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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
MONTPELLIER, IMPRIMERIE CENTRALE DU MIDI
Bamelin Frères
REVUE
DES
LANGUES ROMANE
PUBLIEE
PAR LA SOCIETE
POUR L'ETUDE DES LANGUES ROMANES
D e u x i è m e Série
TOME TROISIÈME
(T. XIe DE LA COLLECTION
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MONTPELLIER
A,D BUREAU DES PUBLICATIONS
DK Uk SOCIÉTÉ
POI7R l'btudk des langues komanes
PARIS
MA1SONNEUVE ET O
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25, QUAI VOLTAIRE, ?i
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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
DIALECTES ANCIENS
ANCIENNES ÉNIGMES CATALANES
(.XVIe SIÈCLE (?))
En publiant, dans la Revue (no du 15 juillet 1876), un certain nom-
bre d'énigmes populaires qui ont cours aujourd'hui aux environs de
Barcelone, j'omis les suivantes, que j'avais trouvées dans un chan-
sonnier du XVe siècle.
Elles sont en prose et me semblent avoir un tour plus heureux,
un fonds plus poétique que les autres.
Hormis le changement du c en ç et du j en i, j'ai cru devoir main-
tenir les fautes de l'original (posa pour passa); les vulgarismes
orientaux (fent-na pour fent-ne) et diverses inconséquences ou va-
riantes, de copie (hobrir etubi'ir, finales en n, ou en ni, etc.j.J'ai ajouté
quelques accents.
Ces énigmes ont été écrites après coup, probablement au
XVIe siècle, sur le chansonnier dont je viens de parler.
M. MlLA Y FONTANALS.
g DIALECTES ANCIENS
Demanda. - Qu'es una co3a qui de continuu sona y los
ostea son muta ytota corren ensemps? — Resposta. — Una cosa
qui Bona es la mar 3 loa ostea -on los pexos.
I). — Dolca es la amiga de la vora de! mar, la quai fa dois
,■.,1,1. _\ no es de negra color, es misagera de la lengua quan
loa dita fan mouiment. — R. — Es la canya quis fa cerca de
l'aygua, qui uo es negra, qui fent-na flautas, sonanantla y
mouen I"- dita fa dolça musicha.
1>. — Largua es aportada cuytadament, \ es iilla de la
selua, acompanyada de molta gen, ,\ va per moltas parts, no
dexan senyal per on pasa. — R. — Es la fusta de la selua de
ques fan aauilis, qui ananl per mar cuytadament acompa-
nya[da] àe molta gen va per moites parts, y no dexant senyal
per "ii pasa.
|i. — Presque toute illisible.) R. — Son las casas, los banys
hahon esté lo focb dejus qui en lo mig dona gran calor, y no
danya; esté sens robay los ques banyen nontenen.
1). — Vn no so pesada ,\ metse l'aigua dins mi, entran dins
Di mande. — Qu'est-ce qu'une chose qui toujours appelle et dont
les hôtes muets courent tous ensemble? — Réponse. — La chose
qui appelle est la mer, et les hôtes sont les poissons.
h. — Douce est l'amie du bord de la mer, laquelle fait un doux
chanl . i' i'1 n'est pas de couleur noire : elle est messagère de la
ii,' quand les doigts sonl en mouvement. — H. — C'est le ro-
i i qui naît au bord de la mer, qui n'est pas noir, qui sert à faire
-. lesquels, lorsqu'on y souffle en remuant les doigts,
fout une douce musique.
I). — l.i mi lunuui'. elle rsi apportée avec vitesse; elle est fille
de la forêt; [elle est | accompagnée de beaucoup de monde: elle va
par plusieurs | tys et ne laisse pas de marque là où elle passe. —
R bois de la forêt, duquel on fait des navires, qui va
|u .- .ir la mer avec vitesse, accompagné de bien des gens et
dans plusieurs pays, ne laissant [aucune] marque là où il passe.
I». — lî. — Ce sont les maisons et les bains, et ils
uni au-dessous le feu, qui au milieu donne une grande chaleur,
laquelle ne nuit pas; il est sans vêtements, et ceux qui se bai-
ui n'en onl pas non plus.
I » — Je ne suis pas pesante, et l'eau se met en moi, entrant par
ANCIENNES ENIGMES CATALANES 7
mos trauchs* hoberts amagada y foroadament s'en parteix.
— R. — Es la sponjaqui es touay no pesa ab losforats uberts,
jposanse l'aigùa dins ella, la fa star pesada y no's'en va sens
pembre 3.
D. — Ninguna figura lies certa, y posadaa la claror sembla
el sol y res no mostra, sino lo qui es deuant. — R. — Es
l'aspill qui no mostra ninguna figura serta, sino la cosa qui
deuant li es posada y es molt clar posât a la claror.
D. — Quatre germanas corren agualment qui part cstan
posades, y agual treball sostenen, yunavol aconseguir l'altra
y no s'alcansen. — R 3
D. — [Molts fusts?] de agual forma posats entre dos ger-
manas per agua[l] compas en cert nombre, que fan las altas
cosas saber. — R. — Es la escala la quai mesuradament es
graonaday hon se munta en les altes parts.
D.- — Fou nat abans de son pare, y engendrât abans que
mes ti'ous ouverts [où elle reste] cachée, et ce n'est que forcé-
ment qu'elle s'en va. — R. — C'est l'éponge, qui est molle etqui ne
pèse pas, avec ses trous ouverts, et qui, lorsque l'eau se met de-
dans, la fait peser; elle ne s'en va pas sans être exprimée.
D. — Elle n'a pas de ligure constante, et, mise à la lumière, elle
semble le soleil, montrant seulement ce qui est devant elle. —
11. — C'est le miroir, qui ne montre aucune figure constante, sinon
la chose qui est mise devant lui, et qui est très-clair [lorsqu'il est]
placé à la lumière.
D. — Quatre sœurs courent également et en partie sont li.xes ;
elles s'acquittent d'un travail égal, et l'une veut attraper l'autre, et
elles ne s'attrapent pas '( — R. —
D. — [Beaucoup de bois?] de forme égale, mis entre deux
sœurs suivant une mesure égale et en nombre déterminé, qui font
connaître les choses élevées. — R. — C'est l'échelle, qui a des éche-
lons disposés (litt. qui est graduée) avec mesure et par laquelle on
monte aux hautes demeures.
D. — Il naquit avant son père et fut engendré avant sa mère; il
' Trous. On emploie aujourd'hui trau.
* On peut expliquer ce verbe par prenier, preinre, prembre, p(r)em-
bre.
:t Elle est illisible, mais les quatre sœurs doivent être les baguettes du
dévidoir, comme les étudiants de l'énigme moderne.
g DIALECTES ANCIENS
sa mare, y mat;', la quarta part, de] mon y desponsella l'amiga.
_r —lis Caym qui nasqué abans que Adam, qui no va neixer
v i mgendrat, abans que Eua qui no fou engendrada,y matâAbel
qui era la quarta persona de] mon, y cauâ la terra qui no ère
stada cauada posant lo en ella.
D. _A1 bosch neix, al prat peix, lo forrer lo fa, la dona lo
,i ].,/__ R._jSTarbrerlquis fa delfust, la nou delabanya delse-
ruo, la (sic) arch que fa lo ferrer, la corda que fila la dona*.
D. — Ni (?) boni ros ni a non ros(?), ni a mon goss.
tua la quatrième partie du monde et dépouilla l'amie de sa virgi-
nj,(, _ R.— C'est Caïn, qui naquit avant Adam, lequel ne naquit
pas et fut engendré avant Eve, qui ne fut pas engendrée, elle, ot
qui tua Aboi, qui était la quatrième personne du monde, et qui
creusa la terre qui n'avait pas été creusée, le déposant (Abel)en
elle.
1). —Il naît dans la forêt, il paît dans le pré, le forgeron le fait,
la femme le file. — R. — Le manche de l'arbalète, qui est fait avec
le bois: la noix (de la même), qu'on fait de la corne du cerf; l'arc, que
fait le forgeron, et la corde, que la femme file.
D.— Ni homme roux ni à [homme?] non roux (?), ni à mon
chien.. .
» L'arbrer? Narbrer serait une personnification du substantif, assuré-
ment bien singulière.
' Suit une énigme castillane :
Demanda.. — Vestida nasi mesquina , y ahora desmida me ves,
yxando'!) lâgrimas negras, disendo Jo que queren (l. querés). andando
i is caminos, por anxo y por traués. — Resposta. — Es la pluma que
nase vastida [sic , y aparejada por esceuir la despojan, las lâgrimas son
la tinta en que escribieudo dice hombre lo que quiere, y van las cartas
por miiclius parles.
Un peut voir dans les Trova 'ior es en Espana, pag. 511, note, la version
complète eteonecte de cette énigme castillane, à côté d'une autre en
ancien provençal, qui a quelque ressemblance avec elle et qui symbo-
lise l'âme.
J Le reste est illisible.
TROIS FORMULES DE CONJURATION
EN CATALAN (l397)
Les anciens registres des notaires contiennent souvent, au
commencement ou à la fin, des notes historiques sur les évé-
nements de Tannée, des préceptes de morale, d'agriculture, de
médecine, d'industrie, quelquefois des exercices de style et
de rimes, ou peut-être tout simplement de calligraphie, et
enfin des formules de prières et de conjurations, dont cer-
taines peuvent remonter assez loin. Telles sont peut-être les
trois formules de conjuration que l'on trouve dans le ma-
nuel d'actes(du7 janvierau 17 septembre 1397) de Jean Ornos.
notaire de Perpignan. On lit au haut du premier feuillet:
Va la puta rameyra freyra va la puta rameyra,
et immédiatement au-dessous, en très-belle écriture et de la
même main que tout le reste :
Manuale Johannis Ornos notarii publici Perpiniani
anni nativ. domini m. ccc. xc. septimi.
Puis, au bas du même feuillet, ce précepte en catalan sur
la taille de la vigne :
« Senyer, si volets podar, havets a fer per la manera qui's
» segueix :
» Primerament, podarets en lo mes de noembre, e si nopo-
» dets de noembre, podarets lo mes de deembre, per la manera
» e forma que dejus es scrit.
» Cant tendrets x. de la luna, podarets fins a xv. de la dita
» luna, e dins aquell temps haiats podat : e comencara lo po-
» dador, de tercia fins a la squella : e axi mateix l'altre mes de
» deembre dessus dit. »
Le verso du dernier feuillet contient trois formules de con-
juration ; mais, comme ce feuillet sert de couverture depuis
plus de quatre siècles, quelques parties de la troisième formule
sont presque effacées; les mots dont il ne reste que des lettres
ou des signes douteux seront donc mis en italique. Ces do-
10 DIALECTES ANCIENS
euments n'ajouteront rien à l'histoire, déjà trop volumineuse,
des superstitions humaines ; mais leur forme semble nou-
vrelle; on remarquera qu'ils sont écrits en lignes qui ne res-
semblenl guère à des vers quanta la mesure, bien qu'ils pré-
sentent parfois de simples. assonances et même des rimes. Il
esl certain <jue les finales Christ. Feliu, diu, rahil, dix, de la
première formule, ne riment pas dans le texte de 1397, mais
elles rimaient en catalan avant 1250 : Christ, Feliz, diz, rasiz
et diç.
Conjur a falsa4 alias buba2 negra
+ En vi .1. hou mal de .Uni X'.
A mi lo3 se dix nostre senyor deu Jhû X'.
« Eu te conjur, de part de Deu e de moss. sent Feliu
» e ]ier les misses que prevera diu,
» que aci no metes brancha ne rahil*. »
Mor te. mal, que Deu t'o dix.
Et postea dieâtur Pater noster et Arc Maria, et dicantur hec omnia
tribun vicibux.
Conjur de Lobas"
+ Nostre Senyor emoss. Sent P.
se'n anaven perlurcami,
1 Falsa, ampoule, tumeur. Il y eut une épidémie de faines à Perpignan
en 1383 ■ Comensaren les morts per falsses (Notes chronolog. du Livre
vert mineur, année 1383).
- Rubti negra : est-ce le bubon pestilentiel? On lit dans une enquête
judiciaire de 1355: E ela dix, que mala febra li payas al cap. e buba
negra!
3 Lo, particule dont il est difficile de déterminer la nature, mais d'un
usage extrêmement commun dans le catalan vulgaire, et même officiel ou
administratif, des XIV" et XV0 siècles. Il serait facile de citer une infi-
nité d'exemples qui prouveraient que ce lo est un idiotisme qui n'ajoute
absolument rien au sens, et qu'il ne s'accorde jamais, ni pour le genre,
ni pour le nombre, avec les sujets ou régimes qui l'accompagnent, ni
avec l" pronom personnel qui le suit ordinairement.
* Rahil, racine. On trouve rasiu en 1323. rahiuen 1378. rayll en 1372;
aujourd'hui rael, et tel en Roussillon. Rahil ne rime ni avec diu, ni avec
dix ; mais, comme à l'origine sa forme était radiz ou rasiz, il pouvait
rimer au XIII*- siècle, avec diz (dixit).
sEn catalan, llobal est un jeune loup, llobarro un loup (poisson). Lop,
FORMULES DE CONJURATION 11
e eneontraren lo lop Lobas.
— « E on vas, lop Lobas? »
se dix Nostre Senyor.
— ■>• "Vau a la cassa d'aytal,
» menjar la carïi è beure la sanch d'aytal. »
— « No fasses, lob Lobas ! »
se dix Nostre Senyor,
« Ve-t'en per les pastures
» menjar les erbes menudes ;
» ve-L'en per les mon.tanyes
» menjar les erbes salvatges ;
» ve-t'en a mige mar,
» que aci no puxes res drmanar ! »
Etdicaiur tribus vicibvs, e el Pare nostre, el'Ave Maria, e lo Eiiari-
geli de San t Johan.
Conjur a totanafre
-f- III. bos frares se'n anaven per lur cami,
e eneontraren Nostre Senyor deu .Thù X'.
— « III. bos frares, ou anats ? •>
— « Anam nos-en al Puig de Sant Johan1,
» per cullir erbes e flors
» per sanar nafres e dolors. »
— « III. bos frares. » [se dix* Nostre Senyor .
» vos altres vos-en tornarets,
» que. . .r. . .n.l.ma. . . non pendrets,
» ni carn en dissabte no menjarets,
« ni celât no bo terrets ;
" e perrets3 de la lana de la vuella,
» e o!i de la olivera vera,
» e direts en axi : — Nafra, puxes tu cremar. e delii"4,
Lobas ne désignerait-il pas le loup-garou, ou le loup rabat mentionné
dans un document du XIV siècle? Axi com a lops rabats qui degolen
e roben (Tuglat, dans les Docum. inéd. de P Bofarull, tom. Xlll,
pag. 99).
1 Lecture tout à fait incertaine ; les lettres s et n sont seules lisibles.
-Il n'y avait rien d'écrit après frares, et les mots entre crochets rem-
placent ceux que le copiste a sans "doute omis.
* Perrets et terrets, pour pendrets (écrit plus haut) et tendrets.
* Le scribe avait écrit deblir, qu'il a barré et. remplacé par delir. Peut-
être faudrait-il bollir. Delir (du latin delere) n'est guère usité en catalan
12 DIALECTES ANCIENS
» e'nfistolare semar1 e puyrir,
» com fe aqueila que l'an^el fe
» ai costat tiret de Nostre Senyor Jhù X'. »
Diga axi : Santa Maria, Agios, ateos, atanatos, deu fortis miserere
nobis. Dicatur Pater noster et Aue Aue (sic) Maria, quod dicatur tri-
bus vicibus .
On trouve aussi dans la notule de Guillaume Reynard, no-
taire de Rivesaltes (1409), deux albarans en latin, dont l'un
intitulé: Albaranum ad glandulas; l'autre avec ce titre en
catalan: Albara bo a febre : qui l'a ni la pert, que tinga aquest
albara, no la cobre. Ces pièces, sans intérêt, ne contiennent
que des prières et des invocations à divers saints, saintes, an-
ges, archanges, etc., et, par la langue comme par la forme,
elles diffèrent complètement des conjurations de 1397.
Al ART.
que dans la phrase lo fa delir, « il le fait se tourmenter, se consumer,
s'exténuer.» Delir existait autrefois avec le sens de « détruire », dans
le provençal : E per donas aucirre e per efans delir (Chanson delà Croi-
sade albig., vers 8694), et dans le catalan: Ollimbres te auciura e délira
sobra terra (Vida de S. Margarida, XIV* siècle; Docum. inéd- de P. Bo-
farull, tom. XIIL, pag. 122).
1 Semar signifie le plus souvant, en ancien catalan, « se dessécher, dé-
périr»; mais, dans le catalan du Roussillon, on ne l'emploie aujourd'hui
que pour exprimer l'ascension de la sève dans les végétaux.
DIALECTES MODERNES
GRAMMAIRE LIMOUSINE
ADDITIONS ET CORRECTIONS'
Tom. II, page 186, ligne 13. — J'aurais pu me dispenser d'ex-
primer un doute. Il n'est pas possible en effet d'admettre abbas
parmi des rimes en as, la finale de ce mot étant atone. Il faut
probablement corriger albas, comme je l'ai depuis proposé
ailleurs.
187, 1. 10-14. — On peut voir, dans une même page de G. de
Rnssillon (162 de l'édit. Hofmann), les trois formes cha, che et
chi (ces deux dernières dans le même vers (7572). On trouve
aujourd'hui cho en Auvergne, co en Rouergue et en Quercy.
— Des exemples anciens du même affaiblissement en o de Va
(an) tonique sont so (sanum) et certos (certas =-- *certanos), dans
des textes limousins de 1371 et de 1475.
188, 1. 9. — On peut ajouter chivalier, forme qui se ren-
contre déjà très-fréquemment dans les anciens textes. L'a
reste dans chavau.
188, 1. 10. — Ajoutez bounJtâ — banhâ (fr. baigner), les deux
formes étant usitées l'une et l'autre, mais dans des acceptions
différentes.
189, E, 1. 5-6. — Il faut faire une exception pour le bas-
limousin (contrée de Tulle), qui, au contraire, affaiblit souvent
en i Ye tonique ou protonique de toute origine .
4 A moins d'indication contraire, la ligne désignée est toujours celle du
texte. — Dans le compte des lignes on a négligé le titre courant, ainsi que
ceux des chapitres, sections et paragraphes. — On n'a pas cru devoir faire
un errata particulier pour les fautes purement typographiques; on s'est
borné à les relever, à leur ordre, parmi les autres.
14 DIALECTES MODERNES
189, 1. 2 du bas. — Supprimer cultellus. coûté.
190, note 1. — Supprimer cette note. Ui, en effet, bien qu'on
ne puisse pas toujours constater le fait, a dû se développer, à
l'intérieur du mot comme en finale, avant la chute de Ys, en
sorte que la série normale est es, eis, et. Il y a lieu, en consé-
quence, de remplacer dans le texte, ligne 5, les mots « à la suite
de cette consonne » par « et cette consonne tombe.»
191, 1. 3 delà fin: « atones. » — Lis. : atone.
193, dernière 1. — On peut ajouter damandâ, qui se lit déjà
plusieurs fois dans un document limousin de 1371 Lim. hist.,
pp. 598, 610, 641. etc.)
198. 1. 1-5 et note 1. — Je citerai, comme pouvant servir à
confirmer l'opinion ici exprimée, une pièce de B. de Venta-
dour (Quan vei la laudeta) et une autre de B. de Born {Quart
la novclla flors), où des mots comme fron (frontem), pon (pon-
tem), respon (respondet), etc., riment avec mon (mtindum) , segon
secundum), son (sunt), etc.
199, 1. <S-9. — Feulha se lit dans un texte de 1463. A côté
de feulho existe aussi, en haut et bas limousin, felho, qui pro-
vient de la forme classique fuelha, par réduction de la diph-
thongue ue.
199,1. 12 du bas. — La langue classique considérait aussi
comme cstreitYo dans cette condition, c'est-à-dire le pronon-
çait ou. C'est ce que prouvent les exemples sans nombre que
l'on a de bo(n), so[n), rimant avec des mots tels que chanso(n),
razo{n), etc.
202, 1. 20. — Envio ne vient pas directement de envidia. Il
a été précédé de enveia, où ei s'est ensuite réduit à i comme
dans mia-né(]). 53, 1. 3) de meia-nuech, etc.
206, 1.8. — Effacer *refutiare, refusar, refusa. L'étymologie
de refusar est incertaine ; mais ce ne peut être refntiare,
forme inconnue et invraisemblable.
208, 1. 4:« requeule.n — Lis.: requeulo.
208, 1. 5 du bas. — A notre froujà on peut comparer, en an-
cien français, aïi/er =*œdicare pour œdificare. Vov. Romania,
I, 166, 1.'5.
210, 1. S: « rouis.» — Lis.: caitiui.
211, 1. 13 : tfbodina, boueino. » — L'intermédiaire néces-
saire boina, dont je n'avais pas remarqué d'exemples, se peut
voir dans il. -s documents limousins et languedociens du XIVe s.
Vov. Breviarid'amor,-v. 17003 (variantes); Limousin historique,
p. 601.
212, I. 14 : « Dans le haut-Limousin. » — Lis. : Dans le haut
comme dans le bas Limousin.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 15
216, 1. 13 du bas. — Ajoutez : ie se réduit, souvent à e, en
haut Limousin, dans les finales en ier, après les chuintantes
ch et,/. Ex. : archer , barger = qrchier, bergier, formes non-
t rennaises.
218, 1. 4. — Couei peut très-bien être le résultat de la con-
traction de co ci =(a)co es. Mais je crois plus probable que la
série des formes est celle-ci : (a)co es, (a)co's, (a)cois ; d'où
coueis, couei, par le développement normal d'oi en ouei (voy.
p. 46). Cf., dans les Coutumes de Limoges, noys tengut= no es
tengut et soy assaber — so es a. Un autre exemple de ce déve-
loppement de Yi devant s, résidu à." es, ainsi affixé, est le sui-
vant, tiré d'une des nouvelles de R. Vidal (Gedichte der Tr.,
II, p. 26, 1. 19 du bas): tota ma rancurays merce=. .rancura es.
Le même phénomène se produisait souvent devant s == se,
pronom réfléchi. Voy. ci-après l'addition à la p. 179, 1.8 du
bas.
219-220. Syncope. — Ce qui est dit ici est insuffisant et trop
peu précis. La question a besoin d'être reprise et étudiée de
plus près et dans un plus grand détail, à la lumière de l'ex-
cellent mémoire récemment publié par M. Darmesteter sur
la protonique en français [Romania, V, 140).
220, 1. 5 du bas: a Pouvero \(polvera) =■ pulverem.» — Rem-
placer le signe = par « de. »
222. Paragoge. — A coumo ajoutez ounte (ont) et quanet
(quant), où Ve s'est attaché an t final longtemps après la chute
de l'e et de Yo étymologiques de unde et de quando.
Tom. 111,371,1. 12. — Sur cette influence de la diphthongue
au, voy. la Revue des langues romanes, VII, 405.
372, 1. 12 du bas. — Cette mutation se remarque encore, en
bas-limousin, dans trounso — " trunca (cf. p. 106, note 1). Elle
n'a été sans doute immédiate ni dans ce cas, ni dans l'autre, et
une première mutation de ca en cha a dû précéder. Cf., p. 72,
1. 5, messan = médian, etc. Ou trouve dans Rochegude, blanza
pour blanca ou blancha; dans Ste Agnès (577), Sansa pour
Sancha, nom propre .
372, 1. 8 du bas : « au bas limousin ». — Lis. : en bas li-
mousin .
372, 1. 6 du bas. — Ajouter : Dans mêgue, b.-lim. rnergue
(petit. lait) = allem. molken, la gutturale, tout en changeant
de degré, reste dure. Mais elle a dû s'amollir en/ pour pouvoir
produire la-mèzi (même sens), qui appartient au bas-limousin.
Cf. manso, trounso, Sansa, blanza, qui font l'objet de l'avant-
dernière note.
374, 1.7: «ecclesia.» — L'insertion de 17 après c/, dans ce mot
et dans quelques autres, est ancienne dans la langue. Ainsi
16 DIALECTES MODERNES
on trouve très-fréquemment glieyza, eglieyza, dans des texte»
limousins et languedociens du XIVe siècle. Clier = clei^icus
est plusieurs fois dans G . de Rossillon et ailleurs.
376, 1. 18-19. — L'wde seuta et àegraulo s'expliquerait peut-
être mieux par la chute de la gutturale et l'attraction de Vu
des originaux latins. Même observation pour teule =tegulum
p. 70, 1. 4.
376, note 2. — Lutz et patz sont ici^cités à tort. Le t y est
un développement du z des formes initiales luz et paz ( = lu-
cem etpacem), et nullement le résultat d'une mutation directe
duc dur de pax et de lux. Voy. là- dessus la Rev. d. I. r.,V, 335.
377, 1. 3 et 10 : « gurges, gorjo. » — Lis. : * gurga (gurges),
gorjo.
377, 1. 4 et 5 en remontant. — Esmai est plutôt le substantif
verbal iïesmqjar. Quant à proubai, il est peut-être plus sûr de
le tirer de propage (propaginem), par ablation de Ye final, que
du nominatif latin propago. Rochegude a une forme féminine
probaina que je n'ai pas remarquée ailleurs.
379, note 2, dernière ligne : « dont. » — Lis. : où.
380, 1. avant-dernière. — On trouve des exemples de ces ré-
ductions dans plusieurs textes anciens, tels que la Chanson de
la croisade albigeoise, la Vie de Saint Honorât, Guillaume de la
Barre. Voy. là-dessus la Revue des langues romanes, VI, 293.
— Devant d'autres voyelles (a, o, ou), le parler de Tulle, loin
de réduire clt à t, aime au contraire à le doubler d'une s, en
sorte que le son total est sts. Ex. : vascko (vastso, comme écrit
Béronie), bousc/io, bouschou .
Tom. IV, 64, dernière ligne. — Ajouter: Il est devenu g dans
guindé, qui se dit pour dinde en divers lieux du Périgord et
du bas Limousin.
64, note 2. — Sur cet intermédiaire, pocs, que je suppose ici
entre postet pois, voy. la Rev. d. I. ?'.,V, 331, note 2. On trouve
de même prebox =prœpositum. En Saintonge, buste se prononce
buxe.
66, note 2. — Des « poésies religieuses » mentionnées dans
cette note, il en est une, et c'est celle précisément à laquelle
j'ai emprunté deux exemples, qui n'est pas limousine. C'est
par inadvertance que je l'ai confondue avec les autres, les-
quelles appartiennent incontestablement à notre dialecte.
t>7, 1. 2. — Enclunke vient, non de incudem, mais de incudi-
cem, d'où enclutge dans l'ancienne langue. Incudex se lit dans
les lppft»gûfi*ra de Julius Pollux, publiés par M. Boucherie,
p. 106. Cf., dans le provençal moderne, iruge, qui renvoie à
"hirudicem et non à hirudinem.
67, 1.4 du bas. — Ajoutez: Ce développement de t ents et de
GRAMMAIRE LIMOUSINE 17
d en dz se constate aussi quelquefois en haut-limousin. Ex.:
betsiomen, moucandzier. — Plusieurs textes anciens offrent des
exemples du dernier de ces phénomènes : ex.: adzorar = ado-
ra?', etc.
67, avant-dernière ligne. — Ajoutez : Un exemple de la
mutation inverse, mais à l'intérieur du mot, est senséno = fr.
sentène, si le t, dans ce dernier mot, est bien la consonne primi-
tive. Cf. Servagan = Tervagan, dans une chanson d'Austorc
d'Orlac ( Malin Gedichte, IX).
69, 1. 11. — 11 va sans dire que puesca ne représente pas
exactement possim (poxim ). On n'a ici en vue que le radical,
qui est puesc = pose = pox.
69, 1. 6 du bas. — X l'abri de l'influence de Yi, s est devenue
ch dans cliùullta = solhar ( *suculare ), et dans pouchâ ( tous-
ser ), si du moins ce dernier mot est bien le même que polsar,
traduit par « valde anhelare » dans le Donat provençal (36 b).
— C'est ici le lieu de noter que plusieurs dialectes de l'an-
cienne langue, y compris le limousin, comme le prouvent des
textes de Limoges et de Périgueux, changeaient souvent Ys
dure suivant i, particulièrement i engagé clans une diphthon-
gue, en une consonne probablement identique au ch fran-
çais, et qu'on figurait se//, sh ou ch. Sur sh, voyez un passage
des Leys d'amors, I, 62, qui prouve clairement que cette com~
binaison n'avait pas la valeur d'une s simple*. Les trois no-
tations, ou seulement deux d'entre elles, sont quelquefois
employées concurremment dans les mêmes textes, ce qui dé-
montre leur équivalence. Ainsi les Coutumes de Limoges ont
ayschi, punischen, mais plus souvent, par ch, layehen, poicha, etc.
La Croisade albigeoise a creish, laish, preisha, ishitz, Saishes,
à côté de baicha, ichitz, Saichag, etc. Un même ms. du Breviari
à'amor offre ensemble yshi, isschauzada, naisekensa, ichia, co-
noicliensa, etc. Mais ce mélange ne se remarque pas partout,
et même, la où il a lieu, il y a toujours une des notations qui
paraît la préférée. — En finale, il arrive quelquefois que les
deux éléments de sh se transposent ( de là des formes comme
nayhs, qu'on trouve par exemple, dans les Joyas, àcôté de naysh
et de naych ou que Ys tombe. Ex. : laih, dih, poih, Foih, etc.
Ces dernières formes sont fréquentes dans la Chanson de la
Croisade albigeoise, texte qui nous ofl're aussi d'assez nombreux
exemples d'une autre modification de notre sh final, à savoir
g : poig, Foig, etc. Je pense que g dans ce cas, comme h dans
le précédent, devait figurer un son peu difiérent de celui du </
allemand.
73, note 3. — Ici et plus loin ( 664, note 1 ), j'ai oublié que
1 Cf. même ouvrage, II, 186 .
I8 DIALECTES MODERNES
tçopulum ('tait aussi représenté en provençal ( escol/t, escuelli ').
76, 1. 16: « Guilhaume . » — Lis.: Guilkem'.
76, 1. 3 du bas- — Saumo etsôumâ, au lieu de provenir immé-
diatement de salvaet de salvare, comme je le suppose ici, par
mutation directe de y en m, pourraient n'en provenir que par
l'intermédiaire de saulaet de sôulâ, formes résultant delanié-
tathèse du v ( cf. teune — tenuem ) ci don! 17 se serait ensuite
changée en ///. Sôulâ n'est pas d'ailleurs une forme fictive.
KWe existe à côté de sôumâ, en haut Limousin. Cf., dans le
prov. moderne, mauloz=.malva.
78, 1. 16 du bas. — Le provençal moderne dit de même souceia
(souhaiter), avous (août). Cette dernière formese trouve déjà
(awosf) dans le Petit Thalamus de Montpellier (p. 07)'. Des
exemples anciens du même phénomène en initiale sont, dans
le dialecte provençal,yo = aut ou hoc, vont ■= unde, vora = ora
(Gloss. occit., 333 a), vostar = ostar, vueills—oculus. — Mention-
nons encore les formes gasconnes daubus daubussis = dau(s) us
( des uns, c'est-à-dire quelques-uns ) et ibe (Baronne) = ïe =
ùe = una (l'n intérieure tombe en gascon), dans lesquelles,
selon le génie du même dialecte, c'est b qui s'est introduit au
lieu de y.
78, 1.7 du bas. — 11 faut ajouter brundî, forme dans laquelle
le b s'est substitué au</ disparu de grundire, et qui existe à côté
de rundî, mais non pas partout avec sa signification première.
78, 1. 4 du bas. — Autres exemples de g remplaçant v ou
l'aspiration: gùet= uet (octo) dans diverses parties du Périgord;
gausar= ausar (La ni; uedoc et Gascogne), déjà tel au XIV1' s.:
gabor =ivaporem (Dict. langued., dans un texte du XIV' s. );
pagur—paor (dans Jaufre, supplément, p. 168): degorar=. de-
vorar {Blandin, 180); couga=coua, coar (Languedoc); deguens
= dehens= dedintz, goc — oc, après un infinitif en a ( bouta-g-
oc), digamar — diffamer, engouloupa =envelopper (Gascogne).
Dans un texte de Béziers du XVe s. ( Soc. archéol. de liez., III,
ÎO.'J ), je trouve segon= se on = se non (cf. le mod. souri dans
sounque, sounco, ci-dessus, p. 332, note 2.) — Au lieu du g,
c'est c qu'on a dans lacoun = la oun, IV. là où ( Espalion ).
7'.», I. 5-6. — 11 est plus légitime et beaucoup plus natu-
rel, dans le cas présent, de supposer que si s'est tout entier
Bubsl ii né à ui vi), comme flexion verbale, que d'expliquer cette
mutai ion par un simple accident phonique. Mais la langue d'oc
nous ollVe beaucoup d'exemples certains du changement de
r en s - ), ou, ce qui est la même chose, de l'insertion d'un 3.
en place d'un y, pour obvier à l'hiatus, c'est-à-dire pour rem-
4 Cf. le catalan Iiwd>i=*[)v. laors. On dit de mêm i en Saintonge lavoure
= Jàoù.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 19
placer l'aspiration. C'est naturellement dans les dialectes mé-
ridionaux qu'on doit surtout les rencontrer1. Tels sont pazimen
(= pavimen, païmen), azounda (abondar, aondar), azourta (fr.
avorter). D'anciens textes de la Provence et du bas Languedoc
offrent crezet (créa), glizeiza ( =^ glieiza), dezitat (déité), bon
et malazuratz, cavazier ( = cavayer = cavalier ), et même sazer
pour suber ( Mascaro, p. 121 ), azer pour aver [Dern. Troub. ,
p. 121, 1. 1). L'inverse, c'est-à-dire v remplaçant z, est plus rare,
mais se constate aussi dans les mêmes contrées. Ex.: cauvo
(aussi cajo), très-fréquent en Provence pour causa; de même
pauva (poser), pérévous ( = perezos)*. Des exemples anciens
sont gramavi ( =-gramazi ), juvizi et juzivi { = juzizi ), devon=
dezon = deron ( Mascara, 114 ), cavet = caz-et { ibid., 134), so-
var ( Donat prov., 33 b) = suzar s.
F se substitue de même à s dur, en Provence encore, non-
seulement dans nielfo, cité dans mon texte, mais encore dans
plusieurs autres mots, tels que bou/in (déjà dans Flamenca : bofi,
v. 4591) = boussi(n) ; moufo = mousso, founfoni (cornemuse)
de symphonia, fioula (siffler) = sioula (sibilare). L'abbé de
Sauvages enregistre, dans son Dictionnaire languedocien,
fourupa et souroupa (sucer, humer), gafetgas* (gué).
Aces formes modernes on peut joindre bofo {=bosso), qui se
lit dans la Croisade albigeoise (y. 1017); ai fa, qui est peut-être
pour aissa, au v. 0020 de Flamenca, et enfin sofanar = subsan-
nare, qui se rencontre au lieu de soanar, chais quelques textes
(Leys cTâmors, I. 170; Ferabras, 1401; G. de la Barre, 40)5.
J'ai moins d'exemples du changement de /'en s. Le limousin
mausso répond au languedocien majofo (Raynouard : majofa) ;
mais est-ce bien f/qui est primitive ? La chose n'est pas dou-
1 Le limousin en offre pourtant quelques-uns: tel est eiblouzi, qui, à
Nontron, traduit éblouir. Mais nous disons eibalouvi, bouvi, où le Lan-
guedoc prononce esbalauzi, abauzi- — Cf. dans les patois français bleuvir
et bieuzir = bleuir. La même substitution se remarque, en initiale, dans
sounte, qui se dit à Nyons pour uunte (prov. vounte).
- Les formes intermédiaires cauo, paua, ont également cours, peut-
être aussi péréous. Dans tous les cas, ce dernier a existé, car on le trouve
( pereos ) dans un texte cité par Rochegude.
3 II faut peut-être eu voir un autre dans un mot que je soupçonne Ro-
chegude, qui le rapporte, d'avoir m il lu. Ce mot. imprimé aihe { Gloss.
occit.. 9 a), ne serait-il pas plutôt awe =aize ? Rochegude lui donne la
signification, qui convient fort bien à l'exemple cité, de «meuble, vais-
seau, vase, ustensile», et telle est aussi l'une de celles deaize.Yoy. la Vie
de saint Honorât, p. 181, note 16, et Milà y Kontanals, Poètes catalans,
p. 17, 1. 14.
* De là gafa et gaza [guéer), tous deux usités.
* Je trouve pharmapheutique (sic) dans un curieux document sain-
tongeais de 1615 (Extraits du livre des maîtres apothicaires de Cognac. pu-
bliés par Jules Pellisson, Poitiers, 1875,. Plusieurs, dans le même pays,
prononcent la foupe pour la soupe. A Genève on dit de même desola-
fion. etc. Voy. Ritter, Recherches sur le patois de Genève.
20 DIALECTES MODERNES
teuse pour les formes gasconnes gei^saut, = gerfaut, sistolo =
fistule, et pour prosemna = profemna, qu'offrent plusieurs
textes toulousains du XVIe siècle. En finale, on peut citer (je
ne distingue plus ici z de s ni v de /) : voutz (volz) pour volv
dans les Leysd'amors III, 210(cant es moutz, Le blatz en farina
se voutz), et, d'après le ms. 5232 de la Vaticane, dans un vers
de P. d'Auvergne (E volz doutz en araarum), exemples qui
confirment, en les expliquant, les formes revols et vols ( = re-
volvit et volvit) de la Croisade albigeoise [y v. 7529 et 8905); cers,
régime singulier, rimant avec fers, dans la Vie de saint Hono-
rât, p. 14, ce qui confirme la même forme hors de la rime à
la page 10 ; sers = servit dans une pièce de Pistoleta (Lex. R.,
I, 507, v. 15); sers = servum dans las Rasosi de trobar, p. 84
(citation de P. Vidal) et dans la version de l'Evangile St-Jean,
publiée à Berlin, en 1868, d'après le ms. 2425 de la B. N ,
chap. XVIII, v. 10). Cf. dans l'ancien français troz, trois,
truis, pour trofou truef (de trover); rois, ruis, pour rof oxxruef
(de rover) ; pruis pour prof ou pruef (de prover), et au sub-
jonctif des mêmes verbes, truisse [troisse, t)-usse), truist, misse,
ruist ; prust (Voy. Burguy et Diez, Grammaire, 11,216). J'ajou-
terais dist [débet) des Serments, si cette leçon était certaine ;
mais je crois plus probable, avec MM. Burguy et Cornu (Ro-
mania, IV, 454), qu'il faut lire dift.
78, note 1,1.5: « virtuel. » — Effacez ce mot. La forme
vounte existe réellement, en Provence, à côté demounte.
79, 1. 2 du bas : « pois.» — Lis. poitz.
79, 1. 1 du bas. — Le Donat remarque lui-même, p. 55 a, à pro-
pos des mots enohtz, comme cohtz(coctus), que «tuitpoden fenir
in oitz, sicum coitz, voitz.n On trouve, dans Saneta Agnes, sapha
à côté de sapia, et le même texte et d'autres offrent mah =
mais fmagishpuh ou puek = pueis (post),fal> (factum ou facit),
lali = la i (Ferabras, 4943,), buh (S. Agnes, 864, mal à propos
changé en bruit) = buis de Flamenca, 7207, etc. Lorsque 17/
se substituait ainsi à 17, Ys ou le t final pouvait tomber, comme
le montrent les exemples précédents. — Un des emplois les
plus remarquables de h = i ('tait celui qu'on lui voit dans
les formes telles que tuh, cargo//, garnih, où il représente 17
du nominatif pluriel latin, et qui sont assez fréquentes dans
quelques textes. Voy. là-dessus la Revue d. I. r.,VI, 102.
407, 1. 4. — Exemples bas-latins du même phénomène : gre~
gnabit, gregnariolus (voy. Boucherie, Un almanach au Xe s.,
Revue d. I. r., III, 143). Le fr. grimer, grimeler. doit peut-
être s'expliquer de même. Voy. encore là-dessus Boucherie,
Revue, IV, 519. A l'appui de cette opinion vient ce fait qu'en
Auvergne on dit rimer [ non grimer) au sens de froncer, rider
( Mège, Souvenirs de la langue d'Auvergne, p. 223 ). — Le phé-
nomène inverse (rejet du g initial étymologique) se remarque
GRAMMAIRE LIMOUSINE 21
chez nous dans roumeû (râle : lou roumeù de la mort), qui a la
même origine que grommeler \. On trouve ce dernier mot dans
Montaigne, sous la forme rommeler, et Brantôme emploie rou-
meau, qui existe du reste, aujourd'hui, avec roumeler, en Sain-
tonge, en Poitou et en Berry.
406, note 1. - - La mutation de r en s (moins fréquente1 en
français que je ne l'ai dit ici par inadvertance), et inverse-
ment celle de s en r, se constatent assez souvent dans quelques
textes languedociens et provençaux du XIVe siècle et de la fin
du XIIIe. Voy. là-dessus les recherches de M. Paul Meyer,
Romaaia, IV, 184, 404, et cf. Rev. d. I. r., VIII, 238, note 1.
408, note 2. — A la notice citée, il faut maintenant ajouter
celle de M. l'abbé Vayssier sur le dialecte rouergat (Rev.
d. I. r., III, 354), dont quelques variétés pratiquent avec
constance cette substitution de d à r. J'ai sous les yeux un
écrit publié en février 1876, à Villefranche-de-Rouergue, où
je lis : bigneidou, escloida, guide, traide, beide. — Au reste, je
considère aujourd'hui comme plus que douteuse la mutation
que je supposais ici de r en t, dans les formes verbales min-
geten, begueten, etc. Cf. p. 280.
408, note 3. — Supprimez cette note. Putnais, que j'y vise,
avait aussi la forme pudnais, d'où a pu plus facilement dériver
purnai. Je mentionne en passant, comme exemple de la muta-
tion contraire en pareille position, govidnar = governar, que
je lis dans un document limousin de 1475. — Une autre forme
ancienne de putnais est pugnais, qui pourrait aussi avoir donné
naissance à notre purnai. Cf. rito, ritou (cane, canard ) =
guito, guitou de la Gascogne. Guita est dans Rochegude.
410, 1. 4 et note 1. — On a un exemple de la mutation de /
en d dans idoula [Tulle ), anc. udolar = ululare. Baissa n'est
pas seulement gascon, comme il est dit dans la note. Cette
forme est également languedocienne, et on la connaît aussi en
Périgord.
411, 1. 3. — Ajouter: Exceptionnellement, /, au lieu de se
vocaliser selon la règle, est tombé, après a, dans rampam =
rumpalm (rameau bénit ou jour des rameaux ), qui est ailleurs
rampau. LY tombe de même, en Languedoc, devant la nasale,
dans joua =jorn, can-salado = carn salado.
411, 1. 19: u en limousin. » — Lis.: en langue d'oc.
1 Je raisonne ici dans l'hypothèse que grommeler a l'origine germa-
nique admise par Littré. Mais le tout ne pourrait-il pas venir du latin? Le
fr. du Centre et de l'Ouest n'a pas seulement roumeler; il a encore, dans
la même signilication. roumer, roummer, qui renvoient directement a
rumare eirummare. Roumeler (le rommeler de Montaigne) représen-
terait alors *rumillare, torme des plus plausibles et d'un type essentiel-
lement populaire, et nous aurions dans grommeler un nouvel exemple
de la prosthèse du g
2
Ï2 DIALECTES MODERNES
112, note 2. — Notre ancienne langue a eu peut-être aussi
muit; du moins cette forme se rencontre dans le poëme de la
Guerre de Navarre, w. 640, 2023.
4 il, note 1. — Le Donat provençal (p. 41) excepte baltz (qui
est notre bal) des mots que Ton peut « virar en autz» ; mais
il excepte aussi cavaltz et gais, et nous disons chavau etjau.
415, note 2. — On a, à Nontron même, un excmepl pareil
dans greu de grelh (grillum), que Ton aurait dû s'attendre à y
voir devenir grei.
416, 1. 1-2. — On a peut-être un autre exemple de lamême
mutation ( m en b ) dans brujo =myrica (?). Cf. en grec /3pôroî
= poô-Qç, etc.
416, 1. 10 : « Sôulâ = sùumù ». — C'est peut-être plutôt l'in-
verse. Voy. la note sur la p. 76, 1. 3 du bas.
410, note 2. — Voy. une autre étymologie (plus probable )
du fr. fange, et par conséquent de notre fanho, dans les Mémoi-
res de la Soc. de linguistique, II, 70.
417, N, 1. 3. — L'étymologie donnée ici de degu [nec unus
est contestée (Voy. Romania, IV, 289, note 2). A l'appui, on
peut citer dostan I Mon.tauban et ailleurs ) = nostan (Joyas del
gay saber, 238), et arda = arna, deux formes anciennes d'un
même mot. Dans le Forez, on trouve la forme legun, résultai
d'une mutation différente, mais moins rare, de Yn étymolo-
gique.
418, note 1, 1.5: a Vorterbuch .» — Lis.: Worterbuc/t.
121, 1. 13-14. — Gru, rattaché ici à granum, a plutôt peut-
être une origine germanique. Voy. Littré, au mot gru. Il se
sera, dans ce cas, produit une confusion des deux mots. C'est
ce qu'indique l'w du dérivé engruna (p. 113, 1. 3 ) = fr.
égrener .
422, note 1. — A l'appui de cette explication de trounho, je
citerai blanha (= blanca), forme que je trouve dans Roche-
gude, mais que je n'ai d'ailleurs rencontrée, ou du moins re-
marquée, dans aucun texte.
423, 1. 10. — Ajoutez à ces exemples besouei { besonh ), cou-
douei (codonh), louei( lonh), que j'ai entendus dans les cantons
de St-Pardoux-la-Rivière et de Champagntc. Au contraire,
effacez perpait que je regarde aujourd'hui comme un exemple
trop incertain. L'étymologie perpon/t ou pcrpoing. où d'autres
s'étaient aussi lai---' prendre (voy., p. ex., Ruijen, Œuvres de
Foucaud,'2i, note 1 , m'avait séduit. Mais, si notre per pu i peut
s'y ramener, il n'en est pas de même du bas-limousin porpar,
qui renvoie, par porpal, à un porpalh qui serait la source com-
mune des deux formes. D'un autre côté, perpount, perpouen,
au sens propre àe pourpoint, existe à côté àeperpai =poitrine).
GRAMMAIRE LIMOUSINE 23
Tout se réunit donc pour rendre plus que douteuse l'étymo-
logie que j'avais adoptée pour ce dernier mot, et que je retire .
423, à la fin. — Ajoutez : Nli, comme Ifi, se réduit quelque-
fois à y. Ainsi entanhâ du bas-limousin est chez nous enlayâ.
Ce mot signifie « embourber »,etje remarquerai en passant
qu'il nous offre peut-être (en le tirant de fanko) un exemple de
la même mutation de f(ph) en t, que l'on constate dans blaste-
mar = blasphemare. Le contraire se remarque dans le langue-
docien fanfasti = fantastic.
650, 1. 7 du bas : « eirisseii.» — Ce mot n'est pas aussi par-
ticulier que je l'avais cru au dialecte limousin. Du moins ne
]'était-il pas autrefois, car on le lit ( eiressel ) dans un trouba-
dour languedocien ( Daude de Prades). Rochegude le men-
tionne, mais il en ignore le sens, ce qui peut faire supposer
qu'on ne le connaît pas aujourd'hui dans le Languedoc.
651, 1. 21. — Le y radical du verbe avei tombe même quel-
quefois, en haut-limousin, à l'imparfait de ce verbe : oyo •=
avio.
654, 1. 2 de la sous-note : « frar.n — Lis.: frair. Cette forme
et les formes semblables, mair, pair, se rencontrent déjà acci-
dentellement dans Bertran de Born, et l'on trouve même mai
(à la rime ) dans Bernard de Ventadour.
656, 1. 6 du bas. — Cette étymologie de dabouro est proba-
blement erronée. Voy. p. 308, note 3.
665, note 1. — La forme banna, ici supposée, se trouve en
effet (p. ex.: Vie de saint Honorât, p. 13). Je remarquerai à ce
sujet que l'assimilation de d à «, dans le groupe nd, suivie ou
non, mais plus souvent suivie, de la réduction à l'unité des
deuxn ainsi obtenus, est un phénomène très-fréquent dans le
dialecte provençal et dans le dialecte gascon, surtout dans
ce dernier. Ex.: segona (S. Honorât, 127 «), redounello, gran-
nessa, etc. — Très-analogue est l'assimilation de la même den-
tale à / dans soullats = souldats, forme usitée dans le Tarn-
et-Garonne et probablement ailleurs.
Tom. V, 178, 1. 2 du bas: « qui ne tenta rien nulle part pou*
faire revivre les cas de ces substantifs. » — Ceci serait trop ab-
solu, si l'on s'en rapportait aux textes écrits. On voit en effet,
par quelques exemples, que les noms intégrais recevaient parfois
l'allongement es au sujet singulier. Mais, comme à l'époque où
ces formes commencèrent à se répandre, la langue parlée
n'avait plus probablement conscience de la distinction des cas,
ma proposition, en somme, doit rester vraie.
181, entre les 1. 14 et 15 du bas, placez ligô= lugan(lucanus),
sans pluriel. C'est l'étoile du matin.
182, note 2:« est devenu. » — Il serait plus exact de dire « est
resté », car la resta se trouve dans des textes, et non pas seu-
24 DIALECTES MODERNES
lement limousins, du moyen âge. Resto n'a donc pas été em-
pruntéau français; seulement, à Xontron, sous l'influence de
la langue nationale, il a pris le genre masculin.
L86, 1. 25. — On peut ajouter pnure =paor, qui se dit en
divers endroits.
187, 1. 14. — Un passage du même ouvrage (II, 62) montre
clairement qu'au XIVe s., dans les noms dont il s'agit ici, la
forme du cas sujet [aire) prévalait déjà, comme dans la langue
actuelle, sur celle du cas régime.
188, note 2, 1. 6. — Ajouter : Ces formes en ei =es se ren-
contrent assez fréquemment dans G. de Rossillon. Ainsi prêt,
marquei, mercei, pagei, Agenei, etc.
192, 1. l'.apô. » — Je ne sais comment je n'avais pas re-
connu dans ce mot l'ancien post, dont les exemples ne man-
quent pas, et qui vient de pastis.
190, 1. 3. —Ajoutez go anc. ga) = vadum, où Vo bref du
singulier reste au pluriel sans changement, contrairement
à ce qui se passe dans les autres noms en o bref provenant
d'un a radical, comme mo, creslio, germo. Voy. p. 181.
437, dernière 1. de la note 2:« as. » — J'ai trouvé, depuis, un
exemple ancien de cet adjectif au féminin pluriel. C'est dans
le Recueil de M. Paul Meyer, p. 141, 1. 92: « que sas cober
turas de fer foron totas asas.n M. Meyer, à la vérité, corrige
arsas; mais je crois que c'est à tort.
439, à la fin de la note 3, ajouter: Au sujet de ces ad-
jectifs ainsi allongés au pluriel, je noterai que, dans le Quercy,
le Rouergue et diverses parties du Languedoc, la nouvelle
flexion es, non-seulement se substitue, mais encore s'ajoute
souvent à l'ancienne et régulière flexion en s. Je n'ai remar-
qué cela que dans le pronom el (elses), dans plusieurs adjectifs
déterminatifs (aquelses, calses, quanses, tanses, toutses, unses ou
usses : au féminin, toutsos, ussos)*, et dans deux ou trois sub-
stantifs {eusses = oculos, pris,'* =pilos, reizes = reges (le jour
des Rois), fioussés =fila). Dans les mêmes contrées, je vois ces
flexions prêtées même aux particules, régulièrement inva-
riables, mais el gis, ei au nom composé toupie, qui enjoué le
rôle. Ex.: Per de couops na pus gisses (Villefranche de Rouer-
gue): touplesses d'autres légats (id, : — lifôu maysses de pelses
grises (Béziers).
1 11, n° 10. — Aux trois adjectifs en au, exclusivement fémi-
nins, ici mentionnés, il faut ajouter bi'ingau, du verbe bringâ
3auter, danser), quin'est, àma connaissance, employé qu'avec
1 Je ii m déjà elses, aquelses et toises, dans des documents languedo-
ciena de l<i'>> el de 1501. — Une pièce de môme origine, du commence-
ment du XVII* s., a tous teusses = lous teus (les tiens).
GRAMMAIRE LIMOUSINE 25
le subst. féminin feiire (fièvre). On dit d'une jeune fille trop
fringante quelle a « la feiire bringau. » — En haut-limousin,
l'adjectif viau (= vilis, comme fïau =filum, etc.), garde les
deux genres. Mais on lui donne souvent aussi la flexion fémi-
nine audo (viaudoj, en l'assimilant faussement à ceux où au
provient de aidas, comme chau.
443, 1. 21 : « singulier. » — Lis. : masculin.
444, n° 7. « ors — orso. » — Lis.: or — orso.
444, n° 8. — Ajoutez : For reste encore féminin dans aigo-
for (eau-forte), qu'on dit aussi, du reste, aigo-forto.
445, n° 10. — C'est par erreur qu'il est dit ici que les adjec-
tifs endour—doueiro, dont il s'agit, ne « correspondent phoné-
tiquement à aucun type latin. » Ils sont formés sur le modèle
des adjectifs en torius, tels que amatorius, mais répondent pour
le sens, soit à des participes en urus, soit des adjectifs en bilis.
Voy. Diez, Grammaire, t. II, p. 327 de la trad. française, et
Leys d'amors, II, 60-62.
450. Pronom de la. première personne. — Il faut ajouter
au paradigme des formes anciennes tau, dont les exemples ne
sont pas rares dans des textes de diverses provenances.
450, note 3. — Après nos autri, ajoutez : cas sujet; et pa-
reillement, p. 451, note 2, après vos autri.
451, note 1. — Supprimez les deux exemples cités dans cette
note. Le premier, tiré d'une pièce dont je ne puis comparer
les diverses leçons, me paraît décidément trop suspect. Quant
au second, j'ai eu le tort, le trouvant cité dans Raynouard,
de le transcrire sans le vérifier. Le premier vers est trop long
et doit se lire : E veus m'alvostre plazer, ce qui rétablit la me-
sure et fait disparaître l'invraisemblable anomalie syntaxique
que j'y croyais voir.
453, première ligne après le paradigme : « vocalisation de
Ve. o — Lis. : .... de 1'/.
454, note 1, 1. 7. — Voy. d'autres exemples, plus anciens,
île cet emploi de se, dans la fiomania, IV, 343.
454, note 2. — Un exemple encore plus ancien de l'emploi
de il au régime pluriel nous est offert par le v. 2082 de
G. de Rossillon:
B coro los ferir elh nostre il.
455, 1. 13. — J'ai oublié ici eu, qui s'emploie aussi,
mais plus rarement que bu, et seulement, comme au mas-
culin, dans des phrases interrogatives : plàu-t-eû = pleut-il?
Quant à ou, l'expression « qui est sujet et régime », dont je
me suis servi, pouvant, malgré la distinction faite dans le
paradigme, induire en erreur, je crois utile de faire remar-
quer que, en tant que sujet, ou = eu = el, de même qu'au
26 DIALECTES MODERNES
masculin, tandis que, comme régime, ce pronom n'est autre
que l'ancien o. Pour les autres formes du pronom neutre,
dérivées de hoc, et qui sont très-nombreuses en langue d'oc,
voy. la Romania, IV, 338, et V, 232.
454, note 3. — J'ai, depuis, rencontré trois ou quatre exem-
ples de la, sujet, pour ela, dans des textes anciens de diverses
provenances. Ils sont recueillis dans un autre travail qui pa-
raîtra prochainement.
456, 1. 8. — J'ai oublié ici le pronom se, qui se rédui-
sait à s [ques= que se). En réparant mon omission, j'ajouterai
que devant cette s se développait quelquefois un i (y), même
après une voyelle atone. Ex. tirés des Coutumes de Limoges :
qui queys sia, noys deu pausar . Des textes d'autres provinces
offrent le même phénomène sur une très-grande échelle . Tel
est le Breviari d'amor. Parmi les mss. des Troubadours, le
n° 1592 de la B. N. le présente constamment. Ex. : dominais
= dompna se, emperaîreis = emperaire se, gensois = genso
se. Il est remarquable que ces mêmes textes laisssent en géné-
ral intactes les finales, soit verbales, soit nominales, en as, es,
os*. Ainsi ela se devient elais ; mais elas reste elas.
455, note. — Le pronom neutre lo, dontil est question dans
cette note, fut autrefois très-peu usité, et les dialectes qui,
comme le provençal et le dauphinois, en faisaient le plus
d'usage, l'employaient comme sujet2. Aussi ai-je eu tort de
ne pas l'inscrire comme tel dans le paradigme (p. 176). Au-
jourd'hui on s'en sert beaucoup en Provence, au moins dans
le sous-dialecte d'Avignon, que Mistral a rendu classique, mais
surtout, à ce qu'il semble, comme régime ou attribut. Voy.
sur ce pronom la Romania, IV, 342. — Dans le Vivarais et le
4 II y a fort pou d'exceptions. Los moins rares concernent es. Pour os
je n'ai qu'un exemple, précieux à not>T comme témoignage de l'an-
cienneté de la prononciation actuelle du pronom nous en bas Languedoc :
Mas la raso nois (pron. nouis) no sabem (Breviari d'amor, v. 2514). Il
en élait probablement déjà de môme de vos et de los. Voy. là-dessus A.
Roque-Ferrier, l'Article et les Pronoms en langue d'oc (Revue des l. r.. IX,
135). — A l'égard de as, on peul citer vays (= vas = vers) dans un
troubadour de Béziers (R. Gaucelm) et, sans \'s (devant une consonne),
ai ■= as pour als, datil pluriel de l'article, dans la Vie de St Honorât, pp.
12 et 158. (Cf. dans le même texte, p. 12, ei santz — es (e los) santz). Men-
tionnons encore les formes verbales de 2e pers. plur. en ai = as = atz,
qui ont été signalée? dans G. de la Barre et dans Flamenca, et sur les-
quelles voyez la Revue des l. r., VI, 292. (Il y en a, si je ne me trompe,
dans ce dernier texte, un autre exemple à relever; c'est au vers 1548,
où je crois qu'il fatu lire: Pasai, [ai s'el = passez, dit-il.)
4 C'est à ce litre qu'on le voit figurer, et je n'en connais pas d'exemple
plus ancien, dans ces vers du troubadour provençal Raimbaut d'Orange
(Mahn Gedichte, n» 326 et 354) :
Qui qu'en favelh
lo m'es prii helh
I»c mon saber. . .
GRAMMAIRE LIMOUSINE 27
Dauphinéil conserve son ancien rôle de sujet, sous les formes
lou, le, la. Pour cette dernière, cf. sa = so, va = vo = (o).
On a des exemples de la remontant au moins au XV0 s. Les
mêmes formes se retrouvent, et avec le même emploi, dans
plusieurs variétés des dialectes de la Lombardie et du Piémont.
456, 1. 13. — Le dialecte gascon fait encore un grand usage
de ces pronoms af fixes, comme les appelait Raynouard. Vos
y est, non us, mais bs, réduit souvent à b (p), et quelquefois
même changé en ts (cf. cat, cot=cap, cop): sits platz (Dastros)
= si vos platz. — L (lo) et Is (/os) s'y vocalisent: lou bin hé
parlau (id.) = parlar lo (le vin le fait parler).
457, 1. 9. — Il faut faire une exception pour la sujet, qui,
comme l'article féminin pluriel, élide quelquefois son à. Ex. :
quan fan = quand elles ont.
457, 1. 22. — Des textes de la Provence proprement dite,
du XIVe siècle ou de la fin du XIIIe, offrent quelques exemples
de cette chute du v initial, tant dans le pronom vos que dans
quelques autres mots (vostre, volopat, volontiers). V oy. Derniers
Troubadours de la Provence, p. 22; Vida de sant Honorai, pp.
120 a et b, 129, 133 a, 174 b, 186. Dans la chronique biterroise
de Mascaro(p. 136), on trouve hoiar (= voiar), où vse réduit
seulement à h.
459, 1. 7. — Dans la Provence, cal(cau) est employé abusi-
vement sans article, comme relatif, principalement après les
prépositions : de quau = de qui, en eau = à qui. Usage ancien
dans ce pays, comme le prouvent les ex. ci-après, tirés de la
version du Nouveau Testament (ms. 2425) :
Lo drap de quai era centurat.
(Jean, 13, 5)
Lo lazer quai Jhesus avia resuscitat.
{Ibid. 12, 6)
460, 1. 4-5. — C'est par inadvertance que j'ai dit ici que
quant «comme relatif ne servait qu'au neutre. » La vérité est
qu'il pouvait servir pour tous les genres et aux deux nombres.
460, note 1. — Cet emploi de l'article pour le pronom est
très-fréquent dans la Chanson de la croisade albigeoise. On peut
voir les exemples réunis par M. Paul Meyer dans le glossaire
de son édition.
460, 1 . 2 du bas : « réduites. » — Lis . : réduit.
461, 1. 3-4. « Ço (ou ce) n'est jamais employé qu'avec un
pronom relatif. » — Il y a là une erreur ; j'oubliais que ce s'em-
ploie très-fréquemment seul avec le verbe dire : ce di, ce disio,
ce disset-eù, etc. On se sert aussi quelquefois de ça, mais rare-
ment, par ex. dans la locution pléonastique ce disset-eù ça di,
qui répond au fameux qui dit dit-il de nos troupiers. — Je
noterai, en passant, que la forme ce se rencontre déjà, dès
le XIVe siècle, dans des textes du Limousin ou d'autres pro-
28 • DIALECTES MODERNES
vinces, principalement du bas Languedoc. C'est dans le Petit
Thalamus île Montpellier que j'en ai vu les exemples les plus
nombreux.
460, note 2. — Voy. un autre ex. de quo pour aco dans G. de
Ross il Ion, v. 299 du fragment publié par M. Meyer dans son
Recueil, parmi les variantes.
461, note 2 : « 1589 ». — Lis.: 1389.
162, notel. — Un, dans les deux exemples de saint Bernard
l'apportés ici, est plus probablement une variante orthogra-
phique de on.
462,1.21. — Sur le modèle de alcun, cascun, où unus n'ajoute
rien à la signification ni de alit/nis, ai de quisque, le dialecte
languedocien a formé, en ajoutant un à mant, trop, quant,
tout, les adjectifs composés mantun, tropun, quantun, toutun,
qui ont respectivement le même sens. Mantun est déjà fré-
quent dans la Croisade albigeoise en prose; je n'ai pas des
trois autres d'exemple remontant au delà du XVIe siècle. —
C'est peut-être une composition semblable que nous offre
cilun, qui se lit deux fois dans la Vie de Saint Honorât (pp. 45 et
88), e1 qui signifierait la même chose quecil tout seul, c'est-à-
dire ceux-ci. Ce sens conviendrait fort bien dans les deux pas-
sages.
163, note 1. — On pourrait, je pense, sans trop de témérité,
désigner le littoral méditerranéen, de Nice à Valence, en y
comprenant les îles voisines, comme le domaine propre de
cette forme, en France et en Espagne. Elle parait, dans les
deux pays, s'être fort peu avancée dans les terres, sauf peut-
être du côté des Pyrénées. — Les textes cités dans la note ne
sont pas les seuls qui en offrenl des exemples*. Voy. encore
In troubadour apiésien, par l'abbé Lieutaud, v. 115; les Der-
niers Troubadours de la Provence, pp. 01 et 99; Vie de saint
llnnorat, édit. Sardou, p. 66 (assaventura —a l'aventura),]). 111
[que sa dona per ver entui/seguat avia), p. 203 a, note 37 (sos
oes osas mans)', Nat de Mous, dans un passage cité deux fois
par les Leys d" Amors (II, 256 et 390] :
Quar qui so ver te nec
Lay on direl deura
Au nom propre Pons de sa G-ardia, rappelé par M. Meyer
•Le Ludus sancti Jacobi en a un troisième au v. 371 . — Je n'en ai men-
tionné que trois dans Flamenca; mais il y en a un plus grand nombre.
Pour plusieurs, à la vérité, on peut hésiter entre l'adjectif possessif et
l'article. — Dans Ste Agnès, le texte qui en a le plus, j en ai compté 19.
M. Meyer (article cité) en a r devé 1 i. Voici les cinq autres: 263 : ce nostre
iliens; 340 : ci ma j estât (corrigé cil sans nécessité); 824 et 1145 : A! de
sa.....' (et non adèsa, comme porte l'édition); 931: ço (= so), inutilement
changé en cel.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 29
et qui est dans deux mss. (sinon un plus grand nombre), celui
du troubadour appelé par d'autres P. de la Gardia, on peut
joindre les deux suivants, que je trouve dans Teulet (ncs 475
et 800): Oalrics dez Anglada (=de z'Anglada) et W. des Bosquet.
Ce qui prouve bien que c'est à ipse qu'il faut rattacher ces
formes de l'article, c'est que, dans de très-anciennes chartes
de la Provence et du bas Languedoc, où le latin se mêle au
provençal, on voit souvent cet adjectif jouer le rôle de l'ar-
ticle, comme Me le fait dans d'autres. Je renvoie aux chartes
du Mémorial des Nobles de Montpellier, portant les nos 35, 36,
37, 40, 81, 101, 120, 121, 122, 125, 129, dans l'édition de
M. Montel (Revue des langues romanes, t. V et VI). Voy. aussi
Meyer, Recueil, nos 45 et 46.
466, note 1 : « pourrfe/, employé ». - Lis.: pour del ou dal,
employés.
469, 1. 6 du bas. — Effacez si.
473, note 4, 1. 1. — Ajoutez cet exemple tiré d'une pièce
languedocienne de 1355 : a tug aquillt { Joyas del gay saber,
p. 13).
475, 1.8 du bas. — Quecx, contrairement à ce qui est dit ici, a
duré longtemps. Il était encore usité au XIVe siècle. Les, Leys
d'amors, tout en le qualifiant de mot estraiih, constatent qu'il
était «acostumat de pausar per cascus. »
476, Nul. — Il faut ici ajouter, comme équivalent de nullus,
pen-peino, littéralement pas un, pas une.
477, note 3 (lis. 1 au lieu de 3. —L'adjectif trop, plur. tropis,
tropos, existe encore en Languedoc.
Tom. VI, 177, 1. 3: « Revista. »— Lis,: Rivista.
179, note 2: «51-55. » - Lis.: 36-37.
179, note 3: «36-37.» —Lis.: 51-55.
189, 1. 3. — D'autres formes de cette première per-
sonne sont soun et sieu, la première propre au languedocien,
la seconde au provençal. Soun (son) est déjà très-fréquent dans
les vieux textes; sieu [siu ), au contraire, y paraît à peu près
introuvable. Peut-être y en a-t-il un exemple au v. 3362 de
Flamenca :
Quar s'ieu am e non siu amatz.
189, note 1. — Sias est la forme constante de cette 2me per-
sonne dans la version provençale du Nouveau Testament con-
tenue clans le ms. B.N. 2425, si j'en juge du moins par ce qui
a été publié de cette version.
189-190. — Ce qui est dit ici de em et de etz n'est pas
exact. Ces formes, dont on trouve de nombreux exemples
dans Goudouli et dans les poètes ses contemporains et succes-
seurs, survivent encore en diverses parties du Languedoc.
30 DIALECTES MODERNES
190, note 3. — J'ai rencontré depuis ces mêmes formes [era-
vam, eravatz ) dans les œuvres de deux troubadours de Béziers,
Matfre Ermengaud et Bernard d'Auriac.
Mentionnons encore, à cette occasion, d'autres formes an-
ciennes dont on n'a que de très-rares exemples, tous relevés
dans des textes de la Provence. Ce sont siu {j'étais), siam {nous
étions), sias { vous étiez ), siu { ils étaient). Pour siam et sias,
voy. la Revue des langues romanes, VII, 76, note sur le v. 18
d'une pièce de Jacme Mote d'Arle. Quant aux deux siu, je
n'ai encore rencontré ces formes qu'une seule fois. C'est dans
le roman de Flamenca, v. 4045 et v. 4739, où elles sont con-
firmées à la fois parle contexte, qui, dans les deux cas, exige
l'imparfait de l'indicatif, par la présence dans un autre pas-
sage ( v. 6073) de la forme siam (nous étions), et enfin par
cette double circonstance qu'il y a dans le même texte d'autres
exemples de iu pour ia (ainsi estiu = estia, aux vv. 1315,3495
et 6428), et de iu pour io, 3e pers. plur. (Voy. vv. 871, 2020,
1372, 6437, etc.)
Cet imparfait de être existe encore aujourd'hui ; mais je ne
saurais dire si la série de ses formes est complète, ni quelle
est l'étendue du pays où elles ont cours. Je n'ai, jusqu'à pré-
sent, d'exemples que de la première et de la deuxième personne
du pluriel ( siam et sias) , et c'est dans une pièce datée d'Alais
(Gard ), et imprimée dans YArmana de Lengado pour 1876,
que je les ai recueillis.
Revenant au siu { = eram ) du v. 4045 de flamenca, je re-
marquerai que cette forme nous offre probablement l'exemple
le plus ancien de la substitution qui s'est opérée dans le dialecte
provençal de iu [ieu) à Via classique, à la lre pers. sing. de
l'imparfait et du conditionnel. La Vie de sainte Enimie, dont
l'auteur était de Marseille, a deux exemples de la même flexion.
Ce sont les suivants ( Bartsch, Denkmœler, 266, 21-22) :
E que as dit 1 que ja tenrieu
Per fantauma si ho auzieu
Les félibres n'écriraient pas aujourd'hui autrement.
191, note 1. — J'ignorais, quand j'écrivais cette note, que
des formes pareilles à celles que j'y signale ont cours aujour-
d'hui aux environs de Limoges, sinon à Limoges même. Ru-
ben, dans ia préface de son édition de Foucaud, a côté de fu-
gueioA fuguesso, mentionne siguei et siguesso, et, en effet, j'ai
rencontré ces dernières formes dans de récentes chansons li-
mousines4. Mais on ne trouve jamais rien de pareil ni dans
Foucaud, ni dans Richard.
200, 1. 1 : « comme Toulouse et Marseille ». — Par « Mar-
1 Le Berry dit de même: je sus =.je fus; je susse — je fusse (vov.Jau-
h ri, Glossaire ducentredela France, p. 276).
GRAMMAIRE LIMOUSINE 31
seille », le lecteur aura compris que j'entends la Provence en
général. 11 se pourrait qu'à Marseille même ces formes en gué
fussent moins usitées que d'autres formes allongées (en ssé).
C'est du moins ce que semblent indiquer les textes spéciale-
ment marseillais que j'ai pu lire.
463, note I, 1. 4. — Ajouter : Ces formes affaiblies, ou origi-
nairement faibles, enii=i[v)i ne se rencontrent, à ma connais-
sance, que dans le texte cité dans cette note, dans Boëceiy. 87 :
servit), dans une pièce rimée du ms. lat.3558 B, que je pu-
blierai incessamment, avec les sermons contenus dans le même
msJtenguii, chaiguii,saubii), et enfin dans le fragment de mystère
découvert àPérigueux, dont j'ai donné dernièrement la 2e édi-
tion {eichii) *. Tous ces textes sont limousins. La prononciation
actuelle ne fait, dans ces formes et les pareilles, sentir qu'un
i, mais très-allongé : dlssî, venguî, tenguî, saubi, etc., et peut-
être en était-il déjà ainsi autrefois.
463, note 3. — J'ai oublié ici di, usité encore dans lalocution
ce (ou ça) di — dit-il (anc. fr. ce dit).
465, lre col., 1. 7: « esas.n — Lis. : essa.
470, 1. 15 du bas : a y. » — Lis. : y.
473, 1. 14 du bas. — A coufi on peut ajouter, comme ayant
passé àla2me conjugaison (inchoative), les deux verbes counci
iconcidere) et suncî [subcidere] :quelo chalour me counci (m'abat,
m'accable); lou gran fre lou suncî (le saisit, le transit.) Si ce
dernier verbe est le même que l'anc. somsir, il est resté plus
près de la signification primitive.
473, 1. 13 du baSo — Outre disei (dises), nous avons encore
à la 2me personne du sing. de l'ind. prés, la forme forte dî
( = dis = ditz), usitée uniquement dans la formule interro-
gative qiien di? — A l'impératif, nous avons aussi, outre dijo,
une seconde forme, dî (cf. fr. dis) qu'on peut employer isolé-
ment, mais que l'on joint volontiers à la première d'une façon
pléonastique : dijo, dî !
Al A, note 1. — Cette signification de deidire doit être rap-
prochée de celle que l'ancienne langue d'oc, comme l'ancien
français, donnait quelquefois à desmentir, à savoir fausser,
dans un sens matériel (p. ex. une armure).
475, n° 9. — Mulgere n'a pas, en effet, de représentant dans
Raynouard. Mais on trouve dans le Donat provençalles formes
mois = mulsit (54 a) etmoutz = mulget^pl a), dont la dernière
renvoie à un infinitif tel que molzer.
Tom. VII, 1 45, 1. 4 du bas. — On a pourtant des exemples,
même dans de très-vieux textes, de gui tonique à la lre pers.
du singulier. Voy. la note 1 de la p. 463 du T. VI et, ci-dessus,
1 Voy. Revue des l. r., VII, 417, note sur le v. 7 de ce fragment
32 DIALECTES MODERNES
L'addition qui s'y rapporte . D'autres exemples sont agiri dans
P. Vidal (Ajastar e lassar), rnentaugvi dans Guillaume IX (En
Alvernha . Cette dernière pièce offre aussi respozi, autre forme
affaiblie.
1 10, dernière 1. et note 3. — Je crains d'avoir été ici beau-
coup trop affirmatif, et je considère aujourd'hui comme peu
sûre cette explication des formes bega, molga, etc. Il est plus
probable que \e g y provient, comme dans vengo, de Vi durci
de la flexion iam.
147, n° 8. « Dàure.n — On dit aussi doulei.
1 18, note 1. — D'où vient riclhâno, qui est chez nous, comme
on le voit par cel exemple, le nom de L'arc-en-ciel? Roche -
gude a aidas, et le languedocien moderne arcolan. On peut,
d'après ces formes, conjecturer: 1° que 17 de notre riclhâno est
parasite; 2° que ce mot a subi l'aphérèse, ordinaire en limou-
sin, de l'a initial. La forme régulière et complète du mot se-
rait ainsi arcfojlano , qui nous représenterait Yalclas ( = «/•-
clans) de Rochegude féminisé.
1 18, n' 16. — A la 2e pers. du sing. ind. prés., outre pôdei,
on a aussi, en haut limousin, la forme contracte pouei. Cf.
vouei à côté de vôlei.
149, note 1. — Je n'avais pas sous la main, quand j'écrivais
cette note, le dictionnaire de Béronie, et mon souvenir de
l'article auquel je renvoie était resté trop peu précis. Ainsi
explique que le mot « probable » se soit glissé sous ma
plume. Le fait est que rien ne doit paraître moins vraisem-
blable que l'explication donnée, non par Béronie lui-même,
mais par son continuateur Vialle, du dicton dont il s'agit.
153, 1. 10. — On trouve déjà quelques exemples isolés de la
lre pers. plur. du futur en am dans des mss. du XIVe siècle
(Croisade albigeoise, Breviari d'amor, Vie de sainte Enimie, etc.)
L53, note 1.— La forme classique de ce futur était poirai, par
vocalisation du rf, comme dans creirai, veirai. .Mais on trouve
aussi, dans quelques textes anciens, porai, qui est notre pourai.
L58, 1. 14. -- Ajoutez: Les deux participes penden et fenden
ne reçoivent pas non plus la ffexion féminine dans le proverbe
agricole : luno penden, terra fenden. Cf. le provençal aigoardent
= eau-de-vie.
159, 1. 20-21. — Les formes dont il s'agit ici existent au-
jourd'hui dans le dialecte gascon ; mais il faut se rappeler que
ce dialecte est, a proprement parler, étranger à notre langue.
L59, !. 25. Il faut observer ici que, dans les parties du
Périgord où La voyelle il \ionnelle, à ces trois personnes, est
a, elle l'est aussi à la 3* pers. du pluriel. Ainsi disseran et non
disseren.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 33
159, 1. 3 du bas. — Ajouter : Si l'ancienne forme de cette
2e personne s'est conservée quelque part, il est probable qu'elle
a complètement rejeté son t tinal, dont on la trouve déjà pri-
vée, dès le XIVe siècle, dans quelques textes, dont le prin-
cipal est le Breviari (Famor. Ex. tirés de ce poëme : receubis
(14637), suffris (14639); formieis (14611. suffertieis (14358). On
remarquera dans ces deux derniers le changement aies final
en ieis. Ce changement a presque toujours lieu, en pareil cas,
dans le poëme. — Une pièce, probablement limousine, que
j'ai plusieurs fois citée ( Prière à Notre-Dame, dans la lîo-
mania, I, 409 ), abonde en formes pareilles, et il n'y en a pas
une seule en t. Mais ies ne s'y diphthongue pas, comme dans
le Breviari. Ex.: aguis (3), parties (34), sufferties (51).
161, 1. 13. — D'autres formes de prétérit, aujourd'hui en
usage à Toulouse et lieux voisins, offrent b, au lieu de g ou r,
comme consonne flexionnelle. On dit, par exemple, plourèbi,
plourèbes (plourec), plourebèm, plourebèts, plourèben. M. le doc-
teur Noulet, à qui je dois le paradigme entier de ce temps,
dont je n'avais rencontré dans mes lectures que les personnes
à finale atone, m'apprend que la 3e pers. du singulier manque à
la série. On ne dit jamais ni plourep, ni ploureb. Je ne con-
nais pas d'exemple ancien de ces formes remarquables, où
paraît revivre le v des formes latines, et qui pourraient suggé-
rer une troisième explication des formes en ègui du même dia-
lecte. De plorevi, par exemple, ploregui se serait aussi régu-
lièrement développé que mogui de movi.
166, 1. 7. — Dans les verbes de la lrc conjugaison, l'an-
cienne langue avait, pour ce temps, une 2e forme plus étymo-
logique, mais moins usitée, en ara; ainsi semblara [Flamenca,
3701 ) pour semblera. On en rencontre quelques exemples isolés
dans des textes limousins du XIVe siècle.
173. 1. 9. — Le même recul de l'accent se remarque excep-
tionnellement en portugais, dans les imparfaits pienha, tînha
vinha. Voy. Diez, Grammaire, trad. franc., II, 178.
176, note 1. — Il y a un très-grand nombre d'exemples de
pareils déplacements de l'accent dans la Chanson de la Croi-
sade albigeoise. Voy., dans la Revue des langues romanes, IX,
p. 200, la note sur le v. 5002 de ce poëme.
Tom. VIII, 168, 1. 11 : a Cel i respondero. » — Il faut effa-
cer cet exemple. La bonne leçon est: E eli respondero. Voy.
l'édit. de M. Meyer, v. 2915. '
164, note 2. — Or = on est aussi plusieurs fois dans la
Chanson de la Croisade albigeoise. On y trouve également dor
pour don. Je noterai, en passant, que la mutation de n en /•
qu'on remarque dans ces formes est très-fréquente dans le dia-
lecte dauphinois, spécialement dans le patois deTOysans. Ex.:
34 DIALECTES MODERNES
ur = uro, sour (suum), mour(meum), bour(bonum), etc. Le lan
guedocien milhouno offre un exemple de la mutation inverse.
]7,N 1.7. — Le verbe acelâ (assalâ), contrairement à ce que
j'avais cru, est encore usité. En voici un exemple tiré d'une
chanson récente :
Co .fui que noù van alai
Noù assalù soù lou plai
D'autres locutions adverbiales formées comme a Vassala sont
a brassa* (iv. à bras-le-corps) et a l'esprë (fr. à dessein). A la-
place de l'ancien de leu, on dit, à Rochechouart, de legiè (anc.
l'r. de léger ).
176, note 1, dernière ligne. — Locutions semblables usitées
en Provence et enLanguedoc: d'agaclioun, d'escoundoun, d'as-
setous.
177, 1. 21. — A daveras, ici rappelé, on peut ajouter dapas
lentement) et dabadas (en vain). Ce dernier subsiste encore
en Provence ( de bado ).
. 178, 1. 10 du bas. — On trouve en effet, dans l'ancienne
langue, une locution semblable : casen levan ou levan casen. En
voici un exemple du troubadour Perdigon:
B fin joi e lonc désir
Mi mcnet levan cazen .
( Parnasse occitanien, 115. )
181. Sur no mas quant. — Au lieu de quant ou que, on trouve
(|iiclquefois de, ce qui confirme mon analyse de notre lo-
cution, la relation entre les deux termes d'une comparaison
pouvant s'établir aussi bien par fie que par que ou quant (quan-
tum). Ex.: res mays de veritat pura [saint Honorât, p. 322);
negm. . . mas d'en Arnaut(V\e de G. de Berguedan). D'autres
fois, de, au lieu de se subgtituer à quant, s'y ajoute simplement.
Ex.: )nas cant sol de Proensa (Croisade albiyeoise, v. 7072).
Voy. encore dans le même poëme, vv. 140, 2055, 2320, 326S.
L84, 1. 10: «(co colp).» — Lis.: co(col/>).
L84, 1. 1 <lu bas. — Ajouter : Piei remplit même quelquefois
abusivement le même rôle, par suite d'un oubli singulier de
su signification propre. Ex.: pieiqu'un n -i mecrese=-je me omis
plus qu'un roi Mozobrau, là Lemouzina, p. 77 ),
185, note 2, 1. 2. — Au lieu de 2589, il faudrait lire 2587.
Mais cel exemple, et je pense aussi le second, sont à suppri-
mer. En effet, oil o doit être lu oilo, où lo est pronom neutre
sujet, el je ne croispas aujourd'hui que oi soit Y oil français.
4 Cette locution existait déjà au XIIIe siècle :
: '']ir:i son marit :i brassât
(,/.'/■< «l'art cFamor, v. 3933).
Pouvait-on l'employer aussi, comme aujourd'hui, avec un nom féminin,
et dire, par exemple, penrasa molker a brassât? C'est fort vraisembla-
ble, mais je n'eu ai pas la preuve.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 35
J'y vois simplement un doublet de oc, résultant de la vocali-
sation du c.
186, note 3, 1. 2. — Aux auxiliaires de la négation, ici men-
tionnés, ajoutez mot (motz)= modum. Ex.:
Quant menz s'en guarda no sap mot quan los prent.
(Boëce, 132.)
On explique ne mot par muttum, mais je crois que c'est à
tort. Voy. là-dessus la Rev. d. I. r., 2e série, IX, p. 356, note
sur le v. 3065 de la Croisade albigeoise.
187, 1. 7. — Voici deux exemples de cet abus, tirés de tex-
teslanguedociens du XVe siècle :
De totz quantsson en lo pas misérable
D'aquest mon trist, jamais se trobaria
Qai recomtes lo gang inestimable.
(Joyas del gay saber, p . 52)
Et quand los de la dita vila los an vistes venir, se son de res
esbayts. [Croisade albigeoise en prose, édit. Bompard, p. 70).
190, 1. 13-14. — En Provence et dans le Vivarais, je
trouve c (qu) employé dans le même cas. Ex.: din-c-un panier,
din-c-un libre.
191, 1. 12. — Sau (sauv devant les voyelles) se dit aussi en
divers lieux : sauv aciden — sauf accident.
195, 1. 15 du bas.— Ves (sous la forme bei) est employé, dans
la Marche, du côté de l'Auvergne, au sens de à ou chez, qu'on
lui trouve aussi, sous des formes variées, en Languedoc, en
Provence et jusque dans le Forez. Exemples anciens de
cette acception : vas un juzieu = chez un juif (Meyer, Rap-
ports^ etc., p. 62) ; vas Jérusalem = à Jérusalem (Ibid., 64).
197, ligne 15 : « Ne sai quans. » — Lis. : No sai quans.
198, 1. 4 du bas. — Exemple pareil dans G. de Rossillon
(v. 6755):
Ab Girart son lbi dui trei companho.
200, ligne 15. — On trouve déjà per tôt aquo, avec le sens
de malgré cela, dans une pièce de Guillaume IX, le plus ancien
des troubadours:
Mas ieu per tôt aquo nom mogui ges
199, note 3, 1. 8. — Le dialecte provençal se sépare, sur
ce point comme sur tant d'autres, du limousin et de la lan-
gue classique, mais y signifiant à la fois verum et magis. Il en
était de même autrefois, comme on peut le voir par les textes
spécialement provençaux, tels que Flamenca, saint Honorât,
sainte Agnès, etc .
200, 1. 10 du bas. — Pâmin se dit aussi, en Limousin, dans le
même sens, mais, à ce qu'il semble, beaucoup moins que pa-
mens en Provence.
36 DIALECTES MODERNES
202, 1. 2 du bas. — Un exemple plus ancien de quart, dans
cette acception, est le suivant, tiré de Jaufre :
Per pauc non a lo sen perdutz
Tant fon fels e mal et iratz
Can Jaufre non era nafra/z.
Voy. aussi Flamenca, v. 177?, où cant = car, vu que.
203, 1. 10. — L'explication ici hasardée de de se que
est à retirer. Cette locution est certainement de sempre que,
puisque dese {descn, desempre) = aussitôt. Voy. la note 1 de
la page 311.
203, 1. 19. — Il faut ajouter, comme équivalent de peique
(fr. puisque), iïabor que, moins usité pourtant chez nous qu'en
Provence et qui a ;uissi, et même plus souvent, sa signification
propre et normale de nus^i/ù/ que.
205, 1. 3: «Quoique.» — J'ai oublié l'équivalent le plus
correct de la conjonction française, qui est tombe que. .Mais
aujourd'hui on ne s'en sert plus guère.
205, 1. ldu bas.— 11 y a ici une erreur : perso que pouvait,
en effet, se réduire à per so. Ex. : « e fes lo cor raustir... per
so la domna s'agradava fort de corde salvaizina. » (Vie de G.
de Cabestanh.)
20(3, 1. 12 du bas: « Vouei. » — Cette interjection existe
aussi [voui) vu Languedoc. En Provence je la trouve jointe,
comme chez nous (mais sous sa forme primitive;, à l'impératif
de ridere : oi-ve !
207, 1.21. — D'autres altérations de diable sont diatrc,
marjaure ( = malus dinl><dus).
208, 1. 1 : upleit-a-Deu! » — ■ Je trouve de même plaît a
Dieusl dans des textes Languedociens du XVIIe s. [Théâtre
de Béziers, pp. 96, 166).
208,1.18. — Ajoutez ourdi, altération de ardi, qui se dit
aussi. C'est le fr. hardi = hardiment! courage! — Au lieu de
anem ! on dit aussi quelquefois an ! qui n'en est qu'une abré-
\ ai ion.
2 (8, I. L9 : «ja.n —Cette interjection est mentionnée dans
les Leys d'amors [11,36), parmi un certain nombre d'expres-
sions elliptiques encore usitées pour la pluparl .
C . Chabaneau .
POESIES 37
NEMAUSA
A moun cousin Maurice Faure
O fiho de Pradié! superbo Nemausa !
Que sies bello, aubourant subre nosto Esplanade
Toun front, un di mai pur que se posque lausa ,
Tant l'engèni Ta tra sa divino alenado !
Pèr t'amira, la niue, quand tout s'es ameisa,
Lis estello, amoundaut, s'aplanton estounado ;
Lou jour, Tardent soulèu es fier de te beisa,
E d'un double trelus sies ansin courounado.
Pèr rèino o pèr divesso on te prendrié subran,
A vèire toun regard, toun gàubi soubeiran
E la serenita de ta tèsto roumano.
Eto, rèino, la sies : rèino de la bèuta,
E divesso tambèn; car, dins'ta majesta,
De Dieu même aparèis l'estampo subre-umano.
Léontino Goirand,
Felibresso d'Areno.
(Provençal. Avignon et les bords du lihône.)
NEMAUSA
A mon cousin Maurice Faure
O fille de Pradierl superbe Nemausa! — que tu es belle, élevant
au-dessus de notre Esplanade — ton front, un des plus purs que
l'on puisse louer, — Tant le génie y a jeté son divin souffle !
Pour L'admirer, la nuit, lorsque tout s'est apaisé, — les étoiles
là-haut s'arrêtent étonnées ; — le jour, l'ardent soleil est lier de
te baiser, — et d'un double rayonnement tu es ainsi couronnée.
Pour reine ou pour déesse on te prendrait sans hésiter, — rien
qu'à voir ton regard, ton maintien majestueux — et la sérénité de ta
tète romaine.
En etfet, reine, tu Tes : reine de la beauté, — et déesse en même
temps; car, dans ta majesté, — de Dieu même apparaît l'empreinte
surhumaine. Léontine Goirand,
Felibresse d'Arène.
jS POESIES
L'ALBETO
A Madoumaiselo Jano W. .
Per belisjouns de mai m'en anavi, troubaire,
Estroupat dins la neit de moun grand pessoment,
Le cap clin, le cor mut, e, sens i fa moument,
Dreit en qualque traucas ount, iiac, pouiriô me jaire.
E, malaui a fugi le mendre gariment,
Que v'a tout debrembat : muso, patrio, inaire,
Me forobandissiô per mouri bestioment;
E Fcampestre ero en flous e le soulelh aimaire!
Me semblavo segui le Dante espetaclous,
En caminant de cops entre de gourgs bessous,
De cops dins un désert ou pr'uno inmenso grevo.
Quand vous vegeri, roso e bloundoà 'stabousi.
E, del cap as artels me sentient trefousi,
Canteri : « 0 moun cor ! l'albeto que se levo ! »
Agusto Fournis .
(Languedocien, Gastelnaudary et ses environs.)
L'AUBE
A Mademoiselle Jeanne W. .. .
Par les beaux jours de mai je m'en allais, poète. — enveloppé
de la nuit de mon grand souci, — la tète inclinée, le cœur muet, et,
sans y prêter attention, — droit à quelque trou profond où. sans
forces, je pourrais me coucher.
Et, malade à fuir la moindre guérison, — (comme un homme) qui
a tout oublie : nuise, patrie, mère,— je m'exilais pour mourir obscu-
rément, — ei les champs étaieni fleuris et le soleil plein d'amour!
Il me semblait suivre le Dante étonnant. — en cheminant tantôt
entre des précipices jumeaux, — tantôt dans un désert ou par une
grève immense.
Quand je vous vis.ros e et blonde à étonner. — et de la tète
aux orteils me sentant tressaillir. — je chantai: «0 mon cœur !
(voilà) l'aube qui se levé 1 » Auguste Fourès.
POESIES 39
LOU REINARD E LA CIGOGNO
Un viel Reinard rusât, — va soun toutis, directs ;
D'acordi, mais aqueste aviô lou let, veirets, — -
E dasjouquiès lamalo-pesto,
Un jour, se voulguent egaia,
Traco-traco, anet couvida
Uno Cigogno per fa festo.
Sul cop, vous apensats qu'aqui se va cruca
Quauque tros de counil, depiot; un boun gala?
Vous rroumpats, bravos gens ; couneissets pas l'avaro,
Sens eounta que mitouno un gros esperiment.
Lou rasclet aget simploment
Un boulhoun d'al e d'iôu qu'apelet cremo rare.
Sariô 'stat que miècb mal se l'aviô mes encaro
Dedins un vase ou quicon de cloutut,
Ount lou paure aucelas bec ut,
De pic ou de pelado,
Agesse un bricounet pouscut
Pescouteja'n chic de maissado.
LE RENARD ET LA GIGOGNE
Un vieux Renard rusé — (ils le sont tous, me direz-vous; — mais
celui-ci l'emportait sur ses pareils *, vous le verrez bien), — et
dès juchoirs la maie peste, — un jour, voulant se divertir, — alla
tranquillement convier — une Cigogne, afin de faire fête. — Vous
pensez aussitôt que l'on va manger là — quelque morceau de lapin,
de dinde; un bon gala? — Vous vous trompez, braves gens: vous ne
connaisse/, pas l'avare. — Sans compter qu'il mitonne une grande ex-
périence.— Le coquin eut simplement — un bouillon avec de l'ail et
un œuf, et le nomma crème rare. — Ce n'eût été que demi-mal s'il
l'avait mis encore — dans un vase, un objet profond, — où le pauvre
oiseau à long bec, — de gré ou de force, — eût pu un petit peu —
enlever'2 sa bouchée. — Mais non : mon gueux achevé — fit couler
1 Littéralement : avait le bâtonnet.'
■ Pêcher, pêchoter.
40 POESIES
Mais, nani, raouu gus acabat,
Sens cap de vergougno, ni geino,
Escourriguetla clarinteino
Dins un grand paro-grais de très pans en carrât.
S'uno mousco i'ero toumbado,
Cresi pas de menti, s'i sariô pas negado :
L'unchun ero espandit d'uno talo faissou
Que d'un fui de papié fasiô pas l'espessou.
Tabès, coumo uno coutralasso,
La pauro ( 'igngno badet,
Dal tems que l'autre tout lupet,
Sens emplega culiè ni casso.
La Cigogno, Tel bas, daisset fa lou couqui ;
Mounetpas souloment. A quinze jours d'aqul,
Gracieuso, toute rejouïdo,
Vai trouba lou maraud, que saludo e couvido :
— c Amé plasé », dis lou Reinard :
Quand es questieu de faboumbanço,
Es l'are que siogue en retard,
Sustout se i'a bouno pitanço. »
A Fouro dito, manco pas;
Su! boun fumet, qu'i mounto al nas,
Coumplimentejo la mestresso,
La logo de sa poulidesso,
E de plasé, dous ou très cops,
sa soupe claire — dans une grande lèche-frite de trois pans en
carré: — si une mouche y était tombée, — je ne crois pas mentir,
elle ne s'y serait pas noyée. — Le bouillon s'étail étendu d'une telle
façon, — qu'il n'avait pas l'épaisseur d'une feuille de papier. —
Aussi, comme une nigaude, — la pauvre Gigogne bâilla — pendant
que l'autre lécha le tout, — sans employer cuiller ni casse.—
La Cigogne, l'œil bas. laissa faire le coquin; — elle ne murmura
pas seulement. A quinze jours de là. — gracieuse, toute réjouie. — elle
va trouver le drôle, qu'elle salue et convie : — « Avec plaisir, dit
le Renard; — lorsqu'il est question de faire bombance. — il est rare
que je sois en arrière, — surtout s'il y a bonne pitance." — A
l'heure dite, il ne manque pas. — Sur la bonne odeur qui lui monte
au nez, — il complimente la maîtresse du logis; — il la loue de sa
politesse.- Et.de plaisir, deux ou trois fois, — en voyant du rôti
POESIES i\
En vesent rtal roustit Ion ju daurat que coulo
E la brurao de fum que s'escapo de l'oulo,
Se passo la lengo pes pots.
Mais à talhounetous s'enmenuco laviando
Qu'aviô guignado tant friando ;
Apei dins un jarril loungarut, à prim tôt,
La Cigogno, en riguent, fa touniba soun fricot.
Lou Reinard ven ergnous, coumprend que soun vouiage
Sara blanc : acô's clar, es pagat de retour.
Tento Testreit furol, mais lou cap de soun mour
S'anelo, s'espremits e trabuco al passage.
La Cigogno, dal bec margat de soun loung col,
Tiro lous gratèus coumo vol.
L'escanaire de pouls, ras-moucat coumo un blese.
Las aurelhos sul nas, la cougo pes garrous,
Al terriè s'entournet furious,
Sens ave pechugat de car gros coumo un pesé.
Se las gens troumpats de miech pan,
Mai d'uno cano vou'n randran.
A. Mir.
(Narbonnais, Escales et ses environs.)
le jus doré qui coule — et. le nuage de fumée qui s'échappe du pot,
— il passe la langue sur les lèvres. — Mais à petits morceaux on
divise la viande, — qu'il avait épiée si friamment; — puis dans une
cruche longue, à col mince, — la cigogne en riant fait tomber ses
mets. — Le Renard devient inquiet ; il comprend que son voyage
— sera blanc : cela est clair, il est payé de retour. — Il tente bien
l'étroite ouverture, mais l'extrémité de son museau — se tord comme
un anneau, se comprime et manque le passage. — La Cigogne, du
bec qui est emmanché sur son long cou, — retire les cretons comme
elle le veut. — L'étrangleur de poulets, sot et confondu1, — au ter-
rier s'en revint furieux, — sans avoir happé2 gros comme un
pois-chiche de viandes.
Si vous trompez les gens d'un demi-pan 3, — ils vous le rendront
de plus d'une canne'*.
A . Mir.
1 Littéralement : mouché ras comme une mèche de lampe. — - Pinré.
— 3 Anciennes mesures de longueur.
POESIES
LI VIÈI
I flanc escalabrous d'une- auto rancaredo,
Frejo e fèro e redo,
Sus un plancstôu nus bêlant l'inmènso raar,
Un vôu de pàuri vièi, pèr noun sai quent azard,
Un jour se rencountravo :
E l'un dins li vistoun de l'autre regardavo. . . .
E, carga de grand niéu, lou soulèu s'aploumbavo. —
Dins lou gourg s'aploumbavo.
Eron tôuti do vièi, iue d'anchoio, peu blanc,
Escranca, trantraiant,
E si regard disien : — « Oh ! que nosto vidasso
» Fouguè'n van roumavage, uno cativo casso !
» Las ! oh ! que sian bèn las
» De chaucha lou fumié d'aquest mounde marrrias !
» Après lou dur coumbat, salut, la santo pas! —
» La siavo, santo pas ! »
Mai, pamens, un qu'avié la voues ben meigrinello,
LES VIEILLARDS
Le long des flancs escarpés d'une chaîne de rochers, haute, —
froide, sauvage etraide, — sur un petit plateau dénudé, contemplant
l'immense mer, — une compagnie de pauvres vieillards, par je ne
sais quelle aventure, — se trouvai! un jour ; — et l'un regardait
dans les yeux de l'autre.... — Et. chargé de grandes nuées, le soleil
se plongeait comme un plomb, — se plongeai! dans le gouffre
comme un plomb.
C'étaient tous des vieillards, les yeux éraillés, les cheveux blancs;
— écrasés, chancelants, — et leurs regards disaient : — «Oh ! que
notre vie — a été un vain pèlerinage, une poursuite chétive ! — Las !
on '. que non- sommes bien las — de fouler le fumier de ce monde
mauvais! — Apres le dur combat, salut, la sainte paix! — la suave,
la sainte paix! »
Mais.Jeepeiidant, l'un d'eux qui avait une voix grêle, — s'écria:
POÉSIES 43
Quilè : -— «( Pèr li piéucello
» M'èro esquino d'Ercule ! » Un autre : — « Fe de Dieu !
» Avié mens d'esplendour, l'arc-de-sedo d'abriéu
« Que la roupo de glôri
» Qu'antan m'agouloupavo en fàci de l'istôri. . .
» Aro, lou crese ; ai 'sta ren qu'un sot tantalôri-, —
« Un triste tantalôri. »
Marcave sus li baus ges d'aleto o d'aucèu,
De flour ni d'aubre béu,
Subran un cant mai fier autour di loubo arido
Vibregè : — « Fau chula la laidour de la vido,
O fiéu d'Adam, d'abord,
Pèr fin que chour lés pièi la bèuta de la mort !....
Ves, milo estello au cèu van durbi sis iue d'or, - -
Sis iue flamejant d'or ! »
MANDA DIS
Au felibre G. Charvet. d'Alès
Noun es un Narbounés, mai ben uno Cisampo,
Moun pouèmo que lampo
» Pour plaire aux jeunes filles, — j'avais jadis une taille d'Her-
cule! » Un autre . — « Foi de Dieu ! — il avait moins de splendeur.
Parc-en-ciel d'avril — que le manteau de gloire — qui, en face de
l'histoire, m'enveloppait autrefois.... — Maintenant, je le crois, je
n'ai été rien qu'un songe-creux, — rien autre qu'un songe-creux!"
.le ne remarquais sur les roches ni ailes, ni oiseaux. — ni fleurs.
ni beaux arbres: — tout à coup, un chant sublime, autour des crêtes
arides, — vibra avec retentissement : — Il faut humer la laideur
de la vie, — ô fils d'Adam, d'abord, — afin que vous savouriez en-
suite la beauté de la mort!... — Voyez mille étoiles qui, au ciel,
vont ouvrir leurs yeux d'or, leurs yeux flamboyants d'or '• »
ENVOI
Au félibre G. Charvet, d'Alais
Ce n'est pas un doux zéphir ', mais plutôt une bise glacée, — mon
poëme, qui part comme un éclair — te dire aujourd'hui le bon.
4 Littéralement: le Narbonnais, vent d'ouest, en Provence.
H POESIKS
Te dire lou bonjour aujourd'uei, bel ami!
Mai, te pregue, pren-lou ! . . . M'es plasènt souveni.
Toun (iardoun, ti mountagno,
E ta grand Pradarié ounte crèis la castagno. . . .
Mai la Muso es malauto e boudenllo de cagno, —
De coumbour e de cagno !
\\ illiam-C. Bonaparte-Wyse.
k Provençal, Avignon et les bords du Rhôn<-. )
jour, bel ami; — mais, je t'en prie, prends-le !... J'ai en agréable
souvenir— ton Gardon, tes montagnes, — et ta grande Prairie* où
croissent les cbàtaignes — mais la Muse est malade et pleine de
tristesse. — de passion intérieure et de tristesse!
\\ illiam-C. Bonaparte- Wyse.
UN PANTAI
Se sabiés moun pantai, o douco encantarello !
Ere toun Calendau, ères moun Esterello ;
Mountavian cauto-à-cauto ensèn lou mount Gribau;
Pur baudi de moun cor li lagno e li trebau,
Risiés de toun bèu rire e i'asiés, amarello,
UN REVE
Si tu savais mon rêve, ô douce enchanteresse! — J'étais ton
(lalendal, tu étais mon Esterelle; — nous gravissions ensemble et
doucemenl le mont G-ibal; — pour bannir de mon cœur les troubles
et les ennuis,
Tu riais de ton beau rire et tu faisais, aimante. — évanouir le
1 Ce trais et beau paradis appelé la Prairie, qui s'allonge vers le midi
trois lieues durant, cote à côte avec le Gardon. kA. Aknavikllb.)
POESIES 45
Esvanesi lou mau crudèu que me bourrello.
— « Vène, me disiés, vène, escarlimpen plus aut,
Ounte Dieu es soulet, k la cresto di bau.
Lou sabes ben, parai ? que famé, que t'adore ;
E pièi sariés jalous ! . . . Oh ! défaut que fai orre !
T'ame, famé, moun bèu, e sèmpre t'amarai. . »
Alor, dins un poutouh ardent coumo la flamo,
Mig'noto, t'ai douna moun amour e moun amo. . .
Aubeto, perqué dounc as fini moun pantai ?
Louis Roumieux.
( Provençal. Avignon et les bonis du Rhône. )
mal cruel qui me torture. — « Viens, viens, disais-tu ; escaladons
plus haut. — là où Dieu est seul, à la crête des rochers.
» Tu le sais bien, cependant, que je t'aime, que je t'adore'. — Et
puis tu serais jaloux ■ Oh! le vilain défaut! — Je t'aime, je t'aime,
mon beau, et je t'aimerai toujours.. . . »
Alors, dans un baiser ardent comme la flamme. — mignonne,
je t'ai donné mon amour et mon âme. . . — Aube, pourquoi donc
as-tu terminé mon rêve?
Louis Roumieux.
BIBLIOGRAPHIE
Anthologie patoise du Vivarais, par Henry Vaschalde. —Montpellier,
Goulet, 1875; in-8", 48 pages.
M. H. Vaschalde, à qui la littérature et la poésie populaire du
Vivarais doivent, depuis linéiques années, de fort intéressantes
monographies, vient de réunir sous ce titre divers textes rimes
appartenant au dialecte d'une partie du département del'Ardèche,
région peu connue encore des philologues.
Le plus ancien de ces textes remonte au XIV6 siècle. M. V. l'a
emprunté à Lancelot, qui le publia dans le tom. "VII (p. 256) des
Mémoires de V Académie dis inscriptions, d'après un rituel manuscrit
du diocèse de Viviers. Ce sont huit vers que prononçait l'aumô-
nier de l'évèque fou, en annonçant les indulgences burlesques de
celui-ci.
Le second, de la lin du XVIe siècle probablement, est un frag-
ment de noël que l'éditeur a trouvé sur la couverture intérieure
d'un registre de notaire, et qui accuse déjà, d'une manière sen-
sible, presque tous les caractères de l'idiome actuel.
Une longue épitre rimée de François "Valeton et des extraits
d'un poëme de Etouvière, sur un procès burlesque à Villeneuve-
de-Berg, représentent le XVIIe siècle. Le XVIIIe n'a que deux
contes du prieur de Gropierres, déjà imprimés dans {'Annuaire dt
l'Ardèche. Les fragments de Naleton et de Rouvière étaient jus-
qu'ici entièrement inédits*.
La poésie contemporai is( moins pauvre. Elle possède quel-
ques pièces, parmi Lesquelles on peut citer la Chonsou deJeand'Oou-
pilieïro ri, Mnrgorido de Mounchaouvi, prise, ainsi que le constate
M. V., à YArmagna cevenoude 1874, suis autres modifications que
••elle- qui étaient imposées par la différence des dialectes :
En onen qnerre uno charjo de broundo,
De bouon moti,
1 M II. V. avait fait connaître, en 1875, les poésies françaises de Valeton,
qui sont autrement remarquables que. ses vers vivarais. Il faut le loie-i
d'avoii reproduit l'orthographe, d'ailleurs très-défectueuse, de ces deux
poètes. C'est uni i<ïnt on ne doit pas se départir, lorsqu'on publie
pour la première foi des textes qui onl un intérêt philologique.
BIBLIOGRAPHIE 47
Sounjave en paon aux uels blus de mo blonndo;
Sans vous menti.
Oourio beïla mo vesto de bourrotto
Moun osenou,
Per un cop d'uel de lo bello drouletto,
Per un poutou.
Perquésous pas lou morquis d'Ooupilieïro?
Sans mai torda,
Ièou n'en forio uno grondo hériteïro
Dovont l'oouta ;
L'y beïlorio, per moun prêsen de noço.
Un chostelou,
Dous bèous chivaoux ornissas et corrosso...
Emb' un poutou
Relevons une erreur légère à la p. 40. La pièce lèou Came est
une imitation de Bigot, le poète si plein de verve et de vigueur des
Bourgadieiro* . Voici le texte de deux strophes du félibre nimois, ~<\
côté de celui que l'éditeur a donné, d'après une communication de
M . Ghevé :
T'aime mai' que yiou, ma Sézéto; T'ame mai que tout, Louïsetto !
T'aïme et siei jalons coumo un viel. Et ne sous joloux counio un viel ;
Jalousde ta bouco panléto. Joloux de to boucho rougetto,
Di tis yeul blu coumo lou ciel; De tous uels blus coumo lou ciel...
Si<ji jalous dé ti papiyoto, . ^ous joloux de to codénetto,
8uiis que tocoun toun col' blanc ; Suffi que touoche toun couol blonc ;
Jalous dou ruban vert que floto Joloux deï riban vert que fretto
Sus toun coursagé dé quinze an. Soubre toun coursé de quinze ons.
Voudriei, quan lou toèm es bèn nivo, Voudrio quand oven uno nèblo,
Estre lou sourél per briya ; Estrelou sourel per brilla,
Voudriei estre, quan siès pénsivo, Quand fases to pétito bèbo,
La caouso que té faï pensa Estre ço que te faï bouda.
Voudriei estre tou sus la tèro, Voudrio estre tout soubre terro,
Pér estre quicon que lé plaï ; Per estre tout ço que te plai ;
Estre ta sur, estre toun frèro. . . . Estre to sur, estre toun frèro.
Bélèou m'aimariès un paou mai. Beièou m"omorios en poou mai !
( Bourgadieiro, pag. 31.) ( Anthologie, pag 40. )
L'imitateur vivarais a seulement interverti quelquefois l'ordre des
strophes et des idées de la pièce nimoise 2.
1 U Bourgadieiro, poésies patoises, par A. Bigot, 4e édition. Nimes,
Glavel-Ballivet, 1870, in-12.
8 Quelques observations do détail : Pag. 8, que Dtous: lisez, avec Lan-
celol : que Dieux. 13 et li. Vertat et vertodié étaient les Cormes gêné-
48 BIBLIOGRAPHIE
i
( tn ne penl que désirer la prompte et complète publication des
poésies de Rouvière et de Valeton, d' Au benas. Les travaux déjà
connus de M. V. en assurent d'avance l'intérêt et l'exactitude
A. R.-F.
Las Mouninétos dé Paul Félix, embé la révirado en françés vis-à-vis.
Aies, encô dé Brugueirolle et Compie, 1876 ; in- 12, 100 pages.
M. Paul Félix publia en 1873 ses Fados en Gévénos, qui lui valu-
rent de flatteuses adhésions. On y retrouva, avec autant de facilité
et plus d'abondance, le ilialecte et les formes orthographiques du
marquis de Lafare-Alais, l'auteur des Castagnados, restées juste-
ment chères au pays cévenol.
Ces qualités ne font pas défaut aux Mouninétos, petit poëme men-
tionné favorablement au dernier Concours de la Société archéologi-
que de Béziers. L'amusante histoire qu'il raconte, en l'amplifiant
çà et là. était déjà connue en Provence par une pièce de Gélu.Un
ancien négociant de Marseille écrit à l'un de ses amis, et le prie de
lui envoyer deux ou trois singes du Brésil. Malheureusement la let-
tre qui contient cette demande est si mal formulée, que la con-
jonction ou (oen provençal) est prise pour un chiffre. Le corres-
pondant lit donc, non pas deux ou trois, mais deux cent trois
nnges. Son étonnement l'ii est grand:
— « Dé que diable, Aoudihèr, aro que viou bourgés,
Vôou faire, él se digue, d'aquélo marchandise,?
Quâouquo éspéculacîou? Pu lèou uno soutiso !
Pér n'en tira quâouque proufi,
Es-ti asségura d'avédre lou débi 1
Es pas prou nèci pér pas véïre.
Que, sans s'en poudré dispensa.
1-àoura d'argén à déspénsa
Bèouco mai' que ce qu'on po creïre ?
ralement employées par les contemporains de Valeton et de Bouvière.
15, au septième vers, ne faudrait il pas lire, pour la mesure: d'unjan'. 16,
un vers de Valeton:
\'li i doncqui s, mon I oui m 1 1 msi '.
confirme l'acception particulière que ce dernier mot possède dans la langue
du Midi, ainsi que je l'ai -ignalé récemment ( Revue. 2' série, V. 3l9j.
La pièce oii je trouve c vers est adressée par l'auteur « à son très-cher
et intime ami, M. du Saut, procureur et advocat, à Aubenas. » 29, dins
eun /«•"'/ pour dinc un beou, forme usitée en d'autres dialectes, dans ceux
du bas Languedoc et de l'Auvergne principalement. 32, la fable de lo Fillo
mouqurtto présente de nombreuses irrégularités de versification.
BIBLIOGRAPHIE 49
Ou bé, vôou-ti mounta uno méinajariè
Rés que d'aquél bèstiâorn? Quâou diâoussi i-anariè ?
Déntrémén fôou nouri touto aquélo nisado
Dé singes mâou aïsis pér lous assaloiula.
Lous vendra pas tant bien coumo soun chocola.
Aoudibèr, Aoudibèr, faras quaouquo baoudrado ! (P. 3-4 )
Il fait partir, néanmoins, plus de cent cinquante singes; erreur
qui, à l'arrivée en Franco, devient la source de nombreuses et bur-
lesques aventures, presque partout agréablement versifiées.
L'orthographe des Mouninetos appelle des ;éserves formelles,
et il serait à désirer que l'auteur la modifiât dans un sens meil-
leur. Il l'a calquée sur celle du marquis de Lafare, laquelle est aussi
celle du Dictionnaire de M. Maximin d'Hombres et de M.Leyris,
dans quelques pièces publiées par le Bulletin delà Société scienti-
fique et littéraire d'Alais. L'emploi des formes françaises constitue
le vice de cette orthographe, imaginée d'après le Dictionnaire de
Sauvages4. Le savant abbé ne tint aucun compte des règles qui
avaient prévalu depuis les premiers troubadours jusqu'à la fin du
règne de Louis XIV2, de celles que l'Aquitaine, le Limousin et la
Provence avaient le droit de considérer comme naturelles et na-
tives. Cet abandon, en apparence inexplicable et qu'il ne fut pas, du
reste, le seul à commettre, peut se justifier par les faits. Les textes
4 L'abus de l'accentuation est l'un des caractères saillants de ces or-
thographes. Le Dictionnaire languedocien de l'abbé de Sauvages les poé-
sies de Martin et de Tandon, les éditions faites à Montpellier, par les soins
du libraire Renaud, de puriste mémoire; 1 s fables limousines de Foucaud
les œuvres de Desanat et de Pierquin de Gembloux, sont significatives,
à ce point de vue. Les accents graves, aigus et circonflexes, les trémas,
les doubles points, s'y étalent à profusion. Quoique l'on n'eût guère souci
de la tradition en 1820, les lecteurs s'amusaient parfois de ces exagérations
puériles, et les œuvres languedociennes d'Auguste Rigaud contiennent
une épigramme composée à ce sujet. La Mort vient signifier son arrêt à
Renaud, qui, fidèle jusqu'au bout à ses préoccupations habituelles, exa-
mine attentivement si quelque virgule n'y aurait pas été omise :
— ce Anén, Renaud la Mort diguèl .
• Vous faon parti... )> Renaud recula.
- « Perqué reculas, si vous plèt ?
» Pér véyré se clins rostre arrêt
« Yé manqua piis nna virgul». »
Est-il besoin de dire que, par suite de cette accentuation si compliquée,
les livres imprimés de 1800 à 1850 fourmillent de fautes typographiques?
2 Ceci est bien relatif, surtout pour le XVII'- siècle.
50 BIBLIOGRAPHIE
des troubadours, el à plus forte raison ceux des idiomes populaires
de la langue d'oc au moyen âge, étant alors presque absolument
inaccessibles aux 4ecteurs ordinaires, les poètes et les rimeurs de
l'époque laissèrent tomber peu à peu la vieille tradition romane;
de là à croire que le XVIe siècle avait vu l'éclosion des dialectes
actueiset à créer pour eux une ortbographe entièrement. nouvelle,
el surtout entièrement française, il n'y avait qu'un pas. Il fut si
souvent franchi, qu'à partir de 1820 chaque ville eut ses règles
particulières, différant des règles de ia ville ou de la nuance dialec-
tale voisine. Heureux encore lorsque le même sous-dialecte ne
voyait pas surgir deux ou tr unes distincts!
L'orthographe de MM. de Lafare, d'Hombres el Paul Félix *, con-
stitue donc la variété alaisienne de ces systèmes à luise française,
que la publication, tous les jours plus active, de textes anciens, et
les efforts des félibres, des groupes bittérois et' béarnais, l'ont dis-
paraître a l'heure qu'il est. il faut souhaiter, je le répète, que
prochaine édition des Mouninetos soit ramenée, elle aussi, aux rè-
gles méridionales.
De semblables réserves n'enlèvent rien au mérite du poème en
lui-même. Les qualités de M. P. I". sont à lui, tandis que le vice
de ,^ou orthographe est le propre de la petite école formée par
l'abbé de Sauvages dans le pays raiol. \. G. -A. U.-F.
Traité de la formation des mots composés dans la langue française
par A Uahmesteter, — Les Composés qui contiennent un verbe
à un mode personnel, etc., par L.-F Meunier. i/2c arlicie.)
Rectification. — J'ai dit plus haut( n0 de novembre, p. 271
qui l'impératif de a frige, a erde^a fute, était, en i. ,1e m'appuyais,
en parlant ainsi, sur l'autorité de M. Mircesco, auteur de la seule
grammaire roumano-française que je connaisse. Dans cet ouvrage,
en effet, tons les paradigmes des conjugaisons autres que la pre-
uii. re ei que la conjugaison inchoalive, dont a iubi est le modèle,
ne présenteni que des impératifs en i. .Mais M. le docteur Obé-
dénare tn'avertil que h aples cités par moi ont été ma! choi-
attendu que ces trois verbes onl la même forme pour l'impé-
Laquelle esl moins compliquée que celle du Dictionnaire Imvjuedo-
cien. Une circonstance technique, le mai i — de sortes spé-
ciales, en termes uiiuj.ii - nuisit au succès 'i'' Sauvages. Ce qui,
dans son système mploi de caractère admis pour le français
lut accepté sans difficulté. Ce «pu \ était contraire demeura ( c'est le cas
de t.- dire ici lettre moi le i t sans valeur.
BIBLIOGRAPHIE 51
ratif (2e p. s,) et pour l'indicatif présent (3e p. s.). Je dois dono
rectifier mon assertion, en observant cependant que la réclama-
tion même de M. Obédénare prouve tout au moins que je lui avais
posé ma question de manière à n'influencer en rien sa réponse,
c'est-à-direque je lui avais laissé ignorer entièrement quelles étaient
mes idées sur la théorie des composants verbaux. Ceci, pour bien
montrer qne j'avais pris toutes les précautions voulues en matière
d'expertise phonétique. M. Obédénare m'a lait remarquer, en ou-
tre, qu'il y avais trois terminaisons différentes pour l'impératif, en
dehors de la première conjugaison : e long, e bref,'*". Il m'a cité
comme exemples les impératifs stinge, lat. exsiingue; inghite, lat. * in-
gluti; audi (prononcer audzi), lat. aud : vedi (prononcer vedzi), lat.
vide. Il a ajouté que, s'il était impossible de donner une règle inva-
riable1 pour la distinction des impératifs en e et eu i, vu la fréquence
des exceptions, il y avait d'autres exemples, absolument certains
cette fois, qui venaient à l'appui de la théorie que je soutiens, à
savoir que le verbe premier composant n'est pas à l'impératif. Ces
exemples sont les suivants: Besse-a-prope, litl. Vesse-toul-près, ma.
lotru des plus grossiers, qui n'attend pas, pour se soulager, d'être
suffisamment éloigné de ses voisins; Plange-dsse, litt. Pleure-osselets;
Face-curu-pusca, litt. Fait-cul- fusil. 1° Bessé-a-prope, et non bessi-
a-prbpe. L'infinitif est a bess'i, l'indicatif besse, et l'impératif bessi.
i" Plange-bsse. Le verbe a plonge fait plangi à l'impératif. On appli-
que ce surnom aux enfants pleurards qui perdent au jeu des osse-
lets . 3° Face-curu-pusca. Ce composé grotesque fait partie du dia-
logue suivant, que se transmettent comme une formule consacrée
les adeptes du catéchisme poissard:
Gum te chiama? — Comment t'appelles-tu ?
Sôrbe-zéma. — i^Je m'appelle) hume-bouillon.
Inghite-galusca. — Avale-boulette.
Face-curu-pusca. — F ait-cul- fusil'.
Cet exemple est absolument concluant, comme on le voit, par
suite de la différence bien constatée de l'impératif fa et de l'indica-
tif face. Après cela, le doute ne parait pas permis, et l'on peut con-
sidérer la question, en ce qui concerne le roumain, comme défi-
nitivement jugée. A. B.
1 Cette règle, d'après lui, pourrait se formuler ainsi : — La finale de
l'impératif est la même que celle de l'infinitif abrégé; exemples : a cantà;
imp. canla ; a audi, imp. audi; a batte, imp. batte: en exceptant, bien en-
tendu, les verbes à forme inchoative, tels que a iubl, qui le font en esce.
llya beaucoup d'exceptions; telles sont : a vede. vedi ; a plange, plangi ;
u merge, mergi ; a cade, cadi ; a ride, ridi ; a inghiti, inghite.
CHRONIQUE
Le bureau delà Société des langues romanes pour l'année lï>77 a
été composé comme il suit: M. B. Cantagrel, président; M. de
Tourtoulon. vice-président; M. Alph. Roque-Ferrier, secrétaire;
M. !.. Lambert, trésorier; MM. P.-J. Itier el H. Vigoureux, vice-
secrétaires', M. Ernest, Hamelin, directeur des pvblica/ions.
Tous les envois imprimés ou manuscrits doivent être adressés
à M. A. Roque-Ferrier, secrétaire, rue Raffinerie, à Montpellier.
La collection philologique et littéraire entreprise, au commen-
cement de l'an dernier, par la Société des langues romanes, compte,
à l'heure qu'il est. deux volumes : Poètes catalans, les Noves ri-
niiules et la Codulada, par M. Milâ y Fontanals, professeur à
l'Université de Barcelone, et les Proverbes et Dictons du pays de
Béarn, Énigmes et Contes populaires, par M. V. Lespy, secrétaire
général en retraite des Basses-Pyrénées, auteur d'une Grammaire
béarnaise fort appréciée des romanistes.
Le premier demi-volume du Dictionnaire des idiomes romans du
midi de la France, — dont l'ensemble formera la cinquième publica-
tion spéciale de la Société. — parM. Gabriel Azaïs, paraît à l'instant.
Diverses circonstances ont retardé la distribution de la troisième:
les Ordenansas del Libre blanc, rééditées par M. le docteur Noulet,
et de la quatrième : les Patois de la basse Auvergne et leur littéral un .
par M.H.Doniol, préfet des Bouehes-du-Rhône, correspondant de
L'Institut. Ces retards sont près de toucher à leur fin.
I <a collection de la Société s'augmentera prochainement des .1 uzt l
cassador, de Demies de L'rades,- chanoine de Maguelone aux XI Ie et
XJlIe siècles. On ne connaissait jusqu'ici que quelques fragments
de cet intéressant poème, qui sera publié en entier avec une in-
troduction, des notes et un glossaire, par M. Ernesl Monaci, pro-
fesseur à l'Université de Rome.
La Faculté des lettres de notre ville continue de donner à la
Société des marques d'attention et d'intérêt. Il y a en elles comme
une tradition que nous voudrions signaler moins brièvement que
ne le permet Le cadre de ces Lignes. Nous ne parlerons pas de
M. Saint-René Taillandier, qui prodigua tant de fois ses encou-
ragements et ses conseils aux premiers efforts des félibres; nous
ne rappelerons pas non plus une mémoire qui nous est chère, celle
de Cambouliù: nous nous bornerons à mentionner le discours pro-
nonce en 1869, et dans Lequel son auteur, maintenant des nôtres,
disait, en constatant l'extension universelle des recherches sur la
littérature des troubadours et des trouvères :
• Et, dans notre ville de Montpellier, que le moyeu âge avait fait si
bre, si libre et si riche aussi, voyez-en la preuve dans Les livres de
CHRONIQUE 53
l'infatigable historien que vous a donné notre Faculté des lettres ; dans
cette ville de Montpellier, voici que d'intrépides chercheurs unissent
leurs efforts pour populariser parmi nous l'étude des langues romanes.
Je suis heureux de saluer leurs espérances de celte même place où pro-
fessait, il a vingt ans, M. Jubinal, à qui notre vieux français doit de si
nombreuses et si précieuses publications ; où s'asseyait naguère le cher
collègue dont la fondation de la Société des langues romanes fut le dernier
effort et le dernier succès. » [Revue. lr" série, 1, p. 172.)
M. Castets, docteur es lettres, chargé du cours de littérature
étrangère, vient d'ajouter, il y a quelques jours à peine, un nouvel
anneau à la tradition. Dans sa leçon d'ouverture, consacrée en
entier à l'exposition générale de la littérature italienne, il a signalé
l'étroite consanguinité qui unit la langue du Dante aux autres lan-
gues romanes, et spécialement au provençal. M. Castets a fait con-
naître l'intention ou il est d'étudier l'auteur de la Divine Comédie,
avant tout comme poëte, mais en même temps comme philologue,
et il n'a eu garde d'oublier les vers placés dans la bouche d'Ar-
naut Daniel au XXVIe chant du Purgatoire:
Tan m'nbbelis vostre cortois deman.
M. Castets a terminé sa leçon par des aperçus fort ingénieux sur
la nature des relations qui existent entre l'objet actuel de son cours
et les travaux ordinaires de la Société: mais il l'a fait en des ter-
mes empreints d'une telle bienveillance, que nous ne pouvons les
reproduire, quelque sincères que soient les remerciements que
nous lui adressons aujourd'hui. A. E. — A. R.-F.
Nous avons le regret d'annoncer la disparition de deux périodi-
ques consacrés à la philologie des langues romanes: le Jahrbuch
fur romanische und englische Sprache tind Literatur et la Rknsta difilo-
logia romanza, qui paraissait à Rome depuis quelques années. Le
Jahrbuch fut le premier recueil spécialement ouvert aux études qui
sont les nôtres, et plusieurs romanistes français4 y publièrent
des travaux. «La Rivista, dit un juge aussi sévère que compétent*.
» a fourni une carrière beaucoup moins longue, mais qui n'aura
» pas été sans éclat. C'était un journal bien fait, dont toutes les
» parties : articles de fonds, mélanges, bibliographie, étaient trai-
» tés avec un soin égal. Nous sommes surpris, ajoute \a.Romania,
» de le voir interrompre sa publication au moment où la création
» de chaires de philologie romane fait espérer, pour cette branche
» delà science, un brillant avenir en Italie.»
*
* »
On sait que le félibrige compte trois grandes sectiom, ou mainte-
tenances, celles de Provence, de Languedoc et de Catalogne, les-
quelles, à leur tour, peuvent se subdiviser en écoles particulières,
toutes les fois que le nombre symbolique de sept félilues, au moins,
1 Cambouliù avait dû envoyer au Jahrbuch sa Note sur le Mémorial
des Nobles. — 2 Remania, n° d'octobre 1876.
4
54 CHROMQUÏÏ
se rencontre clans la môme ville et qu'il y a accord entre eux pour
la réunion et le travail en commun.
Quatre de ces écoles fonctionnent déjà : ce sont celles de Mont-
pellier, la première et la plus ancienne, formée le 4 novembre 1875,
lejour même où les félibres languedociens arrêtèrent les bases de
l'association, devenue à l'heure qu'il est la maintenance de Langue-
doc ; celle de Nimes, celle d'Avignon, celle du Forcalquiérois, et
enfin celle d'Aix, constituée le 21 décembre dernier.
M. Cavallierest le président, ou cabiscol, de l'école de Montpel-
lier; M. Gaidan, de celle de Nîmes; M. l'abbé Emile Savy, ancien
archiprêtre de Bûne, de celle de Forçai quier; M. A, Mathieu, de
celle d'Avignon; M. Bonafous, doyen de la Faculté des lettres d'Aix,
de celle d'Aix. désignée sous le nom de Soucieta deifelibre de Lar.
L'école du Forcalquiérois publie ses procès-verbaux, ainsi que
les poésies et les communications de ses membres, dans le Journal
de Forcalq-iîer , qui, le 7 janvier, avait momentanément changé son
titre français en celui de Journau de Fourcauquié ede soun arroundis-
somen ; l'école de Nîmes a pour organe le Dominique, sur lequel
nous reviendrons bientôt avec l'attention qu'il mérite; celle d'Aix, le
Prouvençau, paraissant deux fois par mois, et que nous louerions
plus complètement si nous n'y avions trouvé, en tète du premier
numéro et sous la plume de Mistral, l'éloge de la Revue des langues
romanes ex des études auxquelles la Société est consacrée1.
Le Prouvençau aspire à devenir l'historiographe des coutumes et
des mœurs populaires, des traditions de race, des usages locaux.
Tel est le rôle que Mistral assigne à ses rédacteurs, dans une lettre
écrite avec cette admirable égalité de langue et de pensée, cette
simplicité et cette vérité de style, qu'on ne peut plus que constater,
tant elle est inséparable de sa prose et de ses vers:
Is abord de Galèndo, leur dit-il, parlas-nous donne, de cacho-fio, pèr
Carnava de Carementrant, di cese pèr Rampau, de la bravado pèr Sant-
Jan, elde la rèino Sabo à la Fèsto-de-Diéu. Parlas-nous dôu tambourin
di poumpo à l'ôli e dôu vin eue; parlas-nous di chivau-frus, di faran-
doulo, dis ouliveto, e pourlas en un mot lou gaiardet di joio. E pièi, de
tèms en tèms, countas-nous quauque tros de l'istèri de Prouvènço, e tenès
boulega dins lou cor dôu jouvènt lou recalieu de la patrio. »
Tel est le but particulier du nouveau journal; mais il en a un
autre plus général : celui d'appeler à l'idée félibrique ceux qui con-
servent le culte de leur idiome, ceux qui ont souci du développe-
ment de leurs énergies natives. Selon ses expressions, le Prouvençau
s'adresse à tous les hommes de race d'Oc qui, dans la Gascogne,
le Languedoc et même la Catalogne, retiennent pieusement l'amour
de la langue el du pays; à ceux qui acceptent le félibrige, comme
.i ceux qui le réprouvent, « parce qu'ils ne le connaissent pas,
' « A Momt-pelié. avès la Revisto di lengo roumano, ounte se traton
ientifleamen touti li qutstiouu d'istôri, de dialèitee d'ourtougràfi relativo
à DOSte | ai la. Eh bèn '. aquêlis estùdisoun talamen gousta à l'ouro d'uei,
que la revisto mount-pelierenco, mau-grat lou serious e l'escarabouious
de si publicacioun, a réussi qu'es pas de durée comto d'abouna pèr touto
la lYanço e touto l'Europo. » (Lou Poucençau, n° du 7 janvier 1877 )
CHRONIQUE 55
ou, ce qui est plus mauvais, parce qu'ils le connaissent mal1. »
Mettre sous les yeux des lecteurs de la Revue le statut ou règle-
ment de l'école forcalquiéroise sera compléter naturellement cette
note et faire connaître en même temps l'organisation intérieure
des associations félibriques :
I. Lis amaire de la lengo d'O qu'abiton lis Aup dôu Fourcauqueirés,
valent à dire la nauto Prouvenço, e lou debas dôu Daufinat, e que volon
travaia ensèn à estudia, escriéure omanteni lou parla rouman, s'acampon
en uno Soucieta que ie dison Soucieta dôu felibrige dis Aup.
II. Aquela Soucieta es uno escolo dôu telibrigô. Se ie charro pas pou-
Jitico, ni mai contro la religioun, la mouralo o li persouno.
III. Li membre de la Soucieta se partisson en dos tiero :
1° La di Sôci, que coumpren touti li felibre majourau o mantenèire
qu'abiton lou Fourcauqueirés e que demandaran de n'èsse;
2° Aquelo di Coumpan, que coumpren tôuti li membre de l'Atenèu de
Fourcauquié que, sènso èstre majourau ni mantenèire, volon pamens
estudia o sousteni la lengo prouvençalo.
IV. La Soucieta es gaubejado pèr un counséu, coumpousa di sèt
Fourcauqueiren que parleron prouvençau i fèsto de Nosto-Damo-de-
Prouvènço, à sabé :
Lou Levon de Berluc-Perùssis, felibre majourau, président de l'Atenèu;
Lou Vitour Bourrilloun paire, decan di troubaire dôu Fourcauqueirés;
L'Alfred Gurèu.de l'Atenèu; lou Garle Descosse, ancian premié ajoun, fe-
libre mantenèire; l'Eugèni d'Ermitànis. ancian maire de Fourcauquié,
felibre mantenèire ; lou Louvis Maurèu, felibre mantenèire, administradou
de l'Atenèu ; e mounsen lou canounge Emili Sàvy, felibre mantenèire,
membre dôu Goumita catouli de Nosto-Damo-de-Prouvenço.
A mesuro que se devinara uno vacanço dins lou counséu, la Soucieta
elegira un nouvèu counseié o priéu, que sara prés dins la tiero di Sôci.
V. Lou counséu causis, tôuti li cinq ans, un cabiscôu o président, un
souto-cabiscôu o vice-presidènt, em' un secretàri. Lou cabiscôu e lou
souto-cabiscôu devon èsse près dins lou counséu ; lou secretàri, dins que
iiero que sigue. En cas d'empacho, lou souto-cabiscôu es remplaça pèr
lou decan dôu counséu; lou secretàri, pèr lou plus jouve de la Soucieta.
VI. La Soucieta s'acampo : 1° tôuti li très mes en sesiho particulàri, pèr
felibreja en famiho, à taulo, e se se pôu en bastido, dins un lio poueti o
que remembre quauque souveni patriau; 2° tôuti lis an, en sesiho pu-
blico, lou jour de Nosto-Damo-de-Prouvènco ; 3° tôuti li cinq an, en sesiho
soulenno, au festenau prouvençau de Nosto-Damo, ounte la Soucieta dur-
bira cado vôuto, un Vue1 o Concours literàri.
VII. Tout es a gratis dins la Soucieta, franc dou viéure que cadun
déura aduerre quand se taulejara.
»
Publications en langue d'oc et en catalan; travaux sun la
poésie provençale, etc. — La Vie de saint Benezet, fondateur du
pont d Avignon. Texte provençal du XlIIe siècle, accompagné des
Actes en latin, d'une traduction française et de notes historiques, criti-
ques et bibliographiques, par l'abbé Albanès, Marseille, Camoin,
in-80. xxi-49 pag. — G. -G. Bonaparte-Wyse: la Cabeladuro d'or,
1 Un second journal vient d'être fondé à Marseille, sous le titre carac-
téristique du Tron de l'èr . Il paraît tous les samedis, et, à ne le juger que
par ses deux premiers numéros, il est destiné à fournir une longue car-
rière de verve et de populaire gaieté.
i Renouvelé des anciens Puy Soire-Dame.
56 CHRONIQUK
pouèsio prouvençulo . Mountpelîé, Emprimarié centrale dôu Miejour.
in-8». 1U pag. (Extrait de la Revue des langues romanes, no du 1 5 août
1876). — Obrador Bennassar: TAU en Jaunie d'Aragù. romanç
historich. Palma de Mallorca, Gelahert, in-8n, 8 pag. — Maspons
y Labros : Traditions del Vallès, ab notas comparativas . Barcelona,
estampa de la Renaixensa, in-12, 102 pages. — Calendari catalâ
del any 1877 , colleccionat per Francesch Pelay Briz. Barcelona,
estampa de la Renaixensa, in-12, 148 pag. — Armana de Len-
gadù (ancian armagna cevendu) pèr lou bel an de Dieu 1877. Aies,
Brugueirolle , in-12, 00 pages. — La Lauseto. afmaitac dal /«i-
trioto lengodoucian, mitât françés , mitât lengo d1 Oc, pèr Van 1877.
Toulouso, Charles Brun, in-12, 200 pages. — Marius Bonrellv.
Poesia provenzal dedicada à la Asociacion literaria de Gerono , con
motivo del ccrtàmen de 1876. Gerona, Dorca. in-4°, 4 paçes. —
Alfred Ghailan, leis Oousseous sount de brsli . Marseille. Barlarier-
Feissat, in-12. — Marti y Folguera, Poesias premiadas à Montpeller.
Barcelona, Yerdague.r.— Joseph Feliu y Codina. lo Rector de Vdll-
fogona, novela histôriqna. Barcelona (fait partie de la Bibliothèque
catalane illustrée, de .T. Vinardell). — Bayle (l'abbé.), la Poésie
provençale au moyen âge. Aix, Makaire, in-8°, vn-413 pages.
Mentionnons ici un livre réservé seulement à l'admiration de
quelques amis : VArc-de-sedo dôu chaine verd : Tettigopolis, in-4*.
16 p., recueil de poésies provençales, anglaises et catalanes,
adressées par lord Bonaparte- Wy se, Th. Aubanel, Y. Balairuer,
Ludovic Legré, A. Mathieu et F. Mistral, à M. et h Mme de Seme-
now. Ce petit chef-d'œuvre typographique a été publié par lord
Bonaparte- YVyse, et il doit son existence à un séjour de six se-
maines qu'il lit. en 187G.au château du comte de Séménow, dans
les environs de la ville dés Cigales, c'est-à-dire Avignon. L'éloge
des poètes qui ont contribué à le former serait superflu. Quant au
livre en lui-même, il ne faut pas hésitera dire que l'on n'a jamais
fêté ni plus dignement ni plus délicatement la muse provençale.
A. R.-F.
Errata du numéro de décembre 1876
liiii Iditlii sagri. — P. 306, lig. I. Edillii, lisez: Idillii (même rec-
tification à la premier" ligne de la page 307 et à la
liur. 35 de ta page 335 — Page 308, lig. 16, irragia,
lisez : irraggia.
Les Folies. — P. 318. lig. 4, sa dernière, lisez: la dernière. —P. 319,
lig. 7 de la note, t, d'être mécontent, lisez : d'être
content. — P. 322, lig. 3 de la note 1, me devien per
Ion mens lisez : me devien (?) per lou mens.
Le Gérant: Ernest Hamelin,
WONTPELLIEH, IMPRIMERIE CENTRALE DU MIDI, — HAMELIN FRÈRES
DIALECTES MODERNES
HISTOIRE LITTERAIRE
DES PATOIS DU MIDI DE LA FRANCE
AU XVIIIe SIÈCLE
APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE
Comprenant le catalogue des ouvrages écrits dans les patois du Midi
de la France, au XVIIIe siècle
(Suite)
200. Macariennes (Les), poëme en vers gascons.
V. Girardeau.
201. Mailhol. Lettres aux Gascons sur leurs bonnes qualités
leurs défauts, leurs ridicules, leurs plaisirs, comparés avec ceux
des habitants de la capitale, etc.; par Mailhol.
Toulouse, Dupleix et Laporte, 1771, in-12.
Mailhol était de Carcassonne. Palissot l'a nommé dans sa Dun-
ciade, aux notes du second volume. On trouve dans les Lettres
aux Gascons : Divers couplets patois dont les airs charmans sont si
connus, pp. 33 et 47 :
lo Gari jamay nou podi, ni non boii. . . ;
2o Pastou, tu té plagnés tout jour. ..;
3o Lou cor que tu m'abios dounat
Janti pastou, en gatgé . . . *
4o L'autre jour, d'arrea cantou..;
5° Se le cel en nous fourman . . ;
6» Tendre roussignouiet,
Que bébés al galet,
' Ce couplet se trouve, avec des variantes, dans les Obras des frères
Rigaud, 3e édit., 1845, pag. 185.
58 HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI
Soulomen d'aigueto ;
Bélomen cantarios,
Se coumo yeu bébios
Del jus de la souqueto !
Le dernier couplet, un des mieux tournés que nous connaissions,
est resté populaire à Toulouse. Il a été rapporté, avec quelques
variantes, par Le Brigant, dans ses Elémens succincts de la langue
des Celtes Gomérites ou Bretons, 2° édit., Brest, an VII, pag. 51, avec
la traduction en breton et en français.
202. Marcou. Les Ases debastax ou la Sourtido dai seminari,
fragment de poëme, dans les Lettres à Grégoire sur les patois de
France, in Revue des langues romanes, t. "Vil, p. 118.
203. Marché (Le) de Marseille, volei Doues Coumaires, comédie
en deux actes et en vers.
Marseille, Jean Mossy, 178"), in-8. Sans nom d'auteur.
J'ai avec le même titre une édition de 1821, Avignon, Françoise
Raymond, in-8. Le (ils de l'auteur publia: leis Doues Coumayres doou
marca de Marsillo. Comédie en un acte et en vers , arrangée en vaude-
ville par le fils de l'auteur. Marseille, Ve Régnier, 1832, in-8.
204. Mariagi (Lou) de Margarido, coumédie en un acte, per
défun Mossu R . . . Nouvello éditien.
Marseillo, Jean Mossy, 1781, in-8.
Il y en a eu une réimpression, vers 1820, à Avignon ..
205. Maridage (Lou) de Camardou. Comédie Caillabary en trois
actes et en vers.
Manuscrit du XVIIIe siècle, qui me vient de Pau. La pièce est
composée en patois béarnais. L'auteur, Sanguilhem, était clerc d'un
procureur au Parlement de Navarre, d'après M. V. Lespy, in lilt.
1859
206. Marin (le P. Michel-Ange). Leis Desastres de Barbakan,
chin errant dins Avignoun.
Aix, 1744, in-12.
D'après M. G. Brunet, Lettre sur les p>atois, p. 23, et Bory, de
la Poésie provençale depuis les Troubadours, in YAbeilho prouvençalo
de 1858, in-12. Le P. Marin (de Marseille) est connu par de nom-
breux romans ascétiques.
207. Martin (le P., de Béziers), auteur de diverses pièces de vers
\ . Bouquet de cauquos flouretos cueillidos sul Parnasso bitterrois.
208. Martin (.L'abbé Marc-Antoine, de Ceilhes) .La Partido de mur,
poèmo, imprime dans les Pouesios biterrouèsos .V . ce titre
DIALECTES MODERNES 59
209 Massip (J.-B. ). Les vers en patois montalbanais, de
J.-B. Massip n'ont pas été conservés; nous ne connaissons que
ceux qu'a publiés M.Théronde Montaugé, dans son Esquisse histo-
rique sur Marc- Antoine de Massip. Toulouse, 1874. J.-B. Massip était
le frère de Marc- Antoine.
« On raconte, dit M. Théron, qu'au retour d'un voyage, Massip
» s'étant présenté chez un de ses ancien s camarades qui se trouvait
» absent, commit la méprise de ne voir qu'une servante dans la
» fille de son ami. Celle-ci en ayant témoigné de l'humeur, notre
» poète lui adressa les vers suivants :
Bey dit, nou m'en dédisi poun ;
Oui, bous siès uno gougetto,
Nou d'aquélos que cado joun
S'en ban querré l'aïgo à l'Ouléto1;
Nani, nou me suy pas mesprés,
Vostro mino n'es pas coumuno,
Lasgougos [sic) de Gypris2 soun très,
Et pel ségur bous ne siés uno.
210. Mayer. Loti Retour daou Martegaou, paroudio bouffouno en
très actes, mesclado d'Ariétos sur d'ers ancians. Representado
per lei Coumédiens de Marsillo, lou 5 d'Abioul775. Par M. Mayer.
Marseille, Jean Mossy, 1775, in-So.
211.Molinier (L'abbé Jean-François). Pratiquos de debouciu
qu'un boun Grestia pot mètre en usatge per arriba al Cel.
Soun estados en usatge longos annados din la parochio de
Foucardo, al dioucezo de S. Papoul, quant Me Jean-François-
Antoine (sic) n'ero ritou, en 1772.
Manuscrit autographe de l'auteur.
Nous devons à l'abbé Mobilier des copies des Catéchismes des
abbés Dissez et Roches.
V. ces noms.
212. Monlaur-Descoxjbés (Jacques-Marie, comte de). Poésies pa-
toises inédites du XVIII* siècle.
Elles se composent de : 1<> Chant de quinze dizaines, ou cent
cinquante Ave Maria du Rosaire, etc.; 2o Prière pour le Roi
Louis XVI ; 3° Contre un curé jureur, en 1794 ; c'est une chanson
orduriere; 4° Chansons; 5° Noèls.
Je dois à M. Martin (d'Auch) une copie de ce recueil.
1 Fontaine de Montauban.
* Les Grâces, compagnes de Vénus. Gougos est pour goujos.
60 HISTOIRE DltS PATOIS DU MIDI
213 Morel ( l'abbé ). Cansou attribuada à l'abbé Morel :
Aou leva de l'aourora,
Dins un pradet de flous...
à la suite des Obras coumplèlas des frères Rigaud. Montpellier.
1845, in-12, p. 177-179.
On attribue encore à l'abbé Morel la chanson delà Nourriça en-
dourmida, publiée par MM. Montel et Lambert (Revue des langues
romanes, lre série, tom. VI. pag. 552), d'après deux manuscrits du
XVIIIe siècle. Cette pièce se répandit très-promptement dans le
Midi: elle se trouve, dans les Chants populaires du )ays castrais
(p. 32), d'Anacharsis Combes.
On ne sait rien de positif sur l'abbé Morel.
V. Regrets de Climène.
2i4. Morel (Mathieu). Noël patois. A la suite du Recueil de
poésies de F. Richard.
Limoges, F, Chapoulaud, S. D. ( XIXe siècle).
L'éditeur du Recueil cite, en outre, le dialogue de Picau et de
Piaucau, qu'il dit être de M. Morel, médecin, né à Limoges et mort
vers 1704.
2.5. Naissance (La) du Messie. Noëls nouveaux.
Toulouse, J. Henry Guillemette, sans date, in-12.
21G. Naissance (La) du Sauveur, ou Noëls nouveaux, en fran-
çais et en patois. Composés par divers Auteurs, tant Anciens que
Modernes, sur les Airs les plus connus.
Narbonne, Décampe, sans date, in-12.
217. Nalis (J.-B.). Cantiques, Noëls et autres ouvrages envers,
partie en français et partie en langue vulgaire de Beaucaire, par
J.-B. Nalis.
Arles, Menier, 1769, vm-271 pages.
•218. Nalis. Nouvelle et dernière édition des Cantiques et Noëls
de Nalis, mis en' deux librets comme en deux tomes, l'un tout
rançais et l'autre tout patois ; il y a à chacun une instruction pour
fun trésorier des Pénitents, l'auteur ayant retranché de cette édition
tous ses autres ouvrages ; de sorte qu'il n'y aura rien ici que d'utile
et d'avantageux pour tout le monde.
Arles, Mesnier. 1773-1774, petit in-8°, 120 pages.
Le millésime de 1773 au patois , celui de 1774 au français.
Une partie des pièces de l'édition de 1769 a été distraite de celle-
'•i, qui en contient cependant de nouvelles.
219. Nayssanço del Messio. Cant jouyous.
DIALECTES MODERNES 61
Toulouso, Beuzo J.-P.Roubert, sans nom d'auteur ni date, in-12.
220. Noels doubles, composez à l'honneur de l'incarnation de
Jésus-Christ.
Bordeaux, Jean Lacourt, S. D.. petit in-8<\ carré, vélin blanc.
« 93 pages. Edition fort rare, imprimée à la fin du XVIIe siècle.»
Bibl. patoise de M. Burgaud des Marets, n° 1538.
221. Noël en musico cantat dins la gleyso de Sent Estienne.
Toulouse, 1702, in-4°.
M. Pierquin de Gembloux, Hisl. litt . des patois, p. 229. — Bec.
d'opuscules, par M . G. Brunet, p. 130.
222. Noels en français et en langue vulgaire, par un religieux
de Saint-François (le père Roche, récollet).
Marseille, Brebion, 1771, in-12, 84 pages et 4 pages de table.
223. Noels français et provençaux, par le R. P. Roche, récollet,
auxquels on en a joint quelques autres qui n'ont jamais été im-
primés.
Marseille, Mossy, 1805, in-12, 120 pages.
Deux autres éditions de ces noëls ont été faites par Mossy, en
1818 et 1829.
224. Noël mis en Musique par feu M. Giles, Maître de Musique
de l'Église de Toulouse , et chanté dans la Chapelle de Messieurs
Les Pénitens Blancs le 8 janvier 1769.
Toulouse, Joseph Dalles, 1769, in-4°, 4 pp.
225. Noël mis en musique par feu M. Giles, et en symphonie
par M. Levens. Maître de Musique de l'Églisede Toulouse; chanté
dans la Chapelle de MM. les Pénitens-Blancs le 1er janvier 1780.
[Toulouse.] Sans nom d'imprimeur et sans date; in-4°, 3 pages,
avec la même vignette que le précédent.
Le même titre, avec cette seule modification :
Le l" janvier 1781.
226. Noël mis en musique par feu M. Giles, et en sympho-
nie, par M. Leuvens, Maître de Musique de l'Église de Toulouse,
chanté dans la Chapelle de MM. les Pénitens Blancs le 4e janvier
1784.
Toulouse, Joseph Dalles, sans date, in-4°.
C'est le même noëi que le précédent et le suivant, avec quel-
ques différences orthographiques.
227. Noël nouveau, sur quatre airs différents, divisé en trois
parties .
•Toulouse, Veuve de F. -S. Henault. sans nom d'auteur et sans
date, in-12.
62 HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI
228. Noël patois, qui sera chanté dans l'Église succursale de
Notre-Dame-du-Camp, à Pamiers, le jour de la Noël, à la Messe
de Minuit. Mis en Musique à grand Orchestre, par J.-B. Lartigue»
Professeur de Musique, attaché au Collège de la môme ville.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, ni lieu, ni date.
229. Noels et Cantiques en langue vulgaire de Beaucaire.
Arles, 1769, in-12.
D'après M. Pierquin de Gembloux, Hist. Hit. des patois, et
G. Brunet, Lettre sur les patois. 24.
V. Nalis.
230. Noels nouveaux à la gloire de Jésus naissant, sur les plus
heaux Airs de ce temps, avec de pensées chrétiennes sur divers
sujets et sur différents Airs : et un Cantique nouveau sur le déta-
chement du monde.
Par A. C. Sans lieu ni nom d'imprimeur ; 1727, in-12.
Ce recueil n'a que deux noels en patois.
231. Noels nouveaux à l'honneur de la naissance du Sauveur
du Monde. Sur les Airs les plus connus de ce tems (sic). Par
M. Jean-Joseph C. S.
Toulouse, J.-H. Guillemette, sans date, in-12.
232. Noels nouveaux en l'honneur de la naissance du Sauveur
du Monde, composez par une jeune demoiselle.
Toulouse, J.-H. Guillemette, sans date, in-12.
Ce recueil contient quatre noiJls en patois de Toulouse.
233. Noels nouveax (de) en l'honneur de la naissance du Verbe
incarné. Auxquels on a joint un Noël provençal que plusieurs per-
sonnes d'esprit ont désiré. Par un prestre d'Agde.
Béziers, Etienne Barbut, 1712, in-12.
234. Noels nouveaux, français et gascons, sur de beaux airs
connus, pour l'année 1767.
Bordeaux, veuve Calamy, in-12.
« 24 pages. Ces Noëîs sont différents de ceux qui se trouvent
» dans le volume de 1740. »
Bibl. patoise de M. Burgaud des Marets, n° 1537.
235. Noels nouveaux, où l'on voit les principaux points de l'his-
toire de ce qui a précédé, accompagné et suivi la naissance de
Jésus-Christ. En françois et en auvergnat.
Clermont-Ferrand, P. Viallanes, 1739, in-8°.
236. Noels nouveaux, pour estre chantez à la cresche du Sau-
veur. Sur les airs les plus connus.
DIALECTES MODERNES 63
Bordeaux, Pierre Galamy, 1740, petit in-8°.
« 21 pages. Figure sur bois au verso. Livret extrêmement rare,
» renfermant deux noëls en patois gascon. »
Bibl. patoise de M. Burgaud des Marets, n° 1536.
237. Noels nouveaux sur la naissance de Jésus-Christ, par
M. Jean-Joseph G. S.
Toulouse, J.-H. Guillemette, sans date, in-12.
238. Noels nouveaux sur la naissance du Sauveur.
Toulouse, veuve J.-P. Robert. Sans nom d'auteur et sans date,
in-12.
239. Noels nouveaux sur la naissance du Sauveur.
Toulouse, Séb. Hénault, sans date, in-12.
240. Noels nouveaux sur la venue du Messie, par MM. J. J.,
G. S. P. G.
Toulouse, J.-H. Guillemette, sans date, in-12.
241 . Noels nouveaux sur les airs du temps, avec une Paraphrase
sur le Magnificat, suivie de Cantiques sur les mystères de notre
sainte Religion, pourJes principales fêtes de l'année. Par un vicaire
de Gominges.
1788. Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, in-12.
Ge recueil n'a qu'un seul cantique en patois toulousain, p. 102,
Cantique XXVIII. Sentimen s d'un Peccadou pénitent prousternat
al pé dé l'auta. Sur l'air : Un jour me promenant.
242. Noels nouveaux et très-curieux, sur des Airs connus et fa-
miliers.
Toulouse, J.-H. Guillemette, sans date, in-12.
243. Noels nouveaux sur les plus beaux airs du temps.
Toulouse, veuve de J. Boude, 1707, in-8°, 8 pag.
244. Noels nouveaux à l'honneur delà naissance du Sauveur
du Monde, sur les Airs les plus gais et les plus connus des opéras
du Devin du Village et d'Alcimadure.
Toulouse, J.-H. Guillemette, sans date, in-12.
Les opéras cités furent joués en 1753.
245. Noubelle pastourale bearneze.
Pau, Jean-Pascal Vignancour, 1763, in-12.
246. Noubele pastourale bearneze.
Pau, P. Daumon. impr. deu Rey, 1788.
Dans Lespy, Dictons, p. 286.
64 HISTOIRE DES PATOIS DTJ MIDI
247. Noubelle pastourale bearneze.
Toulouse, Aug. Henault, sans date, in-12.
Réimpression récente de la même composition.
248. Noué (Le) das Bargaires.
In-12 (12 pag.), sans nom .l'auteur ni d'imprimeur, sans lieu n
date.
Il est de l'abbé J. Cazaintre.
V. ce nom.
249. Nouél. Sur l'air: 0 ma tendre musette.
Revel, Brumas, sans date, in-12.
250. Nouel de mestre Jean, al'aunou de la nayssenço de Nostre
Seygne, cantat à Toulouso dins la Parroquio de St-Agousti, le pre-
mié de l'an 1792. Sur l'ayre de Jean de Nibelo.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, ni lieu ni date, in-8*.
251 . Nouel noubel, que se canto dins la Parroquio de Sent
Marti de Ffourens [près de Toulouse].
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, sans lieu ni date, 1 feuillet in-4°.
252. Noués de J. C. R. dé S. -P.. diouceso de Garcassouno,
1810. V. Cazaintre.
253. Nouveaux cantiques spirituels provençaux et quelques-
uns françois, pour les Missions, Congrégations et Cathéchismes,
avec l'Air noté au premier Couplet de chaque cantique. Par un
Curé du Diocèse d'Avignon en la partie de Provence, Mission-
naire et ancien Chanoine de St. -Génies.
Avignon, François-Joseph Domergue, 1750, in-12.
L'épitre dédicatoire est signée H. H., curéd'Orgon.
254. Ornithologie ou dénomination provençale française de tous
les oiseaux connus en Provence, dans l'ordre alphabétique, par un
amateur.
Marseille, Roustan. 1786, in-4», 8 pages.
255. Pastiches attribués à Pierre Goudelin par l'abbé d'Ai-
gnan, dans le Manuscrit pour servir à l'histoire du diocèse et de la
ville d'Auch. et par M. Dumège dans divers ouvrages: 1° Epitaphe
de Liris ; 2° A mous amies : 3° Sonnet dictât à la maysou de bilo
le 3 de may 1641 ; 4° Epigrammo ; 5° Epitapho ; 6° Sounet : 7° A
moun bousquet de Sent-Agno, Sounet; 8° Epigrammo ; 9ole Paure
et l'Home piétadous ; lOo la Biouletto, Chanson.
256. Pastourelets nouvels: sur l'air desprumiès l'astourelets.
Fachis dins l'annado 1722. S. 1. n. a., in-12. 23 pages.
DIALECTES MODERNES 65
Bibl. patoisedeM. Burgaud de? Marets, n° 1535.
257. Pasturel.
V. Quatrième livre de l'Enéide.
258. Pâte (La), enlevade, Pouemo coumiquo.
Carpentras. 1750, in- 12.
M. Pierquin de Gembloux, Hist. Hit. des patois, p. 304.
Le même auteur a cité, ib., p. 317, Réponse aux poêles, auteurs
du poème de la Pâte enlevée. Carpentras, 1741. in-12. Voir ci-après
le titre complet de la Réponse per dom Diego de Crocrico, etc.
La Pale enlevade est de Brutinel (en 1740). Ce poëme a été ré-
imprimé en 1857, avec d'autres poèmes carpentrassiens, dans le
recueil intitulé : Pouemous Carpentrassiens; Carpentras. Devillario,
in-12., l'édition originale, extrêmement rare, est de 1740.
259. Peços nouvellos etctiriousos au sujet d'oou San Parlamen
de Prouvenço.
Gardanos, chez Toni-Midas, 1756, in-4° de 8 pages.
M. Pierquin de Gembloux, Hist.lilt. des patois, p. 304.
260. PEraoL. Recueil de Noëls provençaux^ composés par le
Sieur Peirol, Menuisier d'Avignon. Nouvelle édition, revue et exac-
tement corrigée par le fils de l'Auteur.
Avignon, Jean Ghaillot. 1791, in-12.
A la suite du recueil de noëls, on trouve: 1" Première chanson :
sur l'Inondation de 1755: 2° suite de la relation ; 3° Seconde chan-
son: sur la Prise do Port-Mahon, en 1756, par le maréchal de
Richelieu; 4o Troisième chanson: sur l'Inondation de 1758; 5° Pre-
mier rocantin : sur la Veille de Noël ; 6° Second rocantin : sur le
Carnaval ; 7° troisième rocantin : sur le Carême.
La première édition de ce recueil, si souvent réimprimé, serait de
1740, d'après M. Gustave Brunet, Notices, p. 102.
261. Peyrol. Recueil de noëls provençaux, composés par le
Sieur Peyrol {sic), Menuisier d'Avignon. Nouvelle édition, revue
et exactement corrigée par le F[ils] de l'Auteur.
Avignon, Ghaillot aîné, 1828, in-12, 132 pages,
262. Pélissiê (Romain). Traduction libre des trois premières
églogues de Virgile en vers patois.
Cahors, J.-P. Combarieu, sans nom d'auteur et sans date, in-8°.
Dans une lettre qui sert de préface à cet opuscule, l'auteur dit
avoir librement traduit les trois premières églogues de Viruile
«étant encore au collège de Cahors, en 1775.»
66 HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI
263. Pi;LLAs(Le P. Sauveur-André), religieux minime. Diction-
naire provençal et françois dans lequel on trouvera les mots Pro-
vençaux et quelques Phrases et Proverbes expliquez en fran
çois, etc.
Avignon, François-Sébastien Offray, 17-23, in-4.
264. Perdrix (Les). Conte.
Sans nom d'auteur, à la suite de la Henrîade de Voltaire, mise
en vers burlesques auvergnats, etc., p. 141 .
V. Faucon.
265. Petits cantiquos sur la naissenço de Nostre-Seignc Jesus-
Christ.
Toulouso, Beouzo J.-P. Rouhert, sans nom d'auteur et sans
date, in- 12.
266. Petit Catéchisme traduit en langue vulgaire de Toulouse,
pour l'instruction des en fan s et même des grandes personnes qui
ne sont pas capables de retenir une instruction plus étendue. En
faveur des pauvres, et particulièrement des gens de la campagne.
Revu et corrige par plusieurs curés du dioceze do Toulouse. 1748.
Manuscrit in-8° de 64 pages. A la suite vient : Exerck-i fort aïsat
per augi debotomen la santo messo seloun l'intenciu de J.-C. é de
la Gleiso. 11 pages.
267. Peyrot (Claude ). Poésies diverses patoises et françoises,
par M. P** A. P. D. P. (Peyrot, ancien prieur de Pradinas ). En
Rouergue, sans nom d'imprimeur, 1774. in-8°.
Édition originale.
268. Peyrot (Claude). Les Quatre Saisons, ou les Géorgiques pa-
toises, poème par M. P. A. P. I). P. Bénéficier à Millau, auteur
du Recueil de Poésies Patoises et Françoises. imprimé en 1774.
A Villefranche, Vedeilhé. imprimeur du Roi: à Figeac, Ghampol-
lion, libraire; à Rodez, Vedeilhé, libraire; à Millau, les demoiselles
Rainaldis. 1781, in-8°.
269. Peyrot ( Claude ). Œuvres patoises de Claude Peyrot, an-
cien Prieur de Pradinas, dans lesquelles on trouve les Quatre Sai-
sons, ou les Géorgiques Paloist's ; suivies de plusieurs pièces fugi-
tives qui n'ont jamais vu le jour. Seconde édition.
Millau, Pierre Chauson, an X 1 11 et le premier du règne de
Napoléon ; in-8°.
270. Peyrot (Claude ). Œuvres patoises et françaises de Claude
Peyrot, ancien Prieur de Pradinas, etc. Troisième édition.
Milhau, Chauson, an 1811). in- 8°.
DIALECTES MODERNES 67
"271 . Peyrot (Claude). Œuvres patoises complètes de C. Peyrot,
ancien prieur de Pradinas. Quatrième édition.
Millau, Carrère jeune, 1823, in-8o.
Avec un portrait lithographie de l'auteur, accompagné de cette
inscription: « J.-C. Peyrot, ancien Prieur de Pradinas, né à Millau
» en 1709, mort à l'âge de 86 ans.»
11 a paru récemment une traduction française des Gèorgiques de
l'abbé Peyrot, avec le texte en regard: Les Saisons, poëme patois,
par Claude Peyrot; traduit en vers français, par A. Peyramale.
Paris, A. Sorbet, 1862, in-12. Imprimé à Tarbes, chez J.-A.Fonga.
272. Philousouphie (La) de Gregori, Sonnet anonyme. Dans
lou Bouquet prouvençaou.
V. ce titre.
273. Plomet. Les Vœux des Patriarches et des Prophètes dans
l'attente du Messie, Noëls sur les airs anciens et modernes, dédiez
à MM. les Toulousains. Par M. Plomet, prêtre, chanoine et prieur
de l'église collégiale Sainte-Anne de Montpellier.
Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, sans date, in-8°.
L'approbation de cet opuscule est du 17 novembre 1705.
274. Plomet. Noëls nouveaux sur les plus beaux airs du temps,
à l'honneur de la naissance du Fils de Dieu.
Sans nom d'auteur.
Toulouse, veuve deJ.-J. Boude, Claude-Gilles Lecamus et Jac-
ques Loyau, sans date. in-8°.
Les approbations sont de 1707 .
275. Plomet. Le Voyage des Pasteurs en Bethléem, noël en pa-
tois sur trente-huit airs différents. Enrichi de Notes et de Réflexions
morales, en françois.
Sans nom d'auteur. Sans lieu, ni nom d'imprimeur, ni date, in-8o.
C'est à ce noël que nous avons emprunté l'épitaphe ridicule |de
Sara, rapportée dans le premier volume de V Essai, p, 211 .
276. Plomet. L'Orgueil desïgrands confondu dans la naissance-
du Messie. Noëls nouveaux, par M. Plomet, Prêtre, Chanoine et
Prieur de l'Église Collégiale Sainte -Anne de Montpellier.
Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, sans date, in-8°.
Les. approbations sont de 1719.
277. Plomet. Les Thrésors de Bethléem ouverts à tous les'Chré-
tiens, Noëls nouveaux.; Par. M. Plomet, Prêtre, Chanoine et Prieur
de l'Eglise Collégiale Sainte-Anne de Montpellier.
Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, sans date, in-8°.
Les approbations sont de 1720.
68 HISTOIRES DES PATOIS DU MIDI
278. Plomet. Le Pécheur secouru par le Libérateur. Noëls nou-
veaux sur des Airs anciens et modernes. Par M. Plomet, Prêtre,
Chanoine et Prieur de l'Eglise Collégiale Sainte-Anne de Mont-
pellier.
Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, sans date, in-8°.
Les approbations sont de 1721.
279. Poble moundi (Le) à Mounseignou le premier Présiden.
V. Seré.
280. Poème en ver* patois sur les saintes paroles Dieu soit
béni: où l'on fait voir les motifs et les avantages qui nous enga-
gent à les prononcer souvent , et les malheurs de ceux qui les dé-
daignent.
Avignon. Joseph Blery, 1780, in-12, 48 pag. Sans nom d'auteur.
Ce poëme a été réimprimé dans les Variétés religieuses, ou choix
de poésies provençales avec notes. Aix, Makaire. 1860, in-12.
281. Poemo deou Pero troisiemo deou couletgé de Leytouro, à
Paounou de las gens d'aquello bilo.
Satire contre les Lectourois, suivie d'une soi-disant réponse sous
le titre suivant :
Respounso del P. Préfet de Mouissac (appellat le Pero del Pour-
tail) (sic) que s'erijo en citouyen de Leiytouro. En 1742.
Manuscrit de ma collection. Entre ces deux pièces de vers, on
lit: « Le R. P. Laffont, doctrinaire, natif de Leytoure. et recteur du
» collège de Moyssac, reconnaissant son portrait dans le poëmo
» précédent, fit tout son possible pour en découvrir l'auteur.
» N'ayant pu y réussir, il se vanta d'y avoir répondu. Comme sa
» réponse ne parut point, le P. Duportail fit le poëme suivant qu'il
» lui attribua, pour le forcera produire sa prétendue réponse ou à
» adopter celle-ci, ce qui fut inutile. Le P. Lafond {sic) garda le si-
» lence en enrageant. >»
M. F. T (Taillade ), qui a inséré, d'après mon manuscrit, ces
deux pièces de vers dans les Poésies gasconnes, dont il est l'éditeur
(Paris. Tross, t. II, p. 321 ). s'est mépris sur la fin du titre de la
seconde ; il a fait imprimer : que cerco en citoyen de Leytouro ».
tandis que le manuscrit porte que s'erijo en citouyen de Leytouro. Le
Père Duportail. en effet, simule l'indignation que devait éprouver
tout bon Lectourois contre l'auteur de la satire.
Dans la reproduction que M. F. Taillade a donnée de ces deux
pièces, il en a singulièrement modifié l'orthographe, en la rendant
plus conforme aux règles de l'idiome gascon. Nos citations repro-
duisent littéralement la leçon de notre manuscrit
DIALECTES MODERNES 69
J'ai parlé, dans le premier volume de l'Essai, p. 74 et suiv., des
attaques dirigées contre les Lectourois au XVIIe siècle ; on les
continuait encore au milieu du XVIIIe, comme en font foi les deux
compositions dont je viens d'inscrire les titrés.
282. Poésies béarnaises.
Pau, E. Vignancour, 1826, in-8°.
283. Poésios biterouèsos des XVIIe et XVIIPsiècles, coumpou-
sados per diverses autous.
Béziers, Eugène Millet, 1842, in-8o.
Ce recueil est précédé d'une excellente introduction de M. Sa-
batier. membre de la Société archéologique de Béziers.
11 nous donne le nom de l'auteur des pièces parues sous le titre
Bouquet de cauquos flouretos, etc., le P Martin.
284. Pourrieres. Auresoun funebro de Messiro Cardin Lebret,
counsillié d'état, premié presiden, intandan de justici, de pouliço,
dei lînanços. doou coumerço, et coumandan per km Rey en Prou-
venço. Prounouncado lou 12 mai 1735, din l'Egliso Parroussialo
de Sant-Laurens , en presenci de Messies Jacques Caries, Rey-
mound Floux, Jean-Pierre Pons et Louis Loumbard, Proud'homes
de Marsillo. Per Messiro Pourrieres, Cura de la Parroisso de San
Ferreol.
Marseille, Dominique Sibié, sans date, in-40.
285. Poussou (L'abbé). Noels nouveaux, par M. l'abbé Poussou,
Prêtre, Bachelier de Théologie.
Toulouse, veuve de J.-J. Douladoure, sans date, in-12.
286. Prières et Cantiques spirituels à l'usage des missions des
Pères delà Doctrine Chrétienne.
Toulouse. N. Caranove, 1751, in-12.
On trouve à la suite de ce volume :
Supplément auxCantiques de la mission des Pères delà Doctrine
Chrétienne, 12 pages, avec une pagination propre ; elles sontrem-
plies par des cantiques en patois.
287.ProucesdeCarmentran (Lou), Coumedio nouvelloet galanto,
per servir de divertissainen eiz esprits cureoux et galans.
Paris, 1700, in-12.
Brunet, Manuel du libraire.
M. Pierquin de Gembloux, Hist. lit*, des patois, p. 312. a cité le
titre suivant de cette pièce :
Lou Procès de Carmentran, comedio nouvello et galanto ; Paris,
1701 , p. 24. In-12, à Venasque, chez Crufeux, rue Malpropre, à l'en"
seigne du dégoûtant. S. D.
70 HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI
Une édition sans date attribue cette pièce à M. D ***
288. Lou Procez de Cahmentran, comédie.
An Bourg, chez P. Gassignol, 1747, in-ltj, 24 pages.
Cette édition est plus complète que celles qui ont été imprimées
à Avignon et à Carpentras.
289. Proverbes patois (dans les Lettres à Grégoire sur les patois de
France, publiées par M. Gazier, Revue des langues romanes, 2* série,
tom. I, pag. 275).
290. Proverbes, dictons, noms de plantes et poésies patoises
( sans indication d'auteur), envoyées à Grégoire par les Amis de
la Constitution de Carcassonne. dans les Lettres à Grégoire sur les
patois de France, publiées par M. Gazier, Revue des langues romanes,
1" série, tom. VI, pag. 57."» à 589; VII, 107 à 120.
291. Pujol (Jean-Jacques ). Cantiques de Castres, en langue
languedocienne et française. Nouvelle édition, revue, corrigée et
augmentée. On a fait en sorte de les composer sur des Airs connus.
Castres, J. Auger, sans nom d'auteur et sans date, in-8u
J -J. Pujol, avocat, né à Murvial le 6 juillet 1733, mourut à Cas-
tres le 7 mars 1812. M. Magl. Navrai lui a consacré un article dans
la Biographie caslraise.
Détenu, en 1793, dans le séminaire, à Castres, Pujol y composa
un noël fort plaisant ; il prit occasion de la nuit de Noël pour met-
tre en scène bon nombre de ses codétenus, qu'il peignit, chacun
par un trait plutôt facétieux que malin, mais toujours caractéris-
tique. M. A. Combes a cité ces couplets, en les commentant, dans
ses Chants populaires du pays castrais, 1862, p. i2 et suiv.
292. Puyoo (l'abbé de). La Bertat, ou R*èbe de Moussu l'abat
Puyoo, de la gentille maysou d'Esbarrebaque, seignou de Pontiac,
sus lous Gentius de Bearn.
Paris, Lottin l'aîné, 1768, in-12.
293. Puyoo (l'abbé de ). La Bertat, ou Rèbe de Moussu l'abat de
Puyoo, delagentilhe maysou d'Esbarrebaque, seignou de Pontiac,
sus lous Gentius de Bearn. Troisième édition.
Toulouse, J. -M. Froment, sans date, in- 1 J .
C'est là un tirage à part, avec une pagination particulière de la
Bertalt imprimé à la suite des Souvenirs historiques du châleau de
Pau, par Latapie, vte d'Asfeld.
M. Lespy a publié une reproduction du Hèvr de l'abbé Puyo(sic),
dans la Revue d'Aquilaim . année 1860. 11 accuse l'édition de Latapie
d'être remplie de passages interpolés, ne méritant, conséquem-
ment. aucune confiance.
DIALECTES MODERDES 71
294. Quatrième livre de l'Enéide de Virchle, travesti en au-
vergnat.
Sans nom d'auteur (de Pasturel ), à la suite de la Henriade de
Voltaire, mise envers burlesques auvergnats, etc., p. 641.
V. Faucon.
295. Rabissomen des paysans qu'èron à la coumedio.
V. Baour.
296 . Ramelet ( Le ) de Naubernad [ Arnaud-Bernard | .
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, ni lieu ni date, in-8».
On lit à la page 3 : « Proujet de l'arrengomen d'un Ramelet que
» se diou fa à Sent-Grupasi [ Sent-Grapasi], aquest-annado 1784.
» (En memorio de l'incoumparable Berduret.)
La mort de Berduret, qui nous semble avoir été un vrai boute-
en-train des réjouissances populaires à Toulouse, fut un événement
pour les habitants de cette ville ; on a célébré ce personnage dans
des vers, dans des danses improvisées et jusque dans un ballet.
Nons avons :
Berduret aux Champs-Elysées, ballet-pantomime en trois actes,
de la composition de M. Chevalier. Toulouse, Jean-Joseph Doula-
doure, 1874, in-8°.
V. Gillet, aux pièces de la Révolution.
297 . Recueil de Cantiques, de Noëls et de divers Chants d'église
en français et en patois.
Manuscrit, sans titre, in-8o, de ma collection.
Le premier noël porte la date de 1764; les compositions patoi-
ses sont écrites dans l'idiome de Limoux (Aude).
298. Recueil de Cantiques spirituels sur les principales fêtes
et divers temps de l'année, sur les vertus et les devoirs du chrétien .
2e édition, augmentée et corrigée.
Avignon, Offray, 1712, petit in-8o, 166 pag., précédé de neuf
feuillets non chiffrés et de trois tables. 1\ contient 47 cantiques en
provençal et 81 en français. Je n'ai pu découvrir la date de la pre-
mière édition.
209. Recueil de Cantiques spirituels, etc.
V.Gauthier.
300. Recueil de Cantiques spirituels à l'usage des missions de
t-rovence en langue vulgaire, avec les airs notés à' la fin.
Avignon. J. -F. Uomergue, 1734, in-12, iv-280 pages et 107 airs
notés.
301 . Recueil de Noëls français.
72 HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI
Toulouse, veuve J.-P. Robert, sans date, in-12.
Ce recueil contient des noëls en français et en patois.
302. Recueil de Prières et Cantiques spirituels à l'usage des
Missions des P. P. Capucins.
Toulouse, D. Desclassan, 1785, in-12.
Le même recueil, Montauban, Vincent Teulières, 1785, in-12.
303. Receùil (sic) de Prières, Instructions et Cantiques, pour
les missions. Nouvelle édition, revue et augmentée.
Avignon, Joseph- François Offray fils l'aîné, 1735, in-12.
Ou trouve dans ce recueil cinq cantiques en patois provençal.
3U4. Recueil de Prières de réveillés et de Cantiques, tant en
français qu'en langue vulgaire, en l'honneur de Notre-Dame des
Anges, pour l'usage de la ville de Pignans ; le tout recueilli par un
homme de retraite, occupé à l'éducation de la jeunesse.
Draguignan, Barthélémy Bus, 177N, in-12.
M. Pierquin de Gembloux, Ilisl. UU. des patois, p. 315.
305. Recueil de romances historiques, tendres et burlesques,
tant anciennes que modernes, avec les Airs notés. Par M. D. L**.
Sans nom d'imprimeur ni de lieu. 1767 et 1774, 2 vol. in-8o.
306. Recueil des Noëls nouveaux, à l'honneur de la naissance
dn Sauveur. Imprimé cette année.
Toulouse. Hérault, sans date, in-12.
3t)7. Recueil des plus beaux Noëls, soit Français, soit Patois,
composés par divers Auteurs, sur les Airs les plus connus.
Narbonne, Décampe, sans date, petit in-12.
308. Recueil des plus beaux Noëls, soit Fiançais, soit Patois,
composes par divers Auteurs, sur les Airs les plus connus.
Narbonne, Décampe, sans date, in- 12.
Ces duux derniers recueils, malgré leurs titres identiques, con-
tiennent chacun des Noëls différents.
(A suivre). Le D' NOULET .
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
(Suite)
XXVI. — l'egua
1) Quand la mounère n'avait boue,
Trouba la tsamba de soun ègua:
— 0 paura tsamba !
Qu'aia tant batiu la Franca !
2) Quand la mounère n'avait, boue,
Trouba la testa de soun ègua:
— 0 paura testa !
Qu'aia tant pourtà requesta!
3) Quand la mounère n'avait boue,
Trouba l'escliina de soun ègua:
— 0 paura escliina!
Qu'aia tant pourtà farina !
4) Quand la mounère n'avait boue,
Trouba la couèna de son ègua:
— 0 paura couèna!
Qu'aia tant pourtà civjaira !
Version de Vorey (Baute-Loire), recueillie par M. Victor Su:iih d'après
Marie Farigoule.
XXVII. — l'aset et lou lou
1) De boun mati se lebo,
L'aset, daban lou jour ;
Ses bato et ses brido,
S'en bai al bosc tout soûl.
Refrain. 2) Perque tu te lebabes,
L'aset, daban lou jour ?
71 DIALECTES MODERNES
3) Dins soun cami rencountro
Soun coumpairet lou lou.
— L'aset, per que te trobi,
TVmanjarai be, iou.
I Nou faras, coumpaire,
Qu'auras pietat de iou;
Soj coubidat à nosso,
Et i aneren tous dous.
5) Lou lou monto sus Fase,
Et dis: Anen tous dous.
En passan per la bilo,
Tout lou ruounde crido : lou ! lou!
6) Lou lou sauto per terro, —
Ne quitto lous esclots,
Per ne prene lafujo,
E courre al galop.
Le Petit Ane et le Loup. — ■ 1) Bon matin se lève, — le petit
une, avant le jour : — met son bât et sa bride. — s'en va au bois
tout seul.
Refrain. — 2) Pourquoi te levais-tu, — petit àne, avant le jour?
3) Sur son chemin il rencontre — son petit compère le loup : —
Petit àne, puisque je te trouve. — je te mangerai bien, moi.
4) Tu ne le feras pas, petit compère, — car tu auras pitié de moi.
— Je suis convié à des noces, — nous irons tous les deux.
5) Le loup monta sur le petit àne, — et dit: Allons-y tous doux
— En passant par la ville. — tout le monde crie : Au loup !
6) Le loup saute à terre, — et laisse ses sabots, — pour pouvoir
prendre la fuite — et s'en aller au galop.
Du Périgord. Communiquée par M. le vicomte de Gourgues.
Cf. Cenac-Moncaut. Littérature populaire de la Gascogne, etc. , p. 450 :
l'Ase et le Loup.
XX VIII. — LA HUSE DE l'4NE
1) De bon mal i. noutre anè,
S'es prei, mes s'es levô.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC Ti>
Vira-lou l'anè ;
S'es prei, mes s1 es levé ;
Vira-lou dessous.
2) N'a prei son bat et sa sanglia,
N'a fil'au bé tout sou.
3) En son tsami rencontra,
N'a rencontra le loup.
4) l'a dit : Faut que te mindze !
— 0 fera pas, le loup.
5) Les gralles soun des noces,
Lai-s-engniroun tou dou.
6) L'anè n'ébri la porta,
Sarra lou loup defô.
Vira-lou l'anè,
Sarra lou loup defô ;
Vira-lou dessous.
La Ruse de l'ane. — 1) De bon matin, notre âne, — s'est pris,
mais il s'est levé. — Tourne-le, l'âne; — s'est pris, mais s'est levé ;
— tourne-le dessous.
2) 11 a pris son bât et sa sangle ; — il a iilé au bois tout seul.
3) En son chemin il rencontre; — il a rencontré le loup,
4) Qui lui a dit : Il faut que je te mange ! — Tu ne le feras ( dit-
il ), loup.
5) Les corneilles vont à des noces, — nous irons tous les deux.
6) L'âne ouvrit la porte, — et de dehors enferma le loup. —
Tourne-le, L'âne, — et de dehors enferma le loup: — tourne-le
dessous.
Version de Samt-Just-de-Malmont (Haute-Loire), dictée à M. Victor
Smith par Mmc Urevot-Giiïnon .
XXIX — LOU MAMAU
Siei anà vers ma vesino
Per me fà gari moun mau :
M'a dounà per medicino
De ie mètre un gran de sau.
76 DIALECTES MODERNES
H. ~* Un gran de sau
Me fai mau .
Me fai coire lou mamau !
Ai ! que lou mamau m'escoi !
Ai! que lou mamau
Me fai mau !
Siei anà vers ma vesino
Per me fà gari moun mau :
M'a dounà per medicino
De ie mètre uno caroto.
//. — Uno caroto
Me lou froto ;
Un gran de sau
Me fai mau :
Me fai coire lou mamau.
Ai ! etc.
Siei anà vers ma vesino
Per me fà gari moun mau.
M'a dounà per medicino
De ie mètre de giver.
De giver
Lou tèn vert ;
Uno caroto
Me lou froto ;
Un gran de sau
Me fai mau, etc.
Siei anà vers ma vesino
Per me fà gari moun mau .
M'a dounà per medicino
De ie mètre un artichau.
In artichau
Lou tèn caù ;
De giver
Lou tèn vert ;
Uno caroto
Me lou froto ;
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 71
Un pau de sau
Me fai mau, etc.
Siei anà vers ma vesino
Per me fà gari moun mau.
M'a dounà per medicino
De ie mètre de caulè.
Lou caulè
Me lou tèn drè ;
Un artichau
Lou tèn caù ;
De giver
Lou tèn vert ;
Uno caroto
Me lou froto ;
Un gran de sau
Me fai mau :
Me fai coire lou mamau.
Ai ! que lou mamau m'escoi !
Ai ! que lou mamau
Me fai mau !
Le Bobo. — 1er couplet. J'ai été chez ma voisine — pour faire
guérir mon mal. — Elle m'a ordonné pour remède — d'y mettre
un grain de sel.
Le grain de sel — ne fait qu'augmenter le mal. — et le bobo me
cuit. — Ah » qu'il me cuit. — et que ce bobo — me fait mal !
Dernier : J'ai été chez ma voisine — pour faire guérir mon mal.
— Elle m'a ordonné pour remède — d'y mettre un chou.
Le chou — le tient droit; — l'artichaut — le tient chaud ; — le
persil — le tient vert; — la carotte — le frotte : — le grain de sel —
fait mal, — si bien que le bobo me cuit. — Ah ! qu'il me cuit ! —
Ah 1 que ce bobo — me fait mal !
XXX. LOUS NOUMBRES
Un e dous e très e quatre,
Cinq e sieis e sept e ioch,
Nôu e dech e ounze e douge.
Douge e douge vingt-quatre.
78
DIALECTES MODERNES
Les 'n'ombres. — Un et deux et trois et quatre. — cinq et six et
sept et huit, — neuf et dix et onze et douze. — Douze et douze
vingt-quatre.
Se dit dans toutes nos provinces, mais seulement parmi les enfants.
1) Mais ils ne disent pas toujours cette énumération d'une façon aussi
régulière ; ils la répètent dans bien des cas en intervertissant. En voici
un exemple, qui nous est donné à la fois par M. H. Bouquet, de Montpellier,
et M. Etienne Gleizes. d'Azillanet. Elle se chantonne de la même façon :
Un, dous e très e quatre,
Sept e ioch e vingt-quatre ;
Un e dous e très et nôu,
Vingt-quatre e des e nôu.
Un
dous
très
eut
y c. r~jz:
qua - tre, Lou cou-
te fa
ra
bat - tre ; Cinq e sièis e béit e
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nôu, Sa - rai
ba
tut,
mai
•iôu.
Un e dous e très e quatre,
Lou coucut te fara battre ;
Cinq e siès e bèit e nôu,
Sarai batut, amai l'iôu.
Un ft deux et trois et quatre, — le coucou te fera battre; — cinq et six
et sept et huit, — je serai battu et dupé.
De M. Et. Gleizes, d'Azillanet.
XXXI.
AUTRE
1 . Un, lou bon Dieu.
2. Dous, lous Testamens,
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 79
3 . . . Très, la Trinitat.
4 . . . Quatre, lous Evangelistas.
5 . . . Cinq, las plagas de Nostre-Segne.
6 . . . Sieis, lous luns dau Temple.
7 . . . Sept, las joias de Nostra-Dama.
8 . . loch, las Beatitudas.
9 . . . Nous, lous Anges.
10 . . . Dech, lous Coumandamens.
11 . . . Ounze, las Estelas.
12 . . . Douge, lous Apôtres.
Autre. — 1)... Un, le bon Dieu. — 2)... Deux, les Testa-
ments. — 3). . . Trois, la Trinité. — 4. . . Quatre, les Évangélistes.
— 5)... Cinq, les plaies de Notre-Seigneur. — 6)... Six, les lu-
minaires du Temple. — 7)... Sept, les joies de Notre-Dame. —
8)... Huit, les Béatitudes. —9). .. Neuf, les Anges. — 10).. . Dix,
les Commandements. — 11). . . Onze, les Étoiles. — 12)... Douze,
les Apôtres.
Quant au dernier, on reprend la même énumération, en récapitulant,
mais en sens inverse.
Sert d'exercice aux petits catéchisants.
Damase Arbaud. Chants populaires de la Provence, t. I, p. 42. en cite
un fort compliqué. Cf. Ch. pop. de la Bretagne, rec. par H. de la Ville-
marqué, t. I, p. 1 : les Séries.
Des énumérations analogues se disent dans plusieurs jeux, notamment
dans une sorte de cheval-fondu. V. A. Montel et L. Lambert, Contes po-
pulaires du Languedoc, 1er fascicule, p. 29.
XXXII. — LA SENMANA
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tor- na - te, m'a -mi - ga; Dau pont de Cas- tel-n6u.
Masc. Énumération Fém.
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lus,
musc.
Dime - cres,
bre,
Ai rencountrat m'amiga,
hilus,
Que s'enanava vendre
De musc.
Dilus, musc.
Retorna-te, m'amiga:
Retorna-te,' que plôu.
Retorna-te, m'amiga,
Dau pont de Castelnôu.
Ai rencountrat m'amiga,
Dimas,
Que s'enanava vendre
De nachs .
Dimas, uachs ; dilus, musc, etc.
Retorna-te, etc.
Ai rencountrat m'amiga,
Dimecre,
Qui' s'enanava vendre
1 Ha lebre.
Dimecre, lebre ; dimas, uach ; dilus, musc.
Retorna-te, etc.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 81
Ai rencountrat m'amiga,
Dijôus,
Que s'enanava vendre
De biôus.
Dijôus, biôus ; dimecre, lebre; dimas, nachs ; dilus, muse.
Retorna-te, etc.
Ai rencountrat m'amiga,
Divendre,
Que s'enanava vendre
De cendres.
Divendre, cendres ; dijôus, biôus ; dimecre, lebre ; dimas,
nachs ; dilus, musc.
Retorna-te, etc.
Ai rencountrat m'amiga,
Dissapte,
Que s'enanava vendre
De latas.
Dissapte, latas ; divendre, cendres; dijôus, biôus ; dimecre,
lebre; dimas, nachs : dilus, musc.
Retorna-te, etc.
Ai rencountrat m'amiga
Dimenge,
Que s'enanava vendre
De penches.
Ditnenche, penches; dissapte, latas ; divendre, cendres ; di-
jôus, biôus ; dimecre, lebre; dimas, nachs ; dilus, musc.
Retorna-te, etc.
La Semaine. — 1) J'ai rencontré m'amie, — lundi, - - qui allait
vendre du musc. — Lundi, musc. — Retourne-toi, — m'amie; —
retourne-toi, qu'il pleut. — Retourne-toi, m'amie, — du pont de
Castelnau.
1) J'ai rencontré m'amie, — mardi, qui allait vendre des navets.
- Mardi, navets ; lundi, musc. — Retourne-toi, etc.
3) J'ai rencontré m'amie, — mercredi, — qui allait vendre un
lièvre. — Mercredi, lièvre ; mardi, navets ; lundi, musc. — Re-
tourne-toi, etc.
4) J'ai rencontré m'amie, — jeudi, qui allait vendre — des bœufs.
,<?2 DIALECTES MODERNES
— Jeudi, bœufs : mercredi, lièvre : — mardi, navets ; lundi, mus<-.
— Retourne-toi, etc
5) J'ai rencontré m'amie, — vendredi, — qui allait vendre — des
cendres. — Vendredi, cendres : jeudi, bœufs, etc. — Retourne-
toi, etc.
6) J'ai rencontré m'amie, samedi, — qui allait vendre des lattes.
— Samedi, lattes ; vendredi, cendres ; jeudi, bœufs : mercredi, liè-
vre; mardi, navets; lundi, musc. — Retourne-toi. etc.
7) J'ai rencontrée m'amie. — dimanche. — qui allait vendre —
des peignes. — Dimanche, peignes ; samedi, lattes : vendredi, cen-
dres ; jeudi, bœufs ; mercredi, lièvre ; mardi, navets ; lundi, musc.
Retourne-toi, etc.
Version écrite et notée d'après M. Ancette, de Montpellier. Très-popu-
laire.
Gf. Damase Arnaud. Chants populaires de la Provence, etc., t. I,
p. 170: Ai rescounlrat ma mio. — Castil Blaze, Chants populaires de a
Provence, Reveiès deis magnaneiris, vendumieiris, ouliveiris, acampas,
esp lis. adoubas, ame accoumpagnament de clavecin, per, etc. : la Se-
ma na.
Les variantfs sont extrêmement nombreuses, attendu qu'on n'est tenu,
aux mots répétés, qu'à une seule chose : la rime. Voici les principales:
I
La veision d'Uzès (Gard), communiquée par M. C.H. Ardouin, donne
ceci par l'ensemble du couplet :
Ai rescountrat ma mio.
Dilus ,
Que s'enanavo vendre
De fus.
La lin fin tôu.
Reviro-te. ma mio;
Reviro-te que plô
,; 1 bis.
U. N
Il est à remarquer que les rimes ne sont pas répétées successivement
avant le refrain, — dilus, fus, etc., — nomme dans la version de Mont-
pellier, que ce refrain est un peu différent.
Les rimes données ensuite sont celles-ci : dimars, lard; — dimecre.
lébre ; — dijôus, iàus; — divendre, cendres: — dissapte. fato : — di-
menche, penche.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
83
XXXIII.
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tour- no- te, mai mi - o : Re - tour - no - te, que plan Re-
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tour - no -te, mai mi - o ; Re- tour- no - te. que plau.
1) Rancountreri mai roio, dilus,
Que s'en anabo vendre de flurs.
Flurs, flun, dours.
Retourno-te, mai mio: ? , .
\ bis
Retourno-te, que plau. )
2) Rancountreri mai mio, dimars,
Que s'en anabo vendre de lard,
Mars,
Lard.
«Flurs, flun, dours.
Retourno-te, mai mio, etc.
3) Rancountreri mai mio, dimecre,
Que s'en anabo vendre de lebre, etc.
4) Rancountreri mai mio, dijaus,
Que s'en anabo vendre calhaus, etc.
84 DIALECTES MODERNES
5) dibendre,
de cendres.
f>) . dissapte,
de sables.
7) dimenche,
de penches.
8) ■ ■ ■ semano,
de lano.
9) quinzeno,
de meno.
10) al mes,
d'empès.
11) à Fan,
d'alhans.
12) ... al siècle,
de cierges.
Autre. — 1) Je rencontrai ma mie lundi, — qui s'en allait ven-
dre des fleurs. — Fleurs, flun, dours. — Retourne-toi, ma mie ; —
retourne-toi, qu'il pleut.
2) Je rencontrai, etc. . . mardi.
du lard.
3) mercredi,
des lièvre?.
4) jeudi.
des cailloux.
5) vendredi,
des cendres.
6) samedi,
du sable .
7) dimanche,
des peignes.
8) semaine,
de laine.
9) quinzaine,
du minerai.
'" au mois,
de l'amidon.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 85
il) à l'an,
des glands.
12) au siècle,
des cierges.
Version de Belesta (Ariége), écrite sous la dictée de Baptiste Rouzaud.
XXXV . — LE MES DE MAI
1) Le prumiè del mes de mai,
QvTembouiarei à mai mio ?
Uno perdic que bolo, que bôlo;
Uno perdic que bolo.
2) Le segoun del mes de mai,
Qu'embouiarei à mai mio ?
Dos tourtourèlos,
Uno perdic que bolo.
Etc.
3) Le très — très pijouns blancs.
4) Le quatre — quatre canards boulants à Fèr.
5) Le cinq — cinq lapins an terro.
6) Le sieis — sieis lèbres al camp.
7) Le sept — sept lebriès courants.
8) Le beit — beit chibals blancs.
9) Le naut — naut bious cournaus.
10) Le dèts — dèts moutous bêlants.
11) Leounze — ounze mousquetaires benount de la guerro.
12) Le doutze — doutze doumaizèlos, graciousoset bèlos.
13) Le tretze — tretze bouquets, blancs.
14) Le quatorze — quatorze pai blancs.
15) Le quinze — quinze bouts de bi..
Le Mois de mai. — 1) Le premier (jour) du mois de mai, — qu'en-
verrai-je à mon amie ? — Une perdrix qui vole, qui vole : — une
perdrix qui vole.
2) Le second (jour) du mois de mai, etc. — Deux tourterelles, —
une perdrix qui vole.
86 DIALECTES MODERIsE-
3) Trois pigeons blancs.
4) Quatre canards volant dans l'air.
â) Cinq lapins au gite.
6) Six lièvres au champ.
7) Sept lévriers couran t s .
8 Huit chevaux blancs.
9) Neuf bœufs cornus
in, Dix moutons bêlan ts .
11) Onze mousquetaire.-; — venant de la guerre.
1 2) Douze demoiselles — gracieuses et belles.
I '< Treize bouquets blancs.
'. '0 Quatorze pains blancs.
15) Quinze tonneaux de vin.
Gf J Bugeoud, Ch. pop. des provinces de l'Ouest, II. p. 267 : la Foi
d'ia loi.
XXXVI — LOU MARCAT
1) Ma maire m'a mandat au marcat, — i'ai croumpat un gai.
Moun gai fai cacaraca !
~2) Ma maire m'a mandat au marcat, - i'ai croumpat una
poula.
Moun gai fai cacaraca!
.Ma poula fai couticoutascou !
3) Ma maire m'a mandat au marcat, — i'ai croumpat un
porquet.
Moun gai fai cacaraca!
Ma poula fai couticoutascou !
Moun porquet fai coûi-coui!
I) Ma maire m'a mandat au marcat, — i'ai croumpat un
agnelou.
Moun gai fai cacaraca !
Ma poula fai couticoutascou!
Moun porquel fai coui-coui !
Moun agnelou fai mé-?né!
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 87
5) Ma maire m'a mandat au marcat, — i'ai croumpat una
tlauta.
Moun gai fai cacaraca!
Ma poula fai couticoutascou !
Moun porquet fai coui-coui!
Moun agnelou fai mé-mé !
Ma flauta fai turlututu !
Le Marché. — 1) Ma mère m'a envoyé au marché, — j'ai acheté
un coq. — Mou coq fait cacaraca!
2) Ma mère m'a envoyé au marché, — j'ai acheté une poule. —
Mon coq fait cacaracal — ma poule couticoutascou !
3) Ma mère m'a envoyé au marché, — j'ai acheté un petit porc
de lait. — Mon coq fait cacaraca! — ma poule fait couticoutascou i
— mon petit porc fait coui-coui !
4) Ma mère m'a envoyé au marché, — j'ai acheté un petit agneau.
— Mon coq fait cacaraca ! — ma poule fait couticoutascou ! — mon
petit porc fait coui-coui ! — mon agneau fait mê-mê I
5) Ma mère m'a envoyé au marché, —j'ai acheté une flûte. —
Mon coq fait cacaracal — ma poule fait couticoutascou ! — mon petit,
porc fait coui-coui \ — mon agneau fait mé-mél — -ma flûte fait tur-
lututu!
Version du Pouget (Hérault), très-répandue dans l'arrondissement de
Lodève, celui de Saint-Pons et le nord de celui de Montpellier,
Cf. J. Bujeaud, Ch. pop. de l'Ouest, p. 43: Ma mèr' m'envoic-t-au
marché. —A. Passow, Popvlaria carmina Grœciœre centim -i*. Lipsise,
m dccc lx, p. 210; NANNAPI2MA.
(A suivre.) A. Montel et L. Lambert.
DIALECTES MODERNES
LA CABRI EIRO
Se regarde empensat ailai, tras la rebieiro,
Es per gâcha Marioun que meno al pasturgau,
La fialouso à la man, long de la verdo aurieiro,
Las cabros de soun paire, un troupel fouligau;
Es perveire d'aicî sa graço sens parieiro,
E soun ana vesiat, e soun biai que fo gau :
Es per iei remira sa bèutat plasentieiro,
Vantado mai e mai per lous cabriès del vau
Es per mi souvenî qu'embé sa voutz de fado,
Elo canto souvent la cansou que m'agrado,
Que, coumo soun parla, i'o pas res de tant dous ;
Es per saupre s'es pas, elo, apensamentido
Despiei ier que i'ai ditz : «O flambo de ma vido!
\imo-mi coumo t'aime, e farasun erous! »
P. Fesquet.
(Languedocien, Gologaac et ses environs.)
LA CHEVRIÈRE
Si je regarde pensif au delà delà rivière, — c'est pour contem-
pler .Manon qui mène au pâturage, — la quenouille à la main, le
Long de la verte orée. — les chèvres de son père, un troupeau fo-
lâtre ;
C'est pour voir d'ici sa grâce sans pareille, — et son aller
charmant, et sa tournure qui fait plaisir; — c'esl pour aujourd'hui
admirer de nouveau sa beauté agréable, — vantée tant et tant par
les chevriers du val ;
C'est pour me souvenir qu'avec sa voix de fée, — elle chante
souvent la chanson qui m'agrée, — que comme son parler il n'est
rien de si doux ;
C'esl pour savoir si elle n'est pas soucieuse, — depuis que hier je
lui ai dit: <> O Qainme de ma vie. — aime-moi comme je t'aime, et
tu feras un heureux ! P. FESQUET.
LOU GARDA-MAS
Loutbèu dimenche de Pasqueta*.
A Foura que canta lougal,
Faviè de bruch e grand barrai
Au picbot mas de las Aubetas.
Auriàs ausit barra, doubri,
Mountà, descendre, anà, courri ;
Lou lum cremava, es pas de moda;
Lous enfant ets, qu'en se levant
An toujour un pauquet de broda,
E bèucop mai en lous sounant
Per lou traval ou per l'escola,
LE GARDE-MAS
I
Le beau dimanche des Petites Pâques *, — à l'heure où le
coq chante, — il y avait bruit et grand remue-ménage — au petit
mas des Peupliers hlancs : — vous auriez entendu fermer, ouvrir,
— monter, descendre, aller, courir; — la chandelle était allumée, ce
qui n'est pas d'usage ; — les enfants, qui d'ordinaire, en se levant,
— ont toujours un brin de fainéantise; — surtout lorsqu'on les ap-
pelle — pour le travail ou pour l'école, — au lieu de se faire tirer
1 Le dimanche de Qua^modo.
90 DIALECTES MODERNES
A loga de t'a tira-mola,
De fréta sous pigres iolhous,
Anavoun, venien de tout caire,
Pariés à de perdigalhous
Qu'a pas bandit dau nis la maire.
Caliè que i'agesse de nôu.
S'era un jour de semana encara,
Que vegessen, mema quand plôu,
Cremà lou lum couma tout ara,
E de barrai e de sagan,
l'auriè pas res d'espaurugant :
Dau tems qu'en vila tout soumelha,
Per la journada ou lou prefach,
Cade matin que Dieus a fach,
Se vei varalhà la calelha
Dins lou vilage ansin qu'au mas.
Amai que siegue un jour de testa,
Se lou dissate avien fach resta
D'endals de fem noun estremats,
D'esperset brausit ou de grana,
E que, de pou de tramountana,
Vouguessoun proutichà l'imou
Qu'escampa cada matinada,
Torpille —et d'essuyer leurs petits yeux paresseux, — [les enfants]
allaient et venaient de tout côté. — pareils à de jeunes perdreaux
— que la mère n'a pas chassés du nid. — 11 fallait qu'il y eût
du nouveau. — Si c'était un jour de semaine encore, — qu'on vît,
même quand il pleut. — luire la chandelle comme en ce moment, —
et du bi lu tapage, — il n'y aurait rien de surprenant : — du
temps qu'a la ville tout sommeille, — pour la journée ou le travail
à la — chaque malin que Dieu a fait — on voit circuler
la lanterne — par le village ainsi qu'à la ferme. — Quoique ce
soit un jour de fête, — si, ia veille, ils avaienl laissé dans les
champs — des andains de foin non encore mis à couvert. — du
sainfoin desséché ou delà graine. — el que, de crainte d tramon-
tane, — ils voulussent mettre à profit l'humidité — que répand
chaque matinée : — dans ce cas, qu'il soit fête ou non, — on en-
ferme plus d'une charretée. — Mais je ne vois rien de fauché, —
LOU GARDA-MAS yl
Adounc, que siegue festa ou nou,
S'embarra mai d'una carrada.
Maisvese pas res de dalhat,
Lousfems soun encara sus planta,
E tant qu'au rieu raineta canta,
Soun pas madus; quicon mai i'a.
Ta que la velha, à la soupada,
Lou fil ainat de nieste Jan,
Que mena louben, dis : — a Menjan,
De Mount-peliè deman es fieira,
E saique aquesta es la permieira
Que noun i'agen à pachejà.
Ieu, i'anarai me passejà
Sus lou Peirou, sus l'Esplanada.
Tus, Jaquet, ven au carretiè,
Te done touta lajournada;
Mais dilus siegues matiniè.
E vous, çai vendrés pas, moun paire? »
— « Quau? ieu! De queie vendriei faire,
Boudieu ? respond lou majourau,
A mountems, souvenis, patria,
Lou mas, lou repaus, la familha :
Fora d'acè, n'ai ges de gaud.
les foins sont encore sur pied ; — et, tant qu'au ruisseau la gre-
nouille chante, — ils ne sont pas mûrs. Il y a quelque chose de
plus.
Il y a que la veille, au souper, — le fils aine de maître Jean, —
qui gère la propriété, dit : — « Voyons, de Montpellier c'est de-
main la foire, — et celle-ci sans doute est la première — où nous
n'ayons rien à vendre ni à acheter; — j'y vais, moi, pour me pro-
mener— sur le Peyrou, sur l'Esplanade. — Toi, Jacques, dit-il
au premier valet, — je te donne toute la journée; — mais, lundi,
au moins sois matinal. — Et vous, n'y viendrez-vous pas aussi,
mon père? » — « Qui? moi! Qu'est-ce que j'y viendrais faire, —
bon Dieu? répond le maître. — A mon âge, souvenirs, patrie,
— le mas, le repos, la famille ; — en dehors de cela, rien
ne me tente. — Ah! si c'était pour acheter bœufs, — mulets,
moutons ou chevaux, — je ne refuserais pas ; j'y ai !. — et
92 DIALECTES MODERNES
Ah ! s'era per croumpà bouhina,
Mioletalha, avé, cavalina,
Diriei pas nou ; i'ai prou lou goust,
E pioi quatre iols fan mai que dous;
Mais pas que per ie brandi bralha,
Aquela, nou, sarà pas vrai :
Anàs-ie toutes, gardarai.
Prenès tabé la barbelalha,
En metent que vogoun veni » ,
Reprend lou viel eme un sourrire.
Ah ! mous amies ! Pas pulèu dire,
.lamai d'enfants s'endeveni !
Zou ! d'un vanc toutes très s'aubouroun,
ensemble pregoun, risoun, plouroun :
— « Voulen i'anà, paire, eme vous;
Saren ben braves, prenès-nous. »
— « An ! pioi qu'acô fai vosta tela,
Un pauquet de paciença : anen.
De que dises, ma femna Adela ? »
« — Eh be, tant vôu que lous prenguen ! »
puis quatre yeux valent plus que deux. — Mais rien que pour y
secouer mes chausses, — celle-là. non; ce ne sera pus vrai. — Allez-y
tous, je garderai ici. — Prenez aussi les enfant.-. — si toutefois ils
y consentent », — reprit le vieux avec un sourire.
Ah ! mes amis, sitôt le dire, — jamais on ne vit des enfants se
rencontrer d'un tel accord ! — D'un élan tous trois se lèvent, —
et ils rient, pleurent et prient à la fois : — « Nous voulons venir
avec vous père; — nous serons bien sages, prenez-nous.» —
«Allons, puisque cela vous fait tant de plaisir1, — un peu de pa-
tience ; voyons, — qu'en dis-tu. ma femme Adèle?» — « Hé bien, ma
foi, tant vaut-il que nous les prenions. »
1 Littéralement : puisque cela fait votre toile.
LOU GARDA -MAS 93
II
E vejaqui per que lou bèu jour de Pasquetas,
l'a de lum, de barrai au mas de las Aubetas;
E vejaqui tabé per que lous enfantous,
Que lous autres matins lou pichot orne aflanca,
Soun ioi tantbeluguets; per ieu es pas doutous
Qu'aquela longa nioch, Fajoun passada blanca.
Maugra'cô lou bonur, qu'en lioc pottempourà,
Mema dins lous castels, ounttout es en abounde,
Que souvent s'enfugis per trevà paure mounde,
Per segui lou boumian de paurieira assourat
Lion d'ounte la Fourtuna alendrida es enclausa,
Aquelaniocb au mas faguet sa brava pausa.
End'acô lou matin, dessus lou carretoun,
El que poudriè se jaire ounte portoun courouna,
— Saique atrouvet aqui la plaça ben milhouna, —
Embelous très manits mountet de rescoundoun
E fins au lendeman quitetpas sas pesadas.
II
Et voilà pourquoi, le beau jour des Petites Pâques, — il y a de la
lumière et du bruit au mas des Peupliers blancs : — et voilà pour-
quoi aussi les enfants, — que le sommeil1 engourdit les autres ma-
tins, — sont si alertes aujourd'hui; pour moi il n'est pas douteux —
que cette nuit, ils ne l'aient passée blanche. — Malgré celav le
bonheur, qui nulle part n'est stable, — même dans les châteaux,
où tout est en abondance; — qui s'enfuit souvent vers les pau-
vres gens. — pour suivre le bohémien accablé de misère, — à l'écart
de ceux chez qui la fortune est à demeure, — cette nuit, [le bonheur]
fit au mas une halte assez longue, — et, de plus, le matin, sur la
petite charrette, — lui qui pourrait prendre gîte où l'on porte cou-
ronne — (peut-être trouva-t-il là une place meilleure), — avec les
enfants monta en cachette, — et jusqu' au lendemain ne quitta pas
1 Littéralement: le petit homme: cest ainsi qu^ l'on appelle souvent
le sommeil.
94 DIALECTES MODERNES
.Mais, dau tems qu'en camin risien coumade fols,
Ou que, per lou fieirau, arregassavoun d'iols
Sus toutes lous jouguets, e n'i'a de milhassadas;
Dau tems qu'eroun aqui badants, embalausits,
Pount à foudre prega per faire sa causida,
E qu'una fes triats, causits e recausits,
Voudrien lous qu'an fourviat sens laissa sa culida,
Lou paure garda-mas, qu'era bandit soulet,
L'enodi desper el l'agantava au galet;
E per lou permiè cop ie seguet tant estrange,
Que belèu d'un pau mai auriè cuichat l'irange.
Pamens àlapartençaaviè seguit countent,
Sourrisent au cascal de sa genta familha,
La galejant de fes, sustout en ie venent:
— « Assa, de Mount-peliè cresès segui la via?
Vous troumpés pas, pichots, es pas la de Pecais.»
E la vielha mameta e lou paire e la maire,
Qu'an encapat soun dire : — a Es acô, s'era vrai ! »
— « A mens, reprend lou viel, qu'enregués dor Bèu-
[caire.»
leurs traces. — Mais, pendant qu'en route ils riaient comme des
f0US) — ou que, sur le champ de foire, ils ouvraient de grands
yeux — sur tous les jouets, et il y en a à milliers; — pendant qu'ils
étaient là, à bayer, éblouis — au point que [les parents; étaient
obligés de les prier pour qu'ils lissent leur cboix. — et qu'uni'
fois ces choix faits et refaits, — ils voudraient les jouets qu'ils ont
écartés, sans [cependant ] abandonner ceux qu'ils avaient déjà pris,
— *le pauvre garde-mas, qui était resté seul. — la tristesse à
pari lui le saisissait à la gorge, — et. pour la première fois, ce lui
fut tellement étrange,— qu'il en était sur le point de pleurer1.
— Au départ, pourtant, il avait suivi content, — souriant au caquet
de sa gentille famille, — la plaisantant un peu, surtout en lui
disait : — "Voyons. île Montpellier croyez-vous suivre le che-
min0 Ne vous trompez pas, enfants; ce n'est pas celui de Peccais.»
— I la vieille grand'mère et le père et la mère, — qui ont saisi
sa pensée : — « ()b ! par exemple, si c'était vrai! > — « A moins,
reprit le vieux, que vous n'alliez vers Beaucaire. »
' Littéral iraent : de presser l'orange, c'est-à-dire de verser des larmes.
LOU GARDA- MAS 95
E rire que riras, e lous paures droulets,
Que coumprenien pas chota as perpaus dau papeta,
Risien be sus soun goust, mais en faguent bouqueta,
E, s'agachant l'un l'autre, avien perdutlou les.
Tal un vol d'aucelous pausats dins la ramada,
Que de soun rieu-chieu-chieu dessabralloun lou bos,
S'ausissoun d'aquel tems ressounti quauques cops
Lous pieaments de mans e la gaia cliamada
D'un passant fatrassiè, das passerous à fieu
S'amoura cop sus cop l'allegra cantadissa;
Mais, quand lou pas pesuc e la grand bramadissa
An vermatdins lou lion despioi un pichot brieu,
Lou cant entrecoupât d'en pus fort recaliva.
Ansin que lous aucels, lous enfantons de briva
Reprenoun soun bresil tre que lou rire es siau.
Entremens lou falet, d'un pas leste e fricaud,
Lou poulit miôu falet ailai davans amalha,
Brandilhant soun esquilla, aurelha e narra au vent,
E lou vielhàs n'es fier, sa luria ie counven ;
Es fier de soun filhôu, qu'entre mans ten la tralha,
E ie dona bon biais ansin qu'un omenet;
Et tous de rire, et les pauvres enfants — ne comprenaient pas
grand' chose aux paroles de l'aïeul. — Ils riaient bien de son air,
mais en faisant la moue, — et, se regardant dans l'œil, ils avaient
perdu leur caquet. — Telle une volée d'oiseaux cachés dans la feuil-
lée, — qui de leurgazouillement ébranlent la forêt, — s'ils entendent
tout à coup retentir plusieurs fois — le claquement de mains et
la gaie clameur — d'un passant à la voix bruyante, des oiseaux
se tait immédiatement la chansonnette joyeuse; — mais, quand le
pas lourd et les éclats de voix — ont diminué dans le lointain de-
puis quelques instants, — le chant interrompu reprend plus fort
que jamais. — Ainsi que les oiseaux, les enfants, en hâte, — re-
prennent leur gazouillement quand le rire a cessé. — En même
temps le mulet roux, d'un pas léger et fringant, — le joli mulet
roux au-devant chemine, — secouant sa clochette, oreilles et na-
seaux au vent. — Et le vieux en est fier; sa hardiesse lui plaît; —
il est lier de son filleul, qui tient les guides en main, et qui, sem-
0*, DIALECTES MODERNES
De sa mouliè, qu'amai ie manque un bon somnet,
Maugrat sous setanta ans, es escarrabilhada
Couraa un lende, e propeta e benrequinquilhada,
Pourtant tout soun filhage e que ie fai pa'n plec;
Es lier de soun malhùu, de sa valenta nora.
Souc dau mas que ten cop au dedins, au defora,
E t'abarris d'enfants garruts e sens endec.
Tout ce qu'aima es aqui, san, de bonapourtelha.
Ali ! sabès s'es countent, iou viel, e i'a do que;
Mema l'ourguiol au cor lou bourdouira un briquet.
E, zou, seguis, seguis tout de long delà leia.
Andant d'un paslaugè de tras lou carretoun:
Lou ten couti-couti, maugrat que lande e proun.
D'aquel frau, soui segu, sens destourbe à la fieira
Sariè gandit. Ben mai, quand la vielha masieira
le fai, en sourrisent : — o Çai v^nes, tus tabé !
Quau gardarà lou mas? La pou. » — «Es vrai, eh be!
L'ase tique, ma fe, reprend, se ie pensave. »
E, se gratant l'aurelha : — « Anen, vau me vira.
Que vous arribe res, au mens ; tus. siegues brave.
Menaire, e davans nioch dor lou mas fai tira. »
blable à un petit homme, leur donne bonne tournure: — [ilesl
fier] de sa femme, qui, malgré la perte d'un bon somme. — malgré
ses soixante-dix ans, est dégourdie comme une lente1, propre et
bien ajustée, — portant, sa parure de jeunesse, qui ne lui fait pas
un pli ; — il est fier de son gars, de sa vaillante bru, — soutien du
mas, qui met la main à tout, au dedans, au dehors, — et nourrit
des enfants sains et vigoureux. — Tout ce qu'il aime est là, ro-
buste, en bonne santé. — Ah ! comme il est content, le vieux ! et il
y a de quoi. — Même un peu d'orgueil remue dans son cœur. - et
allons, il suit, il suit tout le long de l'avenue, — cheminant d'un pas
léger derrière la charrette; — il la suit pas à pas. quoiqu'elle marche
assez vite. — De cette allure, j'en suis sûr, sans encombre à la
foire — il serait arrivé. Bien plus, quand sa femme, l'habitante du
mas, — lui dit en souriant : — « Tu viens, toi aussi 9 — Qui gar-
dera le mas ? Lu peur. » — « C'est vrai ; eh bien ! — du diable, ma
foi.s"> j'y pensais.»— Et.se grattant l'oreille: — «Allons! je vais m'en
1 Comparaison populaire,
LOU GARDA-MAS
— « Pas pou ! languigués pas ! » crida la carretada.
E, prenent à bilhôu. a gagnât la crousada.
Mais, franc dau carretiè, que mes sas atenciouns
A ben garda lou miôu, à lou qu'ailaval resta
Toutes d'aqui-aqui, de las mans, de la testa, |
Remandounsous aclieus, que rend emeafecioun.
Mema dins la lionchou, quand Tan perdut de vist;i,
Tancat dessus lou to, brandis soun capelàs,
Cade cop qu'entre miech das aubrasses lous brista.
E, quand lous vei pas pus,adounc devers lou mas.
Apensit, maucourat, lou paure s'acamina.
De marrits pensaments venoun frounzi sa mina,
Pioi, se parlant tout soûl, couma per camps fasen,
Lous ornes de la terra : — «Ah! sariè ben cosent ! »
E, d'un revès de man assugant sa parpela:
— «De bon, que plourariei? Sieu pa'na coucoumela ?
Lou miôu es franc, l'enfant es pas desenbiaissat,
E pioi soun paire i'es per quicon. S'a biaissat
Quand, plen de galhardiè, i'a demandât las tralhas,
A fach ben ; car, quau deu trevà camins e dralhas
Touta sa vida, es bon de ie lou mètre enfant
retourner. — Que rien ne vous arrive an moins; toi, sois sage, —
conducteur, et. avant la nuit, reviens vers le mas, » — «N'ayez
nul souci, ne vous ennuyez pas ». reprend la charretée. — Et, pre-
nant à droite, elle a [bientôt] tourné la croisière. — Mais, excepté
le conducteur, qui met son attention — à bien diriger le mulet, à
celui qui reste seul là-bas, — tous, à chaque instant, des mains,
de la tète, — envoient leurs adieux, qu'il rend avec empressement. —
Même dans le lointain, quand il les a perdus de vue, — debout sur
la borne, il secoue son grand chapeau, ■ — toutes les fois qu'il les
aperçoit au travers des grands arbres. — Et, quand il ne les voit
plus, vers le mas, — pensif, abattu, le pauvre s'achemine. — De
tristes pressentiments assombrissent son front; — puis, se parlant à
lui-même, comme nous faisons parfois aux champs, — les gens de
la campagne : -- « Oh ! ce serait bien douloureux ! » — Et, d'un
revers de main essuyant sa paupière : — « Vrai que je pleurerais ?
Je ne suis pas une mijaurée! — le mulet est franc, l'enfant n'est
pas malhabile, — puis son père est là pour quelque chose. S'il a
OS DIALECTES MODERNES
Dejout lousiols dau paire, en cas que, se maubasta,
Siegue aqui per dounà counsels e cops de man.
An,lous laguis,qu'avieisoun quenescige... Ahibasta!.
Anen, que Dieus ou fague e longa e longa-mai ! »
Disb'acô, mais, dempioi qu'a près la revirada,
Espinchouna à l'arriès à cade pas que fai.
Dedins de l'entremiecha agacha en çai, en lai,
Ce que dis la récolta : — « Au diauca ! la civada
A pas bon peu ! 0 tron ! Te, veja-m'aquel blat !
De que se Tes passât ? Lou grel s'engourgouvelha.
Ai ! ai! que de sauclun ! L'ordi sembla neblat;
Encara, vai que trai, la pampa se rouvelha,
Se passis e per sôu acoumença à fiblà,
Quand vôu mountà lou glop. Mais ve, la barjalada
Que deuriè s'aboucà... De qu'es aquesta annada !
Tout vai estre marfit, s' aven pas lèu d'imou.
E se lou gran soufris, quicon mai es lou'fôure.
Pas qu'un pichot revès, tout se farie; mais nou,
cédé, — quand son tils, sûr de lui-même, lui a demandé les rênes,
— il a eu raison, car celui qui doit battre sentiers et chemins —
toute sa vie, il est bon de l'y accoutumer lorsqu'il est jeune, — sous
la surveillance du pure, alin que, si quelque chose tourne mal, —
il soit là pour donner conseil et coup de main. — Allons, les soucis
que j'avais sont, pur enfantillage. ■ . Tant mieux! — Allons, et qu'il
en soit ainsi longtemps et toujours.» — Il dit bien cela, mais, de-
puis qu'il s'est retourné, — il regarde en arrière à chacun de ses
pas. — Dans l'intervalle, il donne un coup d'œil de tout côté. —
pour savoir ce que fait la récolte. — « Ah ! diable ! l'avoine — n'a
pas de vigueur*. Tonnerre2 ! voyez-moi ce blé? — Que s'y est-il
passé? Le germe s'entortille.— Bon Dieu ! que d'herbes à sarcler!
L'orge semble gâtée par le brouillard ; — encore passe quand la
feuille prend la rouille, — se fane et par terre commence à s'incli-
ner, — alors que le chalumeau se montre. Mais voyez la barjolade3
1 Littéralement: n'a pa- bon poil.
* Jurement populaire, très-répandu en Provence et dans le bas Lan-
guedoc.
3 Mélange de vesces, d'avoine et parfois de luzerne.
LOU GARDA -MAS 99
La terra jeta fioc. Ah ! qu'es benlion de plôure !
Un aurage belèu per ou tout estralhà !
Que se tengue à-n-ounte es!... Que de nieirun que Ta!
De babotas, tabé ! Paurebestiau, ou vese,
De luserna faudra qu'aqueste an vous passés,
En metent que dalhen lous prats, lous espersets.
Trista annada qu'auren ! E mai vai, mai ou crese.»
E barrisca-barrasca, enfin gandis lou mas,
Repoutegant, boumbant au sôu emb sa tricassa,
Acoutissent lous pouls que venien abramats,
Seguits de la cournada. Asavielha chinassa,
Que vôu lou caressa, manda un bon lava-dent.
E lous pouls per la cour, e la china en campestre,
Piaulant e jangoulant, mais en s'encourrissent,
Semblavoun que disien: — «De qu'a ioi noste mestre?»
E, toujour brassejant e'countuniant soun frau,
Vai, ven, belèu cent cops, de lajassa aupourtau.
Se tança. Anen, un ris sus sas boucas varalha.
— qui devrait se coucber .'. .Qu'est-ce que cette année-ci? — Tout va
se dessécher, faute d'humidité ; — et, si le grain souffre, le four-
rage souffre bien davantage: — une petite averse, et tout pren-
drait vigueur. Mais non, — la terre jette le feu. Ah ! qu'il est loin
de pleuvoir! — un orage peut-être pour tout détruire ! — Qu'il reste
là où il est Que de pucerons il y a ! — Des chenilles aussi !
Pauvre bétail, je le vois, il faudra vous passer de luzerne cette an-
née, — en supposant que nous fauchions les prés et les sainfoms.
— Triste année que nous aurons ! Et plus je vais, plus j'y crois. »
— A grands pas. brusquement, il arrive enfin au mas, — tempê-
tant, frappant à terre avec son gros bâton, — poursuivant les
poulets qui couraient affamés, — suivis de toute la basse-cour. A
sa vieille chienne, — qui veut le caresser, il envoie un coup sur la
tète1; — et les poulets par la cour, et la chienne à travers champs,
— piaulant et glapissant, mais en prenant la fuite, — semblaient
dire : — « Qu'a donc notre maître aujourd'hui? » — Et, agitant tou-
jours ses bras avec la même ardeur, — il va, vient peut-être cent
fois, de la bergerie au portail. — Il s'arrête; un rire passe enfin
1 Littéralement : lave-dent, soufflet.
100 DIALECTES MODERNES
De qu'a vistper aqai ? Pas res, quauqua jougalha,
D'orteta dins un tes, un pichot oustalet,
Lou bres de la petota e bourdufa e palet,
A. boudre per lou sou. Devistant sas causetas,
Lous nègres pensaments an ben lèu derrancat :
— « Voudriei dau passeroun avedre las aletas,
Per saupre ce que fan! » — Pioi, lou front abrouncat:
— « D'aquesta oura ie soun, franc qifunamalurança..
Mais non, ie soun gandits, quicon m'ou dis d1 avança..
Ai ! quanta journadassa ai à passa, bon Dieu ! »
La miola, que l'ausis, aquî copa soun fieu :
— « Brames de languiment, tus tabé, que, la Moura?
Sariè malauta? Ahbe! mancariè pas qu'acô.
Anen... acô's pas res. » E, couma Tes, dau cop,
Arriba, apalha, estrelha, amai siegue pas d'oura.
D'aqui vai à la jassa aubourà lou bestiau
Que cbauma, e pioi clafis rasteliès e galera.
— « De que mai, s'ou dis. AU ! la counilha qu'espéra
Aurés vosta mourrada. Ara, àieu! A perpaus,
Quand soun d'ouras, veguen, avans d'alandà l'arca. »
Disent acô, sourtis, enrega soun regard
sur ses lèvres. — Qu'a-t-il vu par là? Rien, quelques jouets,
— des herbes dans un tesson . — mie petite maisonnette. — le
berceau de la poupée, et toupie et palet — pêle-mêle par terre. En
voyant ces petits objets, — les noirs soucis ont bientôt pris la fuite:
— «Je voudrais du moineau avoir les ailes, pour savoir ce qu'ils
font. » — Puis, le front penché: — « En ce moment ils sont ren-
dus, à moins qu'un malheur. . — Mais non, ils y sont, j'en ai le
pressentiment.... — Ah! quelle longue journée j'ai à passer, bon
Dieu! » — La mule, qui l'entend, l'interrompt: — « Tu braies
parce que tu t'ennuies, toi aussi, la Noire? — Serait-elle malade?
Eh bien! il ne manquerai! plus que cela.— Allons!., ce n'est
rien. » — En même temps, et tout à la t'ois, — il donne à manger,
répand la litière él rille, quoique ce soit trop tût -, — de là, il va à la
bergerie éveiller le bétail — qui repose, ensuite il remplit râteliers
et galère. — « Quoi encore ? dit-il. Ah! les lapins qui attendent : —
vous aurez votre part! A moi maintenant. A propos, — quelle
heure est-il? Voyons, avant d'ouvrir l'armoire >• — Disant cela, il
LOU GARDA-MAS 101
Amount dins lou vent drech devers lou roc que marca;
— «L'oumbra sarra lou suc. Es dech manca lou quart.
Pas mai qu'acô? Qu'es longa, aquesta matinada?
Per gagna tems. anen faire boulhe l'alhada. »
III
Dos ouretas après, quand a taulejat proun,
Sus lou nègre tauliè qu'oumbrejauna trellmssa.
Lou viel vai s'assetà. Dins la bêla sasoun,
Per faire soun somnet, voulounta aquela plaça.
Au cant dau roussignôu, qu'alin dins la param
Cade an cai ven cabi soun niset sus lou ra.m :
Au varalhà galoi d'un vol de giroundelas,
De la prima embaumada anounciairas fidelas,
Mandant as quatre vents lou noum de Jeuse-CrisT,
Tout en pourtant la joia e la beeada au nis;
Au chieu-chieuruste e fier dau passeroun trafiaire.
sort et dirige son regard — là-haut, dans le nord, sur le rocber qui
marque : — « L'ombre se rapproche du sommet, dix heures moins
un quart. — Rien que cela: comme cette matinée est. longue ! —
Pour passer le temps, allons faire bouillir la soupe. »
111
Deux heures après, quand il a tenu table assez longtemps — sur
le noir banc de pierre ombragé d'une grande treille. — le vieillard
va s'asseoir. Dans la belle saison. — pour faire son sommeil, il
aime cette place. — Au chant du rossignol, qui là tout près, dans
l'enclos, — tous les ans vient bâtir son petit nid sur le laurier: —
au va-et-vient joyeux d'une volée d'hirondelles, — du printemps
embaumé fidèles messagères, — jetant à tous les vents le nom de
Jésus-Christ, — tout en portant la joie et la béquée au nid; — au
pépiement rude et fier du turbulent moineau: — au bourdonnement
]02 DIALECTES MODERNES
Au brouuzin de l'issam varalhejant per l'aire
En requista dau mèu amagat dinslas flous
Das aubres dau jardin, dau jaussemin dau pous,
Couma Tentant au bres qu'au cant de sa bressaira,
S'escrafa pau à pau sa bebeta fougnaira
Es'endourmis plan-plan, ansinlou viel inasiè,
Au cant das aucelous d'aiseta se preniè,
Aublidant, tout lou long de sa douçadourmida,
Lou lassige dau cor, lou trigôs de la vida
E maliciade tems, qu'es belèu lou coudous
Qu'apoudesa lou mai sus lous travalhadous !
Aquel jour, per repôut, tout ce qu'amoun zounzouna,
Voulastreja, e boundina, e fusa, e viroulhauna,
Tout ce qu'aiçaval pieuta, e bresilha, e cloussis,
Causissien, auriàs dich, sous pus bêles moucis.
Jamai lous abelhous, dins sous monta- davala,
Avien facb ressounti tant fort brounziment d'ala.
Era unentendemem ? S.' pot, mais lou bèu teins
! erabe per quicon, carde tout lou printems
Avian pas belèu vist tant bêla matinada,
Seguida de tant linda e cauda tantossada;
de l'essaim se mouvant au milieu de l'air — à la recherche du miel
caché dans les Heurs — des arbres du jardin, du jasmin qui cou-
vre le puits, — comme l'enfant au berceau qui, au chant de sa ber-
ceuse, — voit disparaître peu à peu sa boudeuse petite moue. — et
qui s'endort doucement, ainsi le vieux garde-mas — s'assoupissait
au chanl des oiseaux, — oubliant, ton! le temps de ce sommeil, —
la itigue du corps, le tracas de la vie — et la dureté des temps,
qui est peul être le fardeau — le plus lourd à porter pour les travail-
leui s [des campagnes].
Ce jour-là, par surcroît, tout ce qui là-haut bourdonne, — et
Mil. . et murmure, el s'élance, et tourbillonne; — tout ce qui pépie
ici-bas, et gazouille, et glousse, — avait choisi, aurait-on pu dire,
plus beaux morceaux. — Jamais les petits des abeille-.
dans leurs évolutions, — n'avaient fait entendre d'aussi forts
bruissements d'aile. — Était-ce avec intention? Cela se peut,
mais le beau temps — y était bien pour sa part; car de tout le
LOU GARDA- MA S 103
Jamai noste ciel blave era estât tant seren,
E de la trelhaen flou, jamai sus lou terren,
Aviè tant negrejatl'oumbrassa fresqueirousa !
E lou viel es aqui cTassetoun e sounjous,
Sus soun pitre pelut lous dous brasses en crous :
Quoura cuga.plan-plan sa parpela imourousa,
Quoura alanda d'un cop soun iol negràs e vieu,
Quand mola ou que reprend lou galoi rieu-chieu-chieu
Ou que das passerous s'auboura la batesta.
Dins aquela entremieja agacha aiçai,alai,
A bel ime, au travès dau trelusent dardai;
Seguis lou parpantels qu'amoun dins la ginesta,
Sus lou trucs rascallats, sus lou teulats roussels,
Sus l'acrin das parets de las blancas masadas,
Fouligaudejoun, fan de sauts, d'escarlimpadas
E de viravôuts, pioi lous laugès farandels,
Au grat d'un ventilbou, tant rede que l'ideia.
Adieu la farandouna e l'ardenta bourreia!
Ara soun l'avalanca andant d'amount, d'aval;
Mai de forma cambiant, dins lous aires poussejoun,
Ou s'espouscant per sou, regiscloun, beliiguejoun,
printemps — il ne s'était pas vu peut-être une aussi belle mati
née, — suivie d'une aussi sereine et chaude après-midi. — Jamais
notre ciel bleu n'avait été aussi serein. — et de la treille en fleur
jamais sur le sol — la grande ombre, pleine de fraîcheur, n'avait
paru si noirâtre! — Et le vieillard est là, assis et rêveur, — les deux
bras croisés sur sa poitrine velue : — tantôt il ferme doucement sa
paupière humide, — tantôt il ouvre son œil noir et brillant, — toutes
les fois que le gazouillement cesse ou recommence, — ou que les
moineaux entre eux se livrent bataille. — Bans cet intervalle: il
regarde çà et là, — sans intention, à travers le brillant éblouisse-
ment; — il suit les rayonnements qui là-haut, clans les genêts, —
sur les monts dénudés, sur les toits roux, — sur la crête des murs
des blancs hameaux, — gambadent, font des bonds, des glissades
— et des tourhillons , puis les légères farandoles, — au gré du
moindre vent, aussi vite que la pensée. — Adieu la farandole et
l'ardente bourrée! — ils sont maintenant l'avalanche allant en
K»4 DIALECTES MODERNES
Couma unrevès maienc as dégoûts de cristal.
A força de guinchà, de faire parpantela,
Desper eles, sous iols se soun cugats: es près ;
E cants e parpantels, noun vei, noun ausis res.
Ara fa quicon mai que treva sa cervela :.
Es lou tour das pantais, lous parpantels dau soin.
Soun aqui roudejant àl'entourde soun front,
Couma au davans dau brusc roda l'issam qu'issama.
Bresilhàs d'aise, aucels; Aloura, plan-planet brama:
Anesses pas au mens destourbà soun repaus,
Car lous fousques pantais an près, despioi bon pau,
De la realitat la forma vertadieira.
Laissàs-lou pantaisà de sa vidassa entieira;
Lou moument d'ara esbe, de segu, soun pus bèu:
Crachas roussi soun-is. Tabé, quante tablèu
A soun ime vesent de longa se debana !
3ariè, ma fe, pecat de lou derevelhà!
A. Langlade.
(Languedocien. Lausargues et ses environs.)
haut, en has; — changeant de forme encore, ils poudroient dans
les airs. — ou, s'égrenant sur le sol, ils rejaillissent, étincellent
[ensuite] — comme une averse de mai aux gouttes de cristal.
A force de fixer et clignoter, — ses yeux d'eux-mêmes se sont fer-
mé : il est endormi, — et, chants et éblouissements, il n'entend
plus rien. — G'est autre chose à présent qui haute sa cervelle : —
c'est le tour des rêves, les éblouissements du sommeil: — ils soni
là, tourbillonnant autour de son front, — comme autour de la ru-
che tourbillonne l'essaim qui essaime. — Gazouillez mollement,
oiseaux: la Brune, braie bien doucement; — n'allez pas au moins
interrompre son repos, — car les rêves incertains ont pris, depuis
quelques instants, — de la réalité !a forme véritable.- Laissez-le
rêver de sa vie entière ; — son rêve d'à présent est bien certai-
nement le plus beau. — Voyez comme il sourit! Aussi quel ta-
bleau— eu son intelligence se déroule longuement ! — Ce serait
jiéché, ma foi. que de le réveiller.
A. LiANGLAU .
{A suivr
BIBLIOGRAPHIE
Die Catalanische metrische Version der sieben weisen Meister
von Adolf Mussafia.
J'avais oublié, quand j'ai rendu compte ici dernièrement (tom. X,
p. 311) de cette importante publication, que les LeyscVamors fon^
mention du Romandes sept sages et en donnent même une analyse
sommaire. Une note , rencontrée ces jours-ci parmi mes papiers,
m'a remis le fait en mémoire. Comme il n'est pas sans importance
pour notre histoire littéraire, et que je ne le vois pas signalé dans
le Grundriss de M. Bartsch, il me parait utile d'y appeler l'atten-
tion. Voici le passage des Legs (III, 290) :
« Tôt le romans dels .vij. savis procezish aperpauc peraquesla
figura (le paradigme), quar, can le lilhs del emperador foc jutjatz
à penjar per Temperador son payre, cascus dels. vij. savis lo dis-
distriguec un jorn que no fos pendutz, ab un ysshemple que li
dizia cascus per esta forma : « Si pendes aquest efan, ayssi t'en
prengua coma al borgues de son lebrier » ; e pueys venia Paltres
e dizia : « Si to filh fas penjar, ayssi t'en prendra cum fe ad aytal
baro de son austor.» La Emperayzitz1, quar volia mal a son iilhas-
tre, filh del enperayre, cant era la nueg arn so marit, desfazia tôt
can li savi havian fag e dig de jorn, ara d'autres ysshemples quel
fazia et aduzia a son prepauzamen, pel contrari d'aquels dels phi-
lozophes, per que l'efans fos pendutz. Enpero Dieus finalmen lo
gardée, si que l'enfans romas coma denan e ela foc despessada. »
Ce passage ne saurait sans doute suffire à prouver l'existence
au XIVe siècle d'une version provençale des Sept Sages; mais on
avouera qu'il favorise singulièrement l'hypothèse, déjà à priori si
vraisemblable, qu'une pareille version a dû en eil'et exister. Le nom
à'austor donné à l'oiseau qui, dans le poème catalan, est un per-
roquet (papagay), et une pie dans les diverses rédactions fran-
çaises2, est dans tous les cas à remarquer, comme un trait dis-
tinctif de la version (provençale ou non) que l'auteur des Legs avait
en vue. C. C.
1 Nouvel exemple de z = r, à joindre à ceux qui ont déjà été recueillis.
* C'est du moins ce qu'indiquent les sommaires donnés par Leroux
de Lincy, au-devant de celle qu'il a publiée.
106 BIBLIOGRAPHIE
Recueil d'anciens textesbas-latins, provençaux et français, accom-
pagnés de doux glossaires et publiés par Paul Meyer (2° partie.ancien fran-
çais). — Paris, F. Vieweg, libraire-éditeur.
La Revue des langues romanes a déjà annoncé la première partie
de cette importante publication. Cette fois, nous nous bornerons à
une courte mention, attendant, pour en faire un compte rendu
plus détaille, que les deux glossaires annoncés aient paru, ainsi
que les textes de prose. Malgré l'absence de cet important com-
plément , ce recueil est immédiatement utilisable, surtout poul-
ies professeurs, qui ont ou, pour parler plus exactement, qui au-
ront à initier de jeunes étudiants à la connaissance de notre an-
cienne langue. Les textes dont il se compose ont été soigneu-
sement contrôlés sur les originaux mômes, ou tout au moins
reproduits d'après les meilleures éditions. Les variantes et les
leçons corrigées sont indiquées en note : précaution destinée à
faciliter le contrôle réclamé par l'éditeur lui-même et à exciter l'at-
tention de l'élève et du maître, l'un demandant à l'autre la raison
du choix fait entre les différentes leçons. La variété, en même temps
que la multiplicité et la suffisante étendue des morceaux choisis,
excitent et soutiennent l'intérêt du lecteur. A tous ces indices, on
reconnaît un savant doublé d'un professeur expérimenté, et l'on
peut recommander son œuvre en toute assurance aux amis des
études sérieuses. Je remercie M. Paul Meyer d'avoir tenu compte
de quelques-unes de mes observations relativement au texte du
Saint Léger, et d'avoir bien voulu les mentionner dans ses Addi-
tions el corrections.- Je profite de cette occasion pour lui signaler
une rectification au texte de Sainte Eulalie, que j'ai insérée dans la
Revue des langues romanes (L> série, 11, n0 10, pag. 220), mais qui
a paru sans doute trop tard pour qu'il ait pu en tenir compte, à
supposer toutefois qu'il la trouve fondée : je veux parler du v. 5, où
je lirais nonl avec le ms., c'est-à-dire no'nt= non inde. Littéra-
lement: elle n'en écoute,, elle n'écoute pas pour cela.
A. B.
Li Carbounié. — Epoupèio en XII cant (traduction française en regard),
par Félix Gras.— Avignon, Rouraanille, 1876; in-8°, 335 pages.
Stendhal écrivait de Civita-Vecchia, le 8 juillet 1841, à l'un de
ses amis de Paris : « Plût à Dieu, au milieu de l'ennui actuel, qu'il
nous arrivât un bon livre écrit en auvergnat ou en provençal! »
Le gracieux et profond philosophe de l'Amour eût élé ample-
BIBLIOGRAPHIE 107
ment satisfait, s'il avait cru devoir exprimer, de nos jours, le même
vœu.
Après Mireille, après Calendal, un poëme vient de paraître
auquel il serait assurément trop modeste de ne donner que la
Lanale qualification de « bon livre. » La magnifique légende des
Curbounié est un véritable chef-d'œuvre, dont l'auteur a conquis,
d'un coup, à côté des maîtres du fôlibrige, et, on peut le dire sans
exagération, dans la pléiade des grands poètes, une place d'hon-
neur.
M. Félix Gras a mis, en guise de frontispice, une épigraphe de
trois vers qui est une admirable définition du vrai patriotisme et
une réponse péremptoire à ceux qui accusent les félibres de sépa-
ratisme : *
« Ame moun vilage mai que toun vilage,
» Ame ma Prouvènço mai quêta prouvinço,
» Ame la Franco mai que tout '. »
Les Carbounié du mont Ventour sont de pauvres gens; mais,
chez eux, la nature parle son vrai langage. Habitués à vivre au
milieu des mélèzes et des sapins, fiers et libres comme les aigles
et les vautours qui planent sur leurs tètes, ils pensent simplement
et s'expriment franchement. L'argot des bouges et des prisons, les
sentiments artificiels, ne sont pas leur fait :
Aqui lis orne n'an fa pacho
« Qu'emé l'ounour; souri pastre o valent carbounié. »
Parmi ces braves gens, il en est un, plus intrépide que tous les
autres , Réginel , que tente l'amour des aventures, la soif de l'in-
connu. Rien ne peut le retenir, pas même l'ardente passion qu'il
éprouve pour une fille des montagnes, la blonde Annonciade, dont
la douce physionomie apparaît, dans le poème, comme une vision
enchanteresse :
Darrié li nègri barricado
Que fan li naùtis embancado
Recuberto de pin, de mêle emé de lieu,
Fourèst d'ome e de loup pouplado,
Greissié lou bèu jouvènt que cante. Franc li niéu,
Lis aiglo, lou ferun emé li tron de Dieu,
Que passon, volon, restountisson,
E franc lis iue que l'abarrisson,
Lis iue d'uno chatouno, eu counèis degun mai.
Pastresso
N'a pa'nca senti l'amaresso
108 BIBLIOGRAPHIE
D'aqncsto malo vido. 0 moun Dieu ! segur noun.
Just un dimenchc après la messo
Reginèu ie faguè, per rire, dous poutoun.
D'Anounciado la chatouno porlo noum.
Elo es bloundo couino uno estello,
E couino en touti li pièucello,
Sus soun visage lèu s'acampo la roujour.
Soun un pau fèro, si prunello,
Coume li de tout gùnl qu'es na dins lou Venlour;
Sa boueo es ôudourouso, es dau rousié la llour.
Les instances de son vieux père SifTrein sont aussi impuissantes
que les prières d'Annondiade : elles touchent son cœur, mais n|é-
branlent pas sa volonté. Il part à la tombée de la nuit. Sa des-
cente à travers les escarpements, au bruit d'une épouvantable
tourmente qui ne se tait que pour lais>er entendre les hurlements
des loups allâmes, émeut, et donne le frisson, tant la description
est saisissante !
Diatre li pelé lin
Lis argelèbre, h badasso
En vai, subran lou baus s'eslrasso
E chimarro lou cèu ù vint cano d'autour.
Oins l'asclo negro couino aurasso.
l'a'n draiôu que li loup Iralicon en pien jour,
Tant lou rode es màrrit, espuventable e sour.
Entre que rintro dins lou founze,
Ausis, dirai, coume leu vounze ,
De l'auro don revès que baufo dins li lieu,
O bon d'un liuen clouchié li brounze
Tôutis à brand. Malur ! que sara, Segne Dieu!
L'enfant dôu mount Ventour cren degun, sarnibiéu '.
On juge, dès ce début, que Félix Gras est un peintre de premier
ordre : s'il montre la nuit, la tempête et le mystère imposant des
solitudes, ses tableaux >;ont d'une originalité fantastique qui rap-
pelle les compositions- de Gustave Doré. S'il met, au contraire, sur
s.i palette, les couleurs roses de l'aurore ou les teintes cendrées du
crépuscule, on croirait voir un paysage de Corot ou de Français,
auquel la nature provençale aurait ajouté sa forte empreinte.
Mais il n'y a pas seulement des pâtres et des charbonniers
sur le mont Ventour, il y a aussi des brigands, grands assassins
ci pillardsde troupeaux. Oursan, l'abominable Oursan, leur chef,
BIBLIOGRAPHIE 109
est devenu, par ses crimes et par sa force, la terreur de tout le
pays. Heureusement, il a rencontré un adversaire digne de lui,
Réginel, qui a juré de détruire la redoutable bande, dont il est
craint et détesté.
Au temps où j'étais encore enfant, on se réunissait, en groupe,
sur l'un des bancs de la Chaussée d'Alais, et, là, le meilleur nar-
rateur racontait à ses camarades, attentifs et terrifiés, l'histoire
d'un certain Jean de l'Ours le Bourru. En lisant le beau livre de
M. Félix Gras, en retrouvant, à chaque page, les exploits surhu-
mains de Réginel, on pense involontairement à ce héros des tra-
ditions populaires.
Dès le premier chant, la lutte homérique commence. Les bandits,
dans une caverne enfumée, comptent, sur une table rouge de vin,
au milieu des ricanements et des cris, le produit de leurs rapines.
Bonne occasion d'exterminer cette perverse engeance ! L'entrée
du repaire est couverte de chaume ; le vaillant charbonnier y met
le feu. Oursan et ses estaûers sortent vainqueurs, mais humiliés,
de cette épreuve. Ce n'est, d'ailleurs, que le commencement des
rudes combats qu'ils vont être obligés de soutenir.
Les douze chants du poème sont consacrés, à travers de char-
mants épisodes, à célébrer les douze travaux de l'Hercule provençal
Réginel.
Au château de Saint-Lambert, où brille, comme une éclaircie,
un délicieux tableau d'intérieur, dans la cabane du garde forestier,
riante autant qu'est sombre la forteresse, aquelo grand carcasso,
bastido de pciro negrasso, Oursan cherche vainement à se venger.
A Castel d'Amourier, Réginel, au cours de son tour de Provence,
se joint avec succès à une battue contre les loups, non moins
dangereux pour les troupeaux que les brigands. C'est pendant la
chasse qu'il rencontre une amoureuse délaissée, Zia. qui, sans
triompher du souvenir d'Annonciade, lui rappelle ses serments
avec une éloquence passionnée :
Mai au fort de la chapladisso
E dintre l'orro bramadisso,
Uno voues melicouso aplanto lou jouvènt,
Que tre l'ausi se desenlisso
E chauriho alucant dôu biais que la voues vèn
— Reginèu, elo dis, de léu noun te souvèn? —
E, trepejant sus li cadabre,
Mai palo e mai frejo que mabre,
Zia, la bello chato, arribo en jusqu'à-n-éu
HO BIBLIOGRAPHIE
E d'à geinoun au founs dôu vabre,
Li bras dubert, ansin dis : —Valent Reginèu,
Me fagues pas mouri ! L'autre an, pèr Sant Miq'uèu.
M'as proumes toun amour : « Ma bello,
Zia, ma blanco paloumbello,
Me disiès, sout la touno, en me beisant lou front,
Lou jure davans lis estello ! »
E pièi toun juramen n'es esta qu'un afront
E me rouigon li car, vuei, ti poutoun tant bon »
Devourissès-me, bèstis aulo !
Ensuco-me d'un cop de gaulo,
Car iéu siéu uno loubo. e moun cor afama
Vôu toun amour, vôu ta paraulo.. ..
Renègo Anounciado e vogues plus l'ama,
E fai clanti la niue coumo un loup desmama.
Par ces ardentes supplications, elle ne peut fléchir son cœur
comme le fléchira bientôt, hélas ! la belle et voluptueuse Mionnet,
la moissonneuse de Faraman. où. avec les gavots, témoins de la
lutte dans laquelle a mordu la poussière le Goriace de Monteux, il
est venu se louer pour le fauchage des champs de blé. Cette der-
nière scène d'amour est une perle poétique, d'un réalisme qui
.n'exclut ni la grâce, ni la délicatesse. Comment Réginel pourrait-il
demeurer insensible?
« Ai! ai! moun Dieu! d' Anounciado
» Elo a la taio aligourado,
» Mens lou fèr, si dous iue trason lou même uiau,
» Es dous rai d'uno escandihado,
» Dous degout d'aigo lindo, es dous bèu espigau !
» Es unocaio alègro em' un fier perdigau !
Malgré cette séduisante ressemblance, il hésite encore: mais les
arguments de Mionnet deviennent de plus en plus pressants et, à
la fin, irrésistibles :
.... Tè, la vaqui, ma man !
Se de moun amour te mesfises,
Tè, moun front; tè, mi bouco ! — E levant si diamant
Boundon si raameloun rousen e tremoulant.
« Omeravihol encèn ! o fru beca sus la jitello ! Pouloun, o pan de
ïamol » s'écrie Réginel enivré et vaincu.
Après la faute, l'horreur de sa conduite lui apparaît dans toute sa
noirceur. La chasteté d'Annonciade, contrastant avec les ardeurs
BIBLIOGRAPHIE III
de Mionnet, le rend honteux à lui-même. Il fuit, tout coufus, loin de
Faraman. Hercule rougit d'avoir aimé Omphale.
Mais i! n'a pas seulement trompé sa fiancée : Réginel a oublié
en môme temps sa haine contre Oursan, qui, lui, prépare une hor-
rible revanche. Le bandit n'ignore pas que le bien suprême de son
terrible adversaire est la jeune Annonciade, que l'absence de celui
qu'elle aime tient inquiète et tourmentée à Verdolier, cette oasis
des cimes du Ventour. Quel plus cruel châtiment pour Réginel que
l'enlèvement et la profanation de son amie, le meurtre de ses pa-
rents, l'incendie de son village ! Oursan et ses maufatan rient
comme des démons d'avoir imaginé une telle vengeance. L'exé-
cution du hideux projet ne se fait pas attendre : la nuit venue, la
bande s'apprête à fondre sur le malheureux hameau des charbon-
niers, au moment où
Nosto poulido Anounciado
S'èro déjà desabihado.
Fasié soun proumié som. Pèr li brin e li brand
Dôu vent, la chato èro bressado.
Quesounjavo? Noun sai: sabe qu'à chasque istant,
En sourisènt trasié de poutoun'mé la man.
E foro de sa camisolo
Avien sourti de nosto drolo
Li pouht sen ardit, qu'avien si mameloun
Chascun uno rousenco auriolo.
De la luno es ansin aurioula lou front blound,
Quand passo eilamonndaut darrié 'n clar nivouloun.
Après une montée pénible, bien autrement hérissée d'obstacles
que celle du char des comédiens errants du Capitaine Fracasse, les
vauriens. Oursan en tête, envahissent le village et répandent par-
tout le meurtre et la flamme. La lutte contre les charbonniers, aidés
de leurs chiens de garde, est gigantesque : à la faveur d'un stra-
tagème, ceux-ci mettent en fuite les assaillants. Annonciade est
sauvée comme par un miracle, mais son père, le vieil Antonin,
est emmené prisonnier par les bandits. . .
Ah ! quand le pâtre Blas apprend à Réginel l'affreuse nouvelle,
comme le fils de Siffrein exhale son désespoir en plaintes amères !
Gomme le remords lui brûle le cœur ! Comme il regrette son infidé-
lité ! Gomme il maudit Mionnet! Gomme il se repent de ses desseins
aventureux ! Combien il eût préféré vivre tranquille, au milieu nos
rharbonniers. uni à sa hien-aimée Annonciade! Il part rapide
comme l'éclair, et jure de mériter son pardon par l'extermination
112 BIBLIOGRAPHIE
d'Oursan et de ses complices. Cette dernière phase de la lutte
contre les bandits du Ventour est tracée de main de maître, avec
une énergie et une promptitude qui expriment, d'une façon saisis-
sante l'ardeur impatiente dont Réginel est enflammé. Accompagné
d'une vaillante escorte de pâtres, à laquelle un vieil et pittoresque
ermite a fourni Je précieuses indications, il va traquer les brigands
dans leur repaire. Oursan.se voyant perdu, imagine un coup de
trahison, qui se retourne contre lui-même. Réginel l'atteint et le
terrasse :
Reginèu, eirissa,
le mando de revès soun bouis e tant fourça,
Que lou cop ie descabucello,
La testo à ras de si parpello !
Soun sang nègre, nboundous, fumo e s'escapo à flot.
E s'escampihon si cervello
Dossubre sis espalo e dessubre lou ro.
Ansin souto la font l'aigo verso dùu bro. . . *
Es estendu subre l'esquino
E rangoulejo sa peitrino.
Alor, dintre la mar lou soulèu que vei tout
Se trais. Tant lèu, l'escuresino .
S'alargo dinslon plan, sus li mount e pertout,
E dins li nègre lieu li machoto fan chou !
Le vieil Antonin est délivré; la hande d'Oursan est amenée
captive au milieu des acclamations des charbonniers, et le poème
finit sur l'heureuse impression de calme que laisse, après les orage?
continuels de l'action, l'union d'Annonciade et de Réginel, que le
vénérable ermite du Ventour bénit en ces termes :
Au noum de Dieu, vous benesisse !
Au noum de Dieu, iéu vous unisse !
Qwa la pas dôu Segnour siègue sèmpre emé vous I
E que, pèrtcoumble de délice,
Vegués crèisse en venu vôstis enfant noumbrous,
A vans que fagués viage au moundc tenebrous !
Le désir de ne pas suspendre l'intérêt toujours croissant qui
s'attache aux aventures de l'héroïque charbonnier ne nous a per-
mis que de signaler d'une manière générale les remarquables des-
criptions qui étincellenl àchaque page du poëme.
Nous nous reprocherions de ne pas en faire connaître au moins
une. celle d'une radieuse matinée de juillet, entre tant d'autres qui
ne mériteraienl pas moins d'être mention néss:
BIBLIOGRAPHIE 113
L'eigagno lus sus li léulisso,
Li passeroun, dins la sebisso,
Bequeton li poumeto, e dins li camp de blad,
Lis esparset e !i panisso,
S'auso piéuta lacaio. Au founs dôu grand valat
Lou riéu claret, claret. noun cesso de souscla.
Pamens subre li plus aut moure,
Bèu coumo un cavalin au courre,
En niflant de niéu d'or s'enauro lou soulèu!
Sa creniero de rai, i roure,
I mount, i plan negras largo lou lum tant lèu
E boundo esbléugissent dins l'areno dôu cèu.
Alor, emé sa voues mistico ,
La naturo entouno un cantico.
Es li senglut dôu rièi\ la capeludo amount.
Lou son de l'eissado que pico.
Lis ordre di bouié : l'auro emé si viôuloun
Fai l'acoumpagnamen, tout vai à l'unissoun.
Pièi acoumenço la cigalo,
Negrihouno que s'encigalo
I proumié rai que béu au souleias d'estiéu.
E zin ! zin ! zin ! fai di cimbalo,
E ni manjo ni bèu. Pecaireto! elo viéu
Ren que pér entouna li lausenjo de Dieu.
Le poëine de M. Félix Gras, il faut le répéter en terminant,
est, à nos yeux, un véritable chef-d'œuvre. Il marque, ainsi que
le faisait observer M. Armand de Pontmartin, une tendance nou-
velle dans l'école des félibres, une brillante évolution vers une sorte
de romantisme provençal. Les vers du poëte de Villeneuve-lez-
Avignoii n'ont pas tous l'admirable régularité, presque classique,
de l'illustre maître de Maillane: mais leur allure, parfois désor-
donnée, libre de frein et dédaigneuse du mors, n'en est pas moins
d'un puissant caractère.
La presse parisienne , comme celle des départements, a fait
aux Carbounié un accueil chaleureux, dont la Société des langues
romanes a d'autant plus le droit d'être iière, qu'elle a été la pre-
mière à proclamer les qualités de cette épopée provençale, en la
jugeant digne, au Concours philologique et littéraire de 1875, de la
plus haute de ses récompenses.
En suscitant de telles œuvres, le félibrige prouve incontestable-
ment qu'il est loin d'avoir épuisé la sève qui a produit tant de re-
marquables poètes. Uno avulso, non déficit aller.
Maurice Faure.
114 BIBLIOGRAPHIE
L'Idée latine dans quelques poésies en espagnol, en langue d'oc et en
catalan. — O. Bringuier : A las raças latinas, brinde, p. 71 du Con-
cours philologique et littéraire de l'année 1875, in-8°. 182 pages. — Pèço
courounado à Fourcauquié, p. 33 du Libre de Nouesto-Damo de
Prouvènco; Fourcauquié, Massoun, 1876, in-8o, lxxx - 232 pages. —
Gant : Lei Mouro. dramo en très aie e en vers; Ais-en-Prouvènço,
1875, in-12, 96 pages. — F. Piscueta : Oda â la union de las razas
latinas (las Provincias de Valence et Mercantil valenciano, n0> du
29 juillet 1876).— Revontos: A la rassa llatina; Barcelona, lb76, in-8".
16 pages. — Marius Bourrelly : Poesia provenzal dedicada à la Asocia-
I ion de Gerona, con motivo del certameu de 1875; Gerona, Dorcn,
in-4% 4 pages — Le même, Poesia provenzal, etc., con motivo del
certamen de 1876 ; Gerona, Dorca, in-4°. 4 pages ».
Au moment où M. de Quintana priait Mistral de foncier en son
nom le prix qui doit récompenser en 1878 la meilleure Chanson du
Lalin, ou la conception d'une poésie commune par le sujet, les sen-
timents et la mélodie à ceux qui, en Europe, en Asie, en Améri-
rique, partout où les vicissitudes du passé, la colonisation pacifique
ou la conquête les ont jetés, se reconnaissent les fils de la vieille
langue de Rome; au moment, dis-je, où ce prix éveillait clans la
pensée des Catalans et des Provençaux le vague instinct d'une
confédération future, la perception d'-une sorte de -Latium plus
vaste et plus populeux que l'ancien, Octavien Bringuier écrivait
ces beaux vers, les derniers de sa vie déjà gravement et irrémédia-
blement atteinte :
« Roumans, faguen pas qu'un ! Sèn toutes traire e sorre.
E gara qu'à quaucun de nautres ie maucore ! •
Se voulèn ioi garda lou timon dau vaissèu
Que l'aie dau bon Dieus passeja en miè lou mounde.
De traval e de pas se voulèn nostre abounde,
Seguen ce que tenièn lous litous : un faissèu !
Le brinde qui nous fournit cette strophe admirable et le prix
fondé par M. de Quintana sont la traduction la plus nette d'une
pensée qui, depuis trente ans déjà, préoccupe les esprits en deçà
(1) On rencontre encore l'expression de la même idée dans une dédicace
languedocienne Al Mièchjour, placée en tête d'un livre étranger à la des-
tination de la Revue : le Fédéralisme, par Louis-Xavier de Ricard; Paris,
Sandoz, 1877; in-12, xxx- 302 pages.
BIBLIOGRAPHIE 115
et au delà des Pyrénées. A demi-politique pour les uns, purement
littéraire pour d'autres, elle s'acheminait peu à peu vers une forme
qui lui permît de saisir l'imagination poétique et, par celle-ci, l'ima-
gination populaire. Ses antécédents sont très-divers. En 1845, par
exemple, un livre que l'on attribua à Lamartine ' et qui était dû
à un des plus célèbres professeurs de la Faculté de médecine de
Montpellier, le docteur Lallemand, pronostiquait l'établissement
d'une grande confédération où l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la
France et la Belgique, auraient pris place, avec Marseille comme
siège du congrès ibergallitale des néo-latins. En 1874, le cinquième
centenaire de Pétrarque appelait à Avignon, autour de la mémoire
du poète qui contribua tant à la renaissance des lettres grec-
ques et latines, les quatre poésies française, provençale, italienne
et catalane. Et cette dernière particularité ressortit tellement,
que M. de Quintana put, sans surprendre personne, faire appel
à l'union des trois nations qui participaient à la fête, et affirmer,
dans un langage empreint d'un énergique lyrisme, que, « si les
vents froid du Nord revenaient glacer le foyer d'une nation méri-
dionale et dessécber l'herbe qui croît sur les tombes de ses aïeux,
ils reculeraient effrayés devant l'éclat de la race romane réunie.»
Un an après, le 12 septembre 1875,uneinscription en langue d'oc,
placée par l'archevêque d'Aix dans l'église de Forcalquier, appe-
lait en ces termes la protection de la Vierge, non pas seulement sur
la Provence, mais sur la race latine tout entière :
trelds paradjsen de la graci d1vino,
La Phouvènço t'aubouro, o Maire, aqdest palai ;
Dessus nouesto Prodvènço e la raço latino
Largues ta graci longo-mai !
Et cette manifestation, à laquelle la présence de Roumanille, de
Mistral et d'Aubanel, ajoutait une signification particulière, devait
se continuer le lendemain parla représentation- du drame des
Mouro. A la peinture de la Provence secouant le joug des Sarra-
sins, l'auteur, J.-B. Gaut, avait mêlé des épisodes et des détails
inspirés de ce que j'ai nommé plus haut l'idée latine. Ludwig de
France, Sanche d'Aragon, les principaux barons des deux côtés
des Alpes et des Pyrénées, suivis de leurs vassaux, contribuaient
à la défaite des Maures. Dans la dernière scène, après le triomphe,
on les voyait tirer leurs épées et former entre eux une ligue indis-
1 Le Hachych. Lallemand l'avait signé d'un pseudonyme grec qui était
l'exacte traduction de son nom.
lin
BIBLIOGRAPHIE
soluble. Ils juraient que cette ligue serait durable et que le monde
l'entendrait.
Cuinnuo :
Vuei la Prouvènço emé la Franco
Paehon uno eterno alianço.
Sancho d'Aragoun. ièu te dieu
Que li aura plu? do Pireneu ,
Sèmpre. Jaufret de Ventimiho,
Nouosto Prouvènço e l'Italie»
Saran souerre. Pople latin,
Luse à peno voueste matin.
Mai me senti meravihado.
Prevesènt vouesto escandihado.
Sancho :
Lijdwig :
J\riFRF.T :
fiuiHEN :
Foi.COACRE
Pèr la Vièrgi n'en fau proumesso,
Viéuren, mourren en s'embrassant.
Au noum dôu Crist, au noum dei Sant.
Toujour. por apara ta tèsto,
Prouvènço, aurai l'espaso lèsto.
Pnple latin, tôutei juren
Que de longo s'ajudaren.
'Mé lei vouestro crousant ma lamo.
Jùri pèr Dieu o Nouesto-Damo
Que nouesto pacho se tendra.
E que lou mounde l'entendra.
(Tiron tnutei leis espaso e lei crouson.^
Vitôri, nous a ri ta facho !
Mouro dôu Miejour o dôu Nord,
Lei fraire latin en fa pacho
Pèr reslanca vouéstei desbord.
Car an tôutei mémo cresènço
Mémo brès. freirous parauli.
Franco, Espagne Itàli. Prouvènço.
Ensèn poudren jamai mouri !
Il est rare qu'avant d'éclater entièrement, avant de prendre con-
science d'elle-même dans la pensée des hommes, une idée ne se soit
pas longtemps agitée parmi eux, n'ait pas préoccupé confusément
leur esprit. Cette conception si grande d'une trêve de Dieu, non
plus partielle, mais complète, entre les fils d'une même race, cette
alliance à toujours de nations qui, en maintenant leur indépen-
dance intérieure, se rendent communs les périls et les luttes exté-
rieuros do oliacune d'elles, n'est pas au fond une idée nouvelle
dans l'Europe méridionale. Non pas qu'elle y ait été formulée de
cetto manière, mais parce qu'elle y a existé tantôt à l'état de germe
BIBLIOGRAPHIE 117
obscur el mal défini, tantôt à l'état de conception de conquérant,
un moment réalisée parla force : l'empire à moitié franc, à moitié
latin de Charlemagne, celui de Charles-Quint, la suprématie exer-
cée par Louis XIV, lorsque l'Espagne et les Indes entrèrent dans
le domaine desBourbons; le fameux pacte de famille au XVIIIe siè-
cle ; et à l'origine, mais dans un lointain et sous une forme trop
violente pour qu'elle soit aujourd'hui sensible à l'imagination des
masses, la domination de Rome enserrant sous les mêmes mains
les populations gauloises de l'Espagne, des Gaules, de l'Italie, de
l'Helvétie, des rives de l'Adriatique, de la Dacie et de l'Asie1: tels
sont les principaux anneaux politiques d'une idée qui tend à jouer
un rôle prépondérant dans les deux renaissances catalane et pro-
vençale.
Traduitedans le langage de la poésie, elle ne pouvait prendre que
la forme idéale et philosophique, ou bien la forme épisodique, qui
résume et concentre sur un' fait, sur un homme, que celui-ci s'ap-
pelle Arthur, Roland ou le Cid, les aspirations d'un peuple ou d'une
race déterminée. Dans la Marche d'Arthur, le héros celtique, le mi-
racle de l'épée, le chef des batailles de laCornouailles, l'être mysté-
rieux dont la face rayonne quand la mêlée commence, quand tout
s'agite autour de lui, Arthur, dis-je, est représenté menant au com-
bat une armée qui chemine déployée sur le sommet des montagnes,
et, aussitôt qu'on l'entend approcher, aussitôt qu'on la voit.de toutes
parts, le cri de guerre s'élève avec joie, réclamant cœur pour œil,
tète pour bras et mort pour blessures, jusqu'à ce que les vallées
disparaissent sous le sang, j usqu'à ce que les braves tombent per-
cés dans le combat 2.
C'est encore dans le chant danois d'Ewald, le roi Chrétien IV, de
la dynastie des Oldenbouig, qui. debout pies du mât élevé, au mi-
lieu de la fumée et du tourbillon, frappe avec tant de force qu'il
brise le crâne et le casque du Goth. «Fuyons, s'écrie-t-il, fuyons tant
1 Souvenirs auxquels M. Bourrelly fait vraisemblablement allusion dans
ces vers :
Se lei raço latino, an tan, èion uuido,
Fau que, lei rejougnent, li dounen ruai de vido;
La forço es dins l'unien. e li a ni mar. ni niount
Que pouscon aplanta l'idéio, quand se founde
Dins la testo dci pople, e va de mounde en rnounde
Deseinpièi lou treius en jusque lou trcmount.
[Poesia provenzal con motivo del Certamen de 1876).
- La "Villemarqué, Barzaz Breiz, 6e édition, 1807, p. 49.
118 BIBLIOGRAPHIE
que nous pourrons fuir. Qui pourrait résister à Chrétien de Dane-
mark dans le combat? »
Mais Niels Juel ' voit aussi le tumulte de la bataille, et lui encore
déploie le pavillon rouge, et, comme Chrétien IV, il frappe à coups
redoublés sur les ennemis: «Fuyons, s'écrient-ils de nouveau,
cherchons un refuge où nous cacher. Qui pourrait résister à Juel de
Danemark dans le combat 2 ?
Et, dans le chant breton, après le récit de la marche d'Arthur sur
les montagnes de la Cornouailles, après la narration de l'enthou-
siasme qu'elle excite, les fidèles du roi entonnent ces deux stro-
phes, qui sont en opposition directe avec la dure loi du talion, énon-
cée bien haut un moment auparavant :
« Si nous tombons percés dans le combat, nous nous baptiserons avec
noire sang et nous mourons le cœur joyeux.
» Si nous mourons comme doivent mourir des chrétiens et des Bretons,
jamais nous ne mourrons trop tôt ! »
Dans le chant d'Ewald,au contraire, la conclusion, moins direc-
tement amenée, est empreinte de la mélancolie nuageuse com-
mune à certains poètes delà fin du siècle dernier:
« Toi qui mènes à la gloire et à la puissance, route de Danemark, mer
lourde et sombre, reçois ton ami qui marche sans crainte, qui méprise le
péril, qui est fier comme toi dans le bruit de l'orage; mer lourde et sombre.
A travers le tumulte des vents, la bataille et la victoire, conduis-moi à
mon tombeau! »
Mais si cette forme est éminemment vivante et animée; si elle a
l'avantage d'entrer sans le moindre efiort dans l'esprit, elle présente,
en revanche, lorsqu'il ne s'agit plus d'un peuple particulier, mais
d'une race tout entière, de grandes difficultés au poète. On com-
prend combien il est rare de rencontrer un fait historique qui inté-
resse également cinq ou six nations. Il faut donc chercher, dans l'his-
toire de l'une d'elles, un fait susceptible d'être accepté par toutes
les autres, qui représente fidèlement leurs aspirations communes,
qui permette enfin de faire jaillir des entrailles du sujet cette
conclusion, ce cri d'enthousiasme que la présence d'Arthur provoque
parmi les Bretons, lorsque le désir de la guerre et des combats
1 Amiral danois qui remporta plusieurs victoires navales.
•-' Chants populaires du Nord, p. 249, traduits par X. Marmier; Pari?,
1842, in-12. Je ne cite que ces deux chants, l'un populaire, l'autre d'ori-
gine savante, aûn de ne pas multiplier mes exemples, et je négligf
forcément la question, étrangère à mon sujet, des retouches subies par les
Barzaz Breis
BIBLIOGRAPHIE 119
les a réunis. L'époque moderne, avec les divisions et les rancu-
nes qu'elle soulève, ne pouvant guère convenir, le poète est pres-
que toujours rejeté vers la période à demi barbare, à demi héroï-
que du christianisme, entre les agitations qui suivent l'écroulement
de l'empire romain et la prise de Constantinople par Mahomet II.
Telle est la pensée, à la fois savante et populaire, spontanée et
réfléchie, qui semble avoir enlantée les Mouro de M. Gaut, mais
que les auteurs des poésies qui nous restent à examiner n'ont
guère soupçonnée. Le côté direct de leur sujet, le côté patriotique,
si l'on pouvait se servir de cette expression, et souvent môme le côté
purement actuel, les eu a écartés. L'Evangile annonce que les
apôtres sont le sel de la terre. Développant cette parole, M. Piscueta
dit aux nations latines, dans une ode espagnole qui, lors des fêtes
du sixième centenaire de Jacme 1er, lui mérita le prix donné à cette
occasion parla, ville de Montpellier i .
« Vous êtes la source d'harmonie qui inonde la race humaine. Vous êtes
la fleur du désert qui embellit la désolante solitude; l'oiseau qui, de son
chant harmonieux et doux, fait connaître à la nuit que le jour approche.
Vous êtes le prophète saint des grandes idées qui élèvent au-dessus de la
terre l'esprit de l'homme et qui l'inclinent à rechercher le ciel 2.»
Et toute la pièce, du reste fort remarquable, de M. Piscueta, est
comme le cri d'orgueil de la race'romane opposant aux autres races
ses grands hommes, ses lois, ses découvertes, sa mission civilisa-
trice, rappelant que l'un de ses bis pénétrait le secret des mouve-
1 Les fêtes du centenaire de Jacme ont été le motif de manifestations
où les idées latines ont joué un rôle très-considérable. La principale fut
l'envoi d'une adresse aux chrétiens d'Orient. On était alors au plus fort
de l'indignation qu'avaient soulevée e ï Europe les massacres de la Bul-
garie et de la Bosnie. M. de Quintana, qui en eut la généreuse pensée, lut
aus^i à Valence et à Barcelone un chant entièrement inspiré de l'idée
latine. Au jugement de ceux qui l'ont entendue, cette pièce est une des
œuvres les mieux réussies de la poésie catalane :
'-' Cua.1 es del universo
El espiritn Bios, de donde mana
El raudal de armonias que lo inunda,
Lo sois vosotras de la raza humana.
Sois la flor del desierto que embellece
La abrumadora soledad; el ave
Por cuyo dulce y armonioso canto
Que se aproxinia et sol la noehe sabe.
Sois el profeta santo
De las grandes ideas que del suelo
Elevan el espiritn del honibre
Un punto mas pava acercarle al cielo .
120 BIBLIOGRAPHIE
ments du ciel, tandis qu'un autre « retrouvait un monde caché
sous les ondes »; énumérant avec complaisance les termes de l'éter-
nelle épopée, « dont le chant prit naissance à Carthage et retentit
dans la Lybie; que l'Asie écouta prosternée au pied des autels,
l'Amérique dans les bois»; qui résonna plus tarda Lépante et, trois
siècles après, en Egypte, laquelle, au milieu « des tombes de la
mort», vit enfin luire « un signe de gloire et de liberté. »
Le môme sentiment caractérise encore la belle pièce de M. He-
ventos et lui inspire ce cri magnifique, renouvelé du livre AeJosué, du
Carmen sccculare d'Horace et d'une légende moitié celtique, moitié
chrétienne, sur la mort de Saint Patrice, l'apôtre de l'Irlande :
Para ta via
Oh Sol, y engendra un dia
Que sia etern per llumenar ma giôria !
(Prépare la voie, — ô soleil, et engendre un jour — qui soit éter-
nel pour éclairer magloire! )
La poésie de .M .Marins Bourrelly, dédiée à l'Association littéraire
de Girone en 1875, présente, sous des idées plus foncièrement féJi-
briques, une conclusion de même nature. Les souvenirs histo-
riques, les traditions du passé, manquent à ses strophes, inspirées
surtout de l'ancienne union de la Provence et de la Catalogne. C'est
parce que le même soleil, qui fait éclore la fleur symbolique des
pervenches. mûrit auosi le raisin sur les coteaux d'Oporto et grandit
les arbres à fruits d'or, le citron, l'orange et la grenade, des deux
côtés des Alpes et des Pyrénées ; c'est parce que ces deux grandes
barrières ont été percées par la main de l'homme, et que la même
mer ouvre ses bras « aux trois sœurs romanes»; c'est presque par
des raisons économiques, que le poète chante la fédération future
de l'Europe méridionale, et, faisant appel au mot de Charles Quint,
annonce à la fin de ses vers le futur « Empire du soleil ' » :
Deis Aup ei Pirenèu, se nouésteis encountrado
Per aquôleis emparro èron desseparado,
Avèn trauca leis Aup emai lei Pirenèu
Quand auren raproucha Jei 1res souerre roumano,
Coumo lou Gapoulié nous v'escriêu de Muiuiio,
Auren l'Empèri dôu souléu.
1 Comme celle de M. Reventos, la conclusion de M. Bourrelly, l'invo-
cation de M. Gras au premier chant des Carbounié, la Cansoun dàu soulèu
de Mistral, et bien d'autres exemples qu'il serait inutile de mentionner ici,
accusent, dans le midi de la France et en Catalogne, une préférence évi-
dente à l'égard des métaphores et des formules qu'un mythologue qua-
ilierait de solaires. Tout cela se rattache par bien des cotés aux idées
d'union latine.
BIBLIOGRAPHIE 121
Qu'arrivera- t-il de .cette idée, dont il est permis de douter, mais
dont personne ne contestera l'élévation véritable? Une confédéra-
tion embrassant sous le même Jien fédératif les nations et les colo-
nies latines de l'Europe, de POcéanie et des deux Amériques, doit-
elle entrer dans l'ordre des prévisions historiquesde notre temps?
Nous n'avons pas à l'examiner dans la Revue des langues romanes.
En toute autre occurrence, la conclusion d'un esprit très-perspicace
et très-distingué nous inclinerait à répondre par l'affirmative : « Les
faits de ce genre, disait M. Gaston Paris, à propos du prix que ve-
nait de fonder en 1875 M. de Quintana, ont plus d'importance qu'on
n'est communément porté à le croire. Les politiques au jour le jour
peuvent en sourire, les hommes qui mènent le monde ne les dédai-
gnent pas. Combien on en trouverait de semblables, ignorés, mé-
connus ou compris par quelques-uns seulement, à l'origine des
plus grands événements de l'histoire contemporaine1! »
Alph. Roque-Ferrier.
Seriaoun prouvençau prounounça dins la glèiso catedralo de Four-
cauquié, lou 12 setémbre 1875. pèr M. l'abat Pau Terris. Fourcau-
quié, Masson, 1876; in-8\ 26 pages-.
Le mouvement provençal ne se borne pas à des études théoriques
ou archéologiques sur la langue populaire: il veut ressusciter l'usage
des idiomes qui se perdent, même chez les habitants des campa-
gnes, et il aspire à réussir par des efforts émanés plutôt de ce
qu'on a appelé les classes dirigeantes que des classes dirigées."
On ne pourrait, sans témérité, affirmer d'avance que ces efforts
resteront stériles. Après une renaissance poétique qui marquera,
dans l'histoire littéraire du XIXe siècle, voici venir de sérieux essais
en prose. La Société des Langues romanes, qui. en 1875, a été la pre-
mière à donner des prix à des travaux semblables, ne peut qu'en-
courager ces tendances.
En même temps, et plus peut-être que l'almanach et le journal,
l'éloquence de la chaire est un des plus puissants moyens de diffu-
sion du langage qui existent Mais combien trouve-t-on encore de
ministres de la religion qui parlent au peuple en son idiome? Les
habitants de certains villages regarderaient souvent de mauvais œil
1 Journal des Débats, n° du 13 avril 1875.
- Ce sermon a été réimprimé dans lou libre de Nouesto-Damo de Prou-
vènço; Fourcauquié, Masson, 1876, in-8°.
9
122 BIBLIOGRAPHIE
le desservant qui leur prêcherait en « patois », et se refuseraient
peut-être à laisser établir une habitude à laquelle ils attribuent,
bien àtort, un caractère d'infériorité sociale.
Le Sermoun prouvençau prononcé à Forcalquier, le 12 septembre
1875, par M. l'abbé Paul Terris, lors des fêtes religieuses et litté-
raires qui accompagnèrent l'inauguration de la chapelle de Notre-
Dame-de-Provence, réalise une tentative heureuse en sens con-
traire.
Le nombre des sermons sur la Vierge étant intini, il semblait
diflicile d'en composer un sur un plan nouveau. Aussi doit-on fé-
liciter M. l'abbé Terris d'avoir choisi une division si naturelle que
tous ses lecteurs peuvent croire qu'ils l'auraient eux-mêmes trouvée,
alors qu'il en est personnellement l'auteur. C'est là de l'art véri-
table.
Dans son premier point, pour nous servir du terme en usage,
M. l'abbé Terris examine ce que la Vierge a fait pour la Provence.
Ce thème place sur ses lèvres l'arrivée des Saintes Maries et des
premiers disciples du Christ sur les rives méridionales de la Gaule.
L'invasion des Barbares du Nord lui fournit l'occasion de rappeler
que, grâce aux travaux et aux prédications des évèques et des doc-
teurs provençaux, de Césaire notamment, de Vincent et de Salvien,
tous trois enfants du monastère de Lerins, l'arianisme. ce creslia-
nisme demeni de mita, comme il l'appelle, ne put s'implanter en
Provence. Enfin, par un vrai tour de force dans un discours pro-
noncé devant les felibres successeurs des troubadours, ne reculant
pas devant une situation des plus délicates, il n'a pas craint de
remonter à la guerre des Albigeois et de faire l'éloge du vainqueur
de la bataille de Muret, livrée, singulière coïncidence, le 12 sep-
tembre 1213, six cent soixante-deux ans, jour pour jour, avant le
Sermoun prouvençau de Forcalquier.
« Sian vuèi au douge de setèmbre : dato memourablo ! L'a vuèi, siei-
cent-seissanto-dous an, sus lei ribo de la Gaiouno, douas armado èron
en presèneo. D'un coustat, lou rèi d'Aragoun Pèire, Pèire lou grand, se
voulus, ilustreome de guerro, qu'en escrachant lei Mouro venié de se
curbi de glôri, urous s'aguesse toujour mes sa valènto espaso au servici
de la justici e de la venta; de l'autre un ome qu'avié atamben un couer
de lioun e un bras de ferri, e de mai la fe d'un grand crestian. Pèire
d'Aragoun, à soun coustat, vesié balaia belèu proche cent milo ome1,
Simoun de Mount-fort n'uvié qu'uno pougnado. vue cent E, ço que
bessai s'èro plus vistdempuei lou tèms dei Maccabéu, lei vue cent aguèron
4 Ce nombre pourrait, croyons- nous, soulever de sérieuses objec-
tions
BIBLIOGRAPHIE 123
resoun dei cent milo. e lou Miejour de la Franco siguè deliéura de la
dôutrino dei nouvèu seitatour de Manès.»
» E vous cresigues pas, M. F., qu'aquello grando querello que faguè,
ailas! escampa tant de sang e amoulounè tant de rouino, fuguesse soula-
meni uno chicano d'escoulan, La dôutrino dei nouvèu Maniqueian, dôu-
trino, tant sutilo qu'un moumtn, à siècle passa, avié sedu lou grand Sant
Agustin éu-meme, anavo pas soulamen à rencontre de quâuquei rode
dôu catechime, coume d'uni, se l'eimaginon, mai enjusqu'ei foundamento
treboulavo la famiho e la souc»?ta civilo en coundanant lou sant mariàgi,
en desplaçant la respounsahilita mouralo de l'ome, e en fasent d'un
Dieu même l'autour dôu pecat.
» 0 feiibre de Prouvenço, meis ami e mei fraire, vous qu'avès atuva
lou fue de voueste engèni à l'amour dôu s6u patriau e de la religien de
vouéstei reire, n'i'a que vou? dison qu'es lou Papo, qu'es la Glèiso au
siècle tregen qu'amoussèron d.nsderiéu de sang nouesto literaturo na-
ciounalo. La literaturo, mai quand respond à sa missien, quand enauro
l'amo de vers l'amour de l'et3rno bèuta, que l'amo mai que la Glèiso,
elo que dôu tems de la grand negadisso deis envasien barbaro, la gardé à
l'oumbrino de sei mounestié, la rescaufè dintre sei bras e la sauvé per de
tems puserous, elo qu'à l'ouro d'aro, es la proumiero per la bouco auto-
risado de seis ilustre Evesq îe, à benesi vouéstei courouno e à saluda
l'aubo de vouesto resurreicieu? Noun n'es pas la Glèiso qu'a amoussa
nouesto literaturo. Ailas! au siècle tregen s'amoussavo proun touto sou-
lelo; avié adejà que trop perdu la boueno draio per se n'en teni qu'au
culte de la car; n'avié quasi plus qu'à bada-mouri d'inanicien e fauto
d' idèio, car leis idèio, ve, leis idèio, aco's l'ôli qu'afourtis e manten uno
iengo. Uno lengo que sert à vesti de fiereis idèio, s'esvalis pas coume
uno fremeto souto lou sabre d'un soudard.»
La victoire de Muret et le succès définitif de la cause française
portèrent, cependant, un grand coup à la littérature des trouba-
dours. La langue d'oc et la langue d'oil avaient jusque-là divisé la
France en deux régions à peu près égales. A partir de cette date,
la seconde supplanta peu à peu la première, en y introduisant des
altérations nombreuses. Quant aux conséquences politiques de la
guerre des Albigeois, on est forcé de reconnaître qu'elles furent,
après tout , salutaires pour la France , puisqu'elles maintinrent
l'unité nationale, menacée, dès son berceau, par la formation pos-
sible d'un grand duché d'Aquitaine ou même d'un nouveau royaume
de Théodoric. Innocent III et saint Dominique, qui avaient pour
objectif une autre unité, n'avaient probablement pas prévu le ré-
sultat final dont la France profita.
Après avoir consacré son premier point à indiquer ce que la
Vierge a fait pour ïa Provence, M. Terris emploie le second à
exposer ce que la Provence lui a rendu, et, à ce propos, il énu-
124 BIBLIOGRAPHIE
mère la longue, liste des saints et des hommes illustres que cette
province a donnés à la Franco. Il voit enûn dans le nouveau
sanctuaire l'acte authentique, la monument sacré qui conserve-
ront dans la postérité le souvenir de ces précieux échanges. Le
développement de cette idée forme le troisième et dernier point
de son sermon.
La citation reproduite est suffisante pour donner une idée du
dialecte dans lequel M. Terris a écrit. Ce n'est pas le doux lan-
gage des bords du Rhône, que Mistral a immortalisé; c'est le dia-
lecte de la région montagneuse de la Provence, celui qui se parle
cuire Marseille, Aix. Salon, Apt, Digne, Nice' et Toulon *. Il nous
paraît i\\] peu dur au premier abord. Les formes oue au lieu de o
couer pour cor), ien au lieu de ioun (inanicien pour inanicioun),
semblent sortir avec peine des lèvres. Mais c'est affaire d'habi-
tude. Il n'est pas de langue qui ne Unisse par être agréable quand
elle est bien maniée et qu'elle est mise au service d'une idée aussi
élevée que l'union, dans une môme solennité, de l'amour de la reli-
gion et de celui de la patrie.
A. Espagne.
La Poésie provençale hors de la Provence. - A Mounsegne Dubreil,
archevesque d'Avignoun, eme un tablèu pinta de la Vierge dicho
« Jardiniero » ( d'après Rafaëu ). en souveni don bautisme benastra
de moun enfantoun Napoleon-Estelio; [pèr G--C. Bonaparte- Wyse].
Plymouth, printed by I. W. N. Keys and Son [1876]. ln-4o, 6 pages.
L'idiome que consacrèrent les troubadours eut, au XIe et au XIIe
siècles, la singulière fortune de devenir la langue littéraire du
Midi. Adopté dans toutes les cours de la féodalité languedocienne
ci provençale, à Toulouse, à Montpellier, à Garcassonne, à Aix,
bienvenu des princes aussi bien que du peuple, son extension ne
fui pas limitée aux provinces méridionales de la France; la haute
Italie, l'Aragon, la Catalogne, eurent leurs troubadours, et, près
de Giraud Riquier, de Peyrol d'Auvergne, de Rambaut de Va-
il ;eiras, les biographes placent Boniface Calvo, de Gènes; Serveri,
de Girone, et Ferrari, deFerrare; Sorde.l fut originaire du Man-
toiiin et Barthélémy Ziorgi, de Venise ; Alighieri lui-même, au
vingt-sixième chant du Purgatoire, place dans la bouche d'Arnaut
1 Circonscription linguistique donnée par l'Armana prouvençau de
1856.
BIBLIOGRAPHIE 125
Daniel huit vers écrits dans la langue naturelle du troubadour
limousin. Le « cantar provensalés », que l'empereur Frédéric Ier
mettait au-dessus de tout autre, était bien alors la poésie préférée
des cours de l'Europe, et nulle faveur n'était égale à la sienne.
Un des principaux caractères de la littérature des félibres sera
celui d'avoir fait revivre quelque chose de cette universalité de la
littérature des troubadours. Le haut et le bas Languedoc, les
Gévennes, la "Catalogne et enfin l'Irlande, ont, en effet, comme
autrefois l'Aragon et l'Italie pour le limousin, donné des poètes
à l'idiome d'Avignon. Nous avons vu M.Gabriel Azaïs composer,
à Béziers, des œvres provençales qui ne le cèdent ni en mérite,
ni en correction linguistique, à la partie languedocienne de ses Ves-
prados de Clairac *. On doit à M. Charvet, d'Alais, A-n-uno estello*,
Sursum corda3, lou Pont dôu Gard*, etc.: à M. Clair Gleizes, d'Azil-
lanet, li Mulatié de la mountagno Negro^, Menerbo6 et YOuliéu,
donné en 1874 au Musée d Arles7; M. Paul Barbe écrivait lou Conse
de la mar*, et, à leur exemple, MM. Justin Herrisson 9, de Bé-
ziers; Antonin Glaize, de Montpellier10, Paul Gaussen, d'Alais u,
publiaient à la fois et des vers languedociens et des vers proven-
çaux ; le poète catalan Victor Balaguer, amené en Provence, il
y a dix ans, par le contre-coup des agitations de son pays, es-
sayait de faire prévaloir parmi nous les assonances catalanes : la
mort de Beziès, la Bataio de Muret, Au bord dôu Rose, furent les
fruits de cette tentative, malheureusement restée jusqu'ici à l'état
d'exception unique 12. On entendait M. de Quintana adresser, en
1868, aux félibres réunis à Saint-Rémy , le sonnet suivant, qui a
tout l'élan de pensée du Dies irœ de Montgri et de la Cansô del
comte d'Urgetl :
I Elles ont été publiées à la fin des Vesprados de Clairac. Avignon,
Roumanille, 1874. in— 16.
-, 3, i Voyez les Armana prouvençau de 1865. 1868 et 1869.
s Armana prouvençau, 1870, pag. 95.
« Ibid. ,1871, pag. 61. — 7 Le Musée, 1873-1874, pag. 275.
*lbid., 1876, pag. 43.
9 Ounte vas, fiheto, dans Y Armana prouvençau de 1864, pag. 43.
111 Moun jardin, dans YArm.de 1875; Margarido, dans celui de 1876.
Celui de 1877 contient encore de lui une pièce charmante, adressée à
M. Achille Mir.
II Les poésies provençales de M. Gaussen se trouvent, dans le Domi-
nique, de Nimes ; celles en languedocien, dans l'Armagna cevenàu.
12 En même temps que la Morto vivento, ces trois pièces ont été pu-
bliées par Y Armana prouvençau de 1868. La collection dos poésies com-
plètes de l'auteur en renferme un plus grand nombre.
126 . BIBLIOGRAPHIE
Prouvènço ! retournai! i terre peirenalo
E l'adieu de ti violo espiro dins mi bras...
À reveire! Espandisse, aro; ti flour coumtalo
I poutoun dôu soulèu, au bonur de la pas.
Fau segre lou destin, o nacioun prouvençalo
Vers lou libre aveni lando que landaras!
De toun engèni pur t'enaurant sus lis alo,
Tu lou cor, la vertu, l'amo retrouvaras.
Alor, dins lou cèu blu, lou mounde pourra vèire,
Reprenènt sa voulado e sa glôri e si crèire,
Prouvènço e Gatalougno unido per l'amour.
Amo de moun pais, amo de nôsti reire,
Qu'as aussa dins li siècle uno talo grandour.
Dardaio dins lou pople, i cant dôu troubadour.
C'est, enfin, àun fils de l'Irlande, passionnément épris de l'idiome
d'Avignon, que l'on doit les Parpaioun blu, lou Canlico de santo
Estello, la Cabeladuro d'or, œuvres dont le mérite littéraire est dou-
blé par une science consommée du rhythme poétique et une con-
naissance delà langue d'Oc bien rare hors du pays où elle est parlée.
Ces qualités, nous les retrouvons au même degré dans quelques
strophes composées par le noble félibre à l'occasion du baptême
de son fils, et envoyées à Mgr. Dubreuil, arebevèque d'Avignon.
Elles accompagnaient une reproduction de !a Belle Jardinière de
Raphaël.
O m este 'n Gai-Sabê, Mounsegne d'Avignoun,
Me dindon dins l'auriho à travès mar e mount,
Coume subre n clar lise uno lindo armounio.
De moun car Avignoun
Lis antique trignoun :
E bêle jour e niue, di plan de ma patrlo,
Sus ta glèiso di Dom, l'aut image qu'esbriho,
De la Vierge Mario '.....
Te mande sens façoun este tablèu pin ta, -
Pounlife amistadous, o Pouèto mitra ! —
De Ja Grando Patrouno, en bono souvenènço
De l'enfantoun^t na
( Qu'as tant bon bautisa )
Au dous mes de Mario, entre Rose e Durènço !
On sent à l'harmonie des vers, à la coupe de la stropbe et à la
1 Armana prouvençau, 1869, p. 91.
1 Mgr Dubreuil est maître es jeux floraux.
BIBLIOGRAPHIE 127
disposition de ses rimes, que l'esprit de l'auteur s'est reporté sou-
vent vers ces règles du gai savoir que les grammaires romanes
appelaient jadis les Lois d amour. Mais le noble félibre ne s'est pas
borné à en étudier les savantes et parfois bizarres prescriptions; il
les a revivifiées par d'heureux emprunts, des combinaisons nou-
velles et cependant déjà consacrées. Aussi est-il juste de dire que
personne n'a plus contribué que lui à étendre et à justifier le paral-
lélisme poétique qui existe entre la littérature des félibres et celle
des anciens troubadours.
Alph. ROQUE-FETtlUER.
Quatre Almanachs en langue d'oc en 1877. — Armana proovènçau pèr
lou bel an de Dieu 1877, adouba e publica de la man di felibre; en Avi-
gnoun, Roumanille, in- 12. 112 pages1, — Galendari catala del any 1877,
col-leccional per F. Pelay Briz; Barcelona, estampa delà Renaixensa,
in-12, 148 pages. — Armana de Lengadô (ancian Armagna cevenôu) pèr
lou bel an de Dieu 1877; en Aies, Brugueirolle, in-12, 96 pages. — La
Lauseto, Armanac dal patrioto lengodoucian, mitât francés, mitât
lengo d'oc, pèr l'an 1877; Toulouso, Charles Brun, in-12, 200 pages.
h'Armana prouvençau compte aujourd'hui vingt-trois années
d'existence. Grâce à M. Roumanille, il a depuis longtemps con-
quis en Provence, et surtout dans le Comtat, quelque chose de ce
beau rôle de livre du foyer, gardé jadis avec un soin si pieux, que le
père lisait à ses enfants pendant les journées' d'hiver et de neige,
1 M. Roumanille a fait de Y Armana prouvençau, vers le milieu du mois
de décembre 1876, un deuxième tirage qui difïère sensiblement du pre-
mier. Voici le texte des pièces ajoutées :
P. 39. lou Porto-visto ( lou Cascarelet ).
— 40. De profundis, poésie provençale (Paul Gaussen).
— 45. Cantico de santo Estello ( Bonaparte- Wyse), réimpression du
cantique imprimé avec la musique. Avignon, Prévôt [18761,
in-4°, 4 pages.
— 47. Brinde à la Jouvenço nîmausenco , poésie languedocienne
(A. Arnavielle).
— 60. h'Armana prouvençau, sonnet en provençal d'Aix (Fr. Vidal).
— 70. La Cansoun dôa mes de mai, gracieux dire rhythmé qui existe
à Montpellier sous la forme suivante :
Au bos de l'Alzouna, i'a un plan ; — sus aquel pian i'a très au-
bres ;— sus lou pus naut, i'a 'na branca ;— sus la branca, i'a
cent fiolhas; entre las fiolhas, très flous ;— entre las flous^ un
nis; — dins lou nis, i'a 'n iôu; — dins l'iôu, un aucelou.
Quand la tremountana bufa, l'aucelou canta edis:
Soui dins l'iôu,— l'iôu, dins lou nis, — lou nis, dins las flous,—
1?« BIBLIOGRAPHIE
et dans les pages duquel il puisait cette sorte d'histoire à demi tra-
ditionnelle, à demi légendaire, que Mistral a résumée de main de
maître au début du quatrième chant de Calendau. La publication
de M. Houmanille a donc un droit chronologique qui lui permet de
figurer en tète de cette étude ; indépendamment de ses titres litté-
raires, elle a aussi sur les autres almanaclis en langue d'or, l'avan-
tage de renfermer un-contingent plus considérable de contes, de
proverbes et d'indications de poésie populaire d'un intérêt in-
contesté.
Trois notes sont à signaler dans la partie philologique de VAr-
mann prouvençau : li Noum di nivo, Dounacioun de cors et li Mot en
aire e en adou.
En langue d'oc — et c'est là ce qui constitue sa principale ri-
chesse vis-à-vis du français littéraire — presque tous les accidents
du sol, tous les phénomènes extérieurs, ont un nom particulier,
emprunté la plupart du temps à la forme et à la disposition des
objets qu'il a pour mission de représenter. Lorsque, par exemple,
les nuages ferment tout à fait l'horizon, on les désigne sous le nom
de barris (remparts ), et ceux plus petits qui Pottent au-dessus,
sous celui de tourrello .tourelles) : lorsqu'ils se présentent avec un
certain nombre de tourelles et de remparts réguliers, on les ap-
pelle castèus ou châteaux ; si, enfin, l'arc-en-ciel vient à apparaître
las tlous, ilins las fiolhas , — las fiolhas, sus la branca, - la
branca, sus l'aubre, — l'aubre, sus iou plan, — lou plan dau
bos de l'Alzouna * .
— 71. La Mort de Saboly, sonnet provençal (M. Frizet) .
— 72. Aiyo e soulèu, poésie niçarde César Sarato).
— 77. Lou Comte Ugoulin, fragment de la Divine Comédie, traduit en
vers par V. Lieulaud.
La deuxième édition ayant le même nombre de pages que la première,
ces additions y ont été intercalées au moyen de divers retranchements
parmi lesquels : p. 33, li Paraulo de .1 Houmanille i fèsto de J. Reboul;
48, lou Pichot parpaioun, poésie provençale de feu Ch. Dupuy, de Car-
p entras; 47, Dounacioun de cors ; 67, Dos Carto de visito (l'abbé Cour-
tois et Fréd. Mistral ) ; 68, lou Renaire, de Gastil- Blaze, poésie empruntée
;ni recueil des œuvres provençales de Castil-Blaze, Dumas, J. Reboul,
Glaup et Poussel : Un'liame de rasin. Avignoun , Houmanille, 1865,
in-12 ; 72, Moun rampau (Louic Bard) ; 77, li Mot en mue e en adou, etc.
I M, Ifnntel en publia pour l;i première fois une version presque semblable, Revue des
langues romanes, l" sorie, t. n. p. :,09.
BIBLIOGRAPHIE 129
au-dessus, il forme lou pont de Saht-Bernàt, l'are de Sanl Martin, ou
l'arc de Sedo, en Provence; Vecla. Varcolan, ou tout simplement Var-
quel*, en Languedoc et en Rouergue1.
La deuxième note renferme la formule des paroles de mariage
de Raymond de Glandèves avec Baptistine de Forbin, en 1468, et
celles de Sanche de Mayorque avec la princesse Marie, fille de
Charles II. Ces formules n'étaient pas particulières à la Provence,
et les rituels des anciens diocèses du midi de la France en con-
tiennent de semblables qu'il serait utile de réunir et d'étudier2.
Li mot en aire e en adou rappellent une règle encore usitée dans
a langue des proverbes et des dictons populaires, mais que les né-
cessités et les caprices de la rime font trop souvent oublier aux
poètes modernes. Elle repose sur cette distinction que les termes
en aire expriment l'action simple, et ceux en adou l'action ordinaire
et accoutumée ; le joue/aire est celui qui joue, et le jougadou celui qui
joue avec passion :
A la porta d'un jougadou,
Tantôs joia, tantes doulou.
Les terminaisons en adou marquent également la faculté de pou-
voir et d'agir eu une chose déterminée, comme aussi le lieu où l'on
1 M Mistral avait déjà donné, dans les notes du premier chant de
Calendau, le glossaire de la '.terminologie géographique en Provence, et,
dans VArmana de 1872, celui des noms vulgaires des étoiles. L'utilité de
pareils travaux n'a pas besoin d'être démontrée, les vocables spéciaux man-
quant presque toujours dans les dictionnaires actuels de la langue d'oc. Je
demanderai la permission de rappeler ici que des vocabulaires particuliers
du labourage, du jardinage et de la culture de la vigne, ont été inscrits
par la Société sur le programme du -Concours de 1878.
- Dans le tome III, p. 130, de son Bulletin, la Société archéologique et
historique du Périgord vient de publier celle du rituel de Périgueux en
1509.
D'après les Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du
monde, de Banier et Lemascrier, 1741, in-fu, II. 144, le Rituel du même
diocèse, en 1536, contient la formule des paroles que le prêtre adresse
aux iiancés après que les fiançailleslsont achevées : « Or, beysas-vous en
nom de maridage que sera, si a Diou platz, et que longament, quand y
serés. y puchias demourar. Amen »; et il donne à boire aux Iiancés en
faveur du futur mariage.
Toutefois M. Fourteau, bibliothécaire de la ville de Périgueux, à qui
j'avais demandé de vouloir bien rechercher ce texte, n'a pu le découvrir
dans aucun des trois rituels qui sont à la Bibliothèque de cette ville (lettre
du 10 mars 1877).
130 BIBLIOGRAPHIE
fait cette chose ; Yaucèu vouladou est l'oiseau qui peut prendre son
vol ; lou fil maridadou , le jeune homme en âge d'être marié ; le lava-
dou, l'endroit où l'on lave. etc.
Lou Vin doit PurgatàH,VAse engaja, houffonnerie à l'adresse des
gens des Martigues ; li Riche e li Paure; la Vaco dôu rli Reinié, doivent
être signalés parmi les anecdotes populaires. Jan-cerco-la-pàu —
avec son vieux château en ruines, sa porte de fer, ses tourelles han-
tées par les chauves-souris, sa vaste cour remplie de statues et de
vases hrisés, de plantes de mauve et de fenouil ; sa cheminée de
laquelle des membres humains tombent toutes les nuits ; avec son
vieux baron condamné à rester enseveli jusqu'à ce qu'un homme
sans crainte vienne le délivrer de l'enfer — est un véritable conte,
très-connu dans le Midi et narré avec beaucoup de verve et d'esprit
par M. Anselme Mathieu. La classification des proverbes météo-
rologiques devrait servir de modèle à tous les collecteurs de dictons
et de formules populaires.
Tel est V Armana de cette année, au point de vue de la science
et des études de poésie rustique. Les pièces composées par MM. F.
Gras, Roumanille, A. Mathieu, Louis Roumieux et Bonaparte-
Wyse, forment sa principale parure littéraire ; mais, en dehors de
ces vers signés de noms consacrés depuis lontemps par le succès,
il en est d'autres fort remarquables, et parmi eux un tableau de
genre du plus grand mérite, la Parlido ei bocho de Charles Poney.
Rien de mieux réussi que la peinture de ce jeu tellement cher aux
Provençaux, qu'il a enfanté parmi eux des clubs spéciaux, aussi
bien et quelquefois « mieux administrés, dit le poète, que le gou-
vernement » :
Lei mascle de la viilo, aquélei d'en bastido,
A la plueio, au mistrau, au frech, à la calour,
Soun pertout aligna pèr la gaio partido,
E mancarien pulèu un rendès-vous d'amour !
Aqui de la Prouvènço estudiarés lei tipe :
Foueço brun, quàuquei rous, de blanc comme un lançôu,
Cadun es abrama, que chique vo que pipe,
E, pèr resta pus libre, an mes la vésto au sou.
N'a de piastra, de gus, de long coumo uno orsiero,
De court coumo un toupin, de maigre, d'entripa
Qu'en si clinant, soun ventre escoubo la pôussiero
E que suson de nflo. — Aquéli tiron pa.
Darrié la bocho, n'a que fan de sau de cabro,
D'àutrei i èston planta rede coumo un piquet.
BIBLIOGRAPHIE 131
N'a que l'uei vous fa pôu, tant la coulèro l'abro !
D'àutrei que toujours rien sènso saupre perqué
Un cerco la planuro, un autre lei restanco ;
Se juego mau, qu saup tôutei lei tron que dis ?
Es jamai lou tiraire, es loubouen Dieu que manco !. . .
E juro à fa trembla lei sant dôu paradis.
Parmi les autres pièces, on peut signaler : la Pesco miraclouso,
conte de Louis Roumieux, à placer sur la même ligne que sa tra-
duction de Jarjaio au Paradis ; la Remembranço dôu Pont dôu
Gard, de Tavan, magnifique opposition de l'œuvre des hommes,
imposante et presque éternelle par sa masse, mais toujours infé-
rieure à l'amour, œuvre de Dieu ; deux beaux sonnets de M. Monné :
lou Ban et li Fiança de Mazières ; la Marrido coumparesov.n de
M. Gabriel Azaïs, et enfin le sonnet de M. Frizet sur la statue
de Puget cachée dans un coin du jardin Borély, à Marseille:
Alor faudra toujour que l'afrount dôu vulgàri
Assaje d'escafa la glôri di gigant,
Que l'artiste divin laisse la plaço au càrri
De la ruso enrichido e dôu vice arrougant !
O Puget ! es pas proun que lis abouticàri
E li marchand darut de ta Marsiho antan
T'agon fa la bramai! o, e coucha foro barri
Per i'avé semoundu toun travai de Titan !
Encaro après sa mort fau que Puget s'escounde !
T'avien mes au mitan de ta vilo ; mai lèu,
T'an di : — Deforo, artisto I e que l'or nous inoundo ! —
Eh bèn ! assolo-te : n'as plus pèr bas-relèu
Di fiho e di fourban lou troupelas inmounde,
Mai visages la mar, lou soulèu e lou mounde !
Deux poésies représentent, dans l' Armana, avec la finale fémi-
nine de Montpellier, le langage de cette ville. La première est inti-
tulée la Lona; la deuxième est une épitaphe composée par M. Adel-
phe Espagne , membre résident de la Société, pour la tombe d'un
médecin, le docteur Favre, mort en 1874, à l'âge de quatre-vingt-
cinq ans :
A passât escur sus aquesta terra,
Ounte das malauts era lou soulàs.
Se lou mounde grand lou councuissien pas,
Dau paure toujour soustetla misera !
132 PERIODIQUES
Ara es près de Dieus, e moun cor espéra
Qu'es mai festejat amount qu'inçabàs.
Heureux ceux qui, on des temps troublés comme les nôtres,
appellent et méritent de telles épitaphes1!
(A suivre.) Alpu. Roque- Fermer.
PERIODIQUES
Romania, 20. — P. 417. C. Nigra, La poesia popolare italiana.
L'auteur divise la poésie populaire en trois classes: la poésie récitée
(devinettes, jeux d'enfants, etc.); la poésie chantée, et celle qui
tient le milieu entre les deux autres (berceuses). Il ne s'occupe que
de la poésie chantée proprement dite et la subdivise en deux sec-
tions, comprenant l'une, les chants narratifs; l'autre, les chants ly-
riques [slrambotti et stornelli). Chemin faisant, il redresse Terreur
de ceux qui confondent, à l'exemple des frères Grimm et de quel-
ques autres savants allemands, les rUornelli et les stornelli. Les
principaux résultats de cette ingénieuse et intéressante étude sont
que la poésie narrative est propre à l'Italie supérieure, la poésie
lyrique à l'Italie inférieure, que. en Espagne comme en Italie, on
doit distinguer, et, dans les deux pays, d'après les mêmes carac-
tères, les idiomes celto-romans des idiomes purement italiens et
purement castillans, les premiers usant plus que les seconds, et
dans une proportion infiniment plus considérable, des désinences
tronquées ou oxytones (ce que nous appelons désinences masculi-
nes ). Cette observation très-importante concorde avec celle de
notre confrère M. de Tourtoulon, qui divise les langues romanes ou
néo-latines en trois grands groupes, selon qu'elles emploient
d'elles-mêmes, et non par voie d'emprunt, la désinence proparoxy-
tone ( sdrucciolo, en italien, esdrujulo, en espagnol), ainsi (jue la
paroxytone et l'oxytone, ou ces deux dernières seules, ou simple-
ment la désinence, oxytone. Au premier groupe appartiennent les
1 On me pardonnera de passer à côté de la pièce Pèr Noslo-Dnmn de
Mount-Serrat, de Mistral, sans la mentionner. J'espère en faire bientôt
l'objet d'une note spéciale.
PERIODIQUES 133
dialectes populaires d'une partie de l'Italie centrale, toute l'Italie
méridionale et la Sicile, et les pays de langue castillane; au se-
cond, intermédiaire géographique et phonétique des deux autres,
mais bien plus considérable qu'eux comme étendue et comme
chiffre de population, appartiennent la France méridionale, le Por-
tugal avec la Galice, Valence avec la Catalogne, la Suisse romande,
toute l'Italie supérieure et la lointaine Roumanie, que je n'hésite-
rais pas à y joindre, malgré ses pseudo-proparoxytons. Le troisième
comprend les pays de langue d'oïl, c'est-à-dire la France centrale et
septentrionale, et la Belgique wallonne. On sait en effet que, dans
ces provinces, pour la prononciation vraie, celle du peuple, toute
dernière syllabe accentuée est oxytone, môme quand elle s'appuie
sur ce que nous appelons e muet; cet e atone final étant absolument
muet, et ne servant qu'à indiquer que la consonne précédente doit
s'articuler. Les tàits constatés par M. C. N. fournissent, en outre,
de nouveaux moyens de contrôle quand il s'agit de reconnaître la
provenance de tel ou tel chant populaire. Ainsi «quand une ro-
mance espagnole, ayant le caractère populaire, offre des désinences
oxytones alternant avec les paroxytones, on peut régulièrement
conjecturer qu'elle a une origine étrangère et qu'elle est venue
en Castille par l'intermédiaire ou des provinces voisines à dia-
lectes non castillans, ou de la Provence, ou du Portugal». Comme
on le voit, l'ethnographie, autant que la linguistique et la littéra-
ture, peut faire son profit des observations aussi neuves que déli-
cates et bien déduites de M. C. Nigra. P. 445, M. C. N. ne paraît
pas tenir assez de compte de ce fait, que le mouvement poétique
inauguré par les troubadours a pris naissance, non pas dans
la Provence proprement dite, mais dans le Limousin, à une des
extrémités, et non au centre du domaine celto-roman. [A. B. P
45U-463. A. Morel-Fatio, Fragment d'un conte catalan, traduit du
français. Morel-Fatio a publié d'après le manuscrit espagnol 154
(anc. 7696 ; feuillets 62-68) de la Bibliothèque nationale, écrit
à la fin du X\'e siècle, un fragment assez étendu d'un conte
catalan qui est littéralement traduit du conte français. Du roi qui
voloit fere ardoir le filz de son seneschal, publié par Méon (Nou-
veau Recueil, t. Il, p. 331). D'après l'éditeur, et nous sommes de
son avis sur ce point1, ce morceau « ne parait pas antérieur au
« XV* siècle (p. 463).» Il ajoute que « le travail du Catalan ano-
1 11 y a cependant certains mots, tels que lig (lignée), ujat et autres,
qu'on ne trouve guère que dans Dez Clôt et d'autres textes antérieurs
au XVe siècle.
134 PERIODIQUES
« nyme est fort médiocre. Peu versé dans la "connaissance du
« français, il n'a fait autre chose que calquer le conte dévot,
» sans se préoccuper toujours de le comprendre, ni de soigner le
« style de sa traduction. En un mot, cette version est infidèle au
« poi.it de vue du français , et incorrecte au point de vue du catalan
« (p. 455). » Cette dernière appréciation est assez contestable, ou
plutôt nous présumons que M.More] attribue uniquement l'in-
correction du texte, au point de vue ducatalan, à l'emploi de quel-
ques mots du texte français introduits dans la traduction catalane.
Nous avons, en effet, remarque; les suivants :
Ligne 3, rêve (revient, retourne); 47. atent (atteint?) et 114.
étendre (atteindre); 221. merida (méritée) et 2G8. merit (mérité), au
lieu du catalan merexida et merexit; 295. ben tost (bientôt); 18(J.
landa (lande), 14. li sove (lui souvient). Tout le reste est du bon
catalan.
On ne peut, d'ailleurs, que féliciter M. Morelde ia publication de
ce fragment, reproduit avec une perfection que lui envieraient la
plupart des éditeurs de textes catalans; car nous n'y voyons à
signaler que les erreurs suivantes", qui peuvent provenir du ma-
nuscrit, ou qu'il faut attribuer à la typographie :
L. 66. mohadit, séparer les trois mots; — 113. gram , lisez
gran; — 185. nel , lisez nol ; — 189. vos nirets = vo'n irets; 198. ne
hac =■ nohac ; 217. da quella = daquella; — 219. lo moch= li (?)
moch ; — '249. la niella = lamella ; — "250. quius = quins ; —
270. oeluntat = voluntat 1 ; — 315. la esser = lo esser ; — - 329.
pas ■=.pos ; — 62. unaglan ■= un aglan.
C'est tout ce que nous pouvons relever dans ces 345 lignes,
d'un texte compacte, et c'est bien peu de chose quand on songe
aux erreurs qui- fourmillent dans la majeure partie des textes pu-
bliés ailleurs.
Il n'y a aussi qu'à approuver les remarques philologiques jointes
par M. Morel à sa publication. Il yen a deux cependant que
nous croyons devoir y ajouter :
1 ' La mutation de la liquide l en /• dans para 205 , paradura 207,
et ailleurs. Les mutations d7 en r et d'r en / sont fréquentes
1 L'expression pensar de son cavall (1. 293), « avoir soin de faire
» manger, panser », est toujours sans de dans l'ancien catalan, saut dans
l'istoria de la fxijla del rey d'Ungria (édit. de B. Muntauer, page 62) :
la comle.-sa (eu pensar de la donsela, passage qui a a aucun sens dans
les ms . publias par P. Bofarull (p. 02). Littré cite des exemples avec de
dans l'anc. français. — On peut signaler aussi comme une irrégularité
catalane (1. 55) atenyia (avec le sens de tanyitv.
PERIODIQUES 135
dans le catalan de toutes les époques, mais nous ne pensons pas
qu'on les trouve ailleurs que dans ce fragment your parar «peler»
etpai-adura «pelure», au lieu de peïar etpeladura.
2. On lit 68. vourem (pour veurem) et 146. vourets (pour veurets).
L'existence de l'o, dans ce même mot et dans heure « boire » pour
heure, a été dernièrement signalée dans divers textes et admise par
M. Milày Fontanals. C'est une graveet bien respectable autorité, et
on pourrait l'appuyer par d'autres raisons tirées du français et d'au-
tres dialectes romans; mais nous ne pensons pas qu'on puisse ac-
cepter ces mutations d'e en o dans les mots catalans veure et heure,
et nous n'en avons jamais pu trouver un seul exemple dans les mu
nuscrits. Nous avons la conviction que les exemples signalés pro-
viennent, soit d'une faute des copistes, soit de la lettre é mal figurée,
qui, pour peu que la boucle en soit trop abaissée, peut être facile-
ment prise pour un o, et réciproquement 1' o pour un e, si le trait de
droite n'est pas assez abaissé. C'est ce qui est, croyons-nous, ar-
rivé dans le texte publié par M. Morel. qui donne 337. fou, lors-
que le sens indique évidemment feu.
M. Morel a fait ou proposé sur divers passages du texte des cor-
rections ou interprétations sur lesquelles nous allons présenter
quelques observations.
« 3. Axi commal e ('pour al?) dret rêve, traduction littérale du
» vers français qui ne donne pas de sens. » Morel.
Avec la correction'proposée par M . Morel , le sens paraît être (ainsi
que dans le vers français si corn, Umax a droit rêve), « de même que
le mal retourne directement à son auteur ». Mais le mot rêve, pris
au conte français, n'existe pas avec ce sens en catalan, où il n'a que
le sens de «se ranimer » : pull revingut, «un parvenu.»
« 6. Nos ne affoyllam nostre lig . « Follar ant. = frustrar. » La-
bernia. — Morel,
Affollar, en ancien catalan, signifie «avorter, dénaturer»: a fol,
«en vain, nul, vide.» .La reyna era prenyada, e havia reguart que no s
tfollas del prenyal. Des Clôt, cap. 135.
« 8. Ensegua. Du verbe enseguir't cela convient peu au sens.»
Morel.
Ensegua appartient, en effet, à encegar et non pas kenseguir. An-
sech «aveuglement » et ensegaren « aveuglèrent » sont employés au
XVe siècle par Scriva {Libre de Orats, p. 20 et 34). C'est le sens
qui convient à ce passage.
« 9. Ans nés long aiment sach e borssa. Nés a été pris au français et
rend le sens inintelligible pour qui n'a pas l'original. » Morel.
136 PERIODIQUES
La traduction n'est pas dans tous les cas littérale, car le français
porte : ainz en fet borse seulement. Le texte catalan paraît corrompu
et la traduction littérale serait : Ans ne fa borssa solument.
13. Punyir, dans le sens du texte, existe encore aujourd'hui en
catalan.
24. Un eximpli vos comtare e noy vull larguar. M s. laguiar. »
Morel.
C'est à tort que la leçon du manuscrit n'a pas été maintenue, car
larguar n'existe pas en catalan et il faudrait tout au plus alongar ou
alargar. Lagui « paresse », laguios « paresseux», et layuiar « traî-
ner en longueur», sont très-usitésen catalan aux XIVe et XVe siè-
cles : En cars que en asso fossets négligent e laguios (Revue des lu li-
gues romanes, 1875, p. 380) dans un texte de 1397; no1 s pot laguiar
en 1390 (ibid., p. 368); — e asso per res no îeguiets eom sia perill en
la triga, en 1403 On lit dans la Chronique du roi Pierre 1\' : car
fort desplaya al infant en Père, coin tant se laguiava lo homenatye
quens dévia fer lo dit rey de Mallorques (édition de la Chron. de
Miquel Carhonell, f° 123).
« 165. Lo Rey cavalca e anassen al bosch si quart. » C'est la tra-
duction littérale du français ; et, comme siquart est écrit en un mot
dans le ms., M. Morel ajoute : « Le traducteur catalan n'a évidem-
ment pas compris. » Le traducteur a parfaitement compris et tra-
duit en bon catalan, .et siquart n'est qu'une inadvertance du copiste.
« 196. EU sert entra dins la casela e assechseen lo fe e fo vyal e
» causât ehac fam. — Vyat, fatigué d'avoir marché. » .Mord. —
C'est causât qui signifie « fatigué »; vyat n'est pas catalan, car aviat
signifie « guidé, mis en voie. » Il faut lire uyat (prononcer ujat,
comme dans mengarets et mènyara, 258, et dey u 199). Ujat signifie
« ennuyé, trempé de sueur », et a été remplacé par suai, 299,
par le traducteur lui-même : e ell qui fo molt suât e las. On en
trouve de nombreux exemples dans Dez Clo t : foren molt lassais
e hnjats per la mar qui'ls havia Ireballats (cap. 37) ; lurs cavalls
eren lassais e kujats que no podien anar (cap. 49» : e fo el reyhujat
e colorai del sol qu il hac tochal (cap. 105, etc.). Dans la Pacio du
XIVe siècle, publiée par P. Bofarull [Docum . ined., t. XIII. p.
148) : cor lasse e ujade era eper gran dolor no podia anur, et d'au-
tres exemples pag. 143, 147, etc. Le substantif huja aient se trouve
dans la version catalane du Breviari d'amor (Recueil de P. Rteyer,
p. 125, 1. 6) : no per huiament que agen, pour le provençal non que
sian trop Irebalhat. Autres exemples dans Hamon Lull.
« 287. Lo donzell feu dssencoblar los cans e feu cridar ehaucar e
PERIODIQUES 137
oengren forlment corrent e cridant envers lo cabirol. E lo cabirol qui
via los cans e hoy los auchs. fo moll lauger e messe en fuyta.
M. Morel propose de corriger auchs par aucells. Il est bien ques-
tion plus haut d'oiseaux et de chiens de chasse, mais Jes auchs
« entendus » (hoy) par le chevreau ne peuvent être que les cris
pour exciter les chiens que l'on avait fait cridar e ahucar ; auchs
est par conséquent un substantif dérivé du verbe ahucar, et il faut
le maintenir.
312. E après se anaren colgar e termite feu li lit de fe e de unpoch
de loua.
« Boua, dit M. Morel, français boue ? » Ce mot a pu en effet être
pris du français , mais, dans ce passage, le sens de « boue » est
aussi inadmissible en français qu'en catalan, et il y a probable-
ment une faute dans le manuscrit, pour broua, qui signifie en ca-
talan «débris de branchage ou de jardinage, broussailles.» C'est
le seul sens qui puisse convenir ici. On lit dans un état d'appro-
visionnements d'une place forte, en 1373: item reebe mi. quintars
d'ayls ab la brossa. Ce mot était encore employé au XVIe siècle
avec le sens de « ronces, broussailles. » Ainsi que dans beaucoup
d'autres mots catalans, ïs entre voyelles s'est d'abord changée en
aspiration et a fini par disparaître, car una brua (prononcer broua),
provenant de brossa — broha — broua, désigne encore aujourd'hui
en Roussillon une « haie de broussailles. *» On pourrait donc cor-
riger boua en broua dans le texte.
Malgré ces erreurs et ces fausses interprétations, il faut encore
une fois recommander l'intelligente et réellement remarquable édi-
tion donnée par M. Morel. Ce texte, transcrit à la fin du XVe siècle,
porte en effet des traces de modifications que l'on ne trouve guère
avant cette époque, et entre autres les pluriels masculins en os :
on peut les attribuer au copiste, mais la traduction remonte peut-
être un peu plus loin que l'époque qui lui est attribuée par l'édi-
teur, car on y remarque des expressions peu usitées après le mi-
lieu du XIVe- siècle, et même quelques-unes que nous n'avons
trouvées nulle autre part. Par exemple, le substantif oreg : 1. 303.
! Ou trouve déjà brossa en 978 : in ipsa broza comitale. La Chronique
de Pierre IV (liv. III. ch 32) écrit brodes. Muis 1'* a déjà disparu en
Roussillon, en 1330: Johannes sa Broha (cartulaire de la Roca); dans
un règlement rural de 1378: en broha, ho'n regera qui sia entre dos biais.
dans un règlement de 1372: ne en lo dit rech no agen a mètre brues ne
negun altre empatxamant per que lo dit rech. se rasas, renouvelé en I3SU
avec la leçon broa.
lu
138 PÉRIODIQUES
ells sert anaren mirai- desobrel riu per deporlar e per vaher taygua
e per haver oreg. Haver oreg peut se traduire par « prendre l'air,
se distraire » et, si nous osions le dire, « flâner ». On trouve le
verbe seulement, avec le même sons : orejar, posar al ayre, dans
le Diclionarium Antonii Nebrissensis, pag. 78. — Alart.] — P. 466.
I'. Meyer, les Manuscrits des Serinons français de Maurice de Sully.
L'évèque de Paris, Maurice de Sully, a joué un grand rôle com-
me prédicateur dans la France du moyen âge. Le recueil de
ses sermons a eu l'honneur d'être transcrit dans presque tous les
au riens dialectes de notre pays. En raison même de la popularité
dont elles ont joui et de l'influence qu'elles ont dû exercer, ses
œuvres méritent donc d'être éditées avec ce soin intelligent qu'on
apporte depuis quelques années, chez nous, à la restitution des
vieux textes français. C'est pour faciliter cette tâche à ceux qui
voudront s'en charger que M. P. Meyer a composé le prisent
travail. «Le but que je me propose actuellement, dit-il, est de pré-
parer les voies à une édition des sermons de Maurice de Sully, en
signalant les manuscrits qu'on en possède, et en indiquant, dn
moins dans une certaine mesure, leur valeur relative: » En compa-
rant minutieusement les différentes versions d'un même passage
(Anecdote du religieux à qui Dex dona veer, e d< mostra aucune
chose delà beauté, delà doçor e de la joie quyil estoe (réserve) a
ceus qu'il aimé), il a constaté que les textes, qu'il apu consulter, au
nombre de quinze, se répartissent en doux groupes dont L'un, le
groupe A, offre une leçon plus pure. On doit espérer que Maurice
do Sully trouvera bientôt un éditeur qui saura mettre à profit les ■
savantes indications de M. P. M. — P. 488. Mélanges: I" R pour
S. Z à Beaucaire. Constatations nouvelles de cette particularité
phonétique dont lo domaine paraît s'être étendu de la rive droite
du Rhône à la Catalogne et dont il semble qu'on ne retrouve plus de
traces après le XIVe siècle (P. M.). 2° De quelques modifications
phonétiques particulières au dialecte bas-normand. Quelques-unes
des particularités signalées par M.C. Joret se retrouvent dans le
patois saintongeais, notamment d, t mouillés = gu et qu, et eu =ui.
M. C. il. dit explosibles au lieu de explosives. Y a-t-il nécessité de
modifier sur ce point la technologie grammaticale? 3° Une particu-
larité du patois de Queige (Savoie). Cette particularité, st = ch fran-
çais se retrouve dans le patois de la vallée de Heaufort, V. Patois
de la Tarenlaise par Vabbè l'ont, p. 138. — P. 494. Comptes rendus.
i'. 500. Périodiques. On y remarque la réponse de M. P. Meyer
à M. Ascoli. Elle n'est, ni bien claire ni bien convaincante. —
1'. 50 8. Chroniqui . A . li.
PERI0DIQUE3 139
Bulletin de la Société des anciens textes français, nos 1-4;
Paris, Firmin Didot, 1876, in-8°. — De ces deux fascicule-, le pre-
mier ne donne que des détails purement administratifs et la liste des
membres; le second, beaucoup plus considérable, contient, outre
des détails du même genre, une étude étendue du ras. 189 de la bi-
bliothèque d'Epinal, parM.F. Bonnardot. Ce ms. qui est un recueil
de mélanges latins et français en vers et en prose, etqui est intéres-
sant à plus d'un titre, avait été l'objet d'une description par trop
sommaire et véritablement insuffisante dans le Catalogue des mss.
des bibliothèques des départements (t. III, Epinal, n0 59). M. F. B., qui
en a bien apprécié l'importance, l'a étudié avec le plus grand soin.
Voici quelques observations que j'ai faites en lisant cet utile et sa-
vant travail. P. 65. J'ai remarqué dans miras, de Montpellier une
autre édition delà même plaisanterie rimée sur les trompes, égale-
ment accompagnée d'un dessin. Malheureusement j'ai égaré mes
notes et je me rappelle seulement que le premier distique est le
même, mais que le premier vers du second diffère de celui que
cite M. E. B. Au lieu de quant les vivans seo;tirperont, qui repré-
sente un non-sens, le ms. de Montpellier donne quand les humains
s'amenderont, ce qui est bien meilleur. N° 64. Tiochc — theotisca
se trouve aussi dans le Pseudo-Turpin. « Si] vit en dormant on
cel voie tote estelee : Si movoit de la mer de Frize, e s'en alot
parentre Hoche terre en Lombardie », ms. 124 (fonds français,
fo jro( |re co}_) Le no 7i doit etre rapproché de notre Fragment
d'anthologie picarde (Revue des langues romanes, t. III, p. 325), qui
donne une leçon meilleure. Même rapprochement pour les nos 75,
76,77 (Revue des langues romanes, p. 324), pour le no 80 (îbid.,
\i. 325). pour le no 81 (ibid., p. 324), no 103. La locution de léger,
que M. F. B. accompage du point d'interrogation, signifie « à la lé-
gère, trop facilement.» Même n°, 1. 6, je lirais deçot=. de sublus,
dessous. Le sens serait donc « seigneur de Greniscet sous Lon-
dres.» A B.
Revue historique de l'ancienne langue française, pu-
bliée sous la direction de L. Favre. Champion, quai Malaquais, 15,
a Paris. — Premier numéro d'un recueil mensuel qui pourra être
utile, et que son prix peu élevé (15 fr.) rend facilement aborda-
ble au commun des lecteurs. Puisque j'en suis à parler de la partie
matérielle, j'ajouterai qu'il est à désirer que les autres fascicules
soient mieux cousus et que le collage de la première feuille n'em-
piète pas sur le texte de la seconde. Une publication comme celle-
140 PERIOMQrES
ci doit offrir un minimun d'avantages, sans lequel elle n'aurait pas
de raison d'être : c'est de fournir aux travailleurs des textes inédits
ou devenus rares. Quant aux généralités qui ne font pas avancer
la science, il faut les laisser île côté, à moins qu'on ne veuille s'a-
dresser aux commençants, à ceux qui ne connaissent pas encore
la philologie française. Dans ce cas, il faudrait renoncer aux abon-
nés qui sont plus au courant de ce genre d'études, car il est im-
possible de contenter à la fois les uns et les autres. Or le présent
numéro présente cet inconvénient. Ainsi, à qui peut servir la dis-
sertation intitulée Formations de la langue française, si ce n'est
aux lecteurs très-peu familiarisés avec nos études romanes? Heu-
reusement nous avons, pour nous dédommager, un texte déjà
édité et devenu rare, l' Eslilement au vilain (p. 18-30), une chanson
en patois poitevin, et le commencement d'une réédition du Glos-
saire français de Du Cange (4 pages). Yoici quelques notes re-
cueillies en lisant le premier texte. L'éditeur aurait dû numéroter
les vers. V. 21, je ne sais pas ce que signifie ce vers maudrent
Vasamblèe, qui du reste est trop court d'une syllabe, et je ne vois pas
comment on peut le traduire par « ils maudissent leur union »
V. 50, civos est bien traduit par oignons, et ceri me l'appelle que,
dans mon Fragment d'anthologie 'picarde {Revue Ors langues mm.,
t. III, p. 320), j'avais mal compris ce mot, dont je faisais un ad-
jectif et que je dérivais d'un type fictif cibosus.V. 213, lisez granz
gales (jattes) e menues, V. "214. lisez Porce s' eV ( si elles) sont
fendues. V. 230, porchast esl le subjonctif de pourchasser = re-
chercher, et ne doit pas se traduire par pourceaux. V. 2jï4, que veut
dire bust't Nous souhaitons bonne chance au nouveau-venu.
A. B.
Revistade archivos, bjbliotecasy inuseos. Ano VI, nûm.19-
'''1. — Manuel Mila y Foutauals. Antiguos Tratados de gayu ciencia.
Nui re savant confrère analyse brièvement dans ces quatre articles
neuf traités, écrits pour la plupart en catalan, sur la grammaire el
apoétique. Les huits premiers sont contenus dans un même Ins.,
conservé à lu bibliothèque nationale de Madrid. C'est une copie,
exécutée au siècle dernier, de celui que possédait la bibliothèque
des Carmes de Barcelone, et qu'un incendie consuma en 183ô. Le
lus. du neuvième appartient à la bibliothèque de l'Escurial. Je vais
les énumérer rapidement, en résumant pour chacun les renseigne-
ments fournis par M . Milâ.
I. Mirait de trahir par Berenguer de Noya. Traite de l'alphabet,
PERIODIQUES 111
des figures, des vices de diction (barbarismes etc.) et des couleurs
(fleurs) de rhétorique. Œuvre d'un auteur probablement catalan (on
l'a cru galicien), indépendante des Leys d'amors et peut-être anté-
rieure.
II. Règles d'en Jofre de Foxa. Ouvrage composé « per mana-
ment del noble e del ait en Jacmo rey de Sicilia (1285-1291)", dans
le but d'enseigner « lo saber de trobar » à ceux qui « no s'entenen
en gramatica », les règles de trobar (comme, il les appelle) de Raimon
Vidal ne pouvant être parfaitement comprises de ceux qui ne savent
pas « la art de grammatîca.» — P. 316 a, 1. Il du bas, pranga doit,
je pense, être corrigé pertanya.
III. Règles den Ramon Vidal. Version catalane de las rasos de trobar
qui contient de plus que les ras. provençaux un traité des genres
poétiques. Ce traité n'est point une copie de la partie correspon-
dante des Leys d'amors. mais ce n'est pas non plus, probablement,
l'œuvre de R. Vidal.
IV. Compendi de Castellnou. Abrégé de quelques-uns des traités
qui composent les Leys d'amors. fait à la demande de Dalmau de Ro-
caberti, fils du vicomte du même nom. M. Mila a déjà parlé plus
longuement de ce traité dans son beau livre de los Trovadores en
E-pana, auquel il renvoie (pp. 478-9)1.
V. Doctrinal de cort, par Teramayguis de Pisa. L'ouvrage est en
vers, et, à en juger par le court extrait du commencement que re-
produit M. Milà, imité de celui de R. Vidal. Les six vers de la fin,
rapportés également, rappellent l'aventure bien connue de Richart
de Barbezieux, telle que la raconte la biographie de ce troubadour,
contenue dans le ms. xlt-42 de la Bibl. Laurentienne 2. Peut-être
font-ils partie d'un récit de cette romanesque aventure. Il serait
intéressant de le vérifier. — P. 330 b, eseratz signifie, je pense, in-
sérés {mots eseratz ensemps = mots insérés ( construits) ensemble). —
Desiats clamar ; je corrigerais deiats (debealis).
VI. Doctrinal de trobar , par Raimon de Cornet, glosé ou corrigé
* Johan de Castellnou fut aussi poëte, comme on le sait aujourd'hui,
grâce à M. Milà Voy. la Revu.'. X, 231 Notons en passant, ce que M. Milâ
paraît avoir ignoré, que plusieurs des pièces contenues dans la 3° partie du
chansonnier de Sarragosse, qui renferme les poésies de Castellnou, se re-
trouvent dans un ms. de Toulouse et que M. Noulet en a publié quelques-
unes, par exemple la chanson de Bernarl de Panassac. Voy, Mémoires
de l'Académie des sciences de Toulouse, 1852, pp. 85 et 404 : 1860, p. 1.
2 Publiée dans ÏArchiv. fur Studium der neueren Sprachen.., lom. l,
p. 253. Cf.. dans les Cenlo Novelle anlicke, celle qui est intitulée: D'una
novella che avvenne in Provenza alla corte del Po
142 PERIODIQUES
par Jolum de Gastellnou. M. Milâ n'ajoute ici que peu de détails ,
à ce qu'il a déjà dit du même commentaire dans ses Trobadores,
479-80. M. Noulet prépare depuis longtemps une édition complète
de R. de Cornet, Il est fort à souhaiter qu'il publie en même temps
les gloses de son acerbe critique.
VIL Las Flors del gay saber, par Guillem Molimer. Abrégé des
Leys damors. « En cuanto a las materias, dit M. Milâ, y a su orde-
nacion, creemos poder asegurar que son las mismas en las Leys y
en este resûmen ». L'ouvrage est en vers. Dans l'extrait du com-
mencement, transcrit par M. .M., un point d'interrogation attire
l'attention sur le mot baveca, qui rappelle une des gloses du Donat
provençal: « Bavecs, baveca — quod de facile movetur1», sur la-
quelle on peut voir les observations de M. Tobler dans la Romania,
II, 341. Ici baveca est verbe et le sens en paraît être change, ce qui
s'accorde assez bien avec la glose du Donat. Peut-être est-ce plutôt
estime, juge (au propre pèse ). Rochegude donne à bavec le sens de
romaine, et rien n'est plus mobile que cet instrument8. — Dans le
même extrait ( p. 345 b, v. 1 ), quil te netho me parait devoir être
corrigé quil le nech o. Pour l'expression tener nech. voy. Mussafia,
Die Catalanische Version der sieben loeisen Meîster, glossaire, au mot
nech. — C'est sans doute par méprise que l'adjectif volon (p. 346 a)
a été marqué du signe du doute. Cf. Raynouard, V, 561 6, n° 4.
"VIII. Diccionari, par Jacme Mardi. C'est un dictionnaire de
rimes, dans lequel on trouve aussi une table d'homonymes, com-
posée par l'auteur dans le but de faciliter les puériles combinaisons
de rimes équivoquées, si à la mode au déclin du moyen âge, et
qui a pour nous aujourd'hui, selon la juste remarque de M. Milâ,
une réelle valeur grammaticale et lexicographique. P. 347 a, au
milieu de la colonne, il faut lire : « Rims apellat equivochs, àb
equi, que es egual, e vox, que vol dir veu.. » P. 347 b. : «hada:
laya? » Corr. layra. Voy. la Revue, V, 354, 1. 2-5. — P. 348 o.
1. 25, le premier diu est à supprimer. Ce doit être une faute d'im-
pression.
1\. Torcimany (= fr. trucheman), par Luis de Averso. Ouvrage
• P. 45 b. Dans l'édit., baveca est mis après le tiret et imprimé en ita-
liques, comme un mot latin. C'est une faute évidente.
* Une troisième explication (et c'est peut-être la meilleure) est suggérée
par une uote de M. Alart 'Revue, V. 317), de laquelle il résulte que bavec
est aussi le nom d'un instrument en fer servant à marquer. Baveca, dans
le texte rapporté par M. Milâ, pourrait alors se traduire par impose, ap-
plique.
PERIODIQUES 143
dans le genre des Legs damors, qui lui ont, en partie du moins,
servi de modèle. Il est précédé d'un long prologue et terminé par
un dictionnaire de rimes. L'auteur explique pourquoi il a écrit en
catalan, dans un passage curieux, transcrit par M. Milâ, et qu'on
nous saura gré de reproduire :
« Io nom servesch en la présent obra, per II raons, dels len-
guatjes que ios trobadors enlursobras se servexen : la primera es
corn prosaicament lo présent libre jo pos, e en lo posar prosaich
no ha nécessitât a servir se dels lenguatjes ja dits, pertal com no
son diputats de servir sino en obras compassadas ; l'altra raho es
que si jom servia d'altra lenguatje sino del catala, que es mon len-
guatje propi, he dupte que nom fos trobat a ultracuydament, car
pus jo son catala, nom dech servir d'altra lenguatje sino del meu.»
Je ne terminerai pas ce compte rendu du très-intéressant et
très-instructif travail de M. Milâ sans appeler l'attention de mes
lecteurs sur la mention qui y est faite, dans une note, d'un frag-
ment, récemment découvert, d'un poëme provençal sur les croisa-
des. Ce poëme serait-il celui auquel fait allusion Guillaume de
Tudèle (V. 29) ? : Serait-ce un rifacimento de l'œuvre perdue de
Grégoire Becbada? La publication du fragment signalé par M. Milâ,
que nous appelons de tous nos vœux, permettra peut-être de ré-
pondre à cette double question. G. C.
Rivista di filologia rouianza . Vol. II, fasc. III et IV. —
P. 129. T. Brag&. Sobre apoesiapopular da Galiza. — 144. H. Suchier
Il Canzoniere provenzale di Cheltenham . Nous avons ici la table en-
tière. M. Suchier promet pour un autre article des extraits du ms.
Il serait bien à désirer que parmi ces extraits figurât ce qui, de la
pièce no 12. manque dans les Gedichte de Malin. — 173. N. Gaix.
Studi etimologici. Les mots étudiés sont laggare ( anc. fr. laier),
gire, sgomentare, strappazzare, bettola, gnocco, loja. — 177. N. Caix.
Article important sur le Contrasto di Ciullo d 'Alcamo, à propos de la
nouvelle édition qu'en a donnée M. d'Ancona et qui reproduit fidè-
lement le ms. du Vatican. — 193. Giuseppe Ferraro. Saggio di
canti popolari raccolti a Pontelagoscuro {provincia di Ferrara). —
221. A. Wesselofsky. Un capitolo d Antonio Pucci. M. W. repro-
duit ce capitolo d'après l'édit. de M. Carducci, et signale les ana-
logies qu'il présente avec la première partie du fabliau français
du Chevalier à Vépée.— 228. N. Cayx. Étymologies de Ripentaglio,
arbuscello, agio, assettare, cantimplora. — 232. Bibliografia . — 244.
Periodici. — 250. Notizie. Quelques lignes attristées de cette
chronique ( pag. 251 ), que nous avons lues avec le plus grand r< -
144 PERIODIQUES .
i
gret, annonçaient déjà la nouvelle, confirmée depuis par un pro-
spectus venu d'Allemagne, que la Rivista était forcée d'interrom-
pre sa publication. Nous souhaitons ardemment que cette interrup-
tion ne soit que momentanée, et, en remerciant nos vaillants
confrères des cordiales félicitations qu'ils nous adressent, nous
joignons nos vœux à ceux qu'ils forment eux-mêmes, pour que
l'exemple donné par notre Société excite en Italie (comme dans
tous les autres pays romans ) une féconde émulation 4.
G. G.
Il Popugnatore. Anno IX. '-Dispense 4a. 5a et 6a — P. 3. Luigi
Gaiter. La Mitoîogia e la prima cantica délia Divino Commedia.
Article écrit à propos d'un essai de M. Luciano Sissa (Treviso ,
1875) sur le même sujet. — 16 et 273. Storie popolari inpoesia sici-
liana, riprodntte sulle stampe de secoli XVI. XVII e XVIII, con vote
e raffronti da Salvatore Salomone-Marino . Suite : Sloria nova di
quantu pati unfrusteriapartistrana (Palermo, 1665); lu Slupendu
e mararigliasn successu di dui infilici aman'i milanisi Palermo, 1695):
Contrastu ridiculusu chifa un sfrasusu eu riavaru (Palermo. 1697): Is-
toria nova e ridiculusa bella cPinlendiri supra lu cwntrastu dila sog-
gira eu la nora (Palermo. 1710). — 25. Luigi Razzolini. Sqtiarci con
alq nante varianti délia Divina Commedia di confronto alla lezione
adottata dagli Academici délia Crusca. Suite et fin. — 74. Imhriani.
Natanar II, lettera a Francesco Zambrîni sul testa del Candelaio di
Giordano Bruno. Suite et lin. — 90. Francesco di Mauro di Pol-
vica. Un codice cartaceo del XIV secolo inediio, contenentele opère
miiiori de fraie Domenico Cavalca. Suite et lin. — 105. Xicola Ma-
ria Fruscella Piccavda de Donali. Ess;ii critique sur ce personnage
de la Divine Comédit . — 128. Achille Monti. Il Petrarca vi-
* Accanto a questa egregia istituzione ( la Société des anciens textes),
non meno floridamente si svol^o in Frauda la Société pour l'étude des
langues romanes. Senza dire délia sua Rivista, Hi<% da trimestrale si è
fatta ora mensile, ed è di venu ta un vero archivio indispensable per lo
studio délia Francis méridionale, questa Società ha recentemente posto
mano anche ad altre publicazioni per lequali sempre più si renderà
benemerita délia fdologia neolatina... Ne essa si limita a questo solo,
ma col promovuore frequenti concorsi e coll 'istituin> premj ed altre
rirompens'1, mantiene sempre vivo un movimentoche ispira ie più bnllr
speranze. S'abbiano quegli egregi le nostre felicitazioni e i più roidiaii
augurj, e voglia il -i'^lo che il loro esempio valga a suscitare in Itnlia
una nobile l'mulazione !
PERIODIQUKS 145
sita Roma neWanno 1337. — 164. Licurgo Cappelletti. Michelangelo
Buonarroli. Notice biographique et littéraire. — 197. Vincenzo di
Giovanni Alcuni esempli da un codice siciliano del secolo XIV . Une
fable {V Ane et le Petit Chien) et trois légendes pieuses intéressantes
comme échantillons du dialecte sicilien au XIVe s. — 203. Luiiii
Calori : délit Guerre giudaiche di Giuseppe Flavio, volgarizzamenlo
del bupn secolo ridotto a piu sana lezione. Notice suivie d'un extrait
de ce texte. — 21! et 300 Curzio Mazzi. // Burchiello, Saggio di
sludi s'ulla sua vita et sulla sua poesia. — 247 et 376. Carolina
Coronedi-Berti Novelte populari botognesi. Suite et lin. — 297. Li-
curgo Cappelletti. Commenta sopra la nona novella délia 5a gior-
nala del Decamerone. C'est la fameuse et touchante nouvelle du
Faucon. — 382. Bibliograna.
C. C.
Bulletin de la Soeiété historique et archéologique du
Périgord. Tom. III (1876). — P. 130. Curieux extrait du Rituel
de Périgueux de 1509, relatif à la cérémonie du mariage. Je le
reproduis ici afin que nos lecteurs puissent le comparer à l'extrait
analogue du formulaire provençal, publié dans VArmana prouven-
çau per 1877, p. 47 l.
SEQUITUR MODUS NUBEND1 IN ROMANTIO
Vir vocet mulierem. respondeat millier : Que vous plat* .'
Dicat vir : Hiou me donne a vous per vostre bon et lealespoux et mari
per paroulas de présent, en la faça, de saincta mayre esgleysa.
Respondeat mulier : Et hiou vousrecebe.
Eo modo mulier vocet virum et res] ondeat vir : Que vous plats?
Dicat mulier : Hiou me donne a vous per vostra bonna et lealla
espousa etfemna per paroulas de présent, en la faça de saincta mayre
esgleysa .
Respondeat vir: Hiou vous enrecebe.
P. 167. G. Bussière. La Légende du connétable de Bourbon dans les
compagnes du Périgord. Chant populaire recueilli à Sorges, dont la
traduction seule est publiée. C'est une autre version, écourtée vers
la tin. de celui qu'on peut lire dans la Romania, III, Î0G, n° 14. Le
duc de Biron. véritable héros de ce chant, est devenu, par une
étrange méprise. Cadet, de Bourbon, ou Bourbon tout court dans la
1 Cf. aussi, Revue, Vif. 43. l'extrait rapporté par M. Alart, de l'acte de
mariage de Sanche de Majorque avec Marie de Provence, extrait que
\'Armana prnnvençau (loc. cit.) reproduit en partie.
146 PERIODIQUES
version périgourdine. — P. 215. Alcicle Duverneuil. Un noel péri-
gourdin. Composition assez longue (276 vers), qui n'a aucun carac-
tère populaire. C'est probablement l'œuvre d'un ecclésiastique. Le
cabier qui la renferme porte la date de 1757 et a été trouvé parmi
les registres paroissiaux de l'état civil de la commune de Condat.
près de Brantôme. Il y a de l'indécision dans l'orthographe, et la
langue n'en est pas très-pure. C. C.
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres
et arts de Clermont-Ferrand, tome XVI (47e volume de la
collection des Annales). Clermont, Thibaud, 1874. — 101-334.
Bouillet, Description archéologique des monumenls celtiques, ronïains
et du moyen âge, du département du Puy-du-Dôme. Travail con-
sidérable et important. Parmi les indications qui peuvent intéres-
ser les études romanes et les recberebes sur les traditions popu-
laires, nous signalerons celles qui suivent : 121 «Sur le chemin de
Cbanat (commune de Durtol) existe une espèce de pierre bran-
lante appelée Rei de la Pila. Roi de la Pile, mais qui ne paraît pas
authentique: c'est un jeu de la nature. » 121-122 «Entre les puys
de Pourcharet et de Montillet, une petite montagne porte le nom
de la Fée; elle est appelée en patois Suquet de la Fachineire. Les
bergers disent qu'il n'est pas prudent de tenir les troupeaux sur
cette montagne après le coucher du soleil; qu'ils y sont fascinés, en-
sorcelés.» 123. M. B. reproduit une incription funéraire du XIIIe siè-
cle, en langage d'Auvergne, déposée aujourd'hui au musée de
Clermont :
Anno domini m: ce: lxx : x : kl: septeb : o. b.
de Sabanaco de Catus
Tu q'la vas : ta-boca : claiza : uuar
da : est: cors: quaisi : repauza : tals :
Co tutest: eieu : si fui : etu: seras, tals:
Co ieu : sui : di : pat : nt eno : te : nui1.
* (V rapprocher d'une des peintures de l'église d'Ennezat (XVe siècle)
signalée par M. B. 214. Un ange contemple un cadavre d'un air de
compassion. Une bandai olle est entre les mains du cadavre ; on y lit ces
vers :
Prya pour moi qui ma roguardes
Quart tyel seras qaat que tu tardes
Fais bien tandis que tu vis
yuar après la mort n'auras nulz amis.
PERIODIQUES 147
Dans un travail .sur le Patois delà hasse Auvergne et sa littérature
qui constitue la quatrième publication spéciale de la Société, des
langues romanes, M. Henri Doniol en donne une traduction qui nous
semble plus plausible que celle de M. B. 128. « Le petit puy de
Chateix supportait un château appartenant à Waiffre, duc d'A-
quitaine ; ce château fut incendié en 761 par Pépin. Au milieu des
attérissements descendus de la montagne, on trouve beaucoup de
grains de blé calcinés, de seigle, de fèves, de haricots, etc., ce qui a
fait donner à ce lieu le nom de Grenier de César. 145 «Le puy de
Prechonnet, très-remarquable sous plusieurs points de vue, a une
roche branlante, un rocher druidique, une grotte des fées et une
légende sur les fées changées en chauve-souris. » 158 « Près le
hameau de Mont-la-Côte existe une roche branlante, appelée Roche
branlaire, la plus belle de l'Auvergne. Elle inspire encore aux
habitants de la terreur et du respect: les uns. . . disent que c'est
la Sainte Vierge, en ûlant sa quenouille, qui l'a apportée de fort loin
dans son tablier ; d'autres assurent qu'elle se balance sur un gros
tourillon d'or, et que des jeunes gens du oisinage résolurent un
jour de la renverser ; mais à peine l'avaient -ils touchée que le
ciel s'obscurcit et qu'une nuit profonde enveloppa tout le pays.
Depuis on la respecte.» Des traditions à peu près semblables exis-
tent encore dans le département de l'Hérault. 222. Près du hameau
de Château-Gaillard, on montre sur un monticule, les ruines... du
château de la comtesse Brayère. Dans le ruisseau qui coule au bas
exist* une cavité circulaire, où l'on dit que la comtesse faisait
précipiter les enfants pour les laver avant d'en faire sa nourri-
ture1». 227. A Pionsat, une grosse pierre de granit est nommée
Peirra de la Fada. 232. A Saint-Etienne-des-Champs, un dolmen
possède la même appellation. 233. A Villossanges, il y a un Roc de
las Fadas: c'est une grosse pierre de granit. «Au-dessous de l'étang
de Vergne-Labaysse existe le Banc de las Fadas, Banc des Fées,
espèce de dolmen. » 262. Maison des Fades désigne, près de Lu-
desse, les traces d'un édifice à plusieurs compartiments. 266. « Au
sud-ouest de Montaigut, sur la rive droite de la Couze, une route
creusée dans le granit porte le nom de Chami de las Fadas.
296. A. lob est la Roche de <la Yolpie, sur laquelle les fées eurent
un temple où elles opéraient des miracles. On ajoute qu'à certaines
L'ange, au contraire, tient une légende avec cette inscription :
Regarda la grant pityé de nature humayne
Commet vient à destruction et forma vilayne .
* Voyez encore sur Natarie, dite la comtesse Brayère, p. 235 et 247.
148 PERIODIQUES
époques do l'année on entend, dans la nuit, les chants d'une ber-
gère filant sa quenouille au sommet de la roche. Diane avait, dit-on,
un autre temple à Pierre-sur-Haute. Les habitants des montagnes
voisines jurent encore par Dianoneiro. Diane la noire. 278. A Saint-
Martin-ili's-Olmes, on doit visiter. ... la roche de Jarissein, dite
Saut de la Pucelle. parce qu'on y voit l'empreinte dos quatre fers de
la mule qui portait une jeune fille, laquelle s'élança d'un seul !>ond
du village de Ghaumis sur le rocher de Jarissein (d'après les Chro-
niques du Livradois, p. 382). 302. A Grandrif, les gens disent qu'une
chèvre d'or a été ensevelie dans l'intérieur delà Groltede la Chèvre.
Ils ont une grande vénération pour elle. « Si un animal de cette
espècemeurt de vieillesse dans le pays, on met encore quelques cé-
rémonies pour sa sépulture.» 308. Les environs de Ghamhon. très-
boisés et sauvages, possèdent, dit M.B., de nombreuses légendes:
la Pierre de Gargantua, Y Homme de fer, la Fontaine qui dénonce. 308.
A Kournols, une voie romaine assez bien caractérisée se nomme -le
Chemin ferré, etsur d'autres points le Chemin de la reine Marguerite* .
— 63t)-(iiti, Planât. Note archéologique sur le grun deChiniore. Grun,
dans quelques sous-dialectes d'Auvergne, signifie montagne, puy.
sommet granitique. M . P. a découvert sur celui-ci des vestiges
d'antiquités annonçant l'existence d'une ville depuis longtemps
disparue. 11 conjecture que ce fur là l'oppide des hommes deChiniore.
dont les Coutumes d Auvergne de Prohet, et de Chabrol mentionnent
assez longuement les franchises. «De nos jours, dit-il. on ne voit
sur ce ténement aucune agglomération importante : ce ne sont pas,
sans nid doute, les rares métairies qu'on remarque aux flancs de
la montagne qui ont motivé la création de ces droits et privilèges.»
La légende s'est aujourd'hui emparée du grun de Chiniore. et l'on
raconte que la ville qui y était bâtie a été engloutie dans un ma-
récage,
A. R.-F.
Jahrbuch fur romanische und englische Sprache und
Litteratur. T. XV (3e et dernier de la nouvelle série). — P.1.J.-C.
\littes. Sur les mss. de Renaut de Monlauban conservés en Angleterre,
ri particulièrement sur le ms. Hatton, 42, dont M. M. communique
un long fragment. — 33. Gustave Meyer. Mots romans dans le dia-
lecte de C h ■■/,'/•■ au moyen âge-.- — 57. Caroline Michaelis. Élymologies
1 Nous avons, d ins I ! lépartement do l'Hérault, au delà <1 i Lavérun •
près Montpellier, lou cami de la reina Acliileta ou Chileta. C'est une an-
cienne voie romaine, désignée autrefois sous le nom de viel cami roumieu.
PERIODIQUES I4V
romanes. — 65. Franz Scholle. Les Assonnances en a, ai, an, en, dans
la Chanson de Roland. — 82. Grœber. Les Serments de Strasbourg. —
90. Hermann Suchier. Corrections à la table des poésies des trouba-
dours, de Barisch. — 133,267 et 407. François Haefelin. Recherches
sur les patois romans du canton de Fribourg. — 198. Hermann
Rcensch. Étymologies romanes. — 201. Gessner. Fsse comme auxi-
liaire du verbe réfléchi en français. — 229. Koschwitz. Compte
rendu du Traité de la formation des mots composés, par M. Darmes-
teter. — 244. Adolf Tobler. Compte rendu de l'édition des Enfances
Ogier,, donnée par M. Scheler. — 393. G-. Lùcking. Sur le Chant de
Sainte Eulalie. — 397. F. Liebrecht. Compte rendu du recueil de
M. Pitre: Fiabe, novelle e racconli popotari siciliani. — 445. B.
Schaedel. Fragment de la Chanson de Hervis. Provient de la bibl.
grand-ducale de Darmstadt. — 450. F. Liebrecht. Sur le Décamérbn.
— 452. Bibliographie de l'année 1874. C. C.
Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Lite-
raturen. L\;I. — P. 11. Adolf Kressner. Très-courte notice sur
la chanson de geste d'Aimeride Narbonne. suivie d'un long extrait
(1, 500 vers environ) d'après le ras. 24369 de notre Bibl. natio-
nale. La partie du poème imitée, par Yictor Hugo clans Aymerillot,
ce joyau des petites épopées, est comprise dans ledit extrait. P. 17.
Aufage du ras. est mal à propos changé en sauvage. C'est un mot
bien connu, si l'étymol. en est incertaine. P. 29, Voion. La cor-
rect., indiquée par l'avant-dernier vers de la p. 31, était non voient,
mais voit aie. Même p., on a corrigea tort ot (il y eut) en ont.
P. 49, qu 'eurent: lis. queurent (couvrent). On pourrait relever d'au-
tres fautes; la ponctuation aussi laisse à désirer. — P. 51. Adolf Kress-
ner. Epigrammes (françaises) du XVIe s. tirées d'un vis. de la bibl.
de Lausanne. Ces epigrammes se trouvent dans un ras. des œuvres
de Marot, ce qui n'est pas une raison suffisante pour les lui at-
tribuer. L'éditeur y incline cependant, trouvant qu'elles sont tout
à fait dans la manière du poète de Cahors. C'est de quoi tout le
monde ne tombera pas d'accord. — P. 155-186. Publication précédée
d'une courte notice, par le Dr Bunte, d'un ras. du XVIe s. de la
bibl. de Wolfenbûttel qui renferme « les fabuleuses histoires de
la poétique astronomye de très excellent orateur Igine (Hygin).
translatées de latin en françoïs pour la récréation de très noble et
illustre prince François de Vallois, comte d'Angoulème, etc., par
Robert Frescher, maistre es arts et bachelier en théologie. » Ce
n'est pas, au vrai, une traduction ; l'auteur, surtout après les
premiers chapitres, s'écarte parfois de son original et l'abrège
150 PERIODIQUES
sensiblement. P. 160 et 166. on a imprimé lais; p. 171 et 176,
leizetleis, qui n'ont aucun sens, au lieu, je pense, de ladite, ledit,
représentés probablement dans le ms. par des abréviations qu'on
aura mal résolues. P. 161, l'une au rouste de l'autre. Corr. au
cousté. 170, emietoupa de pouldre ; lis. envefoupa. L'édit. propose
emmitoufla! 173, avis que je meurs ; lis. ains que je meure. Il y a par
ci par-là d'autres passages ou corrompus ou mal lus. — PP. 186 et
281. Charles Marelle. Contes el chants populaires français . Suite et
fin. Ces deux articles sont consacrés tout entiers aux chants po-
pulaires. Travail intéressant, d'une lecture très-agréable. Un peu
moins d'art peut-être — ou d'artifice — dans la mise en œuvre des
matériaux, avec plus de précision dans l'indication de leur prove-
nance, n'aurait pas été un mal. — P. 241. R. Mahrenholtz.
Molière et la comédie latine. — P, 343. F. Brinkmann. Etudes
métaphoriques {suite). Cet article traite delà chèvre, du mouton et
du pourceau G. G.
Le Musée. Revue arlésienne, historique et littéraire,
3e série ( année 1876). nos 1 à 9. — Mémoires de Bertrand Boysset,
contenant ce qui est arrivé de plus remarquable, particulièrement à
Arles el en Provence, depuis M ecc lxxii jusqu'en m cccc xmr, copiés et
enrichis de notes el de pires justificatives par moi, Laurent Bonne-
mant, prêtre de la ville d'Arles, en 1772. P. 1-3,12-13, 17-20,25-28,
43-45, 49-53, 57-61, 66-69. La partie éditée, à l'heure qu'il est. est
presque partout rédigée en langue provençale. La valeur historique
et philologique de cet intéressant mémorial sera ultérieurement
appréciée dans la Revue. Des aujourd'hui, cependant, on doit re-
mercier M. Fassin d'en avoir entrepris la publication. — Recueil de
plusieurs choses mémorables arrivées en la ville d'Arles durant leslrou-
bles de la Ligue, extraictes d'un lien de raison de Louis Ramette,
dans lequel, parmi les mémoires de ses affaires domestiques, il a inséré
hoses susdites, selon qu'elles sont arrivées de temps en temps. ( La
'' scription descpielles est faite eivec un langage barbare entre le pro-
vençal et le français, que nous avons réduit en meilleurs termes, sans
toutefois en altérer le sens (note du copiste qui signe à la fin : de Re-
batu), p. 9-12, 20-23, 28-31, 33-35. Document curieux. Si ce livre
de raison existait encore, il serait peut-être utile de le publier. —
Notices biographiques. Jean-Baptiste Coyk, p. 45-48. Reproduction
de la notice placée en tète de l'édition des œuvres de Goye, donnée
en 1854 par feu Frédéric Billot. Les poésies de Coye sont assez
connues. Voyez par exemple, Noulet, Histoire littéraire despatois
du Midi, Revue, lrc série. Vil, 182-183. Quelques fautes typogra-
LE SIEGE DE TOULOUSE 151
phiques sont à relever dans la notice de M. B. : Belland de la Bel-
ïandière et Toussaint Gras, p. 47, lisez : Bellaud de la Bellaudière et
Toussaint Gros. L'édition de M. Billot reproduit celle de Mesnier.
d'Arles, en 1829, laquelle, malgré son titre, est loin d'être com-
plète. Un poëme inédit de Coye se trouve, en effet, dans un des
ras. de la Bibliothèque de Nimes: il a pour titre : VEsvanouissamenl
de Phœbus ou ÏEsclipse dou soleou en 1706. Son mérite littéraire est
au-dessous du médiocre. — Cansoun nonvello sur Icis desastres que
la villo (VArle et son terraire an eyssuga per Vinnoundacwun dou Rose
en l'annado 1755, p. 54-55. Complainte provençaleen seize couplets
de six vers. En terminant ce compte rendu, il est à propos de men-
tionner la médaille d'argent que, dans sa session d'Arles, la Société
française d'archéologie a décernée au Musée. Cette distinction, dont
le principal honneur revientà M. Fassin, n'était que justifiée.
A. R.-F.
Le Siège de Toulouse et la Mort de Simon de Montfort
Poursuivant le cours de ses études sur le midi de la France aux
XII* et XI11* siècles, M. Henri Delpech a exposé dans une troi-
sième conférence, faite à Montpellier le 26 février, le siège de Tou-
louse et la monde Simon de Montfort en 1218.
M. H. D. nous avait précédemment montré la littérature des
troubadours, promenant dans toute l'Europe ses sirventes et ses
chansons ; polissant d'abord une société à demi barbare ; la rédui-
sant, malgré elle, à accepter la supériorité de l'intelligence sur la
force physique ; y atténuant, plus que partout ailleurs, les inéga-
lités de la naissance par l'admission des troubadours, quelle qu'eût
été leur extraction, dans l'intimité de princes et de seigneurs très-
attachés à leurs privilèges. Heureuse cette littérature si, dès la fin
du XIIe siècle, elle ne s'était laissée aller à une licence et une
afféterie que dépassaient encore les tendances générales de cette
époque ! Ce n'est pas dans les pays de langue d'Oc qu'il fallait
chercher alors cet esprit d'ordre et de sagesse qui caractérise les
mœurs d'une race virile. Amollie par le luxe, par la prospérité de
son commerce, par sa richesse, provenant d'une viticulture très-
ètendue, cette société eu était arrivée à un relâchement de mœurs
extraordinaire.
Dans un milieu ainsi composé, les idées albigeoises devaient ai-
152 LE SIEGE DE TOULOUSH
sèment trouver des défenseurs et des adeptes. Tout le Midi n'accepta
pourtant pas les doctrines nouvelles. Il était naturel que l'Eglise
réagîl à son tour contre ce mouvement anormal, qui menaçait la
civilisation non moins que le christianisme, et qui se compliqua
plus tard, vers la fin de la guerre, d'une certaine rivalité entre le
Nord et le Midi. Le rôle de Simon de Montfort n'a pas été expliqué
de la même façon par tous les historiens, sans doute parce qu'il
ne s'est pas développé, dans la succession de ses actes, avec un
caractère bien tranché d'unité et de logique. On doit savoir gré à
M. H. D. d'avoir éclairé d'un jour nouveau cette grande et énig-
matique ligure. Partout vainqueur dès le début, soutenu par un
esprit très-pénétrant et très-délié, Montfort n'affecta pas immé-
diatement ces tendances à la domination personnelle qui le com-
promirent sur la fin. Grâce à des dispositions admirables etau-^i
à l'étrange présomption de ses adversaires, il remporta la bataille
de Muret, où il sut culbuter un ennemi infiniment plus nombreux.
Mais, avant même cette bataille, l'Église avait mis des lim -on
ambition. Comblé d'honneurs, ébloui par l'importance des services
qu'il avait rendus, Simon de Montfort ne tendit à rien moins qu'à
devenir l'unique souverain du Midi, disposant à son gré des apa-
nages, et appliquant à son intérêt personnel le but religieux et
social de la croisade. M. H. 1). nous a •montré les populations
s éveillant alors et oubliant leurs dissensions intestines pour se
liguer contre l'ennemi commun. Tant que les Gascons et les Pro-
vençaux furent rivaux, Simon de Montfort resta le maître. Quand
ils surent unir leurs efforts, le vainqueur de Muret fut perdu.
L n plan du siège de Toulouse, remis à chaque auditeur, facili-
tait les descriptions du conférencier. -Nous ne reproduirons pas les
éloges des organes de la presse locale sur l'art infini avec lequel
ont été présentées ces savantes déductions; M. II. D. nousa dépeint,
comme l'aurait fait un témoin oculaire, les émouvantes péripéties
du siège de Toulouse, supporté avec tant de courage par les habi-
tants de tout âge, de tout sexe et de toute condition ; l'inondation
des !i;b quartiers de la ville; la reconstruction de ses remparts
sous le tir des machines de guerre ennemies; l'approche delà gatU
de Simon de Montfort et sa destruction saluée par les assiégés
de ce cri de raillerie héroïque, que la Chanson de la Croisade albi-
geoise nous a conserve :
Per Dieu na falsa gâta jamais no prendretz ratz ' !
1 Histoire en vers de la croisade contre les Albigeois (Cansos de la cro-
zada gontb els breges dalueges), édition Fauriel; Paris, 1837, in-4%
vers 8,213.
LES REUNIONS DU FELIBRIGE 153
On sait que Simon de Montfort fut tué d'un coup de pierre qui.
selon l'énergique expression du poêle, l'atteignit à la tète, là où il
fallait •
E venc tôt dreitla peira lai on era mestiers. (Vers 8,451.)
M. H. D. a décrit le jeu du mangonneau et d'autres machines de
guerre en usage au XIII"» siècle, en homme qui les a vus fonc-
tionner au château de Pierrefonds, où l'on en conserve des spéci-
mens pour faciliter l'étude du moyen âge.
A. Espagne.
LES REUNIONS DU FELIBRIGE
A AIX ET A MONTPELLIER
Des trois grandes sections ou maintenances qui se partagent le
félibnge, deux, celles de Provence et de Languedoc, ont tenu leurs
assemblées annuelles au commencement de l'année 1877 : Ja main-
tenance de Provence, à Aix ; celle de Languedoc, à Montpellier.
La réunion d'Aix, annoncée d'abord pour le 14 janvier et ren-
voyée ensuite au 28, a été présidée par M. Théodore Aubanel.Elle
comptait trente adhérents environ, parmi lesquels, MM. Mistral,
Anselme Mathieu, Alphonse Tavan. de Derluc-Perussis, Vidal .
Marius Bourrelly, Eugène Tavernier, Frizet, Bonafous, Auguste
Verdot, Astruc, Guillibert, Legier de Mesteynie, Ch. Descosse, etc ;
MM. Roumanille et Félix Gras n'avaient pu y assister, par suite d'un
deuil de famille très-récent. Il en a été de même de M. Gaut. à
peine convalescent d'une maladie qui a mis un moment ses jours
en danger.
M. Aubanel a prononcé son discours d'ouverture avec cette élo-
quence sympathique, large et colorée, pleine de mouvement el
d'inspiration lyrique, que connaissent ceux qui l'ont entendu au
centenaire de Pétrarque et, deux ans après, à Forcalquier. Les pro-
grès du Midi, a-t-il dit, sont, incessants depuis trente ans, elle féli-
brige doit n'avoir d'autre tâche que celle de les agrandir et de les
accroître. Comparant ensuite la langue provençale à une statue pré-
cieuse échappée aux outrages des Barbares dans les ruines d'une
des vieilles arènes méridionales, il a encouragé les félibres non-seu-
lement à la relever et à la replacer sur son piédestal d'autrefois, à la
restaurer et à la remettre en gloire, mais encore à l'animer et à lui
rendre l'esprit et la vie :
« Couine aquélis estatuo de maubre qu'avèn alrouvado dins nôsti vièiis
areno, debaussado, routo, aclapado de la man di Barbare, la lengo prou
11
154 LES REUNIONS
vençalo èro jasènto au sôu, matrassado, espôutido, oublidado, elo, la
rèino, la fado de tant de siècle flôri, de tant de Iroubaire li mai famous.
L'avèn aubourado, l'estatuo I Piousamen avèn barra si plngo e sarci lis
estras de sa raubo blanco La divesso, aro, ve-1'aqui tourna sus soun
pedestau, sèmpre sourmènlo e jouino, plus bello e plus enauranlo que
jaraail Regardas l Ac6 's giand e bèu, certo ! eh bén! espasproun I...
Aquôu maubre fre, fau que s'enfioque ! Aquelo estatuo, fau que s'anime !
Aquelo grando morto, fau que revive coume anlan ! , . . . »
Et celte comparaison était poétiquement juste. Les mille idio-
mes de notre pays ne sont-ils pas, à autant de titres que les monu-
ments du sol, les restes mutilés et souillés, si l'on veut, mais
vivants, de ses annales, les témoins de sa vie historique et de ses
luttes passées? M. Aubanel insista sur la nécessité de retremper
le Midi dans la grandeur et la beauté de sa langue, de rattacher ses
fils à leur village, à leur province, « comme le lierre à la terre
nourrice. » Et il termina son discours par une conclusion d'un tour
aussi poétique que la comparaison que neus venons de citer:
« Au bèu tèms delà flouresoun de nosto lengo, un troubaire, que s'èro
crousa, revenié de Palestino. Avié. dins lou désert fa l'amistanço d'un
leioun, e la noblo bestio, fidèlo e douço, lou jour de la partenço seguiguè
soun mèstre enjusqu'au veissèu. Mai lou capitàni noun vouguè embarca
l'oste esfraious, e lou troubaire mountè soulet sus la ratamalo. Quand ]ou
leioun se veguè à l'abandoun sus lou ribeirés, e lou veissèu que s'aliuen-
chavo... tout d'un vanc. d'un bound terrible, se jitù dins li flot, e nadè à
la seguido.
■> Messies, l'amour de la Prouvènço vau bèn l'amistanço d'aquéu chi-
valiê. La Prouvènço se gandis vers lou trelus, vers lou triounfle : jiten-
nous à la bello eisservo, dins lou boulegamen felibren, e seguiguen, àtra-
vès lis erso sereno o tempestouso. lou veissèu prouvençau ! »
M. de Villeneuve-Esclapon lut ensuite son rapport sur l'orga-
nisation de la maintenance de Provence, depuis la réunion de
Sainte-Estelle, à Avignon, et il le lit précéder de quelques détails
sur l'organisation du félibrige. Nous allons les résumer d'après le
Prouvençau d' Aix * :
Les félibres se divisent en trois catégories : les majoraux, les
mainteneurs et les correspondants. Les premiers sont au nombre
de cinquante, et leur réunion, qui se nomme Consistoire, régit l'en-
semble de l'association. Elle prend toujours le bureau triennal dans
son sein, prononce la dissolution d'une école ou l'exclusion de ses
membres, nomme les maîtres en gai savoir et se renouvelle, eniin,
en choisissant toujours les majoraux parmi les mainteneurs, qui.
eux, peuvent être en nombre illimité. Les correspondants sont les
membres étrangers au midi de la France.
' Le Prouvençau, n° du 4 février.
DU FELIBRIGE 155
L'association elle-même est partagée en trois grandes sections
ou maintenances, qui comprennent: sous le nom de Provence, tous
ies pays de langue d'oc situés le long de la rive droite du Rhône ;
sous celui de Languedoc, ceux qui sont situés sur la rive gauche ;
sous celui de Catalogne, le comlat de Barcelone, avec Valence et
les îles Baléares. Chaque maintenance se divise en écoles, qui sont
la réunion des félibres d'une même ville.
En tête de la maintenance est un syndic, nommé par le Con-
sistoire, et deux ou trois vice-syndics avec un secrétaire, nom-
més par tous les membres. En tête de l'école se trouve un ca-
biscol. Sur la demande qui en fut faite à M. Auhanel, la réunion
provençale approuva les statuts des quatre écoles de Forcalquier
(Felibredeis Aup), d' Aix (Felibrede Lar), de Marseille (Felibre de la
mar) et d'Avignon (lou Flourège). Elle désigna ensuite ses vice-
syndics, MM. J.-B. Gaut et Marius Bourrelly, ainsi que son secré-
taire, M. de Villeneuve-Esclapon.
La question des dialectes locaux fut soulevée par M. Fr. Vidal,
qui soutint avec force leur utilité et fit ressortir la variété et la grâce,
qu'ils apportaient aux productions de l'esprit d'une nation. Son
argumentation fut appuyée par Mistral et par M. Bonafous, qui
invoquèrent à l'appui les idiomes de l'antique Hellade et ceux
existant aujourd'hui dans la péninsule italique, ainsi que l'éclat et
les aspects imprévus qu'ils avaient donnés à la littérature de ces
deux pays La réunion se rangea à l'opinion de M .Vidal.
M. Vidal appela ensuite l'attention de l'assemblée sur l'oppor-
tunité qu'il y aurait à s'occuper des fêtes de la Cha mon du Latin, que
la Société pour l'élude des langues romanes prépare depuis longtemps,
et qui coïncideront avec le bimillénaire de la fondation d'Aix-en ■
Provence parle proconsul romain Caius Sextius.
Cette proposition, pour laquelle nous tenons à remercier spé-
cialement M. Fr. Vidal, fut très -favorablement accueillie. L'as-
semblée délégua l'école aixoise des félibres de Lar en ce qui touche
le bimillénaire. Le savant directeur du Musée, M. Emile Fassin,
qui est aussi adjoint à la mairie de la ville d'Arles; MM . Clair
Gleizes et Marius Girard, de Saint-Rémy, doivent étudier ce qui
devra se faire à Arles et à Saint-Rémy pour les fêtes delà Chanson
du Lalin. Les propositions de ces Commissions seront soumises à
l'assemblée générale du félibrige, le 21 mai prochain l.
Telle a été, dans ses traits principaux, la réunion de la mainte-
1 Nous empruntons la plus grande partie de ces indications au
Mémorial d'Aix, n° du 4 février.
156 LES REUNIONS
nance de Provence. Celle de la maintenance de Languedoc s'est
tenue à Montpellier, le dimanche des Rameaux. La veille, c'est-à-
dire le 24 mars, la Société des langues romanes avait invité les
félibres à une séance extraordinaire, à l'hôtel de ville. Cette
reunion était fort nombreuse et fut consacrée par moitié à la poé-
sie et à la philologie. M. Charles de Tourtoulon communiqua
d'abord le résumé des observations qu'il avait recueillies sur les
lieux mêmes touchant les limites de la langue d'oc en France et
dans la Suisse romande. Il s'attacha à constater qu'à partir du
point où s'arrête la grande carte qui accompagne son rapport à
M. le Ministre de l'instruction publique, cette limite se dirige vers
l'Est jusqu'aux environs de Bourg ; qu'elle remonte de là vers le
Nord-Est à travers les départements de l'Ain, du Jura etduDoubs,
pour aboutir à Bienne, en Suisse, redescendre par Morat, Fri-
hourg et Sierre, en s'infléchissantun peu vers l'Ouest, à la hauteur
de Lausanne. D'après M. de Tourtoulon, la presque totalité de la
Suisse romande appartient à la langue d'oc, et le français n'y est
qu'une langue importée.
Celui qui écrit ces lignes donna lecture d'une étude critique sur
l'idée latine dans quelques pièces en langue d'oc, en espagnol et en
catalan, composées depuis le Concours de Montpellier, où Bringuier
avait porté un blinde à l'union future de tous les peuples de lan-
gue romane '.
La poésie ne pouvait manquer d'avoir, dans cette séance, des in
terprètes dignes d'elle. M. Arnavielle lut d'abord sa belle ode A la
memorio de F. Cambouliù, insérée dans YArmana de Lengadb de cette
année, mais écrite en 1870. Quelques-unes de ses strophes, —
celles surtout où il disait que Cambouliù n'avait pas eu la consola-
tion de voir « la croissance de l'arbre qu'il avait planté », — émurent
profondément les membres qui, ayant connu de près le fondateur
de la Société, savaient quelle foi et quelle ardeur de conviction et de
eontiauce il apportait en toutes choses.
Perqué la Mort escarioto,
O Cambouliù ! tant leu t'ajassè dins sounclau?
De l'aubre qu'as planta n'as pas vist l'espandido ;
N'as pas couneigu !ou soûlas
Qu'endor lou lauraireque, las,
Dau sèti pairoulau, la jouncho au sèr gandido,
Vei sa lamiho liegourdido
E gaio, qu'es l'oustau prouspère. . . Noun.ai ! las:
1 Voyez plus haut, page 114.
DU FELIBRIGE 157
D'ouro t'a près la mort. Mes n'a près qu'un cadabre ;
Elo dau cor nous a pas près
Toun souveni ; sempre i'es 1res.
Dau tems escrafarèl pot courre lou grand vabre.
Sempre toun noum, o mèstre fabre !
Lusira sus toun obro, à soun frountau de grès !
M. Louis Roumieux lut deux morceaux; d'un genre différent, mais
qui furent, eux aussi, vivement appréciés. Le premier avait pour
titre lou Sou d'Antounieto,et traduisait admirablement une circon-
stance des derniers moments de la felibresse de Beaucaire '; la
seconde était une épitre badine en vers latins, français et proven-
çaux, d'une très-spirituelle facture. M. Fourès dit ensuite le Troum-
belo2, et M.Gaidan lou Rigau3. allégorie d'un sentiment si exquis ;
MM. de Villeneuve-Esclapon, Antonin Glaize, Desjardins et Gros,
lurent aussi diverses pièces de vers.
Mais le grand succès de cette séance était réservé à M. Laurès, de
Villeneuve-lez-Béziers; deux fragments de ses Sel Pecach capitals
de las fennos de la campa gno'* et la Malautiè de la vigno, publiée déjà
en 1855 dans le Bulletin de la .Société archéologique de Béziers, furent
accueillis avec une faveur marquée. La Malautiè de la vigno avait,
grâce au phylloxéra, repris un intérêt d'actualité, et l'un des mem-
bres présents rappela qu'il avait entendu, en 1869, une sorte de
rapsode ambulant déclamer cette pièce sur les bords du Rbône,
en plein pays provençal. De combien de poètes modernes pourrait-
on en dire autant3 ?
Plusieurs dames, parmi lesquelles Mme de Ricard et sa sœur
M'ia Wilson, MUe Léontine Goirand et Mlle Mireille Roumieux, la
gracieuse filleule de Mistral, assistaient à cette séance. Mlle L.
Goirand, dont on n'avait pas oublié le beau sonnet A Nemausa
(Revue, numéro de janvier 1877), voulut bien dire quelques vers
d'une touchante et délicate poésie.
La réunion de la maintenance se tint le lendemain. Selon
l'usage, elle eut lieu à table et dans les salons de l'hôtel Bis.carrat.
1 M"* Antoinette Rivière, de Beaucaire. Ses poésies ont été publiées sous
ce titre: li Belugo d'Antounieto de Bèu-caire; Avignon, Aubanel. 1865; in-8°.
3Î6 pages .
2 Armanac de la Lauseto. 18Jf6, pag. 161 .
:i 4rmailciPfouvençau, 1876, pag. 71.
4 Imprimé en 1858 par l'auteur. Béziers, Millet; in-8°, 36 pag.
; M. Laurés va réunir ses poésies en un volume, qui sera publié à Mont-
pellier sous le titre suivant: lou Campestre. Nous prenons la liberté de
le recommander aux lecteurs de la Revue.
158 LES REUNIONS
Avec Mistral, arrivé dans la matinée du 25 mars, elle comptait
MM. Louis Roumieux, chancelier du félibrige; Cantagrel, président
de la Société des langues romanes; Achille Mir, Camille Laforgue,
J. Gaidan, Arnavielle, de Villeneuve-Esclapon, Goirand, le docteur
Houx, Laurès, le docteur Charles Coste, Boucherie, Auguste
Fourès, de Ricard. Antonin Glaize, le colonel Fulcrand, Ch. De-
loncle, Frédéric Cazalis, directeur du Messager agricole; Ernest
Hamelin.le docteur Elphége Hamelin, Desjardins, Albert Cha-
banier. Clair et Etienne Gleizes, Simil, Boucoiran, Rettner, etc.
Le syndic de la maintenance, M. de Tourtoulon, prononça le dis-
cours d'ouverture, et, dans un langage qui était un modèle d'aisance,
de mesure et de facilité, définit le rôle des écoles félibriques et la
nécessité de maintenir intactes les formes constitutives de chaque
dialecte :
« Dins aquel Miejour qu'a mema lenga. i'a mai d'una parladura ; i'a
ce que lous savents apeloun de dialeites, e n'aven prou de diferents
dins nostra mantenença. Tout aqueles parlas an lou drech de vieure,
toutes podoun demanda sa plaça jout nostrer^l azurenc, au lum que Dieu
alargo i mounde1, que dona à la natura la vida, e à quauques omes la
força, l'engeni e l'inmourtalitat.
» Noun i'a tant pichotvilage das Aups ou das Pirenèusque noun âge
lou drech de garda sa parladura naturala ; e série pas embé nautres lou
que voudriè faire contre quante lengage que sieguece qu'aven repiouchat
à d'autres de faire contra la lenga d'O touta entieira.
» Que degus noun vengue dire aici qu'un parla es pus poulit ou pus
lourd qu'un autre. S^3 chasi/ue aucèu trovo soun nis bèu 2, chasque auccl
tamben trova bèu lou cantà de soun nis. lou cantà de sa maire. Es per
que dins chaque endrech pogue estre estudiat, caressât e aussat en gloria1,
aquel cantà dau nis, aquel parla dau brès, que lou counsistori felibrenc
coustituïs las escolas.. .
» Mes uua escola pourrie, couma se dis, tira trop l'acatage de soun
constat; es aici que la mantenença ven, couma soun noum ou fai veire,
mantene à la fes lendependençia de chaque parla e l'unitat de la lenga
felibrenca...
» L'unitat es pas l'unifourmitat ; una letra do mai ou de mens chanja
pas lou founs e i'engeni d'uaa lenga; e quoura sera enlendut que ce que se
prounouncia la mema causa, s'escrieu la mema causa dins touta la terra
d'O, que lasparaulas (relevan quaucas unas, e n'i'a pas gaire) soun las
memas dins toutas nostras prouvencias, eme un vesti diferent, quoura
acô sera coumprés. veirés pareisse mai qu%, mai la forta unitat jouta la
genta varietat de nostra lenga. ..
1 Ver* >k> l'invocation de Félix Gras au premier chant des Carbounié.
: Proverbe populaire, devenu la devise de M. Roumieux.
les vers bien connus de Jtirèio.
DU PELIBRIGE 159
» Avès vist aquelas tapissâriès coussudas e trelusentas, toutas mir-
i^alhadas d'or e de coulous : lous iols n'en soun onclausits; mes, quand
n'avès vist un tros grand couma la man, avès tout vist: es toujour la mema
figura, toujour la mema flou, toujour lou même aucel estampât de pan
en pan, sens que i'ague soulament un pount de mai ou una ralha de
mens. Aco's cb qu'apeloun l'unitat, lous que mauparloun de noslra lenga,
acô's ce pus bèu que pogue cabi dins soun esprit.
» Mes anàs aici proche, dins aquelas salas ounte Fabre, Valedeau,
Gollot e nostre amie regretat Alfred Brnyas, an amoulounat îous trésors
de lapintura: regardas ce que s'apela lou Mariage de santa Calarma, de
Verounese; las Femnas d'Algè, de Delacroix, e digàs-me se dins aqueles
tablèus i'a'na figura parieira a'na autra figura, i'a'n trach parie à'n autre
trach; e digàs-me. pamens, se vesès pas sus aquelas telas una amirabla,
una resplendenta unitat.
» Acô's l'unitat que nous faigaud... »'
Le discours de M. de Tourtoulon terminé, M. Arnavielle donna
lecture de son rapport et proclama les noms des mainteneurs, au
nombre de cent-vingt environ. On remarqua parmi eux trois dé-
putés et deux membres de V Académie française.
MM. Achille Mir, de Carcassonne ; Laforgue, de Quarante; Chas-
tanet, de la Bachellerie, furent réélus à l'unanimité vice-syndics de
la maintenance. M. Albert Arnavielle fut aussi réélu secrétaire.
Leurs pouvoirs seront valables pendant trois ans.
Les statuts des écoles de Nimes, d'Alais et de Montpellier fu-
rent ensuite approuvés par la réunion. L'école de Nimes porte le
nom de Soucieta di felibre de la Miougrano ; celle. d'Alais, de Soucielo
dasfi'libres gardounenes ; celle de Montpellier, de Parage, qui mérite
une explication préliminaire.
Par le mot de parage, on désignait souvent, aux XIIe et XIIIe siè-
cles, l'ensembledela civilisation chevaleresque, les vertus, les avan-
tages,les manières d'être, qui en étaient à la fois la conséquence et
le signe. Le parage exprimait encore la noblesse, non pas unique-
ment et simplement celle de race, mais celle qui consiste dans
la culture de l'âme et de l'esprit, qui se manifeste par la courtoi-
sie et la générosité *. Telle est l'acception qu'il revêt fréquemment
dans la Chanson de la croisade. Et l'auteur de la geste tend par-
tout a la développer et à l'agrandir. Il s'efforce de relever la
haute idée qu'il en a, en dépeignant presque l'état du Midi «comme
un état idéal de joie et d'allégresse, comme un monde où tout est
1 Cette définition est textuellement empruntée à l'introduction que Fau-
riel plaça en tète de l'Histoire de la croisade contre les hérétiques albi-
geois. Paris, 1837; m-4°. lxi-lxii.
I o LES RKJTN10NS
vie, splendeur et lumière; comme un vrai paradis, car c'est le mot
qu'il emploie, et ce n'est pas une fois, et par hasard c'est sé-
rieusement pour ne pas rester trop au-dessous du sentiment
dont il est plein *. »
Le préambule du Parage reproduit en grande partie la définition
du felibrige, telle qu'elle fut arrêtée, d'abord par Roumanilie et Mis-
tral,à la suite des Jeux floraux d'Apt, en 1862, et telle qu'Aubanel
la développa aux fêtes de Forcalquier, en 1875:
I.
« Lou felibrige, y est-il dit, es establit per amor de garda lou parla
rouman, sa libertat esï volha naturala; lou felibrige es gai, amistadous
e frairenau, pie de simplessia e defranquessia.
» Ten en ferme perpaus lou chale de soun brès nadalenc, delà França
e delà terra latina.
» Soun vi es la bèutat, soun pan es la bountat, e soun cami la veritat.
» A lou sourel per regalida, tira sa sciencia de l'amour e fisa en Dieu
sa prima espéra 2.
» Serva soun odi per ça qu'es odi, aima e recampa ça qu'es amour.
II.
< En causa d'aque! prefach epe-r fin qu'es pas soulament felibre aquel
que se capita troubaire e que canta, mais tant ben lou que sap lou noum
das sants, das princes edas omesde Frouvença, lou que se sentis grandi
flavans l'obra dau Puget, ou que tresana au raconte de la vida de Mount-
nalm, de las vitorias île Sufren ou de la mort d'Assàs ; aquel que sus la
peira, per lou cant ou la parladura, enaura mai que mai lou chale de
soun brès nadalenc, de la França e de la terra latina s.
» Lous set Mounl-pelieirencs que se rencountreroun de cor lou quatre
de nouvembre mila ioch cents setanta cinq l s'acordoun per estituïr una
escola felibrenca que sarà dicha lou Parage. .... »
Le Parage choisit quarante-neuf membres dans Montpellier el le
même nombre dans les dialectes qui rappellent le mieux sa langue
naturelle. Les sept félibres qui composent son bureau sont tou-
jours de Montpellier. Ses membres s'assemblent sept fois par an.
dans l'un ou l'autre de leurs sept, lieux félibrins qui sont, dit le
Statut :
1 Fauriel, Histoire de la croisade, etc., p. lxji.
2 Voyez l'ancien statut du felibrige, Armana prouvençau, 1863, p. 108.
3 Voyez le Disrtmrs prononcé par Aubanel à Forcalqnipr. p. 26.
•Ij's félibres languedociens se réunirent à Montpellier, le 1 novembre
187o, et y fixèrent les premières bases de l'association qui forme, à l'heure
actuelle, la maintenance de Languedoc.
DU FELTBRIGE 161
« L'illa de Magalouna, lou pioch de Sant-Loup, la pineda de Mount-
ferriè, lou pioch de Sant-Glar, à Seta ; la bauma de las Doumaiselas, lou
bos de Pechaboun e la barouniè de Lunel . »
Ces lieux de réunion ont été choisis à dessein dans les limites
du sous-dialecte de Montpellier.
Le statut du Pavage se termine de la manière suivante :
III.
« Estent que la parladura rnount-pelieirenca es clara, franca e naturala,
e que la voulen mantene à toujour clara. franca e naturala, degus se pot
seire dins lou Parage, se noun a lou ferme perpaus d'escrieure mai que
mai la lenga de Mount-peliè e de n'acreisse l'espandiment e la fourtuna.
Parieirament degus se pot seire dins la tieira das quaranta-nôu socis
causits en fora de Mount-peliè. se noun escrieu una parladura que re-
trague, couma una sorre retrais sa sorre, la parladura dau Parage de
Mount-peliè.
Après le vote des trois statuts de Nimes, de Montpellier et
d'Alais, deux subventions furent accordées par la maintenance :
la première, à l'école de Nimes, pour le journal qu'elle publie sous
le titre de Dominique*; la seconde, à celle d'Alais, pour VArmana
de Lengad», devenu sa propriété particulière.
Une discussion s'éleva ensuite touchant l'idiome à employer dans
les actes officiels de la maintenance. Le syndic dit, avec raison,
qu'il devait être pris de préférence dans la province de Languedoc.
afin que l'on ne fût pas exposé à changer de dialecte toutes les fois
que (\q^ maintenances nouvelles seraient créées dans le domaine
de la maintenance actuelle. Le cévenol et le toulousain ayant été
écartés sans opposition, M, de Tourtoulon proposa qu'une sorte
de partage fût établi entre le montpelliérain et un des idiomes qui
possèdent Vo à la désinence du féminin. M. Mistral se leva alors et
lit remarquer que la question ne pouvait être tranchée par le vote,
attendu que le dialecte du chef-lieu de la maintenance était naturel-
lement le dialecte officiel de celle-ci.
Le tour des brindes était arrivé: M. de Tourtoulon reçut à ce
moment une dépèche de M. Aubanel, ainsi conçue :
A travès li piano estellado.
Salut en touto la taulado '.
De pouésio plen moun got,
Brinde au sendi de Lengadô !
Le syndic de Languedoc répondit, lui aussi, par un télégramme
* Cette publication doit prendre bientôt un autre nom.
162 LES REUNIONS
en vers. Une seconde dépêche de félicitations fut également envoyée
par M . Maurice Faure, le secrétaire de la Cigale, de Paris.
M. de Tourtoulon ayant bu ensuite à Mistral, celui-ci répondit
par ces paroles admirablement inspirées et qui allèrent de suite, il
faut le dire, au cœur de tous les assistan:
« Au noum dôu felibrige, porte un salut d'ounour à-n-aquelo drudo
terro que, souto noum divers de Narbouneso, de coumtat de Toulouso e
«le Lengadô. a toujour fioramen auboura dins li siècle soun engèni latin,
soun esperit rouman, sa voio renadivo.
» Terro de Lengadô, portes lou plus bèu noum qu'uno patrîo ague
pourta : lou noum éu-mème de ta lengo !
» Aquéu noum naciounau, clar coume toun soulèu, rapello sèmpre à
tis enfant qu'an uno lengo siéuno ; e tout orne dôu pais, tout fléu digne
de tu, rèn que d'ausi toun noum, o Lengadô ! es fourça de rendre oumage
à la soubeirano lengo qu'es estado ta meirino.
» E vaqui perqué, Messies, eici sias tant noumbrous e tant afeciouna
pèr manteni la causo.
» Gramaci vous avèngue de la part iti Prouvençau, de la part di Limou-
sin, de la part di Catalan e de tôuti aquéli que subre la figuiero, la ta-
marisso e l'oulivié, entèndon canta la cigalo '..... »
Et le toast de M. Mistral se terminait ainsi :
« Avans de m'asseta, vole apoundre à moun brinde, uno santa pre-
ciouso. Beve, Messies, au sendi majourau de vosto mantenènço : à Moussu
lou baroun Carie de Tourtouloun, aquéu savent atravali, aquéu flame
patrioto qu'a counsacra tonto sa vido à releva lou sentimen de nosto nu-
ciounalita, d'abord en publicant la vido dôu rèi Jaume, e pièi en recer-
cant e retrouvant emé bonur, desempièi eilalin iou ribeirés de l'Oucean
jusque peramoundaut licounglasde la Souisso, li raro naturalo de noste
empèri literàri,de noste empèri naturau !
Au cours de son brinde. Mistral avait dit que le midi de la France
avait eu l'heur de rencontrer une idée qui, au-dessus des luttes de
l'humanité moderne, embrassait les gloires du passé, les ardeurs
du présent et les rêves de l'avenir, une idée d'honneur, d'amour et
de paix, qui ferait de son sol le lien central de la race latine. Le
toast du président de la Société des langues romanes marqua davan-
tage, s'il est possible, l'idée dont M . Mistral s'était inspiré:
« Damas e Messies,
» Brinde à la familha latina, que s'espandis sus la terra benesida dau
sourel.
» Seguet ela qu'agetlou suprême ounou d'alucà lou lum de la civilisa-
cioun e de la sciencia au fougau sacrât de l'Evangeli, e que l'a manten-
gut toujour trelusente trioumflant. Que garde sa nobla missioun; qu'ou-
blide pas que deu luchà contre un enemic pouderous, jalous de sa gloria
de vint siècles.
DU FÉLIBRÏGE 163
» Brinde à l'es|iandiment e à la vitoria finala de nosta raça: brinde à
sa fidelitat à las leis que fan lasnaciouns vertadieiraraent libras, grandas
e urousas !
» Longa-mai ! »
D'autres blindes furent ensuite portés par MM . Roumieux, Albert
Arnavielle, Antonin Glaize, Boucherie, Chabanier, Simil, Clair et
Etienne Gleizes, etc. Des pièces de poésie et de prose furent lues
par MM. Achille Mir, Auguste Fourès, Deloncle, le docteur Ch.
Coste, Gros et Desjardins. Un toast en vers de M. Laforgue, adressé
à la fois à MM. Mistral, Azaïs et Arnavielle, fut d'autant plus remar-
qué, que M. Gabriel Azaïs n'avait pu venir à la réunion de la main-
tenance. L'auteur des Vesp rados avait été retenu à Béziers par un
deuil qui n'était pas seulement un deuil de famille : la mort de son
frère Bruno Azaïs, le poëte facile et populaire, mais trop rare depuis
lors, de la pièce sur l'inauguration delà statue de P. -P. Riquet en
1838, et probablement aussi des vers charmants A iriamigo, qui
ont été imprimés à la suite1. La réunion accueillit par de vifs ap-
plaudissements cet hommage rendu à l'infatigable travailleur qui,
à un âge où le repos s'impose aux organisations les plus actives,
donnait au Languedoc, -dans les Vespr ados de Clair ac, le premier
recueil de poésies qu'il ait eu à opposer à la Provence; continuait
la publication du Breviari d'amor de Matfre Ermengaud, cette
curieuse encyclopédie de la science méridionale au XIIIe siècle, et,
en éditant le Dictionnaire des idiomes du Midi, trouvait encore le loisir
de préparer un choix de poésies provençales et languedociennes
que nous n'aurons pas, il faut l'espérer, à attendre trop longtemps.
Le toast de M. Boucherie fut écouté avec la même faveur que
celui de M. Laforgue. Il était écrit en saintongeais et constituait
un plaidoyer très-spirituel en faveur du français d'abord, et ensuite
de ces « pauvres patoës qui ne sont dière méchant, et qui vêlant
tant seurement coume le charbonnier ète les maite chez eux2. » Par
quelques mots d'un excellent languedocien, M. Boucherie s'était
inutilement excusé d'apporter des paroles de langue d'oil dans
une réunion presque exclusivement composée de Méridionaux
« 01 est in patoès qui n'en vaut beun in aute. Il est vrioge, il est seurge
et pu doux que de la brèche, surtout quante ol est noû jennes filles qu1
1 Bersés dé très nuénços. Béziers, Granier, 1839; in-8°, 42 pages. C'est
à Bruno A.zaïs que M. Mistral a dédié sa pièce lou Vin de Bachelèri-
Voyez les Isclos d'or, pag. 436.
2 Le texte de ce toast a été revu et corrigé par M. Marchadier (de
Cognac), un de nos meilleurs santonisants. A. B.)
164 LES REUNIONS DU FELIBRIGE
le parlant. 01 at meinme des peursoune d'ine grande éduque qui disant,
sais pas sol est vrai et vous ou crérez si vous vêlez,
Que, dans le Paradis, Adam et sa fumelle
Et le bon Guieu litout parliant en saintongeuè.
» Ce qu'o y at de sûr et çartain, ol est qu'ol est tieù patoès que parlait
Françoès peurmier. Et ol est bein demage queCougnat, là voure il est ne
naissut, séje pas venut, peur la meinme occasion, la capitale de la
France, rapport qu'astoure je parlerions teurtous le saintongeoès. Mais le
bon Guieu zou a sans doute pas velut, et aneut o faut pu z'y penser.
» Et peux ça près, peur vous dire le définiment, o ne nous dépiàit poin,
pusque Cougnat a pas poïut ète le mâite. qu'o séje Paris. J'avons poin
oublié que tiélés gens delà partie dau Nord nous avant rendul maisd'in
sarvice. et qu'il avant teurjou été au tail avant les autes et tieuquefoé
tous seuls, en le temps que tiélés des étranges pays veniyant peur nous
teurcher querelle. Est-ou pas zeùx, avec Charles Martiâ, tout au proche
de Potiers, qu'avant si beun écarbouillé tiélés Moricot, autrement dit
tiélés Sarrazin, que toute la partie dau Midi n'en était ennangée, et que
le piein mitan de la France allait z-y passer litout 1 Est-ou pas tiélés dau
Nord qu'avant si bein veurluté les Allemands à Bouvines ? Est-ou pas
zeux, au ras d'Orlians, coumindé qu'il étiant peur la fameuse Jeanne Dar,
qu'avant coumincé à arouter les Anliais ?. . . .
» Eh voué ! voué don ! tiélés là qui, parlant la langue de voué (langue
d'oil) avant fait houneur à noute pays; et, coume disait tié brave pésann^
de Jeanne Dar, « il avant été au danger, ol est be de jusse qu'i sejant à
la gloére. » Ce qui vint au meinme de dire que, pusqu'o faut à a'iu
meinme pays ine meinme langue, tieuques-ins meinme n'en veudriant
me seule peur le monde entier, ol est be dejusseque n'on choésisse la
langue dau Nord. Mais, si je li quittons prenre la pu boune piace, o n'est
poin a dire pour tieu que je garderons reun peur nous autes
» Ah! la grand misère! si n'on nou le prend, noute patoès, je seron de
nosjor pu bon à reun : seron coume l'avêuille qu'a peurdut son bâton.
Coument fron-ji peur nous entende ? Les filles se fourcherant de nous
aute: a dérant que je chanfroésons. Et noù bétiaire, sauf voûte raspet,
noû paure bétiaire, je peuron pu nous faire comprenre peur zeùx qui ne
quenoussant, boune gen, que le saintongeoès. Et je peuvons peurtant pas
les envoyer à l'école, quand meinme o deurait nous coûter reun. L'est
peur le cot que les instituteur dériant qu'il avant déjà prou de bêles à
éduquer.
» Qu'o séje don ine affaire beun entendue. J'apprenron le français
comme je peurron, mais sans renoncier, la meinme chouse. à noute ja-
brail saintongeoès, maugré qu'i séjant bein près parents. Et je continue-
rons de le parler, de le chanter et meinme de le jurer in p' lit chichot —
fouliquette — quaate les dames z-y serant pas. »
Cette relation serait incomplète si nous omettions un blinde qui
devait être porté à la mémoire d'Oclavien Rringuier et que l'heure
avancée ne permit, pas d'entendre. Il appartient à M. Gaidan, de
CHRONIQUE 165
Nimes. Quoiqu'il n'ait pas été prononcé, nous tenons à l'insérer
ici, et surtout à remercier son auteur du souvenir qu'il gardait a
notre excellent et regrettable ami. Les paroles de M. Gaidan étaient
dignes du poète que la Société ne pourra oublier, et encore moins
remplacer:
« A l'arderous e melicous felibre qu'enaure lou parla de Mount-pelié
e adournè de tant de bellis e fortis obro noslo lengo d'Ol
» Es au miè de soun prefa e à l'ouro qu'entamenavo emé soun noble
ami e traire, noste valent sendi Carie de Tourtouloun, de marca li raro
de noste parla, que la mort lou raubè pèr lou manda, roumiéu de l'en -
feni, dins li mounde de l'amo que n'an ni raro ni counlin.
» A-naquéu bèu troubaire que viéu, pèr eilamount, dins la pas e
l'amour e dins la libella qu'amavo tant !
» A la memôri d'Outavian Brenguier ! »
Alph. ROQUE-l'ERRIEB.
-0-=<3CrT^
CHRONIQUE
La Sociale des langues romanes a prorogé au 1er août 1877 le
délai d'envoi des pièces de poésie destinées au Concours du Chant
du Latin.
Elle croit devoir rappeler, à cette occasion, les termes du pro-
gramme publié en 1875 :
« Les concurrents devront considérer cette pièce, dont la lon-
gueur ne doit pas être bien considérable et pour laquelle le cata-
lan, le provençal, la langue d'oc, le français et toutes les langues
romanes sont admis à concourir, comme une sorte de chant de race,
pouvant, au moyen de traductions sur le même rb.ytb.me, devenir
commun a tous les peuples qui parlent un idiome dérive de l'an-
cienne langue de Rome.
» Ils auront, en outre, à indiquer d'une manière précise lalangue
ou le dialecte employés dans leurs compositions. »
Les manuscrits du Chant du Latin (avec la notation musicale, si
les auteurs le jugent à propos) devront être adressés franco, avant
le délai précité, à M. le Secrétaire de la Société pour V élude des
langues romanes, à Montpellier.
*
Nous sommes heureux d'apprendre aux lecteurs de la. Sevue que
M. Manuel Milâ y Fontanals, professeur à l'université de Barce-
lone et président de l'Académie des sciences et lettres de cette
ville, vient d'être nommé grand-croix de l'ordre de Charles 111.
Cette distinction, que le gouvernement espagnol accorde très-rare-
ment, dit, mieux que nous ne saurions le faire, en quelle estime les
travaux de notre collaborateur sont tenus à Madrid et dans le
monde savant.
166 CHRONIQUE
« »
M. Alfred Bruyas, membre libre de la Société, chevalier de la
Légion d'honneur, est mort à Montpellier le l'r janvier 1877. Son
nom, désormais inscrit sur la liste des plus généreux bienfaiteurs
de notre ville, avait dans le monde artistique une légitime célé-
brité. En relation et en correspondance suivies avec tous les pein-
tres de notre temps, M. Bruyas était un amateur des plus distin-
gués ; il avait acquis un grand nombre de tableaux et d'objets d'art,
qu'il a légués au musée Fabre. Il a complété sa donation par celle
d'un choix de livres sur la peinture, la sculpture et les arts du
dessin. Ces collections nouvelles ne déparent pas le fond des
Fabre, des Collot et des Valedeau, pour le musée proprement dit:
des Alfieri, des Auguste de Saint-Hilaire et des Flottes, pour la
Bibliothèque. A. F.
*■
L'abondance des matières nous force à renvoyer à l'un des plus
prochains numéros de la Revue une note sur les trois premières pu-
blications spéciales de la Société, le compte rendu du Dominique
de Nîmes et l'étude de M. Antonin Glaize sur les hclo d'or, de
Frédéric Mistral.
*
Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que la Ri-
cislu di filologia romanza va reparaître avec ie concours de l'Uni-
versité de Home. Nous souhaitons le meilleur succès a la publica-
tion de M. Ernest Monaci, et nous ne doutons pas qu'elle ne con-
tribue aussi efficacement que par le passé à la prospérité des
études philologiques en Italie.
On a consacré, le 14 décembre dernier, l'église du grand sémi-
naire de Fréjus,et célébré en môme temps le centième anniver-
saire de la fondation du Séminaire, laquelle eut lieu en 1776. A
cette double cérémonie, la poésie provençale et la poésie française
avaient été admises à concourir sur le même pied d'égalité. M. le
chanoine Paul Terris y a porté un brinde à Mgr Jordany, dont
nous citerons quelques strophes, fort heureusement trouvées:
Zôu ! turten loi got, s'eicô vous pou plaire.
léu vois pouerte un brinde a vous, Mounsegnour.
Awas samena tout de long dôu jour,
E tout susarènl menavias l'araire :
E vèici que Dieu, mestre don jardin.
Qu'a larga l'eigagno. e l'aire, e la vido,
Vous douno aujourd'uoi de fa la culido;
Voueste vespre à vous semblo un bèu matin.
Longo e longo-mai, tôutei pousquen vèire
La frucho maduro e vous la culi.
Sus vouéstei peu bianc que lou jour fali,
Siégue clar e dous coume à vouéstei rèire
CHRONIQUE 167
On doit à M. l'abbé Terris de savants travaux sur la liturgie, l'his-
toire et l'hagiologie des anciens diocèses d Apt et de Carpentras1,
nul n'était donc mieux préparé que lui à rendre cet hommage à
l'un des évêques qui se sont montrés les plus sympathiques à la
renaissance des lettres provençales.
*
« La Société des anciens textes français a mis en distribution deux
ouvrages: le Roman de Brun de la Montaigne, publié par Paul Meyer,
et le t. I des Miracles de la Vierge par personnages, publiés par
G.Paris et U. Robert. — La première de ces deux publications
appartient à l'exercice de 1875; la seconde, à celui de 1876.» {Eoma-
nia, n° d'octobre 1876, p. 510.)
La Société des éludes littéraires et scientifiques du Loi eut, en 1875,
un concours qui fut mentionné dans la Revue-Ce\u\ qu'elle annonce
pour cette année énumère divers sujets. Dans le nombre figurent
la monographie d'un monument ou d'un établissement du Quercy,
antérieur à 1790 ; celle d'une commune ou d'une région du dépar-
tement du Lot, et une pièce de poésie en langue d'oc. Gomme
thème de celle-ci, la Société propose « le monument qui va être
bientôt érigé sur une des places de Gahors, à lamémoire des en-
fants du Lot morts pour la pairie dans la guerre de 1870-1871. »
Les monographies communales comprendront : la description de
la commune, son histoire avec les pièces à l'appui; une étude sur
les monuments qu'on y rencontre et le recueil des légendes, des
dictons et des usages locaux.
Les manuscrits doivent être adressés franco, avant le 15 juin
1877, au Secrétaire de la Société, à Gahors.
Un autre concours esc indiqué à Nice. La Société des sciences,
lettres et arts de cette ville, donnera, ce mois d'avril, une médaille
de vermeil au meilleur mémoire sur le sous-dialecte du comté de
Nice ou sur le passé et le présent de la langue provençale.
Le Consistoire des Jeux floraux de Barcelone tiendra, le 6 mai,
sa séance annuelle. L'églantine d'or est réservée à la meilleure
poésie sur un fait historique propre « à la terre catalane »; la vio-
lette d'or et d'argent, à la meilleure pièce religieuse ou morale.
Le choix du prix d'honneur et de courtoisie est laissé aux concur-
rents.
4 M. l'abbé Terris a découvert depuis peu, dans les archives munici-
pales de Fréjus, divers textes provençaux, et il se propose d'en faire
profiter la Revue.
168 CHRONIQUE
D'autres prix sont encore énumérés dans le carlell des septmain-
teneurs. Nous remarquons, entre autres, une médaille d'argent
offerte à une étude critique du Théâtn catalan, de ses traditions et de
sonélat actuel. Ce sujet a déjà figuré sur le programme de l'année
dernière, sans qu'il se trouvât de mémoire digne d'être couronné.
Il ne fut décerné qu'un accessit.
La Misteriosa, de Barcelone, ouvre également un concours litté-
raire dont les résultats seront proclamés en séance .solennelle de
cette association le 23 avril, fête de saint Georges, patron de la Ca-
talogne.
M. Advielle, attaché au Secrétariat général du ministère des
linances, à Paris, prépare, disent les procès-verbaux des séances delà
Société des lettres, sciences et arts de VAveyron, X, 87, une édition
des œuvres françaises et rouergates de Peyrot, prieur de Pradinas.
« Il désire que les personnes qui possèdent des documents sur le
poëtç aveyronnais, tels que renseignements biographiques, lettres,
poésies, portraits, lui en donnent avis, afin qu'il puisse les men-
tionner dans son travail.»
*
* *
M. Bartsch publia en 1869, d'après le manuscrit de la biblio-
thèque du prince Chigi, à Borne, le mystère de Sainte Agnès; mais
son édition, aujourd'hui assez rare, avait entièrement négligé la par-
tie musicale de ce petit draine provençal.
La Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, qui a
édité, sous la direction de M. Sardou, la Vida de sant Honorai, de
B. Feraud. entreprend aujourd'hui une édition françaisedu mystère
de Sainte Agnès.
Le texte sera accompagné d'une traduction littérale et de notes
par M. Sardou, delà copie des vieux airs, notés comme ils le sont
sur le manuscrit original, et reproduits ensuite en notation musi-
cal»'moderne. Cette transcription est due à M. l'abbé Baillard.
Il ne sera tiré que deux cents exemplaires grand in-8" du Mys-
tère de sainte Agnès (7fr. 50, papier de Hollande . On souscrit chez
M. Lagarrigue, trésorier-archiviste de la Société des lettres, sciences
et arts des Alpes-Maritimes, à Nice, et chez M. Champion, libraire-
éditeur, 15, quai Malaquais, a Paris.
*
* *
Publications philologiques et rééditions.— Paul Meyer, Recueil
d'anciens textes bas-latins, provençaux et français (2e partie). Paris,
in-8o. — Raynaud, Elude sur le dialecte picard dans le Ponlhieu,
d'après les chartes des XII h- et XIVe siècles. Paris. Vieweg; in-8o,
L'7 pages. — A. Delboulle, Glossaire de la vallée d1 Yères, pour servir
à l'intelligent/ du dialecte haut-normand et à Vhisloire de la vieille
langue française Le Havre. Brenier; in-8o, xix-344 pages. — Lor-
rain, Glossaire du patois messin. Nancy. Sidot; Ln-8o, 63 pages.
— Contejean , Glossaire du patois de Mohtbelliard. Montbelliard,
Barbier : in-8o, 282 pages. — Guveiro y Pinol. Diccionario gallego.
Madrid. Murillo ; in~i°. vin-336 pages. — Marcel Devic, Djc-
CHRONIQUE 169
tionnaire étymologique des mois français d'origine orientale (arabe,
■persan, turc, hébreu, malais). Paris, Imprimerie nationale; in-8°,
xvi-279 pages. — Clédat, Leçon d'ouverture du cours de littéra-
ture du moyen âge professé à la Faculté des lettres de Lyon. Paris,
Thorin ; in-8°, 29 pages. — Récits d'un ménestrel de Rheims au
XIIIe siècle, publics par M, Natalis de Wailly. Paris, Loones ;
in-8<>, lxxi-338 pages. — Paulin Paris, les- Romans de la Table ronde
mis en nouveau langage, tome V. »
Travaux sur la poésie populaire, — Pelay Briz: Causons de la
terra (tome V). Barcelona, Verdaguer ; in-12, 304 pages. — Rol-
land, Devinettes ou énigmes populaires de la France, suivies de la réim-
pression d'un recueil de 77 indovinelli public et Trévise en 1(328, avec
une préface de M. G. Paris. Paris, Vieweg ; in-12, xvi-178 pages.
— Clément- Janin, Sobriquets des villes cl villages de la Cùte-d'Or
(2e partie), arrondissement de Deaune. Dijon, Marchand ; in-8o,
vn-81 pages. — Perron, Proverbes de la Franche- Comté, éludes histo-
riques et critiques. Paris, Champion ; in-8o, xn-152 pages, — Cer-
quand, Légendes et récits populaires du pays basque. Pau, Ribaut;
in-So, 97 pages. (Extrait du Bulletin de la Société des sciences, lettrée
tt arts de Pair .
Puiilications en langue i)*oc. — Recueil de noëls vellaves, par l'abbé
Natalis Cordai ( 1 63 1-1648), publiés avec introduction elnotes, par l'abbé
«J.-B. Payrard. Le Puy, Freydier; in-8°. xxxn-127 pag. — Poésies
de dom Guérin (de Nanl), publiées par MM. Mazel et Vigouroux.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi: in-8", 74 pag. et carte.
(Cette publication comprend six pièces, qui parurent pour la pre-
mière fois dans la Revue, en 1874-1875. — L'abbé Favre, Histoire de
Jectn-Vonl-pris. conte languedocien du XVIIIe siècle, traduit et pré-
cédé d'une notice, par J. Troubat. Paris, Liseux; in-16, Lii-77pag.
— Bonaparte-Wyse, la Cansoun capouliero dùu felibrige , seguido
d'un brinde f ourla lou jour de Santo-EsUllo , a-n-Avignoun. Ply-
moutb, Keys, in- 8°. — Aubanel, Discours prounouncia dins l'assem-
blado generalo de la manlenènço de Prouvenço, lengudo à-z-Ais lou
28 dejanvié de 1877. Nimes, Baldy-Riffard; in-8°, 15 pag. — Pelay
Briz, la Roja, Barcelona, estampa de lo Parvenir; in-12, 352 pag.
— Jean Laurès,/ous Bracouniès, ou lou Repas de Vase. Béziers, Mali-
nas; in-8°, 31 pag. — Mozobrau, lou Refrain do peisan, troisième
libre de chanson en potouei limousi. Limoges, Ducourtieux; in-12,
190 pag. — Etienne Pelabon, la Réunion patriotique, comédie en
vers français et provençaux. Toulon, Castex. — Causeries du Con-
teur vaudois, éditées par L, Monnet, lre série. Lausanne, Vincent;
in-12,- xvi-144 pag. (contient un certain nombre de textes contem
porains, en dialecte du canton de Vaud).
# *
A l'occasion de la création d'un Conservatoire de musique, la
ville de Béziers avait décidé, en 1876, un Concours littéraire et
12
I7D CHRONIQUE
musical, qui n'a pas été sans éclat. Le premier de ces concours,
divisé en trois sections : cantate, chœur français et, chœur néo-
roman, est resté ouvert du î'r août au 1er novembre. M. Marius
Bourrelly, de Marseille, y a remporté une médaille d'argent pour
un chœur provençal, intitulé. Bilerra !
(/est la quatrième médaille que le traducteur des Fables de Lafon-
taine recueille à Béziers depui 1873.
Publications concernant l'histoire, la littérature et
l'archéologie des provinces du midi de la France
Desjardins (Ernest), Géographie historique et administrative de la
Gaule romaine (t. I). Paris, Hachette ; in-8°, 476 pages.
Tillion, le Puy-de-Dôme, ses ruines gallo-romaines el son observa-
toire. Clermont-Ferrand, Ducros, in-8°, 48 pages.
Carré, le Régime municipal à Périgueux aux deux premiers siècles
de l'empire romain. Périgueux, Dupont ; in-12, m-133 paies.
Charaux, Tonanlius Ferreolus, provincise Galliseprxfeclus. Mont-
de-Marsan, l.eclereq ; in-8°, 57 pages.
Charaux, Saint A vite, évéquc de Vienne en Dauphiné, sa vie el ses
œuvies. Mont-de-Marsan, Leciercq ; in-8°, "204 pages.
Germer-Durand. Découvert' s archéologiques faites à Nîmes et
dans le Gard pendant l'année 1872. 1er et 2e semestres. Nimes, Gate-
lan ; in-8», 139 pages.
Ginouvès (i'abbé), Panégyrique de saint Fuicran. Montpellier,
Seguin ; in-8°, 40 pages.
Revillout, Elude historique et littéraire sur V ouvrage latin intitulé
Vit de saint Guillaum, . Montpellier, Boehm ; in-4°, 82 pages.
Une Vallombreuse en France, el Esquisse sur saint Gualberl Yisdo-
mini, fondateur de l'ordre de Vallombreuse 985-1073). Au monas-
tère de "Vallombreuse, à Loriol (Drome) ; in-12, 48 pages.
Benezet (Bernard), les Comtes de Toulouse aux Croisades. Tou-
louse, Douladoure ; in-8°, 68 pages.
Jouvion, Une n cotation communaleà Montpellier, en 1204. Mont-
pellier, Martel ; in-8°, 53 pages,
Compayré, Notice sur Eustache de Beaumarchoîs, sénéchal de Tou-
louse et d% Albigeois, de \-l'i à 1294. Toulouse. Chauvin; in-io.
11! pages.
Saumade (l'abbé), Y Admirable Pèlerin de Montpellier, saint Roch.
Montpellier, Martel; in-12, xl-228 pages.
Desbarreaux (Bernard). Établissement de V imprimerie dans lapro-
vince de Languedoc. Toulouse, Privât; in-8o. 430 pages.
Germain, les Étudiants de VÉcole de médecine de Montpellier au
.X \' I siècU, élude historique sur le Libî .i: proguratoris studiosurum.
f\ogent-le-iïotrou, Daupelej ; in-8°, 42 pages.
Mémoires di Jehan de Verg a es, conseiller du roy et président de
la Cour des aides dt Monlferrand (1589-1593). Paris, Aubry ; in-8o.
96 pages.
Bourdon, les Statuts des corporations professionnelles de Montauban
an commencement du XVII' siècle, suivi de les Armes de la corpora-
tion de Montauban, par M. l'abbé Pottier. Montauban, Forestié ;
in-8*, 20 pages.
Tamizej de Larroque, Louis XJIIà Bordeaux, relation inédite pu-
CHRONIQUE 171
bliée d'après un manuscrit de la Bibliothèque nationale. Bordeaux,
Gounouilliou. in-8o, 47 pages.
Baltazar, Histoire de la guerre de Guyenne, réimprimé par M. Ch.
Barry. Bordeaux, Lefebvre ; in-8», lviu-iv-238 pages.
Dadine d'Auteserre, Lettres inédites, publiées avec notice, notes et
appendice, parTamizey de Larroque. Paris, Baudry; in-8°, 49 pages.
Bonnefon, Benjamin Duplan, gentilhomme d' A lais, député général
des Églises réformées de France (1688-1763). Pans, Sandoz; in-12,
m-372 pages.
Textor de Bavisi, Invasion en France en 1707, ou Orronique de
la campagne de Provence et du siège de Toulon. Saint-Etienne,
Théolier; in-8°, 122 pages.
Germain, Une loge maçonnique d étudiants à Montpellier. Montpel-
lier, Boelun, in-4o, 40 pages.
La Société béarnaise au, XVIII" siècle.Historiettes tirées desmémoires
inédits d" un gentilhomme béarnais, publiées pour la Société des biblio-
philes du Béarn. Pau, Ribaut; in-8°. iu-305 pages.
Caste ras (de), Histoire de la Révolution française dans le pays de Foix
et dans VAriêge. Paris. Thorin; in-8°, 424 pages.
Broutin, Histoire des couvents de Monthrison avant 1793 (t. II).
Saint- Etienne, Montagny: in -8°. 396 pages.
Laval, des Grande* Epidémies qui ont régné à Nimes depuis le VIe siè-
cle jusqu'à nos jours. Nimes. Clavel-Ballivel; in-8°, xn-147 pages.
Dom Devic et dom A'aissete, Histoire générale du Languedoc, avec
des notes et les pièces justificatives, nouvelle édition, publiée sous la
direction de M. Ed. Dulaurier, annotée par MM. Mabille et Edw.
Barry, etc.; in-4°(tome II, tomelV, 2e partie, et tome V), Toulouse,
Privât.
Aigrefeuille (d?), Histoire de la ville de Montpellier, nouvelle édition,
publiée sous la directiondeM.de la Pijardière (tome I). Montpel-
lier, Goulet, in-4°, Lviii-.r>32 pages.
Guinodie, Histoire de Libourne el des autres villes et bourgs de son
arrondissement, 2B édition (tome 1er). Libourne, Malleville ; in-8°.
Bossignol, Petits Etals d'Albigeois, ou Assemblées du diocèse d'Albi.
Paris, Dumoulin; in-8°, 260 pages.
Lacanière (l'abbé). Histoire des ëoêrjues de Gahors (tome 1er), in-8»,
103 pages.
Boucassert (l'abbé), Histoire du siège épiseopal de Maguelone et de
Montpellier. Montpellier, Martel, in-8°, vni-259 pages.
Gaubin, la Bevèze, histoire féodale, municipale el religieuse. Auch,
Poix, in-88. 91 pages.
Douglas (le comte). Documents historiques inédits pour servir à
l'histoire du Dauphiné, tom.I. Grenoble, Ailier. in-4°, xu-503 pages.
Bibbe (Charles de): /"■ Vie domestique, les Modèles et les Règles,
d'après les documents originaux. Paris. Baltenweck; 2 vol. in-12.
xv-379 et 4i4 pages.
Rivai n , Notice sur le Consulat et V Administration consulaire d'Au-
rillac. Aurillac, in-16.
Arnaud (l'abbé) Notice historique et topographique sur Sainte-
Marguerite. Marseille. Saint-Joseph; in-8°, 214 pages.
Terris (l'abbé), Sainte-Anne d'Apt, ses traditions, son histoire,
d'après les documents authentiques. Avignon, Seguin; in-12, 237 pa-
•-les.
172 CHROlsIQUti
Cibaud (l'abbé), Histoire du monastère de la Visitation Sainte- Marie
de la ville de Montftrrand. Clermont, Belet : in-8<\ 309 pages.
Serres (l'abbé), Histoire de Notre-Dame-des-M^iraclcs de Mauriac.
Aurillac. Bonnet-Picut ; in-8°, vn-200 pages.
Duval-Jouve , les Noms des rues de Montpellier, étude critique et
historique. Montpellier, Coulet;in-12, xi-36<> pages.
Noulens, Documents historiques sur la maison de Galard, recueil-
lis, annotés et publiés. Supplément, origine et généalogies, toin. IV
(1" partie). Paris, Quentin ; in-8°, xvi-563 pages. (Repartie, 564-
1746 pages.)
Robert (Charles). Numismatique de la province de Languedoc.
Toulouse, 1 870, in-4o.
De Rochas, les Parias de France et d Espagne (Cagots et Bohé-
miens). Paris, Hachette ; in-8o, 309 pages.
Errata du numéro de janvier 1877
Lou Reinard e la Cigogno. — 1*. 40, I. 16, vai trouba, lisez: va
trouba.
Anthologie du Vivarais. — lJ. 47. I. 28, quan lou toèm, lisez: quan
lou té m.
Las Mouninelos. — P. 49, l. 28-29, les trémas, les doubles points,
lisez : les trémas ou doubles points.
Traité de la formation des mots composés. — P. 51, 1. 9, qu'il y
avais, lisez: qu'il y avait.— 1. 12, lat. aud, lisez: lat. audi.
Chronique — P. 52, 1, 37, le discours, lisez: un discours. — P. 56,
I. 1, Emprimarié Centrale, Usez: Emprimarié Centralo.
*^c-<7Xl$'ùTû«'_^^ •£•>
Le Gérant : Ernest Hamelin.
Montpellier. Imprimerie centrale du Midi.
kn \ m ii.i s rat m - .
DIALECTES ANCIENS
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE ROUSSILLON ET DE CEHDAGNE
(Suite et fin '
Aquestae; la hoidonacio en quai mariera ' deuen pagar los homes de
Saut Laurens e de Sant Ypolit, a la clausura del grau.
A vi. de martz l'ayn de mcccx, fo adhordonat perlo senyor
N'Arnald Trauer, juge del senyor Rey, e per En P. de Bar-
dyol e'N P. Matffre procuradors del dit S. Rey, ab voluntat
d'Eu R. Rauyl e d'En Lombart Franch cossols de Sant Lau-
rens, e d'En P. Estoria, prohomes [sic) de Sant Laurens, e
d'En Brgr Rigau e d'En Bertolmeu Oliver tranieses per los
prohomes de Sant Ypolit, que totz aquels dels ditz locs qui
pescaran en Festayn degen hajudar a clausir e arefforssar lo
grau, de lurs perssones, tota hora que'l dit grau, sera clau-
sidor : la quai causa agen a conexer ni. prohomes de Sant
Laurens ab altres ni. prohomes de Sant Ypolit, ensems, quant
lo dit grau sera clausidor e refforssador. Ed aysso que costara
de clausir lo dit grau se dega levar de so que hauran de
homes estrayns, e so que romandra apagarhagen a pagar los
homes dels ditz locs ; e'is homes estrayns paguen dos tantz
que'ls homes dels ditz locs.
Item hordonaren que 1. bolig en que haga vin. homes pach
per vin. homes, e i« gâta de canal en que vasen vi. homes
pach per vi. homes, e i* barehade pareyl pach per n. homes:
e aysso s'enten d'homes dels ditz locs. E en aquelà manera
que'ls homes dels ditz locs son obligatz a clausir lo dit grau,
sien obligatz ad en ramar la ramada. E'1 render de Sant Lau-
rens per lo senyor Rey haga a trer e pausar en pod'er dels
13
174 DIALECTES ANCIENS
prohomes sobreditz qu[i]-y seran elegitz, totz los diners que
costara de clausir lo dit grau e d'enramar ; e quels homes qui
hauran rehebutz los ditz dîners, los agena rretreal dit render
quascun ayn, en lafesta de Sant Vincens.
(Procuracio real, registre XVII, f° 11, r°.)
Dilus lo quai era dit viii. idus mardi anno dni m. ccc. x. fo
adordonat per En Bcvg. de Sant Paul batle de Perpenya, de
consentimenl e de volentat d'En R. Oliver fabre, e d'En Bn
Carboneyl, e d'En R. Pentiner, e d'Eu Johan March, e d'En
Johan Domenec, e d'I*]u Jnlian Gras, e d'En Esteve Cardayre,
e cridar fe lo dit senyor batle, que negu ni neguna per ardi-
ment que aja no gaus trer ni fer trer banes de boc ni de cres-
ta1 de la terra de Rosseylo. E qui contre tara pagara de pena
xx. - e perdra les banes, de la quai pena lo denunciador aura
la terssapart. [Ordinac, I, f° 30, r°.J
Ordonament dels fabres
Pridie kls madiianno dni m. ccc. xi.
Si aliquis faber vel ejus discipulus ponat ferrum in aliquo
liyone, aixata sive vornere vel alia, instrumenta ferrea abta ad
laborandum .... {Ordinac, I , fo 47 , v° . 1
Ordonament dels tiradors. cant deuen haver d'alt
Fuit ordinatum... ad instanciam . . . supra positorum paratorum
ville Perpiniani et procerum dicti ministerii paratorie, quodnul-
lus audeat facere nec tenere tiratorios in campis tiratoriorum
Perpiniani nisi de altitudine vu. palmorum et medii... item quod
tiradorii extremi qui sunt versus septentrionem seu tremontana,
possint esse ultra dictam mensuram vu. palmorum etmedii.
Quod estatutum fuitfactum m.nonas madii annodnim. ccc. j:i.
{Ordinac, I, f° 48, v°.)
Ordonament que'ls ortolars (sic) no gausen culir ortalissa en aicunes
Testes, axi co's segu[e].\s
Ara4 auiatz que mana el batlle del senyor Rey a totz los
ortolas e als aigres qui tenen ortalissa, que no n'i aga alcu,
lCe texte, transcrit .ti 1310, est probablement de la fin du XIII* siè-
cle; le dernier article Post hec, etc., est écrit d'une autre main.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 175
per ardimentque aja, que gaus culir ni vendre ni fer vendre
neguna ortalissa, en dimenge, en ort, ni tenir en plassa ni en
carreres, ni a les un. testes de Nostra Dona Sta Maria, ni a
les festes dels xn. Apostols, ni a la testa de Sant Laurens, si
doncs les dites festes no eren en tires. E si per aventure les
dites festes dels Apostols e de Sant Laurens eren en dijous,
que pog[u]essen vendre en aixi co en autre dia.
E encara, ni a lafesta de Tots Sants, ni a la festa deNadal,
ni als ii. dies après Nadal, ni a la festa de Ninou, ni a lafesta
d'Aparissi, ni al sant divenres de Pascha, ni a la testa de
Sencio, ni de Pentacosta, ni de Sant Johan de juyn.
Exceptât que cascu puga culir e vendre enlos dits dinienges
e en les altres festes sobre dites, pus aure {sic) nona sia so-
nada, so es assaber, pastanag[u]es, e raves, cebes tenres, ayls
tenres, laytug[u]es, espinarchs, e porrat.
Item que cascu e cascuna pug[u]a vendre tota ortalissa en
los dits dicmenges e festes, de la festa de Pentacosta entro
a Sant Miquell, exceptât la festa de Sant Johan de juyn, e de
Sant Jacme, e de Sant Laurens, e de Nostra Dona Sta Maria.
Etot hom qui aquest manament passas, pagara per cascuna
vegada ni. s. dels quais aja lo denunciador la terssa part, e
la obra de la vila la terssa part, e la cort lo romanent.
Encara mes, que cascu e cascuna puscha vendre tota orta-
issa que li fos roniasa cuyleta, dins son alberch, en les dites
estes.
Post hec anno dni m. ccc. xi. nono kls junii, fuit ordinatum
per. . . bajulum. . de consensuet voluntate consulum ville Perpi-
niani et suprapositorum ortolanorum . . quod in dictis festivitati-
bus possint vendi in dicta platea ortalicia predicta, non iamen
colligi. . . . Excepto quod in dictis festivitatibus post comestionem
possint colligi et vendi raves, laytug[u]es, e porrat, e sebes, e
ayls tenres. ( Ordinacions, I, f° 4.)
Viii. idus julii anno dni m. ccc. xi.
Auyats que mana el veg[u]er e'1 batle del senyor Rey als
dins e als de ffora, que no ni aya negun ni neguna qui gaus
comprar ni fer comprar cebes de servar 1 per revendre en de-
1 Les cebes de servar ou servadores, « à conserver », sont appelées au-
jourd'hui en catalau de serva, « de conservation. »
176 DIALECTES ANCIENS
guna mariera, sino dins la vila de Perpenya, e'n los autres
lochs de la terra de Rosselon bon se fa ruercat, lion pusquen
comprar cascun en son loch cebes per revendre, pus queaure
{sic) noria, sia passada e la çeba fos estada pausada en la
plissa; e que degun ni deguna de Perpenya no gaus comprar
cebes servadores, si no ho fasien a Perpenya ayssi co dit es.
E qui contre aquest manament passara, perdra les cebes el
comprador e'1 venedor los dnrs, per pena, de la quai aura lo
denonciador lo tercz, e les u, partz la cort del s. Re\ .
(Ordinations, I, f* 48, v°.)
La crida del blat
/7e kls auyusti anno dni m. ccc. xi.
Ffuit facta lice preconitzacio que sequitur.
Auyats que manen el veguer e'1 batle del S. Rey als dins e
als de fora, que no n'i aga negun nineguna, per ardimentque
aga, qui gaus comprar blat per revendre, ni degun boni nofn]
gaus vendre a negun boni, ses licencia, en gros ni en menut ;
e aquel o aquela qui'u fana, perdria lo blat, e'1 venedor lo
preu, e les persones estaran a causiment del S. Rey.
Item manen a tots cominalment que no n'i aga negun ni
deguna qui gaus comprar blat per despendre, ses licencia de
la cort, ni degun no['n] gaus vendre a degun ses licencia ; e
aquel qui aquest manament passara, que perdra lo blat, e'1
venedor lo preu, e les persones estaran a causiment del S. Rey,
aixi com d'amont es dit.
Item manen a tots los !corraters que negun no* gaus [fer]
mercat a trer ni a vendre deguna guisa deblat, ni de laves, ni
de negun legum, a degun hom ; e aquel qui'u l'aria, staria a
merce del S. Rey, e'1 denonciador auria'n la terssa part.
(Ordinations, I, f° 49. r°.)
Nous .terminons ici le recueil des documents catalans de
K"ii -illon el ('rrda-iie du règne de Jacques Ier de Majorque,
qui mourut à la tin de juillet 1311, et nous y joignons un ex-
* Le mus. porte tu> gaus mercat ni a trer a vendre en deguna guisa,
assemblage de mots inintelligibles. Au reste, un autre document semble
indiquer que la- date ii. kls augusti est fausse, et qu'il laut lire U. klsjulii.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 177
trait d'une pièce de l'an 1284, qui avait été omise à sa date
dans la présente publication.
(1284!
Mémorial sia del asordonament des pes del pa de Perpenya, quant deu
pesar la dinerada del pa en pasta, ni cant es eut.
Cant costa vin. sol. l'eymina, deu pesar la dinerada de la
pasta xliii. onces, e quant sera cuyt deu pesar xxx. vim. onces.
Item quant costa viiii. sol. deu pesar la pasta xxx. vin. on-
ces e miga, e cant es cuyt xxxv. onces meyns tersa onsa.
Item cant val x. s, deu pesar la pasta xxxiiii. onces, e cant
es cuyt xxxia onsa e ni. diners pesans '.
Item cant val xxx. s. deu pesar la pasta xi. onces e ni. dr
pesans, pan cuyt x. onces meyns m. dr pesans.
Totes aquestes onces sobredites son enteses de pes de march
de Monpestler, e tôt pes que hom dat aia, de quai que for vayla
l'aymina de forment, si baxavade vi. dr l'aymina , no'n deu
hom moure ni crexer ni mudar lo pes, si donques no baxava o
pujava de xn. dr. Empero, si puiava l'aymina de vi. dr. o de
vin., deu hom, mermar lo pes aitant de for de xn. dr. Encara
mes, si'l pan no era cuyt, que'l deu hom assagar ab i. fil de
camge passar ( lisez passât ) per mig lo pan ; e, si's ten la mo-
leda del pan al fil, que's jutge per cruu.
(Archives communales de Perpignan, Livre vert mineur, f. 85-86.)
Alart .
1 Le document contient ensuite l'évaluation du poids delà pâte et du
paiu cuit, pour divers prix, depuis onze jusqu'à trente sols.
DIALECTES MODERNES
LETTRES A GREGOIRE
SUR LES PATOIS DE FRANCE
(Suite.)
Guyenne et Gascogne
T'n seul habitant de Bordeaux répondit aux questions de
Grégoire ; mais il était, comme il le dit lui-même dans une de
ses lettres, à portée d'observer les mœurs, les usages, l'idiome
e1 leshabitndes territoriales de ses concitoyens. Il se nommait
Pierre Bernadau. ancien avocat au Parlement de Bordeaux,
et avait en 1790 plus de trente ans (il naquit eji 1759 et mou-
rut en 1852). Il s'est fait connaître dans sa province et même
ailleurs par de nombreux ouvrages en français ou en patois sur
l'histoire, les mœurs et les coutumes de Bordeaux. Ses ré-
ponses à Grégoire contiennent quelques indications qui peut-
être ne paraîtront pas sans importance, malgré l'incorrection
du langage et la façon parfois trop originale dont les idées
sont présentées1.
Pour la partie méridionale de l'ancienne Guyenne, nous ne
trouvons qu'une réponse de la Société des amis delà Consti-
tution du département des Landes.
1°
Monsieur,
N'ayant saisi qu'imparfaitement le sens des questions que
vous proposez aux patriotes, relativement à l'état actuel de
' Bernadau iHait originaire du comté de la Marche. Je dois une partie
de ces r< ments à l'obligeance de M. Delpit, secrétaire de la Société
desarchives historiques de laGironde à Bordeaux.
LETTRES A GREGOIRE 179
l'instruction des campagnes, mais jaloux de vous témoigner
mon estime en concourant autant qu'il sera en mon pouvoir
à l'ouvrage que vous préparez, je me hâte de vous annoncer
qu'une résidence de quinze années dans les divers lieux de
ce district m'a mis à portée d'observer assez heureusement
les mœurs, les usages, l'idiome et les habitudes territoriales
de leurs habitants. J'ai recueilli à diverses époques plusieurs
observations historiques et philosophiques, dont je me ferai
un devoir de vous donner communication, Monsieur, lorsque
j'aurai pu me procurer un exemplaire de la chronique qui.
contient l'universalité de vos questions aux indigènes. En
attendant qu'il me soit loisible d'en saisir l'ensemble, je peux
Monsieur, vous faire connaître : 1° le peu d'écrits qui nous
restent en gascon de Bordeaux ; 2° un dictionnaire ms. de ce
dialecte, trouvé dans la bibliothèque du feu abbé Beaurein,
l'homme qui possédait le mieux nos antiquités ; 3° des rensei-
gnements sur l'état des écoles ; 4o la manière avec laquelle
(sic) les habitudes de certaines paroisses voisines tranchent
entre elles.
La connaissance que j'ai des campagnes qui m'avoisinent
m'a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre
tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des
droits de l'homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre
dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné
de quelques notes très-précises ', mais très-utiles aux paysans.
J'espère que l'administration de la Gironde favorisera mon
projet. J'aurais l'honneur de vous en adresser copie, si vous
croyiez que l'Assemblée nationale, ou même le club des Ja-
cobins2, voulût accueillir mon hommage.
En attendant, Monsieur, pour vous donner un moyen de
comparaison entre nos mœurs et coutumes anciennes avec
celles nouvelles, et les dialectes du XIIIe siècle et celui d'à
présent, agréez le fragment suivant; j'en ai la copie, qui
semble être du XVIe siècle 3:
1 C'est concises que l'auteur a sans doute voulu dire. — - Le cluh des
Jacobins, dont Barnave, Mirabeau et Robespierre, faisaient alors partie,
n'avait pas la couleur politique qu'il eut en 1793.
3 Ces passages, tronqués et falsifiés, sout pris, non d'une copi<j du
XVI* siècle, mais de l'un des ouvrages de jurisprudence coutumière les
180 DIALECTES MODERNES
Dimars après la festa S.Lueia \anno D. 1289, un home que era
aperat Bosquet fo jutgeat -, que corros la bila ab una Angleza ab
laquau, la nuit dabantpassada, era esta! trobat et ave molher. E fo
assi :: probat que un jurât et un autre home am lo jurât, viren per
un forât lo deyl ■'• e1 la Angleza mit et mit entrampsjadens en leyt;
et lo deyt jurât, regardai! continuademen 5 las 6 per lo deyt forât, los
autres que eran vinguts ab lo deyt jurât, ubriren la porte, laquau
quam ' lo deyt Bosquet sinten sin nud in leyt, se ha leba et no
pogo troba 8 sen '•' braguas. Et foren prêts et menats nus à
S. Elegy et lo médis jours ,0 furen 11 jugeais 12 per la costuma de
Bdrdalès.
Costuma es à Bourdeou ,3 que lou permey filb dau '* Barau ls
reten la Baronia et lou permey lilh dau Chibalier, la meysoun
noble 16.
il ne faut pas grande connaissance du jargon qu'on parle
dans les provinces méridionales pour comprendre ces deux
morceaux, et surtout pour apercevoir les racines des mot<.
Virgile tirai! des perles du fumier d'Ennius. D'ailleurs, je
crains qu'une plus forte lettre ne vous ravisse à vos importants
Travaux. Lorsque je connaîtrai, Monsieur, la série et l'en-
chaînement de vos questions, je pourrai y répondre sans ex-
cursions 17, et vous prouver les sentiments avec lesquels j'ai
l'honneur d'être, etc.
P. Bernadau, homme de loi.
Bordeaux, 4 septembre 1790.
plus connus, publié plus de vingt ans avant '700, sous ce titre : Coutumps
du ressort du Parlement de Guienne... par tleu.r avocats au même Par-
lement (MM. de Lamotte frères). Bordeaux, '768; Labottière, in-S. Ivo-
lurnes. Le premier paragraphe se trouve : tome I. page 100, article 171:
le second : tome I. page 44. article 57. (Delpit )
1 Imp. Santa Lucia Verges — » Jutgat.— :; Ayssi.— ■'• Lo deyt Bosquet.
— ' Gontinuadamens. — ,; Lor. — f Quant. — B Trobar. — '-'Las —
m Jorn — » Fo.— '-' Jutgat. — |;! En Bordales. - ''• Deu — l;; Baron.—
16 Au lieu de dau Chibalier, etc., l'imprimé porte . deu Cavoy la Taula.
Delpit.)
,7 Sans digressions.
LETTRES A GREGOIRE 181
')0
Les Droits de l'Homme et du Citoyen
Mis en patois le plus généralement approprié aux diverses nuances du
gascon que l'on parle dans le district de Bordeaux, avec la traduction
interlinéaire mot par mot. afin d'aprétier (sic: ia fidélité de cette version
sur l'original français, par Pierre Bernadau, avocat-citoyen au dépar-
tement de la Gironde.
In omnem terrain exeat sonus eorum. (Ac . Apost.)
Bordeaux, le 10 septembre, l'an second de la Révolution de France
(1790)
Les Droits de l'Homme
Lous Dreyts de l'Orne
Les députés de tous les Français pour les représenter, et
Lous députats de tous lous Francès per lous représenta. et
qui forment l'Assemblée nationale, envisageant que les abus
que lormen l'Assemblade natiounnle, embisatgean que lous abeous
qui sont dans le Royaume et tous les malheurs publics arrivés
que soun dens lou Rouïaumy, et tous lous malnurs puplics arribats
viennent de ce que tant les petits particuliers que les riches
benen de ce que tan lous petits particuliers que lous riches
et les gens en charge ont oublié ou méprisé les francs droits de
et les gens en cargue an oblidat ou mesprisat lous frans dreyts i
l'homme, ont résolu de rappeler les droits naturels, vérita-
l'ome, an résoulutde rapela lous dreyts naturels, bérita-
bles, et qu'on ne peut pas faire perdre aux hommes. Cette <ié-
bles, et que ne poden pas fa perde aux omes. Aquere des-
claration a donc été publiée pour apprendre à tout le monde
claratioun a doun estât publidade per ^prene à tout lou mounde
ses droits et ses devoirs , afin que ceux qui gouvernent les
lur dreyt et lur débé ; perlamo qu'aquets que goubernen lous
affaires de la France n'abusent pas de leur pouvoir, afin que
afas de la France n'abusen pas de lur poudé, per que
chaque citoyen puisse voir quand il doit se plaindre si [on]
cade citoien posque beyre quau diou se plagne s'ata-
182 DIALECTES MODERNES
attaque ses droits, et afin que [nous] aimions tous une consti-
quen sous dreyts, et per qu'aymen tous une consti-
tution faite pour l'avantage de tous, et qui assure la liberté à
tutioun feyte per l'abantatge de tous, et qu'asségure la libertat a
chacun,
cadun .
C'est pour cela que les dits députés reconnaissent et décla-
Acos praco que lous dits deputats recounèchent et descla-
rent les droits suivants de l'homme et du citoyen devant Dieu
ren lous dreyts suibans de l'ome et dau citoien daban Dious
et avec sa sainte aide,
et abeque sa sainte ayde .
Premièrement. — Les hommes naissent et demeurent libres
Prumeyremen. — Lous ornes nèchen et damoren libres
et égaux en droits, et il n'y a que l'avantage du public qui
et égaux en dreyts, et g'nia que l'abantatge dau puplic que
puisse faire établir des distinctions entre les citoyens,
pot fa establi de les distinctiouns entre lous citoiens.
Secondement. — Les hommes n'ont formé des sociétés que
Ségounclemen. — Lous omes n'an fourmatdeles sociétats que
pour mieux conserver leurs droits, qui sont la liberté, la pro-
per millou conserba lurs dreyts, que soun la libertat, la pro-
priété, la tranquillité et le pouvoir de repousser ceux qui leur
priétat, la tranquilitat et lou poudé de repoussa aquets que lur
voudraient causer dommage dans leur honneur, leur corps ou
boudren causa doumatge den lur haunou, lur corps ou
leur bien,
lur bien.
Troisièmement. — La nation est la maîtresse de toute au-
Troizip,mem"n . — La natioun es la mestresse de toute au-
torité, et | elle] charge de l'exercer qui lui plaît. Toutes les
toritat, et cargue de l'etzersa qui ly plaît. Toutes les
compagnies, tous les particuliers qui ont quelque pouvoir, le
companies, tous les particuliers qu'an cauque poudé lou
tiennent de la nation, qui est seule souveraine,
tenen de la natioun, qu'es soûle souberaine.
Quatrièmement. — La liberté consiste à pouvoir faire tout ce
Quatriemcmen — La libertat counsiste à poudé fa tout ce
LETTRES A GREGOIRE 183
qui ne fait pas de tort à personne. Les bornes de cette liberté
que ne fey pas de tort à digun. Les bornes d'aquere libertat
sont posées par la loi, et qui les passe doit craindre qu'un autre
sounpausades per la loi, et qui les passe diou craigne qu'un aute
n'en fasse autant pour lui faire tort,
n'en féde autan per ly fa tort.
Cinquièmement. —. Les lois ne doivent défendre que ce qui
Cinquièmemen. — Les lois ne diben défende que ce que
trouble le bon ordre. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi
trouble lou boun orde . Tout ce que n'es pas défendut per la loi
ne peut être empêché, et personne ne peut être forcé de faire
ne pot esta erapachat, et digun ne pot esta forsat de fa
ce qu'elle ne commande pas.
ce quere ne coumande pas.
Sixièmement . — La loi est l'expression de la volonté géné-
Cheyzièmemen. — La loi es l'espressioun de la bolontat géné-
rale. Tous les citoyens ont [le] droit de concourir à sa forma-
raie. Tous Jous citoyens an dreyt de concourre à sa forma-
tion, par eux-mêmes ou par ceux qu'ils nomment à leur place
tion, per els mêmes ou p' ra' quels que noumen à lur place
pour les Assemblées. [I1J faut se servir de la même loi, tant
p'raux Assemblades. Faou se serbi de la même loi. tan
pour punir les méchants que pour protéger les pauvres. Tous
per puni lous médians que per protégea lous praùbcs. Tous
les citoyens, comme [ils] sont égaux par elle, peuvent préten-
lous eifoiens, coume soun égaus per elle, poden préten-
dre à toutes les charges publiques, suivant leur capacité, et
de à toutes les cargues pupliques. siban lur capacitat, et
sans autre recommandation que leur mérite,
sens aute recoumandatioun que lur mérite.
Septièmement. — Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni
Sètiémemen. — Nat ome ne pot esta acusat, arrestat ni
emprisonné, que dans les cas expliqués par les lois, et suivant
empreysounat, que dens lous cas espliquats per les lois, et siban
la forme qu'[elles] ont prescrite. Qui sollicite, donne, exécute
la forme qu'an prescribut. Que solicite, baille, etzécute
ou fait exécuter des ordres arbitraires, doit être puni sévère-
ou fey etzécuta daus ordres arbitraires diou esta punit sébéré-
184 DIALECTES MODERNES
ment. Mais tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi doit
men. Mes tout citoien mandat ou sésit au noun de la loi diou
obéir de suite ; [il] devient coupable en résistant,
obéi de suite ; deben coupable en resistan.
Huitièmement. — [II] ne doit être prononcé que des
Hwjtiémemen. — Ne diou esta pronounsat que de les
punitions précisément bien nécessaires; et nul ne peut être
punicions précisémen bien nécessaires ; et nat ne pot esta
puni qu'en vertu d'une loi établie et connue avant la faute
punit qu'en bertut d'une loi establide et counéchudp aban la faoute
commise et qui soit appliquée comme [il] convient,
coumise et que sie aplicade coume coumben.
Neuvièmement. — Tout homme doit être regardé innocent
Naubiémemen. — Tout orne diou esta regardât inoucen
jusqu'à ce qu'[il] soit (sic) été déclaré coupable. S'il faut
jucqu'â ce que sie jestat déclarât coupable. Se faou
l'arrêter, [on] doit prendre garde de ne lui faire aucun mal
l'arresta, deben préne garde de ne ly fa nat maou
ni outrage. Ceux qui lui font souffrir quelque chose doivent
ni outratge. Aquels qui ly féden soufri cauqu'are diben
être sévèrement corrigés,
esta sébéremen corrigeats.
Dixièmement. — Nul ne peut être inquiété à cause de ses
Detziememen. — Nat ne pot esta inquiétât à cause de ses
opinions, même concernant la religion, pourvu que ses propos
opinions, mêmes concernan la religion, perbu que sous prépaus
ne troublent pas l'ordre public établi parla loi.
ne troublen pas Torde puplic establit per la loi.
Onzièmement. — La communication libre des pensées est
Ontziémemen. — La communicatioun libre de les pensades es
le plus beau droit de l'homme. Tout citoyen peut donc parler,
ou pus bet ' dreyt de l'ome. Tout ciloien pot doun parla,
écrire, imprimer librement, pourvu qu'[il] réponde des sui-
escrioure, imprima librômen, perbu que respounde daus sui-
tes que pourrait avoir cette liberté dans les cas déterminés
tes que pouyré auge aquere libertat den lous cas déterminais
parles lois,
per les lois.
LETTRES A GREGOIRE 18!i
Douzièmement. — Pour faire observer les droits de l'homme
Doutziémemen. — Per fa obserba lous dreyts de Tome
et du citoyen, [il] faut des officiers publics. Qu'ils soient prêtre,
et dau citoien, laou daus. officiers puplics. Que sien preste,
juge, soldat, cela s'appelle force publique. Cette force est
jutge, sourdat, aco s'apere force puplique. Aquere force es
établie pour l'avantage de tous, et non pas pour l'intérêt par-
establide per l'abantage de tous, et noun pas per l'intret par-
ticulier de ceux à qui [on] l'a confiée,
ticuher d'aquels a qui l'an confiade.
Treizièmement. — Pour fournir à l'entretien de la force
Tretziémemen. — Per fourni à l'entretien de la force
publique, [il] faut mettre des impositions sur tous, et chacun
puplique, i'aou mtte de les impositions su tous, et cadun
en doit payer sa portion suivant ses facultés .
n'en diou pagua sa portioun siban ses facultats.
Quatorzièmement. — Les citoyens ont le droit de vérifier
Quatortziémemen. — Lous citoiens an ion dreyt de bérifia
eux-mêmes ou par le moyen des députés qu'ils ont nommés, la
els même, ou prau moyen de ius députats qu'an noumat. !a
nécessité des impositions, et les accorder librement au besoin
nécessitât de les impositiouns, et les acounia libremen praubesouiu
de l'Etat, de marquer combien, comment et durant quel temps
de l'Estat, de marqua combien, coumen et duran qu'au teins
[on] lèvera de ces impositions, et de voir même comment le
léberan d'aqueres imposiliouns, et de beyre mêmes coumen lou
produit en est employé .
prébingut en es emplégat.
Quinzièmement. — La société a le droit de demander compte
Quintzièmemen . — La sociétat a lou dreyt de demanda conte
à tous les agents publics de tout ce qu'ils ont fait dans leur
à tous lous agens publics de tout so qu'an feyt -dens lur
place,
place.
Seizièmement. — Il n'y a pas de bonne constitution dans toute
Setzièmemen. — Gnia pas de boune constitutioun dens toute
société où les droits de l'homme ne sont pas connus et assu-
sociétat oun lous dreyts de l'home (sic) ne soun pas counèchuts et asségu-
186 DIALECTES MODERNES
rés, et où la séparation de chaque pouvoir n'est pas bien
rats, et oun la séparation de cade pouboir n'es pas bien
établie,
establide.
Dernier article. — Les propriétés sont une chose sacrée et
Damey article. — Les proprietats soun une cause sacrada et
où personne ne peut toucher sans vol. Nul ne peut en être
oun digun ue pot touqua sen bol. Nat ne pot en esta
dépouillé, excepté quand le bien public l'exige. Alors [il] faut
despouillat, exceptât quan lou bien puplic l'etsige. Alors fau
qu'[il] paraisse clair qu'[on] a besoin pour l'avantage commun
que pareche cla qu'an besouin per l'abantatge commun
de ce qui appartient à quelque citoyen, et [on] lui doit donner
de ce que aparten à cauque citoyen, et ly diben bailla
de suite la valeur de ce qu'il cède.
de suite la balou de ce que cède.
Fin.
3°
Monsieur,
Dans la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire derniè-
rement, je me souviens que, pressé par les circonstances, je
ne donnai pas à mes offres toute la déduction que je voulais.
Je ne les fis, pour ainsi dire, que pour vous témoigner l'eni-
pressement que j'ai de concourir à votre patriotique projet.
Je n'en connais pas bien les détails, comme je crois vous l'avoir
marqué, et cela parce que je n'ai pu prendre une communi-
cation réfléchie des propositions qui ont été imprimées. Main-
tenant, Monsieur, je vais, si l'on peut ainsi parler, prendre
date dans votre entreprise, en vous offrant de faire les recher-
ches relativement à deux ouvrages gascons dont le contenu
m'est connu et qui sont imprimés. Je vous offre le texte de
u<>- ain-n-niios Coutumes, ouvrage authentique, quoique in-
complet, et dont la composition peut se placer entre le XIIIe et
le XVIe siècle, y ayant des articles faits dans ces deux époques.
Quant aux rense-iinuMnents à désirer sur l'esprit des idiomes
qu'on parle dans ces districts de Gironde, et plus particuliè-
LETTRES A GREGOIRE 187
rement clans celui de Bordeaux, il m'est assez facile de vous
satisfaire, en ayant visité et observé les différents cantons.
Mœurs, habillement, dialectes, préjugés, antiquités, institu-
tions, j'ai vu de près tout ce qu'il fallait voir pour en parler
congrûment ; et telle était mon intention d'en donner l'histoire
morale, littéraire et philosophique, si la résolution dans la po-
litique n'en avait opéré une en France dans les opinions.
J'ai formé le dessein de faire agréer par l'administration
une version gasconne de nos plus importants décrets à l'usage
de la multitude. J'ai l'honneur de vous en adresser une es-
quisse dans la traduction de la Déclaration des droits. Chaque
mot porte sa traduction précise dans l'entreligne, pour l'intel-
ligence du dialecte et de ses tournures. Le paquet ci-joint, à
l'adresse de l'Assemblée nationale, contient également copie
gasconne de la Déclaration, avec des notes et la tradition lit-
térale à côté. J'oserai vous prier, Monsieur, de vouloir bien
en faire agréer l'hommage à nos représentants. J'ai été en-
couragé dans cette offrande par l'accueil qu'ils font aux pro-
ductions utiles des bons citoyens. J'ai l'orgueil d'ambitionner
à ce titre, ainsi que celui de pouvoir me dire avec une estime
respectueuse, votre, etc.
P. Bernadau, homme de loi.
Bordeaux, 11 septembre 1790.
■ OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS PATRIOTIQUES
De M. le curé Grégoire, député à l'Assemblée nationale, par Pierre Ber-
nadau, citoyen actif de France, homme de loi à Bordeaux, correspon-
dant de plusieurs Sociétés littéraires et patriotiques.
Un autre aurait mieux fait; moi. je n'ai pu mieux faire.
Lafoxtaixe.
1. — Dans le district de Bordeaux, dont j'entends parler
toutes les fois que je ne ferai aucune exception particulière,
l'usage delà langue française n'est point absolument universel.
Dans Bordeaux, le bas peuple y parle habituellement gascon,
et les cris des marchands (excepté ceux qui sont étrangers)
138 DIALECTES MODERNES
sont encore tous en patois. On le parle au marche', mais sans
exception du français. Les harengères essaient surtout de le
parler avec les acheteurs étrangers, et leur jargon devient
alors plaisant. Il y a cinquante ans que les négociants parlaient
volontiers gascon. Plusieurs anciens richards aiment encore
à le parler. Maintenant il n'est dans la bouche que [des] ha-
rengères, des portefaix et des chambrières.
Le petit artisan affecte surtout de parler français. Ainsi
dans Bordeaux, peut être sept neuvièmes ; dans les campagnes
environnantes, il est à celui du gascon :: 4 -J- 7/12 : 5.
Quant au nombre de notre patois, on n'en distingue émi-
nemment que deux espèces, celui de Bordeaux et celui de
On parle celui-ci dans la partie occidentale de ce district ;
l'autre est familier à Bordeaux et aux habitants de la rive
droite delaGaronne et lieux adjacents renfermés dans lepays,
ci-devant d'Entre deux Mers, dont partie appartient au districi
de Libourne et partie à celui de Cadillac.
2. — On ne saurait assigner l'origine de notre gascon. Nos
plus anciens litres et monuments connus, et qui remontcni au
commencement du XIe siècle, sont en patois, qui esl vérita-
blement une dégénération du latin que les Romains ont intro-
duit dans l'Aquitaine, qu'ils ont gouvernée jusqu'au VIe siècle.
3. — Le gascon est un idiome très-étendu et très-varié. Il
présente tous les termes de la langue française, et celle-ci ne
jm tt pas trouver des termes équivalents, pour l'énergie et la
pi 'cision, à ceux que le gascon présente. lia peu ou point de
di uinution. Ne serait-ce pas une suite du caractère du peuple
qi i le parle? Pour un Gascon, il n'y a rien de petit, pas menu ■
de mensonger.
4. — Il ne m'est pas donné de décider si le gascon renferme
des dérivés du celtique ou du grec; quani au latin, il paraîl
véritablement en dériver. Le gascon est une dégénération de
la langue romance, dont [on] découvre insensiblement les ra-
cines en remoniant la Garonne et avançant dans ce qu'on
ap elait le Languedoc. Nous avons beaucoup d'adjectifs tin s
de l'espagnol, et des substantifs, surtout des terminaisons na-
sales, de l'angli i>.
La suite pav le prochain courrier.
LETTRES A GREGOIRE 189
5. — Le patois que Ton parle à Bordeaux a une affinité
marquée avec le français, ou, pour mieux dire, ce n'est que
cette langue dont les terminaisons sont gaseonnisées. Il en
est bien autrement, de celui qu'on parle dans les campagnes ;
on y découvre plus particulièrement les mots latins, beaucoup
d'espagnols et quelques anglais. Dans les départements des
Landes et des Hautes-Pyrénées, le gascon est bien plus mêlé
d'espagnol que partout ailleurs. On retrouve des anglicismes
en abondance dans le district de Lesparre, où les Anglais se
sont anciennement établis par prédilection, lorsqu'ils possé-
daient la Guyenne, vu la qualité spiritueuse des vins du Médoc.
6. —Comme nous l'avons remarqué, le gascon s'éloigne peu,
dans ce district, de l'idiome national. Il n'en est pas ainsi dans
celui de Bourg et de Bazas ; le patois y a un caractère tran-
chant avec les voisins, soit pour les mots, soit pour la pronon-
ciation. Si l'on était à portée de communiquer avec M. Gré-
goire, on pourrait lui communiquer des vues qu'il est comme
impossible de rendre sur le papier dans toute leur énergie.
Nous avons un recueil d'antiquités gasconnes auquel nous te-
nons beaucoup, et dont la transcription est au-dessus de nos
forces. Elles lui apprendraient sur les mœurs, les usages, le
vocabulaire des anciens et actuels habitants de la Guyenne des
choses dont il pourrait tirer un bon parti. Mais ces manuscrits
sont un meuble de famille auquel chaque possesseur a ajouté,
et dont il sent que nous ne pouvons pas décemment nous défaire.
Nous ferons nos efforts pour lui en faire passer un abrégé.
7. — Il n'y a point de mots synonymes, autrement il y
aurait deux langues dans une, dit Dumarsais. Cela est vrai à
la rigueur pour le gascon. Tous ses mots tranchent plus entre
eux que dans la langue française, et cependant il a sur elle
l'abondance et l'énergie. *
8. — Le patois est abondant pour toutes les choses qui
tiennent 'à la simplicité, à la décence et à la tranquillité.
9. — Pour exprimer les nuances des idées, on se sert presque
toujours de diminutifs, et autrement il ne manque jamais de
mots, non plus que pour les objets intellectuels. Le Gascon
n'est jamais à court, et cette fierté qui a longtemps distingué
son caractère moral, il l'a conservée dans son patois.
14
190 DIALECTES MODERNES
10. — Nos paysannes nomment volontiers les choses par
leur nom, en commun, sans rougir. Elles ont même des expres-
sions qui, traduites en'français, présentent des images obscènes
qui n'effarouchent point la pudeur dans nos campagnes. Les
mœurs y sont simples, en raison de réloigncment de la ville.
11. — Point de jurements, très-peu d'expressions particu-
lières aux grands mouvements de l'âme.
12. — Oui [on trouve des mots énergiques qui manquent au
français] ; voyez Montaigne et Goudouly.
14 décembre 1790. — La suite par le courrier prochain.
13. — Dans les mots du gascon de Bordeaux, les finales sont
plus communément consonnes que voyelles ; et cela est re-
marquable dans un amalgame de langue française, romane et
espagnole. Il est à présumer que cette particularité a sa source
dans l'origine angaise de cette province, quia été pendant trois
siècles soumise à la domination de ce peuple.
14. — La prononciation est gutturale, mais peu accentuée.
Les è ouverts sont étouffés.
15. — Il n'est point d'écriture particulière au patois. Il n'a
ni grammaire, ni vocabulaire connus.
16. — Le gascon varie beaucoup de village en village, mais
dans ses terminaisons. Cette variation ne tranche cependant
pas aussi sensiblement entre les cantons des districts de Bor-
deaux, de Cadillac, de la Réole et de Lesparre, qu'entre les
cantons du district de Bourg ou de Bazas. On a souvent de la
peine à se comprendre de paroisse à paroisse, surtout dans les
départements de la Vienne (!) et des Landes. La prononciation
est, dans ces contrées, inikiiment pénible et change singuliè-
rement l'idiome.
17, 18, L>. — J'ai déjà répondu à ces questions. •
20, 27. — On no se rappelle pas avoir jamais entendu prê-
cher en patois dans ce district, mais les instructions du caté-
chisme s'y font dans cet idiome, dans presque toutes les pa-
roisses de campagne. Je puis assurer, d'après la connaissance
oculaire et écrite que j'ai du district, qu'il n'y a pas aucune
(sic) inscription patoise dans aucun lieu public. Elles sont
LETTRES A GREGOIRE 191
toutes en latin ou en vieux français; j'en citerai d'étranges, si
Ton en demande. Tous nos écrits patois consistent dans les
vieilles Coutumes de Bordeaux, où il y a des articles faits au
XIIe siècle et au XIVe, publiées il y a quelques années par deux
hommes de loi, et dont copie sur papier vélin, en caractères
gothiques, existe à la Bibliothèque de l'Académie des sciences
de Bordeaux ; les Statuts delà confrérie de Moutiezet dans cette
ville, paroisse Saint-Michel, fondée par Louis XI ; des litres
rapportés dans les Variétés bordelaises ; trois Cantiques qui se
trouvent dans un petit recueil de noëls fort fameux dans ce
pays, et dont mon père m'a dit avoir connu l'auteur, maître
d'école à Blaye ; un Mémoire fait par les pêcbeurs de la Teste
pour réclamer la diminution des droits seigneuriaux dans le
pays de Born, et que je me rappelle avoir lu dans ma jeunesse;
enfin une critique agréable du régime des jésuites, faite en 1762
par un curé de Saint-Macaire, sous le titre de Requestc du
Recardeyres de Senmacart/ à Messius dau Parlemen. J'ai voulu
donner cinq livres d'un exemplaire unique chez un de nos li-
braires; il n'a que 17 pages in-12. Je vais m'occuper de mettre
au net quelques petits opuscules patois, dont je possède l'ori-
ginal, et je vous l'enverrai. Comme je tiens beaucoup aux ou-
vrages gascons que je possède, je ne peux m'en dessaisir,
même pour M. Grégoire; mais je les lui confierai pour un mois,
si cela lui suffit.
Nos proverbes patois, presque aussi étendus que ceux des
Espagnols, ont presque tous l'agriculture pour objet. Je ferai
incessamment l'extrait des plus curieux et qui caractérisent
davantage nos mœurs. La question de l'influence respective
du patois sur les moeurs serait la matière d'un livre, et je n'ai
ni les talents, ni ne crois puissamment utile de l'entreprendre.
Il se" réduirait d'ailleurs à ceci : leurs diverses nuances idioma-
tiques confondues, les paysans de ce district parlent un patois
sourd, simple et traînant, qui est l'enseigne de leur caractère
sournois, de leur lenteur dans le travail et de la simplicité de
leurs habitudes.
Il n'y aurait aucun inconvénient à détruire le patois, sup-
posé que par quelque institution on pût lui substituer une
autre langue. Nos paysans n'y tiennent pas autant que les
Basques et les Bretons. Serait-ce parce qu'il n'est pas si dilii -
192 DIALECTES MODERNES
cile de l'apprendre? Mais, après tout, il leur faut des signes;
et, supposé nu'onleur apprît ceux du français, ils les auraient
bientôt altérés; c'est pourquoi je doute qu'on puisse trouver
le moyen de détruire le patois. On sait à quoi aboutit le pro-
jet de langue universelle de Leibnitz. Le gascon, dans l'état
actuel des choses, se rapprochera insensiblement du français
par la révulsion des citadins dans leur bien et l'accroissement
des gros lieux où on transportera les établissements politi-
ques. Mais toujours le bas peuple, surtout celui des campa-
gnes, aura un jargon particulier.
La suite le courrier prochain
28-30. — On s'aperçoit tous les jours que notre idiome gas-
con se rapproche insensiblement de la langue française, et
que les mots les plus caractéristiques disparaissent. Cette alté-
ration se remarque depuis un demi-siècle que la rénovation
du commerce, attirant dans cette contrée des étrangers, a
contribué à répandre dans nos campagnes et parmi les ou-
vriers la langue française, que tous voudraient jargonner.
il n'y aurait, je pense, aucune importance à détruire le
gascon dans nos cantons; mais les moyens m'en paraissent in-
trouvables et, d'ailleurs, peu utiles. Le bas peuple des villes,
les habitants des campagnes, corrompront toujours la langue
et en feront un jargon, comme cela se [voit] en Angleterre, en
Allemagne et à Paris. Varron et tous nos antiquaires attes-
tent que les Grecs et les Romains des colonies avaient un
accent et une langue différente de celle que parlait la métro-
pole. L'aventure de Théophrastè, à Athènes, en est une preuve
non équivoque.
31-35. — L'enseignement des campagnes est assez nul dans
ce district. Quod vidi testor. Après Le Syllabaire, les enfants
[•assoit à la lecture de Y Office de la Vierge en latin, afin de
pouvoir aider à chanter vêpres aux cur s. 11 n'y a que les gros
bourgs qui soient pourvus de maîtres d'école; encore y paie-
t-on depuis 15 jusqu'à 10 sous pour apprendre à nos élèves
du latin et le catéchisme du diocèse. On ne trouve des maîtres
d'écriture que dans nos petites villes ; là l'éducation est mieux
LETTRES A GREGOIRE 193
soignée, mais plus dispendieuse '. Généralement parlant, les
ecclésiastiques se mêlent peu ou point du tout des écoles.
Ils se bornent à l'autoriser par une permission, et trouvent
toujours l'instituteur assez capable quand il sait servir la
messe et jouer au piquet. Si les curés-surveillaient les petites
écoles, il n'en résulterait pas les abus qu'entraîne la confu-
sion des deux sexes dans une même chambre, rassemblés aux
mêmes heures, subissant en commun les corrections, faisant
des routes pénibles et nocturnes pour se rendre à l'école. Ces
circonstances indiquent des inconvénients funestes à l'honnê-
teté publique. J'en ai vu des suites assez singulières, et qui
m'ont retracé l'aventure d'Annette et de Lubin.
La majeure partie des pasteurs, loin de surveiller les écoles
des campagnes pour la partie de la décence, ne songent pas à
l'influence des lectures utiles qu'on pourrait y faire. J'ai eu
toutes les peines du monde à faire adopter dans l'école du
village où j'ai quelque possession la lecture de la Science du
bonhomme Richard, et d'obtenir qu'il serait distribué tous les
ans un Avis au peuple sur sa santé, le Manuel du cultivateur aux
trois garçons les plus studieux de l'école, et aux trois plus
sages filles une traduction du Nouveau Testament et Y Avis aux
bonnes ménagères. Le curé prétendait qu'inspirer aux enfants
le goût de la lecture, c'était chercher à leur donner sur leurs
compatriotes une supériorité contraire à la modestie chré-
tienne, et que les filles liseuses étaient de méchantes femmes.
On doit juger si, avec de pareils préjugés, les curés songent
beaucoup à prêtera leurs paroissiens d'autre livre que Y Ordi-
naire de la messe et le Petit Paroissien, c'est-à-dire [des livres]
absolument inutiles au gouvernement des familles : Quisque
suos patimur Mânes.
(A suivre.) A. Gazier.
1 70,000 enfants des dnux sexe? fréquentent aujourd'hui les 1,200 écoles
primaires du département de la Gironde ; aussi ne compte-t-on guère que
280,000 individus, sur une population de 700,000 âmes,, qui ne sachent
ni lire, ni écrire.
UN DIMENCHE DOU MES DE MAI
Go thou and seek the house of prayer
T to the woodlands bend my way i .
(Southey.)
1
Longo-mai, longo-mai,
Bèn me remembrarai
D'aquéu glourious Dimenche à labono de Mai,
Quand la flour de moun amo,
Liuen di glèiso poumpouso ount lou prèire s'aclamo,
Esclatè santanien coume un eissourg de flamo.
Vous, dardai benfasènt,
Fendeire dis aven,
Erias mi Candeleto e mi Calèu lusènt !
Vous, Sentour di baragno,
Perfum ferigoula, dous Alen di rnountagno,
Erias moun soûl Encens, lou soûlas de ma lagnol
UN DIMANCHE DU MOIS DE MAI
Longtemps et longtemps encore, — certes, je me souviendrai —
de ce Dimanche splendide, au beau milieu de Mai, — quand la fleur
de mon âme, — loin des églises fastueuses où le prêtre se pro-
clame, — éclata pieusement comme une fontaine jaillissante <{>>
feu.
Vous, rayons bienfaisants, — fendeurs des abîmes, — vous étiez
mes Cierges et mes Flambeaux luisants! — Vous, Arômes des haies,
— Parfums de serpolet, douce Haleine des montagnes, — vous étiez
mon seul Encens, le soulagement de mon souci.
*o'
1 Acè's à (tire v :"i pnu près)
0 vautre, anasa in g
1 cimo - i i rai ! B.-W
UN DIMENCHE DOU MES DE MAI 195
Grand Oucean bramarèu,
Fier rivau dôu soulèu,
Eres moun Orgue, tu, cantant coume se dèu!
E tu, Terro amirablo,
Aliscado de rai e de flour deleitablo,
Eres tout aquéu jour ma Madono adourablol
D'abandoun, cor dubert,
Sus un tucoulet verd
Me jitave (parai?) pèr pantaia mi vers,
Plen d'estranjo alegresso,
Mai coumbouri pamens de divino tristesso,
Coume un amant que pènso à sa liuencbo divesso.
E, davans mi vistoun,
Cor dubert, d'abandoun,
Passavo sus la draio uno grand proucessioun
De jouvènt, de chatouno,
— D'amourous, enliassa, gaiardet, galantouno, —
De fiers iue flamejant, de gorgueto redouno.
Aganta pèr la man,
S'espacejant plan -plan,
A coustat di genèsto e dis aubespin blanc :
Grand Océan mugissant, — fier rival du soleil, — tu étais mon
Orgue, toi qui chantais selon ta nature! — Et toi, Terre merveil-
leuse,— parée de rayons ainsi que de fleurs délectables, — tu étais
tout ce jour-là la Madone de mon adoration.
Au gré de mon caprice, le cœur ouvert, — sur un petit tertre de
gazon, — je me jetais (il me semble) pour méditer mes vers: —
plein d'étrange joie, — mais consumé néanmoins de divine tris-
tesse,— comme un amant qui pense à sa divinité éloignée.
Et, devant mes yeux, — le cœur ouvert, au gré de leurs caprices,
— sur le sentier passait de jouvenceaux et de jeunes filles —
une grande procession ; — des amoureux, deux à deux, vigoureux,
gentillettes; — des yeux fiers qui brillaient, — de petits seins
arrondis.
La main dans la main, — se promenant tranquillement, — à côté
196 DIALECTES MODERNES
Oh ! la superbo viclo ! . . .
Aquésti souri, segur, de rouseto espelido,
E lis autre souri li que n'auran la culido.
Ve ! la mar, mirau blu,
Clafîdo de belu,
Que fan à cimo d'aigo un fernimen alu!
Ve ! li nau que blanquejon,
Pereici, pereila, que moulamen floutejon,
E coume de pavoun au lum se pavounejon !
Ve ! de vôu de gabian,
Se pausant de si vanc,
Escampiha sus l'oundo en guiso d'ile blanc !
Ve ! li calanco leno,
Ount, s'enaurantdi gourg, vèn la bloundo Sereno
Pèr penchina si peu, quand l'oureto es sereno.
Autour de l'Azur viéu,
Sènso nèblo, sens niéu,
S'espandis lou Soulèu counio l'iue d'or de Dieu :
E s'entend de tout caire,
L'estrambord argentin de l'Auceloun-Troubaire1,
des genêts et des aubépines blanches, — oh ! l'adorable vie ! ... —
Celles-ci sont, certes, déjeunes roses épanouies, — et les autres
sont ceux qui en feront la cueillette.
■Vois ! la mer, miroir bleu. — couverte d'innombrables étincelles,
— qui font à fleur d'eau un frémissement ailé ! — Vois! les navi-
res blanchissants, — qui flottent mollement, par-ci, par-là, — et,
comme des paons, se pavanent à la "lumière ?
Vois! les volées de goélands, — qui se reposent de leurs élans,
— éparpillés sur l'onde en guise de blancs lis! — Vois! les calan-
ques placides, — où. surgissant des gouffres [marins], vient la
blonde Sirène r peigner ses cheveuxj quand le temps se
tranquillise.
autour de l'Azur vif, — sans nuage, sans nuée, - '-if I*
' Aucéloun-Troubaire : VAlauveto (l'Alouette).
UN DTMBNCHE DOTJ MES DE MAI 197
Que s'abrivo galoi dins li toumple de Taire.
Tout lou long dôu cristau
De la niar, ount li bau
Se miron, i'a de conco à l'abri dôu Mistrau .
E si cèuno sablado
Sarien plus agradivo i poutoun de mi piado,
Qu'un couderc velouta, qu'uno tepo esmautado !
II
Oh ! la Mar ! lou sabèn,
Dins soun sen trelusènt
A de sau à niouloun que puro la retèn !
Oh ! la Terro pourpalo
A'n esperit sutiéu dins si veno roucalo,
Qu'aliscara de gau sa jouvènço inmourtalo !
E, de même, l'amour
Dôu grand Dieu Creatour
A la raço oumenenco, enligado de plour,
Presento, sano e vivo,
Soleil, comme l'œil d'or de Dieu -- Et l'on entend de tout côté —
l'extase argentine du petit Oiseau-Troubadour, — qui se lance
joyeux dans les profondeurs de l'air.
Tout le long du cristal — de la mer, où les falaises — se mirent,
on trouve des anses abritées du Mistral ; — et ses plages sablées
— seraient plus agréables aux baisers de mes pieds — qu'une pe-
louse veloutée, qu'un gazon émaillé [de fleurs].
II
Oh ! la Mer ! nous le savons bien, — dans son sein radieux —
renferme en abondance le sel qui la retient pure ! — Oh ! la Terre
purpurine — a un esprit subtil dans ses veines pierreuses, — qui
parera de joie son immortelle jeunesse 1
Et, de même, l'amour — du grand Dieu Créateur. — à la race
humaine maculée de pleurs, — présente, saine et vive. — souriante
198 DIALECTES MODERNES
Sourrisènto toujour, toujour antidoutivo
Dôu vérin maufasènt, la Bèuta renadivo !
Pèr acô, pèr acô,
Souri li roso, li ro,
Espoumpido i raioun, miraia dins li flot;
Pèr acô, tremouleto,
La luno sus la lono alongo si baneto;
Li pradas matinié souri de fio de perleto.
Pèr acô, pèr acô,
L'alauveto, lou chot,
Fan pleure de cansoun, fan ventoula d'ecô :
Per acô, li gauteto
Di poupoun innoucènt soun de poumo lisqueto;
Lou vistoun di cliatouno, uno font risouleto.
III
(Mounto que mountaras!
Volo que volaras ! ). . .
Oh 1 se, se s'adouravo à bel èime eiçabas
sans cesse, sans cesse préservatrice — du venin vicieux, la Beauté
renaissante.
A cause de cela, à cause de cela, — sont les roses, sont les
roches, — épanouies aux rayons — reflétés dans les flots ; — à
cause de cela, tremblotante, — la lune allonge ses croissants sur le
lac ; — les prairies matinales sont des feux de gouttelettes.
A cause de cela, à cause de cela, — l'alouette [des champs],
le hibou, — font pleuvoir des chansons, — font flotter au gré du venl
les échos; — à cause de cela, les joues des petits enfants sont des
pommes lisses ; — la prunelle des vierges, une fontaine limpide.
III
( Monte et monte encore ! — Vole et vole encore !)... — Oh ! si on
vénérait à foison dans ce bas monde — la Grande Beauté éternelle,
— en chaque gradation, harmonieuse, bien sentie, — de ses Ré-
vélations terrestres et célestes,
UN DIMENCHE DOU MES DE MAI 199
La Grand BÈuTA'ternalo,
En chasco gradacioun, armouniouso, couralo,
De si Revelacioun, terrenco, celestialo,
Quent avans-goust d'Alis !
Q uent plasènt Paradis !
Dins Fermas quent jardin, sus li cardoun que nia,
Sarié lèu 'questo Terro
De mèrmis ambicioun, de vilànis esperro,
Ount l'Errour fai tripet, ount lou Vice prouspèro !
MANDADIS
A-n-En Anfos Roco-Ferrié, de Mount-pelié
Anfos Roco-Ferrié!
Que n' as pas toun parié
Pèr l'amour dôu parla qu'anio tant Mount-pelié,
Vuei, un Sage d'Irlando,
Mai noun un marrit quèco, un gus que se desbando,
Coume lou di « Foulié ' », éstirimo te mando.
William-C. Bonaparte- Wyse.
Quel avant-goût des régions élyséennes ! — quel Paradis délec-
table! — dans le désert, quel jardin ; sur les chardons, quel nid, —
serait bientôt cette terre — d'intimes ambitions, de vilains efforts,
— où l'Erreur fait rage, où le Vice prospère !
ENVOI
A M, Alphonse Roque-Ferrier, de Montpellier
Alphonse Roque-Ferrier, — qui n'as pas ton égal — pour aimer
le langage que Montpellier aime tant, — aujourd'hui un Sage d'Ir-
lande— (mais point un mauvais drôle, — un gueux qui se dé-
bande), — comme celui des « Folies » , t'envoie ces rimes.
GUILLAUME-C . BûNAPARTE-AYvSE .'
4 Wyse vôu dire Sage, en angles. Sage, pouèlo de Mount-pelié au
xvn* siècle, espèci de Belaud de la Belaudiero de tresenc ordre, sus la
vido e lis obro de quau En H. -F. a escri de lôngui pajo-
LE GARRABIÈ
<r TJna spina m fier
Que nueg e jorn macora
Am pran cocirier
Devins mon cors demora. »
(Cocir de la mort, — las FI ors del Gay Saber, estier
dichas las Leys d'Amor, — t. 1, p. 212.)
Aro qu'è plourat mai d'uno lagremo,
Daissats-me canta la que tant m'a imat,
Dount le souveni de gracio embaumât
Al prigound del cor per jamai s'estremo.
Me voli pausa sul bord del cami,
Le frount ventalhat per las iroundelos
E les peds dins l'erbo e las pimparelos ;
L'aire es pus audous que le jansemi.
Costo l'garrabiè glaufît de tlouretos
Qu'an d'un se pieucel la cando blancou,
Ieu me coulcarè demest la frescou
L'EGLANTIER
« Une épine me blesse. — qui. nuit
et jour, me tient le cœur; — avec
:_Tande inquiétude, — dans mon cœur
elle demeure. »
(Elégie de la mort, — les Fleurs du Gai Savoir, autrement
dites les Lois d'Amour, — 1. 1, p. 212. )
Maintenant qne j'ai versé plus d'une larme. — laissez-moi chan-
ter celle qui m'a tant aimé. — dont le souvenir embaumé de grâce
— au fond du cœur pour toujours s'enferme.
Je veux m'arrèter sur le bord du sentier, — le front éventé par
les hirondelles — et les pieds dans l'herbe et les pâquerettes ; —
l'air est plus odorant que le jasmin.
A côté de l'églantier couvert de fleurettes, — qui ont la chaste
LE OARRABIB 201
Que douçomenet nais de saa oumbretos.
Ourrissi l'crambel asagat de plours
Per cerca l'repaus joubs sa verdo ramo ;
Le vesi de lenh, — ô gauch de soun amo !
0 poulit nisal de jouves amours !
0 galant bouquet de la fresco primo,
Coumoul de cansous, tout ensoulelliat,
Al caire de Tort te vesi quilhat
E grand à frega la pus nauto cimo !
Me couiti, lèu-lèu, toqui l'albricel,
Sentissi sas flous que fan douço flairo,
— E, lauseto d'or, ma muso s'enlairo
Dins le bel passât, founzut coumo 1' cel.
Darrè l'garrabiè qu'a mes vielho rusco,
E les amelliès goubiats pes ivers,
Aro enjouvenits, pus galhards e verds,
1 a'n gai oustalet vestit de lambrusco.
O bel soulelh coule, vespre printaniè,
Ventot bresilbaire e claro esteleto !
blancheur d'un sein vierge, — je me coucherai dans la fraîcheur —
qui tout doucement naît de son ombre légère.
Je fuis avec horreur la petite chambre arrosée de pleurs, — pour
chercher le repos sous ses vertes feuilles ; — je le vois de loin,
ô joie de son âme! — ô jolie retraite de jeunes amours !
O charmant bouquet du frais printemps 1 — plein de chansons,
tout ensoleillé, — à l'angle du jardin je te vois dressé — et grand
à toucher la plus haute cime.
Je presse le pas : bientôt j'arrive à l'arbrisseau ; — je flaire ses
fleurs qui exhalent de doux parfums, — et, alouette d'or, ma muse
s'élève — dans le beau passé, profond comme le ciel.
Derrière l'églantier qui a mis vieille écorce, — et les amandiers
tordus parles hivers, — à cette heure rajeunis, plus verts et plus
vivaces, — il est une joyeuse maisonnette vêtue de vigne vierge.
O beau soleil couchant! O vesprée printanière, — brise gazouil-
202 DIALECTES MODERNES
Aquital viviô la Margarideto
Ambe Tsieu pupi, brave jardiniè.
M'en brembi souvent : travès la randuro
Que fa Talbre en flous à-n-aquel cantou,
Emaugut veniô li balham poutou ;
0 caro ! 0 velous d'auberjo maduro !
Aquel poutounet tindarel e vieu
Causavo de cops qualquo escarraugnado ;
De para sa gauto ero tant pressado !
E ieu va vouliô mena trop prestieu.
L'espino en cricot ja nous graulignavo !
Nous preniô 'n bouci de pel e de car :
Qu'ero un pauc de mal pr'un moument pla car?
Adieu ! frount marcat, bouco que sannavo !
Tampaven les traucsjoubs forço poutous ;
Qu'ero bou Tsieu sang, licour de ma vido !
0 naset graitat, bouqueto pugnido !
Tintavets de roso espino e broutous !
leuse et claire étoile! — Là même vivait la petite Marguerite —
avec son grand-père, le vaillant jardinier.
Je me le remémore souvent : à travers la haie — que forme à
ce coin l'arbre fleuri, — ému, je venais lui donner un baiser: —
0 visage ! O velours de pêche mûre !
Ce baiser délicat, sonore et vif, — était parfois la cause de
quelque égratignure ; — à avancer sa joue elle était si prompte!
— et moi, je voulais agir trop prestement.
L'épine crochue, comme elle nous égratignait! — Elle nous pre-
nait un morceau de peau et île chair vive: — que nous faisait un
peu de mal pour un moment bien cher? — Adieu, front marqué,
bouche qui saignait !
Nous fermions la plaie sous mille baisers: — que son sang, li-
queur de ma vie, était bon ! — O petit nez griffé, bouchelette pi-
quée, — vous teigniez de rose boutons et épine !
LE GARRABIE 203
E quand ausission la vous tremoulanto
De i'ancian : « Didou ! Es à l'amagat ! »
Partissiô sul cop, à passes de gat.
Demouravi 'qui, l'amo mourmoulanto,
Le cor embriaic del sangprecious
Que m'aviô rajat dins toutos las venos,
E, coumo estacat dambe de cadenos,
Vesiô s'en ana soun cap gracious.
M'arranca les peds del'erbo nouvelo,
Me tira les uels del sieu oustalou,
Qunt grand racocor e quno doulou !
Caliô fuge lenh, lenh de la niieu belo.
0 printems, printems escarrabilhat !
Altieu fresc aie, ô sasou plasento,
Tou se respelis e tout s'arrisento !
O ! fai que l'ruieu cor sio pas mai bilhat
Pr' aquel pessoment que me despoudero
Tourno-me sul cop ma jouve Didou
E de mous setce ans la bravo verdou !
Et, lorsque nous entendions la voix tremblante — de l'ancien :
« Petite! es-tu dans une cachette?» — elle partait sur-le-champ à
pas de chat. — Je restais là, mon âme emplie de murmures,
Le cœur enivré du sang précieux — qui avait coulé dans toutes
mes veines, — et, comme attaché avec des liens de fer, — je voyais
s'enfuir sa tète gracieuse.
Arracher mes pieds à l'herbe nouvelle, — éloigner mes yeux de
sa maisonnette, — quel grand arrache-cœur et quelle peine! — Il
fallait fuir loin, loin de ma bien-aimée.
O printemps, printemps, comblé d'allégresse! — A ta fraîche ha-
leine, 6 saison adorable, — tout éclôt de nouveau et tout redevient
riant! — Oh! fais que mon cœur ne soit plus serré.
Par ce souci qui m'enlève toute force! — Rends-moi sur l'heure
ma jeune Marguerite — et l'alerte verdeur de mes seize ans; —
504 DIALECTES MODERNES
Printenis, tiro-me tahino e lassieiro!
Se darrè 's bouissous s'anavo adreita !
I vese T sieu frount clar coumo uno cstelo,
Joubs la cofo teugno e de blanco telo !
1 manda 'n poutou, Tausi 1lo canta !
0 félicitât! — Ai las ! es pla morto !
Jamai nou sourtis de dins le tahut !
S'eri pas tant flac, s'eri pas agut,
Escarpinariô coumo un folh perorto.
M'entendrion, pertout, la crida souvent!
Le sieu noum besiat de Margarideto
Fariô trefousi mai d'uno fadeto,
Joubs les rocs curats ount marmulo l' vent.
Aucels, bresilhats sus las loungos gaulos :
Qui escoutara vostre canta dons?
Aici, soun tampats gentis ausidous;
Vous poudets calha, pineards e verdaulos.
Sul penjal moufut vous ets esplandits,
Mamoisses nenets, toutjoun audourouses,
Printemps, délivre-moi du chagrin et de la pesante lassitude!
^i, derrière les buissons, elle allait se dresser! — Voir son front
clair comme une étoile, — sous sa coiffe légère et de blanche toile !
— Lui envoyer un baiser, l'entendre chanter!
O félicité ! Hélas! elle est bien morte! — Sortira- 1- elle jamais
de son cercueil? -• Si je n'étais pas si faible, si je n'étais pas
rendu, -je galoperais à travers les champs comme un fou.
On m'entendrait, partout, l'appeler souvent! — Son nom délicat
de Marguerite — ferait tressaillir plus d'une fée, — sous les rocs
creusés où le veut murmure.
Oiseaux, vous gazouillez sur les longues branches : — qui écou-
tera votre doux chanter? — Ici, les gentilles oreilles sont closes: —
vous pouvez vous taire, verdiers ei pinsons.
Sur le talus moussu vous vous êtes épanouies, — petites vio-
LE GARRABIE 205
Poudets vous passi, gauch des amourouses :
Aici, n'i a pas pus de pichounis dits !
Dreit à l'albricel pincat de flouretos,
0 parpalhoulets, vous ets alatats !
Ai ! è prou viscut, e, les uels satats,
Me vau 'spatarra per las amouretos.
Coumo les faidits d'i a pla sieis cents ans,
Que soun rebounduts dins la grande serro,
Mourirè sul se de la bouno terro !
Se troubats moun cos, fraires païsans,
1 farets un trauc costo las racinos
Del vielh garrabiè, qu'agen un sadoulli
E de moun sang rouge e del mieu mesoulh !
Que moun fort malcor se cambie en espinos !
E quand tournara la verdo sasou,
I veirets ma muso al capelh quilhado
Que, dambe le van delà coufilhado,
Canturlejara sa bravo cansou !
A. Fourès.
Abrilh 1876.
(Languedocien, Castelnaudary et ses environs).
lettes, toujours odorantes: — vous pouvez vous flétrir, joie des
amoureux, — ici, il n'y a plus de doigts mignons !
Droit à l'arbrisseau paré de fleurettes, — ô petits papillons, vous
vous êtes envolés! — Ah ! j'ai assez vécu, et, les yeux mi-clos, —
je vais m'étendre au milieu des brizes.
Comme les faidits d'il y a bien six cents ans, — qui sont
enterrés dans la grande sierra, — je mourrai sur le sein de la
bonne terre ! — Si vous trouvez mon corps, frères paysans,
Vous lui ferez un trou à côté des racines — du vieil églantier,
[afin] qu'elles se rassasient — et de mon sang rouge et de ma
moelle ! — Que ma forte peine de coeur se change en épines !
Et, quand reviendra la verte saison, — vous verrez ma muse
perchée sur son faite, — qui, avec l'entrain du cochevis, — chantera
sa vaillante chanson !
A. Foukès.
Avril 1876
15
BIBLIOGRAPHIE
Récits d'histoire sainte en béarnais, traduits et publiés pour la pre-
mière fois sur le ms. du XVe s., par V. Lespy, secrétaire général en
retraite de la préfecture des Basses-Pyrénées, et P. Raymond, archi-
viste du département des Basses-Pyrénées, pour la Société des biblio-
philes du Béarn. — Tom. Ier. — Pau, 1876, in-8° carré.
Le gascon, qu'il vaut beaucoup mieux, à l'exemple des trouba-
dours et de nos anciens grammairiens, considérer comme une
langue à part que comme un dialecte du provençal, offre aux lin-
guistes un sujet d'études intéressant et relativement facile, grâce
à l'abondance îles textes en cet idiome qui ont été publiés. Mais
ces textes étaient tous jusqu'ici des pièces d'archives, et l'on pou-
vait croire que le gascon — dont le béarnais est une simple variété
— n'avait jamais servi, au moyen âge, d'instrument littéraire1. Nous
sommes aujourd'hui détrompés, grâce non-seulement à la publi-
cation de MM. Lespy et Raymond, mais encore aux notices que
nous ont données récemment M. Milà y Fontanals et M. Léon
Gautier: le premier, sur une traduction de la Disciplina clericalis
( Voy. la Revue, X, 238 ) ; le second, sur le mystère de la Passion,
de la bibliothèque Firmin Didot (le Mande, 14 avril 1876). Souhai-
tons que ces deux derniers ouvrages, surtout le mystère, soient pu-
bliés proniptement, et faisons, en attendant, le bon accueil qu'il
mérite à l'élégant volume que nous offre aujourd'hui la Société des
bibliophiles du Béarn.
Le titre qu'on a lu plus haut a été choisi par les éditeurs, leur
ms., qui est incomplet de la lin et du commencement, n'en four-
nissant aucun. Il existe du même ouvrage une version catalane,
publiée en 1873 par M. Amer, et intitulée Genesi de scriptwa, et
une version provençale dont le ms., appartenant à la bibliothèque
Sainte-Geneviève, a reçu le titre de Bible en langage gascon, à l'épo-
que sans doute (XVIIe ou XVIIIe s.) où l'on qualifiait de gascon
tout ce qui était langue d'oc. Le fait est que ce texte a les carac-
1 La Chronique des comtes de Foix et seigneurs de Béarn, composée
en 14'i5 par Miguel del Verms, et que Buchon, qui l'a publiée en 1838
dans le Panthéon littéraire, qualifie de béarnaise, est en réalité écrite en
provençal (dialecte de Foix). Il s'y est glissé seulement, par-ci par-là, prin-
cipalement dans tes pièces rimées qui parsèment le récit, des formes gas-
connes.
BIBLIOGRAPHIE 207
tères très-marqués du dialecte de la Provence ou de la partie voi-
sine du bas Languedoc. Les éditeurs ont eu l'excellente idée de
publier en appendice tout ce qui, dans le texte provençal, corres-
pond à la partie conservée du texte béarnais. On ne peut que leur en
savoir gré, tout en regrettant qu'ils n'aient pas poussé la libéra-
lité jusqu"à reproduire en entier le ms. de Sainte-Geneviève.
Aprèsavoirlouécommeil convientles soins donnés par MM.Lespy
et Raymond à leur publication , et dont témoigneraient seules
l'ample introduction et les notes abondantes qu'ils y ont jointes, je
placerai ici un certain nombre des remarques, que m'a suggérées
la lecture attentive de leur double texte. Un mot auparavant sur
un passage de l'Introduction (p. cxlvui), pour rappeler, à propos de
la légende du bois de la Croix, qu'il en existe en provençal un
récit particulier, dont l'auteur paraît être Matfre Ermengaud \ et
que Fauriel a donné de ce récit une traduction abrégée au tom. 1er,
pag. 263, de son Histoire de la poésie provençale.
TEXTE BÉARNAIS
P. 4, 1. 14-15. Care e care. La conjonction e, en pareil cas, était
bien plus fréquemment employée que la prép. a. C'est donc pren-
dre une peine superflue que de justifier la leçon originale.
P. G poble .' Podem . ... Il manque peut-être quelque chose,
mais il faudrait l'indiquer. Dans l'état du texte, le mieux parait
être de supprimer le point après poble et le point d'interrogation à
la fin de la phrase. Jo et poble seraient sujets de podem.
10, 9. Entorn, ms. entron, corrigé à tort, ici comme plus loin
(38,18). Ces sortes de métathèses sont familières au gascon. Cf.
drom =• dorm, frem =ferm, et tant d'autres.
10, 17-18. Telhes, qui répondrait phonétiquement à tegulas, pour-
rait être ici, par synecdoque, au sens de demeure ; mais il vaut
mieux, je crois, d'après les deux autres textes, corriger celhes (t
pour c mal lu, comme il arrive souvent ), qui serait pour celhers.
Notre texte offre bien d'autres exemples de la réduction, d'ailleurs
si fréquente, de rs final à s.
12, 1. Fonuut. Corr. fonnut et non fondut, comme le voudrait la
4 Ce récit ne se trouve que dans deux mss. du Dreviari d'amor. Voy.
Bartsch, Grundriss der provenzalischen Literatur, p. 57, et la préface de
l'édit. du poëme, p. xiu. Il serait à désirer que la Société de Béziers le
publiât, ainsi que le Salve regina contenu dans les mêmes mss.. à la suite
de la lettre de Matfre à sa sœur, seule annoncée sur la couverture du
Breviari d'amor.
?,.- BIBLIOGRAPHIE
no!' I erait contraire au génie du gascon, et particulièrement
du béarnais, qui assimile d à Vn précédente ou le laisse choir.
12, 10. Il eût, ce me'semble, beaucoup mieux valu corriger apa-
: negun.
14, 21. Puisque les éditeurs corrigaienl eg en jo, ils n'auraient
i substituer prometu à prometo.
IC. Qtu jo conegues vostre duressa. Corr. coneg ; ues est à rejeter
olument. Peut-être le scribe, ayant d'abord écrit ues pour la
re syllabe de vostre qui suit, aûra-t-il oublié de l'effacer,
être repris.
16. Entorn ah vos. Ms. entran, qu'il fallait garder. comme le prouve
le passage correspondant du Deutéronomt XXXI, 27): ingrediente
- a.
|i',. Que toi': ag augen aquestas palauras. Ag est de trop (erreur
causée par aug . nui suit? Cf. ci-dessus la note sur conegues), ou
il manque quelque chose, comme dire ou parlare. La Bible dit : et
,• audientibus eis sermones istos.
18, 1-2 D( n'esl pas fautif, comme il est dit en note,
i l'équivalent exael du IV. désormais, sauf qu'on y a Je seul au
lieu de des. Le simple ueymes (pr. aimais ) a juste le même sens.
18, 9. Errant du ms. (= fr. errèraifj est très-préférable à eran, •
quoi les éditeurs l'ont remplacé.
20, 13. Lo Ihéba. Ms Ion Ih. Il n'y avait pas lieu à correction :
A,,/ ^ !<• Di. ce qui, ici, convient on ne peut mieux.
24. Dequeg vostre rey. Les éditeurs écrivent toujours ainsi ( et de
même dequesl, dequi . hésitant sans doute entre de queg etd'equeg.
Mai- etnples comme en queg, qu'on rencontre souvent dans
_ i cons, sonl décisifs en faveur de queg.
lu qu'eu dem. Va toujours ainsi pour que lo. D'après le sys-
tème adopté par 1rs éditeurs (et qui ne nous parait pas le meil-
leur ), il faudrait qnc-u. Et de même que-us (et non qu'eus), p. il).
uben masipes. Le contexte parait exiger le parfait. Plus
, ou lit : e jo estremabey hs, où c'est encore un parfait qu'il
I peut-être sont-ce là aussi des formes de parlait. De
pareille: - irs aujourd'hui à Toulouse. ( Vdy. ma Gramm. Mm.,
177 (J XI, 3 . >'t il n'esl pas probable qu'elles soient
I
'•-' I ; Veto lo. Ce pronom masculin n'est point ici fautif : il se
//.
;-'- 17. E h w'\ a là rien d'irrégulier. Ce tour n'est
ra u langue d'oc Que {=: afin que) est seulement sous-
BIBLIOGRAPHIE 509
entendu, ce qui est fréquent. Remarquez que credes est au subjonctif
( es pour as, changement normal en gascon).
32. 17. Dar fe. Ms. dautre. 14 eût peut-être mieux valu corriger
dau te (do tibi). L'introduction de IV sera ici un cas à'umgekehrte
Schreibung, le phénomène inverse étant très-ordinaire : bâte, mete,
pour batre, mètre, etc.
34. Que debaran. Gorr. debar[ar)an. Le copiste a sauté le second
ar.
36,1. Encontra. Ms. encoere. Encorro (ineurrit) eût été peut-être
une meilleure correction. Ce verbe se trouve ailleurs au sens do
rencontrer.
36, !6. Mostre-us. Exemple bien rare, disent les éditeurs de vos
représenté par us. Cet exemple serait unique. Aussi suis-je porté
à croire qu'il faut écrire vs. Partout ailleurs dans notre texte ce
pronom, en même position, se présente sous les formes bs, on ps,
que, logiquement, vs a dû précéder.
36, 22 . Que fasen lenguabossc . Si une pareille hybridité n'était
pas trop invraisemblable, on pourrait penser à un composé de lingua
et de l'allemand bose.
44. De présent : vos veps que uey . 11 faut ponctuer : de présent vos :
veps queuei. . . Le sens est : . . in conspectu restro, et non pas main-
tenant VepSj-plus haut&eps, n'est autre que le prov. ve vos=ecce. Pour
être conséquents avec eux-mêmes, les éditeurs auraient dû écrire
ve-ps, be-ps.
46. Trametou lo. Autre oubli de la règle adoptée. Corr. Irameto-
u. où u représente lo. Gela ne fait pas pléonasme, l'un des deux
pronoms étant au datif et se rapportant à Samuel.
58. Vi falibe. Il faut U, Au contraire, li cuta doit être écrit l'i
cuta.
60, 17. Eray n'a aucun rapport avec serai/. Il faut simplement
écrire cra y.
60. 23 Quenoelas? Il n'y a ici ni irrégularité, ni lacune. L'emploi
de que pour le pronom qucd, interrogatif ou exclamatif, est très-
commun dans le provençal moderne, comme en italien, et il n'y
a rien de surprenant aie retrouver ailleurs, même dans des testes
anciens. Gf. 96, 16 : que homis etz vos?
66, 15. Soterra lo. Ms. soterran, leçon qui n'est point fautive.
L' n y est pour en = pour cela (à cause de sa compassion) . Gf. ci-
dessus, sur 20, 13.
68, 10. Compli lo manament. Ms. ab lo. Suppression regrettable.
Complir ab est une expression qui se rencontre fréquemment, et
qui est aussi correcte qu'élégante.
210 BIBLIOGRAPHIE
70, 24. Beden David anan triste. Ms. anara. J'aurais préféré anar
à anan. Mais peut-être eût-on dû conserver en entier la leçon du
ms., sauf à détacher l'a final : anar a triste signifierait aller tristement-
72, 7. Lo plore. MM. L. et II. supposent une erreur du copiste,
qui aurait écrit h pour io.Ce n'est pas sûr. J'incline à croire que ce
lo est un adverbe, signifiant ici alors, et qui, pour la forme, n'est
qu'un affaiblissement de la. Ce serait un exemple de plus à joindre
à ceux que j'ai relevés, à l'appui d'une conjecture pareille, dans
une note relative au v. 3798 de la Croisade albigeoise (Revue, IX-
357)*.
74, 9. Fasen ab deu temple. La note sur ce passage, dans laquelle
on propose de suppléer obs, prouve que les éditeurs ne se sont
rendu compte ni de la valeur de fasen, qui signifie, à lui seul, con-
venaient, étaient nécessaires (sens que ce verbe a si souvent), ni de
l'origine de la locution ab de (=p>our), laquelle n'est autre que
obs lui-même suivi de la prép. de. Obs de est devenu d'abord ob de et
ensuite ab de, par renforcement de IV comme dans ac de oc, etc.
Ces trois formes se rencontrent très-fréquemment dans les textes
gascons. En provençal, je n'ai jusqu'ici remarqué que la première.
76, 13. Septmanes. La finale es, ici, n'est pas pour as atone, mais
pour ers, r étant tombée comme dans beaucoup d'autres mots en
pareille position. C'est le français semainiers, et non semaines, devenu,
par métonymie, comme l'ont cru les éditeurs, le nom d'une fonc-
tion.
78, 4 Homi verges que dijo a tu. — Je mettrais une virgule
après homi, deux points après tu, et je corrigerais verges, qui n'a ici
aucun sens, en auges (audias) .
78, 5. Tanta de sapiensa. Il n'y a pas lieu de s'étonner de cet ac-
cord de l'adjectif avec le substantif. C'est une façon de parler très-
commune en langue d'oc, et qui a beaucoup de grâce.
84, 6. Prenco martyre. Ms. prencos, qu'il n'y avait aucun motif
de rejeter; car, premièrement, le subjonctif ne serait pas ici irrégu-
lier, et, en second lieu, si lindicatif parait préférable, prencos serait
pour prenco se. Les éditeurs n'ignorent pas quel est le goût des
Méridionaux, et surtout des Gascons, pour la voix moyenne.
1 En voici un autre tiré de Sancta Agnes, v. 959 (dans les notes) :
Qu'el non favia lo ren forfah.
Cf. encore {Revue, X, 314) la remarque sur le v. 2107 du poëtne catalan
des Sept Sages, et rapprochez-en une note de M. Alart (ibid., XI, 10), sur
un passage qui confirme pleinement l'explication proposée du vers des
Sept Sages. J'ai l'intention de revenir prochainement sur ce sujet.
BIBLIOGRAPHIE 211
88,2. Mamento. Ce mot n'a aucun sens. Gorr. maumeto, parfait,
faible de maumete (prov. malmetre — malmes).
88,6. Per so mau s'en pergo. Il faut sen (sensum).
100,9. Efe ly degorar. . . le ms. a lo. C'est une faute de l'avoir
remplacé par ly, la forme normale du datif, dans notre texte, étant
lo. Il aurait suffi d'avertir, si on le jugeait nécessaire, que degorar
(forme d'ailleurs très-correcte, puisque II en gascon devient r entre
deux voyelles) signifiait décoller et non dévorer.
112. 8-9. Cutes tu? Le ms. a eûtes te tu, qu'il eût beaucoup mieux
valu garder, comme les éditeurs semblent eux-mêmes, en note, le
reconnaître. Outre le passage correspondant du texte provençal (e
pensas ti tu?) on peut citer d'autres exemples anciens de cet emploi
de te (ou ti)'. Tels sont les suivants : «E cujas ti qu'en paradis —
Aia hom talent de manjar? » (Flamenca, 6091-2) ; « Cujas te qu'ela
t'o aport? » (Gedichte der Troub., 817, 2).
114. 6. Ho,jo, dit: Daniel. — Il n'y a ici aucune omission. 11 faut
seulement supprimer la virgule entre ho etjo. Après la particule
affirmative ou négative, on plaçait volontiers, pour la renforcer ou
lui donner plus de précision, le pronom représentant la personne
ou la chose de laquelle on affirmait ou niait : oc ieu! oc nos ! no vos !
oc el ! non so ! etc.
119, 20. E prenco. . . arosine, estope. . . Lis. arosine estope.
116, 21 . Et fonda hac tôt amassa. Ms. heg, forme remarquable
qu'il fallait garder. Elle est assez rare, mais se trouve dans d'autres
textes. J'en ai vu plusieurs exemples dans des chartes de Castel-
jaloux, du XIII3 siècle. Elle complète le parallélisme vocalique
entre les formes diverses des trois pronoms neutres oc (o), so et lo.
en donnant un pendant aux formes en e de ces deux derniers :
oc so lo
ac sa la
ec se le
130, 1.7 du ba~. Sa filhe fo. Suppléez [morte], omission évi-
dente.
TEXTE PROVENÇAL
Le ms. béarnais n'est pas, tant s'en faut, d'une correction par-
faite. Mais que dire du ms. provençal? Les fautes les plus étran-
ges y pullulent, sans parler des lacunes, qui sont nombreuses '.
1 Les résultats de ces fautes ne sont pas toujours des non-sens ; quel-
ques-unes ont seulement pour effet d'altérer, d'une façon bien plaisante
parfois, la signification de l'original. J'en citerai un exemple curieux. Il est
212 BIBLIOGRAPHIE
Les éditeurs y ont fait ou proposé plusieurs bonnes corrections ;
mais on voit qu'ils se sont crus tenus ici à moins de recherches que
pour le texte béarnais, cette partie de leur travail n'étant pour eux
qu'un accessoire. Ils l'ont traitée aussi avec moins de compétence.
Ce serait une besogne fastidieuse et sans grand profit d'en faire un
examen détaillé. Je me bornerai à quelques observations.
P. 142, 1. 10 Anniaray. M s. amiaray. La bonne correction était
annaray . Cette faute se reproduit plusieurs fois.
143, 12. Soquedetot en lot.. Le passage béarnais correspondant
(si no cum de. .) suggère la correction so[n} que.., qui serait le mo-
derne sounque = si non que. Ci. ma. Grau*, limousine. p. '.VU (Revue
VIII. 191).
144, 12. Pastor n'est point un verbe. C'est simplement le sub-
stantif: « que nul ne soit vu, ni bétail, ni berger. »
144, 5 du bas. Mandement. Corr. mancament. La Bible dit iniqui-
atem.
145, 6-7. Que uey an a morir a tu. < loci n'a aucun sens. Corr.
ay a monir (monere). Ce verbe manque à Raynouard, mais je l'ai vu
ailleurs.
145, [b.Appelar fian. Le contexte exigerait le conditionnel. Fau-
drait-il donc lire: apélar t, iun? Ce serait un exemple remarquable
de conditionnel décomposé. Il y en a de certains en béarnais;
mais je n'en ai jamais vu en provençal.
147, 21. Que els o avion. Corr. aujan (audiant ,
149, 16. Creycian est très-bon: creycia ne. De même 178, 18, cran
(= erane) mal à propos changé en era.
152, 23. Enlreveron n'est pas une faute. C'est le parfait très-
régulier, sauf métathèse, de entervar = interrogare.
153, 11. E la lur clamor. La phrase esl probablement incom-
plète. Il doit manquer quelque chose comme venc a me. Cf. Rois.
I, 9.16.
157, 2 du bas. Asignet la via. Corr. asiguet la vi[V\a. Asiguet est
le parfait faible de assir ou assire = assiéger. Voyez le Donat prov . ,
35 b.
158, 3. Per so car lo senestre si rubriria a la gent. Ceci peut très-
dit dans les textes catalan et béarnais que Balthazar offensa le Seigneur
en buvant dans la vaisselle du temple de Jérusalem. L'original pro-
vençal disait, sans doute, la même chose, en ces termes, ou à peu près :
«.... que el bec rn la vaysselha » Or voici ce que cola est devenu
sous la plume de notre copiste : « E fes causas desplazens a noslreSunlior,
que el jacan la vielha que era estada dtl Temple de Jérusalem. »
BIBLIOGRAPHIE 213
bien s'entendre. Si cubriria-= serait couvert (le moyen \ our le
passif, comme il arrive si souvent), à savoir par le bouclier.
159, 25. Plueya. Ms. plueyay, pour plueyas. Exemple précieux à
recueillir du développement d'i devant s final et de la chute consé-
cutive de cette consonne. Cf. Gramm. lim., p. 368, et note 1 {Revue,
XI, 26)'.
161. Hyci [a] lur an gran ost. La préposition est ici une adjonc-
tion superflue. Cf. d'ailleurs ]>. 162 : negun non li ausava hyeir.
162, 1. 2 du bas. Coin aquest. M s. donc, qui est très-préférable.
Com, modifie désavantageusoment l'allure de la phrase et lui enlève
sa vivacité. Il faudrait un point d'exclamation après Israël.
164, 3. Tcn, suspect aux éditeurs, est fort bon : tenco, je tiens, je
considère.
165, 1. 2 du bas. Ac mot yreu donne un sens. Mais les autres
4 Puisque l'occasion s'en présente, je donnerai ici d'autres exemples an-
ciens de ce phénomène, après a et o, recueillis depuis l'impression du
passage ci-dessus mentionné.
A: vays lieys [Ged., 1171, 3), ms. 856.
Vays la bêla (id., 950, 2), ms. Lavall.
Vais autra fazenda (id.. 1106,2), ms. 856.
Que vays dir = que tu vas dire {Joyas, 60).
Parlavais = parlavas (atz), Ged., 716, 2; ms. 854. Rochegude relève
cette forme.
Auzidai. sans s, bien qu'une voyelle suive {Ged.. 296.1), ms.
Philips.
L'i se développe même devant z (£z) non réduit à s:
Estaitz luenh (Denkm., 312, 9), ms. Lavall.
Estaitz (Gedichte, 535), ms. 1749.
Asaiz (id., 819, 5), ms. Laurent, 42.
Deloignaiz (id., 869, 5), J
c^;„:- ri san r l ms. Laurent, 42
Solaiz (id. , oo9, oj, )
Del laiz (P. Gorbiac, Trésor, v. 88).
O: ploiois et plui<>!s {Denkm., 316. 19 et 23), ms. 1745.
A vois voill mostrar ma dolor (Ged.. 78!. 1), ms. 854.
Pus en Toisa no( amam {Ged., 1025, 1), ms. de Venise. Exemple
douteux.
De doi amies corals {Ged., 1199, l)%ras. Philips.
Go sabetz miels doy tans (id , 542, 3), ms. Lavall.
En crois îevatz {Ged., 988. 1), ms. 12474. Crois = cros = crotz.
Dans les deux exemples suivants, z {tz) persiste:
A ioiz{Ged.. 819, 2). ms. Laurent, 42.
Dousa voitz {Ged.. 781, 3), ms. 854.
214 BIBLIOGRAPHIE
textes, comme le passage corresp. de la Bible, suggèrent la correc-
tion mogut ou moguda.
168,5. Hoyseron est fort correct (sauf l'orthographe), contrairement
à ce- que- la note sur ce passage semble indiquer.
171, 10.11 doit manquer ici un mot répondant au latin mussi-
tantes {Rois, II, 19), et c'est à ce mot que se rapporte non lurvalc
rcn. Cf. le béarnais anar triste e murmuran.
175. Non so, dis la mayre. — Il n'y a ici rien à suppléer. Cf. ma
note sur 114, 6 du texte béarnais.
176. Fon près da soyt. Corr. près dafayt = presque fait ?
176-177. Estopa rnesclada am foc. Le ms. a mcscla, que j'aurais
gardé. Cette forme explique l'adverbe mesclamen, qui se rencontre
dans des textes provençaux. On aurait dans ce mescla un exemple
peut-être unique de ces participes si nombreux eD italien, qu'il ne
faut pas confondre avec les participes forts, et qui ont toute l'appa-
rence de simples adjectifs verbaux, tels qui: .--ont chez nous trempe,
gonfle et tant d'autres.
178. En lo rcy de Silo. Je pense qu'il faut voir dans ce rey, bien
qu'il ne s'agisse pas ici d'une eau courante, une autre forme du rec
languedocien.
179. 15. Vencit, pour veniet du ms., est inacceptable. Il faudrait
venquet ou venset, mais plutôt venset. n'y ayant, pour obtenir ce
dernier, qu'une lettre à changer.
181, 22. Que non si tanhia s'entend très-bien de soi-même: quia
non decebat.
182, 2. Sezs ni mal e estant. Corr. Sozs ni mal estant. Sozs est le
même mot que le sozzo (succidus) italien. Il manque au Lexique
roman, bien qu'il se trouve dans des textes étudiés par Raynouard,
je veux dire dans les poésies vaudoises} . Des verbes dérivés de cet
adjectif >onl ensozar et ensocezir, dont nous avons ici même (pp. 145,
172) plusieurs exemples.
183, 20. No Vaneron. Il n'y a ici rien à suppléer : /' est pour li ==y
( ib. ). On en a un autre exemple p. 163 : e non li aurias forsa . C'est
une forme aujourd'hui extrêmement répandue dans la Provence
méridionale.
183, 24. Car lo era obra de mans. Les éditeurs supposent ici une
altération ; il n'y en a aucune. Il faut seulement remarquer que le
pronom neutre lo y est sujet, comme c'est son rôle constant dans
1 II existe aussi en catalan. Les textes publiés dans la Revue par
M. Alart en offrent plusieurs exemples, dans lesquels il a son sens pro-
pre : « lana sutza o lavada » (IV, 508, etc.) De là suizura. qu'on peut
voir dans Desclot (679 b).
BIBLIOGRAPHIE 215
notre texte, où il reparaît souvent. Cf. Gramm. limousine, p. 369
(Revue, XI, 26.)
185. Montar en los murs. Ceci est peut-être le résultat d'une alté-
ration du texte primitif. Mais, comme un sens raisonnable en res-
sort, à la condition, bien entendu, d'expliquer murs par mulets, on
peut s'y tenir. La mutation de l en r est pour ainsi dire endémique
dans la basse Provence (Toulon, etc.).
187, 3. Destruch, faute de copiste pour destrech ou, peut-être, des-
trach ?
191, 2. E conogron las pesadas. Je suppléerais se : se connurent,
furent aperçues.
191, 3. Avian manjat e gastat. Ce dernier mot, marqué en note
d'un ? est très-bon : « mangé et consommé. » Cela va fort bien en-
semble.
192, 8. De reyva e d'estopas. Corr. régna — résine. Us tombe fré-
quemment dans notre texte, en pareille position.
198, 4. Que era la filha de Julius. Ms. sa filha, qu'il fallait garder.
C'est un idiotisme très-commun en provençal, et dont notre texte
offre au moins un autre exemple, p. 182 : « Un sieu frayre d'a-
quest Jeconias.»
198, 12. Nos en alegoratz . Ceci n'est point corrompu et donne, au
contraire, un sens excellent : alegorar = tarder, de legor, loisir (cf.
Donat j)rov., 56 a). En est pour em, la substitution derc à m étant,
dans notre texte, extrêmement fréquente.
200, 13-15. Ve vos, etc. J'imagine que les lignes, si étrangement
intercalées ici, servaient de rubrique à un dessin représentant un
pont, dessin placé entre. ..dich et e ac en aquella..,et que l'auteur de
notre ms., peu intelligent, comme il parait à tant d'autres signes,
aura copié machinalement tout ce qu'il voyait écrit.
Le tome premier des Récits d'histoire sainte s'arrête, pour les
deux textes, à l'incarnation de Jésus-Christ. Le tome II donnera la
fin de l'un et de l'autre et sera terminé par un glossaire.
Camille Ohabaneau.
PERIODIQUES
Romania, 21. — P. 1 . P. Meyer, Notice sur un ms. bourguignon
, Musée britannique addit 1 5606 ), suivie de jùèces inédites. Ce ms.,
qui est du commencement du XlVe siècle, contient vingt-quatre
opuscules, la plupart en vers. Le dialecte est le même ou à peu près
que celui du Floovant. M. P. M. en donne des extraits, se réser-
vant de publier le reste quand il le jugera à propos. Outre ces
extraits, il en a tiré deux pièces ( les Deux Chevaliers, Un enseigne-
ment moral), qu'il croit inconnues et qu'il reproduit en entier.
M. P. M. donne au lecteur toutes les indications bibliographiques
et philologiques nécessaires. Voici quelques observations recueil-
lies au courant d'une première lecture: P. 8, v. 17, il faut une
virgule après plaint. P. 14, v. 53, ne faut-il pas ilucques, levers
étant trop court avec ilucf Ibid., v. 70, il vaut mieux lire d'estroi-
nont. Ibid.jV. 7, vers trop court. P. 15, v. 84, avole pour avale,
faute d'impression. P. 25, v. 65, lisez ice au lieu de ce. P. 32,
v. 213, M. P. M. a lu saut et ajouté il. H est plus simple de lire
saiïr -raseur = secari. On sait que le t et IV se confondaient facile-
ment dans récriture, et le copiste devait être coutumier du fait,
comme on peut l'induire de la forme ardntiques (p. 38), corrigée
avec toute raison par M. P. M . en atantiques. Quant à a bourguignon
= e en roman en hiatus, cf. la note de M. P. M., p. 42, n. 7.
P. 32, v. 226, hier dissyllabique serait. une forme exceptionnelle.
P. 33, v. 3, ne vaudrait-il pas mieux écrire s'ou •= si lou, si e; de
même plus haut (p. 16, au bas de la page) c'ou, que M. P. M. traduit
exactement par qui le; de même encore n'ou = ne lou, ne Je (p. 35,
v. 408) ? P. 32, v. 216, Lor s' an part, de sa main se soigne, .le lirais
s'éloigne et je donnerais à main le sens de « troupe », sens qu'avait
aussi le latin inanus. L'Alexis donne de même main menude, le menu
peuple. On peut objecter que. dans un texte de cette époque, Ys
étymologique aurait dû subsister et. que, si mon explication est
juste, le ms. devrait donner esloigne. Mais c'est précisément une
des particularités de ce ms. que Ys étymologique tombe très-sou-
vent devant une autre consonne, comme le remarque M. P. M.
(p. 45, n. 23). P. 36, v. 35, pourquoi supprimer Ys île riches? Cette
lettre n'empêche pas l'élision, pas plus qu'à la p. 35, v. 443, à la lin
àePeres, où M. P M. a bien faitde la laisser. P. 37, v. 79, pourquoi
retrancher Ys final de en in t il aires? Si c'est pour la rime, il faudrait,
pour être conséquent, faire subir la même mutilation à Jehans
PERIODIQUES 217
(p. 35. v. 443), qui rime a.\ecamen. P. 37, v. 117, reparir—reperir?
M. P. M. propose en noie revenir, qui convient parfaitement pour
le sens, mais moins pour la forme. P. 37, v. 125, lisez n'estain fort.
— P. 47, Milà y Fontanals, de la Poesia popular Gallega. Le savant
professeur de l'université de Barcelone, bien connu de nos lecteurs
et de ceux de la Romania, continue les recherches sur la poésie
populaire qui ont rendu son nom célèbre. Il étudie aujourd'hui
plus particulièrement celle de la Galice. Utilisant les communica-
tions qu'il tient de différentes personnes originaires de cette pro-
vince, il a recueilli et classé 147 pièces ou fragments de pièce,
qu'il publie en y joignant le nom des collaborateurs et des notes
philologiques et stichologiques. Ce recueil est précédé d'une étude
courte et substantielle sur la versification populaire galicienne, sur
les copias, les tercetos, les ruadas, les muùeiras, les mayos, les ro-
mances, les cantarcillos, les ensalmos, les dicdogos et les villancicos.
Rappelons que M. M. avait préludé à cette étude toute spéciale
par une dissertation fort intéressante sur une des principales parti-
cularités de cette même versification (Revista historica latina, II,
182). P. 65, n° 119, v. 1. Ce vers est trop court d'une syllabe. Par
quel artifice musical supplée-t-on au vide ainsi produit ? Ce détai
n'est pas sans importance pour ceux qui étudient de près les pro-
cédés de la versification populaire. L'explication que donne M. M.
d'une particularité analogue dans la muneira suivante n'est pas de
mise ici; puisque la césure enjambe sur le second hémistiche. J'ap-
pelle sur ce point la bienveillante attention du savant professeur.
— P. 7G, J. Chenaux et J. Cornu, Proverbes patois du canton de Fri-
bourg, et spécialement de la Gruyère, suivis de comparaisons et de rap-
prochements. — P. 115, Mélanges: 1° Cerçalmon, car vei fenir a tôt
dia. (P. Rajna). 2° Marcabrun (P. M.). Ces deux dissertations ont
chacune pour objet la détermination plus exacte de l'époque à la-
quelle ces troubadours ont vécu. 3oFrançaisR.=D.(G. P.). M. G. P.
accepte etcomplète, tout en la restreignant sur certains points, l'ex-
plication que M . Tobler a donnée de formes telles que mire, gram-
maire, etc , où l'r français correspond à une dentale latine. Il a raison
de contester la traduction quedonne M .Tobler du v.fr. esbariz.Grâce
à l'exemple qu'il prend soin de citer, je puis lui faire connaître le
vrai sens, qui nous est fourni par le saintongeais. Dans ce dialecte
ou, si l'on aime mieux, dans ce patois, ce mot s'est conservé sous
une forme évidemment la même ébarouit(cï. évanouir et esvanir,épa-
nouir et espanir), qui se dit spécialement d'une futaille dont les
douves, en se desséchant, ne joignent plus bien et laissent couler
le vin. Il est resté dans la technologie de nos marins, et M. Littré
218 PERIODIQUES
le cite, mais précédé de la croix « de sinistre présage », destinée,
comme autrefois celle des couvreurs, dont parle Boileau clans les
Embarras de Paris, à avertir les lecteurs, comme celle-ci les pas-
sants, qu'ils aient à se tenir sur leurs gardes. Pauvre ébarouit !
grâce à cette rencontre imprévue, le voilà maintenant hors d'af-
faire et digne de se présenter dans le inonde, et même, qui sait?
à l'Académie. A mon tour, je chicanerai un peu M. G. P. Ainsi'
je lui conteste que arte mathematica ait pu donner « régulièrement»
ni artimatimaire, ni armatimaire. Le^ou th média! serait tomhô alors,
et on aurait eu quelque chose comme artimaemaire ou, plus vrai-
semblablement, artmaemaire. J'avoue que je préfère l'explication de
M. Tobler, artumaire =-arte inacjica. Je ne suis pas non plus de son
avis sur IV, qu'il appelle épenthétique. de fronde et de chanvre. De
ces deux mots, le premier vient àefundula, diminutif légitimement
supposable de funda, où IV provenant d'un l, comme dans titre
de titulus, s'est reporté de la dernière syllabe à la première.
Remarquons que cette même forme fundula rend compte de l'italien
fionda = [fiunda = fundla) = fundula. Quant à IV de chanvrt ,
je ne le crois pas plus épenthétique que celui de fronde. C'est un h
latin devenu r en roman, comme dans les mots Rouergue, canour-
gue, etc., de Ruthenicum, cano/acus. Cannabis aura d'abord donné
chanrve, puis par métathèse chanvre. Le saintongeais charve a con-
servé à lV = »i sa place primitive, mais au détriment de la nasale an-
térieure. A propos de vrille, dérivé de viticula, il n'est peut-être pas
inutile de rappeler le languedocien vedilha, plus rapproché du
latin, et qui a le sens de « cordon ombilical »et de « nerf optique.»
4' Un signe d'interrogation dans un patois français, b* Emploi du pro-
nom possessif à laplace de l'adjectif démonstratif en normand (G. Joret).
— P. 136, Corrections, lo Sur les glossaires provençaux de Hugues
Faidit (G. Chabaneau). Utile complément des savantes recher-
ches déjà faites sur le même sujet, par MM. G. Paris, Tobler et
P. Meyer. Nous y retrouvons l'érudition et la sagacité bien con-
nues de M. G. 43 a. Flar-lumen magnum. Ne serait-ce pas un nom
verbal formé de flagrare, comme flair de flairer? Gette explication
aurait l'avantage de ne pas nous obliger à supposer un l épenthé-
tique. genre de supposition dont je me méfle beaucoup.' De même
taries (43 a) avec le sens de heurt, choc, doit être un nom verbal de
tangere. M. Littré a oublié de le mentionner au mot tac, qu'il dé-
rive de tact/is, et qu'il vaudrait mieux peut-être regarder comme un
doublet de tune, .l'ajoute que M. Littré n'a pas cité la locution « du
tac au tac», usitée dans les salles d'escrime. 2° Dialujus animecon-
ijucmit/s et rationù consolantis. Dans ce supplément à sa précédente
PERIODIQUES 219
publication (même titre, Romania, n« 19, p. 269-332), M. Bonnardo:
accepte ou discute, avec autant de bonne foi que de bonne grâce, les
corrections du savant M. A. Mussafia. Il n'est pas non plus éloi-
gné, tout en faisant ses réserves sur la tbéorie à laquelle je me ré-
fère, d'accepter la correction emlerges, que j'avais proposée dans
mon compte rendu de son travail. Je profite de cette occasion pour
compléter et rectifier ce que j'ai dit ailleurs à ce sujet, et pour dé-
clarer que je ne crois plus nécessaire de recourir à un thème de
comparatif pour l'explication de ces formes {emlerger = in-largiare,
engreger = in-graviare, engreigner = in-grandiare, alléger = ad-le-
viare, etc. ) Il est plus simple de les rattacher aux doublets adjec-
tivaux en ius, ia, utilisés si souvent par le latin pour la formation
des noms propres, et greffés indistinctement sur les adjectifs de
toute classe. Comparez, en effet, Claudius et claud us, Claudia et
clauda, Florentins et florens, Victorius et victor, Vincentius et vincens,
Hilarius et hilaris, Flavius et flavus, etc. Ce sont des diminutifs
d'adjectifs analogues aux diminutifs de noms en ium, comme fun-
dium defunduSj cf. latifundium. On rend compte ainsi en même
temps de formes telles que tardât, tordus; tarzar, tardius ; fonder ,
fundus ; foncer, fundium ; courroucer, qu'on peut dériver du doublet
adjectival* corruptius, ou du doublet nominal * corruptium. Il est
probable qu'en partant de ce principe, on élucidera quelques éty-
mologies restées obscures. C'est ainsi que je rendrais compte de
notre mot rosse ( mauvais cheval) et de rosser, venant, le second, de
* ruptius = ruptus ; le premier, de * radius, doublet de rudis, d'où
l'it. rozzo, grossier, et ses dérivés. Ainsi s'expliquent les formes ita-
liennes acconciare=* ad-comptius—ad-comptus, accommoder à, parer,
orner, cacciare (fr. chasser), de *captius = captus, etc. — P. 145,
Comptes rendus: 1° Hermann Suchier, Ueber die Mathaeus Paris zu-
geschriebene Vie de seint Auban (G. P. ). 2° Ed. Koschwitz, Ueber-
lieferung und sprache der Chanson du Voyage de Charlemagne à Jéru-
salem (G. P.). Très-favorable. 3° Eugen Koelbing, Beitrœge zur
vecgleichenden Geschichte der romantischen Poésie und Prosa des Mit-
telalters (G. P.). 4°Géorgian, Essai sur le vocalisme roumain (G. P.).
Critiques mêlées d'encouragements. 5° A. Joly, la Fosse du soucy
(G. P.). L'étymologie proposée par Diez, sumsir dérivé de ston-
mersus par le fictif summersire, n'est pas acceptable, un participe
passé ou un supin ne pouvant former qu'un verbe en are. 6° Série
délie edizioni délie op>ere di Giovuni Boccacci. — Bibliografia dei voca~
bolari ne' dialetti ituliani (P. M.). 7° Eugène Rolland, Devinettes
ou Enigmes populaires delà France. Favorable. P. 151, Périodiques.
Ayant à parler de mon compte rendu des ouvrages de MM. Meu-
220 PERIODIQUES
nior et A. Darmesteter sur la formation des mots composés en
français, M. P. Meyer s'exprime ainsi : « M. Boucherie émet à pro-
pos des accusatifs en — ain et — on {Aude — Audain, Pierre — Pierron),
une opinion sigulièrement arriérée: M. Quicherat a indiqué, il y
a dix ans, dans son traité de la formation française des anciens
noms de lieu (p. 62-3, cf. Revue critique, 1869, II, 348), l'origine de
ces formes. » Cette observation n'est pas fondée. Je ne doute pas
que M. P. M. , mieux informé, ne la retire, quand il aura relu le
passage de Diez, auquel j'avais pris soin de renvoyer le lecteur. Il
me reste à rectifier une autre observation de M. P. M., ainsi pré-
sentée : « Dans le compte rendu de ce même numéro de la Uomania,
AI. Boucherie trouve u tout à fait extraordinaire » que j'aie dit que
le langage des habitants de Courtisols n'est qu'un patois champe-
nois. Il n'y a d'extraordinaire ici que l'étonnement de M. B. » Je
dois faire observer à Ai. P. AI. qu'il s'est mépris sur l'objet de ma
critique, à laquelle il ne répond pas. J'ai dit que j'étais surpris, et
je le suis encore, qu'il ait pu affirmer que «les habitants de Courti-
sols parlent un patois qui n'est que X ancien dialecte champenois plu*
ou moins altéré. » — P. 158, Chronique.
A. B.
La Cigalo d'or', tel est, depuis le 1er mai. le nouveau nom du
Dominique, qui paraît à Nimes tous les huit jours. Quoique cette-
revue n'ait pas encore une année d'existence, elle a déjà réim-
primé nombre de morceaux de AI M . Aubanel 2, Mistral "• , Balaguer,
Roumieux, Gaidan, avec des contes Lrenéralement empruntés à
VArmana praur encan et a VArmana 'le Lengadb. Donnant un exem-
ple qui devrait être suivi plus souvent en Provence, où l'éclat de la
littérature actuelle fait parfois oublier ce que les poètes des XVIe.
XVlIe et XVIIle siècles, eurent de verdeur et d'originalité na-
tives, elle a entrepris la réédition de l* Anaeréon*, d'Aubanel (de
Nimes). — une des imitations les mieux réussies et les plus mé-
ridionales d'allures que l'on ait des odes du poêle giec; — elle
a publie quelques fragments du Troubadour langue* <cien6, une
1 On s'abonno :t Nimes, chez M. Baldy- Riflard, imprimer 10 fr. par
an.
1 Plusieurs de ces pièces, la Messo de mort et li Fabre ont été em-
pruntées à la Revue.
3 Une étude en prose sur Saboly, publiée en tète de l'éditi a des Nouvè
deSaboly. Avignon. Aubanel, 1867. ln-12.
* Réimprimé en 1814. Nîmes, Gaude, in-12, sous le titre: Odes d'Ana-
erëon, traduites en vers languedociens.
•> Brochure sans nom d'auteur. Nimes, Durand-Belle, 1832. In-8\
PERIODIQUES 221
pièce d'Auguste Rigaud (de Montpellier), et donné d'assez nom-
breux extraits des œuvres inédites de Toussaint Bonnet, le fé-
cond et populaire rimeur de Beaucaire. Ces réimpressions ont été
faites avec l'orthographe des félibres; elles ont. vu disparaître les
gallicismes trop évidents qui. les déparaient ; mais il n'en faut pas
moins féliciter M. Roumieux d'avoir songé à remettre en lumière
ces poètes injustement dédaignés.
Pajrni les œuvres en prose, les lecteurs du Dominique ont sur-
tout remarqué une intéressante série d'études sur les villes d'Ai-
guesmortes, d'Alais, d'Anduze et de Beaucaire, par M. Henri Abac,
et un petit roman, VAmourous de Simouneto, écrit par M. Arna-
vielle en dialecte cévenol, et couronné par la Société des langues ro-
manes au concours de l'année 1875.
Les poésies sont fort nombreuses, et il en est plusieurs qui
appartiennent aux meilleurs noms de la littérature provençale.
Aubanel a trois ou quatre pièces écrites avec cette plénitude de
sentiment et d'harmonie qui lui est ordinaire; Mistral, une Cansoun
(n° du 3 décembre 1876), qui est peut-être la première poésie qu'il
ait publiée depuis les Isclo d'or; Mathieu, des vers dont la grâce
et la facilité ne démentent pas ceux de la Farandoulo . Un fé-
libre d'Alais, M. Gaussen, a inséré dans le Dominique une suite
d'environ vingt pièces provençales, dont l'inspiration est à peu près
entièrement savante ; — il n'en pouvait être autrement, puisqu'il
y parle un dialecte qui n'est pas son di ilecte naturel, — mais qui
attestent une science de l'expression poétique et de la couleur vrai-
ment dignes d'attention. En lui reprochant d'avoir abandonné la
finale en a du provençal de "Vauvert, nous devons adresser les
mêmes éloges à l'auteur de quelques morceaux, signés lou felibre
Nebla; à moins, ce qui nous semble plus probable, que nous ne
soyons ici en présence d'un pseudonyme adopté par M. G.
Avant l'apparition de la Revue nimoise, celui-ci avait été ap-
précié en Languedoc ; mais c'est la Cigalo d'or qui a fait con-
naître, pour la première fois, les inspirations faciles et sereines,
les vers pleins de fraîcheur et d'imagination de Mlle Goirand, un
nom qui a désormais sa place près de ceux d'Antoinette de Beau-
caire et de la félibresse du Galavon .
Entre les pièces assez nombreuses de Mlle Goirand, je citerai
la traduction suivante de la Prière de Sully-Prudhomme, où se
trouve reproduit, avec un rare bonheur, le sentiment si contenu,
mais cependant si expressif, de l'original :
Ah! se sabias coume l'on plouro
De viéure soûl e sens fougau,
16
2>2 PERIODIQUES
Mai d'uno fes passarias, d'ouro,
Davans l'oustau.
Se sabias que l'amo doulènto
D'un tendre regard fai soun proun,
Espincharias coume inchaiènto
Moun fenestroun.
Se sabias l'ui que i'a de vèire
Garo avenènto au cor malaut,
Coume uno sor vendrias vous sèire
A moun lindau.
Se sabias que vous rime, e queto
Es subre-tout ma languiioun,
Sai-que intrai ias même, amigueto,
Sènso facoun.
Traduire de cette manière, c'est presque créer une seconde fois.
Un autre poète, M. Louis Astruc, aujourd'hui secrétaire de
YÉcole des félibres de la mer, à Marseille, a écrit principalement
dans le Dominique. Comme celles de M. Gaussen, ses pièces sont
fort nombreuses et de sujets très-divers. Bien que l'une d'elles.
Veici VAutomno, emprunte une partie de son charme à la coupe de
la strophe, elle est relevée par des traits heureusement choisis, et
qui, tous, semblent appartenir en propre à. l'auteur.
Acampen de flour, acampen de fueio ;
Li vent e li pluoio
Bèn lëu van veni ;
Faguen do bouquet, tresser» do courouno :
Vcjeici l'autouno
Que dins li jardin vai tout devouri.
Que chasque jouvènt emé sa fiheto,
Au mièi di floureto,
Se vague asseta ;
Bèn lèu lis aucèu, coucha pèr l'aurasso,
Van leissa la plaço ;
Si darrié refrin anen escouta.
O pàuri malaut, coume sias de plagne !
Per vàutri me lagne,
() pàuri malaut !
Mai tambèn rautouno a sis èr de fèsto;
Lou soulèu ie rèsto
Tnnjour que plus dous, toujour que plus caud. ...
CHRONIQUE 223
Enfant, lou matin quand sarés pèr orto,
Que li fueio morto
Gurbiran lou sou,
Lis escrachés pas, que vendra, pecaire !
Quauco pauro maire
N'en garni soun lie, soun lie sens lençôu.
Il y aurait injustice à ne pas mentionner encore les vers querci-
nois de M. Ch. Deloncle, où, à côté d'excellentes recherches de dé-
tail, le lecteur rencontre des formes d'article et de pronom sem-
blables à celles que j'ai déjà eu l'occasion de signaler dans la Revue,
et diverses poésies dues à MM. Abac, Bar, Bruneau, Dumas. Chal-
lemel, Charvet, Gaidan, Laurès, Mayer et Mir, mais que le peu
d'espace réservé à cet article ne me permet pas d'étudier, comme
je l'aurais désiré. A. B.-F.
CHRONIQUE
Les lecteurs de la Revue ne manqueront pas de ratifier les dis-
tinctions qui viennent d'échoir à deux de nos collègues. MM. Alart
et de Berlue- Perussis. Le dernier numéro du Bulletin administratif
du ministère de l'instruction publique contenait la nomination du sa-
vant et laborieux archiviste des Pyrénées-Orientales au titre d'of-
ficier d'académie.
L'Institut des provinces a décerné à M. de Berlue- Perussis la mé-
daille d'honneur qui, selon les intentions du regretté M. de Cau-
mont. doit être attribuée aux présidents ou aux membres des So-
ciétés savantes qui ont le plus contribué au mouvement des choses
de l'esprit en province. Nous pouvons ajouter, avec le Prouvenqau
d'Aix, que rarement pareille distinction a été mieux méritée.
Nous sommes également heureux d'annoncer que M. le docteur
Obédénare, qui a bien voulu faire en 1876-1877 de très-intéres-
santes communications1 à la Société sur la langue et la littérature
populaire de son pays, vient d'être nommé secrétaire de la légation
roumaine à Rome.
Au moment où paraît le présent numéro, la réunion annuelle
du félibrige se tient à Avignon. Nous en reparlerons dans notre
prochain fascicule.
Pour consacrer le souvenir de Frédéric Diez, le fondateur de la
philologie romane, et pour encourager les études qu'il a si bien
représentées en Allemagne, plusieurs savants autrichiens, parmi
7 Ellos prendront prochainement place dans nos mémoires spéciaux.
224 ERRATA
lesquels nous remarquons Le nom de M. Mussafia, celui de M. Mi-
klosich, professeur à l'Université de Vienne, et de M. Hugo Schu-
chai'di. professeur à l'Université deG-ratz, proposent d'établir une
fondation Diez, et invitent les romanisants de tous les pays à y con-
tribuer pécuniairement.
En proportion des souscriptions versées, des prix seront décernés
aux ailleurs des meilleurs travaux relatifs à la philologie romane.
Les séances se tiendront à Vienne.
Un appel du même genre, parti de Berlin, a déjà été adressé au
inonde savant; niais on conçoit qu'il n'ait pas trouvé d'écho en
France, pas plus. (Tailleurs, que notre Exposition universelle n'a
rencontré d'adhérents en Prusse.
I! n'en a pas été de même en ce qui concerne la proposition
autrichienne.
ici nous nous trouvons sur un terrain vraiment neutre, où peuvent
se réunir sans gêne réciproque les philologues de tous les pays.
Nous faisons donc l'accueil le plus cordial à l'initiative des sa-
vants autrichiens, et nous invitons nos amis et nos confrères à s'as-
socier à une manifestation dont les études romanes ne peuvent
manquer de bénéficier largement.
Les souscriptions sont reçues entre les mains de M. Lambert,
trésorier de la Société, rue Montcalm, à Montpellier. Une première
liste sera publiée dans le numéro de juin 1877.
ERRATA du numéro de février-avril 1877
Li Carbounié. — P 108, 1. 20, En vaî, lisez: Eu vai : — 1. "26, leu
vounze, lisez: Ion vounze.
L'Idée latine. — P. 115, 1. 4, en 1845, lisez: en 1843.
Sermoun prouvençau, — P. 123, 1. 5, soulameni, lisez : soulamen ; —
i. 17, que l'amo, lisez: qu i'amo.
Quatre Almanachs <>n langue d'oc. — P. 127, 1. 26, le texte, lisez: les
titres. — P. 131, 1. 34, le
docteur Favre, lisez: le doc-
teur Fave.
Périodique*.— P. 144,1. 10, il popugnatore, lisez: 11 propugnatore.
Les Réunions du fèlibrige. — P. 154, 1. 3. la rive droite du Rhône,
lisez: la rive gauche du Rhône; —
1. 4, sur la rive gauche, lisez: sur la
rive droite.— P. 157, 1. 13, si exquis,
lisez: exquis. — P. 102, 1. 5, assis-
tan, lisez: assistants.
Chronique. - P. 1G5, 1. 38, de Charles III, lisez: d'Isabelle-la-Ca-
tholiquc.
Le Gérant: Ernest Hamelin
DIALECTES ANCIENS
MÉLANGES DE LANGUE CATALANE
DE
Nous avons «lit (Revue, 2csér., II, 147) .que cette diphthongue
est antipathique à la langue catalane ; on sait que /becat. cor-
respond à fuego cast.; à fuec, une des formes provençales, eT
même à hoec béarnais. Notre peuple dit q(u)estio, non pas
qùestiô ; il a adopté les mots castillans luego (tost. anc. cat.).
cuento (comte, anc. cat.), bueno (correspondant à ôo), puesto
pour lloch, place, etc.); mais il prononce presque toujours
/ryo (quelquefois lu-eyo) et très-souvent q(u)en(o, beno, pestu.
Il y a un mot foncièrement catalan où se trouve cette diph-
thongue : c'est Guell, nom d'un fleuve de Girone et nom de fa-
mille. La gutturale qui précède Vu en a facilité, peut-être la
prononciation, mais ici ue provient de u-e. Le mot dérive de
Guadellum ou Guadell1, passant sans doute par Gudell et Guell.
— Dans un document cité par Ducange (s. v.), guadellum
fait partie d'une énumération d'instruments de pêche ; mais
il y a aussi guadum (gué, cat. quai, au lieu de gûad), dont gua-
dellum est le diminutif régulier.
Dans la vallée d'Aran ( en Catalogne), où l'on parle une va-
riété du béarnais, existe le même mot, provenant d'une autre
dérivation (oculuui) : il a un autre sens, et on l'applique acci-
dentellement à un autre fleuve : on nomme Guell (œil) de Ga-
ranti la première source de la Garonne, qui jaillit dans cette
vallée2.
1 Donation des comtes Borrell et Ermissendis (a. D. MXV) «. ..Hsec
est terra quator modiatas juxta urbem Gerundensem in ipso piano
Afrontat a parte orientis in terra de nobis donatoribus. De meridie in
ipso Guadello sivc in strata...» Villanueva, Viages, XII, 3*23.
- Mudoz. Dicc geogr de Espana. II, s. v. Aran.
17
226 DIALECTES ANCIENS
Nous nous sommes souvenu plus tard d'un autre moi ca-
lalau qui a la diphthongue ne, provenant, eomme celle degùell
de la contraction de deux syllabes: c'est qûerna (pron. cuerna)
espèce de petit pain. Ce mot dérive de quaterna[m], en passan
par q[u]oerna (on trouve coem), ou bien par qu-erna .
ARTICLE DERIVE J)E ipse
Il est prouvé que cet article existait autrefois dans plusieurs
idiomes romans. Ils,' conserve à l'île de Sardaigne, dans les
Baléares, <>ù il est encore l'article normal '. et dans de rares
endroits de la Catalogne.
D'innombrables noms de lieu de ce dernier pays, et remploi
de ipse au lieu de Me dans les anciens documents, en démon-
trent la grande extension. 11 parait avoir été, sinon exclusif,
du moins prépondérant. Mais à quelle époque l'article rival
a-t-il pris le dessus? La persistance de ipse dans les Chartes
pourrait être une simple tradition. Quand l'article roman
commence à paraître, il est déjà le dérivé de itle. Dans un
seul document, nous avons pu surprendre le dérivé de ipse
hors des noms de lieu. C'est dans la formule, presque poéti-
que, d'une donation faite en 1139, parles comtes d'Urgell Kr-
mengaud et Heloire : «Ipsas casas supradictas sint si fran-
chas ei honoratas et légitimas et securitas quod ipsa cambra
de ca lisez ça) Contesa. Nullus homo nec femina qui ipsas
casas loch ni forçai- lisez forçar) voluerit siant demandadas
quo ipsa cambradeca Contesa2.» Cent ans plus tard nous trou-
vons les, ei non pasces, dans un document de Jacme 1 :;.
1 Les exceptions sont ducs à l'influence du catalan écrit, communiqué
par voie littéraire ou ecclésiastique. — Il est juste d'avertir que le docte po
Ij . raphe Jovellanos (Description del cast. de Bellver)a été le premier à si-
gnaler l'article baléarique et sa dérivation. Jovellanos veut aussi dériver de
ipsum, accusatif ou neutre, les noms de lieu comme Sun Durela; mais
c'est >'" d'e n Dureta. So (comme tmocat., ayssv prov., etc.) dérive, selon
Di^z. de ecce hue. L'n n'appartient pas au pronom.
- Col. de duc del An!,, de Aragon, tom. VI, pag. 66.
Arch. de Aragon, Jacme I. n° 788. Voir nos Notas de primUioa l ngtiù
catalana [Hev. hist. de Barc oQ XXX, pag '2vt|).
MELANGES DE LANGUE CATALANE 2?7
PREMIÈRE PERSONNE DF PURIEL emS
Dans une charte de 1060, on trouve : tenems, engannarems,
partirems, ajudarems, tenions, au lieu detenem, etc1. Cette s était-
elle simplement orthographique, et y a t-il là le fait d'un seul
scribe ?
R DE L INFINITIF
L'ancien catalan écrivait toujours r : A. ar, er, ir, accentués:
cant-âr, pod-ér, ven-ir ; B. er inaccentué: extrény-er; C. a. re
inaccentué après vo.yelle : riu-re ; C. h. re inaccentué après
consonne : combat-re.
Le catalan académique des derniers siècles a conservé IV
dans A et B, et, par l'effet d'une fausse analogie, il Ta ajouta
aux finales en re : riu-rer, combàt-rer.
La prononciation du catalan continental offre des variétés.
Une partie du catalan occidental prononce comme on écrivait
anciennement. Une autre partie et le catalan oriental sup-
priment les r finaux, mais conservent l'antérieur k e: cant-n,
pod-é, ven-i, estrény-e; mais riu-re, combât-re. — Dans la pro-
vince de G-irone existe une exception très-singulière dans le
verbe conéx-ere (proparoxyton); c'est le seul exemple bien
sur de ce fait, que nous connaissions. On a voulu sans doute
dire conex-re, et, pour faciliter la prononciation, on a dû in-
terposer un e.
Le catalan baléarique conserve seulement IV dans C. a. :
riu-re, mais cant-â, pod-é, ven-i, estrény-e, combât-e.
S = R. R = S
La forme sastre (sartor 2) est la seule usitée en cat. (aussi
en cast.) On dit sospresa pour sorpresa. Quant au nom de fa-
mille Ferra fer, que le peuple prononce Ferrâtes, il nous paraît
un exemple peu sûr, parce que nous prononçons Ferraté.
On dit souvent pereros pour peresos (y a-t-il influence de l'as-
similation?). Le peuple dit toujours fantarma pour fantasma.
Nous ne croyons pas que les terminaisons anomales en rs,
Arch. de Aragon, Ram. Ber, 1. n" 26rj. Ibtd.. pug. 290.
2 Voir Chabaneau, lievue, '2° sér., II, 150.
226 DIALECTES ANCIENS
qu'on trouve très-souvent dans les mss. des XIVe et XV siè-
cles, comme dans preciors, cars, pour precios, cas, proviennent
de la substitution de ras; en tout cas ce serait une addition
et non une substitution. Selon nous, cette manière d'écrirepro-
vient d'une réaction orthographique dont on trouve d'autres
exemples dans nosmss. (/ pour // a donné // pour /, etc.). En
suivant la prononciation la plus répandue, en Catalogne plus
qu'ailleurs', on supprimait souvent, dans l'écriture, IV avant s
finale : cela produisit de L'incertitude, et l'on ajouta bien des
t'ois r là où cette lettre ne devait pas être. Il est même pos-
sible que cette mauvaise écriture eût eu à son tour quelque
influence sur la prononciation.
PLURIELS EN as
Ce n'est un secret pour personne que l'orthographe du plu-
riel féminin a divisé en deux camps les catalanist.es modernes. 11
est hors de doute que, jusqu'au XVIIe siècle exclusivement, la
règle générale subie ëtail de les finir en es. Les exceptions
systématiques étaient bien rares: nous en trouvons une, peut-
être la plus ancienne (fin du XIV* siècle), dans le Torcimany
de Luis de Àverso'-, dont tous les pluriels féminins que nous
avons remarqués sont en as. <>n ne peut pas supposer que ce
soit par imitation du provençal, car Avérso se piquait d'écrire
en pur catalan.
NOM- \ ERBA1 \
l n grand nombre de ceux qui ont été signalés par M. Eg-
Revue, avr. et oct. 1871) comme appartenant aux princi-
pales langues sœurs se trouvent aussi en catalan, par ex. : con-
•■'. de contestar (répondre; ;pen$a, conservé dans le groupe
1 «Encara sapies qu'eu le <io altra régla perraho d'alquns noms en lo>
■ pials erran alcuns noms que. usen de trobar e assenydladamenten Cata-
lunya e fallen en axi en los noms termenats en ars, en ers, en irs, en '//-.t.
en urs, quetrason del mot aquella lelra » Règles d'en Jofre de l'.>\a : voir
notre article sur Aid. Tral. de Gaya ciencia. {Rev. de Archivos, A. VI,
p.1'16). — Dernièrement nous avons vu dans Chabaneau, Revue, 1' sûr.,
Il, p. 31*2, deux exemples provençaux de rs pour s et le fait analogue de
ns pour 5, inverse des pour ns.
3 Ibid., pag. 362.
MELANGES DE LANGUE CATALANE ?29
adverbial de pura pensa, de pensa r ; vol, de votai; etc. JNous
avons aussi conversa, de conversar; consulta, de consultar; lliga,
de lligar, etc. Dans son Libre de concordances, le fameux che-
valier etpoëte Jacme March (fin du XIVe siècle) donna une série
de mots homophones pour faciliter l'usage de ce jeu puéril de
versification qu'on nommait rims equivocs1. Cette série contient
naturellement divers noms verbaux: crida (ban de cridar,
comme aussi crît, cri); junta (assemblée), de juntar : mutin
(mue), de mudar; mida (mesure), de midar; carrega (aujourd'hui
cârrega ou cargo, : fardeau ), de carregar ; trava (entrave),
de travar, plutôt que du latin trabs : dot, de doter. Il y a aussi
cassa et calsa, qui correspondent h chasse et chausse, admis par
Brachet comme noms verbaux, mais rejetés par Egger.
M. MlLA Y FoNTANALS.
Addition, ce. — Dans un très -instructif compte rendu du frag-
ment catalan publié par M. Morel-Fatio (voy. Revue, 2e sér.,
III, pp. 133-82), l'excellent catalaniste M. Alart a rejeté notre
théorie du œ catalan (10., I, p. 146), et il a voulu expliquer
la substitution de Yo à ïe, dans quelques passages demss. cata-
lans récemment publiés, par une imperfection calligraphique
ou par une méprise paléographique. On trouvera probable-
ment inadmissible cette explication, si l'on considère qu'il
s'agit de cinq mss. différents d'âge et de provenance, publiés
indépendamment par quatre éditeurs; de plus, la substitution
s'y trouve presque toujours avant u et dans une voyelle que
les Mayorquins prononcent avec un son mixte. Quant à nous,
qui devons très-souvent nous soumettre à de bienveillantes
rectifications, nous croyons, cette fois, avoir la raison de no-
tre côté3.
M. 5 F.
1 Ibid., pag. 347-y.
■ Le mot catalan doua est simplement bova(=boga), espèce de glaïeul
r a&t. enea)
1 Nous profitons de cette occasion pour observer que le vers de Mar-
cabrun. o Que no lor fassaca floquet (dans le ms. cafloquet !) ni pein-
tura s (voy. Romania, n° 21, p. 126, note 2), peut être un vers à césure épi-
que, comme on en trouve dans Boèce et dans l'Epitre de R. de Vaqueiras.
et même dans la poésie lyrique.
DIALECTES MODERNES
LETTRES A GREGOIRE
SUR LES PATOÏS DE FRANCE
[Suite)
Comparaison de l'ancien et du moderne patois
Un calonge fo sepelit cum un capau, et era calonge de
S. Andriu ; et los unissons qui lo aveven ' sepelit lo désepe-
liren - et osteren los sous vestimens ; per que foren penduts
et traginats; quar ed ' cran be ettats ; paguats de lor tri-
balh. (Coutume de Bordeaux sous /'armée 1291 '■'.
VERSION EN PATOIS GASCON D'A- PRÉSENT
Un chanoine fut ensébélitabec un capot, et ère chanoine de
Sent André. Lous massous qui l'abében entarrat lou desen-
tarreren et lv priren sous habits, perqué furen penduts etray-
nats, car eren be estats paguats de lur trabail B.
EN FRANÇAIS
Un chanoine fut inhumé avec son camail, et il l'était de
Si. -André. Les maçons qui l'avaient enseveli l'exhumèrent et
lui enlevèrent ses habits. En conséquence, ils furent pendus
et traînés sur la claie, ayant d'ailleurs été bien payés de leur
travail.
:*?-43. — Parmi les paysans de ce département, j'ai assez
communément trouvé le Paroissien romain, les Comptes faits
1 Lisez avec l'imprimé: aven. — -Impr.: dessepeliren. — ;i Imp. . eds
■ Imp.: estais.— <;ost au paragraphe 46 des Coutumes de Bordeaux
que ce texte a été emprunté. — G II serait plus exact de dire tribail ,
mais il ne laut pas regarder de trop près aux versions de Bernadan.
DliLPIT.)
LETTRES A GREGOIRE ?:',!
île Barème, les Noëls nouveaux, des Livrets de mission, les
Sept Tempêtes, ouvrage ascétique d'un pitoyable genre, une
traduction gauloise de la Bible, la Vie des Saints, FAlmanach
des Dieux, le Catéchisme du diocèse, quelques ouvrages de la
Bibliothèque bleue; point d'ouvrages d'agronomie ni de chi-
rurgie domestique. Les livres des paysans sont toujours en
mauvais état, quoique exactement serrés. Ils se les transmet-
tent en héritage. Dans les longues soirées d'hiver, on lira pen-
dant une demi-heure, à toute la maison assemblée, quelque vie
des saints ou un chapitre de la Bible. Depuis la Révolution, les
paysans ont substitué à ces lectures celles des papiers du
Temps, qu'ils achètent lorsque leur ancienneté les' fait donner à
bon compte. La jeunesse a aussi substitué aux cantiques des
chansons patriotiques, principalement une relation de la prise
de la Bastille, représentée en taille rude, et que j'ai trouvée,
l'été dernier même, dans les Landes qui séparent Bordeaux de
Bayonne.
Les paysans et le menu peuple de nos villes croient ferme-
ment aux revenants, aux loups-garous, à la mule ferrée et a
ce qu'on appelle dans notre patois la chaoucc-bieille, qui n'est
autre chose que le cauchemar. Ils disent que ce sont les âmes
des ennemis d'une famille qui s'introduisent par le trou de la
serrure et viennent comprimer à leur gré l'estomac des bra-
ves gens. Le malheur est qu'on berce l'enfance de ces contes,
que la raison a peine à combattre dans la jeunesse éclairée.
On croit aussi que les curés peuvent détourner l'orage à
leur gré, arrêter les chiens enragés avec l'étole et faire des-
i-endrele diable, comme Virgile dit que les sorcières de Thes-
salie obscurcissaient ie soleil et jetaient la lune dans un puits .
I! est trop ordinaire de voir recourir au devin préférable-
mentau chirurgien, pour guérir du mal donné par un sorcier.
F, es détails que je pourrai fournir sur ce chapitre sont, im-
menses. La meilleure espèce de devins se trouve dans notre
Médoc. Ils ont même imaginé des saints auxquels il faut adres-
ser des prières pour tel ou tel mal. La misère de certains
curés leur a fait imaginer, à cet égard, des superstitions con-
damnables à .tous égards.
Malgré que l'on dise que les paysans se sont raffinés depuis
?3? DUI.BCTBS MODERNES
quelques années, j'ai observé qu'ils ne sont devenus que plus
fripons et moins décents. Les préjugés de magie noire sub-
sistent toujours dans toute leur énergie; ils n'ont que plus de
dépravation dans les mœurs et moins de piété. Tel est le sort
des ignorants; la religion est pour eux un farrago de préjugés.
Otez ceux-ci, ils ne croient plus à celle-là, qu'ils confondent
ensemble.
L'indécence de leurs curés, la fréquentation des villes, le sé-
jour que les citadins font dans les campagnes, la domesticité.
sont les seules causes de la dépravation de nos paysans. C'esi
principalement chez eux que le libertinage en tout genre et de
tout sexe est bien hideux. Rendez-leur cher le ,sol natal, et
vous leur rendrez leur simplesse originelle.
La Révolution, dans les villes comme dans les campagnes,
a servi à développer la bonté comme la perversité du carac-
tère français. Les paysans sont devenus ingouvernables. Leur
patriotisme n'est rien que l'intérêt bien prononcé et la ven-
geance personnelle.
Franchement, en voyant les abus qui résultent de l'établis-
sement des municipalités dans les campagnes, on est tente de
détester cette institution, que l'habitude de la liberté et quel-
ques lumières doivent rendre si salutaire. Comme ce sont
presque partout d'anciens domestiques qui occupent les places
dans les campagnes, et assez généralement les plus intrigants
audacieux de l'endroit, il s'ensuit que les prêtres et les ci-
devant nobles ensont vexés outre mesure.
Il serait possible de donner plus de développement à ces
observations, si l'on pouvait se former une idée précise du s\ s-
tème et des vues particulières de l'auteur qui en veut faire
usage.
On le peut, je l'essaye ; un plus savant le fasse !
(P. Bebnadau, homme de loi en Gironde
Monsieur,
Il serait possible que le dernier paquet que je vous adressai
ne vous soit pas parvenu, car il était de l'époque des premiers
jours de l'année, où l'on reçut à l'Assemblée un si gros ballot
LETTRES A GREGOIRE Ï33
de papier à l'adresse du président qu'on arrêta, disent les jour-
naux, qu'il serait renvoyé à la poste. Je vous envoyais alors
quelques observations sur vos questions proposées aux Amis de
la Constitution. Je vais en continuer la série en l'autre pari.
Je vous priais en même temps de vouloir bien me faire con-
naître le rapporteur qui présente à l'Assemblée ma traduction
des Droits de l'homme, dont vous m'avez envoyé la mention
honorable. Je prends la liberté de vous réitérer la même de-
mande, attendu que le ministre a chargé l'administration du
département de la Gironde de prendre connaissance et de lui
rendre compte de mon travail sur notre trois fois sublime
Déclaration. Agréez . etc. . . (P. Beknadau, homme <i<" loi en
Gironde.)
Bordeaux, 21 janvier 1 79 1 .
OBSERVATIONS SUR LES LECTURES DES VILLAGEOIS
Généralement parlant, les ecclésiastiques des campagnes n^
prêtent point de livres à leurs paroissiens ; ceux qui font ex-
ception à la règle ne leur en fournissent que d'ascétiques, ne
croyant pas quedes paysans puissent perdre leur temps à, lire
des livres qui ne parlent pas de la religion, ou qu'ils aient
assez d'intelligence pour se servir utilement d'ouvrages im-
portants. Cependant la lecture des livres d'économie rurale,
de vétérinaire, d'hygiène, leur conviendrait infiniment ; mai-
peu de curés en ont d'aussi véritablement utiles. Je connais
assez l'état du diocèse pour assurer que la bibliothèque de nos
• •nées de campagne se borne aux quatre tomes du Bréviaire,
au Parfait Cuisinier, aux Ordonnances synodales, à la Théo-
logie de Collet ou Habert, au Concile de Trente, à des médi-
tations et sermons jésuitiques, au Code des curés sur les
'limes, etc.; aux Cas de Pontas. au Mercure et aux ^.ctes dp-
Apôtres.
C'est à vous d'en parler, qui, sortis d'Israël .
Ceux des gens delà campagne de ce district qui savent lire
aiment volontiers la lecture, et, faute d'autre chose, lisent
l1 Umanacb des Dieux, la Bibliothèque bleue et autres billeve
?34 DU LRCTES MODERNES
<:ées que ries colporteurs voiturent annuellement, dans les cam-
pagnes. Ils ont la fureur de revenir vingt fois sur ces misères,
et, quand ils en parlent (ce qu'ils font très-volontiers), ils vous
récitent pour ainsi dire mot à mot leurs livrets. J'ai remarqué
que, quand un paysan a un livre à sa disposition un jour de
fête, il <mi préfère la lecture au cabaret, quoique l'usage lui
eu soit fort familier les jours de repos. Il serait donc facile,
avec ce goût, d'éclairer, jusqu'à, un certain point, l'intelli-
gence du paysan, de lui faireperdre l'habitude de la débauche
et des querelles qu'enfante l'ivrognerie. Hic labor, hoc opus.
Les livres que j'ai le plus familièrement trouvés chez les
paysans sont des Heures, un Cantique, une Vie des Saints, chez
les gros fermiers, qui en lisent après souper quelques pages à
leurs travailleurs. Je me rappelle à cet égard quelques vers
11*1111 ouvrage sur la vie champêtre qui concourut, il y a sept
ans, avec l'églogue de Ruth, de M. Florian. Les lectures du
soir chez les paysans y étaient bien décrites ; elles ne le sont
pas avec moins d'énergie dans la Vie de mon pore, de M. Rétif.
Réponse de la Sociét/' îles Amis de la Constitution de Mont-de-Marsan
aux questions faites par M. Grégoire, curé d'Emberrr.énil.
1 . — L'usage de la langue française n'esl pas universel dans
notre contrée; le peuple y parle un patois, lequel, à quelques
nuances près, est le même de Bayonne jusqu'à Bordeaux or
Toulouse, où il commence à varier davantage; mais c'est le
même idiome original, ainsi que dans le Béarn.
2. — Ce patois est ancien, sans qu'on puisse en indiquer
l'origine ; il n'est pas une langue-mère, et l'on peut conjec-
turer qu'il s'est formé du mélange de divers peuples: car il
tient à La fois du latin, de l'espagnol, du français, dp celui
qu'on parle dans le Milanais et de l'italien.
3. — Le gascon est généralement un français altéré, cor-
rompu et mélangé; mais sa source originelle est l'ancien fran-
çais, et il a en général les mêmes termes radicaux que cette
langue, qui n'en a guère, et les mêmes termes composes. \,p
gascon a plusieurs diminutifs, qui ont beaucoup de grâce ei
qui manquent à l'idiome français.
LETTRES A <.RK<tOIRE 235
4. — Nous n'avons aucune notion de langue celtique; mai?,
nous le répétons, le gascon est un mélange corrompu du latin,
du français, de l'espagnol et de l'italien.
5. — Il a surtout une affinité marquée avec le français : c'esi
à peu près la même construction de phrase et, en quelque
sorte, les mêmes mots altérés et corrompus par une pronon-
ciation dure et grossière. Ce dialecte est le plus répandu de
toute la France, car il diffère si peu du languedocien, de l'au-
vergnat, du limousin et même du provençal, qu'on peut dire
qu'il est le même génériquement.
15. — Il s'éloigne peu de l'idiome national dans les noms
des plantes, des maladies, etc.: une rave est û arrabt; un chou,
un cawlet ; un chou- fleur, un choufleur; une racine, une herbe;
la centaurée ', un artichaud ; les fèves, les cardes, la laitue, la
chicorée, les betteraves -, le froment, le seigle ( le maïs est le
milloc, turguet ), le millet, le partis, portent les mêmes noms
dans les deux idiomes. Il y a dans d'autres quelque légère
différence dans la prononciation : le chiendent se nomme sen-
tenege; les pois,cèzes; le foin, hen: la lettre /"se change, dans le
izascon, en Y h aspirée en général. La fièvre, lucolique, \&dyssen-
terie, le scorbut, Y indigestion, etc., portent le même nom. Un
menuisier (sic), un charpentier, un serrurier, etc., sont les mê-
mes. Le forgeron se nomme haw.
Les termes des arts et métiers et de labourage varient
davantage : un râteaux est nu arrestet ; une doloire, û douladere;
une vrille, un gimbalet; le dé à coudre, un didaw; une plaie,
h plague (plagaj. Le soc, morceau de fer plat, acéré et tran-
chant, qui est en devant du sep de la charrue, se nomme Yaret.
terme expressif qui signifie ce gui laboure. ISaveine (sic) se
nomme sibaze; une serrure, sarraille; une clef, û claw ; un trou,
un houra: la soie, sède: le fil, hiw. Ce dernier w ne se prononce
pas ou, comme en anglais; on insiste sur la syllabe hi, et il
est impossible d'exprimer en paroles la terminaison de cette
prononciation particulière. Sureau, sahuc ; bourrache, bourai-
ynes ; Yortie, ourties; le houx, agrew;\& fougère, hews, heù-
guere; jardin, casaw : la ronce, segue, du mot scie : Y aubépine.
1 11 y a dans 'le texte : sentorrée.
5 Texte : bhteraves.
236 DIALECTES MODERNES
broc; potiron, cet; fraises, fraizier, aragues, dragués. Cestermes
ont vieilli, ci l'on dit plus fréquemment fraises, fraisié. Ra-
cines, arazits (suranné); les nouveaux jets des arbres, flages ;
eau, canebere, la canne duroseau Pour exprimer qu'un ma-
lade empire, [on dirj qu'assourdechice que est notre article
il) ; qu'on l'a extrémoncié (sic), que Van aluxiat (que l'an, on
l'a); Vagonie, passion, vieilli ; la fièvre <e nomme aussi viûlle;
Yépilepsie, ompratge ou maw de terre: les vapeurs des femmes,
masclon ou mawdat, mal donné ou maw de mère ,* panaris, ba-
tedis, à cause des pulsations; diarrhée, flux. Pour exprimei
qu'un malade est endolori dans tout son corps, on dit qu'es
il est : expa mat, etc.
7. — 11 n'y a pas de synonymes parfaits dans ce patois, non
plus i|u<! dans les autres langues, mais il y a à peu près les
mêmes mots que dans le français pour dénommer les divers
objets avec leurs nuances : il y a peut-être, néanmoins, plus
de synonymes que dans le français. Par exemple, pour dirp
un peu, on dit unpau, un chic, andrin; un chicon pour dire
nu petit peu, qu'on n'exprime pas en français.
8. — Ce patois, dérivant en grande partie du français, est
susceptible des mêmes expressions pour tous les genres de
choses, d'occupations et de passions. Cependant, comme il a
un grand nombre de diminutifs, ainsi que nous l'avons dit
plus haut, il est singulièrement propre à exprimer les douces
affections du cœur.
(.t. — Pour qu'un idiome, quelque susceptible qu'il soit de
perfection, d'abondance et de richesses, puisse exprimer élé-
gamment et avec précision les nuances délicates, il est néces-
saire qu'il ait été manié par une touche savante, gracieuse et
philosophique. Pour nous renfermer dans un exemple parti-
■ulier. L'on sait <iue, avant le beau siècle de Louis XIV, avant
les fameuses Lettres provinciales, surtout avant le Livre des
maximes,de La Rochefoucault, la langue française, devenu-
riche, si brillante, si maniable et si propre à exprimer d'une
manière précise les matières les plus abstruses, et à nuancer
admirablement les diverses significations et les divers attribut?
des idées; cette langue, dis-je, était lourde, obscure, embar-
rassée. ■ M. i jique à la vérité sous la main de Montaigne, de
Malherbe et de Corneille, mais dénuée de ce charme que lui
Lettres a Grégoire! 237
uni prêté les beaux vers de Racine, la logique de Pascal el
l'éloquence douce et majestueuse de Fénelon. L'idiome gascon
n'a donc pas l'avantage de distinguer et d'exprimer les nuances
Mues que l'imagination aperçoit dans les objets, par le défaut
d'avoir été exercé par d'habiles écrivains. Quant aux objets
intellectuels, la facilité qu'il y a à tourner le français en gas-
con rendrait celui-ci très-facile à s'approprier toutes sortes de
matières.
10. — La langue et les climats ont des rapports naturels
entre eux, comme les climats et les mœurs. Le gascon abonde
en termes voluptueux, énergiques et dissolus. Nous dirions
que les mœurs sont corrompues dans la Gascogne par compa-
raison aux contrées septentrionales de la France, si l'expé-
rience ne nous avait appris que, si le climat a triomphé des
mœurs dans la Gascogne, les mœurs semblent avoir triomphe
du climat dans la partie opposée du royaume.
11. — Il est fertile en jurements, en expressions propres aux
grands mouvements de colère.
12. — On trouve dans l'idiome gascon des locutions très-
energiques et qui manquent même à notre langue; en voici
quelques exemples : Bienets me coueira, venez me chercher ; il
esi difficile de rendre le sens affectueux que présente cette
expression. Men mien, mon ami: cette expression est d'une
douceur charmante, etc.
13. — Les terminaisons sont voyelles ou consonnes, de
même qu'en français; en sorte que les vers gascons sont mé-
langés de rimes masculines et féminines, comme dans cette
langue.
14. — Le caractère de la prononciation est d'être suscep-
tible de force ou de douceur, selon les'eirconstances, et d'être
fortement accentuée dans le sens inverse de la prononciation
française ; toutes les syllabes sont brèves, et les é sont tous
des c fermés Que boiu/, je veux; i\uù baw à Paris, je vais à
/''iris. On prononce fortement les lettres finales.
15. — L'écriture de ce patois est la même que pour le
français, en variant l'accentuation; et le w double qu'on em-
ploie ici n'est que pour marquer la prononciation, car on se
sert de Vu voyelle avec deux points.
16. — Ce patois varie un peu de village en village pour la
•prononciation, mais le fond est le même à quelques mots près j
â38 PIALKCTES MODKRNES
mais ions les Gascons s'entendent sans truchement, depuis
Bayonne jusqu'au fond du Languedoc.
17. — Le peuple le parle généralement dans les villes.
1<S. — Il est usité dans une latitude de plus de soixante
i i *■ ues en tous sens.
1!». — Les campagnards ne savent pas s'énoncer en fran-
çais, et ils l'entendent même assez peu; néanmoins ce jar-
gon a tanl de rapport avec le français, qu'ils le saisissent très-
facilement, avec un peu d'habitude.
20. — L'on prêchait jadis ei l'on ne prêche encore qu'en
gascon dans nos campagnes. Ce1 usage existe même encore
dans i|uelques villes.
21. — Nous ne connaissons pas de grammaires ni de dic-
tionnaires de ce dialecte.
22. — L'on trouve des inscriptions patoises dans quelques
églises.
23. — Il y a en gascon beaucoup de noëls. de cantiques
imprimés, beaucoup et la plupart des anciens actes manu-
rits, plusieurs ouvrages [de] droit coutumier en gascon, et
luelques ouvrages de littérature, de poésie : poésies de Das-
tros, natif de Lectoure; G-oudely (sic), de Toulouse, pastora-
les béarnaises ; il existe une traduction élégante des fables
de La Fontaine, grand in-8°, qu'on trouve chez Fauvel, li-
braire à Bayonne. Ce patois diffère un peu du nôtre, mais ce
n'esl qu'une simple variété. Cette traduction prouve que cet
idiome est propre à la narration et au genre de style simple.
24. — Les cantiques et les noëls sont plats et mauvais.
25. — Voyez la note 23.
26. — Nous abondons en proverbes; en voicides exemples:
Baû iiwij cazaû que journaù, Vont mieux jardin qu'arpent.
Gent dab gent, et tripe dab moustarde; Gensavec gen», et les bou-
dins avec la moutarde, etc.
27. — Cette question est assez difficile à résoudre; peut-
être pourrait-on dire quelle influence les mœurs ont sur le
langage, mais comment savoir de quelle manière le langage
influe sur les mœurs? D'abord, plus un langage est épuré,
délicat, décent, plus les mœurs sont corrompues (c'est Rous-
seau qui parle), et réciproquement. Sans adopter entièrement
cette maxime ou plutôt ce qui en prouve la fausseté, c'est
se
(
LETTRES A GREGOIRE 239
i|Ué le langage de nos villes est plus licencieux que celui île
nos campagnes.
28. — Eu lisantles actes anciens, on s'aperçoit que le gascon
s'estrapproché davantage du français et que certains mots soni
tombés en désuétude, sans pouvoir en indiquer l'époque précise.
29. — L'importance religieuse et politique de détruire en-
tièrement ce patois, ainsi que tous les autres, en ne faisant
qu'une langue commune pour tous les Français, serait la fa-
cilité d'instruire davantage le peuple, et surtout les habitants
des campagnes, t;int sur la religion que sur la politique. Ce
serait un acheminement à leur faire apprendre à lire et k
écrire, comme on le voit en Angleterre, et surtout dans l'Amé-
rique septentrionale, où il n'y a presque pas un laboureur qui
ne sache lire et écrire, et par conséquent à étendre la sphère
de leurs idées morales, infiniment bornées en ce moment.
30. —Voyez l'article précédent. prônes en français. écoles, etc.
31. — L'enseignement se fait en français et dans des livres
français, dans les écoles de campagne; mais quelles écoles, et
quel enseignement ! Cette misérable partie du peuple est en-
core dans la barbarie '.
32. — Il y a. un seul maître d'école dans quelques paroisses,
et point dans quelques autres. Toute leur science est de savoir
lire et écrire, et encore très-mal. avec une prononciation détes-
table, et sans aucune connaissance d'ailleurs en aucun genre.
33. — A peine enseigne-t-on médiocrement ces trois choses
[l'art de lire, d'écrire et déchiffrer].
34. — [Elles sont] très -peu et très-mal [surveillées],
35. — Non [les curés et vicaires n'ont pas de livres à prêter].
36. — Eh ! comment [les gens de la campagne] pourraient-
ils avoir [le goût de la lecture] ?
37. — Les Quatre Fils d'Aymon, des livres de sorcellerie,
opinion très-accréditée dans notre contrée parmi le peuple
des villes et des campagnes, ce qui atteste leur profonde igno-
rance; des contesdefées, de nécromanciens, Barbe-Bleue, etc.;
encore n'est-ce que dans les campagnes les plus florissantes.
38. — [Ils ont] des préjugés de tout genre ; ils croient au?.
1 Le déparlement des Landes comptait, en 1866,520 écoles primaires
pour 35,000 élèves. C'est à peine si 97,000 individus, sur une population
de 306,000 âmes., savent lire.
840 DIALECTES MOPERKES
sorciers, aux revenants, aux maléfices, prodigieusement aux
inlluences de la lune ; opiniâtrement entêtés de leur système
habituel de culture, sans que l'exemple de succès d'une mé-
iliode contraire puisse les en guérir; l'autorité des proprié-
taires est même insuffisante pour y réussir.
39. — Nous croyons qu'ils sont un peu plus instruits qu'ils
ne l'étaient il y a vingt ou trente années: mais, de même que
leur esprit inappliqué ne fait pas de grands progrès, de même
leurs idées religieuses, qui se bornent à une connaissance
très-imparfaite de nos dogmes, ne sauraient varier, parceque
la variation dans ces matières suppose un degré de réflexion
i de connaissance dont ils ne sont pas susceptibles.
■10-43. — Les causes de cette ignorance sont dans le défaut
d'instruction de leurs jeunes ans. Un pasteur intelligent, zélé,
habile, pourrait faire germer et prospérer les heureuses se-
mences d'une instruction simple, facile et sûre, en la propor-
tionnant par degrés aux progrès de ses élèves. Une autre
•anse, c'est l'assiduité constante qu'exige des cultivateurs la
culture d'une terre avare, stérile, ingrate, et qui a besoin
i être sans cesse engraissée et remuée pour faire périr les in-
e les et les mauvaises herbes, qui dévoreraient leurs tristes
• ■■ oltes sans une attention et des soins infinis. C'est encore le
peu de substance de leurs grains et de leurs graines.
Le remède à ces maux serait un excellent choix de pasteurs
zélés, intelligents et entièrement dévoués à cet état non moins
pénible que glorieux, d'améliorer la culture des landes et le
i riste sort de ces sauvages cultivateurs. L'aisance amènerai!
la politie (.sic)] la première ou la seconde génération pourrait
jouir enfin du bienfait de l'humanité en leur faveur. ,
Cependant la suppression de la dîme, des corvées, de quel-
ques droits seigneuriaux, leur font chérir la nouvelle Constitu-
tion, au point qu'on ne pourrait peut-être plus rappeler l'an
a régime san- verser des torrents de sang. En général, la
- i-sion entre les ecclésiastiques cause une grande fermenta-
tion par les insinuations perfides de ceux-ci; néanmoins le
iple pr ge plus qu'il ne blâme le serment, qu'il prétend
raison, avoir prêté lui-même.
Casto Bertrand, président; Mallet, secrétaire: J. Laborde. sécrétant
1 suivre. A. Uazikr.
BELLO PROUMIERO
A M. Ernest Roussel
[roundello negreto,
Oh ! rèsto oici ....
ÀNTOtlNJETO DE BeO-CAIRE.
Lou cèu èro seren e pur ;
La naturo entière èro en fèsto :
Quand river fugis, tout s'aprèsto
A eanta l'inné dôu bonur.
A la prado, au bos, li rloureto
A bel eime s'espandissien ;
Di milo sentour que trasien
Ero peri'umado l'aureto.
Dins lou cainpèstre siau e blous,
Emé si gréu mirgaiant Faire,
Lis aubre, alin, pareissien faire
Rèn qu'un bouquet espetaclous.
BELLE PREMIÈRE
A M. ERNEST ROUSSEL
Hirondelle noire,
Oh ! reste ici !
Antoinette de Bbaccmui:.
Le ciel était serein et pur; — la nature entière était en tète: —
lorsque l'hiver s'enfuit, tout se prépare — à chanter l'hymne du
bonheur.
Dans la prairie, au bois, les fleurettes — s'épanouissaient à
plaisir; — des mille senteurs qu'elles répandaient — la brise était
parfumée.
Dans la campagne calme et pure, — de leurs rameaux, qui
émaillaient l'espace,— les arbres au loin, paraissaient ne former—
qu'un bouquet gigantesque.
18
2-i2 BELLO PR0UM1ERU
Per recaupre H dindouleto,
Tout èro lest, tout sourrisié :
Lis aubrespin e li rousié
Avien mes sa blanco teleto.
«Jouuie disiéu : « Arribolèu,
T'espère, ma gènto irouudello ! »
L'aucelino, à ma voues fidèle,
Lampe dins un rai de soulèu.
Èro la miéu, bello proumiero,
Que tournavo dins lou pais :
A soun galoi bresiliadis,
La couneiiruère ■ . . Ob ! qu'ère bero '
le traguère, urouso, d'un-tèni>,
Moun adieu dins uno caresso :
Elo, em' un piéu-piéu d'alegresso,
Vï< digue: « Vaqui lou printèms! »
Leountino Goirand.
Aies, lou 31 do mars 1877.
Provençal, Avignon et les bords du Rhône
Pour accueillir les hirondelles, — tout était prêt, tout souriait: —
les aubépines et les rosiers — s'étaient revêtus de leur blanche
loilette.
Gomme je disais: « Arrive vite, — je t'attends, ma gente hiron-
delle 1 » — l'oiseau, fidèle, à ma voix — passa (comme un éclair) dan.-
iiii rayon de soleil.
C'était la mienne, belle première,— qui retournait dans le pays.
— A son joyeux gazouillement — je la reconnus. . . Oh! combien
is fièn :
Heureuse, je lui jetai avec empressement — mon adieu dans une
caresse:— elle, avec un petit cri d'allégresse,— me dit: <> Voilà le
printemps ! »
l.éontine Goiiiamj
LOU MARIAGE ASTRA
A MADAMO P. MISTRAL
Quau es aquelo grando e bello,
Aducho pèr uno auro d'aut,
Que s'avanco coume Esterello
A l'endavans de Calendau?
Vers la capello di Tres-Damo,
Quau es aquelo que descend,
E ie vai prèga per quau amo,
Coume Mirèio pèr Vincent?
Quau es aquelo que lis Ange
Fan fa'usi de celésti cant,
E qu'a vist en un sounge estrange
Uno grand fèsto is Aliscamp ?
Dison que s'apello Mario. . . .
Mario, un noum quasi divin.
LE MARIAGE BENI
A MADAME F. MISTRAL
(Quelle est celle qui, grande et belle. — amenée par un vent du
nord, — s'avance comme Estérelle — à la rencontre de Calendal?
Vers la chapelle des Trois-Dames1, — quelle est celle qui s'ache-
mine — et va y prier pour celui qu'elle aime. — comme Mireille
pour Vincent?
Quelle est celle à qui Jes Anges — ont fait entendre de célestes
chants, — et qui a vu en un songe étrange — une grande fête aux
Aliscamps8.
On dit qu'elle s'appelle Marie — Marie, un nom presque
1 Les Sainies-Maries de la Mer.
i Les Aliscamps ou Champs-Elysées, antique cimetière d'Arles
Ui LOTI MARIAGE ASTRA
Un rebat de l'astre que viho
Sus la barco e sus li marin.
Eh bèn ! Mario es la fiancado
a
<vMie, — majestouso dins soun dôu, —
La Maire au Fiéu a designado,
E lou Fiéu a di : «Dieu lou vou ! »
Noun es duquesso ni barouno :
Mai Galatèio e Beatris
Mens que la chato bourguignouno
An l'esté pur qu'amourousis.
Es dôu pouëto e de l'artiste
Lou désir devengu trésor ;
Es uno enoarnacioun requisto,
Viésti embauma d'un pantai d'or.
Vejo-nous dounc, vas de jouvènco.
Li perfum qu'as tengu rejoun,
E léu flourigues en Pi'ouvènço,
Poulido Roso de Dijoun !
Vai, la Prouvènço t'esperavo :
Sens le counèisse t'amavian ;
divin, — un reflet de l'astre qui veille — sur la barque el sur les
matelots.
Eb bien ! Marie est la fiancée — que, dans la majesté de son
deuil, — laMère a désignée au Fils, — et le Fils adil : « C'est Dieu
qui le vent'. »
Elle n'esl point duchesse ni baronne; — mais Galathée el Béa-
irix — moins que la jeune iille bourguignonne — ont la grâce pure
qui séduit.
C'est du poeie et de l'artiste — le désir devenu trésor ; — c'est
ne incarnation exquise, — forme embaumée d'un rêve d'or.
Épanche donc pour nous, vase de jeunesse. — h's parfums que
tu as tenus serrés, — et bientùi puisses-tu t'épanouir en Pro-
ce, — ô belle Rose de Dijon !
\ i elle t'attendait, la Provence; —sans te connaître nous t'ai-
DIALECTES MODERNES ?15
Es pèr toun front que se gardavo
La courouno que trenaviau.
« En glôri, vai, saras aussado
Courae unoRèino», e de cant dons
Saras bressado e caressado
Pèr toun felibre amistadous.
As tout quita pèr veni nostro :
Brès nadalen, jardin flouri,
Amigo e maire. . . .acô nous mostro
Quau sies e quant vau Frederi.
— Segound lalèi de Prouvidenci.
Tout bèn qu'es fa, di vo pensa.
Même au courrènt de l'eisistènci.
Dèu èstre larg recoumpensa.
Quand à la porto d'un o d'uno
Veirés adounc veni pica
L'amour, la glôri, la fourtuno,
Digas : Èi Dieu que vèn paga.
Aro es fourtuno, amour e glôri,
Qu'au même oust au toumbon subran ;
niions , — c'est pour ton front qiL'étail réservée — la couronne que
nous étions occupés à tresser.
« En gloire, va, tu seras élevée — comme une Reine », et de
doux chants — tu seras bercée et caressée par ton félibre plein
d'affection.
Tu as tout quitté pour devenir nôtre:— berceau natal, jardin
fleuri, — compagne et mère cela nous montre — qui tu es et
combien vaut Frédéric.
Suivant la ioi du Providence, — tout bien qui est fait, dit ou
pensé, — doit, même au cours de l'existence, — être récompensé
largement.
Quand à la porte d'un , mortel] ou d'une mortelle — vous verrez.
dès lors, venir frapper — l'amour, la gloire, la fortune. — dile>:
C*est Dieu qui vient payer.
Maintenant, c'est fortune, amour el gloire, — qui tombent
?46 LOU MARIAGE ASTRA
Un jour saubren li vertu flôri
D'Eu emai d'Elo En espérant,
Canten la nôvio que s'avanço
E qu'à la Prouvènço, emé siuen,
Adus lou poutoun de la Franco.
Poutoun que clantira bèn liuen.
Aupiho, boundas d'alegresso !
Rose e Durènço, mar e Crau.
Saludas vosto segnouresso !
Veici l'espouso de Mistrau.
Aguste Verdot.
Eiguiero, lou 10 d'ôutobre 1876.
(Provençal. Avignon et les bords du Rhône.)
soudain sur la même demeure: — un jour nous saurons les vertus
excellentes — d'Elle et de Lui. ... En attendant,
Chantons la nouvelle mariée qui s'avance, — et qui avec amour
apporte à la Provence — le baiser de la France. — baiser qui retentira
au loin.
Alpilles, bondissez d'allégresse! — Rhône et Durance. mer et
Crau, —saluez votre suzeraine! - Voici l'épouse de Mistral.
Auguste Verdot.
■B»
AL TUSTADOU
DE L'AMIC ALBAN GERMAN
De soun estuch de fer ount se tors belo ramo.
Le dôgoul musculous salhis encoulerit.
AU HEURTOIR
DE L'AMI ALBAN GERMAIN
I >e sa gaîne de fer où se tordent belles feuilles, — le dosue mus-
culeux sort tout en colère. — Jl vit! Il vit! Il fronce son nez.
DIALECTES MODKRNES 247
Vieil ! vieil ! Rufo le nas, mostro's uals e clamo !
Empleno l'gent oustal del si eu terrible crit.
0 gous! jaupo, enrabiat, s'es uno caro infamo;
Moussego à bel cais, jaupo al malandrin ourrit :
Mais calho-te sul cop s'es uno fino damo,
Lupo-s-i la manoto, ô canh ! tout aberit.
E se ven dreit à tu qualque amie, — un artisto
Que sauras pla couneisse à la prumieiro visto,
D'aquelis qu'an le frount dins le blu luminous,
Àrruco-te, magnac ; cal pas debremba brico
Qu'as dedins un valent de la grando musico
E'nescrivan, soun filli, que durbira, gaujous.
A. Fourés.
Garcassouno, le '» de décembre 1876.
(Languedocien, Castelnaudary et ses environs.)
montre ses canines et gronde ! — Il emplit la gentille maison de son
cri terrible.
O chien ! aboie, enragé, si c'est un visage infâme; — mords >i
belles dents, aboie au voleur détesté; — mais, tais-toi sur-le-champ,
si c'est iine délicate clame; — lèche sa petite main, ô chien! toui
enjoué.
Et, si vers toi se dirige quelque ami, un artiste — que tu sauras
bien distinguer à première vue, — de ceux qui ont le front dans
l'azur éclatant.
Fais-toi petit, maniable; — il ne faut point oublier — que tu as,
dedans, un vaillant de la grande musique — - et un écrivain, son
fils, qui ouvrira, joyeux.
A . Four es.
Carcassonne, le 3 décemb''e 1876.
MATER DOLOROSA
Ero lou Dijôus Sant, e la foulo fidèlo
As pèds dal Christ en crous pregabo ame fervoît;
Uno femno ennegrado e morto de doulou
S'èro meso h gihouls al founs de la capèlo.
Ero pla jouino encaro, èro encaro pla bèlo
E plourabo quauqu'un : — belèu soun amourous,
Belcu soun efantoun. E pamens à l'angèlo
Digus rioun i disio : « Femno, counsoulas-vous! »
Car digus noun traira lou segren que ven jaire
Dins lou coi' d'uno femno ou lou cor d'uno maire :
Essuga de tais plours, -• digus ou pot gausa. . .
Se l'amaro douloù sus t.erro toujour reno,
Cal pot te counsoula dins ta divino peno,
Tu que plouros un Dieu. Mater dolorosat
C. Laforgi ;
Langued h ion, Quaran! s el ses cm ron .
MATER DOLOROSA
C'était le Jeudi Saint, et la foule fidèle— aux pieds du Christ en
croix avec ferveur priait; — une femme vêtue de noir et mourante
de douleur — s'était mise à genoux au fond de la chapelle.
Elle .1 il jeune encore, elle était encore bien belle — et elle
pleurait quelqu'un : peut-être celui qu'elle avait aimé. - peut-
être son enfant. Et cependant- — nul ne lui disait :« Femme, con-
solez-vous. »
Car nul ne peut écarter le ehagrin qui vient s'abattre — sur le
cœur d'une femme ou le cœur d'une mère; — essuyer de tels
pleurs, nul ne peut l'oser. . . .
Si l'amère douleur se plaint toujours sur la terre — qui peut te
consoler dans ta divine peine, —toi qui pleures un Dien, Materdo-
lorosa? C Lafobgue.
1 Imité d'un sonnet françaisde M Baluffe.
Littéralement: Et cependant a l'angele. Angrlo est eu langue d'Oc le
féminin de angel. ange.
DISCOURS ET BRIN DES
PRONONCÉS A AVIGNON
Par MM. Mistral, Bonaparte-Wyse, Marrus Girard, Laforgue
et Tavan
Dans l'impossibilité où nous sommes de reproduire tous les
blindes prononcés le 21 mai dernier à Avignon, lors de la réunion
annuelle du félibrige. les lecteurs de la Revue nous sauront gré de
mettre sous leurs yeux trois fragments du discours de M. Mistral
et quatre toasts qui nous ont été communiqués par les auteurs :
MM. ravan, Bonaparte-Wyse. Laforgue et Ma riu s Girard.
S'es meritous e ounourable, Tome que sauvara un rnanu-
scri precious, que metra dins soun lustre uno telo de mèstre o
que dessousterrara uno Venus arlatenco, quet ounour, quento
glôri, quento satisfacioun patrioutico recoumpensara pas lis
erudit e li pouèto qu'empacharan de s'avali lou lengage d'un
pople!
Uno lengo. lou sabès, n'es pas l'obro fatisso d'un orne o de
plusiour, ni mai d'uilo Acadèmi, ni d'un régime quint que sie-
gue. Uno lengo, me sèmblo, es quaucarèn d'aguste e de miste-
rious e de meravihous; car es lou recatadou d'aquelo lumiero
auto qu'an apela lou Verbe.
Avès ausi parla d'aquéli jasde mino ounto s'atrobo escricho
pèr la longo dou tèms l'istôri espetaclouso de la creacioun don
mounde; -ounte se vèi d'erbasso, d'aubre carbouncla, de pèiro
clauvissouso, d'animalas afrous, que sounli testimôni direvou-
lucioun dôu globe.
Eh bèn ! Messies e Pamo, uno lengo retrais à-n-un jas mi-
nerai! ; car au founs d'uno lengo, se ie soun despausa tôuti li
refoulèri. tôuti lis escaufèstre, tôuti li sentimen, tôuti li pensa-
inen, de dès. de vint, de trento, de cent generacioun.
Uno lengo es un clapas ; es uno antico foundamento ounte
chasque passant a tra sa pèço d'or o d'argent o de couire; es
an mounumen inmènse ounte cbascofamiho acarrejasapèiro,
ounte chasco ciéuta a basti soun pieloun, ounte uno raço en-
.tiero a travaia de cors e d'amo pendent de cent e de miio an.
Uno lengo. en un mot, es la revelacioun de la vido viclanto,
Iamanifestacioun dèlapensado umano, l'estrumen subre-sant
di civilisacioun e iou testamen parlant di soucieta morto o vivo.
Fau boulega pèr viéure, fau cambeja pèr se gandi. e fau
uada pèr se sauva Arregardas un pan ço que s'es fa
■lespièi vint e quàuquis an !
?:■ DISCOURS ET BR1NDKR
Erian set,; tout-beu-just, à noste brande, e aro sian très cent !
Lalengo èro chauchado, abandounado, agarrussido, coumo
lapauro Cendrouleto e Cendrouleto boufo-fio, tant lèu que
sa meirino, la fado di bèu vers, Ta toucado do sa broco, a
caussa gaiamen lou sabatoun de vèire, e vuei, coumo uno nô-
vio, à si sorre despichouso pou moustra, elo peréu, sijouièu.
«i beloio e sa courouno de Coumtesso.
E que sièr d'avé pôU? Sian arma pèr la lucho mai que ço que
Ton crèi.
Li proudu literàri de nosto Reneissènçonous an apouderalou
mounde di letru ; li travai di prouvençalisto nous an dubert à
brand lou mounde di sabènt ; e li publicacioun destinado à la
t'oulo, talo que armanao journau prouvençau, nous fan dintre
lou popleuno poulido proupagando.
Àvèn de mai à nosto ajudo lou crid dôu sang e de la terro,
que podon bèn badaiouna, mai que jamai ostoufaran; avèn
lou sentimen inna d'independènci que tout orne qu'es orne
porto dintre soun pitre ; aven enfin pèr nautre la naturo in-
vinciblo, lou soulèu que dardaio, lou mistrau que bacello, li
gaudre dis Aupiho e li revôu dôu Rose, la broufounié de nosto
mar, li caire e recantoun de noste terradou, li garrigo, li serre,
li mountagno inbrandablo ; en un mot li causo eterno dôu païs,
qu'emé si noum rouman, dindant e felibren, de paire en fiéu,
de siècle en siècle, transmeton e counservon li racino de la
lengo.
Zôu ! dounc. Messies e Damo ! mantenen,ensignen la lengr.
maire dôu Miejour; e, d'abord que sian en noumbre, que chas-
cunde nous autre proufèsse ardidamen Tapoustoulat dôuFeli-
brige!
F. Mistral.
Salut au felibrige, à sa fèsto acampa !
Absent, brinde is absent, i mort, is ôublida !
De liuen brinde is ami qu'antan avèn ama :
Sarèn, nàutri, deman, — mort, absent, ôublida!
A-n-Antounieto, à Gfaup, à Thouroun, à Doumas :
A. Calvet, Balaguer, Marcellin, Crousillat :
A Ranquet, Pelay Briz, au Bringuié bèn-ama,
\nhoure la grand coupo ! Ami, saludas-la !
W. Bonaparte- Wyse.
De Catalougno, de Prouvènço,
Valent marin plen de jouvènço.
DIALECTES MODERNES 551
Ensèm, e longo-mai, canten sus nosto nau !
Vièi quartié-mèstre, jouini rnôssi.
Mourgant la mar e si trigôssi,
Courounen lou batèu d'oulivié freirenau.
De la Patrio fiers amaire,
Canten la terro nosto maire
Qu'adus l'ôli, lou blad, lou rasin agradiéu.
Alin, perdu sus la mar semo,
Au brut galoi de nôsti remo,
Canten la liberta, l'amour e lou bon Dieu !
Se de la mar lou flot s'enarco
E l'erso fouito dur la barco,
Ami, remembren-nous noste passa reiau !
E nosto nau embandeirado,
Que pèr l'Envejo esaqueirado,
Siavo, veira passa l'aurige e li caiau !
Marius Girard.
Avignoun, 21 de mai 1877.
Un gro dins lou selhpu, per L'araire entarrat,
Subran dono naissenso à l'espigo daurado
Que, dins la terro lèu tournamai semenado.
Deven la garbo drudo e couflo de bel blat.
Tal nautres sen nascuts. La garbo felibrenco
A couniensat per un. L'efant de Sant-Roumié
Qu'emé bonur vesen à la taulo frairenco.
Pot reclama l'ounoù d'abeire, lou prumié,
De nostro renaissenso aubourat l'ouriflamo.
L'amistous Capoulié nous dis quano emouciéu.
Quane trefouliment s'emparet de soun amo,
Lou jour que li moustret aquel libre agradiéu,
Ount de las flous de mai la garbeto acampabo.
L'escoulan d' Avignoun, d'acô tout esmougut.
Vaqui CauOu, diguet, que moun cor esperabo
Per sescarrabiha ! Despèi que n'es vengut,
De cantaires d'amour! Sen la grando familho
Das troubaires nouvels. Al noum de l'amistaî,.
Lour cor countent, ravoi, beguen à la santat
Dal grand renouvatou, de Jousé Roumanilho!
C. Laforgue.
A tout ço qu'es bèu e grand : à la franqueta, à la justici, à la
liberta de tôuti li pople ; à la fraternita di Rouman, à l'unioun.
à la coumunioun de tôuti li raço latino! — Li gent se grafi-
252 RTRT 10ORAPHIF
gnon, li vilo se canounon, li pople se bâton, li parti s'estri-
pon ; nous àutri, amen-nous !
Messies egai Counfraire, en quitant Marsiho pèr me rendre
à nosto gènto assemblado, moun cor saunavo en pensant à co
que se passo : la guerro ôurrible à l'Ouriènt, e tout proche 'li
parti preste à s'estrassa. . . . Felibrige, bèu e sant Felibrige !
reviscoulo lis amo endoulourido! Foro de tu, Ta que mescre-
sènço, ahiranço e desesperanco : tu, sies la verita, l'amour e
la f e ! . . . Iéu brindo donne au grand assoulaire di parti, au
Felibrige bèn ama !
Alph. Ta van.
BIBLIOGRAPHIE
Université libre d'Angers.— Textes imprimés ou autographiés à l'usage
du cours ésoférique de littérature française. N* l. Le Livre des Ma-
nières, par Etienne <Je Fougère?, évèque de Rennes (1168-1178) ; pu-
blia pour la première fois d'après le ms. de la bibliothèque d'Angers,
par P. Talbert, docteur es lettres, professeur au Prytanée militaire de
la Flèche, etc.; V2 p. (Prix: 1 fr.). — Paris. E. Thorin, 7. rue de
Médicis.
J'avais, le premier, signalé à l'attention des romanisantsce poème
moral du célèbre prélat, et j'avais annoncé que j'en préparais une
édition aux frais de la Société des langues romanes (15 mars 1874.
Uev. des langues mm., tom. V, p. fi: autre mention, 1875, ibid . .
tom. VIII, p. 252: autre mention, 1870, ibid., nouvelle série,
loin. I, p. 231, — cette fois seulement avec indication du ms. d'An-
gers).
M. Talbert, professeur au Prytanée de la Flèche et à l'Univer-
sité libre d"Angers, ignorant cette particularité, car il est d'usage,
en pareil cas, de ne pas profiter des indications fournies par un
antre pour le devancer, vient de faire paraître ce même texte, or
annonce qu'il complétera cette première publication par un com-
mentaire et un glossaire.
En éditant ce texte tel que!, M. T. a incontestablement rendu
service aux études romanes, et, à ce point de vue, il a bien fait de
se bâter. Mais, dans son propre intérêt, comme savant et cornu;*'
professeur, mieux aurait valu qu'il attendit encore un peu, pour no
as présenter aux lecteurs compétents, et surtout à -<>s élèves, un
BIBLIOGRAPHIE 253
texte souvent difficile, qu'il n'a pas toujours bien compris ni même
toujours bien transcrit.
(l'est précisément un scrupule de ce genre qui m'avait fait re-
tarder l'édition que j'avais annoncée, et aussi l'impossibilité où je
me suis trouvé, jusqu'à présent de retourner à Angers, pour y
revoir le ms. 295*. Je tenais d'autant plus à collationner de nou-
veau le ms. original, que j'avais fait ma transcription très-vite, la
veille même de mon départ d'Angers. Plus tard, M. G. Paris,
à qui j'avais eu occasion de la communiquer, m'avait fourni d'utiles
explications. Grâce à celte collaboration d'un instant et à des re-
cherches persistantes, j'étais parvenu à élucider bien des pas-
sages obscurs d'un texte gâté, comme à plaisir, par l'ignorance et
l'incurie du copiste. Mais il en restait un certain nombre que
je ne comprenais pas. et, comptant que le ms., mieux étudié, me
fournirait de nouvelles données pour la solution de ces différents
problèmes, je reculais encore l'échéance de ma promesse. Je ne
sais si je dois renoncer à poursuivre la publication projetée, main-
tenant qu'elle n'a plus le même attrait de nouveauté. En atten-
dant, je dois communiquer au lecteur les résultats de l'examen que
j'ai fait de l'édition autographiée de M. Talbert, et dont il pourra
profiter tout le premier pour améliorer son travail, s'il persiste à le
publier en entier.
V. 3 et 8, il n'est pas nécessaire de corriger qui en que. Ontrouse
quelquefois qui=quem dans nos anciens textes. — V. 9, Veine es la
roe. J'ai lu joe=gaudium. — V. 19, Cil riche ver, j'ai lu rei. — Y. 40,
j'ai lu brascent. — V. 49, ajoutez molt ou quelque chose de semblable
pour compléter le vers.
V. 58, trop court; lisez Peis n\nen\ ennorent. — V. 59, j'ai lu
couveictisse. — V. 63, Les maus.. estauciér. Esianciert=arrêter est pré-
férable. -- Y. 07, seit. En note, « 3e pers. subj. prés, de sequere. »
Erreur singulière, qu'on ne peut guère mettre su;- le compte de la
distraction, puisqu'on la trouve reproduite à la p. 27. en note, et
grossie de deux erreurs analogues : parseît (v. 72(J^ et enquiert
(v. 412), que l'éditeur rattache, l'un kpersequat et l'autre à inquirat,
au lieu de voir en eux ce qu'ils sont en réalité, c'est-à-dire des in-
dicatifs présents. Ajoutons cependant que, par une heureuse incon-
1 Je profite de cette occasion pour remercier l'honorable M. Lernar-
chand, conservateur de la bibliothèque d'Angers, de l'empressement
qu'il a mis à me communiquer les richesses manuscrites confiées ù ses
soins.
254 BIBLIOGRAPHE
séquence, M. T. n'a pas fait de requière (v. 376), qu'il assimile en
note marginale à enquiert du v. 412. l'indicatif de requerre ( ou re-
quérir) .
V. 77, il faut corriger pen[s]t, ainsi que me l'a fait observer M, G.
Paris. — V. 12G, trop court d'une syllabe. M. T. a conjecturé
terre] aveir; ce qui indique qu'il a compris Multi sunt qui, etc. Mais
;tlors il faudrait moult sunt qui. . . trichent. Jl vaut mieux lire Molt
est [fous]. — V. 132, j'ai lu pécheras, forme qui, à supposer que le
ms. donne bien pescheras, aurait dû être indiquée en note à titre
de correction — V. 1 52, proceiz. M. T. n'a pas compris ce mot.
Lisez preceis= * prœceptos (prœcepta). D'ailleurs le ms. donne pour
le groupe initial de ce mot un p surmonté du tiret horizontal, ce
qui indique pre plutôt que _/>ro, ainsi que M. T. l'a compris pour.
prernis du v. 26.
V. 153, il faut lire, non deme, mais dévié (i parasite)=rfe^r, devei,
devet ( ce dernier dans Du Gange ); littéralement, « défendu. »
V. 163, mioz ici n'a pas de sens; et, en effet, le copiste, après avoir
écrit moz, s'est ravisé, a souligné m et tracé un u au-dessus,.ce qui
produit voz. Le vers serait donc Obéir deit lés communs voz, litt.
Obedire débet communibus votis. Quant au vers suivant, que M. T.
'toit avoir compris, puisqu'il n'a mis en marge ni note, ni signe de
doute, j'avoue qu'il me parait obscur. Où M. T. a lu lor, j'ai écrit
loz, et je conjecture (timidement) qu'il faut lire ainsi qu'il suit ces
deux vers : Obéir deit le[s] communs voz, | Se il sunt bon, totà loz moz.
que j'interpréterais à peu près de cette manière : «Il doit, unique-
ment soucieux de son bonneur (totus ad*laudium motus), écouter
les vœux de son peuple, si ces vœux sont raisonnables. » Pour la
cbute de s dans les, cf. v. 219, le bourses.
V. 189, le ms. donne, en effet, il clerc, mais il faut lire cil et non
U. — V. 191, corrections nullement nécessaires. — \\ 196, txwrunl
aurait dû s'écrire aur[u]nt, le ms. ne donnant que aurnt, — V. 202,
tôt à tire est la bonne leçon ; mais, si le ms. donne à tie, comme
je le lis sur ma copie, il aurait fallu écrire ti[r\e. — V. ilii, Et cels ;
L'éditeur aurait dû indiquer en note la leçon rectifiée Icels. — V.224,
lisez Lor vient [il. — V. 227, lisez cil et non cil.
V. -231. La leçon du ms. est fautive, mais la correction propo.-i ■>
par l'éditeur ne paraît pas bien sûre. — V. 228, Do ont ci malveisi
famé. M. T. intercale il avant ont. .le préférerais lire Don[t] ont
ci[I\ [trop] malveise famé. — Je ne comprends pas les v. 241-2.
V. 249, j'ai lu clierx. — Y. 254, ice afeire, lisez ici à feire.—
V. 262, 3, 4, j'ai \\ipoig, loig, (Mgr, orthographe qui doit être conserva'
ou tout au moins signalée. — V. 265. Et science, j'ai lu Escience.
BIBLIOGRAPHIE «5f»
qui vaut mieux. — V. "266, j'ai lu demestre. — V. 268, Preute au do-
uer n'a pas de sens. Lisez prente, c'est-à-dire « mets-toi » adonner.
— V. 269, 70, 71 . Ces trois vers sont toujours obscurs, même après
ies correction de M. T. Au v. 271, j'ai lu i = ibi, qui vaut mieux
que il.
Y. 294. rente. J'ai lu rende. — Y. 3U2, renduz. J'ai \\x penduz . —
V. 308, fausret. J'ai lu faustet. M. T. corrige « les faus rez =
reis ». J'ai conjecturé faus tez. = falsos testes: correction qui u.
l'avantage de se tenir très-près de l'original (tel que je l'ai lu) et
qui convient au sens général de la phrase, mais qui n'en reste pas
moins à l'état de simple hypothèse, vu que je ne connais pas d'autre
exemple authentique de test = testis.
Y. 312, se court. J'ai lu se corut. Si ma transcription est exacte,
le vers se retrouve sur ses pieds, et il n'est plus nécessaire de le
compléter avec le monosyllabe et. — V. 313, rente. J'ai lu rende. —
Y. 320, Peis est ici synonyme de post et non de partira. — V. 331.
Tout les vices lor deit tochier. J'ai lu toz, rochier. Toz est plus cor-
rect que tout; et rochier, si c'est bien la leçon du ras., doit être con-
servé, car il est plus énergique que tochier. — V. 334, ni qu'il n'i
loche. J'ai lu ne qu'il i toche, ce qui vaut mieux. — V. 346, n'en est
dreit. Si j'ai bien lu, il faudrait nen [e]st. — Y. 347 hole escole. Le
copiste avait, en effet, tracé d'abord un h, mais il m'a semblé qu'il
l'avait corrigé en/.
V. 352, communer. N'y a-t-il pas conmuner en toutes lettres? —
Y. 357 D'aumônes mou\l\t, aumosnier seit. J'ai lu D'aumônes vit, ce qui
présente un s?ns excellent et donne un beau vers. — V. 361, aux
sons. J'ai lu aus. — Y. 364, soutenir. J'ai lu sostenir. — Y. 393, M. T.
a biffé Vu de moult, ce qui semble indiquer que le ms. porte molt.
en toutes lettres. Or, si j'en crois ma copie, ce mot est écrit ici.
comme partout, sous forme abrégée. Même observation pour molt
du v. 395.
Y- 416, sa honte. J'ai luj'a.qui doit être la bonne leçon. — Y. 419.
Ne n'en furent. J'ai lu Une n'en furent. — Y. 420, Ni de pechié. J'ai
lu ne; — V. 422, Deit arcevesque[s]. Puisque l'éditeur rétablit ici la
bonne orthographe, pourquoi n'en a-t-il pas fait autant partout, et
notamment au vers 405, où arcevesque est également au nomi-
natif?— V. 424 (en note), Deire = docere non dicere. Est-ce bien
sûr?
Y. 431, 2, Quar correil meint en sa me j, sure ) S'il m' 'est forfet par
desmesure. Que signifie correil? J'ai lu corteis, qui doit être ia bonne
leçon. Pourquoi mei[s]sure au v. 431 . et desmesure, non desme[ï]sure,
au vers suivant? Au lieu de forfet, j'ai lu sorfet. — V. 443, Ou lei-
:r, BIBLIOGRAPHIE
dément m atort prendre. 11 faut lire avec le ms. ou à tort. — V. 155,
victoire. «T'ai lu vitoire. — V. 156, avitoire. — De même au v. 163 : il
Faut lire ajutoire ou aiutoire = adjutoriwm.
\ . 461 , Por tote gent et apostoire. Le ms. donne '<r et laisse un
blanc pour la majuscule initiale, qui n'a jamais été tracée. M. T.
aurait donc 'lu mettre le p de Par entre crochets, pour indiquer
que c'est une lettre de remplissage. D'ailleurs, cette restitution
n'est pas heureuse. C'est sor = super qu'il fallait lire, de même est
et non et. — V. 468, Et les rebelles reporter J'ai lu raorter, qu'on
peut rattacher à la môme famille que hurter, ahurter, réhwter,
reorter .
V. 470, Plus tôt. Le ms. donne en effet lot; mais pourquoi ni
l'avoir pas corrigé? — V. 473, soallume. J'ai lu seastume. — V. 175,
lin délie. M. T. écrit, en marge « d'Elie? » Il est inutile de recourir
a la Bible pour l'explication d'une forme aussi connue : cf. Et desut
un surpliz blanc e délié (ou deljé e bel (Th. le Martyr, a \>. Lit t ré .
— V. 476, Qui tôt est ars et totems fume. En marge « ou cortens =
œrttens). La correction proposée est ingénieuse, mais paraît forcée.
En tout cas, elle ne suffit pas, et la première partie du vers doit
être, elle aussi, soumise a correction. Je crois qu'il faut changer
tôt en tost. Quanta totem, j'avais lu cotens, et je ne crois pas mètre
trompé. Cette lecture, si elle est exacte, ajouterait un peu plus de
probabilité à la conjecture, de M. T.
V. 491, la veine. J'ai lu V areine, qui convieu! mieux que la ceine,
comme synonyme de gravelle, employé un peu plus lias dans le
v. 495. exacte contre-partie du v. 491. — V. 553, odè. Lisez De.
— Y. 530, M. T. corrige mesprennent en reprennent, «l'ai conjecturé
ne prennent. — V. 532, plus son Dé ge[n]nent. J'ai lu jdus sendegen-
nent. Son est inadmissible, il faudrait lor. Il est certain que la bonne
leçon est s'en degennent( cf. plus Pas, v. 592 et 648;, de-genner étanl
considéré comme formé du même radical que es-gener.
V. 553, 4 : Grainor fei deit sire a son home \ Que non a seignor et a
dome. Enlisant won, M. T. change le .-ens et affaiblit d'autant la
mâle simplicité de ce beau vers. Lisez avec le ms. que on, et pour
plus de clarté que hon — <im\ui homo. — V. 573-75. Je rétablirais
ainsi ce quatrain, qui, comme l'observe M. T. n'est ^uére intelli-
gible dans le ms.
Q tant il revient, i les refrapel ms. si li
Si lor ( ms. li) rescot très bien la chape.
Si que pas unsdelsen reschape .
Cil ( ms. sil) sun l marit et cil font fins, son) jabe.
V 581. C) J'ai lu Choiles; Charles n'a pas de -ens. L'édi-
BIBLIOGRAPHIE 257
teur ne fait pourtant pas d'observation à ce sujet. Choiles = cheles,
Mêles, chaeles ( G. Paris ). Voir dans le Jahrbuch (XII, 2e p., p. 213,
214) l'intéressant article de M. Tobler. — V. h83,forfet. J'ai lu sor-
fet, qui vaut mieux.
V. 598, Qu'enleialté vistsonjovent. Lise*; avec le ms. ust, subj. de
user. — V. 6U9, 10. Le sens est « Puisqu'il doit fournir [la dîme]
do son propre blé, que sera-ce s'il prend celle d'autrui?» Con lo (p.
le) sera de l autrui prendre? M. T. a lu Con l'osera, sans marquer l'in-
terrogation. Son interprétation, jele reconnais, est très-soutenable,
d'autant plus qu'elle ne change rien à la leçon du ms.,mais encore
faut-il modifier la ponctuation dans le sens que j'indique. — V. 61 1 .
Ice. j'ai lu Et ce.
V. 624, Ne pour engin. Lems. donne par, en abrégé, qui est pré-
férable. — V. (j2Q,pener. Ms. pener avec le tiret horizontal=^>enner
— V, 1334, terveier . Ce mot n'offre aucun sens. Lisez avec lems.
torneier, prendre part à un tournoi. — Y. 627, Don Jhesu Cris dist.
Et en marge «don = dominas. •• Le ms. porte dun= de unde, c'est
pourquoi. Le sens est«.De là vient que Jésus-Christ dit, etc.» —
V. 654, toit. C'est la forme correcte, mais il fallait indiquer que
le ms. donne tost.
V. 655, Li un de de les des asenble. Et en marge «Corrige/ des
dus les dus, ou : des deis les deis .» Il n'est pas nécessaire de mo-
dilier le texte du ms., si on lit « Li un de Dé les desasenble. » Li un,
c'est le glaive de l'Eglise, qui par l'excommunication sépare de
Dieu les coupables {les maubailliez) . — V. 656, li. Peut-être faut-il
le corriger en lor. — V. 691 , le plus bel. J'ai lu lies, qui ne va guère. —
V. 698, sisires [l'}enerre. J'ai lu enerte, qui, si ma copie est fidèle,
se rattacherait au même radical que cnartos, artificieux. Enerre, si
c'est en effet la leçon du ms-, donne aussi un sens satisfaisant. —
V. 699, gaine. 11 faut lire grinne, lems. donnant gune ou gnne avec
i complémentaire = ri au-dessus de gn. Le sens est « ou par des flat-
teries ou par des tracasseries. »
V. 700, En quanquesens qu'il l'esgaugine. J'ai lu quauque = quel-
que. Quant à esgaiHjine, il est certain qu'il faut le lire esgaugrine, \'i
en surcharge équivalant ici à ri, comme dans le vers précédent
pour griiie. Ce qui complète la démonstration, c'est que ce mol
est écrit en tontes lettres au v. 94, où M. T. a lu esgangrinier. Peut-
être faut-il substituer » à m dans la seconde syllabe. Mais, quelle
que soit sur ce point la bonne orthographe, une chose hors de
doute, c'est que ces deux mots doivent s'écrire de la môme ma-
nière.
V. 718, Une remercie. Le signe d'abréviation doit se résoudre en
19
253 BIBLlOGRAHHll
n. Il faut lire 11 n'en, merde ; ce qui supprime toute difficulté. —
V. 71'.), que a wn chien.Lems. ne donne-t-il pas quel '? — V. 724, voir,
que donne en effet le ms., doit ee corriger en veeir = videre. —
V.7'25, il ne faut pas de virgule après noolz. — V.726.Très-eor-
rompu. On ne lit bien que qui. . . <jent une et le ou les mots que
M .T. a eu soin de reproduire en fac-similé. — V.727, si je m'en vois.
J'ai lu m'ennois. — V. 729, Hâtant. J'ai lu a tant, qui me parait pré-
férable.— V.730, toit. C'est la bonne forme, mais le ms. ne donne-
t-il pas tost?
V. 735, semonte. La rime exige, en effet, cette forme. Cependant
j'ai lu semence. — V. 736, jarbe; j'avais \ujaise, que je corrigeais en
jaille, mesure de capacité. — V. 737. M. T. a lu Dé mande pur autal
eusenple, vers inintelligible: Ma copie porte Demande par autal con li
'Hjtle, ce qui, en changeant le dernier mot en semble, donne un
sens raisonnable. Mais le vers est trop long d'une syllabe, incon-
vénient qui disparaît si l'on supprimera/- et si l'on n'élide pas Ye
de Demande devant autal. Cf., pour une particularité analogue, le
v. 842. Quant à tost et cost des vers suivants, je les corrigerais en
toit = tollit et coït = col ligit.
V. 746, [Et] dojpremieret do regain. Il est plus sûr de corriger re-
g[a]ain, correction analogue à celle que M. T. a fait subir, et avec
raison, à gain du v. 874. — V. 749, contout; j'ai îu contint. — V. 750,
Hais cil qui [cler]seitvair el nombre, Et en marge elombre. J'ai lu mes,
et non mais. Cler est inutile. Voir doit se corriger en reeir, comme
plus haut, v. 724. Quant à nombre, je ne le comprends pas. et la
correction proposée par M. T .quoiqu'elle se présente la première,
me paraît douteuse. Dans tous les cas, il faudrait en V, el pouvant
représenter en le, mais non en la.
V. 757. Je crois que la lacune indiquée porte sur le second hé-
mistiche de ce vers et sur le premier du suivant:
Dis li : a Malvès
mes or t'ammende.
Quar ne veil pas que l'en me rende
0 tricherie m'ouferende. » '
M. T. a lu le v. 757, Dist li : « Malvèst mes ex amende.» Il ajoute
en marge « ex ou ox = oes, cf. St-Alex., v. 503 », et fait porter ex-
clusivement la lacune sur le vers suivant.
V. 761, A cel[u]i quisetcontrr totes. J'ai lu cel. Si cette lecture esl
exacte, je préférerais corriger totes en tres]totes. -- V. 762, goûtes.
J'ai \\igoitte8. — Y. 7 < ", 7 . Eu l'ostal. J'ai lu lostas. H faut en V estai.
— V. 768, Porcequt poeutènjoïr. Le groupe de lettre compris entre
/"' et / linal île /moi/ pourrait aussi représenter eu. Ce que M. '1
lîIBLlOGRAHHIK 259
lu en est trop long pour une forme si courte. Mon fac-similé repré-
sente un o faiblement ébauché, suivi d'un u et de deux autres jam-
bages assez semblables à deux c incomplètement formés.
"V. 769. Ce vers n'est pas plus clair après qu'avant la correction
de M. T. — V. 772, Puis l'art tôt cum[me]fou celestrc. J'ai lu o sem
= o son, cum suo, au lieu de cum[mé\. Celestrc est en effet la bonne
leçon; mais le ms. ne donne-t-il pas celistre? — V. 791, Quildriez.
J'ai lu queldriez. — V. 792, seisance, ce qui n'offre aucun sens. J'ai
lu reisance, qui est la bonne leçon.
V. 80i. Ans riteiens. Le ms. donne s cideiens. Le blanc destiné à
la lettre initiale n'a pas été utilisé. 11 faut donc rétablir la lettre
absente, mais une seule et non deux, comme l'a fait M. T. sans
prévenir le lecteur. La leçon complète du ms. est donc, bien cer-
tainement, \_A\s cideiens. — Y. 807 , fineiant '. Ce mot n'a pas de sens.
H faut lire avec le ms. termeiant. — V. 809, se il. J'ai lu sil= s'il.
Dans le cas où j'aurais bien lu, il faudrait rétablir la mesure en
corrigeant march[e]andisse. — V. 826 ne forfeire. J'ai lu sorfeire.
V. 833, Por dez preste qui poi vault quatre. En marge :« Dez=
deis = deux. Poi ', corrig. peis.» — Le texte du ms. ne doit subir
aucun changement. Le sens est «Il prête pour dix ce qui vaut à
peine quatre. » — Y. 834, Jles est eure seit lien abatre. Le groupe
que M. T. a interprétée*'/ n'offre pas une lecture certaine: on ne
sait si on doit lire eis ou eil. Quant à eure seit, il n'y a pas de diffi-
culté, il faut lire en reseit. — V. 825. Le ms. donne en effet descocr
gatre. Mais qu'est-ce cela peut bien signifier? Je ne comprends
guère non plus le vers qui suit, où M . T. a lu en, que je vois sur ma
copie écrit an. — V. 837, Il quide aveir chastel ou monte. J'ai lu si
au lieu de il. Il faut lire chatel = capitale, capital. Le ms. donne
diastel avec s pointé.
V. 847, cil jieire. Inintelligible. Lisez avec le ms. treis peire, trois
paires. — V. 848, quitance. J'ai lu quittance. — Y. 854, qui ce veit
et ne grive ou tence. Que signilie grivel II faut lire grine. Cf. plus
haut le v. 699. — V. 868, se conseille. J'avais lu s'esconseille.
Y. 873, Corteis. Ce n'est pas un lapsus calami, puisque M. T. a
reproduit le même mot dans le court sommaire qu'il a intercalé
entre le 168e et ie 169e quatrain. Il est facile de rectifier cette erreur
en se reportant au ms. Il donne, en effet, orzeis précédé du blanc
que devait occuper la majuscule initiale. Mais qui ne voit que la
lettre absente est un b et non un c? — Y. cS7."., li. M. T. a eu la
main malheureuse à la. lin comme au commencement de ce qua-
train : il accentue de. qui pour lui est ici l'équivalent de Dieu. Le
sens est îles plus clairs. Il faut mettre un point upres seroise, rétablir
2(30 BIBLIOGRAPHIE
la préposition de là où M. T. a lu De = Dieu, effacer le point après
menantise, et rattacher ces deux vers au premier vers du quatrain
suivant. On remarque ailleurs d'autres exemples de cet empiétement
d'un quatrain sur l'autre.
V. 881. M. T. a bien reproduit la leçon du ms., niais je ne réta-
blirais pas ce vers comme il le fait. Je lirais aint = amet, qui se
trouverait ainsi au même mode que ennort du vers suivant. On y
gagnerait aussi de rétablir la mesure. Quant à ne, je le corrigerais en
en. — V . 882-3. Et le anort et aiirt meesme \ Se face confès en quareime.
J'ai lu l'ennort et a lui meesme, etc. Si ma lecture est exacte, il n'y
aurait plus de difficulté : « et à lui même se confesse. » Aiirt =
adoret me paraît dans tous les cas inadmissible. Conçoit-on que
l'évèque do Rennes ait pu dire qu'il faut non-seulement honorer,
mais encore adorer son curé, « tant en seit pesme, litt. quelque
mauvais qu'il soit? » Que resterait il pour Dieu? — V. 884. 11
n'est pas nécessaire de déplacer les mots. On trouve assez sou-
vent dans d'autres poëmes le même mot répété à la rime.
V. 88.", Del gaain qu[e]il pora veir. C'est la leçon du ms., mais
elle est corrompue. Je rétablis ainsi ce vers: Del gaain qu'il ara
por veir. — V. 888, avoir. J'ai lu aveir. Je préférerais lire le son aveir.
— V. 891, do usure. 11 faut corriger do en de, en ajoutant que le
copiste substitue parfois Yo à ï'e; cf.v. 766 domo = deme = demie-
— V. 892, sas. J'avais lu sai.
V. 8(J3, Mainna quiram ueruose. J'avais lu ila au lieu de na, rem
au lieu de ram, neruose au lieu de ueruose. La correction proposée
par M. T. me paraît lionne: Maint i a qui rienneréuse. — Y. 896,
encasu. M. T. corrige bien en accuse. Mais je n'accepterais pas son
interprétation de pois, que j'identiflerais kpejus plutôt qu'à parum.
« C'est encore plus mal qu'il ne le croit quand il s'en accuse au
eonfessional. » Suit la plaidoirie plus embarrassée qu'embarras-
sante de notre pénitent. « Ne féis (c'est ainsi que je corrigerais)
pas fet convenant mes charité par avenant; c'est-à-dire, l'occasion se
présentant {par avenant), c'est une ebarité que j'ai laite et non un
véritable marebé. » — V. 899, Qui tu me/et. Lisez Qui lu me fet =
Qui illiim mihifadt (eleemosynam ) prœhendt, mute de homine, etc.
V. '.lii-J. 7'/'/// a fit, que M. T. corrige en qu'il a fet, doit se lire
qu'il lu fit (ibi fecit) . — V. 905, Miuz vodroi çjc qu[e] a dreit conte.
Ne vaut-il pas mieux lire vodroi[e] ge qu'a? Le vers y retrouverai!
sa mesure, et !<■ verbe, son vrai mole. — V. 9 12, fere necestt . Lisez
„, ceste = non *<<*'<itat (cessât). — V. <è\b,peleiz. Lisez avec le ms.
peseiz. — V. 916, ne leit eschars. Ze/Mi'olïre ici aucun sens. Lisez
seit = s//. — V. 918, me de droe por me </< aveîne. -l'ai lu d'aveine.
BIBLIOGRAPHIE 261
J'accentuerais mé = [mei\ = moi = modium. — V. 930, Escommun-
gier. J'ai lu escommungér. — V. 942, pour. M. T. n'a pas compris
ce vers. Lisez avec le ras. pout = pavit, litt.« Quomodo ante pavit,
alterum taie postulat. »
V. 950, Ques amez sor toterien. M. T. ajoute en marge: «vers faux
ques par amez(!) » .M. T. a raison ne présenter son observation
sous forme dubitative. Il faut en tout cas que et non ques; etpuison
lit dans lems. que ves, qui, étant- données les habitudes du copiste,
se résout tout naturellement en que vos. — V. 954. 0 nul escommun
gié commune. Lisez escommunge . Litt. « n'ayez avec personne excom-
munication commune » — V. 961, Por ce trop fol est l cil qui se plonge .»
Je crains que l'éditeur n'ait pas beaucoup mieux lu la seconde fois
que la première. Du moins ma copie donne Por ce est trop fol cil
quiseplunge, leçon qui est fort bonne.
V. 963, aurunge. Lisez au runge . — V. ^IX. La nous aloint ou
rien ne deolt. Que signifie alnint ? J'ai lu alout = ad-locet, qui est
évidemment la bonne leçon. — V. 976, Malen asez conte nov elles .
En marge « Et non : M'a l'en asez conté. . .? » Cette lecture est la
seule bonne, et l'on ne comprend guère l'hésitation de l'éditeur.
— V. 987. Que l'en leist encor ce en sennes. En marge, « Corrig : en-
core(?) en sennes. » Ce passage est en effet corrompu ; ne pourrait-
on le rétablir ainsi : Que l'en leist en cort e en sennes? — V. 997, Âpraz
se tient et agueirie. En marge. « Corrig. aspreÇ!) » Je crois plutôt
qu'on doit lire a proz se tient et a gueirie = guarie. Litt. «elle se
tient à preuz et à bien défendue», si beaucoup de personnes se
font tuer pour elle. Crànerie de coquette. — V. 1004, ne li chaut
par un past ne trese . J'avoue que je ne comprends pas par wnpast
ne trese. La ponctuation de ce quatrain doit être modifiée. Mettez
un point après avengier, et deux points après blastengier.
V. 1010, enlaidenge. 11 vaut mieux lire en laidenge. — V. 1020.
confère. En marge, « lecture douteuse. » J'ai bien lu confère = cqn-
ficere, qui. du reste, est bon. — V. 1021, C'eut dahez cel or qui ment.
En marge, « Cent ait dahez. » Je préférerais cent dahez ait.
V. 1030, par hj prophète. J'ai lu li. — V. 1043, raït. J'ai lu raïs =
radicem. — Y. 1050, Ettalia. . . qui seimeïme ocit. En marge, a Corrig.
que.» La correction proposée est fautive. La bonne leçon est celle du
ms. — V. 1051, Quant son effani ocire guide. J'ai lu quide=scogitat}
ce qui est la bonne leçon. — V. 1054, tanoille. Et en marge, « Conoille. »
Le ms. donne traoille. de traoiller, dévider. — V. 1070, Et dit que
la crosle \li] péille. Je corrigerais autrement : Et dit quel a la crosle-
peille, litt. la tremble-linge, c'est-à-dire le frisson ; peille, ici, linge
de corps .
262 BIBLIOGRAPHIE
VII 18, prist. Le ins. donnant, prit, il fallait mettre » outre cro-
chets. — V. I 154, n'enteis. Je lis n'en teis=^non inde taceo. — V. 1 161
cenemen Je ne sais pas ce que signifie ce mot. J'ai lu ornement. —
V. 1173, Leié se suni toz com lor semble, .lai lu Joie sefunt tant non
lor semble. — V. 1 174, estreise. Lisez es treise. — V. 1185, Et li mari-.
si com le quit. Le ins. porte en effet le quit; niais, si le devait être
maintenu, il faudrait que quit eût pour sujet H mariz et tût à la
3e personne de l'indicatif présent, et alors on devrait lire quide.
Mais, comme la forme quit = cogito ( et non cogitât.) est garantie
par la rime, le plus sûr est de corriger le en je, et île lire si conje
>/nif = ut cogito, formule explétive assez usitée.
V.1198, Gages prennent et gages ba\a\illent . Double faute contre Ir
sens et contre la mesure. Ici baillent= donnent. — V. 1217, Emit.
J'ai lu emiz. — V. 1223, lijovenor. C'est la bonne leçon: mais le ins.
ne porte-t-il pas li plus jovenor? Dans ce cas, il aurait été bon de
l'indiquer en note. — V. 1236, j'avais lu ert eles. — V. 1246, qu'el
descire. J'ai lu Ou el, qui est préférable. — V. Qui dreitjuge en toi
endreit. En marge, « Corrig. que — tozendreiz. » J'avais lu toz endreiz.
Je ne vois pas pourquoi il faudrait substituer ejue à qui. — V. 1296,
quar qui. J'ai lu que qui.
V. 1 31 6, de leu tant triste. J 'ai lu do leu tan. — V . 1 321 , S. Éstt min
Le m. donne Estenvre. — "V. 1327. Toz les sains dans le Dé demaine.
J'ai lu Damledé demeine, ce qui est la bonne leçon. — V. 338, Es-
temure. C'est le nom de l'auteur. Sans correction ni observations
marginale. Le m?, donne Estenvre
A. Bouchkrik.
Li Chevaliers as deus espées, altfranzœsischer Abenteuerroraan zuni
ersten Mal herausgegebenvon Wendelin Foersler . — Halle, Lippert'schp
Buchhandlung (Max Niemeyr), 1877, in-8°. lxiv-429 pag.
M . Foerster, à qui la philologie romane doit Richars li biaux. li
Dialoge Grégoire lo pape, Aiol etMirabel ç[ Elie de Saint-Gilles, vient
de faire paraître li Chevaliers as deus espées, poëme de 12353 vers
octosyllabiques. Cette importante et savante publication a été ana-
lysée dans le plus grand détail, et avec une rare compétence, par
M. Adolf Mussafia. .le n'ai presque rien à ajoutera l'article si soi-
gné du célèbre romaniste, et je me bornerai à l'énoncédes quelques
observations que j'ai pu glaner après lui. V. 034, trop court d'une
syllabe Au v. 940, deschire rime avec lui-même, et l'éditeur se croit
obligé de lui substituer empire. Cette correction n'est pas nécessaire,
puisqu'on retrouve, non très-rarement, la même particularité dans
BIBLIOGRAPHIE 263
d'autres poèmes. V. 955. Si li dienttuit: « Bien veigniés! » Ms. Si
II dlcnt: «Bien veigniés vous p. Il vaut donc mieux ne pas ajouter
fuit, et se contenter de placer vous avant veigniés. C'est ainsi, du
reste, que M. F. a rétabli les v. 1070 et 1115. en remettant en leur
lieu les mots déplacés par le copiste. V. 1009, où maintenant rime
avec lui-même : observation analogue à celle que j'ai faite sur le
v. 94U. V. 1972, il suffit, pour supprimer la difficulté, de lire un
glave et de ne pas élider la devant hance. V. 2966, le ms. donne de
ries. que l'éditeur corrige en de vie. La bonne leçon est celle du ms.,
de vies = dévêtus, pouvant former une locution dont le sens «de-
puis longtemps » conviendrait parfaitement à ce passage. V. 3385.
en lisant en au lieu de eu, on peut laisser la leçon du ms. Car en ot
de morir paor. V. 3605-6, pour faciliter l'intelligence de ces deux
vers, ne suffit-il pas de les transposer? V. 5803, M. Mussafia en
rapproche le v. 7706, Etvait sonfrain espreronant, et ajoute :« N'est-
il pas remarquable que deux fois frain se rencontre là où l'on at-
tendait « cheval » ! » C'est en effet une singulière coïncidence, qui
semblerait indiquer que fretin est ici le second terme du composé
palafrenus, palefroi (ital. palqfreno), dont il aurait conservé le sens.
V. 6146 (notes). J'ai déjà eu occasion d'observer (Rev. des lang. ro-
manes, 2* série, t. 11, p. 45) que enquetwme ne venait pas directement
de inquietudinem, mais de *inquletitudincm, la dentale médiale latine
ne subsistant plus alors dans l'orthographe. V. 11776-7, je lirais
Ki[ot] grantjoie et grant déport \ De son ami h'ele reoit.
A.B.
Quatre Almanachs en langue d'Oc, en 1877. — Armana jiroucençau
pèr (ou bel an de Dieu 1S77, adouba e publica de la man di felibre ; en
Avignouri, Roumanille, in-12, 1 12 pages.— Calandari catala del any 1877.
colleecionnat per F. Pelay Briz; Barcelona, estampa de la Renaixensa,
in-12. 148 pages.'— Armana de Lengadô (ancian Armagna Gevenôu) pèr
Iou bel an de Dieu 1877 ; en Aies, Brugueirolle, in-12, 96 pages. —
La Lauseto, armanac dal patriote lengodoucian. mitât francés, mitât
lengo d'oc, ppr l'an 1877 ; Toulouso, Charles Brun, in-12, 200 pages.
(Suite.)
Autant l' Armana prouvençau reste purement littéraire, autant
celui de la Lauseto affecte des préoccupations différentes. Son but,
tout à fait actuel par certains côtés, ne l'est pas entièrement par
d'autres, en ce sens qu'il se rattache à une pensée de revendication
albigeoise. Ces pages enfiévrées où le catalan, l'espagnol, l'italien,
le français, le roman des troubadours, le provençal et le langue-
cien, se coudoient, sont animés par un sentiment exprimé partout
264 BIBLIOGRAPHIE
avec une ardeur de haine qui a de quoi surprendre, à six siècles
et demi de distance des faits : la malédiction de Monlfori et des ar-
tisans de la croisade dont il fut le chef. Le vainqueur passager
de Muret acquiert aux yeux de quelques-uns des collaborateurs de
la Lauseto une importance que l'histoire ne peut lui reconnaître.
Toutes les ressources du symbolisme poétique sont épuisées autour
de sa vie et des souvenirs de la lutte qu'il provoqua, lorsque, sans
paraître abandonner le rôle de chef militaire des croisés, il prit au
fond celui de conquérant, s'eflbrçant de réaliser à son prolit
l'unité territoriale du Midi: Guiraude de Lavaur, précipitée dans
un puits au mois de mai 1211, devient la figure de la langue d'Oc,
jetée au profond de l'abîme et reparaissant maintenant sur les eaux,
belle de sa jeunesse éternelle ; une épée trouvée sur les lieux où
prêcha saint Dominique est un motif à développements d'un ordre
presque semblable : dressée en pleine clarté, affreuse et nue, le
poète — il s'agit de M. Fourès — y reconnaît avec colère le signe
de la croisade. Et des vers magnifiques de couleur et d'originalité
comparent alors ce glaive maudit à une vipère étonnante, se tordant
dans l'azur du ciel, toute venimeuse et jalouse :
Lebado dins le plen esclaire,
Orr' e nudo, englasisses l'aire
Goumo pèr announcia 'n mal-ur ,
Semblos uno serp miraclouso
Que bes le soulelh e l'azur
Se tors embrimad' e gelouso.
Ailleurs, c'est le grand laboureur, le semeur de paroles albi-
geoises, qui, au soleil du soir, mène par le champ une paire de
vaches blanches dont le front touche le faite des plus hautes bran-
ches. Sa chanson hardie retentit de Béziers à Toulouse, prophé-
tisant, en vers admirablement jetés, une abondante moisson île
vaillants :
« 0 galgo, tas regos saran '
Linsos coumo de fossos ;
Soum, soumte lauran
Per boulega las ossos,
Belos custodios de balents,
Subresantos relicos
De grandis doulents
E d'armos erouïeos,
1 Le mètre du Grand Lauraire est celui de la chanson populaire,
Quand le bouté s'en bu laura.
BIBLIOGRAPHIE ?65
Oourao de blats renaisseran
En bouno terro negro,
Pèi canounaran
Al soulelhet qu'allegro.
(3 joio ! las bciren mounta
Pla berdos e fulhados
A bous encanta ;
Saran lèu espigados. . .
?ego, sego que segaras !
I' aura belo garbiero :
Ja boulingaras,
0 roullèu, dins l'aiero !
Rodo, pelegri; bufo, sers,
Bufo bolbos pes aires;
E tu, gra ' sters,
Es tems que t'amountaires !
Mais ces inspirations si vives, si originales, qui, pour être placées
à côté des plus parfaites de la Provence moderne, ne réclame-
raient souvent que le sacrifice de quelques détails, ne vont pas
sans des écarts inséparables de toute pensée poussée hors de ses
limites naturelles. On peut se demander si, malgré les vers sui-
vants :
Qu'ai noum d'aquel bictourious (de Montfort),
Sannen las plago? ancianos !
Qu'el mîu cor pâte, furious !
le rôle du médecin n'est pas de fermer les plaies plutôt que de les
agrandir et de les envenimer La vérité historique, qui est un des
fondements de la vérité poétique, souffre aussi bien des atteintes,
dans YArmanac de la Lauseto. Les paroles placées sur les lèvres
d'Innocent III (p. 85) sont en complète opposition avec les écrits,
les lettres et les traités de ce pape, avec ce que la Chanson de la
Croisade albigeoise rapporte de ses dispositions. Montfort lui même
devient, par un procédé de versification familier à Victor Hugo,
une buse (p. 39) et un rejeton de guivre (p. 85), dissonnances malheu-
reuses au double point de vue de l'histoire et de la poésie. Enfin
nous trouvons çà et là divers contes provençaux et languedociens
{V Angélus, las Madonos, lou Tesiemoni) d'un ordre tellement bas,
qu'on a le droit de s'étonner qu'ils aient été admis dans les pages
de la Lauseto .
Les légendes — je ne sais si on l'a remarqué — ne surgissent pas
seulement aux époques primitives : elles se forment aussi aux épo-
ques savantes, et acquièrent un développement d'autant plus in-
W] BIBLIOGRAPHIE
tense qu'un plus grand nombre de personnes contribuent a les faire
naître et ù les accréditer.
.le ne voudrais pas exagérer la portée de cette observation; toute-
fois il me semblerait que quelques-uns des détails qui précèdent
attestent autour des premières années du XIIIe siècle un travail
de formation à demi historique, à demi légendaire, des préoccu-
pations qui vont jusqu'à faire bénéficier l'hérésie albigeoise de
sentiments et d'idées modernes. Ce travail de formation procède
directement d'Edgar Quinet et de la trop poétique Histoire des Al-
bigeois de M. Peyrat C'est à ces deux écrivains qu'il doit ses ten-
dances politiques et religieuses, son langage passionnément exa-
géré el, s'il est permis d'ainsi parler, ce luxe île métaphores et de
formules swppliciaires qui eut sa période de succès de 1835 à 1855
Un autre de ses caractères consiste à attribuer au seul et unique
résultat delà lutte de 1209 1229 la décadence de la langue du Midi
et la disparition de sa littérature. De cette affirmation, bien an-
térieure à la légende elle-même et encore générale aujourd'hui,
M. Fouie- est l'écho dans ces vers de YEspaso del sècle tretcen:
Mountfort, que falquetet raujous.
Nostro iauseto pouèsio.
En fait, la langue des troubadours n'était pas celle du Languedoc
et de. la Provence. Originaire du Limousin1, elle dut au talent de
ses poètes d'être adoptée, non par le peuple, qui ne la connaissait
guère, mais par la féodalité méridionale, par les barons naturels du
Midi, selon l'expression de la Chanson de la Croisade, albigeoise.
Toutes proportions gardées, elle fut pour le premier, comme pour
les seconds, ce que serait aujourd'hui le parler d'Avignon et des
bords du Rhône, si les circonstances qui, à l'extérieur de la Pro-
vence, l'ont fait souvent employer par MM. de Quintana, Bala-
guer, Bonaparte- Wyse, Gabriel Azaïs,Paul Barbe etCbarvet. ve-
naient à se généraliser et à devenir communes à tous les poètes
de la langue d'Oc. Le limousin n'avait donc rien saisi de la vie di
dialectes populaires qui, à. Toulouse, à Carcassonne, à Marseille, à
Béziers, se partageaient les populations. Son existence, tout arti-
ficielle, fut en outre menacée de bonne heure par la direction, en-
core plus artificielle, que subissait la poésie méridionale. An
la décadence devait -elle être précoce et obligée. Elle se raanifes-
nettement au commencement du XIIIe siècle. Si, après 1250,
la langue des troubadours dépérit d'une manière visible, ce n'est
1 Je ne. puis mieux faire que de renvoyer n la Grammaire limousine
■ le M. Camille ( habarteau
BIBLIOGRAPHIE 2 7
pas par le fait de Simon de Montfort. mais parce qu'elle avait
épuisé ses chances de vie ; parce que l'idiome du petit nombre de-
vait forcément disparaître devant celui du plus grand. Et ce qui,
mieux que nulle démonstration, prouve que la Croisade n'influa (pue
d'une manière secondaire sur le déclin de la littérature des trouba-
dours, c'est que le Limousin, demeuré à l'abri des événements qui
troublèrent si profondément le Languedoc, ne la conserva pas plus
longtemps que lui. L'abandon qu'Amaury de Montfort lit. de ses
droits au roi de France, le rétablissement de Raymond VII, tous
les essais de restauration littéraire imaginés un peu plus tard, ne
lui rendirent pas une parcelle de vie.
On voit par là combien les faits enlèvent de valeur à la vérité
poétique de quelques-unes des pièces de la Lauseto. Est-ce à dire
qu'il n'y ait rien de sérieux dans le mouvement qu'elles sont ve-
nues dévoiler inopinément? Préjuger en cette circonstance est
délicat, et cependant nous inclinerions à pencher vers la néga-
tive. Pour parler le langage de MM.Peyrat et de Ricard, et à
supposer qu'on fût certain de la déterminer avec précision, la doc-
trine albigeoise ne serait aujourd'hui qu'une des formes de la
mort. Quelque admirables qu'ils soient, les anathèmes lancés contre
Simon de Montfort et les promoteurs de la croisade méridionale
ne paraissent pas non plus destinés à alimenter longtemps la
littérature languedocienne. Et la raison en est simple : de tous les
sentiments que peut éprouver le cœur de l'homme, de tous ceux
auxquels la poésie peut s'inspirer, la haine est le plus inférieur et,
par cela même, le moins persistant et le moins fécond.
L'emploi fréquent de la prose distingue encore Y Armand de la
Lauseto de YArmana prouvençau. Parmi les pages qu'il renferme,
j'aurais mauvaise grâce à ne pas mentionner des fragments d'une
pièce écrite avec un charme et une harmonie bien rares. Datée
de Castelnau-le-Lez, près Montpellier, elle présente des caractères
aujourd'hui peu communs, et qui, par cela même, nécessitent une
explication préliminaire.
Au moyen âge, la langue des troubadours et les idiomes popu-
laires du Midi s'accordaient à figurer para la finale du singulier fé
rriinin, et par «scelle des pluriels. Cette règle, assez généralement
suivie jusque vers 1575, époque à laquelle des habitudes con-
traires s'introduisirent, n'a pas été sans conserver ses fidèles aux
trois derniers siècles, même dans les pays où la. finaif o était et
est encore en usage '. Telle est la particularité dont témoigne la
; Entres autres Pey de Garros, Fabre d'Olivet, Gastil-Blaze et mèriie, à
certains égards, Honnorat.
26* BIBLIOGRAPHIE
pièce intitulée : Migrana. Son langage, qu'il ne m'est pas possible
de classer avec précision, doit néanmoins se rattachera un des dia-
lectes parlés dans le département de l'Aude* région que l'affai-
blissement de la linale traditionnelle a presque entièrement acquis
à Vo :
« Que lous aimi, tous iols. Migrana ! tous iols tant nègres e clars
jout sas cilhas amourousas : me retrasou noste Lez, ounte raja,
eioabal, escur e linde. belament adumbrat pel rebal franjous de
l'enmourescarella pineda.
» Gouma loui de ma fedamouretta. soun blouses, tous iols, emai
qu'els bouns eafinats. poulida ! Quand fas goutejà dins loui mius
soui regards aurins, senti se gallinà ma pel... e noun sai pus de
que te dire alara, Migrana
» Quand auboures tas manettas bès la greba miougrana que te
fai lingueta e que noun poudes agal'à, me semblou touiprims detous
aremoulits, de broutous de panta-cousta au junenc rai adreitats .
» E n' una miougrana, ne sies-tu pas una, Migrana? Sies-tu pas
daurada e alecarella autretant iju'ela. alara que s'amadura? Pla
qu'ela, alara que s'escautela e creba,es pas toun brabe pichot cucr
granat a confie de suabas frescuras e deridoulentas douçous. doùnl
sioi tant cobeitous!
» E quand auriousa bendemiarella , quoura t'acates, quoura
t'adreites, pioi mai t'acates, per culhi la goustousa gaspa, en près
n'arrecourdes las grailas cibadas, tant moubedissas e tremoula-
rellas que. pèrun respir d'aucelet, fibloun
» Et ta bouqueta, Migrana ( ô ta bouqueta ! que sas polettas dents
blanquinellas fan claiida de clar jaussemi), escouta ! — A raouii
bejaire, noun deuriès jamai t'adourmi jost una nisada, car, de se-
gur, l'auceir à la cerca de lequisas per apapaissounà soui ninai
bolariô dreit à tai labras, e las picoutejariô que picoutejaràs, pecaire!
cuidant de troubà de sabourousas cassanelas, tant redounellas e
pourpradas elusentas couma soun !.... »
Migrana est signé du pseudonyme de Dulciorella* .
(.1 suivre.) Alph. Roque-Ferrier.
1 II faut louer, dans les pièces en prose de M de Bicard, l'application
la plus exacte que l'on connais^' jusqu'ici — et ce n'est pas là un petit
mérite — île la règle des doubles formes que je signalai au commence-
ment de l'année dernière lierue. n° de janvier-avril).
PERIODIQUES 269
Sur un passage de la Charte du pays de Soûle, publiée dans la
Romania (V. 371)
J'ai proposé, avec doute, dans un précédent numéro de la
Revue (X, 278), de traduire par nièce le mot nasse, qui se lit 1. 28 de
cette charte. M . Meyer (Romania, VI, 152) repousse ma conjecture
par une simple fin de non-recevoir, en me renvoyant à Du Cange,
qui enregistre nassa au sens de pêcherie. Mais cette signification
convient-elle? Si le mot nassa signifie ici pêcherie, il ne peut être
que régime, et quel sera alors le sujet de ave dade? La phrase
serait on ne peut plus embarrassée et incorrecte1. Au contraire,
tout va le mieux du monde, si l'on fait de nasse le sujet du verbe.
Maintenant, que nasse puisse être traduit par nièce, c'est ce qui ne
paraîtra nullement impossible, si l'on remarque que la forme nessa
existe en provençal. Le copiste aura transposé les deux; voyelles
ou simplement substitué, dans la première syllabe, un a à un e.
On a à L 25 un exemple de la faute inverse: certa pour carte ou
carta
Puisque cette occasion m'est offerte de revenir sur l'intéressant
document dont il s'agit, je ferai encore une remarque sur un
autre passage. L. 3 : « .... bers los autres barons. »I! y a dans le
ms., dit M. M., non pas bers, mais bere ou bert. Bere paraît impos-
sible, mais bert est très-bon. C'est une forme (et de même vert,
devert, envert) dont 1rs exemples abonde. .t dans les textes gascons,
île la Dordogne aux Pyrénées.
G. G.
PERIODIQUES
Rivista di litteratura popolare. — Vol. 1. — Fasc. 1. —
Recueil tout nouvellement fondé par M. Francesco Sabatini, à
Rome. Dans une courte et chaleureuse préface, M. F. S. expose
son programme et celui de ses collaborateurs. MM. G. Pitre, Mas-
pons y Labros, G. Ferraro. Th. Braya (Chants populaires de la
1 Aosses, .l:ins cette même phrase, que M. Meyer interprète sans doute
habuisset sibi, serait avantageusement corrigé aossen. Peut-être devrait-
on écrire aos ses Ll faudrait alors, sous le trfncuda (corrigé tiencuda) du
ms. , cherchera rétro iver un substanld signifiant quelque chose comme
opposition.
?70 CHKOMQPE
Galice), eu-. — IJ. 9. F. Sabatini, Canti popolari romani. Intro-
duzione. Canti politici. M. F. S. a recueilli jusqu'aux chants de
toute récente formation (sur Garibaldi, le roi Victor-Emmanuel).
— P. 32. G. Pitre, Gesti ed insegne del popolo sitiliano. Étude sur
la mimique sicilienne. Les hommes du peuple, en Sicile, ont l'in-
telligence si vive et sont tellement aptes à l'imitation, qu'il leur
suffit d'un regard, de quelques gestes, pour se comprendre et dia-
loguer entre eux sans le secours de la parole. M. G. P. décrit quel-
ques-uns de leurs gestes traditionnels, en donne la signification
ainsi que l'historique. — P. 44. Maspons y Labrôs, et Dia de Di-
fmtos. Notice sur le jour des Mort*, en Catalogne, adressée à M. G.
Pitre, et analogue â celle qu'il a déjà publiée sur la célébration de
celte solennité religieuse en Sicile et sur les coutumes populaires
qui s'y rattachent. — P. 55. G. Ferraro. XVI* Canti popolari delta
//«axa Romagna. M. G. F. aurait bien dû indiquer .plus nettement
la mesure des vers qu'il publie. Ainsi, pour ne prendre qu'un
exemple, le lecteur est assez embarrassé pour retrouver le véritable
rhythme de la chanson no 3 (la Ragazza onesta). Le second vers
de chaque strophe a tantôt neuf, tantôt huit syllabes ( str. 2, v. 2,
huit syllabes; de même à la str. 8, v 2). Pour le quatrième vers
de chaque strophe, l'incertitude est encore [dus grande. Dans
la première strophe, ce vers a huit; dans la seconde, neuf; dans la
troisième, dix syllabes, etc. Comment s'y reconnaître? — P. O'J.
Varietà Le Iscrizioni su imuri (F. Sabatini ). — P. 73. Biblio-
grafia. — Nous souhaitons bonne chance à la nouvelle Revue,
qui, d'ailleurs, s'annonce sous les meilleurs auspices
A. D.
CHRONIQUE
Dai"^ la séance générale du 21 mai dernier, à Avignon, le Félibrige
a décidé que sa réunion de l'année 1878 se tiendrait à Montpellier.
le mardi de Pâques, ei qu'elle coïnciderait avec les fêtes et le con-
cours du ( 'haut du Latin.
Le prix de Jacme le Conquérant, offert en 1875 à la Société pai
les poètes provençaux, devient ainsi le prix du Félibrige. Il sera
décerné, comme on le sait, à l'auteur de la meilleure œuvre en vers
(poème, drame, ode, etc.) sur un fait ou une période quelconque
de la vie du roi d'Aragon. Tous les dialectes de la langue d'oc, et
d'abord le catalan, sonl admis à concourir. Le Félibrige se pro-
pose de suivre, eu cette circonstance, l'usage encore en vigueur
aujourd'hui aux Jeux floraux de Barcelone, c'est-à-dire de donner
CHROMQL'K 271
;iu poëte dont L'œuvre aura été couronnée le droit de choisir
la reine de la fête et de recevoir d'elle la pervenche d'argent in-
scrite sur le programme du Concours de la Société pour U378.
C'est encore le mardi de Pâques que la coupe votée par les Pro-
vençaux, dans la réunion du 21 mai 1876 sera solennellement
remise aux Catalans.
Nous ne doutons pas que la ville de Montpellier ne tienne à
honneur de recevoir comme il convient les hôtes si nombreux
qui lui arriveront alors de Catalogne, de Provence et d'Italie.
Société archéologique de Bèziers. — Le Concours annuel de
l'Ascension a été cette année-ci très- brillant. Une pièce de M. Er-
nest Challamel, lou Blad, y a obtenu le rameau d'olivier. M. Mar-
telly, notaire au Perthus. et l'abbé Joseph Roux, ont eu deux mé-
dailles d'argent, MM. Auguste Verdot. Louis Astruc et Vidal, de
Quarante, des médailles de bronze. Le rapport de poésie néo-
romane a été lu par M. Donnadieu.
Le banquet, auquel assistaient MM. Bistagne et Marius Bour-
relly(de Marseille), Camille Laforgue (de Quarante) et Challamel, a
été marqué par une particularité digne d'attention, en ce sens
qu'elle naturalise, en Languedoc, l'usage félibrique de la coupe pas-
sant de main en main jusqu'au dernier des convives, chacun de
ceux-ci devant prononcer un brinde, en vers ou en prose, avant d'y
porter ses lèvres : une coupe en argent, généreusement donnée à
\x Société archéologique, par M. Bistagne, a été remplie de vin de
Bachelery et a fait le tour de la t-ible du banquet, après le chant
d'une pièce de poésie composée par M.Gabriel Azaïs.
Jeux floraux de Barcelone. — La séance solennelle des Jeux
floraux de Barcelone a été tenue le dimanche 6 mai, à une heure et
demie de l'après-midi, dans la grande salle du théâtre de cette
ville et* devant une très-nombreuse assistance.
Le rapport annuel a été fait par le secrétaire D. Joaquin Riera
y Bertran.
\jAny milàe D. Angel Guimeraa obtenu labeur naturelle, consis-
tant, cette année, en une magnifique Azalea indica liliiflora. L'au-
teur en a fait présent à D» Josefina Sabater d'Aldavert. qui a été
nommée reine de la fête et quia occupé en cette qualité le siège
d'honneur.
Le premier et le deuxième accessit du prix d'honneur et de cour-
toisie ont été décernés à MM . Joseph Franquesa y Gomis ( la
Anada à Montserra.t et Anicet de Pages, de Puig ( V Anima enpena).
D. Angel Guimera a encore obtenu l'églantine d'or pour son
Darrer Plant cWn Claris, et la violette d'or et d'arpent pour une
autre poésie intitulée Romiatje. \\ a été proclama immédiatement
maître en gai savoir.
MM. P. Pi y Parera, Joseph Marti y Folguera etCoca y Collait),
ont reçu divers accessits.
Une plume en or et argent a été décernée à M. Anicet Pages
de Puig ( A una Dona). Le prix extraordinaire de la députation
provinciale de Barcelone a été attribué à M. H. Verdaguer, pour
un poëme en dix chants, intitulé VAtlantida. La lecture du Somni
272 CHRONIQUE
d'/sabei, ([u\ termine cette œuvre considérable, a été faite au milieu
d'applaudissements universels. D'après la Renaixensa de Barce-
lone, le poëme de M.Verdaguer serait le couronnement de la litté-
rature catalane. Celle-ci avait jusqu'ici connu tous les genres, sauf
le plus élevé de tous: le genre épique. Elle le posséderait mainte-
nant dans V Atlanlida. La Renaixensa ajoute que l'opinion de tous
ceux qui ont pu connaître ce poëme ne peut être plus unanimement
favorable, tant à cause de la grandeur du sujet que de l'originalité
de l'exécution, et surtout de l'extraordinaire beauté des détails.
Athénée de Forcalquier et Société des félibres des Alpes. Fête
littéraire on 13 mai. — Elle a eux deux parties, l'une presque entiè-
rement française, l'autre provençale. Par une entente où l'on voit
une preuve de l'esprit d'intelligente concorde qui anime les deux
associations, les'membres de l'une sont de plein droit membres de
l'autre. M . de Berluc-Perussis a prononcé le discours d'ouverture, et
il y à esquissé l'histoire fort intéressante delà maison même ou siège
V Athénée : l'hôtel d'Eymard,quifut, au dernier siècle, l'hôtel de Ram-
bouillet de Forcalquier. Des mémoires de M. Charles d'Ilie sur la
commune de Voix; de M. Pelloux, sur la Durance; de M. Plauchud,
sur les sources sulfureuses de la Laye : de M. Gonzague de Rey,
sur le séjour des Sarrasins dans les Alpes de la Provence et du
Dauphiné, ont suivi la communication de M. de Berluc-Perussis.
Ces lectures ont été mêlées de nombreux intermèdes poétiques, et
l'assistance a tour à tour applaudi un gracieux sonnet de la mysté-
rieuse l'élibresse de Forcalquier: Doua delà Traves8a,àès vers pro-
vençaux de M. le chanoine Savy, une souneto adressée à [Athénée
par M. Gaut, le Mariage astra de M. Verdot, que nos lecteurs
peuvent apprécier dans ce fascicule; un sonnet de M. Guillibert et
diverses pièces de MM. Alexis Guigues, Louis Maurel, le baron de
Saint-Marc, etc.
Pour nous servir d'un mot qui a fait, croyons-nous, sa première
apparition dans le Journal de Forcalquier, la «felibrée», proprement
dite, a commencé le soir à huit heures. Le peu d'espace réservé à
cette chronique ne nous permet pas d'énumérer les brindes lus ou
improvisés en cette circonstance. Nous signalerons seulement un
discours fort remarquable de M. le chanoine Savy et une .-avanie
étude de M. Vidal sur l'orthographe provençale. Nous sommes d'au-
tant plus heureux de mentionner ces deux communications, qu'elles
renferment la confirmation des vues que nous émettions dans la Re-
vue, en 1874 et 1876, 1re série, V. 499; 'Ie série. 1,305. sur la né-
cessité d'une orthographe qui, en étant commune à tous les dialectes
de la langue d'oc, sans exception, respectât leurs formes dialectales,
(l'est encore la. même idée qui a inspiré à M. Gabriel A zaïs et a
la Société archéologique de Béziers le don d'un rameau d'olivier en
argent, a décerner en 1878, lors du second concours triennal de la
Société ' .
La Cigale vient de décider qu'à l'avenir ses membres s'assemble-
1 Nous ne saurions oublier à ce propos un excellent article de M de
Villeneuve-Esclapon, dans le Prouvençau d'A.ix, u° du !<•' avril 1877.
CHRONIQUE ï73
rait'iil tou> ;es ans, au mois de septembre, dans une ville du midi
île la France, et y tiendraient une grande séance littéraire et artis-
tique. Arles a été choisi cette année comme lieu de réunion, et
nous en félicitons cordialement nos amis de Paris.
Publications en langue d'oc et en catalan, travaux sun la
poésie populaire et la poésie provençale, etc. — Le Mystère pro-
vençal de Saint- Agnès ; examen du manuscrit de la bibliothèque Chigi et
de l'édition de M. Bartsch, par M. Lécn Glédat. Paris, Thorin, in-B°
Extrait de la Bibliothèque des écoles d'Athènes et de Rome). — Récits
(^histoire sainte en béarnais, traduits et publiés pour la première fois sur
le manuscrit du XVQ siècle, par Y. Lespy et P. Raymond, tome 11.
Pau, Ribaut, petit in-8°, vn-384 pag. — La Reine Esther; tragédie
provençale, reproduction de l'édition unique de 1774, arec introduction
et notes, par M. Ernest Sabatier. Nimes, Gatelan, in-12, xli-
83 pag. — James Bruyn Andrews, Vocabulaire français- mentonais.
Nice. Imprimerie niçoise; in-12, 174 pag. — Cartabèu de Santo-
Estello. Recuei dis aie ouficiau dôu felibrige en 1870. Nimes, Baldy-
Riffard ; in-8°, 59 pag. — Pichoun Oufici de l'Inmuculado-Councepcien
de la Vièrgi Mario, adouba delà vian de l'abat A. Bayle. Avignoun,
Roumanille; in- 10, "24 pag. — Bonaparte- Wyse, Sounet, à Teodor
Aubanel. Plymouth, Keys, in-8°, 2 pag. — [Gabriel Azaïs] Lou Vi
de Bachelèri, per la felibrejado de la festo de VAscensieu. Béziers,
Imprimerie générale; in-4°. 4 pag. — L. Roumieux, la Felibrejado
d'Areno, remembrançp dôu "28 d'avoust de 1870. Nimes, Bal d y- R if-
fard, in-8°, '28 pag. — De Tourtoulon, la Lauseta, sounet à Madama
L.-S. de Ricard. Nîmes, Baldy- Riflard, in-8°, 4 pag. — Vernhct
père.d'Agen (Aveyron), Poésies patoises. Rodez, de Broca; in-12.
Gl pag. — De Tourtoulon, Discours prounounciat dins l'ussemblada
generala de la mantenença, tenguda à Mountpeliè, lou 25 de mars 1877.
Aix, Remondet-Aubin, in -8". 8 pag. — Silvio Pel 1 i co, Devers dels
homens, parlament à un jovensâ, traducciô den M. Obrador Ben-
nassar. Palma de Mallorca, Gelabert; in-8°, 08 pag. — Francesch
Ubacb y Vinyeta, Romancer catalâ, histôrich, tradicional y de Cos-
tums. Barcelona, Estampa de la Renaixensa; in-8% 300 pag. —
Bertran y Bros, de Flor a Flor, doize posades d'un po'êma. Barcelona.
estampa de la Renaixensa; in-10. 10 pag. — Rubio y Ors, Brève
reseûa del actual renacimiento de la lengua y literatura catalanas.
Débese à la influencia de los modemos trovadores provenzales? Memoria
escritapara la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona. Barce-
lona, Verdaguer, 98 pag. — Maspons y Labros, Per las Bodas del
distingit escriptor siciliâ Dr. Joseph Pitre ab la senyoreta Donya
Francisco Paula Vitrano. Barcelona, estampa de la Renaixensa;
in-12, 15 pag.
♦ •
Poésies et textes en langue d'oi: insérés en divers journaux :
— Bittert a, cantate provençale (s.-dial d'Aix et de Marseille), pai
M. Marius Bourrelly.(yivemr national de Marseille, décembre 1876
— Mirabèu, ode en provençal (sous-dialecte d'Aix et de Marseille
signé lou Felibre de la mai (M. Marius Bourrelly) {la Jeune Répu-
blique de Marseille, 17 décembre). — Lou Gavach à lafieyradaou
20
2ï4 CHROMQUE
Clajms, poésie languedocienne par M. Charles Gros {Petit Midi, de
Montpellier, 31 décembre 1876). — En lisant. La langue patoise à
Toulouse, il y a six cent soixante- sept ans. Reproduction, d'après
V Histoire des Comtes de Tolose. de Catel, p. 2G2-263, du texte tou-
lousain des décrets rendus à Arles, en 1210, conlre Raymond VI,
comte de Toulouse. Article signé: Saourés Pascal (Vous ne saurez
pas qui ) ( Messager de Toulouse, 7 janvier). — Bono Anado. Au-
bado i gaifelibre dôu roudelet de Fourcauquîé,ipoèsie provençale (sous-
dialecte d'Avignon), par M. J. Anxionnax; Libre e Librihoun,
compte rendus en prose provençale, par M. A. de Gâgnaud (de
Bërluc-Perussis), ilu Libre de Nouesto-Damo de Prouvènço, et d'un
petit volume marseillais de M. Alfred Cbailan : leis Oousseous sount
de bèsti; Nouvè et Campaneto, avec un sonnet adressé à M. Gaut el
signé iN'E. dôu Lucas (Journal de Forcalquier, 7 janvier 1877).
Ferluquets e paysans, poésie languedocienne, par M. Charles
Gros. (Petit Midi, de Montpellier, 21 janvier 1877. ) — Li R'ei e
soun estello. noël provençal par M. l'abbé Millon ; Au Francès
Vidal, per lou gramacia di « 75 Nouvè en musico », sonnet par M . de
Gagnaud ; Gramaci i canteiris de Oilèndo, poésie signée : En S.
\allis Solis (Journal de Forcalquier, 21 janvier). A Marias Bourrely,
pèr la felibrejado de l'Escolo de la Mur, pièce monorime en pro-
vençal d'Aix (par M. Vidal?) (Mémorial d'Aix, 4 février ), repro-
duite avec une réponse de M. Bourrelly, également momorime:
A Frcvnçès Vidau, dans Y Avenir de Marseille (janvier-février).
* »
Notre ville verra paraître prochainement, sous la direction de
MM. de Ricard et Auguste Fourès, une revue trimestrielle: la
Patrie latine, qui a pour but, dit le prospectus, « d'affirmer l'idée de
fédération inaugurée dans l'almanach de la Lauseto. » Parmi ses
collaborateurs, nous remarquons les noms de deux députés au
Parlement italien, MM. Quirico Filopanti et Mauro-Machi.
Le prix d'abonnement est de 10 fr. Les souscriptions doivent
être adressées à l'Imprimerie centrale du Midi (Ilamelin frère»), à
Montpellier.
Une part à la langue d'Oc sera faite dans la future Revue.
Errata du numéro de mai 1877
Lettres à Grégoire. — P. 187,1. 15: tradition littérale. Lis.: traduction.
— L. 20: à ce titre. Lis.: a titre. - P. I88,
1.27: diminution. Lis.: diminutifs .
Récits d'histoire sainte.— P. 212, 1. 16. Rétablir un t tombé au com-
mencement de la ligne. — L. 20 : Apelar
/' ian. Lis. apelar ti an. — L. 21 : Apelar
t. ian. Lis. apelar t' ian. — P. 214, 1. 10
du bas : ib. Lis. ibi.
Le Gérant : Ernest II \mkun,
TABLE DES MATIÈRES
DU TROISIÈME VOLUME DE LA DEUXIÈME SERIE
DIALECTES ANCIENS
Pages.
Anciennes Énigmes catalanes. ( Mila y Fontanals. ) 5
Trois Formules de conjuration en catalan (1397). (Alart.).. 9
Documents sur la langue catalane (un ). ( Alart.) 173
Mélanges de langue catalane. ( Mila y Fontanals. ) 225
DIALECTES MODERNES
Grammaire limousine (additions et corrections à la première
partie . ) (Chabaneau . ) 13
Histoire littéraire des patois du midi de la France (suite).
(Noulet . ) 57
Chants populaires du Languedoc (suite). (Montée et Lambert.). 73
Lettres à Grégoire sur les patois de France ( suite ). (Ga-
zier.) 178-230
Nemausa. (Léontine Goirand.) 37
UAlbeto. (Auguste Fourès.) 38
Lou Reinard e la Cigogno. ( Achille Mir. ) 39
Li Vièi . ( Bi inaparte- Wyse .).... 12
Un Panfai. ( Louis Roumieux.) 44
La Cabrieiro . ( Fekquet.) 88
Lou Garda-mas . (Langlade . ) 89
Un Dimmche dou mes de mai. (Bonaparte- Wyse . ) 194
Le Garrabiè (Auguste Fourès.) , 200
Belln Proumiero. ( Léontine Goiband.) 241
Lou Mariage astra . (Auguste Verdot.) 243
Al Tustadou de l'amie Alban Germon. (Auguste Fourès.).. . . 24G
Mater Dolorosa . (0. Laforgue . ) 248
BIBLIOGRAPHIE
Anthologie patoise du Vivarais, par M. Vaschalde. (Alph
Roque-Ferrier. ) 46
Las Mouninetos, de Paul Félix (A. Glaize, A. Roque-Ferrier.). 48
Traité de la formai ion des mut* ami posés dans la langue fran-
çaise, par M. Darmesteter, etc. (2earticle). (Boucherie.).. 50
Die Catatanische metrische version der Sieben Weisen Meister, par
• M. Mussafia ( 26 nrlicle). (Chabaneau.) 105
Recueil d'anciens te.rtes bas-latin*, /irorcnçan.r. et français, par
Paul Me ver. (Boucherie.). 106
Li Carbouniè, par M. F. Gras ( Mauriro Fatjre ) . . 106
l'ABLE DES MATIERES ?76
L'Idée latine dans quelques poésies en langue d'oc, en espa-
gnol et en catalan . (Alpb Roque-Feerier . ) M.
Sermoun prouvençau, par l'abbé Terris. (Espagne.) 121
La Poésie provençale hors de la Provence. ( Alph. Roque-
Feerier.) 124
Quatre Almanachs en langue d'oc, en 1 S 7 7 . (Alph. Roque-
Fekrier.) _ . 127-263
Récits d'histoire sainte en béarnais, publiés par MM. Lespy et
Raymond ( C. < îhabaneau.) 20b
L' Livre des Manières, d'Etienne de Fougères, publié par
M. Talbert. ( Boucherie. J . .' -ibi
Li Chevaliers as deus espées, publié par. M. Foerster (Boucherie.). 262
Un passage d une charte du pays de Saule. Chabaneau. !.. ..... *(»'.*
Périodiques. Romania. (Alart, Boucherie.) 132-216
Bulletin de la Société des anciens textes français. (Boucherie.). . 1 39
Revue historique de l'ancienne langue française. (Boucherie.} ...' I3M
Revista de archivos. (C. CHABANEAU.) 140
Rivista difilologia romanza . 0. < îhabaneau . ) 1 13
// Propugnalore. (C Chabaneau.) 144
Société historique et archéologique du Périgord. ( C. Chaba-
NEAU . ) * I ï ■ >
Académie des sciences, belles-lettres et arts île Clermont. ( Alpb.
Roque-Ferrier.) 146
Jahrbuch, etc. (0. Chabaneau.) I 'i«
.-I rchivfur <las studium, etc. (C. < HABANEAU.) 149
Le Musée. (Alph. Roque-Ferrier.).. . • 150
La Oigalo d'or. (Alph. Roque-Ferrier.). 220
Rivista di literatura pojpolare. (Boucherie.) 269
Le Siège de Toulouse et la mort de Simon de Montfort. (Es-
pagne . ) 1 fil
Les Réunions du félibrige à Aix et à Montpellier. (Alpb.
Roqoe-Ferrier.) 153
Discours et Blindes prononcés à Avignon dans la réunion
générale du félibrige, le 21 mai 1877 24V»
Chronique. ... 52-165-223-27C
Grraîn 56- 1 72-224-274
Tah!e des matières 275
Imprimerie centrale du Midi. — Hamelin frères.
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
DIALECTES ANCIENS
•■—- -^WW-
DOCUMENTS DIVERS
APPARTENANT AUX DIALECTES DU MIDI DE LA FRANCE
(XIVe ET XVe SIÈCLES)
I
1361 (Dialecte de Montpellier)
Ordre de payement, daté probablement de Montpellier le
28 janvier 1361, adressé par P. Jacme et Garin Guilhem, ban-
quiers ou changeurs de cette ville, à Barthélemi Thôua, mar-
chand valencien, alors résidant à Perpignan, où il lui fut pré-
senté par Bérenger Garau, marchand barcelonais, facteur et,
représentant de Raymond dez Pla, citoyen de Barcelone. L'ex-
ploit de présentation, écrit à la suite de la lettre, fut fait à Per-
pignan le 25 février 1361, en présence d'un pareur de cette
ville et de Pierre de Bigues, marchand de Barcelone. B. Thôua
se borna d'ailleurs à répondre qu'il ne payerait pas les 500 flo-
rins réclamés, parce que Jacme et Guilhem n'avaient pas
le droit de «faire change » sur lui sans une lettre de sa pari,
en déclarant toutefois qu'il était en mesure et en volonté de
payer « en la place de Montpellier. » Cette pièce n'offre donc
6 DIALECTES ANCIENS
qu'un spécimen de la langue commerciale usuelle de Mont-
pellier en 1361, et je nie borne à signaler, au point de vue
de la philologie, un exemple du pass - de Ys en r, alors très-
fréquent en Languedoc, dans les mois guiràs et guira, pour
guisas et guisaf que l'on peut ajouter à ceux qu'a déjà donnés
M. Paul Meyer (Rornania, 1875).
Al senher En Bertomieu Toua ho a sas (sic) companhos a Perpinhan
sien dadas (in dorso).
Ai Senynher En Bertomieu Toua, P. Jacmé e Quarin G-uil-
liem, salutz.
Fam vos, senher, asaber que nos auem aisi fag cambi ;im En
Franss. Ramis de sine sens floris de Perpinhan, los quais nos
donatz.aisi, los quais li deuem far donar a Perpinhan x.jorns
ta la letra. Per que, senher, nos vos preguamque vos vulhas
pagar pernosa'N Bereng. G-uairautper lo digFranss. Ramis,
x. joins vista la letra, los sus ditz Y1', florins de Perpinhan.
E preguam vos que non hi aga {'allia, car vos nos donas gran
dan e gran vergoyna, quar sertas nos non agram près aquest
cambi sus vos, si non fos mais que vezem que so que nos pro-
metes non aues atendui : car vos nos prometes que, passadas
testas, vos nos trametrias so que nos degras, e pueis non nos
aues trame- dh er- Nos ho auem diga'N P. Donat, lo quai nos
a respondut que non se'n enpachava, niais que ho acssem am
vos. Per que, nos vos preguam caramens que, en totas gui-
ri-. vos fasas compliment als sus ditz Ve. floris que deues dar
pernos ;i'.\ Bereng. Guairaut, en guira que nos no n prenham
ni dan ni vergonya; e preguam vos que la restai que nos de\ i
que son pus de Ve. floris, aisins quanl nodes vezer en lo'comte
que es entre nos e A. "-. que nos los vulhas trametre, car moi
gran tort, nos en faies. Si nos podem res far per vos, man
nos a vostre plazer, e nostre Senhor vos tenha en sa garda,
Fâchas a xxviii de jenoier.
archives de- Pyrénées-Orientales. - Notule de Guillaunn
Caulasses, ann. 13G1 .
11
1370 (Carcassonnc ?)
Johan "ti .lolianci ho! Sol. juper (tailleur) de Perpignan,
DOCUMENTS DIVERS 7
mourut en 1370. L'inventaire de ses biens, dressé le 30 aoù
de la même année, est entièrement rédigé en catalan et con-
tient un état des meubles et vêtements trouvés dans la maison
du défunt, des objets mis en . et un état de créances qui
indiquent pour maître Del Sol une riche clientèle parmi la
noblesse et le haut clergé du Etoussillon. J'v vois, entre autres
articles : una capuxa la quai ha su bbtos d'argent
e daurats, que son d ■ Jokan, joglar de Paris, ah
una flauta, sobre que lo dit testador lipresta vi florins. On a joint
à l'état des créances un certain nombre de billets originaux
de commandes ou de reconnaissances, et l'acte ajoute: igno-
■ramus ulmim ista débita sint solutq vel non. Cinq de' ces re-
onnaissances, on albarans, sont de Bertrand, abbé de Saint-
Michel de Cuxa (diocèse d'Elne), don! l'origine et le nom de
famille me sont inconnus; mais il est évident qu'il n'était ni
Roussillonnais ni Catalan, et la langue de ses billets semble
trahir le dialecte des environs de Carcassonne. Mais, par suite
sans doute de son séjour en Confient, il s'était à peu près plié
à la langue du pays, et il y a dans ses billets autant de catalan
que de languedocien. Je n'en donnerai donc que de courts
extraits, en me bornant à mettre en italique les formes étran-
gères au catalan du Roussillon.
Johanet, donats al Bort i. jupo, carjofe vos pendre en
compte, aysi com es es entre mi e vos. E per so que
mils me'n cresats, fas vo'n aqu i ira scrit Je la ma mia.
Dieus sia ab vos
Johanet, trameti't lo Bort portador de la présent, al quai
voel que dones i. jupo bo e de bon fustani, et que'// doues las
caussas. Item que'// dones la suo opolando. Item que'/ dones
las mias cau[s]sas. E sapias que dimecres sira a Perpinya le vi-
cari, si Dieus plats, per pagar les ' cai . e per so que mills
me'n cresas, fas te aquest albar • . > de marna, aysi com es
enpres entre mi e tu, e sage! mon sagell. Dieùs sia amb
tu. Dades a SentMiquell /ederrer.din le julii. B. abat de
Sent Miquell.
(Archives des Pyrénées-Orientales. — Notule de Pierre Tort,
notaire de Perpignan, année 1370.)
1 Cadisses est masculin : on catalan, on aurait écrit los.
8 DIALECTES ANCIENS
III
1380 (Narbonnais)
Le testament suivant, d'un habitant de Perpignan, fut écrit
par quelque scribe du Languedoc, probablement du Narbon-
nais, sur une feuille détachée que le notaire annexa à son re-
gistre, où il s'est borné à rédiger l'acte en latin. Je mets en ita-
lique les mots et les formes étrangers à la langue catalane.
Quoniam nullus...ego Bertholomeus Dossous de Perpi-
niano... Pcrmierament aordeni mon testament e preni de les
mieys bens x. lîuras de Barsalonesetz, e fau los miyeus niene-
[me]zadors En P. Pascal e mastre P. Orhs barber *, los cals
sian tengutz de pagar las leysas dins la novena; etz elegési
ma sepultura devant la porta mayor dé les Frayres Menors
u denant l&gléysa la on éles se volran daquesti dos lôhcs; he
leysi a qascu de mos mena[me]zadors x. s. — Item leysi a
reparar lo cap de la capela déls angils.x. liuras; volt que les
ditz menesadors sian obries, e que, si les frayres hi metian con-
trast, que sian de [la] obra de Sant Johan. — Item leysi al rec-
tor de Sant Matieu v. s. — Item leysi a vm.capelas que sian a
la mia sepultura, a cascu xn. d; al diache vi.d; a mi. en fans
il'ajjueles que venran ani los capelas, a cascu n. d.
Item'leysia mastre P.Riu x. s; a la obra de'san Johan, de Sauf
Malien, de [la Rial, de Sant Jàcme, a cascu xn. s; a les un.
basis de fefpaubres de les un. perro [quias] a cascu u. a les
nri/ordes de paubretat he a les im. ordes de lasdonas, a cascu
n. s.
Item per vm. seris, cascu d'una liura, (]iie servescan a la miu
sepultura xxv.s.
Item leysi àna Bertolmiva fila d'En Bertolmiu Selarer, fil-
lola mieua v. s; a Na Girauda, fila del balle de Polestres,
lilola mina x. s; à N .P. Johan, co [m] payre mien, las milors dos
raubas que jeu aya, per amor de Deu.
Item leysi a na Chatarina lila d'En Perpinya Comas filola
mieua v-s; aNa Ramonda Masona leysi x. s.
1 Le testament latin porte P. Orts barber ius, Lr- mot barber est ajouté
île la main du notaire.
DOCUMENTS DIVERS 9
Item lejsi per pitansa a les frayrcs Menors lo dia que jeu
me more x. s; lejsi per la fi de la confrayria de Saut Johan
il. s; lejsi a xxx. capelas que eanten per la mia arma lo dia
de la mia sepultura, qui frayrcs, qui capelas seglars, a cas-
cu xn. d.
Item volt que les menazadors uo sian tengutz de rede cQmte
ni albirbe, ni a ho-m per el, ni al ofecial, ni a hom per el, ni
a neguna presona del mon; meys qu'en puscanfer a tota lur
volontat, confisan de lur lialtat.
Item lejsi heyretiera Na Grazida moler mieua, que sia ten-
guda de pagar totas mas leysas he totz mos tortz, si degu n'a-
paria. Aquesta es la miva darîera volontat la quai voli quis'm
obserueda (sic).
Testes rogati sunt Jac.Adzam, etPetrusBasini, Bn Codaleti
sutores, G.Ajmerici lanternerius, P.Boerii ortolanus, Joban-
nes Laureti ortolanus, Bn Boerii pellicerius, omnes de Per-
piniano; Johannes Brasardi Robertus Niauti, clerici etcanto-
res doniini Ducis ', etego G. Caillasses notarius. Laudat. mi.
die marcii anno M.CCC.LXXX.
(Archiv. des Pyr.-Or. — Notule de Guillaume Gaulasses, notaire de
Perpignan, ann. 1380.)
IV
1397 ( Narbonnais?)2
Sapian totz que jeu Jacmes Aliba, de Tuxa, son tengut e
obligat de far ordenassa per Gaubert de Ramat de la Barta,
per la siena arma, q[.ue] redet l'arma a Dieu, quar en autra
guiza no se cebelira en sementeri sagrat.
1 C'est Jean, duc de Gerone, fils aîné et successeur du roi Pierre
d'Aragon .
2 Cette pièce est transcrite dans un acte reçu à Montauban. le 2 mars
1397, par Galhard deVilleneuve, notaire de Toulouse, habitant de Montau-
ban, portant quittance d'une somme de 112 livres et demie petits tour-
nois, faite par Raymonde de Boer, héritière de son fds Gaubert de Ramat.
décédé ab intestat, en faveur de Dominique deTarba. C'est à Tuchan
(département de l'Aude) que cette pièce semble avoir été rédigée, mais
le dialecte particulier du Termenès semble avoir été altéré par le notaire
de Montauban, du moins en ce qui concerne l'article.
10 DIALECTES ANCIENS
Item vcu dit Jacme e[y] fayta ordonassaper lo dit Gaubert,
de voluntal de ssos amixs [e] de ssa mayrc.
Hem leyssi a La obra de Moss. Sanht Johan Evangelista de
Tuxa, en lo quai lo dit Graubert fonch eoffessat e comenyat e
près los ordr[es], corn a bon crestia deu far, hu cali entro la
valor'de onze scutz d'aur, a servir lo cors de Jhû Crist.
Item layssi en hu capela que cantara mis sa nouela, que pre-
gue Dieus perla siena arma, sine escutz onze gros.
Item layssi en hureyre taule de Monss. Sanct Ipolit lion lo
dit Gaubert avia tôt jor[n sa devojtio, quatre escutz d'aur.
Item leysi a la obra de Sanhl Johan avangelista, on lo dit
Gaubert redet l'arma a Dieu, una entorta de sera valent sine
sotz, a levar lo [cors de] Ihû Crist.
Item leyssi a l'autar del dit moss. Sant Johan evangelista
dotze deniers.
Item al curât del dii loc xn. de.
Item a totz losautas de Nostra Dona del Peyro ' del dig loc
a cascun xn. deniers, lo quai son sine autas.
Item leyssi a Sanht Just de Narbona xn. deniers.
Item als quatre ordres de paubretata cascun xn. de.
Item als quatre hospitals gênerais a cascun xn. de.
Hem leyssi à totz los capelas que son anjajtz a la sepultura
del dit Gaubert très franxs.
Hem leyssi als ditz capelas per lo despentz que feron al
dinnar sies sotz quatre deniers.
(Parchemin. — Arch. des Pyr.-Or.).
V
1411 (Béarnais) '
A noslre car senher En Gabriel Resplandent not[ari] en lo loc de
Perpinhaa.
Car senher, sapiatz que per dauant nos autes, cort thientz,
es viencut Arnaut de Sobiole, filh de Condor, qui fo de Bosom
1 L'église de Notre-Dame du Peyro est située près de Tuchan.
-' Cette pièce s^ papprorle à la succession d'un certain Bosom de Domeg,
du lieu deGélos, près de Pau. ihVédé en Roussillon. ! a Revue <Ips lan-
<l>tp<: romanes à déjà publié d >ux autres documents se rattachant
même affaire.
DOCUMENTS DIVERS 11
de Doraeg saenrers, deu loc de Gelos prop Pau en la dioc. de
Lascar; en que nos ha denunciat que sus la mort de Bosom
deu Domeg deu diit loc de Gelos, son oncle, fray de ssa ma\ .
luy es necessari de portar per dauant vos déclaration e serl
ficasion de la parentele deus diitz Bosom e Condor e deu diii
Ar[naut]. Senyer, sapiatz, eper vie de sertiffication vos de-
nunciam judiciaumentz, per vie e per maneyre de subeidi
dret, que lots diitz Bosom e Condor eren fray e sor germaas,
/îlhs de un pay e de une may, et que de la diite Condor es filh
de leyau matremoni lo diit Ar[naut] , e la diite Mariote aixi
niedixs filhe ; esonnebot e nebode deu diit testayre, e lo rliii
Ar[naut] es prim e universau hereter de la diite Condor, e
aixi meclix deu diit Bosom cum a sson oncle. Si que nos vus
certifficam ab la présent letre sagerade deu propri saget de
la cort e viele de Pau, on los de Gelos en la temporalitat se
judgen epassen judyament, que io diit Ar[naut] de Sobiole e
Mariote son filh efilhe de la diite Condor, sor deu diit Bosom.
le eren nebotz deu diit Bosom tant quant visco. E asso vos de-
nunciam, e per vie de testiffication vo'n tremetem la présent
letre, per conservai- lo dreteaccion quelo diit Ar[naut], nebol
Jeu diit Bosom testayre, portador de las presentz, ha o po1
tuer en la darre voluntat o testament deu diit Bosom. Scriil
en lo loc de Pau lo V. jorns d'ottobre [M CCCC XI].
Lo clauer juratz e cort de Pau.
(Original sur papier: Gabriel Resplant, notaire de Perpignan, ma-
nuel de 1411. — Archives des Pyr.-Or.)
VI
1 121 (Narbounais) '
Jacme Hue, bayle de la Palma, ad toutz aquels ei aquelas
[ui aquesta présent letra veyran salin/, en Nostre Senhor.
1 Le lieu de la Palme est situé à l'extrémité du Narbounais, sur la
frontière du Roussillon, en face de Salses, où l'on parle le pur catalan.
La séparation des deux dialectes, catalan et languedocien, s'est maintenue
depuis des siècles, et se conserve encore aujourd nui entre les villages du
Roussillon et ceux du Narbounais, ou du pays de Feaollet. Elle est sur-
tout marquée entre les villes d'Estagell et de la Tour-de-France, qui
12 DIALECTES AKCIEKS
A la supplicacio et requesta de Daudun cappella, del loc de
Ariu1 en la dioc. de Rodetz, supplica benignem'ant (sic) a la mot
honrada donamadona Angnes, molher de sa entra entras (sic)
del molthonratsenhor losenhor En Laurens, demoran a Perpe-
han deuant la font de la Picarda2, que playssa a la dita donade
luy trametra ni, floris d'Arrago e miech, e n. capayros et i.
p'ohhal8, et que li plassa de baylar a Johan Vayrac portador
de la présent letra; quar le Daudun a agut nécessitât de nia-
lautia que non pot caminar, et a grant mestier de sa moneda.
Et dona plapoder al dit Johan Vayrac de aquitiar de tôt en
tôt la dita dona Agnes per carta o per albara, o en tota la
forma que savi o savis clers o poyran ditar a prophiet et uti-
litat de la dita dona. Et per maior fermetat, yeu desus dit
Jacme Hue, bayla, ay fayt aquesta letra a mons. Johan Ro-
bert cappela de la Palma, en testimoni de Beringuier Saurina
de Laucata et de Thomas de Marvilla sa[r]tra de la Palma,
eserit al dit le derrier jorn de may Tan mil cccc xxi, et ay
pauràt* le segell de la cort per maior fermetat.
Jacme Hue bayle de la Palma,
a requesta de Daudun cappella,
qui moût si recomanda a la dona
Alignes Laurenssa.
(Au b s, traces d'un petit cachet rond, cire verte. — Archives du dépar-
tement des Pyrénées-Orientales).
VII
Vers 1 i'23 (Avignon 1)
A mon char e grant amie a Monss. Raymon Isquiu, bénéfi-
ciai en la gleisa de San Johan de Perpina, sian t[ramesas].
sont situées aux deux extrémités d'une plaine, à une distance de trois
quarts d'heure au plus l'une de l'autre : on parle catalan dans la première,
qui a toujours appartenu au Roussillon, et languedocien dans la second^.
1 Mot corrigé par le scribe et peu lisible ; peut-être y avait-il d'abord
Aniu.
2 La Font de \a Pincarda existe encore à Perpignan, adossée au mur
d'une maison de l'ancienne famille Pineard. Le scribe a sans doute omis
le trait qui marque l'n dans ce mot. ainsi qne dans Perpehan.
; Pohal (cruche) a peut-être été écrit par erreur pour ponhal (poi-
gnard ).
' Pour pausat, nouvel exemple du passage d's en r en langue d'oc.
DOCUMENTS DIVERS 13
Char seinher e bon amie, hieu mi recomande a vos, e doue
mi meravilla de vos de so que m'avias script, que no m'aves
ren atendut: per qui mi sembla que hieu mi pode pauc fizar
"ii vostras paraulas ni en vostre script, quar ren que mi man-
des non ven as efieit. Per que vos pregui que me volies scrire
tota vostra voluntat e vostra entencio, e aquo visa las (sic)
présent, quar m'entencio es que vos mi daires pagar so que
mi deves, si vos plas. ho altramen hieu hi metrey tôt lo re-
medi que hieu poriey, quar hieu mi ' crese ben que lo Rey
d'Arago mi fara bona justicia, e vos non hi penres ni profiey
ni honor, si cove que s'i fassa am la rigor del seinhor. Per
que vos pregui que no vos metas en aquo, quar, per ma
fe, desplaira mi si vos n'aves despen ni dannage : quar non
mi cuda {sic) pas esser amistat ma be vos per so que vos mi
decces far desplaser, ni hieu a vos ; en pero non es ma colpa,
quar cascunh vol aver lo sien. Pregi vos que mi volias tra-
metre aquelles lxv. fF. que son degut al ter 2 de TostS fants]
passada, e fares mi plaser e cortesia e a vos profiet. Si nen-
guna causa podia far de part de say, mandat m'o, quar de bon
cor ho faria.
Nostre Seinher sia garda de vos. Script a Vinon 3 lo xvm.
jorn de mars.
De part lo tôt vostre Gamot Geyssem.
(Archives des Pyrénées- Orientales. — Série G.,
évêché d'Elne).
b
1 Hieu mi crese ben que. On peut dire que cette manière de parler
est encore employée dans tout le midi de la France.
- Terme?
;i Mns. avion, avec un trait sur les trois dernières lettres.
Alart.
(A suivre.)
DIALECTES MODEKNES
- - ./n/VWVWW—
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
[Suite)
XXX VII. — LOI! MARIAGE DE 1,'aLAUSETA
1) Lou pinsar etl'alauseta
Se se voulion maridà.
Lou premier jour de la nossa
N'avien pas resperraanjà.
Se ne ven un gros tavan,
Sus soun col porta un pan blanc.
2) Tura lalureta,
M'alauseta,
Moun castel,
Tant bel !
6m
3) Perde pan, n'avèn be prou, )
Mes de .vi, disèn de nou . S
Se ne ven un gros mouissau,
Sus soun col porta un barrau.
■A) Per de vi, n'avèn be prou; ) ,.
, ,. . . > ois.
Mes de car, disen de nou. 5
Se ne vèn un parpalhou.
Que ne porta un gros mou ton.
5) Per de car, u'avèn be prou: ) ,.
Mes de frucha, disèn de non. ,(
Se ne vèn un béu sausin,
Sus soun col porta un rasin.
6) Per de fruit, n'avèn be prou;} . .
Mèsdedansairas, disen de nou.'
La nieira sort dau linsôu,
Pai cambadas sus lou sôu.
J/S.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 15
7) Per de dansairas, n'avèn prou; }
Mèsdedansaires,disèndenou.)
Lou pesoul sort dau fatras,
Pren la nieira per lou bras.
S) Per de dansaires, n'avènprou î
Mèsdejougaires,disèndenou. î
Lou rat sourtis d'un trauquet,
Joga dau tambourinet.
9) Per jougà, jougarèn prou, 3
Se ne vèn pas lou catou. )
Lou cat sourtis dau cendriè,
Manja lou tambouriniè.
Le Mariage'de l'Alouette. — 1). Le pinson et l'alouette — se
voulaient marier. — Le premier jour de la noce, — ils n'avaient rien
à manger. — Mais il vint un gros taon — qui sur son cou portait
du pain blanc.
2) Ture lalurelte. — mon alouette, — mon château — si beau !
3) Nous avons assez de pain, — mais nous n'avons pas de vin
(bis). — Mais il vint un gros moucneron — qui sur son cou portait
un tonneau.
4) Nous avons assez de vin, — mais nous n'avons pas de viande
(bis). — Mais il vint un papillon — qui portait un gros mouton,
5) Nous avons assez de viande, — mais nous n'avons pas de fruits
(bis). — Mais il vint une mésange, — qui sur son cou portait un
raisin.
6) Nous avons assez de fruits, — mais nous n'avons pas de dan-
seuses (bis}. — La puce sortit du drap de lit — et lit de grandes en-
jambées sur le sol.
7) Nous avons assez de danseuses, — mais nous n'avons pas de
danseurs (bis). — Le pou sortit des hardes — et prit la puce par-
dessous le bras.
8) Nous avons assez de danseurs, — mais nous n'avons pas de
joueurs ( d'instruments ) (bis). — Le rat sortit d'un trou — et joua
du tambourin.
9) Nous avons assez do joueurs ( d'instruments), — pourvu que le
chat de vienne pas (6/*) . — Le chat sortit du cendrier — et man-
gea le tambourineur.
Chantée et notée d'après M. Ancette, do Montpellier.
Cf, Damase Arbaud, Chanls populaires de la Provence I, p. Il)': lou
10 DIALECTES MODERNES
Mariagi doou parpalhou.—J . Bugeaud, Chants et chansons populaires de
l'Ouest, etc., II. p. 189: las Noueços doou quinsoun.-U en cite une ver-
sion de 1780: le Pinson et l'Aloveto, Essai sur la musique ancienne et mo-
derne, II, p. 1 il. Paris, Ph.de Pierres, M dcclxxx. — Cénac-Moncaut,
Littérature populaire de la Gascogne, etc., I, p. 377: lou Maridalje dou
pinsan. — Anacharsis Combes, Chants pop. du p'iys castrais, etc., p. 33:
la Laouzeto amm'el pioussou.Qn Puymaigre, Chants pop. du pays messin,
p. 309 et 311 ; il cite l'existence de ce même chant dans le Cambrésis.
Il y a, de plus, dans Damase Arbaud, Chants, etc., I, p. 195, sous le
titre de lou Mariagi doou parpalhoun, une version sur un motif un peu
différent, quoique le fond soit le même Cf. aussi J. Bugeaud, Ch. pop. de
l'Ouest, 1, 38, les Noces du papillon (berceuse).
XXXVIII. — l'alauseta et lou quinsou
i) L'alauseta et lou quinsou
Voulièn faire un mariajou.
Quand venguèrou d'espousà,
Aguèrou pas res per manjà.
2) Pan, pan, pan,
Gara, gara;
Pan, pan,
Gara de davan.
3) De délai sourtis un lou,
Sus soun col porta un moutou.
4) De délai sourtis un brau,
Sus soun col porta un barau.
5) De délai sourtis un durbec,
Porta trege veires sus soun bec.
6) De délai sourtis un bec blanc,
Sus soun bec porta un pan blanc.
L'Alouette et le Pinson. — 1) L'alouette et le pinson — vou-
laient faire un petit mariage. — Quand ils vinrent d'épouser, — ils
n'eurent rien à manger.
2) Pan (ter), — gare, gare; — pan (bis), — gare de devant.
3) De là-bas sortit un loup, — qui portait sur son cou un mouton.
4) De là-bas sortit un taureau, — qui sur son cou portait une bar-
rique.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 17
5) De là-bas sortit un dur-bec, — qui sur son bec portait treize
verres .
6) Delà-bas sortit un bec-blanc , qui sur son bec portait un
pain blanc.
Version due à M. H. Bouquet, de Montpellier.
XX XIX. LA LAISETA ET LOU QUINSOUN
1) La lauseta et lou quinsoun ( bis)
Faguerou un mariajoun,
L'enfant malureta;
Faguerou un mariajoun,
L'enfant malura.
2) Quand lou mariajoun seguè fà
N'aguèroupas ren per manjà.
3) De délai n'en sort l'enfant,
A soun col n'en porte un pan.
4) De pan n'aurian ben proun,
Mes de car n'en disèn noun.
5) De délai n'en sort lou loup,
A soun col porte un moutoun.
G) De car n'aurian ben proun,
Mes de vin n'en disèn noun.
7) De délai sort lou mouissau,
A soun col porte un barau.
8) De vin n'avèn ben proun,
De dansaire disèn noun.
9) La nieira sort dau lensôu,
Grand cambada per lou sou.
10) Lou pesoul sort dau fatras,
Pren la nieira per lou bras.
11) De dansaire n'avèn proun,
De tambourdiè n'en disèn noun.
12) De délai n'en sort lou ra,
En dau tambour au coustà.
ii
18 DIALECTES MODERNES
13) La cata sort dau cendriè,
Emporta lou tambourdiè.
L'Alouette et le Pinson. — 1 L'alouette et le pinson— firent
un petit mariage, — l'enfant malureta; — liiviu un petit mariage.
2) Quand le petit mariage fut l'ail. — ils n'eurent rien à manger.
il) De là-bas sort l'enfant, — à son cou il porte un pain.
4) Nous aurions assez de pain, — mais non assez de viande.
l>j De là-bas sort le loup, — sur son cou il porte un mouton.
Il) Nous aurions assez de viande. — mais non de vin .
7) De là-bas sort le moucheron, — sur son cou il porte un baril.
8J Nous aurions assez de vin, — mais non île danseurs,
II) La puce sort du drap de lit, — etfaii de grandes enjambées-
sur le sol.
10) Le pou sort du fatras, — et prend ta puce par le bras.
11) Nous aurions assez de danseurs, — mais non de tambouri
neurs.
12) De là-bas sort le rat, — avec un tambourin au côté.
13) De là-bas sort la chatte, — elle emporte le tambourineur.
Version due à M. Barbie, de Bernis (Gard).
XL. — AUTRE
Lou pinsart ambe la lauseto
Ne bouliù faire un mariajou,
Lanfa larireto,
Ne boulio faire un mariajou
Lanfa larirou.
Quand benguerou d'espousà,
N'ajerou pa res per manja.
Lou boulangé bé de dalaî
Ambe soun paniè joust l*aisseléto
De panet n'aben be prou
Mes de carneto noun pas nou.
Lou loubet sort del bartas
Ambe soun moutoù gras .
De earneto n'aben be prou
CHANTS POPULAIRES 1>U LANGUKDOC 19
Mes de binou n'aben pas nou .
Lou bignerou bé de dalai
Embe soun baralhou * tra '1 quiou.
De binou naben be prou
Mes de dansaires noun pas non .
Lou pesoul sort del fatras
Atrapo la nieiro pes lou bras.
De dansaires n'aben be prou
Mes de cantaires noun pas nou.
Lou ratou sort del traucou
Atnbe soun tambour tral eoupetou.
Ieu bous tambournarai bé
Mes que me parés al minau.
Nautres te pararen bé
Mes à la cato ni sai pas ré .
Lou minou sort del cendriè
Trai un sait sul tambourniè.
Sophie Saliel, de Saint-Laurent d'Olt (Aveyron).
XL. — LOU MARIAGE DEI.S AUSSELS
1) La lauseto et lou quinsou
Xe bouliôu faire un raariajou,
La fan ladereta;
Ne bouliôu faire un mariajou,
La fan laderou.
2) Quand seguérou al mié repas,
N'ajérou pas res per manjà.
3) La lauseto souort de délai,
Qu'elo ni pouorto un pan blanc.
4) « De panetn'abèn be prou,
Mes de carneto nidisèn nou. »
4 Le baralhou est suspendu comme les petits barils des vivandières de
20 DIALECTES MODERNES
5) Lou croupatas souort d'un coustat,
Lus ni traino un bedigas.
6) «De carneto n'aben be prou,
Mes de binet disèn de nou. »
7) Lou mousau souort de dalai,
E ni pouorto un plén barrau.
8) aDe binet n'abèn be prou,
Mes de dansaires disèn nou. »
9) Lou pesoul souort del fatras,
Croquo la nièro per lou bras.
10) aDe dansaires n'abèn be prou,
Mes de cantaires disèn nou. »
11) Lou ratas souort del traucas,
Em lou tambour jout lou bras.
12) Mes iéu bous cantariô un pàu,
Se mi parabias del minàu. »
13) Lou cat ne souort del cendriè,
N'empouorto lou tambourinié !
Le Mariage des oiseaux. — 1) L'alouette et le pinson — vou-
laient faire un petit mariage.
Refrain : La fan la derete; — voulaient faire un petit mariage,—
la fanladérou.
2) Quand ils furent à la moitié <îu repas, — ils n'eurent rien à
manger.
3) L'alouette sort de là-bas, — elle apporte du pain blanc
4) De pain nous avons assez, — mais non pas de viande.
5) Le corbeau sort d'à côté, — traînant après lui un bélier.
6) Nous avens assez de viande, — mais nou? n'avons pas devin.
7) Le moucheron sort'de-là bas, — il en apporte nn plein baril.
N) Nous avons assez de vin, — mai 3 nous n'avons pas de dan-
seurs .
9 ) Le pou sort du tas de chiffons, — et prend la puce par le bras.
10) Nous avons assez de danseurs, — mais de chanteurs nous
n'en avons pas.
11) Le gros rat sort du trou — avec le tambour sous le bras.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 21
12) « Je chanterais, dit-il, pour que vous dansiez, — si vous me
défendiez contre le chat. »
13) Le chat sort du tas decondres— et emporte le tambourineur.
V.de Saint-Audré-de-Lancize.due à M. le pasteur Liebig.
XLI. — l'alauseta et lou pidzou
1) L'alauseta et lou pidzou
Vourion faire un mariadzou.
2) Refrain. Lan lardereto;
Vourion faire un mariadzou,
Lan larderou.
3) Quand vinguéroun d'espousà
Troubairoun rien per mindsà.
4) Lou loubas ne sort d'elai
Adiusant immoutoun gras.
5j Por de tsararen n'en prou,
Por de pain que ferons-nous ?
6) Lou rinor ne sort d'elai
Avec un pané de pain.
7) Por de pain aren n'en prou,
Por de vi que forons-nous?
8) Lou graillas n'en sort d'elai,
Adiusant un tounelou.
9) Por de vi aren n'en prou,
Por dansa que ferons-nous ?
10) Lou peu sort du pétas,
Prin la neira pèr lou bras.
11) Por dansa aren n'en prou,
Por toucha que ferons-nous?
12) Lou retour sort du pertias
Adiusant un tambournet
13) Lou minou sort'du cendre
Empourta lou tambournet.
14) S'aguessa para lou minou,
Arion dansa tout notre saoul.
22 DIALECTES MODERNES
1/ Alouette et le Pinson. — 1) L'alouette et le pinson — voulaient
faire un petit mariage.
2) Refrain. Lanlarderete; — voulaient faire un petit mariage. —
Lanlarderou.
3) (Juancl ils vinrent d'épouser, — ils ne trouvèrent rien à manger.
4) Le gros loup sort delà-bas, — apportant un mouton gras.
5) Nous avons assez de chair; — pour ;e pain. comment ferons-
nous?
6) Le renard sortdc là-bas, — avec un panier de pain.
7) Nous avons assez de pain; — pour le vin. comment feron-snous?
8) Le corbeau sort de là-bas, — apportant un tonnelet,
9) Nous avons assezdevin; — pourdanser, comment ferons non.-.'
10) Le pou sort d'un haillon — et prend la puce parle bras.
11) Nous avons pourdanser, — mais qui touchera d'un instru-
ment'?
12) Le rat sort du pertuis, — apportant un petit tambour.
13) Le chat sort du cendrier — et emporte le tambourineur.
14) Si l'on avait pu éviter le chat. - nous aurions dansé tout
notre soûl.
Version communiquée par M.Victor Smith, d'après Nannelte Lévesque,
qui l'avait apprise elle-même à Ste-Eulalre (Ardèche, Vivarais), son pays.
XLIIÏ. — l'areuveta et le pindzou
1) L'areuveta et le pindzou | vourion l'aire un mariadzou.
2) Refrain. — Lanturlette,
Vourion faire un mariadzou,
La tanturlou.
3) Quand vinguéroun d'espousà, j ne saioun pasque mindzà.
4) D'elai n'en vint un gros lou. | que qous apporte un bio
mouton.
5) PoUrdè viande,nous enavons, \ Etdepain, que ferons-nous?
6) D'elai n'en vint un gra vieil, | que nous n'apporte un plen
carnié '.
1 Carnié carnassière, sac à provision
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 2Î
7) Pour de pain, nous en avons, \ Et de vin, que ferons-nous'}
8) Délai n'en vint un coutau1, | que nous n'apporte bèn un
pàu •
9) Pour de vin, nous en avons, \ Et de verres que ferons-nous?
10) D'elai ne vingùè un verrié, | que nous n'apporte un plen
paniè .
11) Pour le verre, nous en avons, ! Et de danseurs, que ferons ■-
nous?
12) La piûse sort dôu petà ] et le pa de dessous le bras.
13) Pour de danseurs, nous en avons, j Et de toucheurs, que fe-
rons-nous?
14) Le rat ne sort dôu greniè, | onbourson tambour à l'arriè.
15) Pour de toucheurs, nous en avons, \ Et d'amuseurs , que fe-
rons-not
16) Le tsà n'en sort dôu fluriè3, | saute sur le tambourinié
rons-nous?
L'Alouette et le Pigeon. — !) L'alouette et le pigeon — vou-
laient faire un petit mariage.
■2) Lanturleite; — voulaient faire un petit mariage, — lanturlou.
3) Quand ils vinrent d'épouser, — ils ne savaient que manger.
4) De là-bas vint un gros loup, — qui nous apporte un gros
mouton.
6) De là-bas vint un vieux corbeau,— qui nous en apporte un
plein sac.
8) De là vint un muletier, — qui en apporte un peu.
10) De là vint un verrier,— qui en apporte un plein panier.
12) La puce sort du haillon — et prend le pou sons le bras.
14) Le rat sort du grenier — avec son tambour au derrière.
Ui, Le chat soit du foyer — et saule sur le tambourineur.
Communiqué par Toussaint Ghavanas, de Saiflt-Just-Malmont ( bourg
de Forez, voisin du Velay, et actuellement englobé dans la Haute-Loir
à M. Victor Smith.
1 Coutau, muletier; de couda, hâter.
8 Le fluriê ou flourïé est le trou pratiqué pour recevoir la cendre. Le
cendrier.
24 DIALECTES MODE RIS ES
XLIIÏ. — LA LAUSETO E LE PEPISSOU
1) La lauseto ame1l pepissou [bis)
Se marideroun toutis dous,
Lanflan larira, lanilan larireto;
Se marideroun toutis dous,
Lanflan larira.
2) Quand ajèro.un espousat, | i'ajètpas de pa per manjà.
3) Pr'aqui passo'n merle blanc, | a soun bec porto'n pan
[blanc.
4) Aro de pa n'aben prou, | mes de car noun'aben nou.
5) Pr'aqui passo'n reiatou , J sus soun cos porto'n moutou
6) Aro de car n'aben prou, | mes de bi nou n'aben nou.
7) Pr'aqui passo'n mouscal, j sus l'alo porto'n barrai.
8) Aro de bi n'aben prou, | mes de nocejaires nou.
(J) Lou cimetsort daltrauquet, I tout descoui'at, sans bonnet,
10) De nocejaires n'aben prou, | mes de bal nou n'aben nou.
11) Lou rat sourtis dal paliè, | amé soun biuloun darniè.
12) De musicaires n'aben prou, | mes de dansaires n'aben nou.
13) La piusé quitto'l lançol, | fa cinq espinguets pel sol.
14) Lou pesoul sort del petas, | agafo la piusé pel bras.
15) Aro abèts prou fait de sauts, J poudètsnous daissa'n re-
[paus.
16) La lauseto se coulquèt, | sabi pas se dourmiguèt.
17) Mes lou pepissou m'a dit | que quicon abiô espelit.
L'Alouette et le Pinson. — 1) L'alouette et le pinson — se mariè-
rent tous deux, — lanilan larira, lanflan larireto; — se marièrent
tou deux, — lanflan larira.
•2) Quand ils eurent épousé, — ils n'eurent rien à manger.
3) Par là passe un merle blanc, — à son bec il porte un pain
blanc.
4) Maintenant nous avons assez de pain, — mais nous n'avons
pas de viande, non.
5) Par là passe an roitelet, — sur son cou il porte un mouton.
CHANTS POPULAIRES PU LANGUEDOC 25
6) Maintenant nous avons assez de viande, — mais nous n'avons
pis de vin, non.
7) Par là passe un moucheron, — sur son aile il porto un baril.
8) Maintenant nous avons assez de vin, — mais nous n'avons pas
de gens de la noce, non.
9) La punaise sortd'un petit trou,— toute décoiffée, sans bonnet.
10) Nous avons assez de gens de la noce, — mais nous n'avons
pas de bal, non .
11) Le rat sort du grenier à foin, — avec son violon au derrière.
1 2) Nous avons assez de musiciens, — mais pas de danseurs, non .
13) La p'jce sort du drap de lit, — fait trois petits sauts surle sol
14) Le pou sort du vieux linge, — et prend la puce par le bras
(pour danser).
15) Maintenant vous avez assez fait de sauts, — vous pouvez nous
laisser en repos.
16) L'alouette se coucha. — je ne sais si elle dormit.
17) Mais le pinson m'a dit — que quelque chose était né (éclos).
Version du Narbonnais, communiquée par M. Achille Mir, d'Escales
(Aude).
XLIV. LF I.OUSOU ET LA LOUSOUNA
1) Le lousou et la lousoune
Vourian faire un mariadzou.
2) Refrain. Lenfan larirette ;
Vourian faire un mariadzou,
Lenfan larirou.
3) Quand segueren maridandà,
N'agueron rien per mandzà.
1) Le boulangié vinguè d'elai
Embe una tourta den son coué.
5) Por de pan blanc n'aven be prou ;
Mes de vin, que ferons-nous ?
6) Le miulatiè vinguè délai,
Embe una tardza de vi blanc.
7) Por de vi blanc n'aven be prou;
Mes de cher, que fe?*ons-nous ?
26 DIALECTES MODERNES
8) Le tsarcoutiè vinguô délai,
Embe une espaula de mouton.
9) Porde vianda n'avcn be prou :
Mrs de danseurs, que ferons-nous?
10) La neira n'en sort dôu linçôu,
A gambada per le sou.
11) Lou pesou n'en sort dôu petà,
Tapa la neira sur le bras.
12) Por de danseurs n'aven be prou :
Mr> des toucheurs. que ferons-nous?
13) Le rat n'en sorte dôu greniè,
Ma que n'ai por dôu minou .
14) Por du minou, tepararai;
Ma de la tsata ne tarai .
♦ 15) Le tsà non sorte dôu fousè,
Engafa l<i tambouriniè.
Lenfan landerirete :
Engafa le tambouriniè,
Lenfan larirè.
L'Alouette et sa fiancée. — 1; L'alouette et sa tiancée — vou-
laient faire un petil mariage.
2) Refrain. — Lenfan larirette ; — voulaient faire un petit ma-
riage, — lenfan larirou.
3) Quand ils furent mariés, — ils n'eurent rien à manger.
4) Le boulanger vint de là-bas, — apportant, une tourte.
5 Vous avons assez de pain blanc; — mais pour le vin, comment
ferons-nous ?
6 Le muletier vint delà-bas, — avec une charge de vin blanc.
7) Nous avons assez de vin blanc ; — pour la viande, comment
ferons-nous?
S Le charcutier vint de là-bas, — avec une épaule de mouton.
9 Nous avons assez de viande : — pour les danseurs, commeni
ferons-nous?
10 La pure sort du drap de lit — et gambade sur le sol.
1 1) Le pou sort du haillon — et prend la puce sous le bras.
12) Nous avons assez de danseurs ; — pour les musiciens, com-
ment ferons-nous ?
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 27
13) Le rat sortit du grenier: — Mais j'ai peur du chat !
14) Je te défendrai du chat. — mais non pas de la chatte.
15) Le chat sortit du foyer — et mangea le tambourineur.
Version recueillie par M. Victor Smith, d'après Marie Farigoulo, do
Vouy (Velay ).
XLV. — LA FOURM1HO E l,E FOUZ0U1L
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La fourmiho an-de l'pou-zouil, La four-miho an - de l'pou-
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de - en l'autre joun.Lan-fa la-de-ra,
1) La fourmiho ande Y pouzouil (bis)
Se maridèen l'autre joun.
Lanfa ladereto ;
Se maridèen l'autre joun.
Lanfa ladera.
2) Quand benguèen d'espousa {bis
N'ajeèn pos- pà per manja '.
3) P-'rachi te passo la perdic {bis),
And' un pà de dous ardits.
4) Aro, pà,bé n'aben prou (bis);
Mes de bi, nou n'aben nou2.
4 Var.: Grando feslo boulion fa,
N'aion pos mico de pa.
2 Var.: Aro, que de pa aben;
Mes de bi. coussi fasèn ?
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28 DIALECTES MODERNES
5) P'rachi te passo un mouscalhou (bis),
Su F colh n'en porto un semalou1.
6) Aro, bi, bé n'aben prou [bis);
Mèsbeires, nou n'aben nou.
7) P'rachi te passo le firbec [bis),
And' un parelh de beires al bec -.
8) Aro, beires, bé n'a ben prou (bis);
Mes de car, nou n'aben nou.
9)P'rachi te passo un parpalhol (bis),
Ande un biou roustit sul' colh.
10) Aro, car, bé n'aben prou (bis);
Mes de dansaires, non n'aben nou.
11) La piuzé sort del lansol (bis),
Fa quatre ou cinq saut pel sol.
12) Le simet sort del pedas (bis),
Ne prend la piuzé pel' bras.
13) Aro, dansaires, bé n'aben prou (bis);
Mes de sou, nou n'aben nou3.
14) P'rachi te passo le rat (bis),
Ande soun biouloun4 al coustat.
15) Le gat sort de joui' cendriè (bis),
N'agafo le rat pel' pèd,
Lanfa ladereto ;
N'agafo le rat pel' pèd,
Lanfa ladera.
Chantée par M. J.-B. Lambert (de Belesta .
1 Var.: P'rachi te passo un esquirol,
And' un bout do bi sul' colh
- Var.: And' quatre ou cinq beires al bec
3 Var.: Mèsbioulounaires, nou n'aben nou.
* Var.: Tambour.
Autre var.: Le rat ne sort de joui' four
Ande la troumpeto al tioul.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 2J
1) La Fournil et le Pou. — La fourmi avec le pou (bis) — &e ma-
rièrent l'autre jour, — lanfa ladcrete; — se marièrent l'autre jour,
— 1 an fa 1 adora.
2) Quand il? eurent épousé (bis), — ils n'avaient pas de pain à
manger.
3) Par là vient à passer la perdrix (bis), — avec un pain de deux
liards.
4) Maintenant (du) pain, nous en avons assez (bis), — mais de
vin nous n'avons point.
5) Par là vient à passer un moucheron (bis); — sur son dos il en
porte une cornue.
6) Maintenant (de) vin nous avons assez (bis); — mais de verres
nous n'avons point.
7) Par là vient à passer un bec-figue [bis), — avec une paire de
verres à son bec.
8) Maintenant (de) verres nous avons assez (bis); — mais de
viande nous n'avons point.
9) Par là vient à passer un papillon (bis), — portant un bœuf rôti
sur son cou.
10) Maintenant (de) viande nous avons assez (bis); — mais de
danseurs nous n'avons point.
1 1) La puce sort du drap de Yit(bis) — et fait quatre ou cinq sauts
par terre.
12) La punaise sort d'un vieux chiffon [bis) — et prend la puce
sous son bras.
13) Maintenant (de) danseurs nous avons assez (bis); — mais de
musique (litt. de son) nous n'avons point.
14) Par là vient à passer le rat (bis), — avec son violon au côté.
15) Le .chat sort de dessous le charrier (bis), — il attrape le rat
par le pied.
Lectio epîstolœ
Le pouzouiï a près moulhè.
A coubidat touto sa parentado
D'hormis la mousco ;
La mousco, touto altèrado ',
S'en ba la testo acatado.
Ious a dit: « Adissiats, canalho,
Iou porti un pairolsenso ansos
Per fè bulhè touto bostro manjanso,
Per Christian Dominum nostrum.
Cf. Cenac-Moncaut, p. 37 î: la Noço de la puce.
(A suivre.) A. Montel et L. Lambert.
1 Var, Folho, enrajado.
V1EI0 CANSOUN
D APRES UN AIR POPILA1RE NAPOLITAIN
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La res-con - tre sus lis iè - ro, laeha-
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tou - no cli peu blound — Ho - la! hou! pas-ses bèn
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i'a - - - na - ras de - man
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pre - ne per
la
man.
VIEIO CANSOUN 3t
La rescontre sus lis iero,
La chatouno di peu blound:
— Holà! hôu! passes bèn fièro!
Eh! mounte vas, Madeloun?
— Vau au four pausa levame.
— Eh bèn! i'anaras deman.
0 mignoto, t'ame ! t'ame !
E la prene pèr la man.
E lèu ausse ma cadaulo :
— Asfam? — Elo dis pas noun.
Alor nous metèn à taulo :
L'assète sus mi geinoun.
— . Dau ! manjo ço que t'agrado :
Tè ! pessègue e pruno en flour ! ...
Gramaci, bèu cambarado.
Ai fam que dôu pan d'amour.
Elo s'aubouro à la lèsto;
Zôu ! landan vers lou curât :
— Sourtès li bouquet de fèsto
E li candelié daura.
VIEILLE CHANSON
Je la rencontre .sur les aires, — la jeune fille aux blonds che-
veux: — ■ Holà! hé! tu passes bien fière! — Où vas-tu donc, Ma-
delon? — Je vais au four préparer le levain. — Eh bien ! tu iras
demain. — 0 mignonne, je t'aime! je t'aime! — Et je la prends
par la main.
Et vite jelève mon loquet: — « As-tu faim? » Elle ne dit pas non.
— Alors nous nous mettons à table ; — je l'assieds sur mes genoux .
— Allons, mange ce qui te plaît ; — tiens! pèches et prunes en
fleur! — Grand merci, beau camarade, — je n'ai faim que du pain
d'amour.
Elle se lève promptement ; — vite! nous courons chez le curé:
— Sortez les bouquets de fête — et les chandeliers dorés. — Allu-
32 DIALECTES MODERNES
Abras lôu, abras li cire,
Bon curât, au mèstre-autar.
Sian preissa qu'es pas de dire :
Maridas-nous, se fai tard !
D'aqui la mené à la danso,
La cliatouno di peu blound;
Jougavon sus la credanoo,
Li flahuto e li viouloun.
La man vers soun jougne souple,
Soun cor bâtent sus mouu cor,
Sens vèire lis àutri couple
Viravian touti d'acôrd.
Mountan pièi à la chambreto :
— Vu noste pichot lie blanc ! —
Bcllo emé li couloureto,
Resté muto en tremoulant.
— Madeloun, fai ta preiero,
Coucho-te ! — le vau, ami. —
Mai, aquelo niue proumiero ,
Madeloun a rèn dourmi.
Teodor Aubanel.
(Provençal, Avignon elles bords du Rhône.)
mez vite, allumez les cierges, — bon curé, au maître-autel. — Nous
sommes pressés, c'est incroyable; — mariez-nous, il se fait tard.
De là, je la mène à la danse. — la jeune tille aux; blonds cheveux.
— Sur la crédence jouaient — les flûtes et les violons. — La main
vers sa taille souple, — son eicur battant sur mon cœur, — sans
voir les autres couples — nous tournions tous d'accord.
Puis nous montons à la chambrette : — vois notre petit lit blanc!
— Belle et toute rubiconde, — en tremblant elle resta muette. —
« Madelon, fais ta prière, — couche-toi. » — « J'y vais, ami. » —
Mais, cette première nuit, Madelon n'a pas dormi.
Théodore Aubanel.
SOUNET
A MOUSSU C. L.
Que lou bèn que m'avès fa
Dins vous greie;e que, vavoio,
Vosto arao acampe la joio,
Meissoun santo di benfa !
Arlariiant e satisfa,
Me clafissès de beloio
Que faran gagna li joio
A moun moudèste prefa.
Se ma vèsto es de bourreto
E de coutoun, ma barreto,
Pau m'inchau : quand sourtirai,
Mai que ma rustico glôri
Siegue escàpi dôu pilori,
Coume un rèi :ne n'en creirai !
Anfos Ta van.
Marsiho, 10 do mars i877.
'Provençal, Avignon et les bonis lu Rhône.)
SONNET
A M. C. L.
Que le bien que vous m'avez fait — germe en vous; et que, ra\ie
— votre âme recueille la joie, — sainte moisson des bienfaits !
Généreux et satisfait, — vous me comblez de belles choses —
— qui feront gagner le prix — à mon œuvre modeste.
Si mon habit est de hure, — et de coton, ma barrette, — pen
m'importe ; quand je sortirai,
Pourvu que ma gloire rustique — soit exempte du pilori, — je
serai fier comme un roi !
Alphonse Ta van.
LOUISA
« Car- èro bravo que-noun-sai
» E jouino e bello, se pôu dire,
(F. Mistral. )
Lou jour naisse; la coupada
Parte couma unafuada,
Mounta, gaia, à l'esplendour
E crida : Viva lou jour !
Louïsa leva la testa
E regarda aquela fèsta ;
Estella, ti ve mouri,
Au sen de l'auba que ri.
De la glèia au ciel, que briha,
S'enaura YAve-Moria.
Suona, suona, fa tin-tin.
La campana dôu matin.
Au brotmze que retentisse
Louïsa, en pregant, s'unisse.
Parla à la Vierge dôu Ciel,
Couma l'ange Gabriel.
LOUISE '
Le jour naît; le COchevis — part comme une fusée; — monte,
joyeux, vers la splendeur. — et crie: Vive le jour !
Louise lève la tète — et regarde celte fête : — étoile, elle te voit
mourir, — au sein de l'aube qui rit.
De l'église au ciel qui brille. — s'envole 1' Angélus, — Elle
sonne, sonne et tinte, — la cloche du matin.
Au bronze qui retentit — Louise s'unit en priant. — Elle parle
à la Vierge «lu Ciel. — comme l'ange Gabriel.
1 Cet'.'1 traduction a été faite par M. V. Mistral.
LOUIS A 35
Finida la siéu preiera,
La devota jardiniera
Si mete vite au travai,
Lou coutihoun sus l'aigai.
Respira una aria qu'embauma
E, descaussa, noun s'enrauma,
Tra lu caulets enregat,
De perla e d'argent cargat.
Oh que perla ! toujour gaia,
Lesta e propra; tina taia,
Uei grand, nègre, plen de lus,
E velut en lu chivus !
Sentès-là : dintre li branca,
En destacant la flour blanca,
Que toumba sus d'un lançon,
Canta couma un roussignùu.
Regardàs-là : mena l'aiga ;
Trali salada, que aiga,
Refresca lu eiéu peu nut,
En lafanga, béi e brut.
Fau veire couma neteja
Li viouleta o maneja
La voulama e, d'un coup net.
Taia segue e coutelet !
Sa prière terminée, — la dévote jardinière — se met vite au tra-
vail, — le jupon sur la rosée.
Elle respire un air embaumé, —et. nu-pieds, pointue s'enrhume
— parmi les choux; alignés, — chargés de perles et d'argent.
Oh! quelle perle! toujours gaie, — leste et propre; fine taille, —
grands yeux noirs, pleins de lumière — et velours dans les cheveux !
Ecoutez-la: entre les branches, — en détachant la Heur blanche
■ — qui tombe sur un drap de toile, — elle chante comme un rossi-
gnol.
Regardez-la: elle conduit l'eau -, — parmi les salades, qu'elle ar-
rose,— elle rafraîchit sespieds nus — dans la fange, beaux et sales.
Il faut voir comme elle nettoie — les violettes ou manie — la
faucille, et d'un coup' net — coupe seigle et glaïeul !
36 DIALECTES MODERNES
Entant que trissa li monta,
Aude que suonon, escouta. . .
Louïsa ! ~ courre davau,
Noun dis : «Tout-ara li vau.»
Puorta un gros fais, ton l'escala,
Tira d'aiga, mounta, cala,
Jeta de fueia ai lapin,
Abôura mèstre Balin.
Ela mouse, acoucounada,
La vaca; fa la bugada ;
Ela pasta, li doui nian
En la niastra, e que buon pan !
Arranja tout à sa plaça,
En maioun; fréta, ramassa:
Fa la couïna o, l'ùei lis,
Mete un pounch.Es un redris.
Ela pensa à toui: la cata,
Mot'o, que toca la pata,
Noun mancon de rèn; poulàs
Couma deliri soun gras.
Noun t'ôublida, cardouniera.
En la gabiâ, presounicra.
Pendant, qu'elle broie les mottes, — elle entend qu'on l'appelle;
elle écoute. ..— Louise! — Elle court là-bas, — sans dire : «J'y vais
tout à l'heure.»
Elle porte un gros fagot; elle tient l'échelle, — puise de l'eau,
monte, descend, — jette des feuilles aux lapins, — abreuve maître
Aliboron.
Elle irait, accroupie, — la vache; elle fait la lessive; — elle pétrit,
les ileux. mains — dans la huche. Et quel bon pain !
Elle arrange tout en ordre — à la maison; elle frotte, balaye, —
fait la cuisine ou. l'œil lixe, — met un point. C'est une maîtresse
femme.
Elle pense à tout: la chatte, — More, qui tend la patte, — ne
manquent de rien; les cochets — sont gras comme des loirs.
Elle ne t'oublie pas, chardonneret — prisonnier dans la cage.—
LOUISA 37
Aima li bèstia; tambèn
Li bèstia li vuolon bèu.
Lou pichoun vèn de l'èscola;
Juega, toumba. . . que badola !
Ela mete sus lou mau
Papié d estrassa, aiga e sau.
Vous prépara de tisana,
De remédia lapaisana.
Counouisse latiéu vertu,
Toundut,ai bèlli flour blu.
Cueie agramouna, cinquena,
Lapas, buon-siège, barbena,
Siga, plantada, gramoun
E d'au tri erba sènsa noum,
A buon cuor; es coumplasènta.
Au paure, que si présenta,
Douna, pèr l'amour de Dieu,
En client : « Pregàs pèr iëu.»
L'ivèr, dapè la siéu tanta,
Au fugairoun, fila e canta
De lauda, e n'en saup, tout-plen;
Fila, à la lus .lou calen.
Elle aime les bêtes ; aussi — les bêtes lui sont reconnaissantes.
Le petit vient de l'école ; — il joue, il tombe. . . quelle contusion !
— Elle met sur la blessure — papier île chiffe, eau et sel.
Elle prépare de la tisane, — des remèdes de paysan. — Elle con-
naît tes vertus, — turbitb aux belles fleurs bleues!
Elle cueille aigremqine, quinîefeuille, — ■ patience, sauge, ver-
veine,— salsepareille, plantain, chiendent, — et d'autres herbes
sans nom.
Pille a bon cœur; elle est complaisante. — Au pauvre qui se
présente. — elle donne pour l'amour de Dieu, — en disant: «Fiiez
pour moi !»
L'hiver, pxès de sa tante. — au foyer, elle (de et chante — des
cantiques, et. elle en sait tout plein; — elle lile à la lueur de la
lampe rustique.
:5
38 DIALECTES MODERNES
Se lampa e trôna, à vous au ta
Dis \ù. courouna; ressaut a
E fa vite lousignau
De crous, à cada uïau.
Aima la glèia e li nota
De la campana; es dévot a
A Maria e sant Louis,
Que puorta la flour de lis.
Lou dimenche, à la grand messa,
Fervouroua prioulessa,
A ginoui, en lou siéu banc,
Sembla un ange dous e blanc.
Lou curât e lou vicàri
Feston lou jour dôu Rousàri :
La glèia es touta esplendoui-,
Armounia e buona ôudour.
Louïsa, bella e moudèsta,
Lou cairèu blanc à la testa,
S'avança e présenta ai gènt
Lu sant en un plat d'argent.
Louïsa noun suorte gaire
Dôu .jardin que pèr afaire,
E noun la veirés jamai
Balà ni vira lou mai.
S'il éclaire et. s'il tonne, à haute voix — elle dit le chapelet j elle
ressaute, et fait vite le signe — de la croix à chaque éclair.
Klle aime l'église et les notes — de la cloche ; elle est dévote —
à Marie et à saint Louis (de Gonzague), — qui porte la fleur de lys.
Le dimanche à la grand'messe, — fervente marguillière, — age-
nouillée à son banc. — elle semble un ange doux et blanc.
Le curé et le vicaire — Fêtent le jour du Rosaire- — l'église est
toute splendeur, — harmonie et parfum.
Louise, belle cl modeste, — le carreau blanc à la tète, — s'avance
et présente aux gens — les reliques sur un plat d'argent.
Louise ne sort guère — du jardin que pour affaires, — et vous ne
la verre/, jamais — danser ni faire la ronde autour du mai.
LOUISA 39
Qu sauta un béu jour resquiha.
Ela noun si requinquiha,
Noun eercalu coumplimen
E si mete simplamen.
•
Couma arranja, gaubioua,
En couronna gracioua,
Lu siéu chivus, qu'a toursui !
Lou fin ruban de velut
A. la coua s'entourtiha,
Passa, en boufant sus l'auriha;
Lu bout, un paude coustat,
Van susl'espala floutà.
Quoura Moussu la coumpara,
En lasiguènt, pèr li rara,
A la rosa dôu printèms,
Li respuonde : « Avés bèu tèms ! »
Se Bertoumiéu s'avisèsse
De la toucà, se pihèsse
Louïsa pèr un galet,
Aganteria un souflet.
Lidouraaisèlli de Nica,
A l'oumbra dei siéu taulissa ,
An toujour quauque boubo.ui
E, fuora, pihon lou roui.
Tel qui saute, un beau jour glisse. — Elle ne se rengorge pas,—
ne recliercbe pas les compliments — et s'habille simplement.
Comme elle arrange avec adresse, — en torsade gracieuse, — ses
cheveux qu'elle a tordus ! — Le fin ruban de velours
A la tresse s'entortille — et passe, bouffant, sur l'oreille ; — les
boucles, — un peu de côté, — vont llottersur l'épaule.
Quand un monsieur la compare, — en la suivant par les allées, —
à la rose du printemps, — elle répond: «Vous avez beau temps!»
Si Berthomieu s'avisait — delà toucher, s'il voulait — embrasser
Louise, — il attraperait un soumet
Les demoiselles de Nice, — à l'ombre de leurs toitures, — ont
toujours quelque bobo.— et, dehors, prennent la rouille.
40
DIALECTES MODERNES
A tu, Louïsa, paisana,
L'aria libra, l'aria sana,
Lou pcrfum de l'aubrëèpin
E dou ginèst e dei pin !
A la flourdë la jouinèssa,
Es déjà la tiéu sagessa
Un bel aubre enracinât
E do frucha encourounaL
Lasuperbia noun ti gasta.
Sies ôubodiènta, casta,
Douça, rèta : fas lou bèn
Sènsa pena, couma rèn.
Retènos en la memoria
Que lou mounde, li siéu gloria
10 l'argent, lou dieu d'ancuei,
Laisson lou cuor paure e vuei ;
Que la freina vert noua
Es toujour la plus uroua
E que tout es vanitat,
Fuora de la santitat.
De chagrin la vida es plena.
Auras tambèn li tiéu pena,
Louïsa, auras de jour trist,
Ma crescs en Jèsu-Crist.
A toi, Louise, paysanne, — l'air libre, l'air salubre, — l'arôme de
l'aubépine, — et du çenéî et dos pins!
A la Heur du jeune .Vue, — la sagesse est déjà — un bel arbre
enraciné — et couronné de fruits.
L'orgueil ne te gâte pas — Tu es obéissante, chaste, — douce et
droite ; tu fais le bien. — sans peine, comme rien.
Tu retiens dans ta mémoire — que le monde, ses pompes — et
l'argent, dieu du jour, — laissent le cœur pauvre et vide ;
Que la femme vertueuse — est toujours la plus heureuse — et que
tout est vanité. — excepté la sainteté.
De chagrin la vie es I pleine. — Tu auras aussi tes peines, —
Louise; tu auras des juin-- tristes, — mais tu crois en Jésus-Christ.
LÀ MAIRE, l'eFANT E LA FILHO 41
Piheràs en paciènça,
En esprit de penitènea,
Lu tiéu mau; lou plour es dous
Se coula au peu de lacrous.
Seras toujoui' brava e, quoura
Sounat aura la tiéu oura,
Aneràs au paradis
Trouva lou bèu sant Louis.
César Sarato.
(Niçard.)
Tu prendras en patience, — en esprit de pénitence — tes maux.
Les pleurs sont doux, — s'ils coulentau pied de la croix.
Tu seras toujours sage ; et, lorsque — aura sonné ton heure, —
tu iras en paradis — trouver le beau saint Louis.
César Sarato.
LA MAIRE, L'EFANT E LA FILHO
La Maire. — Bernât, te cal pensa '1 mariage.
L'Efant. — Ma maire, me coupas lou cap.
La Maire. — De la douçou, las femnos sien l'image.
L'Efant. — Acô se pot, mes ne voli pas cap,
La Maire. — Annou, lous omes sou d'aissables,
Mando-lous toutes perquinlà :
Fôu douna las femnos al diables.
La Filho. — Acô's égal, me n'cal un saquelà!
Melquior Barthés
(Langue iocien. Saint-Pons et ses environs,)
LA MÈRE, LE FILS ET LA FILLE
La MÈnE. — Bernard, il te faut songer au mariage.
Le Fils. — Ma mère, vous me rompez la tête.
La Mère. — Les femmes, nous sommes l'image de la douceur.
Le Fn.s. — Cela peut être, mais je n'en veux aucune.
La Mère. — Ànriette, les hommes sont des ennuyeux: — envoie
lo;< tous bien loin; — ils font enrager les femmes.
La Fille. — N'importe, il m'en faut un quand même !
Melchior Bakthis.
LAS DUAS MARES
AL TORNAR DE LA GUERRA *LS SOLDATS
— Mira'ls, germana meva, mira'ls que alegresvenen
los delmats esquadrons y 'ls régiments.
— Tornan colrats, polsosos, envellits, pero tenen
la gloriosa hermosura dcls valents.
— Oh! î si que 'n son d'hermosos! no hi lia ulls que no 'ls
[mirin;
la gent, quan passan, los cobreix de flors.
I No veus quan tas coronas?
— Per moltas que Ms ne tirin,
may n' hi ha prou por aqueixos vencedors.
— Mon fill ab ells arriva.
— Lo meu també.
— ; Quin dia
tan pur, tan blau ! ; quin dia benchit!
— Jo tinch, germana meva, jo tineh tanta alegria,
que no crech pas que câpiga en mon pit.
LES DEUX MÈRES
(au retour de la guerre)
« Regarde-les, ma sœur, regarde-les ; ils arrivent joyeux. — les
escadrons et les régiments. » — «Ils arrivent brunis, pleins de
poussière, vieillis; mais ils ont — la beauté glorieuse des braves. »
«Oh ! oui! ils sont beaux ; il n'est pas d'œil qui ne les regarde ;
— la foule couvre de fleurs leur passage. — Regarde! combien de
couronnes ! » « On en peut jeter, — mais jamais il n'y en aura
assez pour ceux qui sont vainqueurs. »
« Mon lils arrive avec eux. » « Le mien aussi. •• « Quelle journée
— si pure! ijuel ciel si bleu! quel jour béni!» — « Ma sœur,
j'ai tant de-joie, — que je ne crois pas que nia poitrine puisse la
contenir." •
LAS DUÀS MARES 43
— Mira, mira corn passan; las noyas mes bonicas
als soldats vitorejan al passai*.
— Senyor! ; comme conmouhen avuy eixas musîcas !
no se que tenen, pero 'm fan plorar.
— ; No ho sents? mes que musicas y cants, molt mes res-
[sona
un visca. atronador per.tot l'espay.
— Es lo crit que la Patria tan sols a la Pau dona.
— ; La Pau ! Déu fassa que no acabe ma y.
— Ay ! encare no arriva la hermosa companyia
en que he de veure al povre de] meu fill.
j Que poch à poch que marxan !
— Bona germana mia,
no anavan tan pausats en lo porill.
— Es tanta la gentada que en tôt arréu fa nosa,
que ab l'entussiasme los destorba 'lpas.
— Tû veurâs a ton fill primer que jo ; ditxosa !
— Ay no, tû al teu. primer que jo, '1 vourâs.
— Entre 'ls soldats que venen, també n1 hi ha molts que
[ploran:
« Regarde, regarde ; ils passent : les jeunes filles, les plus belles
— crient en l'honneur des soldats. » — « Mon Dieu ! comme cotte
musique m'émeut aujourd'hui ! — Je ne sais ce qu'elle a, mais elle
me fait pleurer, d
t Entends-tu? plus que les musiques et les chants plus fort en-
core, — un hourra assourdit l'espace. » — « C'est le cri que la
Patrie donne seulement à la Paix. » — « La Paix*! Dieu fasse
qu'elle soit pour toujours ! »
« Hélas ! elle n'est pas encore arrivée, la compagnie — dans
laquelle je verrai mon Gis. — Ils marchent trop lentement, ces
soldats-là » «Oh! ma bonne sœur. — ils n'allaient pas si doucement
quand ils étaient à la bataille.»
« La foule qui de toutes parts faitmasse est si grande — que son
•"■nthousiasme trouble leur marche.» — « Tu verras ton fds avant
que je ne voie le mien, heureuse que tu es ! » — «Oh! non, tu
verras le tien avant. »
« Parmi les soldats qui arrivent il y en a aussi qui pleurent : —
44 DIALECTES MODERNES
no 'ls vous ? potsé a sa mare han rcoordat.
— Povrets ! potsé son ôrfens ! 6 son de lluivy y anyoran
sos parents, son pais, sa llivertat.
— Ali ! que ja M veig, gerinana, ja '1 veig; sostenmo are;
; al» quina ibrsa sento batre '1 cor!
— i Tu lias sigut la primera !
— ; Quin goig lo d'ésser mare !
; es lo millor del mon ! ; es lo millor !
; Fil! meu de mas entranyas !
— ; Mare ! ; mareta meva ! »
Y lots dos quedah abrassats plorant;
Y l'altra povre dona segueix mirant sens treva
als soldats vencedors que van passant.
A37 ! ; los darrers ja arrivan !
— Que ! i no torna à sa terra
lo fillet mou ? <; Hont es lo teu cosi?
— Fou héroe; pie de gloria va câurer en la guerra;
un nom etern hi va doixar alli. »
Cau com del llamp ferida y en convulsions estranyas
la povre mare tremolant d'esglay.
vois-tu? Peut-être ils se souviennent, do leur mère. — Lc^ pauvres !
peut-être sont -ils orphelins ou bien sont-ils nos loin d'ici: et main-
tenant ils regrettent — leurs parents, leur pays, leur liberté, »
<• Ah! je le vois, ma sœur, je le vois: soutiens-moi 1 — mon
cœur bat avec trop de force. » — 0 Tu as été la première ! » « Oli !
quelle joie, colle d'être mère ! — C'est la meilleure du monde : il n'y
en a de pareille.
Fils de mes entrailles! » « Ma more! ma petite mère'. » — Et
ions les deux restent embrassés et_pleins de larmes. — Et l'autre
pauvre femme continue de regarder — les soldats vainqueurs qui
p issent.
Ali! les derniers arrivent ! 0 11 ne revient pas, t- mon fils? Où
est-il, ion cousin ? » — « Il fut un héros : il est tombé plein de
gloire à la guerre : — il a laissé là un nom éternel ! »
La pauvre mère tombe comme si elle eut été foudroyée; elle
tombe victime d'étranges convulsions, — et elle tremble d'épou-
LAS DUAS MARES 45
— Ay tillet meu ! no torna ! fill meu de mas entranyas,
may mes, may mes te podré veure ! may !
— I No ho sents, germana meva ? d'ell parlarà Fnistoria;
va ésser héroe; dels altres fou espill.
— i Que 'm fa? j baratarias acâs tota la gloria
per eixas abrassadas del teu fill?
Oh ! j jo tingués al fill qu'estimo ab bojeria !
; jo '1 tingués com al teu ara tens tû !
; jo pogués abrassarlo ! y en camvi i que 'm l'aria
que d'ell may mes se 'n recordés ningû ? »
Queda la povre mare plorant desesperada,
y mentrestant al seu dévora sent
musicas y musîcas, y veu la desditxada
F ûltim soldat del ùltim régiment.
Ja passan, ja s'allunyan ; lo flayre per tôt vola;
; que blau, Tespay ! quin sol tan pur que fa !
Visca la Pau! esclama la gent, y ; com tremola
la bandera d'Espanya aqui y alla!
vante. — « Oh ! mon cher fils ! il ne revient pas ! Fils de mes en-
trailles, — je ne te reverrai plus ! jamais plus! »
« Tu n'as pas entendu, ma sœur ? L'histoire un jour parlera de
ton fils; — il fut un héros; des autres il fut lo miroir. 9 — « j Que
m'importe cela? N'échangerais-tu pas toute la gloire du monde —
pour ces embrassements de ton fils ?
» Qu'est-ce que je ne ferai pour avoir mon tils. le (ils que j'aime
à la folie ? — pour l'avoir comme tu as le tien ? Si je pouvais l'em-
brasser, que m'importerait — que le monde ne se souvint jamais
de lui ? »
La pauvre mère reste en pleurant désespérée, — et en mémo
temps elle entend près d'elle — de nouvelles musiques, et la mal"
heureuse, elle voit — le dernier soldat du dernier régiment.
Ils passent ; ils s'éloignent. — Le parlum du printemps vole
partout ! — Qu'il est bleu, le ciel ! Qu'il est brillant, le soleil ! —
Tout le monde crie : Vive la Paix ! Quelle joyeuse foule ! Comme
— tremble auvent ia bannière de l'Espagne, par ici et par là !
46 DIALECTES MODERNES
j Oh Gloria ! i per que rius al mateix temps que ploras
l per que 'ns portas taeat lo teu vel blanch?
; Oh Gloria de ma Patria ! que bella y gran que foras
si no 't mulléssin Uâgrimas y sanch !
.1. Marti y Folguera.
(Catalan.)
Oh Gloire! pourquoi ris-tu au nième temps ijuo tu pleures.' —
(^.ui a empourpré ton voile blanc? — Oh ! Gloire de m;i Patrie ! tu
serais très-belle. et très-grande, — si les pleurs et le sang ne te
mouillaient point!
.1 . Marti y Folguera.
LOU GARDA-MAS
(Se guida)
Dins un prat erbagieu e tout ensourelhat,
Unafrapa d'enfants e de drollas s'afana.
Descaus, à bêles uns, an gasat lou rajôu
Qu'en dous courrents bessouns encenchoun la clausada,
E, brusents e galois, an seguit la rasada,
A l'oumbra de l'espés e ramut rebieirôu.
E, zou, tout trepa e dansa e zounzouna e bresilha.
Pamens, deçai-delai, la cola s'escampilha.
LE GARDE- MAS
(Suite)
Au milieu d'un pré fertile, inondé de soleil, — une troupe rie
garçons et de jeunes filles se précipite. — Pieds nus. à la fiie, il?
ont passé U ruisseau — qui entoure l'enclos de ses deux courants
jumeaux. — et, bruyants et joyeux, ils ont suivi le rivage — à
l'ombre de l'épais feuillage desarbres riverains ; — et allons, tout
danse et chante el gazouille '-t bourdonne. — Cependant <„•* et la
LOT* GARDA-MAS 47
Cadun seloun soun goust: d'unes van nistejà
Dins lou rounzàs, amount, sus las brancas dau roure;
D'autres, à travès camps, allègre, an près lou courre
Après lous parpalhouns per lous acoussejà;
D'autres, per çai, per lai, fan de pignels de flouses ;
E toutes soun countents e toutes soun urouses ;
Car despioi lou suquet dau serre abouscassit
Qu'en lai dau pradelàs sembla que lous agacha,
Couma un mourrut vignau gaitant la mala fâcha,
Fins au gravas dau rieu que jai afatrassit ;
Despioi l'aubràs qu'assousta e rausàs e lambrusca,
L'un enliassant sous mars, l'autre agafant sa rusca,
Fins au prim entrefiol alairat per lou sôu,
Sus mauvin, coucoumela e graissoun dau rajôu,
Per lou prat, sus lou truc, dins l'aubràs, sus lous vises,
Es tout de parpalhouns, de flouses e de nises,
E pertout d'enfantets coussejant e nistant.
l'a sous fraires, sa sorre emb sas camaradetas ;
Amai el tabé i'es, e lou gala-bountan
Nou'n vôu as parpalhouns, ni mai à las flouretas :
la troupe se disperse, — chacun selon goût: les uns vont fureter
— dans les touffes, là-haut sur les branches du chêne: — d'autres,
â travers champs, allègrement ont pris leur course — après les
papillons, en leur faisant la chasse; — d'autres, par-ci par-là, font
des bouquets de fleurs: — et tous sont contents et tous sont heu-
reux, — car depuis le sommet de la montagne couverte de brous-
sailles — qui. au delà du grand pré, semble les surveiller, — comme
un sombre garde-vigne au guet des malfaiteurs. — jusqu'au gravier
du ruissseau qui coule en murmurant : — depuis le grand arbre
qui soutient le lierre et la vigne vierge, — l'un entourant les bran-
ches maîtresses, l'autre happant son écorce, — jusqu'au trèfle des
prés couché par terre. — sur les nymphéas, le cresson et les gui-
mauves du ruisseau ;— dans le pré, sur la montagne, sur le grand
arbre, sur les pampres. — partout dos papillons et des fleurs et
des nids, — et partout des enfants courant et furetant.
Il y a ses frères, sa sœur et ses petites amies — il y est aussi, lui,
et l'espiègle, — ce ne sont ni les papillons ni les fleurs qui le ten-
tent ; — en ce moment il s'attaque à ce grand peuplier — qui, dans
(S DIALECTES MODERNES
D'aquela oura n'en vôu à-n-aquel piboulàs
Que, dins soun vert brancun, rescond un nis d'agassa.
En van, per s'en sarrà, lins au col s'embartassa.
Ni per aquela, ou vùu : es caput, lou drollàs !
Couraa un escuriôu, de branca en branca escala ;
Prend alen cade cop que gandis as plançouns.
Mais, dessan qu'es au suc, paupantlous agassouns,
La branca ounte a près ped croucina, s1 end avala,
E lou nistoun cabana ansin qu'un fruch raadu,
Quand de l'aubre fruchô brandilhoun la grelhada ;
E, se daissant anà, couma fai lou perdut
Qu'au reloge dau tems sa mala oura es sounada.
Degola, e zou, degola, e, tout en degoulant
Sentis viroulejà l'aire autour de sa cara,
Couma la deu senti l'aucel en s'envoulant.
Mais de qu'en sarà d'el quand sus lou prat tout ara
Vai s'espautà, boudieu? res que de ie pensa,
Sent galinà sa car, e, zou, toujour degola,
Sens espéras, sens bruch, mais sens pausa ni mola.
Malur! quand sus lou sou crei de boumbi, sensat
ses vertes branches, cache un nul de pie. — FJour s'en approcher,
dans un hallier épineux il s'enfonce jusqu'au cou. — Peu importe:
il le veut; il est opiniâtre, l'enfant! — Comme un écureuil, il
grimpe de branche en branche, — se reposant chaque fois qu'il
rencontre un plançon ; — mais, une fois au sommet, saisissant
les petits, — la branche qui le supporte craque et se rompt, —
et le dénicheur dégringole comme un fruit mûr, — lorsque» do
l'arbre à fruit on secoue la tige chargée, — et, se laissant choir,
ainsi qu'un désespéré — dont l'heure dernière a sonné à l'hor-
loge du temps, — il descend, descend, et, tout en se précipi-
tant, — il sent tourbillonner l'air autour de sa face. — comme le
doit sentir l'oiseau lorsqu'il s'envole. — Mais qu'en résultera- t-i]
quand tout à l'heure sur le pré — il s'abatra,bon Dieu? Cette pensée
seulement — lui donne, la chair de poule, et la descente continue —
sans résistance, sans bruit, mais sans arrêt ni cesse. — Malheur!
au moment où il pcn.àe rebondir sur le sol, — un précipice mon>-
(1) Littéralement : i/ tombera sur ses mains et sur ses pieds.
•
LOU GARDA-MAS 49
Un caraven rnoustrous dejout el s'abadalha.
Discountbrraa es sa maissa e negrassa e sens l'ouns.
E dics soun gargatet lou rajôu se perfound.
Diriàs qu'un gigantàs lou chima à la gargalha
Emb un sourne gourgoul que sembla un raufelet.
Adejà lou drollàs de soun orre galet
Sent gandi jusqu'en el la maussana alenada,
L'alenada de mort que sentis à frescun.
Adounc vôu se retene, agantà lou brancun,
Que passa couma un fum qu'un fouletounrebilha.
Fai un rejet. Dau cop lou viel se derevilha,
E soun pitre repoufa un souspir de soulàs.
Endaco se graumilha e de sous iols neblats
Drecli-a-drech dins l'escamp agacha sens res veire.
La clouca agroumandida, e que sus el a l'iol,
Brista soun mouvement e, se virant à reire.
Au mitan de sous pouls çai yen plena d'ourguiol.
Es tiera de soun creis couma una bona maire
E, dins soun parauli, ie fai : — « Eh be ! pecaire,
Clou, clou ! i'a pas res d'ioi per mous bèus pouletous?
Ve, couma soun bravets ! an toutes sa cougueta !»
irueux s'entr'ouvre au-dessous de lui. — Son embouchure est
('norme et, noire et sans fond. — et dans son gosier le ruisseau
s'abîme. — On dirait qu'un énorme géant le boit à la régalade, —
avec un sombre clapotement qui ressemble à un râle. — Déjà l'en-
fant, de son horrible gorge, — sent arriver jusqu'à lui le souffle
malsain, — le souffle de mort qui sent à fraîcheur. — Alors il veut
s'arrêter, saisir les branches — qui passent comme la fumée
qu'un tourbillon emporte; — il fait un effort. Sur-le-champ le
vieillard s'éveille, — et de sa poitrine s'échappe un soupir de soula-
gement.
lise trémousse ensuite, et de ses yeux troublés. — en face de lui,
dans l'espace, il fixe sans distinguer les objets. — La poule cou-
veuse, alléchée et qui le suit des yeux, — aperçoit son mouvement,
et, se retournant en arrière, — au milieu deses poussins, elle arrive
pleine d'orgueil. — Elle est hère de sa nichée, comme une
bonne mère doit l'être ; — puis, avec son langage, elle lui dit:» Eh
bien! — Glou. glou ! il n'y a rien aujourd'hui pour mes jolis petite
50 DIALECTES MODERNES
E la jouina nineia, aubourant satesteta,
Pieuteja à soun entour d'un aire amistadous :
— « Clou, clou! dins toun bousset i'a pas quauqua migueta,
Un retrous de quicon, un croustetou de pan ! »
E se sarra e se fréta e cloussis, mais en van .
Lou dourmeire es représ, mailous pantais lou tenoun.
L'an atissat de longa, aici sian ! van e venoun
Tout en parpalhejant, proumtes couma l'uiau.
Aubouroun dins soun cor la douca souvenenca
I>e soun urous lilhage. Ai ! couma ie fai gau !
Se vei barbèu, jouvent, plen d'esper, d'inoucença :
Loua plasés, pioi l'amour, ie parloun tou< ensen;
Pioi de soun endrechou l'an fach cap de jouvent .
Quand sa mouliè qu'es iois"endeven abadessa,
E pioi la dansa jout lou vielbelicouquiè.
0 jour très cops urous per ele sa proumessa !
La campaneta amount canta dins lou clouquié !
Mais de qu'es que ie prend? Sa cara tant risenta
S'atbusquis, doumai vai. Soun peu que l'âge argenta
S'enredena; soun front tant seren se frounzis.
poussins? — Vois, comme ils sont gentils ; ils ont tous leur petite
queue. » — Et la jeune famille, élevant sa tète mignonne, — crie au-
tour de lui d'un air carressant : — «Glou.glou! dans ta poche n'as-tu
pas quelque miette, — un reste de n'importe quoi, un petit croûton
de pain? •> — Et elle s'approebe ; elle frôle et glousse, mais vaine-
ment.
Le donneur a repris son somme; de nouveau les rêves l'empor-
tent;— ils sont acharnés, et sans cesse ils vont et viennent — et,
scintillant avec la rapidité de l'éclair, - soulèvent dans son cœur
les doux souvenirs — de son heureuse jeunesse. Ah! comme il en
esl joyeux! — il si: voit adulte, jeune homme, plein d'espoir,
d'innocence; — les plaisirs, puis l'amour, lui parlent à la fois; —
puis, des jeunes gens de son petit village il est nommé le chef,
— quand celle qui est aujourd'hui sa femme est déjà abbadesst :
— et puis la danse sous le vieux hêtre. — Oh! jour trois fois heureux
pour lui et sa promise! — La clochette chanta là-haut dans le
clocher !
Mais qu'a-t-il donc? Sa ligure si riante — s'assombrit île plus en
LOU GARDA-MAS 51
A de longs ferniments dins sas gautas plessadas.
Sa bouca treraentis e sas dents sc-un clavadas.
Pamens la campaneta amount toujour brounzis.
Es vrai, mais pioi cantava embé sa vos douceta :
Ara brama, esclafis, l'ardenta campaneta !
E l'ai tout trementi, couma quand sona au fioe.
Enfin dins lou planas, dins lous vaus, sus lou pioch.
De toutes lous endrecbs que soun terras tenentas,
S'auboura un ara, un pioi, de sounadas brusentas;
Mema dinsTentremiecha, andant de ranc en ranc,
Quicon que fai fiertat couma se pot pas creire,
La gleisa dau patroun de Mount-peliè, Sant-Peire,
Escampa fins au cel sas très vosses d'aram.
Lou tems s'escuresis, Tannada es ben marrida,
La nioch i' a de bourjous, la suita miaula, crida ;
Dos poulas fan lou gai, acueulat dins la cour ;
L'iol estelat, targant la luna que trascoula
Dins un pargue roujàs, lou chinas, ploura, idoula,
Entre qu'es negra nioch à pouncheta de jour.
plus; ses cheveux, argentés par l'âge. — se hérissent; son front si
serein se plisse ; — il a de longs frémissements dans ses joues
ridées; — sa lèvre s'agite et ses dents sont serrées : — cepen-
dant la clochette retentit toujours là-haut. — C'est vrai ; mais tout
à l'heure elle chantait avec sa douce voix, — maintenant elh*
hurle, elle éclate, l'ardente clochette, — et fait tout frissonner
comme quand elle appelle au feu. — Ensuite dans la plaine, dans
les vallées, sur le mont, — de tous les villages circonvoisins1, —
s'élèvent successivement de bruyantes sonneries; — même dans
l'intervalle courant de roche en roche. — chose qui fait frémir,
impossible à décrire, — l'église du patron de Montpellier. Saint-
Pierre, projette jusqu'au ciel se3 trois voix d'airain. — Le temps
s'obscurcit. L'année est bien mauvaise: — les nuits ont des bruits
sinistres, la chouette miaule, crie, — ■ Deux poules contrefont le
chant du coq, assis dans la cour; sur ses jarrets, — l'œil hagard,
fixant la lune qui circule — dans un cercle pourpré, le gros chien
pleure, hurle. — depuis la nuit close jusqu'à l'aube du matin. —
' Littéralement : de tous les lieux qui sont terres tenantes.
=■2 DIALECTES MODERNES
Adounc d'aquî aqui, gagnant do? la vilassa,
D'ornes viels e jouvents, una coulada passa.
N'i'a d'en peu, de descaus ; d'autres per vestiment
An un parel d'esclops e de marridas bralhas ;
De fusils, mai que mai de grands fourcats, de dalhas,
D'astes, de longs bastouns, esfraious armament.
Un jouine tambourin, en cape d'aquel mescle,
Picant, quoura la pel, quoura tustant l'arrescle,
Rampe! a lou refrin d'una rusta cansoun,
Bramada per la cola, au pas, à l'unissoun.
E la terra ferais e lou camin pousseja,
Ë toujour la campana ailamount campaneja.
Sens saupre couma, enfin, dempioi un moumenet,
Dins lou membre dau mas, emb un fort arcanet,
Se vei la fourca en man e sa femneta ploura,
E lou reten, e pioi de la bressolaauboura
Soun enfant nouvel nat: u Jan, moun Dieu, toun manit,
Ta maire e ieu, sens tu, de qu'anan deveni?»
Dor la bausa dau lioc devista adounc sa maire.
En el quicon ie dis : « La veiràs pus, pecaire !
Alors à chaque instant allant vers la grand'ville, — une bande
d'hommes jeunes et vieux passe; — il y en a qui sont nu-tète,
d'autres pieds nus, d'autres— ont une paire de sabots, de mauvais
pantalons pour tout liabillement. — Des fusils, plus souvent de
grand boyaux, des faux, — dos broches, de long bâtons, forment
leur ('(range armement.
Un jeune tambourin, à la tète de ce pêle-mêle, — frappant
tantôt la peau, tantôt heurtant le cerceau, — accompagne le re-
frain d'une rude chanson — hurlée parla bande, au pas, à l'unis-
son, — et la terre, tremble, et la poussière tourbillonne sur le che-
min : — et toujours là-haut la cloche carillonne. — Sans savoir
pourquoi, enfin depuis peu, — dans l'appartement du mas, une
forte rougeur aux joues, — il se voit, armé d'une fourche, et sa jeune
femme pleure — et l'arrête ensuite; du berceau elle soulève son
riiiant nou-veau-né. — « Jean ! mon Dieu ! ton enfant, ta mère
sans toi, qu'allons-nous devenir?» — A côté de latre, aper-
çoit alors sa mère; — en lui quelque chose dit : Tu ne la ver-
ra* lias. Il.'-ius! comme eUe est triste. Ah! ah! ses yeux sont
LOU G ARDA -M A? 53
Couma es tristassa ! Ai ! ai ! sous iols soun atarits !
La paura a tant soufrit, n'a tant toumbat, tant vist !
Assetada sens vanc dessus la cadieirasa
Ount sous desavanciès un per un an près plaça,
Desengruna plan-plan sous chapelets de bouis,
Mesclant dedins sa prega un souspir d'ai e d'oui.
Un pau dessabranlat d'una doulou tant granda,
Plaquîs; quand tout d'un cop lou viel pourtaus'alanda ;
Intra de sous amies l'escachoun ardelous,
E, sens mai de prepaus, lou capouliè bregous
le ven : « Se sies Francés, enrega nosta rega. »
E dins la leia mai la cola se boulega,
Car i'a preissa de tems, pareis, e Jan seguis.
Seguis, laissant ailai sa femna estabanida,
L'enfantou que tresana e la maire au soulis,
Aubourant sas dos mans e sa facia blasida :
« Ah ! se lou m au nous ven das pecats requità,
Siegue. fâcha, ô moun Dieu! ta santa voulountat ! »
A. Langlade.
(.4 suivre.)
taris. — La pauvre en a tant vu; elle a tant souffert; elle en a tant
versé, de larmes! — Assise sans force sur la grande chaise — où
ses ancêtres ont successivement pris place — elle égrène douce-
ment son chapelet de buis, — entremêlant dans sa prière un sou-
pir, des hélas. — Un peu ébranlé devant une douleur si grande, —
il fléchit, quand tout à coup le vieux portail s'ouvre à deux battants.
— De ses amis l'ardente petite troupe entre, — et, sans autre préam-
bule, le chef batailleur — lui dit : « Si tu es Français, sillonne notre
sillon. » — ■ Et, dans l'avenue, de nouveau la troupe se hâte, — car le
temps presse, paraît-il. Et Jean suit; — il suit, laissant là-bas sa
femme évanouie, — le petit enfant qui pleure à chaudes larmes, et
sa mère au seuil — élevant ses deux mains et la face ternie : —
«Ah! si le malheur nous est envoyé pour racheter nos péchés, — que
ta sainte volonté soit faite, ô mon Dieu!.... »
A . Lanulade.
PERIODIQUES
Revue historique, scientifique et littéraire du départe-
ment du Tarn. — Cette publication est duc à l'initiative du savant
archiviste du département du Tarn, M. Emile Jolihois; elle paraît
mensuellement à Alby, depuis la fin de l'année 1875. — (Numéro
de novembre 1875 à décembre 1876 ).
2-3, 34-38, 49-52, 65-67, 81-86, 129-134,177-180, 193-197. Emile
Jolibois, Histoire du -pays il Albigeois . Ce travail contient d'intéres-
sants détails sur les traditions qui s'attachent aux monuments mé-
galithiques de l'Albigeois. Elles se rapprochent fort de celles qui
ont cours en Auvergne et dans le bas Languedoc. « [En Albigeois],
la Vierge et les saints ont remplacé les génies et les fées. C'est
ainsi que. le menhir de Vieux devint une pierre apportée là par
sainte Carissime, dans le pan de sa robe, et cette pierre est encore
sacrée pour les habitants, qui racontent naïvement que, le proprié-
taire du champ où elle >e dresse ayant voulu l'enlever, il ne put y
parvenir, parce que, dans la nuit, une main invisible comblait les
tranchées qu'il avait faites pendant le jour. Le dolmen de Valde-
riés a été, dit-on, formé de trois pierres que la Vierge apportait,
l'une sur sa tète, les deux autres sur ses épaules, pour la construc-
tion de l'église d'Alby ; mais, arrivée en vue de la ville, elle vit
l'église construite, et elle déposa les trois pierres où on les voir,
encore. Les pierres d'Alban sont deux palets abandonnés à la
-dite d'un défi que le diable porta à la Vierge : la pierre lancée par
la Vierge distança beaucoup celle lancée par le diable. Quant aux
deux pierres de Laeabarède, qui sont plantées sur le bord delà route,
à une distance d'environ 3 mètres l'une do l'autre, on les appelle
les Deux Sœurs : on prétend qu'elles se meuvent, et que la fin du
monde arrivera lorsqu'elles auront atteint le sommet de la mon-
tagne. » — :!-6. 22-24, 39-42, 52-56, le Procès de la Sorcière brûlée
n Labrugirière en 1485, contient une lettre en langue d'Oc, datée du
27 mai 1485, et adressée par Johan Daliera, coseigneur de Lare-
cuquelle, à maître Anthoni Robert, notaire de Sorèze. Curieux ex-
traits de l'interrogatoire de l'accusée, d'après le ms. qui existe aux
archives de la préfecture du Tarn. — 6-7, le Castel-Sarrasi de Bras-
sac, avec une version du chant de VEscrireto, recueillie par M. Joli-
bois, à Brassa. Elle esl à comparer à la version que M. Damase
Arbaud publia dans ses Chants populaires de la Provence (JFluranço)
CHRONIQUE 5r>
et surtout à celle des Poésies populaires de M. Atger (Y Escrivoto; )
Revue, juillet 1874, p. 254). — 12-43, Ordonnance somptuaire n'es con-
suls de Castres. — 74-75. Ordonnance somptuaire publiée à Castres en
1375. Textes en langue d'Oc, accompagnés d'une traduction fran-
çaise. — 123-125, la Pucelle devant Orléans, extrait d'un texte en
langue d'Oc existant aux archives communales d'Alby. — 153,
Emile Jolibois, la Felibrejade. Note sur la réunion de Sainte-Estelle,
à Avignon, le 21 mai 1876. — 513-154, lou Fais, poésie en langage
d'Alby, par M. Isidore Sarasy, mort le 4 août 1870. — 174-175,
A moun amie sur lou despart de sa mestresso, jolie pièce du milieu
du XVIIIe siècle. — 216. Noël albigeois, emprunté à Y Histoire
littéraire des patois du Midi. (Voyez Revue, 2° série, tom. I, p. 90.)
A. R.-F.
CHRONIQUE
Le prochain couronnement de sainte Anne d'Apt( 9 septembre
1877) est en ce momentle motit'dedeux concours, ouverts, l'un par
la Société littéraire d'Apt, l'autre par le Félibrige de Provence.
Nous ne parlerons pas du premier, dont les délais sont expirés,
et qui, dit-on, a donné de très-satisfaisants résultats ; mais nous
sommes heureux de faire connaître les conditions de la lutte poé-
tique ouverte par les félibres. Deux thèmes sont proposés :
Pour le premier, une piece.de vers provençaux sur sainte Anne;
les dames seules sont admises à concourir. Un des prix consiste en
une fleur émaillée. offerte par le Comité des provençalistes d'Apt:
le second, en deux médailles d'argent données par l'Athénée île
Forcalquier.
L'autre thème est laissé au gré des concurrents. Il devra cepen-
dant être choisi parmi les divers sujets qui intéressent l'histoire et
les traditions de la ville d'Apt et de sa région, c'est-à-dire toute la
partie occidentale du Forcalquiérois.
Une médaille de vermeil et deux médailles de bronze ont été, à
l'occasion de ce concours, mises à. la disposition du Comité d'Apt
par la Société des langues romanes.
Les pièces de poésie devront être adressées, avant le 15 août, à
M. Légier de Mesteyme, secrétaire du Comité provençal, à Apt.
Las Ordenansas et Coustumas del libre blanc, publiées avec une in-
troduction, des notes et un glossaire, par M. le docteur Noulet, de
Toulouse; — les Patois de la basse Auvergne et leur littérature, par
M. Henri Doniol. formant les tomes III et IV de la collection phi-
lologique de la Société, paraissent à l'instant. Il en est de même
du Dictionnaire des idiomes romans du midi de la France (tome 1er,
2e livraison), par M. Gabriel Azaïs.
5G CHRONIQUE
Les Coûtantes d'Agen, par M. Ed. Lidforss. seront prochainement
distribuées aux souscripteurs.
D'assez nombreux recueils de poésie et de prose languedociennes
et provençales sont, en ce moment en préparation. Nous signale-
rons dans le nombre, etpar la même occasion nous recommanderons
à nos lecteurs, les suivants : lou Campestre, par M. J. Laurès , in-
12; — Flouretosde mountagno, par M.MelchiorBarthès, deSaint-Pons,
in-lî ; — les Grils, par M. Auguste Fourès: sous presse tous les
trois à l'Imprimerie centrale du Midi; — Jean de la VaXado, recueil
des pièces de poésie et de prose de Victor Bourrelly, publiées par
le neveu de l'auteur, avecl'aidede M. Marius Bourrelly:— lis Aupiho,
poJsios et légendes provençales, par M. Marius Girard, de Saint-
Kémy; — Chalendo, par M. Aimé Giron, du Puy-en-Vélay, etc.
*
* *
Poésies et textes en langue d'oc insérés en divers journaux :
— A Moussu A. de G... doou joumnii de Fourcauquiè, poésie en lan-
gage de Marseille, par M. Alfred Chailan {Journal de Forealquier,
28 janvier). — Brinde (en prose) d'En Froncés Vidal, à la réunion
de la maintenance de Provence, le 28 janvier (Journal de Foreal-
quler, 4 février). — Un Lourren à Moussu de Gagnaud, sonnet signé
E. A mou n ami e mèstre Rowmaniho, pantniage, poésie provençale,
par M. Maurice Faure (Journal de Forealquier, 11 février). — Per
loupaoure Lyounés, poésie languedocienne, par M. Cli. Gros (Petit
Midi, de Montpellier. 18 février). — La Catastropha de Graissessac,
par le même (même journal, 22 février). — Un bon coimsel, par le
même (même journal, 25 mars). — Lou Grillet, par le même (même
journal, 2.5 mars). — Aca/np de la manlenènço de Prouvènço, relation
en prose provençale, par M. Descosse, de la réunion de la mainte-
nance de Provence, à Ai.v, le 28 janvier. Brindes en vers de MM. Des-
cosse et Guillibert [Journal de Forealquier, 25 mars). — A J.-B.
(,'.<ut, sonnet monorime, par M. Marins Bourrelly; A Marius Bour-
relly, réponse, sonnet également monorime, par M. Gaut (Avenir
de Marseille, mars 1877). — La Pieoto, poésie languedocienne, par
M. Benjamin Fabre (V Hérault, de Béziers, 30 mars). — Sonnet,
en provençal, par M. Descosse (Journal de Forealquier, 1er avril).
— LouTems de ioy, poésie languedocienne, par M. Charles Gros
(Petit Midi, de Montpellier. 6 mai). — Lou Teins à vent, par le
même même journal, 13 mai). — Pastouraîa, par le même (môme
journal, 17 juin).
Le Gérant: Ernest Hamelin.
Errata du numéro dejuin 1870
Mélanges d\ langue catalane. — P. 225, 1. 10, bo; li<ez : ho adv.
— L. 17, Gueîl; lisez: Gu-ell. —P. 229, I. i du bas. fassaca;
lisez : fassa ca .
/., Jjivre des manières. — P. 253,1. 19. au fréteur: lisez: aux lecteurs.
— L. 29. couveictise; lisez: couveistisse. — P. 254, I. 16, défendu;
lisez: défensi . Devei est le nom verbal de devéer. — P. 255. I. 2,
prente; lisez : pren te- — I'. 256, I. 10, dels; lisez: cPels. — P. 262,
I. 5 Supprimer la note relative au v. 1185.
DIALECTES ANCIENS
UNE INSCRIPTION EN LANGUE D'OC
DU XVe SIECLE
A. Largentière ( Artlèclie )
Lorsque je commençai à publier ma série d'ouvrages sur les
traditions, légendes, proverbes, dictons et sobriquets popu-
laires du Vivarais ; et, plus tard, lorsque je voulus m'occuper
de Y Anthologie patoise de ce pays, je recherchai avec soin tous
les monuments anciens de notre dialecte, manuscrits, mon-
naies, inscriptions, etc.: mais j'acquis la certitude que, si l'on
trouve dans l'Ardèche beaucoup d'inscriptions romaines, on
n'en trouve pas une seule en langue vulgaire. Pourtant, je me
rappelai qu'étant bien jeune — alors je ne songeais nullement à
l'histoire de mon pays — j'avais entendu parler d'une inscription
« écrite en patois. » Je cherchai longtemps dans mes souvenirs,
je demandai des indications à tous ceux qui s'occupent de l'his-
toire du Vivarais : pas un ne connaissait rien de ce qui m'in-
téressait. Un jour, que j'étais allé à Largentière dessiner un
magnifique bas-relief du Xe siècle ', je découvris l'inscrip-
tion dont j'avais entendu parler, et que j'avais vue bien sou-
vent, sans m'en douter.
Cette inscription est dans l'église de Largentière. Avant de
la faire connaître, que l'on me permette quelques détails pré-
liminaires.
On voit encore, à Largentière, des ruines du couvent des-
Cordeliers, qui fut détruit par les calvinistes en 1502. Ce
1 Ce bas-relief était placé, en cuise d'enseigne, au-dessus do la porte
d'entrée de la tour qui servait d'atelier monétaire aux premiers exploitants
des mines d'argent de cette ville.
5
5* DIALECTES ANCIENS
couvent, fondé vers Tan 1236, dix ans après la mort de saint
François, était un des plus importants de Tordre, si Ton en
juge par les détails contenus dans un mémoire laissé en 1781
par un Père cordelier, mémoire que j'ai pu me procurer de-
puis la découverte de l'inscription.
Le couvent ayant été pillé et incendié, les religieux, au
nombre de près de cent cinquante, avec un évêque inpartibus
pour gardien, furent obligés de se retirer chez eux; un petit
nombre resta à Largentière avec le gardien, dans une maison
appartenant à ce dernier, et qui devint le petit couvent des
Cordeliers.
C'est dans les archives de ce couvent, détruit à la Révolu-
tion, que l'on trouva l'intéressant mémoire dont je viens de
parler '.
Ce précieux manuscrit contient la description très-détaillée
du grand couvent détruit en 1562. Voici quelques détails sur
l'église et la sacristie :
« De ce mesme costé étoit aussi la sacrestie, lieu où se met-
» toient les ornements de l'église. Elle étoit fort riche, ayant
» un nombre de vases sacrés, car on y comptoit onze calices,
» au nombre desquels étoit un d'une grandeur prodigieuse,
» une forte croix d'argent pour l'usage des processions; elle
» avoit aussi des beaux et riches ornements en chasubles,
» chapes dalmatiques, la plus grande partie en velours et en
» soie, etc.
» ette église, fort belle et fort propre, étoit en grande par-
» tie tapissée d'une fort belle étoffe de différentes couleurs,
» appelée filet d'Auvergne et de filet de Flandre. Une fort belle
» chièreQn pierre de taille toute scultée, et d'une seule pierre,
» faisoit un des principaux ornemens.On la voit aujourd'hui
» à la paroisse . . .»
Et dans Yenquête nous lisons : « Loys Fayolle dict qu'il
» demouroit pour travailler à ses journées avec Claude Borie
» et Pons Allamel, luy firent aller quérir avec Jehan Doms,
» dict Piac, et quelques aultres que ne lui recorde une chière
1 Ce mémoire appartenait à M. Roure, avocat à Largentière; il passa
plus tard dans les mains de M. Pellier, notaire à Joyeuse.
UNE INSCRIPTION EN LANGUE d'oC
m
» de pierre qu'est en l'église duel, couvent qu'ils trouvarent
» arranchée et mise en pièces; laquelle chière, après Jehan
» Serre, maçon, redressa en l'église dud. l'Argentière . »
C'est sur cette chaire, qui se trouve en effet dans l'église pa-
roissiale de Largentière, qu'on peut voir la belle inscription
languedocienne dont voici la copie très- exacte :
&*£&K
» pierre
6 *i armer
I âieit'jjngrre
I «
Îj
Se e©Wns &p
I
i
s I
tf. F./ecrt
L'an M. CCCC. LXXXXetle VII d'octobre, hieu, Pierre
Guarnier de Colens ay donat aquesta chadiere al convent,
eque
60 DIALECTES ANCIENS
Dans le mémoire manuscrit, cette inscription est mentionnée
ainsi : « Autour de cette chièreon lit, en caractères gothiques,
» ces mots : l'an MCCCCLXXXX, Vil octobre, Jean- Pierre
» Garnier, de Coulens ', ay donnât a questo cadièro al couvent
» dos frayres minours de Largentiera . »
On remarquera qu'il y a une petite erreur dans le mémoire :
sur Tinscription il n'y a pas Jean-Pierre Garnier, mais bien
hieu Pierre Guarnier [moi, Pierre Guarnier). L'artiste de Cou-
lens a voulu accentuer la donation de son œuvre, qu'il a si-
gnée comme on signe un testament ou tout autre acte de
grande importance.
Maintenant, l'imagination de l'auteur du mémoire a-t-elle
complété l'inscription de Pierre Guarnier, ou bien pouvait-
on lire à cette époque, sur le quatrième panneau, compléte-
tement effacé aujourd'hui : dos frayres Minours de Largen-
tiera ?
Cette dernière supposition ne me parait pas admissible : le
troisième panneau, sur lequel on lit : 1490. P. G., eût été
une solution de continuité; la phrase se serait trouvée coupée
de façon à détruire l'harmonie qui règne dans toute la chaire.
Pourtant, le dernier mot de l'inscription, eque, indique bien
qu'il y avait autre chose, mais il est impossible de déchiffrer
ce panneau : tout a été gratté au ciseau.
Il n'est pas étonnant que mes compatriotes et amis n'aient
pu me renseigner sur cette inscription languedocienne, lors-
qu'on songe que M. Ovide de Valgorge, qui a fait une minu-
tieuse description de l'église de Largentière, ne l'a même pas
mentionnée.
« La chaire qui décore l'intérieur de cette église, dit-il, est
» remarquable surtout comme incrustation de l'époque du
» style ogival flamboyant... Elle est couverte d'arabesques en
» relief d'un riche goût, et porte, gravée sur l'un de ses pan-
» neaux, la date de sa construction -. »
Dans la destruction du monastère des Cordeliers de Largen-
tière, durent disparaître, perdus pour toujours, des documents
1 Coulens est un hameau de la commune de Ohassiers, à 3 kilomètres
de Largentière.
1 Souvenirs de l'Ardèche, t. Il, p 319.
UNE INSCRIPTION EN LANGUE d'0C 61
de la plus haute importance pour l'histoire de la langue d'oc ;
la bibliothèque était considérable. Voici quelques détails na-
vrants relatés dans le mémoire : «Aussy bruslèrent dans led.
» couvent tous les livres d'iceluy couvent, tant ceux de l'église
» que autres de la livrerie où estoit le canon civil, les quatre
» grands docteurs de l'Eglise, quatre bibles en parchemin ; il y
» en avoit plus de six charges, et pour les faire brusler et plus
» vistement, «7s jetèrent d"hgle d'olive dud. couvent, environ
» demi-charge . »
« Parmi les manuscrits précieux, dit Ovide de Valgorge,
étaient une Bible du XP siècle, présent du pape Clément VI
au cardinal Pasteur Serrets, qui l'avait, en mourant, léguée
au couvent des Cordeliers d'Aubenas, qui, à son tour, l'avait
envoyée en cadeau au couvent des Cordeliers de l'Argentière:
Bible magnifique, couverte de précieuses et nombreuses en-
luminures; et une relation du voyage fait en Terre Sainte, à
l'époque de la première croisade, par Pons de Balazuc '. »
Je pourrais grossir cette note en donnant des extraits de
l'enquête qui eut lieu en 1562, sur la destruction du couvent
des Cordeliers de Largentière ; c'est la partie la plus curieuse
du mémoire : toutes les dépositions sont écrites en mauvais
français et en dialecte vivarais. Pour aujourd'hui, je me borne
à la communication de mes recherches sur l'inscription.
Henry Vaschalde.
1 Souvenirs de lArdèche, t. II, p. 314.
— - — *s£7fà$fà?fcï*^-—
DIALECTES MODERNES
HISTOIRE LITTÉRAIRE
DES PATOIS DU MIDI DE LA FRANCE
AU XVIIIe SIÈCLE
APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE
Comprenant le Catalogue des ouvrages écrits dans les patois du Midi de
la France au XVIIIe siècle
[Suite et fin)
309. Recueil des Prières et Cantiques spirituels à l'usage des
missions des R. R. P. P. Capucins.
Toulouse. 1781, in-12, 108 pages.
Les Cantiques en langue vulgaire occupent les pages 09-74.
310. Recueil nouveau de Prières et de Cantiques provençaux.
Par un curé de Provence, sans lieu ni nom d'imprimeur. 1785.
311. REURETs(Les) deClimène, par M.***.
Al lebat de l'Auroro,
Dins un pradel de flous. . .
Cette Chanson se trouve dans le Recueil de Romances historiques,
inulres ctburlcsijiirs, etc. , et dans les poésies paloises qui font suite
aux. Obras coumplètas des frères Rigaud, p. 177; elle y est attribuée
à l'abbé Morel. V. ce nom.
312. REMERCioMENde Janot, ou le Trinlle de Toulouse.
V . Baour.
*
313. Réponse per dom Diego de Crocrico, chevalier des ordres
errans et géographe imaginaire de Sa Magesté portugaise, auBourg
stultorum landidorum, dans la principauté du Brésil, à Messieurs
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 63
les fameux poètes qui, sous le nom de Troubadours, ont donné au
public le poème comique de la Patte enlevée, en langage pro-
vençal.
Garpentras, à l'enseigne de la Vérité, 1741, in-12.
314. Responsou d'un home que s'es rettira dou mounde.
Garpentras, 1741, in-12.
G. Brunet, Lettre sur les patois, p. 23, et Pierquin de Gem-
bloux, Hist. litt. des patois, p. 317.
315. Réveillon (L'abbé). Elotché dé Labrando, marchando de
froumatchous à Narbouno.
Par M. l'abbé Réveillon, conduché du vénérable Chapitre de
Saint-Paul deNarbonne.
Je dois une copie de cette malice dévote à feu M. L. Galibert.
316. Richard (Le chevalier de). Le Retour du Parnasse. Par
M . le Chevalier de Richard .
Amsterdam, chez J. Ryckhoif Gis, libraire; 1755, in-8°.
Recueil de petits vers français, avec dix couplets en patois bas-
languedocien, les uns et les autres d'une complète insignifiance.
317. Rigaud (P.Auguste). Las Vendemias de Pignan, poëma
per Rigaud.
Mounpeïe, Tournel, an II de la Répubhca, in-16.
C'est dans cette édition que l'on trouve l' Arisïocratia chassada
de Mounpéiè, pièce de vers de l'an 1790.
318. Rigaud (P.Auguste). Las Véndémias dé Pignan, pouëma,
coumpaousat en 1780 per P.-A. Rigaud.
Mounpéiè. Tournel, an II, in- 10.
« Édition princeps de ce poème. »
Bibl. patoise de M. Burgaud des Marets, n° 1044.
319. Rigaud (P. Auguste et Cyrille ). Obras coumpletas d'Au-
gusta Rigaud et de Cyrilla Rigaud, en patoués dé Mounpéiè
Mounpéyè, Augusta Virenque, 1S45, grand in-18.
Cyrille Rigaud a publié aussi: Poésies diverses de Cyrille Rigaud,
ancien professeur du Lycée de Montpellier. Montpellier, .T. -G.
Tournel; 1821, in-12.
Ce recueil ne contient que des compositions françaises.
320. Rivarès (Frédéric ). Chansons et airs populaires du Béarn.
Pau, E. Vignancour; sans date, gr. in-8°. — V. ce titre.
321. Roby (L'abbé ). Compliment fait à M. de la Millière, inten-
84 DIALECTES MODERNES
dant de cette ville (Limoges), en 1751. par un écolier du collège
dos Jésuites travesti en paysan limousin.
Dans les Pièces diverses, à la suite du Recueil rie poésies de F.
Richard, tom. II, pag. 262. Limoges, Fr. Chapoulaud, sans date.
L'abbé Roby était né à Limoges; il mourut en 1 701. Il aurait
parodié Virgile (Rec. cit., p. 16.)
322. Roche, voyez Nôëls en français et en langue vulgaire.
323. Roches ( L'abbé ) Le Grand et Petit Catéchisme, composé
par M. Roches, curé de la paroisse de Mont-Gaillard, au diocèse
de Toulouse, approuvé par le R. P. Rougnan, religieux des frères
prêcheurs et professeur royal à Toulouse, à l'usage de J.-F.-Ant.
Mobilier, curé de Folcarde, au diocèse de S. Papoul. 1780.
Manuscrit in-8», avec le texte français en regard de la traduction
patoise.
Dans ses Lectures, l'abbé Mobilier nous apprend que l'abbé Ro-
ches mourut à Séville,en Espagne, où il avait émigré.
324 . Romance provençale :
Lou béou Tircis se proumenavo
Soulet un jour
Dans le Recueil de romances historiennes, tendres el bwiiesciues, etc.,
tom. II, p. 332
V. ce titre.
325. RouppiAû ( L'abbé). Épitre à M. Bourguet.
M. Magloire Nayral a cité de longs fragments de l'Epitre de l'abbé
Rouffiac, connu sous le nom de Curé de Sarclas. Biugr. caslraise,
tom. III, Supplément, p. 588.
326. Routtier ( Alexandre ). Lou Maiïagi de Margarido, cou-
médio en un acte.
Marseille, 1781, in-8°, 32 pages.
Il a élé fait plusieurs éditions de cette comédie.
327. Royer (Louis-Bernard). Fragments d'une poésie: lou Chin
de Cambau, in li Parpaioun blu de AV. Bonapaite-VVyse. Avignoun
Gros. 1868, in-12, pag. 201-203.
328. Royeu (Louis-Bernard). Ghincho-Merlinçho, en BathfAnglo-
terro), encô de G. Lewis, libraire-editour. carriero diclio « North-
gate street ». 12; 1871, in-4° (tiré à 27 exemplaires, dont un sur vé-
lin, et publié par M. W. Bonaparte-Wyse).
320. San(juil-;em. Lou Maridatge de Camardou.
M s. du XV11L siècle (Pau).
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 65
330. Sarrau. L'Amour mouyat, imitatioun d'Anacréon.
A la suite des Obras coumplètas d'Augusta et dé Cyrilla Rigaud.
Montpellier, 1845, in-12, p. 171-172.
Sarrau fut professeur à l'École de chirurgie de Montpellier vers
le milieu du XVIII* siècle.
331. Sauvages (L'abbé P. -A. Boissier, de la Croix de Sauva-
ges]. Dictionnaire languedocien-françois, ou Choix des mots lan-
guedociens les plus difficiles à rendre en françois. Contenant un
recueil des principales fautes que commettent dans la diction ê1
dans la prononciation françoise les habitansdes Provinces méridio-
nales du royaume, connus à Paris sous le nom de Gascons. Avec
un petit Traité de prononciation et de prosodie languedocienne.
Ouvrage enrichi, dans quelques-uns de ses artHrs, de notes his-
toriques et grammaticales et d'observations de physique et d'his-
toire naturelle. Par M. l'abbé de S***.
Nismes, Michel Gaude; 1756, 1 vol. in-8*.
332. Sauvages (Pierre-Augustin Boissier de la Croix de Sau-
vages). Dictionnaire languedocien-françois, etc., nouvelle édition,
corrigée et augmentée d'une nombreuse collection de proverbes
languedociens et provençaux.
Nismes, Gaude; 1785,2 vol. in-8°.
333. Sauvages ( L'abbé de). Dictionnaire languedocien-français,
etc. Par M. l'abbé de Sauvages.
Nouvelle édition, revue, corrigée, augmentée de beaucoup d'arti-
cles, et précédée d'une Notice biographique sur la vie de l'auteur
par son neveu, L. A. D. F.
Alais, J. Martin; 1820, 2 vol. in-8».
334. Seré. Le Poble moundi, à Mounseignou le Prumié Pre-
siden.
ln-4° de 4 pages, sans nom d'auteur, ni d'imprimeur, ni lieu,
ni date.
Cette pièce de vers est de Seré, de Toulouse, composée en 171 1,
à la louange du Premier Président au Parlement, Bertier de Ma-
lholas, seigneur du Vernet.
V. Le Poble moundi.
o35. Serè. Pièces de vers, à la suite des Œuvres de Pierre Go»-
delin, édition de Lecamus, 1713, in-12, et dans les suivanies.
On y trouve : ln un Sounet al Rey, sur le retour du premier pré-
sident de Bertier, à Toulouse (il venait de Pau), en 1710 ; 2° un
66 DIALECTES MODERNES
sixain, à M. de Bertier, en 1710 ; 3° A Monseignou de Bertié, prumié
presiden .
La dernière pièce est la même que le Poble moundi.
336. Seemotj (Lou) deu Curé de Bideren, X Ville siégle.
Pau, Léon Ribaut, 1873, in-8°.
C'est là un de ces sermons de fantaisie, relevés par des traits
plus ou moins risqués.
337. Sermou (Lou) deu Curé de Bideren, XVIII* siègle (Publicat
per la segounde betz).
Pau, Léon Ribaut; 1875, in-8°, 15 pag.
338. Sermou (Lou) deu Curé de Bideren, XVIIIe siècle Ma-
nuscrit. Le sermon y est moins développé que dans les deux im-
pressions qui précèdent.
339. Sermou prexat à Santo-Sezeillo, etc.
V. Fournès.
340. Soleil (Le) de Noël, né à minuit pour éclairer tout le
monde. Noëls nouveaux composés à S. Elix de la Terrasse, par C . .
Toulouse, veuve de J.-P. Robert, sans date, in-12.
341 . Saint-Salvy (Bernard de). Bersis beoumountouèsés. Poiu'-
sios de Moussu B. de St-S.
Toulouse, Lagarrigue et Dours; sans date (1834), in-12.
342. Sonnets, mal à propos attribués à Pierre Goudelin, par
M. Dumège, Hist. des instit. de la ville de Toidouse, t. IV, p. 86.
V. Pastiches.
343. Stansos. A la mémorio dé Pierre Goudouli, Stansos, par
un maître es Jeux floraux.
Dans le Supplément aux Affiches Annonces, etc., de Toulouse et du
haut Languedoc, du 17 juillet 1774.
344. Superbie-Cazalet. Carte à Théophile Bourdeu.
Dans les Poésies béarnaises.
V. ce titre.
345. Thobert (l'abbé). Cristoou et Fresquiero, ou la Queue de
l'âne arrachée, comédie en un acte et en vers.
Marseille, Terrasson',-1825; in-8°, 15 pages. Réimprimé à Mar-
seille, quelquefois avec des variantes, en 1826, 1830, 1838, 1852,
etc.
346. Thorert, Meste Mauchuan, ou le Jugement de l'Ane, co-
médie en un acte et en vers provençaux.
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI fiT
Marseille, 1813, in-8°, 12 pages.
Des rééditions en ont été faites en 1825, en 1840, etc.
L'abbé Thobert, professeur de théologie au séminaire du Bon-
Pasteur, mourut en 1777. On lui doit une autre comédie, M. de
Ravina, restée inédite, et une pastorale sur la Naissance deJésils-
Christ, dont il a été fait en Provence de très-nombreuses éditions.
347. Traduction languedocienne en vers du premier chant de
^Enéide, de Virgile.
Ms. possédé par M. Gavallier, de Montpellier.
La date probable de cette traduction est 1740-1750 (M. Gavallier).
348. Testament d'un juif de la ville de Garpentras.
Carpentras, S. D., in- 16, 17 pages.
D'après le catalogue de M. Bory, n° 1931, la première édition
appartiendrait à l'année 1722.
349. Traduction de l'Ode d'Horace qui commence ainsi : 0
nata mecum consule Manlio . . .
Un feuillet manuscrit, in-4°, 2 pages, écriture du XVIIIe siècle.
Cette imitation est écrite dans un excellent patois de Toulouse.
350. Tbioumphe (Lou) de Marsillo, odo.
Marseille, Mossy, 1756, in-4°.
1 M. Pierquin de Gembloux, Hist. litt. des patois, p. 330.
351 . Vellote, ou le Mariage à la mode. Comédie en cinq actes
et en vers, mêlée de chants et précédée d'un prologue.
Pièce écrite dans le dialecte de Gignac (Hérault), en 1716.
Manuscrit in-4».Le titre a été ajouté par feu M. Léon Galibcrt.
qui m'avait amicalement offert cette rareté patoise
352. Vergnes (Jean-Baptiste). L'Auta de la Grand Garriero.ou
Moussu Bernard, coumedio en dus actes et en berses patois (sic).
Representado le prumier cop à Toulouso, al catl'é del Globo, le
24e juin 1787.
Per l'autou de la Vergnade, 1787.
Un vol. manuscrit, in-lol°,de 235 pages, autographe de l'auteur.
Vergnes était un marchand de coton de Toulouse, qui, à propos
d'un reposoir élevé dans la rue Pharaon, s'est livré à un long ba-
vardage, dans lequel il a fait entrer sa propre biographie. C'est un
honnête rimailleur, qui se prend au sérieux comme poète, ainsi
que tant d'autres de notre temps, et avec aussi peu de raison
353. Vers en langage toulousain, sur les Noëls de Monsieur
l'Abbé Plomet, signés R. M. A. 1721.
63 DIALECTES MODERNES
En tête de le Pêcheur secouru par le Librrateur, etc., par l'abbc
Plomet.
V. ce nom.
354 Vers pour Mgr d'Antraigue à son arrivée dans Beaucaire,
le 10 juillet 1767. — Lettre à M. Silvestre, prêtre de Tarascon. —
Vers pour le R. P. Fidèle Marie, capucin, ayant prêché le carême
à Beaucaire, l'an 1767. — Vers pour M. Brideine, prêchant à Ta-
rascon, l'an 1767, in-12.
Bibl. patoise de M. Burgaud des Marets, n° 1224.
355- Vers patois :
Pastou que l'amour meno, etc.
Dans une lettre envoyée à Grégoire par les Amis de la Constitu-
tion d'Agen. V. Lettres à Grégoire sur les patois de France, publiées
par M . Gazier dans la Revue des langues romanes, 2e série, tom. I,
p. 286.
•
356. Versés sur lou Cussou dasPenitens blancs.
Manuscrit in-4°, de 1775. d'après M.Léon Galibert, qui avait
bien voulu m'en fournir une copie.
357. Vigne ( L'abbé ). Contes en vers prouvençaux, imprimas per
la premiero fés en Avous 1806.
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur, ni lieu.
Ce livret fut publié à Aix-en-Provence, par le libraire Pontier.
Les éditeurs du Bouquet prouvençaou ont consacré une notice à
l'abbé Vigne et reproduit huit de ses Contes.
358. Vocabulaire patois-franeais-anglais et proverbes patois, dans
une lettre adressée à Grégoire, touchant lahingage du département
du Gers. ( Voyez Lettres à Grégoire sur les patois de France, in Revue
des langues romanes, l" série, tom. VIII, p. 95 à 97 et 102.)
Seconde Partie
PIÈCES SUR LA RÉVOLUTION
1 . Abis d'un boun pastou à sous parrouquias.
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; ni lieu, ni date, in-8».
(lontre le serment, exigé du clergé.
ï. Abis, noun pas à las brabos gens, mes al Pèro Sermet.
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; sans lieu ni date. in-8o.
3. Abis à las brabos Lrens, tant de la bilo que de la campagno
HISTOIRE DES PATOIS DÛ MlDÎ 69
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; sans lieu, ni date, in-8».
Cette brochure est attribuée au Père Sermet, dans YAbii précé-
dent.
V. Sermet.
4. Abis salutari al paure poplé de Toulouso e de las campa-
gnos.
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; sans lieu ni date, in-8°.
Pamphlet quelque peu ordurier, mais en bon patois de Tou-
louse, contre le P. Sermet.
5. Artaud ( Joseph ). Recueil de chansons patriotiques pour
toutes les fêtes de l'année.
Draguignan, an VII, in- 12.
Catalogue Bory, n° 1847.
6. Au loup!
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; sans lieu (Toulouse), ni
date (1791), in-8°.
Satire contre l'évêque constitutionnel Sermet.
7. Auriol dit Langautier. Tableau actuel de la situation pu-
blique et triomphante de la République française.
C'est un recueil qui se compose de:
1° Hymne patriotique sur plusieurs airs, chanté au Temple de
la Raison de la commune de Toulouse, le 20 floréal de l'an 2e
de la République française, une et indivisible ;
2° Hymno patriotico (sic) cantado al Temple de la Razou dé la
cominuno de Toulouso, le 30 floréal de l'an second (sic) dé la Ré-
publico francéso.
Sur l'airé : Des simples jeux de mon enfance.
3* Aoutro hymno patrioutico. Per la plantatiou de l'Arbre de la
Libertat.
Sur l'airé : Ah ! le bel oiseau, maman, etc
8. Bal des Muscadinats ( Le ). Chanson en cinq couplets, à
l'adresse des Muscadins, les élégants ridicules, après les événe-
ments de thermidor.
Ces couplets ont été cités par M. A. Combes, dans ses Chants
populaires du pays castrais, 1802, p, 100.
9. Baladin ( Le ) démasqué.
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; ni lieu, ni date, in-8°.
Cette violente attaque contre le F'. Sermet contient, à la page 10:
Stançoel Epitapho per Frèro Hyacintho Sermet.
Le père Sermet répondit pur sa Lettre du F F. Sermet au club cita
70 DIALECTES MODERNES
Amis delà Constitution, datée de Saint-Geniés, le 18 août 1790,in-8°.
1(J. Bernadau. Traduction de la Déclaration des droits de l'Homme
en langage de Bordeaux, dans les Lettres à Grégoire sur les patois de
France, publiées dans la Revue des langues roivanes, par M . Gazier,
2e série, T. m, p. 181.
11. Bernady. La Franco régénerado. Pouemo, per M. B ,
citouyen de Mountalba.
Mountalba, de l'imprimario de Fountanel, imprimur de la Sou-
cietat des Amitsdela Goustitutien (sic).
Sans date, in-12.
12. Bouche (Gbarles-François). La Gounstitucien francezo, tra-
ducho counfourmamen eis décrets de l'Assemblado Naciounalo
Counstituanto,enlenguoprouvençalo, é presentado à l'Assemblado
Naciounalo Législativo, per Gharlé-Francés Bouche, Députa de la
ci-davan sénéchaoussado d'Aix, membre de l'Assemblado Naciou-
nalo Gounstituanto, ô enquey d'aou tribunaou deGassacien.
Paris, de l'Imprimarié naciounalo, 1792, in-18.
13. Gansod cantado pés habitans dé Sent-Géniès à l'arribado
dél Pero Sermet. Sur l'Ayre: D'en haut en bas.
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; ni lieu, ni date.
14. Gansou patrioutico. Sur l'airé de Berduret.
Quatre couplets en patois de Toulouse, dans les Couplets dédiés à
la propagande révolutionnaire .
Br. in-12, de 12 pages, sans lieu, ni date, ni nom d'auteur ou
d'imprimeur.
15. Cansou republicaino, ou la Gagado koyalisto. Sur l'ayre :
Il étoit une fillette.
Signée, G. Lavabre.(?)
Il y est question du triomphe des républicains dans le Castrais
(Tarn) et dans lt canton de Rével (Haute-Garonne).
Un feuillet de 2 pages, in-8°. Sans lieu, ni date, sans nom d'au-
teur ni d'imprimeur.
10, Gansou rouergasso, fatjo à l'ouccasiou de la Messo que
l'Intrus de Soumart anguet dire à la Gleyo de St. Marti de l.a-
guepio, à l'imbitatiou de Roucadou et Philip.
Sans nom d'auteur.
Boudés, 1800,in-8o.
17. Gansou sur la Fablo de las Bestios:
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 71
Nostris Aujols nous countabon
Que dins le tems reculât
Toutos las Bestios parlabon
In-4o, 3 pages, sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; sans lieu, ni
date.
Idiome de Foix, à propos d'une élection de l'époque révolution-
naire.
18. Gansou sus Loups.
Dans un cahier manuscrit de l'époque révolutionnaire.
Cette chanson est dirigée contre les curés assermentés.
19. Cantique. Dans le même esprit que le précédent.
Sur l'air : Avec les jeux, dans le village, etc
Sans nom d'auteur, ni d'imprimeur; sans lieu, ni date; in-8o.
20. Cantique patois, sur la fidélité aux légitimes pasteurs et
sur l'infaillibilité de l'Église.
Sur l'air: Le connais-tu, ma chère Éléonore. . .
Quand un troupel, boulache et sans prudenço,
De soun berge n'escouto pas la buux
Dans un cahier manuscrit de l'époque révolutionnaire.
21. Chabot (François). Réponse aux quarante-trois questions pro-
posées par l'immortel Grégoire, digne curé d'Emberménil et député
ta l'Assemblée nationale; vocabulaire français et patois, rouergas ou
aveyronnais,avec l'étymologie des mots de cette langue vulgaire.
— Réponse aux deux principales questions proposées par M. Gré-
goire le 13 août 1790 : Quelle serait l'importance religieuse et politique
de détruire entièrement le patois dans le département 'del 'Aveyron et quels
en seraient les moyens?
(Documents publiés par M. Gazier, Revue des langues romanes,
tom. VII, p. 121 à 133; tom. V11I, p. 71 à 87.
22." Champmas (L'abbé). La Desoulatioun de Mounbran.
Pièce de vers dont je possède deux copies. L'une, la plus an-
cienne, me paraît fournir la composition originale; la seconde, am-
plifiée, ne gagne rien à certaines répétitions d'idées et de ta-
bleaux.
En 1829, l'abbé Champmas, ancien curé de Layrac, près à' A
adressa des vers élogieux à M. Jasmin, qui lurent imprimés dans
les Papillottes .
M. Jasmin répondit par un remerciement au curé-poète et établit
ses droits à l'honneur d'avoir composé la Désolation de Monbran par
ces deux vers :
72 DIALECTES MODERNES
Pintre gascou d'uno bieillu raazuro
Que toun pincel ben d'immourtaliza.
La |)ièce de vers était pourtant déjà ancienne.'.
Une version de la Desoidatioun de Mounbran a été publiée, en
1863. dans les Poésies gasconnes par l abbé Champmas. prêtre du dio-
cèse dAgen.( Agen.J . Pasquier, broch in-8o, avec une photographie
représentant le château de Mon bran.)
Cette pièce y est précédée d'une très-courte notice sur l'abbé
Xavier-Laurent Champmas, né à Agen, eu 1764, et mort dans la
commune de Montjoie en 1832, ainsi que d'une églogue morale
en patois agenois et en gascon, intitulée: las Lermoe de Florimm :
une œuvre de la jeunesse de l'auteur.
23. Collot-d'Herbois (J.-M.). Armana dou père Gérard, per
l'annado 1792, la quatriemou dé l'èrou de la Liberta: ouvrage que
a rampourta lou prix proupousa per la Soucieta deis ami de la
Counstitutioun, Seantou ei Jacoubis, à Pari? ; per J.-M. Collot-
d'Herbois, membre de la Soucieta. Imprima per ordre de Messieus
lei Coumissari civil, députa per lou Hoi din lei ci-davan Etat
d'Avignoun et dou Coumta Venessin. Su l'emprima, à Paris. Et
se ven à Carpentra, che Jaque Allié, mestre poutié de terrou,
din la Grandou Garrierou. 1792. ln-12.
C'est la traduction mot à mot de l'Aima nach du Père Gérard,
écrit en français et publié d'abord à Paris.
24. Couplets chantés en Provence en 1792, lors le la réunion de
Nice à la France:
Dins la Savoio A Vdo-Franco,
Jusqu'à Chamberi, Au lort Mountauban.
Soun tôuii eu joio Niço la blanco.
D'èstre réuni Yolon èstre franc.
Dans YArmana prourençau, 1861. p. 50. Il est inutile de dire que
l'orthographe de ces paroles, et peut-être les paroles elles-mêmes,
ont été retouchées par les rédacteurs de VArmana.
25. Coussel charitable al Pèro Saint-Gès, rettur dal cooletgé
lias douctrinaris à Labaau (Lavaur.)»
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date (1791),
in-8°.
26. Desoulatioun de Mounbran.
V. Champmas.
■11. Dialogo entre dus Paysans des emhirouns de Toulouse à
l'occasion île la nouminatiou del Père (sic) Sermet. à l'Abesquat
de la Métropolo del Sud.
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 73
Brochure de 8 pages, in-8o, sans lien ni date (Toulouse); sans
nom d'auteur ni d'imprimeur.
28. Dialogo entre dus Paysans des embirouns de Toulouso, à
l'ouccasiou de la nouminatiou de) Pero Sermet à l'Abesquat de
la Métropolo del Sud .
Montalba, Fontanel, 1791, in-8o.
29. Dialogo entre le cultibatou Bourrel, de la Parroquio de
Sen-Sarni, de Toulouso, et Mestré Labertat, jardiniè del Bari de
Sen-Miquel,de la mémo Bilo.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, sans lieu ni date (1789),
in-8°.
30. Dialogo entré le Pero Sermet et Mestré Guillaumes.etc.
V. Sermet.
31 Dialogo sul dangé de la Patrio et de la Countro-rebouluciou.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, sans lieu ni date, in-8°.
32. Dialoguo entré un Curé jurât et un paysan que nou bol ]>as
assista à sous Oufficis.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, sans lieu ni date, in-8o.
33. Dialoguo entre dus Paysans des embirouns (sic) de Tou-
louso. Fayt par un chassur de la Legioun de la Daurado.
Toulouso, Yiallanos; sans date, in-8°.
34. Discours en idiome provençal, prononcé le 8 floréal, an
troisième, à Morières, chef-lieu de canton, dans la Maison-Com-
mune, par le citoyen Pertuis, juge de paix.
Avignon, Vincent Baphel, in-4°.
Bibl. patoise de Burgaud des Marets, n° 1258.
35. Discours prononcé par des Citoyennes de Pommiers (ar-
rondissement de Grenoble) à la Société des Amis de la Constitua
tion, séante audit lieu.
Journal patriotique de Grenoble ( n° du 10 février 1792). D'après
M. H. Gariel, dans la Petite Bévue des bibliophiles dauphinois, tom I,
p. 173.
36. Douleenços de la fennos de Toulouso as Estats-générals.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; ni lieu ni date (1789);in-8°,
6 pages.
37. Doulouéncos de las Fillos de serbici de la Bilo do Toulouso.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur ; sans lieu ni date (1789)
in-8°.
38. Douleenços des Paysans Las très-bumblos et tres-respec-
74 DIALECTES MODERNES
tuousos remountrançes (sic) de Jacoumart, sindic des paures pay-
sans del Liuragués.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date (1789);
in-8°.
39. Enterromen del calandrié républicain (sic).
Sans nom d'imprimeur, sans lieu (Foix) ni date (1805); in-4°.
40. Estrênos patriotiquos, dediados à MM. de la Gardo-Na-
tiounalo, et principalomen à MM. les Boulountaris d'aquesto Bilo
(Toulouse).
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date; in-8*.
41 . Exaudiat, en idiome bulgari, Dediat à las Legious de la Bilo
de Toulouso et de soun Departomen, per Moussu 1' Ritou S******,
patrioto zelat.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date (1790);
in-8".
42 Ferran. Odo a la libertat, per M. Ferran, Noutari, Presi-
den de la Soucietat des Amies de la Goustitutiou. seento à Fron-
ton (sic), departomen de Hauto-Garonno, legido per el-mèmo dins
la seenço publiquo del 14 juillet 1791, le premier de l'an 3 de la li-
bertat.
Mountalba, Fontanel, 1791; in-8°.
43. Garisou (La) de Marianno. Cansou patriotiquo.
Ayre : des Deux Savoyards. Une petite Fillette .
Dans les Étrennes mignonnes de 1793 (?); in-32, p. 14.
Mon exemplaire est incomplet par le commencement et par la
fin ; je ne puis donc le rapporter sûrement à une année plutôt qu'à
une autre.
M. A. Combes a cité, dans ses Chants populaires du pays castrais,
deux soi-disant couplets de cette composition, sous le titre de Ma-
rianno. Le premier consiste en un amalgame incohérent de vers
pris au premier et au second couplet. Le second est composé avec
les quatre vers du troisième couplet et la tin du second.
44. Garres ( Jean-Marie-Charles). Dialogo entré dus Insurjats
de l'Armado rouyalo.
Signé G , à la fin.
Sans nom d'imprimeur, ni de lieu (Toulouse) ; sans date (1799);
in-8u.
15. Garres (J .-M. -C). Suito del dialogue (sic) entré dus Insur-
jats de l'Armado rouyalo.
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 75
Signé Garres, à la fin.
Toulouse, Benichetet Gompe, sans date, in-8°.
46. Gillet. Le Ramelet noubel à la mémorio dé défunt Ber-
duret. Pel Gitouyen Gillet A-ynat.
Sans nom d'imprimeur; sans lieu (Toulouse) ni date; in-8o.
47. Gillet. Le Ramelet citouyen, ou lé plazé des républiquens.
Mon exemplaire, le seul que je connaisse, est. incomplet et ne
donne pas le nom de l'auteur. Je crois pouvoir l'attribuer au
citoyen Gillet aîné.
48. Girard. Credo démoucratique (sic).
Signé : G.-D., Legiounari de la Daurado.
L'auteur du Credo est Girard, Toulousain : il l'avait composé en
1790; il le fit réimprimer à la suite du Retour del printens.
49. Girard. — Dialogo entré un Electou qu'a proucedat à'
l'électiu de septento (sic) Curés pel Distric de Toulouso, et uno
Deboto de la même (sic) bilo, retirado dins sa campagno, ques (sic)
situado dins un endret charmand (sic) et soulitari, propre à fa le
delici des qu'aymon à médita las merbeillos de la naturo.
L'Electou passo, la Deboto l'arresto, fa soun signé de croux en
guise (sic) d'exsourcisme, et d'un ton (sic) corrossat (sic*) l'y dits:...
On trouve à la fin : «Legit en séençopublico le 19 juin L791, per
M. Girard pero, granadié de la Daurado; imprimat à la demando
del public et per ordre de la Souciétat des Amies de la Goustilutiu.
Sans nom d'imprimeur, sans lieu ni date (1791); in-8°.
50. Girard. Hymne à l'Eternel.
Sus l'ayre : Quant de copts daban ta porto.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur: sans lieu ni date: in-8o.
51. Girard. Hymno à la Rasou. Ginquiemo delassomen des
republiquains (sic) detenguts à las carmelitos.
Sur l'air : Approchez, citoyens, et chantons la victoire,
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date ; 1 feuillet
in-4° à trois colonnes.
52. Girard. Retour del Printens et de la Libertat, per M. Girard,
père (sic), brabé grenadié de la Daourado et amie de la Soucietal
de la Constitutiou des Jacoupins de Toulouso. et legit en s,rnço
publico al ci-devant (sic) Sénéchal, le 3 avril (sic) L791 .
Es imprimat per ordre de la Societat, Toulouso, Viailano>. 17'.'!:
in-8°.
On trouve à la lin de cette brochure le Credo demoucratico . cité
plus haut, composé par Girard en 1790.
76 DIALECTES MODERNES
53. Grégoire. Rapport sur la nécessité et les moyens d'a-
néantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française,
suivi du décret du 16 prairial an II.
Imprimerie nationale, an II, in-8° de 19 pages.
C'est par exception que nous mentionnons ici le célèbre rapport
de l'abbé Grégoire.
54. L'Abesque merd. . .s. Aire : des Penjats.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur ; sans lieu ni date; in-8°,
une page imprimée à deux colonnes.
Satire, dont le titre indique suffisamment le ton, contre le P,
Sermet, allant se faire sacrer évèque métropolitain du Sud à Paris,
en 1791.
55. Lettre en réponse à celle qu'a adressée le P. Sermet au
club des Amis de la Constitution.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur, 1790; in-8°.
A la page 31 de la Lettre, on trouve le Mouteten l'aunou delfrero
Sermet .
V. ce titre.
56. Ligou. Lou Cura marida. Chanson languedocienne
Dans la collection de Romances, Fables, Odes, Charades, etc., qui
peuvent s'exécuter sur la Flûte, la Clarinette, le Piano ou la Harpe et le
Violon. Mises en musique par les citoyens Ligou et Moulet.
Paris, sans date; in-4°, gravé.
Ligou, l'auteur de ces couplets, quelque peu risqués, était d'Avi-
gnon.
57. .Mahoumet ou Sermet. Titre d'une gravure représentant un
personnage en pied, portant moustache et barbiche, en robe bro-
dée, à collerette comme au temps de Henri IV, et coiffé d'un cha-
peau à la moderne.
On lit au bas de la page :
Tout pa baynat tourne- en soupo. Un feuillet in- i".
58. Manuscrit. Cahier contenant : 1° l'Amour de J.-C. pour les
hommes; Cantique en français
'!" Cantique patois sur la fidélité aux légitimes pasteurs et sur l'in-
faillibilité de l'Éylise. V. ce titre.
3" Pastourale : Despey qu'aquesto prado a perdut soun pastou.
V. Pastorale allégorique.
4° Cansou sus Loups. "V. ce titre.
59. M ilhaud (représentant du peuple). Hymne chantée par le
représentant du peuple Milhaud.
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 77
S. L. (Montpellier) N. D. 8 pages in-8°.
(M. Léon Gaudin).
60. Moutet en Paunou del Fréro Sermet, almounié e prodi-
cayre de la legiou de Sant-Geniès.
V. Lettre en réponse à celle qu'a adressée le P. Sermet. . .
61 . Oumbbo (L') de Goudouli as Pageses.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date (1789) ;
in-8° .
62. Ouvergnias (L') patrioto. Sur l'air : Peyroou rou.
Chanson dans le Recueil de chansons patriotiques, in-12.
63. Pam (Un) de nas, ou le Sourtiletche lebat.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur ; sans lieu (Toulouse) ni
date; in-8o.
Factum contre la Révolution, et surtout dirigé contre le serment
exigé des prêtres.
64. Paraphrazo d'el mandomen dé Pero Sermet, qu'ourdouno dé
Prégarios Particuliéros perla Gounserbatiou dés fruts de la terro.
Pièce en prose, signée Termes, Capelié.
Per Paraphrazo, Grifoulet, sécrét.
La municipalité de Toulouse obligea l'évêque Sermet de publier
un mandement à l'occasion des fruits de la terre compromis. De.
là une Lettre au Père Sermet, évêque de Toulouse, sur son Man-
dement (in-8°, 15 juin 1791), dans laquelle l'auteur attaque, en logi-
cien habile, la légitimité du nouveau prélat.
La Paraphraso d'el mandomen est un pamphlet à l'occasion de ce
même mandement, où l'on reproduit les accusations formulées con-
tre le P. Sermet par le P. Félix, auteur de la Lettre.
65. Pastorale allégorique, Sur l'ayre : Un jour, dins lou bous-
quatge . . .
Despey qu'aquesto prado
A perdu t soun pastou...
A l'occasion de l'émigration des curés non assermentés.
V. Manuscrit.
M. A. Combes a inséré cette Pastorale dans ses Chants populaires
du pays castrais, p . 97 .
66. Pastouralo allegorico al sujet de l'eloignomen del pastre
Tirsis. Sur l'ayre : Al levât de Vaouroro, ou Joax aqueste feuillache.
4 pages gr. in-8°, sans lieu ni date; sans nom d'auteur ni d'im-
primeur.
78 DIALECTES MODERNES
67. Pèro (Al) Sermet.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date ; in-8°.
68. Peyrot (L'abbé Claude). Lo Besprado sooubertouso. Dia-
logué entré Jonéto é Mortrou, de Poillas.
Dans ses Œuvres, p. 122, 4e édit. Millau, Carrère jeune.
V. ce titre.
69. Peyrot (L'abbé Claude). Coumplimen d'un franc potrioto
o l'Aoubré dé lo libertat.
Dans ses Œuvres, même édition, p. 126.
70. Peyrot (L'abbé Claude). Coumplimen fach o l'aoubré de lo
froternitat, per lo communo de P., lou 29 dé juin 1793.
Dans ses Œuvres, même édit., p. 182.
71 . Prôné d'un boun curé, A l'ouccasiou del Sermen (sic) que
l'Assemblado Natiounalo fa demanda, abey, as Abesques, Curés,
Bicaris et autres Capelas occupadis al sant ministeri.
Aquel Prôné ero d'abord en francés, et aprép a estât mes en
gascou, sus la segoundo editiou.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date ; in-8°,
16 pag.
72. Proufessiou de fé des Detenguts dins le loucal de las cy-
dabant Carmelistos, 30 octobre 1793.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; ni lieu ni date ; un feuillet
in-4° à trois colonnes.
73. Pujol, (J.-J.). Noël noubel fayt al seminari per un reclus
(1793).
Dans les Chants populaires du pays castrais, par M. A . Combes.
74. Quatrain en patois :
m
Diou houn lou despotisme é l'aristocratio, etc.
Dans une lettre adressée à Grégoire en 1790, par une personne
du département du Gers. Voyez Lettres à Grégoire sur les patois de
France. Rente <Jes langue* romanes, 2e série, t. I, p. 276.
75. Rasounomen, pensados et reflexious d'un boun pages des
embirouns de Toulouso.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date ; in-8°.
76. Revolutius (Las) de la Franco, per esclaira las gens illi-
térats de la campagno.
Sur l'air: // pleut, il pleut, bergère; ou sur l'aire del: Célébrons lu
victoire, ou sur l'aire: Bierihwrous Labre. Cantiquo en bers libres,
fayt per un curé de campagno.
HISTOIRE DES PATOIS DV MIDI 79
Montalba, Fountanel, sans date, in-8°.
77. Rigaud (Auguste). L'Aristocratia chassada de Mounpeïé.
5 décembre 1790.
Dans les Obras coumpletas.
V. cî titre.
78. Salivas. Abis salutari de M. Salivas lou Xoubé, al brabé
moundé de las campagnos. Oubraxe imprimât per ordre de la
Soucietat des Amix de la Coustitutiou d'Alby.
Sans lieu, sans nom d'imprimeur et sans date; in-8°.
79. Samary. Discours prounouneat sur l'auta de la Patrio, le
14 juilet, 3eannado de la Libertat. Sans lieu et sans date; in-4o.
80. Saurine (L'abbé). Dialogo entre un Curé de boun sen et
le charroun de soun Bilatge, sus les affas del tems.
Sans nom d'auteur.
Toulouso, Viallanes; sans date (1791); in-8o.
Nous attribuons ce Dialogue et celui qui vient après à L'abbé
Saurine, d'après le passage suivant de la satire contre le P. Ser-
met. Au Loup! p. 12, note 2: « En 1791, Saurino rependec dus Dia-
logos joute le noum d'un Curé de boun sen d'ambël charroun de soun
bilatge. »
L'abbé Saurine devint premier vicaire général de l'évêque Sermet
et ne fut pas plus épargné que lui dans les pamplets du temps.
81. Saurine (l'abbé). Segoun Dialogo entre un Curé de boun
sen et le ebarroun de soun Bilatge, sur les affas del tens et las
impousitious.
Sans nom d'auteur.
Toulouso, Viallanos; sans date; in-8°.
82. Sermet (le Père). Abis à las brabos gens, tant de la bilo
que de la campagno.
V. ce titre.
83. Sermet (le Père). Confereuço, faito en sourtin del Sénéchal,
entré le Pero Sermet et Jeannot, moulinié de Pourtet, et Guillau-
més, jardinié del couben des Minimos.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date; iu-8°.
84. Sermet (le Père). Dialogo entré le Péro Sermet et Mestre
Guillaumes , paisan del bilatge de *** Legit le 6 février 1791, à la
séenço publiquo del Cloub des Jacoupins,dins la Salo del ci-daban
Senechal.
Sans nom d'auteur.
8'» DIALECTES MODERNES
Toulouso, Yiallanos: sans date (1791), in-8°.
85. Sermet (le Père). Dialogo entré le Pero Sermet et rnestré
Guillaumes, paysan delbilatge de **■ Legit le 6 février 1791, à la
Seenço publiquo del Cloub des Jacoupins, dins la Salo del ci-
daban Senechal.
Mountalba, Fontanel; sans date (1791); in-8°.
86. Sermet (Le Père) . Discours prounounçat dabant la egiou
de Saint-Ginest , pel R P. Sermet , ex-proubincial des Carmes
descaussés, predicayre ourdinari del Rey, etc.. à l'ouccasiou de la
Federatiou générale
Toulouso, Desclassan; sans date (1790); in-8°.
Le même, avec le titre précédent; Montalba, de l-'lmprimarb de
Fontanel; sans date; in-8°.
87. Sermet (Lou R. P. Hyacintba ). Discours prounounçat da-
vant la Légioun dé Saint-Ginest, per lou R. P. Hyacintha Sermet,
ex-provincial das Carmes descaussés, predicatou ourdinari d'aou
Rey. dé l'Académia dé Toulousa, etc.
Mounpélié, Tournel, 1790; in-8°, 28 pages (M. Gaudin),
88. Seul bon sens (Le).
M. Franckin, avocat. Le sieur Piccard, maître menuisier. Jean
Rerdaulou, vinneron.
Sans nom d'auteur ni d'imprimeur; sans lieu ni date; in-8«.
Pièce contre la Révolution, en prose et dialoguée: Franckin
parle en bon français; Piccard, en français très-incorrect, et Ber-
daulou. en patois de Toulouse.
89. Taschereau de Fargues(P.-A. ). Taschereau-Fargues, à Va-
dier. Président du Comité de Sûreté générale. In-8°, 7 pages; sans
nom d'imprimeur ni de lieu.
Cette pièce, écrite en patois del'Ariége, est datée des cachots de
la Conciergerie, le 10 thermidor (1793), vers minuit.
Elle est placée, avec une pagination particulière, à la suite de
P. A. Taschereau Fargues à Maximilien Robespierre aux enfers.
Paris, 17 pluviôse An trois, in-8°. ( Pièce écrite en français.)
90. Trbneuil. Lou Coumitat de surbeillenço de la coumuno de
Mountalba. as habitansde la campagno de la même coumuno.
Manuscrit autographe de l'auteur.
91. Valikr et Burlot. Le Tribut du cœur, ou les Fêtes citoyen-
nes, comédie-ballet.
HISTOIRE DES PATOIS DU MIDI 81
Avignon, 1790, 111-80.
M. Pierquin de Gembloux, Hist. litt. despatois, p. 331.
92. Villaret (Marc). Discours prounounçat devant la Coum-
pagnédas canouniés de Mounpeyé, lou 20 décembre 1790, per un
dé sous oficiés.
Mounpeyé, Picot, 1791; in-8°, 15 pages.
(M. Gaudin ).
Le Dr Noulet.
LAS GARD10S D'AZILHANET
a l'amic Augusto Fourès
Coumo aimariô d'estre, un bel ser de mai,
Seit joust uno eusino, amount, susRoumiro ;
D'aqui, lou regard tant de païs miro,
Tant que de mira nou fenis jamai.
Las pianos, aval, soun lou vaste chai,
La fount de boun vi dount l'univers tiro;
Ves Aude aviat Tel ravit se viro ;
Dins sous barris viels, de naut, Cieutat jai.
'Laric, Poumairol, las Courbieiros, Noro,
Sembloun de marrôs qu'alargo deforo
Un pastre en brisaut, carut coumo un Mars.
Aquel pastre blanc, qu'on vei de la Gardio,
Es lou Canigou, fier gigant qu'a 'n gardio
Las serros que soun entre las dos mars.
Clar Gleizos.
(Languedocien, A.zillianet et ses environs.)
LES GARDES D'AZILLANET
a l'ami Auguste Fourès
Comme j'aimerais être, un beau soir de mai, — assis sous uno
yeuse, là-haut, sur Romire . — de là. le regard voit tant de pays
— tant, iiue de voir il ne finit jamais.
Les plaines, là-bas, sont le vaste chai, — la fontaine de bon vin
où l'univers puise; — vers l'Aude rapide l'œil ravi se tourne; —
dans ses vieux remparts, plus haut, [la] Cité [de CarcassonneJ gît.
Alaric, Pomairol, les Cornières, Nore, — semblent des béliers
qui surveille au dehors [du parc] — un pâtre en sarrau, sourcilleux
comme | un dieu] Mars.
Ce pâtre blanc, qu'on voit de la Garde, — c'est le Canigou, fier
géant qui a en garde — les monts qui sont entre les deux mers.
Clair Gleizes.
LOU BANC
Perdu dins lis aubre
Dôu bouscas ramut,
Pichot banc de maubre,
Perqué restes mut ?
Sout lou pâli verd que t'oumbrejo
Di rebat arderous dôu cèu,
Amourousamen voulastrejo
La bando folo dis aucèu.
Counèisses tôuti li tendresso
Di bouscarido e di quinsoun;
Ço que piéuton dins si cansoun,
Ço que dison dins si caresso
Perdu dins lis aubre
Dôu bouscas ramut,
Pichot banc de maubre,
Perqué restes mut ?
0 leno e siavo matinado !
Ebri d'amour e de perfum,
L'èr nous trasié sis alenado
Qu'escampihavo coume un fum;
L'aureto emperlavo d'eigagno
Lou fueiage, que fernissié,
LE BANC
Perdu dans les arbres — du bosquet touffu, — petit banc de
marbre, — pourquoi restes-tu muet?
Sous le dais de verdure qui t'ombrage — des reflets ardents du so-
leil,— amoureusement voltige — la bande folâtre des oiseaux. — Tu
connais toutes les tendresses — des fauvettes et des pinsons : — ee
qu'ils piaulent dans leurs chants, — ce qu'ils disent dans leurs ébats.
Perdu dans les arbres — du bosquet touffu, — petit bain- de
marbre, — pourquoi restes-lu muet?
O douce et suave matinée!. . . — Enivré d'amour et de parfum,
— l'air nous jetait ses bouffées, — que, comme une fumée, il épar-
pillait; — la brise secouait des perles de rosée — sur le feuillace,
$4 DIALECTES MODERNES
E de veire aquéu jo, risié
L'eigueto lindo entre li sagno . . .
Perdu dins lis aubre
Dôu bouscas ramut,
Pichot banc de maubre,
Perqué restes mut?
Di teso en flour, li prouvençalo
Fasien lingueto i parpaioun,
Que li frustavon de sis alo
Beluguejanto de paioun:
Li grihet quiha sus li mouto,
Li lesert bevènt lou soulèu,
En nous vesènt passa, lèu-lèu
Trepavon courriôu sus la routo .
Perdu dins lis aubre
Dôu bouscas ramut,
Pichot banc de maubre,
Perqué restes mut ?
Mai limbert, auceloun, floureto,
Parpaioun, cri-cri di campas,
De moun amigo lôugeireto
Avien bello entrava li pas :
Touto à Fur que la trespourtavo,
qui en frémissait ; — et, à lui voir faire ce jeu, — l'onde pure riait
au milieu des roseaux.
Perdu dans les arbres — du bosquet touffu. — petit banc de
marbre, — pourquoi restes-tu muet?
Des allées en fleurs, les pervenches — narguaient les papillons,
qui les effleuraient de leurs ailes — étincelantes de paillettes; —
les grillons, perchés sur les mottes ; — les lézards, buvant le
soleil, — en nous voyant passer, vite, vite, — trottinaient légers
sur la route.
Perdu dans les arbres — du bosquet touffu, — petit banc de
marbre, — pourquoi restes-tu muet?
Mais, lézards, oiseaux, fleurettes, — papillons, cri-cris des champs,
— de ma sémillante amie — avaient beau entraver les pas : —
toute au bonheur qui la transportait, — ses pieds ne touchaient
LOU BANC 85
Si pèd toucavon pas lou sôu,
E coume un pichot roussignôu,
L'enfant di grands iue blu cantavo.
Perdu dins lis aubre
Dôu bouscas ramut,
Pichot banc de maubre,
Perqué restes mut?
Aquéu matin, emé la chato
Que tenié moun cor encanta,
Subre la mousso que t'acato
Urous anèn nous asseta....
Ause enca sa voues que bresiho
De mot qu'oublidarai jamai :
Printèms de Tan, o mes de mai !
Printèmsdôu cor, o pouësio !.. .
Perdu dins lis aubre
Dôu bouscas ramut,
Pichot banc de maubre,
Rèsto, oh ! rèsto mut !...
Louis Roumieux .
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
pas la terre,— et, comme un petit rossignol, — l'enfant des grands
yeux bleus chantait.
Perdu dans les arbres — du bosquet touflu, — petit banc de
marbre, — pourquoi restes-tu muet?
Ce matin-là, avec la jeune fille — qui tenait mon cœur en-
chanté — sur la mousse qui te couvre, — heureux, nous allâmes
nous asseoir. — J'entends encore sa voix qui gazouille — des
mots que je n'oublierai jamais : — Printemps de l'an, ô mois de
mai ! — Printemps du cœur, ô poésie !. . . .
Perdu dans les arbres — du bosquet touffu, — petit banc de
marbre, — reste, oh ! reste muet !. . . .
Louis Roumieux.
LAS GRACIOS DE VISCOUNTI
A MOUN VIELH AMIC EUGENIO MARTIN.
Roudantle piliè prim qu'un large god capelo,
Al mitan d'uno nauco ount l'aigo canto eris,
Las très Gracios de brounze à caro subrebelo
S'adreitoun, abrassant l'urno quejs'escourris.
Soun nudos, — la bèutat de la masclo Cibelo
I a passât dins le cos e tourna-mai flouris
Ambe poumpil redound, se frem, anco pieucelo
Qu'un uscle vert-negras dempuei loung-tems cubris.
Sul planai de la Bourso e las gents afanados,
Davans le port tout bruch, sembloun, ensoulelhados,
Counio clarouns d'aram fa brounzi '1 cantde l'art.
Aglaiè ten les els ves albres e courdages ;
Sousco à la Grecio antico, as sublimis courages,
Cado cop qu'un vaissel largo vélos e part.
A. Fourès.
Bourdèus, abrilh 1876.
(Languedocien, Gastelnaudary et ses environs.)
LES GRACES DE VISCONTI
A MON VIEIL AMI EUûENE MARTIN
Tournanl le pilier grêle qu'un large godet couronne, — au milieu
d'une vasque où l'eau chante et rit, — les trois Grâces de bronze
à figure plus que belle — se dressent, embrassant l'urne qui se vide.
Elles sont nues ; la beauté de la mâle Gybèle — a passé dans leur
corps et de nouveau fleurit — avec mollet rond, sein ferme.
hanche vierge, — qu'un hâle vert noirâtre depuis longtemps couvre.
Sur la place de la Bourse et [au-dessus] des gens affairés, —
devant le port tout [plein de] bruit, elles semblent, ensoleillées, —
comme clairons d'airain faire vibrer le chant de l'art.
Aglaé a les yeux (dirigés) vers mâts et cordages ; — elle songe à
la Grèce antique, aux courages sublimes, — chaque fois qu'un
vaisseau largue ses voiles et part. A. FounÈs.
Bordeaux, avril 1870.
l'erbo dou massacre i
AU FELIBRB G. CHARVBT
L'erme es cubert de clapo e li ro soun fendu :
0 de Tome o dôu tèms quinto ràbi es plus forto ?
Sus l'aven, peralin, un castelas pendu
Mostro si barri rout e si pourtau sens porto.
L'aubre es espalanca;souto l'éurre escoundu,
Se rebalo au mitan di rôumio mita-morto .
Sôuvage es lou trescamp; se vous ie sias perdu,
Aurés au souleias vist que la serp pèr orto.
Pantaiave de guerro e d'orre chapladis
Entre mouro e crestian. Au calabrun que toumbo,
S'ausis de voues estranjo ourla de coumbo en coumbo.
Grand fugue lou massacre, un clôt d'erbo lou dis :
Plôuguè de sang à raisso, e de la roujo plueio
L'erbo fèro a garda li degout sus si fueio.
Teodor Aubanel.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
L'HERBE DU MASSACRE
AU FELIBRE G. CHAR VET
La lande est couverte de débris et les rocs sont fendus: — ou de
l'homme ou du temps, quelle est la rage la plus forte? — Sur
l'abîme, au loin, un noir château suspendu — monlre ses rem-
parts troués et ses portails sans porte.
L'arbre est ébranché ; caché sous le lierre, — il rampe an milieu
des ronces mortes à demi. — Sauvaue est la friche : si vous vous y
êtes égaré, — vous n'aurez vu errer au soleil que la couleuvre.
Je rêvais de guerre et d'horrible tuerie — entre maures et chré-
tiens. Au crépuscule qui descend, — on entend des voix étranges
hurler de combe en combe.
Grand fut le massacre: une touffe d'herbe ledit: — il plut du
sang à verse et de la rouge pluie. — L'herbe folle a gardé les
gouttes sur ses feuilles. Théodore AubaneL.
s
Hieracium murorum (Lin.;
< y^ r*o 1-
L'AUBO '
Tout, subre terro, es gôbi, e de nèblo envoûta :
Sout l'esclot matinié craïno la blancado ;
Un aspre tremoulun reviho la nisado;
L'esfournia, dins soun trau, fai la paumo, acata.
Mai leissas l'astre-rei vers soun trône mounta :
Adieu lou glas! Adieu la fre ! Reviscoulado,
Nosto auceliho bèu la tousco souleiado ;
Dins la ramo brusènto ausès plus qu'un piéuta.
La niue tapé peréu toun grand soulèu, o maire !
0 Prouvènco ! e toun lum s'esclussè: lou troubaire
S'assoulè dins lou sourne, e disien qu'èro mort.
Mai uno aubo, crebant la niéu, amount pounchejo :
Milo voues, tourna-mai, la saludon, que vejo
Sa clarta dins lis iue e soun fio dins li cor.
A. de Gagnaud.
L'AUBE
Tout, sur terre, est engourdi et enveloppé de nuées; — sous le
sabot matinal le givre crépite ; — un âpre frisson réveille les ni-
chées ; — l'oiseau, tombé du nid, tapi dans quelque creux, fait la
paume (s'arrondit en tremblotant).
Mais laissez l'astre-roi monter vers son trône. — Adieu la gelée!
Adieu le froid ! Maintenant ranimée, — notre volée d'oiselets boit
les rayons du soleil ; — d;ins la feuillée bruyante, vous n'entendez
qu'un ramage sans fin.
La nuit voila aussi ton grand soleil, ô mère ! — ô Provence ! et
ta lumière s'éclipsa ; le troubadour — se tut dans les ténèbres, et
l'on disait : Il est mort !
Mais une aube, crevant les brouillards, perce là- haut : — et voilà
que. de nouveau, mille voix la saluent, celle qui à Ilots nous verse
— sa douce clarté dans les yeux et sa flamme au cœur.
A . dk Gagnaud.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
1 Ce sonnet a obtenu la première médaille au concours de poésie néo-
romane de la Société archéologique de Béziers, en 1876.
L'IEME
A-N-ANF. ROQUO- FERRIE
Sécrétai 1 de la Soueietat de las Lengos roumanos
Un vespre, èren al pèd del fioc,
Pecaire. amé ma pauro maire :
Elo me sarrabo un acroc
Que m'èri fach à quauque broc;
E iéu, que vouliù la coumplaire,
Eentemeneri 'questo afaire :
« Ai près van de me marida
Amé Lisoû la terralieiro,
La disou prou bouno oustalieiro;
Poulido, ou cal pas demanda;
Es pla graciéuso e recatouso,
D'un caratèro pla 'mistous:
Amé elo pensi d'estre urous,
E cresi de la rendre urouso.
A dous malhols que fôu de vi.
Uno luserno, uno oulivedo ;
Amé de blad l'on va '1 mouli,
LE SENS
A ALPH. ROQUE-FERRIER
Secrétaire de la Société des Langues romanes
Un soir, nous étions au-devant du feu, — hélas! avec ma pauvre
mère: — elle me reprisait un accroc — que je m'étais fait à une
branche morte, — et moi, qui voulais lui complaire, — jelui entamai
cette affaire ci : — « J'ai pris idée de me marier — avec Elise, la
marchande de faïence. — Elle est jolie, il ne faut pas le deman-
der;— elle est gracieuse et pleine de soin; — avec elle, je pense
être heureux et je crois la remire heureuse. - Elle a deux plan-
tiers qui font du vin, — une luzerne, mie olivette; — avec du hlé
7
90 DIALECTES MODERNES
E Ton a de pa sus la cledo :
S'as un partit milhoû qu'aquel,
Debes me douna touu counsel.»
Ma maire, qu'ère- un cataehirme,
Me respounguèt : « Acù's pla bel;
Mais vendras lèu de ferre vièl
S'apei ta femno a pas ges d'irmè.
Lous jouvensèls, al jour de vei,
Abès lous èls sanjats en prunos;
Amai que parlés de fourtunos
Mensounas pas res pus apèi.
Mais iéu, qu'ai vist tant de magagno,
Qu'ai lou suquet pie de soucis
E ma caro que se frounzis ,
Coumo un telié d'estarigagno,
Podi te douna moun avis :
» Quand dins lou grau ou dins la rade
Veiras dintra lou bastiment
Amé sous pavilhouns al vent,
Es qu'a pla fach la travessado
E qu'avalit lou cargament,
Podes dire à-n-aquelo marco :
on va au moulin — et l'on a du pain sur la claie. — Si Lu as un
parti meilleur que celui-là, — tu dois me donner un conseil.» —
Ma mère, qui était un catéchisme, — me répondit : « Gela est bien
beau; — mais tu vendras bientôt du vieux fer, — si ensuite ta femme
n'a pas d'idée. — Les jouvençaux aujourd'hui — vous avez les yeux
changés en prunes1: — pourvu que vous parliez de biens,— vous ne
mentionnez pas autre chose ensuite. — Mais moi, qui ai vu tant
de contre-temps, — qui ai la tête pleine de soucis — et mon visage
qui se ride — comme une toile d'araignée, — je peux te donner
mon conseil :
» Quand dans le grau ou dans la rade, — tu verras entrer le vais-
seau — avec ses pavillons au vent, — c'est qu'il a bien fait la tra-
versée— et qu'il a réussi son voyage. — Tu peux dire à cette
marque : — Le patron mène bien le navire. — Quand tn verras
1 l''ormuie populaire.
L'iRME ç)I
Lou patron meno pla la bareo.
Quand veirasque lou pastourèl
De countun tèn pla lou troupe!
Sens malafacho e sens mal-astre,
Podes dire : Acô\s un boun pastre.
Quand veiras que dins un oustal
Tout es lusent coumo un mirai,
Despèi lou paire de familho
Jusqu'al mainage que fousilho,
E que nousou lous courrejoùs
Pas qu'amé lou trabal de dous,
As pas besoun que iéu t'afirme
Qu'aquel oustal manco pas d'irme.
Se trobos la femno endacon,
Saludo-lo, car val quicon.
Podes remarca sa tengudo,
Manco pa 'no espillo menudo;
Podes la seguî pas à pas,
Te jogui que la trobes pas
A deburga per las carrieiros
Ame las femnos pachaquieiros :
«Adieu, Louïso! Adieu, Mari! »
E s'arrestopas de courri.
E perqué s'en va buto-buto ?
que le berger, — continuellement, tient bien le troupeau — sans
dommage et sans malheur, — tu peux dire: C'est là un bon pâtre. —
Quand tu verras que dans une maison, — tout est luisant comme
un miroir, — depuis le père de famille — jusqu'au petit enfant qui
court cà et là1, — et que l'on lie les bouts- — rien qu'avec le tra-
vail de deux, — tu n'as pas besoin que je t'affirme — que cette
maison ne manque pas de bon sens. — Si tu trouves la femme
quelque part, — salue-la, car elle vaut quelque chose. — Tu peux
remarquer ses vêtements, — il ne lui manque pas une petite
épingle ; — tu peux la suivre pas à pas, — je parie que tu ne la
trouveras jamais — à débiter des raisons par les rues — avec l
femmes médisantes: — «Adieu, Louise! Adieu, Marie! » — et el
necesse de courir. — Et pourquoi s'en va-t-elle avec tant de hâte ? —
1 Littéralement; qui patauge. — - Litt.: les petites courroies.
92 WALECTRS MODERNES
Es que Famour-propo la suto,
E qu'a lou dedal d'enginat.
Tabé, sus la fi de Fautouno,
L'argau d'ivèr es savounat,
E, quand la figuieiro boutouno,
Lou de l'estiéu es recatat.
Aquelo a pas las mas traucados :
Un sôu, per elo, acô's un sôu.
Mais fa pas de soupos daurados,
Cerco pas las lounzos de biôu.
Tabé, s'es toujour en fatigo,
Arrambo coumo la fournigo,
E flouris coumo l'esparset ;
Car es pas d'aquelos qu'arrambou
E que, quand ou vint francs, lous flambou.
Nani, qu'ai founds de souri bourset
Gardo la pero per lou set.
De que me cantos de fourtuno ?
La fourtuno es al cap des decb,
E Firme, moun efant, n'es uno
Que crento pas ni caud ni frech.
Amé de fourtunos pla bèlos
De qu'ôu fach lous moussus de Celos ?
E d'autres qu'en diguent lous noums
C'est que l'amour-propre la pousse, — et qu'elle a le dé à coudre
préparé pour le travail. — Aussi, sur la lin de l'automne, — le vête-
ment d'hiver est savonné,— et, quand le figuier gonfle ses boutons,
— celui de l'été est renfermé avec soin. — Celle-là n'a pas les mains
trouées : — un sou, pour elle, est un sou ; — mais elle ne fait pas de
soupes dorées ; — elle ne cherche pas [pour ses repas] les filets
de bœuf. — Aussi, si elle est toujours au travail, — elle ramasse
comme la fourmi — et fleurit comme le sainfoin ; — car ello u'esl
pas de celles qui amassent — et qui, lorsqu'elles ont vingt francs,
les dépensent à la volée. — Non, car au fond de la bourse — elle
garde la poire pour la soif. — Que me parles-tu de fortune? — La
fortune est au bout des doigts, — et le bon sens, mon enfant, en
est une — qui ne craint ni le chaud ni le froid. — Avec de Lien
grandes richesses, — qu'ont fait les messieurs de Celles, — el
d'autres non t en disant le nom — nous fâcherions les fils? — Non,
I, ÏKME 93
Pourian fâcha sous rejetouns?
Nou, moun efant, lou qu'a pas d'irme
p]s mal cougat s'es pas enfirme.
Visto-lou pla, se tombo pas,
Vai, trampalejo à cad'o pas.
L'irme, moun fil, acô's la briso
Que torno lou pescaire al grau ;
Acô's l'estello ounte se fiso
Lou marin qu'es su'l grand canau ;
Per lou pouëte, acô's la muso
Qu'i met lou mot dins l'ausidoû ;
Per lou souldat, aeôs la ruso
Qu'i gagnara la crous d'ounoû ;
Per la nobio, acô's la guerlando
Qu'a so'un nobi fara caclot,
E per la femno, acô's l'oufrando
Que farôu un jour à soun clôt !
L'irme, acôs es la girouflado
Que restauro tout lou jardin .
Sans irme, es la nèit treboulado
De desanio e de chagrin;
Sens irme, acôs es la plôurugo
Ounte jamai uno belugo
mon enfant, celui qui n'a pas de sens — est mal cerclé ' . s'il n'est
pas malade. — Regarde-le bien: s'il ne tombe pas, — va, il tremble
à chaque pns. — Le bon sens, mon fils, c'est la brise — qui renvoie
le pêcheur au grau, — c'est l'étoile à qui se confie — le marin qui
est sur le grand canal ; — pour le poëte, c'est la muse — qui met le
mot dans l'oreille ; — pour le soldat, c'est la ruse — qui lui gagnera
la croix d'honneur; — pour la fiancée, c'est la guirlande dont elle
fera présent à son fiancé; — pour la femme, c'est l'offrande que
l'on portera un jour à son tombeau ! — Le lion sens, c'est la gi-
roflée— qui embaume tout le jardin . — Sans le bon sens, c'est la
nuit troublée — par le chagrin et la désunion ; — sans le bon
sens, c'est l'égout aux eaux de pluie — dont jamais une étincelle
[de lumière] — n'éclaire le petit chemin ; — tandis que le bon sens
4 Litt.: mal couvé.
<J4 DIALECTES MODERNES
Esclairo pas lou carrairoû ;
Tandis que Firme, acô's lou temple
Ount on seguis lou boun echemple
Que fourvîo lou desounoù.
» Tabé, moun efant, se ta jouve .
Marco d'abeire de boun sen,
Guèites pas se porto d'argent,
Ni s'es pla poulido e pla jouve ;
Quand seriô pauro coumo Job,
Se creses qu'aje de counduito,
Te la vau demanda de suito. . .
E taras pas un marrit cop. »
J. Laurès.
(Languedocien, Villeneuve -lez-Béziers et ses environs.)
est le temple — où l'on suit le bon exemple — et où l'on évite le
déshonneur.
«Aussi, mon enfant, si celle que tu as choisie — marque en elle du
bon sens, — ne regarde pas si elle porte île l'argent, — ni si elle
est bien jolie et bien jeune. — Quand elle serait pauvre comme Job»
— si tu crois qu'elle ait de la raison. — je vais te la demander de
suite, — et tu ne feras pas un mauvais coun.»
Jean Lauuès.
- tsKS^yfcÇ^t^sx^
BIBLIOGRAPHIE
Le Mystère provençal de Ste Agnès. Examen du ms. de la bibliothèque
Ghigi et de l'édition de M. Bartsch, par Léon Clèdat, ancien membre
de l'École française de Rome. (Extrait de la Bibliothèque des Écoles
d'Athènes et de Rome, t. I.)
M.Léon Clédat, au milieu des travaux importants auxquels il
s'est livré pendant son séjour à Rome, et dont il faut souhaiter,
pour le progrès de nos études, qu'il ne nous fasse pas attendre le
fruit trop longtemps, a eu l'excellente idée de confronter aums. du
Mystère de Ste Agnès, lequel appartient à la bibliothèque Ghigi,
l'édition qu'en a donnée M, Bartsch en 1869. De cette comparaison,
qui, à en juger par le mémoire dont on vient de lire le titre, a été
faite avec autant de soin que de compétence, ressort à la charge
de M. Bartsch un nombre d'erreurs beaucoup plus considérable
qu'on n'aurait dû s'y attendre de la part d'un savant si renommé.
J'en ai compté plus d'une centaine, et M. Clédat n'a pourtant re-
levé que des fautes de lecture; la plupart ont peu de gravité, mais
il y enaunbon quart dontl'effet a été d'altérer, souvent assez pro-
fondément, l'original. Quelques-unes même le rendaient tout à fait
inintelligible.
La conclusion nécessaire du solide et intéressant mémoire de
M. Clédat est qu'une nouvelle édition de Sainte Agnès est indispen-
sable. En attendant qu'on nous la donne1 (et pourquoi M. Clédat,
qui y paraît si bien préparé, en laisserait-il le soin à d'autres'?), je
profiterai de l'occasion présente pour appeler l'attention sur quel-
ques passages de notre mystère, corrigés ou suspectés à tort par
M. Bartsch, ou qui peuvent, à d'autres titres, donner matière à des
remarques utiles2. Chemin faisant, je signalerai quelques-uns des
principaux résultats de la recension de M. Clédat.
1 J'ignorais, quand j'écrivais ceci, l'existence de l'édition de M. Sardou,
et je ne la connais encore que par le compte rendu qui en a paru dans la
Romania.
2 Je ne reviendrai pas, naturellement, à moins que cène soit pour les
rectifier ou les compléter, sur les observations dont ce texte a été l'objet
de ma part, en diverses occasions, dans cette Revue, par ex.: t. VII, 76;
XI, 28, note 1. — Il est possible que plusieurs de mes remarques aienl
déjà été faites par d'autres critiques. Le seul compte rendu de 1 édition de
M. Bartsch que j'aie pu lire est celui de M. l'aul Meyer (Revue cntu/m-
18 septembre 1869).
Otf KTRLIOGRAPHIE
L. 35. Aisso. Ms. ailla, qu'il n'y avait aucun motif de rejeter.
Cotte forme est à la = lai, comme aissa est à sa = sai. Les textes
vaudois ont aylai, par ex.: « Christ es aisi o aylai » (Monastier.
toYn. II, p. 3i6V — M. Bartsch dit à cette occasion que aisa n'a
pas été noté ailleurs que dans Sainte Agnès. C'est possible. Mais
cet adverbe est dans Flamenca, v. 2958, et aussi dans la trad. de
VEv. de S. Jean,xx, 27 ^'Berlin. 1868).
80. Il faut un point d'interrogation, au li<>u d'une virgule, après
ce vers.
81 . Del derier . .M s. del redier, rejeté à tort. C'est une forme pro-
vençale dont on a d'autres exemples. "Voy. la trad. déjà citée de
Saint-Jean, vu, 37 et xi, 24. la Vie de saint Honorât, p. 105 {en
lo redier tractât), et, dans les Mélanges historiques (collect. des do-
cuments inédits), tom. III, p. 542, une pièce datée de Toulon,
1540.
82. Leals. Le ms. portant leails, la correction indiquée était, en
semble, leials. Il y a dans ce texte beaucoup d'autres exemples
d'intervention fautive de lettre.
184. On pourrait, pour combler la lacune que présente ce vers,
proposer se mescla, qui s'accorderait assez bien avec le contexte. 11
faudrait corriger nos le vos linal et remplacer les deux points par
une virgule. Sel du v. 182 = si lo.
195-202. Il résulte de la recension de M. Clédat: 1° que la place
que doivent occuper ces huit vers, lesquels ont été inscrits, après
coup, sur la marge supérieure du f° 70, v°, est incertaine; 2° que
M. Bartsch a interverti dans son édition l'ordre des deux derniers.
Le couteau du relieur a fortement endommagé la première ligne,
qui comprend quatre vers, et probablement emporté la rubrique.
Quoi qu'il en soit, ces huit vers doivent évidemment être mis dans
la bouche d'un des défenseurs du père d'Agnès. On peut, à la ri-
gueur, les maintenir à la place que leur a assignée M. Bartsch ;
mais il vaudrait mieux peut-être les transporter après le v. 150 ou
1 53 1 . Il est, en effet, à remarquer que le couplet qui commence
à 157 est précédé de la rubrique ferfius, bien qu'un seul Romain ait
jusque-là pris la parole. Nos huit vers, dont la rubrique serait
alors secundus, combleraient la lacune. On pourrait, mettant à profit,
les indications de M. Clédat, les restituer de cette façon:
[Seyner no cresas] qu'autre dieu,
Per re que digua cel pa[ga],
4 Ils seraient peut-être encore mieux placés après la réponse du père
d'Agnès à Simpronius (252).
BIBLIOGRAPHIE 9"
[Ajjha en ver le Seyner mieu,
May cel que cresun ii Roma;
[E] cresas ben que li enfant
De mon Seynor sunt tut fondât ',
Qe qe diga aycel ni chant.
En la ley o[n e]s,t enseynal.
203-217. Ce passage doit être transporté après 268. C'est ce
qu'indique un renvoi dont M. Bartsch n'a pas tenu compte, mais
sur la signification duquel il ne peut, dit M. Clédat, y avoir aucun
doute
257. Que em crestia. Lems., d'après M. C, donne que siem.
C'est une forme intéressante et bonne à noter, pour siam (subj .
présent).
SïQ.Cilmajhestat.Ms.ci, qui, je l'ai dit ailleurs, n'exige pas decor-
rection. C'est l'article féminin, sujet singulier. Le sens est l'idole,
l'image {et 349 (idole), 358 (unapeira), etc.), et non cette déesse,
comme traduit M. Bartsch. Pour cette acception, qui manque à
Baynouard, cf. ce vers de Peire Cardinal:
On adzoravon Dieu denant las magestatz,
où il s'agit évidemment de tableaux ou de statues, et cet autre du
Moine de Montaudon :
E vos semblaz
Magestat de pont de faichos.
La lin n'en est pas claire (var. déport); mais il n'est guère dou-
teux que magestat n'y signifie image, figure, sculptée ou peinte.
366. Con lo qi las deu asorar. Le m s. place lo après deu, et on peut,
je pense, l'y laisser Ce doit être un adverbe signifiant là, comme
plus loin, v. 959.
374. Mespresar. Ms. mespensar . Pourquoi ce changement? Mes
pensai- convient fort bien pour le sens, et c'est une forme très-nor-
male. Ajoutons que mespresar se trouve lui-même trois vers plus
bas.
377. Deshonrar. Le ms., d'après M. Clédat, porte deshar, et au
dessus d'sh, deux petites lettres ajoutées, qui sont plutôt _pe que on
Je corrigerais, en conséquence, despe[c\har, qui convient d'ailleurs,
en ce passage, beaucoup mieux que deshonrar.
462. Vestirs. Ms. vestiers, forme très-légitime, qu'il fallait gar-
1 Instruits. Cette acception manque à Raynouard ; mais il y ijn a d'au-
tres exemples. Cf. dans les Récits d'hist. sainte, publiés par MM. Lespy
et Raymond, II, 156: Maesle? fondai z en la art d'estrenomie ( texte béar-
nais).- Le passage provençal correspondant (p. ZM donne perfondatz.
98 BIBLIOGRAPHIE
der. Le sens de vêtements appartient aussi à sou doublet vestiari,
comme au latin vestiarium .
482. Miva. La correction proposée par M.Bartsch (om va) parait
inutile. Lui-même indique milvanus, qui suffit à expliquer notre
miva, pour le sens comme pour la forme. Pour le sens, qui est ce-
lui de fripon, vaurien, ribaut (cf. milva dans le passage de Pétrone-
rappelé par M. Bartsch); pour la forme, car, outre qu'on pourrait
corriger miuva* (rien de plus fréquent dans les mss. que l'omis-
sion d'une lettre, lorsque c'est la même qui suit ou qui précède ), la
chute de 17 ne serait pas bien surprenante. C'est un accident dont
les exemples ne sont pas rares devant les labiales. Je citerai cop—
colp, om= olm, rampam — rampalm; en gascon, bop = vulpes.
497. Per qu'hanc nasquiei. Ms. quahanc. Il fallait corriger qu'anc.
Les Leys d'amors (I, 36) donnent pour règle qu'il faut retrancher Vh
initiale des mots auxquels se joint par élision le mot précédent.
Cette règle esc presque toujours observée par les scribes, tant au
Nord2 qu'au Midi; mais l'exemple ci-dessus de Sainte Agnès se joint
à quelques autres qu'on peut voir dans Saint Honorât3, pour mon-
trer que, tout au moins en Provence, on préférait quelquefois, au
lieu de supprimer Vh, indiquer l'élision en substituant, devantcette
consonne, à la voyelle élidée, celle qui devait suivre. La même
chose se remarque aussi de temps en temps dans d'autres textes,
même devant une voyelle initiale. Ainsi da anar=d'anar ( Blandin,
2217 ) ; que ma aïr = m air ( Gedichte, 292, 3 ) ; sa ajustavon = s'aj .
{Petit Thalamus de Montpellier, p. 359). Cf. dans le même texte,
p. 438 : per tota aquest pays ( fausse analogie). — Ajoutons un exem-
ple catalan : la arch =l'arch ( Revue, XI, 8 ).
520. El bosc dArdena justal palaish Amfos. Telle est, d'après la
recension de M. Clédat, la vraie leçon du ms.,qui confirme pleine-
ment l'ingénieuse restitution de M. Meyer, dans son compte rendu
de l'édit. de M. Bartsch. Ce dernier avait lu El bosc clar deua uist
at. . et corrigé el bosc clar ai vist al.
645. Vai rfesos.Le ms. , d'après M. Bartsch. porte desors. M. Clé-
4 Cf. siuva. seuva de syiva.
2 C'est ce que M. Boucherie a remarque le premier, sans connaître le
passage des Leys rappelé ci-dessus. Voy. Dialecte poitevin au XIII' siècle,
p. 253.
:: Le heregia = Veregia (p. 50, 1. 8 ; 55, 13 du bas ; 57, 13 du bas ); do
Honorât— d'Onorat (60, 3 du bas); so Honorât -s'Onoratt 81 a,1)\
co Honorât - qu' Onoral (86, 17).— Cf. so honor (Archiv. XXXI. 388 a),
so opinio ( Chrestomatie prov., :>91, 17 ), exemples dans lesquels, la
voyelle ne s'élidant pas, la substitution de o à a doit être considérée
comme fautive .
BIBLIOGRAPHIE 99
dat a lu desois. J'aimerais mieux, s'il y avait doute, lire desors, que
je laisserais sans correction. C'est une forme très-admissible. Disais,
qu'il faudrait rattachera hodie, reviendrait d'ailleurs, pour le sens, à
peu près au même. Mais je ne connais pas d'exemple de l'adjonction
à oi de Y s adverbiale.
669. Ques ieufos. Cela ne donne pas un sens satisfaisant. J'écri-
rais que s'ieufos. On pourrait mettre un point d'interrogation à la
fin du vers, mais ce n'est pas indispensable. Le jeune homme parle
ironiquement.
707. Espautat. Même forme au v. 1362. M. Meyer avait proposé
de corriger espantat, mais ce n'est pas nécessaire. Espautar, que
mentionnent d'ailleurs Raynouard et Rochegude, est encore en
usage dans la Provence.
720. Nos emvengut. Le ms., d'après M. Clédat, porte nos sa siam
vengut. Sa, faussant la mesure, est à rejeter *, mais il faut conser-
ver siam = eramus. C'est un nouvel exemple de cette forme rare.
Cf. Revue, XI, p. 30. Aux exemples modernes rapportés en cet en-
droit on peut joindre les suivants, qui sont de l'abbé Favre : « T'en
souvenes d'aquel souer que sian mountas ..» — «Tout ara n'ou sias
pas tant = . . tu ne l'étais pas. .»
824 et 1145. Adesa.. J'ai dit ailleurs qu'il faut écrire A! de sa! . . .
Cet emploi de la préposition de, dont il y a bien d'autres exemples
dans l'ancienne langue, se remarque encore en Provence. Ainsi,
dans Mirèio, p. 56 et 58 : oh ! dis,d'aqueu Vincenf
827. Lo fill. Ms. pZell. M. Bartsch a fait la même correction aux w.
948 et 967. A tort partout. L'eaété introduitici comme dans viela
= vila, etc.2. Aux vv. 360 et 593. le ms. écrit le même mot file et
fille. C'est une pure transposition de l'e (cf. vv. 36 et 733 vulle=
vuell), et il fallait corrigerez etfiell, non fill.
1 II vaudrait peut-être mieux rejeter le pronom nos. Dans tous les cas,
ce vers ainsi rétabli, rapproché du n° 691, montre que, dans ce dernier,
siam est aussi probablement l'imparfait. On aurait ainsi dans Sainir
Agnès quatre exemples de cette forme , 691, 720, 1097, 1115. Voir ci-après
la note sur 1115.
2 Aux autres exemples anciens que j'ai relevés ailleurs (Gramm limou-
sine, p. 354) de cette insertion de Ye (ou a), on peut joindre les suivants :
amorsw'eJes que notz als amoros {Gedichte der Troubadours, 1242, 2,
d'après le ms. B. N. 3794); — El fiel =et le fds [Ged. 854, 3, ms. de Ve-
nise); — Bo sonet quiel sai (lis. fai) = qui lo. . {Ged. 883 1, même ms.);
— Esiel voletz défendre = si lo (G.. Riquier 179, 710. Ledit, corrige mal
à propos e siens voletz; — las gentials manieyras Arbre des batailles.
Bartsch, Chrestom., 393, 9, dans les notes).
100 BIBLIOGRAPHIE
864. Lo bruh. Ms. buh. J'ai déjà eu l'occasion de signaler l'inop-
portunité de cette correction. Buh est une autre forme de buis qu'on
lit dans Flamenca, v. 7207 . Cf. pueh = pueis, etc.
873. Qar auran uei tan fort cridat. M. Bartsch propose de corriger
avian. Ce n'est pas nécessaire. Cel emploi du futur antérieur pour
le parfait se retrouve ailleurs, par exemple: Jaufre,6l a, 78 6, 91 b,
105 a, 106 a, 151 b, 171 b ; — Fierabras, 645, 843, 1199; — Lexique
roman, I, 421 (dans une pièce d'E. de Barjols); — Derniers Trouba-
dours, 96,4: — Saint Honorât, 201 b.
875. Nonsai cui de justisiar . td. au v. 925. Dans les deux passa-
ges, M. Bartsch corrige deu. A tort. De est pour dei (debeo), comme
ailleurs pour dei (dedi), et encore comme e (surtout dans les futurs)
pour ei.
927. Fortment liarai. On lit plutôt, dit M, Clédat, fort just narai.
D'après cela, je corrigerais fort justisiarai. Cf. v. 925.
031 . En cel bordell. Cel est une correction inutile de M. Bartsch,
qui avait lu ço. Mais il y a so, d'après M . Clédat, dans le ms. C'est
l'article masculin. Cf. Revue, XI. p. 28, note 1.
959. Quel non Cavia lo ren forfah. M. Bartsch supprime ici lo,
qu'il fallaitgarder. Sur cette particule, cf. ci-dessus 366 et ReviteXl,
210, note I. — Le point placé après ce vers est, ce me semble, à
supprimer. Il faudrait de plus substituer un simple point au point
d'interrogation qui termine le vers suivant, dans lequel auniz devrait
être corrigé aunizes, et non as auniz. Il y a dans notre texte d'autres
exemples de z mjs pour ss ou c; ainsi auzir pour aucir. 546 et 949.
1052. Homen. Cette forme étonne M. Bartsch. Mais elle est très-
commune dans les textes de la Provence. Il n'est pas nécessaire,
pour la justifier, de remonter, comme il le fait, jusqu'à Boëce.
D'ailleurs omnes, de ce dernier texte, provient, d'un autre mode de
dérivation du mot latin : omnes = hom(i)nes, tandisque homen= ho-
min(em). Le provençal et le limousin ne se comportent pas toujours
de même dans le traitement des mots proparoxytons.
1101. Mi a dut tdiii (Timor. Le vers est incomplet dans le ms., et
a <lat a été ajouté par l'éditeur. Mais afah aurait mieux valu.
lin-.'. La mia paraula. Le ms. a mi, qu'il fallaitgarder. C'est un
caractère du dialecte provençal délidér Va féminin dans les adjec-
tils possessifs et quelques autres. Cf. mini. Heu, sieu = mieua,tieua,
sieua, qu'offrent d'autres textes (Saint Honorai, V.n troubadour apté-
sien ), de si mullier (Charte de Romans, dans Meyer. Recueil, pag.
169, 3) e; ici même, 403, <f noues tas dos.
1115. Ms. quenosisiam. M. Bartsch rejette cet *, qu'il suppose
être la première lettre de j'a inachevé. Cela est possible, etj'a don-
BIBLIOGRAPHIE 101
nerait en effet un sens excellent. Mais i(ibi) peut, également conve-
nir. Dans tous les cas, la présence de cet i devant siam paraît une
raison décisive en faveur de l'opinion de M. Bartsch, à laquelle je
crois aujourd'hui devoir me ranger *, que siam est ici l'imparfait
de l'indicatif.
1150. Maih. Ms. mah, qui est une forme aussi légitime et qu'il
n'y avait ainsi aucun motif de changer. Le ms. représente très-
souvent par h seul l'« palatal. Ainsi, v. 1453, fah = /ai (facit, et
non factum, comme l'avait cru M. Bartsch2).
1243. Vostrei cenaria. C'est la leçon du ms. M. Bartsch corrige
vostri, d'après 1290. Mais le cas n'est pas semblable. Vostri, dans
ce dernier passage, est sujet, et dès lors régulièrement en i; au
v. 1243, où il est régime, il faut vostra.
1305. Ques era davant nos. J'aurais corrigé davant vos (votre pré-
décesseur ).
1366. Que vol gardar . Peut-être, ditM. Bartsch, faudrait-il vole.
Je ne crois pas; vol est ici simple auxiliaire de mode, et vol gardar
n'a d'autre signification que garda tout seul. Cf. Revue, VIII, 232,
note sur col. 371, lig. 12, de la Chrestomathie provençale .
1436. Enaptaz. Il faut peut-être , dit M. Bartsch, lire enautaz.
C'est, en effet, le sens que le contexte indique. Mais enaptaz peut
très-bien s'y rattacher, par une forme enautaz, qui serait à enantaz
comme espautar à espantar, comme douzel et douzella ( dans Fla-
menca) à donzel et donzella. De enautaz, on aurait tiré, en l'assimilani
faussement, pour la forme, aux mots comme malaut, azautar, no-
tre enaptaz. On trouve, dans divers textes, d'autres exemples de ce
phénomène.
1459. Lo pobol nessi. Nessi, dont 1'» est atone, ne peut rimer
avec gui du vers suivant; et, en effet, le manuscrit porte autre chose,
à savoir ves li, d'après M. Clédat. Ne serait-ce pas plutôt ves si, qui
serait plus régulier et rendrait l'erreur de M . Bartsch plus expli-
cable?
Camille Chabaneau.
1 Si j'ai exprimé ailleurs Revue, VII, 76) une opinion différente, c'est
que, n'ayant pas alors remarqué la note concernant l't en question.
j'avais cru que lu ms.. comme le texte imprimé, portait seulement nos
siam.
- Erreur déjà relevée par M. Paul Meyer (article cité).
]()•? BIBLIOGRAPHIE
L'Unioun das popl'S latins, par Charles Gros.— Montpellier, Firmin et
Cabirou, 1877; in-8", 1 pages.
Dans une précédente étude {Revue, 2e série, t. 111, p. 114), j'ai
dit quelques mots de la faveur croissante que l'idée latine rencontrait
en Provence, en Languedoc et en Espagne. Un poëte connu par
des fables et des contes ' très-remarques à Montpellier, M. Charles
Gros, en a fait l'objet d'une pièce qui, au mérite de représenter fi-
dèlement l'idiome actuel de cette ville, joint celui d'avoir été ortho-
graphiée d'après les principales règles appliquées, au moyen âge
etjusqu'aux environs du XVIIe siècle, aux dialectes de la langue
d'oc. De tous les Méridionaux, pour lesquels le prix do M de Quin-
lana a été un trait de lumière, M. G . est peut-être celui qui a ex-
posé le plus nettement la pensée d'un pacte commun de paix et de
défense entre les régions où des idiomes néodatins sont aujour-
d'hui en usage :
Sabes que i'a dessus la terra
Un jour en pas, un jour en guerra
( Quand ie sem, nous eau coutelar);
Dins la Fransa, dins l'Italia,
Dins l'Hespanha et la Roumania ,
Dins la Belgiqua, au Sénégal,
Dins l'Houngria et lou Pourtugal,
Au Canada, dins la Louisiana,
Dins la Suissa et dins la Guyana,
Quau sap quant de poples, enfin,
Que parloun lou parlar latin.
Chacun d'eles es nostre fraire :
Avem agut la mema maire,
Rouma ; et per aquela razoun
Ensemble devem faire una granda unioun
Per nous gardar contre tout lairre,
A fin que s'un soulet soufriz,
S'es agairat dins soun païs
Per d'autres poples enemis,
Toutes anem à la rescoussa
L'aparar, tant ben dins la doussa
Terra de Fransa qu'au Brazil.
Mais où la pensée de l'auteur dépasse les tendances que j'ai pré-
1 Lou (•uracli à la fièyra daou Clapas. la Mounina, lou Fermié,lou
Reynard e l'Aze, lou Coumbat das mouyssaous de Lattas, etc. Ces pièces
ont paru dans le journal le Petit Midi, et y ont subi l'orthographe et
l'accentuation des Obras de l'abbé Favre, données en 1839 par le libraire
Virenque.
BTRl 10GRAPHIF 103
cédemment signalées et arrive presque à formuler une théorie poli-
tique, qui est, du reste, la conséquence naturelle des idées de ses
devanciers, c'est lorsqu'il demande que tout ce qui parle un idiome
roman ne relève que de lui-même et ne soit soumis à aucune do-
mination étrangère, en d'autres termes, que les Latins restent seu-
lement des Latins :
Sabem pioi nautres, lous felibres,
Qu'aqueles poples soun pas libres,
Au mensfossa : lous uns, l'Anglez;
Lous autres, lou Turc ou l'Houngrez.
( Es pas bezoun que mai m'alargue),
Lous fan, couma de chis de pargue,
Jangoular et cridar mersi !
Voulem que tout aquo d'aqui
A grand jamai pogue pas estre ;
Voulem et voulem, santa-di !
Que tout Latin siegue soun mestre.
Aux doutes que l'on peut élever contre la réalisation future de
l'idée latine, M. G. répond, et par les traités d'extradition judi-
ciaire, et par l'exemple des unions postale, télégraphique et moné-
taire, récemment conclues avec la plupart des pays européens :
Belèu diras que se pot pas,
Qu'aqu6's un sounge, una sourneta
Bona à countar après soupar,
Lou vespre en fumant la pipeta
Et pamens, quand un maufatou
S'enfugiz dins quauquecantou,
Maugrat sa ruza et sa malissia,
Quante que siegue lou païs
Ounle es anat faire soun nis,
Tant ben lou pesqua la justissia.
Regarda embe quant de nassiouns
Avem pas, hioi, las uniouns
Telegraphiqua amai poustala,
Mounetaria amai coumersiala.
Perque nous metriam pas d'acord
Sus la defensa dau lerraire,
L'hounou de Rouma, nostra maire,
Et seriam pas à vida, à mort,
Fransa, Brazil et Boulevia,
Pouriugal, Hespanha, Italia,
Pérou, Suissa et Macedounia1,
Unitz d'un soûl et même cor?
1 II existe sur les deux versants du Pinde, en pire, en Thessalie et
1,14 CHRONIQUE
Il nous a paru que la meilleure manière de féliciter M. G. était
île mettre .sous les yeux de nos lecteurs des extraits qui permis-
sent d'apprécier d'une manière complète le talent facile et natu-
rel, et surtout le bon sens populaire, que l'on rencontre dans ses
diverses poésies.
A. Ft.-F
CHRONIQUE
La Société pour V étude des langues romanes doit à V Athénée de
Forcalquier une médaille de vermeil, qui, selon le vœu de cette
association, sera décernée en 1878, lors des fêtes du concours du
Chant du Latin.
C'est pour le bureau de la Société des langues romanes un devoir
d'exprimer ici, à l'égard de P Athénée de Forcalquier et de son pré-
sident, M. Léon de Berluc-Perussis, ses remerciements les meil-
leurs.
M. le docteur Adelphe Espagne, membre résidant de la Société,
vient de publier un travail importantqui a pour titre : Études pra-
tiques sur la réforme du système pénitentiaire Paris, Marescq; in-8°,
92 pag.b Bien que celte œuvre soit étrangère à la compétence de
la Renie, nous n'en sommes pas moins heureux de la signaler à nos
lecteurs.
Société des Fêlibres de la Mer, Société des Félibres du Gar-
don.— Pressée par l'abondance des matières, la Revue des langues
romanes ne pont accorder toute l'attention qu'elle voudrait aux réu-
nions par lesquelles les diverses tractions du Félibrige affirment
et développent leurs tendances. Il est pourtant deux « félibréès »
qu'elle ne saurait se dispenser de mentionner:
La première, celle de Marseille, a été tenue le 22 juillet dernier,
au bord de la mer, et présidée par M. T. Aubanel. Avec le syndic
de la maintenance de Provence se trouvaient MM.Gaut, Frizet, de
Villeneuve el Maurel, arrivés d'Aixetde Forcalquier, et la plu-
part des membres de la Société marseillaise des félibres de lu Mer.
De nombreuses pièces en vers et en prose ont été communiquées
en Macédoine, un ensemble de populations de langue roumaine qu'un
manuel de géographie imprimé à Bucharest, en 1873, va jusqu'à évaluer
au chiffre de 1,500,000 âmes. Voyez, à ce sujet, l'ouvrage de M. Picot :
les Roumains de la Macédoine; Paris, Leroux, 1675, in-8°
CHROMQUB 10 £
par MM. Tavan, Âstruc, Huot, Gaut, Boyer, Rochehrun, etc.
M. Aubanel a donné lecture d'un sonnet sur VOulivié, écrit, comme
toutes ses œuvres, avec une rare perfection de poésie. Il est dédié
au Capiscol de l'école de Marseille, M. Chailan, que des devoirs ne
famille avaient momentanément éloigné de ses collègues.
La deuxième réunion a été celle de la Société des félibres du>
Gardon, qui a son siège à Alais. Elle a eu lieu le 15 août, jour de
l'Assomption, au château de Saint-Ghristol, gracieusement misa
la disposition des organisateurs de la fête par M.Léonce Dextremx,
ancien député de l'Ardèche et en même temps poète languedocien
des plus remarquables, ainsi que l'a prouvé une pièce de lui com-
muniquée par M. Roumieux. Les beaux vers, du reste, n'ont pas
manqué à la félibrée d'Alais.La présence de plusieurs dames, parmi
lesquelles Mme> Arnavielle et Soubeyran, M1,Cl Goirand et Rou-
mieux, l'a marquée d'un caractère particulièrement poétique.
Les membres présents ont entendu tour à tour un discours-
brinde de M. Charvet, des vers de MUe Goirand, de MM. Roumieux,
Aubanel, Rettner, etc.; un toast de M. Arnavielle rappelant, entre
autres choses, la nécessité de fortifier les études locales dans cha-
que école du félibrige et d'incliner celles-ci vers la culture de leur
dialecte propre, et enfin un brinde de M. de Villeneuve-Esclapon.
Ce discours, aussi juste qu'éloquent, est consacré à exposer
cette idée, que le félibrige a pour objet essentiel le développement
de l'originalité propre du midi de la France, tant dans la poésie et
la littérature que dans les arts, au profit du relèvement moral des
nations de race latine.
Les paroles de M. de Villeneuve, rapprochées du brinde suivant,
prononcé à Garpentras, le 22 juillet dernier, par M.Roumanille, et
suivi d'unanimes applaudissements, ne laissent rien subsister des
accusations articulées quelquefois à l'encontre du félibrige :
« Felibre crestian, bon Fraocés et Prouvençau fldèu, iéu porte un
brinde i très causo agusto qu'an fa e l'aran longo-mai km salut, la glori
e lou ben-èstre de la maire-patrio : brinde à la Crous, à l'Espaso e à
l'Araire ! »
Le Florègb. — Il décernera, au mois de septembre prochain,
des récompenses aux meilleures traductions françaises de deux
sujets donnés, l'un en vers et l'autre en prose. Les textes choisis
sont : la Lengo, par Frédéric Mistral, passage du discours pro-
noncé à Avignon le 21 mai 1877, et Camp-Cabèu, poésie proven-
çale d'Alph. Tavan {Amour e Plour) .
Des prix particuliers ont été mis à la disposition du Florège par
le préfet de Vaucluse, le maire d'Avignon et M. Granier, séna-
teur.
Gomme ce concours est destiné à répandre l'enseignement du
français, par le moyen du provençal, les organisateurs ont décidé
qu'if fallait avoir moins de seize ans pour y être admis.
Les traductions devaient être adressées à M. Th. Aubanel, place
Saint-Pierre, à Avignon, avant le 15 août courant.
La Gigale. — Le recueil de la Cigale paraîtra avant la fin de
l'année, à la librairie Sandoz et Fishbacher, de Paris. La part faite
à la langue d oc y sera des plus larges et des plus honorables,
IOô CHROMQLE
MM. Arnavielle, Aubanel, Fourès, Giron, Félix Gras, Anselme
Mathieu, Mistral, Achille Mir et L. Roumieux, ayant, parmi les
poètes, répondu à l'appel des deux secrétaires de la Cigale,
MM. Baudouin et Maurice Faure.
Jeux floraux de Barcelone. — Le Consistoire des Jeux floraux
vient de faire paraître en un volume grand in-8° de 239 pages
(Barceloua. estampa de la Renaixensa ) Je recueil des pièces
de poésie couronnées en 1877. Ce volume contient, en outre, les
discours du gouverneur de la province de Barcelone et du prési-
dent du consistoire, le mémoire du secrétaire D. Joaquim Riera
y Bertran et le discours de «grâces » de D. Vicens Boix.
L'Atlantida de l'abbé Verdaguer occupe les pages 125 à 229 du
recueil.
Ce nous est là une occasion naturelle d'annoncer que la Revue
publiera bientôt une pièce du célèbre poète catalan.
Société archéologique de Béziers. — Elle décernera, le jeudi de
l'Ascension. 30 mai 1878, un rameau d'olivier en argent à la
meilleure poésie néo-romane. Les auteurs devront suivre l'ortho-
graphe des troubadours et joindre un glossaire à leurs œuvres.
Les pièces doivent être adressées au secrétariat de la Société ar-
chéologique avant le 1er avril 1878.
Association littéraire de Girone (Espagne). — Nous relevons
dans le programme de son prochain concours les prix suivants:
Un exemplaire des Œuvres de sainte Thérèse, don de l'évèquede
Girone, D.Isidore Valls, à l'auteur delà meilleure poésie sur un des
actes du pontificat du pape Pie IX ;
Un rameau de chêne en or, offert par la députation provinciale,
à la meilleure pièce sur un point quelconque de l'histoire de la
province de Girone avant le règne de Ferdinand et d'Isabelle la
Catholique.
Le prix offert en 1876 — mais non décerné — à un mémoire en
prose catalane touchant l'irruption des Arabes en Cerdagne, et la
délivrance de ce petit pays par les chrétiens, a été maintenu sur le
programme de l'année 1877.
Les envois doivent être faits au secrétaire d.eV Association, D. Ar-
turo Vinardell y Roig, avant le 15 octobre. La séance solennelle est
fixée au 14 novembre.
Concours de Béziers. — Les fêtes du concours institué à Béziers
pour la création d'un conservatoire de musique ont eu lieu ces
jours-ci. Les lauréats du concours en langue d'oc sont- M. Ernest
Chalamel ( !•* prix), Martelly (2e), Marius Bourrelly (3°).
*
Publications philologiques, textes et poésies en langue d'oc
ou en catalan. — Archives municipales à" A g en. Chartes. Première
série( 1189-1328), publiées aux frais du Conseil général île Lot-et-
Garonne, par MM. A. Magen et Tholin. Villeneuve-sur-Lot. Duteis,
in-4°, xvni-355 pag.; contient un certain nombre de chartes en
langue d'oc. — A. Luchaire, de Lingua aquita/nica. Paris, Hachette,
CHRONIQUE 107
in-8°, 65 pages. — Chabrand et de Rochas d'Aiglun, Patois des
Alpes Cottiennes ( Briançonnais et vallées vaudoises), et en particulier
du Queyras. Grenoble, Maisonville, in-8°, 228 pages. — G. Charvet,
Un épisode d'histoire locale sous le règne de Charles VI. Nimes, Ca-
telan, in-8°, 54 pages. Publication d'une enquête faite en 1397. ù la
suite de divers actes de rébellion commis àCastillon. Elle renferme
diverses dépositions transcrites en langue vulgaire. — Société ar-
chéologique de Béziers. Compte rendu de la séance tenue le 10 mai 1877.
Béziers, Granié, Fuzier etMalmas; in-8°, 84 pages, contenant des
poésies de MM. Chalamel et Bourrelly, ainsi que des extraits
d'autres poésies, .également en langue d'oc, dues à MM. l'abbé
Joseph Roux, Martelly. Astruc. Verdot, Vidal (de Quarante ); le
frère Théobald, Vidal (d'Aix), Pierre Vidal et Emile Négrin. —
Almanach du Sonnet, 4e année, 1877. Aix-en-Provence, Remondet-
Aubin, in- 16, vn-192 pages; les sonnets en langue d'oc sont,
cette année-ci, au nombre de vingt-deux. — Agna de Valldaura,
Tradicions religiosas de Catalunya, premiadas ab joya en lo certamen
de lajoventut catolica, Vany 1877. Barcelona, Roca y Bros, in-16,
156 pag. — Balaguer y Merino. de las Costums nupcials catalanas
en lo segle XIV. Barcelona, Imprenta de la Renaixensa; in-8°,
20 pages. — T. Aubariel, VOulivié. Remembranqo de la felibrejado
dôu 22 de juliet de 1877. Avignoun, Aubariel, in-8°, 4 pages.
Poésies et textes en langue d'oc insérés en divers journaux. —
Fragments de deux poésies languedociennes de M. Vidal, de Qua-
rante, et Vidal, d' Alignan-le-Vent ( V Hérault, de Béziers. 1 1 mai ).
— La Mounina, poésie languedocienne par M. Gh. Gros {Petit Midi,
de Montpellier, 24 juin ). — Lou Fermiè, lou Reynard et VAze, fable
languedocienne, par le même ( même journal, 1er juillet). — Brinde
dôu manteneire G. Hipp. , gracieuse poésie en langue d'Avignon, par
M. Guillibert {Journal de Forcalquier, 8 juillet). — Sonnet, signé
Alloubro ; il est, croyons-nous, écrit dans le dialecte dauphinois du
canton de Roussillori (Isère ). ( Echo de la Bourgogne, de Dijon, 12
juillet). — Lou Coumbat dus mouyssaous de Lattas. poésie languedo-
cienne, par M. Ch. Gros {Petit Midi, 15 juillet). — Lou Mariage astra,
reproduction de la poésie de M. Verdot, insérée dans la Revue du
15 juin; A Madamisello Adelo Souchier, sonnet en provençal d'Aix,
signé M. A. felibresso de la ,Travesso ; l'Acamp des Latins, assaubre,
traduction, en langage des environs de Lure, du programme parti-
culier du Chant du Latin, devenu par une heureuse infidélité la Réu-
nion des Latins. Le dialecte de Lure est unde ceux qui, en Provence,
ont conservé la finale féminine en a {Journal de Forcalquier, 22
juillet). — L'Unioun de la raça latina, poésie languedocienne, par
M. Gros [Petit Midi, h août). C'est la pièce dont il a été rendu
compte à la Bibliographie. — Gramaci à M. de Gagnaud, pèr lou man-
datais de soun bèu cant di Fourcauquieren à N.-D. de Prouvènço,
poésie provençale par M. Bosse; Roundèu^ signé lou Felibre de la
Mousello {Journal de Forcalquier, 19 août).
Sous le titre: TJna voues dai vïlage, M. le docteur Gh. Goste, de
108 CHRONIQUE
Saint-André-de-Sangonis, va publier prochainement ( Martel, à
Montpellier) un recueil de poésies en dialecte lodévois.
Un second recueil, celui-ci en langage de Quarante, par M. C.
Laforgue, est à l'impression ( Hamelin frères, Imprimerie centrale
du Midi).
»
La destination toute spéciale de la Revue ne nous permet pas de
signaler à sa partie bibliographique les ouvrages de poésie fran-
çaise parus dans le midi de la France ; nous ne saurions cependant
laisser passer sans en faire mention le poème qu'un membre de la
Société, M. Jules Gaussinel, vient de publier sous le titre A'Abdona
(Paris, Blériot ; Montpellier, Séguin; in-12, ix-472 pag., 3 fr. 50).
Le thème grandiose de cette œuvre et les beaux vers de l'auteur
font vivement regretter qu'il n'ait pas songé à consacrer à la langue
d'oc, au moins partiellement, un nom que le souvenir de son homo-
nyme, Benoit-Marie Gaussinel — connu par des pièces langue
dociennes encore populaires à Montpellier, bien que leur com-
position remonte déjà à plus d'un demi siècle — semblait pré-
destiner aux lettres romanes, et au sous-dialecte de Montpellier en
particulier.
RECTIFICATION
RÉCITS D'HISTOIRE SAINTE EN BEARNAIS
{Revue, IIe série, t. III, p '208).
Note sur la p. 38, 1. 22. — Le rapprochement indiqué dans cette
note, et que la traduction de MM. Lespy et Raymond {firent les
méchantes langues) m'avait suggéré, est à repousser absolument.
J'aurais dû me rappeler que fer lenguabosse est une expression qui
se retrouve en provençal, sous une forme qui ne permet pas d'en
méconnaître l'étymologie toute romane : far de lengua (ou de sa
lengua) bossi. Voy. le glossaire de Flamenca et Raynouard, au mot
bossi. Il est possible que le dernier élément de la locution ne soit
pas identique dans les deux idiomes ; mais bosse ou morceau, cela
revient, pour le sens, toujours au même: faire la grimace, se mo-
quer, regarder avec mépris. Et c'est précisément ce que dit la Vulgate
(I Rois, X, 27): Et despexerunt eum.
C. C.
Le Gérant : Ernest Hamelin
DIALECTES ANCIENS
ETUDES HISTORIQUES
sur quelques particularités de la langue catalane
i
ûiphthongaison de la seconde personne du pluriel des verbes
Le catalan, comme tous les autres idiomes romans, a des
caractères distinctifs qu'il n'y a pas lieu d'exposer ici; mais il
offre, en outre, certaines particularités, dont une des plus
remarquables est, assurément, la diphthongaison de la seconde
personne du pluriel, terminée en du, eu, lu, au lieu des finales
ats, ets, its, que l'on trouve plus ou moins marquées dans toutes
les autres langues romanes .
La mutation dïatis, etis, itis, otis, ou de la tonique suivie de c
(palacium, décent, dicit, vocem), en ad, at, az, — ed, et,ez,— id,
it, iz, — od, ot, oz, est déjà indiquée au IXe siècle dans les
documents latins de la Catalogne et duRoussillon1; mais l'effet
produit par le d, t, s, z, sur la tonique précédente, ou la réduc-
tion de ces consonnes à la voyelle u, y est complètement in-
connue avant le milieu du XIIe siècle. C'est, en effet, vers l'an
1150 seulement que l'on trouve, surtout dans le corps des
mots, atz, etz, itz, transformés en diphthongues. Après cette
époque, les exemples s'étendent et se multiplient de plus en
plus, à l'intérieur ou à la fin des mots, jusqu'à l'an 12~o envi-
ron; à cette dernière date, la transformation étail sans doute
opérée à peu près partout, mais unne peutguère la considérer
1 Cette mutation n'existe pas seulement en catalan; elle est commune
à toutes les langues romanes dés le Xe siècle au moins. Au X.I", on trouve
dans le poëme de Boëce (v 79) faz (je fais), jaz Cil gît, v.158), en lo palaz
(palais, v. 1G2); mais la diphthongaison s'est très-rarement produite dans
les dialectes provençaux.
9
110 DIALECTES ANCIENS
comme complète et définitive qu'après Tan 1240 environ. La
mutation était donc devenue générale, au milieu du XIIIe siècle,
dans la langue catalane parlée comme dans la langue écrite ;
mais celle-ci conserva longtemps encore des traces des an-
ciennes formes atz, etz, itz, otz, surtout dans les noms pro-
pres, concurremment avec les formes au, eu, tu, ou, et ces
traces, encore fort nombreuses dans la seconde moitié du
XIIIe siècle, diminuèrent sensiblement dès le siècle suivant
mais ne disparurent complètement que dans le cours du
XVI« siècle *.
Il n'y a donc rien d'étrange à trouver aujourd'hui, à la se-
conde personne du pluriel catalan [mirâu, veyéu, veniu), une
diphthongaison qui s'était produite dans l'ensemble de la lan-
gue catalane, dès le milieu du XIIIe siècle, dans toute espèce
de vocables, même dans les verbes à la 3me personne du sin-
gulier (placet = plâu, videt = véu, dicit = diz = diu, pluit =
/j/ôu).Maisil est vraiment singulier que cette mutation, établie
et devenue générale depuis plus de deux cents ans, ne se soit
produite ou manifestée à la seconde personne du pluriel que
dans les dernières années du XIVe siècle, non-seulement dans
la langue classique ou littéraire et dans le catalan officiel des
chartes et documents administratifs, mais encore, c'est du
moins ma conviction, dans le langage populaire ou des gens
qui parfois savaient tout .juste tracer les lettres de leur nom.
Il existe, en effet, pour toute la seconde moitié du XIVe siè-
cle, un très-grand nombre de notes, billots, comptes de dé-
penses communales et autres, émanés de personnes dénuées
de toute culture grammaticale, et reproduisant l'expression
vivante du parler et de la prononciation vulgaires, avec toute
la rudesse et l'incorrection que l'on peut imaginer. On y re-
connaît, de môme que dans la langue littéraire, l'application
constante de la mutation à'atz, etz, itz, otz, en mi, eu, iu,ùut au
milieu et à la fin des mots, excepté à la seconde personne du
pluriel où les finales en atz, etz, itz, persistent bien au delà de
1 Quelques-unes persistent encore de nos jours : facio (je fais) a donné,
dès le XIII» siècle, faz et (au. qui existent encore. En Roussillon, on
ilit aujourd'hui indifféremment fàu etfatg [fatsch correspondu faz).
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE III
l'an 1400. Cependant l'existence, sinon l'usage, des formes en
au, eu, tu, à la seconde personne du pluriel, s'était déjà mani-
festée à Barcelone dès Tan 1380, et je ne pense pas que cette
mutation se soit opérée par suite de quelque convention ou
réforme purement littéraire. Elle s'explique naturellement par
cette considération que la langue usuelle devait, tendre à sou-
mettre les finales de la 2e personne du pluriel à la même
règle que les autres finales en ats, ets, its, avaient déjà subie
depuis longtemps; mais cette explication ne nous dit pas
pourquoi ces anciennes finales s'étaient maintenues par ex-
ception, et uniquement à la 2e personne du pluriel, plus d'un
siècle et demi après que la mutation avait été adoptée partout
ailleurs. Quoi qu'il en soit, la langue littéraire ou classique
semble avoir résisté le plus longtemps possible à cette inno-
vation, et, à l'exception d'un exemple qui se trouve en 1396
dans une lettre du roi Martin d'Aragon, je n'en connais aucun
autre cas authentique dans les écrits officiels avant 1424 ; tous
les autres exemples, à partir de 1380, se trouvent dans des
lettres ou autres écritures privées. Aussi, tout en acceptant
la forme nouvelle le plus tard possible, la langue officielle n'en
persista pas moins à employer longtemps les formes primi-
tives, dont elle conservait encore des traces jusqu'aux vingl
premières années du XVIe siècle.
C'est donc pour cette période seulement, de 1424 à 1520
environ, que l'on peut dire, avec M. A. de Bofarull, que « la
» forme au, eu, iu, de la seconde personne du pluriel, se ren-
» contre dans les textes anciens concurremment avec la
» l'orme presque provençale ats, ets, its '. » Pareille concur-
rence s'était déjà produite pour les autres formes analogues,
autres que celles des vérins, puisqu'on trouve jusqu'à l'an
1300 et au delà des formes en ad, at, az, éd. et, ez, id, il, iz,
dans des mots qui étaient déjà écrits en ////. >>u, iu, vers 1220,
et quelques-uns dès 1150.
Je vais justifier par des preuves cet exposé historique des
diverses opérations qui, dans là langue catalane, ont amené
1 Las lerminaciones au y eu . suelen encontrarse alternadas en lo
antiguo con las de ats y ets. E studios, sistema grammatical y crestc-
matia de la lengua catalana ; Barcelona, 1864, p. 95.)
l\; DIALECTES ANCIENS
les formes atis, etis, itis, otis, aux diphthongues au, eu, tu, ou'
en choisissant une série d'exemples parmi le grand nombre
de mots dont j'ai relevé les transformai ions historiques à
partir du IXe siècle. Les exemples seront pris, autant que
possible, dans les actes originaux contemporains écrits en
Catalogne ou en Roussillon, ou, à leur défaut, dans les publi-
cations de Baluze, dom Vaissète, Villanueva, etc. '. Il est vrai
que les documents originaux qui purent être écrits en catalan
avant 1250 me sont à peu prés complètement inconnus; mais
on peut s'en passer pour la question présente, et les docu-
ments latins suffisent largement, non-seulement pour les for-
mes vulgaires des noms communs, mais surtout pour celles
des noms propres d'hommes ou de lieux, dont les scribes
ignoraient le plus souvent l'étymologie et le sens, et dont ils
onnaient seulement la forme d'après la prononciation vul-
(
gaire.
Il
De la Formation des diphthongues au, eu, ni. ou. en catalan
Les diphthongues catalanes sont :
ây, au, — éy, eu, — tu, — ou, — uâ, ué, ûy.
M. Milâ y Fontanals ' en compte encore d'autres qui peu-
vent, en eliêt, exister à Barcelone [tour des mois castillans,
italiens et français, mais qu'il faut considérer comme étran-
gères à la langue catalane. Il n'y a, (Tailleurs, à s'occuper
ici que des diphthongues au, eu, ru, ou, les seules qui existent
comme finales de la seconde personne du pluriel ; au n'existe
même dans les verbes, à ma connaissance, que dans l'imper-
sonnel plôu (il pleut), dans clou et ses composés ; cependant, sa
formation étant absolument semblable à celle des trois au-
ne-, il ne faut pas négliger les exemples qui peuvent s'y rap-
porter.
Ces quatre diphthongues proviennent de trois sources prin-
cipales :
1 Saut indication contraire, toutes mes citations se rapportent aux
locuinents des archives départementales des Pyrénées-Orientales
- E studios de lengua caleUana, p. 5,
ETUDES SDR LA LANGUE CATALANE
113
1° De la diphthongue du mot latin avec Vu déjà existant,
ou bien formé par l'adoucissement du v, du b, du g et du /;.
Exemples, pour au :
Nicolaum = Nicholâu.
avicellum = âuceli.
suave = su au.
Pour eu :
Devin = Dell.
m en m = méu.
nivem = néu .
Pour iu:
vhnim = vin.
lïbra = lliura .
* oli'uuni = oliu.
Pour ou .
jugum — jôu.
ovum = nll.
®touum = tôu (creux).
navis = nau.
parabola = para u la.
habuero = auré
bibere = heure.
,/,7><?f = déu .
Matheum — Mathéu.
ïTVum = l'iu.
si hilare = xiular.
* senioriuum = senyoriu.
novum = nou.
novem = nôu.
bovem = bôu.
Dans tous ces cas, la diphthongue catalane s'est trouvée
naturellement formée par la chute de la terminaison ou par
l'adoucissement du y, ^>, <y . Il y en a des exemples dès le
Xe siècle, en 976, teneas a feu. . . .spercCn deu. . . . senoriu1; ils
existent ensuite à profusion, et il seraitinutile d'en citer d'au-
tres, cette formation n'ayant aucun rapport avec la diphthon-
gue finale delà seconde personne du pluriel, qui dérive unique-
ment de la source suivante .
2° Des consonnes d, t, c, qui, précédées d'une tonique, pas-
sent à dz, tz, ç, s, z, et se réduisent finalement à u.
Exemples, pour au :
vadum = vad, gad = gâu. Dalmacium — Dalmad, Dalmaz,
— Dalmâu.
1 Revue des langues romanes, t. III. p. 271. Pour feu (fief), on trouve,
il est vrai, feudnm à toutes Ifs époques : mais, dès le X" siècle, feuum
est aussi très-commun, ce qui indique que le d s'était déjà adouci ou avait
même disparu dans la prononciation catalane. La diphthongue existait
donc ici toute formée, indépendamment du d existant ou non dans la
prononciation .
114
facio =faz = fâu.
pacem = paz = pâu .
Pour eu :
de c t>.m = dez = dru
videre = veser = véure.
ri,-, ni = vez = véll.
Pour iu:
dicit = diz = diu .
niduni = niz = niu .
DIALECTES ANCIENS
cadere = caser, = câure.
placet = plaz — plàu .
heredem = l hères) = heréu .
pedenij pes = peu.
crédit = rrerfo = créu.
ridet — riz = riu .
gelîdum = (gelid) = geliu,
Beatricem = Biatriz = Biatriu. tamariz = tamariu.
Pour du:
,hidcrr= doser = clnure vocem = voz = vôu (aujourd'hui
crucem = <to/;ï = crôu (aujourd. alodem = alod = alôu.
nue cm = no/v = m'ai ' . nodum = noz = néu.
3° Aux deux sources précédentes, qui ont formé à peu prés
la généralité des diphthongues catalanes, il faut ajouter celle
de la liquide /, qui, suivie ou non (Tune consonne, s'est le plus
souvent transformée en ;* dans le provençal. Cette mutation,
très -fréquente aux XIIIe e1 XIV" siècles, est cependant au-
jourd'hui assez rare en catalan. Elle ne s'est guère maintenue
que dans quelques noms propres, tels que Ermengâu ou Er-
mengâu, Girâa et autres, et même les deux formes existent
encore concurremment, puisqu'on dit aussi ArmengoletGiml.
Mais, le plus souvent, c'est la forme primitive qui a prévalu,
comme dans ait au lieu de dut, quoique ces deux formes aient
été employées simultanément dans les temps anciens.
Les diphthongues catalanes dérivées de ait ou ald peuvent
très-bien s'expliquer par ce qui s'est passé dans le provençal
et dans les autres langues romanes. Il paraît bien évident que,
dans ce cas, la diphthongue au de l'ancien catalan s'était pro-
duiif par des influences étrangères, et ce qui le prouve, c'est
que, dès le XIV1' siècle, on peut remarquer une tendance con-
' Vôu (noix n'exislo que dans les anciens texies, et If Roussillon ne con-
naît aujourd'hui que la forme purement latine ?iuga, qui n'avait peut-être
jamais disparu de la langue usuelle.
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE 115
stante à maintenir ou à rétablir la finale en / au lieu de Vu,
non-seulement dans les exemples cités ci-dessus, mais encore,
ce qui est fort étrange, pour introduire, contrairement à l'éty-
mologie, la lettre l dans un certain nombre de mots cata-
lans où elle a remplacé Vu, produit par l'adoucissement du d
ou du t. Ainsi :
Decimam (dime) avait produit régulièrement, d'abord detme,
dezme et déume au XIIIe siècle. Dès Tan 1270 (traité de Tunis),
c'est tantôt déume, tantôt delme; mais aujourd'hui, et depuis
longtemps en Roussillon, on ne dit plus que delme, delmer, del-
mar, dehnari.
Opol, village du Roussillon, provient d'oppidum, transformé
en Oped (XIIe siècle), Opôu (en 1316), et Opol dans la suite et
de nos jours.
Vingrâu, lieu voisin d'Upol, s'est formé régulièrement avec
la finale gadus fvadus ; ou yradus : Evingad en 1020, Vino gradu
en 1206, Vingrau en 1242 et jusqu'à ce jour. Cependant on
trouve Vingraldo en 1211 (ce qui prouverait que la diphthon-
gue s'était déjà produite à cette époque), Vingraldus en 1290
et dans d'autres exemples du siècle suivant. Il est évident que
la langue populaire n'a jamais pu se préoccuper des faits éty-
mologiques, et, dès l'instant où la diphthongue s'est trouvée
formée dans Opou, Vingrau et l'alauda (devenu aujourd'hui
Palalda 4), elle a été traitée, par fausse analogie, comme dans
1 Palalda dérive, comme on ie verra plus loin, de palacium Dani ou
Dâ. Le sens précis de Dâ est inconnu, mais je suis porté à y voir un nom
d'homme Je trouve, en eflet, uu mansus de Da et mansus de Set en
Cerdagne (dans une charte originale du roi Alphonse, de 1173 : Arch. des
Pyr.-Or., B. 7). On le voit aussi dans le nom du village de Rigarda en
Gonflent, dont le sens me paraît être rigatus Dan (arrosage de Dan).
Rigatus a déjà la forme Rigat en 965 {us<{u>> ml Rigat d'Alu, aujourd'hui
coll del Rigat de Lié, — Marra, 105). La forme rigatz ou rigaz se retrouve
d'ailleurs dans le nom de ce village en 1009 : in Rigasdano et en 1011, in
Rigesdano [Marca, 160 et 164). Mais, tandis que dans Palad Dà, ad ou az
s'est transformé régulièrement en au ou en al, dans Rigas Da, \'s s'est
changée en r (Rigarda en 1182, Cartul. du Temple, f° 99). On trouve les
trois formes ad, ar, au, dans un acte de vente du 4 des nones de juillet
1248, écrit à Ille-en-Roussillon: in campo Ermengaudi de Insula... salvo
juredomini.scilicetde N. Ermengardi de Insula... signum domini Ermen-
116 DIALECTES ANCIENS
les mot* Ermengald, Girald, Rotbald et autres. C'est par la
même erreur que divers scribes du XITP siècle ont souvent
écril Nicolad, comme si ce nom n'eût pas eu la diphthongue
au à l'origine, en le traitant comme les noms Dnlmad, Dâlmàz,
Felid, Feliz, où la diphthongue provient, au contraire, du t ou
c changé en //.
Dans tous les cas, ces anomalies, assez rares d'ailleurs, ne
uniraient infirmer le principe constamment suivi dans la lan-
gue catalane et appliqué en dernier lieu à la finale de la se-
conde personne du pluriel, en vertu duquel atz,etz,itz, se sont
transformés en au, eu, iu, versl'an 1150, à l'intérieur des mots
vers 1200, à la finale, et vers J380, seulement, à la seconde
personne du pluriel, ("est ce que je vais établir par des
exemples.
III
Exemples de la formation de la diphthongue au. dérivant de aïs,
as, az
Palan [palatium, palais), très-commun comme nom de lieu
en Roussillon, en Cerdagne e1 en Catalogne, fournit les plus
anciens exemples connus de la diphthongaison catalane dans
le nom composé de Palau-Dâ, village du Vallespir (aujour-
d'hui écrit et prononcé Palaldâ*).
833. villam vocitatam Paladdanum Marra. 8).
881 . usquein Palatiotani 'Archives des Pyr.-Or. Iî. 3).
9(57. de Palacio Dano (cartulaire d'Elne, f° 137).
993 et 1090. de Palacio Dan (Marca, 142 et 304).
loi 1 . alaudem de Palan dani (Marca, 168).
1017. in Palaldano Marca, 175).
1 L58. de Palan dano (Marca, 428) : même forme en 1199
gadi Arrh. de l'hôp. d'Ille, pafch. G, n° 27). Il n'y manque que la forme
al p in compléter la série, et le scribe l'aurait aussi sans doute employée
-'il avait eu à écrire le nom Ermengaldi une quatrième fois.
• Je néglige, pour ce nom, comm>> pour les autres, les formes purement
latines fournies par les documents de toutes ces époques entre les diverses
dates. Mon regretté ami François Cambouliù. un des fondateuis delà
Société pour l'étude des langues romanes, était né à Palaldà.
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE HT
3artulaire du Temple, f° 175), en 1230 (Hôp. d'Ille, I, 28) et
clans les siècles suivants
Il est certain que Palad ou Palazdan de 833 t'ait déjà pres-
sentir la diphthongue de Paùimhin de 1011 (qui peut être une
erreur de lecture pour Palau) et surtout celle que trahit visi-
blement la leçon Palaldano de 1017 ; on pourrait donc en con-
clure que la diphthongaison était déjà opérée en catalan, dans
le corps des mots, en Tan 1000, au lieu de 1150 que j'ai cru de-
voir admettre comme suffisamment justifiée. Je n'en connais
pas, en effet, d'autres exemples avant cette dernière date, et,
comme les documents publiés par Baluzo n'existent plus au-
jourd'hui, la leçon de 1011 n'a pas peut-être un caractère de
certitude absolue. On ne s'explique pas, en effet, comment la
diphthongue se serait formée dans le composé Palau-Da autre-
ment que dans le mot Palâu isolé, où elle ne se manifeste que
beaucoup plus tard.
980. villa que dicitur Palaz, en Empordà (Villanueva,
t. XIII, p. 251).
993 alauàes de Palaz Frugello (Marca, 141, et Bofarull,
Confies, etc.).
1100. villa sce Marie de Palad, en Roussillon (cartul. d'Elne,
f° 60).
1155 et 1172. villa Palaz, en Roussillon (cartul. du Temple,
f°8 95 et 70).
1179. Pétri deç Palad, en Cerdagne {Liber feudor. A, f°91).
1199. Pétri de Palac, en Cerdagne (parch. de l'abbaye de
Canigo).
1229. G. capellanus de Palad, en Cerdagne (parch. archiv.
de Puigcerda).
1240. 11 kal. aug. campum qui vocatur des Palau, en Rous-
sillon (testament du troubadour Pons d'Ortafa, copie de mars
1246).
1251 .P. de Palau, en Catalogne (Villanueva, t. XVII, p. 253).
1265. apud Palad, en Cerdagne {Liber feudor . A, f° 32).
Talâu village4 du Contient (Pyrénées-Orientales).
1 C'est à ce misérable hameau, dont l'importance n'a certainement
jamais été plus considérable qu'aujourd'hui, que M. de Longpôrier (Notice
118 DIALECTES ANCIENS
875. in villa Talatio (Marca, 40).
958. Talazo cum finibus (d'Acher. Spicil., to. VIII. p. 357).
985. Mazunculas et Talaz (Marca, 135).
1265. Talaz (Lib. fend. A, f°32), et Talâu à partir de 1275.
Gâu et Grâu, dérivés, le premier, de vadum = wad, gad
(gué) ; le second, de gradum, s'appliquent, l'un aux gués ou
passages d'un cours d'eau, l'autre aux montées ou passages de
l'intérieur et aux ouvertures qui font communiquer les étangs
de la côte avec la mer. Les anciens actes du Roussillon les
confondent à tout instant l'un avec l'autre et pour le même
lieu, mais la formation de la diphthongue est la même pour
ces deux mots. Ainsi, pour le gâu d'Ares, en Vallespir (com-
mune de Serrallonga):
878. usque ad Grad Aras (Marca, 36).
881 . ad Gadu Aras (Arch. des Py.-Or., B 3).
988. ad Gad que vacant. . .(cartul. de Cuxa).
L267. de Gad amont, et plus loin, de Grau amont (testament
de Guillem-Hug de Serrallonga).
La même confusion existe dans les mentions du nom de
Vingràu, village du Roussillon, dont l'étymologie se rapporte
à gradus et non pas à vadus.
1021. Fvingad ^Marca, 191).
1119. de Vigrado( Gallia christ., t. VI, p. 434), de Yinogradu
(même docum. dans VHist. de Languedoc, preuves, et aux ar-
chives des Pyr-Or.).
1203 et 1206. de Yinogradu ( Archiv . des Pyr.-Or. — Grange
de Canomals ).
1211. de Vingraldo (Cartul. du Temple, f. 16).
1242. de Vingrau (Parch. de Canomals).
1249. de Vingraudo (Arch. des Pyr.-Or., B 49).
des monnaies françaises de la collection de M. J. Rousseau, p. 162) a paru
disposé à donner un denier carolingien portant le monogramme incomplet
de Carolus avec la iégende + CRATIA Dl REX, et à l'avers + TALAV
MONETA. Je ne saurais admettre que le nom de ce village se soit pré-
senté avec la forme Talau dès le IXe siècle, et, pour ma part, je ne vois
que la désignation du monetarius dans cette légende, et, dans Tatav. le
nom plus ou moins abrégé d'un monétaire qui ne se rapporte en rien au
yillage de Talâu.
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE 119
IV
Formation de la diphthongue pu dérivant de etz, eds, pz
Ralléu, village du Confient ( Pyrénées-Orientales ).
1232. décimas de Araled (Arch. des Pyr.-Or., B 86 ).
1260. Ferrarius de Araleu { Arch. de l'hôp. d'Ille, C 10).
1272. Jacobus de Areleu ( Lib. feudor. A, f° 14 ).
Fréuol, nom d'homme, dont la forme primitive est Fridelo,
Fredelo .
1217. filia Johannis F 'reuuo l (Archiv . de l'hôp. de Perpignan,
liasse XXVII, 68 ).
1240 et 1241. frater Freol (Arch. des Pyr.-Or., parchemins
du Temple ).
La diphthongue s'est formée ici et dans l'exemple suivant
par la chute du d à l'intérieur du mot ; ce nom est d'ailleurs
encore assez commun en Roussillon, mais sans diphthongue
et sous la forme Frezol ou Frezul ' .
Dèumer, dérivé de deeimarius, collecteur de la dîme. C'est le
nom d'an commandeur de l'hôpital d'Ille, appelé tantôt Deei-
marius, tantôt :
1231. fratri Petro Deumerio ( Arch. de l'hôp. d'Ille, B39);
1236 Petro Dumario ( ibid., C 28), et Petro Detmerii (ibid. ,
O 42).
1238 et 1241. Petro Detmer (ibid., B 88 et B5).
1241. Pelrus Deumer (ibid., D55).
On a déjà vu que, dès le XIVe siècle, ce mot se trouve sous
la forme delmer, la seule qui se conserve aujourd'hui ; mais
cette mutation, contraire à l'étymologie, ne s'est pas intro-
duite dans le catalan déu (dix), qui s'est formé régulièrement
de deeem, detz, dez. C'est même la forme intermédiaire dez qui
existe encore en catalan dans dez e set, dez e vuyt et dez e nôu
(dix-sept, dix- huit, dix-neuf) et, à l'intérieur, dans desena et
desener (dizaine, dizenier).
1 C'est ce motif qui méfait attribuer à ce mot l'étymologie de Fredelon,
quoique le mot freuol (frêle, frivole) existe aussi en catalan avec ur. autre
sens et une autre origine.
120 DIALECTES ANCIENS
Je ne suis pas bien assuré de l'étymologie du nom d'un ha-
bitant de Brulhà, en Roussillon, mentionné dans un acte de
1202: t.erram Berengarii Correu (Archives du prieuré de Font-
clara). Corréu signifie «courrier» en catalan, et ce mot existe
avec la même forme et le même sens dans un texte de 1283;
mais sa formation me paraît difficile à expliquer, et la forme
corser existait dès la même époque avec le même sens. Je
pense que le correu de 1202 avait une autre signification et
une autre origine, et qu'il s'est formé de condirectum, qui a
donné condirect, condret, condred, coudrez et conréu ou corréu,
dès les temps les plus reculés. Ce mot n'existe aujourd'hui
qu'avec la forme conréu, « culture »; conrear, « cultiver, tenir
en bon état. » Reste à expliquer la chute de Yn ; or je trouve,
en 1363, laurar e coresar la vinya ; en 1377, laurar, cultivar e
cour esar les terres ; en 1397 ', privacio de correar lurs possessions
e terres, et, même en 1535, les dites terres que s corresaven, ara
son quasi enboscades. Par conséquent, si mon opinion estfondée
quant à l'étymologie, le mot conred, correz, aurait déjà formé
sa finale en diphthongue avant 1202. J'ajouterai que le nom
de Corréu, comme nom de famille, est encore très-commun
dans les communes rurales du Roussillon, et qu'il parait se
rattacher originairement à celui qui « travaille ou cultive la
terre » bien mieux qu'à un « courrier. »
Eus, village du Confient (ilex, ilicis, chêne vert).
1035. villa Eh (Marca 214).
1095. castrum de Ylice (Marca, 311).
1212. villa Elz (parch. de canigo).
1213. Guillemus de Belz (cartul. du Temple, p. 46.)
1218. Guillemus de Heutz (hôp. de Perpignan, lias. 33,
n° 101).
1243. castrum de Eucio (prieuré de Cornella de Confient).
Alaséu ( Adélaïde ) se trouve, à partir du Xe siècle, dans les
documents de la Marche d'Espagne, sous les formes Adladed
ou Aladet, Alatlzez, Alazaz. On trouve à la fois l'ancienne
l'orme et la forme en diphthongue dans un acte écril à Saint-
llippolyte en Roussillon, en 1233.
L233. in honore Alaseu Martela, et plus loin: in honore Alaset
Martela ( Archiv. des Pyr.-Or., B 42).
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE 121
V
Formation de la diphthongue iu, dérivée de ils, id, iz
Beliu, lieu de la Cerdagne espagnole.
880. viam de Belis.. in manso de Almiro de Belit (Marca, 52).
983". et in Beliz casas ( Villanueva, t. X, p. 263).
1293. Petrus de Beliu {Liber feudor. A, f. 100).
1386. Baliu (Proc. real., reg. III, f. 121).
Niumal ( nidum, nid, niz, niu ), village au sud de Berga.
982. et Niz mal et Capraria (Villanueva, t. XV, p. 237).
1347. Stagnum de Malniu, dans la Cerdagne espagnole.
Biatriu, nom propre (de Beairicem, Biatriz).
1282. tenencia d'En Biatriu (Arch. des Pyr.-Or., B 18, f. 3).
Toleriu, lieu de la Cerdagne espagnole.
1258. mansos meos de Tolerid. . ecclesia de Toleriuo (Testam.
de Bernard de Berga, évêque d'Elne ).
Tardiu, nom d'homme, vient probablement de tardivus, mais
certains textes indiqueraient une autre étymologie.
1234. Bernardus Tardit vireius (hôp. de Perpignan, liasse 33,
n° 50 ).
1240. in campo Tardiu (ibid., 31, 44).
1245. Bernard/im Tardiuum.. B. Tardiu et an iris sue (ib ,
30, 50 j .
G-uiu, nom d'homme, de Guida, Guid, Guiz.
1273. frater G. Cerdani et Guju de Martzano ' Notule d'Ar-
naud Miro, notaire).
Feliu, nom d'homme, de Felicem, Feliz.
1 187. tibiJohanni Felici.. ego Felid de Barrera (Hôp. d'Ille,
F. 71)
1217. Vuillemi Felit (ibid. — Mentet, parch. 47).
1227. in campo Johanni Felit . . Remundi Arnad (ibid., B. 72 .
1 Ce mot. avec le sens de « guide », se trouve à la rime, avec la forme
g uitx on guiz, dans une pièce de vers cat-ilans fort ancienne, publiée pai
P. BofaruJ] (Coleccion de docum. ineditos, t. XIII, }i l-">3 ).
122 DIALECTES ANCIENS
1241 et 1246. fratris Feliu ( parchemins du Temple ) .
Vassaliu, quartier au territoire de Torrelles, en Roussillon.
1070. et in Vassalid pecias ni. de terra (Cartul. maj. de Cuxa,
fo74).
1242. vocatur campus de Vassaliu (Arch. des Pyr.-Or., B
48).
1249. de nostro campo de Vasselis (ibid. ).
1294. loco vocato Vessaliu ( Terrier de Saint-Laurent).
Tamariu, tamarin.
974. ad ipso Tamarit { Marca, 116).
982. ad ipsam Tamarix ( Villanueva, t. XV, p. 337).
11 11. pergit ad Tamarit ( Marca , 352 )
1235. in illafaxia de Tamaritz (Arch . de l'église Saint Jean,
de Perpignan ).
1292. loco vocato Tamariu.. à, lesTamarius (Terrier de Millas,
f. 3. et 36); loco vocato sa Tamarin (Terrier de Collioure, f. 32,
19 et 26).
Tamariguer, « lieu planté de tamarins» (de tamariuerium ?),
indique dans l'intérieur du mot une diphthongue formée plus
anciennement vers la lin du XIIe siècle. On trouve en effet, en
1 L81, in tamariguer (Cartul. du Temple, f. Il 1 ); en 1191, ta-
mariger f. 112); en 1205, tamarigerio (f. 13), ei tamariguerio
en 1212 (f 12).
Perdiu, perdrix (de perdix, perdicem).
1210. loco vocato Canta perdilz, a Perpignan (archiv.de
L'hôp. S. Jean).
1256. ad serram de la perdiut, à Centernac. pays de Fonol-
let (cartul. du Temple).
1275. perdius ni anets Ordinac. de Perpignan).
L286. loco vocato Canta perdiu, à Perpignan.
L292. a Canta perdiu, à Tautahull en Roussillon.
Perdiguer indique ;i L'intérieur du mot une diphthongue for-
mée connue relie de fumariguer. On trouve, en L292, /eau// de
Perdiger ci de Perdiguer en 1360, à Collioure.
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE 123
VI
Formation de la diphthongue ou, dérivant de ots, os.
Nôu, « noix», de nucem, not, noz.
839. sive Ma Noz (Marca, 1), village du pays de Berga, au-
jourd'hui appelé la Nôu '.
873, ad ipsam Nucem (Marca, 32).
1275. ni notz, ni avelanes (Ordinations de Perpignan).
1284. notz, la ejmina (Réua de Perpignan).
Je ne trouve la diphthongue qu'en 1368, una sarria de nou
d'amenles; mais la forme ancienne persiste encore longtemps
après, même en 1385 : miga closc/ta de not.
Noheda, (Nôuéda), «lieu planté de noyers. »
888. ùsque in rio de Noseto, en Catalogne (Marca, 46).
Nokèdes, village du Confient, s'écrit Nosedes et Nozedes de
1181 à 1370 au moins, quoiqu'on trouve aussi, à partir de 1307,
Noedes et Nohedes, avec la diphthongue dans le corps du mot,
obtenue par la simple chute de Ys.
Nôu (ancien catalan), « nœud », de nodum=nod = notz;
transformé en nôu en 1249 et 1300 [nou d'exarch, leude de Col-
lioure); mais on lit encore dans une lettre du 1er septembre
1324 : la bale&ta ap file amnotz, adops d'adobar les balestes.
Crucem a donné crotz, croz, et plus tard crôu et créu, dont
le dernier est seul en usage aujourd'hui en catalan. Ce mot
offre l'exemple unique, à ma connaissance, d'une diphthongue
finale dérivée tYoiz, déjà formée dans la seconde moitié du
XIIe siècle.
1186. in colle de Creu (original, parchemin du Temple, d'ail-
leurs exactemem transcrit dans le cartulaire, fo 61). Le lieu
ainsi désigné s'appelle encore aujourd'hui Collde Créu.
1 Est-ce le même nom que celui de l'étang de Lanos dans la Gerdagne
française, déjà écrit Lanos en 1175 (archives de Llivia). ou plutôt un autre
nom, avec le sens et l'étymologie de « lande ». du breton lann ? Il n'est
pas probable que le nom de Lanos ait jamais varié, et comment admettre
qu'il eût déjà l'article tout formé comme dans Ma Noz (la Nou) de 839?
Il existe au territoire d'Argelès, en Roussillon, un quartier appelé Val
de Nous depuis le XIVe siècle au moins.
124 DIALECTES ANCIENS
1270. ad capud de Crou, cap de Créus en Empord;'i {Liber
feudorum A, f» 1).
1381. lo loch de Crou (aujourd'hui Créu, en Capcir).
Vox, vocern, voz (en 1285), a aussi donné oôu au XIIIe siècle;
mais aujourd'hui on n'a que la forme véu.
Alôu (alleu), quelle que soit son étymologie, présente deux
formes dans les anciens textes de la Marche d'Espagne: in
alaudo en 888, aloudem en 9.43, alaudium en 1000, alauds en
1063, tuum clan en 1139; et alode en 777, alod en 976, ipse
alods en 1036, etc. C'est probablement la seconde, semblable
d'ailleurs à Vainc de l'ancien provençal-, qui a produit réguliè-
rement la forme catalane alôu 1249). Les documents du Rous-
si 11 on présentent les formes alod, alot, alotz, alos, jusques vers
1210.
Opol, anciennement Opou, en Roussillon.
1149. Opidum (Arch. d'Espira de PAgli).
1184. Benedictus de Costa de Opel Arch. des Pyr.-Or. —
Grange de Vespella).
1218. de Opetz (ibid.)
1224. Petrus Poncii de Oped (Testam. de Bérenger de Parets
tortes).
1246. couarde Oped qui modo dicitur Salvaterra [Proc. real,
reg. I, f° 36).
1286 ecclesia de Opu/o ' {.Gallia christ. . t. VI, Instrum. eccles. ■
Elnen. 17).
L306. Lo Roue d' Opol (Ordinations de Perp., 1, f"36).
1313. lo render de Opou (Procuracio real, reg. xvm, f" 23;.
1316. Opeu* (ïbid., f° 79 .
La conclusion que l'on peut tirer de tout ce qui précède,
1 Opulu est très-probable eu 1285, car la diphlhongue existait déjà, K ! u
avait pu se changer en l; cependant celte leçon est lort douteuse (pour
Opido?), ce nom de lieu étant toujours écrit Opidum dans les actes latins
de celte époque.
- C*.st le seul exemple que je connaisse de cette forme, la seule régu-
iment formée de opidum, oped, etc. Mais, contrairement à ce qui est
arrivé dans crou el vou, qui sont devenus créu et véu, opéu est devenu
opou, que l'on trouve encore dans le wir registre de la Procuracio real;
en 1317, amdos d'Opou (fo 91) et castelan d'0pou(fr 37); en 1318, de Opou
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE 125
c'est que, dans la langue catalane, la diphthongaison des fi-
nales atz, etz, itz, otz, se manifeste seulement après Fan 1150,
et par des exemples extrêmement rares, jusque vers 1220 ou
1240, du moins dans la langue écrite ; mais ces exemples,
quelque rares qu'ils soient, prouvent que la tendance ou
même un mouvement très-marqué vers la diphthongaison de-
vaient déjà exister, à cette époque, dans la pratique de la lan-
gue parlée. La mutation était-elle dès lors devenue générale
et appliquée dans tous les cas ? Je ne le pense pas ; et, d'après
les preuves données, elle ne fut généralisée que vers l'an 1220
environ, quoique, dans la langue écrite, beaucoup de formes
primitives ou intermédiaires aient encore persisté pendant
plus d'un siècle, surtout pour les noms de lieu.
Quoi qu'il en soit, la mutation était générale et complète
dans la langue de Jacques le Conquérant et de tous les docu-
ments écrits après l'an 1250 ', soit dans le corps, soit à la fin
des mots, excepté pour la terminaison de la seconde per-
sonne du pluriel dans les verbes. Ici, qu'elle qu'en fût la rai-
son, la forme ancienne a persisté jusqu'à la fin du règne du roi
Pierre III, non-seulement pour la langue écrite, littéraire,
officielle ou administrative, mais encore dans la langue usuelle
(57 fo). et en 1323, lo castel de Opuu. . . la vila vêla d'Opou (fo 79). Après
cette date et jusqu'à nos jours, on ne trouve plus que la forme Opol ou
Opul (prononcé Opoul).
' On peut cependant admettre que les formes anciennes ont dû se con-
server plus longtemps dans les noms de lieu, bien qu'ils aient, en géné-
ral, subi la mutation d'après la même règle et à peuprèsàla même époque
que les noms communs. Quant a ceux-ci, on trou1, e la diphthongaison
déjà opérée au complet dans les écrits du roi Jacques. deR. Lull, de
Des Clôt, et dans tous les textes catalans postérieurs à 12Ô0: par exemple,
dans diiz (diu), plaz [plau), patz ipuu}, podz (pou), sotitz (soliu), pedz
ipéu) et autres déjà cilés. On lit cependant dans les fragments des mé-
moires du roi Jacques, publiés par M. de Tourtouloii ( Revue des langues
romanes, t. II ), lu prêts, lo bon prêts ( pag. K>3, 15't ), et lo preu(\\. 160).
variantes qui peuvent provenir, soit d'une erreur du premier éditeur, soit
du plus ancien mns. de ces mémoires, qui est du XIV« siècle. On lit,
d'ailleurs, dans la Heua de Perpignan (1284), Iota bestia qui sia de preu.
et dans B. Des Clôt (cap. V) lo rey kac lo prea de la batulla- Dans tous
les cas, en admettant que prêts soit la bonne leçon, il y a encore l'exem-
ple de notz (noix) qui se présente aussi avec la forme primitive jusqu'à
la lin du XIV J siècle.
126 DIALECTES ANCIENS
et vulgaire, puisque les écrits et notes d'origine populaire,
émanés de gens dénués de toute notion grammaticale et or-
thographique, observent toujours à cet égard la même règle
que les personnes lettrées.
La diphthongaison de la seconde personne du pluriel n'était
pas une innovation grammaticale en catalan, puisque ce fait
s'était déjà produit depuis plus d'un siècle, dans cette langue,
pour tous les autres mots et dans des cas absolument sembla-
bles. On ne fit qu'appliquer au pluriel des verbes ce qui se
faisait pour tous les autres vocables, et il est bien probable
que dans la pratique, par erreur ou par simple imitation, bien
des gens usèrent, dans leur langage, des formes au. eu, iu,
pour la seconde personne du pluriel, avant l'époque où l'on
en trouve des traces dans les documents écrits.
Voici, dans tous les cas, les plus anciens exemples que j'en
ai pu découvrir, après un examen attentif de tous les do-
cuments originaux du XIVe siècle qui se trouvent à ma por-
tée1.
* Les conclusions de ce mémoire sont uniquement fondées sur les ma-
nuscrits contemporains originaux, les seuls qu'il y ait à admettre en pa-
reille matière, et non pas sur les anciennes éditions ou même sur les ma-
nuscrits d'œuvres des XIIIe et XI\ c siècles, écrits après l'an 1 400 Les
exemples que l'on pourrait opposer à ma ihèse, en les prenant dans des
documents de ce genre, ne pourraient guère prouver autre chose que des
ei reurs ou des fautes de copistes et d'éditeurs, ou l'habitude de remanier
les anciens textes et de les mettre au goût du jour. C'est ainsi que l'on
trouve des secondes personnes du pluriel en au, eu, iu, dans les éditions
de Hamon Lull, de Bernard des Clôt et de presque tous les auteurs cata-
lans du XIV* siècle. Jérôme Rossellô attribue à R. Lull. d'après le doc-
teur Heine et d'après un manuscrit « de la fin du XIIIe siècle », qui se-
rait aujourd'hui à Berlin, un fragment où on lit :
Stirau, s<?nyor, las nai
avec d'autres pluriels en au{Obras rimadas de R. Lull; Paltna, 18">0,
p. 176), ce qui me parait absolument impossible, Lull ayant touiours em-
ployé le (ormes anciennes dans ses rimes, par exemple [l'Arl delà al-
quimia. pag. 3u7 ) :
Vosaltres ab li crett
■ Mira.
Si lo '-'«Mus :n-c r volets
Di la i-us realtj haurett mesura;
et dans el Desconort (pag. 350), où les secondes personnes désirais, siats.
ETUDES SUR LA. LAJSGLE CATALANE 127
VII
Exemples de secondes personnes du pluriel catalan formées en
diphthongue
Les plus anciens exemples se trouvent, à ma connaissance,
dans une lettre écrite de Barcelone, le 23 ou 26 janvier 1380,
par le prieur de Catalogne, de l'ordre de Saint-Jean de Jéru-
salem, au bailli de sa seigneurie de Bonpas, en Roussillon, et
transcrite par un notaire de Perpignan, le lor février suivant.
Elle est ainsi conçue :
Al amat lo batle de Bon pas.
— lo Prior de Cathalunya.
procurats, etc., riment avec le participe lionrats et le substantif damp-
nitats.
De même, dans l'hymne à la Vierge publiée par Prosper de Bofarull
{Coleccion de documentes ineditos, t. XIII; Barcelona, 1857, p. 152-154),
d'après un mns. « de la lin du XlVe siècle », on lit ( p 153 ) :
Dolçe regina, ogau, sins plats,
Per la umilitat qui an vos es. . .
Comment admettre ogau, « écoutez », dans une pièce ( que je crois d'ail-
leurs fort ancienne) où toutes les autres secondes personnes du plurii 1
sont en ats, ets, its, finales exigées parles rimes'? Ainsi ayets rime avec
aguest; uw(pour vists), avec Christ (p. 152 et 153). 11 y a même deux
vers corrompus qui ne peuvent guère rimer qu'au moyen d'une rime en
ets :
A! quart fo dolçs regina
Cantlos tice reys ab goj rraseves {sic) ,
vers inintelligibles, que je rétablirais ainsi :
Al quart, fo dolçs request(o« aquest?),
Cant los iris reys ab goy rasevests.
J'ai relevé encore un assez gfànd nombre de finales de verbes en au
eu, iu, dans les documents inédits, publiés par Pr. Bofarull (tome XIII),
d'après des manuscrits de la fin du XIV siècle ou du XVe, et même dans
l'édition des mémoires du roi Pierre d'Aragon ; mais il serait fastidieux
de les citer ici. Je crois cependant devoir signaler deux issages de la
traduction catalane de la Doctrina de ben parlât, publiée dans les Mémo-
rias delà Academia debuenas tétras de liarvlnna (tome Il\ d'après un
manuscrit al parecer, del siglo Mil ; âge ./2'.ii. On y lit (p. 599) : /<cr lui
quesapiau com degau respondre ; el plus loin, même page: no siau
enganyatz [noliteseduci), leçons qui paraissent absolument inadmissibles
au XIII0 siècle, et même au suivant.
128 dialectp:s anciens
Batle,
Ja'us haveni scrit altra vegadaque douasse tz un capbreu que
vos teniu en forma publiea a frare Bn Blanch, per ço com nos
volem que'l dit capbreu estiga a Bajoles '; e vos aço no havetz
volgutfer, menys presant lo nostre manament e la pena dels
d.s que'us havem posada, e par que no conexeu senyor. Per ço
a vos dehim e manam sotz pena de cinchcents sol. guanya-
dors a nos, e encara sotz lo sagrament e homenatge de la
feeltat que a nos sotz tengut e obligat, que de continent, vista
la présent, donetz al dit frare Bernât Blanc lo capbreu que
ja'us havem feyt saber, lo quai ell vos dira: certificant-vos
que si aço no fetz de continent, que nos vos farem levar les
pênes e la batlia, o, si rahons justes havetz que aço no deiats
fer, que dins spay de vin. dies, comptadors après que la pré-
sent vos sera presentada, les haiatz presentades davant nos.
Scrita en Barchna sotz nostre sagell secret a xx[ii]j de giner
[MCCC lxxxI . ( Archives des Pyr.-Or. — Notule de Jacques Salvet,
notaire de Perpignan, ann. 1380, f'6).
A côté des deux formes diphthonguées teniu (vous tenez)
el runexeu ( vous connaissez ), se trouvent les formes ancien-
nes donassetz, havetz, sotz, donetz, fetz, deiatz et haiatz ; il en
est de même dans les autres documents catalans jusqu'à Tan
1440 ou 1450 environ.
Il y a un second exemple de la forme au dans une lettre
écrite de Cervera, le 8 novembre 1385, par Pierre de Fonollet,
tils d'André de Fonollet, vicomte d'ille et de Canet, à qui son
père avait fait don de la ville d'ille lors de son mariage avec
Constance de Proxida :
A! molt honrat senyer e car amich En Brg d'Ardena.
S . • 1 1 \ . ■ i ■ r car amich, sapiats que jo teramet la carta que'l
bescomte me a fêta per la possesio del loch d'Ila. Per que jo
vu! que vos prengats possecio del loch d'Ila e homenatge de
tots l<i- homens, <• prech \<>^ que-u fasau - be e deligentment,
1 Bajoles, commanderie de l'ordre de l'Hôpital, en Huussillon. à 3 kil. à
l est <i.' Perpignan, en lace du lieu de Bonpas, situé de l'autre cou'- de la
ri\ ici'c do la Tel.
- Je n'ai pas aujourd'hui sou^ I is yeux le registre du notaire où j'ai
trouvé la lettre originale de P de Fonollet, mais je suis sur de la iidélitti
ETUDES SUR LA LAKGUE CATALANE 129
e prech vos que, vista la présent, vos e (sic) donets bon re-
capte. Si degunes coses volets que jo fer puxa, som ha vostro
plaer. Scrita ha Servera ha vin. de noembre, sotzscrita de
ma mea e segellada ab mon segell.
P. de Fonollrt.
(Notule de Bernard Borgua, notaire à Ule, ann. 138ô.)
Les exemples sont plus nombreux en 1390; et d'abord, dans
une lettre écrite d'Avignon le 31 janvier, par un Catalan pro-
bablement Barcelonais ', à propos d'un procès du clerc Pierre
de Camos contre Bernard Catala, chanoine d'Elne, sur la
perception des revenus de l'église rurale de Saint-Michel
de Purques, située près de Canet, enRoussillon. L'original de
cette lettre est joint, dans le registre d'un notaire, à la trans-
action faite à ce sujet le 25 mars 1390, et la copie du notaire
est exactement conforme à l'original. Pour les 13 verbes à la
seconde personne du pluriel que l'auteur a employés, il y en
a 4 avec la forme diphthonguée et 9 avec la forme ancienne
ou provençale.
Honorabili viro domino Bernardo t'athalani canonico Elnensi.
Mossenyer En Bernai.
Sapiats que jo he près a dens lo vostre fet ab En Camos.
vostre adversari, et promet-vos en fe que jo he haut prou
affer a medurar-lo, que sapiau que ades deya que ho faria,
ades deya que no. Pero, jo he tant fet, axi que lo pletde Sent
Miquel. et lo plet del auditor de la cambra sobre la citacio, e1
lo plet de la canongïa vostre sien finits, et que de qui avant
no s'en parle plus : e vos. que de présent li agats desemperar
de ma copie, faite il est vrai à une époque où la question de la mutation
d'abz en au ne me préoccupait guère. La leçon fatau (pour fassau), en
138ô, ne saurait être douteuse après les exemples de 1:580. La lettre est
d'ailleurs écrite avec assez de négligence, et il faut lire tramet ( au lieu
<ie teramet ; plus loin, vos hi donets (au lieu de e), vostreplaer (au 1. de
vostro), son (au 1. de som). — J'ai revu depuis l'original de ce docu-
ment, dont le texte est exactement celui donné ci-dessus].
1 Cette supposition est suggérée par certaines formes, telles que voslm.
presos, las despeses. déjà assez communes à celte époque en Catalogne,
mais beaucoup plus rares en Roussillon. La formel au lieu de e esi
d'ailleurs extrêmement rare en catalan après le XIII" siècle.
130 DIALECTES ANCIENS
liberalment lo dit benifet de Sent Miquel, etque'l li lexets pos-
seir pacificament. Encare mes, que li agats a donar de présent
xxv. ilorins d'Arago, per les messions de les scriptures que
ha haudes a ffer en lo dit plet, e lo dit Camos vos remet tots
los fruyts que vos aveu presos dcl dit benifet de Sent Miquel,
e totes les despeses, que-y ha fêtes ; empero, que vos siatsten-
jiit de pagarla vagant del dit benifet, si no's es pagade.e los
altres carrechs qui-y son venguts en lo temps que vos rehebiets
los fruyts, e aço es rahonable assats, a mon semblant. Per que,
si lo cor vos hi va lie si vos plau, trametets decontinent los
dits xxv. florins, e, con hic sien, si lo dit Camos vol fer e
fermar les coses demunt dites, abans que n'age diner ne
mala, el ho fermara, si no, james no'n haura mala, e promet
vos que jo-y sere be cautelos. En aquest pas, die vos, senyer,
en bona fe, segons que diu lo dit Camos, ja havia fêta la exe-
cutoria sobre la sentencia per vos fer pagar tots los fruyts de
.1111. ho .v. ayns e mes, que aveu presos, e las despeses dcl plet
del benifici, e puys del plet de la citacio, e que are ne scapeu
per .xxv. ilorins. Gran gracia es aquesta, a mon semblant, e
axi no'us hi trigets, car [>cr aventura penedir s'en poria si
guayre trigavets. Deus, senyer, sia en vos. Scrifa en Avinyo
a xxxi. de janer.
G-. Borrii i . vostre procurador,
licenciât m décrets.
(Archives des Pyr.-Or.) Notule de Jean Missô, notaire d'Elne,
ann. 1390.)
Cette même année 1390 fournit deux autres exemples dans
des textes déjà publiés dans la Revue des langues romanes
(toin. VI), l'un dans une lettre d'Arnau d'Éryll, écrite de Bar-
celone le 9 niai 1390 : e que ereu en volentat de acordm
(pag. 363 : l'autre, du même personnage, datée du 25 juin sui-
vant : no ksmaginau sino a esvair lo temps (pag. 373).
Il en existe un dernier exemple dans une lettre du roi Mar-
tin d'Aragon écrite au procureur royal de Roussillon et Cer-
dagne, en date de Çaragoça a xnu. dies de fuliol del any
m.ccc.xcviiii. ei dont l'original existe aux archives des Pyré-
nées-Orientales B 205 .On v lit, à propos de l'acquisition
d'un certain local :
ETUDES SUR LA LANGUE CATALANE 131
E no fom informât* que l.o dit alberch valgues tant com vos nos
haveu fetsaèer. . . .
D'après ces citations, il est évident qu'à partir de l'an 1400,
la forme diphthonguée étant devenue à peu près générale
dans la langue parlée, on pourra découvrir dans les textes
catalans beaucoup de cas de la 2e personne du pluriel en au,
ni, iu; mais je les ai vainement cherchés * et je n'en ai pu re-
lever aucun autre exemple avant Tannée 1420, où Ton trouve,
dans une lettre écrite de Cervera, la forme haveu au milieu d'au-
tres formes en ats, ets,its, et dans une autre de la même année,
écrite de Barcelone par un Sicilien, avec la 2e pers. toujours
en diphthongue : vullau ( deux fois), yordeu, scriviu, estoyeu
(Revue des langues romanes, t.V, p. 282, 283).
Ce dernier exemple de l'emploi exclusif de la forme en
diphthongue est fort remarquable; et, quoique les finales en au,
eu, iu, deviennent ensuite de plus en plus fréquentes, on ne
pourrait guère citer d'autres exemples de leur emploi ex-
clusif et sans mélange dans un même document, jusqu'à l'an
1435 environ. A partir de cette époque, la forme nouvelle
de la 2e pers. du pluriel entre en plein dans la langue litT. -
raire ou classique comme dans la langue parlée, on peut le
reconnaître par les rimes d'Ausias Mardi ; mais les exemples
de la forme primitive se rencontrent encore à tout instant dans
les manuscrits originaux pendant tout le XV" siècle, et même
dans les vingt premières années du XVIe.
A quelle régionfaut-il attribuer l'origine de la mutation que
je viens d'étudier? En ce qui concerne la diphthongaison des
finales ats, ets, its, ots, les documents prouvent qu'elle s'est
produite simultanément dans la Catalogne et dans le Rous-
sillon, et qu'elle existait déjà dans la langue catalane à l'épo-
que où elle fut introduite dans les îles Baléares et dans le
royaume de Valence. Quant à la diphthongaison de la seconde
personne du pluriel, elle est, dans mon opinion, originaire de
Barcelone, et l'on a pu remarquer que presque tous les exem-
1 J'en ai relevé d'autres exemples isolés, dans des écritures privées :
fahieu en 1396, et en 1399, que's veia vos, si sou fret, o si civets, etc. Us
deviennent plus fréquents à partir de 1406 dans des écrits de môme genre,
mais ils suut toujours mêlés aux formes anciennes.
132 DIALECTES ANCIENS
pies cités de 1380 à 1420 proviennent de documents écrits dans
cette ville ou en divers lieux de Catalogne. Le Roussillon l'ac-
cepta par l'influence naturelle qu'exerçait la capitale de ses
souverains; mais ce ne fut pas sans quelque opposition, car on
n'en trouve que de rares exemples de 1400 à, 1460, et, jusqu'à
cette dernière date, la majeure partie des textes roussillonnais
ou cerdans n'emploient que des formes en ats, ets, its.Ce fait
est surtout sensible dans les écrits d'origine purement popu-
laire, dont la langue fut, en ce point et sous beaucoup d'autres
rapports, tout à fait en retard sur la langue des notaires et des
documents administratifs. Le Roussillon a d'ailleurs conservé,
plus longtemps et beaucoup mieux que la Catalogne, la langue
du XIVe siècle, par le simple usage, et sans doute aussi parce
qu'il subit à un moindre degré l'influence de la vie intellec-
tuelle et des réformes littéraires. C'est ce qui me paraît dé-
montré par les faits et les preuves cités pour le point particu-
lier que je viens d'étudier.
A.LART.
(A suivre. )
■*~^»~ -■**■-
DIALECTES MODERNES
A L'AURO
Lou fueiage nais e trémolo :
Auro, tu que vas ounte vos,
Vers ffloun amigo volo, volo :
Porto-ie lou murmur di bos.
Dins lis erbo qu'escarrabiho,
La font cour en riban d'argent :
Porto-ie la fresco babiho
E lou rire di clar sourgènt.
Coume uno mar, verdo es la prado;
Ta pas un nivo dins lou cèu :
LVauceloun canto : à l'adourado
Porto la cansoun dis aucèu.
De taco d'or dins l'oumbro fousoo
Jogon coume de parpaioun:
A LA BRISE
Le feuillage naît et tremble ; — brise, loi qui vas où tu veux, —
vers mon amie vole, vole: — porte-lui le murmure des bois.
Dans les herbes qu'elle réjoui i. — la fontaine court en ruban
ù urgent: — porte-lui le frais i abil — et le rire des claires sources.
Comme une mer la prairie est verte: — il n'y a pas un nuage
dans le ciel; — l'oisillon chante: à l'adorée - porte la chanson des
oiseaux.
Des taches d'or dans l'ombre profonde —jouent comme des
134 DIALECTES MODERNES
Porto-ie l'alenado tousco
Dis oumbrun mescla de raioun.
Sus li draiôu vène d'entendre
Un galant brut de pichot pas :
Porto-ie lou parauli tendre
Di paréu que se parlon bas.
D'abriéu l'aubo suavo arroso
Li flour presso d'un dous fremin :
Porto-ie lou peri'uni di roso
E l'anio di blanc jaussemin .
Duerbe sa porto, intro tout-d'uno ;
Vai d'aise, que n'ague pas pou !
Caresso si trenello bruno
E t'ai un poutoun sus soun cou !
Teodor Aubanel.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
papillons : — porte-lui la tiède haleinée — des ombrages mêlés
de rayons.
Sur les sentiers, je viens d'entendre — un bruit charmant de
petits pas: — porte-lui les tendres paroles — des couples qui se
parlent bas.
D'avril l'aube suave arrose — les fleurs prises d'un doux frisson:
— porte-lui le parfum des roses — et l'âme îles blancs jasmins.
Ouvre sa porte, entre d'un élan ; — va doucement, qu'elle n'ait
pas peur! — Caresse ses tresses brunes — et fais un baiser sur
son cou !
Théodore Aubanel.
-r**>tH
LA FIGUEIRA
Quand tourna lou cel se fai d'or
E que, vermelha, enramelada,
La jouina Prima, capelada
De flous e de flous sus soun cor,
Kscabarta barbasta e tor
Emb una caudeta alenada,
A la premieira bresilhada
Que canta que river es mort,
La Figueira, gloria de Tort,
Belament s'es derevelhada.
Desengrepesits, sous chimels,
Couma de brasses de droulletas.
Que cargoun sas plenas dournetas,
S'enaui'oun lisses, blanquinels,
As poutous das raisses nouvels.
Fresinantas, freulas aletas.
Pioi espelissoun las flolhetas :
Diriàs pas de poulits aucels,
D'issams joucats e jougarels
De capignousas parruchetas?
LE FIGUIER
Quand à nouveau le ciel se fait d'or — et que, vermeil, enra-
melé, — le jeune Printemps, coiffé — de fleurs et dos fleurs sur
son cœur, — chasse givre et gelée blanche — avec une tiède haleine,
— au premier gazouillis — qui chante que l'Hiver est mort, — le
Figuier, gloire du jardin, — s'est doucement réveillé.
Dégourdis, ses rameaux, — comme des bras de fillettes — qui
chargent [sur leur tête] leurs cruchettes pleines. — s'élèvent lisses,
blanchâtres, — aux baisers des rayons nouveaux. — Frémissantes,
frêles petites ailes. — éclosent ensuite les jeunes feuilles: — nediriez-
vous pas de jolis oiseaux. — des essaims juchés et joueurs, — de
querelleuses perruches ?
13Ô DIALECTES MODERNES
La qu'empimpara lou fiolhun,
L'avivada Sasou-fadieira,
0 ! couma vestis la Figueira
Emb un clar, satinous trenun
De sourel e de nouvelun,
— Poumpousa rauba sens parieira ! -
Es per acô que, festadieira,
Coufla de joia e de perfum,
Vôu s'escarcalhà 'u libre lum
L'ufanousa reina vergieira !
Quand vesès lou blat canelà,
Long de las brancas imourousas
Las flous carnudas e courousas
Acoumençoun de boudenflà :
Se res ven las despecoulà,
N'i 'aura de Figas! — audourousas,
Gentas^poupetas melicousas,
Qu'un lach ambrenc vai ne coula
A dégoûts, per assadoulà
La* bestioletas tetadousas.
E pauc à pauc, de rescoundous,
Jout lou grelhage que roundela
Celle qui atourne la feuillaison, — l'active Saison-fée. — oh!
comme elle vêt le Figuier — d'un clair et satiné tissu — de so-
leil et de sève, — pompeuse robe sans pareille ! — C'est poar cela
que, festoyante. — pleine de joie et de parfum, — elle veut s'étaler
à la libre lumière, la superbe reine1 du verger.'
Quand on voit canneler - le blé, — le long des branches flexibles
— les fleurs charnues et fraîches — commencent à gonfler: — si
rien ne vient les détacher. — il y en aura des Figues ! odorantes,
— gentilles mamelles mielleuses — dont un lait ambré va cou-
ler— goutte à goutte, pour gorger — les mignonnes bestioles té-
teuses.
Et peu à peu, en cachette, — sous le feuillage qui arrondit —
1 Figuier est féminin en languedocien. — - S'' former en tuyau.
LA FIGUEIRa 137
L'esrnerauda de sa dentela
En de ventalhs amagadous,
Vairoun en boudenflant las flous :
NTa que soun de seda roussela ;
N'i'a d'una teneha palinela;
D'autras passoun, emb soun blau dous,
La nioch, quand tremudaen velous
Soun azur.priound que s'estela.
Ara, Juliet cauma lou cel,
Lou mes aurin, lou mes segaire !
E trioumflant, l'Aubre à Teselaire
Luseja que fai parpantel! . . .
L'envertoulhoun d'un laugè vel
Brounzinarel e varalhaire,
Vouletous venguts de tout caire;
Tant, que lou que s'acosta d'el
Tes avis, qu'emprés, quauqu'abel
Estuba e fai zounzounà Taire :
Car s'apound à-n-aquel sascal
L'alenada mola e sucrada
De eada Figa amadurada,
Qu'entredoubris au gai dardai
i'émeraude de sa dentelle — en éventails protecteurs. — elles vi-
rent (se colorent) ^en se gonflant, les fleurs: — il y en a qui sont de
soie rousse; — il y en a qui sont d'une teinte pâle, — d'autres sur-
passent eu bleu doux — la nuit,, quand elle change en velours — son
azur profond qui sétoile.
Maintenant, juillet chauffe le ciel, — le mois doré, le mois fau-
cheur! — et, triomphant, l'Arbre au rayonnement — reluit a
éblouir!.... — Ils l'enveloppent d'un léger voile — bruissant et
mobile,-- les petits vols venus de tout côté; — si bien, qu'à celui
qui s'en approche — il semble que, pies de la. quelque ruche —
parfume el fait bourdonner l'air ;
Car se joint à ce murmure — l'haleine molle et sucrée — de
chaque Figue mûrie. — qui entr'ouvre au gai darâoiement — son
138 DIALECTES MODERNES
Soun rire goustous e poulpral.
--Zou ! mousca, abelha aûroulada !
Zou ! dau valat e de la pradaj
De la garriga e dau trucal,
Acouïtàs-vous ! d'amount, d'aval :
— Es l'oura de la buscalhada ! . . . .
MANDADIS
A Madoumaisela Leountina Goirand
Tus que verdeges en Aies,
Tus que taredoulenta oumbrina
Noste grand lassige embelina,
Voudras lou graciousà, s'adés,
Per bêla Figueira agent près
La felibressa Leountina,
A soun entour g ni ne ha e roundina,
Lou Foussoulou dau bord dau Les ?.
Mas de la Lauseta ; - - bèu mes
nises e de seg;
Mount-peliè, juliet 1877,
De nises e de sega aurina.
Lydia de Ricaiid.
(LaiiguedocieD, environs de Montpellier.)
rire savoureux et purpurin. — Sus 1 mouche, abeille alerte! —
Sus! du fossé et de la prée, — de la garrigue et de la hauteur, —
hâtez-vous ! d'amont, d'aval : - c'est l'heure de la butinée! . . .
ENVOI
A MADEMOISELLE LÉONTINE GOIRAND
Toi qui verdoies en Alais, — toi dont, l'ombre embaumée —
charme notre grande lassitude, — voudras-tu bien l'accueillir — si
maintenant. — pour beau Figuier ayant pris la — félibresse Léontine,
— autour d'elle il guigne et bourdonne. — le Frelon du boni du
Lez?...
— Mas de l'Alouette ; beau mois —des nids et de la moisson
dorée.
Montpellier, 1877.
Lydie de Ricard
CANSOUN1,
AU BAROUN CARLES DE TOURTOULON
Mai, din soun alenada,
Ver lou Ciel
Manda la rampelada
De l'aucel.
Lous jours se soun grandits,
Lou bèu sourel s'espandis,
E dins l'erba que flouiîs
L'aucel fai soun nis.
La natura es en testa ;
Oh ! bèu jour !
1er era la tempesta,
loi l'amour.
Lou bramaire ventàs
Fouita pas pus lou bartàs,
Buta pas lou nivoulàs ! . . . .
Es foundut lou glas.
Vese sus la branqueta,
Sus lou grel,
CHANSON
AU BARON CH. DE TOURTOULON
Dans le souffle de son haleine, mai, — vers le ciel — fait, monter
le murmure de l'oiseau. — Les jours croissent, — le beau soleil
étale ses rayons. — et dans l'herbe qui s'émaille de fleurs —
l'oiseau bâtit son nid.
La nature est en fête. — Oh! beau jour! — Hier, soufflait encore
la tempête ; — aujourd'hui [tout respire] l'amour. — Le vent,
qui mugit et sout'tle [ du nord j, — ne fouette plus la ronce, — ne
pousse [dus le gros nuage... . — Les glaçons sont fondus.
J'aperçois sur la branche, — sur le rameau. — s'épanouir la
1 Er dau Porta-aiya de Mistral
140 DIALECTES MODEKNES
S'espandi la floureta
Au sourel ;
D'amount, dau ciel d'azur.
Davaladins un rai pur
Lou clar que tapa l'escur.
Oh ! tems de bonur !
Lou roussighôu bresilha
Soun pieu-pieu ;
Un councert d'armounia
■ Vola à Dieu.
De Tauba au calabruu.
Couma de l'encens lou fum.
Amount, vers l'eterne lum.
Monta un dous prefum.
Oh ! sasoun benesida !.-...
Lou printems
Reviscoula la vida,
Rend eountents ;
Pertout s'entend cantà,
L'aire es remplit de clartat,
E lou l'elibre espantat
Raiva de bèutal .
Couma un issam d'abelhas
Brounzinant,
Entende à mas aurelhas
fleurette — aux rayons du soleil. — De là-haut du ciel Meu —
descend, dans un rayon limpide, — la lumière qui chasse les té-
nèbres. — Oh ! temps heureux !
Le rossignol gazouille — sou chani : — un concert harmonieux
— monte à Dieu. — De l'aube au crépuscule, — comme la fumée
de l'encens, — là-haut, vers l'éternelle lumière. — s'élève un doux
parfum.
Oh! saison bénie! — Le printemps — ranime la vie, — rend
joyeux. — Partout s'entendent des chansons; — l'air étincelle de
lumière, — et le félibre enchanté — rêve de beauté.
Comme une ruche d'abeilles — qui bouillonnent, — j'entends
CANSOUN 141
Voste cant ;
Felihre majourau,
"Voste cantà magistrau,
Qu'en res a pas soun egau,
Sèmpre me fai gau.
Ce qu'au jour d'ioi rà'agrada
Jout lou ciel,
Es pas la bresilhada
De l'aucel;
Ni l'astre qu'a lusit,1 :
Ce <[ue me porta plesi
Es voste cant benesit
Qu'aime tant d'ausi.
Aquel cant es la joia,
Es l'amour !
Zou dounc, troupa galoia, !
Zou ! toujour.
Cantàs voste pantai.
Es vengut lou mes de mai,
Roussignolets toujour gais,
Cantàs sempre mai.
A. Roux.
Lunel-Viel, 10 d'abrieu 1877.
(Languedocien, Lunel-Viel et ses environs
— vos chansons. — félibre majoural ; — voire chant magistral, —
que rien n'égale, — sans cesse ine fait plaisir.
Ce qui m'agrée le plus aujourd'hui — sous le ciel, — ce n'est
ni le gazouillement, — de l'oiseau, — ni l'astre resplendissant de
lumière; — mais ce qui me porte le plus de plaisir, — ce sont
vos chansons, — que j'aime d'entendre.
Ce. chant est la joie; — il est l'amour. — Allez! troupe gaie:
allez toujours ! — Chantez votre rêve — Le mois de mai
est venu: — rossignols, toujours contents, chantez sans cesse.
A. Houx.
1 Le t tirial des substantifs : darLat, buuntat, etc.; ainsi que celui du
participe passé : lusit, benesit, aimai, ne se fait pas sentir à Lunel-Vi<'l.
11
A UN A ROSA MUSTIGA
Riereta avall baixava una rosa,
Riereta amunt volava un aucell :
— Hont vas, del jardi la flor mes hermosa,
Mon amor mes >>ell ?
— Abuy al umplh'mon got de rosada,
Lo torrent me deya tôt besantme '1 front :
Vinat en ab mi, y en son doll bressada
Vaig à seguir mon.
Innocenta flor que del troncb t1 esqueixas
Ay! aqueixos marges be 'ls anyorarâs,
Buscarâs les ditxes del edem que deixas
Y dol trobarâs.
Ella entre les ones anava y venia,
Vestida d'escumes, de perles y d'or,
Per un bes que dava cent besos rebia
Cent besos d'arnor.
Mes ja d'una à una li cauhen les tulles,
Y migra son cor neulia mortal.
A UNE ROSE FANÉE
Ruisseau en aval descendait une ro>e. — Ruisseau en amont vo-
lait un oiseau: — Où vas-tu, du jardin la fleur la plus belle, — mon
amour le plus beau ?
— Aujourd'hui, en remplissant mon vase de rosée, — le lorrenl
me disait, tout en baisant mon front : — Viens-t'en avec moi et, en
son sein bercée,— je vais voir le monde.
Innocente fleur qui du tronc te sépares. — Ali ! ces bords, tu
les regretteras bien. — Tu chercheras les joies du ciel que tu laisses,
— et tu rencontreras le deuil .
Elle, entre les ondes, allait et venait, — vêtue d'écume, de perles
et d'or ; — pour un baiser qu'elle donnait, elle recevait cent baisers
d'amour.
Mais déjà, une à une, elles tombent, ses feuilles, — et son cœur
LOU TAIS E LOU REINARD 143
Y l'aygua rebuja ses seques despulles
à vora un sorral.
Riereta avall moria una rosa,
Riereta amunt sospira un aucell:
« Aui 't haurà cullit, ô lior amorosa,
De mon cor novell ? »
Jo so Faucellet, pagesa aixerida,
Que 't deya : No ni vajas à viure à eiàtât,
La rosa ay ! ets tu, la rosa florida
Que '1 mon lui esfullat!
J. Verdagueu ([
(Cuialan .
jpe\
pst déchiré d'un ennui mortel, — et l'onde repousse ses sèches dé-
pouilles — au bord des sables.
Ruisseau en aval mourait une rose. — Ruisseau en amont sou-
pirait un oiseau : — Qui t'aura cueillie, ù fleur amoureuse — de mon
cœur nouveau ?
Je suis l'oiselet, paysanne gentille, — ne. va pas vivre à la cité.
— La rose, c'est toi, — la rose fleurie, — que le inonde a effeuillée !
II. VjSRDAGUiiR, prêtre
LOU TAIS E LOU REINARD
FABLO
Lou Tais e lou Reinard vivou souvent en guerro :
Lou prumier, qu'a d'arpiots pounchuts coumo de crocs,
Sens trop trima, se croso dins la terro
LE BLAIREAU ET LE RENARD
FABLE
Le Blaireau et le Renard sont souvent en guerre:— le premier,
qui a des griffes pointues connue îles crocs, — sans trop s'escrimer
144 DIALECTES MODERNES
Un trauc loung e prlound entremitanl îles rocs.
Lou Reinard, qu'es pas tant cavaire,
Sens respeta lou drech de la prouprietat,
Sens paga cap d'endemnitat,
Se rend mestre de soun repaire.
D'aqui la brego nais, e sus sous amalucs
Lou qu'a drech, s'es pus flac, arrecasso lous trucs.
Un Tais amb un Reinard, après uno batalho
Dount s'es pas counescut lou sort,
Faguerou' ntr'eles un acord.
Lou prumier al segound cedet soun escoundalho,
E l'autre ambé serment proumetet en retour
D'estre soun defensou, la neit coumo lou jour.
Lou Tais a bouno dent, mais sa cambo es menudo ;
Aqueste sentissiô qu'aviô besoun d'ajudo :
N'ero pas pla galhard, éro vielh. . . Lou Reinard,
Qu'ero metge, i diguet: « Vous farai per inouu arl
Viéure encaro loung teins : quand aurés la coulico,
Anarai dins lou bosc cerca de broutounico
De mel, se s'es enraumassai :
De trescalan, se ses Massai :
E pei sabi sus la mountagno
se creuse dans la terre — un trou long et profond, au milieu des
rocs. — Le Renard, qui n'est pas aussi lion mineur, — sans respec-
ter les droits de la propriété, — sans payer nulle indemnité, — se
rend maître de son repaire : — de là la guerre naît, et, sur ses
hanches, — celui qui a droit, s'il est faible, reçoit les coups.
Un Blaireau et un Renard, après une bataille — dont on n'a pas
connu le sort, — firent entre eux un accord : — le premier au se-
cond céda sa cachette, — et l'autre, avec serment, lui promit en re-
tour— d'être son défenseur, la nuit comme le jour. — Le Blaireau a
bonne den i. mais sa jambe est petite. — Gelui-ci sentait qu'il avait
besoin d'aide: — il n'étail pas bien portant, il était vieux... Le
Renard. — qui était médecin, lui dit : « Je vous ferai, par mon an.
— vivre encore longtemps : quand vous aurez la colique, — j'irai
dans le bois chercher de la véronique: — du miel, si vous êtes en-
rhumé ; — du millepertuis, si vous êtes blessé : — et puis, je cou-
LOU TAIS E LOU RBINARD 145
Uno aigo que guéris subran touto magagno ;
N'aurés, cado mati, qu'à ne beure un boun gloup
Per tourna prouvesit d'un apetis de loup.
Ou sabès, ai la cambo lesto,
Sempre à vous servi sera presto.
Dins lou traue pourrés dourmi tard ;
Anarai cerca la pitanso
E n'aurés la milhouno part.
Sinnou lou patte d'amistanso.
Lou Reinard qu'es, se sap, traite coumo Judas,
Lou tenguet, aquel cop, per counserva la pas.
Visquerou, desempei, coumo dous camarados ;
Ensem passabou las vesprados.
Assetats su] pus naut truquel,
Soulets, jousl la capo del ciel,
Parlabou souvent de mouralo :
Vouliôu la pas universalo.
Lou Tais abiô pla méditât
Dins soun trau d'ount sourtis pas gaire ;
E lou Reinard, grand barrulaire
E boun oubservatou, abiô tout visitât.
Erou dous proufounds mouralistos,
Rettes coumo de jansenistos.
nais sur la montagne —■ une eau qui guérit sur-le-champ toute ma-
ladie : — vous n'aurez, chaque matin, qu'à en boire une bonne
gorgée — pour revenir pourvu d'un appétit dp Ion p. — Vous le sa-
vez, j'ai la jambe leste; — toujours à vous servir elle sera prête. —
Dans le trou, vous pourrez dormir tard: — j'irai chercher la pitance,
— et vous en aurez la meilleure part.
Ils signent le traité d'alliance. — Le Renard, qui, on le sait, est
traître comme Judas, — le tint, cette l'ois, pour conserver la paix,
— Ils vécurent depuis comme deux camarades; — ensemble ils
passaient les veillées. — Assis sur le plus haut sommet, — seuls,
sous la voûte du ciel, — iis parlaient souvent de morale. — Ils
voulaient la paix universelle. — Le Blaireau avait beaucoup mé-
dité — dans son trou, — dont il ne sort guère ; et le Renard, grand
rôdeur — et bon observateur. — avait visité tous les pays. —
C'étaient deux profonds moralistes, — roides <'omme des jansé-
146 DIALECTES MODERNES
Tout, à soun sens, anabo mal.
E vouliôu del pople animal
Refourma lous marrits usages.
« Las bestios, disièu lous dous sages,
Poudriôu vieure dins lou repaus,
Se, coumo l'home, à tout prepaus,
Las vesiam pas se fa la guerro. »
« — Se la pas regnabo sus terro
Coumo entre nautres.dis lou Tais;
Mai n'aurôu jamai aquel biais
E serôu toujour envejousos,
Crudelos, pertant malurousos.
Tant qu'escoutarôu pas las soulidos lessous
D'un mestre filosofo e sabent coumo vous. »
« — Las vostros pulèu », — al coumpaire,
Dis lou Reinard per lou flata.
E ]»ei se met à li counta
D'un paure cabrol lou desaire.
Qu'a vist per un loup empourta,
E lou desesper de sa maire.
Lous crimes atabé li dis
D'uno moustelo e d'un pudis ;
Dins uno cour aquesto intrado
A sannat touto uno cloucado ;
nistes. — Tout, à leur avis, allait mal, — et ils voulaient du peuple
animal — réformes les mauvais usages. — « Les hèles, disaient
les deux sages, — pourraient vivre dans le repos, — si. comme
l'homme, à tout propos, — nous ne les voyions pas se faire la
mierre. » — « Si la paix régnait sur la terre — comme entre nous,
dii le Blaireau: mais elles n'auront jamais ce savoir-faire, — et
elles seront toujours envieuses, — cruelles et partant malheu-
reuses, — tant qu'elles n'écouteront pas les solides leçons — d'un
maître philosophe et savant comme vous. » — « Les vôtres plutôt»,
au compère — dit le Kenard pour le flatter. — Et puis il se met à
lui conter — d'un pauvre chevreuil le malheur, — qu'il a vu par un
loup emporter, — et le désespoir de sa mère ; — il lui dit aussi les
crimes — d'une belette et d'un putois : — dans une cour celle-ci
entrée — a saigné toute une couvée: — dans un clapier, l'autiv
LOU TAIS E LOU REINARD 147
Dins un clapas, l'autre catiéu,
N'a pas laissât un counil viéu.
« — Meno sauvajo, aloubatido ».
Dis lou Tais tout enfurounat,
« Diéus pot prene so qu'a donnât ;
Mais tus n'as pas dounat la vido,
Per la prene al paure bestial
Qu'estrifo toun caissal brutal.
As bosques e sus las mountagnos.
Per t'apastura, quand as fam,
Sens prene à la maire l'efant,
Mancou pas aglands e castagno*,
Arboussos, sorgos, racinun,
Jaissos e tout autre legun ;
Lou rasim te fa jamai fauto. »
« — Quand la trelho n'es pas trop nauto ».
Ara soun cap bas, dis lou Reinard,
Qu'asseguro, al noum d'Hipoucrato,
Que, per l'estoumac e la rato,
Lou legun val mai que la earn.
Un vespre, qu'à l'acoustumado
Charrabou dejoust uno oumado,
Vesou dins l'aire un aucelas
scélérat, — n'a pas laissé un lapin vivant. — « Race sauvage, aux
instincts de loup, — dit le Blaireau tonton fureur ; Dieu peut pren-
dre ce qu'il a donné ; — mais toi, tu n'as pas donné la vie, —
pour avoir le droit, de la leur prendre, aux pauvres animaux —
que déchire ta dent brutale. — Au bois et -ur les montagnes, —
pour te repaître, quand tu as faim. — sans prendre à la mère son
enfant. — ne manquent pas glands et châtaignes, — arbouses,
cormes, racines, — gesses et toute autre espèce de légumes; — le
raisin ne te fait jamais faute. » — « Quand la treille n'est pas trop
haute », — avec la tète basse, dit le Renard, — qui assure, au nom
d'Hippocrate, — que, pour l'estomac et la rate, — le- légumes va-
lent mieux que la viande.
Un soir que, suivant l'habitude. — ils jasaient sous un ormeau, —
ils voient dans l'air un gros oiseau — qui. avec sa grande aile dé-
ployée,— parla cherchait aventure: — c'était un grand-duc, un
148 DIALECTES MODERNES
Qu'ambé sa grando alo espandido
Per aqul courrissiô bourrido :
Ero un grand-duc, un manias
De loua que de carn fou sa vido.
Tre lou veire, Tais e Eteinard
De l'oseridassa .... Sens retard,
El que piano dessus sa testo,
Sus l'oumado tombo d'aploumb .
s'ausis lou bruch d'uno batesto :
Mais aquel bruch n'es -aire Loung
Lou graad-duc reprend sa vroulado
Ami» uno paloumbo est ri fado.
En L'agantant, l'aucel despietadous
\ faoh de! nis toumba sous Aon^ pichous...
Lou Tais e lou Reinard delembrou sa mouralo
En vejenl jousl soun nas aquel manja goustous :
Cadun pren soun aucel, lou plumo e s'en regalo.
Nosi v^ mouralo res noun \ al
S'en pla parlanl agissem mal,
E subre toul se fasem, nautres,
So que blasmam acô des autres.
Gabriel Azaïs.
(Languedocien, Béliers el ses environs )
scéléral de ceux qui de chair fonl leur vie. — Aussitôt qu'ils le
voient, Blaireau el Renard - se mettent à le huer.... Sans re
i;inl, — lui, qui plant' au-dessus de leur tète, — sur l'ormeau tombe
d'aplomb. — On entend un bruil de batterie, — mais ce bruil ne
dure pas longtemps. — Le grand-duc reprend sa volée — avec une
palombe ôventrée.
En la saisissant, l'oiseau sans pitié — a l'ait du nid tomber ses
doux petits. — Le Blaireau el le Renard oublient leur morale —
en voyant sous leur nez ce manger ragoûtant : — chacun prend
son oiseau, le plume et s'en régale.
Notre morale rien ne vaut — si, en pariant bien, nous agissons
mal, — et surtout si nous taisons nous-mème — ce que nous blâ-
mons chez les autres. Gabriei A.zaïs.
Lnmalou. ÎU août 1877.
BIBLIOGRAPHIE
Archives municipales d'Agen. —Chartes (1" série, 118,.)-13'2fy publiées
aux /Vais du Conseil général de Lot-et-Garonne, par A. Magen, secré-
taire perpétuel île la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen, et
G. Tholin. archiviste du département — Villeneuve-sur-Lot, imprimerie
de Xavier Dtileis. 1870, in-'r.
Ce beau volume, qui témoigne de la libéralité éclairée du Conseil
généra] de Lot-et-Garonne el fail grand honneur aux près ei de
\l Xavier Duteis, renferme, Kii) e,liai les. iloni 39 eulement en
langue vulgaire. Ces dernières sont les seules don! je veux ici
m'occuper, el ce sera seulement au poinl de vue philologique.
La correction <ln texte, en général, laisse à désirer, el il est, trop
visible que c'est par la faute des éditeurs. Il s déclarent, dans leur
préface, s'être inspirés des conseils de M. Meyer, notammenl pour
la transcription des mots agglutinés; mais ce n'esl certai neni
pas M. Meyer qui a pu leur conseiller d'écrire entr1 eh habitans,
mit1 eh ciutadas p. til i, de Vau cap tro a l'autre (p, 45), quel aldet,
pourvue laldci(\). 98), are(ibid.) pour are (rieri); ou, inversement,
/// (deux fois dans la même ligne) pour d'u (p. 45), la donadas
. 45) pour Va (= li a) donadas, etc. D'autres fautes plus graves,
et <|"' ne sont pas toutes de simples négligences, ont été rele-
vées par1 ce savant, lui-mémo, dans un article justemenl sévère de
la lînvue critique ('-juin 1877). Il aurail pu facilement en allonger la
liste; ainsi dans la pièce IX, à laquelle s'appliquenl plusieurs de
ses remarques, on lit trois fois ni, qui ne donne aucun sens, au
lieu de vi. Au li"u de wW» A voluuini Ih'nl., p. ll.l. 16), il faul
certainemeni meins de v., c'est-à-dire sans la volonté. La ligne Iode
la même page doit être terminée par une virgule, et non par un
point,. Dans la pièce XIX, la sub til i lion fautive de» à u, dont, je
viens de signaler trois exemples, se remarque encore deux lois:
entrent (lig. I et2)pour entreus entreh la charte est gasconne).
De même encore probablement, dans la pièce LX1X, où a la der-
nière ligne de la page 107, au lieu de sangin, je pense qu'il faul
lire saugin, considérant ee mot comme un dérivé de sauc si reau ,
ou peut-être de sauze. il s'agit d'un fagol de bois.
P. 50 et 51, on a deux fois, sans née bien que sans dom-
mage pour le sens, prolongé en participe passé un indicatif pré-
sent très correct: qu'es conten[gud], au lieu de ques conten P. 98,
(
150 BIBLIOGRAPHIE
on a. 1. 15, pris un s pour un f (.fert au lieu de sert), et 1.2 du bas,
un n pour un y (bmgeys au lieu île brugens). A ia dernière ligne
de la môme page, ero.mes, qui n'a aucun sens, doit être corrigé tra-
mes. Plus haut, 1.13, au lieu de ...luy, e no melhs es, il faut, sans
aucun doute, ponctuer et corriger., luy o no, melhs es.
Parmi ces 39 chartes, il s'en trouve quelques-unes de purement
gasconnes, ce qui s'explique le plus souvent ( mais non pas tou-
jours)par leur origine. Tel est le cas delà 19e. datée de la Réole.
Mais le dialecte du plus grand nombre est le languedocien, langue-
docien assez pur dans les premières, mais qui se montre, dans les
suivantes, plus ou moins imprégné de gascon. Ce mélange îles deux
idiomes est naturellement plus sensible dans les actes où intervien-
nent, comme parties contractantes, des localités situées sur la rive
gauche de la Garonne.
Un glossaire des mots nouveaux — je veux dire manquant au
Lexique roman — aurait utilement complété la publication do
MM. Magen et Tholin. J'en signalerai trois ou quatre que je n'ai
pas remarqués ailleurs :
Autar (p. 5, 1. à de la charte III ), verbe neutre, simple de azau-
tar. On le trouve en catalan sous la forme alfar (l = u ; u=p).
lioyga (p. 315, 1. G). Substantif que le limousin moderne connaît
sous les formes boueijo, bouijo. Il signifie terre en friche, pâtis.
Deu/re (p. 20, 46 ) et dentcr (25, 68 ) = débitor. dont c'est la dé-
rivation régulière. Raynouard n'a que deutor, forme du cas régime,
et à cûté deuteire, qui est une création indépendante, formée sur le
patron des autres noms en eire.
Nautre ( p. 68). Autre substantif dont Raynouard n'a non plus
que le cas oblique nautor.
Mezalhal (68, 10 du bas). Ce mot, qui se trouve plus haut (42, 7
sous la forme moins pleine mralhau, désigne une mesure de capa-
cité. Il se rattache à metalle ou mctallum, qui, dans le latin du
moyen âge. a signifié, par synecdoque, bassin ou marmite. Voyez
du (lange ( édition Hfmschel).
Rat (p. 178. 1.10 du bas: 179. 1. 13 et 14 du bas), sans doute
radeau. C'est le latin ratis.
.le noterai, pour terminer, trois particularités concernant la pho-
nétique ou la flexion:
P. 40,1. 13, dans une charte de 1234. la forme solso=solvunt. Cf.
Gramm limousine, p. 360 {Revue, XI, 20).
P. 2-3, dans la charte n° 2 (1196) de nombreux exemples de
3* pers. du pluriel imparfait ou condititnnel en iu — io{ian). Je
n'en avais vu nulle part d'aussi anciens. Les chartes suivantes, si
j'y ai bien pris carde, n'en présentent pas.
BIBLIOGRAPHIE !5I
Enfin, p. 64 (1.4 du bas), et 107, 1. avant-dernière, le redouble-
ment d'e final devant 17, pronom ou article affixé: Sobre eh sans
evangelis ; — dis que be el vendet{ = be li). C'est un phénomène fré-
quent en catalan, mais dont le^ exemples sont très-clairsemés dans
les textes provençaux'. Il est tres-analogue à celui que j'ai étudie
récemment {Revue, XII, 98). etqui consiste à redoubler, non comme
ici. une voyelle finale, mais au contraire une voyelle initiale. Les
deux peut-être ont une même cause2, et il se pourrait que cette
cause fût aussi la même que celles des nombreux redoublements
de consonnes, soit finales, soit surtout initiales, que nos anciens
textes nous offrent : je veux dire l'intention d'indiquer à la fois et
la présence de deux mots et leur liaison en un seul dans la pronon-
ciation .
C. Chabaneau.
La Reine Esther, tragédie provençale. Reproduction de l'édition unique
de 1774, avec introduction et notes par Ernest Sabatier. Nimes, 1877.
La « tragédie provençale» dont nous annonçons ici la réimpres-
sion fut composée vers la fin du XVIIe siècle, par le rabbin Mardo-
chée Astruc. M. Ernest Sabatier, dans une introduction qui n'est
pas la partie la moins intéressante de sa publication, donne des dé-
tails précieux sur la situation des Juifs dans le comtat Venaissin, au
commencement du XVIIIe siècle, et sur la célébration de la fête
d'Esther, durant laquelle cette tragédie était représentée.
L'édition originale, devenue introuvable ( on n'en connaît qu'un
exemplaire, qui se trouve à la bibliothèque de Carpentras), fut,
comme le rappelle le titre delà réimpression, publiée seulement en
1774, sous le titre de «la Reine Esther, tragediou en vers et en cinq
actes, a la lenguou vulgari, coumpousadou a la maniera dei Juifs de
Carpentras. A la Haye, chez les associés» L'œuvre en elle-même
est digne de l'oubli dans lequel elle était tombée. Dénuée de tout
mérite poétique, elle emprunte son seul intérêt « aux circonstances
et au milieu qui l'ont vue naître», pour me servir des expressions
mêmes de l'éditeur. Aupointde vue philologique, elle n'apprend rien
de plus sur le provençal des XVIIe et XVIlIe siècles que ce que
l'on en sait par les autres productions, assez nombreuses, et en
général meilleures, de ce dialecte, que la même époque nous a lais-
' En voici un, tiré des Récits d'histoire sainte ( partie provençale-, t. II.
p. 1\8) publiés par MM. Lespy et Raymond : Non vols que el beva = que
lo (que je le boive).
2 Cf. pourtant l'insertion de Ve ' ou a ) après ■', dans siel . p. ^x. . pour si
lo, etc.. et voy. ce qui est dit là-dessus dans la Revue. X, 313. et XII. 99.
]f>? PfiRIODIQUrcs
sées. Je ne trouverais d'ailleurs rien à ajouter, si je voulais l'exa-
miner à ce point de vue. aux justes observations de M. Sabatier,
dans les pages xxxvt-xl de sa préface. Il y aurait seulement à éta-
blir une distinction, relativement à et remplaçant ai (p. xxxvn), en-
tre ai protonique qui, en effet, devient ei ( et ceci n'est pas parti-
culier au provençal ) et ai tonique, qui reste ai. Je signalerai encore,
puisque'j'en suis aux rectitications, un autre passage de la préface
qui n'est pas certainement tout à fait exact. M . Sabatier, parlant de
l'œuvre qu'il réimprime, dit « qu'elle n'a rien de commun avec la
tragédie de Racine qui porte le même nom. » L'imitation du poète
français est pourtanl manifeste on quelques endroits et notam-
ment dans les vers suivants ( p. 54 ) :
Plouren et gemissen, meis Cdeles c.oumpagnes.
A nosti'is larmes dounen un libre cours:
Leven les yeux ver leis santés mountagnes,
Vounte leis innoucens esperoun sonn secours:
qui sont la traduction littérale de ceux-ci :
Pleurons et gémissons, mes fidèles compagnes.
A nos sanglots donnons un libre cours.
Levons les yeux vers les saintes montagnes.
D'où l'innocence attend tout son se ours.
A.cte I. scène V.)
c. c
PÉRIODIQUES
Bulletin de la Société des études littéraires, scientifi
ques et artistiques du Lot. t. I et II, 1873-1876. — Des tra-
vaux nombreux et variés remplissent ces deux volumes. Négli-
geant à dessein, malgré le prix qu'ils ont d'ailleurs, ceux qui
n'intéressent pas directement nos études, nous signalerons par-
ticulièrement, dans le tome premier, un recueil assez, copieux
de proverbes patois, et dans le second, outre une réimpression de
tous Gourmons motats1. des fables de M. l'abbé Hérétié, qui à un
réel mérite littéraire joignent l'avantage de nous renseigner très-
su lusamiuent sur la phonétique quercinoise, grâce à l'orthographe
' >ur cet amusant petit poème et sur son auteur, l'abbé Rrugié.
voy. Noulet. Hist. littéraire des patois [Revue, VI. 237.
PERIODIQUES 153
adoptée par l'auteur, el sur laquelle il y aurait, à d'autres égards,
plusieurs réserves à faire.
L'ancienne lingue est représentée par des documents intéres-
sants à divers titres, mais dont la transcription et l'interprétation
laissent trop souvent à désirer1. Ce sont, en premier lieu, les Cou-
tumes de Luzech, et ensuite une série d'actes tirés d'un vieux re-
gistre conservé aux archives de Gahors et désigné sous le nom de
Te igitur. Les plus anciens de ces actes ne remontent pas au delà
du dernier tiers du XIIIe siècle.
La Société des études du Lot ne se borne pas à publier les travaux
de ses membres et des documents inédits, elle ouvre aussi des
concours littéraires où des prix sont offerts aux auteurs des meil-
leurs ouvrages sur les questions qu'elle a proposées. Une juste
part y est faite aux poésies en langue d'oc. Trois de ces concours
ont déjà eu lieu et ont produit de bons résultats.
G. C.
Revue de PAgenais (novembre 1876). 493- 502. Fiston. Clé-
mence Isavre et I Académie des Jeux floraux.
Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne.
tom. IV. p. 73-88, 137-140. Recueil des proverbe* patois unités da/ts le
département de Tarn-et Garonne, el réunis par M. L. Buseon. En
voici quelques-uns :
Ual jamay bouta lou det
Dinsun anel trop estrei.
Uno fenno que ben del riou
Manjhaio un home lout bion.
Y a res de tan hardil que ia camiso d'un mouliuiè :
Cado inali, prend un boulur al conlet.
Aprep la soupo, un cap de bi ;
Pan' un escut al méiléci.
(Jan beïras lou gorp béni,
Pren tcun araïre e baï curbi;
1 Entre grans épaves (t. I. 2Î9) qu'on a traduit par « en trois grandes
épaves », doit certainement se lire entre grans e paucs. c'est-à-dire tant
grands que petits.— Asosoli t. II. p. 102), rendu par a pour lui seul »,
ne peut être qu'une mauvaise lecture de a sos obs. On pourrait relever
d'autres fautes. Je me borne à ces deux, qui sont, d'ailleurs, ceiles qui
m'ont le plus frappé.
154 CHRONIQUE
E eau lou béïras s'en tourna,
Pren la saoucleto é bai saoucla.
Can las agassos bastissoun naou, sinné de bei ;
Gan bastissoun bas, (a ben tout l'an.
Ce travail est intéressant; mais il va sans <1 ire que la plupart
des proverbes publiés par M. B. ligurenl, déjà dans d'autres re-
cueils. A. R.-F.
CHRONIQUE
L'approche de l'année 1678 nous engage à reproduire en tète de
cette chronique le programme complet du deuxième Concours
de la Société :
Le mardi de Pâques de 1878, — année qui coïncide avec le se-
cond millénaire de la fondation d'Aix en Provence, — la Société des
langues romanes décernera à Montpellier, dans la séance solennelle
du deuxième de ses Concours triennaux, des prix aux meilleurs
travaux philologiques sur les idiomes néo-latins, ainsi qu'aux meil-
leures pièces de poésie (poème, drame, comédie, ode. sonnet, tra-
ductions, recueil de pièces diverses, etc.) et de prose (histoire, ro-
man, nouvelle, recueil de contes et de narrations, etc.), en langue
d'oc, ancienne ou moderne.
Tous les dialectes du midi de la France, le catalan, le valencien
et le mayorquin, sont admis à concourir.
Parmi les prix de philologie plus spécialement indiqués aux
concurrents :
Le premier, consistant en une somme de cini| cents francs, sera
décerné à l'auteur du meilleur travail sur les dialectes anciens de
la langue d'oc ( le catalan compris), comparés aux dialectes po-
pulaires qui leur ont succédé dans le midi de la Fiance ou en
Catalogne ;
Le second, un rameau de chêne en argent, offert par la Société
archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, sera décerné en
son nom à l'auteur du meilleur mémoire qui, en prenant pour base
Vorihographt des troubadours, relèvera les principales altéialions
introduites, depuis le XVIe siècle, dans les idiomes des pays de
langue d'oc, et, proposera un système d'orthographe et d'accen-
tuation applicable à ces divers idiomes, en laissant à chacun d'eux
les formes qui le caractérisent.
Cinq médailles en vermeil seront, en Outre, attribuées par la So-
ciété des langues romanes, aux meilleures monographies de sous-
dialectes actuels du midi de la France ; ou bien aux meilleurs
glossaires en langue d'oc moderne, le catalan compris, des accep-
tions spéciales (substantifs, adjectifs, verbes, locutions particu-
lières, etc. à une ou a plusieurs branches., soit de l'agriculture,
soit de l'industrie, soit des sciences; tel que serait, par exemple,
un vocabulaire des termes propres au labourage, au jardinage et
à la culture de la vigne, ou même encore une liste complète des
CHROMQUE 155
superstitions médicales, ou celle des noms vulgaires des étoiles
dans les diverses régions du Midi.
Parmi les prix de poésie :
Le premier, donné par M. A. de Quintana y Combis, député
aux Cortès, et qui consiste en une cigale en or. sera attribué au
meilleur poëme. écrit dans un des dialectes du midi de la France,
sur un sujet tiré de l'histoire des peuples de race latine :
Le second, une pervenche en argent, donnée par le Félibrige, à
la meilleure poésie, — poème, drame, ode, etc., — en catalan ou
en langue d'oc, sur Jacme le Conquérant, roi d'Aragon et seigneur
de Montpellier au XIIIe siècle l ;
Le troisième, un bouquet de violettes en argent ( prix Fortuné
Pin ), donné par la Société scientifique, et littéraire d'Apt, à la meil-
leure œuvre dramatique, en provençal, sur un sujet tiré de l'his-
toire de la Provence ou de celle de ïa ville d'Apt ;
Le quatrième, une médaille en or, donnée par VAcadémie du
Sonnet, d'Aix, au meilleur sonnet en langue d'oc, le catalan com-
pris, sur la Méditerranée, considérée comme la mer autour de
laquelle se sont groupés les différents peuples d'origine romane,
ou sur tout autre sujet laissé au choix des concurrents ;
La cinquième, une reproduction de Y Amazone du musée Pio-
Clémentin. au meilleur poëme en languedocien ou en catalan, sur
une légende ou un fait de l'histoire des pays de langue d'Oc au
moyen âge. L'auteur devra adopter, soit les formes métriques de
la poésie populaire du Midi, celle des chants de Y Escriveta ou de la
Pourcairouna, par exemple; soit celles qui sont particulières à la
Catalogne ; soit enfin celles du roman de Fierabras ou de la vie de
saint Amant de Rodez, c'est-à-dire le vers de douze syllabes divisé
en tirades monorimes, plus ou moins longues;
Le sixième, une médaille en argent, donnée par la Société l'Aube
provençale, à Marseille, à une série, de poésies mditaires en vers
provençaux (avec la notation musicale, si les concurrents le ju-
gent à "propos). Le sujet de ces poésies est à prendre, soit dan>
i'bistoire, soit dans la légende; toutefois, l'une d'entre elles devra
nécessairement être une marche 2 ;
Le septième, une médaille en or, à une suite de récits en vers
(tous les dialectes de la langue d'oc et le catalan admis) embras-
sant les diverses traditions légendaires qui ont cours sur les ori-
gines du christianisme dans la Gaule méridionale. Ainsi les trois
Maries abordant en Provence, le martyre de Simon le Lépreux à
Maguelonc. la mort de la Magdeleine à la Sainte Baume, la prédi-
cation des Sainiet. Maries dans les Alpines et leurs effigies sur le
rocher des Baux, le voyage de Joseph d'Arimathie en Angleterre,
le séjour de Pilate sur les bords du Rhône, etc., etc.
Parmi les prix de prose :
Le premier, consistant en une somme de mille francs, sera dé-
1 Les pièces de poésie sur Jacme le Conquérant pourront être adres-
sées aussi au chancelier du Fs.Ubrige., a Nunes.
2 Les manuscrits de ces poésies pouvront être adressés au Secrétaire
de Y Aube provençale, à Marseille.
156 OHKOtflyLE
eerné au meilleur travail relatif à l'état du Midi perdant le trei-
zième siècle
Dan- cet ordre d'idées, les concurrents choisiront à leur gré le
sujet 'le leur ouvrage. Toutefois, la Société préférerait que leurs
travaux eussent pour objet une des transformations que subirent
les pays de langue d'oe par suite de leur réunion à la France.
Ainsi il est généralement admis que, par l'effet de la conquête,
les idiomes du Midi subirent de profondes modifications: que la
poésie indigène perdit son caractère propre; que les sénéchaussées
de la couronne administrèrent le Midi dans îles vues entièrement
différentes de celles qui avaient inspire l'administration de la féo-
dalité méridionale: que les grandes familles du Midi furent sur
bien des points supplantées par la noblesse du Nord ; que ("archi-
tecture romane lit pi, uc à l'architecture ogivale, etc., etc.
On pourrait ainsi étudier, soit séparément, soi! d'ensemble, ces
diverses transformai ions, en recherchant, au sujet de chacune
d'elles, quelle était la situation du Midi avant la conquête et ce
qu'elle est devenue ensuite.
Dans le cas où les travaux présentés paraîtraient insuffisants, la
Société se réserve de renvoyer au prochain Concours l'attribution
de son prix, et do n'accorder que des médailles d'or à titre d'encou-
ragement.
Le second, une médaille en vermeil, donnée par VAvbe proven-
çale, à l'auteur du meilleur travail provençal ' sur l'invasion de
Charles-Quint en Provence (juillet, août et septembre 1536). Eu
étudiant principalement toi; t ce qui se rapporte aux épisodes de la
Tour du Muy, du siège de Marseille et du moulin d'Auriol, les con-
currents devront réunir en appendice les extraits des mémoires de
l'époque, imprimés ou inédits, et s'attacher à tracer, aussi exacte-
ment que possible, l'itinéraire de Charles-Quint pendant l'invasion,
il leur est recommandé de dépouiller soigneusement les archives
des localités traversées par l'armée espagnole, et d'indiquer, quelle
que soil leur importance, tous les documents qui pourraient faire
mieux connaître, eu même temps que cet itinéraire, l'état de la
Provénceen 1535.
Le troisième, une médaille en or donnée par M. Laforgue (de
Quarante), à l'auteur de la meilleure monographie historique, en
languedocien, d'un chàteau-fort, d'une abbaye ou d'une ville du
Languedoc.
Le quatrième, une médaille en or, sera décerné à la meilleure
étude en français sur la littérature latine (ouvrages d'imagination, de
philosophie, d'histoire, etc.) dans le midi de la France, jusqu'à la
lin du X \ l i l siècle.
Enfin, à l'occasion de ce Concours, un grand prix, qui est encore
dû à M. de Quintâna y Combi's et qui consiste en une coupe sym-
bolique en argent, sera décernéà l'auteur de la meilleure pièce de
poésie sur le thème suivant : le Chant du Latin, ou autrement dit
ract latine.
Le- concurrents devront considérer cette pièce, dont la longueur
1 Lus manuscrits pourront être adressés au Secrétaire île l'Aube pTO-
v ■<■■:' ' à Marseille
CHRONIQUE 157
ne doit pas être bien considérable, et pour laquelle le catalan, la
langue d'oc, le français et toutes les langues néo-latines sans
exception, sont admis a concourir, comme une sorte de chant de
race, pouvant, au moyen de traductions sur le même rhythme, de-
venir commun à tous les peuples qui parlent actuellement un
idiome dérivé de l'ancienne langue de Borne.
Ils auront, en outre, à indiquer .l'une manière précise la langue
ou le dialecte employés dans leurs compositions.
La forme légendaire, telle qu'elle a été mise en œuvre dans
VEscriveta (version sprovençale, catalane et languedocienne), la Mar-
che (F Arthur, le Roi Chrétien, d'Ewald; lou Baile Sufren et la Coum-
lesso, de Mistral, est admise pour le concours du Chant du Latin.
Les manuscrits du Chant du Latin (avec la notation musicale
des paroles, si les auteurs le jugent à propos; devront être adressés
franco, avant le 1er janvier 1878, terme de rigueur, au Secrétaire de
la Société des langues romanes, à Montpellier. Pour les autres prix,
le délai d'envoi est fixé au 1er mars de la même année. Chaque
copie portera une épigraphe, qui sera répétée sur l'enveloppe du
billet cacheté, contenant le nom et l'indication du domicile de l'au-
teur.
Les travaux inédits seront seuls admis à concourir; toutefois
les prix de la section de philologie pourront être attribués à des
ouvrages imprimés du 1er janvier 1875 au K-mars 1878.
La Société se réserve de faire traduire dans toutes les langues
romanes le Chant du Latin qui aura été couronné, et de modifier ou
même de changer la notation musicale des paroles.
Les manuscrits envoyés seront acquis aux archives de la So-
ciété, qui aura, pendant un an, le droit de publier, soit dans la
Revue des langues romanes, soit à part, tout ou partie des pièces cou-
ronnées.
La langue française est admise en principe pour tous les prix
du Concours, sauf pour ceux sur lesquels il y a disposition con-
traire.
L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain
fascicule la relation des jeux floraux célébrés à Apt les 9 et 10 sep-
tembre courant.
La Société des langues romanes a décidé de comprendre parmi ses
publications spéciales une traduction de Mircio en dialecte de Saint-
Maurice-de-1'Lxil, canton de Boussillon (Isère), par M. Liviere-
Bertraud, et un petit poëme religieux en provençal, Histoiro clou
pichoun Jousé, renfermant la narration de la captivité de Joseph en
Egypte. Ce poème sera édité par M. Maurice Faure, d'après un
manuscrit du XVIIIe siècle, dont il a bien voulu faire hommage a
la Bibliothèque de la Société.
LeFélibrïge. — Presque au moment où s'achevait la composi-
tion du dernier fascicule de la Revue, la Cigalo d'or et ensuite le
12
158 CHRONIQUE
Prouvençau d'Aix ( n° du 2 septembre) ont publié une décision du
bureau général du Félibrige, aux termes de laquelle une mainte-
nance d'Aquitaine est créée sur le domaine de la maintenance de
Languedoc.
Les départements de la Haute-Garonne, du Tarn, du Tarn-et-
Garonne, du Lot, du Lot-et-Garonne, du Gers, des Hautes-Pyré-
nées, des Basses-Pyrénées, des Landes, delà Gironde, de la Dor-
dogne, de la Haute-Vienne, de la Creuse et de l'Ariége, composent
la circonscription (roundage), partie limousine, partie languedo-
cienne et partie gasconne, de cette maintenance. M. Paul Barbe en
est le syndic provisoire ; M. Deloncle, le secrétaire.
Le même numéro du Prouvençau contient encore la décision par
laquelle les premiers grands Jeux floraux du Félibrige auront lieu
à .Montpellier en 1878, lois dos fêtes du concours du Chant, du
Latin.
Le prix du Félibrige est, comme on le sait, une pervencbe en
argent, qui sera décernée à la meilleure pièce de poésie sur Jacme
le Conquérant.
SocrÉTÉ des Félibiies de Lab. — ■ Dans une de ses séances.
.M. Mistral a exposé le plan du Dictionnaire de la langue parlée dans
le midi de : la France, œuvre immense à laquelle il travaille depuis
vingt ans. Chaque mot, dit le Prouvençau, est inscrit d'abord sous
sa forme la plus pure; puis viennent les modifications qu'il éprouve
dans les divers dialectes méridionaux, ses synonymes, et enlin les
proverbes où il entre comme partie principale. L'étymologie est
toujours donnée, ainsi que la conjugaison des verbes irréguliers .
Société des Félibues de la Grenade, à Ni mes. — Son journal
hebdomadaire, la Cigalo d'or, a cessé de paraître le 1G septembre.
11 sera remplacé, au commencement de l'annéel878, par ÏArmana
(mensuel) de la Cigalo d'or.
La Cigale. — Nous avions dit ici même (n° du l 'i juin) qu'Arles
avait été choisie, celte année, comme le point de réunion des mem-
bres delà Cigale. Une Commission s'est formée dans cette ville.
afin d'organiser une réception et des fêtes provençales qui auront
lieu les 22, 23 et 24 septembre.
La Société la Pomme a offert, pour le Concours poétique de la
Cigale, un prix destiné à l'auteur de la meilleure poésie sur la mort
de Brizeux, dont le nom, fort heureusement choisi, est comme le
trait d'union de la Provence et de la Bretagne modernes.
Nous donnerons dans le n° d'octobre les noms des lauréats du
Concours en langue d'oc.
Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du
Lot (séance publique du 26 août). — La Société des études du Lut
avait proposé, comme sujet, de son concours poétique en dialecte
quercinois, le monument qui sera prochainemenl érigé s m- une des
places de ( labors a la mémoire des enfants du Lut morts pour la patrie
dans la guerre de 1870-1871. M. l'abbé Justin Gary a obtenu la mé-
daille de vermeil, pour sa pièce lou Mounumen deis souidate dd Lot ;
M. l'abbé II en 'tic une médaille d'argent, et M. I.aeoinlte. une men-
tion honorable.
CHROMyi'K îôy
La Société a décerné à M. Daymard une médaille d'argent pour
une collection manuscrite de Vieilles Chansons du Quercy . Ce re-
cueil, relativement considérable, renferme, en chansons entière-
ment quercinoises, dix-sept pièces ; en chants en quercinois et en
français, quatre, et en chants entièrement français, neuf; les com-
plaintes sont au nombre de cinq, et les chants militaires de deux.
Publications concernant l'histoire, la littérature et
l'archéologie des provinces du midi de la France
Espitalier (l'abbé), Baint-Tropez, officier de l'empereur Néron, sa vie,
son martyre, ses reliques et sou culte. Saint-Tropez, Blanchet, in-12,
xir-142 pages.
Zotenberg. Invasions des Wisigoihs et des Arabes en France, suivi
d'une Etude sur les invasions des Barra:./ ns en Languedoc, d'après les
manuscrits musulmans. Toulouse, Privât in-4°, 47 pages.
Hauréau, Bernard Délicieux et l'Inquisition albigeoise (1300-1320).
Paris, Hachette, in-12, 223 pages.
Couture (Léon). Trois Poètes condomoisdu XVIe siècle. Etudes bio-
graphiques et littéraires sur Jean du Chemin, Jean-Paul de Labeyrie,
Gérard-Marie Imbert. Bordeaux, i.efebvre, în-S^, 1 I 1 pages.
Janvier (l'abbé), Panégyrique de suint Vincent de Pau/. Tours,
Bouserez. in-8°, 35 pages.
Germain. Etude historique sur l'Ecole de droit de Montpellier (1 1 60-
1793). Montpellier, Bœhm, in-4°.
André (l'abbé), Notes sur Vhistoire, la statistique, la féodalité, le
clergé, la noblesse, etc., dans le département de Vaucluse, de Pan 1500 à
1789. Vaucluse, Coursant, in-lÇ, 215 pages.
Boschach, Etude historique sur la province de Languedoc, depuis la
régence d'Anne d'Autriche jusqu'à la création des départements (1643-
1790). Pans, 2 vol m-4°.
Masson (Frédéric), la Révolte de Toulon en prairial an III. Pans,
Jouaust. 1875, in-8°.
Jallifier. l'Auvergne, histoire, monuments. Paris, Delagrave, in-8°,
107 pages.
Baslié, le Languedoc ( l'e partie). Description complète du Ton,.
Âlbi, Nouguiès, in-4° à 2 colonne^.
Jules Courtet, Dictionnaire géographique, géologique, historique, ar-
chéologique et biographique des communes de Vaucluse, nouvelle édition .
Avignon, Seguin, in-8°, xxxvi-400 pages.
Reynard-I.espinasse, Armoriai historique du diocèse et de l'Etat
d'Avignon. Avignon in -4°.
M aignien, Notes historiques sur ï èvèchè de Grenoble, de P237 à
1338. Grenoble. Allier, in-8°. 28 pages.
Rolland, Alby pendant la guerre de Cent Ans. Alby, Oesrue,in-8°,
36 pages.
Tisserand, Histoire d'Antibes. Antibes, Marchand. in-8°, xu-
536 pages.
Terris, les Évêques d'Apt. leurs blasons et leurs familles. Avignon,
Seguin, petit in-4°, 138 pages.
Donnadieu, Études historiques sur la ville de Florensac. Paris.
Jouaust, in-8», 38 paires.
Paris (E.), Un apôtre de la révolution religieuse. Pellissier , pas-
100 CHKOMQUE
teu/r à Bordeaux, sa vie, son caractère, ses travaux. Paris, Sandoz
in-8°, 374 pages.
Guinodie, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son
arrondissement ( tom. IL). Libourne. Malleville, iii-<S°. 564 pages.
Roi | ne (île la). Biographie montpelliè raine . Professeurs et agrégés à
la Faculté de droit (1160-1791 ). Montpellier. Imprimerie centrale
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Roque (de la), Biographie montpelliè raine. Peintres, sculpteurs et ar-
chitectes. Montpellier. Imprimerie centrale du Midi, in-8°,135 pages.
Albin Michel. Ximes et ses rues (tom. Ier). Nimes, Catelan. in-12.
324 pages.
Canron, la Confrérie des pénitents gris d'Avignon . Notice histo-
rique. Avignon, Séguin, in-12. 108 pages.
Poulbrière ( l'abbé ), Servières et son petit séminaire. Notice histo-
rique. Tulle. Bouillaguet, in- 1 2 , 180 pages.
>erret. le Pont de Villeneuve-sur-Lot, son origine et ses restaurations.
\uimi. in-8°.
Cartulaire municipal de la ville de Lyon, 'privilèges, franchises, li-
bertés et autres titres de la commune. Recueil formé au XIVe siècle par
Etienne de Villeneuve, publié d'après le manuscrit original avec des do-
cuments inédits du XIIe au XV" siècle, par M. Guigue. Lyon, Brun.
in-4°, l:\ix-.V26 pages.
Cartulaire de Remoulins, recueilli, classe et annote par M. (diarvet.
2° livraison. Remoulins, in-8°, 65-195 pages.
Étude archéologique sur le manuscrit bilingue de Montpellier, désigné
sous le nom d'Antiphonaire dt saint Grégoire, par un Supérieur de
séminaire. Paris, Lecotfre, l876,in-8°. 48 pages.
Devais. Inventaire sommaire des Archives communales antérieures à
1 790 de Verdun-sur- Garonne Tarn-et Garonne). Montauban, Fo-
restié, in-4° à 2 col.. 82 pages.
Errata du n° d'août 1877.
L'Aubo. — P. 88, 1. 12, lanieu, lisez: li nieu: I. 17, nuées, lis. : bru-
mes; 1. 28, les brouillards, lis.: les nuées.
Le Gérant : Ernest Hamelin.
-
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi
(Hameliu hères)
DIALECTES ANCIENS
UN DOCUMENT INÉDIT
relatif à la Chronique catalane du roi Jacme Ier d'Aragon
En parcourant dernièrement les feuillets d'un protocole
original du notaire de Barcelone Francisco Ladernosa, qui
vivait dans la seconde moitié du XIVe siècle, nous avons ren-
contré l'intéressant document qui fait le sujet de cet article .
De nos jours, l'attention a été appelée sur la vie du roi
Jacme Ier d'Aragon, grâce à la traduction castillane de la
Chronique royale, donnée en 1848 par MM. Manuel Flotats
et Antonio de Bofarull ; à l'édition en cours de publication
du texte catalan qui paraît dans l'excellente collection diri-
gée par M. Mariano Aguilô, et enfin à l'œuvre détaillée de
M. de Tourtoulon, traduite depuis peu en castillan (1874).
Nous n'avons cru pouvoir mieux témoigner notre sympathie
à une Revue qui se publie dans la ville natale du roi con-
quérant qu'en fournissant dans ses colonnes une nouvelle
preuve en faveur de l'authenticité de l'autobiographie de ce
monarque.
Telle est, croyons-nous, la portée de notre document (L'iTl :
en effet, non-seulement il vient confirmer l'assertion du domi-
nicain Pedro de Marsilio, chroniqueur du roi Jacme II avant
1314, relativement à l'existence, dans les archives du palais de
Barcelone, du manuscrit royal (que nous supposons être le ma-
nuscrit original ou primitif), lorsqu'il dii dans sa préface : « Ht
victoriosissimi avi sui ( /Uustrissimi Domini Jacobi régis Arago-
num) gesta pristinis temporibus veraci stylo sed vulgari collecta.
ac in archivis domus regiœ ad perpétuant suce felicitaiis memo-
ricun reposita, reducerentur, etc. ', mais encore le titre qu'il
1 Le manuscrit original de l'œuvre latine de Marsilio, terminée "ii
13
162 DIALECTES AKCILSS
mentionne dit explicitement, comme celui de la rare édition
princeps de 1557, que c'est « le livre que fit le roi en Jacme »,
lo Libre que feu el rey en Jacme. . .
Avant de transcrire ce document, résumons ce que Ton
sait de l'original et des copies de l'œuvre qui nous occupe.
Quant au premier, malheureusement perdu aujourd'hui, nous
pouvons nous référer à des témoignages autorisés, qui vien-
nent en même temps confirmer et l'existence et l'authenticité
de la Chronique royale.
Le célèbre écrivain Ramon Muntaner, qui commença sa
Chronique vers 1330, donne les indications suivantes :
Au chapitre VII : « En après per ço que cascu entena les grans
gracies que Deus feu al senyor Rey en Jacme d'Arago en sa vida,
vos en vull dir partida sumariament : que no ho vull tôt cornptur
per ordre e per ço men stick com ya se son feyts molts libres de la
sua vida e de les sues conques tes e de la sua bonesa de cavalier -les
e asaygs e proeses ' .» Y « segons que porets entendre en lo libre
quis feu de la p?'eso de Mallorques. » — Et au chapitre IX : « E
molts daltres lochs, los quais yo no vull scriure per ço com ja
1314. est conservé dans la bibliothèque provinciale et universitairede Bar-
celone, appelée Bibliothèque de San-Juun. D'après la copie du XVe siè-
cle qui existe dans les Archives royales de Mayorque, accompagnée de
la traduction catalane faite par un auteur anonyme du XIV8 siècle,
le savant historien D. José-Maria Quadrado a publié à Palm;:, en 1850
( llistoria de la conquista de Mallorca), la partie de cette œuvre qui cor-
respond à la conquête des Baléares. Le passage transcrit ci-dessus est tiré
d'un paragraphe de la préface latine originale, publiée par M. Quadrado
dans son excellent ouvrage.
1 Un des nombreux ouvrages qui, d'après Montaner, lurent écrits sur
la vie de U. Jacme nous est sans doute signalé en ces termes par la do-
nation que le roi D. Pedro IV lit de sa bibliothèque, le 20 août 1380, au
monastère de Poblet: « Item liber vitœ sancti Régis Jacubi, in latino, in
volumine uno. » (Ribera, Real Patronalo de la Merced, 1725, p. 72, § 9,
n° 20 ; Serra y Postius, Prodigios y finezas de lus Saules Angeles, 1726,
pag. 202, n" 417. ) Plus tard, en h 10, nous constatons L'existence de deux
manuscrits du même ouvrage, tous deux de L'an 1313, l'un sur parchemin,
l'autre sur papier, parmi les livres que laisse après sa mort le roi Martin.
Le> premier est ainsi : « Hem un altre libre appellat vida delsant
Rey en Jaune en lati scrit en pergamins ab posts de fusts cuber: de cuyro
vermeil emprempat sens tancadors, loqual comença en la rubrica de ver-
mellu incipiunt capitula E en lo nègre de conjunecione domus imperatoris
DOCUMENT lNBiDIT 163
damuntvos hedit, quen lo libre qui es feyt de la conques ta (de Va-
lencia) ho trobarets. »
Le roi Pierre IV, dans sa Chronique terminée en 1380, se
reportant à l'année 1344, déclare (chap. III, p. 233 de l'édit.
de 1850) qu'il lisait l'œuvre de son aïeul (peut-être l'original
ou le manuscrit authentique conservé dans ses archives) lors-
qu'il dit : « E leginl la libre o cronica del senyor />'<>// en Jaunie
tresavi nostre. »
Enfin une des notes dont l'éminent historien D. Antonio de
Bofarull a enrichi la traduction castillane de la Chronique
de Pierre IV [ibidem] nous signale la mention faite, dans une
des lettres lues aux cortes de Barcelone en 1413, du « libre del
dit senyor Rey en Jacme de gloriosa memoria. »
D'un autre côté, d'après D. Pedro Serra y Postius, dans ses
Prodigios y finezas de los santos Angeles (1726), pag. 291,318
et 329, Fr. Baltasar Sayol, abbé de Poblet de 1716 à 1720,
aurait dit, clans son histoire manuscrite des Grandeurs de Po-
blet [Historia de las Grandezas de Poblet), terminée lorsque
l'auteur était déjà moine de ce royal monastère, en 1694,
que l'original de la Chronique y était conservé ; et, comme
preuve, D. Pedro Serra transcrit une note qui se trouvait
en tète de la copie de Poblet, dont nous parlerons bientôt, à
l'époque où la possédait le chanoine Besora, mais qui n'j
figure plus aujourd'hui et qui se terminait par Yex-libris du
chanoine, ce Esta son original recôndit en lo Monesti de SantOj
Maria de Poblet, del ordre Cistercienne, de el quai se es copiât
aquest exemplar en lo màteix Monesti, situât en aquest Principal
de Catalunya, en lo any al fi del présent Libre curiosament per
lo copista notât » (1343). « Ex Bibliotheca Doctoris José. Hieron.
Besora.»
Si l'original se trouvait dans le monastère de Poblet, il n'a
pu être emporté en France par le savant archevêque Marca,
intendant ou commissaire de cette province pour le Roi Ti ■ -
Chrétien (de 1644 à 1651).
E faneixM" CGC- tercio riecimo, quarto nonas aprilis. (Archives générales
de la couronne d'Ara-on, reg. 2326, fol. 8. v°, el 34, v°; et aussi Ribera ibi-
dem ; Milâ, do los Trovadores en Espaha v1861), note 22 de la pag . 1S7.
n0' 56 et 235 de l'extrailde la bibliothèque du roi Martin.)
164 DIALECTKS AMIENS
Cette soustraction imputée à Marca est encore plus claire-
ment réfutée par ce fait, que la copie dont nous venons de par-
ler, c'est-à-dire celle qui fut faite par ordre de l'abbé Pons de
Copons, par Célestin Destorrens, le 17 septembre 1343 (sui-
vant une note ajoutée à la fin du manuscrit par quelque bon
moine, en 1585), fut vue dans ce monastère par le roi Phi-
lippe II, et que peu d'années après, en 1619, elle se trouvait
appartenir (sansquenouspuissions expliquer le fait) à un noble
de Barcelone appelé Joaquin-Làzaro Bolet. Elle avait déjà été
en la possession de son père, Pedro-Pablo Bolet, ainsi que le
rapporte D. Jaime-Ramon Vila (mort en 1638) dans l'introduc-
tion de la copie qu'il fit faire, en 1619, par un de ses domesti-
ques. Serra j Postius ne comprend pas comment la copie de
Poblet arriva aux mains du savant chanoine de Lérida, José-
G-erôninio Besora (1641-1665); mais, d'après ce qui vient d'être
dit, il est probable que le chanoine acquit ce manuscrit de la fa-
mille Bolet. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'à sa mort il le
légua à la bibliothèque du couvent des Carmes déchaussés de
Barcelone, où un écrivain distingué, contemporain de Ribera
et de Serra, D. Antonio Bastero, premier sacriste de l'église
de Girone (mort en 17:i7, âgé de soixante-deux ans), put l'ad-
mirer au commencement du siècle dernier. Cela résulte, du
moins, des phrases suivantes, que nous copions du t. IVdeses
Miscelâneas, manuscrit conservé dans les archives de la Bi-
bliothèque de la royale Académie des belles-lettres de cette
Ville, (pii sont confiées à notre garde: « Yen efjecte assi en
Barcelona tots los dias descobro y recullo nouas y preciosas noti-
cias, y per ço he fet ja coneixensa ab lo I*. l/c Ribera y ab lo
Sr. Père Serra, qui tenen mol/a lutclliyenria de lus cosas anti-
guas; y en las Llibrerias de S. Iph. y Dalmases he trobat cosas
malt bouas, particularmeni en la de Sx Iph. la Fstoria, que tant
desitjava, fêta per lo mateix Rey en Jacme lo Conquistador que es
Ms. en pergami de lletra molt antiga y ab bellas figuras ô /an-
////■us illuminadas.» Fol. 69: Resposta à las observations "sobre
lu Crusca provensal, n° 9 et dernier.)
On peni voir aujourd'hui ce manuscrit dans la Bibliothèque
provinciale et universitaire de Barcelone.
Il existe aussi dans les archives de la couronne d'Aragon
DOCUMENT INEDIT 165
une copie du XVIIe siècle, provenant da couvent de la Merci.
C'est le texte du manuscrit conservé dans la bibliothèque de
San-Juan, qui a été Traduit par MM. Flotats et de Bofarull, et
que publie aujourd'hui M. Aguilô. Le titre qu'il porte ne con-
corde pas parfaitement avec celui de l'exemplaire que nous
fait connaître le document ci-dessous, maisbien avec celui qui
a servi pour l'édition princeps (1557), et aussi (sauf la légère
variante qui consiste dans l'addition de l'adjectif glorios au
substantif Rey) avec la copie conservée à Madrid dans la bi-
bliothèque du duc de Osuna (voyez Amador de los Rios, Histo-
ria de la literatura espahola, t. III, p. 611, not. 2).
Il y avait une autre copie à Valence, dans les archives du
magistrat appelé ei Magni/ico Racional ; elle servit pour l'édi-
tion princeps. C'est peut-être sur la même que le notaire Luis
Alanya a publié la partie relative à la conquête de Valence,
en tête de son œuvre : » Aureum opus regalium privilegiorum
civitatis et regni Valentiœ cum historia cristianissimi régis Jacobi
ipsiusprimi conquista torts » , imprimée dans cette ville le 30 oc-
tobre 1515. On dit que le manuscrit de Valence fut porté par
Philippe II à l'Escurial : mais cette assertion me semble dé-
nuée de fondement, si l'on en juge par ce que dit M. Amador
de los Rios (Historia de la lit. esp., t. III, p. 609, note:, qui
assure que la Chronique conservée à l'Escurial est de Desclot
et non de D. Jacme.
Il existe à Mayorque, dans la bibliothèque du comte d'Aya-
mans et provenant de celle du prévôt D. Guillem Terrasa
vmort en 1778), une copie faite, d'après la mention finale, à
Barcelone, en 1380, par Juan de Barbastro, par l'ordre du roi
D. Pedro IV. (Quadrado, Hist. de la coin, . de Mallorca, 1850,
p. 13, et Bover, Biblioteca de escritores /."leares, t. I, p. 354.)
Cette copie a servi à Vilarrova pour attaquer l'authenticité de
l'original dans ses vingt-six Carias histôrico-criticas (1800).
Nous espérons que M. Aguilô, le savant bibliographe, dans
la préface de l'édition qu'il publie, nous fera connaître d'autres
manuscrits encore ignorés et aussi de nouveaux faits qui
pourront éclaircir les précédents. Ainsi se fera encore plus
de lumière sur une question tant débattue, bien quêtons ceux
qui ont combattu les malencontreuses opinions de Vilarroya,
depuis Quadrado jusqu'à Tourtoulon, les aient toujours atta-
1(56 DIALECTES ANCIENS
quées avec des arguments solides. Aces arguments nous pou-
vons aujourd'hui ajouter la preuve qui suit, tirée d'un docu
ment manuscrit.
« Dieveneris xxxi die mensis octobris anno a nativitate do-
mini M0 ccc° LXXI.
» Ego Saurina uxor venerabilis Bartholomëi de bonany civis
Barchinone nunc absentis, expensoris incliti domini infantis
Martini serenissimi domini Aragonum Régis nati, et procu-
ratrix generalis eiusdem viri mei de qua procuratione constat
per instrumentum publicum xv die Marcii anno a nativitate
domini M0 ccc° nx° nono confectum et clausum per notarium
infrascriptum, confiteor et recognosco vobis Petro palacii
Civi dicte Civitatis tenenti claves archivi Barchinone armorum
dicti domini Régis, Quod de mandato eiusdem domini Régis
vobis facto cum quadam littera sua clausa sub suo secreto si-
gillo data Dertuse quarta die presentis mensis octobris vobis
de hiis directa, tradidistis michi nomine dicti mariti mei reci-
pienti Quendam librum pergameneum cum postibus coho-
pertis de corio virmilio scriptum in Romancio et incipit in
rubro Aquest es lo comensament del prolech sobrel libre que feu
el Rey en Jacme per la gracia de Deu Rey d'Ârago e de Mal-
torcha e de Valencia, comte de Barcelona e Durgell <• senyor de
Montpeller de tots los feyts e de les gracies que nostre Senyor li
feu en la sua vida. Et postea in nigro incipit Recompte Mos-
senyer sent Jacme que fe senes obra morta es et cetera. Que-
quidem librum dictus dominas Rex in dicta littera sua man-
dat tradi per vos dicto Bartholomeo de bonany portandum
seu tradendum per eum dicto domino Infanti, prout continet
in dicta littera quani vobis restituo cum presenti. Et ideo re-
nunciando predicto nomine excepcioni dicti libri non habit i ei
non recepti et dolo fïacio predicto nomine vobis de predicto
liliro presens apocham instrumentum. Quod est actum Bar-
chinone.
» Testes Bernardus alegre sartor dicti domini infantis Mar-
tini et Arnaldus morera Rector Capelle palacii Regii Barchi-
none. »
André Balaguer y Merino.
Barcelone, le 25 juillet 1877.
■v/V\/W— — - — •
DIALECTES MODERNES
NOTICE SUR AUGUSTE GUIRAUD
Les auteurs en langue d'oc sont bien plus nombreux qu'on
ne pourrait le croire, si l'on se bornait à consulter les docu-
ments bibliographiques arrivés jusqu'à nous. Dans la première
moitié de ce siècle, les deux Rigaud, Tandon, Martin, Hippo-
lyte Roch, Vianès, sont, si je ne me trompe, les seuls écrivains
dans l'idiome de Montpellier dont les œuvres aient été impri-
mées. La librairie ne nous a conservé à peu près rien deGaus-
sinel, de Bertrand, de Jourdan, de Renaud, de Sébastien Coste,
de Rouvière, de César Brun. La perte des poésies de Cësar
Brun1 est particulièrement regrettable. La Nieira, lou Recensa-
ment, la Soucietat a" agricultura, sont, sans contredit, ce que
l'Ecole de Montpellier a produit de mieux depuis le Siège de
Caderousse et Y Odyssée travestie. On y retrouve la verve, la
gaieté franche et communicative, le fonds inépuisable de sail-
lies qui caractérisent la manière de l'abbé Favre. Malheureuse-
ment l'indifférence du poëte et les scrupules de ses héritiers
ont laissé disparaître ces petits chefs-d'œuvre, et il nous a été,
malgré tous nos efforts, impossible de recueillir des fragments
1 Les chansons deGaussinel ont été imprimée.-- séparément. Il en a été
fait, à ma connaissance, deux recueils : l'un est entre les mains de M. Gau-
din, l'éminent bibliothécaire de notre ville, l'autre appartenait à M. Gaus-
sinel, l'auteur d'Abdona, à qui il a été distrait — On a gardé également
un certain nombre de romances de Bertrand. — Jourdan, pour la plus
grande partie de ses œuvres, et le libraire Renaud, pour la totalité, n'ont
écrit que pour des amis intimes ou des sociétés privées. Coste était le
chansonnier ordinaire du Caveau vers 1820; sa chanson la Grisetta e l'Es-
tudiant est restée longtemps populaire. On peut en dire autant de la
romance de Rouvière : Ai ! rnoun Dieu ! s'ou sabiè. Il ne reste de ( '
Brun que des articles en vers publiés par le Babillard, journal littéraire
de notre ville.
168 DIALECTES MODERNES
assez longs pour permettre d'apprécier César Brun comme il
mérite de l'être.
Nous avons été, grâce à de bienveillantes communications,
plus heureux pour Auguste Guiraud. Sans avoir les qualités
poétiques des Rigaud ou de César Brun, Auguste Guiraud
n'est pas moins digne d'être lu et étudié par tous ceux qui
voudront connaître l'histoire du dialecte de Montpellier au
XIX» siècle.
Né à Saint-Chinian en 1778, le Jean Guiraud, négociant, et
de dame Françoise Février; mort à Montpellier en 1849, à
l'âge de quatre-vingt-deux ans, il a connu la plupart des au-
teurs dont nous avons plus haut cité le nom, et s'est mêlé ac-
tivement au mouvement littéraire qui se déroule depuis la mort
de l'abbé Favre jusqu'à la naissance de l'Ecole des félibres.
Il nous laisse ainsi des spécimens de ce qu'a été notre idiome
durant les cinquante premières années de ce siècle.
L'œuvre de Guiraud offre d'autant plus d'intérêt, qu'il ne
s'est pas exclusivement renfermé dans l'étude du dialecte de
Montpellier. Il appartenait, comme Cyrille Rigaud, au corps
enseignant : il a été principal du collège de Narbonne et du
collège d'Arles, et a dirigé à Montpellier, durant de longues
années, une institution renommée. Dans sesfonctions diverses,
il développa son goût naturel pour les lettres, et manifesta
des préoccupations littéraires rares chez ses émules langue-
dociens et des aspirations philologiques bien vagues encore,
mais dont il est bon de signaler la première apparition.
Sa préface de la traduction des Fable? de Lafontaine con-
tient des réflexions fort justes, qui lui sont inspirées par les
essais qu'il avait faits dans les dialectes de Montpellier, d'Arles
et de Béziers. — Malheureusement, ces remarques ne semblent
pas avoir fait grande impression sur son esprit. « Le patois
de Montpellier, dit-il, se rapproche du français chaque jour
davantage et perd ainsi de sa beauté naturelle ; il en devient
seulement plus intelligible aux étrangers. » Observation bien
juste, et dont les ouvrages de Guiraud offrent trop souvent la
preuve. 11 a manqué à notre auteur (puisqu'il sentait si bien
le travail de corruption dont son idiome était la victime) la
force, le courage et la netteté de vue nécessaires pour réagir
NOTICE SUR GU1RAUD 169
contre une funeste tendance. — S'il avait écritsous l'inspiration
des idées que révèle cette prélace, et qui peuvent se résumer
en deux mots : fusion progressive possible des différents dia-
lectes, épuration et surveillance exacte du vocabulaire , Oui-
raud aurait mérité d'occuper dans l'histoire de notre langue
un tout autre rôle que le rôle effacé que sa facilité singulière,
la souplesse de ses aptitudes et la variété de ses goûts litté-
raires lui permettent de revendiquer.
Plus sage que la plupart de ses contemporains, Guiraud a
eu soin de recueillir ses manuscrits, et nous pouvons en dres-
ser une liste à peu près complète. Elle sera utilement consultée
par ceux qui voudront entreprendre l'étude des variations de
notre idiome durant une longue période de plus de cinquante
ans.
1° Relation d'un petit voyage, ou Lettre à mon ami.
Lettre à Jourdan, en prose française, mêlée t'de vers fran-
çais et de vers patois. — On y trouve la chanson du Petàs, at-
tribuée à Gaussinel (?), et la réponse à la romance que Florian
a mise dans la bouche d'Estelle.
2° La Font Putanela, publiée par la Revue (année 1873).
3° Lous Plesis de Boutounet, ou le Carnaval à Montpellier,
divertissement en un acte, en patois, mêlé de vaudevilles,
terminé par la danse vulgairement dite : la Dansa das Bufets.
(Pièce à tiroirs, qui dénote une '.grande inexpérience de la
scène. — On y retrouve, avec quelques variantes, la chanson
d'Auguste Rigaud intitulée lou Hossignou, composée en l'hon-
neur d'une célèbre actrice du temps, la Saint-James. Ce ma-
nuscrit offre une lacune entre la scène xv et la scène xvi.)
4° Pepezuc, ou le Triomphe de Béziers, pièce héroï-comique
en trois actes, en vers français et languedociens, mêlés de
chants et de danses du pays.
(Avec un argument contenant de singulières notions histo-
riques, extraites de la préface d'un divertissement donné à
Béziers, le 16 mai 1616.)
Cette pièce est inspirée par de nombreuses comédies sur le
même sujet, représentées à Béziers pour les fêtes de Caritach,
dont Pepezuc était le héros ordinaire. (Voir les Mémoires de
la Société archéologique de Béziers, 2e livraison, 1837, p. 343,
et les livraisons ix, x, xi et xii.)
170 DIALECTES MODERNES
5° La Pépin ad a, pouema en quatre cants.
(Poëme héroï-comique sur Pépin le Bref, écrit probable-
ment au début de la Restauration.)
6° A Pytkagore.
(Cette pièce, imitée, d'après les indications de l'auteur, des
Métamorphoses d'Ovide, devait faire partie d'un recueil dont
le reste est perdu. Elle a dix pages. La première page porte le
n° 103. C'est une des meilleures pièces de Guiraud. La tirade
sur la cuisine à Montpellier, au temps de l'auteur, ne manque
pas d'intérêt.)
Ah ! sepoudiés d'amoun veïre nostre régal !
De que dise, d'amoun ! fau dire d'aïçabal J .
Car despioïdous mille ans habités su la terra.
Ou din lou corps d'un bomme exerçât à la guerra,
< a tantos din lou corps d'un peï ou d'un grapaôu,
Din lou corps d'una fenna ou de quaouque animaou,
Saïque d'un passerou. Lou fusil pot t'attegné
Lou corps péris, se sap ; l'ama a pa res à crégné,
En caousiguen de suita una aoutra habitatioun.
Es tus que nou l'as dich ; sabe pa sas raisoun .
En tout cas, faï te mousqua, et véni su la taôula
Ounte festinejan : veïras, su ma paraôula.
Se la car que manjan vaou pa lou rafatun
Et l'effet que produis l'agland et lou légun
Veïras un loup de mar quioch embe de taperas .
Un gigot de mouton sus un liech de tufféras .
Un canard as navés, un lard as fabaroûus ,
Un piot accoumpagnat d'una founduda d'ioôus ;
Lou filet de sanglié voôu la saouça piquànta
Et lou thoun marinât aou bon oli s'aganta;
La poula à l'aïgua-saou , lou lapin aou civet.
La fouqua à la timbàla, aou blu lou carrelet :
La fina cousteletta es bona à la pureïa ,
La mola daou budel aou fricandeou d'oseïa .
Un parel de perdris din lou cur d'un caoulet .
Un beou quartié d'agnel à la saouça aou potdet.
Una blanca merlussa à la benedictina
Et de pijouns patus quiochs ,ï la crapaoudina. . . .
Quaou pourrie racounta Ion détal daou boulit?
* Allusion à la métempsycose.
NOTICE SUR GUIRAI1D 171
Et pioï loufcs entre-mès ! . . . Passen doun aou roustit.
Quante plaisi non donna una dinda truffàda
Et de tendres poules dins un nis de salada !
Un jouïne et gras lébraou boutounat de lardons,
Que figura entre mieeh de dous grasses capous !
Et pioï lou plu vies, lou tourdre, la bécassa,
Anfin tant de gibié que lou récit m'allassa !
Arriven aou dessert. Es aqui, grand doctou,
Qu'à ta bella douctrina aïman de rendre hounou :
Daou méou fasen la tourta et daou lach una crêma,
Et, per nous regalà de toun poulit systêma,
Lous fruits soun estallas après nostre fricot :
Alor vénou s'ouffri lapera, l'aoubricot.
La pécha, lou rasin et las figas maduras,
Que per nostre ragous an mes en counfitùi-as.
Benissen l'art hurous que lous a préparas.
Lou café, la liquou terminou lou repas.
Ainsin laïssan en pés tous aglans, tous calossés !
Mais nou priva de car ! oh ! sen pa tan talossés !
Saben despioï lonten que la car faï la car.
Et contra toun avis nou tenen en despar .
Se t'avien, din tous jours, servit nostre ourdinari,
Toun libre et toun esprit nou dirien lou countrari.
7° Fablas caousidas de Lafontaina, en couplets languedo-
ciens, patois de Mountpeiè.
Avec traduction en couplets français et préface.
Suivies de : Fablas caousidas de Flourian et de six fables iné-
dites de divers auteurs. — Un ne donne pasjle nom de ceux-ci.
8° Recueil de compliments, dialogues et autres pièces de vers à
l'usage des demoiselles du pensionnat de Sainte- Ursule, à Mont-
pellier. n° 2, commencé à l'époque de l'arrivée à Montpellier
de Monseigneur Charles Thomas Thibault, évêque, le 15 sep-
tembre Ls35.
Dans ce recueil sont insérées quelques pièces de vers qui
ont été faites en divers temps pour d'autres motifs, ainsi que
des épîtres languedociennes.
Ce cahier, de 242 pages, contenant 117pièces diverses, fai-
sait suite à un premier recueil qui a été égaré. — C'est de là
qu'a été extrait le dialogue Que ia de nou ? publié par la Revue.
A. Glaize.
ENIGMES POPULAIRES
DU LIMOUSIN
Qu'est-ce qu'une énigme? Une question et une image.
L'énigme fut toujours chère aux enfants et aux vieillards. Aussi
bien, le vieillard sait, et l'enfant veut savoir.
Le Limousin, cette contrée à la fois antique et nouvelle, encore
à présent presque partout naïve comme au temps jadis, le Limou-
sin ne manque pas de ces comparaisons, de ces images, de ces
problèmes si pleins, au fond, do sagesse et de grâce, c'est-à-dire
de poésie. L'hiver autour du foyer, l'été à l'ombre des arbres, le
« sourcelage » triomphe. On se ressouvient à qui mieux mieux. Le
moule traditionnel reçoit, il est vrai, plus d'une coulée inatten-
due. Mais qu'y faire ? et qu'importe? L'invention est de tous les
temps ; et un sourcelage. pour être bienvenu, n'a pas besoin de
montrer son acte de naissance. On ne lui demande qu'une chose :
intéresser.
Le mot « sourcelage » est, si je ne me trompe, particulier au Li-
mousin. Ailleurs on dit devinlia, devïnalha, etc. Nous disons sour-
celage, comme s'il fallait être quelque peu sorcier pour deviner ce
petit mystère qui s'appelle une énigme.
On remarquera que plusieurs de ces sourcelages affectent la
forme rimée. Nos troubadours et nos jongleurs ont peut-être passé
parla. L'énigme est un jeu de société par excellence; et à ce compte
elle dut être choyée, dans un temps où l'esprit prenait volontiers
tous les tons, revêtait volontiers toutes les formes l.
Avant de clore cet avant-propos et pour répondre à une de-
mande amie, je signalerai quelques singularités dialectales, fami-
lières au bas-limousin.
Tulle donne à la finale un son indécis, malaisément saisissable.
Est ce un o? Est-ce un a? Béronie a prodigué la première de ces
voyelles au commencement, au milieu et à la fin des vocables. Il
s'efforçait d'être exact; à la vérité dire, il a trahi sa langue. Quoi
qu'il en soit, l'accent tonique se fait, à Tulle, grandement sentir.
1 Quelques-uns des sourcelages qui suivent ont été déjà compris par
M. Alph. Koque-Ferrier dans ses Énigmes populaires en langue d'oc.
Montpellier 1876. in-8».
ENIGMES POPULAlRp;* 173
La pénultième importe surtout ; la finale est ce qu'on la veut :
pouma, peira, ama. . . Le pluriel est toujours en « as», l'a cette fois
très-distinct : « poumas, peiras, amas. . . »
En outre, quantité de mots sonnent très-clairement a. Exem-
ples :ja, déjà, quoura, apueija, enquera, etc.
J'ajoute qu'assez souvent le même mot, prononcé parles mêmes
lèvres, sonne tantôt a, et tantôt o.
Argentat (29 kilom. de Tulle ) a conservé l'a initial et final :
ferra, germa, amava. . . Fief de Ventadour, entouré partout de fiefs
étrangers, il dut sans doute à un long isolement cette fidélité,
hélas ! trop rare, à l'a classique.
Beaulieu, en aval d'Argentat, sur les bords de la Dordogne, pro-
nonce c dur comme au meilleur temps de la littérature limousine.
Une phrase proverbiale fait bien connaître cette façon de parler :
« La cata a catounat jous l'escalier.» Tulle, Brive, Ussel... di-
raient : « La chata a chatounat jous Veschalier. »
Saint Sylvain, peu distant de Tulle et d'Argentat, ne laisse pas
que d'avoir une prononciation assez indépendante. Ain>i : 1° il
transporte l'accent tonique sur la syllabe terminale, principalement
dans l'impartait des verbes: amavàs, parlavàm . . . 2° il substitue Ye
a l'a, à la première personne de l'imparfait des verbes en ar :
amave, pensave . . . 3° il introduit un i, au présent, dans la deuxième
personne plurielle de ces mêmes verbes :« Ounte anaitz? A qui
parlaitz?. »
Enfin Saint-Hilaire-Peyroux, sis entre Tulle et Brive, sur la rive
droite de la Correze, semble avoir gardé, mieux que pas un autre
lieu, la pure par lad ma classique. Ici, en effet : 1° la première per-
sonne du présent, dans toutes les conjugaisons, est en i: ami, senti,
rodi, vezi. . . ; 2° l'a terminal sonne franchement dans les noms et
dans les verbes : causa, Briva, Tula, amava, amarià; 3° l'e se dé-
tache vif et bref dans une foule de mots: Deus, ben, etc.; 4° )'« épar-
gne, à l'occasion, tel vocable encore écrit et prononcé comme on
l'aurait fait jadis, lo pour lou , corage pour courage, etc.
Personne, je l'espère, ne se formalisera des régies orthographi-
ques appliquées à la transcription des sourcelages qui suivent. En
tenant compte des modifications apportées par le temps, ce sont
celles de la tradition, les seules, à mon avis, naturelles et consa-
crées. J'ai été encouragé à y revenir par l'exemple de deux de nos
maîtres en philologie. MM. Gabriel Azaïs et G. Chabaneau \ qui,
1 Dans le Dictionnaire des idiomes du midi de !a France et la Gram-
maire limousine
174 DIALECTES MODERNES
sur dos pointa nombreux et divers, ont récemment remis en hon-
neur l'orthographe ancienne, parles conseils de Mistral, enfin qui
m'écrivait en 1874 (lettre du 21 septembre): <> Revenons au sys-
tème de nos pères, au génie du pays... »
Limousin de naissance, je me suis cru le droit de suivre les rè-
gles orthographiques des troubadours limousins du moyen âge;
petit-neveu de Nicolas Béronie, j'ai pensé que je devais chercher
à réparer le mal fait à notre langue par le Dictionnaire du patois du
bas Limousin.
Joseph Roux (de Tulle).
l'un: à Saint Hilaire-Peyi oux (Corrèze)
Sourcelages
I. — Qu'es aco, qu'es aco :
Chaufa sens bois, esclaira sens chalel ?
— Lou soulel.
11. — Found la cerae durzis la brouda ?
— Lou soulel.
III. — Fai quatre quarts, e noun es estât pesât?
— La luna.
IV. — Potassât.
Bourdassat ( alîàs : dourdassat).
Jamais l'egulha i a passât ?
— Un ci al ni vous.
V. — - Monta l'aiga al cial sens selliou ?
— Las nivouls.
Enigmes
I. — Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est: — chauffe sans
bois, éclaire sans lampe? — Le soleil.
II. — fond la cire et durcit la boue ? — Le soleil.
III. — Fait quatre quarts et n'a pas été pesé? — La lune.
IV. — Rapiécé, rapetassé, jamais l'aiguille n'y a liasse'' — Un
ciel nuageux.
V. — Monte l'eau au ciel sans seau •' — Les nuages.
ENIGMES POPULAIRES 175
VI. — N'a ni peds ni mas, e darraja souven lous bos?
— Lou vent.
VII. — Parla sons boucha, cour sens chambas, tusta
sens mas, passa sens pareisser?
— Lou vent.
VIII. — Bel couma una fava,
Rumplis touta una cava ?
— Un esclaire.
IX. — Bel couma un fenier,
Despassa pas un denier? (Aliter : ne val pas.)
— Lou fum.
X. — Marcha lou mati em quatre chambas;
A miejour, em douas ; lou ser, em très?
— L'ome (efan, madur e vielh).
XL — Que qu'ei, que qu'ei :
Nous autres lou vezem touts lous jours; un rei,
quaucus cops; Dieus, jamais?
— Nostre parier.
XII. — Se pausa, touts trabalhon; trabalha, touts se
pauson ?
— Un curât.
XIII. — Donn mais el chanta, doun mais lous autres
puron?
VI. — N'a ni pieds, ni mains, et souvent arrache les forêts? —
Le vent.
VII. — Parle sans bouche, court sans jambes, frappe sans
mains, passe sans paraître? — Le veut.
VIII. — Grand comme une fève, il remplit une cave? — Un
éclair.
IX. — Grand comme une grange à foin, ne vaut pas au delà
d'un denier? — La fumée.
X. — Marche le matin avec quatre jambes ; à midi, avec
deux ; le soir, avec, trois ; — L'homme, enfant, mûr, vieillard.
XL — Qu'est-ce, qu'est-ce: nous le voyons tous les jours: un
roi. quelquefois ; Dieu, jamais? — Notre semblable.
XL1. — Se repose-t-il, tous travaillent : travaille-t-il, tous se
reposent ? — Un curé.
XIII. -- Plus il chante, plus les autres pleurent ? — Un curé
qui enterre.
176 DIALECTES MODERNES
— Un curât qu'enterra.
XIV. — Un mieg-mort se leva, fai levar un autre mieg-
mort, entra dins lou sen de sa maire e minja soun paire?
— Un pestre que sona lou meirelher, vai à l'egleija e
dis sa messa.
XV. — Nègre lou jour e blanch la nueg?
— Un curât.
XVI. — Quania diferensa i a
Entre un curât et una goga ?
— La goga es estachada de naut e de bas ; le curât, pel mieg.
XVII. — Entre un abat ( vicari) et un pressedier?
— Lou pressedier ne vol esser curât; lou vicari, sibe.
XVIII. — Entre un juge de pats et un escbalier?
— L'eschalicr fai levar lou ped ; lou juge fai levar la ma
XIX. — Qu'es aco, qu'es aco:
Ve d'à chaval e s'entorna d'à ped?
— Lou mal.
XX. — Lou vezeui pas, e nousapauta?
— L'âge.
XXI. — Un champ, doun mais es trabalbat, doun mais
dona de mauvasa semensa ?
— La maudisensa.
XIV. — Un mi-mort se levé, fait lever un autre mi-mort,
entre dans le sein de sa mère et maille son père? — Un prêtre qui
appelle le marguillier, va à l'église et dit sa messe .
XV. — Noir le jour et blanc la nuit? — Un prêtre.
XVI. — Quelle différence y a-t-il entre un curé et un boudin?
— Un boudin est attaché aux deux bouts; le curé, à mi-corps.
XVII. — Entre un vicaire et un pêcher?— Le pêcher ne veut
pas être curé (émondé) ; le vicaire, si.
XVIII. — Entre un juge de paix et un escalier? — L'escalier
l'ait lever le pied; le juge l'ait lever la main.
XIX. — Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est: arrive à che-
val, et s'en retourne à pied ? — Le mal.
XX. — Nous ne le voyons pas, et il nous renverse? — L'âge.
XXI. — Un champ qui, plus on le travaille, plus il produit de
mauvaises herbes 1 — La médisance.
ENIGMES POPULAIRES l"
XXII. — Que qu'oi, que qu'oi :
» Torta,
» Redorta,
» D'oun venes-tu ?
— » Toundut,
)) Reboundut,
» De pus loun que tu ? »
— Un prat, un rîu.
XXIII. — Jamais aco ne vol requiular?
— L'aiga.
XXIV. — Se fai far plassa
Sens leissar trassa !
— Un batel.
XXV. — Quatre uels, quatre aurelhas. sieis chambas et
una coua?
— Un home à chaval.
XXVI . — Petiot home renfoursat,
Brajas courtas, quioul trauchat1?
— Un droullou.
XXVII. — Bois de naut, bois de bas,
Bois dessai, bois de lai,
Char pel mieg?
— Un efantal bres (Alias: un garda-minjar .
XXII. — Qu'est-ce, qu'est-ce: torte. — tortue, — d'où viens-
tu? — Tondu, — caché, — de plus loin que toi? — Un pré, un
ruisseau.
A XIII. — Qui ne veut reculer jamais? — L'eau.
XXIV. — Se fait faire place, sans laisser de trace? — In
navire.
XXV. — Quatre yeux, quatre oreilles, six jambes et une
queue? — Un homme achevai
XXVI. — Petit homme renforcé, — braies courtes, cul percé?
— Un petit garçon.
XXVli. — Bois dessus, bois en lias, bois d'ici, bois de là.
chair au milieu ? — Un enfant au berceau (ou un garde-manger .
1 Allusion aux braies fendues au derrière quepoit<nt les enfants en
bas âge.
14
178 iMALEOTES MODEkInES
XXVIII. — Qu'es aco, qu'es aco :
Escaleta,
Mountaleta,
Auve-la,
Devina-la ?
— La lenga.
XXIX. — Passa una bêla aiga
Sens batel ni pount?
— Lou soun.
XXX. — Champ blanch, semenalha negra,
Cinq biôus à la relha?
— Del papiol, de l'encra, lous dets que tenon
la pluma.
XXXI. — Moun paire es petiot; ieu, soui gran;
Déclare la guerra, anounce la patz?
— Lou papiol.
XXXII — Zou gitariatz countre un roch, aco se cassarià
pas; gitatz-zou dins l'aiga, aco se cassa !
— Del papiol.
XXXIII. — Meijura d'un cop l'aussada del cial?
— L'uel.
XXXIV. — Poussa, e noun es planta; sagna, e noun es
char ; copa, e noun es coutel?
— L'oungla.
XXV1U. — Qu'est-ce que c'est . qu'est-ce que c'est : échelette
— montelette, — entends-la, — devine-la? — I.a langue.
XXIX. — Traverse une grande eau, — sans bateau ni pont?
— Le son.
XXX. — Champ blanc, semence noire, cinq bœufs à la ebar-
rue ? — Du papier, de l'encre, les doigts qui tiennent la plume.
' XXXI. — Mon père est petit, je suis grand; je déclare la guerre,
j'annonce la paix? — Du papier.
XXXII. — Vous le jetteriez contre un roc sans le briser; jetez-
le dans l'eau, cela se brise? — Le papier.
XX XI II. — Mesure d'un seul coup la hauteur du ciel? — L'œil.
XXXIV. — Il pousse, et n'est pas plante; il saigne et n'est pas
ebair ; il coupe et n'est pas couteau? — L'ongle.
ENIGMES POPULAIRES 179
XXXV. — Quai, quala :
Ne chai imitai- per marchai' ben ?
— Una escarabissa .
XXXVI. — A-n-un corps sens os?
— Un verme.
XXX. VII. — Descoumpassa un chastel, e ne pot descoum-
passar una levada ?
— Una firmis.
XXXVIII. — Bâton viu, bâton mort?
— Un ase. (De sa pel se fai dels tambours).
XXXIX. — Se despolha per nous vestir?
— L'oulha.
XL. — Qu'es aco, qu'es aco :
G-orja dins gorja, set chambas et una coua?
— Un chat que leca una oula.
XLI. — Douas pias, douas lias, quatre bezinguas et un
tapa-quioul ?
— Una chabra,
XLII. — Char dessai, char délai, bois pelmieg?
— De las vachas al labour.
XLIII. — Tan que plueva, jamais aco se molha?
— Un pieis de vacha
XXXV. — Lequel, laquelle, il ne faut pas imiter, si l'on veut
marcher bien ? — L'écrevisse.
XXXVI. — A un corps sans os? — Un vermisseau.
XXXVII. — Dépasse un château, et ne peut dépasser une rigole
de pré ? — Une fourmi.
XXXV1IL — On bat vivant, on bal mort? — L'âne. (Sa peau sert
pour les tambours.)
XXXIX. — Se dépouille pour nous vêtir? — La brebis.
XL. — Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est: une gorge
dans une autre, sept jambes et une queue ? — Un chat qui lèche
une marmite.
XLI. — Deux cornes, deux fanons, quatre jambes et un tape-
cul? — Une chèvre.
XLII. — Chairdeçà, chair de là, bois au milieu? — Des va-
ches à la charrue.
XLIII. — Tant, pleuve-t-il, cela ne se mouille pas? — lu pis
de vache.
ISO DIA'LECTKS MODERA Eb
XLIV. - Que qu'ei, que qu'ei :
Tounelou,
Bounelou,
Pie de vi,
Barra sens cecle ?
— Un gru de rasim.
XLV. — Quatre douniaiseletas
An quatre chambretas?
— Una caca.
KLVI. — Verd couma un pourrai,
Loung couma un fiai,
Dous couma del mial ?
— Lou cacal (quan s'en fai de Toli).
XLVII. — Verd couma prat,
Dur couma bois,
Blanch couma lat?
— Una caca frescha.
XL VIII. — Gru, gruneta,
Tout cuech, tout salât,
Dins sa toupineta ?
— Una aulana.
XL1X. — A cinq os, cinq patetas, una coua '.
— La nespla.
L. — A cinq alas, una coua e ne pot mountar un bos (
— La nespla.
XLIV. — Qu'est-ce, qu'est-ce: tonnelet, bonnelet, plein de
vin, est clos sans cerceau? — Un grain de raisin.
X i ,V. - Quatre demoiselettes ont quatre chambrettes '•' — Une
;ioix.
XLVI. — Vert comme un poireau, long comme un fil, doux
comme du miel? — La noix (quand on on fait de l'huile).
XLVII. — Vert comme prairie, dur comme bois, blanc connue
lail ? — Une noix fraîche.
XLV1II. — Grain, grainette, tour cuit, toul salé, dans son petit
(ou pin ? — Une noisette.
XL1X. — A cinq os (noyaux), cinq pattes, une queue? — La nèfle.
L. — A cinq ailes, une queue et ne peut s'élever vers le bois.
— La nèfle,
ENIGMES POPULAiRKS 181
LI. — A bel paire,. ru da maire,
Chaminja negra, blancha étant?
— Una chastanha.
LU. - Pendaulhou pendaulhava ,
Pendaulhou toumbet :
Grrouun venguel
E lou minget?
— L'aglan.
LUI. — Pendaulhou pendaulhava ,
Roundelhou roundelhava ;
Pendaulhou toumbet ,
Roundelhou l'amasset?
— Un aglan et un tessou.
LIV. — Pendaulhou, pendaulhoun,
Mounta bilhou, mounta bilhoun.
Bourrut <hjjous lou charcha?
L'aglan.
LV. — Court brajat,
Naut mounta r,
Bourrut lou charcha?
— Un aglan .
LVI. — Al mieg d'un bos, n'a mas una chambrota et un
chapelou ?
— Un poutarel.
LI. — A haut père, rude mère, chemise noire, blanche enfant ?
— Une bogue de châtaigne.
LU. — Pendillon pendillait, penrlilion tomba ;« grouin1»vint pi
le mangea? — Le gland.
LUI. — Pendillon pendillait, grognon grognonnait, rodillon ro-
• lilla.it, pendillon tomba, rodillon le ramassa?— Le gland et le jeune
pourceau .
LIV. — Pendillot pendillon, monte billot, monte billon, bourru
dessous le cherche? — Le gland.
LV. — Court velu, haut monté, bourru le cherche? — Un gland.
LVI. — Au milieu d'un bois, il n'a qu'une chambrette et un
chaperon? — Un champignon .
1 Onomatopée pour signifier le porc.
182 DIALECTES MODERNES
LVII. - Qu'es aco, qu'es aco :
Fai centlegas e mais, se chai,
Sens sourtir de soun boujal ?
— Un ueu.
LVIII. — Auguessas-tu dech-nau claus,
Zou drubiràs pas sens far « pan ! pan! » ?
— Un ueu.
LIX. — Tan mais l'an z'estira, tan mais co brama?
— Las clochas.
LX. — Doun mais n'an z'estira, doun mais co fug ?
— Un eschautou de fiai .
LXI. — Quatre doumeiseletas toujour se galopon, e
podon jamais s'acoutar?
— Un eschavel.
LXII. — Madama Negra mounta en chadena,
Moussu de Bilhous
Bufa dejous?
— Un oula sus lou fueg.
LXIII. — Bois de naut, bois de bas,
Bois dessai, bois de lai,
Bonna pel mieg?
— Una mast plena de pasta.
LXIV. — A la pouncha d'un puechou,
Pissa couma un truejou ?
LVII. — Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est : il fait cent
lieues, et davantage s'il faut, sans sortir de son trou"? — Un œuf.
LVIII. — Eusses-tu dix-neuf clés, tu ne l'ouvrirais pas sans
faire pan ! pan ? — Un œuf (pour le casser).
LIX. — Plus on le tire, plus ça brame? — Les cloches.
LX. — Plus on le tire, plus cela s'enfuit? — Un écheveau de
fil.
LXI. — Quatre petites demoiselles se poursuivent toujours et
ne peuvent jamais s'atteindre? — Un rouet.
LXII. — Madame Noire mon]te à la chaîne. Monsieur do Billot
souffle dessous? — Un«' marmite sur lo feu.
LXIII. — Bois en haut, bois en bas, bois en deçà, bois au delà,
marécage au milieu? — Un pétrin plein de pâte.
LXIV. — A la pointe d'un monticule pisse comme un porcelet ?
— Une cruche.
ENIGMES POPULAIRES 183
— Un broc.
LXV. - A la testa boujalada e toujour es dins l'aiga?
— Un esparsou.
LXVl. — N'an lou tua, n'an lou reviuda quan n'an vol ?
— Un chalel.
LXVII. — Beu soun sang e minja sous budels ?
— Lou cbalel.
LXV1II. — Ben poulit, un pauc loung,
Tout redound.
'j
S'usa malgrat soun mestre?
lO
— Una chandiala.
LXIX — Vai negra à restable e blancha n'en torna ?
— La selha del lat.
LXX. — Ris en davalan, pura en mountan ?
— Lou selhou d'un pouts.
LXXL — Que qu'oi, que qu'oi :
Vai e ve sens chanhar de plassa ?
— Una porta.
LXXII. — Round couma un crubel,
Loung couma un courdel? {A lias budel.)
— Un pouts.
LXV. — A la tète criblée de trous, et toujours esr dans l'eau ?
— Un goupillon .
LXVI. — On le tue, ou le ranime quand on veut? — Une
lampe.
LXVII. — Boit son propre sang et mange ses entrailles? —
Une lampe.
LXV1II. — Bien poli, un peu long, — tout rond, — s'use mal-
gré son maître? — Une chandelle.
LXIX. — Va noir à l'étable et en revient blanc? — Le seau
(du lait) pour traire.
LXX. — Rit en descendant et pleure en montant? — Le seau
d'un puits.
LXXI. — Qu'est-ce, qu'est-ce: va et vient sans changer do
place? — Une porte.
LXXII. — Rond comme un crible, — long comme un cordeau
(aliàs: boyau)? — Un puits.
184 DIALECTES MODERNES
LXXlII. — Sauta d'una boueha per intrar dins una autra?
— Lou pa.
LXXIY. — Es sus una sola rouja, e crida ! « Ventre
cuech » ?
— Una tourta al four.
LXXV. — De las vachas roujas al mieg d'un prat,
Un bergier nègre las vai virar ?
— La biolas d'un four e lou relh
I.XXVI. •••- Pie lou jour, bouide la nueg ?
Dels souchs.
LXXVII — Pie la nueg, bouide lou jour.
— Un liet.
LX XVIII. — Neja la testa per sauvar la coua?
— Una couada
LXXIX. — Beu per l'eschina e pissa pel ventre?
— Una barrica.
LXXX. — Minja pel ventre e fai per l'eschina?
— Una garlopa.
LXXXT. — ■ Bouida soun ventre per anar à l'aiga '
— La soulha.
LXXXTI. — Druebe la gorja entrusca tan que soun mestre
es aqui ?
IjXXIII. — Sorl d'une bouche pour entrer dans une autre?
— Le pain.
LXXIV. — Est. sur un1 saule rouse, et crie : «Ventre cuit! »
— Une tourte au four.
LXXV. — Des vaches rouges au milieu d'un pré, — un berger noir
les va tourner? — Les charbons ardents el le fourgon d'un four
LXXVI. — Plein le jour, vide la nuit? — Des sabots.
LXXVII. — Plein la nuit, vide le jour?— Un lit.
LXXVIII. — Noie sa tête pour sauver sa queue?— Un godet.
LXXIX. — Boit par l'échiné et urine par le vende? — Une
barrique.
LX.XX — Mange parlé ventre et rend par l'échiné ? — Une
varlope.
LXX XL— Vide son ventre pourallerà l'eau? — La paillasse du lit.
LXXXIÏ. — Ouvre la gorge jusqu'à ce que son maître se trouve
là?— Un sabot.
KNKxMKS POPTtL\I!M'S 185
— Un souch.
LXXXIII. - Cinq trauchs, una boucha, una coua1?
Un chaufa-liet.
LXXXIY. — Que, que:
A lous os sus la pel ?
— Un ueu. (AHàs un cacal secli.
LXXXV. — Bouida soun ventre per remplir lou de soun
inestre ?
— Unaescuela de soupa.
LXXXVI. — Marcha de testa ?
— Lous clavels del souch.
LXXXVII. — Mais Tan n'in bota, mens co pesa l
— Una plancha trauchada.
LXXXVII1. — A la lenga à lapouncha de la testa?
— Una egulhada.
LXXXIX. -■ Zou troubatz à vostra porta, e vous pot menai-
perdre ?
— Un chami.
XC. — Z'ai vist viu, z'ai vist mort,
Z'ai vist courre après sa mort ?
— Lasfuelhas.
LXXXIII 1 . — Cinq trous, une bouche et une queue? — Une
bassinoire.
LXXXIV. — Qui, qui: a les os sur la peau? — Un œuf
(aliàs: une noix sèche).
LXXXV. — Vide son ventre pour remplir celui de son maî-
tre ? — Une écuelle de soupe.
LXXXVI. — .Marche de tète?— Les clous d'un sabot.
LXXXVII. — Plus on y en met, moins ça pèse? — Une plan-
che que l'on troue.
LXXXVIII. — La langue à la pointe de la tête? — Un aiguil-
lon à I neufs.
LXXXIX. — Vous le trouvez à votre porte, et il peut vous me-
ner perdre? — Un chemin.
XC. — Je l'ai vu vivant, je l'ai vu mort, je l'ai vu courir après
sa mort? — Les feuilles des arbres.
1 Les bassinoires anciennes avaient toujours cinq trous.
185 DIALECTES MODERNES
XCI. — N'anipedni talou,
Galopa couma un diablatou ?
— Una boula.
XCII. — Qu'es aco, qu'es aco :
Arcarià 'n chastel, n'arcarià pas dous ?
— Un ueu.
XCIII. — Calica, calicot:
La maire de Calicot a dels os,
Calicot n'a pas ?
— La poula e soun ueu.
XCIV. — Corps de terra, ventre d'aiga, testa de bois ?
— Una boutelha.
XC . — Que i a , que i a :
Al mieg de Paris ?
— Una r.
XCVI. — Al dessus de Dieus?
— Un pount.
XCI. — N'a ni pied, ni talon, et court comme un diablotin ? —
Une boule.
XCII. — Qu'est-ce que cela, qu'est-ce que cela: passerait
par-delà un château, non par-delà un second?— Un œuf.
XCIII. — Calique, Calicot: la mère de Calicot a des os, Calicot
n'en a point? — La poule et son œuf.
XCIV. — Corps de terre, ventre d'eau, tète de bois? — Une
bouteille et son bouchon .
XCV. — Qu'y a-t-il ? qu'y a-t-il au milieu de Paris ? — Une r.
XCVI. — Au-dessus de Dieu ? — Un point.
A CARLE DE TOURTOULOUN
Pèr assoula toun cor que noim fai que gémi,
De toun castèu en dôu trevant li grandi salo,
Destrihes, souloumbrous, Tistôri prouvençalo ;
Mai l'amaro doulour, rèn la pôu endourmi.
A pichot pas, vers tu, l'entendes plus veni
Te rire à tis estùdi, e lou langui te jalo,
Dempièi que toun amigo, un ange, a près dos alo
E que s'es entournado au oèu, ai ! paure ami !
Alor, en pantaiant la douço jouino feino,
Lou libre qu'as dubert, lou bagnes de lagremo ;
Auses plus soulamen lou poulit bru que fan,
Jougaire e risoulet, toun fiéu e ti chatouno.
Mai éli t'escalant, emé milo poutouno :
« Paire, sies pas soulet, » te dison tis enfant.
Teodor Aubanel.
Avignoun, 28 de setembre 1873
(Pp. vençai, Avign&n et les bords du Rhône.)
A CHARLES DE TOURTOULON
Pour apaiser ton cœur qui ne fait que se plaindre, — de ton châ-
teau en deuil parcourant les grandes salles, — tu déchiffres, som-
bre, l'histoire de Provence ; — mais l'amère douleur, rien ne peut
l'endormir.
A petits pas. vers toi, tu ne l'entends plus venir — sourire à tes
études ; et la mélancolie te glace,— depuis que ton amie, un ange,
a pris deux ailes — et qu'elle est retournée au ciel, hélas ! pauvre
ami !
Alors, en songeant à la douce jeune femme, — le livre que tu
as ouvert, tu le mouilles de tes larmes : — tu n'entends même plus
le bruit charmant que font,
Enjoués et rieurs, ton fils et tes fillettes. — Mais eux t'escala-
dant, avec mille baisers: — Père, tu n'es pas seul, te disent tes
enfants. Théodore Aubanel.
Avignon, 28 septembre 1873.
v/V\A/\.
UN PARELH PER VENDEMIOS
A L. Saviè de Ricard
Le bel parelh castanh s'en ven de las Masquieiros,
A l'antic carriot à-n-un tiraou, cargat
De vendemio mountant. junquo sus las telieiros:
Ja s'ausis tinda l'olze e crida l'tresegat !
Porto, sens espefort, dex semais carretieiros,
E, dins sa vertut sano e la sieu magestat,
Passo, mouscalh sus uels, al miei de las carrieiros.
Dambe Fbouiè davant, toucadour adreitat.
Le colh fort, le petralh large e l'esquino espesso,
0 roumiaires gigants e plenis de grandesso!
Anats coumo del tems des pagans magnifies,
E semblats passeja gravoment, en cadancio,
Qualque dieus pouderous qu'a balhat l'aboundancio.
— O biôus ! ô biôus vivents ! trioumfles pacifies !
A. Fourès.
UNE PAIRE (de bœufs) PENDANT LES VENDANGES
A L. Xavier de Ricard
La belle paire châtaine s'en vient des Masquières, — à l'antique
chariot à un timon, chargé — de vendanges s'élevant jusque sur
les ridelles; — certes, on ouït tinter la clavette (de l'essieu) et
crier l'anneau de fer ( qui supporte la flèche ).
Elle porte, sans elfort, dix comportes charretières, — et, dans sa
vigueur saine et samajesté, — elle passe, émouchette sur les yeux,
au milieu .des rues. — avec le bouvier devant, aiguillon dressé.
Le cou fort, le poitrail large et, l'échiné ('paisse. — ô ruminants
gigantesques et pleins de grandeur I — vous allez comme au temps
des païens magnifiques,
El vous semblez promener gravement, en cadence, — quelque
dieu puissant qui a donné l'abondance. — O bœufs! ô bœufs vi-
vants! triomphes paciliques ! A. FounÈs.
-7*~->
LOU PAISAN E LAS DOS OULOS
Un pacan, en roumpent l'aurieiro d'un toural,
Troubet dos oulos entarrados
E joust de lausos reeatados:
L'uno ero novo, en bel métal,
E lusissiô coumo un mirai:
De tacos de roubil prefoundoment gravados
E de partidus descroustados,
Sus l'autro se vesiôu
Tant sarrados que ne fasiôu
Un moble de rebut. Atabé lou fouchaire,
D'acô macat, en l'espiant de caire:
— « Per d'oulos coumo tu, n'ei pla prou dins l'oustal ;
Sariôs qu'un embarras e n'ei mai que noun cal.
Auriô pamens gagnât uno belo journado
Se, coumo l'autro counservado,
Valhôs dous escuts de cinq francs.
Mais, petas, as servit belèu mai de cent ans,
E, de pertoutescascalhado,
LE PAYSVN ET LES DEUX MARMITES
Un paysan, en défonçant les bords d'un tertre, — trouva deux
marmites enterrées— et sous des dalles bien cachées : — Tune était
neuve, en beau métal, — et brillait comme un miroir ; — des taches
de rouille profondément gravées — el des parties écaillées,— sur
l'autre se voyaient — si serrées, qu'elles en faisaient — un meuble de
rebut. Aussi le piocheur, — taché de cela, en la regardant de tra-
vers: — « Pour des marmites comme toi, j'en ai bien assez dans la
maison; — tu ne serais qu'un embarras, et j'en ai plus qu'il n'en
faut. — J'aurais pourtant gagné une belle journée — si, comme
l'autre conservée. — lu valais deux écus de cinq francs. — Mais
pécore, tu as peut-être servi plus de cent ans, — et aujourd'hui, de
190 DIALECTES MODERNES
Tapanso tendiô pas souloment de civado. »
Lou pacan, en diguent acôs,
D'un cop de doulho de bigôs
La crebo pel mitan. Grand Dieu! qunt espetacle !
Lou mal-vestit crido miracle,
E miech-bauch s'aloungo à plen cors
Sus un gros moulou de louidors:
L'oulo de rebut n'ero pleno.
Poudès vous figura sens peno
La grimasso que deviô t'a,
Pousant à plenos mas, se pressant d'empouchà
So que fa cantà lous avugles ;
A pas lésé de res tria :
Ensaco en même tems terro, fenouls, rabuscles ;
Autant que de plasé, de pôu devariat,
Viro sous els de tout coustat,
Crentant que quauque partajaire
Sourtigue d'endacon per lou fica d'un caire.
Urousoment que sioguet pas aital :
Mudo coumo un désert ero adounc la countrado ;
Tabès ajet lou tems d'amassà coumo cal
La mounedo esparrabissado.
Quand ajet fait, tournet tapa
partout crevassée, — tu n'es pas seulement bonne à contenir de
l'avoine. » — Le paysan, disant cela, — d'un coup de revers de son
outil — fait voler la marmite en éclats. Grand Dieu ! quel spectacle !
— le mal vêtu crie: Miracle ! — et, moitié fou, s'allonge à plein
corps — sur un gros monceau de louis d'or: — la marmite de reluit
en était pleine. — Sans peine, vous pouvez vous figurer — la grimace
qu'il devait faire, — puisant à pleines mains, se pressant d'em-
pocher — ce qui fait chanter les aveugles ; — il n'a loisir de rien
trier — et ramasse en même temps terre, fenouils, ravenelles ; —
tourmenté en même temps autant par le plaisir que par la peur, —
il tourne ses yeux de tout côté, — craignant que quelque partageur
— ne sorte de par là pour réclamer sa part. — Heureusement il n'en
fut pas ainsi : — silencieuse comme un déserf était alors la contrée;
— aussi eut-il le temps de ramasser comme il faut — la monnaie
éparpillée. — Quand il eut fini, il remit dans la terre — marmites et
LOU PAlS^N E LAS DOS OULOS 191
Oulos e lauso dins la terro,
— « 0 fam, guso de fam, diguet amé coulero,
Tracas, soucit et cœtera,
Que, sens jainai vous alassa,
Rousegas, carcagnas lous paures misérables.
Adieu, n'ei prou perieu, e tu, vai-t'enal diablea,
Bigôs que m'as fait tant trima!
Te vau cambia per uno cano. »
E coumo un ase sens catsano,
Sautant, bramant, cap àl'oustal
S'entorno cargatd'or. Quand d'un parel rambal
Sa testo sioguetrepausado,
Que repasset dins sa pensado
So qu'i ero arribat: — « Ah! sou dis, qunt bounur
De m'estre trouvât soûl ! Acô's mai que segur
Que, se quauqu'un m'abiô foursat à lacausido,
Preferabi, per moun malur,
L'oulo poulido
Mais vido,
A la laido, que d'or ero touto farsido. »
So que me fa vous dire aici:
Cal couneisse, avant de causi.
Ah! quantesn'i a que dins lou mariage,
dalles : — O faim ! gueuse de faim, dit-il avec colère, tracas, sou-
cis, et cetera, — qui, sans vous lasser jamais, — rongez, persécutez
les pauvres misérables. — Maintenant, j'en ai assez pour moi; —
et toi va-t'en au diable, — pioche qui m'as fait tant trimer ; — je
vais, dit-il, te changer pour une canne. » — Et, tel qu'un âne qui a
rompu son licol, — sautant, criant, vers sa maison — il s'en revient
chargé d'or. Quand, après une telle émotion, — sa tète fut rede-
venue calme; — que, dans sa pensée, il repassa ce qui lui était
arrivé : — « Ah ! dit-il, quel bonheur — que je me sois trouvé seul.
C'est plus que sûr — que, si quelqu'un m'avait forcé au choix, —
j'aurais préféré, pour mon malheur, — la marmite jolie — mais
vide, — à la laide, qui d'or était toute farcie. » — Ce qui me fiitvous
dire ici : — il faut connaître avant de choisir! — Ah! combien n'y
en a-t-il pas qui, dans le mariage,— ignorant la valeur d'un si rare
Iyi DIALECTES MODEKistib
Ignourant la valou d'un tant rare trésor,
E ^c-ns pensa que tout so que brilho es pas d'or,
Festejou la qu'a bel visage
E delembrou la qu'a boun cor!
P. Vidal.
(Languedocien, Quarante et ses environs)
trésor, — et, sans sorigèr que tout ce qui brille n'est pas dp l'or. —
font fête à celle qui a beau visage — et laissent de côté celle qui a
bon cœur.
F. Vidal
LI TRES FLOUR
A la l'èsto de Dieu, la grand fèsto di flour,
Quand tôuti li carricro, e li glèiso à l'entour,
Soun de tapis aurin e de vas de sentour,
Très chato d'Avignoun, très gènti vierginello.
Se disièn l'uno à l'autro : — « Aubaren, cantarello,
» Chascuno, talo flour que trouvan la mai belle '
« — Pèr ma part »,souspirè la bloundeto Anaïs.
« La flour de ma coungousto es l'Ile blanc e lis.
» Que lis anjoun alu porton au Paradis ! . . . »
LES TROIS FLEURS
A la Fête-Dieu, la grande fête des fleurs. — quand toutes les
rues el les églises à l'entour — sont des tapis d'or et des vases de
parfum,
Trois filles d'Avignon, trois vierges gentilettes, — se disaieni
l'une à l'autre: — « Arborons, en chantant, — chacune la fleur
» que nous trouvons la plus belle ! »
« — Quant à moi», soupira la blonde Anaïs, — «la fleur de mes
•• délices, c'esl le Lis blanc et lisse — que les petits anges ailés por-
» tent au Paradis ! »
LI TRES FLOl'R 19
« — Dounas-me dounc la Roso, autièro, souleiouso;
» Te, la Roso es la rèino, embeimado, courouso »>
• S'escridè Jano, « e siéu de la Rèino amourouso !..»
La tresenco cantè ( qu'èro ma Madeloun),
Levant sa douço caro à l'estello eilamount
( Oh ! que voudriéu, ma fe, la cubri de poutoun ! )
« — Noun vole d'Ile blanc, noun de Roso pourpalo.
» Ma floureto d'elèi, qu'âme, iéu, sens egalo,
)) Sara tu, sai-a tu, ma pauro Prouvençalo !»
MANDADIS
A Madono M.
Prévue Dieu bèn souvent, mouié de moun ami !
Que la flour qu'a chausido, e lou son qu'as chausi ,
Siegue pèr vautri dousmai que mai benesi !
William-C. Bonaparte- Wyse.
Provençal, Avignon et les bords du Rhône)
« — Donnez-moi donc la Rose, altière, ensoleillée; — tiens, la Ro.-e
» est la reine, embaumée, éclatante, — s'écriait Jeanne, « et moi,
» je suis amoureuse de la reine ! »
La troisième chanta (qui était ma petite Madelaine), —levant
sa douce figure à l'étoile, en haut — Oh! que je voudrais bien la
couvrir de baisers !)
« — Je ne veux point de Lis blanc. — point de Rose purpurine.
» — Ma fleurette choisie, que j'aime sans égale,— sera toi, sera foi.
» ma pauvre Pervenche!»
EKVOI
A Madame M.
Je prie Dieu bien souvent, ù femme de mon ami ! — que la fleur
qu'il a choisie et que le sol que tu as choisi— soient pour vousdeux
de plus en plus bénis !
Guillaume-C. Boxapartk-Wysi:
15
BIBLIOGRAPHIE
Recueil de noëls vellaves, par l'abbé Natalis Cordât (1631-1618). publiés
avec introduction et notes par l'abbé J.-B. Payrard. — Le Puy-en-
Velay, J.-M. Freydier, imprimeur-libraire, 1876, petit in 8S.
Ces noëls, qui paraissent être restés inédits jusqu'à présent,
sont au nombre de dix-neuf. Cinq sont en français ; les autres
sont écrits dans le patois du Velay, dont ils nous fournissent, pour
la première moitié du XVIIe siècle, un échantillon fort intéressant.
L'éditeur les a fait précéder d'une introduction dans laquelle, après
avoir donné les renseignements qu'il a pu recueillir sur l'auteur et
sur son œuvre, il consacre au dialecte vellave une quinzaine de
pages, plus remplies malheureusement, de vagues généralités (sans
compter les erreurs) que de notions précises.
Un passage de cette introduction nous avertit que le manuscrit
de Cordât a été reproduit tel quel, c'est-à-dire qu'on en a respecté
non-seulement l'orthographe, mais encore « la ponctuation, l'accen-
tuation, les fautes mêmes. « Quant à l'orthographe, on ne peut que
louer cette fidélité; mais il y aurait eu, croyons-nous, plus d'avan-
tages que d'inconvénients à introduire dans le texte une ponctuation
correcte (il n'y en a souvent d'aucune sorte), et surtout à faire dis-
paraître nombre d'apostrophes abusives; par exemple, dans s'ere =
■i m [sumus), qu'on = quando, qu'onos = quelles, qu'eycon = quelque
chose, eyss'os au lieu de eysso's, l'iffronsaro pour liffr., où 17' initiale
de fronsar se redouble, comme il arrive souvent dans les anciens
mss. On aurait pu aussi corriger sans scrupule quelques fan
lentes, comme, p. 41, dernier vers, l'omission de lovs; p 92,
mayro pour mayre, en rime avec gayre.
Chaque noél est suivi d'un petit commentaire ou les mots les
plus difficiles sont, expliqués. La traduction n'est pas toujours exacte
et elle l'ait défaut en plus d'un endroit. P. G. 0 benadut char courre
parait mal rendu par « a bien eu char court. » Ce doit être « a bien
eu cher courir, » c'est-à-dire: «il lui a coûté cher de courir.»—
I'. 19, note 6. Je soupçonne que gages signifie ici, non pa< salaires,
revenus, mais meubles, spécialement vaisseaux. Ce motace sens en
d'autres provinces. — "2'J. En desperit sie lou mengayre ne saurait
signifier, comme le veut la note 5, « et mort fut ie gourmand. » Le
vers étant trop long (''une syllabe, il faut sans dou' • corriger en
despitou m despiet, et traduire maudit soit le gourmand .lit. en dépit
BIBLIOGRAPHIE lyû
soit...) — 4y, note 6. La rime estiavas réclame pour chandias la
correction chcmdiavas, ei alors il s'agirait de chandelles el non de
chanvre. — 68. Non poudrié signifie ;ï ne pourrait et non pas je ne
pourrais. Le contexte l'indique avec évidence.— 83. Marciè est noté
comme un mot inconnu. C'est simplement le français mercier. On
connaît le proverbe: « Petit, mercier, petit panier. » — 91, note 10.
Le sens est clair si l'on corrige Vaunouoro, comme la rime le de-
mande; le dentauest le cep de la charrue. .Mais trois vers pins haut,
je ne sais ce que peut signifier d'auapparoucha. Au n'y serait-il [tas
1 ancien aul (aval) = mauvais? — 92. En quauquo traço de brez.
Cela veut dire avec un berceau et non avec du son. L'éditeur a pris
brez pour bren. Quant à traço, voy. le Diet. languedocien sous trasso,
— 97. Fouoire, objet de la note 29, est l'ancien forre (fr. foirre oi:
feurre), et doit, je pense, être rendu par paillasse. Barghos (même
page, note 25) est l'instrument qui sert à broyer le chanvre.
Je ne sais si l'on trouvera, dans le pays de Cordât, un bien grand
mérite à ses noëls. M. l'abbé Peyrard me semble, je l'avoue, les
avoir beaucoup surfaits. Voir, dans l'auteur de ces chants rustiqu
« un érudit, un penseur, un critique et un philosophe » , sans comp
ter sans doute le poëte, devra paraître à plusieurs une illusion un
peu forte. Je n'en considère pas moins la publication des noëls de
Cordât comme très-utile, et M. l'abbé Payrard a droit, pour l'avoir
faite, à toute notre reconnaissance. Les monuments du dialecte
vellave ne sont pas communs, et c'est une bonne fortune pour les
amis de notre langue d'oc d'en pouvoir étudier un du temps de
Louis XIII. J'ai fait, cette étude, pour mon compte, avec plaisir et
protit : peut-être les lecteurs de la Revue ne me sauront-ils pas
mauvais gré de leur en communiquer les principaux résultats.
1. A tonique, précédant m ou n, même, dans ce dernier cas, si
une voyelle suit, devient toujours o. Ceci est commun ou à peu près
à toute la région septentrionale et centrale «!e la langue d'oc ( Au-
vergne, Rouergue, Quercy. partie du Limousin, etc. ). Ex.: <<" ' an-
nus), song (sanguis ] ..ton famés), mo manus . campono (campana .
Môme mutation dans « (habet), so {sap . dejo, et a la 3e pers. >'niL.r.
du futur : troubaro, etc.
2. E tonique devient i et attire a devant /. qui se vocalise: ciau,
giau, angiau. Ceci s'étend, à travers l'Auvergne, jusqu'à la lisière
orientale du Limousin el pénètre (cian du moins) un peu au di
3. /passe à \'e dans reyre (ridere), aussi bien que dais veyre,
qui est de la langue commune. — Cette voyelle s'introduit, comme
en Auvergne, pour mouiller 17, dans liou, liowr, lieu, /"lieu.
4. O tonique, bref ou en position se diphthongueen /e dans^îoe
[96 BIBLIOGRAPHIE
ci //'<,r, et en ouo partout ailleurs: bouon-bouos, pouot, souôu (solum),
damouoro, mouort, etc. — Le groupe orr. au lieu de devenir simple-
ment ouorr, donne ouoir. par vocalisation delà première r ( cf.
ailleurs aybre = arbre, eymari = ermari,etc. ). Ex.: souoire sorre—
soror ), ouoire ( orre = horridus ,fouoire forre= fr. feurre). Dans ce
dernier exemple, l'ipeut provenir durf primitifnon assimile
5. La voyelle ou n'était pas, comme on sait1, distinguée de o dans
l'ancienne écriture. L'une et l'autre étaient notées par o. Cette
tiguration sert encore dans nos noëls, mais non pas exclusivement
pour You nasal, même dans le cas où cet ou provient de u latin, bref
ou en position, c'est-à-dire où aucun doute n'est possible sur sa
vraie prononciation. Ex.: vont, monde {k côté de mounde, fonde, son,
rompt, songeât, eommo, non-
La même chose se remarque dans des textes de provenances di-
verses, à la même époque. Ainsi, en Limousin, on trouve également
le son oun ligure encore on comme autrefois, longtemps après que
You pur eut cessé d'être représenté par un simple o.
15. La diphthongue ai, perdant l'accent, devient ei, phénomène
commun à beaucoup d'autres dialectes - : beylat, meusou, etc. Sous
l'intluence de la nasale (cf. ci-dessus 1 . aradevenn on), cette diphthon-
gue passe à Voi dans soint = sanctum .
T. Au, protonique ou monosyllabe proclitique, devient ou; phéno-
mène analogue au précédent et pareillement commun à la plupart
des dialectes: sauva (salvare ), ôusy audire . sôupui anc. saupui .
vôu (vado). ôus (datif plur. de l'article). — Notons comme remar-
quable la modification subie par faîic facio ), qui se présente dans
notre texte sous ta forme fouoe, comme si la diphthongue s'y était
d'abord réduite à un o bref.
8. lu primitif est resté — ou redevenu — iu {ion fins viotm
riou, /"'■m neige), bioure (bibere). Pareillemenl deu est ici
diou .
9. L'ancienne diphthongue oi, dont Yo provient île o bref ou en po-
sition, se modifie différemment selon qu'elle est finale ou pénultième.
Finale, elle se présente, comme dans ia basse Auvergne, sous la
forme eu : laneut. queut '■ coctum . km {hodie , cogneu conois),peu&
1 Voy. le mémoire de M, Meyer sur Yo provençal. ( Mi moires di la So-
ciété de linguistique, tom. I.)
'2 Dans quelques-uns Rouergue, Quercy), c'est en oi que ai, dans
cette position, s'affaiblit.
:1 On trouve aussi queit. forme de la langue commune (p. 23), mais en
rime avec neut.
BIBLIOGRAPHIE 107
et peu. ( pois =post). Un exemple de cette mutation, remontant au
XlIIe s. {del Peu=du Puy [podium ), se trouve dans la préface
p. xx)1. Pénultième, elle garde Yi, etl'o précédent se diphthongue
en ouo, comme lorsqu'il est isolé ( cf. ci-dessus 4 . Ex : couoyre
(p . 84)= coire {coquere) .
10. La diphthongue ou ayant changé, comme en d'autres dialec-
tes, son u en i, est traitée par suite comme Yoi originaire: de !à
eymouoire ( csmoure), jouoyne (jurenis).
11. La gutturale dure se change constamment, devant les voyel-
les, en la dentale de même degré. Ex.: c devient t: rhastu, nastut,
destuberto, ati( = aqui), etc.; g devient d : adui {<i<jnt , vendul ven-
gut), sedur (segur), tendut ( tengut)} Diiien ( Guilhem), sediat [se-
guiatz), etc.
12. Les gutturales chuintantes sont ordinairement Bgurées ch et
j, selon l'orthographe ordinaire: mais on trouve aussi th pour ch
(prononcé tch). et gh pour,/: estatha*, petharas (p. 8) ; mongho (93),
barghos (98).
13. Le z (te) se réduit toujours à t à. la. 2e pers. du pluriel des
verbes. .Même réduction, et aussi constante, dans lestextes du Vi-
varais de la même époque. C'est, du reste, un phénomène qu'on re-
trouve, plus ou moins fréquent, de divers côtés, et dont les exem-
ples ne sont pas ra.es dans nos anciens mss.
14. L finale, réduction de //, se vocalise en i après e ey Me ey
(en lo), pey {per lo), aquey, bey (fr. beau) Mais au pluriel des mêmes
mots, comme pourZ simple d'origine après a eto, la vocalisation se
fait en u: aqueas, espitau, oustau, ciau, angiau, vôu, souôu solum),
lençouôu.
A l'intérieur des mots, entre deux voyelles, l, et c'est là le iraii
le. plus caractéristique de notre texte, ne se maintient pas non plus ;
elle passe, non pas à Vu, comme devant une consi >, mais au >■ ,
qui n'en est qu'un durcissement: tavou (talon), giavo, giavado
(gèle, gelée), souvament (seulement), souveil (soleil), estiqvas (étoiles),
angiavou (petit ange), h'n. dont la parenté avec 17 est connue, est
pareillement remplacée par ^• dans bouvas = bounas (fr. borne*), d'où
bouveina, qui se dit aussi, en substituanl inversement l à v, bouleina.
L'auteur de la Statistique de la Haute-Loire, où je trouve ces der-
nières formes, mentionne aussi, à côté de bouvas, bougas. Cf. souguel
= souleh à Marvéjols (Revm [V, 526 .
1 Eu, d'ailleurs, s'explique très-bien moyennant les formes intermé-
diaires uei et uc: noctem noit, nueit, nuet. neut. - Des exemples i-
de la même mutation se rencontrent dans des textes, même très-anciens,
d'autre provenance
19S BIBLIOGRAPHIE
15. J'ai signalé plus haut (4) la vocalisation de IV en i dans
souoyre, ouoyre et probablement aussi fouoyre. En finale, cette li-
quide passe à Vu dans quau ("24, 78) =quare. VA. aubre, maubre,ceu-
cle, etc., qu'offrent des dialectes voisins et peut-être également
celui-ci.
16. Le v, qu'on a vu tout à l'heure supplantant 17 dans tavou, etc.,
reprend dans pavou (pavorem) la place dont l'ancienne langue l'avait
exclu (paor) et s'introduit dans avouro ( = aora), forme commune
à plusieurs dialectes. La même consonne est prosthétique, comme
en Provence, dans vou (hoc et aut), vont (undé), vounio (ungat).
17. Les prépositions clin, dedin et son (sine) se font suivre par
euphonie, devant les voyelles, les premières d'un c, la dernière
d'un t, ce que l'on observe aussi ailleurs. Un b s'adjoint, pour le
même motif (en limousin c'est un d). à la préposition en : enb un Hoc
p. 59). — Notons encore la nasalisation de l'aet de Ve dans hanlas,
ansi et dendu (degu) .
Après ces remarques sur la phonétique de notre texte, il resterait
à relever les particularités qu'il peut offrir au point de vue de la
grammaire proprement dite et du vocabulaire; mais cela nous mè-
nerait trop loin, et-il y aurait d'ailleurs de ce côté peu d'observations
neuves ou intéressantes à faire. Je noterai pourtant, avant de linir,
la forme yeusses=els (en Languedoc élses dès le X '. ' s. au moins), le
participe fort plet (plicitum), p. 73. dont je ne connais aucun autre
exemple, l'emploi de l'infinitif pour le gérondif (en fa de ses restos.
en veni de la velhado), qui, du reste, se retrouve ailleurs et dont il
y a quelques exemples dans les anciens textes; celui du verbe
mérita dans la signification passive de deberi (aquo II merito &e, pour
il mérite bien cela), et entin un substantif qui parait devoir être
rangédans la nombreuse famille des dérivés de minimus: c'est mar-
bioucho (petite fille), p. 84, qui renverrait à un type latin *minimî-
cula, parles intermédiaires *merbilca} *mermïlca, *mermicla.
C. Ghabaneatj.
P. S. -J'ai trouvé, depuis que cet article est écrit, deux exemples auver-
gnats, l'un de t>= l, l'autre de gu — l (voir ci-dessus, 14) dans les Patois
■ le la basse Auvergne et leur littérature, par M. Doniol. Ce sont vouwint
— voulant (p. 77) et agueino = haleine (p. 96). Le premier est dans un
texte de l'an 1477.
De la Création actuelle de mots nouveaux dans la langue française
et des lois qui la régissent, par A. DarmeStetkr. — Paris. H. Vie-
weg, libr.-éditeur, 07, rue Richelieu; Paris, 1877. — Prix: 10 fr.
« Quels sont le- procédés que met en ictivre la langue moderne
BIBLIOGRAPHIE 199
pour enrichir ou renouveler son matériel? Quelle en est L'origine,
le cercle d'action, la force relative? Quels sont les changements
généraux que leur action a produits ou est en voie de produire
dans le caractère de la langue française? Tel est l'objet de notr<
étude. Elle comprend trois parties : dans la première, nous parlons
de la formation française; dans la seconde, de la formation latine
et grecque; dans la troisième, des emprunts faits aux langues
étrangères et modernes. » Cet exposé, que nous empruntons à
l'auteur lui-même (p. 38) suffit, en même temps qu'il fait con-
naître le plan de M. A. Darmesteter, à donner une idée de l'impor-
tance de l'œuvre qu'il a entreprise; œuvre toute d'actualité, ce
qui en augmente l'intérêt et la rend propre à une utilisation immé-
diate, mais qui se rattache de très-près à l'étude approfondie de
notre ancienne langue. Nous y retrouvons les qualités habituelles
de M. A. D. Peut-être entrevoit-on parfois la trace d'une prépa-
ration un peu rapide; mais ce n'est qu'une impression passagère,
qui disparaît vite devant l'abondance et le bon choix des exemples,
devant la justesse des explications, la finesse et la nouveauté des
aperçus. Dans l'introduction, M. A. D. énumère et discute som-
mairement les tentatives individuelles ou collectives (Ronsard,
Malherbe, hôte! de Rambouillet, etc.) qui se sont produites à dif-
férentes époques pour défendre ou pour combattre le néologisme.
Il y déclare laisser de côté l'argot, langue de convention, produit
rarement spontané de certaines relations sociales, pour n'étu-
dier que la langue courante et naturelle, telle qu'elle, sort de la
bouche du peuple ou de la plume des écrivains. Voici quelques
observations de détail que je soumets au jugement de l'auteur.
— P. 51. Bous de sucre. L'explication de M. A. D. est exacte. On
peut citei à l'appui le singulier bouil, qui existe dans le dialecte
saintongeais « je lui ai fait prendre un bouil », pour « je l'ai fait
bouillir un peu. » — P. 7G. Le sarde n'est pas la seule langue néo-
latine qui assimile le participe présent de la première conjugaison
à ceux des autres conjugaisons. On remarque la même tendance
dans le languedocien actuel, et notamment dans le dialecte de
Montpellier et des localités rurales les plus rapprochées. — P. ^
etn. 205. M. A. D. mentionne quelques formes nouvelles eu el
etenî/. Il aurait été bon de mettre en regard celles qui ont une
dérivation commune, telles que constitutif , constitutionnel — cor-
rectif, correctionnel, etc . . et de préciser la valeur de chacune, la
forme en ifs e tenant plus près du verbe, d'où elle dérive directe-
ment par l'intermédiaire du participe passé latin, et ayant nue
signification plus étendue que la forme en el. Celle ci esl habi-
tuellement d'un emploi plus spécial, plus technique. La distinc-
200 BIBLIOGRAPHIE
tion que je signale et que je soumets à l'appréciation de M . A . t). ,
est oour moi d'un intérêt immédiat et en quelque sorte person-
nel, en ce que. bien constatée, elle peut mettre fin aux hésitations
de certains lecteurs, du reste fort compétents, qui. à l'expression
« locution prépositionnelle » c'est-à-dire •< locution ayant la valeur
d'une préposition », hasardée par moi dans un compte rendu des
Récits d'un trouvère de Reims ( de M. N. de Wailly), voudraient
substituer celle de « locution prépositive. » Prépositif, il est vrai, a
par devers lui plusieurs années d'existence, tandis que préposi-
tionnel est un néologisme encore au berceau. Mais le premier
se rattache étroitement à préposer, dont il partage la signification
générale, tandis que le second offre un sens pius restreint et in-
dique plus particulièrement ce qui a rapport à la préposition. On
pourra dire « une locution prépositive » en parlant d'une locution
qui se place (se prépose) d'habitude avant une autre: mais on doit
dire une « locution prépositionnelle », quand il s'agit d'une locu-
tion qui équivaut à une préposition. — P. 90. « Pochard, ivrogne
qui se poche, se remplit. » Je ne sais si c'est bien là l'explication
véritable, mais je dois en faire connaître une autre que j'ai entendue
présenter. « Pochard, ivrogne dont les yeux sont pochés (battus, fa-
tigués) le lendemain d'un jour de débauche. » — 1'. 110. « L'ex-
pression {race) bovine a amené {race) asine . » La forme asine est plus
ancienne ; je l'ai rencontrée dans un Livre de raison tenu par un
curé de campagne contemporain de ce qu'il appelait <> Y émeute de
1790»: « Cejourd'huy acheté (tant de livres' la bête asine avec sa
suite », c'est-à-dire l'ànesse avec son petit. — P. 115. « La déri-
vation verbale se fait à l'aide du suffixe er, qui s'ajoute; à Y adjectif
ou au substantif dont on veut tirer un verbe. » En ce qii concerne
l'adjectif, cette dérivation par er aboutissant à la première conju-
gaison {actif, activer) est tout à t'ait exceptionnelle. M . Chalumeau
a, le premier, dans son Histoire et Théorie de la conjugaison fran-
çaise, très-nettement constaté ce phénomène des deux dérivations
verbales en ir et en er, entées, celle-ci sur des noms, celle-là sur
des adjectifs. Cette règle de notre ancienne langue, observée en-
core par nos patois, ne saurait être trop fermement maintenue
et défendue contre les envahissements d'une inintelligente uni-
formité. Les paysans de la Saintonge ne disent pas exempter,
mais exemptir (témoignage de M. Chabaneau); troubler, mais trou-
blir; parce qu'ils dérivenl ces verbes des adjectifs exempt, trouble.
Ajoutons que la langue sait parfois se défendre elle-même con-
tre les tentatives inconsidérées de certains écrivains. C'est ainsi
qu'elle a formé ralentir, qui est tres-bon, contrairement à l'autorité
de Ronsard, qui se sert de alenter: — Tant plus je veux alenier son
BIBLIOGRAPHIE 201
ardeur (Franciade, en. iv). — P. 120. On dit aussi familièrement
lavocker, d'où l'expression « des lavocheries »; buvocher, au moins
dans nos campagnes de la Sain ton ge etdu Poitou. «Aquoi ser-
vent toutes ces lavocheries/ disait une bonne femme de Poitiers à
qui l'on parlait hydrothérapie, est-ce que ça fait vivre plus long-
temps?»— P. 161. 162. A propos des composas verbaux, M. A.D.
reproduit en note un résumé de la théorie que j'oppose à celle
qu'il a empruntée à Diez et défondue dans un ouvrage dont j'ai
rendu compte (Revue des lang . romanes, 1876. novembre, p. 267 et
suiv.).. Il maintient ses premières conclusions, de même que je
maintiens les miennes. Il me t'ait, de plus, quelques objections
auxquelles je dois et vais répondre le plus brièvement possible Je
n'ai dit nulle part que « le thème préexiste aux parties du dis-
cours qui le renferment ». et je suis d'avance de son avis quand il
ajoute que« ce n'est qu'après coup que la comparaison des divers
membres de la famille (do mots à racine commune) amène à oon-
cevoir, par abstraction, l'idée générale de thème. » Mais cela ne
prouve nullement que le vetbe soit, comme il semble le prétendre,
antérieur aux autres mots de même racine, par exemple quand il
dit que de garder viennent gardeur, garde, gardien. Le thème coexiste
avec les flexions qui le l'ont vivre, et qu'il t'ait vivre à son tour ;
mais il ne préexiste pas à l'état d'isolement, pas plus que la flexion
séparée du thème. Le verbe est comme un arbre où l'on distingue
l'écorce et Ip bois proprement dit , sans pour cela supposer qu'ils
ont jamais pu vivre séparément. Je m'étais suffisamment expliqué
sur le sens que j'attribuais au mot thème, je suis donc forcé de ren-
voyer le lecteur à mon premier article, car je n'aurais à pré-
senter que les mêmes raisons, Q)uant aux nouveaux exemples
de composés d'impératif que cite mon savant contradicteur, un
seul est certain, c'est fac-malum. Mais j'ai eu soin de dire, ce que
M. A. D. semble avoir perdu de vue, que je rangeais (Unis une ca-
tégorie à part les composés d'origine impérative certaine. Monte-
reau- Faut- Yonne est un composé d'indicatif présent tout aussi cer-
tain. Doit-on en conclure que les composés verbaux ont la mémo
origine indicative'? Quant aux formes comme Pelavicinum, Garda-
mbam, on peut les considérer comme une simple transcription ortho-
graphique latine des équivalents populaires Pèle-voisin, garde-robe.
où Ye muet final du verbe composant a été suppléé par son équi-
valent habituel latin a. — P. 163. 11 faut ajouter que les verbes
inchoaiifs en ir semblent exclus ûe la composition verbale. Je
n'ai remarqué que nourrit-vigne, créés par Ronsard (ap. Meunier).
— P. 170. Persécutant, forme hypothétique, proposée par M. G.
Paris dans son édition de Saint Léger, ne devrait pas être pré-
208 BIBLIOGRAPHIE
sente comme un exemple certain. Ihid. Crveils se rattacherait à
*crudeliu8 et, non à crudelis. Cruels = crudelis est bien de formation
populaire, comme l'indique la chute prématurée de la dentale mé-
diate. Ibid. Félix se ramène plutôt, à *felicius. — P. 190. Ajouter
dialectal, dont M. A. D. se sert du reste couramment,, et que.
pour notre part, nous avons toujours préféré à dialectique, mal à
propos employé avec ce sens par quelques auteurs. — P. 248.
Soulographie, cité d'après M. Zola, se trouve déjà dans Balzac. —
P. 259. Aux dérivés plaisamment prétentieux soutados, crapulados,
joindre le gigantesque cinqcentesimados, que j'ai entendu à Poitiers.
— P. 260-261 . Signalons un mot imputé aux Arabes et d'un usage
courant dans l'armée, maboul= fou. toqué. Quant h zouave, il peul
être intéressant d'observer que les gens du peuple tendent à le pro-
noncer zouavre. En finissant, rappelons que cet ouvrage, plein de
faits et qui se lit aisément, sera utilement consulté par ceux qui
veulent se reconnaître dans le tourbillon de mots nouveaux que crée
incessamment la langue des savants et des politiques. Il s'adresse
plus spécialement aux écrivains, à ceux-là surtout qui, comme, le
journaliste, toujours pressés d'arriver au but et de nous y entraî-
ner à leur suite, sont le plus exposés aux tentations du néoloaisme.
Ils y trouveront comme un appareil de pesage à la fois sûr et déli-
cat et d'un maniement facile.
A. B.
Li Chevaliers as .il. espées. (Voir Heimedes langues rom.. 15 juin 77.
p. 262)
M. W. Foerster, l'éditeur de ce poëme, m'écrit la lettre suivante
en réponse aux observations que je lui avais présentées: « Je vous
remercie de votre critique bienveillante de mon Chevalier as .n.
espées. La plupart de vos remarques, je les accepte sans réserve ;
seulement, pour le v. 634, il faut dire qu'il a la juste mesure: Si
l'ont convoie d'ilueques, car convoie = conroièe, et ié = i dans certains
dialectes ( cf. mon explication de ce phénomène, mal compris de
M. Mussaûa. que j'en donne dans la note du v . 9524). V. 1972,
vous proposez un glave, ce que je fais moi-même dans la note: seu-
lement je fais observer que glaive ( masculin et féminin dans Pan-
cien français) est dans notre texte toujours féminin . V. 61 16, en-
quetumej'iù connu votre explication par inquie titudinem, forme sup-
posable qui justifierait le maintien du t. Si je ne l'accepte pas. en
voici la raison : votre explication suffît pour ce mot-là, mais il y en
a d'autres qui n'acceptenl pas le suffixe latin it, ce sont : pietatem=
pitié, medietatem = moitié ( L'explication de M. A. Darmesteter par
meydtat, qui sauvegarderait le maintien du t. est inadmissible i
BIBLIOGRAPHIE 203
cause de média = meie on mie), traditorem =traditor capitaneu8=
chevetaine, à côté du régulier châtaigne, caduta etcadecta = chute et
cheoite, à côté du régulier mov[i]ta= muete = meute. Il faut donc
attendre, jusqu'à ce que nous trouvions une explication pourtous
ces mots. Pour les formes en ietatem, on pourrait supposer que ieta-
tem = iytatem, eyté. » Je fais deux parts des savantes et courtoises
observations de M. W. F. Les premières, celles qui ont trait au
texte même du Chevalier as .u. espées, ne donnent lieu à aucune
objection. Les secondes, relatives aux formes qui ont conservé la
dentale média le latine, contrairement à la régie générale, exigeraient
au contraire d'assez longs développements. N'ayant pas le temps de
m'y engager, je me bornerai à déclarer que l'explication essayée
par M. "W. F. à. la fin de la lettre, pour rendre compte do la persis-
tance du t dans moitié, pitié, chute, ne me parait pas concluante, et
que, de mon côté, je n'ai pas été plus heureux. Quant kchevetaine,
je ne serais pas éloigné d'y voir un dérivé du diminutif chevet =ca-
put, cf. cheveteau= cucullus, ce qui couvre \echef= caput. De même
j'expliquerais traître, fraïtor, par la forme hypothétique * traàeditor,
qui correspondrait au tv\p] et * tradedere, qu'on est en droit de suppo-
ser à côté du classique tradere et du populaire * tradare (prov. tradar).
Puisque cette discussion a eu pour point de départ une publication
de M.W.F., j'en profite pour revenir sur un passage d'un poème
antérieurement édité par lui : je veux parler du v. 61 de Richart le
biau, où il a lu dervoient, forme qu'il a reproduite an glossaire. 11
faut. Ynecler voient, correction qu'il a peut-être déjà faite de son côté.
A. B.
De Floo\rante vetustiore gallico poemate et de merovingico cyclo
scripsit, etc. A.. Darmesteter. — Luletiœ Parisiorum, Vieweg, 1877
(thèse pour le doctorat;.
Le poëme de Floovant, publie par MM. Guessard et Michelant,
d'après le ms. unique de Montpellier, est un des plus rares et inté-
ressants représentants de ce qu'on peut appeler le cycle méro-
vingien. M. A . Darmesteter en a fait l'objet d'une étude savante
et approfondie, dont nous devons nous borner, .gêné que nous som-
mes par le manque d'espace, à énumérer les résultats princi-
paux.
La version de ce poëme qui nous est parvenue a été transcrite par
un scribe lorrain, originaire de la région îles Vosges. Pour cette par-
tie de son étude. M. Al), s'appuie sur l'utile travail de M. lion-
oardot {Romania, I. 337; 11, iÀh], Ce scribe avaii sous les yeux un
texte écrit en français proprement dit, mais qui n'était lui-même
qu'un remaniement d'un texte plus ancien. Dans la seconde
204 BIBLIOGRAPHIE
partie, M. A. D. compare les différentes versions hollandaise.
italienne et irlandaise, du Floovant, avec la version française.
Dans la troisième, il arrive au résultat le plus important, à prou-
ver que le poème de Floovant faisait partie d'un cycle plus com-
plet, du cycle mérovingien, et qu'il est, par son origine, antérieur an
cycle carolingien, qui semblait jusqu'ici avoir eu le monopole des
chansons de geste. M Paulin Paris, cité par M. A. D , s'était
déjà demandé, en rapprochant les Gesta Dagoberti de ceux de
Charlemagne, et en signalant les curieuses coïncidences qui pou-
vaient les faire confondre dans la mémoire des trouvères, si cer-
taines difficultés historiques, insolubles tant, qu'on ne sortait pas
du cycle carolingien, ne trouveraient pas leur explication dans
certaines particularités de l'histoire de Dagobert le Grand. L'étude
de M. A. D. présente, en faveur de cette hypothèse, des arguments
d'une haute valeur, et l'on ne peut que regretter, comme il le dit
très-spirituellement, quoique en latin, que celui qui a été, avec
Clovis, le représentant le plus glorieux de la dynastie mérovin-
gienne, n'ait été admis dans les fastes de la poésie populaire que
sous le couvert d'une distraction aussi comique qu'invraisembla-
ble. C'est bien le cas de répéter avec lui : Sic transit gloria mundi.
— J'allais oublier de remercier l'auteur, qui a bien voulu se souve-
nir que je lui avais fourni quelques renseignements sur le ms. du
Floovant, conservé à la Bibliothèque de l'École de médecinede Mont-
pellier. C'est pour moi, et ce sera toujours, un vrai plaisir de ren-
dre des services de ce genre aux travailleurs sérieux, et surtout aux
travailleurs d'élite comme M. A. Darmesteter. A. B.
Société des anciens textes. Brun de la Montaigne, roman d'aventures
publié pour la première fois d'après le ms unique de Paris, par Paul
Meygr. — Paris, Didot, 1875; iu-8°.
Fragment très-considérable ( près de 4 mille vers alexandrins)
l'un poëme d'aventures, composé à une époque qu'on ni1 saurait
encore préciser, mais qui ne paraîtrait pas antérieure à l'une
des plus récentes recensions du roman d'Ogier. M. P. M. croit
devoir signaler une particularité de versification qui aurait son im-
portance, à savoir que. dans ce poème, la césure à finale atone, ne
comptant pas dans la mesure du vers, a été systématiquement
évitée par l'auteur. Vérification faite, cette assertion s'est trouvée
erronée, ainsi que l'a remarque M. Mussafia ( Zeitechrift fur rorna-
nische Philologie, 1*77. p. 99). Cependant il faut observer qu'il y a
du vrai dans l'observation de M. P. M., et que l'auteur a eu rare-
ment recours à ce genre de césure Venant . pour le compte rendu
BIBLIOGRAPHIE 205
rie cette publication, après M. Mussafia, je me trouve n'avoir que
peu de chose a dire. Y. 59, <S7 leur diront errant qu'il veignent sans
targier. M. P. M. propose diras au lieu de diront. Jl est probable
qu'il n'y a. là qu'une faute de lectureetque le manuscrit donne sim-
plement di tout. Taura été pris pour r, u pour». V. 267, De tout
l'os. M P. M. propose Desc à l'os. Je lirais Detout las, ou lès{cî. v.
1067), de tout côté. V. 838 et, 1571. M. P. M. corrige de deux ma-
nières différentes une même faute du ms., desous, qu'il lit desus aux
errata de la p.xvi, el desor a la p. 54. A ces deux corrections je pré-
férerais desour, qui serrerait le ms. de plus près. V. 887. Quifu clère
'■'argent Lisez, comme au v. 1238, Plus clère d'vn argent . "V. 994. je
lirais tout adès et non tous adès. Y. 1242, je lirais Dont chascuns cuers,
[s'] estoit, etc. V. 1920. M. P. M. donne du mot relief, qui se trouve
dans ce vers, l'explication suivante: «Relief abandon fait par le sei-
gneur à ses serviteurs de certains objets meubles, tels que vête-
ments, etc. » Relief avec le sens de relevailles me paraît mieux
convenir ici. V. 2924j lisez: meilleur. V. 3016, lisez : à nient vient.
V 3321, essagier, faute d'impression pour esragier. V. 3450, lisez :
jusqu' adont, cf. adont du v. 3671, Même correction aux v. 3840 et
3863 . A . B .
Société des anciens textes. Guillaume de l'alermr. publié d'après le
ms. de la Biblioth. de l'Arsenal de Paris, par H. Michelant. — Paris,
Didot. 1876; m-8\
Roman d'aventures du XI1-XIIP siècle, de dix mille vers oeto-
syllabiques environ. C'est le récit, des aventures plus qu'invraisem-
blables de Guillaume, fils du roi de Pouille. .Mais le véritable héros
de ce singulier roman est un loup-garou qui prend en affection le
jeune Guillaume, < i le protège efficacement (outre les dangers de
toute sorte qui ne cessent de le menacer. Il faut dire que cet in-
telligent animai était le propre fils du roi d'Espagne, et qu'une im-
pitoyable belle-mère i'avait, par ses enchantements, réduit à cette
triste condition. I ' lus tard, Guillaume acquitte sa dette de recon-
naissance envers le bon loup-garou, en foirant la reine d'Espagne
à lui rendre sa première forme. Voici quelques observations de
détail : V. 60, Se Diex m l fait, H rois del mont Je lirais Se Diex n'els
ait — Nisi Deus illos adjuvet V. 79, je lirais [S']ombroie. Y. 418, je
mettrais un point après seigna, une virgule après contenance.
Y. 426, douement : faute d'impression, lisez doucement. Y. 1522, je
lirais comment ves prist, comment [a]nom . V. 1625 tro] long. Je li-
rais Somes d'une matere fait — Tuit et d'une lignie estrait. Y. 1 T t > T
faute d'impression: lisez rent. \ . 2582. Un ne comprend guère
que les mêmes personnes aient les cheveux blonds el La barbe
206 BIBLIOGRAPHIE
blanche. Je lirais donc Les cheoex ont blans et tranchiês ; cf. les
v. 3480 el 3481. V. 3470, faute d'impression : lisez empireront.
V. 3003, il faut mettre, une virgule après pors et deux points après
cors. Le sens est, en effet: « Il vivra ainsi, mais comme le porc,
qui pour avoir du son perd son corps. » V. i242, ils, lisez il. Y. 5026,
denfensable. C'est probablement une faute d'impression pour de/en-
sable. V. 5103. je lirais qu'i[r\ le consaut. V. 5358, ne vaut-il pas
mieux lire : de dras de soie tos a or? V. 8305, trop court. V. 8440,
ne faut-il pas si au lieu de set Y. 8446 me semble difficile à com-
prendre. A. B.
Société des anciens textes. Deux rédactions du roman des Sept Sages
de Rome, publiées par Gaston Paris. — Paris, Didot, 1876; iu-8\
Ce texte est précédé d'une savante introduction où M. G. P. s'est
attaché, surtout, à établir la vraie relation des rédactions françaises
des Sept Sages entre elles.
Société des anciens textes. Miracles de Notre-Dame par personnages,
publiés d'après le ms. delà Bibl. Nationale, par G. Paius et Ulysse
Robert.— Paris, Didot, 1876; in-8°.
La collection complète formera 6 volumes et comprendra 40mys-
tères. Un volume supplémentaire contiendra les remarques de tout
genre auxquelles ce texte donne lieu, ainsi que Le glossaire. Nous
attendrons donc d'avoir vu ce dernier volume pour rendre compte
de l'ouvrage entier el juger de la valeur de l'édition. Telle qu'elle
est. cette publication offre beaucoup d'intérêt et constitue un cu-
rieux échantillon de l'art dramatique claustral. Sansnousastreindre
à une étude minutieuse, pour laquelle le temps nous manquait, nous
avons relevé quelques observations de détail que nous soumettons
aux éditeurs. P. 127, v. 053, mien ne saurait être disyllabique.
P. I 15, v. 40 faux. 11 faudrait peut-être La/ace a/ace elle voitsonchier
fils. P. 163, v. 357, seue, lisez sene = sienne. P. 239, v. 923, peut,
lisez peut. P. 292, v. 1128, 29, je mettrais le point et virgule après
hostel et une virgule après bel. P. 294, v. 1197, trop court d'une
syllabe. P. 336, v. 003, puisque les éditeurs ont parfois con
leur texie ( p. vr, pourquoi ont-ils laisse temps au lieu de tansl
A. B.
PERIODIQUES
Romania, n° 27, p. 472, — M. Paul Meyer trouve bien douteuse
notre explication du son dans les noms de lieux baléariques {Revue,
2e série, III. p. 225). Nous rappellerons un fait (déjà indiqué ail-
leurs) et qui nous semble de nature à modifier l'opinion du savant
philologue. En Catalogne, du moins dans le Panades, le peuple de
la campagne dit, en certains cas, axô ou assô (peut-être aussi so).
del' iRafolsow delMiret, pour désigner le domaine de ces propriétai-
res. D'ailleurs on lit dans Bernât Metje: « No li torna so del sieu. »
— Quant à la construction du vers de Marcabrun (Ib. , p. 229),
nous avons parlé de possibilité. Il serait bien difficile, ce semble, de
prouver Y impossibilité. Milâ y FontaNaxs.
Il Propugnatore. — An no X. Dispensa la, 2a e. 3a. — P. 9.
Luigi Gaiter. L'epigrafe scaligera sul ponte délie an ci, a Verona.
Transcription, interprétation et commentaire étymologique de cet
intéressant, monument du dialecte véronais. — 23. Antonio Cima.
UOrazia delV Aretino. Etude sur cette tragi-comédie (C 'est ainsi que
qualifiait son œuvre l'Arétin lui-même) comparée à VHorace de Cor-
neille. — 47 et 436. Blanc. Interpretazione filologica di molti passi
oscuri e controversi délia Divina Commedia, saggio tradotto dal prof.
Carlo Vassallo, con aggiunta d'alcune osservazioni. C'est seulement la
traduction de la partie du travail de Blanc qui concerne le Purga-
toire, la première partie (sur VEnfer) ayant été traduite en'italien,
dès 1865, par M. Oecioni. — 80 Francesco Berlan. Cola Montait",
lettere storico-critiche. — 95 et 343. Salvatore Salomone-.Marino.
Storie popolari in poesia siciliana (suite . XI, Storia delfamoso ban-
dito Antonio Catinella, soprannominato Salta-le-Viti. XII, Distinta
Istoria di la vita e morti di D. Uaimundu Sfirazza, iniqu capu di ban-
duti. XIII. Lu fini di li larruni espressu m Un storia di Cicc Antoni
Papaseudi e so cumpagni. XIV, Conirastu ridiculusu chi fa ' ' mt gatta
e un surci. — 124 et 289. Ernesto M onaci. Il Canzoniere chigiano,
L. VIII, 305. Reproduction exacte de ce précieux monumenl de
l'ancienne poésie lyrique italienne. — 183. Achille Neri. Un opus-
colo ignoto di Giorgio Sommariva, poeta veronese del secolo XV. —
1 A Barcelone, on conserve l'article en devant les noms de personne;
dans le Panades, on emploie aujourd'hui l'article commun el.
«08 CHRO INIQUE
'204 et 370. Curzio Mazzi . Il Burchiello, saggio di studi sulla sua vita
e sulla sua poesia (suite et fin). — lOfj. Vittorio Imbriani. Canzonette
infaniili pomiglianesi . — 408. Enrico Frizzi. Saggio Ji studi sopra
Cecco d'Ascoli e sopra VAcerha,. C. C.
CHRONIQUE
L'idée si élevée ilonl, M. Albert de Quintana y Corabis s'ins-
pira, en fondant le prix de la Chanson du Latin, valut au pro-
gramme du concours de 1878 — et cela des les derniers mois de
l'année I87;> — l'adhésion successive du Fèlïbrige, de la Société ar-
chéologique de Béziers, de l' Académie du Sonnet. d'Aix-en-Provence,
de la Société scientifique et littéraire d'Aptet de l' Aube provençale de
Marseille. Cette idée recueille aujourd'hui de nouvelles adhésions
parmi les associations littéraires du midi de la France, (l'est ainsi
qu'après V Athénée de Forcalguier, la Société des félibres des Alpes a.
bien voulu mettre à la disposition de la Société des langues romanes
une médaille de vermeil, qui constituera un des accessits du prix
du Chant du Latin.
Nous remercions de cette marque d'attention la Société desfélibres
des Alpes.
*
M. Boucherie a transcrit sur lems. 24,042 (fds.français,XVe siè-
cle) de la Bibliothèque nationale, un poëme d'aventures intitulé le
Livre de Galeren, conte de Bretaigne, qui est incomplet au commen-
cement et au milieu, et qui comprend plus de sept mille vers octo-
syllabiques. lise propose de le publier, malgré les mutilations qu'il
a subies, et prie ses confrères en romanisme de vouloir bien re-
connaître ses droits de priorité,
Ceu\ qui ont lu la Revue des Langues romanes (nodu 15 juin ISTT
et la Zeûschrift fur romaniscke philologie (2° numéro de 1877), com-
prendront et excuseront son insistance.
*
♦ ♦
Les .Ikux Floraux aptésiens. — Le point de départ des fête (
d \pi étail purement religieux, car, dans le principe, il s'agissail
uniquement du couronnement de la statue de sainte Anne, donn
par Mgr Dubreuil, archevêque d'Avignon. L'initiative du Comité
îles Provençalistes de la cité julienne a su grouper autour île la so-
lennité religieuse un certain nombre d'associations littéraires ei
quatre concours divers : celui des Provençalistes, naturellement,
ii du Florègi d'Avignon, celui de la Société scientifique et artisti-
que d'Apt, el enfin relui de l'Académie des poètes de l'aris.
La séance solenn lie du 9 septembre a été ouverte par un dis-
cours éloquent et eiu lie de Mgr Dubreuil : le chancelier «lu Féli-
brige bu. immédiatement après, le texte de la décision qui déclaraii
Teuxfloraux le Concours aptésien ; puis M. Frizetfil connaître le-
CHRONIQUK 209
noms des lauréats, dans un rapport provençal, aisé de langue et de
pensée, plein de poésie et de coloris*.
La première récompense (Pièce sur sainte Anne) a été attribuée à
une félibresse qui a voulu garder l'anonyme: les deux médailles
d'argent offertes par le Félibrige des Alpes' pi les 1 ' tftstesd'Âpt,
à MMmes Daniel et Delphine Houmieux. En ce qui touche la pièce
demandée sur Apt ou les particularités de son histoire, une Heur
d'argent, donnée par M. de Sabran,a été décernée à M. E. Imbert
(la Durènço); une médaille de vermeil, «le l'Athénée de Forcal-
quier, à M. Bruneau (sonnet sur Apt); une médaille d'argent de
la Société des langues romanes, a M. l'abbé Malignon, de Beaucaire
(Margarido de Prouvènço au toumbèu de santo Ano).
Deux ouvrages hors concours : une Istori deCadenet (eu prose), par
M. Ripert, à Marseille, el un recueil intitulé: Uno matinado à Nos-
tro-Damo-de- Prouvènço, par l'abbé Anxionnax, ont été récompen-
sés au moyen d'une médaille de vermeil et d'une médaille de
bronze .
Au travail de M. Frizet succéda le rapport français de M. Jules
Terris sur la joute historique ouverte parla Société d'Apt. L'heure
avancée ne permit pas d'entendre celui de M. Carbon i el sur les
envois de poésie française.
Le concours du Florège de V Académie des poètes, et enfin le con-
cours d'harmonie (MM Môuzin, de Mesteyme et . Guillibert. rap-
porteurs), avaient été réserves à la séance du lundi 10 septembre,
laquelle fut présidée par M.Léon de Berluc-Perussis, qui, dans
un discours écrit avec une clarté, une souplesse et une facilité
d'expression trop heureuses et trop rares pour n'être pas signalées,
fit l'historique de l'institution des Jeux floraux depuis leur origine.
M. de Berlue suivit les fleurs du Gai Savoir de Toulouse à Barce-
lone et à Tortose, à Tulle, à Bodez, a Béziers et enfin à Apt. où elles
furent portées en 1862. Ce discours, si remarquable, a été publié
parle Prouvencau dans son numéro du 30 septembre.
Les élèves languedociens, comtadins et provençaux, récompensés
pour leurs traductions de Mistral eî de Tavan, furent appréciés dans
le rapport de M. Mouzin, secrétaire du concours du Florège. Ce
fut avec un intérêt mêlé de quelque surprise que l'assistance en-
tendit plusieurs de ces enfants lire en prose, et même en vers fran-
çais, des versions fidèles et souvent élégantes. Parmi les lauréats,
nous remarquons les noms de MM. Antonin Rivière, de Valergues
(Hérault), et Aristide Brun, d'Alais.
Quoique le manque d'espace nous oblige à écourter la relation
de cette séance, nous tenons à dire quelques mots d'une fête plus
intime et qui, selon le Journal de Forcalquier, a été « comme le
bouquet et le couronnement des Jeux floraux aptésiens. »
« On sait que ces assises de la poésie avaient été provoquées et
organisées par les Provençalistes d'Apt, et plus particulièrement par
M. Légier de Mesteyme, leur infatigable secrétaire. Ce que Ion
sait moins, c'est que ce modeste et ardent groupe des Provença-
listes est un des plus anciens qui se soient formés après que
Roumanille eut, par la publication des Prouvencalo, réveillé le Midi
qui sommeillait . C'est le 5 juin 1855 qu'à l'appel du docteur Camille
1 Inséré dans le Provençau, n° du 16 septembre.
210 CHRONIQUE
Bernard, les troubaires aptésiens se réunirent, pour la première
fois, dans le pittoresque et historique vallon de Roque-Salière; c'est
là que fut conçue la pensée des Concours do 1862, prélude ùe ceux
de 1877. On peut donc, sans mentir à l'histoire, regarder ce poé-
tique vallon comme le herceau des Jeux floraux de Provence. Aussi
était-il naturel que les félibres accourus à Apt ne se séparassent
pas sans une visite à Roque-Salière l . »
Le mercredi 12 septembre, tous ceux qui avaient assisté aux
fêtes des jours précédents se réunirent donc le lony de la Font-
fresque, au pied des rochers de Sainte-Marguerite. Le spirituel
doyen de la félibrée, M. C. Seymard, récita quelques vers char-
mants; Mme Daniel lut un poème inédit et digne de sa pièce sur
sainte Anne; MM. Daniel et. Verdotfirent hommage de deux poésies
à Mme de Mesteyme; M. de Berluc-Perussis communiqua un son-
net intitulé: Dos Deviso ; M. Auhert, un autre sonnet ;M. Lieutaud.
une très-remarquable traduction en dialecte aptésien de YÊvangile
de sainte Anne; enfin, le délégué de la Société des langues romanes.
M Gavallier, toasta, dans un languedocien fort spirituel, au secré-
taire des provençalistes d'Apt, M. Legier de Mesf.eyine, et à son
aimable et vénérée mère, chez qui prélats et félibres avaient trouvé,
durant les journées de la fête, la plus large et la plus cordiale hos-
pitalité a.
La Cigale. — La réunion de la Cigale (22, 23 et 24 septembre) à
Arles a été marquée par de brillantes fêtes locales, sur lesquelles
le manque d'espace ne nous permet guère d'insister. Disons toute-
fois que la partie provençale du Cor.cours a réussi au delà des
espérances des promoteurs. Le prix sur le thème la Cour d'amour
des Baux a été décerné à M. Bruneau, d'Avignon; celui des Bœuf»
de la Camargue, à M. Edouard Marrel.de Saint-Remy, avec une
mention à M. Marius Bourrelly, de Marseille. D'autres prix ont été
attribués à MM. Victor Comte et le frère Théobald, ainsi que des
mentions à MM. Marius Bourrelly et Louis Gleizes.
Un sonnet de Mlle Goirand, d'une très-remarquable hauteur de
poésie, a obtenu le prix exœquo du Concours mixte. Nous sommes
heureux de pouvoir le reproduire dans la Revue:
Coumo lis ôublida ti supèrbis Areno,
Arle quand l'on a vist soun frountau auturous.
Si pieloun de granit supourtant pouderous
Lis arcèu gigantesc que n'en formon la treno ?
Avès rèn counserva, gradin escalabrous,
Di grand festo roumano ount la foulo, qu'enfreno
L"orro visto dôu sang, espinchavo, sereno.
Dôu ferun. dis esclau, li jo, lou chaple afrous :
Fantasti mounumen, fa de dôu e de glôri,
Ghascunu de ti pèiro es un fuei de l'istôri :
An passa davans tu tant de generacioun '.
Pamens. subre toun front lou soulèu pou, arrage,
De sis escandihudo escrinctda toun âge :
Esclairara jamai ta pleno linicioun !
1 Journal de For ealquier >\\\ 23 septembre, les Jeux floraux aptésiens
i Nous empruntons une partie de ces détails au Journal de Forcalquier
du 23 septembre.
CHRONIQUE 211
MM. Aubanel, Félix Gras et Louis Roumieux étaient au nombre
des rapporteurs.
Un détail des fêtes de la Cigale restera longtemps dans la mémoire
de ceux qui y ont assisté. Le dimanche 23 septembre, vers minuit,
après \a.pegoulade, on ouvrit les portes du théâtre antique, dont les
gradins à demi ruinés furent en un clin d'oeil occupés par la foule.
Là, dit le Prouvençau (no du 30 septembre), en face île ces deux
colonnes « qui, seules et majestueusement silencieuses, dominent
l'étendue, » M. Félix Gras entonna le chant du Rèi en Pèire, ac-
compagné au refrain par tous les assistants. Aubanel déclama ensuite
son admirable Venus d'Arle, qui ne pouvait être dite avec plus d'à-
propos ni dans un milieu plus justifié. L'applaudissement de la
foule fut à son comble auxdernier^ vers du poëte d'Avignon.
Nous ne saurions parler des fêtes d'Arles sans mentionner le
spirituel discours de bienvenue, adressé aux Cigaliers par Honoré
Clair l, le vénéré doyen des archéologues arlésiens, et deux chan-
sons de Louis Roumieux, pleines de cette verve et de cet entrain
qu'on lui connaît.
Athénke de Forcalquier et Fèlibiuge des Alpes. — Les deux So-
ciétés ont tenu une réunion le 20 septembre dernier, au château de
Porchères. Les communications faites sont les suivantes: Chanta
Notre-Dame-de- Provence, par l'abbé Emile Savy ; Chanson de sainte
Estelle, par M. Descosse; la légende du Cavalié de Saumano, par
V. Lieutaud; Brinde du vicomte de Salve-"Vacheres: Coublet à Ga-
gnaud, par M. Milon ; conte en prose: Undina de devoto, par M. Eu-
gène Plauchud; la Joumado finido, envoi du docteur Estre, de Re-
milly (Alsace-Lorraine); Dissertation sur l'orthographe du dialecte
alpin, envoi de M. l'abbé Millon; lettre sympathique de M. Rou-
manille; M. Audibert, de Saint-MicheL a annoncé son projet de
recueillir les poésies provençales de l'abbé Félix Martin etde Rien-
venu Amalric.
Le Parage. — Il tiendra, le 12 novembre prochain, la première
de ses séances dans I île de Maguelone, un des sept lieux de
réunion choisis par le Statut de l'Ecole de Montpellier.
La Llumanera. — Les lecteurs de la Revue ignorent peut-être qu'il
existe aux extrémités opposés de l'Amérique, à New- York et à Bue-
nos-Ayres, deux petits centres de population catalane où la langue
de Mild et de Balaguer a su rester en honneur ei développer autour
d'elle un mouvement littéraire d'une réelle vitalité L'organe heb-
domadaire des Catalans de la République argentine est la Aureneta.
Celui de New- York, la Llumanera, a proposé dernièrement un
Concours artistique, dont la Renaixensa du 31 août dernier fait
connaître les conditions. Les envois seront reçus, jusqu'au 10 no-
vembre, par D. Frédéric Garriga, représentant à Barcelone la di-
rection de la Llumanera .
1 Ce discours a été lu, au nom de M. Honoré Clair, par M. Léopold
Aparicio, qui, avec MM. Baudouin et Maurice Faure, les deux secrétaires
de la Cigale, de Flotte et Clair Glcizes, ont largement contribué au succès
de la fête d'Arles.
2k> CHRONIQUE
***
Un petit journal hebdomadaire, en dialecte bordelais, la Cadi-
chounne, paraît à Bordeaux ( 8 i, rue Sainte- Catherine, lu fr. par
an) depuis deux mois environ En exceptant les diverses feuilles
niçardes que nous signalâmes dans la Revue septembre 1876), la
Cadichounne, lou Prouvençau et lou Tron de Ver, sont actuellement les
trois seuls journaux en langue d'oc du midi de la France.
*
* «
Publications en catalan et en langue d'oc. — PelayBriz: la
Masia dels amors, poema popular . Tercera ediciô. Barcelona, Roca j
Bros, in-12, 194 [>ag. — Certamens literaris de la Misleriosa. Com-
positions premiades en lo del an// 1 <s 7 7 . Barcelona. Verdanuer. in-8o,
2U4 pag. — Aulestia y Pijoan e: Balaguer y.Merino. la Fesla de sont
Père en lo castell de Belloch. Barcelona, estampa de la Renaixensa,
in-8°,12 pag. — Trodor Aubanel : la Miougrano entredvberto (avec
traduction littérale en regard), novo edicioun. Montpellier, Bureau des
publications de la Société pour l'étude des langues romanes, in-16,
xxi-319 pag. — Aubanel. A Dono Viouleto d'Or. Lis Estello, pouësio
de T. Aubanel, musicb de Wekerlin. Paris, Hengel, in-4% 4 pag.
— Aubanel. Brinde à Sa Grand our Mounsegne Louis- Ano Dubreil,
tin/ievesque d Avignoun. Festo de Santo-Ano dAt, in-'i». 4 pa^. —
Armana prouvençau pèr lou bel an de Dieu 1878. Avignoun, Rouma-
nille, in-l ",', 112 pag. — Roumanille. Fau i'ana. Dialogo prouven-
çau, emé t ritducioun franceso vis-à-vis. Segoundo edicioun, revisto el
aumentado. Avignoun, Roumanille, in-12, 45 pag.— Unofèsto de
famihOj pouësio acampado pèr Louis Roumieux. A.vfgnoun, Au-
banel, in-12, 55 pag. — Roumieux, Souto lis (mine, balado d'Anton.
Nimes, Baldy-Riffard, in-8°, 4 pag. — Roumieux. la Powmo. Ailes.
Jouve, in-8°, 4 pag. — Roumieux, la Cigalo, cansoun de L. Rou-
mieux. Avignoun, Aubanel, in-8o, 4 pag. — Boucherie, Première
Assemblée annuelle de la Maintenance de Languedoc. Toast (languedo-
cien-saintongeais-français) de M . Boucherie. Montpellier, Hanielin
frères, in-8°, 4 pag. — Folie-Desjardins . Lys et Pervenches, poésies
françaises el languedociennes (traduction française en regard de ces der-
nières). Avignon . Roumanille, 1 877, in-8°, 1 30 pag. — Chastanet .
Counteis e Viorlas. Ribeirac, Delacroix, in-12. 31 pag. — Verdot.
Brinde e epitalamo di à la felibrejado de Sant-Bmncai, lou 13 de mai
1877. Fourcauquiè, in-8", 7 pag. — Lou Curât de Cucugnan, en
■prouvençau (le français en regard), pèr lou Felibre de la Mousello
(M. le docteur Frédéric Estre). Strasbourg, Fischbach, in-12,
24 pag. — Charles (loste. Una voués dai Vilage, pouesias lengadou-
cianas. Mountpeliè, Martel, in-8°, 52 pag. — Beaulard. Uno cousso
di' binon ii Bcoiirisin, poèmo Nimes. Jouve, in-12, 12 pag. — Trin-
quier. la Pesto d'Arle en 170i). Aies, Trintignan, in-8°. li pag. —
As Eleturs d'Alès et de la Campagno. Aies. Martin. in-4°. 1 pag.
Errata du numéro de septembre 1877
A una rosa mûstiga . — I*. 143, 1. I S, après paysanne ^eniille. ajoutez:
qui te disait.
Le Gérant: Ernest Hamelin.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi. — Hamelin frères
DIALECTES MODERNES
LETTRES A GRÉGOIRE
SUR LES PATOIS DE FRANCE
{Suite)
Sous-dialecte périgourdin
Le périgourdin, qui sert de trait d'union entre le gascon et
le limousin, n'est guère parlé dans toute sa pureté que par
les habitants de la Dordogne. Grégoire a inséré dans son
Recueil deux lettres venues de cette région. La première lui
fut adressée par le citoyen La Charmie, comme l'indique une
note autographe de Grégoire, et ce personnage n'est autre que
Fournier de la Charmie, lieutenant-général de Périgueux et
député du Tiers à l'Assemblée nationale. L'autre a, du moins,
dans sa brièveté, l'avantage de nous donner quelques lignes du
franc patois de campagne, comme disent ses auteurs.
1°
L'usage delà langue française est universel en Périgord, c'est-
à-dire que les gens aisés la parlent habituellement1, surtout
dans les villes; mais le petit peuple ne parle que le périgour-
din, qui n'est que l'ancienne langue de oe, modifiée parla
grossièreté ou, pour mieux dire, la misère des habitants.
Des langues anciennes, je ne connais qu'un peu le latin,
avec lequel on me tourmenta dans ma jeunesse, et des langues
modernes je ne sais que le français. Je pense que mon péri-
gourdin a beaucoup d analogie avec lapremicre, dont il dérive,
et avec la seconde, dont je le crois au moins cousin germain:
1 U y a dans le texte: habit utilement; mais nous ne reproduisons pas les
fautes d'orthographe quand elles sont sans intérêt au point de vue philo-
logique.
17
214 DIALECTES MODERNES
il n'en diffère presque que parla prononciation. Il est cepen-
dant des mots à qui je ne connais ni père ni mère, comme
moungetas, haricots ; uno bassto, un évier; daus soucs ou de las
siirlnis, des sabots, un sat/ou, un habit; de las malinas, des cu-
lottes; uno trencho, une pioche; un trangé, une houe. On ap-
pelle une femme publique uno peau : évidemment, ce dernier
mot vient de pellix (sic). On dit eicrasas pour écraser' mais le
verbe eypautis, qui signifie plus qu'écraser ou réduire en
cannelle, n'a pas de synonyme en français, et j'ignore son
origine '.
Cette langue n'a été ni allongée par les rhéteurs, ni tour-
mentée par les poètes ; elle est dure et pauvre comme ceux
qui la parlent; elle suffit à leurs besoins, et ils savent se passer
de pain pendant trois mois de Tannée. L'agriculture est, dans
l'enfance, et c'est le seul art qu'ils exercent. La prononciation
est gutturale, fortement accentuée. L'emuet termine en fran-
çais ce grand mot si fréquemment prononcé par les matelots
et les charretiers, et qui fait monter le sang au visage d'une
jeune femme; c'est un e ouvert avec un accent aigu qui h1
termine en périgourdin, du reste il est le même. Si M. l'abbé
s'amuse à des leçons de prononciation, je me sentirai bien
flatté de contribuera ses plaisirs. On ne trouve nulle part d'in-
scription patoise; les seuls écrits que je connaisse dans ce dia-
lecte sont quelques chartesdes XIIIe et XIVe siècles, produites
au Conseil dans une instance soutenue par la. ville de Périgueux
contre le Use; mais la langue est différente de celle d'aujour-
d'hui et j'ai quelque peine a l'entendre. On a aussi composé
a l'usagedu petit peuple quelques cantiques dans ci' langage,
mais on ne les chante1 nulle part .
1 Moungetas vient de monje on monja ; bassio — bassino, féminin
de bassi ; soucs et suchas = soccos ci*soccas; sayott vient île sayo-=-
saga . trencho et tranjé (mieux trenche) sont deux formes, l'une féminin >.,
l'autre masculine, du substantif verbal île trenchar; peau lis. peu)
est simplement pellis. On emploi* aussi dans la même acception méta-
phorique pelisso, où pellex a a non plus rien ù réclamer. Eypouti, propre-
meni réduireen bouillie, vieni de puis, pultis, conservé dans poil, subs.
usité seulement au pluriel, et qui désigne spécialement la bouillie de
farine de maïs, ce qu'on appelle en Gascogne cruchade. E. G.
LETTRES A GREGOIRE 215
Grâces à Dieu, nos curés prêchent peu. Quand ils arrivent
du séminaire, c'est en français; ils citent même du latin, et on
les admire; mais quand ils veulent être entendus, ils parlent
périgourdin.
Je me souviens, et il n'y a pas vingt ans, que c'était un
ridicule de parler français: on appelait cela francimander; au-
jourd'hui, au moins dans les villes, les bourgeois ne parlent
que cet idiome, et tout le monde l'entend. Dans la campagne,
on ne ,:eut guère que parler périgourdin, surtout au peuple,
sur peine de ne pas être entendu.
Vers le Limousin, la prononciation parait un peu peu moins
dure; elle approche du grasseyement de nos jolies femmes et
n'en est pas plus agréable. Du côté de l'Agénais et du Borde-
lais, l'idiome se confond avec le gascon; mais, quoique le patois1
soit supportable du côté de l'Angoumois, il conserve son
âpreté jusqu'à la Nisonne, qui fait la limite des deux provinces.
Là finit son règne; on est étonné, après avoir traversé ce petit
ruisseau, d'en entendre un tout différent, qui a une tournure
française. L'habituelle fréquentation des habitants fait qu'ils
s'entendent, mais chacun parle son patois ; ils sont très-dis-
posés à s'injurier et encore plus à se battre.
Sans doute il serait à désirer qu'il n'y eût qu'un seul idiome
en France, le peuple serait moins exposé à être dupe ; c'est
un bienfait qu'on ne peut recevoir que du temps.
Il s'en faut de bien qu'en Périgord chaque village ait son
maître d'école; je ne crois pas qu'il y en ait plur.de 40 à 50 dans
les 700 paroisses qui le composent ; on est trop pauvre pour
les nourrir. Quelques-uns enseignent les premiers éléments de
la langue latine 2.
Depuis que je connais nos paysans, ils regardent la mon
comme le ternie de leurs maux; s'ils parlenl do ce qui se passe
après, c'est sans y ajouter aucune idée; cependant ils croient
aux loups-garqus, aux revenants ; ils s'imaginent que telle
cloche en sonnant dissipe mieux les nuages que telle autre;
ils parlent beaucoup des sorciers, et sontfprt disposés à croire
1 H y a pais dans le texte
2 En 1865. 41,000 enfant- recevaient l'instruction primaire dans les
338 écoles du département de la Dordogne.
216 DIALECTES MODERNES
qu'il entre un peu de magie dans les talents de quelques curés,
mais qu'ils ne s'en servent que pour détruire l'effet des sor-
tilèges des méchants. Cependant ils regrettaient' beaucoup la
dime, et sa suppression les attachera très-certainement à la
Révolution, pourvu que leurs impositions ne soient pas aug-
mentées. Les privilèges de la noblesse, qui leur distribuait
force coups de bâton et les faisait mettre en prison, les révol-
taient.
2°
Périgueux, le 28 novembre 1790
Monsieur et respectable compatriote,
C'est avec la plus grande satifaction que nous avons reçu
votre adresse contenant vos questions relatives au patois et
aux mœurs de la campagne de notre département ; nous allons
nous occuper de votre demande. La Société vient de nommer
des commissaires pour faire toutes les recherches possibles
afin de satisfaire de tout notre pouvoir à vos questions, dès le
moment qu'elles ont pour but l'utilité publique. Mais, pour
répondre avec précision, il faut du temps pour faire les re-
cherches. Pour vous donner une teinture de connaissance de
notre patois, vous trouverez ci-joint notre adresse traduite;
vous verrez par là qu'il tient du français et du latin et beau-
coup de l'italien ; mais il y a des expressions et des termes
uniques consacrés à cet idiome qu'on a beaucoup de peine à
traduire assez énergiquement en français. Soyez assuré que
nous ne négligerons rien pour vous prouver que nous sommes
avec les sentiments du civisme le plus pur, Monsieur,
Vos affectionnés et fidèles compatriotes.
Les Amis de la Constitution du club de Périgueux,
Chambon. — Bardet.
Franc patoy [sic] de campagne
Moussur ET respectable potrioto,
Votro letro nous-o sacro bien fay plazey per so curiousita
per notre Perigwurdy, et las feysoù denotrey paubrey peyson;
si sobia coumo nous von nous deypeyehà per vous countentâ
1 C'est-à-dire voyaient avec regret.
LETTRES GREGOIRE 217
toleu que poureu, peyqué vous troboillâ per lou bé de lo
paubro gen ; n'oven morgiou chausy quatre bou comissarys
que seymojoron per tou ounté pouron trouba quauquoré do
bravé à votro fontesio. Marmo quo ne vay pas coumo lou ven,
et fau d au te n per zou deygnarjà; oquelas fougnossorias ne
se troben pas coumo las peyras o beu chomy ; mas en otcnden
oquelo perito [sic)1 letro pouro v'entresseignâ unpau quauquoré
de notre parla, qu'ey fron, et que to potau qu'eu ey, o, voni re
giou! dau termey qu'un porisien, to fi que sio, s'y pecorio de
lou vira en boun froncey ; poudé creyré par moun armo que
nous n'eytargnorenrépervous fâ veyré que nous soun votreys
omis de boun cor.
Moussur,
Et votrey counpotriotâ,
Chambon, président; Bardet, secrétaire.
P. S. — Si vous ne pouvez pas bien lire ni comprendre cette
traduction, MM. Fournier la Charmie et Paulhiac 2, nos chers
concitoyens et députés à l'Assemblée nationale, se feront un
plaisir de vous l'expliquer.
Dauriac, commissaire.
La nécessité de classer les documents par régions nous
oblige à placer ici, bien qu'elle soit de 1794, la lettre qu'écri-
vit à Grégoire un ancien député des Basses-Pyrénées à l'As-
semblée législative. Cette lettre du citoyen Dithurbide, per-
sonnage assez connu dans le pays basque, ne nous apprend
rien de particulier sur un idiome si profondément différent
des langues romanes proprement dites ; mais les indications
qu'elle donne sur l'état des esprits au fort de la Terreur et
sur le caractère de ces braves populations du Sud-Ouest sont
bonnes à recueillir, et peut-être ne nous saura-t-on pas mau-
vais gré de cette courte excursion sur des terres voisines.
De la maison de réclusion des ci-devant Carmélites de Lectoure,
le 1" messidor l'an II de la République française, une et indivisible
Liberté Égalité
Citoyen représentant,
J'ai reçu et passé à peu près toute la vie au milieu de ces
4 Lisez petito. — - Paulhiac de la Sauvetat, avocat.
218 DIALECTES MODERNES
Basques, à la douceur et à la bravoure desquels je suis bien
flatté de voir un homme de votre mérite rendre justice. De-
venus Français par goût et par choix, les Basques avaient con-
servé l'image des constitutions le plus [sic] libres. Jamais on
n'avait pu leur enlever l'exercice des premiers droits, de la
chasse et de la pêche, introduire chez eux l'ombre seulement
de la féodalité, ni même des impositions, jusques aux mo-
ments désastreux de ce despote des despotes qu'on nommait
Louis XIV. Fiers, courageux et doux, hospitaliers au suprême
degré, sensibles à l'excès., les Basques ont reçu de la nature, au
physique et au moral, le germe de toutes les qualités qui con-
courent à former les grands hommes. Je ne connais qu'une
seule ombre dans leur tableau, c'est la soif de la vengeance
dès qu'on a pu irriter leur trop facile sensibilité. Leur langue
les ayant toujours isolés et écartés des emplois publics, ils ne
sont guère connus que par la réputation de leurs antiques
vertus, sauf pourtant dans la marine, dans laquelle ils excel-
lent. Eh bien ! ce peuple, dont le Gouvernement pouvait tirer
un grand parti, est presque perdu pour lui ; il ignore jusqu'à
l'alphabet d'une Révolution qui n'a pourtant fait que perfec-
tionner la Constitution qu'il s'était donnée el qu'il avait con-
servée à peu près dans sa pureté primitive. Il faut le lui ap-
prendre, puisqu'il est Français, puisqu'il idolâtre la libert»
l'égalité, puisqu'il ne pourrait exécuter des lois qu'il ignore-
rait, et dont l'infraction, purement matérielle, l'exposerait trop
souvent à des peines qu'il n'aurait pas méritées.
Tu as très-bien observé, dans ton savant discours, que l'in-
stitution des maîtres de langue française atteindrait ce but
trop tard, et qu'il faut, en bannissant les patois etles dialectes
par la désuétude, des traductions actuelles à ces peuples dont
la langue, comme celle des Alsaciens, des Bas-Bretons et des
Basques, n'est pas un mélange difforme et corrompu des Lan-
gues voisines, tant anciennes que modernes ; que la voie des
traductions est la seule qui puisse mettre les lois à la portée
habitants <\r ces pays, et leur faire comprendre leurs
droits et devoirs, tandis que l'institution des écoles préparera
la génération future à ne parler que la langue de la Répu-
blique. Aucun des hommes qui dans ce pays font les importants
en Révolution n'a rien fait pour l'instruction de ses compa-
LKTTRKS X GREGOIRE 219
triotes; il n'y a de traduit en basque que quelques décrets ei
quelques instructions que j'ai publiés à mes Irais dès le com-
mencement de la Révolution. Si je n'avais été distrait de ce
travail, d'abord par des fonctions administratives et ensuite
par la législature, les Basques sauraient, un peu aujourd'hui
la Révolution. J'avais conçu, comme toi, que la forme dos dia-
logues très-familiers, des chansons récitatives, etc., était la
[dus propre à leur donner le goût et la facilité de la langue
française; j'avais, en conséquence, depuis longtemps, le pro-
jet de composer en basque un catéchisme élémentaire de la
Révolution, dans lequel, développant successivement et dans
une méthode facile ses causes et ses progrès, je la leur aurais
comme inoculée. Mais, malade depuis plus d'un an, à peine je
commençais ce travail, quand le choc des passions journalières
inévitable dans les grandes commotions, m'a jeté dans une
maison de réclusion, à 40 lieues de ma famille, où j'attends
languissant, mais avec résignation et confiance, le jour de la
justice nationale. Excusez cette petite digression, je reviens
au sujet de ma lettre.
11 y a 15 jours que j'ai remis par la voie de la poste au
Comité de salut public une traduction en basque de l'excellent
discours de Robespierre sur les fêtes décadaires. Il m'a paru
que la connaissance des principes moraux, que la Convention
professe, était, nécessaire aux Basques. J'y ai ajouté des vues
ultérieures dont j'ai cru la pratique tout aussi nécessaire pour
propager parmi eux les lumières qu'elles répand partout. J'en
avais déjà écrit à Garât, alors ministre de la justice, mon
parent et mon ami, à l'époque où des commissaires de la
Convention s'assemblèrent a\rec lui pour régler le mode des
traductions. J'en écrivis encore à Barrère à l'occasion de son
rapport sur l'institution des écoles de langue française. Ton
discours présentant des vues et une marche que dès lors je
crus nécessaires, j'ai pensé que je devais t'en écrire à toi-
même, et t'inviter à jet,er les yeux sur ce qui peut eu exister
au Comité, ou dans les mains de La Commission, ou de' Grarai
etsurtout le Barrère Si vous y trouvez (sic) ' des choses utiles
1 Ge mélarij létuel lu vous il du ta no fait-il pas songer à la fa-
meuse inscription : i a on se Lutoie. — Fermez la pjrte >'u vous plaît ?
220 DIALECTES MODERNES
pour remplir les vues de la Convention, si surtout il te fallait
des instructions particulières sur le pays et sur la langue des
Basques, prends la peine de m'en écrire. Sois sûr d'avance
que l'espèce de prévention que la réclusion élève contre moi
ne doit pas te retenir, et que ce n'est qu'un des innombrables
malheurs attachés aux Révolutions. Elle se dissipera bientôt
si tu prends la peine de lire mon Mémoire et mon Tableau po-
litique et civique remis au Comité de salut public. Tu en con-
cluras, j'espère, combien est loin de tenir dans l'ordre social
la place que la ciguë qui est admise dans la médecine (sic ?),
un homme qui aime la Révolution depuis son commencement
sans tergiversation, et qui a ruiné pour elle sa santé et les
affaires d'une famille nombreuse et malheureuse, et dont le vœu
le plus ardent est de la servir encore.
Respect, salut et fraternité.
DlTHURBIDE.
J'apprends à l'instant qu'un corps de Basques vient de se
signaler dans la prise d'une redoute espagnole qui a amené
nos succès à Saint-Jean-Pied-de-Port. Ils auraient souvent
donné de ces exemples, et surtout dans leurs montagnes, si,
comme dans cette occasion, ils eussent été rassemblés sans
mélange et sous des officiers basques.
Dialectes de l'Auvergne et du Limousin
Les réponses qui furent envoyées à Grégoire par ses corres-
pondants de l'Auvergne sont en grande parties perdues, et
c'est d'autant plus fâcheux qu'il s'y trouvait, entre autres cho-
ses, des Noëls satiriques intéressants. Les deux lettres qui nous
restent ont, du moins, l'avantage d'être complètes et de fournir
quelques indications précises sur l'état des dialectes auver-
gnat et limousin en 1790, et l'on pourra juger, en les lisant,
du prodigieux changement qui s'est opéré depuis quatre-vingts
ans dans ces belles et bonnes provinces du Centre.
DÉPARTEMENT DU PUY-DE-DÔME
Envoyé par la Sociétr des Amis de la Constitution de Maringues
(de la main de Grégoire)
1.— Nous commençons par cette observation préliminaire.
LETTRES A GREGOIRE 221
que nos réponses ne seront pas seulement pour la ville et les
villages voisins de Maringues, mais bien pour toute la con-
trée renfermée entre les villes de Clermont, Riom, Billom,
Thiers, Aigueperse et Cusset; ce qui circonscrit presque tout."
la partie de l'ancienne Auvergne distinguée par le nom de
Limagne, et forme une plaine d'environ dix lieues de diamè-
tre en tout sens, au milieu de laquelle est la petite ville de
Maringues, plaine fertile traversée par la grande rivière d'Al-
lier, plaine parsemée d'une multitude de beaux villages, con-
trée beureuse lorsque les plaies que lui a faites l'ancien ré-
gime seront fermées et lorsque des chemins praticables facili-
teront la circulation de ses denrées.
L'étymologie de son nom Limagne rentre dans l'objet des
questions proposées ; la tradition générale le fait dériver du
limon fangeux de son sol. Quelques auteurs du pays disent
qu'elle doit ce nom, lis magna, aux grands combats qui s'y sont
livrés entre le premier vainqueur des Gaules et le capitaine
Vercingétorix l. Quoi qu'il en soit, la langue française est bien
loin d'être universelle, même dans les grandes villes, où pres-
que tout le peuple a conservé un patois qui se diversifie à
l'infini d'un village à l'autre, au point que tel paysanne se fait
que difficilement comprendre à trois ou quatre lieues de son
domicile.
2, 3, 1, 5. — Le patois de la Limagne, varié et pour les ter-
mes et pour l'accent, ne paraît point avoir d'origine certaine
et déterminée ; c'est un mélange corrompu de beaucoup de
mots français avec un idiome original qui ne paraît avoir
aucun rapport suivi, ni avec le latin, ni avec le grec, ni avec
le celte, ni avec les dialectes des provinces frontières. Cepen-
dant on remarque, en général, que tout le monde y comprend
le français dans l'usage habituel des relations sociales. Les
divers patois ont tous leurs termes radicaux, leurs construc-
tions régulières et leurs termes composés, ce qui rend plus
difficile l'extirpation de ces langages, suffisants pour l'expres-
sion de toutes les pensées.
6. — Les idiomes patois de la Limagne s'éloignent également
1 L'ancien nom du pays était Alimama.
2?2 DIALECTES MODERNES
du français tant pour les idées abstraites que pour les plan-
tes, maladies, arts, instruments, etc. La nomenclature forme-
rait un gros dictionnaire pour chaque idiome, attendu que les
-vus du peuple y sont ingénieux et qu'ils n'ont guère moins
d'idées que le citadin qui n'a pas cultivé les belles-lettres.
7. — [ Pour désigner la même chose, on y trouve] souvent
plusieurs mots dont l'un est le français corrompu, l'autre le
mot patois.
8. — Le patois ne paraît pas abonder plus pour un usage
particulier.
9. — Il a presque autant de mots que les langues natio-
nales pour exprimer les nuances des idées, parce quelegénie
des habitants s'y est appliqué' sans distraction.
10. — Le patois n'a presque point de mots contraires à la
pudeur, soit pour les substances, soit pour les actions, d'où
vous concluerez la vérité, c'est-à-dire qu'en général les mœurs
sont pures, mais agrestes et grossières.
11. — Peu de jurements, et l'on voit peu d'exemples de grands
crimes. Les larcins tiennent tous de la ruse et guère de la vio-
lence. Mille vols nocturnes, sans effraction, pour un seul
commis à force ouverte. Ce peuple a besoin d'aisance et d'é-
ducation; il est naturellement sensible et bon.
12, — Le patois a des termes et des tours de phrase qui
manquent très-souvent au français par la naïveté et la pein-
ture des consonnances. En voici un exemple: il n'y a point de
terme en français qui exprime l'état d'un être qui souffre trop
pour conserver la patience : il faut chercher plusieurs mots
suivant les cas particuliers. En voici un en patois qui s'ap-
plique à toutes les situations trop douloureuses: Je ne peux
rabir sic).
|:> — Les finales sont plus varices que les expressions.
Il — La prononciation es! fortement accentuée el très-
nette.
ir>. — On connaît très-peu d'écritures de ces patois ; ce-
pendanl ils s'écriraient facilement avec l'alphabet national,
témoin le livre de cantiques.
10. — Le patois varie prodigieusement de village à vil-
lage.
17. — <>n le parle beaucoup dans les villes, et les gens
LE TIRES A GREGOIRE 223
instruits s'y familiarisent avec d'autant plus de facilité qu'ils
y trouvent les inversions, les déclinaisons et les conjugaisons
grammaticales.
18, 19. — Voyez les précédents articles.
20. — On ne croit pas que jamais il y ait été prêché en
patois, ou cet usage e'st perdu dans la mémoire des habitants.
21 — On n'a ni grammaires, ni dictionnaires de ce patois.
'^•J — On ne trouve point d'inscriptions en patois.
23, 24, 25. — On a peu d'ouvrages en patois ; on enverra
quelques cantiques.
26. Il en est des proverbes comme des autres mots,
presque toujours français altéré.
27. — L'influence naturelle du patois sur les mœurs est
de rendre tous les livres inutiles à l'instruction ; et le défaut de
livres, s'il maintient la pureté des mœurs, s'oppose aux progrès
de la raison et des connaissances nécessaires à un peuple libre.
Vice versa, les mœurs austères et grossières attachent un
peuple à tous ses usages et à son vocabulaire.
28. — C'est parce que le patois se rapproche du français
par les constructions et le plus grand nombre des termes, qu'il
devient d'un usage plus facile et, conséquemment, que l'habi-
tude sera plus difficile à déraciner.
29. — L'importance religieuse et politique de détruire ce
patois serait incalculable : en effet, quel attachement peut-on
avoir à des lois qu'on ne connaît pas, et le moyen de connaître
des lois écrites dans une langue qu'on ne sait pas ou qu'on
néglige ?
30. — Les moyens de détruire le patois seraient d'organi-
ser un plan d'éducation pour le peuple, et, à la place d'une
foule de livres ascétiques, inintelligibles ou dégoûtants, il fau-
drait que l'évêque et les corps administratifs, de concert, fis-
sent la distribution de catéchismes élémentaires, composés de
trois parties distinctes, savoir : le dogme, la morale et la Con-
stitution. Ce mélange attacherait insensiblement le peupleaux
lois civiles, comme il le fut de tout temp< aux lois sacré.-.
La Constitution deviendrait religieuse, et la religion serai î
bientôt constitutionnelle Ce fut la méthode de tous Les légis-
lateurs.
31. — Dans les campagnes, les paysans n'apprennent qu'un
224 DIALECTES MODERNES
catéchisme, qu'ils n'entendraient point quand ils parleraient
français, et qu'ils sont bien plus éloignés de comprendre,
n'ayant que l'usage du patois, ce qui réduit les idées du peuple,
en religion, ou à l'abrutissement absolu, ou à des monstres
d'imagination.
32 à 37. — De vingt villages, un seul possède un maître
qui sait à peine épeler, et le curé fait répéter les mots du ca-
téchisme à ses paroissiens perroquets.
38. — Point de préjugés pour l'industrie; des préjugés
innombrables en religion ; un seul préjugé en politique : celui
que tous les gouvernements possibles, même celui que nous
donne l'Assemblée nationale, ne cherchent point l'intérêt du
peuple et ne s'occupent que des moyens de le pressurer d'une
nouvelle manière.
39. — H y a peu de changement depuis les siècles les plus
reculés ; la plupart des villages paraissent contenir des races
autochthones et indigènes ; leur attachement constant aux
mêmes vêtements en est la preuve la plus assurée, quand on
ne remarquerait pas qu'il est infiniment rare qu'une peuplade
s'allie parle mariage à une autre, même très-voisine.
40. — Les remèdes à ces maux sont l'aisance et l'instruc-
tion.
41. 42. — Presque toutes les autres contrées du royaume
ont vu fomenter dans leur sein, ou le patriotisme, ou l'insu-
bordination. Ici, point de grands mouvements en aucun sens
dans la classe du peuple ; il y a partout donné un exemple
parfait de docilité, mais cette docilité eût été la même sous les
lois d'un tyran.
43. — Il était naturel d'attendre d'un tel peuple du respect
et de la pitié pour les ecclésiastiques réfractaires qui ont
cherché à l'égarer; et, en général, les magistrats, qui n'ont
point eu do peine à le contenir, se sont contentés de surveiller
les énergumènes qui voudraient bien perdre l'Etat, au risque
de s'ensevelir sous les ruines de la patrie.
Vu par nous, membres du Comité de correspondance :
Tachard, Baudit, Bouau.
LETTRES A GREGOIRE *25
DEPARTEMENT DE LA HAUTE- VIENNE
Réponse de la Société des Amis de la Constitution, établie à Limoges, aux
questions proposées par M. l'abbé Grégoire, relatives an patois et aux
mœurs des gens de la campagne.
Les questions proposées par cet honorable membre de l'As-
semblée nationale présentent un si grand intérêt public, que
les bons patriotes s'empresseront à lui fournir tous les ren-
seignements dont ils ont connaissance.
Si, dans l'état actuel des choses, il n'est pas possible de ra-
mener tous les peuples de la terre à parler la même langue, il
est au moins_'possible,et il est bien à désirer que cbaque nation
ait la sienne, que cette langue soit la même dans toutes les
parties de son territoire, afin que deux hommes d'une même
nation puissent se reconnaître et s'entendre au premier
abord.
Le Français, surtout, doit être jaloux de conserver ou d'in-
troduire dans les différentes contrées de l'empire la langue
qu'on parle dans la capitale, d'autant mieux qu'elle semble
être maintenant parvenue à sa perfection, par le soin qu'on a
pris de lui donner une belle tournure dans toutes ses expres-
sions, et d'en bannir tout ce qui était opposé à la pureté et à
la clarté du style, d'autant mieux encore qu'elle est entendue
et parlée actuellement dans toutes les cours de l'Europe. Ce-
pendant la langue française n'est en usage que dans les prin-
cipales villes de la Haute-Vienne, sur les routes de communi-
cation et dans les châteaux.
Le patois que parlent les habitants delà campagne n'est pas
également prononcé dans les différents cantons; les terminai-
sons, surtout, qui caractérisent ce qu'on appelle accent, sont si
diversement exprimées que, sans • voir et sans connaître le
paysan qui parle, on reconnaît infailiblement qu'il est de tel
ou tel pays; et les termes varient tellement d'un lieu à un
autre, que la plupart de ceux qui sont usités dans les montagnes
du bas Limousin ne sont pas entendus à Limoges : (paca, pas
du tout ; esta in ouno, ne bougez pas ' . )
« Voyez Béronie, 94 b. (G. G.)
22Ô DIALECTES MODERNES
En général, ce Langage esi abondanl dans ses expressions,
énergique dans ses composés ; ses mots donnent une idée
claire el sensible de ce qu'on veul dire mais il est dur à l'o-
reille des étrangers, parce qu'il est fortement prononcé par
des hommes austères dans leurs mœurs, endurcis au travail,
6 servant rarement de l'organe de la parole, et sans cesse
occupés à se procurer les premiers besoins de la vie. Or on
sait que le caractère d'un peuple influe beaucoup sur son
idiome. D'ailleurs, nos laboureurs parlent presque continuel-
lement à leurs bœufs [o! ol allons; jâ, jâ, arrête), et la bergère
à son cbien : (à l'auveilla-, baraca, à fauveillas. Vei la lai. O
lo dorei, baraca, u lo dorei.) Rarement nos travailleurs aux
champs son! près les uns les autres; ainsi, quand on parle à la
campagne, c'estpour se taire entendre au loin. Voilà pourquoi,
d'un côté, notre patois n'admet pas Ye muet, dont la pronon-
ciation est sourde, et, d'un autre côté, pourquoi les paysans
sont naturellement criards. S'ils chantent, c'est ordin lirement
lorsqu'ils sont seuls et en plein air; par la même raison, ils
donnent un libre essor à leur voix, tous les échos du voisinage
en retentissent.
Quant à l'origine du patois limousin, il est à présumer qu'il
est de la plus haute antiquité, non pas respectivement aux
mots que les Romains nous ont appris et que nous avons dis-
séminés dans notre langue primitive, mais respectivement au\
mots fondamentaux qui exprimaient les choses avanl que les
arts eussent pénétré dans les Gaules.
Ce (pii doit le faire conjecturer ainsi, c'esl que ces mots,
monosyllabes pour la plupart, n'ont aucun rapport aux mots
latins, mais bien un grand rapport aux mots celtiques, aux
mots et aux sons asiatiques, aux mots et aux sons usités a
Taïtiel dans les autres îles de la mer du Sud nouvellement
découvertes1; avec la différence cependant que, les peuples
dés pays chauds ne pouvant prononcer les leur- gutturales
/.-, y, g, leur langage doit être plus doux et les mots [dus
courts; tandis que, dans les contrées où un air pur et trais im-
1 Ai ^signifie, àTaïli, ilriy en a pas Apà signifie, en limousin, je ne
i ' /■ as; c'est un de premiers mots [ue prononcent nos enfants.
Vote du ms.)
LETTRES A UREUOIRE 2èî
prègne librement les poumons, on peut exercer sur de longs
mots toute la force et rétendue de l'organe et les finir par des
eonsonnes fortes et tranchantes.
Voici maintenant comme on peut expliquer le mélange suc-
cessif de plusieurs dialectes au nôtre. Les parties les plus
occidentales de l'Asie se trouvant trop peuplées, quelques fa-
milles entrèrent en Europe et ne formèrent alors qu'un seul
peuple; dans la suite, devenues plus nombreuses, elles se divi-
sèrent en plusieurs nations et prirent des noms différents selon
leur situation, leur génie et leur caractère. Les peuples qui
s'établirent entre l'Océan, la Méditerranée, les Pyrénées, les
Alpeset le Rhin, furent appelés Celtes. Ainsi la langue celtique
est celle que parlaient les premiers habitants des Gaules.
Une longue suite de siècles qui se sont écoulés depuis que
les Celtes s'établirent dans cette partie de l'Europe a dénaturé
leur langue, mais, quelque altération qu'elle ait soufferte par
le laps de temps, par la diversité du climat et du génie des
peuples, elle conserve encore aujourd'hui un air de ressem-
blance qui marque une origine commune. Il a toujours existé
dans les Gaules une langue vulgaire dont le fond est l'ancien
celtique, dont les mots, qui désignent les choses les plus com-
munes, n'ont varié que dans les inflexions et dans les ter-
minaisons.
La conquête des Gaules par César introduisit quelques
changements dans la langue des Celtes. Les Romains, ayant
joui de leur conquête pendant près de 500 ans, y laissèrent
des traces de leur langue, parce que seule elle était employée
dans les lois des empereurs et dans les sentences des tribu-
naux; mais la langue celtique continua d'être, dans les pro-
vinces, la langue de la société et du commerce.
Les gens de la campagne, ayant avec les vainqueurs moins
de communication que les habitants des villes, retiennent
bien plus constamment l'ancien langage ; ce n'est qu'à force
d'entendre des mots latins que les Gaulois artisans et rusti-
ques en apprirent un certain nombre, principalement ceux qui
exprimaient des choses dont ils n'avaienl auparavant aucune
connaissance ; les Romains eux-mêmes furent sans doute néces-
sités (sic) d'emprunter quelques termes des Gaulois.
Ce qui contribua le plus à la décadence du celtique fut la
228 DIALECTES MODERNES
prédication de l'évangile. Les apôtres, qui venaient de Rome,
faisant leurs instructions et les prières en latin, les défenseurs
de la religion chrétienne n'écrivant qu'en cette langue, il
fallait bien que ceux que l'Eglise recevait dans son sein enten-
dissent le latin pour assister à ses assemblées, comprendre sa
doctrine et se soumettre à ses lois.
Les Francs, qui vinrent ensuite, vers l'an 420, et qui chas-
sèrent les Romains de la Gaule, au lieu d'abolir ce langage
métis, s'y accoutumèrent eux-mêmes et mêlèrent beaucoup
de mots tudesques ou allemands à ce latin-gaulois, d'où il ré-
sulta un jargon que le commerce répandit dans toutes les
provinces. Néanmoins les Gaulois ayant conservé leur langue,
quant au fond, jusques à Charlemagne, essayèrent alors de
parler latin,, parce que les ordonnances de ce prince furent
publiées dans cette langue. Mais ceux qui voulurent la parler
ou l'écrire, se trouvant à tout moment en défaut, furent
obligés déformer des mots pour se faire entendre, et ils les
tirèrent de la langue du pays où ils habitaient; de là les ex-
pressions de la moyenne et de la basse latinité qui forment le
glossaire de Ducange, et ces expressions ne furent que des
mots gaulois auxquels on donnait une terminaison latine.
Dans les premiers voyages d'outre-mer, les Français prirent
des Grecs plusieurs mots qu'ils accommodèrent à leur langue :
ap/o'pour oui, kalaaux pour noix, emphounil pour entonnoir, etc.1.
Longtemps avant César, une colonie grecque était entrée à
Marseille, seul port de l'Europe connu sur les côtes de la Mé-
diterranée ; mais la langue grecque, usitée entre les mar-
chands de ce port, ne parvint sans doute pas jusqu'au centre
des Gaules où nous sommes placés ; il faut donc plutôt attri-
buer les termes et les tours de phrase que nous avons adoptés
aux émigrants de toutes les régions de la France, lors des
guerres du Levant, qu'à la colonie que les Phocences établirent
à Marseille.
Les Goths et les Anglais ont successivement pénétré dans
1 Le grec n'a rien à voir ni dans apl> = hoc plane, ni dans enfounil =
infundibulum, ni dans calau, dérivé de calo = fr. école, et qui est pro-
prement la noix revêtue de son enveloppe verte. (C. C.)
LETTRES A GREGOIRE 229
le Limousin. Au XIV0 siècle, ces provinces étaient entièrement
sous la domination anglaise; ces différents peuples y ont laissé
des monuments, et peut-être quelques mots de leur langue.
Les guerres d'Italie sous Charles VIII y en ont encore introduit
qu'on reconnaît très-distinctement, ainsi que la plup art des
terminaisons qui sont en o.
Plusieurs savants ont écrit sur les différents idiomes des
provinces de la France ; Borel, Nicot, Duchesne, Ducange,
en ont fait l'objet de leurs études ; M. Cazeneuve a donné le
dictionnaire de la langue toulousaine ; Daviés, le père Gré-
goire et dom Pelletier en ont publié trois pour le breton ;
dom Duclou, notre compatriote, avait fait celui de la lan-
gue limousine ; mais, la mort de l'auteur ayant prévenu la
publication de son ouvrage, ce livre manque à la littérature ' .
M. Nadaud, curé de Teyjac, faisait de son côté des recher-
ches sur l'origine du patois, et a laissé des observations très-
intéressantes2. Il existe une histoire manuscrite de Sainte- Valé-
rie, protomartyre d'Aquitaine, mise en vers patois limousins3,
et une traduction, aussi en vers patois, du 2e livre deY Enéide,
faite il y a vingt-cinq ans par M. Robi, prêtre 4. (Tous ces ma-
nuscrits sont dans les mains de nos concitoyens.)
On trouve d'excellentes observations sur l'idiome limousin
dans Y Histoire littéraire de la France par les Bénédictins (in-4°,
tom. VII, p. 19 et suiv.)
1 Sur le dictionnaire limousin de dom Duclou, dont ie ms. appartient
aujourd'hui à M. Chapoulaud. imprimeur à Limoges, voy. la préface de
['édition de Foucaud, donnée en 1866 par E. Ruben, pp. vi-vm. - Court
de Gebelin mentionne, dans son Dict. étym. de la langue fr., p. lxxii,
(Paris, 1778, iu-4o) « un vocabulaire limousin considérable », à lui com-
muniqué par Guillaume Grivet. Est-ce le même ouvrage? (C. G.)
"2 On trouvera sur ce travail de Nadaud, encore inédit, et dont le ms.
doit se trouver à la bibl. du Séminaire de Limoges, une communication
de l'auteur lui-même au t. IV, p. 257 b de la bibl. hist. du P. Lelong,
(1775). (G. G.)
3 Publiée au t. II (1847) du Bulletin de la Société archéologique et
historique du Limousin. Ce poème comprend, avec l'hymne qui le suit,
962 vers octosyllabiques. Le ms. est daté de 1641. (G. G.)
1 G'est une parodie dans le genre de Scarron. Des extraits du premier
livre (car l'auteur n'avait pas travesti seulement le deuxième) ont été
publiés à la suite des poésies de Richard (Limoges, 1824 et 1819J. (C. G.)
18
230 DTALECTES MODERNES
Mais ce n'est pas ce qui doit nous intéresser actuellement,
et le dictionnaire de la langue limousine ne verra sans doute
jamais le jour, car il est à présumer que la grande Révolution
qui s'opère en France fera prévaloir la langue française telle
que son roi et ses législateurs la parlent; de façon que, dans
les siècles à venir les idiomes des gens de campagne, et sur-
tout le nôtre, ne laisseront aucune trace.
Dès que nos titres les plus anciens sont en latin, que d'un
autre côté nous n'avons pas à faire revivre des chefs-d'œuvre,
il serait inutile de conserver des mots et des sons devenus
barbares, aussi difficiles à écrire qu'à prononcer. ( il n'est pas
possible d'écrire le mot Dieu comme nos paysans le pronon-
cent), qui rappellent, il est vrai, une origine ancienne, mais
qui rendent étrangers les habitants des rives de la Vienne à
leurs frères habitants des rives de la Loire.
D'après ce que nous venons de dire, il ne faut pas réfléchir
longtemps pour sentir l'importance religieuse et politique de
détruire entièrement notre patois. Le paysan, dont les idées
sont très-bornées, sera continuellement séparé de l'instruc-
tion et des livres, tandis [sicf qu'il ne saura pas la langue que
parlent les personnes instruites. S'il savait lire et écrire, il
s'instruirait et se débarrasserait d'une foule de préjugés, il com-
muniquerait sa pensée, serait moins facile à égarer et à trom-
per, serait plus libre dans son suffrage, et deviendrait bientôt
une portion très-intéressante de la nation française.
Il est à remarquer que nous avons ici un usage d'exploita-
tion très-vicieux en soi-même et avilissant pour le labou-
reur: c'est le colonage partiel. Cette convention arbitraire le
rend insouciant, dépendant de son maître, sujet à ses répri-
mandes et à ses caprices. Le laboureur fermier serait libre
et en même temps plus actif; il irait au-devant des lumières
et des conseils, dès qu'il pourrait les employer à son profit
particulier.
Nous observerons cependant que les moyens de faire de la
langue française la langue commune de tous les Français ne
1 C'est un limousinisine . Voy. Raynouard sous tandius. Le vieux
fiançais a aussi employé tandisque au sens de aussi longtemps que.
(G. G.)
LETTRES A GREGOIRE 231
peuvent se commander ; le langage est moins sujet aux lois
qu'aux conventions. Nous pensons que, pour le changer, il
n'y a que la voie de la persuasion et la voie des moyens indi-
rects ; les progrès qu'a faits cette langue depuis quelques
années font espérer qu'elle ne tardera pas à être parlée dans
la chaire évangélique, dans les tribunaux civils et dans les
écoles. Ainsi, il nous paraît qu'un décret qui la proscrirait
serait contraire à la liberté et manquerait son but.
Pour finir de répondre aux questions proposées par
M. l'abbé Grégoire, nous ajouterons qu'il n'y a pas encore un
siècle que les prières publiques se faisaient en patois au prône
de l'église de Saint-Pierre, première paroisse de la ville de
Limoges; qu'il n'y a pas dix ans que le prôue se faisait en
patois aux premières messes des trois principales paroisses,
auxquelles assistaient les domestiques et les artisans ; que les
prédications se font encore actuellement en patois par les
curés de campagne, et que les missionnaires n'y parlent pas
d'autre langue.
Quelques actes publics du XIIIe siècle sont écrits, partie en
latin, partie en patois et partie en français (ou roman tel qu'on
le parlait alors). On voit dans la collégiale de Saint-Martial,
bâtie sous Louis le Débonnaire, et dans quelques lieux claus-
traux, des épitaphes et des inscriptions du XIIIe siècle qui
sont partie en patois et partie en latin.
Aici i j'ai en patz P. Brus de la porta Peichariéra, é trepasset en
miei Abriel, anno Dni m ce lxvi, è laichet a chascuna monia de
Lémozi i pa, locals pas deu esser fains xx d'un sestier, é deu esser
redutz lo jorn de Rampam, durablemen. L'arma de lui repauzé
en patz, é dijas Pater noster. E laichet mai l s redens au covén de
S. M. per son aniversari. E l'an de m ce lviii ans' vi jorns dins
Abriel, trepasset na Valéria Jayona, molher deu dit P. Brus; è
q. leira aquestas lettras digs lo. . . . ,
TRADUCTION
Ici repose en paix Pierre Brus de la porte Poissonnière, et il
trépassa à la mi-avril, l'an de N. S. 1266, et laissa à ediaque mo-
1 Celte inscription a été publiée par Allou, Description des monuments
de la Haute-Vienne (1821), p. 257, avec plusieurs autres, d'après une
copie plus correcte que celle de Grégoire. (G. G.)
?32 DIALECTES MODERNES
niale (ou religieuse) du Limousin un pain, lesquels pains doivent
être faits au nombre de vingt par setier, et ils doivent être rendus
(ou donnés) le jour des Rameaux, à perpétuité. Que son âme re-
pose en paix, et dites Paler noster. Il laissa de plus cinquante sols
de rente au couvent de Saint-Martial pour son anniversaire. Et l'an
1268, et le 6e jour d'avril, trépassa dame Valérie Jayone, femme
dudit P. Brus ; et quiconque lira ces lettres dira le. . . .
Les caractères sont gothiques, gravés sur pierre blanche
incrustée dans le mur de l'église.
L'inscription suivante était gravée en caractères gothiques
sur une pierre d'une grosse tour de la porte Manigne, à Li-
moges, et prouve la grande dévotion des Limousins pour saint
Martial, leur apôtre.
Dieus gart lavila, é s. Marsals la gén. en murs é las portais ;
é ma donna s*a Maria gartthos aqueu de Mainania. Amen ' .
Que Dieu garde la ville, et saint Martial ses habitants, aux
murs et aux portes et que madame sainte Marie garde tous
ceux de Manigne. Ainsi soit-il.
Nous avons des chansons et des proverbes qui sont très-
anciens, dont les mots, comme nous l'avons dit, n'ont rien de
relatif aux mots latins. Ex.: En février fai tou pezeu, yuan lo
luno semblo un cruveu 2.
Nos hameaux et nos villages portent presque tous des
noms qui signifient des choses préexistantes : Noailles, de
novales, terres défrichées. — Faye, de fayau ou hêtre, arbre.
— Mas-Vergno, monticule auprès d'un vergne ou aune, arbre.
Au contraire, les noms de nos rivières ont des significations
qui nous sont inconnues. Vienne, Taurion, Brione, Glane, etc.
Dans le patois, on trouve plus de richesse que dans le fran-
çais, en ce que chaque chose a un terme particulier dont la
1 Inscription déjà publiée parAllou (loc. cit., p. 2G0) et par Leyrruin.'
(Limousin historique, 1, 161). Au lieu de enmurs. leçon deLeymari.' i i
des correspondants de Grégoire, Allou donne eu murs, qui est préfé-
rable, eu étant pour eus = e los. Cf. plus bas aqueu = aqueus. Il faut,
en conséquence, traduire ... et les murs et les portes. (G. G.)
2 Inutile sans doute de faire remarquer que ces mots sont, au con-
traire, tout latins. Pezeu est*piseilum (de pisum): cruveu, cribellum.
(G. G.)
LETTRES A GREGOIRE 233
prononciation ne peut se confondre avec d'autres mots,
comme, par exemple, dans les mots français :
Sein, Cinq, Saint, Sain, Ceint, Seing.
Parpai, Cin, Sén, Sa, Singla, Sinné.
Souvent, dans le français, nous avons plusieurs mots pour
exprimer la même chose, et qu'on applique, suivant l'usage
reçu, comme livres et francs, pour exprimer le numéraire ;
notre patois n'admet que le mot franc : quatre francs, vin
francs.
Les mots qui abondent le plus sont ceux qui concernent la
partie agricole, et les préjugés des gens de la campagne tien-
nent en partie à la superstition, respectivement aux ma-
ladies, et en partie à la culture des terres telle que leurs
pères la leur ont transmise.
Ils entendent assez bien le français, mais la plupart ont une
difficulté insurmontable pour le parler ; ils y mêlent conti-
nuellement les mots et la prononciation de leur patois, comme
nous voyons qu'on Fa fait dans les siècles précédents; car, en
comparant le patois d'aujourd'hui à celui du XIIIe siècle, il
est facile de remarquer que l'idiome a changé considérable-
ment.
Il règne une telle confusion d'idées, de mots et de sons, dans
la prière que les pères de famille prononcent, le soir, en
commun, qu'elle n'est intelligible que pour l'Etre suprême,
auteur de toutes les langues.
Enfin, comme le patois est très-commun dans le départe-
ment de la Haute- Vienne, il fait sur les habitants du pays
des impressions qu'on aperçoit lorsqu'ils s'énoncent en fran-
çais ; peut-être en sommes-nous un exemple nous-même en
ce moment.
Effets de la Révolution
Depuis deux ans, les gens de la campagne sont plus in-
struits de leurs droits que dans tout le siècle dernier, sans
qu'ils aient cherché à s'en prévaloir et sans que leurs moeurs se
soient altérées. Il n'y a peut-être pas sur le globe d'hommes
plus réservés, plus patients et plus appliqués que les paysans
de la Haute- Vienne. Les femmes et les filles y donnent
2? 4 DIALECTES MODERNES
l'exemple d'une parfaite retenue, et Ton ne trouverait pas
dans nos champs un seul célibataire ; comment les mœurs
pourraient-elles y être dépravées? Leur modération les a pré-
servés de l'exemple contagieux de leurs voisins; ils ont vu
des injustices où d'autres ne voyaient que des actes de la
liberté.
Les villageois ont tellement été surpris du décret portant
suppression de la dîme, laquelle ils croyaient bonnement être
de droit divin, qu'ils ont manifesté, dès ce moment, un vif
désir de s'instruire et en même temps un peu d'indignation
de l'avoir payée si longuement, en quoi l'intérêt personnel
paraît encore les guider; plus sensibles peut-être à ce décret
qu'à la proclamation de l'égalité, leur extrême pauvreté peut
leur servir d'excuse.
Leur conception est si lente, encore aujourd'hui, qu'on ne
peut calculer l'effet final que produira sur eux la révolution
actuelle ; mais on peut augurer que, si leur cote de charges
publiques venait à augmenter, ils décideraient, sans autre
examen, que la Constitution est défectueuse et qu'on cherche
à les tromper. Ne doutons pas cependant que, s'ils avaient à
leur portée des écoles publiques, comme il y en a en Suisse,
dont le maître, salarié aux dépens de la commune, instruirait
les jeunes gens dans les principes simples que la loi aurait
fixés, ils ne contribuassent volontiers aux frais de l'établis-
sement, afin de procurer à leurs enfants une certaine éduca-
tion et plus de bonheur qu'ils n'en ont eu eux-mêmes.
C'est ce que demandent pour eux leurs bons amis et leurs
frères,
Les Amis de la Constitution
Demetz, président ; Juger Martin, commissaire;
Bourdeau, secrétaire.
A Limoges, le 6 novembre 1790.
{A suivre.)
L. Gaziek.
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CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC]
(Suite)
XLV1 — LE POUZOU1L E LA FOURMIHO
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Le pouzouil e la four - mi - ho Si s'en ban à la ga-
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ri -ho. Le pouzouil fcrinquo la^lhe-^no, La fourmi - ho la ca-
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p m J-\r ç Jit-t-uu>
re 30. Dj - mi - num, Dumi » ne, Le pouzouil boulhô moulhô.
1) Le pouzouil e la fourmiho
Si s'en ban à la gariho.
Le^pouzouil trinquo la lheno,
La fourmiho la carejo.
Refrain : Dominum, Domine,
Le pouzouil boulhô moulhé.
2) La mousco que se tè fièro,
Bol estre la cousinièro.
Se n'a feito uno pebrado,
And' l'aleto l'a 'scampado.
3) Le pouzouil, qu'es tafurious,
N'es toumbat dessus tisous ;
N'es toumbat sus la fourmiho,
N'ia crebado la'boutiaro.
236 DIALECTES MODERNES
Le Pou et la Fourmi. — 1) Le pou et la fourmi — s'en vont tous
deux à la forêt. — L'un coupe le bois, — l'autre le charrie.
Refbain. — Dominum, Domine, — le pou voulait prendre femme.
2) La mouche, quoiqu'elle soit si fière. — consent à être la cui-
sinière. —Elle a préparé une poivrade, — d'un coup de sa petite aile,
elle l'a jetée par terre.
3) Le pou, qui est furieux,— est tombé sur le tison ; — il s'est
jeté sur la fourmi, — il lui a crevé le ventre {litt. : la boutique).
V. de Belesta, rec. par Mlle Marie Lambert.
XLVII. — l'iroundel
lj Sou digue Firoundèl :
Nous fal tous anà la guerro.
Refrain. 2) Anen doun, deridoudene ;
Anen doun, deridoudé.
3) Sou digue la perdris :
I fal tous anà à plei cami.
4) Soudis le merle :
Iou, voli pas m'anà perdre.
5) Soudis lou jai :
Iou, te prestarai moun chival.
G) • Sou digue la trido :
Iou, te prestarai la brido.
7) Sou digue lou lauriol :
Iou, te prestarai moun cariol.
8) Soudis lou pinsou :
Te prestarai mes esperous.
9) Soudis lou cardil :
Te prestarai moun fusil.
10) Soudis Tagasse :
Te prestarai ma ferrasse.
11) Soudis la tourtre :
Poudès vous anà fa foutre.
Les Oiseaux. — 1) Ceci dit l'hirondeau: - il nous faut tous aller
à la guerre.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
2T,
2) Allons donc, deridondaine ; — allons donc, deridondc.
3) Ceci dit la perdrix: — il faut y aller tous à remplir les che-
mins.
4) Ce dit le merle : —je ne veux pas m'aller perdre.
5) Ce dit le geai: — je le prêterai mon cheval.
6) Ce dit la grive : — je te prêterai la bride.
7) Ce dit le loriot: — je te prêterai mon char.
8) Ce dit le pinson : — je te prêterai mes éperons.
9) Ce dit le chardonneret : — je te prêterai mon fusil.
10) Ce dit la pie : — je te prêterai ma pelle.
1 1) Ce dit la tourterelle: — vous pouvez vous aller faire f . . . .
Ancienne ronde, recueillie en Périgord par M. le vicomte de Gourgues
XLVIII,
Noué
Om2> *° J = 7ë
Nou - è, Nou - è, tu siès un rai - hai-re Que n'as pas res
vist Si fet, ai vist. E de qu'as vist? Ai vist u - na
zto^
sau-maQue jou-gava à la pau - ma Am-be sons pou - li-
S=r
S
-40
îF r "T^±^J j Jœ^^=^±^
nous, Am - bé sous pou
li - nous
Noué, Noué, tu siès un ralhaire
Que n'as pas res vist.
Si fet, ai vist.
E de qu'as vist?
238 DIALEPTFS MODERNES
Ai vist una sauma
Que jougava à la pauma
Ambe sous poulinous.
Id.
Ai vist una miola
Qu'anava a Fescola
Aprene sa liçou
Id.
Ai vist una arencada
Que rabalava una flassada
Lou long d'un carreirou.
Id.
Ai vist una angrola
Qu'anava à Fescola
Aprene à legi.
Champfleury, Chansons populaires des provinces de France, p xvm,
cite le couplet suivant :
J'ai vu une anguille
Qui coiffait sa tille ;
J'ai vu un gros rat
Le chapeau sous le bras ;
qui sert aux nourrices du Berry à endormir leurs poupons.
XLIX. — LAS BEST10S
1) Iéu, sounjabi qu'aqueste jour,
Cado bestio fasiô sa cour,
D'un èr afable,
Al Dius aimable
Que dins l'estable
De Bethléem
Es nascut sus lou fen
Per tout lou genre humen.
2) Dius prenguèt un plasé rouial
D'ausi cantà cado animal.
Cadun per rengo,
Dedins sa lengo,
!
CHANTS POPULAIRES DM LANGUEDOC 239
Fa soun areugo
Al Dius efan,
Et toutes, en cantan,
Disiôu : Bous adouran.
3) Lou chabal noun fa qu'anilhà
Et la cardino bresilhà ;
Lou porc groundabo,
Lou biau buglabo,
L'ase bramabo,
Disiô : ha ! ha !
La galino : ca ! ca !
Lou gai : cacaraca !
4) Lou riquet disiô : cri, cri, cri !
Lou grel disiô : cousi, cousi !
La serp siplabo,
Lou loup urlabo,
L'agnèl belabo,
Disiô : mè, mè!
La granoulho : coè, coè !
Lou pijou geniissiè.
5) Lou gorp cridabo : car, car, car !
La callo disiô : pa-pa-bar !
L'ours idoulabo,
Lou rat griulabo,
Lou cat miaulabo,
Disiô : miau, miau !
Lou passerat : piau, piau !
Et lou chi fasiô : chau !
6) Lous peisses mandèroù un canard
Per saludà Dius de sa part ;
Quand la linoto
Cantabo en noto :
Chout! fa la xoto.
Lou roussignol,
En soun dous gargalhol,
Disiô : re, mi, fa, sol !
7) Aurias bist aqui d'un cop d'el,
2^0 DIALECTES MODERNES
Cabro, lapin, miol et camel,
Cerbi, fouino,
Tartugo, ermino,
Lioun, mounino,
Tigre, elefan,
Et toutes, en cridan,
Fasiô gauch àl'efan.
8) Merle, agasso, coucut, lebrau,
Calandro, auco, reinard, grapau,
Pinsar, moustèlo,
Tourdre, iroundèlo,
Gach, tourtourelo,
Piot, passerat,
Jusqu'à l'escarabat
Fou à Dius soun dictât.
9) Aquel estable, anfin, fasiè
La segoundo archo de Noué.
Cado bestietoj
Fasiô l'aleto
Al Dius que teto,
Quant Tome ingrat,
Noun fasiô pas estât
D'al Dius que l'a créât.
10) Orne, apren aici la licou
De recouneitre toun Seignou.
Afin de plaire,
Sounjo, pecaire,
So que bôs faire,
Tout so que cal
Per ebità lou mal :
Saras urous aital !
Les Bètks. — 1)Je songeais que, ce jour-ci, — chaque bête faisait
sa cour. — d'un air affable, — au Dieu aimable, — qui, dans l'étable
— di> Bethléem, — esl né sur le foin — pour tout le genre humain .
2) Dieu prit un plaisir royal -- d'ouïr chanter chaque animal : —
chacun à son tour, — dans >a langue, — fait sa harangue — au Dieu
enfant. — et, tous en chantant, — disent: — Nous vous adorons !
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 2lî
3) Le cheval ne fait que hennir — et le chardonneret gazouiller,
— ie porc grogne, — le bœuf beugle, — l'àne brait : — il disait : ha !
ha ! — La poule : ca, ca; — le coq : ca-ca-ra-ca.
4) Le criquet disait : cri, cri, cri; — le grillon disait : cousi, cousi —
Le serpent sifflait, — le loup hurlait, — l'agneau bêlait ; — il di-
sait: mé, mé; — la grenouille : coé, coé; — le pigeon gémissait.
5) Le corbeau criait: car, car, car; — la caille disait: pa,pa, bar.
— L'ours hurlait, — le rat criait, — le chat miaulait ; — il disait :
miaul miaii; — le passereau : piau, pian, — et le chien faisait.
chàu .
6) Les poissons envoyèrent un canard — pour saluer Dieu de
leur part. — Quand la linotte — chantait en musique : — Chout
fait la chouette. — Le rossignol, — dans son doux chant, — di-
sait : ré, mi, fa, sol.
7) Vous auriez vu là, d'un seul coup d'œil, — chèvres, lapins,
mulets et chameau, — cerf, fouine, — tortue, hermine, — lion,
guenon, — tigre, éléphant, — et tous, en criant, — donnaient joie à
l'enfant.
8) Merle, pie, coucou, levraut, — oie, renard, crapaud, — pinson,
belette, — grive, hirondelle, — geai, tourterelle, — dindon, passe-
reau, — jusqu'au scarabée, — font à Dieu leur compliment (litt.
dicté).
9) Cette étable enfin faisait — une seconde arche de Noé ; chaque
insecte (litt. petite bête) — battait de l'aile — pour réjouir l'enfant
qui tette, — alors que l'homme ingrat — ne tient aucun compte —
du Dieu qui l'a créé.
1 0) Homme, apprends ici la leçon — de reconnaître ton Seigneur.
Afin de plaire, — songe, pauvret, — si tu veux faire — tout ce qu'il
faut — pour éviter le mal : — tu seras heureux ainsi.
Version de Béziers, dont nous devons communication à M. Louis de
Portalon
1) Au payé de le Boutèire,
Tout lou vai de plot en plot ;
Tout lou vai de peira en peira,
Sans souliers ni sans esclot.
Et viô, viô, viô !
Anen faire fiô à la peira;
242 DIALECTES MODERNES
Et viô, viô, viô !
Adourà le Fils de Diô.
2) Anen vite, camarada,
Adoura l'enfant qu'es nessu,
Y toutsaron una aubada
Per le faire redzaujù.
Et tan, de ran, tan, tan,
Chi nioun tambour i agrada;
Et tan, de ran, tan, tan,
I toutsaron aque tsan.
3) Le biô que mandza la palha,
Fai nitsere à son breciau.
Le paure efan que varaia
Touta la neu parle siau,
Et moâ, mi, mi !
Fait de cris coume un patèra ;
Et moâ, mi, mi, mi !
M'empetsava de dormi.
4) Nostras pouletas, pecaire!
Touta la neu on tsan ta.
Oia dit qu'anavon faire
'N io fraitse per i porta.
Et ka, ke, ra, ka, ka !
Nostras pouletas, pecaire!
Etka, ke, ra, ka, ka !
N'on pas poudiù decutsà!
1) Au pays des Boutières, — tout y va tranquillement:— on y va de
pierre en pierre, — sans souliers, sans sabots. — Et viô, viô. via. —
allons faire du feu à la pierre; — et cib,viô, viô, — allons adorer
le Fils de Bieu.
2) Allons, vite, camarades, —adorer l'enfant qui est né. — Nous
lui donnerons une aubade — pour le faire réjouir. — Et tan, de ran.
tan, tan, — si mon tambour lui agrée; — et tan, de ran, tan, tan, —
nous lui dirons ce chant.
3) Le bœuf qui mange' la paille — fait litière à son berceau.— Le
pauvre enfant qui remue— roule la nuit par le sol. — et moa, mi,
mi, — il jette îles cris comme un chiffonnier; — et moa, mi, mi, — il
m'empêchait de dormir.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 243
4) Nos petites poules, pauvrettes, — toute la nuit ont chanté ; —
on aurait dit qu'elles allaient faire — un œuf frais pour lui porter.
— Et hu, le, va, la, ha, — nus petites poules, pauvrettes; — et ha, /.< .
ra, ha, ha, n'ont pu pondre.
Version recueillie dans le Velay, par M. Vict' r Smith.
Ce noël, — « dont le vers sautillant, l'air gai et le refrain imitatif de
divers bruits, ont pour but de tenir tout grands ouverts les yeux et la
curiosité de l'enfant », — n'appartient pas seulement au Velay, comme le
pensait notre savant collaborateur : on vient d'en voir ci-dessus un
exemple pour le Languedoc II en existe d'autres que nous connaissons
pour les avoir entendus dans notre enfance, mais que nous n'avons pu
encore nous procurer, malgré d'activés recherches. Nous ne désespérons
pas toutefois d'y parvenir et de compléter ainsi une série si importante à
tant d'égards.
Variante. Au lieu de decutsà, on dit aussi dedzucà, dépercher, descendre
du perchoir pour pondre l'œuf.
LI. — LE NOËL DE SAINT-GERMAIN
1) Jouinessa de va Fai, sourtés de la velhado
Et venès va Sant-Germo, qu'ei bouon Dieu aco 'grado,
I dounarés vouste cur,
Co serô vouste bounur.
2) Refrain. —
Et y anèn liàu veire aquel Angiou
Neichut dins qu'uno crecho.
3) Ou mens n'eibluden pas de pourtà de farassos :
Aquôus que vendron après n'en segron voustres trassos.
Quond serèt darié Matras
Las getaret aus pras.
4) Quond seret davont Debrey , espinchat de la fenestro
Per veire se dormoun pas, si corboun pas la testo,
Et lhour diret sans menti
Qu'aneit se chou pas dourmi.
5) Quond seret davont lou Four, aqui quaucuspouot estre,
Que voudron couire de pô per n'en passa lhour festo,
Mes lhour diret ou veritat
Qu'avertissoun iou curât.
244 DIALECTES MODERNES
6) Quond seret davont Broundé, réveillât n'en la bourg-ado
Et faset de mons, de pés, uno bcllo aubado ;
Revelhat lou eampaniè,
Que viste monte ei élucidé.
7) 0 boun Dieu ! que fariô, iéu, si m'ou~chayot tout segre.
N'enniountariô be ei cluchié, — ei pour de veni bouegue.
N'en sounario quaucus cops,
Lou monde s'acroussariô.
8) Va lou Salin louon ôusit, n'en prenoun la deirouto;
Quond arriboun va iou pououn, quittoun aqui la îouto,
N'en rencountroun aqui Faynet,
Qu'ero aqui nouste ladriè.
0) Oumens n'eibludes pas lou grangié de Varennes:
Co's un orne de secours, vous pouot sourti de pena.
Revelharô sous bouiés,
Et lou boutarô proumiés.
10) Va Biavosy soun eilai, ei mei de quoucos peiros,
Que beliau von pas ôusit ei brut de laribeiro ;
On en' aigo à za sôutà,
De farassos à pourtà.
11) Quond seret replanas, passats n'en va la Sogno ;
Soun ei mei de quaucus bôs. Que lou boun Dieu lous
Nôu' pa'ncaro ôusit lou nouôu [souono;
Per sourti de lhour repôu.
12) Lou Bousilhou es eilai, ei mei d'ena garnassa,
Que pouôdoun rien veire dôu fiô de las farasso<:
Ou d'abres à traversa,
De rasas à za sôutà.
L3) Va Survissos vouon oùsit, n'en prenoun la deirouto:
arriboun va Paliassou, prenoun aqui la rouf".
ii rencountroun Jouon Broundé
El i levoun soun cbapé.
I 1' Va lou Viava vouon oùsit, n'en prenoun la deirouto;
Passoun va Nouslouet per n'agrandi la troupo.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 245
Formoun en grand batalhou,
Per anà adourà Feffontou.
Le Noël de St-Ger.\uin de la Prades. — 1) Jeunesse de Fay,
sortez de la veillée, — et venez à Saint-Germain, que cela agrée
à Dieu, — Vous lui donnerez votre cœur, — et ce sera votre bonheur.
2) Refrain. Et allons-y — voir ce petit ange — né dans une
crèche.
3) Au moins n'oublions pas de porter des torches; — ceux qui
viendront après en suivront la trace. — Quand vous serez devant
Madras, — vous les jetterez dans le pré.
4) Quand vous serez devant Debrey, — regardez par la fenêtre
— pour voir s'ils ne dorment pas, s'ils ne baissent pas la tète (en
sommeillant), — et vous leur direz, sans mentir, — que cette nuit
il ne s'agit pas de dormir.
5) Quand vous serez devant le Four (banal), où quelqu'un peut se
trouver — cuire du pain pour passer la fête, — vous leur direz, en
vérité, — qu'ils avertissent le curé.
b) Quand vous serez devant Broundé, réveillez la bourgade, —
et faites avec vos mains, vos pieds, beaucoup de bruit (litt. une
belle aubade). — Réveillez le sonneur — pour qu'il monte vite au
clocher.
7) Ah! mon Dieu ! comment ferais-je, moi, s'il me fallait suivre
tout le monde. — J'irais bien au clocher, mais j'ai peur de devenir
bègue, — Je sonnerais quelques coups, — tout le monde se lèverait.
8) Au Salin on nous a entendu, on s'y met en marche; — arrivés
au pont, ils laissent la route, — et là rencontrent Faynet, — qui
était chef de la maladrerie.
9) Au moins n'oublions pas (de réveiller) le fermier de Varennes.
— C'est un homme (capable de donner) du secours ; il peut vous
sortir de peine; — il réveillera ses bouviers, — et les mettra les
premiers.
1U) A Blavosy, ils sont là-bas au milieu des rochers, — n'ayant
peut-être pas entendu, à cause du bruit de la rivière ; — ils ont de
l'eau à traverser, des torches à porter.
1 1) Quand vous serez de nouveau en plaine, — passez à la Sogne;
— ils sont là au milieu des bois. Que Dieu les appelle ; — ils n'ont
pas encore entendu les noëls, — tour sortir de leur repos.
12) Le Bousilhou est là -bas, au milieu d'une garnasse, — d'où
ils ne peuvent rien voir — du feu île vos torches; — ils ont des
arbres à traverser,— des haies à franchir.
19
246 DIALECTES MODERNES
13) A Survisses on nous a entendus, — on s'y met on marche. —
Ils arrivent à Palhassou. et là prennent la route; — ils y rencontrent
Jean Brondé — et lui lèvent lo chapeau.
14) A Viava on nous a entendus, on s'y met en marche. —
Ils passent ^vers Noustouet. et viennent augmenter la troupe ;
— ils forment un grand bataillon, — qui va adorer le petit enfant.
Recueilli à Saint-Germain-la-Prade (Haute-Loire), et communiqué par
M. l'abbé Badiou.
Les mots soulignés sont des noms de village ou rie hameau: San-Germo.
Madras, le Four, Salin, Varennes, Blavosy, la Sogno. Bousilhou, Survis-
sos, Palhassou, Viava, Noustouet; ou des noms propres : r'aynet, Debrey,
Brondé.
LU. — LOUS MEST1ÈS
1) Vegnia vite, vegnia lio,
Adourà le Ré do cio.
E néssu dien-t-una crecha ;
Saint Zozet touzours se frotta.
2) Refrain. Chut! chut! chut!
L'enfant dort, pas tant de bru .
3) Délai ne vè un tessiè
Per i faire un drapelet.
Dau tin qu'escarpa sa lana,
Saint Zozet le bouta fouèra.
4) Délai ne vè un fustiè
Per i faire un breceau.
Dau tin que prenia l'aisseta,
Saint Zozet pren Testasseta.
5) Délai ne vè un boulanzié
Per i faire un pastè.
Dau tin que prenia farina,
Saint Zozet i fa la mina.
G) Délai ne vè un maretsau
Per i ferra sou tsavau :
« Tré poulis, mai tré poulagne!»
Ne ferra pas tant moun agne.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 24,
Les Métiers. — 1) Venez vite, venez bientôt, — adorer le Roi des
doux. — Il est né dans une crèche ; — saint Joseph toujours se
gratte.
Refrain. — 2) Chut! chut! chut! — l'enfant dort, pas tant de
bruit.
3) De là-bas vient un tisserand, — pour lui faire un petit drap
(lange). — Pendant qu'il prépare sa laine, — saint Joseph le met
dehors.
4) De là-bas vient un menuisier, — pour lui faire un berceau. —
Du temps qu'il prenait la hachette, — saint Joseph prit l'attachette
(la courroie du berceau).
5) De là-bas vint un boulanger, — pour lui faire un pâté. —
Du temps qu'il prenait de la farine, — saint Joseph lui faisait la
mine.
6) De là-bas vint un maréchal, — pour lui ferrer son cheval : —
« Trois poulains, trois pouliches! (juron) — tu ne ferreras pas
mon âne. »
Version de Ghamalières ( Haute-Loire ), dite à M. Victor Smith par
Madeleine Gravier.
L'énumération est loin de se terminer au tisserand, au menuisier, au
boulanger et au maréchal « Quelques personnes, remarque notre colla-
borateur, allongent le défilé et y ajoutent le tailleur qui apporte son élolfe,
le cordonnier qui offre ses souliers, le muletier qui présente son hemine
de vin, et le boucher qui vient mettre au service de la Sainte Famille ses
bœufs et leur joug. »
Ce noël, dont le rôle est d'endormir, n'est que l'imitation d'un vieux
chant qu'on trouve, dans la Bible des noëls, publiée à Lyon, par Simon
Rigaud, vers la fin du XVIe siècle; qu'on trouve, en outre, dans pres-
que toutes les Bibles de noëls publiées aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans
la Champagne, l'Anjou, le Poitou. l'Orléanais et la Touraine. Ce chant,
appelé aujourd'hui noël des Métiers, fait d'iiler devant nous, portant leur
cadeau, les artisans de chaque métier établi dans la paroisse où le noël
se chante. Dans le petit noël que nous transcrivons, la procession des
donateurs est courte : un tisserand, un menuisier, un boulanger, un
maréchal, la composent. Saint Joseph les reçoit avec une mauvaise hu-
meur que nos pères ont souvent et complaisamment signalée. Un doux
refrain enveloppe le berceau du nouveau-né de son somnolent murmure.
LUI. — l'acbre
1) Ai! lou poulit aubre — que i'a dins aquel jardil — Lou
pus poulit aubre — de toutes lous aubres. — Dessouta lou
roumains — ounte ma mia Anneta prenié sous plesis.
248 DIALECTES MODERNES
2) Ai! la poulidabranca — que i'a sus aquel aubre! — La pus
poulida branca — de toutas las brancas. — La branca à Fau-
bre, — l'aubre au jardi. . . — Dessouta lou roumanis — c-unte
ma mia Anneta prenié sous plesis.
3) Ah ! lou poulit nis — que Ta sus aquela branca! — Lou
pus poulit nis — de toutes lous nises. —Lou nis à la branca, —
la branca à l'aubre, — l'aubre au jardi. .. — Dessouta, etc.
4) Ai! lou poulit iôu — que Ta dins aquel nis! — J ous pus
poulit iôu — de toutes lous iôus. — L'iôu au nis, — lou nis à la
branca, — la branca à l'aubre, — l'aubre au jardi. . . — Des-
souta, etc.
5) Ai ! lou poulit aucel — que i'a dins aquel iôu ! — Lou pus
poulit aucel — de toutes lous aucels. — L'aucel à l'iôu, — l'iôu
au nis, — lou nis à la branca, — la branca à l'aubre, — l'au-
bre au jardi ... — Dessouta lou roumanis — ounte ma mia An-
neta prenié sous plesis.
L'AitrmE. — 1) Ah! le bel arbre— qu'il y a dans ce jardin ! — Le
plus bol arbre — de tous les arbres. — Sous le romarin — où nia
mie Annette allait se réjouir.
2) Ab! la belle branche — qu'il y a à cet arbre! La plus
belle branche — de toutes les branches. — La branche à l'arbre,
l'arbre au jardin. . . — Sous le romarin — où ma mie Annette allait
se réjouir.
3) Ah! le joli nid — qu'il y a à cette branche! -- Le plus joli
nid — de tous les nids. — Le nid à la branche,— la branche- à l'ar-
bre. — l'arbre au jardin. . . . — Sous, etc.
4) Ah ! le joli reuf — qu'il y a dans ce. jardin! — Le plus joli œuf
— de tous les œufs. — L'reuf au nid, — le nid à la branche, — la
branche à l'arbre, — l'arbre au jardin. — Sous, etc.
5) Ah! le joli oiseau — qu'il y a dans cet œuf! — Le plus joli
oiseau — de tous les oiseaux. — L'oiseau à l'œuf, — l'œuf au nid,
— le nid à la branche, — la branche ;'i l'arbre, — l'arbre au jardin...
— Sous le romarin — où ma mie Annette allait se réjouir.
Li's versions changent avec chaque personne, d'abord à cause du
nom de la mie, qui diffère; ensuite parce qu'on peut faire successivemri)'
l'éloge de toutes les parties de l'oiseau :
Ai! las pou! ici as pat as. . .
Ai ! lou poulit plumage . .
Ai ! la poulida testa . . .
CHANTS POPULAIRES DU LANUUIODOC
249
Ai! las poulidas alas. . .
Ai! la poultda coueta. . .
Ce qui rend le renouvellement des expressions interminable et aug-
mente d'autant les difficultés du récit que l'on doit en faire. Du reste,
ces petites compositions n'ayant d'autre but que d'exercer la langue des
enfants, il y a fort à croire que ces variantes appartiennent à la version
originale.
Une version de M. le pasteur Liebich donne ces variantes sans autres
différences.
Z±
Ah ! de - vi - oez ce qo'i1 y a de-dans ce bois ?
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tpULUtrlrUni ' ê '
11 y a on arbre, le pins beao des arbres, i'ar-bre dans le bois? L'ar-bre dans le
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22
bois, Na - net - le. Far - bre dans le bois.
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Ah!
jo - li temps
pas
se !
1) Ah ! devinez ce qu'il y a
Dedans ce bois?
Il y a un arbre,
Le plus beau des arbres.
L'arbre dans le bois (bis),
Nanette;
L'arbre dans le bois.
Ah! le joli temps passé !
2f0 DTAT.RCTES MODERNES
2) Ah ! devinez ce qu'il y a
Sur cet arbre ?
Il y a une branche.
La branche sur l'arbre,
L'arbre dans le bois (bis).
3) Ah! etc.
Il y a un nid,
Le plus beau des nids.
Le nid sur la branche,
La branche sur l'arbre,
L'arbre dans le bois (bis).
4) Ah ! etc.
Il y a un œuf, etc.
5) Ah! etc.
Il y a un oiseau, etc.
6) Ah! etc.
Il y a une plume, etc.
7) Ah ! devinez ce qu'il y a sur cette plume ?
Sur cette plume?
Il y a une fille,
La plus belle des filles.
La fille sur la plume,
La plume sur l'oiseau,
L'oiseau dans l'œuf,
L'œuf dans le nid,
Le nid sur la branche,
La branche sur l'arbre,
L'arbre dans le bois (bis),
Nanette ;
L'arbre dans le bois.
Ah! le joli temps passé !
Recueillie à Belesta (Ariége), par M. le docteur Guibaud, d'après un
paysan qui en avait fuit sa chanson favorite, et qui pour cela fut sur-
nommé la Branche.
11 ajoutait nu huitième couplet, indiquant qu'il y avait un beau garçon
avec la jeune tille, et que nous n'avons pu placer ici.
Cf. J. Bugeaud, Ch. des prov. de l'Ouest, p. 285: Nie dans la haie, que
cite aussi Coussemaker, Ch. popul. des Flamands de France, p. 336,
VArbre.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
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li pe - tit bois. Mesdames, Un jo - li pe - tit bois il y a.
1) A Paris, de ville en ville,
Devinez ce qu'il y a ?
Ilya
Un joli petit bois, Mesdames;
Un joli petit bois il y a.
2) Dedans ce très-joli bois,
Devinez ce qu'il y a ?
Ilya
Un joli petit arbre, Mesdames;
Un joli petit arbre il y a.
3) Sur ce joli petit arbre,
Devinez ce qu'il y a?
ilya
Une jolie branche, Mesdames;
Une jolie branche il y a.
1) Et sur cette jolie branche,
Devinez, etc.
Un joli petit nid, Mesdames, etc.
5) Dans ce joli petit nid,
Devinez, etc.
252 DÎALKCTI S MODERNES
Un joli petit œuf, Mesdames, etc.
6) Dans ce joli petit œuf,
Devinez, etc.
Un joli petit oiseau, Mesdames, etc.
V. de M"0 Marie Lambert, de Belesta 'Ariége).
L1V. — LOU CANT DE l'aUCELOU
1) Au bosc de l'Alzouna, i'ô un plan;
Sus aquel plan, i'ô très pibous;
Sus lou pu naut, i'ô una branca;
Sus aquela branca, i'ô cent fiolhas;
Entre las fiolhas, i'ô très flous;
Entre las flous, i'ô un nis;
Dins lou nis, i'ô un iôu; '
Dins l'iôu, i'ô un aucelou.
2) Quand latremountanabufa, l'aucelou cantae dis:
Siôi dins l'iôu,
L'iôu dins lou nis,
Nis dins las flous,
Flous entre las fiolhas,
Fiolhas sus la branca,
Branca sus lou pibou,
Pibou sus lou plan,
Lou plan dau bosc de l'Alzouna.
Le Chant de l'oiseau. — 1) Au bois de l'AIzonne il y un plan;
sur ce plan, il y a trois peupliers'; — sur le plus élevé, il y a une
branche; — sur cette branche, il y a cent feuilles; — entre les
les feuilles, il y a trois fleurs ; — entre les fleurs, il y a un nid ; —
dans ce nid, il y a un reuf ; — dans cet œuf. il y a un oiseau.
2) Lorsque le vent du nord souffle, l'oiseau chante et dit: - Je
suis dans l'œuf, — l'œuf dans le nid, — nid dans les fleurs: —
fleurs entre les feuilles, — feuilles sur la branche, — branche sur
le peuplier, — peuplier sur le plan, — le plan du bois de l'AIzonne.
V. du Pouget, canton do Gignac (Hérault).
1) — Version analogue française :
CHAISTS POPULAIRES PU LANGUEDOC 253
Dans la ville de Rome, — il y a une rue-, — dans cette rue, il y a un
coin; — dans ce coin, il y a une maison; — dans cette maison, il y a une
chambre; — dans cette chambre, il y a un lit; — à côté de ce lit, il y a
une table; — sur cette table, il y a un tapis; — sur ce tapis, il y a une
cage; — dans cette cage, il y a un nid ; — dans ce nid. il y a un œuf; —
dans cet œuf, il y a un oiseau.
L'oiseau dit: Je suis dans l'œuf,— œuf dans le nid, —nid dan? la cage,
— cage sur le tapis, — tapis sur la table. — table à côté du lit.— lit dans
la chambre. — chambre dans la maison, — maison dans le coin, —
coin dans la rue, — rue dans la ville de Rome.
LV. — LA CRAIîO
1) Iéu ai un cantou de mil, — que la crabo me manjabo.
Refbain. — Crabo à mil,
Biro, bouquil!
Crabo sort de per moun mil !
2) Lou loup bèn d'aprequi, — que bouliô manja la crabo. —
Loup à crabo,
Crabo à mil, etc.
3) Lou chi bèn d'aprequi, — que bouliô manjà lou loup. —
Chi à loup, — loup à crabo,
Crabo à mil, etc.
4) Lou poul bèn d'aprequi, — que bouliô pica lou chi. —
Poul à chi, — chi à loup, — loup à crabo,
Crabo à mil, etc.
5) Lou reinart bèn d'aprequi, — que bouliô manjà lou poul.
— Reinart à poul, — poul à chi, — chi à loup, — loup à
crabo,
Crabo à mil, etc.
6) La barro bèn d'aprequi, — que bouliô tustà '1 reinart. —
Barro à reinart, — reinart à poul, — poul à chi, — chi a loup,
— loup à crabo,
Crabo à mil, etc.
7) Lou foc bèn d'aprequi, — que bouliô brulà la barro. —
Foc à barro, — barro à reinart, — reinart à poul, — poul à
chi, — chi à loup, — loup à crabo,
Crabo à mil, etc,
?54 DlAUOCTEfe MODERNES
8) L'aigo bèn d'aprequi, — que bouliô atudà lou foc. —
Aigo à foc, ~» foc à barro, — barro à reinart, — reinart à
poul, — poul à chi, — chi à loup, — loup à crabo.
Crabo à mil, etc.
9) Lou biôu bèn d'aprequi, — que bouliô beure l'aigo. —
Biôu à aigo, — aigo à foc, — foc à barro, — barro à rei-
nart, — reinart à poul, — poul à chi, — chi à loup, — loup à
crabo,
Crabo à mil, etc.
10) La xunxo bèn d'aprequi, — que bouliô xunxà lou biôu.
— Xunxo à biôu, — biôu à aigo,— aigo à foc, — foc à barro,
barro à reinart, — reinart à poul, — poul à chi, — chi à loup,
— loup à crabo,
Crabo à mil, etc.
11) Lou rat bèn d'aprequi, — que bouliô manjà la xunxo.
— Rat à xunxo, — xunxo à biôu, — biôu à aigo, — aigo à foc,
— foc à barro, — barro à reinart, — reinart à poul, — pou',
à chi, — chi à loup, — loup à crabo,
Crabo à mil, etc.
12) Lou gat bèn d'aprequi, — que bouliô manjà lou rat. —
Gat à rat, — rat à xunxo, — xunxo à biôu, — biôu à aigo, —
aigo à foc, -- foc à barro, — barro à reinart, — reinart à
poul, — poul à chi, — chi à loup, — loup à crabo,
Crabo à mil,
Biro, bouquil!
Crabo, sort de per mour mil !
La Chèvre. — 1) J'ai un champ de maïs — que la chèvre me
mangeait.
Refrain. — La chèvre attaque le maïs.
Va-t'en, bouquin !
• 'hèvre, sors de mon champ de maïs!
2) Le loup vint de par là, — qui voulait manger la chèvre. —
Le loup attaque la chèvre, — la chèvre le maïs, etc.
3) Le chien vint de par là, — qui voulait manger le loup. — Le
chien attaque le loup, — le Loup la chèvre, etc.
4) Le poulet vint de par là, — qui voulait piquer le chien. — Le
poulet attaque le chien, — le chien le loup, etc.
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CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
5) Le renard vint de par là, — qui voulait manger le poulet. —
Le renard attaque le poulet, le poulet le chien, etc.
6) Le bâton vint de par là, — qui voulait frapper le renard . — Le
bâton attaque le renard, — le renard le poulet, etc.
7) Le feu vint de par là, — qui voulait brûler le bâton . — Le feu
attaque le bâton, — le bâton le renard, etc.
8) L'eau vint de par là, — qui voulait éteindre le feu, — L'eau
attaque le feu, — le feu le bâton, etc.
9; Le bœuf vint de par là, — qui voulait boire l'eau. — Le bœuf
attaque l'eau, — l'eau, le feu, etc.
10) Le lien vint de par là, — qui voulait lier le bœuf. — Le lien
attaque le bœuf, — le bœuf l'eau, etc.
11) Le rat vint de par là, — qui voulait manger le lien.— Le rat
attaque le lien, — le lien le bœuf, etc.
Le chat vint de par là, qui voulait manger le rat. — Le chat at-
taque le rat, — le rat le lien, — le lien le bœuf, —le bœuf l'eau.
— l'eaule feu, — le feu le bâton, —le bâton le renard, — le renard
le chien, — le chien le loup, — le loup la chèvre; — la chèvre le
maïs !
La chèvre attaque le maïs,
Va-t'en, bouquin !
Chèvre, sors de mon champ de mais !
V. de M. Philippe Miquel, directeur des écoles chrétiennes de Bé-
darieux (Hérault).
LVI. — BOUUUAIRE BOUQUIL
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leu, n'a-bio'n mil me - nut, Lou bouc me lou man-
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ja - bo leu n'a-bio'n mil me - nut, Lou bouc me lou man-
DIALECTES MODERNES
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Jûuû à ï)-iuc (il/asc.) à
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îo [Fém.)
1) Ièu, n' abiô un mil menut,
Lou bouc me lou ma'ijabo bis).
Refrain. Lou bouc à mil,
Bouquaire bouquil,
Tastaras pai pus de moun mil.
2) Apei ne bèn lou loup,
Per ne manjàlou bouc (bis).
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil, etc.
3) Apei ne bèn lou chi,
Per ne cassa lou loup(/v?> .
Lou chi à loup,
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil, etc.
I Apei ne bèn la barro,
Per ne battre lou chi (bis).
La barro à chi,
Lou chi à loup,
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil, etc.
5 Apei ne bèn lou foc,
Fer ne brulà la barro {bis).
CHANTS POPULAIRES L)U LANUUKDOC ■_>;,;
Lou foc à barro,
La barro a chi,
Lou cbi à loup,
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil, etc.
0 ) Apei ne bèn l'aigueto,
Per atuda lou foc (bis).
L'aigueto al foc,
Lou foc à la barro,
La barro à chi,
Lou chi à loup,
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil, etc.
7) Apei ne bèn lou biôu,
Per ne bèure l'aigueto (bis).
Lou biôu à l'aigueto,
L'aigueto à foc,
Lou foc à la barro,
La barro à chi,
Lou chi à loup,
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil, ci
S) Apei ne bèn lasjulhos,
Per estacà lou biôu (bis .
Las julhos à biôu
Lou biôu à l'aigueto,
L'aigueto à foc,
Lou foc à barro,
La barro à chi,
Lou chi à loup,
Lou loup à bouc,
Lou bouc à mil,
Bourpuaire, bouquil,
Tastaras pai pus de rnoun mil!
Bouquaike Bouquil. — I) J'av.iis un champ de petit millet, — lu
bouc me le mangeait (bis).
258 DIALECTES MODERNES
Le bouc attaque le millet. — Petit bouc qui donnes de la corne.
— tu ne mangeras plus fie mon millet.
2) Après vint le loup, — pour chasser le bouc. — Le loup attaque
le bouc, — le bouc le millet, etc.
3) Après vint le chien, — pour manger le loup. — Le cbien aita
que le loup, — le loup le bouc, — le bouc le millet, etc.
4) Après vint le bâton, — pour battre le chien. — Le bâton attaque
le chien, — le cbien le loup, etc.
5) Après vint le feu. — pour brûler le bâton. — Le feu attaque
je bâton, — le bâton le chien, etc.
6) Après vint l'eau, — pour éteindre le feu. — L'eau attaque le
feu,— le feu le bâton, etc.
7) Après vint le bœuf,— pour boire l'eau. — Le bœuf attaque l'eau,
— l'eau le feu, etc.
8) Après vinrent les liens, — qui voulaient lier le bœuf. — Les
liens attaquent le bœuf, — le bœuf l'eau, — l'eau le feu, — le feu le
bâton, — le bâton le cbien, — le chien le loup. — le loup le bouc, —
le bouc le millet. — Le bouc attaque le millet. — Petit bouc, qui
donnes de la corne, — tu ne mangeras plus de mon millet.
V.de M. Clair Gleizes, recueillie â Azillanet (Hérault).
LVII. — LA RABO
1) La bielho anabo al jardin per querre uno rabo. — Quan
lou biel bejet que la bielho beniô pas, anèt al jardin : bejèt la
bielho que tirabo uno rabo,
Lou biel tirabo la bielho,
La bielho tirabo la rabo,
E la rabo toujours teniô !
2) La joube anèt al jardin: —bejèt lou biel que tirabo la
bielho.
La bielho tirabo la rabo,
E la rabo toujours teniô !
3) Lou joube anèt al jardin : — bejèt la joube que tirabo
lou biel,
Lou biel que tirabo la bielho,
La bielho que tirabo la rabo,
E la rabo toujour teniô !
CHANTS POPULAIRES Ï)V LÀ.NGUEDOC ?59
4) La sirbento anèt al jardin: — bcjèt lou joube quo tirabo
la joube,
La joube que tirabo lou biel, etc.
5) Lou mestre d'afaires anèt al jardin : — bejèt la sirbento
que tirabo lou joube,
Lou joube que tirabo la joube, etc.
6) Lou bouiè anèt al jardin: — bejèt lou mestre d'afaires que
tirabo la sirbento,
La sirbento que tirabo lou joube, etc.
7) Lou carretiè anèt al jardin :— bejèt lou bouiè que tirabo
lou mestre d'afaires,
Lou mestre d'afaires que tirabo la sirbento, etc.
8) Lou pastre anèt al jardin : bejèt lou carretiè que tirabo
lou bouiè,
Lou bouiè que tirabo lou mestre d'afaires, etc.
9) Lou moutouniè anèt al jardin: — bejèt lou pastre que
tirabo lou carretiè,
Lou carretiè que tirabo lou bouiè, etc.
10) L'agneliè anèt al jardin: — bejèt lou moutouniè que ti-
rabo lou pastre,
Lou pastre que tirabo lou carretiè, etc.
11) La pourquièiro anèt al jardin: — bejèt l'agneliè que
tirabo lou moutouniè,
Lou moutouniè que tirabo lou pastre, etc.
12) Lou cô anèt al jardin : — bejèt la pourquièro que tirabo
l'agneliè,
L'agneliè que tirabo lou moutouniè, etc.
13) Lou cat anèt al jardin : — bejèt lou cô que tirabo la
pourquièro,
La pourquièro que tirabo l'agneliè, etc.
14) Lou rat anèt al jardin :
Bejèt lou cat que tirabo lou ce,
Lou cô que tirabo la pourquièro,
La pourquièiro que tirabo l'agneliè,
L'agneliè que tirabo lou moutouniè,
260 DIALECTES MODERNES
Lou moutouniè que tirabo lou pastre,
Lou pastre que tirabo lou carretiè,
Lou carretiè que tirabo lou bouiè,
Lou bouiè que tirabo lou mestre d'afaires,
Lou mestre d'afaires que tirabo la sirbento,
La sirbento que tirabo lou joube,
Lou joube que tirabo la joube,
La joube que tirabo lou bièl,
Lou bièl que tirabo la bièlho,
La bièlho que tirabo la rabo,
E la rabo que toujours teniô !
15) Lou poussèl anèt al jardin :— bejèt que la rabo toujour
teniô : — d'un cop de mourre la soulebet.— Se l'abiô pas sou-
lebado, — la rabo tendriô encaro !
La Rave. — i)La vieille allait au jardin pour arracher une rave.
— Quand le vieux vit que la vieille ne venait pas, il alla au jardin :
— il vit la vieille qui tirait une rave. — Le vieux tirait la vieille, —
la vieille tirait la rave, — et ia rave toujours tenait.
2) La belle-fiile alla au jardin : elle vit le vieux qui tirait la vieille
— la vieille qui tirait la rave. — et la rave qui toujours tenait
3) Le fils alla au jardin : il vit la belle-fille qui tirait le vieux, —
le vieux qui tirait la vieille, — la vieille qui tirait la rave, — et la
rave toujours tenait.
4) La servante alla au jardin : celle-ci vit le Gis qui tirait la belle-
fille, — la belle-fille qui tirait le vieux, etc.
5) L'homme d'affaires. . .
6) Le bouvier. . .
7) Le charretier. . .
8) Le pâtre. . .
9) Le berger des moutons .
10) Le berger des agneaux. . .
1 1) La porcheronne. . .
12) Le chien . . .
13) Le chai.. .
14) Le rat alla au jardin: — il vit le chu qui tirait le chien, — le
chien qui tirait la porcheronne, — la porcheronne qui tirait le ber-
ger des agneaux, — le berger des agneaux qui tirait le berger des
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 2ôl
moutons, - le berger des moutons, le pâtre; — le pâtre, le char-
retier;—le charretier, le bouvier; —le bouvier, L'homme d'affaires:
— l'homme d'affaires, la servante; — la servante, le fils;— le fils, la
belle-fille; —la belle-fille, le vieux; —le vieux, la vieille; —la vieille
la rave, — qui toujours tenait.
15) Le pourceau alla au jardin, il vit que la rave toujours tenait -.
— d'un coup de groin il la souleva. — S'il ne l'avait pas soulevée,—
elle tiendrait encore.
Version de Sl-Sernin (Aveyron), communiquée par ie F. Pli. Miquel.
LVI1.
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J'ai fait u - ne maîtres - se, Trois jours, n'y a pas long-
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temps. J'i - rai la voir diman - che, sans plus tar-
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12-
der. J'i - rai revoir la bel - le, Par a - mi-tié.
1) J'ai fait une maîtresse,
Trois jours, n'y a pas longtemps
J'irai la voir dimanche,
Sans plus tarder.
J'irai revoir la belle,
Par amitié ' .
1 bis
s. )
-. bis
\
1 Ce début est commun à beaucoup de chants populaires. Cf. Bnjeaurl,
Ch. pop- de l'Ouest. I, 277, 290; — de Puymaigre, Ch. du pays messin,
p. 20, 369-, — Champfleury, Ch. pop. des prov. de Fr., p. 58. 00, etc.
Dans son recueil des Chansons populaires des provinces de France,
p. 90, M. Champfleury donne une version plus compl-Mc, recueillie dans
le Bourbonnais.
*<J
262 DIALECTES MODERNES
2) Si tu me viens voir dimanche,
Sans plus tarder,
Je me mettrai rosette
Sur un rosier,
Et tu n'auras de moi
Aucun agrément.
3) Si tu te mets rosette
Sur un rosier,
Je me mettrai fleuriste,
Fleuriste jardinier:
Je cueillerai la rose,
Par amitié .
4) Si tu te mets fleuriste,
Fleuriste jardinier,
Je me mettrai bichette,
Courant dans les champs,
Et tu n'auras de moi
Aucun agrément.
5) Si tu te mets bicbette,
Courant par les cbamps,
Je me mettrai cbasseur,
Pour te chasser
Je chasserai la biche,
Par amitié.
0) Si tu te mets chasseur,
Pour me chasser,
Je me mettrai étoile
Du firmament,
Et tu n'auras de moi
Aucun agrément.
7) Si tu te mets étoile
Du firmament,
Je me mettrai nuage,
Nuage blanc:
Je couvrirai l'étoile
Du firmament.
Si tu te mets nuage,
Nuage blanc,
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 263
Je ferai la malade
Dans un lit blanc,
Et tu n'auras de moi
Aucun agrément.
\-<
9) Si tu te fais malade
Dans un lit blanc,
Je me mettrai docteur
Pour te docter:
Je docterai la belle,
Par amitié.
10) Si tu te mets docteur
Pour me docter,
Je ferai bien la morte
Pour un moment,
Et tu n'auras de moi
Aucun agrément.
11) Si tu fais bien la morte
Pour un moment,
Je me mettrai saint Pierre
Du paradis,
Et j'ouvrirai la porte
A ma bonne amie.
V. Communiquée par M. Rouis: recueillie et notée par lui, à Lodève,
(Hérault).
LIX. — janetoun, m'amiga
Adiu, Janetoun m'amiga, | mas pus cheras amours,
Béni entendre una cansouneta | que n'es fâcha per bous.
Se iéu l'entende dire j ou l'entende canti'i,
Dcdins la ribieireta, | iéu, m'anarai gità.
Se dins la ribieireta | bous, bous anàsgita, •
Iéu me mettrai pescaire, | en pesquen bous aurai.
264 DIALECTES MODERNES
Se bous mettes pescaire, | qu'en pesquen bous m'ages,
Iéu me mettrai erbeta | dins lou pradet tant grand.
Se bous mettes erbeta [ clins lou pradet tant grand,
léu me mettrai dalhaire, | en dalhen bous aurai.
Se bous mettes dalhaire, | qu'en dalhen bous m'ages,
Iéu, me mettrai sureta | dins lou couvent tant grand.
Se bous mettes sureta | dins lou couvent tant grand,
Iéu, me mettrai frereta, | en counfessen bous aurai.
Se bous mettes frereta, | qu'en counfessen m'ages,
Iéu me mettrai esteleta | dins lou ciel qu'es tant grand.
Se bous mettes esteletta | dins lou ciel qu'es tant grand,
Iéu me mettrai nibetta, | en niben bous aurai .
Version du docteur Camille Cavani, recueillie à Montferrier 'Hérault)
LX, — CATARINO
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Ca - ta-ri -no m'ai - mi - o, re- belho-te, siuplèt;
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Regardo à ta fi - nes-tro Lou mai e lou bou - quel.
1) Catarino, m'aimio, — rebelbo-te siuplèt;
Regardo à ta finestro— lou mai et lou bouquet.
2) Regardo à ta finestro — las guirlandos de flous,
Per célébra ta festo, — que planto l'amourous.
3) Per célébra ta festo, — mas prumièros amours,
Te jougarei d'aubados, — d'aubados de tambours.
I MYnchaute pla d'aubados, — n'es pas <;o que me cal
Ço que sustout me presso, — es de me maridà.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 265
5) Ço que sustout me presso— es de me maridà,
Car, s'aco duro gaire, — iéu m'anirei negà.
6) S'aco te duro gaire, — que te borgues negà,
Iéu me farei nadaire — et t'anirei pescà.
7) Se tu te fas nadaire — per me veni pescà,
Iéu me farei andialo, — te glissarei en ma.
8) Se tu te fas andialo — per me glissa à la ma,
Me farei la floureto —que brilho dins lou prat.
9] Se tu te fas floureto — que brilho dins lou prat,
Me farei margarideto — per estre àtoun coustat.
10) Se te fas margarideto — per estre à moun coustat,
Iéu me farei rousèlo — que mirgalho lou prat.
1 1 ) Se tu te fas rousèlo — per mirgalhà lou prat,
Iéu me farei segaire, — te prendrai am'el blat.
12) Se tu te fas segaire, — per me prene anfel blat.
Iéu me farei la bicho — que sauto su'l serrât.
13 Se tu te fas la bicho— que sauto su'l serrât,
Iéu me farei cassaire, — faurei am'un fialat.
1 1) Se tu te fas cassaire — per me prene au fialat,
Iéu me farei la luno— que brilho al cèl ta grand.
15) Se tu te fas la luno — que brilho al cèl ta grand.
Iéu me farei nuage, — t'anirei al dabant.
10) Se tu te fas nuage — per m'anà al dabant,
Iéu me farei Festèlo — que brilho al cèl ta grand.
17) Se tu te fas Festèlo — que brilho al cèl ta grand,
Iéu me farei Taubeto, — t'aurei en me lebant.
18) Se tu te fas Taubeto — per m'abe'n te lebant,
Iéu me farei moungeto — dins un coubant.
19) Se tu te fas moungeto — dins un coubant,
Iéu me farei lou prestre, — t'aurei en counfessan.
20) Se tu te fas lou prestre, — per m'abe'n counfessan,
Iéu farei de lamorto, — las surs me plouraran.
21) Se tu fas de la morto, — las surs te plouraran:
Me farei terro santo, — de iéu te coubriran.
206 DIALKCTES MODERMES
22) Se te fas terro santo, — de que me coubriran,
Tant bol dounc que tu m'ages, — coum'un autre galant.
23) Tant bol dounc que tu m'ages — coum'un autre galant,
Béni dounc que t'embrasse, — sarro-me tendrement.
Catherine. — 1) Catherine, ma mie, réveille-toi, s'il vous plait ;
— regarde à ta fenêtre — le mai et le bouquet.
2) Regarde à ta fenêtre— les guirlandes de fleurs, — pour célébrer
ta fête, — que plante l'amoureux.
3) Pour célébrer ta fête, — mes premières amours, — je te jouerai
des aubades, — des aubades de tambours.
4) Je me soucie peu d'aubades, — ce n'est pas ce qu'il me faut:
— ce qui surtout me presse, —c'est de me marier.
5) Ce qui surtout me presse, — c'est de me marier; — car, si ceci
dure un peu,— je m'en irai noyer.
6) Si ceci dure un peu, — que tu ailles te noyer, — je me ferai na-
geur — pour te pêcher.
7) Si tu te fais nageur — pour me pêcher, — je me ferai anguille,
;e te glisserai dans les mains.
8) Si tu te fais anguille — pour me glisser dans les mains, — je
m ferai la fleurette — qui brille dans le pré.
9) Si tu te fais la fleurette — qui brille dans le pré, — je me ferai
la marguerite — pour être à ton côté.
10) Si tu te fais la marguerite — pour être à mon côté, — je me
ferai le coquelicot — qui diapré les blés.
11) Si tu te fais coquelicot — qui diapré les blés. — je me ferai
moissonneur, — je te prendrai avec le blé.
12) Si tu te fais moissonneur — pour me prendre avec le blé, —
je me ferai la biche— qui saute par la montagne.
13) Si tu te fais la biche — qui saute par la montagne, — je me
ferai le cbasseur,— je t'aurai au filet.
14) Si tu te fais chasseur, — pour m'avoir au tilet, — je me ferai
la lune — qui brille au ciel si grand
15) Si tu te fais la lune — qui brille au ciel si grand, — je me
me ferai nuage, — je m'en irai au-devant de toi
16) Si tu te fais nuage — pour venir au-devant de moi, — je me
ferai l'étoile — qui brille au ciel si grand.
17) Si tu te fais l'étoile — qui brille au ciel si grand, — je me ferai
l'aube, -je t'aurai en me levant.
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 267
18) Si tu te fais l'aube — pour m'avoir en te levant, — je me ferai
nonne — dans un couvent.
19) Si tu te fais nonne— dans un couvent, — je me ferai le prêtre
— je t'aurai en confessant.
20) Si tu te fais le prêtre — pour m'avoir en confessant, — je
ferai la morte,— les sœurs me pleureront.
21) Si tu fais la morte — que les sœurs pleureront, — je me
ferai terre sainte, — de moi on te couvrira.
22) Si tu te fais terre sainte — qui me couvrirait, — il vaut
mieux que tu me possèdes — qu'un autre galant.
23) Il vaut mieux que tu me possèdes — qu'un autre galant :
— viens donc que je t'embrasse, — serre-moi tendrement.
Version du Narbonnais, communiquée par M. le docteur Guibaud.
Dans une seconde version, envoyée parle même et venant de la même
contrée, nous trouvons, indépendamment de quelques variantes de mots
plusieurs couplets non indiqués ci-dessus.
Au couplet 14e, la jeune fille répond:
14 bis. léu me farei la roso — del jardi de papa.
Puis le dialogue continue :
14) Se tu te fas la roso — del jardin de papa,
léu me farei l'aigueto — per te plà arrousà.
14) Se tu te fas l'aigueto— per me plà arrousà,
léu me farei l'abelho — per te poude baisa.
14) Se tu te fas l'abelho— per me poude baisà,
léu me farei la luno— que brilbo al cel ta grand.
Le reste comme ci-dessus.
[A suivre) A. Montel et L. Lambert.
r-, 'B^-flfr -^.'■V-
>IAXE
3ô8 blATECTKS MODERNES
UNE CHANSON LATINE
Les idées latines, qui, en Catalogne d'abord, dans le Lan-
guedoc et la Provence ensuite, se sont affirmées et s'affirment
tous les jours davantage, n'ont pas eu, depuis tout à l'heure
quinze ans, de défenseur plus autorisé, plus passionnément
convaincu, que M. de Quintanay Combis. Poëte catalan, deux
fois député aux Cortès, délégué à l'Exposition universelle de
Vienne en 1873, délégué encore à l'Exposition qui s'ouvrira
à Paris le 1er mai prochain, M. de Quintana a partout affirmé
la grande pensée de fraternité romane qui, dès 1843, trouvait
à Montpellier, dans le docteur Lallemând, un théoricien sys-
tématique et déclaré. On la voyait poindre en lui, à Saint-
Rémy, au mois de septembre 1808, lors de la fête qui, pour
la première fois depuis cinq siècles, réunissait ensemble les
poètes catalans et les poètes provençaux. Le lendemain de
la fête, au-dessous des Antiques ! de Saint-Rémy, en pré-
sence d'un auditoire de quatre ou cinq mille âmes, écou-
tant religieusement, en plein soleil, les chants de ses félibres,
elle courait, pour ainsi dire latente, sous les vers de son
admirable sonnet à l'union de la Catalogne et de la Pro-
vence. Cette pensée s'accusait plus nettement à Avignon en
1874, au moment où l'on célébrait le sixième centenaire de la
mort de Pétrarque. Après que M. Conti eut rappelé, au nom
de l'Italie, qu'il fut un temps où l'on voyait, sans envie aucune,
les grandeurs de la chrétienté mises en commun, les docteurs
de la Sorbonne occuper des chaires à Pise, à Naples et à Bo-
logne, les lettrés italiens visiter la Provence et s'y fixer, M. de
Quintana prenait la parole et, faisant appel à l'union des peu-
ples qui bordent la Méditerranée, s'écriait que, si jamais les
vents froids du Nord revenaient glacer le foyer d'une nation
latine ou dessécher l'herbe qui croît sur les tombes de ses
1 C'est ainsi (ju'oa nomme on Provence les ruines de deux monuments
romains situes au pied des Alpines.
UNE CHANSON LATINE 269
aïeux, ils reculeraient effrayés devant l'éclat de la race réu-
nie 4 .
La même préoccupation lui suggérait, eu 1<S75, le don d'une
coupe en argent à décerner au meilleur Chant du Latin, écrit
soit en français, soit en italien, soit en roumain, en portugais,
en espagnol ou en catalan.
Elle devait lui inspirer enfin, quelques mois après, la Cançô
llatina qui suit, et que la Revue des langues romanes a l'heu-
reuse fortune de publier aujourd'hui. Cette pièce fut lue à Avi-
gnon le 21 mai 1876, lors de la première assemblée générale du
Félibrige. Au mois d'août de la même année, elle le fut à Va-
lence (Espagne), pendant les fêtes du Centenaire deJacmele
Conquérant, alors que, sur la proposition de M. de Quintana
lui-même, les poètes catalans, espagnols et languedociens,
protestaient contre les massacres de Bulgarie par une adresse
collective aux Serbes et aux Roumains de la Roumanie et de
la Macédoine.
Le titre de cette pièce montre que M. de Quintana n'a pas
eu l'idée de composer une Cançô del Llati proprement dite ;
mais si, pour emprunter les termes du programme du concours
de la Société en 1878, il faut considérer le thème proposé par
l'auteur du Dies irai de Montgri comme une sorte de chant de
race, pouvant, au moyen de traductions sur le même rhythme,
devenir commun à tous les peuples qui parlent un idiome
dérivé de l'ancienne langue de Rome, il est permis d'affirmer
que la Cançù llatina est digne de ce titre, aussi bien par l'élé-
vation de la poésie que par la manière concise et magistrale
avec laquelle les idées qui en forment le fonds ont été déve-
loppées.
Alph. Roque-Ferrier.
1 Nous avons déjà parlé de ce discours dans une étude sur Vider latine
lieniie. février-avril 1876).
CANCO LLATINA
Alçom, alçcm la cântiga — de Fenvejada raça !
Que la canço llatina — rodoli per l'espay.
Arreu sonarâ armônica, — oh ! fills de rnare santa ! . . . .
caliu de flama antiga — dels cors serva la llar.
Venim d'aquellas âligas, — las âligas romanas,
que j'aire no ténia — lo mon pel' sèu volar ;
la pois de las centûrias — remembra nostra planta,
petjant la terra altiva — d'un cap à l'altre cap.
Naturalesa espléndida — ns' breça l'arca santa,
d'onadas d'armonia — umplim nostre cel blau.
Del mon som cor y anima ! — Si'l cor minva y s'acaba,
per mala sort, la vida, — l'anima es immortal !
Si crema '1 sol de pâtria — la bârbara petjada,
com diu la Gesta antiga, — la raça s'alçarâ ;
CHANSON LATINE
Arborons l'hymne de la race à qui l'on porte envie! — Que le
chant latin roule clans l'espace !
Partout il résonnera harmonieux, oh! fils d'une mère sainte! —
le foyer de nos cœurs garde la braise de l'antique flamme.
Nous sommes de la race de ces aigles, les aigles romaines, —
pour le vol desquelles le monde n'avait pas assez d'espace;
La poussière des. siècles se souvient du poids de nos pieds, —
foulant avec orgueil la terre d'un bout à l'autre bout.
La nature splendide nous berce dans l'arche sainte ; — de flots
d'harmonie nous remplissons la voûte de notre ciel bleu.
Du monde nous sommes le cœur et l'âme ! — Si le cœur faiblit et
si la vie, par malheur, s'achève, l'âme est immortelle !
Si le pied du barbare bride le sol de la patrie, — comme dit l'an-
tique Geste, la race se lèvera,
CA.\ÇO LLATINA 271
y entre huracans de râbia — la terra enarbolada,
la fam dels corps, d'Atila — las oarns apagaran.
Vensuts !... un jorn lasàligas — caigueren abrassadas
à la potent calciga — quel Nort nos vomità ;
alçaren mes herôicas — y, al crit de la venjança,
posaren llavô antiga — del bârbaro en lo cap .
La llum de la conciéncia — dins ranima li inflaman ;
del art la estrella amiga — li posan al devant ;
lamajestat armônica — del dret arreu li cncarnan,
y dins del cor li nia — la santa llibertat.
La creu du la victôria!... - Per nostre sanch regada,
de Cristo la doctrina — dels homes feu germans ;
del geni à la llum mâgica — nous pobles s'aixecaban,
la Uey donaba vida — â un mon de ciutadans.
May âlas vellas âligas — desniaran las d'ara,
a la bullenta tina — jamay s'hi abeuraran :
Et, au milieu d'ouragans de rage dévastant la terre,— les chairs
d'Attila apaiseront la faim des corbeaux.
Vaincues !... un jour les aigles tombèrent, embrassant — le fléau
terrible que le Nord avait vomi sur nous ;
Elles se relevèrent plus héroïques, et, au cri de la vengeance, —
elles jetèrent l'antique semence dans la tète du barbare.
Elles allumèrent dans son âme le flambeau delà conscience; —
mirent devant lui, de l'art, l'étoile amie;
Firent pénétrer dans sa chair la majesté harmonieuse du droit, —
et éveillèrent la sainte liberté dans son cœur.
La croix donne la victoire : arrosée de notre sang, — la doctrine
du Christ des hommes fail dos frères ;
A la lumière magique du génie, dft nouveaux peuples surgissent,
— la loi donnait la vie à un monde de citoyens.
Jamais les aigles d'aujourd'hui ne chasseront de leur nid les
vieilles aigles; — aux cuves bouillantes du vin elles ne s'abreuve-
ront jamais ;
872 DIALECTES MODERNES
la fret de boiras pâlidas — ia llum del sol no glassa,
la raca encara nia — adins del vell casai.
Desperta, alenta, oh pâtria, — en la grandor passada ! ..
ijue la cançô Uatina — rodoli pels' espays.
Del mon som cor y anima!... — Si '1 cor minva y s'aeaba,
per mala sort, la vida, — ranima es immortal !
A. DE QUINTANA Y CoMBIS.
Avinyu, 21 maig 1876, diada de santa Estrella.
Le froid des pâles brouillards ne glace pas la lumière du soleil... —
La race niche encore sous son vieux toit.
Réveille-toi, prends courage, ô patrie! au souvenir de ta gran-
deur passée ! — Que la chanson la Une vole dans l'espace.
Du monde nous sommes le cœur et Pâme ! — Si le cœur faiblit et
si la vie, par malheur, s'achève, l'âme est immortelle !
A. DE QuiNTAMA Y CoMBIS .
Avignon, 21 mai 1876, jour de Sainte Estelle.
LA V1LO D'AIGO-MORTO
REFOULÈRl
D'Aigo-morto
Lis aigo soulitàri soun morto !. . .
Eici la luno, eila l'oumbrun
(Tesvalisses, sant alcaèrun ?)
A l'entour de l'antico Aigo-morto,
LA VILLE D'AIGUËS -MORTES
fantaisie;
I
D'Aiguesmortes,— les eaux solitaires sont mortes!... — Ici la
lune, là l'ombre — [Est-a qut tu t'évanouis, saint crépuscule?) — A
l'entour de l'antique Aiguesmortes , — de ses nierions dorés,
LA. VILO D AlGO-MOfcTO ->;3
De si merlet aurin, de si porto,
MTespacege dins li palun :
De lénis alenado alenavon;
Ti ventoulet, Venus, boufavon
Douçamen di vàsti palun.
Si muraio,
Que se trufon de tôuti li daio,
Quatre, carradoi quatre vent
(0 poumpous espargne dôu Tèms !)
Sèmpre soun de valènti muraio,
Se véuso de ribambello gaio ;
E si porto, qu'au vai-e-vèn,
S'espandissien, di rougi Crousado,
Badaion au-jour-duei is arrnado
Di pouëtiqui pensamen !
Sus la lono,
Coume dins un mirau bello dono,
La luno escampo si dardai
{S'envola la beuta jeûnai ! .
E sounjarello, argentino, bono,
Sourris d'amount coume la Madono !
Forto, pièi forto mai-que-mai,
Boumbounejon dedins mis auribo,
de ses portes, — je me promène dans les marais; — de suaves-
petites brises s'élevaient; — tes zéphyrs, ô Vénus, soufflaient
doucement des vastes marais.
Ses murailles, — qui se moquent de toutes les faulx (o pom-
peuse indulgence du Temps!), — quatre, carrées aux quatre vent-.
— sont toujours des murailles vaillantes , — bien que veuves de
foules joyeuses, — et ses portes qui, au va-et-vient — des routes
croisades se déployaient, — s'ouvrent béantes aujourd'hui aux ar-
mées— des pensers poétiques.
Sur la lagune, — comme dans un miroir une belle dame — (la
beauté ne s 'envole jamais l), — la lune jette ses flèches, — et, son-
geuse, argentée, bonne. — elle sourit d'en haut comme la Ma-
274 DIALECTES MODEREES
Ti meravihôusi sinfounio,
Toun vaste councert, niue de Mai !
Di machoto,
Restountis (noun l'entendes ?) la noto,
E di rano l'arnourous cor
(Me plais aguéu bel estrambord !),
Qu'en palun, liuen d'èstre paloto,
Enauron is estello si noto,
Car l'Amour lis a mes d'acord,
Fasènt di granouio de cantaire,
E même dôu grouiin de troubaire
Que largon la gau de si cor.
De cantaire?
Aquésti soun bessai de troubaire
Arriba d'amount o d'avau
(De fe* lou fantasti menchau !).
De segur d'armeto de troubaire
Soun aquésti que ramplisson l'aire
D'uno talo aurasso de gau;
Fasènt clanti, boumbissènt, arrage,
Sus la vilo dôu fier Mejan Age,
Sis ancian refrin majourau !
done ! — Dans mes oreilles tintent — tes symphonies merveilleuses,
— ton vaste concert, nuit de Mai !
Des chouettes — résonne (ne l'entends-tu pas?) la note, — ainsi
que le chœur amoureux des grenouilles — (cette belle extase me ré-
jouit!),— qui, dans les marais, loin d'être oisives, — élèvent leurs
notes aux étoiles, — car l'Amour les a mises en accord, — faisant
des grenouilles des chanteurs, — et même de la gent grouillante des
troubadours, — qui épanchent la joie de leur cœur.
Des chanteurs? — celles-ci sont peut-être des troubadours, —
arrives d'en liani ou d'en lias — (parfois le fantastique me plaît). —
Assurément, îles âmes de troubadour — sont celles-ci qui rem-
plissent l'air — d'une telle tempête d'allégresse; — faisant cliquetis,
sonnant, çà et la, — sur la ville du lier Moyen Age, — leurs vieux
refrains de maître.
LA VILO d'aIGO-MORTO 275
Renadivo,
Aquesto cantadisso qu'abrivo,
Es ta claro voues, Ventadour !
{Inmenso es la prèisso d'Amour !)
0 Rimbaud ! 0 Coumtesso mai vivo !
Es ta flamo que se recalivo
E qu'esclato coume uno fiour. . .
T'entende dounc ?« Evesque di Diable ! »
Qu'as à faire, tu, a l'Abouminable »
Sant sacamand ! emé l'Amour ?
Il
Fin qu'i barri,
Blanc à la luno coume un susàri,
S'estalouiro un grès verdau
( Lis estello trepon adaut!)
D'ounte, grand goutique reliquàri !
S'aubouro l'auto vilo e si barri. . .
Nouvellement née, — cette chanson qui s'élance — est ta voix
limpide, Ventadour! — {Immense est le besoin d'aimer!) —0 Raini-
baut1 ! ô Comtesse2 revivifiée! — c'est la flamme qui s'allume de
nouveau — et qui éclate comme une fleur. — Est-ce que je t'entends
encore une fois? « Évêque des Diables3 ! >; — Qu'as-tu à faire, toi,
«l'Abominable» , — saint brigand! avec l'Amour?
II
Jusqu'aux remparts, — blancs à la lune comme un suaire, —
s'étale nonchalamment une lande verdàtre — ( les étoiles dansent en
haut!); — d'où, grand reliquaire gothique, — s'élèvent la noble ville
et ses remparts. . . . — En vieux manuscrit ou missel, — où l'or et
* Rambaud d'Orange. — 2 La Comtesse de Dfe. — 3 Folquet de Mar-
seille. Voir Puylaurens, Chron., ch. xxxvu, A: — « Erantque in exer-
citu dominus arcbiepiscopus Narbouee et episcopus Tolosanus quem
quadam die transeuntem cum pluribus circa villam, il 1 i de intus
mantes diabolum episcopum infideliter vocitabant ; et qui cum eo erant :
Auditis, inquiunt. quod vos appellant diabolorum episcopum ? (Jtique,
î^espon lit ipse, et verum dicunt », etc.
276 DIALKCTES MODEKNLIS
En vièi manuscri vo missau,
Ounto l'or e km blasoun esbriho,
Se desvèlon de tàli tourriho,
E li mémi jauni pourtau.
Sus lis alo
De l'ardènto Muso prouvençalo
Au temps roumantique pourta
(Lou i resenl devèn fou passa /),
Vès ! de scètre, de tèsto reialo !
Vès ! de mitro, de raubo pourpalo !
Deman, lou sant Rèi vougara !
Aigo-morto es un trelus devido, —
De segnour, de princesso, clafido,
De clerc, d'estendard, de Crousa !
« An ! arrasso !
» Vole vèire lou sant Rèi que passo ! »
« Que Rèi ? » — « Louis IX ! » — « Bedigas !
( La flamo es esclavo dôu glas ?)
» Louis IX es toujour à sa plaça,
« Enarquiha au mitan de la plaça ! »
« — Que ? hôu ! un vèire d'ipoucras ! »
c< — Qu'es acb ? — Tel de bocf de champaguo !
e blason brillent, — se révèlent de telles tourelles et les mêmes
portes jaunes.
Sur les ailes — de l'ardente muse provençale, — au temps roman -
tique porté — {le présent devient le passé !) — voyez !• des sceptres,
des tètes royales ! — Voyez ! des mitres, des robes de pourpre !... —
Demain le saint Roi fera voile ! — Aiguesmortes est un éblouis-
sement île vie, — débordant de seigneurs, de princesses, — do
clercs, de bannières, de Croisés I
Allons ! En avant. — « je veux voir le saint Roi qui passe. » —
» Quel Roi? » — « Louis IX! » « Innocent! — {la flamme est
esclave de la glace ! ) — « Louis IX est toujours à sa place, — 'perché
là-bas au milieu de la place l ! ... » — « Quoi? holà ! un verre d'hy-
pocras!.. . » — •> Qu'est-ce </ue cela? Tiens! des bock*! du Champagne!
1 Une statue en bronze de saint Louis se voit sur la grande place
d'Aiguesmorl -
la vilo d'aigo-morto 217
» De castèu-nôu! de rancio d'Espagnol »
— « Teisas-vous : vole d'ipoucras ! »
Que belôri !
La Crousado erestiano, qu'es flori ! —
Fai li bano i fier Sarrasin
( Lis erso fouguejon d'à Un !)
E chourlo l'avans-goust di vitôri !
« Digo, quouro partèn pèr la glôri ? » —
— «A dos ouro e cinq part lou trin!
» Li Felibre s'acampon en Arle ! »
« Sarnibiéu ! di Felibre noun parle,
» Mai di mescresènt Maugrabin ! »
MANDADIS
A E. Roussel, de Nîmes
Refoulèri !
Vai-t'en enié toun tarrabastèri
A moun bon Roussel eilalin
( Vivo longo-mai Us Arquinf),
E, lou nas en Ter, coume un arlèri,
Digo dounc au journaliste lèri
— du Chûteauneuf! du « vin rancio » d'Espagne! — « Taisez-vous:
je veux de l'hypocras ! »
Quelles splendeurs! — La Croisade chrétienne, comme elle se
réjouit ! — Elle fait les cornes aux tiers Sarrasins — {de loin les
vagues étincellent) — et hume l'avant-goût des victoires !. . . — « Dis,
quand partons-nous pour la gloire'.' » — « A deux heures et cinq part
le train ! — Les Félibres s'assemblent à Aides ! » — « Jarnibleu ! je ne
parle pas des Félibres, mais des Maures sans croyance ! »
ENVOI
A E. Roussel, de Nîmes
•Fantaisie! — va-t'en avec ton tapage — à mon bon Roussel au
loin — (Vivent toujours les Arquins!), — vl, le nez en l'air, comme un
éventé, — dis donc au brillant journaliste — que tu te feras cama-
21
21% DIALECTES MODEREES
Que faras paréu 'mé lou Chili}
Qu'ai canta ( pauro bestiolo morto ! )
Quand ma gau cigalelo èro t'orto,
E mi mirau toujour en trin.
Gruihèn-G. Bona parte- Wyse.
Aigo-morto, 1876, au mes de mai.
< Provençal, Avignon et 'es bords du Rhône ).
rade du Chien — que j'ai chanté ( pauvre pptite bête trépassée ! ),
— quand ma joie de cigale était forte — et mes miroirs toujours en
train.
Guillaume-C. Bonaparte- Wyse.
Aiguesmortes, 1876, mois de mai.
ESPERANSA
Dins lo jardi hon roses jo cullia
S'en entra un vell mes nègre que'l pecat;
Ab mans de fer mon tendre bras agafa
Y lluny y lluny m'en porta arrossegant.
Correns, correns, passant ermots y selves,
Forem à un soc de punxes y roeam ;
Alli lo vell cansat â terra 's llansa
Y soptament m'asseu â son costat.
ESPÉRANCE
Dans lé jardin où je cueillais des roses, — il entre un vieux plus
noir que le péché; — avec des mains de fer il saisit mon tendre
bras, — et loin et [bien] loin, il m'emporte, me traînant.
Courant, courant, passant par des lieux. incultes et des forêts,
— nous arrivâmes à une fosse [remplie] d'épines et de rochers. —
Là, le vieillard fatigué se jette à terre — et brusquement m'assied
à son côté .
1 Voir Parpaioun blu, p. 93.
ESPERA NSA 2:9
AI» gran esfors, com dures estenalles,
Ses mans de fer estrenyen lo meu bras;
Mes fonda son sos aspres dits afluixa,
Y jo m'en fuig, al bon Jésus clamant.
Correns, correns, passant ërmots y selves,
Me trop a un pla y a dormideta caig;
Alli 'm despert y veig, al trench do l'alba,
Prats tôt florits, arbredes y casais.
Prou os conech, enrejolades ères
Y porxe fresch hon juguen los infants. . .
Ay trista, no! la terra de mon pare,
La que jo cerch, aquesta no ho es pas.
Veig altres llochs ab belles pagesies;
No son aquells que desitjava tant;
Mes fent cami, m1 ho diu al cor la Verge,
0 pare meu ! jo trovaré ton mas.
MlLA Y FONTANALS.
(Catalan littéraire)
Avec de grands efforts, comme de dures tenailles, — ses mains
de fer étreignent mon bras; — mais un profond sommeil amollit
ses doigts [si] âpres, — et je m'enfuis, invoquant le bon Jésus.
Courant, courant, passant par des lieux incultes et des forêts,
— je me trouve dans une plaine et je tombe endormie. — Là, je
m'éveille et je vois, à la pointe de l'aube, — des prés fleuris, des
futaies, des métairies.
Je vous connais bien, aires carrelées — et porche frais où jouent
les enfants.. . — Ah! malheureuse, non, la terre de mon pire. —
elle que je cherche, ce n'est pas celle-ci!
Je vois d'autres lieux avec de belles granges ; — ils n'y sont pas
ceux qae je désirais tant; — mais, en faisant chemin, laVierge me
le dit au cœur, — ô mon père ! je trouverai ta Tenue!
.M II. A Y FONTANALS.
LA SOULITUDO
(loquitur)
(( Ere soulo emé Dieu quand lou Tèms se moustravo,
E dôu sen eternau la première- aubo blavo,
Courae d'un nègre som, se destrassounè lèu :
S'acroucavon au sôu li rancaredo inmènso,
E TOucean abrama s'alargavo en neissènço,
Bêlant e barbelant la glôri dôu soulèu :
E de grand gaudre d'or de la font abrasado.
Inoundavon subran la terro esbarlugado.
» Iéu, demore au désert, d'ount lou Coumbour s'envai,
Ount la gazello lisco à moun sen sènso esfrai
Douoamenet s'amato e chaumo benurouso.
Lis estello de Dieu me calignon souvent,
E davalon dôu cèu emé d'iue trelusènt,
Pèr me dire li mot dis angello courouso.
LA SOLITUDE
(loquitur)
«J'étais seule avec Dieu quand le temps se manifestait, — et du
sein éternel la première aube blafarde, — comme d'un sommeil noir,
s'éveilla en sursaut; — les immenses chaînes de rochers s'accro-
chaient au sol, — et l'Océan, passionné, se précipitait en nais-
sance, — regardant et convoitant la gloire du soleil; — et de
grands torrents de lumière de la source de feu — inondaient sou-
dain la terre éblouie.
•> Moi, je demeure au désert, d'où le Souci s'éloigne, — où la ga-
zelle lisse, sur mon s^in, sans peur, — se blottit tout doucement et se
repose bienheureuse. — Les étoiles de Dieu me courtisent sou-
vent— et descendent du ciel avec des yeux de flamme, — pour
me dire les mots des angèles resplendissantes. — Solitaire, assise,
LA S0UL1TUD0 281
Souleto, d'assetoun, trene mi peu negras
Emé li gènti flour que perfumon l'ermas.
» Me plais d'escarlimpa la niountagno ôudourouso,
De cauca fieramen si cimo parpelouso,
Lou soulèu dins mis iue, lis eigloun à ma mari;
D'espincha terro e mar pèr un trau dins ii nivo ;
De segui, de si font, li sorgo renadivo,
S'alargant, bramarello, au trelus trestoumbant. . . .
— S'estalouiro eilavau la planuro pourpalo !
Vaqui ! dins la liunchour, de grandi capitalo !
» Qu'âme ta voues, o mar ! Quand ourlon li ventas,
Dins ta gau soubeirano ausses ti milo bras,
Pèr lucha fouligaudo emé l'aurasso ourriblo,
E, quand sautejes blanco i bais dôu caraven,
Rises, en te trouvant dins de tau sarramen ;
Mai te cabusses, brôu ! de sis arpo terriblo ;
E brafant, an pèr an, li gazan di nacioun,
Toun tron li tintourlejo en un brès sènso founs.
» Ount trèvo tristamen ma sourrastro la Rouino,
je tresse mes noirs cheveux — avec les fleurs gentilles qui parfu-
ment la lande.
» Il me plaît d'escalader la montagne aromatique, — de fouler
avec Gerté ses cimes escarpées, — le soleil dans les yeux, les aiglons
à ma main ; — cl épier terre et mer par un trou clans les nuages ,- —
de suivre, de leurs sources, les rivières naissantes, — se précipi-
tant avec fracas et tombant en cascades illuminées .. — La plaine
empourprée se repose nonchalamment dans le lointain. — Voilà!
à l'horizon, de grandes métropoles !
» Que j'aime ta voix, ù mer ! Quand les tempêtes hurlent, —
tu élèves tes mille bras, dans ton allégresse souveraine, — pour
lutter, folâtre, avec l'ouragan horrible; — et, quand tu sautes, Man-
che, aux baisers des falaises, — tu ris en rencontrant de semblables
embrassements : — mais tout à coup tu t'échappes de ses étreintes
terribles,— et, dévorant année par année, les trésors des nations,
— ton tonnerre les balance en un berceau insondable.
» Où; hante, dans sa tristesse, ma cruelle sœur, la Ruine, — ma
?82 DIALECTES MODERNES
A soun coustat tambèn ma caro se devino ;
Amudido, me couche i souloumbrous abord
Di castèu desbaussa, di capello pourrido,
. D'ounte cansoun e gau soun long-tèms esvalido;
Mai moun sèti requist es encô de la Mort !
Dins la sournuro eila s'acampon li coumpaire.
Car li soûl counvida soun li verme manjaire.
» Me pause bèn souvent dins Foustau dôu Segnour,
Carga de si trebau ount Tome de doulour
Descato à FEternau li ragas de sa lagno ;
E, quand lou blound calèu pendent davans Fautar
Fai fougueja li plour que toumbon sus li bard,
Coume s'èron au rai de perleto d'eigagno,
Ai guincha, m'es avis, un anjoun pensatiéu,
Vengu pèr apourta li beloio au Bon Dieu.
» Quand li pople à veni soun malaut de desaire,
E, pica per la fam, 'me li mamèu di maire,
D'enfantoun palinèu jogon sôuvajamen :
Quand li colo dôu cèu soun subran estrassado,
E que Fange, sourtent de si tripo ferrado,
figure se voit aussi à sou côté ; — silencieuse, je me couche aux
environs lugubres dos châteaux écroulés, des chapelles délabrées,
— d'où, depuis longtemps, la chanson et la joie ont disparu ; —
mais mon séjour choisi est avec la mort. — Dans les ténèbres, là-
bas, s'assomblent les compères. — caries seuls invités sont les
vers gloutons.
» Je m'abats bien souvent dans la maison du Seigneur, — où,
chargé de ses peines, l'homme de douleur — dévoile à l'Éternelles
abîmes de sa mélancolie; — et quand la blonde lampe qui pend de-
vant l'autel — fait étineeler les larmes qui tombent sur les dalles,
-- comme si elles étaient aux rayons des perlettos de rosée, — j'ai
épié, ce me semble, un petit ange pensif, — arrivé pour emporter
ces joyaux au lion Dieu.
» Quand les peuples de l'avenir sont malades de mélancolie, — et,
frappés par la faim, avec les mamelles des mères, — des nour-
ri-sons blêmes jouent d'un air effaré; — quand les collines du ciel
ion! a coups'entr'ouvrent béantes,— et que l'ange, se précipitant hors
de leurs entrailles de fer, — aura mis en fuite le Temps, comme une
LUCHO 1) ESTELLÔ 863
Coume uno auro lou ium, aura 'scam'pa lou Tèms,
Ma demoro sara lou Gourg negras, alabre,
Ounte vai jaire en pas, Univers, toun cadabre. »
Guihèn-C. Bonapakte-Wyse.
brise la fumée, — ma demeure sera le gouffre noir, grand.-- où va
enfin se coucher en paix, Univers, ton cadavre.
Guillaume-C. Bonaparte- Wyse.
LUCHO D'ESTELLO
A LA FBLIBRESSO d'aREUO, LEOUJSTINO GOIRAIsD
Tant que lusiras e tant que viéurai,
Bel aslre d'argent, iéu t'amirarai. .
Leountino Goirand
Galant roudelet de bloundo e de bruno,
D'esclùssi de luno
N'avès vist souvent ;
Mai d'aguedre vist d'esclùssi d'estello,
Bèn segur, li bello,
Noun vous n'ensouvèn.
LUTTE D'ETOILES
A LA FÉLIBRESSE d" ARÈNE, LEONT1NE GOIRAND
Tant que tu luiras et tant que je vivrai,
bul astre argenté, moi, je t'a imirtrui.
Léonfciue Goirand.
Chaimant petit cercle de brunes et do blondes, — des éclipse
lune, — vous en avez vu souvent ; — niais d'avoir vu di
d'étoiles, — bien sûr, les belles, — il ne vous en souvient point.
èSi DIA.LECTES MODERNES
Eh bèn ! se voulès, aniue, vous espère :
Au cresten di serre
Escalen ensèn,
E veirés veni dins lou prat céleste,
A se batre preste,
Dous astre lusènt .
Espinchas aquéu, coume fai sa routo
Dins l'inmènso vouto,
Sèmpre sourrisènt;
Espandis amount sa douço lumiero
E trais sus la terro
Si belu d'argent.
Es lou bèu preniié, quand lou jour trecolo,
A lampa di colo
Vers lou fiermamen;
Pièi, au gai simbèu de sa ranipelado,
La piano estelado
Pren fio doucamen.
L'autre, es déjà tard quand s'escarrabiho.
Vès, se dereviho :
Fa proun tèms que dor !
Camino, escampant, arderous e rouge,
De soun front aurouge
De belugo d'or.
lr-'
Eh bien! si vous voulez, ce soir, je vous attends : — au sommet
des monts — grimpons ensemble, — et vous verrez venir dans la
lice céleste, — prêts à se battre, — deux astres brillants.
Regardez celui-là, comme il poursuit sa route — dans la voûte
immense, — souriant toujours ; — il répand là-haut sa douce clarté
— et jette sur la terre — ses étincelles d'argent.
11 est le beau premier, lorsque le jour disparait, — à s'élancer des
collines — vers le firmament ; — puis, au joypux signal de son
appel, — la plaine étoilée — doucement s'allume.
L'autre, il est déjà tard lorsqu'il se met en mouvement. —
Voyez, il s'éveille : — il y a assez longtemps qu'il dort! — 11 che-
mine, répandant, ardent et rouge, — de son front sauvage,— des
étincelles d'or.
LUCHO d'estELLO 285
Lis astre menu qu'entravon sa draio
Soun, tant lis esfraio,
Lèu estavani.
Arrougant e fier, porto pas à rire ;
Soun èr sèinblo dire :
Mort is avani !
Galant roudelet de bloundo e de bruno,
D'esclùssi de luno
N'avès vist souvent ;
Mai d'aguedre vist d'esclùssi d'estello,
Bèn segur, li bello,
Nous vous n'ensouvèn.
« Vai, te cregne pas! »— fai la gènto estello
Dins si farfantello —
« Vejo s' ai pâli. ...»
Mai Tautro, espouscant de rai de satèsto,
Lando à la batêsto
Que fai tressali.
Boudiéu ! li dardai giselon, s'entre-croson !
De raioun arroson
L'ourizoun nebla !
Lucbo de gigant que van rendre l'amo,
Boumissènt de flamo
A tout enchuscla.
Les astres menus qui embarrassent son chemin — sont, telle-
ment il les effraye, — bien vite évanouis. — Arrogant et lier, il ne
prête pas à rire ; — son air semble dire, — Mort aux faibles '.
Charmant petit cercle de brunes et de blondes, — des éclipses
de lune, — vous en avez vu souvent ; — mais d'avoir vu des éclipses
d'étoiles, — bien sûr, les belles, — il ne vous en souvient point.
>< Va, je ne te crains pas ! » — fait la gentille étoile — dans ses
scintillements. — « Regarde si j'ai pâli — » Mais l'autre, secouant
des rayons de sa tète, — vole à la lutte — à donner le frisson.
Bon Dieu! les dards de feu jaillissent, s'entre-croisent '• — De
rayons ils arrosent — l'horizon brumeux: ! — Combat de géants qui
vont rendre l'âme, — vomissant des flammes — à tout embraser.
22
2S6 DIALECTES MODERNES
La Rèino di niue d'un nivo espinchouno;
Dirias que richouno
E mando de liuen,
Emé si rebat, soun plus dous sourrire,
Coume pèr ie dire
De se douna siuen. . .
Mai ounte as passa, lucharello blanco,
Eterno calanco
Dis énamoura?
Sai-que toun rivau, d'ourgueianço gounfle.
Souto soun triounfle
Crèi de t'amourra?
De te vèire plus, ti sorre, esglariado,
Palo, esparpaiado,
Fan mand d'espeli;
Mai eu, de soun caire abrivant sa fàci,
Li fai dins l'espàci
Tôuti s'esvali.
Es soulet, enfin ! . . . Sarié dounc vincèire?
L'anessias pas crèire :
Vesès, tourna-mai
« L'estello que sabe e qu'a milo esclaire »
Trelusis dins Faire,
Lindo mai-que-mai.
La Heine des nuits épie d'un nuage; — en dirait qu'elle rit — et
envoie de loin, — avec ses retlets, son sourire le plus doux, — comme
pou. leur dire — de bien se surveiller
Mais où es-tu passée, blanche lutteuse, — éternel refuge — des
amoureux? — Est-ce que ton rival, bouffi d'orgueil. — sous son
triomphe, — croit te terrasser?
De ne plus te voir, tes sœurs, effrayées, — pâles, dispersées, —
font mine de poindre; — mais lui, de leur côté dirigeant sa face,
— les fait dans l'espace — toutes s'éclipser.
Il est seul, enlin !.. . . Serait-il donc vainqueur ? — N'allez pas
le croire : — voyez, derechef — l'étoile que je sais, et « j ui a mille
rayonnements, — brille dans l'air, — plus limpide que jamais.
LICHO d'eSTELLO 287
La luno, enterin, s'avanço amistouso;
Li lus, mens crentouso,
Pounchejon amount,
E l'astre escarni vivamen s'encourre
E darrié li mourre
Vergougnous s'escound.. .
Galant roudelet de bloundo e de bruno,
D'esclùssi de luno
N'avès vist souvent. . .
Aro qu'avès vist d'esclùssi d'estello,
Nouraas-me la bello
Que se n'ensouvèn.
Mandadis
Tant que lusiras, d'uno amo abrasado
Saupras li pensado ;
E tant que viéurai,
Bel astre d'argent qu'arènes la reno,
Dins li niue sereno,
Jeu t'amirarai.
Louis Roumieux.
La lune cependant s'avance affectueuse ; — les lueurs, inoins
craintives, — se montrent là-haut, — et l'astre châtié vivement
se sauve — et derrière les montagnes se cache honteux.
Charmant petit cercle de brunes et de blondes, — des éclipses
de lune, — vous en avez vu souvent ... — Maintenant que vous
avez vu des éclipses d'étoiles, — nommez-moi la belle — qui s'en
souvient.
Envoi
Tant que tu brilleras, d'une àme ardente — tu sauras les pensées ;
— et tant que je vivrai, — bel astre d'argent, qui refrènes la douleur,
— dans les nuits sereines, — moi, je t'admirerai .
Louis Rot'. mieux.
UN DEO GRATIAS!
0 ço qui-: dis de sa toumbo
Uno Pichoto Morto, a soun Paire descounsoula.
« Deo Gratias ! » (dis FEnfantoun,
De soun lié sout li margarido) ....
« Ai quita lou dùu de la vido
Pèr la mort e sa pas sens founs!
» Deo Gratias ! » (dis la Fiheto,
De sa toumbo astrado de flour)
« Dins mis iue se secon li plour :
Mis espalo prenon d'aleto !
» Paire ! sus moun pichot toumbèu,
Fagues pas tau tarrabastèri :
Coume au prat fresquet un agnèu,
Sauteje, au bèu mitan dôu cèu,
Renadivo, aciéunado, e lôri. . .
UN DEO G HA 77 AS!
ou
CE QUR DIT, DR SA TOMBE,
urne Petite Mohie a son Pèhe inconsolable.
«Deo Gratias! » (dit l'enfant, — de son lit. ?ous les marguerites). .
— « J'ai quitté le deuil de la vie — pour la mort et sa paix sans
borne.
» Deo Gratias!» (dit la Fillette, — de sa tombe étoilée do
fleurs) — «Dans mes yeux se sèchent les larmes: — mes
épaules se revêtent de petites ailes.
>» Père, sur mon petit tombeau — ne fais pas de telles plain-
tes : — comme un aimeau au pré de fraîche verdure, — je
saule au beau milieu du ciel , — renouvelée, parée de blan-
UN DEO GRATIAS 28P
Las! toun mounde es un estèu,
Mai calanco es lou cementèri !
» Deo Gratias ! e vene lèu !
0 moun paire ! lèu, lèu, lèu ! »
Mandadis
A -n-Anfos Tavan
Vai ! coume uno aureto,
Volo, ma rimeto !
Au tendre pouëto
Dôu libre d'« Amour
E Plour»;
E boufo, douceto :
» Oh! que plan-planeto,
» La caro Museto
» Coume moun aureto,
»|Seque, pèr amour
» Li plour
» Dôu tendre pouëto!»
Guihèn-C. Bonaparte-Wyse.
cheur, joyeuse .... — Las ! ton monde est un écueil ; — mais le
cimetière est un port abrité !
» Deo Gratias! et viens bientôt! — 0 mon père, bientôt, bien-
tôt, bientôt ! »
Envoi
A Alphonse Tavan
Va ! comme un zéphyr, — vole, mon verselet! — au tendre poëte
— du livre d'« Amour — et Pleurs », — et souffle peu à peu :
« Oh ! que bien doucement— la chère petite Muse, — comme mon
haleine, — sèche, par amour, — les pleurs — du tendre poëte ! »
Guillaume-C Bonaparte-Wyse.
LOU VENTOUR
A Madamo C. D.-T.
Quand lou soulèu d'ivèr subre toun front d ardai o
E fai belugueja la tafo de la nèu,
Amaga fieramen dins ta capo de gèu,
Te rises, grand Ventour, di rai que te degaio.
Avèngue lou Printèms : tebés e vierginèu,
S' Abriéu, de soun alen que reviéuto e qu'esgaio,
Tout-bèu-just te caresso en passant, sies en aio
E, pèr mies lou reçaupre, estrasses toun mantèu.
Cor doulènt, qu'un secret misterious estransino,
Au mitan dôu brasas cremant que te carcino,
Vos parèisse de glaço e resta dins ta niue.
Pèr rendre lou bonur e l'espèr à toun amo,
De l'amour endourmi pèr empura la flamo,
De-que fau? — Un sourrire, un regard de sis iue.
L. Roumieux.
En Aies. 9 d'ôutobre 1877.
LE VENTOUX
A Madame' C. D.-T.
Quand le soleil d'hiver sur ton front resplendit — et fait scin-
tiller l'éclatante blancheur de la neige, — enveloppé fièrement d;ms
ta cape de givre, — tu te ris, grand Ventoux, des rayon;? qu'il te
prodigue.
Advienne le Printemps : tiède et virginal, — si Avril, de son ha-
leine qui ravive et réjouit, — te caresse à peine en passant, — tu
es en liesse, — et, pour mieux le recevoir, tu déchires ton man-
teau .
Cœur endolori, qu'un secret mystérieux tourmente, — au milieu
du brasier ardent qui te consume, — tu veux paraître de glace et
rester dans ta nuit.
Pour rendre le bonheur et l'espoir à ton âme, — de l'amour en-
dormi pour attiser la flamme, — que faut-il? — Un sourire, un re-
gard de ses yeux.
L. Roumieux.
Mais, 9 octobre 1877.
BIBLIOGRAPHIE
Récits d'histoire sainte en béarnais traduits et publiés par
V. Lespy et P. Raymond, t. II; Pau, 1877
Nous avons rendu compte dernièrement (Revue, XI, p. 200) du
tome premier de cette intéressante publication. Le second la com-
plète en donnant, avec la fin du ms béarnais et la partie corres-
pondante du ms. provençal1 de la bibliothèque Sainte-Geneviève,
un glossaire béarnais assez copieux (80 pages), qui pourra être
encore utilement consulté pour l'intelligence d'autres textes que nos
récits.
Le ms. béarnais, dans son état actuel, ne contient guère plus de
la moitié de l'ouvrage total, tel que nous le connaissons par la
version catalane publiée par M. Amer, et qui est sans lacunes.
C'est précisément dans les parties qui manquent au texte béarnais
(une quarantaine de chapitres au commencement et une dizaine à
la fin2) que se trouvent les passages les plus curieux, sinon les
plus orthodoxes, je veux dire divers récits empruntés aux apo-
cryphes de l'Ancien et du Nouveau Testament, tels que le voyage de
Seth au Paradis terrestre et la légende du bois de la Croix, certains
traits fabuleux de la vie d'Abraham et de celle de Moïse, la des-
cente de Jésus aux enfers3, la légende de Judas Iscariote, la ven-
geance du Sauveur, etc.
On peut juger par là du surcroit d'intérêt que présenterait la pu-
1 Une lacune assez considérable que présente ce ms. a été remplie au
moyen du texte catalan de l'édition Amer, purement et simplement in-
tercalé. Depuis, MM. Lespy et Raymond ont <'u connaissance, par 17n-
ventaire général et méthodique des mss français que publie M. Léopold
Delisle (t. I), d'un autre ms. du texte provençal, conservé a la bibliothè-
que nationale sous le n°6'26t. Ils donnent dans leur introduction, une
courte notice de ce ms., qui a appartenu à Jean du Chastel, évoque de
Carcassonne (1456-1476) C'est probablement le même que celui qu'on
voit mentionné en tète de la., table qui termine le tome V du Lexique
roman (p. 601 a), et auquel Raynouard a emprunt/- plusieurs .\ tri-
ples. — A Florence ( bibl. Laurentienne ) s'en trouve un autre ( voy.
Mussafia, Die Catalanische Version der sieben Weisen Meister. p. 5.
note 1 ), qui est peut être celui d'où Redi a tiré l'exemple reproduit par
Raynouard sous renquallos [L- R., Il, 81 b ).
* Sans parler de quelques lacunes intérieures.
3 II y a dans cette partie (à en juger du moins par la version catalane)
quelques détails qui ne concordent pas avec VÉvangile de Nicodème
292 BIBLIOGRAPHIE
blication de MM. Lespy et Raymond, si leur ms. leur fût parvenu
moins mutilé, ou si seulement ils avaient imprimé en entier le
texte provençal. Mais je ne veux pas renouveler ici les regrets que
j'ai déjà exprimés sur ce point, et j'aime mieux insister sur la re-
connaissance due aux éditeurs pour le service qu'ils ont rendu à
nos études, en livrant aux romanistes1, comme ils le disent fort
bien eux-mêmes, un texte ignoré jusqu'à ce jour et écrit dans un
idiome encore trop peu connu', même des plus habiles.
Voici maintenant quelques-unes des remarques que j'ai faites au
cours de la lecture du tome II des Récits. La plupart visent les
notes autant que le texte.
TEXTE BÉARNAIS
P. 2, 1. 9. Per doblar, etc. Il n'y a pas là de faute C'est un em-
ploi assez commun de L'infinitif au lieu du subjonctif. Construisez:
per lo dit linhatge doblar la gloria .
4, 20. Ses part d'orne. Le ms. a ses pari, qui est certainement la
bonne leçon. Pari est pourjwma, par réduction de m final à i, phé-
nomène dont les textes gascons offrent de très-nombreux exemples.
Le nôtre en présente un autre un peu plus loin (p. 12): Assi =
Asia.
8, 9. Nascud de la ciutat. Ce de est très-correct, et on a eu tort
de le changer en en. Cf. « Tu fost nada de Suria », dans P. Car-
dinal, cité par Haynouard.
8, 10. Los, ici, ne me paraît pas pouvoir être l'article. 11 doit se
cacher là-dessous un mot signifiant langes, dont los serait une alté-
ration, peut-être laes (lanas) .
8,2 du bas. Plus en lopresepi. Le sens estpositum. Post = pos
= pus, et, par insertion fautive de 17, plus. Cf., dans le Breviari
d'amor, 937 et 10247, plus = pus = pos, lat. post'-. C'est l'inverse
de p>us = plus (adverbe de quantité).
10, 11 . Fo juus unsenhor escriut. M. suus, qui, ce me semble, ne
fait pas un contre-sens. Ecrit sur un seigneur peut très-bien s'inter-
préter attribué à un seigneur, inscrit sur son rôle.
10, 2 du bas. Ponctuation défectueuse. On a eu, de plus, le tort
de remplacer de par et devant polpra (juste correction de palaura).
J'écrirais : « . . coronar la sancta Glisie d'aur, so es la sue nativitat ;
de polpra, so es la sue passio- »
' Ils ont fait plus encore : le manuscrit était leur propriété, et, leur
travail terminé, ils l'ont donné à la Bibliothèque nationale, fournissant
ainsi à tout le monde le moyen de l'étudier directement.
-' Même forme encore au v. 1770 de la Guerre de Navarre.
BIBLIOGRAPHIE 293
12, 6 du bas. Per mustrar humilitat. Ce mot, remplacé dans la
traduction par des points, a ici le sens, très-ordinaire en langue
d'oc, de pitié, miséricorde. Cf., dans Folquet de Marseille :
Car ieu soi pies de tôt pecat,
E tu. Senher, d'umilttat.
12, dernière ligne. Il faut une virgule au lieu d'un point, après
Israël.
18, 9 du bas. Fermentz. Peut-être ne faut-il pas corriger ferma-
mentz. Ce pourrait être simplement/eromienfc ou fer ementz. Férus ef,t
resté en gascon comme adverbe: hère = beaucoup. Cette dernière
signification conviendrait ici mieux que celle de fermement.
24, 10. Et no f en ses dopte. Il ne manque rien, contrairement à
ce que croient les édit. : «Et ne firent sans doute», c'est-à-dire« et
certainement ne moururent pas. » Cet emploi défaire, remplaçant
un autre verbe, est bien connu. Cf. plus loin, p. 30: « Noji sees
dopte », c'est-à-dire « certainement je ne l'a* pas tué. »
24, 12. 0 sis vol. Corr. E: «Et ainsi le veut l'Evangéliste, qui le
dit clairement. . » Il n'y a rien de corrompu dans sis vol: l'emploi
du pronom réfléchi avec les verbes vouloir, faire, dire, savoir, être,
est Irès-commun dans notre texte, et, faute de l'avoir remarqué, les
éditeurs y ont souvent introduit ou proposé des corrections inop-
portunes, par exemple, 46, 4 (sisfen), où sis n'est point une cor-
ruption de aixi.
26, 2 du bas. Et humilian los. C'est une erreur de croire qu'il
manque ici quelque chose. Le verbe humiliar est souvent actif, et
tel est son rôle en ce passage. Cf. Croisade albigeoise, v. 5370.
32, 2-3. Je mettrais une virgule après guoarda et un point après
espaurit. C'est lo maeste qui est sujet de estaba.
32, 10 du bas. Agi. J'aimerais mieux corriger ag que aixi.
36, 14. Bolo. Ms. bolon, à garder: bolo ne, où ne = pour cela, à
cause de cela, ce qui est très-fréquent dans les anciens textes.
40. Ana ab los. Corr. lor.
44. Sober lu. Inutile de corriger luy . On a. dans d'autres textes
de la Gascogne et du voisinage, d'autres exemples de ce lu, qui se
retrouve encore un peu plus loin ( 108, 7). où il a été pareillement
corrigé. Cf. Revue, 1. 9.
48, 7. Il n'y a rien ici de calere. Lis. : « No ! calque om me toca. »
C'est-à-dire : « Non ! ce n'est pas la foule qui me presse, c'est quel-
qu'un qui me louche à dessein. » Toca, d'ailleurs, ne saurait être
une forme de subjonctif.
52, 2. Y ana me parait avoir été supprimé à tort. Je le rétabli-
rais en mettant un point après grans gens.
29-1 BIBLIOGRAPHIE
54, 8 du ka.s.Lebe[t\. Adjonction inutile. Levar, à lui seul, signi-
fiait se lever. Cf. d'ailleurs plus loin, p . 80 : « per que Ihebatz et par-
tiseam dessi. »
5G, 10. Nasco[s\. Ici encore c'est sans nécessité qu'on a ajouté s.
L'indicatif convient fort bien. Cf. d'ailleurs la version catalane:
« perque el nasch cech . »
62, 1 . S'i arcorden. Gela signifie s'accordent à cela, en cela, et non
avec lui.
64, S. No es obs [de~\ labor. Addition tout à fait superflue.
64, 14. Que si men so. Inutile de corriger, comme on l'a fait, men
enjon. Cf. ci-dessus 24, 12, sur l'emploi du pr. réfléchi avec être.
68, 13. Mesquin parait être un contre-sens causé par misero de
l'évangile (Joan. XIII, 20 ), qu'on aura pris pour le datif de miser.
72, 3. Dixo. Il faudrait dixu.
74, 2. Perhont II faudrait^er que Jwnt.
74, 9 du bas. Que fu ab vos. Inutile de corriger so. Le prétérit
dans cet emploi est irès-fréquent. C'est l'aoriste d'habitude dus
Grecs. On le traduirait très-bien par le passé défini.
74, 2 du bas. E cum ques puixs. Puixs ne saurait signifier peut.
C'est simplement l'adverbe puis, qu'on peut ici traduire donc ( cf.
l'esp. pues). Il faut interpréter cumque par puisque, et supprimer
Ys qui suit que.
70, 10. Message avait à la fois les deux significations de message
et de messager. Inutile par conséquent de faire la correction pro-
posée.
78, 6 du bas. Per vergues. Ce mot doit être le même que le prov.
bregas (disputes, querelles ).
92, 2 du bas. Le texte, bien qu'il ne traduise pas littéralement
l'évangile, parait tres-satisfaisant : «et qu'aucun maître ne va de-
vant toi », c'est-à-dire « ne t'est supérieur. »
10O, 15. Etcumag die. JVls. dite, bien préférable. Il faut seulement
remarquer que, ici, ditz= dicis et que la phrase est interrogative.
Le sens est : « comment peux-tu le dire?»
104,7 Qui a sac ni taleca porti lo[s\. Adjonction inutile et qui
change le sens. Ni est ici particule disjonctive, rôle qu'elle remplit
souvent. Il faut traduire ou et non et.
107, 7 du bas. Diit vos eg que jo so. Cela n'a rien de suspect. Eg
est le résultat de la contraction de e ( habeo ) et de ag : « Je vous l'ai
dit, que c'est moi. »
100, 5 du bas. [Per \ ques complis. Addition superflue. Que, à lui
seul, peut signifier afin que.
116, 4. No sequetditz. Inutilement corrigé que tu: rfest ici pour
BIBLIOGRAPHIE 2i>5
|
te, pronom réfléchi. Cf. 132, 19, quet sabs, également corrigé à tort
120, 11. Car l'abebenud. C'est la leçon du ms., et elle est pré-
férable à per que et à per so car. Le sens de cette particule est ici
de ce que, qu'on lui trouve souvent dans d'autres textes.
140, 4. Quesfen est très-bon : quid sibi faciunt. Cf. ci-dessus sur
24, 12. Qu'cgs serait une correction au moins inutile.
142, 14. Armancora n'est pas une forme suspecte. C'est le second
conditionnel, très-régulièrement formé, de ar(e)maner (prov. re-
maner) dont le prétérit est armancu.
142,20. Es t[u]. La leçon du ms. est bien préférable, puisque
est est la forme correcte de la 2e personne du sing. et que le pro-
nom personnel est inutile.
144, 14-15. Je mettrais un point d'interrogation après feyt
« Qu'a-t-il fait de mal? — Rien. »
146, 6 et 12; 156, 3. Tombres, timbres. Les édit. voient dans co
mot une altération de tenebras. Je ne partage pas leur opinion. On
a ici, à mon avis, une forme féminine du subst. trum (ou crum).
qu'offrent les dialectes modernes de la Gascogne et du Languedoc.
et que connaissait aussi l'ancienne langue (voy. -en un ex. dans les
Denkmaeler de M. Bartsch, 60, 21). Tumbres'y rattache très-bien,
moyennant la métathèse de l'r et l'épenthèse du b, normale entre
m cl r: trum — tumre — tumbre.
150, 11 . Or ditz. 11 n'y a ni omission ni incorrection. Ditz y si-
gnifie il est dit. On dirait en mauvais français: où ça dit. Il faul
sous-entendre, dans les cas si fréquents où ce verbe est ainsi em-
ployé sans sujet exprimé, quelque chose comme V histoire, le conte, le
livre, la lettre. Cf. Revue, IX, 207, note sur le v. 8683 de la Croi-
sade albigeoise.
152, 3 du bas. Balsman. Ms. blasman, que j'aurais gardé Cette
métathèse n'a rien d'extraordinaire, rien surtout de contraire aux
habitudes du gascon, et elle se justifie fort bien par la difficulté de
prononcer de suite les trois consonne.-- Ism.
160, 4 . Per quoar. 11 faudraitj;er [so] quoar.
166, 7. Fo exaude. Corr. exau[di]de . .
168. 19. Fonde mati. Le ms. après fon ajoute vey ( c'est-à-dire
uey = hodie ), rejeté à tort.
GLOSSAIRE
Amabit, corrigé amalit,k tort, selon moi Je ne crois pas non plus
que ce mot soit le même que amarvit. Il traduit, dans le passa
qui nous l'offre ( t. I, 52, 2 ), l'idée de superbia ( 1 Rois. XVII, 28 ),
296 BIBLIOGRAPHIE
que le texte provençal rend par volontos. On peut le rapprocher de
l'adjectif mabit1, qui se lit deux fois ( pp. 145, 183 ) dans la Vie de
saint Honorât, où il parait signifier majestueux, vénérable, et que je
n'ai pas remarqué ailleurs. Ce sont là des idées très-voisines, dé-
coulant de l'idée plus générale de puissance, autorité, grandeur.
Arcordar = accorder et arcordar = se souvenir, sont deux mots
aussi différents d'origine que de signification, et qui n'auraient pas
dû être confondus dans le même article. Le premier n'est autre
que acordar avec r épenthétique, par umgekehrte Schreibung, le se-
cond est recordare, muni de l'os prosthétique que legascon place tou-
jours ou presque toujours devant r.
Arruit. Cette forme gasconne, rapprochée du mot correspondant
provençal et français bruit, montre clairement que le b initial, dans
ce dernier, est adventice ( comme Va dans le mot gascon ), et que,
par conséquent, l'étymologie commune est hieri rugitus. C'est là un
argument décisif en faveur de cette étymologie, admise d'ailleurs,
mais non sans quelques doutes, par Diez et Littré.
Cum a (et non cuma). Bon article et justes observations; mais
l'explication proposée est sujette à contestation. Je n'insiste pas ici
sur ce sujet, parce que j'aurai prochainement à y revenir.
Desprigar. Ce verbe me parait être mal traduit par découvrir.
Ce doit être tout simplement une autre forme de desplegar = dé-
ployer.
Doble. Il n'y avait pas lieu de faire pour ce mot deux articles -'.
C'est le même dans tous les cas où il est employé ; il faut seulement
lui attribuer la signification générale du latin vices, qui peut s'ap-
pliquer aux générations, comme à tout ce qui se renouvelle et se
multiplie.
Escabeu. Le ms., t. 1, 30, 17, seul endroit où ce mot se ren-
contre, donne escabu. C'est une forme assurément fautive; mais la
correction indiquée était escabet. En gascon, c'est el.. seulement
qui donne eu (ainsi camelus = cameu ) ; ell. . donne et ou eg.
I, y. Il ne paraît pas admissible que i puisse être complément di-
rect dans los i liurar, etc. Je crois que la locution entière los i si-
gnifie leur, selon l'usage moderne (cf. Revue, VIII, 38, note), et que
le régime direct, lo ou los, selon le cas, est ou sous-entendu ou con-
fondu avec le los (datif), qu'il devrait précéder. Los i liurar serait
ainsi pour lo los i liurar.
1 Et peut-être est-ce aussi mabit qu'il faut lire dans notre texte : Ca
lo sabe tant a mabtt , a serait la préposition à = pour.
2 Traduit, dans l'un, par génération; dans l'autre, par double.
BIBLIOGRAPHIE 29Î
Maber (movere). Mabente de 1, 2. 10, n'est pas. je crois, à sa place
dans cet article. Ce participe me parait, en effet, n'être autre chose
que madentem, au d duquel se sera substitué, selon le génie de
l'idiome gascon, le «(prononcé b) suppléant de l'aspiration. Cf. fens
=hens=dens (proY.dint;), qui se rencontre très-fréquemment dans
les textes béarnais, et dont il y a, dans nos récits mêmes ( II, 1G2 ),
un exemple que, par parenthèse, il eût été bon de relever au glos-
saire.
«Mau, faute. «C'est simplement l'adjectif, avec sa signification or-
dinaire de mauvais. Il faut seulement, dans le passage cité (1, 88, 6),
écrire sen, comme je l'ai déjà fait remarquer.
Mot. MM. Lespy et Raymond me font, dans cet article, l'hon-
neur de me citer ; mais ils se trompent en supposant que, dans les
locutions telles que no disermot, no sonarmot, je considère mot comme
représentant le latin modum. Je ne confonds pas du tout, et il ne
faut pas confondre mot, simple auxiliaire de la négation, comme
dans le vers de Boëce : « No sab mot quan los prend », que je crois
pouvoir expliquer par modum, avec mot, véritable régime direct, dans
une phrase négative, d'un verhe exprimant l'idée de parler ou de
penser : il ne dit mot; il n'en pense mot. Le rôle est absolument
différent dans les deux cas, et il est clair que, dans le dernier, on a
affaire au suppléant roman de verbum, employé comme substantif
et non comme adverbe1.
1 M. Paul Meyer [Romania, V, 5U0) n'admet pas mon explication de
mot, particule négative. Son objection que ie français a toujours moi, ja-
mais muef, ne me semble pas aussi décisive qu'elle lui parait. L'exemple
de Boëce prouve que l'emploi de mot pour ges ou pas est fort ancien. L'on
est, dès lors, autorisé à admettre qu'il remonte, en français, à une époque
antérieure à celle où ô tonique est devenu ue, et rien n'empêche de supposer
que de très-bonne heure il s'est fait entre notre mot =modum et mot sy-
nonyme de verbum une confusion qui a sauvé ie premier de la diphthon-
gaison, en lui maintenant sa première forme. Mais cette dernière hypo-
thèse n'est même pas nécessaire. Pouiquoi, en effet, mot une fois adopté,
dans l'emploi particulier que je lui attribue, sous cette forme (comme
bon, on, hors, etc., où Yo ne s'est qiiVxci-ptioniiellement diphthongué ),
n'aurait-il pu coexister avec muef, sans disputer à cette autre forme de
modum la signification spéciale de mode de verbe, ni l'admettre au
partage de son propre rôle 1 Ce serait simplement un doublet de plus à
enregistrer dans le vieux français. Un autre argument en faveur de l'o-
rigine que je suppose à notre mot, c'est la forme provençale motz ( par
exemple Flamenca, 7361), dans laquelle^ s'explique fort bien, dans l'hy-
pothèse de modum, comme développement de z = d; tandis que, dans
celle de muttum ( synonyme de verbum), motz ne pourrait être qu'un plu-
riel, et qu'un pluriel sérail en pareil cas très-surpreuant C'est toujours,
296 BIBLIOGRAPHIE
« Retreyt, réaction? »— Non point. Ce mot signifie reproche,
accusation, et plus généralement, comme dans le passage auquel
on renvoie, discours malveillant. Cf. Raynouard, retrait (V. 407 b).
Tener et lier. Deux articles qui devraient n'en faire qu'un, sous la
rubrique tier. Tener, je crois, ne se rencontre pas dans notre texte,
et c'est une forme antipathique au génie de l'idiome.
Je signalerai maintenant quelques omissions :
A préposition, précédant comme en espagnol le régime direct.
Notre texte offre plusieurs exemples de cette particularité, l'une
de celles qui méritaient le plus d'être notées.
Diser. Il eût été bon de relever l'acception demander, qui man-
que à Raynouard, bien que les exemples n'en soient pas rares en
provençal. Notre texte en offre au moins un (II, 30): « Et dixon
de qui ère l'enfant. »
Mielhor, dans la signification adverbiale de mieux, plutôt (aqueres
palaures son mielhor mies que toes). Cet emploi de melhor est au-
jourd'hui extrêmement fréquent, aussi bien en Languedoc qu'en
Gascogne; mais les exemples anciens n'en sont pas communs.
Qui est relevé seulement comme pronom relatif, régime direct
(pour que). Il aurait fallu mentionner aussi qui = que conjonction.
Cette forme, si commune dans les textes- béarnais, se rencontre
plusieurs fois dans nos récits, p. ex. 11,20, 9; 24, 4, 20 et 21.
TEXTE PROVENÇAL
Ce texte, ai-je dit dans mon premier article, a les caractères
très-marqués du dialecte de la Provence ou de la partie voisine du
bas Languedoc. Le principal et le plus saillant de ces caractères
(et c'est aussi — comme quelques-uns des suivants —un trait com-
mun aux textes vaudois) est l'emploi constant du pronom neutre
lo comme sujet, même avec un sujet réel exprimé après le verbe,
par exemple : « que lo dévia naysser .1. gran rey. »
On peut encore noter :
La présence de l'article tiré de ipse; trois ou quatre exemples
seulement: I, 99: sos princes ; II, 232, 22 et 233, 8, sa cros. P. 234,
on lit: « sa sorre de la Verge », mais ce peut être là l'adjectif
possessif employé pléonastiquement. On a pareillement ie choix
entre l'article et l'adjectif possessif dans l'exemple (sa filha de
Julius) relevé dans mon premier article (198,4) ' ;
en effet, sous la forme du singulier que l'on voit employés les substantifs
( comme point, goutte ) qui ont usurpé le rôle de particule négative.
1 II faut chercher tous ces exemples dans les notes, les éditeurs ayant
partout substitué une l à Y s du manuscrit.
BIBLIOGRAPHIE 299
L'assimilation ou l'élimination du d du groupe nd (cas fréquent
en Provence (cf. Saint Honorât, passirn , dans les mots fazenna,
segona ;
La substitution de l'a à Pe final atone après r précédé d'une
muette, particulièrement t: alegra = alegre, autia = autre, rosiras
= vostres, et les infinitifs metra, combatra. Cette substitution est,
comme on sait, très-fréquente en catalan, dans toutes les positions.
Je l'ai rencontrée aussi dans des chartes gasconnes, après tr
comme ici, et aussi après pi, M. Mais nos Récits sont encore le
seul texte provençal qui me l'ait offerte. Ce phénomène y serait
moins surprenant si l'inverse [e pour a), comme dans les textes
catalans et gascons, s'y constatait également ;
La mutation de «en rentre deux voyelles, dans morimen, forme
constante de ce mot. Cf. noranta (qui est aussi catalan) dans Saint
Honorât, et derant = denant dans un texte vaudois (Monastier, 11.
324). Cette mutation est habituelle dans le patois de l'Oysans :
uro = une; famir a = famine, etc. :
L'interversion des rôles de esser et de aver: era agut = uvia estât
(II, 238 et 243); es agut = aestat{U1). Cf. Bévue, X, 314.
Je bornerai lames remarques sur la partie provençale des Récits
d'histoire sainte, jugeant inutile, vu son caractère accessoire dans la
publication de MM. Lespy et Raymond, un examen plus détaillé.
La plupart des fautes que j'y pourrais relever ont d'ailleurs leur
source, comme un certain nombre de celles de la partie béarnaise,
dans l'excès d'un sentiment qui n'est point blâmable en soi, mais
auquel les éditeurs d'anciens textes sont en général trop enclins à
céder: je veux dire la méfiance de leur manuscrit. Il est bon, sans
doute, de se tenir en garde contre les bévues des copistes; niais il
ne faut pas non plus, obéissant trop facilement aux suggestions
d'une critique inquiète, leur en imputer d'imaginaires*.
C. Chabaneau.
P. -S. — Je rencontre par hasard, dans la préface de l'édition du
Parterre g ascoun, de Bedout, donnée à Auch. en 1850, par M. Aba-
die, la mention d'un manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal
(n° 355), intitulé Commentaire dt la Bible, qui ne m'est pas autre-
1 Un seul exemple, parmi beaucoup d'autres : p. 241, 1. 1, le ms. porte
que « Rodano hyci de la mayre. » MM. L. el R., croyant à une faute
ont corrigé mar. Or mayre est très-bon et bien préférable ; il faut seu-
ment remarquer que ce mot désigne ici le Ut (proprement la matrice) du
fleuve Voy. Raynouard sous maire, IV, 122.
300 BIBLIOGRAPHIE
ment, connu, mais qui, d'après les fragments reproduits dans cette
préface (p. XLV), doit être un autre exemplaire du texte provençal
des Récits d'histoire sainte. On en aurait donc au moins quatre.
La Felibrejado d'Areno, remembranço dôu 28 d'avoust 1876, Lctrn à
Madamisello Leountino Goirand, per Louis Ro;mikox (de Nimes),
— Nimes, Baldy-Riflard, 1877, in-8", 28 pages.
Par une chaude journée d'août 1876, une troupe de félibres et
d'amis alla l'aire une partie de plaisir au château d'Arène, sur les
bords de l'Alzon, dans la banlieue d'Alais. Une épître de près de
huit cents vers, d'une lecture des plus agréables, grâce à la variété
de la narration, à la coupe et a la facilité du vers, est devenue, sous
la plume de M. Roumieux, le monument et comme le procès-ver-
bal poétique de ces heures trop vite écoulées. L'œuvre est partagée
en sept petits chants, ou parties de longueur inégale, qui pourraient
recevoir les titres suivants : Entrée en matière, le Départ, le Déjeuner>
Sous l'ombrage, Lecture d'un drame provençal inédit, Entracte, Retour.
Les félibres ne se mettent jamais à table sans faire asseoir la
poésie avec eux. Il en fut ainsi à Arène. Chacun paya de sa per-
sonne au dessert. Aubanel lut li Fabre. Arnavielle et Gaussen
chantèrent: l'un, lou Muscat de Quaranto; l'autre, Estivenco. Charvet
débita Sursum corda; Mayer, Deman ; Paul Félix, l'auteur des
Fados en Cevenos, une fable pleine d'entrain et de jeunesse ; Rou-
mieux chanta lou Maset et raconta Bassaquin; MUe Goirand, enlin,
récita YAucelounet. A trois heures, on alla se reposer à l'ombre
d'un bosquet voisin ; c'est là que Roumieux lut l'œuvre dramatique
d'Aubanel, lou Pan dôu Pecal. Le résumé du drame forme doux
cent quarante vers de la Felibrejado d'Areno, Cette analyse paraît
assez iidèle pour nous apprendre que lou Pan dôu Pecat est une
pièce passionnée et ardente, tout à fait dans le ton des productions
les plus hardies du théâtre contemporain, et différant, par consé-
quent, du genre habituel du félibre de la Miougrano.
Les vers de la Felibrejado sont des alexandrins disposés en
quatrains, dans chacun desquels les rimes extrêmes et moyennes
sont alternativement masculines et féminines:
Areno, o Paradis, o -ejour benesil
'faut que viéurai — toustèms Dieu me faguèsse viéure —
Oublidarai jamai qu'eusèn nous as vist béure
I risènt de l'Alzoua cascaiant de plesi !. . .
Se li jour li pus bèu fuson, o Felibresso,
N'en reslo quaucarén pèr quau se sent au cor
Un arderous fougau plen de belugo d'ur :
La remembranço es douço autant qu'uno cares^o.
HlBLlOciKAIIUH 301
M. Roumieux restera le poëte du rire; c'est un point convenu.
Mais il sait aussi bien exprimer la douce rêverie, les aspirations
religieuses , les sentiments tristes ou énergiques. Quelle délica-
tesse dans le dernier vers de la citation ci-dessus! On le dirait
emprunté aux meilleures pièces d'A. de Musset!
Voici un quatrain où la gaieté et une note plus élevée sont heu-
reusement associées :
En foulo, àcha paréu, felibresso e felibre,
Caniinon, gais aucèu, piéutant si riéu-chiéu-clnéu.
Parai, qu'en amirant lis obro dôu bon Dieu,
L'amo es mai espandido e l'esperit mai libre.
Au retour de la fête et à la tombée de la nuit, il dépeint les
harmonies qui l'entourent :
Laniue toumbo; lou cèu sèmpre lis, sèrapre blu,
Miraiavo d'amount li luseto di mouto,
E l'invisiblo man de Dieu sus noslo routo
Avié dùu flrmamen samena li belu.
Quand il raconte lou Pan dôu Pecat.W en relate avec la plus
grande vigueur les émouvants épisodes. Ses vers, montés au dia-
pason tragique, deviennent aussi brûlants que les citations du
draine qu'il introduit dans son compte rendu. Mais le naturel
n'a pas été chassé bien loin, puisque, au milieu ou à la tin d'une
tirade pathétique, il revient tout à coup, sans être attendu, sous la
forme d'une chute plaisante, qui semble vouloir rappeler au lec-
teur que l'auteur de la Rampelado est toujours la.
Par exemple, à la fin du repas :
Es vosto bouco d'or que fai, o Felibresso !
Dins nosto amo raja lou méu dùu Paradis.
De qu'avès dounc au cor per nous sedurre ansindo,
O femo ?. .. . Ange, de qu'as pèr noua embalausi?
Per nous ravi lou sèn, entre qu'avèn ausi
Lou son armounious de ta voues puio e lindo ?
Silvestre, digo-me, tu qu:as tout remarca,
Qu'as furna milo tes l'amo e li cor di femo,
Digo-me coume vai que soun regard nous cremo
E que pamens. . . — Roumieux, se prenian lou moka ?
Et, après le dénoùment du drame, quand il a retracé les remords
et le suicide de l'héroïne :
Alor, nous aubourant, chascun vai per soun tour,
Enca, tout esmougut de la darriero sceno
Qu'avié fa reboumbi lou sang dins nôsti veno,
D'aquéli vers ardent félicita l'autour.
23
302 BIBLIOGRAPHIE
Après — oubiuJen rén, d'abord que fau tout dire, —
Paure legèire es iéu que siéu coumplimenta
Dôu gàubi qu'aviéu mes à vous représenta,
Vole dire, à legi la peço. . . Eh bèn ! sens rire,
Aqui, la ! francamen, vous aviéu atupi.
Sylvestre, qu'es, sabès, un fier estabussaire,
Me vèn : « Roumiéux, fariès un famous cabussaire :
Goumetènes l'alen, moun bêu, sens escupi ! »
Le premier vers de la troisième partie contient un idiotisme,
évidemment propre au bassin du Gardon, et qui mérite d'être re-
levé, parce qu'il rappelle une expression analogue en usage aux
environs de Montpellier, dans tout le bassin du Lez :
Intren dins lou castèu coumo uno gardounado ;
« Nous entrâmes dans le château comme une crue subite du
Gardon. » On dit à Montpellier una lezada, dans le même sens.
En 1803, à Salicate, deux blanchisseuses du Lez furent emportées
pendant qu'elles rassemblaient leur linge, par une crue subite de la
rivière, et périrent dans les eaux. Entendant raconter l'accident
quelques jours après, l'auteur de cet article bibliographique nota
cette phrase : Venguet una lezada que las enmenet. Une désinence
semblable peut-elle s'ajouter aux noms, languedociens ou proven-
çaux, des autres cours d'eau du Midi, pour exprimer leur déborde-
ment subit? Il est à croire que l'euphonie a quelque influence dans
la formation de ces mots. A. E.
Pichoun Oufici de l'Inmaculado Gouncepcien de la Viergi Mario,
adouba de la man de l'abat A. Bayle , proufessour d'elouquènci
sacrado à la Faculta d'Ais-en-Proiwènço. — Avignoun, Roumanillo,
1877, in- 16, 24 pages.
L'abbé Bayle, dont les lettres provençales et la science théolo-
gique déploreront longtemps la perte, est mort dans toute la force
de l'âge et du talent, le 17 mars 1877, à Marseille, où il était né.
Pour honorer sa mémoire, M. Roumanille a publié, le mois sui-
vant, un petit office, en dialecte littéraire marseillais, de l'Immacu-
lée Conception, que le défunt avait laissé en manuscrit. Cet opus-
cule comprend, d'une part, les traductions très-exactes des versets
et des oraisons de cet office, et, de plus, celles du Pater, de Y Are
Maria, du Credo, du Salve Regina, du Memorare de saint Bernard
et des litanies de la Vierge ; d'autre part, d'élégantes paraphrases
des hymnes chantées aux diverses parties dudit office, ou des com-
positions personnelles destinées à les remplacer. Voici une de ces
hymnes, dans laquelle l'auteur s'est spécialement livré à sa propre
inspiration :
LE CHANT DU LATIN EN 1TALIU 30?
Es à vous, dins lei marrit jour,
Que demandait ajudo,
E nous rendrès nouesto vigour,
Se 'n cop l'aven perdudo .
Lou demoun vous a pas touca,
Viérgi louto celèsto,
Gouncéupudo sènso pecat :
L'avè 'scracha la tèsto.
Aqtii la On de noste dôu
E de nouéstei lagremo,
Femo plus valènto cent coup
Que lei plus fouèrtei femo.
Emè soun espaso, Judit
A sauva Betulio,
Mai es tout un mounde maudi
Qu'avès sauva, Mario !
L'imprimeur, F. Seguin, d'Avignon, a fait de ces quelques pages
un vrai bijou typographique .
A. E.
LE CHANT DU LATIN EN ITALIE
En remerciant les publicistes et les périodiques qui, sur tous
les points du domaine roman, et spécialement en Roumanie, en
Suisse, en Espagne, dans le Canada, la Louisiane, la Nouvelle-
Grenade et la République Argentine1, ont si favorablement ac-
cueilli l'idée de M. de Quintana et le programme qui en renfer-
mait le thème, nous tenons à placer sous les yeux des lecteurs de la
Revue, — non pas à raison des éloges qu'il contient, mais de la
compétence philologique de celui qui l'a signé, — un article dans
lequel M. Ascoli donne une éloquente adhésion à la pensée du
poète et député catalan.
« LE CHANT DO LATIN
» La Perseveranza a déjà eu l'occasion de faire connaître ce qu'elle
pensait des tentatives qui se produisent dans le midi de la France
1 Qu'il nous soit permis de signaler la Renaixensa et le Diario, de
Barcelone ; las Provincias, de Valence; el Conslitucianal, de Sainte
Croix de Teneriffe; la Revue suisse, de Genève ; le Fôgl d'Engiadina,
de Sam e dan ; Y Europe orientale, de Bucarest ; la Gazeta Craiovei, de
Craiova; le Libéria e Lavoro, de Trieste; les Nuove E/femendi siciliani,
de Palerme ; la Llumanera, de New- York ; la Aurenela. de Buenos-
Ayres; Y Abeille, àa la Nouvelle-Orléans, le Gur'aSatului, d'Arad, etc., etc.
104 LE CHANT DU LATIN EN ITALIE
pour ressusciter le provençalisme . De quelque manière qu'on envi-
sage une tendance de nature à resserrer plus particulièrement les
liens de spéciale affinité qui unissent les Provençaux, les Aquitains
et les Catalans, on ne doit certainement pas ménager l'éloge à la So-
ciété romane de Montpellier. Profitant d'un mouvement qui, à cer-
tains égards, rappelle plutôt l'époque des troubadours que celle du
téléphone et de la critique historique, elle est, grâce à une méri-
toire insistance, parvenue à rétablir sur des bases solides l'étude
sérieuse des choses néo-latines dans la France méridionale.
» Paris possède une revue excellente, la Romania, consacrée aux
recherches historiques qui ont pour objet la littérature et les lan-
gues des peuples néo-latins. Ce nom de Romania est comme la
contre- partie de la Germania, porté par un autre recueil, lequel em-
brasse dans son cadre, en outre de l'Allemagne, tout ce qui est re-
latif à la Suisse, à l'Angleterre, etc. La Romania est née, ou du
moins a paru, depuis que la France a perdu une certaine partie de
son ancienne prééminence sur les nations néo-latines, soit par
suite de ses désastres politiques, soit par suite du redoublement
d'activité intellectuelle qui s'est manifesté en d'autres régions du
monde roman. Mais, précisément à cause de cela, nous pouvons
accueillir avec d'autant plus de sympathie qu'il est moins mena-
çant un symbole qui rappelle le sentiment de solidarité commune
existant entre toutes les nations qui tiennent de Rome leur civili-
sation et leur langue.
» Nous sommes de ceux qui croient que l'affinité particulière et
l'accord intellectuel qui unissent les Néo-Latins ont des racines
encore plus anciennes et meilleures que celles de la domination
romaine. Dans notre Credo politique et intellectuel, nous admettons
qu'il y aura constamment antithèse entre Latins et Germains;
mais la lutte, qui peut n'être que pacifique, est aujourd'hui une
lutte inégale, par suite de l'avance qu'ont prise les Allemands, grâce
à l'admirable discipline de leurs forces. Aussi saluons-nous avec
une vive satisfaction tous les efforts qui tendent à raffermir noble-
ment la fraternité latine, et à rétablir l'unité romaine dans le do-
maine du sentiment et de la pensée.
» La Société romane de Montpellier, qui — nous l'avons dit plus
haut — s'attache à concilier l'ardeur poétique de la France du
Sud avec le travail de reconstruction historique qui se manifeste
dans le reste de l'Europe latine, a admis dans la partie littéraire
de son programme un sujet de concours qui, en d'autres temps,
ne serait venu à l'esprit de personne, car il constitue à lui seul
un phénomène historique digne de fixer l'attention. Il s'agit d'un
Chant destiné à entrer immédiatement dans le patrimoine commun
des lettres néo-latines, d'un chant qui atteste et exalte la conscience
et le sentiment de cette grande communauté d'origine.
» Les Italiens ne peuvent voir avec indifférence un mouvement
intellectuel, si modeste qu'il soit, au nom duquel l'antique Latium
continuerait de paraître la patried'une si notable portion de l'Europe
civilisée. Un jeune Catalan, heureusement inspiré par ces idées,
ne chantait-il pas tout récemment :
Les armes, c'est la Science; le drapeau, c'est l'Art; la patrie, c'est
Rome!
CHRONIQUE 3<-5
» Et nous aussi nous accueillons, et de tout cœur, le programme
de ce Chant du Latin, que la métropole intellectuelle de la Pro-
vence nous envoie courtoisement. » ( La Perseveranza, de Milan,
n° du 13 décembre.)
CHRONIQUE
Le bureau de la Société pour l'année 1878 est ainsi composé :
Président: M. de Tourtoulon (le baron Charles), correspondant
des Académies d'histoire et des sciences morales et politiques de
Madrid. — Vice-Présidents: MM. Boucherie et Charles Hevillout,
professeur à la Faculté des lettres. — Secrétaire: M. Alph. lioque-
Ferrier. — Trésorier: M. Louis Lambert. — Vice-Sécrétdirés:
MM. P.-J. Itier et Hilaiion Vigouroux. — Directeur des publica-
tions: M. Ernest Hamel'm .
L'importance exceptionnelle du Concours de 1878 a motivé la
dérogation faite aux Statuts de la Société par la nomination de
deux vice-présidents.
*
» *
La Société pour l'étude des langues romanes a à remercier l'auteur
des Parpaioun blu, William-C. Bonaparte- Wyse, d'un buste en
bronze de Rabelais, qu'il a bien voulu mettre à sa disposition et
qui est destine à l'auteur de la meilleure galejado, c'est-à-dire
du meilleur conte plaisant, écrit en prose, dans un des dialectes du
midi de la France, et orthographié à la manière félibrique.
Les envois devront être adressés au Secrétaire de la Société des
langues romanes, rue Raffinerie, à Montpellier, avant le 1er avril
prochain.
+
* *
La réunion du Parage, annoncée dans le dernier fascicule de la
Revue, comme devant être tenue à Maguelone le 12 novembre,
fut remise au 18 du même mois. Elle comptaitparmi ses membres:
Mgr de Roverié de Cabriéres, évèque de Montpellier; MM. Bona-
parteAYyse, Roumanille, de Berluc-Perussis, Arnavielle, Auguste
Yerdot, de Villeneuve-Esclapon, de la Baume, Cantagrel, Bou-
cherie, Henri Delpech, Antonin G laize, Espagne, etc.
La Revue en entretiendra bientôt ses lecteurs ; toutefois elle peut,
des aujourd'hui, dire que la journée du 18 novembre constitue pour
l'Ecole montpelliéraine un succès des plus enviables.
Dans cette séance, le Parage a vote un prix a décerner par la
Société des langues romanes ; lors du Concours du Chant <Iu Lutin,
il a choisi notre ami Albert de Quintana pour son président d'hon-
neur et nommé quatre correspondants, qui sont M. de Quintana.
d'abord, MM. Victor Balaguer, Bonaparte- Wyse et Mile \ Fonta-
nals, ensuite.
306 CHRONIQUE
Un Comité composé de personnes prises parmi les Sociétés qui,
à Montpellier et dans le midi de la France, se sont associées à
l'idée du concours du Chant du Latin, s'est formé dans notre ville,
sous la présidence de M. de Tourtoulon.
Ce Comité doit arrêter bientôt le programme des journées delà
fête et de la réception à faire aux savants qui, des différents pays
de langue romane, ont promis de venir au Congrès de Mont-
pellier.
Nous ne doutons pas que le Comité ne trouve, tant auprès
des corps constitués que parmi les habitants de notre ville, un
écho entièrement sympathique. Nous n'avons, en effet, qu'à jeter
un coup d'œil sur le chemin parcouru depuis trois ans, pour nous
convaincre que les idées latines acquièrent à Montpellier un in-
discutable droit de cité. Au premier concours triennal de la Société
des langues romanes, le 31 mars 1875, M. Frédéric de la Combe,
alors maire, assurait M. Milâ y Fontanals, le savant professeur à
l'Université de Barcelone, qu'il s'efforcerait de continuer les tra-
ditions de langue, d'histoire et de mœurs, qui unissent depuis si
longtemps le midi de la France à la Catalogne, et,à un point de vue
plus particulier, Montpellier à Barcelone. M. le docteur LéonCoste,
s'inspirant des mêmes sentiments, envoyait en 1876, au nom de
l'administration municipale de notre ville, une médaille d'or au
Concours du sixième centenaire de la mort de Jacme le Conqué-
rant, célébré à Valence le 27 juillet 1876. La réception si cordiale
que les associations littéraires, les autorités civiles, mililaires et
religieuses, de Valence et de Barcelone, firent, à la suite de ce vote,
aux délégués de la Société des langues romanes ; les prix donnés au
second Concours triennal de Montpellier par les félibres proven-
çaux, la Société archéologique de Béziers, la Société scientifique et lit-
téraire d'Apt, V Académie du Sonnet d'Aix, V Athénée de Forcalquier,
le Félibrige des Alpes, VAube provençale, etc.; le succès populaire
qu'a obtenu la poésie de M. Charles Gros sur VUnioun das pojdes
latins, et. il y a un mois et demi à peine, le prix voté à Maguelone
par le Parage, sur la proposition de son président. M. Charles
Cavallier, témoignent, d'une part, que la ville de Montpellier a
conscience de la grande idée qu'elle a l'ambition de représenter;
de l'autre, que l'opinion des personnes lettrées du midi de la France,
de l'Espagne et de l'Italie, semble unanime jusqu'ici à lui réserver
la direction du mouvement néo-latin.
Sur l'initiative de MM. Griffe et Arrazat, le Conseil général de
l'Hérault a, dans sa session de décembre dernier, émis le vœu
qu'une chaire de philologie romane fût créée à Montpellier. Nous
remercions ces honorables conseillers de leurintelligente initiative.
En joignant ainsi sa voix cà celle du Conseil académique, le Con-
seil général a encore augmenté les chances de Montpellier à de-
venir grand centre universitaire. On sait que M.Waddington avait,
lors de son passage en cette ville, pris l'engagement de faire re-
présenter la philologie romane dans le haut enseignement, et de ré-
CHRONIQUE 307
server Tune des nouvelles chaires au grand centre qui serait choisi.
Le Conseil général de l'Hérault a donc été bien inspiré, tant au
point de vue de la philologie que des intérêts de la métropole scien-
tifique du midi de la France. Espérons que la réponse suivra de
près la demande, et que l'institution de cette chaire coïncidera
avec la second Congrès triennal de la Société.
Espérons, aussi que le Ministre, éclairé par les romanisants com-
pétents de l'Institut et du Collège de France, voudra compléter, du
premier coup, la nouvelle organisation, en créant simultanément, à
Montpellier, une chaire de philologie romane ( langue d'oil ) et une
chaire de philologie romane (langue d'oc). C'est ainsi qu'on a dé-
doublé certaines spécialités de l'enseignement supérieur, par exem-
ple la littérature ancienne, pour le plus grand profit des études.
*
La première réunion de la maintenance d'Aquitaine a eu lieu le
8 octobre dernier à Toulouse. Les membres qui y assistaient n'é-
taient pas très-nombreux, — quatorze en tout, nous a-t-on dit ;
— mais le syndic de la' nouvelle maintenance avait reçu environ
cent adhésions
Le bureau a été ainsi constitué : syndic, M. Paul Barbe (nommé
par M. Mistral) ; vice-syndics , MM. le comte deïoulouse-Lautrec,
Ch. de Carbonnières, Castella, le meunier-poéte montalbanais, et
Chastanet ; secrétaire, M, Germain Fournier.
Le numéro du 28 octobre du Prouvencau contient un assez long
fragment du discours de M. Barbe.
*
*■ *
Athénée de Forcalquier. — Concours de 1878. Le vœu émis par
Y Athénée de Forcalquier, le 5 novembre 1876, pour la restauration
de la maison natale de Gassendi à Champterçier, sera prochaine-
ment réalisé : la Société française d'archéologie va réparer cette
maison historique et en assurer ainsi la conservation. D'autre part
la Société Y Aube, de Marseille, a délibéré d'y placer un médaillon
de Gassendi et une inscription provençale commémorative.
h' Athénée a pris, en outre, la délibération suivante, dans sa
séance du 4 novembre 1877 :
Un concours est ouvert sur ce thème: Notice sur Gassendi.
Cette notice devra être divisée en deux parties, de longueur à
peu près égale, et consacrées, la première, à la biographie de Gas-
sendi, puisée directement aux sources ; la seconde, à un résumé,
aussi simple que possible, de son système philosophique.
Nul mode particulier de rédaction n'est imposé.
Les envois devront être adressés au Président de 1: Athénée, à
Forcalquier, avant le 15 avril 1878, et accompagnés d'un pli ca-
cheté, contenant le nom de l'auteur et son adresse.
Un des plus intelligents éditeurs de Barcelone, M. Alvaro
Verdatmer (Rambla delCentro, 5), met en souscription la traduc-
tion delà Divine Comédie du Dante, que composa, au commence-
ment du XV- siècle, Andreu Febrer : la Comedia de Dant AlUghier
308 CHRONIQUE
{de Florenza), traslatada de rims vulgars toscans en rims vulgars ca-
thalans1. Le texte sera revu par D. Cayetano "Vidal y Valenciano.
et précédé d'une étude biographique-bibliographique.
L'œuvre, aussi célèbre que peu connue, de Febrer, formera un
volume in-12 de 700 pages environ, imprimé sur papier vergé,
avec des caractères elzeviriens.
M. A. Luchaire, maître de conférences d'histoire et de langues
méridionales à la Faculté des lettres de Bordeaux, déjà connu par
une intéressante thèse latine sur lidiome aquitanique : de Lingua
aquitanica, et une monographie ÎYAlain le Grand, sire d'Aîbret.
consacre une leçon par semaine à l'étude de la langue d'oc. Sa
leçon d'ouverture a été. accueillie à Bordeaux avec une grande
faveur.
Voici le plan que se propose de suivre M. Luchaire : lo étude
générale et abstraite de la langue ; 2° explication des textes les
plus importants, la première alternant avec la seconde.
Société des études du Lot, à Cahors. — Elle a arrêté, dans ses
séances des 29 octobre et 5 novembre 1877, le programme d'un
Concours sur lequel nous remarquons:
Des médailles d'or et de vermeil offertes : 1° à une monographie
communale se rapportant à la région du Quercy, et renfermant
surtout le recueil des légendes, des dictons et des usag< ■> locaux;
2° A une pièce de poésie en langue d'oc, dont le sujet devra in-
téresser encore le Quercy :
3° A des collections de notes historiques., d'inscriptions, de
chants populaires, de légendes, etc.
Tous les ouvrages destinés au Concours devront être adressés
franco, avant le 15 mars 1879, au Secrétaire général de la Société,
M. Combarieu.
*
* ♦
Publications sur la langue d'oc akcjfkke oc moderne et sur
son histoire littéraire. — A. Luchaire. les Origines linguistiques
de l'Aquitaine, Pau, Veronese. in-8", 73 paiies. — A.-L Sardou,
l' /dimae niçois, ses origines, son liasse, son état présent; étude accom.pa-
gnée: 1° de courtes notices biographiques sur les troubadours de l'ancien
comté, de Nice et d'extraits de leurs œuvres; 2U d'un tabhau «ummaire
des progrès et de t'influence de la littérature provençale en Espagne
et en Italie, et terminée par un projet de réforme orthographique; Fa-
ris , Champion, in-80, 88 pages. — La Passion du Christ , poëme
provençal, d'après unmanuscrii inédit de la bibliothèque de Tours, tra-
duit et accompagné d'un exposé grammatical^ par E.-L Edstroem;
1 En 1858, Cambouliù ajouta deux fragments de Febrer (le comraen
lent <1l
édition de
cernent du premier chant de V Enfer et l'épisode d'Ugolm) à la seconde
de son Essai sur l'histoire de la littérature catalane.
CHRONIQUE 109
thèse pour le doctorat, présentée à la Faculté d'Upsala. Gœfceborg,
l<s~7. - Aigar et M aurin, Fragments d'une chanson de geste proven-
çale inconnue, publiés d'après un manuscrit récemment découvert à Gdnd,
par Aug Scheler. Bruxelles, Olivier, in-8o, 03 pages. — Der Trou-
badour Guillem Anelier von Toulouse. Vier provenzalische Gedichte,
l>< rausgegeben und erlaûtert von Martin (iisi. Solothurn, in-4°. 39 p.
— Le docteur Noulet, Essai sur l'histoire littéraire des patois du
midi de la France au XVIIIe siècle; Paris, Maisonncuve, in-8°,
234 pages. ( Tirage à part de la Revue des langues romanes.) — Victor
Bourrelly. Jan de la Valado, recuei de pouësio mesclado de proso, obw
poustumo, publicado per Anfos Gibert, emé l'ajudo de Marius Bour-
relly ; Aix, Bemondet-Aubin, in-12. —Emile Negrin, lei Pouezio
prouvensalo, me toutei leiz estudisus l'ourtougrafo,treziémo edicioun, re-
foundudo et founrso aùmentado; Cannes Negrin, in-16 248 pages. —
J.-F. Bladé. Trois Contes populaires recueillis à Lectoure; Bordeaux,
Lefebvre. in-8°. 76 pages. Obras lengadoucianas de J.-B. Favre,
nouvèla edicioun, illustrada pèr Edouard Marsal(tom. Ier). Mount-
peliè,, Marsal, in-8°; ligures, musique et fac-similé. — De "Villeneuve-
Lsclapon , Discours prounouncia lou 1 5 d'avoust 1877 à la Felibrcjudo
de VEscolo d'Alès; a-z-Ais, Bemondet-Auliin, in-8°, 27 liages —
Armana de Lengadô pèr lou bel an de Dieu 1878, publica pèr lEscolo
das Felibres gardounencs cVAlès. Aies, Brugueirolle, in-12, 100 pag
— La Lauseto ( l'Alauseto, — la Lauseto, — l'Alouette), Armanac dau
patriota lati, per l'Espagna. la França lu dau Miejour ou Occitania e
fa dau Nord), l'Italia. lou Pourtugal, la, Roumania, la Suissa, escrich
dins toutas las parladuras d'aqueles pa'/ses (embé la traducioun francesa)
publicat per la Soucietat latina : «la Lauseta,» ediciounper louspoples
de lenga d'oc; Mount-pelie,Coulet. in-12, 296 pages. — Duncan Craig.
Miejour, or Provençal Legend, life, lanquage and literature, in the land
ofthe Felibre;Lori(\on, Nisbetand C°. in-8°, vn-496 pactes — Charles
Cavallier, les Fêles du couronnement de sainte Anne des 9 et 10 sep-
tembre 1877, et tes Jeux floraux aptésiens ; Montpellier. Grollier, in-8°,
48 pages. — Charles Delonclf. la Maintenance d'Aquitaine à Toulouse.
Esquisse historique ; Toulouse, Douladoure, in-12, 42 pag.
*
* *
PoÉSIKSET TEXTES EN LANGUI': d'Oi: INSÉRÉS EN DIVERS JOURNAUX. —
La Cansoun di Marinié, poésie en dialecte d'Avignon, par M. Louis
Astruc (la Jeune République, de Marseille. 10 août). — Lou Paga-
mén d'uno counsullo d'avouca,{ab\e languedocienne de M. Paul Félix.
reproduite par les Tablettes cTAlais (no du 1er septembre.) d'après
les Mémoires de l'Académie du Gard, où elle avait paru d'abord. —
Courounamen de santo Ano d'At, article en prose provençale (dia-
lecte d'Avignon), par l'abbé Savy; Discours- Brindi prounouncia pèr
lou canounge Savy à la sesiho felibrenco dôu 13 de mai, intéressant
discours, écrit en dialecte de Forcalquier (Journal de Forcalquicr,
9 septembre). — Brinde (en vers provençaux) d'Aubanel à Mgr Du-
hreuil, archevêque d'Avignon (Messager du Midi, 1 3 septembre),
(le brinde, lu par son auteur lors des Jeux floraux d'Apt, ;: été
reproduit dans la Revue dis bibliothèques paroissiales d'Avignon. —
Santo Ano d'At, poésie provenç île par Mme Lazarine Daniel 'Journal
de Forcalquier, 23 septembre). — Au Pouëto de la Mur. poésie pro-
vençale de Louis Astruc (la Jeune. République, de Marseille, 24 se]
310 CHRONIQUE
tembre). Pièce extraite de la Cigalo d'or. — Lou Saoucissot (/'Arles,
sonnet en dialecte de Montpellier, par M. Charles Gros (Petit
Midi, de Montpellier, 30 septembre.) — Discours provençal-français,
de M. Honoré Clair, d'Arles, aux membres de la Cigale et de la
Pomme, à Arles (le Forum, d'Arles, 30 septembre).
LisAreno, sonnet provençal par M"*Goirand (le Forum,! octobre).
— Rapport provençal de M. Roumieux au concours de la Cigale
(sonnet sur le saucisson d'Arles); lou Biôude Camargo, poésie pro-
vençale, par M. Marrel ; lou Saucissot d'Arle, sonnet provençal
non signé. H est dûà M. Victor Comte, de Marseille ( le Forum,
14 octobre) — La Taulado dei Felibre bas-aupen, poésie en dialecte
d'Aix, par M. Gaut (Journal de Forcalquier, 21 octobre). — Rapport
provençal de M. Th. Aubanel au concours de la Cigale (sonnet
sur la cour d'amour des Baux) ; la Cour d'amour di Baus, sonnet
en dialecte d'Avignon, par M. Bruneau (le Forum, 21 octobre). —
Las Rimas d'un tonibouy, poésie languedocienne, signée Sorg (Gros)
(VAbestit, de Montpellier, 27 octobre). — El Fourcauqueiren, sonnet
en dialecte d'Aix, par M. Gaut; Au Felibrige, sonnet en dialecte
il' Avignon, par M. L. Bouquet; le premier est extrait de YArmana
prouvençau (Journal de Forcalquier, 28 octobre).
Sus la «Danaë»dôu Tician, sonnet par M. Louis Astruc (la
Jeune République, 1er novembre). — Un pichot tour à la fieyra, poésie
languedocienne, par Sorg (Gros), VAbestit, 4 novembre. — Lou
Saucissot d'Arle. sonnet en dialecte d'Aix, par M , Marius Bourrelly;
lou Saucissot d'Arle, sonnet en dialecte d'Avignon, par M. Louis
(lleize (le Forum, 11 novembre). — Lou Linla se boutouno, poésie
languedocienne, par M. Louis Gleize (le Forum, 18 novembre).
Errata du numéro d'octobre 1877
Énigmes populaires du Limousin. — P. 173, 1. 23 , A qui; lis-ez : A qu.
Lou Paisan e las Dos Oulos. — P. 192, 1. 10, F. Vidal; lisez: P.
Vidal.
Chronique. — P. 200, 1. 22, le Concours du Florège de V Académie
des poètes, lisez: les Concours du Florège, de V Aca-
démie des poëtes.
Le Gérant: Ernest Hamelin.
TABLE DES MATIÈRES
DU QUATRIÈME VOLUME DE LA DEUXIEME SÉRIE
DIALECTES ANCIENS
Documents divers appartenant aux dialectes du midi de la
France (XIV° et XV8 siècles) . (Alart . ) 5
Une inscription en langue d'oc du XV" siècle. (Vaschalde.). . . 57
Etudes historiques sur quelques particularités de la langue cata-
lane. (Alart.) 109
Un document inédit, relatif à la Cl ironique catalane du roi
Jacme 1er d'Aragon. (Balaguer y Merino.) 1G1
DIALECTES MODERNES
Chants populaires du Languedoc (suite). (Moxtel et Lambert.) 14
Histoire littéraire des patois du midi de la France ( fin ) .
(Noulet . ) f ;•_'
Notice sur Auguste Guiraud. (A. Glaize ). . 167
Enigmes populaires du Limousin. (L'abbé J. Roux.) 172
Lettres à Grégoire sur les patois de France (suite). (A. Gazier.) 2i3
Une chanson latine. (Alph. Roque-Ferrier.J.. 268
Vièio Cansoun. (Théodore Aubanel.) 3(J
Sounet. ( Alphonse Ta van . ) 33
Louïsa. (César Sarato . ) 34
La Maire, l'Efant e la Filho. ( Barthès.) 41
Las Duas Mares. (Marti y Folguera. ) 42
Lou Garda-mas . (suite). (A. Langlade.) 46
Las Gardios d'Azilhanet. (Clair Gleizes.) 82
Lou Banc. ( Louis Roumieux . ) 83
Las Gracios de Viscounti . (A. Fourès.) . 86
EErbo dôu massacre. (Théodore Aubanel.) 87
LAubo . (A . de Gagnaud.) 88
L'Lrrne. (J. Laurès.) 89
A l'Auro . (Théodore Aubanel . ) 133
La Figueira. (Lydie de Ricard.) 135
A una rosa mûstiga . (L'abbé H. Verdaguer.) 112
Lou Tais e lou Eeinard. (Gabriel Azaïs. ) 143
A Carie de Tourtouloun. (Théodore Aubanel.) 187
Un parelh per vendemios . (A. Fourès. ) 188
Lou Puisan e las Dos Oulos. (V . Vidal.) 189
Li Très Flour. (Bonaparte- Wyse.) L92
Cançô llatina. (Albert DE QuiNTANA.) 27< »
La Villo d'Aigo-morto. (Bonaparte- Wï :sk 272
Esperansa. (Mila y Fontanals) 278
La Soulitudo . (Bonaparte-Wy.se . ) 280
Lugho d'estello. (Louis Roumieux) 283
Un « Deo grattas. » ( Bonaparte-Wyse. ) 288
Lou Ventour. ( Louis Roumieux. ) 290
312 TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE
Le Mystère provençal de sainte Agnès. Examen du manuscrit
Chigi, par M . Clédal . ( Chabaneau . ) 95
1/ / 'iiimin dus /m/des latins, pai M. Gros. Alph. Roque-Ferrier.). 102
Archives municipales dAgen. — Chartes publiées par MM. Magen
et Tholin ( Chabaneau . ) 14'.)
La Reine Esther, tragédie provençale, publiée par M. Ernest Sabo-
tier. ( Chabaneau. ) 151
Recueil de noëls vellaves, par l'abbé Cordât, publiés par M. l'abbé
Payrard . ( Chabaneau . ) VM>
De la Création actuelle des mots nouveaux dans la langue fran-
çaise, etc., par M. A. Darmesteter. (Boucherie.) 193
Li Chevaliers as .11. espées, publié par M. W. Foerster (suite).
(Boucherie . ) 2< 12
De Floovante vetustiore gallico poemate et de merovingico cyclo,
scripsit, etc., par M. Darmesteter. (Boucherie. ) 203
Brun de la Montagne, publié par M. P. Meyer. (Boucherie ). 204
Guillaume de Palerme, publié par M. Michelant. (Boucherie.). 205
Deux rédactions du romain des Sept Sages de Rome, publiées par
M. G Paris. (Boucberie . ) 208
Miracles de Notre-Dame par personnages, publiés par MM. G.
Paris et U . Robert. (Boucherie . ) 20G
Récits d'histoire sainte en béarnais, publiés par MM. Lespy et
Raymond (suite) . ( ( ÎHABANEAU.) . . 10S-2',4
La Felibrejado d'Areno, par M. L. Romnieux. (A. Espagne.) 300
Pichoun Ou/ici de l'Inmacidado Councepcien, etc., par M. l'abbé
Bayle. (À. Espagne. ) 302
Périodiques.— Revue historique, scientifique et littéraire du Tarn.
(Alph. Roque-Ferrier.) 54
Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artis-
tiques du Lot (Chabaneau.) 152
Revue de VAgenais ■ 153
Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Guronne. (Alph.
Roque-Ferrier.) 153
Romania. ( Mila y Fonïanals.) 207
Il Propugnatore. ( Chabaneau . ) 207
Le Chant du Latin en Italie 303
Chronique 54-104-1.54-208-.;".".
Errata 50-lG0-212-:iii»
Table des matières -'^ 1
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi. - Hamelin fbbhes
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t. 11-12
Revue des langue! romanes
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