut, fait dire par la mère au dernier de ses
fils:
Si le nobililas generis, si tangit origo,
Respice, nate, tuas, et nos quoque respice, nate (•»).
Saint Grégoire de Naziance proclame
éloquemment les Machabées /ils généreux
et magnanimes, nobles rejetons d'une noble
mère — —zloeç yewaîbi xal [/.svaXô^oyoî, u7|Tpôç
2ÙYEV0ÙÇ iuyevvi ^teursfyxvi. (5). Par conséquent
l'exemple de cette famille, riche, noble et
vertueuse, devait, dans la pensée d'Antio-
chus, s'il parvenait à en ébranler la con-
stance, aider puissamment la réalisation de
ses perfides desseins.
Que l'on considère, d'une part, dirons-
nous en terminant, l'héroïsme des martyrs
delà cause judaïque, la noblesse de leur
famille, l'autorité de leur exemple, la pro-
fonde vénération qui s'attacha par là même
à leur nom, si digne de vivre dans le sou-
venir des bons (s) ; qu'on songe, de. l'autre,
1. Cf. II Mach., VI, 24, 25, 28.
2. De Mackabaeis, n. 8.
3. Serm. XV, de divers. capit.çuintus,die ' natal. Machàb.
4. Cf. Migne, P. L., t. L, col. 1283.
5. Orat. XV, in laud. Machab., 11. 3.
6. Cf. // Mach., vil, 20.
au saint et louable empressement de Judas
à procurer aux victimes de la même cause
les honneurs de la sépulture (') ; à l'heure
propice où il pouvait imposer des conditions
aux vaincus, que les menaces de Philippe
poussaient à faire la paix ; et l'on trouvera
tout naturel, assurément, que le chef Ma-
chabée victorieux ait, par l'entreprise de
ses envoyés, sollicité, entre autres choses,
du roi de Syrie, la permission d'honorer
d'une façon moins indigne d'eux les restes
des frères héroïques cruellement immolés
par son père.
IV
T 'INDICATION la plus importante
x_v que nous donne Malala et à laquelle
vient encore rendre témoignage le marty-
rologe syriaque du IVe siècle, a trait à l'en-
droit précis du tombeau des Machabées,
situé dans le Cerateum, b> xû Kepaxéw. Il nous
faut donc encore revenir sur ce point pour
achever d'explorer le domaine de la tra-
dition.
Il n'est pas difficile d'établir que cette
localité du nom de Cerateum se composait
d'un groupe d'édifices construits, pour le
moins à l'époque romaine, dans l'enceinte
de la ville. Saint Jean Chrysostome, qui,
nous l'avons dit, prononça de magnifiques
homélies sur la tombe des Machabées, nous
déclare qu'à l'occasion de leur fête tout le
faubourg affluait dans la cité : — xr.ç éopxr,;
xwv Maxxa|3aîuv éitwe^0U|Aév7iç, uàca \ %wpa tiç r>,v
TtôXiv £?£'/ûB-ri (2). D'après Malala, le Cerateum
renfermait la synagogue des Juifs, déjà
existante au commencement du règne
d'Antiochus Eupator.et qui, par conséquent,
ne fut élevée ni sous lui ni sous son fils
Epiphane, le persécuteur de cette nation,
mais sous son aïeul Séleucus Nicator, lequel
1. Cf. // Mach., XII, 39.
2. Seimo de sanctis martyribus, P. G., t. XLIX, col. 623.
^84
3Rrbuc lie P&rt cbrcttcn.
accueillit les Juifs avec bienveillance dans
la ville qu'il avait fondée et leur octroya
l'feoTtfùa, c'est-à-dire les mêmes droits et
franchises qu'aux Grecs et aux Macé-
doniens ('). Donc la synagogue située dans
le Cerateum, que la colonie juive posséda
à Antioche dès les premiers jours de son
établissement, appartenait à la cité de
Séleucus.
Mais à l'époque romaine, on n'en saurait
douter, outre la synagogue, le Cerateum
renfermait divers groupes d'édifices. Nous
en avons une preuve, tout à fait inattendue,
dans le registre des biens donnés par Con-
stantin à la Basilique vaticane, registre
conservé d'abord aux Archives du Saint-
Siège et inséré plus tard dans le Liber
pontificalis. A propos des donations faites
par l'empereur des biens qui existaient en
Orient, nous y lisons :
Item iu reditum, donum quod obtulit Con-
stantinus Augustus bcato Petro apostolo per
diocesim Orient is :
iu çivitate Antiochia :
doinus Datiani, praest. sol. XX et tremis-
sium ;
domuncula in Caene, praest. sol. XX ;
cellaein Afrodisia, praest. sol. XLII ;
balneum in Ceraleas, praest. sol. XLII ;
pistrinum ubi supra, praest. sol. XXII II;
propina ubi supra, praest. sol. X ;
hortum Maronis, praest. sol. X ;
horlum ubi supra, praest. sol. XII ;
Sub civitatem Antiochiam
possessio sybilles donata Augusto, etc. (-).
Nous avons cité le texte en entier pour
en mieux faire comprendre les déductions.
Ce qu'on y voit tout d'abord, c'est la dis-
tinction établie par le Registre du Siège
i. Flav. Jnsèphe, Antiq.Judaic, lib. XII, c. III, n. i.
2. Liber pontificalis, in Hilvestro. — Cf. l'édition plus
exacte de Duchesne, t. I, p. 177.
apostolique entre les biens situés dans
l'enceinte, in çivitate Antiochia, et les biens
situés dans le faubourg, ou sub civitatem
Antiochiam. Parmi les immeubles existant
dans la ville une petite maison seule, do-
muncula, était située in Caene, c'est-à-dire
èv x^'.vr, ; or tous ceux qui ont étudié la to-
pographie d'Antioche savent que les appel-
lations y, xaiviî et r, roxXaia, termes opposés,
désignaient la nouvelle et la vieille ville.
L'expression in Ceratcas, traduction litté-
rale du grec ira KspaTsaç, équivaut à l'autre
ev T»j KspTsa et êv tù KspaTEu ('), et s'étend à
toute la liste des biens suivants, comme
l'indiquent clairement les apostilles con-
jointes ubi supra : biens qui appartenaient
tous au même quartier ou région, où étaient
la synagogue primitive et le tombeau des
Machabées. Outre les susdits monuments
judaïques, il y avait donc dans le Cerateum,
des bains, un restaurant contigu, sans doute
à l'usage des baigneurs, un moulin ou four
et un jardin, donnés par Constantin à la
Basilique vaticane avant l'année 338. Même
X Iiortus Maronis, porté sur la liste des pro-
priétés appartenant au Cerateum, devait
être situé dans le même quartier. — Ce
Maron, dont le jardin devint la propriété
de la Basilique vaticane, était un riche
habitant d'Antioche, qui, ayant transporté
son domicile à Athènes, légua par testa-
ment ses biens à sa ville natale pour la
construction de X Aedes Musarum et de la
Bibliothcqtie. Antiochus Philopator ayant
été l'exécuteur de ses dernières volontés,
l'existence et l'appellation de X/wrtus Ma-
ronis n'est pas postérieure au règne de ce
dernier (2). — Il est donc prouvé que le
1. 11 est à remarquer que les documents du IVe siècle,
tels que le Registre du Siège apostolique et le Martyrologe
syriaque emploient la forme féminine, tandis que les
écrivains postérieurs, tels que Procope et Malala, se ser-
vent du neutre.
2. Malala, Chronogr., lib. X, col. 362-363.
£©artpre et sépulture De0 09ad)abée£.
385
Cerateum était un ensemble d'édifices et de
jardins situés dans des districts ou quar-
tiers de la vieille cité de Séleucus Nicator.
On pourrait encore préciser avec plus
d'exactitude sur quel point de l'ancienne
ville était situé le Cerateum avec les pro-
priétés annexes dont il a été question. —
Le fait de voir réunis ensemble un tombeau,
des jardins et des moulins, évoque naturel-
lement l'idée d'un lieu écarté du centre des
habitations. Cette hypothèse a pour elle
saint Jean Chrysostome ; il affirme que
pour se rendre au tombeau des Machabées,
les Antiochiens avaient plusieurs stades à
parcourir, dXîyouç tyratHouç o'.a-spwvreç, et il
indique la longueur du trajet, -b xr,; ôooû
pjxo; ('). Mais cette conjecture se change
en certitude, si l'on songe à un passage de
Procope De bello persico (2). Après avoir
.raconté les épouvantables fléaux qui vinrent
fondre sur la capitale de la Syrie, non seu-
lement avec les tremblements de terre qui
la dévastèrent en 526 et en 528, mais sur-
tout par la cruauté de Chosroès qui la prit
d'assaut la douzième année de Justinien
(538), l'incendia tout entière et la réduisit
en un amas de cendres et de ruines, il
ajoute: Tout autour du quartier qu on appelle
le Cerateum, tô Kspcaaîov, une foule de mai-
sons furent épargnées : non pas qu'on ait
cherché à les préserver, mais par suite de
leur position fort avantageuse. Situées dans
le quartier le plus éloigné de la ville, elles
étaient tellement éloignées des autres édifices,
que le feu ne put arriver jusqu'à elles. Le
Cerateum était donc un ensemble de con-
structions situées à distance les unes des
autres à l'extrémité de la vieille ville ; et
1. Hom. de Eleazaro et septem pueris, n. 4.
2. 'EXét'tp6T]<rav SI xoù i|xtpl xà Xsyo'|AEVOV XEpataïov oîxîat
TroXXai, oùx ex TrpovoiaçàvÔpoTttovTivit;. aXX' È— Et Exstvcô itou
Ttpà; ir/xtoiç ttjç toXeioç, èiépaç aâraî; oùSE^tâç tivoç olxo-
8o|x£a<; IuvoctttciijJvtjç, to itûp ht aûtà; ÈÇixvelaBai où8a|X7)
ïa/uaEv. Procope, De bello persico, lib. II, c. 10, t. I, p. 195,
édit. Dindorf.
formait, à n'en pas douter, l'un des dix-huit
quartiers dont se composait Antioche (').
L'existence de la synagogue primitive
des Juifs dans le Cerateum indique et
prouve même qu'ils avaient de tout temps
habité cet endroit. En effet les Juifs avaient
coutume, dans leurs colonies, de se grouper
ensemble à cause de la langue, de la reli-
gion et de la répugnance qu'ils avaient de
se mêler aux autres peuples. Ainsi à Rome,
sous Auguste, au témoignage de Philon,
ils habitaient le Transtévéré, d'où le trans-
tyberinus ambulator de Martial (2). De
même à Alexandrie, dont le fondateur les
avait appelés, ils avaient, nous atteste
Josèphe (3), leur quartier réservé, dit Maxe-
Sdvsç, non pas auprès de la Nécropole, c'est-
à-dire loin des habitations, mais autour du
palais royal, npàç toîç pamÀeiot;. On ne saurait
donc, comme l'ont prétendu quelques-uns,
établir, pour ainsi dire a priori, que les
Juifs de la dispersion, par suite de leur
répulsion instinctive pour la société des
Gentils, préférassent les lieux écartés des
grands centres, où les théâtres, les temples
et l'agitation d'une vie licencieuse et effé-
minée n'auraient que trop blessé leurs sen-
timents religieux (4).
L'aspect qu'offrait, suivant Procope, le
Cerateum avec ses groupes de constructions
séparées les unes des autres par de larges
intervalles, indique assez clairement que ce
quartier devait se trouver dans la partie
de la vieille Antioche de Séleucus, où la
ville pouvait s'agrandir plus facilement. Or,
cet accroissement n'était guère possible, ce
semble, des trois côtés Nord, Ouest et Sud.
Au Nord-Ouest, en effet, elle était bornée
par la rive gauche de l'Oronte qui coulait
1. Cf. Libanii Artemis, p. 236 ; Antiochia, p. 354 ; Ad
Theodos., p. 651, édit. Reiske.
2. Lib. 1, 42.
3. Flav. Josèphe, Contra Apioncni, lib. II, c. 4.
4. Cf. Le Camus, l.c., t. III, p. 3S.
REVL'E UE L'ART CHRÉTIEN.
189g. — Sme LIVRAISON.
386
3&ebue lie r&rt cjjrcttcn.
au pied des murailles couronnées de tours (');
au Sud-Ouest, c'est-à-dire à gauche, son
extension eût été gênée par des éboulements
et glissements de la montagne (■), et par les
torrents, qui, nous l'avons dit, décidèrent
Séleucus à reporter la cité vers la plaine.
Seule la partie orientale, dans le haut,
comme dans la plaine, offrait un espace sus-
ceptible de recevoir de nouvelles construc-
tions. Le fait même que les deux nouvelles
villes ajoutées à l'Antioche de Séleucus par
Antiochus Épiphane et par Callinique, se
développèrent l'une du côté de l'Est, l'autre
sur la rive droite de l'Oronte, reliée à
l'ancienne au moyen de cinq ponts, prouve
que la vieille ville ne pouvait s'étendre qu'à
l'Est. Aussi peut-on, ce semble, affirmer
que le quartier dit Cerateum, habité par
les Juifs antiochiens, devait être situé sur
les flancs du Stauris à l'Est de la ville.
Les souvenirs qui nous restent de la pre-
mière prédication des Apôtres à Antioche,
confirmeraient cette opinion. Il est certain
que, dès le milieu du IVe siècle, il existait
sur les flancs du Stauris une grotte dite de
S. Paul. Théodoret rapporte en effet que
pendant la persécution de Valens, un véné-
rable moine, du nom de Julien, fut invité,
après l'exil de Mélèce, à se rendre dans
cette ville et, ajoute-t-il : il habitait dans les
cavernes qui sont aie pied de la montagne,
où la tradition veut que f apôtre saint Paul
ait habité et se soit cache' (3). Outre la grotte,
on y voyait encore des eaux vives et des
sources limpides, une église et un monas-
i. « Aia^EOjJiEvou tï, rÔXei toj 7tOT«|ioû v.'x: JtEœiÇiovvôovtOî,
■/-/■ y-y//; ç7ta<pa?( TiEparXEXOfjiivou thV, nupY<o(iaxtov zùtî);. »
Joan. Phocas, Bescr. terme sanctae, C. 930.
2. « Situs urbis porrectus in immensam longitudinem ;
in alto angustior, quia praerupto montis a laeva arctatur,
ut extendi alterius metandae urbis spatia nequiverint. t>
Ambros., De excidio urbis t lieras., lib. II, 5.
3- < KaTïi^fli) 8è èv toïî itapà Tfl ôntopeîq: it.i,'i-j:',-
/.-/.': -.!,-i hiio-, à7tô<rtoXovtov (ucxâptov riaûXov xoTa/ÔJjvai te
v.-r. xpupTJvai œaaiv. > Theodor., Religiosa historia, c. II.
tère, et plus tard la porte orientale de la
ville qui prirent le nom de l'apôtre des gen-
tils comme autant de témoins. Ces souve-
nirs qui renouaient les premières traditions
judaico-chrétiennes d'Antioche, furent te-
nus en grande vénération même aux épo-
ques suivantes, comme en témoignent
Guillaume de Tyr ('), à la fin du XI Ie siècle,
et Willebrand d'Oldenbourg (2), au com-
mencement du XI I Ie. De nos jours, malgré
son état de malpropreté et d'abandon, on
montre encore la grotte de saint Paul,
longue de dix mètres sur vingt de large,
près de l'une des sources limpides et de la
fontaine, qui serait celle d'Olympiade, mère
d'Alexandre le Grand (3).
Nous ne pouvons omettre un autre té-
moignage que nous offre l'auteur des Clé-
mentines, cité par Origène. Il vivait sous
Caracalla, de 211 à 217, et était originaire
de Palestine, comme l'indiquent son livre
même et aussi la connaissance qu'il avait
des lieux de l'Itinéraire de Jérusalem à
Antioche (4). Après avoir introduit l'apôtre
Pierre dans cette ville et raconté l'accueil
empressé dont il y avait été l'objet, il met
immédiatement en scène Clément, l'un des
compagnons de voyage, et lui fait dire : Et
Pierre nous ayant pris avec lui, nous nous
rendîmes dans les quartiers à lEst de la
ville, où il y avait des eaux abondantes et
claires — xai rcapaXx(3ùv $)(*%; £;/,î'.ulev y.y-'x àva-
1. « In plaga enini superiore (civitatis) quae ad oiien-
tem respicit, état porta una quae hodie dicitur sancti
Pauli ; eo quod monasterio ejusdem Aposloli in clivo
montis posito sit subjecta. » Lib. IV, 13 — V. encore lib.
1, 10.
2. « Item in uno montium, de quo supra dixi, est coe-
nobitim monachorum dives in honorent sancti Pauli fun-
datum, in quo monstratur parva crypta, aureis picturis
non plurimum, sicut decet, ornata ; vcl caverna in qua
S. Paulus, facta praedicatione in villa, solebat requiescere
et epistolas scribere : et habetur in pulcra veneratione. »
Itinerarium Ternie Sanctae.
3. Cf. Millier, /. c, p. 32 ; Le Camus, t. III, pp. .30-38.
4. Cf. Gallandi, Veter. Pair., 11, xxxn, 2 ; et Freppel,
Les pires apostoliques, neuvième leçon.
£©artpre et sépulture Des 3®acl)abéeg.
387
xa&apà ('). La prédication de Pierre à An-
tioche visait principalement les Juifs; aussi
le fait de le diriger à peine entré dans la
capitale de la Syrie vers les quartiers Est
de la ville, suppose chez l'écrivain palesti-
nien la connaissance que c'était là le centre
des Juifs antiochiens. Tout cet ensemble
d'indications contribue puissamment à éta-
blir que le quartier juif du Cerateum était
à l'Est de la ville, et que le tombeau des
Machabées, situé, comme on l'a vu, en cet
endroit, devait très probablement se trouver
au pied du Stauris, lieu où s'ouvraient dans
le roc un grand nombre de grottes qui se
prêtaient à merveille à l'usage des sépul-
tures selon les coutumes judaïques.
V
IL nous reste à parler de la basilique
antiochienne, élevée en l'honneur de
nos martyrs et où leurs précieux restes
furent conservés certainement, jusqu'au
VIe siècle.
Aucun témoignage, aucun indice n'auto-
rise à faire remonter l'existence de cette
basilique avant le IVe siècle : au contraire
tout semble démontrer que le culte des
Machabées, comme l'église élevée à leur
mémoire, date de cette ère de réparations et
de ferveur chrétienne. Mais je ne crois pas
qu'on en puisse attribuer l'érection à Con-
stantin. Eusèbe de Césarée, qui assistait au
concile d'Antioche où fut déposé Eustache,
dont on lui offrit et dont il refusa la succes-
sion, ne pouvait ignorer ce qui s'y passait.
Or il cite et décrit amplement la grande
construction du Dominicain aîtreum, entre-
prise à Antioche par l'empereur et non
achevée ; mais il ne dit mot d'aucun autre
édifice. Ce que n'aurait pas fait le savant
1. Clément, epist. de geslis Pétri, C. 142. Migne, P. G.,
t. II, C. 574.
panégyriste du prince bien-aimé, si l'on
avait dû cette basilique à sa munificence.
Sous Constance l'Église d'Antioche fut
continuellement déchirée par les schismes ;
Julien et Valens lui firent souffrir des per-
sécutions sans trêve. Saint Augustin nous
affirme du reste que la basilique des Ma-
chabées d'Antioche ne fut pas élevée par
un empereur, mais bien par les chrétiens.
Haec basilica a Chrislianis tenetur, a Chri-
st ianis aedificata est (').
Pourtant on doit admettre, ce semble,
que l'érection de la basilique eut lieu dans
la seconde moitié du IVe siècle. Il est hors
de doute qu'entre l'année 3S6 où saint
Jean Chrysostome fut ordonné prêtre, et
l'année 398 où il fut élevé sur le siège de
Constantinople, la basilique existait déjà ;
car il y prononça plusieurs discours sur le
tombeau et en l'honneur des Machabées.
Puis, si l'on songe que l'Église d'Antioche,
longtemps déchirée par les ariennes, com-
mença à jouir de la paix sous Flavien, fa-
vori du pieux empereur Théodose, on ne
s'écartera guère de la vérité en lui attribuant
ce monument. Saint Jean Chrysostome, en
effet, loue hautement ce vénérable prélat,
le Damase de la capitale de l'Orient, d'y
avoir élevé avec magnificence une foule
d'églises aux saints martyrs et de s'être
appliqué à en propager le culte : // (Flavien,
comme Babylas) restait fidèle an cnlte des
martyrs, non seulement en leur élevant de
splendides édifices, en les honorant de fêtes
continuelles, mats, ce qui vaut mieux encore,
en imitant leur vie — v.fShv. GspaTOixov touç
jjtàp-'jpas, oux' o'.xo3o|ji.ar<; jjw'vov Xaa-paù;, oùok S7ra)>-
XtiXolç eopra^ç, âXkz tw j3eXt£ov. tojtwv tootiw. Tiç
Sk sit'.v o'JTOç ; M'.jj.ELTai. ràv j3'.ov kûtwv (-).
Mais quand et de quelle manière les
reliques des Machabées, appartenant à la
1. Senn. CCC, n. 5 de Machabaeis.
2. De sancto liieromartyre Babyla, n. 3. Migne, P. G.,
t. XLIX, col. 534.
?88
Bclntc De l'&rt chrétien.
synagogue juive du Cerateum, passèrent-
elles aux mains des chrétiens, je ne puis le
préciser avec certitude. Toutefois il semble
que saint Augustin ait fait allusion à ce fait
lorsque, après avoir reproché au judaïsme
l'oubli de ces martyrs, morts pro Christi
nomine in lege velato, il ajoute : Haec basi-
lica a Christianis tenelur, comme s'il eût
voulu dire: Elle n'est plus au pouvoir des
fuifs. Pour donner de ce fait une explica-
tion acceptable, il nous faut rappeler les
rapports qui existaient à cette époque entre
les chrétiens et les Juifs.
Il n'y arien de mieux établi dans l'histoire
des premiers siècles de l'Eglise que la per-
sévérante hostilité des Juifs contre les
chrétiens. Délateurs, instigateurs des per-
sécutions, ils ne connaissent, ils ne res-
pirent que la violence. L'œil fixé sans cesse
vers le maître du moment, à peine l'avaient-
ils soupçonné moins favorable aux chrétiens,
qu'ils entraient immédiatement en jeu, sûrs
de l'impunité, La paix accordée à l'Église,
Constantin fut des premiers à réprimer
l'audace des Juifs, en sauvegardant princi-
palement chez les néophytes la liberté
d'embrasser le nouveau culte dont il favo-
risait la propagation. Constance fut encore
plus sévère, punissant certains actes inju-
rieux au christianisme de la confiscation
des biens. Sous Julien, son successeur, les
Juifs relevèrent la tête et recoururent aux
plus iniques violences. Ils se signalèrent
d'une façon toute spéciale en incendiant,
surtout en Orientées basiliques chrétiennes,
comme il est aisé de le voir par ce qu'en
écrivait saint Ambroise à l'empereur Théo-
dose ('). La mort de Julien, et l'arrivée au
I. « Al certe si jure gentium agerem, dicerem quantas
Ecclesiae basilicas Judaei tempore imperii Juhani incen-
derint. Puas Damasci, quarum una vix reparata est, sed
Ecclesiae, non synagogae impendiis : altéra basilica infor-
mibus horret ruinis. Incensae sunt basilicae Gazis, Asco-
lonae, Beryto et illis fere locis omnibus, et vindictam nemo
pouvoir de princes dévoués à l'Église, de-
vait nécessairement amener de la part des
chrétiens, ce qui eut lieu effectivement, une
violente réaction contre les Juifs : elle dé-
passa les bornes, et les empereurs eux-
mêmes, qui avaient fermé les yeux au dé-
but, furent obligés d'y mettre un frein. Pour
ne pas sortir des limites de mon sujet, il
me suffira de dire que les synagogues furent
l'objet principal des représailles : les unes
furent incendiées, les autres confisquées et
converties en églises chrétiennes. Et cette
réaction fut de longue durée.
Théodose le Grand fut le premier, par
une loi du 29 septembre 393, à réprimer
nimietatem eorum qui sub chrislianae reli-
gionis nomine, s'élevant contre les Juifs,
destruere synagogas atque expoliare cotian-
tur ('). D'autres lois d'Arcadius, en 397,
d'Honorius et de Théodose le Jeune, en
412, 415 et 423, prescrivaient les mêmes
mesures, peu suivies en réalité ('). Il y était
spécifié qu'on laissât les synagogues des
Juifs in quicte solita permanere ; que nul
n'osât les violare vel occupata detinere ; niuic
et deinceps synagogas eorum nul/us occupet,
nullus incendat. Néanmoins les incendies,
la confiscation des synagogues juives et
leur affectation au culte chrétien, conti-
nuaient, en dépit des lois; et les empereurs
ou fermaient les yeux ou encourageaient le
mouvement. L'une des plus belles lettres
de saint Ambroise a rendu célèbre l'incendie
de la synagogue de Castrum Callinicum
dans la province osroène d'Orient. Théo-
dose avait condamné l'évêque du lieu à la
rebâtir aux frais de l'Eglise ; mais le grand
quaesivit. Incensa est basilica et Alexandriae a Gentilibus
et Judaeis, quae sola piaestabat caeteris. Ecclesia non
vindicata est, vindicabitur synagoga? »
Epist. XL ad Theodos. aug., n. 15.
1. Loi IX, Cod. Theod. De Judaeis, Coelicolis et Sauta-
ritanis.
2. Lois, 12, 20, 21, 25, 26, 27, Cod. Thcod. même titre.
09artpre et sépulture tiec 0f)act)abées.
389
Pontife de Milan intervint et le fit absoudre.
A Constantinople, la synagogue que les
Juifs avaient, dès le temps de Constantin,
dans le quartier nommé Chaloprateorum,
fut, grâce à Théodose et à Pulchérie, trans-
formée en église et dédiée à la Sainte
Vierge ('). Ces cas n'étaient pas rares, ils
se reproduisirent même en Occident sous
le roi Théodoric (2) et saint Grégoire le
Grand (3). Les lois impériales, édictées
pour la défense des synagogues, eurent
elles-mêmes à subir des modifications im-
portantes. Ainsi il fut interdit de construire
de nouvelles synagogues, les anciennes
devant rester dans l'état où elles étaient ;
on abolit celles qui ne se trouvaient pas
dans les grands centres populeux, et dont
la suppression ne donnait lieu à aucun dé-
sordre (4) ; une synagogue une fois occupée
par les chrétiens et convertie en église ne
devait plus être rendue, mais on accordait
ailleurs, à titre d'indemnité, un terrain con-
venable (5).
A Antioche, vers la fin du IVe siècle, les
Juifs, quoique fort nombreux, n'avaient
que deux synagogues, l'une dans la cité (6)
et l'autce dans le faubourg de Daphné.
Cette dernière, incendiée plus tard sous
l'empereur Anastase, fut convertie en église
sous le vocable de Saint-Léonce (7). Quel
fut le sort de la synagogue primitive du
Cerateum, il est difficile de le dire. Sans
aucun doute c'était sous les Séleucides un
édifice remarquable. Flavius (8) l'appelle
TÔ Lepov à cause de la magnificence de la
1. Cf. Anonym. Origin. conslantinopolit., dans le t. II
Actuar. Combefis ; et Théoph. Chronogr. ad an. 442.
2. Epist. ad senatum Urbis Romae, Cassiod., Variât. ,
IV, 43.
3. Epist. ad. Januar. caralit., lib. IX, Ind. 1 1, c. VI ; et
ad Fantinum defens. panormit., lib. IX, Ind. II, c. LV.
4. Cf. loi XXII cod. Théod. de Judaeis.
5. Cf. loi XXV même titre.
6. S. Jean Chrysos., Orat. I, adv. Jndaeos, n. 6.
7. Malala, Chronogr., lib. XVI, c. 585.
8. De bello judaico, lib. VII, c. in, n. 3.
construction, qui avait les formes architec-
toniques d'un temple, et par un acte de
haute bienveillance, ces rois avaient permis
d'y déposer les bronzes enlevés au temple
de Jérusalem. A l'époque de la domination
romaine, sous l'empereur Caius, les Grecs,
à l'occasion d'une sédition populaire, mas-
sacrèrent un grand nombre de Juifs et brû-
lèrent leurs synagogues, êœdvsuuav tuoXXoùç
'IouSaîou?, xai xà; awxvWYàç aÙTÙv Ixautrav ('), —
ce qui donnerait lieu de croire que tel fut
le sort de celle du Cerateum. Au IVe siècle,
les Juifs antiochiens étaient devenus souve-
rainement odieux aux chrétiens. Les six
discours que prononça contre eux Chrysos-
tome à Antioche, et où il va jusqu'à les
qualifier de gens souillés de toute iniquité,
itâtr^ç 7iapxvoiua;ys[Jiova; (2),en sont une preuve
éclatante. Rien donc de plus naturel que
la synagogue du Cerateum et l'emplacement
des tombeaux des Machabées n'aient été,
par suite de représailles, occupés et gardés
par les chrétiens, chose qui, de l'aveu des
empereurs Honorius et Théodose, ne man-
quait pas de se reproduire passim (3). Ce
qui est certain, c'est que vers l'année 423,
l'empereur Théodose, à l'instigation du
préfet du Prétoire, avait envoyé un rescrit
par lequel il enjoignait de rendre aux [uifs
établis à Antioche les synagogues que les
chrétiens leur avaient enlevées. — ©soSoffîou
toù aÙTOxpctTopoç teOet-'.xoto; toÎç xarà T/yv 'Avtioyo'j
'IouSxioiç âîtoSoGrjvat tàç crowv ffuvavuvàç, Sotieo
s<pQ/iTav Trxpà yp'.TT'.xvwv àcp7)p7if*Évoi. — L'inter-
vention du vénérable Simon Stylite fit an-
nuler le rescrit, et le Préfet fut destitué. Le
fait nous est raconté par Évagre le Scholas-
tique, syrien de naissance et qui avait vécu
de longues années à Antioche (4). Étant
donné tout l'ensemble des circonstances,
1. Malala, Chronogr., lib. X, c. 374.
2. Orat. VI. advers. Judaeos, t. I, p. 656, éd. Montfauc.
3. Cf. loi XXV, Cod. Théod. De Judaeis.
4. Histor.eccles., lib. I, C. 13.
390
débite De l'&rt chrétien*
l'occupation par les chrétiens de la syna-
gogue du Cerateum en même temps que du
tombeau des Machabées, tolérée ou ratifiée
par les empereurs, nous semble expliquer
le passage de ces augustes reliques à l'église
catholique.
Ces pages étaient écrites et déjà pu-
bliées ('), lorsqu'en faisant des recherches
à la Bibliothèque vaticane sur la topo-
graphie d'Antioche, notre attention s'est
portée, heureusement, sur le Codex M S
arabe 286, qu'avait cité Mai' dans son
catalogue des MSS. orientaux (2), et que
Miiller, suivant la description de ce dernier,
avait faussement attribué à Zeineddino (3).
Nous éprouvâmes une surprise bien agréa-
ble en voyant ici consignée par un auteur
arabe inconnu et, ce semble, chrétien, sur
la foi d'anciens documents, une donnée des
plus précieuses, qui est la confirmation
explicite de tout ce que nous avons exposé
jusqu'ici. Le MS., encore inédit, appartient
au XVIe ou au XVIIe siècle et est l'un de
ceux que Joseph Simon Assemani fit venir
d'Orient pour enrichir la Bibliothèque
apostolique. 11 renferme onze opuscules
d'auteurs différents, dont le sixième, sans
nom, concerne les origines de la métropole
syrienne. La description de la ville, occu-
pant huit pages tout entières [111-118]
in-40, offre un ensemble de renseignements
topographiques intéressants et de notes
explicatives ; et, chose digne de remarque,
il n'y a pas la moindre trace d'allusion aux
transtormations subies par Antioche à partir
du VIe siècle, soit à l'occasion de catas-
trophes naturelles, soit par les invasions
barbares étrangères. Les murailles, les
tours, les portes, l'acropole n'ont pas changé;
la domination gréco-romaine des empereurs
1. Bessarione, n. 10-13, 1S97.
2. Scriptor.veter.nov. collect., t. IV, p. 455-456.
3. Antiguitaies anlîochianae, p. 132, note 7.
de Byzance y brille dans tout son éclat ; et
l'auteur déclare relater à propos de la ville
« ce qu'il a reçu des anciens (') ». Il eut aussi
entre les mains des documents écrits en
grec (2). Il n'est pas improbable que plu-
sieurs indications qu'il donne proviennent
de l'ouvrage, aujourd'hui perdu, de l'histo-
rien cappadocien Pausanias, lequel avait
pour titre, « de la fondation d'Antioche, —
itepl 'AvTto^sîaç xxîffswi; (3) ». Et notre opinion
se trouve confirmée non moins par le con-
tenu de l'opuscule que par le préambule
dont l'a fait précéder l'auteur (4). Or voici
en quels termes, vers la fin, l'anonyme y
décrit la synagogue du Cerateum avec les
tombeaux des Machabées : « Dans celte
ville est un grand édifice qtie la population,
après avoir embrassé la foi du Christ, con-
vertit eu église sous le vocable de Sainte-
Aschmunit. Cette église était appelée maison
de prière par les Juif s, et était située à l'Ouest
près du sommet de la montagne. Au-dessous
se trouvait une sorte de crypte avec tombeaux,
à laquelle on accède au moyen d'escaliers.
Cette église renferme le tombeau d ' Ezra
[Eléazar] prêtre, et ceux d' Aschmunit et de
ses sept fils, que le Roi Agappius [Antiochus]
avait mis à mort à cause de leur foi ; et ils
sont enterrés dans ce souterrain (5). »
Il n'y a donc pas à en douter: Aschmunit,
à laquelle était dédiée à Antioche, l'église
où elle était inhumée avec ses sept fils,
1. V. p. 112.
2. V. pp. 1 14, 1 16.
3. Il est cité par Jean Tzetzes, écrivain byzantin du
XIIe siècle, dans la Chili.ule, lib. VII, v. 168. — V. Fa-
bricius, Bibliotheca gracca, t. X, p. 267.
4. L'Anonyme commence ainsi la traduction de l'arabe :
« Avec l'aide du Tris-Haut nous entreprenons de raconter
la fondation de la grande ville d'Antioche, sa construction
et toutes les choses 1/111 /ni appartiennent : <<• qu'acoûti sa
fondation, quel est celui qui l'a construite. Bénisse» nous,
Seigneur. » V. p. m.
5. V. dans le texte italien, p. 51, la version syriaque
originale
5@arfpre et Sépulture îie0 £©ad)abces.
391
n'était autre que la Sch ! muni, mère des
Machabées, mentionnée par le martyrologe
syriaque du IVe siècle. Nous en avons la
preuve dans l'antique évangéliaire hiérony-
mien, publié en 1861 par le ccmte Maris-
calchi, où figurent, à la date du Ier août,
les Machabées Aschmunit et ses fils : « Au-
gustus, feria I in ea commemoratio Amka-
biam Ascemonit et filiorum suoruiu ('). »
L'édifice, converti en église par les chré-
tiens, est appelé Kasr par l'écrivain arabe,
mot qui désigne une habitation vaste et
somptueuse, un palais ou résidence royale,
et donne l'idée générale d'un grand édifice
construit en pierre ('). Que cet édifice, situé
sur la montagne, fût la synagogue Cerateum,
élevée pour les Juifs avec de grandes pro-
portions architectoniques sous Séleucus
Nicator, cela ressort clairement du nom
même qu'il portait : Lieu ou maison de
prière pour les Juif s qui est la traduction
littérale du grec reporeu^. Les « mpoaeu^ât »,
où les Juifs tenaient leurs assemblées reli-
gieuses, étaient le plus souvent de vastes
édifices, comme il est aisé de le voir dans
Flavius Josèphe. Celui-ci, à propos d'une
réunion des Juifs de Tarichée, près de
Tibériade, dit que « tous se réunirent dans
la TtpoTSjy/,, vaste édifice capable de contenir
une foule immense, uuvâvovTai 7iàvTeç i'.ç ty,v
7cpo5c'jyY>v, jjiey'.TTOV oiXTipix, rcoXùv oy Aov emS'sijaffSai
oyvâpuîvov (3). Avec le tombeau de la mère et
des sept frères Machabées se trouvait en-
core celui du prêtre Eléazar. Le traducteur
arabe a, par contraction, fait de son nom
Ezra, mot qui, en ne tenant pas compte
des deux premières lettres supprimées,
représente les éléments radicaux du mot
1. Evangeliarium hierosolymitinum et eod. vatic. pa-
iaesti/io, t. I, p. 560.
2. V. G. W. Freytag, Lexicon arabo-latiimm, Hallis
Saxonum, 1S35.
3. Flav. Joseph., De vi/a sua, cap. liv.
Éléazar, comme on le voit clairement par
le texte hébreu primitif -pir'px [Eléazar]
Puis la mention expresse qui est faite du
tombeau du vieillard, existant au milieu des
tombeaux des sept frères et de leur mère,
omise par le martyrologe syriaque et par
l'itinéraire d'Antonin de Plaisance, milite
non seulement en faveur des témoignages
de Chrysostome, dont les discours, dans la
basilique du Cerateum, ne séparent pas son
souvenir de celui de la mère et des fils ;
mais confirme encore l'authenticité des
reliques vénérées à Rome dans l'église de
St-Pierre-ès-Liens. Reste encore unique-
ment à corriger l'erreur du traducteur
arabe, ou plutôt du copiste, qui, voulant
désigner le monarque syrien des Machabées
a fait du véritable nom d'Antioclze, Agapius.
Rien de plus intéressant, du reste, que
les indications topographiques données par
l'Anonyme. — Il nous apprend que la
synagogue juive, dont les chrétiens firent
un temple en l'honneur des Machabées,
était dans la ville et en même temps près
du sommet de la montagne. Il s'agit donc
évidemment de la montagne englobée dans
les murailles d'Antioche, et qui était, nous
le savons, une ramification du Silpius, situé
à l'Est de la même ville. L'église qu'on
nous dit située près du sommet de la mon-
tagne et à l'Ouest de celle-ci, devait préci-
sément se trouver auprès de l'acropole, que
couronnait la ville haute de Séleucus, sous
le règne duquel, nous l'avons vu, la pre-
mière synagogue juive avait été élevée avec
la magnificence d'un temple, et c'est là que
furent déposés, quelques années plus tard,
les restes des Machabées. L'édifice était bâti
sur le roc, au dedans duquel étaient creusés
des antres et des cavernes, il était par con-
séquent exact de le dire suspendu ou fien-
sile ; ces sortes de constructions, du reste,
392
3&ebue Dr rart chrétien.
n'étaient pas rares à Antioche dans la partie
haute et escarpée de la montagne ('). Aussi
descendait-on par un escalier à X hypogée,
lieu de la sépulture des Machabées. Le
texte arabe se sert d'une expression qui
signifie lieu cache' ou sotiterrain, expression
i. V. Miiller, Antiquit. atttioch., p. 113.
correspondant au verbe grec xpiiirrM, d'où
vient le mot crypte ou hypogée. Données
qui toutes confirment merveilleusement et
de tous points nos déductions.
Card. Rampolla
(traduit par Mgr Lemonnier).
(A suivre.)
oLffi* K^* A**^* *^* **^* ^^ ***£* ***£* *g* ffi* **%* a,*v£* **y£* **g* x**E* *g£
Habenne et Bologne. Carnet oe dopage.
3iiiiiiiitiiiiiii^iii^iii>iiiiiiiviiiiiiiziiiiiii^xiJiiiiii^-^i^"iiii-Jii»iiiiii^iiiiiiixiiiiiiii:iiiiiiiKiiTiiTir,iiiiTrt3crirrrTryxrii nnr~i H
T&* W W Ts&* va*1v v£t* v^v W W W *£!* Téî* T<&* Tét* *x&* ^
jORSQU'ON réside en per-
manence en Italie, et qu'on
a conservé le goût du dé-
placement, il est bon de
fixer à chaque tournée un
but spécial ; il y a tant à
voir et à étudier qu'on
risque de trop embrasser à
la fois, si on ne sait pas se limiter, et par con-
séquent de mal étreindre.
Je connais de vieille et de récente dates Ra-
venne et Bologne, et cependant j'ai éprouvé le
besoin d'y retourner : à Ravenne pour les tra-
vaux en cours et la technique de la mosaïque, à
Bologne pour les sépulcres des lettori de l'an-
cienne Université et les œuvres du sculpteur Al-
phonso Lombardi.
De retour à Florence, j'ai mis au net et com-
plété dans une certaine mesure mes notes de
Ravenne et de Bologne, et classé momentané-
ment celles de Ferrare, Forli et Faenza.
I
JE crois que depuis bien des siècles c'est la pre-
mière fois que Ravenne, jadis RAVENNA
FELIX, et depuis si longtemps morne et triste,
assiste à un mouvement aussi prononcé d'acti-
vité relative, dans ses insignes monuments.
Au mausolée de Galla Placidia, à San Appo-
linare in Classe, au Baptistère des Orthodoxes,
au Palais de Théodoric,à San Vitale, architectes,
artistes et ouvriers sont à l'ouvrage.
C'est grâce à un ministre éclairé, M. Con-
dronchi, sénateur du royaume, que les travaux
d'entretien, d'assainissement et de restauration
ont commencé en 1897.
Après un voyage qu'il fit à Ravenne, le mi-
nistre prit la résolution d'affecter quelques fonds
aux monuments nationaux de la cité et de créer,
pour Ravenne spécialement, une surintendance
des travaux, qui fut attribuée à M. Corrado Ricci,
architecte et archéologue distingué.
Les fonds ne sont pas abondants, mais l'Italie
a tant à faire pour ses monuments !
A leur insuffisance sont venues parer,dans une
certaine mesure, les contributions volontaires des
citoyens. Toujo urs en Italie, lorsqu'il s'agît des
monuments de la cité, de la charité et de la
bienfaisance, la généros ité individuelle se fait
sentir.
Etant incompétent en architecture, je ne puis,
donner sur les travaux que des vues sommaires,
des notes d'amateur.
Mausolée de Galla Placidia.
Jadis on a muré un certain nombre de fenêtres
presque toutes dans la zone inférieure du monu-
ment ; les ouvertures vont être rétablies, et à
l'intérieur on va garnir de revêtements de marbre
la muraille au-dessous des mosaïques, comme
cela était précédemment.
Dans presque tous les monuments de Ravenne,
on remarque des fenêtres bouchées ; il est diffi-
cile d'expliquer comment cette singulière idée
a pu surgir.
Le sol de Ravenne a toujours été d'une humi-
dité très grande ; actuellement encore le parquet
de San Appolinare in Citta est mouillé alors
même que l'air est sec depuis longtemps ; à Santa
Maria in Porto Fuori et à San Appolinare in
Classe, les bases des colonnes trempent dans
une nappe d'eau.
Les an ciens architectes ont donc à dessein
multiplié les fenêtres pour aérer les édifices, et
les mosaïstes ont exécuté les mosaïques en rai-
son de l'abondance de lumière que leur don-
naient ces baies nombreuses. Les murer c'était
aller contre le bon sens et l'art, mais ce n'était
pas faire acte de vandalisme puisque les erreurs
sont réparables. Si, à Ravenne et ailleurs en
Italie et en Europe, on n'avait pas été plus loin,
nous n'aurions pas le droit de nous plaindre.
Baptistère des Orthodoxes.
Les marbres de la zone inférieure avaient été
enlevés comme ceux de Galla Placidia. La ma-
nufacture royale de pierres dures de Florence,
sous la conduite de son chef distingué M. Mar-
chionni, a rétabli la parure.
San Appolinare in Classe.
Les travaux consistent à déboucher les fenêtres
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 5me LIVRAISON.
394
3Rrtme tre rstrt chrétien*
et à dégager les arcades de la nef qui avaient été
murées.
Palais de Théodoric.
Le palais a été isolé des constructions voisines
sur quelques mètres de profondeur. On rebâtit la
façade d'après le type primitif, représenté dans
la mosaïque de San Appolinare in Citta ; mais
la question de la décoration n'est pas tranchée ;
on ne songe pas, bien entendu, à refaire la mo-
saïque du triclinium grattée au VIIIe siècle au
profit de Charlemagne.
San Vitale.
C'est ici que s'exécutent les plus importants
travaux ; mon ignorance m'interdit de les
détailler. Ils consistent à ouvrir des fenêtres
bouchées, et à débarrasser le temple des autels,
de l'orgue et des meubles de styles étrangers à
l'édifice.
Les escaliers donnant accès au gineceo seront
changés; leur disposition était si défectueuse que
cette galerie supérieure, jadis réservée exclusi-
vement aux femmes, était dans un permanent
état d'humidité.
Je regrette de ne pouvoir donner des rensei-
gnements précis sur l'opération essentielle qui
consiste à refaire la toiture ; il s'agit de remplacer
la toiture en bois par une construction en briques.
Les codes de Théodose et de Valentinien inter-
disaient l'usage du bois dans les basiliques ; si
j'ai bien compris, ces prescriptions furent d'abord
observées à San Vitale, en partie du moins, puis
plus tard le bois fut substitué à la brique ; main-
tenant on revient à l'a brique pour des motifs de
solidité et de salubrité. Il y a là pour un archi-
tecte doublé d'un archéologue, motifs à d'inté-
ressantes études.
En résumé les travaux de Ravenne ont pour
but non seulement d'assainir et de consolider les
monuments, mais encore de les remettre, autant
que possible, dans leur état primitif.
Au cours des démolitions nécessaires, on a
trouvé par centaines des morceaux et des débris
de marbre qui seront utilisés; on a découvert des
inscriptions, des sculptures et plusieurs de ces
anciens tombeaux dont Ravenne possède des
types nombreux dans ses églises et son musée.
Au mausolée de GallaPlacidia, deux tombeaux
étaient engagés dans les murs ; leur existence
était ignorée et les noms des personnes qu'ils
renferment l'est encore.
A San Appolinare in Classe, les découvertes
en ce genre ont été très importantes ; une di/.aine
de tombeaux ont été remis en lumière ; l'un est
une arcaàu Ve siècle, montrant en bas-reliefs des
croix placées sous des arcades drapées, et une
autre du VIe avec des rinceaux, des croix, des
ceps de vigne et des animaux; ce tombeau reçut
au siècle suivant les restes de l'archevêque de
Ravenne Théodore. C'est certainement une pièce
de premier ordre (:).
Donc à tous les points de vue, les travaux
actuels de Ravenne sont une entreprise des plus
utiles et des plus intéressantes; on ne saurait
trop féliciter l'honorable sénateur Condronchi
d'en avoir pris l'initiative.
II
L'ÉTUDE de la technique ne fournit pas
l'occasion de ces brillantes dissertations
sur l'esthétique et la philosophie de l'art à la
mode de notre temps, mais en revanche elle
donne, en bien des cas, les motifs de l'attraction
que l'ouvrage exerce sur l'esprit et les sens.
En mosaïque, par exemple, il arrive qu'une
œuvre captive l'attention malgré les défauts de
la composition et du dessin, alors qu'un autre
ouvrage mieux disposé et plus correct nous laisse
froid. Cette différence, dans l'impression, a sou-
vent ses raisons dans la technique, c'est-à-dire
dans les procédés matériels suivis par le mosaïste.
Par suite l'étude de la technique a un attrait
particulier pour ceux qui s'y adonnent.
Je n'ai donc pas manqué cette fois, comme
précédemment, d'examiner les mosaïques de Ra-
venne à ce point de vue spécial.
Mes premières appréciations n'ont pas été
modifiées ; nulle part en Italie les mosaïstes
n'ont eu au même degré le sentiment des qualités
expressives des matières employées dans la mo-
saïque pariétaire ; à cet égard Ravenne n'a pas
été égalée, même au XIIIe siècle, dans les absides
de Sainte-Marie Majeure et de Saint-Jean de
Latran à Rome.
i. J'ignore si les tombeaux de Ravenne ont donné lieu à
une publication illustrée spéciale; il y a là les éléments d'un
ouvrage de haut intérêt pour l'histoire de l'Art chrétien.
i&fttjenne et Pologne.
395
Comme ce n'est pas un manuel à l'usage des
mosaïstes que je veux écrire, je serai aussi bref
que possible.
Les mosaïques de Ravenne sont faites au
marteau, ce qui veut dire que la galette d'émail
est posée à plat sur une petite enclume taillée en
biseau, tagliola, puis débitée en cubes au moyen
d'un marteau tranchant, martellina.
Ce n'est pas que les mosaïstes n'aient pas
connu la meule, rotino, pour user la matière et
la mettre à la forme, mais ils ne l'ont employée
qu'avec beaucoup de discrétion, et seulement
pour les éléments devant simuler des perles et des
pierres précieuses;c'est visiblement démontré pat
la reproduction ci-jointe du portrait de l'empe-
reur Justinien à San Vitale. (Fig. i.)
La meule était connue des mosaïstes de l'an-
tiquité ; elle est devenue indispensable lorsqu'au
XVIIe siècle on a commencé, pour Saint-Pierre
deRome.lareproduction des tableaux de maîtres,
entreprise funeste pour l'art de la mosaïque.
Les mosaïques de Ravenne sont à couleurs
franches, ce qui veut dire que, pour une robe
grise par exemple, le mosaïste n'a employé que
le gris. Cette pratique paraît tellement naturelle,
qu'il peut sembler étrange que je la présente
comme une qualité, et c'en est une cependant.
Plus tard, insensiblement, et surtout à partir
du XVIIe siècle, les mosaïstes ont pris l'habi-
tude de poser l'un à côté de l'autre deux cubes
de couleurs différentes dans le but de produire
à distance l'effet d'une couleur unique ; ainsi
au lieu de prendre du gris pour une draperie
grise, ils ont pris des cubes d'une teinte rosée
et des cubes d'une teinte verdàtre et les ont
placés en échiquier ; à distance les deux éléments
se confondent et forment une teinte grise, qui
paraît très homogène.
Il est fort probable que la première cause de
l'échiquier a été l'absence dans la provision, muni-
zione, des émaux de la couleur juste, mais petit
à petit l'échiquier est venu en faveur dans les
ateliers, par suite de la disposition des praticiens
des temps de décadence, de se complaire dans la
virtuosité et la difficulté vaincue.
Quelle que soit l'habileté du mosaïste à prati-
quer l'échiquier, il n'arrivera jamais à l'éclat, à la
force, à la vibration d'une mosaïque à couleurs
franches.
L'emploi des couleurs franches n'oblige nulle-
ment le mosaïste à s'en tenir à une seule couleur
pour exprimer les carnations, les tissus, les acces-
soires et les terrains. Si, par exemple, sa draperie
est flottante, il accusera les plis soit avec des
tons d'intensité différente pris dans le même
corps de couleur, soit par des cubes choisis dans
un corps d'autres couleurs.
Au Baptistère des Orthodoxes, qui est du Ve
siècle, la couleur locale des vêtements des apôtres
est le jaune, le creux des plis est brun et les
lumières sont en or ; dans le jaune et le brun il
Fig
Portrait de l'empereur Justinien (VIe siècle).
Basilique San Vitale à Ravenne.
n'y a que deux tons posés à plat. Dans les car-
nations on observe une tendance vers un certain
modelé, car du clair à l'obscur il y a jusqu'à
quatre tons sans cependant que l'un pénètre
dans l'autre.
Au mausolée de Galla Placidia, à peu près
contemporain du Baptistère, les carnations ont
un modelé plus accusé.
Les intentions de modelage disparaissent dans
les deux basiliques du VIe siècle dédiées à San
Appolinare ; ici les carnations ne sont plus trai-
tées qu'avec deux éléments.
On risquerait donc de faire erreur, si, à défaut
d'autres arguments, on voulait dater une mo-
saïque par le moyen de la technique et donner
596
&e1uu tic r&rt chrétien.
la plus ancienne date à la technique la plus som-
inaire,puisqu'ici,dans la même cité.les mosaïques
du VIe sont plus simples que celles du Ve.
La qualité des matériaux n'est pas non plus à
considérer pour fixer l'âge d'une mosaïque ; ce
serait par exemple se méprendre que de penser
que plus il y a des cubes de marbres dans une
mosaïque, plus elle est ancienne.
Il ne m'a pas paru qu'il y ait des cubes de mar-
bres au Baptistère des Orthodoxes et à Galla
Placidia;àSan Appolinare in Classe.ils abondent
non seulement dans les draperies et les archi-
tectures figurées, mais même dans les carnations.
La même pratique se remarque d'ailleurs dans
la cathédrale de Salerne du XlVsiècle.à Saint-
Marc de Venise et même dans les voûtes de
Saint-Pierre à Rome. A Salerne, on s'est servi
des galets du golfe et, à Rome, d'une pierre cou-
leur de chair provenant de Catanello dans la
campagne romaine.
A l'inverse de San Appolinare in Classe, il
n'y pas de marbres à San Appolinare in Citta,
ni à San Vitale.
La mosaïque de San Vitale a été particulière-
ment soignée, par adulation sans doute; le trésor
impérial fournissant les fonds, il n'y avait pas
lieu d'économiser en mettant des marbres au
lieu d'émaux.
Je ne parle pas du Baptistère des Ariens dont
la mosaïque, relativement pauvre,a été retouchée;
au XVIIe siècle, le cardinal Cesare Rasponi
ragguisto Pantica musaica.
La mosaïque de la chapelle de l'Archevêché a
également été reprise assez maladroitement ;
dans les têtes en médaillons, les pommettes des
joues sont très saillantes et accusées par un
disque rouge, ce qui ne se voit dans aucune mo-
saïque du VIe siècle.
La Madone en orante qui, dans ce sanctuaire,
fait tableau d'autel, a été ajoutée ultérieurement;
tout le monde l'a répété. Mais d'où vient-elle ?
A Ravenne on dit qu'elle provient de la mo-
saïque de l'abside de l'ancienne cathédrale, exé-
cutée en n 12 et sacrifiée en 1734 lors de la
reconstruction du dôme. Il me semble que cette
figure est plus ancienne; je lui trouve de grandes
analogies de style et de facture avec une Ma-
done dans le même mouvement, placée à San
Marco de Florence et provenant de l'oratoire
dédié à la Mère de Dieu, dans l'ancienne basi-
lique de Saint-Pierre de Rome, par le pape
Jean VII, en 706.
Dans la chapelle de l'Archevêché on constate
des peintures en remplacement des mosaïques
tombées ; il y en a également qu3lques-unes dans
d'autres édifices de Ravenne ; pour l'Archevêché
le fait est assez singulier, puisque la mosaïque
est dans un lieu clos et sec.
III
AU rapport de Vasari, Domenico Ghirlandaio
avait coutume de répéter : « la vera pittura
per la eternita essere il musaico ». Domenico
s'est mépris.
Le cube d'émail de la mosaïque, lorsqu'il est
bien préparé, peut résister plus qu'aucune autre
matière artificiellement mise en couleur: mais le
ciment dans lequel le cube est planté est sujet à
se détacher du mur pour bien des raisons et avec
lui la mosaïque tombe.
Puis toutes les masses d'émail ne sont pas
également bien composées; on remarque à Saint-
Pierre, dans la robe de la femme à genoux de la
Transfiguration, une altération sensible dans les
colorations, et cependant la mosaïque n'a pas
deux siècles d'existence; de rose la couleur tend
à tourner au vert. Cela vient évidemment d'une
mauvaise composition et d'un excès de matières
alcalines.
Mais c'est dans les ors surtout que les altéra-
tions sont fréquentes, et les mosaïques de Ra-
venne n'ont pas été plus épargnées que les autres.
Le cube qui sert aux fonds d'or ou d'argent,
n'est pas, comme les autres, coloré dans la masse ;
il est composé de trois éléments distincts réunis
à chaud: premièrement un morceau de verre ou
d'émail, secondement une feuille d'or, troisième-
ment une pellicule de verre incolore qui recouvre
la feuille d'or. Après un temps plus ou moins
long, la pellicule de verre se détache et laisse à
nu la feuille d'or qui n'étant plus soutenue finit
par tomber; alors apparaît la matière du fond.
De là ces taches nuageuses qui assombrissent
les fonds métalliques des mosaïques.
Je ne suis pas de ceux qui estiment que ces
taches donnent à la mosaïque une patine parti-
i&atoenne et Bologne.
397
culière dont l'effet est de corriger le trop grand
éclat des fonds; je trouve au contraire que ces
altérations sont nuisibles; elles n'ont pas été pré-
vues par le mosaïste d'abord, pas plus que le
peintre n'a prévu l'embu lorsqu'il a peint son
tableau.
De plus un mosaïste qui connaît son métier
choisit avec discernement les émaux coloriés qui
doivent avoisiner Les ors; il sait que l'or a une
qualité expressive particulière, qu'il est vibrant
et absorbant à ce point que telle couleur qui de
sa nature est claire, paraît foncée dès qu'elle est
placée en tangente d'une masse dorée.
A Ravenne l'altération des ors donne aux
fonds d'Appolinare in Citta un reflet chatoyant
et diapré peu agréable; à Galla Placidia et au
Baptistère des Ariens, le cube d'or désagrégé a
fait paraître les fonds avec un aspect rougeâtre
apparent surtout à la lumière frisante.
Ces effets sont contraires aux intentions du
mosaïste et portent atteinte à l'harmonie de l'en-
semble.
IV
QUOIQUE tous ceux qui s'occupent de mo-
saïque, ou qui ont été simplement à Ra-
venne par curiosité, aient remarqué la
couleur des vêtements du Christ et de la Madone,
je dois cependant en dire quelques mots.
Malgré la richesse de la langue française, nous
manquons souvent de mots pour désigner une
couleur, ou bien nous avons des mots tellement
conventionnels, que pour les comprendre il faut
être du métier.
On sait ce que veut dire vert émeraude parce
que la comparaison est prise dans la nature; il
faut être initié pour savoir ce que c'est que le
vert Veronèse, le brun Van Dyck, le jaune indien,
attendu que ni Veronèse, ni Van Dyck, ni les
Indiens n'ont eu un vert, un brun, un jaune par-
ticulier.
A cet égard les Chinois sont plus avancés que
nous lorsqu'ils disent : bleu du ciel après l'orage,
feuille de thé en poudre, blanc de lune après la
pluie, foie de mulet, poumon de cheval, jaune
d'anguille, aubergine, poil de lièvre, etc., etc.
Je ne sais donc comment désigner la couleur
des vêtements en question, si ce n'est en disant
qu'ils sont d'un brun-rouge tirant sur le violet.
Ce qu'il y a d'incontestable, c'est que le mo-
saïste, en adoptant cette couleur, a voulu revêtir
les personnages de la pourpre souveraine.
La pourpre n'a pas eu toujours la même
couleur.
Pline, dans son Histoire naturelle (Lib. IX, 63)
écrit : « Nepos Cornélius qui divi Augusti princi-
« patu obiit: me, inquit, iuvene, violacea purpura
« vigebat, cuius libra denariis centum venibat :
« nec multo post rubra Tarentina. Huic successit
« dibapha Tyria, quae in libras denariis mille
« non poterat emi. »
Je ne sais pas quelle était la couleur exacte
de la pourpre de Tyr au temps de Cornélius
Nepos, mais il est certain que les mosaïstes de
Ravenne ont adopté non la rubra Tarentina mais
la violacea purpura.
Rien ne les empêchait de prendre de préfé-
rence la pourpre rouge; ils la connaissaient et
l'ont employée à San Appolinare in Citta dans
les chaussures des Saintes et dans quelques par-
ties des vêtements des Rois Mages.
On a cru que la formule de l'émail rouge était
alors perdue, ce n'est pas exact ; à la vérité elle
paraît avoir été perdue plus tard. Je n'ai trouvé
de rouge vif dans aucune des terres émaillées du
XVe siècle de Luca et d'Andréa délia Robbia, si
habiles cependant dans l'art des émaux ; chaque
fois qu'ils ont eu à confectionner l'écusson de la
Commune de Florence: le lis rouge sur le champ
blanc, ils n'ont pu reproduire le rouge franc et vif
du modèle peint et ont dû se borner à donner à
l'emblème une couleur violacée vineuse qui s'éloi-
gnait sensiblement de l'armoriai officiel adopté
en 125 1.
Je résume la technique.
Les matières des mosaïques de Ravenne sont
de première qualité ; les couleurs des émaux sont
franches et les ciments plus solides qu'ailleurs,
malgré l'humidité qui règne dans la contrée. Si
les ors ne sont pas restés intacts, la cause en est
dans la fabrication qui, de notre temps même, n'a
pu être perfectionnée.
V
ON parle fort peu dans les écrits sur Ra-
venne de la mosaïque de l'église San Mi-
chèle in Africisco, et la raison en est bien simple:
la mosaïque n'est plus en place.
398
&ebtte lie T^rt dbrétten*
Comme elle n'est pas détruite et que proba-
blement elle reparaîtra quelque jour — non
pas à Ravenne — il n'est peut-être pas inutile
d'en dire quelques mots.
L'église San Michèle in Africisco a été bâtie au
milieu du VIe siècle; au commencement du XIXe
elle a été désaffectée et convertie en magasin.
En 1843, la mosaïque qui décorait l'abside a
été vendue au gouvernement, ou bien au roi de
Prusse.
Elle a été détachée du mur avec son ciment,
par fractions, et envoyée à Berlin où elle est
restée en caisse depuis cette époque.
Il existe de cet ouvrage à Ravenne une aqua-
relle et une gravure. J'ai pu, à l'intention de la
Revue de l'Art chrétien, me procurer un exem-
plaire de la gravure ; sa reproduction me dispense
de toute description. (Fig. 2.)
La gravure donne, je crois, une idée assez
juste de la composition qui, m'a-t-on dit, mesure
à la base environ six mètres ; il est visible que
pour le caractère des figures elle s'éloigne ab-
solument de l'original : évidemment celui-ci est
dans le style du VIe siècle, mais certes on ne s'en
douterait pas à voir la gravure.
Chaque époque a une façon de dessiner; jamais
Fig. 2. — Mosaïque de l'ancienne abside de l'église San Michèle in Africisco à Ravenne (VIe siècle).
il n'y en a eu de plus déplorable que celle à la
mode vers 1825, qui est, je crois, la date de la gra-
vure. Lorsqu'on consulte les dessins de Lasinio du
Campo Santo de Pise de ce temps, les planches
du Musée de Sculpture du Louvre par le comte
de Clarac, et nombre d'autres reproductions, on
ne peut comprendre comment des artistes, qui
cependant n'étaient pas des sots, ont pu négliger
à ce point le style des ouvrages qu'ils avaient à
copier : antiquité, moyen âge, renaissance, tout
est compris de la même façon sans aucun souci
du caractère propre.
Après tout ne négligeons pas trop cette gra-
vure de l'abside de San Michèle et regrettons de
ne pas avoir, même sous une forme aussi mé-
diocre, des dessins des mosaïques disparues de
Ravenne : la nef de San Appolinare in Classe,
l'église de Saint-Jean Évangéliste, le palais de
Théodoric et le Dôme.
Même lorsque tous les travaux en cours seront
achevés, il restera beaucoup à faire à Ravenne,
qui a tant souffert des hommes et de la nature.
Peu de voyageurs connaissent l'église de Santa
Maria in Porto Fuori; pour la grande masse des
touristes, Ravenne se concentre dans les mosaï-
ques, et les fresques ne les intéressent pas ; il y
en a cependant de Giotto dans l'église de Saint-
Jean FÉvangéliste et de ses élèves plus ou moins
directs à Santa-Maria, qui méritent une sérieuse
attention.
L'église de Santa Maria in Porto Fuori est à
quatre kilomètres de Ravenne, isolée dans une
plaine verte à cause de l'humidité, mais déserte ;
contre ses flancs subsistent quelques arcades
d'un ancien couvent et une grande tour, il f anale,
qu'on croit être un ancien phare du temps où
l'église était sul lido Adriano, comme dit Dante
dans son Paradis.
Ce fut d'abord une chapelle à l'usage de quel-
ques religieux réfugiés dans cette solitude dès le
milieu du XIe siècle ; vers 1096, un nommé Pier
dit Peccatore, qui avait sans doute des méfaits sur
la conscience, fit vœu, pendant une tempête qu'il
essuya dans l'Adriatique, de convertir l'humble
chapelle en une église.
En 1246, un notaire de Ravenne, Graziadeo,
fit une donation au temple pour le faire décorer
à fresque; au commencement du XVIe siècle, les
religieux abandonnèrent la localité, qui était
par trop malsaine, et firent construire dans l'inté-
rieur de Ravenne une église dénommée égale-
ment Santa Maria in Porto.
L'église élevée aux frais du Peccatore subit des
changements; les fresques dues à la libéralité de
Graziadeo reçurent les atteintes de l'humidité.
Une partie disparut, quelques morceaux furent
retouchés, et d'autres remplacés sottement ; la
presque totalité fut badigeonnée. En' 1850, le des-
servant don Pio Pozzi entreprit d'enlever le ba-
digeon ; pour n'avoir pas été du métier il réussit
assez bien.
Je suis très étonné que toute la peinture n'ait
pas été ruinée entièrement ; l'état d'humidité de
la localité est excessif ; en soulevant une trappe
près de l'autel on découvre une nappe d'eau
même en temps de sécheresse ; les fenêtres et les
portes ferment mal.
Cette résistance surprenante prouve que les
peintres qui ont travaillé à Santa Maria connais-
saient à fond leur métier ; mais ils n'étaient pas
seulement praticiens habiles, c'étaient encore des
artistes de grand mérite.
Le plus grand éloge qu'on puisse faire de leur
talent, est que pendant longtemps les fresques
ont été attribuées à Giotto. Maintenant on les
accorde à deux peintres de Rimini, Giovanni et
Pietro; l'hypothèse est basée sur la comparaison
avec d'autres fresques exécutées au XIVe siècle
par les mêmes artistes dans diverses localités des
Marches, des Romagnes et de l'Emilie.
La décoration peinte de Santa Maria com-
prend l'abside et des chapelles voisines; elle est
dans un sincère sentiment religieux, bien com-
posée, distinguée, délicate, simple et franche de
colorations.
Il y aurait exagération à la mettre au même
rang que les meilleures fresques de la Toscane
de l'époque, mais elles supportent la comparaison
avec les peintures de second ordre de Sienne, de
Pise et de Florence.
Voici quelques-uns des sujets :
Episodes de la vie de la Vierge.
Massacre des Innocents.
Épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste.
Le Rédempteur et les Apôtres.
Saints et martyrs.
Le pape Jean Ier et Théodoric.
L'un des compartiments, celui qui montre la
Présentation de la Vierge au Temple, mérite une
attention très particulière.
Dans un groupe de personnages debout on
remarque deux hommes qui peuvent être Guido
Novella da Polenta et Dante.
Polenta, protecteur des lettres et des arts, est
le père de Françoise de Rimini ; il gouverna
Ravenne en souverain de 1275 à 1323; Dante
était son ami; en 1321, Polenta organisa les fu-
nérailles et prononça l'oraison funèbre du poète.
Dans la fresque, Polenta est représenté presque
de face, les bras entr'ouverts, attentif à écouter
Dante. Le prête est vu de profil; d'une main il
soutient son lucco — c'est le nom de la robe des
anciens Florentins — et de l'autre, levée, il fait le
geste d'un homme qui veut spécifier et accentuer
les paroles qu'il prononce.
Il n'est pas besoin de vivre à Florence pour
connaître le masque de Dante; il faut admettre
cependant que nous avons ici plus d'occasions
qu'ailleurs de nous familiariser avec son effigie.
400
3Rctmc tir l'&rt cbvétteiu
Je n'étais pas prévenu ; au premier coup d'œil
j'ai reconnu Dante. En rentrant dans la cité, j'ai
communiqué mon impression et j'ai appris que
d'autres personnes avaient été également frap-
pées de la ressemblance.
Il est étrange que les Guides n'en disent rien
et que Burckhardt, dans son Cicérone, ne men-
tionne même pas Santa Maria in Porto Fuori.
Si vraiment le personnage est Dante, et cela
ne me paraît pas douteux, il y aurait là un docu-
ment précieux entre tous.
On sait que de tous les anciens portraits de
Dante, un seul est considéré comme ayant été
peint d'après nature; il est dans la fresque de
Giotto dans la chapelle du Bargelloà Florence.
Malheureusement la figure a été repeinte en 1840
lors de sa découverte; du reste, elle a donné lieu
à des contestations, et la controverse n'est pas
terminée.
La figure de l'église Santa Maria n'a pas été
retouchée. Je m'en suis assuré très discrètement;
si elle n'a pas été peinte du vivant de Dante, il
est fort probable qu'elle date de peu d'années
après sa mort.
Les fresques des peintres de Rimini suffisent
pour motiver les travaux dont l'église a le plus
grand besoin ; on m'a assuré à Ravenne qu'ils ne
tarderont pas à être entrepris.
VI
RAVENNE a deux musées fort peu visités
par les étrangers.
Le Musée National appartient à l'État; il oc-
cupe les salles, la chapelle et les cloîtres d'un
ancien couvent.
La collection contient :
Des antiquités étrusques, grecques et romaines.
Des sarcophages dont le plus remarquable est
du Ve siècle; les sculptures représentent Y Ado-
ration des mages, Daniel dans la fosse aux lions,
la Résurrection de Lazare, le Monogramme du
Christ entre les paons symboliques. Au VIIe siècle
l'exarque Isaac fut déposé dans ce sépulcre.
Des couvertures d'Évangéliaires.
Des parements ecclésiastiques anciens dont
un du VIIIe siècle.
Des sculptures, des faïences et des verreries
italiennes, etc., etc. Dans le réfectoire, le peintre
Luca Longhi a peint, en 1 580, les Noces de Cana;
c'est un très bon ouvrage, nullement banal, mais
qui ne vaut pas à Longhi le titre de « Raphaël
des Romagnes » qui lui a été décerné jadis par
ses concitoyens de Ravenne.
La galerie de l'Académie des Beaux Arts de
Ravenne est un musée de peinture administré
par une Société fondée en 1827; elle forme une
annexe à l'école des Beaux Arts de la cité. Les
tableaux sont disposés autant que possible dans
l'ordre chronologique à commencer par le XIe
siècle.
Dans les plus anciennes séries, il y a quelques
centaines de ces petits cadres, qu'on vendait aux
fidèles dans les églises et les couvents, comme
maintenant on vend l'imagerie populaire; ce sont
évidemment, en grande partie, des copies de
peintures connues représentant des scènes tirées
des Évangiles ; quelques pièces, cependant.doi vent
être des originaux, par exemple, les tableaux
votifs. Malgré l'inhabileté de la main qui les a
tracées, on a plaisir à regarder ces images; elles
respirent la Foi.
Puis viennent des peintures du XIVe siècle et
du XVe, dues principalement à des peintres des
Romagnes, et enfin quelques œuvres du XVIe et
des temps modernes.
Je ne puis ici entrer dans les détails, et je dois
me borner à dire que les musées de Ravenne, très
bien tenus, ne cherchent pas à rivaliser avec
d'autres; ils sont modestes mais intéressants et
dirigés avec un zèle intelligent et désintéressé
vers un but logique : la réunion et la conservation
des œuvres ressortissant aux arts de la contrée
ou provenant de ses édifices religieux et pro-
fanes (').
VII
AINSI que je l'ai dit, cette fois, mon princi-
pal objectif à Bologne était les monuments
funèbres des professeurs de l'ancienne Université
et les œuvres du sculpteur Alfonso Lombardi.
Il n'existe en effet aucune Université au monde
qui possède autant de sépultures de professeurs
que Bologne, Bologna la dotta, et aucune cité n'a
1. La galerie de l'Académie vient de disposer sur le
parquet de ses salles de belles mosaïques romaines trou-
vées aux abords de San Appolinare in Classe.
iftatoenne et Bologne.
401
pu, avec plus de droit, inscrire sur ses monnaies:
Bologna docet, Aima studiorum Mater.
Quant à AlfonsoLombardi,si on trouve ailleurs
quelques-uns de ses ouvrages, c'est à Bologne
seulement qu'il peut être jugé.
Je serai bref de descriptions, estimant toujours
que rien ne vaut la reproduction des œuvres
qu'on veut faire connaître.
J'ai eu l'embarras du choix ; je me suis borné
à quelques monuments choisis parmi les plus
caractéristiques.
Lo Studio, l'Université de Bologne, a été fondée
en 1288 par quelques professeurs libres; cin-
quante ans après, elle avait 15,000 élèves, mais
dès le XIe siècle, le pape Alexandre II, ponti-
ficat de 1061 à 1073, avait institué des cours
de jurisprudence dans la cité, évidemment déjà
préparée à faire prospérer un tel enseignement.
A côté de l'Université officielle vinrent se
grouper divers collèges de nations ; Bologne
conserve encore plusieurs bâtiments de ces in-
stitutions, tels :
Fig. 3. — Sépultures des glossateurs Accorso, place San Francesco à Bologne, 1260 et 1265. (Photogiaphie Popri à Bologne.)
Le collège d'Espagne, fondé en 1364 par le
cardinal Albanoz ;
Le collège hongrois, fondé en 1537 ;
Le collège Poeti, fondé vers 1550 par le capi-
taine Teodorio Poeti;
Le collège des Flamands, fondé en 1682 par
Jacobs, orfèvre à Bruxelles.
Dans les premiers siècles, l'Université n'avait
pas de palais ; les professeurs, lettori, donnaient
les leçons dans leurs domiciles particuliers ou
dans des salles disséminées, concédées par le Mu-
nicipe. En 1520, les cours de droit, seuls, comme
étant les plus importants de l'Université, furent
installés dans une dépendance de l'église San
Petronio.
En 1562, le pape Pie IV fit, par les soins de
son légat Charles Borromée, édifier pour lo Studio
un palais spécial, V Archigimnasio actuel.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 5me LIVRAISON
" — ■ ■■-"—
" ■ —» ■■ ■■■ ■'
4-02
WitWt tie l'ftrr cjirétten.
L'Université faisait la gloire et la prospérité
de Bologne : aussi les professeurs, choisis avec
grand soin, même au dehors de l'Italie, étaient
libéralement rétribués et hautement honorés.
Les honneurs les suivaient dans la tombe,
comme en témoignent encore les monuments
funèbres conservés dans les églises ou leurs dé-
pendances et au Musée civique qui a recueilli
quelques sarcophages complets, les faces anté-
rieures sculptées d'un plus grand nombre et
quelques pierres tombales.
L'importance du sarcophage, ici comme ail-
leurs, ne correspond pas toujours aux mérites
des défunts ; c'est affaire de circonstances : goût,
Fig. 4. — Sépulture de Giovanni d Andréa, lecteur de droit canon.
-f* 1348, par Jacopo Lanfranl Musée civique de Bologne.
(Photographie Porii a Bologne.)
fortune, générosité, vanité de ceux qui prennent
l'initiative de la sépulture.
Cependant, le monument d' Accorso (fig. n° 3),
élevé vers 1260, est bien en rapport avec le renom
mérité de ce savant que les contemporains ap-
pelaient X Idole des Jurisconsultes.
A côté se trouve le monument du fils d'Ac-
corso (►£< 1265), qui, paraît-il, ne méritait pas le
même honneur que son père.
Ces édicules font partie d'un groupe nommé
les sépulcres des glossateurs, situé près de l'église
San Francesco.
Les sépulcres des deux Accorso ont été remis
au jour il y a dix ans seulement (') ; ils étaient
1. M. l'architecte A. Rubbiani a dégagé ces monuments
tics habilement ; il m'a para. qu'ils n'ont de neuf que la
toiture en tuiles vernissées vertes d'un heureux effet ; ils
étaient ainsi dans le principe.
restés longtemps cachés dans des murailles,
mais leur existence était connue.
Ce sont les plus anciens tombeaux de pro-
fesseurs conservés à Bologne.
La cité possède d'autres monuments du même
style, également du XIIIe siècle, notamment
près de l'église San Domenico : celui de Fosche-
rari, lecteur de droit canon, mort en 1289 et
celui de Passagerio, mort en 1300. Aux obsèques
de Foscherari, les canonistes portèrent pour la
première fois la robe écarlate jusqu'alors exclu-
sivement réservée aux professeurs de droit ro-
main.
Je trouve les tombeaux en pyramide de
Bologne supérieurs, dans leur simplicité, aux
fastueux tombeaux des Scaliger à Vérone, qu'une
admiration conventionnelle impose à l'attention.
Le type disparaît à Bologne au XIVe siècle,
et on peut le regretter ; il me semble qu'il
remplissait parfaitement sa fonction d'hommage
public, surtout lorsqu'il était isolé sur une place
ou dans un cimetière.
Le sépulcre de Giovanni d'Andréa (►£< 1348)
(fig. 4), lecteur de droit canon et de procédure
judiciaire, donne le type généralement adopté
au XIVe siècle (').
La représentation du cours se trouve cepen-
dant déjà au siècle précédent ; le tombeau était
in aria, en l'air, adossé à la muraille et soutenu
par des consoles. Tous les sépulcres des pro-
fesseurs du XIVe siècle n'étaient pas de la même
qualité que celui d'Andréa ; le plus grand nombre
de ceux qui subsistent sont pourvus de bas-reliefs
d'une exécution plus lourde et plus sommaire;
mais dans tous, le lecteur dans sa chaire et les étu-
diants sur les bancs ou devant les pupitres, sont
bien observés et exactement dans l'attitude et le
mouvement qui leur conviennent.
Le monument de Giovanni d'Andréa est
l'œuvre de Jacopo Lanfrani de Venise; ce sculp-
teur est peu connu : il n'y a rien de lui dans sa
patrie ; à l'église de San Domenico de Bologne
il a laissé le sarcophage de Taddeo Pepoli, bon
ouvrage, mais qu'on ne regarde pas (2).
1. Le bas-relief (fig. 8) donne une idée de ce style.
2. Le monument d'Andréa est un des seuls tombeaux
de professeurs que le Musée civique possède en entier ;
pour la plupart des autres il s'est contenté de la partie
antérieure du sarcophage ; c'est regrettable.
Kcutie De l'Hrt c&rétien.
Pu VIII.
*
Fig. 5. — Sépulture ù'JJntOtlJO Gtlliù.vO BdltllicgllO, hliore nello Studio, *k 1435,
par Jacopo délia Quercia. Eglise San Giacomo Maggiore à Bologne.
(Photographie Ai.inari à Florence.)
i&atoenne et Bologne.
40:
L'église San Giacomo Maggiore conserve un
sépulcre de professeur de toute beauté d'une
composition parfaite, logique et d'une rare élé-
gance (fig. 5, pi. VIII). C'est le plus important
monument funèbre de Bologne du XVe siècle ;
on peut lui appliquer sûrement lepithète de
chef-d'œuvre dont on abuse tant aujourd'hui ;
comme celui d'Andréa, il est en l'air, adossé à la
muraille et soutenu par des consoles.
On a coutume de le donner à Antonio Galeazzo
Bentivoglio, /ettore nello Studio (') (►£< 1435), et de
le tenir comme l'œuvre de Jacopo délia Quercia
(1371-1438).
Il est en effet digne de lui; la Madone et l'En-
fant, les saints Pierre et Paul, les quatre vertus
cardinales, la Justice, la Prudence, la Tempé-
rance et la Force, qui décorent le mausolée, sont
incontestablement de la même main que les
sculptures du grand portail de San Petronio :
délia Quercia a devancé Michelange de plus d'un
siècle, et en bien des points, notamment par la
grâce unie à la force, il lui est supérieur.
Mais, comme le fait justement remarquer l'émi-
nent professeur Ricci, auquel j'emprunte, Quercia,
appelé à Bologne en 1425 par l'archevêque
d'Arles, avait depuis longtemps quitté la cité
en 1435, année de la mort de Galeazzo Benti-
voglio. M. Ricci, avec d'autres arguments encore,
suppose que le tombeau a été exécuté par Jacopo
délia Quercia pour Vari, lecteur de médecine
pratique et acquis plus tard par Annibale, fils de
Galeazzo Bentivoglio, pour honorer la mémoire
de son père. Ceci explique comment le monu-
ment de Bentivoglio est privé de toute inscrip-
tion, alors que les autres tombes de professeurs
en sont pourvues : Annibale ne pouvait en effet
donner aux deux effigies du tombeau le nom de
son père, puisqu'elles ne le représentent pas.
Le voyageur qui visite Bologne avant Florence,
s'arrête volontiers devant le tombeau d'Ales-
sandro Tartagni, jurisconsulte (►!< 1477), élevé
dans l'église San Domenico, et signé OPVS
FRANC • SIMONIS ■ FLORENT, (fig. 6).
Au contraire, lorsqu'on connaît Florence, l'œuvre
du florentin Francesco di Simone n'a plus du tout
le même intérêt. Le sculpteur en effet n'a donné
1. Lettore nello Studio veut dire professeur à l'Univer-
sité', c'est le titre de principe.
à Tartagni qu'une sorte de pastiche affaibli du
célèbre tombeau de Carlo Marzuppini (>i* 1455),
secrétaire de la République de Florence, élevé à
Santa Croce et commandé par la Seigneurie, à
Desiderio da Settîgnaro (1428-1464). Ce sculp-
teur, d'un talent supérieur du reste, avait adopté,
par ordre probablement, le type du tombeau à
niche, créé par Gamberelli, dit Rossellino (14 17-
«n a
Fig. 6. — Sépulture d'Alexandro Tartagni, jurisconsulte, -^ 1477,
par Francesco di Simone. Église San Domenico à Bologne.
(Photographie Alinari à Florence.)
[479), l'auteur du monument de Leonardo Bruni,
également secrétaire de la République, et de
même à Santa Croce.
Les éloges qu'on serait tenté d'accorder à
Francesco di Simone doivent donc remonter aux
deux grands artistes qui ont laissé à Santa Croce
d'admirables monuments en tant qu'invention et
style décoratif.
Pour terminer les reproductions des sarco-
phages, voici le tombeau de Pietro Canonici,
404
&ctntc De l'art cbvétten.
lecteur de droit civil, mort en 1 502 (fig. 7). La
décoration est bien du temps, mais si on jugeait
par les disciples seulement on ferait remonter la
sculpture à une époque antérieure.
Les pierres tombales n'offrent rien de parti-
culier. Le défunt est, comme de juste, revêtu du
costume de lecteur : cappa longue et large robe;
cappucio, petit capuchon ; mantollina, pèlerine en
vair; manipolo, manipule également en vair ;
presque toujours plusieurs volumes sont à ses
côtés.
Je n'ai pas remarqué de pierres antérieures
à 1348, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en ait
pas de plus anciennes; je n'ai reproduit que cinq
sépulcres qui vont de 1260 à 1503. C'est peu par
"*.-.' t y- - • — 7 —
ifm
,' 11"
Fig. 7.— Sépulture de Pietro Canonici, lecteur de droit civil, -J- 1502.
Musée civique de Bologne. (Photographie Alinari à Florence.)
rapport à ceux qui subsistent à Bologne et ex-
ceptionnellement dans d'autres villes, notamment
à Vérone et à IVIodène. Les reproductions ont été
choisies parmi les types principaux les mieux
conservés; il existe des sépulcres plus simples
que ceux de Giovanni d'Andréa et de Galeazzo
Bentivoglio; cependant, en général, ils montrent
tous, sur la partie antérieure, le lecteur professant
son cours.
Aux sculpteurs déjà nommés Lanfrani, délia
Guercia.de Simone, il est juste d'ajouter Andréa
da Fiesole, l'auteur du beau sarcophage, dei
Saliceti, lecteursde droit, morts en 1402 et 1412.
Le sculpteur a signé OPVS ANDREE DE
FESVLIS.
Quelques autres sépulcres sont de sculpteurs
fort peu connus, mais la plupart des monuments
sont anonymes.
VIII
DANS l'une des salles du Musée civique, en
partie réservées à l'ancienne Université, on
remarque un bas-relief avec la Madone et l'En-
fant et six personnages à genoux à ses côtés; ce
monument est intitulé Pace del 1321 (fig. 8). Voici
son histoire :
En 1321 un étudiant fut condamné à mort et
exécuté pour un méfait qui ne méritait pas un
tel châtiment. L'Université prit fort mal la con-
damnation, et pour manifester nettement leur
sentiment, nombre de lecteurs et d'écoliers quit-
tèrent Bolosrne et s'en furent à Sienne.
£jtf.8F.1rar.|ffir,sui,..rçh
'BKÏDIB : fPOlOTmo.?
Fig 8. — La paca de 1321. Musée civique de Bologne.
(Photographie Poppi à Bologne.)
Le sénat de Bologne fut alarmé et entra en
négociations avec les émigrés qui consentirent
à rentrer sous certaines conditions. Une des
clauses du traité de paix fut la construction, aux
frais de la cité, d'une église Santa Maria délia
Pace, située dans le quartier fréquenté par les
étudiants. Le souvenir de cette paix fut de plus
consacré par un bas-relief qui est resté dans
l'église jusqu'en 1813, époque de la démolition.
L'inscription latine rappelle que la réconci-
liation a eu lieu sub regimint de B.utholomi
Lamberti de Chypre, chanoine ultramontain de
Famagouste ('), et de Bernard Catcnacc, chanoine
cismontain de Saint-Antoine de Plaisance.
Les personnages à genoux marquent le carac-
tère international de l'Université, ce sont :
1. L'ancienne Fama Augusta de l'Ile de Chypre
Iftatoenne et Bologne.
405
A main droite de la Madone :
Petins Revonii de Burgondia.
Iaroslaus de Polonia.
Rector ultramontanorum.
A main gauche :
Recto r citi a m on ta 11 0 ru m .
Aynardus de Montebello.
Jacobus de Languilla de Janna.
Les écussons ont été martelés à la fin du
XVIIIe siècle par des mains révolutionnaires,
mais ils sont connus par un dessin conservé à la
bibliothèque communale.
Le bas-relief était intéressant à cause de son
origine; les docteurs sont d'une facture un peu
lourde, mais la Madone est belle, empreinte
d'une physionomie sérieuse tempérée par la man-
suétude.
IX
LES sculpteurs de Bologne n'ont pas été à la
hauteur de ses peintres et de ses architectes,
bien que la cité honorât et encourageât tous
les arts; le fait est peu explicable, mais il existe.
A de rares exceptions près, les ouvrages remar-
quables de sculpture conservés à Bologne pro-
viennent d'artistes étrangers à la cité; je n'ai pas
à les nommer ici, ils sont connus.
Il est cependant un sculpteur qui n'est pas
suffisamment apprécié par les voyageurs tout au
moins, car à Bologne il est en grande estime. C'est
Alfonso Lombardi.de son vrai nom Alfonso Cit-
tadella (1497-1538).
Est-il étranger ?
Oui, dans un sens, puisqu'il est né à Ferrare,
d'une famille d'origine lucquoise.
Est-il bolonais ?
Oui, dans un sens, puisqu'il est venu à Bologne
très jeune, qu'il y a débuté dans son art, et qu'il
y a travaillé constamment.
Vasari nous apprend qu'il excellait dans les
portraits en forme de médaillon ; il fut le créateur
du genre, et le mit à la mode; le pape Clé-
ment VII, l'empereur Charles-Quint, Alfonse,
duc de Ferrare, le prince Doria, l'Arioste, les
cardinaux Bembo et Hippolyte de Medicis et
nombre d'autres personnages eurent aussi leurs
effigies modelées d'après le naturel, dal vero, en
terre cuite, en stuc ou en cire.
On ignore s'il reste dans les familles beau-
coup de ces objets, mais les bustes et les médail-
lons actuellement encore en vue dans les palais
et les églises sont nombreux. Notamment dans
le chœur de San Giovanni in Monte se trouvent
les bustes en terre cuite des douze apôtres; à
Ferrare dans le Dôme, il y a aussi le Christ et
les douze Apôtres en terre cuite peinte, d'après
le naturel; ils ont une allure différente de ceux
de San Giovanni ; jadis ils étaient à Bologne.
Les têtes sont étonnantes de vitalité et de
vérité, on sent qu'elles ont été copiées directe-
ment sur la nature sans la préoccupation de leur
faire exprimer le moindre sentiment.
Pour mon compte, je n'éprouve aucun plaisir,
— au contraire, — devant ce réalisme, même lors-
qu'il atteint la perfection du genre, comme le
buste en terre cuite peinte de Nicolo da Uzzano
par Donatello, conservé au Musée du Bargello à
Florence.
Mais Alfonso Lombardi ne s'est pas tenu aux
médaillons et aux bustes; il s'est lancé dans la
grande sculpture alors qu'il était encore fort
jeune.
A Bologne on met à son compte un grand
nombre d'ouvrages; le contrôle est impossible
par les documents; à la vue il est difficile, telle-
ment est grande la différence de style entre les
uns et les autres.
Mentionnons comme sûrement de lui, en outre
des médaillons et des bustes :
La mort de la Vierge.
La Résurrection de Notre -Seigneur.
Le tombeau de Ramaszotto à San Michèle in
Bosco.
Les épisodes de la vie des Saints, bas-reliefs
du soubassement de Yarca de San Domenico.
La Madone à la Madonna dei Baraccano.
Hercule terrassant l'hydre à l'ancien palais
apostolique.
Ercole Bottrigari couché sur sa tombe à la
Certosa.
San Bartolomeo à l'orphelinat de Sainte-Marie-
Madeleine.
Les statues des saints Petronio, Precule, Fran-
çois et Dominique au Palais du Podestat.
L' Annonciation, le Péché originel dans l'inté-
rieur de San Petronio.
4o6
Bebue be l'&rt cbrétten-
Ferrare, en outre des bustes du Dôme, conserve
aussi quelques œuvres authentiques de Lombardi.
De tous ces ouvrages nous n'en retiendrons
que deux, d'abord par nécessité de se borner, et
ensuite parce qu'ils sont particulièrement carac-
téristiques ; cette qualité manque à quelques
œuvres de Lombardi. Il faut par exemple savoir
à l'avance que les bas-reliefs de Yarca de Saint-
Dominique, Y Annonciation, le Péché originel et
les trois médaillons de Y Histoire de Moïse à San
Petronio sont de lui; à voir ces ouvrages on ne
s'en douterait pas tant leur style apaisé s'éloigne
des bustes et du Transito.
Le Transito délia Verginc est fort peu connu
(fig. 9) étant placé dans un local fermé. A côté
de l'église Santa Maria délia Vita, rue Clavature,
près de San Petronio, se trouve un bâtiment
affecté à l'administration des hôpitaux; des bu-
reaux on pénètre, — en demandant la permis-
sion,— dans un oratoire ; c'est là qu'est le Transito
groupe en terre cuite mélangée de stuc, de gran-
deur colossale.
Au lieu de le nommer : le Trépas delà Vierge
il serait plus exact de le désigner : Le châtiment
du Juif. •
Alfonso Lombardi a représenté en effet une
Fig. 9. — La mort de la Vierge, par Alfonso Lombardi, 1519. Office des Hôpitaux de Bologne. (Photographie Powi à Bologne.)
scène tirée d'un livre De Transita Virginis ; le
récit a été attribué à Melito, évèque de Sardes,
capitale de la Lydie, qui vivait en l'an 169.
J'ai essayé de savoir si Lombardi avait exac-
tement interprété le texte; je n'ai trouvé, dans
le peu qui reste des écrits de Melito, aucune trace
de cet ouvrage ('), et même je n'ai pu consulter
ici le De 'Transita Virginis qui existe cependant.
Quel que soit l'auteur du livre, la scène est con-
nue; Vasari la cite et d'autres artistes, Sansovino
notamment, l'ont représentée.
Lombardi montre le Juif terrassé pour avoir
I. A. Gallaudi, Hihliotheca veterum palrum antiquo-
rumqtte scriptorum ccclcsi,isticoriim. Venise, 1765.
touché le cercueil de la Vierge, et JÉSUS-CHRIST,
entouré des apôtres, empêchant l'un d'eux de
lancer un volume sur l'Hébreu.
Si on ne connaissait pas la date du groupe,
on le placerait certainement parmi les sculptures
de ceux qui ont subi l'influence de Michelange;
mais en 15 19, époque où Lombardi, âgé de vingt
et un ans, a fait le Transito, Michelange n'avait
pas encore exercé son action et Lombardi ne
connaissait de lui que Y Ange à genoux de Yarca
de Saint-Dominique, d'une tenue calme et tran-
quille; du reste, ce n'est qu'une quinzaine d'années
plus tard que Lombardi, appelé par le cardinal
Hippolyte de Medicis, s'en fut à Florence et à
Rome.
iftatoenne et Bologne.
407
Dans l'expression dramatique, comme dans la
puissance et l'énergie imprimées au corps humain,
Alfonso Lombardi est donc incontestablement
parmi ceux — car il n'est pas le seul — qui ont
devancé Michelange; c'est un mérite qui, à mon
sens, n'a pas été suffisamment reconnu.
Le Transita est, comme on dit en Italie, un
ouvrage stupendo, surprenant, par la date et en
raison de l'âge de l'auteur qui n'avait que vingt
et un ans ; il fut, selon Vasari, sommamente
extrêmement apprécié et fit la réputation du
sculpteur.
Les commandes lui arrivèrent; l'une des plus
importantes fut la Résurrection (1526). J'ai pensé
qu'il était utile de reproduire cette œuvre à côté
du Transite; par sa sobriété, sa tenue et sa pon-
dération, elle s'éloigne des premiers ouvrages
d'Alfonso; s'il a calmé sa fougue, c'est que la
Résurrection (fig. 10) devait figurer sur la façade
de San Petronio illustrée par Jacopo délia Quer-
cia; elle y tient dignement sa place, et fait grand
honneur à l'artiste qui l'a conçue.
Gerspach.
Fig 10 — La Résurrection, par Alfonso Lomdakdi, 1526. Église San Petronio à Bologne. (Photographie Alinari à Florence.
A^X »*g* J&ÏA \<*)t* A^E* i&}*. X^-A A*g* i&A *ffi* iffi* A7*!* à5$X a5£* *5E* '
.tmnin nr
Diiiiiiniiiiimniiiirumin] niiiniTiiiitixiiiiiiiiiiuiinimTTiiniiiim mmimiiinnuinni] iiiiiiiicit];
!Qes peintures DetJean Van Cpcft restées tnac!)etoées.
t: c 1 1 m ii y. n i mru
niiiiiimmiiuLiiiimxiiiiiii u
iimin[iiiim:umiii:iiiiimi[iiiiiii:a
iiiiuuiii:
T£t* ^^ W TjÔ* vaÔ* Tsô* Ts&* *&* *tël* *!Ô* v^* W W w w
L existe trois tableaux
authentiques de Jean
Van Eyck qui, pour l'une
ou l'autre raison, sont
restés inachevés. Le
plus ancien est daté du
30 octobre 1421, le
deuxième de 1437, le troisième enfin, est
la dernière œuvre du grand maître. C'est
de ce dernier que je vais m'occuper, en
remettant à plus tard ce que j'aurai à dire
sur le premier.
Dans les Annotations de feu M. C. Rue-
lens sur « Les anciens Peintres flamands »
de Crowe et Cavalcaselle imprimées à la
suite de la traduction française publiée à
Bruxelles en 1863, on trouve réunis(tome II,
p. CIV à CXIII) tous les renseignements
qu'il a pu rassembler sur cette œuvre qui
se trouvait autrefois dans le chœur de
l'église Saint- Martin à Ypres et où elle
était encore en 17 13. Nous ajouterons que
dans le « Voyage littéraire de deux reli-
gieux Bénédictins (Paris, 1717, tome I,
2e partie, p. 189), on lit : « On voit encore
dans le chœur une nôtre Dame sur du bois,
faite par le premier peintre qui a peint en
huile. » Entre 1757 et 1760 le triptyque
original fut enlevé de l'église et transporté
à l'évêché, et une copie du panneau central
fut placée dans la chapelle de la Sainte-
Vierge près de l'autel.
M. Ruelens termine ses Annotations par
les observations que voici : « De cet en-
« semble de renseignements il ne ressort,
« selon nous, rien de clair ni de précis.
« Quant à la copie, nous y croirions diffici-
« lement : on termine un tableau inachevé,
« on ne le copie guère (') Ce qui nous
1. Cette copie du panneau central est depuis long-
temps dans la possession de Myt F. Bethune à Bruges.
« semble de plus admissible, c'est que le
€ tableau de Saint- Martin est une œuvre
« attribuée à Jean Van Eyck par suite d'une
« tradition erronée. »
Le triptyque original est resté à l'évêché
jusqu'à la prise de la ville par les Français,
à la fin du siècle dernier ; alors il a été
vendu à vil prix à un boucher, ensuite il a
été sauvé de la destruction par un M. Wael-
wyn d'Ypres, qui plus tard l'a vendu à M.
Bogaert de Bruges dont les héritiers le re-
vendirent à M. Van denSchrieck de Louvain.
Après le décès de celui-ci, il passa dans la
possession de son gendre, M. F. Schollaert.
Le triptyque a figuré à l'Exposition de
tableaux anciens à Bruges, organisée par la
Gilde de St-Thomas et de St-Luc en 1867
(n° 4 du Catalogue.) Le panneau central a
im72 de haut sur 99 c. de large ; les volets,
41 c. de large. Dans un portique voûté de
style roman à chapiteaux richement sculptés
on voit à gauche la Sainte Vierge debout,
tenant l'Enfant Jésus sur le bras droit et
retenant ses jambes de la main gauche.
Elle est bien posée dans une attitude fort
gracieuse ; ses cheveux, retenus au-dessus
du front par une couronne d'or garnie de
perles et de pierreries, tombent sur les
épaules en longues boucles ondoyantes.
Un ample manteau de drap écarlate, main-
tenu par deux petites cordelettes, la couvre
et descend jusqu'à terre ; il est ourlé d'une
large et riche broderie en or avec pier-
reries ; l'encolure de sa robe est aussi ornée
de broderies, et le bord inférieur garni de
fourrure. L'enfant, entièrement nu, tient de
la main gauche l'encolure de la robe de sa
mère et de la droite une banderole chargée
d'une légende. Il se penche en avant vers
un prêtre agenouillé à gauche, revêtu d'une
chape de brocart bleu et or à orfrois brodés
îlea peintures De Jean fltlan Gpth.
409
avec des figures d'apôtres dans des com-
partiments couronnés de dais. C'est le
portrait de Nicolas van Maelbeke, prévôt
de l'église ; il tient entre les mains un livre
d'Heures et de la gauche une sorte de
crosse dont la hampe ornée d'un dia-
prage de rieurs de lys dans des losanges,
est surmontée de statuettes de saints dans
des niches à dais, couronnés par un fleu-
ron qui soutient une figure de saint Martin
à cheval coupant son manteau pour le par-
tager avec un pauvre mendiant. Le pavé
est en pierres de couleurs diverses formant
des dessins géométriques. La vue entre les
colonnes des arcades donne sur un paysage
s'étendant à perte de vue, étoffé de bâti-
ments et de figures.
A l'entour, sur le cadre qui est cintre
par le haut, on lit l'antienne que voici en
lettres majuscules : Sancta Maria succurre
miseris • iuva pusillanimes • refove flebiles ■
ora pro populo • interveni pro clero • inter-
cède pro devoto femineo sexu : sentiant
omnes tuum iuvamen quicumque célébrant
tuam commemorationem. Hec virgo Maria
ex semine Abrahe orta • ex tribu Iuda
virga de radice Iesse • ex stirpe David •
filia Iherusalem ■ Stella maris • ancilla Do-
mini • regina gentium • sponsa Dei • mater
Christi ■ Conditoris templum Sancti Spi-
ritus sacrarium.
Les volets sont divisés, chacun en deux
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Sur l'in-
térieur du volet gauche on voit en bas
Gédéon debout tenant une lance, devant
l'ange ; sur le cadre: Vellus Gedeonis. Dans
le compartiment supérieur est représenté le
Buisson ardent qui croît dans un jardin en-
touré d'un fossé où nagent des cygnes ; au-
delà.un manoir et quelques maisons en bois,
une auberge, des personnages à cheval, un
château et d'autres constructions où l'on voit
des cigognes sur les toits. Le Buisson se
développe et aux deux tiers de la hauteur
remplit toute la largeur du volet ; sortant à
mi-corps des langues de feu qui partent du
sommet de l'arbre on voit le Père Eternel
portant une tiare et revêtu d'une aube et
d'une chape en drap d'or fermée par une
bille ronde ornée d'un rubis entouré de neuf
perles ; il lève la main droite pour bénir et
tient de la gauche un globe surmonté d'une
croix en cristal se terminant en fleurs de
lys. Sur la moulure qui sépare ce compar-
timent de celui en dessous se lit : Rubus
ardens et non comburens. Tout en haut on
voit un ange, et en dessous de lui un second
ange armé d'un glaive pour garder le Pa-
radis.
Sur l'intérieur de l'autre volet on voit
dans le compartiment inférieur Aaron re-
vêtu d'une aube et d'une chape verte à
larges orfrois brodés, à genoux devant un
prie-Dieu, tenant une verge qui fleurit.
Sur le cadre se trouve : Virga Aaron rlorens.
Dans le compartiment supérieur se
trouve représentée la porte fermée d'Ézé-
chiel, flanquée aux angles de quatre tours
cylindriques ; au-dessus de l'entrée il y a
une statue de femme — la Svnagfogfue —
qui a les yeux bandés ; elle tient les tables
de la Loi renversées et une bannière dont la
hampe tombe en morceaux ; à côté d'elle se
trouvent des statues de Moïse et de trois
prophètes tenant des banderoles; l'encadre-
ment de la porte, est orné de quatorze
statuettes de prophètes posées sur des con-
soles et surmontées de dais : la porte même
est ornée de pierreries ; devant l'entrée
croissent des fleurs. La toiture de la porte
est rouge, le crêtage à sa naissance ainsi
que celui sur le sommet sont d'un dessin
fort élégant ; au-dessus du crénelage se
trouvent seize statues dans des niches. Sur
la moulure en dessous de ce compartiment
on lit le texte : porta Ezechielis clausa. Tout
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 5me LIVRAISON.
410
ÏUtoue tue l'&rt chrétien.
en haut on voit un ange dans un médaillon,
et plus bas Adam et Eve sous l'arbre d'où
le serpent parle.
Les sujets dans les compartiments infé-
rieurs ne sont qu'esquissés.
Sur l'extérieur on voit la Sibylle tibur-
tine coiffée d'un turban, debout, la main
levée vers le ciel pour attirer l'attention de
l'empereur à genoux vis-à-vis d'elle sur
l'autre volet ; il est couronné et porte une
longue barbe pointue; il a les mains jointes,
et les élève ainsi que la tête en regardant
la Sainte Vierge, qui, vue à mi-corps portant
l'Enfant sur le bras droit, apparaît dans une
ellipse au-dessus de la Sibylle. Dans la
partie supérieure, de l'autre volet se trouvent
trois anges qui sonnent de la trompette. Les
légendes explicatives sont: Maria; Ara celi;
Sibilla; Octavianus.
L'authenticité de l'œuvre est prouvée
par deux documents du quinzième siècle
à peu près contemporains. Le premier est
un dessin à la pointe d'argent qui a 27 c. 8 m.
de haut sur 18 c. de large conservé à l'Al-
bertina à Vienne qui a toujours passé pour
être de la main de Van Eyck (')• Le second
est un autre dessin à la pointe d'argent
(13 c. 5 m. x 15c) au Musée germanique à
Nuremberg attribué à Roger de la Pasture
1. Examen fait de presque tous les dessins attribués à
Jean Van Eyck, mon opinion est qu'il n'y en a pas un seul
qui puisse lui être attribué avec quelque certitude.
(van der Weyden). Ces deux dessins sont
précieux, parce qu'ils représentent le pan-
neau central inachevé tel que Van Eyck l'a
laissé. Le premier est dans un bon état de
conservation ; le second a un peu souffert.
Il est à remarquer que le bandeau qui
retient les cheveux de la Vierge est très
simple sur les dessins, évidemment l'orfè-
vrerie du style de la fin du XVe siècle qui
le décore dans le triptyque est une ajoute.
La broderie à l'encolure de sa robe et sur
le bord du manteau sont aussi des ajoutes.
A moins que je me trompe, le soulier et le
patin du pied gauche de la Vierge, visibles
dans les dessins, sont dans le tableau cachés
par le manteau. La banderole que tient
l'Enfant est dans les dessins plus simple
de forme que dans le tableau, aussi ne
porte-t-elle pas de légende.
Dans les dessins le prévôt a une large
tonsure mais ne porte ni moustache, ni
barbe; ses traits sont aussi ceux d'un homme
plus distingué ; les plis de sa chape et le
contour de la bille sont esquissés, mais il
n'y a aucune indication ni du brocard ni des
broderies sur les orfrois. La voûte du por-
tail est simple, le décor polychrome et les
clefs sculptées accusent dans le tableau la
fin du quinzième siècle. Enfin les dessins
n'indiquent pas le fond du paysage.
VV.-II. James Weale.
i&i* a$E* J*U a*v£* x5k a^c a*v£* a*v£* >&U a^-a a*v£* a5£* a*vEx a*»£* a^Ex
A\
1 1 1 1 ti i :i i
niiiiiiiiiixiiJJTiJixiJTTii^rniiiiiiiTiJXi^LiiiiiiixriiiiiiTXiTirTriiiiiiiiiA]
fflélangesL
xiiiiiii»iiiiiii^riiiiii:aiiiiii)iiiiiiii::iiiii tiiiiiii:c^ixmi-iJ^
^WWWWW^F^WM^^WWW
Croir stationalc.
A croix en cuivre doré dont nous
donnons la reproduction est d'une
forme élégante et d'un dessin tradi-
tionnel. Nous l'offrons en modèle aux
orfèvres et aux dinandiers dont l'étude se porte
de préférence, pour les travaux qu'ils exécutent
en vue des églises, vers les meilleurs siècles du
moyen âge.
Le travail original est une « épave », comme
dirait notre collaborateur M. deFarcy, demeurée
dans la sacristie d'une église de village au Nord
de la France, ignorée des révolutionnaires qui ont
porté à la fonte tant de croix similaires en métal,
inconnue des brocanteurs et des antiquaires qui
Croix stationale, face
vont rôdant sans cesse autour des anciennes
églises et sacristies pour faire des monuments de
la piété de nos ancêtres, des objets de trafic et
des bibelots de collectionneurs. C'est même pour
ne pas leur donner un renseignement dont ils
feraient profiter leur commerce que je préfère
laisser ignoré le nom du village où la croix est
conservée actuellement.
412
^ebuc tir l'art chrétien.
Cette intéressante épave est une croix statio-
nale, c'est-à-dire que, surmontant une hampe,
elle servait, et sert peut-être encore de croix de
procession ; plantée sur un pied en métal, c'est
une croix d'autel. A ce point de vue c'est un
excellent modèle que, comme je viens de le dire,
on peut recommander à l'imitation des artistes.
Le dessin de l'ensemble comme le décor sont
d'ailleurs fort simples. La face où est représenté,
en ronde bosse, le Christ nimbé du nimbe cruci-
fère, est ornée de quatre gros cabochons et de trois
plus petits, en cristal de roche. Au pied du Christ
une bâte en forme de losange, qui paraît rap-
portée après coup, contient une pierre de couleur.
Croix stationale, revers
La sertissure des cabochons est entourée de rin-
ceaux gravés dont le dessin est d'une grande
élégance.
Au revers, les extrémités fleurdelisées de la
croix encadrent les symboles évangéliques dans
l'ordre généralement adopté : aigle, lion, bœuf,
homme ailé. Au centre, dans un champ quadran-
gulaire, le Christ est assis dans une cathedra,
la droite levée pour bénir. Le fond de ces diffé-
rentes figures et toutes les places restées libres
entre les bordures sont ornés de rinceaux gravés
d'un goût excellent.
Le caractère de ces rinceaux ainsi que la forme
des fleurs de lis qui terminent les extrémités de
Mélanges.
413
la croix, la feront dater de la seconde moitié du
XIIIe siècle ou de la première moitié du siècle
suivant; ils permettent de croire que l'ensemble
est un travail mosan, pouvant sortir des ateliers
de Dinant, de Liège ou de Maestricht.
J. H.
I?otcs pratiques pour la construction
D'une église (:)
ONSIEUR le chanoine Mallet, ancien
professeur d'archéologie et auteur du
manuel d'archéologie religieuse le
plus répandu en France, est bien connu
de nos lecteurs. Il a la compétence et l'autorité
voulues pour guider ses confrères dans le sacer-
doce en cette intéressante matière. Son nouveau
livre envisage au point de vue pratique les ques-
tions dont il a si bien étudié et enseigné naguère
la théorie.
Cette matière a été traitée d'une manière ma-
gistrale par notre collaborateur Mgr X. Barbier
deMontault (2);et elle l'avait été plus brièvement
et sous une forme aussi méthodique qu'agréable
par l'abbé Th. Pierret (3).
M. Mallet refait à peu près l'œuvre de ce dernier,
mais à un point de vue peut-être plus pratique;
il s'adresse aux pasteurs qui ont assumé la tâche
de la construction d'une nouvelle église parois-
siale. La question est intéressante pour nos lec- ]
teurs; nous allons, en la reprenant, suivre pas à ;
pas notre auteur.
Il prend la question à ses hautes origines
esthétiques, à la définition de l'art chrétien. L'art
est « la reproduction du beau naturel et sensible »
par l'homme, qui y ajoute son sentiment. Bacon a
dit : « l'art c'est l'homme s'ajoutant à la nature ».
L'art en lui-même est distinct du bien, et M. Mallet
ajoute avec M. Loth: « Le beau est beau en soi...
1. V. L'Art chrétien. Entretiens pratiques, par M. l'abbé
Mallet, chanoine hon. de Séez. In-8° de 380 pp. Paris,
Poussielgue, 1899.
2. Traité pratique des constructions, de l'ameublement et
de la décoration des églises. Paris, Vivez, 1878. 2 vol.gr. ni-8° J
de 530 et 590 pp.
3. Manuel d'archéologie pratique. Paris, Lethielleux,
1870. In-8° de 460 pp.
Un objet est beau indépendamment de toute
idée morale de bien. » On pourrait faire ici des
réserves. Mais ce que l'auteur veut établir est in-
contestable, savoir que l'art chrétien ne s'arrête
pas au beau naturel et lui est supérieur. Ayant
pour objet Dieu, lui du moins ne saurait se
séparer du beau moral. Ses sources sont la théo-
logie, la mystique sacrée et le symbolisme. C'est
pour avoir méconnu ces principes et avoir séparé
l'art (M. Mallet dit le beau) du vrai et du bien,
que la Renaissance a failli à l'art chrétien.
La loi souveraine du beau artistique est la con-
venance; elle se complète par la parfaite exécution
de la forme. Platon et S. Thomas ont dit : « Le
beau est la splendeur du vrai. » Or « qu'est-ce que
le vrai, sinon la convenance, et sa splendeur,
sinon la forme ? » En outre l'art chrétien suppose
l'idéalisation du beau naturel.
Ces principes posés, nous passons aux consi-
dérations pratiques. Il s'agit de l'érection d'une
église. Quel style faut-il adopter ? Le pseudo-grec
n'est qu'une émanation du paganisme. Le style
basilical, le style byzantin, le roman et le go-
thique sont seuls éclos d'un souffle de christia-
nisme ; encore les deux derniers seuls, qui relèvent
exclusivement de l'art chrétien, s'adaptent-ils
adéquatement à nos besoins religieux actuels.
Nous ajouterons que le roman n'étant que du
gothique en voie de formation, il est privé de sa
splendeur et de ses perfections techniques. Quant
au style de la Renaissance, il jette un vêtement
profane sur le fond traditionnel. Heureux sommes-
nous, dit M. Mallet, de nous être débarrassés
depuis cinquante ans de ses fausses conceptions.
D'ailleurs notre Saint Père Léon XIII n'a-t-il
pas lui-même tranché ce point important dans la
lettre qu'il adressa jadis au Conseil de fabrique
de l'église de Saint-François d'Assise à Bologne,
que la Revue de l'Art chrétien a reproduite dans
la IVe livraison de l'année 1894, et que nous
regrettons de ne voir pas au moins rappelée dans
le livre de M. Mallet.
« Quant à Nous, dit Sa Sainteté, de même que Nous nous
sommes appliqué et que Nous nous appliquons encore à
faire renaître la solide sagesse des anciens en choisissant
comme guides dans la philosophie saint Thomas d'Aquin,
dans les lettres Dante Alighieri, ainsi Nous prédisons
d'une façon certaine, que les autres arts produiront des
4U
Brtntc tic Part cbrctten.
fruits excellents, pourvu qu'ils recherchent et apprécient
les modèles de cette même époque. » (Le XIIIe siècle.)
Le style arrêté, il faut tracer le plan. Mais une
question préalable se présente d'abord, celle de
la capacité de l'église. Moins exigeant que saint
Charles Borromée ('), qui veut qu'elle puisse con-
tenir la population entière de la paroisse, et en-
core en prévoyant son accroissement probable,
notre auteur ne réclame que la moitié, ou au
moins les deux tiers de cette capacité. L'abbé
Pierret et Mgr Barbier de Montault estiment cette
dernière mesure bien suffisante en ville, où la
multiplicité des messes partage les fidèles. D'ail-
leurs la fréquentation de l'église varie d'une région
à l'autre avec le degré de dévotion du peuple.
Si l'on est fixé sur le nombre maximum des per-
sonnes que l'église doit recevoir aux jours de
grande afHuence, on peut mesurer la superficie à
raison de 400 mètres carrés pour mille personnes,
en déduisant le chœur et les parties de l'église
inaccessibles aux fidèles. S. Charles demande par
personne omS3 xom53, plus tous les vides utiles
à la circulation, etc.: la Commission diocésaine de
Poitiers a fixé le chiffre om50 X Om50.Une place de
om50xom90 est largement comptée. En France
les autorités civiles appliquent le barème suivant:
on déduit l/l de la population de la commune ;
on divise la population restante par le nombre
des messes qui se disent le dimanche, et le chiffre
trouvé indique le nombre des fidèles qui doivent
pouvoir trouver place en même temps à l'église. On
compte ensuite, que 5 personnes occupent deux
mètres carrés (la surface du chœur non comprise ).
Selon l'autorité diocésaine de Gand.ce barème
est acceptable comme minimum en général, mais
il faut tenir compte, i° de l'accroissement de la
population, 2° de la place perdue par les confes-
sionnaux et autres grands meubles, 30 de l'usage
des chaises, 40 de ce que les enfants fréquentent
en grand nombre l'église, 50 de ce que dans cer-
tains cas, salut, mission, etc., la plus grande partie
des fidèles doivent trouver place dans l'église.
Laissons de côté des questions techniques qu'il
convient d'abandonner aux praticiens, de crainte
d'erreurs fâcheuses (2) et de banalités. Celle de
1. Instructionem fabricae et supcllectilis ecctcsiasticae
libri duo.lS.Wa.Xi, 1577.
2. Comme de dire qu'il faut éviter pour l'emplacement
l'orientation nous intéresse absolument, et il im-
portait même, selon nous, d'y insister davantage,
parce que l'esprit public y est trop indifférent.
Rappelons du moins le traité qu'a écrit sur
cette matière, M. Alberdingk Thym (*); nous
nous souvenons avoir entendu son beau-frèré,
le grand architecte hollandais Cuypers (qui
s'honorait, lors de son jubilé de septante ans,
d'avoir élevé septante églises), défendre la règle
de l'orientation avec chaleur :
« Avant la Renaissance, dit-il, on se fût gardé d'y man-
quer. C'est depuis la prétendue Réforme que le clergé s'est
relâché de la stricte observance des prescriptions litur-
giques; c'est une situation fâcheuse, pénible à constater;
aussi oserai-je formuler le vœu, de voir tenir plus scrupu-
leusement la main à ce que la liturgie de notre sainte
religion soit fidèlement observée par tous ceux qui sont en
état d'exercer une action sous ce rapport (-). »
Nous devons admirer nos pères, qui sacrifiaient,
s'il le fallait, au sentiment de la liturgie l'économie
de la construction et même le tracé des rues. Avant
tout ils tenaient à prier, à l'exemple des apôtres,
les yeux tournés vers l'Orient, vers le paradis
terrestre et la terre sainte, vers le Calvaire et le
tombeau du Sauveur, vers le pays où s'est levée
l'étoile des Rois Mages. Quand, à la messe ma-
tutinale, le soleil levant illuminait les vitraux de
l'abside, il était à leurs yeux la resplendissante
image de N.-S. JÉSUS-CHRIST, lumière du monde
et de l'Évangile qui a dissipé les ténèbres de
l'erreur. D'ailleurs, supprimez l'orientation, et le
sens symbolique attaché à diverses parties de l'é-
glise, et l'adaptation du décor, et l'emplacement
des autels des fonts, etc., perdent leur signifi-
cation. « L'évangile qui doit se réciter tourné vers
le Nord, perd le sens mystique que l'Église a
attaché à cette direction, prescrite aux messes
basses comme aux messes solennelles (3). »
La question Remplacement dépend en pratique
d'une église tout terrain formé de gypse... et de marne
(p. 68).
1. Alberdyngk-Thym, De heilige Unie. — V. aussi
Kempeneers, L'orientation symbolique des églises chré-
tiennes,— et MM. Mason, Weale et Webb, Le symbolisme
dam les églises du moyen âge, traduction de Bourassé
(Meaux).
2. Excursion de la Gilde de St-Thomas et de St-Luc,
à Rolduc.
3. V. Mgr X. Barbier de Montault, ouvr. cité, t. I, p. 21.
Mélanges.
415
de circonstances toutes contingentes. L'isolement
et une position élevée sont surtout désirables.
Nous aurions voulu des solu-
tions plus précises peut-être
des exemples, en ce qui con-
cerne le tracé en plan, si bien
déterminé par la tradition,
de nos églises catholiques. Il
semble que des formes types
soient ici à préconiser.
Les convenances liturgiques
réclament le plan rectangulaire
allongé. Pour une simple cha-
pelle, on se contentera d'une nef
Plan de l'église Ste-
Madeleine à Tournai
augmentée d'une abside conte-
nant l'autel ; mais pour une
église, si petite soit-elle, il faut,
pour le chœur, un prolongement du vaisseau légè-
rement rétréci ; le chevet pourra être plat, solu-
Plan de l'église St-Jacques à Tournai (1).
tion simple qui permet d'ouvrir de belles lumières
dans un chevet relativement étroit ; le sanctuaire
demi circulaire ou polygonal ne conviendra que
1. N. B. La figure représente l'état actuel, chevet poly-
gonal, chœur accosté de chapelles de plain pied; mais on
y a figuré aussi l'ancien chœur à chevet plat et sans
hapelles.
pour un chœur d'une certaine dimension. Mais
des autels latéraux et des chapelles secondaires
ont ordinairement leur place marquée aux deux
côtés du chœur, et leur établissement est gran-
dement facilité par l'adoption du transept. Aussi
saint Charles remarque-t-il que la forme préfé-
rable de l'église est celle de la croix; la croix
latine est la forme consacrée dans nos pays.
Une paroisse nombreuse réclame une église à
trois nefs. Nous sommes amené logiquement au
plan basilical, qui est le type normal du temple
chrétien. Il est susceptible d'un perfectionne-
ment qui consiste à accoler au chœur deux cha-
pelles latérales; celles-
ci sont accessibles par
l'officiant de plain
pied, ayant leur sol au
même niveau que le
chœur, qui est lui-
même surélevé par
rapport au reste de
l'église. Cette disposi-
tion du plan s'appli-
que à merveille à des
paroisses même con-
sidérables; elle n'est
autre que celle de la
cathédrale d'Autun,
que reproduit Viollet-
le-Duc en son dictionnaire et de N.-D. de Lescar
que nous donneronsdans la prochaine livraisbn(T).
Ce plan type est susceptible d'amplifications
favorables à l'élégance et à la commodité du ser-
vice religieux. La plus belle consiste à créer un
déambulatoire autour du chœur. C'est le plus
prestigieux des dispositifs. Il dégage le chœur et
permet l'accès par les fidèles et par les serviteurs
de l'église, sans traverser le sanctuaire, vers la sa-
cristie ordinairement établie sur le côté de l'église
haute. Le large déambulatoire qui contourne le
chœur de l'église Saint-Sauveur, au Petit-An-
dely (Eure) en fait un temple d'une suprême
élégance. Cette ordonnance, où la haute église
prédomine sur la basse, conviendrait à une pa-
roisse peu populeuse mais riche.
Toutefois cet ambulacre ne constituerait
qu'une ajoute plutôt luxueuse, s'il n'était utilisé(et
1. Diction, raison, d'archit., t. II, p. 345.
4i6
Peinte De l'&rt chrétien.
ce fut sa raison d'être originelle) pour l'accès de
chapelles absidales, ou tout au moins d'une cha-
pelle de chevet, chapelle ordinairement consacrée
à la Sainte Vierge ou au St-Sacrement. Le reste
du pourtour se présente à merveille pour y placer
les stations du chemin de la croix.
Si le culte local réclame un grand nombre de
chapelles, comme c'est le cas dans les paroisses
anciennes, riches en dévotions traditionnelles, ou
dans des localités où florissent de nombreuses
confréries, la multiplication des autels et des cha-
qu'on le retrouve, à une échelle monumentale,
dans le superbe chevet de la cathédrale du Mans.
Plan de l'église de Petit-Andély.
pelles peut être réalisée de deux manières diffé-
rentes : par les absidioles rayonnantes ou par les
chapelles des collatéraux.
Les premières rayonnent en éventail au pour-
tour de l'ambulacre, selon l'élégante disposition
propre au style gothique français. Elles offrent
cet inconvénient, que les autels qu'on y in-
stalle se trouvent ou dissymétriquement placés,
ou désorientés; hélas! le préjugé régnant fait
rechercher une symétrie inutile aux dépens de
l'orientation liturgique si désirable, des autels.
Les couronnes de chapelles rayonnantes sont
généralement réservées aux cathédrales ou du
moins aux très grandes églises.
Les chapelles absidales peuvent être dispersées
au pourtour du déambulatoire, de manière que
leurs entrées alternent avec les fenêtres de celui-ci,
ainsi que cela se faisait à l'époque romane et
Chevet de la cathédrale du Mans.
Elles peuvent aussi être contigués, de manière
que leurs murs séparatifs constituent des piliers
Plan d église paroissiale,
Projet de M. l'architecte Bosschaert.
butants pour le soutien des voûtes hautes du
chœur, et c'est la disposition usuelle.
Les chapelles de rond-point sont toujours en
Mélanges.
417
nombre impair; celle qui tombe dans l'axe du
chœur est souvent notablement plus profonde
que les autres.
Signalons une disposition spéciale, usitée dans
quelques églises
anciennes, qui con-
siste à accoler au
déambulatoire des
pseudo - chapelles,
grâce à des saillies
à trois pans, comme
ci-contre au chœur
de l'ancienne ca-
thédrale de Bou-
logne (').
On peut aussi
J;.-V;;^v '' i'-i^Wr'-W^ établir une double
a ly~jU& série de chapelles
' j I le long des nefs
4Ëp _ -Œk «fMK latérales il y
place là pour une
quantité de sanc-
tuaires particuliers:
deux par travée de la grande nef; il est sage de
n'utiliser que les travées hautes, jusqu'à concur-
S,
Plan du chœur de l'ancienne cathé-
drale de Boulogne.
rr^l i-r*
Plan de l'église abbatiale de Villers.
rence des besoins. On utilise ainsi dans les églises
gothiques les intervalles entre les piliers butants.
Cette disposition fut générale à partir du XIVe
1. Nous reproduisons ce plan d'après M. E. Enlart, Les
anciens édifices de Boulogne. Le même dispositif existe
aux églises de Seclin, de N.-D de Tournai et de Saint-
Nicolas à Gand.
siècle, lorsque se multiplièrent les corporations
de métiers ou autres, qui toutes avaient leur fête
religieuse et la plupart, leur chapelain. Elle est
utilisée aujourd'hui dans des cas spéciaux, no-
tamment pour les églises qui sont le but de grands
pèlerinages accompagnés d'ecclésiastiques, qui
doivent trouver chacun des autels pour y célébrer
la messe. L'inconvénient est, que les officiants
doivent traverser les parties de l'église réservées
aux fidèles. A la basilique de Lourdes et dans
plusieurs églises conventuelles, on a établi ces
chapelles au niveau du chœur ; et, par des baies
Plan de la cathédrale de Coutances.
percées dans les murs séparatifs, on les a mises
en communication, plus tard, avec l'église haute.
Ainsi est conçu le projet jadis dressé par feu
le baron J. Bethune pour l'église des PP. Jésuites
de Bruges et reproduite dans la Revue de l'Art
chrétien, année 1897, pi. XXXVIII.
Il existe une troisième solution, mais pro-
pre aux églises monacales, usitée surtout jadis
chez les Cisterciens : celle de chapelles ouvertes
dans le mur oriental des deux croisillons du
transept, comme à l'abbatiale de Villers ; elle
exige un énorme développement de celui-ci (l).
(A suivre.) L. C LOQUET.
1. Plan de l'abbatiale de Villers {Revue de F Art chrétien,
année 1896, p. 342.)
BEVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 5me LIVRAISON
>.& ^ ■*&. ■■*£ *% *& *& *& *& *&. *& **. *& *& *fr. *&*&*& *& *ff *& *& *&, *fr. $k
WWWWWWWWfWWWWWWWWWW^^
ttnc méDatlle )tiiucûc;ilotrc=Seigncur.
La découverte.
ONSIEUR Boyer d'Agen, l'historien
intime de Léon XIII, l'éditeur de ses
lettres, est un amant passionné du
vieux Rome. Il aime à se promener au
Campo di fiori le mercredi, jour où les Juifs
tiennent un marché à l'usage des Romains, mais,
surtout des étrangers. On trouve de tout dans ce
marché ; des chasubles de belle époque, des den-
telles anciennes, de vieux cuivres, des émaux,
et jusqu'à des soutanes violettes qui côtoient les
barettes usées de cardinaux. Le faux y coudoie
le vrai, surtout en cuivres, et le Père Grisar, il y a
Un bénédictin, archéologue de valeur, Dom
Anselme Caplet, qui connaît bien son Campo di
fiori, me disait un jour : « Quand je vois dans
ce marché une pièce ancienne, je dis a priori
qu'elle est fausse, et j'ai 90 chances sur IOO de
ne point me tromper. »
Monsieur Boyer d'Agen se promenait donc au
Campo di fiori au printemps 1897.
Dans l'échoppe d'un marchand, simple paysan
de la campagne romaine d'après lui, ou mieux
un de ces Juifs retors qui savent donner à leur
personne la couleur locale pour mieux empaumer
l'acheteur, il trouvait une médaille de bronze,
de 35 mm. de diamètre, couverte de terre et de
patine, et pourvue d'un anneau pour la suspendre.
Elle représentait, d'un côté, une tête de profil, les
Médaille juive
à l'effigie du Sauveur.
Revers
Avers.
quatre ans, a montré à la conférence d'archéo-
logie chrétienne un cuivre, provenant du Campo
di fiori, qui n'était qu'un vulgaire pastiche, disons
le mot, une falsification éhontée.
On ne peut contrefaire les vieux ornements,
car le prix n'en payerait point les peines, mais
pour les vieux argents, les vieux cuivres, la peine
est peu de chose et le profit parfois considérable.
On sait que le fameux trésor de Gian-Carlo Rossi,
si splendidement édité par son propriétaire, a été
fabriqué à Rome par deux ouvriers experts à
faire du vieux. Par conséquent, quand on ren-
contre dans l'échoppe en plein vent de ces mar-
chands une chose rare et de prix, qui vous est
cédée relativement pour peu de chose, c'est le
cas d'être prudent.
longs cheveux flottant sur les épaules, et flanquée
de lettres hébraïques. De l'autre côté, était une
inscription en caractères de la même langue.
De plus, la médaille portait des traces manifestes
d'un long usage, les mèches de cheveux ne mon-
traient plus aucun détail, et la partie supérieure
de la tête qui devait offrir une courbe, était
aplatie, donnant à la figure une apparence doli-
cocéphale. La médaille avait coûté 0,10.
Je laisse la parole à M. Boyer d'Agen tradui-
sant malheureusement une version italienne de
la notice qu'il a publiée à ce sujet. « C'est préci-
sément ce morceau de métal, sans aucune appa-
rence, qui est maintenant devenu la merveilleuse
médaille dont se sont occupés jusqu'à présent
tous les musées de numismatiques et toutes les
académies d'Europe. »
Correspoutiance.
419
Son origine.
UN problème se posait immédiatement. Cette
médaille remontait-elle seulement à la Re-
naissance, ou datait-elle de l'époque classique de
Rome?
M. Boyer d'Agen se prononça carrément pour
la dernière hypothèse.
Tout en admettant qu'il y ait eu, au moment
de la Renaissance, des médailles juives imitant
à peu près celle qu'il avait trouvée, il découvrait
dans la sienne des qualités artistiques dont les
autres étaient dépourvues, et qui la faisaient,
selon lui, le prototype, mais remontant aux ori-
gines de l'ère chrétienne, de toutes les autres.
Elle aurait été peut-être trouvée dans un tom-
beau, aurait inspiré les artistes de la Renaissance
et servi de modèle pour les autres médailles
semblables, éparses dans différentes collections
d'Europe.
A quelle époque remonterait-elle ?
L'auteur de l'article exclut l'époque de Con-
stantin et se prononce pour le Ier siècle, soit
parce que la tête n'a pas de nimbe, soit surtout
à cause de ses caractères artistiques.
Médaille d argent à l'effigie de Sauveur.
(Propriété de Mgr Battandiek. — Reproduction au double de la grandeur naturelle.)
Et cette thèse était adoptée par le savant car-
dinal Parocchi qui disait à M. Boyer d'Agen :
« Ma foi n'a pas besoin de me représenter le
Christ dans la chair. Mais si j'avais à m'en faire
une image, je ne pourrais la construire d'une façon
plus idéale que les traits que je contemple dans
cette médaille. Avec sa tristesse infinie et son
infinie beauté, elle est humaine autant que peut
l'être un Dieu, et divine autant que peut le de-
venir un homme. » On le voit, ce sont les carac-
tères intrinsèques de la médaille qui faisaient la
base du plaidoyer en faveur de sa haute antiquité.
Reproduction de la médaille.
EN admettant la thèse du savant littérateur,
il est clair que la médaille du Campo di
fiori offrait un intérêt hors ligne. Datant du
Ier siècle, elle aurait été faite du vivant même de
Notre-Seigneur, ou au moins sur des souvenirs
précis, peut-être des peintures, des camées, etc.
Dès lors une pareille rareté offrait au com-
merce un numéro tout à fait exceptionnel, et en
effet M. Falize, orfèvre parisien bien connu, lança
l'affaire et fit imprimer dans divers journaux une
annonce où on lisait : M, Portrait de Jésus-Christ,
an I de l'ère chrétienne. Médaille dite du Campo
di fiori... réduction en or déposée dans le trésor
du Vatican par S. S. Léon XI II, le 10 fév. 1899.»
Et le prospectus qui donnait les prix des diffé-
rentes réductions, s'appuyait sur un article de la
Semaine religieuse de Paris du 10 fév. 1899.
Nous ne ferons qu'une seule remarque sur
cette réclame commerciale : c'est que l'ère chré-
tienne ayant commencé quatre ans avant la nais-
sance de Notre-Seigneur, il s'en suivrait que nous
aurions un portrait prophétique positivement
merveilleux, puisqu'il aurait été gravé avant la
naissance de la personne dont il devait repro-
duire la figure.
Description de la médaille.
PRENONS l'avers. A côté de la tête du Christ,
qui est d'une grande douceur d'expression,
est un aleph dont la signification n'est pas claire.
Ce ne peut être un numéro d'ordre pour désigner
le Ier siècle, puisque c'est seulement au VIe siècle
que l'on commença à compter les années à
partir de la naissance du Sauveur. De l'autre
côté de la tête se trouvent les lettres qui forme-
raient le nom de Iechouah ou Jésus. On a voulu
expliquer V aleph d'une façon plus rationnelle en
supposant qu'il était une abréviation du mot
Adonaï, et nous aurions alors les mots « Le
Seigneur Jésus ». Cette interprétation cependant
ne semble pas claire, et n'est nullement dans les
habitudes juives.
Quant au revers, M. Boyer d'Agen interprète :
« Le Messie, le roi est venu en paix, il est la
lumière du monde, il vit », mais cette traduction,
donnée déjà par Grimoard de St-Laurent en
1873, et qui d'ailleurs lui est antérieure, est loin
d'avoir été acceptée par tout le monde.
D'autres hébraïsants y lisent : « Le Messie roi
est venu en paix, illustre parmi les hommes pour
lesquels il a donné sa vie. » Un autre : « Messie
roi est venu en paix, il a brillé parmi les hommes
et il leur a apporté le salut » ; ou encore : « Le
Messie, le roi est venu en paix, et homme, il a
sauvé (vivifié) l'homme » ; ou bien : « Le Messie
roi est venu en paix, il était le premier des
hommes et a été fait le dernier. »
Il faut citer ceux, en petit nombre, qui ont lu:
« Le Messie, le roi qui viendra dans la paix, et
seulement par les hommes fait ». Cette leçon,
tout à fait extraordinaire, suppose que le Christ
n'est pas encore venu et il faudrait alors dire que
cette médaille aurait été coulée par un Juif qui,
sous couleur de christianisme, aurait voulu se
moquer des chrétiens.
De ces différentes interprétations, il faut re-
tenir que, seule, la première partie du texte est
certainement déchiffrée. « Le Messie, le roi est
venu en paix. » La seconde partie reste encore
dans l'obscurité, et les divergences entre les dif-
férents interprétateurs sont telles que je renonce
à les concilier. Peut-être que des hébraïsants se
mettront à l'ouvrage, et comparant le texte de la
médaille avec celui qui se trouve identique, mais
plus ou moins bien dessiné, sur d'autres médailles
de ce genre, arriveront à nous donner la vraie
version de ce texte, dont la difficulté s'accroît par
l'absence des points massorétiques et surtout par
l'incertitude d'identification d'un certain nombre
de lettres.
Médailles similaires.
LA découverte de M. Boyer d'Agen n'en était
au fond pas une, car cette médaille, ou des
médailles similaires (disons cependant que
M. Boyer d'Agen donne la sienne comme unique),
se trouvaient dans nombre de collections.
Le Vatican possède six de ces médailles, mais
aucune, comme l'aurait assuré M. Serafini, cus-
tode du Musée, à M. Boyer d'Agen, n'aurait les
qualités artistiques de la sienne.
Observons toutefois, à propos de ces qualités
artistiques, que l'usure a donné à la médaille un
flou qui laisse deviner les détails au lieu de les
donner. Une personne, vue dans une obscurité
qui permet de saisir seulement les grandes lignes
de son visage, paraîtra souvent beaucoup plus
belle que si on la met en pleine lumière. Or l'usure
dans les monnaies produit le même effet. La
médaille neuve est naturellement dure, c'est l'effet
du reste du métal, mais quand le frottement a
un peu adouci les angles, diminué les saillies
trop accusées, elle prend facilement un cachet
artistique dont elle était auparavant dépourvue.
Et je crois que la médaille de M. Boyer d'Agen
n'aurait pas eu tant de fortune si elle avait été
neuve.
Je puis le dire d'autant mieux que je possède
moi-méme,depuis plus de treize ans, une médaille
Correspondance.
421
analogue, mais en argent, métal froid, alors que le
cuivre est métal chaud. En voici la reproduction,
au double de grandeur pour mieux la dessiner.
Or cette médaille, qui est dans un état parfait
de conservation, n'a pas d'anneau, n'a jamais été
portée, n'a aucun signe d'usure, reproduit abso-
lument le même type, mais avec plus de dureté
dans les traits. Usée par le frottement, elle ferait
l'effet de celle de M. Boyer d'Agen.
M. Grimoard de Saint-Laurent, dans son Guide
de l'art chrétien, tome 1 1, p. 247, s'occupe de cette
médaille et écrit : « Quand nous disons que les
plus anciennes monnaies au type du Sauveur
publiées par le Dr Walsh, ne remontent pas au
delà du VIIe siècle, c'est que nous ne pouvons
pas regarder comme très sérieuse la prétention à
l'antiquité de la curieuse médaille qu'il pose ce-
pendant en tête de son livre... Elle a été assez
répandue, car on l'a trouvée, à des époques très
différentes, en Italie, en Allemagne, en Irlande.
Après avoir beaucoup occupé les esprits au com-
mencement du XVIe siècle, elle avait été à peu
près oubliée, lorsque la découverte de nouveaux
exemplaires l'ayant remise en évidence, le
Dr Walsh l'a reproduite. »
Une revue d'art italienne, YEmporium, dans
son numéro d'avril 1898, pag. 262, publiait une
médaille absolument identique à celle deM. Boyer
d'Agen, et l'autre qui, déjà donnée par leDr Walsh,
se trouve au Musée d'Oxford. L'origine de cette
médaille serait assez curieuse. Une paysanne de
Cork, en Irlande, ramassait, en 1812, des pommes
de terre dans un champ où jadis avait été érigée
une abbaye bénédictine. Or, en se livrant à son
travail, elle trouva une motte de terre dans
laquelle était une médaille ayant, d'un côté, un
profil d'homme, de l'autre, des caractères incon-
nus : c'était la médaille juive de Notre-Seigneur.
Cette médaille au XVIe siècle. .
ON a dit que cette médaille eut un regain de
publicité au XVIe siècle. Nous voyons en
effet que Jules III, au milieu du XVIe siècle, en
fait le revers de la 22e médaille de son pontificat.
Cette médaille, toutefois, a le profil du Sauveur
tourné en sens inverse et la tête est surmontée
d'un nimbe elliptique. Paul IV (^ 1 559) a em-
ployé le même type pour la 4e médaille de son
pontificat, mais la tête est cette fois tournée
comme dans la médaille trouvée par M. Boyer
d'Agen. La 3e médaille du même pape repré-
sente le même type, mais nimbé. S. Pie V (>k 1565)
a pris deux fois cette tête de Christ pour en faire
la 21e et la 22e médaille de son pontificat.
Mais la première a le nimbe crucifère ; la seconde
en est dépourvue. De plus, le revers de la 3e mé-
daille de son pontificat a été usité en dehors de
cette collection. Ce revers représentait les mages
apportant leurs trésors à l'enfant Dieu. A l'avers
on y a mis cette tête traditionnelle du Christ avec
ces mots EGO SVM LVX MVNDI... Ajoutons
que c'est le graveur Antonio Rossi qui exécuta
ce travail pour ce pape.
Maïs cette médaille est certainement anté-
rieure, car elle existait dans le trésor de Jules II
( *i* I5I3). ainsi qu'en fait foi TJiesaeus Ambrosius
{De litt. samar., chap. V, fol. 2 1 ) qui en donne une
description et transcrit même le sens de l'ins-
cription qui y était gravée.
Nous voyons donc,d'une part,que cette médaille
était connue au commencement du XVIe siècle,
mais de l'autre, il faut avouer que l'on manque
absolument de documents pour la faire remonter
plus haut.
Discussion sur l'antiquité de la médaille
juive.
C"*'EST ici que devrait normalement se placer
^ la discussion entre l'opinion de M. Boyer
d'Agen et celle de nombre d'autres numismates
qui sont loin d'avoir embrassé sa thèse.
Les arguments de M. Boyer d'Agen se basent
sur ce critérium : La beauté du type et son ins-
cription. Les caractères inscrits aux côtés de la
figure et surtout la légende nous reportent hors
de la période des persécutions proprement dites,
durant laquelle régnait la loi du secret. Or, l'é-
poque constantinienne ne peut convenir; un peu
parce que la médaille n'a pas de nimbe, et surtout
parce que la finesse de son travail ne s'accorde-
rait point avec les monuments qui nous restent
du IVe siècle. Il faut donc remonter au Ier siècle.
Cette médaille aurait servi aux premiers
chrétiens et pouvait avoir été utilisée comme
tessera. L'Apocalypse (XIII, 16) demande d'avoir
« habere characterem m dextera manu sua », et ce
422
Bcbue tie rsirt cbrétten.
serait une application matérielle de ce texte.
Cette médaille serait un signe de reconnaissance
pour les Juifs convertis au catholicisme.
Les académies se sont presque toutes inscrites
à l'opinion contraire, qui a trouvé un champion,
entre beaucoup d'autres, dans M. Louis Esqieu,
de Cahors. Celui-ci, dans un petit journal, La
France chrétienne, a défendu et soutenu brillam-
ment cette thèse, que cette médaille est l'œuvre
de la Renaissance, opinion qui est partagée par
le plus grand nombre des numismates. Je me
contenterai de citer l'opinion de M. Muntz qui
fait autorité. « Pour moi, dit-il, il n'y a pas de
doute, c'est une médaille du XVIe siècle. N'ou-
blions pas d'ailleurs que le moyen âge n'a pas
fait de médailles. Il faudrait donc admettre que
celle-ci est des tout premiers temps du chris-
tianisme et les médailles de cette date sont
toutes différentes de celle-ci. Le numismate
Jobert écrivait en 1655 que de son temps on
fabriquait de ces médailles en Allemagne, mais
qu'elles sont facilement reconnaissables, n'eût-on
qu'une science médiocre. En conséquence, la mé-
daille à l'effigie de JÉSUS-CHRIST, quoiqu'elle
puisse avoir été fabriquée par un Juif converti au
christianisme, n'est qu'une de ces médailles in-
ventées et fabriquées à plaisir dans le siècle
dernier. »
Voilà sur ce point une nouvelle opinion; ces
médailles seraient une production juive du siècle
dernier, et les Juifs l'auraient lancée pour se mo-
quer des chrétiens.
Cependant, quand on compare non seulement
la médaille juive, mais les médailles duXVIcsiècle
à l'effigie du Sauveur, on voit qu'elles offrent
toutes un grand air de ressemblance et se sont
inspirées les unes des autres. Si un savant doublé
d'un artiste voulait faire une étude comparative
sur ces différents types, réunissant les traits en ce
qu'ils ont de commun, il s'apercevrait bien vite
que ces graveurs, ou se sont astreints à une tra-
dition claire, ou se sont inspirés à un modèle
qu'ils avaient sous les yeux et qu'ils interprétaient
sans le reproduire servilement.
Un type du Sauveur conservé ainsi dans la
tradition ne pourrait guère guider l'artiste. Nicé-
phore, dans son Histoire ecclésiastique (liv. II,
ch. XLI1I) nous donne bien une description
du Sauveur : mais dix peintres ayant son texte
comme seule et unique indication, réussiraient
difficilement à faire un portrait uniforme.
Il faut alors recourir, pour expliquer ces mé-
dailles qui ont pullulé au XVIe siècle, à un type.
Loin de nous la pensée de vouloir imposer une
opinion; nous ne nous en sentons ni le droit, ni
la force, mais on ne peut toutefois s'empêcher
de remarquer que le type de ces médailles se
rapproche énormément du portrait du Sauveur
peint par Léonard de Vinci ( >î< 15 19) dans le
fameux tableau de la Cène. On pourrait donc
parfaitement dire que Léonard de Vinci, s'inspi-
rant de tout ce que la tradition pouvait lui fournir,
avait réalisé un type idéal du Sauveur, et que ce
type aurait séduit les artistes de la Renaissance
qui s'en seraient servis dans leurs œuvres et en
particulier dans la fabrication de ces médailles.
On pourra remarquer qu'il y a là une simple
coïncidence, et j'avoue qu'en l'absence de toute
preuve positive, il serait malaisé de soutenir la
thèse; elle me semble cependant probable.
Le décret de l'Index et les médailles juives.
ON a fait beaucoup de bruit d'un décret de
l'Index, du 16 mars 162 1, condamnant une
médaille juive qui portait la figure de Notre-Sei-
gneur. Voici ce que dit le catalogue de l'Index.
« Anguisciola, Ang. Gab. délia hebraica medaglia
detta Maghen David et Abraham. Dichiarazione.
Prohibetur ctiam omne hujusmodi nutnisma et
mandatur ut qui illud habent, ad S. Officiant vel
ad episcoptim déférant. »
Or cette médaille, et l'opuscule qui la défen-
dait, a été condamnée par décret du 28 sept. 1C20
(c'est donc une erreur dans le catalogue de l'In-
dex) et la condamnation porte principalement
sur la brochure publiée à son occasion par le
chan. régulier Anguisciola. Quant à la médaille
elle-même, je n'ai pu la retrouver, car bien que
j'aie fouillé tout le dossier, aucune médaille n'y
était malheureusement annexée. Seulement dans
la description sommaire qu'en fait le rapporteur,
il donne l'inscription de l'endroit et du revers.
A l'endroit on lit: JESVS - SCVTO CIRCVM-
DABIT VERITAS EIVS, et au revers FA-
CIES PANIS, encore PANIS FACIEI. Cette
médaille n'a donc rien de commun avec celle de
M. B-oyer d'Agen.
CorresponDance.
423
Conclusion et résumé.
CETTE médaille trouvée par M. Boyer
d'Agen n'est point rare. Nombre de col-
lections la conservent, et j'ai personnellement
reçu plusieurs lettres me demandant à quel prix
leur propriétaire pourrait s'en défaire. Tous les
auteurs qui s'en sont occupés ont donné le nom
d'un ou plusieurs possesseurs de cette médaille.
M. Pécoul, savant et érudit comme un bénédictin,
la trouvait couramment au Campo di fiori à 1,50
quand il était attaché d'ambassade à Rome au
moment du Concile. Elle a baissé de valeur depuis,
ainsi que le démontre l'achat fait par M. Boyer
d'Agen.
Cette médaille ne saurait remonter au Ier siècle;
aucun numismate un peu sérieux, aucune aca-
démie n'a embrassé cette opinion que contredit
aussi le fini de la médaille qui suppose des pro-
cédés de frappe plus perfectionnés que ceux que
l'on possédait au Ier siècle de l'ère chrétienne.
Cette médaille appartient à l'époque de la Re-
naissance où elle a eu une grande diffusion, et en
rapprochant les types de Christ se rapportant à
ce siècle, il ne serait pas improbable que Léonard
de Vinci, dans sa Cène, eût fixé les traits du
Sauveur que la médaille a ensuite interprétés.
Cette médaille devait probablement servir de
signe, de fessera, pour les Juifs convertis ou mieux
encore, leur était donnée à leur conversion comme
pour bien leur montrer que le Christ unissait
l'ancienne et la nouvelle loi. C'était aussi un
moyen de propagande parmi les Juifs. Écrite
dans leur langue native, l'inscription devait attirer
leurs regards, et la douceur de l'image du Sau-
veur aurait touché leur cœur. Aujourd'hui, après
une cérémonie, on distribue souvent des médailles
commémoratives ; on aurait eu alors cet usage,
ce qui n'a rien d'étonnant... De plus, ces mé-
dailles ne se faisaient point seulement en bronze,
mais en argent, témoin celle que je possède, et
on variait la qualité du métal suivant la fortune
de celui à qui elle était destinée.
Je pourrais m'étendre bien davantage sur une
question que je n'ai fait que résumer, mais le peu
qui vient d'être dit suffit. Une étude plus consi-
dérable ne pourrait se dispenser d'embrasser
toutes les représentations graphiques du Sauveur
(achérotypes ou non), ce qui est au delà des limites
et de la portée de cette note.
Albert Battandier.
Italie.
ANS ma correspondance du mois de
juin, j'ai annoncé la reproduction du
tableau de Botticelli vendu récemment
par le prince Chigi ; malgré mon insis-
tance, je n'ai pu me procurer à Rome la photo-
graphie qui cependant était dans le commerce
quelques mois avant la vente ; il y a là un petit
mystère qui n'est pas bien difficile à deviner : il
est probable que le vendeur et l'acheteur ne veu-
lent pas faire connaître la peinture afin de
dépister les recherches dont elle est l'objet.
Il semble résulter de l'enquête ouverte par le
ministre de l'instruction publique que le tableau,
retouché dans certaines parties, ne vaut pas les
300,000 fr. qu'il a été payé; qu'en Italie on n'en
aurait pas trouvé le tiers de cette somme; que
le tableau a été vraisemblablement expédié en
Angleterre.
Un fait qui a été très remarqué, c'est un avis
transmis récemment par le ministre des affaires
étrangères aux ambassadeurs, les informant que
les édits Pacca étaient applicables aux expédi-
tions faites à l'étranger sous le couvert diplo-
matique.
Il se confirme que le ministre est décidé à faire
un procès au prince Chigi. La condamnation
n'est pas douteuse : elle ne fera sans doute pas
rentrer à Rome la Madone et V Enfant, mais elle
fera verser au trésor, en plus de l'amende, une
somme de vingt et un pour cent de la valeur de
l'objet vendu.
Les édits Pacca, non abrogés, imposent à vingt
pour cent de la valeur, le droit à payer à la sortie
des États pontificaux ; à cette taxe s'ajoute celle
d'un pour cent qui est perçue d'une façon générale
dans tout le royaume.
Il n'est pas besoin de faire remarquer que la
perception de ces taxes est très difficile, lorsque
l'expéditeur a négligé de faire une déclaration.
Comment, en effet, soumettre à la visite les
innombrables caisses qui sortent chaque année
du territoire italien ? C'est impossible dans un
pays où les frontières terrestres et maritimes
sont découpées à l'extrême?
En fait les poursuites ne peuvent guère avoir
lieu que lorsqu'il s'agit d'un objet d'art connu, ou
lorsque le hasard fait découvrir la tentative; ce
424
Betnte tie P&rt chrétien.
dernier cas s'est présenté, il y a quelques années,
à Bergame. De grandes fresques détachées de
la maison de Colleone, le célèbre condottiere,
étaient emballées et en gare pour l'étranger, lors-
qu'elles ont été saisies, une circonstance fortuite
ayant fait ouvrir les caisses. Gerspach.
Hnglcterre.
lia
croir artocc^cente " De Godjspi.
lie ûe "WiBljt.
PART l'intérêt qu'offrent les églises
de l'île de Wight en ce qui concerne
leur architecture et leur histoire, il y
en a une qui mérite une place à part
dans les colonnes de la Revue de l 'Art chrétien.
Nous voulons faire allusion à une fresque du
Christ en croix, de l'église de Godshill-lez-Vent-
nor, île de Wight.
La croix, comme nos lecteurs peuvent voir
par l'illustration que nous en donnons, forme
virtuellement un arbre, dont les branches portent
des tiges, sans qu'il y ait des feuilles visibles.
On assure que la fresque se trouvait autrefois
au-dessus de l'autel de la chapelle (dite de
St-Etienne), qui appartenait alors aux Prieurs
d'Appuldurcombe (Dépendance de l'abbaye de
Moulsbury .donnée plus tard aux Minorités «extra
Aldgate », Londres). La charpente de la chapelle
fut placée vers 1450, et la fresque daterait, dit-on
de cette époque.
Au XVIe siècle on la badigeonna. Au siècle
suivant, Sir John Oglander décrivit la chapelle
et ses monuments funéraires (Brasses), sans men-
tionner la croix. Ces monuments ont été enlevés
au temps de la guerre civile.
La découverte de la croix date d'il y a environ
50 ans; au lieu d'employer un expert, on fit venir
le maçon du village, qui, à l'aide d'une truelle,
enleva le badigeon. Apparemment les quatre
banderoles sortent des bouches des figures, —
probablement des anges, — qui aujourd'hui sont
entièrement effacés. Une des inscriptions est
lisible, comme suit : « Ora pro nobis Jesu » ; les
trois autres sont indéchiffrables. La Sainte Face
est en partie effacée par le temps et l'enlèvement
du badigeon ; les doigts de chaque main ne sont
plus visibles, mais la chevelure, la barbe et la
couronne d'épines, comme aussi le corps, se dis-
tinguent plus ou moins nettement.
L'église elle-même est la seule en forme de
croix qui existe dans l'île de Wight. A l'exté-
rieur de l'un des transepts, au sommet du pignon,
est une cloche, suspendue sous un petit baldaquin
s'élevant à quelques pieds et posé sur des con-
soles.
On attribue la fondation de cette église à l'in-
tervention divine. La fresque se trouve sur le mur
Est de la chapelle, la fenêtre étant du côté Sud.
Le dessin de M. Stone, dans ses Architectural
antiquities of the Isle of Wight, ne paraît pas
tout à fait d'accord là-dessus.
La fresque, en hauteur et en largeur, couvre
toute la muraille, à partir d'une hauteur de 4
pieds du sol actuel de la chapelle.
*
* *
De chaque côté de la fenêtre, il y a des traces
de décoration murale, évidemment par le même
artiste.
Par trois fois, dit la légende pittoresque qui
s'y rattache, la pierre principale a été posée à un
autre endroit de la vallée, au pied de la colline
où se trouve actuellement l'église. Pendant la
nuit, la pierre aurait été transportée miraculeu-
sement au sommet de la colline. A la troisième
reprise, il devint évident (toujours selon la lé-
gende) que l'église devait être construite sur la
colline même, et non dans la vallée ; les maçons
renoncèrent à leurs essais d'édifier l'église dans
l'endroit de leur choix, et continuèrent leur tra-
vail sur le site actuel.
Ce serait là l'origine de l'église, et celle du
nom du village de Godshill (Colline de Dieu).
* *
A l'église de Shorwell (île de Wight), il y a
quelques années, une grande fresque, à plusieurs
sujets, fut découverte sous le badigeon, mais celle-
là tomba en miettes, étant exposée à l'air. On a
pu cependant en faire un dessin soigné.
L'ancienne église normande deBonchurch(fau-
bourg de Ventnoi) contient aussi des restes de
fresques.
Correspondance.
425
LE Conseil communal de Londres a décide" de for-
mer un Comité pour traiter les affaires d'art et
d'histoire.
#
* #
Récemment l'idée originale de décorer l'intérieur des
wagons du chemin de fer a été suggérée dans un de nos
journaux d'architecture. Les illustrations, qui accompa-
gnaient l'article en question, tendent à faire croire que l'ar-
tiste ne connaît d'autre style que celui del'éternel « Oueen
Anne >. Ce genre de décoration remonte à l'époque
où les artistes se vouaient au culte du Tournesol, et
voulaient faire passer leurs absurdes dessins pour le
comble de l'élégance et de l'art/ Espérons qu'on ne nous
infligera rien de semblable !
Nous avons annoncé dernièrement que M. Bodley avait
reçu la médaille d'or de l'architecture. Le Iiuilder a pu-
blié, dans son n° du Ier juillet, le portrait de cet architecte
hors ligne, et une revue de ses plus remarquables travaux.
Le même numéro contient des dessins et un plan- côté
des restes importants d'une des rares abbayes du Pays de
Galles, celle de Valle Crucis, avec sa superbe façade occi-
dentale.
* *
La décoration de la nouvelle cathédrale de Westmin-
ster est confiée au professeur Seitz, de Rome. Il y aura
}8 compositions pour la nef, mesurant 5 mètres sur 4. De-
puis juin 1895, la somme de £ 100,000, — soit 2 % mil-
lions de francs, — a été reçue pour subvenir aux frais des
travaux.
*
# *
Les ruines du vieux château historique de Caistor sont
mises en vente. Le château a été construit par sir John
Fastollf au moyen des sommes payées pour la rançon du
duc d'Alençon à Azincourt. Tout près de ce manoir se
trouvaient aussi les restes d'un ancien collège pour 7 prê-
tres et 7 prieurs (bedesmen), fondé également par Fastollf.
La pierre employée par Lord Grimthorpe, dans sa ré-
novation destructive de l'abbaye de St-Alban, se détériore
au point que les maçonneries nouvelles ont elles mêmes
besoin de restauration.
Un tableau de la Madone conduisant par la main l'En-
fant Jésus, par Francesco di Giorgio, faisant partie autre-
fois de la collection Bardini et datant du XVe siècle,
vient d'être placé à la Galerie Nationale.
A Bangor, Galles du Nord, sur le site du couvent des
Dominicains, on a dernièrement découvert deux sarco-
phages en pierre richement sculptés, longs d'environ
2 mètres ; le plus beau étant d'une seule pièce, orné de
fleurs de lis en haut relief et d'un écusson en forme de
cœur ; le second cercueil était en trois pièces qui, jointes,
présentaient comme décor une croix en relief.
Signalons la magnifique conférence donnée ces jours
derniers par sir \V. Brampton Gurdon sur « La restau-
ration d'art destructif ». Ses observations peuvent se
rapporter au continent aussi bien qu'à l'Angleterre !
Les restaurations.
L'église d'Anwick, Gincs, le chœur deviendra plus
long qu'il n'était autrefois, et sera rehaussé jusqu'à
l'ancien niveau ; — la cathédrale de Killaloe, Irlande, dont
on reconstruira la partie supérieure de la tour jusqu'à son
ancienne hauteur ; — l'église de Llandingatt, près Llan-
dover, Galles, dont la tour des XIIIe et XIVe siècles
menace ruine. La partie supérieure sera démolie et recon-
struite ensuite, et on y posera un nouveau toit ; il n'y
aura pas de pierre faîtière. Les baies rendues aveugles se-
ront rouvertes et toutes les anciennes fenêtres vitrées :
l'église a une toiture en pierre ; on l'enlèvera pour la re-
mettre à neuf. — On restaure également l'église prieurale
de Chatteris, Cambs, du XIVe siècle, celle de Sampford
Courtenay, église d'origine Normande, mais construite en
grande partie au XVe siècle ; cette église a une superbe
charpente du XVe siècle et possédait une des plus belles
clôtures du Devonshire (démolie par le recteur en 1830) ;
on vient d'en retrouver les pièces sous le plancher,
et elle sera reconstruite en place. Les colonnes de cette
église n'avaient pas de fondations. Elles étaient construites
sur le sol, et par conséquent sont maintenant inclinées ;
elles seront reconstruites droites, pierre par pierre, sur
des fondations. Les matériaux des anciens bancs forme-
ront des panneaux le long du mur intérieur, et la grande
fenêtre du chœur, qui n'est plus d'aplomb, sera recons-
truite.
John A. Randolph.
REVUE DE L'ART CHRETIEN.
189g. — 5me LIVRAISON.
«tf *% :^ ^ :^ :^, :^ «& ^ *& *&*&«& *& *& ^ ^^ ^j^L^^^L^^I^
€^€a JFvabaujc lies JSoctctés garantes* «iss
IwiWWWWWWWfWWWWflWWWW^Wf
Excursion de la Gilde de Saint-Thomas
et de Saint- Luc dans le Maine, la Touraine et
l'Anjou. — Lundi 4 septembre, par une belle
matinée, quittant la gare Montparnasse dans des
wagons spéciaux, sous les auspices de l'agence
Lubin et sous la conduite vaillante et dévouée
du Comité organisateur dont M. Joseph Casier
est l'âme, la Gilde partait pour la Touraine. Elle
avait à sa tête son estimé président le baron
Bethune de Villers, et M. le chanoine Delvigne,
vice-président.
Superbe, le trajet à travers les riches environs
de Paris et la vaste agglomération si pitto-
resque de Point du Jour. Nous apercevons Ver-
sailles, puis l'Ecole Saint-Cyr. Nous traversons
les plaines fertiles de la Beauce, et nous arrivons
à Chartres par un ciel d'azur et une chaleur
étouffante.
Par une habileté de nos organisateurs, nous
avons parcouru Chartres et gagné le soir sans
avoir pénétré dans la fameuse cathédrale; prélu-
dant par les monuments accessoires et par les
abords et l'extérieur de l'incomparable édifice, on
nous garde pour finir les grandes émotions. Nous
nous sommes complus, en attendant, aux points
de vue de cette ville accidentée et à la visite de
monuments de second ordre.
L'église de Saint-Agnan nous a intéressés, avec
son large vaisseau du XVIe siècle, sa polychro-
mie renouvelée par M. Boeswilwald et ses nom-
breux vitraux de la Renaissance. Notons en
passant la ci-devant église de Saint-André, dont
jadis le sanctuaire était porté sur l'Eure par des
arches hardies et qui montre encore une belle
façade et un élégant portail roman, aux vous-
sures toutes normandes.
L'église romane de Saint-Brice c\ sa crypte re-
maniée ont soulevé des discussions archéolo-
giques. Mais l'intérêt de la journée s'est concentré
dans l'ancienne abbatiale bénédictine de Saint-
Père (lisez St-Pierre). Elle offrait un chœur roman
du XIe siècle, qu'on démolit jusqu'au-dessus des
grandes arches pour y greffer le haut mur au
XIVe siècle, après avoir refait les nefs au XIIIe.
La tour romane subsiste tronquée, ainsi que le
déambulatoire. Cet hybride vaisseau est prodi-
gieusement hardi et léger, surtout le chœur, dont
le large triforium est transformé en fenestraçes.
Les verrières immenses, toutes garnies de vitraux
du XIIIe siècle, produisent un effet magique;
c'est une colossale lanterne qu'inonde une lumière
polychrome encore bien harmonieuse, maigre les
ravages que le temps a exercés sur ses verrières
historiées. A l'extérieur s'alignent des rangées
d'arcs-boutants à deux étages, d'un effet étrange
et rare. Notons l'élégant amortissement qu'offre
près du seuil le large chanfrein qui ébrase exté-
rieurement les baies, de curieux contreforts ornés
de colonnettes jumelles dont la hauteur inégale
nous a mystifiés et une élégante galerie exté-
rieure accédant à la tour.
Sa Grandeur Mgr Mollien a daigné présider la
séance du soir, tenue en son palais épiscopal, qui,
mal entretenu par le pouvoir civil, ne se montre
Fig. 1. — Plan de la cathédrale de Chartres.
guère digne d'abriter un prince de l'Église. Le
président baron Bethune, rendant à Sa Grandeur
hommage au nom de la Gilde, a fort heureuse-
ment rappelé que Mgr Mollien, naguère évêque
d'Amiens, aujourd'hui successeur de saint Ful-
bert à Chartres, se trouve préposé par la Provi-
dence aux deux cathédrales qui constituent les
chefs-d'œuvre suprêmes de l'art chrétien.
La séance débuta selon l'usage par des rap-
ports du secrétaire et du trésorier. Un souvenir
empreint de regret fut accordé à un excellent
confrère décédé, le peintre-verrier Osterrath ;
Fig 2. — Façade de la cathédrale de Chartres.
428
débite ïjc P&rr chrétien.
deux membres actifs furent proclamés membres
d'honneur, aux applaudissements de l'assemblée,
Messieurs les Ministres G. Cooreman et baron
M. Van der Bruggen.
Après avoir fixé Bruges comme le lieu de sa
prochaine réunion, la Gilde a ouvert ses discus-
sions habituelles sur les monuments visités.
M. Cloquet a ouvert le feu en exposant la thèse
toute récente de M. Lanore, de l'École des
chartes, en vertu de laquelle il faut désormais,
retournant les données admises, considérer le
clocher vieux de la cathédrale comme le vrai
clocher neuf et réciproquement. Chose curieuse,
le clocher Nord-Ouest fut originellement tout à
fait isolé; quand on allongea la nef on construisit
le second, qui a été proclamé avec raison le roi
de tous les clochers du monde; puis on ferma
l'intervalle par le splendide portail de l'Ouest. A
Fig. 5. — Vue à vol d'oiseau de la cathédrale de Chartres.
ce sujet nous renvoyons nos lecteurs à notre
dernière livraison. Cet aperçu obtint l'adhésion
de M. l'abbé Clerval, le savant historiographe
de la cathédrale de Chartres. M. l'abbé Métais,
secrétaire de l'Evêché (notre collaborateur), fit
un intéressant rapprochement entre le clocher-
roi de Chartres et celui de Vendôme (qui a
été également isolé), et M. le baron Bethune à
son tour compara les tours de Lincoln au clocher
méridional de Chartres. Le secrétaire de la
Revue de l'Art chrétien signale également l'in-
térêt desétudes de M. Lambin, sur la flore de
la cathédrale. — Le président s'occupa ensuite
de la classification chronologique des chapi-
teaux de la basilique de Saint-Brice, parmi
lesquels on retrouve une corbeille corinthienne
en marbre blanc, sans doute retirée de quelque
temple païen, un de ces oiseaux caractéristiques
de l'époque mérovingienne et de l'art des Goths,
dont nous faisons mention ailleurs à propos des
Cratoauj: Des Sociétés savantes.
429
ruines de Saint-Maurde Glanfeuil, et de curieux
chapiteaux romans historiés et feuillages. — Puis
la séance fut levée.
Le matin de la seconde journée (c'est l'usage
de la Gilde), est consacré au souvenir des con-
frères défunts, pour lesquels M. le chan. Delvigne
a célébré la sainte Messe aux pieds de Notre-
Dame de Dessous-terre, dans le sanctuaire sou-
terrain le plus ancien des Gaules.
Fig. 4. — Vue intérieure du chœur de la cathédrale de Chartres.
Avant de pénétrer dans l'église haute, nous
visitons la crypte, guidés par le savant abbé
Clerval, qui nous fait discerner les âges antiques
de ces vénérables fondements, qui nous montre
la crypte de Saint-Lubin construite au Xe siècle
et appuyée à un mur romain, ainsi que les beaux
fragments de sculpture, débris de l'ancien jubé,
soigneusement conservés dans les souterrains, etc.
Un coup-d'ceil est jeté sur le vaste chantier
établi pour la restauration du portail méridional.
C'est plutôt un remaniement complet, qui com-
porte le démontage et la reconstruction. Que
43°
orbite ïie V&vt cbrctten.
diraient certains artistes gantois conjurés contre
les plus respectueuses restaurations, devant cette
effrayante entreprise ? Disons, toutefois, que
l'ouvrage se fait sous la direction d'un maître
consciencieux, M. Selmersheim. Les savants
ecclésiastiques chartrains qui, avec une profonde
et passive sollicitude, regardent faire les ouvriers
du Gouvernement, se montrent assez rassurés.
Ce sont, d'ailleurs, des hommes hautement com-
pétents, que MM. les abbés Clerval (') et Métais,
témoins leurs excellentes publications archéolo-
giques, qui nous ont été d'un si grand secours.
Nous voici enfin sous la majesté sombre des
voûtes de Notre-Dame, les plus puissantes qui
I - La nef de la cathédrale de Chartres
aient été élevées au moyen âge, et sous lesquelles,
selon l'expression de Bonaparte, le mécréant ne
doit pas se trouver à l'aise. Elles évoquent le
souvenir des sombres forêts druidiques ; leurs
nervures touffues et la frondaison qui tapisse les
chapiteaux accentuent la ressemblance, au point
que M. Lambin veut sérieusement y voir une
imitation directe des mystérieux bocages qui
abritèrent les druides (-). Nous foulons un sol ex-
clusivement dédié à la Vierge, et d'où l'on a exclu
toute sépulture,même celle des rois et des évêques.
La lumière irisée qui pénètre dans le vaisseau
i. V. Chartn r, ta cathidi ti . tei monuments, par A. Clerval.
2. V. dans notre dernière livraison, aux Mélanges. La cathédrale
et la I
Cratoauj: Des Sociétés savantes.
431
est tamisée par le plus riche ensemble de vitraux
du XIIe et du XIIIe siècle qui existe. Que c'est
peu d'une matinée, pour fouiller du regard cette
forêt de colonnes, ces multiples chapelles, ces
nombreuses verrières, ce fameux tour du chœur où,
durant un siècle, les imagiers de la Renaissance
poursuivaient une œuvre relativement belle dans
sa méritoire unité et prodigieusement riche, œuvre
analysée par notre collaborateur M. de Mély ;
pour voir le trésor et contempler en sa châsse
le voile de la Ste Vierge; pour visiter la chapelle
un peu parasite de Saint- Fiat, pour adresser
une prière à la Vierge Noire du pilier; pour jeter
un coup-d'œil au labyrinthe, un autre à ce maître-
autel abracadabrant, entièrement occupé par le
groupe en marbre blanc de l'Assomption de
Cli. Bridon installé de telle manière, que, sur la
table, il n'y a plus place pour les candélabres.
Pour mieux éclairer cette sculpture de style mo-
derne, on n'a pas hésité à arracher de la claire-
voie du chœur quelques-uns de ses splendides
vitraux anciens, et pour en supporter la masse
on a remanié les voûtes de la crypte vénérée de
Saint-Lubin.O aberration d'un art dévoyé! Ajou-
tons que le stucquage et les marbreries postiches
ont altéré l'".jpect du chœur d'une façon navrante.
Encore un coup-d'œil sur l'extérieur, sur le
grand portail, objet des récentes études de
M. Marignan dans le Le Moyen Age, et sur les
curieux arcs-boutants du chœur, que M. l'abbé
Métais a si bien décrits dans nos colonnes; on
se rappelle les belles vues dessinées et photo-
graphiées qu'il nous a fournies (I).
En deux heures le chemin de fer nous a menés
de Chartres au Mans, à travers de vastes pâtu-
rages desséchés par les ardeurs excessives du
soleil. Nous avons tout d'abord visité Notre-Dame
de la Couture, curieuse église du XIe siècle, avec
crypte; l'examen de la nef suscite tout un pro-
blème.D'après des vestiges à peu près certains, on
doit avoir transformé au XIIe siècle les trois nefs
basses en un vaisseau unique, analogue à ceux de
l'Anjou. Au XIIIe siècle on éleva les deux tours
de façade restées inachevées; d'autres remanie-
ments eurent lieu au XIVe siècle. Cette église
offre un portail fort remarquable et possède une
gracieuse madone, qui est de Jean Goujon, selon
un acte authentique de 1570. Au musée voisin
nous admirons le fameux émail funéraire de
Geoffroy Plantagenet, qu'a publié Viollet le Duc
dans son Mobilier, et quelques tableaux notables,
notamment un David et un Clouet.
Inoubliable séance, que celle que nous réser-
vaient, le soir, les membres si aimables de la
Société' d'archéologie du Maine, en la maison dite
de la Reine Bérengère. Une tradition populaire at-
1. V. Revue de i 'Art chrétien, année 1896, p. 387.
tribue en effet à la noble veuve de Richard-Cœur-
de Lion, ce ravissant logis, qui ne date que du
XVIe siècle. Bien rares sont les habitations an-
ciennes aussi bien conservées. Ce logis qui, s'il
n'abrita pas une reine, fut du moins la demeure
d'un des premiers magistrats du Mans, offrait au
rez-de-chaussée une seule pièce, vaste, il est vrai,
et munie de deux grandes cheminées, où vivaient
en commun le maître de cet hôtel, sa famille et
ses sujets, en ce temps de mœurs bien moins
compliquées que les nôtres. Aux étages, deux
chambres se commandent l'une l'autre; celles du
Fig. 6.— Détail de la maison de la Reine Bérengère (1).
premier sont séparées par un merveilleux refend
de menuiserie ouvragé, que reproduit notre fig. 6.
Un généreux habitant du Mans, M. Singher,
devenu propriétaire de cet admirable immeuble,
qu'il sauva de la destruction, y a installé un très
riche musée d'archéologie ; il en a voulu faire
ensuite le local de la Société d'archéologie du
Maine. Pour faire place à son riche trésor, il a
fallu annexer la maison voisine. Des objets d'art
ancien de premier choix, disposés avec goût,
remplissent toutes les chambres, les combles,
les cours et jusqu'aux souterrains. Sous prétexte
de quelque mystérieux problème à élucider, nous
fûmes attirés dans les vastes caves, féeriquement
éclairées à l'électricité, et qui n'étaient point
seulement garnies d'antiquités.
Parmi les objets d'art ancien que renferme le
musée Singher, signalons une poutre sculptée du
XVe siècle, un beau « sépulcre », six panneaux
i. Extrait du Tuile d'architecture, par L. Cloquet, Paris,
Kaudry, 1899.
432
3&elntc fie l'Art chrétien.
en bois polychrome figurant les Prophètes, une
corbeille de mariage en velours ciselé (XVIe s.),
une grande tapisserie de Flandre du XVIe s.,
une chaise seigneuriale du XVe, une chaire épis-
copale du XVIe, etc.... Dans sa propre demeure
M. Singher a réuni des objets d'époques plus
récentes, notamment des faïences et porcelaines
de choix. Nous y avons admiré entr' autres un
épi de comble en faïence de toute beauté, que
nous espérons voir publier parla Société archéo-
logique du Maine.
C'est clans la grande salle du bas, décorée de
drapeaux belges et français, merveilleusement
appropriée à pareille réunion, au milieu d'une
foule d'œuvres d'art disposées avec goût, que
s'est tenue une séance très brillante dont nous
garderons longtemps le souvenir. S. G. Mgr
l'évêque du Mans, empêché, M. le préfet de la
Sarthe, absent, avaient bien voulu s'excuser. Le
général commandant le 4e corps d'armée s'était
fait remplacer par M. le colonel du Martray, chef
d'état-major, à côté de qui avaient pris placeM.le
baron Bethune et le bureau de la Gilde; MM. les
vicaires généraux Geslin et Dubois représen-
taient Mgr du Mans; étaient présents M. Galpin,
député de la Sarthe, M. le contre-amiral Cau-
lambeaud, Mgr de Durfort, prélat de Sa Sainteté,
M. Auburtin, président du tribunal, M. le vicaire
général Albin, M. Gentil, président de la Société
d'agriculture etc., de la Sarthe, M. Tournouer,
président de la Société historique de l'Orme, le
comte de Bourmont, secrétaire général de la
Société bibliographique, le chanoine Urseau, le
comte Ch. de Beaumont, M. le marquis de Beau-
chesne, d'autres représentants des Sociétés sa-
vantes de la Touraine, du Maine et de l'Anjou.
M. Robert Triger prit le premier la parole au
nom de la Société historique et archéologique
du Maine, pour souhaiter la bienvenue aux mem-
bres de la Gilde, dans un discours très applaudi.
« Permettez-moi, dit M. Robert Triger, tout
d'abord, Monsieur le président et Messieurs les
membres de la Gilde de Saint-Thomas et de
Saint-Luc, de vous offrir nos meilleurs souhaits
de bienvenue, non seulement au nom de la Société
historique et archéologique du Maine et de tous
nos confrères de la Sarthe, mais aussi au nom de
l'illustre veuve de Richard Cœur-de-Lion, qui fut
pendant vingt-six ans dame du Mans, et qui y
est devenue de nos jours, par un extraordinaire
concours de circonstances, la protectrice ou mieux
la très gracieuse hôtesse des Sociétés savantes.
«La bonne reinej'en ai la ferme confiance, ne
me désavouera pas. La part considérable qu'elle
a prise à la construction du magnifique chœur
de notre cathédrale, les encouragements qu'elle
a prodigués aux travailleurs de tout ordre, ses
charitables sympathies pour les humbles et les
faibles témoignent devant l'histoire de ses goûts
artistiques et de ses sentiments. Si elle était en-
core parmi nous, elle-même serait heureuse de
remercier ce soir les représentants de la noble et
intelligente Belgique, venus de si loin étudier sur
les bords de la Sarthe les monuments de l'art
français. »
M. Robert Triger salue d'abord en M. le chef
d'état-major du 4e corps, le représentant de cette
armée dont les officiers sont, dans les colonies,
les auxiliaires si dévoués et les premiers pion-
niers de la science archéologique. Il remercie
particulièrement M. le chef d'état-major du
4e corps, de vouloir représenter en cette cir-
constance l'armée à laquelle, dit-il, « nous avons
tous voué un si respectueux et si inébranlable
attachement ». — « De tout temps, Messieurs,
ajoute-t-il, l'étude de l'histoire a été une grande
école de patriotisme, car c'est à l'armée que
notre histoire nationale doit ses plus belles
pages. »
L'orateur rappelle que, sans posséder des mo-
numents aussi nombreux que certaines cités
belges, la ville du Mans est intéressante pour
l'archéologue, en ce qu'elle a, suivant le mot d'un
auteur, l'avantage de présenter les éléments d'un
cours complet d'archéologie. Toutes les civilisa-
tions y ont laissé leurs traces depuis 18 siècles :
les Gaulois, les Romains, l'époque romane à
l'église du Pré et dans la nef de la cathédrale, le
XIIIe siècle dans le chœur de la cathédrale, le
XIVesiècle au portail de la Couture, le XVe au
transept Nord de la cathédrale, la Renaissance en
quelques maisons et notamment à celle de la reine
Bérengère, le XVIIIe siècle à la Visitation.
L'orateur a rendu un bel hommage à l'un des
plus éminents historiens de la Belgique, M. Go-
defroid Kurth, professeur à l'Université de Liège,
membre de la Gilde, et de l'Académie royale de
Bruxelles, qui, dans un récent ouvrage sur Clovis,
a élucidé un point curieux de l'histoire du Mans
au Ve siècle; puis il a évoqué le souvenir des
temps mérovingiens, où Belges et Français ne
formaient qu'un seul peuple de même race, et il
a salué dans ses hôtes, non plus des savants
étrangers, mais des amis de même sang, de vieux
compagnons d'armes de Tolbiac, leur exprimant
toutes ses sympathies pour le vaillant royaume
de Belgique, si utile à l'Europe contemporaine.
M. le baron Bethune, président de la Gilde, a
remercié la Société archéologique du Maine de
son accueil.
« Nous voyageons beaucoup, dit-il, et au cours
de nos excursions nous avons eu plus d'une fois
la bonne fortune de trouver des réceptions ou
charmantes ou magnifiques. Nous avons eu
l'honneur d'être reçus par le Lord-Maire de Lon-
dres, qui était membre de notre modeste Société,
Cratoaujc &es Sociétés aatoanteg.
433
dans son splendide palais, à sa table où viennent
s'asseoir les souverains et les plus puissants du
jour. Mais jamais, de mémoire de « Gildman »,
nous n'avons reçu une hospitalité plus aimable,
plus cordiale, dans un cadre si bien approprié à
nos goûts et à nos travaux.
« Cette maison de la reine Bérengère évoque,
dès qu'on y pénètre, le souvenir des troubadours,
des trouvères du moyen âge. Chez nous, les
troubadours s'appellent des « singers », et voyez
comme tout change avec le temps : jadis, le
« singer » sollicitait l'hospitalité des châtelains;
aujourd'hui, c'est le Singer qui nous reçoit. Et
c'est à lui tout d'abord que je dois dire : Merci,
du fond du cœur, au nom de la Gilde, merci de
la charmante hospitalité que vous voulez bien
nous accorder dans cette maison, dont votre goût
exquis a su faire un véritable palais. »
M. le baron Bethune remercie chaleureusement
le sympathique et savant vice-président de la
Société archéologique du Maine, M. Robert Triger,
1'éminent et infatigable archéologue qui honore
sa ville natale autant qu'il l'aime, et qui a orga-
nisé cette charmante réception. — Il remercie
aussi M. le chef d'état-major du 4e corps d'avoir
honoré de sa présence cette fête de famille.
«Vous nous avez apporté, au nom de l'armée,
dit-il, le salut de l'épée; nous, Belges, nous vous
devons le salut au drapeau. Au nom des patriotes
belges, je la salue respectueusement, cette épée
de la France, l'épée de Jeanne d'Arc, l'épée de
Duguesclin, cette épée, symbole de vaillance,
symbole de générosité chevaleresque, qui a fait
la France grande et forte. »
M. le baron Bethune rappelle à son tour les
souvenirs historiques qui unissent la Belgique et
la France.
Clovis est né à Tournai, qui garde aussi le
tombeau de Childéric. La Belgique a donné au
Mans plusieurs de ses évêques, entre autres
Pierre et Henri de Luxembourg. Guillaume Fil-
lastre fut évêque du Mans après avoir été évêque
de Tournai. S'il figure dans vos vitraux, il a laissé
à Tournai une chape superbe à ses armoiries.
Mais sans chercher si loin, les Belges n'oublieront
jamais, par exemple, l'intervention du maréchal
Gérard, qui, en 1831, travailla à consolider leur
indépendance nationale. Et, dit l'orateur, tout
récemment encoie, dans des pays lointains, un
de vos compatriotes, pour accomplir son héroïque
campagne, eut sous ses ordres en même temps
que des Français, des Belges heureux de se
dévouer avec lui à la cause de la civilisation.
En l'absence de M. le député, maire du Mans,
et des adjoints, qui avaient bien voulu faire par-
venir l'expression de leurs regrets, M. le député
Galpin s'est fait alors l'interprète des habitants
de la Sarthe, pour assurer les membres de la
Gilde et leur très distingué président, député de
la Flandre orientale, du plaisir que leur visite
causait à tous. En terminant, il a comparé avec
beaucoup d'à-propos les monuments du Mans et
ceux de Bruges.
La soirée s'est achevée par la visite des riches
collections de la maison de la reine Bérengère,
dont M. Adolphe Singher, fort bien secondé par
M. Gustave Singher, fit les honneurs à ses hôtes
avec la plus parfaite bonne grâce, et par l'ex-
ploration des souterrains où les attendait une
agréable surprise.
On n'est pas bien d'accord, avait dit M. Robert
Triger, sur le but de ces souterrains. Les uns
y veulent voir de noirs cachots où l'on en-
fermait des prisonniers ; d'autres prétendent
qu'ils servaient simplement de caves au proprié-
taire de la maison. M. Singher croit avoir trouvé
une autre solution à cette grave controverse.
Fig. 7. — Plan de la cathédrale du Mans
Dans les souterrains, en effet, éclairés à pro-
fusion, était dressé un magnifique buffet, où des
serviteurs, en costume du temps, versaient le
Champagne à flots. La solution de M. Singher a
rallié tous les suffrages.
Si notre plus grande impression a été de péné-
trer sous les voûtes de Chartres, notre plus agréa-
ble surprise, du moins pour les nouveaux venus au
Maine, a été de contempler, tant au dehors qu'à
l'intérieur, l'incomparable chevet de la cathédrale
du Mans.Autant le chœur de Chartresest massif et
REVUE DE LAKT CHRETIEN.
1899. — 5me LIVRAISON
434
3&ebuc tic P9rt cbréttcn.
puissant, dans ses membres de géant, autant celui
du Mans est svelte et léger, avec ses nombreux
et légers arcs-boutants à plusieurs étages et à
plusieurs travées, se bifurquant vers le dehors,
pour prendre appui à la fois sur les murs de deux
absides voisines et non soudées.
Par une géniale conception, l'architecte a
modifié l'ordonnance typique des chapelles
rayonnantes ; il les a séparées de manière à
intercaler entre elles des fenêtres éclairant le
collatéral du chœur, lequel collatéral est ici
doublé, ce qui a permis de donner aux chapelles
une profondeur considérable et insolite. On peut
reprocher seulement à ce collatéral l'étroitesse
des travées, sensible dans les voûtes contiguës
au chœur. A cette originale disposition se lient
d'autres particularités, notamment l'introduction
d'un triforium du collatéral, et cet étagement
prestigieux de l'intérieur des nefs successives qui
se rencontre à Bourges comme ici. Ajoutez que
la plus admirable série de vitraux anciens, relati-
vement bien conservés, habilement restaurés et
d'une étonnante transparence, ajoute à ce chevet
superbe leur éblouissante coloration. Rien ne
peut se concevoir de plus radieux que le spectacle
dont on jouit quand on se trouve au pied de
l'autel, et que, de toutes les absidioles, de toutes
les fenêtres intercalaires, de tous les entre-colon-
Fig. 8. — Vue extérieure de la cathédrale du Mans.
nements, de tous les étages, on voit converger ces
irradiations colorées et se développer ces perspec-
tives féeriques.
Si le chœur est prestigieux dans sa structure,
les nefs sont admirables aussi dans leur élégance
plus massive. Si elles n'étaient écrasées par la
magnificence du chœur, elles seraient admirées à
l'égal des plus purs morceaux d'architecture qui
•existent.
A la séance tenue le soir, on n'a pas manqué
de faire ressortir les curieuses analogies qui unis-
sent le chevet du Mans aux cathédrales de Bour-
ges, de Cologne, de Beverley, de Lincoln, et aux
églises normandes. On a aussi étudié les curieux
remaniements jadis opérés dans la nef romane (Ij.
Le temps nous manque pour parler des gra-
cieuses maisons de la Renaissance qui sont un
des charmes des rues du Mans, l'hôtel du Graba-
toire (infirmerie des chanoines, construite de 1532
à 1542) les maisons des Morets, du Pèlerin de
Scarron, d'Adam, etc., sans parler de celle déjà
citée, qui porte obstinément le nom de la reine
Bérengère.
Mais nous ne pouvons manquer de signaler les
richesses du Musée archéologique, où l'on trouve
une imposante rangée de ces gisants en pierre
du moyen Age, évoquant l'idée des fameux Che-
1 V. l'excellente monographie de M. l'abbé Ledru.
Œratoauj: des Sociétés savantes.
435
valiers en bronze qu'on admire au Temple à
Londres, notamment la statue couchée d'un
vicomte de Beaumont du XIIIe siècle ; le très
remarquable dessin original du jubé, malheureu-
sement disparu, de la cathédrale ; les superbes
collections de faïences régionales; les nombreux
sceaux, les poteries romaines et anciennes remar-
quables, etc. Mais hélas ! quelle triste hospitalité
est donnée à ces objets riches et précieux, dans
les caves d'un théâtre ! C'est un entassement de
magasin, une confusion de bric-à-brac, en dépit
des dispositions prises par le conservateur, M.
Hucher, pour y établir un ordre relatif.
La Gilde, partie du Mans, s'est arrêtée à Sablé,
a gagné la Sarthe en voiture, a passé la rivière en
ponton, et s'est arrêtée à Solesmes devant une
grandiose bâtisse néo-romane, qui s'est élevée
depuis à peine deux ans à côté du monastère
illustré par la présence de Dom Guéranger et
de E. Cartier, et aussi par la grotesque équipée de
l'armée française, chargée naguère d'y remplacer
les moines expulsés, tandis que ceux-ci se tenaient
en cantonnement dans le village. Maintenant
l'ancien monastère fait maigre figure à côté de
la nouvelle abbaye, le Maredsous de France.
Il n'y a encore qu'une aile, mais elle est ma-
jestueuse, dans son rude et vigoureux appareil,
avec ses nombreux étages percés de fenêtres un
peu petites et d'une irrégularité affectée ; peut-
être, telle qu'elle se présente actuellement, a-t-
elle une physionomie un peu plus féodale que
monacale ; mais quand l'abbaye sera terminée,
elle pourra être comparée aux grands monastères
du moyen âge. Le réfectoire notamment, par ses
proportions grandioses, fait penser aux fameuses
salles du Mont-Saint-Michel. On ne peut dire
que le style en soit très pur, ni que les origi-
nalités qui la distinguent soient toutes plausibles,
surtout certaine affectation d'irrégularité et de
pittoresque artificiel et cette idée étrange, en
révolte contre les principes les mieux établis de
l'art décoratif, d'user des artifices de la perspec-
tive, non seulement dans la peinture murale, mais
même encore dans le relief architectonique comme
celui des arcades construites qui encadrent les
panneaux réservés aux fresques.
Néanmoins, cette construction colossale, à la-
quelle ont consacré leur talent primesautier
deux artistes, le R. P. bénédictin Dom Merlet et
son frère M. Merlet, architecte à Rennes, con-
stitue incontestablement un monument de grande
allure, une œuvre grandement conçue. Les hum-
bles moines de Solesmes empilent les blocs
énormes dans des murs cyclopéens, bandent des
voûtes gigantesques, dressent des tours altières
pareilles à des donjons, comme en se jouant et de
la matière et des difficultés de l'art et du prix de la
main-d'œuvre. Ils font revivre les formes les plus
archaïques et les plus robustes (presque suran-
nées) du roman primitif en même temps qu'ils
utilisent les procédés les plus modernes, tels que
ceux du ciment armé et de la charpenterie
d'acier. Ils sont véritablement étonnants !
L'abbaye doit se développer autour d'un très
grand cloître, accolé à une église de style roman-
normand ; un plus petit cloître sera annexé au
premier et sera adjacent à l'église de l'ancienne
abbaye de Saint-Pierre, où l'on admire actuelle-
ment les fameux «Saints de Solesmes ».
Ce serait répéter des choses connues de tous,
que de redire la valeur artistique du sépulcre de
Solesmes, de la dormition et de la pâmoison de
la Vierge, et de ces savoureux morceaux que
l'on vient y contempler, et qui ont été attri-
bués à maints auteurs différents, à Floris d'An-
vers, par feu Cartier, appuyé naguère dans nos
colonnes par M. B. de V. ('); à Lîgier Richier,
par M. le chan. Soubaut, chaudement soutenu par
M. le chanoine Didiot (2) ; à Michel Colomb,
Jean des Marais et Jean Giffard, pour une partie,
par feu L. Palustre (3). M. E. Mùntz a montré
l'influence italienne visible dans ces sculptures,
et Dom de la Tremblaye (4), auquel l'on doit la
belle monographie de ces chefs-d'œuvre, résume
leur caractère en disant : l'art qui y règne est
italien, le ciseau qui traduit est français. Il sera
bien intéressant d'entendre là-dessus, ou plutôt de
lire dans le Bulletin de la Gilde de Saint-Thomas
et de Saint-Luc, l'opinion de nos confrères les
plus compétents.
Intéressant à d'autres égards est le monastère,
tout voisin, des Sœurs Bénédictines, consacré
à sainte Cécile. Il est déjà plein de souvenirs
pour plusieurs d'entre nous, notamment pour le
confrère J. P. et pour notre dévoué et charmant
trésorier. Les noms belges des Casier, des de
Hemptinne, des Desclée, etc., sont ici familiers
et vénérés.
Le monastère de Sainte-Cécile est bâti en style
^"thique un peu moderne et très peu monacal
avec la belle pierre blanche de la Sarthe. L'éelise
offre un transept dont 1 un des croisillons est
occupé par le chœur des moniales et un chœur
avec triforium ajouré servant de fenestrelles ;
l'infirmerie et les orgues sont remarquables. On
sait avec quelle perfection le chant liturgique
est interprété par les Bénédictines aussi bien que
par leurs voisins, les frères de Dom Pottier.
L'église paroissiale est une simple nef ro-
mane, décorée de bonnes peintures murales et
d'excellents vitraux.
i. V. Revue de l Art chrétien, 1885, p. 103.
2. V. Ibid., année 1895, p. 511.
3. V. Ibid., année 1887, p. 508.
4. Revue de t Art chrétien, année 1894, p. 341.
436
débite lie r&rr chrétien.
Avant de quitter Sablé, la Gilde fut reçue de
la manière la plus gracieuse, par Madame la
duchesse de Chevreuse, en son magnifique châ-
teau. Cette résidence princière a été élevée en
style Louis XI V à remplacement d'un important
château-fort, dont il ne reste que l'enceinte. En-
touré d'un parc très remarquable, il se dresse sur
la hauteur dominant la vallée de la Sarthe et une
riante agglomération. La duchesse est un écri-
vain et une artiste dont nous avons admiré les
œuvres picturales, et apprécié l'exquise amabilité.
La cinquième journée de l'excursion s'est
passée dans la belle ville d'Angers, sous la con-
duite de notre excellent et ancien collaborateur,
digne émule de MM. Singher et Triger au Mans,
M. L. de Farcy.
M. de Farcy s'est fait depuis longtemps l'histo-
riographe de la cathédrale d'Angers ; nos lecteurs
se rappelleront l'article consacré dans notre
Revue (*) par M. F. de Mély à ses travaux. Il a,
dans des opuscules divers, étudié les clochers, la
sonnerie et les cloches, le porche, les orgues, les
autels, les tombeaux des évêques, l'ancien trésor
et surtout les tentures, tapisseries et broderies de
la cathédrale. C'est, comme le disait M. de Mély,
une monographie, chapitre par chapitre, de cette
curieuse cathédrale. On se rappellera qu'il a
donné dans nos colonnes des études importantes
sur les très remarquables tapisseries de l'Apoca-
lypse (2) et sur les autres tapisseries et broderies
de Saint-Maurice d'Angers (3).
Par une charmante attention d'archéologue,
il avait couvert tous les murs de la salle du
Grand Hôtel réservée à nos séances d'une su-
perbe collection de tapisseries et de broderies
anciennes, sorties de son propre cabinet ou du
trésor de la cathédrale. L'auteur si connu du
meilleur ouvrage existant sur la broderie an-
cienne (4), nous a fait connaître, avec la compé-
tence qui lui appartient, tout l'intérêt des plus
remarquables morceaux de cette exhibition.
Ajoutons que nous avons rencontré également
des guides savants autant qu'aimables en M. le
chanoine Urseau et en M. G. d'Épinay.
La Gilde a commencé par visiter ce joyau du
style François Ier, que l'on appelle l'Hôtel Pincé,
si merveilleusement pittoresque et si joliment
restauré par M. Lucien Magne ; il faut toutefois
regretter vivement, que l'on ait modernisé le
pignon regardant l'entrée de la cour. C'est à l'un
des avant-corps de cet hôtel, que l'on voit cet
exemple classique de trompe saillante sur l'angle,
i. Y. Revue de t Art chrétien, année 1887, p. 233.
2. Ibid., année 1890,. p. 155 ; 1891, p. 138.
3. Ibid., année 1887, p. 273.
i. , année 1892, p. 343.
On y voit aussi de délicieuses niches renaissance
et la voûte plate qui couvre la grande vis est un
petit chef-d'œuvre.
Outre des objets d'art nombreux, on y re-
marque une collection de dessins de quelques
maîtres en architecture inoderne : le relevé de
l'église de Vézelay par Degeorges, celui de
l'église de Monréale, par J. L. Duc, le grand
sphinx de Gizeh, par Loriot, le monument de
Gambetta, par Sauvageot, l'église Saint-Bernard
de Paris, le projet de Parlement de Saint-Cloud,
le théâtre d'Angers par J. Magne, la fontaine des
Jacobins et le projet du théâtre des Jacobins à
Lyon par G. A. André, etc. L'hôtel renferme en
outre la collection laissée par Lancelot Théodore
comte de Turpin (>J< 1859).
L'hôtel Barrau, qui nous est montré ensuite,
offre de piquantes originalités architecturales,
notamment des encorbellements en forme de
demi-flèches renversées et une galerie curieuse-
ment voûtée. L'architecte, pour une raison ou
pour une autre, s'est trouvé dans le cas d'écarter
beaucoup les piles extérieures de celle-ci, sur
lesquelles il a appuyé des arcades surbaissées,
selon la mode du XVIe siècle. Il n'a pas voulu
néanmoins se priver, du côté du mur, d'appuis
aisés à prendre, et il a établi deux retombées par
c c
Fig- 9. — Plan des voûtes de la galerie de 1* hôtel Barau à Angers.
travée, une au droit des piles, A, et une entre les
deux B. Il a ensuite décomposé le comparti-
ment carré en trois triangles, couverts par trois
voûtes d'arête à triples voûtains.
L'hôtel Barrau renferme d'importantes collec-
tions d'histoire naturelle, de peinture et de sculp-
ture ; on peut y voir notamment une bonne par-
tie de l'œuvre de David d'Angers.
Angers possédait au moyen âge un magnifique
hôpital. A cette époque les locaux qui servaient
à loger les malades étaient généralement de très
vastes salles, où l'air, l'espace et la lumière étaient
Cratoauj; Des Sociétés savantes.
437
largement distribués. Au lieu d'une série de ces
pavillons isolés dans lesquels les malades sont
aujourd'hui distribués par catégories, une seule
salle les réunissait, abritée ordinairement sous
une grande voûte en berceau lambrissée. Chose
curieuse, cette forme de la superstruction des
salles d'hôpitaux gothiques semble être le dernier
EGLISE de ia TRINITE
LEGENDE
I. crande ne/ de l^lut du Rancerar
2 Pr'ile ne)
j p.,,1, nef iransionr.ee en cloiire au XVW siècle
J - >5M_ve
S. Transepl du clocher mamlenjnt en ruines
6 Transept ou est installer U Imgene de I Seule des Arl*
,u dessous desquelles son! les trois chapelles «la
Crypte de N D du etoneeray fi-ABslde la plus rapprochée
e de u, Thmle est mamienan! une chapelle de celle
église )
U. ksur enlrc teglese & la rue de la Censene
9 Portes s entrer de ieqlise donnanl sur la rue
10 Perles .enlree donnanl sur le ctoilre
■ . a Tnnjlo
12. Escalier donnanl aeeas a la Cr/ple
13 Perler, .enlree de lEolise doia Thnile
.. la Tnntlé
15, 'antrejorti de (Eglise primitive de LrTnnite
Fig. 10. — Plan des deux églises du Ronceray a Angers.
mot de la science moderne; préconisée en France
par M. Tollet, elle a prévalu aux hôpitaux ré-
cents du Mans, du Havre, etc.
Les plus importantes des salles de malades
anciennes parvenues jusqu'à nous sont celles de
la Biloque à Gand, de Lubeck, de Clermont-
Tonnerre, de Tournai (récemment démolie) et
celle de l'hôpital de Saint-Jean d'Angers. Cette
dernière, à trois nefs couvertes par 24 voûtes
hautes de 12m. sous clé.est désaffectée et devenue
un musée. Si nous avons dû déplorer l'indigence
du local affecté aux collections du Mans, il faut
reconnaître que celles d'Angers sont superbement
logées; elles le méritent d'ailleurs. Le conser-
vateur du Musée Saint-Jean, M. Michel, nous a
fait avec beaucoup d'amabilité les honneurs de
son trésor, dont le catalogue a été rédigé d'une
manière remarquable par M. V. Godard-Faultrier
d'Angers.
Pour en finir avec les monuments profanes,
civils et religieux, citons l'immense, le colossal
château-fort du XIIIe siècle, qui domine la
Maine de ses dix-huit tours formidables, du haut
desquelles on jouit d'une vue superbe.
Les monuments religieux d'Angers, fort re-
marquables, représentent pour nous un style sin-
gulièrement intéressant, parce que tout nouveau.
Ce sont d'abord, dans l'ordre chronologique, les
deux églises du Ronceray, l'abbatiale et la parois-
siale. La première, consacrée en 1028, occupée par
les locaux de l'École des arts et métiers, est un
type du roman tout primitif, avec sa grande nef
voûtée en berceau. « C'est, dit M. d'Epinay, une
des constructions les plus complètes et les plus
remarquables que possède l'Anjou. » Nous re-
produisons (fig. 10), le plan de l'abbaye d'après la
monographie anonyme de Notre-Dame de Ron-
ceray, éditée par la maison Lecoq.
Au-dessus de la porte principale de l'abbatiale,
l'appareil en fougères et l'appareil hexagonal
sont figurés par de faux-joints marqués en rouge,
curieux reste d'une tradition latine.
La tour s'élève sur le transept droit, les ab-
sides sont ornées à l'extérieur de colonnes appli-
quées, et construites en opus reticulatum à l'instar
des maçonneries romaines (T); le berceau de la
grande nef est brisé et muni de doubleaux en fer à
cheval ; les nefs latérales ont des berceaux perpen-
diculaires au grand axe de l'église ; autant de traits
rares d'une architecture vraiment antique. Les
chapiteaux historiés sont des plus curieux ; l'un
d'eux représente un saint avec un oiseau posé
près de son oreille. Les personnages en fonction
de cariatide soutenant des volutes se retrouvent
dans l'Évangéliairede Saint-Médard de Soissons
(XIe s.) (2). La crypte offre des voûtes mul-
tiples portées par 32 colonnes aux chapiteaux
très ornés. La chapelle du milieu contient un autel
antérieur à 1028.
L'église paroissiale est comme soudée à l'ab-
batiale, contre le clocher qui a un de ses murs
commun avec elle. Elle n'a qu'une nef, à sept
travées, dont six couvertes de trois voûtes carrées.
Elle nous montre la rencontre et l'union des deux
grandes écoles d'architecture française à l'époque
de transition. La voûte en coupolede l'Aquitaine
s'y marie à la croisée d'ogives de l'Ile-de-France ;
les nervures, les doubles formerets et ledoubleau
de recoupement s'y greffent gauchement sur le
dôme à pendentifs ; les gildemans belges ne pou-
vaient faire visite plus instructive que celle-ci (3).
Les murs sont creusés en forme de niches,
comme le montre notre plan. M. de Farcy incline
à voir dans cette disposition extraordinaire le
résultat de remaniements subis par l'église pri-
mitive, qui aurait eu trois nefs. Cette tendance à
transformer les trois nefs en une seule se remarque
r. l.opus reticulatum, dit Courajod (8« leçon, p. 500), a conservé
jusqu'aux temps romans ses qualités de construction de choix.
2. Ibid.
3. Dans notre figure la projection des voûtes est fautive.
438
3&r\nte tjr l'Slrt cftrétten.
cà et là ; nous l'avons constatée encore à la
Couture du Mans.
Mais voici les pittoresques ruines de 1 ancienne
collégiale de Toussaint, que la ville d'Angers se
propose d'aménager en promenade publique. On
y retrouve les vestiges de cette belle et svelte
architecture Plantagenet, que les PP. Domini-
cains ont entrepris de restituer dans leur nouvelle
église conventuelle, très élégante, mais qu'on vou-
drait plus correcte. Ce fut un des plus hardis vais-
seaux qu'on pût voir, avec ses voûtes angevines
qui, à la croisée, retombaient sur deux colonnes
hautes de 8 mètres et n'ayant que 0,32 m. de dia-
mètre. Rondelet, qui l'a relevé et publié assez
mal d'ailleurs, admirait sa structure.
Le transept offrait un magnifique spécimen de
ces voûtes, que l'on semble d'accord pour nommer
plus particulièrement du nom des Plantagenet, et
qui ont été étudiées par MM. l'abbé Choyer,
Godard-Faultrier, G. d'Espinay, J. Berthelé et
Bossebceuf; arrêtons-nous-y un instant.
D'après Parker, le style Plantagenet (il faut
plutôt dire Angevin),né un peu avant U56,et par-
faitement développé à l'hôpital d'Angers, éma-
nerait de la nef de Saint-Maurice, qui dériverait
à son tour de celle de Fontevrault et, par elle, du
Périgord. Toutes gardent le plan carré et la
forme bombée qui a porté Parker à les nommer
domicales.EMes sont à double croisée de nervures,
et la direction des assises a cessé d'être horizon-
tale pour devenir parallèle à l'axe des pseudo-
berceaux incidents.
Dans le type angevin primitif les nervures
sont à simples croisées, quadrangulaires, bito-
riques, et l'entre-deux des tores est souvent dé-
coré de rosettes. Telles sont les voûtes de
Saint-Maurice, qui font l'admiration des archi-
tectes par leur grande élévation et leur portée
hardie.
A la fin du XIIe siècle, les arcs d'ogives offrent
trois tores, celui du milieu prédomine (transept
de la Trinité d'Angers, chœur et croisillon de la
Trinité de Saumur, etc.).
Les trois tores finissent par se fondre en un
seul de grêle proportion. Ensuite apparaissent les
liernes à la clef de berceaux incidents, et le
profil des nervures s'affine. Les voûtes du chœur
de Saint-Martin d'Angers sont probablement
les plus anciennes de l'espèce. Elles se compli-
quent, à la Trinité, du doubleau de recoupement
et de doubles formerets. Des têtes ou de petites
statuettes sont appliquées à l'extrémité des
liernes joignant les formerets. Les trois admi-
rables nefs de l'hôpital Saint-Jean (vers il 80)
sont couvertes de voûtes angevines types, carrées,
domicales, à nervure monotorique uniforme pour
/ \L/ \
le doubleau, les formerets, les diagonaux et les
liernes.
Dans une période subséquente, la voûte Planta-
genet, à mesure qu'on s'avance vers le XI IIe siècle,
s'enrichit de nervures nouvelles, en même temps
que de figurines et de médaillons. Leurs types
sont à Saint-Serge et à l'église de Toussaint, dont
nous parlions tantôt. Dans le premier, chaque
voûte forme un tout distinct, dans le second, les
voûtes se tiennent les unes les autres. M. Berthelé
explique avec précision comment ces deux der-
niers types naquirent de l'application aux che-
vets à pans coupés de la voûte sur plan carré
propre à l'Anjou ('). Dans un carré, inscrivons-
enun autrejoignantlemilieudes côtés (fig.i i);sur
ce dernier, construisons une croisée d'ogives ordi-
naire à liernes, et couvrons les quatre triangles
restant par des demi-croisées; nous aurons le dis-
positif nouveau. Les retombées A, B, C,D, pour-
ront s'appuyer sur des encor-
bellements ou sur des co-
lonnes.
Qu'on veuille nous suivie
encore un instant. Le dispo-
sitif en question s'applique au
chevet, soit en À, et aux
murs latéraux, soit en B et C.
Mais du quatrième côté,
le vaisseau se prolonge,
couvert par un système de croisées d'ogives
chevauchant l'une sur l'autre. En D, au lieu d'une
retombée, on a un doubleau, et les doubleaux se
répètent à chaque de-
mi-travée. Les diago-
naux, ici, ne prédomi-
nent plus sur les ner-
vures secondaires, et il
en est de même de
l'arc doubleau. On ar-
rive à avoir, dans la
longueur du vaisseau,
trois voûtes se mêlant
et détachant trois li-
gnes de clefs, pendant
que les diagonaux che-
vauchentd'unetravée à
l'autre (fig. 1 2). On voit
des exemples d'une
disposition pareille aux églises de Saint-Bavon
et de Saint-Michel à Gand. Les croquis ci-contre
(fig. 12 et 13) en donnent une idée.
Ce point expliqué, revenons aux fameuses
voûtes de Toussaint (4). Divers archéologues se
1. Histoire des arts en Poitou, 1890, p. 137.
2 et 3. Ces figures sont extraites du Traité d'architecture, pal L
Cloquet, Paris, Bnudry, 1899.
4. V. Rondelet, Traité d'architecture , t. III, pi. 179-
D
Fig. 11 (2).
Fig. 12 (3).
Cratoauj: &e0 ^octétés savantes.
439
sont évertués à les reconstituer d'après les vestiges,
qui laissent planer des doutes. M. Fr. Bossebœuf
semble avoir résolu ce problème d'une manière
définitive. Nous reproduisons(fig.i 5) le plan qu'il
a donné ('). « L'édifice, dit il, était divisé dans le
sens de la longueur en quatre travées carrées de
Fig. 13. — Croquis de voûtes gantoises.
10 mètres de côté, suivant les lignes AB, CD, EF.
Une de ces travées formait le chœur; une autre,
flanquée de ces travées carrées de 5 mètres de côté,
formait le transept, et les deux autres grandes
travées se partageaient la nef.
« Le chœur portait une voûte identique (à part
un petit détail) à celle du sanctuaire de Saint-
Jean de Saumur (2). Les trois voûtes du milieu
du transept et de la nef ressemblaient à celle du
chœur,à part une très légère modification, comme
Fig. 14. — Plan du chœur de l'église d'Asnières.
il est aisé de s'en rendre compte en comparant
leurs lignes dans le plan de projection. Le tran-
sept dans son ensemble était l'image, presque
trait pour trait, du chœur d'Asnières. » (Fig. 14.)
De son côté M. J. Berthelé s'exprime ainsi :
« La substitution des voûtes domicales à quatre
voûtains aux voûtes domicales simplement à
huit nervures, pour la partie centrale, et le fait
ï. V. Bossebœuf, L'architecture Plantagenet Angers, Lachène
1897.
2. C'est-à-dire pareille à celle que nous avons expliquée en notre
figure, à cette réserve près, que du côté D, il n'y a qu'un grand
voûtain correspondant au quart du carré total de la travée.
de placer les supports non plus au point de départ
des doubleaux et des formerets, mais là où se
trouvait primitivement la clef des formerets,
— en second lieu l'addition de petites voûtes
latérales, complètes, juxtaposées aux voûtains
d'angle, telle est la double originalité du chœur
d'Asnières et du transept de Toussaint compara-
tivement au chœur de Saint-Serge. »
Le merveilleux chœur, si élancé, de Saint-Serge
(fig. 16), élevé vers 1 120 selon M. Berthelé, diffère
notablement, nous l'avons dit, de celui de Tous-
saint. Il offre trois nefs; l'architecte a rompu avec
l'usage d'une nef unique existant avant lui dans
l'architecture Plantagenet. Il imite les nefs de
l'hôpital Saint-Jean, mais en introduisant le
nouveau procédé que nous venons d'expliquer,
de voûtes d'angle et de doubles formerets.
Fig. 15. — Plan restitué de l'église de Toussaint à Angers.
Une double rangée de colonnes, mesurant 40
modules, partage le vaisseau en trois séries de
voûtes domicales à double croisée. La dernière
de chaque série appartient au type Plantagenet
et comporte contre le chevet et les murs latéraux
une série de demi-croisées d'ogives, comme le
montre la figure, que nous empruntons égale-
ment à M. Bossebœuf. Dans son ensemble c'est
une merveille.
La noble église de Saint-Martin, tristement
abandonnée, offre une croisée de transept très
remarquable, avec ses piliers en grand appareil de
pierre, alternant avec de triples assises de briques,
qui portent des arcs dont les claveaux sont sé-
parés par des briques ; elle est couverte d'une cou -
pôle hémisphérique. Un croisillon est couvert
par un berceau en bois de la dernière époque
gothique, qui a gardé son décor polychrome.
44Q
ftcbur De r&rr cbvéttea.
Le vaisseau est couvert de curieuses voûtes à
S nervures, offrant cette anomalie, qu'une colon-
nette soutient la clef des formerets.
Nous terminons notre journée par la cathé-
drale d'Angers. M. de Farcy nous refait l'his-
toire de ses curieuses transformations et nous
montre, plans en mains, quelle était la disposi-
tion du large porche qui la précédait. L'église
Saint-Maurice se montre à nous en grande toi-
lette, c'est-à-dire, toute garnie de superbes tapis-
series appendues à ses galeries. Nous avons sous
les yeux le type majestueux du large vaisseau
angevin, avec ses grandes voûtes bandées sur une
portée unique de 15 mètres. Elle offre encore en
ses verrières comme un reflet de la brillante
vitrerie de Chartres et du Mans ; son trésor est
tamés par de courtes pénétrations au droit des
grandes arcades; les trois dernières travées vers
l'Ouest ont des voûtes barlongues à 8 nervures
séparées par de larges doublcaux. Le bas-coté
de la nef offre des voûtes angevines, hormis la
travée sous la tour, que couvre une coupole sphé-
rique sur trompes, les bras du transept et le colla-
téral du chœur sont voûtés d'arêtes simples; à
ce dernier s'adossent 3 chapelles en hémicycle.
Cette église devrait être relevée avec soin. Ses 200
chapiteaux sont ornés de riches sculptures. Le
portail Nord semble occuper l'emplacement de
l'arc triomphal des églises antérieures dont la
tour actuelle aurait couvert la croisée.
Fig. 16.— Plan du chœur de l'église de Saint-Serge à Angers.
rempli d'orfèvreries et de broderies anciennes et
modernes intéressantes, notamment le grand
ostensoir fait à Paris, ainsi que la chape, la crosse
et la mitre offertes à Mgr Freppel à l'occasion de
son jubilé. Enfin, le palais de l'évêché nous
présente son architecture romane passablement
restaurée, et ses collections archéologiques d'une
grande valeur.
Nous rentrons, las de voir de belles et curieuses
choses, et nous résumons nos impressions en
séance du soir, en écoutant une savante disser-
tation de M. de Farcy sur les influences diverses
qui distinguent l'art local, surtout en matière de
broderie, et une causerie pleine d'érudition que
le chanoine Delvigne improvise au sujet des
colombes eucharistiques. — Un repas plein d'en-
train couronne cette journée.
En nous rendant à Tours nous visitons la très
curieuse église de Cunault, qui présente une si
belle collection de voûtes diverses. Le chœur
est voûté en berceau avec doubleaux, ainsi que
5 travées de la grande nef; les berceaux sont en-
L. C LOQUET.
(A suivre.)
Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — Séance du 21 avril 1899. — M. Mûntz
communique un mémoire de M. Maxe-VVerly,
conservateur du Musée de Bar-le-Duc, sur Fran-
cesco de Laurana, sculpteur et médailleur italien,
un des artistes attitrés du roi René. M. Miïntz
rappelle tout d'abord une remarque faite, il y a
dix ans, par l'abbé Requin : c'est que Laurana,
que l'on croyait avoir disparu vers 1490, vivait
encore en 1499. A ce moment, pour payer ses
dettes, il vendit plusieurs immeubles qu'il possé-
dait à Marseille. Cette découverte vient appuyer
la conjecture de M. Maxe-Werly, qui attribue à
Laurana l'exécution du tombeau de la duchesse
Yolande d'Anjou, fille du roi René, et de son
époux, le duc Ferry de Vaudémont, dans l'église
de Joinville (Haute-Marne). On sait en effet,
qu'en 1495, maître Laurent, le fondeur, demeu-
rant alors à Nancy, travaillait au tombeau en
question. On peut sans témérité proposer d'iden-
tifier ce Laurent au célèbre artiste italien, le pro-
tagoniste de la Renaissance dans notre pays.
Ce tombeau a été détruit en 1792; mais une
série de descriptions anciennes, ainsi que quelques
planches malheureusement défectueuses, ont per-
mis de le reconstituer. Il se composait d'un sou-
bassement orné de colonnettes entre lesquelles
se développaient les armoiries de Lorraine et
d'Anjou, et de deux statues couchées, en cuivre
jaune. Au chevet, un ange agenouillé sur une
colonne torse, tenant un casque. D'après un
dessin de 1504, le soubassement de marbre
aurait été exécuté par Jacques Bichot, tailleur
d'images. Enfin, M. Maxe-Werly pense que la
participation de Laurana se borne aux deux sta-
tues; ce qui expliquerait pourquoi ce tombeau
n'est pas entièrement conçu dans le style de la
Renaissance, ainsi que l'est celui du comte du
Cratoauj: Des Sociétés aatoaittes.
44 1
Maine, dans la cathédrale du Mans, œuvre indis-
cutable de Laurana.
Société d'études de la province de Cam-
brai. — - Il vient de se fonder à Lille une Société
d'études approuvée par arrêté de M. le Préfet du
Nord en date du 29 avril. Cette Société a pour
but unique la recherche, la mise en œuvre et la
publication de tous les documents intéressant
l'histoire de la Province de Cambrai; nous com-
prenons sous ce titre les départements du Nord
et du Pas-de-Calais, Flandre, Artois, Hainaut,
Cambrésis, et la partie autrefois française du
Midi de la Belgique.
Un certain nombre de travaux sérieux con-
cernant l'histoire de cette région n'ont pu, jus-
qu'ici, être menés à bonne fin, à cause de l'isole-
ment de leurs auteurs ou de leur éloignement
des bibliothèques et des grands dépôts d'archives.
La Société se propose, par son Bulletin pério-
dique, de créer un lien, un organe de communi-
cation permanent entre tous ceux qui se livrent
à l'étude de l'histoire locale ou régionale. Ce
Bulletin fera connaître, les uns aux autres, ceux
qui travaillent tels ou tels sujets analogues, par-
fois aussi ceux qui dirigent leurs recherches dans
la même voie et sur le même objet; il fera naître
ainsi d'utiles collaborations, ou évitera aux tra-
vailleurs une perte de temps et d'infructueuses
recherches.
Académie des Beaux - Arts. — Dans sa
séance du 5 août 1899, l'Académie des Beaux-
Arts — Institut de France — a partagé ainsi
qu'il suit le prix Bordin : 1500 fr. à M. André
Berard et Alfred Berthier, de Paris; 1000 fr. à
M. Henri Chabeuf, président de la Commission
départementale des Antiquités de la Côte d'Or,
vice-président de l'Académie de Dijon; 500 fr. à
M. George, architecte à Lyon. Le sujet mis au
concours était celui-ci : Des rapports entre l'ar-
chitecture et l'archéologie et des avantages et des
inconvénients qui peuvent résulter pour les arts,
notamment pour l'architecture, de l'élude de cette
science ('). On n'apprendra à aucun de nos
lecteurs que M. Henri Chabeuf est un des plus
zélés collaborateurs de la Revue de l'Art chrétien.
1. Nous ne sommes pas absolument certain de donner le texte
même de la question mise au concours, mais tel en est le sens.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 5me LIVRAISON.
3&*& »afe *& *a& *fl& *a& «as. *& *fc *& »& *afe ^ *# *as. *&-*& *afe *a&, ^ »# *& h# *gte
^J ^ ,« w , » / I %
^s^s^s^s ^Bibliographie. ?i^^s:
ECCK HOMO DE LA CATHÉDRALE DE
MEAUX, par le chanoine Jouy ; Mcaux, 1899, in-8°
de 5 pag., avec 3 vignettes.
Cette statue, autrefois coloriée, date du XVIe
-siècle. Sur le socle sont figurées, dans un écusson,
les armoiries de la Passion. Les vignettes repré-
Ecce Homo, cathédrale de Meaiix. XVI' siècle.
sentent la statue, la tète et le donateur agenouillé,
vêtu d'un surplis et l'aumusse au bras.
X. B. DE M.
S. ANTOINE LE GRAND ET SA STATUE, A
OCQUERRE (Seine et Marne), par le ch. Jouy ;
Meaux, 1899, in-&° de 4 pag- , avec une vignette et une
phototypie.
La statue, d'une exécution peu commune, re-
monte au XVe siècle. L'auteur la décrit avec
Saint Antoine le Grand à Ocquerre (i).
beaucoup de précision et insiste sur la signifi-
cation des attributs, qui ici sont au complet.
X. B. DE M.
NOTICE SUR M. L'ABBÉ CHARLES CERF,
chanoine de l'Église métropolitaine de Reims,
I. Nous devons les deux gravures de cette pnge à l'obligeance de
M. le chanoine Jouy.
Idibltograplne,
443
membre de l'Académie nationale de Reims, 1824-
189S, par l'abbé Al. Hannesse, chanoine honoraire,
secrétaire de l'archevêché. Reims, Monre, 1899, in-8°
de 53 pag., avec 2 porlraits.
Cette notice consacre la vie sacerdotale et
littéraire du chanoine Cerf, que connaissent les
lecteurs de la Revue, car plusieurs fois j'ai eu
occasion, ici même, d'annoncer et louer ses nom-
breux travaux d'archéologie locale. La liste en
est donnée à la fin de la brochure et va de 1861
à 1898; elle comprend 48 nos pour les «ouvrages
et opuscules », sans compter les articles de revues
qui n'ont pas tous été tirés à part.
Qu'on me permette deux observations à pro-
pos du titre, pour faire voir combien peu en
France nous sommes pénétrés du vrai style ec-
clésiastique, par suite d'une laïcisation à outrance
contre laquelle nous ne cherchons même pas à
réagir.
Les armes du chanoine étaient parlantes, c'est-
à-dire qu'elles se rapportaient au nom : on y
voit donc un cerf se dirigeant vers une source
tombant en cascade d'un rocher, pendant une
nuit étoilée. Devise : Desiderat, qui se réfère à ce
texte de David : « Quemadmodum desiderat
cervus ad fontes aquarum, ita desiderat anima
mea ad te, Deus » [Psalm. XLl).
L'idée est heureuse, mais il y manque la forme
héraldique. De plus, au lieu du cartouche sur
lequel s'appuie l'écusson ovale, n'était-il pas pré-
férable de le sommer du chapeau canonial, de
sable à deux rangs de houppes ?
Pas de chapeau, pas de titre. On dit M. V Abbé
tout court, comme s'il était question du premier
venu. La tradition française la plus respectable,
mais jetée au panier de l'égalité, exigerait Mes-
sire, au lieu de Monsieur. Passe encore, mais
qualifier abbé un chanoine, qui a droit à Très Ré-
vérend, c'est montrer le bout de l'oreille ! Ignore-
t-on ou méprise-t-on ? Peut-être l'un et l'autre.
La politesse ne s'en va pas, elle a disparu.
X. B. DE M.
ROULEAUX D'EXULTET, par P. Latil, reli-
gieux bénédictin du Mont-Cassin, 1899.
LES rouleaux d'Exnltet forment parmi les ma-
_t nuscrits liturgiques du moyen âge un groupe
spécial et très intéressant; ils appartiennent pour
la plus grande partie aux XIe et XIIe siècles et
à l'Italie méridionale. D'Agincourt, qui possédait
un de ces précieux parchemins, leur a consacré
une part importante dans son ouvrage et de nos
jours les archéologues les recherchent avide-
ment.— Le Père Latil, religieux du Mont-Cassin,
en a non seulement fait la recherche, mais il
en a trouvé un grand nombre et publie en ce
moment huit rouleaux inédits; il les publie avec
tout le soin et le luxe désirables, et nous ne
saurions trop recommander aux amis de l'art
chrétien une telle publication. — Le chant du
Samedi-Saint, si suave, si poétique était par les
images qu'on déroulait sous les yeux des fidèles
mis à leur portée, et il nous plaira à nous-mêmes
encore mieux dans le cadre d'enluminures que
reproduit le savant religieux du Mont-Cassin.
G. R.OHAULT DE FLEURY.
L'ART GOTHIQUE ET LA RENAISSANCE
EN CHYPRE, par M. C. Enlart. Paris, Leroux,
2 vol. in-8°; xxxn-756 pages, avec 34 pi. et 421 fig.
NOS lecteurs ont eu la primeur des études
de M. C. Enlart sur l'architecture médié-
vale dans l'île de Chypre. Ils ont pu apprécier,
par un important fragment, la valeur de cet
ouvrage, qui atteste d'une manière glorieuse pour
le moyen âge français l'expansion lointaine de
son style. Nous aimons à reproduire l'article qu'a
consacré à son œuvre, dans la Chronique d Ai-t,
M. J. Marquet de Vasselot.
Dans un cours professé à la Bibliothèque Nationale, et
publié en 1857, M. Beulé se demandait si vraiment la
France avait jamais eu un style architectural qui lui fût
propre, et déclarait qu'il était « inquiet » quand il enten-
dait « proclamer que l'architecture gothique est notre
architecture nationale ». Le style gothique, disait-il, « est
le style d'une époque et non pas d'un pays. » — Ce qui ne
l'empêchait point, d'ailleurs, de vouloir en trouver l'origine
dans les contrées septentrionales :
« L'accumulation des formes, la confusion des traditions
les plus étrangères les unes aux autres, de l'art grec avec
l'art du Nord, de l'art romain avec l'ait oriental, l'absence
de proportions, de mesure, de clarté, le goût de l'ornement
avec une nudité triste, l'instinct à la place de la science, la
fantaisie à la place de la raison, un système logique en
apparence, une série d'inconséquences en réalité, la pour-
suite de l'idée et l'oubli de la forme, des monuments qui
commencent avec emphase et qui ne savent point finir,
une poésie vague que ne comporte point la matière et une
exécution défectueuse qui vise surtout à l'effet; enfin, à
côté d'une patience laborieuse, une étrange naïveté dont
je subis souvent le charme : partout je reconnais le génie
du Nord, le génie germanique... »
Si une pareille opinion (qui tenait à des causes très
diverses) devait déjà, en 1S57, sembler un peu arriérée à
beaucoup de bons esprits, elle nous paraît, aujourd'hui,
tout à fait étrange. Dans les cathédrales de Paris,
d'Amiens, de Chartres ou de Reims, nous ne sommes pas
choqués par « l'absence de proportions », et nous ne
voyons point l'œuvre de « l'instinct à la place de la
science ». De plus, nous ne croyons plus que ces monu-
ments aient été élevés chez nous sous l'influence de l'art
germanique. Car, non seulement il est établi, aujourd'hui,
que l'art gothique est né dans l'Ile-de-France, mais encore
il se confirme peu à peu que c'est à la France que les
autres peuples ont emprunté ce style, et que par consé-
quent notre pays a été pendant deux ou trois siècles du
moyen âge, l'éducateur artistique de l'Europe.
444
Betnte lie l'&rt chrétien*
La démonstration définitive de ce fait, si important
pour l'histoire de la civilisation, est due en partie à
M. Enlart : tous nos lecteurs connaissent ses travaux sur
€ Les Origines françaises de l'architecture gothique en
Italie v>, et sur divers monuments gothiques d'Espagne et
de Grèce. L'ouvrage considérable qu'il nous donne aujour-
d'hui est la suite naturelle de ceux que nous venons de
citer. Nous y voyons comment l'architecture française a
été implantée et s'est développée en Chypre. Cette implan-
tation, qui avait déjà été signalée, s'explique aisément par
l'histoire de l'île : le royaume de Chypre, qui a duré pen-
dant quatre siècles (de 1 196 a 1571), n'a été autre chose,
en effet, qu'une colonie française, où l'assimilation avec la
métropole fut complète : si les Assises de Jérusalem,
recueil des lois du royaume de Chypre, font partie inté-
grante de notre ancien droit national, les cathédrales de
Nicosie et de Famagouste ont leur place indiquée dans
une histoire de l'architecture française.
Le livre de M. Enlart, qui commence par une histoire
abrégée du royaume de Chypre, est divisé en deux grandes
parties : d'abord l'architecture religieuse, puis l'architec-
ture civile et militaire. Dans chacune d'elles, les monu-
ments sont étudiés suivant l'ordre géographique des
districts.
D'une façon générale, les monuments chypriotes dé-
rivent de prototypes français ; mais leurs auteurs ne se
sont pas inspirés des mêmes modèles : ils ont imité tour
h tour l'école de l'Ile-de-France, celle de la Champagne,
et celle du Languedoc et de la Provence. La première
semble n'avoir eu d'action directe que sur la cathédrale
de Nicosie, dont le fondateur était d'ailleurs le frère d'un
chanoine de Notre-Dame de Paris. La seconde, certaine-
ment moins originale, a eu hors de son territoire une
influence considérable, qui se retrouve en Espagne, en
Allemagne, en Grèce et aussi en Chypre. L'influence des
monuments champenois est évidente à Nicosie, a Fama-
gouste, à Lapais, à Dali, à Morphou, à Paphos, à Achero-
piitou. Enfin, l'imitation de l'art du Midi de la France est
sensible àAfenduka, Sykha, Kanakaria, Stazousa, Nicosie,
Famagouste, Paphos, Lapais, Trimithi, Chiti, Saint-
Sozomène.
Comparée à celle de la France, l'influence des autres
pays semble assez secondaire en Chypre ; il faut pourtant
mentionner celle de la Catalogne. Quant à celle de l'Italie,
facilement expliquée par l'occupation vénitienne, elle ne
devient considérable qu'à l'époque de la Renaissance.
Nous ne pouvons songer à citer ici tous les édifices
importants signalés par M. Enlart; mais il en est deux
qui méritent une mention particulière : la cathédrale de
Nicosie et celle de Famagouste. La première, commencée
en 1209, consacrée solennellement en 1326, a une unité et
une simplicité pleines de grandeur, bien que ses diffé-
rentes parties remontent à des dates assez différentes. La
seconde, commencée vers 1300, et achevée probablement
vers 1350, offre pour nous cet intérêt d'être une imitation
de celle de Reims ; si elle n'a pas la richesse de son mo-
dèle champenois, elle est remarquable par « la pureté du
style, l'entente exquise des proportions, la franchise et la
perfection de la construction, la parfaite convenance et
l'excellente exécution des ornements ». Et M . Enlart n'a
pas craint d'ajouter qu' « aucun monument français du
XIVe siècle n'offre à la fois l'importance et l'unité de la
cathédrale de Famagouste ».
Si les monuments d'architecture anciens sont nombreux
en Chypre, il n'en est pas de même des peintures, des
sculptures et des objets d'art, dont la disparition presque
totale est aisément expliquée par trois siècles d'occupa-
tion musulmane.
En ce qui concerne les fresques du XIVe et du XVe
siècle, dont on voit des vestiges à Famagouste, à Nicosie,
à Lapais, à Pyrga, à Pelendria, il convient de remarquer
que presque toutes sont de style giottesque et doivent
avoir été exécutées par des artistes italiens. Ce mélange
d'architecture française et de peintures italiennes, au
XIVe siècle, rappelle celui que l'on constate dans certains
monuments du Midi de la France; et c'est peut être une
des conséquences des rapports qu'eut avec Chypre la
cour papale d'Avignon.
Les sculptures ont presque toutes disparu, et ce qui en
subsiste n'a pas une grande valeur d'art. L'une des plus
intéressantes est certainement un petit bas-relief du
XI Ve siècle, provenant d'un sarcophage et représentant
un prince de la maison de Chypre, que M. Enlart a trouvé
à Nicosie, et qu'il a donné récemment au Musée du
Louvre.
Quant aux objets d'art, leur nombre est également très
restreint. En dehors des boiseries dorées, de style véni-
tien, dont il subsiste des échantillons assez nombreux, on
ne peut guère signaler que des pièces isolées, comme les
deux candélabres en fer, du XIVe siècle, de la cathédrale
de Famagouste, les plats en dinanderie de Lapais et du
monastère de Sainte-Barbe, la herse en dinanderie de
Pelendria, les pentures de la cathédrale de Nicosie. Et
cependant les arts mineurs ont été, on le sait, très floris-
sants dans l'île ; une des meilleures preuves que l'on en
puisse donner, est le grand nombre de poteries chypriotes
des XI Ve, XVe et XVIe siècles, qui sont parvenues jusqu'à
nous; ces pièces, ornées d'un décor gravé sur engobe et
vernissées, d'une exécution assez sommaire, sont curieuses
par le mélange de motifs gothiques et de motifs orientaux
qu'elles présentent. Ce mélange, d'ailleurs, ne se trouve
pas seulement sur les objets fabriqués par les chrétiens,
mais aussi sur ceux qui sortent des ateliers musulmans.
Un des exemples les plus curieux qu'on en puisse citer est
le grand bassin en cuivre gravé et incrusté d'argent,
exécuté pour Hugues IV, roi de Chypre (1324-1361). Cette
belle pièce, qui appartient à M. Henri-René d'Allemagne,
a été étudiée par lui dans un article imprimé à la fin du
livre de M. Enlart; elle porte une inscription française,
en capitales gothiques.
L'ouvrage de M. Enlart prouve, une fois de plus, com-
bien grande a été, au moyen âge, l'influence de l'art
gothique français. A Chypre, d'ailleurs, l'imitation de
notre art national n'est pas banale et servile, mais au
contraire « souple, raisonnée, parfaitement adaptée à la
différence de climat et de ressources matérielles ». Le
style gothique de Chypre « est un style de première
main »; il peut être considéré « comme une variété com-
plétant le tableau des écoles françaises : c'est notre art
national colonial ».
Jean-J. Marquet de Vasselot.
SAINTE-CLOTILDE DE REIMS, monument du
centenaire (1496-1896), par A. Gosset, architecte. —
In-40 et 5 pi. en phototypie. — Reims, Michaud, 1899.
NOS lecteurs connaissent M. Gosset, l'ar-
chitecte rémois, dont les aptitudes em-
brassent à la fois la théorie et la pratique et
des suj'ets aussi divers que les théâtres et les
temples. La Revue de l'Art chrétien a parlé
notamment de sa monographie de la cathédrale
de Reims, et de ses études sur les coupoles
d'Orient et d'Occident, qui tui ont fait une noto-
Bibliographie.
445
riété (')• Sa prédilection pour ce dernier sujet
d'études va de pair chez notre confrère avec
une préférence pour le type byzantin des églises
chrétiennes, non seulement dans les œuvres
du passé mais encore dans les applications
nouvelles. Une occasion rare s'est présentée
à cet artiste convaincu de faire passer son idéal
dans l'ordre des faits, à l'occasion de l'élévation
de l'église votive de Sainte-Clotilde et grâce à
la faveur de S. É. le cardinal Langénieux. Il a
voulu faire faire à l'architecture un pas en
avant et produire une application nouvelle et
toute moderne d'une formule monumentale,
qui n'avait pas encore, selon lui, engendré ses
dernières conséquences, et produit ses plus beaux
résultats, même dans les grandes mosquées ot-
tomanes. Appelant à son secours les ressources
de la charpenterie d'acier, il a élevé à 50 mètres
de hauteur une voûte sphérique à pendentifs,
épaulée de quatre hémicycles, constituant le
type complet d'un système ecclésiastique qui n'a
jamais reçu, du moins dans les temples chrétiens,
une application intégrale et typique ; nous le
félicitons d'abord d'avoir eu cette bonne for-
tune, si rare pour nous architectes, de réaliser
ainsi le rêve de son esprit, ensuite de l'avoir
fait avec un art raisonné.
La monographie qu'il donne de son œuvre est
d'ailleurs un plaidoyer pour son système. Il est à
peine nécessaire d'ajouter, qu'ici nous nous sépa-
rons de lui. Il nous sera permis d'indiquer com-
bien sa thèse nous paraît faible.
Il l'appuie d'abord de cet argument, que les
siècles écoulés ont épuisé la formule de la basi-
lique latine, laquelle a parcouru les trois phases
de sa vie: formation, splendeur et décadence. Il
admet ainsi implicitement cette idée, très fausse,
pensons-nous, que la forme d'église parfaite est,
non point celle qui convient le plus rigoureuse-
ment aux vœux de la liturgie et aux conve-
nances du temps et du lieu, mais celle € qui n'a
pas encore donné tout ce que peut engendrer
l'évolution de ses formes ».
Le second argument est plus satisfaisant et cer-
tainement respectable : le type à coupole, à effet,
convergeant en hauteur au-dessus de l'autel cen-
tral, produit un grand effet religieux. C'est ce
motif qui l'a fait adopter pour l'église du Sacré-
Cœur de Montmartre. Il n'en est pas moins vrai
que le type basilical, développé dans la cathédrale
française, est resté bien supérieur au point de vue
des convenances liturgiques, des traditions occi-
dentales et de l'expression esthétique.
1. V. Les conférences de M. Gosset sur les Coupoles d'Orient et
d'Occident données au Congrès international des architectes de 1890,
à la Soc. des Architectes de la Marne, à la Soc. archéologique
de Bruxelles, etc. — Reims, chez Matot-Braine, 1891.
M. Gosset dit encore en faveur de son type :
« Cette forme d'église est aussi traditionnelle
que l'autre dans l'histoire de la religion. » — Oui,
mais en Orient et nous sommes en France.
Les papes « souverains juges de la liturgie »
l'ont sanctionnée en l'adoptant pour... Saint-Pierre
de Rome. — ■ M. Gosset ne pourrait soutenir
sérieusement ce qu'il insinue ici, à savoir que les
papes aient cédé à des considérations liturgiques
plutôt qu'à l'entraînement du style régnant, en
élevant la basilique vaticane qu'un historien
de la Renaissance en France, Léon Palustre, avec
beaucoup d'autres, considérait comme une œuvre
ratée.
Nous ne croyons pas devoir nous mettre en
frais de syllogisme pour repousser cet autre argu-
ment, que N. -S. Jésus-Christ a indiqué lui-même
sa préférence pour le type d'église à coupoles...
lorsque dans son sermon de la montagne, il a
groupé la foule de ses disciples autour du plateau
qu'il dominait lui-même.
M. Gosset invoque le Saint-Sépulcre de Jéru-
salem, le Baptistère de Sainte-Constance, le Pan-
théon d'Agrippa. Mais précisément la forme
voulue par les tombeaux, les baptistères et les
laconicon n'est pas celle qui réalise l'idéal d'un
grand temple chrétien, et l'auteur aurait dû être
frappé de cette circonstance si curieuse, que les
architectes de Sainte- Sophie de Constantinople
ont répudié eux-mêmes la forme de la croix
grecque et allongé leur temple dans le sens
basilical au prix d'une profonde altération du
type dont il s'agit, et d'une disposition des nefs
latérales qui a été fatale à la beauté de la grande
œuvre de Justinien (voir la figure ci-dessous).
Plan de l'église Sainte-Sophie à Constantinople.
446
3&c\nic lie l'&rt ebrétten.
En ce qui concerne la structure de l'édifice
nouveau, nous sommes loin de cette harmonieuse
logique, qui doit faire le fond de l'art monu-
mental nouveau guidé par la science. Les formes
d'ensemble et en quelque sorte enveloppantes de
Sainte-Clotilde sont essentiellement et foncière-
ment celles de la voûte, et elles sont réalisées par
une superstructure métallique qui n'a absolument
rien de commun avec la technique des maçons.
L'économie générale de l'œuvre est donc irration-
nelle au premier chef. En outre, le grand modèle
de la coupole externe qui gouverne toute la con-
ception constitue une forme de structure fictive,
un colossal et mensonger décor, comme à Venise
et aux Invalides de Paris. Grâce aux peintures
murales que M. Gosset compte pouvoir exécuter,
ce que nous lui souhaitons de tout cœur, l'inté-
rieur de ce curieux vaisseau pourra revêtir un
aspect vraiment prestigieux. Mais nous ne pou-
vons y voir ni une heureuse innovation quant au
plan, ni, quant à la structure, un nouveau pas vers
la perfection dans l'évolution de la voûte à pen-
dentifs ; car de voûtes, il n'y en a plus.
L. C.
MONOGRAPHIE DE L'ÉGLISE ET DE L'AB-
BAYE ST-GEORGES DE BOSGHERVILLE, par
A. Besnard, beau vol. in-40, de 347 pag., 97 gravures
dans le texte, 12 planches noires et coloriées hors
texte. Prix: 20 fr. Paris, Lechevalier, 189g.
Ce beau livre nous fait connaître en détail,
l'église romane de St-Georges de Boscherville
et la salle capitulaire qui lui est annexée, salle
qui, en elle-même, est un chef-d'œuvre de grâce
et de goût. Ces édifices, intéressants par leur
histoire comme par leurs rapports avec l'histoire
générale de l'art, sont décrits avec talent par
l'homme qui les a le plus étudiés et qui n'a
négligé aucun des très intéressants problèmes
qu'ils soulèvent.
L'église de Boscherville est la plus belle église
romane de la Haute-Normandie. Son unité est
telle, qu'elle a dû être bâtie d'un seul jet en 6 ou
7 ans, vers la fin du XIe siècle ou au commence-
ment du XI Ie; les opinions diffèrent. M. Besnard
place sa construction entre 1075 et 1090, bien
que l'on y rencontre des joints minces au lieu
des joints épais usités au cours du XIe siècle, des
moulures toriques aux archivoltes, des griffes
aux bases, une grande élégance de détails, etc.
Ce qui est caractéristique, c'est l'impossibilité,
avouée par l'architecte, de voûter la nef où il
avait laissé des arcs transversaux et des colonnes
d'attente. Les voûtes actuelles sont du second
quart du XIIIe siècle, à juger par le style des
chapiteaux. Les clochers occidentaux furent
Les deux petites faces du chapiteau aux musiciens de Boscherville.
Btbltograptne.
447
^s^Buimë -3Ëgg^^gg|
Les deux grandes faces du chapiteau aux musiciens de Boscherville
448
3&etnte ï>e T^rt ti)vétten.
S l ■ ~J- lui» °
refaits vers la même époque; depuis, l'église de
Saint-Georges est restée intacte, sauf quelques
réfections de détail.
Cette église est mal orientée. Elle offre trois nefs
de huit travées, un transept avec une absidiole à
chaque croisillon au delà duquel se prolonge l'or-
Btbltograpljte.
449
donnance de nefs sur deux travées et une abside
accostée d'absidioles au fond des bas-côtés du
chœur. C'est le plan roman le plus commun en
France:une grosse tour-lanterne couvre lacroisée;
deux minces tourelles flanquent le pignon occi-
dental selon l'usage local. Les bas-côtés sont
voûtés d'arêtes ; la charpente de la nef cen-
trale était primitivement apparente. Néanmoins
sur l'avant-chœur, l'architecte a risqué des voûtes
d'arêtes romanes barlongues. Les croisillons ont
des tribunes, destinées aux expositions de reli-
ques, selon l'habitude normande. Les voûtes du
XIIIe siècle ont pu être bandées sans arcs-bou-
tants ; l'architecte normand, qui semble avoir
prévu les voûtes de l'avenir, avait donné aux
murs goutterots une épaisseur suffisante.
L'extérieur offre la noble simplicité des façades
romanes normandes. L'accent décoratif est porté
sur les nombreuses voussures concentriques des
porches, garnies de frettes crénelées, de dents de
scie, etc. La tour centrale, avec sa flèche en char-
pente, est une des plus belles de Normandie.
A l'intérieur notons le cintre en fer à cheval
à l'entrée de l'abside. Aux voûtes des nefs les
doubleaux sont en tiers point. Les moulures tori-
ques abondent, et en cela l'édifice est en avance
sur son époque. Les modillons des corniches de
Boscherville, que M. Besnard s'est plu à dessiner,
sont remarquables de variété et de verve. Plus
importante encore est la série de vignettes figu-
rant les principaux chapiteaux ; ils sont à nattes,
à entrelacs simples ou perlés, à dessins géomé-
triques, striés, à ornements flabelliformes ; les
plus abondants sont à feuillages ou historiés, tel
le célèbre chapiteau du frappeur de monnaie.
La salle capitulaire est un joyau d'art de la
transition. M. Besnard la date de 1200 environ.
Les salles capitulaires du moyen âge consis-
taient régulièrement en une pièce rectangulaire
tournant son grand axe dans le sens perpendicu-
laire à l'église, et couverte de voûtes à six travées
posées sur deux colonnes. Or, dans la province
ecclésiastique de Rouen, l'axe étant parallèle à
celui de l'église, les piliers sont supprimés ; la
salle prend l'allure d'une chapelle accolée à
l'église. L'entrée est à trois baies majestueuses ;
une de porte, deux de fenêtre enrichies dans la
profondeur du mur d'une riche multiplicité de
lignes bien normande. Les arcades sont rempla-
cées par des voûtes sixpartites à nervures et leur
retombée pose sur trente colonnettes ingénieu-
sement groupées, le tout couvert d'un abondant
décor géométrique rehaussé de superbes chapi-
teaux, et au surplus ordonné avec un fier dédain
de la symétrie.
Du cloître contemporain de la salle capitulaire,
on garde quelques vestiges des riches chapiteaux,
parmi lesquels figure le très célèbre chapiteau
des musiciens faisant danser une jongleresse (*).
Nous laissons de côté les développements
purement historiques que comporte cette mono-
graphie, faite par un maître, et qui est l'une des
meilleures que l'on ait consacrées aux monu-
ments de moyen âge.
L. Cloquet.
©értolitques.
L'AMI DES MONUMENTS ET DES ARTS,
sous la direction de Ch. Normand, n° 72.
A noter une notice de M. A. Darcel sur les
restaurations de N.-D. de Paris jusqu'à 1862.
C'est le XVIIIe siècle qui entre tous s'est montré
le plus impitoyable et N.-D. de Paris eut à s'en
plaindre cruellement ; il lui infligea notamment
l'opération pratiquée par Soufflot sur sa grande
porte centrale ; un concours fut ouvert en 1845
pour la restauration.
Elle fut dirigée par Lassus jusqu'en 1857, puis
par Viollet-le-Duc. Ce sont ces restaurations
dont M. Darcel fait le brief historique.
M. Ch. Normand exhibe d'intéressants dessins
de l'église disparue de Saint-Étienne-du-Mont
provenant du cabinet de Rondelet.
L ' Illustrazione italiana du 30 juillet 1899 a
publié un intéressant article de M. Franc. Mala-
guzzi, / restauri di Ravenna, sur les travaux de
restauration exécutés depuis 1 897 dans les églises
de Ravenne sous la direction de M. le docteur
Corrado Ricci. Treize vignettes accompagnent
cet article, onze similigravures d'après des photo-
graphies et deux clichés d'après les dessins de
M. Pazzini. On remarquera surtout l'ancien
autel majeur de Saint-Vital, table d'albâtre cé-
lèbre dans les annales du lieu et retrouvée par
M. Ricci dans un autel de style baroque du
XVIIe siècle, et trois remarquables sarcophages;
celui de l'archevêque Théodore, un autre du
cinquième siècle, présentant sur la face un curieux
décor architectonique, un troisième enfin, du
VIe siècle, tous trois dans l'église Saint-Apol-
linaire in Classe. Il est peu de revues illustrées
qui fassent une aussi grande part aux choses de
l'art que V Illustrazione italiana.
H. Chabeuf.
1. Ayant visité ces jours l'église de Boscherville, nous y avons
cherché en vain les célèbres chapiteaux historiés de lajongleresse et
des musiciens : ils sont sans doute disposés dans un musée.
KEVUE DE L'AKT CHKETIEN.
189g. — 5me LIVRAISON
45°
ftrtnte tje r&rt chrétien.
ïn&ejr bibliographique. |
archéologie etBeaur ^rts0.
JFrancc.
* Besnard (A.). — Monographie de l'église
ET DE L'ABBAYE St-CiEORGES DE BOSCHERVILLE. —
Beau vol. in-4°, de 347 pag., 97 gravures dans le texte,
12 planches noires et coloriées hors texte. Paris,
Lechevalier, 1899. Prix : 20 fr.
Delaage (L'abbé A.). — La chapelle française
DÉDIÉE A SAINT LOUIS DANS LA BASILIQUE DE LO-
RElïE. — Paris, 1899.
De la Croix (Le R. P.). — Fouilles archéolo-
giques DE L'ABBAYE DE St-MaUR DE GLANFEUIL
(Maine-et-Loire), en 189899, d'après des textes
anciens. — 23 pp. in-4°, pi. et photo. Paris. A Picard.
Duchesne (L'abbé L .). — Origines du culte
chrétien. Étude sur la liturgie latine avant
Charlemagne. — 2e édition. Paris, 1898.
* Enlart (M. C). — L'Art gothique et la Re-
naissance en Chypre. — 2 vol. in-8°; xxxn-756 pag.,
avec 34 pi. et 421 fig. Paris, Leroux.
Grébauval (Arnaud). — Au pays Casin (des
Alpes au Vésuve.) — Paris, 1899.
* Gosset (A.). — Sainte-Clotilde de Reims,
monument du centenaire (1496-1896). — In-40 et 5
pi. en phototypie. Reims, Michaud, 1899.
* Hannesse (L'abbé Al.). — Notice sur l'abbé
Charles Cerf, chanoine de l'Église métropolitaine
de Reims, membre de l'Académie nationale de Reims,
1824-1898. -- In-8° de 53 pag., avec 2 portraits.
Reims, Monce, 1899.
I. Les ouvrages marqués d'un astérisque (*) ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
* Jouy (Le chanoine). — Ecce Homo de la
cathédrale de Meaux. — In-8° de 5 pages, avec
3 vignettes. Meaux, 1899.
* Le même. — S. Antoine le grand et sa
statue, a Ocquerre (Seine et Marne). — In-8° de
4 pages, avec une vignette et une phototypie. Meaux,
1899.
Poinssot (Louis). — Note sur une statue de
St Jean - Baptiste, découverte, en 1898, dans
l'église de Rouvres. — 14 pp. gr. in-8°. Paris, Le-
roux, 1899.
* Rouleaux d'Exultet. — P. Latil, religieux
bénédictin du Mont-Cassin, 1899.
Roman (Joseph). — Notre-Dame d'Embrun et
San-Zeno de Vérone, dans Bulletin de la Société
d'étude des Hautes Alpes, icr trimestre 1899.
Shopfer (Jean).
Paris, 1889.
Voyage idéal en Italie. —
Allemagne.
Stiehl (O.). — Der Backstein Romanischer
Zeit besonders in Ober Italien und Nord
Deutschland. — In-fol. 94 pp., 27 pi., 113 fig. Leip-
sig, 1898.
Van Dijk. -
Londres, 1899.
Angleterre. — ==
Translated by Campbel Dogson.
= Italie. _=^
Carratelli (Don Paolo). — Un cimelio della
CATTEDRALE Dl PlENZA, OSSIA IL CELEBRE PIVIALE Dl
Pio II. — Firenze, 1899.
Melani (A.). — Manuale di scultura italiana
antica e moderna. — Milano, 1899.
Pesciolini (V.). — Feste centenarie in San
Gimignano. — Sienna, 1899.
TBelgiojie.
Pholien (F). — La verrerie au pays de Liège.
— Gr. in-8°, 200 pp. nomb. grav. Liège, Benard, rue
Lambert le Bègue, 13.
t^ ^ ^ :^ aflfc, «afe :^ -^, ^, sflfe ^ >^, ^ ^, :^ *& S& ^ ^ :^:^ ^ «& *& *&
«S
$
*
^rt)rOntC)UC« SOMMAIRE: CONGRÈS: Boulogne, Kiew, Gilde de St-Thomas et
de St-Luc. — MONT ST-MICHEL. — RESTAURATIONS: cathédrale de Rouen ; église de
Lobbes, de Flobecq, tour Saint-Jacques à Anvers, Chemin de Croix à Gand, etc. ; COM-
MISSION ROYALE DES MONUMENTS DE BELGIQUE. — EXPOSITIONS: Exposition
rétrospective de Bayeux, Exposition d'Art chrétien à Bruxelles. — NOUVELLES.
ffWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWf^
Congrès.
L' Archéologie au Congrès de Boulogne. — Une
heureuse innovation a marqué le Congrès parti-
culièrement réussi que Y Association française pour
l'avancement des sciences a tenu cette année à
Boulogne. Encouragée par l'essai fait au Congrès
de Saint-Étienne où l'on eut la primeur du beau
travail de MM. F. et N. Thiollier sur les monu-
ments du département de la Loire, l'Association
s'était adjoint une Section d'archéologie et d'his-
toire qui a donné du premier coup d'excellents
résultats.
La présidence de cette section a été confiée
à notre collaborateur M.Camille Enlart, membre
résident de la Société des Antiquaires de France,
avec, pour présidents d'honneur, deux membres
de l'Institut, MM. Cagnat et Hamy, et pour
secrétaires, deux érudits connus par leurs tra-
vaux sur l'histoire de Boulogne, M. Alph.
Lefebvre et Henri Mois. Parmi les érudits qui
ont honoré de leur adhésion la section du Con-
grès de Boulogne, citons encore M. le comte de
Marsy, directeur de la Société Française d'Ar-
chéologie ; M. Edgar Mareuse, M. V. J. Vaillant,
M. Arthur de Rosny, M. Balner, conservateur au
South-Kensington Muséum; M. Chavanon, archi-
viste du département; MM. G. Digard et L. Mirot,
anciens membres de l'Ecole de Rome ; MM. R.
Richebé et Deslanders, archivistes paléographes,
M1,e Marie Bengesco ; MM. Macqueron, Justin
Deschamps de Pas, Lecesne, Barbier, le chanoine
Joncquel, le comte G. de Lhomel, R. Rodière,
délégués de diverses sociétés savantes. La presse
parisienne était représentée par MM. Lardeur de
la Vérité et H. Bourgery de \' Estafette.
Parmi les communications faites au Congrès,
il faut signaler les études magistrales de M. B.
Cagnat sur Carausius, Round sur Boulogne et
l'Angleterre au XIIe siècle, Hamy sur le Bou-
logne romain, V. J. Vaillant sur une question de
balistique du moyen âge ; la monographie du
château de Douvres par M. Palmer, celle de
l'église de Daunes par M. Rodière ; celle du
temple d'Estrielles par M. A. Lefebvre ; les mé-
moires de M. Chavanon sur le port de Calais au
XIVe s. et de M. Mirot sur le mariage d'Isabelle
de France. Mgr X. Barbier de Montault avait
adressé un inventaire inédit ; Mlle Bengesco a
traité des boiseries du XVIIIe siècle au Boulon-
nais ; le comte de Lhomel a prouvé que les
poteries dites de Sorrus doivent être attribuées
à Montreuil et à des familles d'artistes dont
il a restitué l'histoire ; M. C. Enlart a donné
au Congrès la primeur de son rapport sur les
fouilles très fructueuses entreprises par M. de
Bayenghe sous sa direction dans les ruines de
la cathédrale de Thérouanne.
Le Congrès a visité les monuments de Bou-
logne et des environs, de Montreuil et de Calais ;
il a fait deux excursions à Douvres et à Cantor-
bery sur l'invitation gracieuse et cordiale de
V Association britannique, et une excursion finale
de trois jours a mené les congressistes à Arras,
Douai, Saint-Omer, Bergues et Dunkerque. Par-
tout les Sociétés savantes et les municipalités
leur ont fait le plus charmant accueil, et ils se
sont séparés profondément satisfaits de ces dix
journées si bien employées. La ville de Boulogne
a offert à chacun des membres du Congrès deux
magnifiques volumes illustrés contenant toute
l'histoire et la description du Boulogne ancien et
moderne rédigés par un groupe de spécialistes,
tous compétents et appartenant tous au pays. On
ne saurait assez louer l'accueil qu'elle a fait à ses
hôtes savants et applaudir aux résultats du Con-
grès en général, de la section d'archéologie en
particulier. Espérons que les sciences historiques
continueront d'avoir leur place dans les Congrès
de \' Association française.
Le Congres russe d' Archéologie a tenu à Kiew
sa i Ie session. Les séances ont eu lieu à l'Univer-
sité impériale Saint-Wladimir.
Ces assises scientifiques ont été solennellement
ouvertes le 13 août par M. Véliaminof-Zornoff,
curateur de l'Université, en présence d'un grand
nombre d'archéologues; le baron de Baye, dé-
légué de la Société nationale des antiquaires,
représentait la France.
Le professeur Antovitch a réuni à l'Université
de Kiew, dans les salons qui précèdent la salle
du Congrès, une importante exposition d'anti-
quités locales.
— i®î » i@<—
Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc. —
Excursion en Anjou. — Nous rendons compte plus
haut de l'excursion des archéologues et artistes
chrétiens de Belgique dans le Maine, l'Anjou et
45 2
3&cbut ïic P&rt cbrétten.
la Touraine. Nous trouvons dans la Semaine reli-
gieuse d'Angers une intéressante relation de leur
passage à Angers, due à la plume de M. l'abbé
Houdebine. Il raconte d'abord les journées du 7
et du S septembre, dont nous avons suffisamment
parlé; nous complétons notre compte rendu en
lui empruntant les lignes suivantes consacrées à
la journée du 9.
Le 9 septembre, après avoir visité, sous la savante et
aimable direction de M. le chanoine Urseau, les restes de
la collégiale de Saint-Martin, les cloîtres, la porte du
réfectoire et la tour de la vieille abbaye de Saint-Aubin,
MM. de la Gilde de Saint-Luc et de Saint-Thomas disaient
adieu à la ville des fleurs. A 10 heures, le train les con-
duisait à travers le val de la Loire, le long de cette digue
qu'admirait déjà, en 1 199, saint Hugues d'Avallon, évêque
de Lincoln, avec son cortège de chanoines et de clercs.
Des voitures les transportèrent ensuite à travers de jolis
paysages, des Rosiers à Gennes et à Cunault. L'église
prieurale, dédiée à Notre-Dame, fut admirée de tous.
C'était, parmi nos amis, à qui dessinerait à la hâte les cu-
riosités de l'édifice, les détails de son architecture, la
châsse de saint Maxenseul, la tribune des expositions, le
chasublier du XIVe siècle, les curieuses peintures. La
vieille église est aujourd'hui bien délaissée, les pèlerins
n'y viennent plus en foules adorer Dieu et prier Notre-
Dame. Quelques instants consacrés à l'église de Trêves,
au prieuré de Saint-Macé, aux ruines de Saint- Florent-le-
Jeune, un voyage rapide à travers les rues de Saumur, et
ce fut fini : il fallut se séparer. A 6 h. 1/2, les excursion-
nistes prenaient le train de Tours, la ville de saint Martin,
le grand thaumaturge des Gaules.
Ils emportaient le souvenir d'un beau pays, où le passé
a laissé des traces nombreuses d'un goût parfait pour les
arts. L'Anjou, sous le régime des Plantagenets et des
« Fleurs de lys », eut ses maîtres maçons, ses artistes de
génie. Ils cherchèrent à résoudre, à leur façon, les grands
problèmes qui faisaient le désespoir de leurs collègues sut
les chantiers de l'Ile-de-France, delà Flandre, du Brabant
et du Pays de Liège. Angers était un centre artistique des
plus actifs; la Doutre, la Ville et la Cité voyaient s'élever,
comme par enchantement, de merveilleux monuments,
aujourd'hui encore notre orgueil et notre gloire. Le reste
de la terre angevine imitait sacapitale. Abbayes et prieurés,
barons et paysans, riches et pauvres apportaient aux bâtis-
seurs leur or et leurs bras.
Ces constructions qui, au temps jadis, surgissaient de
notre sol comme sous la baguette d'une fée, prenaient les
aspects les plus variés : elles répondaient, dans chacune
de leurs parties, aux ressources de ceux qui les bâtis-
saient, à l'usage qu'on en voulait faire. Ainsi « la grant
salle » de l'Evêché avait la forme d'un tau, comme il
convenait aux nombreux invités qui s'y pressaient, les
jours « defestages », autour de la table de.l'Evêque ('). La
tour Saint-Aubin s'élevait grandiose et élégante, grâce aux
ouvertures de ses clochetons, comme le symbole de la
puissance d'une riche abbaye bénédictine. La salle Saint-
Jean, avec ses annexes merveilleuses, c'était le palais con-
sacré par la charité de nos pères à « nos Seigneurs les
Pauvres » ; l'église de Cunault, riche de l'aumône des
pèlerins, ouvrait ses larges nefs aux foules qui s'y pres-
saient, certains jours de l'année, autour de la statue de
Notre-Dame. Le chœur de Saint-Serge, voilà le monu-
ment que l'on rêve encore pour les fils de saint Benoît
occupés à chanter tous les jours la gloire de Dieu et à
mettre au service du Créateur toutes les ressources des
arts. Une petite église, comme celles de Trêves et de
[.Nous avons publié une notice de M. d<: Karcy sur cette intéres-
sante salle (année 1898, p. 202).
Saint-Macé, était une œuvre d'art aussi bien que la riche
cathédrale, la splendide abbatiale. — La plus grande
liberté existait pour les architectes, les peintres et les
sculpteurs. Il n'y a pas en Anjou deux édifices du XI Ie ou
du XIIIe siècle qui se ressemblent, au point de vue du
plan, de l'élévation, des profils, des sculptures et des pein-
tures.
Nos amis de Belgique avaient vu bien des merveilles à
Chartres et au Mans, ils trouvèrent encore, en Anjou, des
monuments à admirer. C'est qu'autrefois, chaque province
formait un monde original. On n'était point, comme au-
jourd'hui, à la remorque de Paris ; l'initiative privée était
plus grande que maintenant, la vie provinciale était par-
tout active, débordante ; chaque province formait un petit
monde dans le beau pays de France.
Nous aurions voulu garder plus longtemps parmi nous
de si aimables visiteurs, jouir du charme de leur présence
et de leurs conversations. Il nous restera du moins un
agréable souvenir de leur présence. Nous nous rappelle-
rons leur touchante piété. Plus d'une personne à Angers
a dû s'étonner de voir, le 8 septembre, à la cathédrale et
dans les chapelles de la ville, ces étrangers s'approcher de
la Table sainte. Comme les grands artistes d'autrefois,
frère Hugo d'Oignies, Fia Angelico, les membres de la
Gilde de Saint-Luc et de Saint-Thomas ont à cœur de
prouver par leur vie que tout ce qu'ils sont ils le doivent
à leur profonde et sincère piété. Pour eux, le maître de
tous les actes, l'idéal de ceux qui veulent réaliser le beau,
c'est Dieu. « Connaître Dieu, disait un jour l'un deux,
« M. le député Helleputte, c'est tout connaître, aimer Dieu,
« c'est aimer lotit ce qui est noble, tout ce qui est grand. »
Nous garderons encore le souvenir de leur confraternité
touchante. Trop souvent, chez nous, même parmi les
catholiques, une certaine morgue sépare les hautes classes
des masses populaires. Ainsi l'on ne fait point tout le bien
qu'on voudrait. L'union fait la force. Fidèles à la devise
de leur pays, les membres delà Gilde de Saint-Luc et de
Saint-Thomas ne forment qu'une grande famille. Person-
nages de l'aristocratie, députés, sénateurs, riches indus-
triels, prêtres, artisans, tous ont confiance les uns dans
les autres ; la plus franche cordialité ne cesse d'exister
dans tous leurs rapports.
Puissions-nous profiter de leurs exemples, pratiquer
leurs vertus sociales et privées, aimer nos monuments
comme ils aiment ceux de leur pays. Les richesses artis-
tiques que nous ont léguées nos pères, que les étrangers
nous envient, nous les gaspillons tous les jours. La tour
Saint-Aubin s'en va en morceaux; les greniers Saint-Jean
menacent ruine. Comme il serait à souhaiter que la muni-
cipalité angevine prit enfin en considération la situation
de ces deux édifices ! Les monuments dans une cité tout
comme les meubles dans un appartement sont un orne-
ment, ils ont aussi leur utilité pratique. Il serait intéres-
sant d'installer dans la tour Saint-Aubin, restaurée et
dégagée, une belle horloge municipale avec carillon,
comme en possèdent les villes de Flandre et d'Angleterre
ou comme celui de Levallois- Perret. Quelle belle annexe
pour le Musée archéologique que nos greniers Saint-Jean
restaurés, au milieu d'un jardin public ! Nous laissons
nos monuments anciens s'en aller en miettes, nous laissons
la réalité pour aller aux chimères. Mettons de côté ce goût
des choses exotiques, qui ne conviennent ni à notre
climat, ni à notre génie national. Comme les étrangers le
font chez eux, inspirons-nous, en Anjou, de ce qui est
notre patrimoine artistique, de touscesmonuments, grands
ou petits, qui ont donné à notre région tant de cachet et
une si grande originalité !
T.-L. Houdebine,
prêtre.
(Extrait de la Semaine religieuse du diocèse d Angers.)
Chronique
453
Uc ffîont Saint flaicîjel
N correspondant, bien connu de nos
lecteurs, qui signe André Arnoult au
Journal d 'Art, pousse un cri d'alarme
« Le Mont Saint-Michel est menacé,
le Mont Saint-Michel est atteint :
« Au point de vue artistique, la levée longue de 1,930
mètres, qui prolonge jusqu'au Mont la route de Pontor-
son, est déjà une chose très fâcheuse ; l'aspect d'isole-
ment qu'offrait la sainte montagne surgissant de sa lagune
grisâtre est irrémissiblement perdu. Toutefois, cette digue
présente en soi certains avantages matériels qui per-
mettent de plaider, non l'acquittement, h coup sûr, mais
les circonstances atténuantes en faveur de MM. des ponts
et chaussées. Tandis que dans la saison quelques cen-
taines de voyageurs se succédaient au Saint-Michel, on
les compte maintenant par milliers et leur nombre s'ac-
croît chaque année. La facilité d'accès et de ravitaillement
n'est pas un facteur négligeable ; néanmoins, ayant tou-
jours eu cette idée que rien n'était plus respectable, plus
utile que le beau, je regrette fort l'existence de la digue de
1880. Mais, comme on ne la détruira pas, n'en parlons
plus.
« Seulement, le plus simple bon sens, le souci le plus
élémentaire de la dignité et de la conservation des
vieilles murailles, commandaient qu'on ne poussât pas la
chaussée jusqu'au pied de celles-ci. Or, on l'a fait, et elle
vient donner un coup de bélier dans la courtine d'enceinte,
entre deux tours assez voisines pour induire MM. des
ponts et chaussées en tentation d'y pratiquer une porte.
Ici, j'espère bien que la Commission des monuments
historiques mettra le holà ; mais quand il s'agit de faire
quelque chose de laid et de commode, on est terriblement
fort.
« On se demande, en effet, pourquoi la levée va butter
ainsi contre les murailles si l'on n'a pas contre celles-ci
des desseins ténébreux et jusqu'aujourd'hui inavoués.
L'accès de la porte unique du bourg, est, pour les piétons,
par une passerelle; pour les voitures, par une rampe déta-
chée de la digue et conduisant à la grève ; celle-ci, il est
vrai, accessible seulement à marée basse ; mais ce mo-
ment-là dure à peu près dix huit heures par jour. Eh bien!
pourquoi ne pas couper la digue sur une longueur de
200 mètres avant les remparts, de manière à restituer au
Mont cet isolement inséparable de sa beauté, qu'a détruit
notre époque ? Ce serait un jeu pour nos ingénieurs d'ima-
giner un engin d'accès, dussent-ils ne rien inventer et
nous donner une réédition du pont glissant de Saint-
Malo.
« Mais l'urgent est de sauver les murs de granit qui,
depuis des siècles, ont subi, inébranlés, les assauts des
Anglais, et ceux plus formidables des terribles et rapides
marées de la baie. La clameur d'alarme est universelle ;
refoulé violemment par l'obstacle au lieu d'envelopper le
Mont, le flot bat avec une force irrésistible les tours et
les courtines. Aux grandes marées d'équinoxe, aux coups
de vent du Nord en hiver, le spectacle doit être terrifiant
et fort beau. Mais on ne joue pas impunément avec les
puissances de la mer, et celles-ci feraient crouler à la
longue les Pyramides. La coupure de la digue s'impose
donc impérieusement, et j'ajoute qu'il n'est que temps.
i Par-dessus le marché, on médite de pousser un em-
branchement ferré de Pontorson au Mont ! Voyez-vous
une gare avec ses organes et ses fumées se carrant au
pied des remparts ? Et si, comme à Vitré, on avait l'idée
triomphante de nous donner une gare moyen-âge, ce
serait le comble.
« Et ce n'est pas tout, d'autres digues sont à l'étude pour
joindre à l'Est et à l'Ouest le Saint-Michel à la terre
ferme ; ainsi la mer n'arriverait plus au Mont qu'au Nord,
du côté de la pente boisée que couronne cet entassement
de lo<ns, couvent, forteresse et palais, la Merveille, comme
la nomme depuis plus de six cents ans l'admiration des
hommes. Si ce projet dont plusieurs variantes sont à
l'étude, est réalisé sous une forme quelconque, le XIXe
siècle pourra se vanter d'avoir fait ou préparé l'amoin-
drissement irrévocable d'une des plus belles choses monu-
mentales qui soient en Europe. Serons-nous donc toujours
les premiers artistes du monde dans les petites choses et
perdrons-nous notre vertu quand il s'agit des grandes ?
« Pourquoi ne pas laisser agir les forces lentes de la na-
ture ? Jusqu'à l'an 709 après ].-C, le golfe était beaucoup
plus rétréci qu'il ne l'est de nos jours. Jersey, Aurigny, les
îles Chaussey s'unissaient à la terre du Cotentin ; les îlots
des Minquiers formaient une masse compacte deux ou
trois fois plus grande que Jersey ; de nombreux villages
dont on sait les noms étaient répandus çà et là ; l'épaisse
forêt de Scissy remplissait l'anse où s'élevaient, inhabités,
le Saint-Michel et Tombelaine ; enfin une voie romaine
partait de Rennes se dirigeant vers Granville à travers la
grève. En mars de cette année 709, un tremblement de
terre accompagné sans doute d'une terrible marée, donna
aux côtes et aux îles la forme qu'elles présentent depuis
près de douze siècles ; les villages, la forêt furent balayés
par le flot et seul l'inébranlable granit du Saint-Michel
demeura debout avec Tombelaine. Le 9 janvier 1755, des
troncs d'arbres et des vestiges d'un village, Saint-Étienne-
de-Paluel, furent retrouvés ensevelis : en 1892, à 3 m. 30
de profondeur, on mit pour un instant au jour sous ces
boues épaisses et fertiles que l'on appelle noblement les
sables du Mont Saint-Michel, un tronçon de la voie
romaine qui était pavée en diorite.Eh bien, ce que la mer
a conquis un jour, la terre, le véritable élément mobile
dans la nature, le reprend ; la grève s'exhausse lentement;
qu'on la laisse faire.
« Et si l'on a la très louable ambition de conquérir
quelque part un nouveau domaine sur la mer, n'existe-t-il
pas entre Montpellier et Perpignan des étangs pestilen-
tiels, couvrant des milliers d'hectares et qui offrent un
champ presque infini à l'art de l'ingénieur et de l'agri-
culteur ? »
ïlcstautations.
Rouen. — L'œuvre de la restauration du su-
perbe portail de la cathédrale inauguré grâce à
l'initiative du regretté cardinal Sourriaud, marche
activement et peut-être trop activement s'il faut
en croire M. B. Chartraine.
Pourquoi faut-il constater, une fois de plus, ainsi s'ex-
prime ce dernier ('), que nos restaurateurs officiels, même
les plus éminents, et Viollet-le-Duc à leur tête, ne bornent
pas leur rôle à remettre en l'état où nous les ont légués
nos grands ancêtres, les monuments confiés à leurs soins ?
Ils n'ont pas le respect pieux de l'œuvre telle qu'elle est
partie du passé, même dans ce qu'ils peuvent estimer ses
erreurs. Leurs arrière-neveux leur rendront, espérons-le,
la pareille avec d'autant plus d'entrain que nos matériaux
actuels, atteints de nous ne savons quelle dégénérescence,
n'ont ni la résistance ni la solidité des pierres de jadis.
1. Journal des Arts, 10 août 1899.
454
Brime fce Part chrétien.
Toujours est-il que nos architectes diocésains — dont
nous n'entendons certes contester ni le mérite ni la science
— paraissent « vouloir rétablir les édifices dans leur plan
<S primitif, tels qu'ils avaient été ou tels qu'ils auraient dû
« être à l'origine, sans souci de respecter tout ce que les
« siècles avaient ajouté peu à peu à une église, à une ab-
« baye, à un château. Faire disparaître les anachronismes
« et ramener un édifice à son unité première.nous semblent
« une barbarie scientifique aussi redoutable que celle de
« l'ignorance».
L'œuvre «architecturale» ne doit-elle pas être l'objet
d'une vénération égale à celle de l'œuvre « écrite » de nos
grands auteurs ? Viendrait-il jamais à la pensée d'un édi-
teur actuel de Rabelais ou de Corneille de modifier, au
gré de son savoir actuel et de sa conception personnelle,
quelque passage de Gargantua ou du Cid ?
Le même critique déplore le délabrement et
l'abandon de l'église Saint-Laurent, dont la des-
truction — probable, à la suite de son achat, il
y a quelques années, par un notaire rouennais —
causa si grand tapage.
« Que deviendra-t-elle ? Pour éviter cette destruction
— qui n'eût point été peut-être si complète, car l'acqué-
reur, homme de goût... autant que de ressources, eût dû,
tout en l'appropriant à son usage, en respecter la tour et
les parties essentielles — on eut recours à l'expropriation
publique et l'heureux notaire récolta, si nous avons bonne
mémoire, une cinquantaine de mille francs dans cette
opération.
« Et depuis lors, la vieille église, ballottée, si l'on peut
dire, entre l'État et la Ville, reste inutilisée — ce qui serait
un médiocre mal — mais inentretenue — ce qui est dé-
plorable ; c'est à qui, de ces deux « collectivités », se
désintéressera de la question ; en attendant les ogives,
les corniches, les gargouilles, les aiguilles de Saint-Lau-
rent sèment sur le pavé municipal leurs larmes de pierre.
Oui les réparera ? l'État ou la Ville? Quelle énigme ! La
Ville ou l'État ? Ne soyons pas trop injustes cependant.il
y a un an, celui-ci s'est décidé a refaire en belles ardoises
neuves la toiture à peu près tout entière disparue. »
— *©* i®i—
Lobbes. — Des équipes d'ouvriers sont actuel-
lement occupés à la restauration complète de la
vieille église paroissiale de Lobbes, dédiée à
saint Ursmer. Ce travail, qui coûtera environ
80,000 francs, nécessitera le placement de quatre
nouveaux autels et d'une nouvelle chaire de
vérité, conçus dans le caractère architectural de
l'église.
Celle-ci est un des monuments les plus impor-
tants du pays, tant au point de vue de son aspect
architectonique qu'au point de vue historique ;
elle fut bâtie en 1077 et constitue un spécimen
remarquable du style roman primitif. L'église a
une crypte précieusement conservée où se trou-
vent les sarcophages de saint Ursmer, de saint
Ermin, de saint Hydulphe et de saint Abel,
archevêque de Reims.
Jadis, l'église desservait la célèbre abbaye de
Lobbes, fondée au VIIe siècle par saint Lan-
delin, et qui devint, grâce à de riches donations,
une des plus opulentes de la Belgique. Mais pen-
dant les troubles politiques, l'abbaye fut détruite
et pillée maintefois, Aujourd'hui, il ne reste plus
que les vastes bâtiments de la ferme, le moulin
et la brasserie, formant un quadrilatère imposant
sur la rive gauche de la Sambre, en face de la
gare.
r-*@i ■■ l®t-
ON est occupé à restaurer l'ancienne et belle
église de Flobecq dans laquelle quatre vi-
traux en style du XVe siècle viennent d'être
placés représentant : i° la Ste Famille, 2° la Plaie
du côté de Notre-Seigneur ; 30 et 40 les quatre
Évangélistes, surmontés dans les tympans par
des anges volants, suivant les traditions des
anciens. Les vitraux du chœur sont de Messieurs
Comère et Capronnier, à Bruxelles.
-«3<— — *£H—
D'IMPORTANTS travaux de restauration
s'exécutent à la tour de Saint-Jacques à
Anvers. Il y aurait lieu d'en profiter pour dégager
l'édifice des masures qui y sont accolées et le
défigurent L'intérieur est encore déshonoré par
le badigeon ; ne le verrons-nous pas sauvé de
cet opprobre ?
— *©t— -J©t-
ENCORE une croix triomphale à remettre
en place ou du moins à restaurer, à Appel-
terre (Belgique). La croix elle-même n'existe
plus, mais on conserve les statues de la Ste Vierge
et de S. Jean. Puissions-nous les voir remonter à
leur place d'honneur.
M. Bressers de Gand s'occupe actuellement de
décorer de peintures murales la belle église de
Dadizeele.
M. J. Osterrath a peint récemment de beaux
vitraux dans l'église de Sluze, et l'on a orné
l'Hôtel de Ville de Binche de vitraux de style
exécutés par J. Casier de Gand.
L'église de Saint-Martin à Saint-Trond pos-
sède une très intéressante Vierge en bois ( Scdes
sapientiae), d'un caractère roman. On espère la
voir restaurer et polychromer avec soin.
-*©<—» -4©i-
La Commission royale des monuments a tenu
son assemblée générale annuelle lundi après-
midi, dans la salle de Marbre du Palais des
Académies à Bruxelles, sous la présidence de
M. Charles Lagasse-de-Locht. M. le ministre de
la justice, MM. les gouverneurs des provinces
de Namur, de Liège, de la Flandre Orientale, du
Limbourg et beaucoup d'archéologues des diffé-
rentes provinces du pays, étaient présents.
Chronique.
455
M. A. Massaux, secrétaire, a donné lecture de
son rapport sur les travaux de la Commission
royale des monuments. Il a rendu hommage au
gouvernement, qui vient d'acquérir les ruines
historiques de Franchimont, et il a profité de
cette circonstance pour recommander à l'État les
superbes ruines d'Orval.
Les délégués des comités provinciaux ont
rendu compte des travaux accomplis par ces
divers comités durant le dernier exercice, et
M. le baron de Montpellier, gouverneur de la
province de Namur, a signalé à l'attention du
gouvernement l'ancienne église de Walcourt.
M. V. Dumortier, architecte provincial du
Brabant, a entretenu l'assemblée des progrès
accomplis depuis quelques années dans la res-
tauration des monuments. Il a recherché les
moyens à employer pour continuer à suivie la
même voie progressive, et, en terminant, il a pré-
conisé l'intervention du pouvoir central dans le
choix des architectes à qui l'on confie les restau-
rations.
On a fait remarquer à cet égard, que le Gou-
vernement est peu disposé à entrer dans cette
voie; les règlements de la Commission royale lui
interdisaient d'intervenir dans le choix des
architectes : celui-ci devant être réservé aux
Administrations dont dépendent les édifices à
restaurer.
M. le baron Bethune a fait une communication
très intéressante sur l'art du vitrail dont il a
résumé l'histoire, rappelant les colorations qui
caractérisent chaque époque et le caractère ico-
nographique des vitraux en général. L'orateur a
également parlé de la technique du peintre sur
verre et il a donné de curieux détails sur la
grisaille, le vitrail incolore et l'harmonie des
couleurs et des émaux.
Quelques paroles ont encore été prononcées
par M. H. Schuermans, et la séance a été levée
à 5 heures.
Grposition.
Exposition de Bayeux. — Pour la première fois
la Société des sciences, arts et belles-lettres de
Bayeux a organisé cette année, avec ses seules
ressources, dans l'ancien palais épiscopal, une ex-
position d'art contenant une partie rétrospective.
C'est dans la salle, dite du Faune, qu'on a in-
stallé cette dernière.
Les vieilles dentelles de Bayeux y ont leur
place naturelle. M. Callevats montre une bande
du guipure duchesse très fine du XVIIIe siècle,
destinée à un bonnet monté de dame du pays;
à côté, c'est une manche d'aube en point de
Venise du XVIIe siècle, avec entrelacs ajourés.
MM. G. Villers et Lefébure, de Paris, ont envoyé
de riches dentelles anciennes de Bayeux, ou en
point de Venise et d'Angleterre.
Une vitrine contient de vieux fichus normands.
M. G. Villers a envoyé une série de bijoux nor-
mands et des boutons en verroterie locale, en
usage à la fin du XVIIIe siècle.
Parmi les peintures, on remarque le portrait
du colonel Le Ménestrel des Granges et un por-
trait de femme attribués à de Troy.
Il convient aussi de mentionner un acte de
mariage du 10 février 1568; jolie enluminure,
ornée dans ses angles des figures des quatre
évangélistes fort bien peints.
Citons un lot de tabatières décorées générale-
ment de miniatures par Goubert, Hall, Robinet
et autres, ainsi qu'un drageoir en or ciselé et
émaillé de Louis XVI.
Parmi les meubles, il convient de signaler un
cabinet italien Louis XIII, en marqueterie, ap-
partenant à M. le marquis de Vologé ; et l'élégant
bureau Empire orné de cuivres, de M. R. de
Portalis; une viole curieuse fabriquée par un
luthier de Bayeux.
Parmi les faïences et porcelaines se trouvent
un grand plat rayonnant à décors bleus, style
Bérain, en faïence de Rouen ; un petit déjeûner
en vieux Bayeux, décor chinois; une assiette et
une tasse à thé polychrome.de la même fabrique
normande, qui a fonctionné jusqu'en 1860.
Une curieuse assiette en étain à festons
Louis XV, porte au centre le porc-épic royal avec
la devise; ce modèle ancien a été copié de nos
jours et se retrouve chez tous les brocanteurs.
UN Comité formé par la Direction à&Duren-
dal organise à Bruxelles, au Musée mo-
derne, que le Gouvernement a mis à sa disposition
à cet effet, une exposition d'art religieux.
Le Comité d'honneur est composé de Mme la
princesse de Caraman-Chimay; Mme de Denter-
ghem,dame d'honneur de S. M. la Reine; Mme la
comtesse de Hemricourt de Griinne, Grande
Maîtresse de la Maison de S. M. la Reine; la
marquise Pierre Imperiali; la comtesse Edouard
de Liedekerke.
MM. A. Beemaert, Ministre d'État, président
de la Chambre; le baron de Beeckman ; le mar-
quis de Beauffort, sénateur; Alexandre Braun,
ancien bâtonnier de l'ordre des avocats ; le baron
Goethals; G. Kurth, professeur à l'Université de
Liège ; Ch. Lagasse de Locht, président de la
Commission royale des Monuments; J. Lejeune,
ministre d'État; le baron de Moreau d'Andoy,
456
3Rcbuc lie rart cïjrétten.
ancien ministre; L. de Somzée, membre de la
Chambre des Représentants ; Valère-Mabille,
industriel; le chanoine Van den Gheyn, direc-
teur du collège St-Liévin de Gand ; Arthur Ver-
haegen, membre de la Députation permanente
de Gand.
Ko tm cil es.
M. Chardon, lieutenant d'artillerie, en garnison
au fort d'Estrées, près du cap Matifou (départe-
ment d'Alger), vient de découvrir l'emplacement
d'une basilique du IVe ou du Ve siècle.
Le sol de cette basilique est décoré d'une mo-
saïque offrant une superficie de près de cent
mètres, ornée d'inscriptions et de dessins.
— JCM— —KiM—
L'ARRANGEMENTentre le Gouvernement
italien et la famille Borghèse, pour l'acqui-
sition par l'État de la galerie et du musée de la
villa Borghèse, vient d'être signé. Le Gouver-
nement paiera 3 millions 600,000 lires en dix
annuités portées aux budgets de l'instruction pu-
blique et du Trésor. Le tableau du Titien, Amour
sacré et profane, a été évalué, à lui seul, à deux
millions et demi.
— t@t ■ l@t ■
CONTRAIREMENT aux dispositions de
l'édit Pacca, le prince Chigi, aurait, dit-on,
vendu à l'étranger, pour la somme de 300,000
francs, un tableau de Botticelli. Des explications
ayant été demandées au vendeur, celui-ci aurait
déclaré que l'acheteur avait pris l'engagement de
laisser le tableau en Italie. Toutefois celui-ci
ayant donné une fausse adresse, le ministre Bac-
celli aurait ordonné une enquête.
-*©*-— »©t-
DANS les fouilles pratiquées pour la conti-
nuation des travaux de la Cour d'appel au
Palais à Paris, on a trouvé divers fragments de
statues sans tète et quatre parties inférieures
de corps, qui semblent provenir des statues de
moines assis, et peuvent dater du XIIIe siècle.
M. Charles Sellier, estimant que ces débris de
sculpture méritent d'être conservés comme spé-
cimens d'une bonne époque, les a fait admettre
au musée Carnavalet.
-*©<— — i©t-
ON vient encore de découvrir, à Saint-Mau-
rice, l'abside d'une ancienne basilique ; c'est
la deuxième qu'on découvre cette année. Au-des-
sous du pavé des églises, construites à partir de
l'an IOOO, on peut voir maintenant trois absides
mises au jour par les travaux des fouilles.
ON annonce que le docteur Bredius, directeur
du Musée de La Haye, a découvert dans
l'église baptiste de Singel, à Amsterdam, un
tableau de Rembrandt : portrait d'un jeune
homme âgé d'environ vingt ans.
Cette toile aurait été peinte par l'illustre maître
vers 1632. M. Bredius en a offert 15,000 florins.
L. C.
Imprimé par Desclée, De Brouwer et O, Bruges.
SixiiiAiJijpnrTTTnjxxxu/jqiiMiiiiifTnrrtTrnTT^r^ciutxiMJinn n;miifP[„niiimiiuimn»Tifiipmiiuiuiuif;
Betoue lie
l'Hrt rftrétten
yauaistfant ton* les benr mofjEî.
42nie Hnnée. — 5e Série.
««<
(Conte X (xlviif de fa collection). 4<
6me lierais. — Ijotocm&re ^899.
E3
m
s
^PÎ5^^P??^?P^P?y^î^?5^?§^?^^^^
fflart|>re et sépulture lies fflacbabées (suite et en) o.
VI
UEL fut, après le VIe
siècle, le sort de la basi-
lique antiochienne con-
sacrée au culte des
Machabées et de leurs
restes, c'est, malgré la
pénurie des documents,
chose assez facile à déduire de certains faits
qu'on peut regarder historiquement établis.
Il est hors de doute, avant tout, que des
voyageurs visitèrent leurs tombeaux à An-
tioche au VIe siècle, peu après le tremble-
ment de terre qui causa tant de ruines dans
plusieurs villes de Phénicie, de Syrie et de
Palestine. D'après le témoignage de Théo-
phane, rapporté ci-dessus, si l'on en pouvait
garantir l'exactitude, il faudrait croire que
la catastrophe dont il s'agit n'eut pas lieu
avant 543. Mais ce témoignage, adopté
comme terme extrême, demeure, au point
de vue de la critique, sujet à de grandes
.1. V. la 1" part., p. 290 et la 2me part., p. 377, 1899.
réserves; soit parce que l'autorité de Théo-
phane, comme l'ont fait remarquer Goar (')
et Constant (2), quoique inattaquable dans
le Fond du récit historique,est très douteuse
en ce qui concerne la chronologie ; soit
parce qu'il est en contradiction avec d'autres
auteurs plus autorisés. Malala, en effet,
résumant l'époque de l'empereur Justinien,
reporte cet événement à l'indiction XIV,
qui correspond à 551. Avec non moins de
précision l'auteur contemporain des Fram-
menti storici tusculani, publiés par Mai (3),
hxe la date du terrible fléau le 6' jotir de
juillet de la quatorzième indiction, sous le
règne de Justinien, èm. t% (3acr.>,£ia; -où àu-zoû
ZÙ'ZS.fjZ'JVZXVJ Yl<7.to7 r>£T7TOT0'J, [A7|vl 'lotAîw £V T7)
rijjipa É'x-rj, tvoixTt.wv!, TEffTap'.a- xai Zzy.ô--i\. Aga-
thias, de son côté (4), auteur d'une histoire
1. Jac. Goarius, Notae ad Theoph. Chronoçr., Mio-rie
P. G., t. CVIII, p. 14.
2. P. Constant, De Vigilii Papae gestis, dans card.
Pitra, Analecta noviss. spicileg. Solesm. altéra continuât.,
pp. 425-427.
3. Spicilegium romanum, t. 11, part. III, fragm. iv,
pp. 1-28.
4. Agathiae scholast. Myrin, Historiar., lib. II, 15.
RBVUK DE LART CHRÉTIEN
iSgg. — 6me LIVRAISON.
458
3&et)ue t>e PiSrr chrétien*
contemporaine qui embrasse les événe-
ments des années 552-558 de notre ère,
plaçant le susdit tremblement de terre dans
ce laps de temps, corrige l'erreur de Théo-
phane, si tant est que l'année 543, assignée
par ce dernier, ne doive pas s'entendre,
d'après les Alexandrins, et commencer en
septembre 550. Dans tous les cas les tom-
beaux des Machabées existaient certaine-
ment à Antioche jusqu'en 551. A partir de
cette date, nous voyons disparaître la trace
non seulement des tombeaux, mais même
de la basilique érigée en leur honneur.
Il faut assurément chercher la cause de
ce fait dans les grands malheurs qui ame-
nèrent, sous Justinien, la ruine de l'an-
cienne métropole de l'Orient et la firent
disparaître entièrement pour donner place
à une ville nouvelle. Dans cette lugubre
catastrophe, les traces des anciens édifices
furent effacées au point que, s'il faut en
croire Procope ('), personne n'eût été ca-
pable de désigner la place qu'ils avaient
occupée. Les églises d'Antioche détruites
ou menaçant ruine (2), il n'y a donc pas
lieu de s'étonner que la basilique des Ma-
chabées ait eu le même sort, et que l'em-
pereur Justinien, avec le zèle qu'il apportait
au culte et à la translation des reliques des
saints, pour en orner la capitale de l'empire,
ait songé à y transporter leurs cendres.
Or cette hypothèse se trouve confirmée
par les faits : à partir de l'année 551, nous
avons, tant à Constantinople qu'à Rome,
1. Procope., De aedificiis Justiniani, il. 10.
2. Procope [De bello persico, lib. II, c. 10] affirme que,
lors de l'incendie de la ville, aucune église ne fut épargnée,
r, ;/:v ouv èxx).i)<jta, xaôatpEBeforiç '']; t.O.zm;, èXei'98») p-dvr).
— Malala [Ckronogr., lib. XVII, c. 620] est d'accord
avec lui quand il raconte que, toutes les autres ayant été
détruites, la grande église bâtie par Constantin resta seule
debout pendant deux jours, supportant le fléau de la colère
divine, r, ?à ;.i.Eyi/.r, h/./j.t^ij. 'Avxio^EÎaç r< x-CKTÔEÎtra Otto
Kiovotavtîvou t'/j MôfâXou fyaaiXétiii tt,; 0£O|j.ï)vkx<; ysyojj.évr,;
xal --j.T.in-1 -.z---<»/.' -.">•/ ;•.; ti ÊSatpoç èttt, èiti i)p.épo; B'. —
Cf. encore Georg. Cedren. ad. an. 6 Justiniani.
des preuves manifestes de cette translation.
De Saussy ('), sur la foi de documents qu'il
avait sans doute entre les mains, affirme
que les cendres des Machabées furent trans-
portées par Justinien à Constantinople, et
ce témoignage a dans l'histoire une coïnci-
dence qui le rend pleinement acceptable.
En effet, nous savons par le Chronicon
paschale, qu'en l'année 626, environ soixante
ans après la mort de Justinien, sous le règne
d'Héraclius, il existait à Constantinople, et
précisément dans le quartier des Sice, èv
Euxaîç, une église consacrée aux martyrs
Machabées (2). Or cet édifice n'était pas
antérieur à Justinien ; car les Suxai, figuiers,
qui formaient le treizième district de Con-
stantinople au delà du golfe, correspondant
au quartier actuel de Galata (3), reçurent
leur plus grand accroissement de cet empe-
reur, de sorte qu'ils prirent le nom de Sicae
justinianae (4), et de cité justinienne (5). Il
y éleva en effet de splendides monuments,
parmi lesquels on cite l'église de Sainte-
Irène, dont la dédicace se fit avec une
pompe royale sous le patriarche Menas, et
qui passa vers l'année 1303 aux Génois
établis à Galata (6). Mais l'ancien Plan ou
Description de Constantinople (7), opuscule
de la première moitié du Ve siècle, qui re-
1. Martyrolog. gallican, ad. diem I aug. — Cf. Sollier,
Acta SS. aug. ad diem 1'", § iv, p. 9 sq.
2. A propos de l'invasion des Perses, le Chronicon fait
mention de la vénérable église des saints Machabées aux
Sice, ■z'yj a£paa|juou dixou TOV àyi'iov Maxxapatojv èv Eoxaîç.
— Chron. pasch. ad an. 626. — Cf. Ducange. Constantino-
polis christiana, lib. IV, sect. IV, n. 20.
3. Cf. A. M. Belin, Histoire de la Latinité de Constan-
tinople, p. 124.
4. Ducange, /. <.., lib. I, 22.
5. Chronicon paschale, ad an. 528. — Stephan. Byzant.,
De urbibus, écrit : Suxal, ttoàh; àvxixpi zr^ via; 'A<t>p.i)C, i,
xaO' 'iM'i; 'louTtiviaval TipoffaYopeuôéïffa. — Malala appelle
le même quartier èv 'louanviavaïç. — Chronogr., lib. XVIII,
C 7^3-
6. Belin, /. c, p. 1, S. — Cf. encore Malala, /. c.
7. Descripiio urbis constantinopolitanae secundum qua-
tuordecim regioncs, Regio XIII.
£^artpre et sépulture Des ®ad)abées.
459
présente l'état de la ville avant les agran-
dissements du VIe, nous apprend que le
quartier des Figuiers ne possédait qu'une
seule église, ecclesiam, dédiée, semble-t-il, à
l'illustre martyre Thècle. Église ignorée
de Gyllius et de Ducange ("), dont le chro-
niqueur Ephrem nous a conservé le souve-
nir dans son catalogue en vers des Patriar-
ches de Constantinople, publié par Mai (2),
où il dit de Flavitas, qui succéda à Acacius
en 489, quêtant prêtre il était attaché au
temple de la martyre Thècle aux Sicé :
'Av/ip (I>),a[j'!Taç [j.âpTupoi; vaoO 0Ixàï)<;
Tû'j xaxa Suxaç o'.axei.|jt.svou Ç)ÙTf,<;.
L'église dédiée aux Machabées que nous
trouvons déjà existante dans le quartier
sicena au commencement du septième siècle,
ne peut donc avoir été bâtie que par Justi-
nien lui-même ou par ses successeurs im-
médiats (3), et trouve assurément sa raison
d'être dans la translation des reliques des
glorieux martyrs survenue après la ruine
de leur basilique antiochienne.
Un autre argument qui démontre d'une
manière plus pertinente encore que la trans-
lation des reliques des Machabées d'An-
tioche se fit après 551, nous est fourni fort
à propos par la tradition de l'Église romaine.
Son martyrologe, en rapportant aux ca-
lendes d'août, la mortdesMachabées, affirme
que leurs reliques furent transportées à
Rome et déposées dans la basilique eudo-
1. Gyllius, de Bosp. Trac, lib. II, c. 10 ; — Ducange,
/. c, lib. II, c. 22, p. 67.
2. Mai, Script, veter. nov. collect., v. 9741-9742.
3. Procope,dans son ouvrage <LDe aedificiis Justiniani>)
ne fait pas mention de l'église élevée aux Machabées aux
Sice ; mais comme il écrivait avant la mort de l'empereur,
on ne saurait rien inférer de son silence.Donc la construc-
tion de l'église doit être, ce semble, attribuée, si non à
Justinien, du moins à Justin, lequel se montra dans le
culte des saints le digne imitateur de la munificence de
son oncle maternel et grand amateur de constructions,
d'où lui vient le titre de 'iiXo/.TiŒ-ïï,; [Théoph. ad an. 5 58 ;
— Joël, Chronogr., c. 265].
xienne de St-Pierre-ès-Liens ('); et l'ins-
cription suivante en vers qu'on lisait, dès
les temps les plus reculés, dans cette même
église, nous a conservé la date précise de
cette translation, qui eut lieu précisément
sous le pontificat de Pelage Ier, de 556 à
56i C):
HOC DOMINI TEMPLUM PETRO FUIT ANTE DICATUM
TERTIUS ANTISTES SYSTUS SACRAVERAT OLIM
CIVILI BELLO DESTRUCTUM POST FUIT IPSUM
EUDOXIA QUIDEM TOTUM RENOVAVIT IBIDEM
PELAGIUS RURSUS SACRAVIT PAPA BEATUS
CORPORA SANCTORUM CONDENS IBI MACHABAEORUM.
Impossible de nier la parfaite harmonie
de cette indication de source romaine avec
la tradition du transfert des reliques des
Machabées après l'année 551, pour peu que
l'on songe à certaines circonstances histo-
riques du temps. — Nul n'ignore que l'in-
gérence excessive de Justinien dans les
discussions théologiques avait attiré à la
Cour de Byzance le Pape Vigile, et qu'il
séjourna dans cette ville impériale du com-
mencement de l'année 547 jusque vers le
mois de juin,555, à l'occasion de l'affaire des
Trois Chapitres. Quoiqu'il ait, pour cette
raison, encouru l'indignation du Prince et
en ait subi des violences, il est certain qu'il
finit néanmoins, vers l'année 554, par re-
couvrer pleinement ses bonnes grâces. Cette
réconciliation nous est affirmée à l'unani-
mité par tous les historiens byzantins de
l'époque, entre autres, par l'auteur des
Frammenti storici htsculani (3), par Ma-
1. « Eorum reliquiae Romain translatae in eadem
« ecclesia sancti Pétri ad vincula conditae fuerunt. »
2. Cette inscription a été rapportée par Ugonio [Thea-
trum urbis Romae ; Cod. ms. de la Barberini, n. 1057];
par Martinelli [Roiua ex ethnica sacra, p. 2S4] ; par le
cardinal Tommasi [Ad Capitulare Evangelior. Antiq.
lib. Missar., p. 188, éd. Rom. 1691] ; par Giorgi [Mar-
tyrolog. Adonis ad diem im aug., p. 369] ; par les frères
Ballerini [S. Leonis m. opp., t. I, p. 4SS] ; par Monsacrati
[De catenis s. Pétri, p. vi] et autres.
3. € TéXoç Si èi-jÉ/Of) jTCô f*.e-ra|i.ô>a)6Évxoc; Èuae^îdTïT'jj
Tjljuôv 'jîtjTtoTou 6 à'jxôç Tri-naç BiyîXioç, à la fin notre très
religieux seigneur, touché de repentir, reçictdans ses bonnes
grâces le Pape Vigile. » — Mai, Spicil. rom., I. c, frag. IV.
460
3&cbuc De l'Srt chrétien.
lala (') et Théophane (•). Comme gage de la
paix, Vigile obtint de Justinien des faveurs
insignes pour l'Église romaine et pour l'Ita-
lie, cruellement ravagées et désolées par
l'invasion des Goths, que le vaillant Narsès
avait enfin soumis. Au nombre de ces
faveurs figurent la reconnaissance des do-
nations faites à l'Église romaine par Ama-
lasonte, Théodat et Atalaric (3); et aussi la
Pragmatique sanction du 13 août 554 con-
cernant les dispositions au profit de l'Ita-
lie (4). Ceci posé, il n'y a pas besoin de
torturer l'histoire pour supposer que Vigile,
avant son départ, en 555, ait obtenu de
l'empereur pour l'Église de Rome, en tout
ou en partie, les reliques des Machabées
jadis apportées d'Antioche ; et qu'étant
mort, à son retour à Syracuse, le 7 juin de
la même année, le diacre Pelage qui l'ac-
compagnait et lui succéda immédiatement
dans le pontificat, les ait portées à Rome et
déposées, comme le porte l'inscription, dans
la basilique eudoxienne. Que si l'on écartait
cette hypothèse, laquelle semble la plus
probable, il ne resterait plus qu'à admettre
que le don de l'empereur fut fait directe-
ment à Pelage, si en faveur auprès de lui.
Ce Pontife, aussi énergique et entreprenant
qu'habile dans le maniement des affaires
publiques, avait su, pendant son long séjour
à Constantinople comme apocrysiaire du
1. « Mi)Vt 'louvftj) y.é, LvStXTÎovi t^ àoif, [iy'] êS&tÔT) G Èitt-
-y.'j-',; 'l'io'jr,; BiytXtot; ùizà tou BaaiXétoç, le 26 juin de la
llï indiction l'Kvêque de Rome, Vigile fut reçu dans les
bonnes grâces de l Empereur. » — Malala, Chronogr.,
lib. XVIII, c. 702.
2. " '•• 8è paaiXsùç jj.Exa|j.îXTiO£tç, ê8é5aTO xiv Triirnav
Bi V lov, l'Empereur repentant admit le Pape Vigile dans
son amitié. » — Théophane., Chronogr., dans Migne, P. G.,
t. CVIII.C 498.
3. Cf. Pitra, Analecta noviss. spic. Solesm. aller, con/in.,
t. I, p. 48.
4. Cf. la Novella de Justinien dans l'éd. de C. E. Za-
charia von Lingenthal, Leipsick, 18S1, 2, 354-366, qui
débute ainsi : •• Pro pelitione l 'igilii venerabiîis anti-
quioris Romae episcopi quaedam disponenda esse censui-
mus, » etc.
siège apostolique, se concilier l'estime et
l'amitié de Justinien, et de même qu'après
avoir, avec le concours du pieux Narsès,
bâti à Rome la basilique dédiée aux apôtres
Philippe et Jacques, il obtint leurs reliques
d'Orient ('), ainsi il put obtenir celles des
Machabées pour les placer dans l'église de
Saint-Pierre-ès-Liens, restaurée par ses
soins. Toutefois l'affirmation de l'ancienne
inscription de la basilique eudoxienne
trouve un solide appui dans l'histoire.
Pour donner plus de poids à la démons-
tration de cette hypothèse, nous devons
signaler l'importante découverte faite il y a
une vingtaine d'années. Lorsqu'on démolit,
en septembre 1876, les degrés du maître
autel de la basilique pour creuser l'hypogée
qu'on y devait construire, on se trouva ino-
pinément en présence d un sarcophage chré-
tien en marbre qui renfermait les restes des
Machabées vénérés de longue date dans
cette église. La Commission d'archéologie
sacrée, mandée immédiatement sur les lieux
par l'autorité compétente, reconnut, après
mûr examen, un sarcophage du IVe ou du
Ve siècle, historié sur le devant de sculp-
tures en relief partagées en cinq groupes
représentant des sujets du cycle évangé-
lique, auquel avait été adaptée, ancienne-
ment, une grande plaque de marbre pour
en former le couvercle. L'intérieur du sar-
cophage, et ceci est à remarquer, était divisé
en sept compartiments ou cases (loculi) au
moyen de six plaques de marbre phrygien
insérées sur la longueur dans les parois. Au
fond de chacune des sept cases se trouvait
une couche de cendres avec fragments d'os.
On découvrit également deux bandes de
plomb [A, B] avec les inscriptions sui-
vantes; l'une [AJ, très oxydée, était adossée
à la petite séparation intérieure du premier
1. Cf. Grisar, S t or ta dei Papi de! mcdio evo, t. II, p. 325.
S^avtprt et sépulture Des £@acl)abéeg.
461
compartiment, l'autre [B], en bon état, était
dehors à quelque distance du sarcophage (') :
B
IN . EUS .
SEPTEM .
LOCV
CONDITA
. SVNT
. OS
SA . ET . C1NERES .
SCOR
SEPTEM .
FRATRVM
. MA
CHABEOR
. ET . AMROR-
PARF.NTV . EOR? . AC
MERABILIV . ALIOR-.
. 1NV
SCOR?
IN. HIS.LOCVLIS. SVNT. RE
_n_
SIDVA . OSSIV . ET . CINER?
_n_ _o_
SCOR; . SEPTEM . FRATRV
MACHABEOR . ET. AMBOR;
PARENTV. EORî.AC. INNV
MERABILIVM . ALIORl
SANCTORVM.
Les archéologues ont longuement dis-
cuté, sans parvenir toutefois à se mettre
d'accord, sur l'âge de ces inscriptions. Mais
il est certain que les deux bandes y ont été
visiblement mises à des époques différentes,
celle du dehors étant non seulement par la
place qu'elle occupe et son meilleur état de
conservation, mais encore au point de vue
de la paléographie, de date plus récente (2).
Le fait même que la plaque intérieure parle
simplement de « ossa et cineres », tandis que
la plaque extérieure n'indique que « restdua
ossium et cinerum », donnerait lieu de suppo-
ser que celle-ci a été placée ultérieurement,
lorsque les Pontifes Romains consentirent à
distribuer une partie des saintes reliques
aux autres Églises d'Occident (3).
Sans nous arrêter à une controverse, qui
attend encore sa solution, bornons-nous à
faire observer que la récente découverte
porte manifestement l'empreinte et de la
provenance antiochienne des saintes reli-
ques et de leur passage à Constantinople.
Inutile de dire que l'état des reliques
i.Cf. De Rossi, Biillettino di Archeologia cristiana,
troisième série, année I, pp. 7375.
2. Les petits traits placés sur la voyelle V pour indiquer
la suppression de la lettre M, et sur le sigle SCOR
(sanctorum) dans la bande intérieure, sont horizontaux,
tandis que dans l'extérieur, ils sont recourbés au milieu
en demi-cercle.
3. V. Acta SS., ad diem 1 aug., § IV, pp. 10-11.
retrouvées dans la basilique eudoxienne,
lesquelles ne consistent pas en squelettes
entiers ou en ossements bien conservés,
mais seulement en une couche de cendres
avec parcelles d'ossements, correspond par-
faitement à ce que présentaient à Antioche
au temps de Chrysostome, les restes des
Machabées : c'est-à-dire, de la poussière, de
la cendre et des ossements consumes par le
temps, tv-v scôviv, tt)v Tscppav, ta '/pôvio oa-avr.OÉvT-/
do-T£à(I). Il existe une preuve plus décisive
encore en faveur de leur identité dans le
fait singulier sur lequel j'ai déjà appelé l'at-
tention : quoique le sarcophage décrit plus
haut renferme tout ensemble et les restes
des sept frères et ceux de leur mère et
d'Éléazar, la main qui les y a déposés a
voulu conserver soigneusement la réparti-
tion en sept cases. Or ce fait, inexplicable
en lui-même, trouve sa pleine raison d'être
dans l'état où étaient les reliques à Antioche
vers la moitié du sixième siècle, époque,
comme on l'a vu, de leur translation.
Les discours prononcés par saint Jean
Chrysostome en l'honneur des Machabées
au jour anniversaire de leur mort, donnent
à entendre que la basilique, où reposaient
les cendres des sept frères, abritait encore
celles de leur mère et du vénérable Éléazar..
En effet, martyrisés les uns et les autres
pour la même foi, n'était-il pas tout naturel
qu'un même lieu reçût leurs dépouilles ?
Ceci explique comment Chrysostome asso-
ciait dans le même anniversaire le souvenir
de la mère à celui de ses fils, la mémoire
de ceux-ci à celle d'Eléazar. De plus, en
exhortant les fidèles à accourir ce même
jour à la basilique, il s'exprime de manière
à faire nettement comprendre qu'elle est
bien le lieu de leur sépulture commune.
Jeune encore, véoç, c'est-à-dire dans les pre-
1. S. Jean. Chrys., Humilia l in sanctos Machabaeos
et matrem corn m, n. 1.
462
jRrtmc t)t l'&rt chrétien.
mières années de son sacerdoce, il disait à
ses chers antiochiens: si Éléazar, tout vieux
qu'il était, a osé affronter la mort, et si la
mère de ces bienheureux a , dans l'âge le plus
avancé, supporté de sigtands tourments, quel
prétexte \quelle excuse pourriez-vous invoquer,
si quelques stades vous effraient pour assis-
ter au spectacle de leurs combats ? — El yàp
yépwv o 'EXsàÇapoç ïrupèç xaTeTÔX^ffS, xal T| [AYyrrçp
twv piaxapLWV éxeivcov êv eoyà-w yrçpff toaraÛTaç (jtzs-
jjic'.vev ô&uvaç ■ Ttoîav à'v aypirfîs otTïoÀoyîav, Tcoiav
ffUYVvwjjnfiv, (jur,8è dXîyouç ffraSiouç BiaitspûvTeç 6-ep
tyj; Oewp'la; twv 7caXai<T(JiâTwv ixsîvwv ('); — Si,
d'une part, le langage de Chrysostome nous
autorise à croire que les cendres de nos
martyrs étaient vénérées ensemble dans
la basilique antiochienne, de l'autre il ne
nous permet pas de savoir le nombre exact
des cases ou loculi qui renfermaient ces
gages sacrés. Mais cette indication nous a
été transmise avec la plus grande précision
par un voyageur du VIe siècle, dont le
pseudonyme auteur de l'itinéraire cité plus
haut a recuelli le témoignage. Il a vu, en
effet, vu de ses propres yeux, à Antioche,
entre autres tombeaux de martyrs, les cen-
dres des frères Machabées rangées dans
sept tombeaux distincts, et fratres Macha-
baei, hoc est septem sepulcra : d'où il est fa-
cile de conclure que les cendres de la mère
et d'Êléazar étaient comprises dans ce
nombre de tombeaux. Preuve non équi-
voque de l'identité des reliques romaines
des septem fratrum et amborum parentum
eorum renfermées dans les sept loculi dis-
tincts du sarcophage de la basilique eudo-
xienne.
Mais arrêtons-nous ici quelques instants
pour répondre à une objection. — Gilde-
meister, professeur à l'Université de Bonn,
dans son édition récente de l'itinéraire
i. S. Jean Chrysost. Homilia IX de Eleazaro et septem
puais, n. 4, Migne, P. G., t. LXIII, c. 530.
d'Antonin de Plaisance, se croyant suffi-
samment autorisé à rectifier en cet endroit
tous les textes antérieurs, adopte une ver-
sion différente de celle que nous avons
donnée et qui est comme généralement
reçue. Voici en quoi consiste cette diffé-
rence. Pendant que la version commune
porte : «et fratres Machabaei, hoc est, sep-
« tem sepulcra et super uniuscuiusque sepul-
« crum scriptae sunt passiones eorum (') » :
le professeur de Bonn lit : «et fratres Ma-
« chabaei, hoc est, novem sepulcra et super
« uniuscuiusque sepulcrum pendent tor-
« menta ipsorum (■). »
Ou nous nous trompons fort, ou les deux
variantes adoptées par Gildemeister ne ré-
sistent pas à l'examen d'une saine critique.
Avant tout, elles ont contre elles la raison
extrinsèque de l'autorité dont on ne saurait
méconnaître la portée immense. Qu'on ne
l'oublie pas, la version commune, telle que
nous l'ont donnée avec tant de soin Tobler
et Molinier.dans l'édition de Genève (1S77-
1880), a pour base toutes les éditions pré-
cédentes et quatorze manuscrits, dont plu-
sieurs très anciens et d'excellente marque(3).
Mais les raisons extrinsèques sont encore
plus frappantes. En effet, faire dire au pèle-
rin qu'il a vu, à Antioche, sur chacun des
tombeaux des martyrs visités par lui, sus-
pendus tormenta ipsorum, ou, suivant la
traduction du professeur de Bonn, les in-
struments de leur martyre — ihre Marier-
werkzeuge (4), voilà ce qui, non seulement,
étonne grandement à cause de l'étrangeté
du fait, inouï dans les fastes de l'antiquité
chrétienne, mais encore accuse une erreur
manifeste. Quels instruments de supplice,
1. Tobler et Molinier, Itinera hierosolymiiana et des-
criptiones Tenue Sam-tac, t. I, p. 1 1 8, et II, p. 381.
2. Gildemeister, Anlonini Piacentini itintrarium,
v. p. 33, Iîerlin, 1889.
3. V. Praefat., § VII, t. II, p. XXIX.
4. /.. c., p. 62.
£©artpre et sépulture De0 £@act)abée0.
463
par exemple, pouvait bien offrir aux regards
du visiteur la tombe de Julien d'Anazarbe,
jeté à la mer dans un sac rempli de
sable (')? De même les tombeaux des Ma-
chabées, consumés par le feu, huit siècles
auparavant, après une série de cruels tour-
ments (2) ?
On ne comprend pas davantage comment
on aurait pu voir suspendues sur la tombe de
Babylas les chaînes de son martyre, quand
nous savons de toute certitude qu'elles
furent enfermées avec ses restes dans son
tombeau (3). Par contre, combien l'autre
version : super uniuscuiusque sepulcrum
scriptae sunt passiones eoruni, n'est-elle pas
plus conforme à la raison et à la vérité? Ce
qui, remarquons-le, ne doit pas s'entendre
de tous les martyrs et de chacun d'eux cités
par l'itinéraire; car l'usage ne le comportait
pas, et, généralement parlant, il n'eût pas
été facile de graver sur les tombeaux des
martyrs les actes de leur supplice : mais
seulement des septem fratres, et ceci veut
dire que, pour rendre leur tombeau plus
auguste et vénérable, on avait sur les cases
respectives gravé en lettres grecques les
passages du second livre des Machabées
qui ont trait à leur supplice.
Quant à l'autre version de novem au lieu
de septem, il est clair que, dans la pensée
de Gildemeister, il faut rapporter le novem
à tous les martyrs nommés précédemment.
Or il est facile de l'admettre ; les visiteurs,
comme on le voit encore par l'itinéraire de
1. S. Joan. Chrysos., Homilia in S. Julianum marty-
rem, n. 3.
2. Flav. Joseph., De Machabaeis.
3. D'après Chrysostonie, Babylas voulut qu'on enterrât
avec son corps les emblèmes de son triomphe, « aùtà tûv
àOXwv ta <nj;j.6oXa auviaoîjvac xeXEÛercijJ aw[j.axt », ajoutant:
et aujourd'hui les chaînes reposent avec ses cendres, « y.y.':
Ktivzai vOv ;j.;-:â xîj; TÉtppcci; ai -kHoii ». De S. Babyla contra
Julianum et Gentites, n. il. — V. encore Métaphraste,
Cerlamen S. Babylae, § XVII.
Salzbourg ('), remarquant dans un même
endroit que le nombre des martyrs ne ré-
pondait pas à celui des tombeaux, parce
que plusieurs corps avaient été mis ensem-
ble, signalèrent le fait ; mais il serait étrange
de supposer que, ayant compté les martyrs
enterrés en divers lieux et dans des con-
trées éloignées, but principal de leur voyage,
ils eussent l'intention d'en calculer le nom-
bre total sur celui des tombeaux. Ceci posé,
laissant de côté Justine, dont on ne sait
rien de positif, il est à remarquer que Ba-
bylas avec les trois enfants, était, après la
translation du faubourg daphnitique, en
262, inhumé dans sa nouvelle basilique au
delà de l'Oronte vers le septentrion (2) ;
Julien reposait dans son église à environ
trois milles d'Antioche (3) ; et les frères
Machabées dans leur basilique du Cera-
teum, en deçà du fleuve, à l'extrémité
orientale de la ville. Et cependant nous
devons raisonnablement admettre que la
version authentique est septem sepulcra, car
elle se rapporte exclusivement aux septem
fratres Machabaei, enterrés dans le même
endroit avec leur mère et le saint vieillard
Eléazar. Cette version se trouve admirable-
ment confirmée par la découverte de leurs
reliques dans la basilique eudoxienne en
sept cases ou compartiments distincts, fait
qui ne pourrait avoir une autre explication
plus rationnelle et moins arbitraire.
La mention des amborum pareulitm, ré-
pétée deux fois dans la sépulture romaine,
est entièrement nouvelle. On sait que la
mère des Machabées subit héroïquement le
martyre avec l'un de ses fils, dont les cendres
partagèrent la même tombe ; mais nous
n'avons trace de leur père, ni dans le récit
1. De locis sanctorum marty rum quae suntforis civitalis
Romae dans Urlichs, Codex Urb. Rom., p. 82, sq.
2. S. Joan. Chrysost., Hom. de sancto hieromariyre
Babyla, n. 3.
3. Malalas, Chronogr., lib. XVII, c. 622.
464
3&etnte t>e rart chrétien.
biblique, ni dans Josèphe ; et la tradition
antiochienne l'exclut manifestement. Car si
Antioche, au témoignage de saint Jean
Chrysostome (*). entourait d'un culte so-
lennel les sept frères et avec eux leur mère
et le saint vieillard Éléazar, elle ne songea
jamais à faire de ce dernier l'époux et le
père de ces illustres martyrs. Il affirme
même explicitement que la mère des Ma-
chabées était veuve et avancée en âge,
y.-j). vàp pynrip vyv, xaî yj,py-, xaî s-.; ïayxzov ëkr\ka.-
xuîa yïip»? ("). La même tradition a été
constamment admise dans tout l'Occident.
Les anciens Pères s'accordent tous à célé-
brer uniquement la mère des sept frères,
martyres et martyriun matrem (3), recon-
naissant avec saint Cyprien que in passio-
nibus sola cum liberis mater est. Ils font en
outre un titre de gloire à l'intrépide héroïne
d'avoir subi sept fois la mort à la vue du
martyre de ses sept enfants : mais du mar-
tyre de son époux, il n'est pas question.
Les pères et les écrivains ecclésiastiques
du moyen âge, tels que saint Isidore de
Séville (*), Bède (5), Raban Maur (6), l'abbé
Rupert (7), Flodoard (8) et autres, n'ont pas
fait non plus mention de ce père des Ma-
chabées. Enfin les martyrologes de toutes
les Églises et de tous les temps, sans qu'on
puisse invoquer aucune exception contre,
reconnaissaient les septem fratres cum maire
i. S. Jean Chrys., Homil. i in sanctos Machabaeos et
matrem eorum; homil. II in sanctos Machabaeos ; homil.
m in sanctos Machabaeos, t. II ; homil. XI, de Eleazaro
et septem pueris, t. XII, opp.
2. Homil. v, de studio praesentium, etc., n. 3. M igné,
P. G., t. LXIII, C. 488.
3. S. Léon le Grand, Sertno de Machab.
4. S. Isidore Hispal., Questiones in vêtus testamen., de
Machabaeis, t. V, p. 552, éd. Arev.
5. Beda, Quaestiones in libros Regun, lib. IV, c. XII.
6. Raban Maur, Comment, in lib. XII Machabaeor.,
cap. V-Vl.
7. Rupert abb., De Victoria Verbi Dei, lib. IX, cap.
29-32-
8. Flodoard, De triumphis Cliristi Anliochiae gestis,
lib. I, C. I.
sua, mais ne font nullement mention des
arborum parentum eorum, que nous trou-
vons indiqués pour la première fois sur les
deux bandes de Saint-Pierre-ès-Liens.
Ce fait si étrange, demandant une expli-
cation adéquate, constitue une donnée cer-
taine pour assigner à Constantinople la
provenance des reliques romaines des
Machabées ; elle prouve que celles d'Antio-
che, avant d'arriver à l'ancienne, passèrent
parla nouvelle Rome. En effet, l'Église de
Constantinople fut la seule qui, entraînée
dans l'erreur, nous le verrons bientôt, par
l'interprétation abusive d'un des Pères
grecs, dont les œuvres lui étaient familières,
entoura d'un culte public les parents des
Machabées, considérant Éléazar comme
étant réellement leur père. Ses livres litur-
giques, notamment les ménéums dans les
tropaires, confirment cette croyance. Ainsi
dans I'QSti VI du canon conservé par saint
André de Crète, qui était diacre de l'église
de Constantinople et écrivit à son usage, il
est dit à propos des Machabées : Le père
fut le premier à la peine, que les fils com-
battent tous et que la mère tressaille avec nous,
upoEv/jOA/^î 7uax'/)p, o-jvxrAo'ji!. xaî uloî, EÛœpaivïff^o
ituv Oijùv xaî ri pyrrip. A quoi répond l'Assem-
blée : Votis avez confondit les menaces du
tyran, comme défenseurs de la loi et en mar-
chant sur les traces de votre père avec votre
heureuse mère, toû Tupâwou -■!.$ à-£'.).->.; xy.r^yi,-
•/y.-.i, (o; tou •/iwj 'J-ivji.y./O'., xaî to'j -a-rioç àxô-
Xouflot, y£vôu.evot crûv ['■'~^- eîi'fpovi,. Plus claire-
ment encore l'Ei-aTTOï-eîXap'.ov, qui peut être
d'un autre auteur, dit : Chantons les admi-
rables Machabées, fils d Éléazar et de Salo-
mona, -oi>ç Saupaoroùç 6u.v^*ti)|Aev Maxxa|3a£ouç
'EXea£âpou TcaîSaç xaî EaXopi<5v7|ç (').
Quant à l'origine de cette erreur, qui s'est
glissée jusque dans la liturgie de Constan-
1. Cf. Combefis, ad l'iav. Joseph., not. 6, t. II, p. 511
éd, Amsterdam.
©artpre et sépulture Ses £@aci)abée0.
âô-
tinople, elle provient, semble-t-il, de la
fausse interprétation de certains passages
du discours de saint Grégoire de Nazianze
en l'honneur des Machabées. Celui-ci, nous
l'avons dit, avait entre les mains et com-
menta l'opuscule de Flavius Josèphe, où
Éléazar est appelé maître ou précepteur
des frères martyrs, naiSeur-nç -hfjiûi/, ce qui in-
dique la qualité de prêtre et docteur de la
loi, lepeùç xa'. vôfnxoç et non un lien particulier
de famille. Saint Grégoire, développant
cette pensée d'une manière oratoire, appelle
plusieurs fois Eléazar père des sept frères,
toutefois, dans le sens de paternité spiri-
tuelle, comme quand il le représente en sa
qualité de prêtre s'offrant lui-même en holo-
causte au Très- Haut avec les sept fils, xouç
ï--.y. raûBaç, fruit de son enseignement ; et il
ajoutait qù attribuer aux parents les vertus
des enfants est chose éminemment raisonna-
ble et juste, xà yàp xùv -aîowv xû Tiaxpi \o-fi-
Çeadai, xùv EvvofjiwTàTwv x£ xai o'.xatwxâxwv (').
Ces expressions ont été quelque peu adou-
cies et mieux expliquées par Nicétas dans
l'exposé de ce passage (2). Du reste, il res-
sort clairement de tout le contexte du dis-
cours que saint Grégoire de Nazianze parlait
de paternité spirituelle, et qu'il y a eu évi-
demment un malentendu de la part des
auteurs des tropaires de l'Eglise de Con-
stantinople.
La mention des parents des Machabées,
qui, contrairement à la constante et univer-
selle tradition de l'Église d'Antioche et de
l'Occident tout entier, a été trouvée sur les
plaques ou petites bandes de la basilique
eudoxienne, trahit donc évidemment la
qualification donnée aux reliques à leur pas-
i. Orat. xv, de Mach ibaeis, n. 3. v. Suidas, Lexicon au
mot : Wi-i'j/o:.
2. Voici en quels termes Nicétas commente le passage
en question de saint Grégoire de Nazianze : Ta yàp iwv
iratStov x.a.\ 'jyJfr^O')'/ xaTOf.floj|j.ïTaTil!i TOXTpl xac xtp o'.oax/.y/<;j
avaTiOssOoa Sîxatov.
sage à Constantinople, et est comme le
sceau qui atteste leur provenance de cette
métropole.
Maintenant que nous avons épuisé le
sujet que nous nous étions proposé, en
démontrant la parfaite harmonie de la tradi-
tion scrupuleusement étudiée dans ses ori-
gines et dans ses progrès, avec le récit
biblique, relativement au lieu du martyre
et à la sépulture des Machabées ; et en élu-
cidant une question que la pénurie des
documents enveloppe sur plusieurs points
d'obscurités et d'incertitudes, notre tâche
est achevée. — Toutefois, si nous nous re-
portons par la pensée aux souvenirs chré-
tiens de l'Eglise d'Antioche, dont nous
nous sommes principalement occupé, nous
ne pouvons pas ne pas reconnaître un des-
sein merveilleux de la Providence. Pierre
établit la première Église à Antioche; mais
il l'abandonne bientôt pour transporter
définitivement à Rome le centre du chris-
tianisme : quelques siècles s'écoulent, et la
belle Antioche, la capitale de tout l'Orient,
disparaît profondément ensevelie sous les
cendres et sous les ruines ; et Rome est de-
bout, resplendissant de force et de vie,
après dix-neuf siècles de luttes contre les
hommes et contre les âges. Et les gloires
les plus pures de la capitale de la Syrie,
Ignace le Théophore, Jean à la bouche d'or,
l'héroïque mère avec ses sept héroïques fils,
surnommée par saint Ambroise, l'éblouis-
sant chandelier de l' Église, brillant de sept
flammes ('), par des voies différentes et en
divers temps, partent des rives de l'Oronte
et du Bosphore pour aller chercher sur cel-
les du Tibre, à l'ombre de Pierre, un cher
et tranquille asile pour leurs mortelles dé-
pouilles.
Card. Rampolla
(traduit par Mgr Le.MONNIER).
1. De Jacob et vita beata, lib. Il, C. XII, n. 53.
REVUE DE L AKT CHRÉTIEN.
189J. — 6me L1VKAISON.
*** A*Vk &U ï*l* a^^c ***£* >M* **g* a*v£x a*5U x5kc *5E* <$£* jg* A**?* >&**>$
i
tiixiixixiiri^rcixiiiiixiiriiirxiiiTrcixiïixTïixirrii
Ec'Cgltse ïîotre^Danu ïie lascar,
— *©*—
ancienne catt)éDrale Des Gtats &e Béarn.
— K54—
iiiiriiiiiiiurjunuminiiu
ii^iiixiiJj^'ii^iiJixiiTcoxrririjriiiixxriiTiiitiiiiiiiïiiiiiiiT-iiiiiiixiiiiiiixiiiiiiiiiiii
Si *&* r>&* w r^ ***-* ?<&* r<#* **ô* yiô* y^ *$-* w r»*** y£t* **£* *
A pittoresque petite ville
de Lescar, située sur
une colline, à quelques
kilomètres de Pau, est
bien déchue de sa gran-
deur passée. Aujour-
d'hui simple chef-lieu
de canton du département des Basses- Py-
rénées, elle était autrefois la capitale du
Béarn, et demeura jusqu'à l'époque de la
Révolution française le siège d'un impor-
tant évêché.
Il faut cependant remonter plus haut
dans l'histoire pour découvrir la véritable
origine de Lescar. Des fouilles faites, il y
a une dizaine d'années, en un lieu appelé
Saint-Miguen ou Saint-Michel, très voisin
des murs de la ville, ont mis au jour les
substructions d'une importante villa romaine
ayant dû, selon toute probabilité, servir de
résidence au préteur ou au chef de ce poste
militaire dont le nom était alors Beneharum.
Les monnaies et les médailles trouvées au
cours des travaux permettent, d'après leurs
effigies, d'attribuer à ces constructions la
date du IVe siècle. Une ville gallo-romaine
importante s'étant formée à l'abri de cette
protection, devint bientôt la capitale de
toute la province, et saint Julien, disciple de
Léonce, évéque de Trêves et exarque de
la diocésie gallicane en 407, fut le premier
évéque de Beneharum.
Charlemagne, à son retour d'Espagne, fit
construire, au point le plus élevé de la ville,
une cathédrale placée sous l'invocation de
Notre-Dame, pour remplacer l'antique et
pauvre église située au milieu des bois ;
mais, vers le milieu du IXe siècle, les Nor-
mands saccagèrent Beneharum et détrui-
sirent la cathédrale ; l'administration du
diocèse fut alors dévolue aux évêques de
Gascogne.qui la conservèrent pendant deux
cents ans.
En 1056, un évéque particulier vint
reprendre possession du siège abandonné.
Pendant ce temps une ville nouvelle s'était
créée, Beneharum n'existait plus; Lascarris,
aujourd'hui Lescar, nom provenant du
ruisseau Lascourre ou Lescourre qui coule
à ses pieds, s'élevait florissante ; dès lors, il
fallut construire une nouvelle cathédrale.
Les habitants, dispersés par les envahis-
seurs venus du Nord et du Midi, n'avaient
pas tardé, après leur départ, à se grouper
de nouveau auprès de leurs anciennes de-
meures,les avaient réparées, et, leur nombre
venant à s'accroître, avaient édifié plusieurs
petites églises dont le service était confié
à des frères de l'Ordre des Augustins.
Guillaume Sanche, duc de Gascogne, vou-
lant donner au nouvel évéque une grande
autorité et une situation nettement prépon-
dérante, fit en sa faveur d'importantes do-
nations, lui déféra la suprématie administra-
tive et judiciaire sur la ville et lui octroya la
présidence des Etats de Béarn.
Commencée dès l'année ioôo, la cathé-
drale nouvelle s'élevait sur un plan régulier
et dans des proportions grandioses ; aussi,
les travaux durèrent-ils longtemps : Guy
ou Guido de Loth, évéque de 1 1 1 5 à 1 1 4 1 ,
eut la grande satisfaction de les voir ter-
miner pendant son épiscopat. Ce prélat
enrichit son église et y installa un chapitre
de chanoines réguliers.
îL'égltse jRotre^ame De Hescat.
467
Ce beau monument eut à subir de graves
vicissitudes qui en altèrent aujourd'hui la
pureté. Vers le milieu du XIIIe siècle, un
incendie en détruisit une partie. A la suite de
cet accident, les voûtes durent être refaites
ainsi que certaines portions des murs laté-
raux et la façade principale tout entière.
La date de cette réfection ne peut plus être
déterminée exactement, car, par suite de
travaux postérieurs, il n'est guère possible
d'en retrouver les traces, et les annales de
l'évêché, auxquelles on aurait pu recourir,
ont été complètement détruites pendant la
Révolution.
Au commencement du XVe siècle, de
grandes fenêtres furent ouvertes pour éclai-
rer les nefs latérales, et l'on reconstruisit
tout le portail. Ici nous sommes fixé avec
certitude, sur l'époque de ces travaux, non
seulement par le caractère particulier de la
nouvelle architecture, mais surtout par l'ins-
cription phebvs . me . fe . que l'on voit
encore gravée au-dessus de la porte et qu'il
faut rapporter à François Phébus, prince de
Béarn, mort en 1483. Enfin, en 1608, l'an-
cien clocher s'écroulait et n'était pas relevé:
ce fut le dernier malheur. Pendant le cours
des XVIIe et XVIIIe siècles, aucun chan-
gement bien important n'a été apporté à
l'état du monument. Marc Antoine de Noë,
dernier évêque de Lescar, ayant émigré en
1790, laissant le siège vacant, l'église et le
palais épiscopal sont alors déclarés biens
nationaux, et ce dernier, mis aux enchères,
est vendu le 26 vendémiaire an VI I. Immé-
diatement démoli par le nouveau proprié-
taire, les matériaux furent employés à la
construction d'un moulin.
Depuis les premières années du XIXe siè-
cle, l'ancienne église cathédrale, dépouillée
de ses prérogatives ainsi que de son cha-
pitre de chanoines, avait été réduite à l'état
de simple cure paroissiale et ne disposait
pas de ressources suffisantes au bon entre-
tien d'un monument de cette importance ;
aussi, pendant près de cinquante années,
fut-il, po ur ainsi dire, abandonné à lui-même.
De sérieuses dégradations s'étaient déjà
produites, lorsqu'en 1859, le Conseil munici-
pal,gardien responsable de l'édifice.s'imposa
un grand sacrifice, obtint un important se-
cours de l'État, et entreprit, sous la direc-
tion d'un architecte distingué, une restau-
ration générale. Désormais, l'église de
Lescar, classée au nombre des monuments
historiques, n'a plus à redouter aucun
abandon.
Construite dans le plus pur style roman,
l'ancienne cathédrale comprend trois nefs,
celle du milieu deux fois plus large que les
bas-côtés, aboutissant à un transept indiqué
extérieurement par une saillie des murs
latéraux. Au delà de ce transept, et vis-à-vis
des nefs, s'ouvrent trois absides distinctes,
mais communiquant entre elles par une
ouverture en arcade pour ne former qu'un
seul sanctuaire. Sur le côté gauche de l'ab-
side principale, une porte basse permet
d'accéder, d'une façon bien peu commode,
il est vrai, à la sacristie nouvelle, rajoutée
et assez mal ajustée au reste de l'édifice ;
l'ancienne sacristie, transformée en salle
des archives, s'ouvre à l'extrémité du bras
droit du transept orienté au Midi. Les nefs
sont séparées par deux rangées de cinq
piliers également espacés ; un sixième pilier,
situé dans le même alignement que les
précédents, mais de l'autre côté du transept,
complète l'ordonnance.
Cette disposition, reproduisant la forme
basilicale dérivée des basiliques antiques,
mais adaptée par les constructeurs des pre-
miers édifices chrétiens aux besoins du
nouveau culte, est fort ancienne ; on la
rencontre pour la première fois, avec les
468
$kt\nit De rart chrétien.
trois nefs et les trois absides bien mar-
quées, vers le IVe siècle, dans la Syrie
centrale, aux belles églises de Béhio, de
Sagonza et de Tourmanin ; elle fait son ap-
parition à Rome à l'église de Sainte-Marie
in Cosmedin, restaurée et considérablement
Plan de l'église Notre-Dame de Lescar.
agrandie par le Pape Adrien à la fin du
VIIIe siècle; aussi, le chroniqueur du Liber
Pontifïcalis a bien soin de rapporter.comme
un fait remarquable, que cette église pos-
sédait trois absides, « très absides in éa
constituens (') ».
I. Consulter le très intéressant article donné par le
R. Père II. Grisar dans le numéro de la Revue de PArt
chrétien paru en mai 1898 — 41e année — 4e Série —
Les croisés, revenant de Syrie et de Pa-
lestine, les pèlerins ayant été vénérer le
tombeau de saint Pierre, rapportèrent de
ces lieux consacrés par les origines du
christianisme, le désir d'imiter les monu-
ments religieux qu'ils y avaient rencontrés ;
et les constructeurs adoptèrent prompte-
ment, surtout dans les provinces méridio-
nales de France, le plan des églises à trois
nefs avec trois absides correspondantes.
Suivant les contrées, ces basiliques furent
couvertes par des voûtes en pierre ou par
des charpentes en bois; dans quelques-unes,
les deux systèmes avaient été employés
simultanément, voûte en pierre au-dessus
de la nef principale, charpente en bois sur
les bas-côtés. Mais il est certain que, sauf
en Italie, où le système d'une charpente
générale en bois a persisté pendant long-
temps, dans tous les pays ayant subi
les invasions normandes ou sarrazines, les
incendies avaient eu si facilement raison
des édifices couverts en bois qu'à partir du
XIe siècle toutes les églises nouvellement
construites furent voûtées en pierre.
L'église de Lescar est un des plus beaux
types que l'onpuisse rencontrer del'architec-
ture romane du commencement du XIesiè-
cle. Bien que ses dimensions ne soient pas
considérables, elle a 6omo7 de longueur en
totalité sur 22m3ô de largeur et le transept
débordant un peu sur les longs murs, me-
sure 2 7m 85 dans le sens transversal. La fa-
çade principale a été, à plusieurs reprises,
remaniée ; le portail saillant est tout à fait
moderne, il est précédé d'un perron de onze
marches. Au-dessus du porche, trois œils-
de-bceuf correspondaient aux trois nefs ;
Tome IX — sur les grands travaux de restauration en-
trepris a l'église de Ste-Marie in Cosmedin par VAssocia-
zione artistica di Roma.
IL'égltse JSotreDame De îlescar.
469
celui du milieu a été transformé en rosace,
les deux autres ont été aveuglés. La façade
latérale Nord est percée de quatre gran-
des fenêtres divisées en deux parties par un
meneau prismatique supportant des tri-
lobes et des arcs en accolade, indication
très nette de la décadence du style ogival ;
période appelée bien à tort flamboyante,
car le génie des grands constructeurs du
moyen âge s'y est complètement éteint. Sur
la façade latérale Sud on retrouve les tra-
ces des baies étroites, basses, rentrées et
enfoncées dans un large ébrasement ayant
appartenu à la construction primitive du
XIe siècle. De ce côté on peut entrer dans
l'église par une petite porte sur laquelle
est inscrite la date 1725 ; tout auprès, en-
castrée dans le mur, une pierre tumulaire,
provenant de la sépulture de l'abbé Guido,
le fondateur de la cathédrale, ou du moins,
celui qui en fit achever les travaux, porte
la date MCLI ; une inscription épigra-
phique qui l'accompagne indique que cette
dalle fut relevée en 1620. Non loin de cette
porte, une tourelle cylindrique renferme un
escalier à vis qui donnait autrefois accès au
clocher, ou, pour employer une expression
plus exacte, à la tour-lanterne octogonale
située au-dessus de la partie centrale du
transept. Ce clocher disparu a été remplacé
par un petit lanternon en bois d'un aspect
tout à fait mesquin et disparate.
Les tours-lanternes, dont les constructeurs
de la période romane couronnaient très
fréquemment leurs églises, étaient d'origine
syrienne, on en retrouve les plus anciens
exemples à l'églisede Saint-Georges d'Ezra,
en Syrie centrale, datant de l'année 516 ;
ils ont été reproduits dans bien des cas, et,
pour ne nommer que les principaux, nous
rappellerons l'églisede Théotocos, construite
àConstantinopleau IXesiècle,et celled'Aix-
la-Chapelle qui lui est à peu près contem-
poraine.
Du même côté que l'escalier et à la
partie inférieure du mur du transept, un
petit bâtiment, voûté en deux parties et
recouvert d'une toiture à deux pentes, ser-
vait de sacristie.
Toute cette façade était appuyée à un
cloître construit sous l'épiscopat de l'évêque
Guido, pour les chanoines réguliers de St-
Augustin ; il occupait l'emplacement actuel
~Ç:
Extérieur. — Abside, vue du cimetière.
de la Place royale. Devenu inutile, après
la sécularisation du chapitre en 1537, ce
cloître fut démoli ; on peut néanmoins re-
connaître encore les traces de quelques-unes
de ses arcades. Cet ensemble était complété
par un superbe palais épiscopal élevé vis-à-
vis de la cathédrale. En partie reconstruit,
une première fois, par l'évêque Hardouin de
Chalon, vers 1750, il fut complètement rasé
à la suite de la vente aux enchères, faite le
14 fructidor an VIII de la République.
47©
3Rebue toe P&rt cbrétten.
Le chevet est, sans contredit, la partie
la plus intéressante et la mieux conservée
de l'église. Pour le bien examiner, il faut
pénétrer dans le vieux cimetière situé de
ce côté, et, bien que les hauts cyprès qui
abritent les tombes, en dérobent en partie
la vue, on peut encore admirer son architec-
ture pure et élégante.
Des trois absides, nettement détachées
l'une de l'autre, celle du milieu s'élève de
toute la hauteur des voûtes du transept,
tandis que les absides latérales, beaucoup
plus basses, viennent l'accoter de chaque
côté. L'ordonnance adoptée par le con-
structeur se compose d'un soubassement,
ayant environ 4moo de hauteur, sur lequel
repose un étage couronné par une corniche
et surmonté d'un toit. Entre les contreforts,
placés de distance en distance pour main-
tenir la poussée des voûtes intérieures, les
murs sont percés de fenêtres, trois pour
l'abside principale, trois pour chacune des
absides latérales. La corniche, très finement
détaillée, est formée d'un larmier saillant
orné extérieurement d'une rangée de bil-
lettes, et supporté par une série régulière
de consoles représentant des animaux fan-
tastiques ou des figures diaboliques ; des
rosaces sculptées entre ces consoles et ré-
pétées sur la face inférieure du larmier,
donnent à cette corniche un aspect d'élé-
gance et de richesse peu ordinaire. Les
contreforts sont agrémentés de deux hautes
et sveltes colonnes, ayant des bases sépa-
rées, des chapiteaux distincts, et supportant
un petit pyramidion triangulaire qui fait
saillie au-dessus du toit ; un bandeau orné
passant à peu près au tiers de la hauteur
de ces colonnes, forme bagues et se pour-
suit sur les murs de chaque côté. Les fe-
nêtres latérales, hautes et cintrées, s'ouvrent
sous une arcade dont l'archivolte, ornée de
têtes d'animaux et de rosaces, s'appuie sur
le bandeau horizontal ; deux colonnes en-
gagées, logées dans l'ébrasement du mur,
supportent la retombée de cette archivolte ;
leur chapiteau, orné de deux rangées de
feuilles, rappelle de loin la forme du chapi-
teau corinthien ; chacune de ces ouvertures
s'appuie sur un second bandeau denticulé.
La fenêtre du milieu, beaucoup plus élevée
et plus large que les deux autres, n'est pas
accompagnée de colonnes, son archivolte
repose simplement sur une moulure ornée ;
elle est divisée dans sa hauteur par un me-
neau triangulaire supportant des trilobés,
indice d'une transformation analogue à celle
des fenêtres de la façade latérale, et se rap-
portant à la même époque. Les deux ab-
sides secondaires sont couvertes d'une toi-
ture reposant sur une corniche denticulée
soutenue par des modillons en forme de
têtes d'animaux variés, sculptés dans le
même esprit que les consoles de la corniche
de la grande abside.
L'ésdise de Lescar offre à l'intérieur des
dispositions architectoniques tout à fait
particulières et une décoration absolument
remarquable ; nous allons donc entrer dans
quelques détails pour bien faire comprendre
l'importance archéologique de cet édifice.
Si l'on se rapporte aux dispositions du
plan général, on constate que la grande
nef a iom 76 de large et les bas-côtés 5111 80,
que les travées, entre les piliers, sont d'iné-
gale largeur, que la plus voisine de la façade
mesure 5m 2 1 tandis que les quatre suivantes
comprennent un espace de 8m 46. Cette
inégalité provient sans doute du besoin de
consolider l'extrémité du monument, en re-
liant plus intimement la dernière voûte au
mur de la façade, et en réduisant ainsi l'ef-
fet des poussées latérales dans le sens de
la longueur de la nef. Le transept a o,n 5 1
H'égltae fàotvtJDâmt De îlcscar.
471
de large ; le sanctuaire avec l'abside qui le
termine n'ont pas moins de iim 51, tandis
que, du transept au fond des petites absides,
on ne compte que 7111 25.
Douze piliers, rappelant par ce nombre
symbolique celui des Apôtres, soutiennent
la voûte de l'église ; ils sont placés, cinq
sur chaque rangée, et un sixième de l'autre
côté du transept ; à chacun des piliers de
la nèf correspond un pilastre encastré dans
le mur latéral intérieur et un contrefort
extérieur. Les piliers, ou points d'appui iso-
lés, sont formés de la réunion de quatre
pilastres saillants renforcés sur chaque face
par une colonne engagée à moitié de son
diamètre, ce qui leur constitue huit arêtes
saillantes séparées par quatre parties demi
circulaires. Du côté de la grande nef, le
pilastre et sa demi-colonne s'élèvent à gm 90
de hauteur et supportent un solide arc dou-
bleau qui franchit l'espace avec un rayon
de 4m 85, tandis que les colonnes et les pi-
lastres latéraux n'ont plus que 5"1 70 de
haut, et reçoivent la retombée d'un arc de
3m 25. Cette disposition permet donc à la
voûte cylindrique de la grande nef de s'ap-
puyer directement de chaque côté sur un
bandeau horizontal passant au-dessus des
chapiteaux des grandes colonnes et porté sur
l'extrados des arcades latérales. Sur la face
postérieure des piliers la demi-colonne est
beaucoup moins élevée que les précédentes,
sa hauteur n'est plus que de 2m 85, chapi-
teau compris ; elle correspond à une autre
demi-colonne semblable encastrée dans le
mur ; une arcade de 2m 80 de rayon
passe de l'une à l'autre, et forme ainsi un
véritable arc-boutant intérieur. Les ban-
deaux horizontaux, s'appuyant sur l'extrados
de ces arcs, reçoivent la retombée d'une
voûte cylindrique dont l'axe est perpendicu-
laire à celui de la grande nef; aussi, la lon-
gueur des bas-côtés se trouve-t-elle divisée
en autant de sections qu'il y a d'entrecolon-
nements dans la grande nef, et, chaque sec-
tion peut donner lieu à l'établissement d'une
chapelle distincte. Cette appropriation et
cette division ne sont que la conséquence
du système de construction, très ingénieu-
sement combiné dans le but évident d'op-
poser une efficace résistance aux poussées
toujours énergiques des voûtes en plein
cintre. Par ce moyen, on a pu donner à la
nef principale une largeur bien rarement
Grande nef et bas-côté gauche.
atteinte par les constructeurs de cette
époque sans élever les piliers à une hauteur
exagérée, et surtout, sans recourir à l'em-
ploi de ces puissants contreforts extérieurs
qui dénaturent la forme d'un édifice et eh
altèrent singulièrement l'unité. Un autre
résultat de cette combinaison des voûtes est
de supprimer toute pénétration d'une voûte
dans une autre, système complexe, toujours
délicat dans sa conception, et comportant
des difficultés d'exécution que les construc-
teurs de l'église de Lescar n'étaient pro-
bablement pas en état de résoudre.
472
Bcbuc tic l'8vt cbrétten.
Pour donner plus d'assiette aux piliers,
l'architecte les a élevés au-dessus d'un socle
circulaire de forte saillie sur lequel portent
les bases des colonnes. Cette sage précau-
tion, qui ajoute à la stabilité de la pile, ne
nuit en rien à l'harmonie générale : au con-
traire, elle donne à l'ensemble de l'édifice
un caractère de force tout particulier, d'au-
tant plus que la saillie de ce socle se répète
au long des murs latéraux. Le peu de hau-
teur de ce soubassement permet de s'y as-
seoir pendant la durée des offices.
Le transept est couvert dans la partie
qui fait face à la grande nef, par une voûte
d'arête régulière, construite sur plan presque
carré, avec nervures saillantes, et, au-dessus
des deux bras latéraux par des voûtes
cylindriques en berceau. Au delà du tran-
sept, les deux petites absides, voûtées elles-
mêmes en cul- de- four, contrebutent les
poussées qui doivent se produire de ce côté,
tandis que la grande abside, s'élevant jus-
qu'à la hauteur de la voûte principale, ter-
mine l'édifice.
Comme on peut s'en rendre compte par
cette description sommaire, il y avait corré-
lation absolue entre toutes les parties du
monument, et cohésion parfaite entre tous
les éléments devant servir à la résistance.
Dans sa simplicité relative, il présentait un
ensemble de combinaisons toutes particu-
lières, nouvelles pour l'époque de sa con-
struction, déduites et mises en œuvre avec
une science que nous sommes encore forcé
d'admirer aujourd'hui.
La décoration du mur circulaire de la'
grande abside consiste en une arcature
basse composée de huit arceaux saillants,
à moulure torique, passant sous un ban-
deau denticulé et portant sur des colonnes
appuyées contre le mur. Au-dessus de cette
arcature, dont la hauteur correspond au
soubassement extérieur, s'ouvrent les trois
fenêtres. Les chapiteaux des colonnes, lar-
gement évasés, affectent, sous un haut et
massif tailloir sculpté, la forme, encore re-
connaissable, du chapiteau corinthien ro-
main, mais ce n'est qu'un souvenir, et, si
les détails indiquent une certaine habileté
de main, les véritables proportions sont
étrangement méconnues. Il serait permis de
penser que ces réminiscences de l'architec-
ture classique pouvaient venir de quelque
souvenir local, car le pays de Béarn n'était
pas sans présentera cette époque, des restes
de monuments romains; mais la multiplicité
des exemples de ce genre d'ornementation,
dont nous trouvons le type le plus parfait
à l'église de Saint-Nazaire à Toulouse,
nous force à rattacher l'arcature du chœur
de Lescar à une grande école d'art, pre-
nant sa source dans les anciennes provinces
romaines de la Syrie centrale, et venue se
développer au Midi de la France, dans la
seconde moitié du XIe siècle.
Chacune des arcades encadre une pein-
ture à fresque représentant une scène de la
vie de la Vierge : Visitation, Annonciation,
Apparition de l'ange aux bergers, Nais-
sance, de Je sus- Christ, Adoration des Mages,
Fuite en Egypte, etc., etc. ; entre les fenêtres
se voient encore quatre grandes figures de
Prophètes et sur la voûte de l'abside, le
Couronnement de la Vierge domine tout
l'ensemble. Ces peintures, assez mal con-
servées, portent le caractère des œuvres
similaires italiennes de la fin du XVe siècle ;
les personnages sont naturellement posés,
sans raideur, dans des vêtements amples et
drapés avec art, les gestes sont expressifs
et les groupes harmonieusement formés.
Malgré toutes ces qualités relatives, et,
bien que le coloris apparaisse encore puis-
H'église jî2otre*2Dame tie îlescar.
473
santdans les parties non dégradées, il serait
téméraire d'attribuer à ces fresques une
valeur extraordinaire ; cependant elles ont
le mérite de former une œuvre importante,
tendant à un but unique, et dominée par
une seule pensée : la glorification de la
Vierge Marie, patronne de l'église. Il serait
peut-être plus téméraire encore de chercher
à désigner l'auteur de ces peintures ; ita-
liennes elles sont et par le sentiment et
par la composition des sujets ; cela est in-
dubitable. Depuis le cardinal Pierre Ier de
Foix, évêque de Lescar de 1405 à 1422,
jusqu'à Amanieu d'Albret, cardinal et ad-
ministrateur perpétuel du diocèse, entre les
années 15 13 et 1 5 1 5, les rapports entre
les primats de Béarn et la Cour de Rome
avaient dû être tellement fréquents qu'il n'y
a rien de bien surprenant qu'un pareil tra-
vail ait été confié à un artiste venu d'Italie.
Certes, nous n'avons pas devant les yeux
l'œuvre d'un maître de l'école ombrienne
—f — -^fn
Cathédrale de Lescar. - Intérieur du chœur.
ou florentine, d'un Pinturicchio, d'un Be-
nozzo Gozzoli ou d'un Lucas Signorelli,
dont on connaît tant d'œuvres de même na-
ture et d'importance considérable ; tout au
moins peut-on les attribuer à un élève dis-
tingué de ces maîtres ayant apporté à Les-
car la tradition de ces célèbres écoles d'art.
Mais revenons au XIe siècle et à l'époque
de la construction de notre cathédrale.
C'était un temps où l'imagination jouait un
grand rôle dans l'expression et l'interpré-
tation figurée des dogmes religieux ; l'ico-
nographie était chargée d'étaler aux yeux
des fidèles un symbolisme frappant de
toutes les croyances, de tous les châtiments,
de toutes les espérances qui pouvaient af-
fermir le chrétien dans la voie du salut ;
les constructeurs de la cathédrale de Les-
car n'ont pas manqué à ce devoir. Sous
l'empire des instructions données par saint
Jean Damascène et sanctionnées par les
décisions du synode d'Arras, tenu en 1026,
les sculpteurs s'efforcèrent de reproduire,
dans les chapiteaux des colonnes, les scènes
les plus populaires de l'Ancien et du Nou-
veau Testament ainsi que certaines allégo-
ries faciles à saisir par des spectateurs le
plus souvent illettrés. Ces artistes, encore
REVUE 1)Ë 1. ART CHRETIEN.
1899. — 6me LIVRAISON.
474
3&et)uc lie l'art chrétien*
doués, sinon de beaucoup de talent.au moins
d'une certaine adresse pratique, réussirent
à traduire ces sujets avec une naïveté tout
à fait surprenante ; aussi, la revue de cette
sorte de musée de la sculpture au moyen
âge, offre-t-elle une curieuse étude.
Ne pouvant, malheureusement, donner
ici un dessin exact de tous ces chapiteaux,
nous allons en faire l'énumération en nous
reportant, pour en définir le sujet et en
trouver l'interprétation, à la savante mono-
graphie écrite par l'abbé Laplace, curé de
Bassillon, bourg situé dans le voisinage (').
Les plus anciens chapiteaux se trouvent
auprès du chevet, non loin par conséquent
de cette arcature circulaire dans laquelle
nous avons constaté des souvenirs de l'é-
poque romaine. En faisant le tour de l'église,
et en commençant par le côté de l'épître
pour revenir par celui de l'évangile, on
rencontre : i° La Tentation et la Chute
d'Adam et d' Eve. — 2° L'Ange chassant
Adam et Eve du Paradis. — 30 Caïn armé
d'une pierre saisit son frère Abel par les
cheveux. — 40 Un ange tenant une sorte
de livre qu'il présente à un personnage
nimbé, ce qui devait indiquer la promesse
d'un Rédempteur. — 50 Un chapiteau à
feuilles, très richement sculpté. — 6° Quatre
colombes becquetant des pommes de pin
représenteraient les justes prenant la nour-
riture céleste. — 70 Le Sacrifice d'Abraham:
vêtu de la longue robe et du camail des
chanoines, il lève le bras armé du glaive,
l'ange l'arrête et lui montre le bélier dans le
buisson. — 8° Deux lions affrontés se
dressent contre une plante divisée en plu-
sieurs tiges, un oiseau perché sur une des
branches becqueté le fruit. — 90 Le Juste
Habacuc est saisi aux cheveux par un ange
qui le transporte à Babylone. — io° Daniel,
1. Monographie de Notre-Dame de Lescar, par l'abbé
!.. P. Laplace. Pau, Imprimerie Vinancourt, 1S63.
assis pour manger, reçoit dans sa robe re-
levée le pain que lui envoie le Seigneur. —
ii° Daniel dans la fosse aux lions, debout,
les mains iointes. Nous voici arrivés au
bas de la nef : en remontant de l'autre côté
nous allons passer en revue les souvenirs
de la vie de Notre-Seigneur. La série com-
mence par : 1 20 Le festin d'Hérode ; la tête
de saint Jean-Baptiste est offerte à Salomé.
— 130 Jésus assis au milieu de ses disciples;
sa tête est nimbée, sa main droite est levée
pour enseigner ; le Livre de la Loi est
ouvert sur ses genoux ; dans un nuage ap-
paraît la main du Père Eternel. — 14° Sous
une arcade retombant sur deux colonnes,
un personnage.revêtu delachape pontificale,
est assis, tête nimbée, sur un trône ; deux
anges se tiennent derrière les colonnes, et
un adolescent est assis sur un banc ; cette
scène un peu complexe serait la traduction
d'une parabole rapportée par l'évangéliste
saint Jean : Ego stim ostium. — 150 Quatre
colombes buvant ou becquetant. — 160 Autre
scène du Repas d'Hérode. — iy° Une voûte
en coquillages sous laquelle reposent deux
lions, un enfant et un chevreau ; scène re-
présentant l'âge d'or du monde. — 18°
Marie salue Elisabeth. — 190 Le Christ
nimbé dans une auréole avec les quatre
animaux évangéliques. — 200 Deux singes
accroupis; les bras liés à un bâton symbo-
lisent les passions dégradantes. — 210 La
Fuite en Egypte. — 220 Marie dans 1 etable
de Bethléem ; sur l'astragale du chapiteau
est écrit : magni munere cristo offer ;
ce qui tendrait à prouver que plusieurs
particuliers ou familles avaient offert le prix
d'une ou de plusieurs de ces sculptures. —
230 Perroquets placés sur la tête d'animaux.
— 240 Quatre serpents ailés enlacés, repré-
sentant les vices, déchirent des malheureux.
— 250 Quatre quadrupèdes dévorent des
H'égltae jBotr étante De Hescar.
475
hommes placés la tête en bas ; supplice ré-
servé aux misérables pécheurs.
Il est certain que la plupart de ces
symboles pouvaient s'interpréter de diffé-
rentes façons, et que grande liberté était
laissée à l'artiste à ce sujet. Les ateliers de
sculpture avaient à cet égard des documents
tout préparés, ce que nous appellerions des
poncifs, qu'ils emportaient avec eux dans
leurs tournées artistiques ; aussi, presque
toutes les églises un peu importantes, con-
struites vers la fin du XIe siècle, ou au
commencement du XIIe, en Languedoc,
province où l'influence byzantine et sy-
rienne s'était largement fait sentir au retour
des premières croisades, sont-elles ornées
de sculptures ayant une grande analogie
avec celles de la cathédrale de Lescar, et
traitées dans le même esprit. Sans parler
de la célèbre église abbatiale de Vézelay,
qui ne compte pas moins de 94 chapiteaux
analogues à ceux de Lescar, du magnifique
sanctuaire de Saint-Sernin à Toulouse et
de bien d'autres grands édifices où les ar-
tistes de l'époque romane ont pu donner un
libre cours à leur fantaisie, on peut retrou-
ver la plupart des sujets symboliques
cités plus haut, avec d'autres de même style
et de même caractère religieux, dans des
monuments de moindre importance ; on en
rencontre en Bourgogne, où l'Ordre de
Cluny nous en a conservé quelques exem-
ples ; en Poitou et dans certaines parties
de la Touraine, où nous pouvons citer,
parmi les édifices les plus remarquables de
cette époque, la charmante église abbatiale
de Preuilly-sur-Claise, ainsi que la célèbre
abbaye de Fontgombauld.sa voisine; l'une,
fondée la première année du XIe siècle,
l'année 1001, d'après les Annales du P. Ma-
billon, mais n'ayant pris sa forme définitive
que plus tard, 1050 ; l'autre, due aux tra-
vaux et aux diligences de l'abbé Pierre de
l'Étoile, premier successeur de l'ermite
Gombauld, en 1091. Cette dernière, un
des plus nobles types de cette belle archi-
tecture romane, ruinée, détruite en grande
partie, ne montre plus guère que son por-
tail où l'on retrouve des traces manifestes
d'une antique splendeur: les chapiteaux des
huit colonnes et des deux piliers latéraux,
tous variés de forme et de sujet, appar-
tiennent à cette imagerie sculptée et sym-
bolique dont la cathédrale de Lescar nous
fournit de si curieux exemples.
L'église de Lescar possède deux sacris-
ties: la plus ancienne, qui date de la fonda-
tion, est une petite pièce faisant suite à
l'aile droite du transept dont elle occupe
toute la largeur ; elle est voûtée de deux
travées d'arêtes séparées par un arc dou-
bleau. La seconde sacristie, beaucoup plus
récente, date de l'époque où furent ouvertes,
aux deux extrémités du transept, les grandes
fenêtres à meneaux, ses voûtes ogivales
aiguës, à nervures saillantes, l'attestent
avec certitude; elle est du reste mentionnée,
comme étant la sacristie nouvelle, dans un
acte passé le 31 août 1534, conservé aux
archives de la préfecture des Basses- Py-
rénées.
Autour du maître-autel, le pavement du
chœur est formé de trois panneaux de mo-
saïques, deux anciens et un moderne. Ces
mosaïques ayant été, il y a déjà quelques
années, le sujet de savantes controverses
de la part de nombreux archéologues,
l'église de Lescar a bénéficié de cette no-
toriété nouvelle ; l'attention des pouvoirs
publics a été attirée sur le mauvais état dans
lequel se trouvait l'édifice et l'Administra-
tion des Monuments historiques en a or-
donné une restauration générale,
476
Hebue lie r&rr cbtctten.
Ces panneaux encadrent le maître-autel ;
circulaires du côté qui confine à la muraille
de l'abside, rectilignes au droit des marches
qui environnent l'autel, ils occupent, depuis
le XIIe siècle, la place où nous les voyons
aujourd'hui, car tout le monde est d'accord
pour en attribuer l'adaptation, sinon la créa-
tion à l'évêque Guy ou Guido, le grand
restaurateur de la cathédrale. Recouvertes
par un plancher sur lequel reposaient les
stalles du chœur, ces mosaïques furent de
nouveau mises au jour à l'occasion du dépla-
cement de ces stalles en 1838. C'est alors
que prirent naissance les opinions diver-
gentes ; les uns voulaient considérer le
pavement entier comme l'œuvre de Guido,
Mosaïque gallo-romaine.
Panneau de droite avant la restauration.
s'appuyant sur ce qu'on y voyait reproduits
le nom et les armoiries de l'évêque ; les
autres, plus clairvoyants, ou mieux instruits,
lui attribuaient une origine gallo-romaine.
Le sujet est bien fait du reste pour dérou-
ter les investigations: sur un des panneaux,
un chasseur perce de sa lance la tête d'un
sanglier, tandis qu'à côté, et tourné en sens
inverse, un cerf est terrassé par deux dogues,
l'un en avant, l'autre en arrière ; cette scène
repose sur une bordure d'entrelacs. Sur
l'autre panneau, un chasseur nègre, privé
d'un pied, mais s'appuyant sur une jambe
de bois, bande son arc ; derrière ce person-
nage vient un mulet traînant un animal
féroce attaché à sa queue ; l'inscription
« Dominus Guido episcopus Lascarensis hoc
Jieri fecit pavimentum » était comprise dans
ce panneau et précédait le motif décoratif.
Le troisième panneau, situé derrière le
maître-autel, a été complètement fait à neuf
par le mosaïste Facchina pour raccorder
les deux premiers. M. Lafollye, alors archi-
tecte diocésain, chargé, en 1885, de diriger
cette restauration, a fait reproduire sur ce
dernier panneau un fragment de pavement
gallo-romain, représentant des entrelacs et
des rosaces, découvert dans le voisinage, à
l'église de Pont d'Olly de Jurançon.
Depuis cette restauration, l'opinion s'est
affirmée avec M M. Léon Palustre.Taillebon,
Lecœur, architecte, et surtout, après les très
intéressantes recherches et les nouvelles
découvertes de M.Hilarion Barthély, mem-
bre de la Société française d'Archéologie,
>
Mosaïque gallo-romaine.
Panneau de gauche avant la restauration.
qui, habitant Lescar même, a pu mettre
son érudition au service de cette cause. Or,
il n'est pas douteux pour M. Barthély que
la mosaïque ne soit gallo-romaine. Il en
indique même l'origine. Elle proviendrait
de la villa prétorienne dont nous avons
marqué l'existence au début de cette étude,
et aurait été transportée dans l'église par
l'évêque Guido, en faveur de qui l'inscrip-
tion aurait été ajoutée. Des fouilles récentes
ont fait découvrir d'autres mosaïques de
même nature dans plusieurs salles de la
villa.
Du reste, l'examen de cette mosaïque n'a
pas laissé l'ombre d'un doute dans notre
esprit; la facture grossière, l'incorrection du
dessin, la nature des matériaux employés,
tout indique l'œuvre d'artisans malhabiles,
ayant voulu reproduire un sujet déjà mainte
3L'églt0e JlMte-SDame De 3Le#cat\
477
fois traité, travaillant à bon compte, et
parcourant les provinces pour y placer les
produits de leur industrie.
Toute habitation romaine, on le sait, de-
vait nécessairement comporter un ou plu-
sieurs pavements en mosaïque ; c'était
l'usage, personne n'aurait songé à y con-
trevenir, et, un sujet de chasse convenait
parfaitement à la demeure d'un officier
occupant un poste lointain au milieu d'un
pays sauvage. L'évêque Guido, cela n'est
donc pas douteux, a déplacé la mosaïque
pour en orner son église. La vanité ou la
flatterie lui ont attribué, dans l'inscription,
le mérite de l'avoir fait faire, sans se rendre
compte que ces grotesques chasseurs, ces
animaux bizarres,peut-être acceptables pour
parer le triclinium d'une villa, eussent été
absolument déplacés dans un lieu consacré
au culte divin.
Notre-Dame de Lescar, que l'on se plaît
à décorer dans le pays du nom de Saint-
Denis de Béarn, renferme en effet les tom-
beaux de plusieurs princes. En 1483, Fran-
çois Phébus, le restaurateur du grand por-
tail de l'église, y est enterré ; un peu plus
tard, en 1515, on y dépose les restes de
Jean II d'Albret ; en 15 17, sa femme,
Catherine de Foix, vient se ranger à ses
côtés ; la reine Marguerite de Valois y
trouve son dernier asile ; enfin, en 1555,
un tombeau y est élevé pour Henri II de
Béarn, le père de Jeanne d'Albret. Les
guerres de religion furent fatales au vieux
monument, les soldats de Mongommeri le
saccagèrent et l'incendièrent.
La cathédrale de Lescar est donc un
monument historique et patriotique par
excellence, offrant de plus à l'artiste et à
l'archéologue un champ d'étude du plus
haut intérêt.
Elle est dans l'ensemble de sa construc-
tion ainsi que dans beaucoup des détails de
son ornementation un très remarquable
type de cette belle, savante et simple archi-
tecture romane de l'époque primitive que
la nécessité de couvrir de trop vastes es-
paces n'avait pas encore fait dévier de sa
pureté, de son absolue convenance et de
ses rapports intimes avec l'architecture ro-
maine.
G. Clausse,
architecte. .
Sfe» SVA f*U XSJA A^C >MA &1 A &1-A &l* K^U *&A X*»E* VV^t >&U »5£* »5£* ¥^
jt .xixOTriLriiirrrTTrmmiriiiiiiiiriraiTiiTTiixriiiiiiii^ *
^^ fieitqueg tic Congtanttnople mn). mm |
^...v.T.ï-.TTTTTyïiiiirttTTiMniimiiiitiiiniiiiiimiTimiiiïiiiniuml V
#***&* TëF T.&* W **T* *A* W W W W yx£* W y^x y^y v^v
la renfermer, le petit monument, aujour-
d'hui en ruines, dont, grâce à M. le Chr Fra-
cassetti, préfet de la bibliothèque de Fermo,
je puis donner le dessin fait d'après les
débris qui subsistent, ainsi que les détails
qui suivent.
[ermo (Marches), 1273. -- D'après
une tradition qui se retrouve chez
_j§||jj les historiens de Fermo les plus
anciens, l'épine qui y est aujourd'hui vé-
nérée, fut apportée en 1273 à Sant Elpidio
a Mare, petite localité voisine de Fermo,
par le bienheureux Clément Briotti, qui en
était originaire.
') "■.'.i.iAii:),Tiii',.1niiMiiiiiift^<nm
Premier reliquaire de pierre de la sainte Épine à
Sant' Elpidio a Mare.
De la règle de St-Augustin, sa piété et
sa science l'avaient fait élire général de
l'Ordre. Il vint, en 1 272, visiter la province
<le France, et sut s'attirer la bienveillance
et conquérir l'estime de Philippe-le-Hardi,
qui lui donna une des Épines de la Couronne
de la Sainte-Chapelle. A son retour en
Italie, il la déposa dans l'église de son mo-
nastère où, au siècle suivant, fut élevé, pour
mssmÊm
^~s>
-.
Reliquaire de la sainte Épine de Fermo.
Comme on le voit par l'inscription, il fut
érigé le 1 5 mars 137 1.
MCCCLXXI DI XV DE MACO FO FATO QVESTO
I.AVOR1RO QVI DENTRO CAXli LA SP1NA SCA.
La statue de saint Augustin sculptée sur
la façade, semble veiller sur le trésor de
son Ordre.
Mais la sainte Epine ne demeura pas
i&eltques de Conôtantinople.
479
longtemps dans ce reliquaire de pierre. En
1377, dans la nuit du 8 septembre, pendant
une sédition, les habitants de Fermo, sous
la conduite de leur chef Rinaldo di Monte-
verde, s'emparèrent du bourg de Sant
Elpidio et emportèrent triomphalement à
Fermol'Épinequ'ilsdéposèrent dans l'église
de Saint-Augustin.
Cette même année, l'évêque de Fermo fit
subir à deux Epines l'épreuve du feu: tandis
que l'une était réduite en cendres, l'autre,
celle de Clément Briotti, sortait indemne
de la fournaise « sollevandosi a poco a poco
e trattenendosi illesa in aria senza che niano
visibile la sostenesse » .
En 1405, un P. augustin, Rogeroli da
Fermo, fit présent du riche reliquaire dans
lequel elle est encore enfermée, et en 1574,
le F. Silvestro da Rossano, capucin, in-
stitua la confrérie du Précieux-Sang et de
la Sainte-Épine.
On vénère également à Fermo, dans l'é-
glise collégiale de Saint- Michel, archange,
une Épine, qui appartient à la famille des
comtes Gigliucci. Mais il n'existe pour elle
d'autre authentique qu'un procès-verbal de
reconnaissance, daté de j 568. Nous n'a-
vons donc pas à nous en occuper ici (').
Bergen, i 274. — L,&sLectiones Bergenses,
publiées par Riant (2), nous apprennent que,
le 30 septembre 1274, Philippe-le-Hardi
1. Bibliographie. — Adami Francisci De rébus in
civitate Firmi gestis fragmeniorum libri duo. Romœ, A. et
H. Donangeli, 1591, in-8°.
Medaglia (Natale), Memorie istoriche délia cilla di
Chôma, oggi S. Elpidio. Macerata. Panneli, 1692, in-8°.
Bacci (Andréa), Origine délia cilla di Cluana oggi S.
Elpidio e di moite altre cittei et luoghi deW antico Piceno.
Macerata, T. Pannelli, 1716, in-8°.
Antonii di Niccolo Cronache Fermane dal 1176 al
1447. — T. IV dei Documeiiti di Storia Italiana publicat.
a cura délia R. Députas, negli Studidi Storia Patria per
le provincie délia Toscana, delV Umbria e délie Marche.
Firenze, Cellini, 1870, in-40.
2. T. II, p. 4.
chargea Jean, archevêque de Norvège, de
passage à Paris au retour du Concile de
Lyon, de porter à Magnus IV, roi de Nor-
vège, un reliquaire en forme d'ange qui
tenait dans sa main une Épine que le roi de
France avait fait détacher en sa présence de
la sainte Couronne. Les neuf leçons du
Bréviaire de Drontheim relatent tout le
détail de la donation (30 sept.), de l'arrivée
en Norvège (4 nov.), de la susception (9
nov. ).Cette Épine, qui appartenait au trésor
royal, subit les vicissitudes des insignes
royaux avec lesquels elle était conservée ;
une lettre de Berger, roi de Suède, datée de
Suderkoping le 24 août 131 1, adressée au
chapitre d'Upsal, met en dépôt entre les
mains des chanoines la sainte Épine, encore
dans le reliquaire envoyé par Philippe à
Magnus (').
Ascoli, 1280. — M. Em. Bertaux, étu-
diant le reliquaire d'Ascoli (2), a été con-
duit nécessairement à s'occuper de la re-
lique qu'il contenait. Comme il résume tout
ce qui a été écrit antérieurement sur ce
sujet, je ne saurais mieux faire que de le
citer textuellement. Il a eu la pièce en mains,
alors que je n'avais que des photographies ;
il me serait donc difficile dédire aussi bien,
de montrer aussi complètement les détails,
qu'il l'a fait dans l'étude à laquelle j'em-
prunte ce qui suit :
« Ce reliquaire, en argent faiblement doré, d'un
dessin lourd et d'un travail sommaire, se compose d'un
pied de forme hexagonale, bizarrement coupé au milieu
par une niche qui contient un crucifix minuscule
entre les figurines de la Vierge et de saint Jean et d'un
i.Liljegren (J.-C.)etHildebrand(B.-E.),i?;/i/(?;««!/,ï;7'«w
Suecanum. Holmire, Norstedt, in-40, t. II I, n° I (1845),
P- 30-31-
2. Mélanges d'archéologie et d'histoire de P école de Rome,
(janvier-février, 1897). M. l'abbé Duchesne a bien voulu
me confier la planche de l'ange reliquaire, qui illustrait
l'article de M. Bertaux. Je lui en exprime ici toute ma
reconnaissance.
480
3&ebue fce r&rt chrétien*
édicule de même forme avec des frontons en accolade.
Chacun des six frontons porte gravées des figures
vues à mi-corps sur lesquelles on distingue des traces
d'émail translucide : ces figures sont la Vierge, saint
Jean et quatre saints dominicains, dont trois sont
désignés par des initiales : saint Dominique, saint
Thomas d'Aquin et saint Pierre martyr.
Reliquaire de la sainte Épine d'Ascoli.
« Au-dessus de la couronne qui surmonte Pédicule
est posée une statuette d'ange, en argent, avec les vête-
ments dorés, qui tient d'une main l'épée et de l'autre
l'écusson d'Ascoli, chargé d'une tourelle et de deux
ponts. Dans Pédicule même, est abrité un autre ange en
argent complètement doré,qui tient d'une main un petit
cadre où la sainte épine est enfermée sous un cristal
épais. La date exacte du reliquaire est inconnue,mais on
peut le rapporter aux dernières années du XVe siècle.
De plus, deux inscriptions en onciales d'argent champ-
levées sur un fond d'émail bleu opaque, donnent les
noms du donateur et de l'auteur. L'une,à la partie supé-
rieure du pied, porte ceci :
HOC OPUS FIERI FEC1T VANNES NlCOLAI DE PORCIA
PRO SUA ANIMA.
« Le bourg de Porchia se trouve à peu de distance
d'Ascoli près de Montalto.
« L'autre inscription, à la partie inférieure du pied,
est la signature de l'ortèvre.
NlCHOLAVS AURIFEX DE CAMPLO ME FECIT.
« On sait que la ville de Campli est située à l'entrée
des Abruzzes sur la route de Teramo à Ascoli.
« C'est à ce Nicola de Campli que M. Luzi attribue
le reliquaire tout entier y compris les deux anges. Mais
il est facile de voir qu'autant l'ange qui surmonte
Pédicule est gauche et lourd, avec ses yeux durs, ses
traits carrés, son vêtement mal drapé qui ne tient pas
au corps, autant l'ange qui présente la relique est gra-
cieux et fin avec son visage enfantin, les boucles anne-
lées de ses cheveux, son manteau qui tombe en larges
plis, ses ailes mêmes délicatement ciselées. Il y a entre
ces deux statuettes, non seulement toute la différence
qui sépare un ciseleur moderne d'un artiste raffiné,
mais encore celle qui sépare les arts de deux pays et de
deux siècles.
« L'origine de la relique que le bel ange d'argent
doré tient dans ses mains, nous est indiquée par une
tradition très vraisemblable, que confirme un acte
rédigé au XVIe siècle, à ce qu'il semble d'après un ori-
ginal plus ancien ('). Cette relique fut apportée à Ascoli,
par un dominicain natif de la ville même, Fr. Fran-
cesco de' Sarli, qui avait été confesseur de Philippe-
le-Bel. Le roi de France aurait échangé la sainte Epine
contre une dent de saint Dominique. Or, la statuette
conservée dans le reliquaire de Nicola de Campli a
précisément le visage arrondi, la bouche menue, le
menton bien détaché et légèrement pointu des figu-
i.Anno domini M° CC° LXXXX". tempore domini
Nicolai pape III et indictione III et tempore venerabilis
domini Schiapte de Cancelleriis de civitate l'istorii hono-
rabilis Potestatis Esculane civitatis, sanctissima relit [il in
sanctissime spine corone Domini nostri Jesu Christi Es-
culum portata est de mense madii per venerabilem fia
trem, Franciscum de Sarlis de Esculo, ordinis fratrum
predicatorum. Cujus modus talis fuit. Cum prédirais
frater Franciscus esset confessor régis Francie, apud
queni erat corona Christi, exigita a Vendis ad petitionem
Constantini imperatoris, impretravit predictus frater
Franciscus apud dictum regem un.im de Spinis Corone
Domini, pro qua dédit predicto régi dentem Sancti
Dominici.
îReltques de Conatanttnople.
481
rines françaises de la fin du XIIIe siècle; il est évident
dès lors qu'elle a été donnée aux religieux d'Ascoli
avec la sainte Epine, dont elle était le reliquaire. La
largeur du modelé et la richesse de l'épaisse dorure
font un chef-d'œuvre accompli dans sa petitesse de
cette statuette française oubliée dans une sacristie des
Marches, après avoir appartenu à un roi de Fiance. »
M. Giulio Gabrielli, le savant biblio-
thécaire d'Ascoli, ne s'est pas contenté de
m'envoyer la photographie du reliquaire, il
a joint à sa lettre quelques renseignements
intéressants que je n'aurai garde de passer
sous silence.
Ange portant l'Épine du reliquaire d'Ascoli.
« La hauteur de l'ange qui surmonte l'édicule est
« de 0.20 cent, son poids de 420 gr.
« La hauteur de l'ange qui tient l'Épine de o 155 mm.
« La hauteur du reliquaire entier de 0.92.
« Le coffre où est enfermé le reliquaire est de noyer,
long de 1 m. 03, haut de 0.59, large de 0.55. Sa serrure
et les quatre bracelets extérieurs sont décorés de rosaces
en lames de fer, repercées à jour sur drap rouge. Le
coffre est du XVe siècle, contemporain du reliquaire.
« L'inscription: « Hoc opus fecit fieri Vannes Nicolai
de Porcia pro sua anima », appartient peut-être à
Giovanni Nicolo de Porchia, descendant de la famille
des Nobili, établi à Ascoli au milieu du XVe siècle »
KEVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 6me LIVKAISON.
482
ÏUtoue De l'art chrétien.
La fête de la sainte Épine d'Ascoli se
célèbre le dimanche Infra Octavam Ascen-
tionis : l'office est celui: Sacratissimœ spinœ
corona- D. N. J. C. Les chanoines de la
cathédrale, après none, vont en procession
à l'église de Saint-Pierre Martyr, avec le
clergé et les confrères du rosaire portant le
reliquaire. On chante l'hymne « Vexilla
Régis prodcunt ». Le municipe autrefois
participait à cette procession, car dans le
Statulo de 1387, la fête de la sainte Epine
était une des fêtes officielles de la ville.
M ARIENTHAL, ail. 12/0. 111 Kal. Oct.
Anniversarium excellentissimi Domini Philippi régis
Frauda qui dedii nobis CC. et L. libras Turonenses et
argenteum angelum cum una Spina de Corona Domini
et crucem argenttam cum parte de ligno Domini. Hac
die habebit conventus XX. solidos ad pitanciam de bonis
de Norlzingen.
Ce passage du Nécrologe du couvent de
Marienthal, nous a été conservé par le
P. Alex. Wiltheim, dans sa vie de Yolande
de Vianden (Anvers, 1674) et nous apprend
que « Mortuo deinde Ludovico antw 1270, ei succedit
Philippin filius. Is, procurante Yolanda cognata ejus ('),
misit sanctimonialibus Mariai Vallis, de Corona Christi
Spinam unam, gestatatn a simulachro argenteo angeli,
additis 250 libris nummum Turonensium... Angélus
spinam crystallo inclusam manibus prœferl estque materia
argentum inductum aura, niagnitudine Jere pedaii,
donum sane et donantis accipienlisque contemplatione
gemmis omnibus longe anteferendum. »
Le couvent de Marienthal a été supprimé
en 1783, sous Joseph II. La plus grande
partie des archives a été transportée aux Ar-
chives du gouvernement de Luxembourg.
On y trouve, sous la date de 1295, une
charte d'indulgence de quarante jours, ac-
cordée aux pèlerins qui visiteront la relique
de la vraie croix et la sainte Épine.
1. Sa mûre était Marguerite, comtesse de Vianden, fille
de Pierre de Courtenay II, empereur de Constantinople,
qui avait épousé en premières noces Raoul III d'Issoudun,
et en secondes noces, Henri de Vianden.
Les Deux:-Siciles ont possédé de nom-
breuses reliques de la sainte Couronne. La
Sicilia sacra,\es Sacres regiœ visitât ioues per
S ici liain, éditées par J.- A. de Ciocchis,lV/«//a
sacra, nous en font connaître plus de trente.
Mais celles dont nous pouvons reconstituer
l'histoire sont rares. Avec l'Epine de Mon-
reale, que nous retrouverons tout-à-1'heure
sous la date de 1378, celles d'Andria, de
Bari, de Catane, et, bien qu'il nous faille
passer les mers, l'épine de Médina del
Campo en Espagne, sont les seules qui
semblent pouvoir se rattacher à l'histoire
de la Couronne de la Sainte-Chapelle.
On était convaincu que ces Épines ve-
naient de Charles Ier d'Anjou, qui devait
les avoir reçues de son frère saint Louis,
alors qu'il l'accompagnait à la susception de
Sens et de Paris ; l'identification était ten-
tante en effet. On croyait pouvoir s'appuyer
également sur le texte de la permission ac-
cordée au roi Robert, par Clément V, en
131 1, d'exposer à Naples, à la vénération
des fidèles, les reliques insignes de sa fa-
mille: mais, comme il n'est fait aucune men-
tion d'Épines dans le document rapporté par
Raynaldi, nous croyons devoir conformer
notre opinion à l'inscription du reliquaire
contemporain d'Andria, détruit le 25 mars
1799, lors de la prise d'Andria par les
Français, dont heureusement Sarnelli, dans
ses Lettres ecclésiastiques, nous a conservé
le texte.
En cuspis de tôt majoribus una Corona,
Qua dune pupugere manus pia tempora Jksu :
Quando Parasceve, et martii vigesima quinta
Concurrunt, veluti majores oie probarunt,
Una hase (O quam mirum !) tota cruenta videtur,
Qua: solet esse alias guttis aspersa quibusdam
Gloria victori, palma; et monumenta perenni :
Cornua etenim Satana; spinosa fronte répressif.
Ad nos Trinacrias, Carolus rex ille secundus,
Transtulitex Parisiis, qua? Urbs Regia Galba- habetur.
Detqueilli Dominus pro tanto hue pignore vecto
Cuncti exoremus felicia régna Polorum.
Pectore devoto, venerandaque poplite fiexo est.
Spina Redemptoris, roseo suffusa cruore,
Cum sentes, ut acies totidem, toleraverit ultor
Humani sceleris, gratissima metra canamus.
L'Épine aurait donc été rapportée de
Paris par Charles II et non par Charles Ier;
la tradition constante, et nous ne pouvons
avoir de documents écrits, puisque les ar-
chives de la cathédrale furent, une première
fois, incendiées en 1345, par les Hongrois,
brûlées en 1528, enfin pillées en 1556, rap-
porte, et cela très vraisemblablement, que
l'Épine fut donnée à la cathédrale d'Andria
en 1 308, par Béatrice d'Anjou, quand, veuve
d'AzzoVIII d'Esté, marquis de Ferrare,
elle épousa Bertrand del Balso, auquel elle
apporta, dans sa dot, le comté d'Andria
qu'elle avait reçu de son père, Charles II,
en 1305.
Le plus ancien document d'archives qui
la mentionne actuellement est l'inventaire
de 1586, fait par Mgr D. Luca Antonio
Resta, évêque d'Andria : « Una ex spinis
majorions Corone Christi, in acie et medio
sanguineis maculis perfusa. » Si le reliquaire
n'existe plus,l' Epine fut retrouvée en octobre
1837 à Venouse et restituée à la cathédrale
d'Andria où elle est actuellement vénérée(').
L'office de la sainte Épine ne fait aucune
allusion ni au don, ni au donateur : on y
récite au capitule: Eg7'ediniini ; aux vêpres,
on chante : Vexilla Régis prodennt ; à ma-
tines : Pange lingua gloriosi ; à laudes :
Lustra sex qui jam peregit.
Bari. — Malgré une tradition qui paraît
très sûre d'elle-même, on ne saurait ranger
autrement que parmi les Épines probables
1. La plus grande partie de ces renseignements m'ont
étécommuniqués par Monseigneur Emm.Merra, d'Andria,
qui vient de publier une savante étude sur l'Epine de sa
cathédrale. — Una délie maggiori spine délia corona di
Nostro Signore nel Duomo di Andria. Trani, Vecchi.
1897, in-8°.
celle de Bari. Mais incontestablement elle
se rattache à la même origine sicilienne,
puisqu'on s'accorde à reconnaître qu'elle fut
donnée à la cathédrale par Charles 1 1
d'Anjou, lorsqu'il vint visiter le tombeau
de saint Nicolas (').
Reliquaire de la sainte Épine de Bari.
Catane, 1339. — Au contraire, parmi les
huit Épines connues de Catane il en est
deux dont la filiation angevine semble in-
discutable:celles deSaint-Nicolas deArenis,
monastère deClarisses, et celle des Francis-
cains. Elles furent léguées à ces deux
monastères, en 1339, par Éléonore, femme
de Frédéric II, fille de Charles II, sœur
de saint Louis de Toulouse. Morte chez les
Clarisses, dont elle avait pris l'habit à la
mort de son mari, elle fut inhumée dans
l'église de Saint-Michel Castri Ursini des
ranciscains
(*)■
1. Moroni, v" Spine et Civilta cattolica, 2e sér., t. II,
(1893) p. 329. Je dois à Mgr X. B. de Montault la com-
munication de la photographie ici reproduite. Cf. Revue
de V Art chrétien, 18S3, p. 462.
2. Sicilia sacra, 539, 577.
484
3Reliue De PSÏrt chrétien.
Medina del Campo, 1338. — On ne son-
gerait guère à rattacher au trésor des rois
de Sicile, descendants de Charles d'Anjou, à
ce petit centre secondaire de distribution,
l'Épine donnée au couvent de Medina del
Campo, par la reine de Castille et d'Aragon,
DonaLeonor, veuve de Fernando IV, si une
étude de M.E111. Bertaux sur les reliquaires
du couvent (') ne nous avait fait toucher du
doigt leur origine napolitaine. Elle semble
indiscutable. Castillo, dans son Historia
général de Santo Domingo (2), indique les
plus importantes reliques, données au mo-
nastère par la reine ; on y voit figurer
une épine, à côté du bras de saint Luc, à
côté du bras de saint Louis de Toulouse,
et « todas est an muy bien guarnecidas de
plata dorada con sus viriles de cristal » . Or
M. Bertaux a pu démontrer que deux de ces
reliquaires avaient été exécutés en 1338,
qu'ils portaient les armes de la reine Sancia
et qu'ils avaient été commandés par le roi
Robert-le- Magnifique. L'origine royale et
napolitaine de ce trésor ne saurait donc être
contestée.
Besançon, 1330. — Ln 1320, au mois
de juin, Hugues Michiel, de Besançon,
chantre de Paris, fondait la fête de la sainte
Couronne à Besançon. Évêque de Paris, il
envoyait, en 1330, deux Epines, dont l'une
était destinée au chapitre de Saint-Jean,
l'autre à la Madeleine. La lettre d'Hugues
à ses confrères, les chanoines de Besançon,
a été publiée par Castan dans les Mémoires
lus à la Sorbotine en 1865 (3). Le ms. 830
de la Bibliothèque de Besançon, dans un
inventaire, signale la petite colonne d'argent
1. Chronique des arts, 1898, p. 45.
2. Castillo (Fernando), Historia gênerai de Santo Do
mingo et de su or de 11 de Predicadores. Valladolid, 161 221,
in-f -, t. II, p. 31.
3. Histoire, p. 893.
dans laquelle l'une des Épines fut conservée
à Saint-Jean jusqu'à la Révolution. L'office,
qui était celui de la Sainte-Chapelle de Paris,
occupe les fol. 259271 v° d'un Lcctionnairc
de la cathédrale de Besançon du XI Ie siècle,
à la Bibliothèque nationale, auquel ii a été
ajouté. On y trouve, en neuf leçons, le récit
de la translation de la sainte Couronne, tel
qu'il a été publié dans le Recueil des histo-
riens, jusqu'aux mots Nihil in via cotitra-
riumeontristavit. Hugues de Besançon dut
l'envoyer en même temps qu'il faisait la
fondation.
Les Epines actuellement vénérées à Be-
sançon viennent de Rome.
Josaphat-lez-Chartres, vers 1340. —
On lit dans le manuscrit r 163 de la Biblio-
thèque municipale de Chartres :
« Philippe VI, roi de France, bienfaiteur de l'abbaye
de Josaphat y aiant fait des donations considérables,
dont on jouit en partie, son affection particulière pour
Josaphat nous procura la Couronne d'Epines de N.-S.
qu'il fît mettre en dépôt dans ce monastère, ce qui a
donné lieu à une cérémonie particulière tous les ven
dredis saints, où le peuple vient en abondance à
Josaphat, dès minuit. »
Lecocq a publié l'histoire de ce pèleri-
nage ('); le Nécrologe de l'abbaye nous ap-
prend que ce n'était pas la sainte Couronne
elle-même, mais simplement une Épine.
9 mai. « Obiit Dominus Vrafran, miles, qui multa
nobis bena largitui est et potissimum coronati Christi spi
nam,fai<ore régis Pliilippi, abbate uostro Thoma (r333-
1351) hoc procurante, nobis contulit. »
Pavie, av. 1350. — La cathédrale prétend
posséder trois Épines de la couronne du
Christ. En réalité il n'y en a que deux; mais
l'une d'elles est fourchue. Elles apparte-
naient aux Visconti, qui les conservaient
1. Lecocq (Ad.), dans les Mémoires de la Société ' archiol,
d'/iure-et-Loire, t. Vil (1882;, p. 437.
iReltque0 ùe Constatittnople,
485
dans leur château de Pavie ; elles entrèrent
au trésor de la cathédrale le 2 septembre
1499. Une avait été donnée au duc Jean
GaleazzoVisconti.en 1400, parEmmanuel 1 1
Paléologue, empereur de Constantinople,
lors de son séjour à Pavie : l'autre avait été
envoyée à Pavie par Philippe de Valois, qui
l'avait détachée de la Couronne de la Sainte-
Chapelle. Jacques Gualla, professeur à
l'Université de Pavie, mort en 1505, affirme
dans son Papiœ Sanctuarium ('), que les au-
thentiques de ces deux reliques existaient
encore de son temps dans les archives du
château (2).
Monreale, 1378. — En 1270, PhilippelV
ramenait à travers la Sicile et l'Italie la
dépouille de saint Louis, mort devant Tunis.
Le corps, pendant l'arrêt à Palerme, fut
déposé à la basilique de Monreale. Charles
d'Anjou, frère du roi, obtint d'y conserver le
cœur du roi et ses entrailles, tandis que
Philippe emportait vers la France les osse-
ments royaux. A Consenza mourait, le 28
janvier 1271, Isabelle d'Aragon, femme du
Roi ; et des artistes, certainement français,
ainsi que le montre M. Em. Bertaux, éle-
vaient en Pouille un précieux monument
sur les restes de la Reine. Lorsqu'on trouve
dans la Sicilia sacra, à Monreale « spinam ex
corona quam a Galliœ Rege dono acceperunt
monachi » (3), on pourrait croire que c'est
vers cette époque, vers 1274, comme l'avait
supposé Riant, qu'elle avait été envoyée par
Philippe-le- Hardi; mais à la vie de l'arche-
vêque Avedutus, la Sicilia sacra (<) nous
donne une date beaucoup plus précise. Vers
1378, les derniers ossements de saint Louis
1. Jacobi Gualie jurisconsulti Papiœ Sanctuarium,
Papiœ, J. de Burgofrancto, 1505, lib. VI, p. 89.
2. Renseignements communiqués par M. Jean del-
l'Acqua et par le Bibliothécaire de la ville de Pavie.
3. Sicilia sacra, II, 1213.
4. I, 463.
restés à Monreale auraient été transférés en
France, et à cette occasion, le roi de France,
qui était alors Charles V, aurait envoyé de
nombreuses reliques, parmi lesquelles une
Epine de la sainte Couronne. Cette transla-
tion de reliques peut, au premier abord,
sembler bien extraordinaire, alors qu'on
croit être certain que Philippe III rapporta
avec lui tous les ossements du roi. Mais la
pancarte du cierge pascal de la Sainte-Cha-
pelle de 1327 qui nous signale la translation
des reliques de saint Louis, de St- Denis à
la Sainte-Chapelle, ne parle, au 17 mai 1306,
que du chef du Roi : la translation des osse-
ments d e 1 392, si tardive, alors qu'il eût été,
au contraire, si naturel que le roi reposât
dès la fin du XIIIe siècle dans la basilique
qu'il avait fait élever, près des reliques qu'il
avait réunies, trouverait alors son explica-
tion très naturelle dans cette dernière trans-
lation de Monreale en 1378, et l'envoi des
reliques par Charles V y rencontrerait aussi
sa confirmation.
Charles IV, 1353 et 1356. — Lorsqu'on
connaît le nombre vraiment incroyable d'É-
pines qui étaient vénérées en Allemagne,
lorsqu'on voit des trésors comme celui de
Wittemberg en posséder onze, comme celui
de Halle en exposer jusqu'à dix-sept, on
peut se perdre en conjectures sur leurs ori-
gines. Le trésor de Prague, où furent au
moyen âge réunies tant de reliques par
Charles IV, n'en avait pas un nombre aussi
considérable, on n'en vénérait que trois dans
la basilique. Mais.jusqu a ces derniers temps,
leur origine française, bien que soupçonnée,
n'avait encore pu être authentiquement
prouvée. Le Plwspkorus septicomis de Pes-
sina de Czechorod (1673), dont j'ai eu à
faire usage pour l'histoire de la sainte Lance
d'Allemagne, m'a donné la solution long-
temps cherchée. Il rapporte un inventaire
486
îfÀctntc t>e V&xt tbxititn.
du 18 août 1368 dans lequel on lit: « Imago
Ludovici régis, tenens crystallinam mons-
trantiam. In qua est una spina de corona
Domini.
« Duœ spinœ coronœ Passionis Dominicce
crystallo incluses. »
Le Magnum Chronicon belgicum, men-
tionnant, à propos de la fête de la sainte
Lance que Charles IV avait obtenue, en
1353, d'Innocent VI, l'autorisation de célé-
brer en Allemagne, ajoute : « Qui Carolus
etiam a rege Franciœ obtinuit spinam unam
de Corona Domini, unde promeruerit a papa
Innocentio VI, festum fieri per totam Al-
maniam de Corona et Clavis Domini. » Nous
sommes en 1353. Or, Pessina (') imprime
une lettre de Jean II le Bon, qui envoie, en
mai 1356, àCharlesIV.à Metz, deux Epines
qu'il a fait prendre à la Sainte-Chapelle,
par Pierre, archevêque de Rouen, et qu'il
lui fait remettre, par le Dauphin Charles,
duc de Normandie. Les trois Épines se
trouvent ainsi parfaitement dégagées, par
cette pièce, dont un vidimî(s,de 1 54 r , est
encore conservé aux archives de Prague (2).
Bourbon -l' Archambault, i 393. — Nous
ne trouvons dans l'acte de fondation de la
Sainte-Chapelle de Bourbon-l'Archambault,
le 16 juin 1355, par Louis Ier de Bourbon,
mention d'aucune relique spécialement
désignée. Mais dans le manuscrit latin de
la Bibliothèque Nationale 17 108, à la suite
de la copie de l'acte de fondation, il est
rappelé que le fondateur fit présent à la
Chapelle de plusieurs reliques :
« Entre lesquelles estoit celle de la vraye Croix
qu'il avoit eue de Robert comte de Clermont, son
père, lequel reliquaire n'estoit que d'argent; Louis
II, en 1397, fît enchâsser en or dans un reliquaire
1 . Phospkorus, p. 464.
2. Copiarium privilégia um ,t litierarum regni Bo-
hemiœ; renseignement communiqué par M. le DrJ.Teige,
archiviste de la ville de Prague.
pesant environ 15 marcs tout parsemé de fleurs de
lys et enrichi de quantité de perles et de pierres pré-
cieuses, la précieuse croix de Nostre Seigneur »
Il n'est pas ici question d'épine ; on ne
peut nier cependant que le reliquaire en
renfermât une. La description du Dic-
tionnaire universel de la France, de Robert
Hesseln, ne saurait laisser de doute à cet
égard.
« La troisième Chapelle est appelée le Trésor. Elle
est souterraine et bien claire. On y descend par un
escalier de pierres de taille de vingt marches, de quatre
pieds de long. C'est dans cette chapelle qu'on garde
une très belle croix d'or de ducat du poids d'environ
quatorze marcs, dont le montant est long d'un pied et
demi, le travers d'environ un pied et la largeur de l'un
et de l'autre est de quatre travers de doigt. Au bout
de cette croix est une couronne d'or qui porte sur une
de ses bandes l'inscription suivante : « Louis de Bour-
« bon, second duc de ce nom, fit garnir de pierreries et
«de dorures cette croix l'an 1393. » Cette croix est
enrichie de trente grosses perles et de cinq pierres
précieuses. Elle renferme une Épine de la Couronne de
Jésus-Christ ainsi qu'une petite croix faite de la vraie
Croix de Notre Seigneur. Une montagne ou calvaire
de vermeil sert de piédestal à cette croix au bas de
laquelle on voit à genoux le duc Jean de Bourbon et
la duchesse Jeanne de France, sa femme, avec leurs
couronnes et habits de cérémonie. Le haut de ce cal-
vaire est fait en pointe et comme une colonne torse
percée au bout, où est plantée la croix d'or. Cette
colonne est embrassée d'un côté par la Magdelaine
qui est à genoux et de l'autre côté est la figure de la
Vierge dans l'attitude d'une personne qui a peine à se
soutenir et supportée par saint Jean. Au pied de la
croix d'or est une tète de mort, avec ossements de
mort, le tout d'argent. La colonne et la montagne
sont d'argent doré et pèsent avec tout ce qu'elles
portent treize livres, poids de marc. »
L'identification des deux croix est cer-
taine, par conséquent. Or la première, d'ar-
gent, dans laquelle était la vraie croix,
avec l'Epine, bien qu'elle ne soit pas men-
tionnée nominativement, et qui fut plus tard
habillée d'or, par Louis II de Bourbon,
Robert de Clermont la tenait de son père
saint Louis. Il épousa en 1272 Béatrice
de Bourgogne, qui lui apportait en dot la
Reliques De Constanttnople,
487
seigneurie de Bourbon. C'est ainsi que l'É-
pine était en la possession de Louis Ier de
Bourbon, quand il fit élever la Sainte-Cha-
pelle de Bourbon-l'Archambault.
Vincennes, 133g. — L'actededonationde
l'Epine de la Sainte-Chapelle de Vincennes
n'est pas parvenu jusqu'à nous. Mais il se
peut fort bien qu'il n'ait jamais existé; c'est
ce qui semblerait résulter du texte même de
la Gallia qui rapporte que, lorsqu'en mars
1399, Charles V restaura la Sainte-Chapelle
de Vincennes, dotée par saint Louis en
1248, il lui donna un morceau de la vraie
croix et une Épine de la sainte Couronne
dans une couronne ornée de pierres pré-
cieuses, sur laquelle « autkenticum incidi
fecit. » C'était par conséquent le reliquaire
même qui servait de lettre d'envoi, et la
destruction du monument entraîna, par cela
même, la suppression de la pièce qu'assu-
rément nous chercherions en vain.
Notre-Dame de Clérv, 1482. — Le
1 i février Louis XI, revenant de Saint-
Claude à Notre-Dame de Cléry qu'il avait
fondée, envoya de Thouars, au chapitre, une
épine enfermée dans un reliquaire de cristal
monté en or. Du Saussay, dans les Annales
de l'église d Orléans, nous a conservé le texte
de la lettre royale. Lemaire, dans son His-
toire de la ville d'Orléans (1648), nous fait
connaître que la veille de la Saint-Martin
1631, des voleurs s'emparèrent du trésor de
Cléry, et que l'Épine disparut à cette époque.
Un instant, j'ai cru que cette relique
pouvait peut-être venir du château de
Thouars. Mais en étudiant l'inventaire de
1470 ('), en examinant les papiers des La
1 . Ledain (Delisaire) Inventaire du château de Thouars,
24 mars 1470. Saint- Maixent Reversi, 1886, in-f. p. 11-12.
(Extrait des Mémoires de la Société de statistique des
Deux-Sèvres).
Trémouille ('), on ne trouve aucune trace
d'Épines, quand une relique de la vraie croix
est au contraire signalée. D'ailleurs, les rois
de France voyageaient avec des phylac-
tères garnis de reliques ; celle de Venise,
qui suit, ne fut-elle pas prise à Fornoue,
dans les bagages de Charles VIII. Enfin
plusieurs envois d'Épines, par saint Louis,
sont datés de villes éloignées de la Sainte-
Chapelle, Liège, de Senlis : Vézelay, de
Sens : et Tolède, d'Etampes.
Venise, 1495 — On ne saurait douter
de l'origine française d'une épine de Saint-
Marc de Venise, qui d'ailleurs aujourd'hui
a disparu de la basilique. Cornélius (2) rap-
porte qu'en son temps on admirait au trésor
un petit reliquaire très orné qui contenait
des parcelles des reliques de la Passion avec
cette inscription : « Lignum sanctissitnœ
crucis : de columna ubi flagellatus fiiit
Christns ; de arundine super quant posita
fuit spongia felle et aceto pleua, cum qua
potatus ftdt D. N. J. C: de spinea corona
Christi. » Il était arrivé à Venise, après la
bataille de Fornoue, où il avait été pris sur
le valet de chambre de Charles VI 1 1, Gabriel
de la Bondinière, alors qu'au passage du
Taro il défendait les bagages du Roi (3).
L'étude du Dr G. Gusmini (4) donne sur
la prise de ce reliquaire de bien intéressants
détails. Ce fut un nommé Crisoporo Viscalo,
ou Cristoforo Cristallo, car le nom est
assez difficile à lire, qui, s'en étant emparé,
1. M. le duc de La Trémouille a bien voulu me dire
qu'il n'avait pas trouvé d'Épine dans les archives de sa
famille.
2. Cornélius (Flaminius), Ecclesiœ Venetœ monumenla,
t. X, p. 163.
3. Mémoires de Commynes, édités par MeIle Dupont.
Paris, Renouard (Société de l'Histoire de France), 1840,
in-8°, t. II, p. 478.
4. La sacratissima spina de la corona di N. S. Gesu
Cristo venerata nella parocchia di S. Giovanni Bianco
(Diocèse de Bergame). Bergamo, Alexandro, 1895, in-120.
488
Be\)ttr tic P8rt cbrctten.
l'offrit à la Seigneurie de Venise. Elle le
récompensa magnifiquement, ainsi que nous
le fait voir sa délibération du 16 août 1495,
par laquelle elle accorde au dit Crisoporo
detto Viscallo di Giovanni de roda di Valle
Brembana, cinquante ducats, un sauf-con-
duit pour homicide, et une rente viagère
mensuelle de dix florins. En outre elle
s'emploiera à obtenir du Souverain Pontife,
pour son fils qui est dans les ordres, un bé-
néfice de cent ducats. Le coffret, mais sans
les reliques, existe encore au Trésor de
Saint-Marc (').
San Giovanni Bianco. — Comment ce
Viscalo, de retour dans son pays, remit-il à
D. Antonio de' Boselli, curé de S. Gio-
vanni Bianco, une épine ? Comment l'avait-
il obtenue ? Le Dr Gusmini n'a pu décou-
vrir d'autres renseignements qu'un inven-
taire de 1536, et une tradition constante.
Certainement je n'aurais pas cru devoir la
signaler, si elle n'avait tenu ou paru tenir à
une relique se rattachant aussi intimement
à notre histoire nationale.
Duc de Bekrv, XVe siècle. — Les inven-
taires de Jean de Berry nous révèlent la
présence dans le Trésor du duc, de sept
Epines. Nous n'enavonspascertainementles
authentiques, mais nous connaissons nombre
de pièces qui constatent l'envoi au duc de
plusieurs reliques de la Sainte-Chapelle. Sa
parenté royale, jointe à son goût bien connu
des reliques les plus précieuses, ne sauraient
nous laisser de doute sur l'authenticité des
Épines que nous rencontrons ici. Les anno-
tations des inventaires nous font connaître
le sort de six d'entre elles. Trois furent
données à la Sainte-Chapelle de Bourges :
I. Malgré mes demandes il m'a été impossible d'en
obtenir une photographie.
Le Voyage littéraire de deux Bénédictins
en signale encore une dans une couronne
d'or, au moment où D. Martène visitait
la Sainte-Chapelle; celle de l'article 272
est donnée au roi des Romains, Wenceslas,
fils de Charles IV, empereur d'Allemagne ;
une autre enfin fut offerte par le prince au
duc d'York.
Nancy, XVe siècle. — Nancy a possédé
cinq Épines. L'abbé Didrit, dans un très
savant mémoire publié en 1S97, avait très
bien dégagé celle de la collégiale de Saint-
Georges donnée à Raoul de Lorraine fon-
dateur de la collégiale, par Philippe VI
de Valois. L'office de la sainte Couronne
d'Épines à l'usage de l'église Saint Georges
de Nancy, en rapporte l'histoire avec la des-
cription du reliquaire dans la sixième leçon
du IIe nocturne.
Un nouveau mémoire de M. l'abbé Didrit
qui continue ses recherches, vient de pa-
raître dans la Semaine religieuse de Nancy,
de 1898 ; il prouve que les trois historiens
lorrains, Aulbery, Rennel, le chanoine La
Flize et enfin le Bréviaire ont fait une
confusion.
Il a découvert en effet le vidimus d'un
inventaire de 1373, relevé par le chanoine
Perrin, écolâtre de Saint-Georges en 1559,
puis un inventaire dressé en 1608 par Jean
de Mousson, prévôt de la collégiale de
Saint-Georges de 1558 à 1614. Dans ce
dernier nous lisons :
« Deux Épines de la sainte Couronne de Notre-
Seigneur, l'une desquelles a esté apportée en la dite
chapelle et donnée à l'église susnommée par Mon-
seigneur le Duc son fondateur, et l'autre par feu le
Roy René, duc de Lorraine, qui l'obtint de la Sainte-
Chapelle de Paris, où il la fit richement enchâsser
dans un vaisseau de cristal enrichy d'une corone
d'épines portée par deux anges posez sur un pied
d'estal, le tout d'argent doré, comme elle se voit à
cette heure. »
îReltquea De Constantinople,
489
Quel est le roi René de Lorraine dont il
est ici question ? Est-ce René Ier ou René 1 1 ?
M. l'abbé Didrit pense que c'est René Ier
(1431-1455) à qui l'on attribue plus volon-
tiers le titre de roi, et qui s'occupait beau-
coup de recueillir des reliques. Elle lui
aurait donc été donnée par Charles VII.
Dans l'inventaire de 1373 on lit encore :
« Une patène en laquelle est li espine de la Coronne
Notre-Seigneur. »
Et à la fin du dit inventaire :
« Ce sont les reliques que M. le Duc nous ait
donné, qui vinrent de Thuringe, de la chapelle de
madame sa mère. »
Celle-là venait donc de la chapelle de
l'empereur Albert d'Autriche, qui l'avait
donnée à sa fille Isabelle. Elle l'apporta en
Lorraine lors de son mariage avec le duc
Ferry IV (1312-1328); son fils fut le duc
Raoul « de très heureuse mémoire fonda-
teur de la dite église ».
La description des deux reliquaires res-
pectifs permet donc de les distinguer et de
suivre la relique provenant de la Sainte-
Chapelle de Paris.
En 1664, elle est encore mentionnée
dans l'inventaire de la collégiale de Saint-
Georges; en 1742, elle est transportée à la
Primatiale lors de la réunion des deux cha-
pitres. En 1768, d'après un office imprimé
à cette date, elle y était vénérée; les derniers
inventaires de la Révolution de 1790 et de
1792, font une fois encore mention d' « un
reliquaire renfermant une parcelle de la
sainte Couronne, représentant deux petits
anges». Il disparut à ce moment.
Pierre du Chatel, 1549. — Nous avons
parlé plus haut (p. 95) du procès-verbal de la
levée de reliques du 26 juillet 1549, faite par
Pierre du Chatel, êvêque de Maçon, grand
aumônier de France, qui, au nom de Henri
1 1, vint chercher à la Sainte-Chapelle un
certain nombre de reliques, parmi lesquel-
les se trouvait un fragment delaCouronne
d'Épines ; nous n'avons à le signaler de
nouveau que pour indiquer combien sont
peu nombreuses maintenant les épines qui
restent au trésor de la Sainte-Chapelle.
Ecosse, 1587. — Elles ne doivent plus
être que cinq en effet, car celle qui
s'appelait l'Épine d'Ecosse et que je signale
Reliquaire de Gand.
seulement à cette date de 1587, était depuis
longtemps dans le Trésor des rois d'Ecosse,
puisqu'on assure qu'elle avait été envoyée
par saint Louis à Alexandre, roi d'Ecosse (').
Elle resta dans la possession de la famille
royale jusqu'en 1587, date à laquelle Marie
Stuart, montant sur l'échafaud, la donna au
comte de Northumberland : sa fille l'offrit
1. J'ai vainement cherché dans les inventaires d'Ecosse
de 1291 à 1493; je n'ai trouvé que le bois de la vraie
Croix. Il faut dire qu'il m'a été impossible de me procurer
l'inventaire de Glasgow de 1433 et que mes demandes à
Edimbourg sont demeurées sans réponses.
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 6llle LIVRAISON.
490
<Eebue t>e rsirt chrétien.
plus tard au P. Le Clerque, provincial des
Jésuites, qui l'envoya au collège de la So-
ciété, à Watten. En i 763, elle fut transportée
au collège de Gand, et lors de sa suppres-
sion, elle passa aux mains de l'évêque. Elle
est aujourd'hui à l'église de Saint-Michel
dans un reliquaire-ostensoir, en forme de
croix de cristal cylindrique soutenu par un
pied rond, entouré d'une couronne d'épines
et surmonté d un monogramme de N.-S.
Sur le pied on lit :
« Hsec spina de corona Dni sancta, fuit primo
Maria; Reg. Scot. Mart. : ab ea data comiti Northumb.
Mart. : qui in morte, misit illam filiae sure Eliz. qure
dédit Soc. hancq. I. Wils ornavit auro. »
Coimbre, 1607. — Le règne de Henri IV
verra disparaître les trois dernières Épines
qui restaient à la Sainte-Chapelle. En 1607,
le roi en offre une au P. Jean Alvrès. Le
Ménologe de la Compagnie de Jésus rapporte
ainsi cette donation :
« Le 10 mars 1623, Jean Alvrès mourut au collège
de Coimbre après 6r ans de vie religieuse. Il fut rec-
teur du collège de Porto, puis provincial, assistant,
préposé de la maison professe. Pendant son séjour à
Rome, il rendit à l'Église, à la Compagnie, et tout
particulièrement à la France de grands services. Nous
ne saurions oublier la part insigne qu'il eut avec le
Cardinal Tolet à la sentence d'absolution et de réha-
bilitation de Henri IV par le Saint-Siège. Aussi, lors-
qu'il retourna par terre à Lisbonne, en 1607, le roi
voulut le voir à Paris et le combla publiquement des
témoignages les plus vifs de sa reconnaissance. Puis,
au départ du P. Alvrès, Henri lui fit présent d'un
magnifique reliquaire de cristal, en forme de croix,
qui renfermait, entr'autres précieuses richesses, une des
épines du Sauveur, détachée de la sainte Couronne en
faveur de l'humble religieux, et qui fut conservée pré-
cieusement dans le trésor du collège d'Evora jusqu'à
la destruction de la Compagnie. » (Portugal, t. I,
pp. 239-240.) (■)•
Marie de Médicis, 1645. — Les deux
dernières Épines se trouvent citées dans
l'inventaire de Marie de Médicis en 1645.
Elles étaient ainsi inventoriées dans les
« Inventaires des meubles et relicquaires qui
1. Document communiqué par le T. R.P. Sommervogel.
se sont trouvez dans l'oratoire du Roy, et dans
F inventaire des hardes tirées de l'oratoire de
la Reyne (').
« Un coffret de velours incarnat garny de dentelles
d'or et d'argent dans lequel il y a une boiste de velours
rouge, de forme ronde, dans laquelle est un reliquaire
de cristal, où est une sainte Espine de la Couronne de
Nostre-Seigneur.
« Deux soleils d'or enrichis de diamants portés
chacuns par deux anges d'or sur deux terraces d'or
esmaillez : à l'un des dits soleils, il y a de la vraye
Croix et à l'autre de la sainte Epine. »
Ces deux derniers reliquaires seuls se
retrouvent dans l'inventaire après décès
de la reine Anne d'Autriche (1666) (=).
Le premier reliquaire rond, de cristal,
avait été donné à M. de la Potterie, prêtre
de l'église de Saint-Jacques-du-Haut-Pas,
qui l'offrit, le 23 mars 1656, à la Maison de
Port- Royal de la Ville. Je ne saurais en effet
interpréter autrement le passage de Fon-
taine qui, dans ses Mémoires pour servir à
l 'histoire de Port-Royal, parle cependant de
deux Épines que M. de la Potterie aurait
reçues de la Reine, tandis que Baillet ne
parle que d'une seule: la date de 1656 fait
d'ailleurs bien supposer que c'est assuré-
ment là l'Épine de l'inventaire de l'oratoire
du Roi, qui manque dans l'inventaire d'Anne
d'Autriche de 1666.
Ainsi furent dispersées dans l'Europe
entière, jusqu'à la dernière, les Épines de la
relique de Constantinople. Mais si le plus
grand nombre de ces fragments est aujour-
d'hui détruit, quelques chartes ignorées,
quelques reliquaires contestés vont se
trouver mis en lumière et recevoir ainsi
une preuve indéniable d'identification.
Dans le prochain article, nous passerons
en revue les Épines qui proviennent direc-
tement de Constantinople.
(A suivre.) F. DE MÉLY.
1 . Port (C), Revue des Sociétés savantes, i S6o,pp. 544-547.
2. Grouchy (Le Vlc de), Société de l'Histoire de Paris,
t. XVIII-XIX (1892).
* \*v£* **»£* t&y. i&U- i&hn *5£* **»£* v5k* ***£* ***%* *5£x *5£* a^vE* x*5U \5£*
■ ■■■■ ———————— *»»—■—»»■»■- ■ ■■■■^■w^w^»»»»»» ■ *r ww 9 w m 9 9 * TTTTTTTV^TTTT* T^l T <'TTTTT TTTTTTTT TTT T TTTTT TTTTTTTVTTTTTTTÏ TT TFTTTyYTT-TTTTPTTTT ■ g T » ■»■»»» »«■-»-*
cnnixrxiiiiiiitiiiiiiiKrirT
riininniimifirnimfiirinimiiimiiiniiiinniniirriiini 1 1 1 j 1 1 x
m Gn Babtère, Dotes lie bopage, (partie.) «
nniimnmmiii i rrocnrarm tttttttx
ÏIT1II TT1; ITIITtnfT
rifTTIIIITTtTTTTTflIIITTIÏÏ-m-
a *xô* yj#* yx£-* *£** *x&* W W W y^ T&* Tsô* Tïfi* W *£*-* Tét*
ffîunicf).
MUNICH, sur l'Isar.capitale du royaume,
comme elle était autrefois la capitale du
duché de Bavière proprement dit, a une
population de 407,174 habitants, «l'une
« des cités où les étrangers affluent en
« plus grand nombre pour contempler les
« monuments et visiter les galeries de ta-
« bleaux. En effet, le roi Louis Ier et son fils
« Maximilien ont pris à tâche d'élever des
« constructions de tous les styles et de
« transformer ainsi leur résidence en un
« vaste musée d'architecture. Dans le nou-
« veau quartier.dont lesrues coupéesà angle
« droit s'étendent au Nord-Ouest de l'an-
« cienne ville, s'élèvent des édifices à colon-
« nades grecques d'ordre dorique, ionique
« et copinthien. Non loin des propylées,
«bâtis en l'honneur de l'indépendance hel-
« lénique, est une basilique italienne dans
« le style du VIe siècle, ornée de fresques
« byzantines ; un arc de triomphe, imité de
« celui de Constantin, termine l'une des
« grandes avenues au Nord de la ville ;
« dans le faubourg d'Au, sur la rive droite
« de l'Isar, se dresse la flèche à jour d'une
« église copiée sur les monuments de la
« première époque ogivale. Le nouveau pa-
« lais royal doit rappeler le palais Pitti de
« Florence, tandis que, dans le voisinage,
« une galerie à trois arcades fait songer à
« la loggia dei lanzi. » (Reclus.)
A ces monuments on peut ajouter tous
ceux du vieux Munich, la chapelle de la
Résidence, élevée sur le modèle des basi-
liques byzantines, et bien d'autres monu-
ments de tous genres, construits pour réa-
liser dans toute sa plénitude la conception
royale.
Munich produit une tout autre impres-
sion que celle à laquelle on s'attend géné-
ralement après avoir lu les ouvrages publiés
sur cette ville, et en particulier l'œuvre,
d'ailleurs profondément érudite, d'Hippo-
lyte Fortoul (De l'art en Allemagne).
On se figure trop souvent qu'on n'y ren-
contrera que des monuments de l'antiquité
grecque et romaine créant une sorte d'at-
I. Voyez la lre livr., p. 13 ;
livr., p. 227, 1899.
la 2"
livr., p. 104 et la
Munich. — Basilique Saint-Boniface.
mosphère artificielle où la vie moderne
sera comme étouffée; tout autre est la réa-
lité. Si Munich offre des monuments remar-
quables d'une renaissance hellénique, elle
présente aussi des œuvres très intéressantes
de l'art du moyen âge et de l'époque mo-
derne. A côté du monde qui visite les mu-
sées, sanctuaires des arts, vit et s'agite une
population remuante, active, industrielle et
riche, fréquentant la bourse et les tavernes.
A l'inverse de beaucoup d'autres cités,
Munich vaut mieux et plus que sa réputa-
tion : elle réunit les avantages d'un centre
artistique et intellectuel de premier ordre
à ceux d'une capitale, enrichie par le com-
merce et l'industrie.
492
&ebue fce l'&rt chrétien.
D'autre part trop souvent ses panégy-
ristes,en parlant d'elle, ne célèbrent que ses
monuments de style antique, œuvres inté-
ressantes à coup sûr, mais en somme copies
de monuments fameux, comme si elle ne
possédait pas d'oeuvres originales et propres
à son sol. Il n'en est pas ainsi, heureuse-
ment: le moyen âge y a laissé son empreinte
profonde.et à côté des horizons helléniques,
on trouve les coins si vivants et si pitto-
resques des vieilles villes allemandes, de
telle façon que les monuments de la Grèce
et de Rome, loin d'absorber toute l'atten-
tion et d'éclipser ceux du moyen âge, se
fondent avec eux en un ensemble dont
ils augmentent considérablement l'intérêt.
On comprend l'engouement qui s'est pro-
duit pour les premiers qu'on considérait
comme l'expression d'un art très supérieur,
à l'époque où les œuvres du moyen âge
étaient dédaignées, méprisées même et
laissées dans un lamentable état de déla-
brement. Mais actuellement Munich a
réparé ses places et ses rues aux maisons
anciennes ; les monuments du moyen âge
et de la renaissance allemande ont été rele-
vés de leurs ruines et restaurés avec une
science parfaite; l'histoire du Vieux Munich
renaît dans les monuments témoins de son
passé, et les monuments de l'art antique,
voire même de l'art italien, au lieu d'anni-
hiler les autres, ne font plus qu'ajouter des
pages brillantes à l'histoire générale de l'art
dont Munich est comme le livre vivant.
Ce mélange des arts les plus divers, en spé-
cimens remarquables, donne à la ville une
physionomie bien particulière, qui rappelle
tout à la fois la vieille Allemagne, l'Italie
médiévale, la Grèce antique, toutes les ci-
vilisations qui ont fait l'Europe moderne !
Bien que l'ensemble de la ville soit très
curieux, c'est cependant par le détail de
chacun de ses monuments qu'on appréciera
sa véritable valeur, car Munich est et reste,
selon l'expression de Reclus, un musée d'ar-
chitecture. Il faut la visiter d'une façon mé-
thodique, ce qui est d'autant plus obliga-
toire que les divers monuments, musées et
collections, ne sont pas visibles en même
temps, mais seulement à des jours et à des
heures déterminés, différents pour chacun
d'eux.
Le centre de la vieille ville est la Ma-
rienplatz (place Notre-Dame ),où s'élève le
nouvel hôtel-de-ville de style néo-gothique
allemand, et à l'extrémité de cette place
I'ancien HOTEL-DE-viLLE(Rathhaus) récem-
ment restauré, qui date du XVe siècle. Il
se compose d'une vaste halle avec pignons à
escaliers crénelés, et d'une tour carrée. Ces
bâtiments barrent la rue, et la circulation
(trams, voitures, piétons) se fait sous des
arcs percés dans le rez-de-chaussée.
Au centre de la place, la Mariensaule,
colonne surmontée de la statue de Notre-
Dame, érigée en 1638 et qui a été copiée
presque textuellement à Vienne quelques
années plus tard.
Dans le voisinage de cette place s'élève
l'église CATHÉDRALE DE NoTRE-DAME(Frau-
enkirche), bâtie à la fin du XVe siècle,
entièrement en briques et dépourvue de
tout ornement à l'extérieur. Deux tours,
hautes de 99 mètres, flanquent la façade
principale ; elles sont surmontées de dômes
en métal de forme baroque, absolument en
opposition avec le style de l'édifice.
L'intérieur est peu remarquable au point
de vue du style, mais il ne manque pas
d'intérêt cependant, Sa hauteur exagérée
et la forme droite et élancée privée de tout
détail font paraître la construction grêle et
étriquée. Les piliers, de forme octogone,
n'ont ni chapiteaux ni bases. L'église a trois
nefs d'égale hauteur comptant douze tra-
vées, un chœur polygonal et pas de tran-
€n Baînère. — Jpotes De toopage.
493
sept. L'ensemble est pesant, et la délicatesse
de certains détails ne parvient pas à corriger
cette impression.
Des vitraux anciens, contemporains de
la construction, garnissent les fenêtres.
Tous les autels sont ornés d'un retable
ancien, gothique, en bois sculpté, en partie
doré et polychrome, avec tableau à volets
occupant le centre. Le maître-autel, de
Knabb, ainsi que le trône épiscopal et les
stalles du chœur, du XVe siècle, sont en bois
naturel. La chaire de vérité est du même
travail, mais paraît moderne.
Dans le bas de l'église se dresse le monu-
mental tombeau de l'empereur Louis leBava-
;w'.?,mort en 1 347, et dont la pierre sépulcrale
primitive a été recouverte, en 1625, par
l'imposant catafalque, œuvre de PierreCan-
dide.
C'est un monument carré surmonté de
génies avec les emblèmes de la dignité im-
périale ; il est entouré de balustrades avec
grands chandeliers aux angles; deux statues
en bronze, plus grandes que nature, placées
aux côtés du cénotaphe, représentent Al-
bert V et Guillaume V, ducs de Bavière, et
à chacun des angles un guerrier agenouillé
porte un étendard aux armes de l'Empire.
Le tout est en marbres de divers tons et en
bronze.
Cette tombe qui se trouvait autrefois à
l'entrée du chœur a été récemment trans-
portée dans le bas de l'église. D'autres tom-
bes, des statues, des dalles funéraires sculp-
tées mériteraient une description, tout ce
qui est détail et décoration offrant plus d'in-
térêt que la masse même de la construction
qui est d'un style assez peu correct.
De belles rues bien bâties et animées par
une abondante circulation entourent l'hôtel-
de-ville. L'une d'elles, Dienerstrasse, con-
duit à la place Max-Joseph, où soudain
apparaît l'évocation de la cité savante et
classique créée par le roi Maximilien, suc-
cédant à la ville du moyen âge dont la
Marienplatz forme le centre.
C'est, d'un côté, la poste aux lettres, avec
façade précédée d'une galerie ouverte, à
colonnes, de style romain, avec peintures de
style pompéien, sur fond rouge, bâtie par
de Klenze, en 1836 ; de l'autre côté, la
somptueuse façade du Théâtre de la cour
( Hoftheater), ornée d'un portique à colonnes
corinthiennes, supportant un fronton sculpté
par Schwanthaler, sur un fond richement
polychrome et doré. Le troisième côté est
occupé par une aile du palais royal (la rési-
dence),bâtie de 1826 à 1835, sur le modèle
du palais Pitti à Florence, par de Klenze,
qui est aussi l'architecte du théâtre. Au
centre de la place, la colossale mais peu élé-
gante statue en bronze du roi Maximilien I,
représenté assis; entre la théâtre et la poste,
l'entrée de la rue Maximilieu, l' une des plus
importantes du nouveau Munich, ouverte en
1854, où se trouvent, parmi beaucoup de
constructions importantes et d'hôtels, la
Monnaie, le palais du gouvernement, le
musée national, une place carrée avec mas-
sifs de verdure et quatre statues de Bava-
rois célèbres, puis, à l'extrémité de la rue,
la statue en bronze doré du roi Maximi-
lien IL
L'ensemble des diverses constructions
qui composent La Résidence ou palais
royal, offre une très grande variété de styles ;
il comprend la vieille résidence, le Feest-
saalbau, le Koningsbau, l'église de tous
les Saints, le théâtre, les écuries et le musée
des voitures, plus un grand nombre de dé-
pendances.
La vieille Résidence, qui date de la fin
du XVIe siècle (1596-1617), a une façade
aujourd'hu iabsolument nue, mais qui, autre-
fois, a dû être couverte de fresques; elle est
percée de fenêtres sans encadrement, et
494
Hetntc lie VQLxt tbxétim.
décorée seulement par deux portes monu-
mentales et une statue de la Vierge, en
bronze, sous un fronton en marbre, appli-
qué au centre de l'édifice.
Les façades des cours intérieures ne sont
pas plus élégantes, sauf celles des cours de
la Fontaine et de la Grotte.
Dans cette dernière cour, se trouve un
monument très intéressant, la grotte pro-
prement dite, ou fontaine de style renais-
sance, riche et surchargé, dont tous les
détails, architecture, décoration et person-
nages même, sont façonnés en coquillages,
comme l'étaient les grottes à rusticités figu-
lines de Bernard Palissy, au Louvre, faites
à l'imitation de certains travaux antiques
dont on retrouve des restes dans les ruines
de Pompéi. C'est un spécimen curieux d'un
genre d'ouvrage devenu des plus rares
aujourd'hui.
Deux fontaines élégantes et des statues
en bronze ornent ces cours.
Certains appartements du palais peu-
vent être visités, il en sera parlé plus loin.
On visite aussi la riche chapelle et le
trésor ; la première est un petit oratoire où
on a entassé les métaux et les marbres les
plus précieux. C'est éblouissant, mais la
sensation d'art fait défaut... Le trésor
constitue un musée, petit, mais immensément
riche, de pièces d'orfèvrerie, de l'époque
de la Renaissance pour la plupart, de joyaux
et de gemmes. On y remarque les couronnes
de Henri II et de Cunégonde (ioio), une
petite statue équestre de S. Georges, toute
en or et en pierreries, des bijoux, vases et
ustensiles en matières précieuses, un autel
portatif ayant appartenu à Marie Stuart ;
enfin mille autres objets de valeur et remar-
quables à des titres divers.
La nouvelle résidence, ou Kônigsbau,
fait suite à la vieille résidence, et forme un
des côtés de la place Max-Joseph ; elle
rappelle le palais Pitti de Florence. L'étage
de ce palais est affecté aux appartements
privés des souverains, entièrement décorés
à fresque par les meilleurs artistes allemands
et que le public n'est pas admis à visiter ;
on voit seulement les salles du rez-de-
chaussée (fresques des Niebelungen) dont
nous parlerons plus loin.
Le Feestsaalbau est le plus monumen-
tal, mais non le plus intéressant, des trois
palais; il mesure 233 mètres de façade,
occupe le côté qui regarde les jardins du
palais (Hofgarten). Construit par de Klenze,
de 1832 à 1842, dans le style classique
avec péristyle à colonnes ioniques, il est
surmonté de statues allégoriques. Ces divers
palais communiquent entre eux par des
cours intérieures, toutes portes ouvertes, de
telle sorte que le public peut les traverser
et y circuler librement.
La visite de I'intérieur des palais se
fait sous la conduite de guides, par groupes,
à jours et à heures fixes, — tout d'une traite,
en commençant par le Feestsaalbau.
Les salles de l'étage, auxquelles donne
accès un escalier monumental, sont d'un
style mi-pompéien et mi-empire ; c'est
d'abord la grande salle de danse ornée de
colonnes et de cariatides supportant des
tribunes aux extrémités, et de bas-reliefs
par Schwanthaler ; puis, deux salons de jeu
ornés de portraits de femmes et formant
une galerie de beautés de l'époque du roi
Louis Ier. Les murs et les encadrements
des portes sont en marbre. Ensuite, la
grande salle des batailles, la salle de Char-
lemagne, celle de Barberousse, celle des
Habsbourg, aux murs couverts de tableaux
et de fresques reproduisant des sujets his-
toriques. Plafonds à caissons, mobilier de
style empire.
La salle du trône (longue de 34 mètres et
large de 22), toute en marbre blanc, décorée
6n Batotère. — fôotts De toopage.
495
en or ; galeries latérales supportées par des
colonnes corinthiennes, entre lesquelles
douze statues colossales en bronze doré,
par Schwanthaler, des ancêtres de la maison
de Wittelsbach, actuellement régnante.
On passe ensuite dans les appartements
de la vieille résidence, du XVIIe siècle et
meublée à diverses époques, depuis le com-
mencement du XVIIe siècle jusqu'à la fin
du XVIIIe; ce sont les anciens apparte-
ments de l'empereur Charles VII : salle à
manger ornée de beaux Gobelins. Salon
décoré de pyramides de porcelaines de
Chine appliquées contre les murs, chambre
à coucher tendue d'étoffes deChine brodées,
grand poêle en faïence, blanc et or, deux
petites salles avec très belles tapisseries
de Munich, exécutées en 1773, meubles
de style rocaille garnis de bronze doré, très
abondants et très riches, meubles de style
renaissance dans le goût de Nuremberg.
Autre série d'appartements de style ro-
caille et d'une richesse de décoration inouïe :
grand salon rouge à lambris blanc et or,
poêle en faïence (rocaille) aussi blanc et or,
consoles, tables et mobilier en bois doré ;
autre salon du même genre avec des meubles
superbes ; pendule genre Boule, sur socle,
garde-feu en fer forgé et doré ; salon drapé
de velours rouge ciselé sur fond blanc ;
chambre à coucher avec lit d'apparat, dra-
peries de soie rouge surchargées de bro-
deries d'or et qui sont bien les plus somp-
tueuses et les plus lourdes qui aient jamais
été exécutées. Pendules, vases, meubles en
laque de Chine garnis de cuivres ; petit
salon à panneaux de glace encadrés de
boiseries dorées avec de petits socles sup-
portant des objets en porcelaine de Chine ;
boudoir orné de miniatures de diverses
époques dans des cadres richement sculptés.
Appartements dits Steinerne Zimmer ou
chambres de pierre, aux murs décorés de
mosaïques en marbre dans le goût italien,
fontaine dans le genre de celle de la grotte
à coquillages, sièges italiens aux initiales
F. M.
Salon rouge suivi d'une chambre à cou-
cher verte, qu'habita le pape Pie VI en
1782. Cabinet dont les murs sont ornés de
mosaïques de marbre, datées 1632; toutes
pièces richement meublées.
Ces divers appartements demanderaient
à être vus en détail, à l'aise, comme un
musée, avec un guide-catalogue ou sous la
conduite d'un gardien intelligent : on les
parcourt malheureusement en troupe nom-
breuse et au galop. Trente minutes seule-
ment y sont consacrées.
Les dernières salles qu'on visite sont
celles du Kônigsbau où se trouvent les
FRESQUES DES NlEBELUNGEN, par Schnorr,
exécutées de 1846 à 1867.
Ces salles se trouvent au rez-de-chaussée
du palais ; elles ne sont affectées à aucun
usage et impressionnent péniblement par
leur état d'abandon. On visite successive-
ment le vestibule où sont représentés les
principaux personnages de la légende des
Niebelungen, la salle des noces (mariage de
Siegfried et de Crimhield); la salle de la
trahison (Siegfried assassiné par Hagen); la
salle de la vengeance (luttes et mort de
divers héros) et la salle des lamentations
(les funérailles).
On ne peut plus visiter actuellement tout
une série de peintures dans le genre de
celles du Kônigsbau et qui forment avec
elles un ensemble décrit par Fortoul dans
son Histoire de l'Art en Allemagne, actuel-
lement encore l'ouvrage le plus intéressant
qui ait été écrit sur ce pays; ces salles sont :
au rez-de-chaussée du Fest-Saalbau, sous
les salles décrites plus haut et décorées de
peintures rappelant l'histoire du moyen âge
en Allemagne par Jules Schnorr, les appar-
496
Bebue fce l'&vt chrétien.
tements où se trouve retracée l'Iliade d'Ho-
mère par Hiltensperger, sur des dessins de
Schwanthaler (le sculpteur); puis, au Ko-
nigsbau, le premier étage affecté aux ap-
partements privés des souverains et entiè-
rement décorés de fresques représentant
l'histoire de la poésie grecque (dans les
appartements du roi) et celle de la poésie
allemande, dans les appartements de la
reine. La première série comprend l'histoire
des Argonautes par Schwanthaler (anti-
chambre), l'histoire des Dieux d'après Hé-
siode par Hiltensperger (2e antichambre);
les Hymnes d'Homère par Schnorr (salle
de service) ; celles de Pindare par Schwan-
thaler (salle du trône); les chants d'Ana-
créon par Zimmermann (salle à manger) ; les
tragédies d'Eschyle par Schwanthaler (salle
de réception) ; les idylles de Théocrite par
Hess (chambre à coucher).
La seconde série comprend à son tour la
bibliothèque, avec les poésies de Tieck par
Schwindjle cabinet à écrire, avec les œuvres
de Schiller par Lindenschmidt et Foltz; la
chambre à coucher avec les œuvres de
Goethe parKaulbach; le salon avec l'Obéron
de Wieland par Neureuther ; la salle du
trône avec les poésies de Klopstock par
Kaulbach; la chambre de service avec les
poésies de Burger par Foltz; l'antichambre
avec le roman de Parsifal par Herman.
Au rez-de-chaussée, la légende des Nie-
belungen, décrite plus haut.
Les palais royaux comprennent encore
une chapelle consacrée à tous les Saints, le
théâtre de la cour et celui de la résidence,
plus petit et actuellement en réparation, et
enfin de grandes écuries, un manège et un
musée des voitures.
La chapelle de la cour (Église de tous
les Saints), bâtie en 1837, par de Klenze,
dans le style byzantin, est une des pages de
l'histoire de l'architecture dont le roi Louis
dota sa capitale. Bâtie sur le modèle d'une
église de Palerme, elle rappelle St-Marc
à Venise; elle est de forme rectangulaire,
longue de 48 mètres, large de 29 et haute
de 24; la nef est couverte par deux cou-
poles basses; les nefs latérales sont sur-
montées de tribunes, supportées par des
colonnes de marbre de couleur, à chapi-
teaux dorés; les murs revêtus de marbre,
les voûtes et le fond du sanctuaire décorés
de fresques sur fond d'or par Hess. Les
fenêtres sont peu nombreuses et disposées
de telle façon que jamais l'œil ne perçoive
un jour direct.
La demi-obscurité qui règne dans l'édifice,
voulue par l'architecte, produit une impres-
sion et un effet très grands.
Les écuries, la sellerie et le musée des
voitures forment un ensemble curieux, mais
assez spécial et peu archéologique. Les
équipages, traîneaux et harnais sont d'un
grand luxe.
La rueMaximilicn, l'une des plus grandes
de Munich et la principale du quartier nou-
veau créé au Sud de la résidence, conduit au
Musée national, où sont conservés les col-
lections d'antiquités et les spécimens des
arts décoratifs. Le Musée.fondé en 1855, par
le roi Maximilien II, a été construit de
1858 a 1866 par Riedel. L'architecture de
l'édifice est d'un style peu défini ; sa dispo-
sition intérieure est convenable, mais les
locaux sont devenus insuffisants, et on est
occupé à en construire de nouveaux (').
Les collections, qui sont très importantes
et très riches, sont classées méthodiquement.
1. Le Musée est ouvert gratuitement deux jours par
semaine, les autres jours on paie un mark d'entrée. Des
cartes d'entrée libre sont distribuées à ceux qui y font des
études, et une salle de travail est mise à leur disposition.
Il y a aussi une bibliothèque. Outre les catalogues des
diverses sections, il y a, comme dans presque tous les
musées d'Allemagne, un Guide du visiteur au musée :
Ftihrer durch dus K. />'. national Muséum in Miinchen
(.S96).
€n Batuère. — jRote* De fcopage.
497
Elles se divisent en deux grandes séries ;
l'une comprend les salles où les objets sont
disposés par groupes et par ordre chrono-
logique, par exemple, la salle romane, la
salle gothique, celle de la renaissance, celle
du XVIIIe siècle, etc.; plusieurs de ces
salles sont au rez-de-chaussée, et les autres
au deuxième étage ; la seconde série com-
prend les salles où les objets sont classés
au point de vue de la matière ou de l'usage;
par exemple : objets en métal, étoffes, céra-
mique, bois sculptés, armes, instruments de
torture, etc.
Il y a donc des collections générales par
ordre chronologique, et des collections par-
ticulières des produits de certaines branches
des arts et de l'industrie.
La visite des collections commence par
le rez-de-chaussée, à gauche en entrant. La
première et la deuxième salle renferment
les antiquités de l'âge du bronze et du fer,
de l'époque romaine et de l'époque germa-
nique.Cette dernière, qui correspond à l'épo-
que franque, est représentée par des spéci
mens magnifiques. Aux murs, très belles
tapisseries de Bruxelles avec la marque
G. Peemans. Dans les salles suivantes, ou-
vrages en métal, fer forgé, bronze, cuivre,
étain ; cette série est particulièrement re-
marquable. Splendide porte en fer, petites
plaques funéraires en bronze provenant
d'une église de Nuremberg, beaux plats en
étain d'Enderlein (né en 1633). Aux murs,
tapisseries de Florence et de Bruxelles
(XVIe siècle) portant divers monogrammes.
Deux salles pleines de moulages d'objets
divers, puis un cabinet avec instruments de
justice et de torture, et en particulier, une
série de vingt-deux masques très réjouis-
sants, que les condamnés à certaines fautes
légères devaient porter pendant un temps
déterminé.
La visite continue par le côté droit du
rez-de-chaussée, mais l'ordre logique de-
manderait qu'on parcoure d'abord le premier
étage, où se continuent les séries particu-
lières. Les premières salles renferment des
armes et des armures, divers costumes an-
ciens et des uniformes militaires. On y re-
marque un certain nombre de chausses de
toile garnies de mailles (1320- 1380), pièces
très rares ; une vingtaine de cottes de
mailles ; beaucoup de boucliers de formes
diverses ; des épées chevalières ( 1 450- 1 500)
et des arquebuses ayant appartenu à des
ducs de Bavière (1 550-1650). Le grand
nombre de pièces ordinaires semblables qui
composent les trophées indique qu'elles
proviennent d'un arsenal. Belles hallebardes
gravées, armures gravées et dorées d'un
prince-évêque de Salzbourg (1570-1600),
casque vénitien ( [58o-i65o),etc; vêtements
du XVIe et du XVIIe siècle ; collection de
chaussures parmi lesquelles il en est de
romaines et de byzantines, costumes mo-
dernes très abondants, allant jusque 1820
et même 1841 ; vêtements portés par des
souverains, uniformes militaires bavarois
jusqu'en 1870, et armes de cette époque.
Les panneaux des salles sont ornés de
peintures murales (histoire de la Bavière),
et de tapisseries de Bruxelles (de types
divers) ainsi que de Munich (les unes datées
1724, les autres avec la signature de Hans
van der Biest ou son monogramme H. V. B.).
Salle des instruments de musique — ar-
ticles de Nuremberg — sceaux — modèles
de navires — plans de villes, etc.
Les salles 17 et suivantes contiennent
une merveilleuse collection de vêtements
très anciens et de tissus. Étoffes égyp-
tiennes, byzantines, romanes, manteau
de l'empereur Henri II (>j< 1024), mitre
épiscopale du XIIe siècle, aube gothique
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
1899. — 6me LIVKAISON.
493
3Rcbuc tic r&rt chrétien.
(XIVe siècle), chasuble ronde du Xe ou du
XIIe siècle, rational (parure épiscopale) du
XVIe siècle ; superbe série de vêtements
liturgiques ; tapis et tapisseries, série de
petites pièces parmi lesquelles il faut spé-
cialement noter celles qui appartiennent à
la fabrication allemande; toiles blanches ou
décorées ; soies et broderies ; lit de parade
du roi Louis II en velours bleu brodé d'or;
dentelles et guipures.
Salle 25, collection céramique, renfer-
mant des spécimens de tous les temps et de
toutes les manifestations de Y art de terre,
et en particulier un pot d'Hirshvogel, des
carreaux de poêle, du même et de ses
continuateurs, ainsi que les moules qui ont
servi à les faire. Grès de Nassau, de Sieg-
bourg, de Creussen ; faïences de Nurem-
berg (aux tons bleu-pâle) ; porcelaines de
Meissen, de Frankenthal, Hoechst, Nym-
phenbourg, Ludwigsbourg, Sèvres (un très
beau service), Berlin, Vienne, Wegdwood,
etc.; verres de Bohême, taillés, gravés et
dorés, allemands (armoriés et émaillés), de
Venise, etc., sculptures sur bois, etc.
On reprend ensuite la visite de l'aile
droite du rez-de- chaussée où sont rangés
les objets d'antiquité par époques, c'est-à-
dire dans l'ordre chronologique. La première
salle est celle de l'époque romane ; frag-
ments de sculptures, coffret en ivoire du
VIe ou du VI I Ie siècle, autel portatif de l'an
1 soo.chandeliers en bronze doré ou émaillé,
grands ou petits (XIIe siècle).
Salle gothique (XI IIe et XIVe siècles) :
ivoires (originaux et moulages), statue fu-
néraire d'un chevalier, couché, de la fin du
XIVe siècle (venant de Rothenbourg) ; joli
petit retable à reliques (vers 1350) ; beau-
coup de statues de Notre-Dame, portant l'en-
fant Jésus sur le bras droit ; manuscrits, mi-
niatures, chartes ; un petit repos de Jésus ;
tapisserie gothique représentant saint
Laurent, qui vient de Nuremberg ; sculp-
tures en bois, retables, statues, chefs de S.
Jean; splendide tapisserie provenant de la
maison de Nassau à Nuremberg et repré-
sentant l'Adoration des bergers et des
mages, indiquée comme travail flamand
(1400- 1500) et qui pourrait bien être un
produit des ateliers de Tournai. Grand bas-
relief par Kraft, venant de Nuremberg;
meubles en bois à sculptures plates et
ferrures abondantes ; lit de même style
avec un très long baldaquin, petits autels
domestiques (hausaltârchen) du XVe siècle;
plusieurs lustres en cornes de cerf ; autre lit
et grandes armoires gothiques, énormes,
droites, carrées, à sculpture plate; la plupart
de ces meubles sont en sapin ; coffrets en
bois, de toutes formes, en cuir, en fer, etc.;
livres à miniatures.
9e salle. C'est une longue galerie toute
remplie de sculptures gothiques : les douze
apôtres par Tilman Riemenschneider(i4S3-
1531), buste-reliquaire, retable d'autel,
statues diverses par le même, en bois
polychrome ou naturel. Statues, retables,
tombeaux en telle abondance qu'ils sont
entassés les uns sur les autres ; tapisseries
diverses : un petit antependium représen-
tant la Résurrection; un autre représentant
l'Adoration des mages et deux Saintes, ta-
pisserie d'un grain très fin, laine et soie.
L'un des mages porte écrit sur un galon de
son vêtement, ABIVG, dans le bas, la re-
ligieuse qui a exécuté ce travail s'est repré-
sentée elle-même, tissant sa tapisserie sur
un métier à hautes-lisses. Le catalogue
indique que cette pièce vient de Bamberg
(1400-1500). — Superbe tapisserie, soie,
laine et or, admirable de couleur et de
conservation ; sujet allégorique : l'homme,
entouré et sollicité par plusieurs vices sous
€n Batnère. — J12otes ht toopage.
499
les traits de femmes charmantes, est pour-
suivi par la Justicedont la Miséricorde retient
le glaive; dans le haut de la tenture on voit
Dieu le Fils. Les costumes annoncent la fin
du XVe siècle ; les noms des personnages,
écrits en caractères romains, sont tracés à
travers leurs habits ; paysage dans le goût
flamand, avec, au premier plan, des fleu-
rettes et des fraisiers ; bordure à feuillage
et fleurs grêles.
Cette tenture, de fabrication flamande,
d'après le catalogue, rappelle beaucoup
celles du Musée de Nancy, provenant de
la tente de Charles le Téméraire.
La série des collections générales conti-
nue au second étage, où se trouvent les
salles de la renaissance et des temps
modernes, décorées de tapisseries de
Bruxelles, de Munich, etc. Elles sont mal-
heureusement fermées en ce moment.
Tout proche de la résidence, à l'entrée
de la rue Louis, la galerie des généraux,
vaste portique copié de la Loggia dei Lanzi
de Florence, est dédiée aux généraux ba-
varois, mais elle est vide ou à peu près, et
fait assez pauvre figure, si on la compare
à son modèle, embelli par les plus célèbres
sculptures de la renaissance.
l'église des Théatins, paroisse de la
cour et lieu de sépulture des souverains,
bâtie au XVIIe siècle, est intéressante par
son dôme et les deux tours de sa façade
dont la silhouette tourmentée est pleine
d'élégance. La rue Louis, qui part de cet
endroit et s'étend sur une longueur de 1200
mètres environ, est une des principales de
la ville et doit sa création au roi Louis Ier;
elle est bordée sur toute sa longueur, de
palais et d'édifices publics : palais royaux,
ministères, bibliothèque, église St-Louis,
université, séminaire, académie des beaux-
arts. Tous sont construits dans le style de la
renaissance allemande ou italienne avec
une grande variété qui donne une haute
idée de l'architecture moderne en Bavière.
L'extrémité de la rue Louis, à l'entrée
du faubourg qui y fait suite, est fermée par
la Sièges thor, porte de la Victoire, qui
rappelle par sa forme et ses dimensions les
arcs de triomphe romains. Elle est sur-
montée d'un quadrige tiré par des lions et
conduit par la figure allégorique de la
Bavière, le tout en bronze.
Du côté Nord de la rue Louis s'étendent
les nouveaux quartiers où ont été érigés
des monuments importants, et que la Brien-
nerstrasse, une des plus belles et des plus
intéressantes de la ville, met en communi-
cation avec la Résidence.
Parmi ces monuments, le plus célèbre est
I'ancienne pinacothèque ou Musée des
peintures anciennes, érigé sur les plans de
de Klenze, de 1826 à 1836. La construction,
de style renaissance, manque de caractère,
mais la galerie, ou plutôt les salles de pein-
tures, situées à l'étage, sont disposées de la
façon la plus pratique et la plus ingénieuse
pour faire valoir les œuvres qu'elles ren-
ferment.
Ce n'est pas en effet une de ces vastes
galeries où la vue se perd au loin, mais une
succession de salles et de cabinets où les
toiles sont groupées par écoles, en tenant
compte de leurs dimensions. Le classement
est simple : l'école de Cologne, l'école rhé-
nane et l'école allemande ; l'école hollan-
daise,l'école flamande quioccupe trois salles,
au centre de l'édifice et neuf cabinets ;
l'école italienne, l'école vénitienne, enfin
l'école espagnole et l'école française, cette
dernière assez pauvrement composée.
Le premier groupe se compose des œuvres
des diverses écoles allemandes du Rhin, de
Nuremberg et de la Souabeavec lesquelles
50o
3&e\nte ï>c P&vt chrétien.
sont confondues celles de la vieille école
des Pays-Bas.
Parmi les plus remarquables, il faut noter,
nos 101 à 103, le grand triptyque de Rogier
van der Weyden (de le Pasture) 1400- 1464,
représentant l'Adoration des mages, l'An-
nonciation et la Présentation au temple ;
n° 100, du même, saint Luc peignant le
portrait de la Vierge, admirable peinture ;
n° 134, Pieta, de Quentin Metsys ; portrait
de Jean de Carondelet, du même ; huit ta-
bleaux du peintre dit: « Meister des Marien-
lebens » ; Memling, les sept joies de la
Sainte Vierge ; Albert Durer : divers por-
traits, celui du peintre par lui-même, Des-
cente de croix, et figures d'apôtres.
Les œuvres de Diirer brillent en tête
de l'école de Nuremberg et de la Souabe,
qui compte parmi ses maîtres : Schafner,
Wohlgemuth, Holbein, Zeitbloom, Burgk-
mair, Cranach, etc.
L'École hollandaise occupe la 4e salle.
L'école flamande (salles 5, 6 et 7, et cabi-
nets 8 à 16), est la mieux représentée dans
la galerie, par Snyders, de Vos, Teniers,
Brouwer, Van Dyck qui compte un grand
nombre de compositions, et enfin Rubens.
Parmi les œuvres de cet artiste hors pair on
remarque une chasse au lion, le portrait de
l'artiste et de sa première femme Isabelle
Brants, le grand jugement dernier, portrait
d'Hélène Fourment, deuxième femme du
peintre, et de son fils, des esquisses, etc.
C'est peut être l'ensemble le plus important
d'œuvres du maître et on leur a donné la
place d'honneur; mais à quoi faut-il attribuer
que les tableaux du grand peintre flamand,
d'ordinaire si hauts en couleur, semblent
avoir perdu ici une partie de leur éclat ?
L'école italienne, comme l'école fran-
çaise, ne brille par aucune œuvre de tout
premier ordre.
Sur un des longs côtés du Musée se dé-
ploie la galerie à arcades appelée les loges,
décorée de fresques, qu'on ne peut visiter.
Au rez-de-chaussée, collection d'estampes,
de dessins et de vases antiques.
La nouvelle Pinacothèque, construite
après l'ancienne et dans le voisinage de
celle-ci, renferme les œuvres de l'école
moderne de peinture dont Munich est le
centre, et qui s'est affirmée avec éclat. Les
peintres étrangers y sont aussi représentés,
par Munckacsy, Gallait, Verboeckhove,
etc.
Une salle est réservée aux peintures sut-
porcelaine reproduisant, sur des plaques de
petites dimensions et encadrées comme des
tableaux, les plus belles œuvres de l'ancienne
pinacothèque
Dans ce même quartier des Musées, au
centre d'une oasis de verdure, et comme
séparé de la ville moderne, se trouve un en-
semble de monuments de pur style antique,
au milieu desquels on peut se croire trans-
porté sur les rives de la Grèce ; ce sont les
propylées, la glyptothèque et le palais des
Beaux-Arts.
La Glyptothèque (musée de sculpture),
de forme carrée et basse et de style grec, est
un quadrilatère sans étage et sans fenêtres,
du moins à l'extérieur, avec portique à fron-
ton sculpté, supporté par des colonnes ioni-
ques. Elle a été bâtie de 1 S 1 6 à 1S30 sur
les plans &<tdeKlenze. Les salles d'exposition
ne reçoivent d'éclairage que par les plafonds
ou par des ouvertures ménagées dans le
haut des murs donnant sur la cour centrale.
Les œuvres de sculpture sont classées
par écoles et par époques, et grâce au grand
nombre des salles et à leurs vastes dimen-
sions, elles sont rangées en bon ordre, sans
entassement et sans mélange. La valeur et
l'importance de cette collection sont consi-
en Jdatotère, — /Botes De toopage.
501
dérables, sans qu'elle puisse toutefois être
comparée à celles du British Muséum et du
Louvre. Il suffira, pour montrer leur impor-
tance, d'indiquer la succession des diverses
salles qui renferment les œuvres de sculp-
ture : salle assyrienne, salle égyptienne, salle
des incunables ou œuvres de la Grèce pri-
mitive, salle des marbres d'Épire, ou sculp-
tures de la grande époque de l'art grec ;
salles d'Apollon, de Bacchus, des Niobides,
des Dieux, toutes consacrées à l'art grec,
de même que la salle troyenne et celle des
héros ; la salle des Romains et celle des
sculptures en marbre de couleur, et enfin la
salle des modernes où on rencontre quelques
œuvres seulement de sculpteurs contempo-
rains : Canova, Thornwaldsen, Rauch, etc.
Faisant face à la glyptothèque, le Palais
de l'exposition des Beaux Arts achevé en
1845, de style grec, à colonnes corinthien-
nes, et rappelant la forme générale de ce
monument. Il sert à une exposition perma-
nente de peintures modernes.
(A suivre.)
Eugène Soil.
* A.'ÇE* i&rA *$£* A^X* X^* A^A A*»X* A^X* A**X* xÇE* A~5X* »**X* A^vJ* A^ A^X* v4£
I
Tuim;cit
iiiiiriikimiii (iiiiiiitiirmiiiiiiiiiiiiimmiiiiiiiiiiiniiiiiiiiii
iiirxxxiiixixiiixnij
Jlt trésor lie l'cglisr JSt Hmbrotse à ffltlan(0*
tiijiiuxuiniLiTXTrTiiijiiiirrniiiiiixxxxxiTi
iiiniKiniixniiTii] mimniiinr
mil'"
*$*" W ^* *.*T* V1***T* r£* VI v v^y v^v v^-v r^v v^y y^* v^v *ô*ï$|
ES sujets des panneaux
retracent la vie de S.
Ambroise (2).
S. Ambroise au ber-
ceati : vbi • exam • apv •
PVERI • OS - CÔPLEVIT ■
mwmwm Kbkosi (3). ^ gaajw^
apuiu pueri os complevit Ambrosii. L'enfant
est couché dans un lit, couvert d'un drap
qui forme en retombant des plis symé-
triques : les deux pieds, légèrement courbés,
indiquent qu'on peut lui imprimer un mou-
vement d'oscillation, propre à hâter le
sommeil (4). La mère se tient au chevet,
en face du père, qui porte un riche costume,
composé d'une tunique galonnée et d'une
chlamyde. Tous les deux font un geste
d'étonnement, car de la bouché de l'en-
fant sortent des abeilles, semblables à des
oiseaux qui s'envolent dans les airs. Dans
le ciel, à des niveaux différents et disposés
1. Deuxième partie, voyez la 4",e livr., page 306.
2. Cette face est reproduite dans les Tavole cronolo^iclic
de Mozzoni, Sec. IX et dans le BulUttino di archeologia
Cfistiana, 1864, p. 19. Millin décrit ainsi les sujets :
« 1" Il est enfant, et des abeilles viennent déposer leur
miel dans sa bouche; 2° Il part pour la Ligurie ; 30 Inspiré
par le Saint-Esprit, il revient; 40 II est baptisé par un
évéque catholique; 5° Il est ordonné évêque au bout de
huit jours; 6" Il est transporté à Tours pendant qu'il dort
sur un autel; 70 II ensevelit saint Mattin; 8" Il prêche,
mais c'est un ange qui parle; 9° Il guérit un boiteux ;
io' Jésus vient à lui; u" Saint Honorât lui donne le
viatique ; 12" Pendant qu'il est encore sur son lit de mort,
son finie monte au ciel. T>
3. « Ambrosius, filius Ambrosii, praefecti Romae, cum
in cunabulis in atrio praetorii esset positus et dormiret,
examen apum subito veniens faciem ejus et os ita com-
plevit ut quasi in alveolum suum intrarent pariter et
exirent. Qu.c posteaevolantes in tantam aëris altitudinem
sublevatac sunt ut humanis oculis minime viderentur. Quo
peracto, territus pater ait : Si vixerit infantulus iste, ali-
quid magni erit > (Leg. aurea).
4. Au moyen âge, on disait berseil et berseuère, expres-
sions non moins significatives que berceau et qui peignent
toutes le balancement donné à ce petit lit pour endormir
plus promptement l'enfant. (V. Glossaire de De Laborde,
p. 164, 165.)
sur trois lignes horizontales, sont des nuages
d'où s'échappent des flammes.
Voyage de S. Ambroise en Emilie et en
Ligurie: vbi • abrosis • emilia • petit .
ac • ligvria ('). Jeune et imberbe, vêtu
de la chlamyde, il galope sur un cheval à
longue allure, dont il tient la bride de la
main droite. Il s'affronte à un arbre, au pied
d'une colline qui cache en partie Rome,
ville fortifiée, qu'il vient de quitter. Les
arbres, bien dessinés et à tronc sinueux, se
terminent ordinairement par une ou plu-
sieurs feuilles, plates et découpées.
Retour de S. Ambroise : vbi fvgiens
SPV • SCO FLANTE REVERTITVR ( Ubi fugicllS,
Spiritu Sancto fiante, revertitur). La scène
ne varie pas comme tableau, c'est la même
ville avec enceinte renforcée de tours, la
même montagne, mais avec un arbre plus
maigre. S. Ambroise arrête son cheval lancé
au galop et veut lui faire rebrousser chemin.
Il se détourne, car une voix lui parle au
ciel. Or la voix est exprimée par une main
qui bénit à la manière grecque ou plutôt
qui fait le geste de l'allocution : elle sort,
emmanchée, d'un triple cercle de nuages
et projette des rayons de lumière jusque
sur le fugitif qu'elle éclaire en le convain-
quant qu'il doit retourner sur ses pas et
aller à Milan où sa présence est nécessaire.
Baptême de S. Ambroise : vbi a catiio-
lico baptizatvr epo. (episcopo) (2). Le ca-
1. < A Valentiniano imperatore ad regendam Liguriam
Emiliamque provinciam directus est » (Leg. •ucr.).
2. « Inventus cum adhuc esset catechumeims,baptizatur
et VI 11 die in episcopalem cathedram sublimatur >
(Leg. aur.).
C'est a l'occasion de ce baptême que le K. P. Graniello,
barnabite de Rome (depuis cardinal), a publié dans le
Giornale Arcadico sa savante dissertation intitulée : « 11
battesimo per immersione-infusione rappresentato nel
paliotto di S. Ambrogiu Xouv. s/r.,t. XXXVI, 1864).
Il en a été fait un tirage a part dont l'auteur a bien voulu
m'offrir un exemplaire.
3le trésor fce f égltse &U2Lm\)voi8t à £0(lan. 503
téchumène est plongé, entièrement nu, dans
une cuve à six pans, où l'eau monte au-
dessus de ses jambes : de la main gauche
il cache sa nudité. L'évêque, en chasuble,
étole et pallium, se tient à sa droite et pose
sa main sur sa tête pour l'immerger, tandis
qu'à l'opposé, un acolyte, tonsuré, debout
sur un escabeau en plan incliné, verse l'eau
de son amphore, de manière à compléter
l'immersion par l'infusion. L'évêque a dans
la main gauche un rouleau qui contient les
prières baptismales (').
Ordination de S. Ambroise : vbi octavo
die ordinatvr eps (episcopus). S. Am-
broise, nimbé, vêtu de la chasuble et du
pallium (2), un livre fermé dans la main
gauche, est escorté des deux évêques qui
ont procédé à son ordination : leur costume
est identique à celui de l'évêque de Milan.
Celui de droite déroule un phylactère (3),
pendant qu'il bénit à la manière grecque
de la main droite; l'autre porte un livre.
Sommeil de S. Ambroise : vbi. sv~p(er) al-
TARE. DORMIENS. TVRONIAM PETIT (4). L'autel
est un cube d'or, exhaussé d'une marche
1. Si la vocation de S. Martin se manifesta à Pavie, où
habitaient ses parents, vers l'âge de quinze ans, pourquoi
n'aurait-il pas été baptisé par S. Ambroise? Il voulait se
retirer au désert, mais son père en fit un soldat pour
mettre obstacle à sa vocation. Une église atteste le sou-
venir de son séjour à Pavie : c'est la plus ancienne con-
struite en son honneur, assure le Pèlerin (n° du S octobre
i879).
2. Tous les évêques figurés sur l'autel portent la cha-
suble relevée sur les bras et, par-dessus, un pallium, long
et frangé, retombant des deux côtés, comme s'ils étaient
archevêques.
3. Les rouleaux étaient encore en usage, aux XIIe et
XIIIe siècles, pour les fonctions ecclésiastiques, témoins
les Exultet de la cathédrale de Pise et de la bibliothèque
de la Minerve à Rome : ils étaient confiés à la garde d'un
rotularius (V. Muratori, Ant. /ta/., t. IV, dissert. LVII).
4. La liturgie s'est emparée de ce fait relaté dans trois
proses de S. Martin.
Dans le Missale Vedastinum, ms. du XIVe siècle,à Arras
'Dreves, Anal, liymn. med. œvi, X, 257) :
« Cras undeno noni mensis
Prassul Mediolanensis
Mente raptus est suspensis
Ve-rbis ad obsequia. »
dont la tranche est gemmée : les deux
faces que l'on aperçoit sont traversées par
une croix gemmée. Au-dessus est suspen-
due par trois chaînes une couronne, sertie
de pierres précieuses et à laquelle pendent
trois croix perlées, formées chacune de cinq
perles. S. Ambroise, nimbé, en chasuble et
pallium, sommeille : le parchemin qu'il tient
va lui échapper des mains. Son diacre, por-
tant l'étole sur la dalmatique selon le rite
ambrosien, le secoue inutilement à l'épaule
pour le réveiller ; pendant ce temps le lec-
teur, debout sur un escabeau gemmé, lit
dans un livre ouvert.
Sépulture de S. Martin : vbi sepelivit
corpvs beati martini. Le sarcophage, dans
lequel est déposé l'évêque de Tours, a la
forme d'un grand coffre rectangulaire, dé-
coré d'arcades, avec un courant de rinceaux
à la partie supérieure. S. Ambroise, nimbé,
tient des deux mains la tête du cadavre,
également nimbé, tandis qu'un acolyte, qui
est descendu dans le sarcophage, le prend
par les pieds. Le défunt est entièrement
enveloppé de son suaire, lié de bandelettes
et a la face couverte. En arrière, un autre
acolyte tient sous le bras gauche un rituel à
couverture gemmée et, de la main droite,
un chandelier à pied épais, dont le fût se
compose d'une succession de globules et
qui se termine par un cierge court (').
Dans le Missale S. Amandi, ms. du XIVe siècle, à
Valenciennes (Dreves, X, 260) :
« Ad sepulchrum cujus visus
Vel totalis vel divisus
Legitur Ambrosius. J>
Le missel de Marmoutiers, imprimé en 1508, a cette
strophe (Dreves, Sequent. inédit., p. 190), dans la prose
In transit u S. Martini:
<L Angelorum sonat melos
Dura Martinus intrat cœlos,
Severinus audit cantum,
Clerus stupet quare tantum
Dormitat Ambrosius. »
1. Les deux scènes du sommeil à l'autel et de l'assis-
tance aux funérailles de S. Martin ont été exécutées en
mosaïque, au XIIe siècle, dans l'abside de l'église de
504
Brtuc fte l'&rt chrétien.
Prédication de S. Ambroise : vbi predi-
CAT AGLO loq;nte ÂBROSIV ('). (Ubi prccdi-
cat, angeloloquente, Ambrosius ).S. Ambroise,
nimbé, adresse la parole à trois seigneurs,
que distingue leur riche costume, qui com-
prend une tunique galonnée et unechlamyde
agrafée sur l'épaule droite. Pendant qu'il
prêche, un ange, debout derrière lui, nimbé
et les ailes baissées, lui souffle à l'oreille ce
qu'il doit dire.
Gnérison d'un malade : vbi pede abrosivs
calcat dolenti. S. Ambroise célèbre à un
St-Ambroise. Celle de la sépulture a été gravée sur bois
dans le 5. Martin de Lecoy de la Marche et reproduite
dans la Gazette des Beaux- Arts, 2e pér., t. XXIII, p. 74.
Tel est, d'après Grégoire de Tours, le fait ici rappelé :
« Qualiter beato Ambrosio idem transit us est ostensus.
— Eo namque tempore beatus Ambrosius, cujus hodie
flores eloquii per totam Ecclesiam redolent, Mediolanensi
civitati pnuerat episcopus. Cui celebrandi festa Dominicas
diei ista erat consuetudo, ut veniens lector cum libro suo
non antea légère praesumeret quam sanctus nutu jussisset.
Factum est autem ut illa die Dominica, prophetica lectione
recitata, jam lectore ante altare stante, qui lectionem beati
Pauli proferret, beatissimus antistes Ambrosius super
sanctum altare obdormiret. Quod videntes multi, cum
nullus eum penitus excitare praesumeret, transactis fere
duarum aut trium horarum spatiis, excitaverunt eum di-
centes : Jam hora prœterit. Jubeat domnus lectori lectio-
nem légère; exspectat enini populus valde jam Iassus.
Respondens autem beatus Ambrosius : Nolite, inquit, tur-
bari. Multum enim mihi valet sic obdormisse, cui taie
miraculum Dominus ostendere dignatus est. Nam nove-
ritis fratrem metim Martinum sacerdotem egressum fuisse
de corpore, me autem ejus funeri obsequium pr.-ebuisse,
peractoque ex more servitio, capitellum tantum, vobis
excitantibus, non explevi. Tune illi stupefacti, pariterque
admirantes, diem et tempus notant, sollicite requirentes.
Qui ipsam diem tempusque transitus sancti repererunt,
quod beatus confessor dixerat se ejus exequiis deservisse. »
(Gregor. Turonen., De mirac. S. Martini, lib. I, cap. V.)
Mgr Chevalier a écrit : < M. de St-Laurent se trompe en
rattachant la mort de S. Martin à l'an 400. C'était bien la
date donnée par les historiens du XVIIe siècle, avant les
beaux travaux qui ont fixé définitivement la chronologie.
Mais X Art de vérifier les dates assigne l'an 396, en sorte
que l'assistance de S. Ambroise aux obsèques de S. Martin
aurait été chronologiquement possible. »
Mgr Biraghi (p. 106) affirme, au contraire, que S. Mar-
tin mourut « tre anni dopo Sant' Ambrogio e forse sette
anni ».
1. « Quidam hasreticus, accerrimus disputator et durus
et inconvertibilis ad fidem, cum audiret Ambrosium pra:-
dicantem, vidit angelum ad aures ejus loquentem verba
qu.i: populo proedicabat. Quo viso, fidem quam perseque-
batur cœpit defendere > (Leg. aur.).
autel, semblable pour la décoration à celui
de la scène du sommeil. Sur sa table, évi-
dée en creux, c'est-à-dire avec un rebord
extérieur, sont quatre hosties marquées
d'une croix et placées elles-mêmes en croix.
A l'angle gauche se tient le diacre, portant
l'étole sur la dalmatique et présentant des
deux mains, par les anses, un large et
profond calice. L'évêque, nimbé et vêtu
toujours du même costume, célèbre à la
manière antique, en se tournant vers l'assis-
tance. Il pose sa main droite sur l'épaule
d'un seigneur, en même temps qu'il marche
sur son pied gauche pour le guérir.
Vision du Christ : vbi iîïvm ad se videt
veniente ('). S. Ambroise, nimbé (5) et
vêtu d'une simple tunique, est étendu, la
tête légèrement relevée, sur un lit à quatre
pieds. Il tend les bras au Christ qui lui
apparaît et le bénit à trois doigts, à la
manière latine. Le Sauveur est imberbe,
porte le nimbe crucifère, les cheveux longs,
les pieds nus et, dans la main gauche, un
rouleau, lié d'une cordelette. En avant du
lit est un escabeau sur lequel sont placées
les chaussures du malade.
Apparition d'un ange : vbi amonit ho-
norât eps dni off cor (3). (Ubi admonitits
Honoratus episcopus Domini offert corpus).
Le lit et l'escabeau sont les mêmes que dans
la scène précédente. S. Honorât, nimbé et
imberbe, écoute l'ange qui lui parle. Cet
1. « In loco autem in quo jacebat vidit Jesum ad se
venientem et sibi vultu alacri arridentem >• (Lei;. aur.).
2. Peu de temps avant sa mort, sa tête fut environnée
d'un disque de feu : i Ante paucos dies quam lectulo deti-
neretur, cum XLIIII psalmum cum notario dictaret, su-
bito ipsi, vidente notario, in modum scuti brevis ignis
caput ejus operuit atque paulatim per os ejus, tanquam in
domum habitator intravit » (Ibid.).
3. « Honoratus vero, episcopus Vercellensis, qui beati
Ambrosii obitum expectabat, cum se sopori dedisset,
vocem tertio se clamantis audivit : Surge, quia mox est
recessurus. Qui consurgens Mediolanum concitus venit
et ei dominici corporis sacramentum dédit moxque ille
manus in modum crucis expandit et ultimum sptritum
inter verba oris effl.ivit î> (lbid.).
île trésor tie l'église &U2LmbvQi8t à ©tlan. 505
ange, les ailes baissées, fait le geste de la
bénédiction grecque : il avertit l'évêque de
Verceil d'aller assister l'évêque de Milan à
ses derniers moments.
Mort de S. Ambroise : vbi anima in ce
LVM DVCITVR CORPORE IN LECTO POSITO (').
Le Saint est étendu horizontalement dans
un lit à quatre pieds, recouvert d'un drap
qui forme des plis. Le corps est recouvert
d'une riche étoffe, et la figure seule est
visible. Aux pieds du lit se tient S. Hono-
rât, nimbé, avec la chasuble et le pallium : il
porte la main à son visage pour témoigner
sa douleur. Dans un des angles, la main de
Dieu sort du ciel, exprimé par trois cercles
concentriques, bénit et lance des rayons de
lumière sur l'âme du défunt qui lui est pré-
sentée par un ange. Cette âme, dont la tête
est juvénile et nimbée, consiste en un
buste drapé : elle est offerte à deux mains
par un ange qui plane dans les airs et se
distingue par ces deux caractères habituels
qui sont, en plus du nimbe de la sainteté,
les ailes et les pieds nus.
Le panneau du milieu admet une triple
bordure : c'est d'abord une série de perles à
l'extérieur d'un cavet, puis, entre deux
1. Il ne faudrait pas voir là un miracle dont ne parle
pas la légende. En effet, l'Église, dans le Rituel, aux
obsèques des fidèles, continue à demander l'assistance des
anges pour que les âmes soient offertes au Très- Haut :
« Occurrite, angeli Domini, suscipientes animam ejus,
offerentes eam in conspectu Altissimi. Suscipiat te Chri-
stus qui vocavit te ».
Cependant la Légende d'or cite, comme fait historique,
des visions où l'on vit des âmes emportées au ciel par les
anges. Voir édit. de Brunet, t. I, p. 75, 143 ; t. Il, p. 21.
Je lui emprunterai ce seul exemple fourni par la vie des
SS. Pierre et Marcellin : « Quorum animas, vestibus splen-
didis et gemmis indutas, ab angelis in cœlum deferri
spiculator, nomine Dorotheus, vidit ; unde et christianus
effectus est » {Legenda aur., édit. Grcess, p. 344). Dans
les actes de S. Irénée, d'après Ruinart, on lit : « Sanctus
vero Dei martyr, cum venisset ad pontem , expolians
se vestimenta sua et extendens manus in cœlum, oravit
dicens: Domine Jesu Christe, qui pro mundi salute pati
dignatus es, pateant cœli tui.ut suscipiant angeli spiritum
servi tui Irenaei, qui propter nomen tuum et plebem tuam
pneductam de ecclesia tua catholica Sirmiensium haec
patior ».
torsades, desplaques d'émail que rehaussent,
de distance en distance, des cabochons ;
enfin, en haut et en bas, une large bande
perlée avec de gros cabochons montés en
bâte filigranée et perlée. Les trois cabo-
chons, alignés à la partie supérieure, sont
entourés de perles en verre rouge, et l'un
d'eux, celui de gauche, est un cristal de
roche doublé d'un paillon rouge.
Ce panneau est divisé lui-même en deux
volets, historiés chacun de deux grands
médaillons ('), représentant, en haut, les
archanges S. Michel et S. Gabriel et, en bas,
le donateur et l'orfèvre. S. Michel, ses
michael, occupe la droite. Il est nimbé, a
les ailes étendues, tient dans la main gauche
un bâton terminé par deux boules, à quel-
que distance l'une de l'autre et est vêtu d'une
tunique longue, ceinte à la taille et galonnée
à la partie inférieure. Ses ailes sont large-
ment ouvertes, et de la main droite il semble
accueillir ou inviter l'évêque placé au-des-
sous de lui. Ses pieds sont chaussés, ce qui
n'est pas absolument rare dans l'icono-
graphie byzantine, et il est debout sur un
escabeau gemmé. S. Gabriel lui fait pen-
dant : il a aussi son nom inscrit à mi-hauteur
du médaillon : ses GABRi(W,).Cet ange n'est
qu'une réplique du précédent, mais en sens
inverse, en sorte qu'ils se tournent le dos.
Dans le médaillon que surmonte l'ar-
change S. Michel, on voit S. Ambroise,
ses ambrosivs, imberbe, debout sur un
escabeau gemmé, vêtu du pallium et de la
chasuble, recevant l'offrande qui lui est
faite. Aussi de la main droite pose-t-il, sur
la tête du généreux donateur, une espèce
de calotte dont le bandeau est gemmé et
surmonté de trois petites boules, qui indique
certainement la couronne céleste, le donum
sublime de l'inscription. Angilbert, ainsi
1. Ces deux médaillons sont gravés séparément dans les
Memorie de Giulini, I, 182.
REVUE DE l.'AKT CHRÉTIEN.
1899. — 6lue LIVRAISON.
5°°
Brtuc be r&rt chrétien
nommé domnvs angilbertvs, s'incline res-
pectueusement devant son protecteur. Il a
le costume épiscopal, chasuble et pallium,
et des deux mains il présente l'autel d'or,
marqué d'une croix sur sa face antérieure (').
Derrière sa tête se dresse un nimbe rec-
tangulaire, qui est le nimbe des vivants :
c'est une tablette épaisse et dont la tranche,
taillée en biseau, est entourée d'une série
de perles.
Au médaillon qui fait face, on voit S.
Ambroise, dans les mêmes attitude et cos-
tume, ses ambrosivs, un livre dans la main
gauche, posant sur la tête de l'orfèvre une
couronne dont le bandeau est aussi sur-
monté de trois boules. Maître Volvinius,
WOLVINIVS MAGISTER PHABER (2), s'incline
profondément et tend les bras vers son bien-
faiteur, comme pour lui exprimer sa recon-
naissance (3). A côté de S. Ambroise est
une espèce de cornet, qui pourrait être la
marque, le poinçon de l'orfèvre, à moins
qu'on ne veuille y voir l'écritoire du saint
docteur.
1. Cet autel n'a pas de ciborium, pas plus que les deux-
autres autels ligures sur la même face. On pourrait peut-
être en déduire que le ciborium qui surmonte le maître-
autel n'existait pas encore : il passe pour être du IXe
siècle, mais son style le ferait plutôt attribuer au XIIe.
2. Voici exactement la disposition des lignes de cette
importante signature, mal reproduite par d'Agincourt et
Ferrario :
VVOL
VI
NIVS
MAGIS
T
PHABER
3. Volvinius porte deux tuniques superposées, une
longue et une courte. Je n'ai point vu qu'il soit < vêtu
comme Angilbert d'une tunique et d'un pallium » {Annal.
arch., t. IV, p. 286), ce qui en ferait un évêque : or rien
n'est moins prouvé que son caractère même sacerdotal,
que semble exclure le qualificatif magister.
Millin a écrit VVolvinus : « Il y a sur chaque battant
deux médaillons; les deux supérieurs représentent les
Archanges Gabriel et Michel; sur l'un des deux autres, on
voit saint Angilbert aux pieds de saint Ambroise, à qui il
présente l'autel qu'il lui consacre; le saint, reconnaissant,
lui pose une couronne sur la tête : tous deux ont un pal-
lium, orné de pierres précieuses et non de croix, et leur
Ces quatre médaillons, historiant les
volets, sont reliés aux cadres extérieurs par
des bandes droites ou zigzaguées, qui, au
milieu, sont coupées par des cabochons,
pendant que les quatre angles sont garnis
de carrés en torsade. Chaque carré inscrit,
dans un cercle aussi en torsade, un médail-
lon à fond vert, ce qui donne quatre mé-
daillons en haut et quatre en bas. Tous ces
disques sont faits sur un modèle identique,
c'est-à-dire qu'ils représentent un buste
d'ange, exprimé en émail cloisonné et trans-
lucide. Ces émaux ont un aspect rude et
presque sauvage. Les yeux sont très grands,
et l'iris est formé par un point bleu; ils
s'abritent sous des sourcils verts. Les che-
veux sont rouges, bordés d'une dentelure
bleue qui, dans l'intention de l'artiste, peut
vouloir exprimer une couronne, dont chaque
lobe est pointillé de blanc. La carnation est
blanchâtre, avec des taches rosées aux
pommettes et au cou. De chaque côté se
dressent deux ailes bleues.
Le grand intérêt des deux médaillons
qui décorent le bas des volets consiste dans
la répétition du nom du donateur, mais
surtout dans la présence de celui de l'orfè-
vre, qui mérite de passer à la postérité. Ce
nom a souvent préoccupé les archéologues
qui cherchent à y trouver un signe de na-
tionalité. La forme indique évidemment un
nom latinisé, mais dont le radical n'est ni
byzantin, ni italien : il serait plutôt alle-
mand ('). En effet, on peut, sans trop de
témérité, supposer que ce radical est Wo/f,
dont nous aurions ici, avec une légère alté-
tête est nue; ils sont vêtus d'une tunique longue et d'une
espèce de chape; leurs noms sont écrits : S. Ambrosivs.
domnvs Angilbertvs. Le sujet de l'autre médaillon est
à peu près semblable ; l'orfèvre qui a conduit ce travail
est également aux pieds de saint Ambroise, dont il reçoit
aussi une couronne ; il a une tunique longue sous une
plus courte, et un petit capuchon; on lit auprès : VVoL-
VINVS MAGISTER PHABER ».
I. Pour Ferrario, l'artiste serait romain : « non sola-
mente italiano, ma cittadino romano > (P. 121).
île trésor De l'église ^)t^mbrot0e à $)tlan. 5o7
ration, très probablement le diminutif (').
Quant au W, il n'est pas tellement propre
aux Allemands qu'on ne le rencontre à
l'époque romaine d'abord, puis aux I Xe et Xe
siècles, dans l'épigraphie et la paléographie
latines (2). L'abbé Texier avait, à l'aven-
ture et sans examen suffisant, adopté l'opi-
nion d'un écrivain qui l'aurait fait limou-
sin (3), mais Didron lui a répondu avec
beaucoup de bon sens : « Nous ne saurions
partager cette opinion de MM. Didier
Petit et Texier. Wolvinius est aussi bien
latin et surtout allemand que français.
D'ailleurs, un artiste italien pourrait assu-
rément porter un nom français sans être
Français de naissance. Que de noms à ter-
minaison, et même à racine italienne, sont
portés par de très bons et très anciens
Français! En science, même pour une con-
jecture, il faut des preuves plus rigoureu-
ses. Pour les mêmes motifs, nous ne pou-
vons admettre que maître Alpais soit un
Grec, qui ait fait de l'orfèvrerie à Limoges.
Nous voudrions également de bonnes preu-
ves à l'appui de l'opinion qui fait Italien
Francisais Piloxus et même Laçants de
Franceschi, deux artistes qui avaient exé-
cuté, en 1453, une image de la sainte
Vierge dans l'église Saint-Martial de Li-
moges. Ce doute, nous l'avons soumis au
regrettable M. du Sommerard, qui avait
1. Le docteur Labus avait raison quand il voyait dans
ce nom un reste des invasions étrangères, « settentrionali
nazioni ».
2. « Il V consonante e si pure vocale dall' idiotico e
rustico favellare del volgo soleansi addoppiare in Roma
e in Italia da' tempi molto più antichi, si nei nomi
proprj, corne AVVREL1VS, EVVODVS, FLAVVIVS,
MVVC1VS, PROTESILAVVS e si in altre voci, come
1VVS, LVVCE, SVVO » (Ferrario, p. 121). A mon avis,
ce redoublement a pour but de mettre d'accord l'ortho-
graphe avec la prononciation qui disait ou. Ferrario cite
de nombreux exemples du VV dans des chartes ita-
liennes.
3. Les Limousins ont été certainement emportés ici
au delà des bornes par l'enthousiasme patriotique.
fini par le prendre en sérieuse considéra-
tion » {Ann. arck., t. IV, p. 287).
La nationalité se dégage encore du tra-
vail lui-même, qui est essentiellement
latin ('). Toutefois, il faut faire ces réser-
ves, ou l'artiste a travaillé dans des ateliers
byzantins ou il s'est inspiré de modèles
venus de l'Orient. Toutes les inscriptions
sont latines, mais l'iconographie est en
général plutôt grecque, quoique avec plu-
sieurs tâtonnements, puisqu'on trouve les
anges avec les pieds nus ou chaussés et
une fois la bénédiction latine substituée à la
bénédiction en usage dans l'Église orien-
tale. Somme toute, le style est bon, la main
habile ; malgré cela, les figures émaillées
sont très mal réussies, tandis que l'émail
lui-même est heureusement traité et que le
procédé du cloisonnage rappelle complète-
ment l'Orient. Il y a donc une influence
byzantine réelle, mais plutôt pour la con-
ception que pour l'exécution (2).
4. Les deux petits côtés de l'autel se
ressemblent comme aspect, et les person-
nages seuls varient (3). Le méandre con-
tinue à orner la table, et les palmettes sont
appliquées à la plinthe, pendant que le
cadre tout entier conserve la forme géné-
rale des grandes faces. Dans ce cadre prend
place un panneau qui a une double bor-
1. « Cet ouvrage prouve que, dans le neuvième siècle,
la Haute Italie possédait déjà d'habiles orfèvres » (Millin,
t. I, p. 176).
2. « L'art byzantin ne nous a laissé aucune pièce de
cette époque, comme affirmation de cet art, mais tous les
textes sont formeIs,et l'existence seule de l'autel de Sainte-
Sophie suffirait à nous prouver que l'émail était pratiqué
sur une grande échelle à Byzance. Tout naturellement, sa
fabrication fut introduite en Italie vers une époque assez
avancée, IXe et Xe siècles » (Bapst, Le Musée rétrospec-
tif du Métal, p. 20).
3. Alfred Darcel a publié dans la Gazette des Beaux-
Arts, t. XIX, p. 255-256, un des petits côtés, le soubas-
sement et sa corniche, de l'autel de S.-Ambroise, qu'il
attribue à « l'année 835 » et apprécie ainsi : « Rien n'est
emprunté à une flore quelconque dans l'œuvre de Vol-
vinius, rien n'y rappelle non plus les formes de l'archi-
tecture. >
5o8
&ctnte be l'$rt chrétien*
dure, la première émaillée et la seconde
émaillée et gemmée. Dans ce carré s'inscrit
un losange, qui se relie aux angles, par des
bandes droites. Ce losange et ses appen-
dices sont émaillés et gemmés : dans les
triangles qu'ils laissent entre eux sont figu-
rés des anges au nombre de huit, un par
compartiment.
Les angles du losange sont fermés par
un demi-cercle (') où s'inscrit un médaillon
historié, duquel se dégagent des feuillages
et des fleurs (2). Une croix pattée relie
ensemble ces quatre quarts de cercle : elle
est perlée sur ses contours, émaillée dans
son champ, garnie d'un gros cabochon au
milieu et accostée de quatre personnages,
un par canton. Dans cette vigoureuse ar-
mature les personnages tendent à s'effacer,
car les reliefs puissants qui les entourent
les écrasent complètement.
Du côté de l'épître, les quatre petits
médaillons à l'intérieur du losange, repré-
sentent, en haut, S. Ambroise, âbr (Am-
brosius) ; en bas, S. Simplicien, évêque de
Milan (3), sipl (Simpliciamis), l'un et
l'autre avec le pallium sur la chasuble et
i. Au moyen âge, le demi-cercle ou son dérivé se nom-
mait demi-compas: « Item, un fremail d'or, en façon de
quatre demis-compas, où il a lettres d'or, où il a VIII
assiettes de pelles à chascune trois, et y a quatre balès et
trois saffirs, et samble que il faille le Ve. Ou milieu a un
home sauvage d'or et a lettre environ lui » (Inv. de la
Reine Jeanne, 1360, n° 59). Ces quatre demi-compas réunis
formaient un quatrefeuilles, type commun au XIVe siècle
pour les agrafes.
2. Au-dessous de S. Ambroise se croisent deux palmes,
dont la signification est donnée par la liturgie qui em-
prunte ce texte à la Bible : « Justus ut palma florebit ».
Quant aux branches feuillagées et fleuries, elles sont un
symbole expressif d'une vie conforme à celle du Christ et
par conséquent ayant mérité les gloires de la résurrection :
« Si enim complantati facti sumus similitudini mortis
ejus, simul et resurrectionis erimus » (S. Paul, ad Roman.,
VI, S)-
3. 11 importe de noter que sur le paliotto aucun éveque
ne porte la mitre, ce qui prouve d'une manière irrécusable
que, dans la première moitié du IXe siècle, le Saint Siège
n'avait pas encore octroyé ce privilège aux archevêques
de Milan.
le livre fermé dans la main gauche. A droite
est S. Protais, prô" ( Protasius ) et, à gauche,
S. Gervais, gër (Gervasius), tous les deux
en tunique et chlamyde, la barbe au men-
ton et une couronne gemmée dans les
mains. Ces quatre saints, patrons de l'église
de Milan, sont dessinés seulement en buste
et nimbés : au contraire, les diacres tonsu-
rés qui cantonnent la croix sont en pied,
dans des attitudes suppliantes, soit qu'ils
s'inclinent, soit qu'ils s'agenouillent. Ils ont
l'étole sur la dalmatique et le manipule
frangé au poignet du bras gauche. Leur
nimbe indique leur sainteté : le martyrologe
de l'église de Milan pourrait seul donner
leurs noms qui nous échappent. Un arbre,
placé près d'eux, indique qu'ils habitent les
jardins du paradis.
Les anges qui occupent les triangles ex-
térieurs sont nimbés et pieds nus : ils ont
pour vêtements une tunique longue et un
manteau flottant et tiennent un rouleau fi-
celé ; un seul n'a pas de volumen et fait le
geste de la bénédiction grecque. Les deux
en haut planent horizontalement ; ceux de
droite et de gauche sont debout ou courbés,
et enfin ceux d'en bas s'agenouillent d'un
seul genou.
Du côté de l'évangile, nous retrouvons
les mêmes anges, dans le même costume
et à peu près dans la même attitude. En
haut, ils s'agenouillent sur les nuages et,
en bas, ils sont aussi à deux genoux, mais
entre des arbres. Des arbres accompagnent
encore ceux des côtés, qui se tiennent de-
bout sur des escabeaux, pour indiquer qu'ils
appartiennent à un ordre supérieur : je ne
serais pas étonné que ce fussent Raphaël
et Uriel ('). Les deux plus élevés ont les
1. M. de Caumont a écrit : « Quatre archanges, Michel,
Gabriel, Raphaël et Uriel occupent les compartiments
latéraux à droite et à gauche s> {Buliet. tnonum., t. XXIV,
p. 328). Je ne puis être de cet avis, d'abord, parce qu'il
n'est pas démontré que les huit anges de chaque côté
3U trésor De l'église £>t ambrotse à 30ilan. 509
pieds chaussés (') et portent, sous la chla-
myde, une tunique richement galonnée à la
partie inférieure et, dans une des mains, un
bâton pommeté.
Les quatre bustes des médaillons repré-
sentent : en haut, S. Martin, mârt, et en
bas, S. Materne, mânv ( Maternus ) en cos-
tume épiscopal et un livre fermé dans la
main gauche ; puis, à droite et à gauche,
S. Nabor, nâbô ( Nabor j l'et S. Nazaire, nàzâ
(Nazarius), identiques aux S. Gervais et
Protais (2), d'où il résulte que les évêques
sont sur une ligne verticale et les martyrs
sur une ligne horizontale, comme aux mé-
daillons précédents.
Les quatre personnages des cantons de
la croix sont aussi nimbés : en haut, ils sont
accostés de nuages et montrent S. Martin;
ils ont devant eux un édicule rectangulaire
à deux étages, dont le sens n'est pas suf-
fisamment clair. Les deux autres, sous les
bras de la croix, se prosternent humble-
ment, en avant d'un arbre qui, par sa
courbe, suit le mouvement de leur corps.
Les deux côtés sont aussi soignés que la
face postérieure et, par conséquent, indi-
quent la main même de Wolvinius et, comme
cette seconde face contraste avec l'autre
soient les mêmes, répétés deux fois ; puis parce que deux
ont déjà figuré sur les volets et qu'il n'y a pas nécessité
de les reproduire ; enfin parce que deux seulement ont le
triple attribut du bâton pommeté, de l'escabeau et d'un
costume plus riche que celui des autres anges. Il n'y a
donc ici bien évidemment que deux archanges qui, unis
aux deux de la face postérieure, donnent les quatre ar-
changes connus et honorés publiquement par des églises
qui entouraient autrefois la cathédrale de Milan (X. B. de
M., Œuvr. compl., XI, 209-217).
1. L'abbé Texier a donc été trop absolu quand il a affir-
mé sans restriction que « les anges ont les pieds nus »
{Annal. arc/i.,t. IV, p. 2S7).
2. Les noms de tous ces saints sont bizarrement et irré-
gulièrement abrégés. C'est sans doute faute d'espace qu'on
a supprimé le qualificatif sanctus, qui a son équivalent et
sa traduction dans le nimbe.
Mgr Biraghi {Daliana historia Ecclesiœ Mediolanensis,
Milan, 1848) donne en lithographie le médaillon central,
S. Félix, S. Materne et S. Nabor.
pour l'exécution, qui est bien inférieure
sous le rapport de l'orfèvrerie, il faut en
conclure que le travail a été fait par deux
artistes différents, Wolvinius l'emportant
sur son concurrent ou sur celui qui aurait
achevé son œuvre interrompue (').
5. Les pierres qui étincellent au milieu
des émaux sont de toutes formes et de toutes
sortes, améthystes, grenats, saphirs pâles et
rubis : on voit aussi des verres doublés. La
plupart de ces pierres sont modernes. Gé-
néralement, elles sont arrondies en cabo-
chon, mais plusieurs sont demeurées à l'état
naturel, ce qu'on nomme pierres baroques ;
quelques-unes sont percées de part en
part(*), comme si primitivement elles avaient
été traversées par un fil d'or pour les monter
en collier. La sertissure est toujours en bâte,
avec une série d'arcades, des torsades ou
encore des filigranes très fins et des étoiles
à rais plats et surélevés {flanchis, comme
on dit en blason), alternant avec des roses à
six lobes, dont le cœur est une perle fine
ou une perle rouge.
Parmi ces pierres, il se trouve plusieurs
antiques. Ainsi une tête de Mercure (?),
sculptée en camée et six intailles, dont voici
la description :
Pierre semblable à la lave du Vésuve et
représentant un homme debout, qui tient
un vase de la main gauche.
Une cornaline, sur laquelle est écrit à re-
bours, de manière à donner une empreinte
droite sur la cire : votvriade.
1. Cette différence notable entre les œuvres des deux
artistes n'a pas échappé à Ferrario, qui s'en prend exclu-
sivement à la matière employée: « Il lavoro, invenzione
del maestro e artefice Volvinio, è tutto in basso rilievo,
meno perô spiccato e risultante nelle lastre d'oro che in
quelle d'argento, nelle quali, siccome più in grande e in
materia più atta, riesce anche più peifetto » (p. 114).
2. « Item, en une viefs bourse semmée de pelles, trois
gros saffirs, l'un en un anneau, l'autre percié parmi, et
l'autre bourde. » {Inv. de la reine Jeanne, 1360, n° 12.) —
« Item, un gros saffir cornu, percié dulong. » {Ibid., n°
51.) — « Item, un gros saffir percié, en une queue d'or et
en une cordelette. » {Ibid., n° 144.)
5io
débite be l'&rt cbvétten.
Une cornaline : une femme debout, avec
une corne d'abondance dans la main droite
et un bâton dans la main gauche.
Sur cornaline, deux espèces de gousses
superposées, avec des filaments qui s'en dé-
tachent.
Sur cornaline encore, un sphinx accroupi
et enfin, sur une pâte rouge, placé la tête
en bas, un amour assis.
6. Les émaux, remarquables par leur fi-
nesse et leur transparence, varient souvent
leur composition : aussi peut-on les répartir
en quatre catégories, dont une encadre les
panneaux de la vie, soit du Christ, soit de
S. Ambroise; une seconde se remarque au
panneau central, une troisième autour des
médaillons de ce même panneau et enfin
les montants extérieurs ont une forme à
part.
Au milieu, le fond est rouge, semé d'an-
nelets, alternativement en blanc pointillé
de bleu ou en vert pointillé de blanc au
pourtour des médaillons, le fond est vert
et porte deux patinettes accolées ou affron-
tées, blanches et bleues, sortant d'un vase
bleu avec un cœur rouge bordé de bleu. En
bas, deux palmettes semblables sont sépa-
rées par un rond bleu, pointillé de blanc ou
par un rond rouge, également pointillé de
blanc. Enfin, dans la première série des
émaux, nous trouvons deux feuilles blan-
ches avec un cœur rouoe.
Les croix des deux extrémités de l'autel
sont particulièrement riches. Elles sont re-
haussées de bandeaux gemmés et perlés: les
perles sortent d'une petite rose et forment
l'orle des lignes transversales et les axes.
Le fond est en émail vert, avec des pal-
mettes blanches qui se répètent aussi sur le
losange. Ou bien encore le losange offre sur
émail vert des dessins blancs, d'où jaillissent
des crochets de même nuance ; quant à l'ex-
térieur du cadre et aux diagonales, on y
trouve un échiqueté de blanc, pointillé de
vert ou de vert, pointillé de bleu.
La grande bordure émaillée du pourtour
ressemble à celle des montants extrêmes ;
autrement dit, le fond est vert translucide
avec une série, en haut et en bas, de petits
lobes bleus à bordure blanche et, au centre,
de gros pois bleu turquoise, qui est la
nuance générale du bleu. Le bleu et le
blanc sont opaques.
A l'intérieur, au côté gauche, sont douze
petites plaques semblables, quatre par
cadre. Le fond est vert, égayé de quatre
fleurons opposés en sautoir ou blanc avec
t un losange rouge au cœur, lobes bleus dans
les joints et, aux angles, fleurons gris.
Les neuf plaques du côté droit présentent
un autre dessin : le fond est vert, avec de
longues feuilles rouges et le reste blanc et
! gris au cœur et aux angles. En haut et en
bas, il y a six plaques, dont les feuillages,
alternativement rouges et blancs, ressortent
sur un fond vert.
A la plaque du centre, il y a les trois
nuances blanc, bleu et gris et, en haut, une
seule fois du rouge. Certaines parties res-
i semblent à la grande bordure, à part toute-
fois que le bleu des lobes est remplacé par
de l'émail gris.
Au côté gauche, nous constatons encore
toujours le fond vert, avec des détails bleu-
lapis, blanc et bleu-turquoise, mais peu de
rouge.
Les émaux sont striés, sur le fond, de
lignes horizontales et verticales qui se cou-
pent à angle droit, de manière à mieux
faire adhérer la pâte. On ne s'aperçoit du
procédé qu'aux endroits où l'émail a disparu.
Les montants, aux extrémités, entre les
deux bandes d'émaux, sont modernes,
ainsi que leurs attaches de filigranes. La
bordure en or qui forme encadrement est
également de notre époque. Les bordures
île trésor de l'église £>r*2tmbrotse a 0f)tlan. 511
inférieures et supérieures sont en argent ;
en haut, on remarque des croix gemmées
et, en bas, des fleurons émaillés.
Les filigranes sont partout très soignés:
plusieurs des attaches se sont conservées
sur les côtés, et il a été facile de les copier
pour la partie renouvelée. Les vrilles se
terminent par une tête d'épingle et, de
distance en distance, saillissent des roses
en relief et de petits cônes, sans doute
pour imiter des grappes de raisin (').
La question des émaux ayant particu-
lièrement préoccupé un de ses historiens
les plus distingués, Alfred Darcel, je dois
m'y arrêter encore un instant pour l'éclairer
autant que possible sur leur nationalité.
Cet archéologue classe parmi les
«émaux byzantins» ceux de « l'autel d'or de
St-Ambroise de Milan, fabriqué par Vol-
vinius en 825 ». (Gaz. des Beaux-Arts,
t. XXII, p. 431). Si Volvinius est l'auteur
incontesté des plaques d'orfèvrerie, com-
ment ne le serait-il pas aussi des émaux
qui complètent son œuvre et peut-on sup-
poser qu'il ait appelé à son aide des artistes
étrangers pour parachever \&paliotto ? Son
nom n'indique pas le moins du monde une
origine orientale ; pourquoi alors admettre,
gratuitement et sans preuves, deux mains
et deux procédés, là où un seul artiste,
orfèvre et émailleur, suffit à tout expliquer ?
Si l'orfèvrerie est occidentale, 1 emaillerie
l'est aussi et jusqu'à présent aucun argu-
ment sérieux n'a été produit pour établir
une distinction et une provenance que con-
tredit explicitement l'inscription ou plutôt
la signature, car alors Volvinius, pour être
1, Nous ne saurions trop louer le zèle du prévôt Gabriel
Nava, et du chancelier du chapitre Luigi Tosi qui, en
1797, par leur fermeté et leur habileté parvinrent à sauver
l'autel d'or de la rapacité du Directoire Exécutif de la
République qui avait décrété sa réquisition. Ferrario
rapporte, p. 126-129, les documents à l'appui ; ils méri-
tent certainement de passer à la postérité.
vrai, aurait dû ajouter: cum socio suo...
grœco.
Darcel écrivait en 1875 dans la Gazette
des Beaux- Art s (2e pér., t. XI, p. 184) :
« Nous avouons ne point reconnaître
d'émaux du IXe siècle autres que les vrais
byzantins, cloisonnés en or». Il sera satis-
fait, car voici un produit non byzantin, qui
est incontestablement du IXe siècle (r).
1. L'histoire de l'émaillerie se poursuit ainsi aux Xe et
XIe siècles : Les reliquaires du bâton de S. Pierre et du
S. Clou prouvent qu'au Xe siècle on cultivait l'émaillerie
à Trêves et par conséquent en Allemagne. Une lettre,
adressée à l'archevêque de Trêves par l'archevêque de
Reims, le célèbre Gerbert, fait allusion à ce mode de
décoration (Rev. de l'Ait chrét.y t. XXXI, p. 73), qui est
appelé tout bonnement du verre. La date de cette lettre
se place entre 975 et 988. « Destinato operi designatas
mittimus species (la matière) admirabilem formam (le
dessin) et quas mentem et oculos pascat... Exiguam ma-
teriam nostram magnum et célèbre ingenium vestrum
nobilitavit, cum adjunctione vitri, tum compositione
artificis elegantis » {Epist. civ, Palrolog., édit. Migne,
t. 137, col. 514).
« Il est constant qu'à la fin du XIe siècle, Didier, abbé
du Mont Cassin, fut contraint d'avoir recours aux ouvriers
de Constantinople pour faire exécuter un parement d'au-
tel où la légende de S. Benoît était figurée par des
émaux. Cependant un auteur, a peu près contemporain,
le moine Théophile, en décrivant la fabrication des émaux
dont, en son temps, on décorait les pièces d'orfèvrerie,
nous prouve que les procédés byzantins étaient pratiqués
dans la contrée où il travaillait, contrée qui était ou
l'Italie du Nord,ou plus probablement. l'Allemagne. L'Alle-
magne, en effet, semble pouvoir revendiquer la fabrication
de plusieurs émaux cloisonnés conservés dans le trésor
de l'église d'Essen... L'un représente... deux person-
nages désignés par les inscriptions : MATHILD ABBA
et OTTO DVX. La Mathilde dont il s'agit est la fille de
Ludolf, fils aîné de Othon II et abbesse d'Essen de 974
à 1013. L'Othon est son frère, duc de Souabe de 973 à
982. Sur la seconde plaque,... l'inscription MATHILD
(is) ABATTI (ssa) désigne la même Mathilde. Enfin une
troisième croix porte sur sa tranche, en argent repoussé,
le nom de Théophanie, petite-fille de l'impératrice du
même nom, abbesse d'Essen de 1041 à 1054...
« Il y a de grandes différences dans l'inscription de ces
émaux. Le premier dénote un ouvrier habile et qui devait
être un artiste byzantin travaillant pour une princesse.
Le second est d'une exécution maladroite et pourrait bien
être l'œuvre de quelque ouvrier allemand voulant
s'astreindre à une pratique nouvelle pour imiter peut-
être le précédent émail donné par Othon à sa sœur. Ce
serait le fait de quelque orfèvre ouvrier de l'abbaye
d'Essen.
«Quant aux émaux de la troisième croix, ils sont en
décadence par rapport à ceux de la seconde et ils montrent
même l'alliance des deux procédés du cloisonné et du
512
Peinte lie Part cbrétten.
Je répondrai maintenant à Paul Mantz,
à propos du bijou du roi Alfred (872-900),
conservé à Oxford {Gazette des Beaux- Arts,
2e pér., t. I, p. 7-8). La face présente « une
sorte d'émail ou de pâte vitreuse où domi-
nent trois couleurs : le vert, le violet pour-
pre et le bleu foncé. Les chairs sont d'un
champlevé, alliance à laquelle les émailleurs allemands
se montrent fidèles dans leurs premiers monuments
d'émaillerie sur cuivre I {Gazette des Beaux-Arts,
t. XXII, p. 432-434).
blanc légèrement teinté de gris. » L'auteur
paraît être un anglo-saxon, assez barbare,
quoique Paul Mantz y voie un parti pris
d'école dont le principe doit être cherché
dans l'art byzantin. On ne pouvait guère,
à la fin du IXe siècle, regarder d'un autre
côté* Le paliotto de Milan dément formel-
lement cette assertion.
(A suivre.)
X. Barbier de Montault,
prélat de la Maison de S. S.
J^E* A*g* *?*U A^A A*VU A^* A*»E* &U A^k **g* A**k A**U A^k A*?U A^U *^S
iinnn rxn n rtnu
£g ^@^^^©^k©^) ffiélanges.
ciiiiiriirxixxnraiiJiJxiJuiixiiixiiiiiiixiT^ x ri rïri rrrrr^
fictnturc sur ticrre.
N jeune peintre verrier qui a suivi
la dernière excursion de la Gilde
de Saint-Thomas et de Saint-
Luc à Chartres, au Mans, à An-
gers et dans d'autres villes de France, nous
adresse les notes suivantes. Elles sont le
résultat de ses observations et manifestent
sa grande admiration à la vue des magni-
fiques vitraux qui ornent encore ces diffé-
rentes cathédrales.
Les vitraux ont été souvent étudiés, et
les sentiments d'admiration qu'ils inspirent
ont depuis longtemps trouvé d'éloquents
interprètes : les principes de la peinture sur
verre, telle qu'elle doit être comprise et
qu'indique M. Osterrath, ont souvent été
formulés. Mais comme ils sont trop fré-
quemment méconnus par un grand nombre
de peintres verriers modernes, il y a utilité
à les rappeler ; et, dans tout état de cause,
nous éprouvons une véritable satisfaction à
les voir affirmer une fois de plus, par un
praticien qui, sans doute, les fera prévaloir
dans ses propres travaux.
« Au cours de l'excursion dans le Maine,
l'Anjou et la Touraine, la Gilde de Saint-Thomas
et de Saint-Luc eut l'occasion d'admirer, outre
les merveilles architecturales du moyen âge, les
chefs-d'œuvre de la peinture sur verre.
Quel spectacle plus grandiose pourrait s'offrir
à l'œil de l'artiste, que celui des cathédrales de
Chartres et du Mans ! Certes leurs gigantesques
et superbes constructions impressionnent vive-
ment l'âme, celle-ci fût-elle même peu sensible
aux beautés de l'art ; mais aussi quelle part
importante les verrières n'apportent-elles pas
à la majesté de ces édifices !
Les XIIe et XIIIe siècles furent pour la
peinture sur verre l'apogée de cet art, comme ils
l'ont été d'ailleurs pour la sculpture et l'archi-
tecture.
Les tendances au naturalisme, secondées par
de nouvelles découvertes techniques dont bientôt
on fit abus, prévalurent ensuite; la gravure du
verre par l'acide, l'emploi de l'or et de l'argent,
apportent au peintre verrier de nouvelles facilités.
Le XVe siècle déjà en abuse largement, le XVIe
aggrave le mal en s'écartant complètement de
tous les principes anciens. Engagé dans cette
voie fâcheuse, en dehors de tout principe, et
renonçant à toutes les traditions, le vitrail dispa-
raît et devient tableau plus ou moins transparent.
Cette décadence fit, au bout de deux siècles,
tomber complètement dans l'oubli un art dont le
moyen âge a su tirer un si magnifique parti. De-
puis une soixantaine d'années seulement, grâce à
l'initiative de fervents artistes secondés par des
hommes qui possédaient une connaissance appro-
fondie de l'archéologie, on a vu reparaître les
procédés et les pratiques de l'art ancien et bien-
tôt, cette voie une fois ouverte, le mouvement
s'accentuer dans ce sens avec une rapidité remar-
quable. Malheureusement, de nos jours, beaucoup
de peintres verriers se laissent guider encore par
la fantaisie rejetant les principes anciens et
obéissant aux caprices d'une mode sans art.
Jetons un regard rapide sur les travaux des
peintres verriers du moyen âge, sur leurs modes,
sur l'âge d'or de la peinture sur verre, je parle
des XIe, XIIe et XII 1° siècles.
Toutes ces œuvres respirent une grande naïveté
unie à un sentiment sincèrement pieux et chré-
tien.
Certes le dessin était moins développé dans
les débuts, moins correct, mais la conception
générale et la coloration, par leur franchise et
leur éclat, effaçaient complètement aux regards
les imperfections de la forme.
Le vitrail était réellement un vitrail ; sa tech-
nique parfaitement comprise et habilement ap-
pliquée en assurait, plus qu'à n'importe quelle
autre époque, toute la beauté. Pas de perspective
dans le dessin, pas de succession dans les plans,
pas d'ombres cherchant l'effet plastique ; seul le
REVUE DE L'ART CHRETIEN.
1899. — 6me LIVKAISON.
5'4
ïUtnte De l'gtrt chrétien*
trait accusait les ombres et le dessin ; partout,
Sans obstacle, la lumière traversait le vitrail :
celui-ci était une vraie peinture plate et ne pa-
raissait pas comme troué par l'application
d'ombres plus ou moins opaques.
C'était à vrai dire une nappe transparente en
tous points et ornée de traits formant dessins.
Le plomb s'ajoutait à la ligne, accentuant habi-
lement le dessin tout en se confondant avec lui.
Le dessin d'ornement avait atteint son maxi-
mum de richesse et de grandeur : les belles
bordures de ces époques, surtout celles du XIIe
siècle, en témoignent assez. Animaux et flore
idéalisés, s'entrelaçant avec grâce sans se répéter,
offraient la plus grande variété dans l'expression
du génie artistique qui domine ces superbes
mosaïques. Quant à l'effet magique de la colo-
ration, jamais il n'a été surpassé dans la suite;
ces verres bleus et rouges, parsemés d'inégalités
de tons, présentent réellement l'aspect de la mo-
saïque, et, par leur force donnent à toute cette
coloration si vive et si harmonieuse, un aspect
grandiose.
La palette du peintre verrier se composait de
peu de couleurs, mais toutes sont également
puissantes et belles ; son talent excellait surtout
dans l'heureuse juxtaposition de ces couleurs.
Avec un petit nombre de verres différents il
obtenait une parfaite unité dans la coloration.
Chartres et le Mans possèdent certainement
les plus belles pages de la peinture sur verre.
Angers et Tours en offrent également bon
nombre; malheureusement celles des deux der-
nières cathédrales sont trop peu connues; elles
mériteraient de l'être tant à cause de leur nombre
que pour leur grande variété. C'est à ces sources et
à ces sources seulementque de nos jours le peintre
verrier doit puiser et faire son école. Il y trouvera
avec l'habileté de l'exécution, la parfaite connais-
sance artistique et théorique du vrai vitrail, les
principes si profondément religieux de nos
ancêtres. S'il sait s'y conformer, toutes ses
œuvres en porteront la trace.
Je ne m'attarderai pas à faire ici l'historique de
la peinture sur verre ni à décrire sa technique à
travers les diverses époques, le sujet en serait
trop long, et fournirait matière à des volumes.
De plus érudits ont longuement et savamment
traité ces questions.
Mon seul but était de constater une fois de
plus la supériorité des époques primitives du
XIe au XIIIe siècle dans le domaine de la pein-
ture sur verre, et d'exprimer l'espoir que, grâce à
l'étude de ces chefs-d'œuvre, le peintre verrier
pourra de nouveau arrivera produire des œuvres
de même valeur.
L'étude en est longue, mais le résultat sera
abondant; il obtiendra, comme l'ont obtenu nos
ancêtres, la réalisation de l'idéal du véritable
artiste chrétien, la glorification de Dieu par ses
œuvres. »
Joseph OSTERRATH.
y gg jgl3&^ •■*£■ *& ï&*&2& g£ flj ■•*£. ••*»• ••*£• -*fe*a*."*fe ■•*% *# *# *# ■•#, i^^
»
§
#WWWfWWWWWW¥fWWWWWWWWW«l
description D'une église cfjrétïennc
au IIe siècle.
lie Testament Du seigneur.
ON Excellence Mgr Ephrem Rhàmani,
patriarche syrien d'Antioche, est un
prélat qui unit aux labeurs d'un fati-
gant apostolat l'amour de l'étude, et
la recherche des monuments qui se rattachent
aux premiers siècles de l'Église. Il n'y a plus
guère de trouvailles à espérer en compulsant
les documents latins ou grecs, et force est, pour
trouver de l'inédit, de recourir aux Orientaux
qui ont fait, à des époques plus ou moins loin-
taines, des versions de textes grecs aujourd'hui
disparus.
Mgr Rhàmani a trouvé, dans la bibliothèque
métropolitaine de Mossoul, un manuscrit de
1654 contenant, outre la version syriaque de la
Bible, la Peschito ou Pshittà, la série des livres
que nous connaissons sous le nom de Canons
des apôtres, Canons ecclésiastiques, Constitutions
apostoliques, Sentences des apôtres. Mais ces
livres étaient précédés de deux autres, cités par
l'antiquité, et jusqu'à hier perdus. L'un était le
« Testamentum Dominé, seu verba quae Dominas
noster a mortués resurgens ad apostolos habilita.
L'autre « Jussa et statu ta Dominée.
Ces livres ont été cités par l'antiquité, et de
leur étude il ressort que, soit les Canons des
apôtres, soit les Constitutions apostoliques, n'ont
été qu'une sorte de commentaire de ce livre
primitif. C'est ce que démontre magistralement
l'auteur dans les prolégomènes. Mgr le patriarche
en a retrouvé des fragments dans un manuscrit
du VIIIe siècle de la Bibliothèque nationale de
Paris, et une copie assez récente au Musée
Borgia, à Rome, qui contient aussi une version
arabe du même texte. Les fragments du codex
du VI IIe siècle suffisent à eux seuls pour montrer
l'antiquité des manuscrits de ces livres.
antiquité Du Dominent.
IL serait trop long de résumer les savants
prolégomènes qui précèdent le texte syriaque
et les dissertations qui le suivent. Le volume est
imprimé à Leipsig, chez W. Drugulin, Konigs-
strasse, 10, où les savants pourront se le pro-
curer. Cependant il faut, avant d'entrer dans le
vif du sujet, dire un mot en passant des ar-
guments qui prouvent la haute antiquité de
ces deux livres.
Ce livre appartient indubitablement à l'épo-
que des persécutions. L'évêque recommande aux
prières les confesseurs qui gémissent dans les
fers et s'adresse à Dieu pour leur délivrance ;
il implore pour les fidèles la constance dans les
supplices ; il parle des catéchumènes jetés dans
les fers ou condamnés à mort avant d'avoir reçu
le saint baptême. Nous sommes en pleine per-
sécution.
Le livre existait avant le commencement du
IVe siècle. Il détermine en effet que, pour l'ordi-
nation d'un évêque, un seul évêque suffira, les
autres prélats rassemblés n'étant là qu'ad solem-
nitatem. Or le Concile d'Arles établit (en 314,
can. 21) que l'ordination épiscopale devra être
conférée par trois évêques.
Il existait au milieu du IIIe siècle. Les pé-
nitents existent dans ce Testament, il est vrai,
mais ils ne forment pas encore une classe séparée,
soumise à certaines règles déjà établies, témoin
S. Grégoire de Néo-Césarée, au milieu du
IIIe siècle. De même, à l'époque de S. Cyprien
(251), les sous-diacres avaient le pas sur les
lecteurs. Ici les lecteurs passent après les diacres,
et les sous-diacres n'ont pas d'attributions bien
définies.
Après les diacres viennent, non pas les dia-
conesses, qui sont postérieures, mais les veuves,
suivant le précepte de S. Paul. Elles ont une
place à part dans l'église, reçoivent de l'évêque
une bénédiction particulière qui les constitue in
ordine viduitatis, chose que n'ont pas encore
les vierges. Elles sont obligées à des prières
réglées ; en un mot elles constituent le premier
ordre religieux de femmes dans l'Eglise.
Mais nous pouvons sans peine remonter en-
core plus haut.
Prêtres et évêques doivent, ce trait est à noter,
observer le célibat, et pour mieux le garder, sont
astreints à l'abstinence de vin et de viande. Le
5'6
Bebuc t>e r^Lrt chrétien.
Baptême se confère in aquis fluentibus. Le Sym-
bole des apôtres forme la triple demande que fait
l'évêque au baptisé, mais on n'y voit pas le dogme
de la résurrection des morts, qui était encore
sous la loi de Yarcanum et ne se communiquait
qu'après le Baptême. La liturgie nous offre
aussi un argument bien intéressant à développer,
s'il ne devait pas nous entraîner trop loin. La
communion n'est pas distribuée par l'évêque,
mais par le diacre, qui donne à chaque fidèle
et le corps et le sang du Sauveur, comme cela
se pratiquait à l'époque de saint Justin ; c'est la
communion sous les deux espèces.
Mais enfin ce livre contient une prière qui
suppose que les charistnata étaient encore un
don habituel dans l'Église... Ceux qui les pos-
sèdent ont une place à part dans l'assemblée
des fidèles, et à la messe, l'évêque récite pour
eux cette oraison : « Eos qui sunt in charisma-
tibus revelationum, sustine usque in finem ; qui
sunt in charismate sanationis, confirma ; qui ha-
bent virtutem liuguarum, robora. » Or, ces cha-
risma ta ont cessé, au temps de S. I renée, de
faire partie de la vie habituelle de l'Église, et
n'y sont restés que d'une façon intermittente
suivant les besoins des fidèles. Le manuscrit
lui est donc antérieur.
Mais tout ceci n'est qu'un prolégomène, aussi
écourté toutefois qu'il était nécessaire. J'en ar-
rive maintenant à la façon dont était conçue
l'église, ou lieu d'assemblée des fidèles, à ces
premiers temps du christianisme.
Cette description rentre évidemment dans le
cycle de la Revue de l'Art chrétien, car elle est
comme un manuel d'architecture religieuse de
l'époque, et que l'on suivait autant que les cir-
constances le permettaient.
Je me contente de traduire la version latine
très fidèle que Son Excellence le patriarche
d'Antioche a mise en regard du texte syriaque
Description ou lieu o'a&fcmblcc ûe£ tibélec
(Chap. XIX et suiv. du livre I, Testamentum
Domini...)
« Je vous dirai donc comment il faut orga-
niser la maison sainte et donnerai, après, la sainte
règle pour les prêtres de l'Église.
« L'Église doit être ainsi : qu'elle ait trois en-
trées comme le type de la Trinité.
« Le Diaconicon sera à droite de l'entrée de
droite pour que l'on puisse voir les Eucharisties
et oblations que l'on offre. Le Diaconicon doit
avoir un atrium avec un portique qui l'entoure.
« Il y aura dans l'atrium la maison du baptis-
tère, ayant 21 coudées (x) de long pour figuier
le nombre complet des prophètes, et une largeur
de 12 coudées pour représenter ceux qui ont
été constitués pour prêcher l'Évangile. Il y aura
une porte pour entrer, et trois portes pour sortir.
« L'église aura la maison des catéchumènes
qui sera aussi la maison de ceux qui doivent être
exorcisés. Que cette maison ne soit point sé-
parée de l'Eglise, c'est-à-dire de la maison sainte,
puisqu'il est nécessaire que les catéchumènes qui
s'y tiennent debout, écoutent les leçons, les can-
tiques spirituels et les psaumes.
« Ensuite que le trône (de l'évêque) soit vers
l'Orient, et à droite et à gauche seront les places
des prêtres. A droite, s'asseoiront ceux qui sont
plus éminents et plus honorables et qui travail-
lent au ministère de la parole ; à gauche, ceux
d'un âge moyen.
« Que ce lieu du trône soit élevé de trois gradins,
parce qu'il faut y placer aussi l'autel. Que cette
maison ait à droite et à gauche deux portiques,
l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes.
« Que tous ces lieux soient éclairés, soit à cause
de la signification (mystique), soit pour les leçons.
« L'autel aura un voile de pur byssus, parce
qu'il est immaculé.
«Que le baptistère soit de même couvert d'un
voile.
« Que l'on construise pour les commémoraisons
un lieu où se tiendront le prêtre avec le premier
diacre et les lecteurs qui inscriront les noms de
ceux qui offrent des oblations, ou de ceux au
nom de qui elles sont offertes, afin que lorsque
le sacrifice est célébré par l'évêque, le lecteur
ou le premier diacre les nomme dans la commé-
moraison que font pour eux les prêtres et l'as-
semblée suppliante. Tel est en effet le type dans
le ciel.
« Le lieu des prêtres est derrière le voile, près
du lieu des commémoraisons.
I. La coudée de cette époque oscillerait entre 45 et
50 centimètres, ce qui donnerait pour le baptistère une
pièce ou espace de 10 mètres sur 6.
Correspondance.
517
« Près du Diaconicon il y aura le tronc et le
gazophylaciu m .
« Que le lieu pour lire les leçons soit peu distant
de l'autel.
« La maison de l'évêque sera près du lieu que
l'on appelle atrium.
« Il y aura de même la maison des veuves qui
sont dites avoir la préséance du siège.
« La maison des prêtres et des diacres sera
près du baptistère.
« Les diaconesses au contraire se tiendront
près de la porte dominicale.
« L'église aura à proximité un hospice dans
lequel le premier diacre recevra les pèlerins. »
Ob£erbatfon£.
IL y aurait de longs et savants commentaires
à faire sur ce texte, mais je ne suis pas assez
savant pour les faire longs. Je me bornerai donc
à quelques simples remarques qui jaillissent na-
turellement des lignes qui précèdent.
Tout d'abord il existe un type de cette église
primitive : c'est l'église de Choré à Constantino-
ple, église bien ancienne, puisqu'elle est men-
tionnée en 280. Elle a son diaconicon, son atrium,
et la maison des catéchumènes est adossée à l'é-
glise avec laquelle elle communique par le moyen
d'une porte que l'on ouvre pendant la partie des
offices à laquelle ceux-ci peuvent assister.
Ensuite, il ne faudrait pas prendre à la lettre
le mot aedes comme si c'était toujours, dans cette
description, un édifice totalement séparé des
autres, ayant sa maçonnerie indépendante. Cela
pourra se faire plus tard, quand la paix aura été
rendue à l'Église, mais en ces temps on se bor-
nait à établir des séparations entre les diffé-
rentes parties de l'édifice suivant les services
auxquels elles étaient destinées. Nous en avons
la preuve quand on parle de Yaedes catechume-
norum. Ce lieu ne doit pas être séparé de
l'église, puisque les catéchumènes doivent, sans
sortir de l'endroit qui leur est assigné, pouvoir
écouter les leçons et chanter avec le peuple.
Exception est faite pour le Diaconicon qui doit,
dans son atrium, contenir le baptistère.
L'église est déjà orientée liturgiquement. Le
trône de l'évêque est à l'Orient, il a devant lui
l'autel, à droite et à gauche les prêtres, en un
mot, ce que nous appelons l'abside se retrouve
déjà à cette époque, et nous en avons fait ce
qu'on appelle à Rome le type basilical.
Quand on dit que l'église doit avoir deux por-
tiques, l'un pour les hommes, l'autre pour les
femmes, on ne parle pas de portiques extérieurs;
ils sont au contraire au dedans de l'église, et for-
ment les deux nefs latérales. C'est pour cela qu'il
y a trois portes, l'une pour les hommes corres-
pondant à leur portique ou leur nef, l'autre pour
les femmes, et celle du milieu pour l'entrée du
clergé, les cérémonies, etc. Nous voyons déjà la
séparation des sexes, qui est encore de rigueur
dans nombre d'églises en Italie.
Il peut être intéressant de comparer ce pas-
sage avec celui des Constitutions apostoliques
qui lui est certainement postérieur, et s'en peut
dire le commentaire. (Coust. Apost., liv. II, chap.
557, Patr. grec, Migne, t. II, pag. 725.)
« Tout d'abord que l'édifice soit oblong, tourné
vers l'Orient et ayant deux/tfjA7//W/tf (portiques)
tournés vers l'Orient, et qu'il soit semblable à un
navire. Au milieu est le trône de l'évêque ; de
droite et de gauche s'asseoient les prêtres et que
les diacres soient debout et légèrement vêtus ;
ils sont en effet semblables aux marins placés
aux flancs du navire. Par leur soin, que les laïques
s'asseoient de l'autre côté de l'église, en ordre et
paix, que les femmes s'asseoient séparément et
qu'elles s'abstiennent de parler. Au milieu est le
lecteur... »
On voit immédiatement les traits de ressem-
blance des deux descriptions. La première est
plus précise, parce qu'il fallait fixer les règles qui
devaient présider à la construction de l'église ;
la seconde suppose ces règles connues, en usage,
et insiste sur une signification mystique qui lui
semble le point important à faire connaître. L'é-
glise est un vaisseau dont les diacres sont les
marins et l'évêque le pilote.
La publication du savant patriarche est appe-
lée à avoir un grand retentissement dans le
monde savant. Les deux livres qu'il vient de re-
trouver seront doctement commentés;je voulais
seulement les faire connaître aux lecteurs de la
Revue de l'Art chrétien. Il est consolant que, cette
fois au moins, ce n'est, ni un protestant, ni un
Juif, qui nous révèle ces premiers monuments
de notre histoire, et l'illustre Église d'Antioche
peut être à bon droit, fière de son patriarche.
Albert Battandier.
5»8
3Rcbuc tic rart chrétien.
Italie.
EistOia : Grpoaition o'Hrt sacre. — Hnnonciatione. —
COtne: un tableau Br Bapbaelê — San fflinidto .il
Tcûc.s'i'0 : Drcourjfttc Bf freenura- -
A Socielà Utile e Diletto de Pistoia a
organisé cet été une exposition agri-
cole et industrielle des produits de la
région ; selon l'usage pris en Italie, elle
a annexé à l'exposition une section rétrospec-
tive d'art profane et sacré. Peu avant l'ouverture,
l'entreprise a failli sombrer: l'exposition de Corne
ayant été en partie détruite par un incendie, le
ministère de l'instruction publique et des Beaux-
Arts décida qu'à l'avenir aucun des objets
d'art dont il a la tutelle, ne figurerait plus dans
les expositions.
A Corne, la section rétrospective avait été
épargnée, mais en vérité elle avait couru de
grands risques ; la décision du ministre était
sage et logique, cependant elle ne fut pas ap-
pliquée à Pistoia en raison de l'état complet
des installations à ce moment-là.
L'exposition a donc eu lieu conformément
au programme, mais il est fort probable que
ce sera la dernière, au moins en ce qui concerne
les objets d'art appartenant aux communes et
aux entités morales, civiles et religieuses.
Elle comprend dans la section rétrospective
environ 2000 objets de natures diverses et de
qualités très inégales ; il en est qu'on serait
embarrassé de classer dans telle ou telle caté-
gorie. Voici, par exemple, un bois de lit qui depuis
l'an 1336 appartient à l'hôpital del CV//0, célèbre
par sa frise émaillée établie de 1514 à 1525.
C'est un vrai lit d'hôpital simple et solide, unique
fort probablement dans le monde entier par le
nombre de souffrances dont il a été le témoin
muet ; jusqu'à un certain point il se rattache
à l'art, par les peintures dont sa boiserie de tête
est pourvue. La Madone et les Saints sont d'une
médiocre exécution, il est vrai, mais qu'il ne faut
juger qu'au point de vue du sentiment qui les a
produits. Ce lit est peut-être l'un des plus an-
ciens témoignages de la sollicitude qu'on remar-
que en Italie, d'adoucir aux malades le séjour
de l'hôpital par la vue de peintures édifiantes ,
dans maintes cités, les anciens hôpitaux sont
des palais avec des salles de malades décorées
comme les cloîtres et les réfectoires des couvents:
rappelons seulement qu'à l'hôpital délia Scala, à
Sienne, on conserve une civière peinte à figures
par Benvenuto di Giovanni (1496- 15 18) et des
fresques de Domenico Bartoli (1441), de Vec-
chietta de la même époque et deBeccafumi(i5i2).
A Venise, Lorenzo Lotto (1476- 1556), excellent
peintre quoique de second plan, fut chargé de
peindre à figures et ornements, les tablettes de
bois qu'on suspendait au-dessus des lits et qui
portaient les noms des malades.
On pense bien que je ne puis entreprendre la
description, même des objets les plus importants
qui ont figuré dans la section de l'art sacré ; voici
cependant des indications générales qui permet-
tront de retrouver au besoin quelques pièces mar-
quantes.
Fig. 1. — Reliquaire de San Jacopo (1407).
Trésor de la cathédrale de Pistoia.
Le trésor de la cathédrale de Pistoia a exposé
une partie de ses richesses, notamment des reli-
quaires et des calices des XIVe et XVe siècles,
dus à Enrico 1369, Rombolo Salvci da Firenze
1379, Andréa Braccini da Pistoia 1384. La plus
belle pièce de l'exposition, le reliquaire de San
Jacopo, daté de 1407, appartient également au
dôme ; c'est un morceau hors ligne que je regrette
de ne pouvoir reproduire (') que sous une forme
trop réduite et trop sommaire.
L'hôpital du Ceppo a envoyé des sculptures et
des étoffes du XIVe au XVI<= siècle.
1. Les photographes ont négligé l'exposition de Pistoia;
celle de Corne a été plus favoriséej'en reproduis un crucifix.
Correspondance.
519
La commune de Pistoia, une Annonciation
peinte du XVe, un calice du XVe, signé Andréas
de Pistoiis, un diplôme du XIe siècle, adressé au
couvent de la Badia avec la signature autogra-
phe de la comtesse Mathilde.
L'église de San Francesco de Pistoia, une fi-
gure de saint François d'Assise avec des épisodes
de sa vie, peints au XIIIe siècle ; ce portrait peut
être utilement comparé à d'autres du même
Saint.
Dans la grande quantité d'objets exposés par
la noble famille Forteguerri, on a remarqué une
Pace de 1400, plaquette de cuivre repoussé mon-
trant la Flagellation.
Je m'arrête là par impossibilité de mentionner
les nombreuses églises du diocèse de Pistoia et
les amateurs qui ont répondu à l'appel du Comité.
On ne cesse de répéter que l'Italie est épuisée ;
les expositions d'art sacré, nombreuses dans ces
dernières années, prouvent bien qu'il n'en est
rien. Depuis qiïe le goût des objets anciens s'est
répandu, une énorme quantité d'ouvrages enfouis
dans les églises, les couvents, les confréries et
les familles, a été exhumée et remise en lumière ;
il est regrettable que Pistoia n'organise pas un
de ces musées civiques si répandus aujourd'hui
en Italie, si intéressants et si utiles tant pour
l'étude que pour la conservation des objets.
Pistoia est beaucoup trop négligée ; au début
du voyage, le touriste est impatient d'atteindre
les grandes villes renommées ; au retour, fatigué
et saturé, il brûle les cités qui lui paraissent d'im-
portance secondaire.
Pistoia, Lucques, Arezzo, Pérouse, Assise,
Ferrare, Ravenne, Padoue, Vérone, Sienne même
sont ainsi généralement sacrifiées. Mais lorsqu'on
a le bonheur d'avoir des loisirs ou de demeurer
en Italie, il serait impardonnable de ne pas ac-
corder toute l'attention qu'elles méritent à ces
localités et à bien d'autres encore, qui, chacune
avec son caractère particulier, offrent un champ
d'études spéciales.
Pour nous, habitant de Florence, l'excursion
de Pistoia est une très facile partie de plaisir: je
me l'accorde fréquemment et toujours j'y trouve
mon profit. Il en est de même dans toutes les
villes de l'Italie ; on croit avoir tout vu à peu
près, et chaque fois qu'on y retourne, on observe
des choses qui précédemment nous avaient échap-
pé, on ne sait comment.
Depuis plusieurs années je m'occupe teV An-
nonciation, figurée en peinture et en sculpture, et
je réunis sur le sujet tous les documents que
je puis me procurer. Pistoia m'a fourni plusieurs
pièces, notamment deux bas-reliefs que je repro-
duis, avec les sujets qui les accompagnent. Tous
deux appartiennent à des chaires à prêcher.
Fig\ 2. — L'Annonciation,
par Guido DA Como (1250). Eglise San Bartolomeo in Pantano à Pistoia.
(Photographie Alinari à Florence.)
L'une est de Guido da Como et se trouve dans
l'église San Bartolomeo in Pantano ; l'autre est
de Fra Gugliemo da Pisa et appartient à l'église
San Giovanni Fuorcivitas. Celle de Guido est de
1250, l'autre a été terminée en i 270 , et elle com-
porte : V Annonciation, la Visitation, la Nativité,
V Adoration des rois, le Lavement des pieds, la
Crucifixion, la Mise au tombeau, le Christ à Ventrée
de l' Enfer, Y Ascension, la Descente du Saint-Es-
prit, la Mort de la Vierge.Ce fut donc un travail de
longue haleine, et pour ce motif on peut dire qu'il
est de la même époque que la chaire de Guido.
Quelle différence cependant entre le style de
ces deux sculptures et le sentiment qui les anime!
520
&c\)itc ï>e rart chrétien.
Il est inutile d'insister pour la faire sentir, un coup
d'œil suffit.
Ne serait-on pas tenté de faire remonter les
scènes de San Bartolomeo à près d'un siècle plus
haut que celles de San Giovanni? et cependant
elles sont contemporaines
Fig. 3 — L'Annonciation, la Visitation, l'Adoration des Rois Mages, par Kra Gi/gliému da Pisa (1270).
Église San Giovanni Fuorcîvitas à Pistoia. (Photographie Alinari à Florence.)
Cet exemple montre, qu'à défaut d'autres in-
dications, le style d'un ouvrage est parfois insuf-
fisant pour fixer sa date, et c'est pour en donner
une preuve de plus que je reproduis ces deux
ouvrages.
Corne. — Un tableau de Raphacl.
Correspondance.
521
Madame Teverine Riva, veuve Binda, a exposé
dans la section des Beaux-Arts à Come, un
tableau, le Massacre des Innocents, que certaines
personnes affirment être un ouvrage authentique
de Raphaël.
Le tableau a appartenu au cardinal d'Esté,
puis à Marguerite d'Esté Gonzague.
Je n'ai trouvé aucune mention de ce tableau
dans les auteurs qui ont dressé la nomenclature
des peintures de Raphaël.
Fig. 4. — Croix processionnelle, par Pietro Lienni da Como, 1593. Église de Domoso (Lombardie). (Photographie Alinaki à Florence.)
Il y a bien de lui quelques dessins pour ses
tapisseries sur le même sujet et des gravures
anciennes, mais de peintures originales ou seu-
lement attribuées il n'y a point de traces, à ma
connaissance du moins.
San Miniato al Tedesco (Toscane). — On vient
KEVUE DE l.'AKT CHKBTIKN.
1899. 6,tle LIVRAISON.
522
Urinte lie F&it chrétien-
de découvrir dans l'église des SS. Jacopo e Lucia
dei Domenicani des fresques du XVe siècle ; elles
représentent, d'une part, des saints et des anges
tournés vers un espace vide, qui sans doute con-
tenait une figure de la Madone, et d'autre part,
une barque flottant sur la mer; au fond de la
barque, git le cadavre d'un saint entouré de
plusieurs mariniers.
La peinture est délicate ; elle se rapproche de
la manière de Fra Angelico qui peut-être en a
dirigé l'exécution ; l'église appartenait alors à la
congrégation des Dominicains de Saint- Marc de
Florence.
GERSPACH.
Hnfjlctcrrc.
'ENDANT que l'on était occupé à revêtir de
]| plomb la flèche de l'église St-Cuthbert, à
Darlington (Durham), on a découvert, au
sommet de la tour, deux dalles funéraires
du XIIIe siècle, richement sculptées, appartenant à deux
tombeaux d'enfants. Ces pierres ont été employées à bou-
cher l'ouverture N.-E. à l'angle supérieur de la tour.
Le vieux château historique de Chepstow, datant de la
conquête, a été mis en vente le mois dernier.
Nous avons fait connaître, il y a quelques mois, que l'on
allait construire un porche à l'église abbatiale de Sem-
pringham. Celui-ci est achevé, et vient d'être «béni» par
le curé protestant. St Gilbert de Sempringham est natif
de la ville dont il porte le nom.
Le Recteur de l'abbaye de Hexham fait un pressant appel
aux fidèles, dans les colonnes du Times. Il vient solli-
citer une somme de ,£13,000 pour la « restauration » de la
grande église en question. Le secrétaire de la Société pour
la Protection des Anciens Bâtiments lui répond dans le
même journal, par une critique sévère des travaux pro-
jetés par le Recteur, — travaux qui détruiraient le carac-
tère particulier de l'édifice. L'un de ces projets serait la
construction d'une nef, dans le style du XVe siècle 1 C'est
là un vandalisme absolument inutile. Des £ 13,000 dont
le Recteur a besoin, il n'y en aurait que £ 1,500 affectées
aux travaux de restauration vraiment justifiés; tout le
reste serait absorbé par de nouvelles constructions et par
des décorations et meubles (buffet d'orgue etc.) défigurant
et masquant la construction actuelle ! Il faut espérer que
la Société réussira dans ses efforts pour empêcher ces
rénovations de toute sorte à l'abbaye de Hexham !
La Société dont nous venons de parler n'est pas bien
vue de la plupart des architectes ; cependant elle a
prouvé qu'elle sait bien faire les choses par la restauration
habile de la tour de l'église de Clare (West Suftolk;.
Cette tour commençait à pencher sérieusement ; mais il
importait de ne pas déplacer une seule pierre de l'exté-
rieur. La tour, dont l'intérieur était construit en cailloux,
a été littéralement reconstruite en pierre, à l'intérieur, de
fond en comble. Le but de consolidation a été atteint.
A Waverley Abbey, les fouilles ont mis à jour les fon-
dations d'un corps de bâtiment de 112 pieds sur 8o,renfer-
mant différentes salles ; la cuisine de l'hôpital de l'abbaye
a également été retrouvée.
L'abbaye de Basingwerk, près de Holywell (Galles du
Nord), — propriété privée, — tombe de plus en plus en
ruines. Le propriétaire n'y prend apparemment aucun
intérêt.
A l'ancien prieuré de Warten (Yorks.), des fouilles ont
fait découvrir des fondations étendues, et d'intéressants
débris de vitraffx du XIV1-' siècle.
L'ancienne abbaye de Medmenham (BucksJ, récem-
ment restaurée grâce à une dépense de £ io,ooo, est
offerte en vente, « avec autant de terrain que l'on en
désirerait ».
Une importante découverte de pavé romain en mo-
saïque a été faite hors la ville de Donchester. Il est d'une
surface considérable, et bien conservé. Les autorités du
British Muséum sont, dit-on, en négociation pour en
acheter une partie. Le pavé est situé au delà de l'amphi-
théâtre et des murs romains. — Près de Glossop on vient
de déterrer un vieux mur romain, sur le site de l'ancien
Château Melandra.
Récemment l'Exposition d'hygiène, tenue à Southamp-
ton, a reçu une pétition pour la conservation d'une cave
du moyen âge, qui se trouve dans la ville. C'est une très
belle et très rare construction de ce genre, bien con-
servée, avec une belle, mais simple voûte.
Correspondance.
523
Une nouvelle Bibliothèque, en style du XIVe siècle,
digne d'être mise au rang de nos grandes bibliothèques
collégiales du moyen âge, vient d'être ouverte à Man-
chester : c'est un don de M'"e Ryland, fait en souvenir de
feu son mari, lequel était millionnaire, et grand bienfaiteur
de la cité en question. Les exemplaires de la Sainte Bible
formeront une section très importante de la vaste collec-
tion de livres donnés avec le local de la Bibliothèque.
Dans la maison de feu Lord Leighton, le grand artiste,
en son vivant président de la Royal Academy, vient
d'avoir lieu une Exposition de dessins et de modèles d'art
ecclésiastique.
A Ashmansworth (Hants.), on vient de découvrir sur
les murs de la nef de l'église normande, des fresques
peintes vers l'an 1200, et représentant la Descente de N.-
S. aux Enfers. D'autres sujets bibliques y sont repré-
sentés.
John A. Randolph.
Londres, ce 17 octobre
jfe& *fe *& *afe *& ^ *&. ^ *fe ^ ■•*& *#. -4fe *fc ^ *& ^ ^ ••#, *& *& ^ ■•*& 3&lfc
»^a TFratoauj: Des Sociétés savantes.
Excursion de la Gilde de Saint-Thomas en Belgique, n'a pu prendre part à la seconde
et de Saint- Luc dans le Maine, la Touraine et partie de l'excursion de la Gilde. Il fait appel à
l'Anjou. Suite(l). — Notre confrère, M. Cloquet, nos souvenirs pour compléter son compte rendu;
obligé par ses devoirs professionnels de rentrer nous aurions mauvaise grâce de marchander
: . Casier.
Intérieur de 1 église de Cunault
notre concours, tout modeste soit-il, à celui qui I cause de l'art et spécialement à la Revue Je /'. !,/
se dévoue avec une activité sans égale à la grande chrétien.
>. i. Voyez la livraison de septembre, page 426. Nous reprenons donc le récit de la session de
Cratuw Ses Sociétés garantes.
525
la Gikle au départ d'Angers.Pour atteindre Tours,
nous choisissons le chemin des écoliers ; au lieu
de franchir cette distance en deux heures de che-
min de fer, nous parcourons en voiture la vallée
de la Loire depuis les Rosiers jusqu'à San mur.
Les grands horizons, la verdure, le grand air for-
maient un délicieux contraste avec les Mails
modernes, les rues tortueuses ou les places régu-
lières des villes visitées. Aussi avons-nous goûté
un charme particulier à parcourir cette vallée où
la Loire s'est nonchalamment creusé un lit aussi
large que peu profond.
Les souvenirs religieux et archéologiques y
abondent ; ils sont dus pour la plupart aux
moines, ces pionniers de la civilisation, ces vail-
lants bâtisseurs des grands siècles chrétiens.
Que de bourgs et de villes leur doivent l'exis-
tence et quelle dut être leur activité, quand on
constate, après tant de siècles de dévastation et
d'ignorance, le nombre encore grand d'édifices
importants dus à leur génie !
L'église de Cunault méritait une visite à divers
titres. M. Cloquet a signalé ses voûtes diverses
et la richesse de sa flore sculpturale. Nous avons
été particulièrement séduit par la sévérité de la
ligne, la grandeur et la majesté de ce beau tem-
ple. En pénétrant sous le porche qu'orne au tym-
pan une gracieuse Vierge assise avec l'Enfant
JÉSUS, l'œil saisit dans toute son ampleur ces
rangées de colonnes, ces arcatures d'une tonalité
chaude et paraissant faire escorte au Christ
immense qui, au fond du temple, domine l'autel.
On peut regretter l'absence de polychromie, d'un
mobilier riche et brillant, de tentures luxueuses,
ornements dignes de la maison de Dieu; mais
combien suggestives et impressionnantes, en leur
froideur monastique, ces nefs profondes sur la
blancheur desquelles se détache, seul et gran-
diose, le divin Crucifié !
Nous avons remarqué avec un vif intérêt trois
pièces de mobilier qui méritent l'attention : un
chasublier ('), une châsse en bois doré contenant
les reliques de saint Maxentiole et une petite tri-
bune.également en bois et d'un travail soigné. Le
reliquaire a subi des remaniements; mais tel qu'il
est, il présente de l'intérêt. La tribune est accro-
chée très haut au-dessus de la porte d'entrée; elle
est de petite dimension et paraît pouvoir contenir
à peine deux personnes. On ne saurait y avoir
accès qu'à l'aide d'une échelle ; aussi sommes-
nous porté à croire qu'elle n'a pas été faite pour
la place qu'elle occupe. Peut-être placée plus bas
autrefois, servait-elle pour l'ostension des reliques
aux jours d'affluence ?
A proximité de Cunault, s'élève la belle tour
1. Publié dans la Revue de l'Art chrétien, année 1898, p. 308.
de Trêves construite par Robert le Maçon, vers
le milieu du XVe siècle ; elle commande le pas-
sage de la Loire dominant la modeste église
paroissiale.type de ces nombreuses églises rurales
élevées, au XIIe siècle, par les moines béné-
dictins pour le service des serfs et des vassaux.
Elle renferme le tombeau de Robert, mort en
1442 ; il y est représenté revêtu de la simarre de
chancelier Pt les pieds appuyés sur un lion.
Une tourelle ajourée du XVe siècle a soulevé une
discussion au sujet de sa destination.
Faut-il y voir un tabernacle pour la Sainte Ré-
serve? est-ce une lanterne? le cadre de ce rapide
compte rendu ne nous permet pas de reproduire
les arguments présentés par nos confrères.
A deux kilomètres dans l'intérieur des terres,
sur le penchant opposé d'un coteau, en un lieu
solitaire, nous avons visité les ruines d'un édifice
fort intéressant et dont l'ancienneté paraît indis-
cutable : le prieuré de Saint-Macé. L'enceinte
fort ancienne pourrait dater de l'époque romaine.
La chapelle est plus récente ; elle est bâtie en
grand appareil, et couverte d'une voûte ogivale
en berceau ; des arcades ouvertes forment une
manière de porche. A côté de la chapelle, un
espace carré évoque l'idée de cloîtres avec petites
arcatures en plein cintre. Ces constructions
remonteraient, au dire de M. d'Espinay, aux
IXe et Xe siècles, pour les parties les plus an-
ciennes, au XIIe siècle pour la chapelle.
Plus près de Saumur, s'élevait autrefois la célè-
bre abbaye de Saint-Florent-sur-le-Thouet fon-
dée par Foulques, comte d'Anjou. Le narthex et
une crypte sont les seuls souvenirs qui aient
survécu aux ravages du temps et de la malveil-
lance.
Le narthex, couvert d'une belle voûte Planta-
genet.sert actuellement de chapelle à la commu-
nauté du Bon Pasteur ; grâce à une permission
toute spéciale de Sa Grandeur l'évêque d'Angers,
nous avons pu pénétrer dans la clôture, et par-
courir les jardins au fond desquels se trouve la
crypte ; les fleurs, les arbres la recouvrent, et l'on
songe mélancoliquement au temple magnifique,la
merveille de l'Anjou, qui s'élevait à cette place et
que la rage révolutionnaire fit disparaître.
Cette crypte paraît dater du XIIe siècle ; elle
se compose de trois nefs voûtées en arête, dont
les arcs reposent sur de courtes colonnes. Son
état d'abandon provoque de justes regrets, tem-
pérés toutefois par la vue de l'œuvre sublime de
régénération sociale accomplie en ce lieu par
les Sœurs du Bon Pasteur.
Mais le temps presse, et nous devons écourter
cette intéressante visite pour traverser Saumur
et nous rendre à la gare ; au passage nous pou-
526
Bctnte ïic r^rt chrétien.
vons jeter un regard sur l'admirable situation de
cette ville placée à l'extrémité d'une étroite
bande de terre qui s'allonge entre la rive gauche
de la Loire et le Thouet avant leur confluent.
Une colline escarpée, dessinée par la rencontre
des deux vallées, domine la ville et porte le
château. La. Loire elle-même est divisée en deux
bras devant la ville, par une île sur laquelle
s'étend le faubourg des Ponts. Au point de vue
archéologique, Saumur n'offre peut-être pas un
grand intérêt ; mais en revanche quel aspect pit-
toresque et original ne présente-t-elle pas avec
son beau fleuve bordé de quais, son vieux donjon
qui la couronne, ses églises, son hôtel-de-ville
ogival, bref par ses monuments de diverses
époques groupés harmonieusement dans un cadre
gracieux et varié.
En quittant l'Anjou, nous emportons le sou-
venir d'un pays riche en monuments très carac-
téristiques et digne de fixer l'attention des artis-
tes. Ce souvenir s'associait au regret de nous
séparer de nos aimables guides, MM. de Farcy
et le chanoine Urseau ; ils ont pris une large part
au succès de notre session et se sont acquis des
droits imprescriptibles à notre vive reconnais-
sance. Nous leur disons un cordial adieu et nous
partons pour Tours.
A la descente du train, M. l'abbé Bossebceuf,
l'aimable président de la Société archéologique,
vint nous saluer et mettre à notre disposition
son érudition, son amabilité, son temps, ainsi
que ceux de ses collègues pendant toute la durée
de notre séjour. Nous avons abusé largement de
leur obligeance et contracté une dette de recon-
naissance qu'il nous sera bien difficile d'acquitter.
Suivant l'usage, le programme de la session
consacrait le repos du septième jour ; c'était un
dimanche. Nous en profitons pour jeter un coup
d'œil d'ensemble sur la ville et excursionner par
petits groupes dans les environs.
Tours est une grande ville que V kausmanisation
moderne transforme, assainit sans doute, mais
prive lentement de ses coins pittoresques. Ses
monuments ne sont pas nombreux, et les nou-
velles constructions civiles font regretter leurs
devancières. Ses églises, fort intéressantes du
reste, ne font pas oublier la célèbre basilique qui
renfermait le tombeau de saint Martin. Cette
tombe fut le noyau autour duquel se forma la
ville.
« Le quartier Saint-Martin a conservé en
« partie la physionomie que les siècles lui avaient
« donnée. Çà et là de vieilles églises, à moitié
« détruites ou converties à des usages profanes,
<< rappellent cette multitude d'établissements
« religieux qui florissaient autrefois autour de
« la basilique ; des hôtelleries qui datent du
« moyen âge reçoivent encore des voyageurs ;
<< des maisons à tourelles ou à pignons sculptés
« font songer aux bourgeois fastueux du
<i XVe siècle ; la rue du Change n'a plus de ban-
« quiers, mais les salles et les marchés sont un
« foyer continu d'activité, et les rues voisines
« sont toutes livrées au commerce. Enfin le sanc-
« tuaire de la basilique, arraché à la ruine et à
« l'oubli, voit renaître le pèlerinage qui a créé la
« moitié de la ville de Tours ('). »
Les environs de Tours offrent à l'historien, à
l'archéologue, à l'artiste un vaste champ d'études ;
une grande partie de l'histoire politique de la
France a eu la Touraine pour théâtre. Le Chris-
tianisme s'y implanta dès le IIIe siècle sous l'im-
pulsion du premier évêque, saint Gatien ; saint
Lidoire, second évêque de Tours, bâtit la première
église ; mais à saint Martin était réservé la
gloire de convertir la Touraine, tout en exerçant
sa bienfaisante influence sur la Gaule entière ;
à sa mort survenue en 397, le paganisme ne
comptait presque plus d'adeptes dans le pays.
La culture des arts, surtout de l'architecture,
fit couvrir la Touraine d'un grand nombre de
monastères, d'églises abbatiales, de châteaux. Aux
XVe et XVIe siècles l'efflorescence de l'art, in-
fluencéeparl'Italie,produisit ces demeures royales
et seigneuriales dont la renommée est universelle.
Il suffit de citer Amboise, Chenonceaux, Ussé,
Azay-le-Rideau, Langeais, Luynes, Blois, Cham-
bord, Plessis-les-Tours. Il ne pouvait être ques-
tion pour la Gilde de voir toutes ces merveilles ;
le temps limitait forcément les visites et un choix
s'imposait : il porta sur quelques types d'aspects
et d'époques différents.
Quelques confrères consacrèrent la journée du
dimanche à visiter le château de Chenonceaux. Sa
célébrité paraît mieux motivée par sa ravissante
situation que par sa conception architecturale.
De l'ancien château bâti par Jean Marques,
dans la première moitié du XVe siècle, il ne reste
qu'une grosse tour ronde en avant des bâtiments :
elle faisait partie d'un système de défense du
moulin établi sur le Cher.
Au début du XVIe siècle, Thomas Bohier
acquit le domaine et entreprit la construction du
château à la place du moulin.
C'est un vaste quadrilatère flanqué aux angles
de tourelles en encorbellement ; la façade est
simple, mais originale. De chaque côté de la
porte en anse de panier des piliers engagés sur
une de leurs faces supportent deux tribunes en
encorbellement dont la saillie dépasse ainsi le
demi-cercle. Il semble que l'architecte, épris du
site ravissant qui encadrait son œuvre, chercha
/. Guide pittoresque du voyageur en Touraine, par Mgr Chevalier.
Cratoauj; Des Sociétés savantes.
527
à multiplier les endroits où l'on pût jouir du
paysage environnant.
Vers l'amont deux bâtiments en saillie, sorte
d'éperons, rompent la monotonie de la cons-
truction ; l'un d'eux renferme la chapelle, la
seule partie du château qui offre des réminiscences
ogivales. La Renaissance reprend ses droits par-
tout ailleurs.
Le château, baigné par le Cher, était relié à la
rive gauche par un pont de bois. Diane de Poitiers
en devint propriétaire en 1555 et donna ordre à
Philibert Delorme de construire un pont de
pierres et d'élever sur celui-ci une galerie. Celle-
ci acquit une importance exagérée sous Catherine
de Médicis, au point de masquer une partie du
château et de couper absolument la vue de la
rivière. Les détails des façades sont loin de ra-
cheter ce grave défaut : c'est lourd et massif. La
décoration intérieure de cette galerie est abso-
lument mauvaise ; elle est toute récente et « s'in-
« spire de l'art des décadents du XVIIIe siècle...
$ Ses murs sont couverts de compositions inco-
« hérentes, où le symbole côtoie la farce, où l'ab-
« sence d'esprit est trop notoire, où la tendance
« à la trivialité se fait trop sentir. C'est du Tiepolo,
« si l'on veut, mais du Tiepolo encanaillé («). »
La quatrième journée de la session fut con-
sacrée à la visite de Loches.
C'est une charmante petite ville, à quelques
lieues de Tours, peu connue des touristes, peut-
PUot. Jos. Casier.
Loches.
Le Donjon.
être même de beaucoup d'archéologues. Elle
mérite leur attention au double point de vue
de sa situation très pittoresque et d'un ensemble
de monuments exceptionnels.
Bâti sur le plateau d'une colline dominant la
vallée de l'Indre, Loches possède une physiono-
mie caractéristique ; la vieille ville a conservé
son vieux château dominé par un colossal donjon,
ses fossés, deux portes, son antique collégiale,
bref, tout un ensemble de souvenirs du passé re-
levés par un cadre enchanteur. Les souvenirs
historiques y abondent : depuis Childebert Ier,
fils de Clovis, jusqu'à François Ier, les rois de
France y firent de nombreux séjours dans le joli
château (aujourd'hui la sous-préfecture) qui do-
mine la petite ville ; de sa terrasse on jouit d'un
admirable panorama sur la vallée verdoyante
dans laquelle l'Indre trace ses méandres argentés;
au loin pointe l'admirable tour de l'abbaye de
Beaulieu, inspirée de l'architecture normande.
Le château de Loches en est le monument le
plus considérable. Dans son ensemble, il com-
prend une vaste enceinte de deux kilomètres de
circonférence, au sommet d'une colline séparée
par une dépression et par un fossé, au Sud, des
coteaux de Bellébat et de Vignemont. Il est en-
touré d'un double rang de murs crénelés et d'une
ligne de fossés profonds, convertis par le temps
en rues, jardins, promenades publiques. A l'inté-
rieur s'élève, d'une part, le donjon avec la prison
actuelle ; d'autre part, la sous-préfecture, ancien
séjour des rois ; au centre, la collégiale de Notre-
Dartie, aujourd'hui église paroissiale de Saint-
Ours ; entre ces monuments se sont élevées des
1. Léon Palustre.
528
Bebur fce T^tt chrétien.
maisons, et l'on a tracé des rues qui constituent
un quartier séparé de la ville.
La double enceinte et plusieurs tours ont dis-
paru pour faire place à des rues et surtout au
Mail, bref à des travaux de modernisation. L'im-
portance de ce compte rendu ne comporte pas
une description de ce qu'étaient autrefois les for-
tifications de Loches : nous devons nécessaire-
ment nous borner à des indications fort res-
treintes.
L'entrée du château, encore fort intéressante,
était protégée par quatre tourelles extérieures et
défendue par un pont-levis à bascule ; on entrait
alors sous une voûte assez spacieuse, fermée par
11 Loches.
Une rue du château et la collégiale Notre-Dame.
les hauts personnages qui leur déplaisaient.
Louis XI accentua le régime et fit édifier le
second donjon appelé la Tour ronde : celle-ci
relie la première à la seconde enceinte.
A la partie inférieure existe une salle ronde
où fut suspendue la cage dans laquelle fut en-
fermé le cardinal la Balue : d'autres personnages
y subirent le même sort.
Les autres cachots de Loches occupent le sou-
bassement d'une construction du XVe siècle, le
Martelé!, dont les étages supérieurs sont détruits.
Les murs portent le souvenir des prisonniers et
une seconde porte garnie d'une herse ; il y avait
même après le corps de garde une troisième
porte.
Le donjon proprement dit constitue le plus
ancien ouvrage du château de Loches : il est
formé de deux rectangles, dont l'un a des pro-
portions doubles de l'autre.Ces constructions sou-
lèvent de nombreuses questions auxquelles il
nous paraît hasardé de donner une réponse. Mais
les opinions paraissent s'accorder pour fixer l'é-
poque de la construction au XIe siècle avec des
remaniements du XIIe, époque à laquelle l'archi-
tecture militaire était déjà plus perfectionnée ;
les contreforts demi-cylindriques du grand don-
jon paraissent avoir été ajoutés après coup.
La forte situation du château de Loches le
destinait à garder facilement les prisonniers. Les
comtes d'Anjou s'en servirent fréquemment et à
leur exemple, les rois de France y enfermèrent
la trace de leurs souffrances. De nombreuses in-
scriptions rappellent leurs réflexions, entr'autres
celle-ci pleine de sagesse et attribuée à Commi-
nes : Dixisse me aliquando pœnituit, tacuisse nun-
quam.
En quittant ces lieux sombres, évocateurs de
crimes et de douleurs, nous portons nos pas vers
le Logis du Roi qui s'élève à l'autre extrémité
de l'enceinte du château.
La partie la pi us intéressante date deLouisXII;
la façade qui s'élève sur la terrasse est gracieuse;
une des tours renferme le tombeau d'Agnès
Sorel, œuvre fine et distinguée de l'école française
de la Renaissance ; des restaurations importantes
nous paraissent y avoir été faites.
La Collégiale de Notre-Dame est un des mo-
numents les plus curieux de Loches ; d'aucuns
le qualifient d'exceptionnel, tel Viollet-le-Duc
qui ne craint pas d'affirmer {Dict. Arcli., vol. IV,
page 364) que « c'est un monument unique au
« monde, complet et d'une sauvage beauté, dans
•< lequel viennent pour ainsi dire se fondre les
« influences de l'art oriental avec les méthodes
1 de construire adoptées dans le Nord au com-
< mencement du XIIe siècle. »
Le plan de l'église est à une seule nef divisée
par quatre travées à plan carré chacune. La pre-
mière travée forme le narthex et appartenait à
l'édifice bâti par Foulques II et consacré en 965 ;
elle est surmontée d'une tour ou clocher carré à
la base, octogonal à l'étage avec arcade ouverte
en plein cintre sur chaque 'face, couronnée par
une pyramide également en pierre. Une tour
semblable couvre la quatrième travée, mais son
développement est plus grand; les angles sont
chargés par des pinacles qui par leur poids sur
les angles augmentent la stabilité du système.
Cratoauj: Des ^octétés savantes
529
Mais la caractéristique de !a collégiale Saint-
Ours se trouve dans les deux travées intermé-
diaires, couvertes non de coupoles ou de voûtes
d'arête, mais de pyramides creuses portées en
encorbellement sur les piliers des angles. A la
base, chaque pyramide affecte la forme d'un oc-
togone régulier inscrit dans le carré formé par
la travée. Les grands triangles en encorbellement
qui portent le système « ne sont que la prolon-
« gation de quatre des pans de ces pyramides
« entre les arcs doubleaux et les formerets. Ici
« la construction, ajoute Viollet-le-Duc, est d'ac-
« cord avec la forme ; car des pyramides creuses,
« composées d'assises dont les lits sont horizon-
« taux, constituent une des constructions les
« plus solides qu'il soit possible de combiner (I).»
l'hot. Jos. Casier. Loches.
La collégiale Notre-Dame, vue de la vallée de l'Indre.
Le système est original et l'effet étrange. Deux
petits bas-côtés ont été ajoutés au XIIe siècle et
remaniés plus tard.
Un porche ou narthex a été ajouté vers le
milieu du XIIe siècle; sa porte extérieure est à
trois colonnettes et trois tores ; la porte d'entrée
de l'église est également à trois colonnettes sou-
tenant un tore et une double arcature plate ornée
de feuillages et de figures fantastiques. Cette
double arcature est elle-même encadrée d'une
voussure avec personnages allongés et porte des
traces de polychromie. Cette porte est accostée
de deux figures mutilées; au tympan, une Vierge
assise à l'Enfant et de part et d'autre des figures
fort mutilées où nous avons cru reconnaître l'A-
doration des Mages. A mi-hauteur de l'arcature,
deux figures de chaque côté.
Dans les quatre coins du narthex, une colonne
1, Dict. Archii., vol. IV, page 364 et suiv.
engagée, flanquée de deux colonnettes, sup-
porte les arcs formerets et transversaux de la
voûte ; les chapiteaux sont très intéressants.Tout
ce narthex est fort beau, et les vestiges sculp-
turaux font regretter une fois de plus que les van-
dales de la Révolution aient porté le marteau sur
ces vénérables souvenirs du passé.
Dans ce porche, un débris païen (est-ce un
autel?) avec sculptures caractéristiques, sert de
bénitier; des têtes au profil antique, des gladia-
teurs, des vases, des arabesques remplissent les
compartiments marqués par des filets.
En 1839, on a découvert une chapelle souter-
raine sous le chevet du collatéral Sud; on lui
donne diverses attributions ; les traces de déco-
Phot. Jos. casier. Loches.
L'Hôtel-de-ville et la porte Picoys.
ration murale en font attribuer la fondation à
Louis XI.
En sortant de la collégiale, nous quittons le
château par l'unique porte extérieure et descen-
dons par la pittoresque rue du Château ; là s'élève
X Hôtel de la chancellerie, bâtie à deux époques
différentes; la partie la plus avancée sur la rue
paraît dater du règne de François Ier. La seconde
partie appartient au règne de Henri II et date de
1551 : au-dessus d'un écusson à tête ronde (le
soleil ?) on lit les devises : Prudentia nutrisco et
au-dessous : Justitia regno. Les initiales de Diane
de Poitiers et de Henri II, se retrouvent dans les
frises. Tout l'édifice présente l'aspect riant et
gracieux de l'époque.
Plus bas X Hôtel-de-ville, construit sur le mur
de ville lui-même dans un espace restreint, est
attenant à la porte Picoys. Du côté de la ville il se
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
l8g0. — 6me LIVRAISON.
DO
o
&cbue De rairt chrétien.
compose d'un gros pavillon qui renferme l'escalier
et un corps de logis : les fenêtres et les lucarnes
sont dans le style du XVIe siècle avec pilastres
et chapiteaux d'ordre ionique dont les sculptures
sont fantaisistes. Du côté du rempart le corps du
logis se compose de pignons faisant suite à la
porte Picoys. Il est fâcheux que des maisons aient
été bâties dans l'ancien fossé et, masquant une
partie de l'hôtel de ville, diminuent l'aspect pit-
toresque de cette construction.
La tour Saint-Antoine, qui domine majes-
tueusement la ville basse, est un bel édifice de la
Renaissance attribué à la générosité de Fran-
çois Ier, vers 1525.
Elle est ornée d'une galerie à jour dont les
meneaux affectent la forme de lettres ; de belles
fenêtres en plein cintre avec pilastres et chapi-
teaux sculptés, l'éclairent dans les étages supé-
rieurs; elle est couronnée par un dôme, surmonté
d'une lanterne.
Phot. [os. C .-11 1 Loches.
La porte des Cordeliers.
La porte des Cordeliers est une intéressante
construction carrée du XVe siècle, flanquée de
quatre échauguettes, à toit rectangulaire percé
de fenêtres; elle faisait partie de l'enceinte de la
ville; appelée autrefois porte du Nord, elle était
attenante à un mur de circonvallation crénelé et
garnie d'une herse et d'un pont-levis à bascule.
Nous passons sous cette porte et nous nous
engageons dans la longue rue des Ponts qui relie
Loches à Beaulieu; c'est une jolie promenade
dans le fond de la vallée, avec des échappées de
vue sur le château de Loches. Nous jetons un
coup d'ceil au passage sur l'intéressant château
de Sansac que décore un buste de François Ier.
Beaulieu justifie son nom par son site ravis-
sant, ses rues pittoresques, et le joli cours d'eau
qui le traverse. Son église abbatiale, bâtie par
Foulques Nerra au début du XIe siècle, est un
remarquable édifice roman ruiné en grande par-
tie. Le mur Nord de la nef, le transept et la su-
perbe tour subsistent encore. Le transept et le
chevet servent actuellement d'église paroissiale
après des remaniements importants exécutés au
XVe siècle. Un nouveau chœur a été inscrit dans
l'ancienne construction dont on retrouve encore
quelques absidioles en ruines.
A l'extérieur du transept Nord, des sculptures
tout abîmées décorent le pignon; elles soulèvent
plusieurs problèmes d'interprétation. Quant au
mur de la nef, sa stabilité, malgré son élévation,
Phot. Jos. Casier. Beaulieu.
La tour de l'église abbatiale.
l'absence de contre-forts et les nombreux rema-
niements dont il porte la trace, attestent la
science de son constructeur.
La superbe tour, bien conservée, porte le
caractère des clochers normands; elle est recou-
verte d'une pyramide octogonale en pierre : les
belles ouvertures du beffroi sont ornées d'un tri-
ple rang de colonnettes à chapiteaux en volute;
une triple archivolte cintrée les ferme. Ce clocher
date assurément du XIIe siècle.
L'ancienne église paroissiale de Beaulieu, dé-
diée à saint Laurent, est aujourd'hui abandonnée
et bien proche de sa ruine. C'est une construc-
tion du style de la fin du XI Ie siècle; quoique ses
Cratoauj: Des Sociétés ©ayantes.
531
proportions soient modestes, elle a un joli aspect ;
sa nef comprend trois travées ; le transept donne
accès aux trois absides du chevet ; les fenêtres
sont de simples baies ogivales ; les voûtes sont
encore du type particulièrement répandu en
Anjou, à fausse coupole Plantagenet.
Nous avons quitté Loches et Beaulieu à regret ;
cette visite comptera certainement parmi les
meilleurs souvenirs de cette excursion. Cette
agréable journée ne pouvait mieux se terminer
qu'au siège de la Société archéologique de Tours.
M. l'abbé Bossebceuf, son président, assisté de
ses collègues, voulut bien nous en faire les hon-
neurs et nous dire, en des termes d'une haute
éloquence, tout le plaisir qu'il éprouvait de la
visite de la Gilde belge. Fidèles à nos usages,
nous abordons ensuite notre ordre du jour qui
comportait les observations au sujet des monu-
ments visités depuis le départ d'Angers. Nos
confrères en profitèrent pour mettre à contribu-
tion l'obligeance et la science de notre aimable
guide, M. Bossebceuf. Le cadre de ce compte
rendu ne nous permet pas de consigner ici toutes
ces explications marquées au coin d'une science
mûrie par l'étude et l'observation.
Les deux journées suivantes furent consacrées
à la visite des curiosités de Tours ainsi qu'à
des excursions à Langeais et Amboise.
YJéglise Saint-Julien est un bel édifice du
XIIIe siècle. Le plan diffère du type générale-
ment suivi à cette époque, et sous ce rapport il y a
peut-être matière à regret. On retrouve les trois
nefs et le transept; mais le chœur est flanqué de
quatre collatéraux, deux de part et d'autre, sans
déambulatoire; le chevet est plat.
Les absidiolesdes deux collatéraux extérieurs
ont été ajoutées au XVIe siècle.
Malgré certaines critiques à propos du plan,
Saint-Julien n'en demeure pas moins un bel édi-
fice ogival, aux proportions harmonieuses et d'un
effet pittoresque. Les sculptures des chapiteaux
sont fort belles ainsi que celles des clefs de voûte ;
on y voit les armes de saint Louis et de sa mère
la pieuse reine Blanche.
Les piliers de la nef sont cantonnés de quatre
colonnettes et surmontés de chapiteaux à feuil-
lages; ceux de l'abside sont monocylindriques.
Aux murs d'élégantes arcatures rompent l'uni-
formité. La disposition du transept Sud mérite
l'attention; ses trois fenêtres à lancettes canton-
nées de gracieuses colonnettes et la belle rose
qui les surmonte présentent d'harmonieuses pro-
portions.
La tour romane, du XIe siècle, renferme à
l'étage une chambre aux reliques : le mur oriental,
datant des premières années du XIe siècle, est
décoré au bas par deux arcatures aveugles sé-
parées par une ouverture à terminaison angulaire
et au-dessus par trois arcatures aveugles, le tout
surmonté d'une corniche romane au galbe clas-
sique. Les parois du Nord et du Sud sont de la
même époque, mais les fenêtres ont été modifiées
au XIIe siècle.
Au Nord de l'église Saint-Julien, une partie
des anciens bâtiments conventuels est restée
debout; nous devons y signaler une magnifique
salle, probablement celle du chapitre, qui sert
aujourd'hui d'écurie. Elle est à trois nefs d'égale
largeur; les voûtes s'appuient sur des colonnes
monocylindriques dont la base est enfouie sous
le pavement et dont les chapiteaux sont fort
Phot. Jos. Casier. Tours
Transept de l'église Saint-Julien.
détériorés : on attribue cette salle au XIIe siècle,
sauf les voûtes à nervures toriques qu'on croit
avoir été refaites au XVe siècle, probablement
en 1464, après l'incendie du quartier abbatial.
Dans cette salle, le 23 mars 1589, Henri III,
chassé de Paris par la Ligue, fit l'ouverture
solennelle du parlement : pendant cinq ans, les
cours souveraines du royaume résidèrent à Tours.
Qu'il nous soit permis de souhaiter que les
pouvoirs publics s'entendent pour empêcher la
destruction de cette salle et assurer sa conserva-
tion par une intelligente restauration !
La cathédrale Saint-Gatien fut fondée au
IVe siècle; des vicissitudes nombreuses forment
532
&ebue tre r^rt chrétien.
la trame de son histoire et expliquent les trans-
formations subies.
La façade et les basses nefs souffrent de nom-
breux remaniements et de restaurations plus
fâcheuses encore. Une profusion de sculptures,
fouillées à l'excès, recouvre la puissante et ma-
jestueuse ligne des tours du XIIe siècle. Maison
oublie ces défauts en présence du chœur du
XIIIe siècle; toutes proportions gardées, il rap-
pelle celui de la cathédrale de Reims; le chevet
est admirable de proportions ; ses lignes sont har-
monieuses, et l'ensemble impressionne vivement.
Façade de la cathédrale.
C'est du reste la partie capitale du monument.
A l'intérieur de belles colonnes cylindriques,
cantonnées de quatre tores, et surmontées de
gracieux chapiteaux feuillages, en forment la
ceinture; les chapelles rayonnantes contribuent
à l'effet par leur élancement et leurs fenêtres à
lancettes ; le triforium et les hautes fenêtres,
garnies de superbes vitraux anciens, complètent,
avec les voûtes à nervures toriques, cette admi-
rable couronne aérienne.
La série des vitraux anciens des hautes fenêtres
et du pourtour du chœur est fort intéressante;
sans égaler ceux du Mans ou de Chartres, ils
présentent une vigoureuse coloration et une
savante harmonie des tons. Les artistes des XIIIe
et XIVe siècles savaient juxtaposer les rouges,
Cratmuj: lies ^ottétés savantes.
533
les bleus et les jaunes dans une mesure parfaite-
ment raisonnée; ils savaient discerner avec tact
les nuances et produire des effets puissants sans
heurt, harmonieux sans mollesse. Cette délica-
tesse de tonalité n'est pas toujours comprise par
ceux qui sont appelés à restaurer ces vitraux;
il est fâcheux de voir des bleus crûs remplacer
les bleus verts et rompre une harmonie si heu-
reusement combinée.
Au croisillon Nord, sous la rosace, les fenêtres
Cathédrale de Tours. — Partie supérieure du vitrail de St-Martin dans une des chapelles rayonnantes.
sont garnies de vitraux intéressants duXVesiècle.
Mais ils ne sauraient être comparés à ceux qui
décorent la façade principale. Dans la rangée de
lumières placées sous la grande rose, nous avons
remarqué deux panneaux du XIVe siècle (sacri-
fice d'Abraham) et surtout quelques superbes
figures du XVIe siècle, vigoureusement dessinées
et harmonieusement coloriées. Elles mériteraient
d'être relevées avec soin.
Joseph Casier.
(A suivre.)
A la Société d'archéologie. — La Société
d'archéologie de Bruxelles a fait sa rentrée en
octobre.
Une exposition d'objets d'art et d'antiquités a
été offerte aux membres, dans cette séance. Au
cours de celle-ci, de nombreuses communications
ont été faites.
M. le député J. Van der Linden, président, a
d'abord rendu compte des travaux du Congrès
tenu, en août, à Arlon et à Luxembourg.
M. Jos. Destrée a fait ensuite une causerie sur
des tapisseries conservées au musée du Cinquan-
tenaire et sur deux sculptures de Lucas Faid-
herbe avec exhibition de photographies de ces
œuvres d'art.
Lors du Congrès d'Arlon, deux membres de
la Commission des fouilles,MM. Hankar et Poils,
avaient pratiqué dans cette ville des fouilles dont
le résultat fut la découverte d'une série de sculp-
tures romaines. Celles-ci ont été déposées au
Musée provincial du Luxembourg belge. Un rap-
port a été lu sur ces travaux et ces antiquités.
Il en a été déposé un autre sur le cimetière
franc de Villers-devant-Orval, fouillé, en pré-
sence des congressistes, par MM. J. Clary, juge
de paix à Florenville, et le baron de Loë.
Enfin, M. de Raadt a fait connaître des parti-
cularités sur le commerce des poissons à Brux-
elles, au vieux temps, et les vains efforts que
firent aux XVIIe et XVIIIe siècles,les Bruxellois
pour s'émanciper du monopole des Hollandais.
La Société, accueillant une motion de M. Van
Havermaet, a émis le vœu de voir les fabriques
d'église veiller à ce que les ex-voto, dont elles
garnissent les murs des temples, affectent des
formes artistiques.
MM. Cumont et E. L'hoest se sont occupés de
l'art industriel de la faïencerie et de la porce-
laine.
afe *& & *& ^ *flfe *& ^ ^ *&. *afe *&. *afe *& *afe *& *afe *& ^ ^ «as, ^ ^ ^afe ^ [
$
$
*
^k©^)^^)®^k@ Btbltograpfue. m@mmmÊ)ï®m
fWWWWWW^WWWWWWWWW#f«WWWW
HISTOIRE DE L'ART DANS L'ANTIQUITE
( Phénicie, Egypte, Assyrie, Judée, Asie-Mineure, Perse,
Grèce), par MM. Georges Perrot, membre de l'In-
stitut, directeur de l'École normale supérieure, et
Charles Chipiez, architecte du gouvernement. T. VII :
La Grèce de l'épopée, La Grèce archaïque (le Temple).
— Un volume in-8° Jésus, contenant 50 planches et
300 gravures dessinées d'après les originaux ou d'après
les documents les plus authentiques. — Hachette
et C'e, Paris. Broché, 30 fr. ; relié, 37 fr.
^^i^ffi MksURE que l'horizon de nos con-
naissances s élargit, nous nous aper-
cevons que tout n'est qu'un perpétuel
jte renouveau qui se tient, s'enchaîne,
;'«V vjni dont chaque feuillet explique le sui-
vant, après l'avoir préparé. Et cette Histoire de
l'Art de MM. Perrot et Chipiez, déjà à son
septième volume, est de ces ouvrages qu'il faut
lire parce qu'on y trouve les genèses des choses,
dont on demanderait vainement aux siècles sui-
vants l'explication. Nul ne saurait aujourd'hui
se cantonner dans ses études particulières ; et
si forcément le champ de nos travaux se resserre,
si chacun de nous ne peut, comme ses devanciers,
embrasser de larges étendues, nos investigations
doivent s'enfoncer au loin, très loin, vers des
contrées où nous étions convaincus naguères que
nous n'aurions jamais à pénétrer. Lorsqu'on voit
avec quelle science, M. Perrot, s'appuyant sur
l'épopée homérique, reconstitue toute une période
absolument ignorée, quand on admire ses resti-
tutions, quand on compare l'art de cette époque
préhistorique, si difficile à pénétrer avec notre
moyen âge, on reste confondu de ce qui nous
reste à apprendre pour expliquer et commenter
avec méthode ce que nos ancêtres, depuis l'ère
chrétienne, ont écrit et produit. Et il semble
vraiment que ce livre, dont le compte rendu se
trouve si rapproché de celui de M. Mâle, soit la
précise justification de la nécessité de remonter
aux origines, pour expliquer principalement un
symbolisme dont les idées premières se trouvent
si souvent dans les premiers âges du monde.
M. Perrot n'hésite pas à écrire que la mytho-
logie homérique est de la mythologie défraîchie;
pour lui peut-être ? Mais que le médiéviste re-
monte seulement jusque-là, qu'il interroge ces
instructifs chapitres avant de prononcer un juge-
ment impartial sur ce qu'il a devant les yeux;
il y verra nombre de théories trouver là leur
explication très naturelle.
De la religion découlent de nombreuses cou-
tumes : l'adoration des arbres, les bétyles, l'astro-
Iâtrie, fruit du premier effort de réflexion de
l'esprit humain. L'arbre attirait à lui tous les
maux des hommes et les en délivrait : ce que l'on
adorait en lui c'était sa plénitude, sa surabon-
dance de vie, cet annuel renouveau qu'on désirait
pour les faibles mortels. Le Comité d'archéo-
logie ne demandait-il pas naguères à ses corres-
pondants de recueillir tous les renseignements
sur le culte des fontaines au moyen âge ? Qui de
nous n'a vu justement près de ces sources réputées
antiques, buts de pèlerinages, de vieux arbres
centenaires couverts de loques et de chiffons,
pieux ex-voto de pèlerins qui venaient leur de-
mander la guérison de leurs maux ? Les bétyles ?
Mais est-ce autre chose que le premier culte des
pierres, la reconnaissance de leur puissance ma-
gique, source des Lapidaires dont Marbode passa
si longtemps pour le véritable auteur ? L'astro-
lâtrie ? Aucune époque fut-elle plus superstitieu-
sement soumise aux astrologues que la Renais-
sance ? Et ce que je ne fais qu'esquisser en
Plaque d or trouvée à Eleusis.
quelques lignes pour notre moyen âge, M. P. le
fait précisément pour l'art de cette Grèce qu'il
nous développe si excellemment. Dans le poly-
théisme, il voit le développement des arts du
dessin, car il impose, dit-il, à la faculté plastique
un effort que n'exige pas le fétichisme. L'artiste
doit créer des types, dont chacun sera la traduc-
tion sensible d'une idée générale, qui permet de
représenter des divinités déterminées; n'est-ce
pas la règle artistique de notre moyen âge, où
le sculpteur met aux portails des cathédrales
des représentations que le médiéviste peut im-
médiatement identifier, tout comme l'archéologue
doit reconnaître dans une statue antique, un
Zeus, un Hermès, un Apollon ; et je voudrais
qu'il fût bien compris que si, pour l'antiquité
s'abaisse et s'ouvre par larges brèches, à chaque
découverte que fait l'histoire, la barrière que
l'orgueil national avait jadis dressée entre les
Hellènes et ceux qu'ils appelaient barbares,
l'archéologie médiévale ne peut exister qu'autant
536
3&etwc ïie l'Srt chrétien.
que ses études personnelles se poursuivront aussi
loin que possible dans le domaine de l'archéologie
la plus ancienne.
M. P. nous fait assister à ce patient travail qui
du bétyle dégage la statue à peine commencée.
Dans ces premiers essais qui nous sont parvenus,
il me semble voir cet art mérovingien, où sou-
vent il est impossible de distinguer les membres
du personnage ; j'admire aussi cette plaque d'or
d'Eleusis, qui peut si bien se comparer aux orfè-
vreries franques, et devant ce bouclier votif,
devant cette tête de lion je me sens forcé à une
intime comparaison avec ces deux lions de la
porte de la cathédrale du Puy, pour lesquels j'ai
toujours été incapable de donner aucune solution.
Il n'est pas jusqu'à la glyptique qui, suivant M. P.,
subissant à l'époque homérique une éclipse mo-
mentanée pour renaître avec la sculpture au
VIP siècle, ne nous rappelle la disparition
presque complète de cet art, dans notre Occident,
Bouclier votif en bronze.
du IIIe siècle peut-être, jusqu'au duc Jean de
Berry.
Toujours,suivant pas à pas Homère, M. P. décrit
les belles armes, les belles coupes d'or et d'argent,
les beaux bijoux qui provoquent l'admiration
et que chante le poète.
Après le bouclier d'Achille, dont il commente
les différentes restitutions, voilà la cuirasse d'Aga-
memnon. Ici je ne serai pas d'accord avec M. P.
Ce kyanos, bleu de cuivre, mêlé au cassiteros, sur
une plaque de bronze, n'était point l'émail bleu,
mais une sorte de malachite dont les diaprurcs
justement, devaient merveilleusement simuler les
écailles des serpents du bouclier. Puis voilà de
délicats joyaux, où se sent une influence étran-
gère, mais cependant si bien elle-même, que
M. P. n'hésite pas à écrire que ces bijoux sont
bien l'œuvre d'un orfèvre grec, probablement
même d'un orfèvre établi à Egine. Vient un long
chapitre consacré à la fibule, dont on s'est telle-
Btbltograptne.
537
ment préoccupé pendant les dernières années, tant
au point de vue antique qu'au point de vue mé-
rovingien.Or, ce qui est particulièrement curieux,
c'est que ni la Chaldée, ni l'Assyrie, ni l'Egypte,
ni la Phénicie n'ont connu la fibule; elle ne fait
Peudan <!^ coïlier en or.
son apparition qu'en Italie, chez les peuples des
Terramares, dans la vallée du Pô, en Grèce, vers
la fin de la période mycénienne; on la rencontre
constamment dans les tombes de la période qui
s'ouvre par cette invasion, et depuis lors, nous la
3.
Fibule d'Asie mineure — z Fibule de Dodone
spires de Béotie.
retrouverons partout aussi bien dans l'Europe
centrale que chez les riverains de la Méditer-
ranée. Est-ce à un besoin de climat, à la néces-
sité de tenir fermé le vêtement flottant des pays
du soleil qu'il faut en attribuer l'emploi ? En tous
cas il est précieux pour les études du costume du
moyen âge de voir combien peu elle a varié depuis
ses origines jusqu'à la période mérovingienne.
Dans le Livre XIII, M. Perrot commence
l'histoire de l'art dans la Grèce archaïque. Toute
cette dernière partie est uniquement consacrée à
l'architecture ; le mode dorique et les temples
qu'il nous a légués est étudié dans toutes ses
manifestations, le mode ionique lui succède avec
une étude comparative des deux ordres et de
leurs origines. Je laisse à d'autres, plus compé-
tents, le soin de dire l'intérêt qui s'attache à
ces pages, où toutes les découvertes les plus ré-
centes de l'archéologie se trouvent représentées.
J'ai seulement voulu montrer aujourd'hui, par
un côté, peut-être un peu trop négligé, quelles
ressources nos études pouvaient rencontrer dans
cet ouvrage, et quels éclaircissements devait
apporter aux obscurités du moyen âge, qui n'en
eut certainement pas conscience, cette reconsti-
tution si attachante, si précise de la vie des
hommes de l'époque homérique, de leurs mœurs
et de leurs croyances. ^ nF \rKT v
SCOPERTE DI ANTICHITA IN NAPOLI DAL
1876 A TUTTO IL 1897, con notizie délie scoperte ante-
riori e ricordi storico-artistico-topografici, per Ferdinando
Colonna, dei principi di Stigliano. Naples, Giannini,
1898, in-8° de XXIV-649 l»g.
LA ville de Naples, trois fois éprouvée par le
choléra de 1884 a 1887, est en train de s'as-
sainir par des percements de rue, qui ont amené
le bouleversement du sol et par suite la décou-
verte de nouveaux débris romains ou du moyen
âge, fragments d'architecture, tombeaux, statues,
inscriptions, armoiries, mosaïques, etc. Le relevé
de ces fouilles heureuses a été fait avec le plus
grand soin : l'auteur, élargissant son sujet, jette
un regard en arrière, en sorte qu'on assiste à ces
opérations fructueuses, bien dirigées, qui ont
enrichi les musées municipaux. La part faite aux
inscriptions y est vraiment considérable, ce dont
se réjouiront les épigraphistes. L'utilité de cette
publication est incontestable et elle a la valeur
d'un document historique qu'il faudra désormais
consulter.
Dans ce renouvellement de la vieille cité, 6$
églises ou chapelles auront disparu ; en certains
endroits, les parties les plus notables ont été
conservées sur place ou transportées ailleurs, ou
encore le souvenir en a été maintenu par des
épigraphes commémoratives.
J'ai cité dans le tome XII de mes Œuvres com-
plètes, p. 462, l'inscription relative à Ste Hélène,
REVUE DH L'ART CHRETIEN.
1899. — 6me LIVRAISON.
538
Betnic lie l'ftrt chrétien.
qui est au Vatican. Du même genre sont les deux
exhumées à Naples et reproduites pp. 271, 467 :
PIISSIMAE • AC • VENERABILI
DOMTNAE • NOSTRAE • HELAENAE
AVGVSTAE • MATRI
DOMINI • NOSTRI - VICTORIS
SEMPER • AVG • CONSTANTINI • ET
AVIAE • DOMINORVM • NOSTRORVM
BEATISSIMORVM • CAESARVM
ORDO • ET • POPVLVS • NEAPOLITANVS
PIISSIMAE • AC • CLEMENTISSIMAE
DOMINAE . NOSTRAE • AVGVSTAE
HELENAE • MATRI
DOMINI • NOSTRI • VICTORIS
SEMPER ■ AVGVSTI - CONSTAN
TINI • ET • AVIAE
DOMINORVM • NOSTKORVM
CAESARVM • BEATORVM
VXORI • DIVI • CONSTANTII
ORDO • NEAPOLITANORVM
ET • POPVLVS
Une inscription de 1818 (pp. 105, 486) place
l'hospice des aveugles sous la protection de
S. Joseph et de Ste Lucie.
Comme curiosité, je citerai ces inscriptions de
1618, 1623 et 1629, apposées sur les murs, qui dé-
fendent aux propriétaires, voisins d'églises ou
de couvents, sous peine d'une forte amende ou
même du fouet, de louer aux personnes déshon-
nètes, courtisanes, étudiants et teneurs de tripots:
« Che non allochino loro case a meritrice, stu-
denti, alloggiatori ed altre persone disoneste. »
« Non ardiscano locare le loro case ne fare abitare
in quelle donne corteggiane, studenti et altre
persone disoneste e chi tenesse giochi publici. »
Je ne ferai qu'un reproche à cet ouvrage, c'est
le nombre extraordinaire des fautes typographi-
ques qui ont motivé 20 pages d'errata.
X. B.DE M.
ANALECTAHYMNICA MEDII JE.VI, par les
PP. Blume et Dreves, S. J. Leipzig, Reisland, 1898,
in-8° de 312 pag.
Ce fascicule, qui est le 30e, comprend 167 nos,
qui se répartissent ainsi, sous le titre, un peu
banal, de Fia dictamina : Dieu, la Vierge, les
saints et les défunts, gloses diverses. Les saints
n'y sont qu'au nombre de douze, chacun a son
Petit office, pour la dévotion privée.
La glose sur le Veni Creator commente chaque
mot par une strophe de huit vers. Voici la doxo-
logie ancienne:
Sit laus Patri cura Filio,
Sancto simul Paraclito,
Nobisque mittat Filius
Charisma sancti Spiritus. Amen.
Dextne Dei tu digitus est le texte primitif, cor-
rigé dans le Romain en Tu digitus paternœ dex-
terœ, qui n'a pas de sens, car la main divine n'est
pas nécessairement celle du Père, puisque la
bénédiction se fait à trois doigts, au nom de la
Ste-'Trinité. Le manuscrit de Clairvaux, daté de
1444, donne un autre symbolisme : le St-Esprit
n'est plus seulement V index, mais il est représenté
par les cinq doigts de la main, ainsi expliqués :
Tu digitus es medicus,
Surdas aures aperiens ;
Ocularis clarificus,
Cœcos videre faciens ;
Tu digitus es medicus,
Daemonia ejiciens ;
Tu es index salvificus,
Pollex promissa largiens.
Il y a ici deux fautes que je ne sais à qui
attribuer, à l'original ou à la copie. Medicus est
évidemment pour médius, puisqu'il s'agit du doigt
du milieu et iudex pour index, le doigt indicateur,
placé entre celui du milieu et le pouce.
Le Petit office de la Vierge, emprunté à un
manuscrit des Augustins de Mayence, des XVe
et XVIe siècles, établit delà sorte la symbolique
des couleurs afférentes aux vêtements de Marie,
suivant l'occurrence. Ces couleurs, au nombre de
sept, sont : pourpre, rouge, bleu, gris, vert, noir,
blanc.
La pourpre convient à la souveraine clémente
et à la reine glorieuse :
Vesteni, ecce, prœparamus
Purpuream et rogamus
Te clementem Dominam...
Nos custodi, o Regina
Et da cœli gloiiam.
Le rouge indique l'amour de feu, qui compète
à la mère :
Mater régis supernorum
Caritate ignea.
Salve, murra semper fragrans,
Jugiter amore flagrans
Pietate nitida.
Veste rubea amari
Teque prolem venerari
Fac nos, flos convallium.
Étoile du matin, Marie brille au firmament, le
bleu est donc sa couleur céleste :
Salve, Stella matutina,...
Stolam blaniam (') parare
Ac peccata emendare,
Ad superna respirare
Fac nos, pia Domina.
I. Restituer bliviam.
Btbltograptne.
539
A sexte, le soleil baisse et le soir est venu.
Marie, étoile du soir, adopte alors la couleur grise,
qui rappelle au voyageur la poussière du chemin:
Ecce vestis grisea,
Stella vespertina,...
Iter viatorum.
Marie est la vigne, dont les pampres verts sont
un gage d'espérance pour les dons de Dieu :
Salve, vitis irrigata,
Stola vindi ornata,
Dei donis decorata,
Vera spes terrigenis.
A vêpres, heure du crucifiement, le noir dénote
le deuil de l'âme, à l'occasion de la mort du
Sauveur :
Heu ! Maria videt natum
Fixum cruci, desolatum
In monte Calvariae...
Vestem nigram prneparare,
Jesu mortem frequentare
Nos fac, Mater gratiae.
A complies, le blanc fait allusion à la gloire
céleste, à la récompense éternelle, à la lumière
du soleil, dont Marie est l'aurore et aux noces
de l'Époux.
Vale, aula prasmunita,
Stola alba redimita,
Dos asterni muneris.
Vale, sponsa Dei dicta,
Sole Olympi amicta...
Nos perfrni perennibus
Caelorum regni tinnulis
Da, fulgens aurora.
X. B. DE M.
POUR LA CROIX. ESQUISSE ARCHÉOLO-
GIQUE, AVEC 36 DESSINS DE L'AUTEUR,
par Frédéric Christol. Paris, Fischbacher, Noël 1898,
pet. in-40 de 32 pages.
M. F. Christol, pasteur de l'Église réformée,
ancien élève de l'École des Beaux-Arts, a anté-
rieurement livré au public un ouvrage, Au Sud
de l' Afrique; c'est le récit d'une mission, enrichi
de 150 dessins et croquis, très caractéristiques et
d'une artistique originalité. La très jolie plaquette
récemment parue ne compte que trente-deux
pages, et les figures y tiennent plus de place que
le texte. Ces figures, bien dessinées et qui parais-
sent exactes, sont d'une variété étonnante.
Partant de la célèbre et ignoble caricature
romaine conservée au MuséeKircher.pour aboutir
à une croix très moderne peinte sur une église
vaudoise, l'auteur nous offre, en passant, des sar-
cophages, des mosaïques, d'anciennes miniatures
et gravures, des croix de carrefour et de cime-
tière, des calvaires bretons, des médailles, des
bijoux, etc., sans omettre quelques monuments
exotiques et non chrétiens, tels que la croix de
Palenké, au Mexique.
Les neuf chapitres du texte se rapportent à la
croix d'une manière également très variée et sont
trop courts pour être détaillés ici. Il s'agit bien,
comme le dit l'auteur, sous le titre un peu singu-
lier Pour la croix, d'une Esquisse archéologique,
que l'on doit considérer comme telle; car autre-
ment nous serions en droit de regretter que les
désignations soient généralement peu précises,
les références très vagues, et que, pour les dessins,
elles fassent trop souvent défaut; nous serions
aussi disposé à présenter des observations assez
nombreuses sur différents points.
Par exemple, l'auteur aurait pu, sans beaucoup
de peine, préciser l'endroit des « Lettres choisies
de saint Jérôme, traduites par J. P. Charpentier »,
où ce Docteur de l'Église affirmerait, en parlant
de l'armée romaine, que « l'étendard des soldats,
c'est la croix ». A notre avis, il s'agit certaine-
ment, non de la croix, mais du chrisme, c'est-à-
dire du monogramme J?, et le savant chanoine
Martigny fait remarquer combien l'on a trop
souvent confondu ces deux symboles (T).
Nous aurions aussi des réserves très sérieuses
à faire relativement à tout ce qui est dit du laba-
rum. Mais il ne convient pas de s'appesantir mi-
nutieusement sur ce gracieux recueil de curieux
dessins. Nous aimons à croire qu'en lui faisant
bon accueil, nous encouragerons son auteur à
continuer ces études archéologiques, où il ne
tardera pas, nous en sommes convaincu, à se
défaire de certaines préoccupations confession-
nelles et à donner, illustrées avec le talent qu'il
possède, des œuvres utiles à la science et à la
piété de tous les chrétiens.
L. Germain.
FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES DE L'AB-
BAYE DE SAINT-MAUR A GLANFEUIL, par
le P. De la Croix, plaquette in-40 de 210 pp., 5 pi. et
plusieurs phototypies. Paris, A. Picard, 1899.
LES ruines du monastère de Saint-Maur de
Glanfeuil dédié en 1036, sont au nombre
des restes les plus curieux du XIe siècle. On y
trouve les bases ornées de cordelettes et le cha-
piteau renversé, décoré de ce que Viollet le Duc
appelait des fleurs de lotus. Sur la façade de
Saint-Maur on voit l'oiseau à bec crochu qui se
retrouve à Charnay, dans des manuscrits méro-
1. Dut. des Antiquités chrétiennes, 1877, art. Croix, p. 214 :
« ... Souvent les textes anciens désignent le monogramme (le
chrisme) sous le nom de Croix, ce qui peut donner lieu à bien des
méprises. »
54Q
3Re\nic De l'&rt chrétien.
vingiens, sur les bijoux des Goths, dans l'île de
Gotland, etc. (l).
Odon de Glanfeuil, abbé de Saint-Maur, dans
une chronique écrite au VIe siècle, indique d'une
manière précise l'existence de quatre oratoires
dans l'abbaye. D'après son texte, le P. De la Croix
a été assez heureux d'en retrouver les substruc-
tions, assises sur celles d'une villa romaine.
Les temples chrétiens du VIe siècle sont choses
extrêmement rares en Gaule. Nous en avons ici un
CHAPCU.E SAIKT-::.' DE SAINTE
spécimen, très petit il est vrai (il mesure à peine
12 m. sur 7 m. hors œuvre). Aussi croyons-nous
intéressant de reproduire en réduction le plan de
la chapelle de Saint-Maur avec la cellule que le
Saint a habitée. Le P. De la Croix a retrouvé aussi
les restes de la chapelle de St-Séverin, mais ils
paraissent ne remonter qu'à l'époque romane. De
l'église abbatiale de St-Pierre, il ne reste guère
pierre sur pierre. La villa contenait une nymphée,
i. V. L. Courajod, Leçons professées au Louvre, p. 491. Paris,
Picard, 1899.
qui fut transformée par S. Maur en la chapelle
St-Michel, dont on retrouve également des ves-
tiges.
Toutes ces découvertes d'un si haut intérêt
sont brièvement présentées, avec la réserve et
la précision qui distinguent le vrai savant.
L. C.
UNE STATUE DE SAINTE CÉCILE A LA CA-
THÉDRALE DU MANS, par M. R. Triger. —
Broch. — Le Mans. — A. de Saint-Denis, 1896.
Le culte de la patronne des musiciens est eu
honneur au Mans, surtout depuis la fondation,
faite en 1633 par le chanoine Le Rouge, d'un
concours annuel de motets en son honneur. Cet
ecclésiastique érigea dans la cathédrale un autel
où Ste Cécile était représentée, accompagnée de
Ste Marthe et de Ste Marguerite.
M. Triger nous fait connaître la statue princi-
pale de cet autel, actuellement conservée au
Musée de la Psallette, et dont il faut avec lui
souhaiter le retour à la cathédrale. Elle est en
terre cuite, jadis rehaussée de couleurs. L'œuvre
de Charles Hoyau est médiocrement pieuse et
plutôt trop élégante; mais on pourrait, sans en
faire une pure image de dévotion, lui trouver
quelque honorable coin, où elle pourra rappeler
la grâce de la plastique mancelle au XVI Ie siècle
dans une œuvre d'une grande noblesse.
L. C.
LE MANS A TRAVERS LES AGES, par M.
R. Triger. Broch. Le Mans, A. Saint-Denis, 1898.
Le discours, prononcé en la séance d'ouverture
du Cercle archéologique du Maine, par son vice-
président, est un savoureux morceau d'éloquence
archéologique. Versé dans la littérature et l'his-
toire comme dans les antiquités, bel écrivain,
chrétien et patriote fervent, l'auteur a fait de
ce simple aperçu rétrospectif un chant à la
gloire de la cité mancelle, que saint Julien a
faite chrétienne, et que les évêques Maurice,
Geoffroy de Laval, Geoffroy de Londet ont dotée
d'une merveilleuse cathédrale ; que la Renais-
sance a coquettement ornée, et où un Cercle ar-
chéologique très actif maintient le culte des belles
traditions dans l'incomparable local dit de la
Reine Hérangère.
L. C.
LES SAINTS ET LES ANIMAUX, par M. BOUR-
GEOIS. 1 vol. grand in-8" de 240 pages, illustré de
20 gravures. Société St-Augustin, Lille. Prix : fr. 1,50.
M. H. Bourgeois, en écrivant ce livre attrayant,
a eu pour but d'exalter l'honneur des Saints,
Bibliographe.
541
d'intéresser la jeunesse et de prêcher le sympathie
envers les animaux. Son ouvrage pourra inté-
resser nos lecteurs par les accointances qu'ont
ensemble l'hagiographie, la légende et l'art, et
Saint Antoine et les lions.
par les rapports qu'il présente avec l'iconographie
des Saints, dont un si grand nombre ont pour
caractéristique un animal.
L. C.
ESSAI SUR MATHIEU DIONISE, SCULP-
TEUR MANCEAU, par le Cle Ch. de BeaujMont,
Mamers, Fleury, 1899 (Extrait de la Revue hist. et
arch. du Maine. — Brochure.
On conserve à Buissière-Badil (Dordogne) et
à Parigné-l'Évêque (Sarthe) deux madones, dont
on avait déjà remarqué les airs de famille avec
la Vierge de Germain Pilon conservée à La Cou-
ture du Mans.
Cette circonstance donnait un intérêt parti-
culier à ces sculptures qui sont d'ordre infé-
rieur. M. de Beaumont leur a assuré une valeur
plus grande en faisant connaître leur auteur,
Mathieu Dionise du Mans. Celui-ci a signé la pre-
mière, et l'a datée de 1581; un texte ancien, de
l'année 1613, atteste qu'il exécuta la seconde,
aidé de son neveu, le sieur de la Barre.
Mathieu Dionise, sculpteur et peintre, a sculpté
également et décoré le saint Georges de Saint-
Georges-de-la-Couée (SartheJ en 1597.
On ne peut assez louer les archéologues de
province qui savent, par des travaux aussi sérieux,
tirer de l'oubli des objets d'ordre secondaire mais
souvent d'un vif intérêt, et parviennent à leur
faire dire tout ce qu'ils peuvent nous apprendre
sur leur auteur, l'école à laquelle ils appar-
tiennent, leur origine, leur histoire et les pratiques
de l'art régional; retrouver en quelque sorte leur
état civil authentique, et dégager tous les en-
seignements qui ressortent de leur iconographie.
C'est ce qu'a fait M. de B. dans cette substantielle
plaquette fort bien illustrée de clichés photogra-
phiques dont il est l'auteur.
L. C.
COLLECTION D'IMAGES SCOLAIRES. —
Série I. Histoire Sainte. — Bertrand Lyson, 1, place
Saint François- Xavier, Paris.
Nous sommes heureux de faire connaître cette
excellente série d'images (bons points scolaires),
comprenant 32 numéros et consacrés aux faits
saillants de l'Ancien Testament. Cette petite
bible des enfants en images est conçue de la belle
manière, dessinée au simple trait, très sobrement,
mais avec maîtrise, et rehaussée de quelques
teintes plates de couleur. Ces chromos sont de
vrais modèles, offrant les grandes qualités re-
quises : pureté du trait, noblesse des figures, clarté
des sujets.
Nous disons : bravo ! à l'éditeur et souhaitons
de pouvoir annoncer et louer au même titre
d'autres séries.
L. C.
542
3&etnte De r&rt chrétien.
Bértoluques,
BULLETIN DES COMMISSIONS ROYALES
D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. — 1899, 1-2.
M. E. de Prelle de la Nieppe, le nouveau con-
servateur du Musée royal d'armures de Bruxelles,
se signale comme chercheur perspicace et cri-
tique entendu par une étude sur l'ancienne abbaye
de Villers, qui modifie les idées reçues quant à
l'âge des différentes parties de l'église abbatiale.
D'après les idées reçues jusqu'à présent cette
importante église aurait été commencée vers
1200, par le chœur, et les travaux arrêtés en
1225, alors qu'il y manquait encore 6 travées
vers l'Ouest; repris en 125 1, ils auraient été ache-
vés en 1272; les chapelles latérales du côté Nord
auraient été ajoutées au XIVe siècle.
La thèse de M. de Prelle vieillit toutes les
parties de l'édifice. Se fondant surtout sur la
discussion de documents et de faits historiques, il
s'attache à prouver que l'entreprise a dû être
inaugurée sous la direction personnelle de saint
Bernard lui-même, dès l'arrivée de ses moines
en 1147. Le grand réformateur aurait consacré
le maître autel dès 1151.
Une suture visible à la 6e travée à partir du por-
tail Ouest trahit une interruption, et la cessation
de travaux, motivée par le manque de ressources,
a été fixée par plusieurs archéologues vers 1223.
Mais précisément, observe notre auteur, c'est
l'époque de l'épanouissement de l'abbaye; où,
essaimant au dehors, elle allait engendrer ses
deux filles, les abbayes de Grandpré et de
Saint-Bernard. On oublie une circonstance anté-
rieure, qui fut une calamité pour Villers, c'est-à-
dire, à la suite du synode tenu à Huy, en 12 12,
par le prince-évêque de Liège, l'excommunication
du duc de Brabant, et la disgrâce encourue par
l'abbé de Villers, Conrad de Furstenbeig, qui
vraisemblablement avait pris le parti de son
suzerain, l'ar des considérations développées
auxquelles nous renvoyons le lecteur, M. de
Prelle admet l'année 1220 pour la reprise des
travaux, 1230 pour l'achèvement de l'église et
1240 au lieu de 1300 pour la construction des
chapelles. D'ailleurs, il ne prétend pas imposer
son opinion : la discussion reste ouverte.
L. C.
ART ET INDUSTRIE. Revue mensuelle illus-
trée publiée par la Société Impériale d'encouragement
des Arts en Russie. — Nos 7 et 8 de 1899.
CETTE Revue, qui a pour rédacteur-chef
M. V. Lobka, est une des plus riches des
revues européennes de son genre; elle paraît en
format grand in-40, imprimée sur papier de luxe
en rouge et noir comme la Revue de l'Art chré-
tien et contient parmi ses riches illustrations des
chromolithographies noyées dans le texte.
Signalons quelques articles : M.Lizoff nous fait
connaître le Musée historique russe de Moscou,
fondé en 1872, et montrant le développement
historique de la Russie par des antiquités classées
chronologiquement.
M. Makowski nous donne de curieuses repro-
ductions en couleur d'oeufs de Pâques peints
par les paysans russes.
M. Selivonoff consacre une étude bien illustrée
au grand peintre belge, Antoine Van Dyck, dont
les Anversois viennent de fêter le centenaire et
dont la Russie a le bonheur de posséder des
chefs-d'œuvre de premier ordre.
L. C.
L'ARTE. Rome, Danesi, 1898, livr. octobre-décembre.
1. Mauceri. Colonne tortili cosi dette del tempio
di Salomone (p. 377-384). Les colonnes torses
et vitinées, qui sont à St-Pierre de Rome, ne
proviennent certainement pas du temple de Salo-
mon. On les croyait telles, et c'est pourquoi le
Bernin les a prises pour modèles de son balda-
quin de bronze qui surmonte l'autel papal. L'au-
teur les croit médiévales. Je ne suis pas de son
avis, car rien n'infirme ce texte du Liber pontifi-
calis, qui donne leur origine vraie: «Fecit Augus-
tinus Constantinus, ex rogatu Sylvestri episcopi,
basilicam beato Petro apostolo in tempio Apol-
linis.... Sic inclusit corpus beati Pétri apostoli et
recondidit, et ornavit supra ex columnis porphy-
reticis et alias columnas vitineas quas de Grœcia
perduxit » (In vita S. Sylvestri).
2. Fraschetti. / sarcofagi dei reali Angioini in
Santa CIliara di Napoli (p. 385-438). Etude fort
importante et abondamment illustrée,sur les tom-
beaux des rois de la maison d'Anjou, à Ste-Claire
de Naples (XI IP-XI Ve siècles).
3. Cook. Corriere d ' Inghilterra (p. 444-445).
Signature, à Londres, d'un portrait d'homme par
Ambrogio de Prédis (1494) : AMB PRE,
4. Venturi. Corriere di Lombardia (p. 448-454).
Signatures d'artistes à l'Exposition deBergame :
Vierge de Bartolomeo Vivarini.de Murano.
FACTVM VENETIIS PER BARTHOLOMEVS
VTVARINVM DE MVRIAXO P ■ 1485 '
Retable d'autel : OPVS LEuNARDI BOLDRINI
BENEDICTI P : Leonardo Boldrini appartient à
l'école de Vivarini.
$értotnque0.
543
Vierge, par Jacopo Gavazzi: lo Jacobi gavazi de
postcantu pinxit.
M - D - XII.
Ste Trinité d'Andréa Previtali (15 17) :
Andréas Privitaus
fatiebat
M • D ' XVII.
S. Martin, à cheval, donnant son manteau à
un pauvre, par Lattanzio Pagani, de Rimini : LA-
TANZIO ARIMINENSIS.
Vierge, par Giovanni de' Galizzi, de Bergame,
(1543)-
• I ' D ' XXXXIII •
• IOANNES • DE • GALIZIS ■ Bergomensis
■ PINXIT • HOC • OPVS ■ IN ' VENETIIS
Vierge, par Giovanni Battista Moroni (1577) :
IO ■ BAPT . MORONVS - P - M • D • LXXVII
Déposition de la croix par le même :
10 • bap •
MORONVS
Le Christ aux anges, par Giovanni Pietro Sil-
vio, de Venise : lo • Pet rus • Silvius ' Venetus
pinxit.
5. Venturi. Corriere di Torino (p. 454-449). A
S. Stefano de Bologne, reliquaire en argent doré,
daté de 1380, signé par l'orfèvre Bolonais Jacopo
Rosceto : Rosetns de bononia me fecit .... lacobus
dictus Rosetns fecit.
A Verceil, tableau de Girolamo Giovenone :
HIERONIMI
IVVENONIS
OPIFICIS
6. De Fabriczy. Pittura (p. 483-484). Signa-
ture de Tommaso da Modena, à Trévise (1385) :
Thomas fecit ijSj.
7. Macterlenek. Notisie su Gaspard e Nicolas
Van Eyck (p. 504). Fêtes champêtres : I • C • V ■
EYCK • 1685 • ROMA ■
X. B. de M.
544
Betntc fie P3rt c^rctten.
S
ïn&ejc bttUtograplmiue.
i
^ »5? »V »V *5ï' "ift «5s *W H? «*' «W •% *3î »■« «e flï «Je **j *K •
archéologie etBeau^ ^rt0(,),
=—= JFrancc. =
Album archéologique de la société des Anti-
quaires de Picardie. — In-40 avec grav., Paris.
Picard et fils.
Artigarum (L'abbé J .). — Le Rythme des Mé-
lodies grégoriennes. — In-40 de iv-71 pages sur 2
colonnes. Étude musicale, historique et critique. —
Paris, A. Picard et fils.
Babelon (E.). — Histoire d'un médaillon dis-
paru (Justinien et Bélisaire). — In 8° avec fig.
Nogent-le-Rotrou, Daupeley- Gouverneur.
Barbier de Montault (X.) — Les Chambres
Borgia du VATic.\N,dans le journal Le Prêtre, février
1898. — In-8°. Arras, Sueur-Charrucy.
Barrai (De). — Notices sur les châteaux,
ABBAYES ET MONUMENTS DU DÉPARTEMENT DU CHER.
— In-8°. Paris et Lyon, Delhomme et Briguet.
* Beaumont (Le Cte Ch. de). — Essai sur
Mathieu Dionise, sculpteur manceau. — (Extrait
de la Revue hist. et arch. du Maine). — Brochure.
Mamers, Fleury, 1899.
Berger (S.). — Les Manuels pour l'illustra-
tion du Psautier au XVIIIe siècle. — In 8°.
Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur.
Bernard. — Les vitraux de l'église de
Lhuître dans les Notes d'art et d'archéologie, février-
mars-juin, 1898.
Bigeon (H.). — ■ L'art du moyen âge. Éducation
artistique et industrielle au moyen âge et aujourd'hui.
— In-8° avec grav. Paris, imp. de l'École municipale
Estienne.
Bonno. — L'église Saint-Pierre de Provins,
d'après un inventaire inédit de 1782. — In-8°. Paris,
Imp. Nationale.
Bourdery et Em. Lachenaud. — L'œuvre
des peintres émailleurs de Limoges. Léonard
Limosin, peintre de portraits. — In-8° de xxxû-
395 PP-> planches. Paris, May.
* Bourgeois. — Les saints et les animaux. —
1 vol. grand in-8° de 240 pages, illustré de 20 gra-
vures. Société St-Augustin, Lille. Prix : fr. 1,50.
Briand (E.). — Histoire de sainte Radegonde,
reine de France, et des sanctuaires et pèleri-
nages en son honneur. — I11-80 et fig. Poitiers et
Paris. Oudin.
I. Les ouvrages marques d'un astérisque (") ont été, sont ou
seront l'objet d'un article bibliographique dans la Revue.
* Christol (F.). — Pour la croix Esquisse
ARCHÉOLOGIQUE, AVEC 36 DESSINS DE L'AUTEUR.
In-4' de 32 pages. Paris, Fischbacher.
* Collection d'images scolaires. — Série I.
Histoire Sainte. — Bertrand Lyson, Paris.
* De la Croix (Le P.). — Fouilles archéo-
logiques de l'abbaye de Saint-Maur a Glanfeuil.
— Plaquette in-40 de 210 pp., 5 pi. et plusieurs pho-
totypies. Paris, A. Picard.
Des Méloizes. — Guide archéologique pour
les excursions du Congrès de Bourges de 1898.
— In-S°. Paris, Picard.
Dimier (L.) — Les logis royaux du palais de
Fontainebleau, de François Ier a Charles IX. —
In-S0, Fontainebleau, Bourges.
Fleureau ( T ). — Les enseignes et les logis
historiques d'Avon. — In 16, Fontainebleau,
Bourges.
Fontaine (P.). — L'art chrétien en Italie et
ses merveilles, i" partie : Gênes, Pise, Rome. —
2e partie : Naples, Orvieto, Assise, Pérouse, Flo-
rence, Sienne, Bologne, Padoue, Venise, Milan.
— In-8° avec grav. Lyon, Vitte.
* Perrot(G) et Chipiez (Ch). — Histoire de
l'art dans l'antiquité (Phénicie, Egypte, Assyrie,
Judée, Asie-Mineure, Perse, Grèce}, t. VII : La Grèce
de l'épopée, La Grèce archaïque (le Temple). — - Un
volume in-8° Jésus, contenant 50 planches et 300 gra-
vures dessinées d'après les originaux ou d'après les
documents les plus authentiques. — Hachette et Cie,
Paris. Broché, 30 fr. ; relié, 37 fr.
* Triger (R.). — Une statue de sainte Cécile
a la cathédrale du Mans. — Broch. Le Mans,
A. Saint-Denis.
* Le même. — Le Mans a travers les âges.
— Broch. Le Mans, A. Saint-Denis.
Allemagne.
* Les PP. Blume et Dreves (S. J.). — Analecta
hy.mnica medii /EVi. — In-8° de 312 pag. Leipzig,
tieisland. •
Italie.
* Colonna (F.) — Scoperte di antichita in
napoli dal 1876 a tutto IL 1897, con notizie délie
scoperte anleriori e ricordi storico-artistico-topografici.
— In-8° de XXÏV-649 pag. Naples, Giannini.
"Belgique.
* Bulletin des commissions royales dart et
d'archéologie. — 1-2, 1899.
fôoilanrje.
* Thompson (H.). — Sint-Bavo : de nieuwe
kathedrale kekk van Haarlem. — Haarlem, Coe-
bergh.
3fefe «& *#.*#. *& S. «#, *#, *#, *#, »& *& *&. »«.. *s. ^ *& *& *& *a& *& *& *#. *,*. *&
sTt)rOntC)U6. SOMMAIRE: UNE EXPOSITION D'ART RELIGIEUX A BRU-
XELLES. — ŒUVRES NOUVELLES : Église de Saint-Etienne de Niort. — VANDALISME.
— RESTAURATIONS : cité de Carcassonne. — VARIA.
twwwww^wwwww^wwwwwwwww^f
CCnc erpositton D'Hct rcligtcur à
Brurcllcs.
I OUS donnons à titre d'information l'an-
nonce d'une Exposition d'Art religieux
à Bruxelles qui doit s'ouvrir au 15 dé-
cembre prochain. Déjà ses organisa-
teurs ont recueilli de hauts patronages ; nous
nous en voudrions de laisser inaperçue une expo-
sition qui assure d'avance « qu'elle marquera une
date et sera le point de départ de progrès futurs ».
A vrai dire il y a lieu d'admirer l'assurance
des organisateurs de l'entreprise, si même on ne
partage pas leur foi. L'essor de l'art religieux,
ses développements, ses progrès, répondent en
général à l'état d'àme, à la sincérité de la foi des
nations où cet art fleurit et des artistes qui, de
leur travail, font l'expression de leurs sentiments
les plus délicats et les plus élevés. Cet art-là, nous
le craignons, ne sera pas relevé par les exposi-
tions publiques de sa « déchéance passagère »
lorsque cette déchéance existe... même passa-
gèrement comme on l'annonce.
Les expositions cependant peuvent être utiles,
et elles ont déjà en France par les très remar-
quables expositions rétrospectives — dont l'art
religieux faisaient les principaux frais — à Paris
en 1867, l'exposition d'art religieux à Lille en
1874, de Rouen en 1885, de Limoges en 1889, eu
une véritable influence sur les progrès de l'art
chrétien. En Belgique le résultat de ces sortes
d'expositions pour la pratique de l'art ont peut-
être été plus sensibles encore. Nous devons
rappeler particulièrement les expositions d'art
religieux organisées à la suite d'un Congrès
catholique à Malines en 1864, et des exposi-
tions d'art rétrospectives ouvertes plus tard à
Bruxelles et à Liège. Celles-là, en offrant à l'étude
et à l'imitation des artistes, des modèles excel-
lents,— en épurant le goût des membres du clergé
et des fidèles dont la générosité envers l'Église
s'exprime souvent par l'art, — ces expositions,
disons-nous, ont été vraiment utiles et ont porté
plus d'un artiste, notamment dans les arts du
métal et de la broderie, à faire d'heureux efforts
pour atteindre à la hauteur de leurs devanciers.
A l'Exposition de Malines on avait, par un
concours, dans les domaines de l'architecture et
de l'orfèvrerie, donné aux artistes qui y ont pris
part, l'occasion de faire connaître leurs travaux
au public. Ces concours ne sont pas restés sans
quelques succès.
Seulement, ces expositions se sont ouvertes
sans prospectus pompeux, sans promesses, ou
rien de ce qui pût avoir une analogie lointaine
avec la réclame. Leurs promoteurs ne se sont
nullement inquiétés de ce que « l'art religieux
évoque facilement l'idée d'archéologie et de
formes traditionnelles ». Ils savaient que dans
toutes les choses qui touchent à la foi catholique,
et surtout dans l'art au service de son culte, le
respect de la tradition est de la plus haute impor-
tance et les études archéologiques indispensables.
Ils n'auraient pas compris, pas plus que nous
ne comprenons nous-même, et qu'il faut entendre
par les « siècles morts ».
Il n'y a eu, depuis l'avènement du Christ, qu'une
série de dix-neuf siècles, très vivants, et que nous
comptons bien continuer. Ils ont été plus ou
moins inspirés dans le domaine de l'art, suivant
le plus ou moins de ferveur qui animait les
peuples ou le plus ou moins d'inspirations des
artistes; mais aucun n'a été absolument stérile,
et tous ont mérité de vivre dans le souvenir des
siècles qui leur succèdent.
L'espèce de prospectus que nous avons sous
les yeux assure que « dans une œuvre aussi ardue
de longs efforts sont nécessaires » : Nous le
croyons volontiers, d'autant que l'éclectisme le
plus large paraît avoir guidé les organisateurs, et
que les portes de l'exhibition seront ouvertes
toutes grandes aux conceptions modernes.
Nous souhaitons les meilleurs succès aux or-
ganisateurs et nous comptons bien voir le résultat
de leurs efforts lorsque ceux-ci auront réussi à
former un ensemble; très heureux si nous pou-
vons constater les progrès que l'on nous fait
espérer et l'idée moderne prendre forme par des
chefs-d'œuvre, dont le besoin se fait générale-
ment sentir.
J. H.
Une Exposition d'Art religieux va s'ouvrir à Bruxelles
dans les salles du musée moderne, sous le haut patronage
de S. A. R. M"K la comtesse de Flandre.
Toutes les branches de l'Art religieux y seront admises.
L'ouverture aura lieu le 15 décembre 1899.
L'entreprise pouvait paraître hardie à notre époque.
Sans se laisser décourager par le scepticisme des uns ou
l'indifférence des autres, les organisateurs lancèrent leur
appel à tous les artistes du pays et de l'étranger, à tous
les amis de l'Art chrétien.
Les réponses vinrent assez nombreuses, les encourage-
ments ne firent pas défaut, et l'on peut, dès à présent,
annoncer l'ouverture du « premier salon d'Art religieux >
contemporain.
Pour relever de sa déchéance passagère un art qui
autrefois a resplendi à de si hauts sommets, de longs
efforts sont nécessaires; quelle que soit l'issue de cette
REVUE DE L'ART CHRÉTIEN.
l80q. — 6me LIVRAISON.
546
3Rctntc tje r&rt cbvctten.
première Exposition, elle marquera une date et sera le
point de départ de progrès futurs.
Chaque année, les promoteurs en sont convaincus, con-
solidera l'œuvre commencée, accentuera le mouvement et
groupera davantage les artistes sans distinction de clan
ni d'école.
Ici une question se pose : L'idée d'Art religieux évoque
facilement l'idée d'archéologie, de formules tradition-
nelles, d'art coulé dans les moules des siècles morts.
Quelle sera donc la part de l'archéologie dans cette expo-
sition ? Quelle sera la part de l'idée moderne, neuve, ori-
ginale? L'éclectisme le plus large, on nous l'assure, a
guidé les organisateurs.
Sans repousser la tradition, l'Exposition ouvrira ses
portes toutes grandes aux conceptions modernes.
Dans une œuvre aussi ardue, de longs efforts sont né-
cessaires.
La réalisation d'un pareil projet entraine aussi des frais
considérables. Les organisateurs s'adressent donc à la
générosité de tous les catholiques. Les souscripteurs
auront la satisfaction d'avoir coopéré à une belle œuvre.
Toute personne, qui souscrira pour 25 francs au moins,
recevra une carte d'entrée permanente donnant droit
d'assister aux conférences et auditions musicales.
Envoyer les adhésions,accompagnées des nom, prénoms,
adresse et l'indication de la somme souscrite, au secré-
tariat de l'Exposition, rue Berchmans, à Bruxelles.
OSuorcs nouocilcs.
Église de Saint-Étienne de Niort. — - On vient
d'élever à Niort une intéressante et belle église.
,
N
'*
M i
>\>
M
fT^
Poitiers. Sur notre demande, Monsieur le curé et
notre confrère M. Bontaud nous en ont, avec un
aimable empressement, fourni des photographies
d'après lesquelles nous avons fait faire des clichés
que le lecteur verra avec plaisir.C'est une églisede
grand style, dans le sentiment du XIVe siècle,
Elle est l'œuvre de M. l'architecte Bontaud de
fort élégante d'aspect, avec ses murs en pierre
percés de larges verrières à meneaux rayonnants.
L'effet est puissant par la simple répétition de ce
beau fenestrage. Le comble est un peu dépri-
mé, mais le vaisseau est vraiment remarquable
Chronique.
547
dans sa noble simplicité. Il dessine en plan un
rectangle terminé par un chevet à trois pans, de
largeur égale à celle des travées courantes. L'o-
riginalité de l'œuvre consiste dans l'idée d'élargir
le rez-de-chaussée de cette nef unique, d'une série
de pseudo-chapelles collatérales aveugles, com-
prises entre les contreforts, et en dessous d'un
triforium. Les voûtes reposent sur des piliers, qui,
à l'aide de vigoureux encorbellements, s'arrêtent
un peu au-dessus du sol, pour dégager l'espace et
reporter la poussée en dehors. Les voûtes, de
grande portée, sont à croisées d'ogives, avec
liernes,à huit compartiments ; les nervures sont en
pierre.les voussoirs,en briques, formant monolithe,
malheureusement dissimulées sous un enduit sur
lequel on a tracé une fausse imbrication.
Le triforium, aux arcs trilobés, est d'un bel
effet ; les colonnettes sont en granit poli comme
celles descendant des voûtes.
Sous le chœur règne une crypte à trois nefs.
L'autel est abrité sous un ciborium, très louable
réinstauration d'un antique et excellent usage.
Nos gravures présentent une vue intérieure sur
le chevet, une vue de flanc vers le portail, et une
vue extérieure copiée sur une gravure des Notes
d'art et darcliéologie. Nous ajoutons une vue de
l'autel abrité sous un somptueux triforium.
L'œuvre de M. Bontaud est digne d'éloges ; il a
fidèlement suivi les plus nobles traditions mé-
diévales tout en faisant œuvre neuve et person-
nelle.
L. C.
Vandalisme.
ES destructions les plus déplorables se
multiplient en France. D'après la
Chronique des Arts, après avoir déman-
telé Arras, Saint-Omer, Valenciennes,
Douai, Cambrai, Landrecies, Aire-sur-la-Lys, on
va jeter bas les remparts de Péronne.
En dix ans, toute une région aura été hauss-
mannisée. Il ne restera plus de ces nobles profils
des cités fortes qui jadis étaient fières de leur
couronne murale comme d'un blason d'honneur,
qu'un souvenir poétique.
A ces destructions aucune nécessité. La plu-
part de ces villes sont des villes mortes sur les-
quelles les entrepreneurs se sont abattus : An-
tibes leur a vendu ses nobles fortifications, sans
profit. Aiguës- Mortes est menacée, et Rochefort
est condamné à perdre ses tours sans utilité non
plus.
Pendant ce temps la protection des beautés de
l'art et de la nature s'est organisée chez tous les
voisins. En Italie, en Suisse, en Belgique le mou-
vement de l'opinion en ce sens est remarquable.
Depuis les Calabres jusqu'aux bords du Rhin,
jusqu'à Gand ou Bruges on veille. En Angle-
terre il en va de même. En France les revendi-
cations si légitimes de ceux qui, ne faisant partie
d'aucuneCommission officielle, ont gardé la vertu
de s'indigner, restent sans écho.
BLestaurations.
Carcassonue. — On lit dans le Journal des
A rts.
A restauration de la cité de Carcassonne, com-
mencée vers le milieu du siècle, est au mo-
ment d'être achevée. On vient de rétablir
la grande tour de l'enceinte extérieure, dite de
Bénézet, ouverte à la gorge sur le chemin
de ronde, au devant de la porte du Nord vue de Rodez.
C'est cette petite porte secondaire de la cité qui avait
amené la construction de la tour extérieure, plus grande
que les autres, de même qu'à l'extrémité opposée de l'ovale
de l'enceinte, au Midi, la poterne, percée sur le côté de
la tour Saint-Nazaire, avait fait construire la grande tour
ou plutôt la Crémade.
Un fragment du cylindre de la tour Bénézet, renversé
sans doute par les travaux de mine de quelque siège,
montrait encore les cintres de ses assises inclinées sans
être disjointes, lorsque les artistes dirigés par le baron
Taylor vinrent dessiner les monuments du Languedoc,
dans les premières années d'enthousiasme pour les arts
du moyen âge. Plus tard, le génie militaire ferma la brèche
par un mur droit surmonté de la tablette d'appui régle-
mentaire qui, vraiment, blessait les yeux les moins archi-
tectoniques.
54§
Bcbuc tie P&rr chrétien.
Ce front de la cité porte d'autres marques d'une violerite
attaque. La tour de Marquié qui flanque la porte de Rodez
est fortement inclinée dans sa partie inférieure de l'époque
visigothique et on la jugea cependant assez solide encore
pour supporter les assises redressées en pierres à bossa-
ges des constructions de Philippe le Hardi. C'est ainsi que
les étages supérieurs de la tour penchée de Pise repren-
nent la verticale, si toutefois cette célèbre tour tout en-
tière n'a pas été construite dès le niveau du sol avec une
inclination voulue, ainsi qu'a cherché de le prouver un
archéologue anglais.
C'est sans doute l'inclination de la tour de Marquié qui
a fait naître la légende d'une tour de la cité qui aurait
salué Charlemagne. Mais comme ce ne pouvait être que
la plus haute tour de la vaste forteresse qui aurait rendu
cet honneur au grand empereur à la barbe fleurie, on avait
attaché cet héroïque souvenir a la tour Pinte du château,
laquelle est parfaitement verticale.
La restauration de la cité de Carcassonne fut l'œuvre de
prédilection de Viollet-le-Duc et elle demeure aussi la
plus irréprochable. Le grand initiateur de l'art du moyen
âge était guidé d'ailleurs par l'état des constructions dont
les couronnements seuls et les toitures avaient disparu. Il
n'a guère pu commettre d'erreurs. La couverture en ar-
doise des tours, qu'on lui a reprochée, était indiquée par
le mur pignon de la tour du Trésor, par un bas-relief scul-
pté représentant les tours de la porte Narbonnaise et par
la grande quantité de débris d'ardoises retrouvés. Les tours
furent reconstruites d'ailleurs sous les ordres des rois de
France, par les maîtres d'œuvre du Nord qui avaient tou-
jours employé ce mode de couverture. Seulement Yiol-
let-le-Duc a cru pouvoir se permettre et, en vérité, on ne
saurait l'en blâmer, de remplacer les ardoises de la mon-
tagne Bisre par celles d'Angers, plus légères et plus résis-
tantes.
Mais n'aurait-il pas dû laisser la tuile romaine recou-
vrir les tours plus petites du château et celles qu'il appelle
visigothes qui furent peut-être construites par les Romains
au IVe siècle? Ces tours élevées, celles-ci à une époque où
on n'employait pas encore l'ardoise,celles-là par les archi-
tectes des comtes de Carcassonne, avaient certainement
conservé la tuile, toujours locale d'ailleurs. L'effet général
gagnerait à cette variété autant que la variété archéolo-
gique, et rien n'est plus contraire au sentiment du moyen
âge qu'une uniformité déterminée et absolue.
Viollet-le-Duc a recouvert une seule tour par un dallage,
celle de Saint-Nazaire. Elle était la plus ruinée, démolie
presque jusqu'au sol intérieur. Il était donc libre d'ima-
giner un couronnement nouveau, qu'il n'avait pas prévu
toutefois dans son premier projet gravé dans les Archives
des monuments historiques, mais qu'il a justifié plus tard
par l'opportunité de dresser des pierriers ou mangonneaux
sur cette tour, bâtie sur une des parties des plus exposées
de l'enceinte. Le plus haut étage de toutes les autres tours
est en plancher ; il est donc évident qu'elles étaient cou-
vertes par une charpente et un toit.
Le maître restaurateur avait indiqué un pignon beau-
coup moins élevé que celui qu'on vient de rétablir, pour
les bâtiments du château qui accostent la tour Pinte. Les
successeurs l'ont haussé presque jusqu'à la hauteur de
cette fière tour de guette à laquelle ils ont fait perdre
ainsi le caractère.
Ils n'auraient pas dû de même remonter à neuf la fenêtre
à meneaux que Charles VI I permit d'ouvrir àla tour Saint-
Sernin devenue l'abside d'une chapelle. L'ancienne était
suffisamment conservée,et elle laissait apparaître le rema-
niement curieux du XVe siècle dont la trace a maintenant
disparu.
On voit vraiment trop de parties entièrement neuves a
la cité, surtout au château.
Si la restauration de la partie ogivale de l'ancienne
cathédrale est inattaquable, on doit reprocher à Viollet-
le-Duc d'avoir relevé en grand appareil la façade roma-
ne où le petit appareil se montre si nettement dans les
assises inférieures. Le grand architecte était moins fami-
lier avec l'architecture romane méridionale qu'avec l'art
gothique. Il l'a bien prouvé, hélas ! à Saint-Sernin.
J. DE L.
Varia.
LE 12e Congrès des Orientalistes a été ouvert
à Rome, au Capitole, le 4 octobre, à 10 h.
du matin, en présence des Ministres, des autorités
civiles et militaires, et de nombreux congressistes ;
1,200 membres étaient inscrits. Le Congrès a élu
le sénateur Ascoli comme président d'honneur;
le comte de GwbernAXÀs, président effectif; le comte
de Pulle, secrétaire gâterai : les professeurs Lasi-
nio, Nocentini et Schiaparelli, vice-présidents.
M. Baccelli a salué en latin les congressistes
au nom du roi. Ont pris ensuite la parole le repré-
sentant du maire, le professeur de Gubernatis,
président du comité et organisateur du Congrès,
et tous les délégués des gouvernements repré-
sentés.
LA section du Congrès des Orientalistes de
l'Asie centrale a approuvé la proposition du
comte Pulle, d'instituer un Comité pour l'explo-
ration archéologique de l'Asie centrale. Le Co-
mité aura son siège à St-Pétersbourg.
LE Congrès d'archéologie chrétienne, qui de-
vait se tenir à Ravenne cette année, a été
remis au milieu d'avril 1900 et aura lieu à Rome.
DES statues qui semblent dater de l'époque
de saint Louis viennent d'être découvertes
auprès de la Conciergerie, là où sont effectués
des travaux pour l'agrandissement de la prison.
Ce sont des figures de moines avec des scapu-
laires qu'on suppose avoir été adossées au mur
d'un cloître, mur qui reliait le palais à l'église,
complètement disparue,de Saint-Martin, laquelle
était située sur l'emplacement où est installée à
présent l'infirmerie spéciale. Les statues seront
transportées au Musée Carnavalet.
Note. — Par suite d'abondance de matière nous de-
vons remettre à la livraison prochaine un compte rendu
de l'Exposition de Van Dyck à Anvers.
Imprimé par Desclée, De Brouwer et Cic, Bruges.
Florence, Musée en plein air, par M. Gerspach
Porte de l'église abbatiale de Moutier-Saint-Jean (Côte-d'Or), par
Statuette de la sainte Vierge du XIVe siècle, par M. J. Helbig. ...
En Bavière, notes de voyage, par M. Eug. Son,
(Voir la suite en 1900).
Reliques de Constantinople, par M. F. de Mély
L'achèvement de la tour de St-Rombaut à Malines, par M. J. Helbig.
Le déplacement des fresques, par M. Gerspach.
H. Chabeuf.
p. 1
p. 6
P- "
pp. 13, 104, 227, 491
pp. 91, 208, 318, 478,
... p. 185
P- 191
Le Prieuré de la Haie-aux-Bons-Hommes, par M. l'abbé T.-L. Houdebine. pp. 213, 275 (fin).
L'art hollandais ; Enghelbrechtsz, par M. E. Gavelle pp. 221, 325 (fin).
Martyre et sépulture des Machabées, par Son Ém. le Gard. Rampolla. pp. 290, 377, 457 (fin).
Le trésor de l'église St-Ambroise à Milan, par Mgr X. Barbier de Montault. pp. 309, 502
(Voir la suite en 1900).
Ravenne et Bologne (Carnet de voyage), par M. Gerspach p. 393
Les peintures de Jean Van Eyck restées inachevées, par M. W.-H. James Weale. p. 408
Église Notre-Dame de Lescar, par M. G. Clausse p. 466
ffîéianges.
L'abbaye et les cloîtres de Moissac (J. Helbig). — Notice sur d'anciennes pein-
tures inconnues de l'Ecole flamande (le même). — Le Congrès d'art public et
les musées de l'Italie (M. Gerspach). - - Une fausse sainte Radegonde (Mgr X.
Barbier de Montault). — Essai liturgique (le même) p.
Le débadigeonnage des anciennes peintures murales (J. Helbig). — La maison
des Chartreux à Dijon (H. Chabeuf). — Une hardiesse iconographique (Mgr X.
Barbier de Montault). — L'ivoire de Narbonne (le même). — Le peintre Cornelis
vander Capelle (M. W.-H. James Weale). — Les icônes russes (L. Ci.oquet). — La ligne
droite et la ligne courbe (le même) p.
Le Vase antique de Saint-Savin (J.Helbig).— L'église abbatiale de Cluny (H. Chabeuf). p.
Reconstruction de la façade de la cathédrale de Chartres au XIIe siècle (ierart.)
(M. Lanore). — Le tombeau de saint Wenceslas à la cathédrale de Prague
(F. de Mély). — Pierre sépulcrale de l'église de Maing (L. Serbat). — La cathé-
drale et la forêt (L. Cloquet) p
25
110
235
3-'8
1899. — REVUE DKL'ART CHRETIEN.
550 3&cl)uc tic l'&vt chrétien*
Croix stationale (J. Helbig). — Notes pour la construction d'une église (ier art.)
(L. Cloquet) P- 411
Peinture sur verre (J. Osterrath) p. 513
CorrespouDances.
Italie, par M. Gerspach pp. 47. ,24> 243> 423, S'8
Une église chrétienne au II' siècle, par M. Alb. Battandier
Rome, par M. Alb Battandier
Une médaille juive de Notre-Seigneur, par M. Alb. Battandier.
San Gimignano, par M. H. Chabeuf.
Angleterre, par M. John A. Randolph pp
Espagne, par M. P. Gascon de Gotor
Lettre de M. H. Chabeuf
P- 5'5
p. 126
P- 4i8
P- 342
52, 138. 343. 424, 522
P- 132
P- 53
Tratoaur De© Sociétés 0atiante0.
FRANCE. — Société nationale des Antiquaires de France
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. pp
Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc. ...
Congrès des Sociétés savantes de Toulouse en 1899
Congrès des Sociétés savantes en 1893.
Académie d'Amiens
Commission du Vieux Paris
Société académique de Saint-Quentin.
Commission départementale des Antiquités de la Côte-d'Or.
Société d'archéologie lorraine.
Société historique d'açchéologie de Corbeil, d'Étampes et du Hurepoix.
Conférence d'histoire et d'archéologie du diocèse de Meaux.
Société des Beaux-Arts des Départements.
Socié.é des amis des monuments
Comité des travaux historiques
Congrès archéologique de France.
Commission extramunicipale du Vieux Paris.
Excursion de la Gilde de St-Thomas et de St-Luc dans le Maine, la Touraine et l'Anjou.
Société d'études de la province de Cambrai
Académie des Beaux-Arts.
BELGIQUE. — Académie d'archéologie d'Anvers
Société d'archéologie de Bruxelles
Cercle archéologique de Malines.
Congrès archéologique d'Arlon
Académie royale d'archéologie de Belgique
Société historique de Tournai.
Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège
pp.
54,
142, 245, 345
55.
143,
245,346,432
PP 56, 149
pp.
56, 147, 246
... p. 146
... p. 148
pp.
148,251,351
... P- 149
... p. 148
... p. 150
... p. 150
... p. 151
... p. 250
... p. 251
... p. 347
... P- 347
•■■ P- 351
u.
pp. 426, 524
... p. 44'
... p. 441
... P- 57
PP- 150. 534
... p. 150
... P- 35°
• •• P- 352
... p. 352
• •• P- 352
Btbitograptw.
Première livraison. — Les épées d'honneur envoyées par les Papes aux rois de Portugal au XVe siècle, par
le marquis Mac Swiney de Mashanaglass. — Fondation Eug. Piot. Monuments et Mémoires. — Le Mont
Saint-Michel, par l'abbé A. Bouillet. — Noëls du Bas-Limousin, par Ern. Rupin. — Calendario d'Oro. An-
nuario nobiliare, par le chev. Contigliozzi. — Annuaire du Coaseil héraldique de France, par le vicomte
de Poli. — La maison du Grand St-Bernard, par le chan. E. P. Duc. — L'ancienne cloche de Mattaincourt,
1723, par L. Germain. — S. Mathurin, par Eug. Thoison. — Un livre allemand sur le Limousin, par L. Gui-
Cable Des matières. 55i
bert. — Cathédrale de Barcelone, par F. R. Pedrosa. — Fra Angelico de Fiesole, par Et. Beissel, S. J.,
traduit par J. Helbig. — Ruskin et la religion de la Beauté, par R. de la Sizerane. — Tableaux offerts à la
confrérie de N.-D. de Puy à Amiens, par R. Guerlin. — Le mobilier des églises bretonnes, par l'abbé Abgrall.
— L'église du Sacré-Cœur de Lille, par L. Quarré-Reybourbon. — Anciennes peintures inconnues de
l'école flamande, par M. Delignières. — Fouilles dans l'amphithéâtre de Carthage (1896-1897), par le
R. P.Delattre p. 58
Deuxième livraison. — Léonard de Vinci, par Eug. Mùntz. — Civiltà cattolica, par le R. P. Grisar. — Das
Vater TJnser im Geiste der aeltesten Kirchenvaeter in Bild und Wort, par L. Glôtzle et Dr A. Knopfler. —
Petites Méditations, par Mme de Waresquiel. — La Vierge de Celles-sur-Belle, par Alfr. Largeault. — On
two unusual forms of linen vestments, par Wickham Legg. — The blessing of the episcopal ornament
called the Pall, par le même. — Les églises de Paris, par l'abbé A. Bouillet et G. Petit.— L'Art chrétien dans
la vallée d'Aoste, par l'abbé F. -G. Frutaz. — Le reliquaire à roues de la collégiale de St-Aignan d'Orléans,
par L. Dumuys. — Culte de S. Grat, par le chan. Duc. — Monasticon belge, par D. Ursm. Berlière. — Claustros
romanicos espanoles, par D. Enr. Serrano Fatigati. — Sentimiento de la naturaleza en los relieves
medioevales espanoles, par le même. — Histoire de l'architecture, par Aug. Choisy. — Le Musée d'Amsterdam,
par V. De Striers. — Le vieil Anvers. — L'émeraude de Bajazet II et la médaille du Christ d'Innocent VIII,
par F. de Mély. — Dictionnaire de la Bible, par l'abbé F. Vigouroux. — Le martyre de saint Sébastien, par
M.J. Nève. — La renaissance des études liturgiques, par le chan. UI. Chevallier. — Documents concernant
le bienh. Urbain V, pape, par Ch. Albanès et le chan. UI. Chevallier. -- Cartulaire de Saint-Bernard de
Romay, par le chan. UI. Chevallier. — Gallia Christiana novissima, par le même. — La cathédrale du Puy.
— Gravures d'un fondeur de cloches, par M. Germain. — L'ancienne cloche de Mattaincourt, 1723, par le
même. — Les XV joies de Notre-Dame, par le même p. 155
Troisième livraison. — Hubert et Jan Van Eyck, par L. Kaemmerer. — Collections du château de Golu-
chéw, par \V. Froehner — L'église de Laval-Dieu (Ardennes), par Bouillet. — Notre-Dame d'Auteuil, par
Bouillet et Petit. — La tombe de l'év. Lancelot du Fau, Claude Content, orfèvre de Tours, par L. de Grand-
maison. — Une planche à gravure d'un fondeur de cloches, par L. Germain de Maidy. — Bibliographie des
Inventaires. — Comptes du duc François II de Bretagne, par A. de la Borderie. — Inventaire du trésor
de Saint-Aignan, par L. Dumuys. — Jeanne de Montmorency et sa fille, 1579-1629. — Inventaire de l'église
de Siran, en 1695. — St-André de Léjos, en 1783. — Inventaire du Grand-St-Bernard. — Trésor de
l'église de Ste-Radegonde de Poitiers (1791), par Largeault. — Inventaire de la cathédrale de Narbonne.
— Bulletin de la Société archéologique d'ille et Vilaine. — Le Crucifiement dans l'Art plastique, par
M.Engels. — Traité d'architecture, par L. Cloquet. — Louis Courajod, par A. Marignan. — Les monuments
anciens de Boulogne, par C. Enlart. — Les cloches d'Anvers, par Feid. Donnet. — Œuvres complètes de
Mgr X. Barbier de Montault. — L. Dalman, peintre espagnol, parj. Nève. — Excursion dans le départe-
ment de la Loire. — Dictionnaire de la Bible, par F. Vigouroux. — L'église de Cremeaux, par N. Thiollier. —
Notice de l'église de Curgy, par le même p. 252
Quatrième livraison. — L'Art du XIIIe siècle en France, par Ém. Maie. — La Vierge ouvrante de
Boubon, par l'abbé Lecler et le B" de Verneilh. — Monographie de la cathédrale d'Angers, par J. Denais. —
Pia dictamina, par le P. Clém. Blume. — Registre des anniversaires de la communauté de prêtres séculiers
de St-Maximin, à Magnac-Laval, par L. Guibert. — Bibliographie des Inventaires : Testament de dame
Hélène Volcho, en 1337 : Inventaires de deux Bourgeois de St-Jean d'Angely, du XIVe siècle inventaire
de Pierre Surreau, par F. Félix ; Consignation d'armes italiennes à Lyon, en 1561, par Giraud; Inventaire
des armes et munitions d'Albi, en 1595, par de Rivières ; Inventaire du mobilier d'un négociant Malouin
au XVIIIe siècle, par Decombe ; Inventaire de Jean Berain, en 1711. — Culte de S. Grat, par le chan. Et. Duc.
— St-Etienne du Mont, par Bouillet et Petit. — Église Sainl-Vulfran à Abbeville, par Em. Delignières. —
Ecce Homo de la cathédrale de Meaux, par le chan. Jouy. — S. Antoine le Grand et sa statue â Ocquerre,
par le même. — St-Germain l'Auxerrois, par Bouillet et Petit. — S. Julien du Mans et l'Église slave, par le
chan. Didiot. — Un Crucifix habillé du Xe siècle, par Mgr X. Barbier de Montault. — Volets de retable peint par
Hans Memlinc pour l'abbaye de St-Bertin et St-Omer, par D. J. de Pas p. 356
Cinquième livraison. — Ecce Homo, par le chan. Jouy. — Statue de saint Antoine, par le même. — L'abbé
Ch. Cerf, par l'abbé Al. Hannesse. — Rouleaux d'Exultet, par P. Latil. — L'Art en Chypre, par C. Enlart. —
Sainte-Clotilde de Reims, par A. Gosset. — Saint-Georges de Boscherville, par A. Besnard p. 446
Sixième livraison. — Histoire de l'Art dans l'Antiquité, par G. Perrot et Ch. Chipiez. — Scoperte di antichita
in Napoli dal 1876 a tutto il 1897, par Feid. Colonna. — Analecta Hymnica Medii JE.\i, par les PP. Blume
552 Wit\)m De r&rt chrétien.
et Dreves. — Pour la Croix, esquisse archéologique, par Fr. Christol. — Fouilles de l'abbaye de Saint-Maur
à Glanfeuil, par le P. de la Croix. — Les Saints et les animaux, par M. Bourgeois. — Une statue de sainte
Cécile, par R. Triger. — Mathieu Dionaise, sculpteur Manceau, par le comte Ch. de Beaumont. — Le Mans à
travers les âges, par R. Triger. — Images scolaires. — Bulletin des Commissions royales d'Art et
d'Archéologie. p. 535
Périodiques. pp. 72, 168, 263, 363, 449, 542
Index bibliographique pp. 7$, 170, 264, 365, 450, 544
ClKOiuque.
Première livraison. — MONUMENT DU CARDINAL LAV1GERIE. — L'ORNEMENTATION DES
ÉGLISES. — RESTAURATIONS : Notre-Dame de Paris; Musée de Cluny ; Mont St-Michel ; Ste-
Walburge à Audenarde ; Collégiale de Soignies, etc. — NOUVELLES : Saint-Séverin à Paris ; Florence ;
Monastère du Puy à Périgueux, etc. — PORCHES LATÉRAUX DE CHARTRES. — CHAPELLE
DE SAINT-MARTIN EN BOCAGE. - LES BRESLAY A LA CATHÉDRALE D'ANGERS. — Sar-
cophage à Pamiers ; — Cloche à La Fère. — BELGIQUE : Discours de M. le ministre De Bruyn. — Ex-
position. — Peintures murales. — NÉCROLOGIE : Stuart Knill p. 76
Deuxième livraison.— ÉCOLES SAINT-LUC. — ŒUVRES NOUVELLES: coupole de la rue Jean
Goujon; vitraux.- ANCIENNES PEINTURES MURALES. — PORTRAIT DU CHRIST. —
RESTAURATIONS : cathédrale d'Alby, Saint- Wulfran d'Abbeville, Saint-Jacques de Dieppe, Notre-
Dame du Sablon à Bruxelles, Sainte-Walburge d'Audenarde, Hôtel Gruthuuse à Bruges, Halles de
Malines. — MUSIQUE RELIGIEUSE : a Solesmes, à Maredsous. — NOUVELLES : Société de Saint-
Jean, les clochers de Chartres, Sorbonne, Chauvigny, etc. — DÉCOUVERTES : à Sancerre, à Vienne,
à Châteauneuf, à Bruges et à Liège. p. 174
Troisième livraison. — CONSERVATION DES MONUMENTS. — FRANCE : hôtel Lauzun à Paris;
basilique du Sacré-Cœur; Comités archéologiques; Sainte-Chapelle. -- ROME. — ALLEMAGNE:
Inauguration du Musée Sainte-Odile. — BELGIQUE: triptyque du XVe siècle; halles de Malines;
restaurations à Bruges, à Tournai. — VARIA. — NÉCROLOGIE : Le docteur Franz Bock. p. 268
Quatrième livraison. — NOUVELLE ÉGLISE A LOURDES. — L'EFFIGIE DU CHRIST. — FRES-
QUES A DIJON. — COLLECTION DE BAYE. — LES MONUMENTS EN BELGIQUE. — VARIA. —
NÉCROLOGIE: Le comte Vespignani P- 37°
Cinquième livraison. — CONGRÈS: Boulogne, Kiew, Gilde de St-Thomas et de St-Luc. — MONT
ST-MICHEL. — RESTAURATIONS: cathédrale de Rouen; église de Lobbes, de Flobecq, tour
Saint-Jacques à Anvers, Chemin de Croix à Gand, etc. ; COMMISSION ROYALE DES MONU-
MENTS DE BELGIQUE. — EXPOSITIONS : Exposition rétrospective de Bayeux, Exposition d'Art
chrétien à Bruxelles. — NOUVELLES P- 451
Sixième livraison. -- UNE EXPOSITION D'ART RELIGIEUX A BRUXELLES. — ŒUVRES
NOUVELLES: Église de Saint-Étienne de Niort. — VANDALISME. — RESTAURATIONS: cité
de Carcassonne. — VARIA P- 545
i§ Table Ses Planches, frt»
I. — Statuette de la Ste Vierge du XIVe siècle.
II. — La Sainte Cène, tapisserie de 1516, conservée à la Congrégation du Saint-Sacrement à
Camaiore (Toscane).
III. IV et V. — Peintures murales du Prieuré de la Haie-aux-Bons-Hommes.
VI. — Partie centrale du grand triptyque d'Enghelbrechtsz au Musée de Leyde.
VII. — Pierre funéraire de l'église de Maing, près de Valenciennes.
VIII. — Sépulture d'Antonio Galiazzo Bentivoglio à Bologne.
IX. — Face antérieure du Sarcophage des Machabées à Rome.
Cable Des matières.
553
Vignettes intercalées Dans le tejrte.
Porte de l'église de Réome (XIIIssièc!e). ...
Wùrzbourg. — Tombeau de l'évêque Jean II.
Rothenbourg. — Mur d'enceinte
Nuremberg. — Le tombeau de saint Sébald.
Id. Église Saint-Laurent.
Id. Id. Id. (chœur).
Moissac. — Plan de l'église et du cloître.
Id. Tombeau de R. de Montpezat.
Id. Inscription de 1063.
Id. Inscription de la construction
du cloître.
Id. Saint Simon
Id. Chapiteaux. pp.
Id Saint Pierre, statue du portail.
Id. Trumeau du portail de l'église.
Id. Église, côté du Sud.
Id. Id. salle voûtée.
La Madone et l'Enfant ; sainte Marie Ma-
deleine et saint Jean-Baptiste, peintures.
La Résurrection, à l'église del Carminé à
Brescia.
Noli me tangere. Id. Id.
L'Apparition de N.-S. à la Ste Vierge. Id.
Croix de l'Impératrice Galla Placidia (Ve s.).
Portraits de l'Impératrice Galla Placidia,
d'Honorius et de Valentinien III, mé-
daillon.
Buste de sainte Fortunade
Abbaye du Mont Saint-Michel. — Salle des
Chevaliers.
Id. Id. Grotte de l'Aquilon.
Id. Id. Cloître
Le Mont Saint-Michel, vu de la digue. ...
Barcelone. — Plan de la cathédr. et du
cloître
Id. Base de colonne soutenant le
tombeau de Ste Eulalie dans la crypte.
Chapiteau de la crypte.
Personnages des fresques de Nieuport.
Id. Id. Id.
Id. Id. Id.
Saint Louis, miniature
Réception par S. Louis de la Ste Couronne
d'épines
Ste Couronne d'épines de N.-D. de Paris.
Nouveau reliquaire de la Ste Couronne de
N.-D. de Paris
Sainte Couronne, premier reliquaire.
Id. reliquaire.
Id. Id. au XVIIe siècle.
Reliquaire de la sainte Épine du Puy.
Reliquaire des Stes Épines de St-Marc de
Venise.
Sainte Épine de Séez
P- 7
» 16
2> 18
V> 20
» 22
> 22
» 25
» 20
» 27
» 28
» 28
29à 34
P- 35
» 35
» 36
» 37
» 47
» 48
» 49
» 49
)) 50
» 51
» 59
» 60
ï> 61
» 62
» 63
» 67
» 68
» 68
» 86
» 87
» 88
» 92
» 92
» 94
» 95
» 96
» 97
» 97
> 99
5> IO0
» I03
Nuremberg. — La fontaine de la vertu.
Id. La Maison de Nassau.
Nuremberg. — La Maison d'Albert Durer.
Id. Id. (vue intérieure).
Id. Fortifications
La maison du Miroir à Dijon.
Sarcophage de Ste Engracia à Saragosse.
Porte de Ville de Southampton
La flèche tordue de Chesterfleld
Plan de l'église cathédrale de Meaux.
Triforium Id. Id.
L'Adoration des Mages, par Léonard de Vinci.
Saint Jérôme. Id.
Esquisse de la statue de François Sforza.
La belle Ferronnière
Fragment de la Cène
Spécimen d'écriture de Léonard de Vinci.
Tour de Saint-Rombaut
Id. Id.
Déplacement des fresques, nos 1 à 4. pp. 11
Reliquaire de la sainte Épine d'Assise.
Id. du couvent de la Trinité à Paris.
Reliquaire des Stes Épines à Roncevaux.
Reliquaire de la sainte Épine d'Arras.
)d. de Saint-Maurice en Valais.
Triptyque d'Enghelbrechtsz au Musée de
Leyde pp. 2:
Adoration des rois de Gentile da Fabriano.
Ratisbonne. — Cathédrale
Id. Église Saint-Jacques.
Vue générale de l'abbaye de Cluny.
Église de Saint-Sernin à Toulouse.
Halles de Malines
Souterrain de l'Évêché de Tournai.
Reliquaire de la sainte Épine des Domi-
nicains de Liège
Couronne des Dominicains de Liège.
Lettre de saint Louis à Gui de la Tour.
Croix d'Orval
Reliquaire des épines de Sainte-Praxède
à Rome
Reliquaire de la sainte Épine au British-
Museum.
Partie centrale d'un retable du Musée de
Cluny
Figures d'un volet du grand triptyque
d'Enghelbrechtsz au Musée de Leyde.
Façade de la cathédrale de Chartres.
Détails des clochers Nord et Sud
Portail de la cathédrale de Chartres.
Statue de St Firmin. — Amiens
Statue de St Théodore. — Chartres.
Statue de St Paul. — Musée de Toulouse.
Le Jugement dernier à Bourges
P-
104
»
105
»
106
>
107
»
108
>
113
>
'34
>
138
>
'39
y
152
>
'53
»
'55
»
156
>
156
>
156
>
'57
>
'57
»
187
»
189
8 h
205
P-
208
>
209
>
210
>
21 1
»
212
3â
225
P-
225
»
2^2
»
233
»
239
>
249
>
271
>
271
>
3'8
»
3'8
»
3'9
»
3"
>
3?3
>
3ij
>
326
>
326
»
329
»
33°
>
341
>
354
»
354
>
355
»
356
554
WitWt De l'&rt chrétien.
Portrait de l'emper. Justinien à Ravenne.
Mosaïque de l'église San Michèle. Id.
Bologne. Sépultures des Accorso
Id. Sépulture de Giovanni d'Andréa.
Id. Id. d'Alexandro Tartagni.
Id. Id. de Pietro Canonici.
Id. La pace de 1321
Id. La mort de la Vierge.
Id. La Résurrection
Croix stationale, face
Id. revers
Plans d'églises.
Plan de l'église de Petit-Andély
Chevet de la cathédrale du Mans.
Plan d'église paroissiale
Plan de l'ancienne cathéd. de Bologne.
Plan de l'abbatiale de Villers.
Plan de la cathédrale de Coutances.
Médaille juive à l'effigie du Sauveur.
Id. Id. Id.
Cathédr. de Chartres. — Plan
Id. — Façade.
Id. — Vue h vol d'oiseau.
Id. — Vue int. du chœur.
Id. — Id. de la nef.
Maison de la reine Bérengère
Cathédrale du Mans. — Plan
Id. — Vue extérieure.
Angers. — Plan des voûtes de l'hôtel
Barrau
Id. — Plan des deux églises de Ronceray.
Croquis de voûtes gantoises
Plan du chœur de l'église d'Asnières. ...
Angers. — Plan de l'église de Toussaint.
Id. — Plan du chœur de Saint-Serge.
Ecce Homo, XVIe siècle
Statuette de saint Antoine
Plan de l'église Ste-Sophie à Constanti-
nople.
Chapiteaux de Boscherville
Id. Id-
395
398
401
402
403
404
404
406
407
411
412
4i5
416
416
416
4i7
4i7
417
418
419
426
427
42S
429
430
43'
433
434
436
437
439
439
439
440
442
442
445
446
447
L'église de Boscherville (Haute-Normandie).
N.-D. de Lescar. — Plan
Id. Abside.
Id. Nefs
Id. Intérieur du chœur.
Id. Mosaïque gallo-ro-
maine.
Premier reliquaire de pierre de la sainte
Épine à Sant' Elpidio a Mare
Reliquaire de la sainte Épine de Fermo.
Id. Id. d'Ascoli.
Ange portant l'Épinedu reliquaire d'Ascoli.
Reliquaire de la sainte Épine de Bari.
Id. Id. à Gand. ...
Munich. — Basilique Saint-Boniface. ...
Reliquaire de San Jacopo (1407), à Pistoia.
L'Annonciation (1250), à Pistoia
L'Annonciation, la Visitation, l'Adoration
des Rois Mages (1270), à Pistoia.
Croix processionnelle (15921, à Lombardie.
Cunault. — Intérieur de l'église
Loches. — Le donjon
Le château et la collégiale.
La collégiale Notre-Dame, vue
de la vallée de l'Indre.
Hôtel-de-ville
La porte des Cordeliers.
- La tour de l'église abbatiale.
P-
44b
»
468
»
469
>
471
»
473
Id.
Id.
Id.
Id.
Beaulieu.
Tours. — Transept de l'église Saint-Julien. »
Id. Façade de la cathédrale »
Id. Partie supérieure du vitrail de
St- Martin »
Plaque d'or trouvée à Eleusis. »
Bouclier votif en bronze »
Pendant de collier en or >
Fibules d'Asie mineure, de Dodone et à
spires de Béotie. »
Plan de l'abbaye Saint-Maur >
Saint Antoine et les lions »
Niort. — Vues intérieures de l'église Saint-
Étienne pp. 546 à
» 476
» 478
» 478
» 480
» 481
» 4S3
» 489
> 491
» 518
» 519
> 520
> 521
» 525
> 527
» 528
529
529
53°
530
53i
532
533
535
536
537
537
540
54i
547
4jj Table par noms D'auteurs. $h
ARNOULD (André.) — Fresques à Dijon (Chronique)
Baruier de MONTA ULT (Mgr X.) — Le trésor de l'église St-Ambroise à Milan
Une fausse sainte Radegonde (Mélanges)
Un essai liturgique ( Id. ).
Une double hardiesse iconographique ( Id. )
L'ivoire de Narbonne ( Id. )
Bibliographie. pp. 64, 65, 66, 160, 161, 162, 163, 253, 254, 357, 358» 359i 360,
Il \i IANDIER (I)om A.). — Rome, Le Colisée et les martyrs (Correspondance)
Une médaille juive de Notre-Seigneur ( Id. )
Description d'une église chrétienne au II'' siècle ( Id. )
... P- 370
pp. 306, 502
... p. 42
... p. 45
... p. 118
... p. iiy
361, 363,442,
542, 547, 548
... p. 126
... p. 418
... P- 5 ' 5
Cable Des matières.
555
Casier (Jos.). -
Clausse (G.).
Chabeuf (H.).
Clerval (A.). —
Cloquet (Louis).
60
466
6
1 10
238
342
53
449
80
Cloquet et Casier. -
DE FARCY (L.). —
DE MÉLY (F.). —
E. S. —
Gascon de Gotor (P
Gavelle (Ém.).
Germain (L.). —
Gerspach. —
Helbig (J.). —
Houdebine (Tim.L.).
Lanore (M.). —
Lucas (Ch.). —
L. J. L. -
L. S. —
Bibliographie. p
L'église de Notre-Dame de Lescar. p
Porte de l'église abbatiale de Moutier St-Jean (Côte d'Or) p
Le débadigeonnage des anciennes peintures murales (Mélanges) p
Comment a été détruite l'église abbatiale de Cluny ( Ici. ). p
San Gemignano (Correspondance). p
Correspondance. p
Périodiques. p
Porches latéraux de Chartres (Chronique) p
L'ivoire de Narbonne (Mélanges).
Les icônes russes. ( Id. ).
La ligne droite et la ligne courbe ( Id. )
La Cathédrale et la Forêt (Mélanges)
Notes pratiques pour la construction d'une église (Mélanges)
Travaux des Sociétés savantes.
Bibliographie, pp. 66, 69, 70, 71, 164, 165, 166, 167, 257, 259, 260, 261, 262, 362,
539,
Périodiques.
Nouvelle église à Lourdes (Chronique)
L'effigie du Christ ( Id. )
Chronique
- Excursion de la Gilde de St-Thomas et St-Luc dans le Maine, la Tou-
raine et l'Anjou (Tr. des Sociétés savantes). pp.
Les de Breslay à la cathédrale d'Angers
Reliques de Constantinople. pp. 91,208,
Le tombeau de saint Wenceslas à la cathédrale de Prague (Mélanges).
Bibliographie pp. 58, 155, 253,
Travaux des Sociétés savantes.
). — Correspondance d'Espagne
Contribution à l'étude de l'art hollandais antérieur au XVIIe siècle.
Englielbrechtsz pp.
Bibliographie
Florence. Musée en plein air
Le déplacement des fresques
Ravenne et Bologne. — Carnet de voyage.
Le Congrès d'art public de Bruxelles et les Musées de l'Italie (Mélanges).
Correspondance d'Italie. pp. 47, 124 243,
L'achèvement de la tour de St-Rombaut à Malines
Statuette de la Ste Vierge du XVe siècle
L'abbaye et les cloîtres de Moissac (Mélanges).
Notice sur plusieurs anciennes peintures inconnues de l'École flamande
(Mélanges). p. 38
Le Vase antique de St-Savin (Mélanges) p. 23;
Croix stationale ( Id. ) p. 411
Bibliographie pp. 58, 158, 159, 252
Périodiques. p. 168
Nécrologie : Stuart Knill p. 88
-Le Prieuré de la 1 Haie-aux-Bons-Hommes-lez-Angers » p. 213
Reconstruction de la façade de la cathédrale de Chartres au XII" siècle
(Mélanges) p. 328
Bibliographie p. 256
L'ornementation des églises (Chronique). p. 76
Pierre sépulcrale de l'église de Maing (Mélanges) p. 337
P-
119
p-
121
p-
122
p-
339
p-
413
p-
142
444,
446,
540,
541
P-
169
P-
3^o
P-
37o
P-
45i
426
524
P-
82
3i8
478
P-
335
353,
5 35
P-
347
P-
132
!2I, 325
P- 539
1
191
393
39
423, 51S
p. 185
p. 10
p. 25
Marquet DE Vassei.OT (Jean-J.). — Bibliographie
Osterrath (J.). — Peinture sur verre (Mélanges)
RAMPOLLA(leCard.). — Martyre et sépulture des Machabées
Randolph(Jo1iii A.). — La «croix arborescente )) de Godshill. Ile de Wight.
Correspondance d'Angleterre
ROHAULT DE FLEURY (G.)- — Bibliographie
ROULIN (Dom E.) —
R. V. —
Soil (Eug.). —
Th. -
WEALE (YV.-H. James).
Bibliographie
Périodiques.
Périodiques.
En Bavière. (Notes de voyage)
Bibliographie
— Les peintures de Jean Van Eyck restées inachevées.
Le Peintre Gornelis vander Capelle (Mélanges).
P- 443
P- 5'3
... pp. 290, 377, 457
P- 424
pp. 52, 138, 343,424, 522
P- 443
pp. 163, 164
p. 168
P- 72
pp. 13, 104, 227, 491
P- 256
p. 408
p. 120
Talilc analytique. v|f
Aaron, 409.
abbaye, de : Auberive, 114 ; — Basingwerk,
522 ; — Cluny, 348 ; — Denligh, 140 ; —
Fontgombault, 475 ; — Granselve, 250 ; —
Hayles, 141 ; — Herham, 522 ; — Llan-
tony, 140 ; — Lobbes, 454 ; — Malmesbu-
ry, 140; — Medmenhani, 522 ; — Mont-
Saint-Michel, 60, 146; — Moutier-St-Jean,
6; — Nantua, 45; — Saint-Alban, 140,
425 ; — Saint-Florent sur le Tliouet, 525 ;
— Solesmes, 43s ; — Valcroissant, 109 ;
— Villers, 542 ; — Waverley, 139 ; —
Westminster, 138.
abbayes d'occident, 250.
abbés-chevaliers, 26.
Abbeville, Ecce hommo, 98 ; — église St-Wul-
fran, 177, 361; — peintures flamandes, 71; —
abside en cul de four, 216.
Académie, d'Amiens, 148 ; — d'archéologie
d'Anvers, 57 ; — des beaux-arts, 441 ; —
des Inscriptions et Belles- Lettres, 143, 245,
346, 446 ; — royale de Belgique, 352.
Accorso (sépulture des) 401.
Acta urbis Antioehiœ, 377.
Adam donnant leurs noms aux bêtes, 280.
Adam et Eve (Iconographie d'), 133.
Adoration des mages, 155.
Aerschot, église Notre-Dame, 175.
Agamemnon (cuirasse d'), 536.
Agathias, 457.
Agen, objets gallo-romains, 245.
Agincourt (d'), 443.
Aix-la- Chapelle, dalmatiquede Saint- Laurent,
307 ; — paliotto, 314.
Albanie, antiquités découvertes, 144 ; — né-
cropoles, 250.
Alby, cathédrale, 176.
Alcobazar (chaudron d'), 143.
Alexandrie, colosse. 146.
Alfred (bijou du roi), 512.
Allemagne, 270 ; — Musée du Mont-Sie-
Odile, 270.
Alost, hôtel de ville, 79.
Avibrosiana, 336.
âme, iconographie, 118, 136.
Ami des monuments (Y), 263, 449.
Amiens, Académie, 148 ; — ateliers de pein-
ture, 70 ; — statue de S. Firmin, 354.
Amphithéâtres à Rome (les), 127.
Atnpkitheatrum Castrense, 128.
ampoules à eulogies, 143.
Amsterdam, musée national, 164, 225 ; —
tableau de Rembrand, 456.
Analecta, Bollandiana, 126 ; — hymniea,
162, 358. 538.
Andréa (Giov. ) (tombeau d'), 402.
Andréa da Fiesole, sculpteur, 404.
Andria, Ste Épine, 483.
âne, iconographie, 311,
Angelico da Fiesole, 9, 69.
Angers, armoiries, 276; — cathédrale, 72, 162,
287, 357. 436 ; — château-fort, 437; — église
du prieuré de la Haie-aux-Bons-Hommes,
116, 275, — église du Ronseray, 437 ; —
église St Martin, 439 ; — église St-Maurice,
440 ; — église Si-Serge, 440 ; — église de
Notre-Dame, 452 ; — évêché, 287; — Gilde
S t- Thomas et St-Luc, 452 ; — Grand hôtel,
436; — greniers St-Jean, 284, 452; —
hôpital, 436 ; — hôtel Barrau, 436 ; — hôtel
Pincé, 436; — prieuré de la Haie-aux-Bons-
Hommes, 213-216, 257-285; — musée, 59 ;
— la Ronceray, 287 ; — ruines de la collé-
giale de la Toussaint, 438. 439; — tour
St-Aubin, 287, 452 ; — la Trinité, 287.
Angleterre, restaurations monumentales, 53,
141. 344. 425
Anguisciola, et son opuscule, 422.
Anjou, au XII« s., 287, 288 ; — excursion
archéologique, 451.
Anna/es archéologiques, 211.
Anne {style de la reine), 52.
Annonciation, 310, 311, 519.
Ansbach, 17 ; — château du prince, 17 ; —
église St-Cunibert, 17; — statue de Georges
le Pieux, 17.
Antibes, fortifications, 547.
Antioche, basilique des Machabées, 387 ; —
cerateum, 383-385, 390 ; — évêque, 304 : —
fondations, 380 ; — grotte de St-Paul, 386 ;
— lieu du martyre des Machabées, 295 ; —
topographie, 384 ; — reliques des Macha-
bées, 296.
Antiochus, 290, 380 ; — (persécution d'), 291.
antiquités, judaïques, 294, 295; — nationales,
209.
Antoine, ingénieur, 417.
Antonin (temple d'), 246.
Antonin de Plaisance, 297, 462.
Anvers, académie d' archéologie, 57; — cloches
anciennes, 260; — tour St-Jacques, 454; —
Vieil Anvers, 165 ; — Vieille boucherie,
373-
Aoste, Annuaire du diocèse, 263 ; — culte de
St-Grat, 162 ; — reliques à la cathédrale,
162.
Aphko, cachet phénicien, 145.
apôtres (les), 315.
apparition de N. S. à la Ste Vierge, peinture
du XV1« s. , 49.
Appelterre, croix triomphale, 454.
Aquene, statue de St Antoine, 362.
Arbres de Jessé, 79.
Arcanum (loi del'), 130.
architecture, bourguignonne, 251 ; — fran-
çaise, 444 ; -gothique, 166, 339; — métal-
lique, 445; — militaire en France, 56; — ro-
mane, 146, 247, 486 ; — style de la reine
Anne, 52,
Architecture ( Histoire de l'J, 164; — f traités
d-), 256.
Architrulinus, 134.
Archives, départementales de l'Aveyron, 55 ;
— de Fontenelle, 338 ; — delà TrémouiUe,
487 ; — du Luxembourg, 482.
Argentine, 244.
Ariège, église gothique, 166 ; — église ro-
mane, 237.
Arles, église St-Trophime, 8; — concile, 515.
Arlon, congrès archéologique, 350.
armes, en bronze, 371; — italiennes (inventaire
<0. 359-
Arnaut (Rich.) (inventaire d"), 359.
Arnould (André), 177, 178, 370.
Arras, reliquaire, 211.
art, ancien, 85, 535 ; — arabe, 54 ; — asiati-
que, 144 ; — bourguignon, 8, 9 ; — byzan-
tin, 507 (V. Ravenne); — chrétien, 85, 161,
^74- 37J. 455. 5l8- 545 : — chypriote, 444;
— égyptien, 245; — franc, 258; — français,
12. 28, 143, 164, 257, 258 ; —gallo-romain,
258 ; — gothique, 80, 258, 286, 443, 444;
— grec, 491, 492 ; — hollandais, 221, 325 ;
— italien, 343 ; — mérovingien, ^36 ; — du
moyen âge, n ; — plastique, 256 ; — ro-
main, 143, 158 ; — roman, 250 ; — toscan,
342.
Ait, et industrie, 542; — du XI H* siècle en
France (Y), 353 ; — (Histoire de l'J, 5^5.
Arte (L j, 363, 542.
artistes, hollandais, 221 ; — du moyen âge,
283 ; — toscans, 342 ; — (natures d'), 363,
542. 543-
Artois, maîtres d'oeuvres, 363.
Aryens, 351.
Ascoli, reliquaire de la Ste Epine, 479-481.
Ashmansworth, fresque du XIIe s., 523.
Asnière, église, 439.
assiette en étain, 455.
Assise, reliquaire de la Ste Epine, 208.
Assises de Jérusalem, 444.
Assomption, 136, 137.
Ath, tour du Burbant, 273.
Auberive, abbaye 114.
Aubriot, Guillaume, Jacques et Jean, 115.
Audenarde, église Ste-Walburge, 78, 179.
Autel d'or, 306, 309.
Autun, cathédrale, 349.
Auxerre, 10.
A vallon, église St-Lazare, 349,
Avent, 45.
Baal, '78.
Babylas (tombeau de), 463.
Badeix, prieuré, 217.
badigeon (V. débadigeonnage).
Baelen, église, 273.
Bajazet II (émeraude de), 166.
Bamberg, bibliothèque, 229; — cathédrale,
227 ; — église Saint-Jacques, 229 ; — église
St-Michel, 229 ; — église Notre-Dame, 229;
— hôtel de ville, 220 ; — résidence des évê-
ques, 229.
Bangor, sarcophages, 425.
Baptistère de Ravenne, 393, 39.
Barcelone, base de colonne et chapiteau, 68 ;
— cathédrale, 66 ; — Ste Épine, 212.
Bardo, musée, 245.
Bari, reliquaire de la Ste Epine, 483.
Barna de Sienne, 342.
Bartoh (Taddeo), 342.
Basile (ménologe de), 31:, 378.
basilique latine, 455.
Basingwerk, abbaye, 522.
bas- Limousin (Noélsdu), 64.
bas-relief du XIVe s,, 444.
Basse-Egypte, statuette en bronze, 142.
bassin en cuivre gravé, 444.
Bastille (la), 148.
Batonard, acquéreur de l'abbaye de Cluny,
240..
1899. — Table analytique.
558
3&etnte tic ravr chrétien.
Battandier (Mgr), 126, 418.515.
Baudouin (empereur), 91.
Bavière, 13 ; — Arts, 13, 15 ; — Notes de
voyage, 13. 104, 227, 491.
Baye (de) (collection), 37t.
Bayeux, exposition, 455.
Beau artistique (le), 413;— esthétique, 70,413.
Beaulieu, église abbatiale, 530 ; — église pa-
roissiale, 530.
lïeaumont, église, 250.
Beaumont (VIe) (statue couchée du), 435.
Beaune. collégiale Noue-Dame, 348.
Beauté (religion de la), 70.
Beethoven, 180.
Belgique (monuments de), 372.
Belot (M. Charles), 8.
Bénévent, lampe en bronze du IVe s., 345.
Bentivoglio (Ant.) (tombeau de), 403.
Béotie, fibules à spires, 537.
Bérain (J.} (inventaire de), 360.
Bérangere, maison de la reine, 431 ; — sou-
terrains, 433
Bérénice (vase de), 345.
Bergen, Ste Épine, 479.
Berlin, musée, 166.
Bernard, abbé, 6 ; — l'Apothicaire, 9 ; —
saint, 11 +
Berry (duc de) (Ste Épine du), 488
Berzé-la-Ville. chapelle, 349 ; — château des
moines, 349.
Besançon, lectionnaire du XII- s , 484 ; —
Ste Epine, 484.
Bethune (B"»), 175.
B^uron, bénédictins artistes, 118.
Beyrouth, inscription en bronze, 345.
Bible, latine de Frédéric d'Urbin, 363; — Ma-
zarine. 53; — deSt-Paul à Rome, 137,
314 ; — syriaque, 515.
Bible [dictionnaire de là) , 166.
Bibliographie, 58, 155, 252, 353, 422, 535.
bijoux albanais, 250.
Binche, hôtel de ville, 454.
Biran imaréch. de), 167.
Bock (le D'Pr.), 273.
bœuf, iconographie, 311.
Bois-Rahier (le) en Touraine, 214.
boiseries sculptées, 253.
boites eucharistiques, 306.
Bolgary, anciens cadenas, 142.
Bollandistes (les), 297.
Bologne, Face, 404 ; — pierres tombales,
404 ; — reliquaire en argent doré, 543 ; —
sculpteurs, 405 ; — tombeau des Accorso,
401-402; — de Bentivoglio, 403; — de
canonici Pietro, 404 ; — de Giovanni d'An-
dréa, 402 ; — de san Giacomo Maggiore,
403 ; — de Torquati, 403 ; — tombeaux
antiques, 402 ; — université, 401.
Bonn, panneau peint, 120.
Bordas de St-Malo (inventaire de), 360.
Borghèse, musée de la villa, 456.
Bosceto (Jac. ), orfèvre, 543.
Boscherville, église et abbaye St-Georges,
446, 448-
Bouicelh (vente d'un tableau de), 423, 456.
Boubon, vierge ouvrante, 357.
Bouby, ruines, 247.
Bouchardon (Edme), 178,
bouclier votil en bronze, 536.
Boulogne, cathédrale, 417; — congrès, 451 ;
monuments anciens, 259.
Bourbon l'Archambault, Ste Épine, 486.
Bourg-Moyen, Ste Kpine, 322.
Bourgeois (Jean), 1 15.
Bourges, cathédrale, 2^1 ; — Le jugemen (
dernier, 356.
Bourgogne, maîtres d' œuvres, 263.
Boutin (Gui 11.) (inventaire de), 359.
bras-reliquaire, 56 ; — du XIII' s., 150.
Brecht (Campine), église, 179.
Brescia, croix de Galla Placidia, 48; — dé-
couvertes de fresques, 47 ; — musée chré-
tien, 48.
Bresly, l Ltuetti [dlo-romaines, 54.
Bretagne, mobilier artistique des églises, 70.
Brioude, église St Julien, 250.
British muséum, 139, 166.
bronze (taureau de;, 147.
Bruges, cathédrale, 78 ; — cheminée ancienne,
373 ; — collection de dentelles, 373 ; -
église Ste-Walburge, 179; — église des PP.
Jésuites, 417 ; — exposition de tableaux an-
ciens, 408 ; — hôtel Gruuthuuse, 179 ; —
Maison noire (la), 79 ; — maternité (la),
hôpital St-Jean, 271 ; — restauration des
monuments, 372 ; — tombeaux polychro
mes, 183, 352.
Bruni (Léon) (tombeau de), 124.
Bruniel (tombeau des), 339.
Bruxelles, Commission royale des monuments,
84, 454 ; — cours d'art public, 39 ; — église
duSablon, 179; — exposition d'art religieux,
85. 545; — grande Place, 372 ; — musée
national, 270 ; — Société $ archéologie x
150.
Butlder [the), 425.
Buissière-Badil, madones antiques, 541.
Buisson ardent (le), 409.
Bulletin monumental, 169, 263,
Buompedoni (famille), 346.
buste en bronze, 142.
G.
cadran, d'horloges, 140; — solaire, 144.
Caïphe, 325.
Caistor, château, 425.
Calendrier de Coligny, 143.
calendrier constantinien, 346.
calice antique, 253.
Camaiore, tapisserie de 1516, 126.
Cambrai, société d'études, 441.
Canici (Guetano), 342.
Canone [la), manuscrit ancien, 319.
Canonici (Piet.) (tombeau de), 404.
Canterbury. carillon mécanique, 52.
Capelle (Cornélis van der), peintre, 120.
Capitole, 245.'
Carcassonne, restaurations, 547.
carillon mécanique, 52.
Carmen paschale, 315.
Carnavalet, musée, 54.
carçuan, anneau de fer, 323.
carreaux vernissés, 248, 249.
Carthage, cadran solaire, 144 ; — -découvertes
archéologiques, 143, 346 ; — fouilles, 71,
245 ; — hache phénicienne, 245 ; — inscrip-
tion étrusque, 143, 144 ; — lampe antique,
142 ; — musée. 345 ; — nécropole punique,
145 ; — portes antiques, 55 ; — statues an-
tiques, 246.
Casier (Jos.), 60, 524.
Castagno (Andr. del), peintre. 243.
Castelsarrazin, clocher, 250.
castor, iconographie, 282.
Catane, Ste- pine, 483.
cathédrale, d'Alby, 176 ; — Angers, 82, 162,
357' 43° ! — Autun, 349 ; — Barcelone, 66;
— Boulogne. 417; — Bourges, 251; — Bru-
ges, 78 ; — Chartres, 318, 426-430, 513; —
( ItTinont, 248 ; — Coutances, 417; — Dur-
ham, 140; — Famagouste, 444 ; — Fulbert,
328; — Gloucester, 343; — I_.angres.349 > —
Londres (St-Paul), 343 ; — Mans, 446, 1 $3,
513; — M eaux, 151, 152, 154, 442; —
Munich, 442; — Nicosie, 444 ; — Norwich,
139,344; — Périgueux, 54; — Peterborough,
140; — Puy, 166; — Ratisbonne 231 ; —
Reims, 146; — Rouen, 453; — Salei ne,
— Senlis, 154; — Sens, 151; — Soutwark,
z,^ ; — Tours, 531 ; — Truro, 52, 140 ; —
Westminster, 141,425 ;— Winchester, 141 ;
— Wùrzbourg. 17.
Caucase, ossements peints, 345 ; — petits édi-
cules, 142.
caves ogivales, 352.
Ceccarelli (Ohnto) 342.
Celles-sur-Belle, Vierge miraculeuse, 160.
cène (fresque de la), (Léon, de Vinci), 157; —
tapisserie à Camaiore, 166-127.
céramique, collection, 438.
ciratenm, 302.
Cerf (le chIlc Ch. ), 442 ; — armoiries, 443.
Chabeuf(H.) 6, 10,53, 73> "8, 143, 238,
242, 441, 449.
Chabotteau, tondeur decloches, 352.
chaire épiscopale du XIVe s., 69.
Chaire-du- Vicomte, église, 248.
Chambéry, musée, 9.
Champmol, chartreuse, 115.
Champollion, 132.
chant grégorien, i79.(V. musique religieuse).
Chaptal, 241.
Charismata, 516.
Charlemagne, 466 ; — statue, 54.
Charleroi, forteresse, 352.
Charles, le Téméraire (tombeau de), 149 ; —
IV (Ste Épine de), 485 ; —V, 9; — VI, 115.
Chartres, cathédrale, 328-330, 340, 426,-430,
513; — clochers, 180. 328; — crypte de
St-Lubin, 429; — église St-Agnan, 426 ; —
église St-Brice, 426; — église St- Pierre, 426;
— obituaire du Chapitre, 334 ; — porches
latéraux, 80; — statue de S. Théodore,
354, — vitraux, 356.
Châsse de Mummol, 54.
château, d'Angers (V.Angers); — d'Ans-
bach; — de Berzé-la-Ville, 349, 359; —
' !aistor,425 ; — Chepstow, 522 ; — Gérard
le Dialjleà tiand,i73 ; — Loches, 527; —
Noue, 268 ; — Nuremberg, 706 ; — Sand-
gate, -2 ; — Septfontaines, 351 ; — Tours,
526 ; — Verzé-la-Ville, 347; — Villers-Cot-
teret, 268.
Châteauchalon, reliquaire, 251.
Châteauneuf, cloche du XVe s., 182.
Chatel (Pierre du) (Ste-Épine de), 489.
Chaumont (vandalismeà), 178.
Chauves (Nic.de), architecte, 151.
Chauvigny, édifices féodaux, 181.
Chepstow, château historique, 522.
Chéragau, maison de campagne romaine, 247;
— statues de dieux. 247.
Cherlieu, abbaye, 114.
Chesterfield, flèche tordue, 139.
Choré (église de).
Chosroès, 385.
chrétiens aux lions (les), 129.
Christ, 9, 44. 141, 166, 275 ; — médailles, 54,
166, 345, 370, 418-422 (Voir médaille) ; —
portrait, 176; — crucifiement, 256 ; — en
majesté, 362.
Chronicon paschale, 4^6.
Chronique, 76, 174, 268, 370, 451, 545.
Chronique, liégeoise, 318 ; — de l'art, 443.
Chypres, art gothique et la Renaissance, 442:
— objets d'art, 444.
Ciecchi (Giovanni), 342.
cierge pascal (pancarte de), 144, 181.
1 i' 1 g} 1 église, 262.
Cimetière franc, 351, 374.
Citeau, abbaye, 6. 114, 242.
citerne antique, 245.
1 ivii re peinte du X\v s., 519.
Civiltà cattolica, 158.
Clare, église, 522.
Clarse (G.). 466.
Clément II (tombeau de), 288 ; — X (inscrip-
tion du), 132.
I li mente (Aur, Prud,), poète, 132.
( lermon t. bréviaire, 320 ; — cathédrale, 248;
— Ste Épine, 319.
Clerval (H.1. 80.
Clerv, Sir Epine, 487.
Clèves (A.lulphe IV de), 166.
Clichv, statue funéraire. 54.
Cloche du XVe s., 72 ; — a la Fère, 83 ; — à
Mattaincourt, 66, 167; — à Tournai, 261.
clocher, Castelsarrazin, 250 ; — Chartres,
180,328; - Chàieauneuf, 182.
Cable analytique.
559
cloches, anciennes, 260; — fondeurs de, 140,
167, 261, 352, 440, etc.
clochers, en forme de tiare, 161 ; — de bri-
ques, 250 ; — du X Ves. . 72 ; — du XVIe s. ,
262 ; — du diocèse de Montauban, 250.
clochettes (origine des), 260.
cloîtres espagnols, 163.
Cloquet (L), 66. 69. 70, 71, ne, 122, 142,
164, 168, 257-262, 339, 362, 370, 413, 426.
444. 446. 45i. 539. 34°. 54i-
Cluny, abbaye, 348; — église abbatiale, 238;
— destruction. 242 ; — musée, 78, 325 ; —
retabledu XVles. , 326; — vue générale, 239.
Codex Rossa7iensis, 54.
coffrets en ivoire, 53, 54.
Coïmbre, Ste Épine, 490.
Coligny, calendrier en bronze. 55.
Colisée, 126-132.
Colle (Antonio da), 342.
Colîectio Byzantina, 377.
collection d'antiquités. 245.
colliers antiques, 371.
Collobium, 134.
Cologne, panneau peint, 120.
colombe eucharistique, 168.
colosse d'Alexandrie, 146.
Colweyn Bay, monnaies romaines, 52.
Corne, massacre des innocents, 521.
Comités des travaux historiques, 347.
comités archéologiques, 269.
Commission, départementale des antiquités
de la Côte d'Or, r48 ; — des monuments
historiques, 177 ; — royale des monuments,
372-
Condé (Maison de), 112.
Congrès, archéologique d'Arlon, 35 1 ; — de
Boulogne, 451 ; — de France, 347 ; — des
orientalistes à Rome, 548 ; — russe d'ar-
chéologie à Kiew, 451 ; — des sociétés sa-
vantes, 146, 246; — des sociétés savantes
de Toulouse, 56, 146.
Conques, trésor de l'abbaye, 251.
consécration (croix de). 282.
Constantin le Grand (monnaies de), 54.
Constantinople, ancien plan, 459 ; — église :
de Choré, 517 ; — de Ste-Irène, 458 ; —
des Machabées, 458 ; — de Ste- Sophie, 445 ;
— reliques, 9T, 208. 318, 478; — Synagogue,
389 ; — temple de Thècle, 459.
constructions, angevines au XIIe s. ; 287 ; —
chaldéennes, 246 ; — d'églises (notes pra-
tiques), 4T3 ; — de l'Ordre de Grandmont,
214.
Contri (Ant.), peintre, 200.
convenance (la), loi du beau artistique, 413.
Corbeil, Ste Epine, 101.
Cornélius, 487.
Corniche, 279.
correspondance. d'Angleterre, 52, T38, 343,
424, 522; — d'Espagne, 132, ^42; — d'Italie,
47. 124. 243. 423. 5i8-
costume, liturgique, 159 ; — (histoire du), 56.
coudée (longueur de la), 516.
coupoles, 444. 445.
Courajod IL.). 257.
couronne d'épines (la Ste), fragments, 320 ;
— nature, 94 ; — reliquaires, 95-103 ; —
de Paris, 92.
Coutance, cathédrale, 4r7.
Craon. Ste Epine, 103.
Cremeaux, église, 262.
Croisille (la), fondeur de cloches, 261.
croix, 48, 539; — arborescente de Godshill,
424 ; — de consécration, 282 ; — proces-
sionnelle, 176, 521 ; — sculptée du IXe s..
147 ; — stationales, 44 ; — triomphales,
273. 454-
crucifix, habillés, i6r, 362 ; — en ivoire, 228.
crucifixion. 3^.
Cruilles (amiral Gaufredo Guilaberto de)
(tombeau de), 24s-
Cunault, église, 286, 440, 524 ; — reliquaire
en bois doré, 525.
Cupidon Ifigure de), 34^.
t'urgy, église, 147.
cuves baptismales en plomb, 146.
D.
Dadizeele, église, 454.
Dainville (M), 219.
dalles funéraires du XIIIe s., 522.
Dalman (L. ), peintre espagnol, 261.
dalmatique. 308 ; — du IVe s., 306.
Daly (César), architecte, 176.
Danemark. Stes Epines, 488.
Dante, 315, 342, 399.
Darlington (Durhatn), église, 422.
débadigeonnage des anciennes peintures, no
découvertes archéologiques, en Albanie, 144;
— à Alexandrie, 146 ; — Bolgary, 142 ; —
Brescia, 47 ; — Bruges, 183, 352 ; — Car-
tilage, 142, 143, 245, 246, 346 ; — Caucase,
345 ; — Destelbergen, 374 ; — Eleusis, 55 ;
— Florence, 51 ; — Hatnmersnnth, 52; —
Liège, 183; — Louvain, 175; — Lyon,
146 ; — Maheda, 345 ; — Montagnac, 345 ;
— Naples, 537 ; — Neeroeteren, 175 ; —
Paris, 456, 548 ; — Rome, 246 ; — Saint-
Romain du Gall, 182; — San Miniato
Tedesco, 51 ; — Stok-Dry, 53 ; — Ternath,
175 ; — Tongres, 350 ; — Warlen, 522 ; —
Waverley abbey, 522.
déesses mères, 55.
Dembigh, abbaye, 140.
dentelles anciennes, 455.
De Saussy, 4s8.
dessins, du XIVe s., 151 ; — du XVe s.. 144.
Destelbergen, découvertes archéol. , 455.
Deynoc, verrières, 175.
diacre, 515.
diaconesse, 515.
Dictionnaire de la Bible, 166, 262.
Dieghem. anciennes peintures, jyô.
Dieppe, église St-Jacques, 178.
Diest, anciens édifices, 150.
Dijon, armes, 47; — chartreuse, 115; —
coffrets en ivoire, 53 ; — commission de
l'art religieux, 373 ; — église Notre-Dame,
9 ; — église St-Philibert, 8 ; — excursion
archéologique, 148 ; — ferme La Noue,
149 ; — fresques, 370; — maison du miroir,
112, 113 ; — Musée de la Monnaie, 251 ; —
Vierge du XVe s., 371.
diplôme du XIe s. , 519.
divinités accroupies. 351.
Dodone, fibules, 537
Dolmen, 142, 371.
Domoso, croix processionnelle, 521.
Donchester, pavé romain, 522.
Dougga, tête en marbre blanc, 146.
Dronisse (Matth.), sculpteur manceau, 541.
Drontheim, bréviaire, 479.
druides, 341.
Duchesnes, 302, 303.
Durand (l'abbé), 33.
Diirer (Alb. ), 226, 500.
Dnrham, cathédrale, 140.
East-Acklau. église, 52.
Rcce homo, 178.
école romane d'architecture, auvergnate, 248 ;
, — bourguignonne, 9, 348 ; — flamande, 38.
Ecosse. Stes ^pines, 489.
église, à Aerschot, 175; — Angers, 216, 275,
437-440, 452 ; — Ansbach, 17 ; — Arles, 8 ;
— Asnière, 439 ; — Audenarde, 78, 179 ; —
Avallon, 349; — Baelen, 273; — Bamberg,
229 ; — Beaulieu, 530 ; — Beaumont, 250;
— Beaune, 348 ; — Boscherville. 446, 456 ;
— Brioude, 250; — Bruges, 179, 417; —
Bruxelles, 179; — Chartres, 426; — Ciergy,
262 ; — Clare, 512 ; — Cluny, 238 ; —
Constantinople.445.458, 517; — Cremeaux.
262 ; — Cunault, 286, 440, 524 ; — Curgy.
167 ; — Dadizeele, 454 ; — Darlington, 522 ;
— Dieppe, 178 ; — Dijon, 8, 9 ; — East-
Acklau, 52 ; — Ezza, 469 ; — Pelwell, 52 ;
— Flobecq, 454 ; — Florenne, 124 ; — Fo-
rest, ^y^ ; — Foy Notre-Dame, 273 ; —
Gand, 175; — Handforth. 52; — Inverugie,
140 ; — Kensinglon, 140 ; — Lescar, 466-
473; — Levai-Dieu, 253; — Lille, 71 ; —
Lobbes, 454 ; — Loches. 528 ; — Lourde,
370; — Louvain, 79, 179; — Maing, 337-
339 ; — Mans, 362, 431 ; — Matifou. 456 ;
— Mespelaeie, 273 ; — Milan, 306, 502 ; —
Minories. 138 ; — Moissac, 13, 36, 37 ; —
Moutier Si-Jean, 0 1 — Munich, 449 ; —
Niedeggen,270; — Nieuport, 179; — Niort,
546, 547 ; — Notre-Dame d'Auteuil, 253 ;
— Noyon, 18; — Nuremberg, 21-23; —
Paray-le-Monial, 348 ; — Paris, 78, 163,
351, 361, 362,374. 449. — Petit Andely. 416;
— Preuilly sur Claire, 475 ; — Ratisbonne.
233 ; — K aven ne, 393 ; — Reading, 140 ;
— Reims, 444 ; — Rome. 445 ; — Rot'ne-
bourg, 19; — Rouen, 454 ; — Saint- Denis-
des-Coulommiers, 151; — Saint-Séverin, 78,
373 ; — Saint-Severs, 347 ; — San Gemi-
gnano, 342; — Shorwell, 424; — Sluze, 454;
— ■ Soignies, 78 ; — Solesmes, 435 ; —
Strood-lez-Rochester, 140; — Toulouse.
247 . — Tournai, 415; — Tournus, 349; —
Tours, 531 ; — Tremolar, 247; — Venise,
396 ; — Verdelot, 151 ; — Vezelay, 349 ; —
Villers devant Orval. 417 ; — Walcourt,
455 i — Weris, 174 ; — Wervicq, 455 ; —
Wiirzhourg, 16.
Eglise, chrétienne aux Iers siècles, 516; —
slave, 362.
églises basilicales, 455.
églises paroissiales, capacité, 414 ; — con-
struction, 413 ; — emplacement, 415 ; —
mobilier, 70 ; — orientation, 414, 517 ; —
ornementation, 76 ; — plan, 415.
églises romanes, 248 ; — de l'Ariège, 247 ; —
de Mauriac, 347 ; — de Ratisbonne, 254.
Egypte, étoffes antiques, 145 ; — statuettes
en bronze. 142.
Éléazar, 382 ; — (tombeau d'), 391.
éléphant, iconographie. 28.
Eleusis, plaque d'or, 535 ; — tombeaux dé-
couverts, 55.
Eisa (Pays de T), 342.
émail rouge, 397.
émaillerie {histoire de 1'), 511.
émaux byzantins, 511.
émeiaude de Bijazet II, t66.
Emporium, 421.
Enghelbrechtz, peintre hollandais, 221, 325;
— (triptyque d'), 326-32;.
épées d'honneur, 58.
Épine (l.i Ste), d'Andria, 483 ; — Ascoli.470;
— Assise, 208 ; — Barcelone, 212 ; — Bari,
483 ; — Bergen, 479 ; — Besançon, 484 ; —
Bourbon l'Archambault, 486 ; — Bourg
moyen, 322 ; — Catane, 483; — Charles IV,
485 ; — Clermont, 319 ; — Coïmbre, 490 ;
— Corbeil, 101 ; — Craon, 103 ; — Dane-
mark, 323 ; — duc de Berry, 488 ; — Ecosse,
489; — Fermo, 478; — Flines, 321; —
Josaphat lez Chartres, 484 ; — Liège, 318 ;
— Marie de Médicis, 490 ; — Marienthal,
482; — Maubrisson, 323; — Médina del
Campo, 484 ; — Monreale, 485 ; — Mont
St-Éloy, 209; — Nancy, 488; — Notre-
Dame de Cléry, 487 ; '— Orval, 322 ; —
Pampelune, 209; — Paris (Notre-Dame),
320 ; — Paris (Ste-Chapelle), 320 ; — Paris
(Ste-Trinité). 209 ; — Pavie. 484 ; — Pierre
du Chàtel, 489 ; — Puy, 99 ; — Rome (Ste-
Placide), 323 ; — Royaumont, 321 .
Saint-Maurice en Vêlais, 211 ; — Saint-
560
3&clntc tjc rart chrétien.
Quentin. 101 ; — San Giovanni Bianco,
488 ; — Séez. 102 ; — Senlis, 322 ; — Sens,
^22 ; —Tolède, 101 ; — Toulouse, 323 ; —
Valence, 102; — Valenciennes, 101 ; —
Venise, 100, 487 ; — Vezelay, 212 ; — Vi-
cence, 208 ; — Vincennes, 487.
Épine (reliquaire de la Ste), à Ascoli, 479-681 ;
— à Assise, 208 ; — à Bari. 483; — Fermo,
478 ; — Liège, 318 ; — Paris, 209 ; — Rome,
323 ; — Ronceveaux, 210 ; — Sant-Elpidio
a Mare, 428.
Erdington, monastère, 53.
Eros (statuette d'), 54.
Espagne, correspondance, 132 ; — exclusion
archéologique, 168.
essai liturgique, 45.
esthétique, 122.
étain, assiette. 455 ; — gobelet. 347 ; — fonts-
baptismaux, 181.
étoffes anciennes, 54, 346.
études, iconographiques, 144 ; — liturgiques,
45. 166.
Euiies IV, duc de Bourgogne, 115.
eudoxienne (basilique), 158.
évangéliaire hiéronymien, 391.
évangélistes (les), 315.
évêque (ordination d'), 515.
excursion archéol. en Anjou. 451 ; — en Es-
pagne, 168.
exultet (rouleaux d'). 443, 503.
Ézéchiel (porte fermée d'), 409.
Ezza (Syrie), église St-Georges, 469.
Eyk (Van), 252, 408, 410.
F.
faïences tournaisiennes, 57.
Famagouste, cathédrale, 44J.
Farcv (L. de), 82.
Fay (Antoine de), imprimeur, 6,
Felwell, église, 52.
fer dans les constructions (le). 370.
Fermo, reliquaire de la Ste Epine, 478.
Ferrari (Fr. Bianchi), 364.
Ferrion (Jean), 115.
Ferronnière (la belle), 156.
fibules antiques, 537.
fichus normands, 455.
Flandrin (Hippolyte), 241.
Flavien (habitation de). 114.
Flavius Josèphe, 293, 379, 380, 383, 385.
flèche tordue, 139.
rleurage, 66.
Flines, Ste Epine, 321.
Flobecq, église, 454.
flore gothique à Chartres, 340.
Florence, Annonciation, 2, 194; — artistes,
3. 4 ; — Cenacolo de Sant' Apollinare, 243;
— la Crusca, 201 ; — église Santa Croce,
124 ; — œuvres des délia Robbia, 3 ; —
fresques, 5», 125, 192, 243; — ivoire du
VI'- s., 364; — musée en plein air, 1 ; —
palais de la Crocetta, 196 ; — palais vieux,
5 ; - peintures, 3.4; — pièces de métal-
lurgie, 3 ; — Santa Reparata, 194 ; — ta-
bernacle de Guirlandajo, 2 ; — tabernacles,
4; — tombe de Guiberti, 50 ; — tour Ra-
m iLjiianti. 2.
I-oix ( Mathieu de), 116.
Fontenay, abbaye, 114.
Fontenelle, archives. 338.
Fontgombault, abbaye. 475.
fonts baptismaux, [46; — de Rurernberg, 21 ;
— Paignton, 53 ; — en étain de Prague,
181 ; — de Rumon, 150.
Forest. église. 373.
inspiratrices de l'architecture go-
-, 340.
Forlet, caves ogivales, 352.
Fornarina (la), 364.
Forum romain, 55, 142, 145, 146, 345.
fouilles, à Carthage, 71, 245; — Glanfeuil,
539 ; — Kauban (Caucase), 245 : — Lam-
bèse (Algérie), 55 ; — Martres (Tolosane),
245, 247 ; — Paris, 143; — Rome (forum),
145. 146,345 ; — Salona, 159 ; — Sancerre,
182 ; — Tombelaine, 248, 268 ; — Tongres,
350; — Warlen, 522.
Foy-Notre-Dame, église, 273.
Franchi (Bruno), 342.
Frandiimont, ruines historiques, 455.
François II (compte des dépenses de), 254.
Frédéric d'Urbain (bible latine de). 363,
Fredi (Maestro Bartolo), 342.
fresques, à Ashmansworth, 523; — Brescia,
47, 48; — Chypriotes, 444; — Florence. 51,
124, 125. 192, 243 ; — Nieuport, 86, 87 ; —
San Gemignano, 342 ; — San Miniato Te-
desco. 5t, 522 ; — Sienne. 197; — Stoke-
Drv, 53 ; — Vatican. 192 ; — Zepperen.
(Lunbourg), 86. (V. peintures murales.)
Fulbert, cathédrale, 328.
Furtin, maire de Cluny, 242.
fuseau, attribut de la Vierge, 310.
Gaddi (Th.), 125, 192.
Gallizi (Giov. dei). peintre, 543.
Galla l'Iacidia (croix de), 48 ; — (portr. de). 51.
Gallia, 487 ; — Crisliana novissima, 166.
Gand, adoration de l'agneau , 252 ; — chapelle
du Poortacker, 175 ; — château de Gérard
le Diable, 273 ; — châtellenie du Vieux
Bourg, 374; — église St-Michel, 175; —
façades anciennes, 372 ; — Musée, 374 ; —
reliquaire de la Ste Epine, 489.
Garnier (archiviste), 114, 116.
Gascon de Gotor(P. ), 132.
Gauzon, monie et architecte, 238.
Gavazzi (Jos.), peintre, 543.
Gavelle (E. ). 221, 325.
Gazette des Beaux- Arts, 5 [ 1 .
Gelis-Didot (M.), 282. 283.
Germain (E. ), fondeur de cloches, 261.
Germain (L.), 549.
Genèse, manuscrit, 346.
Genillou, acquéreur de l'abbaye de Cluny. 240.
Géorgie, antiquités, 143.
Gérard, abbé, ir5.
Gerspach, 1, 39, 47. 124, 191, 243, 393,423.
Gézer, ville chananéenne, 55.
Ghiberti (tombe de), 50.
Ghirlandaio (Dom,), 396.
1 rit iedeSt- Thomas et de Si-Luc, 420,451, 524.
Giorgio (Pr. di) (tableau de), 425,
Giornale arcadico. 502.
Giotto (fresque de). 124.
Giovanni di san Giovanni, 146,
Giovenone (Gér.), peintre, 543.
gladiateur, t2g.
Glanfeuil. abbaye, 539 ; — feuilles archéolo-
giques, 539.
Glossap. vieux mur romain, 522.
Gloucester, cathédrale, 363.
gobelet en étain du XIIIe s., 367.
1 iodard-Faultrier, 219.
Godshill, croix arborescente, 424.
Goluchow (collection de), 253.
1 iozette, peintre, 251.
Gozzoli (Benozzo), 342.
1 -m h irdre de), 213.
Grand-Saint-Bernard (inventaire du), 255.
ibbaye, 250.
gravure sur verre. 513.
Grégoire XI, 285, 286.
griffon (tête de), 55.
1 un amonte, sculpteur. ;
gui rriei g uili i ■ figui d
Guglielmo da Pi 1 fra p ntre, 519.
■il .178.
Guide </< l'Art krétieit, 421.
Gviido da Como, peintre, 519.
Guillaume, abbé. 112.
Guimet, Musée. 371.
Guy de Loth, 466.
H.
habitation romaine, 477.
Baie aux Bons Hommes, prieuré, 213, 275,
4SI-
Hainaut, maîtres d'œuvre, 363.
Hal, lutrin-aigle, 78, 373.
Hanunersmith, antiquités romaines, 52.
Handlorth, église. 52.
Hasparren. inscription latine, 245.
Hayles (Gloucestershire), abbaye, 141.
Helbig (J.), 10, 25, 38, 58, 88, 138, 168, 185,
235. 3-43. 4>>. 424.
Henri II [tombeau de), 228.
Hérodote, 345, 347.
Hexham, abbaye. 522.
Hezelon, moine et architecte, 238.
Hilarius, 6.
Honorius (portrait d'), 51.
Hortus deliciarum, 270,
hôtel de ville, à Alost, 79 ; — Bamberg, 229 ;
— Binche, 454 ; — boches, 529; — Lou-
vain, 79, 373 ; — Munich, 492 ; — Nurem-
berg, 104; — Ratisbonne, 233; — Rotten-
bourg, 19.
Houdebine (l'abbé Tim. ), 203, 275, 451.
Huelin (Jean), maître maçon, 351.
Hugues, abbé, 115; — IV, duc de Bourgogne,
114 ; — saint, 238.
humidité, ennemie des fresques, 193.
hymnes, 162, 358, 538.
icônes russes, 121.
iconographie, d'Adam et d'Eve, 133 ; — de
L'âme, 118, 136 ; — des apôtres, 315 ; — du
calvaire, 125, 325; — du Christ, 48,79, 155,
310, 311, 313. 314. 342. 362 ; — 407, 519 ;
— de la Vierge, 36, 117.
llle-et- Vilaine, mémoires delà société archéo-
logique, 256.
Ilskaia, collection d'objets anciens, 371.
Ile de France, berceau de l'art gothique, 443.
Illustration italienne (l'I, 342, 449.
imagerie religieuse, 77 ; — en Russie, 121.
images scolaires, 541.
Innocent II, 238.
inscription, antique à Lambèze, 144 ; — sur
bronze, 345; — de Clément X, 132; —
étrusque, 143, 144; — latine du XVI s.,
58 ; — d'Hasparren, 245 ; — de Milan, 317;
— romaine, 144 ; — du XVIe s., 83.
inscriptions, antiques à Carthage, 71; — grec-
ques, 55, 142 ; — latines à Naples, 538 ; —
inventaires, 133, 254 ; — (bibliographie des),
358, 360.
lnverugie (Ecosse), église ancienne, 140.
Isengrin (représentation d'), 278.
Is-sur 1 ille ii lote d'Or), 169.
Italie, correspondance, 47, 124, 243, 423,
518; — législation sur la vente des tableaux,
423 ; — musées civiques, 40.
ivoin-, , 5 ; - du XIB s., 119.
ivoires anciens, 182, 498.
Jean.de B -ny (inventaire de), 488; — le
rerrible(i isquede), in; — sans peur. 1 16.
fean P es, peintre, 126.
' Montmorency, 254; — - II (livre
d'heures de),
Jonas (histoire de), 306.
Cable analytique.
561
Josaphat-Iez-Chartres, Ste-Épine, 484.
Joseph {histoire de), peintures, 279.
Josué (tombeau de), 363.
Jourdain (abbé), (dalle tumulaire de), 248.
Journal des Arts, 177, 178, 453.
Judas (deniers de), 345.
Jugement, dentier de Fra Bartholomeo, 186 ;
— de Salomon, de de Crayer, 374.
Julien l'apostat (statue de), 143.
Jupiter, 380.
Justinien (médaillon d'or de), 54 ; — (portrait
de), 395-
K.
Kalendarium greco-moscuvi, 304.
Kauban (Caucase), fouilles, 245.
Keldermans (J.), architecte, 285.
Kensington, église St-Marc, r4o.
Kenton (Anglet. ). chaire en chêne, 52.
Kessel, croix triomphale, 273.
Kiew, congrès russe d'archéologie, 451.
Knill (Stuart), nécrologie, 88.
la baru m, 539.
La Bussière, abbaye, 114.
Lactance, 130.
La Fère, ancienne cloche, 83,
La Ferté sur Grosne, abbaye, 114.
Lallemand (J. S.), peintre, 238, 239.
Lamartine, 342.
Lambere (Algérie), fouilles, ^; — inscription
antique, 144.
Lambert Jean, fondeur de cloches, 149.
Lancelot de Pau (tombe de), 253.
Lanfrani (Jac), sculpteur, 402.
Langre, cathédrale, 349.
La Noue, ferme, 149.
Larchat, retable de chapelle, 269.
larrons (les), 325.
La Tremouille (Jean de), 116 ; — (archives
des), 487.
Laurana (Fr. de), sculpture, 59, 440.
Laurent (S. ) (dalmatique de), 307.
Laurent (maître), fondeur du XVe s., 440.
Lavagnola, tableau, 51.
Lavigerie (Mgr). (Mausolée), 76.
Leciiones èergenses, 479.
lectionnaire du XIIe s., 484.
légende dorée, 505.
Le Ménestrel des Granges (portrait de), 455.
Le Miroir, abbaye, 114.
Le Noir, Alexandre, 241.
Léon XIII, j2Ô, i4r, 244, 413.
léopard, iconographie, 281.
Lescar, église Notre-Dame, 466, 473 ; —
architecture, 468 ; — décoration, 472 ; —
disposition arc hitectonique intérieure, 470 ;
— mosaïque gallo-romaine, 476; — ori-
gine, 466; — sculpture, 473 ; — tombeau,
477-
lettres ecclésiastiques, 482.
Levai-Dieu, église, 253.
Leyde, Musée, 222, 326 ; — retable du XVI«
s., 326; — triptyque d'Enghelbrechtz, 222-
225.
Liber pontiûcalis, 308, 384, 468, 562.
licorne, iconographie, 281.
Liège, concours de la société d'art et d'histoi-
re, 352; — couronne des dominicains, 318;
— découvertes archéologiques, 183 ; —
reliquaire de la Ste-Epine, 318.
ligne droite architecturale (la), 222.
Lille, église du S. Cœur, 71.
Limotte (P.), fondeur de cloches, 83.
Limousin, 66.
lion, iconographie, 280.
Lippi (Filippo), 342.
lit du XIVe s., 518.
liturgie, inspiratrice des artistes, 44, 166 ; —
bénédiction des palliums, 160 ; — des vête-
ments sacerdotaux, 160 ; — office de la Ste-
Vit;rge, du XVe s. , 538 ; — rite quadruplex,
3Ôr ; — vêtements liturgiques, 56, 160, 306,
308.
Llantony, abbaye. 140.
Llautwit-major, Vierge du XIVe s., 343.
Lobbes, abbaye, 45^; — église St-Ursmer, 454.
Loches, château, 527 ; — collégiale N.-D.,
528. 529 ; — hôtel de la chancellerie, 519 ;
— hôtel de ville, 529 ; — porte des corde-
liers, 530 ; — porte Picoys, 529 ; — tour St-
Antoine, 530.
lois romaines condamnant aux bêtes, 129, 131.
Lombardi (AIT ), sculpteur, 405 ; — ( Mort de
la Vierge de), 406.
Londres, cathédrale St-Paul, 343; — comité
d'art et d'histoire, 425; — County council,
140 ; — exposition Burne-Jones, 182 ; —
Maison de Garde à la Tour, 140; — reli-
quaire de la Ste-Epine, 323.
Longhi (Luca), peintre du XIIIe s., 400.
Lorette, Sauta Casa, 64.
Louis, XIII, 113 ; — le Bavarois (tombeau
de), 493.
Louis (S. ), lettre à Guy de la Tour, 319.
Lourde, basilique, 417; — nouvelle église,
370-
Louvain, collégiale St- Pierre, 79, 179; — dé-
couverte de peintures, 175; — hôtel de ville,
79, 373 ; — verrières, 273.
Louvre, 9, 142, 374; — ivoires anciens, 182 ; -
vase antique en terre cuite, 246.
Lucas (Ch. ), 256.
lune, iconographie, 313.
Luria, mosaïque représentant Orphée.
Luxembourg (Jean de), 116 ; — archives du
gouvernement, 482.
Lyon, disque de bronze, 55; — trouvaille ar-
chéologique, r46.
Lysias, 381.
M.
Machabées (basilique antiochienne des), 457;
— captivité, 378 ; — culte, 300 ; — langue,
293; — martyre et sépulture, 290, 377,
457 ; — parents. 465 ; —reliques, 296,388,
458, 459 ; — sarcophage à Rome, 460 ; —
supplice, 292, 295 ; — tombeau, 295, 381,
383. 458.
Maçon, 239 ; — St-Vincent le Vieux, 348.
Madone et l'Enfant (la), fresque à Brescia,
47-
Maelbeke (Nicolas van) (portrait de), 409.
Maestricht, coupe de verre du XIVe s., 236.
Magalazzi (Franc. ,449.
Magnac- Laval, communauté de prêtres sécu-
liers, 358.
Magnum ekronicum belgtcum, 486.
Mahéda, ossements peints, 345.
mal//, représentant Dieu le Père, 137.
Maimordi (Sébastien), 342.
Maing, église, 338 ; — pierre sépulcrale, 357.
333, 389-
Maisons anciennes, à Angers, 433 ; à
Dijon, 112 ; — à Gand. 372 ; — à China-
gon, 247 , — au Mans, 434 ; — à Rome,
477-
Maîtres d'eeuvres, d'Artois, 363; — de Bour-
gogne, 363.
Majano (Benedetto et Julien da), 342, 343.
Malala (J,), (chronique de), 377, 381, 383,
457. 458-
Malines, cathédrale, 185 ; — Cercle archéo-
logique, 150; — halles anciennes, 179, 270,
271 ; -• peintures murales 150 ; — tour St-
Rombaut, 185, 187, 189.
Mallet(leCh.). 413.
Malmesbury, abbaye, 140.
Manchester, bibliothèque, 523.
Mans (le), cathédrale, 416, 423, 434, 313 ;
église Notre-Dame de la Couture, 43/; —
église St-Julien, 362 ; — émail funéraire de
Geoffroy Plantagenet, 431 ; —maison delà
reine Bérangère, 431 ; — maison de la Re-
naissance. 434 ; — Musée d'archéologie
431 ; — statue de Ste-C'écile, Ç40.
manuscrit du VII Je s., 515.
manuscrits, anciens, 270, 29g, 319 ; (con-
servation des), 54, 56 ; — syriaques, 301
Marbre sculpté du XI Ve s., 245.
Marc-Aurèle (tête en marbre blanc de), 245.
Marecisous, nouvelles orgues, 180.
Marie de Médias (inventaire de), 490 ; —
(Ste-Epine de), 490.
Marienthal, nécrologe du couvent, 482;
Ste-Epine, 482.
Maris Stella, abbaye, ri4.
Marqtiet de Vasselot (.1.-1.), 443.
Marsay (Etienne de), sénéchal d'Anjou, 214.
Martres (Tolosane), fouilles, 241;, 247.
martyrologe, de l'Eglise d'Occident, '300 : —
syriaque du IVe s. . 302, 383 ; — du VIIIe
s. , 302 ; — de Toulon, 55.
Martyrologium gallicanum , 93.
Marzappini (tombeau de), 124.
masque de femme, 59.
Matifou, basilique du IVe s., 4^6.
Mattaincourt, ancienne cloche, 66, 167.
Matthieu (vocation de S. ). 312.
Maubrisson, Ste-Epine, 323.
Mauran (Jér.), (itinéraire de), 346.
Mauriac. églises romanes del'arrondissement,
337-
Meaux, cathédrale, rsr, 152, 154, 442;
conférence d'histoire et d'archéologie ' du
diocèse, 150 , — Ecce Aomo, 362, 442.
médaille, antique, 149 ; — juive de Boyer
d'Agen, 4r8 ; — juive (autre exemplaire),
419 ; — juive et l'index, 422.
Médecis (voir Marie de Médicis).
Médina del Canipo, Ste-Epine, 484.
Medmenham, abbaye. 522.
Mely (Fr. de), 58, 96, 155, 208, 253, 318,
335. 353. 478. 535-
Menilinc (J.), 500 ; — (retable de), 362.
Meiinui (Lippo). 342.
ménologe de la C'e de Jésus, 490.
Mercure, statuette en bronze, 143.
Mespelaere. église. 273.
Melsys (Q. ). 175, 500.
meubles artistiques, 455.
meules préhistoriques, 350.
Meylinger (Bay), 114.
Michelozzo, architecte, 194.
Milan, autel d'or, 309; — boites eucharisti-
ques, 306; — Cenacolo, 195; — dalmatique
duXVus., 306; — église St-Ambroise, 306,
502 ; — émaux, 510 ; — mosaïque, 308 ; —
trésors, 306.
Millau, ancien pilori, 247.
Millière (famille et hôtel des), 103.
miniatures, hollandaises. 223; — juives, 142.
Minorics, église de la Trinité, 138.
Mirebeau (Côte d'Or), 119.
Miroir (maison du), ou des Chartreux, 112.
Missale, Fictaviense, 163 ; — Vedastinum,
503 ; — S. Amandi, 503.
Mythologie homérique. 535.
mobilier, 455 ; — coffret, 53, 54 ; — lit, 51S,
mobilier religieux, .miel," 306, 309; —
bénitier, 7 ; — chaire, 52 ; — ch. épisco-
pale, 60; — colombe euch., IÉ8; —taber-
nacle, 4; — 11 ;,il les, 69, 325-326 ; — stal-
les, 49.
moines (les), 64, 525 ; — lépieux, 218.
Moïse de Michel-Ange, 50.
Moissac, abbaye, 25, 26 ; — chapiteaux, 29,
34 .' — église, 13, 36, 37 ; — sculptures, 27.
Moiturier (le), sculpteur, 72.
Monasticon belge, 163.
monnaies asiatiques, 146.
Monreale, Ste-Epine, 485.
Mons, tourSte-Waudru, 186, 351.
Mont St-Eloy, Sle Epine, 209.
Mont St-Michel, abbaye, 146, 453,
562
&rtuc lie r&vt cbrctteu.
Montagnac, colonne à inscription gauloise.
345-
Mont.iigo, potier du XIIIe s., 347.
Montalivet (comte de), 177.
Montauban, cloches du diocèse, 250 ; —
Musée, 54.
Montault (i/lgi X. B.). 42, 45. 64. 66, 118.
119, 160, 163, 235, 253, 254, 306, 357, 363.
442, 502, 537, 542 ; — Œuvres complètes,
261.
Monte (castel del), 363.
Montereux, statuette de Mercure, 143.
Montmartre, Sacré-Cœur, 445.
Montpezat (tombeau de l'abbé Ravmond de),
26.
Montre^ 66.
monuments, du XIIIe s., 342 ; — conserva-
tion des anciens, 268.
Morimont, abbaye, 114.
Moro (Luigi del), 342.
Moroni (Giov. Bat.), peintre, 5 13.
mosaïque (technique delà), 396.
mosaïques, byzantines, 71; — gallo-romaines,
476 ; — de Ravenne, 398; — de St Venance,
mosaïstes italiens, 394.
Moscou, musée historique, 542.
Mossoul, bible syriaque du XVIIe s., 515.
Mostart (Jan), peintre, 278.
moules romaines du IVe s., 143.
Moutier St- Jean, abbaye. 6 ; — bénitier, 7 ;
— église, o ; — ivoires du XI Ve s., 9 ; —
pote du XIII'-' s., 7-8 ; — sarcophage, 8.
moyen âge, 287, 353.
Muller, 377
Mumrnole (châsse dite d ■), 54.
Munich, ancien hôtel de ville, 492; — ancien-
ne pinacothèque, 499 ; — ancienne résiden
ce royale, 493 ; — basilique St Boniface,
491 ; — cathédrale Notre-Dame, 492; —
chapelle de la cour, 496; — église des Théa-
tines, 499 ; — feestsalbau, 494 ; — gale
rie des généraux, 499 ; — glyptothèque
500; - Marien-saale, 492 ; — monuments
modernes, 493 ; — Musée national, 496; —
nouvelle pinacothèque, 500; — nouvelle rési
dence royale, 494 , — place Notre-Dame,
492 ; — porte de la Victoire, 499 ; — rue
Maximilien, 496; — tombeau de Louis le
Bavarois, 492.
Misée, d'Amsterdam, 164, 254 ; — Angers,
59; — archiépiscopal d'Utrecht, 224; —
Bardo, 245 ; — Berlin, 166; — Carnavalet
54; Carthage,345; — du Capitoleà Rome
142 ; — chrétien de Brescia, 48 ; — civique
de Pise. 126 ; — Cluny, 78, 325 ; — Gand
374; — Guinet, 371, — germanique à
Nuremberg, 108 ; — historique de Moscou,
542 ; — Leyde, 222, 326 ; — Louvre, 54,
142, 182 ; - Mons, 431, — de la monnaie
à Dijon, 251 ; — Montauban. 543 ; — mu
nicipal de Prague, 181 ; — Mont Ste-Odile,
270; — Namiir. 237; — National de
Bruxelles. 270 ; — National de Munich
496 ; — Ravenne, 400 ; — South Kensing
ton, 343 ; — Toulouse, 250 , — Villa Bor
ghèse, 456.
musées, gratuité des entrées, 42 ; — civiques
en Italie, 39.
musique religieuse, à Maredsous, 180; — à
Solesmes (V. chant). 179.
N.
Namur, musée, 237 ; — le vieux Namur, 273.
Nancy, inventaires, 488 ; — Ste-Epine, 488.
N.intua, abbaye, 45.
Naples, découverte d'antiquités, 537 ; — in-
scriptions latines, 538 ; — tombeaux de
rois de la maison d'Anjou, 542.
Napoléon, 239.
Nar-Baal p. « Ran-Baal, 278.
nécrologie, Franz Bock (le D'), 273 ; —
Smart Knill, 88 ; — Vespignani (leCte),
375-
nécropole d'Albanie, 250.
Neeroeteren, découverte de peintures, 175.
Nérun, 128, 130.
Nicosie, cathédrale, 444.
Niedeggem, église, 270.
Nieuport, église, 179 ; — peintures murales,
8687.
Niort, église St-Etienne, 546, 547.
Noël (fête de), 304.
Noels anciens, 64.
Noli me tanière, 49.
Norwich, cathédrale, 139, 344.
Notker, 378.
Notre-Dame (les quinze joies de), 167.
Notre-Dame d'Auteuil, église, 253.
Noue, château, 268.
Noyon, église Notre-Dame, 18.
numérotage des maisons anciennes (invention
du), 114.
Nuremberg, artistes, 20, — château, 106 ; —
église Notre-Dame. 23 ; — église St-Sébald,
21 ; — église St-Laurent, 22 ; — fontaines,
104 ; — fonts baptismaux, 21 ; — fortifica-
tions, 108 ; — hôtels de la Renaissance,
105 ; — hôtel de ville, 104 ; — maison d'Al-
bert Durer (grav. ). 106, 107 ; — maison de
Nassau, 104 ; — musée germanique, 108 ;
— presbytèredeSl-Sébald, 22; — tabernacle
du X\Tt s., 23; — tapisseries gothiques,
23 ; — tombeau de St-Sébald, 20, 2t.
O.
Ocquene, statue de S. Antoine, 442.
office de la Vierge du XVe s., 538.
Olla, 237.
Orantes. 136, 137.
Orfèvrerie, en France,56; — limousine, 72;
(V. reliquaires-trésors de Conques, 251 ; •
de Prague, de Rossi, 418.)
Orgues, 180
Orientalistes (congrès des), 548.
Orléans, reliquaire à roues, 161.
Orley (Bern. van), peintre, 87.
Oronte (monnaies du satrape), 1,46.
Orval (la croix d'), 322 ; — Ste Epine, 322.
osculnm, 59.
Osterrath ()'), 513.
Oxford, manuscrit, 381.
P.
Pacca (les édits), 423.
pact du XIVe s., 519.
Pagani (Lattanzio), peintre, 543.
Partis arduennensis , 350.
Paignton, fonts baptismaux, 53.
Palais épiscopal de Tournai, 271.
Palliot, Pierre, 117; — (René), héraldiste, 117.
p'illhims (bénédiction des), 160;
Pamier , sarcophage roman, 83.
Panpelune, Ste Epine, 209.
Panthère, iconographie, 282.
Papebroeck, 279,
Paray le Monial, basilique N.-D. , 348.
Paris, anciens murs romains, 55; — basiliquedit
S. Cœur, 270, 445 ; — chapelle rue Jean
Goujon, 174 ; — cloche du XVIe s., 362 ;
— commission du Vieux Paris, 148, 251,
351 ; — commission des Monuments histo-
riques,i77; — Construction du vieux Paris,
269; — découvertes archéologiques, 456; —
de statue, 548 ; — église Notre-Dame, 78,
.-17 1, II''. — St-Séverin, 351; — St-lttienne
du Mont. 361, 449; — St-Germainl'Auxer-
11 , 362; — églises paroissiales, 160, 361,
362; —fouilles, 142, 143,; — hôtel Lauzun,
268 ; — maison de la reine Blanche, 25t ;
— manuscrit du VIIIe s., 515 ; — pan
carte de cierge pascal, 144, 181 ; — poteau
cornier, 79 ; — reliquaire de la Ste Epine,
209; — Sainte Chapelle, 160, 181, 182,
269 ; — sainte couronne d'épine, 91 ; — So-
ciété de St Jean, 180 ; — des Beaux-Arts
des départements, 250 ; — vente de tableaux
eu 1710, 231.
Pasignano (Domenieo da), 342.
Passau, 234.
Pater noster en images (le), 159.
pavé romain, 522
Pavie, Ste Epine. 484.
Pays poitevin (le), 262.
Pazzi (conjuration des), 243.
peintres, flamands anciens, 408; — verriers
du moyen âge, 513.
peinture (la), murale, 284; — sur verre (tech-
nique), 455, 513 ; — sur porcelaine, 500.
peintures, flamandes anciennes, 38 ; — à
fresque, 192 ; — murales anciennes, à Die-
ghem, 176 ; — à Malines, 150 ; — à Nieu-
port, 86-87; — (débadigeonnage des), 110;
— simulant l'architecture, 269.
Peiresc (lettre de), 345.
pénitents, 515.
Penjon (A.), 239.
pendant de collier en or, 537.
Pentecôte (la), 303.
Périgueux, cathédrale, 54 ; — monastère du
Puy, 80.
périodiques, 72, 168, 263. 363. 449, 542.
Péronnes, remparts, 547.
personnages symboliques : Miles, 281 ; —
Venator. 281.
Peschito, 515.
Peterborough, cathédrale, 140.
Petit-Andély, église, 416.
Phénicie, tremblement de terre, 457.
Philippe le Bon, 38; — le Hardi, 115 ; —
(tombeau de), 118.
Php'pkorits septicomis, 33s, 48^.
Phylactère du XIIIe s., 58.
pierre, funéraire du XIVe s., 337; — litho-
graphique de Munich, 251.
pierres gravées, 245.
pilori Millau, 247.
Pineau (Nie.) dessinateur, 251.
Pmturicchio,-342.
Piot (Eug. ), fondation, 58, 72.
Pise. cnmpo santo, 206 ; — musée civique,
126.
Pistoie, Annonciation du XIIIe s., 519 ; —
cathédrale, 518 ; — exposition d'art sacré,
518; — reliquaire de san Jacopo, 518; —
trésor de la cathédrale, 518.
planche à gravures, 254.
Plancher (Dom Urbain), 6, 8.
Plantagenet (les), Henri 11,214, — Richard
Cœur de Lion, 214 ; — (le style), 438.
plaque de fondation, 82.
Pline, 397.
poignard Scandinave, 57. ,
Poitiers, inventaire de l'église Ste-Radegonde,
255-
Pollajuolo (Pietto del) 342.
Polomé Sylvius (almanach de). 300.
Pompei, statuette en bronze, 142.
Pontailler (Guillaume de), 115.
P'intigny, abbaye, 114.
Poppée (règne de), 55.
Portails (les). 332.
portes polychromées, 282.
potiers chypriotes. 144.
pourpre (la), 347.
Poyp, r, 55.
Prague, musée municipal, 181; — tombeau de
S. Wenceslas, 335 ; — trésor, 485. —
Pratellessi (palais), 343.
Prétentation (la), 311.
Preuilly-sur-CIaire, église abbatiale,
Pievitali (And.), peintre, 543.
Provins, monuments antiques, 25t.
r de St Louis, 54.
Puy, Ste Épine, 99.
Cable analytique.
563
Quedlimbourg, coffret-reliquaire, 55.
Quieta, 6.
R.
Ragenfroid (crosse de), 357.
Rampolla (S. E. le. O'), 290, 377, 457.
Randolf (John H.) 52, 138, 343, 424, 522.
Raphaël, 9.
Ratisbonne, 220; — cathédrale (ancienne),
233; — (actuelle) 231, 232; — église St-Em-
meran, 234 ; — église St-Jacques, 233 ; —
églises romanes, 234; — hôtel de ville, 230;
— pont du XIIe s., 230 ; — trésor, 232.
Ravenne, 258 ; — baptistère des orthodoxes,
393, 395 ; — galerie de l'Académie des
Beaux-Arts, 400 ; — Madone en Orante,396;
— mausolée de Galla Placidia, 393, 395; —
mosaïques, 395, 396, 398 ; — musée natio-
nal, 400 ; — palais de Théodoric, 394 ; —
portrait de Justinien, 395 ; — restauration,
393, 400 ; — San Apollinare in Classe, 393,
394; — San Vitale, 394. 449; — sarcophage
du Ve s., 449 ; — tombeaux, 394.
Reading, église St-Laurent, 140.
Rebaix, croix triomphale, 273.
Reims, cathédrale, 146 ; — Ste-Clotilde, 444.
Reine- Blanche (maison de la), 148.
Reliquaire, 251; — Arras, 211, — (-bras), 50.
150; — en bois doré de Cunault, 525; — à
roues à Orléans, lôr ; — de la Ste Epine à
Ascoli, 479-481; — à Assise, 108; — à Bari,
485 ; — a Ferino, 478 ; — Liège, 318 ; —
Paris, 209 : — Rome, 323 ; — Ronceveaux.
210 ; — Sant-Elpidioa Mare, 428.
Renaissance (la), 443 ; — idéaliste, 169.
Renaud, Clc de Xevers (monument de), 145.
restaurations, en Angleterre 43, 14t. 344, 425;
— en Belgique, 455 ; — à Alost, 48 ; —
Appelterre. 454; — Anvers, 454 ; — Aude-
narde, 78, 179 ; — Bruges 78. 79, 179, 271;
Bruxelles. 179; — Carcassonne, 537; —
Dieghem, 176; — Dieppe, T79; — Flobecq,
454; — Forest, 373; — Garni, 373; — Hal,
78, 373 ; — Lobbes, 454 ; — Louvain, 78,
179, 373 ; — Malines, 270, 271 ; — Nidde-
gem, 270; — Paris, 78; — Ravennes, 393;
— Rouen , 453 ; — Saint-Séverin , 78 ; — Soi-
gnies, 78, 373 ; — Wervicq, 273.
Résurrection (la), 48, 314.407.
Retable du XVIe s., à Cluny, 325, 326 ; — à
Leyde, 326.
Ribchester, camp romain, 52.
Ricchi (Dr Carrado). 447.
Robert, fondeur de cloches, 167 ; — le ma-
çon (tombeau de), 325; — 11, duc de Bour-
gogne, 115.
Rochechouard-Chandenier (abbé de), 6,
Rochefort, tours, 547.
Rohault de Fleury (G.), 443.
Rome, amphithéâtre, 127; — Campo de' fiori,
418 ; — Capitole, 245; — cimetières chré-
tiens, 131 ; — Colisée, 126; — collection de
tableaux, 51 ; — collection Falcioni, 126; —
colonnes torses, 542; — Congrès des orienta-
listes, 548; — dalle funéraire du IVe s., 237;
— découvertesarchéologiques, 241; — forum,
55, 142, 145, t4Ô, 246 ; — fresque de St-
Jean de Latran, 200; — gallerie Chigi, 244 ;
— inscription latine des Machabées 459,
461 ; — manuscrit arabe, 390 ; — Mérode
(legs de); 269 ; — Musée du Capitole, r42 ;
— Plaque commémorative, 269 ; — reli-
quaire des Stes Epines, 323; — Saint-Pierre
445; — Trinité du Mont, 196; — Sarco-
phage en marbe des Machabées, 460; —
Voie antique au Vatican, 237.
Romulus (tombeau de). r4j.
Ronceveaux, reliquaire des Stes Epines, 2ro.
Rose (Guillaume), 178.
Rosselli (Mat.), peintre, 196.
Rossi (de), 302.
Rossi (Gian-Carlo) (trésor de), 418.
Rotschild (baron Ferd. de) (collection de) 9,
139-
Rottenbourg, 17 ; — anciennes fortifications,
18 ; — Eglise St-Jacques, 197; — hôtel de
ville, 14.
Rouen, cathédrale, 453; — Eglise St-Laurent,
454-
rouleaux d'exultet, 443.
Roulin (Dom E. ). 163, 164.
Rouvres, statue de Jean-Baptiste, 142.
Royaumont. Ste Epine, 34.
Rubens, 500.
Rumon, cuve baptismale, 150.
Rupin(Ern.), 25.
Ruskin, 70.
Saba (la reine de), 43.
Sablé, château de Chevreuse. 436.
saint Ambroise, 388; — (vie de), 302, 504 ; —
(mort de), 505 ; — (sarcophage de), 316 ; —
André de Crète, 464; — Antoine (statuede),
362, 442; — et les lions, 541; — Bartolo.
342 ; — François d'Assise (figure de),
519 ; — Gabriel, 162; — Gaudens de Bres-
cia, 383 ; — Gervais (sarcophage de), 316 ;
— Grat (culte de), 162, 360; — Grégoire de
Nazianze, 303,383;— Grégoire d'Ortie,
162; — Hugues, 238 ; —Jean Baptiste, 277;
— Jean Chrysostome, 296, 303, 378, 383,
385. 387. 461 ; —Jérôme, 136; —Julien.
122 ; — Louis, roi de France, 92; — Niai tin
(chapelle à), 81 : — (vocation de), 503 ; —
(sépulture de), 503, 504; — Mathurin, 66; —
(vocation de). 312; — Pierre (statue de),
35, 158 ; — chaînes de 158 ; — Protais (sarco-
phage de), 316 ; — Sébastien (martyre de),
166.
Saint-Alban, abbaye, 140, 425 ; — André de
Léjos, visite, 255; — Ayoul, prieuré, 251 ; —
Bénigne, abbaye, 112; —Bernard (maison du
grand —), 65 ; — Berten, retable, 362: —
Denis-des-Coulommiers, église, 151; — Flo-
rent sur le Thouet, abbaye, 525; -• crypte
du XII>=s., 52c; — Jean de Réôme, 6 ; —
Jean les Bons-Hommes, 214; — Luc, écoles,
174; — Macé, prieuré, 525; — Maur (con-
grégation de), 240 ; — (croix sculpter .1 1 17 ;
— Maurice, ancienne basilique, 456; —
Maurice en Vêlais, Ste Épine, 211, 212 ; —
Michel (mont), abbaye, 60; — cloître, 62; —
grotte de l'Aquilon, 61 ; — salle des che-
valiers, 60 • — statue de l'archange S. Mi-
chel, 78 ; — Miguen, villa romaine, 466 ; —
Quentin, Ste Epine, 101 ; — Romain en
Gall, sarcophages gallo-romains, 186; —
Savin, four de verrerie, 236 ; — vase antique,
235 ; — Séverin, église, 78, 373 ; — Severs,
église, 347 ; — Thibaud, église, 6, 9 ; —
Trond, vierge en bois, 454 ; — Urbain,
abbaye, ri4; — Valéry en Somme, petit
sépulcre, 251.
sainte, Anne (tableau de Léon, de Vinci).
I.S7 I — Cécile (statue de). 540 ; — Eulalie
(tombeau de), 69 ; — Eurosie, 162; — Fina,
343 : — Fortunade (buste de), 59 ; — sainte
Hélène, r62 ; — Radegonde. 42.
Sainte-Livrade (médaille de plomb à), 53.
Salerne, cathédrale, 396.
salles capitulaires du moyen âge, 449.
Salomona, mère des Machabées, 304.
Salona, fouilles, 159.
Salzbourg (itinéraire de), 463.
San — Elpidio a Mare, reliquaire de la Ste-
Epine, 478 ; - Gemignano, 342 ; — cha-
pelle Ste-Fina, 342 ; - église St. Augustin.
342 I — Giovanni- Bianco, Ste-Epine, 488 ;
— Miniato al Tedesco, fresques, 51, 522.
Sandgate, château, 32.
Saragosse, catacombes de Santa Engracia,
132. 134-
sarcophage du IVe s., 132, 135.
sarcophages, à Bangor, 425 ; — de France et
d'Italie, 137,
Sardes, bijoux d'or, 246.
Saumur. 526.
scribe (antiques palettes de), 164.
sculpture, gothique, 498; — romane, 340.
seau de bronze, 142.
Séez. Ste Epine, 102.
Ségrier. 351.
Seigneur (testament du), 315, 316.
Sempringham, église abbatiale, 522.
Semur en Auxois (Notre-Dame),, 6, 10.
Senlis, cathédrale, 134 ; — Ste-Épine. 322.
Sens, cathédrale. 131 ; — étoffes anciennes,
54 : — Ste Epine, 322 ; — tissu bizantin,
142 ; — trésor de la cathédr., 346.
Seplfontaines. château, 351.
sépultures des princes luxembourgeois, 350.
Settignano (Des. da), sculpteur. 603.
Sforza (Fr.), statue équestre. 156.
Shorwell (ile de Wight), église, 424.
Sibérie, objets antiques, 377.
Sibylle tiburline, 410.
Sicilia sacra, 485.
Sienne, fresques, 197.
Sillon (le), 169.
Silos, colombe eucharistique, 168.
Simon, stylite, 389.
Siran, inventaire de l'église. 234
Sluter (Claus), 116.
Sluze, église' 454.
Société, académique de St-Quentin, 149 ; —
des amis dei monuments. 231 ; — des anti-
quaires de France, 142. 245 ; — archéologi-
que de Lorraine, 150 : — d' archéologie de
Bruxelles, r 50 ; — d'art et d'histoire du
diocèse de Liège, 352 ; — d'étude de la pro-
vince de Cambrai, 441 ; — historique de
Tournai, 332 ; — historique et d'archéolo-
gie de Corbcil, 150; — des lettres, sciences et
arts de Bar le Duc, 36. 149; — nationale des
antiquaires de France, 34. 345.
Sociétés savantes, 523; — (congrès des), 146.
Sodonia (le), peintre, 3_|2.
Soignies, 373 ; — collégiale, 78.
Soil (E.). 13, 104, 227. 491.
soldats au pied de la croix, 325.
soleil, iconographie, 313.
Solesmes, abbaye, 435 ; — église paroissiale,
435; — monastère Sainte-Cécile; — œuvres
artistiques, 435.
Sollikof (vente). 9.
sonnettes, du XVIe s., 57 ; — historiées du
XVLs.,57.
Sorrus | poteries dites de), 431.
Southamphon, cave du moyen âge, 522; —
porte ancienne, 138, 344.
South Kensington, 141.
Soutwark, cathédrale, C3,
Spéculum ma/us, 333.
Spisking (Jean), architecte, 33r.
stalles en noyer, 49.
statue, de S. Antoine, 562, 442 ; — auvergna-
te du XVIe s. , 243; — du Ve de Beaumont,
435 '■ — de Ste Cécile. 540 ; — de Charle-
magne, 54; — de François Sforza, 354; —
de Georges le Pieux, 17 ; — de S. Firmin
354 ; — de S. Jean Baptiste, 142; — de Ju-
lien l'apostat, 143 ; — de S. Michel. 78 ; —
de S. Paul, 355 ; — de S. Pierre, 35. 158 ;
— de S. Théodore, 354 ; — de la Vierge
Marie, n, T7.
statuette, en bronze de la Basse-Egypte, 142 ;
— d'Eros,54; — en bronze de Mercure,i43;
— en bronze à Pompéi 142.
statuettes gallo-romaines, 54.
statues, antiques, 246: — couchées; — de dieux
247 ; — funéraires à Clichy, 54.
stèle punique. 143.
Stockolm, musée royal des armures. r43.
Stoke Dry, fresques, 53.
Strood-lez-Rochester, église, 140.
style de la Reine Anne, 52.
Succi, peintre, 201.
564
Betntc ïie P&rt cfjrétten.
Suisse (Charles), architecte 117, 118.
Surreau(P.) \inventaire de), 359.
symbolique religieuse, 44. ( V. iconographie. )
symbolisme, des animaux 282 , — de l'âne,
311; — du bœuf,3ii; — du cochon, 282; —
de leléphant, 28 ; — du griffon, 55 ; — du
léopard, 281, 505 ; — delà licorne, 28 1 ; —
du lion, 280 ; — de la panthère, 282.
tabatières artistiques, 455.
tableaux (vente de), 423.
tapisserie du XVe, s., 85 ; — du XVIe à Ca-
maiore, 126 ; — gothique à Nuremberg, 23.
Laques de foyer, 351.
taureaux eu bronze, 347.
Telaf, bague eu 01 du XVIe s., 142.
Temple d'Antonin. 246.
Terek (objets provenant de), 371.
Termonde, chapelle des pauvres claires, 175.
Ternate, découverte de peintures, 175.
Tertullien, 170, 131.
testament du Seigneur, 515
Tevssouge, jambe de taureau en bronze, 347.
Théodore, archevêque, 449.
Tiiéod-ise le Grand, 388, 449.
Thérouanne, fouilles, 55, 346.
Thésut 1 Louis de), abbé, 6.
Theuley, abbaye, 114.
Thouars (chartiier de), 254.
Thuison. église cartusienne, 38.
tigre, iconographie, 282.
Titus, 127.
Tolède, 101.
tombeau, des Accorso, 401 ; — d"Andrea Gio-
vanni. 402 ; — de Babylas. 463; — de Ben-
tivoglio, 403; — de Bruni Leonardi, 124 ;
de Bruniel, 339 ; — de Charles le Témé-
raire. 149 ; — de Clément II. 228 ; — de
Cruilles, amiral, 245 ; — d'Eléazar, 391 ;
— d'Eulalie (Ste), 69 ; — de Galla Placidia,
3Q3, 395 ; — de Ghiberti. 50 ; — de Henri
I I -:j8 ; - de Jean II (évêque), 16 ; — de
Lavigerie ( Mgr) 76 ; — de Lancelot du
Parc, 253; — de Louis le Bavarois, 493;
— des Machabées, 295, 381, 383, 458, 460 ;
— de Marzuppini, 124 ; — de Philippe le
Hardi, 118; — de Raymond de Montpezat,
26 ; — de Robert le Maçon, 523 ; — de
Romulus, 145 ; — deSébald (S.), 20, 21 ;
— de Tartagni (Aless.), 403 ; — de Turgot,
148 ; — de Wenceslas (3.), 335 ; — de
Yolande d'Anjou, 440.
tombes puniques, 146.
Tombelaine, église et forteresse, 248 ; —
fouilles, 248, 268.
Tongres, fouilles et découvertes, 250.
Toulon, martyrologe de la cathédrale, 55.
Toulouse, congrès des sociétés savantes, 56,
246 ; — église St-Sernin, 247, 249 ; —
Musée, 250; — Ste- Epine, 323; — statue
de S. Paul, 355.
Touraine, aqueducs de l'époque romaine,
247.
Tournai, cloche du XV*= s., 261 ; — école St-
Luc, 174 ; — exposition d'art ancien, 85 ;
— église St-Jacques. 415 ; — église Ste-
Madeleine, 415 ; — faïences, $7; — halle
(1rs doyens, 352 ; — halle des magistrats,
352 — hôtel des portes, 272 ; — monu-
ments anciens, 352 ; — palais épiscopal,
271, 272.
Tour nus, église St-Philibert, 349.
tours, à Ath. 373 ; — à Florence. 2 ; — à
Mons, 351 ; — à Malines, 185, 187, 189 ;
à Trêves, 525.
Tours, basilique St-Martin, 248 ; — cathé-
drale St-Gatien, 531, 532 ; — château du
XVe s., 526; — église St-Julien, 531 ; —
fragments de vitraux, 149 ; — vitrail de St-
Martin, 533.
Transfiguration, 312.
Treignes(Namur), croix processionnelle, 176.
tremblement de terre en Phénicie, 457.
Trémolar, église, 247.
Trésor, de Conques, 251 ; — de Milan, 306 ;
de Pistoie, 518 ; — de Prague. 483 ; — de
Ratisbonne, 232 ; — de Sens, 346.
Trêves, tour du XVe s., 525.
Trinité, fresque, 243.
Triptyque du XVIe s., 159,270.
Truro, cathédrale, 52. 140.
tuiles, antiques, 345; — marquées, 149.
Tuileries, 55.
Turget (sépulture de), 148.
Turin, exposition d'art sacré, 47 ; — statue de
la Madone, 244.
u.
Umiiiati, 195.
Urbain II, 138,
Utrecht, musée archiépiscopal, 224.
V.
Vachier, acquéreur de l'abbaye de Cluny, 240.
Valcroissant, abbaye, 169.
Valence, Ste-Epine, 102.
Valencienne, Ste-Epine, tôt.
Valentinien III (portrait de), 51.
Vailly (X. de). n5,
Vandalisme en Krance, 547.
Van Dyck (Ant.), 542.
Win Eyck (Hub. et Jean), 252 ; — peintures
inachevées de Jean, 408.
Vasari, 124, 396, 405.
Vases liturgiques, 253.
Vatican, fresque à \a,segnatura, 192 ; — Vase
antique, 237.
Vauvert (Dom Aubry), 116.
Vendôme (Geffroy de), 214.
Venise, église St-Marc, 396; — Ste-Epine, 487.
Venus Fornarina, 364.
Veo (Raoul de). 214.
Verdelot, Notre-Dame du Pilier, 151.
Vergy (Ant. de), 116.
Veineilh, 217.
verres chrétiens, 253.
vertus chrétiennes, 160.
vêtements anciens. 307, 498 ; — liturgiques
anciens, 56, 16c, 307.
Vezelay, église abbatiale, 349 ; — Ste-Epine,
212; — Ste-^Iadeleine, 242.
Vicence, Ste-Epine, 208.
Victoire (les saintes). 144.
Vierge Marie, 9, 276; — (statue de la), 17 ;
— (statuette de la), 11.
vierge du XIVe s., 343.
Vieux Paris (commission du). 148.
Vigouroux, 290.
Villers, abbaye, 542.
Villers Coterets, château, 268.
Villers devant Orval, 374; — cimetière franc.
; m ; — église abbatiale, 417.
Vinagium, 361.
Vincenne. Ste-Epine, 487.
Vincent de Beauvais (Sommedt), 353.
Vinci (Léon, de), 155, 195, 422, 423; — (acadé-
mie), 156; — (écriture de), 157.
Viollet le Duc, 164, 338. 340, 548.
visite des Marie, ivoire du IXe s., 314.
Vitraux, 140, 175, 356, 4,-5, 522, 533.
Vivarini (Bart.), peintre, 542.
Vivarium^ 140, 175.
Volche (dame Hélène) (testament de), 358.
Volvinius, 506.
voûtes, en berceau gothique, 278 ; — gantoi-
ses (croquis de), 439; — domicales, 438,
439-
Vovage littérairedt deux bénédictins ,320,321.
Vuilicharius (dalle commémorative de), 245.
w.
wagons de chemin de fer (décoration des),
425-
Walcourt, église, 455.
Warten, vitraux, du XIVe s., 522.
Waverley, abbaye, 239 ; — fouilles, 522.
Weale (W. H.), 120, 408.
Weris (Luxembourg), église, 179.
Werve (Claus de), sculpteur, 116, 118; — (épi-
taphe de), 221.
Wervicq, église, 455.
Westminster, abbaye, 138 ; — cathédrale,
.41, 425.
Weyden (Roger van der), 39.
Winchester, cathédrale, 141.
Wiirzbourg, cathédrale, 17; — église, 16; —
monuments funéraires, 17; — pontduXV<=
s., 16 ; — résidence des princes-évêques,
16 ; — tombeau de l'évoque Jean IT, iê.
Yolande d'Anjou (tombeau de), 440.
Ypres, église St-Martin. 373, 408.
Yriarte (Ch. ) (papiers de), 346.
z.
Zamiés, 115.
Z.imora (bréviaire de), 162.
Zepperen (I.iinbourg), peintures murales, 86.
ANNEE 1899. — ERRATA & ADDENDA.
Page 6, 2e col., 31e ligne, au lieu de : St Barthélémy, lisez : St Thomas.
» Haseloff, lisez : Haseloff.
» Tustin, » Tuskin.
» Pake, » />#>-£.
» Herenni, » Perenni.
» Codor Rossassenois, lisez : Codex Rossanensis.
» Haseloff, lisez : Haseloff.
» 71/^, » Maidy.
» Estog, » Estouy.
après : Philippe Auguste, ajoutez : étf Philippe le Bel.
au lieu de : dessin, lisez : *&z/ù.
» Orient, » (9»«A
» Striers, » Stuers.
» .?d Vendémiaire an VII, lisez : y / fructidor an VIII.
» 528. Z«\j /;>«« ? « ;?o <A? /« 2' col. font suite à la 14e ligne de la 1" col.
— K$4 KIN K$*—
»
54. ire
»
20e
»
»
T> »
»
22e
»
»
» »
»
23e
»
»
» 2e
»
6*
»
»
» »
»
IOe
»
»
» »
»
I Ie
»
»
150, 1"
»
29e
»
»
151, 2e
»
2e
»
»
» »
»
19e
»
»
» »
»
22e
»
»
» ))
»
35e
»
»
164, »
»
i8«
»
»
467, Ire
»
35e
»
Imprimé par Desclée, De Brouwer el C'«, Bruges.
■ :- • ■- :-. -\'>'V,-«.,vv ' ,.
"~^'\^r\n;*'r
Il iliilll
^ir^l
mi
'^Aâ.
■^W?
v-^-.
k
I^Î^MfcA/\ *A* .
\ i'£
W/'j/w
J»^^g^*^^V^bk^BlT ^Kx^^^^
Wu ?
*3^ \ïf'j
'^jElT
wA
^P
13
'^****î
\n
\i/M
1
^jSB^^^w/^^Sa
/ i/vv.^