Skip to main content

Full text of "Revue des langues romanes"

See other formats


"  tm    < 


vmv.  o? 

ORONTO 
LJBfiARY 


^ 


Sv 


U/2 


%r^ 


%*M^ 


IM 


^2S 


1 


REVUE 


DES 


LANGUES    ROMANES 


MONTPELLIER,     IMPRIMERIE  CENTRALE    DU    MIDI 

Bamelin  Frères 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANE 


PUBLIEE 


PAR    LA    SOCIETE 


POUR    L'ETUDE   DES    LANGUES    ROMANES 


D  e  u  x  i  è  m  e      Série 
TOME    TROISIÈME 

(T.    XIe    DE    LA    COLLECTION 

f       S        ■ 


MONTPELLIER 

A,D  BUREAU   DES    PUBLICATIONS 

DK   Uk    SOCIÉTÉ 
POI7R  l'btudk  des  langues  komanes 


PARIS 
MA1SONNEUVE  ET  O 

LlBRAIRES-ÉDlTP:URs 

25,  QUAI  VOLTAIRE,  ?i 


U    DCCC    LXXVII 


PC 


Au 


ri* 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


DIALECTES   ANCIENS 


ANCIENNES  ÉNIGMES  CATALANES 

(.XVIe    SIÈCLE  (?)) 


En  publiant,  dans  la  Revue  (no  du  15  juillet  1876),  un  certain  nom- 
bre d'énigmes  populaires  qui  ont  cours  aujourd'hui  aux  environs  de 
Barcelone,  j'omis  les  suivantes,  que  j'avais  trouvées  dans  un  chan- 
sonnier du  XVe  siècle. 

Elles  sont  en  prose  et  me  semblent  avoir  un  tour  plus  heureux, 
un  fonds  plus  poétique  que  les  autres. 

Hormis  le  changement  du  c  en  ç  et  du  j  en  i,  j'ai  cru  devoir  main- 
tenir les  fautes  de  l'original  (posa  pour  passa);  les  vulgarismes 
orientaux  (fent-na  pour  fent-ne)  et  diverses  inconséquences  ou  va- 
riantes, de  copie  (hobrir  etubi'ir,  finales  en  n,  ou  en  ni,  etc.j.J'ai  ajouté 
quelques  accents. 

Ces  énigmes  ont  été  écrites  après  coup,  probablement  au 
XVIe  siècle,  sur  le  chansonnier  dont  je  viens  de  parler. 

M.    MlLA   Y    FONTANALS. 


g  DIALECTES   ANCIENS 

Demanda.  -  Qu'es  una  co3a  qui  de  continuu  sona  y  los 
ostea  son  muta  ytota  corren  ensemps? — Resposta. — Una  cosa 
qui  Bona  es  la  mar  3   loa  ostea  -on  los  pexos. 

I).  —  Dolca  es  la  amiga  de  la  vora  de!  mar,  la  quai  fa  dois 
,■.,1,1.  _\  no  es  de  negra  color,  es  misagera  de  la  lengua  quan 
loa  dita  fan  mouiment.  —  R.  —  Es  la  canya  quis  fa  cerca  de 
l'aygua,  qui  uo  es  negra,  qui  fent-na  flautas,  sonanantla  y 
mouen  I"-  dita  fa  dolça  musicha. 

1>. —  Largua  es  aportada  cuytadament,  \  es  iilla  de  la 
selua,  acompanyada  de  molta  gen,  ,\  va  per  moltas  parts,  no 
dexan  senyal  per  on  pasa.  —  R.  —  Es  la  fusta  de  la  selua  de 
ques  fan  aauilis,  qui  ananl  per  mar  cuytadament  acompa- 
nya[da]  àe  molta  gen  va  per  moites  parts,  y  no  dexant  senyal 
per  "ii  pasa. 

|i.  —  Presque  toute  illisible.) R. —  Son  las  casas,  los  banys 
hahon  esté  lo  focb  dejus  qui  en  lo  mig  dona  gran  calor,  y  no 
danya;  esté  sens  robay  los  ques  banyen  nontenen. 

1).  —  Vn  no  so   pesada  ,\  metse   l'aigua  dins  mi,  entran  dins 


Di  mande. — Qu'est-ce  qu'une  chose  qui  toujours  appelle  et  dont 
les  hôtes  muets  courent  tous  ensemble? —  Réponse. —  La  chose 
qui  appelle  est  la  mer,  et  les  hôtes  sont  les  poissons. 

h.  —  Douce  est  l'amie  du  bord  de  la  mer,  laquelle  fait  un  doux 

chanl  .  i'  i'1  n'est    pas  de  couleur  noire  :  elle  est  messagère    de  la 

ii,'  quand  les  doigts  sonl  en  mouvement.  —  H.  — C'est  le  ro- 

i  i  qui  naît  au  bord  de  la  mer,  qui  n'est  pas  noir,  qui  sert  à  faire 
-.  lesquels,  lorsqu'on  y  souffle  en  remuant  les  doigts, 
fout  une  douce  musique. 

I).  —  l.i mi  lunuui'.  elle  rsi  apportée  avec  vitesse;  elle  est  fille 
de  la  forêt;  [elle  est |  accompagnée  de  beaucoup  de  monde:  elle  va 
par  plusieurs  |  tys  et  ne  laisse  pas  de  marque  là  où  elle  passe. — 
R  bois  de  la  forêt,  duquel   on  fait  des  navires,  qui  va 

|u  .-  .ir  la  mer  avec  vitesse,  accompagné  de  bien  des  gens  et 
dans  plusieurs  pays,  ne  laissant  [aucune]  marque  là  où  il  passe. 

I». — lî. — Ce  sont  les  maisons  et  les  bains,  et  ils 

uni  au-dessous  le  feu,  qui  au  milieu  donne  une  grande  chaleur, 
laquelle  ne  nuit  pas;  il  est  sans  vêtements,  et  ceux  qui  se  bai- 
ui  n'en  onl  pas  non  plus. 

I  »  — Je  ne  suis  pas  pesante,  et  l'eau  se  met  en  moi,  entrant  par 


ANCIENNES    ENIGMES    CATALANES  7 

mos  trauchs*  hoberts  amagada  y  foroadament  s'en  parteix. 
—  R. — Es  la  sponjaqui  es  touay  no  pesa  ab  losforats  uberts, 
jposanse  l'aigùa  dins  ella,  la  fa  star  pesada  y  no's'en  va  sens 
pembre 3. 

D.  —  Ninguna  figura  lies  certa,  y  posadaa  la  claror  sembla 
el  sol  y  res  no  mostra,  sino  lo  qui  es  deuant.  —  R.  —  Es 
l'aspill  qui  no  mostra  ninguna  figura  serta,  sino  la  cosa  qui 
deuant  li  es  posada  y  es  molt  clar  posât  a  la  claror. 

D.  — Quatre  germanas  corren  agualment  qui  part  cstan 
posades,  y  agual  treball  sostenen,  yunavol  aconseguir  l'altra 
y  no  s'alcansen. —  R 3 

D.  —  [Molts  fusts?]  de  agual  forma  posats  entre  dos  ger- 
manas per  agua[l]  compas  en  cert  nombre,  que  fan  las  altas 
cosas  saber.  —  R.  —  Es  la  escala  la  quai  mesuradament  es 
graonaday  hon  se  munta  en  les  altes  parts. 

D.- — Fou  nat  abans  de  son  pare,  y  engendrât  abans  que 

mes  ti'ous  ouverts  [où  elle  reste]  cachée,  et  ce  n'est  que  forcé- 
ment qu'elle  s'en  va. —  R. —  C'est  l'éponge,  qui  est  molle  etqui  ne 
pèse  pas,  avec  ses  trous  ouverts,  et  qui,  lorsque  l'eau  se  met  de- 
dans, la  fait  peser;  elle  ne  s'en  va  pas  sans  être  exprimée. 

D.  —  Elle  n'a  pas  de  ligure  constante,  et,  mise  à  la  lumière,  elle 
semble  le  soleil,  montrant  seulement  ce  qui  est  devant  elle.  — 
11.  — C'est  le  miroir,  qui  ne  montre  aucune  figure  constante,  sinon 
la  chose  qui  est  mise  devant  lui,  et  qui  est  très-clair  [lorsqu'il  est] 
placé  à  la  lumière. 

D. — Quatre  sœurs  courent  également  et  en  partie  sont  li.xes  ; 
elles  s'acquittent  d'un  travail  égal,  et  l'une  veut  attraper  l'autre,  et 
elles  ne  s'attrapent  pas  '( —  R.  — 

D. —  [Beaucoup  de  bois?]  de  forme  égale,  mis  entre  deux 
sœurs  suivant  une  mesure  égale  et  en  nombre  déterminé,  qui  font 
connaître  les  choses  élevées. — R. —  C'est  l'échelle,  qui  a  des  éche- 
lons disposés  (litt.  qui  est  graduée) avec  mesure  et  par  laquelle  on 
monte  aux  hautes  demeures. 

D.  —  Il  naquit  avant  son  père  et  fut  engendré  avant  sa  mère;  il 

'  Trous.  On  emploie  aujourd'hui  trau. 

*  On  peut  expliquer  ce  verbe  par  prenier,  preinre,  prembre,  p(r)em- 
bre. 

:t  Elle  est  illisible,  mais  les  quatre  sœurs  doivent  être  les  baguettes  du 
dévidoir,  comme  les  étudiants  de  l'énigme  moderne. 


g  DIALECTES    ANCIENS 

sa  mare,  y  mat;',  la  quarta  part,  de]  mon  y  desponsella  l'amiga. 
_r  —lis  Caym  qui  nasqué  abans  que  Adam,  qui  no  va  neixer 
v  i mgendrat,  abans  que Eua  qui  no  fou  engendrada,y  matâAbel 
qui  era  la  quarta  persona  de]  mon,  y  cauâ  la  terra  qui  no  ère 
stada  cauada  posant  lo  en  ella. 

D.  _A1  bosch  neix,  al  prat  peix,  lo  forrer  lo  fa,  la  dona  lo 
,i ].,/__ R._jSTarbrerlquis  fa  delfust, la  nou  delabanya  delse- 
ruo,  la  (sic)  arch  que  fa  lo  ferrer,  la  corda  que  fila  la  dona*. 

D.  — Ni  (?)  boni  ros ni  a  non  ros(?),  ni  a  mon  goss. 

tua  la  quatrième  partie  du  monde  et  dépouilla  l'amie  de  sa  virgi- 
nj,(,  _  R.— C'est  Caïn,  qui  naquit  avant  Adam,  lequel  ne  naquit 
pas  et  fut  engendré  avant  Eve,  qui  ne  fut  pas  engendrée,  elle,  ot 
qui  tua  Aboi,  qui  était  la  quatrième  personne  du  monde,  et  qui 
creusa  la  terre  qui  n'avait  pas  été  creusée,  le  déposant  (Abel)en 

elle. 

1).  —Il  naît  dans  la  forêt,  il  paît  dans  le  pré,  le  forgeron  le  fait, 
la  femme  le  file.  —  R.  —  Le  manche  de  l'arbalète,  qui  est  fait  avec 
le  bois:  la  noix  (de  la  même),  qu'on  fait  de  la  corne  du  cerf;  l'arc,  que 
fait  le  forgeron,  et  la  corde,  que  la  femme  file. 

D.—  Ni  homme  roux ni  à  [homme?]  non  roux  (?),  ni  à  mon 

chien.. . 


»  L'arbrer?  Narbrer  serait  une  personnification  du  substantif,  assuré- 
ment bien  singulière. 

'  Suit  une  énigme  castillane  : 

Demanda..  —  Vestida  nasi  mesquina  ,  y  ahora  desmida  me  ves, 
yxando'!)  lâgrimas  negras,  disendo  Jo  que  queren  (l.  querés).  andando 
i  is  caminos,  por  anxo  y  por  traués.  —  Resposta.  — Es  la  pluma  que 
nase  vastida  [sic  ,  y  aparejada  por  esceuir  la  despojan,  las  lâgrimas  son 
la  tinta  en  que  escribieudo  dice  hombre  lo  que  quiere,  y  van  las  cartas 
por  miiclius  parles. 

Un  peut  voir  dans  les  Trova 'ior es  en  Espana,  pag.  511,  note,  la  version 
complète  eteonecte  de  cette  énigme  castillane,  à  côté  d'une  autre  en 
ancien  provençal,  qui  a  quelque  ressemblance  avec  elle  et  qui  symbo- 
lise l'âme. 

J  Le  reste  est  illisible. 


TROIS  FORMULES  DE  CONJURATION 
EN  CATALAN    (l397) 

Les  anciens  registres  des  notaires  contiennent  souvent,  au 
commencement  ou  à  la  fin,  des  notes  historiques  sur  les  évé- 
nements de  Tannée,  des  préceptes  de  morale,  d'agriculture,  de 
médecine,  d'industrie,  quelquefois  des  exercices  de  style  et 
de  rimes,  ou  peut-être  tout  simplement  de  calligraphie,  et 
enfin  des  formules  de  prières  et  de  conjurations,  dont  cer- 
taines peuvent  remonter  assez  loin.  Telles  sont  peut-être  les 
trois  formules  de  conjuration  que  l'on  trouve  dans  le  ma- 
nuel d'actes(du7  janvierau  17  septembre  1397)  de  Jean  Ornos. 
notaire  de  Perpignan.  On  lit  au  haut  du  premier  feuillet: 

Va  la  puta  rameyra  freyra       va  la  puta  rameyra, 

et  immédiatement  au-dessous,  en  très-belle  écriture  et  de  la 
même  main  que  tout  le  reste  : 

Manuale  Johannis  Ornos  notarii publici  Perpiniani 
anni  nativ.  domini  m.  ccc.  xc.  septimi. 

Puis,  au  bas  du  même  feuillet,  ce  précepte  en  catalan  sur 
la  taille  de  la  vigne  : 

«  Senyer,  si  volets  podar,  havets  a  fer  per  la  manera  qui's 
»  segueix  : 

»  Primerament,  podarets  en  lo  mes  de  noembre,  e  si  nopo- 
»  dets  de  noembre,  podarets  lo  mes  de  deembre,  per  la  manera 
»  e  forma  que  dejus  es  scrit. 

»  Cant  tendrets  x.  de  la  luna,  podarets  fins  a  xv.  de  la  dita 
»  luna,  e  dins  aquell  temps  haiats  podat  :  e  comencara  lo  po- 
»  dador,  de  tercia  fins  a  la  squella  :  e  axi  mateix  l'altre  mes  de 
»  deembre  dessus  dit.  » 

Le  verso  du  dernier  feuillet  contient  trois  formules  de  con- 
juration ;  mais,  comme  ce  feuillet  sert  de  couverture  depuis 
plus  de  quatre  siècles,  quelques  parties  de  la  troisième  formule 
sont  presque  effacées;  les  mots  dont  il  ne  reste  que  des  lettres 
ou  des  signes  douteux  seront  donc  mis  en  italique.  Ces  do- 


10  DIALECTES     ANCIENS 

euments  n'ajouteront  rien  à  l'histoire,  déjà  trop  volumineuse, 
des  superstitions  humaines  ;  mais  leur  forme  semble  nou- 
vrelle;  on  remarquera  qu'ils  sont  écrits  en  lignes  qui  ne  res- 
semblenl  guère  à  des  vers  quanta  la  mesure,  bien  qu'ils  pré- 
sentent parfois  de  simples. assonances  et  même  des  rimes.  Il 
esl  certain  <jue  les  finales  Christ.  Feliu,  diu,  rahil,  dix,  de  la 
première  formule,  ne  riment  pas  dans  le  texte  de  1397,  mais 
elles  rimaient  en  catalan  avant  1250  :  Christ,  Feliz,  diz,  rasiz 
et  diç. 

Conjur  a  falsa4  alias  buba2  negra 

+  En  vi  .1.   hou  mal  de  .Uni  X'. 

A  mi  lo3  se  dix  nostre  senyor  deu  Jhû  X'. 

«  Eu  te  conjur,  de  part  de  Deu  e  de  moss.  sent  Feliu 

»  e  ]ier  les  misses  que  prevera  diu, 

»  que  aci  no  metes  brancha  ne  rahil*.  » 

Mor  te.  mal,  que  Deu  t'o  dix. 

Et  postea  dieâtur  Pater  noster  et  Arc  Maria,  et  dicantur  hec  omnia 

tribun  vicibux. 

Conjur  de  Lobas" 

+  Nostre  Senyor  emoss.  Sent  P. 
se'n  anaven  perlurcami, 


1  Falsa,  ampoule,  tumeur.  Il  y  eut  une  épidémie  de  faines  à  Perpignan 
en  1383  ■  Comensaren  les  morts  per  falsses  (Notes  chronolog.  du  Livre 
vert  mineur,  année  1383). 

-  Rubti  negra  :  est-ce  le  bubon  pestilentiel?  On  lit  dans  une  enquête 
judiciaire  de  1355:  E  ela  dix,  que  mala  febra  li  payas  al  cap.  e  buba 
negra! 

3  Lo,  particule  dont  il  est  difficile  de  déterminer  la  nature,  mais  d'un 
usage  extrêmement  commun  dans  le  catalan  vulgaire,  et  même  officiel  ou 
administratif,  des  XIV"  et  XV0  siècles.  Il  serait  facile  de  citer  une  infi- 
nité d'exemples  qui  prouveraient  que  ce  lo  est  un  idiotisme  qui  n'ajoute 
absolument  rien  au  sens,  et  qu'il  ne  s'accorde  jamais,  ni  pour  le  genre, 
ni  pour  le  nombre,  avec  les  sujets  ou  régimes  qui  l'accompagnent,  ni 
avec  l"  pronom  personnel  qui  le  suit  ordinairement. 

*  Rahil,  racine.  On  trouve  rasiu  en  1323.  rahiuen  1378.  rayll  en  1372; 
aujourd'hui  rael,  et  tel  en  Roussillon.  Rahil  ne  rime  ni  avec  diu,  ni  avec 
dix  ;  mais,  comme  à  l'origine  sa  forme  était  radiz  ou  rasiz,  il  pouvait 
rimer  au  XIII*-  siècle,  avec  diz  (dixit). 

sEn  catalan,  llobal  est  un  jeune  loup,  llobarro  un    loup  (poisson).  Lop, 


FORMULES     DE    CONJURATION  11 

e  eneontraren  lo  lop  Lobas. 

—  «  E  on  vas,  lop  Lobas?  » 
se  dix  Nostre  Senyor. 

—  ■>•  "Vau  a  la  cassa  d'aytal, 

»  menjar  la  carïi  è  beure  la  sanch  d'aytal.  » 

—  «  No  fasses,  lob  Lobas  !  » 
se  dix  Nostre  Senyor, 

«  Ve-t'en  per  les  pastures 

»  menjar  les  erbes  menudes  ; 

»  ve-L'en  per  les  mon.tanyes 

»  menjar  les  erbes  salvatges  ; 

»  ve-t'en  a  mige  mar, 

»  que  aci  no  puxes  res  drmanar  !  » 

Etdicaiur  tribus  vicibvs,  e  el  Pare  nostre,  el'Ave  Maria,  e  lo  Eiiari- 
geli  de  San t  Johan. 

Conjur  a  totanafre 

-f-  III.  bos  frares  se'n  anaven  per  lur  cami, 
e  eneontraren  Nostre  Senyor  deu  .Thù  X'. 

—  «  III.  bos  frares,  ou  anats  ?  •> 

—  «  Anam  nos-en  al  Puig  de  Sant  Johan1, 
»  per  cullir  erbes  e  flors 

»  per  sanar  nafres  e  dolors.  » 

—  «  III.  bos  frares.  »   [se  dix*  Nostre  Senyor  . 
»  vos  altres  vos-en  tornarets, 

»  que. .  .r. .  .n.l.ma. . .  non  pendrets, 
»  ni  carn  en  dissabte  no  menjarets, 

«  ni celât  no  bo  terrets  ; 

"  e  perrets3  de  la  lana  de  la  vuella, 

»  e  o!i  de  la  olivera  vera, 

»  e  direts  en  axi  :  —  Nafra,  puxes  tu  cremar.  e  delii"4, 

Lobas  ne  désignerait-il  pas  le  loup-garou,  ou  le  loup  rabat  mentionné 
dans  un  document  du  XIV  siècle?  Axi  com  a  lops  rabats  qui  degolen 
e  roben  (Tuglat,  dans  les  Docum.  inéd.  de  P  Bofarull,  tom.  Xlll, 
pag.  99). 

1  Lecture  tout  à  fait  incertaine  ;  les  lettres  s  et  n  sont  seules  lisibles. 

-Il  n'y  avait  rien  d'écrit  après  frares,  et  les  mots  entre  crochets  rem- 
placent ceux  que  le  copiste  a  sans  "doute  omis. 

*  Perrets  et  terrets,  pour  pendrets  (écrit  plus  haut)  et  tendrets. 

*  Le  scribe  avait  écrit  deblir,  qu'il  a  barré  et.  remplacé  par  delir.  Peut- 
être  faudrait-il  bollir.  Delir  (du  latin  delere)  n'est  guère  usité  en  catalan 


12  DIALECTES    ANCIENS 

»  e'nfistolare  semar1  e  puyrir, 
»  com  fe  aqueila  que  l'an^el  fe 
»  ai  costat  tiret  de  Nostre  Senyor  Jhù  X'.  » 

Diga  axi  :  Santa  Maria,  Agios,  ateos,  atanatos,  deu  fortis  miserere 
nobis.  Dicatur  Pater  noster  et  Aue  Aue  (sic)  Maria,  quod  dicatur  tri- 
bus vicibus . 

On  trouve  aussi  dans  la  notule  de  Guillaume  Reynard,  no- 
taire de  Rivesaltes  (1409),  deux  albarans  en  latin,  dont  l'un 
intitulé:  Albaranum  ad  glandulas;  l'autre  avec  ce  titre  en 
catalan:  Albara  bo  a  febre  :  qui  l'a  ni  la  pert,  que  tinga  aquest 
albara,  no  la  cobre.  Ces  pièces,  sans  intérêt,  ne  contiennent 
que  des  prières  et  des  invocations  à  divers  saints,  saintes,  an- 
ges, archanges,  etc.,  et,  par  la  langue  comme  par  la  forme, 
elles  diffèrent  complètement  des  conjurations  de  1397. 

Al  ART. 


que  dans  la  phrase  lo  fa  delir,  «  il  le  fait  se  tourmenter,  se  consumer, 
s'exténuer.»  Delir  existait  autrefois  avec  le  sens  de  «  détruire  »,  dans 
le  provençal  :  E  per  donas  aucirre  e  per  efans  delir  (Chanson  delà  Croi- 
sade albig.,  vers  8694),  et  dans  le  catalan:  Ollimbres  te  auciura  e  délira 
sobra  terra  (Vida  de  S.  Margarida,  XIV*  siècle;  Docum.  inéd-  de  P.  Bo- 
farull,  tom.  XIIL,  pag.  122). 

1  Semar  signifie  le  plus  souvant,  en  ancien  catalan,  «  se  dessécher,  dé- 
périr»; mais,  dans  le  catalan  du  Roussillon,  on  ne  l'emploie  aujourd'hui 
que  pour  exprimer  l'ascension  de  la  sève  dans  les  végétaux. 


DIALECTES  MODERNES 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE 


ADDITIONS   ET    CORRECTIONS' 


Tom.  II,  page  186,  ligne  13. —  J'aurais  pu  me  dispenser  d'ex- 
primer un  doute.  Il  n'est  pas  possible  en  effet  d'admettre  abbas 
parmi  des  rimes  en  as,  la  finale  de  ce  mot  étant  atone.  Il  faut 
probablement  corriger  albas,  comme  je  l'ai  depuis  proposé 
ailleurs. 

187, 1. 10-14. —  On  peut  voir,  dans  une  même  page  de  G.  de 
Rnssillon  (162  de  l'édit.  Hofmann),  les  trois  formes  cha,  che  et 
chi  (ces  deux  dernières  dans  le  même  vers  (7572).  On  trouve 
aujourd'hui  cho  en  Auvergne,  co  en  Rouergue  et  en  Quercy. 
—  Des  exemples  anciens  du  même  affaiblissement  en  o  de  Va 
(an)  tonique  sont  so  (sanum)  et  certos  (certas  =--  *certanos),  dans 
des  textes  limousins  de  1371  et  de  1475. 

188,  1.  9.  —  On  peut  ajouter  chivalier,  forme  qui  se  ren- 
contre déjà  très-fréquemment  dans  les  anciens  textes.  L'a 
reste  dans  chavau. 

188,  1.  10.  — Ajoutez  bounJtâ  —  banhâ  (fr.  baigner),  les  deux 
formes  étant  usitées  l'une  et  l'autre,  mais  dans  des  acceptions 
différentes. 

189,  E,  1.  5-6.  —  Il  faut  faire  une  exception  pour  le  bas- 
limousin  (contrée  de  Tulle),  qui,  au  contraire,  affaiblit  souvent 
en  i  Ye  tonique  ou  protonique  de  toute  origine . 


4  A  moins  d'indication  contraire,  la  ligne  désignée  est  toujours  celle  du 
texte.  — Dans  le  compte  des  lignes  on  a  négligé  le  titre  courant,  ainsi  que 
ceux  des  chapitres,  sections  et  paragraphes.  —  On  n'a  pas  cru  devoir  faire 
un  errata  particulier  pour  les  fautes  purement  typographiques;  on  s'est 
borné  à  les  relever,  à  leur  ordre,  parmi  les  autres. 


14  DIALECTES    MODERNES 

189, 1.  2  du  bas.  —  Supprimer  cultellus.  coûté. 

190,  note  1. —  Supprimer  cette  note.  Ui,  en  effet,  bien  qu'on 
ne  puisse  pas  toujours  constater  le  fait,  a  dû  se  développer,  à 
l'intérieur  du  mot  comme  en  finale,  avant  la  chute  de  Ys,  en 
sorte  que  la  série  normale  est  es,  eis,  et.  Il  y  a  lieu,  en  consé- 
quence, de  remplacer  dans  le  texte,  ligne  5,  les  mots  «  à  la  suite 
de  cette  consonne  »  par  «  et  cette  consonne  tombe.» 

191, 1.  3  delà  fin:  «  atones.  »  —  Lis.  :  atone. 

193,  dernière  1.  —  On  peut  ajouter  damandâ,  qui  se  lit  déjà 
plusieurs  fois  dans  un  document  limousin  de  1371  Lim.  hist., 
pp.  598,  610,  641.  etc.) 

198.  1.  1-5  et  note  1.  —  Je  citerai,  comme  pouvant  servir  à 
confirmer  l'opinion  ici  exprimée,  une  pièce  de  B.  de  Venta- 
dour  (Quan  vei  la  laudeta)  et  une  autre  de  B.  de  Born  {Quart 
la  novclla  flors),  où  des  mots  comme  fron  (frontem),  pon  (pon- 
tem),  respon  (respondet),  etc.,  riment  avec  mon  (mtindum) ,  segon 
secundum),  son  (sunt),  etc. 

199, 1.  <S-9.  —  Feulha  se  lit  dans  un  texte  de  1463.  A  côté 
de  feulho  existe  aussi,  en  haut  et  bas  limousin,  felho,  qui  pro- 
vient de  la  forme  classique  fuelha,  par  réduction  de  la  diph- 
thongue  ue. 

199,1.  12  du  bas.  —  La  langue  classique  considérait  aussi 
comme  cstreitYo  dans  cette  condition,  c'est-à-dire  le  pronon- 
çait ou.  C'est  ce  que  prouvent  les  exemples  sans  nombre  que 
l'on  a  de  bo(n),  so[n),  rimant  avec  des  mots  tels  que  chanso(n), 
razo{n),  etc. 

202,  1.  20.  —  Envio  ne  vient  pas  directement  de  envidia.  Il 
a  été  précédé  de  enveia,  où  ei  s'est  ensuite  réduit  à  i  comme 
dans  mia-né(]).  53,  1.  3)  de  meia-nuech,  etc. 

206,  1.8.  —  Effacer  *refutiare,  refusar,  refusa.  L'étymologie 
de  refusar  est  incertaine  ;  mais  ce  ne  peut  être  refntiare, 
forme  inconnue  et  invraisemblable. 

208,  1.  4:«  requeule.n  — Lis.:  requeulo. 

208, 1. 5  du  bas.  — A  notre  froujà  on  peut  comparer,  en  an- 
cien français,  aïi/er  =*œdicare  pour  œdificare.  Vov.  Romania, 
I,  166,  1.'5. 

210,  1.  S:  «  rouis.» — Lis.:  caitiui. 

211,  1.  13  :  tfbodina,  boueino.  »  —  L'intermédiaire  néces- 
saire boina,  dont  je  n'avais  pas  remarqué  d'exemples,  se  peut 
voir  dans  il. -s  documents  limousins  et  languedociens  du  XIVe  s. 
Vov.  Breviarid'amor,-v.  17003  (variantes);  Limousin  historique, 

p.  601. 

212,  I.  14  :  «  Dans  le  haut-Limousin.  »  —  Lis.  :  Dans  le  haut 
comme  dans  le  bas  Limousin. 


GRAMMAIRE     LIMOUSINE  15 

216, 1.  13  du  bas.  —  Ajoutez  :  ie  se  réduit,  souvent  à  e,  en 
haut  Limousin,  dans  les  finales  en  ier,  après  les  chuintantes 
ch  et,/.  Ex.  :  archer ,  barger  =  qrchier,  bergier,  formes  non- 
t  rennaises. 

218,  1.  4. —  Couei  peut  très-bien  être  le  résultat  de  la  con- 
traction de  co  ci  =(a)co  es.  Mais  je  crois  plus  probable  que  la 
série  des  formes  est  celle-ci  :  (a)co  es,  (a)co's,  (a)cois  ;  d'où 
coueis,  couei,  par  le  développement  normal  d'oi  en  ouei  (voy. 
p.  46).  Cf.,  dans  les  Coutumes  de  Limoges,  noys  tengut=  no  es 
tengut  et  soy  assaber  —  so  es  a.  Un  autre  exemple  de  ce  déve- 
loppement de  Yi  devant  s,  résidu  à." es,  ainsi  affixé,  est  le  sui- 
vant, tiré  d'une  des  nouvelles  de  R.  Vidal  (Gedichte  der  Tr., 
II,  p.  26,  1.  19  du  bas):  tota  ma  rancurays  merce=. .rancura  es. 
Le  même  phénomène  se  produisait  souvent  devant  s  ==  se, 
pronom  réfléchi.  Voy.  ci-après  l'addition  à  la  p.  179,  1.8  du 
bas. 

219-220.  Syncope.  —  Ce  qui  est  dit  ici  est  insuffisant  et  trop 
peu  précis.  La  question  a  besoin  d'être  reprise  et  étudiée  de 
plus  près  et  dans  un  plus  grand  détail,  à  la  lumière  de  l'ex- 
cellent mémoire  récemment  publié  par  M.  Darmesteter  sur 
la  protonique  en  français  [Romania,  V,  140). 

220,  1.  5  du  bas:  a  Pouvero  \(polvera)  =■  pulverem.» —  Rem- 
placer le  signe  =  par  «  de.  » 

222.  Paragoge.  —  A  coumo  ajoutez  ounte  (ont)  et  quanet 
(quant),  où  Ve  s'est  attaché  an  t  final  longtemps  après  la  chute 
de  l'e  et  de  Yo  étymologiques  de  unde  et  de  quando. 

Tom.  111,371,1. 12. —  Sur  cette  influence  de  la  diphthongue 
au,  voy.  la  Revue  des  langues  romanes,  VII,  405. 

372, 1.  12  du  bas. —  Cette  mutation  se  remarque  encore,  en 
bas-limousin,  dans  trounso  —  "  trunca  (cf.  p.  106,  note  1).  Elle 
n'a  été  sans  doute  immédiate  ni  dans  ce  cas,  ni  dans  l'autre,  et 
une  première  mutation  de  ca  en  cha  a  dû  précéder.  Cf.,  p.  72, 
1.  5,  messan  =  médian,  etc.  Ou  trouve  dans  Rochegude,  blanza 
pour  blanca  ou  blancha;  dans  Ste  Agnès  (577),  Sansa  pour 
Sancha,  nom  propre  . 

372,  1.  8  du  bas  :  «  au  bas  limousin  ».  —  Lis.  :  en  bas  li- 
mousin . 

372,  1.  6  du  bas.  —  Ajouter  :  Dans  mêgue,  b.-lim.  rnergue 
(petit. lait)  =  allem.  molken,  la  gutturale,  tout  en  changeant 
de  degré,  reste  dure.  Mais  elle  a  dû  s'amollir  en/  pour  pouvoir 
produire  la-mèzi  (même  sens),  qui  appartient  au  bas-limousin. 
Cf.  manso,  trounso,  Sansa,  blanza,  qui  font  l'objet  de  l'avant- 
dernière  note. 

374,  1.7:  «ecclesia.» — L'insertion  de  17  après  c/,  dans  ce  mot 
et  dans  quelques  autres,  est  ancienne  dans  la  langue.  Ainsi 


16  DIALECTES  MODERNES 

on  trouve  très-fréquemment  glieyza,  eglieyza,  dans  des  texte» 
limousins  et  languedociens  du  XIVe  siècle.  Clier  =  clei^icus 
est  plusieurs  fois  dans  G .  de  Rossillon  et  ailleurs. 

376, 1.  18-19. —  L'wde  seuta  et  àegraulo  s'expliquerait  peut- 
être  mieux  par  la  chute  de  la  gutturale  et  l'attraction  de  Vu 
des  originaux  latins.  Même  observation  pour  teule  =tegulum 
p.  70,  1.  4. 

376,  note  2.  —  Lutz  et  patz  sont  ici^cités  à  tort.  Le  t  y  est 
un  développement  du  z  des  formes  initiales  luz  et  paz  (  =  lu- 
cem  etpacem),  et  nullement  le  résultat  d'une  mutation  directe 
duc  dur  de  pax  et  de  lux.  Voy.  là-  dessus  la  Rev.  d.  I.  r.,V,  335. 

377,  1.  3  et  10  :  «  gurges,  gorjo.  » —  Lis.  :  *  gurga  (gurges), 
gorjo. 

377, 1.  4  et  5  en  remontant. —  Esmai  est  plutôt  le  substantif 
verbal  iïesmqjar.  Quant  à  proubai,  il  est  peut-être  plus  sûr  de 
le  tirer  de  propage  (propaginem),  par  ablation  de  Ye  final,  que 
du  nominatif  latin  propago.  Rochegude  a  une  forme  féminine 
probaina  que  je  n'ai  pas  remarquée  ailleurs. 

379,  note  2,  dernière  ligne  :  «  dont.  »  —  Lis.  :  où. 

380, 1.  avant-dernière. — On  trouve  des  exemples  de  ces  ré- 
ductions dans  plusieurs  textes  anciens,  tels  que  la  Chanson  de 
la  croisade  albigeoise,  la  Vie  de  Saint  Honorât,  Guillaume  de  la 
Barre.  Voy.  là-dessus  la  Revue  des  langues  romanes,  VI,  293. 
—  Devant  d'autres  voyelles  (a,  o,  ou),  le  parler  de  Tulle,  loin 
de  réduire  clt  à  t,  aime  au  contraire  à  le  doubler  d'une  s,  en 
sorte  que  le  son  total  est  sts.  Ex.  :  vascko  (vastso,  comme  écrit 
Béronie),  bousc/io,  bouschou . 

Tom.  IV,  64,  dernière  ligne. — Ajouter:  Il  est  devenu  g  dans 
guindé,  qui  se  dit  pour  dinde  en  divers  lieux  du  Périgord  et 
du  bas  Limousin. 

64,  note  2. —  Sur  cet  intermédiaire,  pocs,  que  je  suppose  ici 
entre  postet  pois,  voy.  la  Rev.  d.  I.  ?'.,V,  331,  note  2.  On  trouve 
de  même prebox  =prœpositum.  En  Saintonge,  buste  se  prononce 
buxe. 

66,  note  2.  —  Des  «  poésies  religieuses  »  mentionnées  dans 
cette  note,  il  en  est  une,  et  c'est  celle  précisément  à  laquelle 
j'ai  emprunté  deux  exemples,  qui  n'est  pas  limousine.  C'est 
par  inadvertance  que  je  l'ai  confondue  avec  les  autres,  les- 
quelles appartiennent  incontestablement  à  notre  dialecte. 

t>7,  1.  2. —  Enclunke  vient,  non  de  incudem,  mais  de  incudi- 
cem,  d'où  enclutge  dans  l'ancienne  langue.  Incudex  se  lit  dans 
les  lppft»gûfi*ra  de  Julius  Pollux,  publiés  par  M.  Boucherie, 
p.  106.  Cf.,  dans  le  provençal  moderne,  iruge,  qui  renvoie  à 
"hirudicem  et  non  à  hirudinem. 

67,  1.4  du  bas. — Ajoutez:  Ce  développement  de  t  ents  et  de 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  17 

d  en  dz  se  constate  aussi  quelquefois  en  haut-limousin.  Ex.: 
betsiomen,  moucandzier.  —  Plusieurs  textes  anciens  offrent  des 
exemples  du  dernier  de  ces  phénomènes  :  ex.:  adzorar  =  ado- 
ra?', etc. 

67,  avant-dernière  ligne.  —  Ajoutez  :  Un  exemple  de  la 
mutation  inverse,  mais  à  l'intérieur  du  mot,  est  senséno  =  fr. 
sentène,  si  le  t,  dans  ce  dernier  mot,  est  bien  la  consonne  primi- 
tive. Cf.  Servagan  =  Tervagan,  dans  une  chanson  d'Austorc 
d'Orlac  (  Malin  Gedichte,  IX). 

69,  1.  11.  —  11  va  sans  dire  que  puesca  ne  représente  pas 
exactement  possim  (poxim  ).  On  n'a  ici  en  vue  que  le  radical, 
qui  est  puesc  =  pose  =  pox. 

69,  1.  6  du  bas. — X  l'abri  de  l'influence  de  Yi,  s  est  devenue 
ch  dans  cliùullta  =  solhar  (  *suculare  ),  et  dans  pouchâ  (  tous- 
ser ),  si  du  moins  ce  dernier  mot  est  bien  le  même  que  polsar, 
traduit  par  «  valde  anhelare  »  dans  le  Donat  provençal  (36  b). 
—  C'est  ici  le  lieu   de   noter   que  plusieurs    dialectes  de  l'an- 
cienne langue,  y  compris  le  limousin,  comme  le  prouvent  des 
textes  de  Limoges  et  de  Périgueux,  changeaient   souvent   Ys 
dure  suivant  i,  particulièrement  i  engagé  clans  une  diphthon- 
gue,  en  une   consonne  probablement   identique  au  ch    fran- 
çais, et  qu'on  figurait  se//,  sh  ou  ch.  Sur  sh,  voyez  un  passage 
des  Leys  d'amors,  I,  62,  qui  prouve  clairement  que  cette  com~ 
binaison   n'avait  pas  la  valeur  d'une  s  simple*.  Les  trois  no- 
tations, ou   seulement   deux  d'entre  elles,  sont   quelquefois 
employées  concurremment  dans  les  mêmes  textes,  ce  qui  dé- 
montre leur  équivalence.  Ainsi  les  Coutumes  de  Limoges  ont 
ayschi,  punischen,  mais  plus  souvent, par  ch,  layehen,  poicha,  etc. 
La  Croisade  albigeoise  a   creish,  laish,  preisha,  ishitz,  Saishes, 
à  côté  de  baicha,  ichitz,  Saichag,  etc.  Un  même  ms.  du  Breviari 
à'amor  offre  ensemble  yshi,  isschauzada,  naisekensa,  ichia,  co- 
noicliensa,  etc.  Mais  ce  mélange  ne  se  remarque  pas  partout, 
et  même,  la  où  il  a  lieu,  il  y  a  toujours  une  des  notations  qui 
paraît  la  préférée.  —  En  finale,  il  arrive  quelquefois  que  les 
deux  éléments  de  sh  se  transposent  (  de  là  des  formes  comme 
nayhs,  qu'on  trouve  par  exemple,  dans  les  Joyas,  àcôté  de  naysh 
et  de  naych    ou  que  Ys  tombe.  Ex.  :  laih,  dih,  poih,  Foih,  etc. 
Ces  dernières  formes  sont  fréquentes  dans  la  Chanson  de  la 
Croisade  albigeoise,  texte  qui  nous  ofl're  aussi  d'assez  nombreux 
exemples  d'une  autre  modification  de  notre  sh  final,  à  savoir 
g  :  poig,  Foig,  etc.  Je  pense  que  g  dans  ce  cas,  comme  h  dans 
le  précédent,  devait  figurer  un  son  peu  difiérent  de  celui  du  </ 
allemand. 

73,  note  3.  —  Ici  et  plus  loin  (  664,  note  1  ),  j'ai  oublié  que 
1  Cf.  même  ouvrage,  II,  186  . 


I8  DIALECTES   MODERNES 

tçopulum  ('tait aussi  représenté  en  provençal  (  escol/t,  escuelli '). 

76,  1.  16:  « Guilhaume .  »  —  Lis.:  Guilkem'. 

76, 1. 3  du  bas-  —  Saumo  etsôumâ,  au  lieu  de  provenir  immé- 
diatement de  salvaet  de  salvare,  comme  je  le  suppose  ici,  par 
mutation  directe  de  y  en  m,  pourraient  n'en  provenir  que  par 
l'intermédiaire  de  saulaet  de  sôulâ,  formes  résultant  delanié- 
tathèse  du  v  (  cf.  teune  —  tenuem  )  ci  don!  17  se  serait  ensuite 
changée  en  ///.  Sôulâ  n'est  pas  d'ailleurs  une  forme  fictive. 
KWe  existe  à  côté  de  sôumâ,  en  haut  Limousin.  Cf.,  dans  le 
prov.  moderne,  mauloz=.malva. 

78, 1.  16  du  bas. — Le  provençal  moderne  dit  de  même  souceia 
(souhaiter),  avous (août).  Cette  dernière  formese  trouve  déjà 
(awosf)  dans  le  Petit  Thalamus  de  Montpellier  (p.  07)'.  Des 
exemples  anciens  du  même  phénomène  en  initiale  sont,  dans 
le  dialecte  provençal,yo  =  aut  ou  hoc,  vont  ■=  unde,  vora  =  ora 
(Gloss.  occit.,  333  a), vostar  =  ostar,  vueills—oculus. — Mention- 
nons encore  les  formes  gasconnes  daubus  daubussis  =  dau(s)  us 
(  des  uns,  c'est-à-dire  quelques-uns  )  et  ibe  (Baronne)  =  ïe  = 
ùe  =  una  (l'n  intérieure  tombe  en  gascon),  dans  lesquelles, 
selon  le  génie  du  même  dialecte,  c'est  b  qui  s'est  introduit  au 
lieu  de  y. 

78,  1.7  du  bas. —  11  faut  ajouter  brundî,  forme  dans  laquelle 
le  b  s'est  substitué  au</  disparu  de  grundire,  et  qui  existe  à  côté 
de  rundî,  mais  non  pas  partout  avec  sa  signification  première. 

78,  1.  4  du  bas.  —  Autres  exemples  de  g  remplaçant  v  ou 
l'aspiration:  gùet=  uet (octo)  dans  diverses  parties  du  Périgord; 
gausar=  ausar  (La ni; uedoc  et  Gascogne),  déjà  tel  au  XIV1'  s.: 
gabor  =ivaporem  (Dict.  langued.,  dans  un  texte  du  XIV'  s.  ); 
pagur—paor  (dans  Jaufre,  supplément,  p.  168):  degorar=.  de- 
vorar  {Blandin,  180); couga=coua,  coar  (Languedoc);  deguens 
=  dehens=  dedintz,  goc —  oc,  après  un  infinitif  en  a  (  bouta-g- 
oc),  digamar  —  diffamer,  engouloupa  =envelopper  (Gascogne). 
Dans  un  texte  de  Béziers  du  XVe  s.  (  Soc.  archéol.  de  liez.,  III, 
ÎO.'J  ),  je  trouve  segon=  se  on  =  se  non  (cf.  le  mod.  souri  dans 
sounque,  sounco,  ci-dessus,  p.  332,  note  2.)  —  Au  lieu  du  g, 
c'est  c  qu'on  a  dans  lacoun  =  la  oun,  IV.  là  où  (  Espalion  ). 

7'.»,  I.  5-6.  —  11  est  plus  légitime  et  beaucoup  plus  natu- 
rel, dans  le  cas  présent,  de  supposer  que  si  s'est  tout  entier 
Bubsl  ii  né  à  ui  vi), comme  flexion  verbale,  que  d'expliquer  cette 
mutai  ion  par  un  simple  accident  phonique.  Mais  la  langue  d'oc 
nous  ollVe  beaucoup  d'exemples  certains  du  changement  de 
r  en  s  -  ),  ou,  ce  qui  est  la  même  chose,  de  l'insertion  d'un  3. 
en  place  d'un  y,  pour  obvier  à  l'hiatus,  c'est-à-dire  pour  rem- 


4  Cf.  le  catalan  Iiwd>i=*[)v.  laors.  On  dit  de  mêm  i  en  Saintonge  lavoure 
=  Jàoù. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  19 

placer  l'aspiration.  C'est  naturellement  dans  les  dialectes  mé- 
ridionaux qu'on  doit  surtout  les  rencontrer1.  Tels  sont  pazimen 
(=  pavimen,  païmen),  azounda  (abondar,  aondar),  azourta  (fr. 
avorter).  D'anciens  textes  de  la  Provence  et  du  bas  Languedoc 
offrent  crezet  (créa),  glizeiza  (  =^  glieiza),  dezitat  (déité),  bon 
et  malazuratz,  cavazier  (  =  cavayer  =  cavalier  ),  et  même  sazer 
pour  suber  (  Mascaro,  p.  121  ),  azer  pour  aver  [Dern.  Troub. , 
p.  121, 1. 1).  L'inverse,  c'est-à-dire  v  remplaçant  z,  est  plus  rare, 
mais  se  constate  aussi  dans  les  mêmes  contrées.  Ex.:  cauvo 
(aussi  cajo),  très-fréquent  en  Provence  pour  causa;  de  même 
pauva  (poser),  pérévous  (  =  perezos)*.  Des  exemples  anciens 
sont  gramavi  (  =-gramazi  ),  juvizi  et  juzivi  {  =  juzizi  ),  devon= 
dezon  =  deron  (  Mascara,  114  ),  cavet  =  caz-et  { ibid.,  134),  so- 
var  (  Donat  prov.,  33  b)  =  suzar  s. 

F  se  substitue  de  même  à  s  dur,  en  Provence  encore,  non- 
seulement  dans  nielfo,  cité  dans  mon  texte,  mais  encore  dans 
plusieurs  autres  mots,  tels  que  bou/in  (déjà  dans  Flamenca  :  bofi, 
v.  4591)  =  boussi(n)  ;  moufo  =  mousso,  founfoni  (cornemuse) 
de  symphonia,  fioula  (siffler)  =  sioula  (sibilare).  L'abbé  de 
Sauvages  enregistre,  dans  son  Dictionnaire  languedocien, 
fourupa  et  souroupa  (sucer,  humer),  gafetgas*  (gué). 

Aces  formes  modernes  on  peut  joindre  bofo  {=bosso),  qui  se 
lit  dans  la  Croisade  albigeoise  (y.  1017);  ai  fa,  qui  est  peut-être 
pour  aissa,  au  v.  0020  de  Flamenca,  et  enfin  sofanar  =  subsan- 
nare,  qui  se  rencontre  au  lieu  de  soanar,  chais  quelques  textes 
(Leys  cTâmors,  I.  170;  Ferabras,  1401;  G.  de   la   Barre,  40)5. 

J'ai  moins  d'exemples  du  changement  de  /'en  s.  Le  limousin 
mausso  répond  au  languedocien  majofo  (Raynouard  :  majofa)  ; 
mais  est-ce  bien  f/qui  est  primitive  ?  La  chose  n'est  pas  dou- 


1  Le  limousin  en  offre  pourtant  quelques-uns:  tel  est  eiblouzi,  qui,  à 
Nontron,  traduit  éblouir.  Mais  nous  disons  eibalouvi,  bouvi,  où  le  Lan- 
guedoc prononce  esbalauzi,  abauzi-  —  Cf.  dans  les  patois  français  bleuvir 
et  bieuzir  =  bleuir.  La  même  substitution  se  remarque,  en  initiale,  dans 
sounte,  qui  se  dit  à  Nyons  pour  uunte  (prov.  vounte). 

-  Les  formes  intermédiaires  cauo,  paua,  ont  également  cours,  peut- 
être  aussi  péréous.  Dans  tous  les  cas,  ce  dernier  a  existé,  car  on  le  trouve 
(  pereos  )  dans  un  texte  cité  par  Rochegude. 

3  II  faut  peut-être  eu  voir  un  autre  dans  un  mot  que  je  soupçonne  Ro- 
chegude, qui  le  rapporte,  d'avoir  m  il  lu.  Ce  mot.  imprimé  aihe  {  Gloss. 
occit..  9  a),  ne  serait-il  pas  plutôt  awe  =aize  ?  Rochegude  lui  donne  la 
signification,  qui  convient  fort  bien  à  l'exemple  cité,  de  «meuble,  vais- 
seau, vase,  ustensile»,  et  telle  est  aussi  l'une  de  celles  deaize.Yoy.  la  Vie 
de  saint  Honorât,  p.  181,  note  16,  et  Milà  y  Kontanals,  Poètes  catalans, 
p.  17,  1.  14. 

*  De  là  gafa  et  gaza  [guéer),  tous  deux  usités. 

*  Je  trouve  pharmapheutique  (sic)  dans  un  curieux  document  sain- 
tongeais  de  1615  (Extraits  du  livre  des  maîtres  apothicaires  de  Cognac. pu- 
bliés par  Jules  Pellisson,  Poitiers,  1875,.  Plusieurs,  dans  le  même  pays, 
prononcent  la  foupe  pour  la  soupe.  A  Genève  on  dit  de  même  desola- 
fion.  etc.  Voy.  Ritter,  Recherches  sur  le  patois  de  Genève. 


20  DIALECTES   MODERNES 

teuse  pour  les  formes  gasconnes  gei^saut,  =  gerfaut,  sistolo  = 
fistule,  et  pour  prosemna  =  profemna,  qu'offrent  plusieurs 
textes  toulousains  du  XVIe  siècle.  En  finale,  on  peut  citer  (je 
ne  distingue  plus  ici  z  de  s  ni  v  de  /)  :  voutz  (volz)  pour  volv 
dans  les  Leysd'amors  III,  210(cant  es  moutz,  Le  blatz  en  farina 
se  voutz),  et,  d'après  le  ms.  5232  de  la  Vaticane,  dans  un  vers 
de  P.  d'Auvergne  (E  volz  doutz  en  araarum),  exemples  qui 
confirment,  en  les  expliquant,  les  formes  revols  et  vols  (  =  re- 
volvit  et  volvit)  de  la  Croisade  albigeoise  [y  v.  7529  et  8905);  cers, 
régime  singulier,  rimant  avec  fers,  dans  la  Vie  de  saint  Hono- 
rât, p.  14,  ce  qui  confirme  la  même  forme  hors  de  la  rime  à 
la  page  10  ;  sers  =  servit  dans  une  pièce  de  Pistoleta  (Lex.  R., 
I,  507,  v.  15);  sers  =  servum  dans  las  Rasosi  de  trobar,  p.  84 
(citation  de  P.  Vidal)  et  dans  la  version  de  l'Evangile  St-Jean, 
publiée  à  Berlin,  en  1868,  d'après  le  ms.  2425  de  la  B.  N  , 
chap.  XVIII,  v.  10).  Cf.  dans  l'ancien  français  troz,  trois, 
truis,  pour  trofou  truef  (de  trover);  rois,  ruis,  pour  rof  oxxruef 
(de  rover)  ;  pruis  pour  prof  ou  pruef  (de  prover),  et  au  sub- 
jonctif des  mêmes  verbes,  truisse  [troisse,  t)-usse),  truist,  misse, 
ruist  ;  prust  (Voy.  Burguy  et  Diez,  Grammaire,  11,216).  J'ajou- 
terais dist  [débet)  des  Serments,  si  cette  leçon  était  certaine  ; 
mais  je  crois  plus  probable,  avec  MM.  Burguy  et  Cornu  (Ro- 
mania,  IV,  454),  qu'il  faut  lire  dift. 

78,  note  1,1.5:  «  virtuel.  »  —  Effacez  ce  mot.  La  forme 
vounte  existe  réellement,  en  Provence,  à  côté  demounte. 

79,  1.  2  du  bas  :  «  pois.»  —  Lis.  poitz. 

79, 1. 1  du  bas.  —  Le  Donat  remarque  lui-même,  p. 55  a,  à  pro- 
pos des  mots  enohtz,  comme  cohtz(coctus),  que  «tuitpoden  fenir 
in  oitz,  sicum  coitz,  voitz.n  On  trouve,  dans  Saneta  Agnes,  sapha 
à  côté  de  sapia,  et  le  même  texte  et  d'autres  offrent  mah  = 
mais  fmagishpuh  ou  puek  =  pueis  (post),fal>  (factum  ou  facit), 
lali  =  la  i  (Ferabras,  4943,),  buh  (S.  Agnes,  864,  mal  à  propos 
changé  en  bruit)  =  buis  de  Flamenca,  7207,  etc.  Lorsque  17/ 
se  substituait  ainsi  à  17,  Ys  ou  le  t  final  pouvait  tomber,  comme 
le  montrent  les  exemples  précédents.  —  Un  des  emplois  les 
plus  remarquables  de  h  =  i  ('tait  celui  qu'on  lui  voit  dans 
les  formes  telles  que  tuh,  cargo//,  garnih,  où  il  représente  17 
du  nominatif  pluriel  latin,  et  qui  sont  assez  fréquentes  dans 
quelques  textes.  Voy.  là-dessus  la  Revue  d.  I.  r.,VI,  102. 

407,  1.  4. —  Exemples  bas-latins  du  même  phénomène  :  gre~ 
gnabit,  gregnariolus  (voy.  Boucherie,  Un  almanach  au  Xe  s., 
Revue  d.  I.  r.,  III,  143).  Le  fr.  grimer,  grimeler.  doit  peut- 
être  s'expliquer  de  même.  Voy.  encore  là-dessus  Boucherie, 
Revue,  IV,  519.  A  l'appui  de  cette  opinion  vient  ce  fait  qu'en 
Auvergne  on  dit  rimer  [  non  grimer)  au  sens  de  froncer,  rider 
(  Mège,  Souvenirs  de  la  langue  d'Auvergne,  p.  223  ).  —  Le  phé- 
nomène inverse  (rejet  du  g  initial  étymologique)  se  remarque 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  21 

chez  nous  dans  roumeû  (râle  :  lou  roumeù  de  la  mort),  qui  a  la 
même  origine  que  grommeler  \.  On  trouve  ce  dernier  mot  dans 
Montaigne,  sous  la  forme  rommeler,  et  Brantôme  emploie  rou- 
meau,  qui  existe  du  reste,  aujourd'hui,  avec  roumeler,  en  Sain- 
tonge,  en  Poitou  et  en  Berry. 

406,  note  1.  -  -  La  mutation  de  r  en  s  (moins  fréquente1  en 
français  que  je  ne  l'ai  dit  ici  par  inadvertance),  et  inverse- 
ment celle  de  s  en  r,  se  constatent  assez  souvent  dans  quelques 
textes  languedociens  et  provençaux  du  XIVe  siècle  et  de  la  fin 
du  XIIIe.  Voy.  là-dessus  les  recherches  de  M.  Paul  Meyer, 
Romaaia,  IV,  184,  404,  et  cf.  Rev.  d.  I.  r.,  VIII,  238,  note  1. 

408,  note  2.  —  A  la  notice  citée,  il  faut  maintenant  ajouter 
celle  de  M.  l'abbé  Vayssier  sur  le  dialecte  rouergat  (Rev. 
d.  I.  r.,  III,  354),  dont  quelques  variétés  pratiquent  avec 
constance  cette  substitution  de  d  à  r.  J'ai  sous  les  yeux  un 
écrit  publié  en  février  1876,  à  Villefranche-de-Rouergue,  où 
je  lis  :  bigneidou,  escloida,  guide,  traide,  beide.  —  Au  reste,  je 
considère  aujourd'hui  comme  plus  que  douteuse  la  mutation 
que  je  supposais  ici  de  r  en  t,  dans  les  formes  verbales  min- 
geten,  begueten,  etc.  Cf.  p.  280. 

408,  note  3.  —  Supprimez  cette  note.  Putnais,  que  j'y  vise, 
avait  aussi  la  forme  pudnais,  d'où  a  pu  plus  facilement  dériver 
purnai.  Je  mentionne  en  passant,  comme  exemple  de  la  muta- 
tion contraire  en  pareille  position,  govidnar  =  governar,  que 
je  lis  dans  un  document  limousin  de  1475.  —  Une  autre  forme 
ancienne  de  putnais  est  pugnais,  qui  pourrait  aussi  avoir  donné 
naissance  à  notre  purnai.  Cf.  rito,  ritou  (cane,  canard  )  = 
guito,  guitou  de  la  Gascogne.  Guita  est  dans  Rochegude. 

410,  1.  4  et  note  1.  —  On  a  un  exemple  de  la  mutation  de  / 
en  d  dans  idoula  [Tulle  ),  anc.  udolar  =  ululare.  Baissa  n'est 
pas  seulement  gascon,  comme  il  est  dit  dans  la  note.  Cette 
forme  est  également  languedocienne,  et  on  la  connaît  aussi  en 
Périgord. 

411,  1.  3.  — Ajouter:  Exceptionnellement,  /,  au  lieu  de  se 
vocaliser  selon  la  règle,  est  tombé,  après  a,  dans  rampam  = 
rumpalm  (rameau  bénit  ou  jour  des  rameaux  ),  qui  est  ailleurs 
rampau.  LY  tombe  de  même,  en  Languedoc,  devant  la  nasale, 
dans  joua  =jorn,  can-salado  =  carn  salado. 

411,  1.  19:  u  en  limousin.  »  — Lis.:  en  langue  d'oc. 

1  Je  raisonne  ici  dans  l'hypothèse  que  grommeler  a  l'origine  germa- 
nique admise  par  Littré.  Mais  le  tout  ne  pourrait-il  pas  venir  du  latin?  Le 
fr.  du  Centre  et  de  l'Ouest  n'a  pas  seulement  roumeler;  il  a  encore,  dans 
la  même  signilication.  roumer,  roummer,  qui  renvoient  directement  a 
rumare  eirummare.  Roumeler  (le  rommeler  de  Montaigne)  représen- 
terait alors  *rumillare,  torme  des  plus  plausibles  et  d'un  type  essentiel- 
lement populaire,  et  nous  aurions  dans  grommeler  un  nouvel  exemple 
de  la  prosthèse  du  g 

2 


Ï2  DIALECTES    MODERNES 

112,  note  2.  —  Notre  ancienne  langue  a  eu  peut-être  aussi 
muit;  du  moins  cette  forme  se  rencontre  dans  le  poëme  de  la 
Guerre  de  Navarre,  w.  640,  2023. 

4  il,  note  1.  —  Le  Donat  provençal  (p.  41)  excepte  baltz  (qui 
est  notre  bal)  des  mots  que  Ton  peut  «  virar  en  autz»  ;  mais 
il  excepte  aussi  cavaltz  et  gais,  et  nous  disons  chavau  etjau. 

415,  note  2.  —  On  a,  à  Nontron  même,  un  excmepl  pareil 
dans  greu  de  grelh  (grillum),  que  Ton  aurait  dû  s'attendre  à  y 
voir  devenir  grei. 

416,  1.  1-2.  —  On  a  peut-être  un  autre  exemple  de  lamême 
mutation  (  m  en  b  )  dans  brujo  =myrica  (?).  Cf.  en  grec  /3pôroî 
=  poô-Qç,  etc. 

416,  1. 10  :  «  Sôulâ  =  sùumù  ». — C'est  peut-être  plutôt  l'in- 
verse. Voy.  la  note  sur  la  p.  76, 1.  3  du  bas. 

410,  note  2.  —  Voy.  une  autre  étymologie  (plus  probable  ) 
du  fr.  fange,  et  par  conséquent  de  notre  fanho,  dans  les  Mémoi- 
res de  la  Soc.  de  linguistique,  II,  70. 

417,  N,  1.  3.  —  L'étymologie  donnée  ici  de  degu  [nec  unus 
est  contestée  (Voy.  Romania,  IV,  289,  note  2).  A  l'appui,  on 
peut  citer  dostan  I  Mon.tauban  et  ailleurs  )  =  nostan  (Joyas  del 
gay  saber,  238),  et  arda  =  arna,  deux  formes  anciennes  d'un 
même  mot.  Dans  le  Forez,  on  trouve  la  forme  legun,  résultai 
d'une  mutation  différente,  mais  moins  rare,  de  Yn  étymolo- 
gique. 

418,  note  1,  1.5:  a  Vorterbuch  .» — Lis.:    Worterbuc/t. 

121,  1.  13-14. —  Gru,  rattaché  ici  à  granum,  a  plutôt  peut- 
être  une  origine  germanique.  Voy.  Littré,  au  mot  gru.  Il  se 
sera,  dans  ce  cas,  produit  une  confusion  des  deux  mots.  C'est 
ce  qu'indique  l'w  du  dérivé  engruna  (p.  113,  1.  3  )  =  fr. 
égrener . 

422,  note  1.  —  A  l'appui  de  cette  explication  de  trounho,  je 
citerai  blanha  (=  blanca),  forme  que  je  trouve  dans  Roche- 
gude,  mais  que  je  n'ai  d'ailleurs  rencontrée,  ou  du  moins  re- 
marquée, dans  aucun  texte. 

423,  1.  10.  —  Ajoutez  à  ces  exemples  besouei  { besonh  ),  cou- 
douei  (codonh),  louei(  lonh),  que  j'ai  entendus  dans  les  cantons 
de  St-Pardoux-la-Rivière  et  de  Champagntc.  Au  contraire, 
effacez  perpait  que  je  regarde  aujourd'hui  comme  un  exemple 
trop  incertain.  L'étymologie  perpon/t  ou  pcrpoing.  où  d'autres 
s'étaient  aussi  lai---'  prendre  (voy., p.  ex.,  Ruijen,  Œuvres  de 
Foucaud,'2i,  note  1  ,  m'avait  séduit.  Mais,  si  notre  per pu i  peut 
s'y  ramener,  il  n'en  est  pas  de  même  du  bas-limousin  porpar, 
qui  renvoie,  par  porpal,  à  un  porpalh  qui  serait  la  source  com- 
mune des  deux  formes.  D'un  autre  côté,  perpount,  perpouen, 
au  sens  propre  àe  pourpoint,  existe  à  côté  àeperpai  =poitrine). 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  23 

Tout  se  réunit  donc  pour  rendre  plus  que  douteuse  l'étymo- 
logie  que  j'avais  adoptée  pour  ce  dernier  mot,  et  que  je  retire . 
423,  à  la  fin. —  Ajoutez  :  Nli,  comme  Ifi,  se  réduit  quelque- 
fois à  y.  Ainsi  entanhâ  du  bas-limousin  est  chez  nous  enlayâ. 
Ce  mot  signifie  «  embourber  »,etje  remarquerai  en  passant 
qu'il  nous  offre  peut-être  (en  le  tirant  de  fanko)  un  exemple  de 
la  même  mutation  de  f(ph)  en  t,  que  l'on  constate  dans  blaste- 
mar  =  blasphemare.  Le  contraire  se  remarque  dans  le  langue- 
docien fanfasti  =  fantastic. 

650,  1.  7  du  bas  :  «  eirisseii.»  —  Ce  mot  n'est  pas  aussi  par- 
ticulier que  je  l'avais  cru  au  dialecte  limousin.  Du  moins  ne 
]'était-il  pas  autrefois,  car  on  le  lit ( eiressel )  dans  un  trouba- 
dour languedocien  (  Daude  de  Prades).  Rochegude  le  men- 
tionne, mais  il  en  ignore  le  sens,  ce  qui  peut  faire  supposer 
qu'on  ne  le  connaît  pas  aujourd'hui  dans  le  Languedoc. 

651, 1.  21.  —  Le  y  radical  du  verbe  avei  tombe  même  quel- 
quefois, en  haut-limousin,  à  l'imparfait  de  ce  verbe  :  oyo  •= 
avio. 

654,  1.  2  de  la  sous-note  :  «  frar.n — Lis.:  frair.  Cette  forme 
et  les  formes  semblables,  mair,  pair,  se  rencontrent  déjà  acci- 
dentellement dans  Bertran  de  Born,  et  l'on  trouve  même  mai 
(à  la  rime  )  dans  Bernard  de  Ventadour. 

656,  1.  6  du  bas.  —  Cette  étymologie  de  dabouro  est  proba- 
blement erronée.  Voy.  p.  308,  note  3. 

665,  note  1. —  La  forme  banna,  ici  supposée,  se  trouve  en 
effet  (p.  ex.:  Vie  de  saint  Honorât,  p.  13).  Je  remarquerai  à  ce 
sujet  que  l'assimilation  de  d  à  «,  dans  le  groupe  nd,  suivie  ou 
non,  mais  plus  souvent  suivie,  de  la  réduction  à  l'unité  des 
deuxn  ainsi  obtenus,  est  un  phénomène  très-fréquent  dans  le 
dialecte  provençal  et  dans  le  dialecte  gascon,  surtout  dans 
ce  dernier.  Ex.:  segona  (S.  Honorât,  127  «),  redounello,  gran- 
nessa,  etc. —  Très-analogue  est  l'assimilation  de  la  même  den- 
tale à  /  dans  soullats  =  souldats,  forme  usitée  dans  le  Tarn- 
et-Garonne  et  probablement  ailleurs. 

Tom.  V,  178, 1.  2  du  bas:  «  qui  ne  tenta  rien  nulle  part  pou* 
faire  revivre  les  cas  de  ces  substantifs.  »  —  Ceci  serait  trop  ab- 
solu, si  l'on  s'en  rapportait  aux  textes  écrits.  On  voit  en  effet, 
par  quelques  exemples,  que  les  noms  intégrais  recevaient  parfois 
l'allongement  es  au  sujet  singulier.  Mais,  comme  à  l'époque  où 
ces  formes  commencèrent  à  se  répandre,  la  langue  parlée 
n'avait  plus  probablement  conscience  de  la  distinction  des  cas, 
ma  proposition,  en  somme,  doit  rester  vraie. 

181,  entre  les  1.  14  et  15  du  bas,  placez  ligô=  lugan(lucanus), 
sans  pluriel.  C'est  l'étoile  du  matin. 

182,  note  2:«  est  devenu.  »  —  Il  serait  plus  exact  de  dire  «  est 
resté  »,  car  la  resta  se  trouve  dans  des  textes,  et  non  pas  seu- 


24  DIALECTES    MODERNES 

lement  limousins,  du  moyen  âge.  Resto  n'a  donc  pas  été  em- 
pruntéau  français;  seulement,  à  Xontron,  sous  l'influence  de 
la  langue  nationale,  il  a  pris  le  genre  masculin. 

L86,  1.  25.  — On  peut  ajouter  pnure  =paor,  qui  se  dit  en 
divers  endroits. 

187,  1.  14.  —  Un  passage  du  même  ouvrage  (II,  62)  montre 
clairement  qu'au  XIVe  s.,  dans  les  noms  dont  il  s'agit  ici,  la 
forme  du  cas  sujet  [aire)  prévalait  déjà,  comme  dans  la  langue 
actuelle,  sur  celle  du  cas  régime. 

188,  note  2,  1.  6. —  Ajouter  :  Ces  formes  en  ei  =es  se  ren- 
contrent assez  fréquemment  dans  G.  de  Rossillon.  Ainsi  prêt, 
marquei,  mercei,  pagei,  Agenei,  etc. 

192,  1.  l'.apô.  » —  Je  ne  sais  comment  je  n'avais  pas  re- 
connu dans  ce  mot  l'ancien  post,  dont  les  exemples  ne  man- 
quent pas,  et  qui  vient  de  pastis. 

190,  1.  3.  —Ajoutez  go  anc.  ga)  =  vadum,  où  Vo  bref  du 
singulier  reste  au  pluriel  sans  changement,  contrairement 
à  ce  qui  se  passe  dans  les  autres  noms  en  o  bref  provenant 
d'un  a  radical,  comme  mo,  creslio,  germo.  Voy.  p.  181. 

437,  dernière  1.  de  la  note  2:«  as.  » — J'ai  trouvé,  depuis,  un 
exemple  ancien  de  cet  adjectif  au  féminin    pluriel.  C'est  dans 
le  Recueil  de  M.  Paul  Meyer,  p.  141,  1.  92:  «  que   sas   cober 
turas  de  fer  foron  totas  asas.n  M.  Meyer,  à  la  vérité,  corrige 
arsas;  mais  je  crois  que  c'est  à  tort. 

439,  à  la  fin  de  la  note  3,  ajouter:  Au  sujet  de  ces  ad- 
jectifs ainsi  allongés  au  pluriel,  je  noterai  que,  dans  le  Quercy, 
le  Rouergue  et  diverses  parties  du  Languedoc,  la  nouvelle 
flexion  es,  non-seulement  se  substitue,  mais  encore  s'ajoute 
souvent  à  l'ancienne  et  régulière  flexion  en  s.  Je  n'ai  remar- 
qué  cela  que  dans  le  pronom  el  (elses),  dans  plusieurs  adjectifs 
déterminatifs  (aquelses,  calses,  quanses,  tanses,  toutses,  unses  ou 
usses  :  au  féminin,  toutsos,  ussos)*,  et  dans  deux  ou  trois  sub- 
stantifs {eusses  =  oculos,  pris,'*  =pilos,  reizes  =  reges  (le  jour 
des  Rois),  fioussés  =fila).  Dans  les  mêmes  contrées,  je  vois  ces 
flexions  prêtées  même  aux  particules,  régulièrement  inva- 
riables, mais  el  gis,  ei  au  nom  composé  toupie,  qui  enjoué  le 
rôle.  Ex.:  Per  de  couops  na  pus  gisses  (Villefranche  de  Rouer- 
gue): touplesses  d'autres  légats  (id,  :  —  lifôu  maysses  de  pelses 
grises  (Béziers). 

1 11,  n°  10.  —  Aux  trois  adjectifs  en  au,  exclusivement  fémi- 
nins, ici  mentionnés,  il  faut  ajouter  bi'ingau,  du  verbe  bringâ 
3auter,  danser),  quin'est,  àma  connaissance,  employé  qu'avec 

1  Je  ii  m  déjà  elses,  aquelses  et  toises,  dans  des  documents  languedo- 
ciena  de  l<i'>>  el  de  1501.  —  Une  pièce  de  môme  origine,  du  commence- 
ment  du  XVII*  s.,  a  tous  teusses  =  lous  teus  (les  tiens). 


GRAMMAIRE     LIMOUSINE  25 

le  subst.  féminin  feiire  (fièvre).  On  dit  d'une  jeune  fille  trop 
fringante  quelle  a  «  la  feiire  bringau.  »  —  En  haut-limousin, 
l'adjectif  viau  (=  vilis,  comme  fïau  =filum,  etc.),  garde  les 
deux  genres.  Mais  on  lui  donne  souvent  aussi  la  flexion  fémi- 
nine audo  (viaudoj,  en  l'assimilant  faussement  à  ceux  où  au 
provient  de  aidas,  comme  chau. 

443,  1.  21  :  «  singulier.  »  —  Lis.  :  masculin. 

444,  n°  7.  «  ors  —  orso.  »  — Lis.:  or — orso. 

444,  n°  8.  —  Ajoutez  :  For  reste  encore  féminin  dans  aigo- 
for  (eau-forte),  qu'on  dit  aussi,  du  reste,  aigo-forto. 

445,  n°  10.  —  C'est  par  erreur  qu'il  est  dit  ici  que  les  adjec- 
tifs endour—doueiro,  dont  il  s'agit,  ne  «  correspondent  phoné- 
tiquement à  aucun  type  latin.  »  Ils  sont  formés  sur  le  modèle 
des  adjectifs  en  torius,  tels  que  amatorius,  mais  répondent  pour 
le  sens,  soit  à  des  participes  en  urus,  soit  des  adjectifs  en  bilis. 
Voy.  Diez,  Grammaire,  t.  II,  p.  327  de  la  trad.  française,  et 
Leys  d'amors,  II,  60-62. 

450.  Pronom  de  la.  première  personne.  —  Il  faut  ajouter 
au  paradigme  des  formes  anciennes  tau,  dont  les  exemples  ne 
sont  pas  rares  dans  des  textes  de  diverses  provenances. 

450,  note  3.  —  Après  nos  autri,  ajoutez  :  cas  sujet;  et  pa- 
reillement, p.  451,  note  2,  après  vos  autri. 

451,  note  1. — Supprimez  les  deux  exemples  cités  dans  cette 
note.  Le  premier,  tiré  d'une  pièce  dont  je  ne  puis  comparer 
les  diverses  leçons,  me  paraît  décidément  trop  suspect.  Quant 
au  second,  j'ai  eu  le  tort,  le  trouvant  cité  dans  Raynouard, 
de  le  transcrire  sans  le  vérifier.  Le  premier  vers  est  trop  long 
et  doit  se  lire  :  E  veus  m'alvostre  plazer,  ce  qui  rétablit  la  me- 
sure et  fait  disparaître  l'invraisemblable  anomalie  syntaxique 
que  j'y  croyais  voir. 

453,  première  ligne  après  le  paradigme  :  «  vocalisation  de 
Ve.  o  —  Lis.  :  ....  de  1'/. 

454,  note  1,  1.  7.  —  Voy.  d'autres  exemples,  plus  anciens, 
île  cet  emploi  de  se,  dans  la  fiomania,  IV,  343. 

454,  note  2.  —  Un  exemple  encore  plus  ancien  de  l'emploi 
de  il  au  régime  pluriel  nous  est  offert  par  le  v.  2082  de 
G.  de  Rossillon: 

B  coro  los  ferir  elh  nostre  il. 

455,  1.  13.  —  J'ai  oublié  ici  eu,  qui  s'emploie  aussi, 
mais  plus  rarement  que  bu,  et  seulement,  comme  au  mas- 
culin, dans  des  phrases  interrogatives  :  plàu-t-eû  =  pleut-il? 
Quant  à  ou,  l'expression  «  qui  est  sujet  et  régime  »,  dont  je 
me  suis  servi,  pouvant,  malgré  la  distinction  faite  dans  le 
paradigme,  induire  en  erreur,  je  crois  utile  de  faire  remar- 
quer  que,  en   tant  que  sujet,  ou  =  eu  =  el,  de  même  qu'au 


26  DIALECTES    MODERNES 

masculin,  tandis  que,  comme  régime,  ce  pronom  n'est  autre 
que  l'ancien  o.  Pour  les  autres  formes  du  pronom  neutre, 
dérivées  de  hoc,  et  qui  sont  très-nombreuses  en  langue  d'oc, 
voy.  la  Romania,  IV,  338,  et  V,  232. 

454,  note  3.  —  J'ai,  depuis,  rencontré  trois  ou  quatre  exem- 
ples de  la,  sujet,  pour  ela,  dans  des  textes  anciens  de  diverses 
provenances.  Ils  sont  recueillis  dans  un  autre  travail  qui  pa- 
raîtra prochainement. 

456,  1.  8. —  J'ai  oublié  ici  le  pronom  se,  qui  se  rédui- 
sait à  s  [ques=  que  se).  En  réparant  mon  omission,  j'ajouterai 
que  devant  cette  s  se  développait  quelquefois  un  i  (y),  même 
après  une  voyelle  atone.  Ex.  tirés  des  Coutumes  de  Limoges  : 
qui  queys  sia,  noys  deu  pausar .  Des  textes  d'autres  provinces 
offrent  le  même  phénomène  sur  une  très-grande  échelle .  Tel 
est  le  Breviari  d'amor.  Parmi  les  mss.  des  Troubadours,  le 
n°  1592  de  la  B.  N.  le  présente  constamment.  Ex.  :  dominais 
=  dompna  se,  emperaîreis  =  emperaire  se,  gensois  =  genso 
se.  Il  est  remarquable  que  ces  mêmes  textes  laisssent  en  géné- 
ral intactes  les  finales,  soit  verbales,  soit  nominales,  en  as,  es, 
os*.  Ainsi  ela  se  devient  elais  ;  mais  elas  reste  elas. 

455,  note.  —  Le  pronom  neutre  lo,  dontil  est  question  dans 
cette  note,  fut  autrefois  très-peu  usité,  et  les  dialectes  qui, 
comme  le  provençal  et  le  dauphinois,  en  faisaient  le  plus 
d'usage, l'employaient  comme  sujet2. Aussi  ai-je  eu  tort  de 
ne  pas  l'inscrire  comme  tel  dans  le  paradigme  (p.  176).  Au- 
jourd'hui on  s'en  sert  beaucoup  en  Provence,  au  moins  dans 
le  sous-dialecte  d'Avignon,  que  Mistral  a  rendu  classique,  mais 
surtout,  à  ce  qu'il  semble,  comme  régime  ou  attribut.  Voy. 
sur  ce  pronom  la  Romania,  IV,  342. —  Dans  le  Vivarais  et  le 

4  II  y  a  fort  pou  d'exceptions.  Los  moins  rares  concernent  es.  Pour  os 
je  n'ai  qu'un  exemple,  précieux  à  not>T  comme  témoignage  de  l'an- 
cienneté de  la  prononciation  actuelle  du  pronom  nous  en  bas  Languedoc  : 
Mas  la  raso  nois  (pron.  nouis)  no  sabem  (Breviari  d'amor,  v.  2514).  Il 
en  élait  probablement  déjà  de  môme  de  vos  et  de  los.  Voy.  là-dessus  A. 
Roque-Ferrier,  l'Article  et  les  Pronoms  en  langue  d'oc  (Revue  des  l.  r..  IX, 
135).  —  A  l'égard  de  as,  on  peul  citer  vays  (=  vas  =  vers)  dans  un 
troubadour  de  Béziers  (R.  Gaucelm)  et,  sans  \'s  (devant  une  consonne), 
ai  ■=  as  pour  als,  datil  pluriel  de  l'article,  dans  la  Vie  de  St  Honorât,  pp. 
12  et  158.  (Cf.  dans  le  même  texte,  p.  12,  ei  santz  —  es  (e  los)  santz).  Men- 
tionnons encore  les  formes  verbales  de  2e  pers.  plur.  en  ai  =  as  =  atz, 
qui  ont  été  signalée?  dans  G.  de  la  Barre  et  dans  Flamenca,  et  sur  les- 
quelles voyez  la  Revue  des  l.  r.,  VI,  292.  (Il  y  en  a,  si  je  ne  me  trompe, 
dans  ce  dernier  texte,  un  autre  exemple  à  relever;  c'est  au  vers  1548, 
où  je  crois  qu'il  fatu  lire:   Pasai,  [ai  s'el  =  passez,  dit-il.) 

4  C'est  à  ce  litre  qu'on  le  voit  figurer,  et  je  n'en  connais  pas  d'exemple 
plus  ancien,  dans  ces  vers  du  troubadour  provençal  Raimbaut  d'Orange 
(Mahn  Gedichte,  n»  326  et  354)  : 

Qui  qu'en  favelh 

lo  m'es  prii  helh 
I»c  mon  saber. .  . 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  27 

Dauphinéil  conserve  son  ancien  rôle  de  sujet,  sous  les  formes 
lou,  le,  la.  Pour  cette  dernière,  cf.  sa  =  so,  va  =  vo  =  (o). 
On  a  des  exemples  de  la  remontant  au  moins  au  XV0  s.  Les 
mêmes  formes  se  retrouvent,  et  avec  le  même  emploi,  dans 
plusieurs  variétés  des  dialectes  de  la  Lombardie  et  du  Piémont. 

456,  1.  13.  —  Le  dialecte  gascon  fait  encore  un  grand  usage 
de  ces  pronoms  af fixes,  comme  les  appelait  Raynouard.  Vos 
y  est,  non  us,  mais  bs,  réduit  souvent  à  b  (p),  et  quelquefois 
même  changé  en  ts  (cf.  cat,  cot=cap,  cop):  sits  platz  (Dastros) 
=  si  vos  platz.  —  L  (lo)  et  Is  (/os)  s'y  vocalisent:  lou  bin  hé 
parlau  (id.)  =  parlar  lo  (le  vin  le  fait  parler). 

457,  1.  9.  —  Il  faut  faire  une  exception  pour  la  sujet,  qui, 
comme  l'article  féminin  pluriel,  élide  quelquefois  son  à.  Ex.  : 
quan  fan  =  quand  elles  ont. 

457,  1.  22.  —  Des  textes  de  la  Provence  proprement  dite, 
du  XIVe  siècle  ou  de  la  fin  du  XIIIe,  offrent  quelques  exemples 
de  cette  chute  du  v  initial,  tant  dans  le  pronom  vos  que  dans 
quelques  autres  mots  (vostre,  volopat,  volontiers).  V oy.  Derniers 
Troubadours  de  la  Provence,  p.  22;  Vida  de  sant  Honorai,  pp. 
120  a  et  b,  129,  133  a,  174  b,  186.  Dans  la  chronique  biterroise 
de  Mascaro(p.  136),  on  trouve  hoiar  (=  voiar),  où  vse  réduit 
seulement  à  h. 

459, 1.  7.  —  Dans  la  Provence,  cal(cau)  est  employé  abusi- 
vement sans  article,  comme  relatif,  principalement  après  les 
prépositions  :  de  quau  =  de  qui,  en  eau  =  à  qui.  Usage  ancien 
dans  ce  pays,  comme  le  prouvent  les  ex.  ci-après,  tirés  de  la 
version  du  Nouveau  Testament  (ms.  2425)  : 

Lo  drap  de  quai  era  centurat. 

(Jean,  13,  5) 
Lo  lazer  quai  Jhesus  avia  resuscitat. 

{Ibid.  12,  6) 

460,  1.  4-5.  —  C'est  par  inadvertance  que  j'ai  dit  ici  que 
quant  «comme  relatif  ne  servait  qu'au  neutre.  »  La  vérité  est 
qu'il  pouvait  servir  pour  tous  les  genres  et  aux  deux  nombres. 

460,  note  1.  —  Cet  emploi  de  l'article  pour  le  pronom  est 
très-fréquent  dans  la  Chanson  de  la  croisade  albigeoise.  On  peut 
voir  les  exemples  réunis  par  M.  Paul  Meyer  dans  le  glossaire 
de  son  édition. 

460,  1 .  2  du  bas  :  «  réduites.  »  —  Lis .  :  réduit. 

461, 1.  3-4.  «  Ço  (ou  ce)  n'est  jamais  employé  qu'avec  un 
pronom  relatif.  » — Il  y  a  là  une  erreur  ;  j'oubliais  que  ce  s'em- 
ploie très-fréquemment  seul  avec  le  verbe  dire  :  ce  di,  ce  disio, 
ce  disset-eù,  etc.  On  se  sert  aussi  quelquefois  de  ça,  mais  rare- 
ment, par  ex.  dans  la  locution  pléonastique  ce  disset-eù  ça  di, 
qui  répond  au  fameux  qui  dit  dit-il  de  nos  troupiers.  —  Je 
noterai,  en  passant,  que  la  forme  ce  se  rencontre  déjà,  dès 
le  XIVe  siècle,  dans  des  textes  du  Limousin  ou  d'autres  pro- 


28  •  DIALECTES    MODERNES 

vinces,  principalement  du  bas  Languedoc.  C'est  dans  le  Petit 
Thalamus  île  Montpellier  que  j'en  ai  vu  les  exemples  les  plus 
nombreux. 

460,  note  2. — Voy.  un  autre  ex.  de  quo  pour  aco  dans  G.  de 
Ross  il  Ion,  v.  299  du  fragment  publié  par  M.  Meyer  dans  son 
Recueil,  parmi  les  variantes. 

461,  note  2  :  «  1589  ».  —  Lis.:  1389. 

162,  notel. — Un,  dans  les  deux  exemples  de  saint  Bernard 
l'apportés  ici,  est  plus  probablement  une  variante  orthogra- 
phique de  on. 

462,1.21. —  Sur  le  modèle  de  alcun,  cascun,  où  unus  n'ajoute 
rien  à  la  signification  ni  de  alit/nis,  ai  de  quisque,  le  dialecte 
languedocien  a  formé,  en  ajoutant  un  à  mant,  trop,  quant, 
tout,  les  adjectifs  composés  mantun,  tropun,  quantun,  toutun, 
qui  ont  respectivement  le  même  sens.  Mantun  est  déjà  fré- 
quent  dans  la  Croisade  albigeoise  en  prose;  je  n'ai  pas  des 
trois  autres  d'exemple  remontant  au  delà  du  XVIe  siècle.  — 
C'est  peut-être  une  composition  semblable  que  nous  offre 
cilun,  qui  se  lit  deux  fois  dans  la  Vie  de  Saint  Honorât  (pp.  45  et 
88),  e1  qui  signifierait  la  même  chose  quecil  tout  seul,  c'est-à- 
dire  ceux-ci.  Ce  sens  conviendrait  fort  bien  dans  les  deux  pas- 
sages. 

163,  note  1. — On  pourrait,  je  pense,  sans  trop  de  témérité, 
désigner  le  littoral  méditerranéen,  de  Nice  à  Valence,  en  y 
comprenant  les  îles  voisines,  comme  le  domaine  propre  de 
cette  forme,  en  France  et  en  Espagne.  Elle  parait,  dans  les 
deux  pays,  s'être  fort  peu  avancée  dans  les  terres,  sauf  peut- 
être  du  côté  des  Pyrénées.  —  Les  textes  cités  dans  la  note  ne 
sont  pas  les  seuls  qui  en  offrenl  des  exemples*.  Voy.  encore 
In  troubadour  apiésien,  par  l'abbé  Lieutaud,  v.  115;  les  Der- 
niers Troubadours  de  la  Provence,  pp.  01  et  99;  Vie  de  saint 
llnnorat,  édit.  Sardou,  p.  66  (assaventura  —a  l'aventura),]).  111 
[que  sa  dona  per  ver  entui/seguat  avia),  p.  203  a,  note  37  (sos 
oes  osas  mans)',  Nat  de  Mous,  dans  un  passage  cité  deux  fois 
par  les  Leys  d" Amors  (II,  256  et  390]  : 

Quar  qui  so  ver  te  nec 
Lay  on  direl  deura 


Au  nom  propre  Pons  de  sa  G-ardia,  rappelé  par  M.  Meyer 


•Le  Ludus  sancti  Jacobi  en  a  un  troisième  au  v.  371 . — Je  n'en  ai  men- 
tionné que  trois  dans  Flamenca;  mais  il  y  en  a  un  plus  grand  nombre. 
Pour  plusieurs,  à  la  vérité,  on  peut  hésiter  entre  l'adjectif  possessif  et 
l'article.  —  Dans  Ste  Agnès,  le  texte  qui  en  a  le  plus,  j  en  ai  compté  19. 
M.  Meyer  (article  cité)  en  a  r  devé  1  i.  Voici  les  cinq  autres:  263  :  ce  nostre 
iliens;  340  :  ci  ma  j  estât  (corrigé  cil  sans  nécessité);  824  et  1145  :  A!  de 
sa.....' (et  non  adèsa,  comme  porte  l'édition);  931:  ço  (=  so),  inutilement 
changé  en  cel. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  29 

et  qui  est  dans  deux  mss.  (sinon  un  plus  grand  nombre),  celui 
du  troubadour  appelé  par  d'autres  P.  de  la  Gardia,  on  peut 
joindre  les  deux  suivants,  que  je  trouve  dans  Teulet  (ncs  475 
et  800):  Oalrics  dez  Anglada  (=de  z'Anglada)  et  W. des  Bosquet. 
Ce  qui  prouve  bien  que  c'est  à  ipse  qu'il  faut  rattacher  ces 
formes  de  l'article,  c'est  que,  dans  de  très-anciennes  chartes 
de  la  Provence  et  du  bas  Languedoc,  où  le  latin  se  mêle  au 
provençal,  on  voit  souvent  cet  adjectif  jouer  le  rôle  de  l'ar- 
ticle, comme  Me  le  fait  dans  d'autres.  Je  renvoie  aux  chartes 
du  Mémorial  des  Nobles  de  Montpellier,  portant  les  nos  35,  36, 
37,  40,  81,  101,  120,  121,  122,  125,  129,  dans  l'édition  de 
M.  Montel  (Revue  des  langues  romanes,  t.  V  et  VI).  Voy.  aussi 
Meyer,  Recueil,  nos  45  et  46. 

466,  note  1  :  «  pourrfe/,  employé  ».  -  Lis.:  pour  del  ou  dal, 
employés. 

469,  1.  6  du  bas.  —  Effacez  si. 

473,  note  4,  1.  1.  —  Ajoutez  cet  exemple  tiré  d'une  pièce 
languedocienne  de  1355  :  a  tug  aquillt  { Joyas  del  gay  saber, 
p.  13). 

475, 1.8  du  bas. —  Quecx,  contrairement  à  ce  qui  est  dit  ici,  a 
duré  longtemps.  Il  était  encore  usité  au  XIVe  siècle.  Les, Leys 
d'amors,  tout  en  le  qualifiant  de  mot  estraiih,  constatent  qu'il 
était  «acostumat  de  pausar  per  cascus.  » 

476,  Nul. —  Il  faut  ici  ajouter,  comme  équivalent  de  nullus, 
pen-peino,  littéralement  pas  un,  pas  une. 

477,  note  3  (lis.  1  au  lieu  de  3.  —L'adjectif  trop, plur.  tropis, 
tropos,  existe  encore  en  Languedoc. 

Tom.  VI,  177,  1.  3:  «  Revista.  »—  Lis,:  Rivista. 

179,  note  2:  «51-55.  »  -  Lis.:  36-37. 

179,  note  3:  «36-37.»  —Lis.:  51-55. 

189,  1.  3.  —  D'autres  formes  de  cette  première  per- 
sonne sont  soun  et  sieu,  la  première  propre  au  languedocien, 
la  seconde  au  provençal.  Soun  (son)  est  déjà  très-fréquent  dans 
les  vieux  textes;  sieu  [siu  ),  au  contraire,  y  paraît  à  peu  près 
introuvable.  Peut-être  y  en  a-t-il  un  exemple  au  v.  3362  de 
Flamenca  : 

Quar  s'ieu  am  e  non  siu  amatz. 

189,  note  1. —  Sias  est  la  forme  constante  de  cette  2me  per- 
sonne dans  la  version  provençale  du  Nouveau  Testament  con- 
tenue clans  le  ms.  B.N.  2425,  si  j'en  juge  du  moins  par  ce  qui 
a  été  publié  de  cette  version. 

189-190.  —  Ce  qui  est  dit  ici  de  em  et  de  etz  n'est  pas 
exact.  Ces  formes,  dont  on  trouve  de  nombreux  exemples 
dans  Goudouli  et  dans  les  poètes  ses  contemporains  et  succes- 
seurs, survivent  encore  en  diverses  parties  du  Languedoc. 


30  DIALECTES    MODERNES 

190,  note  3.  — J'ai  rencontré  depuis  ces  mêmes  formes  [era- 
vam,  eravatz  )  dans  les  œuvres  de  deux  troubadours  de  Béziers, 
Matfre  Ermengaud  et  Bernard  d'Auriac. 

Mentionnons  encore,  à  cette  occasion,  d'autres  formes  an- 
ciennes dont  on  n'a  que  de  très-rares  exemples,  tous  relevés 
dans  des  textes  de  la  Provence.  Ce  sont siu  {j'étais),  siam  {nous 
étions),  sias  {  vous  étiez  ),  siu  { ils  étaient).  Pour  siam  et  sias, 
voy.  la  Revue  des  langues  romanes,  VII,  76,  note  sur  le  v.  18 
d'une  pièce  de  Jacme  Mote  d'Arle.  Quant  aux  deux  siu,  je 
n'ai  encore  rencontré  ces  formes  qu'une  seule  fois.  C'est  dans 
le  roman  de  Flamenca,  v.  4045  et  v.  4739,  où  elles  sont  con- 
firmées à  la  fois  parle  contexte,  qui,  dans  les  deux  cas,  exige 
l'imparfait  de  l'indicatif,  par  la  présence  dans  un  autre  pas- 
sage (  v.  6073)  de  la  forme  siam  (nous  étions),  et  enfin  par 
cette  double  circonstance  qu'il  y  a  dans  le  même  texte  d'autres 
exemples  de  iu  pour  ia  (ainsi  estiu  =  estia,  aux  vv.  1315,3495 
et  6428),  et  de  iu  pour  io,  3e  pers.  plur.  (Voy.  vv.  871,  2020, 
1372,  6437,  etc.) 

Cet  imparfait  de  être  existe  encore  aujourd'hui  ;  mais  je  ne 
saurais  dire  si  la  série  de  ses  formes  est  complète,  ni  quelle 
est  l'étendue  du  pays  où  elles  ont  cours.  Je  n'ai,  jusqu'à  pré- 
sent, d'exemples  que  de  la  première  et  de  la  deuxième  personne 
du  pluriel  (  siam  et  sias) ,  et  c'est  dans  une  pièce  datée  d'Alais 
(Gard  ),  et  imprimée  dans  YArmana  de  Lengado  pour  1876, 
que  je  les  ai  recueillis. 

Revenant  au  siu  {  =  eram  )  du  v.  4045  de  flamenca,  je  re- 
marquerai que  cette  forme  nous  offre  probablement  l'exemple 
le  plus  ancien  de  la  substitution  qui  s'est  opérée  dans  le  dialecte 
provençal  de  iu  [ieu)  à  Via  classique,  à  la  lre  pers.  sing.  de 
l'imparfait  et  du  conditionnel.  La  Vie  de  sainte  Enimie, dont 
l'auteur  était  de  Marseille,  a  deux  exemples  de  la  même  flexion. 
Ce  sont  les  suivants  (  Bartsch,  Denkmœler,  266,  21-22)  : 

E  que  as  dit  1  que  ja  tenrieu 
Per  fantauma  si  ho  auzieu 

Les  félibres  n'écriraient  pas  aujourd'hui  autrement. 

191,  note  1. —  J'ignorais,  quand  j'écrivais  cette  note,  que 
des  formes  pareilles  à  celles  que  j'y  signale  ont  cours  aujour- 
d'hui aux  environs  de  Limoges,  sinon  à  Limoges  même.  Ru- 
ben,  dans  ia  préface  de  son  édition  de  Foucaud,  a  côté  de  fu- 
gueioA  fuguesso,  mentionne  siguei  et  siguesso,  et,  en  effet,  j'ai 
rencontré  ces  dernières  formes  dans  de  récentes  chansons  li- 
mousines4. Mais  on  ne  trouve  jamais  rien  de  pareil  ni  dans 
Foucaud,  ni  dans  Richard. 

200,  1.  1  :  «  comme  Toulouse  et  Marseille  ».  —  Par   «  Mar- 

1  Le  Berry  dit  de  même:  je  sus  =.je  fus;  je  susse  —  je  fusse  (vov.Jau- 
h  ri,  Glossaire  ducentredela  France,  p.  276). 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  31 

seille  »,  le  lecteur  aura  compris  que  j'entends  la  Provence  en 
général.  11  se  pourrait  qu'à  Marseille  même  ces  formes  en  gué 
fussent  moins  usitées  que  d'autres  formes  allongées  (en  ssé). 
C'est  du  moins  ce  que  semblent  indiquer  les  textes  spéciale- 
ment marseillais  que  j'ai  pu  lire. 

463,  note  I,  1.  4.  —  Ajouter  :  Ces  formes  affaiblies,  ou  origi- 
nairement faibles,  enii=i[v)i  ne  se  rencontrent,  à  ma  connais- 
sance, que  dans  le  texte  cité  dans  cette  note,  dans  Boëceiy.  87  : 
servit),  dans  une  pièce  rimée  du  ms.  lat.3558  B,  que  je  pu- 
blierai incessamment,  avec  les  sermons  contenus  dans  le  même 
msJtenguii,  chaiguii,saubii),  et  enfin  dans  le  fragment  de  mystère 
découvert  àPérigueux,  dont  j'ai  donné  dernièrement  la  2e  édi- 
tion {eichii)  *.  Tous  ces  textes  sont  limousins.  La  prononciation 
actuelle  ne  fait,  dans  ces  formes  et  les  pareilles,  sentir  qu'un 
i,  mais  très-allongé  :  dlssî,  venguî,  tenguî,  saubi,  etc.,  et  peut- 
être  en  était-il  déjà  ainsi  autrefois. 

463,  note  3. — J'ai  oublié  ici  di,  usité  encore  dans  lalocution 
ce  (ou  ça)  di  —  dit-il  (anc.  fr.  ce  dit). 

465,  lre  col.,  1.  7:  «  esas.n  —  Lis.  :  essa. 

470, 1.  15  du  bas  :  a  y.  »  — Lis.  :  y. 

473, 1.  14  du  bas.  —  A  coufi  on  peut  ajouter,  comme  ayant 
passé  àla2me  conjugaison  (inchoative),  les  deux  verbes  counci 
iconcidere)  et  suncî  [subcidere]  :quelo  chalour  me  counci  (m'abat, 
m'accable);  lou  gran  fre  lou  suncî  (le  saisit,  le  transit.)  Si  ce 
dernier  verbe  est  le  même  que  l'anc.  somsir,  il  est  resté  plus 
près  de  la  signification  primitive. 

473,  1.  13  du  baSo  —  Outre  disei  (dises),  nous  avons  encore 
à  la  2me  personne  du  sing.  de  l'ind.  prés,  la  forme  forte  dî 
(  =  dis  =  ditz),  usitée  uniquement  dans  la  formule  interro- 
gative  qiien  di?  —  A  l'impératif, nous  avons  aussi,  outre  dijo, 
une  seconde  forme,  dî  (cf.  fr.  dis)  qu'on  peut  employer  isolé- 
ment, mais  que  l'on  joint  volontiers  à  la  première  d'une  façon 
pléonastique  :  dijo,  dî  ! 

Al  A,  note  1.  —  Cette  signification  de  deidire  doit  être  rap- 
prochée de  celle  que  l'ancienne  langue  d'oc,  comme  l'ancien 
français,  donnait  quelquefois  à  desmentir,  à  savoir  fausser, 
dans  un  sens  matériel  (p.  ex.  une  armure). 

475,  n°  9.  —  Mulgere  n'a  pas,  en  effet,  de  représentant  dans 
Raynouard.  Mais  on  trouve  dans  le  Donat provençalles  formes 
mois  =  mulsit  (54  a)  etmoutz  =  mulget^pl  a),  dont  la  dernière 
renvoie  à  un  infinitif  tel  que  molzer. 

Tom.  VII,  1 45,  1.  4  du  bas.  —  On  a  pourtant  des  exemples, 
même  dans  de  très-vieux  textes,  de  gui  tonique  à  la  lre  pers. 
du  singulier.  Voy.  la  note  1  de  la  p.  463  du  T.  VI  et,  ci-dessus, 

1  Voy.  Revue  des  l.  r.,  VII,  417,  note  sur  le  v.  7  de  ce  fragment 


32  DIALECTES  MODERNES 

L'addition  qui  s'y  rapporte .  D'autres  exemples  sont  agiri  dans 
P.  Vidal  (Ajastar  e  lassar),  rnentaugvi  dans  Guillaume  IX  (En 
Alvernha  .  Cette  dernière  pièce  offre  aussi  respozi,  autre  forme 
affaiblie. 

1  10,  dernière  1.  et  note  3. —  Je  crains  d'avoir  été  ici  beau- 
coup trop  affirmatif,  et  je  considère  aujourd'hui  comme  peu 
sûre  cette  explication  des  formes  bega,  molga,  etc.  Il  est  plus 
probable  que  \e  g  y  provient,  comme  dans  vengo,  de  Vi  durci 
de  la  flexion  iam. 

147,  n°  8.  «  Dàure.n    —  On  dit  aussi  doulei. 

1  18,  note  1. — D'où  vient  riclhâno,  qui  est  chez  nous,  comme 
on  le  voit  par  cel  exemple,  le  nom  de  L'arc-en-ciel?  Roche - 
gude  a  aidas,  et  le  languedocien  moderne  arcolan.  On  peut, 
d'après  ces  formes, conjecturer:  1°  que  17  de  notre  riclhâno  est 
parasite;  2°  que  ce  mot  a  subi  l'aphérèse,  ordinaire  en  limou- 
sin, de  l'a  initial.  La  forme  régulière  et  complète  du  mot  se- 
rait ainsi  arcfojlano  ,  qui  nous  représenterait  Yalclas  (  =  «/•- 
clans)  de  Rochegude  féminisé. 

1  18,  n'  16.  —  A  la  2e  pers.  du  sing.  ind.  prés.,  outre  pôdei, 
on  a  aussi,  en  haut  limousin,  la  forme  contracte  pouei.  Cf. 
vouei  à  côté  de  vôlei. 

149,  note  1.  — Je  n'avais  pas  sous  la  main,  quand  j'écrivais 
cette  note,  le  dictionnaire  de  Béronie,  et  mon  souvenir  de 
l'article  auquel  je  renvoie  était  resté  trop  peu  précis.  Ainsi 
explique  que  le  mot  «  probable  »  se  soit  glissé  sous  ma 
plume.  Le  fait  est  que  rien  ne  doit  paraître  moins  vraisem- 
blable  que  l'explication  donnée,  non  par  Béronie  lui-même, 
mais  par  son  continuateur  Vialle,  du  dicton  dont  il  s'agit. 

153, 1.  10.  —  On  trouve  déjà  quelques  exemples  isolés  de  la 
lre  pers.  plur.  du  futur  en  am  dans  des  mss.  du  XIVe  siècle 
(Croisade albigeoise,  Breviari  d'amor,  Vie  de  sainte  Enimie,  etc.) 

L53,  note  1.—  La  forme  classique  de  ce  futur  était  poirai,  par 
vocalisation  du  rf,  comme  dans  creirai,  veirai.  .Mais  on  trouve 
aussi,  dans  quelques  textes  anciens,  porai,  qui  est  notre pourai. 

L58,  1.  14.  --  Ajoutez:  Les  deux  participes penden  et  fenden 
ne  reçoivent  pas  non  plus  la  ffexion  féminine  dans  le  proverbe 
agricole  :  luno  penden,  terra  fenden.  Cf.  le  provençal  aigoardent 
=  eau-de-vie. 

159,  1.  20-21.  —  Les  formes  dont  il  s'agit  ici  existent  au- 
jourd'hui dans  le  dialecte  gascon  ;  mais  il  faut  se  rappeler  que 
ce  dialecte  est,  a  proprement  parler,  étranger  à  notre  langue. 

L59,  !.  25.  Il  faut  observer  ici  que,  dans  les  parties  du 
Périgord  où  La  voyelle  il  \ionnelle,  à  ces  trois  personnes,  est 
a,  elle  l'est  aussi  à  la  3*  pers.  du  pluriel.  Ainsi  disseran  et  non 
disseren. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  33 

159,  1.  3  du  bas.  —  Ajouter  :  Si  l'ancienne  forme  de  cette 
2e  personne  s'est  conservée  quelque  part,  il  est  probable  qu'elle 
a  complètement  rejeté  son  t  tinal,  dont  on  la  trouve  déjà  pri- 
vée, dès  le  XIVe  siècle,  dans  quelques  textes,  dont  le  prin- 
cipal est  le  Breviari  (Famor.  Ex.  tirés  de  ce  poëme  :  receubis 
(14637),  suffris  (14639);  formieis  (14611.  suffertieis  (14358).  On 
remarquera  dans  ces  deux  derniers  le  changement  aies  final 
en  ieis.  Ce  changement  a  presque  toujours  lieu,  en  pareil  cas, 
dans  le  poëme.  —  Une  pièce,  probablement  limousine,  que 
j'ai  plusieurs  fois  citée  (  Prière  à  Notre-Dame,  dans  la  lîo- 
mania,  I,  409  ),  abonde  en  formes  pareilles,  et  il  n'y  en  a  pas 
une  seule  en  t.  Mais  ies  ne  s'y  diphthongue  pas,  comme  dans 
le  Breviari.  Ex.:  aguis  (3),  parties  (34),  sufferties  (51). 

161,  1.  13.  —  D'autres  formes  de  prétérit,  aujourd'hui  en 
usage  à  Toulouse  et  lieux  voisins,  offrent  b,  au  lieu  de  g  ou  r, 
comme  consonne  flexionnelle.  On  dit,  par  exemple,  plourèbi, 
plourèbes  (plourec),  plourebèm,  plourebèts,  plourèben.  M.  le  doc- 
teur Noulet,  à  qui  je  dois  le  paradigme  entier  de  ce  temps, 
dont  je  n'avais  rencontré  dans  mes  lectures  que  les  personnes 
à  finale  atone,  m'apprend  que  la  3e  pers.  du  singulier  manque  à 
la  série.  On  ne  dit  jamais  ni  plourep,  ni  ploureb.  Je  ne  con- 
nais pas  d'exemple  ancien  de  ces  formes  remarquables,  où 
paraît  revivre  le  v  des  formes  latines,  et  qui  pourraient  suggé- 
rer une  troisième  explication  des  formes  en  ègui  du  même  dia- 
lecte. De  plorevi,  par  exemple,  ploregui  se  serait  aussi  régu- 
lièrement développé  que  mogui  de  movi. 

166,  1.  7.  —  Dans  les  verbes  de  la  lrc  conjugaison,  l'an- 
cienne langue  avait,  pour  ce  temps,  une  2e  forme  plus  étymo- 
logique, mais  moins  usitée,  en  ara;  ainsi  semblara  [Flamenca, 
3701  )  pour  semblera.  On  en  rencontre  quelques  exemples  isolés 
dans  des  textes  limousins  du  XIVe  siècle. 

173.  1.  9.  —  Le  même  recul  de  l'accent  se  remarque  excep- 
tionnellement en  portugais,  dans  les  imparfaits  pienha,  tînha 
vinha.  Voy.  Diez,  Grammaire,  trad.  franc.,  II,  178. 

176,  note  1.  —  Il  y  a  un  très-grand  nombre  d'exemples  de 
pareils  déplacements  de  l'accent  dans  la  Chanson  de  la  Croi- 
sade albigeoise.  Voy.,  dans  la  Revue  des  langues  romanes,  IX, 
p.  200,  la  note  sur  le  v.  5002  de  ce  poëme. 

Tom.  VIII,  168,  1.  11  :  a  Cel  i  respondero.  »  —  Il  faut  effa- 
cer cet  exemple.  La  bonne  leçon  est:  E  eli  respondero.  Voy. 
l'édit.  de  M.  Meyer,  v.  2915.  ' 

164,  note  2.  —  Or  =  on  est  aussi  plusieurs  fois  dans  la 
Chanson  de  la  Croisade  albigeoise.  On  y  trouve  également  dor 
pour  don.  Je  noterai,  en  passant,  que  la  mutation  de  n  en  /• 
qu'on  remarque  dans  ces  formes  est  très-fréquente  dans  le  dia- 
lecte dauphinois,  spécialement  dans  le  patois  deTOysans.  Ex.: 


34  DIALECTES    MODERNES 

ur  =  uro,  sour  (suum),  mour(meum),  bour(bonum),  etc.  Le  lan 

guedocien  milhouno  offre  un  exemple  de  la  mutation  inverse. 

]7,N  1.7.  —  Le  verbe  acelâ  (assalâ),  contrairement  à  ce  que 

j'avais  cru,  est  encore  usité.  En  voici  un  exemple  tiré  d'une 

chanson  récente  : 

Co  .fui  que  noù  van  alai 
Noù  assalù  soù  lou  plai 
D'autres  locutions  adverbiales  formées  comme  a  Vassala  sont 
a  brassa*  (iv.  à  bras-le-corps)  et  a  l'esprë  (fr.  à  dessein).  A  la- 
place  de  l'ancien  de  leu,  on  dit,  à  Rochechouart,  de  legiè  (anc. 
l'r.  de  léger  ). 

176,  note  1,  dernière  ligne. —  Locutions  semblables  usitées 
en  Provence  et  enLanguedoc:  d'agaclioun,  d'escoundoun,  d'as- 
setous. 

177,  1.  21. —  A  daveras,  ici  rappelé,  on  peut  ajouter  dapas 
lentement)  et  dabadas  (en  vain).  Ce  dernier  subsiste  encore 
en  Provence  (  de  bado  ). 

.  178,  1.  10  du  bas.  —  On   trouve    en  effet,  dans  l'ancienne 

langue,  une  locution  semblable  :  casen  levan  ou  levan  casen.  En 

voici  un  exemple  du  troubadour  Perdigon: 

B  fin  joi  e  lonc  désir 
Mi  mcnet  levan  cazen . 

(  Parnasse  occitanien,  115.  ) 

181.  Sur  no  mas  quant.  —  Au  lieu  de  quant  ou  que,  on  trouve 
(|iiclquefois  de,  ce  qui  confirme  mon  analyse  de  notre  lo- 
cution, la  relation  entre  les  deux  termes  d'une  comparaison 
pouvant  s'établir  aussi  bien  par  fie  que  par  que  ou  quant  (quan- 
tum). Ex.:  res  mays  de  veritat  pura  [saint  Honorât,  p.  322); 
negm. . .  mas  d'en  Arnaut(V\e  de  G.  de  Berguedan).  D'autres 
fois,  de,  au  lieu  de  se  subgtituer  à  quant,  s'y  ajoute  simplement. 
Ex.:  )nas  cant  sol  de  Proensa  (Croisade  albiyeoise,  v.  7072). 
Voy.  encore  dans  le  même  poëme,  vv.  140,  2055,  2320,  326S. 

L84,  1.  10:  «(co  colp).»  —  Lis.:  co(col/>). 

L84,  1.  1  <lu  bas.  —  Ajouter  :  Piei remplit  même  quelquefois 
abusivement  le  même  rôle,  par  suite  d'un  oubli  singulier  de 
su  signification  propre. Ex.:  pieiqu'un  n -i mecrese=-je  me  omis 
plus  qu'un  roi    Mozobrau,  là  Lemouzina,  p.  77  ), 

185,  note  2,  1.  2.  —  Au  lieu  de  2589,  il  faudrait  lire  2587. 
Mais  cel  exemple,  et  je  pense  aussi  le  second,  sont  à  suppri- 
mer. En  effet,  oil  o  doit  être  lu  oilo,  où  lo  est  pronom  neutre 
sujet,  el  je  ne  croispas  aujourd'hui  que  oi  soit  Y  oil  français. 

4    Cette  locution  existait  déjà  au  XIIIe  siècle  : 

: '']ir:i  son  marit  :i  brassât 

(,/.'/■< «l'art  cFamor,  v.   3933). 

Pouvait-on  l'employer  aussi,  comme  aujourd'hui,  avec  un  nom  féminin, 
et  dire,  par  exemple,  penrasa  molker  a  brassât?  C'est  fort  vraisembla- 
ble, mais  je  n'eu  ai  pas  la  preuve. 


GRAMMAIRE    LIMOUSINE  35 

J'y  vois  simplement  un  doublet  de  oc,  résultant  de  la  vocali- 
sation du  c. 

186,  note  3, 1.  2. — Aux  auxiliaires  de  la  négation,  ici  men- 
tionnés, ajoutez  mot  (motz)=  modum.  Ex.: 

Quant  menz  s'en  guarda  no  sap  mot  quan  los  prent. 

(Boëce,  132.) 

On  explique  ne  mot  par  muttum,  mais  je  crois  que  c'est  à 
tort.  Voy.  là-dessus  la  Rev.  d.  I.  r.,  2e  série,  IX,  p.  356,  note 
sur  le  v.  3065  de  la  Croisade  albigeoise. 

187,  1.  7. —  Voici  deux  exemples  de  cet  abus,  tirés  de  tex- 

teslanguedociens  du  XVe  siècle  : 

De  totz  quantsson  en  lo  pas  misérable 
D'aquest  mon  trist,  jamais  se  trobaria 
Qai  recomtes  lo  gang  inestimable. 

(Joyas  del  gay  saber,  p .  52) 

Et  quand  los  de  la  dita  vila  los  an  vistes  venir,  se  son  de  res 
esbayts.  [Croisade  albigeoise  en  prose,  édit.  Bompard,  p.  70). 

190,  1.  13-14.  —  En  Provence  et  dans  le  Vivarais,  je 
trouve  c  (qu)  employé  dans  le  même  cas.  Ex.:  din-c-un  panier, 
din-c-un  libre. 

191,  1.  12.  —  Sau  (sauv  devant  les  voyelles)  se  dit  aussi  en 
divers  lieux  :  sauv  aciden  —  sauf  accident. 

195,  1. 15  du  bas.—  Ves  (sous la  forme  bei)  est  employé,  dans 
la  Marche,  du  côté  de  l'Auvergne,  au  sens  de  à  ou  chez,  qu'on 
lui  trouve  aussi,  sous  des  formes  variées,  en  Languedoc,  en 
Provence  et  jusque  dans  le  Forez.  Exemples  anciens  de 
cette  acception  :  vas  un  juzieu  =  chez  un  juif  (Meyer,  Rap- 
ports^ etc.,  p.  62)  ;  vas  Jérusalem  =  à  Jérusalem  (Ibid.,  64). 

197,  ligne  15  :   «  Ne  sai  quans.  »    —  Lis.  :    No  sai  quans. 

198,  1.  4  du  bas. —  Exemple  pareil  dans  G.  de  Rossillon 
(v.  6755): 

Ab  Girart  son  lbi  dui  trei  companho. 

200,  ligne  15.  —  On  trouve  déjà  per  tôt  aquo,  avec  le  sens 
de  malgré  cela,  dans  une  pièce  de  Guillaume  IX,  le  plus  ancien 
des  troubadours: 

Mas  ieu  per  tôt  aquo  nom  mogui  ges 

199,  note  3,  1.  8.  —  Le  dialecte  provençal  se  sépare,  sur 
ce  point  comme  sur  tant  d'autres,  du  limousin  et  de  la  lan- 
gue classique,  mais  y  signifiant  à  la  fois  verum  et  magis.  Il  en 
était  de  même  autrefois,  comme  on  peut  le  voir  par  les  textes 
spécialement  provençaux,  tels  que  Flamenca,  saint  Honorât, 
sainte  Agnès,  etc . 

200,  1.  10  du  bas. — Pâmin  se  dit  aussi,  en  Limousin,  dans  le 
même  sens,  mais,  à  ce  qu'il  semble,  beaucoup  moins  que  pa- 
mens  en  Provence. 


36  DIALECTES    MODERNES 

202,  1.  2  du  bas.  — Un  exemple  plus  ancien  de  quart,  dans 

cette  acception,  est  le  suivant,  tiré  de  Jaufre  : 

Per  pauc  non  a  lo  sen  perdutz 
Tant  fon  fels  e  mal  et  iratz 
Can  Jaufre  non  era  nafra/z. 

Voy.  aussi  Flamenca,  v.  177?,  où  cant  =  car,  vu  que. 

203,  1.  10.  —  L'explication  ici  hasardée  de  de  se  que 
est  à  retirer.  Cette  locution  est  certainement  de  sempre  que, 
puisque  dese  {descn,  desempre)  =  aussitôt.  Voy.  la  note  1  de 
la  page  311. 

203,  1.  19.  —  Il  faut  ajouter,  comme  équivalent  de  peique 
(fr.  puisque),  iïabor  que,  moins  usité  pourtant  chez  nous  qu'en 
Provence  et  qui  a  ;uissi,  et  même  plus  souvent,  sa  signification 
propre  et  normale  de  nus^i/ù/  que. 

205,  1.  3:  «Quoique.»  —  J'ai  oublié  l'équivalent  le  plus 
correct  de  la  conjonction  française,  qui  est  tombe  que.  .Mais 
aujourd'hui  on  ne  s'en  sert  plus  guère. 

205,  1.  ldu  bas.—  11  y  a  ici  une  erreur  :  perso  que  pouvait, 
en  effet,  se  réduire  à  per  so.  Ex.  :  «  e  fes  lo  cor  raustir...  per 
so  la  domna  s'agradava  fort  de  corde  salvaizina.  »  (Vie  de  G. 
de  Cabestanh.) 

20(3,  1.  12  du  bas:  «  Vouei.  »  —  Cette  interjection  existe 
aussi  [voui)  vu  Languedoc.  En  Provence  je  la  trouve  jointe, 
comme  chez  nous  (mais  sous  sa  forme  primitive;,  à  l'impératif 
de  ridere  :  oi-ve  ! 

207,  1.21. — D'autres  altérations  de  diable  sont  diatrc, 
marjaure  (  =  malus  dinl><dus). 

208,  1.  1  :  upleit-a-Deu!  »  — ■  Je  trouve  de  même  plaît  a 
Dieusl  dans  des  textes  Languedociens  du  XVIIe  s.  [Théâtre 
de  Béziers,  pp.  96,  166). 

208,1.18.  — Ajoutez  ourdi,  altération  de  ardi,  qui  se  dit 
aussi.  C'est  le  fr.  hardi  =  hardiment!  courage! —  Au  lieu  de 
anem  !  on  dit  aussi  quelquefois  an  !  qui  n'en  est  qu'une  abré- 
\  ai  ion. 

2  (8,  I.  L9  :  «ja.n  —Cette  interjection  est  mentionnée  dans 
les  Leys  d'amors  [11,36),  parmi  un  certain  nombre  d'expres- 
sions elliptiques  encore  usitées  pour  la  pluparl . 

C .  Chabaneau . 


POESIES  37 

NEMAUSA 

A  moun  cousin  Maurice  Faure 


O  fiho  de  Pradié!  superbo  Nemausa  ! 
Que  sies  bello,  aubourant  subre  nosto  Esplanade 
Toun  front,  un  di  mai  pur  que  se  posque  lausa  , 
Tant  l'engèni  Ta  tra  sa  divino  alenado  ! 

Pèr  t'amira,  la  niue,  quand  tout  s'es  ameisa, 
Lis  estello,  amoundaut,  s'aplanton  estounado  ; 
Lou  jour,  Tardent  soulèu  es  fier  de  te  beisa, 
E  d'un  double  trelus  sies  ansin  courounado. 

Pèr  rèino  o  pèr  divesso  on  te  prendrié  subran, 
A  vèire  toun  regard,  toun  gàubi  soubeiran 
E  la  serenita  de  ta  tèsto  roumano. 

Eto,  rèino,  la  sies  :  rèino  de  la  bèuta, 

E  divesso  tambèn;  car,  dins'ta  majesta, 

De  Dieu  même  aparèis  l'estampo  subre-umano. 

Léontino  Goirand, 
Felibresso  d'Areno. 
(Provençal.  Avignon  et  les  bords  du  lihône.) 

NEMAUSA 
A  mon  cousin  Maurice  Faure 

O  fille  de  Pradierl  superbe  Nemausa!  —  que  tu  es  belle,  élevant 
au-dessus  de  notre  Esplanade —  ton  front,  un  des  plus  purs  que 
l'on  puisse  louer,  —  Tant  le  génie  y  a  jeté  son  divin  souffle  ! 

Pour  L'admirer,  la  nuit,  lorsque  tout  s'est  apaisé,  —  les  étoiles 
là-haut  s'arrêtent  étonnées  ;  —  le  jour,  l'ardent  soleil  est  lier  de 
te  baiser,  —  et  d'un  double  rayonnement  tu  es  ainsi  couronnée. 

Pour  reine  ou  pour  déesse  on  te  prendrait  sans  hésiter,  —  rien 
qu'à  voir  ton  regard,  ton  maintien  majestueux  —  et  la  sérénité  de  ta 
tète  romaine. 

En  etfet,  reine,  tu  Tes  :  reine  de  la  beauté,  —  et  déesse  en  même 
temps;  car, dans  ta  majesté, —  de  Dieu  même  apparaît  l'empreinte 
surhumaine.  Léontine  Goirand, 

Felibresse  d'Arène. 


jS  POESIES 

L'ALBETO 

A  Madoumaiselo  Jano  W. . 


Per  belisjouns  de  mai  m'en  anavi,  troubaire, 
Estroupat  dins  la  neit  de  moun  grand  pessoment, 
Le  cap  clin,  le  cor  mut,  e,    sens  i  fa  moument, 
Dreit  en  qualque  traucas  ount,  iiac,  pouiriô  me  jaire. 

E,  malaui   a  fugi  le  mendre  gariment, 

Que  v'a  tout  debrembat  :  muso,  patrio,  inaire, 

Me  forobandissiô  per  mouri  bestioment; 

E  Fcampestre  ero  en  flous  e  le  soulelh  aimaire! 

Me  semblavo  segui  le  Dante  espetaclous, 

En  caminant  de  cops  entre  de  gourgs  bessous, 

De  cops  dins  un  désert  ou  pr'uno  inmenso  grevo. 

Quand  vous  vegeri,  roso  e  bloundoà  'stabousi. 
E,  del  cap  as  artels  me  sentient  trefousi, 
Canteri  :  «  0  moun  cor  !  l'albeto  que  se  levo  !  » 

Agusto  Fournis . 
(Languedocien,  Gastelnaudary  et  ses  environs.) 

L'AUBE 

A  Mademoiselle  Jeanne  W. .. . 


Par  les  beaux  jours  de  mai  je  m'en  allais,  poète.  —  enveloppé 
de  la  nuit  de  mon  grand  souci,  — la  tète  inclinée,  le  cœur  muet,  et, 
sans  y  prêter  attention,  —  droit  à  quelque  trou  profond  où.  sans 
forces,  je  pourrais  me  coucher. 

Et,  malade  à  fuir  la  moindre  guérison,  —  (comme un  homme)  qui 
a  tout  oublie  :  nuise,  patrie,  mère,—  je  m'exilais  pour  mourir  obscu- 
rément, —  ei  les  champs  étaieni  fleuris  et  le  soleil  plein  d'amour! 

Il  me  semblait  suivre  le  Dante  étonnant.  — en  cheminant  tantôt 
entre  des  précipices  jumeaux,  —  tantôt  dans  un  désert  ou  par  une 
grève  immense. 

Quand  je  vous  vis.ros  e  et  blonde  à  étonner.  —  et  de  la  tète 
aux  orteils  me  sentant  tressaillir.  —  je  chantai:  «0  mon  cœur  ! 
(voilà)  l'aube  qui  se  levé  1  »  Auguste  Fourès. 


POESIES  39 

LOU  REINARD    E  LA    CIGOGNO 


Un  viel  Reinard  rusât,  —  va  soun  toutis,  directs  ; 
D'acordi,  mais  aqueste  aviô  lou  let,  veirets,  — - 

E  dasjouquiès  lamalo-pesto, 

Un  jour,  se  voulguent  egaia, 

Traco-traco,  anet  couvida 

Uno  Cigogno    per  fa  festo. 
Sul  cop,  vous  apensats  qu'aqui  se  va  cruca 
Quauque  tros  de  counil,  depiot;  un  boun  gala? 
Vous  rroumpats,  bravos  gens  ;  couneissets  pas  l'avaro, 
Sens  eounta  que  mitouno  un  gros  esperiment. 

Lou  rasclet  aget  simploment 
Un  boulhoun  d'al  e  d'iôu  qu'apelet  cremo  rare. 
Sariô  'stat  que  miècb  mal  se  l'aviô  mes  encaro 

Dedins  un  vase  ou  quicon  de  cloutut, 

Ount  lou  paure  aucelas  bec  ut, 
De  pic  ou  de  pelado, 

Agesse  un  bricounet  pouscut 

Pescouteja'n  chic  de  maissado. 

LE  RENARD  ET  LA  GIGOGNE 

Un  vieux  Renard  rusé  —  (ils  le  sont  tous,  me  direz-vous; —  mais 
celui-ci  l'emportait  sur  ses  pareils  *,  vous  le  verrez  bien),  —  et 
dès  juchoirs  la  maie  peste,  —  un  jour,  voulant  se  divertir,  —  alla 
tranquillement  convier  —  une  Cigogne,  afin  de  faire  fête.  —  Vous 
pensez  aussitôt  que  l'on  va  manger  là —  quelque  morceau  de  lapin, 
de  dinde;  un  bon  gala? —  Vous  vous  trompez,  braves  gens:  vous  ne 
connaisse/,  pas  l'avare. — Sans  compter  qu'il  mitonne  une  grande  ex- 
périence.—  Le  coquin  eut  simplement —  un  bouillon  avec  de  l'ail  et 
un  œuf,  et  le  nomma  crème  rare.  — Ce  n'eût  été  que  demi-mal  s'il 
l'avait  mis  encore  —  dans  un  vase,  un  objet  profond,  —  où  le  pauvre 
oiseau  à  long  bec,  —  de  gré  ou  de  force,  —  eût  pu  un  petit  peu  — 
enlever'2  sa  bouchée.  —  Mais  non  :  mon  gueux  achevé  —  fit  couler 

1  Littéralement  :  avait  le  bâtonnet.' 
■  Pêcher,  pêchoter. 


40  POESIES 

Mais,  nani,  raouu  gus  acabat, 
Sens  cap  de  vergougno,  ni  geino, 
Escourriguetla  clarinteino 
Dins  un  grand  paro-grais  de  très  pans  en  carrât. 
S'uno  mousco  i'ero  toumbado, 
Cresi  pas  de  menti,  s'i  sariô  pas  negado  : 
L'unchun  ero  espandit  d'uno  talo  faissou 
Que  d'un  fui  de  papié  fasiô  pas  l'espessou. 

Tabès,  coumo  uno  coutralasso, 

La  pauro  (  'igngno  badet, 

Dal  tems  que  l'autre  tout  lupet, 

Sens  emplega  culiè  ni  casso. 
La  Cigogno,  Tel  bas,  daisset  fa  lou  couqui  ; 
Mounetpas  souloment.  A  quinze  jours  d'aqul, 

Gracieuso,  toute  rejouïdo, 
Vai  trouba  lou  maraud,  que  saludo  e  couvido  : 

—  c  Amé  plasé  »,  dis  lou  Reinard  : 

Quand  es  questieu  de  faboumbanço, 

Es  l'are  que  siogue  en  retard, 

Sustout  se  i'a  bouno  pitanço.  » 

A  Fouro  dito,  manco  pas; 

Su!  boun  fumet,  qu'i  mounto  al  nas, 

Coumplimentejo  la  mestresso, 

La  logo  de  sa  poulidesso, 

E  de  plasé,  dous  ou  très  cops, 

sa  soupe  claire — dans  une  grande  lèche-frite  de  trois  pans  en 
carré:  —  si  une  mouche  y  était  tombée,  —  je  ne  crois  pas  mentir, 
elle  ne  s'y  serait  pas  noyée. — Le  bouillon  s'étail  étendu  d'une  telle 
façon,  —  qu'il  n'avait  pas  l'épaisseur  d'une  feuille  de  papier.  — 
Aussi,  comme  une  nigaude,  —  la  pauvre  Gigogne  bâilla —  pendant 
que  l'autre  lécha  le  tout,  —  sans  employer  cuiller  ni  casse.— 
La  Cigogne,  l'œil  bas.  laissa  faire  le  coquin; — elle  ne  murmura 
pas  seulement.  A  quinze  jours  de  là. — gracieuse,  toute  réjouie. —  elle 
va  trouver  le  drôle,  qu'elle  salue  et  convie  : — «  Avec  plaisir,  dit 
le  Renard;  — lorsqu'il  est  question  de  faire  bombance.  —  il  est  rare 
que  je  sois  en  arrière, —  surtout  s'il  y  a  bonne  pitance." — A 
l'heure  dite,  il  ne  manque  pas. —  Sur  la  bonne  odeur  qui  lui  monte 
au  nez,  — il  complimente  la  maîtresse  du  logis; —  il  la  loue  de  sa 
politesse.-    Et.de  plaisir,  deux  ou  trois  fois, — en  voyant   du  rôti 


POESIES  i\ 

En  vesent  rtal  roustit  Ion  ju  daurat  que  coulo 
E  la  brurao  de  fum  que  s'escapo  de  l'oulo, 

Se  passo  la  lengo  pes  pots. 
Mais  à  talhounetous  s'enmenuco  laviando 

Qu'aviô  guignado  tant  friando  ; 
Apei  dins  un  jarril  loungarut,  à  prim  tôt, 
La  Cigogno,  en  riguent,  fa  touniba  soun  fricot. 
Lou  Reinard  ven   ergnous,  coumprend  que  soun  vouiage 
Sara  blanc  :  acô's  clar,  es  pagat  de  retour. 
Tento  Testreit  furol,  mais  lou  cap  de  soun  mour 
S'anelo,  s'espremits  e  trabuco  al  passage. 
La  Cigogno,  dal  bec  margat  de  soun  loung  col, 

Tiro  lous  gratèus  coumo  vol. 
L'escanaire  de  pouls,  ras-moucat  coumo  un  blese. 
Las  aurelhos  sul  nas,  la  cougo  pes  garrous, 

Al  terriè  s'entournet  furious, 
Sens  ave  pechugat  de  car  gros   coumo  un  pesé. 

Se  las  gens  troumpats  de  miech  pan, 

Mai  d'uno  cano  vou'n  randran. 

A.  Mir. 

(Narbonnais,  Escales  et  ses  environs.) 

le  jus  doré  qui  coule  —  et.  le  nuage  de  fumée  qui  s'échappe  du  pot, 

—  il  passe  la  langue  sur  les  lèvres.  —  Mais  à  petits  morceaux  on 
divise  la  viande, —  qu'il  avait  épiée  si  friamment;  —  puis  dans  une 
cruche  longue,  à  col  mince, —  la  cigogne  en  riant  fait  tomber  ses 
mets.  —  Le  Renard  devient  inquiet  ;  il   comprend  que  son  voyage 

—  sera  blanc  :  cela  est  clair,  il  est  payé  de  retour.  —  Il  tente  bien 
l'étroite  ouverture,  mais  l'extrémité  de  son  museau — se  tord  comme 
un  anneau,  se  comprime  et  manque  le  passage.  — La  Cigogne,  du 
bec  qui  est  emmanché  sur  son  long  cou,  —  retire  les  cretons  comme 
elle  le  veut.  —  L'étrangleur  de  poulets,  sot  et  confondu1,  —  au  ter- 
rier s'en  revint  furieux,  —  sans  avoir  happé2  gros  comme  un 
pois-chiche  de  viandes. 

Si  vous  trompez  les  gens  d'un  demi-pan  3, —  ils  vous  le  rendront 
de  plus  d'une  canne'*. 

A  .  Mir. 

1  Littéralement  :  mouché  ras  comme  une  mèche  de  lampe.  —  -  Pinré. 

—  3  Anciennes  mesures  de  longueur. 


POESIES 


LI    VIÈI 


I  flanc  escalabrous  d'une-  auto  rancaredo, 

Frejo  e  fèro  e  redo, 
Sus  un  plancstôu  nus  bêlant  l'inmènso  raar, 
Un  vôu  de  pàuri  vièi,  pèr  noun  sai  quent  azard, 

Un  jour  se  rencountravo  : 
E  l'un  dins  li  vistoun  de  l'autre  regardavo. . . . 
E,  carga  de  grand  niéu,  lou  soulèu  s'aploumbavo.  — 

Dins  lou  gourg  s'aploumbavo. 

Eron  tôuti  do  vièi,  iue  d'anchoio,  peu  blanc, 

Escranca,  trantraiant, 
E  si  regard  disien  :  —  «  Oh  !  que  nosto  vidasso 
»  Fouguè'n  van  roumavage,  uno  cativo  casso  ! 

»   Las  !  oh  !  que  sian  bèn  las 
»  De  chaucha  lou  fumié  d'aquest  mounde  marrrias  ! 
»  Après  lou  dur  coumbat,  salut,  la  santo  pas!  — 

»  La  siavo,  santo  pas  !   » 

Mai,  pamens,  un  qu'avié  la  voues  ben  meigrinello, 
LES  VIEILLARDS 

Le  long  des  flancs  escarpés  d'une  chaîne  de  rochers,  haute,  — 
froide,  sauvage  etraide,  — sur  un  petit  plateau  dénudé,  contemplant 
l'immense  mer,  —  une  compagnie  de  pauvres  vieillards,  par  je  ne 
sais  quelle  aventure,  —  se  trouvai!  un  jour  ;  —  et  l'un  regardait 
dans  les  yeux  de  l'autre....  —  Et.  chargé  de  grandes  nuées,  le  soleil 
se  plongeait  comme  un  plomb,  —  se  plongeai!  dans  le  gouffre 
comme  un  plomb. 

C'étaient  tous  des  vieillards,  les  yeux  éraillés,  les  cheveux  blancs; 
—  écrasés,  chancelants,  —  et  leurs  regards  disaient  :  —  «Oh  !  que 
notre  vie  —  a  été  un  vain  pèlerinage,  une  poursuite  chétive  ! —  Las  ! 
on  '.  que  non-  sommes  bien  las  —  de  fouler  le  fumier  de  ce  monde 
mauvais!  —  Apres  le  dur  combat,  salut,  la  sainte  paix!  —  la  suave, 
la  sainte  paix!  » 

Mais.Jeepeiidant,  l'un  d'eux  qui  avait  une  voix  grêle, —  s'écria: 


POÉSIES  43 

Quilè  :  -—  «(  Pèr  li  piéucello 
»  M'èro  esquino  d'Ercule  !  »  Un  autre  :  —  «  Fe  de  Dieu  ! 
»  Avié  mens  d'esplendour,  l'arc-de-sedo  d'abriéu 

«  Que  la  roupo  de  glôri 
»  Qu'antan  m'agouloupavo  en  fàci  de  l'istôri. .    . 
»  Aro,  lou  crese  ;  ai  'sta  ren  qu'un  sot  tantalôri-,  — 

«  Un  triste  tantalôri.  » 

Marcave  sus  li  baus  ges  d'aleto  o  d'aucèu, 

De  flour  ni  d'aubre  béu, 
Subran  un  cant  mai  fier  autour  di  loubo  arido 
Vibregè  :  —  «  Fau  chula  la  laidour  de  la  vido, 

O  fiéu  d'Adam,  d'abord, 
Pèr  fin  que  chour  lés  pièi  la  bèuta  de  la  mort  !.... 
Ves,  milo  estello  au  cèu  van  durbi  sis  iue  d'or,  -  - 

Sis  iue  flamejant  d'or  !  » 

MANDA  DIS 
Au  felibre  G.   Charvet.  d'Alès 

Noun  es  un  Narbounés,  mai  ben  uno  Cisampo, 
Moun  pouèmo  que  lampo 

»  Pour  plaire  aux  jeunes  filles,  —  j'avais  jadis  une  taille  d'Her- 
cule! »  Un  autre  .  —  «  Foi  de  Dieu  !  —  il  avait  moins  de  splendeur. 
Parc-en-ciel  d'avril  —  que  le  manteau  de  gloire  —  qui,  en  face  de 
l'histoire,  m'enveloppait  autrefois....  —  Maintenant,  je  le  crois,  je 
n'ai  été  rien  qu'un  songe-creux,  —  rien  autre  qu'un  songe-creux!" 
.le  ne  remarquais  sur  les  roches  ni  ailes,  ni  oiseaux.  —  ni  fleurs. 
ni  beaux  arbres: —  tout  à  coup,  un  chant  sublime,  autour  des  crêtes 
arides,  —  vibra  avec  retentissement  :  —  Il  faut  humer  la  laideur 
de  la  vie, —  ô  fils  d'Adam,  d'abord,  —  afin  que  vous  savouriez  en- 
suite la  beauté  de  la  mort!...  —  Voyez  mille  étoiles  qui,  au  ciel, 
vont  ouvrir  leurs  yeux  d'or,  leurs  yeux  flamboyants  d'or  '•  » 

ENVOI 
Au  félibre  G.  Charvet,  d'Alais 

Ce  n'est  pas  un  doux  zéphir  ',  mais  plutôt  une  bise  glacée,  —  mon 
poëme,  qui  part  comme   un  éclair  —  te  dire  aujourd'hui   le  bon. 

4  Littéralement:  le  Narbonnais,   vent  d'ouest,  en  Provence. 


H  POESIKS 

Te  dire  lou  bonjour  aujourd'uei,  bel  ami! 

Mai,  te  pregue,  pren-lou  ! . . .  M'es  plasènt  souveni. 

Toun  (iardoun,  ti  mountagno, 
E  ta  grand  Pradarié  ounte  crèis  la  castagno.  .  .  . 
Mai  la  Muso  es  malauto  e  boudenllo  de  cagno,  — 

De  coumbour  e  de  cagno  ! 

\\  illiam-C.  Bonaparte-Wyse. 

k  Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhôn<-.  ) 

jour,  bel  ami;  —  mais,  je  t'en  prie,  prends-le  !...  J'ai  en  agréable 
souvenir—  ton  Gardon,  tes  montagnes,  — et  ta  grande  Prairie*  où 

croissent  les  cbàtaignes —  mais  la  Muse  est  malade  et  pleine  de 

tristesse.  —  de  passion  intérieure  et  de  tristesse! 

\\  illiam-C.  Bonaparte- Wyse. 


UN    PANTAI 

Se  sabiés  moun  pantai,  o  douco  encantarello  ! 
Ere  toun  Calendau,  ères  moun  Esterello  ; 
Mountavian  cauto-à-cauto  ensèn  lou  mount  Gribau; 
Pur  baudi  de  moun  cor  li  lagno  e  li  trebau, 
Risiés  de  toun  bèu  rire  e  i'asiés,  amarello, 


UN    REVE 


Si  tu  savais  mon  rêve,  ô  douce  enchanteresse!  —  J'étais  ton 
(lalendal,  tu  étais  mon  Esterelle;  —  nous  gravissions  ensemble  et 
doucemenl  le  mont  G-ibal;  — pour  bannir  de  mon  cœur  les  troubles 
et  les   ennuis, 

Tu   riais  de  ton   beau  rire  et  tu  faisais,  aimante.  —  évanouir  le 


1  Ce  trais  et  beau  paradis  appelé  la  Prairie,  qui  s'allonge  vers  le  midi 
trois  lieues  durant,  cote  à  côte  avec  le  Gardon.  kA.  Aknavikllb.) 


POESIES  45 

Esvanesi  lou  mau  crudèu  que  me  bourrello. 

—  «  Vène,  me  disiés,  vène,  escarlimpen  plus  aut, 

Ounte  Dieu  es  soulet,  k  la  cresto  di  bau. 

Lou  sabes  ben,  parai  ?  que  famé,  que  t'adore  ; 
E  pièi  sariés  jalous  ! . .  .  Oh  !  défaut  que  fai  orre  ! 
T'ame,  famé,  moun  bèu,  e  sèmpre  t'amarai.  .     » 

Alor,  dins  un  poutouh  ardent  coumo  la  flamo, 
Mig'noto,  t'ai  douna  moun  amour  e  moun  amo. .  . 
Aubeto,  perqué  dounc  as  fini  moun  pantai  ? 

Louis  Roumieux. 

(  Provençal.  Avignon  et  les  bonis  du  Rhône.  ) 

mal  cruel  qui  me  torture.  — «  Viens,  viens,  disais-tu  ;  escaladons 
plus  haut.  —  là  où  Dieu  est  seul,  à  la  crête  des  rochers. 

»  Tu  le  sais  bien,  cependant,  que  je  t'aime,  que  je  t'adore'.  —  Et 
puis  tu  serais  jaloux  ■  Oh!  le  vilain  défaut!  —  Je  t'aime,  je  t'aime, 
mon  beau,  et  je  t'aimerai  toujours.. .  .  » 

Alors,  dans  un  baiser  ardent  comme  la  flamme.  —  mignonne, 
je  t'ai  donné  mon  amour  et  mon  âme.  . .  — Aube,  pourquoi  donc 
as-tu  terminé  mon  rêve? 

Louis  Roumieux. 


BIBLIOGRAPHIE 


Anthologie  patoise  du  Vivarais,  par  Henry  Vaschalde.  —Montpellier, 
Goulet,  1875;  in-8",  48  pages. 

M.  H.  Vaschalde,  à  qui  la  littérature  et  la  poésie  populaire  du 
Vivarais  doivent,  depuis  linéiques  années,  de  fort  intéressantes 
monographies,  vient  de  réunir  sous  ce  titre  divers  textes  rimes 
appartenant  au  dialecte  d'une  partie  du  département  del'Ardèche, 
région  peu  connue  encore  des  philologues. 

Le  plus  ancien  de  ces  textes  remonte  au  XIV6  siècle.  M.  V.  l'a 
emprunté  à  Lancelot,  qui  le  publia  dans  le  tom.  "VII  (p.  256)  des 
Mémoires  de  V Académie  dis  inscriptions,  d'après  un  rituel  manuscrit 
du  diocèse  de  Viviers.  Ce  sont  huit  vers  que  prononçait  l'aumô- 
nier de  l'évèque  fou,  en  annonçant  les  indulgences  burlesques  de 
celui-ci. 

Le  second,  de  la  lin  du  XVIe  siècle  probablement,  est  un  frag- 
ment de  noël  que  l'éditeur  a  trouvé  sur  la  couverture  intérieure 
d'un  registre  de  notaire,  et  qui  accuse  déjà,  d'une  manière  sen- 
sible, presque  tous  les  caractères  de  l'idiome  actuel. 

Une  longue  épitre  rimée  de  François  "Valeton  et  des  extraits 
d'un  poëme  de  Etouvière,  sur  un  procès  burlesque  à  Villeneuve- 
de-Berg,  représentent  le  XVIIe  siècle.  Le  XVIIIe  n'a  que  deux 
contes  du  prieur  de  Gropierres,  déjà  imprimés  dans  {'Annuaire  dt 
l'Ardèche.  Les  fragments  de  Naleton  et  de  Rouvière  étaient  jus- 
qu'ici  entièrement  inédits*. 

La  poésie  contemporai is(  moins  pauvre.  Elle  possède  quel- 
ques pièces,  parmi  Lesquelles  on  peut  citer  la  Chonsou  deJeand'Oou- 
pilieïro  ri,  Mnrgorido  de  Mounchaouvi,  prise,  ainsi  que  le  constate 
M.  V.,  à  YArmagna  cevenoude  1874,  suis  autres  modifications  que 
••elle-  qui  étaient  imposées  par  la  différence  des  dialectes  : 

En  onen  qnerre  uno  charjo  de  broundo, 
De  bouon  moti, 


1  M  II. V.  avait  fait  connaître,  en  1875,  les  poésies  françaises  de  Valeton, 
qui  sont  autrement  remarquables  que.  ses  vers  vivarais.  Il  faut  le  loie-i 
d'avoii  reproduit  l'orthographe,  d'ailleurs  très-défectueuse,  de  ces  deux 
poètes.  C'est  uni  i<ïnt  on  ne  doit  pas  se  départir,  lorsqu'on  publie 

pour  la  première  foi    des  textes  qui  onl  un  intérêt    philologique. 


BIBLIOGRAPHIE  47 

Sounjave  en  paon  aux  uels  blus  de  mo  blonndo; 

Sans  vous  menti. 
Oourio  beïla  mo  vesto  de  bourrotto 

Moun  osenou, 
Per  un  cop  d'uel  de  lo  bello  drouletto, 

Per  un  poutou. 
Perquésous  pas  lou  morquis  d'Ooupilieïro? 

Sans  mai  torda, 
Ièou  n'en  forio  uno  grondo  hériteïro 

Dovont  l'oouta  ; 
L'y  beïlorio,  per  moun  prêsen  de  noço. 

Un  chostelou, 
Dous  bèous  chivaoux  ornissas  et  corrosso... 

Emb'  un  poutou 

Relevons  une  erreur  légère  à  la  p.  40.  La  pièce  lèou  Came  est 
une  imitation  de  Bigot,  le  poète  si  plein  de  verve  et  de  vigueur  des 
Bourgadieiro* .  Voici  le  texte  de  deux  strophes  du  félibre  nimois,  ~<\ 
côté  de  celui  que  l'éditeur  a  donné,  d'après  une  communication  de 
M .  Ghevé  : 

T'aime  mai'  que  yiou,  ma  Sézéto;  T'ame  mai  que  tout,  Louïsetto  ! 

T'aïme  et  siei  jalons  coumo  un  viel.  Et  ne  sous  joloux  counio  un  viel  ; 

Jalousde  ta  bouco  panléto.  Joloux  de  to  boucho  rougetto, 

Di  tis  yeul  blu  coumo  lou  ciel;  De  tous  uels  blus  coumo  lou  ciel... 

Si<ji  jalous  dé  ti  papiyoto, .  ^ous  joloux  de  to  codénetto, 

8uiis  que  tocoun  toun  col'  blanc  ;  Suffi  que  touoche  toun  couol  blonc  ; 

Jalous  dou  ruban  vert  que  floto  Joloux  deï  riban  vert  que  fretto 

Sus  toun  coursagé  dé  quinze  an.  Soubre  toun  coursé  de  quinze  ons. 

Voudriei,  quan  lou  toèm  es  bèn  nivo,   Voudrio  quand  oven  uno  nèblo, 
Estre  lou  sourél  per  briya  ;  Estrelou  sourel  per  brilla, 

Voudriei  estre,  quan  siès  pénsivo,        Quand  fases  to  pétito  bèbo, 
La  caouso  que  té  faï  pensa Estre  ço  que  te  faï  bouda. 


Voudriei  estre  tou  sus  la  tèro,  Voudrio  estre  tout  soubre  terro, 
Pér  estre  quicon  que  lé  plaï  ;  Per  estre  tout  ço  que  te  plai  ; 

Estre  ta  sur,  estre  toun  frèro. . . .        Estre  to  sur,  estre  toun  frèro. 
Bélèou  m'aimariès  un  paou  mai.  Beièou  m"omorios  en  poou  mai  ! 

(  Bourgadieiro,  pag.  31.)  (  Anthologie,  pag  40.  ) 

L'imitateur  vivarais  a  seulement  interverti  quelquefois  l'ordre  des 

strophes  et  des  idées  de  la  pièce  nimoise  2. 


1  U  Bourgadieiro,  poésies patoises,  par  A.  Bigot,  4e  édition.  Nimes, 
Glavel-Ballivet,  1870,  in-12. 

8  Quelques  observations  do  détail  :  Pag.  8,  que  Dtous:  lisez,  avec  Lan- 
celol  :  que  Dieux.   13  et  li.  Vertat  et  vertodié  étaient  les  Cormes  gêné- 


48  BIBLIOGRAPHIE 

i 

(  tn  ne  penl  que  désirer  la  prompte  et   complète  publication  des 

poésies  de  Rouvière  et  de  Valeton,  d' Au benas.  Les  travaux  déjà 
connus  de  M.  V.  en  assurent  d'avance  l'intérêt  et  l'exactitude 

A.  R.-F. 


Las  Mouninétos  dé  Paul  Félix,  embé  la  révirado  en  françés  vis-à-vis. 
Aies,  encô  dé  Brugueirolle  et  Compie,  1876  ;  in- 12,  100  pages. 

M.  Paul  Félix  publia  en  1873  ses  Fados  en  Gévénos,  qui  lui  valu- 
rent de  flatteuses  adhésions.  On  y  retrouva,  avec  autant  de  facilité 
et  plus  d'abondance,  le  ilialecte  et  les  formes  orthographiques  du 
marquis  de  Lafare-Alais,  l'auteur  des  Castagnados,  restées  juste- 
ment chères  au  pays  cévenol. 

Ces  qualités  ne  font  pas  défaut  aux  Mouninétos,  petit  poëme  men- 
tionné favorablement  au  dernier  Concours  de  la  Société  archéologi- 
que de  Béziers.  L'amusante  histoire  qu'il  raconte,  en  l'amplifiant 
çà  et  là.  était  déjà  connue  en  Provence  par  une  pièce  de  Gélu.Un 
ancien  négociant  de  Marseille  écrit  à  l'un  de  ses  amis,  et  le  prie  de 
lui  envoyer  deux  ou  trois  singes  du  Brésil.  Malheureusement  la  let- 
tre qui  contient  cette  demande  est  si  mal  formulée,  que  la  con- 
jonction ou  (oen  provençal)  est  prise  pour  un  chiffre.  Le  corres- 
pondant lit  donc,  non  pas  deux  ou  trois,  mais  deux  cent  trois 
nnges.  Son  étonnement  l'ii  est  grand: 

—  «  Dé  que  diable,  Aoudihèr,  aro  que  viou  bourgés, 
Vôou  faire,  él  se  digue,  d'aquélo  marchandise,? 
Quâouquo  éspéculacîou?  Pu  lèou  uno  soutiso  ! 

Pér  n'en  tira  quâouque  proufi, 
Es-ti  asségura  d'avédre  lou  débi  1 

Es  pas  prou  nèci  pér  pas  véïre. 

Que,  sans  s'en  poudré  dispensa. 

1-àoura  d'argén  à  déspénsa 

Bèouco  mai'  que  ce  qu'on  po  creïre  ? 

ralement  employées  par  les  contemporains  de  Valeton  et  de  Bouvière. 
15,  au  septième  vers,  ne  faudrait  il  pas  lire,  pour  la  mesure:  d'unjan'.  16, 
un  vers  de  Valeton: 

\'li i  doncqui  s,  mon  I  oui  m  1 1  msi  '. 

confirme  l'acception  particulière  que  ce  dernier  mot  possède  dans  la  langue 
du  Midi,  ainsi  que  je  l'ai  -ignalé  récemment  (  Revue.  2'  série,  V.  3l9j. 
La  pièce  oii  je  trouve  c  vers  est  adressée  par  l'auteur  «  à  son  très-cher 
et  intime  ami,  M.  du  Saut,  procureur  et  advocat,  à  Aubenas.  »  29,  dins 
eun  /«•"'/  pour  dinc  un  beou,  forme  usitée  en  d'autres  dialectes,  dans  ceux 
du  bas  Languedoc  et  de  l'Auvergne  principalement.  32,  la  fable  de  lo  Fillo 
mouqurtto  présente  de  nombreuses  irrégularités  de  versification. 


BIBLIOGRAPHIE  49 

Ou  bé,  vôou-ti  mounta  uno  méinajariè 

Rés  que  d'aquél  bèstiâorn?  Quâou  diâoussi  i-anariè  ? 

Déntrémén  fôou  nouri  touto  aquélo  nisado 

Dé  singes  mâou  aïsis  pér  lous  assaloiula. 

Lous  vendra  pas  tant  bien  coumo  soun  chocola. 

Aoudibèr,  Aoudibèr,  faras  quaouquo  baoudrado  !  (P.  3-4  ) 

Il  fait  partir,  néanmoins,  plus  de  cent  cinquante  singes;  erreur 
qui,  à  l'arrivée  en  Franco,  devient  la  source  de  nombreuses  et  bur- 
lesques aventures,  presque  partout  agréablement  versifiées. 

L'orthographe  des  Mouninetos  appelle  des  ;éserves  formelles, 
et  il  serait  à  désirer  que  l'auteur  la  modifiât  dans  un  sens  meil- 
leur. Il  l'a  calquée  sur  celle  du  marquis  de  Lafare,  laquelle  est  aussi 
celle  du  Dictionnaire  de  M.  Maximin  d'Hombres  et  de  M.Leyris, 
dans  quelques  pièces  publiées  par  le  Bulletin  delà  Société  scienti- 
fique et  littéraire  d'Alais.  L'emploi  des  formes  françaises  constitue 
le  vice  de  cette  orthographe,  imaginée  d'après  le  Dictionnaire  de 
Sauvages4.  Le  savant  abbé  ne  tint  aucun  compte  des  règles  qui 
avaient  prévalu  depuis  les  premiers  troubadours  jusqu'à  la  fin  du 
règne  de  Louis  XIV2,  de  celles  que  l'Aquitaine,  le  Limousin  et  la 
Provence  avaient  le  droit  de  considérer  comme  naturelles  et  na- 
tives. Cet  abandon,  en  apparence  inexplicable  et  qu'il  ne  fut  pas,  du 
reste,  le  seul  à  commettre,  peut  se  justifier  par  les  faits.  Les  textes 


4  L'abus  de  l'accentuation  est  l'un  des  caractères  saillants  de  ces  or- 
thographes. Le  Dictionnaire  languedocien  de  l'abbé  de  Sauvages  les  poé- 
sies de  Martin  et  de  Tandon,  les  éditions  faites  à  Montpellier,  par  les  soins 
du  libraire  Renaud,  de  puriste  mémoire;  1  s  fables  limousines  de  Foucaud 
les  œuvres  de  Desanat  et  de  Pierquin  de  Gembloux,  sont  significatives, 
à  ce  point  de  vue.  Les  accents  graves,  aigus  et  circonflexes,  les  trémas, 
les  doubles  points,  s'y  étalent  à  profusion.  Quoique  l'on  n'eût  guère  souci 
de  la  tradition  en  1820,  les  lecteurs  s'amusaient  parfois  de  ces  exagérations 
puériles,  et  les  œuvres  languedociennes  d'Auguste  Rigaud  contiennent 
une  épigramme  composée  à  ce  sujet.  La  Mort  vient  signifier  son  arrêt  à 
Renaud,  qui,  fidèle  jusqu'au  bout  à  ses  préoccupations  habituelles,  exa- 
mine attentivement  si  quelque  virgule  n'y  aurait  pas  été  omise  : 

—  ce  Anén,    Renaud    la   Mort  diguèl   . 
•  Vous  faon  parti...   )>  Renaud  recula. 

-  «  Perqué  reculas,  si  vous  plèt  ? 
»  Pér  véyré  se  clins  rostre  arrêt 
«  Yé  manqua  piis  nna  virgul».   » 

Est-il  besoin  de  dire  que,  par  suite  de  cette  accentuation  si  compliquée, 
les  livres  imprimés  de  1800  à  1850  fourmillent  de  fautes  typographiques? 
2  Ceci  est  bien  relatif,  surtout  pour  le  XVII'-  siècle. 


50  BIBLIOGRAPHIE 

des  troubadours,  el  à  plus  forte  raison  ceux  des  idiomes  populaires 
de  la  langue  d'oc  au  moyen  âge,  étant  alors  presque  absolument 
inaccessibles  aux  4ecteurs  ordinaires,  les  poètes  et  les  rimeurs  de 
l'époque  laissèrent  tomber  peu  à  peu  la  vieille  tradition  romane; 
de  là  à  croire  que  le  XVIe  siècle  avait  vu  l'éclosion  des  dialectes 
actueiset  à  créer  pour  eux  une  ortbographe  entièrement. nouvelle, 
el  surtout  entièrement  française,  il  n'y  avait  qu'un  pas.  Il  fut  si 
souvent  franchi,  qu'à  partir  de  1820  chaque  ville  eut  ses  règles 
particulières,  différant  des  règles  de  ia  ville  ou  de  la  nuance  dialec- 
tale voisine.  Heureux  encore  lorsque  le  même  sous-dialecte  ne 
voyait  pas  surgir  deux  ou  tr  unes  distincts! 

L'orthographe  de  MM.  de  Lafare,  d'Hombres  el  Paul  Félix  *,  con- 
stitue donc  la  variété  alaisienne  de  ces  systèmes  à  luise  française, 
que  la  publication,  tous  les  jours  plus  active,  de  textes  anciens,  et 
les  efforts  des  félibres,  des  groupes  bittérois  et' béarnais,  l'ont  dis- 
paraître a  l'heure  qu'il  est.  il  faut  souhaiter,  je  le  répète,  que 
prochaine  édition  des  Mouninetos  soit  ramenée,  elle  aussi,  aux  rè- 
gles méridionales. 

De  semblables  réserves  n'enlèvent  rien  au  mérite  du  poème  en 
lui-même.  Les  qualités  de  M.  P.  I".  sont  à  lui,  tandis  que  le  vice 
de  ,^ou  orthographe  est  le  propre  de  la  petite  école  formée  par 
l'abbé  de  Sauvages  dans  le  pays  raiol.  \.  G. -A.  U.-F. 

Traité  de  la  formation  des  mots  composés  dans  la  langue  française 
par  A  Uahmesteter,  —  Les  Composés  qui  contiennent  un  verbe 
à  un  mode  personnel,  etc.,  par  L.-F    Meunier.  i/2c  arlicie.) 

Rectification.  —  J'ai  dit  plus  haut(  n0  de  novembre,  p.  271 
qui  l'impératif  de  a  frige,  a  erde^a  fute,  était,  en  i.  ,1e  m'appuyais, 
en  parlant  ainsi,  sur  l'autorité  de  M.  Mircesco,  auteur  de  la  seule 
grammaire  roumano-française  que  je  connaisse.  Dans  cet  ouvrage, 
en  effet,  tons  les  paradigmes  des  conjugaisons  autres  que  la  pre- 
uii.  re  ei  que  la  conjugaison  inchoalive,  dont  a  iubi  est  le  modèle, 
ne  présenteni  que  des  impératifs  en  i.  .Mais  M.  le  docteur  Obé- 
dénare  tn'avertil  que  h  aples  cités  par  moi  ont  été  ma!  choi- 

attendu  que  ces  trois  verbes  onl  la  même  forme  pour  l'impé- 


Laquelle  esl  moins  compliquée  que  celle  du  Dictionnaire  Imvjuedo- 
cien.  Une  circonstance  technique,  le  mai i  —  de  sortes  spé- 
ciales, en  termes  uiiuj.ii  -  nuisit  au  succès  'i''  Sauvages.  Ce  qui, 
dans  son  système  mploi  de  caractère  admis  pour  le  français 
lut  accepté  sans  difficulté.  Ce  «pu  \  était  contraire  demeura  (  c'est  le  cas 
de  t.-  dire  ici    lettre  moi  le  i  t  sans  valeur. 


BIBLIOGRAPHIE  51 

ratif  (2e  p.  s,)  et  pour  l'indicatif  présent  (3e  p.  s.).  Je  dois   dono 
rectifier  mon  assertion,  en   observant   cependant  que  la  réclama- 
tion même  de  M.  Obédénare  prouve  tout  au  moins  que  je  lui  avais 
posé   ma  question  de  manière  à  n'influencer  en   rien  sa  réponse, 
c'est-à-direque  je  lui  avais  laissé  ignorer  entièrement  quelles  étaient 
mes  idées  sur  la  théorie  des   composants  verbaux.  Ceci,  pour  bien 
montrer  qne  j'avais  pris  toutes  les  précautions  voulues  en  matière 
d'expertise  phonétique.  M.  Obédénare  m'a  lait  remarquer,  en  ou- 
tre, qu'il  y  avais  trois  terminaisons  différentes  pour  l'impératif,  en 
dehors  de   la  première  conjugaison  :    e  long,   e  bref,'*".  Il  m'a  cité 
comme  exemples  les  impératifs  stinge,  lat.  exsiingue; inghite, lat.  *  in- 
gluti;  audi  (prononcer  audzi),  lat.  aud  :  vedi  (prononcer  vedzi),  lat. 
vide.  Il  a  ajouté  que,  s'il  était  impossible  de  donner  une  règle  inva- 
riable1 pour  la  distinction  des  impératifs  en  e  et  eu  i,  vu  la  fréquence 
des  exceptions,  il  y  avait  d'autres  exemples,  absolument  certains 
cette  fois,  qui   venaient  à  l'appui  de  la  théorie  que  je  soutiens,  à 
savoir  que  le  verbe  premier  composant  n'est  pas  à  l'impératif.  Ces 
exemples  sont  les  suivants:  Besse-a-prope, litl.  Vesse-toul-près,  ma. 
lotru  des  plus  grossiers,  qui  n'attend  pas,  pour  se  soulager,  d'être 
suffisamment  éloigné  de  ses  voisins;  Plange-dsse,  litt.  Pleure-osselets; 
Face-curu-pusca,  litt.  Fait-cul- fusil.  1°  Bessé-a-prope,  et  non  bessi- 
a-prbpe.  L'infinitif  est  a  bess'i,  l'indicatif  besse,  et  l'impératif  bessi. 
i"  Plange-bsse.  Le  verbe  a  plonge  fait plangi  à  l'impératif.  On  appli- 
que ce  surnom  aux  enfants  pleurards  qui  perdent  au  jeu  des  osse- 
lets .  3° Face-curu-pusca.  Ce  composé  grotesque  fait  partie  du  dia- 
logue suivant,  que  se  transmettent  comme  une  formule  consacrée 
les  adeptes  du  catéchisme  poissard: 

Gum  te  chiama?  —  Comment  t'appelles-tu  ? 

Sôrbe-zéma.  — i^Je  m'appelle)  hume-bouillon. 

Inghite-galusca.  —  Avale-boulette. 

Face-curu-pusca.  —  F  ait-cul- fusil'. 

Cet  exemple  est  absolument  concluant,  comme  on  le  voit,  par 
suite  de  la  différence  bien  constatée  de  l'impératif  fa  et  de  l'indica- 
tif face.  Après  cela,  le  doute  ne  parait  pas  permis,  et  l'on  peut  con- 
sidérer la  question,  en  ce  qui  concerne  le  roumain,  comme  défi- 
nitivement jugée.  A.  B. 

1  Cette  règle,  d'après  lui,  pourrait  se  formuler  ainsi  :  —  La  finale  de 
l'impératif  est  la  même  que  celle  de  l'infinitif  abrégé;  exemples  :  a  cantà; 
imp.  canla  ;  a  audi,  imp.  audi;  a  batte,  imp.  batte:  en  exceptant,  bien  en- 
tendu, les  verbes  à  forme  inchoative,  tels  que  a  iubl,  qui  le  font  en  esce. 
llya  beaucoup  d'exceptions;  telles  sont  :  a  vede.  vedi  ;  a  plange,  plangi  ; 
u  merge,  mergi  ;  a  cade,  cadi  ;  a  ride,  ridi  ;  a  inghiti,  inghite. 


CHRONIQUE 


Le  bureau  delà  Société  des  langues  romanes  pour  l'année  lï>77  a 
été  composé  comme  il  suit:  M.  B.  Cantagrel,  président;  M.  de 
Tourtoulon.  vice-président;  M.  Alph.  Roque-Ferrier,  secrétaire; 
M.  !..  Lambert,  trésorier;  MM.  P.-J.  Itier  el  H.  Vigoureux,  vice- 
secrétaires',  M.  Ernest,  Hamelin,  directeur  des  pvblica/ions. 

Tous  les  envois  imprimés  ou  manuscrits  doivent  être  adressés 
à  M.  A.  Roque-Ferrier,  secrétaire,  rue  Raffinerie,  à    Montpellier. 


La  collection  philologique  et  littéraire  entreprise,  au  commen- 
cement de  l'an  dernier,  par  la  Société  des  langues  romanes,  compte, 
à  l'heure  qu'il  est.  deux  volumes  :  Poètes  catalans,  les  Noves  ri- 
niiules  et  la  Codulada,  par  M.  Milâ  y  Fontanals,  professeur  à 
l'Université  de  Barcelone,  et  les  Proverbes  et  Dictons  du  pays  de 
Béarn,  Énigmes  et  Contes  populaires,  par  M.  V.  Lespy,  secrétaire 
général  en  retraite  des  Basses-Pyrénées,  auteur  d'une  Grammaire 
béarnaise  fort  appréciée  des  romanistes. 

Le  premier  demi-volume  du  Dictionnaire  des  idiomes  romans  du 
midi  de  la  France, —  dont  l'ensemble  formera  la  cinquième  publica- 
tion spéciale  de  la  Société. — parM.  Gabriel  Azaïs,  paraît  à  l'instant. 
Diverses  circonstances  ont  retardé  la  distribution  de  la  troisième: 
les  Ordenansas  del  Libre  blanc,  rééditées  par  M.  le  docteur  Noulet, 
et  de  la  quatrième  :  les  Patois  de  la  basse  Auvergne  et  leur  littéral  un  . 
par  M.H.Doniol,  préfet  des  Bouehes-du-Rhône,  correspondant  de 
L'Institut.  Ces  retards  sont  près  de  toucher  à  leur  fin. 

I  <a  collection  de  la  Société  s'augmentera  prochainement  des  .1  uzt  l 
cassador,  de  Demies  de  L'rades,-  chanoine  de  Maguelone  aux  XI  Ie  et 
XJlIe  siècles.  On  ne  connaissait  jusqu'ici  que  quelques  fragments 
de  cet  intéressant  poème,  qui  sera  publié  en  entier  avec  une  in- 
troduction, des  notes  et  un  glossaire,  par  M.  Ernesl  Monaci,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Rome. 


La  Faculté  des  lettres  de  notre  ville  continue  de  donner  à  la 
Société  des  marques  d'attention  et  d'intérêt.  Il  y  a  en  elles  comme 
une  tradition  que  nous  voudrions  signaler  moins  brièvement  que 
ne  le  permet  Le  cadre  de  ces  Lignes.  Nous  ne  parlerons  pas  de 
M.  Saint-René  Taillandier,  qui  prodigua  tant  de  fois  ses  encou- 
ragements  et  ses  conseils  aux  premiers  efforts  des  félibres;  nous 
ne  rappelerons  pas  non  plus  une  mémoire  qui  nous  est  chère,  celle 
de  Cambouliù:  nous  nous  bornerons  à  mentionner  le  discours  pro- 
nonce en  1869,  et  dans  Lequel  son  auteur,  maintenant  des  nôtres, 
disait,  en  constatant  l'extension  universelle  des  recherches  sur  la 
littérature  des  troubadours  et  des  trouvères  : 

•  Et,  dans  notre  ville  de  Montpellier,  que  le  moyeu  âge  avait  fait  si 
bre,  si  libre  et  si  riche  aussi,  voyez-en  la  preuve  dans   Les   livres  de 


CHRONIQUE  53 

l'infatigable  historien  que  vous  a  donné  notre  Faculté  des  lettres  ;  dans 
cette  ville  de  Montpellier,  voici  que  d'intrépides  chercheurs  unissent 
leurs  efforts  pour  populariser  parmi  nous  l'étude  des  langues  romanes. 
Je  suis  heureux  de  saluer  leurs  espérances  de  celte  même  place  où  pro- 
fessait, il  a  vingt  ans,  M.  Jubinal,  à  qui  notre  vieux  français  doit  de  si 
nombreuses  et  si  précieuses  publications  ;  où  s'asseyait  naguère  le  cher 
collègue  dont  la  fondation  de  la  Société  des  langues  romanes  fut  le  dernier 
effort  et  le  dernier  succès.  »  [Revue.  lr"  série,  1,  p.    172.) 

M.  Castets,  docteur  es  lettres,  chargé  du  cours  de  littérature 
étrangère,  vient  d'ajouter,  il  y  a  quelques  jours  à  peine,  un  nouvel 
anneau  à  la  tradition.  Dans  sa  leçon  d'ouverture,  consacrée  en 
entier  à  l'exposition  générale  de  la  littérature  italienne,  il  a  signalé 
l'étroite  consanguinité  qui  unit  la  langue  du  Dante  aux  autres  lan- 
gues romanes,  et  spécialement  au  provençal.  M.  Castets  a  fait  con- 
naître l'intention  ou  il  est  d'étudier  l'auteur  de  la  Divine  Comédie, 
avant  tout  comme  poëte,  mais  en  même  temps  comme  philologue, 
et  il  n'a  eu  garde  d'oublier  les  vers  placés  dans  la  bouche  d'Ar- 
naut  Daniel  au  XXVIe  chant  du  Purgatoire: 

Tan  m'nbbelis  vostre  cortois  deman. 

M.  Castets  a  terminé  sa  leçon  par  des  aperçus  fort  ingénieux  sur 
la  nature  des  relations  qui  existent  entre  l'objet  actuel  de  son  cours 
et  les  travaux  ordinaires  de  la  Société:  mais  il  l'a  fait  en  des  ter- 
mes empreints  d'une  telle  bienveillance,  que  nous  ne  pouvons  les 
reproduire,  quelque  sincères  que  soient  les  remerciements  que 
nous  lui  adressons  aujourd'hui.  A.  E.  —  A.  R.-F. 


Nous  avons  le  regret  d'annoncer  la  disparition  de  deux  périodi- 
ques consacrés  à  la  philologie  des  langues  romanes:  le  Jahrbuch 
fur  romanische  und  englische  Sprache  tind  Literatur  et  la  Rknsta  difilo- 
logia  romanza,  qui  paraissait  à  Rome  depuis  quelques  années.  Le 
Jahrbuch  fut  le  premier  recueil  spécialement  ouvert  aux  études  qui 
sont  les  nôtres,  et  plusieurs  romanistes  français4  y  publièrent 
des  travaux.  «La  Rivista,  dit  un  juge  aussi  sévère  que  compétent*. 
»  a  fourni  une  carrière  beaucoup  moins  longue,  mais  qui  n'aura 
»  pas  été  sans  éclat.  C'était  un  journal  bien  fait,  dont  toutes  les 
»  parties  :  articles  de  fonds,  mélanges,  bibliographie,  étaient  trai- 
»  tés  avec  un  soin  égal.  Nous  sommes  surpris,  ajoute  \a.Romania, 
»  de  le  voir  interrompre  sa  publication  au  moment  où  la  création 
»  de  chaires  de  philologie  romane  fait  espérer,  pour  cette  branche 
»  delà  science,  un  brillant  avenir  en  Italie.» 

* 
*  » 

On  sait  que  le  félibrige  compte  trois  grandes  sectiom,  ou  mainte- 
tenances,  celles  de  Provence,  de  Languedoc  et  de  Catalogne,  les- 
quelles, à  leur  tour,  peuvent  se  subdiviser  en  écoles  particulières, 
toutes  les  fois  que  le  nombre  symbolique  de  sept  félilues,  au  moins, 

1  Cambouliù  avait  dû  envoyer  au  Jahrbuch  sa  Note  sur  le  Mémorial 
des  Nobles.  —  2  Remania,  n°  d'octobre  1876. 

4 


54  CHROMQUÏÏ 

se  rencontre  clans  la  môme  ville  et  qu'il  y  a  accord  entre  eux  pour 
la  réunion  et  le  travail  en  commun. 

Quatre  de  ces  écoles  fonctionnent  déjà  :  ce  sont  celles  de  Mont- 
pellier, la  première  et  la  plus  ancienne,  formée  le  4  novembre  1875, 
lejour  même  où  les  félibres  languedociens  arrêtèrent  les  bases  de 
l'association,  devenue  à  l'heure  qu'il  est  la  maintenance  de  Langue- 
doc ;  celle  de  Nimes,  celle  d'Avignon,  celle  du  Forcalquiérois,  et 
enfin  celle  d'Aix,  constituée  le  21  décembre  dernier. 

M.  Cavallierest  le  président,  ou  cabiscol,  de  l'école  de  Montpel- 
lier; M.  Gaidan,  de  celle  de  Nîmes;  M.  l'abbé  Emile  Savy,  ancien 
archiprêtre  de  Bûne,  de  celle  de  Forçai  quier;  M.  A,  Mathieu,  de 
celle  d'Avignon;  M.  Bonafous,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  d'Aix, 
de  celle  d'Aix.  désignée  sous  le  nom  de  Soucieta  deifelibre  de  Lar. 

L'école  du  Forcalquiérois  publie  ses  procès-verbaux,  ainsi  que 
les  poésies  et  les  communications  de  ses  membres,  dans  le  Journal 
de  Forcalq-iîer ,  qui,  le  7  janvier,  avait  momentanément  changé  son 
titre  français  en  celui  de  Journau  de  Fourcauquié  ede  soun  arroundis- 
somen  ;  l'école  de  Nîmes  a  pour  organe  le  Dominique,  sur  lequel 
nous  reviendrons  bientôt  avec  l'attention  qu'il  mérite;  celle  d'Aix, le 
Prouvençau,  paraissant  deux  fois  par  mois,  et  que  nous  louerions 
plus  complètement  si  nous  n'y  avions  trouvé,  en  tète  du  premier 
numéro  et  sous  la  plume  de  Mistral,  l'éloge  de  la  Revue  des  langues 
romanes  ex  des  études  auxquelles  la  Société  est  consacrée1. 

Le  Prouvençau  aspire  à  devenir  l'historiographe  des  coutumes  et 
des  mœurs  populaires,  des  traditions  de  race,  des  usages  locaux. 
Tel  est  le  rôle  que  Mistral  assigne  à  ses  rédacteurs,  dans  une  lettre 
écrite  avec  cette  admirable  égalité  de  langue  et  de  pensée,  cette 
simplicité  et  cette  vérité  de  style,  qu'on  ne  peut  plus  que  constater, 
tant  elle  est  inséparable  de  sa  prose  et  de  ses  vers: 

Is  abord  de  Galèndo,  leur  dit-il,  parlas-nous  donne,  de  cacho-fio,  pèr 
Carnava  de  Carementrant,  di  cese  pèr  Rampau,  de  la  bravado  pèr  Sant- 
Jan,  elde  la  rèino  Sabo  à  la  Fèsto-de-Diéu.  Parlas-nous  dôu  tambourin 
di  poumpo  à  l'ôli  e  dôu  vin  eue;  parlas-nous  di  chivau-frus,  di  faran- 
doulo,  dis  ouliveto,  e  pourlas  en  un  mot  lou  gaiardet  di  joio.  E  pièi,  de 
tèms  en  tèms,  countas-nous  quauque  tros  de  l'istèri  de  Prouvènço,  e  tenès 
boulega  dins  lou  cor  dôu  jouvènt  lou  recalieu  de  la  patrio.  » 

Tel  est  le  but  particulier  du  nouveau  journal;  mais  il  en  a  un 
autre  plus  général  :  celui  d'appeler  à  l'idée  félibrique  ceux  qui  con- 
servent le  culte  de  leur  idiome,  ceux  qui  ont  souci  du  développe- 
ment de  leurs  énergies  natives.  Selon  ses  expressions,  le  Prouvençau 
s'adresse  à  tous  les  hommes  de  race  d'Oc  qui,  dans  la  Gascogne, 
le  Languedoc  et  même  la  Catalogne,  retiennent  pieusement  l'amour 
de  la  langue  el  du  pays;  à  ceux  qui  acceptent  le  félibrige,  comme 
.i  ceux   qui   le   réprouvent,  «  parce  qu'ils  ne  le  connaissent  pas, 


'  «  A  Momt-pelié.  avès  la  Revisto  di  lengo  roumano,  ounte  se  traton 
ientifleamen  touti  li  qutstiouu  d'istôri,  de  dialèitee  d'ourtougràfi  relativo 
à  DOSte  |  ai  la.  Eh  bèn  '.  aquêlis  estùdisoun  talamen  gousta  à  l'ouro  d'uei, 
que  la  revisto  mount-pelierenco,  mau-grat  lou  serious  e  l'escarabouious 
de  si  publicacioun,  a  réussi  qu'es  pas  de  durée  comto  d'abouna  pèr  touto 
la  lYanço  e  touto  l'Europo.  »  (Lou  Poucençau,  n°  du  7  janvier  1877  ) 


CHRONIQUE  55 

ou,  ce  qui  est  plus  mauvais,  parce  qu'ils  le  connaissent  mal1.  » 
Mettre  sous  les  yeux  des  lecteurs  de  la  Revue  le  statut  ou  règle- 
ment de  l'école  forcalquiéroise  sera  compléter  naturellement  cette 
note  et  faire  connaître  en  même  temps  l'organisation  intérieure 
des  associations  félibriques  : 

I.  Lis  amaire  de  la  lengo  d'O  qu'abiton  lis  Aup  dôu  Fourcauqueirés, 
valent  à  dire  la  nauto  Prouvenço,  e  lou  debas  dôu  Daufinat,  e  que  volon 
travaia  ensèn  à  estudia,  escriéure  omanteni  lou  parla  rouman,  s'acampon 
en  uno  Soucieta  que  ie  dison  Soucieta  dôu  felibrige  dis  Aup. 

II.  Aquela  Soucieta  es  uno  escolo  dôu  telibrigô.  Se  ie  charro  pas  pou- 
Jitico,  ni  mai  contro  la  religioun,  la  mouralo  o  li  persouno. 

III.  Li  membre  de  la  Soucieta  se  partisson  en  dos  tiero  : 

1°  La  di  Sôci,  que  coumpren  touti  li  felibre  majourau  o  mantenèire 
qu'abiton  lou  Fourcauqueirés  e  que  demandaran  de  n'èsse; 

2°  Aquelo  di  Coumpan,  que  coumpren  tôuti  li  membre  de  l'Atenèu  de 
Fourcauquié  que,  sènso  èstre  majourau  ni  mantenèire,  volon  pamens 
estudia  o  sousteni  la  lengo  prouvençalo. 

IV.  La  Soucieta  es  gaubejado  pèr  un  counséu,  coumpousa  di  sèt 
Fourcauqueiren  que  parleron  prouvençau  i  fèsto  de  Nosto-Damo-de- 
Prouvènço,  à  sabé  : 

Lou  Levon  de  Berluc-Perùssis,  felibre  majourau, président  de  l'Atenèu; 

Lou  Vitour  Bourrilloun  paire,  decan  di  troubaire  dôu  Fourcauqueirés; 

L'Alfred  Gurèu.de  l'Atenèu;  lou  Garle  Descosse, ancian  premié  ajoun,  fe- 
libre mantenèire;  l'Eugèni  d'Ermitànis.  ancian  maire  de  Fourcauquié, 
felibre  mantenèire  ;  lou  Louvis  Maurèu,  felibre  mantenèire,  administradou 
de  l'Atenèu  ;  e  mounsen  lou  canounge  Emili  Sàvy,  felibre  mantenèire, 
membre  dôu  Goumita  catouli  de  Nosto-Damo-de-Prouvenço. 

A  mesuro  que  se  devinara  uno  vacanço  dins  lou  counséu,  la  Soucieta 
elegira  un  nouvèu  counseié  o  priéu,  que  sara  prés  dins  la  tiero  di  Sôci. 

V.  Lou  counséu  causis,  tôuti  li  cinq  ans,  un  cabiscôu  o  président,  un 
souto-cabiscôu  o  vice-presidènt,  em'  un  secretàri.  Lou  cabiscôu  e  lou 
souto-cabiscôu  devon  èsse  près  dins  lou  counséu  ;  lou  secretàri,  dins  que 
iiero  que  sigue.  En  cas  d'empacho,  lou  souto-cabiscôu  es  remplaça  pèr 
lou  decan  dôu  counséu;  lou  secretàri,  pèr  lou  plus  jouve  de  la  Soucieta. 

VI.  La  Soucieta  s'acampo  :  1°  tôuti  li  très  mes  en  sesiho  particulàri,  pèr 
felibreja  en  famiho,  à  taulo,  e  se  se  pôu  en  bastido,  dins  un  lio  poueti  o 
que  remembre  quauque  souveni  patriau;  2°  tôuti  lis  an,  en  sesiho  pu- 
blico,  lou  jour  de  Nosto-Damo-de-Prouvènco  ;  3°  tôuti  li  cinq  an,  en  sesiho 
soulenno,  au  festenau  prouvençau  de  Nosto-Damo,  ounte  la  Soucieta  dur- 
bira  cado  vôuto,  un  Vue1  o  Concours  literàri. 

VII.  Tout  es  a  gratis  dins  la  Soucieta,  franc  dou  viéure  que  cadun 
déura  aduerre  quand  se  taulejara. 

» 

Publications  en  langue  d'oc  et  en  catalan;  travaux  sun  la 
poésie  provençale,  etc.  —  La  Vie  de  saint  Benezet,  fondateur  du 
pont  d  Avignon.  Texte  provençal  du  XlIIe  siècle,  accompagné  des 
Actes  en  latin,  d'une  traduction  française  et  de  notes  historiques,  criti- 
ques et  bibliographiques,  par  l'abbé  Albanès,  Marseille,  Camoin, 
in-80.  xxi-49  pag.  — G. -G.  Bonaparte-Wyse:  la  Cabeladuro  d'or, 

1  Un  second  journal  vient  d'être  fondé  à  Marseille,  sous  le  titre  carac- 
téristique du  Tron  de  l'èr .  Il  paraît  tous  les  samedis,  et,  à  ne  le  juger  que 
par  ses  deux  premiers  numéros,  il  est  destiné  à  fournir  une  longue  car- 
rière de  verve  et  de  populaire  gaieté. 

i  Renouvelé  des  anciens  Puy  Soire-Dame. 


56  CHRONIQUK 

pouèsio prouvençulo .  Mountpelîé,  Emprimarié  centrale  dôu  Miejour. 
in-8».  1U  pag.  (Extrait  de  la  Revue  des  langues  romanes,  no  du  1  5  août 
1876).  —  Obrador  Bennassar:  TAU  en  Jaunie  d'Aragù.  romanç 
historich.  Palma  de  Mallorca,  Gelahert,  in-8n,  8  pag.  —  Maspons 
y  Labros  :  Traditions  del  Vallès,  ab  notas  comparativas .  Barcelona, 
estampa  de  la  Renaixensa,  in-12,  102  pages.  —  Calendari  catalâ 
del  any  1877 ,  colleccionat  per  Francesch  Pelay  Briz.  Barcelona, 
estampa  de  la  Renaixensa,  in-12,  148  pag.  —  Armana  de  Len- 
gadù  (ancian  armagna  cevendu)  pèr  lou  bel  an  de  Dieu  1877.  Aies, 
Brugueirolle  ,  in-12,  00  pages.  —  La  Lauseto.  afmaitac  dal  /«i- 
trioto  lengodoucian,  mitât  françés ,  mitât  lengo  d1 Oc,  pèr  Van  1877. 
Toulouso,  Charles  Brun,  in-12,  200  pages.  —  Marius  Bonrellv. 
Poesia  provenzal  dedicada  à  la  Asociacion  literaria  de  Gerono ,  con 
motivo  del  ccrtàmen  de  1876.  Gerona,  Dorca.  in-4°,  4  paçes.  — 
Alfred  Ghailan,  leis  Oousseous  sount  de  brsli .  Marseille.  Barlarier- 
Feissat,  in-12.  —  Marti  y  Folguera,  Poesias  premiadas  à  Montpeller. 
Barcelona,  Yerdague.r.—  Joseph  Feliu  y  Codina.  lo  Rector  de  Vdll- 
fogona,  novela  histôriqna.  Barcelona  (fait  partie  de  la  Bibliothèque 
catalane  illustrée,  de  .T.  Vinardell).  —  Bayle  (l'abbé.),  la  Poésie 
provençale  au  moyen  âge.  Aix,  Makaire,  in-8°,  vn-413  pages. 

Mentionnons  ici  un  livre  réservé  seulement  à  l'admiration  de 
quelques  amis  :  VArc-de-sedo  dôu  chaine  verd :  Tettigopolis,  in-4*. 
16  p.,  recueil  de  poésies  provençales,  anglaises  et  catalanes, 
adressées  par  lord  Bonaparte- Wy se,  Th.  Aubanel,  Y.  Balairuer, 
Ludovic  Legré,  A.  Mathieu  et  F.  Mistral,  à  M.  et  h  Mme  de  Seme- 
now.  Ce  petit  chef-d'œuvre  typographique  a  été  publié  par  lord 
Bonaparte- YVyse,  et  il  doit  son  existence  à  un  séjour  de  six  se- 
maines qu'il  lit.  en  187G.au  château  du  comte  de  Séménow,  dans 
les  environs  de  la  ville  dés  Cigales,  c'est-à-dire  Avignon.  L'éloge 
des  poètes  qui  ont  contribué  à  le  former  serait  superflu.  Quant  au 
livre  en  lui-même,  il  ne  faut  pas  hésitera  dire  que  l'on  n'a  jamais 
fêté  ni  plus  dignement  ni  plus  délicatement  la  muse  provençale. 

A.  R.-F. 


Errata  du  numéro  de   décembre  1876 


liiii  Iditlii  sagri.  —  P.  306,  lig.  I.  Edillii,  lisez:  Idillii  (même  rec- 
tification à  la  premier"  ligne  de  la  page  307  et  à  la 
liur.  35  de  ta  page  335  —  Page  308,  lig.  16,  irragia, 
lisez  :  irraggia. 

Les  Folies.  —  P.  318.  lig.  4,  sa  dernière,  lisez:  la  dernière. —P.  319, 
lig.  7  de  la  note,  t,  d'être  mécontent,  lisez  :  d'être 
content. —  P.  322,  lig.  3  de  la  note  1,  me  devien  per 
Ion  mens   lisez  :  me  devien  (?)  per  lou  mens. 

Le  Gérant:  Ernest  Hamelin, 


WONTPELLIEH,   IMPRIMERIE  CENTRALE   DU    MIDI, —  HAMELIN  FRÈRES 


DIALECTES  MODERNES 


HISTOIRE  LITTERAIRE 
DES  PATOIS   DU  MIDI   DE  LA  FRANCE 

AU    XVIIIe   SIÈCLE 


APPENDICE  BIBLIOGRAPHIQUE 

Comprenant  le  catalogue  des  ouvrages  écrits  dans  les  patois  du  Midi 
de  la  France,  au  XVIIIe  siècle 

(Suite) 


200.  Macariennes  (Les),  poëme  en  vers  gascons. 
V.  Girardeau. 

201.  Mailhol.  Lettres  aux  Gascons  sur  leurs  bonnes  qualités 
leurs  défauts,  leurs  ridicules,  leurs  plaisirs,  comparés  avec  ceux 
des  habitants  de  la  capitale,  etc.;  par  Mailhol. 

Toulouse,  Dupleix  et  Laporte,  1771,  in-12. 

Mailhol  était  de  Carcassonne.  Palissot  l'a  nommé  dans  sa  Dun- 
ciade,  aux  notes  du  second  volume.  On  trouve  dans  les  Lettres 
aux  Gascons  :  Divers  couplets  patois  dont  les  airs  charmans  sont  si 
connus,  pp.  33  et  47  : 

lo  Gari  jamay  nou  podi,  ni  non  boii. . .  ; 
2o  Pastou,  tu  té  plagnés  tout  jour.  ..; 
3o  Lou  cor  que  tu  m'abios  dounat 

Janti  pastou,  en  gatgé . . .  * 
4o  L'autre  jour,  d'arrea  cantou..; 
5°  Se  le  cel  en  nous  fourman . .   ; 
6»  Tendre  roussignouiet, 

Que  bébés  al  galet, 

'  Ce  couplet  se  trouve,  avec  des  variantes,  dans  les  Obras  des  frères 
Rigaud,  3e  édit.,  1845,  pag.  185. 


58  HISTOIRE  DES    PATOIS    DU    MIDI 

Soulomen  d'aigueto  ; 
Bélomen  cantarios, 
Se  coumo  yeu  bébios 
Del  jus  de  la  souqueto  ! 

Le  dernier  couplet,  un  des  mieux  tournés  que  nous  connaissions, 
est  resté  populaire  à  Toulouse.  Il  a  été  rapporté,  avec  quelques 
variantes,  par  Le  Brigant,  dans  ses  Elémens  succincts  de  la  langue 
des  Celtes  Gomérites  ou  Bretons,  2°  édit.,  Brest,  an  VII,  pag.  51,  avec 
la  traduction  en  breton  et  en  français. 

202.  Marcou.  Les  Ases  debastax  ou  la  Sourtido  dai  seminari, 
fragment  de  poëme,  dans  les  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de 
France,  in  Revue  des  langues  romanes,  t.  "Vil,  p.  118. 

203.  Marché  (Le)  de  Marseille,  volei  Doues  Coumaires,  comédie 
en  deux  actes  et  en  vers. 

Marseille,  Jean  Mossy,  178"),  in-8.  Sans  nom  d'auteur. 

J'ai  avec  le  même  titre  une  édition  de  1821,  Avignon,  Françoise 
Raymond,  in-8.  Le  (ils  de  l'auteur  publia:  leis  Doues  Coumayres  doou 
marca  de  Marsillo.  Comédie  en  un  acte  et  en  vers ,  arrangée  en  vaude- 
ville par  le  fils  de  l'auteur.  Marseille,  Ve  Régnier,  1832,  in-8. 

204.  Mariagi  (Lou)  de  Margarido,  coumédie  en  un  acte,  per 
défun  Mossu  R . . .  Nouvello  éditien. 

Marseillo,  Jean  Mossy,  1781,  in-8. 

Il  y  en  a  eu  une  réimpression,  vers  1820,  à  Avignon  .. 

205.  Maridage  (Lou)  de  Camardou.  Comédie  Caillabary  en  trois 
actes  et  en  vers. 

Manuscrit  du  XVIIIe  siècle,  qui  me  vient  de  Pau.  La  pièce  est 
composée  en  patois  béarnais.  L'auteur,  Sanguilhem,  était  clerc  d'un 
procureur  au  Parlement  de  Navarre,  d'après  M.  V.  Lespy,  in  lilt. 
1859 

206.  Marin  (le  P.  Michel-Ange).  Leis  Desastres  de  Barbakan, 
chin  errant  dins  Avignoun. 

Aix,  1744,  in-12. 

D'après  M.  G.  Brunet,  Lettre  sur  les  p>atois,  p.  23,  et  Bory,  de 
la  Poésie  provençale  depuis  les  Troubadours,  in  YAbeilho  prouvençalo 
de  1858,  in-12.  Le  P.  Marin  (de  Marseille)  est  connu  par  de  nom- 
breux romans  ascétiques. 

207.  Martin  (le  P.,  de  Béziers),  auteur  de  diverses  pièces  de  vers 
\  .  Bouquet   de  cauquos  flouretos  cueillidos  sul  Parnasso  bitterrois. 

208. Martin  (.L'abbé  Marc-Antoine,  de  Ceilhes)  .La  Partido  de  mur, 
poèmo,  imprime  dans  les  Pouesios  biterrouèsos .V .  ce  titre 


DIALECTES    MODERNES  59 

209  Massip  (J.-B.  ).  Les  vers  en  patois  montalbanais,  de 
J.-B.  Massip  n'ont  pas  été  conservés;  nous  ne  connaissons  que 
ceux  qu'a  publiés  M.Théronde  Montaugé,  dans  son  Esquisse  histo- 
rique sur  Marc- Antoine  de  Massip.  Toulouse,  1874.  J.-B.  Massip  était 
le  frère  de  Marc- Antoine. 

«  On  raconte,  dit  M.  Théron,  qu'au  retour  d'un  voyage,  Massip 
»  s'étant  présenté  chez  un  de  ses  ancien  s  camarades  qui  se  trouvait 
»  absent,  commit  la  méprise  de  ne  voir  qu'une  servante  dans  la 
»  fille  de  son  ami.  Celle-ci  en  ayant  témoigné  de  l'humeur,  notre 
»  poète  lui  adressa  les  vers  suivants  : 

Bey  dit,  nou  m'en  dédisi  poun  ; 

Oui,  bous  siès  uno  gougetto, 
Nou  d'aquélos  que  cado  joun 
S'en  ban  querré  l'aïgo  à  l'Ouléto1; 
Nani,  nou  me  suy  pas  mesprés, 
Vostro  mino  n'es  pas  coumuno, 
Lasgougos  [sic)  de  Gypris2  soun  très, 
Et  pel  ségur  bous  ne  siés  uno. 

210.  Mayer.  Loti  Retour  daou  Martegaou,  paroudio  bouffouno  en 
très  actes,  mesclado  d'Ariétos  sur  d'ers  ancians.  Representado 
per  lei  Coumédiens  de  Marsillo,  lou  5  d'Abioul775.  Par  M.  Mayer. 

Marseille,  Jean  Mossy,  1775,  in-So. 

211.Molinier  (L'abbé  Jean-François).  Pratiquos  de  debouciu 
qu'un  boun  Grestia  pot  mètre  en  usatge  per  arriba  al  Cel. 

Soun  estados  en  usatge  longos  annados  din  la  parochio  de 
Foucardo,  al  dioucezo  de  S.  Papoul,  quant  Me  Jean-François- 
Antoine  (sic)  n'ero  ritou,  en  1772. 

Manuscrit  autographe  de  l'auteur. 

Nous  devons  à  l'abbé  Mobilier  des  copies  des  Catéchismes  des 
abbés  Dissez  et  Roches. 

V.  ces  noms. 

212.  Monlaur-Descoxjbés  (Jacques-Marie,  comte  de).  Poésies  pa- 
toises  inédites  du  XVIII*  siècle. 

Elles  se  composent  de  :  1<>  Chant  de  quinze  dizaines,  ou  cent 
cinquante  Ave  Maria  du  Rosaire,  etc.;  2o  Prière  pour  le  Roi 
Louis  XVI  ;  3°  Contre  un  curé  jureur,  en  1794  ;  c'est  une  chanson 
orduriere;  4°  Chansons;  5°  Noèls. 

Je  dois  à  M.  Martin  (d'Auch)  une  copie  de  ce  recueil. 

1  Fontaine  de  Montauban. 

*  Les  Grâces,  compagnes  de  Vénus.  Gougos  est  pour  goujos. 


60  HISTOIRE  DltS  PATOIS  DU  MIDI 

213  Morel  (  l'abbé  ).  Cansou  attribuada  à  l'abbé  Morel  : 

Aou  leva  de  l'aourora, 
Dins  un  pradet  de  flous... 

à  la  suite  des  Obras  coumplèlas  des  frères  Rigaud.  Montpellier. 
1845,  in-12,  p.  177-179. 

On  attribue  encore  à  l'abbé  Morel  la  chanson  delà  Nourriça  en- 
dourmida,  publiée  par  MM.  Montel  et  Lambert  (Revue  des  langues 
romanes,  lre  série,  tom.  VI.  pag.  552),  d'après  deux  manuscrits  du 
XVIIIe  siècle.  Cette  pièce  se  répandit  très-promptement  dans  le 
Midi:  elle  se  trouve,  dans  les  Chants  populaires  du  )ays  castrais 
(p.  32),  d'Anacharsis  Combes. 

On  ne  sait  rien  de  positif  sur  l'abbé  Morel. 

V.   Regrets  de  Climène. 

2i4.  Morel  (Mathieu).  Noël  patois.  A  la  suite  du  Recueil  de 
poésies  de  F.  Richard. 

Limoges,  F,  Chapoulaud,  S.  D.  (  XIXe  siècle). 

L'éditeur  du  Recueil  cite,  en  outre,  le  dialogue  de  Picau  et  de 
Piaucau,  qu'il  dit  être  de  M.  Morel,  médecin,  né  à  Limoges  et  mort 
vers  1704. 

2.5.   Naissance  (La)  du  Messie.  Noëls  nouveaux. 
Toulouse,  J.  Henry  Guillemette,  sans  date,  in-12. 

21G.  Naissance  (La)  du  Sauveur,  ou  Noëls  nouveaux,  en  fran- 
çais et  en  patois.  Composés  par  divers  Auteurs,  tant  Anciens  que 
Modernes,  sur  les  Airs  les  plus  connus. 

Narbonne,  Décampe,  sans  date,  in-12. 

217.  Nalis  (J.-B.).  Cantiques,  Noëls  et  autres  ouvrages  envers, 
partie  en  français  et  partie  en  langue  vulgaire  de  Beaucaire,  par 
J.-B.  Nalis. 

Arles,  Menier,  1769,  vm-271  pages. 

•218.  Nalis.  Nouvelle  et  dernière  édition  des  Cantiques  et  Noëls 
de  Nalis,  mis  en'  deux  librets  comme  en  deux  tomes,  l'un  tout 
rançais  et  l'autre  tout  patois  ;  il  y  a  à  chacun  une  instruction  pour 
fun  trésorier  des  Pénitents,  l'auteur  ayant  retranché  de  cette  édition 
tous  ses  autres  ouvrages  ;  de  sorte  qu'il  n'y  aura  rien  ici  que  d'utile 
et  d'avantageux  pour  tout  le  monde. 

Arles,  Mesnier.  1773-1774,  petit  in-8°,  120  pages. 

Le  millésime  de  1773  au  patois  ,  celui  de  1774  au  français. 

Une  partie  des  pièces  de  l'édition  de  1769  a  été  distraite  de  celle- 
'•i,  qui  en  contient  cependant  de  nouvelles. 

219.   Nayssanço  del  Messio.  Cant  jouyous. 


DIALECTES   MODERNES  61 

Toulouso,  Beuzo  J.-P.Roubert,  sans  nom  d'auteur  ni  date,  in-12. 

220.  Noels  doubles,  composez  à  l'honneur  de  l'incarnation  de 
Jésus-Christ. 

Bordeaux,  Jean  Lacourt,  S.  D..  petit  in-8<\  carré,  vélin  blanc. 
«  93  pages.  Edition  fort  rare,  imprimée  à  la  fin  du  XVIIe  siècle.» 
Bibl.  patoise  de  M.  Burgaud  des  Marets,  n°  1538. 

221.  Noël  en  musico  cantat  dins   la  gleyso  de  Sent  Estienne. 
Toulouse,  1702,  in-4°. 

M.  Pierquin  de  Gembloux,  Hisl.  litt .  des  patois,  p.  229.  —  Bec. 
d'opuscules,  par  M .  G.  Brunet,  p.  130. 

222.  Noels  en  français  et  en  langue  vulgaire,  par  un  religieux 
de  Saint-François  (le  père  Roche,  récollet). 

Marseille,  Brebion,  1771,  in-12,  84  pages  et  4  pages  de  table. 

223.  Noels  français  et  provençaux,  par  le  R.  P.  Roche,  récollet, 
auxquels  on  en  a  joint  quelques  autres  qui  n'ont  jamais  été  im- 
primés. 

Marseille,  Mossy,  1805,  in-12,  120  pages. 

Deux  autres  éditions  de  ces  noëls  ont  été  faites  par  Mossy,  en 
1818  et  1829. 

224.  Noël  mis  en  Musique  par  feu  M.  Giles,  Maître  de  Musique 
de  l'Église  de  Toulouse  ,  et  chanté  dans  la  Chapelle  de  Messieurs 
Les  Pénitens  Blancs  le  8  janvier  1769. 

Toulouse,  Joseph  Dalles,  1769,  in-4°,  4  pp. 

225.  Noël  mis  en  musique  par  feu  M.  Giles,  et  en  symphonie 
par  M.  Levens.  Maître  de  Musique  de  l'Églisede  Toulouse;  chanté 
dans  la  Chapelle  de  MM.  les   Pénitens-Blancs  le  1er  janvier  1780. 

[Toulouse.]  Sans  nom  d'imprimeur  et  sans  date;  in-4°,  3  pages, 
avec  la  même  vignette  que  le  précédent. 

Le  même  titre,  avec  cette  seule  modification  : 
Le  l"  janvier  1781. 

226.  Noël  mis  en  musique  par  feu  M.  Giles,  et  en  sympho- 
nie, par  M.  Leuvens,  Maître  de  Musique  de  l'Église  de  Toulouse, 
chanté  dans  la  Chapelle  de  MM.  les  Pénitens  Blancs  le  4e  janvier 
1784. 

Toulouse,  Joseph  Dalles,  sans  date,  in-4°. 
C'est  le  même  noëi  que  le  précédent  et  le  suivant,  avec   quel- 
ques différences  orthographiques. 

227.  Noël  nouveau,  sur  quatre  airs  différents,  divisé  en  trois 
parties . 

•Toulouse,  Veuve  de  F. -S.  Henault.  sans  nom  d'auteur  et  sans 
date,  in-12. 


62  HISTOIRE    DES  PATOIS    DU   MIDI 

228.  Noël  patois,  qui  sera  chanté  dans  l'Église  succursale  de 
Notre-Dame-du-Camp,  à  Pamiers,  le  jour  de  la  Noël,  à  la  Messe 
de  Minuit.  Mis  en  Musique  à  grand  Orchestre,  par  J.-B.  Lartigue» 
Professeur  de  Musique,  attaché  au  Collège  de  la  môme  ville. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  ni  lieu,  ni  date. 

229.  Noels  et  Cantiques  en  langue  vulgaire  de  Beaucaire. 
Arles,  1769,  in-12. 

D'après    M.  Pierquin  de    Gembloux,    Hist.   Hit.    des  patois,    et 
G.  Brunet,  Lettre  sur  les  patois.  24. 
V.  Nalis. 

230.  Noels  nouveaux  à  la  gloire  de  Jésus  naissant,  sur  les  plus 
heaux  Airs  de  ce  temps,  avec  de  pensées  chrétiennes  sur  divers 
sujets  et  sur  différents  Airs  :  et  un  Cantique  nouveau  sur  le  déta- 
chement du  monde. 

Par  A.  C.  Sans  lieu  ni  nom  d'imprimeur  ;  1727,  in-12. 
Ce  recueil  n'a  que  deux  noels  en  patois. 

231.  Noels  nouveaux  à  l'honneur  de  la  naissance  du  Sauveur 
du  Monde.  Sur  les  Airs  les  plus  connus  de  ce  tems  (sic).  Par 
M.  Jean-Joseph  C.  S. 

Toulouse,  J.-H.  Guillemette,  sans  date,  in-12. 

232.  Noels  nouveaux  en  l'honneur  de  la  naissance  du  Sauveur 
du  Monde,  composez  par  une  jeune  demoiselle. 

Toulouse,  J.-H.  Guillemette,  sans  date,  in-12. 

Ce  recueil  contient  quatre  noiJls  en  patois  de  Toulouse. 

233.  Noels  nouveax  (de)  en  l'honneur  de  la  naissance  du  Verbe 
incarné.  Auxquels  on  a  joint  un  Noël  provençal  que  plusieurs  per- 
sonnes d'esprit  ont  désiré.  Par  un  prestre  d'Agde. 

Béziers,  Etienne  Barbut,  1712,  in-12. 

234.  Noels  nouveaux,  français  et  gascons,  sur  de  beaux  airs 
connus,  pour  l'année  1767. 

Bordeaux,  veuve  Calamy,  in-12. 

«  24  pages.  Ces  Noëîs   sont  différents  de  ceux  qui  se  trouvent 
»  dans  le  volume  de  1740.  » 
Bibl.  patoise  de  M.  Burgaud  des  Marets,  n°  1537. 

235.  Noels  nouveaux,  où  l'on  voit  les  principaux  points  de  l'his- 
toire de  ce  qui  a  précédé,  accompagné  et  suivi  la  naissance  de 
Jésus-Christ.  En  françois  et  en  auvergnat. 

Clermont-Ferrand,  P.  Viallanes,  1739,  in-8°. 

236.  Noels  nouveaux,  pour  estre  chantez  à  la  cresche  du  Sau- 
veur. Sur  les  airs  les  plus  connus. 


DIALECTES    MODERNES  63 

Bordeaux,  Pierre  Galamy,  1740,  petit  in-8°. 
«  21  pages.    Figure  sur  bois  au  verso.  Livret  extrêmement  rare, 
»  renfermant  deux  noëls  en  patois  gascon.  » 

Bibl.  patoise  de  M.  Burgaud  des  Marets,  n°  1536. 

237.  Noels  nouveaux  sur  la  naissance  de  Jésus-Christ,  par 
M.  Jean-Joseph  G.  S. 

Toulouse,  J.-H.  Guillemette,  sans  date,  in-12. 

238.  Noels  nouveaux  sur  la  naissance  du  Sauveur. 
Toulouse,  veuve  J.-P.  Robert.  Sans  nom  d'auteur  et  sans  date, 

in-12. 

239.  Noels  nouveaux  sur  la  naissance  du  Sauveur. 
Toulouse,  Séb.  Hénault,  sans  date,  in-12. 

240.  Noels  nouveaux  sur  la  venue  du  Messie,  par  MM.  J.  J., 
G.  S.  P.  G. 

Toulouse,  J.-H.  Guillemette,  sans  date,  in-12. 

241 .  Noels  nouveaux  sur  les  airs  du  temps,  avec  une  Paraphrase 
sur  le  Magnificat,  suivie  de  Cantiques  sur  les  mystères  de  notre 
sainte  Religion,  pourJes  principales  fêtes  de  l'année.  Par  un  vicaire 
de  Gominges. 

1788.  Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  in-12. 

Ge  recueil  n'a  qu'un  seul  cantique  en  patois  toulousain,  p.  102, 
Cantique  XXVIII.  Sentimen s  d'un  Peccadou  pénitent  prousternat 
al  pé  dé  l'auta.  Sur  l'air  :  Un  jour  me  promenant. 

242.  Noels  nouveaux  et  très-curieux,  sur  des  Airs  connus  et  fa- 
miliers. 

Toulouse,  J.-H.  Guillemette,  sans  date,  in-12. 

243.  Noels  nouveaux  sur  les  plus  beaux  airs  du  temps. 
Toulouse,  veuve  de  J.  Boude,  1707,  in-8°,  8  pag. 

244.  Noels  nouveaux  à  l'honneur  delà  naissance  du  Sauveur 
du  Monde,  sur  les  Airs  les  plus  gais  et  les  plus  connus  des  opéras 
du  Devin  du  Village  et  d'Alcimadure. 

Toulouse,  J.-H.  Guillemette,  sans  date,  in-12. 
Les  opéras  cités  furent  joués  en  1753. 

245.  Noubelle  pastourale  bearneze. 

Pau,  Jean-Pascal  Vignancour,  1763,  in-12. 

246.  Noubele  pastourale  bearneze. 
Pau,  P.  Daumon.  impr.  deu  Rey,  1788. 
Dans  Lespy,  Dictons,  p.  286. 


64  HISTOIRE    DES    PATOIS  DTJ  MIDI 

247.  Noubelle  pastourale  bearneze. 
Toulouse,  Aug.  Henault,  sans  date,  in-12. 
Réimpression  récente  de  la  même  composition. 

248.  Noué  (Le)  das  Bargaires. 

In-12  (12  pag.),  sans  nom  .l'auteur  ni  d'imprimeur,  sans  lieu  n 
date. 
Il  est  de  l'abbé  J.  Cazaintre. 
V.  ce  nom. 

249.  Nouél.  Sur  l'air:  0  ma  tendre  musette. 
Revel,  Brumas,  sans  date,  in-12. 

250.  Nouel  de  mestre  Jean,  al'aunou  de  la  nayssenço  de  Nostre 
Seygne,  cantat  à  Toulouso  dins  la  Parroquio  de  St-Agousti,  le  pre- 
mié  de  l'an  1792.  Sur  l'ayre  de  Jean  de  Nibelo. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  ni  lieu  ni  date,  in-8*. 

251 .  Nouel  noubel,  que  se  canto  dins  la  Parroquio  de  Sent 
Marti  de  Ffourens  [près  de  Toulouse]. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  sans  lieu  ni  date,  1  feuillet  in-4°. 

252.  Noués  de  J.  C.  R.  dé  S. -P..  diouceso  de  Garcassouno, 
1810.  V.  Cazaintre. 

253.  Nouveaux  cantiques  spirituels  provençaux  et  quelques- 
uns  françois,  pour  les  Missions,  Congrégations  et  Cathéchismes, 
avec  l'Air  noté  au  premier  Couplet  de  chaque  cantique.  Par  un 
Curé  du  Diocèse  d'Avignon  en  la  partie  de  Provence,  Mission- 
naire et  ancien  Chanoine  de  St. -Génies. 

Avignon,  François-Joseph  Domergue,  1750,  in-12. 
L'épitre  dédicatoire  est  signée  H.  H.,  curéd'Orgon. 

254.  Ornithologie  ou  dénomination  provençale  française  de  tous 
les  oiseaux  connus  en  Provence,  dans  l'ordre  alphabétique,  par  un 
amateur. 

Marseille,  Roustan.  1786,  in-4»,  8  pages. 

255.  Pastiches  attribués  à  Pierre  Goudelin  par  l'abbé  d'Ai- 
gnan,  dans  le  Manuscrit  pour  servir  à  l'histoire  du  diocèse  et  de  la 
ville  d'Auch.  et  par  M.  Dumège  dans  divers  ouvrages:  1°  Epitaphe 
de  Liris  ;  2°  A  mous  amies  :  3°  Sonnet  dictât  à  la  maysou  de  bilo 
le  3  de  may  1641  ;  4°  Epigrammo  ;  5°  Epitapho  ;  6°  Sounet  :  7°  A 
moun  bousquet  de  Sent-Agno,  Sounet;  8°  Epigrammo  ;  9ole  Paure 
et  l'Home  piétadous  ;  lOo  la  Biouletto,  Chanson. 

256.  Pastourelets  nouvels:  sur  l'air  desprumiès  l'astourelets. 
Fachis  dins  l'annado  1722.  S.  1.  n.  a.,  in-12.  23  pages. 


DIALECTES    MODERNES  65 

Bibl.  patoisedeM.  Burgaud  de?  Marets,  n°  1535. 

257.  Pasturel. 

V.  Quatrième  livre  de  l'Enéide. 

258.  Pâte  (La),  enlevade,  Pouemo  coumiquo. 
Carpentras.  1750,  in- 12. 

M.  Pierquin  de  Gembloux,  Hist.  Hit.  des  patois,  p.   304. 

Le  même  auteur  a  cité,  ib.,  p.  317,  Réponse  aux  poêles,  auteurs 
du  poème  de  la  Pâte  enlevée.  Carpentras,  1741.  in-12.  Voir  ci-après 
le  titre  complet  de  la  Réponse  per  dom  Diego  de  Crocrico,  etc. 

La  Pale  enlevade  est  de  Brutinel  (en  1740).  Ce  poëme  a  été  ré- 
imprimé en  1857,  avec  d'autres  poèmes  carpentrassiens,  dans  le 
recueil  intitulé  :  Pouemous  Carpentrassiens;  Carpentras.  Devillario, 
in-12.,  l'édition  originale,  extrêmement  rare,  est  de  1740. 

259.  Peços  nouvellos  etctiriousos  au  sujet  d'oou  San  Parlamen 
de  Prouvenço. 

Gardanos,  chez  Toni-Midas,  1756,  in-4°  de  8  pages. 
M.  Pierquin  de  Gembloux,  Hist.lilt.  des  patois,  p.  304. 

260.  PEraoL.  Recueil  de  Noëls  provençaux^  composés  par  le 
Sieur  Peirol,  Menuisier  d'Avignon.  Nouvelle  édition,  revue  et  exac- 
tement corrigée  par  le  fils  de  l'Auteur. 

Avignon,  Jean  Ghaillot.  1791,  in-12. 

A  la  suite  du  recueil  de  noëls,  on  trouve:  1"  Première  chanson  : 
sur  l'Inondation  de  1755:  2°  suite  de  la  relation  ;  3°  Seconde  chan- 
son: sur  la  Prise  do  Port-Mahon,  en  1756,  par  le  maréchal  de 
Richelieu;  4o Troisième  chanson:  sur  l'Inondation  de  1758;  5°  Pre- 
mier rocantin  :  sur  la  Veille  de  Noël  ;  6°  Second  rocantin  :  sur  le 
Carnaval  ;  7°  troisième  rocantin  :  sur  le  Carême. 

La  première  édition  de  ce  recueil,  si  souvent  réimprimé,  serait  de 
1740,  d'après  M.  Gustave  Brunet,  Notices,  p.  102. 

261.  Peyrol.  Recueil  de  noëls  provençaux,  composés  par  le 
Sieur  Peyrol  {sic),  Menuisier  d'Avignon.  Nouvelle  édition,  revue 
et  exactement  corrigée  par  le  F[ils]  de  l'Auteur. 

Avignon,  Ghaillot  aîné,  1828,  in-12,  132  pages, 

262.  Pélissiê  (Romain).  Traduction  libre  des  trois  premières 
églogues  de  Virgile  en  vers  patois. 

Cahors,  J.-P.  Combarieu,  sans  nom  d'auteur  et  sans  date,  in-8°. 

Dans  une  lettre  qui  sert  de  préface  à  cet  opuscule,  l'auteur  dit 
avoir  librement  traduit  les  trois  premières  églogues  de  Viruile 
«étant  encore  au  collège  de  Cahors,  en  1775.» 


66  HISTOIRE     DES  PATOIS  DU  MIDI 

263.  Pi;LLAs(Le  P.  Sauveur-André),  religieux  minime.  Diction- 
naire provençal  et  françois  dans  lequel  on  trouvera  les  mots  Pro- 
vençaux et  quelques    Phrases  et   Proverbes    expliquez  en    fran 
çois,  etc. 

Avignon,  François-Sébastien  Offray,  17-23,  in-4. 

264.  Perdrix  (Les).  Conte. 

Sans  nom  d'auteur,  à  la  suite  de  la  Henrîade  de    Voltaire,   mise 
en  vers  burlesques  auvergnats,  etc.,  p.  141 . 
V.  Faucon. 

265.  Petits  cantiquos  sur  la  naissenço  de  Nostre-Seignc  Jesus- 
Christ. 

Toulouso,  Beouzo  J.-P.  Rouhert,  sans  nom  d'auteur  et  sans 
date,  in- 12. 

266.  Petit  Catéchisme  traduit  en  langue  vulgaire  de  Toulouse, 
pour  l'instruction  des  en  fan  s  et  même  des  grandes  personnes  qui 
ne  sont  pas  capables  de  retenir  une  instruction  plus  étendue.  En 
faveur  des  pauvres,  et  particulièrement  des  gens  de  la  campagne. 
Revu  et  corrige  par  plusieurs  curés  du  dioceze do  Toulouse.  1748. 

Manuscrit  in-8°  de  64  pages.  A  la  suite  vient  :  Exerck-i  fort  aïsat 
per  augi  debotomen  la  santo  messo  seloun  l'intenciu  de  J.-C.  é  de 
la  Gleiso.  11   pages. 

267.  Peyrot  (Claude  ).  Poésies  diverses  patoises  et  françoises, 
par  M.  P**  A.  P.  D.  P.  (Peyrot,  ancien  prieur  de  Pradinas  ).  En 
Rouergue,  sans  nom  d'imprimeur,  1774.  in-8°. 

Édition  originale. 

268.  Peyrot  (Claude).  Les  Quatre  Saisons,  ou  les  Géorgiques  pa- 
toises, poème  par  M.  P.  A.  P.  I).  P.  Bénéficier  à  Millau,  auteur 
du  Recueil  de  Poésies  Patoises  et  Françoises.  imprimé  en  1774. 

A  Villefranche,  Vedeilhé.  imprimeur  du  Roi:  à  Figeac,  Ghampol- 
lion,  libraire;  à  Rodez,  Vedeilhé,  libraire;  à  Millau,  les  demoiselles 
Rainaldis.  1781,  in-8°. 

269.  Peyrot  (  Claude  ).  Œuvres  patoises  de  Claude  Peyrot,  an- 
cien Prieur  de  Pradinas,  dans  lesquelles  on  trouve  les  Quatre  Sai- 
sons, ou  les  Géorgiques  Paloist's  ;  suivies  de  plusieurs  pièces  fugi- 
tives qui  n'ont  jamais  vu  le  jour.  Seconde  édition. 

Millau,  Pierre  Chauson,  an  X 1 11  et  le  premier  du  règne  de 
Napoléon  ;  in-8°. 

270.  Peyrot  (Claude  ).  Œuvres  patoises  et  françaises  de  Claude 
Peyrot,  ancien  Prieur  de  Pradinas,  etc.  Troisième  édition. 

Milhau,  Chauson,  an  1811).  in-  8°. 


DIALECTES    MODERNES  67 

"271 .  Peyrot  (Claude).  Œuvres  patoises  complètes  de  C.  Peyrot, 
ancien  prieur  de  Pradinas.  Quatrième  édition. 

Millau,  Carrère  jeune,  1823,  in-8o. 

Avec  un  portrait  lithographie  de  l'auteur,  accompagné  de  cette 
inscription:  «  J.-C.  Peyrot,  ancien  Prieur  de  Pradinas,  né  à  Millau 
»  en  1709,  mort  à  l'âge  de  86  ans.» 

11  a  paru  récemment  une  traduction  française  des  Gèorgiques  de 
l'abbé  Peyrot,  avec  le  texte  en  regard:  Les  Saisons,  poëme  patois, 
par  Claude  Peyrot;  traduit  en  vers  français,  par  A.  Peyramale. 
Paris,  A.  Sorbet,  1862,  in-12.  Imprimé  à  Tarbes,  chez  J.-A.Fonga. 

272.  Philousouphie  (La)  de  Gregori,  Sonnet  anonyme.  Dans 
lou  Bouquet  prouvençaou. 

V.  ce  titre. 

273.  Plomet.  Les  Vœux  des  Patriarches  et  des  Prophètes  dans 
l'attente  du  Messie,  Noëls  sur  les  airs  anciens  et  modernes,  dédiez 
à  MM.  les  Toulousains.  Par  M.  Plomet,  prêtre,  chanoine  et  prieur 
de  l'église  collégiale  Sainte-Anne  de  Montpellier. 

Toulouse,  Claude-Gilles  Lecamus,  sans  date,  in-8°. 
L'approbation  de  cet  opuscule  est  du  17  novembre  1705. 

274.  Plomet.  Noëls  nouveaux  sur  les  plus  beaux  airs  du  temps, 
à  l'honneur  de  la  naissance  du  Fils  de  Dieu. 

Sans  nom  d'auteur. 

Toulouse,  veuve  deJ.-J.  Boude,  Claude-Gilles  Lecamus  et  Jac- 
ques Loyau,  sans  date.  in-8°. 
Les  approbations  sont  de  1707 . 

275.  Plomet.  Le  Voyage  des  Pasteurs  en  Bethléem,  noël  en  pa- 
tois sur  trente-huit  airs  différents.  Enrichi  de  Notes  et  de  Réflexions 
morales,  en  françois. 

Sans  nom  d'auteur.  Sans  lieu,  ni  nom  d'imprimeur,  ni  date,  in-8o. 
C'est  à  ce  noël  que  nous  avons  emprunté  l'épitaphe  ridicule  |de 
Sara,  rapportée  dans  le  premier  volume  de  V Essai,  p,  211 . 

276.  Plomet.  L'Orgueil  desïgrands  confondu  dans  la  naissance- 
du  Messie.  Noëls  nouveaux,  par  M.  Plomet,  Prêtre,  Chanoine  et 
Prieur  de  l'Église  Collégiale  Sainte -Anne  de  Montpellier. 

Toulouse,  Claude-Gilles  Lecamus,  sans  date,  in-8°. 
Les. approbations  sont  de  1719. 

277.  Plomet.  Les  Thrésors  de  Bethléem  ouverts  à  tous  les'Chré- 
tiens,  Noëls  nouveaux.; Par.  M.  Plomet,  Prêtre,  Chanoine  et  Prieur 
de  l'Eglise  Collégiale  Sainte-Anne  de  Montpellier. 

Toulouse,  Claude-Gilles  Lecamus,  sans  date,  in-8°. 
Les  approbations  sont  de  1720. 


68  HISTOIRES  DES  PATOIS  DU  MIDI 

278.  Plomet.  Le  Pécheur  secouru  par  le  Libérateur.  Noëls  nou- 
veaux sur  des  Airs  anciens  et  modernes.  Par  M.  Plomet,  Prêtre, 
Chanoine  et  Prieur  de  l'Eglise  Collégiale  Sainte-Anne  de  Mont- 
pellier. 

Toulouse,  Claude-Gilles  Lecamus,  sans  date,  in-8°. 
Les  approbations  sont  de  1721. 

279.  Poble  moundi  (Le)  à  Mounseignou  le  premier  Présiden. 
V.  Seré. 

280.  Poème  en  ver*  patois  sur  les  saintes  paroles  Dieu  soit 
béni:  où  l'on  fait  voir  les  motifs  et  les  avantages  qui  nous  enga- 
gent à  les  prononcer  souvent ,  et  les  malheurs  de  ceux  qui  les  dé- 
daignent. 

Avignon.  Joseph  Blery,  1780,  in-12,  48  pag.  Sans  nom  d'auteur. 
Ce  poëme  a  été  réimprimé  dans  les  Variétés  religieuses,  ou  choix 
de  poésies  provençales  avec  notes.  Aix,  Makaire.  1860,  in-12. 

281.  Poemo  deou  Pero  troisiemo  deou  couletgé  de  Leytouro,  à 
Paounou  de  las  gens  d'aquello  bilo. 

Satire  contre  les  Lectourois,  suivie  d'une  soi-disant  réponse  sous 
le  titre  suivant  : 

Respounso  del  P.  Préfet  de  Mouissac  (appellat  le  Pero  del  Pour- 
tail)  (sic)  que  s'erijo  en  citouyen  de  Leiytouro.    En  1742. 

Manuscrit  de  ma  collection.  Entre  ces  deux  pièces  de  vers,  on 
lit:  «  Le  R.  P.  Laffont,  doctrinaire,  natif  de  Leytoure.  et  recteur  du 
»  collège  de  Moyssac,  reconnaissant  son  portrait  dans  le  poëmo 
»  précédent,  fit  tout  son  possible  pour  en  découvrir  l'auteur. 
»  N'ayant  pu  y  réussir,  il  se  vanta  d'y  avoir  répondu.  Comme  sa 
»  réponse  ne  parut  point,  le  P.  Duportail  fit  le  poëme  suivant  qu'il 
»  lui  attribua,  pour  le  forcera  produire  sa  prétendue  réponse  ou  à 
»  adopter  celle-ci,  ce  qui  fut  inutile.  Le  P.  Lafond  {sic)  garda  le  si- 
»  lence  en  enrageant.  >» 

M.  F.  T  (Taillade  ),  qui  a  inséré,  d'après  mon  manuscrit,  ces 
deux  pièces  de  vers  dans  les  Poésies  gasconnes,  dont  il  est  l'éditeur 
(Paris.  Tross,  t.  II,  p.  321  ).  s'est  mépris  sur  la  fin  du  titre  de  la 

seconde  ;  il  a  fait  imprimer  :  que  cerco en  citoyen  de  Leytouro  ». 

tandis  que  le  manuscrit  porte  que  s'erijo  en  citouyen  de  Leytouro.  Le 
Père  Duportail.  en  effet,  simule  l'indignation  que  devait  éprouver 
tout  bon  Lectourois  contre  l'auteur  de  la  satire. 

Dans  la  reproduction  que  M.  F.  Taillade  a  donnée  de  ces  deux 
pièces,  il  en  a  singulièrement  modifié  l'orthographe,  en  la  rendant 
plus  conforme  aux  règles  de  l'idiome  gascon.  Nos  citations  repro- 
duisent littéralement  la  leçon  de  notre  manuscrit 


DIALECTES    MODERNES  69 

J'ai  parlé,  dans  le  premier  volume  de  l'Essai,  p.  74  et  suiv.,  des 
attaques  dirigées  contre  les  Lectourois  au  XVIIe  siècle  ;  on  les 
continuait  encore  au  milieu  du  XVIIIe,  comme  en  font  foi  les  deux 
compositions  dont  je  viens  d'inscrire  les  titrés. 

282.  Poésies  béarnaises. 

Pau,  E.  Vignancour,  1826,  in-8°. 

283.  Poésios  biterouèsos  des  XVIIe  et  XVIIPsiècles,  coumpou- 
sados  per  diverses  autous. 

Béziers,  Eugène  Millet,  1842,  in-8o. 

Ce  recueil  est  précédé  d'une  excellente  introduction  de  M.  Sa- 
batier.  membre  de  la  Société   archéologique  de  Béziers. 

11  nous  donne  le  nom  de  l'auteur  des  pièces  parues  sous  le  titre 
Bouquet  de  cauquos  flouretos,  etc.,  le  P    Martin. 

284.  Pourrieres.  Auresoun  funebro  de  Messiro  Cardin  Lebret, 
counsillié  d'état,  premié  presiden,  intandan  de  justici,  de  pouliço, 
dei  lînanços.  doou  coumerço,  et  coumandan  per  km  Rey  en  Prou- 
venço.  Prounouncado  lou  12  mai  1735,  din  l'Egliso  Parroussialo 
de  Sant-Laurens  ,  en  presenci  de  Messies  Jacques  Caries,  Rey- 
mound  Floux,  Jean-Pierre  Pons  et  Louis  Loumbard,  Proud'homes 
de  Marsillo.  Per  Messiro  Pourrieres,  Cura  de  la  Parroisso  de  San 
Ferreol. 

Marseille,  Dominique  Sibié,  sans  date,  in-40. 

285.  Poussou  (L'abbé).  Noels  nouveaux,  par  M.  l'abbé  Poussou, 
Prêtre,  Bachelier  de  Théologie. 

Toulouse,  veuve  de  J.-J.  Douladoure,  sans  date,  in-12. 

286.  Prières  et  Cantiques  spirituels  à  l'usage  des  missions  des 
Pères  delà  Doctrine  Chrétienne. 

Toulouse.  N.  Caranove,  1751,  in-12. 

On  trouve  à  la  suite  de  ce  volume  : 

Supplément  auxCantiques  de  la  mission  des  Pères  delà  Doctrine 
Chrétienne,  12  pages,  avec  une  pagination  propre  ;  elles  sontrem- 
plies  par  des  cantiques  en  patois. 

287.ProucesdeCarmentran  (Lou),  Coumedio  nouvelloet  galanto, 
per  servir  de  divertissainen  eiz  esprits  cureoux  et  galans. 

Paris,  1700,  in-12. 

Brunet,  Manuel  du  libraire. 

M.  Pierquin  de  Gembloux,  Hist.  lit*,  des  patois,  p.  312.  a  cité  le 
titre  suivant  de  cette  pièce  : 

Lou  Procès  de  Carmentran,  comedio  nouvello  et  galanto  ;  Paris, 
1701 ,  p.  24.  In-12,  à  Venasque,  chez  Crufeux,  rue  Malpropre,  à  l'en" 
seigne  du  dégoûtant.  S.  D. 


70  HISTOIRE     DES    PATOIS    DU    MIDI 

Une  édition  sans  date  attribue  cette  pièce  à  M.  D  *** 

288.  Lou  Procez  de  Cahmentran,  comédie. 

An  Bourg,  chez  P.  Gassignol,  1747,  in-ltj,  24  pages. 
Cette   édition  est  plus  complète  que  celles  qui  ont  été  imprimées 
à  Avignon  et  à  Carpentras. 

289.  Proverbes  patois  (dans  les  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de 
France,  publiées  par  M.  Gazier, Revue  des  langues  romanes,  2*  série, 
tom.  I,  pag.  275). 

290.  Proverbes,  dictons,  noms  de  plantes  et  poésies  patoises 
(  sans  indication  d'auteur),  envoyées  à  Grégoire  par  les  Amis  de 
la  Constitution  de  Carcassonne.  dans  les  Lettres  à  Grégoire  sur  les 
patois  de  France,  publiées  par  M.  Gazier,  Revue  des  langues  romanes, 
1"  série,  tom.  VI,  pag.  57."»  à  589;  VII,  107  à  120. 

291.  Pujol  (Jean-Jacques  ).  Cantiques  de  Castres,  en  langue 
languedocienne  et  française.  Nouvelle  édition,  revue,  corrigée  et 
augmentée.  On  a  fait  en  sorte  de  les  composer  sur  des  Airs  connus. 

Castres,  J.  Auger,  sans  nom  d'auteur  et  sans  date,  in-8u 
J  -J.  Pujol,  avocat,  né  à  Murvial  le  6  juillet  1733,  mourut  à  Cas- 
tres le  7  mars  1812.  M.  Magl.  Navrai  lui  a  consacré  un  article  dans 
la  Biographie  caslraise. 

Détenu,  en  1793,  dans  le  séminaire,  à  Castres,  Pujol  y  composa 
un  noël  fort  plaisant  ;  il  prit  occasion  de  la  nuit  de  Noël  pour  met- 
tre en  scène  bon  nombre  de  ses  codétenus,  qu'il  peignit,  chacun 
par  un  trait  plutôt  facétieux  que  malin,  mais  toujours  caractéris- 
tique. M.  A.  Combes  a  cité  ces  couplets,  en  les  commentant,  dans 
ses  Chants  populaires  du  pays  castrais,  1862,  p.  i2  et  suiv. 

292.  Puyoo  (l'abbé  de).  La  Bertat,  ou  R*èbe  de  Moussu  l'abat 
Puyoo,  de  la  gentille  maysou  d'Esbarrebaque,  seignou  de  Pontiac, 
sus  lous  Gentius  de  Bearn. 

Paris,  Lottin  l'aîné,  1768,  in-12. 

293.  Puyoo  (l'abbé  de  ).  La  Bertat,  ou  Rèbe  de  Moussu  l'abat  de 
Puyoo,  delagentilhe  maysou  d'Esbarrebaque,  seignou  de  Pontiac, 
sus  lous  Gentius  de  Bearn.  Troisième  édition. 

Toulouse,  J. -M.  Froment,  sans  date,  in- 1 J . 

C'est  là  un  tirage  à  part,  avec  une  pagination  particulière  de  la 
Bertalt  imprimé  à  la  suite  des  Souvenirs  historiques  du  châleau  de 
Pau,  par  Latapie,  vte  d'Asfeld. 

M.  Lespy  a  publié  une  reproduction  du  Hèvr  de  l'abbé  Puyo(sic), 
dans  la  Revue  d'Aquilaim .  année  1860.  11  accuse  l'édition  de  Latapie 
d'être  remplie  de  passages  interpolés,  ne  méritant,  conséquem- 
ment.  aucune  confiance. 


DIALECTES    MODERDES  71 

294.  Quatrième  livre  de  l'Enéide  de  Virchle,  travesti  en  au- 
vergnat. 

Sans  nom  d'auteur  (de   Pasturel  ),  à  la  suite   de  la  Henriade  de 
Voltaire,  mise  envers  burlesques  auvergnats,  etc.,  p.  641. 
V.  Faucon. 

295.  Rabissomen  des  paysans  qu'èron  à  la  coumedio. 
V.  Baour. 

296 .  Ramelet  (  Le  )  de  Naubernad  [  Arnaud-Bernard  | . 
Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  ni  lieu  ni  date,  in-8». 

On  lit  à  la  page  3  :  «  Proujet  de  l'arrengomen  d'un  Ramelet  que 
»  se  diou  fa  à  Sent-Grupasi  [  Sent-Grapasi],  aquest-annado  1784. 
»  (En  memorio  de  l'incoumparable  Berduret.) 

La  mort  de  Berduret,  qui  nous  semble  avoir  été  un  vrai  boute- 
en-train  des  réjouissances  populaires  à  Toulouse,  fut  un  événement 
pour  les  habitants  de  cette  ville  ;  on  a  célébré  ce  personnage  dans 
des  vers,  dans  des  danses  improvisées  et  jusque  dans  un  ballet. 
Nons  avons  : 

Berduret  aux  Champs-Elysées,  ballet-pantomime  en  trois  actes, 
de  la  composition  de  M.  Chevalier.  Toulouse,  Jean-Joseph  Doula- 
doure,  1874,  in-8°. 

V.  Gillet,  aux  pièces  de  la  Révolution. 

297  .  Recueil  de  Cantiques,  de  Noëls  et  de  divers  Chants  d'église 
en  français  et  en  patois. 

Manuscrit,  sans  titre,  in-8o,  de  ma  collection. 

Le  premier  noël  porte  la  date  de  1764;  les  compositions  patoi- 
ses  sont  écrites  dans  l'idiome  de  Limoux  (Aude). 

298.  Recueil  de  Cantiques  spirituels  sur  les  principales  fêtes 
et  divers  temps  de  l'année,  sur  les  vertus  et  les  devoirs  du  chrétien . 
2e  édition,  augmentée  et  corrigée. 

Avignon,  Offray,  1712,  petit  in-8o,  166  pag.,  précédé  de  neuf 
feuillets  non  chiffrés  et  de  trois  tables.  1\  contient  47  cantiques  en 
provençal  et  81  en  français.  Je  n'ai  pu  découvrir  la  date  de  la  pre- 
mière édition. 

209.  Recueil  de  Cantiques  spirituels,  etc. 
V.Gauthier. 

300.  Recueil  de  Cantiques  spirituels  à  l'usage  des  missions  de 
t-rovence  en  langue  vulgaire,  avec  les  airs  notés  à' la  fin. 

Avignon.  J. -F.  Uomergue,  1734,  in-12,  iv-280  pages  et  107  airs 
notés. 

301 .  Recueil  de  Noëls  français. 


72  HISTOIRE    DES    PATOIS    DU    MIDI 

Toulouse,  veuve  J.-P.  Robert,  sans  date,  in-12. 

Ce  recueil  contient  des  noëls  en  français  et  en  patois. 

302.  Recueil  de  Prières  et  Cantiques  spirituels  à  l'usage  des 
Missions  des  P.  P.  Capucins. 

Toulouse,  D.  Desclassan,  1785,  in-12. 

Le  même  recueil,  Montauban,  Vincent  Teulières,  1785,  in-12. 

303.  Receùil  (sic)  de  Prières,  Instructions  et  Cantiques,  pour 
les  missions.  Nouvelle  édition,  revue  et  augmentée. 

Avignon,  Joseph- François Offray  fils  l'aîné,  1735,  in-12. 

Ou  trouve  dans  ce  recueil  cinq  cantiques  en  patois  provençal. 

3U4.  Recueil  de  Prières  de  réveillés  et  de  Cantiques,  tant  en 
français  qu'en  langue  vulgaire,  en  l'honneur  de  Notre-Dame  des 
Anges,  pour  l'usage  de  la  ville  de  Pignans  ;  le  tout  recueilli  par  un 
homme  de  retraite,  occupé  à  l'éducation  de  la  jeunesse. 

Draguignan,  Barthélémy  Bus,  177N,  in-12. 

M.  Pierquin  de  Gembloux,  Ilisl.  UU.  des  patois,  p.  315. 

305.  Recueil  de  romances  historiques,  tendres  et  burlesques, 
tant  anciennes  que  modernes,  avec  les  Airs  notés.  Par  M.  D.  L**. 

Sans  nom  d'imprimeur  ni  de  lieu.  1767  et  1774,  2  vol.  in-8o. 

306.  Recueil  des  Noëls  nouveaux,  à  l'honneur  de  la  naissance 
dn  Sauveur.  Imprimé  cette  année. 

Toulouse.  Hérault,  sans  date,  in-12. 

3t)7.    Recueil  des  plus   beaux  Noëls,  soit  Français,   soit  Patois, 
composés  par  divers  Auteurs,  sur  les  Airs  les  plus  connus. 
Narbonne,  Décampe,  sans  date,  petit  in-12. 

308.  Recueil  des  plus  beaux  Noëls,  soit  Fiançais,  soit  Patois, 
composes   par  divers  Auteurs,  sur  les  Airs  les  plus  connus. 

Narbonne,  Décampe,  sans  date,  in-  12. 

Ces  duux  derniers  recueils,  malgré  leurs  titres  identiques,  con- 
tiennent chacun  des  Noëls  différents. 

(A  suivre).  Le  D' NOULET . 


CHANTS   POPULAIRES  DU   LANGUEDOC 

(Suite) 

XXVI.   —  l'egua 

1)  Quand  la  mounère  n'avait  boue, 
Trouba  la  tsamba  de  soun  ègua: 

—  0  paura  tsamba  ! 
Qu'aia  tant  batiu  la  Franca  ! 

2)  Quand  la  mounère  n'avait,  boue, 

Trouba  la  testa  de  soun  ègua: 

—  0  paura  testa  ! 
Qu'aia  tant  pourtà  requesta! 

3)  Quand  la  mounère  n'avait  boue, 

Trouba  l'escliina  de  soun  ègua: 

—  0  paura  escliina! 
Qu'aia  tant  pourtà  farina  ! 

4)  Quand  la  mounère  n'avait  boue, 
Trouba  la  couèna  de  son  ègua: 

—  0  paura  couèna! 
Qu'aia  tant  pourtà  civjaira  ! 

Version  de  Vorey  (Baute-Loire),  recueillie  par  M.  Victor  Su:iih   d'après 
Marie  Farigoule. 

XXVII.  —  l'aset  et  lou  lou 

1)   De  boun  mati  se  lebo, 
L'aset,  daban  lou  jour  ; 
Ses  bato  et  ses  brido, 
S'en  bai  al  bosc  tout  soûl. 

Refrain.  2)    Perque  tu  te  lebabes, 

L'aset,  daban  lou  jour  ? 


71  DIALECTES    MODERNES 

3)    Dins  soun  cami  rencountro 
Soun  coumpairet  lou  lou. 
—  L'aset,  per  que  te  trobi, 
TVmanjarai  be,  iou. 

I         Nou  faras,  coumpaire, 
Qu'auras  pietat  de  iou; 
Soj  coubidat  à  nosso, 
Et  i  aneren  tous  dous. 

5)  Lou  lou  monto  sus  Fase, 
Et  dis:  Anen  tous  dous. 
En  passan  per  la  bilo, 

Tout  lou  ruounde  crido :  lou  !  lou! 

6)  Lou  lou  sauto  per  terro,  — 
Ne  quitto  lous  esclots, 
Per  ne  prene  lafujo, 

E  courre  al  galop. 

Le  Petit  Ane  et  le  Loup. — ■  1)  Bon  matin  se  lève, — le  petit 
une,  avant  le  jour  :  —  met  son  bât  et  sa  bride.  —  s'en  va  au  bois 
tout  seul. 

Refrain.  —  2)  Pourquoi  te  levais-tu,  —  petit  àne,  avant  le  jour? 

3)  Sur  son  chemin  il  rencontre  —  son  petit  compère  le  loup  :  — 
Petit  àne,  puisque  je  te  trouve.  —  je  te  mangerai  bien,  moi. 

4)  Tu  ne  le  feras  pas,  petit  compère,  —  car  tu  auras  pitié  de  moi. 

—  Je  suis  convié  à  des  noces,  —  nous  irons  tous  les  deux. 

5)  Le  loup  monta  sur  le  petit  àne,  —  et  dit:  Allons-y  tous  doux 

—  En  passant  par  la  ville.  —  tout  le  monde  crie  :  Au  loup  ! 

6)  Le  loup  saute  à  terre,  —  et  laisse  ses  sabots,  —  pour  pouvoir 
prendre  la  fuite  —  et  s'en  aller  au  galop. 

Du  Périgord.  Communiquée  par  M.  le  vicomte  de  Gourgues. 

Cf.  Cenac-Moncaut.  Littérature  populaire  de  la  Gascogne,  etc. ,  p.  450  : 
l'Ase  et  le  Loup. 

XX VIII.   —  LA    HUSE    DE   l'4NE 

1)      De  bon  mal  i.  noutre  anè, 

S'es  prei,  mes  s'es  levô. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  Ti> 

Vira-lou  l'anè  ; 
S'es  prei,  mes  s1  es  levé  ; 
Vira-lou  dessous. 

2)  N'a  prei  son  bat  et  sa  sanglia, 

N'a  fil'au  bé  tout  sou. 

3)  En  son  tsami  rencontra, 
N'a  rencontra  le  loup. 

4)  l'a  dit  :  Faut  que  te  mindze  ! 
—  0  fera  pas,  le  loup. 

5)  Les  gralles  soun  des  noces, 
Lai-s-engniroun  tou  dou. 

6)  L'anè  n'ébri  la  porta, 
Sarra  lou  loup  defô. 

Vira-lou  l'anè, 
Sarra  lou  loup  defô  ; 
Vira-lou  dessous. 

La  Ruse  de  l'ane.  —  1)  De  bon  matin,  notre  âne, —  s'est  pris, 
mais  il  s'est  levé. —  Tourne-le,  l'âne;  — s'est  pris,  mais  s'est  levé  ; 
—  tourne-le  dessous. 

2)  11  a  pris  son  bât  et  sa  sangle  ;  —  il  a  iilé  au  bois  tout  seul. 

3)  En  son  chemin  il  rencontre;  — il  a  rencontré  le  loup, 

4)  Qui  lui  a  dit  :  Il  faut  que  je  te  mange  !  —  Tu  ne  le  feras  (  dit- 
il  ),  loup. 

5)  Les  corneilles  vont  à  des  noces,  —  nous  irons  tous  les  deux. 

6)  L'âne  ouvrit  la  porte,  —  et  de  dehors  enferma  le  loup.  — 
Tourne-le,  L'âne,  —  et  de  dehors  enferma  le  loup:  — tourne-le 
dessous. 

Version  de  Samt-Just-de-Malmont  (Haute-Loire),  dictée  à  M.  Victor 
Smith  par  Mmc  Urevot-Giiïnon . 


XXIX     —  LOU  MAMAU 


Siei  anà  vers  ma  vesino 
Per  me  fà  gari  moun  mau  : 
M'a  dounà  per  medicino 
De  ie  mètre  un  gran  de  sau. 


76  DIALECTES   MODERNES 

H.  ~*  Un  gran  de  sau 
Me  fai  mau . 
Me  fai  coire  lou  mamau  ! 

Ai  !  que  lou  mamau  m'escoi  ! 
Ai!  que  lou  mamau 

Me  fai  mau  ! 

Siei  anà  vers  ma  vesino 
Per  me  fà  gari  moun  mau  : 
M'a  dounà  per  medicino 
De  ie  mètre  uno  caroto. 

//.  —  Uno  caroto 

Me  lou  froto  ; 
Un  gran  de  sau 
Me  fai  mau  : 
Me  fai  coire  lou  mamau. 
Ai  !  etc. 

Siei  anà  vers  ma  vesino 
Per  me  fà  gari  moun  mau. 
M'a  dounà  per  medicino 
De  ie  mètre  de  giver. 
De  giver 
Lou  tèn  vert  ; 
Uno  caroto 

Me  lou  froto  ; 
Un  gran  de  sau 
Me  fai  mau,  etc. 

Siei  anà  vers  ma  vesino 
Per  me  fà  gari  moun  mau . 
M'a  dounà  per  medicino 
De  ie  mètre  un  artichau. 
In  artichau 

Lou  tèn  caù  ; 

De  giver 

Lou  tèn  vert  ; 
Uno  caroto 

Me  lou  froto  ; 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  71 

Un  pau  de  sau 

Me  fai  mau,  etc. 

Siei  anà  vers  ma  vesino 
Per  me  fà  gari  moun  mau. 
M'a  dounà  per  medicino 
De  ie  mètre  de  caulè. 
Lou  caulè 
Me  lou  tèn  drè  ; 
Un  artichau 
Lou  tèn  caù  ; 
De  giver 
Lou  tèn  vert  ; 
Uno  caroto 

Me  lou  froto  ; 
Un  gran  de  sau 
Me  fai  mau  : 
Me  fai  coire  lou  mamau. 
Ai  !  que  lou  mamau  m'escoi  ! 
Ai  !   que  lou  mamau 
Me  fai  mau  ! 

Le  Bobo.  —  1er  couplet.  J'ai  été  chez  ma  voisine  —  pour  faire 
guérir  mon  mal.  —  Elle  m'a  ordonné  pour  remède  —  d'y  mettre 
un  grain  de  sel. 

Le  grain  de  sel  —  ne  fait  qu'augmenter  le  mal.  —  et  le  bobo  me 
cuit.  —  Ah  »  qu'il  me  cuit.  —  et  que  ce  bobo  —  me  fait  mal  ! 

Dernier  :  J'ai  été  chez  ma  voisine  —  pour  faire  guérir  mon  mal. 
—  Elle  m'a  ordonné  pour  remède  —  d'y  mettre  un  chou. 

Le  chou  —  le  tient  droit;  —  l'artichaut  —  le  tient  chaud  ;  —  le 
persil  —  le  tient  vert;  —  la  carotte  —  le  frotte  :  —  le  grain  de  sel  — 
fait  mal,  —  si  bien  que  le  bobo  me  cuit.  —  Ah  !  qu'il  me  cuit  !  — 
Ah  1  que  ce  bobo  —  me  fait  mal  ! 

XXX.    LOUS   NOUMBRES 

Un  e  dous  e  très  e  quatre, 
Cinq  e  sieis  e  sept  e  ioch, 
Nôu  e  dech  e  ounze  e  douge. 
Douge  e  douge  vingt-quatre. 


78 


DIALECTES    MODERNES 


Les 'n'ombres.  —  Un  et  deux  et  trois  et  quatre.  —  cinq  et  six  et 
sept  et  huit,  —  neuf  et  dix  et  onze  et  douze.  —  Douze  et  douze 
vingt-quatre. 

Se  dit  dans  toutes  nos  provinces,  mais  seulement  parmi  les  enfants. 

1)  Mais  ils  ne  disent  pas  toujours  cette  énumération  d'une  façon  aussi 
régulière  ;  ils  la  répètent  dans  bien  des  cas  en  intervertissant.  En  voici 
un  exemple,  qui  nous  est  donné  à  la  fois  par  M.  H.  Bouquet, de  Montpellier, 
et  M.  Etienne  Gleizes.  d'Azillanet.  Elle  se  chantonne  de  la  même  façon  : 

Un,  dous  e  très  e  quatre, 
Sept  e  ioch  e  vingt-quatre  ; 
Un  e  dous  e  très  et  nôu, 
Vingt-quatre  e  des  e  nôu. 


Un 


dous 


très 


eut 


y     c.  r~jz: 


qua  -  tre,  Lou    cou- 


te     fa 


ra 


bat  -  tre  ;  Cinq      e       sièis      e      béit      e 


g  ? 

—&- 

&                       sm                                    ss* 

ar — r 

. 

tTu  r 

i 

& 

.  0 

\\\ 

/ 

I  r          ■          ii              '                  '  .' 

i      \ 

V  ' 

v      1     t        v-      "  ' 

*         i. 

nôu,        Sa  -  rai 


ba 


tut, 


mai 


•iôu. 


Un  e  dous  e  très  e  quatre, 
Lou  coucut  te  fara  battre  ; 
Cinq  e  siès  e  bèit  e  nôu, 
Sarai  batut,  amai  l'iôu. 

Un  ft  deux  et  trois  et  quatre,  —  le  coucou  te  fera  battre;  —  cinq  et  six 
et  sept  et  huit,  —  je  serai  battu  et  dupé. 
De  M.  Et.  Gleizes,  d'Azillanet. 


XXXI. 


AUTRE 


1 .  Un,  lou  bon  Dieu. 

2.  Dous,  lous  Testamens, 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  79 

3  . . .   Très,  la  Trinitat. 

4  . . .    Quatre,  lous  Evangelistas. 

5  . . .   Cinq,  las  plagas  de  Nostre-Segne. 

6  . . .   Sieis,  lous  luns  dau  Temple. 

7  . . .   Sept,  las  joias  de  Nostra-Dama. 

8  . .     loch,  las  Beatitudas. 

9  . . .   Nous,  lous  Anges. 

10  . .  .  Dech,  lous  Coumandamens. 

11  . . .   Ounze,  las  Estelas. 

12  . . .   Douge,  lous  Apôtres. 

Autre.  —  1)...  Un,  le  bon  Dieu. —  2)...  Deux,  les  Testa- 
ments. —  3). . .  Trois,  la  Trinité. —  4. . .  Quatre,  les  Évangélistes. 
—  5)...  Cinq,  les  plaies  de  Notre-Seigneur.  —  6)... Six,  les  lu- 
minaires du  Temple.  —  7)...  Sept,  les  joies  de  Notre-Dame. — 
8)...  Huit,  les  Béatitudes. —9).  ..  Neuf,  les  Anges.  —  10).. .  Dix, 
les  Commandements.  —  11). . .  Onze,  les  Étoiles.  —  12)...  Douze, 
les  Apôtres. 

Quant  au  dernier,  on  reprend  la  même  énumération,  en  récapitulant, 
mais  en  sens  inverse. 

Sert  d'exercice  aux  petits  catéchisants. 

Damase  Arbaud.  Chants  populaires  de  la  Provence,  t.  I,  p.  42.  en  cite 
un  fort  compliqué.  Cf.  Ch.  pop.  de  la  Bretagne,  rec.  par  H.  de  la  Ville- 
marqué,  t.  I,  p.  1  :  les  Séries. 

Des  énumérations  analogues  se  disent  dans  plusieurs  jeux,  notamment 
dans  une  sorte  de  cheval-fondu.  V.  A.  Montel  et  L.  Lambert,  Contes  po- 
pulaires du  Languedoc,  1er  fascicule,  p.  29. 

XXXII.    —    LA    SENMANA 


■'  0-z'ii6 


g—M 


-■.'—-  j ^L 


r~i  &  •  i 


V 


-i -*■*- 


s'en  -  a  -  na  -  va        ven  -  dre      De  musc.    Di  -  lus,      musc.   Re- 


DIALECTES    MODERNES 


2ÉÉ 


3: 


i— <*- 


/<_!    g. 


S 


l2Zf 


V^ 


& 


? 


-*^- 


"?y~ 


tor-na-te,     m'a  -  mi  -  ga  ;     Re  -  tor  -  na  -  te    que      plôu.       Re- 


S 


-**^ 


2= 


i — t*- 


fc±£: 


tor-  na  -  te,     m'a  -mi    -    ga;    Dau     pont     de    Cas- tel-n6u. 
Masc.  Énumération  Fém. 


m- 


m 


^ 


=± 


2± 


£ 


3 


„ 


Di 


lus, 


musc. 


Dime   -   cres, 


bre, 


Ai  rencountrat  m'amiga, 

hilus, 
Que  s'enanava  vendre 
De  musc. 
Dilus,  musc. 

Retorna-te,  m'amiga: 
Retorna-te,' que  plôu. 
Retorna-te,  m'amiga, 
Dau  pont  de  Castelnôu. 

Ai  rencountrat  m'amiga, 

Dimas, 
Que  s'enanava  vendre 

De  nachs . 

Dimas,  uachs  ;  dilus,  musc,  etc. 
Retorna-te,  etc. 

Ai  rencountrat  m'amiga, 

Dimecre, 
Qui'  s'enanava  vendre 
1  Ha  lebre. 
Dimecre,  lebre  ;  dimas,  uach  ;  dilus,  musc. 
Retorna-te,  etc. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  81 

Ai  rencountrat  m'amiga, 

Dijôus, 
Que  s'enanava  vendre 

De  biôus. 
Dijôus,  biôus  ;  dimecre,  lebre;  dimas,  nachs  ;  dilus,  muse. 
Retorna-te,  etc. 

Ai  rencountrat  m'amiga, 

Divendre, 
Que  s'enanava  vendre 
De  cendres. 
Divendre,   cendres  ;  dijôus,  biôus  ;  dimecre,   lebre  ;   dimas, 
nachs  ;  dilus,  musc. 

Retorna-te,  etc. 

Ai  rencountrat  m'amiga, 

Dissapte, 
Que  s'enanava  vendre 
De  latas. 
Dissapte,  latas  ;  divendre,  cendres;  dijôus,  biôus  ;  dimecre, 
lebre;  dimas,  nachs  :  dilus,  musc. 
Retorna-te,  etc. 

Ai  rencountrat  m'amiga 

Dimenge, 
Que  s'enanava  vendre 
De  penches. 
Ditnenche,  penches;  dissapte,  latas  ;  divendre,  cendres  ;  di- 
jôus, biôus  ;  dimecre,  lebre;  dimas,  nachs  ;  dilus,  musc. 
Retorna-te,  etc. 

La  Semaine.  —  1)  J'ai  rencontré  m'amie,  —  lundi,  -  -  qui  allait 
vendre  du  musc.  —  Lundi,  musc.  —  Retourne-toi,  —  m'amie;  — 
retourne-toi,  qu'il  pleut.  —  Retourne-toi,  m'amie,  —  du  pont  de 
Castelnau. 

1)  J'ai  rencontré  m'amie, —  mardi,  qui  allait  vendre  des  navets. 
-  Mardi,  navets  ;  lundi,  musc.  —  Retourne-toi,  etc. 

3)  J'ai  rencontré  m'amie,  —  mercredi,  —  qui  allait  vendre  un 
lièvre.  —  Mercredi,  lièvre  ;  mardi,  navets  ;  lundi,  musc.  —  Re- 
tourne-toi, etc. 

4)  J'ai  rencontré  m'amie, —  jeudi,  qui  allait  vendre — des  bœufs. 


,<?2  DIALECTES    MODERNES 

—  Jeudi,  bœufs  :  mercredi,  lièvre  :  —  mardi,  navets  ;  lundi,  mus<-. 

—  Retourne-toi,  etc 

5)  J'ai  rencontré  m'amie,  —  vendredi,  —  qui  allait  vendre — des 

cendres.  —  Vendredi,  cendres  :   jeudi,    bœufs,  etc.   —  Retourne- 
toi,  etc. 

6)  J'ai  rencontré  m'amie,  samedi,  —  qui  allait  vendre  des  lattes. 

—  Samedi,  lattes  ;  vendredi,  cendres  ;  jeudi,  bœufs  :  mercredi,  liè- 
vre; mardi,  navets;  lundi,  musc.  —  Retourne-toi.  etc. 

7)  J'ai  rencontrée  m'amie.  — dimanche.  —  qui  allait  vendre  — 
des  peignes. —  Dimanche,  peignes  ;  samedi,  lattes  :  vendredi,  cen- 
dres ;  jeudi,  bœufs  ;  mercredi,  lièvre  ;  mardi,  navets  ;  lundi,  musc. 
Retourne-toi,  etc. 

Version  écrite  et  notée  d'après  M.  Ancette,  de  Montpellier.  Très-popu- 
laire. 

Gf.  Damase  Arnaud.  Chants  populaires  de  la  Provence,  etc.,  t.  I, 
p.  170:  Ai  rescounlrat  ma  mio.  —  Castil  Blaze,  Chants  populaires  de  a 
Provence,  Reveiès  deis  magnaneiris,  vendumieiris,  ouliveiris,  acampas, 
esp  lis.  adoubas,  ame  accoumpagnament  de  clavecin,  per,  etc.  :  la  Se- 
ma na. 

Les  variantfs  sont  extrêmement  nombreuses,  attendu  qu'on  n'est  tenu, 
aux  mots  répétés,  qu'à  une  seule  chose  :  la  rime.  Voici  les  principales: 

I 

La  veision  d'Uzès  (Gard),  communiquée  par  M.  C.H.  Ardouin,  donne 
ceci  par  l'ensemble  du  couplet  : 

Ai  rescountrat  ma  mio. 

Dilus , 
Que  s'enanavo  vendre 

De  fus. 
La  lin  fin  tôu. 


Reviro-te.  ma  mio; 
Reviro-te  que  plô 


,;  1  bis. 

U.  N 


Il  est  à  remarquer  que  les  rimes  ne  sont  pas  répétées  successivement 
avant  le  refrain,  —  dilus,  fus,  etc.,  — nomme  dans  la  version  de  Mont- 
pellier, que  ce  refrain  est  un  peu  différent. 

Les  rimes  données  ensuite  sont  celles-ci  :  dimars,  lard;  —  dimecre. 
lébre  ;  —  dijôus,  iàus;  —  divendre,  cendres:  —  dissapte.  fato  :  —  di- 
menche,  penche. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC 


83 


XXXIII. 


AuTIiE 


£#MS^ 


5S 


9* 


XL 


-&—\—& 


-.'î*i~ 


-V- 


Ran-coun-tre  -  ri      mai      mi 


±=zTz 


di 


lus,      Que 


Ui- 


_±C- 


K fr 


-®- 


-^rf± 


-<s»- 


-v*- 


s'en       a  *    na  •  bo       ven  -  dre  de    flurs,    Flurs,  flun,  dours.    Re- 


Ê^Œ 


ljr_ 


*>     <& 


V- 


-1& ^ 


X$L 


i= 


tour-  no-  te,     mai      mi    -    o  :     Re  -  tour  -  no  -  te,    que   plan     Re- 


m- 


ES 


Zg^i 


^^ 


&     0- 


■y     v    v 


£ 


tl±=ïi 


tour  -  no  -te,  mai      mi  -   o  ;    Re-  tour-  no  -  te.    que  plau. 


1)  Rancountreri  mai  roio,  dilus, 
Que  s'en  anabo  vendre  de  flurs. 

Flurs,  flun,  dours. 

Retourno-te,  mai  mio:  ?    , . 

\   bis 
Retourno-te,  que  plau.  ) 

2)  Rancountreri  mai  mio,   dimars, 

Que  s'en  anabo  vendre  de  lard, 
Mars, 
Lard. 
«Flurs,  flun,  dours. 
Retourno-te,  mai  mio,  etc. 

3)  Rancountreri  mai  mio,  dimecre, 
Que  s'en  anabo  vendre  de  lebre,  etc. 

4)  Rancountreri  mai  mio,  dijaus, 

Que  s'en  anabo  vendre  calhaus,  etc. 


84  DIALECTES    MODERNES 

5) dibendre, 

de  cendres. 

f>) . dissapte, 

de  sables. 

7)   dimenche, 

de  penches. 

8) ■  ■  ■   semano, 

de  lano. 

9) quinzeno, 

de  meno. 

10) al  mes, 

d'empès. 

11)    à  Fan, 

d'alhans. 

12)   ...   al  siècle, 

de  cierges. 

Autre.  —  1)  Je  rencontrai  ma  mie  lundi,  —  qui  s'en  allait  ven- 
dre des  fleurs.  —  Fleurs,  flun,  dours. —  Retourne-toi,  ma  mie  ;  — 
retourne-toi,  qu'il  pleut. 

2)  Je  rencontrai,  etc. . .     mardi. 

du  lard. 

3)   mercredi, 

des  lièvre?. 

4)   jeudi. 

des  cailloux. 

5) vendredi, 

des  cendres. 

6)  samedi, 

du  sable . 

7)   dimanche, 

des  peignes. 

8) semaine, 

de  laine. 

9)   quinzaine, 

du  minerai. 

'"     au  mois, 

de  l'amidon. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC         85 

il)  à  l'an, 

des  glands. 
12)  au  siècle, 

des  cierges. 

Version  de  Belesta  (Ariége),  écrite  sous  la  dictée  de  Baptiste  Rouzaud. 

XXXV  .   —   LE  MES  DE  MAI 

1)  Le  prumiè  del  mes  de  mai, 
QvTembouiarei  à  mai  mio  ? 

Uno  perdic  que  bolo,  que  bôlo; 
Uno  perdic  que  bolo. 

2)  Le  segoun  del  mes  de  mai, 
Qu'embouiarei  à  mai  mio  ? 

Dos  tourtourèlos, 
Uno  perdic  que  bolo. 
Etc. 

3)  Le  très  —  très  pijouns  blancs. 

4)  Le  quatre  —  quatre  canards  boulants  à  Fèr. 

5)  Le  cinq  —  cinq  lapins  an  terro. 

6)  Le  sieis  —  sieis  lèbres  al  camp. 

7)  Le  sept  —  sept  lebriès  courants. 

8)  Le  beit  —  beit  chibals  blancs. 

9)  Le  naut  —  naut  bious  cournaus. 

10)  Le  dèts  —  dèts  moutous  bêlants. 

11)  Leounze  — ounze  mousquetaires benount  de  la guerro. 

12)  Le  doutze  —  doutze  doumaizèlos,  graciousoset  bèlos. 

13)  Le  tretze  —  tretze  bouquets,  blancs. 

14)  Le  quatorze  —  quatorze  pai  blancs. 

15)  Le  quinze  —  quinze  bouts  de  bi.. 

Le  Mois  de  mai.  —  1)  Le  premier  (jour)  du  mois  de  mai,  —  qu'en- 
verrai-je  à  mon  amie  ?  —  Une  perdrix  qui  vole,  qui  vole  :  —  une 
perdrix  qui  vole. 

2)  Le  second  (jour)  du  mois  de  mai,  etc.  —  Deux  tourterelles, — 
une  perdrix  qui  vole. 


86  DIALECTES    MODERIsE- 

3)  Trois  pigeons  blancs. 

4)  Quatre  canards  volant  dans  l'air. 
â)  Cinq  lapins  au  gite. 

6)  Six  lièvres  au  champ. 

7)  Sept  lévriers  couran  t s . 
8  Huit  chevaux  blancs. 
9)  Neuf  bœufs  cornus 
in,  Dix  moutons  bêlan  ts . 

11)  Onze  mousquetaire.-;  — venant  de  la  guerre. 

1 2)  Douze  demoiselles  —  gracieuses  et  belles. 
I  '<  Treize  bouquets  blancs. 

'.  '0  Quatorze  pains  blancs. 

15)  Quinze  tonneaux  de  vin. 

Gf    J  Bugeoud,  Ch.  pop.  des  provinces  de  l'Ouest,  II.  p.  267  :  la  Foi 

d'ia  loi. 


XXXVI    —    LOU    MARCAT 

1)  Ma  maire  m'a  mandat  au  marcat,  —  i'ai  croumpat  un  gai. 
Moun  gai  fai  cacaraca  ! 

~2)  Ma  maire  m'a  mandat  au  marcat,  -   i'ai  croumpat  una 
poula. 

Moun  gai  fai  cacaraca! 
.Ma  poula  fai  couticoutascou ! 

3)  Ma  maire  m'a  mandat  au  marcat,  —  i'ai    croumpat  un 
porquet. 

Moun  gai  fai  cacaraca! 
Ma  poula  fai  couticoutascou  ! 

Moun  porquet  fai  coûi-coui! 

I)  Ma  maire  m'a   mandat  au   marcat,  —  i'ai  croumpat  un 
agnelou. 

Moun  gai  fai  cacaraca  ! 
Ma  poula  fai  couticoutascou! 
Moun  porquel  fai  coui-coui  ! 
Moun  agnelou  fai  mé-?né! 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  87 

5)  Ma  maire  m'a  mandat  au  marcat,  —  i'ai  croumpat  una 

tlauta. 

Moun  gai  fai  cacaraca! 
Ma  poula  fai  couticoutascou ! 

Moun  porquet  fai  coui-coui! 

Moun  agnelou  fai  mé-mé  ! 
Ma  flauta  fai  turlututu  ! 

Le  Marché. —  1)  Ma  mère  m'a  envoyé  au  marché,  —  j'ai  acheté 
un  coq.  —  Mou  coq  fait  cacaraca! 

2)  Ma  mère  m'a  envoyé  au  marché,  —  j'ai  acheté  une  poule.  — 
Mon  coq  fait  cacaracal  —  ma  poule  couticoutascou  ! 

3)  Ma  mère  m'a  envoyé  au  marché,  —  j'ai  acheté  un  petit  porc 
de  lait.  —  Mon  coq  fait  cacaraca!  —  ma  poule  fait  couticoutascou  i 

—  mon  petit  porc  fait  coui-coui  ! 

4)  Ma  mère  m'a  envoyé  au  marché, — j'ai  acheté  un  petit  agneau. 

—  Mon  coq  fait  cacaraca  !  —  ma  poule  fait  couticoutascou  !  —  mon 
petit  porc  fait  coui-coui  !  —  mon  agneau  fait  mê-mê  I 

5)  Ma  mère  m'a  envoyé  au  marché,  —j'ai  acheté  une  flûte.  — 
Mon  coq  fait  cacaracal —  ma  poule  fait  couticoutascou  ! — mon  petit, 
porc  fait  coui-coui \  —  mon  agneau  fait  mé-mél — -ma  flûte  fait  tur- 
lututu! 

Version  du  Pouget  (Hérault),  très-répandue  dans  l'arrondissement  de 
Lodève,  celui  de  Saint-Pons  et  le  nord  de  celui  de  Montpellier, 

Cf.  J.  Bujeaud,  Ch.  pop.  de  l'Ouest,  p.  43:  Ma  mèr'  m'envoic-t-au 
marché.  —A.  Passow,  Popvlaria  carmina  Grœciœre  centim -i*.  Lipsise, 
m  dccc  lx,  p.  210;  NANNAPI2MA. 

(A  suivre.)  A.  Montel  et  L.  Lambert. 


DIALECTES    MODERNES 


LA  CABRI  EIRO 

Se  regarde  empensat  ailai,  tras  la  rebieiro, 
Es  per  gâcha  Marioun  que  meno  al  pasturgau, 
La  fialouso  à  la  man,  long  de  la  verdo  aurieiro, 
Las  cabros  de  soun  paire,  un  troupel  fouligau; 

Es  perveire  d'aicî  sa  graço  sens  parieiro, 
E  soun  ana  vesiat,  e  soun  biai  que  fo  gau  : 
Es  per  iei  remira  sa  bèutat  plasentieiro, 
Vantado  mai  e  mai  per  lous  cabriès  del  vau 

Es  per  mi  souvenî  qu'embé  sa  voutz  de  fado, 
Elo  canto  souvent  la  cansou  que  m'agrado, 
Que,  coumo  soun  parla,  i'o  pas  res  de  tant  dous  ; 

Es  per  saupre  s'es  pas,  elo,  apensamentido 
Despiei  ier  que  i'ai  ditz  :  «O  flambo  de  ma  vido! 
\imo-mi  coumo  t'aime,  e  farasun  erous!  » 

P.  Fesquet. 

(Languedocien,  Gologaac  et  ses  environs.) 

LA  CHEVRIÈRE 

Si  je  regarde  pensif  au  delà  delà  rivière,  —  c'est  pour  contem- 
pler .Manon  qui  mène  au  pâturage,  —  la  quenouille  à  la  main,  le 
Long  de  la  verte  orée.  — les  chèvres  de  son  père,  un  troupeau  fo- 
lâtre ; 

C'est  pour  voir  d'ici  sa  grâce  sans  pareille,  —  et  son  aller 
charmant,  et  sa  tournure  qui  fait  plaisir;  —  c'esl  pour  aujourd'hui 
admirer  de  nouveau  sa  beauté  agréable,  — vantée  tant  et  tant  par 
les  chevriers  du  val  ; 

C'est  pour  me  souvenir  qu'avec  sa  voix  de  fée,  —  elle  chante 
souvent  la  chanson  qui  m'agrée, — que  comme  son  parler  il  n'est 
rien  de  si  doux  ; 

C'esl  pour  savoir  si  elle  n'est  pas  soucieuse,  —  depuis  que  hier  je 
lui  ai  dit:  <>  O  Qainme  de  ma  vie.  —  aime-moi  comme  je  t'aime,  et 
tu  feras  un  heureux  !  P.   FESQUET. 


LOU  GARDA-MAS 


Loutbèu  dimenche  de  Pasqueta*. 
A  Foura  que  canta  lougal, 
Faviè  de  bruch  e  grand  barrai 
Au  picbot  mas  de  las  Aubetas. 
Auriàs  ausit  barra,  doubri, 
Mountà,  descendre,  anà,  courri  ; 
Lou  lum  cremava,  es  pas  de  moda; 
Lous  enfant ets,  qu'en  se  levant 
An  toujour  un  pauquet  de  broda, 
E  bèucop  mai  en  lous  sounant 
Per  lou  traval  ou  per  l'escola, 


LE    GARDE-MAS 


I 


Le  beau  dimanche  des  Petites  Pâques  *,  —  à  l'heure  où  le 
coq  chante,  —  il  y  avait  bruit  et  grand  remue-ménage  —  au  petit 
mas  des  Peupliers  hlancs  :   —  vous  auriez  entendu   fermer,  ouvrir, 

—  monter,  descendre,  aller,  courir;  —  la  chandelle  était  allumée,  ce 
qui  n'est  pas  d'usage  ;  —  les  enfants,  qui  d'ordinaire,  en  se  levant, 

—  ont  toujours  un  brin  de  fainéantise; —  surtout  lorsqu'on  les  ap- 
pelle —  pour  le  travail  ou  pour  l'école,  —  au  lieu  de  se  faire  tirer 

1  Le  dimanche  de  Qua^modo. 


90  DIALECTES    MODERNES 

A  loga  de  t'a  tira-mola, 

De  fréta  sous  pigres  iolhous, 

Anavoun,  venien  de  tout  caire, 

Pariés  à  de  perdigalhous 

Qu'a  pas  bandit  dau  nis  la  maire. 

Caliè  que  i'agesse  de  nôu. 

S'era  un  jour  de  semana  encara, 

Que  vegessen,  mema  quand  plôu, 

Cremà  lou  lum  couma  tout  ara, 

E  de  barrai  e  de  sagan, 

l'auriè  pas  res  d'espaurugant  : 

Dau  tems  qu'en  vila  tout  soumelha, 

Per  la  journada  ou  lou  prefach, 

Cade  matin  que  Dieus  a  fach, 

Se  vei  varalhà  la  calelha 

Dins  lou  vilage  ansin  qu'au  mas. 

Amai  que  siegue  un  jour  de  testa, 

Se  lou  dissate  avien  fach  resta 

D'endals  de  fem  noun  estremats, 

D'esperset  brausit  ou  de  grana, 

E  que,  de  pou  de  tramountana, 

Vouguessoun  proutichà  l'imou 

Qu'escampa  cada  matinada, 


Torpille  —et  d'essuyer  leurs  petits  yeux  paresseux,  —  [les  enfants] 
allaient  et  venaient  de  tout  côté.  —  pareils  à  de  jeunes  perdreaux 
—  que  la  mère  n'a  pas  chassés  du  nid. —  11  fallait  qu'il  y  eût 
du  nouveau.  — Si  c'était  un  jour  de  semaine  encore,  —  qu'on  vît, 
même  quand  il  pleut.  —  luire  la  chandelle  comme  en  ce  moment,  — 
et  du  bi  lu  tapage,  —  il  n'y  aurait  rien  de  surprenant  : — du 

temps  qu'a  la  ville  tout  sommeille,  —  pour  la  journée  ou  le  travail 
à  la  —  chaque  malin   que   Dieu  a  fait  —  on  voit  circuler 

la  lanterne — par  le  village  ainsi  qu'à  la  ferme. — Quoique  ce 
soit  un  jour  de  fête, —  si,  ia  veille,  ils  avaienl  laissé  dans  les 
champs  —  des  andains  de  foin  non  encore  mis  à  couvert.  —  du 
sainfoin  desséché  ou  delà  graine.  — el  que,  de  crainte  d  tramon- 
tane, —  ils  voulussent  mettre  à  profit  l'humidité  —  que  répand 
chaque  matinée  :  —  dans  ce  cas,  qu'il  soit  fête  ou  non,  —  on  en- 
ferme plus  d'une  charretée.  —  Mais  je  ne  vois  rien  de  fauché,  — 


LOU    GARDA-MAS  yl 

Adounc,  que  siegue  festa  ou  nou, 
S'embarra  mai  d'una  carrada. 
Maisvese  pas  res  de  dalhat, 
Lousfems  soun  encara  sus  planta, 
E  tant  qu'au  rieu  raineta  canta, 
Soun  pas  madus;  quicon  mai  i'a. 
Ta  que  la  velha,  à  la  soupada, 
Lou  fil  ainat  de  nieste  Jan, 
Que  mena  louben,  dis  :  —  a  Menjan, 
De  Mount-peliè  deman  es  fieira, 
E  saique  aquesta  es  la  permieira 
Que  noun  i'agen  à  pachejà. 
Ieu,  i'anarai  me  passejà 
Sus  lou  Peirou,  sus  l'Esplanada. 
Tus,  Jaquet,  ven  au  carretiè, 
Te  done  touta  lajournada; 
Mais  dilus  siegues  matiniè. 
E  vous,  çai  vendrés  pas,  moun  paire?  » 
—  «  Quau?  ieu!  De  queie  vendriei  faire, 
Boudieu  ?  respond  lou  majourau, 
A  mountems,  souvenis,  patria, 
Lou  mas,  lou  repaus,  la  familha  : 
Fora  d'acè,  n'ai  ges  de  gaud. 


les  foins  sont  encore  sur  pied  ;  —  et,  tant  qu'au   ruisseau  la    gre- 
nouille chante,  —  ils  ne    sont   pas   mûrs.  Il  y  a  quelque   chose  de 
plus. 
Il  y  a  que  la  veille,  au  souper,  —  le  fils  aine  de  maître  Jean,  — 

qui  gère  la  propriété,  dit  :  —  «  Voyons,  de  Montpellier  c'est  de- 
main la  foire,  —  et  celle-ci  sans  doute  est  la  première  —  où  nous 
n'ayons  rien  à  vendre  ni  à  acheter;  —  j'y  vais,  moi,  pour  me  pro- 
mener—  sur  le  Peyrou,  sur  l'Esplanade. — Toi,  Jacques,  dit-il 
au  premier  valet,  — je  te  donne  toute  la  journée;  —  mais,  lundi, 
au  moins  sois  matinal.  —  Et  vous,  n'y  viendrez-vous  pas  aussi, 
mon  père?  » —  «  Qui?  moi!  Qu'est-ce  que  j'y  viendrais  faire,  — 
bon  Dieu?  répond  le  maître.  —  A  mon  âge,  souvenirs,  patrie, 
—  le  mas,  le  repos,  la  famille  ;  —  en  dehors  de  cela,  rien 
ne  me  tente.  —  Ah!  si  c'était  pour  acheter  bœufs, —  mulets, 
moutons  ou  chevaux,  — je  ne  refuserais  pas  ;  j'y  ai  !.  —  et 


92  DIALECTES    MODERNES 

Ah  !  s'era  per  croumpà  bouhina, 

Mioletalha,  avé,  cavalina, 

Diriei  pas  nou  ;  i'ai  prou  lou  goust, 

E  pioi  quatre  iols  fan  mai  que  dous; 

Mais  pas  que  per  ie  brandi  bralha, 

Aquela,  nou,  sarà  pas  vrai  : 

Anàs-ie  toutes,  gardarai. 

Prenès  tabé  la  barbelalha, 

En  metent  que  vogoun  veni  » , 

Reprend  lou  viel  eme  un  sourrire. 

Ah  !  mous  amies  !  Pas  pulèu  dire, 

.lamai  d'enfants  s'endeveni  ! 

Zou  !  d'un  vanc  toutes  très  s'aubouroun, 

ensemble  pregoun,  risoun,  plouroun  : 

—  «  Voulen  i'anà,  paire,  eme  vous; 
Saren  ben  braves,  prenès-nous.  » 

—  «  An  !  pioi  qu'acô  fai  vosta  tela, 
Un  pauquet  de  paciença  :  anen. 
De  que  dises,  ma  femna  Adela  ?  » 

«  —  Eh  be,  tant  vôu  que  lous  prenguen  !  » 


puis  quatre  yeux  valent  plus  que  deux.  —  Mais  rien  que  pour  y 
secouer  mes  chausses, — celle-là.  non;  ce  ne  sera  pus  vrai. — Allez-y 
tous,  je  garderai  ici. —  Prenez  aussi  les  enfant.-.  —  si  toutefois  ils 
y  consentent  »,  —  reprit  le  vieux  avec  un  sourire. 

Ah  !  mes  amis,  sitôt  le  dire,  — jamais  on  ne  vit  des  enfants  se 
rencontrer  d'un  tel  accord  !  —  D'un  élan  tous  trois  se  lèvent,  — 
et  ils  rient,  pleurent  et  prient  à  la  fois  :  —  «  Nous  voulons  venir 
avec  vous  père;  —  nous  serons  bien  sages,  prenez-nous.»  — 
«Allons, puisque  cela  vous  fait  tant  de  plaisir1, —  un  peu  de  pa- 
tience ;  voyons, —  qu'en  dis-tu.  ma  femme  Adèle?» —  «  Hé  bien,  ma 
foi,  tant  vaut-il  que  nous  les  prenions.  » 

1  Littéralement  :  puisque  cela  fait  votre  toile. 


LOU    GARDA -MAS  93 


II 


E  vejaqui  per  que  lou  bèu  jour  de  Pasquetas, 
l'a  de  lum,  de  barrai  au  mas  de  las  Aubetas; 
E  vejaqui  tabé  per  que  lous  enfantous, 
Que  lous  autres  matins  lou  pichot  orne  aflanca, 
Soun  ioi  tantbeluguets;  per  ieu  es  pas  doutous 
Qu'aquela  longa  nioch,  Fajoun  passada  blanca. 
Maugra'cô  lou  bonur,  qu'en  lioc  pottempourà, 
Mema  dins  lous  castels,  ounttout  es  en  abounde, 
Que  souvent  s'enfugis  per  trevà  paure  mounde, 
Per  segui  lou  boumian  de  paurieira  assourat 
Lion  d'ounte  la  Fourtuna  alendrida  es  enclausa, 
Aquelaniocb  au  mas  faguet  sa  brava  pausa. 
End'acô  lou  matin,  dessus  lou  carretoun, 
El  que  poudriè  se  jaire  ounte  portoun  courouna, 
—  Saique  atrouvet  aqui  la  plaça  ben  milhouna,  — 
Embelous  très  manits  mountet  de  rescoundoun 
E  fins  au  lendeman  quitetpas  sas  pesadas. 


II 


Et  voilà  pourquoi,  le  beau  jour  des  Petites  Pâques, —  il  y  a  de  la 
lumière  et  du  bruit  au  mas  des  Peupliers  blancs  :  —  et  voilà  pour- 
quoi aussi  les  enfants, —  que  le  sommeil1  engourdit  les  autres  ma- 
tins, —  sont  si  alertes  aujourd'hui;  pour  moi  il  n'est  pas  douteux  — 
que  cette  nuit,  ils  ne  l'aient  passée  blanche.  —  Malgré  celav  le 
bonheur,  qui  nulle  part  n'est  stable,  —  même  dans  les  châteaux, 
où  tout  est  en  abondance;  —  qui  s'enfuit  souvent  vers  les  pau- 
vres gens. —  pour  suivre  le  bohémien  accablé  de  misère, —  à  l'écart 
de  ceux  chez  qui  la  fortune  est  à  demeure, — cette  nuit,  [le  bonheur] 
fit  au  mas  une  halte  assez  longue, —  et,  de  plus,  le  matin,  sur  la 
petite  charrette, —  lui  qui  pourrait  prendre  gîte  où  l'on  porte  cou- 
ronne —  (peut-être  trouva-t-il  là  une  place  meilleure), —  avec  les 
enfants  monta  en  cachette,  —  et  jusqu'  au  lendemain  ne  quitta  pas 

1  Littéralement:  le  petit  homme:  cest  ainsi  qu^  l'on  appelle  souvent 
le  sommeil. 


94  DIALECTES    MODERNES 

.Mais,  dau  tems  qu'en  camin  risien  coumade  fols, 
Ou  que,  per  lou  fieirau,  arregassavoun  d'iols 
Sus  toutes  lous  jouguets,  e  n'i'a  de  milhassadas; 
Dau  tems  qu'eroun  aqui  badants,  embalausits, 
Pount  à  foudre  prega  per  faire  sa  causida, 
E  qu'una  fes  triats,  causits  e  recausits, 
Voudrien  lous  qu'an  fourviat  sens  laissa  sa  culida, 
Lou  paure  garda-mas,  qu'era  bandit  soulet, 
L'enodi  desper  el  l'agantava  au  galet; 
E  per  lou  permiè  cop  ie  seguet  tant  estrange, 
Que  belèu  d'un  pau  mai  auriè  cuichat  l'irange. 
Pamens  àlapartençaaviè  seguit  countent, 
Sourrisent  au  cascal  de  sa  genta  familha, 
La  galejant  de  fes,  sustout  en  ie  venent: 

—  «  Assa,  de  Mount-peliè  cresès  segui  la  via? 
Vous  troumpés  pas,  pichots,  es  pas  la  de  Pecais.» 
E  la  vielha  mameta  e  lou  paire  e  la  maire, 

Qu'an  encapat  soun  dire  :  —  a  Es  acô,  s'era  vrai  !  » 

—  «  A  mens,   reprend  lou  viel,  qu'enregués  dor  Bèu- 

[caire.» 


leurs  traces.  —  Mais,  pendant  qu'en  route  ils  riaient  comme  des 
f0US)  —  ou  que,  sur  le  champ  de  foire,  ils  ouvraient  de  grands 
yeux — sur  tous  les  jouets,  et  il  y  en  a  à  milliers; —  pendant  qu'ils 
étaient  là,  à  bayer,  éblouis  —  au  point  que  [les  parents;  étaient 
obligés  de  les  prier  pour  qu'ils  lissent  leur  cboix.  —  et  qu'uni' 
fois  ces  choix  faits  et  refaits, — ils  voudraient  les  jouets  qu'ils  ont 
écartés,  sans  [cependant  ]  abandonner  ceux  qu'ils  avaient  déjà  pris, 

—  *le  pauvre  garde-mas,  qui  était  resté  seul.  —  la  tristesse  à 
pari  lui  le  saisissait  à  la  gorge,  —  et.  pour  la  première  fois,  ce  lui 
fut  tellement   étrange,—  qu'il  en   était   sur  le  point  de  pleurer1. 

—  Au  départ,  pourtant,  il  avait  suivi  content, —  souriant  au  caquet 
de  sa  gentille  famille,  —  la  plaisantant  un  peu,  surtout  en  lui 
disait  :  —  "Voyons.  île  Montpellier  croyez-vous  suivre  le  che- 
min0 Ne  vous  trompez  pas,  enfants;  ce  n'est  pas  celui  de  Peccais.» 

—  I  la  vieille  grand'mère  et  le  père  et  la  mère,  —  qui  ont  saisi 
sa  pensée  :  —  «  ()b  !  par  exemple,  si  c'était  vrai!  >  —  «  A  moins, 
reprit  le  vieux,  que  vous  n'alliez  vers  Beaucaire.  » 

'  Littéral  iraent  :  de  presser  l'orange,  c'est-à-dire  de  verser  des  larmes. 


LOU    GARDA- MAS  95 

E  rire   que   riras,    e  lous  paures  droulets, 
Que  coumprenien  pas  chota  as  perpaus  dau  papeta, 
Risien  be  sus  soun  goust,  mais  en  faguent  bouqueta, 
E,  s'agachant  l'un  l'autre,  avien  perdutlou  les. 
Tal  un  vol  d'aucelous  pausats  dins  la  ramada, 
Que  de  soun  rieu-chieu-chieu  dessabralloun  lou  bos, 
S'ausissoun  d'aquel  tems  ressounti  quauques  cops 
Lous  pieaments  de  mans  e  la  gaia  cliamada 
D'un  passant  fatrassiè,  das  passerous  à  fieu 
S'amoura  cop  sus  cop  l'allegra  cantadissa; 
Mais,  quand  lou  pas  pesuc  e  la  grand  bramadissa 
An  vermatdins  lou  lion  despioi  un  pichot  brieu, 
Lou  cant  entrecoupât  d'en  pus  fort  recaliva. 
Ansin  que  lous  aucels,  lous  enfantons  de  briva 
Reprenoun  soun  bresil  tre  que  lou  rire  es  siau. 
Entremens  lou  falet,  d'un  pas  leste  e  fricaud, 
Lou  poulit  miôu  falet  ailai  davans  amalha, 
Brandilhant  soun  esquilla,  aurelha  e  narra  au  vent, 
E  lou  vielhàs  n'es  fier,  sa  luria  ie  counven  ; 
Es  fier  de  soun  filhôu,  qu'entre  mans  ten  la  tralha, 
E  ie  dona  bon  biais  ansin  qu'un  omenet; 


Et  tous  de  rire,  et  les  pauvres  enfants  —  ne  comprenaient  pas 
grand'  chose  aux  paroles  de  l'aïeul.  —  Ils  riaient  bien  de  son  air, 
mais  en  faisant  la  moue,  —  et,  se  regardant  dans  l'œil,  ils  avaient 
perdu  leur  caquet.  —  Telle  une  volée  d'oiseaux  cachés  dans  la  feuil- 
lée,  —  qui  de  leurgazouillement  ébranlent  la  forêt,  —  s'ils  entendent 
tout  à  coup  retentir  plusieurs  fois  —  le  claquement  de  mains  et 
la  gaie  clameur  —  d'un  passant  à  la  voix  bruyante,  des  oiseaux 
se  tait  immédiatement  la  chansonnette  joyeuse;  —  mais,  quand  le 
pas  lourd  et  les  éclats  de  voix  —  ont  diminué  dans  le  lointain  de- 
puis quelques  instants,  —  le  chant  interrompu  reprend  plus  fort 
que  jamais.  —  Ainsi  que  les  oiseaux,  les  enfants,  en  hâte,  —  re- 
prennent leur  gazouillement  quand  le  rire  a  cessé.  —  En  même 
temps  le  mulet  roux,  d'un  pas  léger  et  fringant,  —  le  joli  mulet 
roux  au-devant  chemine, —  secouant  sa  clochette,  oreilles  et  na- 
seaux au  vent.  —  Et  le  vieux  en  est  fier;  sa  hardiesse  lui  plaît;  — 
il  est  lier  de  son  filleul,  qui  tient  les  guides  en   main,  et  qui,  sem- 


0*,  DIALECTES    MODERNES 

De  sa  mouliè,  qu'amai  ie  manque  un  bon  somnet, 
Maugrat  sous  setanta  ans,  es  escarrabilhada 
Couraa  un  lende,  e  propeta  e  benrequinquilhada, 
Pourtant  tout  soun  filhage  e  que  ie  fai  pa'n  plec; 
Es  lier  de  soun  malhùu,  de  sa  valenta  nora. 
Souc  dau  mas  que  ten  cop  au  dedins,  au  defora, 
E  t'abarris  d'enfants  garruts  e  sens  endec. 
Tout  ce  qu'aima  es  aqui,  san,  de  bonapourtelha. 
Ali  !  sabès  s'es  countent,  iou  viel,  e  i'a  do  que; 
Mema  l'ourguiol  au  cor  lou bourdouira  un  briquet. 
E,  zou,  seguis,  seguis  tout  de  long  delà  leia. 
Andant  d'un  paslaugè  de  tras  lou  carretoun: 
Lou  ten  couti-couti,  maugrat  que  lande  e  proun. 
D'aquel  frau,  soui  segu,  sens  destourbe  à  la  fieira 
Sariè  gandit.  Ben  mai,   quand  la  vielha  masieira 
le  fai,  en  sourrisent  :  —  o  Çai  v^nes,  tus  tabé  ! 
Quau  gardarà  lou  mas?  La  pou.  »  —  «Es  vrai,  eh  be! 
L'ase  tique,  ma  fe,  reprend,  se  ie  pensave.  » 
E,  se  gratant  l'aurelha  :  —  «  Anen,  vau  me  vira. 
Que  vous  arribe  res,  au  mens  ;  tus.  siegues  brave. 
Menaire,  e  davans  nioch  dor  lou  mas  fai  tira.  » 


blable  à  un  petit  homme,  leur  donne  bonne  tournure: —  [ilesl 
fier]  de  sa  femme,  qui,  malgré  la  perte  d'un  bon  somme. —  malgré 
ses  soixante-dix  ans,  est  dégourdie  comme  une  lente1,  propre  et 
bien  ajustée,  —  portant,  sa  parure  de  jeunesse,  qui  ne  lui  fait  pas 
un  pli  ;  —  il  est  fier  de  son  gars,  de  sa  vaillante  bru, —  soutien  du 
mas,  qui  met  la  main  à  tout,  au  dedans,  au  dehors,  — et  nourrit 
des  enfants  sains  et  vigoureux.  —  Tout  ce  qu'il  aime  est  là,  ro- 
buste, en  bonne  santé. —  Ah  !  comme  il  est  content,  le  vieux  !  et  il 
y  a  de  quoi.  —  Même  un  peu  d'orgueil  remue  dans  son  cœur.  -  et 
allons,  il  suit,  il  suit  tout  le  long  de  l'avenue, —  cheminant  d'un  pas 
léger  derrière  la  charrette; — il  la  suit  pas  à  pas.  quoiqu'elle  marche 
assez  vite.  — De  cette  allure,  j'en  suis  sûr,  sans  encombre  à  la 
foire  —  il  serait  arrivé.  Bien  plus,  quand  sa  femme,  l'habitante  du 
mas, —  lui  dit  en  souriant  :  —  «  Tu  viens,  toi  aussi 9  —  Qui  gar- 
dera le  mas  ?  Lu  peur.  »  —  «  C'est  vrai  ;  eh  bien  !  —  du  diable,  ma 
foi.s">  j'y  pensais.»—  Et.se  grattant  l'oreille: — «Allons!  je  vais  m'en 

1  Comparaison  populaire, 


LOU    GARDA-MAS 

—  «  Pas  pou  !  languigués  pas  !  »  crida  la  carretada. 
E,  prenent  à  bilhôu.  a  gagnât  la  crousada. 

Mais,  franc  dau  carretiè,  que  mes  sas  atenciouns 
A  ben  garda  lou  miôu,  à  lou  qu'ailaval  resta 
Toutes  d'aqui-aqui,  de  las  mans,  de  la  testa,  | 
Remandounsous  aclieus,  que  rend  emeafecioun. 
Mema  dins  la  lionchou,  quand  Tan  perdut  de  vist;i, 
Tancat  dessus  lou  to,  brandis  soun  capelàs, 
Cade  cop  qu'entre  miech  das  aubrasses  lous  brista. 
E,  quand  lous  vei  pas  pus,adounc  devers  lou  mas. 
Apensit,  maucourat,  lou  paure  s'acamina. 
De  marrits  pensaments  venoun  frounzi  sa  mina, 
Pioi,  se  parlant  tout  soûl,  couma  per  camps  fasen, 
Lous  ornes  de  la  terra  :  — «Ah!  sariè  ben  cosent  !  » 
E,  d'un  revès  de  man  assugant  sa  parpela: 

—  «De  bon,  que  plourariei?  Sieu  pa'na  coucoumela  ? 
Lou  miôu  es  franc,  l'enfant  es  pas  desenbiaissat, 

E  pioi  soun  paire  i'es  per  quicon.  S'a  biaissat 
Quand,  plen  de  galhardiè,  i'a  demandât  las  tralhas, 
A  fach  ben  ;  car,  quau  deu  trevà  camins  e  dralhas 
Touta  sa  vida,  es  bon  de  ie  lou  mètre  enfant 


retourner.  —  Que  rien  ne  vous  arrive  an  moins;  toi,  sois  sage,  — 
conducteur,  et.  avant  la  nuit,  reviens  vers  le  mas,  »  —  «N'ayez 
nul  souci,  ne  vous  ennuyez  pas  ».  reprend  la  charretée. —  Et,  pre- 
nant à  droite,  elle  a  [bientôt]  tourné  la  croisière.  —  Mais,  excepté 
le  conducteur,  qui  met  son  attention  —  à  bien  diriger  le  mulet,  à 
celui  qui  reste  seul  là-bas,  —  tous,  à  chaque  instant,  des  mains, 
de  la  tète, — envoient  leurs  adieux,  qu'il  rend  avec  empressement. — 
Même  dans  le  lointain,  quand  il  les  a  perdus  de  vue,  —  debout  sur 
la  borne,  il  secoue  son  grand  chapeau,  ■ —  toutes  les  fois  qu'il  les 
aperçoit  au  travers  des  grands  arbres.  —  Et,  quand  il  ne  les  voit 
plus,  vers  le  mas,  —  pensif,  abattu,  le  pauvre  s'achemine.  —  De 
tristes  pressentiments  assombrissent  son  front; — puis,  se  parlant  à 
lui-même,  comme  nous  faisons  parfois  aux  champs,  —  les  gens  de 
la  campagne  :  --  «  Oh  !  ce  serait  bien  douloureux  !  »  —  Et,  d'un 
revers  de  main  essuyant  sa  paupière  :  —  «  Vrai  que  je  pleurerais  ? 
Je  ne  suis  pas  une  mijaurée!  —  le  mulet  est  franc,  l'enfant  n'est 
pas   malhabile,  —  puis  son  père  est  là  pour  quelque  chose.  S'il   a 


OS  DIALECTES    MODERNES 

Dejout  lousiols  dau  paire,  en  cas  que,  se  maubasta, 
Siegue  aqui  per  dounà  counsels  e  cops  de  man. 
An,lous  laguis,qu'avieisoun  quenescige...  Ahibasta!. 
Anen,  que  Dieus  ou  fague  e  longa  e  longa-mai  !  » 
Disb'acô,  mais,  dempioi  qu'a  près  la  revirada, 
Espinchouna  à  l'arriès  à  cade  pas  que  fai. 
Dedins  de  l'entremiecha  agacha  en  çai,  en  lai, 
Ce  que  dis  la  récolta  : —  «  Au  diauca  !  la  civada 
A  pas  bon  peu  !  0  tron  !  Te,  veja-m'aquel  blat  ! 
De  que  se  Tes  passât  ?  Lou  grel  s'engourgouvelha. 
Ai  !  ai!  que  de  sauclun  !  L'ordi  sembla  neblat; 
Encara,  vai  que  trai,  la  pampa  se  rouvelha, 
Se  passis  e  per  sôu  acoumença  à  fiblà, 
Quand  vôu  mountà  lou  glop.  Mais  ve,  la  barjalada 
Que  deuriè  s'aboucà...  De  qu'es  aquesta  annada  ! 
Tout  vai  estre  marfit,  s' aven  pas  lèu  d'imou. 
E  se  lou  gran  soufris,  quicon  mai  es  lou'fôure. 
Pas  qu'un  pichot  revès,  tout  se  farie;  mais  nou, 


cédé,  —  quand  son  tils,  sûr  de  lui-même,  lui  a  demandé  les  rênes, 
—  il  a  eu  raison,  car  celui  qui  doit  battre  sentiers  et  chemins  — 
toute  sa  vie,  il  est  bon  de  l'y  accoutumer  lorsqu'il  est  jeune, —  sous 
la  surveillance  du  pure,  alin  que,  si  quelque  chose  tourne  mal,  — 
il  soit  là  pour  donner  conseil  et  coup  de  main. —  Allons,  les  soucis 
que  j'avais  sont,  pur  enfantillage.  ■  .  Tant  mieux! —  Allons,  et  qu'il 
en  soit  ainsi  longtemps  et  toujours.»  —  Il  dit  bien  cela,  mais,  de- 
puis qu'il  s'est  retourné,  —  il  regarde  en  arrière  à  chacun  de  ses 
pas.  —  Dans  l'intervalle,  il  donne  un  coup  d'œil  de  tout  côté.  — 
pour  savoir  ce  que  fait  la  récolte.  —  «  Ah  !  diable  !  l'avoine  —  n'a 
pas  de  vigueur*.  Tonnerre2  !  voyez-moi  ce  blé?  —  Que  s'y  est-il 
passé?  Le  germe  s'entortille.—  Bon  Dieu  !  que  d'herbes  à  sarcler! 
L'orge  semble  gâtée  par  le  brouillard  ;  —  encore  passe  quand  la 
feuille  prend  la  rouille,  —  se  fane  et  par  terre  commence  à  s'incli- 
ner, —  alors  que  le  chalumeau  se  montre.  Mais  voyez  la  barjolade3 

1  Littéralement:  n'a  pa-  bon  poil. 

*  Jurement  populaire,  très-répandu  en  Provence  et  dans  le  bas  Lan- 
guedoc. 
3  Mélange  de  vesces,  d'avoine  et  parfois  de  luzerne. 


LOU   GARDA -MAS  99 

La  terra  jeta  fioc.  Ah  !  qu'es  benlion  de  plôure  ! 
Un  aurage  belèu  per  ou  tout  estralhà  ! 
Que  se  tengue  à-n-ounte  es!...  Que  de  nieirun  que  Ta! 
De  babotas,  tabé  !  Paurebestiau,  ou  vese, 
De  luserna  faudra  qu'aqueste  an  vous  passés, 
En  metent  que  dalhen  lous  prats,  lous  espersets. 
Trista  annada  qu'auren  !  E  mai  vai,  mai  ou  crese.» 
E  barrisca-barrasca,  enfin  gandis  lou  mas, 
Repoutegant,  boumbant  au  sôu  emb  sa  tricassa, 
Acoutissent  lous  pouls  que  venien  abramats, 
Seguits  de  la  cournada.  Asavielha  chinassa, 
Que  vôu  lou  caressa,  manda  un  bon  lava-dent. 
E  lous  pouls  per  la  cour,  e  la  china  en  campestre, 
Piaulant  e  jangoulant,  mais  en  s'encourrissent, 
Semblavoun  que  disien:  — «De  qu'a  ioi  noste  mestre?» 
E,  toujour  brassejant  e'countuniant  soun  frau, 
Vai,  ven,  belèu  cent  cops,  de  lajassa  aupourtau. 
Se  tança.  Anen,  un  ris  sus  sas  boucas  varalha. 


—  qui  devrait  se  coucber  .'.  .Qu'est-ce  que  cette  année-ci? — Tout  va 
se  dessécher,  faute  d'humidité  ;  —  et,  si  le  grain  souffre,  le  four- 
rage souffre  bien  davantage:  —  une  petite  averse,  et  tout  pren- 
drait vigueur.  Mais  non,  —  la  terre  jette  le  feu.  Ah  !  qu'il  est  loin 
de  pleuvoir!  —  un  orage  peut-être  pour  tout  détruire  ! —  Qu'il  reste 

là  où  il  est Que  de  pucerons  il  y  a  !  —  Des  chenilles  aussi  ! 

Pauvre  bétail,  je  le  vois,  il  faudra  vous  passer  de  luzerne  cette  an- 
née, —  en  supposant  que  nous  fauchions  les  prés  et  les  sainfoms. 

—  Triste  année  que  nous  aurons  !  Et  plus  je  vais,  plus  j'y  crois.  » 

—  A  grands  pas.  brusquement,  il  arrive  enfin  au  mas,  —  tempê- 
tant, frappant  à  terre  avec  son  gros  bâton,  —  poursuivant  les 
poulets  qui  couraient  affamés,  —  suivis  de  toute  la  basse-cour.  A 
sa  vieille  chienne,  —  qui  veut  le  caresser,  il  envoie  un  coup  sur  la 
tète1;  — et  les  poulets  par  la  cour,  et  la  chienne  à  travers  champs, 

—  piaulant  et  glapissant,  mais  en  prenant  la  fuite,  —  semblaient 
dire  :  —  «  Qu'a  donc  notre  maître  aujourd'hui?  » —  Et,  agitant  tou- 
jours ses  bras  avec  la  même  ardeur,  —  il  va,  vient  peut-être  cent 
fois,  de  la  bergerie  au  portail.  —  Il  s'arrête;  un  rire  passe  enfin 

1  Littéralement  :  lave-dent,  soufflet. 


100  DIALECTES    MODERNES 

De  qu'a  vistper  aqai  ?  Pas  res,  quauqua  jougalha, 

D'orteta  dins  un  tes,  un  pichot  oustalet, 

Lou  bres  de  la  petota  e  bourdufa  e  palet, 

A.  boudre  per  lou  sou.  Devistant  sas  causetas, 

Lous  nègres  pensaments  an  ben  lèu  derrancat  : 

— «  Voudriei  dau  passeroun  avedre  las  aletas, 

Per  saupre  ce  que  fan!  »  —  Pioi,  lou  front  abrouncat: 

—  «  D'aquesta  oura  ie  soun,  franc  qifunamalurança.. 
Mais  non,  ie  soun  gandits,  quicon  m'ou  dis  d1  avança.. 
Ai  !  quanta  journadassa  ai  à  passa,  bon  Dieu  !  » 

La  miola,  que  l'ausis,  aquî  copa  soun  fieu  : 

—  «  Brames  de  languiment,  tus  tabé,  que,  la  Moura? 
Sariè  malauta?  Ahbe!  mancariè  pas  qu'acô. 
Anen...  acô's  pas  res.  »  E,  couma  Tes,  dau  cop, 
Arriba,  apalha,  estrelha,  amai  siegue  pas  d'oura. 
D'aqui  vai  à  la  jassa  aubourà  lou  bestiau 

Que  cbauma,  e  pioi  clafis  rasteliès  e  galera. 

—  «  De  que  mai,  s'ou  dis.  AU  !   la  counilha  qu'espéra 
Aurés  vosta  mourrada.  Ara,  àieu!  A  perpaus, 
Quand  soun  d'ouras,  veguen,  avans  d'alandà  l'arca.  » 
Disent  acô,  sourtis,  enrega  soun  regard 


sur   ses    lèvres.   — Qu'a-t-il    vu    par    là?   Rien,   quelques   jouets, 

—  des  herbes  dans  un  tesson  .  —  mie  petite  maisonnette.  —  le 
berceau  de  la  poupée,  et  toupie  et  palet  —  pêle-mêle  par  terre.  En 
voyant  ces  petits  objets, —  les  noirs  soucis  ont  bientôt  pris  la  fuite: 

—  «Je  voudrais  du  moineau  avoir  les  ailes,  pour  savoir  ce  qu'ils 
font.  »  —  Puis,  le  front  penché:  — «  En  ce  moment  ils  sont  ren- 
dus, à  moins  qu'un  malheur.  .  —  Mais  non,  ils  y  sont,  j'en  ai  le 
pressentiment.... —  Ah!  quelle  longue  journée  j'ai  à  passer,  bon 
Dieu!  » —  La  mule,  qui  l'entend,  l'interrompt: —  «  Tu  braies 
parce  que  tu  t'ennuies,  toi  aussi,  la  Noire?  —  Serait-elle  malade? 
Eh  bien!  il  ne  manquerai!  plus  que  cela.—  Allons!.,  ce  n'est 
rien.  »  —  En  même  temps,  et  tout  à  la  t'ois,  —  il  donne  à  manger, 
répand  la  litière  él  rille,  quoique  ce  soit  trop  tût  -,  —  de  là,  il  va  à  la 
bergerie  éveiller  le  bétail  —  qui  repose,  ensuite  il  remplit  râteliers 
et  galère. —  «  Quoi  encore  ?  dit-il.  Ah!  les  lapins  qui  attendent  :  — 
vous  aurez  votre  part!  A  moi  maintenant.  A  propos, —  quelle 
heure  est-il?  Voyons,  avant  d'ouvrir  l'armoire  >•  —  Disant  cela,  il 


LOU    GARDA-MAS  101 

Amount  dins  lou  vent  drech  devers  lou  roc  que  marca; 
—  «L'oumbra  sarra  lou  suc.  Es  dech  manca  lou  quart. 
Pas  mai  qu'acô?  Qu'es  longa,  aquesta  matinada? 
Per  gagna  tems.  anen  faire  boulhe  l'alhada.  » 


III 


Dos  ouretas  après,  quand  a  taulejat  proun, 
Sus  lou  nègre  tauliè  qu'oumbrejauna  trellmssa. 
Lou  viel  vai  s'assetà.  Dins  la  bêla  sasoun, 
Per  faire  soun  somnet,  voulounta  aquela  plaça. 
Au  cant  dau  roussignôu,  qu'alin  dins  la  param 
Cade  an  cai  ven  cabi  soun  niset  sus  lou  ra.m  : 
Au  varalhà  galoi  d'un  vol  de  giroundelas, 
De  la  prima  embaumada  anounciairas  fidelas, 
Mandant  as  quatre  vents  lou  noum  de  Jeuse-CrisT, 
Tout  en  pourtant  la  joia  e  la  beeada  au  nis; 
Au  chieu-chieuruste  e  fier  dau  passeroun  trafiaire. 


sort  et  dirige  son  regard  —  là-haut,  dans  le  nord,  sur  le  rocber  qui 
marque  :  —  «  L'ombre  se  rapproche  du  sommet,  dix  heures  moins 
un  quart.  —  Rien  que  cela:  comme  cette  matinée  est.  longue  !  — 
Pour  passer  le  temps,  allons  faire  bouillir  la  soupe.  » 


111 


Deux  heures  après,  quand  il  a  tenu  table  assez  longtemps  —  sur 
le  noir  banc  de  pierre  ombragé  d'une  grande  treille.  —  le  vieillard 
va  s'asseoir.  Dans  la  belle  saison.  —  pour  faire  son  sommeil,  il 
aime  cette  place.  —  Au  chant  du  rossignol,  qui  là  tout  près,  dans 
l'enclos, —  tous  les  ans  vient  bâtir  son  petit  nid  sur  le  laurier:  — 
au  va-et-vient  joyeux  d'une  volée  d'hirondelles, —  du  printemps 
embaumé  fidèles  messagères,  —  jetant  à  tous  les  vents  le  nom  de 
Jésus-Christ,  —  tout  en  portant  la  joie  et  la  béquée  au  nid;  —  au 
pépiement  rude  et  fier  du  turbulent  moineau: — au  bourdonnement 


]02  DIALECTES   MODERNES 

Au  brouuzin  de  l'issam  varalhejant  per  l'aire 
En  requista  dau  mèu  amagat  dinslas  flous 
Das  aubres  dau  jardin,  dau  jaussemin  dau  pous, 
Couma  Tentant  au  bres  qu'au  cant  de  sa  bressaira, 
S'escrafa  pau  à  pau  sa  bebeta  fougnaira 
Es'endourmis  plan-plan,  ansinlou  viel  inasiè, 
Au  cant  das  aucelous  d'aiseta  se  preniè, 
Aublidant,  tout  lou  long  de  sa  douçadourmida, 
Lou  lassige  dau  cor,  lou  trigôs  de  la  vida 
E  maliciade  tems,  qu'es  belèu  lou  coudous 
Qu'apoudesa  lou  mai  sus  lous  travalhadous  ! 

Aquel  jour,  per  repôut,  tout  ce  qu'amoun  zounzouna, 
Voulastreja,  e  boundina,  e  fusa,  e  viroulhauna, 
Tout  ce  qu'aiçaval  pieuta,  e  bresilha,  e  cloussis, 
Causissien,  auriàs  dich,  sous  pus  bêles  moucis. 
Jamai  lous  abelhous,  dins  sous  monta- davala, 
Avien  facb  ressounti  tant  fort  brounziment  d'ala. 
Era  unentendemem  ?  S.'  pot,  mais  lou  bèu  teins 
!  erabe  per  quicon,  carde  tout  lou  printems 
Avian  pas  belèu  vist  tant  bêla  matinada, 
Seguida  de  tant  linda  e  cauda  tantossada; 


de  l'essaim  se  mouvant  au  milieu  de  l'air  —  à  la  recherche  du  miel 
caché  dans  les  Heurs  —  des  arbres  du  jardin,  du  jasmin  qui  cou- 
vre  le  puits, —  comme  l'enfant  au  berceau  qui,  au  chant  de  sa  ber- 
ceuse, —  voit  disparaître  peu  à  peu  sa  boudeuse  petite  moue.  —  et 
qui  s'endort  doucement,  ainsi  le  vieux  garde-mas  — s'assoupissait 
au  chanl  des  oiseaux,  —  oubliant,  ton!  le  temps  de  ce  sommeil, — 
la  itigue  du  corps,  le  tracas  de  la  vie  —  et  la  dureté  des  temps, 
qui  est  peul  être  le  fardeau — le  plus  lourd  à  porter  pour  les  travail- 
leui  s  [des  campagnes]. 

Ce  jour-là,  par  surcroît,  tout  ce  qui  là-haut  bourdonne,  —  et 
Mil.  .  et  murmure,  el  s'élance,  et  tourbillonne;  —  tout  ce  qui  pépie 
ici-bas,  et  gazouille,  et  glousse,  — avait  choisi,  aurait-on  pu  dire, 
plus  beaux  morceaux.  —  Jamais  les  petits  des  abeille-. 
dans  leurs  évolutions,  —  n'avaient  fait  entendre  d'aussi  forts 
bruissements  d'aile.  —  Était-ce  avec  intention?  Cela  se  peut, 
mais  le  beau  temps  —  y  était  bien  pour  sa  part;  car  de  tout  le 


LOU   GARDA- MA  S  103 

Jamai  noste  ciel  blave  era  estât  tant  seren, 

E  de  la  trelhaen  flou,  jamai  sus  lou  terren, 

Aviè  tant  negrejatl'oumbrassa  fresqueirousa  ! 

E  lou  viel  es  aqui  cTassetoun  e  sounjous, 

Sus  soun  pitre  pelut  lous  dous  brasses  en  crous  : 

Quoura  cuga.plan-plan  sa  parpela  imourousa, 

Quoura  alanda  d'un  cop  soun  iol  negràs  e  vieu, 

Quand  mola  ou  que  reprend  lou  galoi  rieu-chieu-chieu 

Ou  que  das  passerous  s'auboura  la  batesta. 

Dins  aquela  entremieja  agacha  aiçai,alai, 

A  bel  ime,  au  travès  dau  trelusent  dardai; 

Seguis  lou  parpantels  qu'amoun  dins  la  ginesta, 

Sus  lou  trucs  rascallats,  sus  lou  teulats  roussels, 

Sus  l'acrin  das  parets  de  las  blancas  masadas, 

Fouligaudejoun,  fan  de  sauts,  d'escarlimpadas 

E  de  viravôuts,  pioi  lous  laugès  farandels, 

Au  grat  d'un  ventilbou,  tant  rede  que  l'ideia. 

Adieu  la  farandouna  e  l'ardenta  bourreia! 

Ara  soun  l'avalanca  andant  d'amount,  d'aval; 

Mai  de  forma  cambiant,  dins  lous  aires  poussejoun, 

Ou  s'espouscant  per  sou,  regiscloun,  beliiguejoun, 


printemps  —  il  ne  s'était  pas  vu  peut-être  une  aussi  belle  mati 
née,  —  suivie  d'une  aussi  sereine  et  chaude  après-midi. —  Jamais 
notre  ciel  bleu  n'avait  été  aussi  serein.  —  et  de  la  treille  en  fleur 
jamais  sur  le  sol  —  la  grande  ombre,  pleine  de  fraîcheur,  n'avait 
paru  si  noirâtre!  —  Et  le  vieillard  est  là,  assis  et  rêveur,  —  les  deux 
bras  croisés  sur  sa  poitrine  velue  :  —  tantôt  il  ferme  doucement  sa 
paupière  humide, —  tantôt  il  ouvre  son  œil  noir  et  brillant, — toutes 
les  fois  que  le  gazouillement  cesse  ou  recommence,  —  ou  que  les 
moineaux  entre  eux  se  livrent  bataille.  —  Bans  cet  intervalle:  il 
regarde  çà  et  là, —  sans  intention,  à  travers  le  brillant  éblouisse- 
ment;  —  il  suit  les  rayonnements  qui  là-haut,  clans  les  genêts,  — 
sur  les  monts  dénudés,  sur  les  toits  roux,  —  sur  la  crête  des  murs 
des  blancs  hameaux,  —  gambadent,  font  des  bonds,  des  glissades 
—  et  des  tourhillons ,  puis  les  légères  farandoles, —  au  gré  du 
moindre  vent,  aussi  vite  que  la  pensée.  —  Adieu  la  farandole  et 
l'ardente   bourrée!  —  ils  sont   maintenant  l'avalanche  allant  en 


K»4  DIALECTES    MODERNES 

Couma  unrevès  maienc  as  dégoûts  de  cristal. 

A  força  de  guinchà,  de  faire  parpantela, 

Desper  eles,  sous  iols  se  soun  cugats:  es  près  ; 

E  cants  e  parpantels,  noun  vei,  noun  ausis  res. 

Ara  fa  quicon  mai  que  treva  sa  cervela  :. 

Es  lou  tour  das  pantais,  lous  parpantels  dau  soin. 

Soun  aqui  roudejant  àl'entourde  soun  front, 

Couma  au  davans  dau  brusc  roda  l'issam  qu'issama. 

Bresilhàs  d'aise,  aucels;  Aloura,  plan-planet  brama: 

Anesses  pas  au  mens  destourbà  soun  repaus, 

Car  lous  fousques  pantais  an  près,  despioi  bon  pau, 

De  la  realitat  la  forma  vertadieira. 

Laissàs-lou  pantaisà  de  sa  vidassa  entieira; 

Lou  moument  d'ara  esbe,  de  segu,  soun  pus  bèu: 

Crachas  roussi  soun-is.  Tabé,  quante  tablèu 

A  soun  ime  vesent  de  longa  se  debana  ! 

3ariè,  ma  fe,  pecat  de  lou  derevelhà! 

A.  Langlade. 
(Languedocien.  Lausargues  et  ses  environs.) 


haut,  en  has;  —  changeant  de  forme  encore,  ils  poudroient  dans 
les  airs.  —  ou,  s'égrenant  sur  le  sol,  ils  rejaillissent,  étincellent 
[ensuite] —  comme  une  averse  de  mai  aux  gouttes  de  cristal. 
A  force  de  fixer  et  clignoter, —  ses  yeux  d'eux-mêmes  se  sont  fer- 
mé  :  il  est  endormi,  —  et,  chants  et  éblouissements,  il  n'entend 
plus  rien. —  G'est  autre  chose  à  présent  qui  haute  sa  cervelle  :  — 
c'est  le  tour  des  rêves,  les  éblouissements  du  sommeil:  —  ils  soni 
là,  tourbillonnant  autour  de  son  front, —  comme  autour  de  la  ru- 
che tourbillonne  l'essaim  qui  essaime.  — Gazouillez  mollement, 
oiseaux:  la  Brune,  braie  bien  doucement;  —  n'allez  pas  au  moins 
interrompre  son  repos,  —  car  les  rêves  incertains  ont  pris,  depuis 
quelques  instants,  —  de  la  réalité  !a  forme  véritable.-  Laissez-le 
rêver  de  sa  vie  entière  ;  —  son  rêve  d'à  présent  est  bien  certai- 
nement le  plus  beau. —  Voyez  comme  il  sourit!  Aussi  quel  ta- 
bleau—  eu  son  intelligence  se  déroule  longuement  ! — Ce  serait 
jiéché,  ma  foi.  que  de  le  réveiller. 

A.     LiANGLAU     . 

{A  suivr 


BIBLIOGRAPHIE 


Die  Catalanische    metrische  Version  der  sieben  weisen    Meister 

von  Adolf  Mussafia. 

J'avais  oublié,  quand  j'ai  rendu  compte  ici  dernièrement  (tom.  X, 
p.  311)  de  cette  importante  publication,  que  les  LeyscVamors  fon^ 
mention  du  Romandes  sept  sages  et  en  donnent  même  une  analyse 
sommaire.  Une  note  ,  rencontrée  ces  jours-ci  parmi  mes  papiers, 
m'a  remis  le  fait  en  mémoire.  Comme  il  n'est  pas  sans  importance 
pour  notre  histoire  littéraire,  et  que  je  ne  le  vois  pas  signalé  dans 
le  Grundriss  de  M.  Bartsch,  il  me  parait  utile  d'y  appeler  l'atten- 
tion. Voici  le  passage  des  Legs  (III,  290)  : 

«  Tôt  le  romans  dels  .vij.  savis  procezish  aperpauc  peraquesla 
figura  (le  paradigme),  quar,  can  le  lilhs  del  emperador  foc  jutjatz 
à  penjar  per  Temperador  son  payre,  cascus  dels.  vij.  savis  lo  dis- 
distriguec  un  jorn  que  no  fos  pendutz,  ab  un  ysshemple  que  li 
dizia  cascus  per  esta  forma  :  «  Si  pendes  aquest  efan,  ayssi  t'en 
prengua  coma  al  borgues  de  son  lebrier  »  ;  e  pueys  venia  Paltres 
e  dizia  :  «  Si  to  filh  fas  penjar,  ayssi  t'en  prendra  cum  fe  ad  aytal 
baro  de  son  austor.»  La  Emperayzitz1,  quar  volia  mal  a  son  iilhas- 
tre,  filh  del  enperayre,  cant  era  la  nueg  arn  so  marit,  desfazia  tôt 
can  li  savi  havian  fag  e  dig  de  jorn,  ara  d'autres  ysshemples  quel 
fazia  et  aduzia  a  son  prepauzamen,  pel  contrari  d'aquels  dels  phi- 
lozophes,  per  que  l'efans  fos  pendutz.  Enpero  Dieus  finalmen  lo 
gardée,  si  que  l'enfans  romas  coma  denan  e  ela  foc  despessada.  » 

Ce  passage  ne  saurait  sans  doute  suffire  à  prouver  l'existence 
au  XIVe  siècle  d'une  version  provençale  des  Sept  Sages;  mais  on 
avouera  qu'il  favorise  singulièrement  l'hypothèse,  déjà  à  priori  si 
vraisemblable,  qu'une  pareille  version  a  dû  en  eil'et  exister.  Le  nom 
à'austor  donné  à  l'oiseau  qui,  dans  le  poème  catalan,  est  un  per- 
roquet (papagay),  et  une  pie  dans  les  diverses  rédactions  fran- 
çaises2, est  dans  tous  les  cas  à  remarquer,  comme  un  trait  dis- 
tinctif  de  la  version  (provençale  ou  non)  que  l'auteur  des  Legs  avait 
en  vue.  C.  C. 

1  Nouvel  exemple  de  z  =  r,  à  joindre  à  ceux  qui  ont  déjà  été  recueillis. 
*  C'est  du  moins  ce  qu'indiquent  les  sommaires  donnés  par  Leroux 
de  Lincy,  au-devant  de  celle  qu'il  a  publiée. 


106  BIBLIOGRAPHIE 

Recueil  d'anciens  textesbas-latins,  provençaux  et  français,  accom- 
pagnés de  doux  glossaires  et  publiés  par  Paul  Meyer  (2°  partie.ancien  fran- 
çais). —  Paris,  F.  Vieweg,  libraire-éditeur. 

La  Revue  des  langues  romanes  a  déjà  annoncé  la  première  partie 
de  cette  importante  publication.  Cette  fois,  nous  nous  bornerons  à 
une  courte  mention,  attendant,  pour  en  faire  un  compte  rendu 
plus  détaille,  que  les  deux  glossaires  annoncés  aient  paru,  ainsi 
que  les   textes  de  prose.  Malgré  l'absence  de  cet  important  com- 
plément ,    ce  recueil  est    immédiatement  utilisable,   surtout  poul- 
ies professeurs,  qui  ont  ou,  pour  parler  plus  exactement,  qui  au- 
ront à  initier  de  jeunes  étudiants  à  la  connaissance  de  notre  an- 
cienne langue.  Les  textes  dont  il   se  compose    ont  été  soigneu- 
sement contrôlés   sur  les   originaux  mômes,   ou     tout  au  moins 
reproduits  d'après  les   meilleures   éditions.  Les    variantes  et  les 
leçons  corrigées  sont  indiquées  en   note  :  précaution  destinée  à 
faciliter  le  contrôle  réclamé  par  l'éditeur  lui-même  et  à  exciter  l'at- 
tention de  l'élève  et  du  maître,  l'un  demandant  à  l'autre  la  raison 
du  choix  fait  entre  les  différentes  leçons.  La  variété,  en  même  temps 
que  la  multiplicité  et  la  suffisante  étendue  des  morceaux  choisis, 
excitent  et  soutiennent  l'intérêt  du  lecteur.  A  tous  ces  indices,  on 
reconnaît  un  savant  doublé  d'un   professeur  expérimenté,  et  l'on 
peut  recommander    son  œuvre   en   toute  assurance  aux  amis  des 
études  sérieuses.  Je  remercie  M.  Paul  Meyer  d'avoir  tenu  compte 
de  quelques-unes  de  mes   observations    relativement  au  texte  du 
Saint  Léger,  et  d'avoir  bien  voulu  les   mentionner  dans  ses  Addi- 
tions el   corrections.-  Je  profite  de  cette  occasion  pour  lui  signaler 
une  rectification  au  texte  de  Sainte  Eulalie,  que  j'ai  insérée  dans  la 
Revue  des  langues  romanes  (L>  série,  11,  n0  10,  pag.   220),  mais  qui 
a  paru  sans  doute  trop  tard    pour  qu'il  ait  pu  en  tenir  compte,  à 
supposer  toutefois  qu'il  la  trouve  fondée  :  je  veux  parler  du  v.  5,  où 
je  lirais  nonl  avec  le  ms.,  c'est-à-dire  no'nt=  non  inde.  Littéra- 
lement: elle  n'en  écoute,,  elle  n'écoute  pas  pour  cela. 

A.  B. 


Li  Carbounié.  —  Epoupèio  en  XII  cant  (traduction  française  en  regard), 
par  Félix  Gras.—  Avignon,  Rouraanille,  1876;  in-8°,  335  pages. 

Stendhal  écrivait  de  Civita-Vecchia,  le  8  juillet  1841,  à  l'un  de 
ses  amis  de  Paris  :  «  Plût  à  Dieu,  au  milieu  de  l'ennui  actuel,  qu'il 
nous  arrivât  un  bon  livre  écrit  en  auvergnat  ou  en  provençal!  » 

Le  gracieux  et  profond    philosophe   de  l'Amour  eût  élé  ample- 


BIBLIOGRAPHIE  107 

ment  satisfait,  s'il  avait  cru  devoir  exprimer,  de  nos  jours,  le  même 
vœu. 

Après  Mireille,  après  Calendal,  un  poëme  vient  de  paraître 
auquel  il  serait  assurément  trop  modeste  de  ne  donner  que  la 
Lanale  qualification  de  «  bon  livre.  »  La  magnifique  légende  des 
Curbounié  est  un  véritable  chef-d'œuvre,  dont  l'auteur  a  conquis, 
d'un  coup,  à  côté  des  maîtres  du  fôlibrige,  et,  on  peut  le  dire  sans 
exagération,  dans  la  pléiade  des  grands  poètes,  une  place  d'hon- 
neur. 

M.  Félix  Gras  a  mis,  en  guise  de  frontispice,  une  épigraphe  de 
trois  vers  qui  est  une  admirable  définition  du  vrai  patriotisme  et 
une  réponse  péremptoire  à  ceux  qui  accusent  les  félibres  de  sépa- 
ratisme :  * 

«  Ame  moun  vilage  mai  que  toun  vilage, 
»  Ame  ma  Prouvènço  mai  quêta  prouvinço, 
»  Ame  la  Franco  mai  que  tout  '.  » 

Les  Carbounié  du  mont  Ventour  sont  de  pauvres  gens;  mais, 
chez  eux,  la  nature  parle  son  vrai  langage.  Habitués  à  vivre  au 
milieu  des  mélèzes  et  des  sapins,  fiers  et  libres  comme  les  aigles 
et  les  vautours  qui  planent  sur  leurs  tètes,  ils  pensent  simplement 
et  s'expriment  franchement.  L'argot  des  bouges  et  des  prisons,  les 
sentiments  artificiels,  ne  sont  pas  leur  fait  : 

Aqui  lis  orne  n'an  fa  pacho 
«  Qu'emé  l'ounour;  souri  pastre  o  valent  carbounié.  » 

Parmi  ces  braves  gens,  il  en  est  un,  plus  intrépide  que  tous  les 
autres  ,  Réginel ,  que  tente  l'amour  des  aventures,  la  soif  de  l'in- 
connu. Rien  ne  peut  le  retenir,  pas  même  l'ardente  passion  qu'il 
éprouve  pour  une  fille  des  montagnes,  la  blonde  Annonciade,  dont 
la  douce  physionomie  apparaît,  dans  le  poème,  comme  une  vision 
enchanteresse  : 

Darrié  li  nègri  barricado 

Que  fan  li  naùtis  embancado 
Recuberto  de  pin,  de  mêle  emé  de  lieu, 

Fourèst  d'ome  e  de  loup  pouplado, 
Greissié  lou  bèu  jouvènt  que  cante.  Franc  li  niéu, 
Lis  aiglo,  lou  ferun  emé  li  tron  de  Dieu, 

Que  passon,  volon,  restountisson, 
E  franc  lis  iue  que  l'abarrisson, 
Lis  iue  d'uno  chatouno,  eu  counèis  degun  mai. 

Pastresso 

N'a  pa'nca  senti  l'amaresso 


108  BIBLIOGRAPHIE 

D'aqncsto  malo  vido.  0  moun  Dieu  !  segur  noun. 

Just  un  dimenchc  après  la  messo 
Reginèu  ie  faguè,  per  rire,  dous  poutoun. 
D'Anounciado  la  chatouno  porlo  noum. 

Elo  es  bloundo  couino  uno  estello, 

E  couino  en  touti  li  pièucello, 
Sus  soun  visage  lèu  s'acampo  la  roujour. 

Soun  un  pau  fèro,  si  prunello, 
Coume  li  de  tout  gùnl  qu'es  na  dins  lou  Venlour; 
Sa  boueo  es  ôudourouso,  es  dau  rousié  la  llour. 


Les  instances  de  son  vieux  père  SifTrein  sont  aussi  impuissantes 
que  les  prières  d'Annondiade  :  elles  touchent  son  cœur,  mais  n|é- 
branlent  pas  sa  volonté.  Il  part  à  la  tombée  de  la  nuit.  Sa  des- 
cente à  travers  les  escarpements,  au  bruit  d'une  épouvantable 
tourmente  qui  ne  se  tait  que  pour  lais>er  entendre  les  hurlements 
des  loups  allâmes,  émeut,  et  donne  le  frisson,  tant  la  description 
est  saisissante  ! 

Diatre  li  pelé  lin 

Lis  argelèbre,  h  badasso 

En  vai,  subran  lou  baus  s'eslrasso 
E  chimarro  lou  cèu  ù  vint  cano  d'autour. 

Oins  l'asclo  negro  couino  aurasso. 
l'a'n  draiôu  que  li  loup  Iralicon  en  pien  jour, 
Tant  lou  rode  es  màrrit,  espuventable  e  sour. 

Entre  que  rintro  dins  lou  founze, 

Ausis,  dirai,  coume  leu  vounze  , 

De  l'auro  don  revès  que  baufo  dins  li  lieu, 

O  bon  d'un  liuen  clouchié  li  brounze 
Tôutis  à  brand.  Malur  !  que  sara,  Segne  Dieu! 
L'enfant  dôu  mount  Ventour  cren  degun,  sarnibiéu  '. 

On  juge,  dès  ce  début,  que  Félix  Gras  est  un  peintre  de  premier 
ordre  :  s'il  montre  la  nuit,  la  tempête  et  le  mystère  imposant  des 
solitudes,  ses  tableaux  >;ont  d'une  originalité  fantastique  qui  rap- 
pelle les  compositions- de  Gustave  Doré.  S'il  met,  au  contraire,  sur 
s.i  palette,  les  couleurs  roses  de  l'aurore  ou  les  teintes  cendrées  du 
crépuscule,  on  croirait  voir  un  paysage  de  Corot  ou  de  Français, 
auquel  la  nature  provençale  aurait  ajouté  sa  forte  empreinte. 

Mais  il  n'y  a  pas  seulement  des  pâtres  et  des  charbonniers 
sur  le  mont  Ventour,  il  y  a  aussi  des  brigands,  grands  assassins 
ci  pillardsde  troupeaux.  Oursan,  l'abominable  Oursan,  leur  chef, 


BIBLIOGRAPHIE  109 

est  devenu,  par  ses  crimes  et  par  sa  force,  la  terreur  de  tout  le 
pays.  Heureusement,  il  a  rencontré  un  adversaire  digne  de  lui, 
Réginel,  qui  a  juré  de   détruire   la   redoutable  bande,  dont  il  est 

craint  et  détesté. 

Au  temps  où  j'étais  encore  enfant,  on  se  réunissait,  en  groupe, 
sur  l'un  des  bancs  de  la  Chaussée  d'Alais,  et,  là,  le  meilleur  nar- 
rateur racontait  à  ses  camarades,  attentifs  et  terrifiés,  l'histoire 
d'un  certain  Jean  de  l'Ours  le  Bourru.  En  lisant  le  beau  livre  de 
M.  Félix  Gras,  en  retrouvant,  à  chaque  page,  les  exploits  surhu- 
mains de  Réginel,  on  pense  involontairement  à  ce  héros  des  tra- 
ditions populaires. 

Dès  le  premier  chant,  la  lutte  homérique  commence.  Les  bandits, 
dans  une  caverne  enfumée,  comptent,  sur  une  table  rouge  de  vin, 
au  milieu  des  ricanements  et  des  cris,  le  produit  de  leurs  rapines. 
Bonne  occasion  d'exterminer  cette  perverse  engeance  !  L'entrée 
du  repaire  est  couverte  de  chaume  ;  le  vaillant  charbonnier  y  met 
le  feu.  Oursan  et  ses  estaûers  sortent  vainqueurs,  mais  humiliés, 
de  cette  épreuve.  Ce  n'est,  d'ailleurs,  que  le  commencement  des 
rudes   combats  qu'ils  vont  être  obligés  de  soutenir. 

Les  douze  chants  du  poème  sont  consacrés,  à  travers  de  char- 
mants épisodes,  à  célébrer  les  douze  travaux  de  l'Hercule  provençal 
Réginel. 

Au  château  de  Saint-Lambert,  où  brille,  comme  une  éclaircie, 
un  délicieux  tableau  d'intérieur,  dans  la  cabane  du  garde  forestier, 
riante  autant  qu'est  sombre  la  forteresse,  aquelo  grand  carcasso, 
bastido  de  pciro  negrasso,  Oursan  cherche  vainement  à  se  venger. 
A  Castel  d'Amourier,  Réginel,  au  cours  de  son  tour  de  Provence, 
se  joint  avec  succès  à  une  battue  contre  les  loups,  non  moins 
dangereux  pour  les  troupeaux  que  les  brigands.  C'est  pendant  la 
chasse  qu'il  rencontre  une  amoureuse  délaissée,  Zia.  qui,  sans 
triompher  du  souvenir  d'Annonciade,  lui  rappelle  ses  serments 
avec  une  éloquence  passionnée  : 

Mai  au  fort  de  la  chapladisso 

E  dintre  l'orro  bramadisso, 
Uno  voues  melicouso  aplanto  lou  jouvènt, 

Que  tre  l'ausi  se  desenlisso 
E  chauriho  alucant  dôu  biais  que  la  voues  vèn 
—  Reginèu,  elo  dis,  de  léu  noun  te  souvèn?  — 

E,  trepejant  sus  li  cadabre, 
Mai  palo  e  mai  frejo  que  mabre, 
Zia,  la  bello  chato,  arribo  en  jusqu'à-n-éu 


HO  BIBLIOGRAPHIE 

E  d'à  geinoun  au  founs  dôu  vabre, 
Li  bras  dubert,  ansin  dis  :  —Valent  Reginèu, 
Me  fagues  pas  mouri  !  L'autre  an,  pèr  Sant  Miq'uèu. 

M'as  proumes  toun  amour  :  «  Ma  bello, 

Zia,  ma  blanco  paloumbello, 
Me  disiès,  sout  la  touno,  en  me  beisant  lou  front, 

Lou  jure  davans  lis  estello  !  » 
E  pièi  toun  juramen  n'es  esta  qu'un  afront 
E  me  rouigon  li  car,  vuei,  ti  poutoun  tant  bon    » 

Devourissès-me,  bèstis  aulo  ! 

Ensuco-me  d'un  cop  de  gaulo, 
Car  iéu  siéu  uno  loubo.  e  moun  cor  afama 

Vôu  toun  amour,  vôu  ta  paraulo..  .. 
Renègo  Anounciado  e  vogues  plus  l'ama, 
E  fai  clanti  la  niue  coumo  un  loup  desmama. 

Par  ces  ardentes  supplications,  elle  ne  peut  fléchir  son  cœur 
comme  le  fléchira  bientôt,  hélas  !  la  belle  et  voluptueuse  Mionnet, 
la  moissonneuse  de  Faraman.  où.  avec  les  gavots,  témoins  de  la 
lutte  dans  laquelle  a  mordu  la  poussière  le  Goriace  de  Monteux,  il 
est  venu  se  louer  pour  le  fauchage  des  champs  de  blé.  Cette  der- 
nière scène  d'amour  est  une  perle  poétique,  d'un  réalisme  qui 
.n'exclut  ni  la  grâce,  ni  la  délicatesse.  Comment  Réginel  pourrait-il 
demeurer  insensible? 

«  Ai!  ai!  moun  Dieu!  d' Anounciado 

»  Elo  a  la  taio  aligourado, 
»  Mens  lou  fèr,  si  dous  iue  trason  lou  même  uiau, 

»  Es  dous  rai  d'uno  escandihado, 
»  Dous  degout  d'aigo  lindo,  es  dous  bèu  espigau  ! 
»  Es  unocaio  alègro  em'  un  fier  perdigau  ! 

Malgré  cette  séduisante  ressemblance,  il  hésite  encore:  mais  les 
arguments  de  Mionnet  deviennent  de  plus  en  plus  pressants  et,  à 
la  fin,  irrésistibles  : 

....   Tè,  la  vaqui,  ma  man  ! 
Se  de  moun  amour  te  mesfises, 
Tè,  moun  front;  tè,  mi  bouco  ! —  E  levant  si  diamant 
Boundon  si  raameloun  rousen  e  tremoulant. 

«  Omeravihol  encèn  !  o  fru  beca  sus  la  jitello  !  Pouloun,  o  pan  de 
ïamol  »  s'écrie  Réginel  enivré  et  vaincu. 

Après  la  faute,  l'horreur  de  sa  conduite  lui  apparaît  dans  toute  sa 
noirceur.  La   chasteté  d'Annonciade,  contrastant  avec  les  ardeurs 


BIBLIOGRAPHIE  III 

de  Mionnet,  le  rend  honteux  à  lui-même.  Il  fuit,  tout  coufus,  loin  de 
Faraman.  Hercule  rougit  d'avoir  aimé  Omphale. 

Mais  i!  n'a  pas  seulement  trompé  sa  fiancée  :  Réginel  a  oublié 
en  môme  temps  sa  haine  contre  Oursan,  qui,  lui,  prépare  une  hor- 
rible revanche.  Le  bandit  n'ignore  pas  que  le  bien  suprême  de  son 
terrible  adversaire  est  la  jeune  Annonciade,  que  l'absence  de  celui 
qu'elle  aime  tient  inquiète  et  tourmentée  à  Verdolier,  cette  oasis 
des  cimes  du  Ventour.  Quel  plus  cruel  châtiment  pour  Réginel  que 
l'enlèvement  et  la  profanation  de  son  amie,  le  meurtre  de  ses  pa- 
rents, l'incendie  de  son  village  !  Oursan  et  ses  maufatan  rient 
comme  des  démons  d'avoir  imaginé  une  telle  vengeance.  L'exé- 
cution du  hideux  projet  ne  se  fait  pas  attendre  :  la  nuit  venue,  la 
bande  s'apprête  à  fondre  sur  le  malheureux  hameau  des  charbon- 
niers, au  moment  où 

Nosto  poulido  Anounciado 

S'èro  déjà  desabihado. 
Fasié  soun  proumié  som.  Pèr  li  brin  e  li  brand 

Dôu  vent,  la  chato  èro  bressado. 
Quesounjavo?  Noun  sai:  sabe  qu'à  chasque  istant, 

En  sourisènt  trasié  de  poutoun'mé  la  man. 

E  foro  de  sa  camisolo 

Avien  sourti  de  nosto  drolo 
Li  pouht  sen  ardit,  qu'avien  si  mameloun 

Chascun  uno  rousenco  auriolo. 
De  la  luno  es  ansin  aurioula  lou  front  blound, 
Quand  passo  eilamonndaut  darrié  'n  clar  nivouloun. 

Après  une  montée  pénible,  bien  autrement  hérissée  d'obstacles 
que  celle  du  char  des  comédiens  errants  du  Capitaine  Fracasse,  les 
vauriens.  Oursan  en  tête,  envahissent  le  village  et  répandent  par- 
tout le  meurtre  et  la  flamme.  La  lutte  contre  les  charbonniers,  aidés 
de  leurs  chiens  de  garde,  est  gigantesque  :  à  la  faveur  d'un  stra- 
tagème, ceux-ci  mettent  en  fuite  les  assaillants.  Annonciade  est 
sauvée  comme  par  un  miracle,  mais  son  père,  le  vieil  Antonin, 
est  emmené  prisonnier  par  les  bandits. . . 

Ah  !  quand  le  pâtre  Blas  apprend  à  Réginel  l'affreuse  nouvelle, 
comme  le  fils  de  Siffrein  exhale  son  désespoir  en  plaintes  amères  ! 
Gomme  le  remords  lui  brûle  le  cœur  !  Comme  il  regrette  son  infidé- 
lité !  Gomme  il  maudit  Mionnet!  Gomme  il  se  repent  de  ses  desseins 
aventureux  !  Combien  il  eût  préféré  vivre  tranquille,  au  milieu  nos 
rharbonniers.  uni  à  sa  hien-aimée  Annonciade!  Il  part  rapide 
comme  l'éclair,  et  jure  de  mériter  son  pardon  par  l'extermination 


112  BIBLIOGRAPHIE 

d'Oursan  et  de  ses  complices.  Cette  dernière  phase  de  la  lutte 
contre  les  bandits  du  Ventour  est  tracée  de  main  de  maître,  avec 
une  énergie  et  une  promptitude  qui  expriment,  d'une  façon  saisis- 
sante l'ardeur  impatiente  dont  Réginel  est  enflammé.  Accompagné 
d'une  vaillante  escorte  de  pâtres,  à  laquelle  un  vieil  et  pittoresque 
ermite  a  fourni  Je  précieuses  indications,  il  va  traquer  les  brigands 
dans  leur  repaire.  Oursan.se  voyant  perdu,  imagine  un  coup  de 
trahison,  qui  se  retourne  contre  lui-même.  Réginel  l'atteint  et  le 
terrasse  : 

Reginèu,  eirissa, 

le  mando  de  revès  soun  bouis  e  tant  fourça, 

Que  lou  cop  ie  descabucello, 

La  testo  à  ras  de  si  parpello  ! 
Soun  sang  nègre,  nboundous,  fumo  e  s'escapo  à  flot. 

E  s'escampihon  si  cervello 
Dossubre  sis  espalo  e  dessubre  lou  ro. 
Ansin  souto  la  font  l'aigo  verso  dùu  bro. . .     * 

Es  estendu  subre  l'esquino 

E  rangoulejo  sa  peitrino. 
Alor,  dintre  la  mar  lou  soulèu  que  vei  tout 

Se  trais.  Tant  lèu,  l'escuresino     . 
S'alargo  dinslon  plan,  sus  li  mount  e  pertout, 
E  dins  li  nègre  lieu  li  machoto  fan  chou  ! 

Le  vieil  Antonin  est  délivré;  la  hande  d'Oursan  est  amenée 
captive  au  milieu  des  acclamations  des  charbonniers,  et  le  poème 
finit  sur  l'heureuse  impression  de  calme  que  laisse,  après  les  orage? 
continuels  de  l'action,  l'union  d'Annonciade  et  de  Réginel,  que  le 
vénérable  ermite  du  Ventour  bénit  en  ces  termes  : 

Au  noum  de  Dieu,  vous  benesisse  ! 

Au  noum  de  Dieu,  iéu  vous  unisse  ! 
Qwa  la  pas  dôu  Segnour  siègue  sèmpre  emé  vous  I 

E  que,  pèrtcoumble  de  délice, 
Vegués  crèisse  en  venu  vôstis  enfant  noumbrous, 
A  vans  que  fagués  viage  au  moundc  tenebrous  ! 

Le  désir  de  ne  pas  suspendre  l'intérêt  toujours  croissant  qui 
s'attache  aux  aventures  de  l'héroïque  charbonnier  ne  nous  a  per- 
mis que  de  signaler  d'une  manière  générale  les  remarquables  des- 
criptions  qui  étincellenl  àchaque  page  du  poëme. 

Nous  nous  reprocherions  de  ne  pas  en  faire  connaître  au  moins 
une.  celle  d'une  radieuse  matinée  de  juillet,  entre  tant  d'autres  qui 
ne  mériteraienl  pas  moins  d'être  mention  néss: 


BIBLIOGRAPHIE  113 

L'eigagno  lus  sus  li  léulisso, 

Li  passeroun,  dins  la  sebisso, 
Bequeton  li  poumeto,  e  dins  li  camp  de  blad, 

Lis  esparset  e  !i  panisso, 
S'auso  piéuta  lacaio.  Au  founs  dôu  grand  valat 
Lou  riéu  claret,  claret.  noun  cesso  de  souscla. 

Pamens  subre  li  plus  aut  moure, 

Bèu  coumo  un  cavalin  au  courre, 
En  niflant  de  niéu  d'or  s'enauro  lou  soulèu! 

Sa  creniero  de  rai,  i  roure, 
I  mount,  i  plan  negras  largo  lou  lum  tant  lèu 
E  boundo  esbléugissent  dins  l'areno  dôu  cèu. 

Alor,  emé  sa  voues  mistico  , 

La  naturo  entouno  un  cantico. 
Es  li  senglut  dôu  rièi\  la  capeludo  amount. 

Lou  son  de  l'eissado  que  pico. 
Lis  ordre  di  bouié  :  l'auro  emé  si  viôuloun 
Fai  l'acoumpagnamen,  tout  vai  à  l'unissoun. 

Pièi  acoumenço  la  cigalo, 

Negrihouno  que  s'encigalo 
I  proumié  rai  que  béu  au  souleias  d'estiéu. 

E  zin  !  zin  !  zin  !  fai  di  cimbalo, 
E  ni  manjo  ni  bèu.  Pecaireto!  elo  viéu 
Ren  que  pér  entouna  li  lausenjo  de  Dieu. 

Le  poëine  de  M.  Félix  Gras,  il  faut  le  répéter  en  terminant, 
est,  à  nos  yeux,  un  véritable  chef-d'œuvre.  Il  marque,  ainsi  que 
le  faisait  observer  M.  Armand  de  Pontmartin,  une  tendance  nou- 
velle dans  l'école  des  félibres,  une  brillante  évolution  vers  une  sorte 
de  romantisme  provençal.  Les  vers  du  poëte  de  Villeneuve-lez- 
Avignoii  n'ont  pas  tous  l'admirable  régularité,  presque  classique, 
de  l'illustre  maître  de  Maillane:  mais  leur  allure,  parfois  désor- 
donnée, libre  de  frein  et  dédaigneuse  du  mors,  n'en  est  pas  moins 
d'un  puissant  caractère. 

La  presse  parisienne ,  comme  celle  des  départements,  a  fait 
aux  Carbounié  un  accueil  chaleureux,  dont  la  Société  des  langues 
romanes  a  d'autant  plus  le  droit  d'être  iière,  qu'elle  a  été  la  pre- 
mière à  proclamer  les  qualités  de  cette  épopée  provençale,  en  la 
jugeant  digne,  au  Concours  philologique  et  littéraire  de  1875,  de  la 
plus  haute  de  ses  récompenses. 

En  suscitant  de  telles  œuvres,  le  félibrige  prouve  incontestable- 
ment qu'il  est  loin  d'avoir  épuisé  la  sève  qui  a  produit  tant  de  re- 
marquables poètes.    Uno  avulso,  non  déficit  aller. 

Maurice  Faure. 


114  BIBLIOGRAPHIE 


L'Idée  latine  dans  quelques  poésies  en  espagnol,  en  langue  d'oc  et  en 
catalan.  —  O.  Bringuier  :  A  las  raças  latinas,  brinde,  p.  71  du  Con- 
cours philologique  et  littéraire  de  l'année  1875,  in-8°.  182  pages.  —  Pèço 
courounado  à  Fourcauquié,  p.  33  du  Libre  de  Nouesto-Damo  de 
Prouvènco;  Fourcauquié,  Massoun,  1876,  in-8o,  lxxx  -  232  pages.  — 
Gant  :  Lei  Mouro.  dramo  en  très  aie  e  en  vers;  Ais-en-Prouvènço, 
1875,  in-12,  96  pages.  —  F.  Piscueta  :  Oda  â  la  union  de  las  razas 
latinas  (las  Provincias  de  Valence  et  Mercantil  valenciano,  n0>  du 
29  juillet  1876).—  Revontos:  A  la  rassa  llatina;  Barcelona,  lb76,  in-8". 
16  pages. — Marius  Bourrelly  :  Poesia  provenzal  dedicada  à  la  Asocia- 
I ion  de  Gerona,  con  motivo  del  certameu  de  1875;  Gerona,  Dorcn, 
in-4%  4  pages  —  Le  même,  Poesia  provenzal,  etc.,  con  motivo  del 
certamen  de  1876  ;  Gerona,  Dorca,  in-4°.  4  pages  ». 

Au  moment  où  M.  de  Quintana  priait  Mistral  de  foncier  en  son 
nom  le  prix  qui  doit  récompenser  en  1878  la  meilleure  Chanson  du 
Lalin,  ou  la  conception  d'une  poésie  commune  par  le  sujet,  les  sen- 
timents et  la  mélodie  à  ceux  qui,  en  Europe,  en  Asie,  en  Améri- 
rique,  partout  où  les  vicissitudes  du  passé,  la  colonisation  pacifique 
ou  la  conquête  les  ont  jetés,  se  reconnaissent  les  fils  de  la  vieille 
langue  de  Rome;  au  moment,  dis-je,  où  ce  prix  éveillait  clans  la 
pensée  des  Catalans  et  des  Provençaux  le  vague  instinct  d'une 
confédération  future,  la  perception  d'-une  sorte  de  -Latium  plus 
vaste  et  plus  populeux  que  l'ancien,  Octavien  Bringuier  écrivait 
ces  beaux  vers,  les  derniers  de  sa  vie  déjà  gravement  et  irrémédia- 
blement atteinte  : 

«  Roumans,  faguen  pas  qu'un  !  Sèn  toutes  traire  e  sorre. 

E  gara  qu'à  quaucun  de  nautres  ie  maucore  !  • 

Se  voulèn  ioi  garda  lou  timon  dau  vaissèu 

Que  l'aie  dau  bon  Dieus  passeja  en  miè  lou  mounde. 

De  traval  e  de  pas  se  voulèn  nostre  abounde, 

Seguen  ce  que  tenièn  lous  litous  :  un  faissèu  ! 

Le  brinde  qui  nous  fournit  cette  strophe  admirable  et  le  prix 
fondé  par  M.  de  Quintana  sont  la  traduction  la  plus  nette  d'une 
pensée  qui,  depuis  trente  ans  déjà,  préoccupe  les  esprits   en  deçà 


(1)  On  rencontre  encore  l'expression  de  la  même  idée  dans  une  dédicace 
languedocienne  Al  Mièchjour,  placée  en  tête  d'un  livre  étranger  à  la  des- 
tination de  la  Revue  :  le  Fédéralisme,  par  Louis-Xavier  de  Ricard;  Paris, 
Sandoz,  1877;  in-12,  xxx-  302  pages. 


BIBLIOGRAPHIE  115 

et  au  delà  des  Pyrénées.  A  demi-politique  pour  les  uns,  purement 
littéraire  pour  d'autres,  elle  s'acheminait  peu  à  peu  vers  une  forme 
qui  lui  permît  de  saisir  l'imagination  poétique  et,  par  celle-ci,  l'ima- 
gination populaire.  Ses  antécédents  sont  très-divers.  En  1845,  par 
exemple,  un  livre  que  l'on  attribua  à  Lamartine  '  et  qui  était  dû 
à  un  des  plus  célèbres  professeurs  de  la  Faculté  de  médecine  de 
Montpellier,  le  docteur  Lallemand,  pronostiquait  l'établissement 
d'une  grande  confédération  où  l'Espagne,  le  Portugal,  l'Italie,  la 
France  et  la  Belgique,  auraient  pris  place,  avec  Marseille  comme 
siège  du  congrès  ibergallitale  des  néo-latins.  En  1874,  le  cinquième 
centenaire  de  Pétrarque  appelait  à  Avignon,  autour  de  la  mémoire 
du  poète  qui  contribua  tant  à  la  renaissance  des  lettres  grec- 
ques et  latines,  les  quatre  poésies  française,  provençale,  italienne 
et  catalane.  Et  cette  dernière  particularité  ressortit  tellement, 
que  M.  de  Quintana  put,  sans  surprendre  personne,  faire  appel 
à  l'union  des  trois  nations  qui  participaient  à  la  fête,  et  affirmer, 
dans  un  langage  empreint  d'un  énergique  lyrisme,  que,  «  si  les 
vents  froid  du  Nord  revenaient  glacer  le  foyer  d'une  nation  méri- 
dionale et  dessécber  l'herbe  qui  croît  sur  les  tombes  de  ses  aïeux, 
ils  reculeraient  effrayés  devant  l'éclat  de  la  race  romane  réunie.» 
Un  an  après,  le  12  septembre  1875,uneinscription  en  langue  d'oc, 
placée  par  l'archevêque  d'Aix  dans  l'église  de  Forcalquier,  appe- 
lait en  ces  termes  la  protection  de  la  Vierge,  non  pas  seulement  sur 
la  Provence,  mais  sur  la  race  latine  tout  entière  : 

trelds  paradjsen  de  la  graci  d1vino, 
La  Phouvènço  t'aubouro,  o  Maire,  aqdest  palai  ; 
Dessus  nouesto  Prodvènço  e  la  raço  latino 
Largues  ta  graci  longo-mai  ! 

Et  cette  manifestation,  à  laquelle  la  présence  de  Roumanille,  de 
Mistral  et  d'Aubanel,  ajoutait  une  signification  particulière,  devait 
se  continuer  le  lendemain  parla  représentation- du  drame  des 
Mouro.  A  la  peinture  de  la  Provence  secouant  le  joug  des  Sarra- 
sins, l'auteur,  J.-B.  Gaut,  avait  mêlé  des  épisodes  et  des  détails 
inspirés  de  ce  que  j'ai  nommé  plus  haut  l'idée  latine.  Ludwig  de 
France,  Sanche  d'Aragon,  les  principaux  barons  des  deux  côtés 
des  Alpes  et  des  Pyrénées,  suivis  de  leurs  vassaux,  contribuaient 
à  la  défaite  des  Maures.  Dans  la  dernière  scène,  après  le  triomphe, 
on  les  voyait  tirer  leurs  épées  et  former  entre  eux  une  ligue  indis- 


1  Le  Hachych.  Lallemand  l'avait  signé  d'un  pseudonyme  grec  qui  était 
l'exacte  traduction  de  son  nom. 


lin 


BIBLIOGRAPHIE 


soluble.  Ils  juraient  que  cette  ligue  serait  durable  et  que  le  monde 
l'entendrait. 


Cuinnuo  : 


Vuei  la  Prouvènço  emé  la  Franco 

Paehon  uno  eterno  alianço. 
Sancho  d'Aragoun.  ièu  te  dieu 
Que  li  aura  plu?  do  Pireneu  , 
Sèmpre.  Jaufret  de  Ventimiho, 
Nouosto  Prouvènço  e  l'Italie» 
Saran  souerre.  Pople  latin, 
Luse  à  peno  voueste  matin. 
Mai  me  senti  meravihado. 
Prevesènt  vouesto  escandihado. 


Sancho  : 


Lijdwig  : 


J\riFRF.T  : 


fiuiHEN  : 


Foi.COACRE 


Pèr  la  Vièrgi  n'en  fau  proumesso, 
Viéuren,  mourren  en  s'embrassant. 

Au  noum  dôu  Crist,  au  noum  dei  Sant. 
Toujour.  por  apara  ta  tèsto, 
Prouvènço,  aurai  l'espaso  lèsto. 
Pnple  latin,  tôutei  juren 
Que  de  longo  s'ajudaren. 

'Mé  lei  vouestro  crousant  ma  lamo. 
Jùri  pèr  Dieu  o  Nouesto-Damo 
Que  nouesto  pacho  se  tendra. 
E  que  lou  mounde  l'entendra. 
(Tiron  tnutei  leis  espaso  e  lei  crouson.^ 

Vitôri,  nous  a  ri  ta  facho  ! 
Mouro  dôu  Miejour  o  dôu  Nord, 
Lei  fraire  latin  en  fa  pacho 
Pèr  reslanca  vouéstei  desbord. 
Car  an  tôutei  mémo  cresènço 
Mémo  brès.  freirous  parauli. 
Franco,  Espagne  Itàli.  Prouvènço. 
Ensèn  poudren  jamai  mouri  ! 


Il  est  rare  qu'avant  d'éclater  entièrement,  avant  de  prendre  con- 
science d'elle-même  dans  la  pensée  des  hommes,  une  idée  ne  se  soit 
pas  longtemps  agitée  parmi  eux,  n'ait  pas  préoccupé  confusément 
leur  esprit.  Cette  conception  si  grande  d'une  trêve  de  Dieu,  non 
plus  partielle,  mais  complète,  entre  les  fils  d'une  même  race,  cette 
alliance  à  toujours  de  nations  qui,  en  maintenant  leur  indépen- 
dance intérieure,  se  rendent  communs  les  périls  et  les  luttes  exté- 
rieuros  do  oliacune  d'elles,  n'est  pas  au  fond  une  idée  nouvelle 
dans  l'Europe  méridionale.  Non  pas  qu'elle  y  ait  été  formulée  de 
cetto  manière,  mais  parce  qu'elle  y  a  existé  tantôt  à  l'état  de  germe 


BIBLIOGRAPHIE  117 

obscur  el  mal  défini,  tantôt  à  l'état  de  conception  de  conquérant, 
un  moment  réalisée  parla  force  :  l'empire  à  moitié  franc,  à  moitié 
latin  de  Charlemagne,  celui  de  Charles-Quint,  la  suprématie  exer- 
cée par  Louis  XIV,  lorsque  l'Espagne  et  les  Indes  entrèrent  dans 
le  domaine  desBourbons;  le  fameux  pacte  de  famille  au  XVIIIe  siè- 
cle ;  et  à  l'origine,  mais  dans  un  lointain  et  sous  une  forme  trop 
violente  pour  qu'elle  soit  aujourd'hui  sensible  à  l'imagination  des 
masses,  la  domination  de  Rome  enserrant  sous  les  mêmes  mains 
les  populations  gauloises  de  l'Espagne,  des  Gaules,  de  l'Italie,  de 
l'Helvétie,  des  rives  de  l'Adriatique,  de  la  Dacie  et  de  l'Asie1:  tels 
sont  les  principaux  anneaux  politiques  d'une  idée  qui  tend  à  jouer 
un  rôle  prépondérant  dans  les  deux  renaissances  catalane  et  pro- 
vençale. 

Traduitedans  le  langage  de  la  poésie,  elle  ne  pouvait  prendre  que 
la  forme  idéale  et  philosophique,  ou  bien  la  forme  épisodique,  qui 
résume  et  concentre  sur  un' fait,  sur  un  homme,  que  celui-ci  s'ap- 
pelle Arthur,  Roland  ou  le  Cid,  les  aspirations  d'un  peuple  ou  d'une 
race  déterminée.  Dans  la  Marche  d'Arthur,  le  héros  celtique,  le  mi- 
racle de  l'épée,  le  chef  des  batailles  de  laCornouailles,  l'être  mysté- 
rieux dont  la  face  rayonne  quand  la  mêlée  commence,  quand  tout 
s'agite  autour  de  lui,  Arthur,  dis-je,  est  représenté  menant  au  com- 
bat une  armée  qui  chemine  déployée  sur  le  sommet  des  montagnes, 
et,  aussitôt  qu'on  l'entend  approcher,  aussitôt  qu'on  la  voit.de  toutes 
parts,  le  cri  de  guerre  s'élève  avec  joie,  réclamant  cœur  pour  œil, 
tète  pour  bras  et  mort  pour  blessures,  jusqu'à  ce  que  les  vallées 
disparaissent  sous  le  sang,  j  usqu'à  ce  que  les  braves  tombent  per- 
cés dans  le  combat 2. 

C'est  encore  dans  le  chant  danois  d'Ewald,  le  roi  Chrétien  IV,  de 
la  dynastie  des  Oldenbouig,  qui.  debout  pies  du  mât  élevé,  au  mi- 
lieu de  la  fumée  et  du  tourbillon,  frappe  avec  tant  de  force  qu'il 
brise  le  crâne  et  le  casque  du  Goth.  «Fuyons,  s'écrie-t-il,  fuyons  tant 


1  Souvenirs  auxquels  M.  Bourrelly  fait  vraisemblablement  allusion  dans 
ces  vers  : 

Se  lei  raço  latino,  an  tan,  èion  uuido, 

Fau  que,  lei  rejougnent,  li  dounen  ruai  de  vido; 

La  forço  es  dins  l'unien.  e  li  a  ni  mar.  ni  niount 

Que  pouscon  aplanta  l'idéio,  quand  se  founde 

Dins  la  testo  dci  pople,  e  va  de  mounde  en  rnounde 

Deseinpièi  lou  treius  en  jusque  lou  trcmount. 

[Poesia  provenzal  con  motivo  del  Certamen  de  1876). 
-  La  "Villemarqué,  Barzaz  Breiz,  6e  édition,  1807,  p. 49. 


118  BIBLIOGRAPHIE 

que  nous  pourrons  fuir.  Qui  pourrait  résister  à  Chrétien  de  Dane- 
mark dans  le  combat?  » 

Mais  Niels  Juel  '  voit  aussi  le  tumulte  de  la  bataille,  et  lui  encore 
déploie  le  pavillon  rouge,  et,  comme  Chrétien  IV,  il  frappe  à  coups 
redoublés  sur  les  ennemis:  «Fuyons,  s'écrient-ils  de  nouveau, 
cherchons  un  refuge  où  nous  cacher.  Qui  pourrait  résister  à  Juel  de 
Danemark  dans  le  combat  2  ? 

Et,  dans  le  chant  breton,  après  le  récit  de  la  marche  d'Arthur  sur 
les  montagnes  de  la  Cornouailles,  après  la  narration  de  l'enthou- 
siasme qu'elle  excite,  les  fidèles  du  roi  entonnent  ces  deux  stro- 
phes, qui  sont  en  opposition  directe  avec  la  dure  loi  du  talion,  énon- 
cée bien  haut  un  moment  auparavant  : 

«  Si  nous  tombons  percés  dans  le  combat,  nous  nous  baptiserons  avec 
noire  sang  et  nous  mourons  le  cœur  joyeux. 

»  Si  nous  mourons  comme  doivent  mourir  des  chrétiens  et  des  Bretons, 
jamais  nous  ne  mourrons  trop  tôt  !  » 

Dans  le  chant  d'Ewald,au  contraire,  la  conclusion,  moins  direc- 
tement amenée,  est  empreinte  de  la  mélancolie  nuageuse  com- 
mune à  certains  poètes  delà  fin  du  siècle  dernier: 

«  Toi  qui  mènes  à  la  gloire  et  à  la  puissance,  route  de  Danemark,  mer 
lourde  et  sombre,  reçois  ton  ami  qui  marche  sans  crainte,  qui  méprise  le 
péril,  qui  est  fier  comme  toi  dans  le  bruit  de  l'orage;  mer  lourde  et  sombre. 
A  travers  le  tumulte  des  vents,  la  bataille  et  la  victoire,  conduis-moi  à 
mon  tombeau!   » 

Mais  si  cette  forme  est  éminemment  vivante  et  animée;  si  elle  a 
l'avantage  d'entrer  sans  le  moindre  efiort  dans  l'esprit,  elle  présente, 
en  revanche,  lorsqu'il  ne  s'agit  plus  d'un  peuple  particulier,  mais 
d'une  race  tout  entière,  de  grandes  difficultés  au  poète.  On  com- 
prend combien  il  est  rare  de  rencontrer  un  fait  historique  qui  inté- 
resse également  cinq  ou  six  nations.  Il  faut  donc  chercher,  dans  l'his- 
toire de  l'une  d'elles,  un  fait  susceptible  d'être  accepté  par  toutes 
les  autres,  qui  représente  fidèlement  leurs  aspirations  communes, 
qui  permette  enfin  de  faire  jaillir  des  entrailles  du  sujet  cette 
conclusion,  ce  cri  d'enthousiasme  que  la  présence  d'Arthur  provoque 
parmi  les  Bretons,   lorsque  le  désir  de  la  guerre    et  des  combats 


1   Amiral  danois  qui  remporta  plusieurs  victoires  navales. 

•-'  Chants  populaires  du  Nord,  p.  249,  traduits  par  X.  Marmier;  Pari?, 
1842,  in-12.  Je  ne  cite  que  ces  deux  chants,  l'un  populaire,  l'autre  d'ori- 
gine savante,  aûn  de  ne  pas  multiplier  mes  exemples,  et  je  négligf 
forcément  la  question,  étrangère  à  mon  sujet,  des  retouches  subies  par  les 
Barzaz  Breis 


BIBLIOGRAPHIE  119 

les  a  réunis.  L'époque  moderne,  avec  les  divisions  et  les  rancu- 
nes qu'elle  soulève,  ne  pouvant  guère  convenir,  le  poète  est  pres- 
que toujours  rejeté  vers  la  période  à  demi  barbare,  à  demi  héroï- 
que du  christianisme,  entre  les  agitations  qui  suivent  l'écroulement 
de  l'empire  romain  et  la  prise  de  Constantinople  par  Mahomet  II. 
Telle  est  la  pensée,  à  la  fois  savante  et  populaire,  spontanée  et 
réfléchie,  qui  semble  avoir  enlantée  les  Mouro  de  M.  Gaut,  mais 
que  les  auteurs  des  poésies  qui  nous  restent  à  examiner  n'ont 
guère  soupçonnée.  Le  côté  direct  de  leur  sujet,  le  côté  patriotique, 
si  l'on  pouvait  se  servir  de  cette  expression,  et  souvent  môme  le  côté 
purement  actuel,  les  eu  a  écartés.  L'Evangile  annonce  que  les 
apôtres  sont  le  sel  de  la  terre.  Développant  cette  parole,  M.  Piscueta 
dit  aux  nations  latines,  dans  une  ode  espagnole  qui,  lors  des  fêtes 
du  sixième  centenaire  de  Jacme  1er,  lui  mérita  le  prix  donné  à  cette 
occasion  parla,  ville  de  Montpellier  i . 

«  Vous  êtes  la  source  d'harmonie  qui  inonde  la  race  humaine.  Vous  êtes 
la  fleur  du  désert  qui  embellit  la  désolante  solitude;  l'oiseau  qui,  de  son 
chant  harmonieux  et  doux,  fait  connaître  à  la  nuit  que  le  jour  approche. 
Vous  êtes  le  prophète  saint  des  grandes  idées  qui  élèvent  au-dessus  de  la 
terre  l'esprit  de  l'homme  et  qui  l'inclinent  à  rechercher  le  ciel  2.» 

Et  toute  la  pièce,  du  reste  fort  remarquable,  de  M.  Piscueta,  est 
comme  le  cri  d'orgueil  de  la  race'romane  opposant  aux  autres  races 
ses  grands  hommes,  ses  lois,  ses  découvertes,  sa  mission  civilisa- 
trice, rappelant  que  l'un  de  ses  bis  pénétrait  le  secret  des  mouve- 

1  Les  fêtes  du  centenaire  de  Jacme  ont  été  le  motif  de  manifestations 
où  les  idées  latines  ont  joué  un  rôle  très-considérable.  La  principale  fut 
l'envoi  d'une  adresse  aux  chrétiens  d'Orient.  On  était  alors  au  plus  fort 
de  l'indignation  qu'avaient  soulevée  e  ï  Europe  les  massacres  de  la  Bul- 
garie et  de  la  Bosnie.  M.  de  Quintana,  qui  en  eut  la  généreuse  pensée,  lut 
aus^i  à  Valence  et  à  Barcelone  un  chant  entièrement  inspiré  de  l'idée 
latine.  Au  jugement  de  ceux  qui  l'ont  entendue,  cette  pièce  est  une  des 
œuvres  les  mieux  réussies  de  la  poésie  catalane  : 

'-'  Cua.1  es  del  universo 
El  espiritn  Bios,  de  donde  mana 
El  raudal  de  armonias  que  lo  inunda, 

Lo  sois  vosotras  de  la  raza  humana. 

Sois  la  flor  del  desierto  que  embellece 
La  abrumadora  soledad;  el  ave 
Por  cuyo  dulce  y  armonioso  canto 
Que  se  aproxinia  et  sol  la  noehe  sabe. 

Sois  el  profeta  santo 
De  las  grandes  ideas  que  del  suelo 
Elevan  el  espiritn  del  honibre 
Un  punto  mas  pava  acercarle  al  cielo . 


120  BIBLIOGRAPHIE 

ments  du  ciel,  tandis  qu'un  autre  «  retrouvait  un  monde  caché 
sous  les  ondes  »;  énumérant  avec  complaisance  les  termes  de  l'éter- 
nelle épopée,  «  dont  le  chant  prit  naissance  à  Carthage  et  retentit 
dans  la  Lybie;  que  l'Asie  écouta  prosternée  au  pied  des  autels, 
l'Amérique  dans  les  bois»;  qui  résonna  plus  tarda  Lépante  et,  trois 
siècles  après,  en  Egypte,  laquelle,  au  milieu  «  des  tombes  de  la 
mort»,  vit  enfin  luire  «  un  signe  de  gloire  et  de  liberté.  » 

Le  môme  sentiment  caractérise  encore  la  belle  pièce  de  M.  He- 
ventos  et  lui  inspire  ce  cri  magnifique,  renouvelé  du  livre  AeJosué,  du 
Carmen  sccculare  d'Horace  et  d'une  légende  moitié  celtique,  moitié 
chrétienne,  sur  la  mort  de  Saint  Patrice,  l'apôtre  de  l'Irlande  : 

Para  ta  via 
Oh  Sol,  y  engendra  un  dia 
Que  sia  etern  per  llumenar  ma  giôria  ! 

(Prépare  la  voie,  —  ô  soleil,  et  engendre  un  jour —  qui  soit  éter- 
nel pour  éclairer  magloire!  ) 

La  poésie  de  .M  .Marins  Bourrelly,  dédiée  à  l'Association  littéraire 
de  Girone  en  1875,  présente,  sous  des  idées  plus  foncièrement  féJi- 
briques,  une  conclusion  de  même  nature.  Les  souvenirs  histo- 
riques, les  traditions  du  passé,  manquent  à  ses  strophes,  inspirées 
surtout  de  l'ancienne  union  de  la  Provence  et  de  la  Catalogne. C'est 
parce  que  le  même  soleil,  qui  fait  éclore  la  fleur  symbolique  des 
pervenches. mûrit  auosi  le  raisin  sur  les  coteaux  d'Oporto  et  grandit 
les  arbres  à  fruits  d'or,  le  citron,  l'orange  et  la  grenade,  des  deux 
côtés  des  Alpes  et  des  Pyrénées  ;  c'est  parce  que  ces  deux  grandes 
barrières  ont  été  percées  par  la  main  de  l'homme,  et  que  la  même 
mer  ouvre  ses  bras  «  aux  trois  sœurs  romanes»;  c'est  presque  par 
des  raisons  économiques,  que  le  poète  chante  la  fédération  future 
de  l'Europe  méridionale,  et,  faisant  appel  au  mot  de  Charles  Quint, 
annonce  à  la  fin  de  ses  vers  le  futur  «  Empire  du  soleil  '  »  : 

Deis  Aup  ei  Pirenèu,  se  nouésteis  encountrado 
Per  aquôleis  emparro  èron  desseparado, 

Avèn  trauca  leis  Aup  emai  lei  Pirenèu 

Quand  auren  raproucha  Jei  1res  souerre  roumano, 
Coumo  lou  Gapoulié  nous  v'escriêu  de  Muiuiio, 
Auren  l'Empèri  dôu  souléu. 

1  Comme  celle  de  M.  Reventos,  la  conclusion  de  M.  Bourrelly,  l'invo- 
cation de  M. Gras  au  premier  chant  des  Carbounié,  la  Cansoun  dàu soulèu 
de  Mistral,  et  bien  d'autres  exemples  qu'il  serait  inutile  de  mentionner  ici, 
accusent,  dans  le  midi  de  la  France  et  en  Catalogne,  une  préférence  évi- 
dente à  l'égard  des  métaphores  et  des  formules  qu'un  mythologue  qua- 
ilierait  de  solaires.  Tout  cela  se  rattache  par  bien  des  cotés  aux  idées 
d'union  latine. 


BIBLIOGRAPHIE  121 

Qu'arrivera- t-il  de  .cette  idée,  dont  il  est  permis  de  douter,  mais 
dont  personne  ne  contestera  l'élévation  véritable?  Une  confédéra- 
tion embrassant  sous  le  même  Jien  fédératif  les  nations  et  les  colo- 
nies latines  de  l'Europe,  de  POcéanie  et  des  deux  Amériques,  doit- 
elle  entrer  dans  l'ordre  des  prévisions  historiquesde  notre  temps? 
Nous  n'avons  pas  à  l'examiner  dans  la  Revue  des  langues  romanes. 
En  toute  autre  occurrence,  la  conclusion  d'un  esprit  très-perspicace 
et  très-distingué  nous  inclinerait  à  répondre  par  l'affirmative  :  «  Les 
faits  de  ce  genre,  disait  M.  Gaston  Paris,  à  propos  du  prix  que  ve- 
nait de  fonder  en  1875  M.  de  Quintana,  ont  plus  d'importance  qu'on 
n'est  communément  porté  à  le  croire.  Les  politiques  au  jour  le  jour 
peuvent  en  sourire,  les  hommes  qui  mènent  le  monde  ne  les  dédai- 
gnent pas.  Combien  on  en  trouverait  de  semblables,  ignorés,  mé- 
connus ou  compris  par  quelques-uns  seulement,  à  l'origine  des 
plus  grands  événements  de  l'histoire  contemporaine1!  » 

Alph.  Roque-Ferrier. 


Seriaoun  prouvençau  prounounça  dins  la  glèiso  catedralo  de  Four- 
cauquié,  lou  12  setémbre  1875.  pèr  M.  l'abat  Pau  Terris.  Fourcau- 
quié,   Masson,  1876;  in-8\  26  pages-. 

Le  mouvement  provençal  ne  se  borne  pas  à  des  études  théoriques 
ou  archéologiques  sur  la  langue  populaire:  il  veut  ressusciter  l'usage 
des  idiomes  qui  se  perdent,  même  chez  les  habitants  des  campa- 
gnes, et  il  aspire  à  réussir  par  des  efforts  émanés  plutôt  de  ce 
qu'on  a  appelé  les  classes  dirigeantes  que  des  classes  dirigées." 
On  ne  pourrait,  sans  témérité,  affirmer  d'avance  que  ces  efforts 
resteront  stériles.  Après  une  renaissance  poétique  qui  marquera, 
dans  l'histoire  littéraire  du  XIXe  siècle,  voici  venir  de  sérieux  essais 
en  prose.  La  Société  des  Langues  romanes,  qui.  en  1875,  a  été  la  pre- 
mière à  donner  des  prix  à  des  travaux  semblables,  ne  peut  qu'en- 
courager ces  tendances. 

En  même  temps,  et  plus  peut-être  que  l'almanach  et  le  journal, 
l'éloquence  de  la  chaire  est  un  des  plus  puissants  moyens  de  diffu- 
sion du  langage  qui  existent  Mais  combien  trouve-t-on  encore  de 
ministres  de  la  religion  qui  parlent  au  peuple  en  son  idiome?  Les 
habitants  de  certains  villages  regarderaient  souvent  de  mauvais  œil 


1  Journal  des  Débats,  n°  du  13  avril  1875. 

-  Ce  sermon  a  été  réimprimé  dans  lou  libre  de  Nouesto-Damo  de  Prou- 
vènço;  Fourcauquié,  Masson,  1876,  in-8°. 

9 


122  BIBLIOGRAPHIE 

le  desservant  qui  leur  prêcherait  en  «  patois  »,  et  se  refuseraient 
peut-être  à  laisser  établir  une  habitude  à  laquelle  ils  attribuent, 
bien  àtort,  un  caractère  d'infériorité  sociale. 

Le  Sermoun  prouvençau  prononcé  à  Forcalquier,  le  12  septembre 
1875,  par  M.  l'abbé  Paul  Terris,  lors  des  fêtes  religieuses  et  litté- 
raires qui  accompagnèrent  l'inauguration  de  la  chapelle  de  Notre- 
Dame-de-Provence,  réalise  une  tentative  heureuse  en  sens  con- 
traire. 

Le  nombre  des  sermons  sur  la  Vierge  étant  intini,  il  semblait 
diflicile  d'en  composer  un  sur  un  plan  nouveau.  Aussi  doit-on  fé- 
liciter M.  l'abbé  Terris  d'avoir  choisi  une  division  si  naturelle  que 
tous  ses  lecteurs  peuvent  croire  qu'ils  l'auraient  eux-mêmes  trouvée, 
alors  qu'il  en  est  personnellement  l'auteur.  C'est  là  de  l'art  véri- 
table. 

Dans  son  premier  point,  pour  nous  servir  du  terme  en  usage, 
M.  l'abbé  Terris  examine  ce  que  la  Vierge  a  fait  pour  la  Provence. 
Ce  thème  place  sur  ses  lèvres  l'arrivée  des  Saintes  Maries  et  des 
premiers  disciples  du  Christ  sur  les  rives  méridionales  de  la  Gaule. 
L'invasion  des  Barbares  du  Nord  lui  fournit  l'occasion  de  rappeler 
que,  grâce  aux  travaux  et  aux  prédications  des  évèques  et  des  doc- 
teurs provençaux,  de  Césaire  notamment,  de  Vincent  et  de  Salvien, 
tous  trois  enfants  du  monastère  de  Lerins,  l'arianisme.  ce  creslia- 
nisme  demeni  de  mita,  comme  il  l'appelle,  ne  put  s'implanter  en 
Provence.  Enfin,  par  un  vrai  tour  de  force  dans  un  discours  pro- 
noncé devant  les  felibres  successeurs  des  troubadours,  ne  reculant 
pas  devant  une  situation  des  plus  délicates,  il  n'a  pas  craint  de 
remonter  à  la  guerre  des  Albigeois  et  de  faire  l'éloge  du  vainqueur 
de  la  bataille  de  Muret,  livrée,  singulière  coïncidence,  le  12  sep- 
tembre 1213,  six  cent  soixante-deux  ans,  jour  pour  jour,  avant  le 
Sermoun  prouvençau  de  Forcalquier. 

«  Sian  vuèi  au  douge  de  setèmbre  :  dato  memourablo  !  L'a  vuèi,  siei- 
cent-seissanto-dous  an,  sus  lei  ribo  de  la  Gaiouno,  douas  armado  èron 
en  presèneo.  D'un  coustat,  lou  rèi  d'Aragoun  Pèire,  Pèire  lou  grand,  se 
voulus,  ilustreome  de  guerro,  qu'en  escrachant  lei  Mouro  venié  de  se 
curbi  de  glôri,  urous  s'aguesse  toujour  mes  sa  valènto  espaso  au  servici 
de  la  justici  e  de  la  venta;  de  l'autre  un  ome  qu'avié  atamben  un  couer 
de  lioun  e  un  bras  de  ferri,  e  de  mai  la  fe  d'un  grand  crestian.  Pèire 
d'Aragoun,  à  soun  coustat,  vesié  balaia  belèu  proche  cent  milo  ome1, 

Simoun  de  Mount-fort  n'uvié  qu'uno  pougnado.  vue  cent E,  ço  que 

bessai  s'èro  plus  vistdempuei  lou  tèms  dei  Maccabéu,  lei  vue  cent  aguèron 

4  Ce  nombre  pourrait,  croyons- nous,  soulever  de  sérieuses  objec- 
tions 


BIBLIOGRAPHIE  123 

resoun  dei  cent  milo.  e  lou  Miejour  de   la  Franco  siguè  deliéura  de  la 
dôutrino  dei  nouvèu  seitatour  de  Manès.» 

»  E  vous  cresigues  pas,  M.  F.,  qu'aquello  grando  querello  que  faguè, 
ailas!  escampa  tant  de  sang  e  amoulounè  tant  de  rouino,  fuguesse  soula- 
meni  uno  chicano  d'escoulan,  La  dôutrino  dei  nouvèu  Maniqueian,  dôu- 
trino, tant  sutilo  qu'un  moumtn,  à  siècle  passa,  avié  sedu  lou  grand  Sant 
Agustin  éu-meme,  anavo  pas  soulamen  à  rencontre  de  quâuquei  rode 
dôu  catechime,  coume  d'uni,  se  l'eimaginon,  mai  enjusqu'ei  foundamento 
treboulavo  la  famiho  e  la  souc»?ta  civilo  en  coundanant  lou  sant  mariàgi, 
en  desplaçant  la  respounsahilita  mouralo  de  l'ome,  e  en  fasent  d'un 
Dieu  même  l'autour  dôu  pecat. 

»  0  feiibre  de  Prouvenço,  meis  ami  e  mei  fraire,  vous  qu'avès  atuva 
lou  fue  de  voueste  engèni  à  l'amour  dôu  s6u  patriau  e  de  la  religien  de 
vouéstei  reire,  n'i'a  que  vou?  dison  qu'es  lou  Papo,  qu'es  la  Glèiso  au 
siècle  tregen  qu'amoussèron  d.nsderiéu  de  sang  nouesto  literaturo  na- 
ciounalo.  La  literaturo,  mai  quand  respond  à  sa  missien,  quand  enauro 
l'amo  de  vers  l'amour  de  l'et3rno  bèuta,  que  l'amo  mai  que  la  Glèiso, 
elo  que  dôu  tems  de  la  grand  negadisso  deis  envasien  barbaro,  la  gardé  à 
l'oumbrino  de  sei  mounestié,  la  rescaufè  dintre  sei  bras  e  la  sauvé  per  de 
tems  puserous,  elo  qu'à  l'ouro  d'aro,  es  la  proumiero  per  la  bouco  auto- 
risado  de  seis  ilustre  Evesq  îe,  à  benesi  vouéstei  courouno  e  à  saluda 
l'aubo  de  vouesto  resurreicieu?  Noun  n'es  pas  la  Glèiso  qu'a  amoussa 
nouesto  literaturo.  Ailas!  au  siècle  tregen  s'amoussavo  proun  touto  sou- 
lelo;  avié  adejà  que  trop  perdu  la  boueno  draio  per  se  n'en  teni  qu'au 
culte  de  la  car;  n'avié  quasi  plus  qu'à  bada-mouri  d'inanicien  e  fauto 
d' idèio,  car  leis  idèio,  ve,  leis  idèio,  aco's  l'ôli  qu'afourtis  e  manten  uno 
iengo.  Uno  lengo  que  sert  à  vesti  de  fiereis  idèio,  s'esvalis  pas  coume 
uno  fremeto  souto  lou  sabre  d'un  soudard.» 

La  victoire  de  Muret  et  le  succès  définitif  de  la  cause  française 
portèrent,  cependant,  un  grand  coup  à  la  littérature  des  trouba- 
dours. La  langue  d'oc  et  la  langue  d'oil  avaient  jusque-là  divisé  la 
France  en  deux  régions  à  peu  près  égales.  A  partir  de  cette  date, 
la  seconde  supplanta  peu  à  peu  la  première,  en  y  introduisant  des 
altérations  nombreuses.  Quant  aux  conséquences  politiques  de  la 
guerre  des  Albigeois,  on  est  forcé  de  reconnaître  qu'elles  furent, 
après  tout ,  salutaires  pour  la  France ,  puisqu'elles  maintinrent 
l'unité  nationale,  menacée,  dès  son  berceau,  par  la  formation  pos- 
sible d'un  grand  duché  d'Aquitaine  ou  même  d'un  nouveau  royaume 
de  Théodoric.  Innocent  III  et  saint  Dominique,  qui  avaient  pour 
objectif  une  autre  unité,  n'avaient  probablement  pas  prévu  le  ré- 
sultat final  dont  la  France  profita. 

Après  avoir  consacré  son  premier  point  à  indiquer  ce  que  la 
Vierge  a  fait  pour  ïa  Provence,  M.  Terris  emploie  le  second  à 
exposer   ce  que  la  Provence  lui  a  rendu,  et,  à  ce  propos,  il  énu- 


124  BIBLIOGRAPHIE 

mère  la  longue,  liste  des  saints  et  des  hommes  illustres  que  cette 
province  a  donnés  à  la  Franco.  Il  voit  enûn  dans  le  nouveau 
sanctuaire  l'acte  authentique,  la  monument  sacré  qui  conserve- 
ront dans  la  postérité  le  souvenir  de  ces  précieux  échanges.  Le 
développement  de  cette  idée  forme  le  troisième  et  dernier  point 
de  son  sermon. 

La  citation  reproduite  est  suffisante  pour  donner  une  idée  du 
dialecte  dans  lequel  M.  Terris  a  écrit.  Ce  n'est  pas  le  doux  lan- 
gage  des  bords  du  Rhône,  que  Mistral  a  immortalisé;  c'est  le  dia- 
lecte de  la  région  montagneuse  de  la  Provence,  celui  qui  se  parle 
cuire  Marseille,  Aix.  Salon,  Apt,  Digne,  Nice'  et  Toulon  *.  Il  nous 
paraît  i\\]  peu  dur  au  premier  abord.  Les  formes  oue  au  lieu  de  o 
couer  pour  cor),  ien  au  lieu  de  ioun  (inanicien  pour  inanicioun), 
semblent  sortir  avec  peine  des  lèvres.  Mais  c'est  affaire  d'habi- 
tude. Il  n'est  pas  de  langue  qui  ne  Unisse  par  être  agréable  quand 
elle  est  bien  maniée  et  qu'elle  est  mise  au  service  d'une  idée  aussi 
élevée  que  l'union,  dans  une  môme  solennité,  de  l'amour  de  la  reli- 
gion et  de  celui  de  la  patrie. 

A.  Espagne. 


La  Poésie  provençale  hors  de  la  Provence.  -  A  Mounsegne  Dubreil, 
archevesque  d'Avignoun,  eme  un  tablèu  pinta  de  la  Vierge  dicho 
«  Jardiniero  »  (  d'après  Rafaëu  ).  en  souveni  don  bautisme  benastra 
de  moun  enfantoun  Napoleon-Estelio;  [pèr  G--C.  Bonaparte- Wyse]. 
Plymouth,  printed  by  I.  W.  N.  Keys  and  Son  [1876].  ln-4o,  6  pages. 

L'idiome  que  consacrèrent  les  troubadours  eut,  au  XIe  et  au  XIIe 
siècles,  la  singulière  fortune  de  devenir  la  langue  littéraire  du 
Midi.  Adopté  dans  toutes  les  cours  de  la  féodalité  languedocienne 
ci  provençale,  à  Toulouse,  à  Montpellier,  à  Garcassonne,  à  Aix, 
bienvenu  des  princes  aussi  bien  que  du  peuple,  son  extension  ne 
fui  pas  limitée  aux  provinces  méridionales  de  la  France;  la  haute 
Italie,  l'Aragon,  la  Catalogne,  eurent  leurs  troubadours,  et,  près 
de  Giraud  Riquier,  de  Peyrol  d'Auvergne,  de  Rambaut  de  Va- 
il  ;eiras,  les  biographes  placent  Boniface  Calvo,  de  Gènes;  Serveri, 
de  Girone,  et  Ferrari,  deFerrare;  Sorde.l  fut  originaire  du  Man- 
toiiin  et  Barthélémy  Ziorgi,  de  Venise  ;  Alighieri  lui-même,  au 
vingt-sixième  chant  du  Purgatoire,  place  dans  la  bouche  d'Arnaut 


1  Circonscription   linguistique    donnée   par  l'Armana  prouvençau  de 
1856. 


BIBLIOGRAPHIE  125 

Daniel  huit  vers  écrits  dans  la  langue  naturelle  du  troubadour 
limousin.  Le  «  cantar  provensalés  »,  que  l'empereur  Frédéric  Ier 
mettait  au-dessus  de  tout  autre,  était  bien  alors  la  poésie  préférée 
des  cours  de  l'Europe,  et  nulle  faveur  n'était  égale  à  la  sienne. 

Un  des  principaux  caractères  de  la  littérature  des  félibres  sera 
celui  d'avoir  fait  revivre  quelque  chose  de  cette  universalité  de  la 
littérature  des  troubadours.  Le  haut  et  le  bas  Languedoc,  les 
Gévennes,  la  "Catalogne  et  enfin  l'Irlande,  ont,  en  effet,  comme 
autrefois  l'Aragon  et  l'Italie  pour  le  limousin,  donné  des  poètes 
à  l'idiome  d'Avignon.  Nous  avons  vu  M.Gabriel  Azaïs  composer, 
à  Béziers,  des  œvres  provençales  qui  ne  le  cèdent  ni  en  mérite, 
ni  en  correction  linguistique,  à  la  partie  languedocienne  de  ses  Ves- 
prados  de  Clairac  *.  On  doit  à  M.  Charvet,  d'Alais,  A-n-uno  estello*, 
Sursum  corda3,  lou  Pont  dôu  Gard*,  etc.:  à  M.  Clair  Gleizes,  d'Azil- 
lanet,  li  Mulatié  de  la  mountagno  Negro^,  Menerbo6  et  YOuliéu, 
donné  en  1874  au  Musée  d  Arles7;  M.  Paul  Barbe  écrivait  lou  Conse 
de  la  mar*,  et,  à  leur  exemple,  MM.  Justin  Herrisson  9,  de  Bé- 
ziers; Antonin  Glaize,  de  Montpellier10,  Paul  Gaussen,  d'Alais  u, 
publiaient  à  la  fois  et  des  vers  languedociens  et  des  vers  proven- 
çaux ;  le  poète  catalan  Victor  Balaguer,  amené  en  Provence,  il 
y  a  dix  ans,  par  le  contre-coup  des  agitations  de  son  pays,  es- 
sayait de  faire  prévaloir  parmi  nous  les  assonances  catalanes  :  la 
mort  de  Beziès,  la  Bataio  de  Muret,  Au  bord  dôu  Rose,  furent  les 
fruits  de  cette  tentative,  malheureusement  restée  jusqu'ici  à  l'état 
d'exception  unique  12.  On  entendait  M.  de  Quintana  adresser,  en 
1868,  aux  félibres  réunis  à  Saint-Rémy ,  le  sonnet  suivant,  qui  a 
tout  l'élan  de  pensée  du  Dies  irœ  de  Montgri  et  de  la  Cansô  del 
comte  d'Urgetl  : 

I  Elles  ont  été  publiées  à  la  fin  des  Vesprados  de  Clairac.  Avignon, 
Roumanille,  1874.  in— 16. 

-,  3,  i  Voyez  les  Armana  prouvençau  de  1865.  1868  et  1869. 

s  Armana  prouvençau,  1870,  pag.  95. 

«  Ibid.  ,1871,  pag.  61.  —  7  Le  Musée,  1873-1874,  pag.  275. 

*lbid.,  1876,  pag.  43. 

9  Ounte  vas,  fiheto,  dans  Y  Armana  prouvençau  de  1864,  pag.  43. 

111  Moun  jardin,  dans  YArm.de  1875;  Margarido,  dans  celui  de  1876. 
Celui  de  1877  contient  encore  de  lui  une  pièce  charmante,  adressée  à 
M.  Achille  Mir. 

II  Les  poésies  provençales  de  M.  Gaussen  se  trouvent,  dans  le  Domi- 
nique, de  Nimes  ;  celles  en  languedocien,  dans  l'Armagna  cevenàu. 

12  En  même  temps  que  la  Morto  vivento,  ces  trois  pièces  ont  été  pu- 
bliées par  Y  Armana  prouvençau  de  1868.  La  collection  dos  poésies  com- 
plètes de  l'auteur  en  renferme  un  plus  grand  nombre. 


126  .        BIBLIOGRAPHIE 

Prouvènço  !  retournai!  i  terre  peirenalo 
E  l'adieu  de  ti  violo  espiro  dins  mi  bras... 

À  reveire! Espandisse,  aro;  ti  flour  coumtalo 

I  poutoun  dôu  soulèu,  au  bonur  de  la  pas. 

Fau  segre  lou  destin,  o  nacioun  prouvençalo 
Vers  lou  libre  aveni  lando  que  landaras! 
De  toun  engèni  pur  t'enaurant  sus  lis  alo, 
Tu  lou  cor,  la  vertu,  l'amo  retrouvaras. 

Alor,  dins  lou  cèu  blu,  lou  mounde  pourra  vèire, 
Reprenènt  sa  voulado  e  sa  glôri  e  si  crèire, 
Prouvènço  e  Gatalougno  unido  per  l'amour. 

Amo  de  moun  pais,  amo  de  nôsti  reire, 
Qu'as  aussa  dins  li  siècle  uno  talo  grandour. 
Dardaio  dins  lou  pople,  i  cant  dôu  troubadour. 

C'est, enfin,  àun  fils  de  l'Irlande,  passionnément  épris  de  l'idiome 
d'Avignon,  que  l'on  doit  les  Parpaioun  blu,  lou  Canlico  de  santo 
Estello,  la  Cabeladuro  d'or,  œuvres  dont  le  mérite  littéraire  est  dou- 
blé par  une  science  consommée  du  rhythme  poétique  et  une  con- 
naissance delà  langue  d'Oc  bien  rare  hors  du  pays  où  elle  est  parlée. 
Ces  qualités,  nous  les  retrouvons  au  même  degré  dans  quelques 
strophes  composées  par  le  noble  félibre  à  l'occasion  du  baptême 
de  son  fils,  et  envoyées  à  Mgr.  Dubreuil,  arebevèque  d'Avignon. 
Elles  accompagnaient  une  reproduction  de  !a  Belle  Jardinière  de 
Raphaël. 

O  m  este  'n  Gai-Sabê,  Mounsegne  d'Avignoun, 
Me  dindon  dins  l'auriho  à  travès  mar  e  mount, 
Coume  subre  n  clar  lise  uno  lindo  armounio. 

De  moun  car  Avignoun 

Lis  antique  trignoun  : 
E  bêle  jour  e  niue,  di  plan  de  ma  patrlo, 
Sus  ta  glèiso  di  Dom,  l'aut  image  qu'esbriho, 

De  la  Vierge  Mario  '..... 

Te  mande  sens  façoun  este  tablèu  pin  ta,   - 
Pounlife  amistadous,  o  Pouèto  mitra  !  — 
De  Ja  Grando  Patrouno,  en  bono  souvenènço 
De  l'enfantoun^t  na 
(  Qu'as  tant  bon  bautisa  ) 
Au  dous  mes  de  Mario,  entre  Rose  e  Durènço  ! 

On  sent  à  l'harmonie  des  vers,  à  la  coupe  de  la  stropbe  et  à  la 

1  Armana  prouvençau,  1869,  p.  91. 

1  Mgr  Dubreuil  est  maître  es  jeux  floraux. 


BIBLIOGRAPHIE  127 

disposition  de  ses  rimes,  que  l'esprit  de  l'auteur  s'est  reporté  sou- 
vent vers  ces  règles  du  gai  savoir  que  les  grammaires  romanes 
appelaient  jadis  les  Lois  d amour.  Mais  le  noble  félibre  ne  s'est  pas 
borné  à  en  étudier  les  savantes  et  parfois  bizarres  prescriptions;  il 
les  a  revivifiées  par  d'heureux  emprunts,  des  combinaisons  nou- 
velles et  cependant  déjà  consacrées.  Aussi  est-il  juste  de  dire  que 
personne  n'a  plus  contribué  que  lui  à  étendre  et  à  justifier  le  paral- 
lélisme poétique  qui  existe  entre  la  littérature  des  félibres  et  celle 
des  anciens  troubadours. 

Alph.  ROQUE-FETtlUER. 

Quatre  Almanachs  en  langue  d'oc  en  1877.  —  Armana  proovènçau  pèr 
lou  bel  an  de  Dieu  1877,  adouba  e  publica  de  la  man  di  felibre;  en  Avi- 
gnoun,  Roumanille,  in- 12.  112  pages1, —  Galendari  catala  del  any  1877, 
col-leccional  per  F.  Pelay  Briz;  Barcelona,  estampa  delà  Renaixensa, 
in-12,  148  pages.  —  Armana  de  Lengadô  (ancian  Armagna  cevenôu)  pèr 
lou  bel  an  de  Dieu  1877;  en  Aies,  Brugueirolle,  in-12,  96  pages.  —  La 
Lauseto,  Armanac  dal  patrioto  lengodoucian,  mitât  francés,  mitât 
lengo  d'oc,  pèr  l'an  1877;  Toulouso,  Charles  Brun,  in-12,  200  pages. 

h'Armana  prouvençau  compte  aujourd'hui  vingt-trois  années 
d'existence.  Grâce  à  M.  Roumanille,  il  a  depuis  longtemps  con- 
quis en  Provence,  et  surtout  dans  le  Comtat,  quelque  chose  de  ce 
beau  rôle  de  livre  du  foyer,  gardé  jadis  avec  un  soin  si  pieux,  que  le 
père  lisait  à  ses  enfants  pendant  les  journées'  d'hiver  et  de  neige, 

1  M.  Roumanille  a  fait  de  Y  Armana  prouvençau,  vers  le  milieu  du  mois 
de  décembre  1876,  un  deuxième  tirage  qui  difïère  sensiblement  du  pre- 
mier. Voici  le  texte  des  pièces  ajoutées  : 
P.  39.  lou  Porto-visto  (  lou  Cascarelet  ). 

—  40.   De  profundis,  poésie  provençale  (Paul  Gaussen). 

—  45.   Cantico  de  santo  Estello  (  Bonaparte- Wyse),  réimpression  du 

cantique  imprimé  avec  la  musique.  Avignon,  Prévôt  [18761, 
in-4°,  4  pages. 

—  47.  Brinde    à  la  Jouvenço  nîmausenco ,    poésie    languedocienne 

(A.  Arnavielle). 

—  60.  h'Armana  prouvençau,  sonnet  en  provençal  d'Aix  (Fr.  Vidal). 

—  70.   La  Cansoun  dôa  mes  de  mai,  gracieux  dire  rhythmé  qui  existe 

à  Montpellier  sous  la  forme  suivante  : 
Au  bos  de  l'Alzouna,  i'a  un  plan  ;  —  sus  aquel  pian  i'a  très  au- 
bres  ;—  sus  lou  pus  naut,  i'a  'na  branca  ;—  sus  la  branca,  i'a 
cent  fiolhas;  entre  las  fiolhas,  très  flous  ;— entre  las  flous^  un 
nis;  —  dins  lou  nis,  i'a  'n  iôu;  —  dins  l'iôu,  un  aucelou. 
Quand  la  tremountana  bufa,  l'aucelou  canta  edis: 
Soui  dins  l'iôu,—  l'iôu,  dins  lou  nis,  —  lou  nis,  dins  las  flous,— 


1?«  BIBLIOGRAPHIE 

et  dans  les  pages  duquel  il  puisait  cette  sorte  d'histoire  à  demi  tra- 
ditionnelle, à  demi  légendaire,  que  Mistral  a  résumée  de  main  de 
maître  au  début  du  quatrième  chant  de  Calendau.  La  publication 
de  M.  Houmanille  a  donc  un  droit  chronologique  qui  lui  permet  de 
figurer  en  tète  de  cette  étude  ;  indépendamment  de  ses  titres  litté- 
raires, elle  a  aussi  sur  les  autres  almanaclis  en  langue  d'or,  l'avan- 
tage de  renfermer  un-contingent  plus  considérable  de  contes,  de 
proverbes  et  d'indications  de  poésie  populaire  d'un  intérêt  in- 
contesté. 

Trois  notes  sont  à  signaler  dans  la  partie  philologique  de  VAr- 
mann  prouvençau  :  li  Noum  di  nivo,  Dounacioun  de  cors  et  li  Mot  en 
aire  e  en  adou. 

En  langue  d'oc  —  et  c'est  là  ce  qui  constitue  sa  principale  ri- 
chesse vis-à-vis  du  français  littéraire  —  presque  tous  les  accidents 
du  sol,  tous  les  phénomènes  extérieurs,  ont  un  nom  particulier, 
emprunté  la  plupart  du  temps  à  la  forme  et  à  la  disposition  des 
objets  qu'il  a  pour  mission  de  représenter.  Lorsque,  par  exemple, 
les  nuages  ferment  tout  à  fait  l'horizon,  on  les  désigne  sous  le  nom 
de  barris  (remparts  ),  et  ceux  plus  petits  qui  Pottent  au-dessus, 
sous  celui  de  tourrello  .tourelles)  :  lorsqu'ils  se  présentent  avec  un 
certain  nombre  de  tourelles  et  de  remparts  réguliers,  on  les  ap- 
pelle castèus  ou  châteaux  ;  si,  enfin,  l'arc-en-ciel  vient  à  apparaître 


las  tlous,  ilins  las  fiolhas  ,  —  las  fiolhas,  sus  la  branca,  -  la 
branca,  sus  l'aubre,  —  l'aubre,  sus  iou  plan,  —  lou  plan  dau 
bos  de  l'Alzouna  * . 

—  71.  La  Mort  de  Saboly,  sonnet  provençal  (M.  Frizet) . 

—  72.  Aiyo  e  soulèu,  poésie  niçarde   César  Sarato). 

—  77.   Lou  Comte  Ugoulin,  fragment  de  la  Divine  Comédie,  traduit  en 

vers  par  V.  Lieulaud. 

La  deuxième  édition  ayant  le  même  nombre  de  pages  que  la  première, 
ces  additions  y  ont  été  intercalées  au  moyen  de  divers  retranchements 
parmi  lesquels  :  p.  33,  li  Paraulo  de  .1  Houmanille  i  fèsto  de  J.  Reboul; 
48,  lou  Pichot  parpaioun,  poésie  provençale  de  feu  Ch.  Dupuy,  de  Car- 
p  entras;  47,  Dounacioun  de  cors  ;  67,  Dos  Carto  de  visito  (l'abbé  Cour- 
tois et  Fréd.  Mistral  )  ;  68,  lou  Renaire,  de  Gastil-  Blaze,  poésie  empruntée 
;ni  recueil  des  œuvres  provençales  de  Castil-Blaze,  Dumas,  J.  Reboul, 
Glaup  et  Poussel  :  Un'liame  de  rasin.  Avignoun  ,  Houmanille,  1865, 
in-12  ;  72,  Moun  rampau  (Louic  Bard)  ;  77,  li  Mot  en  mue  e  en  adou,  etc. 


I   M,  Ifnntel  en  publia  pour  l;i  première  fois  une  version  presque  semblable,  Revue  des 
langues  romanes,  l"  sorie,  t.  n.  p.  :,09. 


BIBLIOGRAPHIE  129 

au-dessus,  il  forme  lou  pont  de  Saht-Bernàt,  l'are  de  Sanl  Martin,  ou 
l'arc  de  Sedo,  en  Provence;  Vecla.  Varcolan,  ou  tout  simplement  Var- 
quel*,  en  Languedoc  et  en  Rouergue1. 

La  deuxième  note  renferme  la  formule  des  paroles  de  mariage 
de  Raymond  de  Glandèves  avec  Baptistine  de  Forbin,  en  1468,  et 
celles  de  Sanche  de  Mayorque  avec  la  princesse  Marie,  fille  de 
Charles  II.  Ces  formules  n'étaient  pas  particulières  à  la  Provence, 
et  les  rituels  des  anciens  diocèses  du  midi  de  la  France  en  con- 
tiennent de  semblables  qu'il  serait  utile  de  réunir  et  d'étudier2. 

Li  mot  en  aire  e  en  adou  rappellent  une  règle  encore  usitée  dans 
a  langue  des  proverbes  et  des  dictons  populaires,  mais  que  les  né- 
cessités et  les  caprices  de  la  rime  font  trop  souvent  oublier  aux 
poètes  modernes.  Elle  repose  sur  cette  distinction  que  les  termes 
en  aire  expriment  l'action  simple,  et  ceux  en  adou  l'action  ordinaire 
et  accoutumée  ;  le  joue/aire  est  celui  qui  joue,  et  le  jougadou  celui  qui 
joue  avec  passion  : 

A  la  porta  d'un  jougadou, 
Tantôs  joia,  tantes  doulou. 

Les  terminaisons  en  adou  marquent  également  la  faculté  de  pou- 
voir et  d'agir  eu  une  chose  déterminée,  comme  aussi  le  lieu  où  l'on 


1  M  Mistral  avait  déjà  donné,  dans  les  notes  du  premier  chant  de 
Calendau,  le  glossaire  de  la  '.terminologie  géographique  en  Provence,  et, 
dans  VArmana  de  1872,  celui  des  noms  vulgaires  des  étoiles.  L'utilité  de 
pareils  travaux  n'a  pas  besoin  d'être  démontrée,  les  vocables  spéciaux  man- 
quant presque  toujours  dans  les  dictionnaires  actuels  de  la  langue  d'oc.  Je 
demanderai  la  permission  de  rappeler  ici  que  des  vocabulaires  particuliers 
du  labourage,  du  jardinage  et  de  la  culture  de  la  vigne,  ont  été  inscrits 
par  la  Société  sur  le  programme  du -Concours  de  1878. 

-  Dans  le  tome  III,  p.  130,  de  son  Bulletin,  la  Société  archéologique  et 
historique  du  Périgord  vient  de  publier  celle  du  rituel  de  Périgueux  en 
1509. 

D'après  les  Cérémonies  et  coutumes  religieuses  de  tous  les  peuples  du 
monde,  de  Banier  et  Lemascrier,  1741,  in-fu,  II.  144,  le  Rituel  du  même 
diocèse,  en  1536,  contient  la  formule  des  paroles  que  le  prêtre  adresse 
aux  iiancés  après  que  les  fiançailleslsont  achevées  :  «  Or,  beysas-vous  en 
nom  de  maridage  que  sera,  si  a  Diou  platz,  et  que  longament,  quand  y 
serés.  y  puchias  demourar.  Amen  »;  et  il  donne  à  boire  aux  Iiancés  en 
faveur  du  futur  mariage. 

Toutefois  M.  Fourteau,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Périgueux,  à  qui 
j'avais  demandé  de  vouloir  bien  rechercher  ce  texte,  n'a  pu  le  découvrir 
dans  aucun  des  trois  rituels  qui  sont  à  la  Bibliothèque  de  cette  ville  (lettre 
du  10  mars  1877). 


130  BIBLIOGRAPHIE 

fait  cette  chose  ;  Yaucèu  vouladou  est  l'oiseau  qui  peut  prendre  son 
vol  ;  lou  fil  maridadou ,  le  jeune  homme  en  âge  d'être  marié  ;  le  lava- 
dou,  l'endroit  où  l'on  lave.  etc. 

Lou  Vin  doit  PurgatàH,VAse  engaja,  houffonnerie  à  l'adresse  des 
gens  des  Martigues  ;  li  Riche  e  li  Paure;  la  Vaco  dôu  rli  Reinié,  doivent 
être  signalés  parmi  les  anecdotes  populaires.  Jan-cerco-la-pàu  — 
avec  son  vieux  château  en  ruines,  sa  porte  de  fer,  ses  tourelles  han- 
tées par  les  chauves-souris,  sa  vaste  cour  remplie  de  statues  et  de 
vases  hrisés,  de  plantes  de  mauve  et  de  fenouil  ;  sa  cheminée  de 
laquelle  des  membres  humains  tombent  toutes  les  nuits  ;  avec  son 
vieux  baron  condamné  à  rester  enseveli  jusqu'à  ce  qu'un  homme 
sans  crainte  vienne  le  délivrer  de  l'enfer —  est  un  véritable  conte, 
très-connu  dans  le  Midi  et  narré  avec  beaucoup  de  verve  et  d'esprit 
par  M.  Anselme  Mathieu.  La  classification  des  proverbes  météo- 
rologiques devrait  servir  de  modèle  à  tous  les  collecteurs  de  dictons 
et  de  formules  populaires. 

Tel  est  V Armana  de  cette  année,  au  point  de  vue  de  la  science 
et  des  études  de  poésie  rustique.  Les  pièces  composées  par  MM.  F. 
Gras,  Roumanille,  A.  Mathieu,  Louis  Roumieux  et  Bonaparte- 
Wyse,  forment  sa  principale  parure  littéraire  ;  mais,  en  dehors  de 
ces  vers  signés  de  noms  consacrés  depuis  lontemps  par  le  succès, 
il  en  est  d'autres  fort  remarquables,  et  parmi  eux  un  tableau  de 
genre  du  plus  grand  mérite,  la  Parlido  ei  bocho  de  Charles  Poney. 
Rien  de  mieux  réussi  que  la  peinture  de  ce  jeu  tellement  cher  aux 
Provençaux,  qu'il  a  enfanté  parmi  eux  des  clubs  spéciaux,  aussi 
bien  et  quelquefois  «  mieux  administrés,  dit  le  poète,  que  le  gou- 
vernement »  : 

Lei  mascle  de  la  viilo,  aquélei  d'en  bastido, 
A  la  plueio,  au  mistrau,  au  frech,  à  la  calour, 
Soun  pertout  aligna  pèr  la  gaio  partido, 
E  mancarien  pulèu  un  rendès-vous  d'amour  ! 

Aqui  de  la  Prouvènço  estudiarés  lei  tipe  : 

Foueço  brun,  quàuquei  rous,  de  blanc  comme  un  lançôu, 

Cadun  es  abrama,  que  chique  vo  que  pipe, 

E,  pèr  resta  pus  libre,  an  mes  la  vésto  au  sou. 

N'a  de  piastra,  de  gus,  de  long  coumo  uno  orsiero, 
De  court  coumo  un  toupin,  de  maigre,  d'entripa 
Qu'en  si  clinant,  soun  ventre  escoubo  la  pôussiero 
E  que  suson  de  nflo.  —  Aquéli  tiron  pa. 

Darrié  la  bocho,  n'a  que  fan  de  sau  de  cabro, 
D'àutrei  i  èston  planta  rede  coumo  un  piquet. 


BIBLIOGRAPHIE  131 

N'a  que  l'uei  vous  fa  pôu,  tant  la  coulèro  l'abro  ! 
D'àutrei  que  toujours  rien  sènso  saupre  perqué 


Un  cerco  la  planuro,  un  autre  lei  restanco  ; 

Se  juego  mau,  qu  saup  tôutei  lei  tron  que  dis  ? 

Es  jamai  lou  tiraire,  es  loubouen  Dieu  que  manco  !. . . 

E  juro  à  fa  trembla  lei  sant  dôu  paradis. 

Parmi  les  autres  pièces,  on  peut  signaler  :  la  Pesco  miraclouso, 
conte  de  Louis  Roumieux,  à  placer  sur  la  même  ligne  que  sa  tra- 
duction de  Jarjaio  au  Paradis  ;  la  Remembranço  dôu  Pont  dôu 
Gard,  de  Tavan,  magnifique  opposition  de  l'œuvre  des  hommes, 
imposante  et  presque  éternelle  par  sa  masse,  mais  toujours  infé- 
rieure à  l'amour,  œuvre  de  Dieu  ;  deux  beaux  sonnets  de  M.  Monné  : 
lou  Ban  et  li  Fiança  de  Mazières  ;  la  Marrido  coumparesov.n  de 
M.  Gabriel  Azaïs,  et  enfin  le  sonnet  de  M.  Frizet  sur  la  statue 
de  Puget  cachée  dans  un  coin  du  jardin  Borély,  à  Marseille: 

Alor  faudra  toujour  que  l'afrount  dôu  vulgàri 
Assaje  d'escafa  la  glôri  di  gigant, 
Que  l'artiste  divin  laisse  la  plaço  au  càrri 
De  la  ruso  enrichido  e  dôu  vice  arrougant  ! 

O  Puget  !  es  pas  proun  que  lis  abouticàri 
E  li  marchand  darut  de  ta  Marsiho  antan 
T'agon  fa  la  bramai!  o,  e  coucha  foro  barri 
Per  i'avé  semoundu  toun  travai  de  Titan  ! 

Encaro  après  sa  mort  fau  que  Puget  s'escounde  ! 

T'avien  mes  au  mitan  de  ta  vilo  ;  mai  lèu, 

T'an  di  :  —  Deforo,  artisto  I  e  que  l'or  nous  inoundo  !  — 

Eh  bèn  !  assolo-te  :  n'as  plus  pèr  bas-relèu 
Di  fiho  e  di  fourban  lou  troupelas  inmounde, 
Mai  visages  la  mar,  lou  soulèu  e  lou  mounde  ! 

Deux  poésies  représentent,  dans  l' Armana,  avec  la  finale  fémi- 
nine de  Montpellier,  le  langage  de  cette  ville.  La  première  est  inti- 
tulée la  Lona;  la  deuxième  est  une  épitaphe  composée  par  M.  Adel- 
phe Espagne  ,  membre  résident  de  la  Société,  pour  la  tombe  d'un 
médecin,  le  docteur  Favre,  mort  en  1874,  à  l'âge  de  quatre-vingt- 
cinq  ans  : 

A  passât  escur  sus  aquesta  terra, 

Ounte  das  malauts  era  lou  soulàs. 

Se  lou  mounde  grand  lou  councuissien  pas, 

Dau  paure  toujour  soustetla  misera  ! 


132  PERIODIQUES 

Ara  es  près  de  Dieus,  e  moun  cor  espéra 
Qu'es  mai  festejat  amount  qu'inçabàs. 

Heureux  ceux    qui,  on  des    temps    troublés  comme    les  nôtres, 
appellent  et  méritent  de  telles  épitaphes1! 

(A  suivre.)  Alpu.  Roque- Fermer. 


PERIODIQUES 


Romania,  20.  —  P.  417.  C.  Nigra,  La  poesia  popolare  italiana. 
L'auteur  divise  la  poésie  populaire  en  trois  classes:  la  poésie  récitée 
(devinettes,  jeux  d'enfants,  etc.);  la  poésie  chantée,  et  celle  qui 
tient  le  milieu  entre  les  deux  autres  (berceuses).  Il  ne  s'occupe  que 
de  la  poésie  chantée  proprement  dite  et  la  subdivise  en  deux  sec- 
tions, comprenant  l'une,  les  chants  narratifs;  l'autre,  les  chants  ly- 
riques [slrambotti  et  stornelli).  Chemin  faisant,  il  redresse  Terreur 
de  ceux  qui  confondent,  à  l'exemple  des  frères  Grimm  et  de  quel- 
ques autres  savants  allemands,  les  rUornelli  et  les  stornelli.  Les 
principaux  résultats  de  cette  ingénieuse  et  intéressante  étude  sont 
que  la  poésie  narrative  est  propre  à  l'Italie  supérieure,  la  poésie 
lyrique  à  l'Italie  inférieure,  que.  en  Espagne  comme  en  Italie,  on 
doit  distinguer,  et,  dans  les  deux  pays,  d'après  les  mêmes  carac- 
tères, les  idiomes  celto-romans  des  idiomes  purement  italiens  et 
purement  castillans,  les  premiers  usant  plus  que  les  seconds,  et 
dans  une  proportion  infiniment  plus  considérable,  des  désinences 
tronquées  ou  oxytones  (ce  que  nous  appelons  désinences  masculi- 
nes ).  Cette  observation  très-importante  concorde  avec  celle  de 
notre  confrère  M.  de  Tourtoulon,  qui  divise  les  langues  romanes  ou 
néo-latines  en  trois  grands  groupes,  selon  qu'elles  emploient 
d'elles-mêmes,  et  non  par  voie  d'emprunt,  la  désinence  proparoxy- 
tone  (  sdrucciolo,  en  italien,  esdrujulo,  en  espagnol),  ainsi  (jue  la 
paroxytone  et  l'oxytone,  ou  ces  deux  dernières  seules,  ou  simple- 
ment la  désinence,  oxytone.  Au  premier  groupe  appartiennent  les 

1  On  me  pardonnera  de  passer  à  côté  de  la  pièce  Pèr  Noslo-Dnmn  de 
Mount-Serrat,  de  Mistral,  sans  la  mentionner.  J'espère  en  faire  bientôt 
l'objet  d'une  note  spéciale. 


PERIODIQUES  133 

dialectes  populaires  d'une  partie  de  l'Italie  centrale,  toute  l'Italie 
méridionale  et  la  Sicile,  et  les  pays  de  langue  castillane;  au  se- 
cond, intermédiaire  géographique  et  phonétique  des  deux  autres, 
mais  bien  plus  considérable  qu'eux  comme  étendue  et  comme 
chiffre  de  population,  appartiennent  la  France  méridionale,  le  Por- 
tugal avec  la  Galice,  Valence  avec  la  Catalogne,  la  Suisse  romande, 
toute  l'Italie  supérieure  et  la  lointaine  Roumanie,  que  je  n'hésite- 
rais pas  à  y  joindre,  malgré  ses  pseudo-proparoxytons.  Le  troisième 
comprend  les  pays  de  langue  d'oïl,  c'est-à-dire  la  France  centrale  et 
septentrionale,  et  la  Belgique  wallonne.  On  sait  en  effet  que,  dans 
ces  provinces,  pour  la  prononciation  vraie,  celle  du  peuple,  toute 
dernière  syllabe  accentuée  est  oxytone,  môme  quand  elle  s'appuie 
sur  ce  que  nous  appelons  e  muet;  cet  e  atone  final  étant  absolument 
muet,  et  ne  servant  qu'à  indiquer  que  la  consonne  précédente  doit 
s'articuler.  Les  tàits  constatés  par  M.  C.  N.  fournissent,  en  outre, 
de  nouveaux  moyens  de  contrôle  quand  il  s'agit  de  reconnaître  la 
provenance  de  tel  ou  tel  chant  populaire.  Ainsi  «quand  une  ro- 
mance espagnole,  ayant  le  caractère  populaire,  offre  des  désinences 
oxytones  alternant  avec  les  paroxytones,  on  peut  régulièrement 
conjecturer  qu'elle  a  une  origine  étrangère  et  qu'elle  est  venue 
en  Castille  par  l'intermédiaire  ou  des  provinces  voisines  à  dia- 
lectes non  castillans,  ou  de  la  Provence,  ou  du  Portugal».  Comme 
on  le  voit,  l'ethnographie,  autant  que  la  linguistique  et  la  littéra- 
ture, peut  faire  son  profit  des  observations  aussi  neuves  que  déli- 
cates et  bien  déduites  de  M.  C.  Nigra.  P.  445,  M.  C.  N.  ne  paraît 
pas  tenir  assez  de  compte  de  ce  fait,  que  le  mouvement  poétique 
inauguré  par  les  troubadours  a  pris  naissance,  non  pas  dans 
la  Provence  proprement  dite,  mais  dans  le  Limousin,  à  une  des 
extrémités,  et  non  au  centre  du  domaine  celto-roman.  [A.  B.  P 
45U-463.  A.  Morel-Fatio,  Fragment  d'un  conte  catalan,  traduit  du 
français.  Morel-Fatio  a  publié  d'après  le  manuscrit  espagnol  154 
(anc.  7696  ;  feuillets  62-68)  de  la  Bibliothèque  nationale,  écrit 
à  la  fin  du  X\'e  siècle,  un  fragment  assez  étendu  d'un  conte 
catalan  qui  est  littéralement  traduit  du  conte  français.  Du  roi  qui 
voloit  fere  ardoir  le  filz  de  son  seneschal,  publié  par  Méon  (Nou- 
veau Recueil,  t.  Il,  p.  331).  D'après  l'éditeur,  et  nous  sommes  de 
son  avis  sur  ce  point1,  ce  morceau  «  ne  parait  pas  antérieur  au 
«  XV*  siècle  (p.  463).»  Il  ajoute  que  «  le  travail  du  Catalan  ano- 


1  11  y  a  cependant  certains  mots,  tels  que  lig  (lignée),  ujat  et  autres, 
qu'on  ne  trouve  guère  que  dans  Dez  Clôt  et  d'autres  textes  antérieurs 
au  XVe  siècle. 


134  PERIODIQUES 

«  nyme  est  fort  médiocre.  Peu  versé  dans  la  "connaissance  du 
«  français,  il  n'a  fait  autre  chose  que  calquer  le  conte  dévot, 
»  sans  se  préoccuper  toujours  de  le  comprendre,  ni  de  soigner  le 
«  style  de  sa  traduction.  En  un  mot,  cette  version  est  infidèle  au 
«  poi.it  de  vue  du  français  ,  et  incorrecte  au  point  de  vue  du  catalan 
«  (p.  455).  »  Cette  dernière  appréciation  est  assez  contestable,  ou 
plutôt  nous  présumons  que  M.More]  attribue  uniquement  l'in- 
correction du  texte,  au  point  de  vue  ducatalan,  à  l'emploi  de  quel- 
ques mots  du  texte  français  introduits  dans  la  traduction  catalane. 
Nous  avons,  en  effet,  remarque;  les  suivants  : 

Ligne  3,  rêve  (revient,  retourne);  47.  atent  (atteint?)  et  114. 
étendre  (atteindre);  221.  merida  (méritée)  et  2G8.  merit  (mérité),  au 
lieu  du  catalan  merexida  et  merexit;  295.  ben  tost  (bientôt);  18(J. 
landa  (lande),  14.  li  sove  (lui  souvient).  Tout  le  reste  est  du  bon 
catalan. 

On  ne  peut,  d'ailleurs,  que  féliciter  M.  Morelde  ia  publication  de 
ce  fragment,  reproduit  avec  une  perfection  que  lui  envieraient  la 
plupart  des  éditeurs  de  textes  catalans;  car  nous  n'y  voyons  à 
signaler  que  les  erreurs  suivantes",  qui  peuvent  provenir  du  ma- 
nuscrit, ou  qu'il  faut  attribuer  à  la  typographie  : 

L.  66.  mohadit,  séparer  les  trois  mots;  —  113.  gram ,  lisez 
gran;  —  185.  nel ,  lisez  nol  ;  —  189.  vos  nirets  =  vo'n  irets;  198.  ne 
hac  =■  nohac  ;  217.  da  quella  =  daquella;  —  219.  lo  moch=  li  (?) 
moch  ;  —  '249.  la  niella  =  lamella  ;  —  "250.  quius  =  quins  ;  — 
270.  oeluntat  =  voluntat  1  ;  —  315.  la  esser  =  lo  esser  ;  — -  329. 
pas  ■=.pos ;  —  62.  unaglan  ■=  un  aglan. 

C'est  tout  ce  que  nous  pouvons  relever  dans  ces  345  lignes, 
d'un  texte  compacte,  et  c'est  bien  peu  de  chose  quand  on  songe 
aux  erreurs  qui-  fourmillent  dans  la  majeure  partie  des  textes  pu- 
bliés ailleurs. 

Il  n'y  a  aussi  qu'à  approuver  les  remarques  philologiques  jointes 
par  M.  Morel  à  sa  publication.  Il  yen  a  deux  cependant  que 
nous  croyons  devoir  y  ajouter  : 

1  '  La  mutation  de  la  liquide  l  en  /•  dans  para  205 ,  paradura  207, 
et  ailleurs.  Les  mutations   d7  en  r  et  d'r   en   /  sont    fréquentes 

1  L'expression  pensar  de  son  cavall  (1.  293),  «  avoir  soin  de  faire 
»  manger,  panser  »,  est  toujours  sans  de  dans  l'ancien  catalan,  saut  dans 
l'istoria  de  la  fxijla  del  rey  d'Ungria  (édit.  de  B.  Muntauer,  page  62)  : 
la  comle.-sa  (eu  pensar  de  la  donsela,  passage  qui  a  a  aucun  sens  dans 
les  ms .  publias  par  P.  Bofarull  (p.  02).  Littré  cite  des  exemples  avec  de 
dans  l'anc.  français.  —  On  peut  signaler  aussi  comme  une  irrégularité 
catalane  (1.  55)  atenyia  (avec  le  sens  de  tanyitv. 


PERIODIQUES  135 

dans  le  catalan  de  toutes  les  époques,  mais  nous  ne  pensons  pas 
qu'on  les  trouve  ailleurs  que  dans  ce  fragment  your  parar  «peler» 
etpai-adura  «pelure»,  au  lieu  de peïar  etpeladura. 

2.  On  lit  68.  vourem  (pour  veurem)  et  146.  vourets  (pour  veurets). 
L'existence  de  l'o,  dans  ce  même  mot  et  dans  heure  «  boire  »  pour 
heure,  a  été  dernièrement  signalée  dans  divers  textes  et  admise  par 
M.  Milày  Fontanals.  C'est  une  graveet  bien  respectable  autorité,  et 
on  pourrait  l'appuyer  par  d'autres  raisons  tirées  du  français  et  d'au- 
tres dialectes  romans;  mais  nous  ne  pensons  pas  qu'on  puisse  ac- 
cepter ces  mutations  d'e  en  o  dans  les  mots  catalans  veure  et  heure, 
et  nous  n'en  avons  jamais  pu  trouver  un  seul  exemple  dans  les  mu 
nuscrits.  Nous  avons  la  conviction  que  les  exemples  signalés  pro- 
viennent, soit  d'une  faute  des  copistes,  soit  de  la  lettre  é  mal  figurée, 
qui,  pour  peu  que  la  boucle  en  soit  trop  abaissée,  peut  être  facile- 
ment prise  pour  un  o,  et  réciproquement  1'  o  pour  un  e,  si  le  trait  de 
droite  n'est  pas  assez  abaissé.  C'est  ce  qui  est,  croyons-nous,  ar- 
rivé dans  le  texte  publié  par  M.  Morel.  qui  donne  337.  fou,  lors- 
que le  sens  indique  évidemment  feu. 

M.  Morel  a  fait  ou  proposé  sur  divers  passages  du  texte  des  cor- 
rections ou  interprétations  sur  lesquelles  nous  allons  présenter 
quelques  observations. 

«  3.  Axi  commal  e  ('pour  al?)  dret  rêve,  traduction  littérale  du 
»  vers  français  qui  ne  donne  pas  de  sens.  »  Morel. 

Avec  la  correction'proposée  par  M .  Morel ,  le  sens  paraît  être  (ainsi 
que  dans  le  vers  français  si  corn,  Umax  a  droit  rêve),  «  de  même  que 
le  mal  retourne  directement  à  son  auteur  ».  Mais  le  mot  rêve,  pris 
au  conte  français,  n'existe  pas  avec  ce  sens  en  catalan,  où  il  n'a  que 
le  sens  de  «se  ranimer  »  :  pull  revingut,  «un  parvenu.» 

«  6.  Nos  ne  affoyllam  nostre  lig .  «  Follar  ant.  =  frustrar.  »  La- 
bernia.  —  Morel, 

Affollar,  en  ancien  catalan,  signifie  «avorter,  dénaturer»:  a  fol, 
«en  vain,  nul,  vide.»  .La  reyna  era  prenyada,  e  havia  reguart  que  no  s 
tfollas  del  prenyal.  Des  Clôt,  cap.  135. 

«  8.  Ensegua.  Du  verbe  enseguir't  cela  convient  peu  au  sens.» 
Morel. 

Ensegua  appartient,  en  effet,  à  encegar  et  non  pas  kenseguir.  An- 
sech  «aveuglement  »  et  ensegaren  «  aveuglèrent  »  sont  employés  au 
XVe  siècle  par  Scriva  {Libre  de  Orats,  p.  20  et  34).  C'est  le  sens 
qui  convient  à  ce  passage. 

«  9.  Ans  nés  long aiment  sach  e  borssa.  Nés  a  été  pris  au  français  et 
rend  le  sens  inintelligible  pour  qui  n'a  pas  l'original.  »  Morel. 


136  PERIODIQUES 

La  traduction  n'est  pas  dans  tous  les  cas  littérale,  car  le  français 
porte  :  ainz  en  fet  borse  seulement.  Le  texte  catalan  paraît  corrompu 
et  la  traduction  littérale  serait  :  Ans  ne  fa  borssa  solument. 

13.  Punyir,  dans  le  sens  du  texte,  existe  encore  aujourd'hui  en 
catalan. 

24.  Un  eximpli  vos  comtare  e  noy  vull  larguar.  M  s.  laguiar.  » 
Morel. 

C'est  à  tort  que  la  leçon  du  manuscrit  n'a  pas  été  maintenue,  car 
larguar  n'existe  pas  en  catalan  et  il  faudrait  tout  au  plus  alongar  ou 
alargar.  Lagui  «  paresse  »,  laguios  «  paresseux»,  et  layuiar  «  traî- 
ner en  longueur»,  sont  très-usitésen  catalan  aux  XIVe  et  XVe  siè- 
cles :  En  cars  que  en  asso  fossets  négligent  e  laguios  (Revue  des  lu  li- 
gues romanes,  1875,  p.  380)  dans  un  texte  de  1397;  no1  s  pot  laguiar 
en  1390  (ibid.,  p.  368);  —  e  asso  per  res  no  îeguiets  eom  sia  perill  en 
la  triga,  en  1403  On  lit  dans  la  Chronique  du  roi  Pierre  1\'  :  car 
fort  desplaya  al  infant  en  Père,  coin  tant  se  laguiava  lo  homenatye 
quens  dévia  fer  lo  dit  rey  de  Mallorques  (édition  de  la  Chron.  de 
Miquel  Carhonell,  f°  123). 

«  165.  Lo  Rey  cavalca  e  anassen  al  bosch  si  quart.  »  C'est  la  tra- 
duction littérale  du  français  ;  et,  comme  siquart  est  écrit  en  un  mot 
dans  le  ms.,  M.  Morel  ajoute  :  «  Le  traducteur  catalan  n'a  évidem- 
ment pas  compris.  »  Le  traducteur  a  parfaitement  compris  et  tra- 
duit en  bon  catalan, .et  siquart  n'est  qu'une  inadvertance  du  copiste. 

«  196.  EU  sert  entra  dins  la  casela  e  assechseen  lo  fe  e  fo  vyal  e 
»  causât  ehac  fam.  —  Vyat,  fatigué  d'avoir  marché.  »  .Mord. — 
C'est  causât  qui  signifie  «  fatigué  »;  vyat  n'est  pas  catalan,  car  aviat 
signifie  «  guidé,  mis  en  voie.  »  Il  faut  lire  uyat  (prononcer  ujat, 
comme  dans  mengarets  et  mènyara,  258,  et  dey u  199).  Ujat  signifie 
«  ennuyé,  trempé  de  sueur  »,  et  a  été  remplacé  par  suai,  299, 
par  le  traducteur  lui-même  :  e  ell  qui  fo  molt  suât  e  las.  On  en 
trouve  de  nombreux  exemples  dans  Dez  Clo t  :  foren  molt  lassais 
e  hnjats  per  la  mar  qui'ls  havia  Ireballats  (cap.  37)  ;  lurs  cavalls 
eren  lassais  e  kujats  que  no podien  anar  (cap.  49»  :  e  fo  el  reyhujat 
e  colorai  del  sol  qu  il  hac  tochal  (cap.  105,  etc.).  Dans  la  Pacio  du 
XIVe  siècle,  publiée  par  P.  Bofarull  [Docum .  ined.,  t.  XIII.  p. 
148)  :  cor  lasse  e  ujade  era  eper  gran  dolor  no  podia  anur,  et  d'au- 
tres exemples  pag.  143,  147,  etc.  Le  substantif  huja aient  se  trouve 
dans  la  version  catalane  du  Breviari  d'amor  (Recueil  de  P.  Rteyer, 
p.  125,  1.  6)  :  no  per  huiament  que  agen,  pour  le  provençal  non  que 
sian  trop  Irebalhat.  Autres  exemples  dans  Hamon  Lull. 

«  287.  Lo  donzell  feu  dssencoblar  los  cans  e  feu   cridar  ehaucar  e 


PERIODIQUES  137 

oengren  forlment  corrent  e  cridant  envers  lo  cabirol.  E  lo  cabirol  qui 
via  los  cans  e  hoy  los  auchs.  fo  moll  lauger  e  messe  en  fuyta. 

M.  Morel  propose  de  corriger  auchs  par  aucells.  Il  est  bien  ques- 
tion plus  haut  d'oiseaux  et  de  chiens  de  chasse,  mais  Jes  auchs 
«  entendus  »  (hoy)  par  le  chevreau  ne  peuvent  être  que  les  cris 
pour  exciter  les  chiens  que  l'on  avait  fait  cridar  e  ahucar  ;  auchs 
est  par  conséquent  un  substantif  dérivé  du  verbe  ahucar,  et  il  faut 
le  maintenir. 

312.  E  après  se  anaren  colgar  e  termite  feu  li  lit  de  fe  e  de  unpoch 
de  loua. 

«  Boua,  dit  M.  Morel,  français  boue  ?  »  Ce  mot  a  pu  en  effet  être 
pris  du  français  ,  mais,  dans  ce  passage,  le  sens  de  «  boue  »  est 
aussi  inadmissible  en  français  qu'en  catalan,  et  il  y  a  probable- 
ment une  faute  dans  le  manuscrit,  pour  broua,  qui  signifie  en  ca- 
talan «débris  de  branchage  ou  de  jardinage,  broussailles.»  C'est 
le  seul  sens  qui  puisse  convenir  ici.  On  lit  dans  un  état  d'appro- 
visionnements d'une  place  forte,  en  1373:  item  reebe  mi.  quintars 
d'ayls  ab  la  brossa.  Ce  mot  était  encore  employé  au  XVIe  siècle 
avec  le  sens  de  «  ronces,  broussailles.  »  Ainsi  que  dans  beaucoup 
d'autres  mots  catalans,  ïs  entre  voyelles  s'est  d'abord  changée  en 
aspiration  et  a  fini  par  disparaître,  car  una  brua  (prononcer  broua), 
provenant  de  brossa  —  broha  —  broua,  désigne  encore  aujourd'hui 
en  Roussillon  une  «  haie  de  broussailles.  *»  On  pourrait  donc  cor- 
riger boua  en  broua  dans  le  texte. 

Malgré  ces  erreurs  et  ces  fausses  interprétations,  il  faut  encore 
une  fois  recommander  l'intelligente  et  réellement  remarquable  édi- 
tion donnée  par  M.  Morel.  Ce  texte,  transcrit  à  la  fin  du  XVe  siècle, 
porte  en  effet  des  traces  de  modifications  que  l'on  ne  trouve  guère 
avant  cette  époque,  et  entre  autres  les  pluriels  masculins  en  os  : 
on  peut  les  attribuer  au  copiste,  mais  la  traduction  remonte  peut- 
être  un  peu  plus  loin  que  l'époque  qui  lui  est  attribuée  par  l'édi- 
teur, car  on  y  remarque  des  expressions  peu  usitées  après  le  mi- 
lieu du  XIVe-  siècle,  et  même  quelques-unes  que  nous  n'avons 
trouvées  nulle  autre  part.  Par  exemple,  le   substantif  oreg  :  1.  303. 


!  Ou  trouve  déjà  brossa  en  978  :  in  ipsa  broza  comitale.  La  Chronique 
de  Pierre  IV  (liv.  III.  ch  32)  écrit  brodes.  Muis  1'*  a  déjà  disparu  en 
Roussillon,  en  1330:  Johannes  sa  Broha  (cartulaire  de  la  Roca);  dans 
un  règlement  rural  de  1378:  en  broha,  ho'n  regera  qui  sia  entre  dos  biais. 
dans  un  règlement  de  1372:  ne  en  lo  dit  rech  no  agen  a  mètre  brues  ne 
negun  altre  empatxamant  per  que  lo  dit  rech.  se  rasas,  renouvelé  en  I3SU 
avec  la  leçon  broa. 

lu 


138  PÉRIODIQUES 

ells  sert  anaren  mirai-  desobrel  riu  per  deporlar  e  per  vaher  taygua 

e  per  haver  oreg.  Haver  oreg  peut  se  traduire  par  «  prendre  l'air, 
se  distraire  »  et,  si  nous  osions  le  dire,  «  flâner  ».  On  trouve  le 
verbe  seulement,  avec  le  même  sons  :  orejar,  posar  al  ayre,  dans 
le  Diclionarium  Antonii  Nebrissensis,  pag.  78. —  Alart.]  —  P.  466. 
I'.  Meyer,  les  Manuscrits  des  Serinons  français  de  Maurice  de  Sully. 
L'évèque  de  Paris,  Maurice  de  Sully,  a  joué  un  grand  rôle  com- 
me prédicateur  dans  la  France  du  moyen  âge.  Le  recueil  de 
ses  sermons  a  eu  l'honneur  d'être  transcrit  dans  presque  tous  les 
au  riens  dialectes  de  notre  pays.  En  raison  même  de  la  popularité 
dont  elles  ont  joui  et  de  l'influence  qu'elles  ont  dû  exercer,  ses 
œuvres  méritent  donc  d'être  éditées  avec  ce  soin  intelligent  qu'on 
apporte  depuis  quelques  années,  chez  nous,  à  la  restitution  des 
vieux  textes  français.  C'est  pour  faciliter  cette  tâche  à  ceux  qui 
voudront  s'en  charger  que  M.  P.  Meyer  a  composé  le  prisent 
travail.  «Le  but  que  je  me  propose  actuellement,  dit-il,  est  de  pré- 
parer les  voies  à  une  édition  des  sermons  de  Maurice  de  Sully,  en 
signalant  les  manuscrits  qu'on  en  possède,  et  en  indiquant,  dn 
moins  dans  une  certaine  mesure,  leur  valeur  relative:  »  En  compa- 
rant minutieusement  les  différentes  versions  d'un  même  passage 
(Anecdote  du  religieux  à  qui  Dex  dona  veer,  e  d< mostra  aucune 
chose  delà  beauté,  delà  doçor  e  de  la  joie  quyil  estoe  (réserve)  a 
ceus  qu'il  aimé),  il  a  constaté  que  les  textes,  qu'il  apu  consulter,  au 
nombre  de  quinze,  se  répartissent  en  doux  groupes  dont  L'un,  le 
groupe  A,  offre  une  leçon  plus  pure.  On  doit  espérer  que  Maurice 
do  Sully  trouvera  bientôt  un  éditeur  qui  saura  mettre  à  profit  les  ■ 
savantes  indications  de  M.  P.  M.  —  P.  488.  Mélanges:  I"  R  pour 
S.  Z  à  Beaucaire.  Constatations  nouvelles  de  cette  particularité 
phonétique  dont  lo  domaine  paraît  s'être  étendu  de  la  rive  droite 
du  Rhône  à  la  Catalogne  et  dont  il  semble  qu'on  ne  retrouve  plus  de 
traces  après  le  XIVe  siècle  (P.  M.).  2°  De  quelques  modifications 
phonétiques  particulières  au  dialecte  bas-normand.  Quelques-unes 
des  particularités  signalées  par  M.C.  Joret  se  retrouvent  dans  le 
patois  saintongeais,  notamment  d,  t  mouillés  =  gu  et  qu,  et  eu  =ui. 
M.  C.  il.  dit  explosibles  au  lieu  de  explosives.  Y  a-t-il  nécessité  de 
modifier  sur  ce  point  la  technologie  grammaticale?  3°  Une  particu- 
larité du  patois  de  Queige  (Savoie).  Cette  particularité,  st  =  ch  fran- 
çais se  retrouve  dans  le  patois  de  la  vallée  de  Heaufort,  V.  Patois 
de  la  Tarenlaise  par  Vabbè  l'ont,  p.  138.  —  P.  494.  Comptes  rendus. 
i'.  500.  Périodiques.  On  y  remarque  la  réponse  de  M.  P.  Meyer 
à  M.  Ascoli.  Elle  n'est,  ni  bien  claire  ni  bien  convaincante. — 
1'.  50  8.  Chroniqui  .  A  .    li. 


PERI0DIQUE3  139 

Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français,  nos  1-4; 
Paris,  Firmin  Didot,  1876,  in-8°. —  De  ces  deux  fascicule-,  le  pre- 
mier ne  donne  que  des  détails  purement  administratifs  et  la  liste  des 
membres;  le  second,  beaucoup  plus  considérable,  contient,  outre 
des  détails  du  même  genre,  une  étude  étendue  du  ras.  189  de  la  bi- 
bliothèque d'Epinal,  parM.F.  Bonnardot.  Ce  ms.  qui  est  un  recueil 
de  mélanges  latins  et  français  en  vers  et  en  prose,  etqui  est  intéres- 
sant à  plus  d'un  titre,  avait  été  l'objet  d'une  description  par  trop 
sommaire  et  véritablement  insuffisante  dans  le  Catalogue  des  mss. 
des  bibliothèques  des  départements  (t.  III,  Epinal,  n0  59). M.  F.  B.,  qui 
en  a  bien  apprécié  l'importance,  l'a  étudié  avec  le  plus  grand  soin. 
Voici  quelques  observations  que  j'ai  faites  en  lisant  cet  utile  et  sa- 
vant travail.  P.  65.  J'ai  remarqué  dans  miras,  de  Montpellier  une 
autre  édition  delà  même  plaisanterie  rimée  sur  les  trompes,  égale- 
ment accompagnée  d'un  dessin.  Malheureusement  j'ai  égaré  mes 
notes  et  je  me  rappelle  seulement  que  le  premier  distique  est  le 
même,  mais  que  le  premier  vers  du  second  diffère  de  celui  que 
cite  M.  E.  B.  Au  lieu  de  quant  les  vivans  seo;tirperont,  qui  repré- 
sente un  non-sens,  le  ms.  de  Montpellier  donne  quand  les  humains 
s'amenderont,  ce  qui  est  bien  meilleur.  N°  64.  Tiochc  —  theotisca 
se  trouve  aussi  dans  le  Pseudo-Turpin.  «  Si]  vit  en  dormant  on 
cel  voie  tote  estelee  :  Si  movoit  de  la  mer  de  Frize,  e  s'en  alot 
parentre  Hoche  terre  en  Lombardie  »,  ms.  124  (fonds  français, 
fo  jro(  |re  co}_)  Le  no  7i  doit  etre  rapproché  de  notre  Fragment 
d'anthologie  picarde  (Revue  des  langues  romanes,  t.  III,  p. 325),  qui 
donne  une  leçon  meilleure.  Même  rapprochement  pour  les  nos  75, 
76,77  (Revue  des  langues  romanes,  p.  324),  pour  le  no  80  (îbid., 
\i.  325).  pour  le  no  81  (ibid.,  p.  324),  no  103.  La  locution  de  léger, 
que  M.  F.  B.  accompage  du  point  d'interrogation,  signifie  «  à  la  lé- 
gère, trop  facilement.»  Même  n°,  1.  6,  je  lirais  deçot=.  de  sublus, 
dessous.  Le  sens  serait  donc  «  seigneur  de  Greniscet  sous  Lon- 
dres.» A    B. 

Revue  historique  de  l'ancienne  langue  française,  pu- 
bliée sous  la  direction  de  L.  Favre.  Champion,  quai  Malaquais,  15, 
a  Paris.  —  Premier  numéro  d'un  recueil  mensuel  qui  pourra  être 
utile,  et  que  son  prix  peu  élevé  (15  fr.)  rend  facilement  aborda- 
ble au  commun  des  lecteurs. Puisque  j'en  suis  à  parler  de  la  partie 
matérielle,  j'ajouterai  qu'il  est  à  désirer  que  les  autres  fascicules 
soient  mieux  cousus  et  que  le  collage  de  la  première  feuille  n'em- 
piète pas  sur  le  texte  de  la  seconde.  Une  publication  comme  celle- 


140  PERIOMQrES 

ci  doit  offrir  un  minimun  d'avantages,  sans  lequel  elle  n'aurait  pas 
de  raison  d'être  :  c'est  de  fournir  aux  travailleurs  des  textes  inédits 
ou  devenus  rares.  Quant  aux  généralités  qui  ne  font  pas  avancer 
la  science,  il  faut  les  laisser  île  côté,  à  moins  qu'on  ne  veuille  s'a- 
dresser  aux  commençants,  à  ceux  qui  ne  connaissent  pas  encore 
la  philologie  française.  Dans  ce  cas,  il  faudrait  renoncer  aux  abon- 
nés qui  sont  plus  au  courant  de  ce  genre  d'études, car  il  est  im- 
possible de  contenter  à  la  fois  les  uns  et  les  autres.  Or  le  présent 
numéro  présente  cet  inconvénient.  Ainsi,  à  qui  peut  servir  la  dis- 
sertation intitulée  Formations  de  la  langue  française,  si  ce  n'est 
aux  lecteurs  très-peu  familiarisés  avec  nos  études  romanes?  Heu- 
reusement nous  avons,  pour  nous  dédommager,  un  texte  déjà 
édité  et  devenu  rare,  l' Eslilement  au  vilain  (p.  18-30),  une  chanson 
en  patois  poitevin,  et  le  commencement  d'une  réédition  du  Glos- 
saire français  de  Du  Cange  (4  pages).  Yoici  quelques  notes  re- 
cueillies en  lisant  le  premier  texte.  L'éditeur  aurait  dû  numéroter 
les  vers.  V.  21,  je  ne  sais  pas  ce  que  signifie  ce  vers  maudrent 
Vasamblèe,  qui  du  reste  est  trop  court  d'une  syllabe,  et  je  ne  vois  pas 
comment  on  peut  le  traduire  par  «  ils  maudissent  leur  union  » 
V.  50,  civos  est  bien  traduit  par  oignons,  et  ceri  me  l'appelle  que, 
dans  mon  Fragment  d'anthologie  'picarde  {Revue  Ors  langues  mm., 
t.  III,  p.  320),  j'avais  mal  compris  ce  mot,  dont  je  faisais  un  ad- 
jectif et  que  je  dérivais  d'un  type  fictif cibosus.V.  213, lisez  granz 
gales  (jattes)  e  menues,  V.  "214.  lisez  Porce  s'  eV  (  si  elles)  sont 
fendues.  V.  230,  porchast  esl  le  subjonctif  de  pourchasser  =  re- 
chercher,  et  ne  doit  pas  se  traduire  par  pourceaux.  V.  2jï4,  que  veut 
dire  bust't  Nous  souhaitons  bonne  chance  au  nouveau-venu. 

A.    B. 


Revistade  archivos,  bjbliotecasy  inuseos.  Ano  VI,  nûm.19- 

'''1. —  Manuel  Mila  y  Foutauals.  Antiguos  Tratados  de  gayu  ciencia. 
Nui re  savant  confrère  analyse  brièvement  dans  ces  quatre  articles 
neuf  traités,  écrits  pour  la  plupart  en  catalan,  sur  la  grammaire  el 
apoétique.  Les  huits  premiers  sont  contenus  dans  un  même  Ins., 
conservé  à  lu  bibliothèque  nationale  de  Madrid.  C'est  une  copie, 
exécutée  au  siècle  dernier,  de  celui  que  possédait  la  bibliothèque 
des  Carmes  de  Barcelone, et  qu'un  incendie  consuma  en  183ô.  Le 
lus.  du  neuvième  appartient  à  la  bibliothèque  de  l'Escurial.  Je  vais 
les  énumérer  rapidement,  en  résumant  pour  chacun  les  renseigne- 
ments fournis  par  M  .  Milâ. 

I.   Mirait  de  trahir   par  Berenguer  de  Noya.   Traite  de  l'alphabet, 


PERIODIQUES  111 

des  figures,  des  vices  de  diction  (barbarismes  etc.)  et  des  couleurs 
(fleurs)  de  rhétorique.  Œuvre  d'un  auteur  probablement  catalan  (on 
l'a  cru  galicien),  indépendante  des  Leys  d'amors  et  peut-être  anté- 
rieure. 

II.  Règles  d'en  Jofre  de  Foxa.  Ouvrage  composé  «  per  mana- 
ment  del  noble  e  del  ait  en  Jacmo  rey  de  Sicilia  (1285-1291)",  dans 
le  but  d'enseigner  «  lo  saber  de  trobar  »  à  ceux  qui  «  no  s'entenen 
en  gramatica  »,  les  règles  de  trobar  (comme,  il  les  appelle)  de  Raimon 
Vidal  ne  pouvant  être  parfaitement  comprises  de  ceux  qui  ne  savent 
pas  «  la  art  de  grammatîca.» —  P.  316  a,  1.  Il  du  bas,  pranga  doit, 
je  pense,  être  corrigé pertanya. 

III.  Règles  den  Ramon  Vidal.  Version  catalane  de  las  rasos  de  trobar 
qui  contient  de  plus  que  les  ras.  provençaux  un  traité  des  genres 
poétiques.  Ce  traité  n'est  point  une  copie  de  la  partie  correspon- 
dante des  Leys  d'amors.  mais  ce  n'est  pas  non  plus,  probablement, 
l'œuvre  de  R.  Vidal. 

IV.  Compendi  de  Castellnou.  Abrégé  de  quelques-uns  des  traités 
qui  composent  les  Leys  d'amors.  fait  à  la  demande  de  Dalmau  de  Ro- 
caberti,  fils  du  vicomte  du  même  nom.  M.  Mila  a  déjà  parlé  plus 
longuement  de  ce  traité  dans  son  beau  livre  de  los  Trovadores  en 
E-pana,  auquel  il  renvoie  (pp.  478-9)1. 

V.  Doctrinal  de  cort,  par  Teramayguis  de  Pisa.  L'ouvrage  est  en 
vers,  et,  à  en  juger  par  le  court  extrait  du  commencement  que  re- 
produit M.  Milà,  imité  de  celui  de  R.  Vidal.  Les  six  vers  de  la  fin, 
rapportés  également,  rappellent  l'aventure  bien  connue  de  Richart 
de  Barbezieux,  telle  que  la  raconte  la  biographie  de  ce  troubadour, 
contenue  dans  le  ms.  xlt-42  de  la  Bibl.  Laurentienne  2.  Peut-être 
font-ils  partie  d'un  récit  de  cette  romanesque  aventure.  Il  serait 
intéressant  de  le  vérifier.  —  P.  330  b,  eseratz  signifie,  je  pense,  in- 
sérés {mots  eseratz  ensemps  =  mots  insérés  (  construits)  ensemble).  — 
Desiats  clamar  ;  je  corrigerais  deiats  (debealis). 

VI.  Doctrinal  de  trobar ,  par  Raimon  de  Cornet,  glosé  ou  corrigé 

*  Johan  de  Castellnou  fut  aussi  poëte,  comme  on  le  sait  aujourd'hui, 
grâce  à  M.  Milà  Voy.  la  Revu.'.  X,  231  Notons  en  passant,  ce  que  M.  Milâ 
paraît  avoir  ignoré,  que  plusieurs  des  pièces  contenues  dans  la  3°  partie  du 
chansonnier  de  Sarragosse,  qui  renferme  les  poésies  de  Castellnou,  se  re- 
trouvent dans  un  ms.  de  Toulouse  et  que  M.  Noulet  en  a  publié  quelques- 
unes,  par  exemple  la  chanson  de  Bernarl  de  Panassac.  Voy,  Mémoires 
de  l'Académie  des  sciences  de  Toulouse,  1852,  pp.  85  et   404  :  1860,  p.  1. 

2  Publiée  dans ÏArchiv.  fur  Studium  der  neueren  Sprachen..,  lom.  l, 
p.  253.  Cf..  dans  les  Cenlo  Novelle  anlicke,  celle  qui  est  intitulée:  D'una 
novella  che  avvenne  in  Provenza  alla  corte  del  Po 


142  PERIODIQUES 

par  Jolum   de  Gastellnou.  M.   Milâ  n'ajoute  ici  que  peu  de  détails  , 
à  ce  qu'il  a  déjà  dit  du  même  commentaire  dans  ses  Trobadores, 
479-80.  M.  Noulet  prépare  depuis  longtemps  une  édition  complète 
de  R.  de  Cornet,  Il  est  fort  à  souhaiter  qu'il  publie  en  même  temps 
les  gloses  de  son  acerbe  critique. 

VIL  Las  Flors  del  gay  saber,  par  Guillem  Molimer.  Abrégé  des 
Leys  damors.  «  En  cuanto  a  las  materias,  dit  M.  Milâ,  y  a  su  orde- 
nacion,  creemos  poder  asegurar  que  son  las  mismas  en  las  Leys  y 
en  este  resûmen  ».  L'ouvrage  est  en  vers.  Dans  l'extrait  du  com- 
mencement, transcrit  par  M.  .M.,  un  point  d'interrogation  attire 
l'attention  sur  le  mot  baveca,  qui  rappelle  une  des  gloses  du  Donat 
provençal:  «  Bavecs,  baveca  — quod  de  facile  movetur1»,  sur  la- 
quelle on  peut  voir  les  observations  de  M.  Tobler  dans  la  Romania, 
II,  341.  Ici  baveca  est  verbe  et  le  sens  en  paraît  être  change,  ce  qui 
s'accorde  assez  bien  avec  la  glose  du  Donat.  Peut-être  est-ce  plutôt 
estime,  juge  (au  propre  pèse  ).  Rochegude  donne  à  bavec  le  sens  de 
romaine,  et  rien  n'est  plus  mobile  que  cet  instrument8. —  Dans  le 
même  extrait  (  p.  345  b,  v.  1  ),  quil  te  netho  me  parait  devoir  être 
corrigé  quil  le  nech  o.  Pour  l'expression  tener  nech.  voy.  Mussafia, 
Die  Catalanische  Version  der  sieben  loeisen  Meîster,  glossaire,  au  mot 
nech.  — C'est  sans  doute  par  méprise  que  l'adjectif  volon  (p.  346  a) 
a  été  marqué  du  signe  du  doute.  Cf.  Raynouard,  V,  561  6,  n°  4. 

"VIII.  Diccionari,  par  Jacme  Mardi.  C'est  un  dictionnaire  de 
rimes,  dans  lequel  on  trouve  aussi  une  table  d'homonymes,  com- 
posée par  l'auteur  dans  le  but  de  faciliter  les  puériles  combinaisons 
de  rimes  équivoquées,  si  à  la  mode  au  déclin  du  moyen  âge,  et 
qui  a  pour  nous  aujourd'hui,  selon  la  juste  remarque  de  M.  Milâ, 
une  réelle  valeur  grammaticale  et  lexicographique.  P.  347  a,  au 
milieu  de  la  colonne,  il  faut  lire  :  «  Rims  apellat  equivochs,  àb 
equi,  que  es  egual,  e  vox,  que  vol  dir  veu..  »  P.  347  b.  :  «hada: 
laya?  »  Corr.  layra.  Voy.  la  Revue,  V,  354,  1.  2-5.  —  P.  348  o. 
1.  25,  le  premier  diu  est  à  supprimer.  Ce  doit  être  une  faute  d'im- 
pression. 

1\.   Torcimany  (=  fr.  trucheman),  par  Luis  de  Averso.  Ouvrage 


•  P.  45  b.  Dans  l'édit.,  baveca  est  mis  après  le  tiret  et  imprimé  en  ita- 
liques, comme  un  mot  latin.  C'est  une  faute  évidente. 

*  Une  troisième  explication  (et  c'est  peut-être  la  meilleure)  est  suggérée 
par  une  uote  de  M.  Alart  'Revue,  V.  317),  de  laquelle  il  résulte  que  bavec 
est  aussi  le  nom  d'un  instrument  en  fer  servant  à  marquer.  Baveca,  dans 
le  texte  rapporté  par  M.  Milâ,  pourrait  alors  se  traduire  par  impose,  ap- 
plique. 


PERIODIQUES  143 

dans  le  genre  des  Legs  damors,  qui  lui  ont,  en  partie  du  moins, 
servi  de  modèle.  Il  est  précédé  d'un  long  prologue  et  terminé  par 
un  dictionnaire  de  rimes.  L'auteur  explique  pourquoi  il  a  écrit  en 
catalan,  dans  un  passage  curieux,  transcrit  par  M.  Milâ,  et  qu'on 
nous  saura  gré  de  reproduire  : 

«  Io  nom  servesch  en  la  présent  obra,  per  II  raons,  dels  len- 
guatjes  que  ios  trobadors  enlursobras  se  servexen  :  la  primera  es 
corn  prosaicament  lo  présent  libre  jo  pos,  e  en  lo  posar  prosaich 
no  ha  nécessitât  a  servir  se  dels  lenguatjes  ja  dits,  pertal  com  no 
son  diputats  de  servir  sino  en  obras  compassadas  ;  l'altra  raho  es 
que  si  jom  servia  d'altra  lenguatje  sino  del  catala,  que  es  mon  len- 
guatje propi,  he  dupte  que  nom  fos  trobat  a  ultracuydament,  car 
pus  jo  son  catala,  nom  dech  servir  d'altra  lenguatje  sino  del  meu.» 

Je  ne  terminerai  pas  ce  compte  rendu  du  très-intéressant  et 
très-instructif  travail  de  M.  Milâ  sans  appeler  l'attention  de  mes 
lecteurs  sur  la  mention  qui  y  est  faite,  dans  une  note,  d'un  frag- 
ment, récemment  découvert,  d'un  poëme  provençal  sur  les  croisa- 
des. Ce  poëme  serait-il  celui  auquel  fait  allusion  Guillaume  de 
Tudèle  (V.  29)  ?  :  Serait-ce  un  rifacimento  de  l'œuvre  perdue  de 
Grégoire  Becbada?  La  publication  du  fragment  signalé  par  M.  Milâ, 
que  nous  appelons  de  tous  nos  vœux,  permettra  peut-être  de  ré- 
pondre à  cette  double  question.  G.  C. 

Rivista  di  filologia  rouianza .  Vol.  II,  fasc.  III  et  IV.  — 
P.  129.  T.  Brag&. Sobre  apoesiapopular  da  Galiza. —  144.  H.  Suchier 
Il  Canzoniere  provenzale  di  Cheltenham .  Nous  avons  ici  la  table  en- 
tière. M.  Suchier  promet  pour  un  autre  article  des  extraits  du  ms. 
Il  serait  bien  à  désirer  que  parmi  ces  extraits  figurât  ce  qui,  de  la 
pièce  no  12.  manque  dans  les  Gedichte  de  Malin.  —  173.  N.  Gaix. 
Studi  etimologici.  Les  mots  étudiés  sont  laggare  (  anc.  fr.  laier), 
gire,  sgomentare,  strappazzare,  bettola,  gnocco,  loja.  —  177.  N.  Caix. 
Article  important  sur  le  Contrasto  di  Ciullo  d 'Alcamo,  à  propos  de  la 
nouvelle  édition  qu'en  a  donnée  M.  d'Ancona  et  qui  reproduit  fidè- 
lement le  ms.  du  Vatican.  —  193.  Giuseppe  Ferraro.  Saggio  di 
canti  popolari  raccolti  a  Pontelagoscuro  {provincia  di  Ferrara).  — 
221.  A.  Wesselofsky.  Un  capitolo  d Antonio  Pucci.  M.  W.  repro- 
duit ce  capitolo  d'après  l'édit.  de  M.  Carducci,  et  signale  les  ana- 
logies qu'il  présente  avec  la  première  partie  du  fabliau  français 
du  Chevalier  à  Vépée.—  228.  N.  Cayx.  Étymologies  de  Ripentaglio, 
arbuscello,  agio,  assettare,  cantimplora.  —  232.  Bibliografia . —  244. 
Periodici.  —  250.  Notizie.  Quelques  lignes  attristées  de  cette 
chronique  (  pag.  251  ),  que  nous  avons  lues  avec  le  plus  grand  r<  - 


144  PERIODIQUES      . 

i 

gret,  annonçaient  déjà  la  nouvelle,  confirmée  depuis  par  un  pro- 
spectus venu  d'Allemagne,  que  la  Rivista  était  forcée  d'interrom- 
pre sa  publication.  Nous  souhaitons  ardemment  que  cette  interrup- 
tion ne  soit  que  momentanée,  et,  en  remerciant  nos  vaillants 
confrères  des  cordiales  félicitations  qu'ils  nous  adressent,  nous 
joignons  nos  vœux  à  ceux  qu'ils  forment  eux-mêmes,  pour  que 
l'exemple  donné  par  notre  Société  excite  en  Italie  (comme  dans 
tous  les  autres  pays  romans  )  une  féconde  émulation  4. 

G.   G. 


Il  Popugnatore.  Anno  IX. '-Dispense  4a.  5a  et  6a —  P.  3.  Luigi 
Gaiter.  La  Mitoîogia  e  la  prima  cantica  délia  Divino  Commedia. 
Article  écrit  à  propos  d'un  essai  de  M.  Luciano  Sissa  (Treviso , 
1875)  sur  le  même  sujet.  —  16  et  273.  Storie  popolari  inpoesia  sici- 
liana,  riprodntte  sulle  stampe  de  secoli  XVI.  XVII  e  XVIII,  con  vote 
e  raffronti  da  Salvatore  Salomone-Marino .  Suite  :  Sloria  nova  di 
quantu pati  unfrusteriapartistrana  (Palermo,  1665);  lu  Slupendu 
e  mararigliasn  successu  di  dui  infilici  aman'i  milanisi  Palermo,  1695): 
Contrastu  ridiculusu  chifa  un  sfrasusu  eu  riavaru  (Palermo.  1697):  Is- 
toria  nova  e  ridiculusa  bella  cPinlendiri  supra  lu  cwntrastu  dila  sog- 
gira  eu  la  nora  (Palermo.  1710). —  25.  Luigi  Razzolini.  Sqtiarci  con 
alq  nante  varianti  délia  Divina  Commedia  di  confronto  alla  lezione 
adottata  dagli  Academici  délia  Crusca.  Suite  et  fin. —  74.  Imhriani. 
Natanar  II,  lettera  a  Francesco  Zambrîni  sul  testa  del  Candelaio  di 
Giordano  Bruno.  Suite  et  lin.  —  90.  Francesco  di  Mauro  di  Pol- 
vica.  Un  codice  cartaceo  del  XIV  secolo  inediio,  contenentele  opère 
miiiori  de  fraie  Domenico  Cavalca.  Suite  et  lin.  —  105.  Xicola  Ma- 
ria Fruscella  Piccavda  de  Donali.  Ess;ii  critique  sur  ce  personnage 
de  la    Divine   Comédit  .   —    128.    Achille    Monti.    Il    Petrarca  vi- 


*  Accanto  a  questa  egregia  istituzione  (  la  Société  des  anciens  textes), 
non  meno  floridamente  si  svol^o  in  Frauda  la  Société  pour  l'étude  des 
langues  romanes.  Senza  dire  délia  sua  Rivista,  Hi<%  da  trimestrale  si  è 
fatta  ora  mensile,  ed  è  di  venu  ta  un  vero  archivio  indispensable  per  lo 
studio  délia  Francis  méridionale,  questa  Società  ha  recentemente  posto 
mano  anche  ad  altre  publicazioni  per  lequali  sempre  più  si  renderà 
benemerita  délia  fdologia  neolatina...  Ne  essa  si  limita  a  questo  solo, 
ma  col  promovuore  frequenti  concorsi  e  coll  'istituin>  premj  ed  altre 
rirompens'1,  mantiene  sempre  vivo  un  movimentoche  ispira  ie  più  bnllr 
speranze.  S'abbiano  quegli  egregi  le  nostre  felicitazioni  e  i  più  roidiaii 
augurj,  e  voglia  il  -i'^lo  che  il  loro  esempio  valga  a  suscitare  in  Itnlia 
una  nobile  l'mulazione  ! 


PERIODIQUKS  145 

sita  Roma  neWanno  1337.  —  164.  Licurgo  Cappelletti.  Michelangelo 
Buonarroli.  Notice  biographique  et  littéraire.  —  197.  Vincenzo  di 
Giovanni  Alcuni  esempli  da  un  codice  siciliano  del  secolo  XIV .  Une 
fable  {V Ane  et  le  Petit  Chien)  et  trois  légendes  pieuses  intéressantes 
comme  échantillons  du  dialecte  sicilien  au  XIVe  s.  —  203.  Luiiii 
Calori  :  délit  Guerre  giudaiche  di  Giuseppe  Flavio,  volgarizzamenlo 
del  bupn  secolo  ridotto  a  piu  sana  lezione.  Notice  suivie  d'un  extrait 
de  ce  texte.  — 21!  et  300  Curzio  Mazzi.  //  Burchiello,  Saggio  di 
sludi  s'ulla  sua  vita  et  sulla  sua  poesia.  —  247  et  376.  Carolina 
Coronedi-Berti  Novelte  populari  botognesi.  Suite  et  lin.  —  297.  Li- 
curgo  Cappelletti.  Commenta  sopra  la  nona  novella  délia  5a  gior- 
nala  del  Decamerone.  C'est  la  fameuse  et  touchante  nouvelle  du 
Faucon.  —  382.  Bibliograna. 

C.  C. 


Bulletin  de  la  Soeiété  historique  et  archéologique  du 
Périgord.  Tom.  III  (1876).  —  P.  130.  Curieux  extrait  du  Rituel 
de  Périgueux  de  1509,  relatif  à  la  cérémonie  du  mariage.  Je  le 
reproduis  ici  afin  que  nos  lecteurs  puissent  le  comparer  à  l'extrait 
analogue  du  formulaire  provençal,  publié  dans  VArmana  prouven- 
çau  per  1877,  p.  47 l. 

SEQUITUR     MODUS     NUBEND1    IN   ROMANTIO 

Vir  vocet  mulierem.  respondeat  millier  :  Que  vous  plat* .' 

Dicat  vir  :  Hiou  me  donne  a  vous  per  vostre  bon  et  lealespoux  et  mari 
per  paroulas  de  présent,  en  la  faça,  de  saincta  mayre  esgleysa. 

Respondeat  mulier  :  Et  hiou  vousrecebe. 

Eo  modo  mulier  vocet  virum  et  res]  ondeat  vir  :  Que  vous  plats? 

Dicat  mulier  :  Hiou  me  donne  a  vous  per  vostra  bonna  et  lealla 
espousa  etfemna  per  paroulas  de  présent,  en  la  faça  de  saincta  mayre 
esgleysa . 

Respondeat  vir:  Hiou  vous  enrecebe. 

P.  167.  G.  Bussière.  La  Légende  du  connétable  de  Bourbon  dans  les 
compagnes  du  Périgord.  Chant  populaire  recueilli  à  Sorges,  dont  la 
traduction  seule  est  publiée.  C'est  une  autre  version,  écourtée  vers 
la  tin.  de  celui  qu'on  peut  lire  dans  la  Romania,  III,  Î0G,  n°  14.  Le 
duc  de  Biron.  véritable  héros  de  ce  chant,  est  devenu,  par  une 
étrange  méprise.  Cadet,  de  Bourbon,  ou  Bourbon  tout  court  dans  la 

1  Cf.  aussi,  Revue,  Vif.  43.  l'extrait  rapporté  par  M.  Alart,  de  l'acte  de 
mariage  de  Sanche  de  Majorque  avec  Marie  de  Provence,  extrait  que 
\'Armana  prnnvençau  (loc.  cit.)  reproduit  en  partie. 


146  PERIODIQUES 

version  périgourdine.  — P.  215.  Alcicle  Duverneuil.  Un  noel  péri- 
gourdin.  Composition  assez  longue  (276  vers),  qui  n'a  aucun  carac- 
tère populaire.  C'est  probablement  l'œuvre  d'un  ecclésiastique.  Le 
cabier  qui  la  renferme  porte  la  date  de  1757  et  a  été  trouvé  parmi 
les  registres  paroissiaux  de  l'état  civil  de  la  commune  de  Condat. 
près  de  Brantôme.  Il  y  a  de  l'indécision  dans  l'orthographe,  et  la 
langue  n'en  est  pas  très-pure.  C.   C. 


Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres 
et  arts  de  Clermont-Ferrand,  tome  XVI  (47e  volume  de  la 
collection  des  Annales).  Clermont,  Thibaud,  1874.  —  101-334. 
Bouillet,  Description  archéologique  des  monumenls  celtiques,  ronïains 
et  du  moyen  âge,  du  département  du  Puy-du-Dôme.  Travail  con- 
sidérable et  important.  Parmi  les  indications  qui  peuvent  intéres- 
ser les  études  romanes  et  les  recberebes  sur  les  traditions  popu- 
laires, nous  signalerons  celles  qui  suivent  :  121  «Sur  le  chemin  de 
Cbanat  (commune  de  Durtol)  existe  une  espèce  de  pierre  bran- 
lante appelée  Rei  de  la  Pila.  Roi  de  la  Pile,  mais  qui  ne  paraît  pas 
authentique:  c'est  un  jeu  de  la  nature.  »  121-122  «Entre  les  puys 
de  Pourcharet  et  de  Montillet,  une  petite  montagne  porte  le  nom 
de  la  Fée;  elle  est  appelée  en  patois  Suquet  de  la  Fachineire.  Les 
bergers  disent  qu'il  n'est  pas  prudent  de  tenir  les  troupeaux  sur 
cette  montagne  après  le  coucher  du  soleil;  qu'ils  y  sont  fascinés,  en- 
sorcelés.»  123.  M.  B.  reproduit  une  incription  funéraire  du  XIIIe  siè- 
cle, en  langage  d'Auvergne,  déposée  aujourd'hui  au  musée  de 
Clermont  : 

Anno  domini  m:  ce:  lxx  :  x  :  kl:   septeb  :  o.  b. 
de  Sabanaco  de  Catus 
Tu  q'la  vas  :  ta-boca  :  claiza  :  uuar 
da  :  est:  cors:  quaisi  :  repauza  :  tals  : 
Co  tutest:  eieu  :  si  fui  :  etu:  seras,  tals: 
Co  ieu  :  sui  :  di  :  pat  :  nt  eno  :  te  :  nui1. 


*  (V  rapprocher  d'une  des  peintures  de  l'église  d'Ennezat  (XVe  siècle) 
signalée  par  M.  B.  214.  Un  ange  contemple  un  cadavre  d'un  air  de 
compassion.  Une  bandai  olle  est  entre  les  mains  du  cadavre  ;  on  y  lit  ces 
vers  : 

Prya  pour  moi  qui  ma  roguardes 
Quart  tyel  seras  qaat  que  tu  tardes 
Fais  bien   tandis  que  tu  vis 
yuar  après  la  mort  n'auras  nulz  amis. 


PERIODIQUES  147 

Dans  un  travail  .sur  le  Patois  delà  hasse  Auvergne  et  sa  littérature 
qui  constitue  la  quatrième  publication  spéciale  de  la  Société,  des 
langues  romanes,  M.  Henri  Doniol  en  donne  une  traduction  qui  nous 
semble  plus  plausible  que  celle  de  M.  B.  128.  «  Le  petit  puy  de 
Chateix  supportait  un  château  appartenant  à  Waiffre,  duc  d'A- 
quitaine ;  ce  château  fut  incendié  en  761  par  Pépin.  Au  milieu  des 
attérissements  descendus  de  la  montagne,  on  trouve  beaucoup  de 
grains  de  blé  calcinés,  de  seigle,  de  fèves,  de  haricots,  etc.,  ce  qui  a 
fait  donner  à  ce  lieu  le  nom  de  Grenier  de  César.  145  «Le  puy  de 
Prechonnet,  très-remarquable  sous  plusieurs  points  de  vue,  a  une 
roche  branlante,  un  rocher  druidique,  une  grotte  des  fées  et  une 
légende  sur  les  fées  changées  en  chauve-souris.  »  158  «  Près  le 
hameau  de  Mont-la-Côte  existe  une  roche  branlante,  appelée  Roche 
branlaire,  la  plus  belle  de  l'Auvergne.  Elle  inspire  encore  aux 
habitants  de  la  terreur  et  du  respect:  les  uns.  . .  disent  que  c'est 
la  Sainte  Vierge,  en  ûlant  sa  quenouille,  qui  l'a  apportée  de  fort  loin 
dans  son  tablier  ;  d'autres  assurent  qu'elle  se  balance  sur  un  gros 
tourillon  d'or,  et  que  des  jeunes  gens  du  oisinage  résolurent  un 
jour  de  la  renverser  ;  mais  à  peine  l'avaient  -ils  touchée  que  le 
ciel  s'obscurcit  et  qu'une  nuit  profonde  enveloppa  tout  le  pays. 
Depuis  on  la  respecte.»  Des  traditions  à  peu  près  semblables  exis- 
tent encore  dans  le  département  de  l'Hérault.  222.  Près  du  hameau 
de  Château-Gaillard,  on  montre  sur  un  monticule,  les  ruines...  du 
château  de  la  comtesse  Brayère.  Dans  le  ruisseau  qui  coule  au  bas 
exist*  une  cavité  circulaire,  où  l'on  dit  que  la  comtesse  faisait 
précipiter  les  enfants  pour  les  laver  avant  d'en  faire  sa  nourri- 
ture1». 227.  A  Pionsat,  une  grosse  pierre  de  granit  est  nommée 
Peirra  de  la  Fada.  232.  A  Saint-Etienne-des-Champs,  un  dolmen 
possède  la  même  appellation.  233.  A  Villossanges,  il  y  a  un  Roc  de 
las  Fadas:  c'est  une  grosse  pierre  de  granit.  «Au-dessous  de  l'étang 
de  Vergne-Labaysse  existe  le  Banc  de  las  Fadas,  Banc  des  Fées, 
espèce  de  dolmen.  »  262.  Maison  des  Fades  désigne,  près  de  Lu- 
desse,  les  traces  d'un  édifice  à  plusieurs  compartiments.  266.  «  Au 
sud-ouest  de  Montaigut,  sur  la  rive  droite  de  la  Couze,  une  route 
creusée  dans  le  granit  porte  le  nom  de  Chami  de  las  Fadas. 
296.  A. lob  est  la  Roche  de  <la  Yolpie,  sur  laquelle  les  fées  eurent 
un  temple  où  elles  opéraient  des  miracles.  On  ajoute  qu'à  certaines 

L'ange,  au  contraire,  tient  une  légende  avec  cette  inscription  : 

Regarda  la  grant  pityé  de  nature  humayne 
Commet  vient  à  destruction  et  forma  vilayne . 

*  Voyez  encore  sur  Natarie,  dite  la  comtesse  Brayère,  p.  235  et  247. 


148  PERIODIQUES 

époques  do  l'année  on  entend,  dans  la  nuit,  les  chants  d'une  ber- 
gère  filant  sa  quenouille  au  sommet  de  la  roche.  Diane  avait,  dit-on, 
un  autre  temple  à  Pierre-sur-Haute.  Les  habitants  des  montagnes 
voisines  jurent  encore  par  Dianoneiro.  Diane  la  noire.  278.  A  Saint- 
Martin-ili's-Olmes,  on  doit  visiter. ...  la  roche  de  Jarissein,  dite 
Saut  de  la  Pucelle.  parce  qu'on  y  voit  l'empreinte  dos  quatre  fers  de 
la  mule  qui  portait  une  jeune  fille,  laquelle  s'élança  d'un  seul  !>ond 
du  village  de  Ghaumis  sur  le  rocher  de  Jarissein  (d'après  les  Chro- 
niques du  Livradois,  p.  382).  302.  A  Grandrif,  les  gens  disent  qu'une 
chèvre  d'or  a  été  ensevelie  dans  l'intérieur  delà  Groltede  la  Chèvre. 
Ils  ont  une  grande  vénération  pour  elle.  «  Si  un  animal  de  cette 
espècemeurt  de  vieillesse  dans  le  pays,  on  met  encore  quelques  cé- 
rémonies pour  sa  sépulture.»  308.  Les  environs  de  Ghamhon.  très- 
boisés  et  sauvages,  possèdent,  dit  M.B.,  de  nombreuses  légendes: 
la  Pierre  de  Gargantua,  Y  Homme  de  fer,  la  Fontaine  qui  dénonce.  308. 
A  Kournols,  une  voie  romaine  assez  bien  caractérisée  se  nomme -le 
Chemin  ferré,  etsur  d'autres  points  le  Chemin  de  la  reine  Marguerite* . 
—  63t)-(iiti,  Planât.  Note  archéologique  sur  le  grun  deChiniore.  Grun, 
dans  quelques  sous-dialectes  d'Auvergne,  signifie  montagne,  puy. 
sommet  granitique.  M .  P.  a  découvert  sur  celui-ci  des  vestiges 
d'antiquités  annonçant  l'existence  d'une  ville  depuis  longtemps 
disparue.  11  conjecture  que  ce  fur  là l'oppide des  hommes  deChiniore. 
dont  les  Coutumes  d Auvergne  de  Prohet,  et  de  Chabrol  mentionnent 
assez  longuement  les  franchises.  «De  nos  jours,  dit-il.  on  ne  voit 
sur  ce  ténement  aucune  agglomération  importante  :  ce  ne  sont  pas, 
sans  nid  doute,  les  rares  métairies  qu'on  remarque  aux  flancs  de 
la  montagne  qui  ont  motivé  la  création  de  ces  droits  et  privilèges.» 
La  légende  s'est  aujourd'hui  emparée  du  grun  de  Chiniore.  et  l'on 
raconte  que  la   ville  qui  y  était  bâtie  a  été  engloutie  dans  un  ma- 


récage, 


A.  R.-F. 


Jahrbuch  fur  romanische  und  englische  Sprache  und 
Litteratur.  T.  XV  (3e  et  dernier  de  la  nouvelle  série). —  P.1.J.-C. 
\littes.  Sur  les  mss.  de  Renaut  de  Monlauban  conservés  en  Angleterre, 
ri  particulièrement  sur  le  ms.  Hatton,  42,  dont  M.  M.  communique 
un  long  fragment.  —  33.  Gustave  Meyer.  Mots  romans  dans  le  dia- 
lecte de  C h ■■/,'/•■  au  moyen  âge-.- —  57.  Caroline  Michaelis.  Élymologies 


1  Nous  avons,  d  ins  I  !  lépartement  do  l'Hérault,  au  delà  <1  i  Lavérun  • 
près  Montpellier,  lou  cami  de  la  reina  Acliileta  ou  Chileta.  C'est  une  an- 
cienne voie  romaine,  désignée  autrefois  sous  le  nom  de  viel  cami  roumieu. 


PERIODIQUES  I4V 

romanes.  —  65.  Franz  Scholle.  Les  Assonnances  en  a,  ai,  an,  en,  dans 
la  Chanson  de  Roland.  —  82.  Grœber.  Les  Serments  de  Strasbourg. — 
90.  Hermann  Suchier.  Corrections  à  la  table  des  poésies  des  trouba- 
dours, de  Barisch.  —  133,267  et  407.  François  Haefelin.  Recherches 
sur  les  patois  romans  du  canton  de  Fribourg.  —  198.  Hermann 
Rcensch.  Étymologies  romanes.  —  201.  Gessner.  Fsse  comme  auxi- 
liaire du  verbe  réfléchi  en  français.  —  229.  Koschwitz.  Compte 
rendu  du  Traité  de  la  formation  des  mots  composés,  par  M.  Darmes- 
teter.  —  244.  Adolf  Tobler.  Compte  rendu  de  l'édition  des  Enfances 
Ogier,,  donnée  par  M.  Scheler. — 393.  G-.  Lùcking.  Sur  le  Chant  de 
Sainte  Eulalie.  —  397.  F.  Liebrecht.  Compte  rendu  du  recueil  de 
M.  Pitre:  Fiabe,  novelle  e  racconli  popotari  siciliani. —  445.  B. 
Schaedel.  Fragment  de  la  Chanson  de  Hervis.  Provient  de  la  bibl. 
grand-ducale  de  Darmstadt.  —  450.  F.  Liebrecht.  Sur  le  Décamérbn. 
—  452.  Bibliographie  de  l'année  1874.  C.  C. 

Archiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen  und  Lite- 
raturen.  L\;I. —  P.  11.  Adolf  Kressner.   Très-courte  notice  sur 

la  chanson  de  geste  d'Aimeride  Narbonne.  suivie  d'un  long  extrait 
(1,  500  vers  environ)  d'après  le  ras.  24369  de  notre  Bibl.  natio- 
nale. La  partie  du  poème  imitée,  par  Yictor  Hugo  clans  Aymerillot, 
ce  joyau  des  petites  épopées,  est  comprise  dans  ledit  extrait.  P.  17. 
Aufage  du  ras.  est  mal  à  propos  changé  en  sauvage.  C'est  un  mot 
bien  connu,  si  l'étymol.  en  est  incertaine.  P.  29,  Voion.  La  cor- 
rect., indiquée  par  l'avant-dernier  vers  de  la  p.  31,  était  non  voient, 
mais  voit  aie.  Même  p.,  on  a  corrigea  tort  ot  (il  y  eut)  en  ont. 
P.  49,  qu  'eurent:  lis.  queurent  (couvrent).  On  pourrait  relever  d'au- 
tres fautes;  la  ponctuation  aussi  laisse  à  désirer. — P.  51.  Adolf  Kress- 
ner. Epigrammes  (françaises)  du  XVIe  s.  tirées  d'un  vis.  de  la  bibl. 
de  Lausanne.  Ces  epigrammes  se  trouvent  dans  un  ras.  des  œuvres 
de  Marot,  ce  qui  n'est  pas  une  raison  suffisante  pour  les  lui  at- 
tribuer. L'éditeur  y  incline  cependant,  trouvant  qu'elles  sont  tout 
à  fait  dans  la  manière  du  poète  de Cahors.  C'est  de  quoi  tout  le 
monde  ne  tombera  pas  d'accord. —  P.  155-186.  Publication  précédée 
d'une  courte  notice,  par  le  Dr  Bunte,  d'un  ras.  du  XVIe  s.  de  la 
bibl.  de  Wolfenbûttel  qui  renferme  «  les  fabuleuses  histoires  de 
la  poétique  astronomye  de  très  excellent  orateur  Igine  (Hygin). 
translatées  de  latin  en  françoïs  pour  la  récréation  de  très  noble  et 
illustre  prince  François  de  Vallois,  comte  d'Angoulème,  etc.,  par 
Robert  Frescher,  maistre  es  arts  et  bachelier  en  théologie.  »  Ce 
n'est  pas,  au  vrai,  une  traduction  ;  l'auteur,  surtout  après  les 
premiers   chapitres,   s'écarte   parfois  de    son  original  et   l'abrège 


150  PERIODIQUES 

sensiblement.  P.  160  et  166.  on  a  imprimé  lais;  p.  171  et  176, 
leizetleis,  qui  n'ont  aucun  sens,  au  lieu,  je  pense,  de  ladite,  ledit, 
représentés  probablement  dans  le  ms.  par  des  abréviations  qu'on 
aura  mal  résolues.  P.  161,  l'une  au  rouste  de  l'autre.  Corr.  au 
cousté.  170,  emietoupa  de  pouldre  ;  lis.  envefoupa.  L'édit.  propose 
emmitoufla!  173,  avis  que  je  meurs  ;  lis.  ains  que  je  meure.  Il  y  a  par 
ci  par-là  d'autres  passages  ou  corrompus  ou  mal  lus.  —  PP.  186  et 
281.  Charles  Marelle.  Contes  el  chants  populaires  français .  Suite  et 
fin.  Ces  deux  articles  sont  consacrés  tout  entiers  aux  chants  po- 
pulaires. Travail  intéressant,  d'une  lecture  très-agréable.  Un  peu 
moins  d'art  peut-être  —  ou  d'artifice  —  dans  la  mise  en  œuvre  des 
matériaux,  avec  plus  de  précision  dans  l'indication  de  leur  prove- 
nance, n'aurait  pas  été  un  mal.  —  P.  241.  R.  Mahrenholtz. 
Molière  et  la  comédie  latine.  —  P,  343.  F.  Brinkmann.  Etudes 
métaphoriques  {suite).  Cet  article  traite  delà  chèvre,  du  mouton  et 
du  pourceau  G.  G. 

Le   Musée.    Revue    arlésienne,  historique  et  littéraire, 

3e  série  (  année  1876).  nos  1  à  9.  — Mémoires  de  Bertrand  Boysset, 
contenant  ce  qui  est  arrivé  de  plus  remarquable,  particulièrement  à 
Arles  el  en  Provence,  depuis  M  ecc  lxxii  jusqu'en  m  cccc  xmr,  copiés  et 
enrichis  de  notes  el  de  pires  justificatives  par  moi,  Laurent  Bonne- 
mant,  prêtre  de  la  ville  d'Arles,  en  1772.  P.  1-3,12-13,  17-20,25-28, 
43-45,  49-53,  57-61,  66-69.  La  partie  éditée,  à  l'heure  qu'il  est.  est 
presque  partout  rédigée  en  langue  provençale.  La  valeur  historique 
et  philologique  de  cet  intéressant  mémorial  sera  ultérieurement 
appréciée  dans  la  Revue.  Des  aujourd'hui,  cependant,  on  doit  re- 
mercier M.  Fassin  d'en  avoir  entrepris  la  publication.  — Recueil  de 
plusieurs  choses  mémorables  arrivées  en  la  ville  d'Arles  durant  leslrou- 
bles  de  la  Ligue,  extraictes  d'un  lien  de  raison  de  Louis  Ramette, 
dans  lequel,  parmi  les  mémoires  de  ses  affaires  domestiques,  il  a  inséré 
hoses  susdites,  selon  qu'elles  sont  arrivées  de  temps  en  temps.  (  La 
''  scription  descpielles  est  faite  eivec  un  langage  barbare  entre  le  pro- 
vençal et  le  français,  que  nous  avons  réduit  en  meilleurs  termes,  sans 
toutefois  en  altérer  le  sens  (note  du  copiste  qui  signe  à  la  fin  :  de  Re- 
batu),  p.  9-12,  20-23,  28-31,  33-35.  Document  curieux.  Si  ce  livre 
de  raison  existait  encore,  il  serait  peut-être  utile  de  le  publier.  — 
Notices  biographiques.  Jean-Baptiste  Coyk,  p.  45-48.  Reproduction 
de  la  notice  placée  en  tète  de  l'édition  des  œuvres  de  Goye,  donnée 
en  1854  par  feu  Frédéric  Billot.  Les  poésies  de  Coye  sont  assez 
connues.  Voyez  par  exemple,  Noulet,  Histoire  littéraire  despatois 
du  Midi,  Revue,  lrc série.  Vil,  182-183.    Quelques  fautes  typogra- 


LE   SIEGE    DE    TOULOUSE  151 

phiques  sont  à  relever  dans  la  notice  de  M.  B.  :  Belland  de  la  Bel- 
ïandière  et  Toussaint  Gras,  p.  47,  lisez  :  Bellaud  de  la  Bellaudière  et 
Toussaint  Gros.  L'édition  de  M.  Billot  reproduit  celle  de  Mesnier. 
d'Arles,  en  1829,  laquelle,  malgré  son  titre,  est  loin  d'être  com- 
plète. Un  poëme  inédit  de  Coye  se  trouve,  en  effet,  dans  un  des 
ras.  de  la  Bibliothèque  de  Nimes:  il  a  pour  titre  :  VEsvanouissamenl 
de  Phœbus  ou  ÏEsclipse  dou  soleou  en  1706.  Son  mérite  littéraire  est 
au-dessous  du  médiocre.  —  Cansoun  nonvello  sur  Icis  desastres  que 
la  villo  (VArle  et  son  terraire  an  eyssuga  per  Vinnoundacwun  dou  Rose 
en  l'annado  1755,  p.  54-55.  Complainte  provençaleen  seize  couplets 
de  six  vers.  En  terminant  ce  compte  rendu,  il  est  à  propos  de  men- 
tionner la  médaille  d'argent  que,  dans  sa  session  d'Arles,  la  Société 
française  d'archéologie  a  décernée  au  Musée.  Cette  distinction,  dont 
le  principal  honneur  revientà  M.  Fassin,  n'était  que  justifiée. 

A.    R.-F. 


Le   Siège  de  Toulouse  et  la  Mort  de  Simon  de  Montfort 

Poursuivant  le  cours  de  ses  études  sur  le  midi  de  la  France  aux 
XII*  et  XI11*  siècles,  M.  Henri  Delpech  a  exposé  dans  une  troi- 
sième conférence,  faite  à  Montpellier  le  26  février,  le  siège  de  Tou- 
louse et  la  monde  Simon  de  Montfort  en  1218. 

M.  H.  D.  nous  avait  précédemment  montré  la  littérature  des 
troubadours,  promenant  dans  toute  l'Europe  ses  sirventes  et  ses 
chansons  ;  polissant  d'abord  une  société  à  demi  barbare  ;  la  rédui- 
sant, malgré  elle,  à  accepter  la  supériorité  de  l'intelligence  sur  la 
force  physique  ;  y  atténuant,  plus  que  partout  ailleurs,  les  inéga- 
lités de  la  naissance  par  l'admission  des  troubadours,  quelle  qu'eût 
été  leur  extraction,  dans  l'intimité  de  princes  et  de  seigneurs  très- 
attachés  à  leurs  privilèges.  Heureuse  cette  littérature  si,  dès  la  fin 
du  XIIe  siècle,  elle  ne  s'était  laissée  aller  à  une  licence  et  une 
afféterie  que  dépassaient  encore  les  tendances  générales  de  cette 
époque  !  Ce  n'est  pas  dans  les  pays  de  langue  d'Oc  qu'il  fallait 
chercher  alors  cet  esprit  d'ordre  et  de  sagesse  qui  caractérise  les 
mœurs  d'une  race  virile.  Amollie  par  le  luxe,  par  la  prospérité  de 
son  commerce,  par  sa  richesse,  provenant  d'une  viticulture  très- 
ètendue,  cette  société  eu  était  arrivée  à  un  relâchement  de  mœurs 
extraordinaire. 

Dans  un  milieu  ainsi  composé,  les  idées  albigeoises  devaient  ai- 


152  LE    SIEGE    DE    TOULOUSH 

sèment  trouver  des  défenseurs  et  des  adeptes. Tout  le  Midi  n'accepta 
pourtant  pas  les  doctrines  nouvelles.  Il  était  naturel  que  l'Eglise 
réagîl  à  son  tour  contre  ce  mouvement  anormal,  qui  menaçait  la 
civilisation  non  moins  que  le  christianisme,  et  qui  se  compliqua 
plus  tard,  vers  la  fin  de  la  guerre,  d'une  certaine  rivalité  entre  le 
Nord  et  le  Midi.  Le  rôle  de  Simon  de  Montfort  n'a  pas  été  expliqué 
de  la  même  façon  par  tous  les  historiens,  sans  doute  parce  qu'il 
ne  s'est  pas  développé,  dans  la  succession  de  ses  actes,  avec  un 
caractère  bien  tranché  d'unité  et  de  logique.  On  doit  savoir  gré  à 
M.  H.  D.  d'avoir  éclairé  d'un  jour  nouveau  cette  grande  et  énig- 
matique  ligure.  Partout  vainqueur  dès  le  début,  soutenu  par  un 
esprit  très-pénétrant  et  très-délié,  Montfort  n'affecta  pas  immé- 
diatement ces  tendances  à  la  domination  personnelle  qui  le  com- 
promirent sur  la  fin.  Grâce  à  des  dispositions  admirables  etau-^i 
à  l'étrange  présomption  de  ses  adversaires,  il  remporta  la  bataille 
de  Muret,  où  il  sut  culbuter  un  ennemi  infiniment  plus  nombreux. 
Mais,  avant  même  cette  bataille,  l'Église  avait  mis  des  lim  -on 

ambition.  Comblé  d'honneurs,  ébloui  par  l'importance  des  services 
qu'il  avait  rendus,  Simon  de  Montfort  ne  tendit  à  rien  moins  qu'à 
devenir  l'unique  souverain  du  Midi,  disposant  à  son  gré  des  apa- 
nages, et  appliquant  à  son  intérêt  personnel  le  but  religieux  et 
social  de  la  croisade.  M.  H.  1).  nous  a  •montré  les  populations 
s  éveillant  alors  et  oubliant  leurs  dissensions  intestines  pour  se 
liguer  contre  l'ennemi  commun.  Tant  que  les  Gascons  et  les  Pro- 
vençaux furent  rivaux,  Simon  de  Montfort  resta  le  maître.  Quand 
ils  surent  unir  leurs  efforts,  le  vainqueur  de  Muret  fut  perdu. 

L  n  plan  du  siège  de  Toulouse,  remis  à  chaque  auditeur,  facili- 
tait les  descriptions  du  conférencier.  -Nous  ne  reproduirons  pas  les 
éloges  des  organes  de  la  presse  locale  sur  l'art  infini  avec  lequel 
ont  été  présentées  ces  savantes  déductions;  M.  II. D.  nousa  dépeint, 
comme  l'aurait  fait  un  témoin  oculaire,  les  émouvantes  péripéties 
du  siège  de  Toulouse,  supporté  avec  tant  de  courage  par  les  habi- 
tants de  tout  âge,  de  tout  sexe  et  de  toute  condition  ;  l'inondation 
des  !i;b  quartiers  de  la  ville;  la  reconstruction  de  ses  remparts 
sous  le  tir  des  machines  de  guerre  ennemies;  l'approche  delà  gatU 
de  Simon  de  Montfort  et  sa  destruction  saluée  par  les  assiégés 
de  ce  cri  de  raillerie  héroïque,  que  la  Chanson  de  la  Croisade  albi- 
geoise nous  a  conserve  : 

Per  Dieu  na  falsa  gâta  jamais  no  prendretz  ratz  '  ! 


1  Histoire  en  vers  de  la  croisade  contre  les  Albigeois  (Cansos  de  la  cro- 
zada  gontb  els  breges  dalueges),  édition  Fauriel;  Paris,  1837,  in-4% 
vers  8,213. 


LES    REUNIONS    DU    FELIBRIGE  153 

On  sait  que  Simon  de  Montfort  fut  tué  d'un  coup  de  pierre  qui. 
selon  l'énergique  expression  du  poêle,  l'atteignit  à  la  tète,  là  où  il 
fallait  • 

E  venc  tôt  dreitla  peira  lai  on  era  mestiers.  (Vers  8,451.) 
M. H.  D.  a  décrit  le  jeu  du  mangonneau  et  d'autres  machines  de 
guerre  en   usage  au  XIII"»  siècle,  en  homme  qui  les  a  vus  fonc- 
tionner au  château  de  Pierrefonds,  où  l'on  en  conserve  des  spéci- 
mens pour  faciliter  l'étude  du  moyen  âge. 

A.  Espagne. 


LES    REUNIONS    DU    FELIBRIGE 

A    AIX    ET    A    MONTPELLIER 


Des  trois  grandes  sections  ou  maintenances  qui  se  partagent  le 
félibnge,  deux,  celles  de  Provence  et  de  Languedoc,  ont  tenu  leurs 
assemblées  annuelles  au  commencement  de  l'année  1877  :  Ja  main- 
tenance de  Provence,  à  Aix  ;  celle  de  Languedoc,  à  Montpellier. 

La  réunion  d'Aix,  annoncée  d'abord  pour  le  14  janvier  et  ren- 
voyée ensuite  au  28,  a  été  présidée  par  M.  Théodore  Aubanel.Elle 
comptait  trente  adhérents  environ,  parmi  lesquels,  MM.  Mistral, 
Anselme  Mathieu,  Alphonse  Tavan.  de  Derluc-Perussis,  Vidal . 
Marius  Bourrelly,  Eugène  Tavernier,  Frizet,  Bonafous,  Auguste 
Verdot,  Astruc,  Guillibert,  Legier  de  Mesteynie,  Ch.  Descosse,  etc  ; 
MM.  Roumanille  et  Félix  Gras  n'avaient  pu  y  assister,  par  suite  d'un 
deuil  de  famille  très-récent.  Il  en  a  été  de  même  de  M.  Gaut.  à 
peine  convalescent  d'une  maladie  qui  a  mis  un  moment  ses  jours 
en  danger. 

M.  Aubanel  a  prononcé  son  discours  d'ouverture  avec  cette  élo- 
quence sympathique,  large   et  colorée,  pleine   de  mouvement  el 
d'inspiration  lyrique,  que  connaissent  ceux    qui  l'ont  entendu  au 
centenaire  de  Pétrarque  et,  deux  ans  après,  à  Forcalquier.  Les  pro- 
grès du  Midi,  a-t-il  dit,  sont,  incessants  depuis  trente  ans,  elle  féli- 
brige  doit  n'avoir  d'autre  tâche  que  celle  de  les  agrandir  et  de  les 
accroître.  Comparant  ensuite  la  langue  provençale  à  une  statue  pré- 
cieuse échappée  aux  outrages  des  Barbares  dans  les  ruines  d'une 
des  vieilles  arènes  méridionales,  il  a  encouragé  les  félibres  non-seu- 
lement à  la  relever  et  à  la  replacer  sur  son  piédestal  d'autrefois,  à  la 
restaurer  et  à  la  remettre  en  gloire,  mais  encore  à  l'animer  et  à  lui 
rendre  l'esprit  et  la  vie  : 

«  Couine  aquélis  estatuo  de  maubre  qu'avèn  alrouvado  dins  nôsti  vièiis 
areno,  debaussado,  routo,  aclapado  de  la  man  di  Barbare,  la  lengo  prou 

11 


154  LES    REUNIONS 

vençalo  èro  jasènto  au  sôu,  matrassado,  espôutido,  oublidado,  elo,  la 
rèino,  la  fado  de  tant  de  siècle  flôri,  de  tant  de  Iroubaire  li  mai  famous. 
L'avèn  aubourado,  l'estatuo  I  Piousamen  avèn  barra  si  plngo  e  sarci  lis 
estras  de  sa  raubo  blanco  La  divesso,  aro,  ve-1'aqui  tourna  sus  soun 
pedestau,  sèmpre  sourmènlo  e  jouino,  plus  bello   e  plus  enauranlo  que 

jaraail  Regardas  l Ac6  's  giand  e  bèu,  certo  !  eh  bén!  espasproun  I... 

Aquôu  maubre  fre,  fau  que  s'enfioque  !  Aquelo  estatuo,  fau  que  s'anime  ! 
Aquelo  grando  morto,  fau  que  revive  coume  anlan  ! , . . .  » 

Et  celte  comparaison  était  poétiquement  juste.  Les  mille  idio- 
mes de  notre  pays  ne  sont-ils  pas,  à  autant  de  titres  que  les  monu- 
ments du  sol,  les  restes  mutilés  et  souillés,  si  l'on  veut,  mais 
vivants,  de  ses  annales,  les  témoins  de  sa  vie  historique  et  de  ses 
luttes  passées?  M.  Aubanel  insista  sur  la  nécessité  de  retremper 
le  Midi  dans  la  grandeur  et  la  beauté  de  sa  langue,  de  rattacher  ses 
fils  à  leur  village,  à  leur  province,  «  comme  le  lierre  à  la  terre 
nourrice.  »  Et  il  termina  son  discours  par  une  conclusion  d'un  tour 
aussi  poétique  que  la  comparaison  que  neus  venons  de  citer: 

«  Au  bèu  tèms  delà  flouresoun  de  nosto  lengo,  un  troubaire,  que  s'èro 
crousa,  revenié  de  Palestino.  Avié.  dins  lou  désert  fa  l'amistanço  d'un 
leioun,  e  la  noblo  bestio,  fidèlo  e  douço,  lou  jour  de  la  partenço  seguiguè 
soun  mèstre  enjusqu'au  veissèu.  Mai  lou  capitàni  noun  vouguè  embarca 
l'oste  esfraious,  e  lou  troubaire  mountè  soulet  sus  la  ratamalo.  Quand  ]ou 
leioun  se  veguè  à  l'abandoun  sus  lou  ribeirés,  e  lou  veissèu  que  s'aliuen- 
chavo...  tout  d'un  vanc.  d'un  bound  terrible,  se  jitù  dins  li  flot,  e  nadè  à 
la  seguido. 

■>  Messies,  l'amour  de  la  Prouvènço  vau  bèn  l'amistanço  d'aquéu  chi- 
valiê.  La  Prouvènço  se  gandis  vers  lou  trelus,  vers  lou  triounfle  :  jiten- 
nous  à  la  bello  eisservo,  dins  lou  boulegamen  felibren,  e  seguiguen,  àtra- 
vès  lis  erso  sereno  o  tempestouso.  lou  veissèu  prouvençau  !  » 

M.  de  Villeneuve-Esclapon  lut  ensuite  son  rapport  sur  l'orga- 
nisation de  la  maintenance  de  Provence,  depuis  la  réunion  de 
Sainte-Estelle,  à  Avignon,  et  il  le  lit  précéder  de  quelques  détails 
sur  l'organisation  du  félibrige.  Nous  allons  les  résumer  d'après  le 
Prouvençau  d' Aix  *  : 

Les  félibres  se  divisent  en  trois  catégories  :  les  majoraux,  les 
mainteneurs  et  les  correspondants. Les  premiers  sont  au  nombre 
de  cinquante,  et  leur  réunion,  qui  se  nomme  Consistoire,  régit  l'en- 
semble de  l'association.  Elle  prend  toujours  le  bureau  triennal  dans 
son  sein,  prononce  la  dissolution  d'une  école  ou  l'exclusion  de  ses 
membres,  nomme  les  maîtres  en  gai  savoir  et  se  renouvelle,  eniin, 
en  choisissant  toujours  les  majoraux  parmi  les  mainteneurs,  qui. 
eux,  peuvent  être  en  nombre  illimité.  Les  correspondants  sont  les 
membres  étrangers  au  midi  de  la  France. 

'  Le  Prouvençau,   n°  du  4  février. 


DU   FELIBRIGE  155 

L'association  elle-même  est  partagée  en  trois  grandes  sections 
ou  maintenances,  qui  comprennent:  sous  le  nom  de  Provence,  tous 
ies  pays  de  langue  d'oc  situés  le  long  de  la  rive  droite  du  Rhône  ; 
sous  celui  de  Languedoc,  ceux  qui  sont  situés  sur  la  rive  gauche  ; 
sous  celui  de  Catalogne,  le  comlat  de  Barcelone,  avec  Valence  et 
les  îles  Baléares.  Chaque  maintenance  se  divise  en  écoles,  qui  sont 
la  réunion  des  félibres  d'une  même  ville. 

En  tête  de  la  maintenance  est  un  syndic,  nommé  par  le  Con- 
sistoire, et  deux  ou  trois  vice-syndics  avec  un  secrétaire,  nom- 
més par  tous  les  membres.  En  tête  de  l'école  se  trouve  un  ca- 
biscol.  Sur  la  demande  qui  en  fut  faite  à  M.  Auhanel,  la  réunion 
provençale  approuva  les  statuts  des  quatre  écoles  de  Forcalquier 
(Felibredeis  Aup),  d' Aix  (Felibrede  Lar),  de  Marseille  (Felibre  de  la 
mar)  et  d'Avignon  (lou  Flourège).  Elle  désigna  ensuite  ses  vice- 
syndics,  MM.  J.-B.  Gaut  et  Marius  Bourrelly,  ainsi  que  son  secré- 
taire, M. de  Villeneuve-Esclapon. 

La  question  des  dialectes  locaux  fut  soulevée  par  M.  Fr.  Vidal, 
qui  soutint  avec  force  leur  utilité  et  fit  ressortir  la  variété  et  la  grâce, 
qu'ils  apportaient  aux  productions  de  l'esprit  d'une  nation.  Son 
argumentation  fut  appuyée  par  Mistral  et  par  M.  Bonafous,  qui 
invoquèrent  à  l'appui  les  idiomes  de  l'antique  Hellade  et  ceux 
existant  aujourd'hui  dans  la  péninsule  italique,  ainsi  que  l'éclat  et 
les  aspects  imprévus  qu'ils  avaient  donnés  à  la  littérature  de  ces 
deux  pays    La  réunion  se  rangea  à  l'opinion  de  M  .Vidal. 

M.  Vidal  appela  ensuite  l'attention  de  l'assemblée  sur  l'oppor- 
tunité qu'il  y  aurait  à  s'occuper  des  fêtes  de  la  Cha mon  du  Latin,  que 
la  Société  pour  l'élude  des  langues  romanes  prépare  depuis  longtemps, 
et  qui  coïncideront  avec  le  bimillénaire  de  la  fondation  d'Aix-en  ■ 
Provence  parle  proconsul  romain  Caius  Sextius. 

Cette  proposition,  pour  laquelle  nous  tenons  à  remercier  spé- 
cialement M.  Fr.  Vidal,  fut  très -favorablement  accueillie.  L'as- 
semblée délégua  l'école  aixoise  des  félibres  de  Lar  en  ce  qui  touche 
le  bimillénaire.  Le  savant  directeur  du  Musée,  M.  Emile  Fassin, 
qui  est  aussi  adjoint  à  la  mairie  de  la  ville  d'Arles;  MM .  Clair 
Gleizes  et  Marius  Girard,  de  Saint-Rémy,  doivent  étudier  ce  qui 
devra  se  faire  à  Arles  et  à  Saint-Rémy  pour  les  fêtes  delà  Chanson 
du  Lalin.  Les  propositions  de  ces  Commissions  seront  soumises  à 
l'assemblée  générale  du  félibrige,  le  21  mai  prochain  l. 

Telle  a  été,  dans  ses  traits  principaux,  la  réunion  de  la  mainte- 


1  Nous    empruntons  la    plus   grande    partie  de     ces    indications  au 
Mémorial  d'Aix,  n°  du  4  février. 


156  LES  REUNIONS 

nance  de  Provence.  Celle  de  la  maintenance  de  Languedoc  s'est 
tenue  à  Montpellier,  le  dimanche  des  Rameaux.  La  veille,  c'est-à- 
dire  le  24  mars,  la  Société  des  langues  romanes  avait  invité  les 
félibres  à  une  séance  extraordinaire,  à  l'hôtel  de  ville.  Cette 
reunion  était  fort  nombreuse  et  fut  consacrée  par  moitié  à  la  poé- 
sie et  à  la  philologie.  M.  Charles  de  Tourtoulon  communiqua 
d'abord  le  résumé  des  observations  qu'il  avait  recueillies  sur  les 
lieux  mêmes  touchant  les  limites  de  la  langue  d'oc  en  France  et 
dans  la  Suisse  romande.  Il  s'attacha  à  constater  qu'à  partir  du 
point  où  s'arrête  la  grande  carte  qui  accompagne  son  rapport  à 
M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique,  cette  limite  se  dirige  vers 
l'Est  jusqu'aux  environs  de  Bourg  ;  qu'elle  remonte  de  là  vers  le 
Nord-Est  à  travers  les  départements  de  l'Ain,  du  Jura  etduDoubs, 
pour  aboutir  à  Bienne,  en  Suisse,  redescendre  par  Morat,  Fri- 
hourg  et  Sierre,  en  s'infléchissantun  peu  vers  l'Ouest,  à  la  hauteur 
de  Lausanne.  D'après  M.  de  Tourtoulon,  la  presque  totalité  de  la 
Suisse  romande  appartient  à  la  langue  d'oc,  et  le  français  n'y  est 
qu'une  langue  importée. 

Celui  qui  écrit  ces  lignes  donna  lecture  d'une  étude  critique  sur 
l'idée  latine  dans  quelques  pièces  en  langue  d'oc,  en  espagnol  et  en 
catalan,  composées  depuis  le  Concours  de  Montpellier,  où  Bringuier 
avait  porté  un  blinde  à  l'union  future  de  tous  les  peuples  de  lan- 
gue romane  '. 

La  poésie  ne  pouvait  manquer  d'avoir,  dans  cette  séance,  des  in 
terprètes  dignes  d'elle.  M.  Arnavielle  lut  d'abord  sa  belle  ode  A  la 
memorio  de  F.  Cambouliù,  insérée  dans  YArmana  de  Lengadb  de  cette 
année,  mais  écrite  en  1870.  Quelques-unes  de  ses  strophes,  — 
celles  surtout  où  il  disait  que  Cambouliù  n'avait  pas  eu  la  consola- 
tion de  voir  «  la  croissance  de  l'arbre  qu'il  avait  planté  », — émurent 
profondément  les  membres  qui,  ayant  connu  de  près  le  fondateur 
de  la  Société,  savaient  quelle  foi  et  quelle  ardeur  de  conviction  et  de 
eontiauce  il  apportait  en  toutes  choses. 

Perqué  la  Mort  escarioto, 
O  Cambouliù  !  tant  leu  t'ajassè  dins  sounclau? 
De  l'aubre  qu'as  planta  n'as  pas  vist  l'espandido  ; 

N'as  pas  couneigu  !ou  soûlas 

Qu'endor  lou  lauraireque,  las, 
Dau  sèti  pairoulau,  la  jouncho  au  sèr  gandido, 

Vei  sa  lamiho  liegourdido 
E  gaio,  qu'es  l'oustau  prouspère. . .  Noun.ai  !  las: 

1  Voyez  plus  haut,  page  114. 


DU    FELIBRIGE  157 

D'ouro  t'a  près  la  mort.  Mes  n'a  près  qu'un  cadabre  ; 

Elo  dau  cor  nous  a  pas  près 

Toun  souveni  ;  sempre  i'es  1res. 
Dau  tems  escrafarèl  pot  courre  lou  grand  vabre. 

Sempre  toun  noum,  o  mèstre  fabre  ! 
Lusira  sus  toun  obro,  à  soun  frountau  de  grès  ! 

M.  Louis  Roumieux  lut  deux  morceaux;  d'un  genre  différent,  mais 
qui  furent,  eux  aussi,  vivement  appréciés.  Le  premier  avait  pour 
titre  lou  Sou  d'Antounieto,et  traduisait  admirablement  une  circon- 
stance des  derniers  moments  de  la  felibresse  de  Beaucaire  ';  la 
seconde  était  une  épitre  badine  en  vers  latins,  français  et  proven- 
çaux, d'une  très-spirituelle  facture.  M.  Fourès  dit  ensuite  le  Troum- 
belo2,  et  M.Gaidan  lou  Rigau3. allégorie  d'un  sentiment  si  exquis  ; 
MM.  de  Villeneuve-Esclapon,  Antonin  Glaize,  Desjardins  et  Gros, 
lurent  aussi  diverses  pièces  de  vers. 

Mais  le  grand  succès  de  cette  séance  était  réservé  à  M.  Laurès,  de 
Villeneuve-lez-Béziers;  deux  fragments  de  ses  Sel  Pecach  capitals 
de  las  fennos  de  la  campa gno'*  et  la  Malautiè  de  la  vigno,  publiée  déjà 
en  1855  dans  le  Bulletin  de  la .Société  archéologique  de  Béziers,  furent 
accueillis  avec  une  faveur  marquée.  La  Malautiè  de  la  vigno  avait, 
grâce  au  phylloxéra,  repris  un  intérêt  d'actualité,  et  l'un  des  mem- 
bres présents  rappela  qu'il  avait  entendu,  en  1869,  une  sorte  de 
rapsode  ambulant  déclamer  cette  pièce  sur  les  bords  du  Rbône, 
en  plein  pays  provençal.  De  combien  de  poètes  modernes  pourrait- 
on  en  dire  autant3  ? 

Plusieurs  dames,  parmi  lesquelles  Mme  de  Ricard  et  sa  sœur 
M'ia  Wilson,  MUe  Léontine  Goirand  et  Mlle  Mireille  Roumieux,  la 
gracieuse  filleule  de  Mistral,  assistaient  à  cette  séance.  Mlle  L. 
Goirand,  dont  on  n'avait  pas  oublié  le  beau  sonnet  A  Nemausa 
(Revue,  numéro  de  janvier  1877),  voulut  bien  dire  quelques  vers 
d'une  touchante  et  délicate  poésie. 

La  réunion  de  la  maintenance  se  tint  le  lendemain.  Selon 
l'usage,  elle  eut  lieu  à  table  et  dans  les  salons  de  l'hôtel  Bis.carrat. 

1  M"*  Antoinette  Rivière,  de  Beaucaire.  Ses  poésies  ont  été  publiées  sous 
ce  titre:  li  Belugo  d'Antounieto  de  Bèu-caire;  Avignon,  Aubanel.  1865;  in-8°. 
3Î6  pages . 

2  Armanac  de  la  Lauseto.  18Jf6,  pag.  161 . 
:i  4rmailciPfouvençau,  1876,  pag.  71. 

4  Imprimé  en  1858 par  l'auteur.  Béziers,  Millet;  in-8°,  36  pag. 

;  M.  Laurés  va  réunir  ses  poésies  en  un  volume,  qui  sera  publié  à  Mont- 
pellier sous  le  titre  suivant:  lou  Campestre.  Nous  prenons  la  liberté  de 
le  recommander  aux  lecteurs  de  la  Revue. 


158  LES  REUNIONS 

Avec  Mistral,  arrivé  dans  la  matinée  du  25  mars,  elle  comptait 
MM.  Louis  Roumieux,  chancelier  du  félibrige;  Cantagrel,  président 
de  la  Société  des  langues  romanes;  Achille  Mir,  Camille  Laforgue, 
J.  Gaidan,  Arnavielle,  de  Villeneuve-Esclapon,  Goirand,  le  docteur 
Houx,  Laurès,  le  docteur  Charles  Coste,  Boucherie,  Auguste 
Fourès,  de  Ricard.  Antonin  Glaize,  le  colonel  Fulcrand,  Ch.  De- 
loncle,  Frédéric  Cazalis,  directeur  du  Messager  agricole;  Ernest 
Hamelin.le  docteur  Elphége  Hamelin,  Desjardins,  Albert  Cha- 
banier.  Clair  et  Etienne  Gleizes,  Simil,  Boucoiran,  Rettner,  etc. 
Le  syndic  de  la  maintenance,  M.  de  Tourtoulon,  prononça  le  dis- 
cours d'ouverture,  et,  dans  un  langage  qui  était  un  modèle  d'aisance, 
de  mesure  et  de  facilité,  définit  le  rôle  des  écoles  félibriques  et  la 
nécessité  de  maintenir  intactes  les  formes  constitutives  de  chaque 
dialecte  : 

«  Dins  aquel  Miejour  qu'a  mema  lenga.  i'a  mai  d'una  parladura  ;  i'a 
ce  que  lous  savents  apeloun  de  dialeites,  e  n'aven  prou  de  diferents 
dins  nostra  mantenença.  Tout  aqueles  parlas  an  lou  drech  de  vieure, 
toutes  podoun  demanda  sa  plaça  jout  nostrer^l  azurenc,  au  lum  que  Dieu 
alargo  i  mounde1,  que  dona  à  la  natura  la  vida,  e  à  quauques  omes  la 
força,  l'engeni  e  l'inmourtalitat. 

»  Noun  i'a  tant  pichotvilage  das  Aups  ou  das  Pirenèusque  noun  âge 
lou  drech  de  garda  sa  parladura  naturala  ;  e  série  pas  embé  nautres  lou 
que  voudriè  faire  contre  quante  lengage  que  sieguece  qu'aven  repiouchat 
à  d'autres  de  faire  contra  la  lenga  d'O  touta  entieira. 

»  Que  degus  noun  vengue  dire  aici  qu'un  parla  es  pus  poulit  ou  pus 
lourd  qu'un  autre.  S^3  chasi/ue  aucèu  trovo  soun  nis  bèu  2,  chasque  auccl 
tamben  trova  bèu  lou  cantà  de  soun  nis.  lou  cantà  de  sa  maire.  Es  per 
que  dins  chaque  endrech  pogue  estre  estudiat,  caressât  e  aussat  en  gloria1, 
aquel  cantà  dau  nis,  aquel  parla  dau  brès,  que  lou  counsistori  felibrenc 
coustituïs  las  escolas.. . 

»  Mes  uua  escola  pourrie,  couma  se  dis,  tira  trop  l'acatage  de  soun 
constat;  es  aici  que  la  mantenença  ven,  couma  soun  noum  ou  fai  veire, 
mantene  à  la  fes  lendependençia  de  chaque  parla  e  l'unitat  de  la  lenga 
felibrenca... 

»  L'unitat  es  pas  l'unifourmitat  ;  una  letra  do  mai  ou  de  mens  chanja 
pas  lou  founs  e  i'engeni  d'uaa  lenga;  e  quoura  sera  enlendut  que  ce  que  se 
prounouncia  la  mema  causa,  s'escrieu  la  mema  causa  dins  touta  la  terra 
d'O,  que  lasparaulas  (relevan  quaucas  unas,  e  n'i'a  pas  gaire)  soun  las 
memas  dins  toutas  nostras  prouvencias,  eme  un  vesti  diferent,  quoura 
acô  sera  coumprés.  veirés  pareisse  mai  qu%,  mai  la  forta  unitat  jouta  la 
genta  varietat  de  nostra  lenga.  .. 


1  Ver*  >k>  l'invocation  de  Félix  Gras  au  premier  chant  des  Carbounié. 
:  Proverbe  populaire,  devenu  la  devise  de  M.    Roumieux. 
les  vers  bien  connus  de  Jtirèio. 


DU    PELIBRIGE  159 

»  Avès  vist  aquelas  tapissâriès  coussudas  e  trelusentas,  toutas  mir- 
i^alhadas  d'or  e  de  coulous  :  lous  iols  n'en  soun  onclausits;  mes,  quand 
n'avès  vist  un  tros  grand  couma  la  man,  avès  tout  vist:  es  toujour  la  mema 
figura,  toujour  la  mema  flou,  toujour  lou  même  aucel  estampât  de  pan 
en  pan,  sens  que  i'ague  soulament  un  pount  de  mai  ou  una  ralha  de 
mens.  Aco's  cb  qu'apeloun  l'unitat,  lous  que  mauparloun  de  noslra  lenga, 
acô's  ce  pus  bèu  que  pogue  cabi  dins  soun  esprit. 

»  Mes  anàs  aici  proche,  dins  aquelas  salas  ounte  Fabre,  Valedeau, 
Gollot  e  nostre  amie  regretat  Alfred  Brnyas,  an  amoulounat  îous  trésors 
de  lapintura:  regardas  ce  que  s'apela  lou  Mariage  de  santa  Calarma,  de 
Verounese;  las  Femnas  d'Algè,  de  Delacroix,  e  digàs-me  se  dins  aqueles 
tablèus  i'a'na  figura  parieira  a'na  autra  figura,  i'a'n  trach  parie  à'n  autre 
trach;  e  digàs-me.  pamens,  se  vesès  pas  sus  aquelas  telas  una  amirabla, 
una  resplendenta  unitat. 

»  Acô's  l'unitat  que  nous  faigaud...  »' 

Le  discours  de  M.  de  Tourtoulon  terminé,  M.  Arnavielle  donna 
lecture  de  son  rapport  et  proclama  les  noms  des  mainteneurs,  au 
nombre  de  cent-vingt  environ.  On  remarqua  parmi  eux  trois  dé- 
putés et  deux  membres  de  V Académie  française. 

MM.  Achille  Mir,  de  Carcassonne  ;  Laforgue,  de  Quarante;  Chas- 
tanet,  de  la  Bachellerie,  furent  réélus  à  l'unanimité  vice-syndics  de 
la  maintenance.  M.  Albert  Arnavielle  fut  aussi  réélu  secrétaire. 
Leurs  pouvoirs   seront   valables  pendant  trois  ans. 

Les  statuts  des  écoles  de  Nimes,  d'Alais  et  de  Montpellier  fu- 
rent ensuite  approuvés  par  la  réunion.  L'école  de  Nimes  porte  le 
nom  de  Soucieta  di  felibre  de  la  Miougrano  ;  celle.  d'Alais,  de  Soucielo 
dasfi'libres  gardounenes  ;  celle  de  Montpellier,  de  Parage,  qui  mérite 
une  explication  préliminaire. 

Par  le  mot  de  parage,  on  désignait  souvent,  aux  XIIe  et  XIIIe  siè- 
cles, l'ensembledela  civilisation  chevaleresque, les  vertus, les  avan- 
tages,les  manières  d'être,  qui  en  étaient  à  la  fois  la  conséquence  et 
le  signe.  Le  parage  exprimait  encore  la  noblesse,  non  pas  unique- 
ment et  simplement  celle  de  race,  mais  celle  qui  consiste  dans 
la  culture  de  l'âme  et  de  l'esprit,  qui  se  manifeste  par  la  courtoi- 
sie et  la  générosité  *.  Telle  est  l'acception  qu'il  revêt  fréquemment 
dans  la  Chanson  de  la  croisade.  Et  l'auteur  de  la  geste  tend  par- 
tout a  la  développer  et  à  l'agrandir.  Il  s'efforce  de  relever  la 
haute  idée  qu'il  en  a,  en  dépeignant  presque  l'état  du  Midi  «comme 
un  état  idéal  de  joie  et  d'allégresse,  comme  un  monde  où  tout  est 

1  Cette  définition  est  textuellement  empruntée  à  l'introduction  que  Fau- 
riel  plaça  en  tète  de  l'Histoire  de  la  croisade  contre  les  hérétiques  albi- 
geois.  Paris,  1837;  m-4°.  lxi-lxii. 


I  o  LES    RKJTN10NS 

vie,  splendeur  et  lumière;  comme  un  vrai  paradis,  car  c'est  le  mot 
qu'il  emploie,  et  ce  n'est  pas  une  fois,  et  par  hasard c'est  sé- 
rieusement  pour  ne  pas   rester   trop   au-dessous  du  sentiment 

dont  il  est  plein  *.  » 

Le  préambule  du  Parage  reproduit  en  grande  partie  la  définition 
du  felibrige,  telle  qu'elle  fut  arrêtée,  d'abord  par  Roumanilie  et  Mis- 
tral,à  la  suite  des  Jeux  floraux  d'Apt,  en  1862,  et  telle  qu'Aubanel 
la  développa  aux  fêtes  de  Forcalquier,  en  1875: 

I. 

«  Lou  felibrige,  y  est-il  dit,  es  establit  per  amor  de  garda  lou  parla 
rouman,  sa  libertat  esï  volha  naturala;  lou  felibrige  es  gai,  amistadous 
e  frairenau,  pie  de  simplessia  e  defranquessia. 

»  Ten  en  ferme  perpaus  lou  chale  de  soun  brès  nadalenc,  delà  França 
e  delà  terra  latina. 

»  Soun  vi  es  la  bèutat,  soun  pan  es  la  bountat,  e  soun  cami  la  veritat. 

»  A  lou  sourel  per  regalida,  tira  sa  sciencia  de  l'amour  e  fisa  en  Dieu 
sa  prima  espéra  2. 

»  Serva  soun  odi  per  ça  qu'es  odi,  aima  e  recampa  ça  qu'es  amour. 

II. 

<  En  causa  d'aque!  prefach  epe-r  fin  qu'es  pas  soulament  felibre  aquel 
que  se  capita  troubaire  e  que  canta,  mais  tant  ben  lou  que  sap  lou  noum 
das  sants,  das  princes  edas  omesde  Frouvença,  lou  que  se  sentis  grandi 
flavans  l'obra  dau  Puget,  ou  que  tresana  au  raconte  de  la  vida  de  Mount- 
nalm,  de  las  vitorias  île  Sufren  ou  de  la  mort  d'Assàs  ;  aquel  que  sus  la 
peira,  per  lou  cant  ou  la  parladura,  enaura  mai  que  mai  lou  chale  de 
soun  brès  nadalenc,  de  la  França  e  de  la  terra  latina  s. 

»  Lous  set  Mounl-pelieirencs  que  se  rencountreroun  de  cor  lou  quatre 
de  nouvembre  mila  ioch  cents  setanta  cinq  l  s'acordoun  per  estituïr  una 
escola  felibrenca  que  sarà  dicha  lou  Parage. ....    » 

Le  Parage  choisit  quarante-neuf  membres  dans  Montpellier  el  le 

même  nombre  dans  les  dialectes  qui  rappellent  le  mieux  sa  langue 
naturelle.  Les  sept  félibres  qui  composent  son  bureau  sont  tou- 
jours de  Montpellier.  Ses  membres  s'assemblent  sept  fois  par  an. 
dans  l'un  ou  l'autre  de  leurs  sept,  lieux  félibrins  qui  sont,  dit  le 
Statut  : 


1  Fauriel,  Histoire  de  la  croisade,  etc.,  p.  lxji. 

2  Voyez  l'ancien  statut  du  felibrige,  Armana  prouvençau,  1863,  p.  108. 

3  Voyez  le  Disrtmrs  prononcé  par  Aubanel  à  Forcalqnipr.  p.  26. 

•Ij's  félibres  languedociens  se  réunirent  à  Montpellier, le  1  novembre 
187o,  et  y  fixèrent  les  premières  bases  de  l'association  qui  forme,  à  l'heure 
actuelle,  la  maintenance  de  Languedoc. 


DU    FELTBRIGE  161 

«  L'illa  de  Magalouna,  lou  pioch  de  Sant-Loup,  la  pineda  de  Mount- 
ferriè,  lou  pioch  de  Sant-Glar,  à  Seta  ;  la  bauma  de  las  Doumaiselas,  lou 
bos  de  Pechaboun  e  la  barouniè  de  Lunel .  » 

Ces  lieux  de  réunion  ont  été  choisis   à  dessein  dans  les  limites 
du  sous-dialecte  de  Montpellier. 
Le  statut  du  Pavage  se  termine  de  la  manière  suivante  : 

III. 

«  Estent  que  la  parladura  rnount-pelieirenca  es  clara,  franca  e  naturala, 
e  que  la  voulen  mantene  à  toujour  clara.  franca  e  naturala,  degus  se  pot 
seire  dins  lou  Parage,  se  noun  a  lou  ferme  perpaus  d'escrieure  mai  que 
mai  la  lenga  de  Mount-peliè  e  de  n'acreisse  l'espandiment  e  la  fourtuna. 
Parieirament  degus  se  pot  seire  dins  la  tieira  das  quaranta-nôu  socis 
causits  en  fora  de  Mount-peliè.  se  noun  escrieu  una  parladura  que  re- 
trague,  couma  una  sorre  retrais  sa  sorre,  la  parladura  dau  Parage  de 
Mount-peliè. 

Après  le  vote  des  trois  statuts  de  Nimes,  de  Montpellier  et 
d'Alais,  deux  subventions  furent  accordées  par  la  maintenance  : 
la  première,  à  l'école  de  Nimes,  pour  le  journal  qu'elle  publie  sous 
le  titre  de  Dominique*;  la  seconde,  à  celle  d'Alais,  pour  VArmana 
de  Lengad»,  devenu  sa  propriété  particulière. 

Une  discussion  s'éleva  ensuite  touchant  l'idiome  à  employer  dans 
les  actes  officiels  de  la  maintenance.  Le  syndic  dit,  avec  raison, 
qu'il  devait  être  pris  de  préférence  dans  la  province  de  Languedoc. 
afin  que  l'on  ne  fût  pas  exposé  à  changer  de  dialecte  toutes  les  fois 
que  (\q^  maintenances  nouvelles  seraient  créées  dans  le  domaine 
de  la  maintenance  actuelle.  Le  cévenol  et  le  toulousain  ayant  été 
écartés  sans  opposition,  M,  de  Tourtoulon  proposa  qu'une  sorte 
de  partage  fût  établi  entre  le  montpelliérain  et  un  des  idiomes  qui 
possèdent  Vo  à  la  désinence  du  féminin.  M.  Mistral  se  leva  alors  et 
lit  remarquer  que  la  question  ne  pouvait  être  tranchée  par  le  vote, 
attendu  que  le  dialecte  du  chef-lieu  de  la  maintenance  était  naturel- 
lement le  dialecte  officiel  de  celle-ci. 

Le  tour  des  brindes  était  arrivé:  M.  de  Tourtoulon  reçut  à  ce 
moment  une  dépèche  de  M.  Aubanel,  ainsi  conçue  : 

A  travès  li  piano  estellado. 
Salut  en  touto  la  taulado  '. 
De  pouésio  plen  moun  got, 
Brinde  au  sendi  de  Lengadô  ! 

Le  syndic  de  Languedoc  répondit,  lui  aussi,  par  un  télégramme 


*  Cette  publication  doit  prendre  bientôt  un  autre  nom. 


162  LES  REUNIONS 

en  vers.  Une  seconde  dépêche  de  félicitations  fut  également  envoyée 
par  M .  Maurice  Faure,  le  secrétaire  de  la  Cigale,  de  Paris. 

M.  de  Tourtoulon  ayant  bu  ensuite  à  Mistral,  celui-ci  répondit 
par  ces  paroles  admirablement  inspirées  et  qui  allèrent  de  suite,  il 
faut  le  dire,  au  cœur  de  tous  les  assistan: 

«  Au  noum  dôu  felibrige,  porte  un  salut  d'ounour  à-n-aquelo  drudo 
terro  que,  souto  noum  divers  de  Narbouneso,  de  coumtat  de  Toulouso  e 
«le  Lengadô.  a  toujour  fioramen  auboura  dins  li  siècle  soun  engèni  latin, 
soun  esperit  rouman,  sa  voio  renadivo. 

»  Terro  de  Lengadô,  portes  lou  plus  bèu  noum  qu'uno  patrîo  ague 
pourta  :  lou  noum  éu-mème  de  ta  lengo  ! 

»  Aquéu  noum  naciounau,  clar  coume  toun  soulèu,  rapello  sèmpre  à 
tis  enfant  qu'an  uno  lengo  siéuno  ;  e  tout  orne  dôu  pais,  tout  fléu  digne 
de  tu,  rèn  que  d'ausi  toun  noum,  o  Lengadô  !  es  fourça  de  rendre  oumage 
à  la  soubeirano  lengo  qu'es  estado  ta  meirino. 

»  E  vaqui  perqué,  Messies,  eici  sias  tant  noumbrous  e  tant  afeciouna 
pèr  manteni  la  causo. 

»  Gramaci  vous  avèngue  de  la  part  iti  Prouvençau,  de  la  part  di  Limou- 
sin, de  la  part  di  Catalan  e  de  tôuti  aquéli  que  subre  la  figuiero,  la  ta- 
marisso e  l'oulivié,  entèndon  canta  la  cigalo '.....  » 

Et  le  toast  de  M.  Mistral  se  terminait  ainsi  : 

«  Avans  de  m'asseta,  vole  apoundre  à  moun  brinde,  uno  santa  pre- 
ciouso.  Beve,  Messies,  au  sendi  majourau  de  vosto  mantenènço  :  à  Moussu 
lou  baroun  Carie  de  Tourtouloun,  aquéu  savent  atravali,  aquéu  flame 
patrioto  qu'a  counsacra  tonto  sa  vido  à  releva  lou  sentimen  de  nosto  nu- 
ciounalita,  d'abord  en  publicant  la  vido  dôu  rèi  Jaume,  e  pièi  en  recer- 
cant  e  retrouvant  emé  bonur,  desempièi  eilalin  iou  ribeirés  de  l'Oucean 
jusque  peramoundaut  licounglasde  la  Souisso,  li  raro  naturalo  de  noste 
empèri  literàri,de  noste  empèri  naturau  ! 

Au  cours  de  son  brinde.  Mistral  avait  dit  que  le  midi  de  la  France 
avait  eu  l'heur  de  rencontrer  une  idée  qui,  au-dessus  des  luttes  de 
l'humanité  moderne,  embrassait  les  gloires  du  passé,  les  ardeurs 
du  présent  et  les  rêves  de  l'avenir,  une  idée  d'honneur,  d'amour  et 
de  paix,  qui  ferait  de  son  sol  le  lien  central  de  la  race  latine.  Le 
toast  du  président  de  la  Société  des  langues  romanes  marqua  davan- 
tage, s'il  est  possible,  l'idée  dont  M  .  Mistral  s'était  inspiré: 

«  Damas  e  Messies, 

»  Brinde  à  la  familha  latina,  que  s'espandis  sus  la  terra  benesida  dau 
sourel. 

»  Seguet  ela  qu'agetlou  suprême  ounou  d'alucà  lou  lum  de  la  civilisa- 
cioun  e  de  la  sciencia  au  fougau  sacrât  de  l'Evangeli,  e  que  l'a  manten- 
gut  toujour  trelusente  trioumflant.  Que  garde  sa  nobla  missioun;  qu'ou- 
blide  pas  que  deu  luchà  contre  un  enemic  pouderous,  jalous  de  sa  gloria 
de  vint  siècles. 


DU    FÉLIBRÏGE  163 

»  Brinde  à  l'es|iandiment  e  à  la  vitoria  finala  de  nosta  raça:  brinde  à 
sa  fidelitat  à  las  leis  que  fan  lasnaciouns  vertadieiraraent  libras,  grandas 
e  urousas  ! 

»  Longa-mai  !  » 

D'autres  blindes  furent  ensuite  portés  par  MM  .  Roumieux,  Albert 
Arnavielle,  Antonin  Glaize,  Boucherie,    Chabanier,  Simil,  Clair  et 
Etienne  Gleizes,  etc.  Des  pièces  de  poésie  et  de  prose  furent  lues 
par  MM.  Achille  Mir,  Auguste  Fourès,  Deloncle,  le  docteur  Ch. 
Coste,  Gros  et  Desjardins.  Un  toast  en  vers  de  M.  Laforgue,  adressé 
à  la  fois  à  MM.  Mistral,  Azaïs  et  Arnavielle,  fut  d'autant  plus  remar- 
qué, que  M.  Gabriel  Azaïs  n'avait  pu  venir  à  la  réunion  de  la  main- 
tenance. L'auteur  des  Vesp rados  avait  été  retenu  à  Béziers  par  un 
deuil  qui  n'était  pas  seulement  un  deuil  de  famille  :  la  mort  de  son 
frère  Bruno  Azaïs,  le  poëte  facile  et  populaire,  mais  trop  rare  depuis 
lors,  de  la  pièce  sur  l'inauguration  delà  statue  de  P. -P.  Riquet  en 
1838,  et  probablement  aussi    des    vers   charmants  A  iriamigo,  qui 
ont  été  imprimés  à  la  suite1.  La  réunion  accueillit  par  de  vifs  ap- 
plaudissements cet  hommage  rendu  à  l'infatigable  travailleur  qui, 
à  un   âge  où  le  repos  s'impose  aux  organisations  les  plus  actives, 
donnait  au  Languedoc, -dans  les    Vespr ados  de  Clair ac,  le  premier 
recueil  de  poésies  qu'il  ait  eu  à  opposer  à  la  Provence;  continuait 
la   publication  du   Breviari  d'amor   de  Matfre   Ermengaud,  cette 
curieuse  encyclopédie  de  la  science  méridionale  au  XIIIe  siècle,  et, 
en  éditant  le  Dictionnaire  des  idiomes  du  Midi,  trouvait  encore  le  loisir 
de  préparer  un  choix  de   poésies   provençales  et  languedociennes 
que  nous  n'aurons  pas,  il  faut  l'espérer,  à  attendre  trop  longtemps. 
Le  toast  de  M.  Boucherie  fut  écouté   avec   la  même   faveur  que 
celui  de  M.  Laforgue.  Il  était  écrit   en  saintongeais  et  constituait 
un  plaidoyer  très-spirituel  en  faveur  du  français  d'abord,  et  ensuite 
de  ces  «  pauvres  patoës  qui  ne  sont  dière  méchant,  et  qui   vêlant 
tant  seurement  coume  le  charbonnier  ète  les  maite  chez  eux2.  »  Par 
quelques  mots   d'un   excellent   languedocien,  M.  Boucherie  s'était 
inutilement  excusé    d'apporter  des  paroles  de   langue    d'oil  dans 
une  réunion  presque  exclusivement  composée  de  Méridionaux 

«  01  est  in  patoès  qui  n'en  vaut  beun  in  aute.  Il  est  vrioge,  il  est  seurge 
et  pu  doux  que  de  la   brèche,  surtout  quante  ol  est  noû  jennes  filles  qu1 

1  Bersés  dé  très  nuénços.  Béziers,  Granier,  1839;  in-8°,  42  pages.  C'est 
à  Bruno  A.zaïs  que  M.  Mistral  a  dédié  sa  pièce  lou  Vin  de  Bachelèri- 
Voyez  les  Isclos  d'or,  pag.  436. 

2  Le  texte  de  ce  toast  a  été  revu  et  corrigé  par  M.  Marchadier  (de 
Cognac),  un  de  nos  meilleurs  santonisants.    A.  B.) 


164  LES    REUNIONS    DU    FELIBRIGE 

le  parlant.  01  at  meinme  des  peursoune   d'ine  grande  éduque  qui  disant, 
sais  pas  sol  est  vrai  et  vous  ou  crérez  si  vous  vêlez, 

Que,  dans  le  Paradis,  Adam  et  sa  fumelle 

Et  le  bon  Guieu  litout  parliant  en  saintongeuè. 

»  Ce  qu'o  y  at  de  sûr  et  çartain,  ol  est  qu'ol  est  tieù  patoès  que  parlait 
Françoès  peurmier.  Et  ol  est  bein  demage  queCougnat,  là  voure  il  est  ne 
naissut,  séje  pas  venut,  peur  la  meinme  occasion,  la  capitale  de  la 
France,  rapport  qu'astoure  je  parlerions  teurtous  le  saintongeoès.  Mais  le 
bon  Guieu  zou  a  sans  doute  pas  velut,  et  aneut  o  faut  pu  z'y  penser. 

»  Et  peux  ça  près,  peur  vous  dire  le  définiment,  o  ne  nous  dépiàit  poin, 
pusque  Cougnat  a  pas  poïut  ète  le  mâite.  qu'o  séje  Paris.  J'avons  poin 
oublié  que  tiélés  gens  delà  partie  dau  Nord  nous  avant  rendul  maisd'in 
sarvice.  et  qu'il  avant  teurjou  été  au  tail  avant  les  autes  et  tieuquefoé 
tous  seuls,  en  le  temps  que  tiélés  des  étranges  pays  veniyant  peur  nous 
teurcher  querelle.  Est-ou  pas  zeùx,  avec  Charles  Martiâ,  tout  au  proche 
de  Potiers,  qu'avant  si  beun  écarbouillé  tiélés  Moricot,  autrement  dit 
tiélés  Sarrazin,  que  toute  la  partie  dau  Midi  n'en  était  ennangée,  et  que 
le  piein  mitan  de  la  France  allait  z-y  passer  litout  1  Est-ou  pas  tiélés  dau 
Nord  qu'avant  si  bein  veurluté  les  Allemands  à  Bouvines  ?  Est-ou  pas 
zeux,  au  ras  d'Orlians,  coumindé  qu'il  étiant  peur  la  fameuse  Jeanne  Dar, 
qu'avant  coumincé  à  arouter  les  Anliais  ?. . . . 

»  Eh  voué  !  voué  don  !  tiélés  là  qui,  parlant  la  langue  de  voué  (langue 
d'oil)  avant  fait  houneur  à  noute  pays;  et,  coume  disait  tié  brave  pésann^ 
de  Jeanne  Dar,  «  il  avant  été  au  danger,  ol  est  be  de  jusse  qu'i  sejant  à 
la  gloére.  »  Ce  qui  vint  au  meinme  de  dire  que,  pusqu'o  faut  à  a'iu 
meinme  pays  ine  meinme  langue,  tieuques-ins  meinme  n'en  veudriant 
me  seule  peur  le  monde  entier,  ol  est  be  dejusseque  n'on  choésisse  la 
langue  dau  Nord.  Mais,  si  je  li  quittons  prenre  la  pu  boune  piace,  o  n'est 
poin  a  dire  pour  tieu  que  je  garderons  reun  peur  nous  autes 

»  Ah!  la  grand  misère!  si  n'on  nou  le  prend,  noute  patoès,  je  seron  de 
nosjor  pu  bon  à  reun  :  seron  coume  l'avêuille  qu'a  peurdut  son  bâton. 
Coument  fron-ji  peur  nous  entende  ?  Les  filles  se  fourcherant  de  nous 
aute:  a  dérant  que  je  chanfroésons.  Et  noù  bétiaire,  sauf  voûte  raspet, 
noû  paure  bétiaire,  je  peuron  pu  nous  faire  comprenre  peur  zeùx  qui  ne 
quenoussant,  boune  gen,  que  le  saintongeoès.  Et  je  peuvons  peurtant  pas 
les  envoyer  à  l'école,  quand  meinme  o  deurait  nous  coûter  reun.  L'est 
peur  le  cot  que  les  instituteur  dériant  qu'il  avant  déjà  prou  de  bêles  à 
éduquer. 

»  Qu'o  séje  don  ine  affaire  beun  entendue.  J'apprenron  le  français 
comme  je  peurron,  mais  sans  renoncier,  la  meinme  chouse.  à  noute  ja- 
brail  saintongeoès,  maugré  qu'i  séjant  bein  près  parents.  Et  je  continue- 
rons de  le  parler,  de  le  chanter  et  meinme  de  le  jurer  in  p'  lit  chichot  — 
fouliquette  —  quaate  les  dames  z-y  serant  pas.  » 

Cette  relation  serait  incomplète  si  nous  omettions  un  blinde  qui 
devait  être  porté  à  la  mémoire  d'Oclavien  Rringuier  et  que  l'heure 
avancée  ne  permit,  pas  d'entendre.  Il  appartient  à  M.  Gaidan,  de 


CHRONIQUE  165 

Nimes.  Quoiqu'il  n'ait  pas  été  prononcé,  nous  tenons  à  l'insérer 
ici,  et  surtout  à  remercier  son  auteur  du  souvenir  qu'il  gardait  a 
notre  excellent  et  regrettable  ami. Les  paroles  de  M.  Gaidan  étaient 
dignes  du  poète  que  la  Société  ne  pourra  oublier,  et  encore  moins 
remplacer: 

«  A  l'arderous  e  melicous  felibre  qu'enaure  lou  parla  de  Mount-pelié 
e  adournè  de  tant  de  bellis  e  fortis  obro  noslo  lengo  d'Ol 

»  Es  au  miè  de  soun  prefa  e  à  l'ouro  qu'entamenavo  emé  soun  noble 
ami  e  traire,  noste  valent  sendi  Carie  de  Tourtouloun,  de  marca  li  raro 
de  noste  parla,  que  la  mort  lou  raubè  pèr  lou  manda,  roumiéu  de  l'en  - 
feni,  dins  li  mounde  de  l'amo  que  n'an  ni  raro  ni  counlin. 

»  A-naquéu  bèu  troubaire  que  viéu,  pèr  eilamount,  dins  la  pas  e 
l'amour  e  dins  la  libella  qu'amavo  tant  ! 

»  A  la  memôri  d'Outavian  Brenguier  !  » 

Alph.    ROQUE-l'ERRIEB. 


-0-=<3CrT^ 


CHRONIQUE 


La  Sociale  des  langues  romanes  a  prorogé  au  1er  août  1877  le 
délai  d'envoi  des  pièces  de  poésie  destinées  au  Concours  du  Chant 
du  Latin. 

Elle  croit  devoir  rappeler,  à  cette  occasion,  les  termes  du  pro- 
gramme publié  en  1875  : 

«  Les  concurrents  devront  considérer  cette  pièce,  dont  la  lon- 
gueur ne  doit  pas  être  bien  considérable  et  pour  laquelle  le  cata- 
lan, le  provençal,  la  langue  d'oc,  le  français  et  toutes  les  langues 
romanes  sont  admis  à  concourir,  comme  une  sorte  de  chant  de  race, 
pouvant,  au  moyen  de  traductions  sur  le  même  rb.ytb.me,  devenir 
commun  a  tous  les  peuples  qui  parlent  un  idiome  dérive  de  l'an- 
cienne langue  de  Rome. 

»  Ils  auront,  en  outre,  à  indiquer  d'une  manière  précise  lalangue 
ou  le  dialecte  employés   dans   leurs   compositions.  » 

Les  manuscrits  du  Chant  du  Latin  (avec  la  notation  musicale,  si 
les  auteurs  le  jugent  à  propos)  devront  être  adressés  franco,  avant 
le  délai  précité,  à  M.  le  Secrétaire  de  la  Société  pour  V élude  des 
langues  romanes,  à  Montpellier. 


* 


Nous  sommes  heureux  d'apprendre  aux  lecteurs  de  la. Sevue  que 
M.  Manuel  Milâ  y  Fontanals,  professeur  à  l'université  de  Barce- 
lone et  président  de  l'Académie  des  sciences  et  lettres  de  cette 
ville,  vient  d'être  nommé  grand-croix  de  l'ordre  de  Charles  111. 
Cette  distinction,  que  le  gouvernement  espagnol  accorde  très-rare- 
ment, dit,  mieux  que  nous  ne  saurions  le  faire,  en  quelle  estime  les 
travaux  de  notre  collaborateur  sont  tenus  à  Madrid  et  dans  le 
monde  savant. 


166  CHRONIQUE 


«  » 


M.  Alfred  Bruyas,  membre  libre  de  la  Société,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur,  est  mort  à  Montpellier  le  l'r  janvier  1877.  Son 
nom,  désormais  inscrit  sur  la  liste  des  plus  généreux  bienfaiteurs 
de  notre  ville,  avait  dans  le  monde  artistique  une  légitime  célé- 
brité. En  relation  et  en  correspondance  suivies  avec  tous  les  pein- 
tres de  notre  temps,  M.  Bruyas  était  un  amateur  des  plus  distin- 
gués ;  il  avait  acquis  un  grand  nombre  de  tableaux  et  d'objets  d'art, 
qu'il  a  légués  au  musée  Fabre.  Il  a  complété  sa  donation  par  celle 
d'un  choix  de  livres  sur  la  peinture,  la  sculpture  et  les  arts  du 
dessin.  Ces  collections  nouvelles  ne  déparent  pas  le  fond  des 
Fabre,  des  Collot  et  des  Valedeau,  pour  le  musée  proprement  dit: 
des  Alfieri,  des  Auguste  de  Saint-Hilaire  et  des  Flottes,  pour  la 
Bibliothèque.  A.  F. 


*■ 


L'abondance  des  matières  nous  force  à  renvoyer  à  l'un  des  plus 
prochains  numéros  de  la  Revue  une  note  sur  les  trois  premières  pu- 
blications spéciales  de  la  Société,  le  compte  rendu  du  Dominique 
de  Nîmes  et  l'étude  de  M.  Antonin  Glaize  sur  les  hclo  d'or,  de 
Frédéric  Mistral. 


* 


Au  moment  de  mettre  sous  presse,  nous  apprenons  que  la  Ri- 
cislu  di  filologia  romanza  va  reparaître  avec  ie  concours  de  l'Uni- 
versité de  Home.  Nous  souhaitons  le  meilleur  succès  a  la  publica- 
tion de  M.  Ernest  Monaci,  et  nous  ne  doutons  pas  qu'elle  ne  con- 
tribue aussi  efficacement  que  par  le  passé  à  la  prospérité  des 
études  philologiques    en  Italie. 


On  a  consacré,  le  14  décembre  dernier,  l'église  du  grand  sémi- 
naire de  Fréjus,et  célébré  en  môme  temps  le  centième  anniver- 
saire de  la  fondation  du  Séminaire,  laquelle  eut  lieu  en  1776.  A 
cette  double  cérémonie,  la  poésie  provençale  et  la  poésie  française 
avaient  été  admises  à  concourir  sur  le  même  pied  d'égalité.  M.  le 
chanoine  Paul  Terris  y  a  porté  un  brinde  à  Mgr  Jordany,  dont 
nous  citerons  quelques  strophes,  fort  heureusement  trouvées: 

Zôu  !  turten  loi  got,  s'eicô  vous  pou  plaire. 

léu  vois  pouerte  un   brinde  a  vous,  Mounsegnour. 

Awas  samena  tout  de  long  dôu  jour, 

E  tout  susarènl  menavias  l'araire  : 

E  vèici  que  Dieu,  mestre  don  jardin. 
Qu'a  larga  l'eigagno.  e  l'aire,  e  la  vido, 
Vous  douno   aujourd'uoi  de  fa  la  culido; 
Voueste  vespre  à  vous  semblo  un  bèu  matin. 

Longo  e  longo-mai,  tôutei  pousquen  vèire 
La  frucho  maduro  e  vous  la  culi. 
Sus  vouéstei  peu  bianc  que  lou  jour  fali, 
Siégue  clar  e  dous  coume  à  vouéstei  rèire 


CHRONIQUE  167 

On  doit  à  M.  l'abbé  Terris  de  savants  travaux  sur  la  liturgie, l'his- 
toire et  l'hagiologie  des  anciens  diocèses  d  Apt  et  de  Carpentras1, 
nul  n'était  donc  mieux  préparé  que  lui  à  rendre  cet  hommage  à 
l'un  des  évêques  qui  se  sont  montrés  les  plus  sympathiques  à  la 
renaissance  des  lettres  provençales. 


* 


«  La  Société  des  anciens  textes  français  a  mis  en  distribution  deux 
ouvrages:  le  Roman  de  Brun  de  la  Montaigne,  publié  par  Paul  Meyer, 
et  le  t.  I  des  Miracles  de  la  Vierge  par  personnages,  publiés  par 
G.Paris  et  U.  Robert.  —  La  première  de  ces  deux  publications 
appartient  à  l'exercice  de  1875; la  seconde,  à  celui  de  1876.»  {Eoma- 
nia,  n°  d'octobre  1876,  p.  510.) 


La  Société  des  éludes  littéraires  et  scientifiques  du  Loi  eut,  en  1875, 
un  concours  qui  fut  mentionné  dans  la  Revue-Ce\u\  qu'elle  annonce 
pour  cette  année  énumère  divers  sujets.  Dans  le  nombre  figurent 
la  monographie  d'un  monument  ou  d'un  établissement  du  Quercy, 
antérieur  à  1790  ;  celle  d'une  commune  ou  d'une  région  du  dépar- 
tement du  Lot,  et  une  pièce  de  poésie  en  langue  d'oc.  Gomme 
thème  de  celle-ci,  la  Société  propose  «  le  monument  qui  va  être 
bientôt  érigé  sur  une  des  places  de  Gahors,  à  lamémoire  des  en- 
fants du  Lot  morts  pour  la  pairie  dans  la  guerre  de  1870-1871.  » 

Les  monographies  communales  comprendront  :  la  description  de 
la  commune,  son  histoire  avec  les  pièces  à  l'appui;  une  étude  sur 
les  monuments  qu'on  y  rencontre  et  le  recueil  des  légendes,  des 
dictons  et  des  usages  locaux. 

Les  manuscrits  doivent  être  adressés  franco,  avant  le  15  juin 
1877,  au  Secrétaire  de  la  Société,  à  Gahors. 

Un  autre  concours  esc  indiqué  à  Nice.  La  Société  des  sciences, 
lettres  et  arts  de  cette  ville,  donnera,  ce  mois  d'avril,  une  médaille 
de  vermeil  au  meilleur  mémoire  sur  le  sous-dialecte  du  comté  de 
Nice  ou  sur  le  passé  et  le  présent  de  la  langue  provençale. 


Le  Consistoire  des  Jeux  floraux  de  Barcelone  tiendra,  le  6  mai, 
sa  séance  annuelle.  L'églantine  d'or  est  réservée  à  la  meilleure 
poésie  sur  un  fait  historique  propre  «  à  la  terre  catalane  »;  la  vio- 
lette d'or  et  d'argent,  à  la  meilleure  pièce  religieuse  ou  morale. 
Le  choix  du  prix  d'honneur  et  de  courtoisie  est  laissé  aux  concur- 
rents. 


4  M.  l'abbé  Terris  a  découvert  depuis  peu,  dans  les  archives  munici- 
pales de  Fréjus,  divers  textes  provençaux,  et  il  se  propose  d'en  faire 
profiter  la  Revue. 


168  CHRONIQUE 

D'autres  prix  sont  encore  énumérés  dans  le  carlell  des  septmain- 
teneurs.  Nous  remarquons,  entre  autres,  une  médaille  d'argent 
offerte  à  une  étude  critique  du  Théâtn  catalan,  de  ses  traditions  et  de 

sonélat  actuel.  Ce  sujet  a  déjà  figuré  sur  le  programme  de  l'année 
dernière,  sans  qu'il  se  trouvât  de  mémoire  digne  d'être  couronné. 
Il  ne  fut  décerné  qu'un  accessit. 

La  Misteriosa,  de  Barcelone,  ouvre  également  un  concours  litté- 
raire dont  les  résultats  seront  proclamés  en  séance  .solennelle  de 
cette  association  le  23  avril,  fête  de  saint  Georges,  patron  de  la  Ca- 
talogne. 


M.  Advielle,  attaché  au  Secrétariat  général  du  ministère  des 
linances,  à  Paris,  prépare,  disent  les  procès-verbaux  des  séances  delà 
Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  VAveyron,  X,  87,  une  édition 
des  œuvres  françaises  et  rouergates  de  Peyrot,  prieur  de  Pradinas. 
«  Il  désire  que  les  personnes  qui  possèdent  des  documents  sur  le 
poëtç  aveyronnais,  tels  que  renseignements  biographiques,  lettres, 
poésies,  portraits,  lui  en  donnent  avis,  afin  qu'il  puisse  les  men- 
tionner dans  son  travail.» 

* 

*  * 

M.  Bartsch  publia  en  1869,  d'après  le  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque du  prince  Chigi,  à  Borne,  le  mystère  de  Sainte  Agnès;  mais 
son  édition,  aujourd'hui  assez  rare,  avait  entièrement  négligé  la  par- 
tie musicale  de  ce  petit  draine  provençal. 

La  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes,  qui  a 
édité,  sous  la  direction  de  M.  Sardou,  la  Vida  de  sant  Honorai,  de 
B.  Feraud.  entreprend  aujourd'hui  une  édition  françaisedu  mystère 
de  Sainte  Agnès. 

Le  texte  sera  accompagné  d'une  traduction  littérale  et  de  notes 
par  M.  Sardou,  delà  copie  des  vieux  airs,  notés  comme  ils  le  sont 
sur  le  manuscrit  original,  et  reproduits  ensuite  en  notation  musi- 
cal»'moderne.  Cette  transcription  est  due  à  M.  l'abbé  Baillard. 

Il  ne  sera  tiré  que  deux  cents  exemplaires  grand  in-8"  du  Mys- 
tère de  sainte  Agnès  (7fr.  50,  papier  de  Hollande  .  On  souscrit  chez 
M.  Lagarrigue,  trésorier-archiviste  de  la  Société  des  lettres,  sciences 
et  arts  des  Alpes-Maritimes,  à  Nice,  et  chez  M.  Champion,  libraire- 
éditeur,  15,  quai  Malaquais,  a  Paris. 

* 

*  * 

Publications  philologiques  et  rééditions.—  Paul  Meyer,  Recueil 
d'anciens  textes  bas-latins,  provençaux  et  français  (2e  partie).  Paris, 
in-8o.  —  Raynaud,  Elude  sur  le  dialecte  picard  dans  le  Ponlhieu, 
d'après  les  chartes  des  XII h-  et  XIVe  siècles.  Paris.  Vieweg;  in-8o, 
L'7  pages.  —  A.  Delboulle,  Glossaire  de  la  vallée  d1  Yères,  pour  servir 
à  l'intelligent/  du  dialecte  haut-normand  et  à  Vhisloire  de  la  vieille 
langue  française  Le  Havre.  Brenier;  in-8o,  xix-344  pages.  —  Lor- 
rain, Glossaire  du  patois  messin.  Nancy.  Sidot;  Ln-8o,  63  pages. 
—  Contejean ,  Glossaire  du  patois  de  Mohtbelliard.  Montbelliard, 
Barbier  :  in-8o,  282  pages.  —  Guveiro  y  Pinol.  Diccionario  gallego. 
Madrid.    Murillo  ;   in~i°.   vin-336    pages.    —    Marcel    Devic,   Djc- 


CHRONIQUE  169 

tionnaire  étymologique  des  mois  français  d'origine  orientale  (arabe, 
■persan,  turc,  hébreu,  malais).  Paris,  Imprimerie  nationale;  in-8°, 
xvi-279  pages.  —  Clédat,  Leçon  d'ouverture  du  cours  de  littéra- 
ture du  moyen  âge  professé  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon.  Paris, 
Thorin  ;  in-8°,  29  pages.  —  Récits  d'un  ménestrel  de  Rheims  au 
XIIIe  siècle,  publics  par  M,  Natalis  de  Wailly.  Paris,  Loones  ; 
in-8<>,  lxxi-338  pages. —  Paulin  Paris,  les- Romans  de  la  Table  ronde 
mis  en  nouveau  langage,  tome  V.  » 


Travaux  sur  la  poésie  populaire,  —  Pelay  Briz:  Causons  de  la 
terra  (tome  V).  Barcelona,  Verdaguer  ;  in-12,  304  pages.  —  Rol- 
land, Devinettes  ou  énigmes  populaires  de  la  France,  suivies  de  la  réim- 
pression d'un  recueil  de  77  indovinelli  public  et  Trévise  en  1(328,  avec 
une  préface  de  M.  G.  Paris.  Paris,  Vieweg  ;  in-12,  xvi-178  pages. 
—  Clément- Janin,  Sobriquets  des  villes  cl  villages  de  la  Cùte-d'Or 
(2e  partie),  arrondissement  de  Deaune.  Dijon,  Marchand  ;  in-8o, 
vn-81  pages. —  Perron,  Proverbes  de  la  Franche- Comté,  éludes  histo- 
riques et  critiques.  Paris,  Champion  ;  in-8o,  xn-152  pages,  —  Cer- 
quand,  Légendes  et  récits  populaires  du  pays  basque.  Pau,  Ribaut; 
in-So,  97  pages.  (Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  des  sciences,  lettrée 
tt  arts  de  Pair . 


Puiilications  en  langue  i)*oc. —  Recueil  de  noëls  vellaves,  par  l'abbé 
Natalis  Cordai  (  1 63 1-1648),  publiés  avec  introduction  elnotes,  par  l'abbé 
«J.-B.  Payrard.  Le  Puy,  Freydier;  in-8°.  xxxn-127  pag.  —  Poésies 
de  dom  Guérin  (de  Nanl),  publiées  par  MM.  Mazel  et  Vigouroux. 
Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi:  in-8",  74  pag.  et  carte. 
(Cette  publication  comprend  six  pièces,  qui  parurent  pour  la  pre- 
mière fois  dans  la  Revue,  en  1874-1875. — L'abbé Favre,  Histoire  de 
Jectn-Vonl-pris.  conte  languedocien  du  XVIIIe  siècle,  traduit  et  pré- 
cédé d'une  notice,  par  J.  Troubat.  Paris,  Liseux;  in-16,  Lii-77pag. 

—  Bonaparte-Wyse,  la  Cansoun  capouliero  dùu  felibrige ,  seguido 
d'un  brinde  f  ourla  lou  jour  de  Santo-EsUllo ,  a-n-Avignoun.  Ply- 
moutb,  Keys,  in- 8°. —  Aubanel,  Discours  prounouncia  dins  l'assem- 
blado  generalo  de  la  manlenènço  de  Prouvenço,  lengudo  à-z-Ais  lou 
28  dejanvié  de  1877.  Nimes,  Baldy-Riffard;  in-8°,  15  pag. —  Pelay 
Briz,    la  Roja,  Barcelona,  estampa  de  lo  Parvenir;  in-12,  352  pag. 

—  Jean  Laurès,/ous  Bracouniès,  ou  lou  Repas  de  Vase.  Béziers,  Mali- 
nas;  in-8°,  31  pag.  —  Mozobrau,  lou  Refrain  do  peisan,  troisième 
libre  de  chanson  en  potouei  limousi.  Limoges,  Ducourtieux;  in-12, 
190  pag.  —  Etienne  Pelabon,  la  Réunion  patriotique,  comédie  en 
vers  français  et  provençaux.  Toulon,  Castex.  —  Causeries  du  Con- 
teur vaudois,  éditées  par  L,  Monnet,  lre  série.  Lausanne,  Vincent; 
in-12,-  xvi-144  pag.  (contient  un  certain  nombre  de  textes  contem 
porains,  en  dialecte  du  canton  de  Vaud). 


#  * 

A  l'occasion   de  la  création  d'un  Conservatoire   de  musique,  la 
ville  de  Béziers  avait   décidé,  en   1876,   un   Concours  littéraire   et 

12 


I7D  CHRONIQUE 

musical,  qui  n'a  pas  été  sans  éclat.  Le  premier  de  ces  concours, 
divisé  en  trois  sections  :  cantate,  chœur  français  et,  chœur  néo- 
roman, est  resté  ouvert  du  î'r  août  au  1er  novembre.  M.  Marius 
Bourrelly,  de  Marseille,  y  a  remporté  une  médaille  d'argent  pour 
un  chœur  provençal,  intitulé.  Bilerra  ! 

(/est  la  quatrième  médaille  que  le  traducteur  des  Fables  de  Lafon- 
taine  recueille  à  Béziers  depui     1873. 


Publications  concernant   l'histoire,    la  littérature   et 
l'archéologie   des  provinces  du  midi  de  la  France 

Desjardins  (Ernest),  Géographie  historique  et  administrative  de  la 
Gaule  romaine  (t.  I).  Paris,  Hachette  ;  in-8°,  476  pages. 

Tillion,  le  Puy-de-Dôme,  ses  ruines  gallo-romaines  el  son  observa- 
toire.  Clermont-Ferrand,  Ducros,  in-8°,  48  pages. 

Carré,  le  Régime  municipal  à  Périgueux  aux  deux  premiers  siècles 
de  l'empire  romain.   Périgueux,  Dupont  ;  in-12,  m-133  paies. 

Charaux,  Tonanlius  Ferreolus,  provincise  Galliseprxfeclus.  Mont- 
de-Marsan,  l.eclereq  ;  in-8°,  57  pages. 

Charaux,  Saint  A  vite,  évéquc  de  Vienne  en  Dauphiné,  sa  vie  el  ses 
œuvies.  Mont-de-Marsan,  Leciercq  ;  in-8°,  "204  pages. 

Germer-Durand.  Découvert' s  archéologiques  faites  à  Nîmes  et 
dans  le  Gard  pendant  l'année  1872.  1er  et  2e  semestres.  Nimes,  Gate- 
lan  ;  in-8»,  139  pages. 

Ginouvès  (i'abbé),  Panégyrique  de  saint  Fuicran.  Montpellier, 
Seguin  ;  in-8°,   40  pages. 

Revillout,  Elude  historique  et  littéraire  sur  V ouvrage  latin  intitulé 
Vit  de  saint  Guillaum,  .  Montpellier,  Boehm  ;  in-4°,  82  pages. 

Une  Vallombreuse  en  France,  el  Esquisse  sur  saint  Gualberl  Yisdo- 
mini,  fondateur  de  l'ordre  de  Vallombreuse  985-1073).  Au  monas- 
tère de  "Vallombreuse,  à  Loriol  (Drome)  ;  in-12,  48  pages. 

Benezet  (Bernard),  les  Comtes  de  Toulouse  aux  Croisades.  Tou- 
louse, Douladoure  ;  in-8°,  68  pages. 

Jouvion,  Une  n  cotation  communaleà  Montpellier,  en  1204.  Mont- 
pellier, Martel  ;  in-8°,  53  pages, 

Compayré,  Notice  sur  Eustache  de  Beaumarchoîs,  sénéchal  de  Tou- 
louse et  d%  Albigeois,  de  \-l'i  à  1294.  Toulouse.  Chauvin;  in-io. 
11!  pages. 

Saumade  (l'abbé),  Y  Admirable  Pèlerin  de  Montpellier,  saint  Roch. 
Montpellier,  Martel;  in-12,  xl-228  pages. 

Desbarreaux  (Bernard).  Établissement  de  V imprimerie  dans  lapro- 
vince de  Languedoc.  Toulouse,  Privât;  in-8o.  430  pages. 

Germain,  les  Étudiants  de  VÉcole  de  médecine  de  Montpellier  au 
.X  \' I  siècU,  élude  historique  sur  le  Libî .i:  proguratoris  studiosurum. 
f\ogent-le-iïotrou,  Daupelej  ;  in-8°,  42  pages. 

Mémoires  di  Jehan  de  Verg  a  es,  conseiller  du  roy  et  président  de 
la  Cour  des  aides  dt  Monlferrand  (1589-1593).  Paris,  Aubry  ;  in-8o. 
96  pages. 

Bourdon,  les  Statuts  des  corporations  professionnelles  de  Montauban 
an  commencement  du  XVII'  siècle,  suivi  de  les  Armes  de  la  corpora- 
tion de  Montauban,  par  M.  l'abbé  Pottier.  Montauban,  Forestié  ; 
in-8*,  20  pages. 

Tamizej  de  Larroque,  Louis  XJIIà  Bordeaux,  relation  inédite  pu- 


CHRONIQUE  171 

bliée  d'après  un   manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale.   Bordeaux, 
Gounouilliou.  in-8o,  47  pages. 

Baltazar,  Histoire  de  la  guerre  de  Guyenne,  réimprimé  par  M.  Ch. 
Barry.  Bordeaux,  Lefebvre  ;  in-8»,  lviu-iv-238  pages. 

Dadine  d'Auteserre,  Lettres  inédites,  publiées  avec  notice,  notes  et 

appendice,  parTamizey  de  Larroque.  Paris,  Baudry;  in-8°,  49  pages. 

Bonnefon,  Benjamin  Duplan,  gentilhomme  d' A  lais,  député  général 

des  Églises  réformées  de  France  (1688-1763).  Pans,  Sandoz;  in-12, 

m-372  pages. 

Textor  de  Bavisi,  Invasion  en  France  en  1707,  ou  Orronique  de 
la  campagne  de  Provence  et  du  siège  de  Toulon.  Saint-Etienne, 
Théolier;  in-8°,  122  pages. 

Germain,  Une  loge  maçonnique  d étudiants  à  Montpellier.  Montpel- 
lier, Boelun,  in-4o,  40  pages. 

La  Société  béarnaise  au,  XVIII"  siècle.Historiettes  tirées  desmémoires 
inédits  d"  un  gentilhomme  béarnais,  publiées  pour  la  Société  des  biblio- 
philes du  Béarn.  Pau,  Ribaut;  in-8°.  iu-305  pages. 

Caste  ras  (de),  Histoire  de  la  Révolution  française  dans  le  pays  de  Foix 
et  dans  VAriêge.  Paris.  Thorin;  in-8°,  424  pages. 

Broutin,  Histoire  des  couvents  de  Monthrison  avant  1793  (t.  II). 
Saint- Etienne,  Montagny:  in -8°.  396  pages. 

Laval,  des  Grande*  Epidémies  qui  ont  régné  à  Nimes  depuis  le  VIe  siè- 
cle jusqu'à  nos  jours.  Nimes.  Clavel-Ballivel;  in-8°,  xn-147  pages. 
Dom  Devic  et  dom  A'aissete,  Histoire  générale  du  Languedoc,  avec 
des  notes  et  les  pièces  justificatives,  nouvelle  édition,  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Ed.  Dulaurier,  annotée  par  MM.  Mabille  et  Edw. 
Barry,  etc.;  in-4°(tome  II,  tomelV,  2e  partie,  et  tome  V),  Toulouse, 
Privât. 

Aigrefeuille  (d?), Histoire  de  la  ville  de  Montpellier,  nouvelle  édition, 
publiée  sous  la  directiondeM.de  la  Pijardière (tome  I).  Montpel- 
lier, Goulet,  in-4°,  Lviii-.r>32  pages. 

Guinodie,  Histoire  de  Libourne  el  des  autres  villes  et  bourgs  de  son 
arrondissement,  2B  édition  (tome  1er).  Libourne,  Malleville  ;    in-8°. 
Bossignol,  Petits  Etals  d'Albigeois,  ou  Assemblées  du  diocèse  d'Albi. 
Paris,  Dumoulin;  in-8°,  260  pages. 

Lacanière  (l'abbé).  Histoire  des  ëoêrjues de  Gahors  (tome  1er),  in-8», 
103  pages. 

Boucassert  (l'abbé),  Histoire  du  siège  épiseopal  de  Maguelone  et  de 
Montpellier.  Montpellier,  Martel,  in-8°,  vni-259  pages. 

Gaubin,  la  Bevèze,  histoire  féodale,  municipale  el  religieuse.  Auch, 
Poix,  in-88.  91  pages. 

Douglas  (le   comte).  Documents  historiques  inédits  pour  servir    à 

l'histoire  du  Dauphiné,  tom.I. Grenoble,  Ailier.  in-4°,  xu-503  pages. 

Bibbe  (Charles   de):  /"■    Vie   domestique,  les  Modèles  et  les  Règles, 

d'après  les  documents   originaux.  Paris.   Baltenweck;  2   vol.  in-12. 

xv-379  et  4i4  pages. 

Rivai n  ,  Notice  sur  le  Consulat  et  V Administration  consulaire  d'Au- 
rillac.  Aurillac,  in-16. 

Arnaud  (l'abbé)  Notice  historique  et  topographique  sur  Sainte- 
Marguerite.  Marseille.  Saint-Joseph;  in-8°,  214   pages. 

Terris  (l'abbé),  Sainte-Anne  d'Apt,  ses  traditions,  son  histoire, 
d'après  les  documents  authentiques.  Avignon,  Seguin;  in-12,  237  pa- 
•-les. 


172  CHROlsIQUti 

Cibaud  (l'abbé),  Histoire  du  monastère  de  la  Visitation  Sainte- Marie 
de  la  ville  de  Montftrrand.  Clermont,  Belet  :  in-8<\  309  pages. 

Serres  (l'abbé),  Histoire  de  Notre-Dame-des-M^iraclcs  de  Mauriac. 
Aurillac.  Bonnet-Picut  ;  in-8°,  vn-200  pages. 

Duval-Jouve  ,  les  Noms  des  rues  de  Montpellier,  étude  critique  et 
historique.  Montpellier,  Coulet;in-12,  xi-36<>  pages. 

Noulens,  Documents  historiques  sur  la  maison  de  Galard,  recueil- 
lis, annotés  et  publiés.  Supplément,  origine  et  généalogies,  toin.  IV 
(1"  partie).  Paris,  Quentin  ;  in-8°,  xvi-563  pages.  (Repartie,  564- 
1746  pages.) 

Robert  (Charles).  Numismatique  de  la  province  de  Languedoc. 
Toulouse,  1 870,  in-4o. 

De  Rochas,  les  Parias  de  France  et  d  Espagne  (Cagots  et  Bohé- 
miens). Paris,  Hachette  ;  in-8o,  309  pages. 


Errata   du  numéro    de   janvier  1877 


Lou    Reinard  e  la  Cigogno.  — 1*.  40,  I.  16,  vai  trouba,  lisez:  va 

trouba. 
Anthologie  du  Vivarais. —  lJ.  47.  I.  28,  quan  lou  toèm,  lisez:  quan 

lou  té  m. 
Las  Mouninelos.  —  P.  49,  l.  28-29,  les  trémas,  les  doubles  points, 

lisez  :  les  trémas  ou  doubles  points. 
Traité  de  la  formation  des  mots  composés.  — P.  51,  1.  9,  qu'il  y 

avais,  lisez:  qu'il  y  avait.—  1.  12,  lat.  aud,  lisez:  lat.  audi. 
Chronique — P.  52,  1,  37,  le  discours,  lisez:  un  discours. —  P.  56, 
I.  1,  Emprimarié  Centrale,  Usez:  Emprimarié  Centralo. 


*^c-<7Xl$'ùTû«'_^^  •£•> 


Le  Gérant  :  Ernest  Hamelin. 


Montpellier.  Imprimerie  centrale  du  Midi. 

kn  \ m ii.i s  rat  m  -  . 


DIALECTES  ANCIENS 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE 

DES    ANCIENS    COMTÉS    DE    ROUSSILLON    ET    DE    CEHDAGNE 

(Suite  et  fin  ' 

Aquestae;  la  hoidonacio  en  quai  mariera  '  deuen    pagar    los   homes  de 
Saut  Laurens  e  de  Sant  Ypolit,  a  la  clausura  del  grau. 

A  vi.  de  martz  l'ayn  de  mcccx,  fo  adhordonat  perlo  senyor 
N'Arnald Trauer,  juge  del  senyor  Rey,  e  per  En  P.  de  Bar- 
dyol  e'N  P.  Matffre procuradors  del  dit  S.  Rey,  ab  voluntat 
d'Eu  R.  Rauyl  e  d'En  Lombart  Franch  cossols  de  Sant  Lau- 
rens, e  d'En  P.  Estoria,  prohomes  [sic)  de  Sant  Laurens,  e 
d'En  Brgr  Rigau  e  d'En  Bertolmeu  Oliver  tranieses  per  los 
prohomes  de  Sant  Ypolit,  que  totz  aquels  dels  ditz  locs  qui 
pescaran  en  Festayn  degen  hajudar  a  clausir  e  arefforssar  lo 
grau,  de  lurs  perssones,  tota  hora  que'l  dit  grau,  sera  clau- 
sidor  :  la  quai  causa  agen  a  conexer  ni.  prohomes  de  Sant 
Laurens  ab  altres  ni.  prohomes  de  Sant  Ypolit,  ensems,  quant 
lo  dit  grau  sera  clausidor  e  refforssador.  Ed  aysso  que  costara 
de  clausir  lo  dit  grau  se  dega  levar  de  so  que  hauran  de 
homes  estrayns,  e  so  que  romandra  apagarhagen  a  pagar  los 
homes  dels  ditz  locs  ;  e'is  homes  estrayns  paguen  dos  tantz 
que'ls  homes  dels  ditz  locs. 

Item  hordonaren  que  1.  bolig  en  que  haga  vin.  homes  pach 
per  vin.  homes,  e  i«  gâta  de  canal  en  que  vasen  vi.  homes 
pach  per  vi.  homes,  e  i*  barehade  pareyl  pach  per  n.  homes: 
e  aysso  s'enten  d'homes  dels  ditz  locs.  E  en  aquelà  manera 
que'ls  homes  dels  ditz  locs  son  obligatz  a  clausir  lo  dit  grau, 
sien  obligatz  ad  en  ramar  la  ramada.  E'1  render  de  Sant  Lau- 
rens per  lo  senyor  Rey  haga  a  trer  e   pausar    en    pod'er  dels 

13 


174  DIALECTES    ANCIENS 

prohomes  sobreditz  qu[i]-y  seran  elegitz,  totz  los  diners  que 
costara  de  clausir  lo  dit  grau  e  d'enramar  ;  e  quels  homes  qui 
hauran  rehebutz  los  ditz  dîners,  los  agena  rretreal  dit  render 
quascun  ayn,  en  lafesta  de  Sant  Vincens. 

(Procuracio  real,  registre  XVII,  f°  11,  r°.) 


Dilus  lo  quai  era  dit  viii.  idus  mardi  anno  dni  m.  ccc.  x.  fo 
adordonat  per  En  Bcvg.  de  Sant  Paul  batle  de  Perpenya,  de 
consentimenl  e  de  volentat  d'En  R.  Oliver  fabre,  e  d'En  Bn 
Carboneyl,  e  d'En  R.  Pentiner,  e  d'Eu  Johan  March,  e  d'En 
Johan  Domenec,  e  d'I*]u  Jnlian  Gras,  e  d'En  Esteve  Cardayre, 
e  cridar  fe  lo  dit  senyor  batle,  que  negu  ni  neguna  per  ardi- 
ment  que  aja  no  gaus  trer  ni  fer  trer  banes  de  boc  ni  de  cres- 
ta1  de  la  terra  de  Rosseylo.  E  qui  contre  tara  pagara  de  pena 
xx.  -  e  perdra  les  banes,  de  la  quai  pena  lo  denunciador  aura 
la  terssapart.  [Ordinac,  I,  f°  30,  r°.J 

Ordonament  dels  fabres 

Pridie  kls  madiianno  dni  m.  ccc.  xi. 

Si  aliquis  faber  vel  ejus  discipulus  ponat  ferrum  in  aliquo 
liyone,  aixata  sive  vornere  vel  alia,  instrumenta  ferrea  abta  ad 
laborandum ....  {Ordinac,  I ,  fo  47 ,  v° .  1 

Ordonament  dels  tiradors.  cant  deuen  haver  d'alt 

Fuit  ordinatum...  ad  instanciam . . .  supra positorum  paratorum 
ville  Perpiniani  et  procerum  dicti  ministerii  paratorie,  quodnul- 
lus  audeat  facere  nec  tenere  tiratorios  in  campis  tiratoriorum 
Perpiniani nisi  de  altitudine  vu.  palmorum  et  medii...  item  quod 
tiradorii  extremi  qui  sunt  versus septentrionem  seu  tremontana, 
possint  esse  ultra  dictam  mensuram  vu.  palmorum  etmedii. 

Quod  estatutum  fuitfactum  m.nonas  madii  annodnim.  ccc.  j:i. 

{Ordinac,  I,  f°  48,  v°.) 

Ordonament  que'ls  ortolars  (sic)  no  gausen  culir    ortalissa  en    aicunes 

Testes,  axi  co's  segu[e].\s 

Ara4  auiatz  que  mana  el  batlle  del  senyor  Rey  a  totz  los 
ortolas  e  als  aigres  qui  tenen  ortalissa,   que  no  n'i  aga  alcu, 

lCe  texte,  transcrit  .ti  1310,  est  probablement  de  la  fin  du  XIII*  siè- 
cle; le  dernier  article  Post  hec,  etc.,  est  écrit  d'une  autre  main. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE      175 

per  ardimentque  aja,  que  gaus  culir  ni  vendre  ni  fer  vendre 
neguna  ortalissa,  en  dimenge,  en  ort,  ni  tenir  en  plassa  ni  en 
carreres,  ni  a  les  un.  testes  de  Nostra  Dona  Sta  Maria,  ni  a 
les  festes  dels  xn.  Apostols,  ni  a  la  testa  de  Sant  Laurens,  si 
doncs  les  dites  festes  no  eren  en  tires.  E  si  per  aventure  les 
dites  festes  dels  Apostols  e  de  Sant  Laurens  eren  en  dijous, 
que  pog[u]essen  vendre  en  aixi  co  en  autre  dia. 

E  encara,  ni  a  lafesta  de  Tots  Sants,  ni  a  la  festa  deNadal, 
ni  als  ii.  dies  après  Nadal,  ni  a  la  festa  de  Ninou,  ni  a  lafesta 
d'Aparissi,  ni  al  sant  divenres  de  Pascha,  ni  a  la  testa  de 
Sencio,  ni  de  Pentacosta,  ni  de  Sant  Johan  de juyn. 

Exceptât  que  cascu  puga  culir  e  vendre  enlos  dits  dinienges 
e  en  les  altres  festes  sobre  dites,  pus  aure  {sic)  nona  sia  so- 
nada,  so  es  assaber,  pastanag[u]es,  e  raves,  cebes  tenres,  ayls 
tenres,  laytug[u]es,  espinarchs,  e  porrat. 

Item  que  cascu  e  cascuna  pug[u]a  vendre  tota  ortalissa  en 
los  dits  dicmenges  e  festes,  de  la  festa  de  Pentacosta  entro 
a  Sant  Miquell,  exceptât  la  festa  de  Sant  Johan  de  juyn,  e  de 
Sant  Jacme,  e  de  Sant  Laurens,  e  de  Nostra  Dona  Sta  Maria. 

Etot  hom  qui  aquest  manament  passas,  pagara  per  cascuna 
vegada  ni.  s.  dels  quais  aja  lo  denunciador  la  terssa  part,  e 
la  obra  de  la  vila  la  terssa  part,  e  la  cort  lo  romanent. 

Encara  mes,  que  cascu  e  cascuna  puscha  vendre  tota  orta- 
issa  que  li  fos  roniasa  cuyleta,  dins  son  alberch,  en  les  dites 
estes. 

Post  hec  anno  dni  m.  ccc.  xi.  nono  kls  junii,  fuit  ordinatum 
per. . .  bajulum.  .  de  consensuet  voluntate  consulum  ville  Perpi- 
niani  et  suprapositorum  ortolanorum . .  quod  in  dictis  festivitati- 
bus  possint  vendi  in  dicta  platea  ortalicia  predicta,  non  iamen 
colligi. .  . .  Excepto  quod  in  dictis  festivitatibus  post  comestionem 
possint  colligi  et  vendi  raves,  laytug[u]es,  e  porrat,  e  sebes,  e 
ayls  tenres.  (  Ordinacions,  I,  f°  4.) 

Viii.  idus  julii  anno  dni  m.  ccc.  xi. 

Auyats  que  mana  el  veg[u]er  e'1  batle  del  senyor  Rey  als 
dins  e  als  de  ffora,  que  no  ni  aya  negun  ni  neguna  qui  gaus 
comprar  ni  fer  comprar  cebes  de  servar  1  per  revendre  en  de- 

1  Les  cebes  de  servar  ou  servadores,  «  à  conserver  »,  sont  appelées  au- 
jourd'hui en  catalau  de  serva,  «  de  conservation.  » 


176  DIALECTES    ANCIENS 

guna  mariera,  sino  dins  la  vila  de  Perpenya,  e'n  los  autres 
lochs  de  la  terra  de  Rosselon  bon  se  fa  ruercat,  lion  pusquen 
comprar  cascun  en  son  loch  cebes  per  revendre,  pus  queaure 
{sic)  noria,  sia  passada  e  la  çeba  fos  estada  pausada  en  la 
plissa;  e  que  degun  ni  deguna  de  Perpenya  no  gaus  comprar 
cebes  servadores,  si  no  ho  fasien  a  Perpenya  ayssi  co  dit  es. 
E  qui  contre  aquest  manament  passara,  perdra  les  cebes  el 
comprador  e'1  venedor  los  dnrs,  per  pena,  de  la  quai  aura  lo 
denonciador  lo  tercz,  e  les  u,  partz  la  cort  del  s.  Re\  . 

(Ordinations,  I,  f*  48,  v°.) 

La  crida  del  blat 

/7e  kls  auyusti  anno  dni  m.  ccc.  xi. 
Ffuit  facta  lice  preconitzacio  que  sequitur. 

Auyats  que  manen  el  veguer  e'1  batle  del  S.  Rey  als  dins  e 
als  de  fora,  que  no  n'i  aga  negun  nineguna,  per  ardimentque 
aga,  qui  gaus  comprar  blat  per  revendre,  ni  degun  boni  nofn] 
gaus  vendre  a  negun  boni,  ses  licencia,  en  gros  ni  en  menut  ; 
e  aquel  o  aquela  qui'u  fana,  perdria  lo  blat,  e'1  venedor  lo 
preu,  e  les  persones  estaran  a  causiment  del  S.  Rey. 

Item  manen  a  tots  cominalment  que  no  n'i  aga  negun  ni 
deguna  qui  gaus  comprar  blat  per  despendre,  ses  licencia  de 
la  cort,  ni  degun  no['n]  gaus  vendre  a  degun  ses  licencia  ;  e 
aquel  qui  aquest  manament  passara,  que  perdra  lo  blat,  e'1 
venedor  lo  preu,  e  les  persones  estaran  a  causiment  del  S.  Rey, 
aixi  com  d'amont  es  dit. 

Item  manen  a  tots  los  !corraters  que  negun  no*  gaus  [fer] 
mercat  a  trer  ni  a  vendre  deguna  guisa  deblat,  ni  de  laves,  ni 
de  negun  legum,  a  degun  hom  ;  e  aquel  qui'u  l'aria,  staria  a 
merce  del  S.  Rey,  e'1  denonciador  auria'n  la  terssa  part. 

(Ordinations,  I,  f°  49.  r°.) 

Nous  .terminons  ici  le  recueil  des  documents  catalans  de 
K"ii  -illon  el  ('rrda-iie  du  règne  de  Jacques  Ier  de  Majorque, 
qui  mourut  à  la  tin  de  juillet  1311,  et  nous  y  joignons  un  ex- 

*  Le  mus.  porte  tu>  gaus  mercat  ni  a  trer  a  vendre  en  deguna  guisa, 
assemblage  de  mots  inintelligibles.  Au  reste,  un  autre  document  semble 
indiquer  que  la-  date  ii.  kls  augusti  est  fausse,  et  qu'il  laut  lire  U.  klsjulii. 


DOCUMENTS  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  177 

trait  d'une  pièce  de  l'an  1284,  qui  avait  été  omise  à  sa  date 
dans  la  présente  publication. 

(1284! 

Mémorial  sia  del  asordonament  des  pes   del  pa  de  Perpenya,  quant  deu 

pesar  la  dinerada  del  pa  en  pasta,  ni  cant  es  eut. 

Cant  costa  vin.  sol.  l'eymina,  deu  pesar  la  dinerada  de  la 
pasta  xliii.  onces,  e  quant  sera  cuyt  deu  pesar  xxx.  vim.  onces. 

Item  quant  costa  viiii.  sol.  deu  pesar  la  pasta  xxx. vin.  on- 
ces e  miga,  e  cant  es  cuyt  xxxv.  onces  meyns  tersa  onsa. 

Item  cant  val  x.  s,  deu  pesar  la  pasta  xxxiiii.  onces,  e  cant 
es  cuyt  xxxia  onsa  e  ni.  diners  pesans  '. 

Item  cant  val  xxx.  s.  deu  pesar  la  pasta  xi.  onces  e  ni.  dr 
pesans,  pan  cuyt  x.  onces  meyns  m.  dr  pesans. 

Totes  aquestes  onces  sobredites  son  enteses  de  pes  de  march 
de  Monpestler,  e  tôt  pes  que  hom  dat  aia,  de  quai  que  for  vayla 
l'aymina  de  forment,  si  baxavade  vi.  dr  l'aymina  ,  no'n  deu 
hom  moure  ni  crexer  ni  mudar  lo  pes,  si  donques  no  baxava  o 
pujava  de  xn.  dr.  Empero,  si  puiava  l'aymina  de  vi.  dr.  o  de 
vin.,  deu  hom,  mermar  lo  pes  aitant  de  for  de  xn.  dr.  Encara 
mes,  si'l  pan  no  era  cuyt,  que'l  deu  hom  assagar  ab  i.  fil  de 
camge  passar  (  lisez  passât  )  per  mig  lo  pan  ;  e,  si's  ten  la  mo- 
leda  del  pan  al  fil,  que's  jutge  per  cruu. 

(Archives  communales  de  Perpignan,  Livre  vert  mineur,  f.  85-86.) 

Alart . 


1  Le  document  contient  ensuite  l'évaluation  du  poids  delà  pâte  et  du 
paiu  cuit,  pour  divers  prix,  depuis  onze  jusqu'à  trente  sols. 


DIALECTES  MODERNES 


LETTRES  A  GREGOIRE 
SUR   LES   PATOIS  DE  FRANCE 

(Suite.) 


Guyenne  et  Gascogne 

T'n  seul  habitant  de  Bordeaux  répondit  aux  questions  de 
Grégoire  ;  mais  il  était,  comme  il  le  dit  lui-même  dans  une  de 
ses  lettres,  à  portée  d'observer  les  mœurs,  les  usages,  l'idiome 
e1  leshabitndes  territoriales  de  ses  concitoyens.  Il  se  nommait 
Pierre  Bernadau.  ancien  avocat  au  Parlement  de  Bordeaux, 
et  avait  en  1790  plus  de  trente  ans  (il  naquit  eji  1759  et  mou- 
rut en  1852).  Il  s'est  fait  connaître  dans  sa  province  et  même 
ailleurs  par  de  nombreux  ouvrages  en  français  ou  en  patois  sur 
l'histoire,  les  mœurs  et  les  coutumes  de  Bordeaux.  Ses  ré- 
ponses à  Grégoire  contiennent  quelques  indications  qui  peut- 
être  ne  paraîtront  pas  sans  importance,  malgré  l'incorrection 
du  langage  et  la  façon  parfois  trop  originale  dont  les  idées 
sont  présentées1. 

Pour  la  partie  méridionale  de  l'ancienne  Guyenne,  nous  ne 
trouvons  qu'une  réponse  de  la  Société  des  amis  delà  Consti- 
tution du  département  des  Landes. 

1° 
Monsieur, 

N'ayant  saisi  qu'imparfaitement  le  sens  des  questions  que 
vous  proposez  aux  patriotes,  relativement  à  l'état  actuel  de 

'  Bernadau  iHait  originaire  du  comté  de  la  Marche.  Je  dois  une  partie 
de  ces  r<  ments  à  l'obligeance  de  M.  Delpit,  secrétaire  de  la  Société 

desarchives  historiques  de  laGironde  à  Bordeaux. 


LETTRES    A    GREGOIRE  179 

l'instruction  des  campagnes,  mais  jaloux  de  vous  témoigner 
mon  estime  en  concourant  autant  qu'il  sera  en  mon  pouvoir 
à  l'ouvrage  que  vous  préparez,  je  me  hâte  de  vous  annoncer 
qu'une  résidence  de    quinze  années  dans  les  divers  lieux  de 
ce  district  m'a  mis  à  portée    d'observer  assez  heureusement 
les  mœurs,  les  usages,  l'idiome  et  les  habitudes  territoriales 
de  leurs  habitants.  J'ai  recueilli  à  diverses  époques  plusieurs 
observations  historiques  et  philosophiques,  dont  je  me  ferai 
un  devoir  de  vous  donner  communication,  Monsieur,  lorsque 
j'aurai  pu  me  procurer  un   exemplaire   de  la  chronique  qui. 
contient   l'universalité  de   vos   questions  aux   indigènes.  En 
attendant  qu'il  me  soit  loisible  d'en  saisir  l'ensemble,  je  peux 
Monsieur,  vous  faire  connaître  :  1°  le  peu  d'écrits  qui  nous 
restent  en  gascon  de  Bordeaux  ;  2°  un  dictionnaire  ms.  de  ce 
dialecte,  trouvé  dans   la  bibliothèque  du  feu  abbé  Beaurein, 
l'homme  qui  possédait  le  mieux  nos  antiquités  ;  3°  des  rensei- 
gnements sur  l'état  des  écoles  ;  4o  la  manière  avec  laquelle 
(sic)  les  habitudes  de   certaines  paroisses  voisines  tranchent 
entre  elles. 

La  connaissance  que  j'ai  des  campagnes  qui  m'avoisinent 
m'a  fait  imaginer  de  traduire,  dans  la  langue  mitoyenne  entre 
tous  les  jargons  de  leurs  habitants,  la  sainte  Déclaration  des 
droits  de  l'homme  et  les  Lois  municipales,  tant  du  14  décembre 
dernier  que  celles  décrétées  depuis.  Le  tout  est  accompagné 
de  quelques  notes  très-précises  ',  mais  très-utiles  aux  paysans. 
J'espère  que  l'administration  de  la  Gironde  favorisera  mon 
projet.  J'aurais  l'honneur  de  vous  en  adresser  copie,  si  vous 
croyiez  que  l'Assemblée  nationale,  ou  même  le  club  des  Ja- 
cobins2, voulût  accueillir  mon  hommage. 

En  attendant,  Monsieur,  pour  vous  donner  un  moyen  de 
comparaison  entre  nos  mœurs  et  coutumes  anciennes  avec 
celles  nouvelles,  et  les  dialectes  du  XIIIe  siècle  et  celui  d'à 
présent,  agréez  le  fragment  suivant;  j'en  ai  la  copie,  qui 
semble  être  du  XVIe  siècle  3: 

1  C'est  concises  que  l'auteur  a  sans  doute  voulu  dire. —  -  Le  cluh  des 
Jacobins,  dont  Barnave,  Mirabeau  et  Robespierre,  faisaient  alors  partie, 
n'avait  pas  la  couleur  politique  qu'il  eut  en  1793. 

3  Ces  passages,  tronqués  et  falsifiés,  sout  pris,  non  d'une  copi<j  du 
XVI*  siècle,  mais  de  l'un  des  ouvrages  de  jurisprudence  coutumière  les 


180  DIALECTES    MODERNES 

Dimars  après  la  festa  S.Lueia  \anno  D.  1289,  un  home  que  era 
aperat  Bosquet  fo  jutgeat  -,  que  corros  la  bila  ab  una  Angleza  ab 
laquau,  la  nuit  dabantpassada,  era  esta!  trobat  et  ave  molher.  E  fo 
assi  ::  probat  que  un  jurât  et  un  autre  home  am  lo  jurât,  viren  per 
un  forât  lo  deyl  ■'•  e1  la  Angleza  mit  et  mit  entrampsjadens  en  leyt; 
et  lo  deyt  jurât,  regardai!  continuademen 5  las 6  per  lo  deyt  forât,  los 
autres  que  eran  vinguts  ab  lo  deyt  jurât,  ubriren  la  porte,  laquau 
quam  '  lo  deyt  Bosquet  sinten  sin  nud  in  leyt,  se  ha  leba  et  no 
pogo  troba  8  sen  '•'  braguas.  Et  foren  prêts  et  menats  nus  à 
S.  Elegy  et  lo  médis  jours  ,0  furen  11  jugeais  12  per  la  costuma  de 
Bdrdalès. 

Costuma  es  à  Bourdeou  ,3  que  lou  permey  filb  dau  '*  Barau  ls 
reten  la  Baronia  et  lou  permey  lilh  dau  Chibalier,  la  meysoun 
noble  16. 

il  ne  faut  pas  grande  connaissance  du  jargon  qu'on  parle 
dans  les  provinces  méridionales  pour  comprendre  ces  deux 
morceaux,  et  surtout  pour  apercevoir  les  racines  des  mot<. 
Virgile  tirai!  des  perles  du  fumier  d'Ennius.  D'ailleurs,  je 
crains  qu'une  plus  forte  lettre  ne  vous  ravisse  à  vos  importants 
Travaux.  Lorsque  je  connaîtrai,  Monsieur,  la  série  et  l'en- 
chaînement de  vos  questions,  je  pourrai  y  répondre  sans  ex- 
cursions 17,  et  vous  prouver  les  sentiments  avec  lesquels  j'ai 
l'honneur  d'être,  etc. 

P.  Bernadau,  homme  de  loi. 
Bordeaux,  4  septembre  1790. 


plus  connus,  publié  plus  de  vingt  ans  avant  '700,  sous  ce  titre  :  Coutumps 
du  ressort  du  Parlement  de  Guienne...  par  tleu.r  avocats  au  même  Par- 
lement (MM.  de  Lamotte  frères).  Bordeaux,  '768;  Labottière,  in-S.  Ivo- 
lurnes.  Le  premier  paragraphe  se  trouve  :  tome  I.  page  100,  article  171: 
le  second  :  tome  I.  page  44.  article  57.  (Delpit  ) 

1  Imp.  Santa  Lucia  Verges  —  »  Jutgat.—  :;  Ayssi.—  ■'•  Lo  deyt  Bosquet. 

—   '  Gontinuadamens.  —   ,;  Lor.  —  f  Quant.  —   B  Trobar.  —  '-'Las    — 

m  Jorn  —  »  Fo.—  '-'  Jutgat.  —  |;!  En  Bordales.  -    ''•  Deu  —  l;;  Baron.— 

16  Au   lieu  de  dau  Chibalier,  etc.,  l'imprimé  porte  .  deu  Cavoy  la  Taula. 

Delpit.) 

,7  Sans  digressions. 


LETTRES    A     GREGOIRE  181 


')0 


Les  Droits  de  l'Homme  et  du  Citoyen 

Mis  en  patois  le  plus  généralement  approprié  aux  diverses  nuances  du 
gascon  que  l'on  parle  dans  le  district  de  Bordeaux,  avec  la  traduction 
interlinéaire  mot  par  mot.  afin  d'aprétier  (sic:  ia  fidélité  de  cette  version 
sur  l'original  français,  par  Pierre  Bernadau,  avocat-citoyen  au  dépar- 
tement de  la  Gironde. 

In  omnem  terrain  exeat  sonus  eorum.  (Ac  .  Apost.) 

Bordeaux,  le  10  septembre,  l'an  second  de  la  Révolution  de  France 

(1790) 

Les  Droits  de  l'Homme 

Lous  Dreyts    de     l'Orne 

Les  députés  de  tous  les  Français  pour  les  représenter,  et 
Lous  députats   de   tous  lous    Francès        per    lous   représenta.      et 

qui  forment  l'Assemblée  nationale,  envisageant  que  les  abus 
que    lormen    l'Assemblade    natiounnle,    embisatgean   que  lous  abeous 

qui  sont  dans  le  Royaume  et  tous  les  malheurs  publics  arrivés 
que  soun  dens  lou  Rouïaumy,    et  tous  lous  malnurs    puplics     arribats 

viennent  de  ce  que  tant  les  petits  particuliers  que  les  riches 
benen       de  ce   que    tan  lous  petits      particuliers    que  lous  riches 

et  les  gens  en  charge  ont  oublié  ou  méprisé  les  francs  droits  de 
et   les  gens  en    cargue     an    oblidat  ou  mesprisat  lous    frans   dreyts    i 

l'homme,  ont  résolu  de    rappeler  les  droits  naturels,  vérita- 
l'ome,      an    résoulutde        rapela      lous    dreyts    naturels,     bérita- 

bles,  et  qu'on  ne  peut  pas  faire  perdre  aux  hommes.  Cette  <ié- 
bles,    et     que     ne  poden  pas     fa        perde    aux      omes.     Aquere  des- 

claration  a  donc  été  publiée  pour  apprendre  à  tout  le  monde 
claratioun  a    doun  estât  publidade  per        ^prene        à  tout  lou  mounde 

ses   droits  et   ses  devoirs ,  afin  que  ceux  qui  gouvernent  les 
lur      dreyt    et     lur    débé  ;  perlamo  qu'aquets      que    goubernen    lous 

affaires  de  la  France  n'abusent  pas  de  leur  pouvoir,  afin  que 
afas       de  la    France      n'abusen    pas    de    lur       poudé,     per     que 

chaque  citoyen  puisse  voir  quand  il  doit  se  plaindre  si  [on] 
cade       citoien     posque  beyre    quau      diou      se      plagne        s'ata- 


182  DIALECTES  MODERNES 

attaque  ses  droits,  et  afin  que  [nous]  aimions  tous  une  consti- 
quen    sous  dreyts,    et   per  qu'aymen  tous    une   consti- 

tution faite  pour  l'avantage  de  tous,  et  qui  assure  la  liberté  à 
tutioun  feyte      per    l'abantatge    de   tous,     et  qu'asségure  la  libertat  a 

chacun, 
cadun . 

C'est  pour  cela  que  les  dits  députés  reconnaissent  et  décla- 
Acos      praco         que  lous  dits  deputats     recounèchent     et  descla- 

rent  les  droits  suivants  de  l'homme  et  du  citoyen  devant  Dieu 
ren  lous  dreyts    suibans     de      l'ome       et  dau   citoien     daban  Dious 

et  avec  sa  sainte  aide, 
et  abeque  sa  sainte  ayde . 

Premièrement.  —  Les  hommes  naissent  et  demeurent  libres 
Prumeyremen.    —  Lous    ornes         nèchen     et     damoren      libres 

et  égaux  en  droits,  et  il  n'y  a  que   l'avantage  du  public  qui 
et    égaux    en    dreyts,    et      g'nia       que    l'abantatge    dau  puplic   que 

puisse  faire  établir  des  distinctions  entre  les  citoyens, 
pot       fa        establi  de  les  distinctiouns   entre  lous    citoiens. 

Secondement.  —  Les  hommes  n'ont  formé  des  sociétés  que 
Ségounclemen.   —  Lous    omes        n'an  fourmatdeles  sociétats      que 

pour  mieux  conserver  leurs  droits,  qui  sont  la  liberté,  la  pro- 
per    millou      conserba      lurs   dreyts,  que  soun  la    libertat,  la    pro- 
priété, la  tranquillité  et  le  pouvoir  de  repousser  ceux  qui  leur 
priétat,  la    tranquilitat    et  lou    poudé     de    repoussa    aquets  que    lur 

voudraient  causer  dommage  dans  leur  honneur,  leur  corps  ou 
boudren        causa      doumatge    den      lur    haunou,      lur     corps  ou 

leur  bien, 
lur    bien. 

Troisièmement.  —  La  nation  est  la  maîtresse  de  toute  au- 
Troizip,mem"n .     —    La  natioun    es   la     mestresse    de   toute     au- 
torité, et  |  elle]  charge  de  l'exercer  qui  lui  plaît.   Toutes  les 
toritat,    et         cargue         de     l'etzersa    qui     ly     plaît.     Toutes     les 

compagnies,  tous  les  particuliers  qui  ont  quelque  pouvoir,  le 
companies,      tous   les    particuliers        qu'an       cauque       poudé    lou 

tiennent  de  la  nation,  qui  est  seule  souveraine, 
tenen       de  la    natioun,    qu'es      soûle     souberaine. 

Quatrièmement. —  La  liberté  consiste  à  pouvoir  faire  tout  ce 
Quatriemcmen    —  La  libertat  counsiste   à     poudé        fa     tout  ce 


LETTRES    A   GREGOIRE  183 

qui  ne  fait  pas  de  tort  à  personne.  Les  bornes  de  cette  liberté 
que  ne    fey   pas  de   tort  à      digun.        Les    bornes    d'aquere    libertat 

sont  posées  par  la  loi,  et  qui  les  passe  doit  craindre  qu'un  autre 
sounpausades  per  la  loi,  et  qui  les  passe   diou     craigne    qu'un     aute 

n'en  fasse  autant  pour  lui  faire  tort, 
n'en    féde    autan       per    ly      fa     tort. 

Cinquièmement.  —.  Les  lois  ne  doivent  défendre  que  ce  qui 
Cinquièmemen.     —    Les  lois   ne     diben       défende      que    ce  que 

trouble  le  bon  ordre.  Tout  ce  qui  n'est  pas  défendu  par  la  loi 
trouble    lou  boun  orde .     Tout   ce   que    n'es    pas   défendut  per  la    loi 

ne  peut  être  empêché,  et  personne  ne  peut  être  forcé  de  faire 
ne    pot     esta  erapachat,    et      digun       ne    pot     esta  forsat    de    fa 

ce  qu'elle  ne  commande  pas. 
ce     quere    ne    coumande     pas. 

Sixièmement .  —  La  loi  est  l'expression  de  la  volonté  géné- 
Cheyzièmemen.  —  La  loi  es  l'espressioun  de  la  bolontat  géné- 
rale. Tous  les  citoyens  ont  [le]  droit  de  concourir  à  sa  forma- 
raie.  Tous  Jous  citoyens  an  dreyt  de  concourre  à  sa  forma- 
tion, par  eux-mêmes  ou  par  ceux  qu'ils  nomment  à  leur  place 
tion,    per     els    mêmes    ou  p' ra'  quels    que        noumen    à    lur     place 

pour  les  Assemblées.  [I1J  faut  se  servir  de  la  même  loi,   tant 
p'raux    Assemblades.        Faou     se    serbi     de  la    même  loi.     tan 

pour  punir  les  méchants  que  pour  protéger  les  pauvres.  Tous 
per    puni    lous    médians    que     per     protégea    lous  praùbcs.     Tous 

les  citoyens,  comme  [ils]  sont  égaux  par  elle,  peuvent  préten- 
lous   eifoiens,      coume      soun         égaus    per  elle,       poden      préten- 
dre à  toutes  les  charges  publiques,  suivant  leur  capacité,  et 
de    à    toutes     les    cargues       pupliques.      siban      lur      capacitat,    et 

sans  autre  recommandation  que  leur  mérite, 
sens    aute      recoumandatioun    que    lur    mérite. 

Septièmement. —  Nul  homme  ne  peut  être  accusé,  arrêté  ni 
Sètiémemen.     —  Nat      ome       ne    pot    esta    acusat,    arrestat  ni 

emprisonné,  que  dans  les  cas  expliqués  par  les  lois,  et  suivant 
empreysounat,   que  dens  lous  cas    espliquats  per   les   lois,    et    siban 

la  forme  qu'[elles]  ont  prescrite.  Qui  sollicite,  donne,  exécute 
la    forme  qu'an         prescribut.  Que    solicite,      baille,     etzécute 

ou  fait  exécuter  des  ordres  arbitraires,  doit  être   puni  sévère- 
ou    fey     etzécuta   daus  ordres    arbitraires    diou    esta    punit   sébéré- 


184  DIALECTES  MODERNES 

ment.  Mais  tout  citoyen  appelé  ou  saisi  au  nom  de  la  loi  doit 
men.       Mes    tout    citoien    mandat  ou   sésit  au    noun  de   la  loi  diou 

obéir  de  suite  ;  [il]  devient  coupable  en  résistant, 
obéi    de  suite  ;         deben  coupable    en     resistan. 

Huitièmement.  —    [II]    ne    doit    être    prononcé    que     des 
Hwjtiémemen.    —  Ne         diou      esta    pronounsat     que  de  les 

punitions  précisément  bien  nécessaires;  et  nul  ne  peut  être 
punicions       précisémen     bien    nécessaires  ;      et  nat    ne      pot     esta 

puni  qu'en  vertu  d'une  loi  établie  et  connue  avant  la  faute 
punit  qu'en    bertut  d'une  loi  establide  et  counéchudp  aban     la   faoute 

commise  et  qui  soit  appliquée  comme  [il]  convient, 
coumise    et  que    sie     aplicade      coume  coumben. 

Neuvièmement.  —  Tout  homme  doit  être  regardé  innocent 
Naubiémemen.    —    Tout      orne      diou    esta    regardât     inoucen 

jusqu'à  ce  qu'[il]  soit  (sic)  été  déclaré  coupable.  S'il  faut 
jucqu'â     ce      que        sie  jestat    déclarât      coupable.       Se     faou 

l'arrêter,  [on]  doit  prendre  garde  de  ne  lui  faire  aucun  mal 
l'arresta,  deben     préne       garde    de    ne    ly        fa         nat    maou 

ni  outrage.  Ceux  qui  lui  font  souffrir  quelque  chose  doivent 
ni    outratge.  Aquels   qui    ly  féden    soufri  cauqu'are  diben 

être  sévèrement  corrigés, 
esta     sébéremen     corrigeats. 

Dixièmement.  —  Nul  ne  peut  être  inquiété   à  cause  de  ses 
Detziememen.  —    Nat   ne     pot    esta    inquiétât     à   cause    de    ses 

opinions,  même  concernant  la  religion,  pourvu  que  ses  propos 
opinions,    mêmes     concernan     la    religion,     perbu    que  sous  prépaus 

ne  troublent  pas  l'ordre  public  établi  parla  loi. 
ne     troublen     pas     Torde    puplic  establit  per  la  loi. 

Onzièmement.  —  La    communication   libre  des  pensées  est 
Ontziémemen.   —  La     communicatioun      libre  de  les  pensades   es 

le  plus  beau  droit  de  l'homme.  Tout  citoyen  peut  donc  parler, 
ou  pus      bet    '  dreyt  de       l'ome.        Tout    ciloien      pot    doun    parla, 

écrire,  imprimer  librement,  pourvu  qu'[il]  réponde  des  sui- 
escrioure,  imprima  librômen,  perbu  que  respounde  daus  sui- 
tes que  pourrait  avoir  cette  liberté  dans  les  cas  déterminés 
tes    que     pouyré      auge  aquere  libertat     den     lous  cas    déterminais 

parles  lois, 
per  les    lois. 


LETTRES    A    GREGOIRE  18!i 

Douzièmement.  —  Pour  faire  observer  les  droits  de  l'homme 
Doutziémemen.    —    Per      fa        obserba    lous  dreyts  de     Tome 

et  du  citoyen,  [il]  faut  des  officiers  publics.  Qu'ils  soient  prêtre, 
et  dau    citoien,  laou  daus.  officiers    puplics.     Que       sien     preste, 

juge,   soldat,   cela  s'appelle  force   publique.   Cette  force   est 
jutge,    sourdat,    aco       s'apere       force      puplique.   Aquere  force    es 

établie  pour  l'avantage  de  tous,  et  non  pas  pour  l'intérêt  par- 
establide  per     l'abantage    de   tous,    et  noun  pas    per      l'intret     par- 
ticulier de  ceux  à  qui  [on]  l'a  confiée, 
ticuher    d'aquels    a  qui  l'an  confiade. 

Treizièmement.  —  Pour  fournir    à  l'entretien  de  la   force 
Tretziémemen.    —     Per       fourni       à      l'entretien    de   la    force 

publique,  [il]  faut  mettre   des    impositions  sur  tous,  et  chacun 
puplique,  i'aou    mtte    de  les    impositions     su    tous,    et     cadun 

en    doit  payer  sa  portion  suivant  ses  facultés . 
n'en  diou    pagua  sa    portioun    siban      ses  facultats. 

Quatorzièmement.  —  Les  citoyens  ont  le  droit  de  vérifier 
Quatortziémemen.     —    Lous    citoiens       an    ion  dreyt    de     bérifia 

eux-mêmes  ou  par  le  moyen  des  députés  qu'ils  ont  nommés,  la 
els     même,    ou    prau    moyen  de  ius  députats     qu'an         noumat.     !a 

nécessité  des  impositions,  et  les  accorder  librement  au  besoin 
nécessitât  de  les  impositiouns,    et    les    acounia      libremen  praubesouiu 

de  l'Etat,  de  marquer  combien,  comment  et  durant  quel  temps 
de  l'Estat,  de    marqua      combien,      coumen    et    duran   qu'au     teins 

[on]  lèvera  de  ces  impositions,  et  de  voir  même  comment  le 
léberan      d'aqueres    imposiliouns,   et  de  beyre  mêmes     coumen    lou 

produit  en  est  employé . 
prébingut  en    es    emplégat. 

Quinzièmement. —  La  société  a  le  droit  de  demander  compte 
Quintzièmemen .  —  La    sociétat  a  lou  dreyt   de    demanda      conte 

à  tous  les  agents  publics  de  tout  ce  qu'ils  ont  fait  dans  leur 
à   tous  lous  agens     publics    de  tout    so        qu'an        feyt   -dens      lur 

place, 
place. 

Seizièmement. — Il  n'y  a  pas  de  bonne  constitution  dans  toute 
Setzièmemen.    —      Gnia    pas  de  boune    constitutioun    dens     toute 

société  où  les  droits  de  l'homme  ne  sont  pas  connus    et  assu- 
sociétat  oun  lous  dreyts  de  l'home  (sic)  ne  soun  pas  counèchuts  et  asségu- 


186  DIALECTES  MODERNES 

rés,  et  où  la  séparation  de  chaque    pouvoir   n'est  pas  bien 
rats,   et  oun    la    séparation     de      cade         pouboir      n'es    pas     bien 

établie, 
establide. 

Dernier  article.  —  Les  propriétés  sont  une  chose  sacrée  et 
Damey  article.     —    Les    proprietats    soun    une    cause    sacrada  et 

où  personne  ne  peut  toucher  sans  vol.  Nul  ne  peut  en  être 
oun     digun      ue    pot       touqua      sen    bol.  Nat    ne      pot     en    esta 

dépouillé,  excepté  quand  le  bien  public  l'exige.  Alors  [il]  faut 
despouillat,    exceptât     quan  lou  bien    puplic    l'etsige.    Alors  fau 

qu'[il]  paraisse  clair  qu'[on]  a  besoin  pour  l'avantage  commun 
que         pareche      cla      qu'an         besouin    per    l'abantatge    commun 

de  ce  qui  appartient  à  quelque  citoyen,  et  [on]  lui  doit  donner 
de  ce    que      aparten      à    cauque      citoyen,    et        ly      diben      bailla 

de  suite  la  valeur  de  ce  qu'il  cède. 
de  suite    la  balou    de  ce    que    cède. 

Fin. 


3° 
Monsieur, 

Dans  la  lettre  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire  derniè- 
rement, je  me  souviens  que,  pressé  par  les  circonstances,  je 
ne  donnai  pas  à  mes  offres  toute  la  déduction  que  je  voulais. 
Je  ne  les  fis,  pour  ainsi  dire,  que  pour  vous  témoigner  l'eni- 
pressement  que  j'ai  de  concourir  à  votre  patriotique  projet. 
Je  n'en  connais  pas  bien  les  détails,  comme  je  crois  vous  l'avoir 
marqué,  et  cela  parce  que  je  n'ai  pu  prendre  une  communi- 
cation réfléchie  des  propositions  qui  ont  été  imprimées.  Main- 
tenant, Monsieur,  je  vais,  si  l'on  peut  ainsi  parler,  prendre 
date  dans  votre  entreprise,  en  vous  offrant  de  faire  les  recher- 
ches relativement  à  deux  ouvrages  gascons  dont  le  contenu 
m'est  connu  et  qui  sont  imprimés.  Je  vous  offre  le  texte  de 
u<>-  ain-n-niios  Coutumes,  ouvrage  authentique,  quoique  in- 
complet, et  dont  la  composition  peut  se  placer  entre  le  XIIIe  et 
le  XVIe  siècle,  y  ayant  des  articles  faits  dans  ces  deux  époques. 

Quant  aux  rense-iinuMnents  à  désirer  sur  l'esprit  des  idiomes 
qu'on  parle  dans  ces  districts  de  Gironde,  et  plus  particuliè- 


LETTRES  A  GREGOIRE  187 

rement  clans  celui  de  Bordeaux,  il  m'est  assez  facile  de  vous 
satisfaire,  en  ayant  visité  et  observé  les  différents  cantons. 
Mœurs,  habillement,  dialectes,  préjugés,  antiquités,  institu- 
tions, j'ai  vu  de  près  tout  ce  qu'il  fallait  voir  pour  en  parler 
congrûment  ;  et  telle  était  mon  intention  d'en  donner  l'histoire 
morale,  littéraire  et  philosophique,  si  la  résolution  dans  la  po- 
litique n'en  avait  opéré  une  en  France  dans  les  opinions. 

J'ai  formé  le  dessein  de  faire  agréer  par  l'administration 
une  version  gasconne  de  nos  plus  importants  décrets  à  l'usage 
de  la  multitude.  J'ai  l'honneur  de  vous  en  adresser  une  es- 
quisse dans  la  traduction  de  la  Déclaration  des  droits.  Chaque 
mot  porte  sa  traduction  précise  dans  l'entreligne,  pour  l'intel- 
ligence du  dialecte  et  de  ses  tournures.  Le  paquet  ci-joint,  à 
l'adresse  de  l'Assemblée  nationale,  contient  également  copie 
gasconne  de  la  Déclaration,  avec  des  notes  et  la  tradition  lit- 
térale à  côté.  J'oserai  vous  prier,  Monsieur,  de  vouloir  bien 
en  faire  agréer  l'hommage  à  nos  représentants.  J'ai  été  en- 
couragé dans  cette  offrande  par  l'accueil  qu'ils  font  aux  pro- 
ductions utiles  des  bons  citoyens.  J'ai  l'orgueil  d'ambitionner 
à  ce  titre,  ainsi  que  celui  de  pouvoir  me  dire  avec  une  estime 
respectueuse,  votre,  etc. 

P.  Bernadau,  homme  de  loi. 
Bordeaux,  11  septembre  1790. 


■    OBSERVATIONS    SUR    LES    QUESTIONS    PATRIOTIQUES 

De  M.  le  curé  Grégoire,  député  à  l'Assemblée  nationale,  par  Pierre  Ber- 
nadau, citoyen  actif  de  France,  homme  de  loi  à  Bordeaux,  correspon- 
dant de  plusieurs  Sociétés  littéraires  et  patriotiques. 

Un  autre  aurait  mieux  fait;  moi.  je  n'ai  pu  mieux  faire. 

Lafoxtaixe. 

1.  — Dans  le  district  de  Bordeaux,  dont  j'entends  parler 
toutes  les  fois  que  je  ne  ferai  aucune  exception  particulière, 
l'usage  delà  langue  française  n'est  point  absolument  universel. 
Dans  Bordeaux,  le  bas  peuple  y  parle  habituellement  gascon, 
et  les  cris  des  marchands  (excepté   ceux  qui  sont  étrangers) 


138  DIALECTES  MODERNES 

sont  encore  tous  en  patois.  On  le  parle  au  marche',  mais  sans 
exception  du  français.  Les  harengères  essaient  surtout  de  le 
parler  avec  les  acheteurs  étrangers,  et  leur  jargon  devient 
alors  plaisant.  Il  y  a  cinquante  ans  que  les  négociants  parlaient 
volontiers  gascon.  Plusieurs  anciens  richards  aiment  encore 
à  le  parler.  Maintenant  il  n'est  dans  la  bouche  que  [des]  ha- 
rengères, des  portefaix  et  des  chambrières. 

Le  petit  artisan  affecte  surtout  de  parler  français.  Ainsi 
dans  Bordeaux,  peut  être  sept  neuvièmes  ;  dans  les  campagnes 
environnantes,  il  est  à  celui  du  gascon  ::  4  -J-  7/12  :  5. 

Quant  au  nombre  de  notre  patois,  on  n'en  distingue  émi- 
nemment que  deux  espèces,  celui  de  Bordeaux  et  celui  de 

On  parle  celui-ci  dans  la  partie  occidentale  de  ce  district  ; 
l'autre  est  familier  à  Bordeaux  et  aux  habitants  de  la  rive 
droite  delaGaronne  et  lieux  adjacents  renfermés  dans  lepays, 
ci-devant  d'Entre  deux  Mers,  dont  partie  appartient  au  districi 
de  Libourne  et  partie  à  celui  de  Cadillac. 

2.  —  On  ne  saurait  assigner  l'origine  de  notre  gascon.  Nos 
plus  anciens  litres  et  monuments  connus,  et  qui  remontcni  au 
commencement  du  XIe  siècle,  sont  en  patois,  qui  esl  vérita- 
blement une  dégénération  du  latin  que  les  Romains  ont  intro- 
duit dans  l'Aquitaine,  qu'ils  ont  gouvernée  jusqu'au  VIe  siècle. 

3.  —  Le  gascon  est  un  idiome  très-étendu  et  très-varié.  Il 
présente  tous  les  termes  de  la  langue  française,  et  celle-ci  ne 
jm  tt  pas  trouver  des  termes  équivalents,  pour  l'énergie  et  la 
pi  'cision,  à  ceux  que  le  gascon  présente.  lia  peu  ou  point  de 
di  uinution.  Ne  serait-ce  pas  une  suite  du  caractère  du  peuple 
qi  i  le  parle?  Pour  un  Gascon,  il  n'y  a  rien  de  petit,  pas  menu ■ 
de  mensonger. 

4.  —  Il  ne  m'est  pas  donné  de  décider  si  le  gascon  renferme 
des  dérivés  du  celtique  ou  du  grec;  quani  au  latin,  il  paraîl 
véritablement  en  dériver.  Le  gascon  est  une  dégénération  de 
la  langue  romance,  dont  [on]  découvre  insensiblement  les  ra- 
cines en  remoniant  la  Garonne  et  avançant  dans  ce  qu'on 
ap  elait  le  Languedoc.  Nous  avons  beaucoup  d'adjectifs  tin  s 
de  l'espagnol,  et  des  substantifs,  surtout  des  terminaisons  na- 
sales, de  l'angli  i>. 

La  suite  pav  le  prochain  courrier. 


LETTRES    A    GREGOIRE  189 

5.  —  Le  patois  que  Ton  parle  à  Bordeaux  a  une  affinité 
marquée  avec  le  français,  ou,  pour  mieux  dire,  ce  n'est  que 
cette  langue  dont  les  terminaisons  sont  gaseonnisées.  Il  en 
est  bien  autrement,  de  celui  qu'on  parle  dans  les  campagnes  ; 
on  y  découvre  plus  particulièrement  les  mots  latins,  beaucoup 
d'espagnols  et  quelques  anglais.  Dans  les  départements  des 
Landes  et  des  Hautes-Pyrénées,  le  gascon  est  bien  plus  mêlé 
d'espagnol  que  partout  ailleurs.  On  retrouve  des  anglicismes 
en  abondance  dans  le  district  de  Lesparre,  où  les  Anglais  se 
sont  anciennement  établis  par  prédilection,  lorsqu'ils  possé- 
daient la  Guyenne,  vu  la  qualité  spiritueuse  des  vins  du  Médoc. 

6.  —Comme  nous  l'avons  remarqué,  le  gascon  s'éloigne  peu, 
dans  ce  district,  de  l'idiome  national.  Il  n'en  est  pas  ainsi  dans 
celui  de  Bourg  et  de  Bazas  ;  le  patois  y  a  un  caractère  tran- 
chant avec  les  voisins,  soit  pour  les  mots,  soit  pour  la  pronon- 
ciation. Si  l'on  était  à  portée  de  communiquer  avec  M.  Gré- 
goire, on  pourrait  lui  communiquer  des  vues  qu'il  est  comme 
impossible  de  rendre  sur  le  papier  dans  toute  leur  énergie. 
Nous  avons  un  recueil  d'antiquités  gasconnes  auquel  nous  te- 
nons beaucoup,  et  dont  la  transcription  est  au-dessus  de  nos 
forces.  Elles  lui  apprendraient  sur  les  mœurs,  les  usages,  le 
vocabulaire  des  anciens  et  actuels  habitants  de  la  Guyenne  des 
choses  dont  il  pourrait  tirer  un  bon  parti.  Mais  ces  manuscrits 
sont  un  meuble  de  famille  auquel  chaque  possesseur  a  ajouté, 
et  dont  il  sent  que  nous  ne  pouvons  pas  décemment  nous  défaire. 
Nous  ferons  nos  efforts  pour  lui  en  faire  passer  un  abrégé. 

7.  —  Il  n'y  a  point  de  mots  synonymes,  autrement  il  y 
aurait  deux  langues  dans  une,  dit  Dumarsais.  Cela  est  vrai  à 
la  rigueur  pour  le  gascon.  Tous  ses  mots  tranchent  plus  entre 
eux  que  dans  la  langue  française,  et  cependant  il  a  sur  elle 
l'abondance  et  l'énergie.  * 

8.  —  Le  patois  est  abondant  pour  toutes  les  choses  qui 
tiennent 'à  la  simplicité,  à  la  décence  et  à  la  tranquillité. 

9. — Pour  exprimer  les  nuances  des  idées,  on  se  sert  presque 
toujours  de  diminutifs,  et  autrement  il  ne  manque  jamais  de 
mots,  non  plus  que  pour  les  objets  intellectuels.  Le  Gascon 
n'est  jamais  à  court,  et  cette  fierté  qui  a  longtemps  distingué 
son  caractère  moral,  il  l'a  conservée  dans  son  patois. 

14 


190  DIALECTES  MODERNES 

10.  —  Nos  paysannes  nomment  volontiers  les  choses  par 
leur  nom,  en  commun,  sans  rougir.  Elles  ont  même  des  expres- 
sions qui,  traduites  en'français,  présentent  des  images  obscènes 
qui  n'effarouchent  point  la  pudeur  dans  nos  campagnes.  Les 
mœurs  y  sont  simples,  en  raison  de  réloigncment  de  la  ville. 

11.  —  Point  de  jurements,  très-peu  d'expressions  particu- 
lières aux  grands  mouvements  de  l'âme. 

12.  —  Oui  [on  trouve  des  mots  énergiques  qui  manquent  au 
français]  ;  voyez  Montaigne  et  Goudouly. 

14  décembre  1790.  — La  suite  par  le  courrier  prochain. 

13. —  Dans  les  mots  du  gascon  de  Bordeaux,  les  finales  sont 
plus  communément  consonnes  que  voyelles  ;  et  cela  est  re- 
marquable dans  un  amalgame  de  langue  française,  romane  et 
espagnole.  Il  est  à  présumer  que  cette  particularité  a  sa  source 
dans  l'origine  angaise  de  cette  province,  quia  été  pendant  trois 
siècles  soumise  à  la  domination  de  ce  peuple. 

14.  — La  prononciation  est  gutturale,  mais  peu  accentuée. 
Les  è  ouverts  sont  étouffés. 

15.  —  Il  n'est  point  d'écriture  particulière  au  patois.  Il  n'a 
ni  grammaire,  ni  vocabulaire  connus. 

16. —  Le  gascon  varie  beaucoup  de  village  en  village,  mais 
dans  ses  terminaisons.  Cette  variation  ne  tranche  cependant 
pas  aussi  sensiblement  entre  les  cantons  des  districts  de  Bor- 
deaux, de  Cadillac,  de  la  Réole  et  de  Lesparre,  qu'entre  les 
cantons  du  district  de  Bourg  ou  de  Bazas.  On  a  souvent  de  la 
peine  à  se  comprendre  de  paroisse  à  paroisse,  surtout  dans  les 
départements  de  la  Vienne  (!)  et  des  Landes.  La  prononciation 
est,  dans  ces  contrées,  inikiiment  pénible  et  change  singuliè- 
rement l'idiome. 

17,  18,  L>.  —  J'ai  déjà  répondu  à  ces  questions.  • 
20,  27.  —  On  no  se  rappelle  pas  avoir  jamais  entendu  prê- 
cher en  patois  dans  ce  district,  mais  les  instructions  du  caté- 
chisme s'y  font  dans  cet  idiome,  dans  presque  toutes  les  pa- 
roisses de  campagne.  Je  puis  assurer,  d'après  la  connaissance 
oculaire  et  écrite  que  j'ai  du  district,  qu'il  n'y  a  pas  aucune 
(sic)  inscription   patoise  dans  aucun  lieu  public.  Elles   sont 


LETTRES  A  GREGOIRE  191 

toutes  en  latin  ou  en  vieux  français;  j'en  citerai  d'étranges,  si 
Ton  en  demande.  Tous  nos  écrits  patois  consistent  dans  les 
vieilles  Coutumes  de  Bordeaux,  où  il  y  a  des  articles  faits  au 
XIIe  siècle  et  au  XIVe,  publiées  il  y  a  quelques  années  par  deux 
hommes  de  loi,  et  dont  copie  sur  papier  vélin,  en  caractères 
gothiques,  existe  à  la  Bibliothèque  de  l'Académie  des  sciences 
de  Bordeaux  ;  les  Statuts  delà  confrérie  de Moutiezet  dans  cette 
ville,  paroisse  Saint-Michel,  fondée  par  Louis  XI  ;  des  litres 
rapportés  dans  les  Variétés  bordelaises  ;  trois  Cantiques  qui  se 
trouvent  dans  un  petit  recueil  de  noëls  fort  fameux  dans  ce 
pays,  et  dont  mon  père  m'a  dit  avoir  connu  l'auteur,  maître 
d'école  à  Blaye  ;  un  Mémoire  fait  par  les  pêcbeurs  de  la  Teste 
pour  réclamer  la  diminution  des  droits  seigneuriaux  dans  le 
pays  de  Born,  et  que  je  me  rappelle  avoir  lu  dans  ma  jeunesse; 
enfin  une  critique  agréable  du  régime  des  jésuites,  faite  en  1762 
par  un  curé  de  Saint-Macaire,  sous  le  titre  de  Requestc  du 
Recardeyres  de  Senmacart/  à  Messius  dau  Parlemen.  J'ai  voulu 
donner  cinq  livres  d'un  exemplaire  unique  chez  un  de  nos  li- 
braires; il  n'a  que  17  pages  in-12.  Je  vais  m'occuper  de  mettre 
au  net  quelques  petits  opuscules  patois,  dont  je  possède  l'ori- 
ginal, et  je  vous  l'enverrai.  Comme  je  tiens  beaucoup  aux  ou- 
vrages gascons  que  je  possède,  je  ne  peux  m'en  dessaisir, 
même  pour  M.  Grégoire;  mais  je  les  lui  confierai  pour  un  mois, 
si  cela  lui  suffit. 

Nos  proverbes  patois,  presque  aussi  étendus  que  ceux  des 
Espagnols,  ont  presque  tous  l'agriculture  pour  objet.  Je  ferai 
incessamment  l'extrait  des  plus  curieux  et  qui  caractérisent 
davantage  nos  mœurs.  La  question  de  l'influence  respective 
du  patois  sur  les  moeurs  serait  la  matière  d'un  livre,  et  je  n'ai 
ni  les  talents,  ni  ne  crois  puissamment  utile  de  l'entreprendre. 
Il  se"  réduirait  d'ailleurs  à  ceci  :  leurs  diverses  nuances  idioma- 
tiques confondues,  les  paysans  de  ce  district  parlent  un  patois 
sourd,  simple  et  traînant,  qui  est  l'enseigne  de  leur  caractère 
sournois,  de  leur  lenteur  dans  le  travail  et  de  la  simplicité  de 
leurs  habitudes. 

Il  n'y  aurait  aucun  inconvénient  à  détruire  le  patois,  sup- 
posé que  par  quelque  institution  on  pût  lui  substituer  une 
autre  langue.  Nos  paysans  n'y  tiennent  pas  autant  que  les 
Basques  et  les  Bretons.  Serait-ce  parce  qu'il  n'est  pas  si  dilii  - 


192  DIALECTES  MODERNES 

cile  de  l'apprendre?  Mais,  après  tout,  il  leur  faut  des  signes; 
et,  supposé  nu'onleur  apprît  ceux  du  français,  ils  les  auraient 
bientôt  altérés;  c'est  pourquoi  je  doute  qu'on  puisse  trouver 
le  moyen  de  détruire  le  patois.  On  sait  à  quoi  aboutit  le  pro- 
jet de  langue  universelle  de  Leibnitz.  Le  gascon,  dans  l'état 
actuel  des  choses,  se  rapprochera  insensiblement  du  français 
par  la  révulsion  des  citadins  dans  leur  bien  et  l'accroissement 
des  gros  lieux  où  on  transportera  les  établissements  politi- 
ques. Mais  toujours  le  bas  peuple,  surtout  celui  des  campa- 
gnes, aura  un  jargon  particulier. 

La  suite  le  courrier  prochain 


28-30.  —  On  s'aperçoit  tous  les  jours  que  notre  idiome  gas- 
con se  rapproche  insensiblement  de  la  langue  française,  et 
que  les  mots  les  plus  caractéristiques  disparaissent.  Cette  alté- 
ration se  remarque  depuis  un  demi-siècle  que  la  rénovation 
du  commerce,  attirant  dans  cette  contrée  des  étrangers,  a 
contribué  à  répandre  dans  nos  campagnes  et  parmi  les  ou- 
vriers la  langue  française,  que  tous  voudraient  jargonner. 

il  n'y  aurait,  je  pense,  aucune  importance  à  détruire  le 
gascon  dans  nos  cantons;  mais  les  moyens  m'en  paraissent  in- 
trouvables et,  d'ailleurs,  peu  utiles.  Le  bas  peuple  des  villes, 
les  habitants  des  campagnes,  corrompront  toujours  la  langue 
et  en  feront  un  jargon,  comme  cela  se  [voit]  en  Angleterre,  en 
Allemagne  et  à  Paris.  Varron  et  tous  nos  antiquaires  attes- 
tent que  les  Grecs  et  les  Romains  des  colonies  avaient  un 
accent  et  une  langue  différente  de  celle  que  parlait  la  métro- 
pole. L'aventure  de  Théophrastè,  à  Athènes,  en  est  une  preuve 
non  équivoque. 

31-35. —  L'enseignement  des  campagnes  est  assez  nul  dans 
ce  district.  Quod  vidi  testor.  Après  Le  Syllabaire,  les  enfants 
[•assoit  à  la  lecture  de  Y  Office  de  la  Vierge  en  latin,  afin  de 
pouvoir  aider  à  chanter  vêpres  aux  cur  s.  11  n'y  a  que  les  gros 
bourgs  qui  soient  pourvus  de  maîtres  d'école;  encore  y  paie- 
t-on  depuis  15  jusqu'à  10  sous  pour  apprendre  à  nos  élèves 
du  latin  et  le  catéchisme  du  diocèse.  On  ne  trouve  des  maîtres 
d'écriture  que  dans  nos  petites  villes  ;  là  l'éducation  est  mieux 


LETTRES  A  GREGOIRE  193 

soignée,  mais  plus  dispendieuse  '.  Généralement  parlant,  les 
ecclésiastiques  se  mêlent  peu  ou  point  du  tout  des  écoles. 
Ils  se  bornent  à  l'autoriser  par  une  permission,  et  trouvent 
toujours  l'instituteur  assez  capable  quand  il  sait  servir  la 
messe  et  jouer  au  piquet.  Si  les  curés-surveillaient  les  petites 
écoles,  il  n'en  résulterait  pas  les  abus  qu'entraîne  la  confu- 
sion des  deux  sexes  dans  une  même  chambre,  rassemblés  aux 
mêmes  heures,  subissant  en  commun  les  corrections,  faisant 
des  routes  pénibles  et  nocturnes  pour  se  rendre  à  l'école.  Ces 
circonstances  indiquent  des  inconvénients  funestes  à  l'honnê- 
teté publique.  J'en  ai  vu  des  suites  assez  singulières,  et  qui 
m'ont  retracé  l'aventure  d'Annette  et  de  Lubin. 

La  majeure  partie  des  pasteurs,  loin  de  surveiller  les  écoles 
des  campagnes  pour  la  partie  de  la  décence,  ne  songent  pas  à 
l'influence  des  lectures  utiles  qu'on  pourrait  y  faire.  J'ai  eu 
toutes  les  peines  du  monde  à  faire  adopter  dans  l'école  du 
village  où  j'ai  quelque  possession  la  lecture  de  la  Science  du 
bonhomme  Richard,  et  d'obtenir  qu'il  serait  distribué  tous  les 
ans  un  Avis  au  peuple  sur  sa  santé,  le  Manuel  du  cultivateur  aux 
trois  garçons  les  plus  studieux  de  l'école,  et  aux  trois  plus 
sages  filles  une  traduction  du  Nouveau  Testament  et  Y  Avis  aux 
bonnes  ménagères.  Le  curé  prétendait  qu'inspirer  aux  enfants 
le  goût  de  la  lecture,  c'était  chercher  à  leur  donner  sur  leurs 
compatriotes  une  supériorité  contraire  à  la  modestie  chré- 
tienne, et  que  les  filles  liseuses  étaient  de  méchantes  femmes. 
On  doit  juger  si,  avec  de  pareils  préjugés,  les  curés  songent 
beaucoup  à  prêtera  leurs  paroissiens  d'autre  livre  que  Y Ordi- 
naire de  la  messe  et  le  Petit  Paroissien,  c'est-à-dire  [des  livres] 
absolument  inutiles  au  gouvernement  des  familles  :  Quisque 
suos  patimur  Mânes. 

(A  suivre.)  A.  Gazier. 

1  70,000  enfants  des  dnux  sexe?  fréquentent  aujourd'hui  les  1,200  écoles 
primaires  du  département  de  la  Gironde  ;  aussi  ne  compte-t-on  guère  que 
280,000  individus,  sur  une  population  de  700,000  âmes,,  qui  ne  sachent 
ni  lire,  ni  écrire. 


UN  DIMENCHE  DOU  MES  DE   MAI 


Go  thou  and  seek  the  house   of  prayer 
T  to  the  woodlands  bend  my  way  i . 
(Southey.) 


1 


Longo-mai,  longo-mai, 

Bèn  me  remembrarai 
D'aquéu  glourious  Dimenche  à  labono  de  Mai, 

Quand  la  flour  de  moun  amo, 
Liuen  di  glèiso  poumpouso  ount  lou  prèire  s'aclamo, 
Esclatè  santanien  coume  un  eissourg  de  flamo. 

Vous,  dardai  benfasènt, 

Fendeire  dis  aven, 
Erias  mi  Candeleto  e  mi  Calèu  lusènt  ! 

Vous,  Sentour  di  baragno, 
Perfum  ferigoula,  dous  Alen  di  rnountagno, 
Erias  moun  soûl  Encens,  lou  soûlas  de  ma  lagnol 


UN  DIMANCHE  DU  MOIS  DE   MAI 


Longtemps  et  longtemps  encore, —  certes,  je  me  souviendrai  — 
de  ce  Dimanche  splendide,  au  beau  milieu  de  Mai, — quand  la  fleur 
de  mon  âme,  — loin  des  églises  fastueuses  où  le  prêtre  se  pro- 
clame, —  éclata  pieusement  comme  une  fontaine  jaillissante  <{>> 
feu. 

Vous,  rayons  bienfaisants, —  fendeurs  des  abîmes, —  vous  étiez 
mes  Cierges  et  mes  Flambeaux  luisants! — Vous,  Arômes  des  haies, 
—  Parfums  de  serpolet,  douce  Haleine  des  montagnes, — vous  étiez 
mon  seul  Encens,  le  soulagement  de  mon  souci. 


*o' 


1  Acè's  à  (tire  v :"i  pnu  près) 


0  vautre,  anasa  in  g 

1  cimo  -  i  i  rai  !  B.-W 


UN    DIMENCHE  DOU  MES  DE  MAI  195 

Grand  Oucean  bramarèu, 

Fier  rivau  dôu  soulèu, 
Eres  moun  Orgue,  tu,  cantant  coume  se  dèu! 

E  tu,  Terro  amirablo, 
Aliscado  de  rai  e  de  flour  deleitablo, 
Eres  tout  aquéu  jour  ma  Madono  adourablol 

D'abandoun,  cor  dubert, 

Sus  un  tucoulet  verd 
Me  jitave  (parai?)  pèr  pantaia  mi  vers, 

Plen  d'estranjo  alegresso, 
Mai  coumbouri  pamens  de  divino  tristesso, 
Coume  un  amant  que  pènso  à  sa  liuencbo  divesso. 

E,  davans  mi  vistoun, 

Cor  dubert,  d'abandoun, 
Passavo  sus  la  draio  uno  grand  proucessioun 

De  jouvènt,  de  chatouno, 
—  D'amourous,  enliassa,  gaiardet,  galantouno, — 
De  fiers  iue  flamejant,  de  gorgueto  redouno. 

Aganta  pèr  la  man, 
S'espacejant  plan -plan, 
A  coustat  di  genèsto  e  dis  aubespin  blanc  : 


Grand  Océan  mugissant,  —  fier  rival  du  soleil,  —  tu  étais  mon 
Orgue,  toi  qui  chantais  selon  ta  nature!  —  Et  toi,  Terre  merveil- 
leuse,—  parée  de  rayons  ainsi  que  de  fleurs  délectables, —  tu  étais 
tout  ce  jour-là  la  Madone  de  mon  adoration. 

Au  gré  de  mon  caprice,  le  cœur  ouvert,  —  sur  un  petit  tertre  de 
gazon,  —  je  me  jetais  (il  me  semble)  pour  méditer  mes  vers:  — 
plein  d'étrange  joie,  —  mais  consumé  néanmoins  de  divine  tris- 
tesse,—  comme  un  amant  qui  pense  à  sa  divinité  éloignée. 

Et,  devant  mes  yeux,  —  le  cœur  ouvert,  au  gré  de  leurs  caprices, 
—  sur  le  sentier  passait  de  jouvenceaux  et  de  jeunes  filles  — 
une  grande  procession  ;  —  des  amoureux,  deux  à  deux,  vigoureux, 
gentillettes;  —  des  yeux  fiers  qui  brillaient,  —  de  petits  seins 
arrondis. 

La  main  dans  la  main, — se  promenant  tranquillement, —  à  côté 


196  DIALECTES    MODERNES 

Oh  !  la  superbo  viclo  !  . . . 
Aquésti  souri,  segur,  de  rouseto  espelido, 
E  lis  autre  souri  li  que  n'auran  la  culido. 

Ve  !  la  mar,  mirau  blu, 

Clafîdo  de  belu, 
Que  fan  à  cimo  d'aigo  un  fernimen  alu! 

Ve  !  li  nau  que  blanquejon, 
Pereici,  pereila,  que  moulamen  floutejon, 
E  coume  de  pavoun  au  lum  se  pavounejon  ! 

Ve  !  de  vôu  de  gabian, 

Se  pausant  de  si  vanc, 
Escampiha  sus  l'oundo  en  guiso  d'ile  blanc  ! 

Ve  !  li  calanco  leno, 
Ount,  s'enaurantdi  gourg,  vèn  la  bloundo  Sereno 
Pèr  penchina  si  peu,  quand  l'oureto  es  sereno. 

Autour  de  l'Azur  viéu, 

Sènso  nèblo,  sens  niéu, 
S'espandis  lou  Soulèu  counio  l'iue  d'or  de  Dieu  : 

E  s'entend  de  tout  caire, 
L'estrambord  argentin  de  l'Auceloun-Troubaire1, 


des  genêts  et  des  aubépines  blanches,  —  oh  !  l'adorable  vie  !  ...  — 
Celles-ci  sont,  certes,  déjeunes  roses  épanouies,  — et  les  autres 
sont  ceux  qui  en  feront  la  cueillette. 

■Vois  !  la  mer,  miroir  bleu.  —  couverte  d'innombrables  étincelles, 

—  qui  font  à  fleur  d'eau  un  frémissement  ailé  !  —  Vois!  les  navi- 
res blanchissants,  —  qui  flottent  mollement,  par-ci,  par-là,  — et, 
comme  des  paons,  se  pavanent  à  la  "lumière  ? 

Vois!  les  volées  de  goélands,  —  qui  se   reposent  de  leurs  élans, 

—  éparpillés  sur  l'onde  en  guise  de  blancs  lis!  —  Vois!  les  calan- 
ques  placides,  —  où.  surgissant  des  gouffres  [marins],  vient  la 
blonde  Sirène  r  peigner  ses  cheveuxj  quand  le  temps  se 
tranquillise. 

autour  de  l'Azur  vif, — sans  nuage,  sans  nuée,  -  '-if  I* 

'  Aucéloun-Troubaire :  VAlauveto  (l'Alouette). 


UN    DTMBNCHE    DOTJ    MES    DE    MAI  197 

Que  s'abrivo  galoi  dins  li  toumple  de  Taire. 

Tout  lou  long  dôu  cristau 

De  la  niar,  ount  li  bau 
Se  miron,  i'a  de  conco  à  l'abri  dôu  Mistrau  . 

E  si  cèuno  sablado 
Sarien  plus  agradivo  i  poutoun  de  mi  piado, 
Qu'un  couderc  velouta,  qu'uno  tepo  esmautado  ! 


II 


Oh  !  la  Mar  !  lou  sabèn, 
Dins  soun  sen  trelusènt 
A  de  sau  à  niouloun  que  puro  la  retèn  ! 

Oh  !  la  Terro  pourpalo 
A'n  esperit  sutiéu  dins  si  veno  roucalo, 
Qu'aliscara  de  gau  sa  jouvènço  inmourtalo  ! 

E,  de  même,  l'amour 
Dôu  grand  Dieu  Creatour 
A  la  raço  oumenenco,  enligado  de  plour, 
Presento,  sano  e  vivo, 


Soleil,  comme  l'œil  d'or  de  Dieu  --  Et  l'on  entend  de  tout  côté  — 
l'extase  argentine  du  petit  Oiseau-Troubadour,  —  qui  se  lance 
joyeux  dans  les  profondeurs  de  l'air. 

Tout  le  long  du  cristal  —  de  la  mer,  où  les  falaises  —  se  mirent, 
on  trouve  des  anses  abritées  du  Mistral  ;  —  et  ses  plages  sablées 
—  seraient  plus  agréables  aux  baisers  de  mes  pieds  —  qu'une  pe- 
louse veloutée,  qu'un  gazon  émaillé  [de  fleurs]. 

II 

Oh  !  la  Mer  !  nous  le  savons  bien,  —  dans  son  sein  radieux  — 
renferme  en  abondance  le  sel  qui  la  retient  pure  !  —  Oh  !  la  Terre 
purpurine  —  a  un  esprit  subtil  dans  ses  veines  pierreuses,  —  qui 
parera  de  joie  son  immortelle  jeunesse  1 

Et,  de  même,  l'amour  —  du  grand  Dieu  Créateur.  —  à  la  race 
humaine  maculée  de  pleurs,  —  présente,  saine  et  vive.  —  souriante 


198  DIALECTES    MODERNES 

Sourrisènto  toujour,  toujour  antidoutivo 
Dôu  vérin  maufasènt,  la  Bèuta  renadivo  ! 

Pèr  acô,  pèr  acô, 

Souri  li  roso,  li  ro, 
Espoumpido  i  raioun,  miraia  dins  li  flot; 

Pèr  acô,  tremouleto, 
La  luno  sus  la  lono  alongo  si  baneto; 
Li  pradas  matinié  souri  de  fio  de  perleto. 

Pèr  acô,  pèr  acô, 

L'alauveto,  lou  chot, 
Fan  pleure  de  cansoun,  fan  ventoula  d'ecô  : 

Per  acô,  li  gauteto 
Di  poupoun  innoucènt  soun  de  poumo  lisqueto; 
Lou  vistoun  di  cliatouno,  uno  font  risouleto. 


III 


(Mounto  que  mountaras! 
Volo  que  volaras  !  ). . . 
Oh  1  se,  se  s'adouravo  à  bel  èime  eiçabas 


sans  cesse,  sans  cesse  préservatrice  —  du  venin  vicieux,  la  Beauté 
renaissante. 

A  cause  de  cela,  à  cause  de  cela,  —  sont  les  roses,  sont  les 
roches,  —  épanouies  aux  rayons  —  reflétés  dans  les  flots  ;  —  à 
cause  de  cela,  tremblotante,  —  la  lune  allonge  ses  croissants  sur  le 
lac  ;  —  les  prairies  matinales  sont  des  feux  de  gouttelettes. 

A  cause  de  cela,  à  cause  de  cela,  —  l'alouette  [des  champs], 
le  hibou, —  font  pleuvoir  des  chansons,  —  font  flotter  au  gré  du  venl 
les  échos; —  à  cause  de  cela,  les  joues  des  petits  enfants  sont  des 
pommes  lisses  ;  —  la  prunelle  des  vierges,  une  fontaine  limpide. 

III 

(  Monte  et  monte  encore  ! — Vole  et  vole  encore  !)... —  Oh  !  si  on 
vénérait  à  foison  dans  ce  bas  monde — la  Grande  Beauté  éternelle, 
—  en  chaque  gradation,  harmonieuse,  bien  sentie,  —  de  ses  Ré- 
vélations terrestres  et  célestes, 


UN    DIMENCHE    DOU    MES    DE   MAI  199 

La  Grand  BÈuTA'ternalo, 
En  chasco  gradacioun,  armouniouso,  couralo, 
De  si  Revelacioun,  terrenco,  celestialo, 

Quent  avans-goust  d'Alis  ! 

Q uent  plasènt  Paradis  ! 
Dins  Fermas  quent  jardin,  sus  li  cardoun  que  nia, 

Sarié  lèu  'questo  Terro 
De  mèrmis  ambicioun,  de  vilànis  esperro, 
Ount  l'Errour  fai  tripet,  ount  lou  Vice  prouspèro  ! 


MANDADIS 

A-n-En  Anfos  Roco-Ferrié,  de  Mount-pelié 

Anfos  Roco-Ferrié! 

Que  n'  as  pas  toun  parié 
Pèr  l'amour  dôu  parla  qu'anio  tant  Mount-pelié, 

Vuei,  un  Sage  d'Irlando, 
Mai  noun  un  marrit  quèco,  un  gus  que  se  desbando, 
Coume  lou  di  «  Foulié  '  »,  éstirimo  te  mando. 

William-C.  Bonaparte- Wyse. 


Quel  avant-goût  des  régions  élyséennes  !  —  quel  Paradis  délec- 
table! —  dans  le  désert,  quel  jardin  ;  sur  les  chardons,  quel  nid, — 
serait  bientôt  cette  terre  —  d'intimes  ambitions,  de  vilains  efforts, 
—  où  l'Erreur  fait  rage,  où  le  Vice  prospère  ! 

ENVOI 

A  M,  Alphonse  Roque-Ferrier,  de  Montpellier 

Alphonse  Roque-Ferrier,  —  qui  n'as  pas  ton  égal  —  pour  aimer 
le  langage  que  Montpellier  aime  tant,  —  aujourd'hui  un  Sage  d'Ir- 
lande—  (mais  point  un  mauvais  drôle,  —  un  gueux  qui  se  dé- 
bande), —  comme  celui  des  «  Folies  » ,  t'envoie  ces  rimes. 

GUILLAUME-C  .    BûNAPARTE-AYvSE  .' 

4  Wyse  vôu  dire  Sage,  en  angles.  Sage,  pouèlo  de  Mount-pelié  au 
xvn*  siècle,  espèci  de  Belaud  de  la  Belaudiero  de  tresenc  ordre,  sus  la 
vido  e  lis  obro  de  quau  En  H. -F.  a  escri  de  lôngui  pajo- 


LE  GARRABIÈ 


<r  TJna  spina  m  fier 
Que  nueg  e  jorn  macora 

Am  pran  cocirier 
Devins  mon  cors  demora.  » 

(Cocir  de  la  mort,  —  las  FI  ors  del   Gay  Saber,  estier 
dichas  las  Leys   d'Amor,  —  t.  1,  p.  212.) 


Aro  qu'è  plourat  mai  d'uno  lagremo, 
Daissats-me  canta  la  que  tant  m'a  imat, 
Dount  le  souveni  de  gracio  embaumât 
Al  prigound  del  cor  per  jamai  s'estremo. 

Me  voli  pausa  sul  bord  del  cami, 
Le  frount  ventalhat  per  las  iroundelos 
E  les  peds  dins  l'erbo  e  las  pimparelos  ; 
L'aire  es  pus  audous  que  le  jansemi. 

Costo  l'garrabiè  glaufît  de  tlouretos 
Qu'an  d'un  se  pieucel  la  cando  blancou, 
Ieu  me  coulcarè  demest  la  frescou 


L'EGLANTIER 


«  Une  épine  me  blesse.  —  qui.  nuit 
et  jour,  me  tient  le  cœur;  —  avec 
:_Tande  inquiétude,  —  dans  mon  cœur 
elle  demeure.  » 

(Elégie  de  la   mort,  —  les  Fleurs  du  Gai  Savoir,  autrement 
dites  les  Lois  d'Amour,  —  1. 1,  p.  212.  ) 


Maintenant  qne  j'ai  versé  plus  d'une  larme.  —  laissez-moi  chan- 
ter celle  qui  m'a  tant  aimé.  — dont  le  souvenir  embaumé  de  grâce 
—  au  fond  du  cœur  pour  toujours  s'enferme. 

Je  veux  m'arrèter  sur  le  bord  du  sentier,  —  le  front  éventé  par 
les  hirondelles  —  et  les  pieds  dans  l'herbe  et  les  pâquerettes  ;  — 
l'air  est  plus  odorant  que  le  jasmin. 

A  côté  de  l'églantier  couvert  de  fleurettes,   —  qui  ont  la   chaste 


LE    OARRABIB  201 

Que  douçomenet  nais  de  saa  oumbretos. 

Ourrissi  l'crambel  asagat  de  plours 
Per  cerca  l'repaus  joubs  sa  verdo  ramo  ; 
Le  vesi  de  lenh,  —  ô  gauch  de  soun  amo  ! 
0  poulit  nisal  de  jouves  amours  ! 

0  galant  bouquet  de  la  fresco  primo, 
Coumoul  de  cansous,  tout  ensoulelliat, 
Al  caire  de  Tort  te  vesi  quilhat 

E  grand  à  frega  la  pus  nauto  cimo  ! 

Me  couiti,  lèu-lèu,  toqui  l'albricel, 
Sentissi  sas  flous  que  fan  douço  flairo, 
—  E,  lauseto  d'or,  ma  muso  s'enlairo 
Dins  le  bel  passât,  founzut  coumo  1'  cel. 

Darrè  l'garrabiè  qu'a  mes  vielho  rusco, 

E  les  amelliès  goubiats  pes  ivers, 

Aro  enjouvenits,  pus  galhards  e  verds, 

1  a'n  gai  oustalet  vestit  de  lambrusco. 

O  bel  soulelh  coule,  vespre  printaniè, 
Ventot  bresilbaire  e  claro  esteleto  ! 


blancheur  d'un  sein  vierge,  —  je  me  coucherai  dans  la  fraîcheur  — 
qui  tout  doucement  naît  de  son  ombre  légère. 

Je  fuis  avec  horreur  la  petite  chambre  arrosée  de  pleurs, —  pour 
chercher  le  repos  sous  ses  vertes  feuilles  ;  —  je  le  vois  de  loin, 
ô  joie  de  son  âme!  —  ô  jolie  retraite  de  jeunes  amours  ! 

O  charmant  bouquet  du  frais  printemps  1  —  plein  de  chansons, 
tout  ensoleillé,  —  à  l'angle  du  jardin  je  te  vois  dressé  —  et  grand 
à  toucher  la  plus  haute  cime. 

Je  presse  le  pas  :  bientôt  j'arrive  à  l'arbrisseau  ;  —  je  flaire  ses 
fleurs  qui  exhalent  de  doux  parfums, —  et,  alouette  d'or,  ma  muse 
s'élève  —  dans  le  beau  passé,  profond  comme  le  ciel. 

Derrière  l'églantier  qui  a  mis  vieille  écorce,  —  et  les  amandiers 
tordus  parles  hivers,  —  à  cette  heure  rajeunis,  plus  verts  et  plus 
vivaces,  — il  est  une  joyeuse  maisonnette  vêtue  de  vigne  vierge. 

O  beau  soleil  couchant!  O  vesprée  printanière, —  brise  gazouil- 


202  DIALECTES    MODERNES 

Aquital  viviô  la  Margarideto 
Ambe  Tsieu  pupi,  brave  jardiniè. 

M'en  brembi  souvent  :  travès  la  randuro 
Que  fa  Talbre  en  flous  à-n-aquel  cantou, 
Emaugut  veniô  li  balham  poutou  ; 
0  caro  !  0  velous  d'auberjo  maduro  ! 

Aquel  poutounet  tindarel  e  vieu 
Causavo  de  cops  qualquo  escarraugnado  ; 
De  para  sa  gauto  ero  tant  pressado  ! 
E  ieu  va  vouliô  mena  trop  prestieu. 

L'espino  en  cricot  ja  nous  graulignavo  ! 
Nous  preniô  'n  bouci  de  pel  e  de  car  : 
Qu'ero  un  pauc  de  mal  pr'un  moument  pla  car? 
Adieu  !  frount  marcat,  bouco  que  sannavo  ! 

Tampaven  les  traucsjoubs  forço  poutous  ; 
Qu'ero  bou  Tsieu  sang,  licour  de  ma  vido  ! 
0  naset  graitat,  bouqueto  pugnido  ! 
Tintavets  de  roso  espino  e  broutous  ! 


leuse  et  claire  étoile!  —  Là  même  vivait  la  petite  Marguerite  — 
avec  son  grand-père,  le  vaillant  jardinier. 

Je  me  le  remémore  souvent  :  à  travers  la  haie  —  que  forme  à 
ce  coin  l'arbre  fleuri,  —  ému,  je  venais  lui  donner  un  baiser:  — 
0  visage  !  O  velours  de  pêche  mûre  ! 

Ce  baiser  délicat,  sonore  et  vif,  —  était  parfois  la  cause  de 
quelque  égratignure  ; — à  avancer  sa  joue  elle  était  si  prompte! 
—  et  moi,  je  voulais  agir  trop  prestement. 

L'épine  crochue,  comme  elle  nous  égratignait!  — Elle  nous  pre- 
nait un  morceau  de  peau  et  île  chair  vive: —  que  nous  faisait  un 
peu  de  mal  pour  un  moment  bien  cher?  —  Adieu,  front  marqué, 
bouche  qui  saignait  ! 

Nous  fermions  la  plaie  sous  mille  baisers:  —  que  son  sang,  li- 
queur de  ma  vie,  était  bon  !  —  O  petit  nez  griffé,  bouchelette  pi- 
quée, —  vous  teigniez  de  rose  boutons  et  épine  ! 


LE    GARRABIE  203 

E  quand  ausission  la  vous  tremoulanto 
De  i'ancian  :  «  Didou  !  Es  à  l'amagat  !  » 
Partissiô  sul  cop,  à  passes  de  gat. 
Demouravi  'qui,  l'amo  mourmoulanto, 

Le  cor  embriaic  del  sangprecious 
Que  m'aviô  rajat  dins  toutos  las  venos, 
E,  coumo  estacat  dambe  de  cadenos, 
Vesiô  s'en  ana  soun  cap  gracious. 

M'arranca  les  peds  del'erbo  nouvelo, 
Me  tira  les  uels  del  sieu  oustalou, 
Qunt  grand  racocor  e  quno  doulou  ! 
Caliô  fuge  lenh,  lenh  de  la  niieu  belo. 

0  printems,  printems  escarrabilhat  ! 
Altieu  fresc  aie,  ô  sasou  plasento, 
Tou  se  respelis  e  tout  s'arrisento  ! 
O  !  fai  que  l'ruieu  cor  sio  pas  mai  bilhat 


Pr'  aquel  pessoment  que  me  despoudero 
Tourno-me  sul  cop  ma  jouve  Didou 
E  de  mous  setce  ans  la  bravo  verdou  ! 


Et,  lorsque  nous  entendions  la  voix  tremblante  —  de  l'ancien  : 
«  Petite!  es-tu  dans  une  cachette?» —  elle  partait  sur-le-champ  à 
pas  de  chat.  —  Je  restais  là,  mon  âme  emplie  de  murmures, 

Le  cœur  enivré  du  sang  précieux  —  qui  avait  coulé  dans  toutes 
mes  veines,  —  et,  comme  attaché  avec  des  liens  de  fer, — je  voyais 
s'enfuir  sa  tète  gracieuse. 

Arracher  mes  pieds  à  l'herbe  nouvelle, —  éloigner  mes  yeux  de 
sa  maisonnette,  —  quel  grand  arrache-cœur  et  quelle  peine!  —  Il 
fallait  fuir  loin,  loin  de  ma  bien-aimée. 

O  printemps,  printemps,  comblé  d'allégresse!  — A  ta  fraîche  ha- 
leine, 6  saison  adorable,  —  tout  éclôt  de  nouveau  et  tout  redevient 
riant!  — Oh!  fais  que  mon  cœur  ne  soit  plus  serré. 

Par  ce  souci  qui  m'enlève  toute  force!  —  Rends-moi  sur  l'heure 
ma  jeune  Marguerite  — et  l'alerte  verdeur  de  mes   seize  ans;  — 


504  DIALECTES    MODERNES 

Printenis,  tiro-me  tahino  e  lassieiro! 

Se  darrè  's  bouissous  s'anavo  adreita  ! 
I  vese  T  sieu  frount  clar  coumo  uno  cstelo, 
Joubs  la  cofo  teugno  e  de  blanco  telo  ! 
1  manda  'n  poutou,  Tausi  1lo  canta  ! 

0  félicitât!  —  Ai  las  !  es  pla  morto  ! 
Jamai  nou  sourtis  de  dins  le  tahut  ! 
S'eri  pas  tant  flac,  s'eri  pas  agut, 
Escarpinariô  coumo  un  folh  perorto. 

M'entendrion,  pertout,  la  crida  souvent! 
Le  sieu  noum  besiat  de  Margarideto 
Fariô  trefousi  mai  d'uno  fadeto, 
Joubs  les  rocs  curats  ount  marmulo  l'  vent. 

Aucels,  bresilhats  sus  las  loungos  gaulos  : 
Qui  escoutara  vostre  canta  dons? 
Aici,  soun  tampats  gentis  ausidous; 
Vous  poudets  calha,  pineards  e  verdaulos. 

Sul  penjal  moufut  vous  ets  esplandits, 
Mamoisses  nenets,  toutjoun  audourouses, 


Printemps,    délivre-moi   du   chagrin   et  de   la    pesante   lassitude! 
^i,  derrière  les  buissons,  elle  allait  se  dresser!  —  Voir  son  front 
clair  comme  une  étoile,  —  sous  sa  coiffe  légère  et  de  blanche  toile  ! 
—  Lui  envoyer  un  baiser,  l'entendre  chanter! 

O  félicité  !  Hélas!  elle  est  bien  morte!  —  Sortira- 1- elle  jamais 
de  son  cercueil?  -•  Si  je  n'étais  pas  si  faible,  si  je  n'étais  pas 
rendu,  -je  galoperais  à  travers  les  champs  comme  un  fou. 

On  m'entendrait,  partout,  l'appeler  souvent!  —  Son  nom  délicat 
de  Marguerite  —  ferait  tressaillir  plus  d'une  fée,  —  sous  les  rocs 
creusés  où  le  veut  murmure. 

Oiseaux,  vous  gazouillez  sur  les  longues  branches  :  —  qui  écou- 
tera votre  doux  chanter?  —  Ici,  les  gentilles  oreilles  sont  closes:  — 
vous  pouvez  vous  taire,  verdiers  ei  pinsons. 

Sur  le   talus  moussu  vous    vous  êtes   épanouies,  —  petites  vio- 


LE    GARRABIE  205 

Poudets  vous  passi,  gauch  des  amourouses  : 
Aici,  n'i  a  pas  pus  de  pichounis  dits  ! 

Dreit  à  l'albricel  pincat  de  flouretos, 

0  parpalhoulets,  vous  ets  alatats  ! 
Ai  !  è  prou  viscut,  e,  les  uels  satats, 
Me  vau  'spatarra  per  las  amouretos. 

Coumo  les  faidits  d'i  a  pla  sieis  cents  ans, 
Que  soun  rebounduts  dins  la  grande  serro, 
Mourirè  sul  se  de  la  bouno  terro  ! 
Se  troubats  moun  cos,  fraires  païsans, 

1  farets  un  trauc  costo  las  racinos 

Del  vielh  garrabiè,  qu'agen  un  sadoulli 

E  de  moun  sang  rouge  e  del  mieu  mesoulh  ! 

Que  moun  fort  malcor  se  cambie  en  espinos  ! 

E  quand  tournara  la  verdo  sasou, 
I  veirets  ma  muso  al  capelh  quilhado 
Que,  dambe  le  van  delà  coufilhado, 
Canturlejara  sa  bravo  cansou  ! 

A.  Fourès. 
Abrilh  1876. 
(Languedocien,  Castelnaudary  et  ses  environs). 


lettes,  toujours  odorantes:  —  vous  pouvez  vous  flétrir,  joie  des 
amoureux,  —  ici,  il  n'y  a  plus  de  doigts  mignons  ! 

Droit  à  l'arbrisseau  paré  de  fleurettes,  —  ô  petits  papillons,  vous 
vous  êtes  envolés!  — Ah  !  j'ai  assez  vécu,  et,  les  yeux  mi-clos,  — 
je  vais  m'étendre  au  milieu  des  brizes. 

Comme  les  faidits  d'il  y  a  bien  six  cents  ans,  —  qui  sont 
enterrés  dans  la  grande  sierra,  —  je  mourrai  sur  le  sein  de  la 
bonne  terre  !  —  Si  vous  trouvez  mon  corps,  frères  paysans, 

Vous  lui  ferez  un  trou  à  côté  des  racines  —  du  vieil  églantier, 
[afin]  qu'elles  se  rassasient  —  et  de  mon  sang  rouge  et  de  ma 
moelle  !  —  Que  ma  forte  peine  de  coeur  se  change  en  épines  ! 

Et,  quand  reviendra    la   verte  saison,  —   vous  verrez  ma   muse 

perchée  sur  son  faite,  —  qui,  avec  l'entrain  du  cochevis, —  chantera 

sa  vaillante  chanson  ! 

A.  Foukès. 

Avril  1876 

15 


BIBLIOGRAPHIE 


Récits  d'histoire  sainte  en  béarnais,  traduits  et  publiés  pour  la  pre- 
mière fois  sur  le  ms.  du  XVe  s.,  par  V.  Lespy,  secrétaire  général  en 
retraite  de  la  préfecture  des  Basses-Pyrénées,  et  P.  Raymond,  archi- 
viste du  département  des  Basses-Pyrénées,  pour  la  Société  des  biblio- 
philes du  Béarn.  —  Tom.  Ier.  —  Pau,  1876,  in-8°  carré. 

Le  gascon,  qu'il  vaut  beaucoup  mieux,  à  l'exemple  des  trouba- 
dours et  de  nos  anciens  grammairiens,  considérer  comme  une 
langue  à  part  que  comme  un  dialecte  du  provençal,  offre  aux  lin- 
guistes un  sujet  d'études  intéressant  et  relativement  facile,  grâce 
à  l'abondance  îles  textes  en  cet  idiome  qui  ont  été  publiés.  Mais 
ces  textes  étaient  tous  jusqu'ici  des  pièces  d'archives,  et  l'on  pou- 
vait croire  que  le  gascon —  dont  le  béarnais  est  une  simple  variété 
—  n'avait  jamais  servi,  au  moyen  âge,  d'instrument  littéraire1.  Nous 
sommes  aujourd'hui  détrompés,  grâce  non-seulement  à  la  publi- 
cation de  MM.  Lespy  et  Raymond,  mais  encore  aux  notices  que 
nous  ont  données  récemment  M.  Milà  y  Fontanals  et  M.  Léon 
Gautier:  le  premier,  sur  une  traduction  de  la  Disciplina  clericalis 
(  Voy.  la  Revue,  X,  238  )  ;  le  second,  sur  le  mystère  de  la  Passion, 
de  la  bibliothèque  Firmin  Didot  (le  Mande,  14  avril  1876).  Souhai- 
tons que  ces  deux  derniers  ouvrages,  surtout  le  mystère,  soient  pu- 
bliés proniptement,  et  faisons,  en  attendant,  le  bon  accueil  qu'il 
mérite  à  l'élégant  volume  que  nous  offre  aujourd'hui  la  Société  des 
bibliophiles  du  Béarn. 

Le  titre  qu'on  a  lu  plus  haut  a  été  choisi  par  les  éditeurs,  leur 
ms.,  qui  est  incomplet  de  la  lin  et  du  commencement,  n'en  four- 
nissant aucun.  Il  existe  du  même  ouvrage  une  version  catalane, 
publiée  en  1873  par  M.  Amer,  et  intitulée  Genesi  de  scriptwa,  et 
une  version  provençale  dont  le  ms.,  appartenant  à  la  bibliothèque 
Sainte-Geneviève,  a  reçu  le  titre  de  Bible  en  langage  gascon, à  l'épo- 
que sans  doute  (XVIIe  ou  XVIIIe  s.)  où  l'on  qualifiait  de  gascon 
tout  ce  qui  était  langue  d'oc.  Le  fait  est  que  ce  texte  a  les  carac- 

1  La  Chronique  des  comtes  de  Foix  et  seigneurs  de  Béarn,  composée 
en  14'i5  par  Miguel  del  Verms,  et  que  Buchon,  qui  l'a  publiée  en  1838 
dans  le  Panthéon  littéraire,  qualifie  de  béarnaise,  est  en  réalité  écrite  en 
provençal  (dialecte  de  Foix).  Il  s'y  est  glissé  seulement,  par-ci  par-là,  prin- 
cipalement dans  tes  pièces  rimées  qui  parsèment  le  récit,  des  formes  gas- 
connes. 


BIBLIOGRAPHIE  207 

tères  très-marqués  du  dialecte  de  la  Provence  ou  de  la  partie  voi- 
sine du  bas  Languedoc.  Les  éditeurs  ont  eu  l'excellente  idée  de 
publier  en  appendice  tout  ce  qui,  dans  le  texte  provençal,  corres- 
pond à  la  partie  conservée  du  texte  béarnais.  On  ne  peut  que  leur  en 
savoir  gré,  tout  en  regrettant  qu'ils  n'aient  pas  poussé  la  libéra- 
lité jusqu"à  reproduire  en  entier  le  ms.  de  Sainte-Geneviève. 

Aprèsavoirlouécommeil  convientles  soins  donnés  par  MM.Lespy 
et  Raymond  à  leur  publication  ,  et  dont  témoigneraient  seules 
l'ample  introduction  et  les  notes  abondantes  qu'ils  y  ont  jointes,  je 
placerai  ici  un  certain  nombre  des  remarques,  que  m'a  suggérées 
la  lecture  attentive  de  leur  double  texte.  Un  mot  auparavant  sur 
un  passage  de  l'Introduction  (p.  cxlvui),  pour  rappeler,  à  propos  de 
la  légende  du  bois  de  la  Croix,  qu'il  en  existe  en  provençal  un 
récit  particulier,  dont  l'auteur  paraît  être  Matfre  Ermengaud  \  et 
que  Fauriel  a  donné  de  ce  récit  une  traduction  abrégée  au  tom.  1er, 
pag.  263,  de  son  Histoire  de  la  poésie  provençale. 

TEXTE    BÉARNAIS 

P.  4,  1.  14-15.  Care  e  care.  La  conjonction  e,  en  pareil  cas,  était 
bien  plus  fréquemment  employée  que  la  prép.  a.  C'est  donc  pren- 
dre une  peine  superflue  que  de  justifier  la  leçon  originale. 

P.  G poble .' Podem . ...  Il  manque  peut-être  quelque  chose, 

mais  il  faudrait  l'indiquer.  Dans  l'état  du  texte,  le  mieux  parait 
être  de  supprimer  le  point  après  poble  et  le  point  d'interrogation  à 
la  fin  de  la  phrase.  Jo  et  poble  seraient  sujets  de  podem. 

10,  9.  Entorn,  ms.  entron,  corrigé  à  tort,  ici  comme  plus  loin 
(38,18).  Ces  sortes  de  métathèses  sont  familières  au  gascon.  Cf. 
drom  =•  dorm,  frem  =ferm,  et  tant  d'autres. 

10,  17-18.  Telhes,  qui  répondrait  phonétiquement  à  tegulas,  pour- 
rait être  ici,  par  synecdoque,  au  sens  de  demeure  ;  mais  il  vaut 
mieux,  je  crois,  d'après  les  deux  autres  textes,  corriger  celhes  (t 
pour  c  mal  lu,  comme  il  arrive  souvent  ),  qui  serait  pour  celhers. 
Notre  texte  offre  bien  d'autres  exemples  de  la  réduction,  d'ailleurs 
si  fréquente,  de  rs  final  à  s. 

12,  1.  Fonuut.  Corr.  fonnut  et  non  fondut,  comme  le  voudrait  la 

4  Ce  récit  ne  se  trouve  que  dans  deux  mss.  du  Dreviari  d'amor.  Voy. 
Bartsch,  Grundriss  der  provenzalischen  Literatur,  p.  57,  et  la  préface  de 
l'édit.  du  poëme,  p.  xiu.  Il  serait  à  désirer  que  la  Société  de  Béziers  le 
publiât,  ainsi  que  le  Salve  regina  contenu  dans  les  mêmes  mss..  à  la  suite 
de  la  lettre  de  Matfre  à  sa  sœur,  seule  annoncée  sur  la  couverture  du 
Breviari  d'amor. 


?,.-  BIBLIOGRAPHIE 

no!'    I       erait  contraire  au  génie  du  gascon,  et  particulièrement 
du  béarnais,  qui  assimile  d  à  Vn  précédente  ou  le  laisse  choir. 
12,  10.  Il  eût,  ce  me'semble,  beaucoup  mieux  valu  corriger  apa- 

:  negun. 
14,  21.  Puisque  les  éditeurs  corrigaienl  eg  en  jo,  ils  n'auraient 

i  substituer  prometu  à  prometo. 
IC.  Qtu  jo  conegues  vostre  duressa.  Corr.  coneg  ;  ues  est  à  rejeter 
olument.  Peut-être   le  scribe,  ayant  d'abord  écrit  ues  pour  la 
re    syllabe  de  vostre  qui  suit,  aûra-t-il  oublié  de  l'effacer, 
être  repris. 
16.  Entorn  ah  vos.  Ms.  entran,  qu'il  fallait  garder. comme  le  prouve 
le  passage  correspondant  du  Deutéronomt     XXXI,  27):  ingrediente 
-    a. 
|i',.  Que  toi':  ag  augen  aquestas  palauras.  Ag  est  de   trop  (erreur 
causée  par  aug  .  nui  suit?  Cf.  ci-dessus  la  note  sur  conegues),  ou 
il  manque  quelque  chose,  comme  dire  ou  parlare.  La  Bible  dit  :  et 
,•  audientibus  eis  sermones  istos. 
18,  1-2     D(  n'esl  pas  fautif,  comme  il  est  dit  en  note, 

i  l'équivalent  exael  du  IV.  désormais,  sauf  qu'on  y  a  Je  seul  au 
lieu  de  des.  Le  simple  ueymes  (pr.  aimais  )  a  juste  le  même  sens. 
18,  9.  Errant  du  ms.  (=  fr.  errèraifj  est  très-préférable  à  eran,  • 

quoi  les  éditeurs  l'ont  remplacé. 
20,  13.  Lo  Ihéba.  Ms    Ion  Ih.  Il  n'y  avait  pas   lieu  à  correction  : 
A,,/  ^  !<•  Di.  ce  qui,  ici,  convient  on  ne  peut  mieux. 

24.  Dequeg  vostre  rey.  Les  éditeurs  écrivent  toujours  ainsi  (  et  de 
même  dequesl,  dequi  .  hésitant  sans  doute  entre  de  queg  etd'equeg. 
Mai-  etnples  comme  en  queg,  qu'on  rencontre  souvent  dans 

_  i  cons,  sonl  décisifs  en  faveur  de  queg. 
lu  qu'eu  dem.  Va  toujours  ainsi  pour  que  lo.  D'après  le  sys- 
tème  adopté   par  1rs  éditeurs  (et  qui  ne  nous  parait  pas  le  meil- 
leur ),  il  faudrait  qnc-u.  Et  de  même  que-us  (et  non  qu'eus),  p.   il). 
uben  masipes.  Le  contexte   parait  exiger  le  parfait.  Plus 
,  ou  lit  :  e  jo  estremabey  hs,  où  c'est  encore  un  parfait  qu'il 
I      peut-être  sont-ce  là  aussi  des  formes  de  parlait.  De 
pareille:  -  irs  aujourd'hui  à  Toulouse.  (  Vdy.  ma  Gramm.  Mm., 

177  (J  XI,  3        .  >'t  il  n'esl  pas  probable  qu'elles  soient 

I 

'•-'    I  ;     Veto  lo.  Ce   pronom  masculin  n'est  point  ici  fautif  :  il  se 

//. 

;-'-  17.  E  h  w'\   a   là  rien  d'irrégulier.  Ce  tour   n'est 

ra u  langue  d'oc    Que   {=:  afin  que)  est  seulement  sous- 


BIBLIOGRAPHIE  509 

entendu,  ce  qui  est  fréquent.  Remarquez  que  credes  est  au  subjonctif 
(  es  pour  as,  changement  normal  en  gascon). 

32.  17.  Dar  fe.  Ms.  dautre.  14  eût  peut-être  mieux  valu  corriger 
dau  te  (do  tibi).  L'introduction  de  IV  sera  ici  un  cas  à'umgekehrte 
Schreibung,  le  phénomène  inverse  étant  très-ordinaire  :  bâte,  mete, 
pour  batre,  mètre,  etc. 

34.  Que  debaran.  Gorr.  debar[ar)an.  Le  copiste  a  sauté  le  second 
ar. 

36,1.  Encontra.  Ms.  encoere.  Encorro  (ineurrit)  eût  été  peut-être 
une  meilleure  correction.  Ce  verbe  se  trouve  ailleurs  au  sens  do 
rencontrer. 

36,  !6.  Mostre-us.  Exemple  bien  rare,  disent  les  éditeurs  de  vos 
représenté  par  us.  Cet  exemple  serait  unique.  Aussi  suis-je  porté 
à  croire  qu'il  faut  écrire  vs.  Partout  ailleurs  dans  notre  texte  ce 
pronom,  en  même  position,  se  présente  sous  les  formes  bs,  on  ps, 
que,  logiquement,  vs  a  dû  précéder. 

36,  22 .  Que  fasen  lenguabossc .  Si  une  pareille  hybridité  n'était 
pas  trop  invraisemblable,  on  pourrait  penser  à  un  composé  de  lingua 
et  de  l'allemand  bose. 

44.  De  présent  :  vos  veps  que  uey .  11  faut  ponctuer  :  de  présent  vos  : 
veps  queuei. . .  Le  sens  est  :  .  .  in  conspectu  restro,  et  non  pas  main- 
tenant VepSj-plus  haut&eps,  n'est  autre  que  le  prov.  ve  vos=ecce.  Pour 
être  conséquents  avec  eux-mêmes,  les  éditeurs  auraient  dû  écrire 
ve-ps,  be-ps. 

46.  Trametou  lo.  Autre  oubli  de  la  règle  adoptée.  Corr.  Irameto- 
u.  où  u  représente  lo.  Gela  ne  fait  pas  pléonasme,  l'un  des  deux 
pronoms  étant  au  datif  et  se  rapportant  à  Samuel. 

58.  Vi  falibe.  Il  faut  U,  Au  contraire,  li  cuta  doit  être  écrit  l'i 
cuta. 

60,  17.  Eray  n'a  aucun  rapport  avec  serai/.  Il  faut  simplement 
écrire  cra  y. 

60.  23  Quenoelas?  Il  n'y  a  ici  ni  irrégularité,  ni  lacune.  L'emploi 
de  que  pour  le  pronom  qucd,  interrogatif  ou  exclamatif,  est  très- 
commun  dans  le  provençal  moderne,  comme  en  italien,  et  il  n'y 
a  rien  de  surprenant  aie  retrouver  ailleurs,  même  dans  des  testes 
anciens.  Gf.  96,  16  :  que  homis  etz  vos? 

66,  15.  Soterra  lo.  Ms.  soterran,  leçon  qui  n'est  point  fautive. 
L'  n  y  est  pour  en  =  pour  cela  (à  cause  de  sa  compassion) .  Gf.  ci- 
dessus,  sur  20,   13. 

68,  10.  Compli  lo  manament. Ms.  ab  lo.  Suppression  regrettable. 
Complir  ab  est  une  expression  qui  se  rencontre  fréquemment,  et 
qui  est  aussi  correcte  qu'élégante. 


210  BIBLIOGRAPHIE 

70,  24.  Beden  David  anan  triste.  Ms.  anara.  J'aurais  préféré  anar 
à  anan.  Mais  peut-être  eût-on  dû  conserver  en  entier  la  leçon  du 
ms.,  sauf  à  détacher  l'a  final  :  anar  a  triste  signifierait  aller  tristement- 

72,  7.  Lo  plore.  MM.  L.  et  II.  supposent  une  erreur  du  copiste, 
qui  aurait  écrit  h  pour  io.Ce  n'est  pas  sûr.  J'incline  à  croire  que  ce 
lo  est  un  adverbe,  signifiant  ici  alors,  et  qui,  pour  la  forme,  n'est 
qu'un  affaiblissement  de  la.  Ce  serait  un  exemple  de  plus  à  joindre 
à  ceux  que  j'ai  relevés,  à  l'appui  d'une  conjecture  pareille,  dans 
une  note  relative  au  v.  3798  de  la  Croisade  albigeoise  (Revue,  IX- 
357)*. 

74,  9.  Fasen  ab  deu  temple.  La  note  sur  ce  passage,  dans  laquelle 
on  propose  de  suppléer  obs,  prouve  que  les  éditeurs  ne  se  sont 
rendu  compte  ni  de  la  valeur  de  fasen,  qui  signifie,  à  lui  seul,  con- 
venaient, étaient  nécessaires  (sens  que  ce  verbe  a  si  souvent),  ni  de 
l'origine  de  la  locution  ab  de  (=p>our),  laquelle  n'est  autre  que 
obs  lui-même  suivi  de  la  prép.  de.  Obs  de  est  devenu  d'abord  ob  de  et 
ensuite  ab  de,  par  renforcement  de  IV  comme  dans  ac  de  oc,  etc. 
Ces  trois  formes  se  rencontrent  très-fréquemment  dans  les  textes 
gascons.  En  provençal,  je  n'ai  jusqu'ici  remarqué  que  la  première. 

76,  13.  Septmanes.  La  finale  es,  ici,  n'est  pas  pour  as  atone,  mais 
pour  ers,  r  étant  tombée  comme  dans  beaucoup  d'autres  mots  en 
pareille  position.  C'est  le  français  semainiers,  et  non  semaines,  devenu, 
par  métonymie,  comme  l'ont  cru  les  éditeurs,  le  nom  d'une  fonc- 
tion. 

78,  4 Homi  verges  que  dijo  a  tu. —  Je  mettrais  une   virgule 

après  homi,  deux  points  après  tu,  et  je  corrigerais  verges,  qui  n'a  ici 
aucun  sens,  en  auges  (audias) . 

78,  5.  Tanta  de  sapiensa.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  de  cet  ac- 
cord de  l'adjectif  avec  le  substantif.  C'est  une  façon  de  parler  très- 
commune  en  langue  d'oc,  et  qui  a  beaucoup  de  grâce. 

84,  6.  Prenco  martyre.  Ms.  prencos,  qu'il  n'y  avait  aucun  motif 
de  rejeter;  car,  premièrement,  le  subjonctif  ne  serait  pas  ici  irrégu- 
lier, et,  en  second  lieu,  si  lindicatif  parait  préférable,  prencos  serait 
pour  prenco  se.  Les  éditeurs  n'ignorent  pas  quel  est  le  goût  des 
Méridionaux,  et  surtout  des  Gascons,  pour  la  voix  moyenne. 

1  En  voici  un  autre  tiré  de  Sancta  Agnes,  v.  959  (dans  les  notes)  : 

Qu'el  non  favia  lo  ren  forfah. 

Cf.  encore  {Revue,  X,  314)  la  remarque  sur  le  v.  2107  du  poëtne  catalan 
des  Sept  Sages,  et  rapprochez-en  une  note  de  M.  Alart  (ibid.,  XI,  10),  sur 
un  passage  qui  confirme  pleinement  l'explication  proposée  du  vers  des 
Sept  Sages.  J'ai  l'intention  de  revenir  prochainement  sur  ce  sujet. 


BIBLIOGRAPHIE  211 

88,2.  Mamento.  Ce  mot  n'a  aucun  sens.  Gorr.  maumeto,  parfait, 
faible  de  maumete  (prov.  malmetre — malmes). 

88,6.  Per  so  mau  s'en pergo.  Il  faut  sen  (sensum). 

100,9.  Efe  ly  degorar. . .  le  ms.  a  lo.  C'est  une  faute  de  l'avoir 
remplacé  par  ly,  la  forme  normale  du  datif,  dans  notre  texte,  étant 
lo.  Il  aurait  suffi  d'avertir,  si  on  le  jugeait  nécessaire,  que  degorar 
(forme  d'ailleurs  très-correcte,  puisque  II  en  gascon  devient  r  entre 
deux  voyelles)  signifiait  décoller  et  non  dévorer. 

112.  8-9.  Cutes  tu?  Le  ms.  a  eûtes  te  tu,  qu'il  eût  beaucoup  mieux 
valu  garder,  comme  les  éditeurs  semblent  eux-mêmes,  en  note,  le 
reconnaître.  Outre  le  passage  correspondant  du  texte  provençal  (e 
pensas  ti  tu?)  on  peut  citer  d'autres  exemples  anciens  de  cet  emploi 
de  te  (ou  ti)'.  Tels  sont  les  suivants  :  «E  cujas  ti  qu'en  paradis  — 
Aia  hom  talent  de  manjar?  »  (Flamenca,  6091-2)  ;  «  Cujas  te  qu'ela 
t'o  aport?  »  (Gedichte  der  Troub.,  817,  2). 

114.  6.  Ho,jo,  dit:  Daniel.  —  Il  n'y  a  ici  aucune  omission.  11  faut 
seulement  supprimer  la  virgule  entre  ho  etjo.  Après  la  particule 
affirmative  ou  négative,  on  plaçait  volontiers,  pour  la  renforcer  ou 
lui  donner  plus  de  précision,  le  pronom  représentant  la  personne 
ou  la  chose  de  laquelle  on  affirmait  ou  niait  :  oc  ieu!  oc  nos  !  no  vos  ! 
oc  el  !  non  so  !  etc. 

119,  20.  E prenco.  . .  arosine,  estope. . .  Lis.  arosine  estope. 

116,  21 .  Et  fonda  hac  tôt  amassa.  Ms.  heg,    forme  remarquable 

qu'il  fallait  garder.  Elle  est  assez  rare,  mais  se  trouve  dans  d'autres 

textes.  J'en  ai  vu  plusieurs  exemples  dans  des  chartes  de  Castel- 

jaloux,   du  XIII3   siècle.  Elle  complète  le  parallélisme   vocalique 

entre  les  formes  diverses  des  trois  pronoms  neutres  oc  (o),  so  et  lo. 

en  donnant  un  pendant  aux  formes  en  e  de  ces  deux  derniers  : 

oc  so  lo 

ac  sa  la 

ec  se  le 

130, 1.7  du  ba~.  Sa  filhe  fo.  Suppléez  [morte],  omission  évi- 
dente. 

TEXTE    PROVENÇAL 

Le  ms.  béarnais  n'est  pas,  tant  s'en  faut,  d'une  correction  par- 
faite. Mais  que  dire  du  ms.  provençal?  Les  fautes  les  plus  étran- 
ges y  pullulent,  sans  parler  des  lacunes,  qui  sont  nombreuses  '. 

1  Les  résultats  de  ces  fautes  ne  sont  pas  toujours  des  non-sens  ;  quel- 
ques-unes ont  seulement  pour  effet  d'altérer,  d'une  façon  bien  plaisante 
parfois,  la  signification  de  l'original.  J'en  citerai  un  exemple  curieux.  Il  est 


212  BIBLIOGRAPHIE 

Les  éditeurs  y  ont  fait  ou  proposé  plusieurs  bonnes  corrections  ; 
mais  on  voit  qu'ils  se  sont  crus  tenus  ici  à  moins  de  recherches  que 
pour  le  texte  béarnais,  cette  partie  de  leur  travail  n'étant  pour  eux 
qu'un  accessoire.  Ils  l'ont  traitée  aussi  avec  moins  de  compétence. 
Ce  serait  une  besogne  fastidieuse  et  sans  grand  profit  d'en  faire  un 
examen  détaillé.  Je  me  bornerai  à  quelques  observations. 

P.  142,  1.  10  Anniaray.  M  s.  amiaray.  La  bonne  correction  était 
annaray .  Cette  faute  se  reproduit  plusieurs  fois. 

143,  12.  Soquedetot  en  lot..  Le  passage  béarnais  correspondant 
(si  no  cum  de. .)  suggère  la  correction  so[n}  que..,  qui  serait  le  mo- 
derne sounque  =  si  non  que.  Ci.  ma.  Grau*,  limousine.  p.  '.VU  (Revue 
VIII.  191). 

144,  12.  Pastor  n'est  point  un  verbe.  C'est  simplement  le  sub- 
stantif: «  que  nul  ne  soit  vu,  ni  bétail,  ni  berger.  » 

144,  5  du  bas.  Mandement.   Corr.  mancament.  La  Bible  dit  iniqui- 
atem. 

145,  6-7.  Que  uey  an  a  morir  a  tu.  <  loci  n'a  aucun  sens.  Corr. 
ay  a  monir  (monere).  Ce  verbe  manque  à  Raynouard,  mais  je  l'ai  vu 
ailleurs. 

145,  [b.Appelar  fian.  Le  contexte  exigerait  le  conditionnel.  Fau- 
drait-il donc  lire:  apélar  t,  iun?  Ce  serait  un  exemple  remarquable 
de  conditionnel  décomposé.  Il  y  en  a  de  certains  en  béarnais; 
mais  je  n'en  ai  jamais  vu  en  provençal. 

147,  21.  Que  els  o  avion.  Corr.  aujan  (audiant  , 

149,  16.  Creycian  est  très-bon:  creycia  ne.  De  même  178, 18,  cran 
(=  erane)  mal  à  propos  changé  en  era. 

152,  23.  Enlreveron  n'est  pas  une  faute.  C'est  le  parfait  très- 
régulier,  sauf  métathèse,  de  entervar  =  interrogare. 

153,  11.  E  la  lur  clamor.  La  phrase  esl  probablement  incom- 
plète. Il  doit  manquer  quelque  chose  comme  venc  a  me.  Cf.  Rois. 
I,  9.16. 

157,  2  du  bas.  Asignet  la  via.  Corr.  asiguet  la  vi[V\a.  Asiguet  est 
le  parfait  faible  de  assir  ou  assire  =  assiéger.  Voyez  le  Donat  prov . , 
35  b. 

158,  3.  Per  so  car  lo   senestre  si  rubriria  a  la  gent.  Ceci  peut  très- 


dit  dans  les  textes  catalan  et  béarnais  que  Balthazar  offensa  le  Seigneur 
en  buvant  dans  la  vaisselle  du  temple  de  Jérusalem.  L'original  pro- 
vençal disait,  sans  doute,  la  même  chose,  en  ces  termes,  ou  à  peu  près  : 

«....    que  el  bec  rn  la  vaysselha »  Or  voici  ce  que  cola  est  devenu 

sous  la  plume  de  notre  copiste  :  «  E  fes  causas  desplazens  a  noslreSunlior, 
que  el  jacan  la  vielha  que  era  estada  dtl  Temple  de  Jérusalem.  » 


BIBLIOGRAPHIE  213 

bien   s'entendre.   Si  cubriria-=  serait  couvert   (le   moyen   \ our  le 
passif,  comme  il  arrive  si  souvent),  à  savoir  par  le  bouclier. 

159,  25.  Plueya.  Ms.  plueyay,  pour  plueyas.  Exemple  précieux  à 
recueillir  du  développement  d'i  devant  s  final  et  de  la  chute  consé- 
cutive de  cette  consonne.  Cf.  Gramm.  lim.,  p.  368,  et  note  1  {Revue, 
XI,  26)'. 

161.  Hyci  [a]  lur  an  gran  ost.  La  préposition  est  ici  une  adjonc- 
tion superflue.  Cf.  d'ailleurs  ]>.  162  :  negun  non  li  ausava  hyeir. 

162,  1.  2  du  bas.  Coin  aquest.  M  s.  donc,  qui  est  très-préférable. 
Com,  modifie  désavantageusoment  l'allure  de  la  phrase  et  lui  enlève 
sa  vivacité.  Il  faudrait  un  point  d'exclamation  après  Israël. 

164,  3.  Tcn,  suspect  aux  éditeurs,  est  fort  bon  :  tenco,  je  tiens,  je 
considère. 

165,  1.  2  du   bas.  Ac  mot  yreu  donne  un  sens.  Mais   les  autres 


4  Puisque  l'occasion  s'en  présente,  je  donnerai  ici  d'autres  exemples  an- 
ciens de  ce  phénomène,  après  a  et  o,  recueillis  depuis  l'impression  du 
passage  ci-dessus  mentionné. 

A:  vays  lieys  [Ged.,  1171,  3),  ms.  856. 
Vays  la  bêla  (id.,  950,  2),  ms.  Lavall. 
Vais  autra  fazenda  (id..  1106,2),  ms.  856. 
Que  vays  dir  =  que  tu  vas  dire  {Joyas,  60). 
Parlavais  =  parlavas  (atz),  Ged.,  716,  2;  ms.  854.  Rochegude  relève 

cette  forme. 
Auzidai.    sans   s,  bien  qu'une  voyelle   suive   {Ged..  296.1),  ms. 

Philips. 

L'i  se  développe  même  devant  z  (£z)  non  réduit  à  s: 
Estaitz  luenh  (Denkm.,  312,  9),  ms.  Lavall. 
Estaitz  (Gedichte,  535),  ms.  1749. 
Asaiz  (id.,  819, 5),  ms.  Laurent,  42. 

Deloignaiz  (id.,  869,  5),  J 

c^;„:-         ri     san  r     l  ms.  Laurent,  42 
Solaiz        (id. ,  oo9,  oj,  ) 

Del  laiz  (P.  Gorbiac,  Trésor,  v.  88). 

O:  ploiois  et  plui<>!s  {Denkm.,  316.  19  et  23),  ms.  1745. 
A  vois  voill  mostrar  ma  dolor  (Ged..  78!.   1),  ms.  854. 
Pus  en  Toisa  no(  amam  {Ged.,  1025,  1),  ms.  de  Venise.  Exemple 

douteux. 
De  doi  amies  corals  {Ged.,  1199,  l)%ras.  Philips. 
Go  sabetz  miels  doy  tans  (id  ,  542,  3),  ms.  Lavall. 
En  crois  îevatz  {Ged.,  988.  1),  ms.  12474.  Crois  =  cros  =  crotz. 

Dans  les  deux  exemples  suivants,  z  {tz)  persiste: 
A  ioiz{Ged..  819,  2).  ms.  Laurent,  42. 
Dousa  voitz  {Ged..  781,  3),  ms.  854. 


214  BIBLIOGRAPHIE 

textes, comme  le  passage  corresp.  de  la  Bible,  suggèrent  la  correc- 
tion mogut  ou  moguda. 

168,5.  Hoyseron  est  fort  correct  (sauf  l'orthographe),  contrairement 
à  ce-  que-  la  note  sur  ce  passage  semble  indiquer. 

171,  10.11  doit  manquer  ici  un  mot  répondant  au  latin  mussi- 
tantes  {Rois,  II,  19),  et  c'est  à  ce  mot  que  se  rapporte  non  lurvalc 
rcn.   Cf.  le  béarnais  anar  triste  e  murmuran. 

175.  Non  so,  dis  la  mayre.  —  Il  n'y  a  ici  rien  à  suppléer.  Cf.  ma 
note  sur  114,  6  du  texte  béarnais. 

176.  Fon  près  da  soyt.   Corr.  près  dafayt  =  presque  fait  ? 
176-177.  Estopa  rnesclada  am  foc.  Le  ms.  a  mcscla,  que  j'aurais 

gardé.  Cette  forme  explique  l'adverbe  mesclamen,  qui  se  rencontre 
dans  des  textes  provençaux.  On  aurait  dans  ce  mescla  un  exemple 
peut-être  unique  de  ces  participes  si  nombreux  eD  italien,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  les  participes  forts,  et  qui  ont  toute  l'appa- 
rence de  simples  adjectifs  verbaux,  tels  qui:  .--ont  chez  nous  trempe, 
gonfle  et  tant  d'autres. 

178.  En  lo  rcy  de  Silo.  Je  pense  qu'il  faut  voir  dans  ce  rey,  bien 
qu'il  ne  s'agisse  pas  ici  d'une  eau  courante,  une  autre  forme  du  rec 
languedocien. 

179.  15.  Vencit,  pour  veniet  du  ms.,  est  inacceptable.  Il  faudrait 
venquet  ou  venset,  mais  plutôt  venset.  n'y  ayant,  pour  obtenir  ce 
dernier,  qu'une  lettre  à  changer. 

181,  22.  Que  non  si  tanhia  s'entend  très-bien  de  soi-même:  quia 
non  decebat. 

182,  2.  Sezs  ni  mal  e  estant.  Corr.  Sozs  ni  mal  estant.  Sozs  est  le 
même  mot  que  le  sozzo  (succidus)  italien.  Il  manque  au  Lexique 
roman,  bien  qu'il  se  trouve  dans  des  textes  étudiés  par  Raynouard, 
je  veux  dire  dans  les  poésies  vaudoises} .  Des  verbes  dérivés  de  cet 
adjectif  >onl  ensozar  et  ensocezir,  dont  nous  avons  ici  même  (pp.  145, 
172)  plusieurs  exemples. 

183,  20.  No  Vaneron.  Il  n'y  a  ici  rien  à  suppléer  :  /'  est  pour  li  ==y 
(  ib.  ).  On  en  a  un  autre  exemple  p.  163  :  e  non  li  aurias  forsa .  C'est 
une  forme  aujourd'hui  extrêmement  répandue  dans  la  Provence 
méridionale. 

183,  24.  Car  lo  era  obra  de  mans.  Les  éditeurs  supposent  ici  une 
altération  ;  il  n'y  en  a  aucune.  Il  faut  seulement  remarquer  que  le 
pronom  neutre  lo  y  est  sujet,  comme  c'est  son   rôle  constant  dans 

1  II  existe  aussi  en  catalan.  Les  textes  publiés  dans  la  Revue  par 
M.  Alart  en  offrent  plusieurs  exemples,  dans  lesquels  il  a  son  sens  pro- 
pre :  «  lana  sutza  o  lavada  »  (IV,  508,  etc.)  De  là  suizura.  qu'on  peut 
voir  dans  Desclot  (679  b). 


BIBLIOGRAPHIE  215 

notre  texte,  où  il  reparaît  souvent.  Cf.  Gramm.  limousine,  p.  369 
(Revue,  XI,  26.) 

185.  Montar  en  los  murs.  Ceci  est  peut-être  le  résultat  d'une  alté- 
ration du  texte  primitif.  Mais,  comme  un  sens  raisonnable  en  res- 
sort, à  la  condition,  bien  entendu,  d'expliquer  murs  par  mulets,  on 
peut  s'y  tenir.  La  mutation  de  l  en  r  est  pour  ainsi  dire  endémique 
dans  la  basse  Provence  (Toulon,  etc.). 

187,  3.  Destruch,  faute  de  copiste  pour  destrech  ou,  peut-être,  des- 
trach  ? 

191,  2.  E  conogron  las pesadas.  Je  suppléerais  se  :  se  connurent, 
furent  aperçues. 

191,  3.  Avian  manjat  e  gastat.  Ce  dernier  mot,  marqué  en  note 
d'un  ?  est  très-bon  :  «  mangé  et  consommé.  »  Cela  va  fort  bien  en- 
semble. 

192,  8.  De  reyva  e  d'estopas.  Corr.  régna  —  résine.  Us  tombe  fré- 
quemment dans  notre  texte,  en  pareille  position. 

198,  4.  Que  era  la  filha  de  Julius.  Ms.  sa  filha,  qu'il  fallait  garder. 
C'est  un  idiotisme  très-commun  en  provençal,  et  dont  notre  texte 
offre  au  moins  un  autre  exemple,  p.  182  :  «  Un  sieu  frayre  d'a- 
quest  Jeconias.» 

198,  12.  Nos  en  alegoratz .  Ceci  n'est  point  corrompu  et  donne,  au 
contraire,  un  sens  excellent  :  alegorar  =  tarder,  de  legor,  loisir  (cf. 
Donat  j)rov.,  56  a).  En  est  pour  em,  la  substitution  derc  à  m  étant, 
dans  notre  texte,  extrêmement  fréquente. 

200,  13-15.  Ve  vos,  etc.  J'imagine  que  les  lignes,  si  étrangement 
intercalées  ici,  servaient  de  rubrique  à  un  dessin  représentant  un 
pont,  dessin  placé  entre. ..dich  et  e  ac  en  aquella..,et  que  l'auteur  de 
notre  ms.,  peu  intelligent,  comme  il  parait  à  tant  d'autres  signes, 
aura  copié  machinalement  tout  ce  qu'il  voyait  écrit. 

Le  tome  premier  des  Récits  d'histoire  sainte  s'arrête,  pour  les 
deux  textes,  à  l'incarnation  de  Jésus-Christ.  Le  tome  II  donnera  la 
fin  de  l'un  et  de  l'autre  et  sera  terminé  par  un  glossaire. 

Camille  Ohabaneau. 


PERIODIQUES 


Romania,  21.  — P.  1 .  P.  Meyer,  Notice  sur  un  ms.  bourguignon 
,  Musée  britannique  addit  1  5606  ),  suivie  de  jùèces  inédites.  Ce  ms., 
qui  est  du  commencement  du  XlVe  siècle,  contient  vingt-quatre 
opuscules,  la  plupart  en  vers.  Le  dialecte  est  le  même  ou  à  peu  près 
que  celui  du  Floovant.  M.  P.  M.  en  donne  des  extraits,  se  réser- 
vant de  publier  le  reste  quand  il  le  jugera  à  propos.  Outre  ces 
extraits,  il  en  a  tiré  deux  pièces  (  les  Deux  Chevaliers,  Un  enseigne- 
ment moral),  qu'il  croit  inconnues  et  qu'il  reproduit  en  entier. 
M.  P.  M.  donne  au  lecteur  toutes  les  indications  bibliographiques 
et  philologiques  nécessaires.  Voici  quelques  observations  recueil- 
lies au  courant  d'une  première  lecture:  P.  8,  v.  17,  il  faut  une 
virgule  après  plaint.  P.  14,  v.  53,  ne  faut-il  pas  ilucques,  levers 
étant  trop  court  avec  ilucf  Ibid.,  v.  70,  il  vaut  mieux  lire  d'estroi- 
nont.  Ibid.jV.  7,  vers  trop  court.  P.  15,  v.  84,  avole  pour  avale, 
faute  d'impression.  P.  25,  v.  65,  lisez  ice  au  lieu  de  ce.  P.  32, 
v.  213,  M.  P.  M.  a  lu  saut  et  ajouté  il.  H  est  plus  simple  de  lire 
saiïr  -raseur  =  secari.  On  sait  que  le  t  et  IV  se  confondaient  facile- 
ment dans  récriture,  et  le  copiste  devait  être  coutumier  du  fait, 
comme  on  peut  l'induire  de  la  forme  ardntiques  (p.  38),  corrigée 
avec  toute  raison  par  M.  P. M  .  en  atantiques.  Quant  à  a  bourguignon 
=  e  en  roman  en  hiatus,  cf.  la  note  de  M.  P.  M.,  p.  42,  n.  7. 
P.  32,  v.  226,  hier  dissyllabique  serait. une  forme  exceptionnelle. 
P.  33,  v.  3,  ne  vaudrait-il  pas  mieux  écrire  s'ou  •=  si  lou,  si  e;  de 
même  plus  haut  (p.  16,  au  bas  de  la  page)  c'ou,  que  M.  P.  M.  traduit 
exactement  par  qui  le;  de  même  encore  n'ou  =  ne  lou,  ne  Je  (p.  35, 
v.  408)  ?  P.  32,  v.  216,  Lor  s' an  part,  de  sa  main  se  soigne,  .le  lirais 
s'éloigne  et  je  donnerais  à  main  le  sens  de  «  troupe  »,  sens  qu'avait 
aussi  le  latin  inanus.  L'Alexis  donne  de  même  main  menude,  le  menu 
peuple.  On  peut  objecter  que.  dans  un  texte  de  cette  époque,  Ys 
étymologique  aurait  dû  subsister  et.  que,  si  mon  explication  est 
juste,  le  ms.  devrait  donner  esloigne.  Mais  c'est  précisément  une 
des  particularités  de  ce  ms.  que  Ys  étymologique  tombe  très-sou- 
vent devant  une  autre  consonne,  comme  le  remarque  M.  P.  M. 
(p.  45,  n.  23).  P.  36,  v.  35,  pourquoi  supprimer  Ys  île  riches?  Cette 
lettre  n'empêche  pas  l'élision,  pas  plus  qu'à  la  p. 35,  v.  443, à  la  lin 
àePeres,  où  M.  P  M.  a  bien  faitde  la  laisser.  P.  37,  v.  79,  pourquoi 
retrancher  Ys  final  de  en  in  t  il  aires?  Si  c'est  pour  la  rime,  il  faudrait, 
pour   être   conséquent,  faire    subir   la   même  mutilation  à  Jehans 


PERIODIQUES  217 

(p.  35.  v.  443),  qui  rime  a.\ecamen.  P.  37,  v.  117,  reparir—reperir? 
M.  P.  M.  propose  en  noie  revenir,  qui  convient  parfaitement  pour 
le  sens,  mais  moins  pour  la  forme.  P.  37,  v.  125,  lisez  n'estain fort. 

—  P.  47,  Milà  y  Fontanals,  de  la  Poesia  popular  Gallega.  Le  savant 
professeur  de  l'université  de  Barcelone,  bien  connu  de  nos  lecteurs 
et  de  ceux  de  la  Romania,  continue  les  recherches  sur  la  poésie 
populaire  qui  ont  rendu  son  nom  célèbre.  Il  étudie  aujourd'hui 
plus  particulièrement  celle  de  la  Galice.  Utilisant  les  communica- 
tions qu'il  tient  de  différentes  personnes  originaires  de  cette  pro- 
vince, il  a  recueilli  et  classé  147  pièces  ou  fragments  de  pièce, 
qu'il  publie  en  y  joignant  le  nom  des  collaborateurs  et  des  notes 
philologiques  et  stichologiques.  Ce  recueil  est  précédé  d'une  étude 
courte  et  substantielle  sur  la  versification  populaire  galicienne,  sur 
les  copias,  les  tercetos,  les  ruadas,  les  muùeiras,  les  mayos,  les  ro- 
mances, les  cantarcillos,  les  ensalmos,  les  dicdogos  et  les  villancicos. 
Rappelons  que  M.  M.  avait  préludé  à  cette  étude  toute  spéciale 
par  une  dissertation  fort  intéressante  sur  une  des  principales  parti- 
cularités de  cette  même  versification  (Revista  historica  latina,  II, 
182).  P.  65,  n°  119,  v.  1.  Ce  vers  est  trop  court  d'une  syllabe.  Par 
quel  artifice  musical  supplée-t-on  au  vide  ainsi  produit  ?  Ce  détai 
n'est  pas  sans  importance  pour  ceux  qui  étudient  de  près  les  pro- 
cédés de  la  versification  populaire.  L'explication  que  donne  M.  M. 
d'une  particularité  analogue  dans  la  muneira  suivante  n'est  pas  de 
mise  ici;  puisque  la  césure  enjambe  sur  le  second  hémistiche.  J'ap- 
pelle sur  ce  point  la  bienveillante   attention  du  savant  professeur. 

—  P.  7G,  J.  Chenaux  et  J.  Cornu,  Proverbes  patois  du  canton  de  Fri- 
bourg,  et  spécialement  de  la  Gruyère,  suivis  de  comparaisons  et  de  rap- 
prochements. —  P.  115,  Mélanges:  1°  Cerçalmon,  car  vei  fenir  a  tôt 
dia.  (P.  Rajna).  2°  Marcabrun  (P.  M.).  Ces  deux  dissertations  ont 
chacune  pour  objet  la  détermination  plus  exacte  de  l'époque  à  la- 
quelle ces  troubadours  ont  vécu.  3oFrançaisR.=D.(G.  P.).  M.  G. P. 
accepte  etcomplète,  tout  en  la  restreignant  sur  certains  points,  l'ex- 
plication que  M  .  Tobler  a  donnée  de  formes  telles  que  mire,  gram- 
maire, etc  ,  où  l'r  français  correspond  à  une  dentale  latine.  Il  a  raison 
de  contester  la  traduction  quedonne  M  .Tobler  du  v.fr.  esbariz.Grâce 
à  l'exemple  qu'il  prend  soin  de  citer,  je  puis  lui  faire  connaître  le 
vrai  sens,  qui  nous  est  fourni  par  le  saintongeais.  Dans  ce  dialecte 
ou,  si  l'on  aime  mieux,  dans  ce  patois,  ce  mot  s'est  conservé  sous 
une  forme  évidemment  la  même  ébarouit(cï.  évanouir  et  esvanir,épa- 
nouir  et  espanir),  qui  se  dit  spécialement  d'une  futaille  dont  les 
douves,  en  se  desséchant,  ne  joignent  plus  bien  et  laissent  couler 
le  vin.  Il  est  resté  dans  la  technologie  de  nos  marins,  et  M.  Littré 


218  PERIODIQUES 

le  cite,  mais  précédé  de  la  croix  «  de  sinistre  présage  »,  destinée, 
comme  autrefois  celle  des  couvreurs,  dont  parle  Boileau  clans  les 
Embarras  de  Paris,  à  avertir  les  lecteurs,  comme  celle-ci  les  pas- 
sants, qu'ils  aient  à  se  tenir  sur   leurs  gardes.  Pauvre  ébarouit ! 
grâce  à  cette  rencontre  imprévue,  le   voilà   maintenant  hors  d'af- 
faire et  digne   de  se  présenter  dans  le  inonde,  et  même,  qui  sait? 
à  l'Académie.  A  mon  tour,  je  chicanerai  un  peu  M.  G.  P.  Ainsi' 
je  lui  conteste  que  arte  mathematica  ait  pu  donner  «  régulièrement» 
ni  artimatimaire,  ni  armatimaire.  Le^ou  th  média!  serait  tomhô  alors, 
et  on  aurait  eu  quelque  chose  comme  artimaemaire  ou,  plus  vrai- 
semblablement, artmaemaire.  J'avoue  que  je  préfère  l'explication  de 
M.  Tobler,  artumaire  =-arte  inacjica.  Je  ne  suis  pas  non  plus  de  son 
avis  sur  IV,  qu'il  appelle   épenthétique.  de  fronde  et  de  chanvre.  De 
ces  deux  mots,  le  premier  vient  àefundula,  diminutif  légitimement 
supposable  de  funda,  où  IV  provenant  d'un  l,  comme   dans   titre 
de   titulus,  s'est   reporté    de  la    dernière  syllabe    à   la  première. 
Remarquons  que  cette  même  forme fundula  rend  compte  de  l'italien 
fionda   =  [fiunda   =  fundla)  =    fundula.    Quant  à  IV  de   chanvrt , 
je  ne  le  crois  pas  plus  épenthétique  que  celui  de  fronde.  C'est  un  h 
latin  devenu  r  en  roman,  comme  dans  les  mots  Rouergue,  canour- 
gue,  etc.,  de  Ruthenicum,  cano/acus.  Cannabis  aura  d'abord  donné 
chanrve,  puis  par  métathèse  chanvre.  Le  saintongeais  charve  a  con- 
servé à  lV  =  »i  sa  place  primitive,  mais  au  détriment  de  la  nasale  an- 
térieure. A  propos  de  vrille,  dérivé  de  viticula,  il  n'est  peut-être  pas 
inutile    de   rappeler  le   languedocien  vedilha,   plus    rapproché  du 
latin,  et  qui    a  le  sens  de  «  cordon  ombilical  »et  de  «  nerf  optique.» 
4'  Un  signe  d'interrogation  dans  un  patois  français,  b*  Emploi  du  pro- 
nom possessif  à  laplace  de  l'adjectif  démonstratif  en  normand (G.  Joret). 
—  P.   136,   Corrections,    lo  Sur  les  glossaires  provençaux  de  Hugues 
Faidit  (G.  Chabaneau).  Utile  complément  des   savantes  recher- 
ches déjà  faites  sur  le  même  sujet,  par  MM.  G.  Paris,  Tobler  et 
P.  Meyer.  Nous  y  retrouvons  l'érudition    et  la   sagacité  bien  con- 
nues de  M.  G.  43  a.  Flar-lumen  magnum.  Ne  serait-ce  pas  un  nom 
verbal  formé  de  flagrare,  comme  flair  de  flairer?  Gette  explication 
aurait  l'avantage  de  ne  pas  nous  obliger  à  supposer  un  l  épenthé- 
tique. genre  de  supposition  dont  je  me  méfle  beaucoup.'  De  même 
taries  (43  a)  avec  le  sens  de  heurt,  choc,  doit  être  un  nom  verbal  de 
tangere.  M.  Littré  a  oublié  de   le  mentionner  au  mot  tac,  qu'il  dé- 
rive de  tact/is,  et  qu'il  vaudrait  mieux  peut-être  regarder  comme  un 
doublet  de  tune,  .l'ajoute  que  M.  Littré  n'a  pas  cité  la  locution  «  du 
tac  au  tac»,  usitée  dans  les  salles  d'escrime.  2°  Dialujus  animecon- 
ijucmit/s  et  rationù  consolantis.  Dans  ce  supplément  à  sa  précédente 


PERIODIQUES  219 

publication  (même  titre,  Romania,  n«  19,  p.  269-332),  M.  Bonnardo: 
accepte  ou  discute,  avec  autant  de  bonne  foi  que  de  bonne  grâce,  les 
corrections  du  savant  M.  A.  Mussafia.  Il  n'est  pas  non  plus  éloi- 
gné, tout  en  faisant  ses  réserves  sur  la  tbéorie  à  laquelle  je  me  ré- 
fère, d'accepter  la  correction  emlerges,  que  j'avais  proposée  dans 
mon  compte  rendu  de  son  travail.  Je  profite  de  cette  occasion  pour 
compléter  et  rectifier  ce  que  j'ai  dit  ailleurs  à  ce  sujet,  et  pour  dé- 
clarer que  je  ne  crois  plus  nécessaire  de  recourir  à  un  thème  de 
comparatif  pour  l'explication  de  ces  formes  {emlerger  =  in-largiare, 
engreger  =  in-graviare,  engreigner  =  in-grandiare,  alléger  =  ad-le- 
viare,  etc.  )  Il  est  plus  simple  de  les  rattacher  aux  doublets  adjec- 
tivaux en  ius,  ia,  utilisés  si  souvent  par  le  latin  pour  la  formation 
des  noms  propres,  et  greffés  indistinctement  sur  les  adjectifs  de 
toute  classe.  Comparez,  en  effet,  Claudius  et  claud us,  Claudia  et 
clauda,  Florentins  et  florens,  Victorius  et  victor,  Vincentius  et  vincens, 
Hilarius  et  hilaris,  Flavius  et  flavus,  etc.  Ce  sont  des  diminutifs 
d'adjectifs  analogues  aux  diminutifs  de  noms  en  ium,  comme  fun- 
dium  defunduSj  cf.  latifundium.  On  rend  compte  ainsi  en  même 
temps  de  formes  telles  que  tardât,  tordus;  tarzar,  tardius  ;  fonder , 
fundus  ;  foncer,  fundium  ;  courroucer,  qu'on  peut  dériver  du  doublet 
adjectival*  corruptius,  ou  du  doublet  nominal  *  corruptium.  Il  est 
probable  qu'en  partant  de  ce  principe,  on  élucidera  quelques  éty- 
mologies  restées  obscures.  C'est  ainsi  que  je  rendrais  compte  de 
notre  mot  rosse  (  mauvais  cheval)  et  de  rosser,  venant,  le  second,  de 
* ruptius  =  ruptus  ;  le  premier,  de  *  radius,  doublet  de  rudis,  d'où 
l'it.  rozzo,  grossier,  et  ses  dérivés.  Ainsi  s'expliquent  les  formes  ita- 
liennes acconciare=*  ad-comptius—ad-comptus,  accommoder  à,  parer, 
orner,  cacciare  (fr.  chasser),  de  *captius  =  captus,  etc.  —  P.  145, 
Comptes  rendus:  1°  Hermann  Suchier,  Ueber die Mathaeus  Paris  zu- 
geschriebene  Vie  de  seint  Auban  (G.  P.  ).  2°  Ed.  Koschwitz,  Ueber- 
lieferung  und  sprache  der  Chanson  du  Voyage  de  Charlemagne  à  Jéru- 
salem (G.  P.).  Très-favorable.  3°  Eugen  Koelbing,  Beitrœge  zur 
vecgleichenden  Geschichte  der  romantischen  Poésie  und  Prosa  des  Mit- 
telalters  (G.  P.).  4°Géorgian,  Essai  sur  le  vocalisme  roumain  (G.  P.). 
Critiques  mêlées  d'encouragements.  5°  A.  Joly,  la  Fosse  du  soucy 
(G.  P.).  L'étymologie  proposée  par  Diez,  sumsir  dérivé  de  ston- 
mersus  par  le  fictif  summersire,  n'est  pas  acceptable,  un  participe 
passé  ou  un  supin  ne  pouvant  former  qu'un  verbe  en  are.  6°  Série 
délie  edizioni  délie  op>ere  di  Giovuni  Boccacci. —  Bibliografia  dei  voca~ 
bolari  ne'  dialetti  ituliani  (P.  M.).  7°  Eugène  Rolland,  Devinettes 
ou  Enigmes  populaires  delà  France.  Favorable.  P.  151,  Périodiques. 
Ayant  à  parler  de  mon  compte  rendu  des  ouvrages  de  MM.  Meu- 


220  PERIODIQUES 

nior  et  A.  Darmesteter  sur  la  formation  des  mots  composés  en 
français,  M.  P.  Meyer  s'exprime  ainsi  :  «  M.  Boucherie  émet  à  pro- 
pos des  accusatifs  en — ain  et — on  {Aude — Audain, Pierre — Pierron), 
une  opinion  sigulièrement  arriérée:  M.  Quicherat  a  indiqué,  il  y 
a  dix  ans,  dans  son  traité  de  la  formation  française  des  anciens 
noms  de  lieu  (p.  62-3,  cf.  Revue  critique,  1869,  II,  348),  l'origine  de 
ces  formes.  »  Cette  observation  n'est  pas  fondée.  Je  ne  doute  pas 
que  M.  P.  M.  ,  mieux  informé,  ne  la  retire,  quand  il  aura  relu  le 
passage  de  Diez,  auquel  j'avais  pris  soin  de  renvoyer  le  lecteur.  Il 
me  reste  à  rectifier  une  autre  observation  de  M.  P.  M.,  ainsi  pré- 
sentée :  «  Dans  le  compte  rendu  de  ce  même  numéro  de  la  Uomania, 
AI.  Boucherie  trouve  u  tout  à  fait  extraordinaire  »  que  j'aie  dit  que 
le  langage  des  habitants  de  Courtisols  n'est  qu'un  patois  champe- 
nois. Il  n'y  a  d'extraordinaire  ici  que  l'étonnement  de  M.  B.  »  Je 
dois  faire  observer  à  Ai.  P.  AI.  qu'il  s'est  mépris  sur  l'objet  de  ma 
critique,  à  laquelle  il  ne  répond  pas.  J'ai  dit  que  j'étais  surpris,  et 
je  le  suis  encore,  qu'il  ait  pu  affirmer  que  «les  habitants  de  Courti- 
sols parlent  un  patois  qui  n'est  que  X ancien  dialecte  champenois  plu* 

ou  moins  altéré.  »  —  P.  158,  Chronique. 

A.  B. 

La  Cigalo  d'or',  tel  est,  depuis  le  1er  mai.  le  nouveau  nom  du 
Dominique,  qui  paraît  à  Nimes  tous  les  huit  jours.  Quoique  cette- 
revue  n'ait  pas  encore  une  année  d'existence,  elle  a  déjà  réim- 
primé nombre  de  morceaux  de  AI  M  .  Aubanel  2,  Mistral  "• ,  Balaguer, 
Roumieux,  Gaidan,  avec  des  contes  Lrenéralement  empruntés  à 
VArmana  praur encan  et  a  VArmana  'le  Lengadb.  Donnant  un  exem- 
ple qui  devrait  être  suivi  plus  souvent  en  Provence,  où  l'éclat  de  la 
littérature  actuelle  fait  parfois  oublier  ce  que  les  poètes  des  XVIe. 
XVlIe  et  XVIIle  siècles,  eurent  de  verdeur  et  d'originalité  na- 
tives, elle  a  entrepris  la  réédition  de  l* Anaeréon*,  d'Aubanel  (de 
Nimes).  —  une  des  imitations  les  mieux  réussies  et  les  plus  mé- 
ridionales d'allures  que  l'on  ait  des  odes  du  poêle  giec;  —  elle 
a   publie  quelques   fragments  du    Troubadour  langue*  <cien6,  une 

1  On  s'abonno  :t  Nimes,  chez  M.  Baldy- Riflard,  imprimer  10  fr.  par 
an. 

1  Plusieurs  de  ces  pièces,  la  Messo  de  mort  et  li  Fabre  ont  été  em- 
pruntées à  la  Revue. 

3  Une  étude  en  prose  sur  Saboly,  publiée  en  tète  de  l'éditi  a  des  Nouvè 
deSaboly.  Avignon.  Aubanel,  1867.  ln-12. 

*  Réimprimé  en  1814.  Nîmes,  Gaude,  in-12,  sous  le  titre:  Odes  d'Ana- 
erëon,  traduites  en  vers  languedociens. 

•>  Brochure  sans  nom  d'auteur.  Nimes,  Durand-Belle,  1832.  In-8\ 


PERIODIQUES  221 

pièce  d'Auguste  Rigaud  (de  Montpellier),  et  donné  d'assez  nom- 
breux extraits  des  œuvres  inédites  de  Toussaint  Bonnet,  le  fé- 
cond et  populaire  rimeur  de  Beaucaire.  Ces  réimpressions  ont  été 
faites  avec  l'orthographe  des  félibres;  elles  ont.  vu  disparaître  les 
gallicismes  trop  évidents  qui.  les  déparaient  ;  mais  il  n'en  faut  pas 
moins  féliciter  M.  Roumieux  d'avoir  songé  à  remettre  en  lumière 
ces  poètes  injustement  dédaignés. 

Pajrni  les  œuvres  en  prose,  les  lecteurs  du  Dominique  ont  sur- 
tout remarqué  une  intéressante  série  d'études  sur  les  villes  d'Ai- 
guesmortes,  d'Alais,  d'Anduze  et  de  Beaucaire,  par  M.  Henri  Abac, 
et  un  petit  roman,  VAmourous  de  Simouneto,  écrit  par  M.  Arna- 
vielle  en  dialecte  cévenol,  et  couronné  par  la  Société  des  langues  ro- 
manes au  concours  de  l'année  1875. 

Les  poésies  sont  fort  nombreuses,  et  il  en  est  plusieurs  qui 
appartiennent  aux  meilleurs  noms  de  la  littérature  provençale. 
Aubanel  a  trois  ou  quatre  pièces  écrites  avec  cette  plénitude  de 
sentiment  et  d'harmonie  qui  lui  est  ordinaire;  Mistral,  une  Cansoun 
(n°  du  3  décembre  1876),  qui  est  peut-être  la  première  poésie  qu'il 
ait  publiée  depuis  les  Isclo  d'or;  Mathieu,  des  vers  dont  la  grâce 
et  la  facilité  ne  démentent  pas  ceux  de  la  Farandoulo .  Un  fé- 
libre  d'Alais,  M.  Gaussen,  a  inséré  dans  le  Dominique  une  suite 
d'environ  vingt  pièces  provençales,  dont  l'inspiration  est  à  peu  près 
entièrement  savante  ;  —  il  n'en  pouvait  être  autrement,  puisqu'il 
y  parle  un  dialecte  qui  n'est  pas  son  di  ilecte  naturel,  —  mais  qui 
attestent  une  science  de  l'expression  poétique  et  de  la  couleur  vrai- 
ment dignes  d'attention.  En  lui  reprochant  d'avoir  abandonné  la 
finale  en  a  du  provençal  de  "Vauvert,  nous  devons  adresser  les 
mêmes  éloges  à  l'auteur  de  quelques  morceaux,  signés  lou  felibre 
Nebla;  à  moins,  ce  qui  nous  semble  plus  probable,  que  nous  ne 
soyons  ici  en  présence  d'un  pseudonyme  adopté  par  M.  G. 

Avant  l'apparition  de  la  Revue  nimoise,  celui-ci  avait  été  ap- 
précié en  Languedoc  ;  mais  c'est  la  Cigalo  d'or  qui  a  fait  con- 
naître, pour  la  première  fois,  les  inspirations  faciles  et  sereines, 
les  vers  pleins  de  fraîcheur  et  d'imagination  de  Mlle  Goirand,  un 
nom  qui  a  désormais  sa  place  près  de  ceux  d'Antoinette  de  Beau- 
caire et  de  la  félibresse  du  Galavon . 

Entre  les  pièces  assez  nombreuses  de  Mlle  Goirand,  je  citerai 
la  traduction  suivante  de  la  Prière  de  Sully-Prudhomme,  où  se 
trouve  reproduit,  avec  un  rare  bonheur,  le  sentiment  si  contenu, 
mais  cependant  si  expressif,  de  l'original  : 

Ah!  se  sabias  coume  l'on  plouro 
De  viéure  soûl  e  sens  fougau, 

16 


2>2  PERIODIQUES 

Mai  d'uno  fes  passarias,  d'ouro, 
Davans  l'oustau. 

Se  sabias  que  l'amo  doulènto 
D'un  tendre  regard  fai  soun  proun, 
Espincharias  coume  inchaiènto 
Moun  fenestroun. 

Se  sabias  l'ui  que  i'a  de  vèire 
Garo  avenènto  au  cor  malaut, 
Coume  uno  sor  vendrias  vous  sèire 
A  moun  lindau. 

Se  sabias  que  vous  rime,  e  queto 
Es  subre-tout  ma  languiioun, 
Sai-que  intrai  ias  même,  amigueto, 
Sènso  facoun. 


Traduire  de  cette  manière,  c'est  presque  créer  une  seconde  fois. 

Un  autre  poète,  M.  Louis  Astruc,  aujourd'hui  secrétaire  de 
YÉcole  des  félibres  de  la  mer,  à  Marseille,  a  écrit  principalement 
dans  le  Dominique.  Comme  celles  de  M.  Gaussen,  ses  pièces  sont 
fort  nombreuses  et  de  sujets  très-divers.  Bien  que  l'une  d'elles. 
Veici  VAutomno,  emprunte  une  partie  de  son  charme  à  la  coupe  de 
la  strophe,  elle  est  relevée  par  des  traits  heureusement  choisis,  et 
qui,  tous,  semblent  appartenir  en  propre  à. l'auteur. 

Acampen  de  flour,  acampen  de  fueio  ; 

Li  vent  e  li  pluoio 

Bèn  lëu  van  veni  ; 
Faguen  do  bouquet,  tresser»  do  courouno  : 

Vcjeici  l'autouno 
Que  dins  li  jardin  vai  tout  devouri. 

Que  chasque  jouvènt  emé  sa  fiheto, 

Au  mièi  di  floureto, 

Se  vague  asseta  ; 
Bèn  lèu  lis  aucèu,  coucha  pèr  l'aurasso, 

Van  leissa  la  plaço  ; 
Si  darrié  refrin  anen  escouta. 

O  pàuri  malaut,  coume  sias  de  plagne  ! 

Per  vàutri  me  lagne, 

()  pàuri  malaut  ! 
Mai  tambèn  rautouno  a  sis  èr  de  fèsto; 

Lou  soulèu  ie  rèsto 
Tnnjour  que  plus  dous,  toujour  que  plus  caud.  ... 


CHRONIQUE  223 

Enfant,  lou  matin  quand  sarés  pèr  orto, 

Que  li  fueio  morto 

Gurbiran  lou  sou, 

Lis  escrachés  pas,  que  vendra,  pecaire  ! 

Quauco  pauro  maire 
N'en  garni  soun  lie,  soun  lie  sens  lençôu. 

Il  y  aurait  injustice  à  ne  pas  mentionner  encore  les  vers  querci- 
nois  de  M.  Ch.  Deloncle,  où,  à  côté  d'excellentes  recherches  de  dé- 
tail, le  lecteur  rencontre  des  formes  d'article  et  de  pronom  sem- 
blables à  celles  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  dans  la  Revue, 
et  diverses  poésies  dues  à  MM.  Abac,  Bar,  Bruneau,  Dumas.  Chal- 
lemel,  Charvet,  Gaidan,  Laurès,  Mayer  et  Mir,  mais  que  le  peu 
d'espace  réservé  à  cet  article  ne  me  permet  pas  d'étudier,  comme 
je  l'aurais  désiré.  A.  B.-F. 


CHRONIQUE 


Les  lecteurs  de  la  Revue  ne  manqueront  pas  de  ratifier  les  dis- 
tinctions qui  viennent  d'échoir  à  deux  de  nos  collègues.  MM.  Alart 
et  de  Berlue- Perussis.  Le  dernier  numéro  du  Bulletin  administratif 
du  ministère  de  l'instruction  publique  contenait  la  nomination  du  sa- 
vant et  laborieux  archiviste  des  Pyrénées-Orientales  au  titre  d'of- 
ficier d'académie. 

L'Institut  des  provinces  a  décerné  à  M.  de  Berlue- Perussis  la  mé- 
daille d'honneur  qui,  selon  les  intentions  du  regretté  M.  de  Cau- 
mont.  doit  être  attribuée  aux  présidents  ou  aux  membres  des  So- 
ciétés savantes  qui  ont  le  plus  contribué  au  mouvement  des  choses 
de  l'esprit  en  province.  Nous  pouvons  ajouter,  avec  le  Prouvenqau 
d'Aix,  que  rarement  pareille  distinction  a  été  mieux  méritée. 

Nous  sommes  également  heureux  d'annoncer  que  M.  le  docteur 
Obédénare,  qui  a  bien  voulu  faire  en  1876-1877  de  très-intéres- 
santes communications1  à  la  Société  sur  la  langue  et  la  littérature 
populaire  de  son  pays,  vient  d'être  nommé  secrétaire  de  la  légation 
roumaine  à  Rome. 


Au  moment  où  paraît  le  présent  numéro,  la  réunion  annuelle 
du  félibrige  se  tient  à  Avignon.  Nous  en  reparlerons  dans  notre 
prochain  fascicule. 


Pour  consacrer  le  souvenir  de  Frédéric  Diez,  le  fondateur  de  la 
philologie  romane,  et  pour  encourager  les  études  qu'il  a  si  bien 
représentées  en  Allemagne,  plusieurs    savants  autrichiens,  parmi 

7  Ellos  prendront  prochainement  place  dans  nos  mémoires  spéciaux. 


224  ERRATA 

lesquels  nous  remarquons  Le  nom  de  M.  Mussafia,  celui  de  M.  Mi- 
klosich,  professeur  à  l'Université  de  Vienne,  et  de  M.  Hugo  Schu- 
chai'di.  professeur  à  l'Université  deG-ratz,  proposent  d'établir  une 
fondation  Diez,  et  invitent  les  romanisants  de  tous  les  pays  à  y  con- 
tribuer pécuniairement. 

En  proportion  des  souscriptions  versées,  des  prix  seront  décernés 
aux  ailleurs  des  meilleurs  travaux  relatifs  à  la  philologie  romane. 
Les  séances  se  tiendront  à  Vienne. 

Un  appel  du  même  genre,  parti  de  Berlin,  a  déjà  été  adressé  au 
inonde  savant;  niais  on  conçoit  qu'il  n'ait  pas  trouvé  d'écho  en 
France,  pas  plus.  (Tailleurs,  que  notre  Exposition  universelle  n'a 
rencontré  d'adhérents  en  Prusse. 

I!  n'en  a  pas  été  de  même  en  ce  qui  concerne  la  proposition 
autrichienne. 

ici  nous  nous  trouvons  sur  un  terrain  vraiment  neutre,  où  peuvent 
se  réunir  sans  gêne  réciproque  les  philologues  de  tous  les  pays. 

Nous  faisons  donc  l'accueil  le  plus  cordial  à  l'initiative  des  sa- 
vants autrichiens,  et  nous  invitons  nos  amis  et  nos  confrères  à  s'as- 
socier à  une  manifestation  dont  les  études  romanes  ne  peuvent 
manquer  de  bénéficier  largement. 

Les  souscriptions  sont  reçues  entre  les  mains  de  M.  Lambert, 
trésorier  de  la  Société,  rue  Montcalm,  à  Montpellier.  Une  première 
liste  sera  publiée  dans  le  numéro  de  juin  1877. 


ERRATA    du    numéro  de  février-avril   1877 

Li  Carbounié.  —  P    108,  1.  20,  En  vaî,  lisez:  Eu  vai  :  —  1.   "26,  leu 

vounze,  lisez:  Ion  vounze. 
L'Idée  latine.  —  P.  115,  1.  4,  en  1845,  lisez:  en  1843. 

Sermoun  prouvençau, —  P.  123, 1.   5,  soulameni,  lisez  :  soulamen  ; — 

i.  17,  que  l'amo,  lisez:  qu  i'amo. 

Quatre  Almanachs  <>n  langue  d'oc. —  P.  127,  1.  26,  le  texte,  lisez:  les 

titres.  —  P.  131,  1.  34,  le 
docteur  Favre,  lisez:  le  doc- 
teur Fave. 

Périodique*.—  P.  144,1.  10,  il  popugnatore,  lisez:  11  propugnatore. 

Les  Réunions  du  fèlibrige. — P.  154,  1.  3.  la  rive  droite   du  Rhône, 

lisez:  la  rive  gauche  du  Rhône;  — 
1.  4,  sur  la  rive  gauche,  lisez:  sur  la 
rive  droite.— P.  157,  1.  13,  si  exquis, 
lisez:  exquis.  —  P.  102,  1.  5,  assis- 
tan,  lisez:  assistants. 

Chronique.  -   P.  1G5,  1.  38,  de  Charles  III,  lisez:  d'Isabelle-la-Ca- 
tholiquc. 


Le  Gérant:  Ernest  Hamelin 


DIALECTES  ANCIENS 


MÉLANGES  DE  LANGUE  CATALANE 


DE 


Nous  avons  «lit  (Revue,  2csér.,  II,  147) .que  cette  diphthongue 
est  antipathique  à  la  langue  catalane  ;  on  sait  que  /becat.  cor- 
respond à  fuego  cast.;  à  fuec,  une  des  formes  provençales,  eT 
même  à  hoec  béarnais.  Notre  peuple  dit  q(u)estio,  non  pas 
qùestiô ;  il  a  adopté  les  mots  castillans  luego  (tost.  anc.  cat.). 
cuento  (comte,  anc.  cat.),  bueno  (correspondant  à  ôo),  puesto 
pour  lloch,  place,  etc.);  mais  il  prononce  presque  toujours 
/ryo  (quelquefois  lu-eyo)  et  très-souvent  q(u)en(o,  beno,  pestu. 

Il  y  a  un  mot  foncièrement  catalan  où  se  trouve  cette  diph- 
thongue :  c'est  Guell,  nom  d'un  fleuve  de  Girone  et  nom  de  fa- 
mille. La  gutturale  qui  précède  Vu  en  a  facilité,  peut-être  la 
prononciation,  mais  ici  ue  provient  de  u-e.  Le  mot  dérive  de 
Guadellum  ou  Guadell1,  passant  sans  doute  par  Gudell  et  Guell. 
—  Dans  un  document  cité  par  Ducange  (s.  v.),  guadellum 
fait  partie  d'une  énumération  d'instruments  de  pêche  ;  mais 
il  y  a  aussi  guadum  (gué,  cat.  quai,  au  lieu  de  gûad),  dont  gua- 
dellum  est  le  diminutif  régulier. 

Dans  la  vallée  d'Aran  (  en  Catalogne),  où  l'on  parle  une  va- 
riété du  béarnais,  existe  le  même  mot,  provenant  d'une  autre 
dérivation  (oculuui)  :  il  a  un  autre  sens,  et  on  l'applique  acci- 
dentellement à  un  autre  fleuve  :  on  nomme  Guell  (œil)  de  Ga- 
ranti la  première  source  de  la  Garonne,  qui  jaillit  dans  cette 
vallée2. 

1  Donation  des  comtes  Borrell  et   Ermissendis  (a.  D.  MXV)  «.  ..Hsec 

est  terra  quator  modiatas   juxta  urbem  Gerundensem   in  ipso  piano 

Afrontat  a  parte  orientis  in  terra  de  nobis  donatoribus.  De  meridie  in 
ipso  Guadello  sivc  in  strata...»  Villanueva,  Viages,  XII,  3*23. 

-  Mudoz.  Dicc   geogr  de  Espana.  II,  s.  v.  Aran. 

17 


226  DIALECTES  ANCIENS 

Nous  nous  sommes  souvenu  plus  tard  d'un  autre  moi  ca- 
lalau  qui  a  la  diphthongue  ne,  provenant,  eomme  celle  degùell 
de  la  contraction  de  deux  syllabes:  c'est  qûerna  (pron.  cuerna) 
espèce  de  petit  pain.  Ce  mot  dérive  de  quaterna[m],  en  passan 
par  q[u]oerna  (on   trouve  coem),  ou  bien  par  qu-erna . 


ARTICLE  DERIVE  J)E  ipse 

Il  est  prouvé  que  cet  article  existait  autrefois  dans  plusieurs 
idiomes  romans.  Ils,'  conserve  à  l'île  de  Sardaigne,  dans  les 
Baléares,  <>ù  il  est  encore   l'article  normal  '.  et  dans  de  rares 

endroits  de  la  Catalogne. 

D'innombrables  noms  de  lieu  de  ce  dernier  pays,  et  remploi 
de  ipse  au  lieu  de  Me  dans  les  anciens  documents,  en  démon- 
trent la  grande  extension.  11  parait  avoir  été,  sinon  exclusif, 
du  moins  prépondérant.  Mais  à  quelle  époque  l'article  rival 
a-t-il  pris  le  dessus?  La  persistance  de  ipse  dans  les  Chartes 
pourrait  être  une  simple  tradition.  Quand  l'article  roman 
commence  à  paraître,  il  est  déjà  le  dérivé  de  itle.  Dans  un 
seul  document,  nous  avons  pu  surprendre  le  dérivé  de  ipse 
hors  des  noms  de  lieu.  C'est  dans  la  formule,  presque  poéti- 
que, d'une  donation  faite  en  1139,  parles  comtes  d'Urgell  Kr- 
mengaud  et  Heloire  :  «Ipsas  casas  supradictas  sint  si  fran- 
chas  ei  honoratas  et  légitimas  et  securitas  quod  ipsa  cambra 
de  ca  lisez  ça)  Contesa.  Nullus  homo  nec  femina  qui  ipsas 
casas  loch  ni  forçai-  lisez  forçar)  voluerit  siant  demandadas 
quo  ipsa  cambradeca  Contesa2.»  Cent  ans  plus  tard  nous  trou- 
vons les,  ei  non  pasces,  dans  un  document  de  Jacme  1  :;. 


1  Les  exceptions  sont  ducs  à  l'influence  du  catalan  écrit,  communiqué 
par  voie  littéraire  ou  ecclésiastique. — Il  est  juste  d'avertir  que  le  docte  po 
Ij .  raphe  Jovellanos  (Description  del  cast.  de  Bellver)a  été  le  premier  à  si- 
gnaler l'article  baléarique  et  sa  dérivation.  Jovellanos  veut  aussi  dériver  de 
ipsum,  accusatif  ou  neutre,  les  noms  de  lieu  comme  Sun  Durela;  mais 
c'est  >'"  d'e  n  Dureta.  So  (comme tmocat.,  ayssv  prov.,  etc.)  dérive,  selon 
Di^z.  de  ecce  hue.  L'n  n'appartient  pas  au  pronom. 

-  Col.  de  duc  del  An!,,  de  Aragon,  tom.  VI,  pag.  66. 
Arch.  de  Aragon,  Jacme  I.  n°  788.  Voir  nos  Notas  de  primUioa  l  ngtiù 
catalana  [Hev.  hist.  de  Barc    oQ  XXX,  pag   '2vt|). 


MELANGES    DE    LANGUE    CATALANE  2?7 

PREMIÈRE    PERSONNE    DF    PURIEL    emS 

Dans  une  charte  de  1060,  on  trouve  :  tenems,  engannarems, 
partirems,  ajudarems,  tenions,  au  lieu  detenem,  etc1. Cette  s  était- 
elle  simplement  orthographique,  et  y  a  t-il  là  le  fait  d'un  seul 
scribe  ? 

R  DE  L  INFINITIF 

L'ancien  catalan  écrivait  toujours  r  :  A.  ar,  er,  ir,  accentués: 
cant-âr,  pod-ér,  ven-ir  ;  B.  er  inaccentué:  extrény-er;  C.  a.  re 
inaccentué  après  vo.yelle  :  riu-re  ;  C.  h.  re  inaccentué  après 
consonne  :  combat-re. 

Le  catalan  académique  des  derniers  siècles  a  conservé  IV 
dans  A  et  B,  et,  par  l'effet  d'une  fausse  analogie,  il  Ta  ajouta 
aux  finales  en  re  :  riu-rer,  combàt-rer. 

La  prononciation  du  catalan  continental  offre  des  variétés. 
Une  partie  du  catalan  occidental  prononce  comme  on  écrivait 
anciennement.  Une  autre  partie  et  le  catalan  oriental  sup- 
priment les  r  finaux,  mais  conservent  l'antérieur  k  e:  cant-n, 
pod-é,  ven-i,  estrény-e;  mais  riu-re,  combât-re. —  Dans  la  pro- 
vince de  G-irone  existe  une  exception  très-singulière  dans  le 
verbe  conéx-ere  (proparoxyton);  c'est  le  seul  exemple  bien 
sur  de  ce  fait,  que  nous  connaissions.  On  a  voulu  sans  doute 
dire  conex-re,  et,  pour  faciliter  la  prononciation,  on  a  dû  in- 
terposer un  e. 

Le  catalan  baléarique  conserve  seulement  IV  dans  C.  a.  : 
riu-re,  mais  cant-â,  pod-é,  ven-i,  estrény-e,  combât-e. 

S  =  R.    R  =  S 

La  forme  sastre  (sartor  2)  est  la  seule  usitée  en  cat.  (aussi 
en  cast.)  On  dit  sospresa  pour  sorpresa.  Quant  au  nom  de  fa- 
mille Ferra  fer,  que  le  peuple  prononce  Ferrâtes,  il  nous  paraît 
un  exemple  peu  sûr,  parce  que  nous  prononçons  Ferraté. 

On  dit  souvent  pereros  pour  peresos  (y  a-t-il  influence  de  l'as- 
similation?). Le  peuple  dit  toujours  fantarma  pour  fantasma. 

Nous  ne  croyons  pas  que   les  terminaisons  anomales  en  rs, 


Arch.  de  Aragon,  Ram.  Ber,  1.  n"  26rj.  Ibtd..  pug.  290. 
2  Voir  Chabaneau,  lievue,  '2°  sér.,  II,  150. 


226  DIALECTES  ANCIENS 

qu'on  trouve  très-souvent  dans  les  mss.  des  XIVe  et  XV  siè- 
cles, comme  dans  preciors,  cars,  pour  precios,  cas,  proviennent 
de  la  substitution  de  ras;  en  tout  cas  ce  serait  une  addition 
et  non  une  substitution.  Selon  nous,  cette  manière  d'écrirepro- 
vient  d'une  réaction  orthographique  dont  on  trouve  d'autres 
exemples  dans  nosmss.  (/  pour  //  a  donné  //  pour  /,  etc.).  En 
suivant  la  prononciation  la  plus  répandue,  en  Catalogne  plus 
qu'ailleurs',  on  supprimait  souvent,  dans  l'écriture, IV avant  s 
finale  :  cela  produisit  de  L'incertitude,  et  l'on  ajouta  bien  des 
t'ois  r  là  où  cette  lettre  ne  devait  pas  être.  Il  est  même  pos- 
sible que  cette  mauvaise  écriture  eût  eu  à  son  tour  quelque 
influence  sur   la  prononciation. 

PLURIELS   EN    as 

Ce  n'est  un  secret  pour  personne  que  l'orthographe  du  plu- 
riel féminin  a  divisé  en  deux  camps  les  catalanist.es  modernes.  11 
est  hors  de  doute  que,  jusqu'au  XVIIe  siècle  exclusivement,  la 
règle  générale  subie  ëtail  de  les  finir  en  es.  Les  exceptions 
systématiques  étaient  bien  rares:  nous  en  trouvons  une,  peut- 
être  la  plus  ancienne  (fin  du  XIV*  siècle),  dans  le  Torcimany 
de  Luis  de  Àverso'-,  dont  tous  les  pluriels  féminins  que  nous 
avons  remarqués  sont  en  as.  <>n  ne  peut  pas  supposer  que  ce 
soit  par  imitation  du  provençal,  car  Avérso  se  piquait  d'écrire 
en  pur  catalan. 

NOM-    \  ERBA1  \ 

l  n  grand  nombre  de  ceux  qui  ont  été  signalés  par  M.  Eg- 
Revue,  avr.  et  oct.  1871)  comme  appartenant  aux  princi- 
pales langues  sœurs  se  trouvent  aussi  en  catalan,  par  ex.  :  con- 
•■'.  de  contestar  (répondre;  ;pen$a,  conservé  dans  le  groupe 

1  «Encara  sapies  qu'eu  le  <io  altra  régla  perraho  d'alquns  noms  en  lo> 
■  pials  erran  alcuns  noms  que.  usen  de  trobar  e  assenydladamenten  Cata- 
lunya  e  fallen  en  axi  en  los  noms  termenats  en  ars,  en  ers,  en  irs,  en  '//-.t. 
en  urs,  quetrason  del  mot  aquella  lelra  »  Règles  d'en  Jofre  de  l'.>\a  :  voir 
notre  article  sur  Aid.  Tral.  de  Gaya  ciencia.  {Rev.  de  Archivos,  A.  VI, 
p.1'16). —  Dernièrement  nous  avons  vu  dans  Chabaneau,  Revue,  1'  sûr., 
Il,  p.  31*2,  deux  exemples  provençaux  de  rs  pour  s  et  le  fait  analogue  de 
ns  pour  5,  inverse  des  pour ns. 

3  Ibid.,  pag.  362. 


MELANGES    DE    LANGUE    CATALANE  ?29 

adverbial  de  pura  pensa,  de  pensa r  ;  vol,  de  votai;  etc.  JNous 
avons  aussi  conversa,  de  conversar;  consulta,  de  consultar;  lliga, 
de  lligar,  etc.  Dans  son  Libre  de  concordances,  le  fameux  che- 
valier etpoëte  Jacme  March  (fin  du  XIVe  siècle)  donna  une  série 
de  mots  homophones  pour  faciliter  l'usage  de  ce  jeu  puéril  de 
versification  qu'on  nommait  rims  equivocs1.  Cette  série  contient 
naturellement  divers  noms  verbaux:  crida  (ban  de  cridar, 
comme  aussi  crît,  cri);  junta  (assemblée),  de  juntar  :  mutin 
(mue),  de  mudar;  mida  (mesure),  de  midar;  carrega  (aujourd'hui 
cârrega  ou  cargo,  :  fardeau  ),  de  carregar  ;  trava  (entrave), 
de  travar,  plutôt  que  du  latin  trabs  :  dot,  de  doter.  Il  y  a  aussi 
cassa  et  calsa,  qui  correspondent  h  chasse  et  chausse,  admis  par 
Brachet  comme  noms  verbaux,  mais  rejetés  par  Egger. 

M.   MlLA  Y  FoNTANALS. 

Addition,  ce.  — Dans  un  très -instructif  compte  rendu  du  frag- 
ment catalan  publié  par  M.  Morel-Fatio  (voy.  Revue,  2e  sér., 
III,  pp.  133-82),  l'excellent  catalaniste  M.  Alart  a  rejeté  notre 
théorie  du  œ  catalan  (10.,  I,  p.  146),  et  il  a  voulu  expliquer 
la  substitution  de  Yo  à  ïe,  dans  quelques  passages  demss.  cata- 
lans récemment  publiés,  par  une  imperfection  calligraphique 
ou  par  une  méprise  paléographique.  On  trouvera  probable- 
ment inadmissible  cette  explication,  si  l'on  considère  qu'il 
s'agit  de  cinq  mss.  différents  d'âge  et  de  provenance,  publiés 
indépendamment  par  quatre  éditeurs;  de  plus,  la  substitution 
s'y  trouve  presque  toujours  avant  u  et  dans  une  voyelle  que 
les  Mayorquins  prononcent  avec  un  son  mixte.  Quant  à  nous, 
qui  devons  très-souvent  nous  soumettre  à  de  bienveillantes 
rectifications,  nous  croyons,  cette  fois,  avoir  la  raison  de  no- 
tre côté3. 

M.   5    F. 

1  Ibid.,  pag.  347-y. 

■  Le  mot  catalan  doua  est  simplement  bova(=boga),  espèce  de  glaïeul 
r  a&t.  enea) 

1  Nous  profitons  de  cette  occasion  pour  observer  que  le  vers  de  Mar- 
cabrun.  o  Que  no  lor  fassaca  floquet  (dans  le  ms.  cafloquet  !)  ni  pein- 
tura s  (voy.  Romania,  n°  21,  p.  126,  note  2),  peut  être  un  vers  à  césure  épi- 
que, comme  on  en  trouve  dans  Boèce  et  dans  l'Epitre  de  R.  de  Vaqueiras. 
et  même  dans  la  poésie  lyrique. 


DIALECTES  MODERNES 


LETTRES  A  GREGOIRE 
SUR   LES    PATOÏS   DE  FRANCE 

[Suite) 


Comparaison  de  l'ancien  et  du  moderne  patois 

Un  calonge  fo  sepelit  cum  un  capau,  et  era  calonge  de 
S.  Andriu  ;  et  los  unissons  qui  lo  aveven  '  sepelit  lo  désepe- 
liren  -  et  osteren  los  sous  vestimens  ;  per  que  foren  penduts 
et  traginats;  quar  ed  '  cran  be  ettats  ;  paguats  de  lor  tri- 
balh.  (Coutume  de  Bordeaux  sous  /'armée  1291  '■'. 

VERSION    EN    PATOIS    GASCON    D'A-  PRÉSENT 

Un  chanoine  fut  ensébélitabec  un  capot,  et  ère  chanoine  de 
Sent  André.  Lous  massous  qui  l'abében  entarrat  lou  desen- 
tarreren  et  lv  priren  sous  habits,  perqué  furen  penduts  etray- 
nats,  car  eren  be  estats  paguats  de  lur  trabail  B. 

EN    FRANÇAIS 

Un  chanoine  fut  inhumé  avec  son  camail,  et  il  l'était  de 
Si. -André.  Les  maçons  qui  l'avaient  enseveli  l'exhumèrent  et 
lui  enlevèrent  ses  habits.  En  conséquence,  ils  furent  pendus 
et  traînés  sur  la  claie,  ayant  d'ailleurs  été  bien  payés  de  leur 
travail. 

:*?-43. —  Parmi  les  paysans  de  ce  département,  j'ai  assez 
communément  trouvé  le  Paroissien  romain,  les  Comptes  faits 

1  Lisez  avec  l'imprimé:  aven.  —  -Impr.:  dessepeliren.  —  ;i  Imp.  .  eds 
■  Imp.: estais.—  <;ost  au  paragraphe  46  des  Coutumes  de  Bordeaux 
que  ce  texte  a  été  emprunté.  —  G  II  serait  plus  exact  de  dire  tribail , 
mais  il  ne   laut  pas  regarder    de  trop  près  aux  versions  de  Bernadan. 

DliLPIT.) 


LETTRES  A   GREGOIRE  ?:',! 

île  Barème,  les  Noëls  nouveaux,  des  Livrets  de  mission,  les 
Sept  Tempêtes,  ouvrage  ascétique  d'un  pitoyable  genre,  une 
traduction  gauloise  de  la  Bible,  la  Vie  des  Saints,  FAlmanach 
des  Dieux,  le  Catéchisme  du  diocèse,  quelques  ouvrages  de  la 
Bibliothèque  bleue;  point  d'ouvrages  d'agronomie  ni  de  chi- 
rurgie domestique.  Les  livres  des  paysans  sont  toujours  en 
mauvais  état,  quoique  exactement  serrés.  Ils  se  les  transmet- 
tent en  héritage.  Dans  les  longues  soirées  d'hiver,  on  lira  pen- 
dant une  demi-heure,  à  toute  la  maison  assemblée,  quelque  vie 
des  saints  ou  un  chapitre  de  la  Bible.  Depuis  la  Révolution,  les 
paysans  ont  substitué  à  ces  lectures  celles  des  papiers  du 
Temps,  qu'ils  achètent  lorsque  leur  ancienneté  les' fait  donner  à 
bon  compte.  La  jeunesse  a  aussi  substitué  aux  cantiques  des 
chansons  patriotiques,  principalement  une  relation  de  la  prise 
de  la  Bastille,  représentée  en  taille  rude,  et  que  j'ai  trouvée, 
l'été  dernier  même,  dans  les  Landes  qui  séparent  Bordeaux  de 
Bayonne. 

Les  paysans  et  le  menu  peuple  de  nos  villes  croient  ferme- 
ment aux  revenants,  aux  loups-garous,  à  la  mule  ferrée  et  a 
ce  qu'on  appelle  dans  notre  patois  la  chaoucc-bieille,  qui  n'est 
autre  chose  que  le  cauchemar.  Ils  disent  que  ce  sont  les  âmes 
des  ennemis  d'une  famille  qui  s'introduisent  par  le  trou  de  la 
serrure  et  viennent  comprimer  à  leur  gré  l'estomac  des  bra- 
ves gens.  Le  malheur  est  qu'on  berce  l'enfance  de  ces  contes, 
que  la  raison  a  peine  à  combattre  dans  la  jeunesse  éclairée. 

On  croit  aussi  que  les  curés  peuvent  détourner  l'orage  à 
leur  gré,  arrêter  les  chiens  enragés  avec  l'étole  et  faire  des- 
i-endrele  diable,  comme  Virgile  dit  que  les  sorcières  de  Thes- 
salie  obscurcissaient  ie  soleil  et  jetaient  la  lune  dans  un  puits . 

I!  est  trop  ordinaire  de  voir  recourir  au  devin  préférable- 
mentau  chirurgien,  pour  guérir  du  mal  donné  par  un  sorcier. 
F, es  détails  que  je  pourrai  fournir  sur  ce  chapitre  sont,  im- 
menses. La  meilleure  espèce  de  devins  se  trouve  dans  notre 
Médoc.  Ils  ont  même  imaginé  des  saints  auxquels  il  faut  adres- 
ser des  prières  pour  tel  ou  tel  mal.  La  misère  de  certains 
curés  leur  a  fait  imaginer,  à  cet  égard,  des  superstitions  con- 
damnables à  .tous  égards. 

Malgré  que  l'on  dise  que  les  paysans  se  sont  raffinés  depuis 


?3?  DUI.BCTBS  MODERNES 

quelques  années,  j'ai  observé  qu'ils  ne  sont  devenus  que  plus 
fripons  et  moins  décents.  Les  préjugés  de  magie  noire  sub- 
sistent toujours  dans  toute  leur  énergie;  ils  n'ont  que  plus  de 
dépravation  dans  les  mœurs  et  moins  de  piété.  Tel  est  le  sort 
des  ignorants;  la  religion  est  pour  eux  un  farrago  de  préjugés. 
Otez  ceux-ci,  ils  ne  croient  plus  à  celle-là,  qu'ils  confondent 
ensemble. 

L'indécence  de  leurs  curés,  la  fréquentation  des  villes,  le  sé- 
jour que  les  citadins  font  dans  les  campagnes,  la  domesticité. 
sont  les  seules  causes  de  la  dépravation  de  nos  paysans.  C'esi 
principalement  chez  eux  que  le  libertinage  en  tout  genre  et  de 
tout  sexe  est  bien  hideux.  Rendez-leur  cher  le  ,sol  natal,  et 
vous  leur  rendrez  leur  simplesse  originelle. 

La  Révolution,  dans  les  villes  comme  dans  les  campagnes, 
a  servi  à  développer  la  bonté  comme  la  perversité  du  carac- 
tère français.  Les  paysans  sont  devenus  ingouvernables.  Leur 
patriotisme  n'est  rien  que  l'intérêt  bien  prononcé  et  la  ven- 
geance personnelle. 

Franchement,  en  voyant  les  abus  qui  résultent  de  l'établis- 
sement des  municipalités  dans  les  campagnes,  on  est  tente  de 
détester  cette  institution,  que  l'habitude  de  la  liberté  et  quel- 
ques lumières  doivent  rendre  si  salutaire.  Comme  ce  sont 
presque  partout  d'anciens  domestiques  qui  occupent  les  places 
dans  les  campagnes,  et  assez  généralement  les  plus  intrigants 
audacieux  de  l'endroit,  il  s'ensuit  que  les  prêtres  et  les  ci- 
devant  nobles ensont  vexés  outre  mesure. 

Il  serait  possible  de  donner  plus  de  développement  à  ces 
observations,  si  l'on  pouvait  se  former  une  idée  précise  du  s\  s- 
tème  et  des  vues  particulières  de  l'auteur  qui  en  veut  faire 
usage. 

On  le  peut,  je  l'essaye  ;  un  plus  savant  le  fasse  ! 

(P.  Bebnadau,  homme  de  loi  en  Gironde 


Monsieur, 

Il  serait  possible  que  le  dernier  paquet  que  je  vous  adressai 
ne  vous  soit  pas  parvenu,  car  il  était  de  l'époque  des  premiers 
jours  de  l'année,  où  l'on  reçut  à  l'Assemblée  un  si  gros  ballot 


LETTRES  A  GREGOIRE  Ï33 

de  papier  à  l'adresse  du  président  qu'on  arrêta,  disent  les  jour- 
naux, qu'il  serait  renvoyé  à  la  poste.  Je  vous  envoyais  alors 
quelques  observations  sur  vos  questions  proposées  aux  Amis  de 
la  Constitution.  Je  vais  en  continuer  la  série  en  l'autre  pari. 
Je  vous  priais  en  même  temps  de  vouloir  bien  me  faire  con- 
naître le  rapporteur  qui  présente  à  l'Assemblée  ma  traduction 
des  Droits  de  l'homme,  dont  vous  m'avez  envoyé  la  mention 
honorable.  Je  prends  la  liberté  de  vous  réitérer  la  même  de- 
mande, attendu  que  le  ministre  a  chargé  l'administration  du 
département  de  la  Gironde  de  prendre  connaissance  et  de  lui 
rendre  compte  de  mon  travail  sur  notre  trois  fois  sublime 
Déclaration.  Agréez  .  etc.  .  .  (P.  Beknadau,  homme  <i<"  loi  en 
Gironde.) 

Bordeaux,  21  janvier  1 79 1 . 

OBSERVATIONS    SUR     LES    LECTURES    DES    VILLAGEOIS 

Généralement  parlant,  les  ecclésiastiques  des  campagnes  n^ 
prêtent  point  de  livres  à  leurs  paroissiens  ;  ceux  qui  font  ex- 
ception à  la  règle  ne  leur  en  fournissent  que  d'ascétiques,  ne 
croyant  pas  quedes  paysans  puissent  perdre  leur  temps  à,  lire 
des  livres  qui  ne  parlent  pas  de  la  religion,  ou  qu'ils  aient 
assez  d'intelligence  pour  se  servir  utilement  d'ouvrages  im- 
portants. Cependant  la  lecture  des  livres  d'économie  rurale, 
de  vétérinaire,  d'hygiène,  leur  conviendrait  infiniment  ;  mai- 
peu  de  curés  en  ont  d'aussi  véritablement  utiles.  Je  connais 
assez  l'état  du  diocèse  pour  assurer  que  la  bibliothèque  de  nos 
•  •nées  de  campagne  se  borne  aux  quatre  tomes  du  Bréviaire, 
au  Parfait  Cuisinier,  aux  Ordonnances  synodales,  à  la  Théo- 
logie de  Collet  ou  Habert,  au  Concile  de  Trente,  à  des  médi- 
tations et  sermons  jésuitiques,  au  Code  des  curés  sur  les 
'limes,  etc.;  aux  Cas  de  Pontas.  au  Mercure  et  aux  ^.ctes  dp- 
Apôtres. 

C'est  à  vous  d'en  parler,  qui,  sortis  d'Israël  . 

Ceux  des  gens  delà  campagne  de  ce  district  qui  savent  lire 
aiment  volontiers  la  lecture,  et,  faute  d'autre  chose,  lisent 
l1  Umanacb  des  Dieux,  la  Bibliothèque  bleue  et  autres  billeve 


?34  DU LRCTES  MODERNES 

<:ées  que  ries  colporteurs  voiturent annuellement,  dans  les  cam- 
pagnes. Ils  ont  la  fureur  de  revenir  vingt  fois  sur  ces  misères, 
et,  quand  ils  en  parlent  (ce  qu'ils  font  très-volontiers),  ils  vous 
récitent  pour  ainsi  dire  mot  à  mot  leurs  livrets.  J'ai  remarqué 
que,  quand  un  paysan  a  un  livre  à  sa  disposition  un  jour  de 
fête,  il  <mi  préfère  la  lecture  au  cabaret,  quoique  l'usage  lui 
eu  soit  fort  familier  les  jours  de  repos.  Il  serait  donc  facile, 
avec  ce  goût,  d'éclairer,  jusqu'à,  un  certain  point,  l'intelli- 
gence du  paysan,  de  lui  faireperdre  l'habitude  de  la  débauche 
et  des  querelles  qu'enfante  l'ivrognerie.  Hic  labor,  hoc  opus. 

Les  livres  que  j'ai  le  plus  familièrement  trouvés  chez  les 
paysans  sont  des  Heures,  un  Cantique,  une  Vie  des  Saints,  chez 
les  gros  fermiers,  qui  en  lisent  après  souper  quelques  pages  à 
leurs  travailleurs.  Je  me  rappelle  à  cet  égard  quelques  vers 
11*1111  ouvrage  sur  la  vie  champêtre  qui  concourut,  il  y  a  sept 
ans,  avec  l'églogue  de  Ruth,  de  M.  Florian.  Les  lectures  du 
soir  chez  les  paysans  y  étaient  bien  décrites  ;  elles  ne  le  sont 
pas  avec  moins  d'énergie  dans  la  Vie  de  mon  pore,  de  M.  Rétif. 


Réponse  de  la  Sociét/'  îles  Amis  de  la  Constitution  de  Mont-de-Marsan 
aux  questions  faites  par  M.  Grégoire,  curé  d'Emberrr.énil. 

1 .  —  L'usage  de  la  langue  française  n'esl  pas  universel  dans 
notre  contrée;  le  peuple  y  parle  un  patois,  lequel,  à  quelques 
nuances  près,  est  le  même  de  Bayonne  jusqu'à  Bordeaux  or 
Toulouse,  où  il  commence  à  varier  davantage;  mais  c'est  le 
même  idiome  original,  ainsi  que  dans  le  Béarn. 

2.  —  Ce  patois  est  ancien,  sans  qu'on  puisse  en  indiquer 
l'origine  ;  il  n'est  pas  une  langue-mère,  et  l'on  peut  conjec- 
turer qu'il  s'est  formé  du  mélange  de  divers  peuples:  car  il 
tient  à  La  fois  du  latin,  de  l'espagnol,  du  français,  dp  celui 
qu'on  parle  dans  le  Milanais  et  de  l'italien. 

3.  —  Le  gascon  est  généralement  un  français  altéré,  cor- 
rompu et  mélangé;  mais  sa  source  originelle  est  l'ancien  fran- 
çais, et  il  a  en  général  les  mêmes  termes  radicaux  que  cette 
langue,  qui  n'en  a  guère,  et  les  mêmes  termes  composes.  \,p 
gascon  a  plusieurs  diminutifs,  qui  ont  beaucoup  de  grâce  ei 
qui  manquent  à   l'idiome  français. 


LETTRES    A    <.RK<tOIRE  235 

4.  —  Nous  n'avons  aucune  notion  de  langue  celtique;  mai?, 
nous  le  répétons,  le  gascon  est  un  mélange  corrompu  du  latin, 
du  français,  de  l'espagnol  et  de  l'italien. 

5.  —  Il  a  surtout  une  affinité  marquée  avec  le  français  :  c'esi 
à  peu  près  la  même  construction  de  phrase  et,  en  quelque 
sorte,  les  mêmes  mots  altérés  et  corrompus  par  une  pronon- 
ciation dure  et  grossière.  Ce  dialecte  est  le  plus  répandu  de 
toute  la  France,  car  il  diffère  si  peu  du  languedocien,  de  l'au- 
vergnat, du  limousin  et  même  du  provençal,  qu'on  peut  dire 
qu'il  est  le  même  génériquement. 

15.  —  Il  s'éloigne  peu  de  l'idiome  national  dans  les  noms 
des  plantes,  des  maladies,  etc.:  une  rave  est  û  arrabt; un  chou, 
un  cawlet ;  un  chou- fleur,  un  choufleur; une  racine,  une  herbe; 
la  centaurée  ',  un  artichaud  ;  les  fèves,  les  cardes,  la  laitue,  la 
chicorée,  les  betteraves  -,  le  froment,  le  seigle  (  le  maïs  est  le 
milloc,  turguet  ),  le  millet,  le  partis,  portent  les  mêmes  noms 
dans  les  deux  idiomes.  Il  y  a  dans  d'autres  quelque  légère 
différence  dans  la  prononciation  :  le  chiendent  se  nomme  sen- 
tenege;  les  pois,cèzes;  le  foin,  hen:  la  lettre  /"se  change,  dans  le 
izascon,  en  Y  h  aspirée  en  général.  La  fièvre,  lucolique,  \&dyssen- 
terie,  le  scorbut,  Y  indigestion,  etc.,  portent  le  même  nom.  Un 
menuisier  (sic),  un  charpentier,  un  serrurier,  etc.,  sont  les  mê- 
mes. Le  forgeron  se  nomme  haw. 

Les  termes  des  arts  et  métiers  et  de  labourage  varient 
davantage  :  un  râteaux  est  nu  arrestet  ;  une  doloire,  û  douladere; 
une  vrille,  un  gimbalet;  le  dé  à  coudre,  un  didaw;  une  plaie, 
h  plague  (plagaj.  Le  soc,  morceau  de  fer  plat,  acéré  et  tran- 
chant, qui  est  en  devant  du  sep  de  la  charrue,  se  nomme  Yaret. 
terme  expressif  qui  signifie  ce  gui  laboure.  ISaveine  (sic)  se 
nomme  sibaze;  une  serrure,  sarraille;  une  clef,  û  claw  ;  un  trou, 
un  houra:  la  soie,  sède:  le  fil,  hiw.  Ce  dernier  w  ne  se  prononce 
pas  ou,  comme  en  anglais;  on  insiste  sur  la  syllabe  hi,  et  il 
est  impossible  d'exprimer  en  paroles  la  terminaison  de  cette 
prononciation  particulière.  Sureau,  sahuc ;  bourrache,  bourai- 
ynes ;  Yortie,  ourties;  le  houx,  agrew;\&  fougère,  hews,  heù- 
guere;  jardin,  casaw  :  la  ronce,  segue,  du  mot  scie  :  Y  aubépine. 

1  11  y  a  dans 'le  texte  :  sentorrée. 
5  Texte  :  bhteraves. 


236  DIALECTES  MODERNES 

broc; potiron,  cet; fraises,  fraizier,  aragues,  dragués.  Cestermes 
ont  vieilli,  ci  l'on  dit  plus  fréquemment  fraises,  fraisié.  Ra- 
cines, arazits  (suranné);  les  nouveaux  jets  des  arbres,  flages ; 
eau,  canebere,  la  canne  duroseau  Pour  exprimer  qu'un  ma- 
lade empire,  [on  dirj  qu'assourdechice  que  est  notre  article 
il)  ;  qu'on  l'a  extrémoncié  (sic),  que  Van  aluxiat  (que  l'an,  on 
l'a);  Vagonie,  passion,  vieilli  ;  la  fièvre  <e  nomme  aussi  viûlle; 
Yépilepsie,  ompratge  ou  maw  de  terre:  les  vapeurs  des  femmes, 
masclon  ou  mawdat,  mal  donné  ou  maw  de  mère  ,*  panaris,  ba- 
tedis,  à  cause  des  pulsations;  diarrhée,  flux.  Pour  exprimei 
qu'un  malade  est  endolori  dans  tout  son  corps,  on  dit  qu'es 
il  est :  expa  mat,  etc. 

7.  —  11  n'y  a  pas  de  synonymes  parfaits  dans  ce  patois,  non 
plus  i|u<!  dans  les  autres  langues,  mais  il  y  a  à  peu  près  les 
mêmes  mots  que  dans  le  français  pour  dénommer  les  divers 
objets  avec  leurs  nuances  :  il  y  a  peut-être,  néanmoins,  plus 
de  synonymes  que  dans  le  français.  Par  exemple,  pour  dirp 
un  peu,  on  dit  unpau,  un  chic,  andrin;  un  chicon  pour  dire 
nu  petit  peu,  qu'on  n'exprime  pas  en  français. 

8.  —  Ce  patois,  dérivant  en  grande  partie  du  français,  est 
susceptible  des  mêmes  expressions  pour  tous  les  genres  de 
choses,  d'occupations  et  de  passions.  Cependant,  comme  il  a 
un  grand  nombre  de  diminutifs,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  il  est  singulièrement  propre  à  exprimer  les  douces 
affections  du  cœur. 

(.t.  —  Pour  qu'un  idiome,  quelque  susceptible  qu'il  soit  de 
perfection,  d'abondance  et  de  richesses,  puisse  exprimer  élé- 
gamment et  avec  précision  les  nuances  délicates,  il  est  néces- 
saire qu'il  ait  été  manié  par  une  touche  savante,  gracieuse  et 
philosophique.  Pour  nous  renfermer  dans  un  exemple  parti- 
■ulier.  L'on  sait  <iue,  avant  le  beau  siècle  de  Louis  XIV,  avant 
les  fameuses  Lettres  provinciales,  surtout  avant  le  Livre  des 
maximes,de  La Rochefoucault,  la  langue  française,  devenu- 
riche,  si  brillante,  si  maniable  et  si  propre  à  exprimer  d'une 
manière  précise  les  matières  les  plus  abstruses,  et  à  nuancer 
admirablement  les  diverses  significations  et  les  divers  attribut? 
des  idées;  cette  langue,  dis-je,  était  lourde,  obscure,  embar- 
rassée. ■  M.  i  jique  à  la  vérité  sous  la  main  de  Montaigne,  de 
Malherbe  et  de   Corneille,  mais   dénuée  de  ce  charme  que  lui 


Lettres  a  Grégoire!  237 

uni  prêté  les  beaux  vers  de  Racine,  la  logique  de  Pascal  el 
l'éloquence  douce  et  majestueuse  de  Fénelon.  L'idiome  gascon 
n'a  donc  pas  l'avantage  de  distinguer  et  d'exprimer  les  nuances 
Mues  que  l'imagination  aperçoit  dans  les  objets,  par  le  défaut 
d'avoir  été  exercé  par  d'habiles  écrivains.  Quant  aux  objets 
intellectuels,  la  facilité  qu'il  y  a  à  tourner  le  français  en  gas- 
con rendrait  celui-ci  très-facile  à  s'approprier  toutes  sortes  de 
matières. 

10.  —  La  langue  et  les  climats  ont  des  rapports  naturels 
entre  eux,  comme  les  climats  et  les  mœurs.  Le  gascon  abonde 
en  termes  voluptueux,  énergiques  et  dissolus.  Nous  dirions 
que  les  mœurs  sont  corrompues  dans  la  Gascogne  par  compa- 
raison aux  contrées  septentrionales  de  la  France,  si  l'expé- 
rience ne  nous  avait  appris  que,  si  le  climat  a  triomphé  des 
mœurs  dans  la  Gascogne,  les  mœurs  semblent  avoir  triomphe 
du  climat  dans  la  partie  opposée  du  royaume. 

11.  —  Il  est  fertile  en  jurements,  en  expressions  propres  aux 
grands  mouvements  de  colère. 

12.  —  On  trouve  dans  l'idiome  gascon  des  locutions  très- 
energiques  et  qui  manquent  même  à  notre  langue;  en  voici 
quelques  exemples  :  Bienets  me  coueira,  venez  me  chercher  ;  il 
esi  difficile  de  rendre  le  sens  affectueux  que  présente  cette 
expression.  Men  mien,  mon  ami:  cette  expression  est  d'une 
douceur  charmante,  etc. 

13.  —  Les  terminaisons  sont  voyelles  ou  consonnes,  de 
même  qu'en  français;  en  sorte  que  les  vers  gascons  sont  mé- 
langés de  rimes  masculines  et  féminines,  comme  dans  cette 
langue. 

14.  —  Le  caractère  de  la  prononciation  est  d'être  suscep- 
tible de  force  ou  de  douceur,  selon  les'eirconstances,  et  d'être 
fortement  accentuée  dans  le  sens  inverse  de  la  prononciation 
française  ;  toutes  les  syllabes  sont  brèves,  et  les  é  sont  tous 
des  c  fermés  Que  boiu/,  je  veux;  i\uù  baw  à  Paris,  je  vais  à 
/''iris.  On  prononce  fortement  les  lettres  finales. 

15.  —  L'écriture  de  ce  patois  est  la  même  que  pour  le 
français,  en  variant  l'accentuation;  et  le  w  double  qu'on  em- 
ploie ici  n'est  que  pour  marquer  la  prononciation,  car  on  se 
sert  de  Vu  voyelle  avec  deux  points. 

16.  —  Ce  patois  varie  un  peu  de  village  en  village  pour  la 
•prononciation,  mais  le  fond  est  le  même  à  quelques  mots  près  j 


â38  PIALKCTES  MODKRNES 

mais  ions  les  Gascons  s'entendent  sans  truchement,  depuis 
Bayonne  jusqu'au  fond  du  Languedoc. 

17.  —  Le  peuple  le  parle  généralement  dans  les  villes. 

1<S.  —  Il  est  usité  dans  une  latitude  de  plus  de  soixante 
i i *■  ues  en  tous  sens. 

1!».  —  Les  campagnards  ne  savent  pas  s'énoncer  en  fran- 
çais, et  ils  l'entendent  même  assez  peu;  néanmoins  ce  jar- 
gon a  tanl  de  rapport  avec  le  français,  qu'ils  le  saisissent  très- 
facilement,  avec  un  peu  d'habitude. 

20.  —  L'on  prêchait  jadis  ei  l'on  ne  prêche  encore  qu'en 
gascon  dans  nos  campagnes.  Ce1  usage  existe  même  encore 
dans  i|uelques  villes. 

21.  —  Nous  ne  connaissons  pas  de  grammaires  ni  de  dic- 
tionnaires de  ce  dialecte. 

22.  —  L'on  trouve  des  inscriptions  patoises  dans  quelques 
églises. 

23.  —  Il  y  a  en  gascon  beaucoup  de  noëls.  de  cantiques 
imprimés,  beaucoup  et  la  plupart   des  anciens  actes   manu- 

rits,  plusieurs  ouvrages  [de]  droit  coutumier  en  gascon,  et 
luelques  ouvrages  de  littérature,  de  poésie  :  poésies  de  Das- 
tros,  natif  de  Lectoure;  G-oudely  (sic),  de  Toulouse,  pastora- 
les béarnaises  ;  il  existe  une  traduction  élégante  des  fables 
de  La  Fontaine,  grand  in-8°,  qu'on  trouve  chez  Fauvel,  li- 
braire à  Bayonne.  Ce  patois  diffère  un  peu  du  nôtre,  mais  ce 
n'esl  qu'une  simple  variété.  Cette  traduction  prouve  que  cet 
idiome  est  propre  à  la  narration  et  au  genre  de  style  simple. 

24.  —  Les  cantiques  et  les  noëls  sont  plats  et  mauvais. 

25.  —  Voyez  la  note  23. 

26.  —  Nous  abondons  en  proverbes; en  voicides  exemples: 
Baû  iiwij  cazaû  que  journaù,  Vont  mieux  jardin  qu'arpent. 
Gent  dab  gent,  et  tripe  dab  moustarde;  Gensavec  gen»,  et  les  bou- 
dins avec  la  moutarde,  etc. 

27.  —  Cette  question  est  assez  difficile  à  résoudre;  peut- 
être  pourrait-on  dire  quelle  influence  les  mœurs  ont  sur  le 
langage,  mais  comment  savoir  de  quelle  manière  le  langage 
influe  sur  les  mœurs?  D'abord,  plus  un  langage  est  épuré, 
délicat,  décent,  plus  les  mœurs  sont  corrompues  (c'est  Rous- 
seau qui  parle),  et  réciproquement.  Sans  adopter  entièrement 
cette   maxime  ou  plutôt  ce   qui   en  prouve  la  fausseté,  c'est 


se 

( 


LETTRES  A  GREGOIRE  239 

i|Ué  le  langage  de  nos  villes  est   plus  licencieux  que  celui   île 
nos  campagnes. 

28. — Eu  lisantles  actes  anciens,  on  s'aperçoit  que  le  gascon 
s'estrapproché  davantage  du  français  et  que  certains  mots  soni 
tombés  en  désuétude,  sans  pouvoir  en  indiquer  l'époque  précise. 

29.  —  L'importance  religieuse  et  politique  de  détruire  en- 
tièrement ce  patois,  ainsi  que  tous  les  autres,  en  ne  faisant 
qu'une  langue  commune  pour  tous  les  Français,  serait  la  fa- 
cilité d'instruire  davantage  le  peuple,  et  surtout  les  habitants 
des  campagnes,  t;int  sur  la  religion  que  sur  la  politique.  Ce 
serait  un  acheminement  à  leur  faire  apprendre  à  lire  et  k 
écrire,  comme  on  le  voit  en  Angleterre,  et  surtout  dans  l'Amé- 
rique septentrionale,  où  il  n'y  a  presque  pas  un  laboureur  qui 
ne  sache  lire  et  écrire,  et  par  conséquent  à  étendre  la  sphère 
de  leurs  idées  morales,  infiniment  bornées  en  ce  moment. 

30.  —Voyez l'article  précédent. prônes  en  français. écoles, etc. 

31.  —  L'enseignement  se  fait  en  français  et  dans  des  livres 
français,  dans  les  écoles  de  campagne;  mais  quelles  écoles,  et 
quel  enseignement  !  Cette  misérable  partie  du  peuple  est  en- 
core dans  la  barbarie  '. 

32. —  Il  y  a.  un  seul  maître  d'école  dans  quelques  paroisses, 
et  point  dans  quelques  autres. Toute  leur  science  est  de  savoir 
lire  et  écrire,  et  encore  très-mal.  avec  une  prononciation  détes- 
table, et  sans  aucune  connaissance  d'ailleurs  en  aucun  genre. 

33.  —  A  peine  enseigne-t-on  médiocrement  ces  trois  choses 
[l'art  de  lire,  d'écrire  et  déchiffrer]. 

34.  —  [Elles  sont]  très -peu  et  très-mal  [surveillées], 

35. — Non  [les  curés  et  vicaires  n'ont  pas  de  livres  à  prêter]. 

36.  —  Eh  !  comment  [les  gens  de  la  campagne]  pourraient- 
ils  avoir  [le  goût  de  la  lecture]  ? 

37.  —  Les  Quatre  Fils  d'Aymon,  des  livres  de  sorcellerie, 
opinion  très-accréditée  dans  notre  contrée  parmi  le  peuple 
des  villes  et  des  campagnes,  ce  qui  atteste  leur  profonde  igno- 
rance; des  contesdefées,  de  nécromanciens,  Barbe-Bleue,  etc.; 
encore  n'est-ce  que  dans  les  campagnes  les  plus  florissantes. 

38.  —  [Ils  ont]  des  préjugés  de  tout  genre  ;  ils  croient   au?. 

1  Le  déparlement  des  Landes  comptait,  en  1866,520  écoles  primaires 
pour  35,000  élèves.  C'est  à  peine  si  97,000  individus,  sur  une  population 
de  306,000  âmes.,  savent  lire. 


840  DIALECTES  MOPERKES 

sorciers,  aux  revenants,  aux  maléfices,  prodigieusement  aux 
inlluences  de  la  lune  ;  opiniâtrement  entêtés  de  leur  système 
habituel  de  culture,  sans  que  l'exemple  de  succès  d'une  mé- 
iliode  contraire  puisse  les  en  guérir;  l'autorité  des  proprié- 
taires est  même  insuffisante  pour  y  réussir. 

39.  —  Nous  croyons  qu'ils  sont  un  peu  plus  instruits  qu'ils 
ne  l'étaient  il  y  a  vingt  ou  trente  années:  mais,  de  même  que 
leur  esprit  inappliqué  ne  fait  pas  de  grands  progrès,  de  même 
leurs  idées  religieuses,  qui  se  bornent  à  une  connaissance 
très-imparfaite  de  nos  dogmes,  ne  sauraient  varier,  parceque 
la  variation  dans  ces  matières  suppose  un  degré  de  réflexion 
i   de  connaissance  dont  ils  ne  sont  pas  susceptibles. 

■10-43.  —  Les  causes  de  cette  ignorance  sont  dans  le  défaut 
d'instruction  de  leurs  jeunes  ans.  Un  pasteur  intelligent,  zélé, 
habile,  pourrait  faire  germer   et  prospérer  les  heureuses  se- 
mences d'une  instruction  simple,  facile  et  sûre,  en  la  propor- 
tionnant par  degrés  aux  progrès  de   ses   élèves.  Une   autre 
•anse,  c'est  l'assiduité  constante  qu'exige  des  cultivateurs  la 
culture  d'une    terre  avare,  stérile,  ingrate,  et  qui  a   besoin 
i  être  sans  cesse  engraissée  et  remuée  pour  faire  périr  les  in- 
e  les  et  les  mauvaises  herbes,  qui  dévoreraient  leurs  tristes 
•  ■■  oltes  sans  une  attention  et  des  soins  infinis.  C'est  encore  le 
peu  de  substance  de  leurs  grains  et  de  leurs  graines. 

Le  remède  à  ces  maux  serait  un  excellent  choix  de  pasteurs 
zélés,  intelligents  et  entièrement  dévoués  à  cet  état  non  moins 
pénible  que  glorieux,  d'améliorer  la  culture  des  landes  et  le 
i  riste  sort  de  ces  sauvages  cultivateurs.  L'aisance  amènerai! 
la  politie  (.sic)]  la  première  ou  la  seconde  génération  pourrait 
jouir  enfin  du  bienfait  de  l'humanité  en  leur  faveur.  , 

Cependant  la  suppression  de  la  dîme,  des  corvées,  de  quel- 
ques droits  seigneuriaux,  leur  font  chérir  la  nouvelle  Constitu- 
tion, au  point  qu'on  ne  pourrait  peut-être  plus  rappeler  l'an 

a  régime  san-  verser  des  torrents  de  sang.  En  général,  la 
-  i-sion  entre  les  ecclésiastiques  cause  une  grande  fermenta- 
tion par  les  insinuations  perfides  de  ceux-ci;   néanmoins   le 

iple  pr ge  plus  qu'il  ne  blâme  le  serment,  qu'il  prétend 

raison,  avoir  prêté  lui-même. 
Casto  Bertrand,  président;  Mallet,  secrétaire:  J.  Laborde.  sécrétant 
1  suivre.  A.  Uazikr. 


BELLO   PROUMIERO 
A  M.  Ernest  Roussel 


[roundello  negreto, 
Oh  !  rèsto  oici .... 

ÀNTOtlNJETO   DE    BeO-CAIRE. 

Lou  cèu  èro  seren  e  pur  ; 
La  naturo  entière  èro  en  fèsto  : 
Quand  river  fugis,  tout  s'aprèsto 
A  eanta  l'inné  dôu  bonur. 

A  la  prado,  au  bos,  li  rloureto 
A  bel  eime  s'espandissien  ; 
Di  milo  sentour  que  trasien 
Ero  peri'umado  l'aureto. 

Dins  lou  cainpèstre  siau  e  blous, 
Emé  si  gréu  mirgaiant  Faire, 
Lis  aubre,  alin,  pareissien  faire 
Rèn  qu'un  bouquet  espetaclous. 

BELLE    PREMIÈRE 

A    M.   ERNEST   ROUSSEL 

Hirondelle  noire, 
Oh  !  reste  ici  ! 
Antoinette  de  Bbaccmui:. 

Le  ciel  était  serein  et  pur;  — la  nature  entière  était  en  tète:  — 
lorsque  l'hiver  s'enfuit,  tout  se  prépare  —  à  chanter  l'hymne  du 
bonheur. 

Dans  la  prairie,  au  bois,  les  fleurettes  —  s'épanouissaient  à 
plaisir; — des  mille  senteurs  qu'elles  répandaient — la  brise  était 
parfumée. 

Dans  la  campagne  calme  et  pure,  —  de  leurs  rameaux,  qui 
émaillaient  l'espace,— les  arbres  au  loin,  paraissaient  ne  former— 
qu'un  bouquet  gigantesque. 

18 


2-i2  BELLO     PR0UM1ERU 

Per  recaupre  H  dindouleto, 
Tout  èro  lest,  tout  sourrisié  : 
Lis  aubrespin  e  li  rousié 
Avien  mes  sa  blanco  teleto. 

«Jouuie  disiéu  :  «  Arribolèu, 
T'espère,  ma  gènto  irouudello  !  » 
L'aucelino,  à  ma  voues  fidèle, 
Lampe  dins  un  rai  de  soulèu. 

Èro  la  miéu,  bello  proumiero, 

Que  tournavo  dins  lou  pais  : 

A  soun  galoi  bresiliadis, 

La  couneiiruère  ■  . .  Ob  !  qu'ère  bero  ' 

le  traguère,  urouso,  d'un-tèni>, 
Moun  adieu  dins  uno  caresso  : 
Elo,  em'  un  piéu-piéu  d'alegresso, 
Vï<   digue:  «  Vaqui  lou  printèms!  » 

Leountino  Goirand. 

Aies,  lou  31  do  mars  1877. 
Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhône 


Pour  accueillir  les  hirondelles, —  tout  était  prêt,  tout  souriait: — 
les  aubépines  et  les  rosiers  —  s'étaient  revêtus  de  leur  blanche 
loilette. 

Gomme  je  disais:  «  Arrive  vite,  — je  t'attends,  ma  gente  hiron- 
delle 1  » —  l'oiseau,  fidèle,  à  ma  voix — passa  (comme  un  éclair)  dan.- 
iiii  rayon  de  soleil. 

C'était  la  mienne,  belle  première,—  qui  retournait  dans  le  pays. 

—  A  son  joyeux  gazouillement  — je  la  reconnus. .  .   Oh!  combien 
is  fièn  : 

Heureuse,  je  lui  jetai  avec  empressement  —  mon  adieu  dans  une 
caresse:—  elle,  avec  un  petit  cri  d'allégresse,—  me  dit:  <>  Voilà  le 
printemps  !  » 

l.éontine  Goiiiamj 


LOU  MARIAGE  ASTRA 

A    MADAMO    P.    MISTRAL 


Quau  es  aquelo  grando  e  bello, 
Aducho  pèr  uno  auro  d'aut, 
Que  s'avanco  coume  Esterello 
A  l'endavans  de  Calendau? 

Vers  la  capello  di  Tres-Damo, 
Quau  es  aquelo  que  descend, 
E  ie  vai  prèga  per  quau  amo, 
Coume  Mirèio  pèr  Vincent? 

Quau  es  aquelo  que  lis  Ange 
Fan  fa'usi  de  celésti  cant, 
E  qu'a  vist  en  un  sounge  estrange 
Uno  grand  fèsto  is  Aliscamp  ? 

Dison  que  s'apello  Mario. . . . 
Mario,  un  noum  quasi  divin. 


LE    MARIAGE     BENI 

A  MADAME  F.    MISTRAL 


(Quelle  est  celle  qui,  grande  et  belle.  —  amenée  par  un  vent  du 
nord,  —  s'avance  comme  Estérelle  —  à  la  rencontre  de  Calendal? 

Vers  la  chapelle  des  Trois-Dames1,  — quelle  est  celle  qui  s'ache- 
mine —  et  va  y  prier  pour  celui  qu'elle  aime.  —  comme  Mireille 
pour  Vincent? 

Quelle  est  celle  à  qui  Jes  Anges  —  ont  fait  entendre  de  célestes 
chants,  —  et  qui  a  vu  en  un  songe  étrange  —  une  grande  fête  aux 
Aliscamps8. 

On  dit  qu'elle  s'appelle  Marie — Marie,  un  nom  presque 

1  Les  Sainies-Maries  de  la  Mer. 

i  Les  Aliscamps  ou  Champs-Elysées,  antique  cimetière  d'Arles 


Ui  LOTI    MARIAGE    ASTRA 

Un  rebat  de  l'astre  que  viho 
Sus  la  barco  e  sus  li  marin. 

Eh  bèn  !  Mario  es  la  fiancado 

a 

<vMie, —  majestouso  dins  soun  dôu,  — 
La  Maire  au  Fiéu  a  designado, 

E  lou  Fiéu  a  di  :  «Dieu  lou  vou  !  » 

Noun  es  duquesso  ni  barouno  : 
Mai  Galatèio  e  Beatris 
Mens  que  la  chato  bourguignouno 
An  l'esté  pur  qu'amourousis. 

Es  dôu  pouëto  e  de  l'artiste 
Lou  désir  devengu  trésor  ; 
Es  uno  enoarnacioun  requisto, 
Viésti  embauma  d'un  pantai  d'or. 

Vejo-nous  dounc,  vas  de  jouvènco. 
Li  perfum  qu'as  tengu  rejoun, 
E  léu  flourigues  en  Pi'ouvènço, 
Poulido  Roso  de  Dijoun  ! 

Vai,  la  Prouvènço  t'esperavo  : 
Sens  le  counèisse  t'amavian  ; 

divin, —  un  reflet  de  l'astre  qui  veille — sur  la  barque  el   sur  les 
matelots. 

Eb  bien  !  Marie  est  la  fiancée  — que,  dans  la  majesté  de  son 
deuil,  —  laMère  a  désignée  au  Fils,  —  et  le  Fils  adil  :  «  C'est  Dieu 
qui  le  vent'.  » 

Elle  n'esl  point  duchesse  ni  baronne;  —  mais  Galathée  el  Béa- 
irix  —  moins  que  la  jeune  iille  bourguignonne  —  ont  la  grâce  pure 
qui  séduit. 

C'est  du  poeie  et  de  l'artiste  —  le  désir  devenu  trésor  ;  —  c'est 
ne  incarnation  exquise, — forme  embaumée  d'un  rêve  d'or. 

Épanche  donc  pour  nous,  vase  de  jeunesse. —  h's  parfums  que 
tu   as  tenus  serrés,  —  et  bientùi    puisses-tu  t'épanouir   en    Pro- 
ce, —  ô  belle  Rose  de  Dijon  ! 

\  i    elle  t'attendait,  la  Provence; —sans  te  connaître  nous  t'ai- 


DIALECTES  MODERNES  ?15 

Es  pèr  toun  front  que  se  gardavo 
La  courouno  que  trenaviau. 

«  En  glôri,  vai,  saras  aussado 
Courae  unoRèino»,  e  de  cant  dons 
Saras  bressado  e  caressado 
Pèr  toun  felibre  amistadous. 

As  tout  quita  pèr  veni  nostro  : 
Brès  nadalen,  jardin  flouri, 
Amigo  e  maire. . .  .acô  nous  mostro 
Quau  sies  e  quant  vau  Frederi. 


—  Segound  lalèi  de  Prouvidenci. 
Tout  bèn  qu'es  fa,  di  vo  pensa. 
Même  au  courrènt  de  l'eisistènci. 
Dèu  èstre  larg  recoumpensa. 

Quand  à  la  porto  d'un  o  d'uno 
Veirés  adounc  veni  pica 
L'amour,  la  glôri,  la  fourtuno, 
Digas  :  Èi  Dieu  que  vèn  paga. 

Aro  es  fourtuno,  amour  e  glôri, 
Qu'au  même  oust  au  toumbon  subran  ; 

niions  ,  —  c'est  pour  ton  front  qiL'étail  réservée  —  la  couronne  que 
nous  étions  occupés  à  tresser. 

«  En  gloire,  va,  tu  seras  élevée  —  comme  une  Reine  »,  et  de 
doux  chants  —  tu  seras  bercée  et  caressée  par  ton  félibre  plein 
d'affection. 

Tu  as  tout  quitté  pour  devenir   nôtre:—   berceau    natal,  jardin 

fleuri,  —  compagne  et  mère cela  nous  montre  —  qui  tu  es  et 

combien  vaut  Frédéric. 

Suivant  la  ioi  du  Providence,  —  tout  bien  qui  est  fait,  dit  ou 
pensé, —  doit,  même  au  cours  de  l'existence,  —  être  récompensé 
largement. 

Quand  à  la  porte  d'un  ,  mortel]  ou  d'une  mortelle  — vous  verrez. 
dès  lors,  venir  frapper —  l'amour,  la  gloire,  la  fortune.  —  dile>: 
C*est  Dieu  qui  vient  payer. 

Maintenant,   c'est    fortune,   amour   el    gloire,  —  qui    tombent 


?46  LOU    MARIAGE    ASTRA 

Un  jour  saubren  li  vertu  flôri 
D'Eu  emai  d'Elo En  espérant, 

Canten  la  nôvio  que  s'avanço 
E  qu'à  la  Prouvènço,  emé  siuen, 
Adus  lou  poutoun  de  la  Franco. 
Poutoun  que  clantira  bèn  liuen. 

Aupiho,  boundas  d'alegresso  ! 
Rose  e  Durènço,  mar  e  Crau. 
Saludas  vosto  segnouresso  ! 
Veici  l'espouso  de  Mistrau. 

Aguste  Verdot. 

Eiguiero,  lou  10  d'ôutobre  1876. 
(Provençal.  Avignon  et  les  bords  du  Rhône.) 

soudain  sur  la  même  demeure:  — un  jour  nous  saurons  les  vertus 
excellentes  —  d'Elle  et  de  Lui. ...  En  attendant, 

Chantons  la  nouvelle  mariée  qui  s'avance,  —  et  qui  avec  amour 
apporte  à  la  Provence — le  baiser  de  la  France. —  baiser  qui  retentira 
au  loin. 

Alpilles,  bondissez  d'allégresse!  —  Rhône  et  Durance.  mer  et 
Crau,  —saluez  votre  suzeraine!    -  Voici  l'épouse  de  Mistral. 

Auguste  Verdot. 


■B» 


AL  TUSTADOU 


DE    L'AMIC    ALBAN    GERMAN 


De  soun  estuch  de  fer  ount  se  tors  belo  ramo. 
Le  dôgoul  musculous  salhis  encoulerit. 

AU  HEURTOIR 

DE    L'AMI    ALBAN    GERMAIN 

I  >e  sa  gaîne  de  fer  où  se  tordent  belles  feuilles,  —  le  dosue  mus- 
culeux    sort  tout   en   colère.  —  Jl  vit!   Il   vit!  Il  fronce   son   nez. 


DIALECTES    MODKRNES  247 

Vieil  !  vieil  !  Rufo  le  nas,  mostro's  uals  e  clamo  ! 
Empleno  l'gent  oustal  del  si  eu  terrible  crit. 

0  gous!  jaupo,  enrabiat,  s'es  uno  caro  infamo; 
Moussego  à  bel  cais,  jaupo  al  malandrin  ourrit  : 
Mais  calho-te  sul  cop  s'es  uno  fino  damo, 
Lupo-s-i  la  manoto,  ô  canh  !  tout  aberit. 

E  se  ven  dreit  à  tu  qualque  amie,  —  un  artisto 
Que  sauras  pla  couneisse  à  la  prumieiro  visto, 
D'aquelis  qu'an  le  frount  dins  le  blu  luminous, 

Àrruco-te,  magnac  ;  cal  pas  debremba  brico 
Qu'as  dedins  un  valent  de  la  grando  musico 
E'nescrivan,  soun  filli,  que  durbira,  gaujous. 

A.  Fourés. 
Garcassouno,  le  '»  de  décembre  1876. 

(Languedocien,  Castelnaudary  et  ses  environs.) 


montre  ses  canines  et  gronde  !  — Il  emplit  la  gentille  maison  de  son 
cri  terrible. 

O  chien  !  aboie,  enragé,  si  c'est  un  visage  infâme;  —  mords  >i 
belles  dents,  aboie  au  voleur  détesté; — mais,  tais-toi  sur-le-champ, 
si  c'est  iine  délicate  clame;  —  lèche  sa  petite  main,  ô  chien!  toui 
enjoué. 

Et,  si  vers  toi  se  dirige  quelque  ami,  un  artiste  —  que  tu  sauras 
bien  distinguer  à  première  vue,  —  de  ceux  qui  ont  le  front  dans 
l'azur  éclatant. 

Fais-toi  petit,  maniable;  —  il  ne  faut  point  oublier  —  que  tu  as, 
dedans,  un  vaillant  de  la  grande  musique  — -  et  un  écrivain,  son 
fils,  qui  ouvrira,  joyeux. 

A  .  Four es. 

Carcassonne,  le  3  décemb''e  1876. 


MATER  DOLOROSA 


Ero  lou  Dijôus  Sant,  e  la  foulo  fidèlo 
As  pèds  dal  Christ  en  crous  pregabo  ame  fervoît; 
Uno  femno  ennegrado  e  morto  de  doulou 
S'èro  meso  h  gihouls  al  founs  de  la  capèlo. 

Ero  pla  jouino  encaro,  èro  encaro  pla  bèlo 

E  plourabo  quauqu'un  :  —  belèu  soun  amourous, 

Belcu  soun  efantoun.  E  pamens  à  l'angèlo 

Digus  rioun  i  disio  :  «  Femno,  counsoulas-vous!  » 

Car  digus  noun  traira  lou  segren  que  ven  jaire 
Dins  lou  coi'  d'uno  femno  ou  lou  cor  d'uno  maire  : 
Essuga  de  tais  plours,  -•  digus  ou  pot  gausa.  . . 

Se  l'amaro  douloù  sus  t.erro  toujour  reno, 
Cal  pot  te  counsoula  dins  ta  divino  peno, 
Tu  que  plouros  un  Dieu.  Mater  dolorosat 

C.  Laforgi  ; 
Langued  h  ion,  Quaran!  s  el  ses  cm  ron  . 

MATER  DOLOROSA 

C'était  le  Jeudi  Saint,  et  la  foule  fidèle—  aux  pieds  du  Christ  en 
croix  avec  ferveur  priait;  —  une  femme  vêtue  de  noir  et  mourante 
de  douleur  —  s'était  mise  à  genoux  au  fond  de  la  chapelle. 

Elle  .1  il  jeune  encore,  elle  était  encore  bien  belle  —  et  elle 
pleurait  quelqu'un  :  peut-être  celui  qu'elle  avait  aimé.  -  peut- 
être  son  enfant.  Et  cependant-  —  nul  ne  lui  disait :«  Femme,  con- 
solez-vous. » 

Car  nul  ne  peut  écarter  le  ehagrin  qui  vient  s'abattre  —  sur  le 
cœur  d'une  femme  ou  le  cœur  d'une  mère;  — essuyer  de  tels 
pleurs,  nul  ne  peut  l'oser. . . . 

Si  l'amère  douleur  se  plaint  toujours  sur  la  terre  —  qui  peut  te 
consoler  dans  ta  divine  peine,  —toi  qui  pleures  un  Dien,  Materdo- 
lorosa?  C     Lafobgue. 

1  Imité  d'un  sonnet  françaisde  M  Baluffe. 
Littéralement:  Et  cependant  a  l'angele.  Angrlo  est  eu  langue  d'Oc  le 
féminin  de  angel.  ange. 


DISCOURS    ET   BRIN  DES 

PRONONCÉS    A    AVIGNON 

Par  MM.  Mistral,  Bonaparte-Wyse,  Marrus  Girard,  Laforgue 

et  Tavan 


Dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  reproduire  tous  les 
blindes  prononcés  le  21  mai  dernier  à  Avignon,  lors  de  la  réunion 
annuelle  du  félibrige.  les  lecteurs  de  la  Revue  nous  sauront  gré  de 
mettre  sous  leurs  yeux  trois  fragments  du  discours  de  M.  Mistral 
et  quatre  toasts  qui  nous  ont  été  communiqués  par  les  auteurs  : 
MM.  ravan,  Bonaparte-Wyse.  Laforgue  et  Ma  riu  s  Girard. 

S'es  meritous  e  ounourable,  Tome  que  sauvara  un  rnanu- 
scri  precious,  que  metra  dins  soun  lustre  uno  telo  de  mèstre  o 
que  dessousterrara  uno  Venus  arlatenco,  quet  ounour,  quento 
glôri,  quento  satisfacioun  patrioutico  recoumpensara  pas  lis 
erudit  e  li  pouèto  qu'empacharan  de  s'avali  lou  lengage  d'un 
pople! 

Uno  lengo.  lou  sabès,  n'es  pas  l'obro  fatisso  d'un  orne  o  de 
plusiour,  ni  mai  d'uilo  Acadèmi,  ni  d'un  régime  quint  que  sie- 
gue.  Uno  lengo,  me  sèmblo,  es  quaucarèn  d'aguste  e  de  miste- 
rious  e  de  meravihous;  car  es  lou  recatadou  d'aquelo  lumiero 
auto  qu'an  apela  lou  Verbe. 

Avès  ausi  parla  d'aquéli  jasde  mino  ounto  s'atrobo  escricho 
pèr  la  longo  dou  tèms  l'istôri  espetaclouso  de  la  creacioun  don 
mounde; -ounte  se  vèi  d'erbasso,  d'aubre  carbouncla,  de  pèiro 
clauvissouso,  d'animalas  afrous,  que  sounli  testimôni  direvou- 
lucioun  dôu  globe. 

Eh  bèn  !  Messies  e  Pamo,  uno  lengo  retrais  à-n-un  jas  mi- 
nerai! ;  car  au  founs  d'uno  lengo,  se  ie  soun  despausa  tôuti  li 
refoulèri.  tôuti  lis  escaufèstre,  tôuti  li  sentimen,  tôuti  li  pensa- 
inen,  de  dès.  de  vint,  de  trento,  de  cent  generacioun. 

Uno  lengo  es  un  clapas  ;  es  uno  antico  foundamento  ounte 

chasque  passant  a  tra  sa  pèço  d'or  o  d'argent  o  de  couire;  es 

an  mounumen  inmènse  ounte  cbascofamiho  acarrejasapèiro, 

ounte  chasco  ciéuta  a  basti  soun  pieloun,  ounte  uno  raço  en- 

.tiero  a  travaia  de  cors  e  d'amo  pendent  de  cent  e  de  miio  an. 

Uno  lengo.  en  un  mot,  es  la  revelacioun  de  la  vido  viclanto, 
Iamanifestacioun  dèlapensado  umano,  l'estrumen  subre-sant 
di  civilisacioun  e  iou  testamen  parlant  di  soucieta  morto  o  vivo. 

Fau   boulega  pèr  viéure,  fau  cambeja  pèr  se  gandi.  e  fau 

uada  pèr   se    sauva Arregardas  un  pan  ço  que  s'es  fa 

■lespièi  vint  e  quàuquis  an  ! 


?:■  DISCOURS    ET    BR1NDKR 

Erian  set,;  tout-beu-just,  à  noste  brande,  e  aro  sian  très  cent  ! 

Lalengo  èro  chauchado,  abandounado,  agarrussido,  coumo 

lapauro  Cendrouleto e  Cendrouleto  boufo-fio,  tant  lèu  que 

sa  meirino,  la  fado  di  bèu  vers,  Ta  toucado  do  sa  broco,  a 
caussa gaiamen  lou  sabatoun  de  vèire,  e  vuei,  coumo  uno  nô- 
vio,  à  si  sorre  despichouso  pou  moustra,  elo  peréu,  sijouièu. 
«i  beloio  e  sa  courouno  de  Coumtesso. 

E  que  sièr  d'avé  pôU?  Sian  arma  pèr  la  lucho  mai  que  ço  que 
Ton  crèi. 

Li  proudu  literàri  de  nosto  Reneissènçonous  an  apouderalou 
mounde  di  letru  ;  li  travai  di  prouvençalisto  nous  an  dubert  à 
brand  lou  mounde  di  sabènt  ;  e  li  publicacioun  destinado  à  la 
t'oulo,  talo  que  armanao  journau  prouvençau,  nous  fan  dintre 
lou  popleuno  poulido  proupagando. 

Àvèn  de  mai  à  nosto  ajudo  lou  crid  dôu  sang  e  de  la  terro, 
que  podon  bèn  badaiouna,  mai  que  jamai  ostoufaran;  avèn 
lou  sentimen  inna  d'independènci  que  tout  orne  qu'es  orne 
porto  dintre  soun  pitre  ;  aven  enfin  pèr  nautre  la  naturo  in- 
vinciblo,  lou  soulèu  que  dardaio,  lou  mistrau  que  bacello,  li 
gaudre  dis  Aupiho  e  li  revôu  dôu  Rose,  la  broufounié  de  nosto 
mar,  li  caire  e  recantoun  de  noste  terradou,  li  garrigo,  li  serre, 
li  mountagno  inbrandablo  ;  en  un  mot  li  causo  eterno  dôu  païs, 
qu'emé  si  noum  rouman,  dindant  e  felibren,  de  paire  en  fiéu, 
de  siècle  en  siècle,  transmeton  e  counservon  li  racino  de  la 
lengo. 

Zôu  !  dounc.  Messies  e  Damo  !  mantenen,ensignen  la  lengr. 
maire  dôu  Miejour;  e,  d'abord  que  sian  en  noumbre,  que  chas- 
cunde  nous  autre  proufèsse  ardidamen  Tapoustoulat  dôuFeli- 
brige! 

F.  Mistral. 


Salut  au  felibrige,  à  sa  fèsto  acampa  ! 
Absent,  brinde  is  absent,  i  mort,  is  ôublida  ! 
De  liuen  brinde  is  ami  qu'antan  avèn  ama  : 
Sarèn,  nàutri,  deman,  —  mort,  absent,  ôublida! 

A-n-Antounieto,  à  Gfaup,  à  Thouroun,  à  Doumas  : 
A.  Calvet,  Balaguer,  Marcellin,  Crousillat  : 
A  Ranquet,  Pelay  Briz,  au  Bringuié  bèn-ama, 
\nhoure  la  grand  coupo  !  Ami,  saludas-la  ! 

W.  Bonaparte- Wyse. 


De  Catalougno,  de  Prouvènço, 
Valent  marin  plen  de  jouvènço. 


DIALECTES    MODERNES  551 

Ensèm,  e  longo-mai,  canten  sus  nosto  nau  ! 

Vièi  quartié-mèstre,  jouini  rnôssi. 

Mourgant  la  mar  e  si  trigôssi, 
Courounen  lou  batèu  d'oulivié  freirenau. 

De  la  Patrio  fiers  amaire, 

Canten  la  terro  nosto  maire 
Qu'adus  l'ôli,  lou  blad,  lou  rasin  agradiéu. 

Alin,  perdu  sus  la  mar  semo, 

Au  brut  galoi  de  nôsti  remo, 
Canten  la  liberta,  l'amour  e  lou  bon  Dieu  ! 

Se  de  la  mar  lou  flot  s'enarco 

E  l'erso  fouito  dur  la  barco, 
Ami,  remembren-nous  noste  passa  reiau  ! 

E  nosto  nau  embandeirado, 

Que  pèr  l'Envejo  esaqueirado, 
Siavo,  veira  passa  l'aurige  e  li  caiau  ! 

Marius  Girard. 
Avignoun,  21  de  mai  1877. 


Un  gro  dins  lou  selhpu,  per  L'araire  entarrat, 
Subran  dono  naissenso  à  l'espigo  daurado 
Que,  dins  la  terro  lèu  tournamai  semenado. 
Deven  la  garbo  drudo  e  couflo  de  bel  blat. 
Tal  nautres  sen  nascuts.  La  garbo  felibrenco 
A  couniensat  per  un.  L'efant  de  Sant-Roumié 
Qu'emé  bonur  vesen  à  la  taulo  frairenco. 
Pot  reclama  l'ounoù  d'abeire,  lou  prumié, 
De  nostro  renaissenso  aubourat  l'ouriflamo. 
L'amistous  Capoulié  nous  dis  quano  emouciéu. 
Quane  trefouliment  s'emparet  de  soun  amo, 
Lou  jour  que  li  moustret  aquel  libre  agradiéu, 
Ount  de  las  flous  de  mai  la  garbeto  acampabo. 
L'escoulan  d' Avignoun,  d'acô  tout  esmougut. 
Vaqui  CauOu,  diguet,  que  moun  cor  esperabo 
Per  sescarrabiha  !  Despèi  que  n'es  vengut, 
De  cantaires  d'amour!  Sen  la  grando  familho 
Das  troubaires  nouvels.  Al  noum  de  l'amistaî,. 
Lour  cor  countent,  ravoi,  beguen  à  la  santat 
Dal  grand  renouvatou,  de  Jousé  Roumanilho! 

C.  Laforgue. 

A  tout  ço  qu'es  bèu  e  grand  :  à  la  franqueta,  à  la  justici,  à  la 
liberta  de  tôuti  li  pople  ;  à  la  fraternita  di Rouman,  à  l'unioun. 
à  la  coumunioun  de  tôuti  li  raço   latino!  —  Li  gent  se  grafi- 


252  RTRT  10ORAPHIF 

gnon,  li  vilo  se  canounon,  li   pople  se  bâton,  li  parti  s'estri- 
pon  ;  nous  àutri,  amen-nous  ! 

Messies  egai  Counfraire,  en  quitant  Marsiho  pèr  me  rendre 
à  nosto  gènto  assemblado,  moun  cor  saunavo  en  pensant  à  co 
que  se  passo  :  la  guerro  ôurrible  à  l'Ouriènt,  e  tout  proche 'li 
parti  preste  à  s'estrassa.  .  .  .  Felibrige,  bèu  e  sant  Felibrige  ! 
reviscoulo  lis  amo  endoulourido!  Foro  de  tu,  Ta  que  mescre- 
sènço,  ahiranço  e  desesperanco  :  tu,  sies  la  verita,  l'amour  e 
la  f e  !  .  .  .  Iéu  brindo  donne  au  grand  assoulaire  di  parti,  au 
Felibrige  bèn  ama  ! 

Alph.  Ta  van. 


BIBLIOGRAPHIE 


Université  libre  d'Angers.—  Textes  imprimés  ou  autographiés  à  l'usage 
du  cours  ésoférique  de  littérature  française.  N*  l.  Le  Livre  des  Ma- 
nières, par  Etienne  <Je  Fougère?,  évèque  de  Rennes  (1168-1178)  ;  pu- 
blia pour  la  première  fois  d'après  le  ms.  de  la  bibliothèque  d'Angers, 
par  P.  Talbert,  docteur  es  lettres,  professeur  au  Prytanée  militaire  de 
la  Flèche,  etc.;  V2  p.  (Prix:  1  fr.).  —  Paris.  E.  Thorin,  7.  rue  de 
Médicis. 

J'avais,  le  premier,  signalé  à  l'attention  des  romanisantsce  poème 
moral  du  célèbre  prélat,  et  j'avais  annoncé  que  j'en  préparais  une 
édition  aux  frais  de  la  Société  des  langues  romanes  (15  mars  1874. 
Uev.  des  langues  mm.,  tom.  V,  p.  fi:  autre  mention,  1875,  ibid . . 
tom.  VIII,  p.  252:  autre  mention,  1870,  ibid.,  nouvelle  série, 
loin.  I,  p.  231, — cette  fois  seulement  avec  indication  du  ms.  d'An- 
gers). 

M.  Talbert,  professeur  au  Prytanée  de  la  Flèche  et  à  l'Univer- 
sité libre  d"Angers,  ignorant  cette  particularité,  car  il  est  d'usage, 
en  pareil  cas,  de  ne  pas  profiter  des  indications  fournies  par  un 
antre  pour  le  devancer,  vient  de  faire  paraître  ce  même  texte,  or 
annonce  qu'il  complétera  cette  première  publication  par  un  com- 
mentaire et  un  glossaire. 

En  éditant  ce  texte  tel  que!,  M.  T.  a  incontestablement  rendu 
service  aux  études  romanes,  et,  à  ce  point  de  vue,  il  a  bien  fait  de 
se  bâter.  Mais,  dans  son  propre  intérêt,  comme  savant  et  cornu;*' 
professeur,  mieux  aurait  valu  qu'il  attendit  encore  un  peu,  pour  no 

as  présenter  aux  lecteurs   compétents,  et  surtout  à  -<>s  élèves,  un 


BIBLIOGRAPHIE  253 

texte  souvent  difficile,  qu'il  n'a  pas  toujours  bien  compris  ni  même 
toujours  bien  transcrit. 

(l'est  précisément  un  scrupule  de  ce  genre  qui  m'avait  fait  re- 
tarder l'édition  que  j'avais  annoncée,  et  aussi  l'impossibilité  où  je 
me  suis  trouvé,  jusqu'à  présent  de  retourner  à  Angers,  pour  y 
revoir  le  ms.  295*.  Je  tenais  d'autant  plus  à  collationner  de  nou- 
veau le  ms.  original,  que  j'avais  fait  ma  transcription  très-vite,  la 
veille  même  de  mon  départ  d'Angers.  Plus  tard,  M.  G.  Paris, 
à  qui  j'avais  eu  occasion  de  la  communiquer,  m'avait  fourni  d'utiles 
explications.  Grâce  à  celte  collaboration  d'un  instant  et  à  des  re- 
cherches persistantes,  j'étais  parvenu  à  élucider  bien  des  pas- 
sages obscurs  d'un  texte  gâté,  comme  à  plaisir,  par  l'ignorance  et 
l'incurie  du  copiste.  Mais  il  en  restait  un  certain  nombre  que 
je  ne  comprenais  pas.  et,  comptant  que  le  ms.,  mieux  étudié,  me 
fournirait  de  nouvelles  données  pour  la  solution  de  ces  différents 
problèmes,  je  reculais  encore  l'échéance  de  ma  promesse.  Je  ne 
sais  si  je  dois  renoncer  à  poursuivre  la  publication  projetée,  main- 
tenant qu'elle  n'a  plus  le  même  attrait  de  nouveauté.  En  atten- 
dant, je  dois  communiquer  au  lecteur  les  résultats  de  l'examen  que 
j'ai  fait  de  l'édition  autographiée  de  M.  Talbert,  et  dont  il  pourra 
profiter  tout  le  premier  pour  améliorer  son  travail,  s'il  persiste  à  le 
publier  en  entier. 

V.  3  et  8,  il  n'est  pas  nécessaire  de  corriger  qui  en  que.  Ontrouse 
quelquefois  qui=quem  dans  nos  anciens  textes. —  V.  9,  Veine  es  la 
roe.  J'ai  lu  joe=gaudium.  —  V.  19,  Cil  riche  ver,  j'ai  lu  rei. —  Y.  40, 
j'ai  lu  brascent. — V.  49,  ajoutez  molt  ou  quelque  chose  de  semblable 
pour  compléter  le  vers. 

V.  58,  trop  court;  lisez  Peis  n\nen\  ennorent.  —  V.  59,  j'ai  lu 
couveictisse. —  V.  63,  Les  maus..  estauciér.  Esianciert=arrêter  est  pré- 
férable. --  Y.  07,  seit.  En  note,  «  3e  pers.  subj.  prés,  de  sequere.  » 
Erreur  singulière,  qu'on  ne  peut  guère  mettre  su;-  le  compte  de  la 
distraction,  puisqu'on  la  trouve  reproduite  à  la  p.  27.  en  note,  et 
grossie  de  deux  erreurs  analogues  :  parseît  (v.  72(J^  et  enquiert 
(v.  412),  que  l'éditeur  rattache,  l'un  kpersequat  et  l'autre  à  inquirat, 
au  lieu  de  voir  en  eux  ce  qu'ils  sont  en  réalité,  c'est-à-dire  des  in- 
dicatifs présents.  Ajoutons  cependant  que,  par  une  heureuse  incon- 


1  Je  profite  de  cette  occasion  pour  remercier  l'honorable  M.  Lernar- 
chand,  conservateur  de  la  bibliothèque  d'Angers,  de  l'empressement 
qu'il  a  mis  à  me  communiquer  les  richesses  manuscrites  confiées  ù  ses 
soins. 


254  BIBLIOGRAPHE 

séquence,  M.  T.  n'a  pas  fait  de  requière  (v.  376),  qu'il  assimile  en 
note  marginale  à  enquiert  du  v.  412.  l'indicatif  de  requerre  (  ou  re- 
quérir) . 

V.  77,  il  faut  corriger pen[s]t,  ainsi  que  me  l'a  fait  observer  M,  G. 
Paris. — V.  12G,  trop  court  d'une  syllabe.  M.  T.  a  conjecturé 
terre]  aveir;  ce  qui  indique  qu'il  a  compris  Multi  sunt  qui,  etc.  Mais 
;tlors  il  faudrait  moult  sunt  qui. .  .  trichent.  Jl  vaut  mieux  lire  Molt 
est  [fous].  —  V.  132,  j'ai  lu  pécheras,  forme  qui,  à  supposer  que  le 
ms.  donne  bien  pescheras,  aurait  dû  être  indiquée  en  note  à  titre 
de  correction  — V.  1 52, proceiz.  M.  T.  n'a  pas  compris  ce  mot. 
Lisez preceis=  *  prœceptos  (prœcepta).  D'ailleurs  le  ms.  donne  pour 
le  groupe  initial  de  ce  mot  un  p  surmonté  du  tiret  horizontal,  ce 
qui  indique  pre  plutôt  que  _/>ro,  ainsi  que  M.  T.  l'a  compris  pour. 
prernis  du  v.  26. 

V.  153,  il  faut  lire,  non  deme,  mais  dévié  (i  parasite)=rfe^r,  devei, 
devet  (  ce  dernier  dans  Du  Gange  );  littéralement,  «  défendu.  » 

V.  163,  mioz  ici  n'a  pas  de  sens;  et,  en  effet,  le  copiste,  après  avoir 
écrit  moz,  s'est  ravisé,  a  souligné  m  et  tracé  un  u  au-dessus,.ce  qui 
produit  voz.  Le  vers  serait  donc  Obéir  deit  lés  communs  voz,  litt. 
Obedire  débet  communibus  votis.  Quant  au  vers  suivant,  que  M.  T. 
'toit  avoir  compris,  puisqu'il  n'a  mis  en  marge  ni  note,  ni  signe  de 
doute,  j'avoue  qu'il  me  parait  obscur.  Où  M.  T.  a  lu  lor,  j'ai  écrit 
loz,  et  je  conjecture  (timidement)  qu'il  faut  lire  ainsi  qu'il  suit  ces 
deux  vers  :  Obéir  deit  le[s]  communs  voz,  |  Se  il  sunt  bon,  totà  loz  moz. 
que  j'interpréterais  à  peu  près  de  cette  manière  :  «Il  doit,  unique- 
ment soucieux  de  son  bonneur  (totus  ad*laudium  motus),  écouter 
les  vœux  de  son  peuple,  si  ces  vœux  sont  raisonnables.  »  Pour  la 
cbute  de  s  dans  les,  cf.  v.  219,  le  bourses. 

V.  189,  le  ms.  donne,  en  effet,  il  clerc,  mais  il  faut  lire  cil  et  non 
U.  —  V.  191,  corrections  nullement  nécessaires.  — \\  196,  txwrunl 
aurait  dû  s'écrire  aur[u]nt,  le  ms.  ne  donnant  que  aurnt,  — V.  202, 
tôt  à  tire  est  la  bonne  leçon  ;  mais,  si  le  ms.  donne  à  tie,  comme 
je  le  lis  sur  ma  copie,  il  aurait  fallu  écrire  ti[r\e. —  V.  ilii,  Et  cels ; 
L'éditeur  aurait  dû  indiquer  en  note  la  leçon  rectifiée  Icels. — V.224, 
lisez  Lor  vient  [il.  —  V.  227,  lisez  cil  et  non  cil. 

V.  -231.  La  leçon  du  ms.  est  fautive,  mais  la  correction  propo.-i ■> 
par  l'éditeur  ne  paraît  pas  bien  sûre.  —  V.  228,  Do  ont  ci  malveisi 
famé.  M.  T.  intercale   il  avant  ont.  .le  préférerais  lire  Don[t]  ont 
ci[I\  [trop]  malveise famé.  —  Je  ne  comprends  pas  les  v.  241-2. 

V.  249,  j'ai  lu  clierx.  — Y.  254,  ice  afeire,  lisez  ici  à  feire.— 
V.  262,  3,  4,  j'ai  \\ipoig,  loig,  (Mgr, orthographe  qui  doit  être  conserva' 
ou  tout   au    moins   signalée.  —  V.  265.  Et  science,  j'ai  lu  Escience. 


BIBLIOGRAPHIE  «5f» 

qui  vaut  mieux. —  V.  "266,  j'ai  lu  demestre. — V.  268,  Preute  au  do- 
uer n'a  pas  de  sens.  Lisez prente,  c'est-à-dire  «  mets-toi  »  adonner. 
— V.  269,  70,  71 .  Ces  trois  vers  sont  toujours  obscurs,  même  après 
ies  correction  de  M.  T.  Au  v.  271,  j'ai  lu  i  =  ibi,  qui  vaut  mieux 
que  il. 

Y.  294.  rente.  J'ai  lu  rende.  —  Y.  3U2,  renduz.  J'ai  \\x  penduz  .  — 
V.  308,  fausret.  J'ai  lu  faustet.  M.  T.  corrige  «  les  faus  rez  = 
reis  ».  J'ai  conjecturé  faus  tez.  =  falsos  testes:  correction  qui  u. 
l'avantage  de  se  tenir  très-près  de  l'original  (tel  que  je  l'ai  lu)  et 
qui  convient  au  sens  général  de  la  phrase,  mais  qui  n'en  reste  pas 
moins  à  l'état  de  simple  hypothèse,  vu  que  je  ne  connais  pas  d'autre 
exemple  authentique  de  test  =  testis. 

Y.  312,  se  court.  J'ai  lu  se  corut.  Si  ma  transcription  est  exacte, 
le  vers  se  retrouve  sur  ses  pieds,  et  il  n'est  plus  nécessaire  de  le 
compléter  avec  le  monosyllabe  et.  —  V.  313,  rente.  J'ai  lu  rende. — 
Y.  320,  Peis  est  ici  synonyme  de  post  et  non  de  partira.  —  V.  331. 
Tout  les  vices  lor  deit  tochier.  J'ai  lu  toz,  rochier.  Toz  est  plus  cor- 
rect que  tout;  et  rochier,  si  c'est  bien  la  leçon  du  ras.,  doit  être  con- 
servé, car  il  est  plus  énergique  que  tochier.  —  V.  334,  ni  qu'il  n'i 
loche.  J'ai  lu  ne  qu'il  i  toche,  ce  qui  vaut  mieux.  —  V.  346,  n'en  est 
dreit.  Si  j'ai  bien  lu,  il  faudrait  nen  [e]st.  —  Y.  347  hole  escole.  Le 
copiste  avait,  en  effet,  tracé  d'abord  un  h,  mais  il  m'a  semblé  qu'il 
l'avait  corrigé  en/. 

V.  352,  communer.  N'y  a-t-il  pas  conmuner  en  toutes  lettres?  — 
Y.  357  D'aumônes  mou\l\t,  aumosnier  seit.  J'ai  lu  D'aumônes  vit,  ce  qui 
présente  un  s?ns  excellent  et  donne  un  beau  vers.  —  V.  361,  aux 
sons.  J'ai  lu  aus.  — Y.  364,  soutenir.  J'ai  lu  sostenir.  — Y. 393,  M.  T. 
a  biffé  Vu  de  moult,  ce  qui  semble  indiquer  que  le  ms.  porte  molt. 
en  toutes  lettres.  Or,  si  j'en  crois  ma  copie,  ce  mot  est  écrit  ici. 
comme  partout,  sous  forme  abrégée.  Même  observation  pour  molt 
du  v.  395. 

Y-  416, sa  honte.  J'ai  luj'a.qui  doit  être  la  bonne  leçon. —  Y.  419. 
Ne  n'en  furent.  J'ai  lu  Une  n'en  furent.  —  Y.  420,  Ni  de  pechié.  J'ai 
lu  ne;  —  V.  422,  Deit  arcevesque[s].  Puisque  l'éditeur  rétablit  ici  la 
bonne  orthographe,  pourquoi  n'en  a-t-il  pas  fait  autant  partout,  et 
notamment  au  vers  405,  où  arcevesque  est  également  au  nomi- 
natif?—  V.  424  (en  note),  Deire  =  docere  non  dicere.  Est-ce  bien 
sûr? 

Y.  431,  2,  Quar  correil  meint  en  sa  me  j, sure  )  S'il m' 'est  forfet  par 
desmesure.  Que  signifie  correil?  J'ai  lu  corteis,  qui  doit  être  ia  bonne 
leçon.  Pourquoi  mei[s]sure  au  v.  431 .  et  desmesure,  non  desme[ï]sure, 
au  vers  suivant?  Au  lieu  de  forfet,  j'ai  lu  sorfet.  —  V.  443,  Ou  lei- 


:r,  BIBLIOGRAPHIE 

dément  m  atort  prendre.  11  faut  lire  avec  le  ms.  ou  à  tort.  —  V.  155, 
victoire.  «T'ai  lu  vitoire. —  V.  156,  avitoire.  — De  même  au  v.  163  :  il 
Faut  lire  ajutoire  ou  aiutoire  =  adjutoriwm. 

\  .  461 ,  Por  tote  gent  et  apostoire.  Le  ms.  donne  '<r  et  laisse  un 
blanc  pour  la  majuscule  initiale,  qui  n'a  jamais  été  tracée.  M.  T. 
aurait  donc  'lu  mettre  le  p  de  Par  entre  crochets,  pour  indiquer 
que  c'est  une  lettre  de  remplissage.  D'ailleurs,  cette  restitution 
n'est  pas  heureuse.  C'est  sor  =  super  qu'il  fallait  lire,  de  même  est 
et  non  et.  —  V.  468,  Et  les  rebelles  reporter  J'ai  lu  raorter,  qu'on 
peut  rattacher  à  la  môme  famille  que  hurter,  ahurter,  réhwter, 
reorter . 

V.  470,  Plus  tôt.  Le  ms.  donne  en  effet  lot;  mais  pourquoi  ni 
l'avoir  pas  corrigé? —  V.  473,  soallume.  J'ai  lu  seastume. —  V.  175, 
lin  délie.  M.  T.  écrit,  en  marge  «  d'Elie?  »  Il  est  inutile  de  recourir 
a  la  Bible  pour  l'explication  d'une  forme  aussi  connue  :  cf.  Et  desut 
un  surpliz  blanc  e  délié  (ou  deljé     e  bel  (Th.   le  Martyr,  a \>.  Lit t ré   . 

—  V.  476,  Qui  tôt  est  ars  et  totems  fume.  En  marge  «  ou  cortens  = 
œrttens).  La  correction  proposée  est  ingénieuse,  mais  paraît  forcée. 
En  tout  cas,  elle  ne  suffit  pas,  et  la  première  partie  du  vers  doit 
être,  elle  aussi,  soumise  a  correction.  Je  crois  qu'il  faut  changer 
tôt  en  tost.  Quanta  totem,  j'avais  lu  cotens,  et  je  ne  crois  pas  mètre 
trompé.  Cette  lecture,  si  elle  est  exacte,  ajouterait  un  peu  plus  de 
probabilité  à  la  conjecture,  de  M.  T. 

V.  491,  la  veine.  J'ai  lu  V  areine,  qui  convieu!  mieux  que  la  ceine, 
comme  synonyme  de  gravelle,  employé  un  peu  plus  lias  dans  le 
v.  495.  exacte  contre-partie  du  v.  491.  —  V.  553,  odè.  Lisez  De. 

—  Y.  530,  M.  T.  corrige  mesprennent  en  reprennent,  «l'ai  conjecturé 
ne  prennent.  —  V.  532,  plus  son  Dé  ge[n]nent.  J'ai  lu  jdus  sendegen- 
nent.  Son  est  inadmissible,  il  faudrait  lor.  Il  est  certain  que  la  bonne 
leçon  est  s'en  degennent(  cf.  plus  Pas,  v.  592  et  648;,  de-genner étanl 
considéré  comme  formé  du  même  radical  que  es-gener. 

V.  553,  4  :  Grainor  fei  deit  sire  a  son  home  \  Que  non  a  seignor  et  a 
dome.  Enlisant  won,  M.  T.  change  le  .-ens  et  affaiblit  d'autant  la 
mâle  simplicité  de  ce  beau  vers.  Lisez  avec  le  ms.  que  on,  et  pour 
plus  de  clarté  que  hon  —  <im\ui  homo.  —  V.  573-75.  Je  rétablirais 
ainsi  ce  quatrain,  qui,  comme  l'observe  M.  T.  n'est  ^uére  intelli- 
gible dans  le  ms. 

Q  tant  il  revient,    i  les  refrapel  ms.  si  li 
Si  lor  (  ms.  li)  rescot  très  bien  la  chape. 
Si  que  pas  unsdelsen  reschape   . 
Cil  (  ms.  sil)  sun  l  marit  et  cil  font  fins,  son)   jabe. 

V    581.  C)  J'ai  lu  Choiles;  Charles  n'a  pas   de  -ens.  L'édi- 


BIBLIOGRAPHIE  257 

teur  ne  fait  pourtant  pas  d'observation  à  ce  sujet.  Choiles  =  cheles, 
Mêles,  chaeles  (  G.  Paris  ). Voir  dans  le  Jahrbuch  (XII,  2e p.,  p.  213, 
214)  l'intéressant  article  de  M.  Tobler.  — V.  h83,forfet.  J'ai  lu  sor- 
fet,  qui  vaut  mieux. 

V.  598,  Qu'enleialté  vistsonjovent.  Lise*;  avec  le  ms.  ust,  subj.  de 
user.  —  V.  6U9,  10.  Le  sens  est  «  Puisqu'il  doit  fournir  [la  dîme] 
do  son  propre  blé,  que  sera-ce  s'il  prend  celle  d'autrui?»  Con  lo  (p. 
le)  sera  de  l  autrui  prendre?  M.  T.  a  lu  Con  l'osera,  sans  marquer  l'in- 
terrogation. Son  interprétation,  jele  reconnais,  est  très-soutenable, 
d'autant  plus  qu'elle  ne  change  rien  à  la  leçon  du  ms.,mais  encore 
faut-il  modifier  la  ponctuation  dans  le  sens  que  j'indique.  —  V.  61 1 . 
Ice.  j'ai  lu  Et  ce. 

V.  624,  Ne  pour  engin.  Lems.  donne  par,  en  abrégé,  qui  est  pré- 
férable. —  V.  (j2Q,pener.  Ms.  pener  avec  le  tiret  horizontal=^>enner 
— V,  1334,  terveier .  Ce  mot  n'offre  aucun  sens.  Lisez  avec  lems. 
torneier,  prendre  part  à  un  tournoi.  — Y.  627,  Don  Jhesu  Cris  dist. 
Et  en  marge  «don  =  dominas.  ••  Le  ms.  porte  dun=  de  unde,  c'est 
pourquoi.  Le  sens  est«.De  là  vient  que  Jésus-Christ  dit,  etc.»  — 
V.  654,  toit.  C'est  la  forme  correcte,  mais  il  fallait  indiquer  que 
le  ms.  donne  tost. 

V.  655,  Li  un  de  de  les  des  asenble.  Et  en  marge  «Corrige/  des 
dus  les  dus,  ou  :  des  deis  les  deis  .»  Il  n'est  pas  nécessaire  de  mo- 
dilier  le  texte  du  ms.,  si  on  lit  «  Li  un  de  Dé  les  desasenble.  »  Li  un, 
c'est  le  glaive  de  l'Eglise,  qui  par  l'excommunication  sépare  de 
Dieu  les  coupables  {les  maubailliez) . — V.  656,  li.  Peut-être  faut-il 
le  corriger  en  lor. — V.  691 ,  le  plus  bel.  J'ai  lu  lies,  qui  ne  va  guère. — 
V.  698,  sisires  [l'}enerre.  J'ai  lu  enerte,  qui,  si  ma  copie  est  fidèle, 
se  rattacherait  au  même  radical  que  cnartos,  artificieux.  Enerre,  si 
c'est  en  effet  la  leçon  du  ms-, donne  aussi  un  sens  satisfaisant. — 
V.  699,  gaine.  11  faut  lire  grinne,  lems.  donnant  gune  ou  gnne  avec 
i  complémentaire  =  ri  au-dessus  de  gn.  Le  sens  est  «  ou  par  des  flat- 
teries ou  par  des  tracasseries.  » 

V.  700,  En  quanquesens  qu'il  l'esgaugine.  J'ai  lu  quauque  =  quel- 
que. Quant  à  esgaiHjine,  il  est  certain  qu'il  faut  le  lire  esgaugrine,  \'i 
en  surcharge  équivalant  ici  à  ri,  comme  dans  le  vers  précédent 
pour  griiie.  Ce  qui  complète  la  démonstration,  c'est  que  ce  mol 
est  écrit  en  tontes  lettres  au  v.  94,  où  M.  T.  a  lu  esgangrinier.  Peut- 
être  faut-il  substituer  »  à  m  dans  la  seconde  syllabe.  Mais,  quelle 
que  soit  sur  ce  point  la  bonne  orthographe,  une  chose  hors  de 
doute,  c'est  que  ces  deux  mots  doivent  s'écrire  de  la  môme  ma- 
nière. 

V.  718,  Une  remercie. Le  signe  d'abréviation  doit  se  résoudre  en 

19 


253  BIBLlOGRAHHll 

n.  Il   faut  lire  11  n'en,  merde  ;  ce   qui   supprime  toute   difficulté.  — 

V.  71'.),  que  a  wn  chien.Lems.  ne  donne-t-il  pas  quel  '?  — V.  724,  voir, 
que  donne  en  effet  le  ms.,  doit  ee  corriger  en  veeir  =  videre.  — 
V.7'25,  il  ne  faut  pas  de  virgule  après  noolz. — V.726.Très-eor- 
rompu.  On  ne  lit  bien  que  qui.  .  .  <jent  une  et  le  ou  les  mots  que 
M  .T. a  eu  soin  de  reproduire  en  fac-similé. — V.727,  si  je  m'en  vois. 
J'ai  lu  m'ennois. —  V.  729,  Hâtant.  J'ai  lu  a  tant,  qui  me  parait  pré- 
férable.—  V.730,  toit.  C'est  la  bonne  forme,  mais  le  ms.  ne  donne- 
t-il  pas  tost? 

V.  735,  semonte.  La  rime  exige,  en  effet,  cette  forme.  Cependant 
j'ai  lu  semence.  —  V.  736,  jarbe;  j'avais  \ujaise,  que  je  corrigeais  en 
jaille,  mesure  de  capacité. —  V.  737.  M.  T.  a  lu  Dé  mande  pur  autal 
eusenple,  vers  inintelligible:  Ma  copie  porte  Demande  par  autal  con  li 
'Hjtle,  ce  qui,  en  changeant  le  dernier  mot  en  semble,  donne  un 
sens  raisonnable. Mais  le  vers  est  trop  long  d'une  syllabe,  incon- 
vénient qui  disparaît  si  l'on  supprimera/-  et  si  l'on  n'élide  pas  Ye 
de  Demande  devant  autal.  Cf.,  pour  une  particularité  analogue,  le 
v.  842.  Quant  à  tost  et  cost  des  vers  suivants,  je  les  corrigerais  en 
toit  =  tollit  et  coït  =  col ligit. 

V.  746,  [Et]  dojpremieret  do  regain.  Il  est  plus  sûr  de  corriger  re- 
g[a]ain,  correction  analogue  à  celle  que  M.  T.  a  fait  subir,  et  avec 
raison,  à  gain  du  v.  874.  —  V.  749,  contout;  j'ai  îu  contint.  — V.  750, 
Hais  cil  qui  [cler]seitvair  el  nombre,  Et  en  marge  elombre.  J'ai  lu  mes, 
et  non  mais.  Cler  est  inutile.  Voir  doit  se  corriger  en  reeir,  comme 
plus  haut,  v.  724.  Quant  à  nombre,  je  ne  le  comprends  pas.  et  la 
correction  proposée  par  M.  T  .quoiqu'elle  se  présente  la  première, 
me  paraît  douteuse.  Dans  tous  les  cas,  il  faudrait  en  V,  el  pouvant 
représenter  en  le,  mais  non  en  la. 

V.  757.  Je  crois  que  la  lacune  indiquée  porte  sur  le  second  hé- 
mistiche de  ce  vers  et  sur  le  premier  du  suivant: 

Dis  li  :  a  Malvès 

mes  or  t'ammende. 

Quar  ne  veil  pas  que  l'en  me  rende 
0  tricherie  m'ouferende.  »  ' 

M.  T.  a  lu  le  v.  757,  Dist  li  :  «  Malvèst  mes  ex  amende.»  Il  ajoute 
en  marge  «  ex  ou  ox  =  oes,  cf.  St-Alex.,  v.  503  »,  et  fait  porter  ex- 
clusivement la  lacune  sur  le  vers  suivant. 

V.  761,  A  cel[u]i  quisetcontrr  totes.  J'ai  lu  cel.  Si  cette  lecture  esl 
exacte,  je  préférerais  corriger  totes  en  tres]totes.  --  V.  762,  goûtes. 
J'ai  \\igoitte8.  —  Y.  7 < ", 7 .  Eu  l'ostal.  J'ai  lu  lostas.  H  faut  en  V estai. 
—  V.  768,  Porcequt  poeutènjoïr.  Le  groupe  de  lettre  compris  entre 
/"'  et  /  linal  île  /moi/  pourrait  aussi  représenter  eu.  Ce  que  M.  '1 


lîIBLlOGRAHHIK  259 

lu  en  est  trop  long  pour  une  forme  si  courte.  Mon  fac-similé  repré- 
sente un  o  faiblement  ébauché,  suivi  d'un  u  et  de  deux  autres  jam- 
bages assez  semblables  à  deux  c  incomplètement  formés. 

"V.  769.  Ce  vers  n'est  pas  plus  clair  après  qu'avant  la  correction 
de  M.  T.  —  V.  772,  Puis  l'art  tôt  cum[me]fou  celestrc.  J'ai  lu  o  sem 
=  o  son,  cum  suo,  au  lieu  de  cum[mé\.  Celestrc  est  en  effet  la  bonne 
leçon;  mais  le  ms.  ne  donne-t-il  pas  celistre?  — V.  791,  Quildriez. 
J'ai  lu  queldriez.  —  V.  792,  seisance,  ce  qui  n'offre  aucun  sens.  J'ai 
lu  reisance,  qui  est  la  bonne  leçon. 

V.  80i.  Ans  riteiens.  Le  ms.  donne  s  cideiens.  Le  blanc  destiné  à 
la  lettre  initiale  n'a  pas  été  utilisé.  11  faut  donc  rétablir  la  lettre 
absente,  mais  une  seule  et  non  deux,  comme  l'a  fait  M.  T.  sans 
prévenir  le  lecteur.  La  leçon  complète  du  ms.  est  donc,  bien  cer- 
tainement, \_A\s  cideiens. — Y.  807 ,  fineiant '.  Ce  mot  n'a  pas  de  sens. 
H  faut  lire  avec  le  ms.  termeiant.  —  V.  809,  se  il.  J'ai  lu  sil=  s'il. 
Dans  le  cas  où  j'aurais  bien  lu,  il  faudrait  rétablir  la  mesure  en 
corrigeant  march[e]andisse.  —  V.  826  ne  forfeire.  J'ai  lu  sorfeire. 

V.  833,  Por  dez  preste  qui  poi  vault  quatre.  En  marge  :«  Dez= 
deis  =  deux.  Poi ',  corrig.  peis.»  —  Le  texte  du  ms.  ne  doit  subir 
aucun  changement.  Le  sens  est  «Il  prête  pour  dix  ce  qui  vaut  à 
peine  quatre.  »  —  Y.  834,  Jles  est  eure  seit  lien  abatre.  Le  groupe 
que  M.  T.  a  interprétée*'/  n'offre  pas  une  lecture  certaine:  on  ne 
sait  si  on  doit  lire  eis  ou  eil.  Quant  à  eure  seit,  il  n'y  a  pas  de  diffi- 
culté, il  faut  lire  en  reseit.  —  V.  825.  Le  ms.  donne  en  effet  descocr 
gatre.  Mais  qu'est-ce  cela  peut  bien  signifier?  Je  ne  comprends 
guère  non  plus  le  vers  qui  suit,  où  M .  T. a  lu  en,  que  je  vois  sur  ma 
copie  écrit  an.  —  V.  837,  Il  quide  aveir  chastel  ou  monte.  J'ai  lu  si 
au  lieu  de  il.  Il  faut  lire  chatel  =  capitale,  capital.  Le  ms.  donne 
diastel  avec  s  pointé. 

V.  847,  cil  jieire.  Inintelligible.  Lisez  avec  le  ms.  treis peire,  trois 
paires.  —  V.  848,  quitance.  J'ai  lu  quittance.  —  Y.  854,  qui  ce  veit 
et  ne  grive  ou  tence.  Que  signilie  grivel  II  faut  lire  grine.  Cf.  plus 
haut  le  v.  699.  —  V.  868,  se  conseille.  J'avais  lu  s'esconseille. 

Y.  873,  Corteis.  Ce  n'est  pas  un  lapsus  calami,  puisque  M.  T.  a 
reproduit  le  même  mot  dans  le  court  sommaire  qu'il  a  intercalé 
entre  le  168e  et  ie  169e  quatrain.  Il  est  facile  de  rectifier  cette  erreur 
en  se  reportant  au  ms.  Il  donne,  en  effet,  orzeis  précédé  du  blanc 
que  devait  occuper  la  majuscule  initiale.  Mais  qui  ne  voit  que  la 
lettre  absente  est  un  b  et  non  un  c?  —  Y.  cS7.".,  li.  M.  T.  a  eu  la 
main  malheureuse  à  la.  lin  comme  au  commencement  de  ce  qua- 
train :  il  accentue  de.  qui  pour  lui  est  ici  l'équivalent  de  Dieu.  Le 
sens  est  îles  plus  clairs.  Il  faut  mettre  un  point  upres  seroise, rétablir 


2(30  BIBLIOGRAPHIE 

la  préposition  de  là  où  M.  T.  a  lu  De  =  Dieu,  effacer  le  point  après 
menantise,  et  rattacher  ces  deux  vers  au  premier  vers  du  quatrain 
suivant.  On  remarque  ailleurs  d'autres  exemples  de  cet  empiétement 
d'un  quatrain  sur  l'autre. 

V.  881.  M.  T.  a  bien  reproduit  la  leçon  du  ms.,  niais  je  ne  réta- 
blirais pas  ce  vers  comme  il  le  fait.  Je  lirais  aint  =  amet,  qui  se 
trouverait  ainsi  au  même  mode  que  ennort  du  vers  suivant.  On  y 
gagnerait  aussi  de  rétablir  la  mesure.  Quant  à  ne,  je  le  corrigerais  en 
en.  — V .  882-3.  Et  le  anort  et  aiirt  meesme  \  Se  face  confès  en  quareime. 
J'ai  lu  l'ennort  et  a  lui  meesme,  etc.  Si  ma  lecture  est  exacte,  il  n'y 
aurait  plus  de  difficulté  :  «  et  à  lui  même  se  confesse.  »  Aiirt  = 
adoret  me  paraît  dans  tous  les  cas  inadmissible.  Conçoit-on  que 
l'évèque  do  Rennes  ait  pu  dire  qu'il  faut  non-seulement  honorer, 
mais  encore  adorer  son  curé,  «  tant  en  seit  pesme,  litt.  quelque 
mauvais  qu'il  soit?  »  Que  resterait  il  pour  Dieu?  —  V.  884.  11 
n'est  pas  nécessaire  de  déplacer  les  mots.  On  trouve  assez  sou- 
vent dans  d'autres  poëmes  le  même  mot  répété  à  la  rime. 

V.  88.",  Del  gaain  qu[e]il  pora  veir.  C'est  la  leçon  du  ms.,  mais 
elle  est  corrompue.  Je  rétablis  ainsi  ce  vers:  Del  gaain  qu'il  ara 
por  veir.  — V.  888,  avoir.  J'ai  lu  aveir.  Je  préférerais  lire  le  son  aveir. 

—  V.  891,  do  usure.  11  faut  corriger  do  en  de,  en  ajoutant  que  le 
copiste  substitue  parfois  Yo  à  ï'e;  cf.v.  766  domo  =  deme  =  demie- 

—  V.  892,  sas.  J'avais  lu  sai. 

V.  8(J3,  Mainna  quiram  ueruose.  J'avais  lu  ila  au  lieu  de  na,  rem 
au  lieu  de  ram,  neruose  au  lieu  de  ueruose.  La  correction  proposée 
par  M.  T.  me  paraît  lionne:  Maint  i  a  qui  rienneréuse. —  Y.  896, 
encasu.  M.  T.  corrige  bien  en  accuse.  Mais  je  n'accepterais  pas  son 
interprétation  de  pois,  que  j'identiflerais  kpejus  plutôt  qu'à  parum. 
«  C'est  encore  plus  mal  qu'il  ne  le  croit  quand  il  s'en  accuse  au 
eonfessional.  »  Suit  la  plaidoirie  plus  embarrassée  qu'embarras- 
sante de  notre  pénitent.  «  Ne  féis  (c'est  ainsi  que  je  corrigerais) 
pas  fet  convenant  mes  charité  par  avenant;  c'est-à-dire,  l'occasion  se 
présentant  {par  avenant),  c'est  une  ebarité  que  j'ai  laite  et  non  un 
véritable  marebé.  »  —  V.  899,  Qui  tu  me/et.  Lisez  Qui  lu  me  fet  = 
Qui  illiim  mihifadt  (eleemosynam )  prœhendt,  mute  de  homine,  etc. 

V.  '.lii-J.  7'/'///  a  fit,  que  M.  T.  corrige  en  qu'il  a  fet,  doit  se  lire 
qu'il  lu  fit  (ibi  fecit) .  —  V.  905,  Miuz  vodroi  çjc  qu[e]  a  dreit  conte. 
Ne  vaut-il  pas  mieux  lire  vodroi[e]  ge  qu'a?  Le  vers  y  retrouverai! 
sa  mesure,  et  !<■  verbe,  son  vrai  mole.  — V.  9 12, fere necestt .  Lisez 
„,  ceste  =  non  *<<*'<itat  (cessât).  —  V.  <è\b,peleiz.  Lisez  avec  le  ms. 
peseiz. — V.  916,  ne  leit  eschars.  Ze/Mi'olïre  ici  aucun  sens.  Lisez 
seit  =  s//.  —  V.  918,  me  de  droe  por  me  </<  aveîne.  -l'ai  lu  d'aveine. 


BIBLIOGRAPHIE  261 

J'accentuerais  mé  =  [mei\  =  moi  =  modium.  — V.  930,  Escommun- 
gier.  J'ai  lu  escommungér.  — V.  942,  pour.  M.  T.  n'a  pas  compris 
ce  vers.  Lisez  avec  le  ras.  pout  =  pavit,  litt.«  Quomodo  ante  pavit, 
alterum  taie  postulat.  » 

V.  950,  Ques  amez  sor  toterien.  M. T.  ajoute  en  marge:  «vers  faux 
ques par  amez(!)  »  .M.  T.  a  raison  ne  présenter  son  observation 
sous  forme  dubitative.  Il  faut  en  tout  cas  que  et  non  ques;  etpuison 
lit  dans  lems.  que  ves,  qui,  étant- données  les  habitudes  du  copiste, 
se  résout  tout  naturellement  en  que  vos. — V.  954.  0  nul  escommun 
gié  commune.  Lisez  escommunge .  Litt.  «  n'ayez  avec  personne  excom- 
munication commune  » — V.  961,  Por  ce  trop  fol  est l  cil  qui  se  plonge .» 
Je  crains  que  l'éditeur  n'ait  pas  beaucoup  mieux  lu  la  seconde  fois 
que  la  première.  Du  moins  ma  copie  donne  Por  ce  est  trop  fol  cil 
quiseplunge,  leçon  qui  est  fort  bonne. 

V.  963,  aurunge.  Lisez  au  runge . —  V.  ^IX.  La  nous  aloint  ou 
rien  ne  deolt.  Que  signifie  alnint  ?  J'ai  lu  alout  =  ad-locet,  qui  est 
évidemment  la  bonne  leçon.  — V.  976,  Malen  asez  conte  nov elles . 
En  marge  «  Et  non  :  M'a  l'en  asez  conté. . .?  »  Cette  lecture  est  la 
seule  bonne,  et  l'on  ne  comprend  guère  l'hésitation  de  l'éditeur. 
—  V.  987.  Que  l'en  leist  encor  ce  en  sennes.  En  marge,  «  Corrig  :  en- 
core(?)  en  sennes.  »  Ce  passage  est  en  effet  corrompu  ;  ne  pourrait- 
on  le  rétablir  ainsi  :  Que  l'en  leist  en  cort  e  en  sennes?  — V.  997,  Âpraz 
se  tient  et  agueirie.  En  marge.  «  Corrig.  aspreÇ!)  »  Je  crois  plutôt 
qu'on  doit  lire  a  proz  se  tient  et  a  gueirie  =  guarie.  Litt.  «elle  se 
tient  à  preuz  et  à  bien  défendue»,  si  beaucoup  de  personnes  se 
font  tuer  pour  elle.  Crànerie  de  coquette.  —  V.  1004,  ne  li  chaut 
par  un  past  ne  trese .  J'avoue  que  je  ne  comprends  pas  par  wnpast 
ne  trese.  La  ponctuation  de  ce  quatrain  doit  être  modifiée.  Mettez 
un  point  après  avengier,  et  deux  points  après  blastengier. 

V.  1010,  enlaidenge.  11  vaut  mieux  lire  en  laidenge.  —  V.  1020. 
confère.  En  marge,  «  lecture  douteuse.  »  J'ai  bien  lu  confère  =  cqn- 
ficere,  qui.  du  reste,  est  bon. —  V.  1021,  C'eut  dahez  cel  or  qui  ment. 
En  marge,  «  Cent  ait  dahez.  »  Je  préférerais  cent  dahez  ait. 

V.  1030,  par  hj  prophète.  J'ai  lu  li. —  V.  1043,  raït.  J'ai  lu  raïs  = 
radicem.  —  Y.  1050,  Ettalia. .  .  qui  seimeïme  ocit.  En  marge,  a  Corrig. 
que.»  La  correction  proposée  est  fautive.  La  bonne  leçon  est  celle  du 
ms.  —  V.  1051,  Quant  son  effani  ocire  guide.  J'ai  lu  quide=scogitat} 
ce  qui  est  la  bonne  leçon. — V.  1054,  tanoille.  Et  en  marge, «  Conoille.  » 
Le  ms.  donne  traoille.  de  traoiller,  dévider.  —  V.  1070,  Et  dit  que 
la  crosle  \li]  péille.  Je  corrigerais  autrement  :  Et  dit  quel  a  la  crosle- 
peille,  litt.  la  tremble-linge,  c'est-à-dire  le  frisson  ;  peille,  ici,  linge 
de  corps . 


262  BIBLIOGRAPHIE 

VII 18,  prist.  Le  ins.  donnant,  prit,  il  fallait  mettre  »  outre  cro- 
chets. —  V.  I  154,  n'enteis.  Je  lis  n'en  teis=^non  inde  taceo. — V.  1 161 
cenemen  Je  ne  sais  pas  ce  que  signifie  ce  mot.  J'ai  lu  ornement.  — 
V.  1173,  Leié  se  suni  toz  com  lor  semble,  .lai  lu  Joie  sefunt  tant  non 
lor  semble.  —  V.  1 174,  estreise.  Lisez  es  treise.  —  V.  1185,  Et  li  mari-. 
si  com  le  quit.  Le  ins.  porte  en  effet  le  quit;  niais,  si  le  devait  être 
maintenu,  il  faudrait  que  quit  eût  pour  sujet  H  mariz  et  tût  à  la 
3e  personne  de  l'indicatif  présent,  et  alors  on  devrait  lire  quide. 
Mais,  comme  la  forme  quit  =  cogito  (  et  non  cogitât.)  est  garantie 
par  la  rime,  le  plus  sûr  est  de  corriger  le  en  je,  et  île  lire  si  conje 
>/nif  =  ut  cogito,  formule  explétive  assez  usitée. 

V.1198,  Gages  prennent  et  gages  ba\a\illent .  Double  faute  contre  Ir 
sens  et  contre  la  mesure.  Ici  baillent=  donnent. — V.  1217,  Emit. 
J'ai  lu  emiz.  — V.  1223,  lijovenor.  C'est  la  bonne  leçon:  mais  le  ins. 
ne  porte-t-il  pas  li  plus  jovenor?  Dans  ce  cas,  il  aurait  été  bon  de 
l'indiquer  en  note. —  V.  1236,  j'avais  lu  ert  eles.  —  V.  1246,  qu'el 
descire.  J'ai  lu  Ou  el,  qui  est  préférable.  —  V.  Qui  dreitjuge  en  toi 
endreit.  En  marge, «  Corrig.  que —  tozendreiz.  »  J'avais  lu  toz  endreiz. 
Je  ne  vois  pas  pourquoi  il  faudrait  substituer  ejue  à  qui.  —  V.  1296, 
quar  qui.  J'ai  lu  que  qui. 

V.  1 31 6,  de  leu  tant  triste.  J 'ai  lu  do  leu  tan. — V .  1 321 ,  S.  Éstt  min 
Le  m.  donne  Estenvre. — "V.  1327.  Toz  les  sains  dans  le  Dé  demaine. 
J'ai  lu  Damledé  demeine,  ce  qui  est  la  bonne  leçon. —  V.  338,  Es- 
temure.  C'est  le  nom  de  l'auteur.  Sans   correction  ni   observations 
marginale.  Le  m?,  donne  Estenvre 

A.  Bouchkrik. 


Li  Chevaliers  as  deus  espées,  altfranzœsischer  Abenteuerroraan  zuni 
ersten  Mal  herausgegebenvon  Wendelin  Foersler .  —  Halle,  Lippert'schp 
Buchhandlung  (Max  Niemeyr),  1877,  in-8°.  lxiv-429  pag. 

M .  Foerster,  à  qui  la  philologie  romane  doit  Richars  li  biaux.  li 
Dialoge  Grégoire  lo  pape,  Aiol  etMirabel  ç[  Elie de  Saint-Gilles,  vient 
de  faire  paraître  li  Chevaliers  as  deus  espées,  poëme  de  12353  vers 
octosyllabiques.  Cette  importante  et  savante  publication  a  été  ana- 
lysée dans  le  plus  grand  détail,  et  avec  une  rare  compétence,  par 
M.  Adolf  Mussafia.  .le  n'ai  presque  rien  à  ajoutera  l'article  si  soi- 
gné du  célèbre  romaniste,  et  je  me  bornerai  à  l'énoncédes  quelques 
observations  que  j'ai  pu  glaner  après  lui.  V.  034,  trop  court  d'une 
syllabe  Au  v.  940,  deschire  rime  avec  lui-même,  et  l'éditeur  se  croit 
obligé  de  lui  substituer  empire.  Cette  correction  n'est  pas  nécessaire, 
puisqu'on  retrouve,  non  très-rarement,  la  même  particularité  dans 


BIBLIOGRAPHIE  263 

d'autres  poèmes.  V.  955.  Si  li  dienttuit:  «  Bien  veigniés!  »  Ms.  Si 
II  dlcnt:  «Bien  veigniés  vous  p.  Il  vaut  donc  mieux  ne  pas  ajouter 
fuit,  et  se  contenter  de  placer  vous  avant  veigniés.  C'est  ainsi,  du 
reste,  que  M.  F.  a  rétabli  les  v.  1070  et  1115.  en  remettant  en  leur 
lieu  les  mots  déplacés  par  le  copiste.  V.  1009,  où  maintenant  rime 
avec  lui-même  :  observation  analogue  à  celle  que  j'ai  faite  sur  le 
v.  94U.  V.  1972,  il  suffit,  pour  supprimer  la  difficulté,  de  lire  un 
glave  et  de  ne  pas  élider  la  devant  hance.  V.  2966,  le  ms.  donne  de 
ries. que  l'éditeur  corrige  en  de  vie.  La  bonne  leçon  est  celle  du  ms., 
de  vies  =  dévêtus,  pouvant  former  une  locution  dont  le  sens  «de- 
puis longtemps  »  conviendrait  parfaitement  à  ce  passage.  V.  3385. 
en  lisant  en  au  lieu  de  eu,  on  peut  laisser  la  leçon  du  ms.  Car  en  ot 
de  morir  paor.  V.  3605-6,  pour  faciliter  l'intelligence  de  ces  deux 
vers,  ne  suffit-il  pas  de  les  transposer?  V.  5803,  M.  Mussafia  en 
rapproche  le  v.  7706,  Etvait  sonfrain  espreronant,  et  ajoute :«  N'est- 
il  pas  remarquable  que  deux  fois  frain  se  rencontre  là  où  l'on  at- 
tendait «  cheval  »  !  »  C'est  en  effet  une  singulière  coïncidence,  qui 
semblerait  indiquer  que  fretin  est  ici  le  second  terme  du  composé 
palafrenus,  palefroi (ital.  palqfreno),  dont  il  aurait  conservé  le  sens. 
V.  6146  (notes).  J'ai  déjà  eu  occasion  d'observer  (Rev.  des  lang.  ro- 
manes, 2*  série,  t.  11,  p.  45)  que  enquetwme  ne  venait  pas  directement 
de  inquietudinem,  mais  de  *inquletitudincm,  la  dentale  médiale  latine 
ne  subsistant  plus  alors  dans  l'orthographe.  V.  11776-7,  je  lirais 
Ki[ot]  grantjoie  et  grant  déport  \  De  son  ami  h'ele  reoit. 

A.B. 


Quatre  Almanachs  en  langue  d'Oc,  en  1877.  —  Armana  jiroucençau 
pèr  (ou  bel  an  de  Dieu  1S77,  adouba  e  publica  de  la  man  di  felibre  ;  en 
Avignouri,  Roumanille,  in-12, 1 12  pages.— Calandari  catala  del  any  1877. 
colleecionnat  per  F.  Pelay  Briz;  Barcelona,  estampa  de  la  Renaixensa, 
in-12.  148  pages.'—  Armana  de  Lengadô  (ancian  Armagna  Gevenôu)  pèr 
Iou  bel  an  de  Dieu  1877  ;  en  Aies,  Brugueirolle,  in-12,  96  pages.  — 
La  Lauseto,  armanac  dal  patriote  lengodoucian.  mitât  francés,  mitât 
lengo  d'oc,  ppr  l'an  1877  ;  Toulouso,  Charles  Brun,  in-12,  200  pages. 
(Suite.) 

Autant  l' Armana prouvençau  reste  purement  littéraire,  autant 
celui  de  la  Lauseto  affecte  des  préoccupations  différentes.  Son  but, 
tout  à  fait  actuel  par  certains  côtés,  ne  l'est  pas  entièrement  par 
d'autres,  en  ce  sens  qu'il  se  rattache  à  une  pensée  de  revendication 
albigeoise.  Ces  pages  enfiévrées  où  le  catalan,  l'espagnol,  l'italien, 
le  français,  le  roman  des  troubadours,  le  provençal  et  le  langue- 
cien,  se  coudoient,  sont  animés  par  un  sentiment  exprimé  partout 


264  BIBLIOGRAPHIE 

avec  une  ardeur  de  haine  qui  a  de  quoi  surprendre,  à  six  siècles 
et  demi  de  distance  des  faits  :  la  malédiction  de  Monlfori  et  des  ar- 
tisans de  la  croisade  dont  il  fut  le  chef.  Le  vainqueur  passager 
de  Muret  acquiert  aux  yeux  de  quelques-uns  des  collaborateurs  de 
la  Lauseto  une  importance  que  l'histoire  ne  peut  lui  reconnaître. 
Toutes  les  ressources  du  symbolisme  poétique  sont  épuisées  autour 
de  sa  vie  et  des  souvenirs  de  la  lutte  qu'il  provoqua,  lorsque,  sans 
paraître  abandonner  le  rôle  de  chef  militaire  des  croisés,  il  prit  au 
fond  celui  de  conquérant,  s'eflbrçant  de  réaliser  à  son  prolit 
l'unité  territoriale  du  Midi:  Guiraude  de  Lavaur,  précipitée  dans 
un  puits  au  mois  de  mai  1211,  devient  la  figure  de  la  langue  d'Oc, 
jetée  au  profond  de  l'abîme  et  reparaissant  maintenant  sur  les  eaux, 
belle  de  sa  jeunesse  éternelle  ;  une  épée  trouvée  sur  les  lieux  où 
prêcha  saint  Dominique  est  un  motif  à  développements  d'un  ordre 
presque  semblable  :  dressée  en  pleine  clarté,  affreuse  et  nue,  le 
poète  —  il  s'agit  de  M.  Fourès  —  y  reconnaît  avec  colère  le  signe 
de  la  croisade.  Et  des  vers  magnifiques  de  couleur  et  d'originalité 
comparent  alors  ce  glaive  maudit  à  une  vipère  étonnante,  se  tordant 
dans  l'azur  du  ciel,  toute  venimeuse  et  jalouse  : 

Lebado  dins  le  plen  esclaire, 
Orr'  e  nudo,  englasisses  l'aire 
Goumo  pèr  announcia  'n  mal-ur  , 
Semblos  uno  serp  miraclouso 
Que  bes  le  soulelh  e  l'azur 
Se  tors  embrimad'  e  gelouso. 

Ailleurs,  c'est  le  grand  laboureur,  le  semeur  de  paroles  albi- 
geoises, qui,  au  soleil  du  soir,  mène  par  le  champ  une  paire  de 
vaches  blanches  dont  le  front  touche  le  faite  des  plus  hautes  bran- 
ches. Sa  chanson  hardie  retentit  de  Béziers  à  Toulouse,  prophé- 
tisant, en  vers  admirablement  jetés,  une  abondante  moisson  île 
vaillants  : 

«  0  galgo,  tas  regos  saran  ' 
Linsos  coumo  de  fossos  ; 
Soum,  soumte  lauran 
Per  boulega  las  ossos, 

Belos  custodios  de  balents, 
Subresantos  relicos 

De  grandis  doulents 
E  d'armos  erouïeos, 


1  Le  mètre  du  Grand  Lauraire  est  celui   de  la  chanson  populaire, 
Quand  le  bouté  s'en  bu  laura. 


BIBLIOGRAPHIE  ?65 

Oourao  de  blats  renaisseran 
En  bouno  terro  negro, 

Pèi  canounaran 
Al  soulelhet  qu'allegro. 

(3  joio  !  las  bciren  mounta 
Pla  berdos  e  fulhados 

A  bous  encanta  ; 
Saran  lèu  espigados.    . . 

?ego,  sego  que   segaras  ! 
I'  aura  belo  garbiero  : 

Ja  boulingaras, 
0  roullèu,  dins  l'aiero  ! 

Rodo,  pelegri;  bufo,  sers, 
Bufo  bolbos  pes  aires; 

E  tu,  gra  '  sters, 
Es  tems  que  t'amountaires  ! 

Mais  ces  inspirations  si  vives,  si  originales,  qui,  pour  être  placées 
à  côté  des  plus  parfaites  de  la  Provence  moderne,  ne  réclame- 
raient souvent  que  le  sacrifice  de  quelques  détails,  ne  vont  pas 
sans  des  écarts  inséparables  de  toute  pensée  poussée  hors  de  ses 
limites  naturelles.  On  peut  se  demander  si,  malgré  les  vers  sui- 
vants : 

Qu'ai  noum  d'aquel  bictourious  (de  Montfort), 

Sannen  las  plago?  ancianos  ! 

Qu'el  mîu  cor  pâte,  furious  ! 

le  rôle  du  médecin  n'est  pas  de  fermer  les  plaies  plutôt  que  de  les 
agrandir  et  de  les  envenimer  La  vérité  historique,  qui  est  un  des 
fondements  de  la  vérité  poétique,  souffre  aussi  bien  des  atteintes, 
dans  YArmanac  de  la  Lauseto.  Les  paroles  placées  sur  les  lèvres 
d'Innocent  III  (p. 85)  sont  en  complète  opposition  avec  les  écrits, 
les  lettres  et  les  traités  de  ce  pape,  avec  ce  que  la  Chanson  de  la 
Croisade  albigeoise  rapporte  de  ses  dispositions.  Montfort  lui  même 
devient,  par  un  procédé  de  versification  familier  à  Victor  Hugo, 
une  buse  (p.  39)  et  un  rejeton  de  guivre  (p.  85),  dissonnances  malheu- 
reuses au  double  point  de  vue  de  l'histoire  et  de  la  poésie.  Enfin 
nous  trouvons  çà  et  là  divers  contes  provençaux  et  languedociens 
{V Angélus,  las  Madonos,  lou  Tesiemoni)  d'un  ordre  tellement  bas, 
qu'on  a  le  droit  de  s'étonner  qu'ils  aient  été  admis  dans  les  pages 
de  la  Lauseto . 

Les  légendes  —  je  ne  sais  si  on  l'a  remarqué —  ne  surgissent  pas 
seulement  aux  époques  primitives  :  elles  se  forment  aussi  aux  épo- 
ques savantes,  et  acquièrent  un  développement  d'autant  plus  in- 


W]  BIBLIOGRAPHIE 

tense  qu'un  plus  grand  nombre  de  personnes  contribuent  a  les  faire 
naître  et  ù  les  accréditer. 

.le  ne  voudrais  pas  exagérer  la  portée  de  cette  observation;  toute- 
fois il  me  semblerait  que  quelques-uns  des  détails  qui  précèdent 
attestent  autour  des  premières  années  du  XIIIe  siècle  un  travail 
de  formation  à  demi  historique,  à  demi  légendaire,  des  préoccu- 
pations qui  vont  jusqu'à  faire  bénéficier  l'hérésie  albigeoise  de 
sentiments  et  d'idées  modernes.  Ce  travail  de  formation  procède 
directement  d'Edgar  Quinet  et  de  la  trop  poétique  Histoire  des  Al- 
bigeois de  M.  Peyrat  C'est  à  ces  deux  écrivains  qu'il  doit  ses  ten- 
dances politiques  et  religieuses,  son  langage  passionnément  exa- 
géré el,  s'il  est  permis  d'ainsi  parler,  ce  luxe  île  métaphores  et  de 
formules  swppliciaires  qui  eut  sa  période  de  succès  de  1835  à  1855 

Un  autre  de  ses  caractères  consiste  à  attribuer  au  seul  et  unique 
résultat  delà  lutte  de  1209  1229  la  décadence  de  la  langue  du  Midi 
et  la  disparition  de  sa  littérature.  De  cette  affirmation,  bien  an- 
térieure à  la  légende  elle-même  et  encore  générale  aujourd'hui, 
M.  Fouie-  est  l'écho  dans  ces  vers  de  YEspaso  del  sècle  tretcen: 

Mountfort,  que  falquetet  raujous. 
Nostro  iauseto  pouèsio. 

En  fait,  la  langue  des  troubadours  n'était  pas  celle  du  Languedoc 
et  de. la  Provence.  Originaire  du  Limousin1,  elle  dut  au  talent  de 
ses  poètes  d'être  adoptée,  non  par  le  peuple,  qui  ne  la  connaissait 
guère,  mais  par  la  féodalité  méridionale,  par  les  barons  naturels  du 
Midi,  selon  l'expression  de  la  Chanson  de  la  Croisade,  albigeoise. 
Toutes  proportions  gardées,  elle  fut  pour  le  premier,  comme  pour 
les  seconds,  ce  que  serait  aujourd'hui  le  parler  d'Avignon  et  des 
bords  du  Rhône,  si  les  circonstances  qui,  à  l'extérieur  de  la  Pro- 
vence, l'ont  fait  souvent  employer  par  MM.  de  Quintana,  Bala- 
guer,  Bonaparte- Wyse,  Gabriel  Azaïs,Paul  Barbe  etCbarvet.  ve- 
naient à  se  généraliser  et  à  devenir  communes  à  tous  les  poètes 
de  la  langue  d'Oc.  Le  limousin  n'avait  donc  rien  saisi  de  la  vie  di 
dialectes  populaires  qui,  à.  Toulouse,  à  Carcassonne,  à  Marseille,  à 
Béziers,  se  partageaient  les  populations.  Son  existence,  tout  arti- 
ficielle, fut  en  outre  menacée  de  bonne  heure  par  la  direction,  en- 
core plus  artificielle,  que  subissait  la  poésie  méridionale.  An 
la  décadence  devait -elle  être  précoce  et  obligée.  Elle  se  raanifes- 
nettement  au  commencement  du  XIIIe  siècle.  Si, après  1250, 
la  langue  des  troubadours  dépérit  d'une  manière  visible,  ce    n'est 

1  Je  ne.  puis  mieux  faire  que  de  renvoyer  n  la  Grammaire  limousine 
■  le  M.  Camille  (  habarteau 


BIBLIOGRAPHIE  2  7 

pas  par  le  fait  de  Simon  de  Montfort.  mais  parce  qu'elle  avait 
épuisé  ses  chances  de  vie  ;  parce  que  l'idiome  du  petit  nombre  de- 
vait forcément  disparaître  devant  celui  du  plus  grand.  Et  ce  qui, 
mieux  que  nulle  démonstration,  prouve  que  la  Croisade  n'influa  (pue 
d'une  manière  secondaire  sur  le  déclin  de  la  littérature  des  trouba- 
dours, c'est  que  le  Limousin,  demeuré  à  l'abri  des  événements  qui 
troublèrent  si  profondément  le  Languedoc,  ne  la  conserva  pas  plus 
longtemps  que  lui.  L'abandon  qu'Amaury  de  Montfort  lit.  de  ses 
droits  au  roi  de  France,  le  rétablissement  de  Raymond  VII,  tous 
les  essais  de  restauration  littéraire  imaginés  un  peu  plus  tard,  ne 
lui  rendirent  pas  une  parcelle  de  vie. 

On  voit  par  là  combien  les  faits  enlèvent  de  valeur  à  la  vérité 
poétique  de  quelques-unes  des  pièces  de  la  Lauseto.  Est-ce  à  dire 
qu'il  n'y  ait  rien  de  sérieux  dans  le  mouvement  qu'elles  sont  ve- 
nues dévoiler  inopinément?  Préjuger  en  cette  circonstance  est 
délicat,  et  cependant  nous  inclinerions  à  pencher  vers  la  néga- 
tive. Pour  parler  le  langage  de  MM.Peyrat  et  de  Ricard,  et  à 
supposer  qu'on  fût  certain  de  la  déterminer  avec  précision,  la  doc- 
trine albigeoise  ne  serait  aujourd'hui  qu'une  des  formes  de  la 
mort.  Quelque  admirables  qu'ils  soient,  les  anathèmes  lancés  contre 
Simon  de  Montfort  et  les  promoteurs  de  la  croisade  méridionale 
ne  paraissent  pas  non  plus  destinés  à  alimenter  longtemps  la 
littérature  languedocienne.  Et  la  raison  en  est  simple  :  de  tous  les 
sentiments  que  peut  éprouver  le  cœur  de  l'homme,  de  tous  ceux 
auxquels  la  poésie  peut  s'inspirer,  la  haine  est  le  plus  inférieur  et, 
par  cela  même,  le  moins  persistant  et  le  moins  fécond. 

L'emploi  fréquent  de  la  prose  distingue  encore  Y  Armand  de  la 
Lauseto  de  YArmana  prouvençau.  Parmi  les  pages  qu'il  renferme, 
j'aurais  mauvaise  grâce  à  ne  pas  mentionner  des  fragments  d'une 
pièce  écrite  avec  un  charme  et  une  harmonie  bien  rares.  Datée 
de  Castelnau-le-Lez,  près  Montpellier,  elle  présente  des  caractères 
aujourd'hui  peu  communs,  et  qui,  par  cela  même,  nécessitent  une 
explication  préliminaire. 

Au  moyen  âge,  la  langue  des  troubadours  et  les  idiomes  popu- 
laires du  Midi  s'accordaient  à  figurer  para  la  finale  du  singulier  fé 
rriinin,  et  par  «scelle  des  pluriels.  Cette  règle,  assez  généralement 
suivie  jusque  vers  1575,  époque  à  laquelle  des  habitudes  con- 
traires s'introduisirent,  n'a  pas  été  sans  conserver  ses  fidèles  aux 
trois  derniers  siècles,  même  dans  les  pays  où  la.  finaif  o  était  et 
est  encore  en   usage  '.  Telle  est  la  particularité   dont  témoigne  la 

;  Entres  autres  Pey  de  Garros,  Fabre  d'Olivet,  Gastil-Blaze  et  mèriie,  à 
certains  égards,  Honnorat. 


26*  BIBLIOGRAPHIE 

pièce  intitulée  :  Migrana.  Son  langage,  qu'il  ne  m'est  pas  possible 
de  classer  avec  précision,  doit  néanmoins  se  rattachera  un  des  dia- 
lectes parlés  dans  le  département  de  l'Aude*  région  que  l'affai- 
blissement de  la  linale  traditionnelle  a  presque  entièrement  acquis 
à  Vo  : 

«  Que  lous  aimi,  tous  iols.  Migrana  !  tous  iols  tant  nègres  e  clars 
jout  sas  cilhas  amourousas  :  me  retrasou  noste  Lez,  ounte  raja, 
eioabal,  escur  e  linde.  belament  adumbrat  pel  rebal  franjous  de 
l'enmourescarella  pineda. 

»  Gouma  loui  de  ma  fedamouretta.  soun  blouses,  tous  iols,  emai 
qu'els  bouns  eafinats.  poulida  !  Quand  fas  goutejà  dins  loui  mius 
soui  regards  aurins,  senti  se  gallinà  ma  pel...  e  noun  sai  pus  de 
que  te  dire  alara,  Migrana 

»  Quand  auboures  tas  manettas  bès  la  greba  miougrana  que  te 
fai  lingueta  e  que  noun  poudes  agal'à,  me  semblou  touiprims  detous 
aremoulits,  de  broutous  de  panta-cousta  au  junenc  rai  adreitats . 

»  E  n'  una  miougrana,  ne  sies-tu  pas  una,  Migrana?  Sies-tu  pas 
daurada  e  alecarella  autretant  iju'ela.  alara  que  s'amadura?  Pla 
qu'ela,  alara  que  s'escautela  e  creba,es  pas  toun  brabe  pichot  cucr 
granat  a  confie  de  suabas  frescuras  e  deridoulentas  douçous.  doùnl 
sioi  tant  cobeitous! 

»  E  quand  auriousa  bendemiarella ,  quoura  t'acates,  quoura 
t'adreites,  pioi  mai  t'acates,  per  culhi  la  goustousa  gaspa,  en  près 
n'arrecourdes  las  grailas  cibadas,  tant  moubedissas  e  tremoula- 
rellas  que.  pèrun  respir  d'aucelet,  fibloun 

»  Et  ta  bouqueta,  Migrana  (  ô  ta  bouqueta  !  que  sas  polettas  dents 
blanquinellas  fan  claiida  de  clar  jaussemi),  escouta  !  —  A  raouii 
bejaire,  noun  deuriès  jamai  t'adourmi  jost  una  nisada,  car,  de  se- 
gur,  l'auceir  à  la  cerca  de  lequisas  per  apapaissounà  soui  ninai 
bolariô  dreit  à  tai  labras,  e  las  picoutejariô  que  picoutejaràs,  pecaire! 
cuidant  de  troubà  de  sabourousas  cassanelas,  tant  redounellas  e 
pourpradas  elusentas  couma  soun  !....  » 

Migrana  est  signé  du  pseudonyme  de  Dulciorella* . 

(.1  suivre.)  Alph.  Roque-Ferrier. 

1  II  faut  louer,  dans  les  pièces  en  prose  de  M  de  Bicard,  l'application 
la  plus  exacte  que  l'on  connais^'  jusqu'ici  —  et  ce  n'est  pas  là  un  petit 
mérite  —  île  la  règle  des  doubles  formes  que  je  signalai  au  commence- 
ment de  l'année  dernière  lierue.  n°  de  janvier-avril). 


PERIODIQUES  269 

Sur  un  passage  de  la  Charte  du  pays  de  Soûle,  publiée  dans  la 

Romania  (V.  371) 

J'ai  proposé,  avec  doute,  dans  un  précédent  numéro  de  la 
Revue  (X,  278),  de  traduire  par  nièce  le  mot  nasse,  qui  se  lit  1.  28  de 
cette  charte.  M  .  Meyer  (Romania,  VI,  152)  repousse  ma  conjecture 
par  une  simple  fin  de  non-recevoir,  en  me  renvoyant  à  Du  Cange, 
qui  enregistre  nassa  au  sens  de  pêcherie.  Mais  cette  signification 
convient-elle?  Si  le  mot  nassa  signifie  ici  pêcherie,  il  ne  peut  être 
que  régime,  et  quel  sera  alors  le  sujet  de  ave  dade?  La  phrase 
serait  on  ne  peut  plus  embarrassée  et  incorrecte1.  Au  contraire, 
tout  va  le  mieux  du  monde,  si  l'on  fait  de  nasse  le  sujet  du  verbe. 
Maintenant,  que  nasse  puisse  être  traduit  par  nièce,  c'est  ce  qui  ne 
paraîtra  nullement  impossible,  si  l'on  remarque  que  la  forme  nessa 
existe  en  provençal.  Le  copiste  aura  transposé  les  deux;  voyelles 
ou  simplement  substitué,  dans  la  première  syllabe,  un  a  à  un  e. 
On  a  à  L  25  un  exemple  de  la  faute  inverse:  certa  pour  carte  ou 
carta 

Puisque  cette  occasion  m'est  offerte  de  revenir  sur  l'intéressant 
document  dont  il  s'agit,  je  ferai  encore  une  remarque  sur  un 
autre  passage.  L.  3  :  «  ....  bers  los  autres  barons.  »I!  y  a  dans  le 
ms.,  dit  M.  M.,  non  pas  bers,  mais  bere  ou  bert.  Bere  paraît  impos- 
sible, mais  bert  est  très-bon.  C'est  une  forme  (et  de  même  vert, 
devert,  envert)  dont  1rs  exemples  abonde. .t  dans  les  textes  gascons, 
île  la  Dordogne  aux  Pyrénées. 

G.   G. 


PERIODIQUES 


Rivista  di  litteratura  popolare.  —  Vol.  1.  —  Fasc.  1.  — 
Recueil  tout  nouvellement  fondé  par  M.  Francesco  Sabatini,  à 
Rome.  Dans  une  courte  et  chaleureuse  préface,  M.  F.  S.  expose 
son  programme  et  celui  de  ses  collaborateurs.  MM.  G.  Pitre,  Mas- 
pons   y  Labros,  G.  Ferraro.  Th.   Braya  (Chants  populaires  de  la 

1  Aosses,  .l:ins  cette  même  phrase,  que  M.  Meyer  interprète  sans  doute 
habuisset  sibi,  serait  avantageusement  corrigé  aossen.  Peut-être  devrait- 
on  écrire  aos  ses  Ll  faudrait  alors,  sous  le  trfncuda  (corrigé  tiencuda)  du 
ms. ,  cherchera  rétro  iver  un  substanld  signifiant  quelque  chose  comme 
opposition. 


?70  CHKOMQPE 

Galice),  eu-.  —  IJ.  9.  F.  Sabatini,  Canti  popolari  romani.  Intro- 
duzione.  Canti  politici.  M.  F.  S.  a  recueilli  jusqu'aux  chants  de 
toute  récente  formation  (sur  Garibaldi,  le  roi  Victor-Emmanuel). 
—  P.  32.  G.  Pitre,  Gesti  ed  insegne  del  popolo  sitiliano.  Étude  sur 
la  mimique  sicilienne.  Les  hommes  du  peuple,  en  Sicile,  ont  l'in- 
telligence si  vive  et  sont  tellement  aptes  à  l'imitation,  qu'il  leur 
suffit  d'un  regard,  de  quelques  gestes,  pour  se  comprendre  et  dia- 
loguer entre  eux  sans  le  secours  de  la  parole.  M.  G.  P.  décrit  quel- 
ques-uns de  leurs  gestes  traditionnels,  en  donne  la  signification 
ainsi  que  l'historique.  —  P.  44.  Maspons  y  Labrôs,  et  Dia  de  Di- 
fmtos.  Notice  sur  le  jour  des  Mort*,  en  Catalogne,  adressée  à  M.  G. 
Pitre,  et  analogue  â  celle  qu'il  a  déjà  publiée  sur  la  célébration  de 
celte  solennité  religieuse  en  Sicile  et  sur  les  coutumes  populaires 
qui  s'y  rattachent.  —  P.  55.  G.  Ferraro.  XVI*  Canti  popolari  delta 
//«axa  Romagna.  M.  G.  F.  aurait  bien  dû  indiquer  .plus  nettement 
la  mesure  des  vers  qu'il  publie.  Ainsi,  pour  ne  prendre  qu'un 
exemple,  le  lecteur  est  assez  embarrassé  pour  retrouver  le  véritable 
rhythme  de  la  chanson  no  3  (la  Ragazza  onesta).  Le  second  vers 
de  chaque  strophe  a  tantôt  neuf,  tantôt  huit  syllabes  (  str.  2,  v.  2, 
huit  syllabes;  de  même  à  la  str.  8,  v  2).  Pour  le  quatrième  vers 
de  chaque  strophe,  l'incertitude  est  encore  [dus  grande.  Dans 
la  première  strophe,  ce  vers  a  huit;  dans  la  seconde,  neuf;  dans  la 
troisième,  dix  syllabes,  etc.  Comment  s'y  reconnaître? —  P.  O'J. 
Varietà  Le  Iscrizioni  su  imuri  (F.  Sabatini  ).  —  P.  73.  Biblio- 
grafia.  —  Nous  souhaitons  bonne  chance  à  la  nouvelle  Revue, 
qui,  d'ailleurs,  s'annonce  sous  les  meilleurs  auspices 

A.   D. 


CHRONIQUE 


Dai"^  la  séance  générale  du  21  mai  dernier,  à  Avignon,  le  Félibrige 
a  décidé  que  sa  réunion  de  l'année  1878  se  tiendrait  à  Montpellier. 
le  mardi  de  Pâques,  ei  qu'elle  coïnciderait  avec  les  fêtes  et  le  con- 
cours du  (  'haut  du  Latin. 

Le  prix  de  Jacme  le  Conquérant,  offert  en  1875  à  la  Société  pai 
les  poètes  provençaux,  devient  ainsi  le  prix  du  Félibrige.  Il  sera 
décerné,  comme  on  le  sait,  à  l'auteur  de  la  meilleure  œuvre  en  vers 
(poème,  drame,  ode,  etc.)  sur  un  fait  ou  une  période  quelconque 
de  la  vie  du  roi  d'Aragon.  Tous  les  dialectes  de  la  langue  d'oc,  et 
d'abord  le  catalan,  sonl  admis  à  concourir.  Le  Félibrige  se  pro- 
pose de  suivre,  eu  cette  circonstance,  l'usage  encore  en  vigueur 
aujourd'hui  aux  Jeux  floraux  de  Barcelone,  c'est-à-dire  de  donner 


CHROMQL'K  271 

;iu  poëte  dont  L'œuvre  aura  été  couronnée  le  droit  de  choisir 
la  reine  de  la  fête  et  de  recevoir  d'elle  la  pervenche  d'argent  in- 
scrite sur  le  programme  du  Concours  de  la  Société  pour  U378. 

C'est  encore  le  mardi  de  Pâques  que  la  coupe  votée  par  les  Pro- 
vençaux, dans  la  réunion  du  21  mai  1876  sera  solennellement 
remise  aux  Catalans. 

Nous  ne  doutons  pas  que  la  ville  de  Montpellier  ne  tienne  à 
honneur  de  recevoir  comme  il  convient  les  hôtes  si  nombreux 
qui  lui  arriveront  alors  de  Catalogne,  de  Provence  et  d'Italie. 


Société  archéologique  de  Bèziers.  —  Le  Concours  annuel  de 
l'Ascension  a  été  cette  année-ci  très- brillant.  Une  pièce  de  M.  Er- 
nest Challamel,  lou  Blad,  y  a  obtenu  le  rameau  d'olivier.  M.  Mar- 
telly,  notaire  au  Perthus.  et  l'abbé  Joseph  Roux,  ont  eu  deux  mé- 
dailles d'argent,  MM.  Auguste  Verdot.  Louis  Astruc  et  Vidal,  de 
Quarante,  des  médailles  de  bronze.  Le  rapport  de  poésie  néo- 
romane a  été  lu  par  M.  Donnadieu. 

Le  banquet,  auquel  assistaient  MM.  Bistagne  et  Marius  Bour- 
relly(de  Marseille),  Camille  Laforgue  (de  Quarante)  et  Challamel,  a 
été  marqué  par  une  particularité  digne  d'attention,  en  ce  sens 
qu'elle  naturalise,  en  Languedoc,  l'usage  félibrique  de  la  coupe  pas- 
sant de  main  en  main  jusqu'au  dernier  des  convives,  chacun  de 
ceux-ci  devant  prononcer  un  brinde,  en  vers  ou  en  prose,  avant  d'y 
porter  ses  lèvres  :  une  coupe  en  argent,  généreusement  donnée  à 
\x  Société  archéologique,  par  M.  Bistagne,  a  été  remplie  de  vin  de 
Bachelery  et  a  fait  le  tour  de  la  t-ible  du  banquet,  après  le  chant 
d'une  pièce  de  poésie  composée    par  M.Gabriel  Azaïs. 

Jeux  floraux  de  Barcelone.  —  La  séance  solennelle  des  Jeux 
floraux  de  Barcelone  a  été  tenue  le  dimanche  6  mai,  à  une  heure  et 
demie  de  l'après-midi,  dans  la  grande  salle  du  théâtre  de  cette 
ville  et* devant  une  très-nombreuse  assistance. 

Le  rapport  annuel  a  été  fait  par  le  secrétaire  D.  Joaquin  Riera 
y  Bertran. 

\jAny  milàe  D.  Angel  Guimeraa  obtenu  labeur  naturelle,  consis- 
tant, cette  année,  en  une  magnifique  Azalea  indica  liliiflora.  L'au- 
teur en  a  fait  présent  à  D»  Josefina  Sabater  d'Aldavert.  qui  a  été 
nommée  reine  de  la  fête  et  quia  occupé  en  cette  qualité  le  siège 
d'honneur. 

Le  premier  et  le  deuxième  accessit  du  prix  d'honneur  et  de  cour- 
toisie ont  été  décernés  à  MM  .  Joseph  Franquesa  y  Gomis  (  la 
Anada  à  Montserra.t  et  Anicet  de  Pages,  de  Puig  (  V Anima  enpena). 

D.  Angel  Guimera  a  encore  obtenu  l'églantine  d'or  pour  son 
Darrer  Plant  cWn  Claris,  et  la  violette  d'or  et  d'arpent  pour  une 
autre  poésie  intitulée  Romiatje.  \\  a  été  proclama  immédiatement 
maître  en  gai  savoir. 

MM. P. Pi  y  Parera,  Joseph  Marti  y  Folguera  etCoca  y  Collait), 
ont  reçu  divers  accessits. 

Une  plume  en  or  et  argent  a  été  décernée  à  M.  Anicet  Pages 
de  Puig  (  A  una  Dona).  Le  prix  extraordinaire  de  la  députation 
provinciale  de  Barcelone  a  été  attribué  à  M.  H.  Verdaguer,  pour 
un  poëme  en  dix  chants,  intitulé  VAtlantida.  La   lecture  du  Somni 


272  CHRONIQUE 

d'/sabei,  ([u\  termine  cette  œuvre  considérable,  a  été  faite  au  milieu 
d'applaudissements  universels.  D'après  la  Renaixensa  de  Barce- 
lone, le  poëme  de  M.Verdaguer  serait  le  couronnement  de  la  litté- 
rature catalane.  Celle-ci  avait  jusqu'ici  connu  tous  les  genres,  sauf 
le  plus  élevé  de  tous:  le  genre  épique.  Elle  le  posséderait  mainte- 
nant dans  V Atlanlida.  La  Renaixensa  ajoute  que  l'opinion  de  tous 
ceux  qui  ont  pu  connaître  ce  poëme  ne  peut  être  plus  unanimement 
favorable,  tant  à  cause  de  la  grandeur  du  sujet  que  de  l'originalité 
de  l'exécution,  et  surtout  de  l'extraordinaire  beauté  des  détails. 

Athénée  de  Forcalquier  et  Société  des  félibres  des  Alpes.  Fête 
littéraire  on  13  mai. — Elle  a  eux  deux  parties,  l'une  presque  entiè- 
rement française,  l'autre  provençale.  Par  une  entente  où  l'on  voit 
une  preuve  de   l'esprit  d'intelligente  concorde  qui    anime  les  deux 
associations,  les'membres  de  l'une  sont  de  plein  droit  membres  de 
l'autre. M  .  de  Berluc-Perussis  a  prononcé  le  discours  d'ouverture,  et 
il  y  à  esquissé  l'histoire  fort  intéressante  delà  maison  même  ou  siège 
V Athénée  :  l'hôtel  d'Eymard,quifut,  au  dernier  siècle,  l'hôtel  de  Ram- 
bouillet de  Forcalquier.  Des  mémoires  de  M.  Charles d'Ilie  sur  la 
commune  de  Voix;  de  M.  Pelloux,  sur  la  Durance;  de  M.  Plauchud, 
sur  les  sources  sulfureuses  de  la  Laye  :  de  M.  Gonzague  de  Rey, 
sur  le  séjour  des  Sarrasins  dans  les  Alpes  de  la  Provence  et  du 
Dauphiné,  ont  suivi  la  communication  de  M.  de  Berluc-Perussis. 
Ces  lectures  ont  été  mêlées  de  nombreux  intermèdes  poétiques,  et 
l'assistance  a  tour  à  tour  applaudi  un  gracieux  sonnet  de  la  mysté- 
rieuse l'élibresse  de  Forcalquier:  Doua  delà  Traves8a,àès  vers  pro- 
vençaux de  M.  le  chanoine  Savy,  une  souneto  adressée  à  [Athénée 
par   M.  Gaut,  le  Mariage  astra  de  M.  Verdot,   que    nos    lecteurs 
peuvent  apprécier  dans  ce  fascicule;  un  sonnet  de  M.  Guillibert  et 
diverses  pièces  de  MM.  Alexis  Guigues,  Louis  Maurel,  le  baron  de 
Saint-Marc,  etc. 

Pour  nous  servir  d'un  mot  qui  a  fait,  croyons-nous,  sa  première 
apparition  dans  le  Journal  de  Forcalquier,  la  «felibrée»,  proprement 
dite,  a  commencé  le  soir  à  huit  heures.  Le  peu  d'espace  réservé  à 
cette  chronique  ne  nous  permet  pas  d'énumérer  les  brindes  lus  ou 
improvisés  en  cette  circonstance.  Nous  signalerons  seulement  un 
discours  fort  remarquable  de  M.  le  chanoine  Savy  et  une  .-avanie 
étude  de  M.  Vidal  sur  l'orthographe  provençale.  Nous  sommes  d'au- 
tant plus  heureux  de  mentionner  ces  deux  communications, qu'elles 
renferment  la  confirmation  des  vues  que  nous  émettions  dans  la  Re- 
vue, en  1874  et  1876,  1re  série,  V.  499;  'Ie  série.  1,305.  sur  la  né- 
cessité d'une  orthographe  qui,  en  étant  commune  à  tous  les  dialectes 
de  la  langue  d'oc,  sans  exception,  respectât  leurs  formes  dialectales, 
(l'est  encore  la.  même  idée  qui  a  inspiré  à  M.  Gabriel  A zaïs  et  a 
la  Société  archéologique  de  Béziers  le  don  d'un  rameau  d'olivier  en 
argent,  a  décerner  en  1878,  lors  du  second  concours  triennal  de  la 
Société  ' . 


La  Cigale  vient  de  décider  qu'à  l'avenir  ses  membres  s'assemble- 

1  Nous  ne  saurions   oublier  à  ce  propos  un  excellent  article  de    M    de 
Villeneuve-Esclapon,  dans  le  Prouvençau  d'A.ix,  u°  du  !<•'  avril  1877. 


CHRONIQUE  ï73 

rait'iil  tou>  ;es  ans,  au  mois  de  septembre,  dans  une  ville  du  midi 
île  la  France,  et  y  tiendraient  une  grande  séance  littéraire  et  artis- 
tique. Arles  a  été  choisi  cette  année  comme  lieu  de  réunion,  et 
nous  en  félicitons  cordialement  nos  amis  de  Paris. 


Publications  en  langue    d'oc  et   en  catalan,   travaux  sun    la 
poésie  populaire  et  la  poésie  provençale,  etc.  —  Le  Mystère  pro- 
vençal de  Saint- Agnès  ;  examen  du  manuscrit  de  la  bibliothèque  Chigi  et 
de  l'édition  de  M.  Bartsch,  par  M.  Lécn  Glédat.  Paris,  Thorin,  in-B° 
Extrait  de  la  Bibliothèque  des  écoles  d'Athènes  et  de  Rome).  —  Récits 
(^histoire  sainte  en  béarnais,  traduits  et  publiés  pour  la  première  fois  sur 
le   manuscrit  du  XVQ  siècle,  par  Y.  Lespy  et  P.  Raymond,  tome  11. 
Pau,  Ribaut,  petit  in-8°,  vn-384  pag. —  La  Reine  Esther;  tragédie 
provençale,  reproduction  de  l'édition  unique  de  1774,  arec  introduction 
et  notes,  par    M.    Ernest   Sabatier.    Nimes,  Gatelan,  in-12,   xli- 
83  pag.  —  James  Bruyn  Andrews,    Vocabulaire  français- mentonais. 
Nice.    Imprimerie  niçoise;  in-12,  174  pag. —  Cartabèu    de   Santo- 
Estello.  Recuei  dis  aie  ouficiau  dôu  felibrige  en  1870.  Nimes,  Baldy- 
Riffard  ;  in-8°,  59  pag. —  Pichoun  Oufici  de  l'Inmuculado-Councepcien 
de  la  Vièrgi  Mario,  adouba  delà  vian  de  l'abat  A.  Bayle.  Avignoun, 
Roumanille;  in- 10,  "24  pag.  —  Bonaparte-  Wyse,  Sounet,  à  Teodor 
Aubanel.  Plymouth,   Keys,  in-8°,  2  pag.  — [Gabriel  Azaïs]  Lou  Vi 
de  Bachelèri,  per  la  felibrejado  de  la  festo  de    VAscensieu.  Béziers, 
Imprimerie  générale;  in-4°.  4  pag. —  L.  Roumieux,  la  Felibrejado 
d'Areno,  remembrançp  dôu  "28   d'avoust  de  1870.  Nimes,  Bal d y- R if- 
fard,  in-8°,  '28  pag. —  De  Tourtoulon,  la  Lauseta,  sounet  à  Madama 
L.-S.  de  Ricard.  Nîmes,   Baldy- Riflard,  in-8°,  4  pag.  — Vernhct 
père.d'Agen  (Aveyron),  Poésies  patoises.  Rodez,  de   Broca;  in-12. 
Gl  pag.  — De  Tourtoulon,  Discours  prounounciat   dins  l'ussemblada 
generala  de  la  mantenença,  tenguda  à  Mountpeliè,  lou  25  de  mars  1877. 
Aix,  Remondet-Aubin,  in -8".  8  pag.  — Silvio  Pel  1  i co,  Devers  dels 
homens,  parlament   à    un  jovensâ,   traducciô    den    M.  Obrador   Ben- 
nassar.  Palma  de   Mallorca,  Gelabert;  in-8°,  08  pag.  —  Francesch 
Ubacb    y  Vinyeta,  Romancer  catalâ,  histôrich,  tradicional  y  de   Cos- 
tums.   Barcelona,   Estampa  de    la   Renaixensa;   in-8%  300  pag. — 
Bertran  y  Bros,  de  Flor  a Flor,  doize posades  d'un po'êma.  Barcelona. 
estampa  de  la  Renaixensa;  in-10.  10  pag.  —  Rubio  y  Ors,  Brève 
reseûa  del  actual  renacimiento   de  la   lengua  y  literatura    catalanas. 
Débese  à  la  influencia  de  los  modemos  trovadores  provenzales?  Memoria 
escritapara  la  Real  Academia  de  Buenas  Letras  de  Barcelona.  Barce- 
lona, Verdaguer,  98  pag.  —  Maspons  y  Labros,  Per  las  Bodas   del 
distingit  escriptor   siciliâ   Dr.  Joseph  Pitre   ab    la  senyoreta   Donya 
Francisco  Paula  Vitrano.   Barcelona,  estampa   de  la  Renaixensa; 
in-12,  15  pag. 

♦  • 

Poésies  et  textes   en   langue  d'oi:  insérés  en  divers  journaux  : 

—  Bittert a, cantate  provençale  (s.-dial    d'Aix  et  de  Marseille),  pai 
M.  Marius  Bourrelly.(yivemr  national  de  Marseille,  décembre  1876 

—  Mirabèu,  ode  en  provençal  (sous-dialecte  d'Aix  et  de  Marseille 
signé  lou  Felibre  de  la  mai  (M.  Marius  Bourrelly)  {la  Jeune  Répu- 
blique de  Marseille,  17  décembre).  —  Lou  Gavach  à  lafieyradaou 

20 


2ï4  CHROMQUE 

Clajms,  poésie  languedocienne  par  M.  Charles  Gros  {Petit Midi,  de 
Montpellier,  31  décembre  1876).  — En  lisant.  La  langue  patoise  à 
Toulouse,  il  y  a  six  cent  soixante- sept  ans.  Reproduction,  d'après 
V Histoire  des  Comtes  de  Tolose.  de  Catel,  p.  2G2-263,  du  texte  tou- 
lousain des  décrets  rendus  à  Arles,  en  1210,  conlre  Raymond  VI, 
comte  de  Toulouse.  Article  signé:  Saourés  Pascal  (Vous  ne  saurez 
pas  qui  )  (  Messager  de  Toulouse,  7  janvier).  —  Bono  Anado.  Au- 
bado  i  gaifelibre  dôu  roudelet  de  Fourcauquîé,ipoèsie  provençale  (sous- 
dialecte  d'Avignon),  par  M.  J.  Anxionnax;  Libre  e  Librihoun, 
compte  rendus  en  prose  provençale,  par  M.  A.  de  Gâgnaud  (de 
Bërluc-Perussis),  ilu  Libre  de  Nouesto-Damo  de  Prouvènço,  et  d'un 
petit  volume  marseillais  de  M.  Alfred  Cbailan  :  leis  Oousseous  sount 
de  bèsti;  Nouvè  et  Campaneto,  avec  un  sonnet  adressé  à  M.  Gaut  el 
signé  iN'E.  dôu  Lucas  (Journal  de  Forcalquier,  7  janvier  1877). 
Ferluquets  e  paysans,  poésie  languedocienne,  par  M.  Charles 
Gros.  (Petit  Midi,  de  Montpellier,  21  janvier  1877.  )  —  Li  R'ei  e 
soun  estello.  noël  provençal  par  M.  l'abbé  Millon  ;  Au  Francès 
Vidal,  per  lou  gramacia  di  «  75  Nouvè  en  musico  »,  sonnet  par  M  .  de 
Gagnaud  ;  Gramaci  i  canteiris  de  Oilèndo,  poésie  signée  :  En  S. 
\allis  Solis  (Journal  de  Forcalquier,  21  janvier).  A  Marias  Bourrely, 
pèr  la  felibrejado  de  l'Escolo  de  la  Mur,  pièce  monorime  en  pro- 
vençal d'Aix  (par  M.  Vidal?)  (Mémorial  d'Aix,  4  février  ),  repro- 
duite avec  une  réponse  de  M.  Bourrelly,  également  momorime: 
A  Frcvnçès  Vidau,  dans  Y  Avenir  de  Marseille  (janvier-février). 

*  » 

Notre  ville  verra  paraître  prochainement,  sous  la  direction  de 
MM.  de  Ricard  et  Auguste  Fourès,  une  revue  trimestrielle:  la 
Patrie  latine,  qui  a  pour  but,  dit  le  prospectus,  «  d'affirmer  l'idée  de 
fédération  inaugurée  dans  l'almanach  de  la  Lauseto.  »  Parmi  ses 
collaborateurs,  nous  remarquons  les  noms  de  deux  députés  au 
Parlement  italien,  MM.  Quirico  Filopanti  et  Mauro-Machi. 

Le  prix  d'abonnement  est  de  10  fr.  Les  souscriptions  doivent 
être  adressées  à  l'Imprimerie  centrale  du  Midi  (Ilamelin  frère»),  à 
Montpellier. 

Une  part  à  la  langue  d'Oc  sera  faite  dans  la  future  Revue. 


Errata   du    numéro  de    mai  1877 


Lettres  à  Grégoire. — P.  187,1.  15:  tradition  littérale.  Lis.:  traduction. 

—  L.  20:  à  ce  titre.  Lis.:  a  titre.  -      P.  I88, 
1.27:  diminution.  Lis.:  diminutifs  . 

Récits  d'histoire  sainte.— P.  212,  1.  16.  Rétablir  un  t  tombé  au  com- 
mencement de  la  ligne. —  L.  20  :  Apelar 
/'  ian.  Lis.  apelar  ti  an. —  L.  21  :  Apelar 
t.  ian.  Lis.  apelar  t' ian.  —  P.  214,  1.  10 
du  bas  :  ib.  Lis.  ibi. 

Le  Gérant  :   Ernest  II  \mkun, 


TABLE    DES    MATIÈRES 

DU    TROISIÈME    VOLUME    DE  LA  DEUXIÈME   SERIE 

DIALECTES   ANCIENS 

Pages. 

Anciennes  Énigmes  catalanes.  (  Mila  y  Fontanals.  ) 5 

Trois  Formules  de  conjuration  en  catalan  (1397).  (Alart.)..  9 

Documents  sur  la  langue  catalane  (un  ).  (  Alart.) 173 

Mélanges  de  langue  catalane.  (  Mila  y  Fontanals.  ) 225 

DIALECTES    MODERNES 


Grammaire  limousine  (additions  et  corrections  à  la  première 

partie .  )  (Chabaneau  .  ) 13 

Histoire  littéraire  des  patois  du  midi  de   la  France  (suite). 

(Noulet  .  ) 57 

Chants  populaires  du  Languedoc  (suite).  (Montée  et  Lambert.).  73 
Lettres   à  Grégoire  sur  les  patois  de  France  (  suite  ).  (Ga- 

zier.) 178-230 

Nemausa.  (Léontine  Goirand.) 37 

UAlbeto.  (Auguste  Fourès.) 38 

Lou  Reinard  e  la  Cigogno.  (  Achille  Mir.  ) 39 

Li  Vièi .  (  Bi  inaparte- Wyse  .).... 12 

Un  Panfai.  (  Louis  Roumieux.) 44 

La  Cabrieiro  .  (  Fekquet.) 88 

Lou  Garda-mas .  (Langlade  .  ) 89 

Un  Dimmche  dou  mes  de  mai.  (Bonaparte- Wyse . ) 194 

Le  Garrabiè  (Auguste  Fourès.) , 200 

Belln  Proumiero.  (  Léontine  Goiband.) 241 

Lou  Mariage  astra .  (Auguste  Verdot.) 243 

Al  Tustadou  de  l'amie  Alban  Germon.  (Auguste  Fourès.)..  .  .  24G 

Mater  Dolorosa .  (0.  Laforgue  .  ) 248 


BIBLIOGRAPHIE 


Anthologie  patoise   du    Vivarais,  par  M.    Vaschalde.    (Alph 

Roque-Ferrier.  ) 46 

Las  Mouninetos,  de  Paul  Félix  (A.  Glaize,  A.  Roque-Ferrier.).       48 
Traité  de  la  formai  ion  des  mut*   ami  posés  dans  la  langue  fran- 
çaise, par  M.  Darmesteter,  etc.  (2earticle).  (Boucherie.)..       50 
Die  Catatanische  metrische  version  der  Sieben  Weisen  Meister,  par 

•  M.  Mussafia  (  26  nrlicle).  (Chabaneau.) 105 

Recueil  d'anciens    te.rtes   bas-latin*,   /irorcnçan.r.  et  français,   par 

Paul  Me  ver.  (Boucherie.). 106 

Li  Carbouniè,  par  M.  F.  Gras     (  Mauriro  Fatjre  ) . .      106 


l'ABLE    DES    MATIERES  ?76 

L'Idée  latine  dans  quelques  poésies  en  langue  d'oc,  en  espa- 
gnol et  en  catalan .  (Alpb    Roque-Feerier  .  ) M. 

Sermoun  prouvençau,  par  l'abbé  Terris.  (Espagne.) 121 

La  Poésie  provençale  hors  de  la    Provence.  (  Alph.  Roque- 

Feerier.) 124 

Quatre  Almanachs  en  langue  d'oc,  en  1 S 7 7 .  (Alph.  Roque- 
Fekrier.) _ . 127-263 

Récits  d'histoire  sainte  en  béarnais,   publiés  par  MM.  Lespy  et 

Raymond  (  C.  <  îhabaneau.) 20b 

L'    Livre  des    Manières,  d'Etienne    de  Fougères,    publié    par 

M.  Talbert.  (  Boucherie. J . .' -ibi 

Li Chevaliers  as  deus espées,  publié  par. M.  Foerster  (Boucherie.).  262 

Un  passage d  une  charte  du  pays  de  Saule.    Chabaneau.  !.. .....  *(»'.* 

Périodiques.  Romania.  (Alart,  Boucherie.) 132-216 

Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français.  (Boucherie.).  .  1 39 

Revue  historique  de  l'ancienne  langue  française.  (Boucherie.}  ...'  I3M 

Revista  de  archivos.  (C.  CHABANEAU.) 140 

Rivista  difilologia  romanza .    0.  <  îhabaneau  .  ) 1 13 

//  Propugnalore.  (C   Chabaneau.) 144 

Société  historique   et   archéologique    du    Périgord.  (  C.   Chaba- 

NEAU .  ) *  I  ï  ■  > 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  île  Clermont.  (  Alpb. 

Roque-Ferrier.) 146 

Jahrbuch,  etc.  (0.  Chabaneau.) I  'i« 

.-I  rchivfur  <las  studium,  etc.  (C.  <  HABANEAU.) 149 

Le  Musée.  (Alph.  Roque-Ferrier.)..  .  • 150 

La  Oigalo  d'or.  (Alph.  Roque-Ferrier.). 220 

Rivista  di  literatura  pojpolare.  (Boucherie.) 269 

Le  Siège  de  Toulouse  et  la  mort  de  Simon  de  Montfort.  (Es- 
pagne .  ) 1  fil 

Les  Réunions  du   félibrige  à   Aix   et  à   Montpellier.  (Alpb. 

Roqoe-Ferrier.) 153 

Discours  et  Blindes    prononcés  à  Avignon  dans   la  réunion 

générale  du  félibrige,  le  21  mai  1877 24V» 

Chronique. ...     52-165-223-27C 

Grraîn 56- 1 72-224-274 

Tah!e  des  matières 275 


Imprimerie  centrale  du  Midi.  —  Hamelin  frères. 


REVUE 


DES 


LANGUES   ROMANES 


DIALECTES  ANCIENS 


•■—- -^WW- 


DOCUMENTS  DIVERS 

APPARTENANT    AUX    DIALECTES    DU    MIDI    DE    LA    FRANCE 

(XIVe   ET  XVe  SIÈCLES) 

I 
1361  (Dialecte  de  Montpellier) 

Ordre  de  payement,  daté  probablement  de  Montpellier  le 
28  janvier  1361,  adressé  par  P.  Jacme  et  Garin  Guilhem,  ban- 
quiers ou  changeurs  de  cette  ville,  à  Barthélemi  Thôua,  mar- 
chand valencien,  alors  résidant  à  Perpignan,  où  il  lui  fut  pré- 
senté par  Bérenger  Garau,  marchand  barcelonais,  facteur  et, 
représentant  de  Raymond  dez  Pla,  citoyen  de  Barcelone.  L'ex- 
ploit de  présentation,  écrit  à  la  suite  de  la  lettre,  fut  fait  à  Per- 
pignan le  25  février  1361,  en  présence  d'un  pareur  de  cette 
ville  et  de  Pierre  de  Bigues,  marchand  de  Barcelone.  B.  Thôua 
se  borna  d'ailleurs  à  répondre  qu'il  ne  payerait  pas  les  500  flo- 
rins réclamés,  parce  que   Jacme  et    Guilhem  n'avaient  pas 
le  droit  de  «faire  change  »  sur  lui  sans  une  lettre  de  sa  pari, 
en  déclarant  toutefois  qu'il  était  en  mesure  et  en  volonté  de 
payer  «  en  la  place  de  Montpellier.  »  Cette  pièce  n'offre  donc 


6  DIALECTES  ANCIENS 

qu'un  spécimen  de  la  langue  commerciale  usuelle  de  Mont- 
pellier en  1361,  et  je  nie  borne  à  signaler,  au  point  de  vue 
de  la  philologie,  un  exemple  du  pass  -  de  Ys  en  r,  alors  très- 
fréquent  en  Languedoc,  dans  les  mois  guiràs  et  guira,  pour 
guisas  et  guisaf  que  l'on  peut  ajouter  à  ceux  qu'a  déjà  donnés 
M.  Paul  Meyer  (Rornania,  1875). 

Al  senher  En  Bertomieu  Toua  ho  a  sas  (sic)  companhos  a  Perpinhan 

sien  dadas  (in  dorso). 

Ai  Senynher  En  Bertomieu  Toua,  P.  Jacmé  e  Quarin  G-uil- 
liem,  salutz. 

Fam  vos,  senher,  asaber  que  nos  auem  aisi  fag  cambi  ;im  En 
Franss.  Ramis  de  sine  sens  floris  de  Perpinhan,  los  quais  nos 

donatz.aisi,  los  quais  li  deuem  far  donar  a  Perpinhan  x.jorns 

ta  la  letra.  Per  que,  senher,  nos  vos  preguamque  vos  vulhas 
pagar  pernosa'N  Bereng.  G-uairautper  lo  digFranss.  Ramis, 
x.  joins  vista  la  letra,  los  sus  ditz  Y1',  florins  de  Perpinhan. 
E  preguam  vos  que  non  hi  aga  {'allia,  car  vos  nos  donas  gran 
dan  e  gran  vergoyna,  quar  sertas  nos  non  agram  près  aquest 
cambi  sus  vos,  si  non  fos  mais  que  vezem  que  so  que  nos  pro- 
metes  non  aues  atendui  :  car  vos  nos  prometes  que,  passadas 
testas,  vos  nos  trametrias  so  que  nos  degras,  e  pueis  non  nos 
aues  trame-  dh  er-  Nos  ho  auem  diga'N  P.  Donat,  lo  quai  nos 
a  respondut  que  non  se'n  enpachava,  niais  que  ho  acssem  am 
vos.  Per  que,  nos  vos  preguam  caramens  que,  en  totas  gui- 
ri-.  vos  fasas  compliment  als  sus  ditz  Ve.  floris  que  deues  dar 
pernos  ;i'.\  Bereng.  Guairaut,  en  guira  que  nos  no  n  prenham 
ni  dan  ni  vergonya;  e  preguam  vos  que  la  restai  que  nos  de\  i 
que  son  pus  de  Ve.  floris,  aisins  quanl  nodes vezer en  lo'comte 
que  es  entre  nos  e  A.  "-.  que  nos  los  vulhas  trametre,  car  moi 
gran  tort,  nos  en  faies.  Si  nos  podem  res  far  per  vos,  man 
nos  a  vostre  plazer,  e  nostre  Senhor  vos  tenha  en  sa  garda, 
Fâchas  a  xxviii  de  jenoier. 

archives  de-  Pyrénées-Orientales.  -  Notule  de  Guillaunn 
Caulasses,  ann.   13G1  . 

11 
1370  (Carcassonnc  ?) 

Johan  "ti  .lolianci    ho!   Sol.  juper  (tailleur)  de   Perpignan, 


DOCUMENTS    DIVERS  7 

mourut  en  1370.  L'inventaire  de  ses  biens,  dressé  le  30  aoù 
de  la  même  année,  est  entièrement  rédigé  en  catalan  et  con- 
tient un  état  des  meubles  et  vêtements  trouvés  dans  la  maison 
du  défunt,  des  objets  mis  en  .  et  un  état  de  créances  qui 

indiquent  pour  maître  Del  Sol  une  riche  clientèle  parmi  la 
noblesse  et  le  haut  clergé  du  Etoussillon.  J'v  vois,  entre  autres 
articles  :  una  capuxa  la  quai  ha  su  bbtos   d'argent 

e  daurats,   que  son  d  ■  Jokan,  joglar  de  Paris,  ah 

una  flauta,  sobre  que  lo  dit  testador  lipresta  vi  florins.  On  a  joint 
à  l'état  des  créances  un  certain  nombre  de  billets  originaux 
de  commandes  ou  de  reconnaissances,  et  l'acte  ajoute:  igno- 
■ramus  ulmim  ista  débita  sint  solutq  vel  non.  Cinq  de' ces  re- 
onnaissances,  on  albarans,  sont  de  Bertrand,  abbé  de  Saint- 
Michel  de  Cuxa  (diocèse  d'Elne),  don!  l'origine  et  le  nom  de 
famille  me  sont  inconnus;  mais  il  est  évident  qu'il  n'était  ni 
Roussillonnais  ni  Catalan,  et  la  langue  de  ses  billets  semble 
trahir  le  dialecte  des  environs  de  Carcassonne.  Mais,  par  suite 
sans  doute  de  son  séjour  en  Confient,  il  s'était  à  peu  près  plié 
à  la  langue  du  pays,  et  il  y  a  dans  ses  billets  autant  de  catalan 
que  de  languedocien.  Je  n'en  donnerai  donc  que  de  courts 
extraits,  en  me  bornant  à  mettre  en  italique  les  formes  étran- 
gères au  catalan  du  Roussillon. 

Johanet,  donats  al   Bort  i.  jupo,  carjofe  vos  pendre   en 
compte,  aysi  com  es  es   entre  mi  e  vos.  E  per  so  que 

mils  me'n  cresats,  fas  vo'n  aqu  i  ira  scrit  Je  la  ma  mia. 

Dieus  sia  ab  vos 

Johanet,  trameti't  lo  Bort  portador  de  la  présent,  al  quai 

voel  que  dones  i.  jupo  bo  e  de  bon  fustani,  et  que'//  doues  las 

caussas.  Item  que'//  dones  la  suo  opolando.  Item   que'/  dones 

las  mias  cau[s]sas.  E  sapias  que  dimecres  sira  a  Perpinya  le  vi- 

cari,  si  Dieus  plats,  per  pagar  les  '  cai  .  e  per  so  que  mills 

me'n  cresas,  fas  te  aquest  albar     •   .  >  de  marna,  aysi  com   es 

enpres  entre  mi   e  tu,  e  sage!  mon  sagell.  Dieùs  sia  amb 

tu.  Dades  a  SentMiquell  /ederrer.din  le  julii.  B.  abat  de 

Sent  Miquell. 

(Archives  des  Pyrénées-Orientales.  —  Notule  de  Pierre  Tort, 
notaire  de  Perpignan,  année  1370.) 

1  Cadisses  est  masculin  :  on  catalan,  on  aurait  écrit  los. 


8  DIALECTES    ANCIENS 

III 
1380  (Narbonnais) 

Le  testament  suivant,  d'un  habitant  de  Perpignan,  fut  écrit 
par  quelque  scribe  du  Languedoc,  probablement  du  Narbon- 
nais, sur  une  feuille  détachée  que  le  notaire  annexa  à  son  re- 
gistre, où  il  s'est  borné  à  rédiger  l'acte  en  latin.  Je  mets  en  ita- 
lique les  mots  et  les  formes  étrangers  à  la  langue  catalane. 

Quoniam  nullus...ego  Bertholomeus  Dossous  de  Perpi- 
niano...  Pcrmierament  aordeni  mon  testament  e  preni de  les 
mieys  bens  x.  lîuras  de  Barsalonesetz,  e  fau  los  miyeus  niene- 
[me]zadors  En  P.  Pascal  e  mastre  P.  Orhs  barber  *,  los  cals 
sian  tengutz  de  pagar  las  leysas  dins  la  novena;  etz  elegési 
ma  sepultura  devant  la  porta  mayor  dé  les  Frayres  Menors 
u  denant  l&gléysa  la  on  éles  se  volran  daquesti  dos  lôhcs;  he 
leysi  a  qascu  de  mos  mena[me]zadors  x.  s.  —  Item  leysi  a 
reparar  lo  cap  de  la  capela  déls  angils.x.  liuras;  volt  que  les 
ditz  menesadors  sian  obries,  e  que,  si  les  frayres  hi  metian  con- 
trast,  que  sian  de  [la]  obra  de  Sant  Johan. —  Item  leysi  al  rec- 
tor  de  Sant  Matieu  v.  s.  —  Item  leysi  a  vm.capelas  que  sian  a 
la  mia  sepultura,  a  cascu  xn.  d;  al  diache  vi.d;  a  mi.  en  fans 
il'ajjueles  que  venran  ani  los  capelas,  a  cascu  n.  d. 

Item'leysia  mastre  P.Riu  x.  s;  a  la  obra  de'san  Johan, de  Sauf 
Malien,  de  [la  Rial,  de  Sant  Jàcme,  a  cascu  xn.  s;  a  les  un. 
basis  de  fefpaubres  de  les  un.  perro  [quias]  a  cascu  u.  a  les 
nri/ordes  de  paubretat  he  a  les  im.  ordes  de  lasdonas,  a  cascu 
n.  s. 

Item  per  vm.  seris,  cascu  d'una  liura,  (]iie  servescan  a  la  miu 
sepultura  xxv.s. 

Item  leysi  àna  Bertolmiva  fila  d'En  Bertolmiu  Selarer,  fil- 
lola  mieua  v.  s;  a  Na  Girauda,  fila  del  balle  de  Polestres, 
lilola  mina  x.  s;  à  N  .P.  Johan, co [m]  payre  mien,  las  milors  dos 
raubas  que  jeu  aya,  per  amor  de  Deu. 

Item  leysi  a  na  Chatarina  lila  d'En  Perpinya  Comas  filola 
mieua  v-s;  aNa  Ramonda  Masona  leysi  x.  s. 

1  Le  testament  latin  porte  P.  Orts  barber ius,  Lr-  mot  barber  est  ajouté 
île  la  main  du  notaire. 


DOCUMENTS    DIVERS  9 

Item  lejsi  per  pitansa  a  les  frayrcs  Menors  lo  dia  que  jeu 
me  more  x.  s;  lejsi  per  la  fi  de  la  confrayria  de  Saut  Johan 
il.  s;  lejsi  a  xxx.  capelas  que  eanten  per  la  mia  arma  lo  dia 
de  la  mia  sepultura,  qui  frayrcs,  qui  capelas  seglars,  a  cas- 
cu  xn.  d. 

Item  volt  que  les  menazadors  uo  sian  tengutz  de  rede  cQmte 
ni  albirbe,  ni  a  ho-m  per  el,  ni  al  ofecial,  ni  a  hom  per  el,  ni 
a  neguna  presona  del  mon;  meys  qu'en  puscanfer  a  tota  lur 
volontat,  confisan  de  lur  lialtat. 

Item  lejsi  heyretiera  Na  Grazida  moler  mieua,  que   sia  ten- 
guda  de  pagar  totas  mas  leysas  he  totz  mos  tortz,  si  degu  n'a- 
paria.  Aquesta  es  la  miva  darîera  volontat  la  quai  voli  quis'm 
obserueda  (sic). 

Testes  rogati  sunt  Jac.Adzam,  etPetrusBasini,  Bn  Codaleti 
sutores,  G.Ajmerici  lanternerius,  P.Boerii  ortolanus,  Joban- 
nes  Laureti  ortolanus,  Bn  Boerii  pellicerius,  omnes  de  Per- 
piniano;  Johannes  Brasardi  Robertus  Niauti,  clerici  etcanto- 
res  doniini  Ducis ',  etego  G.  Caillasses  notarius.  Laudat.  mi. 
die  marcii  anno  M.CCC.LXXX. 

(Archiv.  des  Pyr.-Or.  —  Notule  de  Guillaume  Gaulasses,  notaire  de 
Perpignan,  ann.  1380.) 

IV 

1397  (  Narbonnais?)2 

Sapian  totz  que  jeu  Jacmes  Aliba,  de  Tuxa,  son  tengut  e 
obligat  de  far  ordenassa  per  Gaubert  de  Ramat  de  la  Barta, 
per  la  siena  arma,  q[.ue]  redet  l'arma  a  Dieu,  quar  en  autra 
guiza  no  se  cebelira  en  sementeri  sagrat. 

1  C'est  Jean,  duc  de  Gerone,  fils  aîné  et  successeur  du  roi  Pierre 
d'Aragon . 

2  Cette  pièce  est  transcrite  dans  un  acte  reçu  à  Montauban.  le  2  mars 
1397,  par  Galhard  deVilleneuve,  notaire  de  Toulouse,  habitant  de  Montau- 
ban, portant  quittance  d'une  somme  de  112  livres  et  demie  petits  tour- 
nois, faite  par  Raymonde  de  Boer,  héritière  de  son  fds  Gaubert  de  Ramat. 
décédé  ab  intestat,  en  faveur  de  Dominique  deTarba.  C'est  à  Tuchan 
(département  de  l'Aude)  que  cette  pièce  semble  avoir  été  rédigée,  mais 
le  dialecte  particulier  du  Termenès  semble  avoir  été  altéré  par  le  notaire 
de  Montauban,  du  moins  en  ce  qui  concerne  l'article. 


10  DIALECTES  ANCIENS 

Item  vcu  dit  Jacme  e[y]  fayta  ordonassaper  lo  dit  Gaubert, 
de  voluntal  de  ssos  amixs  [e]  de  ssa  mayrc. 

Hem  leyssi  a  La  obra  de  Moss.  Sanht  Johan  Evangelista   de 
Tuxa,  en  lo  quai  lo  dit  Graubert  fonch  eoffessat  e  comenyat    e 
près  los  ordr[es],  corn  a  bon  crestia  deu  far,  hu  cali  entro  la 
valor'de  onze  scutz  d'aur,  a  servir  lo  cors  de  Jhû  Crist. 

Item  layssi  en  hu  capela  que  cantara  mis  sa  nouela,  que  pre- 
gue  Dieus  perla  siena  arma,  sine  escutz  onze  gros. 

Item  layssi  en  hureyre  taule  de  Monss.  Sanct  Ipolit  lion  lo 
dit  Gaubert  avia  tôt  jor[n  sa  devojtio,  quatre  escutz  d'aur. 

Item  leysi  a  la  obra  de  Sanhl  Johan  avangelista,  on  lo  dit 
Gaubert  redet  l'arma  a  Dieu,  una  entorta  de  sera  valent  sine 
sotz,  a  levar  lo  [cors  de]  Ihû Crist. 

Item  leyssi  a  l'autar  del  dit  moss.  Sant  Johan  evangelista 
dotze  deniers. 

Item  al  curât  del  dii  loc  xn.  de. 

Item  a  totz  losautas  de  Nostra  Dona  del  Peyro  '  del  dig  loc 
a  cascun  xn.  deniers,  lo  quai  son  sine  autas. 

Item  leyssi  a  Sanht  Just  de  Narbona  xn.  deniers. 

Item  als  quatre  ordres  de  paubretata  cascun  xn.  de. 

Item  als  quatre  hospitals  gênerais  a  cascun  xn.  de. 

Hem  leyssi  à  totz  los  capelas  que  son  anjajtz  a  la  sepultura 
del  dit  Gaubert  très  franxs. 

Hem  leyssi  als  ditz  capelas  per  lo  despentz  que  feron  al 
dinnar  sies  sotz  quatre  deniers. 

(Parchemin.  —  Arch.  des  Pyr.-Or.). 

V 
1411  (Béarnais)  ' 

A  noslre  car  senher  En  Gabriel  Resplandent  not[ari]  en  lo  loc  de 

Perpinhaa. 

Car  senher,  sapiatz  que  per  dauant  nos  autes,  cort  thientz, 
es  viencut  Arnaut  de  Sobiole,  filh  de  Condor,  qui  fo  de  Bosom 

1  L'église  de  Notre-Dame  du  Peyro  est  située  près  de  Tuchan. 

-'  Cette  pièce  s^  papprorle  à  la  succession  d'un  certain  Bosom  de  Domeg, 
du  lieu  deGélos,  près  de  Pau.  ihVédé  en  Roussillon.  !  a  Revue  <Ips  lan- 
<l>tp<:  romanes  à  déjà  publié  d  >ux   autres  documents  se  rattachant 
même  affaire. 


DOCUMENTS    DIVERS  11 

de  Doraeg  saenrers,  deu  loc  de  Gelos  prop  Pau  en  la  dioc.  de 
Lascar;  en  que  nos  ha  denunciat  que  sus  la   mort  de  Bosom 
deu  Domeg  deu  diit  loc  de  Gelos,  son  oncle,  fray  de  ssa  ma\ . 
luy  es  necessari  de  portar  per  dauant  vos  déclaration  e  serl 
ficasion  de  la  parentele  deus  diitz  Bosom  e  Condor  e  deu  diii 
Ar[naut].  Senyer,  sapiatz,  eper  vie   de   sertiffication  vos  de- 
nunciam  judiciaumentz,  per  vie  e  per  maneyre  de    subeidi 
dret,  que  lots  diitz  Bosom  e  Condor  eren  fray  e  sor  germaas, 
/îlhs  de  un  pay  e  de  une  may,  et  que  de  la  diite  Condor  es  filh 
de  leyau  matremoni  lo  diit  Ar[naut] ,  e  la  diite  Mariote   aixi 
niedixs  filhe  ;  esonnebot  e  nebode  deu  diit  testayre,  e  lo  rliii 
Ar[naut]  es  prim  e  universau  hereter   de   la  diite  Condor,  e 
aixi  meclix  deu  diit  Bosom  cum  a  sson  oncle.  Si  que  nos  vus 
certifficam  ab la  présent  letre  sagerade   deu    propri  saget  de 
la  cort  e  viele  de  Pau,  on  los  de   Gelos  en  la  temporalitat   se 
judgen  epassen  judyament,  que  io  diit  Ar[naut]  de  Sobiole  e 
Mariote  son  filh  efilhe  de  la  diite  Condor,  sor  deu  diit  Bosom. 
le  eren  nebotz  deu  diit  Bosom  tant  quant  visco.  E  asso  vos  de- 
nunciam,  e  per  vie  de  testiffication  vo'n  tremetem  la  présent 
letre,  per  conservai- lo  dreteaccion  quelo  diit  Ar[naut],  nebol 
Jeu  diit  Bosom  testayre,  portador  de  las  presentz,  ha  o   po1 
tuer  en  la  darre  voluntat   o  testament  deu  diit  Bosom.  Scriil 
en  lo  loc  de  Pau  lo  V.  jorns  d'ottobre  [M  CCCC  XI]. 

Lo  clauer  juratz  e  cort  de  Pau. 

(Original  sur  papier:  Gabriel  Resplant,  notaire  de  Perpignan,  ma- 
nuel de  1411.  —  Archives  des  Pyr.-Or.) 


VI 

1  121  (Narbounais)  ' 

Jacme  Hue,  bayle  de  la  Palma,  ad  toutz  aquels  ei   aquelas 
[ui  aquesta  présent  letra  veyran    salin/,  en  Nostre  Senhor. 


1  Le  lieu  de  la  Palme  est  situé  à  l'extrémité  du  Narbounais,  sur  la 
frontière  du  Roussillon,  en  face  de  Salses,  où  l'on  parle  le  pur  catalan. 
La  séparation  des  deux  dialectes,  catalan  et  languedocien,  s'est  maintenue 
depuis  des  siècles,  et  se  conserve  encore  aujourd  nui  entre  les  villages  du 
Roussillon  et  ceux  du  Narbounais,  ou  du  pays  de  Feaollet.  Elle  est  sur- 
tout marquée  entre   les  villes  d'Estagell  et  de  la  Tour-de-France,  qui 


12  DIALECTES    AKCIEKS 

A  la  supplicacio  et  requesta  de  Daudun  cappella,  del  loc  de 
Ariu1  en  la  dioc.  de  Rodetz,  supplica  benignem'ant  (sic)  a  la  mot 
honrada  donamadona  Angnes,  molher  de  sa  entra  entras  (sic) 
del  molthonratsenhor  losenhor  En  Laurens,  demoran  a  Perpe- 
han  deuant  la  font  de  la  Picarda2,  que  playssa  a  la  dita  donade 
luy  trametra  ni,  floris  d'Arrago  e  miech,  e  n.  capayros  et  i. 
p'ohhal8,  et  que  li  plassa  de  baylar  a  Johan  Vayrac  portador 
de  la  présent  letra;  quar  le  Daudun  a  agut  nécessitât  de  nia- 
lautia  que  non  pot  caminar,  et  a  grant  mestier  de  sa  moneda. 
Et  dona  plapoder  al  dit  Johan  Vayrac  de  aquitiar  de  tôt  en 
tôt  la  dita  dona  Agnes  per  carta  o  per  albara,  o  en  tota  la 
forma  que  savi  o  savis  clers  o  poyran  ditar  a  prophiet  et  uti- 
litat  de  la  dita  dona.  Et  per  maior  fermetat,  yeu  desus  dit 
Jacme  Hue,  bayla,  ay  fayt  aquesta  letra  a  mons.  Johan  Ro- 
bert cappela  de  la  Palma,  en  testimoni  de  Beringuier  Saurina 
de  Laucata  et  de  Thomas  de  Marvilla  sa[r]tra  de  la  Palma, 
eserit  al  dit  le  derrier  jorn  de  may  Tan  mil  cccc  xxi,  et  ay 
pauràt*  le  segell  de  la  cort  per  maior  fermetat. 

Jacme  Hue  bayle  de  la  Palma, 
a  requesta  de  Daudun  cappella, 
qui  moût  si  recomanda  a  la  dona 
Alignes  Laurenssa. 

(Au  b  s,  traces  d'un  petit  cachet  rond,  cire  verte.  —  Archives  du  dépar- 
tement des  Pyrénées-Orientales). 

VII 

Vers  1  i'23  (Avignon  1) 

A  mon  char  e  grant  amie  a  Monss.  Raymon  Isquiu,  bénéfi- 
ciai en  la  gleisa  de  San  Johan  de  Perpina,  sian  t[ramesas]. 

sont  situées  aux  deux  extrémités  d'une  plaine,  à  une  distance  de  trois 
quarts  d'heure  au  plus  l'une  de  l'autre  :  on  parle  catalan  dans  la  première, 
qui  a  toujours  appartenu  au  Roussillon,  et  languedocien  dans  la  second^. 

1  Mot  corrigé  par  le  scribe  et  peu  lisible  ;  peut-être  y  avait-il  d'abord 
Aniu. 

2  La  Font  de  \a  Pincarda  existe  encore  à  Perpignan,  adossée  au  mur 
d'une  maison  de  l'ancienne  famille  Pineard.  Le  scribe  a  sans  doute  omis 
le  trait  qui  marque  l'n  dans  ce  mot.  ainsi  qne  dans  Perpehan. 

;  Pohal  (cruche)  a  peut-être  été  écrit  par   erreur  pour  ponhal  (poi- 
gnard ). 
'  Pour  pausat,  nouvel  exemple  du  passage  d's  en  r  en  langue  d'oc. 


DOCUMENTS    DIVERS  13 

Char  seinher  e  bon  amie,  hieu  mi  recomande  a  vos,  e  doue 
mi  meravilla  de  vos  de  so  que  m'avias  script,  que  no  m'aves 
ren  atendut:  per  qui  mi  sembla  que  hieu  mi  pode  pauc  fizar 
"ii  vostras  paraulas  ni  en  vostre  script,  quar  ren  que  mi  man- 
des non  ven  as  efieit.  Per  que  vos  pregui  que  me  volies  scrire 
tota  vostra  voluntat  e  vostra  entencio,  e  aquo  visa  las  (sic) 
présent,  quar  m'entencio  es  que  vos  mi  daires  pagar  so  que 
mi  deves,  si  vos  plas.  ho  altramen  hieu  hi  metrey  tôt  lo  re- 
medi  que  hieu  poriey,  quar  hieu  mi  '  crese  ben  que  lo  Rey 
d'Arago  mi  fara  bona  justicia,  e  vos  non  hi  penres  ni  profiey 
ni  honor,  si  cove  que  s'i  fassa  am  la  rigor  del  seinhor.  Per 
que  vos  pregui  que  no  vos  metas  en  aquo,  quar,  per  ma 
fe,  desplaira  mi  si  vos  n'aves  despen  ni  dannage  :  quar  non 
mi  cuda  {sic)  pas  esser  amistat  ma  be  vos  per  so  que  vos  mi 
decces  far  desplaser,  ni  hieu  a  vos  ;  en  pero  non  es  ma  colpa, 
quar  cascunh  vol  aver  lo  sien.  Pregi  vos  que  mi  volias  tra- 
metre  aquelles  lxv.  fF.  que  son  degut  al  ter  2  de  TostS  fants] 
passada,  e  fares  mi  plaser  e  cortesia  e  a  vos  profiet.  Si  nen- 
guna  causa  podia  far  de  part  de  say,  mandat  m'o,  quar  de  bon 
cor  ho  faria. 

Nostre  Seinher  sia  garda  de  vos.  Script  a  Vinon  3  lo  xvm. 
jorn  de  mars. 

De  part  lo  tôt  vostre  Gamot  Geyssem. 

(Archives  des  Pyrénées- Orientales.  —  Série  G., 
évêché  d'Elne). 

b 

1  Hieu  mi  crese  ben  que.  On  peut  dire  que  cette  manière  de  parler 
est  encore  employée  dans  tout  le  midi  de  la  France. 
-  Terme? 
;i  Mns.  avion,  avec  un  trait  sur  les  trois  dernières  lettres. 

Alart. 
(A  suivre.) 


DIALECTES  MODEKNES 


-  -       ./n/VWVWW— 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC 

[Suite) 

XXX  VII.   —  LOI!  MARIAGE  DE  1,'aLAUSETA 

1)  Lou  pinsar  etl'alauseta 
Se  se  voulion  maridà. 

Lou  premier  jour  de  la  nossa 

N'avien  pas  resperraanjà. 

Se  ne  ven  un  gros  tavan, 

Sus  soun  col  porta  un  pan  blanc. 

2)  Tura  lalureta, 

M'alauseta, 
Moun  castel, 
Tant  bel  ! 


6m 


3)     Perde  pan,  n'avèn  be  prou,   ) 
Mes  de  .vi,  disèn  de  nou  .  S 

Se  ne  ven  un  gros  mouissau, 
Sus  soun  col  porta  un  barrau. 

■A)     Per  de  vi,  n'avèn  be  prou;       )    ,. 
,  ,.  .      .  >  ois. 

Mes  de  car,  disen  de  nou.        5 

Se  ne  vèn  un  parpalhou. 

Que  ne  porta  un  gros  mou  ton. 

5)  Per  de  car,  u'avèn  be  prou:    )    ,. 
Mes  de  frucha,  disèn  de  non. ,( 

Se  ne  vèn  un  béu  sausin, 
Sus  soun  col  porta  un  rasin. 

6)  Per  de  fruit,  n'avèn  be  prou;}    .  . 
Mèsdedansairas,  disen  de  nou.' 
La  nieira  sort  dau  linsôu, 

Pai  cambadas  sus  lou  sôu. 


J/S. 


CHANTS    POPULAIRES   DU    LANGUEDOC  15 

7)     Per  de  dansairas,  n'avèn  prou; } 
Mèsdedansaires,disèndenou.) 

Lou  pesoul  sort  dau  fatras, 
Pren  la  nieira  per  lou  bras. 

S)     Per  de  dansaires,  n'avènprou  î 
Mèsdejougaires,disèndenou.  î 

Lou  rat  sourtis  d'un  trauquet, 
Joga  dau  tambourinet. 

9)     Per  jougà,  jougarèn  prou,     3 
Se  ne  vèn  pas  lou  catou.  ) 

Lou  cat  sourtis  dau  cendriè, 
Manja  lou  tambouriniè. 

Le  Mariage'de  l'Alouette.  —  1).  Le  pinson  et  l'alouette  —  se 
voulaient  marier.  — Le  premier  jour  de  la  noce, —  ils  n'avaient  rien 
à  manger.  —  Mais  il  vint  un  gros  taon  —  qui  sur  son  cou  portait 
du  pain  blanc. 

2)  Ture  lalurelte.  —  mon  alouette,  —  mon  château  —  si  beau  ! 

3)  Nous  avons  assez  de  pain, — mais  nous  n'avons  pas  de  vin 
(bis).  —  Mais  il  vint  un  gros  moucneron  — qui  sur  son  cou  portait 
un  tonneau. 

4)  Nous  avons  assez  de  vin,  — mais  nous  n'avons  pas  de  viande 
(bis).  —  Mais  il  vint  un  papillon  —  qui  portait  un  gros  mouton, 

5)  Nous  avons  assez  de  viande,  —  mais  nous  n'avons  pas  de  fruits 
(bis).  —  Mais  il  vint  une  mésange,  —  qui  sur  son  cou  portait  un 
raisin. 

6)  Nous  avons  assez  de  fruits,  —  mais  nous  n'avons  pas  de  dan- 
seuses (bis}. —  La  puce  sortit  du  drap  de  lit —  et  lit  de  grandes  en- 
jambées sur  le  sol. 

7)  Nous  avons  assez  de  danseuses,  —  mais  nous  n'avons  pas  de 
danseurs  (bis).  —  Le  pou  sortit  des  hardes  —  et  prit  la  puce  par- 
dessous  le  bras. 

8)  Nous  avons  assez  de  danseurs,  —  mais  nous  n'avons  pas  de 
joueurs  (  d'instruments  )  (bis).  —  Le  rat  sortit  d'un  trou  —  et  joua 
du  tambourin. 

9)  Nous  avons  assez  do  joueurs  (  d'instruments),  — pourvu  que  le 
chat  de  vienne  pas  (6/*) .  —  Le  chat  sortit  du  cendrier  —  et  man- 
gea le  tambourineur. 

Chantée  et  notée  d'après  M.  Ancette,  do  Montpellier. 

Cf,  Damase Arbaud,  Chanls  populaires  de  la  Provence  I,  p.  Il)':  lou 


10  DIALECTES  MODERNES 

Mariagi  doou  parpalhou.—J .  Bugeaud,  Chants  et  chansons  populaires  de 
l'Ouest,  etc.,  II.  p.  189:  las  Noueços  doou  quinsoun.-U  en  cite  une  ver- 
sion de  1780:  le  Pinson  et  l'Aloveto,  Essai  sur  la  musique  ancienne  et  mo- 
derne, II,  p.  1  il.  Paris,  Ph.de  Pierres,  M dcclxxx.  —  Cénac-Moncaut, 
Littérature  populaire  de  la  Gascogne,  etc.,  I,  p.  377:  lou  Maridalje  dou 
pinsan. —  Anacharsis  Combes,  Chants  pop.  du  p'iys  castrais,  etc.,  p.  33: 
la  Laouzeto  amm'el  pioussou.Qn  Puymaigre,  Chants  pop.  du  pays  messin, 
p.  309  et  311  ;  il  cite  l'existence  de   ce  même  chant  dans  le  Cambrésis. 

Il  y  a,  de  plus,  dans  Damase  Arbaud,  Chants,  etc.,  I,  p.  195,  sous  le 
titre  de  lou  Mariagi  doou  parpalhoun,  une  version  sur  un  motif  un  peu 
différent,  quoique  le  fond  soit  le  même  Cf.  aussi  J.  Bugeaud,  Ch.  pop.  de 
l'Ouest,  1,  38,  les  Noces  du  papillon  (berceuse). 


XXXVIII.  —   l'alauseta  et  lou  quinsou 

i)       L'alauseta  et  lou  quinsou 
Voulièn  faire  un  mariajou. 
Quand  venguèrou  d'espousà, 
Aguèrou  pas  res  per  manjà. 

2)  Pan,  pan,  pan, 
Gara,  gara; 

Pan,  pan, 
Gara  de  davan. 

3)  De  délai  sourtis  un  lou, 

Sus  soun  col  porta  un  moutou. 

4)  De  délai  sourtis  un  brau, 
Sus  soun  col  porta  un  barau. 

5)  De  délai  sourtis  un  durbec, 
Porta  trege  veires  sus  soun  bec. 

6)  De  délai  sourtis  un  bec  blanc, 
Sus  soun  bec  porta  un  pan  blanc. 

L'Alouette  et  le  Pinson.  —  1)  L'alouette  et  le  pinson  —  vou- 
laient faire  un  petit  mariage. —  Quand  ils  vinrent  d'épouser,  —  ils 
n'eurent  rien  à  manger. 

2)  Pan  (ter),  —  gare,  gare;  —  pan  (bis),  —  gare  de  devant. 

3)  De  là-bas  sortit  un  loup,  —  qui  portait  sur  son  cou  un  mouton. 

4)  De  là-bas  sortit  un  taureau,  —  qui  sur  son  cou  portait  une  bar- 
rique. 


CHANTS  POPULAIRES    DU    LANGUEDOC  17 

5)  De  là-bas  sortit  un  dur-bec,  —  qui  sur  son  bec  portait  treize 
verres . 

6)  Delà-bas   sortit    un  bec-blanc  ,  qui  sur   son  bec  portait    un 
pain  blanc. 

Version  due  à  M.  H.  Bouquet,  de  Montpellier. 

XX XIX.  LA   LAISETA  ET  LOU  QUINSOUN 


1)     La  lauseta  et  lou  quinsoun      (  bis) 
Faguerou  un  mariajoun, 

L'enfant  malureta; 
Faguerou  un  mariajoun, 

L'enfant  malura. 

2)  Quand  lou  mariajoun  seguè  fà 
N'aguèroupas  ren  per  manjà. 

3)  De  délai  n'en  sort  l'enfant, 
A  soun  col  n'en  porte  un  pan. 

4)  De  pan  n'aurian  ben  proun, 
Mes  de  car  n'en  disèn  noun. 

5)  De  délai  n'en  sort  lou  loup, 
A  soun  col  porte  un  moutoun. 

G)     De  car  n'aurian  ben  proun, 
Mes  de  vin  n'en  disèn  noun. 

7)  De  délai  sort  lou  mouissau, 
A  soun  col  porte  un  barau. 

8)  De  vin  n'avèn  ben  proun, 
De  dansaire  disèn  noun. 

9)  La  nieira  sort  dau  lensôu, 
Grand  cambada  per  lou  sou. 

10)  Lou  pesoul  sort  dau  fatras, 
Pren  la  nieira  per  lou  bras. 

11)  De  dansaire  n'avèn  proun, 
De  tambourdiè  n'en  disèn  noun. 

12)  De  délai  n'en  sort  lou  ra, 
En  dau  tambour  au  coustà. 


ii 


18  DIALECTES  MODERNES 

13)     La  cata  sort  dau  cendriè, 
Emporta  lou  tambourdiè. 

L'Alouette  et  le  Pinson.  —  1  L'alouette  et  le  pinson—  firent 
un  petit  mariage,  —  l'enfant  malureta;  —  liiviu  un  petit  mariage. 

2)  Quand  le  petit  mariage  fut  l'ail.  —  ils  n'eurent  rien  à  manger. 

il)  De  là-bas  sort  l'enfant,  —  à  son  cou  il  porte  un  pain. 

4)  Nous  aurions  assez  de  pain,  —  mais  non  assez  de  viande. 

l>j  De  là-bas  sort  le  loup,  —  sur  son  cou  il  porte  un  mouton. 

Il)  Nous  aurions  assez  de  viande.  —  mais  non  de  vin  . 

7)  De  là-bas  sort  le  moucheron,  —  sur  son  cou  il  porte  un  baril. 

8J  Nous  aurions  assez  de  vin,  —  mais  non  île  danseurs, 

II)  La  puce  sort  du  drap  de  lit,  — etfaii  de  grandes  enjambées- 
sur  le  sol. 

10)  Le  pou  sort  du  fatras,  —  et  prend  ta  puce  par  le  bras. 

11)  Nous  aurions  assez  de  danseurs,  —  mais  non  de  tambouri 
neurs. 

12)  De  là-bas  sort  le  rat, —  avec  un  tambourin  au  côté. 

13)  De  là-bas  sort  la  chatte,  —  elle  emporte  le  tambourineur. 

Version  due  à  M.  Barbie,  de  Bernis  (Gard). 


XL.   —  AUTRE 

Lou  pinsart  ambe  la  lauseto 
Ne  bouliù  faire  un  mariajou, 

Lanfa  larireto, 
Ne  boulio  faire  un  mariajou 

Lanfa  larirou. 

Quand  benguerou  d'espousà, 
N'ajerou  pa  res  per  manja. 

Lou  boulangé  bé  de  dalaî 
Ambe  soun  paniè  joust  l*aisseléto 

De  panet  n'aben  be  prou 
Mes  de  carneto  noun  pas  nou. 

Lou  loubet  sort  del  bartas 
Ambe  soun  moutoù  gras . 

De  earneto  n'aben  be  prou 


CHANTS    POPULAIRES    1>U   LANGUKDOC  19 

Mes  de  binou  n'aben  pas  nou . 

Lou  bignerou  bé  de  dalai 

Embe  soun  baralhou  *  tra  '1  quiou. 

De  binou  naben  be  prou 
Mes  de  dansaires  noun  pas  non . 

Lou  pesoul  sort  del  fatras 
Atrapo  la  nieiro  pes  lou  bras. 

De  dansaires  n'aben  be  prou 
Mes  de  cantaires  noun  pas  nou. 

Lou  ratou  sort  del  traucou 
Atnbe  soun  tambour  tral  eoupetou. 

Ieu  bous  tambournarai  bé 
Mes  que  me  parés  al  minau. 

Nautres  te  pararen  bé 
Mes  à  la  cato  ni  sai  pas  ré . 

Lou  minou  sort  del  cendriè 
Trai  un  sait  sul  tambourniè. 

Sophie  Saliel,  de  Saint-Laurent  d'Olt  (Aveyron). 

XL.  —  LOU    MARIAGE    DEI.S    AUSSELS 

1)  La  lauseto  et  lou  quinsou 
Xe  bouliôu  faire  un  raariajou, 

La  fan  ladereta; 
Ne  bouliôu  faire  un  mariajou, 
La  fan  laderou. 

2)  Quand  seguérou  al  mié  repas, 
N'ajérou  pas  res  per  manjà. 

3)  La  lauseto  souort  de  délai, 
Qu'elo  ni  pouorto  un  pan  blanc. 

4)  «  De  panetn'abèn  be  prou, 
Mes  de  carneto  nidisèn  nou.  » 

4  Le  baralhou  est  suspendu  comme  les  petits  barils  des  vivandières  de 


20  DIALECTES  MODERNES 

5)  Lou  croupatas  souort  d'un  coustat, 

Lus  ni  traino  un  bedigas. 

6)  «De  carneto  n'aben  be  prou, 
Mes  de  binet  disèn  de  nou.  » 

7)  Lou  mousau  souort  de  dalai, 
E  ni  pouorto  un  plén  barrau. 

8)  aDe  binet  n'abèn  be  prou, 
Mes  de  dansaires  disèn  nou.  » 

9)  Lou  pesoul  souort  del  fatras, 
Croquo  la  nièro  per  lou  bras. 

10)  aDe  dansaires  n'abèn  be  prou, 
Mes  de  cantaires  disèn  nou.  » 

11)  Lou  ratas  souort  del  traucas, 
Em  lou  tambour  jout  lou  bras. 

12)  Mes  iéu  bous  cantariô  un  pàu, 
Se  mi  parabias  del  minàu.  » 

13)  Lou  cat  ne  souort  del  cendriè, 
N'empouorto  lou  tambourinié  ! 


Le   Mariage  des  oiseaux.  —  1)   L'alouette  et  le  pinson  —  vou- 
laient faire  un  petit  mariage. 

Refrain  :  La  fan  la  derete;  —  voulaient  faire  un  petit  mariage,— 
la  fanladérou. 

2)  Quand  ils  furent  à  la  moitié  <îu  repas, —  ils  n'eurent  rien   à 
manger. 

3)  L'alouette  sort  de  là-bas,  —  elle  apporte  du  pain  blanc 

4)  De  pain  nous  avons  assez,  —  mais  non  pas  de  viande. 

5)  Le  corbeau  sort  d'à  côté,  —  traînant  après  lui  un  bélier. 

6)  Nous  avens  assez  de  viande, —  mais  nou?   n'avons  pas  devin. 

7)  Le  moucheron  sort'de-là  bas,  —  il  en  apporte  nn  plein   baril. 
N)  Nous  avons  assez  de  vin,  —  mai  3  nous  n'avons   pas  de  dan- 
seurs . 

9  )  Le  pou  sort  du  tas  de  chiffons, —  et  prend  la  puce  par  le  bras. 

10)  Nous  avons  assez  de  danseurs, — mais   de  chanteurs  nous 
n'en  avons  pas. 

11)  Le  gros  rat  sort  du  trou  — avec  le  tambour  sous  le  bras. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC        21 

12)  «  Je  chanterais,  dit-il,  pour  que  vous  dansiez,  —  si  vous  me 
défendiez  contre  le  chat.  » 

13)  Le  chat  sort  du  tas  decondres— et  emporte  le  tambourineur. 

V.de Saint-Audré-de-Lancize.due  à  M.  le  pasteur  Liebig. 

XLI.  —  l'alauseta  et  lou  pidzou 

1)  L'alauseta  et  lou  pidzou 
Vourion faire  un  mariadzou. 

2)  Refrain.  Lan  lardereto; 
Vourion  faire  un  mariadzou, 

Lan  larderou. 

3)  Quand  vinguéroun  d'espousà 
Troubairoun  rien  per  mindsà. 

4)  Lou  loubas  ne  sort  d'elai 
Adiusant  immoutoun  gras. 

5j      Por  de  tsararen  n'en  prou, 
Por  de  pain  que  ferons-nous  ? 

6)  Lou  rinor  ne  sort  d'elai 
Avec  un  pané  de  pain. 

7)  Por  de  pain  aren  n'en  prou, 
Por  de  vi  que  forons-nous? 

8)  Lou  graillas  n'en  sort  d'elai, 
Adiusant  un  tounelou. 

9)  Por  de  vi  aren  n'en  prou, 
Por  dansa  que  ferons-nous  ? 

10)  Lou  peu  sort  du  pétas, 
Prin  la  neira  pèr  lou  bras. 

11)  Por  dansa  aren  n'en  prou, 
Por  toucha  que  ferons-nous? 

12)  Lou  retour  sort  du  pertias 
Adiusant  un  tambournet 

13)  Lou  minou  sort'du  cendre 
Empourta  lou  tambournet. 

14)  S'aguessa  para  lou  minou, 
Arion  dansa  tout  notre  saoul. 


22  DIALECTES  MODERNES 

1/ Alouette  et  le  Pinson.  — 1)  L'alouette  et  le  pinson — voulaient 
faire  un  petit  mariage. 

2)  Refrain.  Lanlarderete; —  voulaient  faire  un  petit  mariage. — 
Lanlarderou. 

3)  (Juancl  ils  vinrent  d'épouser, — ils  ne  trouvèrent  rien  à  manger. 

4)  Le  gros  loup  sort  delà-bas,  —  apportant  un  mouton  gras. 

5)  Nous  avons  assez  de  chair;  —  pour  ;e  pain. comment  ferons- 
nous? 

6)  Le  renard  sortdc  là-bas,  —  avec  un  panier  de  pain. 

7)  Nous  avons  assez  de  pain; — pour  le  vin.  comment  feron-snous? 

8)  Le  corbeau  sort  de  là-bas,  —  apportant  un  tonnelet, 

9)  Nous  avons  assezdevin;  — pourdanser,  comment  ferons  non.-.' 

10)  Le  pou  sort  d'un  haillon  —  et  prend  la  puce  parle  bras. 

11)  Nous  avons  pourdanser,  —  mais  qui  touchera  d'un  instru- 
ment'? 

12)  Le  rat  sort  du  pertuis,  —  apportant  un  petit  tambour. 

13)  Le  chat  sort  du  cendrier  —  et  emporte  le  tambourineur. 

14)  Si  l'on  avait  pu  éviter  le  chat.  -  nous  aurions  dansé  tout 
notre  soûl. 

Version  communiquée  par  M.Victor  Smith,  d'après  Nannelte  Lévesque, 
qui  l'avait  apprise  elle-même  à  Ste-Eulalre  (Ardèche,  Vivarais),  son  pays. 


XLIIÏ.  —  l'areuveta  et  le  pindzou 

1)  L'areuveta  et  le  pindzou  |  vourion   l'aire  un  mariadzou. 

2)  Refrain.  —  Lanturlette, 

Vourion  faire  un  mariadzou, 
La  tanturlou. 

3)  Quand  vinguéroun  d'espousà,  j  ne  saioun  pasque  mindzà. 

4)  D'elai  n'en  vint  un   gros  lou.  |  que  qous  apporte  un   bio 

mouton. 

5)  PoUrdè  viande,nous  enavons,  \  Etdepain,  que  ferons-nous? 

6)  D'elai  n'en  vint  un  gra  vieil,  |  que  nous  n'apporte  un  plen 

carnié  '. 


1  Carnié   carnassière,  sac  à  provision 


CHANTS    POPULAIRES    DU    LANGUEDOC  2Î 

7)  Pour  de  pain,  nous  en  avons,  \  Et  de  vin,  que  ferons-nous'} 

8)  Délai  n'en  vint  un  coutau1,  |  que   nous   n'apporte  bèn  un 

pàu  • 

9)  Pour  de  vin,  nous  en  avons,  \  Et  de  verres  que  ferons-nous? 

10)  D'elai  ne  vingùè   un  verrié,  |  que  nous  n'apporte  un  plen 

paniè . 

11)  Pour  le  verre,  nous  en  avons,  !  Et  de  danseurs,  que  ferons ■- 

nous? 

12)  La  piûse  sort  dôu  petà  ]  et  le  pa  de  dessous  le  bras. 

13)  Pour  de  danseurs,  nous  en  avons,  j  Et  de  toucheurs,  que  fe- 

rons-nous? 

14)  Le  rat  ne  sort  dôu  greniè,  |  onbourson  tambour  à  l'arriè. 

15)  Pour  de  toucheurs,  nous  en  avons,  \  Et  d'amuseurs ,  que  fe- 

rons-not 

16)  Le  tsà  n'en  sort  dôu  fluriè3,  |  saute  sur  le  tambourinié 


rons-nous? 


L'Alouette  et  le  Pigeon.  — !)  L'alouette  et  le  pigeon —  vou- 
laient faire  un  petit  mariage. 
■2)  Lanturleite;  —  voulaient  faire  un  petit  mariage, —  lanturlou. 

3)  Quand  ils  vinrent  d'épouser, — ils  ne  savaient  que  manger. 

4)  De  là-bas   vint  un    gros  loup,  —  qui  nous  apporte   un  gros 
mouton. 

6)  De  là-bas  vint  un  vieux  corbeau,— qui    nous  en  apporte  un 
plein  sac. 
8)  De  là  vint  un  muletier, —  qui  en  apporte  un  peu. 
10)  De  là  vint  un  verrier,—  qui  en  apporte  un  plein  panier. 
12)  La  puce  sort  du  haillon  —  et  prend  le  pou  sons  le  bras. 
14)  Le  rat  sort  du  grenier  —  avec  son  tambour  au  derrière. 
Ui,  Le  chat  soit  du  foyer  —  et  saule  sur  le  tambourineur. 

Communiqué  par  Toussaint  Ghavanas,  de  Saiflt-Just-Malmont  (  bourg 
de  Forez,  voisin  du  Velay,  et  actuellement  englobé  dans  la  Haute-Loir 
à  M.  Victor  Smith. 

1  Coutau,  muletier;  de  couda,  hâter. 

8  Le  fluriê  ou  flourïé  est  le  trou  pratiqué  pour  recevoir  la   cendre.  Le 
cendrier. 


24  DIALECTES  MODE RIS ES 

XLIIÏ.   —  LA  LAUSETO  E  LE  PEPISSOU 

1)     La  lauseto  ame1l  pepissou         [bis) 

Se  marideroun  toutis  dous, 
Lanflan  larira,  lanilan  larireto; 
Se  marideroun  toutis  dous, 
Lanflan  larira. 

2)  Quand  ajèro.un  espousat,  |  i'ajètpas  de  pa  per  manjà. 

3)  Pr'aqui  passo'n   merle  blanc,   |  a  soun   bec  porto'n  pan 

[blanc. 

4)  Aro  de  pa  n'aben  prou,  |  mes  de  car  noun'aben  nou. 

5)  Pr'aqui  passo'n  reiatou  ,  J   sus  soun  cos  porto'n  moutou 

6)  Aro  de  car  n'aben  prou,  |  mes  de  bi  nou  n'aben  nou. 

7)  Pr'aqui  passo'n  mouscal,  j  sus  l'alo  porto'n  barrai. 

8)  Aro  de  bi  n'aben  prou,  |  mes  de  nocejaires  nou. 

(J)  Lou  cimetsort  daltrauquet,  I  tout  descoui'at,  sans  bonnet, 

10)  De  nocejaires  n'aben  prou,  |  mes  de  bal  nou  n'aben  nou. 

11)  Lou  rat  sourtis  dal  paliè,  |  amé  soun  biuloun  darniè. 

12)  De  musicaires  n'aben  prou,  |  mes  de  dansaires  n'aben  nou. 

13)  La  piusé  quitto'l  lançol,  |  fa  cinq  espinguets  pel  sol. 

14)  Lou  pesoul  sort  del  petas,  |  agafo  la  piusé  pel  bras. 

15)  Aro  abèts  prou  fait  de  sauts,  J  poudètsnous  daissa'n  re- 

[paus. 

16)  La  lauseto  se  coulquèt,  |  sabi  pas  se  dourmiguèt. 

17)  Mes  lou  pepissou  m'a  dit  |  que  quicon  abiô  espelit. 

L'Alouette  et  le  Pinson. — 1)  L'alouette  et  le  pinson — se  mariè- 
rent tous  deux,  —  lanilan  larira,  lanflan  larireto;  —  se  marièrent 
tou  deux,  —  lanflan  larira. 

•2)  Quand  ils  eurent  épousé,  —  ils  n'eurent  rien  à  manger. 

3)  Par  là  passe  un  merle  blanc,  —  à  son  bec  il  porte  un  pain 
blanc. 

4)  Maintenant  nous  avons  assez  de  pain,  —  mais  nous  n'avons 
pas  de  viande,  non. 

5)  Par  là  passe  an  roitelet,  —  sur  son  cou  il  porte  un  mouton. 


CHANTS   POPULAIRES    PU    LANGUEDOC  25 

6)  Maintenant  nous  avons  assez  de  viande, —  mais  nous  n'avons 
pis  de  vin,  non. 

7)  Par  là  passe  un  moucheron,  —  sur  son  aile  il  porto  un  baril. 

8)  Maintenant  nous  avons  assez  de  vin, — mais  nous  n'avons  pas 
de  gens  de  la  noce,  non. 

9)  La  punaise  sortd'un  petit  trou,— toute  décoiffée,  sans  bonnet. 

10)  Nous  avons  assez  de  gens  de  la  noce,  —  mais  nous  n'avons 
pas  de  bal,  non . 

11)  Le  rat  sort  du  grenier  à  foin,  —  avec  son  violon  au  derrière. 

1 2)  Nous  avons  assez  de  musiciens, — mais  pas  de  danseurs,  non . 

13)  La  p'jce  sort  du  drap  de  lit,  —  fait  trois  petits  sauts  surle  sol 

14)  Le  pou  sort  du  vieux  linge,  —  et  prend  la  puce  par  le  bras 
(pour  danser). 

15)  Maintenant  vous  avez  assez  fait  de  sauts, — vous  pouvez  nous 
laisser  en  repos. 

16)  L'alouette  se  coucha.  — je  ne  sais  si  elle  dormit. 

17)  Mais  le  pinson  m'a  dit  — que  quelque  chose  était  né  (éclos). 

Version  du   Narbonnais,  communiquée  par  M.  Achille  Mir,  d'Escales 
(Aude). 


XLIV.   LF  I.OUSOU    ET    LA  LOUSOUNA 

1)  Le  lousou  et  la  lousoune 
Vourian  faire  un  mariadzou. 

2)  Refrain.  Lenfan  larirette  ; 
Vourian  faire  un  mariadzou, 

Lenfan  larirou. 

3)  Quand  segueren  maridandà, 
N'agueron  rien  per  mandzà. 

1)     Le  boulangié  vinguè  d'elai 
Embe  una  tourta  den  son  coué. 

5)  Por  de  pan  blanc  n'aven  be  prou  ; 
Mes  de  vin,  que  ferons-nous  ? 

6)  Le  miulatiè  vinguè  délai, 
Embe  una  tardza  de  vi  blanc. 


7)     Por  de  vi  blanc  n'aven  be  prou; 
Mes  de  cher,  que  fe?*ons-nous  ? 


26  DIALECTES  MODERNES 

8)  Le  tsarcoutiè  vinguô  délai, 
Embe  une  espaula  de  mouton. 

9)  Porde  vianda  n'avcn  be  prou  : 
Mrs  de  danseurs,  que  ferons-nous? 

10)  La  neira  n'en  sort  dôu  linçôu, 
A  gambada  per  le  sou. 

11)  Lou  pesou  n'en  sort  dôu  petà, 
Tapa  la  neira  sur  le  bras. 

12)  Por  de  danseurs  n'aven  be  prou  : 
Mr>  des  toucheurs.  que  ferons-nous? 

13)  Le  rat  n'en  sorte  dôu  greniè, 
Ma  que  n'ai  por  dôu  minou . 

14)  Por  du  minou,  tepararai; 
Ma  de  la  tsata  ne  tarai . 

♦  15)     Le  tsà  non  sorte  dôu  fousè, 

Engafa  l<i  tambouriniè. 
Lenfan  landerirete  : 
Engafa  le  tambouriniè, 
Lenfan  larirè. 

L'Alouette  et  sa  fiancée.  — 1;  L'alouette  et  sa  tiancée — vou- 
laient faire  un  petil  mariage. 

2)  Refrain.  —  Lenfan  larirette  ;  —  voulaient  faire  un  petit  ma- 
riage, —  lenfan  larirou. 

3)  Quand  ils  furent  mariés,  — ils  n'eurent  rien  à  manger. 

4)  Le  boulanger  vint  de  là-bas,  —  apportant,  une  tourte. 

5  Vous  avons  assez  de  pain  blanc; — mais  pour  le  vin,  comment 
ferons-nous  ? 

6  Le  muletier  vint  delà-bas, —  avec  une  charge  de  vin  blanc. 
7)  Nous  avons  assez  de  vin  blanc  ;  —  pour  la  viande,  comment 

ferons-nous? 
S    Le  charcutier  vint  de  là-bas,  —  avec  une  épaule  de  mouton. 

9  Nous  avons  assez  de  viande  :  — pour  les  danseurs,  commeni 
ferons-nous? 

10  La  pure  sort  du  drap  de  lit  —  et  gambade  sur  le  sol. 

1 1)  Le  pou  sort  du  haillon  —  et  prend  la  puce  sous  le  bras. 

12)  Nous  avons  assez  de  danseurs  ;  —  pour  les  musiciens,  com- 
ment ferons-nous  ? 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC        27 

13)  Le  rat  sortit  du  grenier:  —  Mais  j'ai  peur  du  chat  ! 

14)  Je  te  défendrai  du  chat.  —  mais  non  pas  de  la  chatte. 

15)  Le  chat  sortit  du  foyer  —  et  mangea  le  tambourineur. 

Version  recueillie   par   M.   Victor  Smith,  d'après  Marie  Farigoulo,  do 
Vouy  (Velay  ). 


XLV.  —  LA    FOURM1HO     E    l,E    FOUZ0U1L 


Î5 


T 


^m 


3 


-*» 


-Y- 


La  fourmiho  an-de  l'pou-zouil,    La  four-miho  an  -  de    l'pou- 


4 


É: 


Mt 


-* — Jl2=l 


i»  !  «ESEg 


,<r    ig   <yz~y 


[,   I  1/    >    l  £ 


-l-^ 


zouil     Se     ma-ri    -  de  -  en    l'autre       ioun.Lan  -  fa        la  -  de- 


Sfcyrc 


fe=tc 


5?=£ 


-Jt —^ j^ — tr.  >.X 


re  -  to  ;    se    m  n 


de  -  en  l'autre  joun.Lan-fa    la-de-ra, 


1)     La  fourmiho  ande  Y  pouzouil  (bis) 
Se  maridèen  l'autre  joun. 

Lanfa  ladereto  ; 
Se  maridèen  l'autre  joun. 
Lanfa  ladera. 


2)  Quand  benguèen  d'espousa  {bis 
N'ajeèn  pos-  pà  per  manja  '. 

3)  P-'rachi  te  passo  la  perdic  {bis), 

And'  un  pà  de  dous  ardits. 

4)  Aro,  pà,bé  n'aben  prou  (bis); 
Mes  de  bi,  nou  n'aben  nou2. 

4  Var.:  Grando  feslo  boulion  fa, 
N'aion  pos  mico  de  pa. 

2  Var.:  Aro,  que  de  pa  aben; 

Mes  de  bi.  coussi  fasèn  ? 


/> 


28  DIALECTES    MODERNES 

5)  P'rachi  te  passo  un  mouscalhou  (bis), 
Su  F  colh  n'en  porto  un  semalou1. 

6)  Aro,  bi,  bé  n'aben  prou  [bis); 
Mèsbeires,  nou  n'aben  nou. 

7)  P'rachi  te  passo  le  firbec  [bis), 
And'  un  parelh  de  beires  al  bec  -. 

8)  Aro,  beires,  bé  n'a  ben  prou  (bis); 

Mes  de  car,  nou  n'aben  nou. 

9)P'rachi  te  passo  un  parpalhol  (bis), 
Ande  un  biou  roustit  sul'  colh. 

10)  Aro,  car,  bé  n'aben  prou  (bis); 
Mes  de  dansaires,  non  n'aben  nou. 

11)  La  piuzé  sort  del  lansol  (bis), 
Fa  quatre  ou  cinq  saut  pel  sol. 

12)  Le  simet  sort  del  pedas  (bis), 
Ne  prend  la  piuzé  pel'  bras. 

13)  Aro,  dansaires,  bé  n'aben  prou  (bis); 

Mes  de  sou,  nou  n'aben  nou3. 

14)  P'rachi  te  passo  le  rat  (bis), 
Ande  soun  biouloun4  al  coustat. 

15)  Le  gat  sort  de  joui'  cendriè  (bis), 

N'agafo  le  rat  pel'  pèd, 

Lanfa  ladereto  ; 
N'agafo  le  rat  pel'  pèd, 

Lanfa  ladera. 

Chantée  par  M.  J.-B.  Lambert  (de  Belesta  . 


1  Var.:  P'rachi  te  passo  un  esquirol, 
And'  un  bout  do  bi  sul'  colh 

-  Var.:  And'  quatre  ou  cinq  beires  al  bec 
3  Var.:  Mèsbioulounaires,  nou  n'aben  nou. 
*  Var.:  Tambour. 
Autre  var.:  Le  rat  ne  sort  de  joui'  four 
Ande  la  troumpeto  al  tioul. 


CHANTS    POPULAIRES    DU    LANGUEDOC  2J 

1)  La  Fournil  et  le  Pou.  —  La  fourmi  avec  le  pou  (bis)  —  &e  ma- 
rièrent l'autre  jour,  —  lanfa  ladcrete;  — se  marièrent  l'autre  jour, 
—  1  an  fa  1  adora. 

2)  Quand  il?  eurent  épousé  (bis),  — ils  n'avaient  pas  de  pain  à 
manger. 

3)  Par  là  vient  à  passer  la  perdrix  (bis),  — avec  un  pain  de  deux 

liards. 

4)  Maintenant  (du)  pain,  nous    en  avons  assez  (bis),  —  mais  de 

vin  nous  n'avons  point. 

5)  Par  là  vient  à  passer  un  moucheron  (bis);  —  sur  son  dos  il  en 
porte  une  cornue. 

6)  Maintenant  (de)  vin  nous  avons  assez  (bis); — mais  de  verres 
nous  n'avons  point. 

7)  Par  là  vient  à  passer  un  bec-figue  [bis), —  avec  une  paire  de 
verres  à  son  bec. 

8)  Maintenant  (de)  verres  nous  avons  assez  (bis); —  mais  de 
viande  nous  n'avons  point. 

9)  Par  là  vient  à  passer  un  papillon  (bis), —  portant  un  bœuf  rôti 
sur  son  cou. 

10)  Maintenant  (de)  viande  nous  avons  assez  (bis);  — mais  de 
danseurs  nous  n'avons  point. 

1 1)  La  puce  sort  du  drap  de  Yit(bis)  — et  fait  quatre  ou  cinq  sauts 
par  terre. 

12)  La  punaise  sort  d'un  vieux  chiffon  [bis) —  et  prend  la  puce 
sous  son  bras. 

13)  Maintenant  (de)  danseurs  nous  avons  assez  (bis); —  mais  de 
musique  (litt.  de  son)  nous  n'avons  point. 

14)  Par  là  vient  à  passer  le  rat  (bis),  —  avec  son  violon  au  côté. 

15)  Le  .chat  sort  de  dessous  le  charrier  (bis),  —  il  attrape  le  rat 
par  le  pied. 

Lectio  epîstolœ 

Le  pouzouiï  a  près  moulhè. 
A  coubidat  touto  sa  parentado 
D'hormis  la  mousco  ; 
La  mousco,  touto  altèrado  ', 
S'en  ba  la  testo  acatado. 
Ious  a  dit:  «  Adissiats,  canalho, 
Iou  porti  un  pairolsenso  ansos 
Per  fè  bulhè  touto  bostro  manjanso, 
Per  Christian  Dominum  nostrum. 

Cf.  Cenac-Moncaut,  p.  37  î:  la  Noço  de  la  puce. 
(A  suivre.)  A.  Montel  et  L.  Lambert. 

1  Var,  Folho,  enrajado. 


V1EI0  CANSOUN 


D  APRES    UN    AIR    POPILA1RE    NAPOLITAIN 


O^olce 


%. 


m 


Ê 


+ 


w 


La    res-con  -  tre  sus      lis     iè  -  ro,    laeha- 


W. 


E5 


& 


^ 


^ 


tou  -  no    cli      peu        blound     —    Ho  -  la!    hou!      pas-ses        bèn 

T 


ep 


ef=d 


e 


i*- 


r^p 


* 


<*■ 


y- 


^=^3 


K 

fié        ro  !      Eh  !  moun  -  te         vas,     Ma  -   rie  -  loun  ?  —  Vau     au 


p — y 


R^F 


i»— — t#- 


g 


P 


xn 


FC 


r 


four 


pau  -  sa       le    -    va  -  me,  —  Eh       ben  ! 


-&L 


F^ 


r 


fc 


jH  B 


i'a     -     -     -      na   -  ras         de    -    man 


0        mi- 


pre     -     ne     per 


la 


man. 


VIEIO    CANSOUN  3t 

La  rescontre  sus  lis  iero, 
La  chatouno  di  peu  blound: 

—  Holà!  hôu!  passes  bèn  fièro! 
Eh!  mounte  vas,  Madeloun? 

—  Vau  au  four  pausa  levame. 

—  Eh  bèn!  i'anaras  deman. 
0  mignoto,  t'ame  !  t'ame  ! 
E  la  prene  pèr  la  man. 

E  lèu  ausse  ma  cadaulo  : 

—  Asfam?  —  Elo  dis  pas  noun. 
Alor  nous  metèn  à  taulo  : 
L'assète  sus  mi  geinoun. 

— .  Dau  !  manjo  ço  que  t'agrado  : 
Tè  !  pessègue  e  pruno  en  flour  ! ... 
Gramaci,  bèu  cambarado. 
Ai  fam  que  dôu  pan  d'amour. 

Elo  s'aubouro  à  la  lèsto; 
Zôu  !  landan  vers  lou  curât  : 

—  Sourtès  li  bouquet  de  fèsto 
E  li  candelié  daura. 


VIEILLE  CHANSON 


Je  la  rencontre  .sur  les  aires,  — la  jeune  fille  aux  blonds  che- 
veux: — ■  Holà!  hé!  tu  passes  bien  fière!  —  Où  vas-tu  donc,  Ma- 
delon?  —  Je  vais  au  four  préparer  le  levain. —  Eh  bien  !  tu  iras 
demain.  —  0  mignonne,  je  t'aime!  je  t'aime!  —  Et  je  la  prends 
par  la  main. 

Et  vite  jelève  mon  loquet:  —  «  As-tu  faim?  »  Elle  ne  dit  pas  non. 

—  Alors  nous  nous  mettons  à  table  ;  —  je  l'assieds  sur  mes  genoux . 

—  Allons,  mange  ce  qui  te  plaît  ;  —  tiens!  pèches  et  prunes  en 
fleur!  —  Grand  merci,  beau  camarade,  —  je  n'ai  faim  que  du  pain 
d'amour. 

Elle  se  lève  promptement  ;  —  vite!  nous  courons  chez  le  curé: 

—  Sortez  les  bouquets  de  fête  —  et  les  chandeliers  dorés.  —  Allu- 


32  DIALECTES  MODERNES 

Abras  lôu,  abras  li  cire, 
Bon  curât,  au  mèstre-autar. 
Sian  preissa  qu'es  pas  de  dire  : 
Maridas-nous,  se  fai  tard  ! 

D'aqui  la  mené  à  la  danso, 
La  cliatouno  di  peu  blound; 
Jougavon  sus  la  credanoo, 
Li  flahuto  e  li  viouloun. 
La  man  vers  soun  jougne  souple, 
Soun  cor  bâtent  sus  mouu  cor, 
Sens  vèire  lis  àutri  couple 
Viravian  touti  d'acôrd. 

Mountan  pièi  à  la  chambreto  : 

—  Vu  noste  pichot  lie  blanc  !  — 
Bcllo  emé  li  couloureto, 

Resté  muto  en  tremoulant. 

—  Madeloun,  fai  ta  preiero, 
Coucho-te  !  —  le  vau,  ami.  — 
Mai,  aquelo  niue  proumiero , 
Madeloun  a  rèn  dourmi. 

Teodor  Aubanel. 
(Provençal,  Avignon  elles  bords  du  Rhône.) 

mez  vite, allumez  les  cierges,  —  bon  curé,  au  maître-autel.  — Nous 

sommes  pressés,  c'est   incroyable;  — mariez-nous,  il  se  fait  tard. 

De  là,  je  la  mène  à  la  danse.  — la  jeune  tille  aux;  blonds  cheveux. 

—  Sur  la  crédence  jouaient  —  les  flûtes  et  les  violons.  —  La  main 
vers  sa  taille  souple, —  son  eicur  battant  sur  mon  cœur,  —  sans 
voir  les  autres  couples  —  nous  tournions  tous  d'accord. 

Puis  nous  montons  à  la  chambrette  :  —  vois  notre  petit  lit  blanc! 

—  Belle  et  toute  rubiconde,  — en  tremblant  elle  resta  muette.  — 
«  Madelon,  fais  ta  prière,  —  couche-toi.  »  —  «  J'y  vais,  ami.  »  — 
Mais,  cette  première  nuit,  Madelon  n'a  pas  dormi. 

Théodore  Aubanel. 


SOUNET 

A  MOUSSU  C.  L. 


Que  lou  bèn  que  m'avès  fa 
Dins  vous  greie;e  que,  vavoio, 
Vosto  arao  acampe  la  joio, 
Meissoun  santo  di  benfa  ! 

Arlariiant  e  satisfa, 
Me  clafissès  de  beloio 
Que  faran  gagna  li  joio 
A  moun  moudèste  prefa. 

Se  ma  vèsto  es  de  bourreto 
E  de  coutoun,  ma  barreto, 
Pau  m'inchau  :  quand  sourtirai, 

Mai  que  ma  rustico  glôri 
Siegue  escàpi  dôu  pilori, 
Coume  un  rèi  :ne  n'en  creirai  ! 

Anfos  Ta  van. 
Marsiho,  10  do  mars  i877. 

'Provençal,  Avignon  et  les  bonis  lu  Rhône.) 


SONNET 
A    M.   C.    L. 

Que  le  bien  que  vous  m'avez  fait  —  germe  en  vous;  et  que,  ra\ie 

—  votre   âme  recueille  la  joie,  —  sainte  moisson  des  bienfaits  ! 

Généreux  et   satisfait,  —  vous  me  comblez  de  belles  choses  — 

—  qui  feront  gagner  le  prix  —  à  mon  œuvre  modeste. 

Si  mon  habit  est  de  hure,  —  et  de  coton,  ma  barrette,  —  pen 
m'importe  ;  quand  je  sortirai, 

Pourvu  que  ma  gloire  rustique  —  soit  exempte    du  pilori,  —  je 
serai  fier  comme  un  roi  ! 

Alphonse  Ta  van. 


LOUISA 


«  Car-  èro  bravo  que-noun-sai 
»  E  jouino  e  bello,  se  pôu  dire, 

(F.   Mistral.  ) 


Lou  jour  naisse;  la  coupada 
Parte  couma  unafuada, 
Mounta,  gaia,  à  l'esplendour 
E  crida  :  Viva  lou  jour  ! 

Louïsa  leva  la  testa 
E  regarda  aquela  fèsta  ; 
Estella,  ti  ve  mouri, 
Au  sen  de  l'auba  que  ri. 

De  la  glèia  au  ciel,  que  briha, 
S'enaura  YAve-Moria. 
Suona,  suona,  fa  tin-tin. 
La  campana  dôu  matin. 

Au  brotmze  que  retentisse 
Louïsa,  en  pregant,  s'unisse. 
Parla  à  la  Vierge  dôu  Ciel, 
Couma  l'ange  Gabriel. 

LOUISE  ' 


Le  jour  naît;  le  COchevis  —  part  comme  une  fusée;  —  monte, 
joyeux,  vers  la  splendeur.  —  et  crie:  Vive  le  jour  ! 

Louise  lève  la  tète  —  et  regarde  celte  fête  :  —  étoile,  elle  te  voit 
mourir,  —  au  sein  de  l'aube  qui  rit. 

De  l'église  au  ciel  qui  brille.  —  s'envole  1'  Angélus,  —  Elle 
sonne,  sonne  et  tinte,  —  la  cloche  du  matin. 

Au  bronze  qui  retentit  —  Louise  s'unit  en  priant.  —  Elle  parle 
à  la  Vierge  «lu  Ciel.  —  comme  l'ange  Gabriel. 


1  Cet'.'1  traduction  a  été  faite  par  M.  V.  Mistral. 


LOUIS  A  35 

Finida  la  siéu  preiera, 
La  devota  jardiniera 
Si  mete  vite  au  travai, 
Lou  coutihoun  sus  l'aigai. 

Respira  una  aria  qu'embauma 
E,  descaussa,  noun  s'enrauma, 
Tra  lu  caulets  enregat, 
De  perla  e  d'argent  cargat. 

Oh  que  perla  !  toujour  gaia, 
Lesta  e  propra;  tina  taia, 
Uei  grand,  nègre,  plen  de  lus, 
E  velut  en  lu  chivus  ! 

Sentès-là  :  dintre  li  branca, 
En  destacant  la  flour  blanca, 
Que  toumba  sus  d'un  lançon, 
Canta  couma  un  roussignùu. 

Regardàs-là  :  mena  l'aiga  ; 
Trali  salada,  que  aiga, 
Refresca  lu  eiéu  peu  nut, 
En  lafanga,  béi  e  brut. 

Fau  veire  couma  neteja 
Li  viouleta  o  maneja 
La  voulama  e,  d'un  coup  net. 
Taia  segue  e  coutelet  ! 

Sa  prière  terminée,  —  la  dévote  jardinière  —  se  met  vite  au  tra- 
vail, —  le  jupon  sur  la  rosée. 

Elle  respire  un  air  embaumé,  —et.  nu-pieds,  pointue  s'enrhume 
—  parmi  les  choux;  alignés,  —  chargés  de  perles  et  d'argent. 

Oh!  quelle  perle!  toujours  gaie,  —  leste  et  propre;  fine  taille,  — 
grands  yeux  noirs,  pleins  de  lumière  — et  velours  dans  les  cheveux  ! 

Ecoutez-la:  entre  les  branches,  —  en  détachant  la  Heur  blanche 
■ — qui  tombe  sur  un  drap  de  toile,  — elle  chante  comme  un  rossi- 
gnol. 

Regardez-la:  elle  conduit  l'eau  -,  —  parmi  les  salades,  qu'elle  ar- 
rose,—  elle  rafraîchit  sespieds  nus  —  dans  la  fange,  beaux  et  sales. 

Il  faut  voir  comme  elle  nettoie  —  les  violettes  ou  manie  —  la 
faucille,  et  d'un  coup' net  —  coupe  seigle  et  glaïeul  ! 


36  DIALECTES  MODERNES 

Entant  que  trissa  li  monta, 
Aude  que  suonon,  escouta. .  . 
Louïsa  !  ~  courre  davau, 
Noun  dis  :  «Tout-ara  li  vau.» 

Puorta  un  gros  fais,  ton  l'escala, 
Tira  d'aiga,  mounta,  cala, 
Jeta  de  fueia  ai  lapin, 
Abôura  mèstre  Balin. 

Ela  mouse,  acoucounada, 

La  vaca;  fa  la  bugada  ; 

Ela  pasta,  li  doui  nian 

En  la  niastra,  e  que  buon  pan  ! 

Arranja  tout  à  sa  plaça, 
En  maioun;  fréta,  ramassa: 
Fa  la  couïna  o,  l'ùei  lis, 
Mete  un  pounch.Es  un  redris. 

Ela  pensa  à  toui:  la  cata, 
Mot'o,  que  toca  la  pata, 
Noun  mancon  de  rèn;  poulàs 
Couma  deliri  soun  gras. 

Noun  t'ôublida,  cardouniera. 
En  la  gabiâ,  presounicra. 

Pendant,  qu'elle  broie  les  mottes,  — elle  entend  qu'on  l'appelle; 
elle  écoute. ..—  Louise! —  Elle  court  là-bas, —  sans  dire  :  «J'y  vais 
tout  à  l'heure.» 

Elle  porte  un  gros  fagot;  elle  tient  l'échelle, — puise  de  l'eau, 
monte,  descend, — jette  des  feuilles  aux  lapins,  —  abreuve  maître 
Aliboron. 

Elle  irait,  accroupie,  —  la  vache;  elle  fait  la  lessive;  —  elle  pétrit, 
les  ileux.  mains  —  dans  la  huche.  Et  quel  bon  pain  ! 

Elle  arrange  tout  en  ordre  —  à  la  maison;  elle  frotte,  balaye,  — 
fait  la  cuisine  ou.  l'œil  lixe,  —  met  un  point.  C'est  une  maîtresse 
femme. 

Elle  pense  à  tout:  la  chatte,  —  More,  qui  tend  la  patte, —  ne 
manquent  de  rien;  les  cochets  — sont  gras  comme  des  loirs. 

Elle  ne  t'oublie  pas,  chardonneret  —  prisonnier  dans  la  cage.— 


LOUISA  37 

Aima  li  bèstia;  tambèn 
Li  bèstia  li  vuolon  bèu. 

Lou  pichoun  vèn  de  l'èscola; 
Juega,  toumba. . .  que  badola  ! 
Ela  mete  sus  lou  mau 
Papié  d  estrassa,  aiga  e  sau. 

Vous  prépara  de  tisana, 
De  remédia  lapaisana. 
Counouisse  latiéu  vertu, 
Toundut,ai  bèlli  flour  blu. 

Cueie  agramouna,  cinquena, 
Lapas,  buon-siège,  barbena, 
Siga,  plantada,  gramoun 
E  d'au  tri  erba  sènsa  noum, 

A  buon  cuor;  es   coumplasènta. 
Au  paure,  que  si  présenta, 
Douna,  pèr  l'amour  de  Dieu, 
En  client  :  «  Pregàs  pèr  iëu.» 

L'ivèr,  dapè  la  siéu  tanta, 
Au  fugairoun,  fila  e  canta 
De  lauda,  e  n'en  saup,  tout-plen; 
Fila,  à  la  lus  .lou  calen. 


Elle  aime  les  bêtes  ;  aussi  —  les  bêtes  lui  sont  reconnaissantes. 

Le  petit  vient  de  l'école  ;  —  il  joue,  il  tombe. . .  quelle  contusion  ! 
—  Elle  met  sur  la  blessure  —  papier  île  chiffe,  eau  et  sel. 

Elle  prépare  de  la  tisane,  —  des  remèdes  de  paysan.  — Elle  con- 
naît tes  vertus,  — turbitb  aux  belles  fleurs  bleues! 

Elle  cueille  aigremqine,  quinîefeuille,  — ■  patience,  sauge,  ver- 
veine,—  salsepareille,  plantain,  chiendent, —  et  d'autres  herbes 
sans  nom. 

Pille  a  bon  cœur;  elle  est  complaisante.  —  Au  pauvre  qui  se 
présente.  —  elle  donne  pour  l'amour  de  Dieu, —  en  disant:  «Fiiez 
pour  moi  !» 

L'hiver,  pxès  de  sa  tante.  —  au  foyer,  elle  (de  et  chante  —  des 
cantiques,  et.  elle  en  sait  tout  plein;  —  elle  lile  à  la  lueur  de  la 
lampe  rustique. 

:5 


38  DIALECTES    MODERNES 

Se  lampa  e  trôna,  à  vous  au  ta 
Dis  \ù.  courouna;  ressaut  a 
E  fa  vite  lousignau 
De  crous,  à  cada  uïau. 

Aima  la  glèia  e  li  nota 
De  la  campana;  es  dévot  a 
A  Maria  e  sant  Louis, 
Que  puorta  la  flour  de  lis. 

Lou  dimenche,  à  la  grand  messa, 
Fervouroua  prioulessa, 
A  ginoui,  en  lou  siéu  banc, 
Sembla  un  ange  dous  e  blanc. 

Lou  curât  e  lou  vicàri 
Feston  lou  jour  dôu  Rousàri  : 
La  glèia  es  touta  esplendoui-, 
Armounia  e  buona  ôudour. 

Louïsa,  bella  e  moudèsta, 
Lou  cairèu  blanc  à  la  testa, 
S'avança  e  présenta  ai  gènt 
Lu  sant  en  un  plat  d'argent. 

Louïsa  noun  suorte  gaire 
Dôu  .jardin  que  pèr  afaire, 
E  noun  la  veirés  jamai 
Balà  ni  vira  lou  mai. 


S'il  éclaire  et.  s'il  tonne,  à  haute  voix  —  elle  dit  le  chapelet  j  elle 
ressaute,       et  fait  vite  le  signe  —  de  la  croix  à  chaque  éclair. 

Klle  aime  l'église  et  les  notes  —  de  la  cloche  ;  elle  est  dévote  — 
à  Marie  et  à  saint  Louis  (de  Gonzague),  — qui  porte  la  fleur  de  lys. 

Le  dimanche  à  la  grand'messe,  — fervente  marguillière,  —  age- 
nouillée à  son  banc.  — elle  semble  un  ange  doux  et  blanc. 

Le  curé  et  le  vicaire —  Fêtent  le  jour  du  Rosaire-  — l'église  est 
toute  splendeur,  —  harmonie  et  parfum. 

Louise,  belle  cl  modeste,  —  le  carreau  blanc  à  la  tète,  —  s'avance 
et  présente  aux  gens  —  les  reliques  sur  un  plat  d'argent. 

Louise  ne  sort  guère  —  du  jardin  que  pour  affaires,  — et  vous  ne 
la  verre/,  jamais  —  danser  ni  faire  la  ronde  autour  du  mai. 


LOUISA  39 

Qu  sauta  un  béu  jour  resquiha. 
Ela  noun  si  requinquiha, 
Noun  eercalu  coumplimen 
E  si  mete  simplamen. 

• 

Couma  arranja,  gaubioua, 
En  couronna  gracioua, 
Lu  siéu  chivus,  qu'a  toursui  ! 
Lou  fin  ruban  de  velut 

A. la  coua  s'entourtiha, 
Passa,  en  boufant  sus  l'auriha; 
Lu  bout,  un  paude  coustat, 
Van  susl'espala  floutà. 

Quoura  Moussu  la  coumpara, 

En  lasiguènt,  pèr  li  rara, 
A  la  rosa  dôu  printèms, 

Li  respuonde  :  «  Avés  bèu  tèms  !  » 

Se  Bertoumiéu  s'avisèsse 
De  la  toucà,  se  pihèsse 
Louïsa  pèr  un  galet, 
Aganteria  un  souflet. 

Lidouraaisèlli  de  Nica, 
A  l'oumbra  dei  siéu  taulissa  , 
An  toujour  quauque  boubo.ui 
E,  fuora,  pihon  lou  roui. 

Tel  qui  saute,  un  beau  jour  glisse.  — Elle  ne  se  rengorge  pas,— 
ne  recliercbe  pas  les  compliments  —  et  s'habille  simplement. 

Comme  elle  arrange  avec  adresse,  —  en  torsade  gracieuse,  —  ses 
cheveux  qu'elle  a  tordus  !  —  Le  fin  ruban  de  velours 

A  la  tresse  s'entortille  —  et  passe,  bouffant,  sur  l'oreille  ;  — les 
boucles,  —  un  peu  de  côté,  —  vont  llottersur  l'épaule. 

Quand  un  monsieur  la  compare,  —  en  la  suivant  par  les  allées, — 
à  la  rose  du  printemps,  —  elle  répond:  «Vous  avez  beau  temps!» 

Si  Berthomieu  s'avisait —  delà  toucher,  s'il  voulait  —  embrasser 
Louise, —  il  attraperait  un  soumet 

Les  demoiselles  de  Nice, —  à  l'ombre  de  leurs  toitures, —  ont 
toujours  quelque  bobo.—  et,  dehors,  prennent  la  rouille. 


40 


DIALECTES    MODERNES 

A  tu,  Louïsa,  paisana, 
L'aria  libra,  l'aria  sana, 
Lou  pcrfum  de  l'aubrëèpin 

E  dou  ginèst  e  dei  pin  ! 

A  la  flourdë  la  jouinèssa, 

Es  déjà  la  tiéu  sagessa 
Un  bel  aubre  enracinât 
E  do  frucha  encourounaL 

Lasuperbia  noun  ti  gasta. 
Sies  ôubodiènta,  casta, 
Douça,  rèta  :  fas  lou  bèn 
Sènsa  pena,  couma  rèn. 

Retènos  en  la  memoria 
Que  lou  mounde,  li  siéu  gloria 
10  l'argent,  lou  dieu  d'ancuei, 
Laisson  lou  cuor  paure  e  vuei  ; 

Que  la  freina  vert  noua 
Es  toujour  la  plus  uroua 
E  que  tout  es  vanitat, 
Fuora  de  la  santitat. 

De  chagrin  la  vida  es  plena. 
Auras  tambèn  li  tiéu  pena, 
Louïsa, auras  de  jour  trist, 
Ma  crescs  en  Jèsu-Crist. 


A  toi,  Louise,  paysanne,  —  l'air  libre,  l'air  salubre,  —  l'arôme  de 
l'aubépine,  —  et  du  çenéî  et  dos  pins! 

A  la  Heur  du   jeune  .Vue, —  la  sagesse   est  déjà  —  un  bel   arbre 
enraciné —  et  couronné  de  fruits. 

L'orgueil  ne  te  gâte  pas  — Tu  es  obéissante,  chaste,  —  douce  et 
droite  ;  tu  fais  le  bien.  —  sans  peine,  comme  rien. 

Tu  retiens  dans  ta  mémoire  —  que  le  monde,  ses  pompes  —  et 
l'argent,  dieu  du  jour,  — laissent  le  cœur  pauvre  et  vide  ; 

Que  la  femme  vertueuse  —  est  toujours  la  plus  heureuse — et  que 
tout  est  vanité.  —  excepté  la  sainteté. 

De  chagrin  la  vie  es I    pleine. — Tu  auras  aussi    tes  peines, — 
Louise;  tu  auras  des  juin--  tristes,  —  mais  tu  crois  en  Jésus-Christ. 


LÀ    MAIRE,    l'eFANT    E   LA    FILHO  41 

Piheràs  en  paciènça, 

En  esprit  de  penitènea, 

Lu  tiéu  mau;  lou  plour  es  dous 

Se  coula  au  peu  de  lacrous. 

Seras  toujoui'  brava  e,  quoura 

Sounat  aura  la  tiéu  oura, 

Aneràs  au  paradis 

Trouva  lou  bèu  sant  Louis. 

César  Sarato. 
(Niçard.) 

Tu  prendras  en  patience,  — en  esprit  de  pénitence  —  tes  maux. 

Les  pleurs  sont  doux,  —  s'ils  coulentau  pied  de  la  croix. 

Tu  seras    toujours  sage  ;  et,  lorsque —  aura  sonné  ton  heure, — 

tu  iras  en  paradis  —  trouver  le  beau  saint  Louis. 

César  Sarato. 


LA  MAIRE,  L'EFANT  E   LA   FILHO 


La  Maire.  —  Bernât,  te  cal  pensa  '1  mariage. 
L'Efant.     —  Ma  maire,  me  coupas  lou  cap. 
La  Maire.  —  De  la  douçou,  las  femnos  sien  l'image. 
L'Efant.     —  Acô  se  pot,  mes  ne  voli  pas  cap, 
La  Maire.  —  Annou,  lous  omes  sou  d'aissables, 
Mando-lous  toutes  perquinlà  : 
Fôu  douna  las  femnos  al  diables. 
La  Filho.  —  Acô's  égal,  me  n'cal  un  saquelà! 

Melquior  Barthés 
(Langue iocien.  Saint-Pons  et  ses  environs,) 

LA  MÈRE,  LE  FILS  ET  LA   FILLE 

La  MÈnE.  —  Bernard,  il  te  faut  songer  au  mariage. 
Le  Fils.    —  Ma  mère,  vous  me  rompez  la  tête. 
La  Mère.  —  Les  femmes,  nous  sommes  l'image  de  la  douceur. 
Le  Fn.s.    —  Cela  peut  être,  mais  je  n'en  veux  aucune. 
La  Mère.  — Ànriette,  les  hommes  sont  des  ennuyeux: — envoie 
lo;<  tous  bien  loin;  —  ils  font  enrager  les  femmes. 
La  Fille.  —  N'importe,  il  m'en  faut  un  quand  même  ! 

Melchior  Bakthis. 


LAS  DUAS  MARES 

AL  TORNAR  DE  LA  GUERRA  *LS  SOLDATS 


—  Mira'ls,  germana  meva,  mira'ls  que  alegresvenen 

los  delmats  esquadrons  y  'ls  régiments. 

—  Tornan  colrats,  polsosos,  envellits,  pero  tenen 

la  gloriosa  hermosura  dcls  valents. 

—  Oh!  î si  que  'n  son  d'hermosos!   no  hi    lia  ulls  que  no  'ls 

[mirin; 
la  gent,  quan  passan,  los  cobreix  de  flors. 
I  No  veus  quan  tas  coronas? 

—  Per  moltas  que  Ms  ne  tirin, 
may  n'  hi  ha  prou  por  aqueixos  vencedors. 

—  Mon  fill  ab  ells  arriva. 

—  Lo  meu  també. 

—  ;  Quin  dia 
tan  pur,  tan  blau  !  ;   quin  dia  benchit! 

—  Jo  tinch,  germana  meva,  jo  tineh  tanta  alegria, 

que  no  crech  pas  que  câpiga  en  mon  pit. 

LES    DEUX    MÈRES 

(au  retour  de  la  guerre) 


«  Regarde-les,  ma  sœur,  regarde-les  ;  ils  arrivent  joyeux.  —  les 
escadrons  et  les  régiments.  »  —  «Ils  arrivent  brunis,  pleins  de 
poussière,  vieillis;  mais  ils  ont  —  la  beauté  glorieuse  des  braves.  » 

«Oh  !  oui!  ils  sont  beaux  ;  il  n'est  pas  d'œil  qui  ne  les  regarde  ; 

—  la  foule  couvre  de  fleurs  leur  passage.  —  Regarde!  combien  de 
couronnes  !  »  «  On  en  peut  jeter,  —  mais  jamais  il  n'y  en  aura 
assez  pour  ceux  qui  sont  vainqueurs.  » 

«  Mon  lils  arrive  avec  eux.  »  «  Le  mien  aussi.  ••  «  Quelle  journée 

—  si  pure!  ijuel  ciel  si  bleu!  quel  jour  béni!»  —  «  Ma  sœur, 
j'ai  tant  de-joie,  —  que  je  ne  crois  pas  que  nia  poitrine  puisse  la 
contenir."  • 


LAS    DUÀS    MARES  43 

—  Mira,  mira  corn  passan;  las  noyas  mes  bonicas 

als  soldats  vitorejan  al  passai*. 

—  Senyor!  ;  comme  conmouhen  avuy  eixas musîcas ! 

no  se  que  tenen,  pero  'm  fan  plorar. 

—  ;  No  ho  sents?  mes  que  musicas  y  cants,  molt  mes  res- 

[sona 
un  visca. atronador  per.tot  l'espay. 

—  Es  lo  crit  que  la  Patria  tan  sols  a  la  Pau  dona. 

—  ;   La  Pau  !  Déu  fassa  que  no  acabe  ma  y. 

—  Ay  !  encare  no  arriva  la  hermosa  companyia 

en  que  he  de  veure  al  povre  de]  meu  fill. 
j  Que  poch  à  poch  que  marxan  ! 

—  Bona  germana  mia, 
no  anavan  tan  pausats  en  lo  porill. 

—  Es  tanta  la  gentada  que  en  tôt  arréu  fa  nosa, 

que  ab  l'entussiasme  los  destorba  'lpas. 

—  Tû  veurâs  a  ton  fill  primer  que  jo  ;  ditxosa  ! 

—  Ay  no,  tû  al  teu.  primer  que  jo,  '1  vourâs. 

—  Entre  'ls  soldats  que  venen,  també  n1  hi    ha  molts  que 

[ploran: 

«  Regarde,  regarde  ;  ils  passent  :  les  jeunes  filles,  les  plus  belles 
—  crient  en  l'honneur  des  soldats.  »  —  «  Mon  Dieu  !  comme  cotte 
musique  m'émeut  aujourd'hui  !  —  Je  ne  sais  ce  qu'elle  a,  mais  elle 
me  fait  pleurer,  d 

t  Entends-tu?  plus  que  les  musiques  et  les  chants  plus  fort  en- 
core, —  un  hourra  assourdit  l'espace.  »  —  «  C'est  le  cri  que  la 
Patrie  donne  seulement  à  la  Paix.  »  —  «  La  Paix*!  Dieu  fasse 
qu'elle  soit  pour  toujours  !  » 

«  Hélas  !  elle  n'est  pas  encore  arrivée,  la  compagnie  —  dans 
laquelle  je  verrai  mon  Gis.  —  Ils  marchent  trop  lentement,  ces 
soldats-là  »  «Oh!  ma  bonne  sœur. — ils  n'allaient  pas  si  doucement 
quand  ils  étaient  à  la  bataille.» 

«  La  foule  qui  de  toutes  parts  faitmasse  est  si  grande — que  son 
•"■nthousiasme  trouble  leur  marche.»  —  «  Tu  verras  ton  fds  avant 
que  je  ne  voie  le  mien,  heureuse  que  tu  es  !  » —  «Oh!  non,  tu 
verras  le  tien  avant.  » 

«  Parmi  les  soldats  qui  arrivent  il  y  en  a  aussi  qui  pleurent  :  — 


44  DIALECTES    MODERNES 

no  'ls  vous  ?  potsé  a  sa  mare  han  rcoordat. 

—  Povrets  !  potsé  son  ôrfens  !  6  son  de  lluivy  y  anyoran 

sos  parents,  son  pais,  sa  llivertat. 

—  Ali  !   que  ja  M  veig,  gerinana,  ja  '1  veig;  sostenmo  are; 

;  al»  quina  ibrsa  sento  batre  '1  cor! 

—  i  Tu  lias  sigut  la  primera  ! 

—  ;  Quin  goig  lo  d'ésser mare  ! 
;  es  lo  millor  del  mon  !  ;  es  lo  millor  ! 

;  Fil!  meu  de  mas  entranyas  ! 

—  ;  Mare  !  ;  mareta  meva  !  » 

Y  lots  dos  quedah  abrassats  plorant; 
Y  l'altra  povre  dona  segueix  mirant  sens  treva 

als  soldats  vencedors  que  van  passant. 

A37  !  ;  los  darrers  ja  arrivan  ! 

—  Que  !  i  no  torna  à  sa  terra 
lo  fillet  mou  ?  <;  Hont  es  lo  teu  cosi? 

—  Fou  héroe;  pie  de  gloria  va  câurer  en  la  guerra; 

un  nom  etern  hi  va  doixar  alli.  » 

Cau  com  del  llamp  ferida  y  en  convulsions  estranyas 
la  povre  mare  tremolant  d'esglay. 


vois-tu?  Peut-être  ils  se  souviennent,  do  leur  mère. — Lc^  pauvres  ! 
peut-être  sont  -ils  orphelins  ou  bien  sont-ils  nos  loin  d'ici:  et  main- 
tenant ils  regrettent  —  leurs  parents,  leur  pays,  leur  liberté,  » 

<•  Ah!  je  le  vois,  ma  sœur,  je  le  vois:  soutiens-moi  1  —  mon 
cœur  bat  avec  trop  de  force.  »  —  0  Tu  as  été  la  première  !  »  «  Oli  ! 
quelle  joie,  colle  d'être  mère  ! — C'est  la  meilleure  du  monde  :  il  n'y 
en  a  de  pareille. 

Fils  de  mes  entrailles!  »  «  Ma  more!  ma  petite  mère'.  »  —  Et 
ions  les  deux  restent  embrassés  et_pleins  de  larmes. —  Et  l'autre 
pauvre  femme  continue  de  regarder —  les  soldats  vainqueurs  qui 
p  issent. 

Ali!  les  derniers  arrivent  !  0  11  ne  revient  pas,  t-  mon  fils?  Où 
est-il,  ion  cousin  ?  »  —  «  Il  fut  un  héros  :  il  est  tombé  plein  de 
gloire  à  la  guerre  :  —  il  a  laissé  là  un  nom  éternel  !  » 

La  pauvre  mère  tombe  comme  si  elle  eut  été  foudroyée;  elle 
tombe  victime  d'étranges   convulsions,  —  et  elle  tremble  d'épou- 


LAS    DUAS    MARES  45 

—  Ay  tillet  meu  !   no  torna  !  fill  meu  de  mas  entranyas, 

may  mes,  may  mes  te  podré  veure  !  may  ! 

—  I  No  ho  sents,  germana  meva  ?  d'ell  parlarà  Fnistoria; 

va  ésser  héroe;  dels  altres  fou  espill. 

—  i  Que  'm  fa?  j  baratarias  acâs  tota  la  gloria 

per  eixas  abrassadas  del  teu  fill? 

Oh  !  j  jo  tingués  al  fill  qu'estimo  ab  bojeria  ! 

;  jo  '1  tingués  com  al  teu  ara  tens  tû  ! 
;  jo  pogués  abrassarlo  !  y  en  camvi  i  que  'm  l'aria 

que  d'ell  may  mes  se  'n  recordés  ningû  ?  » 

Queda  la  povre  mare  plorant  desesperada, 

y  mentrestant  al  seu  dévora  sent 
musicas  y  musîcas,  y  veu  la  desditxada 

F  ûltim  soldat  del  ùltim  régiment. 

Ja  passan,  ja  s'allunyan  ;  lo  flayre  per  tôt  vola; 

;  que  blau,  Tespay  !  quin  sol  tan  pur  que  fa  ! 
Visca  la  Pau!  esclama  la  gent,  y  ;  com  tremola 

la  bandera  d'Espanya  aqui  y  alla! 


vante.  —  «  Oh  !  mon  cher  fils  !  il  ne  revient  pas  !  Fils  de  mes  en- 
trailles, —  je  ne  te  reverrai  plus  !  jamais  plus!  » 

«  Tu  n'as  pas  entendu,  ma  sœur  ?  L'histoire  un  jour  parlera  de 
ton  fils; —  il  fut  un  héros;  des  autres  il  fut  lo  miroir.  9  —  «  j  Que 
m'importe  cela?  N'échangerais-tu  pas  toute  la  gloire  du  monde  — 
pour  ces  embrassements  de  ton  fils  ? 

»  Qu'est-ce  que  je  ne  ferai  pour  avoir  mon  tils.  le  (ils  que  j'aime 
à  la  folie  ?  —  pour  l'avoir  comme  tu  as  le  tien  ?  Si  je  pouvais  l'em- 
brasser, que  m'importerait — que  le  monde  ne  se  souvint  jamais 
de  lui  ?  » 

La  pauvre  mère  reste  en  pleurant  désespérée,  —  et  en  mémo 
temps  elle  entend  près  d'elle  —  de  nouvelles  musiques,  et  la  mal" 
heureuse,  elle  voit  —  le  dernier  soldat  du  dernier  régiment. 

Ils  passent  ;  ils  s'éloignent.  —  Le  parlum  du  printemps  vole 
partout  !  —  Qu'il  est  bleu,  le  ciel  !  Qu'il  est  brillant,  le  soleil  !  — 
Tout  le  monde  crie  :  Vive  la  Paix  !  Quelle  joyeuse  foule  !  Comme 
—  tremble  auvent  ia  bannière  de  l'Espagne,  par  ici  et  par  là  ! 


46  DIALECTES    MODERNES 

j  Oh  Gloria  !  i  per  que  rius  al  mateix  temps  que  ploras 
l  per  que  'ns  portas  taeat  lo  teu  vel  blanch? 

;  Oh  Gloria  de  ma  Patria  !  que  bella  y  gran  que  foras 
si  no  't  mulléssin  Uâgrimas  y  sanch  ! 

.1.  Marti  y  Folguera. 

(Catalan.) 

Oh  Gloire!  pourquoi  ris-tu  au  nième  temps  ijuo  tu  pleures.'  — 
(^.ui  a  empourpré  ton  voile  blanc?  —  Oh  !  Gloire  de  m;i  Patrie  !  tu 
serais  très-belle. et  très-grande, — si  les  pleurs   et  le   sang  ne  te 

mouillaient  point! 

.1 .  Marti  y  Folguera. 


LOU  GARDA-MAS 

(Se  guida) 


Dins  un  prat  erbagieu  e  tout  ensourelhat, 

Unafrapa  d'enfants  e  de  drollas  s'afana. 

Descaus,  à  bêles  uns,  an  gasat  lou  rajôu 

Qu'en  dous  courrents  bessouns  encenchoun  la  clausada, 

E,  brusents  e  galois,  an  seguit  la  rasada, 

A  l'oumbra  de  l'espés  e  ramut  rebieirôu. 

E,  zou,  tout  trepa  e  dansa  e  zounzouna  e  bresilha. 

Pamens,  deçai-delai,  la  cola  s'escampilha. 

LE  GARDE- MAS 
(Suite) 


Au  milieu  d'un  pré  fertile,  inondé  de  soleil,  —  une  troupe  rie 
garçons  et  de  jeunes  filles  se  précipite. —  Pieds  nus.  à  la  fiie,  il? 
ont  passé  U  ruisseau —  qui  entoure  l'enclos  de  ses  deux  courants 
jumeaux.  —  et,  bruyants  et  joyeux,  ils  ont  suivi  le  rivage  —  à 
l'ombre  de  l'épais  feuillage  desarbres  riverains  ;  —  et  allons,  tout 
danse  et  chante  el  gazouille  '-t  bourdonne.  —  Cependant  <„•*  et  la 


LOT*    GARDA-MAS  47 

Cadun  seloun  soun  goust:  d'unes  van  nistejà 

Dins  lou  rounzàs,  amount,  sus  las  brancas  dau  roure; 

D'autres,  à  travès  camps,  allègre,  an  près  lou  courre 

Après  lous  parpalhouns  per  lous  acoussejà; 

D'autres,  per  çai,  per  lai,  fan  de  pignels  de  flouses  ; 

E  toutes  soun  countents  e  toutes  soun  urouses  ; 

Car  despioi  lou  suquet  dau  serre  abouscassit 

Qu'en  lai  dau  pradelàs  sembla  que  lous  agacha, 

Couma  un  mourrut  vignau  gaitant  la  mala  fâcha, 

Fins  au  gravas  dau  rieu  que  jai  afatrassit  ; 

Despioi  l'aubràs  qu'assousta  e  rausàs  e  lambrusca, 

L'un  enliassant  sous  mars,  l'autre  agafant  sa  rusca, 

Fins  au  prim  entrefiol  alairat  per  lou  sôu, 

Sus  mauvin,  coucoumela  e  graissoun  dau  rajôu, 

Per  lou  prat,  sus  lou  truc,  dins  l'aubràs,  sus  lous  vises, 

Es  tout  de  parpalhouns,  de  flouses  e  de  nises, 

E  pertout  d'enfantets  coussejant  e  nistant. 

l'a  sous  fraires,  sa  sorre  emb  sas  camaradetas  ; 
Amai  el  tabé  i'es,  e  lou  gala-bountan 
Nou'n  vôu  as  parpalhouns,  ni  mai  à  las  flouretas  : 


la  troupe  se  disperse,  — chacun  selon  goût:  les  uns  vont  fureter 
—  dans  les  touffes,  là-haut  sur  les  branches  du  chêne:  — d'autres, 
â  travers  champs,  allègrement  ont  pris  leur  course  —  après  les 
papillons,  en  leur  faisant  la  chasse;  —  d'autres,  par-ci  par-là,  font 
des  bouquets  de  fleurs:  —  et  tous  sont  contents  et  tous  sont  heu- 
reux, —  car  depuis  le  sommet  de  la  montagne  couverte  de  brous- 
sailles —  qui.  au  delà  du  grand  pré,  semble  les  surveiller, —  comme 
un  sombre  garde-vigne  au  guet  des  malfaiteurs.  — jusqu'au  gravier 
du  ruissseau  qui  coule  en  murmurant  :  —  depuis  le  grand  arbre 
qui  soutient  le  lierre  et  la  vigne  vierge,  —  l'un  entourant  les  bran- 
ches maîtresses,  l'autre  happant  son  écorce,  —  jusqu'au  trèfle  des 
prés  couché  par  terre.  —  sur  les  nymphéas,  le  cresson  et  les  gui- 
mauves du  ruisseau  ;— dans  le  pré,  sur  la  montagne,  sur  le  grand 
arbre,  sur  les  pampres.  —  partout  dos  papillons  et  des  fleurs  et 
des  nids,  —  et  partout  des  enfants  courant  et  furetant. 

Il  y  a  ses  frères,  sa  sœur  et  ses  petites  amies —  il  y  est  aussi,  lui, 
et  l'espiègle,  —  ce  ne  sont  ni  les  papillons  ni  les  fleurs  qui  le  ten- 
tent ;  —  en  ce  moment  il  s'attaque  à  ce  grand  peuplier  —  qui,  dans 


(S  DIALECTES    MODERNES 

D'aquela  oura  n'en  vôu  à-n-aquel  piboulàs 

Que,  dins  soun  vert  brancun,  rescond  un  nis  d'agassa. 

En  van,  per  s'en  sarrà,  lins  au  col  s'embartassa. 

Ni  per  aquela,  ou  vùu  :  es  caput,  lou  drollàs  ! 

Couraa  un  escuriôu,  de  branca  en  branca  escala  ; 

Prend  alen  cade  cop  que  gandis  as  plançouns. 

Mais,  dessan  qu'es  au  suc,  paupantlous  agassouns, 

La  branca  ounte  a  près  ped  croucina,  s1  end  avala, 

E  lou  nistoun  cabana  ansin  qu'un  fruch  raadu, 

Quand  de  l'aubre  fruchô  brandilhoun  la  grelhada  ; 

E,  se  daissant  anà,  couma  fai  lou  perdut 

Qu'au  reloge  dau  tems  sa  mala  oura  es  sounada. 

Degola,  e  zou,  degola,  e,  tout  en  degoulant 

Sentis  viroulejà  l'aire  autour  de  sa  cara, 

Couma  la  deu  senti  l'aucel  en  s'envoulant. 

Mais  de  qu'en  sarà  d'el  quand  sus  lou  prat  tout  ara 

Vai  s'espautà,  boudieu?  res  que  de  ie  pensa, 

Sent  galinà  sa  car,  e,  zou,  toujour  degola, 

Sens  espéras,  sens  bruch,  mais  sens  pausa  ni  mola. 

Malur!  quand  sus  lou  sou  crei  de  boumbi,  sensat 


ses  vertes  branches,  cache  un  nul  de  pie.  —  FJour  s'en  approcher, 
dans  un  hallier  épineux  il  s'enfonce  jusqu'au  cou.  —  Peu  importe: 
il  le  veut;  il  est  opiniâtre,  l'enfant!  —  Comme  un  écureuil,  il 
grimpe  de  branche  en  branche,  — se  reposant  chaque  fois  qu'il 
rencontre  un  plançon  ;  —  mais,  une  fois  au  sommet,  saisissant 
les  petits,  —  la  branche  qui  le  supporte  craque  et  se  rompt,  — 
et  le  dénicheur  dégringole  comme  un  fruit  mûr,  —  lorsque»  do 
l'arbre  à  fruit  on  secoue  la  tige  chargée,  —  et,  se  laissant  choir, 
ainsi  qu'un  désespéré  —  dont  l'heure  dernière  a  sonné  à  l'hor- 
loge du  temps,  —  il  descend,  descend,  et,  tout  en  se  précipi- 
tant, —  il  sent  tourbillonner  l'air  autour  de  sa  face.  —  comme  le 
doit  sentir  l'oiseau  lorsqu'il  s'envole.  —  Mais  qu'en  résultera- t-i] 
quand  tout  à  l'heure  sur  le  pré  —  il  s'abatra,bon  Dieu?  Cette  pensée 
seulement — lui  donne,  la  chair  de  poule,  et  la  descente  continue  — 
sans  résistance,  sans  bruit,  mais  sans  arrêt  ni  cesse. —  Malheur! 
au  moment  où  il  pcn.àe  rebondir  sur  le  sol,  —  un  précipice  mon>- 

(1)  Littéralement  :  i/  tombera  sur  ses  mains  et  sur  ses  pieds. 


• 


LOU    GARDA-MAS  49 

Un  caraven  rnoustrous  dejout  el  s'abadalha. 

Discountbrraa  es  sa  maissa  e  negrassa  e  sens  l'ouns. 

E  dics  soun  gargatet  lou  rajôu  se  perfound. 

Diriàs  qu'un  gigantàs  lou  chima  à  la  gargalha 

Emb  un  sourne  gourgoul  que  sembla  un  raufelet. 

Adejà  lou  drollàs  de  soun  orre  galet 

Sent  gandi  jusqu'en  el  la  maussana  alenada, 

L'alenada  de  mort  que  sentis  à  frescun. 

Adounc  vôu  se  retene,  agantà  lou  brancun, 

Que  passa  couma  un  fum  qu'un  fouletounrebilha. 

Fai  un  rejet.  Dau  cop  lou  viel  se  derevilha, 

E  soun  pitre  repoufa  un  souspir  de  soulàs. 

Endaco  se  graumilha  e  de  sous  iols  neblats 
Drecli-a-drech  dins  l'escamp  agacha  sens  res  veire. 
La  clouca  agroumandida,  e  que  sus  el  a  l'iol, 
Brista  soun  mouvement  e,  se  virant  à  reire. 
Au  mitan  de  sous  pouls  çai  yen  plena  d'ourguiol. 
Es  tiera  de  soun  creis  couma  una  bona  maire 
E,  dins  soun  parauli,  ie  fai  :  —  «  Eh  be  !  pecaire, 
Clou,  clou  !  i'a  pas  res  d'ioi  per  mous  bèus  pouletous? 
Ve,  couma  soun  bravets  !  an  toutes  sa  cougueta  !» 


irueux  s'entr'ouvre  au-dessous  de  lui.  —  Son  embouchure  est 
('norme  et,  noire  et  sans  fond.  —  et  dans  son  gosier  le  ruisseau 
s'abîme. —  On  dirait  qu'un  énorme  géant  le  boit  à  la  régalade,  — 
avec  un  sombre  clapotement  qui  ressemble  à  un  râle.  —  Déjà  l'en- 
fant, de  son  horrible  gorge,  —  sent  arriver  jusqu'à  lui  le  souffle 
malsain,  — le  souffle  de  mort  qui  sent  à  fraîcheur. —  Alors  il  veut 
s'arrêter,  saisir  les  branches  — qui  passent  comme  la  fumée 
qu'un  tourbillon  emporte;  —  il  fait  un  effort.  Sur-le-champ  le 
vieillard  s'éveille, —  et  de  sa  poitrine  s'échappe  un  soupir  de  soula- 
gement. 

lise  trémousse  ensuite,  et  de  ses  yeux  troublés. — en  face  de  lui, 
dans  l'espace,  il  fixe  sans  distinguer  les  objets.  —  La  poule  cou- 
veuse, alléchée  et  qui  le  suit  des  yeux, — aperçoit  son  mouvement, 
et,  se  retournant  en  arrière,  —  au  milieu  deses  poussins,  elle  arrive 
pleine  d'orgueil.  —  Elle  est  hère  de  sa  nichée,  comme  une 
bonne  mère  doit  l'être  ;  —  puis,  avec  son  langage,  elle  lui  dit:»  Eh 
bien! — Glou.  glou  !  il  n'y  a  rien  aujourd'hui  pour  mes  jolis   petite 


50  DIALECTES    MODERNES 

E  la  jouina  nineia,  aubourant  satesteta, 

Pieuteja  à  soun  entour  d'un  aire  amistadous  : 

—  «  Clou,  clou!  dins  toun  bousset  i'a  pas  quauqua migueta, 

Un  retrous  de  quicon,  un  croustetou  de  pan  !  » 

E  se  sarra  e  se  fréta  e  cloussis,  mais  en  van . 

Lou  dourmeire  es  représ,  mailous  pantais  lou  tenoun. 
L'an  atissat  de  longa,  aici  sian  !  van  e  venoun 
Tout  en  parpalhejant,  proumtes  couma  l'uiau. 
Aubouroun  dins  soun  cor  la  douca  souvenenca 
I>e  soun  urous  lilhage.  Ai  !  couma  ie  fai  gau  ! 

Se  vei  barbèu,  jouvent,  plen  d'esper,  d'inoucença  : 
Loua  plasés,  pioi  l'amour,  ie  parloun  tou<  ensen; 
Pioi  de  soun  endrechou  l'an  fach  cap  de  jouvent . 
Quand  sa  mouliè  qu'es  iois"endeven  abadessa, 
E  pioi  la  dansa  jout  lou  vielbelicouquiè. 
0  jour  très  cops urous  per  ele  sa  proumessa  ! 
La  campaneta  amount  canta  dins  lou  clouquié  ! 

Mais  de  qu'es  que  ie  prend?  Sa  cara  tant  risenta 
S'atbusquis,  doumai  vai.  Soun  peu  que  l'âge  argenta 
S'enredena;  soun  front  tant  seren  se  frounzis. 


poussins?  — Vois,  comme  ils  sont  gentils  ;  ils  ont  tous  leur  petite 
queue.  » — Et  la  jeune  famille,  élevant  sa  tète  mignonne,  — crie  au- 
tour de  lui  d'un  air  carressant  : — «Glou.glou!  dans  ta  poche  n'as-tu 
pas  quelque  miette, — un  reste  de  n'importe  quoi,  un  petit  croûton 
de  pain?  •> —  Et  elle  s'approebe  ;  elle  frôle  et  glousse,  mais  vaine- 
ment. 

Le  donneur  a  repris  son  somme;  de  nouveau  les  rêves  l'empor- 
tent;— ils  sont  acharnés,  et  sans  cesse  ils  vont  et  viennent  —  et, 
scintillant  avec  la  rapidité  de  l'éclair,  -  soulèvent  dans  son  cœur 
les  doux  souvenirs —  de  son  heureuse  jeunesse.  Ah!  comme  il  en 
esl  joyeux!  —  il  si:  voit  adulte,  jeune  homme,  plein  d'espoir, 
d'innocence;  — les  plaisirs,  puis  l'amour,  lui  parlent  à  la  fois;  — 
puis,  des  jeunes  gens  de  son  petit  village  il  est  nommé  le  chef, 
—  quand  celle  qui  est  aujourd'hui  sa  femme  est  déjà  abbadesst  : 
— et  puis  la  danse  sous  le  vieux  hêtre.  — Oh!  jour  trois  fois  heureux 
pour  lui  et  sa  promise! — La  clochette  chanta  là-haut  dans  le 
clocher  ! 

Mais  qu'a-t-il  donc?  Sa  ligure  si  riante  —  s'assombrit  île  plus  en 


LOU    GARDA-MAS  51 

A  de  longs  ferniments  dins  sas  gautas  plessadas. 
Sa  bouca  treraentis  e  sas  dents  sc-un  clavadas. 
Pamens  la  campaneta  amount  toujour  brounzis. 
Es  vrai,  mais  pioi  cantava  embé  sa  vos  douceta  : 
Ara  brama,  esclafis,  l'ardenta  campaneta  ! 
E  l'ai  tout  trementi,  couma  quand  sona  au  fioe. 
Enfin  dins  lou  planas,  dins  lous  vaus,  sus  lou  pioch. 
De  toutes  lous  endrecbs  que  soun  terras  tenentas, 
S'auboura  un  ara,  un  pioi,  de  sounadas  brusentas; 
Mema  dinsTentremiecha,  andant  de  ranc  en  ranc, 
Quicon  que  fai  fiertat  couma  se  pot  pas  creire, 
La  gleisa  dau  patroun  de  Mount-peliè,  Sant-Peire, 
Escampa  fins  au  cel  sas  très  vosses  d'aram. 
Lou  tems  s'escuresis,  Tannada  es  ben  marrida, 
La  nioch  i'  a  de  bourjous,  la  suita  miaula,  crida  ; 
Dos  poulas  fan  lou  gai,  acueulat  dins  la  cour  ; 
L'iol  estelat,  targant  la  luna  que  trascoula 
Dins  un  pargue  roujàs,  lou  chinas,  ploura,  idoula, 
Entre  qu'es  negra  nioch  à  pouncheta  de  jour. 


plus;  ses  cheveux,  argentés  par  l'âge.  —  se  hérissent;  son  front  si 
serein  se  plisse  ;  —  il  a  de  longs  frémissements  dans  ses  joues 
ridées;  —  sa  lèvre  s'agite  et  ses  dents  sont  serrées  : — cepen- 
dant la  clochette  retentit  toujours  là-haut.  —  C'est  vrai  ;  mais  tout 
à  l'heure  elle  chantait  avec  sa  douce  voix,  —  maintenant  elh* 
hurle,  elle  éclate,  l'ardente  clochette,  —  et  fait  tout  frissonner 
comme  quand  elle  appelle  au  feu.  —  Ensuite  dans  la  plaine,  dans 
les  vallées,  sur  le  mont, —  de  tous  les  villages  circonvoisins1, — 
s'élèvent  successivement  de  bruyantes  sonneries;  — même  dans 
l'intervalle  courant  de  roche  en  roche. —  chose  qui  fait  frémir, 
impossible  à  décrire,  —  l'église  du  patron  de  Montpellier.  Saint- 
Pierre,  projette  jusqu'au  ciel  se3  trois  voix  d'airain.  —  Le  temps 
s'obscurcit.  L'année  est  bien  mauvaise:  —  les  nuits  ont  des  bruits 
sinistres,  la  chouette  miaule,  crie,  — ■  Deux  poules  contrefont  le 
chant  du  coq,  assis  dans  la  cour;  sur  ses  jarrets,  —  l'œil  hagard, 
fixant  la  lune  qui  circule  —  dans  un  cercle  pourpré,  le  gros  chien 
pleure,    hurle.  —  depuis  la  nuit  close  jusqu'à  l'aube  du  matin. — 

'  Littéralement  :  de  tous  les  lieux  qui  sont  terres  tenantes. 


=■2  DIALECTES    MODERNES 

Adounc  d'aquî  aqui,  gagnant  do?  la  vilassa, 
D'ornes  viels  e  jouvents,  una  coulada  passa. 
N'i'a  d'en  peu,  de  descaus  ;  d'autres  per  vestiment 
An  un  parel  d'esclops  e  de  marridas  bralhas  ; 
De  fusils,  mai  que  mai  de  grands  fourcats,  de  dalhas, 
D'astes,  de  longs  bastouns,  esfraious  armament. 
Un  jouine  tambourin,  en  cape  d'aquel  mescle, 
Picant,  quoura  la  pel,  quoura  tustant  l'arrescle, 
Rampe! a  lou  refrin  d'una  rusta  cansoun, 
Bramada  per  la  cola,  au  pas,  à  l'unissoun. 
E  la  terra  ferais  e  lou  camin  pousseja, 
Ë  toujour  la  campana  ailamount  campaneja. 
Sens  saupre  couma,  enfin,  dempioi  un  moumenet, 
Dins  lou  membre  dau  mas,  emb  un  fort  arcanet, 
Se  vei  la  fourca  en  man  e  sa  femneta  ploura, 
E  lou  reten,  e  pioi  de  la  bressolaauboura 
Soun  enfant  nouvel  nat:  u  Jan,  moun  Dieu,  toun  manit, 
Ta  maire  e  ieu,  sens  tu,  de  qu'anan  deveni?» 
Dor  la  bausa  dau  lioc  devista  adounc  sa  maire. 
En  el  quicon  ie  dis  :  «  La  veiràs  pus,  pecaire  ! 


Alors  à  chaque  instant  allant  vers  la  grand'ville,  —  une  bande 
d'hommes  jeunes  et  vieux  passe;  —  il  y  en  a  qui  sont  nu-tète, 
d'autres  pieds  nus,  d'autres—  ont  une  paire  de  sabots,  de  mauvais 
pantalons  pour  tout  liabillement.  —  Des  fusils,  plus  souvent  de 
grand  boyaux,  des  faux,  —  dos  broches,  de  long  bâtons,  forment 
leur  ('(range  armement. 

Un  jeune  tambourin,  à  la  tète  de  ce  pêle-mêle,  —  frappant 
tantôt  la  peau,  tantôt  heurtant  le  cerceau,  —  accompagne  le  re- 
frain d'une  rude  chanson  —  hurlée  parla  bande,  au  pas,  à  l'unis- 
son, —  et  la  terre,  tremble,  et  la  poussière  tourbillonne  sur  le  che- 
min :  —  et  toujours  là-haut  la  cloche  carillonne.  —  Sans  savoir 
pourquoi,  enfin  depuis  peu, —  dans  l'appartement  du  mas,  une 
forte  rougeur  aux  joues, — il  se  voit,  armé  d'une  fourche,  et  sa  jeune 
femme  pleure  —  et  l'arrête  ensuite;  du  berceau  elle  soulève  son 
riiiant  nou-veau-né.  —  «  Jean  !  mon  Dieu  !  ton  enfant,  ta  mère 
sans  toi,  qu'allons-nous  devenir?»  —  A  côté  de  latre,  aper- 
çoit alors  sa  mère;  —  en  lui  quelque  chose  dit  :  Tu  ne  la  ver- 
ra*   lias.        Il.'-ius!  comme  eUe  est  triste.  Ah!  ah!   ses  yeux  sont 


LOU    G  ARDA -M  A?  53 

Couma  es  tristassa  !  Ai  !  ai  !  sous  iols  soun  atarits  ! 

La  paura  a  tant  soufrit,  n'a  tant  toumbat,  tant  vist  ! 

Assetada  sens  vanc  dessus  la   cadieirasa 

Ount  sous  desavanciès  un  per  un  an  près  plaça, 

Desengruna  plan-plan  sous  chapelets  de  bouis, 

Mesclant  dedins  sa  prega  un  souspir  d'ai  e  d'oui. 

Un  pau  dessabranlat  d'una  doulou  tant  granda, 

Plaquîs;  quand  tout  d'un  cop  lou  viel  pourtaus'alanda  ; 

Intra  de  sous  amies  l'escachoun  ardelous, 

E,  sens  mai  de  prepaus,  lou  capouliè  bregous 

le  ven  :  «  Se  sies  Francés,  enrega  nosta  rega.  » 

E  dins  la  leia  mai  la  cola  se  boulega, 

Car  i'a  preissa  de  tems,  pareis,  e  Jan  seguis. 

Seguis,  laissant  ailai  sa  femna  estabanida, 

L'enfantou  que  tresana  e  la  maire  au  soulis, 

Aubourant  sas  dos  mans  e  sa  facia  blasida  : 

«  Ah  !  se  lou  m  au  nous  ven  das  pecats  requità, 

Siegue.  fâcha,  ô  moun  Dieu!  ta  santa  voulountat  !  » 

A.  Langlade. 
(.4  suivre.) 

taris.  —  La  pauvre  en  a  tant  vu;  elle  a  tant  souffert;  elle  en  a  tant 
versé,  de  larmes!  —  Assise  sans  force  sur  la  grande  chaise  —  où 
ses  ancêtres  ont  successivement  pris  place — elle  égrène  douce- 
ment son  chapelet  de  buis,  —  entremêlant  dans  sa  prière  un  sou- 
pir, des  hélas.  —  Un  peu  ébranlé  devant  une  douleur  si  grande,  — 
il  fléchit,  quand  tout  à  coup  le  vieux  portail  s'ouvre  à  deux  battants. 
—  De  ses  amis  l'ardente  petite  troupe  entre, — et,  sans  autre  préam- 
bule, le  chef  batailleur  —  lui  dit  :  «  Si  tu  es  Français,  sillonne  notre 
sillon.  » — ■  Et,  dans  l'avenue,  de  nouveau  la  troupe  se  hâte, — car  le 
temps  presse,  paraît-il.  Et  Jean  suit;  —  il  suit,  laissant  là-bas  sa 
femme  évanouie, — le  petit  enfant  qui  pleure  à  chaudes  larmes,  et 
sa  mère  au  seuil  —  élevant  ses  deux  mains  et  la  face  ternie  :  — 
«Ah!  si  le  malheur  nous  est  envoyé  pour  racheter  nos  péchés, —  que 
ta  sainte  volonté  soit  faite,  ô  mon  Dieu!....  » 

A .  Lanulade. 


PERIODIQUES 


Revue  historique,  scientifique  et  littéraire  du  départe- 
ment du  Tarn. —  Cette  publication  est  duc  à  l'initiative  du  savant 
archiviste  du  département  du  Tarn,  M.  Emile  Jolihois;  elle  paraît 
mensuellement  à  Alby,  depuis  la  fin  de  l'année  1875.  —  (Numéro 
de  novembre  1875  à  décembre  1876  ). 

2-3,  34-38,  49-52,  65-67,  81-86,  129-134,177-180,  193-197.  Emile 
Jolibois,  Histoire  du  -pays  il  Albigeois .  Ce  travail  contient  d'intéres- 
sants détails  sur  les  traditions  qui  s'attachent  aux  monuments  mé- 
galithiques de  l'Albigeois.  Elles  se  rapprochent  fort  de  celles  qui 
ont  cours  en  Auvergne  et  dans  le  bas  Languedoc.  «  [En  Albigeois], 
la  Vierge  et  les  saints  ont  remplacé  les  génies  et  les  fées.  C'est 
ainsi  que.  le  menhir  de  Vieux  devint  une  pierre  apportée  là  par 
sainte  Carissime,  dans  le  pan  de  sa  robe,  et  cette  pierre  est  encore 
sacrée  pour  les  habitants,  qui  racontent  naïvement  que,  le  proprié- 
taire du  champ  où  elle  >e  dresse  ayant  voulu  l'enlever,  il  ne  put  y 
parvenir,  parce  que,  dans  la  nuit,  une  main  invisible  comblait  les 
tranchées  qu'il  avait  faites  pendant  le  jour.  Le  dolmen  de  Valde- 
riés  a  été,  dit-on,  formé  de  trois  pierres  que  la  Vierge  apportait, 
l'une  sur  sa  tète,  les  deux  autres  sur  ses  épaules,  pour  la  construc- 
tion de  l'église  d'Alby  ;  mais,  arrivée  en  vue  de  la  ville,  elle  vit 
l'église  construite,  et  elle  déposa  les  trois  pierres  où  on  les  voir, 
encore.  Les  pierres  d'Alban  sont  deux  palets  abandonnés  à  la 
-dite  d'un  défi  que  le  diable  porta  à  la  Vierge  :  la  pierre  lancée  par 
la  Vierge  distança  beaucoup  celle  lancée  par  le  diable.  Quant  aux 
deux  pierres  de  Laeabarède,  qui  sont  plantées  sur  le  bord  delà  route, 
à  une  distance  d'environ  3  mètres  l'une  do  l'autre,  on  les  appelle 
les  Deux  Sœurs  :  on  prétend  qu'elles  se  meuvent,  et  que  la  fin  du 
monde  arrivera  lorsqu'elles  auront  atteint  le  sommet  de  la  mon- 
tagne. »  —  :!-6.  22-24,  39-42,  52-56,  le  Procès  de  la  Sorcière  brûlée 
n  Labrugirière en  1485,  contient  une  lettre  en  langue  d'Oc,  datée  du 
27  mai  1485,  et  adressée  par  Johan  Daliera,  coseigneur  de  Lare- 
cuquelle,  à  maître  Anthoni  Robert,  notaire  de  Sorèze.  Curieux  ex- 
traits de  l'interrogatoire  de  l'accusée,  d'après  le  ms.  qui  existe  aux 
archives  de  la  préfecture  du  Tarn.  — 6-7,  le  Castel-Sarrasi  de  Bras- 
sac,  avec  une  version  du  chant  de  VEscrireto,  recueillie  par  M.  Joli- 
bois,  à  Brassa.  Elle  esl  à  comparer  à  la  version  que  M.  Damase 
Arbaud  publia  dans  ses  Chants  populaires  de  la  Provence (JFluranço) 


CHRONIQUE  5r> 

et  surtout  à  celle  des  Poésies  populaires  de  M.  Atger  (Y  Escrivoto;  ) 
Revue,  juillet  1874,  p.  254).  — 12-43,  Ordonnance  somptuaire  n'es  con- 
suls de  Castres.  —  74-75.  Ordonnance  somptuaire  publiée  à  Castres  en 
1375.  Textes  en  langue  d'Oc,  accompagnés  d'une  traduction  fran- 
çaise. —  123-125,  la  Pucelle  devant  Orléans,  extrait  d'un  texte  en 
langue  d'Oc  existant  aux  archives  communales  d'Alby. —  153, 
Emile  Jolibois,  la  Felibrejade.  Note  sur  la  réunion  de  Sainte-Estelle, 
à  Avignon,  le  21  mai  1876.  —  513-154,  lou  Fais, poésie  en  langage 
d'Alby,  par  M.  Isidore  Sarasy,  mort  le  4  août  1870.  —  174-175, 
A  moun  amie  sur  lou  despart  de  sa  mestresso,  jolie  pièce  du  milieu 
du  XVIIIe  siècle.  —  216.  Noël  albigeois,  emprunté  à  Y  Histoire 
littéraire  des  patois  du  Midi.  (Voyez  Revue,  2°  série,  tom.  I,  p.  90.) 

A.  R.-F. 


CHRONIQUE 


Le  prochain  couronnement  de  sainte  Anne  d'Apt(  9  septembre 
1877)  est  en  ce  momentle  motit'dedeux  concours,  ouverts,  l'un  par 
la  Société  littéraire  d'Apt,  l'autre  par  le  Félibrige  de  Provence. 

Nous  ne  parlerons  pas  du  premier,  dont  les  délais  sont  expirés, 
et  qui,  dit-on,  a  donné  de  très-satisfaisants  résultats  ;  mais  nous 
sommes  heureux  de  faire  connaître  les  conditions  de  la  lutte  poé- 
tique ouverte  par  les  félibres.  Deux  thèmes  sont  proposés  : 

Pour  le  premier,  une  piece.de  vers  provençaux  sur  sainte  Anne; 
les  dames  seules  sont  admises  à  concourir.  Un  des  prix  consiste  en 
une  fleur  émaillée.  offerte  par  le  Comité  des  provençalistes  d'Apt: 
le  second,  en  deux  médailles  d'argent  données  par  l'Athénée  île 
Forcalquier. 

L'autre  thème  est  laissé  au  gré  des  concurrents.  Il  devra  cepen- 
dant être  choisi  parmi  les  divers  sujets  qui  intéressent  l'histoire  et 
les  traditions  de  la  ville  d'Apt  et  de  sa  région,  c'est-à-dire  toute  la 
partie  occidentale  du  Forcalquiérois. 

Une  médaille  de  vermeil  et  deux  médailles  de  bronze  ont  été,  à 
l'occasion  de  ce  concours,  mises  à.  la  disposition  du  Comité  d'Apt 
par  la  Société  des  langues  romanes. 

Les  pièces  de  poésie  devront  être  adressées,  avant  le  15  août,  à 
M.  Légier  de  Mesteyme,  secrétaire  du  Comité  provençal,  à  Apt. 


Las  Ordenansas  et  Coustumas  del  libre  blanc,  publiées  avec  une  in- 
troduction, des  notes  et  un  glossaire,  par  M.  le  docteur  Noulet,  de 
Toulouse;  — les  Patois  de  la  basse  Auvergne  et  leur  littérature,  par 
M.  Henri  Doniol.  formant  les  tomes  III  et  IV  de  la  collection  phi- 
lologique de  la  Société,  paraissent  à  l'instant.  Il  en  est  de  même 
du  Dictionnaire  des  idiomes  romans  du  midi  de  la  France  (tome  1er, 
2e  livraison),  par  M.  Gabriel  Azaïs. 


5G  CHRONIQUE 

Les  Coûtantes  d'Agen,  par  M.  Ed.  Lidforss.  seront  prochainement 
distribuées  aux  souscripteurs. 

D'assez  nombreux  recueils  de  poésie  et  de  prose  languedociennes 
et  provençales  sont,  en  ce  moment  en  préparation.  Nous  signale- 
rons dans  le  nombre,  etpar  la  même  occasion  nous  recommanderons 
à  nos  lecteurs,  les  suivants  :  lou  Campestre,  par  M.  J.  Laurès ,  in- 
12; — Flouretosde  mountagno,  par  M.MelchiorBarthès,  deSaint-Pons, 
in-lî  ;  — les  Grils,  par  M.  Auguste  Fourès:  sous  presse  tous  les 
trois  à  l'Imprimerie  centrale  du  Midi;  —  Jean  de  la  VaXado,  recueil 
des  pièces  de  poésie  et  de  prose  de  Victor  Bourrelly,  publiées  par 
le  neveu  de  l'auteur,  avecl'aidede  M.  Marius  Bourrelly:—  lis  Aupiho, 
poJsios  et  légendes  provençales,  par  M.  Marius  Girard,  de  Saint- 
Kémy;  —  Chalendo,  par  M.  Aimé  Giron,  du  Puy-en-Vélay,  etc. 

* 
*  * 

Poésies  et  textes  en  langue  d'oc  insérés  en    divers   journaux  : 
— A  Moussu  A.  de  G...  doou  joumnii  de  Fourcauquiè,  poésie  en  lan- 
gage   de  Marseille,  par  M.  Alfred  Chailan  {Journal  de  Forealquier, 
28  janvier).  — Brinde  (en  prose)  d'En  Froncés  Vidal,  à  la  réunion 
de  la  maintenance  de  Provence,   le  28  janvier  (Journal  de  Foreal- 
quler,  4  février).  —  Un  Lourren  à  Moussu  de  Gagnaud,  sonnet  signé 
E.  A   mou n  ami  e  mèstre  Rowmaniho,  pantniage,  poésie    provençale, 
par  M.  Maurice  Faure  (Journal  de  Forealquier,  11  février).    —  Per 
loupaoure  Lyounés,  poésie  languedocienne,  par  M.  Cli.  Gros  (Petit 
Midi,  de  Montpellier.  18  février).  —  La  Catastropha  de  Graissessac, 
par  le  même  (même  journal,  22  février).  —  Un  bon  coimsel,  par  le 
même  (même  journal,  25  mars).  —  Lou  Grillet,  par  le  même  (même 
journal,  2.5  mars).  — Aca/np  de  la manlenènço  de  Prouvènço,  relation 
en  prose  provençale,  par  M.  Descosse,  de  la  réunion  de  la  mainte- 
nance de  Provence,  à  Ai.v,  le  28  janvier.  Brindes  en  vers  de  MM.  Des- 
cosse et  Guillibert  [Journal  de  Forealquier,  25  mars). —  A  J.-B. 
(,'.<ut,  sonnet  monorime,  par  M.  Marins  Bourrelly;  A  Marius  Bour- 
relly, réponse,  sonnet  également  monorime,  par  M.  Gaut  (Avenir 
de  Marseille,  mars  1877).  —  La  Pieoto,  poésie  languedocienne,  par 
M.  Benjamin   Fabre  (V Hérault,  de  Béziers,    30  mars).  — Sonnet, 
en  provençal,  par  M.  Descosse  (Journal  de  Forealquier,  1er  avril). 
—  LouTems  de  ioy,  poésie  languedocienne,  par  M.  Charles  Gros 
(Petit  Midi,  de  Montpellier.   6  mai).  —  Lou  Teins  à  vent,  par  le 
même    même  journal,  13  mai).  —  Pastouraîa,  par  le  même  (môme 
journal,  17  juin). 

Le  Gérant:  Ernest  Hamelin. 


Errata  du  numéro  dejuin  1870 

Mélanges   d\  langue  catalane.  —  P.  225,    1.  10,    bo;  li<ez  :  ho  adv. 

—  L.  17,  Gueîl;  lisez:  Gu-ell.  —P.  229,  I.  i  du  bas.  fassaca; 
lisez  :  fassa  ca  . 

/.,  Jjivre  des  manières.  —  P.   253,1.  19.  au  fréteur:  lisez:  aux  lecteurs. 

—  L.  29.  couveictise;  lisez:  couveistisse. —  P.  254,  I.  16,  défendu; 
lisez:  défensi  .  Devei  est  le  nom  verbal  de  devéer. —  P.  255.  I.  2, 
prente;  lisez  :  pren  te- —  I'.  256,  I.  10,  dels;  lisez:  cPels.  —  P.  262, 
I.  5  Supprimer  la  note  relative  au  v.  1185. 


DIALECTES  ANCIENS 


UNE  INSCRIPTION  EN  LANGUE  D'OC 


DU    XVe    SIECLE 


A.   Largentière    (  Artlèclie  ) 


Lorsque  je  commençai  à  publier  ma  série  d'ouvrages  sur  les 
traditions,  légendes,  proverbes,  dictons  et  sobriquets  popu- 
laires du  Vivarais  ;  et,  plus  tard,  lorsque  je  voulus  m'occuper 
de  Y  Anthologie  patoise  de  ce  pays,  je  recherchai  avec  soin  tous 
les  monuments  anciens  de  notre  dialecte,  manuscrits,  mon- 
naies, inscriptions,  etc.:  mais  j'acquis  la  certitude  que,  si  l'on 
trouve  dans  l'Ardèche  beaucoup  d'inscriptions  romaines,  on 
n'en  trouve  pas  une  seule  en  langue  vulgaire.  Pourtant,  je  me 
rappelai  qu'étant  bien  jeune — alors  je  ne  songeais  nullement  à 
l'histoire  de  mon  pays — j'avais  entendu  parler  d'une  inscription 
«  écrite  en  patois.  »  Je  cherchai  longtemps  dans  mes  souvenirs, 
je  demandai  des  indications  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'his- 
toire du  Vivarais  :  pas  un  ne  connaissait  rien  de  ce  qui  m'in- 
téressait. Un  jour,  que  j'étais  allé  à  Largentière  dessiner  un 
magnifique  bas-relief  du  Xe  siècle  ',  je  découvris  l'inscrip- 
tion dont  j'avais  entendu  parler,  et  que  j'avais  vue  bien  sou- 
vent, sans  m'en  douter. 

Cette  inscription  est  dans  l'église  de  Largentière.  Avant  de 
la  faire  connaître,  que  l'on  me  permette  quelques  détails  pré- 
liminaires. 

On   voit  encore,  à  Largentière,  des  ruines  du  couvent  des- 
Cordeliers,  qui  fut  détruit   par    les    calvinistes    en   1502. Ce 


1  Ce  bas-relief  était  placé,  en  cuise  d'enseigne,  au-dessus  do  la  porte 
d'entrée  de  la  tour  qui  servait  d'atelier  monétaire  aux  premiers  exploitants 
des  mines  d'argent  de  cette  ville. 


5 


5*  DIALECTES    ANCIENS 

couvent,  fondé  vers  Tan  1236,  dix  ans  après  la  mort  de  saint 
François,  était  un  des  plus  importants  de  Tordre,  si  Ton  en 
juge  par  les  détails  contenus  dans  un  mémoire  laissé  en  1781 
par  un  Père  cordelier,  mémoire  que  j'ai  pu  me  procurer  de- 
puis la  découverte  de  l'inscription. 

Le  couvent  ayant  été  pillé  et  incendié,  les  religieux,  au 
nombre  de  près  de  cent  cinquante,  avec  un  évêque  inpartibus 
pour  gardien,  furent  obligés  de  se  retirer  chez  eux;  un  petit 
nombre  resta  à  Largentière  avec  le  gardien,  dans  une  maison 
appartenant  à  ce  dernier,  et  qui  devint  le  petit  couvent  des 
Cordeliers. 

C'est  dans  les  archives  de  ce  couvent,  détruit  à  la  Révolu- 
tion, que  l'on  trouva  l'intéressant  mémoire  dont  je  viens  de 
parler  '. 

Ce  précieux  manuscrit  contient  la  description  très-détaillée 
du  grand  couvent  détruit  en  1562.  Voici  quelques  détails  sur 
l'église  et  la  sacristie  : 

«  De  ce  mesme  costé  étoit  aussi  la  sacrestie,  lieu  où  se  met- 
»  toient  les  ornements  de  l'église.  Elle  étoit  fort  riche,  ayant 
»  un  nombre  de  vases  sacrés,  car  on  y  comptoit  onze  calices, 
»  au  nombre  desquels  étoit  un  d'une  grandeur  prodigieuse, 
»  une  forte  croix  d'argent  pour  l'usage  des  processions;  elle 
»  avoit  aussi  des  beaux  et  riches  ornements  en  chasubles, 
»  chapes  dalmatiques,  la  plus  grande  partie  en  velours  et  en 
»  soie,  etc. 

»  ette  église,  fort  belle  et  fort  propre,  étoit  en  grande  par- 
»  tie  tapissée  d'une  fort  belle  étoffe  de  différentes  couleurs, 
»  appelée  filet  d'Auvergne  et  de  filet  de  Flandre. Une  fort  belle 
»  chièreQn  pierre  de  taille  toute  scultée,  et  d'une  seule  pierre, 
»  faisoit  un  des  principaux  ornemens.On  la  voit  aujourd'hui 
»  à  la  paroisse . . .» 

Et  dans  Yenquête  nous  lisons  :  « Loys  Fayolle  dict  qu'il 

»  demouroit  pour  travailler  à  ses  journées  avec  Claude  Borie 
»  et  Pons  Allamel,  luy  firent  aller  quérir  avec  Jehan  Doms, 
»   dict  Piac,  et  quelques  aultres  que  ne  lui  recorde  une  chière 


1  Ce  mémoire  appartenait  à  M.  Roure,  avocat  à  Largentière;  il  passa 
plus  tard  dans  les  mains  de  M.  Pellier,  notaire  à  Joyeuse. 


UNE    INSCRIPTION    EN    LANGUE    d'oC 


m 


»  de  pierre  qu'est  en  l'église  duel,  couvent  qu'ils  trouvarent 
»  arranchée  et  mise  en  pièces;  laquelle  chière,  après  Jehan 
»  Serre,  maçon,  redressa  en  l'église  dud.  l'Argentière .  » 

C'est  sur  cette  chaire,  qui  se  trouve  en  effet  dans  l'église  pa- 
roissiale de  Largentière,  qu'on  peut  voir  la  belle  inscription 
languedocienne  dont  voici  la  copie  très- exacte  : 


&*£&K 


»  pierre 
6  *i  armer 


I  âieit'jjngrre 

I  « 

Îj 


Se  e©Wns  &p 


I 

i 


s  I 


tf.  F./ecrt 

L'an  M.  CCCC.  LXXXXetle  VII  d'octobre,  hieu,  Pierre 
Guarnier  de  Colens  ay  donat  aquesta  chadiere  al  convent, 
eque 


60  DIALECTES    ANCIENS 

Dans  le  mémoire  manuscrit,  cette  inscription  est  mentionnée 
ainsi  :  «  Autour  de  cette  chièreon  lit,  en  caractères  gothiques, 
»  ces  mots  :  l'an  MCCCCLXXXX,  Vil  octobre,  Jean- Pierre 
»  Garnier,  de  Coulens  ',  ay  donnât  a  questo  cadièro  al  couvent 
»  dos  frayres  minours  de  Largentiera .  » 

On  remarquera  qu'il  y  a  une  petite  erreur  dans  le  mémoire  : 
sur  Tinscription  il  n'y  a  pas  Jean-Pierre  Garnier,  mais  bien 
hieu  Pierre  Guarnier  [moi,  Pierre  Guarnier).  L'artiste  de  Cou- 
lens a  voulu  accentuer  la  donation  de  son  œuvre,  qu'il  a  si- 
gnée comme  on  signe  un  testament  ou  tout  autre  acte  de 
grande  importance. 

Maintenant,  l'imagination  de  l'auteur  du  mémoire  a-t-elle 
complété  l'inscription  de  Pierre  Guarnier,  ou  bien  pouvait- 
on  lire  à  cette  époque,  sur  le  quatrième  panneau,  compléte- 
tement  effacé  aujourd'hui  :  dos  frayres  Minours  de  Largen- 
tiera ? 

Cette  dernière  supposition  ne  me  parait  pas  admissible  :  le 
troisième  panneau,  sur  lequel  on  lit  :  1490.  P.  G.,  eût  été 
une  solution  de  continuité;  la  phrase  se  serait  trouvée  coupée 
de  façon  à  détruire  l'harmonie  qui  règne  dans  toute  la  chaire. 
Pourtant,  le  dernier  mot  de  l'inscription,  eque,  indique  bien 
qu'il  y  avait  autre  chose,  mais  il  est  impossible  de  déchiffrer 
ce  panneau  :  tout  a  été  gratté  au  ciseau. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  mes  compatriotes  et  amis  n'aient 
pu  me  renseigner  sur  cette  inscription  languedocienne,  lors- 
qu'on songe  que  M.  Ovide  de  Valgorge,  qui  a  fait  une  minu- 
tieuse description  de  l'église  de  Largentière,  ne  l'a  même  pas 
mentionnée. 

«  La  chaire  qui  décore  l'intérieur  de  cette  église,  dit-il,  est 
»  remarquable  surtout  comme  incrustation  de  l'époque  du 
»  style  ogival  flamboyant...  Elle  est  couverte  d'arabesques  en 
»  relief  d'un  riche  goût,  et  porte,  gravée  sur  l'un  de  ses  pan- 
»   neaux,  la  date  de  sa  construction  -.  » 

Dans  la  destruction  du  monastère  des  Cordeliers  de  Largen- 
tière, durent  disparaître,  perdus  pour  toujours,  des  documents 

1  Coulens  est  un  hameau  de  la  commune  de  Ohassiers,  à  3  kilomètres 
de  Largentière. 
1  Souvenirs  de  l'Ardèche,  t.  Il,  p   319. 


UNE    INSCRIPTION    EN    LANGUE    d'0C  61 

de  la  plus  haute  importance  pour  l'histoire  de  la  langue  d'oc  ; 
la  bibliothèque  était  considérable.  Voici  quelques  détails  na- 
vrants relatés  dans  le  mémoire  :  «Aussy  bruslèrent  dans  led. 
»  couvent  tous  les  livres  d'iceluy  couvent,  tant  ceux  de  l'église 
»  que  autres  de  la  livrerie  où  estoit  le  canon  civil,  les  quatre 
»  grands  docteurs  de  l'Eglise,  quatre  bibles  en  parchemin  ;  il  y 
»  en  avoit  plus  de  six  charges,  et  pour  les  faire  brusler  et  plus 
»  vistement,  «7s  jetèrent  d"hgle  d'olive  dud.  couvent,  environ 
»  demi-charge .  » 

«  Parmi  les  manuscrits  précieux,  dit  Ovide  de  Valgorge, 
étaient  une  Bible  du  XP  siècle,  présent  du  pape  Clément  VI 
au  cardinal  Pasteur  Serrets,  qui  l'avait,  en  mourant,  léguée 
au  couvent  des  Cordeliers  d'Aubenas,  qui,  à  son  tour,  l'avait 
envoyée  en  cadeau  au  couvent  des  Cordeliers  de  l'Argentière: 
Bible  magnifique,  couverte  de  précieuses  et  nombreuses  en- 
luminures; et  une  relation  du  voyage  fait  en  Terre  Sainte,  à 
l'époque  de  la  première  croisade,  par  Pons  de  Balazuc  '.  » 

Je  pourrais  grossir  cette  note  en  donnant  des  extraits  de 
l'enquête  qui  eut  lieu  en  1562,  sur  la  destruction  du  couvent 
des  Cordeliers  de  Largentière  ;  c'est  la  partie  la  plus  curieuse 
du  mémoire  :  toutes  les  dépositions  sont  écrites  en  mauvais 
français  et  en  dialecte  vivarais.  Pour  aujourd'hui,  je  me  borne 
à  la  communication  de  mes  recherches  sur  l'inscription. 

Henry  Vaschalde. 

1  Souvenirs  de  lArdèche,  t.  II,  p.  314. 


— - — *s£7fà$fà?fcï*^-— 


DIALECTES  MODERNES 

HISTOIRE  LITTÉRAIRE 
DES  PATOIS  DU  MIDI  DE  LA  FRANCE 

AU    XVIIIe    SIÈCLE 


APPENDICE  BIBLIOGRAPHIQUE 

Comprenant  le  Catalogue  des  ouvrages  écrits  dans  les  patois  du   Midi  de 

la  France  au  XVIIIe  siècle 

[Suite  et  fin) 


309.  Recueil  des  Prières  et  Cantiques  spirituels  à  l'usage  des 
missions  des  R.  R.  P.  P.  Capucins. 

Toulouse.  1781,  in-12,  108  pages. 

Les  Cantiques  en  langue  vulgaire  occupent  les  pages  09-74. 

310.  Recueil  nouveau   de  Prières  et  de  Cantiques  provençaux. 
Par  un  curé  de  Provence,  sans   lieu  ni  nom  d'imprimeur.  1785. 

311.  REURETs(Les)  deClimène,  par  M.***. 

Al  lebat  de  l'Auroro, 

Dins  un  pradel  de  flous. .    . 

Cette  Chanson  se  trouve  dans  le  Recueil  de  Romances  historiques, 

inulres  ctburlcsijiirs,  etc. ,  et  dans  les  poésies  paloises  qui  font  suite 
aux.  Obras  coumplètas  des  frères  Rigaud,  p.  177;  elle  y  est  attribuée 
à  l'abbé  Morel.  V.  ce  nom. 

312.  REMERCioMENde  Janot,  ou  le  Trinlle  de  Toulouse. 
V .  Baour. 

* 

313.  Réponse  per  dom  Diego  de  Crocrico,  chevalier  des  ordres 
errans  et  géographe  imaginaire  de  Sa  Magesté  portugaise,  auBourg 
stultorum  landidorum,  dans  la   principauté   du  Brésil,  à  Messieurs 


HISTOIRE    DES   PATOIS   DU    MIDI  63 

les  fameux  poètes  qui,  sous  le  nom  de  Troubadours,  ont  donné  au 
public  le  poème   comique  de  la   Patte  enlevée,  en  langage  pro- 
vençal. 
Garpentras,  à  l'enseigne  de  la  Vérité,  1741,  in-12. 

314.  Responsou  d'un  home  que  s'es  rettira  dou  mounde. 
Garpentras,  1741, in-12. 

G.  Brunet,  Lettre  sur  les  patois,  p.  23,  et  Pierquin  de  Gem- 
bloux,  Hist.  litt.  des  patois,  p.  317. 

315.  Réveillon  (L'abbé).  Elotché  dé  Labrando,  marchando  de 
froumatchous  à  Narbouno. 

Par  M.  l'abbé    Réveillon,  conduché   du   vénérable  Chapitre  de 
Saint-Paul  deNarbonne. 
Je  dois  une  copie  de  cette  malice  dévote  à  feu  M.  L.  Galibert. 

316.  Richard  (Le  chevalier  de).  Le  Retour  du  Parnasse.  Par 
M .  le  Chevalier  de  Richard . 

Amsterdam,  chez  J.  Ryckhoif  Gis,  libraire;  1755,  in-8°. 
Recueil  de  petits  vers  français,  avec  dix  couplets  en  patois  bas- 
languedocien,  les  uns  et  les  autres  d'une  complète  insignifiance. 

317.  Rigaud  (P.Auguste).  Las  Vendemias  de  Pignan,  poëma 
per  Rigaud. 

Mounpeïe,  Tournel,  an  II  de  la  Répubhca,  in-16. 
C'est  dans  cette  édition  que  l'on  trouve  l' Arisïocratia   chassada 
de  Mounpéiè,  pièce  de  vers  de  l'an  1790. 

318.  Rigaud  (P.Auguste).  Las  Véndémias  dé  Pignan,  pouëma, 
coumpaousat  en  1780  per  P.-A.  Rigaud. 

Mounpéiè.  Tournel,  an  II,  in- 10. 

«  Édition  princeps  de  ce  poème.  » 

Bibl.  patoise  de  M.  Burgaud  des  Marets,  n°  1044. 

319.  Rigaud  (P.  Auguste  et  Cyrille  ).  Obras  coumpletas  d'Au- 
gusta  Rigaud  et  de  Cyrilla  Rigaud,  en  patoués  dé  Mounpéiè 

Mounpéyè,  Augusta  Virenque,  1S45,  grand  in-18. 

Cyrille  Rigaud  a  publié  aussi:  Poésies  diverses  de  Cyrille  Rigaud, 
ancien  professeur  du  Lycée  de  Montpellier.  Montpellier,  .T. -G. 
Tournel;  1821,  in-12. 

Ce  recueil  ne  contient  que  des  compositions  françaises. 

320.  Rivarès  (Frédéric  ).  Chansons  et  airs  populaires  du  Béarn. 
Pau,  E.  Vignancour;  sans  date,  gr.  in-8°.  —  V.  ce  titre. 

321.  Roby  (L'abbé  ).  Compliment  fait  à  M.  de  la  Millière,  inten- 


84  DIALECTES   MODERNES 


dant  de  cette  ville  (Limoges),  en  1751.  par  un  écolier  du  collège 
dos  Jésuites  travesti  en  paysan  limousin. 

Dans  les  Pièces  diverses,  à  la  suite  du  Recueil  rie  poésies  de  F. 
Richard,  tom.  II,  pag.  262.  Limoges,  Fr.  Chapoulaud,  sans  date. 

L'abbé  Roby  était  né  à  Limoges;  il  mourut  en  1 701.  Il  aurait 
parodié  Virgile  (Rec.  cit.,  p.  16.) 

322.  Roche,  voyez  Nôëls  en  français  et  en  langue  vulgaire. 

323.  Roches  (  L'abbé  )  Le  Grand  et  Petit  Catéchisme,  composé 
par  M.  Roches,  curé  de  la  paroisse  de  Mont-Gaillard,  au  diocèse 
de  Toulouse,  approuvé  par  le  R.  P.  Rougnan,  religieux  des  frères 
prêcheurs  et  professeur  royal  à  Toulouse,  à  l'usage  de  J.-F.-Ant. 
Mobilier,  curé  de  Folcarde,  au  diocèse  de  S.  Papoul.  1780. 

Manuscrit  in-8»,  avec  le  texte  français  en  regard  de  la  traduction 
patoise. 

Dans  ses  Lectures,  l'abbé  Mobilier  nous  apprend  que  l'abbé  Ro- 
ches mourut  à  Séville,en  Espagne,  où  il  avait  émigré. 

324  .   Romance  provençale  : 

Lou  béou  Tircis  se  proumenavo 
Soulet  un  jour 

Dans  le  Recueil  de  romances  historiennes,  tendres  el  bwiiesciues,  etc., 
tom.  II,  p.  332 
V.  ce  titre. 

325.  RouppiAû  (  L'abbé).  Épitre  à  M.  Bourguet. 

M.  Magloire  Nayral  a  cité  de  longs  fragments  de  l'Epitre  de  l'abbé 
Rouffiac,  connu  sous  le  nom  de  Curé  de  Sarclas.  Biugr.  caslraise, 
tom.  III,  Supplément,  p.  588. 

326.  Routtier  (  Alexandre  ).  Lou  Maiïagi  de  Margarido,  cou- 
médio  en  un  acte. 

Marseille,  1781,  in-8°,  32  pages. 

Il  a  élé  fait  plusieurs  éditions  de  cette  comédie. 

327.  Royer  (Louis-Bernard).  Fragments  d'une  poésie:  lou  Chin 
de  Cambau,  in  li  Parpaioun  blu  de  AV.  Bonapaite-VVyse.  Avignoun 
Gros.  1868,  in-12,  pag.  201-203. 

328.  Royeu  (Louis-Bernard). Ghincho-Merlinçho, en  BathfAnglo- 
terro),  encô  de  G.  Lewis,  libraire-editour.  carriero  diclio  «  North- 
gate  street  ».  12;  1871,  in-4°  (tiré  à  27  exemplaires,  dont  un  sur  vé- 
lin, et  publié  par  M.  W.  Bonaparte-Wyse). 

320.  San(juil-;em.  Lou  Maridatge  de  Camardou. 
M  s.  du  XV11L  siècle  (Pau). 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DU    MIDI  65 

330.  Sarrau.  L'Amour  mouyat,  imitatioun  d'Anacréon. 

A  la  suite  des  Obras  coumplètas  d'Augusta  et  dé  Cyrilla  Rigaud. 
Montpellier,  1845,  in-12,  p.  171-172. 

Sarrau  fut  professeur  à  l'École  de  chirurgie  de  Montpellier  vers 
le  milieu  du  XVIII*  siècle. 

331.  Sauvages  (L'abbé  P. -A.  Boissier,  de  la  Croix  de  Sauva- 
ges]. Dictionnaire  languedocien-françois,  ou  Choix  des  mots  lan- 
guedociens les  plus  difficiles  à  rendre  en  françois.  Contenant  un 
recueil  des  principales  fautes  que  commettent  dans  la  diction  ê1 
dans  la  prononciation  françoise  les  habitansdes  Provinces  méridio- 
nales du  royaume,  connus  à  Paris  sous  le  nom  de  Gascons.  Avec 
un  petit  Traité  de  prononciation  et  de  prosodie  languedocienne. 
Ouvrage  enrichi,  dans  quelques-uns  de  ses  artHrs,  de  notes  his- 
toriques et  grammaticales  et  d'observations  de  physique  et  d'his- 
toire naturelle.  Par  M.  l'abbé  de  S***. 

Nismes,  Michel  Gaude;  1756,  1  vol.  in-8*. 

332.  Sauvages  (Pierre-Augustin  Boissier  de  la  Croix  de  Sau- 
vages). Dictionnaire  languedocien-françois,  etc.,  nouvelle  édition, 
corrigée  et  augmentée  d'une  nombreuse  collection  de  proverbes 
languedociens  et  provençaux. 

Nismes,  Gaude;  1785,2  vol.  in-8°. 

333.  Sauvages  (  L'abbé  de).  Dictionnaire  languedocien-français, 
etc.  Par  M.  l'abbé  de  Sauvages. 

Nouvelle  édition,  revue,  corrigée,  augmentée  de  beaucoup  d'arti- 
cles, et  précédée  d'une  Notice  biographique  sur  la  vie  de  l'auteur 
par  son  neveu,  L.  A.  D.  F. 

Alais,  J.  Martin;  1820,  2  vol.  in-8». 

334.  Seré.  Le  Poble  moundi,  à  Mounseignou  le  Prumié  Pre- 
siden. 

ln-4°  de  4  pages,  sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur,  ni  lieu, 
ni  date. 

Cette  pièce  de  vers  est  de  Seré,  de  Toulouse,  composée  en  171 1, 
à  la  louange  du  Premier  Président  au  Parlement,  Bertier  de  Ma- 
lholas,  seigneur  du  Vernet. 

V.  Le  Poble  moundi. 

o35.  Serè.  Pièces  de  vers,  à  la  suite  des  Œuvres  de  Pierre  Go»- 
delin,  édition  de  Lecamus,  1713,  in-12,  et  dans  les  suivanies. 

On  y  trouve  :  ln  un  Sounet  al  Rey,  sur  le  retour  du  premier  pré- 
sident de  Bertier,  à  Toulouse  (il  venait   de  Pau),  en  1710  ;  2°  un 


66  DIALECTES    MODERNES 

sixain,  à  M.  de  Bertier,  en  1710  ;  3°  A  Monseignou  de  Bertié,  prumié 
presiden . 

La  dernière  pièce  est  la  même  que  le  Poble  moundi. 

336.  Seemotj  (Lou)  deu  Curé  de  Bideren,  X  Ville  siégle. 
Pau,  Léon  Ribaut,  1873,  in-8°. 

C'est  là  un  de  ces  sermons  de  fantaisie,  relevés  par  des  traits 
plus  ou  moins  risqués. 

337.  Sermou  (Lou)  deu  Curé  de  Bideren,  XVIII*  siègle  (Publicat 
per  la  segounde  betz). 

Pau,  Léon  Ribaut;  1875,  in-8°,  15  pag. 

338.  Sermou  (Lou)  deu  Curé  de  Bideren,  XVIIIe  siècle  Ma- 
nuscrit. Le  sermon  y  est  moins  développé  que  dans  les  deux  im- 
pressions qui  précèdent. 

339.  Sermou  prexat  à  Santo-Sezeillo,  etc. 
V.  Fournès. 

340.  Soleil  (Le)  de  Noël,  né  à  minuit  pour  éclairer  tout  le 
monde.  Noëls  nouveaux  composés  à  S.  Elix  de  la  Terrasse,  par  C  . . 

Toulouse,  veuve  de  J.-P.  Robert,  sans  date,  in-12. 

341 .  Saint-Salvy  (Bernard  de).  Bersis  beoumountouèsés.  Poiu'- 
sios  de  Moussu  B.  de  St-S. 

Toulouse,  Lagarrigue  et  Dours;  sans  date  (1834),  in-12. 

342.  Sonnets,  mal  à  propos  attribués  à  Pierre  Goudelin,  par 
M.  Dumège,  Hist.  des  instit.  de  la  ville  de  Toidouse,  t.  IV,  p.  86. 

V.   Pastiches. 

343.  Stansos.  A  la  mémorio  dé  Pierre  Goudouli,  Stansos,  par 
un  maître  es  Jeux  floraux. 

Dans  le  Supplément  aux  Affiches  Annonces,  etc.,  de  Toulouse  et  du 
haut  Languedoc,  du  17  juillet  1774. 

344.  Superbie-Cazalet.  Carte  à  Théophile  Bourdeu. 
Dans  les  Poésies  béarnaises. 

V.  ce  titre. 

345.  Thobert  (l'abbé).  Cristoou  et  Fresquiero,  ou  la  Queue  de 
l'âne  arrachée,  comédie  en  un  acte  et  en  vers. 

Marseille,  Terrasson',-1825;  in-8°,  15  pages.  Réimprimé  à  Mar- 
seille, quelquefois  avec  des  variantes,  en   1826,  1830,  1838,  1852, 

etc. 

346.  Thorert,  Meste  Mauchuan,  ou  le  Jugement  de  l'Ane,  co- 
médie en  un  acte  et  en  vers  provençaux. 


HISTOIRE     DES    PATOIS    DU    MIDI  fiT 

Marseille,  1813,   in-8°,  12  pages. 

Des  rééditions  en  ont  été  faites  en  1825,  en  1840,  etc. 

L'abbé  Thobert,  professeur  de  théologie  au  séminaire  du  Bon- 
Pasteur,  mourut  en  1777.  On  lui  doit  une  autre  comédie,  M.  de 
Ravina,  restée  inédite,  et  une  pastorale  sur  la  Naissance  deJésils- 
Christ,  dont  il  a  été  fait  en  Provence  de  très-nombreuses  éditions. 

347.  Traduction  languedocienne  en  vers  du  premier  chant  de 
^Enéide,  de  Virgile. 

Ms.  possédé  par  M.  Gavallier,  de  Montpellier. 

La  date  probable  de  cette  traduction  est  1740-1750  (M.  Gavallier). 

348.  Testament  d'un  juif  de  la  ville  de  Garpentras. 
Carpentras,  S.  D.,  in- 16,  17  pages. 

D'après  le  catalogue  de  M.  Bory,  n°  1931,  la  première  édition 
appartiendrait  à  l'année  1722. 

349.  Traduction  de  l'Ode  d'Horace  qui  commence  ainsi  :  0 
nata  mecum  consule  Manlio . .  . 

Un  feuillet  manuscrit,  in-4°,  2  pages,  écriture  du  XVIIIe  siècle. 
Cette  imitation  est  écrite  dans  un  excellent  patois  de  Toulouse. 

350.  Tbioumphe  (Lou)  de  Marsillo,  odo. 
Marseille,  Mossy,  1756,  in-4°. 

1  M.  Pierquin  de  Gembloux,  Hist.  litt.  des  patois,  p.  330. 

351 .  Vellote,  ou  le  Mariage  à  la  mode. Comédie  en  cinq  actes 
et  en  vers,  mêlée  de  chants  et  précédée  d'un  prologue. 

Pièce  écrite  dans  le  dialecte  de  Gignac  (Hérault),  en  1716. 
Manuscrit  in-4».Le  titre  a  été  ajouté  par  feu  M.  Léon    Galibcrt. 
qui  m'avait  amicalement  offert  cette  rareté  patoise 

352.  Vergnes  (Jean-Baptiste).  L'Auta  de  la  Grand  Garriero.ou 
Moussu  Bernard,  coumedio  en  dus  actes  et  en  berses  patois  (sic). 

Representado  le  prumier  cop  à  Toulouso,  al  catl'é  del  Globo,  le 
24e  juin  1787. 

Per  l'autou  de  la  Vergnade,  1787. 

Un  vol.  manuscrit,  in-lol°,de  235  pages,  autographe  de  l'auteur. 

Vergnes  était  un  marchand  de  coton  de  Toulouse,  qui,  à  propos 
d'un  reposoir  élevé  dans  la  rue  Pharaon,  s'est  livré  à  un  long  ba- 
vardage, dans  lequel  il  a  fait  entrer  sa  propre  biographie.  C'est  un 
honnête  rimailleur,  qui  se  prend  au  sérieux  comme  poète,  ainsi 
que  tant  d'autres  de  notre  temps,  et  avec  aussi  peu  de  raison 

353.  Vers   en  langage  toulousain,  sur  les  Noëls   de    Monsieur 
l'Abbé  Plomet,  signés  R.  M.  A.  1721. 


63  DIALECTES     MODERNES 

En  tête  de  le  Pêcheur  secouru  par  le  Librrateur,  etc.,  par  l'abbc 
Plomet. 

V.  ce  nom. 

354  Vers  pour  Mgr  d'Antraigue  à  son  arrivée  dans  Beaucaire, 
le  10  juillet  1767.  —  Lettre  à  M.  Silvestre,  prêtre  de  Tarascon.  — 
Vers  pour  le  R.  P.  Fidèle  Marie,  capucin,  ayant  prêché  le  carême 
à  Beaucaire,  l'an  1767.  —  Vers  pour  M.  Brideine,  prêchant  à  Ta- 
rascon, l'an  1767,  in-12. 

Bibl.  patoise  de  M.  Burgaud  des  Marets,  n°  1224. 

355-    Vers  patois  : 

Pastou  que  l'amour  meno,  etc. 

Dans  une  lettre  envoyée  à  Grégoire  par  les  Amis  de  la  Constitu- 
tion d'Agen.  V.  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de  France,  publiées 
par  M  .  Gazier  dans  la  Revue  des  langues  romanes,  2e  série,  tom.  I, 

p.  286. 

• 

356.  Versés  sur  lou  Cussou  dasPenitens  blancs. 

Manuscrit  in-4°,  de  1775.  d'après  M.Léon  Galibert,  qui  avait 
bien  voulu  m'en  fournir  une  copie. 

357.  Vigne  (  L'abbé  ).  Contes  en  vers  prouvençaux,  imprimas  per 
la  premiero  fés  en  Avous  1806. 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur,  ni  lieu. 

Ce  livret  fut  publié  à  Aix-en-Provence,  par  le  libraire  Pontier. 
Les  éditeurs  du  Bouquet  prouvençaou  ont  consacré  une  notice  à 
l'abbé  Vigne  et  reproduit  huit  de  ses  Contes. 

358.  Vocabulaire  patois-franeais-anglais  et  proverbes  patois,  dans 
une  lettre  adressée  à  Grégoire,  touchant  lahingage  du  département 
du  Gers.  (  Voyez  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de  France,  in  Revue 
des  langues  romanes,  l"  série,  tom.  VIII,  p.  95  à  97  et  102.) 

Seconde  Partie 
PIÈCES    SUR     LA     RÉVOLUTION 


1 .   Abis  d'un  boun  pastou  à  sous  parrouquias. 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  ni  lieu,  ni  date,  in-8». 

(lontre  le  serment,  exigé  du  clergé. 

ï.  Abis,  noun  pas  à  las  brabos  gens,  mes  al  Pèro  Sermet. 
Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date.  in-8o. 

3.  Abis  à  las  brabos  Lrens,  tant  de  la  bilo  que  de  la  campagno 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DÛ    MlDÎ  69 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  sans  lieu,  ni  date,  in-8». 
Cette  brochure  est  attribuée  au  Père  Sermet,  dans  YAbii  précé- 
dent. 

V.  Sermet. 

4.  Abis  salutari  al  paure  poplé  de  Toulouso  e  de  las  campa- 
gnos. 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date,  in-8°. 
Pamphlet   quelque  peu  ordurier,  mais   en  bon   patois   de   Tou- 
louse, contre  le  P. Sermet. 

5.  Artaud  (  Joseph  ).  Recueil  de  chansons  patriotiques  pour 
toutes  les  fêtes  de  l'année. 

Draguignan,  an  VII,  in- 12. 
Catalogue  Bory,  n°  1847. 

6.  Au  loup! 

Sans   nom    d'auteur,  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  (Toulouse),  ni 
date  (1791),  in-8°. 
Satire  contre  l'évêque  constitutionnel  Sermet. 

7.  Auriol  dit  Langautier.  Tableau  actuel  de  la  situation  pu- 
blique et  triomphante  de  la  République  française. 

C'est  un  recueil  qui  se  compose  de: 

1°  Hymne  patriotique  sur  plusieurs  airs,  chanté  au  Temple  de 
la  Raison  de  la  commune  de  Toulouse,  le  20  floréal  de  l'an  2e 
de  la  République  française,  une  et  indivisible  ; 

2°  Hymno  patriotico  (sic)  cantado  al  Temple  de  la  Razou  dé  la 
cominuno  de  Toulouso,  le  30  floréal  de  l'an  second  (sic)  dé  la  Ré- 
publico  francéso. 

Sur  l'airé  :  Des  simples  jeux  de  mon  enfance. 

3*  Aoutro  hymno  patrioutico.  Per  la  plantatiou  de  l'Arbre  de  la 
Libertat. 

Sur  l'airé  :  Ah  !  le  bel  oiseau,  maman,  etc 

8.  Bal  des  Muscadinats  (  Le  ).  Chanson  en  cinq  couplets,  à 
l'adresse  des  Muscadins,  les  élégants  ridicules,  après  les  événe- 
ments de  thermidor. 

Ces  couplets  ont  été  cités  par  M.  A.  Combes,  dans  ses  Chants 
populaires  du  pays  castrais,  1802,  p,  100. 

9.  Baladin  (  Le  )  démasqué. 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  ni  lieu,  ni  date,  in-8°. 
Cette  violente  attaque  contre  le  F'.  Sermet  contient,  à  la  page  10: 
Stançoel  Epitapho  per  Frèro  Hyacintho  Sermet. 

Le  père  Sermet  répondit  pur  sa  Lettre  du  F  F.  Sermet  au  club  cita 


70  DIALECTES  MODERNES 

Amis  delà  Constitution,  datée  de  Saint-Geniés,  le  18  août  1790,in-8°. 

1(J.  Bernadau.  Traduction  de  la  Déclaration  des  droits  de  l'Homme 
en  langage  de  Bordeaux,  dans  les  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de 
France,  publiées  dans  la  Revue  des  langues  roivanes,  par  M  .  Gazier, 
2e  série,  T.  m,  p.  181. 

11.  Bernady.  La  Franco  régénerado.  Pouemo,  per  M.  B , 

citouyen  de  Mountalba. 

Mountalba,  de  l'imprimario   de  Fountanel,  imprimur  de  la  Sou- 
cietat  des  Amitsdela  Goustitutien  (sic). 
Sans  date,  in-12. 

12.  Bouche  (Gbarles-François).  La  Gounstitucien  francezo,  tra- 
ducho  counfourmamen  eis  décrets  de  l'Assemblado  Naciounalo 
Counstituanto,enlenguoprouvençalo,  é  presentado  à  l'Assemblado 
Naciounalo  Législativo,  per  Gharlé-Francés  Bouche,  Députa  de  la 
ci-davan  sénéchaoussado  d'Aix,  membre  de  l'Assemblado  Naciou- 
nalo Gounstituanto,  ô  enquey  d'aou  tribunaou  deGassacien. 

Paris,  de  l'Imprimarié  naciounalo,  1792,  in-18. 

13.  Gansod  cantado  pés  habitans  dé  Sent-Géniès  à  l'arribado 
dél  Pero  Sermet.  Sur  l'Ayre:  D'en  haut  en  bas. 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  ni  lieu,  ni  date. 

14.  Gansou  patrioutico.  Sur  l'airé  de  Berduret. 

Quatre  couplets  en  patois  de  Toulouse,  dans  les  Couplets  dédiés  à 
la  propagande  révolutionnaire . 

Br.  in-12,  de  12  pages,  sans  lieu,  ni  date,  ni  nom  d'auteur  ou 
d'imprimeur. 

15.  Cansou  republicaino,  ou  la  Gagado  koyalisto.  Sur  l'ayre  : 
Il  étoit  une  fillette. 

Signée,  G.  Lavabre.(?) 

Il  y  est  question  du  triomphe  des  républicains  dans  le  Castrais 
(Tarn)  et  dans  lt  canton  de  Rével  (Haute-Garonne). 

Un  feuillet  de  2  pages,  in-8°.  Sans  lieu,  ni  date,  sans  nom  d'au- 
teur ni  d'imprimeur. 

10,  Gansou  rouergasso,  fatjo  à  l'ouccasiou  de  la  Messo  que 
l'Intrus  de  Soumart  anguet  dire  à  la  Gleyo  de  St.  Marti  de  l.a- 
guepio,  à  l'imbitatiou  de  Roucadou  et  Philip. 

Sans  nom  d'auteur. 

Boudés,  1800,in-8o. 

17.   Gansou  sur  la  Fablo  de  las  Bestios: 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DU    MIDI  71 

Nostris  Aujols  nous  countabon 
Que  dins  le  tems  reculât 
Toutos  las  Bestios  parlabon 

In-4o,  3  pages,  sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  sans  lieu,  ni 
date. 

Idiome  de  Foix,  à  propos  d'une  élection  de  l'époque  révolution- 
naire. 

18.  Gansou  sus  Loups. 

Dans  un  cahier  manuscrit  de  l'époque  révolutionnaire. 
Cette  chanson  est  dirigée  contre  les  curés  assermentés. 

19.  Cantique.  Dans  le  même  esprit  que  le  précédent. 
Sur  l'air  :  Avec  les  jeux,  dans  le  village,  etc 

Sans  nom  d'auteur,  ni  d'imprimeur;  sans  lieu,  ni  date;  in-8o. 

20.  Cantique  patois,  sur  la  fidélité  aux  légitimes  pasteurs  et 
sur  l'infaillibilité  de  l'Église. 

Sur  l'air:  Le  connais-tu,  ma  chère  Éléonore. . . 

Quand  un  troupel,  boulache  et  sans  prudenço, 
De  soun  berge  n'escouto  pas  la  buux 

Dans  un  cahier  manuscrit  de  l'époque  révolutionnaire. 

21.  Chabot  (François).  Réponse  aux  quarante-trois  questions  pro- 
posées par  l'immortel  Grégoire,  digne  curé  d'Emberménil  et  député 
ta  l'Assemblée  nationale;  vocabulaire  français  et  patois,  rouergas  ou 
aveyronnais,avec  l'étymologie  des  mots  de  cette  langue  vulgaire. 
—  Réponse  aux  deux  principales  questions  proposées  par  M.  Gré- 
goire le  13  août  1790  :  Quelle  serait  l'importance  religieuse  et  politique 
de  détruire  entièrement  le  patois  dans  le  département 'del 'Aveyron  et  quels 
en  seraient  les  moyens? 

(Documents  publiés  par  M.  Gazier,  Revue  des  langues  romanes, 
tom.  VII,  p.  121  à  133;  tom.  V11I,  p.  71  à  87. 

22."  Champmas  (L'abbé).  La  Desoulatioun  de  Mounbran. 

Pièce  de  vers  dont  je  possède  deux  copies.  L'une,  la  plus  an- 
cienne, me  paraît  fournir  la  composition  originale;  la  seconde,  am- 
plifiée, ne  gagne  rien  à  certaines  répétitions  d'idées  et  de  ta- 
bleaux. 

En  1829,  l'abbé  Champmas,  ancien  curé  de  Layrac,  près  à' A 
adressa  des  vers  élogieux  à  M.  Jasmin,  qui  lurent  imprimés   dans 
les  Papillottes . 

M.  Jasmin  répondit  par  un  remerciement  au  curé-poète  et  établit 
ses  droits  à  l'honneur  d'avoir  composé  la  Désolation  de  Monbran  par 
ces  deux  vers  : 


72  DIALECTES    MODERNES 

Pintre  gascou  d'uno  bieillu  raazuro 
Que  toun  pincel  ben  d'immourtaliza. 

La  |)ièce  de  vers  était  pourtant  déjà  ancienne.'. 

Une  version  de  la  Desoidatioun  de  Mounbran  a  été  publiée,  en 
1863.  dans  les  Poésies  gasconnes  par  l abbé  Champmas.  prêtre  du  dio- 
cèse dAgen.( Agen.J .  Pasquier,  broch  in-8o,  avec  une  photographie 
représentant  le  château  de  Mon  bran.) 

Cette  pièce  y  est  précédée  d'une  très-courte  notice  sur  l'abbé 
Xavier-Laurent  Champmas,  né  à  Agen,  eu  1764,  et  mort  dans  la 
commune  de  Montjoie  en  1832,  ainsi  que  d'une  églogue  morale 
en  patois  agenois  et  en  gascon,  intitulée:  las  Lermoe  de  Florimm  : 
une  œuvre  de  la  jeunesse  de  l'auteur. 

23.  Collot-d'Herbois  (J.-M.).  Armana  dou  père  Gérard,  per 
l'annado  1792,  la  quatriemou  dé  l'èrou  de  la  Liberta:  ouvrage  que 
a  rampourta  lou  prix  proupousa  per  la  Soucieta  deis  ami  de  la 
Counstitutioun,  Seantou  ei  Jacoubis,  à  Pari?  ;  per  J.-M.  Collot- 
d'Herbois,  membre  de  la  Soucieta.  Imprima  per  ordre  de  Messieus 
lei  Coumissari  civil,  députa  per  lou  Hoi  din  lei  ci-davan  Etat 
d'Avignoun  et  dou  Coumta  Venessin.  Su  l'emprima,  à  Paris.  Et 
se  ven  à  Carpentra,  che  Jaque  Allié,  mestre  poutié  de  terrou, 
din  la  Grandou  Garrierou.  1792.  ln-12. 

C'est  la  traduction  mot  à  mot  de  l'Aima nach  du  Père  Gérard, 
écrit  en  français  et  publié  d'abord  à  Paris. 

24.  Couplets  chantés  en  Provence  en  1792,  lors  le  la  réunion  de 
Nice  à  la  France: 

Dins  la  Savoio  A  Vdo-Franco, 

Jusqu'à  Chamberi,  Au  lort  Mountauban. 

Soun  tôuii  eu  joio  Niço  la  blanco. 

D'èstre  réuni  Yolon  èstre  franc. 

Dans  YArmana  prourençau,  1861.  p.  50.  Il  est  inutile  de  dire  que 
l'orthographe  de  ces  paroles,  et  peut-être  les  paroles  elles-mêmes, 
ont  été  retouchées  par  les  rédacteurs  de  VArmana. 

25.  Coussel  charitable  al  Pèro  Saint-Gès,  rettur  dal  cooletgé 
lias  douctrinaris  à  Labaau  (Lavaur.)» 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  (1791), 
in-8°. 

26.  Desoulatioun  de  Mounbran. 
V.  Champmas. 

■11.  Dialogo  entre  dus  Paysans  des  emhirouns  de  Toulouse  à 
l'occasion  île  la  nouminatiou  del  Père  (sic)  Sermet.  à  l'Abesquat 
de  la  Métropolo  del  Sud. 


HISTOIRE     DES  PATOIS    DU    MIDI  73 

Brochure  de  8  pages,  in-8o,  sans  lien  ni  date  (Toulouse);  sans 
nom  d'auteur  ni  d'imprimeur. 

28.  Dialogo  entre  dus  Paysans  des  embirouns  de  Toulouso,  à 
l'ouccasiou  de  la  nouminatiou  de)  Pero  Sermet  à  l'Abesquat  de 
la  Métropolo  del  Sud  . 

Montalba,  Fontanel,  1791,  in-8o. 

29.  Dialogo  entre  le  cultibatou  Bourrel,  de  la  Parroquio  de 
Sen-Sarni,  de  Toulouso,  et  Mestré  Labertat,  jardiniè  del  Bari  de 
Sen-Miquel,de  la  mémo  Bilo. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  sans  lieu  ni  date  (1789), 
in-8°. 

30.  Dialogo  entré  le  Pero  Sermet  et  Mestré  Guillaumes.etc. 
V.  Sermet. 

31    Dialogo  sul  dangé  de  la  Patrio  et  de  la  Countro-rebouluciou. 
Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  sans  lieu  ni  date,  in-8°. 

32.  Dialoguo  entré  un  Curé  jurât  et  un  paysan  que  nou  bol  ]>as 
assista  à  sous  Oufficis. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  sans  lieu  ni  date,  in-8o. 

33.  Dialoguo  entre  dus  Paysans  des  embirouns  (sic)  de  Tou- 
louso. Fayt  par  un  chassur  de  la  Legioun  de  la  Daurado. 

Toulouso,  Yiallanos;  sans  date,  in-8°. 

34.  Discours  en  idiome  provençal,  prononcé  le  8  floréal,  an 
troisième,  à  Morières,  chef-lieu  de  canton,  dans  la  Maison-Com- 
mune, par  le  citoyen  Pertuis,  juge  de  paix. 

Avignon,  Vincent  Baphel,  in-4°. 

Bibl.  patoise  de  Burgaud  des  Marets,  n°  1258. 

35.  Discours  prononcé  par  des  Citoyennes  de  Pommiers  (ar- 
rondissement de  Grenoble)  à  la  Société  des  Amis  de  la  Constitua 
tion,  séante  audit  lieu. 

Journal  patriotique  de  Grenoble  (  n°  du  10  février  1792).  D'après 
M.  H.  Gariel,  dans  la  Petite  Bévue  des  bibliophiles  dauphinois,  tom  I, 
p.  173. 

36.  Douleenços  de  la  fennos  de  Toulouso  as  Estats-générals. 
Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  ni  lieu  ni  date  (1789);in-8°, 

6  pages. 

37.  Doulouéncos  de  las  Fillos  de  serbici  de  la  Bilo  do  Toulouso. 
Sans    nom  d'auteur  ni  d'imprimeur  ;  sans   lieu  ni  date   (1789) 

in-8°. 

38.  Douleenços  des  Paysans    Las  très-bumblos  et  tres-respec- 


74  DIALECTES    MODERNES 

tuousos  remountrançes  (sic)  de  Jacoumart,  sindic  des  paures  pay- 
sans del  Liuragués. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  (1789); 
in-8°. 

39.  Enterromen  del  calandrié  républicain  (sic). 

Sans  nom  d'imprimeur,  sans  lieu  (Foix)  ni  date  (1805);  in-4°. 

40.  Estrênos  patriotiquos,  dediados  à  MM.  de  la  Gardo-Na- 
tiounalo,  et  principalomen  à  MM.  les  Boulountaris  d'aquesto  Bilo 
(Toulouse). 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date;  in-8*. 

41 .  Exaudiat,  en  idiome  bulgari,  Dediat  à  las  Legious  de  la  Bilo 
de  Toulouso  et  de  soun  Departomen,  per  Moussu  1'  Ritou  S******, 
patrioto  zelat. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  (1790); 
in-8". 

42  Ferran.  Odo  a  la  libertat,  per  M.  Ferran,  Noutari,  Presi- 
den  de  la  Soucietat  des  Amies  de  la  Goustitutiou.  seento  à  Fron- 
ton (sic),  departomen  de  Hauto-Garonno,  legido  per  el-mèmo  dins 
la  seenço  publiquo  del  14  juillet  1791,  le  premier  de  l'an  3  de  la  li- 
bertat. 

Mountalba,  Fontanel,  1791;  in-8°. 

43.  Garisou  (La)  de  Marianno.  Cansou  patriotiquo. 
Ayre  :  des  Deux  Savoyards.  Une  petite  Fillette . 

Dans  les  Étrennes  mignonnes  de  1793  (?);  in-32,  p.  14. 

Mon  exemplaire  est  incomplet  par  le  commencement  et  par  la 
fin  ;  je  ne  puis  donc  le  rapporter  sûrement  à  une  année  plutôt  qu'à 
une  autre. 

M.  A.  Combes  a  cité,  dans  ses  Chants  populaires  du  pays  castrais, 
deux  soi-disant  couplets  de  cette  composition,  sous  le  titre  de  Ma- 
rianno. Le  premier  consiste  en  un  amalgame  incohérent  de  vers 
pris  au  premier  et  au  second  couplet.  Le  second  est  composé  avec 
les  quatre   vers  du  troisième  couplet    et  la  tin   du  second. 

44.  Garres  ( Jean-Marie-Charles).  Dialogo  entré  dus  Insurjats 
de  l'Armado  rouyalo. 

Signé  G ,  à  la  fin. 

Sans    nom  d'imprimeur,  ni  de  lieu  (Toulouse)  ;  sans  date  (1799); 

in-8u. 

15.  Garres  (J  .-M. -C).  Suito  del  dialogue  (sic)  entré  dus  Insur- 
jats de  l'Armado  rouyalo. 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DU    MIDI  75 

Signé  Garres,  à  la  fin. 
Toulouse,  Benichetet  Gompe,  sans  date,  in-8°. 

46.  Gillet.  Le  Ramelet  noubel  à  la  mémorio  dé  défunt  Ber- 
duret.  Pel  Gitouyen  Gillet  A-ynat. 

Sans  nom  d'imprimeur;  sans  lieu  (Toulouse)  ni  date;  in-8o. 

47.  Gillet.  Le  Ramelet  citouyen,  ou  lé  plazé  des  républiquens. 
Mon  exemplaire,  le   seul  que  je  connaisse,  est.  incomplet  et  ne 

donne   pas   le   nom   de   l'auteur.  Je    crois    pouvoir  l'attribuer  au 
citoyen  Gillet  aîné. 

48.  Girard.  Credo  démoucratique (sic). 
Signé  :  G.-D.,  Legiounari  de  la  Daurado. 

L'auteur  du  Credo  est  Girard,  Toulousain  :  il  l'avait  composé  en 
1790;  il  le  fit  réimprimer  à  la  suite   du  Retour  del printens. 

49.  Girard.  —   Dialogo  entré  un   Electou    qu'a    proucedat  à' 
l'électiu  de  septento  (sic)  Curés   pel  Distric  de  Toulouso,  et  uno 
Deboto  de  la  même  (sic)  bilo,  retirado  dins  sa  campagno,  ques  (sic) 
situado  dins  un  endret  charmand  (sic)  et  soulitari,  propre  à  fa   le 
delici  des  qu'aymon  à  médita  las  merbeillos  de  la  naturo. 

L'Electou  passo,  la  Deboto  l'arresto,  fa  soun  signé  de  croux  en 
guise  (sic)  d'exsourcisme,  et  d'un  ton  (sic)  corrossat  (sic*)  l'y  dits:... 

On  trouve  à  la  fin  :  «Legit  en  séençopublico  le  19  juin  L791,  per 
M.  Girard  pero,  granadié  de  la  Daurado;  imprimat  à  la  demando 
del  public  et  per  ordre  de  la  Souciétat  des  Amies  de  la  Goustilutiu. 

Sans  nom  d'imprimeur,  sans  lieu  ni  date  (1791);  in-8°. 

50.  Girard.  Hymne  à  l'Eternel. 

Sus  l'ayre  :  Quant  de  copts  daban  ta  porto. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur:  sans  lieu  ni  date:  in-8o. 

51.  Girard.  Hymno  à  la  Rasou.  Ginquiemo  delassomen  des 
republiquains  (sic)  detenguts  à  las  carmelitos. 

Sur  l'air  :  Approchez,  citoyens,  et  chantons  la  victoire, 
Sans  nom   d'auteur   ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  ;  1  feuillet 
in-4°  à  trois  colonnes. 

52.  Girard.  Retour  del  Printens  et  de  la  Libertat,  per  M.  Girard, 
père  (sic),  brabé  grenadié  de  la  Daourado  et  amie  de  la  Soucietal 
de  la  Constitutiou  des  Jacoupins  de  Toulouso.  et  legit  en  s,rnço 
publico  al  ci-devant  (sic)  Sénéchal,  le  3  avril  (sic)  L791  . 

Es  imprimat  per  ordre  de  la  Societat,  Toulouso,  Viailano>.  17'.'!: 
in-8°. 

On  trouve  à  la  lin  de  cette  brochure  le  Credo  demoucratico .  cité 
plus  haut,  composé  par  Girard  en  1790. 


76  DIALECTES    MODERNES 

53.  Grégoire.  Rapport  sur  la  nécessité  et  les  moyens  d'a- 
néantir les  patois  et  d'universaliser  l'usage  de  la  langue  française, 
suivi  du  décret  du  16  prairial  an  II. 

Imprimerie  nationale,  an  II,  in-8°  de  19  pages. 
C'est  par  exception  que  nous  mentionnons  ici  le  célèbre  rapport 
de  l'abbé  Grégoire. 

54.  L'Abesque  merd. .  .s.  Aire  :  des  Penjats. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur  ;  sans  lieu  ni  date;  in-8°, 
une  page  imprimée  à  deux  colonnes. 

Satire,  dont  le  titre  indique  suffisamment  le  ton,  contre  le  P, 
Sermet,  allant  se  faire  sacrer  évèque  métropolitain  du  Sud  à  Paris, 
en  1791. 

55.  Lettre  en  réponse  à  celle  qu'a  adressée  le  P.  Sermet  au 
club  des  Amis  de  la  Constitution. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur,  1790;  in-8°. 
A  la  page  31  de  la  Lettre,  on  trouve  le  Mouteten  l'aunou  delfrero 
Sermet . 
V.  ce  titre. 

56.  Ligou.  Lou  Cura  marida.  Chanson  languedocienne 

Dans  la  collection  de  Romances,  Fables,  Odes,  Charades,  etc.,  qui 
peuvent  s'exécuter  sur  la  Flûte,  la  Clarinette,  le  Piano  ou  la  Harpe  et  le 
Violon.  Mises  en  musique  par  les  citoyens  Ligou  et  Moulet. 

Paris,  sans  date;  in-4°,  gravé. 

Ligou,  l'auteur  de  ces  couplets,  quelque  peu  risqués,  était  d'Avi- 
gnon. 

57.  .Mahoumet  ou  Sermet.  Titre  d'une  gravure  représentant  un 
personnage  en  pied,  portant  moustache  et  barbiche,  en  robe  bro- 
dée, à  collerette  comme  au  temps  de  Henri  IV,  et  coiffé  d'un  cha- 
peau à  la  moderne. 

On  lit  au  bas  de  la  page  : 

Tout  pa  baynat  tourne-  en  soupo.  Un  feuillet  in- i". 

58.  Manuscrit.  Cahier  contenant  :  1°  l'Amour  de  J.-C.  pour  les 
hommes;  Cantique  en  français 

'!"  Cantique  patois  sur  la  fidélité  aux  légitimes  pasteurs  et  sur  l'in- 
faillibilité de  l'Éylise.  V.  ce  titre. 

3"  Pastourale  :  Despey  qu'aquesto  prado  a  perdut  soun  pastou. 

V.  Pastorale  allégorique. 

4°  Cansou  sus  Loups.  "V.  ce  titre. 

59.  M ilhaud  (représentant  du  peuple).  Hymne  chantée  par  le 
représentant  du  peuple  Milhaud. 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DU    MIDI  77 

S.  L.  (Montpellier)  N.  D.  8  pages  in-8°. 
(M.   Léon  Gaudin). 

60.  Moutet  en  Paunou  del  Fréro  Sermet,  almounié  e  prodi- 
cayre  de  la  legiou  de  Sant-Geniès. 

V.  Lettre  en  réponse  à  celle  qu'a  adressée  le  P.  Sermet. . . 

61 .  Oumbbo  (L')  de  Goudouli  as  Pageses. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  (1789)  ; 
in-8° . 

62.  Ouvergnias  (L')  patrioto.  Sur  l'air  :  Peyroou  rou. 
Chanson  dans  le  Recueil  de  chansons  patriotiques,  in-12. 

63.  Pam  (Un)  de  nas,  ou  le  Sourtiletche  lebat. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur  ;  sans  lieu  (Toulouse)  ni 
date;  in-8o. 

Factum  contre  la  Révolution,  et  surtout  dirigé  contre  le  serment 
exigé  des  prêtres. 

64.  Paraphrazo  d'el  mandomen  dé  Pero  Sermet,  qu'ourdouno  dé 
Prégarios  Particuliéros  perla  Gounserbatiou  dés  fruts  de  la  terro. 

Pièce  en  prose,  signée  Termes,  Capelié. 

Per  Paraphrazo,  Grifoulet,  sécrét. 

La  municipalité  de  Toulouse  obligea  l'évêque  Sermet  de  publier 
un  mandement  à  l'occasion  des  fruits  de  la  terre  compromis.  De. 
là  une  Lettre  au  Père  Sermet,  évêque  de  Toulouse,  sur  son  Man- 
dement  (in-8°,  15  juin  1791),  dans  laquelle  l'auteur  attaque,  en  logi- 
cien habile,  la  légitimité  du  nouveau  prélat. 

La  Paraphraso  d'el  mandomen  est  un  pamphlet  à  l'occasion  de  ce 
même  mandement,  où  l'on  reproduit  les  accusations  formulées  con- 
tre le  P.  Sermet  par  le  P.  Félix,  auteur  de  la  Lettre. 

65.  Pastorale  allégorique,  Sur  l'ayre  :  Un  jour,  dins  lou  bous- 
quatge .  . . 

Despey  qu'aquesto  prado 
A  perdu t  soun  pastou... 

A  l'occasion  de  l'émigration  des  curés  non  assermentés. 
V.  Manuscrit. 

M.  A.  Combes  a  inséré  cette  Pastorale  dans  ses  Chants  populaires 
du  pays  castrais,  p .  97 . 

66.  Pastouralo  allegorico  al  sujet  de  l'eloignomen  del  pastre 
Tirsis.  Sur  l'ayre  :  Al  levât  de  Vaouroro,  ou  Joax  aqueste  feuillache. 

4  pages  gr.  in-8°,  sans  lieu  ni  date;  sans  nom  d'auteur  ni  d'im- 
primeur. 


78  DIALECTES   MODERNES 

67.  Pèro  (Al)  Sermet. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  ;  in-8°. 

68.  Peyrot  (L'abbé  Claude).  Lo  Besprado  sooubertouso.  Dia- 
logué entré  Jonéto  é  Mortrou,  de  Poillas. 

Dans  ses  Œuvres,  p.  122,  4e  édit.    Millau,  Carrère  jeune. 
V.  ce  titre. 

69.  Peyrot  (L'abbé  Claude).  Coumplimen  d'un  franc  potrioto 
o  l'Aoubré  dé  lo  libertat. 

Dans  ses  Œuvres,  même  édition,  p.  126. 

70.  Peyrot  (L'abbé  Claude).  Coumplimen  fach  o  l'aoubré  de  lo 
froternitat,  per  lo  communo  de  P.,  lou  29  dé  juin  1793. 

Dans  ses  Œuvres,  même  édit.,  p.  182. 

71 .  Prôné  d'un  boun  curé,  A  l'ouccasiou  del  Sermen  (sic)  que 
l'Assemblado  Natiounalo  fa  demanda,  abey,  as  Abesques,  Curés, 
Bicaris  et  autres  Capelas  occupadis  al  sant  ministeri. 

Aquel  Prôné  ero  d'abord  en  francés,  et  aprép  a  estât  mes  en 
gascou,  sus  la  segoundo  editiou. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  ;  in-8°, 
16  pag. 

72.  Proufessiou  de  fé  des  Detenguts  dins  le  loucal  de  las  cy- 
dabant  Carmelistos,  30  octobre  1793. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  ni  lieu  ni  date  ;  un  feuillet 
in-4°  à  trois  colonnes. 

73.  Pujol,  (J.-J.).  Noël  noubel  fayt  al  seminari  per  un  reclus 
(1793). 

Dans  les  Chants  populaires  du  pays  castrais,  par  M.  A  .  Combes. 

74.  Quatrain  en  patois  : 

m 

Diou  houn  lou  despotisme  é  l'aristocratio,  etc. 

Dans  une  lettre  adressée  à  Grégoire  en  1790,  par  une  personne 
du  département  du  Gers.  Voyez  Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de 
France.  Rente  <Jes  langue*  romanes,  2e  série,  t.  I,  p.  276. 

75.  Rasounomen,  pensados  et  reflexious  d'un  boun  pages  des 
embirouns  de  Toulouso. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date  ;  in-8°. 

76.  Revolutius  (Las)  de  la  Franco,  per  esclaira  las  gens  illi- 
térats  de  la  campagno. 

Sur  l'air:  //  pleut,  il  pleut,  bergère;  ou  sur  l'aire  del:  Célébrons  lu 
victoire,  ou  sur  l'aire:  Bierihwrous  Labre.  Cantiquo  en  bers  libres, 
fayt  per  un  curé  de  campagno. 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DV    MIDI  79 

Montalba,  Fountanel,  sans  date,  in-8°. 

77.  Rigaud  (Auguste).  L'Aristocratia  chassada  de  Mounpeïé. 
5  décembre  1790. 

Dans  les  Obras  coumpletas. 
V.  cî  titre. 

78.  Salivas.  Abis  salutari  de  M.  Salivas  lou  Xoubé,  al  brabé 
moundé  de  las  campagnos.  Oubraxe  imprimât  per  ordre  de  la 
Soucietat  des  Amix  de  la  Coustitutiou  d'Alby. 

Sans  lieu,  sans  nom  d'imprimeur  et  sans  date;  in-8°. 

79.  Samary.  Discours  prounouneat  sur  l'auta  de  la  Patrio,  le 
14  juilet,  3eannado  de  la  Libertat.  Sans  lieu  et  sans  date;  in-4o. 

80.  Saurine  (L'abbé).  Dialogo  entre  un  Curé  de  boun  sen  et 
le  charroun  de  soun  Bilatge,  sus  les  affas  del  tems. 

Sans  nom  d'auteur. 

Toulouso,  Viallanes;  sans  date  (1791);  in-8o. 

Nous  attribuons  ce  Dialogue  et  celui  qui  vient  après  à  L'abbé 
Saurine,  d'après  le  passage  suivant  de  la  satire  contre  le  P.  Ser- 
met.  Au  Loup!  p.  12,  note  2:  «  En  1791,  Saurino  rependec  dus  Dia- 
logos  joute  le  noum  d'un  Curé  de  boun  sen  d'ambël  charroun  de  soun 
bilatge.  » 

L'abbé  Saurine  devint  premier  vicaire  général  de  l'évêque  Sermet 
et  ne  fut  pas  plus  épargné  que  lui  dans  les  pamplets  du  temps. 

81.  Saurine  (l'abbé).  Segoun  Dialogo  entre  un  Curé  de  boun 
sen  et  le  ebarroun  de  soun  Bilatge,  sur  les  affas  del  tens  et  las 
impousitious. 

Sans  nom  d'auteur. 

Toulouso,  Viallanos;  sans  date;  in-8°. 

82.  Sermet  (le  Père).  Abis  à  las  brabos  gens,  tant  de  la  bilo 
que  de  la  campagno. 

V.  ce  titre. 

83.  Sermet  (le  Père).  Confereuço,  faito  en  sourtin  del  Sénéchal, 
entré  le  Pero  Sermet  et  Jeannot,  moulinié  de  Pourtet,  et  Guillau- 
més,  jardinié  del  couben  des  Minimos. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date;  iu-8°. 

84.  Sermet  (le  Père).  Dialogo  entré  le  Péro  Sermet  et  Mestre 
Guillaumes  ,  paisan  del  bilatge  de  ***  Legit  le  6  février  1791,  à  la 
séenço  publiquo  del  Cloub  des  Jacoupins,dins  la  Salo  del  ci-daban 
Senechal. 

Sans  nom  d'auteur. 


8'»  DIALECTES    MODERNES 

Toulouso,  Yiallanos:  sans  date  (1791),  in-8°. 

85.  Sermet  (le  Père).  Dialogo  entré  le  Pero  Sermet  et  rnestré 
Guillaumes,  paysan  delbilatge  de  **■  Legit  le  6  février  1791,  à  la 
Seenço  publiquo  del  Cloub  des  Jacoupins,  dins  la  Salo  del  ci- 
daban  Senechal. 

Mountalba,  Fontanel;  sans  date  (1791);  in-8°. 

86.  Sermet  (Le  Père) .  Discours  prounounçat  dabant  la  egiou 
de  Saint-Ginest ,  pel  R  P.  Sermet ,  ex-proubincial  des  Carmes 
descaussés,  predicayre  ourdinari  del  Rey,  etc..  à  l'ouccasiou  de  la 
Federatiou  générale 

Toulouso,  Desclassan;  sans  date  (1790);  in-8°. 
Le  même,  avec  le  titre  précédent;  Montalba,  de  l-'lmprimarb  de 
Fontanel;  sans  date;  in-8°. 

87.  Sermet  (Lou  R.  P.  Hyacintba  ).  Discours  prounounçat  da- 
vant  la  Légioun  dé  Saint-Ginest,  per  lou  R.  P.  Hyacintha  Sermet, 
ex-provincial  das  Carmes  descaussés,  predicatou  ourdinari  d'aou 
Rey.  dé  l'Académia  dé  Toulousa,  etc. 

Mounpélié,  Tournel,  1790;  in-8°,  28  pages  (M.  Gaudin), 

88.  Seul  bon  sens  (Le). 

M.  Franckin,  avocat.  Le  sieur  Piccard,  maître  menuisier.  Jean 
Rerdaulou,  vinneron. 

Sans  nom  d'auteur  ni  d'imprimeur;  sans  lieu  ni  date;  in-8«. 

Pièce  contre  la  Révolution,  en  prose  et  dialoguée:  Franckin 
parle  en  bon  français;  Piccard,  en  français  très-incorrect,  et  Ber- 
daulou.  en  patois  de  Toulouse. 

89.  Taschereau  de  Fargues(P.-A.  ).  Taschereau-Fargues,  à  Va- 
dier.  Président  du  Comité  de  Sûreté  générale.  In-8°,  7  pages;  sans 
nom  d'imprimeur  ni  de  lieu. 

Cette  pièce,  écrite  en  patois  del'Ariége,  est  datée  des  cachots  de 
la  Conciergerie,  le  10  thermidor  (1793),  vers  minuit. 

Elle  est  placée,  avec  une  pagination  particulière,  à  la  suite  de 
P.  A.  Taschereau  Fargues  à  Maximilien  Robespierre  aux  enfers. 
Paris,  17  pluviôse  An  trois,  in-8°.  (  Pièce  écrite  en  français.) 

90.  Trbneuil.  Lou  Coumitat  de  surbeillenço  de  la  coumuno  de 
Mountalba.  as  habitansde  la  campagno  de  la  même  coumuno. 

Manuscrit  autographe  de  l'auteur. 

91.  Valikr  et  Burlot.  Le  Tribut  du  cœur,  ou  les  Fêtes  citoyen- 
nes, comédie-ballet. 


HISTOIRE    DES    PATOIS    DU    MIDI  81 

Avignon,  1790, 111-80. 

M.  Pierquin  de  Gembloux,  Hist.  litt.  despatois,  p.  331. 

92.  Villaret  (Marc).  Discours  prounounçat  devant  la  Coum- 
pagnédas  canouniés  de  Mounpeyé,  lou  20  décembre  1790,  per  un 
dé  sous  oficiés. 

Mounpeyé,  Picot,  1791;  in-8°,  15  pages. 

(M.  Gaudin  ). 

Le  Dr  Noulet. 


LAS   GARD10S  D'AZILHANET 

a  l'amic  Augusto  Fourès 

Coumo  aimariô  d'estre,  un  bel  ser  de  mai, 
Seit  joust  uno  eusino,  amount,  susRoumiro  ; 
D'aqui,  lou  regard  tant  de  païs  miro, 
Tant  que  de  mira  nou  fenis  jamai. 

Las  pianos,  aval,  soun  lou  vaste  chai, 
La  fount  de  boun  vi  dount  l'univers  tiro; 
Ves  Aude  aviat  Tel  ravit  se  viro  ; 
Dins  sous  barris  viels,  de  naut,  Cieutat  jai. 

'Laric,  Poumairol,  las  Courbieiros,  Noro, 

Sembloun  de  marrôs  qu'alargo  deforo 

Un  pastre  en  brisaut,  carut  coumo  un  Mars. 

Aquel  pastre  blanc,  qu'on  vei  de  la  Gardio, 
Es  lou  Canigou,  fier  gigant  qu'a  'n  gardio 
Las  serros  que  soun  entre  las  dos  mars. 

Clar  Gleizos. 

(Languedocien,  A.zillianet  et  ses  environs.) 

LES  GARDES  D'AZILLANET 

a  l'ami  Auguste  Fourès 

Comme  j'aimerais  être,  un  beau  soir  de  mai,  —  assis  sous  uno 
yeuse,  là-haut,  sur  Romire .  —  de  là.  le  regard  voit  tant  de  pays 
—  tant,  iiue  de  voir  il  ne  finit  jamais. 

Les  plaines,  là-bas,  sont  le  vaste  chai,  —  la  fontaine  de  bon  vin 
où  l'univers  puise; —  vers  l'Aude  rapide  l'œil  ravi  se  tourne;  — 
dans  ses  vieux  remparts,  plus  haut,  [la]  Cité  [de  CarcassonneJ  gît. 

Alaric,  Pomairol,  les  Cornières,  Nore, —  semblent  des  béliers 
qui  surveille  au  dehors  [du  parc] — un  pâtre  en  sarrau,  sourcilleux 
comme  |  un  dieu]  Mars. 

Ce  pâtre  blanc,  qu'on  voit  de  la  Garde,  —  c'est  le  Canigou,  fier 
géant  qui  a  en  garde  — les  monts    qui  sont  entre  les  deux  mers. 

Clair  Gleizes. 


LOU  BANC 

Perdu  dins  lis  aubre 
Dôu  bouscas  ramut, 
Pichot  banc  de  maubre, 
Perqué  restes  mut  ? 

Sout  lou  pâli  verd  que  t'oumbrejo 
Di  rebat  arderous  dôu  cèu, 
Amourousamen  voulastrejo 
La  bando  folo  dis  aucèu. 
Counèisses  tôuti  li  tendresso 
Di  bouscarido  e  di  quinsoun; 
Ço  que  piéuton  dins  si  cansoun, 
Ço  que  dison  dins  si  caresso 

Perdu  dins  lis  aubre 
Dôu  bouscas  ramut, 
Pichot  banc  de  maubre, 
Perqué  restes  mut  ? 

0  leno  e  siavo  matinado  ! 

Ebri  d'amour  e  de  perfum, 
L'èr  nous  trasié  sis  alenado 
Qu'escampihavo  coume  un  fum; 
L'aureto  emperlavo  d'eigagno 
Lou  fueiage,  que  fernissié, 

LE    BANC 

Perdu  dans  les  arbres  —  du  bosquet  touffu,  —  petit  banc  de 
marbre,  —  pourquoi  restes-tu  muet? 

Sous  le  dais  de  verdure  qui  t'ombrage — des  reflets  ardents  du  so- 
leil,—  amoureusement  voltige  —  la  bande  folâtre  des  oiseaux. —  Tu 
connais  toutes  les  tendresses —  des  fauvettes  et  des  pinsons  :  —  ee 
qu'ils  piaulent  dans  leurs  chants,  —  ce  qu'ils  disent  dans  leurs  ébats. 

Perdu  dans  les  arbres  —  du  bosquet  touffu,  —  petit  bain-  de 
marbre,  —  pourquoi  restes-lu  muet? 

O  douce  et  suave  matinée!. . .  —  Enivré  d'amour  et  de  parfum, 
—  l'air  nous  jetait  ses  bouffées,  —  que,  comme  une  fumée,  il  épar- 
pillait; —  la  brise  secouait  des  perles  de  rosée  —  sur  le  feuillace, 


$4  DIALECTES    MODERNES 

E  de  veire  aquéu  jo,  risié 
L'eigueto  lindo  entre  li  sagno .  . . 

Perdu  dins  lis  aubre 
Dôu  bouscas  ramut, 
Pichot  banc  de  maubre, 
Perqué  restes  mut? 

Di  teso  en  flour,  li  prouvençalo 
Fasien  lingueto  i  parpaioun, 
Que  li  frustavon  de  sis  alo 
Beluguejanto  de  paioun: 
Li  grihet  quiha  sus  li  mouto, 
Li  lesert  bevènt  lou  soulèu, 
En  nous  vesènt  passa,  lèu-lèu 
Trepavon  courriôu  sus  la  routo  . 

Perdu  dins  lis  aubre 
Dôu  bouscas  ramut, 
Pichot  banc  de  maubre, 
Perqué  restes  mut  ? 

Mai  limbert,  auceloun,  floureto, 
Parpaioun,  cri-cri  di  campas, 
De  moun  amigo  lôugeireto 
Avien  bello  entrava  li  pas  : 
Touto  à  Fur  que  la  trespourtavo, 

qui  en  frémissait  ;  —  et,  à  lui  voir  faire  ce  jeu,  —  l'onde  pure  riait 
au  milieu  des  roseaux. 

Perdu  dans  les  arbres  —  du  bosquet  touffu.  —  petit  banc  de 
marbre,  —  pourquoi  restes-tu  muet? 

Des  allées  en  fleurs,  les  pervenches  — narguaient  les  papillons, 
qui  les  effleuraient  de  leurs  ailes  —  étincelantes  de  paillettes;  — 
les  grillons,  perchés  sur  les  mottes  ;  —  les  lézards,  buvant  le 
soleil,  —  en  nous  voyant  passer,  vite,  vite,  —  trottinaient  légers 
sur  la  route. 

Perdu  dans  les  arbres  —  du  bosquet  touffu,  —  petit  banc  de 
marbre,  —  pourquoi  restes-tu  muet? 

Mais,  lézards, oiseaux,  fleurettes, — papillons,  cri-cris  des  champs, 
—  de  ma  sémillante  amie  —  avaient  beau  entraver  les  pas  :  — 
toute  au   bonheur  qui    la   transportait, —  ses  pieds  ne  touchaient 


LOU    BANC  85 

Si  pèd  toucavon  pas  lou  sôu, 
E  coume  un  pichot  roussignôu, 
L'enfant  di  grands  iue  blu  cantavo. 

Perdu  dins  lis  aubre 
Dôu  bouscas  ramut, 
Pichot  banc  de  maubre, 
Perqué  restes  mut? 

Aquéu  matin,  emé  la  chato 
Que  tenié  moun  cor  encanta, 
Subre  la  mousso  que  t'acato 
Urous  anèn  nous  asseta.... 
Ause  enca  sa  voues  que  bresiho 
De  mot  qu'oublidarai  jamai  : 
Printèms  de  Tan,  o  mes  de  mai  ! 
Printèmsdôu  cor,  o  pouësio  !.. . 

Perdu  dins  lis  aubre 
Dôu  bouscas  ramut, 
Pichot  banc  de  maubre, 
Rèsto,  oh  !  rèsto  mut  !... 

Louis  Roumieux  . 
(Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhône.) 

pas  la  terre,— et,  comme  un  petit  rossignol, — l'enfant  des  grands 
yeux  bleus  chantait. 

Perdu  dans  les  arbres  —  du  bosquet  touflu,  —  petit  banc  de 
marbre,  —  pourquoi  restes-tu  muet? 

Ce  matin-là,  avec  la  jeune  fille  —  qui  tenait  mon  cœur  en- 
chanté —  sur  la  mousse  qui  te  couvre,  —  heureux,  nous  allâmes 
nous  asseoir.  —  J'entends  encore  sa  voix  qui  gazouille  —  des 
mots  que  je  n'oublierai  jamais  :  —  Printemps  de  l'an,  ô  mois  de 
mai  !  —  Printemps  du  cœur,  ô  poésie  !. . . . 

Perdu  dans  les  arbres  —  du  bosquet  touffu,  —  petit  banc  de 
marbre,  —  reste,  oh  !  reste  muet  !. . . . 

Louis  Roumieux. 


LAS  GRACIOS  DE  VISCOUNTI 

A  MOUN    VIELH     AMIC  EUGENIO    MARTIN. 


Roudantle  piliè  prim  qu'un  large  god  capelo, 
Al  mitan  d'uno  nauco  ount  l'aigo  canto  eris, 
Las  très  Gracios  de  brounze  à  caro  subrebelo 
S'adreitoun,  abrassant  l'urno  quejs'escourris. 

Soun  nudos,  —  la  bèutat  de  la  masclo  Cibelo 
I  a  passât  dins  le  cos  e  tourna-mai  flouris 
Ambe  poumpil  redound,  se  frem,  anco  pieucelo 
Qu'un  uscle  vert-negras  dempuei  loung-tems  cubris. 

Sul  planai  de  la  Bourso  e  las  gents  afanados, 
Davans  le  port  tout  bruch,  sembloun,  ensoulelhados, 
Counio  clarouns  d'aram  fa  brounzi  '1  cantde  l'art. 

Aglaiè  ten  les  els  ves  albres  e  courdages  ; 

Sousco  à  la  Grecio  antico,  as  sublimis  courages, 

Cado  cop  qu'un  vaissel  largo  vélos  e  part. 

A.  Fourès. 
Bourdèus,  abrilh  1876. 

(Languedocien,  Gastelnaudary  et  ses  environs.) 

LES  GRACES  DE  VISCONTI 

A    MON    VIEIL    AMI    EUûENE  MARTIN 

Tournanl  le  pilier  grêle  qu'un  large  godet  couronne, —  au  milieu 
d'une  vasque  où  l'eau  chante  et  rit, —  les  trois  Grâces  de  bronze 
à  figure  plus  que  belle  —  se  dressent,  embrassant  l'urne  qui  se  vide. 

Elles  sont  nues  ;  la  beauté  de  la  mâle  Gybèle — a  passé  dans  leur 
corps  et  de  nouveau  fleurit  —  avec  mollet  rond,  sein  ferme. 
hanche  vierge,  —  qu'un  hâle  vert  noirâtre  depuis  longtemps  couvre. 

Sur  la  place  de  la  Bourse  et  [au-dessus]  des  gens  affairés, — 
devant  le  port  tout  [plein  de]  bruit,  elles  semblent,  ensoleillées, — 
comme  clairons  d'airain  faire  vibrer  le  chant  de  l'art. 

Aglaé  a  les  yeux  (dirigés)  vers  mâts  et  cordages  ;  —  elle  songe  à 
la  Grèce  antique,  aux  courages  sublimes,  —  chaque  fois  qu'un 
vaisseau  largue  ses  voiles  et  part.  A.    FounÈs. 

Bordeaux,  avril  1870. 


l'erbo  dou  massacre  i 

AU    FELIBRB    G.   CHARVBT 


L'erme  es  cubert  de  clapo  e  li  ro  soun  fendu  : 
0  de  Tome  o  dôu  tèms  quinto  ràbi  es  plus  forto  ? 
Sus  l'aven,  peralin,  un  castelas  pendu 
Mostro  si  barri  rout  e  si  pourtau  sens  porto. 

L'aubre  es  espalanca;souto  l'éurre  escoundu, 
Se  rebalo  au  mitan  di  rôumio  mita-morto . 
Sôuvage  es  lou  trescamp;  se  vous  ie  sias  perdu, 
Aurés  au  souleias  vist  que  la  serp  pèr  orto. 

Pantaiave  de  guerro  e  d'orre  chapladis 

Entre  mouro  e  crestian.  Au  calabrun  que  toumbo, 

S'ausis  de  voues  estranjo  ourla  de  coumbo  en  coumbo. 

Grand  fugue  lou  massacre,  un  clôt  d'erbo  lou  dis  : 
Plôuguè  de  sang  à  raisso,  e  de  la  roujo  plueio 
L'erbo  fèro  a  garda  li  degout  sus  si  fueio. 

Teodor  Aubanel. 
(Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhône.) 

L'HERBE    DU    MASSACRE 

AU    FELIBRE   G.    CHAR  VET 

La  lande  est  couverte  de  débris  et  les  rocs  sont  fendus:  — ou  de 
l'homme  ou  du  temps,  quelle  est  la  rage  la  plus  forte? —  Sur 
l'abîme,  au  loin,  un  noir  château  suspendu — monlre  ses  rem- 
parts troués  et  ses  portails   sans  porte. 

L'arbre  est  ébranché  ;  caché  sous  le  lierre,  —  il  rampe  an  milieu 
des  ronces  mortes  à  demi.  — Sauvaue  est  la  friche  :  si  vous  vous  y 
êtes  égaré, — vous  n'aurez  vu  errer  au  soleil  que  la  couleuvre. 

Je  rêvais  de  guerre  et  d'horrible  tuerie  —  entre  maures  et  chré- 
tiens. Au  crépuscule  qui  descend,  —  on  entend  des  voix  étranges 
hurler  de  combe  en  combe. 

Grand  fut  le  massacre:  une  touffe  d'herbe  ledit:  —  il  plut  du 
sang  à  verse  et  de  la  rouge  pluie. —  L'herbe  folle  a  gardé  les 
gouttes  sur  ses  feuilles.  Théodore  AubaneL. 


s 


Hieracium  murorum  (Lin.; 


<  y^  r*o         1- 


L'AUBO  ' 

Tout,  subre  terro,  es  gôbi,  e  de  nèblo  envoûta  : 
Sout  l'esclot  matinié  craïno  la  blancado  ; 
Un  aspre  tremoulun  reviho  la  nisado; 
L'esfournia,  dins  soun  trau,  fai  la  paumo,  acata. 

Mai  leissas  l'astre-rei  vers  soun  trône  mounta  : 
Adieu  lou  glas!  Adieu  la  fre  !  Reviscoulado, 
Nosto  auceliho  bèu  la  tousco  souleiado  ; 
Dins  la  ramo  brusènto  ausès  plus  qu'un  piéuta. 

La  niue  tapé  peréu  toun  grand  soulèu,  o  maire  ! 
0  Prouvènco  !  e  toun  lum  s'esclussè:  lou  troubaire 
S'assoulè  dins  lou  sourne,  e  disien  qu'èro  mort. 

Mai  uno  aubo,  crebant  la  niéu,  amount  pounchejo  : 
Milo  voues,  tourna-mai,  la  saludon,  que  vejo 
Sa  clarta  dins  lis  iue  e  soun  fio  dins  li  cor. 

A.  de  Gagnaud. 

L'AUBE 

Tout,  sur  terre,  est  engourdi  et  enveloppé  de  nuées;  —  sous  le 
sabot  matinal  le  givre  crépite  ;  —  un  âpre  frisson  réveille  les  ni- 
chées ;  —  l'oiseau,  tombé  du  nid,  tapi  dans  quelque  creux,  fait  la 
paume  (s'arrondit  en  tremblotant). 

Mais  laissez  l'astre-roi  monter  vers  son  trône. — Adieu  la  gelée! 
Adieu  le  froid  !  Maintenant  ranimée,  —  notre  volée  d'oiselets  boit 
les  rayons  du  soleil  ;  —  d;ins  la  feuillée  bruyante,  vous  n'entendez 
qu'un  ramage  sans  fin. 

La  nuit  voila  aussi  ton  grand  soleil,  ô  mère  !  —  ô  Provence  !  et 
ta  lumière  s'éclipsa  ;  le  troubadour  —  se  tut  dans  les  ténèbres,  et 
l'on  disait  :  Il  est  mort  ! 

Mais  une  aube,  crevant  les  brouillards,  perce  là- haut  :  —  et  voilà 
que.  de  nouveau,  mille  voix  la  saluent,  celle  qui  à  Ilots  nous  verse 
—  sa  douce  clarté  dans  les  yeux  et  sa  flamme  au  cœur. 

A .  dk  Gagnaud. 
(Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhône.) 

1  Ce  sonnet  a  obtenu  la  première  médaille  au  concours  de  poésie  néo- 
romane de  la  Société  archéologique  de  Béziers,  en  1876. 


L'IEME 

A-N-ANF.   ROQUO- FERRIE 
Sécrétai  1  de  la  Soueietat  de  las  Lengos  roumanos 


Un  vespre,  èren  al  pèd  del  fioc, 
Pecaire.  amé  ma  pauro  maire  : 
Elo  me  sarrabo  un  acroc 
Que  m'èri  fach  à  quauque  broc; 
E  iéu,  que  vouliù  la  coumplaire, 
Eentemeneri  'questo  afaire  : 
«  Ai  près  van  de  me  marida 
Amé  Lisoû  la  terralieiro, 
La  disou  prou  bouno  oustalieiro; 
Poulido,  ou  cal  pas  demanda; 
Es  pla  graciéuso  e  recatouso, 
D'un  caratèro  pla  'mistous: 
Amé  elo  pensi  d'estre  urous, 
E  cresi  de  la  rendre  urouso. 
A  dous  malhols  que  fôu  de  vi. 
Uno  luserno,  uno  oulivedo  ; 
Amé  de  blad  l'on  va  '1  mouli, 

LE   SENS 

A    ALPH.  ROQUE-FERRIER 

Secrétaire  de  la  Société  des  Langues  romanes 

Un  soir,  nous  étions  au-devant  du  feu,  —  hélas!  avec  ma  pauvre 
mère:  —  elle  me  reprisait  un  accroc  —  que  je  m'étais  fait  à  une 
branche  morte, —  et  moi,  qui  voulais  lui  complaire, —  jelui  entamai 
cette  affaire  ci  :  —  «  J'ai  pris  idée  de  me  marier  —  avec  Elise,  la 
marchande  de  faïence.  —  Elle  est  jolie,  il  ne  faut  pas  le  deman- 
der;—  elle  est  gracieuse  et  pleine  de  soin;  —  avec  elle,  je  pense 
être  heureux  et  je  crois  la  remire  heureuse.  -  Elle  a  deux  plan- 
tiers  qui  font  du     vin,  —  une  luzerne,  mie  olivette;  —    avec  du  hlé 

7 


90  DIALECTES   MODERNES 

E  Ton  a  de  pa  sus  la  cledo  : 

S'as  un  partit  milhoû  qu'aquel, 

Debes  me  douna  touu  counsel.» 

Ma  maire,  qu'ère-  un  cataehirme, 

Me  respounguèt  :  «  Acù's  pla  bel; 

Mais  vendras  lèu  de  ferre  vièl 

S'apei  ta  femno  a  pas  ges  d'irmè. 

Lous  jouvensèls,  al  jour  de  vei, 

Abès  lous  èls  sanjats  en  prunos; 

Amai  que  parlés  de  fourtunos 

Mensounas  pas  res  pus  apèi. 
Mais  iéu,  qu'ai  vist  tant  de  magagno, 
Qu'ai  lou  suquet  pie  de  soucis 
E  ma  caro  que  se  frounzis    , 
Coumo  un  telié  d'estarigagno, 
Podi  te  douna  moun  avis  : 

»  Quand  dins  lou  grau  ou  dins  la  rade 
Veiras  dintra  lou  bastiment 
Amé  sous  pavilhouns  al  vent, 
Es  qu'a  pla  fach  la  travessado 
E  qu'avalit  lou  cargament, 
Podes  dire  à-n-aquelo  marco  : 

on  va  au  moulin  —  et  l'on  a  du  pain  sur  la  claie.  —  Si  Lu  as  un 
parti  meilleur  que  celui-là,  — tu  dois  me  donner  un  conseil.»  — 
Ma  mère,  qui  était  un  catéchisme,  —  me  répondit  :  «  Gela  est  bien 
beau; —  mais  tu  vendras  bientôt  du  vieux  fer, — si  ensuite  ta  femme 
n'a  pas  d'idée.  —  Les  jouvençaux  aujourd'hui  —  vous  avez  les  yeux 
changés  en  prunes1:  —  pourvu  que  vous  parliez  de  biens,—  vous  ne 
mentionnez  pas  autre  chose  ensuite.  —  Mais  moi,  qui  ai  vu  tant 
de  contre-temps,  —  qui  ai  la  tête  pleine  de  soucis —  et  mon  visage 
qui  se  ride  —  comme  une  toile  d'araignée,  —  je  peux  te  donner 
mon  conseil  : 

»  Quand  dans  le  grau  ou  dans  la  rade, — tu  verras  entrer  le  vais- 
seau —  avec  ses  pavillons  au  vent,  —  c'est  qu'il  a  bien  fait  la  tra- 
versée—  et  qu'il  a  réussi  son  voyage. — Tu  peux  dire  à  cette 
marque  :  —  Le  patron   mène   bien  le  navire.  —  Quand   tn   verras 

1  l''ormuie  populaire. 


L'iRME  ç)I 

Lou  patron  meno  pla  la  bareo. 
Quand  veirasque  lou  pastourèl 
De  countun  tèn  pla  lou  troupe! 
Sens  malafacho  e  sens  mal-astre, 
Podes  dire  :  Acô\s  un  boun  pastre. 
Quand  veiras  que  dins  un  oustal 
Tout  es  lusent  coumo  un  mirai, 
Despèi  lou  paire  de  familho 
Jusqu'al  mainage  que  fousilho, 
E  que  nousou  lous  courrejoùs 
Pas  qu'amé  lou  trabal  de  dous, 
As  pas  besoun  que  iéu  t'afirme 
Qu'aquel  oustal  manco  pas  d'irme. 
Se  trobos  la  femno  endacon, 
Saludo-lo,  car  val  quicon. 
Podes  remarca  sa  tengudo, 
Manco  pa  'no  espillo  menudo; 
Podes  la  seguî  pas  à  pas, 
Te  jogui  que  la  trobes  pas 
A  deburga  per  las  carrieiros 
Ame  las  femnos  pachaquieiros  : 
«Adieu,  Louïso!  Adieu,  Mari!  » 
E  s'arrestopas  de  courri. 
E  perqué  s'en  va  buto-buto  ? 

que  le  berger,  —  continuellement,  tient  bien  le  troupeau  —  sans 
dommage  et  sans  malheur, —  tu  peux  dire:  C'est  là  un  bon  pâtre. — 
Quand  tu  verras  que  dans  une  maison,  —  tout  est  luisant  comme 
un  miroir, — depuis  le  père  de  famille  —  jusqu'au  petit  enfant  qui 
court  cà  et  là1, —  et  que  l'on  lie  les  bouts-  —  rien  qu'avec  le  tra- 
vail de  deux, —  tu  n'as  pas  besoin  que  je  t'affirme — que  cette 
maison  ne  manque  pas  de  bon  sens.  —  Si  tu  trouves  la  femme 
quelque  part,  —  salue-la,  car  elle  vaut  quelque  chose.  —  Tu  peux 
remarquer  ses  vêtements,  —  il  ne  lui  manque  pas  une  petite 
épingle  ;  —  tu  peux  la  suivre  pas  à  pas,  — je  parie  que  tu  ne  la 
trouveras  jamais  —  à  débiter  des  raisons  par  les  rues  —  avec  l 
femmes  médisantes:  —  «Adieu,  Louise!  Adieu,  Marie!  »  —  et  el 
necesse  de  courir. —  Et  pourquoi  s'en  va-t-elle  avec  tant  de  hâte  ?  — 

1  Littéralement;  qui  patauge.   —  -  Litt.:  les  petites  courroies. 


92  WALECTRS    MODERNES 

Es  que  Famour-propo  la  suto, 

E  qu'a  lou  dedal  d'enginat. 

Tabé,  sus  la  fi  de  Fautouno, 

L'argau  d'ivèr  es  savounat, 

E,  quand  la  figuieiro  boutouno, 

Lou  de  l'estiéu  es  recatat. 

Aquelo  a  pas  las  mas  traucados  : 

Un  sôu,  per  elo,  acô's  un  sôu. 

Mais  fa  pas  de  soupos  daurados, 

Cerco  pas  las  lounzos  de  biôu. 

Tabé,  s'es  toujour  en  fatigo, 

Arrambo  coumo  la  fournigo, 

E  flouris  coumo  l'esparset  ; 

Car  es  pas  d'aquelos  qu'arrambou 

E  que,  quand  ou  vint  francs,  lous  flambou. 

Nani,  qu'ai  founds  de  souri  bourset 

Gardo  la  pero  per  lou  set. 

De  que  me  cantos  de  fourtuno  ? 

La  fourtuno  es  al  cap  des  decb, 

E  Firme,  moun  efant,  n'es  uno 

Que  crento  pas  ni  caud  ni  frech. 

Amé  de  fourtunos  pla  bèlos 

De  qu'ôu  fach  lous  moussus  de  Celos  ? 

E  d'autres  qu'en  diguent  lous  noums 

C'est  que  l'amour-propre  la  pousse,  —  et  qu'elle  a  le  dé  à  coudre 
préparé  pour  le  travail. —  Aussi,  sur  la  lin  de  l'automne, —  le  vête- 
ment d'hiver  est  savonné,—  et,  quand  le  figuier  gonfle  ses  boutons, 
—  celui  de  l'été  est  renfermé  avec  soin. —  Celle-là  n'a  pas  les  mains 
trouées  :  —  un  sou,  pour  elle,  est  un  sou  ;  —  mais  elle  ne  fait  pas  de 
soupes  dorées  ;  —  elle  ne  cherche  pas  [pour  ses  repas]  les  filets 
de  bœuf.  —  Aussi,  si  elle  est  toujours  au  travail,  —  elle  ramasse 
comme  la  fourmi  —  et  fleurit  comme  le  sainfoin  ;  —  car  ello  u'esl 
pas  de  celles  qui  amassent —  et  qui,  lorsqu'elles  ont  vingt  francs, 
les  dépensent  à  la  volée.  —  Non,  car  au  fond  de  la  bourse  —  elle 
garde  la  poire  pour  la  soif.  —  Que  me  parles-tu  de  fortune?  —  La 
fortune  est  au  bout  des  doigts,  —  et  le  bon  sens,  mon  enfant,  en 
est  une  —  qui  ne  craint  ni  le  chaud  ni  le  froid.  —  Avec  de  Lien 
grandes  richesses,  —  qu'ont  fait  les  messieurs  de  Celles,  —  el 
d'autres  non  t  en  disant  le  nom  — nous  fâcherions  les  fils?  —  Non, 


I,  ÏKME  93 

Pourian  fâcha  sous  rejetouns? 

Nou,  moun  efant,  lou  qu'a  pas  d'irme 

p]s  mal  cougat  s'es  pas  enfirme. 

Visto-lou  pla,  se  tombo  pas, 

Vai,  trampalejo  à  cad'o  pas. 

L'irme,  moun  fil,  acô's  la  briso 

Que  torno  lou  pescaire  al  grau  ; 

Acô's  l'estello  ounte  se  fiso 

Lou  marin  qu'es  su'l  grand  canau  ; 

Per  lou  pouëte,  acô's  la  muso 

Qu'i  met  lou  mot  dins  l'ausidoû  ; 

Per  lou  souldat,  aeôs  la  ruso 

Qu'i  gagnara  la  crous  d'ounoû  ; 

Per  la  nobio,  acô's  la  guerlando 

Qu'a  so'un  nobi  fara  caclot, 

E  per  la  femno,  acô's  l'oufrando 

Que  farôu  un  jour  à  soun  clôt  ! 

L'irme,  acôs  es  la  girouflado 

Que  restauro  tout  lou  jardin  . 

Sans  irme,  es  la  nèit  treboulado 

De  desanio  e  de  chagrin; 

Sens  irme,  acôs  es  la  plôurugo 

Ounte  jamai  uno  belugo 

mon  enfant,  celui  qui  n'a  pas  de  sens  — est  mal  cerclé  ' .  s'il  n'est 
pas  malade. —  Regarde-le  bien:  s'il  ne  tombe  pas,  —  va,  il  tremble 
à  chaque  pns. —  Le  bon  sens,  mon  fils,  c'est  la  brise  —  qui  renvoie 
le  pêcheur  au  grau,  —  c'est  l'étoile  à  qui  se  confie  —  le  marin  qui 
est  sur  le  grand  canal  ;  — pour  le  poëte,  c'est  la  muse  —  qui  met  le 
mot  dans  l'oreille  ;  — pour  le  soldat,  c'est  la  ruse  — qui  lui  gagnera 
la  croix  d'honneur;  —  pour  la  fiancée,  c'est  la  guirlande  dont  elle 
fera  présent  à  son  fiancé;  —  pour  la  femme,  c'est  l'offrande  que 
l'on  portera  un  jour  à  son  tombeau  !  —  Le  lion  sens,  c'est  la  gi- 
roflée—  qui  embaume  tout  le  jardin .  — Sans  le  bon  sens,  c'est  la 
nuit  troublée  —  par  le  chagrin  et  la  désunion  ;  —  sans  le  bon 
sens,  c'est  l'égout  aux  eaux  de  pluie  —  dont  jamais  une  étincelle 
[de  lumière]  —  n'éclaire  le  petit  chemin  ; — tandis  que  le  bon  sens 

4  Litt.:  mal  couvé. 


<J4  DIALECTES    MODERNES 

Esclairo  pas  lou  carrairoû  ; 

Tandis  que  Firme,  acô's  lou  temple 

Ount  on  seguis  lou  boun  echemple 

Que  fourvîo  lou  desounoù. 

»  Tabé,  moun  efant,  se  ta  jouve  . 

Marco  d'abeire  de  boun  sen, 

Guèites  pas  se  porto  d'argent, 

Ni  s'es  pla  poulido  e  pla  jouve  ; 

Quand  seriô  pauro  coumo  Job, 

Se  creses  qu'aje  de  counduito, 

Te  la  vau  demanda  de  suito. . . 

E  taras  pas  un  marrit  cop.  » 

J.  Laurès. 

(Languedocien,  Villeneuve  -lez-Béziers  et  ses  environs.) 


est  le  temple  —  où  l'on   suit  le  bon  exemple  —  et  où  l'on  évite  le 
déshonneur. 

«Aussi,  mon  enfant,  si  celle  que  tu  as  choisie — marque  en  elle  du 
bon  sens,  —  ne  regarde  pas  si  elle  porte  île  l'argent,  —  ni  si  elle 
est  bien  jolie  et  bien  jeune.  —  Quand  elle  serait  pauvre  comme  Job» 
—  si  tu  crois  qu'elle  ait  de  la  raison.  —  je  vais  te  la  demander  de 
suite,  —  et  tu  ne  feras  pas  un  mauvais  coun.» 

Jean  Lauuès. 


-  tsKS^yfcÇ^t^sx^ 


BIBLIOGRAPHIE 


Le  Mystère  provençal  de  Ste  Agnès.  Examen  du  ms.  de  la  bibliothèque 

Ghigi  et  de  l'édition  de  M.  Bartsch,  par  Léon  Clèdat,  ancien  membre 
de  l'École  française  de  Rome.  (Extrait  de  la  Bibliothèque  des  Écoles 
d'Athènes  et  de  Rome,  t.  I.) 

M.Léon  Clédat,  au  milieu  des  travaux  importants  auxquels  il 
s'est  livré  pendant  son  séjour  à  Rome,  et  dont  il  faut  souhaiter, 
pour  le  progrès  de  nos  études,  qu'il  ne  nous  fasse  pas  attendre  le 
fruit  trop  longtemps,  a  eu  l'excellente  idée  de  confronter  aums.  du 
Mystère  de  Ste  Agnès,  lequel  appartient  à  la  bibliothèque  Ghigi, 
l'édition  qu'en  a  donnée  M,  Bartsch  en  1869. De  cette  comparaison, 
qui,  à  en  juger  par  le  mémoire  dont  on  vient  de  lire  le  titre,  a  été 
faite  avec  autant  de  soin  que  de  compétence,  ressort  à  la  charge 
de  M.  Bartsch  un  nombre  d'erreurs  beaucoup  plus  considérable 
qu'on  n'aurait  dû  s'y  attendre  de  la  part  d'un  savant  si  renommé. 
J'en  ai  compté  plus  d'une  centaine,  et  M.  Clédat  n'a  pourtant  re- 
levé que  des  fautes  de  lecture;  la  plupart  ont  peu  de  gravité,  mais 
il  y  enaunbon  quart  dontl'effet  a  été  d'altérer,  souvent  assez  pro- 
fondément, l'original. Quelques-unes  même  le  rendaient  tout  à  fait 
inintelligible. 

La  conclusion  nécessaire  du  solide  et  intéressant  mémoire  de 
M.  Clédat  est  qu'une  nouvelle  édition  de  Sainte  Agnès  est  indispen- 
sable. En  attendant  qu'on  nous  la  donne1  (et  pourquoi  M.  Clédat, 
qui  y  paraît  si  bien  préparé,  en  laisserait-il  le  soin  à  d'autres'?),  je 
profiterai  de  l'occasion  présente  pour  appeler  l'attention  sur  quel- 
ques passages  de  notre  mystère,  corrigés  ou  suspectés  à  tort  par 
M.  Bartsch,  ou  qui  peuvent,  à  d'autres  titres,  donner  matière  à  des 
remarques  utiles2.  Chemin  faisant,  je  signalerai  quelques-uns  des 
principaux  résultats  de  la  recension  de  M. Clédat. 

1  J'ignorais,  quand  j'écrivais  ceci,  l'existence  de  l'édition  de  M.  Sardou, 
et  je  ne  la  connais  encore  que  par  le  compte  rendu  qui  en  a  paru  dans  la 
Romania. 

2  Je  ne  reviendrai  pas,  naturellement,  à  moins  que  cène  soit  pour  les 
rectifier  ou  les  compléter,  sur  les  observations  dont  ce  texte  a  été  l'objet 
de  ma  part,  en  diverses  occasions,  dans  cette  Revue,  par  ex.:  t. VII,  76; 
XI,  28, note  1.  —  Il  est  possible  que  plusieurs  de  mes  remarques  aienl 
déjà  été  faites  par  d'autres  critiques.  Le  seul  compte  rendu  de  1  édition  de 
M.  Bartsch  que  j'aie  pu  lire  est  celui  de  M.  l'aul  Meyer  (Revue  cntu/m- 
18  septembre  1869). 


Otf  KTRLIOGRAPHIE 

L.  35.  Aisso.  Ms.  ailla,  qu'il  n'y  avait  aucun  motif  de  rejeter. 
Cotte  forme  est  à  la  =  lai,  comme  aissa  est  à  sa  =  sai.  Les  textes 
vaudois  ont  aylai,  par  ex.:  «  Christ  es  aisi  o  aylai  »  (Monastier. 
toYn.  II,  p.  3i6V  — M.  Bartsch  dit  à  cette  occasion  que  aisa  n'a 
pas  été  noté  ailleurs  que  dans  Sainte  Agnès.  C'est  possible.  Mais 
cet  adverbe  est  dans  Flamenca,  v.  2958,  et  aussi  dans  la  trad.  de 
VEv.  de  S.  Jean,xx,  27  ^'Berlin.  1868). 

80.  Il  faut  un  point  d'interrogation,  au  li<>u  d'une  virgule,  après 
ce  vers. 

81 .  Del  derier .  .M s.  del  redier,  rejeté  à  tort.  C'est  une  forme  pro- 
vençale dont  on  a  d'autres  exemples.  "Voy.  la  trad.  déjà  citée  de 
Saint-Jean,  vu,  37  et  xi,  24.  la  Vie  de  saint  Honorât,  p.  105  {en 
lo  redier  tractât),  et,  dans  les  Mélanges  historiques  (collect.  des  do- 
cuments inédits),  tom.  III,  p.  542,  une  pièce  datée  de  Toulon, 
1540. 

82.  Leals.  Le  ms.  portant  leails,  la  correction  indiquée  était,  en 
semble,  leials.  Il  y  a  dans  ce  texte  beaucoup  d'autres  exemples 
d'intervention  fautive  de  lettre. 

184.  On  pourrait,  pour  combler  la  lacune  que  présente  ce  vers, 
proposer  se  mescla,  qui  s'accorderait  assez  bien  avec  le  contexte.  11 
faudrait  corriger  nos  le  vos  linal  et  remplacer  les  deux  points  par 
une  virgule.  Sel  du  v.  182  =  si  lo. 

195-202.  Il  résulte  de  la  recension  de  M.  Clédat:  1°  que  la  place 
que  doivent  occuper  ces  huit  vers,  lesquels  ont  été  inscrits,  après 
coup,  sur  la  marge  supérieure  du  f°  70,  v°,  est  incertaine;  2°  que 
M.  Bartsch  a  interverti  dans  son  édition  l'ordre  des  deux  derniers. 
Le  couteau  du  relieur  a  fortement  endommagé  la  première  ligne, 
qui  comprend  quatre  vers,  et  probablement  emporté  la  rubrique. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ces  huit  vers  doivent  évidemment  être  mis  dans 
la  bouche  d'un  des  défenseurs  du  père  d'Agnès.  On  peut,  à  la  ri- 
gueur, les  maintenir  à  la  place  que  leur  a  assignée  M.  Bartsch  ; 
mais  il  vaudrait  mieux  peut-être  les  transporter  après  le  v.  150  ou 
1 53  1 .  Il  est,  en  effet,  à  remarquer  que  le  couplet  qui  commence 
à  157  est  précédé  de  la  rubrique  ferfius,  bien  qu'un  seul  Romain  ait 
jusque-là  pris  la  parole.  Nos  huit  vers,  dont  la  rubrique  serait 
alors  secundus,  combleraient  la  lacune.  On  pourrait,  mettant  à  profit, 
les  indications  de  M.  Clédat,  les  restituer  de  cette  façon: 

[Seyner  no  cresas]  qu'autre  dieu, 
Per  re  que  digua  cel  pa[ga], 


4  Ils  seraient  peut-être  encore  mieux  placés  après  la  réponse  du  père 
d'Agnès  à  Simpronius  (252). 


BIBLIOGRAPHIE  9" 

[Ajjha  en  ver  le  Seyner  mieu, 
May  cel  que  cresun  ii  Roma; 
[E]  cresas  ben  que  li  enfant 
De  mon  Seynor  sunt  tut  fondât  ', 
Qe  qe  diga  aycel  ni  chant. 
En  la  ley  o[n  e]s,t  enseynal. 

203-217.  Ce  passage  doit  être  transporté  après  268.  C'est  ce 
qu'indique  un  renvoi  dont  M.  Bartsch  n'a  pas  tenu  compte,  mais 
sur  la  signification  duquel  il  ne  peut,  dit  M.  Clédat,  y  avoir  aucun 
doute 

257.  Que  em  crestia.  Lems.,  d'après  M.  C,  donne  que  siem. 
C'est  une  forme  intéressante  et  bonne  à  noter,  pour  siam  (subj . 
présent). 

SïQ.Cilmajhestat.Ms.ci,  qui,  je  l'ai  dit  ailleurs,  n'exige  pas  decor- 
rection.  C'est  l'article  féminin,  sujet  singulier.  Le  sens  est  l'idole, 
l'image  {et  349  (idole),  358  (unapeira),  etc.),  et  non  cette  déesse, 
comme  traduit  M.  Bartsch.  Pour  cette  acception,  qui  manque  à 
Baynouard,  cf.  ce  vers  de  Peire  Cardinal: 

On  adzoravon  Dieu  denant  las  magestatz, 

où  il  s'agit  évidemment  de  tableaux  ou  de  statues,  et  cet  autre  du 
Moine  de  Montaudon  : 

E  vos  semblaz 
Magestat  de  pont  de  faichos. 

La  lin  n'en  est  pas  claire  (var.  déport);  mais  il  n'est  guère  dou- 
teux que  magestat  n'y  signifie  image,  figure,  sculptée  ou  peinte. 

366.  Con  lo  qi  las  deu  asorar.  Le  m  s.  place  lo  après  deu,  et  on  peut, 
je  pense,  l'y  laisser  Ce  doit  être  un  adverbe  signifiant  là,  comme 
plus  loin,  v.  959. 

374.  Mespresar.  Ms.  mespensar . Pourquoi  ce  changement?    Mes 
pensai-  convient  fort  bien  pour  le  sens,  et  c'est  une  forme  très-nor- 
male. Ajoutons  que  mespresar  se  trouve  lui-même  trois  vers  plus 
bas. 

377.  Deshonrar.  Le  ms.,  d'après  M.   Clédat,  porte   deshar,  et   au 
dessus  d'sh,  deux  petites  lettres  ajoutées,  qui  sont  plutôt _pe  que  on 
Je  corrigerais,  en  conséquence,  despe[c\har,  qui  convient  d'ailleurs, 
en  ce  passage,  beaucoup  mieux  que  deshonrar. 

462.  Vestirs.  Ms.  vestiers,  forme  très-légitime,  qu'il    fallait  gar- 

1  Instruits.  Cette  acception  manque  à  Raynouard  ;  mais  il  y  ijn  a  d'au- 
tres exemples.  Cf.  dans  les  Récits  d'hist.  sainte,  publiés  par  MM.  Lespy 
et  Raymond,  II,  156:  Maesle?  fondai z  en  la  art  d'estrenomie  (  texte  béar- 
nais).- Le  passage  provençal  correspondant  (p.  ZM  donne perfondatz. 


98  BIBLIOGRAPHIE 

der.  Le  sens  de  vêtements  appartient  aussi  à  sou  doublet  vestiari, 
comme  au  latin  vestiarium . 

482.  Miva.  La  correction  proposée  par  M.Bartsch  (om  va)  parait 
inutile.  Lui-même  indique  milvanus,  qui  suffit  à  expliquer  notre 
miva,  pour  le  sens  comme  pour  la  forme.  Pour  le  sens,  qui  est  ce- 
lui de  fripon,  vaurien,  ribaut  (cf.  milva  dans  le  passage  de  Pétrone- 
rappelé  par  M.  Bartsch);  pour  la  forme,  car,  outre  qu'on  pourrait 
corriger  miuva*  (rien  de  plus  fréquent  dans  les  mss.  que  l'omis- 
sion d'une  lettre,  lorsque  c'est  la  même  qui  suit  ou  qui  précède  ),  la 
chute  de  17  ne  serait  pas  bien  surprenante.  C'est  un  accident  dont 
les  exemples  ne  sont  pas  rares  devant  les  labiales.  Je  citerai  cop— 
colp,  om=  olm,  rampam  —  rampalm;  en  gascon,  bop  =  vulpes. 

497.  Per  qu'hanc  nasquiei.  Ms.  quahanc.  Il  fallait  corriger  qu'anc. 
Les  Leys  d'amors  (I,  36)  donnent  pour  règle  qu'il  faut  retrancher  Vh 
initiale  des  mots  auxquels  se  joint  par  élision  le  mot  précédent. 
Cette  règle  esc  presque  toujours  observée  par  les  scribes,  tant  au 
Nord2  qu'au  Midi;  mais  l'exemple  ci-dessus  de  Sainte  Agnès  se  joint 
à  quelques  autres  qu'on  peut  voir  dans  Saint  Honorât3,  pour  mon- 
trer que,  tout  au  moins  en  Provence,  on  préférait  quelquefois,  au 
lieu  de  supprimer  Vh,  indiquer  l'élision  en  substituant,  devantcette 
consonne,  à  la  voyelle  élidée,  celle  qui  devait  suivre.  La  même 
chose  se  remarque  aussi  de  temps  en  temps  dans  d'autres  textes, 
même  devant  une  voyelle  initiale.  Ainsi  da  anar=d'anar  (  Blandin, 
2217  )  ;  que  ma  aïr  =  m  air  (  Gedichte,  292,  3  )  ;  sa  ajustavon  =  s'aj . 
{Petit  Thalamus  de  Montpellier,  p.  359).  Cf.  dans  le  même  texte, 
p.  438  :  per  tota  aquest  pays  (  fausse  analogie).  —  Ajoutons  un  exem- 
ple catalan  :  la  arch  =l'arch  (  Revue,  XI,  8  ). 

520.  El  bosc  dArdena  justal  palaish  Amfos.  Telle  est,  d'après  la 
recension  de  M.  Clédat,  la  vraie  leçon  du  ms.,qui  confirme  pleine- 
ment l'ingénieuse  restitution  de  M.  Meyer,  dans  son  compte  rendu 
de  l'édit.  de  M.  Bartsch.  Ce  dernier  avait  lu  El  bosc  clar  deua  uist 
at. .  et  corrigé  el  bosc  clar  ai  vist  al. 

645.  Vai  rfesos.Le  ms. ,  d'après  M.  Bartsch. porte  desors.  M.  Clé- 

4  Cf.  siuva.  seuva  de  syiva. 

2  C'est  ce  que  M.  Boucherie  a  remarque  le  premier,  sans  connaître  le 
passage  des  Leys  rappelé  ci-dessus.  Voy.  Dialecte  poitevin  au  XIII'  siècle, 
p.  253. 

::  Le  heregia  =  Veregia  (p.  50,  1.  8  ;  55,  13  du  bas  ;  57,  13  du  bas  );  do 
Honorât—  d'Onorat  (60,  3  du  bas);  so  Honorât  -s'Onoratt  81  a,1)\ 
co  Honorât  -  qu'  Onoral  (86,  17).—  Cf.  so  honor  (Archiv.  XXXI.  388  a), 
so  opinio  (  Chrestomatie  prov.,  :>91,  17  ),  exemples  dans  lesquels,  la 
voyelle  ne  s'élidant  pas,  la  substitution  de  o  à  a  doit  être  considérée 
comme  fautive . 


BIBLIOGRAPHIE  99 

dat  a  lu  desois.  J'aimerais  mieux,  s'il  y  avait  doute,  lire  desors,  que 
je  laisserais  sans  correction. C'est  une  forme  très-admissible.  Disais, 
qu'il  faudrait  rattachera  hodie,  reviendrait  d'ailleurs,  pour  le  sens,  à 
peu  près  au  même.  Mais  je  ne  connais  pas  d'exemple  de  l'adjonction 
à  oi  de  Y  s  adverbiale. 

669.  Ques  ieufos.  Cela  ne  donne  pas  un  sens  satisfaisant.  J'écri- 
rais que  s'ieufos.  On  pourrait  mettre  un  point  d'interrogation  à  la 
fin  du  vers,  mais  ce  n'est  pas  indispensable.  Le  jeune  homme  parle 
ironiquement. 

707.  Espautat.  Même  forme  au  v.  1362.  M.  Meyer  avait  proposé 
de  corriger  espantat,  mais  ce  n'est  pas  nécessaire.  Espautar,  que 
mentionnent  d'ailleurs  Raynouard  et  Rochegude,  est  encore  en 
usage  dans  la  Provence. 

720.  Nos  emvengut.  Le  ms.,  d'après  M.  Clédat,  porte  nos  sa  siam 
vengut.  Sa,  faussant  la  mesure,  est  à  rejeter  *,  mais  il  faut  conser- 
ver siam  =  eramus.  C'est  un  nouvel  exemple  de  cette  forme  rare. 
Cf.  Revue,  XI,  p.  30.  Aux  exemples  modernes  rapportés  en  cet  en- 
droit on  peut  joindre  les  suivants,  qui  sont  de  l'abbé  Favre  :  «  T'en 
souvenes  d'aquel  souer  que  sian  mountas  ..» —  «Tout  ara  n'ou  sias 
pas  tant  =  . .  tu  ne  l'étais  pas.  .» 

824  et  1145.  Adesa..  J'ai  dit  ailleurs  qu'il  faut  écrire  A!  de  sa! . . . 
Cet  emploi  de  la  préposition  de,  dont  il  y  a  bien  d'autres  exemples 
dans  l'ancienne  langue,  se  remarque  encore  en  Provence.  Ainsi, 
dans  Mirèio,  p.  56  et  58  :  oh  !  dis,d'aqueu  Vincenf 

827.  Lo  fill.  Ms.  pZell.  M.  Bartsch  a  fait  la  même  correction  aux  w. 
948  et  967.  A  tort  partout.  L'eaété  introduitici  comme  dans  viela 
=  vila,  etc.2.  Aux  vv.  360  et  593.  le  ms.  écrit  le  même  mot  file  et 
fille.  C'est  une  pure  transposition  de  l'e  (cf.  vv.  36  et  733  vulle= 
vuell),  et  il  fallait  corrigerez  etfiell,  non  fill. 

1  II  vaudrait  peut-être  mieux  rejeter  le  pronom  nos.  Dans  tous  les  cas, 
ce  vers  ainsi  rétabli,  rapproché  du  n°  691,  montre  que,  dans  ce  dernier, 
siam  est  aussi  probablement  l'imparfait.  On  aurait  ainsi  dans  Sainir 
Agnès  quatre  exemples  de  cette  forme  ,  691,  720,  1097,  1115.  Voir  ci-après 
la  note  sur  1115. 

2  Aux  autres  exemples  anciens  que  j'ai  relevés  ailleurs  (Gramm  limou- 
sine, p.  354)  de  cette  insertion  de  Ye  (ou  a),  on  peut  joindre  les  suivants  : 
amorsw'eJes  que  notz  als  amoros  {Gedichte  der  Troubadours,  1242,  2, 
d'après  le  ms.  B.  N.  3794);  —  El  fiel  =et  le  fds  [Ged.  854,  3,  ms.  de  Ve- 
nise); —  Bo  sonet  quiel  sai  (lis.  fai)  =  qui  lo. .  {Ged.  883  1,  même  ms.); 
—  Esiel  voletz  défendre  =  si  lo  (G..  Riquier  179,  710.  Ledit,  corrige  mal 
à  propos  e  siens  voletz;  —  las  gentials  manieyras  Arbre  des  batailles. 
Bartsch,  Chrestom.,  393,  9,  dans  les  notes). 


100  BIBLIOGRAPHIE 

864.  Lo  bruh.  Ms.  buh.  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  l'inop- 
portunité de  cette  correction.  Buh  est  une  autre  forme  de  buis  qu'on 
lit  dans  Flamenca,  v.  7207  .  Cf.  pueh  =  pueis,  etc. 

873.  Qar  auran  uei  tan  fort  cridat.  M.  Bartsch  propose  de  corriger 
avian.  Ce  n'est  pas  nécessaire.  Cel  emploi  du  futur  antérieur  pour 
le  parfait  se  retrouve  ailleurs,  par  exemple:  Jaufre,6l  a,  78  6,  91  b, 
105  a,  106  a,  151  b,  171  b  ;  —  Fierabras,  645,  843,  1199;  —  Lexique 
roman,  I,  421  (dans  une  pièce  d'E.  de  Barjols);  —  Derniers  Trouba- 
dours, 96,4:  —  Saint  Honorât,  201  b. 

875.  Nonsai  cui  de  justisiar .  td.  au  v.  925.  Dans  les  deux  passa- 
ges, M.  Bartsch  corrige  deu.  A  tort.  De  est  pour  dei  (debeo), comme 
ailleurs  pour  dei  (dedi),  et  encore  comme  e  (surtout  dans  les  futurs) 
pour  ei. 

927.  Fortment  liarai.  On  lit  plutôt,  dit  M,  Clédat,  fort  just  narai. 
D'après  cela,  je  corrigerais  fort  justisiarai.  Cf.  v.  925. 

031 .  En  cel  bordell.  Cel  est  une  correction  inutile  de  M.  Bartsch, 
qui  avait  lu  ço.  Mais  il  y  a  so,  d'après  M  .  Clédat,  dans  le  ms.  C'est 
l'article  masculin.  Cf.  Revue,  XI.  p.  28,  note  1. 

959.  Quel  non  Cavia  lo  ren  forfah.  M.  Bartsch  supprime  ici  lo, 
qu'il  fallaitgarder.  Sur  cette  particule,  cf.  ci-dessus  366  et  ReviteXl, 
210,  note  I.  —  Le  point  placé  après  ce  vers  est,  ce  me  semble,  à 
supprimer.  Il  faudrait  de  plus  substituer  un  simple  point  au  point 
d'interrogation  qui  termine  le  vers  suivant,  dans  lequel  auniz  devrait 
être  corrigé  aunizes,  et  non  as  auniz.  Il  y  a  dans  notre  texte  d'autres 
exemples  de  z  mjs  pour  ss  ou  c;  ainsi  auzir  pour  aucir.  546  et  949. 

1052.  Homen.  Cette  forme  étonne  M.  Bartsch.  Mais  elle  est  très- 
commune  dans  les  textes  de  la  Provence.  Il  n'est  pas  nécessaire, 
pour  la  justifier,  de  remonter,  comme  il  le  fait,  jusqu'à  Boëce. 
D'ailleurs  omnes,  de  ce  dernier  texte,  provient,  d'un  autre  mode  de 
dérivation  du  mot  latin  :  omnes  =  hom(i)nes,  tandisque  homen=  ho- 
min(em).  Le  provençal  et  le  limousin  ne  se  comportent  pas  toujours 
de  même  dans  le  traitement  des  mots  proparoxytons. 

1101.  Mi  a  dut  tdiii  (Timor.  Le  vers  est  incomplet  dans  le  ms.,  et 
a  <lat  a  été  ajouté  par  l'éditeur.  Mais  afah  aurait  mieux  valu. 

lin-.'.  La  mia paraula.  Le  ms.  a  mi,  qu'il  fallaitgarder.  C'est  un 
caractère  du  dialecte  provençal  délidér Va  féminin  dans  les  adjec- 
tils  possessifs  et  quelques  autres. Cf. mini.  Heu,  sieu  =  mieua,tieua, 
sieua,  qu'offrent  d'autres  textes  (Saint  Honorai,  V.n  troubadour  apté- 
sien  ),  de  si  mullier  (Charte  de  Romans,  dans  Meyer.  Recueil,  pag. 
169,  3)  e;  ici  même,  403,  <f  noues  tas  dos. 

1115.  Ms.  quenosisiam.  M.  Bartsch  rejette  cet  *,  qu'il  suppose 
être  la  première  lettre  de j'a  inachevé.  Cela  est  possible,  etj'a  don- 


BIBLIOGRAPHIE  101 

nerait  en  effet  un  sens  excellent.  Mais  i(ibi)  peut,  également  conve- 
nir. Dans  tous  les  cas,  la  présence  de  cet  i  devant  siam  paraît  une 
raison  décisive  en  faveur  de  l'opinion  de  M.  Bartsch,  à  laquelle  je 
crois  aujourd'hui  devoir  me  ranger  *,  que  siam  est  ici  l'imparfait 
de  l'indicatif. 

1150.  Maih.  Ms.  mah,  qui  est  une  forme  aussi  légitime  et  qu'il 
n'y  avait  ainsi  aucun  motif  de  changer.  Le  ms.  représente  très- 
souvent  par  h  seul  l'«  palatal.  Ainsi,  v.  1453,  fah  =  /ai  (facit,  et 
non  factum,  comme  l'avait  cru  M.  Bartsch2). 

1243.  Vostrei  cenaria.  C'est  la  leçon  du  ms.  M.  Bartsch  corrige 
vostri,  d'après  1290.  Mais  le  cas  n'est  pas  semblable.  Vostri,  dans 
ce  dernier  passage,  est  sujet,  et  dès  lors  régulièrement  en  i;  au 
v.  1243,  où  il  est  régime,  il  faut  vostra. 

1305.  Ques  era  davant  nos.  J'aurais  corrigé  davant  vos  (votre  pré- 
décesseur ). 

1366.  Que  vol  gardar .  Peut-être,  ditM.  Bartsch,  faudrait-il  vole. 
Je  ne  crois  pas;  vol  est  ici  simple  auxiliaire  de  mode,  et  vol  gardar 
n'a  d'autre  signification  que  garda  tout  seul.  Cf.  Revue,  VIII,  232, 
note  sur  col.  371,  lig.  12,  de  la  Chrestomathie  provençale . 

1436.  Enaptaz.  Il  faut  peut-être  ,  dit  M.  Bartsch,  lire  enautaz. 
C'est,  en  effet,  le  sens  que  le  contexte  indique.  Mais  enaptaz  peut 
très-bien  s'y  rattacher,  par  une  forme  enautaz,  qui  serait  à  enantaz 
comme  espautar  à  espantar,  comme  douzel  et  douzella  (  dans  Fla- 
menca) à  donzel  et  donzella.  De  enautaz,  on  aurait  tiré,  en  l'assimilani 
faussement,  pour  la  forme,  aux  mots  comme  malaut,  azautar,  no- 
tre enaptaz.  On  trouve,  dans  divers  textes,  d'autres  exemples  de  ce 
phénomène. 

1459.  Lo  pobol  nessi.  Nessi,  dont  1'»  est  atone,  ne  peut  rimer 
avec  gui  du  vers  suivant;  et,  en  effet,  le  manuscrit  porte  autre  chose, 
à  savoir  ves  li,  d'après  M.  Clédat.  Ne  serait-ce  pas  plutôt  ves  si,  qui 
serait  plus  régulier  et  rendrait  l'erreur  de  M .  Bartsch  plus  expli- 
cable? 

Camille  Chabaneau. 

1  Si  j'ai  exprimé  ailleurs  Revue,  VII,  76)  une  opinion  différente,  c'est 
que,  n'ayant  pas  alors  remarqué  la  note  concernant  l't  en  question. 
j'avais  cru  que  lu  ms..  comme  le  texte  imprimé,  portait  seulement  nos 
siam. 

-  Erreur  déjà  relevée  par  M.  Paul  Meyer  (article cité). 


]()•?  BIBLIOGRAPHIE 

L'Unioun  das  popl'S  latins,  par  Charles  Gros.—  Montpellier,  Firmin  et 
Cabirou,  1877;  in-8",  1  pages. 

Dans  une  précédente  étude  {Revue,  2e  série,  t.  111,  p.  114),  j'ai 
dit  quelques  mots  de  la  faveur  croissante  que  l'idée  latine  rencontrait 
en  Provence,  en  Languedoc  et  en  Espagne.  Un  poëte  connu  par 
des  fables  et  des  contes  '  très-remarques  à  Montpellier,  M.  Charles 
Gros,  en  a  fait  l'objet  d'une  pièce  qui,  au  mérite  de  représenter  fi- 
dèlement l'idiome  actuel  de  cette  ville,  joint  celui  d'avoir  été  ortho- 
graphiée d'après  les  principales  règles  appliquées,  au  moyen  âge 
etjusqu'aux  environs  du  XVIIe  siècle,  aux  dialectes  de  la  langue 
d'oc.  De  tous  les  Méridionaux,  pour  lesquels  le  prix  do  M  de  Quin- 
lana  a  été  un  trait  de  lumière,  M.  G .  est  peut-être  celui  qui  a  ex- 
posé le  plus  nettement  la  pensée  d'un  pacte  commun  de  paix  et  de 
défense  entre  les  régions  où  des  idiomes  néodatins  sont  aujour- 
d'hui en  usage  : 

Sabes  que  i'a  dessus  la  terra 

Un  jour  en  pas,  un  jour  en  guerra 

(  Quand  ie  sem,  nous  eau  coutelar); 

Dins  la  Fransa,  dins  l'Italia, 

Dins  l'Hespanha  et  la  Roumania  , 

Dins  la  Belgiqua,  au  Sénégal, 

Dins  l'Houngria  et  lou  Pourtugal, 

Au  Canada,  dins  la  Louisiana, 

Dins  la  Suissa  et  dins  la  Guyana, 

Quau  sap  quant  de  poples,  enfin, 

Que  parloun  lou  parlar  latin. 

Chacun  d'eles  es  nostre  fraire  : 

Avem  agut  la  mema  maire, 

Rouma  ;  et  per  aquela  razoun 
Ensemble  devem  faire  una  granda  unioun 

Per  nous  gardar  contre  tout  lairre, 

A  fin  que  s'un  soulet  soufriz, 

S'es  agairat  dins  soun  païs 

Per  d'autres  poples  enemis, 

Toutes  anem  à  la  rescoussa 

L'aparar,  tant  ben  dins  la  doussa 

Terra  de  Fransa  qu'au  Brazil. 

Mais  où  la  pensée  de  l'auteur  dépasse  les  tendances  que  j'ai  pré- 

1  Lou  (•uracli  à  la  fièyra  daou  Clapas.  la  Mounina,  lou  Fermié,lou 
Reynard  e  l'Aze,  lou  Coumbat  das  mouyssaous  de  Lattas,  etc.  Ces  pièces 
ont  paru  dans  le  journal  le  Petit  Midi,  et  y  ont  subi  l'orthographe  et 
l'accentuation  des  Obras  de  l'abbé  Favre,  données  en  1839  par  le  libraire 
Virenque. 


BTRl  10GRAPHIF  103 

cédemment  signalées  et  arrive  presque  à  formuler  une  théorie  poli- 
tique, qui  est,  du  reste,  la  conséquence  naturelle  des  idées  de  ses 
devanciers,  c'est  lorsqu'il  demande  que  tout  ce  qui  parle  un  idiome 
roman  ne  relève  que  de  lui-même  et  ne  soit  soumis  à  aucune  do- 
mination étrangère,  en  d'autres  termes,  que  les  Latins  restent  seu- 
lement des  Latins  : 

Sabem  pioi  nautres,  lous  felibres, 
Qu'aqueles  poples  soun  pas  libres, 
Au  mensfossa  :  lous  uns,  l'Anglez; 
Lous  autres,  lou  Turc  ou  l'Houngrez. 
(  Es  pas  bezoun  que  mai  m'alargue), 
Lous  fan,  couma  de  chis  de  pargue, 
Jangoular  et  cridar  mersi  ! 
Voulem  que  tout  aquo  d'aqui 
A  grand  jamai  pogue  pas  estre  ; 
Voulem  et  voulem,  santa-di  ! 
Que  tout  Latin  siegue  soun  mestre. 

Aux  doutes  que  l'on  peut  élever  contre  la  réalisation  future  de 
l'idée  latine,  M.  G.  répond,  et  par  les  traités  d'extradition  judi- 
ciaire, et  par  l'exemple  des  unions  postale,  télégraphique  et  moné- 
taire, récemment  conclues  avec  la  plupart  des  pays  européens  : 

Belèu  diras  que  se  pot  pas, 
Qu'aqu6's  un  sounge,  una  sourneta 
Bona  à  countar  après  soupar, 
Lou  vespre  en  fumant  la  pipeta 
Et  pamens,  quand  un  maufatou 
S'enfugiz  dins  quauquecantou, 
Maugrat  sa  ruza  et  sa  malissia, 
Quante  que  siegue  lou  païs 
Ounle  es  anat  faire  soun  nis, 
Tant  ben  lou  pesqua  la  justissia. 
Regarda  embe  quant  de  nassiouns 
Avem  pas,  hioi,   las  uniouns 
Telegraphiqua  amai  poustala, 
Mounetaria  amai  coumersiala. 
Perque  nous  metriam  pas  d'acord 
Sus  la  defensa  dau  lerraire, 
L'hounou  de  Rouma,  nostra  maire, 
Et  seriam  pas  à  vida,  à  mort, 
Fransa,  Brazil  et  Boulevia, 
Pouriugal,  Hespanha,  Italia, 
Pérou,  Suissa  et  Macedounia1, 
Unitz  d'un  soûl  et  même  cor? 

1  II  existe  sur  les  deux  versants   du  Pinde,  en     pire,  en  Thessalie  et 


1,14  CHRONIQUE 

Il  nous  a  paru  que  la  meilleure  manière  de  féliciter  M.  G.  était 
île  mettre  .sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  des  extraits  qui  permis- 
sent d'apprécier  d'une  manière  complète  le  talent  facile  et  natu- 
rel, et  surtout  le  bon  sens  populaire,  que  l'on  rencontre  dans  ses 
diverses  poésies. 

A.  Ft.-F 


CHRONIQUE 


La  Société  pour  V étude  des  langues  romanes  doit  à  V Athénée  de 
Forcalquier  une  médaille  de  vermeil,  qui,  selon  le  vœu  de  cette 
association,  sera  décernée  en  1878,  lors  des  fêtes  du  concours  du 
Chant  du  Latin. 

C'est  pour  le  bureau  de  la  Société  des  langues  romanes  un  devoir 
d'exprimer  ici,  à  l'égard  de  P Athénée  de  Forcalquier  et  de  son  pré- 
sident, M.  Léon  de  Berluc-Perussis,  ses  remerciements  les  meil- 
leurs. 


M.  le  docteur  Adelphe  Espagne,  membre  résidant  de  la  Société, 
vient  de  publier  un  travail  importantqui  a  pour  titre  :  Études  pra- 
tiques sur  la  réforme  du  système  pénitentiaire  Paris,  Marescq;  in-8°, 
92  pag.b  Bien  que  celte  œuvre  soit  étrangère  à  la  compétence  de 
la  Renie,  nous  n'en  sommes  pas  moins  heureux  de  la  signaler  à  nos 
lecteurs. 


Société  des  Fêlibres  de  la  Mer,  Société  des  Félibres  du  Gar- 
don.—  Pressée  par  l'abondance  des  matières,  la  Revue  des  langues 
romanes  ne  pont  accorder  toute  l'attention  qu'elle  voudrait  aux  réu- 
nions par  lesquelles  les  diverses  tractions  du  Félibrige  affirment 
et  développent  leurs  tendances.  Il  est  pourtant  deux  «  félibréès  » 
qu'elle  ne  saurait  se  dispenser  de  mentionner: 

La  première,  celle  de  Marseille,  a  été  tenue  le  22  juillet  dernier, 
au  bord  de  la  mer,  et  présidée  par  M.  T.  Aubanel.  Avec  le  syndic 
de  la  maintenance  de  Provence  se  trouvaient  MM.Gaut,  Frizet,  de 
Villeneuve  el  Maurel,  arrivés  d'Aixetde  Forcalquier,  et  la  plu- 
part des  membres  de  la  Société  marseillaise  des  félibres  de  lu  Mer. 
De  nombreuses   pièces  en  vers  et  en  prose  ont  été  communiquées 


en  Macédoine,  un  ensemble  de  populations  de  langue  roumaine  qu'un 
manuel  de  géographie  imprimé  à  Bucharest,  en  1873,  va  jusqu'à  évaluer 
au  chiffre  de  1,500,000  âmes.  Voyez,  à  ce  sujet,  l'ouvrage  de  M.  Picot  : 
les  Roumains  de  la  Macédoine;  Paris,  Leroux,  1675,  in-8° 


CHROMQUB  10  £ 

par  MM.  Tavan,  Âstruc,  Huot,  Gaut,  Boyer,  Rochehrun,  etc. 
M.  Aubanel  a  donné  lecture  d'un  sonnet  sur  VOulivié,  écrit,  comme 
toutes  ses  œuvres,  avec  une  rare  perfection  de  poésie.  Il  est  dédié 
au  Capiscol  de  l'école  de  Marseille,  M.  Chailan,  que  des  devoirs  ne 
famille  avaient  momentanément  éloigné  de  ses  collègues. 

La  deuxième  réunion  a  été  celle  de  la  Société  des  félibres  du> 
Gardon,  qui  a  son  siège  à  Alais.  Elle  a  eu  lieu  le  15  août,  jour  de 
l'Assomption,  au  château  de  Saint-Ghristol,  gracieusement  misa 
la  disposition  des  organisateurs  de  la  fête  par  M.Léonce  Dextremx, 
ancien  député  de  l'Ardèche  et  en  même  temps  poète  languedocien 
des  plus  remarquables,  ainsi  que  l'a  prouvé  une  pièce  de  lui  com- 
muniquée par  M.  Roumieux.  Les  beaux  vers,  du  reste,  n'ont  pas 
manqué  à  la  félibrée  d'Alais.La  présence  de  plusieurs  dames,  parmi 
lesquelles  Mme>  Arnavielle  et  Soubeyran,  M1,Cl  Goirand  et  Rou- 
mieux, l'a  marquée  d'un  caractère  particulièrement  poétique. 

Les  membres  présents  ont  entendu  tour  à  tour  un  discours- 
brinde  de  M.  Charvet,  des  vers  de  MUe  Goirand,  de  MM.  Roumieux, 
Aubanel,  Rettner,  etc.;  un  toast  de  M.  Arnavielle  rappelant,  entre 
autres  choses,  la  nécessité  de  fortifier  les  études  locales  dans  cha- 
que école  du  félibrige  et  d'incliner  celles-ci  vers  la  culture  de  leur 
dialecte  propre,  et  enfin   un  brinde  de  M.  de  Villeneuve-Esclapon. 

Ce  discours,  aussi  juste  qu'éloquent,  est  consacré  à  exposer 
cette  idée,  que  le  félibrige  a  pour  objet  essentiel  le  développement 
de  l'originalité  propre  du  midi  de  la  France,  tant  dans  la  poésie  et 
la  littérature  que  dans  les  arts,  au  profit  du  relèvement  moral  des 
nations  de  race  latine. 

Les  paroles  de  M.  de  Villeneuve,  rapprochées  du  brinde  suivant, 
prononcé  à  Garpentras,  le  22  juillet  dernier,  par  M.Roumanille,  et 
suivi  d'unanimes  applaudissements,  ne  laissent  rien  subsister  des 
accusations  articulées  quelquefois  à  l'encontre  du  félibrige  : 

«  Felibre  crestian,  bon  Fraocés  et  Prouvençau  fldèu,  iéu  porte  un 
brinde  i  très  causo  agusto  qu'an  fa  e  l'aran  longo-mai  km  salut,  la  glori 
e  lou  ben-èstre  de  la  maire-patrio  :  brinde  à  la  Crous,  à  l'Espaso  e  à 
l'Araire  !  » 

Le  Florègb.  —  Il  décernera,  au  mois  de  septembre  prochain, 
des  récompenses  aux  meilleures  traductions  françaises  de  deux 
sujets  donnés,  l'un  en  vers  et  l'autre  en  prose.  Les  textes  choisis 
sont  :  la  Lengo,  par  Frédéric  Mistral,  passage  du  discours  pro- 
noncé à  Avignon  le  21  mai  1877,  et  Camp-Cabèu,  poésie  proven- 
çale d'Alph.  Tavan  {Amour  e  Plour) . 

Des  prix  particuliers  ont  été  mis  à  la  disposition  du  Florège  par 
le  préfet  de  Vaucluse,  le  maire  d'Avignon  et  M.  Granier,  séna- 
teur. 

Gomme  ce  concours  est  destiné  à  répandre  l'enseignement  du 
français,  par  le  moyen  du  provençal,  les  organisateurs  ont  décidé 
qu'if  fallait  avoir  moins  de  seize  ans  pour  y  être  admis. 

Les  traductions  devaient  être  adressées  à  M.  Th.  Aubanel,  place 
Saint-Pierre,  à  Avignon,  avant  le  15  août  courant. 

La  Gigale.  —  Le  recueil  de  la  Cigale  paraîtra  avant  la  fin  de 
l'année,  à  la  librairie  Sandoz  et  Fishbacher,  de  Paris.  La  part  faite 
à  la  langue  d  oc  y  sera  des  plus  larges  et  des  plus  honorables, 


IOô  CHROMQLE 

MM.  Arnavielle,  Aubanel,  Fourès,  Giron,    Félix  Gras,  Anselme 

Mathieu,  Mistral,  Achille  Mir  et  L.  Roumieux,  ayant,  parmi  les 
poètes,  répondu  à  l'appel  des  deux  secrétaires  de  la  Cigale, 
MM.  Baudouin  et  Maurice  Faure. 

Jeux  floraux  de  Barcelone.  —  Le  Consistoire  des  Jeux  floraux 
vient  de  faire  paraître  en  un  volume  grand  in-8°  de  239  pages 
(Barceloua.  estampa  de  la  Renaixensa  )  Je  recueil  des  pièces 
de  poésie  couronnées  en  1877.  Ce  volume  contient,  en  outre,  les 
discours  du  gouverneur  de  la  province  de  Barcelone  et  du  prési- 
dent du  consistoire,  le  mémoire  du  secrétaire  D.  Joaquim  Riera 
y  Bertran  et  le  discours  de  «grâces  »  de  D.  Vicens  Boix. 

L'Atlantida  de  l'abbé  Verdaguer  occupe  les  pages  125  à  229  du 
recueil. 

Ce  nous  est  là  une  occasion  naturelle  d'annoncer  que  la  Revue 
publiera  bientôt  une  pièce  du  célèbre  poète  catalan. 

Société  archéologique  de  Béziers.  — Elle  décernera,  le  jeudi  de 
l'Ascension.  30  mai  1878,  un  rameau  d'olivier  en  argent  à  la 
meilleure  poésie  néo-romane.  Les  auteurs  devront  suivre  l'ortho- 
graphe des  troubadours  et  joindre  un  glossaire  à  leurs  œuvres. 

Les  pièces  doivent  être  adressées  au  secrétariat  de  la  Société  ar- 
chéologique avant  le  1er  avril  1878. 

Association  littéraire  de  Girone  (Espagne).  —  Nous  relevons 
dans  le  programme  de  son  prochain  concours  les  prix  suivants: 

Un  exemplaire  des  Œuvres  de  sainte  Thérèse,  don  de  l'évèquede 
Girone,  D.Isidore  Valls,  à  l'auteur  delà  meilleure  poésie  sur  un  des 
actes  du  pontificat  du  pape  Pie  IX  ; 

Un  rameau  de  chêne  en  or,  offert  par  la  députation  provinciale, 
à  la  meilleure  pièce  sur  un  point  quelconque  de  l'histoire  de  la 
province  de  Girone  avant  le  règne  de  Ferdinand  et  d'Isabelle  la 
Catholique. 

Le  prix  offert  en  1876  —  mais  non  décerné  —  à  un  mémoire  en 
prose  catalane  touchant  l'irruption  des  Arabes  en  Cerdagne,  et  la 
délivrance  de  ce  petit  pays  par  les  chrétiens,  a  été  maintenu  sur  le 
programme  de  l'année  1877. 

Les  envois  doivent  être  faits  au  secrétaire  d.eV  Association,  D.  Ar- 
turo  Vinardell  y  Roig,  avant  le  15  octobre.  La  séance  solennelle  est 
fixée  au  14  novembre. 

Concours  de  Béziers. — Les  fêtes  du  concours  institué  à  Béziers 
pour  la  création  d'un  conservatoire  de  musique  ont  eu  lieu  ces 
jours-ci.  Les  lauréats  du  concours  en  langue  d'oc  sont-  M.  Ernest 
Chalamel  (  !•*  prix),  Martelly  (2e),  Marius  Bourrelly  (3°). 


* 


Publications  philologiques,  textes  et  poésies  en  langue  d'oc 
ou  en  catalan.  —  Archives  municipales  à"  A  g  en.  Chartes.  Première 
série(  1189-1328),  publiées  aux  frais  du  Conseil  général  île  Lot-et- 
Garonne,  par  MM.  A.  Magen  et  Tholin.  Villeneuve-sur-Lot.  Duteis, 
in-4°,  xvni-355  pag.;  contient  un  certain  nombre  de  chartes  en 
langue  d'oc. —  A.  Luchaire,  de  Lingua  aquita/nica.  Paris,  Hachette, 


CHRONIQUE  107 

in-8°,  65  pages.  —  Chabrand  et  de  Rochas  d'Aiglun,  Patois  des 
Alpes  Cottiennes  (  Briançonnais  et  vallées  vaudoises),  et  en  particulier 
du  Queyras.  Grenoble,  Maisonville,  in-8°,  228  pages. — G.  Charvet, 
Un  épisode  d'histoire  locale  sous  le  règne  de  Charles  VI.  Nimes,  Ca- 
telan,  in-8°,  54  pages.  Publication  d'une  enquête  faite  en  1397.  ù  la 
suite  de  divers  actes  de  rébellion  commis  àCastillon.  Elle  renferme 
diverses  dépositions  transcrites  en  langue  vulgaire.  —  Société  ar- 
chéologique de  Béziers.  Compte  rendu  de  la  séance  tenue  le  10  mai  1877. 
Béziers,  Granié,  Fuzier  etMalmas;  in-8°,  84  pages,  contenant  des 
poésies  de  MM.  Chalamel  et  Bourrelly,  ainsi  que  des  extraits 
d'autres  poésies,  .également  en  langue  d'oc,  dues  à  MM.  l'abbé 
Joseph  Roux,  Martelly.  Astruc.  Verdot,  Vidal  (de  Quarante  );  le 
frère  Théobald,  Vidal  (d'Aix),  Pierre  Vidal  et  Emile  Négrin.  — 
Almanach  du  Sonnet,  4e  année,  1877.  Aix-en-Provence,  Remondet- 
Aubin,  in- 16,  vn-192  pages;  les  sonnets  en  langue  d'oc  sont, 
cette  année-ci,  au  nombre  de  vingt-deux.  —  Agna  de  Valldaura, 
Tradicions religiosas  de  Catalunya,  premiadas  ab  joya  en  lo  certamen 
de  lajoventut  catolica,  Vany  1877.  Barcelona,  Roca  y  Bros,  in-16, 
156  pag.  —  Balaguer  y  Merino.  de  las  Costums  nupcials  catalanas 
en  lo  segle  XIV.  Barcelona,  Imprenta  de  la  Renaixensa;  in-8°, 
20  pages.  —  T.  Aubariel,  VOulivié.  Remembranqo  de  la  felibrejado 
dôu  22  de  juliet  de  1877.  Avignoun,  Aubariel,  in-8°,  4  pages. 


Poésies  et  textes  en  langue  d'oc  insérés  en  divers  journaux. — 
Fragments  de  deux  poésies  languedociennes  de  M.  Vidal,  de  Qua- 
rante, et  Vidal,  d' Alignan-le-Vent  (  V Hérault,  de  Béziers.  1 1  mai  ). 
— La  Mounina,  poésie  languedocienne  par  M.  Gh.  Gros  {Petit  Midi, 
de  Montpellier,  24  juin  ).  — Lou  Fermiè,  lou  Reynard  et  VAze,  fable 
languedocienne,  par  le  même  (  même  journal,  1er  juillet). —  Brinde 
dôu  manteneire  G.  Hipp. ,  gracieuse  poésie  en  langue  d'Avignon,  par 
M.  Guillibert  {Journal  de  Forcalquier,  8  juillet).  —  Sonnet,  signé 
Alloubro  ;  il  est,  croyons-nous,  écrit  dans  le  dialecte  dauphinois  du 
canton  de  Roussillori  (Isère  ).  (  Echo  de  la  Bourgogne, de  Dijon,  12 
juillet).  —  Lou  Coumbat  dus  mouyssaous  de  Lattas.  poésie  languedo- 
cienne, par  M.  Ch.  Gros  {Petit  Midi,  15  juillet). —  Lou  Mariage  astra, 
reproduction  de  la  poésie  de  M. Verdot,  insérée  dans  la  Revue  du 
15  juin;  A  Madamisello  Adelo  Souchier,  sonnet  en  provençal  d'Aix, 
signé  M.  A.  felibresso  de  la  ,Travesso  ;  l'Acamp  des  Latins,  assaubre, 
traduction,  en  langage  des  environs  de  Lure,  du  programme  parti- 
culier du  Chant  du  Latin, devenu  par  une  heureuse  infidélité  la  Réu- 
nion des  Latins.  Le  dialecte  de  Lure  est  unde  ceux  qui,  en  Provence, 
ont  conservé  la  finale  féminine  en  a  {Journal  de  Forcalquier,  22 
juillet). — L'Unioun  de  la  raça  latina,  poésie  languedocienne,  par 
M.  Gros  [Petit  Midi,  h  août).  C'est  la  pièce  dont  il  a  été  rendu 
compte  à  la  Bibliographie. — Gramaci  à  M.  de  Gagnaud,  pèr  lou  man- 
datais de  soun  bèu  cant  di  Fourcauquieren  à  N.-D.  de  Prouvènço, 
poésie  provençale  par  M.  Bosse;  Roundèu^  signé  lou  Felibre  de  la 
Mousello  {Journal  de  Forcalquier,  19  août). 


Sous  le  titre:  TJna  voues  dai  vïlage,  M.  le  docteur  Gh.  Goste,  de 


108  CHRONIQUE 

Saint-André-de-Sangonis,  va  publier  prochainement   (  Martel,  à 
Montpellier)  un  recueil  de  poésies  en  dialecte  lodévois. 

Un  second  recueil,  celui-ci  en  langage  de  Quarante,  par  M.  C. 
Laforgue,  est  à  l'impression  (  Hamelin  frères,  Imprimerie  centrale 
du  Midi). 

» 

La  destination  toute  spéciale  de  la  Revue  ne  nous  permet  pas  de 
signaler  à  sa  partie  bibliographique  les  ouvrages  de  poésie  fran- 
çaise parus  dans  le  midi  de  la  France  ;  nous  ne  saurions  cependant 
laisser  passer  sans  en  faire  mention  le  poème  qu'un  membre  de  la 
Société,  M.  Jules  Gaussinel,  vient  de  publier  sous  le  titre  A'Abdona 
(Paris,  Blériot  ;  Montpellier,  Séguin;  in-12,  ix-472  pag.,  3  fr.  50). 
Le  thème  grandiose  de  cette  œuvre  et  les  beaux  vers  de  l'auteur 
font  vivement  regretter  qu'il  n'ait  pas  songé  à  consacrer  à  la  langue 
d'oc,  au  moins  partiellement,  un  nom  que  le  souvenir  de  son  homo- 
nyme, Benoit-Marie  Gaussinel  —  connu  par  des  pièces  langue 
dociennes  encore  populaires  à  Montpellier,  bien  que  leur  com- 
position remonte  déjà  à  plus  d'un  demi  siècle  —  semblait  pré- 
destiner aux  lettres  romanes,  et  au  sous-dialecte  de  Montpellier  en 
particulier. 


RECTIFICATION 

RÉCITS    D'HISTOIRE    SAINTE    EN   BEARNAIS 

{Revue,  IIe  série,  t.  III,  p  '208). 


Note  sur  la  p.  38,  1.  22. —  Le  rapprochement  indiqué  dans  cette 
note,  et  que  la  traduction  de  MM.  Lespy  et  Raymond  {firent  les 
méchantes  langues)  m'avait  suggéré,  est  à  repousser  absolument. 
J'aurais  dû  me  rappeler  que  fer  lenguabosse  est  une  expression  qui 
se  retrouve  en  provençal,  sous  une  forme  qui  ne  permet  pas  d'en 
méconnaître  l'étymologie  toute  romane  :  far  de  lengua  (ou  de  sa 
lengua)  bossi.  Voy.  le  glossaire  de  Flamenca  et  Raynouard,  au  mot 
bossi.  Il  est  possible  que  le  dernier  élément  de  la  locution  ne  soit 
pas  identique  dans  les  deux  idiomes  ;  mais  bosse  ou  morceau,  cela 
revient,  pour  le  sens,  toujours  au  même:  faire  la  grimace,  se  mo- 
quer, regarder  avec  mépris.  Et  c'est  précisément  ce  que  dit  la  Vulgate 
(I  Rois,  X,  27):  Et  despexerunt  eum. 

C.  C. 


Le  Gérant  :  Ernest  Hamelin 


DIALECTES    ANCIENS 


ETUDES  HISTORIQUES 
sur  quelques  particularités  de  la  langue  catalane 


i 

ûiphthongaison  de  la  seconde  personne  du  pluriel  des  verbes 

Le  catalan,  comme  tous  les  autres  idiomes  romans,  a  des 
caractères  distinctifs  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'exposer  ici;  mais  il 
offre,  en  outre,  certaines  particularités,  dont  une  des  plus 
remarquables  est,  assurément,  la  diphthongaison  de  la  seconde 
personne  du  pluriel,  terminée  en  du,  eu,  lu,  au  lieu  des  finales 
ats,  ets,  its,  que  l'on  trouve  plus  ou  moins  marquées  dans  toutes 
les  autres  langues  romanes . 

La  mutation  dïatis,  etis,  itis,  otis,  ou  de  la  tonique  suivie  de  c 
(palacium,  décent,  dicit,  vocem),  en  ad,  at,  az,  —  ed,  et,ez,—  id, 
it,  iz,  —  od,  ot,  oz,  est  déjà  indiquée  au  IXe  siècle  dans  les 
documents  latins  de  la  Catalogne  et  duRoussillon1;  mais  l'effet 
produit  par  le  d,  t,  s,  z,  sur  la  tonique  précédente,  ou  la  réduc- 
tion de  ces  consonnes  à  la  voyelle  u,  y  est  complètement  in- 
connue avant  le  milieu  du  XIIe  siècle.  C'est,  en  effet,  vers  l'an 
1150  seulement  que  l'on  trouve,  surtout  dans  le  corps  des 
mots,  atz,  etz,  itz,  transformés  en  diphthongues.  Après  cette 
époque,  les  exemples  s'étendent  et  se  multiplient  de  plus  en 
plus,  à  l'intérieur  ou  à  la  fin  des  mots,  jusqu'à  l'an  12~o  envi- 
ron; à  cette  dernière  date,  la  transformation  étail  sans  doute 
opérée  à  peu  près  partout,  mais  unne  peutguère  la  considérer 


1  Cette  mutation  n'existe  pas  seulement  en  catalan;  elle  est  commune 
à  toutes  les  langues  romanes  dés  le  Xe  siècle  au  moins.  Au  X.I",  on  trouve 
dans  le  poëme  de  Boëce  (v  79)  faz  (je  fais),  jaz  Cil  gît,  v.158),  en  lo  palaz 
(palais,  v.  1G2);  mais  la  diphthongaison  s'est  très-rarement  produite  dans 
les  dialectes  provençaux. 

9 


110  DIALECTES  ANCIENS 

comme  complète  et  définitive  qu'après  Tan  1240  environ.  La 
mutation  était  donc  devenue  générale,  au  milieu  du  XIIIe  siècle, 
dans  la  langue  catalane  parlée  comme  dans  la  langue  écrite  ; 
mais  celle-ci  conserva  longtemps  encore  des  traces  des  an- 
ciennes formes  atz,  etz,  itz,  otz,  surtout  dans  les  noms  pro- 
pres, concurremment  avec  les  formes  au,  eu,  tu,  ou,  et  ces 
traces,  encore  fort  nombreuses  dans  la  seconde  moitié  du 
XIIIe  siècle,  diminuèrent  sensiblement  dès  le  siècle  suivant 
mais  ne  disparurent  complètement  que  dans  le  cours  du 
XVI«  siècle  *. 

Il  n'y  a  donc  rien  d'étrange  à  trouver  aujourd'hui,  à  la  se- 
conde personne  du  pluriel  catalan  [mirâu,  veyéu,  veniu),  une 
diphthongaison  qui  s'était  produite  dans  l'ensemble  de  la  lan- 
gue catalane,  dès  le  milieu  du  XIIIe  siècle,  dans  toute  espèce 
de  vocables,  même  dans  les  verbes  à  la  3me  personne  du  sin- 
gulier (placet  =  plâu,  videt  =  véu,  dicit  =  diz  =  diu,  pluit  = 
/j/ôu).Maisil  est  vraiment  singulier  que  cette  mutation,  établie 
et  devenue  générale  depuis  plus  de  deux  cents  ans,  ne  se  soit 
produite  ou  manifestée  à  la  seconde  personne  du  pluriel  que 
dans  les  dernières  années  du  XIVe  siècle,  non-seulement  dans 
la  langue  classique  ou  littéraire  et  dans  le  catalan  officiel  des 
chartes  et  documents  administratifs,  mais  encore,  c'est  du 
moins  ma  conviction,  dans  le  langage  populaire  ou  des  gens 
qui  parfois  savaient  tout  .juste  tracer  les  lettres  de  leur  nom. 
Il  existe,  en  effet,  pour  toute  la  seconde  moitié  du  XIVe  siè- 
cle, un  très-grand  nombre  de  notes,  billots,  comptes  de  dé- 
penses communales  et  autres,  émanés  de  personnes  dénuées 
de  toute  culture  grammaticale,  et  reproduisant  l'expression 
vivante  du  parler  et  de  la  prononciation  vulgaires,  avec  toute 
la  rudesse  et  l'incorrection  que  l'on  peut  imaginer.  On  y  re- 
connaît,  de  môme  que  dans  la  langue  littéraire,  l'application 
constante  de  la  mutation  à'atz,  etz,  itz,  otz,  en  mi,  eu,  iu,ùut  au 
milieu  et  à  la  fin  des  mots,  excepté  à  la  seconde  personne  du 
pluriel  où  les  finales  en  atz,  etz,  itz,  persistent  bien  au  delà  de 


1  Quelques-unes  persistent  encore  de  nos  jours  :  facio  (je  fais)  a  donné, 
dès  le  XIII»  siècle,  faz  et  (au.  qui  existent  encore.  En  Roussillon,  on 
ilit  aujourd'hui  indifféremment  fàu  etfatg  [fatsch  correspondu  faz). 


ETUDES    SUR    LA    LANGUE    CATALANE  III 

l'an  1400.  Cependant  l'existence,  sinon  l'usage,  des  formes  en 
au,  eu,  tu,  à  la  seconde  personne  du  pluriel,  s'était  déjà  mani- 
festée à  Barcelone  dès  Tan  1380,  et  je  ne  pense  pas  que  cette 
mutation  se  soit  opérée  par  suite  de  quelque  convention  ou 
réforme  purement  littéraire.  Elle  s'explique  naturellement  par 
cette  considération  que  la  langue  usuelle  devait,  tendre  à  sou- 
mettre les  finales  de  la  2e  personne  du  pluriel  à  la  même 
règle  que  les  autres  finales  en  ats,  ets,  its,  avaient  déjà  subie 
depuis  longtemps;  mais  cette  explication  ne  nous  dit  pas 
pourquoi  ces  anciennes  finales  s'étaient  maintenues  par  ex- 
ception, et  uniquement  à  la  2e  personne  du  pluriel,  plus  d'un 
siècle  et  demi  après  que  la  mutation  avait  été  adoptée  partout 
ailleurs.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  langue  littéraire  ou  classique 
semble  avoir  résisté  le  plus  longtemps  possible  à  cette  inno- 
vation, et,  à  l'exception  d'un  exemple  qui  se  trouve  en  1396 
dans  une  lettre  du  roi  Martin  d'Aragon,  je  n'en  connais  aucun 
autre  cas  authentique  dans  les  écrits  officiels  avant  1424  ;  tous 
les  autres  exemples,  à  partir  de  1380,  se  trouvent  dans  des 
lettres  ou  autres  écritures  privées.  Aussi,  tout  en  acceptant 
la  forme  nouvelle  le  plus  tard  possible,  la  langue  officielle  n'en 
persista  pas  moins  à  employer  longtemps  les  formes  primi- 
tives, dont  elle  conservait  encore  des  traces  jusqu'aux  vingl 
premières  années  du  XVIe  siècle. 

C'est  donc  pour  cette  période  seulement,  de  1424  à  1520 
environ,  que  l'on  peut  dire,  avec  M.  A.  de  Bofarull,  que  «  la 
»  forme  au,  eu,  iu,  de  la  seconde  personne  du  pluriel,  se  ren- 
»  contre  dans  les  textes  anciens  concurremment  avec  la 
»  l'orme  presque  provençale  ats,  ets,  its  '.  »  Pareille  concur- 
rence s'était  déjà  produite  pour  les  autres  formes  analogues, 
autres  que  celles  des  vérins,  puisqu'on  trouve  jusqu'à  l'an 
1300  et  au  delà  des  formes  en  ad,  at,  az,  éd.  et,  ez,  id,  il,  iz, 
dans  des  mots  qui  étaient  déjà  écrits  en  ////.  >>u,  iu,  vers  1220, 
et  quelques-uns  dès  1150. 

Je  vais  justifier  par  des  preuves  cet  exposé  historique  des 
diverses  opérations  qui,  dans  là  langue  catalane,  ont  amené 

1  Las  lerminaciones  au  y  eu .  suelen  encontrarse  alternadas  en  lo 

antiguo  con  las  de  ats  y  ets.    E studios,  sistema  grammatical  y  crestc- 
matia  de  la  lengua  catalana  ;  Barcelona,  1864,  p.  95.) 


l\;  DIALECTES  ANCIENS 

les  formes  atis,  etis,  itis,  otis,  aux  diphthongues  au,  eu,  tu,  ou' 
en  choisissant  une  série  d'exemples  parmi  le  grand  nombre 
de  mots  dont  j'ai  relevé  les  transformai  ions  historiques  à 
partir  du  IXe  siècle.  Les  exemples  seront  pris,  autant  que 
possible,  dans  les  actes  originaux  contemporains  écrits  en 
Catalogne  ou  en  Roussillon,  ou,  à  leur  défaut,  dans  les  publi- 
cations de  Baluze,  dom  Vaissète,  Villanueva,  etc.  '.  Il  est  vrai 
que  les  documents  originaux  qui  purent  être  écrits  en  catalan 
avant  1250  me  sont  à  peu  prés  complètement  inconnus;  mais 
on  peut  s'en  passer  pour  la  question  présente,  et  les  docu- 
ments latins  suffisent  largement,  non-seulement  pour  les  for- 
mes vulgaires  des  noms  communs,  mais  surtout  pour  celles 
des  noms  propres  d'hommes  ou  de  lieux,  dont  les  scribes 
ignoraient  le  plus  souvent  l'étymologie  et  le  sens,  et  dont  ils 
onnaient  seulement  la  forme   d'après  la  prononciation   vul- 


( 


gaire. 


Il 
De   la  Formation  des  diphthongues  au,  eu,  ni.  ou.  en  catalan 

Les  diphthongues  catalanes  sont  : 

ây,  au,  —  éy,  eu,  —  tu,  — ou,  —  uâ,  ué,  ûy. 

M.  Milâ  y  Fontanals '  en  compte  encore  d'autres  qui  peu- 
vent, en  eliêt,  exister  à  Barcelone  [tour  des  mois  castillans, 
italiens  et  français,  mais  qu'il  faut  considérer  comme  étran- 
gères à  la  langue  catalane.  Il  n'y  a,  (Tailleurs,  à  s'occuper 
ici  que  des  diphthongues  au,  eu,  ru,  ou,  les  seules  qui  existent 
comme  finales  de  la  seconde  personne  du  pluriel  ;  au  n'existe 
même  dans  les  verbes,  à  ma  connaissance,  que  dans  l'imper- 
sonnel plôu  (il  pleut),  dans  clou  et  ses  composés  ;  cependant,  sa 
formation  étant  absolument  semblable  à  celle  des  trois  au- 
ne-, il  ne  faut  pas  négliger  les  exemples  qui  peuvent  s'y  rap- 
porter. 

Ces  quatre  diphthongues  proviennent  de  trois  sources  prin- 
cipales : 

1  Saut  indication    contraire,  toutes  mes  citations   se  rapportent  aux 
locuinents  des  archives  départementales  des  Pyrénées-Orientales 
-  E studios  de  lengua  caleUana,  p.  5, 


ETUDES    SDR    LA    LANGUE    CATALANE 


113 


1°  De  la  diphthongue  du   mot  latin  avec  Vu  déjà  existant, 
ou  bien  formé  par  l'adoucissement  du  v,  du  b,  du  g  et  du  /;. 
Exemples,  pour  au  : 


Nicolaum  =  Nicholâu. 
avicellum  =  âuceli. 
suave  =  su  au. 

Pour  eu  : 

Devin  =  Dell. 
m  en  m  =  méu. 
nivem  =  néu . 

Pour  iu: 

vhnim  =  vin. 
lïbra  =  lliura . 
*  oli'uuni  =  oliu. 

Pour  ou  . 

jugum  —  jôu. 

ovum   =  nll. 

®touum  =  tôu  (creux). 


navis  =  nau. 
parabola  =  para  u  la. 
habuero  =  auré 


bibere  =  heure. 
,/,7><?f  =  déu . 
Matheum  —  Mathéu. 


ïTVum  =  l'iu. 

si  hilare  =  xiular. 

*  senioriuum  =  senyoriu. 


novum  =  nou. 
novem  =  nôu. 
bovem  =  bôu. 


Dans  tous  ces  cas,  la  diphthongue  catalane  s'est  trouvée 
naturellement  formée  par  la  chute  de  la  terminaison  ou  par 
l'adoucissement  du  y,  ^>,  <y .  Il  y  en  a  des  exemples  dès  le 
Xe  siècle,  en  976,  teneas  a  feu. .  .  .spercCn  deu.  .  . .  senoriu1;  ils 
existent  ensuite  à  profusion,  et  il  seraitinutile  d'en  citer  d'au- 
tres, cette  formation  n'ayant  aucun  rapport  avec  la  diphthon- 
gue finale  delà  seconde  personne  du  pluriel,  qui  dérive  unique- 
ment de  la  source  suivante  . 

2°  Des  consonnes  d,  t,  c,  qui,  précédées  d'une  tonique,  pas- 
sent à  dz,  tz,  ç,  s,  z,  et  se  réduisent  finalement  à  u. 

Exemples,  pour  au  : 
vadum  =  vad,  gad  =  gâu.  Dalmacium  —  Dalmad,   Dalmaz, 

—  Dalmâu. 


1  Revue  des  langues  romanes,  t.  III.  p.  271.  Pour  feu  (fief),  on  trouve, 
il  est  vrai,  feudnm  à  toutes  Ifs  époques  :  mais,  dès  le  X"  siècle,  feuum 
est  aussi  très-commun,  ce  qui  indique  que  le  d  s'était  déjà  adouci  ou  avait 
même  disparu  dans  la  prononciation  catalane.  La  diphthongue  existait 
donc  ici  toute  formée,  indépendamment  du  d  existant  ou  non  dans  la 
prononciation  . 


114 

facio  =faz  =  fâu. 
pacem  =  paz  =  pâu . 

Pour  eu  : 

de  c  t>.m  =  dez  =  dru 
videre  =  veser  =  véure. 
ri,-, ni  =  vez  =  véll. 

Pour  iu: 

dicit  =  diz  =  diu  . 
niduni  =  niz  =  niu . 


DIALECTES    ANCIENS 


cadere  =  caser,  =  câure. 
placet  =  plaz  —  plàu  . 

heredem  =  l  hères)  =  heréu  . 
pedenij  pes  =  peu. 
crédit  =  rrerfo  =  créu. 


ridet  —  riz  =  riu . 
gelîdum  =  (gelid)  =  geliu, 


Beatricem  =  Biatriz  =  Biatriu.       tamariz  =  tamariu. 

Pour  du: 
,hidcrr=  doser  =  clnure  vocem  =  voz  =  vôu  (aujourd'hui 

crucem  =  <to/;ï  =  crôu  (aujourd.     alodem  =  alod  =  alôu. 

nue  cm  =  no/v  =  m'ai  ' .  nodum  =  noz  =  néu. 

3°  Aux  deux  sources  précédentes,  qui  ont  formé  à  peu  prés 
la  généralité  des  diphthongues  catalanes,  il  faut  ajouter  celle 
de  la  liquide  /,  qui,  suivie  ou  non  (Tune  consonne,  s'est  le  plus 
souvent  transformée  en  ;*  dans  le  provençal.  Cette  mutation, 
très -fréquente  aux  XIIIe  e1  XIV"  siècles,  est  cependant  au- 
jourd'hui assez  rare  en  catalan.  Elle  ne  s'est  guère  maintenue 
que  dans  quelques  noms  propres,  tels  que  Ermengâu  ou  Er- 
mengâu, Girâa  et  autres,  et  même  les  deux  formes  existent 
encore  concurremment,  puisqu'on  dit  aussi  ArmengoletGiml. 
Mais,  le  plus  souvent,  c'est  la  forme  primitive  qui  a  prévalu, 
comme  dans  ait  au  lieu  de  dut,  quoique  ces  deux  formes  aient 
été  employées  simultanément  dans  les  temps  anciens. 

Les  diphthongues  catalanes  dérivées  de  ait  ou  ald  peuvent 
très-bien  s'expliquer  par  ce  qui  s'est  passé  dans  le  provençal 
et  dans  les  autres  langues  romanes.  Il  paraît  bien  évident  que, 
dans  ce  cas,  la  diphthongue  au  de  l'ancien  catalan  s'était pro- 
duiif  par  des  influences  étrangères,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est 
que,  dès  le  XIV1'  siècle,  on  peut  remarquer  une  tendance  con- 


'  Vôu  (noix  n'exislo  que  dans  les  anciens  texies,  et  If  Roussillon  ne  con- 
naît aujourd'hui  que  la  forme  purement  latine  ?iuga, qui  n'avait  peut-être 
jamais  disparu  de  la  langue  usuelle. 


ETUDES    SUR    LA    LANGUE    CATALANE  115 

stante  à  maintenir  ou  à  rétablir  la  finale  en  /  au  lieu  de  Vu, 
non-seulement  dans  les  exemples  cités  ci-dessus,  mais  encore, 
ce  qui  est  fort  étrange,  pour  introduire,  contrairement  à  l'éty- 
mologie,  la  lettre  l  dans  un  certain  nombre  de  mots  cata- 
lans où  elle  a  remplacé  Vu,  produit  par  l'adoucissement  du  d 
ou  du  t.  Ainsi  : 

Decimam  (dime)  avait  produit  régulièrement,  d'abord  detme, 
dezme  et  déume  au  XIIIe  siècle.  Dès  Tan  1270  (traité  de  Tunis), 
c'est  tantôt  déume,  tantôt  delme;  mais  aujourd'hui,  et  depuis 
longtemps  en  Roussillon,  on  ne  dit  plus  que  delme,  delmer,  del- 
mar,  dehnari. 

Opol,  village  du  Roussillon,  provient  d'oppidum,  transformé 
en  Oped  (XIIe  siècle),  Opôu  (en  1316),  et  Opol  dans  la  suite  et 
de  nos  jours. 

Vingrâu,  lieu  voisin  d'Upol,  s'est  formé  régulièrement  avec 
la  finale  gadus  fvadus  ;  ou  yradus  :  Evingad  en  1020,  Vino  gradu 
en  1206,  Vingrau  en  1242  et  jusqu'à  ce  jour.  Cependant  on 
trouve  Vingraldo  en  1211  (ce  qui  prouverait  que  la  diphthon- 
gue  s'était  déjà  produite  à  cette  époque),  Vingraldus  en  1290 
et  dans  d'autres  exemples  du  siècle  suivant.  Il  est  évident  que 
la  langue  populaire  n'a  jamais  pu  se  préoccuper  des  faits  éty- 
mologiques, et,  dès  l'instant  où  la  diphthongue  s'est  trouvée 
formée  dans  Opou,  Vingrau  et  l'alauda  (devenu  aujourd'hui 
Palalda  4),  elle  a  été  traitée,  par  fausse  analogie,  comme  dans 


1  Palalda  dérive,  comme  on  ie  verra  plus  loin,  de  palacium  Dani  ou 
Dâ.  Le  sens  précis  de  Dâ  est  inconnu,  mais  je  suis  porté  à  y  voir  un  nom 
d'homme  Je  trouve,  en  eflet,  uu  mansus  de  Da  et  mansus  de  Set  en 
Cerdagne  (dans  une  charte  originale  du  roi  Alphonse,  de  1173  :  Arch.  des 
Pyr.-Or.,  B.  7).  On  le  voit  aussi  dans  le  nom  du  village  de  Rigarda  en 
Gonflent,  dont  le  sens  me  paraît  être  rigatus  Dan  (arrosage  de  Dan). 
Rigatus  a  déjà  la  forme  Rigat  en  965  {us<{u>>  ml  Rigat  d'Alu,  aujourd'hui 
coll  del  Rigat  de  Lié,  — Marra,  105).  La  forme  rigatz  ou  rigaz  se  retrouve 
d'ailleurs  dans  le  nom  de  ce  village  en  1009  :  in  Rigasdano  et  en  1011,  in 
Rigesdano  [Marca,  160  et  164).  Mais,  tandis  que  dans  Palad  Dà,  ad  ou  az 
s'est  transformé  régulièrement  en  au  ou  en  al,  dans  Rigas  Da,  \'s  s'est 
changée  en  r  (Rigarda  en  1182,  Cartul.  du  Temple,  f°  99).  On  trouve  les 
trois  formes  ad,  ar,  au,  dans  un  acte  de  vente  du  4  des  nones  de  juillet 
1248,  écrit  à  Ille-en-Roussillon:  in  campo  Ermengaudi  de  Insula...  salvo 
juredomini.scilicetde  N.  Ermengardi de  Insula...  signum domini Ermen- 


116  DIALECTES    ANCIENS 

les  mot*  Ermengald,  Girald,  Rotbald  et  autres.  C'est  par  la 
même  erreur  que  divers  scribes  du  XITP  siècle  ont  souvent 
écril  Nicolad,  comme  si  ce  nom  n'eût  pas  eu  la  diphthongue 
au  à  l'origine,  en  le  traitant  comme  les  noms  Dnlmad,  Dâlmàz, 
Felid,  Feliz,  où  la  diphthongue  provient,  au  contraire,  du  t  ou 
c  changé  en  //. 

Dans  tous  les  cas,  ces  anomalies,  assez  rares  d'ailleurs,  ne 
uniraient  infirmer  le  principe  constamment  suivi  dans  la  lan- 
gue catalane  et  appliqué  en  dernier  lieu  à  la  finale  de  la  se- 
conde personne  du  pluriel,  en  vertu  duquel  atz,etz,itz,  se  sont 
transformés  en  au,  eu,  iu,  versl'an  1150,  à  l'intérieur  des  mots 
vers  1200,  à  la  finale,  et  vers  J380,  seulement,  à  la  seconde 
personne  du  pluriel,  ("est  ce  que  je  vais  établir  par  des 
exemples. 

III 

Exemples  de  la  formation  de  la  diphthongue  au.  dérivant   de  aïs, 

as,  az 

Palan  [palatium,  palais),  très-commun  comme  nom  de  lieu 
en  Roussillon,  en  Cerdagne  e1  en  Catalogne,  fournit  les  plus 
anciens  exemples  connus  de  la  diphthongaison  catalane  dans 
le  nom  composé  de  Palau-Dâ,  village  du  Vallespir  (aujour- 
d'hui écrit  et  prononcé  Palaldâ*). 

833.  villam  vocitatam  Paladdanum    Marra.  8). 

881  .  usquein  Palatiotani  'Archives  des  Pyr.-Or.  Iî.  3). 

9(57.  de  Palacio  Dano  (cartulaire  d'Elne,  f°  137). 
993  et  1090.  de  Palacio  Dan  (Marca,  142  et  304). 

loi  1 .  alaudem  de  Palan  dani  (Marca,  168). 

1017.  in  Palaldano   Marca,  175). 

1  L58.  de  Palan   dano  (Marca,  428)  :    même   forme  en  1199 


gadi  Arrh.  de  l'hôp.  d'Ille,  pafch.  G,  n°  27).  Il  n'y  manque  que  la  forme 
al  p  in  compléter  la  série,  et  le  scribe  l'aurait  aussi  sans  doute  employée 
-'il  avait  eu  à  écrire  le  nom  Ermengaldi  une  quatrième  fois. 

•  Je  néglige,  pour  ce  nom,  comm>>  pour  les  autres,  les  formes  purement 
latines  fournies  par  les  documents  de  toutes  ces  époques  entre  les  diverses 
dates.  Mon  regretté  ami  François  Cambouliù.  un  des  fondateuis  delà 
Société  pour  l'étude  des  langues  romanes,  était  né  à  Palaldà. 


ETUDES    SUR    LA    LANGUE    CATALANE  HT 

3artulaire  du  Temple,  f°  175),  en  1230  (Hôp.  d'Ille,  I,  28)  et 


clans  les  siècles  suivants 


Il  est  certain  que  Palad  ou  Palazdan  de  833  t'ait  déjà  pres- 
sentir la  diphthongue  de  Paùimhin  de  1011  (qui  peut  être  une 
erreur  de  lecture  pour  Palau)  et  surtout  celle  que  trahit  visi- 
blement la  leçon  Palaldano  de  1017  ;  on  pourrait  donc  en  con- 
clure que  la  diphthongaison  était  déjà  opérée  en  catalan,  dans 
le  corps  des  mots,  en  Tan  1000,  au  lieu  de  1150  que  j'ai  cru  de- 
voir admettre  comme  suffisamment  justifiée.  Je  n'en  connais 
pas,  en  effet,  d'autres  exemples  avant  cette  dernière  date,  et, 
comme  les  documents  publiés  par  Baluzo  n'existent  plus  au- 
jourd'hui, la  leçon  de  1011  n'a  pas  peut-être  un  caractère  de 
certitude  absolue.  On  ne  s'explique  pas,  en  effet,  comment  la 
diphthongue  se  serait  formée  dans  le  composé  Palau-Da  autre- 
ment que  dans  le  mot  Palâu  isolé,  où  elle  ne  se  manifeste  que 
beaucoup  plus  tard. 

980.   villa  que  dicitur   Palaz,    en    Empordà  (Villanueva, 
t.  XIII,  p.  251). 

993     alauàes  de  Palaz   Frugello  (Marca,  141,  et  Bofarull, 
Confies,  etc.). 

1100.  villa  sce  Marie  de  Palad,  en  Roussillon  (cartul.  d'Elne, 
f°  60). 

1155  et  1172.  villa  Palaz,  en  Roussillon  (cartul.  du  Temple, 
f°8  95  et  70). 

1179.    Pétri deç  Palad,  en  Cerdagne  {Liber  feudor.  A,  f°91). 

1199.  Pétri  de  Palac,  en  Cerdagne  (parch.  de  l'abbaye  de 
Canigo). 

1229.  G.  capellanus  de  Palad,  en  Cerdagne  (parch.  archiv. 
de  Puigcerda). 

1240.  11  kal.  aug.  campum  qui vocatur  des  Palau,  en  Rous- 
sillon (testament  du  troubadour  Pons  d'Ortafa,  copie  de  mars 
1246). 

1251  .P.  de  Palau,  en  Catalogne  (Villanueva,  t.  XVII,  p.  253). 

1265.   apud  Palad,  en  Cerdagne  {Liber  feudor .  A,  f°  32). 

Talâu  village4  du  Contient  (Pyrénées-Orientales). 


1  C'est  à  ce   misérable    hameau,  dont   l'importance  n'a  certainement 
jamais  été  plus  considérable  qu'aujourd'hui,  que  M.  de  Longpôrier  (Notice 


118  DIALECTES    ANCIENS 

875.  in  villa  Talatio  (Marca,  40). 

958.  Talazo  cum  finibus  (d'Acher.  Spicil.,  to.  VIII.  p.  357). 

985.  Mazunculas  et  Talaz  (Marca,  135). 

1265.  Talaz  (Lib.  fend.  A,  f°32),  et  Talâu  à  partir  de  1275. 

Gâu  et  Grâu,  dérivés,  le  premier,  de  vadum  =  wad,  gad 
(gué)  ;  le  second,  de  gradum,  s'appliquent,  l'un  aux  gués  ou 
passages  d'un  cours  d'eau,  l'autre  aux  montées  ou  passages  de 
l'intérieur  et  aux  ouvertures  qui  font  communiquer  les  étangs 
de  la  côte  avec  la  mer.  Les  anciens  actes  du  Roussillon  les 
confondent  à  tout  instant  l'un  avec  l'autre  et  pour  le  même 
lieu,  mais  la  formation  de  la  diphthongue  est  la  même  pour 
ces  deux  mots.  Ainsi,  pour  le  gâu  d'Ares,  en  Vallespir  (com- 
mune de  Serrallonga): 

878.  usque  ad  Grad  Aras  (Marca,  36). 

881 .   ad  Gadu  Aras  (Arch.  des  Py.-Or.,  B  3). 

988.   ad  Gad  que  vacant.  .  .(cartul.  de  Cuxa). 

L267.  de  Gad  amont,  et  plus  loin,  de  Grau  amont  (testament 
de  Guillem-Hug  de  Serrallonga). 

La  même  confusion  existe  dans  les  mentions  du  nom  de 
Vingràu,  village  du  Roussillon,  dont  l'étymologie  se  rapporte 
à  gradus  et  non  pas  à  vadus. 

1021.  Fvingad  ^Marca,  191). 

1119.  de  Vigrado(  Gallia  christ.,  t.  VI,  p.  434),  de  Yinogradu 
(même  docum.  dans  VHist.  de  Languedoc,  preuves,  et  aux  ar- 
chives des  Pyr-Or.). 

1203  et  1206.  de  Yinogradu  (  Archiv .  des  Pyr.-Or. —  Grange 
de  Canomals  ). 

1211.  de  Vingraldo  (Cartul.  du  Temple,  f.  16). 

1242.  de  Vingrau  (Parch.  de  Canomals). 

1249.  de  Vingraudo  (Arch.  des  Pyr.-Or.,  B  49). 


des  monnaies  françaises  de  la  collection  de  M.  J.  Rousseau,  p.  162)  a  paru 
disposé  à  donner  un  denier  carolingien  portant  le  monogramme  incomplet 
de  Carolus  avec  la  iégende  +  CRATIA  Dl  REX,  et  à  l'avers  +  TALAV 
MONETA.  Je  ne  saurais  admettre  que  le  nom  de  ce  village  se  soit  pré- 
senté avec  la  forme  Talau  dès  le  IXe  siècle,  et,  pour  ma  part,  je  ne  vois 
que  la  désignation  du  monetarius  dans  cette  légende,  et,  dans  Tatav.  le 
nom  plus  ou  moins  abrégé  d'un  monétaire  qui  ne  se  rapporte  en  rien  au 
yillage  de  Talâu. 


ETUDES  SUR    LA    LANGUE    CATALANE  119 

IV 
Formation  de  la  diphthongue  pu  dérivant  de  etz,  eds,  pz 

Ralléu,  village  du  Confient  (  Pyrénées-Orientales  ). 
1232.  décimas  de  Araled  (Arch.  des  Pyr.-Or.,  B  86  ). 
1260.  Ferrarius  de  Araleu  {  Arch.  de  l'hôp.  d'Ille,  C  10). 
1272.  Jacobus  de  Areleu  (  Lib.  feudor.  A,  f°  14  ). 

Fréuol,  nom  d'homme,  dont  la  forme  primitive  est  Fridelo, 
Fredelo . 

1217.  filia  Johannis  F 'reuuo l (Archiv .  de  l'hôp.  de  Perpignan, 
liasse  XXVII,  68  ). 

1240  et  1241.  frater  Freol  (Arch.  des  Pyr.-Or.,  parchemins 
du  Temple  ). 

La  diphthongue  s'est  formée  ici  et  dans  l'exemple  suivant 
par  la  chute  du  d  à  l'intérieur  du  mot  ;  ce  nom  est  d'ailleurs 
encore  assez  commun  en  Roussillon,  mais  sans  diphthongue 
et  sous  la  forme  Frezol  ou  Frezul  ' . 

Dèumer,  dérivé  de  deeimarius,  collecteur  de  la  dîme.  C'est  le 
nom  d'an  commandeur  de  l'hôpital  d'Ille,  appelé  tantôt  Deei- 
marius, tantôt  : 

1231.  fratri  Petro  Deumerio  (  Arch.  de  l'hôp.  d'Ille,  B39); 

1236  Petro  Dumario  (  ibid.,  C  28),  et  Petro  Detmerii  (ibid. , 
O  42). 

1238  et  1241.  Petro  Detmer  (ibid.,  B  88  et  B5). 

1241.  Pelrus  Deumer  (ibid.,  D55). 

On  a  déjà  vu  que,  dès  le  XIVe  siècle,  ce  mot  se  trouve  sous 
la  forme  delmer,  la  seule  qui  se  conserve  aujourd'hui  ;  mais 
cette  mutation,  contraire  à  l'étymologie,  ne  s'est  pas  intro- 
duite dans  le  catalan  déu  (dix),  qui  s'est  formé  régulièrement 
de  deeem,  detz,  dez.  C'est  même  la  forme  intermédiaire  dez  qui 
existe  encore  en  catalan  dans  dez  e  set,  dez  e  vuyt  et  dez  e  nôu 
(dix-sept,  dix- huit,  dix-neuf)  et,  à  l'intérieur,  dans  desena  et 
desener  (dizaine,  dizenier). 


1  C'est  ce  motif  qui  méfait  attribuer  à  ce  mot  l'étymologie  de  Fredelon, 
quoique  le  mot  freuol  (frêle,  frivole)  existe  aussi  en  catalan  avec  ur. autre 
sens  et  une  autre  origine. 


120  DIALECTES    ANCIENS 

Je  ne  suis  pas  bien  assuré  de  l'étymologie  du  nom  d'un  ha- 
bitant de  Brulhà,  en  Roussillon,  mentionné  dans  un  acte  de 
1202:  t.erram  Berengarii  Correu  (Archives  du  prieuré  de  Font- 
clara).  Corréu  signifie  «courrier»  en  catalan,  et  ce  mot  existe 
avec  la  même  forme  et  le  même  sens  dans  un  texte  de  1283; 
mais  sa  formation  me  paraît  difficile  à  expliquer,  et  la  forme 
corser  existait  dès  la  même  époque  avec  le  même  sens.  Je 
pense  que  le  correu  de  1202  avait  une  autre  signification  et 
une  autre  origine,  et  qu'il  s'est  formé  de  condirectum,  qui  a 
donné  condirect,  condret,  condred,  coudrez  et  conréu  ou  corréu, 
dès  les  temps  les  plus  reculés.  Ce  mot  n'existe  aujourd'hui 
qu'avec  la  forme  conréu,  «  culture  »;  conrear,  «  cultiver,  tenir 
en  bon  état.  »  Reste  à  expliquer  la  chute  de  Yn  ;  or  je  trouve, 
en  1363,  laurar  e  coresar  la  vinya  ;  en  1377,  laurar,  cultivar  e 
cour esar  les  terres  ;  en  1397 ',  privacio  de  correar  lurs  possessions 
e  terres,  et,  même  en  1535,  les  dites  terres  que  s  corresaven,  ara 
son  quasi  enboscades.  Par  conséquent,  si  mon  opinion  estfondée 
quant  à  l'étymologie,  le  mot  conred,  correz,  aurait  déjà  formé 
sa  finale  en  diphthongue  avant  1202.  J'ajouterai  que  le  nom 
de  Corréu,  comme  nom  de  famille,  est  encore  très-commun 
dans  les  communes  rurales  du  Roussillon,  et  qu'il  parait  se 
rattacher  originairement  à  celui  qui  «  travaille  ou  cultive  la 
terre  »  bien  mieux  qu'à  un  «  courrier.  » 

Eus,  village  du  Confient  (ilex,  ilicis,  chêne  vert). 

1035.   villa  Eh  (Marca  214). 

1095.   castrum  de  Ylice  (Marca,  311). 

1212.  villa  Elz  (parch.  de  canigo). 

1213.  Guillemus  de  Belz  (cartul.  du  Temple,  p.  46.) 

1218.    Guillemus  de   Heutz    (hôp.    de   Perpignan,  lias.    33, 
n°  101). 
1243.  castrum  de  Eucio  (prieuré  de  Cornella  de  Confient). 

Alaséu  (  Adélaïde  )  se  trouve,  à  partir  du  Xe  siècle,  dans  les 
documents  de  la  Marche  d'Espagne,  sous  les  formes  Adladed 
ou  Aladet,  Alatlzez,  Alazaz.  On  trouve  à  la  fois  l'ancienne 
l'orme  et  la  forme  en  diphthongue  dans  un  acte  écril  à  Saint- 
llippolyte  en  Roussillon,  en  1233. 

L233.  in  honore  Alaseu  Martela,  et  plus  loin:  in  honore  Alaset 
Martela  (  Archiv.  des  Pyr.-Or.,  B  42). 


ETUDES  SUR  LA  LANGUE  CATALANE        121 

V 

Formation  de  la  diphthongue  iu,  dérivée  de  ils,  id,  iz 

Beliu,  lieu  de  la  Cerdagne  espagnole. 

880.  viam  de  Belis..  in  manso  de  Almiro  de  Belit  (Marca,  52). 

983".  et  in  Beliz  casas  (  Villanueva,  t.  X,  p.  263). 

1293.  Petrus  de  Beliu  {Liber  feudor.  A,  f.  100). 

1386.  Baliu  (Proc.  real.,  reg.  III,  f.  121). 

Niumal  (  nidum,  nid,  niz,  niu  ),  village  au  sud  de  Berga. 
982.  et  Niz  mal  et  Capraria  (Villanueva,  t.  XV,  p.  237). 
1347.  Stagnum  de  Malniu,  dans  la  Cerdagne  espagnole. 

Biatriu,  nom  propre  (de  Beairicem,  Biatriz). 

1282.  tenencia  d'En  Biatriu  (Arch.  des  Pyr.-Or.,  B  18,  f.  3). 

Toleriu,  lieu  de  la  Cerdagne  espagnole. 
1258.  mansos  meos  de  Tolerid. .  ecclesia  de  Toleriuo  (Testam. 
de  Bernard  de  Berga,  évêque  d'Elne  ). 

Tardiu,  nom  d'homme,  vient  probablement  de  tardivus,  mais 
certains  textes  indiqueraient  une  autre  étymologie. 

1234.  Bernardus  Tardit  vireius  (hôp.  de  Perpignan,  liasse 33, 
n°  50  ). 

1240.  in  campo  Tardiu  (ibid.,  31,  44). 

1245.  Bernard/im  Tardiuum..  B.  Tardiu  et  an  iris  sue  (ib  , 
30, 50  j . 

G-uiu,  nom  d'homme,  de  Guida,  Guid,  Guiz. 
1273.  frater  G.  Cerdani  et  Guju  de  Martzano  '     Notule  d'Ar- 
naud Miro,  notaire). 

Feliu,  nom  d'homme,  de  Felicem,  Feliz. 
1 187.  tibiJohanni  Felici..  ego  Felid  de  Barrera  (Hôp.  d'Ille, 
F.  71) 

1217.  Vuillemi  Felit  (ibid.  —  Mentet,  parch.  47). 

1227.  in  campo  Johanni Felit .  .  Remundi  Arnad (ibid., B.  72  . 

1  Ce  mot.  avec  le  sens  de  «  guide  »,  se  trouve  à  la  rime,  avec  la  forme 
g uitx  on  guiz,  dans  une  pièce  de  vers  cat-ilans  fort  ancienne,  publiée  pai 
P.  BofaruJ]  (Coleccion  de  docum.  ineditos,  t.  XIII,  }i  l-">3  ). 


122  DIALECTES     ANCIENS 

1241  et  1246.  fratris  Feliu  (  parchemins  du  Temple  ) . 

Vassaliu,  quartier  au  territoire  de  Torrelles,  en  Roussillon. 

1070.  et  in  Vassalid  pecias  ni.  de  terra  (Cartul.  maj.  de  Cuxa, 
fo74). 

1242.  vocatur  campus  de  Vassaliu  (Arch.  des  Pyr.-Or.,  B 
48). 

1249.  de  nostro  campo  de  Vasselis  (ibid.  ). 

1294.  loco  vocato  Vessaliu  (  Terrier  de  Saint-Laurent). 

Tamariu,  tamarin. 

974.  ad  ipso  Tamarit  {  Marca,  116). 

982.  ad  ipsam  Tamarix  (  Villanueva,  t.  XV,  p.  337). 

11 11.  pergit  ad  Tamarit  (  Marca ,  352  ) 

1235.  in  illafaxia  de  Tamaritz (Arch .  de  l'église  Saint  Jean, 
de  Perpignan  ). 

1292.  loco  vocato  Tamariu..  à,  lesTamarius  (Terrier  de  Millas, 
f.  3.  et  36);  loco  vocato  sa  Tamarin  (Terrier  de  Collioure,  f.  32, 
19  et  26). 

Tamariguer,  «  lieu  planté  de  tamarins»  (de  tamariuerium ?), 
indique  dans  l'intérieur  du  mot  une  diphthongue  formée  plus 
anciennement  vers  la  lin  du  XIIe  siècle.  On  trouve  en  effet,  en 
1  L81,  in  tamariguer  (Cartul.  du  Temple,  f.  Il  1  );  en  1191,  ta- 
mariger  f.  112);  en  1205,  tamarigerio  (f.  13),  ei  tamariguerio 
en  1212  (f    12). 

Perdiu,  perdrix  (de  perdix,  perdicem). 

1210.  loco  vocato  Canta  perdilz,  a  Perpignan  (archiv.de 
L'hôp.  S.  Jean). 

1256.  ad  serram  de  la  perdiut,  à  Centernac.  pays  de  Fonol- 
let  (cartul.  du  Temple). 

1275.  perdius  ni  anets  Ordinac.  de  Perpignan). 

L286.   loco  vocato  Canta  perdiu,  à  Perpignan. 

L292.   a  Canta  perdiu,  à  Tautahull  en  Roussillon. 

Perdiguer  indique  ;i  L'intérieur  du  mot  une  diphthongue  for- 
mée connue  relie  de  fumariguer.  On  trouve,  en  L292,  /eau//  de 
Perdiger  ci  de  Perdiguer  en  1360,  à  Collioure. 


ETUDES  SUR  LA  LANGUE  CATALANE  123 

VI 
Formation   de  la  diphthongue  ou,  dérivant  de  ots,  os. 

Nôu,  «  noix»,  de  nucem,  not,  noz. 

839.  sive  Ma  Noz  (Marca,  1),  village  du  pays  de  Berga,  au- 
jourd'hui appelé  la  Nôu  '. 

873,  ad  ipsam  Nucem  (Marca,  32). 

1275.  ni  notz,  ni  avelanes  (Ordinations  de  Perpignan). 

1284.  notz,  la  ejmina  (Réua  de  Perpignan). 

Je  ne  trouve  la  diphthongue  qu'en  1368,  una  sarria  de  nou 
d'amenles;  mais  la  forme  ancienne  persiste  encore  longtemps 
après,  même  en  1385  :  miga  closc/ta  de  not. 

Noheda,  (Nôuéda),  «lieu  planté  de  noyers.  » 
888.  ùsque  in  rio  de  Noseto,  en  Catalogne  (Marca,  46). 
Nokèdes,  village  du  Confient,  s'écrit   Nosedes  et  Nozedes  de 
1181  à  1370  au  moins,  quoiqu'on  trouve  aussi,  à  partir  de  1307, 
Noedes  et  Nohedes,  avec  la  diphthongue  dans  le  corps  du  mot, 
obtenue  par  la  simple  chute  de  Ys. 

Nôu  (ancien  catalan),  «  nœud  »,  de  nodum=nod  =  notz; 
transformé  en  nôu  en  1249  et  1300  [nou  d'exarch,  leude  de  Col- 
lioure);  mais  on  lit  encore  dans  une  lettre  du  1er  septembre 
1324  :  la  bale&ta  ap  file  amnotz,  adops  d'adobar  les  balestes. 

Crucem  a  donné  crotz,  croz,  et  plus  tard  crôu  et  créu,  dont 
le  dernier  est  seul  en  usage  aujourd'hui  en  catalan.  Ce  mot 
offre  l'exemple  unique,  à  ma  connaissance,  d'une  diphthongue 
finale  dérivée  tYoiz,  déjà  formée  dans  la  seconde  moitié  du 
XIIe  siècle. 

1186.  in  colle  de  Creu  (original,  parchemin  du  Temple,  d'ail- 
leurs exactemem  transcrit  dans  le  cartulaire,  fo  61).  Le  lieu 
ainsi  désigné  s'appelle  encore  aujourd'hui  Collde  Créu. 

1  Est-ce  le  même  nom  que  celui  de  l'étang  de  Lanos  dans  la  Gerdagne 
française,  déjà  écrit  Lanos  en  1175  (archives  de  Llivia).  ou  plutôt  un  autre 
nom,  avec  le  sens  et  l'étymologie  de  «  lande  ».  du  breton  lann  ?  Il  n'est 
pas  probable  que  le  nom  de  Lanos  ait  jamais  varié,  et  comment  admettre 
qu'il  eût  déjà  l'article  tout  formé  comme  dans  Ma  Noz  (la  Nou)  de  839? 
Il  existe  au  territoire  d'Argelès,  en  Roussillon,  un  quartier  appelé  Val 
de  Nous  depuis  le  XIVe  siècle  au  moins. 


124  DIALECTES     ANCIENS 

1270.  ad  capud  de  Crou,  cap  de  Créus  en  Empord;'i  {Liber 
feudorum  A,  f»  1). 

1381.  lo  loch  de  Crou  (aujourd'hui  Créu,  en  Capcir). 

Vox,  vocern,  voz  (en  1285),  a  aussi  donné  oôu  au  XIIIe  siècle; 
mais  aujourd'hui  on  n'a  que  la  forme  véu. 

Alôu  (alleu),  quelle  que  soit  son  étymologie,  présente  deux 
formes  dans  les  anciens  textes  de  la  Marche  d'Espagne:  in 
alaudo  en  888,  aloudem  en  9.43,  alaudium  en  1000,  alauds  en 
1063,  tuum  clan  en  1139;  et  alode  en  777,  alod  en  976,  ipse 
alods  en  1036,  etc.  C'est  probablement  la  seconde,  semblable 
d'ailleurs  à  Vainc  de  l'ancien  provençal-,  qui  a  produit  réguliè- 
rement la  forme  catalane  alôu  1249).  Les  documents  du  Rous- 
si 11  on  présentent  les  formes  alod,  alot,  alotz,  alos,  jusques  vers 
1210. 

Opol,  anciennement  Opou,  en  Roussillon. 

1149.  Opidum  (Arch.  d'Espira  de  PAgli). 

1184.  Benedictus  de  Costa  de  Opel  Arch.  des  Pyr.-Or.  — 
Grange  de  Vespella). 

1218.  de  Opetz  (ibid.) 

1224.  Petrus  Poncii  de  Oped  (Testam.  de  Bérenger  de  Parets 
tortes). 

1246.  couarde  Oped  qui  modo  dicitur  Salvaterra  [Proc.  real, 
reg.  I,  f°  36). 

1286  ecclesia  de  Opu/o  '  {.Gallia  christ. .  t.  VI,  Instrum.  eccles.  ■ 
Elnen.  17). 

L306.  Lo  Roue  d' Opol  (Ordinations  de  Perp.,  1,  f"36). 

1313.  lo  render  de  Opou  (Procuracio  real,  reg.  xvm,  f"  23;. 

1316.  Opeu*  (ïbid.,  f°  79  . 

La  conclusion  que  l'on    peut   tirer  de  tout  ce  qui   précède, 

1  Opulu  est  très-probable  eu  1285,  car  la  diphlhongue  existait  déjà,  K  !  u 
avait  pu  se  changer  en  l;  cependant  celte  leçon  est  lort  douteuse  (pour 
Opido?),  ce  nom  de  lieu  étant  toujours  écrit  Opidum  dans  les  actes  latins 
de  celte  époque. 

-  C*.st  le  seul  exemple  que  je  connaisse  de  cette  forme,  la  seule  régu- 

iment  formée  de  opidum,  oped,  etc.  Mais,  contrairement  à  ce  qui  est 

arrivé  dans  crou  el   vou,  qui  sont  devenus  créu  et  véu,  opéu  est  devenu 

opou,  que  l'on  trouve  encore  dans  le  wir  registre  de  la  Procuracio  real; 

en  1317,  amdos  d'Opou  (fo  91)  et  castelan  d'0pou(fr  37);  en  1318,  de  Opou 


ETUDES    SUR    LA    LANGUE    CATALANE  125 

c'est  que,  dans  la  langue  catalane,  la  diphthongaison  des  fi- 
nales atz,  etz,  itz,  otz,  se  manifeste  seulement  après  Fan  1150, 
et  par  des  exemples  extrêmement  rares,  jusque  vers  1220  ou 
1240,  du  moins  dans  la  langue  écrite  ;  mais  ces  exemples, 
quelque  rares  qu'ils  soient,  prouvent  que  la  tendance  ou 
même  un  mouvement  très-marqué  vers  la  diphthongaison  de- 
vaient déjà  exister,  à  cette  époque,  dans  la  pratique  de  la  lan- 
gue parlée.  La  mutation  était-elle  dès  lors  devenue  générale 
et  appliquée  dans  tous  les  cas  ?  Je  ne  le  pense  pas  ;  et,  d'après 
les  preuves  données,  elle  ne  fut  généralisée  que  vers  l'an  1220 
environ,  quoique,  dans  la  langue  écrite,  beaucoup  de  formes 
primitives  ou  intermédiaires  aient  encore  persisté  pendant 
plus  d'un  siècle,  surtout  pour  les  noms  de  lieu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  mutation  était  générale  et  complète 
dans  la  langue  de  Jacques  le  Conquérant  et  de  tous  les  docu- 
ments écrits  après  l'an  1250 ',  soit  dans  le  corps,  soit  à  la  fin 
des  mots,  excepté  pour  la  terminaison  de  la  seconde  per- 
sonne du  pluriel  dans  les  verbes.  Ici,  qu'elle  qu'en  fût  la  rai- 
son, la  forme  ancienne  a  persisté  jusqu'à  la  fin  du  règne  du  roi 
Pierre  III,  non-seulement  pour  la  langue  écrite,  littéraire, 
officielle  ou  administrative,  mais  encore  dans  la  langue  usuelle 

(57  fo).  et  en  1323,  lo  castel  de  Opuu. . .  la  vila  vêla  d'Opou  (fo  79).  Après 
cette  date  et  jusqu'à  nos  jours,  on  ne  trouve  plus  que  la  forme  Opol  ou 
Opul  (prononcé  Opoul). 

'  On  peut  cependant  admettre  que  les  formes  anciennes  ont  dû  se  con- 
server plus  longtemps  dans  les  noms  de  lieu,  bien  qu'ils  aient,  en  géné- 
ral, subi  la  mutation  d'après  la  même  règle  et  à  peuprèsàla  même  époque 
que  les  noms  communs.  Quant  a  ceux-ci,  on  trou1,  e  la  diphthongaison 
déjà  opérée  au  complet  dans  les  écrits  du  roi  Jacques.  deR.  Lull,  de 
Des  Clôt,  et  dans  tous  les  textes  catalans  postérieurs  à  12Ô0:  par  exemple, 
dans  diiz  (diu),  plaz  [plau),  patz  ipuu},  podz  (pou),  sotitz  (soliu),  pedz 
ipéu)  et  autres  déjà  cilés.  On  lit  cependant  dans  les  fragments  des  mé- 
moires du  roi  Jacques,  publiés  par  M.  de  Tourtouloii  (  Revue  des  langues 
romanes,  t.  II  ),  lu  prêts,  lo  bon  prêts  (  pag.  K>3,  15't  ),  et  lo  preu(\\.  160). 
variantes  qui  peuvent  provenir,  soit  d'une  erreur  du  premier  éditeur,  soit 
du  plus  ancien  mns.  de  ces  mémoires,  qui  est  du  XIV«  siècle.  On  lit, 
d'ailleurs,  dans  la  Heua  de  Perpignan  (1284),  Iota  bestia  qui  sia  de  preu. 
et  dans  B.  Des  Clôt  (cap.  V)  lo  rey  kac  lo  prea  de  la  batulla-  Dans  tous 
les  cas,  en  admettant  que  prêts  soit  la  bonne  leçon,  il  y  a  encore  l'exem- 
ple de  notz  (noix)  qui  se  présente  aussi  avec  la  forme  primitive  jusqu'à 
la  lin  du  XIV J  siècle. 


126  DIALECTES    ANCIENS 

et  vulgaire,  puisque  les  écrits  et  notes  d'origine  populaire, 
émanés  de  gens  dénués  de  toute  notion  grammaticale  et  or- 
thographique, observent  toujours  à  cet  égard  la  même  règle 
que  les  personnes  lettrées. 

La  diphthongaison  de  la  seconde  personne  du  pluriel  n'était 
pas  une  innovation  grammaticale  en  catalan,  puisque  ce  fait 
s'était  déjà  produit  depuis  plus  d'un  siècle,  dans  cette  langue, 
pour  tous  les  autres  mots  et  dans  des  cas  absolument  sembla- 
bles. On  ne  fit  qu'appliquer  au  pluriel  des  verbes  ce  qui  se 
faisait  pour  tous  les  autres  vocables,  et  il  est  bien  probable 
que  dans  la  pratique,  par  erreur  ou  par  simple  imitation,  bien 
des  gens  usèrent,  dans  leur  langage,  des  formes  au.  eu,  iu, 
pour  la  seconde  personne  du  pluriel,  avant  l'époque  où  l'on 
en  trouve  des  traces  dans  les  documents  écrits. 

Voici,  dans  tous  les  cas,  les  plus  anciens  exemples  que  j'en 
ai  pu  découvrir,  après  un  examen  attentif  de  tous  les  do- 
cuments originaux  du  XIVe  siècle  qui  se  trouvent  à  ma  por- 
tée1. 

*  Les  conclusions  de  ce  mémoire  sont  uniquement  fondées  sur  les  ma- 
nuscrits contemporains  originaux,  les  seuls  qu'il  y  ait  à  admettre  en  pa- 
reille matière,  et  non  pas  sur  les  anciennes  éditions  ou  même  sur  les  ma- 
nuscrits d'œuvres  des  XIIIe  et  XI\  c  siècles,  écrits  après  l'an  1 400  Les 
exemples  que  l'on  pourrait  opposer  à  ma  ihèse,  en  les  prenant  dans  des 
documents  de  ce  genre,  ne  pourraient  guère  prouver  autre  chose  que  des 
ei  reurs  ou  des  fautes  de  copistes  et  d'éditeurs,  ou  l'habitude  de  remanier 
les  anciens  textes  et  de  les  mettre  au  goût  du  jour.  C'est  ainsi  que  l'on 
trouve  des  secondes  personnes  du  pluriel  en  au,  eu,  iu,  dans  les  éditions 
de  Hamon  Lull,  de  Bernard  des  Clôt  et  de  presque  tous  les  auteurs  cata- 
lans du  XIV*  siècle.  Jérôme  Rossellô  attribue  à  R.  Lull.  d'après  le  doc- 
teur  Heine  et  d'après  un  manuscrit  «  de  la  fin  du  XIIIe  siècle  »,  qui  se- 
rait aujourd'hui  à  Berlin,  un  fragment  où  on  lit  : 

Stirau,  s<?nyor,  las  nai 

avec  d'autres  pluriels  en  au{Obras  rimadas  de  R.  Lull;  Paltna,  18">0, 
p.  176),  ce  qui  me  parait  absolument  impossible,  Lull  ayant  touiours  em- 
ployé  le  (ormes  anciennes  dans  ses  rimes,  par  exemple  [l'Arl  delà  al- 
quimia.  pag.  3u7  )  : 

Vosaltres  ab  li  crett 

■  Mira. 

Si  lo  '-'«Mus  :n-c  r  volets 

Di  la  i-us  realtj  haurett  mesura; 

et  dans  el  Desconort  (pag.  350),  où  les  secondes  personnes  désirais,  siats. 


ETUDES    SUR    LA.    LAJSGLE    CATALANE  127 


VII 

Exemples  de  secondes  personnes  du  pluriel  catalan  formées  en 

diphthongue 

Les  plus  anciens  exemples  se  trouvent,  à  ma  connaissance, 
dans  une  lettre  écrite  de  Barcelone,  le  23  ou  26  janvier  1380, 
par  le  prieur  de  Catalogne,  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jéru- 
salem, au  bailli  de  sa  seigneurie  de  Bonpas,  en  Roussillon,  et 
transcrite  par  un  notaire  de  Perpignan,  le  lor  février  suivant. 
Elle  est  ainsi  conçue  : 

Al  amat  lo  batle  de  Bon  pas. 
—  lo  Prior  de  Cathalunya. 

procurats,  etc.,  riment  avec  le  participe  lionrats  et  le  substantif  damp- 
nitats. 

De  même,  dans  l'hymne  à  la  Vierge  publiée  par  Prosper  de  Bofarull 
{Coleccion  de  documentes  ineditos,  t.  XIII;  Barcelona,  1857,  p.  152-154), 
d'après  un  mns.  «  de  la  lin  du  XlVe  siècle  »,  on  lit  (  p   153  )  : 

Dolçe  regina,  ogau,  sins  plats, 
Per  la  umilitat  qui  an  vos  es. . . 

Comment  admettre  ogau,  «  écoutez  »,  dans  une  pièce  (  que  je  crois  d'ail- 
leurs fort  ancienne)  où  toutes  les  autres  secondes  personnes  du  plurii  1 
sont  en  ats,  ets,  its,  finales  exigées  parles  rimes'?  Ainsi  ayets  rime  avec 
aguest;  uw(pour  vists),  avec  Christ  (p.  152  et  153).  11  y  a  même  deux 
vers  corrompus  qui  ne  peuvent  guère  rimer  qu'au  moyen  d'une  rime  en 
ets  : 

A!  quart  fo  dolçs  regina 

Cantlos  tice  reys  ab  goj  rraseves  {sic) , 

vers  inintelligibles,  que  je  rétablirais  ainsi  : 

Al  quart,  fo  dolçs  request(o«  aquest?), 
Cant  los  iris  reys  ab  goy  rasevests. 

J'ai  relevé  encore  un  assez  gfànd  nombre  de  finales  de  verbes  en  au 
eu,  iu,  dans  les  documents  inédits,  publiés  par  Pr.  Bofarull  (tome  XIII), 
d'après  des  manuscrits  de  la  fin  du  XIV  siècle  ou  du  XVe,  et  même  dans 
l'édition  des  mémoires  du  roi  Pierre  d'Aragon  ;  mais  il  serait  fastidieux 
de  les  citer  ici.  Je  crois  cependant  devoir  signaler  deux  issages  de  la 
traduction  catalane  de  la  Doctrina  de  ben  parlât,  publiée  dans  les  Mémo- 
rias  delà  Academia  debuenas  tétras  de  liarvlnna  (tome  Il\  d'après  un 
manuscrit  al  parecer,  del  siglo  Mil  ;  âge  ./2'.ii.  On  y  lit  (p.  599)  :  /<cr  lui 
quesapiau  com  degau  respondre ;  el  plus  loin,  même  page:  no  siau 
enganyatz  [noliteseduci),  leçons  qui  paraissent  absolument  inadmissibles 
au  XIII0  siècle,  et  même  au  suivant. 


128  dialectp:s  anciens 

Batle, 
Ja'us  haveni  scrit  altra  vegadaque  douasse  tz  un  capbreu que 
vos  teniu  en  forma  publiea  a  frare  Bn  Blanch,  per  ço  com  nos 
volem  que'l  dit  capbreu  estiga  a  Bajoles  ';  e  vos  aço  no  havetz 
volgutfer,  menys  presant  lo  nostre  manament  e  la  pena  dels 
d.s  que'us  havem  posada,  e  par  que  no  conexeu  senyor.  Per  ço 
a  vos  dehim  e  manam  sotz  pena  de  cinchcents  sol.  guanya- 
dors  a  nos,  e  encara  sotz  lo  sagrament  e  homenatge  de  la 
feeltat  que  a  nos  sotz  tengut  e  obligat,  que  de  continent,  vista 
la  présent,  donetz  al  dit  frare  Bernât  Blanc  lo  capbreu  que 
ja'us  havem  feyt  saber,  lo  quai  ell  vos  dira:  certificant-vos 
que  si  aço  no  fetz  de  continent,  que  nos  vos  farem  levar  les 
pênes  e  la  batlia,  o,  si  rahons  justes  havetz  que  aço  no  deiats 
fer,  que  dins  spay  de  vin.  dies,  comptadors  après  que  la  pré- 
sent vos  sera  presentada,  les  haiatz  presentades  davant  nos. 
Scrita  en  Barchna  sotz  nostre   sagell  secret  a  xx[ii]j  de  giner 

[MCCC  lxxxI  .   (  Archives  des  Pyr.-Or.  —  Notule  de  Jacques  Salvet, 

notaire  de  Perpignan,  ann.  1380,  f'6). 

A  côté  des  deux  formes  diphthonguées  teniu  (vous  tenez) 
el  runexeu  (  vous  connaissez  ),  se  trouvent  les  formes  ancien- 
nes donassetz,  havetz,  sotz,  donetz,  fetz,  deiatz  et  haiatz  ;  il  en 
est  de  même  dans  les  autres  documents  catalans  jusqu'à  Tan 
1440  ou  1450  environ. 

Il  y  a  un  second  exemple  de  la  forme  au  dans  une  lettre 
écrite  de  Cervera,  le  8 novembre  1385,  par  Pierre  de  Fonollet, 
tils  d'André  de  Fonollet,  vicomte  d'ille  et  de  Canet,  à  qui  son 
père  avait  fait  don  de  la  ville  d'ille  lors  de  son  mariage  avec 
Constance  de  Proxida  : 

A!  molt  honrat  senyer  e  car  amich  En  Brg  d'Ardena. 

S . •  1 1  \ . ■  i ■  r  car  amich,  sapiats  que  jo  teramet  la  carta  que'l 
bescomte  me  a  fêta  per  la  possesio  del  loch  d'Ila.  Per  que  jo 
vu!  que  vos  prengats  possecio  del  loch  d'Ila  e  homenatge  de 
tots  l<i-  homens,  <•  prech  \<>^  que-u  fasau  -  be  e  deligentment, 

1  Bajoles,  commanderie  de  l'ordre  de  l'Hôpital,  en  Huussillon.  à  3  kil.  à 
l  est  <i.'  Perpignan,  en  lace  du  lieu  de  Bonpas,  situé  de  l'autre  cou'-  de  la 
ri\  ici'c  do  la  Tel. 

-  Je  n'ai  pas  aujourd'hui  sou^  I  is  yeux  le  registre  du  notaire  où  j'ai 
trouvé  la  lettre  originale  de  P    de  Fonollet,  mais  je  suis  sur  de  la  iidélitti 


ETUDES    SUR    LA     LAKGUE    CATALANE  129 

e  prech  vos  que,  vista  la  présent,  vos  e  (sic)  donets  bon  re- 
capte. Si  degunes  coses  volets  que  jo  fer  puxa,  som  ha  vostro 
plaer.  Scrita  ha  Servera  ha  vin.  de  noembre,  sotzscrita  de 
ma  mea  e  segellada  ab  mon  segell. 

P.  de  Fonollrt. 
(Notule  de  Bernard  Borgua,  notaire  à  Ule,  ann.  138ô.) 

Les  exemples  sont  plus  nombreux  en  1390;  et  d'abord,  dans 
une  lettre  écrite  d'Avignon  le  31  janvier,  par  un  Catalan  pro- 
bablement Barcelonais  ',  à  propos  d'un  procès  du  clerc  Pierre 
de  Camos  contre  Bernard  Catala,  chanoine  d'Elne,  sur  la 
perception  des  revenus  de  l'église  rurale  de  Saint-Michel 
de  Purques,  située  près  de  Canet,  enRoussillon.  L'original  de 
cette  lettre  est  joint,  dans  le  registre  d'un  notaire,  à  la  trans- 
action faite  à  ce  sujet  le  25  mars  1390,  et  la  copie  du  notaire 
est  exactement  conforme  à  l'original.  Pour  les  13  verbes  à  la 
seconde  personne  du  pluriel  que  l'auteur  a  employés,  il  y  en 
a  4  avec  la  forme  diphthonguée  et  9  avec  la  forme  ancienne 
ou  provençale. 

Honorabili  viro  domino  Bernardo  t'athalani  canonico  Elnensi. 

Mossenyer  En  Bernai. 
Sapiats  que  jo  he  près  a  dens  lo  vostre  fet  ab  En  Camos. 
vostre  adversari,  et  promet-vos  en  fe  que  jo  he  haut  prou 
affer  a  medurar-lo,  que  sapiau  que  ades  deya  que  ho  faria, 
ades  deya  que  no.  Pero,  jo  he  tant  fet,  axi  que  lo  pletde  Sent 
Miquel.  et  lo  plet  del  auditor  de  la  cambra  sobre  la  citacio,  e1 
lo  plet  de  la  canongïa  vostre  sien  finits,  et  que  de  qui  avant 
no  s'en  parle  plus  :  e  vos.  que  de  présent  li  agats  desemperar 


de  ma  copie,  faite  il  est  vrai  à  une  époque  où  la  question  de  la  mutation 
d'abz  en  au  ne  me  préoccupait  guère.  La  leçon  fatau  (pour  fassau),  en 
138ô,  ne  saurait  être  douteuse  après  les  exemples  de  1:580.  La  lettre  est 
d'ailleurs  écrite  avec  assez  de  négligence,  et  il  faut  lire  tramet  (  au  lieu 
<ie  teramet  ;  plus  loin,  vos  hi  donets  (au  lieu  de  e),  vostreplaer  (au  1.  de 
vostro),  son  (au  1.  de  som).  —  J'ai  revu  depuis  l'original  de  ce  docu- 
ment, dont  le  texte  est  exactement  celui  donné  ci-dessus]. 

1  Cette  supposition  est  suggérée  par  certaines  formes,  telles  que  voslm. 
presos,  las  despeses.  déjà  assez  communes  à  celte  époque  en  Catalogne, 
mais  beaucoup  plus  rares  en  Roussillon.  La  formel  au  lieu  de  e  esi 
d'ailleurs  extrêmement  rare  en  catalan  après  le  XIII"  siècle. 


130  DIALECTES    ANCIENS 

liberalment  lo  dit  benifet  de  Sent  Miquel,  etque'l  li  lexets  pos- 

seir  pacificament.  Encare  mes,  que  li  agats  a  donar  de  présent 

xxv.  ilorins  d'Arago,  per   les  messions  de  les  scriptures  que 

ha  haudes  a  ffer  en  lo  dit  plet,  e  lo  dit  Camos  vos  remet   tots 

los  fruyts  que  vos  aveu  presos  dcl  dit  benifet  de  Sent  Miquel, 

e  totes  les  despeses,  que-y  ha  fêtes  ;  empero,  que  vos  siatsten- 

jiit  de  pagarla  vagant  del  dit  benifet,  si  no's  es  pagade.e  los 

altres  carrechs  qui-y  son  venguts  en  lo  temps  que  vos  rehebiets 

los  fruyts,  e  aço  es  rahonable  assats,  a  mon  semblant.  Per  que, 

si  lo  cor  vos  hi  va  lie  si  vos  plau,   trametets  decontinent  los 

dits  xxv.  florins,  e,  con  hic  sien,  si  lo  dit  Camos  vol  fer  e 

fermar  les    coses   demunt   dites,   abans  que  n'age  diner  ne 

mala,  el  ho  fermara,  si  no,  james  no'n  haura  mala,  e  promet 

vos  que  jo-y  sere  be  cautelos.  En  aquest  pas,  die  vos,  senyer, 

en  bona  fe,  segons  que  diu  lo  dit  Camos,  ja  havia  fêta  la  exe- 

cutoria  sobre  la  sentencia  per  vos  fer  pagar  tots  los  fruyts  de 

.1111.  ho  .v.  ayns  e  mes,  que  aveu  presos,  e  las  despeses  dcl  plet 

del  benifici,  e  puys  del  plet  de  la  citacio,  e  que  are  ne  scapeu 

per  .xxv.  ilorins.  Gran  gracia  es  aquesta,  a  mon  semblant,  e 

axi  no'us   hi  trigets,  car  [>cr  aventura    penedir  s'en   poria  si 

guayre  trigavets.  Deus,  senyer,  sia  en  vos.  Scrifa  en  Avinyo 

a   xxxi.  de  janer. 

G-.  Borrii  i  .  vostre  procurador, 

licenciât  m  décrets. 

(Archives  des  Pyr.-Or.)  Notule  de  Jean  Missô,  notaire  d'Elne, 
ann.  1390.) 

Cette  même  année  1390  fournit  deux  autres  exemples  dans 
des  textes  déjà  publiés  dans  la  Revue  des  langues  romanes 
(toin.  VI),  l'un  dans  une  lettre d'Arnau  d'Éryll,  écrite  de  Bar- 
celone le  9  niai  1390  :  e  que  ereu  en  volentat  de  acordm 
(pag.  363  :  l'autre,  du  même  personnage,  datée  du  25 juin  sui- 
vant :  no  ksmaginau  sino  a  esvair  lo  temps  (pag.  373). 

Il  en  existe  un  dernier  exemple  dans  une  lettre  du  roi  Mar- 
tin d'Aragon  écrite  au  procureur  royal  de  Roussillon  et  Cer- 
dagne,  en  date  de  Çaragoça  a  xnu.  dies  de  fuliol  del  any 
m.ccc.xcviiii.  ei  dont  l'original  existe  aux  archives  des  Pyré- 
nées-Orientales B  205  .On  v  lit,  à  propos  de  l'acquisition 
d'un  certain  local  : 


ETUDES    SUR    LA    LANGUE    CATALANE  131 

E  no  fom  informât*  que  l.o  dit  alberch  valgues  tant  com  vos  nos 
haveu  fetsaèer. . . . 

D'après  ces  citations,  il  est  évident  qu'à  partir  de  l'an  1400, 
la  forme  diphthonguée  étant  devenue  à  peu  près  générale 
dans  la  langue  parlée,  on  pourra  découvrir  dans  les  textes 
catalans  beaucoup  de  cas  de  la  2e  personne  du  pluriel  en  au, 
ni,  iu;  mais  je  les  ai  vainement  cherchés  *  et  je  n'en  ai  pu  re- 
lever aucun  autre  exemple  avant  Tannée  1420,  où  Ton  trouve, 
dans  une  lettre  écrite  de  Cervera,  la  forme  haveu  au  milieu  d'au- 
tres formes  en  ats,  ets,its,  et  dans  une  autre  de  la  même  année, 
écrite  de  Barcelone  par  un  Sicilien,  avec  la  2e  pers.  toujours 
en  diphthongue  :  vullau  (  deux  fois),  yordeu,  scriviu,  estoyeu 
(Revue  des  langues  romanes,  t.V,  p.  282,  283). 

Ce  dernier  exemple  de  l'emploi  exclusif  de  la  forme  en 
diphthongue  est  fort  remarquable;  et,  quoique  les  finales  en  au, 
eu,  iu,  deviennent  ensuite  de  plus  en  plus  fréquentes,  on  ne 
pourrait  guère  citer  d'autres  exemples  de  leur  emploi  ex- 
clusif et  sans  mélange  dans  un  même  document,  jusqu'à  l'an 
1435  environ.  A  partir  de  cette  époque,  la  forme  nouvelle 
de  la  2e  pers.  du  pluriel  entre  en  plein  dans  la  langue  litT.  - 
raire  ou  classique  comme  dans  la  langue  parlée,  on  peut  le 
reconnaître  par  les  rimes  d'Ausias  Mardi  ;  mais  les  exemples 
de  la  forme  primitive  se  rencontrent  encore  à  tout  instant  dans 
les  manuscrits  originaux  pendant  tout  le  XV"  siècle,  et  même 
dans  les  vingt  premières  années  du  XVIe. 

A  quelle  régionfaut-il  attribuer  l'origine  de  la  mutation  que 
je  viens  d'étudier?  En  ce  qui  concerne  la  diphthongaison  des 
finales  ats,  ets,  its,  ots,  les  documents  prouvent  qu'elle  s'est 
produite  simultanément  dans  la  Catalogne  et  dans  le  Rous- 
sillon,  et  qu'elle  existait  déjà  dans  la  langue  catalane  à  l'épo- 
que où  elle  fut  introduite  dans  les  îles  Baléares  et  dans  le 
royaume  de  Valence.  Quant  à  la  diphthongaison  de  la  seconde 
personne  du  pluriel,  elle  est,  dans  mon  opinion,  originaire  de 
Barcelone,  et  l'on  a  pu  remarquer  que  presque  tous  les  exem- 


1  J'en  ai  relevé  d'autres  exemples  isolés,  dans  des  écritures  privées  : 
fahieu  en  1396,  et  en  1399,  que's  veia  vos,  si  sou  fret,  o  si  civets,  etc.  Us 
deviennent  plus  fréquents  à  partir  de  1406  dans  des  écrits  de  môme  genre, 
mais  ils  suut  toujours  mêlés  aux  formes  anciennes. 


132  DIALECTES    ANCIENS 

pies  cités  de  1380  à  1420  proviennent  de  documents  écrits  dans 
cette  ville  ou  en  divers  lieux  de  Catalogne.  Le  Roussillon  l'ac- 
cepta par  l'influence  naturelle  qu'exerçait  la  capitale  de  ses 
souverains;  mais  ce  ne  fut  pas  sans  quelque  opposition,  car  on 
n'en  trouve  que  de  rares  exemples  de  1400  à,  1460,  et,  jusqu'à 
cette  dernière  date,  la  majeure  partie  des  textes  roussillonnais 
ou  cerdans  n'emploient  que  des  formes  en  ats,  ets,  its.Ce  fait 
est  surtout  sensible  dans  les  écrits  d'origine  purement  popu- 
laire, dont  la  langue  fut,  en  ce  point  et  sous  beaucoup  d'autres 
rapports,  tout  à  fait  en  retard  sur  la  langue  des  notaires  et  des 
documents  administratifs. Le  Roussillon  a  d'ailleurs  conservé, 
plus  longtemps  et  beaucoup  mieux  que  la  Catalogne,  la  langue 
du  XIVe  siècle,  par  le  simple  usage,  et  sans  doute  aussi  parce 
qu'il  subit  à  un  moindre  degré  l'influence  de  la  vie  intellec- 
tuelle et  des  réformes  littéraires.  C'est  ce  qui  me  paraît  dé- 
montré par  les  faits  et  les  preuves  cités  pour  le  point  particu- 
lier que  je  viens  d'étudier. 

A.LART. 

(A  suivre. ) 


■*~^»~ -■**■- 


DIALECTES  MODERNES 


A  L'AURO 


Lou  fueiage  nais  e  trémolo  : 
Auro,  tu  que  vas  ounte  vos, 
Vers  ffloun  amigo  volo,  volo  : 
Porto-ie  lou  murmur  di  bos. 

Dins  lis  erbo  qu'escarrabiho, 
La  font  cour  en  riban  d'argent  : 
Porto-ie  la  fresco  babiho 
E  lou  rire  di  clar  sourgènt. 

Coume  uno  mar,  verdo  es  la  prado; 
Ta  pas  un  nivo  dins  lou  cèu  : 
LVauceloun  canto  :  à  l'adourado 
Porto  la  cansoun  dis  aucèu. 

De  taco  d'or  dins  l'oumbro  fousoo 
Jogon  coume  de  parpaioun: 


A  LA    BRISE 


Le  feuillage  naît  et  tremble  ;  —  brise,  loi  qui  vas  où  tu  veux, — 
vers  mon  amie  vole,  vole:  —  porte-lui  le  murmure  des  bois. 

Dans  les  herbes  qu'elle  réjoui i.  —  la  fontaine  court  en  ruban 
ù  urgent: — porte-lui  le  frais  i  abil  —  et  le  rire  des  claires  sources. 

Comme  une  mer  la  prairie  est  verte:  —  il  n'y  a  pas  un  nuage 
dans  le  ciel; —  l'oisillon  chante:  à  l'adorée  -  porte  la  chanson  des 
oiseaux. 

Des  taches  d'or   dans    l'ombre   profonde  —jouent  comme   des 


134  DIALECTES    MODERNES 

Porto-ie  l'alenado  tousco 

Dis  oumbrun  mescla  de  raioun. 

Sus  li  draiôu  vène  d'entendre 
Un  galant  brut  de  pichot  pas  : 
Porto-ie  lou  parauli  tendre 
Di  paréu  que  se  parlon  bas. 

D'abriéu  l'aubo  suavo  arroso 
Li  flour  presso  d'un  dous  fremin  : 
Porto-ie  lou  peri'uni  di  roso 
E  l'anio  di  blanc  jaussemin  . 

Duerbe  sa  porto,  intro  tout-d'uno  ; 
Vai  d'aise,  que  n'ague  pas  pou  ! 
Caresso  si  trenello  bruno 
E  t'ai  un  poutoun  sus  soun  cou  ! 

Teodor  Aubanel. 
(Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhône.) 

papillons  :  —  porte-lui  la  tiède  haleinée  —  des  ombrages   mêlés 
de  rayons. 

Sur  les  sentiers,  je  viens  d'entendre  —  un  bruit  charmant  de 
petits  pas:  —  porte-lui  les  tendres  paroles  —  des  couples  qui  se 
parlent  bas. 

D'avril  l'aube  suave  arrose — les  fleurs  prises  d'un  doux  frisson: 
—  porte-lui  le  parfum  des  roses  —  et  l'âme  îles  blancs  jasmins. 

Ouvre  sa  porte,  entre  d'un  élan  ;  —  va  doucement,  qu'elle  n'ait 
pas  peur!  —  Caresse  ses  tresses  brunes  —  et  fais  un  baiser  sur 
son  cou  ! 

Théodore  Aubanel. 


-r**>tH 


LA  FIGUEIRA 


Quand  tourna  lou  cel  se  fai  d'or 
E  que,  vermelha,  enramelada, 
La  jouina  Prima,  capelada 
De  flous  e  de  flous  sus  soun  cor, 
Kscabarta  barbasta  e  tor 
Emb  una  caudeta  alenada, 
A  la  premieira  bresilhada 
Que  canta  que  river  es  mort, 
La  Figueira,  gloria  de  Tort, 
Belament  s'es  derevelhada. 

Desengrepesits,  sous  chimels, 
Couma  de  brasses  de  droulletas. 
Que  cargoun  sas  plenas  dournetas, 
S'enaui'oun  lisses,  blanquinels, 
As  poutous  das  raisses  nouvels. 
Fresinantas,  freulas  aletas. 
Pioi  espelissoun  las  flolhetas  : 
Diriàs  pas  de  poulits  aucels, 
D'issams  joucats  e  jougarels 
De  capignousas  parruchetas? 

LE  FIGUIER 


Quand  à  nouveau  le  ciel  se  fait  d'or  —  et  que,  vermeil,  enra- 
melé,  —  le  jeune  Printemps,  coiffé  —  de  fleurs  et  dos  fleurs  sur 
son  cœur,  —  chasse  givre  et  gelée  blanche — avec  une  tiède  haleine, 
— au  premier  gazouillis — qui  chante  que  l'Hiver  est  mort,  —  le 
Figuier,  gloire  du  jardin, —  s'est  doucement  réveillé. 

Dégourdis,  ses  rameaux,  —  comme  des  bras  de  fillettes — qui 
chargent  [sur  leur  tête]  leurs  cruchettes  pleines. — s'élèvent  lisses, 
blanchâtres, —  aux  baisers  des  rayons  nouveaux. —  Frémissantes, 
frêles  petites  ailes. — éclosent ensuite  les  jeunes  feuilles:  — nediriez- 
vous  pas  de  jolis  oiseaux.  — des  essaims  juchés  et  joueurs,  —  de 
querelleuses  perruches  ? 


13Ô  DIALECTES   MODERNES 

La  qu'empimpara  lou  fiolhun, 

L'avivada  Sasou-fadieira, 

0  !  couma  vestis  la  Figueira 

Emb  un  clar,  satinous  trenun 

De  sourel  e  de  nouvelun, 

—  Poumpousa  rauba  sens  parieira  !  - 

Es  per  acô  que,  festadieira, 

Coufla  de  joia  e  de  perfum, 

Vôu  s'escarcalhà  'u  libre  lum 

L'ufanousa  reina  vergieira  ! 

Quand  vesès  lou  blat  canelà, 
Long  de  las  brancas  imourousas 
Las  flous  carnudas  e  courousas 
Acoumençoun  de  boudenflà  : 
Se  res  ven  las  despecoulà, 
N'i  'aura  de  Figas!  —  audourousas, 
Gentas^poupetas  melicousas, 
Qu'un  lach  ambrenc  vai  ne  coula 
A  dégoûts,  per  assadoulà 
La*  bestioletas  tetadousas. 

E  pauc  à  pauc,  de  rescoundous, 
Jout  lou  grelhage  que  roundela 


Celle  qui  atourne  la  feuillaison,  —  l'active  Saison-fée.  —  oh! 
comme  elle  vêt  le  Figuier  —  d'un  clair  et  satiné  tissu  —  de  so- 
leil et  de  sève,  —  pompeuse  robe  sans  pareille  !  —  C'est  poar  cela 
que,  festoyante.  —  pleine  de  joie  et  de  parfum,  —  elle  veut  s'étaler 
à  la  libre  lumière,  la  superbe  reine1  du  verger.' 

Quand  on  voit  canneler  -  le  blé, —  le  long  des  branches  flexibles 

—  les  fleurs  charnues  et  fraîches  —  commencent  à  gonfler: —  si 
rien  ne  vient  les  détacher.  —  il  y  en  aura  des  Figues  !  odorantes, 

—  gentilles  mamelles  mielleuses  —  dont  un  lait  ambré  va  cou- 
ler—  goutte  à  goutte,  pour  gorger —  les  mignonnes  bestioles  té- 
teuses. 

Et  peu  à   peu,  en  cachette, — sous   le  feuillage  qui   arrondit  — 


1   Figuier  est  féminin  en  languedocien.  —  -  S''  former  en  tuyau. 


LA    FIGUEIRa  137 

L'esrnerauda  de  sa  dentela 
En  de  ventalhs  amagadous, 
Vairoun  en  boudenflant  las  flous  : 
NTa  que  soun  de  seda  roussela  ; 
N'i'a  d'una  teneha  palinela; 
D'autras  passoun,  emb  soun  blau  dous, 
La  nioch,  quand  tremudaen  velous 
Soun  azur.priound  que  s'estela. 

Ara,  Juliet  cauma  lou  cel, 
Lou  mes  aurin,  lou  mes  segaire  ! 
E  trioumflant,  l'Aubre  à  Teselaire 
Luseja  que  fai  parpantel!    . .  . 
L'envertoulhoun  d'un  laugè  vel 
Brounzinarel  e  varalhaire, 
Vouletous  venguts  de  tout  caire; 
Tant,  que  lou  que  s'acosta  d'el 
Tes  avis,  qu'emprés,  quauqu'abel 
Estuba  e  fai  zounzounà  Taire  : 

Car  s'apound  à-n-aquel  sascal 
L'alenada  mola  e  sucrada 
De  eada  Figa  amadurada, 
Qu'entredoubris  au  gai  dardai 


i'émeraude  de  sa  dentelle —  en  éventails  protecteurs.  —  elles  vi- 
rent (se  colorent) ^en  se  gonflant,  les  fleurs:  —  il  y  en  a  qui  sont  de 
soie  rousse;  —  il  y  en  a  qui  sont  d'une  teinte  pâle, —  d'autres  sur- 
passent eu  bleu  doux — la  nuit,,  quand  elle  change  en  velours — son 
azur  profond  qui  sétoile. 

Maintenant,  juillet  chauffe  le  ciel,  —  le  mois  doré,  le  mois  fau- 
cheur! —  et,  triomphant,  l'Arbre  au  rayonnement  —  reluit  a 
éblouir!....  — Ils  l'enveloppent  d'un  léger  voile  — bruissant  et 
mobile,--  les  petits  vols  venus  de  tout  côté;  —  si  bien,  qu'à  celui 
qui  s'en  approche  —  il  semble  que,  pies  de  la.  quelque  ruche  — 
parfume  el  fait  bourdonner  l'air  ; 

Car  se  joint  à  ce  murmure  —  l'haleine  molle  et  sucrée  —  de 
chaque   Figue  mûrie.  —  qui   entr'ouvre  au  gai  darâoiement  —    son 


138  DIALECTES    MODERNES 

Soun  rire  goustous  e  poulpral. 
--Zou  !  mousca,  abelha  aûroulada  ! 
Zou  !  dau  valat  e  de  la  pradaj 
De  la  garriga  e  dau  trucal, 
Acouïtàs-vous  !  d'amount,  d'aval  : 
—  Es  l'oura  de  la  buscalhada  ! .  .  .  . 

MANDADIS 

A  Madoumaisela  Leountina  Goirand 

Tus  que  verdeges  en  Aies, 
Tus  que  taredoulenta  oumbrina 
Noste  grand  lassige  embelina, 
Voudras  lou  graciousà,  s'adés, 
Per  bêla  Figueira  agent  près 
La  felibressa  Leountina, 
A  soun  entour  g  ni  ne  ha  e  roundina, 
Lou  Foussoulou  dau  bord  dau  Les  ?. 


Mas  de  la  Lauseta  ;  -  -  bèu  mes 
nises  e  de  seg; 

Mount-peliè,  juliet  1877, 


De  nises  e  de  sega  aurina. 


Lydia  de  Ricaiid. 
(LaiiguedocieD,  environs  de  Montpellier.) 

rire  savoureux  et  purpurin.  —  Sus  1  mouche,  abeille  alerte!  — 
Sus!  du  fossé  et  de  la  prée,  —  de  la  garrigue  et  de  la  hauteur,  — 
hâtez-vous  !  d'amont,  d'aval  :    -  c'est  l'heure  de  la  butinée!    . .  . 

ENVOI 

A    MADEMOISELLE    LÉONTINE    GOIRAND 

Toi  qui  verdoies  en  Alais,  —  toi  dont,  l'ombre  embaumée  — 
charme  notre  grande  lassitude,  —  voudras-tu  bien  l'accueillir  —  si 
maintenant. — pour  beau  Figuier  ayant  pris  la — félibresse Léontine, 
—  autour  d'elle  il  guigne  et  bourdonne.  —  le  Frelon  du  boni  du 
Lez?... 

—  Mas  de  l'Alouette  ;  beau  mois  —des  nids  et  de  la  moisson 
dorée. 

Montpellier,  1877. 

Lydie  de  Ricard 


CANSOUN1, 

AU  BAROUN   CARLES  DE  TOURTOULON 


Mai,  din  soun  alenada, 

Ver  lou  Ciel 
Manda  la  rampelada 
De  l'aucel. 
Lous  jours  se  soun  grandits, 
Lou  bèu  sourel  s'espandis, 
E  dins  l'erba  que  flouiîs 
L'aucel  fai  soun  nis. 

La  natura  es  en  testa  ; 

Oh  ! bèu  jour  ! 
1er  era  la  tempesta, 

loi  l'amour. 
Lou  bramaire  ventàs 
Fouita  pas  pus  lou  bartàs, 
Buta  pas  lou  nivoulàs  ! .  .  .  . 


Es  foundut  lou  glas. 

Vese  sus  la  branqueta, 
Sus  lou  grel, 

CHANSON 
AU    BARON     CH.    DE    TOURTOULON 

Dans  le  souffle  de  son  haleine,  mai,  —  vers  le  ciel  —  fait,  monter 
le  murmure  de  l'oiseau.  —  Les  jours  croissent,  —  le  beau  soleil 
étale  ses  rayons.  —  et  dans  l'herbe  qui  s'émaille  de  fleurs  — 
l'oiseau  bâtit  son  nid. 

La  nature  est  en  fête.  —  Oh!  beau  jour! —  Hier,  soufflait  encore 
la  tempête  ;  —  aujourd'hui  [tout  respire]  l'amour.  —  Le  vent, 
qui  mugit  et  sout'tle  [  du  nord  j,  —  ne  fouette  plus  la  ronce,  —  ne 
pousse  [dus  le  gros  nuage...  .  —  Les  glaçons  sont  fondus. 

J'aperçois  sur  la  branche,   —   sur  le  rameau.  —  s'épanouir  la 

1  Er  dau  Porta-aiya  de  Mistral 


140  DIALECTES    MODEKNES 

S'espandi  la  floureta 

Au  sourel  ; 
D'amount,  dau  ciel  d'azur. 
Davaladins  un  rai  pur 
Lou  clar  que  tapa  l'escur. 
Oh  !  tems  de  bonur  ! 

Lou  roussighôu  bresilha 

Soun  pieu-pieu  ; 
Un  councert  d'armounia 

■    Vola  à  Dieu. 

De  Tauba  au  calabruu. 

Couma  de  l'encens  lou  fum. 

Amount,  vers  l'eterne  lum. 

Monta  un  dous  prefum. 

Oh  !  sasoun  benesida  !.-... 

Lou  printems 
Reviscoula  la  vida, 

Rend  eountents  ; 
Pertout  s'entend  cantà, 
L'aire  es  remplit  de  clartat, 
E  lou  l'elibre  espantat 
Raiva  de  bèutal . 

Couma  un  issam  d'abelhas 

Brounzinant, 
Entende  à  mas  aurelhas 

fleurette  —  aux  rayons  du  soleil.  —  De  là-haut  du  ciel  Meu  — 
descend,  dans  un  rayon  limpide,  —  la  lumière  qui  chasse  les  té- 
nèbres. —  Oh  !  temps  heureux  ! 

Le  rossignol  gazouille  —  sou  chani  :  —  un  concert  harmonieux 
—  monte  à  Dieu.  —  De  l'aube  au  crépuscule,  — comme  la  fumée 
de  l'encens,  —  là-haut,  vers  l'éternelle  lumière.  —  s'élève  un  doux 
parfum. 

Oh!  saison  bénie!  —  Le  printemps  —  ranime  la  vie,  —  rend 
joyeux.  —  Partout  s'entendent  des  chansons;  —  l'air  étincelle  de 
lumière,  —  et  le  félibre  enchanté —  rêve  de  beauté. 

Comme   une  ruche   d'abeilles  —  qui  bouillonnent,  —  j'entends 


CANSOUN  141 

Voste  cant  ; 
Felihre  majourau, 
"Voste  cantà  magistrau, 
Qu'en  res  a  pas  soun  egau, 
Sèmpre  me  fai  gau. 

Ce  qu'au  jour  d'ioi  rà'agrada 

Jout  lou  ciel, 
Es  pas  la  bresilhada 

De  l'aucel; 
Ni  l'astre  qu'a  lusit,1  : 
Ce  <[ue  me  porta  plesi 
Es  voste  cant  benesit 

Qu'aime  tant  d'ausi. 

Aquel  cant  es  la  joia, 

Es  l'amour  ! 
Zou  dounc,  troupa  galoia,  ! 
Zou  !  toujour. 
Cantàs  voste  pantai. 
Es  vengut  lou  mes  de  mai, 
Roussignolets  toujour  gais, 
Cantàs  sempre  mai. 

A.  Roux. 

Lunel-Viel,  10  d'abrieu  1877. 

(Languedocien,  Lunel-Viel  et  ses  environs 

—  vos  chansons.  —  félibre  majoural  ;  —  voire    chant  magistral,  — 
que  rien  n'égale,  —  sans  cesse  ine  fait  plaisir. 

Ce  qui  m'agrée  le  plus  aujourd'hui  —  sous  le  ciel,  —  ce  n'est 
ni  le  gazouillement,  —  de  l'oiseau,  —  ni  l'astre  resplendissant  de 
lumière;  —  mais  ce  qui  me  porte  le  plus  de  plaisir,  — ce  sont 
vos  chansons,  —  que  j'aime  d'entendre. 

Ce.  chant  est   la  joie;  —  il  est  l'amour.  —  Allez!  troupe  gaie: 

allez  toujours  !  —  Chantez  votre  rêve —  Le  mois  de  mai 

est  venu:  —  rossignols,  toujours  contents,  chantez  sans  cesse. 

A.  Houx. 

1  Le  t  tirial  des  substantifs  :  darLat,  buuntat,  etc.;  ainsi  que  celui  du 
participe  passé  :  lusit,  benesit,  aimai,  ne  se  fait  pas  sentir  à  Lunel-Vi<'l. 

11 


A  UN  A  ROSA    MUSTIGA 


Riereta  avall  baixava  una  rosa, 
Riereta  amunt  volava  un  aucell  : 

—  Hont  vas,  del  jardi  la  flor  mes  hermosa, 

Mon  amor  mes  >>ell  ? 

—  Abuy  al  umplh'mon  got  de  rosada, 

Lo  torrent  me  deya  tôt  besantme  '1  front  : 
Vinat  en  ab  mi,  y  en  son  doll  bressada 
Vaig  à  seguir  mon. 

Innocenta  flor  que  del  troncb  t1  esqueixas 
Ay!  aqueixos  marges  be  'ls  anyorarâs, 
Buscarâs  les  ditxes  del  edem  que  deixas 
Y  dol  trobarâs. 

Ella  entre  les  ones  anava  y  venia, 
Vestida  d'escumes,  de  perles  y  d'or, 
Per  un  bes  que  dava  cent  besos  rebia 
Cent  besos  d'arnor. 

Mes  ja  d'una  à  una  li  cauhen  les  tulles, 
Y  migra  son  cor  neulia  mortal. 

A  UNE  ROSE   FANÉE 

Ruisseau  en  aval  descendait  une  ro>e.  —  Ruisseau  en  amont  vo- 
lait un  oiseau: — Où  vas-tu,  du  jardin  la  fleur  la  plus  belle, —  mon 
amour  le  plus  beau  ? 

—  Aujourd'hui,  en  remplissant  mon  vase  de  rosée,  —  le  lorrenl 
me  disait,  tout  en  baisant  mon  front  :  — Viens-t'en  avec  moi  et,  en 
son  sein  bercée,—  je  vais  voir  le  monde. 

Innocente  fleur  qui  du  tronc  te  sépares.  —  Ali  !  ces  bords,  tu 
les  regretteras  bien. — Tu  chercheras  les  joies  du  ciel  que  tu  laisses, 
—  et  tu  rencontreras  le  deuil . 

Elle,  entre  les  ondes,  allait  et  venait, —  vêtue  d'écume,  de  perles 
et  d'or  ;  —  pour  un  baiser  qu'elle  donnait,  elle  recevait  cent  baisers 
d'amour. 

Mais  déjà,  une  à  une,  elles  tombent,  ses  feuilles, —  et  son  cœur 


LOU     TAIS    E     LOU     REINARD  143 

Y  l'aygua  rebuja  ses  seques  despulles 
à  vora  un  sorral. 

Riereta  avall  moria  una  rosa, 
Riereta  amunt  sospira  un  aucell: 
«  Aui  't  haurà  cullit,  ô  lior  amorosa, 
De  mon  cor  novell  ?  » 

Jo  so  Faucellet,  pagesa  aixerida, 
Que  't  deya  :  No  ni  vajas  à  viure  à  eiàtât, 
La  rosa  ay  !  ets  tu,  la  rosa  florida 
Que  '1  mon  lui  esfullat! 

J.  Verdagueu  ([ 

(Cuialan . 


jpe\ 


pst  déchiré  d'un  ennui  mortel, —  et  l'onde  repousse  ses  sèches  dé- 
pouilles —  au  bord  des  sables. 

Ruisseau  en  aval  mourait  une  rose.  —  Ruisseau  en  amont  sou- 
pirait un  oiseau  : — Qui  t'aura  cueillie,  ù  fleur  amoureuse — de  mon 
cœur  nouveau  ? 

Je  suis  l'oiselet,  paysanne  gentille,  —  ne. va  pas  vivre  à  la  cité. 
—  La  rose,  c'est  toi,  —  la  rose  fleurie, — que  le  inonde  a  effeuillée  ! 

II.  VjSRDAGUiiR,  prêtre 


LOU  TAIS  E  LOU  REINARD 

FABLO 

Lou  Tais  e  lou  Reinard  vivou  souvent  en  guerro  : 
Lou  prumier,  qu'a  d'arpiots  pounchuts  coumo  de  crocs, 
Sens  trop  trima,  se  croso  dins  la  terro 

LE  BLAIREAU  ET  LE  RENARD 

FABLE 

Le  Blaireau  et  le  Renard  sont  souvent  en  guerre:— le  premier, 

qui  a  des  griffes  pointues  connue  îles  crocs,  —  sans  trop  s'escrimer 


144  DIALECTES    MODERNES 

Un  trauc  loung  e  prlound  entremitanl  îles  rocs. 

Lou  Reinard,  qu'es  pas  tant  cavaire, 
Sens  respeta  lou  drech  de  la  prouprietat, 
Sens  paga  cap  d'endemnitat, 
Se  rend  mestre  de  soun  repaire. 
D'aqui  la  brego  nais,  e  sus  sous  amalucs 
Lou  qu'a  drech,  s'es  pus  flac,  arrecasso  lous  trucs. 

Un  Tais  amb  un  Reinard,  après  uno  batalho 

Dount  s'es  pas  counescut  lou  sort, 

Faguerou'  ntr'eles  un  acord. 
Lou  prumier  al  segound  cedet  soun  escoundalho, 
E  l'autre  ambé  serment  proumetet  en  retour 
D'estre  soun  defensou,  la  neit  coumo  lou  jour. 
Lou  Tais  a  bouno  dent,  mais  sa  cambo  es  menudo  ; 
Aqueste  sentissiô  qu'aviô  besoun  d'ajudo  : 
N'ero  pas  pla  galhard,  éro  vielh. .  .  Lou  Reinard, 
Qu'ero  metge,  i  diguet:  «  Vous  farai  per  inouu  arl 
Viéure  encaro  loung  teins  :  quand  aurés  la  coulico, 
Anarai  dins  lou  bosc  cerca  de  broutounico 

De  mel,  se  s'es  enraumassai  : 

De  trescalan,  se  ses  Massai  : 

E  pei  sabi  sus  la  mountagno 


se  creuse  dans  la  terre  —  un  trou  long  et  profond,  au  milieu  des 
rocs.  —  Le  Renard,  qui  n'est  pas  aussi  lion  mineur,  —  sans  respec- 
ter les  droits  de  la  propriété,  —  sans  payer  nulle  indemnité,  —  se 
rend  maître  de  son  repaire  :  —  de  là  la  guerre  naît,  et,  sur  ses 
hanches,  —  celui  qui  a  droit,  s'il  est  faible,  reçoit  les  coups. 
Un  Blaireau  et  un  Renard,  après  une  bataille  —  dont  on  n'a  pas 
connu  le  sort,  —  firent  entre  eux  un  accord  :  —  le  premier  au  se- 
cond céda  sa  cachette,  —  et  l'autre,  avec  serment,  lui  promit  en  re- 
tour—  d'être  son  défenseur,  la  nuit  comme  le  jour.  —  Le  Blaireau  a 
bonne  den  i.  mais  sa  jambe  est  petite.  —  Gelui-ci  sentait  qu'il  avait 
besoin  d'aide: — il  n'étail  pas  bien  portant,  il  était  vieux...  Le 
Renard.  —  qui  était  médecin,  lui  dit  :  «  Je  vous  ferai,  par  mon  an. 
—  vivre  encore  longtemps  :  quand  vous  aurez  la  colique,  — j'irai 
dans  le  bois  chercher  de  la  véronique: —  du  miel,  si  vous  êtes  en- 
rhumé ;  —  du  millepertuis,  si  vous  êtes  blessé  :  —  et  puis,  je  cou- 


LOU  TAIS     E    LOU    RBINARD  145 

Uno  aigo  que  guéris  subran  touto  magagno  ; 
N'aurés,  cado  mati,  qu'à  ne  beure  un  boun  gloup 
Per  tourna  prouvesit  d'un  apetis  de  loup. 

Ou  sabès,   ai  la  cambo  lesto, 

Sempre  à  vous  servi  sera  presto. 

Dins  lou  traue  pourrés  dourmi  tard  ; 

Anarai  cerca  la  pitanso 

E  n'aurés  la  milhouno  part. 

Sinnou  lou  patte  d'amistanso. 
Lou  Reinard  qu'es,  se  sap,  traite  coumo  Judas, 
Lou  tenguet,  aquel  cop,  per  counserva  la  pas. 
Visquerou,  desempei,  coumo  dous  camarados  ; 

Ensem  passabou  las  vesprados. 

Assetats  su]  pus  naut  truquel, 

Soulets,  jousl  la  capo  del  ciel, 

Parlabou  souvent  de  mouralo  : 

Vouliôu  la  pas  universalo. 

Lou  Tais  abiô  pla  méditât 
Dins  soun  trau  d'ount  sourtis  pas  gaire  ; 
E  lou  Reinard,  grand  barrulaire 
E  boun  oubservatou,  abiô  tout  visitât. 

Erou  dous  proufounds  mouralistos, 

Rettes  coumo  de  jansenistos. 

nais  sur  la  montagne  —■  une  eau  qui  guérit  sur-le-champ  toute  ma- 
ladie :  —  vous  n'aurez,  chaque  matin,  qu'à  en  boire  une  bonne 
gorgée  —  pour  revenir  pourvu  d'un  appétit  dp  Ion  p.  —  Vous  le  sa- 
vez, j'ai  la  jambe  leste;  —  toujours  à  vous  servir  elle  sera  prête.  — 
Dans  le  trou,  vous  pourrez  dormir  tard: — j'irai  chercher  la  pitance, 

—  et  vous  en  aurez  la  meilleure  part. 

Ils  signent  le  traité  d'alliance.  —  Le  Renard,  qui,  on  le  sait,  est 
traître  comme  Judas,  —  le  tint,  cette  l'ois,  pour  conserver  la  paix, 

—  Ils  vécurent  depuis  comme  deux  camarades;  —  ensemble  ils 
passaient  les  veillées.  —  Assis  sur  le  plus  haut  sommet,  —  seuls, 
sous  la  voûte  du  ciel,  —  iis  parlaient  souvent  de  morale.  —  Ils 
voulaient  la  paix  universelle.  —  Le  Blaireau  avait  beaucoup  mé- 
dité —  dans  son  trou,  —  dont  il  ne  sort  guère  ;  et  le  Renard,  grand 
rôdeur  —  et  bon  observateur.  —  avait  visité  tous  les  pays.  — 
C'étaient    deux  profonds  moralistes,  —  roides   <'omme  des  jansé- 


146  DIALECTES    MODERNES 

Tout,  à  soun  sens,  anabo  mal. 
E  vouliôu  del  pople  animal 
Refourma  lous  marrits  usages. 
«  Las  bestios,  disièu  lous  dous  sages, 
Poudriôu  vieure  dins  lou  repaus, 
Se,  coumo  l'home,  à  tout  prepaus, 
Las  vesiam  pas  se  fa  la  guerro.  » 
«  —  Se  la  pas  regnabo  sus  terro 
Coumo  entre  nautres.dis  lou  Tais; 
Mai  n'aurôu  jamai  aquel  biais 
E  serôu  toujour  envejousos, 
Crudelos,  pertant  malurousos. 
Tant  qu'escoutarôu  pas  las  soulidos  lessous 
D'un  mestre  filosofo  e  sabent  coumo  vous.  » 
«  —  Las  vostros  pulèu  »,  —  al  coumpaire, 
Dis  lou  Reinard  per  lou  flata. 
E  ]»ei  se  met  à  li  counta 
D'un  paure  cabrol  lou  desaire. 
Qu'a  vist  per  un  loup  empourta, 
E  lou  desesper  de  sa  maire. 
Lous  crimes  atabé  li  dis 
D'uno  moustelo  e  d'un  pudis  ; 
Dins  uno  cour  aquesto  intrado 
A  sannat  touto  uno  cloucado  ; 


nistes.  —  Tout,  à  leur  avis,  allait  mal,  —  et  ils  voulaient  du  peuple 
animal —  réformes  les  mauvais  usages.  — «  Les  hèles,  disaient 
les  deux  sages,  —  pourraient  vivre  dans  le  repos,  —  si.  comme 
l'homme,  à  tout  propos,  —  nous  ne  les  voyions  pas  se  faire  la 
mierre.  »  —  «  Si  la  paix  régnait  sur  la  terre  —  comme  entre  nous, 
dii  le  Blaireau:  mais  elles  n'auront  jamais  ce  savoir-faire, — et 
elles  seront  toujours  envieuses,  —  cruelles  et  partant  malheu- 
reuses, —  tant  qu'elles  n'écouteront  pas  les  solides  leçons  — d'un 
maître  philosophe  et  savant  comme  vous.  » —  «  Les  vôtres  plutôt», 
au  compère  —  dit  le  Kenard  pour  le  flatter.  —  Et  puis  il  se  met  à 
lui  conter —  d'un  pauvre  chevreuil  le  malheur, —  qu'il  a  vu  par  un 
loup  emporter,  —  et  le  désespoir  de  sa  mère  ;  —  il  lui  dit  aussi  les 
crimes  —  d'une  belette  et  d'un  putois  :  —  dans  une  cour  celle-ci 
entrée  —  a  saigné  toute  une  couvée:   —  dans  un  clapier,  l'autiv 


LOU    TAIS    E     LOU    REINARD  147 

Dins  un  clapas,  l'autre  catiéu, 

N'a  pas  laissât  un  counil  viéu. 

«  —  Meno  sauvajo,  aloubatido  ». 

Dis  lou  Tais  tout  enfurounat, 

«  Diéus  pot  prene  so  qu'a  donnât  ; 

Mais  tus  n'as  pas  dounat  la  vido, 

Per  la  prene  al  paure  bestial 

Qu'estrifo  toun  caissal  brutal. 

As  bosques  e  sus  las  mountagnos. 

Per  t'apastura,  quand  as  fam, 

Sens  prene  à  la  maire  l'efant, 

Mancou  pas  aglands  e  castagno*, 

Arboussos,  sorgos,  racinun, 

Jaissos  e  tout  autre  legun  ; 

Lou  rasim  te  fa  jamai  fauto.  » 

«  —  Quand  la  trelho  n'es  pas  trop  nauto  ». 

Ara  soun  cap  bas,  dis  lou  Reinard, 

Qu'asseguro,  al  noum  d'Hipoucrato, 

Que,  per  l'estoumac  e  la  rato, 

Lou  legun  val  mai  que  la  earn. 

Un  vespre,  qu'à  l'acoustumado 
Charrabou  dejoust  uno  oumado, 
Vesou  dins  l'aire  un  aucelas 


scélérat,  —  n'a  pas  laissé  un  lapin  vivant.  —  «  Race  sauvage,  aux 
instincts  de  loup,  —  dit  le  Blaireau  tonton  fureur  ;  Dieu  peut  pren- 
dre ce  qu'il  a  donné  ;  —  mais  toi,  tu  n'as  pas  donné  la  vie,  — 
pour  avoir  le  droit,  de  la  leur  prendre,  aux  pauvres  animaux  — 
que  déchire  ta  dent  brutale.  —  Au  bois  et  -ur  les  montagnes,  — 
pour  te  repaître,  quand  tu  as  faim.  —  sans  prendre  à  la  mère  son 
enfant.  —  ne  manquent  pas  glands  et  châtaignes,  —  arbouses, 
cormes,  racines,  —  gesses  et  toute  autre  espèce  de  légumes;  —  le 
raisin  ne  te  fait  jamais  faute.  »  —  «  Quand  la  treille  n'est  pas  trop 
haute  », —  avec  la  tète  basse,  dit  le  Renard,  —  qui  assure,  au  nom 
d'Hippocrate,  —  que,  pour  l'estomac  et  la  rate,  —  le-  légumes  va- 
lent mieux  que  la  viande. 

Un  soir  que,  suivant  l'habitude. — ils  jasaient  sous  un  ormeau, — 
ils  voient  dans  l'air  un  gros  oiseau —  qui.  avec  sa  grande  aile  dé- 
ployée,—  parla  cherchait  aventure: —  c'était  un  grand-duc,  un 


148  DIALECTES    MODERNES 

Qu'ambé  sa  grando  alo  espandido 
Per  aqul  courrissiô  bourrido  : 
Ero  un  grand-duc,  un  manias 
De  loua  que  de  carn  fou  sa  vido. 
Tre  lou  veire,  Tais  e  Eteinard 

De  l'oseridassa  ....    Sens  retard, 

El  que  piano  dessus  sa  testo, 
Sus  l'oumado  tombo  d'aploumb . 
s'ausis  lou  bruch  d'uno  batesto  : 

Mais  aquel  bruch  n'es  -aire  Loung 

Lou  graad-duc  reprend  sa  vroulado 
Ami»  uno  paloumbo  est  ri  fado. 

En  L'agantant,  l'aucel  despietadous 
\  faoh  de!  nis  toumba  sous  Aon^  pichous... 
Lou  Tais  e  lou  Reinard  delembrou  sa  mouralo 
En  vejenl  jousl  soun  nas  aquel  manja  goustous  : 
Cadun  pren  soun  aucel,  lou  plumo  e  s'en  regalo. 

Nosi  v^  mouralo  res  noun  \  al 
S'en  pla  parlanl  agissem  mal, 
E  subre  toul  se  fasem,  nautres, 
So  que  blasmam  acô  des  autres. 

Gabriel  Azaïs. 

(Languedocien,  Béliers  el  ses  environs  ) 

scéléral  de  ceux  qui  de  chair  fonl  leur  vie.  —  Aussitôt  qu'ils  le 
voient,  Blaireau  el  Renard  -  se  mettent  à  le  huer....  Sans  re 
i;inl, —  lui,  qui  plant'  au-dessus  de  leur  tète, —  sur  l'ormeau  tombe 
d'aplomb.  —  On  entend  un  bruil  de  batterie,  —  mais  ce  bruil  ne 
dure  pas  longtemps. —  Le  grand-duc  reprend  sa  volée — avec  une 
palombe  ôventrée. 

En  la  saisissant,  l'oiseau  sans  pitié  —  a  l'ait  du  nid  tomber  ses 
doux  petits.  —  Le  Blaireau  el  le  Renard  oublient  leur  morale  — 
en  voyant  sous  leur  nez  ce  manger  ragoûtant  :  —  chacun  prend 
son  oiseau,  le  plume  et  s'en  régale. 

Notre  morale  rien  ne  vaut  —  si,  en  pariant  bien,  nous  agissons 
mal, —  et  surtout  si  nous  taisons  nous-mème  —  ce  que  nous  blâ- 
mons chez  les  autres.  Gabriei    A.zaïs. 

Lnmalou.  ÎU  août  1877. 


BIBLIOGRAPHIE 


Archives  municipales  d'Agen.  —Chartes  (1" série,  118,.)-13'2fy  publiées 
aux  /Vais  du  Conseil  général  de  Lot-et-Garonne,  par  A.  Magen,  secré- 
taire perpétuel  île  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Agen,  et 
G.  Tholin.  archiviste  du  département  —  Villeneuve-sur-Lot,  imprimerie 

de  Xavier  Dtileis.  1870,  in-'r. 

Ce  beau  volume,  qui  témoigne  de  la  libéralité  éclairée  du  Conseil 
généra]  de  Lot-et-Garonne  el  fail  grand  honneur  aux  près  ei  de 
\l  Xavier  Duteis,  renferme,  Kii)  e,liai les.  iloni  39  eulement  en 
langue  vulgaire.  Ces  dernières  sont  les  seules  don!  je  veux  ici 
m'occuper,  el  ce  sera  seulement  au  poinl  de  vue  philologique. 

La  correction  <ln  texte,  en  général,  laisse  à  désirer,  el  il  est,  trop 
visible  que  c'est  par  la  faute  des  éditeurs.  Il  s  déclarent,  dans  leur 
préface,  s'être  inspirés  des  conseils  de   M.  Meyer,  notammenl  pour 

la  transcription  des  mots  agglutinés;  mais  ce  n'esl   certai neni 

pas  M.  Meyer  qui  a  pu  leur  conseiller  d'écrire  entr1  eh  habitans, 
mit1  eh  ciutadas  p.  til  i,  de  Vau  cap  tro  a  l'autre  (p,  45),  quel  aldet, 
pourvue  laldci(\).  98),  are(ibid.)  pour  are  (rieri);  ou,  inversement, 
///  (deux    fois   dans  la  même   ligne)  pour  d'u  (p.  45),  la  donadas 

.  45)  pour  Va  (=  li  a)  donadas,  etc.  D'autres  fautes  plus  graves, 
et  <|"'  ne  sont  pas  toutes  de  simples  négligences,  ont  été  rele- 
vées par1  ce  savant,  lui-mémo,  dans  un  article  justemenl  sévère  de 
la  lînvue  critique  ('-juin  1877).  Il  aurail  pu  facilement  en  allonger  la 
liste;  ainsi  dans  la  pièce  IX,  à  laquelle  s'appliquenl  plusieurs  de 
ses  remarques,  on  lit  trois  fois  ni,  qui  ne  donne  aucun  sens,  au 
lieu  de  vi.  Au  li"u  de  wW»  A  voluuini  Ih'nl.,  p.  ll.l.  16),  il  faul 
certainemeni  meins  de  v.,  c'est-à-dire  sans  la  volonté.  La  ligne  Iode 
la  même  page  doit  être  terminée  par  une  virgule,  et  non  par  un 
point,.  Dans  la  pièce  XIX,  la  sub  til  i lion  fautive  de»  à  u,  dont,  je 
viens  de  signaler  trois  exemples,  se  remarque  encore  deux  lois: 
entrent  (lig.  I  et2)pour  entreus  entreh  la  charte  est  gasconne). 
De  même  encore  probablement,  dans  la  pièce  LX1X,  où  a  la  der- 
nière ligne  de  la  page  107,  au  lieu  de  sangin,  je  pense  qu'il  faul 
lire  saugin,  considérant  ee  mot  comme  un  dérivé  de  sauc  si  reau  , 
ou  peut-être  de sauze.  il  s'agit  d'un  fagol  de  bois. 

P.  50  et  51,  on  a  deux  fois,  sans  née  bien   que  sans  dom- 

mage pour  le  sens,  prolongé  en   participe  passé  un  indicatif  pré- 
sent   très  correct:   qu'es   conten[gud],  au   lieu  de  ques  conten    P.  98, 


( 


150  BIBLIOGRAPHIE 

on  a.  1.  15,  pris  un  s  pour  un  f  (.fert  au  lieu  de  sert),  et  1.2  du  bas, 
un  n  pour  un  y  (bmgeys  au  lieu  île  brugens).  A  ia  dernière  ligne 
de  la  môme  page,  ero.mes,  qui  n'a  aucun  sens,  doit  être  corrigé  tra- 
mes. Plus  haut,  1.13,  au  lieu  de  ...luy,  e  no  melhs  es,  il  faut,  sans 
aucun  doute,  ponctuer  et  corriger.,  luy  o  no, melhs  es. 

Parmi  ces  39  chartes,  il  s'en  trouve  quelques-unes  de  purement 
gasconnes,  ce  qui  s'explique  le  plus  souvent  (  mais  non  pas  tou- 
jours)par  leur  origine.  Tel  est  le  cas  delà  19e.  datée  de  la  Réole. 
Mais  le  dialecte  du  plus  grand  nombre  est  le  languedocien,  langue- 
docien assez  pur  dans  les  premières,  mais  qui  se  montre,  dans  les 
suivantes,  plus  ou  moins  imprégné  de  gascon.  Ce  mélange  îles  deux 
idiomes  est  naturellement  plus  sensible  dans  les  actes  où  intervien- 
nent, comme  parties  contractantes,  des  localités  situées  sur  la  rive 
gauche  de  la  Garonne. 

Un  glossaire  des  mots  nouveaux — je  veux  dire  manquant  au 
Lexique  roman  —  aurait  utilement  complété  la  publication  do 
MM.  Magen  et  Tholin.  J'en  signalerai  trois  ou  quatre  que  je  n'ai 
pas  remarqués  ailleurs  : 

Autar  (p.  5,  1.  à  de  la  charte  III  ),  verbe  neutre,  simple  de  azau- 
tar.  On  le  trouve  en  catalan  sous  la  forme  alfar  (l  =  u ;  u=p). 

lioyga  (p.  315,  1.  G).  Substantif  que  le  limousin  moderne  connaît 
sous  les  formes  boueijo,  bouijo.  Il  signifie  terre  en  friche,  pâtis. 

Deu/re  (p.  20,  46  )  et  dentcr  (25,  68  )  =  débitor.  dont  c'est  la  dé- 
rivation régulière.  Raynouard  n'a  que  deutor,  forme  du  cas  régime, 
et  à  cûté  deuteire,  qui  est  une  création  indépendante,  formée  sur  le 
patron  des  autres  noms  en  eire. 

Nautre  (  p.  68).  Autre  substantif  dont  Raynouard  n'a  non  plus 
que  le  cas  oblique  nautor. 

Mezalhal  (68,  10  du  bas).  Ce  mot,  qui  se  trouve  plus  haut  (42,  7 
sous  la  forme  moins  pleine  mralhau,  désigne  une  mesure  de  capa- 
cité.  Il  se  rattache  à  metalle  ou    mctallum,   qui,   dans   le    latin    du 
moyen  âge.  a    signifié,  par    synecdoque,  bassin  ou  marmite.  Voyez 
du  (lange  (  édition  Hfmschel). 

Rat  (p.  178.  1.10  du  bas:  179.  1.  13  et  14  du  bas),  sans  doute 
radeau.  C'est  le  latin  ratis. 

.le  noterai,  pour  terminer,  trois  particularités  concernant  la  pho- 
nétique  ou  la  flexion: 

P.  40,1.  13,  dans  une  charte  de  1234.  la  forme  solso=solvunt.  Cf. 
Gramm   limousine,  p.   360  {Revue,  XI,  20). 

P.  2-3,  dans  la  charte  n°  2  (1196)  de  nombreux  exemples  de 
3*  pers.  du  pluriel  imparfait  ou  condititnnel  en  iu  —  io{ian).  Je 
n'en  avais  vu  nulle  part  d'aussi  anciens.  Les  chartes  suivantes,  si 
j'y  ai  bien  pris  carde,  n'en  présentent  pas. 


BIBLIOGRAPHIE  !5I 

Enfin,  p.  64  (1.4  du  bas),  et  107, 1.  avant-dernière,  le  redouble- 
ment d'e  final  devant  17,  pronom  ou  article  affixé:  Sobre  eh  sans 
evangelis  ;  —  dis  que  be  el  vendet{  =  be  li).  C'est  un  phénomène  fré- 
quent en  catalan,  mais  dont  le^  exemples  sont  très-clairsemés  dans 
les  textes  provençaux'.  Il  est  tres-analogue  à  celui  que  j'ai  étudie 
récemment  {Revue,  XII,  98).  etqui  consiste  à  redoubler,  non  comme 
ici.  une  voyelle  finale,  mais  au  contraire  une  voyelle  initiale.  Les 
deux  peut-être  ont  une  même  cause2,  et  il  se  pourrait  que  cette 
cause  fût  aussi  la  même  que  celles  des  nombreux  redoublements 
de  consonnes,  soit  finales,  soit  surtout  initiales,  que  nos  anciens 
textes  nous  offrent  :  je  veux  dire  l'intention  d'indiquer  à  la  fois  et 
la  présence  de  deux  mots  et  leur  liaison  en  un  seul  dans  la  pronon- 
ciation . 

C.  Chabaneau. 

La  Reine  Esther,  tragédie  provençale.  Reproduction  de  l'édition  unique 
de  1774,  avec  introduction  et  notes  par  Ernest  Sabatier.  Nimes,  1877. 

La  «  tragédie  provençale»  dont  nous  annonçons  ici  la  réimpres- 
sion fut  composée  vers  la  fin  du  XVIIe  siècle,  par  le  rabbin  Mardo- 
chée  Astruc.  M.  Ernest  Sabatier,  dans  une  introduction  qui  n'est 
pas  la  partie  la  moins  intéressante  de  sa  publication,  donne  des  dé- 
tails précieux  sur  la  situation  des  Juifs  dans  le  comtat  Venaissin,  au 
commencement  du  XVIIIe  siècle,  et  sur  la  célébration  de  la  fête 
d'Esther,  durant  laquelle  cette  tragédie  était  représentée. 

L'édition  originale,  devenue  introuvable  (  on  n'en  connaît  qu'un 
exemplaire,  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  Carpentras),  fut, 
comme  le  rappelle  le  titre  delà  réimpression,  publiée  seulement  en 
1774,  sous  le  titre  de  «la  Reine  Esther,  tragediou  en  vers  et  en  cinq 
actes,  a  la  lenguou  vulgari,  coumpousadou  a  la  maniera  dei  Juifs  de 
Carpentras.  A  la  Haye,  chez  les  associés»  L'œuvre  en  elle-même 
est  digne  de  l'oubli  dans  lequel  elle  était  tombée.  Dénuée  de  tout 
mérite  poétique,  elle  emprunte  son  seul  intérêt  «  aux  circonstances 
et  au  milieu  qui  l'ont  vue  naître»,  pour  me  servir  des  expressions 
mêmes  de  l'éditeur.  Aupointde  vue  philologique,  elle  n'apprend  rien 
de  plus  sur  le  provençal  des  XVIIe  et  XVIlIe  siècles  que  ce  que 
l'on  en  sait  par  les  autres  productions,  assez  nombreuses,  et  en 
général  meilleures,  de  ce  dialecte,  que  la  même  époque  nous  a  lais- 

'  En  voici  un,  tiré  des  Récits  d'histoire  sainte  (  partie  provençale-,  t.  II. 
p.  1\8)  publiés  par  MM.  Lespy  et  Raymond  :  Non  vols  que  el  beva  =  que 
lo  (que  je  le  boive). 

2  Cf.  pourtant  l'insertion  de  Ve  '  ou  a  )  après  ■',  dans  siel .  p.  ^x. .  pour  si 
lo,  etc..  et  voy.  ce  qui  est  dit  là-dessus  dans  la  Revue.  X,  313.  et  XII.  99. 


]f>?  PfiRIODIQUrcs 

sées.  Je  ne  trouverais  d'ailleurs  rien  à  ajouter,  si  je  voulais  l'exa- 
miner à  ce  point  de  vue.  aux  justes  observations  de  M.  Sabatier, 
dans  les  pages  xxxvt-xl  de  sa  préface.  Il  y  aurait  seulement  à  éta- 
blir une  distinction,  relativement  à  et  remplaçant  ai  (p.  xxxvn),  en- 
tre ai  protonique  qui,  en  effet,  devient  ei  (  et  ceci  n'est  pas  parti- 
culier au  provençal  )  et  ai  tonique,  qui  reste  ai.  Je  signalerai  encore, 
puisque'j'en  suis  aux  rectitications,  un  autre  passage  de  la  préface 
qui  n'est  pas  certainement  tout  à  fait  exact.  M  .  Sabatier,  parlant  de 
l'œuvre  qu'il  réimprime,  dit  «  qu'elle  n'a  rien  de  commun  avec  la 
tragédie  de  Racine  qui  porte  le  même  nom.  »  L'imitation  du  poète 
français  est  pourtanl  manifeste  on  quelques  endroits  et  notam- 
ment dans  les  vers  suivants  (  p.  54  )  : 

Plouren  et  gemissen,  meis  Cdeles  c.oumpagnes. 
A  nosti'is  larmes  dounen  un  libre  cours: 
Leven  les  yeux  ver  leis  santés  mountagnes, 

Vounte  leis  innoucens  esperoun  sonn  secours: 

qui  sont  la  traduction  littérale  de  ceux-ci  : 

Pleurons  et  gémissons,  mes  fidèles  compagnes. 
A  nos  sanglots  donnons  un  libre  cours. 
Levons  les  yeux  vers  les  saintes  montagnes. 
D'où  l'innocence  attend  tout  son  se  ours. 

A.cte  I.  scène  V.) 

c.  c 
PÉRIODIQUES 


Bulletin  de  la  Société  des  études  littéraires,  scientifi 
ques  et  artistiques  du  Lot.  t.  I  et  II,  1873-1876.  —  Des  tra- 
vaux nombreux  et  variés  remplissent  ces  deux  volumes.  Négli- 
geant à  dessein,  malgré  le  prix  qu'ils  ont  d'ailleurs,  ceux  qui 
n'intéressent  pas  directement  nos  études,  nous  signalerons  par- 
ticulièrement, dans  le  tome  premier,  un  recueil  assez,  copieux 
de  proverbes  patois,  et  dans  le  second,  outre  une  réimpression  de 
tous  Gourmons  motats1.  des  fables  de  M.  l'abbé  Hérétié,  qui  à  un 
réel  mérite  littéraire  joignent  l'avantage  de  nous  renseigner  très- 
su  lusamiuent  sur  la   phonétique  quercinoise,  grâce  à  l'orthographe 


'   >ur  cet    amusant    petit  poème    et  sur  son  auteur,  l'abbé    Rrugié. 
voy.  Noulet.  Hist.  littéraire  des  patois  [Revue,  VI.  237. 


PERIODIQUES  153 

adoptée  par  l'auteur,  el  sur  laquelle  il  y  aurait,  à  d'autres  égards, 
plusieurs  réserves  à  faire. 

L'ancienne  lingue  est  représentée  par  des  documents  intéres- 
sants à  divers  titres,  mais  dont  la  transcription  et  l'interprétation 
laissent  trop  souvent  à  désirer1.  Ce  sont,  en  premier  lieu,  les  Cou- 
tumes de  Luzech,  et  ensuite  une  série  d'actes  tirés  d'un  vieux  re- 
gistre conservé  aux  archives  de  Gahors  et  désigné  sous  le  nom  de 
Te  igitur.  Les  plus  anciens  de  ces  actes  ne  remontent  pas  au  delà 
du  dernier  tiers  du  XIIIe  siècle. 

La  Société  des  études  du  Lot  ne  se  borne  pas  à  publier  les  travaux 
de  ses  membres  et  des  documents  inédits,  elle  ouvre  aussi  des 
concours  littéraires  où  des  prix  sont  offerts  aux  auteurs  des  meil- 
leurs ouvrages  sur  les  questions  qu'elle  a  proposées.  Une  juste 
part  y  est  faite  aux  poésies  en  langue  d'oc.  Trois  de  ces  concours 
ont  déjà  eu  lieu  et  ont  produit  de  bons  résultats. 

G.  C. 

Revue  de  PAgenais  (novembre  1876).  493-  502.  Fiston.  Clé- 
mence Isavre  et  I  Académie  des  Jeux  floraux. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne. 

tom.  IV.  p. 73-88,  137-140.  Recueil  des  proverbe*  patois  unités  da/ts  le 
département  de  Tarn-et  Garonne,  el  réunis  par  M.  L.  Buseon.  En 
voici  quelques-uns  : 

Ual  jamay  bouta  lou  det 
Dinsun  anel  trop  estrei. 

Uno  fenno  que  ben  del  riou 
Manjhaio  un  home  lout  bion. 

Y  a  res  de  tan  hardil  que  ia  camiso  d'un  mouliuiè  : 
Cado  inali,  prend  un  boulur  al  conlet. 

Aprep  la  soupo,  un  cap  de  bi  ; 
Pan'  un  escut  al  méiléci. 

(Jan  beïras  lou  gorp  béni, 
Pren  tcun  araïre  e  baï  curbi; 


1  Entre grans  épaves  (t.  I.  2Î9)  qu'on  a  traduit  par  «  en  trois  grandes 
épaves  »,  doit  certainement  se  lire  entre  grans  e  paucs.  c'est-à-dire  tant 
grands  que  petits.—  Asosoli  t.  II.  p.  102),  rendu  par  a  pour  lui  seul  », 
ne  peut  être  qu'une  mauvaise  lecture  de  a  sos  obs.  On  pourrait  relever 
d'autres  fautes.  Je  me  borne  à  ces  deux,  qui  sont,  d'ailleurs,  ceiles  qui 
m'ont  le  plus  frappé. 


154  CHRONIQUE 

E  eau  lou  béïras  s'en  tourna, 
Pren  la  saoucleto  é  bai  saoucla. 

Can  las  agassos  bastissoun  naou,  sinné  de  bei  ; 
Gan  bastissoun  bas,  (a  ben  tout  l'an. 

Ce  travail  est  intéressant;  mais  il  va  sans  <1  ire  que  la  plupart 
des  proverbes  publiés  par  M.  B.  ligurenl,  déjà  dans  d'autres  re- 
cueils. A.  R.-F. 


CHRONIQUE 


L'approche  de  l'année  1678  nous  engage  à  reproduire  en  tète  de 
cette  chronique  le  programme  complet  du  deuxième  Concours 
de  la  Société  : 

Le  mardi  de  Pâques  de  1878,  —  année  qui  coïncide  avec  le  se- 
cond millénaire  de  la  fondation  d'Aix  en  Provence, —  la  Société  des 
langues  romanes  décernera  à  Montpellier,  dans  la  séance  solennelle 
du  deuxième  de  ses  Concours  triennaux,  des  prix  aux  meilleurs 
travaux  philologiques  sur  les  idiomes  néo-latins,  ainsi  qu'aux  meil- 
leures pièces  de  poésie  (poème,  drame,  comédie,  ode.  sonnet,  tra- 
ductions, recueil  de  pièces  diverses,  etc.)  et  de  prose  (histoire,  ro- 
man, nouvelle,  recueil  de  contes  et  de  narrations,  etc.),  en  langue 
d'oc,  ancienne  ou  moderne. 

Tous  les  dialectes  du  midi  de  la  France,  le  catalan,  le  valencien 
et  le  mayorquin,  sont  admis  à  concourir. 

Parmi  les  prix  de  philologie  plus  spécialement  indiqués  aux 
concurrents  : 

Le  premier,  consistant  en  une  somme  de  cini|  cents  francs,  sera 
décerné  à  l'auteur  du  meilleur  travail  sur  les  dialectes  anciens  de 
la  langue  d'oc  (  le  catalan  compris),  comparés  aux  dialectes  po- 
pulaires qui  leur  ont  succédé  dans  le  midi  de  la  Fiance  ou  en 
Catalogne  ; 

Le  second,  un  rameau  de  chêne  en  argent,  offert  par  la  Société 
archéologique,  scientifique  et  littéraire  de  Béziers,  sera  décerné  en 
son  nom  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  qui,  en  prenant  pour  base 
Vorihographt  des  troubadours,  relèvera  les  principales  altéialions 
introduites,  depuis  le  XVIe  siècle,  dans  les  idiomes  des  pays  de 
langue  d'oc,  et,  proposera  un  système  d'orthographe  et  d'accen- 
tuation applicable  à  ces  divers  idiomes,  en  laissant  à  chacun  d'eux 
les  formes  qui  le  caractérisent. 

Cinq  médailles  en  vermeil  seront,  en  Outre,  attribuées  par  la  So- 
ciété des  langues  romanes,  aux  meilleures  monographies  de  sous- 
dialectes  actuels  du  midi  de  la  France  ;  ou  bien  aux  meilleurs 
glossaires  en  langue  d'oc  moderne,  le  catalan  compris,  des  accep- 
tions spéciales  (substantifs,  adjectifs,  verbes,  locutions  particu- 
lières, etc.  à  une  ou  a  plusieurs  branches.,  soit  de  l'agriculture, 
soit  de  l'industrie,  soit  des  sciences;  tel  que  serait,  par  exemple, 
un  vocabulaire  des  termes  propres  au  labourage,  au  jardinage  et 
à  la  culture  de  la  vigne,  ou  même  encore  une   liste  complète  des 


CHROMQUE  155 

superstitions  médicales,  ou  celle   des   noms  vulgaires  des  étoiles 
dans  les  diverses  régions  du  Midi. 

Parmi  les  prix  de  poésie  : 

Le  premier,  donné  par  M.  A.  de  Quintana  y  Combis,  député 
aux  Cortès,  et  qui  consiste  en  une  cigale  en  or.  sera  attribué  au 
meilleur  poëme.  écrit  dans  un  des  dialectes  du  midi  de  la  France, 
sur  un  sujet  tiré  de  l'histoire  des  peuples  de  race  latine  : 

Le  second,  une  pervenche  en  argent,  donnée  par  le  Félibrige,  à 
la  meilleure  poésie, —  poème,  drame,  ode,  etc.,  —  en  catalan  ou 
en  langue  d'oc,  sur  Jacme  le  Conquérant,  roi  d'Aragon  et  seigneur 
de  Montpellier  au  XIIIe  siècle  l  ; 

Le  troisième,  un  bouquet  de  violettes  en  argent  (  prix  Fortuné 
Pin  ),  donné  par  la  Société  scientifique,  et  littéraire  d'Apt,  à  la  meil- 
leure œuvre  dramatique,  en  provençal,  sur  un  sujet  tiré  de  l'his- 
toire de  la  Provence  ou  de  celle  de  ïa  ville  d'Apt  ; 

Le  quatrième,  une  médaille  en  or,  donnée  par  VAcadémie  du 
Sonnet,  d'Aix,  au  meilleur  sonnet  en  langue  d'oc,  le  catalan  com- 
pris, sur  la  Méditerranée,  considérée  comme  la  mer  autour  de 
laquelle  se  sont  groupés  les  différents  peuples  d'origine  romane, 
ou  sur  tout  autre  sujet  laissé  au  choix  des  concurrents  ; 

La  cinquième,  une  reproduction  de  Y  Amazone  du  musée  Pio- 
Clémentin.  au  meilleur  poëme  en  languedocien  ou  en  catalan,  sur 
une  légende  ou  un  fait  de  l'histoire  des  pays  de  langue  d'Oc  au 
moyen  âge.  L'auteur  devra  adopter,  soit  les  formes  métriques  de 
la  poésie  populaire  du  Midi,  celle  des  chants  de  Y Escriveta  ou  de  la 
Pourcairouna,  par  exemple;  soit  celles  qui  sont  particulières  à  la 
Catalogne  ;  soit  enfin  celles  du  roman  de  Fierabras  ou  de  la  vie  de 
saint  Amant  de  Rodez,  c'est-à-dire  le  vers  de  douze  syllabes  divisé 
en  tirades  monorimes,  plus  ou  moins  longues; 

Le  sixième,  une  médaille  en  argent,  donnée  par  la  Société  l'Aube 
provençale,  à  Marseille,  à  une  série,  de  poésies  mditaires  en  vers 
provençaux  (avec  la  notation  musicale,  si  les  concurrents  le  ju- 
gent à  "propos).  Le  sujet  de  ces  poésies  est  à  prendre,  soit  dan> 
i'bistoire,  soit  dans  la  légende;  toutefois,  l'une  d'entre  elles  devra 
nécessairement  être  une  marche  2  ; 

Le  septième,  une  médaille  en  or,  à  une  suite  de  récits  en  vers 
(tous  les  dialectes  de  la  langue  d'oc  et  le  catalan  admis)  embras- 
sant les  diverses  traditions  légendaires  qui  ont  cours  sur  les  ori- 
gines du  christianisme  dans  la  Gaule  méridionale.  Ainsi  les  trois 
Maries  abordant  en  Provence,  le  martyre  de  Simon  le  Lépreux  à 
Maguelonc.  la  mort  de  la  Magdeleine  à  la  Sainte  Baume,  la  prédi- 
cation des  Sainiet.  Maries  dans  les  Alpines  et  leurs  effigies  sur  le 
rocher  des  Baux,  le  voyage  de  Joseph  d'Arimathie  en  Angleterre, 
le  séjour  de  Pilate  sur  les  bords  du  Rhône,  etc.,  etc. 

Parmi  les  prix  de  prose  : 

Le  premier,  consistant   en  une  somme  de  mille  francs,  sera  dé- 


1  Les  pièces  de  poésie    sur  Jacme  le  Conquérant  pourront  être  adres- 
sées aussi  au  chancelier  du  Fs.Ubrige.,  a  Nunes. 

2  Les  manuscrits  de  ces  poésies  pouvront  être  adressés  au  Secrétaire 
de  Y  Aube  provençale,  à  Marseille. 


156  OHKOtflyLE 

eerné  au  meilleur  travail  relatif  à  l'état  du  Midi  perdant  le  trei- 
zième siècle 

Dan-  cet  ordre  d'idées,  les  concurrents  choisiront  à  leur  gré  le 
sujet  'le  leur  ouvrage.  Toutefois,  la  Société  préférerait  que  leurs 
travaux  eussent  pour  objet  une  des  transformations  que  subirent 
les  pays  de  langue  d'oe  par  suite  de  leur  réunion  à  la  France. 

Ainsi  il  est  généralement  admis  que,  par  l'effet  de  la  conquête, 
les  idiomes  du  Midi  subirent  de  profondes  modifications:  que  la 
poésie  indigène  perdit  son  caractère  propre;  que  les  sénéchaussées 
de  la  couronne  administrèrent  le  Midi  dans  îles  vues  entièrement 
différentes  de  celles  qui  avaient  inspire  l'administration  de  la  féo- 
dalité méridionale:  que  les  grandes  familles  du  Midi  furent  sur 
bien  des  points  supplantées  par  la  noblesse  du  Nord  ;  que  ("archi- 
tecture romane  lit  pi, uc  à  l'architecture  ogivale,  etc., etc. 

On  pourrait  ainsi  étudier,  soit  séparément,  soi!  d'ensemble,  ces 
diverses  transformai  ions,  en  recherchant,  au  sujet  de  chacune 
d'elles,  quelle  était  la  situation  du  Midi  avant  la  conquête  et  ce 
qu'elle  est  devenue  ensuite. 

Dans  le  cas  où  les  travaux  présentés  paraîtraient  insuffisants,  la 
Société  se  réserve  de  renvoyer  au  prochain  Concours  l'attribution 
de  son  prix,  et  do  n'accorder  que  des  médailles  d'or  à  titre  d'encou- 
ragement. 

Le  second,  une  médaille  en  vermeil,  donnée  par  VAvbe  proven- 
çale, à  l'auteur  du  meilleur  travail  provençal  '  sur  l'invasion  de 
Charles-Quint  en  Provence  (juillet,  août  et  septembre  1536).  Eu 
étudiant  principalement  toi; t  ce  qui  se  rapporte  aux  épisodes  de  la 
Tour  du  Muy,  du  siège  de  Marseille  et  du  moulin  d'Auriol,  les  con- 
currents devront  réunir  en  appendice  les  extraits  des  mémoires  de 
l'époque,  imprimés  ou  inédits,  et  s'attacher  à  tracer,  aussi  exacte- 
ment que  possible,  l'itinéraire  de  Charles-Quint  pendant  l'invasion, 
il  leur  est  recommandé  de  dépouiller  soigneusement  les  archives 
des  localités  traversées  par  l'armée  espagnole,  et  d'indiquer,  quelle 
que  soil  leur  importance,  tous  les  documents  qui  pourraient  faire 
mieux  connaître,  eu  même  temps  que  cet  itinéraire,  l'état  de  la 
Provénceen  1535. 

Le  troisième,  une  médaille  en  or  donnée  par  M.  Laforgue  (de 
Quarante),  à  l'auteur  de  la  meilleure  monographie  historique,  en 
languedocien,  d'un  chàteau-fort,  d'une  abbaye  ou  d'une  ville  du 
Languedoc. 

Le  quatrième,  une  médaille  en  or,  sera  décerné  à  la  meilleure 
étude  en  français  sur  la  littérature  latine  (ouvrages  d'imagination,  de 
philosophie,  d'histoire,  etc.)  dans  le  midi  de  la  France,  jusqu'à  la 
lin  du  X  \  l  i  l    siècle. 

Enfin,  à  l'occasion  de  ce  Concours,  un  grand  prix,  qui  est  encore 
dû  à  M.  de  Quintâna  y  Combi's   et  qui  consiste  en  une  coupe  sym- 
bolique en  argent,  sera  décernéà  l'auteur  de  la  meilleure  pièce  de 
poésie    sur  le    thème  suivant  :  le  Chant  du    Latin,  ou  autrement  dit 
ract  latine. 

Le-  concurrents  devront  considérer  cette  pièce,  dont  la  longueur 


1  Lus  manuscrits  pourront  être  adressés  au  Secrétaire  île  l'Aube  pTO- 

v    ■<■■:'  '   à  Marseille 


CHRONIQUE  157 

ne  doit  pas  être  bien  considérable,  et  pour  laquelle  le  catalan,  la 
langue  d'oc,  le  français  et  toutes  les  langues  néo-latines  sans 
exception,  sont  admis  a  concourir,  comme  une  sorte  de  chant  de 
race,  pouvant,  au  moyen  de  traductions  sur  le  même  rhythme,  de- 
venir commun  à  tous  les  peuples  qui  parlent  actuellement  un 
idiome  dérivé  de  l'ancienne  langue  de  Borne. 

Ils  auront,  en  outre,  à  indiquer  .l'une  manière  précise  la  langue 
ou  le  dialecte  employés  dans  leurs  compositions. 

La  forme  légendaire,  telle  qu'elle  a  été  mise  en  œuvre  dans 
VEscriveta  (version  sprovençale,  catalane  et  languedocienne),  la  Mar- 
che (F Arthur,  le  Roi  Chrétien,  d'Ewald;  lou  Baile  Sufren  et  la  Coum- 
lesso,  de    Mistral,   est  admise  pour  le  concours  du  Chant  du  Latin. 

Les  manuscrits  du  Chant  du  Latin  (avec  la  notation  musicale 
des  paroles,  si  les  auteurs  le  jugent  à  propos;  devront  être  adressés 
franco,  avant  le  1er  janvier  1878,  terme  de  rigueur,  au  Secrétaire  de 
la  Société  des  langues  romanes,  à  Montpellier.  Pour  les  autres  prix, 
le  délai  d'envoi  est  fixé  au  1er  mars  de  la  même  année.  Chaque 
copie  portera  une  épigraphe,  qui  sera  répétée  sur  l'enveloppe  du 
billet  cacheté,  contenant  le  nom  et  l'indication  du  domicile  de  l'au- 
teur. 

Les  travaux  inédits  seront  seuls  admis  à  concourir;  toutefois 
les  prix  de  la  section  de  philologie  pourront  être  attribués  à  des 
ouvrages  imprimés  du  1er  janvier  1875  au  K-mars  1878. 

La  Société  se  réserve  de  faire  traduire  dans  toutes  les  langues 
romanes  le  Chant  du  Latin  qui  aura  été  couronné,  et  de  modifier  ou 
même  de  changer  la  notation  musicale  des  paroles. 

Les  manuscrits  envoyés  seront  acquis  aux  archives  de  la  So- 
ciété, qui  aura,  pendant  un  an,  le  droit  de  publier,  soit  dans  la 
Revue  des  langues  romanes,  soit  à  part,  tout  ou  partie  des  pièces  cou- 
ronnées. 

La  langue  française  est  admise  en  principe  pour  tous  les  prix 
du  Concours,  sauf  pour  ceux  sur  lesquels  il  y  a  disposition  con- 
traire. 


L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  renvoyer  au  prochain 
fascicule  la  relation  des  jeux  floraux  célébrés  à  Apt  les  9  et  10  sep- 
tembre courant. 


La  Société  des  langues  romanes  a  décidé  de  comprendre  parmi  ses 
publications  spéciales  une  traduction  de  Mircio  en  dialecte  de  Saint- 
Maurice-de-1'Lxil,  canton  de  Boussillon  (Isère),  par  M.  Liviere- 
Bertraud,  et  un  petit  poëme  religieux  en  provençal,  Histoiro  clou 
pichoun  Jousé,  renfermant  la  narration  de  la  captivité  de  Joseph  en 
Egypte.  Ce  poème  sera  édité  par  M.  Maurice  Faure,  d'après  un 
manuscrit  du  XVIIIe  siècle,  dont  il  a  bien  voulu  faire  hommage  a 
la  Bibliothèque  de  la  Société. 


LeFélibrïge.  —  Presque  au  moment  où  s'achevait  la  composi- 
tion du  dernier    fascicule  de  la  Revue,  la   Cigalo  d'or  et  ensuite  le 

12 


158  CHRONIQUE 

Prouvençau  d'Aix  (  n°  du  2  septembre)  ont  publié  une  décision  du 
bureau  général  du  Félibrige,  aux  termes  de  laquelle  une  mainte- 
nance d'Aquitaine  est  créée  sur  le  domaine  de  la  maintenance  de 
Languedoc. 

Les  départements  de  la  Haute-Garonne,  du  Tarn,  du  Tarn-et- 
Garonne,  du  Lot,  du  Lot-et-Garonne,  du  Gers,  des  Hautes-Pyré- 
nées,  des  Basses-Pyrénées,  des  Landes,  delà  Gironde,  de  la  Dor- 
dogne,  de  la  Haute-Vienne,  de  la  Creuse  et  de  l'Ariége,  composent 
la  circonscription  (roundage),  partie  limousine,  partie  languedo- 
cienne et  partie  gasconne,  de  cette  maintenance.  M.  Paul  Barbe  en 
est  le  syndic  provisoire  ;  M.  Deloncle,  le  secrétaire. 

Le  même  numéro  du  Prouvençau  contient  encore  la  décision  par 
laquelle  les  premiers  grands  Jeux  floraux  du  Félibrige  auront  lieu 
à  .Montpellier  en  1878,  lois  dos  fêtes  du  concours  du  Chant,  du 
Latin. 

Le  prix  du  Félibrige  est,  comme  on  le  sait,  une  pervencbe  en 
argent,  qui  sera  décernée  à  la  meilleure  pièce  de  poésie  sur  Jacme 
le  Conquérant. 

SocrÉTÉ  des  Félibiies  de  Lab.  — ■  Dans  une  de  ses  séances. 
.M.  Mistral  a  exposé  le  plan  du  Dictionnaire  de  la  langue  parlée  dans 
le  midi  de :  la  France,  œuvre  immense  à  laquelle  il  travaille  depuis 
vingt  ans.  Chaque  mot,  dit  le  Prouvençau,  est  inscrit  d'abord  sous 
sa  forme  la  plus  pure;  puis  viennent  les  modifications  qu'il  éprouve 
dans  les  divers  dialectes  méridionaux,  ses  synonymes,  et  enlin  les 
proverbes  où  il  entre  comme  partie  principale.  L'étymologie  est 
toujours  donnée,  ainsi  que  la  conjugaison  des  verbes  irréguliers . 

Société  des  Félibues  de  la  Grenade,  à  Ni  mes.  —  Son  journal 
hebdomadaire,  la  Cigalo  d'or,  a  cessé  de  paraître  le  1G  septembre. 
11  sera  remplacé, au  commencement  de  l'annéel878,  par  ÏArmana 
(mensuel)  de  la  Cigalo  d'or. 

La  Cigale.  —  Nous  avions  dit  ici  même  (n°  du  l 'i  juin)  qu'Arles 
avait  été  choisie,  celte  année,  comme  le  point  de  réunion  des  mem- 
bres delà  Cigale.  Une  Commission  s'est  formée  dans  cette  ville. 
afin  d'organiser  une  réception  et  des  fêtes  provençales  qui  auront 
lieu  les  22,  23  et  24  septembre. 

La  Société  la  Pomme  a  offert,  pour  le  Concours  poétique  de  la 
Cigale,  un  prix  destiné  à  l'auteur  de  la  meilleure  poésie  sur  la  mort 
de  Brizeux,  dont  le  nom,  fort  heureusement  choisi,  est  comme  le 
trait  d'union  de  la  Provence  et  de  la  Bretagne  modernes. 

Nous  donnerons  dans  le  n°  d'octobre  les  noms  des  lauréats  du 
Concours  en  langue  d'oc. 

Société  des  études  littéraires,  scientifiques  et  artistiques  du 
Lot  (séance  publique  du  26 août).  —  La  Société  des  études  du  Lut 
avait  proposé,  comme  sujet,  de  son  concours  poétique  en  dialecte 
quercinois,  le  monument  qui  sera  prochainemenl  érigé  s  m- une  des 
places  de  (  labors  a  la  mémoire  des  enfants  du  Lut  morts  pour  la  patrie 
dans  la  guerre  de  1870-1871.  M.  l'abbé  Justin  Gary  a  obtenu  la  mé- 
daille de  vermeil,  pour  sa  pièce  lou  Mounumen  deis  souidate  dd  Lot  ; 
M.  l'abbé  II  en 'tic  une  médaille  d'argent,  et  M.  I.aeoinlte.  une  men- 
tion honorable. 


CHROMyi'K  îôy 

La  Société  a  décerné  à  M.  Daymard  une  médaille  d'argent  pour 
une  collection  manuscrite  de  Vieilles  Chansons  du  Quercy .  Ce  re- 
cueil, relativement  considérable,  renferme,  en  chansons  entière- 
ment quercinoises,  dix-sept  pièces  ;  en  chants  en  quercinois  et  en 
français,  quatre,  et  en  chants  entièrement  français,  neuf;  les  com- 
plaintes sont  au  nombre  de  cinq,  et  les  chants  militaires  de  deux. 

Publications  concernant  l'histoire,  la  littérature   et 
l'archéologie  des  provinces  du  midi  de  la  France 

Espitalier  (l'abbé),  Baint-Tropez,  officier  de  l'empereur  Néron,  sa  vie, 
son  martyre,  ses  reliques  et  sou  culte.  Saint-Tropez,  Blanchet,  in-12, 
xir-142  pages. 

Zotenberg.  Invasions  des  Wisigoihs  et  des  Arabes  en  France,  suivi 
d'une  Etude  sur  les  invasions  des  Barra:./ ns  en  Languedoc,  d'après  les 
manuscrits  musulmans.  Toulouse,  Privât    in-4°,  47  pages. 

Hauréau,  Bernard  Délicieux  et  l'Inquisition  albigeoise  (1300-1320). 
Paris,  Hachette,  in-12,  223  pages. 

Couture  (Léon).  Trois  Poètes  condomoisdu  XVIe  siècle.  Etudes  bio- 
graphiques et  littéraires  sur  Jean  du  Chemin,  Jean-Paul  de  Labeyrie, 
Gérard-Marie  Imbert.  Bordeaux,  i.efebvre,  în-S^,  1  I  1   pages. 

Janvier  (l'abbé),  Panégyrique  de  suint  Vincent  de  Pau/.  Tours, 
Bouserez.  in-8°,  35  pages. 

Germain.  Etude  historique  sur  l'Ecole  de  droit  de  Montpellier  (1 1 60- 
1793).  Montpellier,  Bœhm,  in-4°. 

André  (l'abbé),  Notes  sur  Vhistoire,  la  statistique,  la  féodalité,  le 
clergé,  la  noblesse,  etc.,  dans  le  département  de  Vaucluse,  de  Pan  1500  à 
1789.  Vaucluse,  Coursant,  in-lÇ,  215  pages. 

Boschach,  Etude  historique  sur  la  province  de  Languedoc,  depuis  la 
régence  d'Anne  d'Autriche  jusqu'à  la  création  des  départements  (1643- 
1790).  Pans,  2  vol    m-4°. 

Masson  (Frédéric),  la  Révolte  de  Toulon  en  prairial  an  III.  Pans, 
Jouaust.  1875, in-8°. 

Jallifier.  l'Auvergne,  histoire,  monuments.  Paris,  Delagrave,  in-8°, 
107  pages. 

Baslié,  le  Languedoc  (  l'e  partie).  Description  complète  du  Ton,. 
Âlbi,  Nouguiès,  in-4°  à  2  colonne^. 

Jules  Courtet,  Dictionnaire  géographique,  géologique,  historique,  ar- 
chéologique et  biographique  des  communes  de  Vaucluse,  nouvelle  édition  . 
Avignon,  Seguin,  in-8°,  xxxvi-400  pages. 

Reynard-I.espinasse,  Armoriai  historique  du  diocèse  et  de  l'Etat 
d'Avignon.  Avignon    in  -4°. 

M aignien,  Notes  historiques  sur  ï èvèchè  de  Grenoble,  de  P237  à 
1338.  Grenoble.  Allier,  in-8°.  28  pages. 

Rolland,  Alby  pendant  la  guerre  de  Cent  Ans.  Alby,  Oesrue,in-8°, 
36  pages. 

Tisserand,  Histoire  d'Antibes.  Antibes,  Marchand.  in-8°,  xu- 
536  pages. 

Terris,  les  Évêques  d'Apt.  leurs  blasons  et  leurs  familles.  Avignon, 
Seguin,  petit  in-4°,  138  pages. 

Donnadieu,  Études  historiques  sur  la  ville  de  Florensac.  Paris. 
Jouaust,  in-8»,  38  paires. 

Paris  (E.),    Un  apôtre  de  la  révolution  religieuse.  Pellissier ,  pas- 


100  CHKOMQUE 

teu/r  à   Bordeaux,  sa  vie,   son   caractère,    ses  travaux.   Paris,  Sandoz 
in-8°,  374  pages. 

Guinodie,  Histoire  de  Libourne  et  des  autres  villes  et  bourgs  de  son 
arrondissement  (  tom.  IL).  Libourne.  Malleville,  iii-<S°.  564  pages. 

Roi  |  ne  (île  la).  Biographie  montpelliè raine .  Professeurs  et  agrégés  à 
la  Faculté  de  droit  (1160-1791  ).  Montpellier.  Imprimerie  centrale 
du  Midi,  in-8°,  96  pages. 

Roque  (de  la),  Biographie  montpelliè  raine.  Peintres,  sculpteurs  et  ar- 
chitectes. Montpellier.  Imprimerie  centrale  du  Midi,  in-8°,135  pages. 

Albin  Michel.  Ximes  et  ses  rues  (tom.  Ier).  Nimes,  Catelan.  in-12. 
324  pages. 

Canron,  la  Confrérie  des  pénitents  gris  d'Avignon .  Notice  histo- 
rique. Avignon,  Séguin,  in-12.  108  pages. 

Poulbrière  (  l'abbé  ),  Servières  et  son  petit  séminaire.  Notice  histo- 
rique.  Tulle.  Bouillaguet,  in- 1 2 ,  180  pages. 

>erret.  le  Pont  de  Villeneuve-sur-Lot,  son  origine  et  ses  restaurations. 
\uimi.  in-8°. 

Cartulaire  municipal  de  la  ville  de  Lyon,  'privilèges,  franchises,  li- 
bertés et  autres  titres  de  la  commune.  Recueil  formé  au  XIVe  siècle  par 
Etienne  de  Villeneuve,  publié  d'après  le  manuscrit  original  avec  des  do- 
cuments inédits  du  XIIe  au  XV"  siècle,  par  M.  Guigue.  Lyon,  Brun. 
in-4°,  l:\ix-.V26  pages. 

Cartulaire  de  Remoulins,  recueilli,  classe  et  annote  par  M.  (diarvet. 
2°  livraison.  Remoulins,  in-8°,  65-195  pages. 

Étude  archéologique  sur  le  manuscrit  bilingue  de  Montpellier,  désigné 
sous  le  nom  d'Antiphonaire  dt  saint  Grégoire,  par  un  Supérieur  de 
séminaire.  Paris,  Lecotfre,  l876,in-8°.  48  pages. 

Devais.  Inventaire  sommaire  des  Archives  communales  antérieures  à 
1 790  de  Verdun-sur- Garonne  Tarn-et  Garonne).  Montauban,  Fo- 
restié,  in-4°  à  2  col..  82  pages. 


Errata  du  n°  d'août  1877. 

L'Aubo. —  P.  88, 1.  12,  lanieu,  lisez:  li  nieu:  I.  17,  nuées,  lis. :  bru- 
mes; 1.   28,  les  brouillards,  lis.:  les  nuées. 

Le  Gérant  :  Ernest  Hamelin. 


- 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi 
(Hameliu  hères) 


DIALECTES   ANCIENS 


UN  DOCUMENT  INÉDIT 
relatif  à  la  Chronique  catalane  du  roi  Jacme  Ier  d'Aragon 


En  parcourant  dernièrement  les  feuillets  d'un  protocole 
original  du  notaire  de  Barcelone  Francisco  Ladernosa,  qui 
vivait  dans  la  seconde  moitié  du  XIVe  siècle,  nous  avons  ren- 
contré l'intéressant  document  qui  fait  le  sujet  de  cet  article  . 

De  nos  jours,  l'attention  a  été  appelée  sur  la  vie  du  roi 
Jacme  Ier  d'Aragon,  grâce  à  la  traduction  castillane  de  la 
Chronique  royale,  donnée  en  1848  par  MM.  Manuel  Flotats 
et  Antonio  de  Bofarull  ;  à  l'édition  en  cours  de  publication 
du  texte  catalan  qui  paraît  dans  l'excellente  collection  diri- 
gée par  M.  Mariano  Aguilô,  et  enfin  à  l'œuvre  détaillée  de 
M.  de  Tourtoulon,  traduite  depuis  peu  en  castillan  (1874). 
Nous  n'avons  cru  pouvoir  mieux  témoigner  notre  sympathie 
à  une  Revue  qui  se  publie  dans  la  ville  natale  du  roi  con- 
quérant qu'en  fournissant  dans  ses  colonnes  une  nouvelle 
preuve  en  faveur  de  l'authenticité  de  l'autobiographie  de  ce 
monarque. 

Telle  est,  croyons-nous,  la  portée  de  notre  document  (L'iTl  : 
en  effet,  non-seulement  il  vient  confirmer  l'assertion  du  domi- 
nicain Pedro  de  Marsilio,  chroniqueur  du  roi  Jacme  II  avant 
1314,  relativement  à  l'existence,  dans  les  archives  du  palais  de 
Barcelone,  du manuscrit  royal  (que  nous  supposons  être  le  ma- 
nuscrit original  ou  primitif),  lorsqu'il  dii  dans  sa  préface  :  «  Ht 
victoriosissimi  avi  sui  (  /Uustrissimi  Domini  Jacobi  régis  Arago- 
num)  gesta  pristinis  temporibus  veraci  stylo  sed  vulgari  collecta. 
ac  in  archivis  domus  regiœ  ad  perpétuant  suce  felicitaiis  memo- 
ricun  reposita,  reducerentur,  etc.  ',  mais  encore  le  titre  qu'il 

1  Le  manuscrit  original   de  l'œuvre  latine  de   Marsilio,  terminée    "ii 

13 


162  DIALECTES    AKCILSS 

mentionne  dit  explicitement,  comme  celui  de  la  rare  édition 
princeps  de  1557,  que  c'est  «  le  livre  que  fit  le  roi  en  Jacme  », 
lo  Libre  que  feu  el  rey  en  Jacme. . . 

Avant  de  transcrire  ce  document,  résumons  ce  que  Ton 
sait  de  l'original  et  des  copies  de  l'œuvre  qui  nous  occupe. 

Quant  au  premier,  malheureusement  perdu  aujourd'hui,  nous 
pouvons  nous  référer  à  des  témoignages  autorisés,  qui  vien- 
nent en  même  temps  confirmer  et  l'existence  et  l'authenticité 
de  la  Chronique  royale. 

Le  célèbre  écrivain  Ramon  Muntaner,  qui  commença  sa 
Chronique  vers  1330,  donne  les  indications  suivantes  : 

Au  chapitre  VII  :  «  En  après  per  ço  que  cascu  entena  les  grans 
gracies  que  Deus  feu  al  senyor  Rey  en  Jacme  d'Arago  en  sa  vida, 
vos  en  vull  dir  partida  sumariament  :  que  no  ho  vull  tôt  cornptur 
per  ordre  e  per  ço  men  stick  com  ya  se  son  feyts  molts  libres  de  la 
sua  vida  e  de  les  sues  conques  tes  e  de  la  sua  bonesa  de  cavalier -les 
e  asaygs  e  proeses  ' .»  Y  «  segons  que  porets  entendre  en  lo  libre 
quis  feu  de  la  p?'eso  de  Mallorques.  »  —  Et  au  chapitre  IX  :  «  E 
molts  daltres  lochs,  los    quais  yo   no  vull  scriure  per  ço  com  ja 


1314.  est  conservé  dans  la  bibliothèque  provinciale  et  universitairede  Bar- 
celone, appelée  Bibliothèque  de  San-Juun.  D'après  la  copie  du  XVe  siè- 
cle qui  existe  dans  les  Archives  royales  de  Mayorque,  accompagnée  de 
la  traduction  catalane  faite  par  un  auteur  anonyme  du  XIV8  siècle, 
le  savant  historien  D.  José-Maria  Quadrado  a  publié  à  Palm;:,  en  1850 
(  llistoria  de  la  conquista  de  Mallorca),  la  partie  de  cette  œuvre  qui  cor- 
respond à  la  conquête  des  Baléares. Le  passage  transcrit  ci-dessus  est  tiré 
d'un  paragraphe  de  la  préface  latine  originale,  publiée  par  M.  Quadrado 
dans  son  excellent  ouvrage. 

1  Un  des  nombreux  ouvrages  qui,  d'après  Montaner,  lurent  écrits  sur 
la  vie  de  U.  Jacme  nous  est  sans  doute  signalé  en  ces  termes  par  la  do- 
nation que  le  roi  D.  Pedro  IV  lit  de  sa  bibliothèque,  le  20  août  1380,  au 
monastère  de  Poblet:  «  Item  liber  vitœ  sancti  Régis  Jacubi,  in  latino,  in 
volumine  uno.  »  (Ribera,  Real  Patronalo  de  la  Merced,  1725,  p.  72,  §  9, 
n°  20  ;  Serra  y  Postius,  Prodigios  y  finezas  de  lus  Saules  Angeles,  1726, 
pag.  202,  n"  417.  )  Plus  tard,  en  h  10,  nous  constatons  L'existence  de  deux 
manuscrits  du  même  ouvrage,  tous  deux  de  L'an  1313,  l'un  sur  parchemin, 
l'autre  sur  papier,  parmi  les  livres  que  laisse  après  sa  mort  le  roi  Martin. 
Le>  premier  est  ainsi  :  «  Hem  un  altre  libre  appellat  vida  delsant 

Rey  en  Jaune  en  lati  scrit  en  pergamins  ab  posts  de  fusts  cuber:  de  cuyro 
vermeil  emprempat  sens  tancadors,  loqual  comença  en  la  rubrica  de  ver- 
mellu  incipiunt  capitula  E  en  lo  nègre  de  conjunecione  domus  imperatoris 


DOCUMENT    lNBiDIT  163 

damuntvos  hedit,  quen  lo  libre  qui  es  feyt  de  la  conques  ta  (de  Va- 
lencia)  ho  trobarets.  » 

Le  roi  Pierre  IV,  dans  sa  Chronique  terminée  en  1380,  se 
reportant  à  l'année  1344,  déclare  (chap.  III,  p.  233  de  l'édit. 
de  1850)  qu'il  lisait  l'œuvre  de  son  aïeul  (peut-être  l'original 
ou  le  manuscrit  authentique  conservé  dans  ses  archives)  lors- 
qu'il dit  :  «  E  leginl  la  libre  o  cronica  del  senyor  />'<>//  en  Jaunie 
tresavi  nostre.  » 

Enfin  une  des  notes  dont  l'éminent  historien  D.  Antonio  de 
Bofarull  a  enrichi  la  traduction  castillane  de  la  Chronique 
de  Pierre  IV  [ibidem]  nous  signale  la  mention  faite,  dans  une 
des  lettres  lues  aux  cortes  de  Barcelone  en  1413,  du  «  libre  del 
dit  senyor  Rey  en  Jacme  de  gloriosa  memoria.  » 

D'un  autre  côté,  d'après  D.  Pedro  Serra  y  Postius,  dans  ses 
Prodigios  y  finezas  de  los  santos  Angeles  (1726),  pag.  291,318 
et  329,  Fr.  Baltasar  Sayol,  abbé  de  Poblet  de  1716  à  1720, 
aurait  dit,  clans  son  histoire  manuscrite  des  Grandeurs  de  Po- 
blet [Historia  de  las  Grandezas  de  Poblet),  terminée  lorsque 
l'auteur  était  déjà  moine  de  ce  royal  monastère,  en  1694, 
que  l'original  de  la  Chronique  y  était  conservé  ;  et,  comme 
preuve,  D.  Pedro  Serra  transcrit  une  note  qui  se  trouvait 
en  tète  de  la  copie  de  Poblet,  dont  nous  parlerons  bientôt,  à 
l'époque  où  la  possédait  le  chanoine  Besora,  mais  qui  n'j 
figure  plus  aujourd'hui  et  qui  se  terminait  par  Yex-libris  du 
chanoine,  ce  Esta  son  original  recôndit  en  lo  Monesti  de  SantOj 
Maria  de  Poblet,  del  ordre  Cistercienne,  de  el  quai  se  es  copiât 
aquest  exemplar  en  lo  màteix  Monesti,  situât  en  aquest  Principal 
de  Catalunya,  en  lo  any  al  fi  del  présent  Libre  curiosament  per 
lo  copista  notât  »  (1343).  «  Ex  Bibliotheca  Doctoris  José.  Hieron. 
Besora.» 

Si  l'original  se  trouvait  dans  le  monastère  de  Poblet,  il  n'a 
pu  être  emporté  en  France  par  le  savant  archevêque  Marca, 
intendant  ou  commissaire  de  cette  province  pour  le  Roi  Ti  ■  - 
Chrétien  (de  1644  à  1651). 

E  faneixM"  CGC-  tercio  riecimo,  quarto  nonas  aprilis. (Archives  générales 
de  la  couronne d'Ara-on,  reg.  2326,  fol.  8.  v°,  el  34,  v°;  et  aussi  Ribera  ibi- 
dem ;  Milâ,  do  los  Trovadores  en  Espaha  v1861),  note  22  de  la  pag .  1S7. 
n0'  56  et  235  de  l'extrailde  la  bibliothèque  du  roi  Martin.) 


164  DIALECTKS    AMIENS 

Cette  soustraction  imputée  à  Marca  est  encore  plus  claire- 
ment réfutée  par  ce  fait,  que  la  copie  dont  nous  venons  de  par- 
ler, c'est-à-dire  celle  qui  fut  faite  par  ordre  de  l'abbé  Pons  de 
Copons,  par  Célestin  Destorrens,  le  17  septembre  1343  (sui- 
vant une  note  ajoutée  à  la  fin  du  manuscrit  par  quelque  bon 
moine,  en  1585),  fut  vue  dans  ce  monastère  par  le  roi  Phi- 
lippe II,  et  que  peu  d'années  après,  en  1619,  elle  se  trouvait 
appartenir  (sansquenouspuissions  expliquer  le  fait)  à  un  noble 
de  Barcelone  appelé  Joaquin-Làzaro  Bolet.  Elle  avait  déjà  été 
en  la  possession  de  son  père,  Pedro-Pablo  Bolet,  ainsi  que  le 
rapporte  D.  Jaime-Ramon  Vila  (mort  en  1638)  dans  l'introduc- 
tion de  la  copie  qu'il  fit  faire,  en  1619,  par  un  de  ses  domesti- 
ques. Serra  j  Postius  ne  comprend  pas  comment  la  copie  de 
Poblet  arriva  aux  mains  du  savant  chanoine  de  Lérida,  José- 
G-erôninio  Besora  (1641-1665);  mais,  d'après  ce  qui  vient  d'être 
dit,  il  est  probable  que  le  chanoine  acquit  ce  manuscrit  de  la  fa- 
mille Bolet.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  qu'à  sa  mort  il  le 
légua  à  la  bibliothèque  du  couvent  des  Carmes  déchaussés  de 
Barcelone,  où  un  écrivain  distingué,  contemporain  de  Ribera 
et  de  Serra,  D.  Antonio  Bastero,  premier  sacriste  de  l'église 
de  Girone  (mort  en  17:i7,  âgé  de  soixante-deux  ans),  put  l'ad- 
mirer au  commencement  du  siècle  dernier.  Cela  résulte,  du 
moins,  des  phrases  suivantes,  que  nous  copions  du  t.  IVdeses 
Miscelâneas,  manuscrit  conservé  dans  les  archives  de  la  Bi- 
bliothèque de  la  royale  Académie  des  belles-lettres  de  cette 
Ville,  (pii  sont  confiées  à  notre  garde:  «  Yen  efjecte  assi  en 
Barcelona  tots  los  dias  descobro  y  recullo  nouas  y  preciosas  noti- 
cias,  y  per  ço  he  fet  ja  coneixensa  ab  lo  I*.  l/c  Ribera  y  ab  lo 
Sr.  Père  Serra,  qui  tenen  mol/a  lutclliyenria  de  lus  cosas  anti- 
guas;  y  en  las  Llibrerias  de  S.  Iph.  y  Dalmases  he  trobat  cosas 
malt  bouas,  particularmeni  en  la  de  Sx  Iph.  la  Fstoria,  que  tant 
desitjava,  fêta  per  lo  mateix  Rey  en  Jacme  lo  Conquistador  que  es 
Ms.  en  pergami  de  lletra  molt  antiga  y  ab  bellas  figuras  ô  /an- 
////■us  illuminadas.»  Fol.  69:  Resposta  à  las  observations  "sobre 
lu  Crusca  provensal,  n°  9  et  dernier.) 

On  peni  voir  aujourd'hui  ce  manuscrit  dans  la  Bibliothèque 
provinciale  et  universitaire  de  Barcelone. 

Il  existe  aussi  dans  les  archives  de  la  couronne    d'Aragon 


DOCUMENT    INEDIT  165 

une  copie  du  XVIIe  siècle,  provenant  da  couvent  de  la  Merci. 
C'est  le  texte  du  manuscrit  conservé  dans  la  bibliothèque  de 
San-Juan,  qui  a  été  Traduit  par  MM.  Flotats  et  de  Bofarull,  et 
que  publie  aujourd'hui  M.  Aguilô.  Le  titre  qu'il  porte  ne  con- 
corde pas  parfaitement  avec  celui  de  l'exemplaire  que  nous 
fait  connaître  le  document  ci-dessous,  maisbien  avec  celui  qui 
a  servi  pour  l'édition  princeps  (1557),  et  aussi  (sauf  la  légère 
variante  qui  consiste  dans  l'addition  de  l'adjectif  glorios  au 
substantif  Rey)  avec  la  copie  conservée  à  Madrid  dans  la  bi- 
bliothèque du  duc  de  Osuna  (voyez  Amador  de  los  Rios,  Histo- 
ria  de  la  literatura  espahola,  t.  III,  p.  611,  not.  2). 

Il  y  avait  une  autre  copie  à  Valence,  dans  les  archives  du 
magistrat  appelé  ei  Magni/ico  Racional  ;  elle  servit  pour  l'édi- 
tion princeps.  C'est  peut-être  sur  la  même  que  le  notaire  Luis 
Alanya  a  publié  la  partie  relative  à  la  conquête  de  Valence, 
en  tête  de  son  œuvre  :  »  Aureum  opus  regalium  privilegiorum 
civitatis  et  regni  Valentiœ  cum  historia  cristianissimi  régis  Jacobi 
ipsiusprimi  conquista torts  » ,  imprimée  dans  cette  ville  le  30  oc- 
tobre 1515.  On  dit  que  le  manuscrit  de  Valence  fut  porté  par 
Philippe  II  à  l'Escurial  :  mais  cette  assertion  me  semble  dé- 
nuée de  fondement,  si  l'on  en  juge  par  ce  que  dit  M.  Amador 
de  los  Rios  (Historia  de  la  lit.  esp.,  t.  III,  p.  609,  note:,  qui 
assure  que  la  Chronique  conservée  à  l'Escurial  est  de  Desclot 
et  non  de  D.  Jacme. 

Il  existe  à  Mayorque,  dans  la  bibliothèque  du  comte d'Aya- 
mans  et  provenant  de  celle  du  prévôt  D.  Guillem  Terrasa 
vmort  en  1778),  une  copie  faite,  d'après  la  mention  finale,  à 
Barcelone,  en  1380,  par  Juan  de  Barbastro,  par  l'ordre  du  roi 
D.  Pedro  IV.  (Quadrado,  Hist.  de  la  coin,  .  de  Mallorca,  1850, 
p.  13,  et  Bover,  Biblioteca  de  escritores  /."leares,  t.  I,  p.  354.) 
Cette  copie  a  servi  à  Vilarrova  pour  attaquer  l'authenticité  de 
l'original  dans  ses   vingt-six    Carias  histôrico-criticas (1800). 

Nous  espérons  que  M.  Aguilô,  le  savant  bibliographe,  dans 
la  préface  de  l'édition  qu'il  publie,  nous  fera  connaître  d'autres 
manuscrits  encore  ignorés  et  aussi  de  nouveaux  faits  qui 
pourront  éclaircir  les  précédents.  Ainsi  se  fera  encore  plus 
de  lumière  sur  une  question  tant  débattue,  bien  quêtons  ceux 
qui  ont  combattu  les  malencontreuses  opinions  de  Vilarroya, 
depuis  Quadrado  jusqu'à  Tourtoulon,  les  aient  toujours  atta- 


1(56  DIALECTES     ANCIENS 

quées  avec  des  arguments  solides.  Aces  arguments  nous  pou- 
vons aujourd'hui  ajouter  la  preuve   qui  suit,  tirée  d'un  docu 
ment  manuscrit. 

«  Dieveneris  xxxi  die  mensis  octobris  anno  a  nativitate  do- 
mini  M0  ccc°  LXXI. 

»  Ego  Saurina  uxor  venerabilis  Bartholomëi  de  bonany  civis 
Barchinone  nunc  absentis,  expensoris  incliti  domini  infantis 
Martini  serenissimi  domini  Aragonum  Régis  nati,  et  procu- 
ratrix  generalis  eiusdem  viri  mei  de  qua  procuratione  constat 
per  instrumentum  publicum  xv  die  Marcii  anno  a  nativitate 
domini  M0  ccc°  nx°  nono  confectum  et  clausum  per  notarium 
infrascriptum,  confiteor  et  recognosco  vobis  Petro  palacii 
Civi  dicte  Civitatis  tenenti  claves  archivi  Barchinone  armorum 
dicti  domini  Régis,  Quod  de  mandato  eiusdem  domini  Régis 
vobis  facto  cum  quadam  littera  sua  clausa  sub  suo  secreto  si- 
gillo  data  Dertuse  quarta  die  presentis  mensis  octobris  vobis 
de  hiis  directa,  tradidistis  michi  nomine  dicti  mariti  mei  reci- 
pienti  Quendam  librum  pergameneum  cum  postibus  coho- 
pertis  de  corio  virmilio  scriptum  in  Romancio  et  incipit  in 
rubro  Aquest  es  lo  comensament  del  prolech  sobrel  libre  que  feu 
el  Rey  en  Jacme  per  la  gracia  de  Deu  Rey  d'Ârago  e  de  Mal- 
torcha  e  de  Valencia,  comte  de  Barcelona  e  Durgell  <•  senyor  de 
Montpeller  de  tots  los  feyts  e  de  les  gracies  que  nostre  Senyor  li 
feu  en  la  sua  vida.  Et  postea  in  nigro  incipit  Recompte  Mos- 
senyer  sent  Jacme  que  fe  senes  obra  morta  es  et  cetera.  Que- 
quidem  librum  dictus  dominas  Rex  in  dicta  littera  sua  man- 
dat tradi  per  vos  dicto  Bartholomeo  de  bonany  portandum 
seu  tradendum  per  eum  dicto  domino  Infanti,  prout  continet 
in  dicta  littera  quani  vobis  restituo  cum  presenti.  Et  ideo  re- 
nunciando  predicto  nomine  excepcioni  dicti  libri  non  habit  i  ei 
non  recepti  et  dolo  fïacio  predicto  nomine  vobis  de  predicto 
liliro  presens  apocham  instrumentum.  Quod  est  actum  Bar- 
chinone. 

»  Testes  Bernardus  alegre  sartor  dicti  domini  infantis  Mar- 
tini et  Arnaldus  morera  Rector  Capelle  palacii  Regii  Barchi- 
none. » 

André  Balaguer  y  Merino. 
Barcelone,  le  25  juillet  1877. 

■v/V\/W— —  -     —  • 


DIALECTES  MODERNES 


NOTICE  SUR   AUGUSTE  GUIRAUD 


Les  auteurs  en  langue  d'oc  sont  bien  plus  nombreux  qu'on 
ne  pourrait  le  croire,  si  l'on  se  bornait  à  consulter  les  docu- 
ments bibliographiques  arrivés  jusqu'à  nous. Dans  la  première 
moitié  de  ce  siècle,  les  deux  Rigaud,  Tandon,  Martin,  Hippo- 
lyte  Roch,  Vianès,  sont,  si  je  ne  me  trompe,  les  seuls  écrivains 
dans  l'idiome  de  Montpellier  dont  les  œuvres  aient  été  impri- 
mées. La  librairie  ne  nous  a  conservé  à  peu  près  rien  deGaus- 
sinel,  de  Bertrand,  de  Jourdan,  de  Renaud,  de  Sébastien  Coste, 
de  Rouvière,  de  César  Brun.  La  perte  des  poésies  de  Cësar 
Brun1  est  particulièrement  regrettable. La  Nieira,  lou  Recensa- 
ment,  la  Soucietat  a" agricultura,  sont,  sans  contredit,  ce  que 
l'Ecole  de  Montpellier  a  produit  de  mieux  depuis  le  Siège  de 
Caderousse  et  Y  Odyssée  travestie.  On  y  retrouve  la  verve,  la 
gaieté  franche  et  communicative,  le  fonds  inépuisable  de  sail- 
lies qui  caractérisent  la  manière  de  l'abbé  Favre.  Malheureuse- 
ment l'indifférence  du  poëte  et  les  scrupules  de  ses  héritiers 
ont  laissé  disparaître  ces  petits  chefs-d'œuvre,  et  il  nous  a  été, 
malgré  tous  nos  efforts,  impossible  de  recueillir  des  fragments 


1  Les  chansons  deGaussinel  ont  été  imprimée.--  séparément.  Il  en  a  été 
fait,  à  ma  connaissance,  deux  recueils  :  l'un  est  entre  les  mains  de  M.  Gau- 
din,  l'éminent  bibliothécaire  de  notre  ville,  l'autre  appartenait  à  M.  Gaus- 
sinel,  l'auteur  d'Abdona,  à  qui  il  a  été  distrait  —  On  a  gardé  également 
un  certain  nombre  de  romances  de  Bertrand.  —  Jourdan,  pour  la  plus 
grande  partie  de  ses  œuvres,  et  le  libraire  Renaud,  pour  la  totalité,  n'ont 
écrit  que  pour  des  amis  intimes  ou  des  sociétés  privées.  Coste  était  le 
chansonnier  ordinaire  du  Caveau  vers  1820;  sa  chanson  la  Grisetta  e  l'Es- 
tudiant  est  restée  longtemps  populaire.  On  peut  en  dire  autant  de  la 
romance  de  Rouvière  :  Ai  !  rnoun  Dieu  !  s'ou  sabiè.  Il  ne  reste  de  (  ' 
Brun  que  des  articles  en  vers  publiés  par  le  Babillard,  journal  littéraire 
de  notre  ville. 


168  DIALECTES     MODERNES 

assez  longs  pour  permettre  d'apprécier  César  Brun  comme  il 
mérite  de  l'être. 

Nous  avons  été,  grâce  à  de  bienveillantes  communications, 
plus  heureux  pour  Auguste  Guiraud.  Sans  avoir  les  qualités 
poétiques  des  Rigaud  ou  de  César  Brun,  Auguste  Guiraud 
n'est  pas  moins  digne  d'être  lu  et  étudié  par  tous  ceux  qui 
voudront  connaître  l'histoire  du  dialecte  de  Montpellier  au 
XIX»  siècle. 

Né  à  Saint-Chinian  en  1778,  le  Jean  Guiraud,  négociant,  et 
de  dame  Françoise  Février;  mort  à  Montpellier  en  1849,  à 
l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans,  il  a  connu  la  plupart  des  au- 
teurs dont  nous  avons  plus  haut  cité  le  nom,  et  s'est  mêlé  ac- 
tivement au  mouvement  littéraire  qui  se  déroule  depuis  la  mort 
de  l'abbé  Favre  jusqu'à  la  naissance  de  l'Ecole  des  félibres. 
Il  nous  laisse  ainsi  des  spécimens  de  ce  qu'a  été  notre  idiome 
durant  les  cinquante  premières  années  de  ce  siècle. 

L'œuvre  de  Guiraud  offre  d'autant  plus  d'intérêt,  qu'il  ne 
s'est  pas  exclusivement  renfermé  dans  l'étude  du  dialecte  de 
Montpellier.  Il  appartenait,  comme  Cyrille  Rigaud,  au  corps 
enseignant  :  il  a  été  principal  du  collège  de  Narbonne  et  du 
collège  d'Arles,  et  a  dirigé  à  Montpellier,  durant  de  longues 
années,  une  institution  renommée.  Dans  sesfonctions  diverses, 
il  développa  son  goût  naturel  pour  les  lettres,  et  manifesta 
des  préoccupations  littéraires  rares  chez  ses  émules  langue- 
dociens et  des  aspirations  philologiques  bien  vagues  encore, 
mais  dont  il  est  bon  de  signaler  la  première  apparition. 

Sa  préface  de  la  traduction  des  Fable?  de  Lafontaine  con- 
tient des  réflexions  fort  justes,  qui  lui  sont  inspirées  par  les 
essais  qu'il  avait  faits  dans  les  dialectes  de  Montpellier,  d'Arles 
et  de  Béziers. — Malheureusement,  ces  remarques  ne  semblent 
pas  avoir  fait  grande  impression  sur  son  esprit.  «  Le  patois 
de  Montpellier,  dit-il,  se  rapproche  du  français  chaque  jour 
davantage  et  perd  ainsi  de  sa  beauté  naturelle  ;  il  en  devient 
seulement  plus  intelligible  aux  étrangers.  »  Observation  bien 
juste,  et  dont  les  ouvrages  de  Guiraud  offrent  trop  souvent  la 
preuve.  11  a  manqué  à  notre  auteur  (puisqu'il  sentait  si  bien 
le  travail  de  corruption  dont  son  idiome  était  la  victime)  la 
force,  le  courage  et  la  netteté  de  vue  nécessaires  pour  réagir 


NOTICE    SUR    GU1RAUD  169 

contre  une  funeste  tendance. — S'il  avait  écritsous  l'inspiration 
des  idées  que  révèle  cette  prélace,  et  qui  peuvent  se  résumer 
en  deux  mots  :  fusion  progressive  possible  des  différents  dia- 
lectes, épuration  et  surveillance  exacte  du  vocabulaire ,  Oui- 
raud  aurait  mérité  d'occuper  dans  l'histoire  de  notre  langue 
un  tout  autre  rôle  que  le  rôle  effacé  que  sa  facilité  singulière, 
la  souplesse  de  ses  aptitudes  et  la  variété  de  ses  goûts  litté- 
raires lui  permettent  de  revendiquer. 

Plus  sage  que  la  plupart  de  ses  contemporains,  Guiraud  a 
eu  soin  de  recueillir  ses  manuscrits,  et  nous  pouvons  en  dres- 
ser une  liste  à  peu  près  complète.  Elle  sera  utilement  consultée 
par  ceux  qui  voudront  entreprendre  l'étude  des  variations  de 
notre  idiome  durant  une  longue  période  de  plus  de  cinquante 
ans. 

1°  Relation  d'un  petit  voyage,  ou  Lettre  à  mon  ami. 

Lettre  à  Jourdan,  en  prose  française,  mêlée  t'de  vers  fran- 
çais et  de  vers  patois.  — On  y  trouve  la  chanson  du  Petàs,  at- 
tribuée à  Gaussinel  (?),  et  la  réponse  à  la  romance  que  Florian 
a  mise  dans  la  bouche  d'Estelle. 

2°  La  Font  Putanela,  publiée  par  la  Revue  (année  1873). 

3°  Lous  Plesis  de  Boutounet,  ou  le  Carnaval  à  Montpellier, 
divertissement  en  un  acte,  en  patois,  mêlé  de  vaudevilles, 
terminé  par  la  danse  vulgairement  dite  :  la  Dansa  das  Bufets. 

(Pièce  à  tiroirs,  qui  dénote  une  '.grande  inexpérience  de  la 
scène.  —  On  y  retrouve,  avec  quelques  variantes,  la  chanson 
d'Auguste  Rigaud  intitulée  lou  Hossignou,  composée  en  l'hon- 
neur d'une  célèbre  actrice  du  temps,  la  Saint-James.  Ce  ma- 
nuscrit offre  une  lacune  entre  la  scène  xv  et  la  scène  xvi.) 

4°  Pepezuc,  ou  le  Triomphe  de  Béziers,  pièce  héroï-comique 
en  trois  actes,  en  vers  français  et  languedociens,  mêlés  de 
chants  et  de  danses  du  pays. 

(Avec  un  argument  contenant  de  singulières  notions  histo- 
riques, extraites  de  la  préface  d'un  divertissement  donné  à 
Béziers,  le  16  mai  1616.) 

Cette  pièce  est  inspirée  par  de  nombreuses  comédies  sur  le 
même  sujet,  représentées  à  Béziers  pour  les  fêtes  de  Caritach, 
dont  Pepezuc  était  le  héros  ordinaire.  (Voir  les  Mémoires  de 
la  Société  archéologique  de  Béziers,  2e  livraison,  1837,  p.  343, 
et  les  livraisons  ix,  x,  xi  et  xii.) 


170  DIALECTES  MODERNES 

5°  La  Pépin  ad  a,  pouema  en  quatre  cants. 

(Poëme  héroï-comique  sur  Pépin  le  Bref,  écrit  probable- 
ment au  début  de  la  Restauration.) 

6°  A  Pytkagore. 

(Cette  pièce,  imitée,  d'après  les  indications  de  l'auteur,  des 
Métamorphoses  d'Ovide,  devait  faire  partie  d'un  recueil  dont 
le  reste  est  perdu.  Elle  a  dix  pages.  La  première  page  porte  le 
n°  103.  C'est  une  des  meilleures  pièces  de  Guiraud.  La  tirade 
sur  la  cuisine  à  Montpellier,  au  temps  de  l'auteur,  ne  manque 
pas  d'intérêt.) 

Ah  !  sepoudiés  d'amoun  veïre  nostre  régal  ! 

De  que  dise,  d'amoun  !  fau  dire  d'aïçabal  J . 

Car  despioïdous  mille  ans  habités  su  la  terra. 

Ou  din  lou  corps  d'un  bomme  exerçât  à  la  guerra, 

<  a  tantos  din  lou  corps  d'un  peï  ou  d'un  grapaôu, 

Din  lou  corps  d'una  fenna  ou  de  quaouque  animaou, 

Saïque  d'un  passerou.  Lou  fusil  pot  t'attegné 

Lou  corps  péris,  se  sap  ;  l'ama  a  pa  res  à  crégné, 

En  caousiguen  de  suita  una  aoutra  habitatioun. 

Es  tus  que  nou  l'as  dich  ;  sabe  pa  sas  raisoun . 

En  tout  cas,  faï  te  mousqua,  et  véni  su  la  taôula 

Ounte  festinejan  :  veïras,  su  ma  paraôula. 

Se  la  car  que  manjan  vaou  pa  lou  rafatun 

Et  l'effet  que  produis  l'agland  et  lou  légun 

Veïras  un  loup  de  mar  quioch  embe  de  taperas  . 

Un  gigot  de  mouton  sus  un  liech  de  tufféras  . 

Un  canard  as  navés,  un  lard  as  fabaroûus  , 

Un  piot  accoumpagnat  d'una  founduda  d'ioôus  ; 

Lou  filet  de  sanglié  voôu  la  saouça  piquànta 

Et  lou  thoun  marinât  aou  bon  oli  s'aganta; 

La  poula  à  l'aïgua-saou ,  lou  lapin  aou  civet. 

La  fouqua  à  la  timbàla,  aou  blu  lou  carrelet  : 

La  fina  cousteletta  es  bona  à  la  pureïa  , 

La  mola  daou  budel  aou  fricandeou  d'oseïa  . 

Un  parel  de  perdris  din  lou  cur  d'un  caoulet . 

Un  beou  quartié  d'agnel  à  la  saouça  aou  potdet. 

Una  blanca  merlussa  à  la  benedictina 

Et  de  pijouns  patus  quiochs  ,ï  la  crapaoudina. . . . 

Quaou  pourrie  racounta  Ion  détal  daou  boulit? 

*  Allusion  à  la  métempsycose. 


NOTICE    SUR    GUIRAI1D  171 

Et  pioï  loufcs  entre-mès  ! . . .  Passen  doun  aou  roustit. 
Quante  plaisi  non  donna  una  dinda  truffàda 
Et  de  tendres  poules  dins  un  nis  de  salada  ! 
Un  jouïne  et  gras  lébraou  boutounat  de  lardons, 
Que  figura  entre  mieeh  de  dous  grasses  capous  ! 
Et  pioï  lou  plu  vies,  lou  tourdre,  la  bécassa, 
Anfin  tant  de  gibié  que  lou  récit  m'allassa  ! 

Arriven  aou  dessert.  Es  aqui,  grand  doctou, 

Qu'à  ta  bella  douctrina  aïman  de  rendre  hounou  : 

Daou  méou  fasen  la  tourta  et  daou  lach  una  crêma, 

Et,  per  nous  regalà  de  toun  poulit  systêma, 

Lous  fruits  soun  estallas  après  nostre  fricot  : 

Alor  vénou  s'ouffri  lapera,  l'aoubricot. 

La  pécha,  lou  rasin  et  las  figas  maduras, 

Que  per  nostre  ragous  an  mes  en  counfitùi-as. 

Benissen  l'art  hurous  que  lous  a  préparas. 

Lou  café,  la  liquou  terminou  lou  repas. 

Ainsin  laïssan  en  pés  tous  aglans,  tous  calossés  ! 

Mais  nou  priva  de  car  !  oh  !  sen  pa  tan  talossés  ! 

Saben  despioï  lonten  que  la  car  faï  la  car. 

Et  contra  toun  avis  nou  tenen  en  despar . 

Se  t'avien,  din  tous  jours,  servit  nostre  ourdinari, 

Toun  libre  et  toun  esprit  nou  dirien  lou  countrari. 

7°  Fablas  caousidas  de  Lafontaina,  en  couplets  languedo- 
ciens, patois  de  Mountpeiè. 

Avec  traduction  en  couplets  français  et  préface. 

Suivies  de  :  Fablas  caousidas  de  Flourian  et  de  six  fables  iné- 
dites de  divers  auteurs. —  Un  ne  donne  pasjle  nom  de  ceux-ci. 

8°  Recueil  de  compliments,  dialogues  et  autres  pièces  de  vers  à 
l'usage  des  demoiselles  du  pensionnat  de  Sainte-  Ursule,  à  Mont- 
pellier. n°  2,  commencé  à  l'époque  de  l'arrivée  à  Montpellier 
de  Monseigneur  Charles  Thomas  Thibault,  évêque,  le  15  sep- 
tembre Ls35. 

Dans  ce  recueil  sont  insérées  quelques  pièces  de  vers  qui 
ont  été  faites  en  divers  temps  pour  d'autres  motifs,  ainsi  que 
des  épîtres  languedociennes. 

Ce  cahier,  de  242  pages,  contenant  117pièces  diverses,  fai- 
sait suite  à  un  premier  recueil  qui  a  été  égaré.  —  C'est  de  là 
qu'a  été  extrait  le  dialogue  Que  ia  de  nou  ?  publié  par  la  Revue. 

A.  Glaize. 


ENIGMES  POPULAIRES 

DU    LIMOUSIN 


Qu'est-ce  qu'une  énigme?  Une  question  et  une  image. 

L'énigme  fut  toujours  chère  aux  enfants  et  aux  vieillards.  Aussi 
bien,  le  vieillard  sait,  et  l'enfant  veut  savoir. 

Le  Limousin,  cette  contrée  à  la  fois  antique  et  nouvelle,  encore 
à  présent  presque  partout  naïve  comme  au  temps  jadis,  le  Limou- 
sin ne  manque  pas  de  ces  comparaisons,  de  ces  images,  de  ces 
problèmes  si  pleins,  au  fond,  do  sagesse  et  de  grâce,  c'est-à-dire 
de  poésie.  L'hiver  autour  du  foyer,  l'été  à  l'ombre  des  arbres,  le 
«  sourcelage  »  triomphe.  On  se  ressouvient  à  qui  mieux  mieux.  Le 
moule  traditionnel  reçoit,  il  est  vrai,  plus  d'une  coulée  inatten- 
due. Mais  qu'y  faire  ?  et  qu'importe?  L'invention  est  de  tous  les 
temps  ;  et  un  sourcelage.  pour  être  bienvenu,  n'a  pas  besoin  de 
montrer  son  acte  de  naissance.  On  ne  lui  demande  qu'une  chose  : 
intéresser. 

Le  mot  «  sourcelage  »  est,  si  je  ne  me  trompe,  particulier  au  Li- 
mousin. Ailleurs  on  dit  devinlia,  devïnalha,  etc.  Nous  disons  sour- 
celage, comme  s'il  fallait  être  quelque  peu  sorcier  pour  deviner  ce 
petit  mystère  qui  s'appelle  une  énigme. 

On  remarquera  que  plusieurs  de  ces  sourcelages  affectent  la 
forme  rimée.  Nos  troubadours  et  nos  jongleurs  ont  peut-être  passé 
parla.  L'énigme  est  un  jeu  de  société  par  excellence;  et  à  ce  compte 
elle  dut  être  choyée,  dans  un  temps  où  l'esprit  prenait  volontiers 
tous  les  tons,  revêtait  volontiers  toutes  les  formes  l. 

Avant  de  clore  cet  avant-propos  et  pour  répondre  à  une  de- 
mande amie,  je  signalerai  quelques  singularités  dialectales,  fami- 
lières au  bas-limousin. 

Tulle  donne  à  la  finale  un  son  indécis,  malaisément  saisissable. 
Est  ce  un  o?  Est-ce  un  a?  Béronie  a  prodigué  la  première  de  ces 
voyelles  au  commencement,  au  milieu  et  à  la  fin  des  vocables.  Il 
s'efforçait  d'être  exact;  à  la  vérité  dire,  il  a  trahi  sa  langue.  Quoi 
qu'il  en  soit,  l'accent  tonique  se  fait,  à  Tulle,  grandement  sentir. 


1  Quelques-uns  des  sourcelages  qui  suivent  ont  été  déjà  compris  par 
M.  Alph.  Koque-Ferrier  dans  ses  Énigmes  populaires  en  langue  d'oc. 
Montpellier   1876.  in-8». 


ENIGMES    POPULAlRp;*  173 

La  pénultième  importe  surtout  ;  la  finale  est  ce  qu'on  la  veut  : 
pouma, peira,  ama. . .  Le  pluriel  est  toujours  en  «  as»,  l'a  cette  fois 
très-distinct  :  «  poumas,  peiras,  amas. . .  » 

En  outre,  quantité  de  mots  sonnent  très-clairement  a.  Exem- 
ples :ja,  déjà,   quoura,  apueija,  enquera,  etc. 

J'ajoute  qu'assez  souvent  le  même  mot,  prononcé  parles  mêmes 
lèvres,  sonne  tantôt  a,  et  tantôt  o. 

Argentat  (29  kilom.  de  Tulle  )  a  conservé  l'a  initial  et  final  : 
ferra,  germa,  amava. . .  Fief  de  Ventadour,  entouré  partout  de  fiefs 
étrangers,  il  dut  sans  doute  à  un  long  isolement  cette  fidélité, 
hélas  !  trop  rare,  à  l'a  classique. 

Beaulieu,  en  aval  d'Argentat,  sur  les  bords  de  la  Dordogne,  pro- 
nonce c  dur  comme  au  meilleur  temps  de  la  littérature  limousine. 
Une  phrase  proverbiale  fait  bien  connaître  cette  façon  de  parler  : 
«  La  cata  a  catounat  jous  l'escalier.»  Tulle,  Brive,  Ussel...  di- 
raient :  «  La  chata  a  chatounat  jous  Veschalier.  » 

Saint  Sylvain,  peu  distant  de  Tulle  et  d'Argentat,  ne  laisse  pas 
que  d'avoir  une  prononciation  assez  indépendante.  Ain>i  :  1°  il 
transporte  l'accent  tonique  sur  la  syllabe  terminale,  principalement 
dans  l'impartait  des  verbes:  amavàs, parlavàm . .  .  2°  il  substitue  Ye 
a  l'a,  à  la  première  personne  de  l'imparfait  des  verbes  en  ar  : 
amave,  pensave . . .  3°  il  introduit  un  i,  au  présent,  dans  la  deuxième 
personne  plurielle  de  ces  mêmes  verbes  :«  Ounte  anaitz?  A  qui 
parlaitz?.  » 

Enfin  Saint-Hilaire-Peyroux,  sis  entre  Tulle  et  Brive,  sur  la  rive 
droite  de  la  Correze,  semble  avoir  gardé,  mieux  que  pas  un  autre 
lieu,  la  pure  par  lad  ma  classique.  Ici,  en  effet  :  1°  la  première  per- 
sonne du  présent,  dans  toutes  les  conjugaisons,  est  en  i:  ami,  senti, 
rodi,  vezi. . .  ;  2°  l'a  terminal  sonne  franchement  dans  les  noms  et 
dans  les  verbes  :  causa,  Briva,  Tula,  amava,  amarià;  3°  l'e  se  dé- 
tache vif  et  bref  dans  une  foule  de  mots:  Deus,  ben,  etc.;  4°  )'«  épar- 
gne, à  l'occasion,  tel  vocable  encore  écrit  et  prononcé  comme  on 
l'aurait  fait  jadis,  lo  pour  lou ,  corage  pour  courage,  etc. 

Personne,  je  l'espère,  ne  se  formalisera  des  régies  orthographi- 
ques appliquées  à  la  transcription  des  sourcelages  qui  suivent.  En 
tenant  compte  des  modifications  apportées  par  le  temps,  ce  sont 
celles  de  la  tradition,  les  seules,  à  mon  avis,  naturelles  et  consa- 
crées. J'ai  été  encouragé  à  y  revenir  par  l'exemple  de  deux  de  nos 
maîtres  en  philologie.  MM.  Gabriel  Azaïs  et  G.  Chabaneau  \  qui, 

1  Dans  le  Dictionnaire  des  idiomes  du  midi  de  !a  France  et  la  Gram- 
maire limousine 


174  DIALECTES    MODERNES 

sur  dos  pointa  nombreux  et  divers,  ont  récemment  remis  en  hon- 
neur l'orthographe  ancienne,  parles  conseils  de  Mistral, enfin  qui 
m'écrivait  en  1874  (lettre  du  21  septembre):  <>  Revenons  au  sys- 
tème de  nos  pères,  au  génie  du  pays...  » 

Limousin  de  naissance,  je  me  suis  cru  le  droit  de  suivre  les  rè- 
gles orthographiques  des  troubadours  limousins  du  moyen  âge; 
petit-neveu  de  Nicolas  Béronie,  j'ai  pensé  que  je  devais  chercher 
à  réparer  le  mal  fait  à  notre  langue  par  le  Dictionnaire  du  patois  du 
bas  Limousin. 

Joseph  Roux   (de  Tulle). 

l'un:  à  Saint  Hilaire-Peyi oux  (Corrèze) 


Sourcelages 

I.  —  Qu'es  aco,  qu'es  aco  : 

Chaufa  sens  bois,  esclaira  sens  chalel  ? 

—  Lou  soulel. 

11.   —  Found  la  cerae  durzis  la  brouda  ? 

—  Lou  soulel. 

III.  —  Fai  quatre  quarts,  e  noun  es  estât  pesât? 

—  La  luna. 

IV.  —  Potassât. 

Bourdassat  (  alîàs  :  dourdassat). 
Jamais  l'egulha  i  a   passât  ? 
—  Un  ci  al  ni  vous. 
V.    — -   Monta  l'aiga  al  cial  sens  selliou  ? 

—  Las  nivouls. 

Enigmes 

I.  —  Qu'est-ce  que    c'est,  qu'est-ce  que   c'est:  —    chauffe  sans 
bois,  éclaire  sans  lampe?  —  Le  soleil. 

II.  —  fond  la  cire  et  durcit  la  boue  ?  —  Le  soleil. 

III.  —  Fait   quatre  quarts  et   n'a  pas    été  pesé? —  La    lune. 

IV.  —  Rapiécé,  rapetassé,  jamais  l'aiguille  n'y  a  liasse''  — Un 
ciel  nuageux. 

V.  —  Monte  l'eau  au  ciel  sans  seau  •'  —  Les  nuages. 


ENIGMES   POPULAIRES  175 

VI.  —  N'a  ni  peds  ni  mas,  e  darraja  souven  lous  bos? 

—  Lou  vent. 

VII.    —  Parla   sons  boucha,  cour  sens  chambas,   tusta 
sens  mas,  passa  sens  pareisser? 

—  Lou  vent. 
VIII.    —  Bel  couma  una  fava, 

Rumplis  touta  una  cava  ? 

—  Un  esclaire. 

IX.  —  Bel  couma  un  fenier, 

Despassa  pas  un  denier?  (Aliter  :  ne  val  pas.) 

—  Lou  fum. 

X.  —  Marcha  lou  mati  em  quatre  chambas; 

A  miejour,  em  douas  ;  lou  ser,  em  très? 
—  L'ome  (efan,  madur  e  vielh). 
XL  —  Que  qu'ei,  que  qu'ei  : 

Nous  autres  lou  vezem  touts  lous  jours;  un  rei, 
quaucus  cops;  Dieus,  jamais? 

—  Nostre  parier. 

XII.  —  Se  pausa,  touts  trabalhon;  trabalha,  touts  se 

pauson  ? 

—  Un  curât. 

XIII.  —  Donn   mais  el  chanta,  doun  mais  lous  autres 
puron? 

VI.  —  N'a  ni  pieds,  ni  mains,  et  souvent  arrache  les  forêts?  — 
Le  vent. 

VII.  —  Parle  sans  bouche,  court  sans  jambes,  frappe  sans 
mains,  passe  sans  paraître?  —  Le  veut. 

VIII.  —  Grand  comme  une  fève,  il  remplit  une  cave?  —  Un 
éclair. 

IX.  —  Grand  comme  une  grange  à  foin,  ne  vaut  pas  au  delà 
d'un  denier?  —  La  fumée. 

X.  —  Marche  le  matin  avec  quatre  jambes  ;  à  midi,  avec 
deux  ;  le  soir,  avec,  trois  ;  —  L'homme,  enfant,  mûr,  vieillard. 

XL  —  Qu'est-ce,  qu'est-ce:  nous  le  voyons  tous  les  jours:  un 
roi.  quelquefois  ;  Dieu,  jamais? —  Notre  semblable. 

XL1.  —  Se  repose-t-il,  tous  travaillent  :  travaille-t-il,  tous  se 
reposent  ?  —  Un  curé. 

XIII.  --  Plus  il  chante,  plus  les  autres  pleurent  ?  —  Un  curé 
qui  enterre. 


176  DIALECTES  MODERNES 

—  Un  curât  qu'enterra. 

XIV.  —  Un  mieg-mort  se  leva,  fai  levar  un  autre  mieg- 
mort,  entra  dins  lou  sen  de  sa  maire  e  minja  soun  paire? 

—  Un  pestre  que  sona  lou  meirelher,  vai  à  l'egleija  e 
dis  sa  messa. 

XV.  —  Nègre  lou  jour  e  blanch  la  nueg? 

—  Un  curât. 

XVI.  —  Quania  diferensa  i  a 

Entre  un  curât  et  una  goga  ? 
—  La  goga  es  estachada  de  naut  e  de  bas  ;  le  curât,  pel  mieg. 

XVII.  —  Entre  un  abat  (  vicari)  et  un  pressedier? 

—  Lou  pressedier  ne  vol  esser  curât;  lou  vicari,  sibe. 
XVIII.  —  Entre  un  juge  de   pats  et  un  escbalier? 
—  L'eschalicr  fai  levar  lou  ped  ;  lou  juge  fai  levar  la  ma 
XIX.    —  Qu'es  aco,  qu'es  aco: 

Ve  d'à  chaval  e  s'entorna  d'à  ped? 

—  Lou  mal. 

XX.   —  Lou  vezeui  pas,  e  nousapauta? 

—  L'âge. 

XXI.   —   Un  champ,  doun  mais    es  trabalbat,  doun  mais 
dona  de  mauvasa  semensa  ? 
—  La  maudisensa. 


XIV.  —   Un   mi-mort   se    levé,  fait   lever    un    autre  mi-mort, 
entre  dans  le  sein  de  sa  mère  et  maille  son  père? —  Un  prêtre  qui 

appelle  le  marguillier,  va  à  l'église  et  dit  sa  messe  . 

XV.  —  Noir  le  jour  et  blanc  la  nuit?  —  Un  prêtre. 

XVI.  —  Quelle  différence  y  a-t-il  entre  un  curé  et  un  boudin? 
—  Un   boudin  est  attaché  aux  deux    bouts;  le  curé,  à  mi-corps. 

XVII.  —  Entre  un  vicaire  et  un  pêcher?—  Le  pêcher  ne  veut 
pas  être  curé  (émondé) ;  le  vicaire,  si. 

XVIII.  —  Entre  un  juge  de  paix  et  un  escalier?    —  L'escalier 
l'ait  lever  le  pied;  le  juge  l'ait  lever  la  main. 

XIX.  — Qu'est-ce  que  c'est,  qu'est-ce  que  c'est:  arrive  à  che- 
val, et  s'en  retourne  à  pied  ?  —  Le  mal. 

XX.  —  Nous  ne  le  voyons  pas,  et  il  nous  renverse?  —  L'âge. 

XXI.  —  Un  champ   qui,  plus  on  le  travaille,  plus  il  produit  de 
mauvaises  herbes  1 —  La  médisance. 


ENIGMES    POPULAIRES  l" 

XXII.  —         Que  qu'oi,  que  qu'oi  : 

»  Torta, 

»  Redorta, 
»  D'oun  venes-tu  ? 

—  »  Toundut, 

))  Reboundut, 
»  De  pus  loun  que  tu  ?  » 
—  Un  prat,  un  rîu. 

XXIII.  —  Jamais  aco  ne  vol  requiular? 

—  L'aiga. 

XXIV.  —  Se  fai  far  plassa 

Sens  leissar  trassa  ! 
—  Un  batel. 
XXV.    —  Quatre  uels,  quatre  aurelhas.  sieis  chambas  et 
una  coua? 
—  Un  home  à  chaval. 
XXVI .   —  Petiot  home  renfoursat, 

Brajas  courtas,  quioul  trauchat1? 
—  Un  droullou. 
XXVII.   —  Bois  de  naut,  bois  de  bas, 
Bois  dessai,  bois  de  lai, 

Char  pel  mieg? 
—  Un  efantal  bres  (Alias:  un   garda-minjar  . 

XXII.  —  Qu'est-ce,  qu'est-ce:  torte. —  tortue,  —  d'où  viens- 
tu?  —  Tondu,  — caché,  —  de  plus  loin  que  toi?  —  Un  pré,  un 
ruisseau. 

A XIII.  —  Qui  ne  veut  reculer  jamais?  —  L'eau. 

XXIV.  —  Se  fait  faire  place,  sans  laisser  de  trace?  —  In 
navire. 

XXV.  —  Quatre  yeux,  quatre  oreilles,  six  jambes  et  une 
queue?  —  Un  homme  achevai 

XXVI.  —  Petit  homme  renforcé,  —  braies  courtes,  cul  percé? 
—  Un  petit  garçon. 

XXVli.  —  Bois  dessus,  bois  en  lias,  bois  d'ici,  bois  de  là. 
chair  au  milieu  ? —  Un  enfant  au  berceau  (ou  un  garde-manger  . 

1  Allusion  aux  braies  fendues  au  derrière  quepoit<nt  les  enfants  en 
bas  âge. 

14 


178  iMALEOTES    MODEkInES 

XXVIII.  —         Qu'es  aco,  qu'es  aco  : 

Escaleta, 
Mountaleta, 
Auve-la, 
Devina-la  ? 
—  La  lenga. 

XXIX.  —         Passa  una  bêla  aiga 

Sens  batel  ni  pount? 
— Lou  soun. 

XXX.  —  Champ  blanch,  semenalha  negra, 

Cinq  biôus  à  la  relha? 

—  Del  papiol,  de  l'encra,  lous  dets  que  tenon 
la  pluma. 
XXXI.   —  Moun  paire  es  petiot;  ieu,  soui  gran; 
Déclare  la  guerra,  anounce  la  patz? 

—  Lou  papiol. 

XXXII     —  Zou  gitariatz  countre  un  roch,  aco  se  cassarià 
pas;  gitatz-zou  dins  l'aiga,  aco  se  cassa  ! 

—  Del  papiol. 

XXXIII.  —   Meijura  d'un  cop  l'aussada  del  cial? 

—  L'uel. 

XXXIV.  —  Poussa,  e    noun  es    planta;   sagna,  e  noun  es 

char  ;  copa,  e  noun  es  coutel? 
—  L'oungla. 

XXV1U.  —  Qu'est-ce  que  c'est .  qu'est-ce  que  c'est  :  échelette 

—  montelette, —  entends-la, —  devine-la? —  I.a  langue. 

XXIX.  —  Traverse   une  grande  eau,  —  sans  bateau  ni  pont? 

—  Le  son. 

XXX.  —  Champ  blanc,  semence  noire,  cinq  bœufs  à  la    ebar- 
rue  ?  —  Du  papier,  de  l'encre,  les  doigts  qui  tiennent  la  plume. 

'  XXXI.  —  Mon  père  est  petit,  je  suis  grand;  je  déclare  la  guerre, 
j'annonce  la  paix?  —  Du  papier. 

XXXII.  —  Vous  le  jetteriez  contre  un  roc  sans  le  briser;  jetez- 
le  dans  l'eau,  cela  se  brise?  —  Le  papier. 

XX XI II.  —  Mesure  d'un  seul  coup  la  hauteur  du  ciel? — L'œil. 

XXXIV.  —  Il  pousse,  et  n'est  pas  plante;  il  saigne  et  n'est  pas 
ebair  ;  il  coupe  et  n'est  pas  couteau?  —  L'ongle. 


ENIGMES    POPULAIRES  179 

XXXV.    —  Quai,  quala  : 

Ne  chai  imitai-  per  marchai'  ben  ? 

—  Una  escarabissa . 
XXXVI.    —      A-n-un  corps  sens  os? 

—  Un  verme. 

XXX. VII.    —  Descoumpassa  un   chastel,  e  ne  pot  descoum- 
passar  una  levada  ? 

—  Una  firmis. 
XXXVIII.  —  Bâton  viu,  bâton  mort? 

—  Un  ase.  (De  sa  pel  se  fai  dels  tambours). 
XXXIX.  —  Se  despolha  per  nous  vestir? 

—  L'oulha. 

XL.  —     Qu'es  aco,  qu'es  aco  : 

G-orja  dins  gorja,  set  chambas  et  una  coua? 

—  Un  chat  que  leca  una  oula. 

XLI.  —  Douas  pias,  douas  lias,  quatre  bezinguas  et  un 
tapa-quioul  ? 

—  Una  chabra, 
XLII. —  Char  dessai,  char  délai,  bois  pelmieg? 

—  De  las  vachas  al  labour. 
XLIII.  — Tan  que  plueva,  jamais  aco  se  molha? 

—  Un  pieis  de  vacha 

XXXV.  —  Lequel,  laquelle,  il  ne  faut  pas  imiter,  si  l'on  veut 
marcher  bien  ?  —  L'écrevisse. 

XXXVI.  —  A  un  corps  sans  os?  —  Un  vermisseau. 
XXXVII. —  Dépasse  un  château,  et  ne  peut  dépasser  une  rigole 

de  pré  ?  —  Une  fourmi. 

XXXV1IL  —  On  bat  vivant,  on  bal  mort? — L'âne.  (Sa  peau  sert 
pour  les  tambours.) 

XXXIX.  —  Se  dépouille  pour  nous  vêtir?  —  La  brebis. 

XL.  —  Qu'est-ce  que  c'est,  qu'est-ce  que  c'est:  une  gorge 
dans  une  autre,  sept  jambes  et  une  queue  ?  —  Un  chat  qui  lèche 
une  marmite. 

XLI.  —  Deux  cornes,  deux  fanons,  quatre  jambes  et  un  tape- 
cul? —  Une  chèvre. 

XLII.  —  Chairdeçà,  chair  de  là,  bois  au  milieu?  —  Des  va- 
ches à  la  charrue. 

XLIII.  —  Tant,  pleuve-t-il,  cela  ne  se  mouille  pas? —  lu  pis 
de  vache. 


ISO  DIA'LECTKS    MODERA  Eb 

XLIV.     -      Que  qu'ei,  que  qu'ei  : 

Tounelou, 
Bounelou, 
Pie  de  vi, 
Barra  sens  cecle  ? 
—  Un  gru  de  rasim. 
XLV.   —  Quatre  douniaiseletas 

An  quatre  chambretas? 
—   Una  caca. 
KLVI.   —  Verd  couma  un  pourrai, 
Loung  couma  un  fiai, 
Dous  couma  del  mial  ? 
—  Lou  cacal  (quan  s'en  fai  de  Toli). 
XLVII.   —  Verd  couma  prat, 

Dur  couma  bois, 
Blanch  couma  lat? 
—  Una  caca  frescha. 
XL VIII.    —  Gru,  gruneta, 

Tout  cuech,  tout  salât, 
Dins  sa  toupineta  ? 

—  Una  aulana. 

XL1X.  —  A  cinq  os,  cinq  patetas,  una  coua  '. 

—  La  nespla. 

L.    —  A  cinq  alas,  una  coua  e  ne  pot  mountar  un  bos  ( 

—  La  nespla. 

XLIV.   —  Qu'est-ce,  qu'est-ce:   tonnelet,   bonnelet,    plein    de 
vin,  est  clos  sans  cerceau?  —  Un  grain  de  raisin. 

X  i  ,V.    -  Quatre  demoiselettes  ont  quatre  chambrettes  '•'  —  Une 
;ioix. 

XLVI.   —  Vert  comme   un    poireau,    long   comme  un  fil,  doux 
comme  du  miel? —  La  noix  (quand  on  on  fait  de  l'huile). 

XLVII.  —   Vert  comme  prairie,  dur  comme  bois,  blanc  connue 
lail  ?  —  Une  noix  fraîche. 

XLV1II.  —  Grain,  grainette,  tour  cuit,  toul  salé,  dans  son  petit 
(ou pin  ?  —  Une  noisette. 

XL1X. —  A  cinq  os  (noyaux), cinq  pattes,  une  queue? — La  nèfle. 

L.    —  A  cinq  ailes,  une  queue  et    ne  peut  s'élever  vers  le   bois. 
—  La  nèfle, 


ENIGMES    POPULAiRKS  181 

LI.  —  A  bel  paire,. ru da maire, 

Chaminja  negra,  blancha  étant? 

—  Una  chastanha. 
LU.    -   Pendaulhou  pendaulhava  , 

Pendaulhou  toumbet  : 
Grrouun  venguel 
E  lou  minget? 

—  L'aglan. 

LUI.    —   Pendaulhou  pendaulhava  , 
Roundelhou  roundelhava  ; 
Pendaulhou  toumbet , 
Roundelhou  l'amasset? 
—  Un  aglan  et  un  tessou. 
LIV.  —     Pendaulhou,  pendaulhoun, 

Mounta  bilhou,  mounta  bilhoun. 
Bourrut  <hjjous  lou  charcha? 
L'aglan. 
LV.  —         Court  brajat, 
Naut  mounta r, 
Bourrut  lou  charcha? 
—  Un  aglan . 
LVI.  —  Al  mieg  d'un  bos,  n'a  mas  una  chambrota  et  un 
chapelou  ? 

—  Un  poutarel. 

LI.  —  A  haut  père,  rude  mère,  chemise  noire,  blanche  enfant  ? 
—  Une  bogue  de  châtaigne. 

LU.  —  Pendillon  pendillait,  penrlilion  tomba  ;«  grouin1»vint  pi 
le  mangea?  —  Le  gland. 

LUI.  —  Pendillon  pendillait,  grognon  grognonnait,  rodillon  ro- 
•  lilla.it,  pendillon  tomba,  rodillon  le  ramassa?—  Le  gland  et  le  jeune 
pourceau . 

LIV.  —  Pendillot  pendillon,  monte  billot,  monte  billon,  bourru 
dessous  le  cherche? —  Le  gland. 

LV. —  Court  velu,  haut  monté,  bourru  le  cherche? — Un  gland. 

LVI.  —  Au  milieu  d'un  bois,  il  n'a  qu'une  chambrette  et  un 
chaperon?  —  Un  champignon  . 

1  Onomatopée  pour  signifier  le  porc. 


182  DIALECTES    MODERNES 

LVII.    -    Qu'es  aco,  qu'es  aco  : 

Fai  centlegas  e  mais,  se  chai, 
Sens  sourtir  de  soun  boujal  ? 

—  Un  ueu. 

LVIII.  —  Auguessas-tu  dech-nau  claus, 

Zou  drubiràs  pas  sens  far  «  pan  !  pan!  »  ? 

—  Un  ueu. 

LIX.  —  Tan  mais  l'an  z'estira,  tan  mais  co  brama? 

—  Las  clochas. 

LX.    —  Doun  mais  n'an  z'estira,  doun  mais  co  fug  ? 

—  Un  eschautou  de  fiai . 
LXI.    —  Quatre    doumeiseletas   toujour  se   galopon,   e 
podon  jamais  s'acoutar? 

—  Un  eschavel. 

LXII.  —  Madama  Negra  mounta  en  chadena, 
Moussu  de  Bilhous 
Bufa  dejous? 
—  Un  oula  sus  lou  fueg. 
LXIII.   —  Bois  de  naut,  bois  de  bas, 
Bois  dessai,  bois  de  lai, 
Bonna  pel  mieg? 
—  Una  mast  plena  de  pasta. 
LXIV.  —  A  la  pouncha  d'un  puechou, 
Pissa  couma  un  truejou  ? 

LVII.  —  Qu'est-ce  que  c'est,  qu'est-ce  que  c'est  :  il  fait  cent 
lieues,  et  davantage   s'il  faut,  sans  sortir  de  son  trou"?  —  Un  œuf. 

LVIII.  —  Eusses-tu  dix-neuf  clés,  tu  ne  l'ouvrirais  pas  sans 
faire  pan  !  pan  ?  —  Un  œuf  (pour  le  casser). 

LIX.  —  Plus  on  le  tire,  plus  ça  brame?  —  Les  cloches. 

LX.  —  Plus  on  le  tire,  plus  cela  s'enfuit?  —  Un  écheveau  de 
fil. 

LXI.  —  Quatre  petites  demoiselles  se  poursuivent  toujours  et 
ne  peuvent  jamais  s'atteindre?  —  Un  rouet. 

LXII.  —  Madame  Noire  mon]te  à  la  chaîne.  Monsieur  do  Billot 
souffle  dessous?  —  Un«'  marmite  sur  lo  feu. 

LXIII.  —  Bois  en  haut,  bois  en  bas,  bois  en  deçà,  bois  au  delà, 
marécage  au  milieu?  —  Un  pétrin  plein  de  pâte. 

LXIV. —  A  la  pointe  d'un  monticule  pisse  comme  un  porcelet  ? 
—  Une  cruche. 


ENIGMES    POPULAIRES  183 

—  Un  broc. 

LXV.    -  A  la  testa  boujalada  e  toujour  es  dins  l'aiga? 

—  Un  esparsou. 

LXVl.  —  N'an  lou  tua,  n'an  lou  reviuda  quan  n'an  vol  ? 

—  Un  chalel. 
LXVII.  —  Beu  soun  sang  e  minja  sous  budels  ? 

—  Lou  cbalel. 
LXV1II.  —  Ben  poulit,  un  pauc  loung, 

Tout  redound. 


'j 


S'usa  malgrat  soun  mestre? 


lO 


—  Una  chandiala. 
LXIX    —  Vai  negra  à  restable  e  blancha  n'en  torna  ? 

—  La  selha  del  lat. 
LXX.  —  Ris  en  davalan,  pura  en  mountan  ? 

—  Lou  selhou  d'un  pouts. 
LXXL  —  Que  qu'oi,  que  qu'oi  : 

Vai  e  ve  sens  chanhar  de  plassa  ? 
—  Una  porta. 
LXXII.  —  Round  couma  un  crubel, 

Loung  couma  un  courdel?  {A lias  budel.) 
—  Un  pouts. 


LXV.  —  A  la  tète  criblée  de  trous,  et  toujours  esr  dans  l'eau  ? 
—  Un  goupillon . 

LXVI.  —  On  le  tue,  ou  le  ranime  quand  on  veut?  —  Une 
lampe. 

LXVII.  —  Boit  son  propre  sang  et  mange  ses  entrailles?  — 
Une  lampe. 

LXV1II.  —  Bien  poli,  un  peu  long, —  tout  rond,  —  s'use  mal- 
gré son  maître? —  Une  chandelle. 

LXIX.  —  Va  noir  à  l'étable  et  en  revient  blanc?  —  Le  seau 
(du  lait)  pour  traire. 

LXX.  —  Rit  en  descendant  et  pleure  en  montant?  —  Le  seau 
d'un  puits. 

LXXI.  —  Qu'est-ce,  qu'est-ce:  va  et  vient  sans  changer  do 
place?  — Une  porte. 

LXXII.  —  Rond  comme  un  crible,  —  long  comme  un  cordeau 
(aliàs:  boyau)? —  Un  puits. 


184  DIALECTES    MODERNES 

LXXlII.  —  Sauta  d'una  boueha  per  intrar  dins  una  autra? 

—  Lou  pa. 
LXXIY.  —  Es   sus    una    sola   rouja,   e   crida  !    «  Ventre 
cuech  »  ? 
—  Una  tourta  al  four. 
LXXV.   —  De  las  vachas  roujas  al  mieg  d'un  prat, 
Un  bergier  nègre  las  vai  virar  ? 
—  La  biolas  d'un  four  e  lou  relh 
I.XXVI.   •••-   Pie  lou  jour,  bouide  la  nueg  ? 

Dels  souchs. 
LXXVII     —    Pie  la  nueg,  bouide  lou  jour. 

—  Un  liet. 
LX  XVIII.  —  Neja  la  testa  per  sauvar  la  coua? 

—  Una  couada 

LXXIX.    —  Beu  per  l'eschina  e  pissa  pel  ventre? 

—  Una  barrica. 

LXXX.    —  Minja  pel  ventre  e  fai  per  l'eschina? 

—  Una  garlopa. 

LXXXT.   — ■  Bouida  soun  ventre  per  anar  à  l'aiga  ' 

—  La  soulha. 

LXXXTI.   —   Druebe  la  gorja  entrusca  tan  que  soun  mestre 
es  aqui  ? 


IjXXIII.    —  Sorl    d'une    bouche   pour  entrer  dans  une  autre? 

—  Le  pain. 

LXXIV.   —  Est.  sur  un1  saule    rouse,  et  crie  :  «Ventre  cuit!  » 

—  Une  tourte  au  four. 

LXXV.  —  Des  vaches  rouges  au  milieu  d'un  pré, — un  berger  noir 
les  va  tourner?  —  Les  charbons  ardents  el  le  fourgon  d'un  four 

LXXVI.  —  Plein  le  jour,  vide  la  nuit? —  Des  sabots. 

LXXVII.   —   Plein  la  nuit,  vide  le  jour?—  Un  lit. 

LXXVIII.   —  Noie  sa  tête  pour  sauver  sa  queue?—  Un  godet. 

LXXIX.  —  Boit  par  l'échiné  et  urine  par  le  vende?  —  Une 
barrique. 

LX.XX  —  Mange  parlé  ventre  et  rend  par  l'échiné  ? — Une 
varlope. 

LXX  XL— Vide  son  ventre  pourallerà  l'eau? — La  paillasse  du  lit. 

LXXXIÏ. —  Ouvre  la  gorge  jusqu'à  ce  que  son  maître  se  trouve 
là?—  Un  sabot. 


KNKxMKS     POPTtL\I!M'S  185 

—  Un  souch. 
LXXXIII.  -  Cinq  trauchs,  una  boucha,  una  coua1? 

Un  chaufa-liet. 
LXXXIY. —  Que,  que: 

A  lous  os  sus  la  pel  ? 

—  Un  ueu.  (AHàs  un  cacal  secli. 

LXXXV.  —  Bouida   soun  ventre  per  remplir  lou   de  soun 
inestre  ? 

—  Unaescuela  de  soupa. 
LXXXVI.  —  Marcha  de  testa  ? 

—  Lous  clavels  del  souch. 
LXXXVII.  —  Mais  Tan  n'in  bota,  mens  co  pesa  l 

—  Una  plancha  trauchada. 
LXXXVII1. —  A  la  lenga  à  lapouncha  de  la  testa? 

—  Una  egulhada. 

LXXXIX.  -■   Zou  troubatz  à  vostra  porta,  e  vous  pot  menai- 
perdre  ? 

—  Un  chami. 

XC.  —  Z'ai  vist  viu,  z'ai   vist  mort, 

Z'ai  vist  courre  après  sa  mort  ? 

—  Lasfuelhas. 


LXXXIII 1 .  —  Cinq  trous,  une  bouche  et   une  queue?  —   Une 
bassinoire. 

LXXXIV.   —  Qui,   qui:    a    les    os    sur  la    peau?   —   Un  œuf 
(aliàs:  une  noix  sèche). 

LXXXV.   —  Vide    son  ventre  pour    remplir  celui    de  son  maî- 
tre ?  —  Une  écuelle  de  soupe. 

LXXXVI.   —  .Marche  de  tète?—  Les  clous  d'un  sabot. 

LXXXVII.   —  Plus  on  y  en  met,  moins  ça  pèse?  —  Une  plan- 
che que  l'on  troue. 

LXXXVIII.  —  La  langue  à  la  pointe   de  la  tête?  —  Un  aiguil- 
lon à  I neufs. 

LXXXIX.   —  Vous  le  trouvez  à  votre  porte,  et  il  peut  vous  me- 
ner perdre? —  Un  chemin. 

XC.  —  Je  l'ai  vu  vivant,  je  l'ai  vu  mort,  je  l'ai  vu  courir  après 
sa  mort?  —  Les  feuilles  des  arbres. 

1  Les  bassinoires   anciennes  avaient  toujours  cinq  trous. 


185  DIALECTES    MODERNES 

XCI.   —         N'anipedni  talou, 

Galopa  couma  un  diablatou  ? 

—  Una  boula. 
XCII.   —             Qu'es  aco,  qu'es  aco  : 

Arcarià  'n  chastel,  n'arcarià  pas  dous  ? 

—  Un  ueu. 
XCIII.   —             Calica,  calicot: 

La  maire  de  Calicot  a  dels  os, 

Calicot  n'a  pas  ? 
—  La  poula  e  soun  ueu. 
XCIV.   —  Corps  de  terra,  ventre  d'aiga,  testa  de  bois  ? 

—  Una  boutelha. 
XC .   —             Que  i  a ,  que  i  a  : 

Al  mieg  de  Paris  ? 

—  Una  r. 

XCVI.   —  Al  dessus  de  Dieus? 

—  Un  pount. 

XCI.  —  N'a  ni  pied,  ni  talon,  et  court  comme  un  diablotin  ?  — 
Une  boule. 

XCII.  —  Qu'est-ce  que  cela,  qu'est-ce  que  cela:  passerait 
par-delà  un  château,  non  par-delà  un  second?—  Un  œuf. 

XCIII.  —  Calique,  Calicot:  la  mère  de  Calicot  a  des  os,  Calicot 
n'en  a  point?  —  La  poule  et  son  œuf. 

XCIV.  —  Corps  de  terre,  ventre  d'eau,  tète  de  bois?  —  Une 
bouteille  et  son  bouchon . 

XCV.  —  Qu'y  a-t-il  ?  qu'y  a-t-il  au  milieu  de  Paris  ?  —  Une  r. 

XCVI.  —  Au-dessus  de  Dieu  ?  —  Un  point. 


A  CARLE  DE  TOURTOULOUN 


Pèr  assoula  toun  cor  que  noim  fai  que  gémi, 
De  toun  castèu  en  dôu  trevant  li  grandi  salo, 
Destrihes,  souloumbrous,  Tistôri  prouvençalo  ; 
Mai  l'amaro  doulour,  rèn  la  pôu  endourmi. 

A  pichot  pas,  vers  tu,  l'entendes  plus  veni 
Te  rire  à  tis  estùdi,  e  lou  langui  te  jalo, 
Dempièi  que  toun  amigo,  un  ange,  a  près  dos  alo 
E  que  s'es  entournado  au  oèu,  ai  !  paure  ami  ! 

Alor,  en  pantaiant  la  douço  jouino  feino, 

Lou  libre  qu'as  dubert,  lou  bagnes  de  lagremo  ; 

Auses  plus  soulamen  lou  poulit  bru  que  fan, 

Jougaire  e  risoulet,  toun  fiéu  e  ti  chatouno. 

Mai  éli  t'escalant,  emé  milo  poutouno  : 

«  Paire,  sies  pas  soulet,  »  te  dison  tis  enfant. 

Teodor  Aubanel. 
Avignoun,  28  de  setembre  1873 

(Pp.  vençai,  Avign&n  et  les  bords  du  Rhône.) 

A  CHARLES  DE  TOURTOULON 


Pour  apaiser  ton  cœur  qui  ne  fait  que  se  plaindre, — de  ton  châ- 
teau en  deuil  parcourant  les  grandes  salles,  —  tu  déchiffres,  som- 
bre, l'histoire  de  Provence  ;  —  mais  l'amère  douleur,  rien  ne  peut 
l'endormir. 

A  petits  pas.  vers  toi,  tu  ne  l'entends  plus  venir  —  sourire  à  tes 
études  ;  et  la  mélancolie  te  glace,—  depuis  que  ton  amie,  un  ange, 
a  pris  deux  ailes  —  et  qu'elle  est  retournée  au  ciel,  hélas  !  pauvre 
ami  ! 

Alors,  en  songeant  à  la  douce  jeune  femme,  —  le  livre  que  tu 
as  ouvert,  tu  le  mouilles  de  tes  larmes  : —  tu  n'entends  même  plus 
le  bruit  charmant  que  font, 

Enjoués  et  rieurs,  ton  fils  et  tes  fillettes.  —  Mais  eux  t'escala- 
dant,  avec  mille  baisers:  —  Père,  tu  n'es  pas  seul,  te  disent  tes 
enfants.  Théodore  Aubanel. 

Avignon,  28  septembre  1873. 

v/V\A/\. 


UN  PARELH  PER  VENDEMIOS 

A  L.  Saviè  de  Ricard 

Le  bel  parelh  castanh  s'en  ven  de  las  Masquieiros, 
A  l'antic  carriot  à-n-un  tiraou,  cargat 
De  vendemio  mountant.  junquo  sus  las  telieiros: 
Ja  s'ausis  tinda  l'olze  e  crida  l'tresegat  ! 

Porto,  sens  espefort,  dex  semais  carretieiros, 
E,  dins  sa  vertut  sano  e  la  sieu  magestat, 
Passo,  mouscalh  sus  uels,  al  miei  de  las  carrieiros. 
Dambe  Fbouiè  davant,  toucadour  adreitat. 

Le  colh  fort,  le  petralh  large  e  l'esquino  espesso, 
0  roumiaires  gigants  e  plenis  de  grandesso! 
Anats  coumo  del  tems  des  pagans  magnifies, 

E  semblats  passeja  gravoment,  en  cadancio, 
Qualque  dieus  pouderous  qu'a  balhat  l'aboundancio. 
—  O  biôus  !  ô  biôus  vivents  !  trioumfles  pacifies  ! 

A.  Fourès. 

UNE  PAIRE  (de  bœufs)  PENDANT  LES  VENDANGES 

A    L.  Xavier  de  Ricard 

La  belle  paire  châtaine  s'en  vient  des  Masquières,  —  à  l'antique 
chariot  à  un  timon,  chargé  —  de  vendanges  s'élevant  jusque  sur 
les  ridelles;  —  certes,  on  ouït  tinter  la  clavette  (de  l'essieu)  et 
crier  l'anneau  de  fer  (  qui  supporte  la  flèche  ). 

Elle  porte,  sans  elfort,  dix  comportes  charretières,  —  et,  dans  sa 
vigueur  saine  et  samajesté, —  elle  passe,  émouchette  sur  les  yeux, 
au  milieu  .des  rues.  —   avec  le  bouvier  devant,  aiguillon  dressé. 

Le  cou  fort,  le  poitrail  large  et,  l'échiné  ('paisse.  —  ô  ruminants 
gigantesques  et  pleins  de  grandeur  I  —  vous  allez  comme  au  temps 
des  païens  magnifiques, 

El  vous  semblez  promener  gravement,  en  cadence,  —  quelque 
dieu  puissant  qui  a  donné  l'abondance.  —  O  bœufs!  ô  bœufs  vi- 
vants! triomphes  paciliques  !  A.  FounÈs. 


-7*~-> 


LOU   PAISAN  E  LAS  DOS  OULOS 


Un  pacan,  en  roumpent  l'aurieiro  d'un  toural, 

Troubet  dos  oulos  entarrados 

E  joust  de  lausos  reeatados: 

L'uno  ero  novo,  en  bel  métal, 

E  lusissiô  coumo  un  mirai: 
De  tacos  de  roubil  prefoundoment  gravados 

E  de  partidus  descroustados, 
Sus  l'autro    se  vesiôu 

Tant  sarrados  que  ne  fasiôu 
Un  moble  de  rebut.  Atabé  lou  fouchaire, 

D'acô  macat,  en  l'espiant  de  caire: 
—  «  Per  d'oulos  coumo  tu,  n'ei  pla  prou  dins  l'oustal  ; 
Sariôs  qu'un  embarras  e  n'ei  mai  que  noun  cal. 
Auriô  pamens  gagnât  uno  belo  journado 

Se,  coumo  l'autro  counservado, 

Valhôs  dous  escuts  de  cinq  francs. 
Mais,  petas,  as  servit  belèu  mai  de  cent  ans, 

E,  de  pertoutescascalhado, 


LE  PAYSVN  ET  LES  DEUX  MARMITES 


Un  paysan,  en  défonçant  les  bords  d'un  tertre, — trouva  deux 
marmites  enterrées—  et  sous  des  dalles  bien  cachées  : —  Tune  était 
neuve,  en  beau  métal, —  et  brillait  comme  un  miroir  ; — des  taches 
de  rouille  profondément  gravées  —  el  des  parties  écaillées,—  sur 
l'autre  se  voyaient — si  serrées,  qu'elles  en  faisaient — un  meuble  de 
rebut.  Aussi  le  piocheur,  —  taché  de  cela,  en  la  regardant  de  tra- 
vers: —  «  Pour  des  marmites  comme  toi,  j'en  ai  bien  assez  dans  la 
maison;  — tu  ne  serais  qu'un  embarras,  et  j'en  ai  plus  qu'il  n'en 
faut. — J'aurais  pourtant  gagné  une  belle  journée  —  si,  comme 
l'autre  conservée.  —  lu  valais  deux  écus  de  cinq  francs.  —  Mais 
pécore,  tu  as  peut-être  servi  plus  de  cent  ans,  —  et  aujourd'hui,  de 


190  DIALECTES    MODERNES 

Tapanso  tendiô  pas  souloment  de  civado.   » 
Lou  pacan,  en  diguent  acôs, 
D'un  cop  de  doulho  de  bigôs 

La  crebo  pel  mitan.  Grand  Dieu!  qunt  espetacle  ! 
Lou  mal-vestit  crido  miracle, 
E  miech-bauch  s'aloungo  à  plen  cors 
Sus  un  gros  moulou  de  louidors: 
L'oulo  de  rebut  n'ero  pleno. 
Poudès  vous  figura  sens  peno 
La  grimasso  que  deviô  t'a, 

Pousant  à  plenos  mas,  se  pressant  d'empouchà 
So  que  fa  cantà  lous  avugles  ; 
A  pas  lésé  de  res  tria  : 

Ensaco  en  même  tems  terro,  fenouls,  rabuscles  ; 

Autant  que  de  plasé,  de  pôu  devariat, 
Viro  sous  els  de  tout  coustat, 
Crentant  que  quauque  partajaire 

Sourtigue  d'endacon  per  lou  fica  d'un  caire. 
Urousoment  que  sioguet  pas  aital  : 

Mudo  coumo  un  désert  ero  adounc  la  countrado  ; 

Tabès  ajet  lou  tems  d'amassà  coumo  cal 
La  mounedo  esparrabissado. 
Quand  ajet  fait,  tournet  tapa 


partout  crevassée,  —  tu  n'es  pas  seulement  bonne  à  contenir  de 
l'avoine.  »  —  Le  paysan,  disant  cela,  —  d'un  coup  de  revers  de  son 
outil — fait  voler  la  marmite  en  éclats.  Grand  Dieu  !  quel  spectacle  ! 

—  le  mal  vêtu  crie:  Miracle  !  —  et,  moitié  fou,  s'allonge  à  plein 
corps —  sur  un  gros  monceau  de  louis  d'or: —  la  marmite  de  reluit 
en  était  pleine. —  Sans  peine,  vous  pouvez  vous  figurer — la  grimace 
qu'il  devait  faire,  —  puisant  à  pleines  mains,  se  pressant  d'em- 
pocher —  ce  qui  fait  chanter  les  aveugles  ;  —  il  n'a  loisir  de  rien 
trier  —  et  ramasse  en  même  temps  terre,  fenouils,  ravenelles  ; — 
tourmenté  en  même  temps  autant  par  le  plaisir  que  par  la  peur, — 
il  tourne  ses  yeux  de  tout  côté, —  craignant  que  quelque  partageur 

—  ne  sorte  de  par  là  pour  réclamer  sa  part. —  Heureusement  il  n'en 
fut  pas  ainsi  :  — silencieuse  comme  un  déserf  était  alors  la  contrée; 

—  aussi  eut-il  le  temps  de  ramasser  comme  il  faut — la  monnaie 
éparpillée. —  Quand  il  eut  fini,  il  remit  dans  la  terre —  marmites  et 


LOU    PAlS^N    E    LAS   DOS    OULOS  191 

Oulos  e  lauso  dins  la  terro, 

—  «  0  fam,  guso  de  fam,  diguet  amé  coulero, 

Tracas,  soucit  et  cœtera, 

Que,  sens  jainai  vous  alassa, 
Rousegas,  carcagnas  lous  paures  misérables. 
Adieu,  n'ei  prou  perieu,  e  tu,  vai-t'enal  diablea, 

Bigôs  que  m'as  fait  tant  trima! 

Te  vau  cambia  per  uno  cano.  » 

E  coumo  un  ase  sens  catsano, 

Sautant,  bramant,  cap  àl'oustal 
S'entorno  cargatd'or.  Quand  d'un  parel  rambal 

Sa  testo  sioguetrepausado, 

Que  repasset  dins  sa  pensado 
So  qu'i  ero  arribat: —  «  Ah!  sou  dis,  qunt  bounur 
De  m'estre  trouvât  soûl  !  Acô's  mai  que  segur 
Que,  se  quauqu'un  m'abiô  foursat  à  lacausido, 

Preferabi,  per  moun  malur, 
L'oulo  poulido 
Mais  vido, 
A  la  laido,  que  d'or  ero  touto  farsido.  » 

So  que  me  fa  vous  dire  aici: 

Cal  couneisse,  avant  de  causi. 
Ah!  quantesn'i  a  que  dins  lou  mariage, 


dalles  :  —  O  faim  !  gueuse  de  faim,  dit-il  avec  colère,  tracas,  sou- 
cis, et  cetera, —  qui,  sans  vous  lasser  jamais, —  rongez,  persécutez 
les  pauvres  misérables.  —  Maintenant,  j'en  ai  assez  pour  moi;  — 
et  toi  va-t'en  au  diable,  —  pioche  qui  m'as  fait  tant  trimer  ;  —  je 
vais,  dit-il,  te  changer  pour  une  canne.  »  —  Et,  tel  qu'un  âne  qui  a 
rompu  son  licol, —  sautant,  criant,  vers  sa  maison  —  il  s'en  revient 
chargé  d'or.  Quand,  après  une  telle  émotion,  —  sa  tète  fut  rede- 
venue  calme;  —  que,  dans  sa  pensée,  il  repassa  ce  qui  lui  était 
arrivé  :  —  «  Ah  !  dit-il,  quel  bonheur  — que  je  me  sois  trouvé  seul. 
C'est  plus  que  sûr —  que,  si  quelqu'un  m'avait  forcé  au  choix,  — 
j'aurais  préféré,  pour  mon  malheur,  — la  marmite  jolie — mais 
vide, —  à  la  laide,  qui  d'or  était  toute  farcie.  » — Ce  qui  me  fiitvous 
dire  ici  :  —  il  faut  connaître  avant  de  choisir!  —  Ah!  combien  n'y 
en  a-t-il  pas  qui,  dans  le  mariage,—  ignorant  la  valeur  d'un  si  rare 


Iyi  DIALECTES    MODEKistib 

Ignourant  la  valou  d'un  tant  rare  trésor, 
E  ^c-ns  pensa  que  tout  so  que  brilho  es  pas  d'or, 
Festejou  la  qu'a  bel  visage 
E  delembrou  la  qu'a  boun  cor! 

P.   Vidal. 

(Languedocien,  Quarante  et  ses  environs) 


trésor, —  et,  sans  sorigèr  que  tout  ce  qui  brille  n'est  pas  dp  l'or.  — 
font  fête  à  celle  qui  a  beau  visage  —  et  laissent  de  côté  celle  qui  a 
bon  cœur. 

F.  Vidal 

LI  TRES  FLOUR 

A  la  l'èsto  de  Dieu,  la  grand  fèsto  di  flour, 
Quand  tôuti  li  carricro,  e  li  glèiso  à  l'entour, 
Soun  de  tapis  aurin  e  de  vas  de  sentour, 

Très  chato  d'Avignoun,  très  gènti  vierginello. 
Se  disièn  l'uno  à  l'autro  :  —  «  Aubaren,  cantarello, 
»  Chascuno,  talo  flour  que  trouvan  la  mai  belle  ' 

«  —  Pèr  ma  part  »,souspirè  la  bloundeto  Anaïs. 
«  La  flour  de  ma  coungousto  es  l'Ile  blanc  e  lis. 
»  Que  lis  anjoun  alu  porton  au  Paradis  ! . . .  » 

LES  TROIS  FLEURS 

A  la  Fête-Dieu,  la  grande  fête  des  fleurs.  —  quand  toutes  les 
rues  el  les  églises  à  l'entour  —  sont  des  tapis  d'or  et  des  vases  de 
parfum, 

Trois  filles  d'Avignon,  trois  vierges  gentilettes,  —  se  disaieni 
l'une  à  l'autre:  —  «  Arborons,  en  chantant,  —  chacune  la  fleur 
»  que  nous  trouvons  la  plus  belle  !  » 

«  —  Quant  à  moi»,  soupira  la  blonde  Anaïs,  —  «la  fleur  de  mes 
••  délices,  c'esl  le  Lis  blanc  et  lisse  —  que  les  petits  anges  ailés  por- 
»  tent  au  Paradis  !  » 


LI    TRES    FLOl'R  19 

«  — Dounas-me  dounc  la  Roso,  autièro,  souleiouso; 
»  Te,  la  Roso  es  la  rèino,  embeimado,  courouso  »> 
•  S'escridè  Jano,  «  e  siéu  de  la  Rèino  amourouso  !..» 

La  tresenco  cantè  (  qu'èro  ma  Madeloun), 

Levant  sa  douço  caro  à  l'estello  eilamount 

(  Oh  !  que  voudriéu,  ma  fe,  la  cubri  de  poutoun  !  ) 

«  —  Noun  vole  d'Ile  blanc,  noun  de  Roso  pourpalo. 
»  Ma  floureto  d'elèi,  qu'âme,  iéu,  sens  egalo, 
))  Sara  tu,  sai-a  tu,  ma  pauro    Prouvençalo  !» 


MANDADIS 
A  Madono  M. 

Prévue  Dieu  bèn  souvent,  mouié  de  moun  ami  ! 
Que  la  flour  qu'a  chausido,  e  lou  son  qu'as  chausi , 
Siegue  pèr  vautri  dousmai  que  mai  benesi  ! 

William-C.  Bonaparte- Wyse. 
Provençal,  Avignon  et  les  bords  du  Rhône) 

«  — Donnez-moi  donc  la  Rose,  altière,  ensoleillée; — tiens,  la  Ro.-e 
»  est  la  reine,  embaumée,  éclatante,  —  s'écriait  Jeanne,  «  et  moi, 
»  je  suis  amoureuse  de  la  reine  !  » 

La  troisième  chanta  (qui  était  ma  petite  Madelaine),  —levant 
sa  douce  figure  à  l'étoile,  en  haut  —  Oh!  que  je  voudrais  bien  la 
couvrir  de  baisers  !) 

«  —  Je  ne  veux  point  de  Lis  blanc. — point  de  Rose  purpurine. 
» — Ma  fleurette  choisie,  que  j'aime  sans  égale,—  sera  toi,  sera  foi. 
»  ma  pauvre  Pervenche!» 

EKVOI 
A  Madame  M. 

Je  prie  Dieu  bien  souvent,  ù  femme  de  mon  ami  !  —  que  la  fleur 
qu'il  a  choisie  et  que  le  sol  que  tu  as  choisi— soient  pour  vousdeux 
de  plus  en  plus  bénis  ! 

Guillaume-C.  Boxapartk-Wysi: 


15 


BIBLIOGRAPHIE 


Recueil  de  noëls  vellaves,  par  l'abbé  Natalis  Cordât  (1631-1618).  publiés 
avec  introduction  et  notes  par  l'abbé  J.-B.  Payrard.  —  Le  Puy-en- 
Velay,  J.-M.  Freydier,  imprimeur-libraire,  1876,  petit  in  8S. 

Ces  noëls,  qui  paraissent  être  restés  inédits  jusqu'à  présent, 
sont  au  nombre  de  dix-neuf.  Cinq  sont  en  français  ;  les  autres 
sont  écrits  dans  le  patois  du  Velay,  dont  ils  nous  fournissent,  pour 
la  première  moitié  du  XVIIe  siècle,  un  échantillon  fort  intéressant. 
L'éditeur  les  a  fait  précéder  d'une  introduction  dans  laquelle,  après 
avoir  donné  les  renseignements  qu'il  a  pu  recueillir  sur  l'auteur  et 
sur  son  œuvre,  il  consacre  au  dialecte  vellave  une  quinzaine  de 
pages,  plus  remplies  malheureusement,  de  vagues  généralités  (sans 
compter  les  erreurs)  que  de  notions  précises. 

Un  passage  de  cette  introduction  nous  avertit  que  le  manuscrit 
de  Cordât  a  été  reproduit  tel  quel,  c'est-à-dire  qu'on  en  a  respecté 
non-seulement  l'orthographe,  mais  encore  «  la  ponctuation,  l'accen- 
tuation, les  fautes  mêmes.  «  Quant  à  l'orthographe,  on  ne  peut  que 
louer  cette  fidélité;  mais  il  y  aurait  eu,  croyons-nous,  plus  d'avan- 
tages que  d'inconvénients  à  introduire  dans  le  texte  une  ponctuation 
correcte  (il  n'y  en  a  souvent  d'aucune  sorte),  et  surtout  à  faire  dis- 
paraître nombre  d'apostrophes  abusives;  par  exemple,  dans  s'ere  = 
■i  m  [sumus),  qu'on  =  quando,  qu'onos  =  quelles,  qu'eycon  =  quelque 
chose,  eyss'os  au  lieu  de  eysso's,  l'iffronsaro  pour  liffr.,  où  17'  initiale 
de  fronsar  se  redouble,  comme  il  arrive  souvent  dans  les  anciens 
mss.  On  aurait   pu  aussi  corriger   sans  scrupule  quelques  fan 

lentes,  comme,    p.   41,  dernier  vers,  l'omission  de  lovs;  p    92, 
mayro  pour  mayre,  en  rime  avec gayre. 

Chaque  noél  est  suivi  d'un  petit  commentaire  ou  les  mots  les 
plus  difficiles  sont,  expliqués.  La  traduction  n'est  pas  toujours  exacte 
et  elle  l'ait  défaut  en  plus  d'un  endroit.  P.  G.  0  benadut  char  courre 
parait  mal  rendu  par  «  a  bien  eu  char  court.  »  Ce  doit  être  «  a  bien 
eu  cher  courir,  »  c'est-à-dire:  «il  lui  a  coûté  cher  de  courir.»— 
I'.  19,  note  6.  Je  soupçonne  que  gages  signifie  ici,  non  pa< salaires, 
revenus,  mais  meubles,  spécialement  vaisseaux.  Ce  motace  sens  en 
d'autres  provinces.  —  "2'J.  En  desperit  sie  lou  mengayre  ne  saurait 
signifier,  comme  le  veut  la  note  5,  «  et  mort  fut  ie  gourmand.  »  Le 
vers  étant  trop  long  (''une  syllabe,  il  faut  sans  dou'  •  corriger  en 
despitou  m  despiet,  et  traduire  maudit  soit  le  gourmand  .lit.    en  dépit 


BIBLIOGRAPHIE  lyû 

soit...)  —  4y,  note  6.  La  rime  estiavas  réclame  pour  chandias  la 
correction  chcmdiavas,  ei  alors  il  s'agirait  de  chandelles  el  non  de 

chanvre.  —  68.  Non  poudrié  signifie  ;ï  ne  pourrait  et  non  pas  je  ne 
pourrais.  Le  contexte  l'indique  avec  évidence.—  83.  Marciè  est  noté 
comme  un  mot  inconnu.  C'est  simplement  le  français  mercier.  On 
connaît  le  proverbe:  «  Petit,  mercier,  petit  panier.  » —  91,  note  10. 
Le  sens  est  clair  si  l'on  corrige  Vaunouoro,  comme  la  rime  le  de- 
mande; le  dentauest  le  cep  de  la  charrue.  .Mais  trois  vers  pins  haut, 
je  ne  sais  ce  que  peut  signifier  d'auapparoucha.  Au  n'y  serait-il  [tas 
1  ancien  aul  (aval)  =  mauvais?  —  92.  En  quauquo  traço  de  brez. 
Cela  veut  dire  avec  un  berceau  et  non  avec  du  son.  L'éditeur  a  pris 
brez  pour  bren.  Quant  à  traço,  voy.  le  Diet.  languedocien  sous  trasso, 
—  97.  Fouoire,  objet  de  la  note  29,  est  l'ancien  forre  (fr.  foirre  oi: 
feurre),  et  doit,  je  pense,  être  rendu  par  paillasse.  Barghos  (même 
page,  note  25)  est  l'instrument  qui  sert  à  broyer  le  chanvre. 

Je  ne  sais  si  l'on  trouvera,  dans  le  pays  de  Cordât,  un  bien  grand 
mérite  à  ses  noëls.  M.  l'abbé  Peyrard  me  semble,  je  l'avoue,  les 
avoir  beaucoup  surfaits.  Voir,  dans  l'auteur  de  ces  chants  rustiqu 
«  un  érudit,  un  penseur,  un  critique  et  un  philosophe  » ,  sans  comp 
ter  sans  doute  le  poëte,  devra  paraître  à  plusieurs  une  illusion  un 
peu  forte.  Je  n'en  considère  pas  moins  la  publication  des  noëls  de 
Cordât  comme  très-utile,  et  M.  l'abbé  Payrard  a  droit,  pour  l'avoir 
faite,  à  toute  notre  reconnaissance.  Les  monuments  du  dialecte 
vellave  ne  sont  pas  communs,  et  c'est  une  bonne  fortune  pour  les 
amis  de  notre  langue  d'oc  d'en  pouvoir  étudier  un  du  temps  de 
Louis  XIII.  J'ai  fait,  cette  étude,  pour  mon  compte,  avec  plaisir  et 
protit  :  peut-être  les  lecteurs  de  la  Revue  ne  me  sauront-ils  pas 
mauvais  gré  de  leur  en  communiquer  les  principaux  résultats. 

1.  A  tonique,  précédant  m  ou  n,  même,  dans  ce  dernier  cas,  si 
une  voyelle  suit,  devient  toujours  o.  Ceci  est  commun  ou  à  peu  près 
à  toute  la  région  septentrionale  et  centrale  «!e  la  langue  d'oc  (  Au- 
vergne, Rouergue,  Quercy.  partie  du  Limousin,  etc.  ).  Ex.:  <<"  '  an- 
nus),  song  (sanguis  ]  ..ton  famés),  mo  manus  .  campono  (campana  . 
Môme  mutation  dans  «  (habet),  so  {sap  .  dejo,  et  a  la  3e  pers.  >'niL.r. 
du  futur  :  troubaro,  etc. 

2.  E  tonique  devient  i  et  attire  a  devant  /.  qui  se  vocalise:  ciau, 
giau,  angiau.  Ceci  s'étend,  à  travers  l'Auvergne,  jusqu'à  la  lisière 
orientale  du  Limousin  el  pénètre  (cian  du  moins)  un  peu  au  di 

3.  /passe  à  \'e  dans  reyre  (ridere),  aussi  bien  que  dais  veyre, 
qui  est  de  la  langue  commune.  — Cette  voyelle  s'introduit,  comme 
en  Auvergne,  pour  mouiller  17,  dans  liou,  liowr,  lieu,  /"lieu. 

4.  O  tonique,  bref  ou  en  position  se  diphthongueen  /e  dans^îoe 


[96  BIBLIOGRAPHIE 

ci  //'<,r,  et  en  ouo  partout  ailleurs:  bouon-bouos,  pouot,  souôu  (solum), 
damouoro,  mouort,  etc.  —  Le  groupe  orr.  au  lieu  de  devenir  simple- 
ment ouorr,  donne  ouoir.  par  vocalisation  delà  première  r  (  cf. 
ailleurs  aybre  =  arbre,  eymari  =  ermari,etc.  ).  Ex.:  souoire  sorre— 
soror  ),  ouoire  (  orre  =  horridus  ,fouoire  forre=  fr.  feurre).  Dans  ce 
dernier  exemple,  l'ipeut  provenir  durf  primitifnon  assimile 

5.  La  voyelle  ou  n'était  pas,  comme  on  sait1,  distinguée  de  o  dans 
l'ancienne  écriture.  L'une  et  l'autre  étaient  notées  par  o.  Cette 
tiguration  sert  encore  dans  nos  noëls,  mais  non  pas  exclusivement 
pour  You  nasal,  même  dans  le  cas  où  cet  ou  provient  de  u  latin, bref 
ou  en  position,  c'est-à-dire  où  aucun  doute  n'est  possible  sur  sa 
vraie  prononciation.  Ex.:  vont,  monde  {k  côté  de  mounde,  fonde,  son, 
rompt,  songeât,  eommo,  non- 
La  même  chose  se  remarque  dans  des  textes  de  provenances  di- 
verses, à  la  même  époque.  Ainsi,  en  Limousin,  on  trouve  également 
le  son  oun  ligure  encore  on  comme  autrefois,  longtemps  après  que 
You  pur  eut  cessé  d'être  représenté  par  un  simple  o. 

15.  La  diphthongue  ai,  perdant  l'accent,  devient  ei,  phénomène 
commun  à  beaucoup  d'autres  dialectes  -  :  beylat,  meusou, etc.  Sous 
l'intluence  de  la  nasale  (cf.  ci-dessus  1 .  aradevenn  on),  cette  diphthon- 
gue passe  à  Voi  dans  soint  =  sanctum  . 

T.  Au,  protonique  ou  monosyllabe  proclitique,  devient  ou;  phéno- 
mène analogue  au  précédent  et  pareillement  commun  à  la  plupart 
des  dialectes:  sauva  (salvare  ),  ôusy  audire  .  sôupui  anc.  saupui  . 
vôu  (vado).  ôus  (datif  plur.  de  l'article).  —  Notons  comme  remar- 
quable la  modification  subie  par  faîic  facio  ),  qui  se  présente  dans 
notre  texte  sous  ta  forme  fouoe,  comme  si  la  diphthongue  s'y  était 
d'abord  réduite  à  un  o  bref. 

8.  lu  primitif  est    resté —  ou  redevenu —  iu  {ion     fins  viotm 
riou,  /"'■m     neige),  bioure  (bibere).  Pareillemenl   deu  est  ici 
diou . 

9.  L'ancienne  diphthongue  oi,  dont  Yo  provient  île  o  bref  ou  en  po- 
sition,  se  modifie  différemment  selon  qu'elle  est  finale  ou  pénultième. 
Finale,  elle  se  présente,  comme  dans  ia  basse  Auvergne,  sous  la 
forme  eu  :  laneut.  queut  '■    coctum   .  km  {hodie  ,  cogneu    conois),peu& 


1  Voy.  le  mémoire  de  M,  Meyer  sur  Yo  provençal.  (  Mi  moires  di  la  So- 
ciété de  linguistique,  tom.  I.) 

'2  Dans  quelques-uns  Rouergue,  Quercy),  c'est  en  oi  que  ai,  dans 
cette  position,  s'affaiblit. 

:1  On  trouve  aussi  queit.  forme  de  la  langue  commune  (p.  23),  mais  en 
rime  avec  neut. 


BIBLIOGRAPHIE  107 

et peu. ( pois  =post).  Un  exemple  de  cette  mutation,  remontant  au 
XlIIe  s.  {del  Peu=du  Puy  [podium  ),  se  trouve  dans  la  préface 
p.  xx)1.  Pénultième,  elle  garde  Yi,  etl'o  précédent  se  diphthongue 
en  ouo,  comme  lorsqu'il  est  isolé  (  cf.  ci-dessus  4  .  Ex  :  couoyre 
(p  .  84)=  coire  {coquere) . 

10.  La  diphthongue  ou  ayant  changé,  comme  en  d'autres  dialec- 
tes, son  u  en  i,  est  traitée  par  suite  comme  Yoi  originaire:  de  !à 
eymouoire  (  csmoure),  jouoyne  (jurenis). 

11.  La  gutturale  dure  se  change  constamment,  devant  les  voyel- 
les, en  la  dentale  de  même  degré.  Ex.:  c  devient  t:  rhastu,  nastut, 
destuberto,  ati(  =  aqui),  etc.;  g  devient  d  :  adui  {<i<jnt  ,  vendul  ven- 
gut),  sedur  (segur),  tendut  (  tengut)}  Diiien  (  Guilhem),  sediat  [se- 
guiatz),  etc. 

12.  Les  gutturales  chuintantes  sont  ordinairement  Bgurées  ch  et 
j,  selon  l'orthographe  ordinaire:  mais  on  trouve  aussi  th  pour  ch 
(prononcé  tch).  et  gh  pour,/:  estatha*,  petharas  (p.  8)  ;  mongho  (93), 
barghos  (98). 

13.  Le  z  (te)  se  réduit  toujours  à  t  à.  la.  2e  pers.  du  pluriel  des 
verbes.  .Même  réduction,  et  aussi  constante,  dans  lestextes  du  Vi- 
varais  de  la  même  époque.  C'est,  du  reste,  un  phénomène  qu'on  re- 
trouve, plus  ou  moins  fréquent,  de  divers  côtés,  et  dont  les  exem- 
ples ne  sont  pas  ra.es  dans  nos  anciens  mss. 

14.  L  finale,  réduction  de  //,  se  vocalise  en  i  après  e  ey  Me  ey 
(en  lo),  pey  {per  lo),  aquey,  bey  (fr.  beau)  Mais  au  pluriel  des  mêmes 
mots,  comme  pourZ  simple  d'origine  après  a  eto,  la  vocalisation  se 
fait  en  u:  aqueas,  espitau,  oustau,  ciau,  angiau,  vôu,  souôu  solum), 
lençouôu. 

A  l'intérieur  des  mots,  entre  deux  voyelles,  l,  et  c'est  là  le  iraii 
le.  plus  caractéristique  de  notre  texte,  ne  se  maintient  pas  non  plus  ; 

elle  passe,  non  pas  à  Vu,  comme  devant   une  consi >,  mais  au   >■ , 

qui  n'en  est  qu'un  durcissement:  tavou  (talon),  giavo,  giavado 
(gèle,  gelée),  souvament  (seulement),  souveil  (soleil), estiqvas  (étoiles), 
angiavou  (petit  ange),  h'n.  dont  la  parenté  avec  17  est  connue,  est 
pareillement  remplacée  par  ^•  dans  bouvas  =  bounas  (fr.  borne*),  d'où 
bouveina,  qui  se  dit  aussi,  en  substituanl  inversement l à  v,  bouleina. 
L'auteur  de  la  Statistique  de  la  Haute-Loire,  où  je  trouve  ces  der- 
nières formes,  mentionne  aussi,  à  côté  de  bouvas,  bougas.  Cf.  souguel 
=  souleh  à   Marvéjols  (Revm   [V,  526   . 

1  Eu,  d'ailleurs,  s'explique  très-bien    moyennant  les   formes  intermé- 
diaires uei  et  uc:  noctem  noit,  nueit,  nuet.  neut.  -    Des  exemples  i- 
de  la  même  mutation  se  rencontrent  dans  des  textes,  même  très-anciens, 
d'autre  provenance 


19S  BIBLIOGRAPHIE 

15.  J'ai  signalé  plus  haut  (4)  la  vocalisation  de  IV  en  i  dans 
souoyre,  ouoyre  et  probablement  aussi  fouoyre.  En  finale,  cette  li- 
quide passe  à  Vu  dans  quau  ("24,  78)  =quare.  VA.  aubre,  maubre,ceu- 
cle,  etc.,  qu'offrent  des  dialectes  voisins  et  peut-être  également 
celui-ci. 

16.  Le  v,  qu'on  a  vu  tout  à  l'heure  supplantant  17  dans  tavou,  etc., 
reprend  dans  pavou  (pavorem)  la  place  dont  l'ancienne  langue  l'avait 
exclu  (paor)  et  s'introduit  dans  avouro  (  =  aora),  forme  commune 
à  plusieurs  dialectes.  La  même  consonne  est  prosthétique,  comme 
en  Provence,  dans  vou  (hoc  et  aut),  vont  (undé),  vounio  (ungat). 

17.  Les  prépositions  clin,  dedin  et  son  (sine)  se  font  suivre  par 
euphonie,  devant  les  voyelles,  les  premières  d'un  c,  la  dernière 
d'un  t,  ce  que  l'on  observe  aussi  ailleurs.  Un  b  s'adjoint,  pour  le 
même  motif  (en  limousin  c'est  un  d).  à  la  préposition  en  :  enb  un  Hoc 

p.  59).  — Notons  encore  la  nasalisation  de  l'aet  de  Ve  dans  hanlas, 
ansi  et  dendu  (degu) . 

Après  ces  remarques  sur  la  phonétique  de  notre  texte,  il  resterait 
à  relever  les  particularités  qu'il  peut  offrir  au  point  de  vue  de  la 
grammaire  proprement  dite  et  du  vocabulaire;  mais  cela  nous  mè- 
nerait trop  loin,  et-il  y  aurait  d'ailleurs  de  ce  côté  peu  d'observations 
neuves  ou  intéressantes  à  faire.  Je  noterai  pourtant,  avant  de  linir, 
la  forme  yeusses=els  (en  Languedoc  élses  dès  le  X  '.  '  s.  au  moins),  le 
participe  fort plet  (plicitum),  p.  73.  dont  je  ne  connais  aucun  autre 
exemple,  l'emploi  de  l'infinitif  pour  le  gérondif  (en  fa  de  ses  restos. 
en  veni  de  la  velhado),  qui,  du  reste,  se  retrouve  ailleurs  et  dont  il 
y  a  quelques  exemples  dans  les  anciens  textes;  celui  du  verbe 
mérita  dans  la  signification  passive  de  deberi  (aquo  II  merito  &e,  pour 
il  mérite  bien  cela),  et  entin  un  substantif  qui  parait  devoir  être 
rangédans  la  nombreuse  famille  des  dérivés  de  minimus:  c'est  mar- 
bioucho  (petite  fille),  p.  84,  qui  renverrait  à  un  type  latin  *minimî- 
cula,  parles  intermédiaires  *merbilca}  *mermïlca,  *mermicla. 

C.  Ghabaneatj. 

P.  S. -J'ai  trouvé,  depuis  que  cet  article  est  écrit,  deux  exemples  auver- 
gnats, l'un  de  t>=  l,  l'autre  de  gu  —  l  (voir  ci-dessus,  14)  dans  les  Patois 
■  le  la  basse  Auvergne  et  leur  littérature,  par  M.  Doniol.  Ce  sont  vouwint 
—  voulant  (p.  77)  et  agueino  =  haleine  (p.  96).  Le  premier  est  dans  un 
texte  de  l'an  1477. 

De  la  Création  actuelle  de  mots  nouveaux  dans  la  langue  française 
et  des  lois  qui  la  régissent,  par  A.  DarmeStetkr.  —  Paris.  H.  Vie- 
weg,  libr.-éditeur,  07,   rue  Richelieu;  Paris,  1877.  —  Prix:  10  fr. 

«  Quels  sont   le-  procédés  que  met  en  ictivre  la  langue  moderne 


BIBLIOGRAPHIE  199 

pour  enrichir  ou  renouveler  son  matériel?  Quelle  en  est  L'origine, 
le  cercle  d'action,  la  force  relative?  Quels  sont  les  changements 
généraux  que  leur  action  a  produits  ou  est  en  voie  de  produire 
dans  le  caractère  de  la  langue  française?  Tel  est  l'objet  de  notr< 
étude.  Elle  comprend  trois  parties  :  dans  la  première,  nous  parlons 
de  la  formation  française;  dans  la  seconde,  de  la  formation  latine 
et  grecque;  dans  la  troisième,  des  emprunts  faits  aux  langues 
étrangères  et  modernes.  »  Cet  exposé,  que  nous  empruntons  à 
l'auteur  lui-même  (p.  38)  suffit,  en  même  temps  qu'il  fait  con- 
naître le  plan  de  M.  A.  Darmesteter,  à  donner  une  idée  de  l'impor- 
tance de  l'œuvre  qu'il  a  entreprise;  œuvre  toute  d'actualité,  ce 
qui  en  augmente  l'intérêt  et  la  rend  propre  à  une  utilisation  immé- 
diate, mais  qui  se  rattache  de  très-près  à  l'étude  approfondie  de 
notre  ancienne  langue.  Nous  y  retrouvons  les  qualités  habituelles 
de  M.  A.  D.  Peut-être  entrevoit-on  parfois  la  trace  d'une  prépa- 
ration un  peu  rapide;  mais  ce  n'est  qu'une  impression  passagère, 
qui  disparaît  vite  devant  l'abondance  et  le  bon  choix  des  exemples, 
devant  la  justesse  des  explications,  la  finesse  et  la  nouveauté  des 
aperçus.  Dans  l'introduction,  M.  A.  D.  énumère  et  discute  som- 
mairement les  tentatives  individuelles  ou  collectives  (Ronsard, 
Malherbe,  hôte!  de  Rambouillet,  etc.)  qui  se  sont  produites  à  dif- 
férentes époques  pour  défendre  ou  pour  combattre  le  néologisme. 
Il  y  déclare  laisser  de  côté  l'argot,  langue  de  convention,  produit 
rarement  spontané  de  certaines  relations  sociales,  pour  n'étu- 
dier que  la  langue  courante  et  naturelle,  telle  qu'elle,  sort  de  la 
bouche  du  peuple  ou  de  la  plume  des  écrivains.  Voici  quelques 
observations  de  détail  que  je  soumets  au  jugement  de  l'auteur. 
—  P. 51.  Bous  de  sucre.  L'explication  de  M.  A.  D.  est  exacte.  On 
peut  citei  à  l'appui  le  singulier  bouil,  qui  existe  dans  le  dialecte 
saintongeais  «  je  lui  ai  fait  prendre  un  bouil  »,  pour  «  je  l'ai  fait 
bouillir  un  peu.  »  —  P.  7G.  Le  sarde  n'est  pas  la  seule  langue  néo- 
latine qui  assimile  le  participe  présent  de  la  première  conjugaison 
à  ceux  des  autres  conjugaisons.  On  remarque  la  même  tendance 
dans  le  languedocien  actuel,  et  notamment  dans  le  dialecte  de 
Montpellier  et  des  localités  rurales  les  plus  rapprochées.  — P.  ^ 
etn.  205.  M.  A.  D.  mentionne  quelques  formes  nouvelles  eu  el 
etenî/.  Il  aurait  été  bon  de  mettre  en  regard  celles  qui  ont  une 
dérivation  commune,  telles  que  constitutif ,  constitutionnel  — cor- 
rectif, correctionnel,  etc . .  et  de  préciser  la  valeur  de  chacune,  la 
forme  en  ifs  e  tenant  plus  près  du  verbe,  d'où  elle  dérive  directe- 
ment par  l'intermédiaire  du  participe  passé  latin,  et  ayant  nue 
signification  plus  étendue  que  la  forme  en  el.  Celle  ci  esl  habi- 
tuellement  d'un  emploi  plus  spécial,  plus  technique.  La  distinc- 


200  BIBLIOGRAPHIE 

tion  que  je  signale  et  que  je  soumets  à  l'appréciation  de  M  .  A  .  t). , 
est  oour  moi  d'un  intérêt  immédiat  et  en  quelque  sorte  person- 
nel, en  ce  que.  bien  constatée,  elle  peut  mettre  fin  aux  hésitations 
de  certains  lecteurs,  du  reste  fort  compétents,  qui.  à  l'expression 
«  locution  prépositionnelle  »  c'est-à-dire  •<  locution  ayant  la  valeur 
d'une  préposition  »,  hasardée  par  moi  dans  un  compte  rendu  des 
Récits  d'un  trouvère  de  Reims  ( de  M.  N.  de  Wailly),  voudraient 
substituer  celle  de  «  locution  prépositive.  »  Prépositif, il  est  vrai,  a 
par  devers  lui  plusieurs  années  d'existence,  tandis  que  préposi- 
tionnel est  un  néologisme  encore  au  berceau.  Mais  le  premier 
se  rattache  étroitement  à  préposer,  dont  il  partage  la  signification 
générale,  tandis  que  le  second  offre  un  sens  pius  restreint  et  in- 
dique plus  particulièrement  ce  qui  a  rapport  à  la  préposition.  On 
pourra  dire  «  une  locution  prépositive  »  en  parlant  d'une  locution 
qui  se  place  (se  prépose)  d'habitude  avant  une  autre:  mais  on  doit 
dire  une  «  locution  prépositionnelle  »,  quand  il  s'agit  d'une  locu- 
tion qui  équivaut  à  une  préposition.  —  P.  90.  «  Pochard,  ivrogne 
qui  se  poche,  se  remplit.  »  Je  ne  sais  si  c'est  bien  là  l'explication 
véritable,  mais  je  dois  en  faire  connaître  une  autre  que  j'ai  entendue 
présenter.  «  Pochard,  ivrogne  dont  les  yeux  sont  pochés  (battus,  fa- 
tigués) le  lendemain  d'un  jour  de  débauche.  »  —  1'.  110.  «  L'ex- 
pression {race)  bovine  a  amené  {race)  asine .  »  La  forme  asine  est  plus 
ancienne  ;  je  l'ai  rencontrée  dans  un  Livre  de  raison  tenu  par  un 
curé  de  campagne  contemporain  de  ce  qu'il  appelait  <>  Y  émeute  de 
1790»:  «  Cejourd'huy  acheté  (tant  de  livres'  la  bête  asine  avec  sa 
suite  »,  c'est-à-dire  l'ànesse  avec  son  petit. — P.  115.  «  La  déri- 
vation verbale  se  fait  à  l'aide  du  suffixe  er,  qui  s'ajoute;  à  Y  adjectif 
ou  au  substantif  dont  on  veut  tirer  un  verbe.  »  En  ce  qii  concerne 
l'adjectif,  cette  dérivation  par  er  aboutissant  à  la  première  conju- 
gaison {actif,  activer)  est  tout  à  t'ait  exceptionnelle.  M  .  Chalumeau 
a,  le  premier,  dans  son  Histoire  et  Théorie  de  la  conjugaison  fran- 
çaise, très-nettement  constaté  ce  phénomène  des  deux  dérivations 
verbales  en  ir  et  en  er,  entées,  celle-ci  sur  des  noms,  celle-là  sur 
des  adjectifs.  Cette  règle  de  notre  ancienne  langue,  observée  en- 
core par  nos  patois,  ne  saurait  être  trop  fermement  maintenue 
et  défendue  contre  les  envahissements  d'une  inintelligente  uni- 
formité. Les  paysans  de  la  Saintonge  ne  disent  pas  exempter, 
mais  exemptir  (témoignage  de  M.  Chabaneau);  troubler,  mais  trou- 
blir;  parce  qu'ils  dérivenl  ces  verbes  des  adjectifs  exempt,  trouble. 
Ajoutons  que  la  langue  sait  parfois  se  défendre  elle-même  con- 
tre les  tentatives  inconsidérées  de  certains  écrivains.  C'est  ainsi 
qu'elle  a  formé  ralentir,  qui  est  tres-bon,  contrairement  à  l'autorité 
de  Ronsard,  qui  se  sert  de  alenter:  — Tant  plus  je  veux  alenier  son 


BIBLIOGRAPHIE  201 

ardeur  (Franciade,  en.  iv). —  P.  120.  On  dit  aussi  familièrement 
lavocker,  d'où  l'expression  «  des  lavocheries  »;  buvocher,  au  moins 
dans  nos  campagnes  de  la  Sain  ton  ge  etdu  Poitou.  «Aquoi  ser- 
vent toutes  ces  lavocheries/  disait  une  bonne  femme  de  Poitiers  à 
qui  l'on  parlait  hydrothérapie,  est-ce  que  ça  fait  vivre  plus  long- 
temps?»—  P.  161.  162.  A  propos  des  composas  verbaux,  M.  A.D. 
reproduit  en  note  un  résumé  de  la  théorie  que  j'oppose  à  celle 
qu'il  a  empruntée  à  Diez  et  défondue  dans  un  ouvrage  dont  j'ai 
rendu  compte  (Revue  des  lang .  romanes,  1876.  novembre,  p.  267  et 
suiv.)..  Il  maintient  ses  premières  conclusions,  de  même  que  je 
maintiens  les  miennes.  Il  me  t'ait,  de  plus,  quelques  objections 
auxquelles  je  dois  et  vais  répondre  le  plus  brièvement  possible  Je 
n'ai  dit  nulle  part  que  «  le  thème  préexiste  aux  parties  du  dis- 
cours qui  le  renferment  ».  et  je  suis  d'avance  de  son  avis  quand  il 
ajoute  que«  ce  n'est  qu'après  coup  que  la  comparaison  des  divers 
membres  de  la  famille  (do  mots  à  racine  commune)  amène  à  oon- 
cevoir,  par  abstraction,  l'idée  générale  de  thème.  »  Mais  cela  ne 
prouve  nullement  que  le  vetbe  soit,  comme  il  semble  le  prétendre, 
antérieur  aux  autres  mots  de  même  racine,  par  exemple  quand  il 
dit  que  de  garder viennent  gardeur,  garde,  gardien.  Le  thème  coexiste 
avec  les  flexions  qui  le  l'ont  vivre,  et  qu'il  t'ait  vivre  à  son  tour  ; 
mais  il  ne  préexiste  pas  à  l'état  d'isolement,  pas  plus  que  la  flexion 
séparée  du  thème.  Le  verbe  est  comme  un  arbre  où  l'on  distingue 
l'écorce  et  Ip  bois  proprement  dit  ,  sans  pour  cela  supposer  qu'ils 
ont  jamais  pu  vivre  séparément.  Je  m'étais  suffisamment  expliqué 
sur  le  sens  que  j'attribuais  au  mot  thème,  je  suis  donc  forcé  de  ren- 
voyer le  lecteur  à  mon  premier  article,  car  je  n'aurais  à  pré- 
senter que  les  mêmes  raisons,  Q)uant  aux  nouveaux  exemples 
de  composés  d'impératif  que  cite  mon  savant  contradicteur,  un 
seul  est  certain,  c'est  fac-malum.  Mais  j'ai  eu  soin  de  dire,  ce  que 
M.  A.  D.  semble  avoir  perdu  de  vue,  que  je  rangeais  (Unis  une  ca- 
tégorie  à  part  les  composés  d'origine  impérative  certaine.  Monte- 
reau- Faut-  Yonne  est  un  composé  d'indicatif  présent  tout  aussi  cer- 
tain. Doit-on  en  conclure  que  les  composés  verbaux  ont  la  mémo 
origine  indicative'?  Quant  aux  formes  comme  Pelavicinum,  Garda- 
mbam, on  peut  les  considérer  comme  une  simple  transcription  ortho- 
graphique latine  des  équivalents  populaires  Pèle-voisin,  garde-robe. 
où  Ye  muet  final  du  verbe  composant  a  été  suppléé  par  son  équi- 
valent habituel  latin  a.  — P.  163.  11  faut  ajouter  que  les  verbes 
inchoaiifs  en  ir  semblent  exclus  ûe  la  composition  verbale.  Je 
n'ai  remarqué  que  nourrit-vigne,  créés  par  Ronsard  (ap.  Meunier). 
—  P.  170.  Persécutant,  forme  hypothétique,  proposée  par  M.  G. 
Paris  dans  son    édition    de    Saint  Léger,  ne  devrait  pas  être    pré- 


208  BIBLIOGRAPHIE 

sente  comme  un  exemple  certain.  Ihid.  Crveils  se  rattacherait  à 
*crudeliu8  et,  non  à  crudelis.  Cruels  =  crudelis  est  bien  de  formation 
populaire,  comme  l'indique  la  chute  prématurée  de  la  dentale  mé- 
diate. Ibid.  Félix  se  ramène  plutôt,  à  *felicius. —  P.  190.  Ajouter 
dialectal,  dont  M.  A.  D.  se  sert  du  reste  couramment,,  et  que. 
pour  notre  part,  nous  avons  toujours  préféré  à  dialectique,  mal  à 
propos  employé  avec  ce  sens  par  quelques  auteurs. —  P.  248. 
Soulographie,  cité  d'après  M.  Zola,  se  trouve  déjà  dans  Balzac.  — 
P.  259.  Aux  dérivés  plaisamment  prétentieux  soutados,  crapulados, 
joindre  le  gigantesque  cinqcentesimados,  que  j'ai  entendu  à  Poitiers. 
—  P.  260-261 .  Signalons  un  mot  imputé  aux  Arabes  et  d'un  usage 
courant  dans  l'armée,  maboul=  fou.  toqué.  Quant  h  zouave,  il  peul 
être  intéressant  d'observer  que  les  gens  du  peuple  tendent  à  le  pro- 
noncer zouavre.  En  finissant,  rappelons  que  cet  ouvrage,  plein  de 
faits  et  qui  se  lit  aisément,  sera  utilement  consulté  par  ceux  qui 
veulent  se  reconnaître  dans  le  tourbillon  de  mots  nouveaux  que  crée 
incessamment  la  langue  des  savants  et  des  politiques.  Il  s'adresse 
plus  spécialement  aux  écrivains,  à  ceux-là  surtout  qui,  comme,  le 
journaliste,  toujours  pressés  d'arriver  au  but  et  de  nous  y  entraî- 
ner à  leur  suite,  sont  le  plus  exposés  aux  tentations  du  néoloaisme. 
Ils  y  trouveront  comme  un  appareil  de  pesage  à  la  fois  sûr  et  déli- 
cat et  d'un  maniement  facile. 

A.    B. 

Li  Chevaliers  as  .il.  espées.  (Voir  Heimedes  langues  rom..  15  juin  77. 

p.  262) 

M.  W.  Foerster,  l'éditeur  de  ce  poëme,  m'écrit  la  lettre  suivante 
en  réponse  aux  observations  que  je  lui  avais  présentées:  «  Je  vous 
remercie  de  votre  critique  bienveillante  de  mon  Chevalier  as  .n. 
espées.  La  plupart  de  vos  remarques,  je  les  accepte  sans  réserve  ; 
seulement,  pour  le  v.  634,  il  faut  dire  qu'il  a  la  juste  mesure:  Si 
l'ont  convoie  d'ilueques,  car  convoie  =  conroièe,  et  ié  =  i  dans  certains 
dialectes  (  cf.  mon  explication  de  ce  phénomène,  mal  compris  de 
M.  Mussaûa.  que  j'en  donne  dans  la  note  du  v  .  9524).  V.  1972, 
vous  proposez  un  glave,  ce  que  je  fais  moi-même  dans  la  note:  seu- 
lement je  fais  observer  que  glaive  (  masculin  et  féminin  dans  Pan- 
cien  français)  est  dans  notre  texte  toujours  féminin  .  V.  61  16,  en- 
quetumej'iù  connu  votre  explication  par inquie titudinem,  forme  sup- 
posable  qui  justifierait  le  maintien  du  t.  Si  je  ne  l'accepte  pas.  en 
voici  la  raison  :  votre  explication  suffît  pour  ce  mot-là,  mais  il  y  en 
a  d'autres  qui  n'acceptenl  pas  le  suffixe  latin  it,  ce  sont  :  pietatem= 
pitié,  medietatem  =  moitié  (  L'explication  de  M.  A.  Darmesteter  par 
meydtat,  qui   sauvegarderait   le    maintien    du    t.  est  inadmissible    i 


BIBLIOGRAPHIE  203 

cause  de  média  =  meie  on  mie),  traditorem  =traditor  capitaneu8= 
chevetaine,  à  côté  du  régulier  châtaigne,  caduta  etcadecta  =  chute  et 
cheoite,  à  côté  du  régulier  mov[i]ta=  muete  =  meute.  Il  faut  donc 
attendre,  jusqu'à  ce  que  nous  trouvions  une  explication  pourtous 
ces  mots.  Pour  les  formes  en  ietatem,  on  pourrait  supposer  que  ieta- 
tem =  iytatem,  eyté.  »  Je  fais  deux  parts  des  savantes  et  courtoises 
observations  de  M.  W.  F.  Les  premières,  celles  qui  ont  trait  au 
texte  même  du  Chevalier  as  .u.  espées,  ne  donnent  lieu  à  aucune 
objection.  Les  secondes,  relatives  aux  formes  qui  ont  conservé  la 
dentale  média  le  latine,  contrairement  à  la  régie  générale,  exigeraient 
au  contraire  d'assez  longs  développements.  N'ayant  pas  le  temps  de 
m'y  engager,  je  me  bornerai  à  déclarer  que  l'explication  essayée 
par  M.  "W.  F.  à.  la  fin  de  la  lettre,  pour  rendre  compte  do  la  persis- 
tance du  t  dans  moitié, pitié,  chute,  ne  me  parait  pas  concluante,  et 
que,  de  mon  côté,  je  n'ai  pas  été  plus  heureux.  Quant  kchevetaine, 
je  ne  serais  pas  éloigné  d'y  voir  un  dérivé  du  diminutif  chevet  =ca- 
put,  cf.  cheveteau=  cucullus,  ce  qui  couvre  \echef=  caput.  De  même 
j'expliquerais  traître,  fraïtor,  par  la  forme  hypothétique  *  traàeditor, 
qui  correspondrait  au  tv\p]  et  *  tradedere,  qu'on  est  en  droit  de  suppo- 
ser à  côté  du  classique  tradere  et  du  populaire  *  tradare  (prov.  tradar). 
Puisque  cette  discussion  a  eu  pour  point  de  départ  une  publication 
de  M.W.F.,  j'en  profite  pour  revenir  sur  un  passage  d'un  poème 
antérieurement  édité  par  lui  :  je  veux  parler  du  v.  61  de  Richart  le 
biau,  où  il  a  lu  dervoient,  forme  qu'il  a  reproduite  an  glossaire.  11 
faut.  Ynecler  voient,  correction  qu'il  a  peut-être  déjà  faite  de  son  côté. 

A.  B. 

De  Floo\rante  vetustiore  gallico  poemate  et  de  merovingico  cyclo 
scripsit,  etc.  A..  Darmesteter.  —  Luletiœ  Parisiorum,  Vieweg,  1877 
(thèse  pour  le  doctorat;. 

Le  poëme  de  Floovant,  publie  par  MM.  Guessard  et  Michelant, 
d'après  le  ms.  unique  de  Montpellier,  est  un  des  plus  rares  et  inté- 
ressants représentants  de  ce  qu'on  peut  appeler  le  cycle  méro- 
vingien. M.  A  .  Darmesteter  en  a  fait  l'objet  d'une  étude  savante 
et  approfondie,  dont  nous  devons  nous  borner, .gêné  que  nous  som- 
mes par  le  manque  d'espace,  à  énumérer  les  résultats  princi- 
paux. 

La  version  de  ce  poëme  qui  nous  est  parvenue  a  été  transcrite  par 
un  scribe  lorrain,  originaire  de  la  région  îles  Vosges.  Pour  cette  par- 
tie de  son  étude.  M.  Al),  s'appuie  sur  l'utile  travail  de  M.  lion- 
oardot  {Romania,  I.  337;  11,  iÀh],  Ce  scribe  avaii  sous  les  yeux  un 
texte  écrit  en  français  proprement  dit,  mais  qui  n'était  lui-même 
qu'un    remaniement    d'un    texte    plus    ancien.    Dans   la    seconde 


204  BIBLIOGRAPHIE 

partie,  M.  A.  D.  compare  les  différentes  versions  hollandaise. 
italienne  et  irlandaise,  du  Floovant,  avec  la  version  française. 
Dans  la  troisième,  il  arrive  au  résultat  le  plus  important,  à  prou- 
ver que  le  poème  de  Floovant  faisait  partie  d'un  cycle  plus  com- 
plet, du  cycle  mérovingien,  et  qu'il  est,  par  son  origine,  antérieur  an 
cycle  carolingien,  qui  semblait  jusqu'ici  avoir  eu  le  monopole  des 
chansons  de  geste.  M  Paulin  Paris,  cité  par  M.  A.  D  ,  s'était 
déjà  demandé,  en  rapprochant  les  Gesta  Dagoberti  de  ceux  de 
Charlemagne,  et  en  signalant  les  curieuses  coïncidences  qui  pou- 
vaient les  faire  confondre  dans  la  mémoire  des  trouvères,  si  cer- 
taines difficultés  historiques,  insolubles  tant,  qu'on  ne  sortait  pas 
du  cycle  carolingien,  ne  trouveraient  pas  leur  explication  dans 
certaines  particularités  de  l'histoire  de  Dagobert  le  Grand.  L'étude 
de  M.  A.  D.  présente,  en  faveur  de  cette  hypothèse,  des  arguments 
d'une  haute  valeur,  et  l'on  ne  peut  que  regretter,  comme  il  le  dit 
très-spirituellement,  quoique  en  latin,  que  celui  qui  a  été,  avec 
Clovis,  le  représentant  le  plus  glorieux  de  la  dynastie  mérovin- 
gienne, n'ait  été  admis  dans  les  fastes  de  la  poésie  populaire  que 
sous  le  couvert  d'une  distraction  aussi  comique  qu'invraisembla- 
ble. C'est  bien  le  cas  de  répéter  avec  lui  :  Sic  transit  gloria  mundi. 
—  J'allais  oublier  de  remercier  l'auteur,  qui  a  bien  voulu  se  souve- 
nir que  je  lui  avais  fourni  quelques  renseignements  sur  le  ms.  du 
Floovant,  conservé  à  la  Bibliothèque  de  l'École  de  médecinede  Mont- 
pellier. C'est  pour  moi,  et  ce  sera  toujours,  un  vrai  plaisir  de  ren- 
dre des  services  de  ce  genre  aux  travailleurs  sérieux,  et  surtout  aux 
travailleurs  d'élite  comme  M.  A.  Darmesteter.  A.   B. 

Société  des  anciens  textes.  Brun  de  la  Montaigne,  roman  d'aventures 
publié  pour  la  première  fois  d'après  le  ms  unique  de  Paris,  par  Paul 
Meygr.  —  Paris,  Didot,   1875;  iu-8°. 

Fragment  très-considérable  (  près  de  4  mille  vers  alexandrins) 
l'un  poëme  d'aventures,  composé  à  une  époque  qu'on  ni1  saurait 
encore  préciser,  mais  qui  ne  paraîtrait  pas  antérieure  à  l'une 
des  plus  récentes  recensions  du  roman  d'Ogier.  M.  P.  M.  croit 
devoir  signaler  une  particularité  de  versification  qui  aurait  son  im- 
portance, à  savoir  que.  dans  ce  poème,  la  césure  à  finale  atone,  ne 
comptant  pas  dans  la  mesure  du  vers,  a  été  systématiquement 
évitée  par  l'auteur.  Vérification  faite,  cette  assertion  s'est  trouvée 
erronée,  ainsi  que  l'a  remarque  M.  Mussafia  (  Zeitechrift  fur  rorna- 
nische  Philologie,  1*77.  p.  99).  Cependant  il  faut  observer  qu'il  y  a 
du  vrai  dans  l'observation  de  M.  P.  M.,  et  que  l'auteur  a  eu  rare- 
ment recours  à  ce  genre  de  césure   Venant  .  pour  le  compte  rendu 


BIBLIOGRAPHIE  205 

rie  cette  publication,  après  M.  Mussafia,  je  me  trouve  n'avoir  que 
peu  de  chose  a  dire.  Y.  59,  <S7  leur  diront  errant  qu'il  veignent  sans 
targier.  M.  P.  M.  propose  diras  au  lieu  de  diront.  Jl  est  probable 
qu'il  n'y  a.  là  qu'une  faute  de  lectureetque  le manuscrit  donne  sim- 
plement di  tout.  Taura  été  pris  pour  r,  u  pour».  V.  267,  De  tout 
l'os.  M  P.  M.  propose  Desc  à  l'os.  Je  lirais  Detout  las,  ou  lès{cî.  v. 
1067),  de  tout  côté.  V.  838  et,  1571.  M.  P.  M.  corrige  de  deux  ma- 
nières différentes  une  même  faute  du  ms.,  desous,  qu'il  lit  desus  aux 
errata  de  la  p.xvi,  el  desor  a  la  p. 54.  A  ces  deux  corrections  je  pré- 
férerais desour,  qui  serrerait  le  ms.  de  plus  près.  V.  887.  Quifu  clère 
'■'argent  Lisez,  comme  au  v.  1238,  Plus  clère  d'vn  argent .  "V.  994.  je 
lirais  tout  adès  et  non  tous  adès.  Y.  1242,  je  lirais  Dont  chascuns  cuers, 
[s']  estoit,  etc.  V.  1920.  M.  P.  M.  donne  du  mot  relief,  qui  se  trouve 
dans  ce  vers,  l'explication  suivante:  «Relief abandon  fait  par  le  sei- 
gneur à  ses  serviteurs  de  certains  objets  meubles,  tels  que  vête- 
ments, etc.  »  Relief  avec  le  sens  de  relevailles  me  paraît  mieux 
convenir  ici.  V.  2924j  lisez:  meilleur.  V.  3016,  lisez  :  à  nient  vient. 
V  3321,  essagier,  faute  d'impression  pour  esragier.  V.  3450,  lisez  : 
jusqu'  adont,  cf.  adont  du  v.  3671,  Même  correction  aux  v.  3840  et 
3863 .  A  .  B . 

Société  des  anciens  textes.  Guillaume  de  l'alermr.  publié  d'après  le 
ms.  de  la  Biblioth.  de  l'Arsenal  de  Paris,  par  H.  Michelant.  —  Paris, 
Didot.  1876;  m-8\ 

Roman  d'aventures  du  XI1-XIIP  siècle,  de  dix  mille  vers  oeto- 
syllabiques  environ.  C'est  le  récit,  des  aventures  plus  qu'invraisem- 
blables de  Guillaume,  fils  du  roi  de  Pouille.  .Mais  le  véritable  héros 
de  ce  singulier  roman  est  un  loup-garou  qui  prend  en  affection  le 
jeune  Guillaume,  <  i  le  protège  efficacement  (outre  les  dangers  de 
toute  sorte  qui  ne  cessent  de  le  menacer.  Il  faut  dire  que  cet  in- 
telligent animai  était  le  propre  fils  du  roi  d'Espagne,  et  qu'une  im- 
pitoyable belle-mère  i'avait,  par  ses  enchantements,  réduit  à  cette 
triste  condition.  I ' lus  tard,  Guillaume  acquitte  sa  dette  de  recon- 
naissance envers  le  bon  loup-garou,  en  foirant  la  reine  d'Espagne 
à  lui  rendre  sa  première  forme.  Voici  quelques  observations  de 
détail  :  V.  60,  Se  Diex  m  l  fait,  H  rois  del  mont  Je  lirais  Se  Diex  n'els 
ait  —  Nisi  Deus  illos  adjuvet  V.  79,  je  lirais  [S']ombroie.  Y.  418,  je 
mettrais  un  point  après  seigna,  une  virgule  après  contenance. 
Y.  426,  douement  :  faute  d'impression,  lisez  doucement.  Y.  1522,  je 
lirais  comment  ves  prist,  comment  [a]nom .  V.  1625  tro]  long.  Je  li- 
rais Somes  d'une  matere  fait —  Tuit  et  d'une  lignie  estrait.  Y.  1 T  t  >  T 
faute  d'impression:  lisez  rent.  \  .  2582.  Un  ne  comprend  guère 
que   les  mêmes    personnes  aient   les  cheveux  blonds  el  La   barbe 


206  BIBLIOGRAPHIE 

blanche.  Je  lirais  donc  Les  cheoex  ont  blans  et  tranchiês ;  cf.  les 
v.  3480  el  3481.  V.  3470,  faute  d'impression  :  lisez  empireront. 
V.  3003,  il  faut  mettre,  une  virgule  après  pors  et  deux  points  après 
cors.  Le  sens  est,  en  effet:  «  Il  vivra  ainsi,  mais  comme  le  porc, 
qui  pour  avoir  du  son  perd  son  corps.  »  V.  i242,  ils,  lisez  il.  Y.  5026, 
denfensable.  C'est  probablement  une  faute  d'impression  pour  de/en- 
sable. V.  5103.  je  lirais  qu'i[r\  le  consaut.  V.  5358,  ne  vaut-il  pas 
mieux  lire  :  de  dras  de  soie  tos  a  or?  V.  8305,  trop  court.  V.  8440, 
ne  faut-il  pas  si  au  lieu  de  set  Y.  8446  me  semble  difficile  à  com- 
prendre. A.  B. 

Société  des  anciens  textes.  Deux  rédactions  du  roman  des  Sept  Sages 
de  Rome,  publiées  par  Gaston  Paris.  —  Paris,   Didot,  1876;  iu-8\ 

Ce  texte  est  précédé  d'une  savante  introduction  où  M.  G.  P.  s'est 
attaché,  surtout,  à  établir  la  vraie  relation  des  rédactions  françaises 

des  Sept  Sages  entre  elles. 

Société  des  anciens  textes.  Miracles  de  Notre-Dame  par  personnages, 
publiés  d'après  le  ms.  delà  Bibl.  Nationale,  par  G.  Paius  et  Ulysse 
Robert.—  Paris,  Didot,  1876;  in-8°. 

La  collection  complète  formera  6  volumes  et  comprendra  40mys- 
tères.  Un  volume  supplémentaire  contiendra  les  remarques  de  tout 
genre  auxquelles  ce  texte  donne  lieu,  ainsi  que  Le  glossaire.  Nous 
attendrons  donc  d'avoir  vu  ce  dernier  volume  pour  rendre  compte 
de  l'ouvrage  entier  el  juger  de  la  valeur  de  l'édition.  Telle  qu'elle 
est.  cette  publication  offre  beaucoup  d'intérêt  et  constitue  un  cu- 
rieux échantillon  de  l'art  dramatique  claustral.  Sansnousastreindre 
à  une  étude  minutieuse,  pour  laquelle  le  temps  nous  manquait,  nous 
avons  relevé  quelques  observations  de  détail  que  nous  soumettons 
aux  éditeurs.  P.  127,  v.  053,  mien  ne  saurait  être  disyllabique. 
P.  I  15,  v.  40  faux.  11  faudrait  peut-être  La/ace  a/ace  elle  voitsonchier 
fils.  P.  163,  v.  357,  seue,  lisez  sene  =  sienne.  P.  239,  v.  923,  peut, 
lisez  peut.  P.  292,  v.  1128,  29,  je  mettrais  le  point  et  virgule  après 
hostel  et  une  virgule  après  bel.  P.  294,  v.  1197,  trop  court  d'une 
syllabe.  P.  336,  v.  003,  puisque  les  éditeurs  ont  parfois  con 
leur  texie  (  p.  vr,  pourquoi  ont-ils  laisse  temps  au  lieu  de  tansl 

A.   B. 


PERIODIQUES 


Romania,  n°  27,  p. 472,  —  M.  Paul  Meyer  trouve  bien  douteuse 
notre  explication  du  son  dans  les  noms  de  lieux  baléariques  {Revue, 
2e  série,  III.  p.  225). Nous  rappellerons  un  fait  (déjà  indiqué  ail- 
leurs) et  qui  nous  semble  de  nature  à  modifier  l'opinion  du  savant 
philologue.  En  Catalogne,  du  moins  dans  le  Panades,  le  peuple  de 
la  campagne  dit,  en  certains  cas,  axô  ou  assô  (peut-être  aussi  so). 
del'  iRafolsow  delMiret,  pour  désigner  le  domaine  de  ces  propriétai- 
res. D'ailleurs  on  lit  dans  Bernât  Metje:  «  No  li  torna  so  del  sieu.  » 
—  Quant  à  la  construction  du  vers  de  Marcabrun  (Ib. ,  p.  229), 
nous  avons  parlé  de  possibilité.  Il  serait  bien  difficile,  ce  semble,  de 
prouver  Y  impossibilité.  Milâ  y  FontaNaxs. 

Il  Propugnatore.  —  An  no  X.  Dispensa  la,  2a  e.  3a.  —  P.  9. 
Luigi  Gaiter.  L'epigrafe  scaligera    sul  ponte  délie   an  ci,   a  Verona. 
Transcription,  interprétation  et  commentaire  étymologique  de  cet 
intéressant,  monument   du  dialecte  véronais. —  23.  Antonio  Cima. 
UOrazia  delV  Aretino.  Etude  sur  cette  tragi-comédie  (C 'est  ainsi  que 
qualifiait  son  œuvre  l'Arétin  lui-même)  comparée  à  VHorace  de  Cor- 
neille. —  47  et  436.    Blanc.  Interpretazione  filologica  di   molti passi 
oscuri  e  controversi  délia  Divina  Commedia,  saggio   tradotto  dal  prof. 
Carlo  Vassallo,  con  aggiunta  d'alcune  osservazioni.  C'est  seulement  la 
traduction  de  la  partie  du  travail  de  Blanc  qui  concerne  le  Purga- 
toire, la  première  partie  (sur  VEnfer)  ayant   été  traduite  en'italien, 
dès  1865,  par  M.  Oecioni.  —  80    Francesco  Berlan.   Cola  Montait", 
lettere   storico-critiche. —   95   et   343.   Salvatore  Salomone-.Marino. 
Storie  popolari  in  poesia  siciliana  (suite  .  XI,  Storia  delfamoso  ban- 
dito   Antonio   Catinella,   soprannominato  Salta-le-Viti.   XII,  Distinta 
Istoria  di  la  vita  e  morti  di  D.  Uaimundu  Sfirazza,  iniqu  capu  di  ban- 
duti.  XIII.    Lu  fini  di  li  larruni  espressu  m  Un  storia  di  Cicc  Antoni 
Papaseudi  e  so  cumpagni.  XIV,  Conirastu  ridiculusu  chi  fa  ' ' mt  gatta 
e  un  surci.  — 124  et  289.    Ernesto   M onaci.  Il  Canzoniere  chigiano, 
L.  VIII,  305.  Reproduction  exacte   de  ce  précieux    monumenl  de 
l'ancienne  poésie  lyrique  italienne. —  183.  Achille  Neri.  Un   opus- 
colo  ignoto  di  Giorgio  Sommariva,  poeta   veronese  del  secolo  XV.  — 

1  A  Barcelone,  on  conserve  l'article  en  devant  les  noms  de  personne; 
dans  le  Panades,  on  emploie  aujourd'hui  l'article  commun  el. 


«08  CHRO  INIQUE 

'204  et  370.  Curzio  Mazzi .  Il  Burchiello,  saggio  di  studi  sulla  sua  vita 
e  sulla  sua poesia  (suite  et  fin).  —  lOfj.  Vittorio  Imbriani.  Canzonette 
infaniili  pomiglianesi .  —  408.  Enrico  Frizzi.  Saggio  Ji  studi  sopra 
Cecco  d'Ascoli  e  sopra  VAcerha,.  C.  C. 


CHRONIQUE 


L'idée  si  élevée  ilonl,  M.  Albert  de  Quintana  y  Corabis  s'ins- 
pira,  en  fondant  le  prix  de  la  Chanson  du  Latin,  valut  au  pro- 
gramme du  concours  de  1878 — et  cela  des  les  derniers  mois  de 
l'année  I87;>  —  l'adhésion  successive  du  Fèlïbrige,  de  la  Société  ar- 
chéologique de  Béziers,  de  l' Académie  du  Sonnet.  d'Aix-en-Provence, 
de  la  Société  scientifique  et  littéraire  d'Aptet  de  l' Aube  provençale  de 
Marseille.  Cette  idée  recueille  aujourd'hui  de  nouvelles  adhésions 
parmi  les  associations  littéraires  du  midi  de  la  France,  (l'est  ainsi 
qu'après  V Athénée  de  Forcalguier,  la  Société  des  félibres  des  Alpes  a. 
bien  voulu  mettre  à  la  disposition  de  la  Société  des  langues  romanes 
une  médaille  de  vermeil,  qui  constituera  un  des  accessits  du  prix 
du  Chant  du  Latin. 

Nous  remercions  de  cette  marque  d'attention  la  Société  desfélibres 

des  Alpes. 

* 

M. Boucherie  a  transcrit  sur  lems.  24,042  (fds.français,XVe siè- 
cle) de  la  Bibliothèque  nationale,  un  poëme  d'aventures  intitulé  le 

Livre  de  Galeren,  conte  de  Bretaigne,  qui  est  incomplet  au  commen- 
cement et  au  milieu,  et  qui  comprend  plus  de  sept  mille  vers  octo- 
syllabiques.  lise  propose  de  le  publier,  malgré  les  mutilations  qu'il 
a  subies,  et  prie  ses  confrères  en  romanisme  de  vouloir  bien  re- 
connaître ses  droits  de  priorité, 

Ceu\  qui  ont  lu  la  Revue  des  Langues  romanes  (nodu  15  juin  ISTT 
et  la  Zeûschrift  fur  romaniscke  philologie  (2°  numéro  de  1877),   com- 
prendront et  excuseront  son  insistance. 

* 
♦  ♦ 

Les  .Ikux  Floraux  aptésiens. —  Le  point  de  départ  des  fête ( 
d  \pi  étail  purement  religieux,  car,  dans  le  principe,  il  s'agissail 
uniquement  du  couronnement  de  la  statue  de  sainte  Anne,  donn 
par  Mgr  Dubreuil,  archevêque  d'Avignon.  L'initiative  du  Comité 
îles  Provençalistes  de  la  cité  julienne  a  su  grouper  autour  île  la  so- 
lennité religieuse  un  certain  nombre  d'associations  littéraires  ei 
quatre  concours  divers  :  celui  des  Provençalistes,  naturellement, 
ii  du  Florègi  d'Avignon,  celui  de  la  Société  scientifique  et  artisti- 
que  d'Apt,  el  enfin  relui  de  l'Académie  des  poètes  de  l'aris. 

La  séance  solenn  lie  du  9  septembre  a  été  ouverte  par  un  dis- 
cours éloquent  et  eiu  lie  de  Mgr  Dubreuil  :  le  chancelier  «lu  Féli- 
brige bu.  immédiatement  après,  le  texte  de  la  décision  qui  déclaraii 
Teuxfloraux  le  Concours  aptésien  ;  puis  M.   Frizetfil  connaître  le- 


CHRONIQUK  209 

noms  des  lauréats,  dans  un  rapport  provençal,  aisé  de  langue  et  de 
pensée,  plein  de  poésie  et  de  coloris*. 

La  première  récompense  (Pièce sur  sainte  Anne)  a  été  attribuée  à 
une  félibresse  qui  a  voulu  garder  l'anonyme:  les  deux  médailles 
d'argent  offertes  par  le  Félibrige  des  Alpes' pi  les  1  '  tftstesd'Âpt, 

à  MMmes  Daniel  et  Delphine  Houmieux.  En  ce  qui  touche  la  pièce 
demandée  sur  Apt  ou  les  particularités  de  son  histoire,  une  Heur 
d'argent,  donnée  par  M.  de  Sabran,a  été  décernée  à  M.  E.  Imbert 
(la  Durènço);  une  médaille  de  vermeil,  «le  l'Athénée  de  Forcal- 
quier,  à  M.  Bruneau  (sonnet  sur  Apt);  une  médaille  d'argent  de 
la  Société  des  langues  romanes,  a  M.  l'abbé  Malignon,  de  Beaucaire 
(Margarido  de  Prouvènço  au  toumbèu  de  santo  Ano). 

Deux  ouvrages  hors  concours  :  une  Istori  deCadenet (eu  prose),  par 
M.  Ripert,  à  Marseille,  el  un  recueil  intitulé:  Uno  matinado  à  Nos- 
tro-Damo-de- Prouvènço,  par  l'abbé  Anxionnax,  ont  été  récompen- 
sés au  moyen  d'une  médaille  de  vermeil  et  d'une  médaille  de 
bronze . 

Au  travail  de  M.  Frizet  succéda  le  rapport  français  de  M.  Jules 
Terris  sur  la  joute  historique  ouverte  parla  Société  d'Apt.  L'heure 
avancée  ne  permit  pas  d'entendre  celui  de  M.  Carbon i  el  sur  les 
envois  de  poésie  française. 

Le  concours  du  Florège  de  V Académie  des  poètes,  et  enfin  le  con- 
cours d'harmonie  (MM  Môuzin,  de  Mesteyme  et .  Guillibert.  rap- 
porteurs), avaient  été  réserves  à  la  séance  du  lundi  10  septembre, 
laquelle  fut  présidée  par  M.Léon  de  Berluc-Perussis,  qui,  dans 
un  discours  écrit  avec  une  clarté,  une  souplesse  et  une  facilité 
d'expression  trop  heureuses  et  trop  rares  pour  n'être  pas  signalées, 
fit  l'historique  de  l'institution  des  Jeux  floraux  depuis  leur  origine. 
M.  de  Berlue  suivit  les  fleurs  du  Gai  Savoir  de  Toulouse  à  Barce- 
lone et  à  Tortose,  à  Tulle,  à  Bodez,  a  Béziers  et  enfin  à  Apt.  où  elles 
furent  portées  en  1862.  Ce  discours,  si  remarquable,  a  été  publié 
parle  Prouvencau  dans  son  numéro  du  30  septembre. 

Les  élèves  languedociens,  comtadins  et  provençaux,  récompensés 
pour  leurs  traductions  de  Mistral  eî  de  Tavan,  furent  appréciés  dans 
le  rapport  de  M.  Mouzin,  secrétaire  du  concours  du  Florège.  Ce 
fut  avec  un  intérêt  mêlé  de  quelque  surprise  que  l'assistance  en- 
tendit plusieurs  de  ces  enfants  lire  en  prose,  et  même  en  vers  fran- 
çais, des  versions  fidèles  et  souvent  élégantes.  Parmi  les  lauréats, 
nous  remarquons  les  noms  de  MM.  Antonin  Rivière,  de  Valergues 
(Hérault),  et  Aristide  Brun,  d'Alais. 

Quoique  le  manque  d'espace  nous  oblige  à  écourter  la  relation 
de  cette  séance,  nous  tenons  à  dire  quelques  mots  d'une  fête  plus 
intime  et  qui,  selon  le  Journal  de  Forcalquier,  a  été  «  comme  le 
bouquet  et  le  couronnement  des  Jeux  floraux  aptésiens.  » 

«  On  sait  que  ces  assises  de  la  poésie  avaient  été  provoquées  et 
organisées  par  les  Provençalistes  d'Apt,  et  plus  particulièrement  par 
M.  Légier  de  Mesteyme,  leur  infatigable  secrétaire.  Ce  que  Ion 
sait  moins,  c'est  que  ce  modeste  et  ardent  groupe  des  Provença- 
listes est  un  des  plus  anciens  qui  se  soient  formés après  que 

Roumanille  eut,  par  la  publication  des  Prouvencalo,  réveillé  le  Midi 
qui  sommeillait .  C'est  le  5  juin  1855  qu'à  l'appel  du  docteur  Camille 

1   Inséré  dans  le  Provençau,  n°  du  16  septembre. 


210  CHRONIQUE 

Bernard,  les  troubaires  aptésiens  se  réunirent,  pour  la  première 
fois,  dans  le  pittoresque  et  historique  vallon  de  Roque-Salière;  c'est 
là  que  fut  conçue  la  pensée  des  Concours  do  1862,  prélude  ùe  ceux 
de  1877.  On  peut  donc,  sans  mentir  à  l'histoire,  regarder  ce  poé- 
tique vallon  comme  le  herceau  des  Jeux  floraux  de  Provence.  Aussi 
était-il  naturel  que  les  félibres  accourus  à  Apt  ne  se  séparassent 
pas  sans  une  visite  à  Roque-Salière  l .  » 

Le  mercredi  12  septembre,  tous  ceux  qui  avaient  assisté  aux 
fêtes  des  jours  précédents  se  réunirent  donc  le  lony  de  la  Font- 
fresque,  au  pied  des  rochers  de  Sainte-Marguerite.  Le  spirituel 
doyen  de  la  félibrée,  M.  C.  Seymard,  récita  quelques  vers  char- 
mants; Mme  Daniel  lut  un  poème  inédit  et  digne  de  sa  pièce  sur 
sainte  Anne;  MM.  Daniel  et.  Verdotfirent  hommage  de  deux  poésies 
à  Mme  de  Mesteyme;  M.  de  Berluc-Perussis  communiqua  un  son- 
net intitulé:  Dos  Deviso ;  M.  Auhert,  un  autre  sonnet  ;M.  Lieutaud. 
une  très-remarquable  traduction  en  dialecte  aptésien  de  YÊvangile 
de  sainte  Anne;  enfin,  le  délégué  de  la  Société  des  langues  romanes. 
M  Gavallier,  toasta,  dans  un  languedocien  fort  spirituel,  au  secré- 
taire des  provençalistes  d'Apt,  M.  Legier  de  Mesf.eyine,  et  à  son 
aimable  et  vénérée  mère,  chez  qui  prélats  et  félibres  avaient  trouvé, 
durant  les  journées  de  la  fête,  la  plus  large  et  la  plus  cordiale  hos- 
pitalité a. 

La  Cigale.  —  La  réunion  de  la  Cigale  (22,  23  et  24  septembre)  à 
Arles  a  été  marquée  par  de  brillantes  fêtes  locales,  sur  lesquelles 
le  manque  d'espace  ne  nous  permet  guère  d'insister.  Disons  toute- 
fois que  la  partie  provençale  du  Cor.cours  a  réussi  au  delà  des 
espérances  des  promoteurs.  Le  prix  sur  le  thème  la  Cour  d'amour 
des  Baux  a  été  décerné  à  M.  Bruneau,  d'Avignon;  celui  des  Bœuf» 
de  la  Camargue,  à  M.  Edouard  Marrel.de  Saint-Remy,  avec  une 
mention  à  M.  Marius  Bourrelly,  de  Marseille.  D'autres  prix  ont  été 
attribués  à  MM.  Victor  Comte  et  le  frère  Théobald,  ainsi  que  des 
mentions  à  MM.  Marius  Bourrelly  et  Louis  Gleizes. 

Un  sonnet  de  Mlle  Goirand,  d'une  très-remarquable  hauteur  de 
poésie,  a  obtenu  le  prix  exœquo  du  Concours  mixte.  Nous  sommes 
heureux  de  pouvoir  le  reproduire  dans  la  Revue: 

Coumo  lis  ôublida  ti  supèrbis  Areno, 
Arle  quand  l'on  a  vist  soun  frountau  auturous. 
Si  pieloun  de  granit  supourtant  pouderous 
Lis  arcèu  gigantesc  que  n'en  formon  la  treno  ? 

Avès  rèn  counserva,  gradin  escalabrous, 
Di  grand  festo  roumano  ount  la  foulo,  qu'enfreno 
L"orro  visto  dôu  sang,  espinchavo,  sereno. 
Dôu  ferun.  dis  esclau,  li  jo,  lou  chaple  afrous  : 

Fantasti  mounumen,  fa  de  dôu  e  de  glôri, 
Ghascunu  de  ti  pèiro  es  un  fuei  de  l'istôri  : 
An  passa  davans  tu  tant  de  generacioun  '. 

Pamens.  subre  toun  front  lou  soulèu  pou,  arrage, 
De  sis  escandihudo  escrinctda  toun  âge  : 
Esclairara  jamai  ta  pleno  linicioun  ! 


1  Journal  de  For ealquier  >\\\  23  septembre,  les  Jeux  floraux  aptésiens 
i  Nous  empruntons  une  partie  de  ces  détails  au  Journal  de  Forcalquier 

du  23  septembre. 


CHRONIQUE  211 

MM.  Aubanel,  Félix  Gras  et  Louis  Roumieux  étaient  au  nombre 
des  rapporteurs. 

Un  détail  des  fêtes  de  la  Cigale  restera  longtemps  dans  la  mémoire 
de  ceux  qui  y  ont  assisté.  Le  dimanche  23  septembre,  vers  minuit, 
après  \a.pegoulade,  on  ouvrit  les  portes  du  théâtre  antique,  dont  les 
gradins  à  demi  ruinés  furent  en  un  clin  d'oeil  occupés  par  la  foule. 
Là,  dit  le  Prouvençau  (no  du  30  septembre),  en  face  île  ces  deux 
colonnes  «  qui,  seules  et  majestueusement  silencieuses,  dominent 
l'étendue,  »  M.  Félix  Gras  entonna  le  chant  du  Rèi  en  Pèire,  ac- 
compagné au  refrain  par  tous  les  assistants.  Aubanel  déclama  ensuite 
son  admirable  Venus d'Arle,  qui  ne  pouvait  être  dite  avec  plus  d'à- 
propos  ni  dans  un  milieu  plus  justifié.  L'applaudissement  de  la 
foule  fut  à  son  comble  auxdernier^  vers  du  poëte  d'Avignon. 

Nous  ne  saurions  parler  des  fêtes  d'Arles  sans  mentionner  le 
spirituel  discours  de  bienvenue,  adressé  aux  Cigaliers  par  Honoré 
Clair l,  le  vénéré  doyen  des  archéologues  arlésiens,  et  deux  chan- 
sons de  Louis  Roumieux,  pleines  de  cette  verve  et  de  cet  entrain 
qu'on  lui  connaît. 

Athénke  de  Forcalquier  et  Fèlibiuge  des  Alpes. — Les  deux  So- 
ciétés ont  tenu  une  réunion  le  20  septembre  dernier,  au  château  de 
Porchères.  Les  communications  faites  sont  les  suivantes:  Chanta 
Notre-Dame-de- Provence,  par  l'abbé  Emile  Savy  ;  Chanson  de  sainte 
Estelle,  par  M.  Descosse;  la  légende  du  Cavalié  de  Saumano,  par 
V.  Lieutaud;  Brinde  du  vicomte  de  Salve-"Vacheres:  Coublet  à  Ga- 
gnaud,  par  M.  Milon  ;  conte  en  prose:  Undina  de  devoto,  par  M.  Eu- 
gène Plauchud;  la  Joumado  finido,  envoi  du  docteur  Estre,  de  Re- 
milly  (Alsace-Lorraine);  Dissertation  sur  l'orthographe  du  dialecte 
alpin,  envoi  de  M.  l'abbé  Millon;  lettre  sympathique  de  M.  Rou- 
manille;  M.  Audibert,  de  Saint-MicheL  a  annoncé  son  projet  de 
recueillir  les  poésies  provençales  de  l'abbé  Félix  Martin  etde  Rien- 
venu  Amalric. 

Le  Parage.  —  Il  tiendra,  le  12  novembre  prochain,  la  première 
de  ses  séances  dans  I  île  de  Maguelone,  un  des  sept  lieux  de 
réunion  choisis  par  le  Statut  de  l'Ecole  de  Montpellier. 

La  Llumanera.  —  Les  lecteurs  de  la  Revue  ignorent  peut-être  qu'il 
existe  aux  extrémités  opposés  de  l'Amérique,  à  New- York  et  à  Bue- 
nos-Ayres,  deux  petits  centres  de  population  catalane  où  la  langue 
de  Mild  et  de  Balaguer  a  su  rester  en  honneur  ei  développer  autour 
d'elle  un  mouvement  littéraire  d'une  réelle  vitalité  L'organe  heb- 
domadaire des  Catalans  de  la  République  argentine  est  la  Aureneta. 
Celui  de  New- York,  la  Llumanera,  a  proposé  dernièrement  un 
Concours  artistique,  dont  la  Renaixensa  du  31  août  dernier  fait 
connaître  les  conditions.  Les  envois  seront  reçus,  jusqu'au  10  no- 
vembre, par  D.  Frédéric  Garriga,  représentant  à  Barcelone  la  di- 
rection de  la  Llumanera . 


1  Ce  discours  a  été  lu,  au  nom  de  M.  Honoré  Clair,  par  M.  Léopold 
Aparicio,  qui,  avec  MM.  Baudouin  et  Maurice  Faure,  les  deux  secrétaires 
de  la  Cigale,  de  Flotte  et  Clair  Glcizes,  ont  largement  contribué  au  succès 
de  la  fête  d'Arles. 


2k>  CHRONIQUE 


*** 


Un   petit  journal   hebdomadaire,  en  dialecte  bordelais,  la  Cadi- 

chounne,  paraît   à   Bordeaux  (  8 i,  rue  Sainte- Catherine,   lu  fr.  par 

an)  depuis   deux  mois  environ     En  exceptant  les  diverses  feuilles 

niçardes  que  nous  signalâmes  dans  la  Revue   septembre  1876),  la 

Cadichounne,  lou  Prouvençau  et  lou  Tron  de  Ver,  sont  actuellement  les 

trois  seuls  journaux  en  langue  d'oc  du  midi  de  la  France. 

* 
*  « 

Publications  en  catalan  et  en  langue  d'oc.  —  PelayBriz:  la 
Masia  dels  amors,  poema popular .  Tercera  ediciô.  Barcelona,  Roca  j 
Bros,  in-12,  194  [>ag.  —  Certamens  literaris  de  la  Misleriosa.  Com- 
positions premiades  en  lo  del  an//  1  <s 7 7 .  Barcelona.  Verdanuer.  in-8o, 
2U4  pag. — Aulestia  y  Pijoan  e:  Balaguer  y.Merino.  la  Fesla  de  sont 
Père  en  lo  castell  de  Belloch.  Barcelona,  estampa  de  la  Renaixensa, 
in-8°,12  pag. —  Trodor  Aubanel  :  la  Miougrano  entredvberto  (avec 
traduction  littérale  en  regard),  novo  edicioun.  Montpellier,  Bureau  des 
publications  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes,  in-16, 
xxi-319  pag.  — Aubanel.  A  Dono  Viouleto  d'Or.  Lis  Estello,  pouësio 
de  T.  Aubanel,  musicb  de  Wekerlin.  Paris,  Hengel,  in-4%  4  pag. 
—  Aubanel.  Brinde  à  Sa  Grand our  Mounsegne  Louis- Ano  Dubreil, 
tin/ievesque  d  Avignoun.  Festo  de  Santo-Ano  dAt,  in-'i».  4  pa^.  — 
Armana  prouvençau pèr  lou  bel  an  de  Dieu  1878.  Avignoun,  Rouma- 
nille, in-l  ",',  112  pag. —  Roumanille.  Fau  i'ana.  Dialogo  prouven- 
çau, emé  t ritducioun  franceso  vis-à-vis.  Segoundo  edicioun,  revisto  el 
aumentado.  Avignoun,  Roumanille,  in-12,  45  pag.—  Unofèsto  de 
famihOj  pouësio  acampado  pèr  Louis  Roumieux.  A.vfgnoun,  Au- 
banel, in-12,  55  pag.  —  Roumieux,  Souto  lis  (mine,  balado  d'Anton. 
Nimes,  Baldy-Riffard,  in-8°, 4  pag. — Roumieux.  la  Powmo.  Ailes. 
Jouve,  in-8°,  4  pag.  —  Roumieux,  la  Cigalo,  cansoun  de  L.  Rou- 
mieux. Avignoun,  Aubanel,  in-8o,  4  pag.  —  Boucherie,  Première 
Assemblée  annuelle  de  la  Maintenance  de  Languedoc.  Toast  (languedo- 
cien-saintongeais-français)  de  M  .  Boucherie.  Montpellier,  Hanielin 
frères,  in-8°,  4  pag. —  Folie-Desjardins  .  Lys  et  Pervenches,  poésies 
françaises  el  languedociennes  (traduction  française  en  regard  de  ces  der- 
nières). Avignon  .  Roumanille,  1  877,  in-8°,  1 30  pag. — Chastanet . 
Counteis  e  Viorlas.  Ribeirac,  Delacroix,  in-12.  31  pag.  —  Verdot. 
Brinde  e  epitalamo  di  à  la  felibrejado  de  Sant-Bmncai,  lou  13  de  mai 
1877.  Fourcauquiè,  in-8",  7  pag. —  Lou  Curât  de  Cucugnan,  en 
■prouvençau  (le  français  en  regard),  pèr  lou  Felibre  de  la  Mousello 
(M.  le  docteur  Frédéric  Estre).  Strasbourg,  Fischbach,  in-12, 
24  pag. — Charles  (loste.  Una  voués  dai  Vilage,  pouesias  lengadou- 
cianas.  Mountpeliè,  Martel,  in-8°,  52  pag.  —  Beaulard.  Uno  cousso 
di'  binon  ii  Bcoiirisin,  poèmo  Nimes.  Jouve,  in-12,  12  pag.  —  Trin- 
quier.  la  Pesto  d'Arle  en  170i).  Aies,  Trintignan,  in-8°.  li  pag.  — 
As  Eleturs  d'Alès  et  de  la  Campagno.  Aies.  Martin.  in-4°.  1  pag. 

Errata  du  numéro  de  septembre   1877 

A  una rosa mûstiga . —  I*.  143,  1.  I S, après  paysanne  ^eniille.  ajoutez: 
qui  te  disait. 

Le  Gérant:  Ernest  Hamelin. 
Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi.  —  Hamelin  frères 


DIALECTES   MODERNES 

LETTRES  A  GRÉGOIRE 
SUR   LES  PATOIS    DE   FRANCE 

{Suite) 


Sous-dialecte  périgourdin 

Le  périgourdin,  qui  sert  de  trait  d'union  entre  le  gascon  et 
le  limousin,  n'est  guère  parlé  dans  toute  sa  pureté  que  par 
les  habitants  de  la  Dordogne.  Grégoire  a  inséré  dans  son 
Recueil  deux  lettres  venues  de  cette  région.  La  première  lui 
fut  adressée  par  le  citoyen  La  Charmie,  comme  l'indique  une 
note  autographe  de  Grégoire,  et  ce  personnage  n'est  autre  que 
Fournier  de  la  Charmie,  lieutenant-général  de  Périgueux  et 
député  du  Tiers  à  l'Assemblée  nationale.  L'autre  a,  du  moins, 
dans  sa  brièveté,  l'avantage  de  nous  donner  quelques  lignes  du 
franc  patois  de  campagne,  comme  disent  ses  auteurs. 

1° 

L'usage  delà  langue  française  est  universel  en  Périgord,  c'est- 
à-dire  que  les  gens  aisés  la  parlent  habituellement1,  surtout 
dans  les  villes;  mais  le  petit  peuple  ne  parle  que  le  périgour- 
din, qui  n'est  que  l'ancienne  langue  de  oe,  modifiée  parla 
grossièreté  ou,  pour  mieux  dire,  la  misère  des  habitants. 

Des  langues  anciennes,  je  ne  connais  qu'un  peu  le  latin, 
avec  lequel  on  me  tourmenta  dans  ma  jeunesse,  et  des  langues 
modernes  je  ne  sais  que  le  français.  Je  pense  que  mon  péri- 
gourdin a  beaucoup  d  analogie  avec  lapremicre,  dont  il  dérive, 
et  avec  la  seconde,  dont  je  le  crois  au  moins  cousin  germain: 

1  U  y  a  dans  le  texte:  habit  utilement;  mais  nous  ne  reproduisons  pas  les 
fautes  d'orthographe  quand  elles  sont  sans  intérêt  au  point  de  vue  philo- 
logique. 

17 


214  DIALECTES    MODERNES 

il  n'en  diffère  presque  que  parla  prononciation.  Il  est  cepen- 
dant des  mots  à  qui  je  ne  connais  ni  père  ni  mère,  comme 
moungetas,  haricots  ;  uno  bassto,  un  évier;  daus  soucs  ou  de  las 

siirlnis,  des  sabots,  un  sat/ou,  un  habit;  de  las  malinas,  des  cu- 
lottes; uno  trencho,  une  pioche;  un  trangé,  une  houe.  On  ap- 
pelle une  femme  publique  uno  peau  :  évidemment,  ce  dernier 
mot  vient  de  pellix  (sic).  On  dit  eicrasas  pour  écraser'  mais  le 
verbe  eypautis,  qui  signifie  plus  qu'écraser  ou  réduire  en 
cannelle,  n'a  pas  de  synonyme  en  français,  et  j'ignore  son 
origine  '. 

Cette  langue  n'a  été  ni  allongée  par  les  rhéteurs,  ni  tour- 
mentée par  les  poètes  ;  elle  est  dure  et  pauvre  comme  ceux 
qui  la  parlent;  elle  suffit  à  leurs  besoins,  et  ils  savent  se  passer 
de  pain  pendant  trois  mois  de  Tannée.  L'agriculture  est,  dans 
l'enfance,  et  c'est  le  seul  art  qu'ils  exercent.  La  prononciation 
est  gutturale,  fortement  accentuée.  L'emuet  termine  en  fran- 
çais ce  grand  mot  si  fréquemment  prononcé  par  les  matelots 
et  les  charretiers,  et  qui  fait  monter  le  sang  au  visage  d'une 
jeune  femme;  c'est  un  e  ouvert  avec  un  accent  aigu  qui  h1 
termine  en  périgourdin,  du  reste  il  est  le  même.  Si  M.  l'abbé 
s'amuse  à  des  leçons  de  prononciation,  je  me  sentirai  bien 
flatté  de  contribuera  ses  plaisirs.  On  ne  trouve  nulle  part  d'in- 
scription patoise;  les  seuls  écrits  que  je  connaisse  dans  ce  dia- 
lecte sont  quelques  chartesdes  XIIIe et  XIVe siècles,  produites 
au  Conseil  dans  une  instance  soutenue  par  la.  ville  de  Périgueux 
contre  le  Use;  mais  la  langue  est  différente  de  celle  d'aujour- 
d'hui et  j'ai  quelque  peine  a  l'entendre.  On  a  aussi  composé 
a  l'usagedu  petit  peuple  quelques  cantiques  dans  ci'  langage, 
mais  on    ne  les    chante1  nulle  part . 

1  Moungetas  vient  de  monje  on  monja  ;  bassio  —  bassino,  féminin 
de  bassi  ;  soucs  et  suchas  =  soccos  ci*soccas;  sayott  vient  île  sayo-=- 
saga  .  trencho  et  tranjé  (mieux  trenche)  sont  deux  formes,  l'une  féminin  >., 
l'autre  masculine,  du  substantif  verbal  île  trenchar;  peau  lis.  peu) 
est  simplement  pellis.  On  emploi*  aussi  dans  la  même  acception  méta- 
phorique pelisso,  où  pellex  a  a  non  plus  rien  ù  réclamer.  Eypouti,  propre- 
meni  réduireen  bouillie,  vieni  de  puis,  pultis,  conservé  dans  poil,  subs. 
usité  seulement  au  pluriel,  et  qui  désigne  spécialement  la  bouillie  de 
farine  de  maïs,  ce  qu'on  appelle  en  Gascogne  cruchade.  E.  G. 


LETTRES  A  GREGOIRE  215 

Grâces  à  Dieu,  nos  curés  prêchent  peu.  Quand  ils  arrivent 
du  séminaire,  c'est  en  français;  ils  citent  même  du  latin,  et  on 
les  admire;  mais  quand  ils  veulent  être  entendus,  ils  parlent 
périgourdin. 

Je  me  souviens,  et  il  n'y  a  pas  vingt  ans,  que  c'était  un 
ridicule  de  parler  français:  on  appelait  cela francimander;  au- 
jourd'hui, au  moins  dans  les  villes,  les  bourgeois  ne  parlent 
que  cet  idiome,  et  tout  le  monde  l'entend.  Dans  la  campagne, 
on  ne  ,:eut  guère  que  parler  périgourdin,  surtout  au  peuple, 
sur  peine  de  ne  pas  être  entendu. 

Vers  le  Limousin,  la  prononciation  parait  un  peu  peu  moins 
dure;  elle  approche  du  grasseyement  de  nos  jolies  femmes  et 
n'en  est  pas  plus  agréable.  Du  côté  de  l'Agénais  et  du  Borde- 
lais, l'idiome  se  confond  avec  le  gascon;  mais,  quoique  le  patois1 
soit  supportable  du  côté  de  l'Angoumois,  il  conserve  son 
âpreté  jusqu'à  la  Nisonne,  qui  fait  la  limite  des  deux  provinces. 
Là  finit  son  règne;  on  est  étonné,  après  avoir  traversé  ce  petit 
ruisseau,  d'en  entendre  un  tout  différent,  qui  a  une  tournure 
française.  L'habituelle  fréquentation  des  habitants  fait  qu'ils 
s'entendent,  mais  chacun  parle  son  patois  ;  ils  sont  très-dis- 
posés à  s'injurier  et  encore  plus  à  se  battre. 

Sans  doute  il  serait  à  désirer  qu'il  n'y  eût  qu'un  seul  idiome 
en  France,  le  peuple  serait  moins  exposé  à  être  dupe  ;  c'est 
un  bienfait  qu'on  ne  peut  recevoir  que  du  temps. 

Il  s'en  faut  de  bien  qu'en  Périgord  chaque  village  ait  son 
maître  d'école;  je  ne  crois  pas  qu'il  y  en  ait  plur.de  40  à  50  dans 
les  700  paroisses  qui  le  composent  ;  on  est  trop  pauvre  pour 
les  nourrir.  Quelques-uns  enseignent  les  premiers  éléments  de 
la  langue  latine  2. 

Depuis  que  je  connais  nos  paysans,  ils  regardent  la  mon 
comme  le  ternie  de  leurs  maux;  s'ils  parlenl  do  ce  qui  se  passe 
après,  c'est  sans  y  ajouter  aucune  idée;  cependant  ils  croient 
aux  loups-garqus,  aux  revenants  ;  ils  s'imaginent  que  telle 
cloche  en  sonnant  dissipe  mieux  les  nuages  que  telle  autre; 
ils  parlent  beaucoup  des  sorciers,  et  sontfprt  disposés  à  croire 

1  H  y  a  pais  dans  le  texte 

2  En  1865.  41,000  enfant-  recevaient  l'instruction  primaire  dans  les 
338  écoles  du  département  de  la  Dordogne. 


216  DIALECTES    MODERNES 

qu'il  entre  un  peu  de  magie  dans  les  talents  de  quelques  curés, 
mais  qu'ils  ne  s'en  servent  que  pour  détruire  l'effet  des  sor- 
tilèges des  méchants.  Cependant  ils  regrettaient'  beaucoup  la 
dime,  et  sa  suppression  les  attachera  très-certainement  à  la 
Révolution,  pourvu  que  leurs  impositions  ne  soient  pas  aug- 
mentées. Les  privilèges  de  la  noblesse,  qui  leur  distribuait 
force  coups  de  bâton  et  les  faisait  mettre  en  prison,  les  révol- 
taient. 

2° 

Périgueux,  le  28  novembre  1790 

Monsieur  et  respectable  compatriote, 

C'est  avec  la  plus  grande  satifaction  que  nous  avons  reçu 
votre  adresse  contenant  vos  questions  relatives  au  patois  et 
aux  mœurs  de  la  campagne  de  notre  département  ;  nous  allons 
nous  occuper  de  votre  demande.  La  Société  vient  de  nommer 
des  commissaires  pour  faire  toutes  les  recherches  possibles 
afin  de  satisfaire  de  tout  notre  pouvoir  à  vos  questions,  dès  le 
moment  qu'elles  ont  pour  but  l'utilité  publique.  Mais,  pour 
répondre  avec  précision,  il  faut  du  temps  pour  faire  les  re- 
cherches. Pour  vous  donner  une  teinture  de  connaissance  de 
notre  patois,  vous  trouverez  ci-joint  notre  adresse  traduite; 
vous  verrez  par  là  qu'il  tient  du  français  et  du  latin  et  beau- 
coup de  l'italien  ;  mais  il  y  a  des  expressions  et  des  termes 
uniques  consacrés  à  cet  idiome  qu'on  a  beaucoup  de  peine  à 
traduire  assez  énergiquement  en  français.  Soyez  assuré  que 
nous  ne  négligerons  rien  pour  vous  prouver  que  nous  sommes 
avec  les  sentiments  du  civisme  le  plus  pur,  Monsieur, 

Vos  affectionnés  et  fidèles  compatriotes. 

Les  Amis  de  la  Constitution  du  club  de  Périgueux, 
Chambon.  —  Bardet. 

Franc  patoy  [sic]  de  campagne 

Moussur  ET  respectable  potrioto, 

Votro  letro  nous-o  sacro  bien  fay  plazey  per  so  curiousita 
per  notre  Perigwurdy,  et  las  feysoù  denotrey  paubrey  peyson; 
si  sobia  coumo  nous  von  nous  deypeyehà  per  vous  countentâ 

1  C'est-à-dire  voyaient  avec  regret. 


LETTRES  GREGOIRE  217 

toleu  que  poureu,  peyqué  vous  troboillâ  per  lou  bé  de  lo 
paubro  gen  ;  n'oven  morgiou  chausy  quatre  bou  comissarys 
que  seymojoron  per  tou  ounté  pouron  trouba  quauquoré  do 
bravé  à  votro  fontesio.  Marmo  quo  ne  vay  pas  coumo  lou  ven, 
et  fau  d au  te n  per  zou  deygnarjà;  oquelas  fougnossorias  ne 
se  troben  pas  coumo  las  peyras  o  beu  chomy  ;  mas  en  otcnden 
oquelo  perito  [sic)1  letro  pouro  v'entresseignâ  unpau  quauquoré 
de  notre  parla,  qu'ey  fron,  et  que  to  potau  qu'eu  ey,  o,  voni  re 
giou!  dau  termey  qu'un  porisien,  to  fi  que  sio,  s'y  pecorio  de 
lou  vira  en  boun  froncey  ;  poudé  creyré  par  moun  armo  que 
nous  n'eytargnorenrépervous  fâ  veyré  que  nous  soun  votreys 
omis  de  boun  cor. 

Moussur, 

Et  votrey  counpotriotâ, 

Chambon,  président;  Bardet,  secrétaire. 

P.  S.  —  Si  vous  ne  pouvez  pas  bien  lire  ni  comprendre  cette 

traduction,  MM.  Fournier  la  Charmie  et  Paulhiac  2,  nos  chers 

concitoyens  et  députés  à  l'Assemblée  nationale,  se  feront  un 

plaisir  de  vous  l'expliquer. 

Dauriac,  commissaire. 


La  nécessité  de  classer  les  documents  par  régions  nous 
oblige  à  placer  ici,  bien  qu'elle  soit  de  1794,  la  lettre  qu'écri- 
vit à  Grégoire  un  ancien  député  des  Basses-Pyrénées  à  l'As- 
semblée législative.  Cette  lettre  du  citoyen  Dithurbide,  per- 
sonnage assez  connu  dans  le  pays  basque,  ne  nous  apprend 
rien  de  particulier  sur  un  idiome  si  profondément  différent 
des  langues  romanes  proprement  dites  ;  mais  les  indications 
qu'elle  donne  sur  l'état  des  esprits  au  fort  de  la  Terreur  et 
sur  le  caractère  de  ces  braves  populations  du  Sud-Ouest  sont 
bonnes  à  recueillir,  et  peut-être  ne  nous  saura-t-on  pas  mau- 
vais gré  de  cette  courte  excursion  sur  des  terres  voisines. 

De  la  maison  de  réclusion  des  ci-devant  Carmélites  de   Lectoure, 

le  1"  messidor  l'an    II  de  la    République   française,  une  et  indivisible 

Liberté  Égalité 

Citoyen  représentant, 

J'ai  reçu  et  passé  à  peu  près  toute  la  vie   au  milieu  de  ces 

4  Lisez  petito.  —  -  Paulhiac  de  la  Sauvetat,  avocat. 


218  DIALECTES  MODERNES 

Basques,  à  la  douceur  et  à  la  bravoure  desquels  je  suis  bien 
flatté  de  voir  un  homme  de  votre  mérite  rendre  justice.  De- 
venus Français  par  goût  et  par  choix,  les  Basques  avaient  con- 
servé l'image  des  constitutions  le  plus  [sic]  libres.  Jamais  on 
n'avait  pu  leur  enlever  l'exercice  des  premiers  droits,  de  la 
chasse  et  de  la  pêche,  introduire  chez  eux  l'ombre  seulement 
de  la  féodalité,  ni  même  des  impositions,  jusques  aux  mo- 
ments désastreux  de  ce  despote  des  despotes  qu'on  nommait 
Louis  XIV.  Fiers,  courageux  et  doux,  hospitaliers  au  suprême 
degré,  sensibles  à  l'excès.,  les  Basques  ont  reçu  de  la  nature,  au 
physique  et  au  moral,  le  germe  de  toutes  les  qualités  qui  con- 
courent à  former  les  grands  hommes.  Je  ne  connais  qu'une 
seule  ombre  dans  leur  tableau,  c'est  la  soif  de  la  vengeance 
dès  qu'on  a  pu  irriter  leur  trop  facile  sensibilité.  Leur  langue 
les  ayant  toujours  isolés  et  écartés  des  emplois  publics,  ils  ne 
sont  guère  connus  que  par  la  réputation  de  leurs  antiques 
vertus,  sauf  pourtant  dans  la  marine,  dans  laquelle  ils  excel- 
lent. Eh  bien  !  ce  peuple,  dont  le  Gouvernement  pouvait  tirer 
un  grand  parti,  est  presque  perdu  pour  lui  ;  il  ignore  jusqu'à 
l'alphabet  d'une  Révolution  qui  n'a  pourtant  fait  que  perfec- 
tionner la  Constitution  qu'il  s'était  donnée  el  qu'il  avait  con- 
servée à  peu  près  dans  sa  pureté  primitive.  Il  faut  le  lui  ap- 
prendre, puisqu'il  est  Français,  puisqu'il  idolâtre  la  libert» 
l'égalité,  puisqu'il  ne  pourrait  exécuter  des  lois  qu'il  ignore- 
rait, et  dont  l'infraction,  purement  matérielle,  l'exposerait  trop 
souvent  à  des  peines  qu'il  n'aurait  pas  méritées. 

Tu  as  très-bien  observé,  dans  ton  savant  discours,  que  l'in- 
stitution des  maîtres  de  langue  française  atteindrait  ce  but 
trop  tard,  et  qu'il  faut,  en  bannissant  les  patois  etles  dialectes 
par  la  désuétude,  des  traductions  actuelles  à  ces  peuples  dont 
la  langue,  comme  celle  des  Alsaciens,  des  Bas-Bretons  et  des 
Basques,  n'est  pas  un  mélange  difforme  et  corrompu  des  Lan- 
gues voisines,  tant  anciennes  que  modernes  ;  que  la  voie  des 
traductions  est  la  seule  qui  puisse  mettre  les  lois  à  la  portée 
habitants  <\r  ces  pays,  et  leur  faire  comprendre  leurs 
droits  et  devoirs,  tandis  que  l'institution  des  écoles  préparera 
la  génération  future  à  ne  parler  que  la  langue  de  la  Répu- 
blique. Aucun  des  hommes  qui  dans  ce  pays  font  les  importants 
en  Révolution  n'a  rien  fait  pour  l'instruction  de  ses  compa- 


LKTTRKS    X    GREGOIRE  219 

triotes;  il  n'y  a  de  traduit  en  basque  que  quelques  décrets  ei 
quelques  instructions  que  j'ai  publiés  à  mes  Irais  dès  le  com- 
mencement de  la  Révolution.  Si  je  n'avais  été  distrait  de  ce 
travail,  d'abord  par  des  fonctions  administratives  et  ensuite 
par  la  législature,  les  Basques  sauraient,  un  peu  aujourd'hui 
la  Révolution.  J'avais  conçu,  comme  toi,  que  la  forme  dos  dia- 
logues très-familiers,  des  chansons  récitatives,  etc.,  était  la 
[dus  propre  à  leur  donner  le  goût  et  la  facilité  de  la  langue 
française;  j'avais,  en  conséquence,  depuis  longtemps,  le  pro- 
jet de  composer  en  basque  un  catéchisme  élémentaire  de  la 
Révolution,  dans  lequel,  développant  successivement  et  dans 
une  méthode  facile  ses  causes  et  ses  progrès,  je  la  leur  aurais 
comme  inoculée.  Mais,  malade  depuis  plus  d'un  an,  à  peine  je 
commençais  ce  travail,  quand  le  choc  des  passions  journalières 
inévitable  dans  les  grandes  commotions,  m'a  jeté  dans  une 
maison  de  réclusion,  à  40  lieues  de  ma  famille,  où  j'attends 
languissant,  mais  avec  résignation  et  confiance,  le  jour  de  la 
justice  nationale.  Excusez  cette  petite  digression,  je  reviens 
au  sujet  de  ma  lettre. 

11  y  a  15  jours  que  j'ai  remis  par  la  voie  de  la  poste  au 
Comité  de  salut  public  une  traduction  en  basque  de  l'excellent 
discours  de  Robespierre  sur  les  fêtes  décadaires.  Il  m'a  paru 
que  la  connaissance  des  principes  moraux,  que  la  Convention 
professe,  était,  nécessaire  aux  Basques.  J'y  ai  ajouté  des  vues 
ultérieures  dont  j'ai  cru  la  pratique  tout  aussi  nécessaire  pour 
propager  parmi  eux  les  lumières  qu'elles  répand  partout.  J'en 
avais  déjà  écrit  à  Garât,  alors  ministre  de  la  justice,  mon 
parent  et  mon  ami,  à  l'époque  où  des  commissaires  de  la 
Convention  s'assemblèrent  a\rec  lui  pour  régler  le  mode  des 
traductions.  J'en  écrivis  encore  à  Barrère  à  l'occasion  de  son 
rapport  sur  l'institution  des  écoles  de  langue  française.  Ton 
discours  présentant  des  vues  et  une  marche  que  dès  lors  je 
crus  nécessaires,  j'ai  pensé  que  je  devais  t'en  écrire  à  toi- 
même,  et  t'inviter  à  jet,er  les  yeux  sur  ce  qui  peut  eu  exister 
au  Comité,  ou  dans  les  mains  de  La  Commission,  ou  de'  Grarai 
etsurtout  le  Barrère  Si  vous  y  trouvez  (sic)  '   des  choses  utiles 

1  Ge  mélarij  létuel    lu  vous    il  du  ta  no  fait-il  pas  songer  à  la  fa- 

meuse inscription  :  i  a  on  se  Lutoie.  —  Fermez  la  pjrte  >'u  vous  plaît  ? 


220  DIALECTES    MODERNES 

pour  remplir  les  vues  de  la  Convention,  si  surtout  il  te  fallait 
des  instructions  particulières  sur  le  pays  et  sur  la  langue  des 
Basques,  prends  la  peine  de  m'en  écrire.  Sois  sûr  d'avance 
que  l'espèce  de  prévention  que  la  réclusion  élève  contre  moi 
ne  doit  pas  te  retenir,  et  que  ce  n'est  qu'un  des  innombrables 
malheurs  attachés  aux  Révolutions.  Elle  se  dissipera  bientôt 
si  tu  prends  la  peine  de  lire  mon  Mémoire  et  mon  Tableau  po- 
litique et  civique  remis  au  Comité  de  salut  public.  Tu  en  con- 
cluras, j'espère,  combien  est  loin  de  tenir  dans  l'ordre  social 
la  place  que  la  ciguë  qui  est  admise  dans  la  médecine  (sic  ?), 
un  homme  qui  aime  la  Révolution  depuis  son  commencement 
sans  tergiversation,  et  qui  a  ruiné  pour  elle  sa  santé  et  les 
affaires  d'une  famille  nombreuse  et  malheureuse,  et  dont  le  vœu 
le  plus  ardent  est  de  la  servir  encore. 

Respect,  salut  et  fraternité. 

DlTHURBIDE. 

J'apprends  à  l'instant  qu'un  corps  de  Basques  vient  de  se 
signaler  dans  la  prise  d'une  redoute  espagnole  qui  a  amené 
nos  succès  à  Saint-Jean-Pied-de-Port.  Ils  auraient  souvent 
donné  de  ces  exemples,  et  surtout  dans  leurs  montagnes,  si, 
comme  dans  cette  occasion,  ils  eussent  été  rassemblés  sans 
mélange  et  sous  des  officiers  basques. 

Dialectes  de  l'Auvergne  et  du  Limousin 

Les  réponses  qui  furent  envoyées  à  Grégoire  par  ses  corres- 
pondants de  l'Auvergne  sont  en  grande  parties  perdues,  et 
c'est  d'autant  plus  fâcheux  qu'il  s'y  trouvait,  entre  autres  cho- 
ses, des  Noëls  satiriques  intéressants.  Les  deux  lettres  qui  nous 
restent  ont,  du  moins,  l'avantage  d'être  complètes  et  de  fournir 
quelques  indications  précises  sur  l'état  des  dialectes  auver- 
gnat et  limousin  en  1790,  et  l'on  pourra  juger,  en  les  lisant, 
du  prodigieux  changement  qui  s'est  opéré  depuis  quatre-vingts 
ans  dans  ces  belles  et  bonnes  provinces  du  Centre. 

DÉPARTEMENT    DU    PUY-DE-DÔME 


Envoyé  par  la  Sociétr  des  Amis  de  la  Constitution  de  Maringues 
(de  la  main  de  Grégoire) 

1.—  Nous  commençons  par  cette  observation  préliminaire. 


LETTRES    A    GREGOIRE  221 

que  nos  réponses  ne  seront  pas  seulement  pour  la  ville  et  les 
villages  voisins  de  Maringues,  mais  bien  pour  toute  la  con- 
trée renfermée  entre  les  villes  de  Clermont,  Riom,  Billom, 
Thiers,  Aigueperse  et  Cusset;  ce  qui  circonscrit  presque  tout." 
la  partie  de  l'ancienne  Auvergne  distinguée  par  le  nom  de 
Limagne,  et  forme  une  plaine  d'environ  dix  lieues  de  diamè- 
tre en  tout  sens,  au  milieu  de  laquelle  est  la  petite  ville  de 
Maringues,  plaine  fertile  traversée  par  la  grande  rivière  d'Al- 
lier, plaine  parsemée  d'une  multitude  de  beaux  villages,  con- 
trée beureuse  lorsque  les  plaies  que  lui  a  faites  l'ancien  ré- 
gime seront  fermées  et  lorsque  des  chemins  praticables  facili- 
teront la  circulation  de  ses  denrées. 

L'étymologie  de  son  nom  Limagne  rentre  dans  l'objet  des 
questions  proposées  ;  la  tradition  générale  le  fait  dériver  du 
limon  fangeux  de  son  sol.  Quelques  auteurs  du  pays  disent 
qu'elle  doit  ce  nom,  lis  magna,  aux  grands  combats  qui  s'y  sont 
livrés  entre  le  premier  vainqueur  des  Gaules  et  le  capitaine 
Vercingétorix  l.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  langue  française  est  bien 
loin  d'être  universelle,  même  dans  les  grandes  villes,  où  pres- 
que tout  le  peuple  a  conservé  un  patois  qui  se  diversifie  à 
l'infini  d'un  village  à  l'autre,  au  point  que  tel  paysanne  se  fait 
que  difficilement  comprendre  à  trois  ou  quatre  lieues  de  son 
domicile. 

2,  3,  1,  5.  —  Le  patois  de  la  Limagne,  varié  et  pour  les  ter- 
mes et  pour  l'accent,  ne  paraît  point  avoir  d'origine  certaine 
et  déterminée  ;  c'est  un  mélange  corrompu  de  beaucoup  de 
mots  français  avec  un  idiome  original  qui  ne  paraît  avoir 
aucun  rapport  suivi,  ni  avec  le  latin,  ni  avec  le  grec,  ni  avec 
le  celte,  ni  avec  les  dialectes  des  provinces  frontières.  Cepen- 
dant on  remarque,  en  général,  que  tout  le  monde  y  comprend 
le  français  dans  l'usage  habituel  des  relations  sociales.  Les 
divers  patois  ont  tous  leurs  termes  radicaux,  leurs  construc- 
tions régulières  et  leurs  termes  composés,  ce  qui  rend  plus 
difficile  l'extirpation  de  ces  langages,  suffisants  pour  l'expres- 
sion de  toutes  les  pensées. 

6. — Les  idiomes  patois  de  la  Limagne  s'éloignent  également 

1  L'ancien  nom  du  pays  était  Alimama. 


2?2  DIALECTES    MODERNES 

du  français  tant  pour  les  idées  abstraites  que  pour  les  plan- 
tes, maladies,  arts,  instruments,  etc.  La  nomenclature  forme- 
rait un  gros  dictionnaire  pour  chaque  idiome,  attendu  que  les 
-vus  du  peuple  y  sont  ingénieux  et  qu'ils  n'ont  guère  moins 
d'idées  que  le  citadin  qui  n'a  pas  cultivé  les  belles-lettres. 

7.  —  [  Pour  désigner  la  même  chose,  on  y  trouve]  souvent 
plusieurs  mots  dont  l'un  est  le  français  corrompu,  l'autre  le 
mot  patois. 

8.  —  Le  patois  ne  paraît  pas  abonder  plus  pour  un  usage 
particulier. 

9.  —  Il  a  presque  autant  de  mots  que  les  langues  natio- 
nales pour  exprimer  les  nuances  des  idées,  parce  quelegénie 
des  habitants  s'y  est  appliqué' sans  distraction. 

10.  — Le  patois  n'a  presque  point  de  mots  contraires  à  la 
pudeur,  soit  pour  les  substances,  soit  pour  les  actions,  d'où 
vous  concluerez  la  vérité,  c'est-à-dire  qu'en  général  les  mœurs 
sont  pures,  mais  agrestes  et  grossières. 

11. — Peu  de  jurements,  et  l'on  voit  peu  d'exemples  de  grands 
crimes.  Les  larcins  tiennent  tous  de  la  ruse  et  guère  de  la  vio- 
lence. Mille  vols  nocturnes,  sans  effraction,  pour  un  seul 
commis  à  force  ouverte.  Ce  peuple  a  besoin  d'aisance  et  d'é- 
ducation; il  est  naturellement  sensible  et  bon. 

12,  — Le  patois  a  des  termes  et  des  tours  de  phrase  qui 
manquent  très-souvent  au  français  par  la  naïveté  et  la  pein- 
ture des  consonnances.  En  voici  un  exemple:  il  n'y  a  point  de 
terme  en  français  qui  exprime  l'état  d'un  être  qui  souffre  trop 
pour  conserver  la  patience  :  il  faut  chercher  plusieurs  mots 
suivant  les  cas  particuliers.  En  voici  un  en  patois  qui  s'ap- 
plique à  toutes  les  situations  trop  douloureuses:  Je  ne  peux 
rabir  sic). 

|:>     —  Les  finales  sont  plus  varices  que  les  expressions. 

Il  —  La  prononciation  es!  fortement  accentuée  el  très- 
nette. 

ir>.  —  On  connaît  très-peu  d'écritures  de  ces  patois  ;  ce- 
pendanl  ils  s'écriraient  facilement  avec  l'alphabet  national, 
témoin  le  livre  de  cantiques. 

10.  —  Le  patois  varie  prodigieusement  de  village  à  vil- 
lage. 

17.  —  <>n  le   parle  beaucoup  dans  les  villes,    et   les  gens 


LE  TIRES    A    GREGOIRE  223 

instruits  s'y  familiarisent  avec  d'autant  plus  de  facilité  qu'ils 
y  trouvent  les  inversions,  les  déclinaisons  et  les  conjugaisons 
grammaticales. 

18,  19.   —  Voyez  les  précédents  articles. 

20.  —  On  ne  croit  pas  que  jamais  il  y  ait  été  prêché  en 
patois,  ou  cet  usage  e'st  perdu  dans  la  mémoire  des  habitants. 

21     —  On  n'a  ni  grammaires,  ni  dictionnaires  de  ce  patois. 

'^•J    —  On  ne  trouve  point  d'inscriptions  en  patois. 

23,  24,  25.  —  On  a  peu  d'ouvrages  en  patois  ;  on  enverra 
quelques  cantiques. 

26.  Il  en  est  des  proverbes  comme  des  autres  mots, 
presque  toujours  français  altéré. 

27.  —  L'influence  naturelle  du  patois  sur  les  mœurs  est 
de  rendre  tous  les  livres  inutiles  à  l'instruction  ;  et  le  défaut  de 
livres,  s'il  maintient  la  pureté  des  mœurs,  s'oppose  aux  progrès 
de  la  raison  et  des  connaissances  nécessaires  à  un  peuple  libre. 
Vice  versa,  les  mœurs  austères  et  grossières  attachent  un 
peuple  à  tous  ses  usages  et  à  son  vocabulaire. 

28.  —  C'est  parce  que  le  patois  se  rapproche  du  français 
par  les  constructions  et  le  plus  grand  nombre  des  termes,  qu'il 
devient  d'un  usage  plus  facile  et,  conséquemment,  que  l'habi- 
tude sera  plus  difficile  à  déraciner. 

29.  —  L'importance  religieuse  et  politique  de  détruire  ce 
patois  serait  incalculable  :  en  effet,  quel  attachement  peut-on 
avoir  à  des  lois  qu'on  ne  connaît  pas,  et  le  moyen  de  connaître 
des  lois  écrites  dans  une  langue  qu'on  ne  sait  pas  ou  qu'on 
néglige  ? 

30.  —  Les  moyens  de  détruire  le  patois  seraient  d'organi- 
ser un  plan  d'éducation  pour  le  peuple,  et,  à  la  place  d'une 
foule  de  livres  ascétiques,  inintelligibles  ou  dégoûtants,  il  fau- 
drait que  l'évêque  et  les  corps  administratifs,  de  concert,  fis- 
sent la  distribution  de  catéchismes  élémentaires,  composés  de 
trois  parties  distinctes,  savoir  :  le  dogme,  la  morale  et  la  Con- 
stitution. Ce  mélange  attacherait  insensiblement  le  peupleaux 
lois  civiles,  comme  il  le  fut  de  tout  temp<  aux  lois  sacré.-. 
La  Constitution  deviendrait  religieuse,  et  la  religion  serai î 
bientôt  constitutionnelle  Ce  fut  la  méthode  de  tous  Les  légis- 
lateurs. 

31.  —  Dans  les  campagnes,  les  paysans  n'apprennent  qu'un 


224  DIALECTES    MODERNES 

catéchisme,  qu'ils  n'entendraient  point  quand  ils  parleraient 
français,  et  qu'ils  sont  bien  plus  éloignés  de  comprendre, 
n'ayant  que  l'usage  du  patois,  ce  qui  réduit  les  idées  du  peuple, 
en  religion,  ou  à  l'abrutissement  absolu,  ou  à  des  monstres 
d'imagination. 

32  à  37.  — De  vingt  villages,  un  seul  possède  un  maître 
qui  sait  à  peine  épeler,  et  le  curé  fait  répéter  les  mots  du  ca- 
téchisme à  ses  paroissiens  perroquets. 

38.  —  Point  de  préjugés  pour  l'industrie;  des  préjugés 
innombrables  en  religion  ;  un  seul  préjugé  en  politique  :  celui 
que  tous  les  gouvernements  possibles,  même  celui  que  nous 
donne  l'Assemblée  nationale,  ne  cherchent  point  l'intérêt  du 
peuple  et  ne  s'occupent  que  des  moyens  de  le  pressurer  d'une 
nouvelle  manière. 

39.  —  H  y  a  peu  de  changement  depuis  les  siècles  les  plus 
reculés  ;  la  plupart  des  villages  paraissent  contenir  des  races 
autochthones  et  indigènes  ;  leur  attachement  constant  aux 
mêmes  vêtements  en  est  la  preuve  la  plus  assurée,  quand  on 
ne  remarquerait  pas  qu'il  est  infiniment  rare  qu'une  peuplade 
s'allie  parle  mariage  à  une  autre,  même  très-voisine. 

40.  —  Les  remèdes  à  ces  maux  sont  l'aisance  et  l'instruc- 
tion. 

41.  42.  —  Presque  toutes  les  autres  contrées  du  royaume 
ont  vu  fomenter  dans  leur  sein,  ou  le  patriotisme,  ou  l'insu- 
bordination. Ici,  point  de  grands  mouvements  en  aucun  sens 
dans  la  classe  du  peuple  ;  il  y  a  partout  donné  un  exemple 
parfait  de  docilité,  mais  cette  docilité  eût  été  la  même  sous  les 
lois  d'un  tyran. 

43.  —  Il  était  naturel  d'attendre  d'un  tel  peuple  du  respect 
et  de  la  pitié  pour  les  ecclésiastiques  réfractaires  qui  ont 
cherché  à  l'égarer;  et,  en  général,  les  magistrats,  qui  n'ont 
point  eu  do  peine  à  le  contenir,  se  sont  contentés  de  surveiller 
les  énergumènes  qui  voudraient  bien  perdre  l'Etat,  au  risque 
de  s'ensevelir  sous  les  ruines  de  la  patrie. 

Vu  par  nous,  membres  du  Comité  de  correspondance  : 
Tachard,  Baudit,  Bouau. 


LETTRES    A    GREGOIRE  *25 


DEPARTEMENT    DE     LA    HAUTE- VIENNE 

Réponse  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution,  établie  à  Limoges,  aux 
questions  proposées  par  M.  l'abbé  Grégoire,  relatives  an  patois  et  aux 
mœurs  des  gens  de  la  campagne. 

Les  questions  proposées  par  cet  honorable  membre  de  l'As- 
semblée nationale  présentent  un  si  grand  intérêt  public,  que 
les  bons  patriotes  s'empresseront  à  lui  fournir  tous  les  ren- 
seignements dont  ils  ont  connaissance. 

Si,  dans  l'état  actuel  des  choses,  il  n'est  pas  possible  de  ra- 
mener tous  les  peuples  de  la  terre  à  parler  la  même  langue,  il 
est  au  moins_'possible,et  il  est  bien  à  désirer  que  cbaque  nation 
ait  la  sienne,  que  cette  langue  soit  la  même  dans  toutes  les 
parties  de  son  territoire,  afin  que  deux  hommes  d'une  même 
nation  puissent  se  reconnaître  et  s'entendre  au  premier 
abord. 

Le  Français,  surtout,  doit  être  jaloux  de  conserver  ou  d'in- 
troduire dans  les  différentes  contrées  de  l'empire  la  langue 
qu'on  parle  dans  la  capitale,  d'autant  mieux  qu'elle  semble 
être  maintenant  parvenue  à  sa  perfection,  par  le  soin  qu'on  a 
pris  de  lui  donner  une  belle  tournure  dans  toutes  ses  expres- 
sions, et  d'en  bannir  tout  ce  qui  était  opposé  à  la  pureté  et  à 
la  clarté  du  style,  d'autant  mieux  encore  qu'elle  est  entendue 
et  parlée  actuellement  dans  toutes  les  cours  de  l'Europe.  Ce- 
pendant la  langue  française  n'est  en  usage  que  dans  les  prin- 
cipales villes  de  la  Haute-Vienne,  sur  les  routes  de  communi- 
cation et  dans  les  châteaux. 

Le  patois  que  parlent  les  habitants  delà  campagne  n'est  pas 
également  prononcé  dans  les  différents  cantons;  les  terminai- 
sons, surtout,  qui  caractérisent  ce  qu'on  appelle  accent,  sont  si 
diversement  exprimées  que,  sans  •  voir  et  sans  connaître  le 
paysan  qui  parle,  on  reconnaît  infailiblement  qu'il  est  de  tel 
ou  tel  pays;  et  les  termes  varient  tellement  d'un  lieu  à  un 
autre,  que  la  plupart  de  ceux  qui  sont  usités  dans  les  montagnes 
du  bas  Limousin  ne  sont  pas  entendus  à  Limoges  :  (paca,  pas 
du  tout  ;  esta  in  ouno,  ne  bougez  pas  ' .  ) 

«  Voyez Béronie,  94  b.  (G.  G.) 


22Ô  DIALECTES    MODERNES 

En  général,  ce  Langage  esi  abondanl  dans  ses  expressions, 
énergique  dans  ses  composés  ;  ses  mots  donnent  une  idée 
claire  el  sensible  de  ce  qu'on  veul  dire  mais  il  est  dur  à  l'o- 
reille des  étrangers,  parce  qu'il  est  fortement  prononcé  par 
des  hommes  austères  dans  leurs  mœurs,  endurcis  au  travail, 
6  servant  rarement  de  l'organe  de  la  parole,  et  sans  cesse 
occupés  à  se  procurer  les  premiers  besoins  de  la  vie.  Or  on 
sait  que  le  caractère  d'un  peuple  influe  beaucoup  sur  son 
idiome.  D'ailleurs,  nos  laboureurs  parlent  presque  continuel- 
lement à  leurs  bœufs  [o!  ol  allons;  jâ,  jâ,  arrête),  et  la  bergère 
à  son  cbien  :  (à  l'auveilla-,  baraca,  à  fauveillas.  Vei  la  lai.  O 
lo  dorei,  baraca,  u  lo  dorei.)  Rarement  nos  travailleurs  aux 
champs  son!  près  les  uns  les  autres;  ainsi,  quand  on  parle  à  la 
campagne,  c'estpour  se  taire  entendre  au  loin. Voilà  pourquoi, 
d'un  côté,  notre  patois  n'admet  pas  Ye  muet,  dont  la  pronon- 
ciation est  sourde,  et,  d'un  autre  côté,  pourquoi  les  paysans 
sont  naturellement  criards.  S'ils  chantent,  c'est  ordin  lirement 
lorsqu'ils  sont  seuls  et  en  plein  air;  par  la  même  raison,  ils 
donnent  un  libre  essor  à  leur  voix,  tous  les  échos  du  voisinage 
en  retentissent. 

Quant  à  l'origine  du  patois  limousin,  il  est  à  présumer  qu'il 
est  de  la  plus  haute  antiquité,  non  pas  respectivement  aux 
mots  que  les  Romains  nous  ont  appris  et  que  nous  avons  dis- 
séminés dans  notre  langue  primitive,  mais  respectivement  au\ 
mots  fondamentaux  qui  exprimaient  les  choses  avanl  que  les 
arts  eussent  pénétré  dans  les  Gaules. 

Ce  (pii  doit  le  faire  conjecturer  ainsi,  c'esl  que  ces  mots, 
monosyllabes  pour  la  plupart,  n'ont  aucun  rapport  aux  mots 
latins,  mais  bien  un  grand  rapport  aux  mots  celtiques,  aux 
mots  et  aux  sons  asiatiques,  aux  mots  et  aux  sons  usités  a 
Taïtiel  dans  les  autres  îles  de  la  mer  du  Sud  nouvellement 
découvertes1;  avec  la  différence  cependant  que,  les  peuples 
dés  pays  chauds  ne  pouvant  prononcer  les  leur-  gutturales 
/.-,  y,  g,  leur  langage  doit  être  plus  doux  et  les  mots  [dus 
courts;  tandis  que,  dans  les  contrées  où  un  air  pur  et  trais  im- 

1  Ai  ^signifie,  àTaïli,  ilriy  en  a  pas  Apà  signifie,  en  limousin, je  ne 
i    ' /■   as;  c'est  un  de   premiers  mots  [ue  prononcent  nos  enfants. 

Vote  du  ms.) 


LETTRES  A    UREUOIRE  2èî 

prègne  librement  les  poumons,  on  peut  exercer  sur  de  longs 
mots  toute  la  force  et  rétendue  de  l'organe  et  les  finir  par  des 
eonsonnes  fortes  et  tranchantes. 

Voici  maintenant  comme  on  peut  expliquer  le  mélange  suc- 
cessif de  plusieurs  dialectes  au  nôtre.  Les  parties  les  plus 
occidentales  de  l'Asie  se  trouvant  trop  peuplées,  quelques  fa- 
milles entrèrent  en  Europe  et  ne  formèrent  alors  qu'un  seul 
peuple;  dans  la  suite,  devenues  plus  nombreuses,  elles  se  divi- 
sèrent en  plusieurs  nations  et  prirent  des  noms  différents  selon 
leur  situation,  leur  génie  et  leur  caractère.  Les  peuples  qui 
s'établirent  entre  l'Océan,  la  Méditerranée,  les  Pyrénées,  les 
Alpeset  le  Rhin,  furent  appelés  Celtes.  Ainsi  la  langue  celtique 
est  celle  que  parlaient  les  premiers  habitants  des  Gaules. 

Une  longue  suite  de  siècles  qui  se  sont  écoulés  depuis  que 
les  Celtes  s'établirent  dans  cette  partie  de  l'Europe  a  dénaturé 
leur  langue,  mais,  quelque  altération  qu'elle  ait  soufferte  par 
le  laps  de  temps,  par  la  diversité  du  climat  et  du  génie  des 
peuples,  elle  conserve  encore  aujourd'hui  un  air  de  ressem- 
blance qui  marque  une  origine  commune.  Il  a  toujours  existé 
dans  les  Gaules  une  langue  vulgaire  dont  le  fond  est  l'ancien 
celtique,  dont  les  mots,  qui  désignent  les  choses  les  plus  com- 
munes, n'ont  varié  que  dans  les  inflexions  et  dans  les  ter- 
minaisons. 

La  conquête  des  Gaules  par  César  introduisit  quelques 
changements  dans  la  langue  des  Celtes.  Les  Romains,  ayant 
joui  de  leur  conquête  pendant  près  de  500  ans,  y  laissèrent 
des  traces  de  leur  langue,  parce  que  seule  elle  était  employée 
dans  les  lois  des  empereurs  et  dans  les  sentences  des  tribu- 
naux; mais  la  langue  celtique  continua  d'être,  dans  les  pro- 
vinces, la  langue  de  la  société  et  du  commerce. 

Les  gens  de  la  campagne,  ayant  avec  les  vainqueurs  moins 
de  communication  que  les  habitants  des  villes,  retiennent 
bien  plus  constamment  l'ancien  langage  ;  ce  n'est  qu'à  force 
d'entendre  des  mots  latins  que  les  Gaulois  artisans  et  rusti- 
ques en  apprirent  un  certain  nombre,  principalement  ceux  qui 
exprimaient  des  choses  dont  ils  n'avaienl  auparavant  aucune 
connaissance  ;  les  Romains  eux-mêmes  furent  sans  doute  néces- 
sités (sic)  d'emprunter  quelques  termes  des  Gaulois. 

Ce  qui  contribua  le  plus  à  la  décadence  du  celtique  fut  la 


228  DIALECTES    MODERNES 

prédication  de  l'évangile.  Les  apôtres,  qui  venaient  de  Rome, 
faisant  leurs  instructions  et  les  prières  en  latin,  les  défenseurs 
de  la  religion  chrétienne  n'écrivant  qu'en  cette  langue,  il 
fallait  bien  que  ceux  que  l'Eglise  recevait  dans  son  sein  enten- 
dissent le  latin  pour  assister  à  ses  assemblées,  comprendre  sa 
doctrine  et  se  soumettre  à  ses  lois. 

Les  Francs,  qui  vinrent  ensuite,  vers  l'an  420,  et  qui  chas- 
sèrent les  Romains  de  la  Gaule,  au  lieu  d'abolir  ce  langage 
métis,  s'y  accoutumèrent  eux-mêmes  et  mêlèrent  beaucoup 
de  mots  tudesques  ou  allemands  à  ce  latin-gaulois,  d'où  il  ré- 
sulta un  jargon  que  le  commerce  répandit  dans  toutes  les 
provinces.  Néanmoins  les  Gaulois  ayant  conservé  leur  langue, 
quant  au  fond,  jusques  à  Charlemagne,  essayèrent  alors  de 
parler  latin,,  parce  que  les  ordonnances  de  ce  prince  furent 
publiées  dans  cette  langue.  Mais  ceux  qui  voulurent  la  parler 
ou  l'écrire,  se  trouvant  à  tout  moment  en  défaut,  furent 
obligés  déformer  des  mots  pour  se  faire  entendre,  et  ils  les 
tirèrent  de  la  langue  du  pays  où  ils  habitaient;  de  là  les  ex- 
pressions de  la  moyenne  et  de  la  basse  latinité  qui  forment  le 
glossaire  de  Ducange,  et  ces  expressions  ne  furent  que  des 
mots  gaulois  auxquels  on  donnait  une  terminaison  latine. 

Dans  les  premiers  voyages  d'outre-mer,  les  Français  prirent 
des  Grecs  plusieurs  mots  qu'ils  accommodèrent  à  leur  langue  : 
ap/o'pour  oui,  kalaaux  pour  noix,  emphounil  pour  entonnoir,  etc.1. 
Longtemps  avant  César,  une  colonie  grecque  était  entrée  à 
Marseille,  seul  port  de  l'Europe  connu  sur  les  côtes  de  la  Mé- 
diterranée ;  mais  la  langue  grecque,  usitée  entre  les  mar- 
chands de  ce  port,  ne  parvint  sans  doute  pas  jusqu'au  centre 
des  Gaules  où  nous  sommes  placés  ;  il  faut  donc  plutôt  attri- 
buer les  termes  et  les  tours  de  phrase  que  nous  avons  adoptés 
aux  émigrants  de  toutes  les  régions  de  la  France,  lors  des 
guerres  du  Levant,  qu'à  la  colonie  que  les  Phocences  établirent 
à  Marseille. 

Les  Goths  et  les  Anglais  ont  successivement   pénétré  dans 


1  Le  grec  n'a  rien  à  voir  ni  dans  apl>  =  hoc  plane,  ni  dans  enfounil  = 
infundibulum,  ni  dans  calau,  dérivé  de  calo  =  fr.  école,  et  qui  est  pro- 
prement la  noix  revêtue  de  son  enveloppe  verte.  (C.  C.) 


LETTRES  A    GREGOIRE  229 

le  Limousin.  Au  XIV0  siècle,  ces  provinces  étaient  entièrement 
sous  la  domination  anglaise;  ces  différents  peuples  y  ont  laissé 
des  monuments,  et  peut-être  quelques  mots  de  leur  langue. 
Les  guerres  d'Italie  sous  Charles  VIII  y  en  ont  encore  introduit 
qu'on  reconnaît  très-distinctement,  ainsi  que  la  plup  art  des 
terminaisons  qui  sont  en  o. 

Plusieurs  savants  ont  écrit  sur  les  différents  idiomes  des 
provinces  de  la  France  ;  Borel,  Nicot,  Duchesne,  Ducange, 
en  ont  fait  l'objet  de  leurs  études  ;  M.  Cazeneuve  a  donné  le 
dictionnaire  de  la  langue  toulousaine  ;  Daviés,  le  père  Gré- 
goire et  dom  Pelletier  en  ont  publié  trois  pour  le  breton  ; 
dom  Duclou,  notre  compatriote,  avait  fait  celui  de  la  lan- 
gue limousine  ;  mais,  la  mort  de  l'auteur  ayant  prévenu  la 
publication  de  son  ouvrage,  ce  livre  manque  à  la  littérature  ' . 

M.  Nadaud,  curé  de  Teyjac,  faisait  de  son  côté  des  recher- 
ches sur  l'origine  du  patois,  et  a  laissé  des  observations  très- 
intéressantes2.  Il  existe  une  histoire  manuscrite  de  Sainte- Valé- 
rie, protomartyre  d'Aquitaine,  mise  en  vers  patois  limousins3, 
et  une  traduction,  aussi  en  vers  patois,  du  2e  livre  deY Enéide, 
faite  il  y  a  vingt-cinq  ans  par  M.  Robi,  prêtre 4.  (Tous  ces  ma- 
nuscrits sont  dans  les  mains  de  nos  concitoyens.) 

On  trouve  d'excellentes  observations  sur  l'idiome  limousin 
dans  Y  Histoire  littéraire  de  la  France  par  les  Bénédictins  (in-4°, 
tom.  VII,  p.  19  et  suiv.) 

1  Sur  le  dictionnaire  limousin  de  dom  Duclou,  dont  ie  ms.  appartient 
aujourd'hui  à  M.  Chapoulaud.  imprimeur  à  Limoges,  voy.  la  préface  de 
['édition  de  Foucaud,  donnée  en  1866  par  E.  Ruben,  pp.  vi-vm.  -  Court 
de  Gebelin  mentionne,  dans  son  Dict.  étym.  de  la  langue  fr.,  p.  lxxii, 
(Paris,  1778,  iu-4o)  «  un  vocabulaire  limousin  considérable  »,  à  lui  com- 
muniqué par  Guillaume  Grivet.  Est-ce  le  même  ouvrage?  (C.  G.) 

"2  On  trouvera  sur  ce  travail  de  Nadaud,  encore  inédit,  et  dont  le  ms. 
doit  se  trouver  à  la  bibl.  du  Séminaire  de  Limoges,  une  communication 
de  l'auteur  lui-même  au  t.  IV,  p.  257  b  de  la  bibl.  hist.  du  P.  Lelong, 
(1775).  (G.  G.) 

3  Publiée  au  t.  II  (1847)  du  Bulletin  de  la  Société  archéologique  et 
historique  du  Limousin.  Ce  poème  comprend,  avec  l'hymne  qui  le  suit, 
962  vers  octosyllabiques.  Le  ms.  est  daté  de  1641.  (G.  G.) 

1  G'est  une  parodie  dans  le  genre  de  Scarron.  Des  extraits  du  premier 
livre  (car  l'auteur  n'avait  pas  travesti  seulement  le  deuxième)  ont  été 
publiés  à  la  suite  des  poésies  de  Richard  (Limoges,  1824  et  1819J.  (C.  G.) 

18 


230  DTALECTES    MODERNES 

Mais  ce  n'est  pas  ce  qui  doit  nous  intéresser  actuellement, 
et  le  dictionnaire  de  la  langue  limousine  ne  verra  sans  doute 
jamais  le  jour,  car  il  est  à  présumer  que  la  grande  Révolution 
qui  s'opère  en  France  fera  prévaloir  la  langue  française  telle 
que  son  roi  et  ses  législateurs  la  parlent;  de  façon  que,  dans 
les  siècles  à  venir  les  idiomes  des  gens  de  campagne,  et  sur- 
tout le  nôtre,  ne  laisseront  aucune  trace. 

Dès  que  nos  titres  les  plus  anciens  sont  en  latin,  que  d'un 
autre  côté  nous  n'avons  pas  à  faire  revivre  des  chefs-d'œuvre, 
il  serait  inutile  de  conserver  des  mots  et  des  sons  devenus 
barbares,  aussi  difficiles  à  écrire  qu'à  prononcer.  (  il  n'est  pas 
possible  d'écrire  le  mot  Dieu  comme  nos  paysans  le  pronon- 
cent), qui  rappellent,  il  est  vrai,  une  origine  ancienne,  mais 
qui  rendent  étrangers  les  habitants  des  rives  de  la  Vienne  à 
leurs  frères  habitants  des  rives  de  la  Loire. 

D'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  ne  faut  pas  réfléchir 
longtemps  pour  sentir  l'importance  religieuse  et  politique  de 
détruire  entièrement  notre  patois.  Le  paysan,  dont  les  idées 
sont  très-bornées,  sera  continuellement  séparé  de  l'instruc- 
tion et  des  livres,  tandis  [sicf  qu'il  ne  saura  pas  la  langue  que 
parlent  les  personnes  instruites.  S'il  savait  lire  et  écrire,  il 
s'instruirait  et  se  débarrasserait  d'une  foule  de  préjugés,  il  com- 
muniquerait sa  pensée,  serait  moins  facile  à  égarer  et  à  trom- 
per, serait  plus  libre  dans  son  suffrage,  et  deviendrait  bientôt 
une  portion  très-intéressante  de  la  nation  française. 

Il  est  à  remarquer  que  nous  avons  ici  un  usage  d'exploita- 
tion très-vicieux  en  soi-même  et  avilissant  pour  le  labou- 
reur: c'est  le  colonage  partiel.  Cette  convention  arbitraire  le 
rend  insouciant,  dépendant  de  son  maître,  sujet  à  ses  répri- 
mandes et  à  ses  caprices.  Le  laboureur  fermier  serait  libre 
et  en  même  temps  plus  actif;  il  irait  au-devant  des  lumières 
et  des  conseils,  dès  qu'il  pourrait  les  employer  à  son  profit 
particulier. 

Nous  observerons  cependant  que  les  moyens  de  faire  de  la 
langue  française  la  langue  commune  de  tous  les  Français  ne 

1  C'est  un  limousinisine .  Voy.  Raynouard  sous  tandius.  Le  vieux 
fiançais  a  aussi  employé  tandisque  au  sens  de  aussi  longtemps  que. 
(G.  G.) 


LETTRES    A  GREGOIRE  231 

peuvent  se  commander  ;  le  langage  est  moins  sujet  aux  lois 
qu'aux  conventions.  Nous  pensons  que,  pour  le  changer,  il 
n'y  a  que  la  voie  de  la  persuasion  et  la  voie  des  moyens  indi- 
rects ;  les  progrès  qu'a  faits  cette  langue  depuis  quelques 
années  font  espérer  qu'elle  ne  tardera  pas  à  être  parlée  dans 
la  chaire  évangélique,  dans  les  tribunaux  civils  et  dans  les 
écoles.  Ainsi,  il  nous  paraît  qu'un  décret  qui  la  proscrirait 
serait  contraire  à  la  liberté  et  manquerait  son  but. 

Pour  finir  de  répondre  aux  questions  proposées  par 
M.  l'abbé  Grégoire,  nous  ajouterons  qu'il  n'y  a  pas  encore  un 
siècle  que  les  prières  publiques  se  faisaient  en  patois  au  prône 
de  l'église  de  Saint-Pierre,  première  paroisse  de  la  ville  de 
Limoges;  qu'il  n'y  a  pas  dix  ans  que  le  prôue  se  faisait  en 
patois  aux  premières  messes  des  trois  principales  paroisses, 
auxquelles  assistaient  les  domestiques  et  les  artisans  ;  que  les 
prédications  se  font  encore  actuellement  en  patois  par  les 
curés  de  campagne,  et  que  les  missionnaires  n'y  parlent  pas 
d'autre  langue. 

Quelques  actes  publics  du  XIIIe  siècle  sont  écrits,  partie  en 
latin,  partie  en  patois  et  partie  en  français  (ou  roman  tel  qu'on 
le  parlait  alors).  On  voit  dans  la  collégiale  de  Saint-Martial, 
bâtie  sous  Louis  le  Débonnaire,  et  dans  quelques  lieux  claus- 
traux, des  épitaphes  et  des  inscriptions  du  XIIIe  siècle  qui 
sont  partie  en  patois  et  partie  en  latin. 

Aici i  j'ai  en  patz  P.  Brus  de  la  porta  Peichariéra,  é  trepasset  en 
miei  Abriel,  anno  Dni  m  ce  lxvi,  è  laichet  a  chascuna  monia  de 
Lémozi  i  pa,  locals  pas  deu  esser  fains  xx  d'un  sestier,  é  deu  esser 
redutz  lo  jorn  de  Rampam,  durablemen.  L'arma  de  lui  repauzé 
en  patz,  é  dijas  Pater  noster.  E  laichet  mai  l  s  redens  au  covén  de 
S.  M.  per  son  aniversari.  E  l'an  de  m  ce  lviii  ans'  vi  jorns  dins 
Abriel,  trepasset  na  Valéria  Jayona,  molher  deu  dit  P.  Brus;  è 
q.  leira  aquestas  lettras  digs  lo. . . .  , 

TRADUCTION 

Ici  repose  en  paix  Pierre  Brus  de  la  porte  Poissonnière,  et  il 
trépassa  à   la  mi-avril,  l'an  de  N.  S.  1266,  et  laissa  à  ediaque  mo- 

1  Celte  inscription  a  été  publiée  par  Allou,  Description  des  monuments 
de  la  Haute-Vienne  (1821),  p.  257,  avec  plusieurs  autres,  d'après  une 
copie  plus  correcte  que  celle  de  Grégoire.  (G.  G.) 


?32  DIALECTES    MODERNES 

niale  (ou  religieuse)  du  Limousin  un  pain,  lesquels  pains  doivent 
être  faits  au  nombre  de  vingt  par  setier,  et  ils  doivent  être  rendus 
(ou  donnés)  le  jour  des  Rameaux,  à  perpétuité.  Que  son  âme  re- 
pose en  paix,  et  dites  Paler  noster.  Il  laissa  de  plus  cinquante  sols 
de  rente  au  couvent  de  Saint-Martial  pour  son  anniversaire.  Et  l'an 
1268,  et  le  6e  jour  d'avril,  trépassa  dame  Valérie  Jayone,  femme 
dudit  P.  Brus  ;  et  quiconque  lira  ces  lettres  dira  le. . . . 

Les  caractères  sont  gothiques,  gravés  sur  pierre  blanche 
incrustée  dans  le  mur  de  l'église. 

L'inscription  suivante  était  gravée  en  caractères  gothiques 
sur  une  pierre  d'une  grosse  tour  de  la  porte  Manigne,  à  Li- 
moges, et  prouve  la  grande  dévotion  des  Limousins  pour  saint 
Martial,  leur  apôtre. 

Dieus  gart  lavila,  é  s.  Marsals  la  gén.  en  murs  é  las  portais  ; 
é  ma  donna  s*a  Maria  gartthos  aqueu  de  Mainania.  Amen  ' . 

Que  Dieu  garde  la  ville,  et  saint  Martial  ses  habitants,  aux 
murs  et  aux  portes  et  que  madame  sainte  Marie  garde  tous 
ceux  de  Manigne.  Ainsi  soit-il. 

Nous  avons  des  chansons  et  des  proverbes  qui  sont  très- 
anciens,  dont  les  mots,  comme  nous  l'avons  dit,  n'ont  rien  de 
relatif  aux  mots  latins.  Ex.:  En  février  fai  tou  pezeu,  yuan  lo 
luno  semblo  un  cruveu 2. 

Nos  hameaux  et  nos  villages  portent  presque  tous  des 
noms  qui  signifient  des  choses  préexistantes  :  Noailles,  de 
novales,  terres  défrichées.  —  Faye,  de  fayau  ou  hêtre,  arbre. 
—  Mas-Vergno,  monticule  auprès  d'un  vergne  ou  aune,  arbre. 
Au  contraire,  les  noms  de  nos  rivières  ont  des  significations 
qui  nous  sont  inconnues.  Vienne,  Taurion,  Brione,  Glane,  etc. 

Dans  le  patois,  on  trouve  plus  de  richesse  que  dans  le  fran- 
çais, en  ce  que  chaque  chose  a  un  terme  particulier  dont  la 


1  Inscription  déjà  publiée  parAllou  (loc.  cit.,  p.  2G0)  et  par  Leyrruin.' 
(Limousin  historique,  1,  161).  Au  lieu  de  enmurs.  leçon  deLeymari.'  i  i 
des  correspondants  de  Grégoire,  Allou  donne  eu  murs,  qui  est  préfé- 
rable, eu  étant  pour  eus  =  e  los.  Cf.  plus  bas  aqueu  =  aqueus.  Il  faut, 
en  conséquence,  traduire  ...  et  les  murs  et  les  portes.  (G.  G.) 

2  Inutile  sans  doute  de  faire  remarquer  que  ces  mots  sont,  au  con- 
traire, tout  latins.  Pezeu  est*piseilum  (de  pisum):  cruveu,  cribellum. 
(G.  G.) 


LETTRES  A  GREGOIRE  233 

prononciation  ne    peut    se    confondre    avec    d'autres   mots, 
comme,  par  exemple,  dans  les  mots  français  : 

Sein,      Cinq,  Saint,  Sain,  Ceint,    Seing. 
Parpai,  Cin,     Sén,     Sa,     Singla,  Sinné. 

Souvent,  dans  le  français,  nous  avons  plusieurs  mots  pour 
exprimer  la  même  chose,  et  qu'on  applique,  suivant  l'usage 
reçu,  comme  livres  et  francs,  pour  exprimer  le  numéraire  ; 
notre  patois  n'admet  que  le  mot  franc  :  quatre  francs,  vin 
francs. 

Les  mots  qui  abondent  le  plus  sont  ceux  qui  concernent  la 
partie  agricole,  et  les  préjugés  des  gens  de  la  campagne  tien- 
nent en  partie  à  la  superstition,  respectivement  aux  ma- 
ladies, et  en  partie  à  la  culture  des  terres  telle  que  leurs 
pères  la  leur  ont  transmise. 

Ils  entendent  assez  bien  le  français,  mais  la  plupart  ont  une 
difficulté  insurmontable  pour  le  parler  ;  ils  y  mêlent  conti- 
nuellement les  mots  et  la  prononciation  de  leur  patois,  comme 
nous  voyons  qu'on  Fa  fait  dans  les  siècles  précédents;  car,  en 
comparant  le  patois  d'aujourd'hui  à  celui  du  XIIIe  siècle,  il 
est  facile  de  remarquer  que  l'idiome  a  changé  considérable- 
ment. 

Il  règne  une  telle  confusion  d'idées,  de  mots  et  de  sons,  dans 
la  prière  que  les  pères  de  famille  prononcent,  le  soir,  en 
commun,  qu'elle  n'est  intelligible  que  pour  l'Etre  suprême, 
auteur  de  toutes  les  langues. 

Enfin,  comme  le  patois  est  très-commun  dans  le  départe- 
ment de  la  Haute- Vienne,  il  fait  sur  les  habitants  du  pays 
des  impressions  qu'on  aperçoit  lorsqu'ils  s'énoncent  en  fran- 
çais ;  peut-être  en  sommes-nous  un  exemple  nous-même  en 
ce  moment. 

Effets  de  la  Révolution 

Depuis  deux  ans,  les  gens  de  la  campagne  sont  plus  in- 
struits de  leurs  droits  que  dans  tout  le  siècle  dernier,  sans 
qu'ils  aient  cherché  à  s'en  prévaloir  et  sans  que  leurs  moeurs  se 
soient  altérées.  Il  n'y  a  peut-être  pas  sur  le  globe  d'hommes 
plus  réservés,  plus  patients  et  plus  appliqués  que  les  paysans 
de   la   Haute- Vienne.   Les    femmes   et   les   filles  y  donnent 


2? 4  DIALECTES  MODERNES 

l'exemple  d'une  parfaite  retenue,  et  Ton  ne  trouverait  pas 
dans  nos  champs  un  seul  célibataire  ;  comment  les  mœurs 
pourraient-elles  y  être  dépravées?  Leur  modération  les  a  pré- 
servés de  l'exemple  contagieux  de  leurs  voisins;  ils  ont  vu 
des  injustices  où  d'autres  ne  voyaient  que  des  actes  de  la 
liberté. 

Les  villageois  ont  tellement  été  surpris  du  décret  portant 
suppression  de  la  dîme,  laquelle  ils  croyaient  bonnement  être 
de  droit  divin,  qu'ils  ont  manifesté,  dès  ce  moment,  un  vif 
désir  de  s'instruire  et  en  même  temps  un  peu  d'indignation 
de  l'avoir  payée  si  longuement,  en  quoi  l'intérêt  personnel 
paraît  encore  les  guider;  plus  sensibles  peut-être  à  ce  décret 
qu'à  la  proclamation  de  l'égalité,  leur  extrême  pauvreté  peut 
leur  servir  d'excuse. 

Leur  conception  est  si  lente,  encore  aujourd'hui,  qu'on  ne 
peut  calculer  l'effet  final  que  produira  sur  eux  la  révolution 
actuelle  ;  mais  on  peut  augurer  que,  si  leur  cote  de  charges 
publiques  venait  à  augmenter,  ils  décideraient,  sans  autre 
examen,  que  la  Constitution  est  défectueuse  et  qu'on  cherche 
à  les  tromper.  Ne  doutons  pas  cependant  que,  s'ils  avaient  à 
leur  portée  des  écoles  publiques,  comme  il  y  en  a  en  Suisse, 
dont  le  maître,  salarié  aux  dépens  de  la  commune,  instruirait 
les  jeunes  gens  dans  les  principes  simples  que  la  loi  aurait 
fixés,  ils  ne  contribuassent  volontiers  aux  frais  de  l'établis- 
sement, afin  de  procurer  à  leurs  enfants  une  certaine  éduca- 
tion et  plus  de  bonheur  qu'ils  n'en  ont  eu  eux-mêmes. 

C'est  ce  que  demandent  pour  eux  leurs  bons  amis  et  leurs 

frères, 

Les  Amis  de  la  Constitution 

Demetz,  président  ;  Juger  Martin,  commissaire; 

Bourdeau,  secrétaire. 

A  Limoges,  le  6  novembre  1790. 
{A  suivre.) 

L.  Gaziek. 


-     '.s-T7*«**Ky«tt--» 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC] 

(Suite) 

XLV1     —  LE  POUZOU1L  E  LA  FOURMIHO 


Si 


-e- 


WZZML 


m    "m 


+E 


£ 


± 


je 


Le    pouzouil     e      la     four  -  mi  -  ho    Si    s'en  ban  à    la    ga- 


trt\rçrtŒEEœ&Em 


s 


^E 


ri  -ho.  Le  pouzouil  fcrinquo  la^lhe-^no,  La    fourmi  -  ho    la      ca- 


ÉË 


T 


a 


^»  ^ 


p  m  J-\r  ç  Jit-t-uu> 


re     30.    Dj  -  mi  -  num,  Dumi  »  ne,  Le    pouzouil    boulhô    moulhô. 

1)     Le  pouzouil  e  la  fourmiho 
Si  s'en  ban  à  la  gariho. 
Le^pouzouil  trinquo  la  lheno, 
La  fourmiho  la  carejo. 

Refrain  :   Dominum,   Domine, 

Le  pouzouil  boulhô  moulhé. 

2)  La  mousco  que  se  tè  fièro, 
Bol  estre  la  cousinièro. 
Se  n'a  feito  uno  pebrado, 
And'  l'aleto  l'a  'scampado. 

3)  Le  pouzouil,  qu'es  tafurious, 
N'es  toumbat  dessus  tisous  ; 
N'es  toumbat  sus  la  fourmiho, 
N'ia  crebado  la'boutiaro. 


236  DIALECTES    MODERNES 

Le  Pou  et  la  Fourmi.  —  1)  Le  pou  et  la  fourmi — s'en  vont  tous 
deux  à  la  forêt.  —  L'un  coupe  le  bois,  —  l'autre  le  charrie. 

Refbain.  — Dominum,  Domine, —  le  pou  voulait  prendre  femme. 

2)  La  mouche,  quoiqu'elle  soit  si  fière.  —  consent  à  être  la  cui- 
sinière. —Elle  a  préparé  une  poivrade, — d'un  coup  de  sa  petite  aile, 
elle  l'a  jetée  par  terre. 

3)  Le  pou,  qui  est  furieux,— est  tombé  sur  le  tison  ;  —  il  s'est 
jeté  sur  la  fourmi,  —  il  lui  a  crevé  le  ventre  {litt.  :  la  boutique). 

V.  de  Belesta,  rec.  par  Mlle  Marie  Lambert. 

XLVII.  —  l'iroundel 

lj        Sou  digue  Firoundèl  : 
Nous  fal  tous  anà  la  guerro. 

Refrain.     2)   Anen  doun,  deridoudene  ; 
Anen  doun,  deridoudé. 

3)  Sou  digue  la  perdris  : 
I  fal  tous  anà  à  plei  cami. 

4)  Soudis  le  merle  : 

Iou,  voli  pas  m'anà  perdre. 

5)  Soudis  lou  jai  : 

Iou,  te  prestarai  moun  chival. 

G)  •      Sou  digue  la  trido  : 
Iou,  te  prestarai  la  brido. 

7)  Sou  digue  lou  lauriol  : 
Iou,  te  prestarai  moun  cariol. 

8)  Soudis  lou  pinsou  : 
Te  prestarai  mes  esperous. 

9)  Soudis  lou  cardil  : 

Te  prestarai  moun  fusil. 

10)  Soudis  Tagasse  : 

Te  prestarai  ma  ferrasse. 

11)  Soudis  la  tourtre  : 
Poudès  vous  anà  fa  foutre. 

Les  Oiseaux.  —  1)  Ceci  dit  l'hirondeau:  -  il  nous  faut  tous  aller 
à  la  guerre. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC 


2T, 


2)  Allons  donc,  deridondaine  ; —  allons  donc,  deridondc. 

3)  Ceci  dit  la  perdrix: —  il  faut  y  aller  tous  à  remplir  les  che- 
mins. 

4)  Ce  dit  le  merle  :  —je  ne  veux  pas  m'aller  perdre. 

5)  Ce  dit  le  geai:  —  je  le  prêterai  mon  cheval. 

6)  Ce  dit  la  grive  :  —  je  te  prêterai  la  bride. 

7)  Ce  dit  le  loriot: — je  te  prêterai  mon  char. 

8)  Ce  dit  le  pinson  : —  je  te  prêterai  mes  éperons. 

9)  Ce  dit  le  chardonneret  :  —  je  te  prêterai  mon  fusil. 

10)  Ce  dit  la  pie  :  — je  te  prêterai  ma  pelle. 

1 1)  Ce  dit  la  tourterelle:  — vous  pouvez  vous  aller  faire  f . . . . 

Ancienne  ronde,  recueillie  en  Périgord  par  M.  le  vicomte  de  Gourgues 


XLVIII, 


Noué 


Om2>  *°  J  =  7ë 


Nou  -  è,     Nou  -  è,      tu    siès  un    rai  -  hai-re  Que  n'as  pas  res 


vist       Si      fet,    ai      vist.   E      de    qu'as    vist?    Ai    vist    u  -  na 


zto^ 


sau-maQue    jou-gava    à      la  pau  -  ma    Am-be  sons  pou  -  li- 


S=r 


S 


-40 


îF  r  "T^±^J  j  Jœ^^=^±^ 


nous,  Am  -  bé    sous       pou 


li       -     nous 


Noué,  Noué,  tu  siès  un  ralhaire 
Que  n'as  pas  res  vist. 
Si  fet,  ai  vist. 
E  de  qu'as  vist? 


238  DIALEPTFS    MODERNES 

Ai  vist  una  sauma 
Que  jougava  à  la  pauma 
Ambe  sous  poulinous. 
Id. 

Ai  vist  una  miola 
Qu'anava  a  Fescola 
Aprene  sa  liçou 

Id. 

Ai  vist  una  arencada 
Que  rabalava  una  flassada 

Lou  long  d'un  carreirou. 
Id. 
Ai  vist  una  angrola 
Qu'anava  à  Fescola 
Aprene  à  legi. 

Champfleury,  Chansons  populaires  des  provinces  de  France,  p    xvm, 
cite  le  couplet  suivant  : 

J'ai  vu  une  anguille 
Qui  coiffait  sa  tille  ; 
J'ai  vu  un  gros  rat 
Le  chapeau  sous  le  bras  ; 

qui  sert  aux  nourrices  du  Berry  à  endormir  leurs  poupons. 


XLIX.  —  LAS  BEST10S 

1)  Iéu,  sounjabi  qu'aqueste  jour, 
Cado  bestio  fasiô  sa  cour, 

D'un  èr  afable, 

Al  Dius  aimable 

Que  dins  l'estable 

De  Bethléem 
Es  nascut  sus  lou  fen 
Per  tout  lou  genre  humen. 

2)  Dius  prenguèt  un  plasé  rouial 
D'ausi  cantà  cado  animal. 

Cadun  per  rengo, 
Dedins  sa  lengo, 


! 


CHANTS    POPULAIRES    DM    LANGUEDOC  239 

Fa  soun  areugo 

Al  Dius  efan, 
Et  toutes,  en  cantan, 
Disiôu  :  Bous  adouran. 

3)  Lou  chabal  noun  fa  qu'anilhà 
Et  la  cardino  bresilhà  ; 

Lou  porc  groundabo, 

Lou  biau  buglabo, 

L'ase  bramabo, 

Disiô  :  ha  !  ha  ! 
La  galino  :  ca  !  ca  ! 
Lou  gai  :  cacaraca  ! 

4)  Lou  riquet  disiô  :   cri,  cri,  cri  ! 
Lou  grel  disiô  :  cousi,  cousi  ! 

La  serp  siplabo, 

Lou  loup  urlabo, 

L'agnèl  belabo, 

Disiô  :  mè,  mè! 
La  granoulho  :  coè,  coè  ! 
Lou  pijou  geniissiè. 

5)  Lou  gorp  cridabo  :  car,  car,  car  ! 
La  callo  disiô  :  pa-pa-bar  ! 

L'ours  idoulabo, 

Lou  rat  griulabo, 

Lou  cat  miaulabo, 

Disiô  :  miau,  miau  ! 
Lou  passerat  :  piau,  piau  ! 
Et  lou  chi  fasiô  :  chau  ! 

6)  Lous  peisses  mandèroù  un  canard 
Per  saludà  Dius  de  sa  part  ; 

Quand  la  linoto 
Cantabo  en  noto  : 
Chout!  fa  la  xoto. 
Lou  roussignol, 
En  soun  dous  gargalhol, 
Disiô  :  re,  mi,  fa,  sol  ! 

7)  Aurias  bist  aqui  d'un  cop  d'el, 


2^0  DIALECTES   MODERNES 

Cabro,  lapin,  miol  et  camel, 

Cerbi,  fouino, 

Tartugo,  ermino, 

Lioun,  mounino, 

Tigre,  elefan, 
Et  toutes,  en  cridan, 
Fasiô  gauch  àl'efan. 

8)  Merle,  agasso,  coucut,  lebrau, 
Calandro,  auco,  reinard,  grapau, 

Pinsar,  moustèlo, 

Tourdre,  iroundèlo, 

Gach,  tourtourelo, 

Piot,  passerat, 
Jusqu'à  l'escarabat 
Fou  à  Dius  soun  dictât. 

9)  Aquel  estable,  anfin,  fasiè 
La  segoundo  archo  de  Noué. 

Cado  bestietoj 

Fasiô  l'aleto 

Al  Dius  que  teto, 

Quant  Tome  ingrat, 
Noun  fasiô  pas  estât 
D'al  Dius  que  l'a  créât. 

10)  Orne,  apren  aici  la  licou 
De  recouneitre  toun  Seignou. 
Afin  de  plaire, 
Sounjo,  pecaire, 
So  que  bôs  faire, 
Tout  so  que  cal 
Per  ebità  lou  mal  : 
Saras  urous  aital  ! 

Les  Bètks. — 1)Je  songeais  que,  ce  jour-ci, —  chaque  bête  faisait 
sa  cour. — d'un  air  affable,  — au  Dieu  aimable,  —  qui,  dans  l'étable 
—  di>  Bethléem,  —  esl  né  sur  le  foin  —  pour  tout  le  genre  humain  . 

2)  Dieu  prit  un  plaisir  royal  --  d'ouïr  chanter  chaque  animal  :  — 
chacun  à  son  tour, —  dans  >a  langue, —  fait  sa  harangue —  au  Dieu 
enfant.  —  et,  tous  en  chantant,  —  disent:  —  Nous  vous  adorons  ! 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC       2lî 

3)  Le  cheval  ne  fait  que  hennir —  et  le  chardonneret  gazouiller, 

—  ie  porc  grogne,  —  le  bœuf  beugle, —  l'àne  brait  :  — il  disait  :  ha  ! 
ha  !  —  La  poule  :  ca,  ca;  —  le  coq  :  ca-ca-ra-ca. 

4)  Le  criquet  disait  :  cri,  cri,  cri;  —  le  grillon  disait  :  cousi,  cousi  — 
Le  serpent  sifflait,  —  le  loup  hurlait,  —  l'agneau  bêlait  ;  —  il  di- 
sait: mé,  mé;  —  la  grenouille  :  coé,  coé;  —  le  pigeon  gémissait. 

5)  Le  corbeau  criait:  car,  car,  car;  —  la  caille  disait:  pa,pa,  bar. 

—  L'ours  hurlait,  — le  rat  criait,  —  le  chat  miaulait  ;  —  il  disait  : 
miaul  miaii;  —  le  passereau  :  piau,  pian,  —  et  le  chien  faisait. 
chàu . 

6)  Les  poissons  envoyèrent  un  canard  —  pour  saluer  Dieu  de 
leur  part.  —  Quand  la  linotte  —  chantait  en  musique  :  —  Chout 
fait  la  chouette.  —  Le  rossignol,  —  dans  son  doux  chant,  —  di- 
sait :  ré,  mi, fa,  sol. 

7)  Vous  auriez  vu  là,  d'un  seul  coup  d'œil,  —  chèvres,  lapins, 
mulets  et  chameau, —  cerf,  fouine,  —  tortue,  hermine,  — lion, 
guenon,  —  tigre,  éléphant,  —  et  tous,  en  criant, — donnaient  joie  à 
l'enfant. 

8)  Merle,  pie,  coucou,  levraut,  —  oie,  renard,  crapaud, —  pinson, 
belette,  —  grive,  hirondelle,  —  geai,  tourterelle,  —  dindon,  passe- 
reau, —  jusqu'au  scarabée,  —  font  à  Dieu  leur  compliment  (litt. 
dicté). 

9)  Cette  étable  enfin  faisait — une  seconde  arche  de  Noé  ;  chaque 
insecte  (litt.  petite  bête)  —  battait  de  l'aile  —  pour  réjouir  l'enfant 
qui  tette,  —  alors  que  l'homme  ingrat  —  ne  tient  aucun  compte  — 
du  Dieu  qui  l'a  créé. 

1 0)  Homme,  apprends  ici  la  leçon  —  de  reconnaître  ton  Seigneur. 
Afin  de  plaire, —  songe, pauvret, —  si  tu  veux  faire  —  tout  ce  qu'il 
faut  —  pour  éviter  le  mal  :  —  tu  seras  heureux  ainsi. 

Version  de  Béziers,  dont  nous  devons  communication  à  M.  Louis  de 
Portalon 


1)   Au  payé  de  le  Boutèire, 

Tout  lou  vai  de  plot  en  plot  ; 
Tout  lou  vai  de  peira  en  peira, 
Sans  souliers  ni  sans  esclot. 

Et  viô,  viô,  viô  ! 
Anen  faire  fiô  à  la  peira; 


242  DIALECTES    MODERNES 

Et  viô,  viô,  viô  ! 
Adourà  le  Fils  de  Diô. 

2)  Anen  vite,  camarada, 
Adoura  l'enfant  qu'es  nessu, 
Y  toutsaron  una  aubada 
Per  le  faire  redzaujù. 

Et  tan,  de  ran,  tan,  tan, 
Chi  nioun  tambour  i  agrada; 
Et  tan,  de  ran,  tan, tan, 
I  toutsaron  aque  tsan. 

3)  Le  biô  que  mandza  la  palha, 
Fai  nitsere  à  son  breciau. 
Le  paure  efan  que  varaia 
Touta  la  neu  parle  siau, 

Et  moâ,  mi,  mi  ! 
Fait  de  cris  coume  un  patèra  ; 

Et  moâ,  mi,  mi,  mi  ! 
M'empetsava  de  dormi. 

4)   Nostras  pouletas,  pecaire! 
Touta  la  neu  on  tsan  ta. 
Oia  dit  qu'anavon  faire 
'N  io  fraitse  per  i  porta. 
Et  ka,  ke,  ra,  ka,  ka  ! 
Nostras  pouletas,  pecaire! 
Etka,  ke,  ra,  ka,  ka  ! 
N'on  pas  poudiù  decutsà! 

1)  Au  pays  des  Boutières, — tout  y  va  tranquillement:— on  y  va  de 
pierre  en  pierre, —  sans  souliers,  sans  sabots. —  Et  viô,  viô.  via. — 
allons  faire  du  feu  à  la  pierre;  — et  cib,viô,  viô,  —  allons  adorer 
le  Fils  de  Bieu. 

2)  Allons,  vite,  camarades, —adorer  l'enfant  qui  est  né. — Nous 
lui  donnerons  une  aubade —  pour  le  faire  réjouir. — Et  tan,  de  ran. 
tan,  tan,  —  si  mon  tambour  lui  agrée;  —  et  tan,  de  ran,  tan,  tan,  — 
nous  lui  dirons  ce  chant. 

3)  Le  bœuf  qui  mange'  la  paille —  fait  litière  à  son  berceau.— Le 
pauvre  enfant  qui  remue—  roule  la  nuit  par  le  sol.  —  et  moa,  mi, 
mi,  —  il  jette  îles  cris  comme  un  chiffonnier; — et  moa,  mi,  mi, —  il 
m'empêchait  de  dormir. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  243 

4)  Nos  petites  poules,  pauvrettes,  —  toute  la  nuit  ont  chanté  ;  — 
on  aurait  dit  qu'elles  allaient  faire —  un  œuf  frais  pour  lui  porter. 
— Et  hu,  le,  va,  la,  ha,  —  nus  petites  poules,  pauvrettes; —  et  ha,  /.< . 
ra,  ha,  ha,  n'ont  pu  pondre. 

Version  recueillie  dans   le  Velay,  par  M.  Vict'  r  Smith. 

Ce  noël, —  «  dont  le  vers  sautillant,  l'air  gai  et  le  refrain  imitatif  de 
divers  bruits,  ont  pour  but  de  tenir  tout  grands  ouverts  les  yeux  et  la 
curiosité  de  l'enfant  », —  n'appartient  pas  seulement  au  Velay,  comme  le 
pensait  notre  savant  collaborateur  :  on  vient  d'en  voir  ci-dessus  un 
exemple  pour  le  Languedoc  II  en  existe  d'autres  que  nous  connaissons 
pour  les  avoir  entendus  dans  notre  enfance,  mais  que  nous  n'avons  pu 
encore  nous  procurer,  malgré  d'activés  recherches.  Nous  ne  désespérons 
pas  toutefois  d'y  parvenir  et  de  compléter  ainsi  une  série  si  importante  à 
tant  d'égards. 

Variante.  Au  lieu  de  decutsà,  on  dit  aussi  dedzucà,  dépercher,  descendre 
du  perchoir  pour  pondre  l'œuf. 


LI. — LE   NOËL    DE    SAINT-GERMAIN 

1)  Jouinessa  de  va  Fai,  sourtés  de  la  velhado 

Et  venès  va  Sant-Germo,  qu'ei  bouon  Dieu  aco  'grado, 
I  dounarés  vouste  cur, 
Co  serô  vouste  bounur. 

2)  Refrain.  — 

Et  y  anèn  liàu  veire  aquel  Angiou 

Neichut  dins  qu'uno  crecho. 

3)  Ou  mens  n'eibluden  pas  de  pourtà  de  farassos  : 
Aquôus  que  vendron  après  n'en  segron  voustres  trassos. 

Quond  serèt  darié  Matras 
Las  getaret  aus  pras. 

4)  Quond  seret  davont  Debrey ,  espinchat  de  la  fenestro 
Per  veire  se  dormoun  pas,  si  corboun  pas  la  testo, 

Et  lhour  diret  sans  menti 
Qu'aneit  se  chou  pas  dourmi. 

5)  Quond  seret  davont  lou  Four,  aqui  quaucuspouot  estre, 
Que  voudron  couire  de  pô  per  n'en  passa  lhour  festo, 

Mes  lhour  diret  ou  veritat 
Qu'avertissoun  iou  curât. 


244  DIALECTES    MODERNES 

6)  Quond  seret  davont  Broundé,  réveillât  n'en  la  bourg-ado 
Et  faset  de  mons,  de  pés,  uno  bcllo  aubado  ; 

Revelhat  lou  eampaniè, 

Que  viste  monte  ei  élucidé. 

7)  0  boun  Dieu  !  que  fariô,  iéu,  si  m'ou~chayot  tout  segre. 
N'enniountariô  be  ei  cluchié, — ei  pour  de  veni  bouegue. 

N'en  sounario  quaucus  cops, 
Lou  monde  s'acroussariô. 

8)  Va  lou  Salin  louon  ôusit,  n'en  prenoun  la  deirouto; 
Quond  arriboun  va  iou  pououn,  quittoun  aqui  la  îouto, 
N'en  rencountroun  aqui  Faynet, 
Qu'ero  aqui  nouste  ladriè. 

0)  Oumens  n'eibludes  pas  lou  grangié  de  Varennes: 
Co's  un  orne  de  secours,  vous  pouot  sourti  de  pena. 
Revelharô  sous  bouiés, 
Et  lou  boutarô  proumiés. 

10)  Va  Biavosy  soun  eilai,  ei  mei  de  quoucos  peiros, 
Que  beliau  von  pas  ôusit  ei  brut  de  laribeiro  ; 

On  en'  aigo  à  za  sôutà, 
De  farassos  à  pourtà. 

11)  Quond  seret  replanas,  passats  n'en  va  la  Sogno ; 
Soun  ei  mei  de  quaucus  bôs.  Que   lou  boun  Dieu  lous 

Nôu'  pa'ncaro  ôusit  lou  nouôu  [souono; 

Per  sourti  de  lhour  repôu. 

12)  Lou  Bousilhou  es  eilai,  ei  mei  d'ena  garnassa, 
Que  pouôdoun  rien  veire  dôu  fiô  de  las  farasso<: 

Ou  d'abres  à  traversa, 
De  rasas  à  za  sôutà. 

L3)  Va  Survissos  vouon  oùsit,  n'en  prenoun  la  deirouto: 
arriboun  va  Paliassou,  prenoun  aqui  la  rouf". 
ii  rencountroun  Jouon  Broundé 
El  i  levoun  soun  cbapé. 

I  1'   Va  lou  Viava  vouon  oùsit,  n'en  prenoun  la  deirouto; 
Passoun  va  Nouslouet  per  n'agrandi  la  troupo. 


CHANTS    POPULAIRES    DU    LANGUEDOC  245 

Formoun  en  grand  batalhou, 
Per  anà  adourà  Feffontou. 

Le  Noël  de  St-Ger.\uin  de  la  Prades. —  1)  Jeunesse  de  Fay, 
sortez  de  la  veillée, —  et  venez  à  Saint-Germain,  que  cela  agrée 
à  Dieu, — Vous  lui  donnerez  votre  cœur, —  et  ce  sera  votre  bonheur. 

2)  Refrain.  Et  allons-y  —  voir  ce  petit  ange  — né  dans  une 
crèche. 

3)  Au  moins  n'oublions  pas  de  porter  des  torches;  —  ceux  qui 
viendront  après  en  suivront  la  trace. —  Quand  vous  serez  devant 
Madras, —  vous  les  jetterez  dans  le  pré. 

4)  Quand  vous  serez  devant  Debrey,  —  regardez   par  la  fenêtre 

—  pour  voir  s'ils  ne  dorment  pas,  s'ils  ne  baissent  pas  la  tète  (en 
sommeillant), —  et  vous  leur  direz,  sans  mentir,  —  que  cette  nuit 
il  ne  s'agit  pas  de  dormir. 

5)  Quand  vous  serez  devant  le  Four  (banal),  où  quelqu'un  peut  se 
trouver  —  cuire  du  pain  pour  passer  la  fête,  —  vous  leur  direz,  en 
vérité,  —  qu'ils  avertissent  le  curé. 

b)  Quand  vous  serez  devant  Broundé,  réveillez  la  bourgade,  — 
et  faites  avec  vos  mains,  vos  pieds,  beaucoup  de  bruit  (litt.  une 
belle  aubade).  —  Réveillez  le  sonneur  —  pour  qu'il  monte  vite  au 
clocher. 

7)  Ah!  mon  Dieu  !  comment  ferais-je,  moi,  s'il  me  fallait  suivre 
tout  le  monde.  —  J'irais  bien  au  clocher,  mais  j'ai  peur  de  devenir 
bègue, — Je  sonnerais  quelques  coups,  —  tout  le  monde  se  lèverait. 

8)  Au  Salin  on  nous  a  entendu,  on  s'y  met  en  marche; — arrivés 
au  pont,  ils  laissent  la  route,  —  et  là  rencontrent  Faynet,  —  qui 
était  chef  de  la  maladrerie. 

9)  Au  moins  n'oublions  pas  (de  réveiller)  le  fermier  de  Varennes. 

—  C'est  un  homme  (capable  de  donner)  du  secours  ;  il  peut  vous 
sortir  de  peine;  —  il  réveillera  ses  bouviers,  —  et  les  mettra  les 
premiers. 

1U)  A  Blavosy,  ils  sont  là-bas  au  milieu  des  rochers,  —  n'ayant 
peut-être  pas  entendu,  à  cause  du  bruit  de  la  rivière  ;  —  ils  ont  de 
l'eau  à  traverser,  des  torches  à  porter. 

1 1)  Quand  vous  serez  de  nouveau  en  plaine, — passez  à  la  Sogne; 

—  ils  sont  là  au  milieu  des  bois.  Que  Dieu  les  appelle  ;  —  ils  n'ont 
pas  encore  entendu  les  noëls,  —  tour  sortir  de  leur  repos. 

12)  Le  Bousilhou  est  là -bas,  au  milieu  d'une  garnasse,  —  d'où 
ils  ne  peuvent  rien  voir  —  du  feu  île  vos  torches;  —  ils  ont  des 
arbres  à  traverser,— des  haies  à  franchir. 

19 


246  DIALECTES    MODERNES 

13)  A  Survisses  on  nous  a  entendus,  — on  s'y  met  on  marche. — 
Ils  arrivent  à  Palhassou.  et  là  prennent  la  route; — ils  y  rencontrent 
Jean  Brondé —  et  lui  lèvent  lo  chapeau. 

14)  A  Viava  on  nous  a  entendus,  on  s'y  met  en  marche.  — 
Ils  passent  ^vers  Noustouet.  et  viennent  augmenter  la  troupe  ; 
—  ils  forment  un  grand  bataillon, — qui  va  adorer  le  petit  enfant. 

Recueilli  à  Saint-Germain-la-Prade  (Haute-Loire),  et  communiqué  par 
M.  l'abbé  Badiou. 

Les  mots  soulignés  sont  des  noms  de  village  ou  rie  hameau:  San-Germo. 
Madras,  le  Four,  Salin,  Varennes,  Blavosy,  la  Sogno.  Bousilhou,  Survis- 
sos,  Palhassou,  Viava,  Noustouet;  ou  des  noms  propres  :  r'aynet,  Debrey, 
Brondé. 


LU.  —  LOUS  MEST1ÈS 

1)  Vegnia  vite,  vegnia  lio, 
Adourà  le  Ré  do  cio. 
E  néssu  dien-t-una  crecha  ; 
Saint  Zozet  touzours  se  frotta. 

2)  Refrain.  Chut!  chut!  chut! 
L'enfant  dort,  pas  tant  de  bru  . 

3)  Délai  ne  vè  un  tessiè 
Per  i  faire  un  drapelet. 
Dau  tin  qu'escarpa  sa  lana, 
Saint  Zozet  le  bouta  fouèra. 

4)  Délai  ne  vè  un  fustiè 

Per  i  faire  un  breceau. 
Dau  tin  que  prenia  l'aisseta, 
Saint  Zozet  pren  Testasseta. 

5)  Délai  ne  vè  un  boulanzié 

Per  i  faire  un  pastè. 
Dau  tin  que  prenia  farina, 
Saint  Zozet  i  fa  la  mina. 

G)  Délai  ne  vè  un  maretsau 
Per  i  ferra  sou  tsavau  : 
«  Tré  poulis,  mai  tré  poulagne!» 
Ne  ferra  pas  tant  moun  agne. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  24, 

Les  Métiers.  — 1)  Venez  vite,  venez  bientôt, —  adorer  le  Roi  des 
doux. —  Il  est  né  dans  une  crèche  ;  —  saint  Joseph  toujours  se 
gratte. 

Refrain. — 2)  Chut!  chut!  chut!  —  l'enfant  dort,  pas  tant  de 
bruit. 

3)  De  là-bas  vient  un  tisserand,  —  pour  lui  faire  un  petit  drap 
(lange).  —  Pendant  qu'il  prépare  sa  laine, —  saint  Joseph  le  met 
dehors. 

4)  De  là-bas  vient  un  menuisier,  —  pour  lui  faire  un  berceau. — 
Du  temps  qu'il  prenait  la  hachette, —  saint  Joseph  prit  l'attachette 
(la  courroie  du  berceau). 

5)  De  là-bas  vint  un  boulanger,  —  pour  lui  faire  un  pâté.  — 
Du  temps  qu'il  prenait  de  la  farine,  —  saint  Joseph  lui  faisait  la 
mine. 

6)  De  là-bas  vint  un  maréchal,  —  pour  lui  ferrer  son  cheval  :  — 
«  Trois  poulains,  trois  pouliches!  (juron)  —  tu  ne  ferreras  pas 
mon  âne.  » 

Version  de  Ghamalières  (  Haute-Loire  ),  dite  à  M.  Victor  Smith  par 
Madeleine  Gravier. 

L'énumération  est  loin  de  se  terminer  au  tisserand,  au  menuisier,  au 
boulanger  et  au  maréchal  «  Quelques  personnes,  remarque  notre  colla- 
borateur, allongent  le  défilé  et  y  ajoutent  le  tailleur  qui  apporte  son  élolfe, 
le  cordonnier  qui  offre  ses  souliers,  le  muletier  qui  présente  son  hemine 
de  vin,  et  le  boucher  qui  vient  mettre  au  service  de  la  Sainte  Famille  ses 
bœufs  et  leur  joug.  » 

Ce  noël,  dont  le  rôle  est  d'endormir,  n'est  que  l'imitation  d'un  vieux 
chant  qu'on  trouve,  dans  la  Bible  des  noëls,  publiée  à  Lyon,  par  Simon 
Rigaud,  vers  la  fin  du  XVIe  siècle;  qu'on  trouve,  en  outre,  dans  pres- 
que toutes  les  Bibles  de  noëls  publiées  aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles,  dans 
la  Champagne,  l'Anjou,  le  Poitou.  l'Orléanais  et  la  Touraine.  Ce  chant, 
appelé  aujourd'hui  noël  des  Métiers,  fait  d'iiler  devant  nous,  portant  leur 
cadeau,  les  artisans  de  chaque  métier  établi  dans  la  paroisse  où  le  noël 
se  chante.  Dans  le  petit  noël  que  nous  transcrivons,  la  procession  des 
donateurs  est  courte  :  un  tisserand,  un  menuisier,  un  boulanger,  un 
maréchal,  la  composent.  Saint  Joseph  les  reçoit  avec  une  mauvaise  hu- 
meur que  nos  pères  ont  souvent  et  complaisamment  signalée.  Un  doux 
refrain  enveloppe  le  berceau  du  nouveau-né  de  son  somnolent  murmure. 

LUI. —  l'acbre 

1)  Ai!  lou  poulit  aubre  —  que  i'a  dins  aquel  jardil  —  Lou 
pus  poulit  aubre  —  de  toutes  lous  aubres.  —  Dessouta  lou 
roumains  —  ounte  ma  mia  Anneta  prenié   sous  plesis. 


248  DIALECTES    MODERNES 

2)  Ai!  la  poulidabranca  —  que  i'a  sus  aquel  aubre! —  La  pus 
poulida  branca —  de  toutas  las  brancas.  —  La  branca  à  Fau- 
bre,  —  l'aubre  au  jardi. .  .  —  Dessouta  lou  roumanis —  c-unte 
ma  mia  Anneta  prenié  sous  plesis. 

3)  Ah  !  lou  poulit  nis —  que  Ta  sus  aquela  branca!  — Lou 
pus  poulit  nis  —  de  toutes  lous  nises.  —Lou nis  à  la  branca,  — 
la  branca  à  l'aubre,  —  l'aubre  au  jardi.  ..  — Dessouta,  etc. 

4)  Ai!  lou  poulit  iôu  — que  Ta  dins  aquel  nis!  —  J  ous  pus 
poulit  iôu  —  de  toutes  lous  iôus.  —  L'iôu  au  nis,  —  lou  nis  à  la 
branca,  — la  branca  à  l'aubre,  —  l'aubre  au  jardi.  .  . —  Des- 
souta, etc. 

5)  Ai  !  lou  poulit  aucel  —  que  i'a  dins  aquel  iôu  !  —  Lou  pus 
poulit  aucel  —  de  toutes  lous  aucels.  — L'aucel  à  l'iôu,  —  l'iôu 
au  nis,  —  lou  nis  à  la  branca,  — la  branca  à  l'aubre,  — l'au- 
bre au  jardi ...  —  Dessouta  lou  roumanis —  ounte  ma  mia  An- 
neta prenié  sous  plesis. 

L'AitrmE.  —  1)  Ah!  le  bel  arbre—  qu'il  y  a  dans  ce  jardin  !  —  Le 
plus  bol  arbre  —  de  tous  les  arbres.  — Sous  le  romarin  —  où  nia 
mie  Annette  allait  se  réjouir. 

2)  Ab!  la  belle  branche  —  qu'il  y  a  à  cet  arbre!  La  plus 
belle  branche — de  toutes  les  branches.  —  La  branche  à  l'arbre, 
l'arbre  au  jardin.  . .  —  Sous  le  romarin  —  où  ma  mie  Annette  allait 
se  réjouir. 

3)  Ah!  le  joli  nid  —  qu'il  y  a  à  cette  branche!  --  Le  plus  joli 
nid  — de  tous  les  nids.  —  Le  nid  à  la  branche,— la  branche-  à  l'ar- 
bre. —  l'arbre  au  jardin. . .  .  —  Sous,  etc. 

4)  Ah  !  le  joli  reuf —  qu'il  y  a  dans  ce.  jardin!  —  Le  plus  joli  œuf 

—  de  tous   les  œufs.  —  L'reuf  au  nid,  —  le  nid  à  la  branche,  —  la 
branche  à  l'arbre,  —  l'arbre  au  jardin.  — Sous,  etc. 

5)  Ah!  le  joli  oiseau — qu'il  y  a  dans  cet  œuf! —  Le  plus  joli 
oiseau  —  de  tous  les  oiseaux. —  L'oiseau  à  l'œuf, —  l'œuf  au  nid, 

—  le  nid  à  la  branche,  —  la  branche  ;'i  l'arbre, —  l'arbre  au  jardin... 

—  Sous  le  romarin — où  ma  mie  Annette  allait  se  réjouir. 

Li's  versions  changent  avec  chaque  personne,  d'abord  à  cause  du 
nom  de  la  mie,  qui  diffère;  ensuite  parce  qu'on  peut  faire  successivemri)' 
l'éloge  de  toutes  les  parties  de  l'oiseau  : 

Ai!  las  pou!  ici  as  pat  as. . . 
Ai  !  lou  poulit  plumage  . . 
Ai  !  la  poulida  testa . . . 


CHANTS  POPULAIRES   DU  LANUUIODOC 


249 


Ai!  las  poulidas  alas. . . 
Ai!  la  poultda  coueta. .  . 

Ce  qui  rend  le  renouvellement  des  expressions  interminable  et  aug- 
mente d'autant  les  difficultés  du  récit  que  l'on  doit  en  faire.  Du  reste, 
ces  petites  compositions  n'ayant  d'autre  but  que  d'exercer  la  langue  des 
enfants,  il  y  a  fort  à  croire  que  ces  variantes  appartiennent  à  la  version 
originale. 

Une  version  de  M.  le  pasteur  Liebich  donne  ces  variantes  sans  autres 
différences. 


Z± 


Ah  !  de  -  vi  -  oez    ce  qo'i1  y       a      de-dans   ce     bois  ? 


ft 


î 


J^tillU  ft. 


£fj^-f£-l 


tpULUtrlrUni    '    ê   ' 


11  y  a  on  arbre,  le  pins  beao  des  arbres,  i'ar-bre  dans  le  bois?  L'ar-bre    dans  le 


S 


É 


^ 


22 


bois,         Na  -  net    -   le.        Far  -   bre   dans      le        bois. 


ÏÈ 


te 


£ 


Ah! 


jo     -     li      temps 


pas 


se  ! 


1)  Ah  !  devinez  ce  qu'il  y  a 
Dedans  ce  bois? 
Il  y  a  un  arbre, 
Le  plus  beau  des  arbres. 
L'arbre  dans  le  bois  (bis), 
Nanette; 
L'arbre  dans  le  bois. 
Ah!  le  joli  temps  passé  ! 


2f0  DTAT.RCTES    MODERNES 

2)  Ah  !  devinez  ce  qu'il  y  a 

Sur  cet  arbre  ? 
Il  y  a  une  branche. 
La  branche  sur  l'arbre, 
L'arbre  dans  le  bois  (bis). 

3)  Ah!  etc. 

Il  y  a  un  nid, 
Le  plus  beau  des  nids. 
Le  nid  sur  la  branche, 
La  branche  sur  l'arbre, 
L'arbre  dans  le  bois  (bis). 

4)  Ah  !  etc. 

Il  y  a  un  œuf,  etc. 

5)  Ah!  etc. 

Il  y  a  un  oiseau,  etc. 

6)  Ah!  etc. 

Il  y  a  une  plume,  etc. 

7)  Ah  !  devinez  ce  qu'il  y  a  sur  cette  plume  ? 

Sur  cette  plume? 
Il  y  a  une  fille, 
La  plus  belle  des  filles. 
La  fille  sur  la  plume, 
La  plume  sur  l'oiseau, 
L'oiseau  dans  l'œuf, 
L'œuf  dans  le  nid, 
Le  nid  sur  la  branche, 
La  branche  sur  l'arbre, 
L'arbre  dans  le  bois  (bis), 

Nanette  ; 
L'arbre  dans  le  bois. 
Ah!  le  joli  temps  passé  ! 

Recueillie  à  Belesta  (Ariége),  par  M.  le  docteur  Guibaud,  d'après  un 
paysan  qui  en  avait  fuit  sa  chanson  favorite,  et  qui  pour  cela  fut  sur- 
nommé la  Branche. 

11  ajoutait  nu  huitième  couplet,  indiquant  qu'il  y  avait  un  beau  garçon 
avec  la  jeune  tille,  et  que  nous  n'avons  pu   placer  ici. 

Cf.  J.  Bugeaud,  Ch.  des  prov.  de  l'Ouest,  p.  285:  Nie  dans  la  haie,  que 
cite  aussi  Coussemaker,  Ch.  popul.  des  Flamands  de  France,  p.  336, 
VArbre. 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC 


■>:>\ 


gCfV=ns 


t=: 


^ 


Ds  »  k 


A      Pa  -  ris. 


~~& ^~ 


±^3Â. 


? 


V- 


de   ville    en        vil 


le, 


De    -    vi- 


3E 


^^ 


1/    l*-  ' 


nez 


ce    qu'il    y         a?  Il       y 


un 


À-Â\ 


lIÎTT1 


1»  f  f 


v  I  y  \f — u 


3t 


li      pe  -  tit    bois.  Mesdames,  Un   jo  -  li     pe  -  tit    bois   il  y  a. 

1)  A  Paris,  de  ville  en  ville, 
Devinez  ce  qu'il  y  a  ? 

Ilya 
Un  joli  petit  bois,  Mesdames; 
Un  joli  petit  bois  il  y  a. 

2)  Dedans  ce  très-joli  bois, 
Devinez  ce  qu'il  y  a  ? 

Ilya 
Un  joli  petit  arbre,  Mesdames; 
Un  joli  petit  arbre  il  y  a. 

3)  Sur  ce  joli  petit  arbre, 
Devinez  ce  qu'il  y  a? 

ilya 

Une  jolie  branche,  Mesdames; 
Une  jolie  branche  il  y  a. 

1)  Et  sur  cette  jolie  branche, 
Devinez,  etc. 
Un  joli  petit  nid,  Mesdames,  etc. 

5)  Dans  ce  joli  petit  nid, 
Devinez,  etc. 


252  DÎALKCTI  S  MODERNES 

Un  joli  petit  œuf,  Mesdames,  etc. 

6)  Dans  ce  joli  petit  œuf, 
Devinez,  etc. 
Un  joli  petit  oiseau,  Mesdames,  etc. 

V.  de  M"0  Marie  Lambert,  de  Belesta  'Ariége). 


L1V.   —   LOU  CANT  DE  l'aUCELOU 

1)  Au  bosc  de  l'Alzouna,  i'ô  un  plan; 
Sus  aquel  plan,  i'ô  très  pibous; 
Sus  lou  pu  naut,  i'ô  una  branca; 
Sus  aquela  branca,  i'ô  cent  fiolhas; 
Entre  las  fiolhas,  i'ô  très  flous; 
Entre  las  flous,  i'ô  un  nis; 

Dins  lou  nis,  i'ô  un  iôu;  ' 
Dins  l'iôu,  i'ô  un  aucelou. 

2)  Quand  latremountanabufa,  l'aucelou  cantae  dis: 

Siôi  dins  l'iôu, 

L'iôu  dins  lou  nis, 

Nis  dins  las  flous, 

Flous  entre  las  fiolhas, 

Fiolhas  sus  la  branca, 

Branca  sus  lou  pibou, 

Pibou  sus  lou  plan, 

Lou  plan  dau  bosc  de  l'Alzouna. 

Le  Chant  de  l'oiseau.  —  1)  Au  bois  de  l'AIzonne  il  y  un  plan; 
sur  ce  plan,  il  y  a  trois  peupliers';  —  sur  le  plus  élevé,  il  y  a  une 
branche;  —  sur  cette  branche,  il  y  a  cent  feuilles;  —  entre  les 
les  feuilles,  il  y  a  trois  fleurs  ; —  entre  les  fleurs,  il  y  a  un  nid  ;  — 
dans  ce  nid,  il  y  a  un  reuf  ;  —  dans  cet  œuf.  il  y  a  un  oiseau. 

2)  Lorsque  le  vent  du  nord  souffle,  l'oiseau  chante  et  dit:  -  Je 
suis  dans  l'œuf, —  l'œuf  dans  le  nid,  —  nid  dans  les  fleurs:  — 
fleurs  entre  les  feuilles,  —  feuilles  sur  la  branche,  —  branche  sur 
le  peuplier, —  peuplier  sur  le  plan, —  le  plan  du  bois  de  l'AIzonne. 

V.  du  Pouget,  canton  do  Gignac  (Hérault). 
1)  —  Version  analogue  française  : 


CHAISTS  POPULAIRES  PU    LANGUEDOC  253 

Dans  la  ville  de  Rome,  —  il  y  a  une  rue-,  —  dans  cette  rue,  il  y  a  un 
coin;  —  dans  ce  coin,  il  y  a  une  maison;  —  dans  cette  maison,  il  y  a  une 
chambre;  —  dans  cette  chambre,  il  y  a  un  lit;  —  à  côté  de  ce  lit,  il  y  a 
une  table;  —  sur  cette  table,  il  y  a  un  tapis;  —  sur  ce  tapis,  il  y  a  une 
cage;  — dans  cette  cage,  il  y  a  un  nid  ;  —  dans  ce  nid.  il  y  a  un  œuf;  — 
dans  cet  œuf,  il  y  a  un  oiseau. 

L'oiseau  dit:  Je  suis  dans  l'œuf,—  œuf  dans  le  nid,  —nid  dan?  la  cage, 
—  cage  sur  le  tapis,  —  tapis  sur  la  table.  —  table  à  côté  du  lit.—  lit  dans 
la  chambre.  —  chambre  dans  la  maison,  —  maison  dans  le  coin,  — 
coin  dans  la  rue,  —  rue  dans  la  ville  de  Rome. 


LV.     —    LA    CRAIîO 

1)  Iéu  ai  un  cantou  de  mil,  —  que  la  crabo  me  manjabo. 

Refbain.    —   Crabo  à  mil, 
Biro,  bouquil! 
Crabo  sort  de  per  moun  mil  ! 

2)  Lou  loup  bèn  d'aprequi, —  que  bouliô  manja  la  crabo. — 
Loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

3)  Lou  chi  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  manjà  lou  loup.  — 
Chi  à  loup,  —  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

4)  Lou  poul  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  pica  lou  chi.  — 
Poul  à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

5)  Lou  reinart  bèn  d'aprequi, —  que  bouliô  manjà  lou  poul. 

—  Reinart  à  poul,  —  poul   à    chi,  —  chi   à    loup,  —  loup  à 
crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

6)  La  barro  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  tustà  '1  reinart.  — 
Barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul,  —  poul  à  chi, —  chi  a  loup, 

—  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

7)  Lou  foc  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  brulà  la  barro.  — 
Foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul,  —  poul  à 
chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc, 


?54  DlAUOCTEfe    MODERNES 

8)  L'aigo  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  atudà  lou  foc.  — 
Aigo  à  foc,  ~»  foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  —  reinart  à 
poul,  —  poul  à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo. 

Crabo  à  mil,  etc. 

9)  Lou  biôu  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  beure  l'aigo.  — 
Biôu  à  aigo,  —  aigo  à  foc,  —  foc  à  barro,  —  barro  à  rei- 
nart, —  reinart  à  poul,  —  poul  à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à 
crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

10)  La  xunxo  bèn  d'aprequi, —  que  bouliô  xunxà  lou  biôu. 

—  Xunxo  à  biôu,  —  biôu  à  aigo,—  aigo  à  foc,  —  foc  à  barro, 
barro  à  reinart,   —  reinart  à  poul, —  poul  à  chi, —  chi  à  loup, 

—  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

11)  Lou  rat  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  manjà  la  xunxo. 

—  Rat  à  xunxo, —  xunxo  à  biôu, —  biôu  à  aigo, —  aigo  à  foc, 

—  foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  —  reinart  à  poul,  —  pou', 
à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil,  etc. 

12)  Lou  gat  bèn  d'aprequi,  —  que  bouliô  manjà  lou  rat. — 
Gat  à  rat,  —  rat  à  xunxo,  —  xunxo  à  biôu,  —  biôu  à  aigo,  — 
aigo  à  foc,  --  foc  à  barro,  —  barro  à  reinart,  —  reinart  à 
poul,  —  poul  à  chi,  —  chi  à  loup,  —  loup  à  crabo, 

Crabo  à  mil, 
Biro,  bouquil! 
Crabo,  sort  de  per  mour  mil  ! 

La  Chèvre.  —  1)  J'ai  un  champ  de  maïs  —  que  la  chèvre  me 
mangeait. 

Refrain.  —  La  chèvre  attaque  le  maïs. 
Va-t'en,  bouquin  ! 
•  'hèvre,  sors  de  mon  champ  de  maïs! 

2)  Le  loup  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  manger  la  chèvre.  — 
Le  loup  attaque  la  chèvre,  — la  chèvre  le  maïs,  etc. 

3)  Le  chien  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  manger  le  loup.  —  Le 
chien  attaque  le  loup,  —  le  Loup  la  chèvre,  etc. 

4)  Le  poulet  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  piquer  le  chien.  —  Le 
poulet  attaque  le  chien,  —  le  chien  le  loup,  etc. 


ïoo 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC 

5)  Le  renard  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  manger  le  poulet.  — 
Le  renard  attaque  le  poulet,  le  poulet  le  chien,  etc. 

6)  Le  bâton  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  frapper  le  renard .  —  Le 
bâton  attaque  le  renard,  —  le  renard  le  poulet,  etc. 

7)  Le  feu  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  brûler  le  bâton  .  —  Le  feu 
attaque  le  bâton,  —  le  bâton  le  renard,  etc. 

8)  L'eau  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  éteindre  le  feu,  —  L'eau 
attaque  le  feu,  —  le  feu  le  bâton,  etc. 

9;  Le  bœuf  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  boire  l'eau.  —  Le  bœuf 
attaque  l'eau,  —  l'eau,  le  feu,  etc. 

10)  Le  lien  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  lier  le  bœuf.  —  Le  lien 
attaque  le  bœuf,  —  le  bœuf  l'eau,  etc. 

11)  Le  rat  vint  de  par  là,  —  qui  voulait  manger  le  lien.— Le  rat 
attaque  le  lien,  —  le  lien  le  bœuf,  etc. 

Le  chat  vint  de  par  là,  qui  voulait  manger  le  rat.  —  Le  chat  at- 
taque le  rat,  —  le  rat  le  lien,  —  le  lien  le  bœuf,  —le  bœuf  l'eau. 
—  l'eaule  feu,  —  le  feu  le  bâton,  —le  bâton  le  renard,  —  le  renard 
le  chien,  —  le  chien  le  loup,  —  le  loup  la  chèvre;  —  la  chèvre  le 
maïs  ! 


La  chèvre  attaque  le  maïs, 

Va-t'en,  bouquin  ! 

Chèvre,  sors  de  mon  champ  de  mais  ! 

V.  de  M.  Philippe  Miquel,  directeur  des    écoles   chrétiennes  de    Bé- 
darieux  (Hérault). 

LVI.  —  BOUUUAIRE  BOUQUIL 


£ 


\zzzt-jzl 


siznzsL 


V     V     Y— M 


s 


u^=t- 


*=^ 


leu,  n'a-bio'n  mil    me  -  nut,      Lou      bouc  me    lou    man- 


g-^L^tl^  J' 


Y- 


t 


w    w 


y- 


gff-R^ 


ja  -  bo  leu   n'a-bio'n  mil      me  -  nut,        Lou  bouc    me    lou  man- 


DIALECTES     MODERNES 


£=K 


É3 


^W ;2^?  ■ 


vUgr*^ 


K 


4= 


£ 


z: 


£: 


*- 


? 


_f2i j 


a  -  bo 


Lou     D01C 


"f 


I 


Fï 


rr.il.  Bon -quai-  m  hou- 


-t^- 


^g=TZ 


=F 


S? 


i 


Y 

(if;    moun      mil. 


quil, 

F-DumÉration . 


^as  -  ta 
n 


ras 


pai       pua 


S 


SL 


ZE 


Jûuû      à      ï)-iuc  (il/asc.)  à 


*= 


ai-  «nie 


îo  [Fém.) 


1)  Ièu,  n'  abiô  un  mil  menut, 

Lou  bouc  me  lou  ma'ijabo    bis). 
Refrain.     Lou  bouc  à  mil, 

Bouquaire  bouquil, 
Tastaras  pai  pus  de  moun  mil. 

2)  Apei  ne  bèn  lou  loup, 

Per  ne  manjàlou  bouc  (bis). 
Lou  loup  à  bouc, 
Lou  bouc  à  mil,  etc. 

3)  Apei  ne  bèn  lou  chi, 

Per  ne  cassa  lou  loup(/v?>  . 
Lou  chi  à  loup, 
Lou  loup  à  bouc, 
Lou  bouc  à  mil,  etc. 

I     Apei  ne  bèn  la  barro, 
Per  ne  battre  lou  chi  (bis). 
La  barro  à  chi, 
Lou  chi  à  loup, 
Lou  loup  à  bouc, 
Lou  bouc  à  mil,  etc. 

5    Apei  ne  bèn  lou  foc, 

Fer  ne  brulà  la  barro  {bis). 


CHANTS    POPULAIRES   L)U  LANUUKDOC  ■_>;,; 

Lou  foc  à  barro, 
La  barro  a  chi, 
Lou  cbi  à  loup, 
Lou  loup  à  bouc, 

Lou  bouc  à  mil,  etc. 

0  )   Apei  ne  bèn  l'aigueto, 
Per  atuda  lou  foc  (bis). 
L'aigueto  al  foc, 
Lou  foc  à  la  barro, 
La  barro  à  chi, 
Lou  chi  à  loup, 
Lou  loup  à  bouc, 
Lou  bouc   à  mil,  etc. 

7)   Apei  ne  bèn  lou  biôu, 

Per  ne  bèure  l'aigueto  (bis). 
Lou  biôu  à  l'aigueto, 
L'aigueto  à  foc, 
Lou  foc  à  la  barro, 
La  barro  à  chi, 
Lou  chi  à  loup, 
Lou  loup   à  bouc, 
Lou  bouc  à  mil,  ci 

S)    Apei  ne  bèn  lasjulhos, 
Per  estacà  lou  biôu  (bis  . 
Las  julhos  à  biôu 
Lou  biôu  à  l'aigueto, 
L'aigueto  à  foc, 
Lou  foc  à  barro, 
La  barro  à  chi, 
Lou  chi  à  loup, 
Lou  loup  à  bouc, 
Lou  bouc  à  mil, 
Bourpuaire,  bouquil, 
Tastaras  pai  pus  de  rnoun  mil! 

Bouquaike  Bouquil.  —  I)  J'av.iis  un  champ  de  petit  millet,  —  lu 
bouc  me  le  mangeait  (bis). 


258  DIALECTES   MODERNES 

Le  bouc  attaque  le  millet.  —  Petit  bouc  qui  donnes  de  la  corne. 
—  tu  ne  mangeras  plus  fie  mon  millet. 

2)  Après  vint  le  loup, —  pour  chasser  le  bouc. —  Le  loup  attaque 
le  bouc,  —  le  bouc  le  millet,  etc. 

3)  Après  vint  le  chien, —  pour  manger  le  loup. —  Le  cbien  aita 
que  le  loup, —  le  loup  le  bouc, —  le  bouc  le  millet,  etc. 

4)  Après  vint  le  bâton, — pour  battre  le  chien. — Le  bâton  attaque 
le  chien,  — le  cbien  le  loup,  etc. 

5)  Après  vint  le  feu.  —  pour  brûler  le  bâton.  —  Le  feu  attaque 
je  bâton, —  le  bâton  le  chien,  etc. 

6)  Après  vint  l'eau, —  pour  éteindre  le  feu.  —  L'eau  attaque  le 
feu,—  le  feu  le  bâton,  etc. 

7)  Après  vint  le  bœuf,— pour  boire  l'eau. — Le  bœuf  attaque  l'eau, 
— l'eau  le  feu,  etc. 

8)  Après  vinrent  les  liens,  —  qui  voulaient  lier  le  bœuf.  —  Les 
liens  attaquent  le  bœuf,  — le  bœuf  l'eau, — l'eau  le  feu, —  le  feu  le 
bâton,  — le  bâton  le  cbien, —  le  chien  le  loup. —  le  loup  le  bouc,  — 
le  bouc  le  millet.  —  Le  bouc  attaque  le  millet.  —  Petit  bouc,  qui 
donnes  de  la  corne, —  tu  ne  mangeras  plus  de  mon  millet. 

V.de  M.  Clair  Gleizes,  recueillie  â  Azillanet  (Hérault). 

LVII.  —  LA    RABO 

1)  La  bielho  anabo  al  jardin  per  querre  uno  rabo.  —  Quan 
lou  biel  bejet  que  la  bielho  beniô  pas,  anèt  al  jardin  :  bejèt  la 
bielho  que  tirabo  uno  rabo, 

Lou  biel  tirabo  la  bielho, 
La  bielho  tirabo  la  rabo, 
E  la  rabo  toujours  teniô  ! 

2)  La  joube  anèt  al  jardin:  —bejèt  lou  biel  que  tirabo  la 
bielho. 

La  bielho  tirabo  la  rabo, 
E  la  rabo  toujours  teniô  ! 

3)  Lou  joube  anèt  al  jardin  :  —  bejèt  la  joube  que  tirabo 
lou  biel, 

Lou  biel  que  tirabo  la  bielho, 
La  bielho  que  tirabo  la  rabo, 
E  la  rabo  toujour  teniô  ! 


CHANTS   POPULAIRES    Ï)V    LÀ.NGUEDOC  ?59 

4)  La  sirbento  anèt  al  jardin:  —  bcjèt  lou  joube  quo  tirabo 
la  joube, 

La  joube  que  tirabo  lou  biel,  etc. 

5)  Lou  mestre  d'afaires  anèt  al  jardin  :  —  bejèt  la  sirbento 
que  tirabo  lou  joube, 

Lou  joube  que  tirabo  la  joube,  etc. 

6)  Lou  bouiè  anèt  al  jardin: — bejèt  lou  mestre  d'afaires  que 
tirabo  la  sirbento, 

La  sirbento  que  tirabo  lou  joube,  etc. 

7)  Lou  carretiè  anèt  al  jardin  :— bejèt  lou  bouiè  que  tirabo 
lou  mestre  d'afaires, 

Lou  mestre  d'afaires  que  tirabo  la  sirbento,  etc. 

8)  Lou  pastre  anèt  al  jardin  :  bejèt  lou  carretiè  que   tirabo 
lou  bouiè, 

Lou  bouiè  que  tirabo  lou  mestre  d'afaires,  etc. 

9)  Lou  moutouniè  anèt  al  jardin:  —  bejèt  lou  pastre  que 
tirabo  lou  carretiè, 

Lou  carretiè  que  tirabo  lou  bouiè,  etc. 

10)  L'agneliè  anèt  al  jardin:  — bejèt  lou  moutouniè  que  ti- 
rabo lou  pastre, 

Lou  pastre  que  tirabo  lou  carretiè,  etc. 

11)  La  pourquièiro  anèt  al  jardin:  —  bejèt   l'agneliè    que 
tirabo  lou  moutouniè, 

Lou  moutouniè  que  tirabo  lou  pastre,  etc. 

12)  Lou  cô  anèt  al  jardin  : —  bejèt  la  pourquièro  que  tirabo 
l'agneliè, 

L'agneliè  que  tirabo  lou  moutouniè,  etc. 

13)  Lou  cat  anèt  al  jardin  :  —  bejèt  lou  cô  que  tirabo  la 
pourquièro, 

La  pourquièro  que  tirabo  l'agneliè,  etc. 

14)     Lou  rat  anèt  al  jardin  : 

Bejèt  lou  cat  que  tirabo  lou  ce, 
Lou  cô  que  tirabo  la  pourquièro, 
La  pourquièiro  que  tirabo  l'agneliè, 
L'agneliè  que  tirabo  lou  moutouniè, 


260  DIALECTES     MODERNES 

Lou  moutouniè  que  tirabo  lou  pastre, 

Lou  pastre  que  tirabo  lou  carretiè, 

Lou  carretiè  que  tirabo  lou  bouiè, 

Lou  bouiè  que  tirabo  lou  mestre  d'afaires, 

Lou  mestre  d'afaires  que  tirabo  la  sirbento, 

La  sirbento  que  tirabo  lou  joube, 

Lou  joube  que  tirabo  la  joube, 

La  joube  que  tirabo  lou  bièl, 

Lou  bièl  que  tirabo  la  bièlho, 

La  bièlho  que  tirabo  la  rabo, 

E  la  rabo  que  toujours  teniô  ! 

15)  Lou  poussèl  anèt  al  jardin  :—  bejèt  que  la  rabo  toujour 
teniô  : —  d'un  cop  de  mourre  la  soulebet.—  Se  l'abiô  pas  sou- 
lebado,  —  la  rabo  tendriô  encaro  ! 


La  Rave. —  i)La  vieille  allait  au  jardin  pour  arracher  une  rave. 

—  Quand  le  vieux  vit  que  la  vieille  ne  venait  pas,  il  alla  au  jardin  : 

—  il  vit  la  vieille  qui  tirait  une  rave.  —  Le  vieux  tirait  la  vieille,  — 
la  vieille  tirait  la  rave,  — et  ia  rave  toujours  tenait. 

2)  La  belle-fiile  alla  au  jardin  :  elle  vit  le  vieux  qui  tirait  la  vieille 

—  la  vieille  qui  tirait  la  rave.  —  et  la  rave  qui  toujours  tenait 

3)  Le  fils  alla  au  jardin  :  il  vit  la  belle-fille  qui  tirait  le  vieux, — 
le  vieux  qui  tirait  la  vieille, —  la  vieille  qui  tirait  la  rave,  —  et  la 
rave  toujours  tenait. 

4)  La  servante  alla  au  jardin  :  celle-ci  vit  le  Gis  qui  tirait  la  belle- 
fille, —  la  belle-fille  qui  tirait  le  vieux,  etc. 

5)  L'homme  d'affaires. .  . 

6)  Le  bouvier. .  . 

7)  Le  charretier. . . 

8)  Le  pâtre. . . 

9)  Le  berger  des  moutons     . 

10)  Le  berger  des  agneaux. . . 

1 1)  La  porcheronne. . . 

12)  Le  chien  .  .  . 

13)  Le  chai..  . 

14)  Le  rat  alla  au  jardin:  —  il  vit  le  chu  qui  tirait  le  chien, —  le 
chien  qui  tirait  la  porcheronne,  —  la  porcheronne  qui  tirait  le  ber- 
ger des  agneaux, —  le  berger  des  agneaux  qui  tirait  le  berger   des 


CHANTS    POPULAIRES    DU    LANGUEDOC  2ôl 

moutons,  -  le  berger  des  moutons,  le  pâtre;  —  le  pâtre,  le  char- 
retier;—le  charretier,  le  bouvier;  —le  bouvier,  L'homme  d'affaires: 

—  l'homme  d'affaires, la  servante;  — la  servante,  le  fils;— le  fils,  la 
belle-fille;  —la  belle-fille,  le  vieux;  —le  vieux,  la  vieille;  —la  vieille 
la  rave,  —  qui  toujours  tenait. 

15)  Le  pourceau  alla  au  jardin,  il  vit  que  la  rave  toujours  tenait  -. 

—  d'un  coup  de  groin  il  la  souleva. —  S'il  ne  l'avait  pas  soulevée,— 
elle  tiendrait  encore. 

Version  de  Sl-Sernin  (Aveyron),  communiquée  par  ie  F.  Pli.  Miquel. 


LVI1. 


rtCttt^J 


*<S- 


« 


S 


ITTT 


r?j— g^-fc 


t~f  Lg 


4— 


±IZ1 


-xr 


■Y- 


f 1 

.ZZZ3 


J'ai    fait    u  -  ne      maîtres  -  se,  Trois  jours,  n'y  a  pas  long- 


i 


un 


-dP- 


-i&~ 


-ç. 


-jt 


t^ 


& 


£ 


Y 


temps.         J'i  -  rai    la    voir    diman  -  che,        sans    plus    tar- 


m 


=!— Kt-t 
-t 


si 


■j&-  &  —*&  ?*  <& — <$•  jf 


*  /j  j     y  '    \>\\ 


12- 


der.      J'i  -  rai     revoir    la       bel    -    le,      Par     a     -    mi-tié. 


1)     J'ai  fait  une  maîtresse, 
Trois  jours,  n'y  a  pas  longtemps 
J'irai  la  voir  dimanche, 

Sans  plus  tarder. 

J'irai   revoir  la  belle, 

Par  amitié  ' . 


1  bis 

s.  ) 

-.  bis 

\ 


1  Ce  début  est  commun  à  beaucoup  de  chants  populaires.  Cf.  Bnjeaurl, 
Ch.  pop-  de  l'Ouest.  I,  277,  290;  —  de  Puymaigre,  Ch.  du  pays  messin, 
p.  20,  369-,  —  Champfleury,  Ch.  pop.  des  prov.  de  Fr.,  p.  58.  00,  etc. 

Dans  son  recueil  des  Chansons  populaires  des  provinces  de  France, 
p.  90,  M.  Champfleury  donne  une  version  plus  compl-Mc,  recueillie  dans 
le  Bourbonnais. 


*<J 


262  DIALECTES    MODERNES 

2)  Si  tu  me  viens  voir  dimanche, 

Sans  plus  tarder, 
Je  me  mettrai  rosette 

Sur  un  rosier, 
Et  tu  n'auras  de  moi 
Aucun  agrément. 

3)  Si  tu  te  mets  rosette 

Sur  un  rosier, 
Je  me  mettrai  fleuriste, 

Fleuriste  jardinier: 
Je  cueillerai  la  rose, 
Par  amitié . 

4)  Si  tu  te  mets  fleuriste, 

Fleuriste  jardinier, 
Je  me  mettrai  bichette, 

Courant  dans  les  champs, 
Et  tu  n'auras  de  moi 

Aucun  agrément. 

5)  Si  tu  te  mets  bicbette, 
Courant  par  les  cbamps, 
Je  me  mettrai  cbasseur, 

Pour  te  chasser 
Je  chasserai  la  biche, 
Par  amitié. 
0)     Si  tu  te  mets  chasseur, 
Pour  me  chasser, 
Je  me  mettrai  étoile 

Du  firmament, 
Et  tu  n'auras  de  moi 
Aucun  agrément. 

7)     Si  tu  te  mets  étoile 

Du  firmament, 
Je  me  mettrai  nuage, 

Nuage  blanc: 
Je  couvrirai  l'étoile 

Du  firmament. 

Si  tu  te  mets  nuage, 
Nuage  blanc, 


CHANTS  POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  263 

Je  ferai  la  malade 

Dans  un  lit  blanc, 
Et  tu  n'auras  de  moi 

Aucun  agrément. 


\-< 


9)     Si  tu  te  fais  malade 
Dans  un  lit  blanc, 
Je  me  mettrai   docteur 

Pour  te  docter: 
Je  docterai  la  belle, 
Par  amitié. 

10)  Si  tu  te  mets  docteur 

Pour  me  docter, 
Je  ferai  bien  la  morte 

Pour  un  moment, 
Et  tu  n'auras  de  moi 

Aucun  agrément. 

11)  Si  tu  fais  bien  la  morte 

Pour  un  moment, 
Je  me  mettrai  saint  Pierre 

Du  paradis, 
Et  j'ouvrirai  la  porte 

A  ma  bonne  amie. 


V.  Communiquée  par  M.  Rouis:   recueillie  et  notée  par  lui,  à  Lodève, 
(Hérault). 


LIX.  —  janetoun,  m'amiga 

Adiu,  Janetoun  m'amiga,  |  mas  pus  cheras  amours, 
Béni  entendre  una  cansouneta  |  que  n'es  fâcha  per  bous. 

Se  iéu  l'entende  dire  j  ou  l'entende  canti'i, 
Dcdins  la  ribieireta,  |  iéu,  m'anarai  gità. 

Se  dins  la  ribieireta  |  bous,  bous  anàsgita,     • 
Iéu  me  mettrai  pescaire,  |  en  pesquen  bous  aurai. 


264  DIALECTES  MODERNES 

Se  bous  mettes  pescaire,  |  qu'en  pesquen  bous  m'ages, 
Iéu  me  mettrai  erbeta  |  dins  lou  pradet  tant  grand. 

Se  bous  mettes  erbeta  [  clins  lou  pradet  tant  grand, 
léu  me  mettrai  dalhaire,  |  en  dalhen  bous  aurai. 

Se  bous  mettes  dalhaire,  |  qu'en  dalhen  bous  m'ages, 
Iéu,  me  mettrai  sureta  |  dins  lou  couvent  tant  grand. 

Se  bous  mettes  sureta  |  dins  lou  couvent  tant  grand, 
Iéu,  me  mettrai  frereta,  |  en  counfessen  bous  aurai. 

Se  bous  mettes  frereta,  |  qu'en  counfessen  m'ages, 

Iéu  me  mettrai  esteleta  |  dins  lou  ciel  qu'es  tant  grand. 

Se  bous  mettes  esteletta  |  dins  lou  ciel  qu'es  tant  grand, 
Iéu  me  mettrai  nibetta,  |  en  niben  bous  aurai . 

Version  du  docteur  Camille  Cavani,  recueillie  à  Montferrier  'Hérault) 


LX,   —  CATARINO 


-ss 


TBL 


2_Z 


fjiïîrrrWtm 


— V— ••, 


Ca  -  ta-ri  -no  m'ai  -  mi  -  o,     re-       belho-te,  siuplèt; 


m 


*=H* 


â 


^ 


^ 


pc 


r*~*- 


JZ: 


^ 


Regardo   à     ta    fi    -    nes-tro      Lou  mai  e    lou    bou  -  quel. 

1)  Catarino,  m'aimio,  — rebelbo-te   siuplèt; 
Regardo  à  ta  finestro—  lou  mai  et  lou  bouquet. 

2)  Regardo  à  ta  finestro —  las  guirlandos  de  flous, 
Per  célébra  ta  festo, —  que  planto  l'amourous. 

3)  Per  célébra  ta  festo, —  mas  prumièros  amours, 
Te  jougarei  d'aubados, —  d'aubados  de  tambours. 

I    MYnchaute  pla  d'aubados,  —  n'es  pas  <;o  que  me  cal 
Ço  que  sustout  me  presso,  —  es  de  me  maridà. 


CHANTS    POPULAIRES  DU  LANGUEDOC  265 

5)  Ço  que  sustout  me  presso—  es  de  me  maridà, 
Car,  s'aco  duro  gaire, —  iéu  m'anirei  negà. 

6)  S'aco  te  duro  gaire,  —  que  te  borgues  negà, 
Iéu  me  farei  nadaire —  et  t'anirei  pescà. 

7)  Se  tu  te  fas  nadaire  —  per  me  veni  pescà, 
Iéu  me  farei  andialo,  —  te  glissarei  en  ma. 

8)  Se  tu  te  fas  andialo  —  per  me  glissa  à  la  ma, 
Me  farei  la  floureto  —que  brilho  dins  lou  prat. 

9]  Se  tu  te  fas  floureto  —  que  brilho  dins  lou  prat, 
Me  farei  margarideto  —  per  estre  àtoun  coustat. 

10)  Se  te  fas  margarideto  —  per  estre  à  moun  coustat, 
Iéu  me  farei  rousèlo —  que  mirgalho  lou  prat. 

1 1  )  Se  tu  te  fas  rousèlo —  per  mirgalhà  lou  prat, 
Iéu  me  farei  segaire, — te  prendrai  am'el  blat. 

12)  Se  tu  te  fas  segaire, —  per  me  prene  anfel  blat. 
Iéu  me  farei  la  bicho —  que  sauto  su'l  serrât. 

13    Se  tu  te  fas  la  bicho—  que  sauto  su'l  serrât, 
Iéu  me  farei  cassaire, — faurei  am'un  fialat. 

1 1)  Se  tu  te  fas  cassaire  —  per  me  prene  au  fialat, 
Iéu  me  farei  la  luno—  que  brilho  al  cèl  ta  grand. 

15)  Se  tu  te  fas  la  luno —  que  brilho  al  cèl  ta  grand. 
Iéu  me  farei  nuage, — t'anirei  al  dabant. 

10)  Se  tu  te  fas  nuage  —  per  m'anà  al  dabant, 

Iéu  me  farei  Festèlo —  que  brilho  al  cèl  ta  grand. 

17)  Se  tu  te  fas  Festèlo —  que  brilho  al  cèl  ta  grand, 
Iéu  me  farei  Taubeto, —  t'aurei  en  me  lebant. 

18)  Se  tu  te  fas  Taubeto  —  per  m'abe'n  te  lebant, 
Iéu  me  farei  moungeto  —  dins  un  coubant. 

19)  Se  tu  te  fas  moungeto  — dins  un  coubant, 

Iéu  me  farei  lou  prestre, —  t'aurei  en  counfessan. 

20)  Se  tu  te  fas  lou  prestre, —  per  m'abe'n  counfessan, 
Iéu  farei  de  lamorto, —  las  surs  me  plouraran. 

21)  Se  tu  fas  de  la  morto,  —  las  surs  te  plouraran: 
Me  farei  terro  santo, —  de  iéu  te  coubriran. 


206  DIALKCTES    MODERMES 

22)  Se  te  fas  terro  santo,  — de  que  me  coubriran, 

Tant  bol  dounc  que  tu  m'ages, —  coum'un  autre  galant. 

23)  Tant  bol  dounc  que  tu  m'ages  —  coum'un  autre  galant, 
Béni  dounc  que  t'embrasse, — sarro-me  tendrement. 


Catherine.  — 1)  Catherine,  ma  mie,  réveille-toi,  s'il   vous  plait  ; 
— regarde  à  ta  fenêtre — le  mai  et  le  bouquet. 

2)  Regarde  à  ta  fenêtre— les  guirlandes  de  fleurs, — pour  célébrer 
ta  fête,  —  que  plante  l'amoureux. 

3)  Pour  célébrer  ta  fête, — mes  premières  amours, —  je  te  jouerai 
des  aubades, — des  aubades  de  tambours. 

4)  Je  me  soucie  peu  d'aubades,  —  ce  n'est  pas  ce  qu'il  me  faut: 
—  ce  qui  surtout  me  presse,  —c'est de  me  marier. 

5)  Ce  qui  surtout  me  presse, —  c'est  de  me  marier; — car,  si  ceci 
dure  un  peu,— je  m'en  irai  noyer. 

6)  Si  ceci  dure  un  peu, —  que  tu  ailles  te  noyer, —  je  me  ferai  na- 
geur —  pour  te  pêcher. 

7)  Si  tu  te  fais  nageur —  pour  me  pêcher, — je  me  ferai  anguille, 
;e  te  glisserai  dans  les  mains. 

8)  Si  tu  te  fais  anguille  — pour  me  glisser  dans  les  mains,  —  je 
m    ferai  la  fleurette —  qui  brille  dans  le  pré. 

9)  Si  tu  te  fais  la  fleurette — qui  brille  dans  le  pré, —  je  me  ferai 
la  marguerite  —  pour  être  à  ton  côté. 

10)  Si  tu  te  fais  la  marguerite —  pour  être  à  mon  côté,  —  je  me 
ferai  le  coquelicot —  qui  diapré  les  blés. 

11)  Si  tu  te  fais  coquelicot  —  qui  diapré  les  blés.  — je  me  ferai 
moissonneur, — je  te  prendrai  avec  le  blé. 

12)  Si  tu  te  fais  moissonneur  —  pour  me  prendre  avec  le  blé,  — 
je  me  ferai  la  biche—  qui  saute  par  la  montagne. 

13)  Si  tu  te  fais  la  biche  —  qui  saute  par  la  montagne,  —  je  me 
ferai  le  cbasseur,—  je  t'aurai  au  filet. 

14)  Si  tu  te  fais  chasseur,  — pour  m'avoir  au  tilet,  —  je  me  ferai 
la  lune — qui  brille  au  ciel  si  grand 

15)  Si  tu  te  fais  la  lune  — qui  brille  au   ciel  si  grand,  — je  me 
me  ferai  nuage, —  je  m'en  irai  au-devant  de  toi 

16)  Si  tu  te  fais  nuage  —  pour  venir   au-devant  de  moi,  — je  me 
ferai  l'étoile  —  qui  brille  au  ciel  si  grand. 

17)  Si  tu  te  fais  l'étoile — qui  brille  au  ciel  si  grand, —  je  me  ferai 
l'aube,  -je  t'aurai  en  me  levant. 


CHANTS  POPULAIRES  DU   LANGUEDOC  267 

18)  Si  tu  te  fais  l'aube  —  pour  m'avoir  en  te  levant, —  je  me  ferai 
nonne — dans  un  couvent. 

19)  Si  tu  te  fais  nonne— dans  un  couvent, —  je  me  ferai  le  prêtre 
— je  t'aurai  en  confessant. 

20)  Si  tu  te  fais  le  prêtre  — pour  m'avoir  en  confessant,  —  je 
ferai  la  morte,—  les  sœurs  me  pleureront. 

21)  Si  tu  fais  la  morte  —  que  les  sœurs  pleureront,  — je  me 
ferai  terre  sainte, —  de  moi  on  te  couvrira. 

22)  Si  tu  te  fais  terre  sainte  —  qui  me  couvrirait,  —  il  vaut 
mieux  que  tu  me  possèdes  —  qu'un  autre  galant. 

23)  Il  vaut  mieux  que  tu  me  possèdes  —  qu'un  autre  galant  : 
—  viens  donc  que  je  t'embrasse,  —  serre-moi  tendrement. 

Version  du  Narbonnais,  communiquée  par  M.  le  docteur  Guibaud. 

Dans  une  seconde  version,  envoyée  parle  même  et  venant  de  la  même 
contrée,  nous  trouvons,  indépendamment  de  quelques  variantes  de  mots 
plusieurs  couplets  non  indiqués  ci-dessus. 

Au  couplet  14e,  la  jeune  fille  répond: 

14  bis.  léu  me  farei  la  roso  —  del  jardi  de  papa. 

Puis  le  dialogue  continue  : 

14)  Se  tu  te  fas  la  roso — del  jardin  de  papa, 

léu  me  farei  l'aigueto — per  te  plà  arrousà. 
14)  Se  tu  te  fas  l'aigueto— per  me  plà  arrousà, 

léu  me  farei  l'abelho —  per  te  poude  baisa. 
14)  Se  tu  te  fas  l'abelho— per  me  poude  baisà, 

léu  me  farei  la  luno— que  brilbo  al  cel  ta  grand. 
Le  reste  comme  ci-dessus. 

[A  suivre)  A.  Montel  et  L.  Lambert. 


r-,  'B^-flfr -^.'■V- 


>IAXE 


3ô8  blATECTKS     MODERNES 


UNE   CHANSON  LATINE 


Les  idées  latines,  qui,  en  Catalogne  d'abord,  dans  le  Lan- 
guedoc et  la  Provence  ensuite,  se  sont  affirmées  et  s'affirment 
tous  les  jours  davantage,  n'ont  pas  eu,  depuis  tout  à  l'heure 
quinze  ans,  de  défenseur  plus  autorisé,  plus  passionnément 
convaincu,  que  M.  de  Quintanay  Combis.  Poëte  catalan,  deux 
fois  député  aux  Cortès,  délégué  à  l'Exposition  universelle  de 
Vienne  en  1873,  délégué  encore  à  l'Exposition  qui  s'ouvrira 
à  Paris  le  1er  mai  prochain,  M.  de  Quintana  a  partout  affirmé 
la  grande  pensée  de  fraternité  romane  qui,  dès  1843,  trouvait 
à  Montpellier,  dans  le  docteur  Lallemând,  un  théoricien  sys- 
tématique et  déclaré.  On  la  voyait  poindre  en  lui,  à  Saint- 
Rémy,  au  mois  de  septembre  1808,  lors  de  la  fête  qui,  pour 
la  première  fois  depuis  cinq  siècles,  réunissait  ensemble  les 
poètes  catalans  et  les  poètes  provençaux.  Le  lendemain  de 
la  fête,  au-dessous  des  Antiques  !  de  Saint-Rémy,  en  pré- 
sence d'un  auditoire  de  quatre  ou  cinq  mille  âmes,  écou- 
tant religieusement,  en  plein  soleil,  les  chants  de  ses  félibres, 
elle  courait,  pour  ainsi  dire  latente,  sous  les  vers  de  son 
admirable  sonnet  à  l'union  de  la  Catalogne  et  de  la  Pro- 
vence. Cette  pensée  s'accusait  plus  nettement  à  Avignon  en 
1874,  au  moment  où  l'on  célébrait  le  sixième  centenaire  de  la 
mort  de  Pétrarque.  Après  que  M.  Conti  eut  rappelé,  au  nom 
de  l'Italie,  qu'il  fut  un  temps  où  l'on  voyait,  sans  envie  aucune, 
les  grandeurs  de  la  chrétienté  mises  en  commun,  les  docteurs 
de  la  Sorbonne  occuper  des  chaires  à  Pise,  à  Naples  et  à  Bo- 
logne, les  lettrés  italiens  visiter  la  Provence  et  s'y  fixer,  M.  de 
Quintana  prenait  la  parole  et,  faisant  appel  à  l'union  des  peu- 
ples qui  bordent  la  Méditerranée,  s'écriait  que,  si  jamais  les 
vents  froids  du  Nord  revenaient  glacer  le  foyer  d'une  nation 
latine  ou   dessécher  l'herbe  qui  croît  sur  les  tombes  de  ses 


1  C'est  ainsi  (ju'oa  nomme  on  Provence  les  ruines  de  deux  monuments 
romains  situes  au  pied  des  Alpines. 


UNE    CHANSON    LATINE  269 

aïeux,  ils  reculeraient  effrayés  devant  l'éclat  de  la  race  réu- 


nie 4 . 


La  même  préoccupation  lui  suggérait,  eu  1<S75,  le  don  d'une 
coupe  en  argent  à  décerner  au  meilleur  Chant  du  Latin,  écrit 
soit  en  français,  soit  en  italien,  soit  en  roumain,  en  portugais, 
en  espagnol  ou  en  catalan. 

Elle  devait  lui  inspirer  enfin,  quelques  mois  après,  la  Cançô 
llatina  qui  suit,  et  que  la  Revue  des  langues  romanes  a  l'heu- 
reuse fortune  de  publier  aujourd'hui.  Cette  pièce  fut  lue  à  Avi- 
gnon le  21  mai  1876,  lors  de  la  première  assemblée  générale  du 
Félibrige.  Au  mois  d'août  de  la  même  année,  elle  le  fut  à  Va- 
lence (Espagne),  pendant  les  fêtes  du  Centenaire  deJacmele 
Conquérant,  alors  que,  sur  la  proposition  de  M.  de  Quintana 
lui-même,  les  poètes  catalans,  espagnols  et  languedociens, 
protestaient  contre  les  massacres  de  Bulgarie  par  une  adresse 
collective  aux  Serbes  et  aux  Roumains  de  la  Roumanie  et  de 
la  Macédoine. 

Le  titre  de  cette  pièce  montre  que  M.  de  Quintana  n'a  pas 
eu  l'idée  de  composer  une  Cançô  del  Llati  proprement  dite  ; 
mais  si,  pour  emprunter  les  termes  du  programme  du  concours 
de  la  Société  en  1878,  il  faut  considérer  le  thème  proposé  par 
l'auteur  du  Dies  irai  de  Montgri  comme  une  sorte  de  chant  de 
race,  pouvant,  au  moyen  de  traductions  sur  le  même  rhythme, 
devenir  commun  à  tous  les  peuples  qui  parlent  un  idiome 
dérivé  de  l'ancienne  langue  de  Rome,  il  est  permis  d'affirmer 
que  la  Cançù  llatina  est  digne  de  ce  titre,  aussi  bien  par  l'élé- 
vation de  la  poésie  que  par  la  manière  concise  et  magistrale 
avec  laquelle  les  idées  qui  en  forment  le  fonds  ont  été  déve- 
loppées. 

Alph.  Roque-Ferrier. 

1  Nous  avons  déjà  parlé  de  ce  discours  dans  une  étude  sur  Vider  latine 
lieniie.  février-avril  1876). 


CANCO   LLATINA 


Alçom,  alçcm  la  cântiga  —  de  Fenvejada  raça  ! 

Que  la  canço  llatina  —  rodoli  per  l'espay. 

Arreu  sonarâ  armônica,  —  oh  !  fills  de  rnare  santa  ! .  . .  . 
caliu  de  flama  antiga  —  dels  cors  serva  la  llar. 

Venim  d'aquellas  âligas,  —  las  âligas  romanas, 
que  j'aire  no  ténia  —  lo  mon  pel'  sèu  volar  ; 

la  pois  de  las  centûrias  —  remembra  nostra  planta, 
petjant  la  terra  altiva  —  d'un  cap  à  l'altre  cap. 

Naturalesa  espléndida  —  ns'  breça  l'arca  santa, 
d'onadas  d'armonia  —  umplim  nostre  cel  blau. 

Del  mon  som  cor  y  anima  ! —  Si'l  cor  minva  y  s'acaba, 

per  mala  sort,  la  vida,  —  l'anima  es  immortal  ! 

Si  crema  '1  sol  de  pâtria  —  la  bârbara  petjada, 
com  diu  la  Gesta  antiga,  —  la  raça  s'alçarâ  ; 

CHANSON  LATINE 

Arborons  l'hymne  de  la  race  à  qui  l'on  porte  envie!  —  Que  le 
chant  latin  roule  clans  l'espace  ! 

Partout  il  résonnera  harmonieux,  oh!  fils  d'une  mère  sainte!  — 
le  foyer  de  nos  cœurs  garde  la  braise  de  l'antique  flamme. 

Nous  sommes  de  la  race  de  ces  aigles,  les  aigles  romaines, — 
pour  le   vol  desquelles  le  monde   n'avait  pas  assez  d'espace; 

La  poussière  des.  siècles  se  souvient  du  poids  de  nos  pieds, — 
foulant  avec  orgueil  la  terre  d'un  bout  à  l'autre  bout. 

La  nature  splendide  nous  berce  dans  l'arche  sainte  ;  —  de  flots 
d'harmonie   nous  remplissons  la  voûte  de  notre  ciel   bleu. 

Du  monde  nous  sommes  le  cœur  et  l'âme  ! —  Si  le  cœur  faiblit  et 
si  la  vie,  par  malheur,  s'achève,  l'âme  est  immortelle  ! 

Si  le  pied  du  barbare  bride  le  sol  de  la  patrie,  —  comme  dit  l'an- 
tique Geste,  la  race  se  lèvera, 


CA.\ÇO    LLATINA  271 

y  entre  huracans  de  râbia  —  la  terra  enarbolada, 
la  fam  dels  corps,  d'Atila  —  las  oarns  apagaran. 

Vensuts  !...  un  jorn  lasàligas  —  caigueren  abrassadas 
à  la  potent  calciga  —  quel  Nort  nos  vomità  ; 

alçaren  mes  herôicas  —  y,  al  crit  de  la  venjança, 
posaren  llavô  antiga  —  del  bârbaro  en  lo  cap . 

La  llum  de  la  conciéncia  —  dins  ranima  li  inflaman  ; 

del  art  la  estrella  amiga  —  li  posan  al  devant  ; 

lamajestat  armônica  —  del  dret  arreu  li  cncarnan, 
y  dins  del  cor  li  nia  —  la  santa  llibertat. 

La  creu  du  la  victôria!...    -  Per  nostre  sanch  regada, 
de  Cristo  la  doctrina  —  dels  homes  feu  germans  ; 

del  geni  à  la  llum  mâgica  —  nous  pobles  s'aixecaban, 
la  Uey  donaba  vida  —  â  un  mon  de  ciutadans. 

May  âlas  vellas  âligas  —  desniaran  las  d'ara, 
a  la  bullenta  tina  —  jamay  s'hi  abeuraran  : 


Et,  au  milieu  d'ouragans  de  rage  dévastant  la  terre,—  les  chairs 
d'Attila  apaiseront  la   faim  des  corbeaux. 

Vaincues  !...  un  jour  les  aigles  tombèrent,  embrassant —  le  fléau 
terrible  que  le  Nord  avait  vomi  sur  nous  ; 

Elles  se  relevèrent  plus  héroïques,  et,  au  cri  de  la  vengeance, — 
elles  jetèrent  l'antique  semence  dans  la  tète  du  barbare. 

Elles  allumèrent  dans  son  âme  le  flambeau  delà  conscience;  — 
mirent  devant  lui,  de  l'art,  l'étoile  amie; 

Firent  pénétrer  dans  sa  chair  la  majesté  harmonieuse  du  droit, — 
et  éveillèrent  la  sainte  liberté  dans  son  cœur. 

La  croix  donne  la  victoire  :  arrosée  de  notre  sang,  — la  doctrine 
du  Christ  des  hommes  fail  dos  frères  ; 

A  la  lumière  magique  du  génie,  dft  nouveaux  peuples  surgissent, 
—  la  loi  donnait  la  vie  à  un  monde  de  citoyens. 

Jamais  les  aigles  d'aujourd'hui  ne  chasseront  de  leur  nid  les 
vieilles  aigles; —  aux  cuves  bouillantes  du  vin  elles  ne  s'abreuve- 
ront jamais  ; 


872  DIALECTES     MODERNES 

la  fret  de  boiras  pâlidas  — ia  llum  del  sol  no  glassa, 
la  raca  encara  nia  —  adins  del  vell  casai. 

Desperta,  alenta,  oh  pâtria,  —  en  la  grandor  passada  !  .. 
ijue  la  cançô  Uatina  —  rodoli  pels'  espays. 

Del  mon  som  cor  y  anima!...  —  Si  '1  cor  minva  y  s'aeaba, 
per  mala  sort,  la  vida,  —  ranima  es  immortal  ! 

A.    DE  QUINTANA  Y  CoMBIS. 

Avinyu,  21  maig  1876,  diada  de  santa  Estrella. 

Le  froid  des  pâles  brouillards  ne  glace  pas  la  lumière  du  soleil... — 
La  race  niche  encore  sous  son  vieux  toit. 

Réveille-toi,  prends  courage,  ô  patrie!  au  souvenir  de  ta  gran- 
deur passée  !  —  Que  la  chanson  la  Une  vole  dans  l'espace. 

Du  monde  nous  sommes  le  cœur  et  Pâme  ! —  Si  le  cœur  faiblit  et 
si  la  vie,  par  malheur,  s'achève,  l'âme  est  immortelle  ! 

A.  DE  QuiNTAMA  Y  CoMBIS  . 

Avignon,  21  mai  1876,  jour  de  Sainte  Estelle. 


LA  V1LO  D'AIGO-MORTO 

REFOULÈRl 


D'Aigo-morto 
Lis  aigo  soulitàri  soun  morto  !.  .  . 

Eici  la  luno,  eila  l'oumbrun 

(Tesvalisses,  sant  alcaèrun  ?) 
A  l'entour  de  l'antico  Aigo-morto, 

LA  VILLE  D'AIGUËS -MORTES 
fantaisie; 

I 

D'Aiguesmortes,—  les  eaux  solitaires  sont  mortes!...  —  Ici  la 
lune,  là  l'ombre —  [Est-a  qut  tu  t'évanouis,  saint  crépuscule?)  —  A 
l'entour   de   l'antique   Aiguesmortes ,   —   de  ses   nierions  dorés, 


LA.    VILO    D  AlGO-MOfcTO  ->;3 

De  si  merlet  aurin,  de  si  porto, 

MTespacege  dins  li  palun  : 
De  lénis  alenado  alenavon; 
Ti  ventoulet,  Venus,  boufavon 

Douçamen  di  vàsti  palun. 

Si  muraio, 
Que  se  trufon   de  tôuti  li  daio, 

Quatre,  carradoi  quatre  vent 

(0  poumpous  espargne  dôu  Tèms  !) 
Sèmpre  soun  de  valènti  muraio, 
Se  véuso  de  ribambello  gaio  ; 

E  si  porto,  qu'au  vai-e-vèn, 
S'espandissien,  di  rougi  Crousado, 
Badaion  au-jour-duei  is  arrnado 

Di  pouëtiqui  pensamen  ! 

Sus  la  lono, 
Coume  dins  un  mirau  bello  dono, 

La  luno  escampo  si  dardai 

{S'envola  la  beuta  jeûnai  !  . 
E  sounjarello,  argentino,  bono, 
Sourris  d'amount  coume  la  Madono  ! 

Forto,  pièi  forto  mai-que-mai, 
Boumbounejon  dedins  mis  auribo, 


de  ses  portes,  —  je  me  promène  dans  les  marais;  —  de  suaves- 
petites  brises  s'élevaient;  —  tes  zéphyrs,  ô  Vénus,  soufflaient 
doucement  des  vastes  marais. 

Ses  murailles, —  qui  se  moquent  de  toutes  les  faulx  (o  pom- 
peuse  indulgence  du  Temps!),  —  quatre,  carrées  aux  quatre  vent-. 
—  sont  toujours  des  murailles  vaillantes  ,  —  bien  que  veuves  de 
foules  joyeuses,  — et  ses  portes  qui,  au  va-et-vient  —  des  routes 
croisades  se  déployaient,  —  s'ouvrent  béantes  aujourd'hui  aux  ar- 
mées—  des  pensers  poétiques. 

Sur  la  lagune,  —  comme  dans  un  miroir  une  belle  dame  — (la 
beauté  ne  s 'envole  jamais  l),  —  la  lune  jette  ses  flèches,  — et,  son- 
geuse, argentée,  bonne.  —  elle  sourit   d'en  haut  comme   la  Ma- 


274  DIALECTES    MODEREES 

Ti  meravihôusi  sinfounio, 
Toun  vaste  councert,  niue  de  Mai  ! 

Di  machoto, 
Restountis  (noun  l'entendes  ?)  la  noto, 

E  di  rano  l'arnourous  cor 

(Me  plais  aguéu  bel  estrambord  !), 
Qu'en  palun,  liuen  d'èstre  paloto, 
Enauron  is  estello  si  noto, 

Car  l'Amour  lis  a  mes  d'acord, 
Fasènt  di  granouio  de  cantaire, 
E  même  dôu  grouiin  de  troubaire 

Que  largon  la  gau  de  si  cor. 

De  cantaire? 
Aquésti  soun  bessai  de  troubaire 

Arriba  d'amount  o  d'avau 

(De  fe*  lou  fantasti  menchau  !). 
De  segur  d'armeto  de  troubaire 
Soun  aquésti  que  ramplisson  l'aire 

D'uno  talo  aurasso  de  gau; 
Fasènt  clanti,  boumbissènt,  arrage, 
Sus  la  vilo  dôu  fier  Mejan  Age, 

Sis  ancian  refrin  majourau  ! 


done  ! — Dans  mes  oreilles  tintent —  tes  symphonies  merveilleuses, 
—  ton  vaste  concert,  nuit  de  Mai  ! 

Des  chouettes — résonne  (ne  l'entends-tu  pas?)  la  note,  — ainsi 
que  le  chœur  amoureux  des  grenouilles —  (cette  belle  extase  me  ré- 
jouit!),—  qui,  dans  les  marais,  loin  d'être  oisives, —  élèvent  leurs 
notes  aux  étoiles,  —  car  l'Amour  les  a  mises  en  accord, —  faisant 
des  grenouilles  des  chanteurs, — et  même  de  la  gent  grouillante  des 
troubadours, —  qui  épanchent  la  joie  de  leur  cœur. 

Des  chanteurs?  —  celles-ci  sont  peut-être  des  troubadours, — 
arrives  d'en  liani  ou  d'en  lias  —  (parfois  le  fantastique  me  plaît). — 
Assurément,  îles  âmes  de  troubadour — sont  celles-ci  qui  rem- 
plissent l'air  —  d'une  telle  tempête  d'allégresse; — faisant  cliquetis, 
sonnant,  çà  et  la,  —  sur  la  ville  du  lier  Moyen  Age,  —  leurs  vieux 
refrains  de  maître. 


LA    VILO    d'aIGO-MORTO  275 

Renadivo, 
Aquesto  cantadisso  qu'abrivo, 

Es  ta  claro  voues,  Ventadour  ! 

{Inmenso  es  la  prèisso  d'Amour  !) 
0  Rimbaud  !  0  Coumtesso  mai  vivo  ! 
Es  ta  flamo  que  se  recalivo 

E  qu'esclato  coume  uno  fiour. . . 
T'entende  dounc  ?«  Evesque  di  Diable  !  » 
Qu'as  à  faire,  tu,  a  l'Abouminable  » 

Sant  sacamand  !  emé  l'Amour  ? 

Il 

Fin  qu'i  barri, 
Blanc  à  la  luno  coume  un  susàri, 

S'estalouiro  un  grès  verdau 

(  Lis  estello  trepon  adaut!) 
D'ounte,  grand  goutique  reliquàri  ! 
S'aubouro  l'auto  vilo  e  si  barri. . . 


Nouvellement  née,  —  cette  chanson  qui  s'élance  —  est  ta  voix 
limpide,  Ventadour!  —  {Immense  est  le  besoin  d'aimer!)  —0  Raini- 
baut1  !  ô  Comtesse2  revivifiée!  —  c'est  la  flamme  qui  s'allume  de 
nouveau  —  et  qui  éclate  comme  une  fleur. — Est-ce  que  je  t'entends 
encore  une  fois?  «  Évêque  des  Diables3  !  >;  —  Qu'as-tu  à  faire,  toi, 
«l'Abominable»  ,  —  saint  brigand!  avec  l'Amour? 

II 

Jusqu'aux  remparts,  —  blancs  à  la  lune  comme  un  suaire, — 
s'étale  nonchalamment  une  lande  verdàtre  —  (  les  étoiles  dansent  en 
haut!);  —  d'où,  grand  reliquaire  gothique, —  s'élèvent  la  noble  ville 
et  ses  remparts. . .  . —  En  vieux  manuscrit  ou  missel,  —  où  l'or  et 


*  Rambaud  d'Orange.  —  2  La  Comtesse  de  Dfe.  —  3  Folquet  de  Mar- 
seille. Voir  Puylaurens,  Chron.,  ch.  xxxvu,  A:  —  «  Erantque  in  exer- 
citu  dominus  arcbiepiscopus  Narbouee  et  episcopus  Tolosanus  quem 
quadam  die  transeuntem  cum  pluribus  circa  villam,  il  1  i  de  intus 
mantes  diabolum  episcopum  infideliter  vocitabant  ;  et  qui  cum  eo  erant  : 
Auditis,  inquiunt.  quod  vos  appellant  diabolorum  episcopum  ?  (Jtique, 
î^espon lit  ipse,  et  verum  dicunt  »,  etc. 


276  DIALKCTES    MODEKNLIS 

En  vièi  manuscri  vo  missau, 
Ounto  l'or  e  km  blasoun  esbriho, 
Se  desvèlon  de  tàli  tourriho, 

E  li  mémi  jauni  pourtau. 

Sus  lis  alo 
De  l'ardènto  Muso  prouvençalo 

Au  temps  roumantique  pourta 

(Lou  i  resenl  devèn  fou  passa  /), 

Vès  !  de  scètre,  de  tèsto  reialo  ! 

Vès  !  de  mitro,  de  raubo  pourpalo  ! 

Deman,  lou  sant  Rèi  vougara  ! 

Aigo-morto  es  un  trelus  devido,  — 
De  segnour,  de  princesso,  clafido, 

De  clerc,  d'estendard,  de  Crousa  ! 

«  An  !  arrasso  ! 
»  Vole  vèire  lou  sant  Rèi  que  passo  !  » 

«  Que  Rèi  ?  »  —  «  Louis  IX  !  »  —  «  Bedigas  ! 
(  La  flamo  es  esclavo  dôu  glas  ?) 
»  Louis  IX  es  toujour  à  sa  plaça, 
«  Enarquiha  au  mitan  de  la  plaça  !  » 
« —  Que  ?  hôu  !  un  vèire  d'ipoucras  !  » 
c<  —  Qu'es  acb  ?  —  Tel  de  bocf  de  champaguo  ! 

e  blason  brillent,  —  se  révèlent  de  telles  tourelles  et  les  mêmes 
portes  jaunes. 

Sur  les  ailes  — de  l'ardente  muse  provençale, —  au  temps  roman  - 
tique  porté  —  {le présent  devient  le  passé  !)  —  voyez  !•  des  sceptres, 
des  tètes  royales  !  — Voyez  !  des  mitres,  des  robes  de  pourpre  !... — 
Demain  le  saint  Roi  fera  voile  !  —  Aiguesmortes  est  un  éblouis- 
sement  île  vie,  —  débordant  de  seigneurs,  de  princesses,  —  do 
clercs,  de  bannières,  de  Croisés  I 
Allons  !  En  avant.  —  «  je  veux  voir  le  saint  Roi  qui  passe.  »  — 
»  Quel  Roi?  »  —  «  Louis  IX!  »  «  Innocent!  —  {la  flamme  est 
esclave  de  la  glace  !  )  —  «  Louis  IX  est  toujours  à  sa  place,  —  'perché 
là-bas  au  milieu  de  la  place  l  !  ...  »  —  «  Quoi?  holà  !  un  verre  d'hy- 
pocras!.. .  »  —  •>  Qu'est-ce  </ue  cela?  Tiens!  des  bock*!  du  Champagne! 

1  Une  statue  en  bronze   de  saint   Louis  se  voit   sur  la  grande    place 

d'Aiguesmorl  - 


la   vilo  d'aigo-morto  217 

»   De  castèu-nôu!  de  rancio  d'Espagnol  » 
—  «  Teisas-vous  :  vole  d'ipoucras  !  » 

Que  belôri  ! 
La  Crousado  erestiano,  qu'es  flori  !  — 

Fai  li  bano  i  fier  Sarrasin 

(  Lis  erso  fouguejon  d'à  Un  !) 

E  chourlo  l'avans-goust  di  vitôri  ! 

«  Digo,  quouro  partèn  pèr  la  glôri  ?  »  — 

— «A  dos  ouro  e  cinq  part  lou  trin! 
»  Li  Felibre  s'acampon  en  Arle  !  » 
«  Sarnibiéu  !  di  Felibre  noun  parle, 

»  Mai  di  mescresènt  Maugrabin  !  » 

MANDADIS 

A  E.  Roussel,  de  Nîmes 

Refoulèri  ! 
Vai-t'en  enié  toun  tarrabastèri 

A  moun  bon  Roussel  eilalin 

(  Vivo  longo-mai  Us  Arquinf), 
E,  lou  nas  en  Ter,  coume  un  arlèri, 
Digo  dounc  au  journaliste  lèri 

—  du  Chûteauneuf!  du  «  vin  rancio  »  d'Espagne!  —  «  Taisez-vous: 
je  veux  de  l'hypocras  !  » 

Quelles  splendeurs!  —  La  Croisade  chrétienne,  comme  elle  se 
réjouit  !  —  Elle  fait  les  cornes  aux  tiers  Sarrasins  —  {de  loin  les 
vagues  étincellent)  — et  hume  l'avant-goût  des  victoires  !. .  . —  «  Dis, 
quand  partons-nous  pour  la  gloire'.'  »  —  «  A  deux  heures  et  cinq  part 
le  train  !  — Les  Félibres  s'assemblent  à  Aides  !  »  —  «  Jarnibleu  !  je  ne 
parle  pas  des  Félibres,  mais  des  Maures  sans  croyance  !  » 

ENVOI 
A  E.  Roussel,  de  Nîmes 

•Fantaisie!  —  va-t'en  avec  ton  tapage  —  à  mon  bon  Roussel  au 
loin  — (Vivent  toujours  les  Arquins!),  —  vl,  le  nez  en  l'air,  comme  un 
éventé,  — dis  donc  au  brillant  journaliste  — que  tu  te  feras  cama- 

21 


21%  DIALECTES    MODEREES 

Que  faras  paréu  'mé  lou  Chili} 
Qu'ai  canta  (  pauro  bestiolo  morto  !  ) 
Quand  ma  gau  cigalelo  èro  t'orto, 
E  mi  mirau  toujour  en  trin. 

Gruihèn-G.  Bona parte- Wyse. 
Aigo-morto,  1876,  au  mes  de  mai. 
<  Provençal,  Avignon  et  'es  bords  du  Rhône  ). 

rade  du  Chien  —  que  j'ai  chanté  (  pauvre  pptite   bête  trépassée  !  ), 

—  quand  ma  joie  de  cigale  était  forte  —  et  mes  miroirs  toujours  en 

train. 

Guillaume-C.  Bonaparte- Wyse. 

Aiguesmortes,  1876,  mois  de  mai. 


ESPERANSA 

Dins  lo  jardi  hon  roses  jo  cullia 

S'en  entra  un  vell  mes  nègre  que'l  pecat; 

Ab  mans  de  fer  mon  tendre  bras  agafa 

Y  lluny  y  lluny  m'en  porta  arrossegant. 

Correns,  correns,  passant  ermots  y  selves, 
Forem  à  un  soc  de  punxes  y  roeam  ; 
Alli  lo  vell  cansat  â  terra  's  llansa 

Y  soptament  m'asseu  â  son  costat. 

ESPÉRANCE 


Dans  lé  jardin  où  je  cueillais  des  roses, —  il  entre  un  vieux  plus 
noir  que  le  péché;  —  avec  des  mains  de  fer  il  saisit  mon  tendre 
bras,  —  et  loin  et  [bien]  loin,  il  m'emporte,  me  traînant. 

Courant,  courant,  passant  par  des  lieux. incultes  et  des  forêts, 
—  nous  arrivâmes  à  une  fosse  [remplie]  d'épines  et  de  rochers. — 
Là,  le  vieillard  fatigué  se  jette  à  terre  —  et  brusquement  m'assied 
à  son  côté . 

1  Voir  Parpaioun  blu,  p.  93. 


ESPERA  NSA  2:9 

AI»  gran  esfors,  com  dures  estenalles, 
Ses  mans  de  fer  estrenyen  lo  meu  bras; 
Mes  fonda  son  sos  aspres  dits  afluixa, 
Y  jo  m'en  fuig,  al  bon  Jésus  clamant. 

Correns,  correns,  passant  ërmots  y  selves, 
Me  trop  a  un  pla  y  a  dormideta  caig; 
Alli  'm  despert  y  veig,  al  trench  do  l'alba, 
Prats  tôt  florits,  arbredes  y  casais. 

Prou  os  conech,  enrejolades  ères 
Y  porxe  fresch  hon  juguen  los  infants. .  . 
Ay  trista,  no!  la  terra  de  mon  pare, 
La  que  jo  cerch,  aquesta  no  ho  es  pas. 

Veig  altres  llochs  ab  belles  pagesies; 
No  son  aquells  que  desitjava  tant; 
Mes  fent  cami,  m1  ho  diu  al  cor  la  Verge, 
0  pare  meu  !  jo  trovaré  ton  mas. 

MlLA    Y    FONTANALS. 

(Catalan  littéraire) 

Avec  de  grands  efforts,  comme  de  dures  tenailles,  —  ses  mains 
de  fer  étreignent  mon  bras;  — mais  un  profond  sommeil  amollit 
ses  doigts  [si]  âpres,  — et  je  m'enfuis,  invoquant  le  bon  Jésus. 

Courant,  courant,  passant  par  des  lieux  incultes  et  des  forêts, 
—  je  me  trouve  dans  une  plaine  et  je  tombe  endormie. —  Là,  je 
m'éveille  et  je  vois,  à  la  pointe  de  l'aube,  —  des  prés  fleuris,  des 
futaies,  des  métairies. 

Je  vous  connais  bien,  aires  carrelées — et  porche  frais  où  jouent 
les  enfants..  .  —  Ah!  malheureuse,  non,  la  terre  de  mon  pire. — 
elle  que  je  cherche,  ce  n'est  pas  celle-ci! 

Je  vois  d'autres  lieux  avec  de  belles  granges  ;  —  ils  n'y  sont  pas 
ceux  qae  je  désirais  tant;  — mais,  en  faisant  chemin,  laVierge  me 
le  dit  au  cœur, — ô  mon  père  !  je  trouverai  ta  Tenue! 

.M  II. A    Y    FONTANALS. 


LA  SOULITUDO 

(loquitur) 


((  Ere  soulo  emé  Dieu  quand  lou  Tèms  se  moustravo, 
E  dôu  sen  eternau  la  première-  aubo  blavo, 
Courae  d'un  nègre  som,  se  destrassounè  lèu  : 
S'acroucavon  au  sôu  li  rancaredo  inmènso, 
E  TOucean  abrama  s'alargavo  en  neissènço, 
Bêlant  e  barbelant  la  glôri  dôu  soulèu  : 
E  de  grand  gaudre  d'or  de  la  font  abrasado. 
Inoundavon  subran  la  terro  esbarlugado. 

»  Iéu,  demore  au  désert,  d'ount  lou  Coumbour  s'envai, 
Ount  la  gazello  lisco  à  moun  sen  sènso  esfrai 
Douoamenet  s'amato  e  chaumo  benurouso. 
Lis  estello  de  Dieu  me  calignon  souvent, 
E  davalon  dôu  cèu  emé  d'iue  trelusènt, 
Pèr  me  dire  li  mot  dis  angello  courouso. 

LA  SOLITUDE 

(loquitur) 

«J'étais  seule  avec  Dieu  quand  le  temps  se  manifestait, —  et  du 
sein  éternel  la  première  aube  blafarde, — comme  d'un  sommeil  noir, 
s'éveilla  en  sursaut;  —  les  immenses  chaînes  de  rochers  s'accro- 
chaient au  sol, — et  l'Océan,  passionné,  se  précipitait  en  nais- 
sance, —  regardant  et  convoitant  la  gloire  du  soleil;  —  et  de 
grands  torrents  de  lumière  de  la  source  de  feu  —  inondaient  sou- 
dain la  terre  éblouie. 

•>  Moi,  je  demeure  au  désert,  d'où  le  Souci  s'éloigne,  —  où  la  ga- 
zelle lisse,  sur  mon  s^in,  sans  peur, — se  blottit  tout  doucement  et  se 
repose  bienheureuse.  —  Les  étoiles  de  Dieu  me  courtisent  sou- 
vent—  et  descendent  du  ciel  avec  des  yeux  de  flamme, —  pour 
me  dire  les  mots  des  angèles  resplendissantes.  — Solitaire,  assise, 


LA     S0UL1TUD0  281 

Souleto,  d'assetoun,  trene  mi  peu  negras 
Emé  li  gènti  flour  que  perfumon  l'ermas. 

»  Me  plais  d'escarlimpa  la  niountagno  ôudourouso, 
De  cauca  fieramen  si  cimo  parpelouso, 
Lou  soulèu  dins  mis  iue,  lis  eigloun  à  ma  mari; 
D'espincha  terro  e  mar  pèr  un  trau  dins  ii  nivo  ; 
De  segui,  de  si  font,  li  sorgo  renadivo, 
S'alargant,  bramarello,  au  trelus  trestoumbant.    . . . 
—  S'estalouiro  eilavau  la  planuro  pourpalo  ! 
Vaqui  !  dins  la  liunchour,  de  grandi  capitalo  ! 

»  Qu'âme  ta  voues,  o  mar  !  Quand  ourlon  li  ventas, 
Dins  ta  gau  soubeirano  ausses  ti  milo  bras, 
Pèr  lucha  fouligaudo  emé  l'aurasso  ourriblo, 
E,  quand  sautejes  blanco  i  bais  dôu  caraven, 
Rises,  en  te  trouvant  dins  de  tau  sarramen  ; 
Mai  te  cabusses,  brôu  !  de  sis  arpo  terriblo  ; 
E  brafant,  an  pèr  an,  li  gazan  di  nacioun, 
Toun  tron  li  tintourlejo  en  un  brès  sènso  founs. 

»  Ount  trèvo  tristamen  ma  sourrastro  la  Rouino, 


je  tresse  mes  noirs  cheveux  —  avec  les  fleurs  gentilles  qui  parfu- 
ment la  lande. 

»  Il  me  plaît  d'escalader  la  montagne  aromatique,  —  de  fouler 
avec  Gerté  ses  cimes  escarpées, — le  soleil  dans  les  yeux,  les  aiglons 
à  ma  main  ;  —  cl  épier  terre  et  mer  par  un  trou  clans  les  nuages  ,-  — 
de  suivre,  de  leurs  sources,  les  rivières  naissantes,  —  se  précipi- 
tant avec  fracas  et  tombant  en  cascades  illuminées  ..  —  La  plaine 
empourprée  se  repose  nonchalamment  dans  le  lointain.  —  Voilà! 
à  l'horizon,  de  grandes  métropoles  ! 

»  Que  j'aime  ta  voix,  ù  mer  !  Quand  les  tempêtes  hurlent, — 
tu  élèves  tes  mille  bras,  dans  ton  allégresse  souveraine,  —  pour 
lutter,  folâtre,  avec  l'ouragan  horrible;  — et,  quand  tu  sautes,  Man- 
che, aux  baisers  des  falaises, —  tu  ris  en  rencontrant  de  semblables 
embrassements  :  —  mais  tout  à  coup  tu  t'échappes  de  ses  étreintes 
terribles,—  et,  dévorant  année  par  année,  les  trésors  des  nations, 
—  ton  tonnerre  les  balance  en  un  berceau  insondable. 

»  Où;  hante,  dans  sa  tristesse,  ma  cruelle  sœur,  la  Ruine, —  ma 


?82  DIALECTES    MODERNES 

A  soun  coustat  tambèn  ma  caro  se  devino  ; 
Amudido,  me  couche  i  souloumbrous  abord 
Di  castèu  desbaussa,  di  capello  pourrido, 
.  D'ounte  cansoun  e  gau  soun  long-tèms  esvalido; 
Mai  moun  sèti  requist  es  encô  de  la  Mort  ! 
Dins  la  sournuro  eila  s'acampon  li  coumpaire. 
Car  li  soûl  counvida  soun  li  verme  manjaire. 

»  Me  pause  bèn  souvent  dins  Foustau  dôu  Segnour, 
Carga  de  si  trebau  ount  Tome  de  doulour 
Descato  à  FEternau  li  ragas  de  sa  lagno  ; 
E,  quand  lou  blound  calèu  pendent  davans  Fautar 
Fai  fougueja  li  plour  que  toumbon  sus  li  bard, 
Coume  s'èron  au  rai  de  perleto  d'eigagno, 
Ai  guincha,  m'es  avis,  un  anjoun  pensatiéu, 
Vengu  pèr  apourta  li  beloio  au  Bon  Dieu. 

»  Quand  li  pople  à  veni  soun  malaut  de  desaire, 
E,  pica  per  la  fam,  'me  li  mamèu  di  maire, 
D'enfantoun  palinèu  jogon  sôuvajamen  : 
Quand  li  colo  dôu  cèu  soun  subran  estrassado, 
E  que  Fange,  sourtent  de  si  tripo  ferrado, 

figure  se  voit  aussi  à  sou  côté  ;  —  silencieuse,  je  me  couche  aux 
environs  lugubres  dos  châteaux  écroulés,  des  chapelles  délabrées, 
—  d'où,  depuis  longtemps,  la  chanson  et  la  joie  ont  disparu  ;  — 
mais  mon  séjour  choisi  est  avec  la  mort. —  Dans  les  ténèbres,  là- 
bas,  s'assomblent  les  compères.  — caries  seuls  invités  sont  les 
vers  gloutons. 

»  Je  m'abats  bien  souvent  dans  la  maison  du  Seigneur,  —  où, 
chargé  de  ses  peines,  l'homme  de  douleur —  dévoile  à  l'Éternelles 
abîmes  de  sa  mélancolie;  —  et  quand  la  blonde  lampe  qui  pend  de- 
vant l'autel  —  fait  étineeler  les  larmes  qui  tombent  sur  les  dalles, 
--  comme  si  elles  étaient  aux  rayons  des  perlettos  de  rosée, — j'ai 
épié,  ce  me  semble,  un  petit  ange  pensif,  —  arrivé  pour  emporter 
ces  joyaux  au  lion  Dieu. 

»  Quand  les  peuples  de  l'avenir  sont  malades  de  mélancolie, —  et, 
frappés  par  la  faim,  avec  les  mamelles  des  mères,  —  des  nour- 
ri-sons blêmes  jouent  d'un  air  effaré;  —  quand  les  collines  du  ciel 
ion!  a  coups'entr'ouvrent  béantes,— et  que  l'ange,  se  précipitant  hors 
de  leurs  entrailles  de  fer,  —  aura  mis  en  fuite  le  Temps,  comme  une 


LUCHO    1)  ESTELLÔ  863 

Coume  uno  auro  lou  ium,  aura  'scam'pa  lou  Tèms, 
Ma  demoro  sara  lou  Gourg  negras,  alabre, 
Ounte  vai  jaire  en  pas,  Univers,  toun  cadabre.  » 

Guihèn-C.  Bonapakte-Wyse. 

brise  la  fumée,  —  ma  demeure  sera  le  gouffre  noir,  grand.--  où  va 
enfin  se  coucher  en  paix,  Univers,   ton  cadavre. 

Guillaume-C.   Bonaparte- Wyse. 


LUCHO  D'ESTELLO 

A    LA    FBLIBRESSO  d'aREUO,    LEOUJSTINO  GOIRAIsD 


Tant  que  lusiras  e  tant  que    viéurai, 
Bel  aslre  d'argent,  iéu  t'amirarai. . 
Leountino  Goirand 

Galant  roudelet  de  bloundo  e  de  bruno, 

D'esclùssi  de  luno 

N'avès  vist  souvent  ; 
Mai  d'aguedre  vist  d'esclùssi  d'estello, 

Bèn  segur,  li  bello, 

Noun  vous  n'ensouvèn. 


LUTTE  D'ETOILES 

A    LA    FÉLIBRESSE  d" ARÈNE,    LEONT1NE    GOIRAND 


Tant  que  tu  luiras  et  tant  que  je  vivrai, 
bul  astre  argenté,  moi,  je  t'a  imirtrui. 
Léonfciue  Goirand. 

Chaimant  petit  cercle  de  brunes  et  do  blondes, —  des  éclipse 
lune, —  vous  en  avez   vu  souvent  ;  —  niais  d'avoir  vu  di 
d'étoiles, — bien  sûr,  les  belles,  —  il  ne  vous  en  souvient  point. 


èSi  DIA.LECTES    MODERNES 

Eh  bèn  !  se  voulès,  aniue,  vous  espère  : 
Au  cresten  di  serre 
Escalen  ensèn, 

E  veirés  veni  dins  lou  prat  céleste, 
A  se  batre  preste, 
Dous  astre  lusènt . 

Espinchas  aquéu,  coume  fai  sa  routo 
Dins  l'inmènso  vouto, 
Sèmpre  sourrisènt; 

Espandis  amount  sa  douço  lumiero 
E  trais  sus  la  terro 
Si  belu  d'argent. 

Es  lou  bèu  preniié,  quand  lou  jour  trecolo, 
A  lampa  di  colo 
Vers  lou  fiermamen; 

Pièi,  au  gai  simbèu  de  sa  ranipelado, 
La  piano  estelado 
Pren  fio  doucamen. 

L'autre,  es  déjà  tard  quand  s'escarrabiho. 

Vès,  se  dereviho  : 

Fa  proun  tèms  que  dor  ! 
Camino,  escampant,  arderous  e  rouge, 

De  soun  front  aurouge 

De  belugo  d'or. 


lr-' 


Eh  bien!  si  vous  voulez,  ce  soir,  je  vous  attends  :  —  au  sommet 
des  monts  —  grimpons  ensemble,  —  et  vous  verrez  venir  dans  la 
lice  céleste,  —  prêts  à  se  battre,  —  deux  astres  brillants. 

Regardez  celui-là,  comme  il  poursuit  sa  route  —  dans  la  voûte 
immense,  —  souriant  toujours  ; — il  répand  là-haut  sa  douce  clarté 
—  et  jette  sur  la  terre —  ses  étincelles  d'argent. 

11  est  le  beau  premier,  lorsque  le  jour  disparait, — à  s'élancer  des 
collines  —  vers  le  firmament  ;  —  puis,  au  joypux  signal  de  son 
appel,  —  la  plaine  étoilée  — doucement  s'allume. 

L'autre,  il  est  déjà  tard  lorsqu'il  se  met  en  mouvement.  — 
Voyez,  il  s'éveille  :  —  il  y  a  assez  longtemps  qu'il  dort!  —  11  che- 
mine, répandant,  ardent  et  rouge,  — de  son  front  sauvage,—  des 
étincelles  d'or. 


LUCHO    d'estELLO  285 

Lis  astre  menu  qu'entravon  sa  draio 

Soun,  tant  lis  esfraio, 

Lèu  estavani. 
Arrougant  e  fier,  porto  pas  à  rire  ; 

Soun  èr  sèinblo  dire  : 

Mort  is  avani  ! 

Galant  roudelet  de  bloundo  e  de  bruno, 

D'esclùssi  de  luno 

N'avès  vist  souvent  ; 
Mai  d'aguedre  vist  d'esclùssi  d'estello, 

Bèn  segur,  li  bello, 

Nous  vous  n'ensouvèn. 

«  Vai,  te  cregne  pas!  »—  fai  la  gènto  estello 

Dins  si  farfantello  — 

«  Vejo  s' ai  pâli. ...» 
Mai  Tautro,  espouscant  de  rai  de  satèsto, 

Lando  à  la  batêsto 

Que  fai  tressali. 

Boudiéu  !  li  dardai  giselon,  s'entre-croson  ! 

De  raioun  arroson 

L'ourizoun  nebla  ! 
Lucbo  de  gigant  que  van  rendre  l'amo, 

Boumissènt  de  flamo 

A  tout  enchuscla. 

Les  astres  menus  qui  embarrassent  son  chemin  —  sont,  telle- 
ment il  les  effraye,  —  bien  vite  évanouis. —  Arrogant  et  lier,  il  ne 
prête  pas  à  rire  ;  —  son  air  semble  dire,  —  Mort  aux  faibles  '. 

Charmant  petit  cercle  de  brunes  et  de  blondes,  —  des  éclipses 
de  lune, — vous  en  avez  vu  souvent  ;  — mais  d'avoir  vu  des  éclipses 
d'étoiles,  —  bien  sûr,  les  belles,  — il  ne  vous  en  souvient  point. 

><  Va,  je  ne  te  crains  pas  !  »  —  fait  la  gentille  étoile  —  dans  ses 
scintillements.  —  «  Regarde  si  j'ai  pâli —  »  Mais  l'autre,  secouant 
des  rayons  de  sa  tète,  —  vole  à  la  lutte  —  à  donner  le  frisson. 

Bon  Dieu!  les  dards  de  feu  jaillissent,  s'entre-croisent  '•  —  De 
rayons  ils  arrosent  —  l'horizon  brumeux:  !  —  Combat  de  géants  qui 
vont  rendre  l'âme,  —  vomissant  des  flammes  —  à  tout  embraser. 

22 


2S6  DIALECTES    MODERNES 

La  Rèino  di  niue  d'un  nivo  espinchouno; 

Dirias  que  richouno 

E  mando  de  liuen, 
Emé  si  rebat,  soun  plus  dous  sourrire, 

Coume  pèr  ie  dire 

De  se  douna  siuen.  . . 

Mai  ounte  as  passa,  lucharello  blanco, 

Eterno  calanco 

Dis  énamoura? 
Sai-que  toun  rivau,  d'ourgueianço  gounfle. 

Souto  soun  triounfle 

Crèi  de  t'amourra? 

De  te  vèire  plus,  ti  sorre,  esglariado, 

Palo,  esparpaiado, 

Fan  mand  d'espeli; 
Mai  eu,  de  soun  caire  abrivant  sa  fàci, 

Li  fai  dins  l'espàci 

Tôuti  s'esvali. 

Es  soulet,  enfin  !  . . .  Sarié  dounc  vincèire? 

L'anessias  pas  crèire  : 

Vesès,  tourna-mai 
«  L'estello  que  sabe  e  qu'a  milo  esclaire  » 

Trelusis  dins  Faire, 

Lindo  mai-que-mai. 


La  Heine  des  nuits  épie  d'un  nuage;  —  en  dirait  qu'elle  rit  —  et 
envoie  de  loin,  — avec  ses  retlets,  son  sourire  le  plus  doux, — comme 
pou.  leur  dire  —  de  bien  se  surveiller 

Mais  où  es-tu  passée,  blanche  lutteuse,  —  éternel  refuge  —  des 
amoureux?  —  Est-ce  que  ton  rival,  bouffi  d'orgueil.  —  sous  son 
triomphe,  —  croit  te  terrasser? 

De  ne  plus  te  voir,  tes  sœurs,  effrayées,  —  pâles,  dispersées,  — 
font  mine  de  poindre;  —  mais  lui,  de  leur  côté  dirigeant  sa  face, 
—  les  fait  dans  l'espace  —  toutes  s'éclipser. 

Il  est  seul,  enlin  !.. . .  Serait-il  donc  vainqueur  ?  —  N'allez  pas 
le  croire  :  —  voyez,  derechef  —  l'étoile  que  je  sais,  et  « j ui  a  mille 
rayonnements,  —  brille  dans  l'air, —  plus  limpide  que  jamais. 


LICHO     d'eSTELLO  287 

La  luno,  enterin,  s'avanço  amistouso; 

Li  lus,  mens  crentouso, 

Pounchejon  amount, 
E  l'astre  escarni  vivamen  s'encourre 

E  darrié  li  mourre 

Vergougnous  s'escound..  . 

Galant  roudelet  de  bloundo  e  de  bruno, 

D'esclùssi  de  luno 

N'avès  vist  souvent. .  . 
Aro  qu'avès  vist  d'esclùssi  d'estello, 

Nouraas-me  la  bello 

Que  se  n'ensouvèn. 

Mandadis 

Tant  que  lusiras,  d'uno  amo  abrasado 

Saupras  li  pensado  ; 

E  tant  que  viéurai, 
Bel  astre  d'argent  qu'arènes  la  reno, 

Dins  li  niue  sereno, 

Jeu  t'amirarai. 

Louis  Roumieux. 

La  lune  cependant  s'avance  affectueuse  ;  —  les  lueurs,  inoins 
craintives, —  se  montrent  là-haut, — et  l'astre  châtié  vivement 
se  sauve  —  et  derrière  les  montagnes  se  cache  honteux. 

Charmant  petit  cercle  de  brunes  et  de  blondes,  — des  éclipses 
de  lune,  —  vous  en  avez  vu  souvent  ...  —  Maintenant  que  vous 
avez  vu  des  éclipses  d'étoiles,  —  nommez-moi  la  belle  —  qui  s'en 
souvient. 

Envoi 

Tant  que  tu  brilleras,  d'une  àme  ardente  —  tu  sauras  les  pensées  ; 
—  et  tant  que  je  vivrai,  —  bel  astre  d'argent,  qui  refrènes  la  douleur, 
— dans  les  nuits  sereines,  — moi,  je  t'admirerai . 

Louis  Rot'. mieux. 


UN    DEO     GRATIAS! 

0  ço  qui-:  dis  de  sa  toumbo 
Uno  Pichoto  Morto,  a  soun  Paire  descounsoula. 

«  Deo  Gratias  !  »  (dis  FEnfantoun, 
De  soun  lié  sout  li  margarido) .... 
«  Ai  quita  lou  dùu  de  la  vido 
Pèr  la  mort  e  sa  pas  sens  founs! 

»  Deo  Gratias  !  »  (dis  la  Fiheto, 

De  sa  toumbo  astrado  de  flour) 

«  Dins  mis  iue  se  secon  li  plour  : 
Mis  espalo  prenon  d'aleto  ! 

»  Paire  !  sus  moun  pichot  toumbèu, 
Fagues  pas  tau  tarrabastèri  : 
Coume  au  prat  fresquet  un  agnèu, 
Sauteje,  au  bèu  mitan  dôu  cèu, 
Renadivo,  aciéunado,  e  lôri. . . 


UN  DEO  G  HA  77 AS! 
ou 

CE   QUR    DIT,     DR    SA    TOMBE, 

urne  Petite  Mohie  a  son  Pèhe  inconsolable. 

«Deo  Gratias!  »  (dit  l'enfant, — de  son  lit.  ?ous  les  marguerites).  . 
—  «  J'ai  quitté  le  deuil  de  la  vie  —  pour  la  mort  et  sa  paix  sans 
borne. 

»  Deo   Gratias!»  (dit  la    Fillette, —  de    sa   tombe   étoilée   do 

fleurs) —  «Dans  mes  yeux  se  sèchent  les   larmes:  —  mes 

épaules  se  revêtent  de  petites  ailes. 

>»  Père,  sur  mon  petit  tombeau  —  ne  fais  pas  de  telles  plain- 
tes :  —  comme  un  aimeau  au  pré  de  fraîche  verdure,  —  je 
saule    au   beau    milieu   du   ciel  , —  renouvelée,    parée  de   blan- 


UN    DEO    GRATIAS  28P 

Las!  toun  mounde  es  un  estèu, 
Mai  calanco  es  lou  cementèri  ! 

»  Deo  Gratias  !  e  vene  lèu  ! 

0  moun  paire  !  lèu,  lèu,  lèu  !  » 

Mandadis 

A  -n-Anfos  Tavan 

Vai  !  coume  uno  aureto, 
Volo,  ma  rimeto  ! 
Au  tendre  pouëto 
Dôu  libre  d'«  Amour 

E  Plour»; 
E  boufo,  douceto  : 
»  Oh!  que  plan-planeto, 
»  La  caro  Museto 
»  Coume  moun  aureto, 
»|Seque,  pèr  amour 

»  Li  plour 
»  Dôu  tendre  pouëto!» 

Guihèn-C.  Bonaparte-Wyse. 


cheur,  joyeuse  ....  —  Las  !  ton  monde  est  un   écueil  ;  —  mais  le 
cimetière  est  un  port  abrité  ! 

»  Deo  Gratias!  et  viens  bientôt!  —  0  mon  père,  bientôt,  bien- 
tôt, bientôt  !  » 

Envoi 
A  Alphonse  Tavan 

Va  !  comme  un  zéphyr, —  vole,  mon  verselet!  — au  tendre  poëte 
—  du  livre  d'«  Amour  —  et  Pleurs  »,  —  et  souffle  peu  à  peu  : 

«  Oh  !  que  bien  doucement— la  chère  petite  Muse, —  comme  mon 
haleine,  —  sèche,  par  amour,  —  les  pleurs  —  du  tendre  poëte  !  » 

Guillaume-C  Bonaparte-Wyse. 


LOU  VENTOUR 

A  Madamo  C.  D.-T. 

Quand  lou  soulèu  d'ivèr  subre  toun  front  d ardai o 

E  fai  belugueja  la  tafo  de  la  nèu, 

Amaga  fieramen  dins  ta  capo  de  gèu, 

Te  rises,  grand  Ventour,  di  rai  que  te  degaio. 

Avèngue  lou  Printèms  :  tebés  e  vierginèu, 
S'  Abriéu,  de  soun  alen  que  reviéuto  e  qu'esgaio, 
Tout-bèu-just  te  caresso  en  passant,  sies  en  aio 
E,  pèr  mies  lou  reçaupre,  estrasses  toun  mantèu. 

Cor  doulènt,  qu'un  secret  misterious  estransino, 
Au  mitan  dôu  brasas  cremant  que  te  carcino, 
Vos  parèisse  de  glaço  e  resta  dins  ta  niue. 

Pèr  rendre  lou  bonur  e  l'espèr  à  toun  amo, 

De  l'amour  endourmi  pèr  empura  la  flamo, 

De-que  fau?  —  Un  sourrire,  un  regard  de  sis  iue. 

L.  Roumieux. 
En  Aies.  9  d'ôutobre  1877. 

LE  VENTOUX 

A  Madame'  C.  D.-T. 

Quand  le  soleil  d'hiver  sur  ton  front  resplendit  —  et  fait  scin- 
tiller l'éclatante  blancheur  de  la  neige,  — enveloppé  fièrement  d;ms 
ta  cape  de  givre, —  tu  te  ris,  grand  Ventoux,  des  rayon;?  qu'il  te 
prodigue. 

Advienne  le  Printemps  :  tiède  et  virginal,  —  si  Avril,  de  son  ha- 
leine qui  ravive  et  réjouit, —  te  caresse  à  peine  en  passant, —  tu 
es  en  liesse, —  et,  pour  mieux  le  recevoir,  tu  déchires  ton  man- 
teau . 

Cœur  endolori,  qu'un  secret  mystérieux  tourmente, —  au  milieu 
du  brasier  ardent  qui  te  consume,  —  tu  veux  paraître  de  glace  et 
rester  dans  ta  nuit. 

Pour  rendre  le  bonheur  et  l'espoir  à  ton  âme, —  de  l'amour  en- 
dormi pour  attiser  la  flamme,  —  que  faut-il?  —  Un  sourire,  un  re- 
gard de  ses  yeux. 

L.  Roumieux. 
Mais,  9  octobre  1877. 


BIBLIOGRAPHIE 


Récits  d'histoire  sainte   en  béarnais  traduits  et  publiés  par 

V.  Lespy  et  P.  Raymond,  t.  II;  Pau,  1877 

Nous  avons  rendu  compte  dernièrement  (Revue,  XI,  p.  200)  du 
tome  premier  de  cette  intéressante  publication.  Le  second  la  com- 
plète en  donnant,  avec  la  fin  du  ms  béarnais  et  la  partie  corres- 
pondante du  ms.  provençal1  de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève, 
un  glossaire  béarnais  assez  copieux  (80  pages),  qui  pourra  être 
encore  utilement  consulté  pour  l'intelligence  d'autres  textes  que  nos 
récits. 

Le  ms.  béarnais,  dans  son  état  actuel,  ne  contient  guère  plus  de 
la  moitié  de  l'ouvrage  total,  tel  que  nous  le  connaissons  par  la 
version  catalane  publiée  par  M.  Amer,  et  qui  est  sans  lacunes. 
C'est  précisément  dans  les  parties  qui  manquent  au  texte  béarnais 
(une  quarantaine  de  chapitres  au  commencement  et  une  dizaine  à 
la  fin2)  que  se  trouvent  les  passages  les  plus  curieux,  sinon  les 
plus  orthodoxes,  je  veux  dire  divers  récits  empruntés  aux  apo- 
cryphes de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  tels  que  le  voyage  de 
Seth  au  Paradis  terrestre  et  la  légende  du  bois  de  la  Croix,  certains 
traits  fabuleux  de  la  vie  d'Abraham  et  de  celle  de  Moïse,  la  des- 
cente de  Jésus  aux  enfers3,  la  légende  de  Judas  Iscariote,  la  ven- 
geance du  Sauveur,  etc. 

On  peut  juger  par  là  du  surcroit  d'intérêt  que  présenterait  la  pu- 

1  Une  lacune  assez  considérable  que  présente  ce  ms.  a  été  remplie  au 
moyen  du  texte  catalan  de  l'édition  Amer,  purement  et  simplement  in- 
tercalé. Depuis,  MM.  Lespy  et  Raymond  ont  <'u  connaissance,  par  17n- 
ventaire  général  et  méthodique  des  mss  français  que  publie  M.  Léopold 
Delisle  (t.  I),  d'un  autre  ms.  du  texte  provençal,  conservé  a  la  bibliothè- 
que nationale  sous  le  n°6'26t.  Ils  donnent  dans  leur  introduction,  une 
courte  notice  de  ce  ms.,  qui  a  appartenu  à  Jean  du  Chastel,  évoque  de 
Carcassonne  (1456-1476)  C'est  probablement  le  même  que  celui  qu'on 
voit  mentionné  en  tète  de  la.,  table  qui  termine  le  tome  V  du  Lexique 
roman  (p.  601  a),  et  auquel  Raynouard  a  emprunt/-  plusieurs  .\  tri- 
ples. —  A  Florence  (  bibl.  Laurentienne  )  s'en  trouve  un  autre  (  voy. 
Mussafia,  Die  Catalanische  Version  der  sieben  Weisen  Meister.  p.  5. 
note  1  ),  qui  est  peut  être  celui  d'où  Redi  a  tiré  l'exemple  reproduit  par 
Raynouard  sous  renquallos  [L-  R.,  Il,  81  b  ). 

*  Sans  parler  de  quelques  lacunes  intérieures. 

3  II  y  a  dans  cette  partie  (à  en  juger  du  moins  par  la  version  catalane) 
quelques  détails  qui  ne  concordent  pas  avec  VÉvangile  de  Nicodème 


292  BIBLIOGRAPHIE 

blication  de  MM.  Lespy  et  Raymond,  si  leur  ms.  leur  fût  parvenu 
moins  mutilé,  ou  si  seulement  ils  avaient  imprimé  en  entier  le 
texte  provençal.  Mais  je  ne  veux  pas  renouveler  ici  les  regrets  que 
j'ai  déjà  exprimés  sur  ce  point,  et  j'aime  mieux  insister  sur  la  re- 
connaissance due  aux  éditeurs  pour  le  service  qu'ils  ont  rendu  à 
nos  études,  en  livrant  aux  romanistes1,  comme  ils  le  disent  fort 
bien  eux-mêmes,  un  texte  ignoré  jusqu'à  ce  jour  et  écrit  dans  un 
idiome  encore  trop  peu  connu',  même  des  plus  habiles. 

Voici  maintenant  quelques-unes  des  remarques  que  j'ai  faites  au 
cours  de  la  lecture  du  tome  II  des  Récits.  La  plupart  visent  les 
notes  autant  que  le  texte. 

TEXTE     BÉARNAIS 

P.  2, 1.  9.  Per  doblar,  etc.  Il  n'y  a  pas  là  de  faute  C'est  un  em- 
ploi assez  commun  de  L'infinitif  au  lieu  du  subjonctif.  Construisez: 
per  lo  dit  linhatge  doblar  la  gloria . 

4,  20.  Ses  part  d'orne.  Le  ms.  a  ses  pari,  qui  est  certainement  la 
bonne  leçon.  Pari  est  pourjwma,  par  réduction  de  m  final  à  i,  phé- 
nomène dont  les  textes  gascons  offrent  de  très-nombreux  exemples. 
Le  nôtre  en  présente  un  autre  un  peu  plus  loin  (p.  12):  Assi  = 
Asia. 

8,  9.  Nascud  de  la  ciutat.  Ce  de  est  très-correct,  et  on  a  eu  tort 
de  le  changer  en  en.  Cf.  «  Tu  fost  nada  de  Suria  »,  dans  P.  Car- 
dinal, cité  par  Haynouard. 

8,  10.  Los,  ici,  ne  me  paraît  pas  pouvoir  être  l'article.  11  doit  se 
cacher  là-dessous  un  mot  signifiant  langes,  dont  los  serait  une  alté- 
ration, peut-être  laes  (lanas) . 

8,2  du  bas.  Plus  en  lopresepi.  Le  sens  estpositum.  Post  =  pos 
=  pus,  et,  par  insertion  fautive  de  17,  plus.  Cf.,  dans  le  Breviari 
d'amor,  937  et  10247,  plus  =  pus  =  pos,  lat.  post'-.  C'est  l'inverse 
de  p>us  =  plus  (adverbe  de  quantité). 

10, 11 .  Fo  juus  unsenhor  escriut.  M.  suus,  qui,  ce  me  semble,  ne 
fait  pas  un  contre-sens.  Ecrit  sur  un  seigneur  peut  très-bien  s'inter- 
préter attribué  à  un  seigneur,  inscrit  sur  son  rôle. 

10,  2  du  bas.  Ponctuation  défectueuse.  On  a  eu,  de  plus,  le  tort 
de  remplacer  de  par  et  devant  polpra  (juste  correction  de  palaura). 
J'écrirais  :  « . .  coronar  la  sancta  Glisie  d'aur,  so  es  la  sue  nativitat  ; 
de  polpra,  so  es  la  sue  passio-  » 


'  Ils  ont  fait  plus  encore  :  le  manuscrit  était  leur  propriété,  et,  leur 
travail  terminé,  ils  l'ont  donné  à  la  Bibliothèque  nationale,  fournissant 
ainsi  à  tout  le  monde  le  moyen  de  l'étudier  directement. 

-'  Même  forme  encore  au  v.  1770  de  la  Guerre  de  Navarre. 


BIBLIOGRAPHIE  293 

12,  6  du  bas.  Per  mustrar  humilitat.  Ce  mot,  remplacé  dans  la 
traduction  par  des  points,  a  ici  le  sens,  très-ordinaire  en  langue 
d'oc,  de  pitié,  miséricorde.  Cf.,  dans  Folquet  de  Marseille  : 

Car  ieu  soi  pies  de  tôt  pecat, 
E  tu.  Senher,  d'umilttat. 

12,  dernière  ligne.  Il  faut  une  virgule  au  lieu  d'un  point,  après 
Israël. 

18,  9  du  bas.  Fermentz.  Peut-être  ne  faut-il  pas  corriger ferma- 
mentz.  Ce  pourrait  être  simplement/eromienfc  ou  fer ementz.  Férus  ef,t 
resté  en  gascon  comme  adverbe:  hère  =  beaucoup.  Cette  dernière 
signification  conviendrait  ici  mieux  que  celle  de  fermement. 

24,  10.  Et  no  f en  ses  dopte.  Il  ne  manque  rien,  contrairement  à 
ce  que  croient  les  édit.  :  «Et  ne  firent  sans  doute»,  c'est-à-dire«  et 
certainement  ne  moururent  pas.  »  Cet  emploi  défaire,  remplaçant 
un  autre  verbe,  est  bien  connu.  Cf.  plus  loin,  p.  30:  «  Noji  sees 
dopte  »,  c'est-à-dire  «  certainement  je  ne  l'a*  pas  tué.  » 

24,  12.  0  sis  vol.  Corr.  E:  «Et  ainsi  le  veut  l'Evangéliste,  qui  le 
dit  clairement. .  »  Il  n'y  a  rien  de  corrompu  dans  sis  vol:  l'emploi 
du  pronom  réfléchi  avec  les  verbes  vouloir, faire,  dire,  savoir,  être, 
est  Irès-commun  dans  notre  texte,  et,  faute  de  l'avoir  remarqué,  les 
éditeurs  y  ont  souvent  introduit  ou  proposé  des  corrections  inop- 
portunes, par  exemple,  46,  4  (sisfen),  où  sis  n'est  point  une  cor- 
ruption de  aixi. 

26,  2  du  bas.  Et  humilian  los.  C'est  une  erreur  de  croire  qu'il 
manque  ici  quelque  chose.  Le  verbe  humiliar  est  souvent  actif,  et 
tel  est  son  rôle  en  ce  passage.  Cf.  Croisade  albigeoise,  v.  5370. 

32,  2-3.  Je  mettrais  une  virgule  après  guoarda  et  un  point  après 
espaurit.  C'est  lo  maeste  qui  est  sujet  de  estaba. 

32,  10  du  bas.  Agi.  J'aimerais  mieux  corriger  ag  que  aixi. 

36,  14.  Bolo.  Ms.  bolon,  à  garder:  bolo  ne,  où  ne  =  pour  cela,  à 
cause  de  cela,  ce  qui  est  très-fréquent  dans  les  anciens  textes. 

40.  Ana  ab  los.   Corr.  lor. 

44.  Sober  lu.  Inutile  de  corriger  luy .  On  a.  dans  d'autres  textes 
de  la  Gascogne  et  du  voisinage,  d'autres  exemples  de  ce  lu,  qui  se 
retrouve  encore  un  peu  plus  loin  (  108,  7).  où  il  a  été  pareillement 
corrigé.  Cf.  Revue,  1.  9. 

48,  7.  Il  n'y  a  rien  ici  de  calere.  Lis.  :  «  No  !  calque  om  me  toca.  » 
C'est-à-dire  :  «  Non  !  ce  n'est  pas  la  foule  qui  me  presse,  c'est  quel- 
qu'un qui  me  louche  à  dessein.  »  Toca,  d'ailleurs,  ne  saurait  être 
une  forme  de  subjonctif. 

52,  2.  Y  ana  me  parait  avoir  été  supprimé  à  tort.  Je  le  rétabli- 
rais en  mettant  un  point  après  grans  gens. 


29-1  BIBLIOGRAPHIE 

54,  8  du  ka.s.Lebe[t\.  Adjonction  inutile.  Levar,  à  lui  seul,  signi- 
fiait se  lever.  Cf.  d'ailleurs  plus  loin,  p  .  80  :  «  per  que  Ihebatz  et  par- 
tiseam  dessi.  » 

5G,  10.  Nasco[s\.  Ici  encore  c'est  sans  nécessité  qu'on  a  ajouté  s. 
L'indicatif  convient  fort  bien.  Cf.  d'ailleurs  la  version  catalane: 
«  perque  el  nasch  cech .  » 

62,  1 .  S'i  arcorden.  Gela  signifie  s'accordent  à  cela,  en  cela,  et  non 
avec  lui. 

64,  S.  No  es  obs  [de~\  labor.  Addition  tout  à  fait  superflue. 

64,  14.  Que  si  men  so.  Inutile  de  corriger,  comme  on  l'a  fait,  men 
enjon.  Cf.  ci-dessus  24,  12,  sur  l'emploi  du  pr.  réfléchi  avec  être. 

68,  13.  Mesquin  parait  être  un  contre-sens  causé  par  misero  de 
l'évangile  (Joan.  XIII,  20  ),  qu'on  aura  pris  pour  le  datif  de  miser. 

72,  3.  Dixo.  Il  faudrait  dixu. 

74,  2.  Perhont    II  faudrait^er  que  Jwnt. 

74,  9  du  bas.  Que  fu  ab  vos.  Inutile  de  corriger  so.  Le  prétérit 
dans  cet  emploi  est  irès-fréquent.  C'est  l'aoriste  d'habitude  dus 
Grecs.  On  le  traduirait  très-bien  par  le  passé  défini. 

74,  2  du  bas.  E  cum  ques puixs.  Puixs  ne  saurait  signifier peut. 
C'est  simplement  l'adverbe  puis,  qu'on  peut  ici  traduire  donc  (  cf. 
l'esp.  pues).  Il  faut  interpréter  cumque  par  puisque,  et  supprimer 
Ys  qui  suit  que. 

70,  10.  Message  avait  à  la  fois  les  deux  significations  de  message 
et  de  messager.  Inutile  par  conséquent  de  faire  la  correction  pro- 
posée. 

78,  6  du  bas.  Per  vergues.  Ce  mot  doit  être  le  même  que  le  prov. 
bregas  (disputes, querelles  ). 

92,  2  du  bas.  Le  texte,  bien  qu'il  ne  traduise  pas  littéralement 
l'évangile,  parait  tres-satisfaisant  :  «et  qu'aucun  maître  ne  va  de- 
vant toi  »,  c'est-à-dire  «  ne  t'est  supérieur.  » 

10O,  15.  Etcumag  die.  JVls.  dite,  bien  préférable.  Il  faut  seulement 
remarquer  que,  ici,  ditz=  dicis  et  que  la  phrase  est  interrogative. 
Le  sens  est  :  «  comment  peux-tu  le  dire?» 

104,7  Qui  a  sac  ni  taleca  porti  lo[s\.  Adjonction  inutile  et  qui 
change  le  sens.  Ni  est  ici  particule  disjonctive,  rôle  qu'elle  remplit 
souvent.  Il  faut  traduire  ou  et  non  et. 

107,  7  du  bas.  Diit  vos  eg  que  jo  so.  Cela  n'a  rien  de  suspect.  Eg 
est  le  résultat  de  la  contraction  de  e  (  habeo  )  et  de  ag  :  «  Je  vous  l'ai 
dit,  que  c'est  moi.  » 

100,  5  du  bas.  [Per  \  ques  complis.  Addition  superflue.  Que,  à  lui 
seul,  peut  signifier  afin  que. 

116,  4.  No  sequetditz.  Inutilement  corrigé  que  tu:  rfest  ici  pour 


BIBLIOGRAPHIE  2i>5 

| 

te,  pronom  réfléchi.  Cf.  132,  19,  quet  sabs,  également  corrigé  à  tort 

120,  11.  Car  l'abebenud.  C'est  la  leçon  du  ms.,  et  elle  est  pré- 
férable à  per  que  et  à  per  so  car.  Le  sens  de  cette  particule  est  ici 
de  ce  que,  qu'on  lui  trouve  souvent  dans  d'autres  textes. 

140,  4.  Quesfen  est  très-bon  :  quid  sibi  faciunt.  Cf.  ci-dessus  sur 
24,  12.  Qu'cgs  serait  une  correction  au  moins  inutile. 

142,  14.  Armancora  n'est  pas  une  forme  suspecte.  C'est  le  second 
conditionnel,  très-régulièrement  formé,  de  ar(e)maner  (prov.  re- 
maner)  dont  le  prétérit  est  armancu. 

142,20.  Es  t[u].  La  leçon  du  ms.  est  bien  préférable,  puisque 
est  est  la  forme  correcte  de  la  2e  personne  du  sing.  et  que  le  pro- 
nom personnel  est  inutile. 

144,   14-15.  Je    mettrais   un    point    d'interrogation    après  feyt 
«  Qu'a-t-il  fait  de  mal?  —  Rien.  » 

146,  6  et  12;  156,  3.  Tombres,  timbres.  Les  édit.  voient  dans  co 
mot  une  altération  de  tenebras.  Je  ne  partage  pas  leur  opinion.  On 
a  ici,  à  mon  avis,  une  forme  féminine  du  subst.  trum  (ou  crum). 
qu'offrent  les  dialectes  modernes  de  la  Gascogne  et  du  Languedoc. 
et  que  connaissait  aussi  l'ancienne  langue  (voy. -en  un  ex.  dans  les 
Denkmaeler  de  M.  Bartsch,  60,  21).  Tumbres'y  rattache  très-bien, 
moyennant  la  métathèse  de  l'r  et  l'épenthèse  du  b,  normale  entre 
m  cl  r:  trum  —  tumre  —  tumbre. 

150, 11 .  Or  ditz.  11  n'y  a  ni  omission  ni  incorrection.  Ditz  y  si- 
gnifie il  est  dit.  On  dirait  en  mauvais  français:  où  ça  dit.  Il  faul 
sous-entendre,  dans  les  cas  si  fréquents  où  ce  verbe  est  ainsi  em- 
ployé sans  sujet  exprimé,  quelque  chose  comme  V histoire,  le  conte,  le 
livre,  la  lettre.  Cf.  Revue,  IX,  207,  note  sur  le  v.  8683  de  la  Croi- 
sade albigeoise. 

152,  3  du  bas.  Balsman.  Ms.  blasman,  que  j'aurais  gardé  Cette 
métathèse  n'a  rien  d'extraordinaire,  rien  surtout  de  contraire  aux 
habitudes  du  gascon,  et  elle  se  justifie  fort  bien  par  la  difficulté  de 
prononcer  de  suite  les  trois  consonne.--  Ism. 

160,  4  .  Per  quoar.  11  faudraitj;er  [so]  quoar. 

166,  7.  Fo  exaude.  Corr.  exau[di]de . . 

168.  19.  Fonde  mati.  Le  ms.  après  fon  ajoute  vey  (  c'est-à-dire 
uey  =  hodie  ),  rejeté  à  tort. 

GLOSSAIRE 

Amabit,  corrigé  amalit,k  tort,  selon  moi   Je  ne  crois  pas  non  plus 
que  ce  mot  soit  le  même  que  amarvit.  Il  traduit,   dans   le   passa 
qui  nous  l'offre  (  t.  I,  52,  2  ),  l'idée  de  superbia  (  1  Rois.  XVII,  28  ), 


296  BIBLIOGRAPHIE 

que  le  texte  provençal  rend  par  volontos.  On  peut  le  rapprocher  de 
l'adjectif  mabit1,  qui  se  lit  deux  fois  (  pp.  145,  183  )  dans  la  Vie  de 
saint  Honorât,  où  il  parait  signifier  majestueux,  vénérable,  et  que  je 
n'ai  pas  remarqué  ailleurs.  Ce  sont  là  des  idées  très-voisines,  dé- 
coulant de  l'idée  plus  générale  de  puissance,  autorité,  grandeur. 

Arcordar  =  accorder  et  arcordar  =  se  souvenir,  sont  deux  mots 
aussi  différents  d'origine  que  de  signification,  et  qui  n'auraient  pas 
dû  être  confondus  dans  le  même  article.  Le  premier  n'est  autre 
que  acordar  avec  r  épenthétique,  par  umgekehrte  Schreibung,  le  se- 
cond est  recordare,  muni  de  l'os  prosthétique  que  legascon  place  tou- 
jours ou  presque  toujours  devant  r. 

Arruit.  Cette  forme  gasconne,  rapprochée  du  mot  correspondant 
provençal  et  français  bruit,  montre  clairement  que  le  b  initial,  dans 
ce  dernier,  est  adventice  (  comme  Va  dans  le  mot  gascon  ),  et  que, 
par  conséquent,  l'étymologie  commune  est  hieri  rugitus.  C'est  là  un 
argument  décisif  en  faveur  de  cette  étymologie,  admise  d'ailleurs, 
mais  non  sans  quelques  doutes,  par  Diez  et  Littré. 

Cum  a  (et  non  cuma).  Bon  article  et  justes  observations;  mais 
l'explication  proposée  est  sujette  à  contestation.  Je  n'insiste  pas  ici 
sur  ce  sujet,  parce  que  j'aurai  prochainement  à  y  revenir. 

Desprigar.  Ce  verbe  me  parait  être  mal  traduit  par  découvrir. 
Ce  doit  être  tout  simplement  une  autre  forme  de  desplegar  =  dé- 
ployer. 

Doble.  Il  n'y  avait  pas  lieu  de  faire  pour  ce  mot  deux  articles  -'. 
C'est  le  même  dans  tous  les  cas  où  il  est  employé  ;  il  faut  seulement 
lui  attribuer  la  signification  générale  du  latin  vices,  qui  peut  s'ap- 
pliquer aux  générations,  comme  à  tout  ce  qui  se  renouvelle  et  se 
multiplie. 

Escabeu.  Le  ms.,  t.  1,  30,  17,  seul  endroit  où  ce  mot  se  ren- 
contre, donne  escabu.  C'est  une  forme  assurément  fautive;  mais  la 
correction  indiquée  était  escabet.  En  gascon,  c'est  el..  seulement 
qui  donne  eu  (ainsi  camelus  =  cameu  )  ;  ell. .  donne  et  ou  eg. 

I,  y.  Il  ne  paraît  pas  admissible  que  i  puisse  être  complément  di- 
rect dans  los  i  liurar,  etc.  Je  crois  que  la  locution  entière  los  i  si- 
gnifie leur,  selon  l'usage  moderne  (cf.  Revue,  VIII,  38,  note),  et  que 
le  régime  direct,  lo  ou  los,  selon  le  cas,  est  ou  sous-entendu  ou  con- 
fondu avec  le  los  (datif),  qu'il  devrait  précéder.  Los  i  liurar  serait 
ainsi  pour  lo  los  i  liurar. 


1  Et  peut-être  est-ce  aussi  mabit    qu'il  faut  lire  dans  notre  texte  :  Ca 
lo  sabe  tant  a  mabtt ,  a  serait  la  préposition  à  =  pour. 

2  Traduit,  dans  l'un,  par  génération;  dans  l'autre,  par  double. 


BIBLIOGRAPHIE  29Î 

Maber  (movere).  Mabente  de  1,  2.  10,  n'est  pas.  je  crois,  à  sa  place 
dans  cet  article.  Ce  participe  me  parait,  en  effet,  n'être  autre  chose 
que  madentem,  au  d  duquel  se  sera  substitué,  selon  le  génie  de 
l'idiome  gascon,  le  «(prononcé  b)  suppléant  de  l'aspiration.  Cf.  fens 
=hens=dens  (proY.dint;),  qui  se  rencontre  très-fréquemment  dans 
les  textes  béarnais,  et  dont  il  y  a,  dans  nos  récits  mêmes  (  II,  1G2  ), 
un  exemple  que,  par  parenthèse,  il  eût  été  bon  de  relever  au  glos- 
saire. 

«Mau,  faute. «C'est  simplement  l'adjectif, avec  sa  signification  or- 
dinaire de  mauvais.  Il  faut  seulement,  dans  le  passage  cité  (1, 88,  6), 
écrire  sen,  comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer. 

Mot.  MM.  Lespy  et  Raymond  me  font,  dans  cet  article,  l'hon- 
neur de  me  citer  ;  mais  ils  se  trompent  en  supposant  que,  dans  les 
locutions  telles  que  no  disermot,  no  sonarmot,  je  considère  mot  comme 
représentant  le  latin  modum.  Je  ne  confonds  pas  du  tout,  et  il  ne 
faut  pas  confondre  mot,  simple  auxiliaire  de  la  négation,  comme 
dans  le  vers  de  Boëce  :  «  No  sab  mot  quan  los  prend  »,  que  je  crois 
pouvoir  expliquer  par  modum,  avec  mot,  véritable  régime  direct,  dans 
une  phrase  négative,  d'un  verhe  exprimant  l'idée  de  parler  ou  de 
penser  :  il  ne  dit  mot;  il  n'en  pense  mot.  Le  rôle  est  absolument 
différent  dans  les  deux  cas,  et  il  est  clair  que,  dans  le  dernier,  on  a 
affaire  au  suppléant  roman  de  verbum,  employé  comme  substantif 
et  non  comme  adverbe1. 

1  M.  Paul  Meyer  [Romania,  V,  5U0)  n'admet  pas  mon  explication  de 
mot,  particule  négative.  Son  objection  que  ie  français  a  toujours  moi,  ja- 
mais muef,  ne  me  semble  pas  aussi  décisive  qu'elle  lui  parait.  L'exemple 
de  Boëce  prouve  que  l'emploi  de  mot  pour  ges  ou  pas  est  fort  ancien.  L'on 
est,  dès  lors,  autorisé  à  admettre  qu'il  remonte,  en  français,  à  une  époque 
antérieure  à  celle  où  ô  tonique  est  devenu  ue,  et  rien  n'empêche  de  supposer 
que  de  très-bonne  heure  il  s'est  fait  entre  notre  mot  =modum  et  mot  sy- 
nonyme de  verbum  une  confusion  qui  a  sauvé  ie  premier  de  la  diphthon- 
gaison,  en  lui  maintenant  sa  première  forme.  Mais  cette  dernière  hypo- 
thèse n'est  même  pas  nécessaire.  Pouiquoi,  en  effet,  mot  une  fois  adopté, 
dans  l'emploi  particulier  que  je  lui  attribue,  sous  cette  forme  (comme 
bon,  on,  hors,  etc.,  où  Yo  ne  s'est  qiiVxci-ptioniiellement  diphthongué  ), 
n'aurait-il  pu  coexister  avec  muef,  sans  disputer  à  cette  autre  forme  de 
modum  la  signification  spéciale  de  mode  de  verbe,  ni  l'admettre  au 
partage  de  son  propre  rôle  1  Ce  serait  simplement  un  doublet  de  plus  à 
enregistrer  dans  le  vieux  français.  Un  autre  argument  en  faveur  de  l'o- 
rigine que  je  suppose  à  notre  mot,  c'est  la  forme  provençale  motz  (  par 
exemple  Flamenca,  7361),  dans  laquelle^  s'explique  fort  bien,  dans  l'hy- 
pothèse de  modum,  comme  développement  de  z  =  d;  tandis  que,  dans 
celle  de  muttum  (  synonyme  de  verbum),  motz  ne  pourrait  être  qu'un  plu- 
riel, et  qu'un  pluriel  sérail  en  pareil  cas  très-surpreuant    C'est  toujours, 


296  BIBLIOGRAPHIE 

«  Retreyt,  réaction?  »—  Non  point.  Ce  mot  signifie  reproche, 
accusation,  et  plus  généralement,  comme  dans  le  passage  auquel 
on  renvoie,  discours  malveillant.  Cf.  Raynouard,  retrait  (V.  407  b). 

Tener  et  lier.  Deux  articles  qui  devraient  n'en  faire  qu'un,  sous  la 
rubrique  tier.  Tener,  je  crois,  ne  se  rencontre  pas  dans  notre  texte, 
et  c'est  une  forme  antipathique  au  génie  de  l'idiome. 

Je  signalerai  maintenant  quelques  omissions  : 

A  préposition,  précédant  comme  en  espagnol  le  régime  direct. 
Notre  texte  offre  plusieurs  exemples  de  cette  particularité,  l'une 
de  celles  qui  méritaient  le  plus  d'être  notées. 

Diser.  Il  eût  été  bon  de  relever  l'acception  demander,  qui  man- 
que à  Raynouard,  bien  que  les  exemples  n'en  soient  pas  rares  en 
provençal.  Notre  texte  en  offre  au  moins  un  (II,  30):  «  Et  dixon 
de  qui  ère  l'enfant.  » 

Mielhor,  dans  la  signification  adverbiale  de  mieux, plutôt  (aqueres 
palaures  son  mielhor  mies  que  toes).  Cet  emploi  de  melhor  est  au- 
jourd'hui extrêmement  fréquent,  aussi  bien  en  Languedoc  qu'en 
Gascogne;  mais  les  exemples  anciens  n'en  sont  pas  communs. 

Qui  est  relevé  seulement  comme  pronom  relatif,  régime  direct 
(pour  que).  Il  aurait  fallu  mentionner  aussi  qui  =  que  conjonction. 
Cette  forme,  si  commune  dans  les  textes- béarnais,  se  rencontre 
plusieurs  fois  dans  nos  récits,  p. ex.  11,20,  9;  24,  4,  20  et 21. 

TEXTE  PROVENÇAL 

Ce  texte,  ai-je  dit  dans  mon  premier  article,  a  les  caractères 
très-marqués  du  dialecte  de  la  Provence  ou  de  la  partie  voisine  du 
bas  Languedoc.  Le  principal  et  le  plus  saillant  de  ces  caractères 
(et  c'est  aussi — comme  quelques-uns  des  suivants  —un  trait  com- 
mun aux  textes  vaudois)  est  l'emploi  constant  du  pronom  neutre 
lo  comme  sujet,  même  avec  un  sujet  réel  exprimé  après  le  verbe, 
par  exemple  :  «  que  lo  dévia  naysser  .1.  gran  rey.  » 

On  peut  encore  noter  : 

La  présence  de  l'article  tiré  de  ipse;  trois  ou  quatre  exemples 
seulement:  I,  99:  sos  princes  ;  II,  232,  22  et  233,  8,  sa  cros.  P.  234, 
on  lit:  «  sa  sorre  de  la  Verge  »,  mais  ce  peut  être  là  l'adjectif 
possessif  employé  pléonastiquement.  On  a  pareillement  ie  choix 
entre  l'article  et  l'adjectif  possessif  dans  l'exemple  (sa  filha  de 
Julius)  relevé  dans  mon  premier  article  (198,4)  '  ; 

en  effet,  sous  la  forme  du  singulier  que  l'on  voit  employés  les  substantifs 
(  comme  point,  goutte  )  qui  ont  usurpé  le  rôle  de  particule  négative. 

1  II  faut  chercher  tous  ces  exemples  dans  les  notes,  les  éditeurs  ayant 
partout  substitué  une  l  à  Y  s  du  manuscrit. 


BIBLIOGRAPHIE  299 

L'assimilation  ou  l'élimination  du  d  du  groupe  nd  (cas  fréquent 
en  Provence  (cf.  Saint  Honorât,  passirn  ,  dans  les  mots  fazenna, 
segona  ; 

La  substitution  de  l'a  à  Pe  final  atone  après  r  précédé  d'une 
muette,  particulièrement  t:  alegra  =  alegre,  autia  =  autre,  rosiras 
=  vostres,  et  les  infinitifs  metra,  combatra.  Cette  substitution  est, 
comme  on  sait,  très-fréquente  en  catalan,  dans  toutes  les  positions. 
Je  l'ai  rencontrée  aussi  dans  des  chartes  gasconnes,  après  tr 
comme  ici,  et  aussi  après  pi,  M.  Mais  nos  Récits  sont  encore  le 
seul  texte  provençal  qui  me  l'ait  offerte.  Ce  phénomène  y  serait 
moins  surprenant  si  l'inverse  [e  pour  a),  comme  dans  les  textes 
catalans  et  gascons,  s'y  constatait  également  ; 

La  mutation  de  «en  rentre  deux  voyelles,  dans  morimen,  forme 
constante  de  ce  mot.  Cf.  noranta  (qui  est  aussi  catalan)  dans  Saint 
Honorât,  et  derant  =  denant  dans  un  texte  vaudois  (Monastier,  11. 
324).  Cette  mutation  est  habituelle  dans  le  patois  de  l'Oysans  : 
uro  =  une;  famir a = famine,  etc.  : 

L'interversion  des  rôles  de  esser  et  de  aver:  era  agut  =  uvia  estât 
(II,  238  et  243);  es  agut  =  aestat{U1).  Cf.  Bévue,  X,  314. 

Je  bornerai  lames  remarques  sur  la  partie  provençale  des  Récits 
d'histoire  sainte,  jugeant  inutile,  vu  son  caractère  accessoire  dans  la 
publication  de  MM.  Lespy  et  Raymond,  un  examen  plus  détaillé. 
La  plupart  des  fautes  que  j'y  pourrais  relever  ont  d'ailleurs  leur 
source,  comme  un  certain  nombre  de  celles  de  la  partie  béarnaise, 
dans  l'excès  d'un  sentiment  qui  n'est  point  blâmable  en  soi,  mais 
auquel  les  éditeurs  d'anciens  textes  sont  en  général  trop  enclins  à 
céder:  je  veux  dire  la  méfiance  de  leur  manuscrit.  Il  est  bon,  sans 
doute,  de  se  tenir  en  garde  contre  les  bévues  des  copistes;  niais  il 
ne  faut  pas  non  plus,  obéissant  trop  facilement  aux  suggestions 
d'une  critique  inquiète,  leur  en  imputer  d'imaginaires*. 

C.  Chabaneau. 

P. -S. —  Je  rencontre  par  hasard,  dans  la  préface  de  l'édition  du 
Parterre  g ascoun,  de  Bedout,  donnée  à  Auch.  en  1850,  par  M.  Aba- 
die,  la  mention  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal 
(n°  355),    intitulé  Commentaire  dt  la  Bible,  qui  ne  m'est  pas  autre- 


1  Un  seul  exemple,  parmi  beaucoup  d'autres  :  p.  241,  1.  1,  le  ms.  porte 
que  «  Rodano  hyci  de  la  mayre.  »  MM.  L.  el  R.,  croyant  à  une  faute 
ont  corrigé  mar.  Or  mayre  est  très-bon  et  bien  préférable  ;  il  faut  seu- 
ment  remarquer  que  ce  mot  désigne  ici  le  Ut  (proprement  la  matrice)  du 
fleuve    Voy.  Raynouard  sous  maire,  IV,  122. 


300  BIBLIOGRAPHIE 

ment,  connu,  mais  qui,  d'après  les  fragments  reproduits  dans  cette 
préface  (p.  XLV),  doit  être  un  autre  exemplaire  du  texte  provençal 
des  Récits  d'histoire  sainte.  On  en  aurait  donc  au  moins  quatre. 

La  Felibrejado  d'Areno,  remembranço  dôu  28  d'avoust  1876,  Lctrn  à 
Madamisello  Leountino  Goirand,  per  Louis  Ro;mikox  (de  Nimes), 
—  Nimes,  Baldy-Riflard,  1877,  in-8",  28  pages. 

Par  une  chaude  journée  d'août  1876,  une  troupe  de  félibres  et 
d'amis  alla  l'aire  une  partie  de  plaisir  au  château  d'Arène,  sur  les 
bords  de  l'Alzon,  dans  la  banlieue  d'Alais.  Une  épître  de  près  de 
huit  cents  vers,  d'une  lecture  des  plus  agréables,  grâce  à  la  variété 
de  la  narration,  à  la  coupe  et  a  la  facilité  du  vers,  est  devenue,  sous 
la  plume  de  M.  Roumieux,  le  monument  et  comme  le  procès-ver- 
bal poétique  de  ces  heures  trop  vite  écoulées.  L'œuvre  est  partagée 
en  sept  petits  chants,  ou  parties  de  longueur  inégale,  qui  pourraient 
recevoir  les  titres  suivants  :  Entrée  en  matière,  le  Départ,  le  Déjeuner> 
Sous  l'ombrage,  Lecture  d'un  drame  provençal  inédit,  Entracte,  Retour. 

Les  félibres  ne  se  mettent  jamais  à  table  sans  faire  asseoir  la 
poésie  avec  eux.  Il  en  fut  ainsi  à  Arène.  Chacun  paya  de  sa  per- 
sonne au  dessert.  Aubanel  lut  li  Fabre.  Arnavielle  et  Gaussen 
chantèrent:  l'un,  lou  Muscat  de  Quaranto; l'autre,  Estivenco.  Charvet 
débita  Sursum  corda;  Mayer,  Deman ;  Paul  Félix,  l'auteur  des 
Fados  en  Cevenos,  une  fable  pleine  d'entrain  et  de  jeunesse  ;  Rou- 
mieux chanta  lou  Maset  et  raconta  Bassaquin;  MUe  Goirand,  enlin, 
récita  YAucelounet.  A  trois  heures,  on  alla  se  reposer  à  l'ombre 
d'un  bosquet  voisin  ;  c'est  là  que  Roumieux  lut  l'œuvre  dramatique 
d'Aubanel,  lou  Pan  dôu  Pecal.  Le  résumé  du  drame  forme  doux 
cent  quarante  vers  de  la  Felibrejado  d'Areno,  Cette  analyse  paraît 
assez  iidèle  pour  nous  apprendre  que  lou  Pan  dôu  Pecat  est  une 
pièce  passionnée  et  ardente,  tout  à  fait  dans  le  ton  des  productions 
les  plus  hardies  du  théâtre  contemporain,  et  différant,  par  consé- 
quent, du  genre  habituel  du  félibre  de  la  Miougrano. 

Les  vers  de  la  Felibrejado  sont  des  alexandrins  disposés  en 
quatrains,  dans  chacun  desquels  les  rimes  extrêmes  et  moyennes 
sont  alternativement  masculines  et  féminines: 

Areno,  o  Paradis,  o  -ejour  benesil 

'faut  que  viéurai  —  toustèms  Dieu  me  faguèsse  viéure  — 

Oublidarai  jamai  qu'eusèn  nous  as  vist  béure 

I  risènt  de  l'Alzoua  cascaiant  de  plesi  !. . . 

Se  li  jour  li  pus  bèu  fuson,  o  Felibresso, 
N'en  reslo  quaucarén  pèr  quau  se  sent  au  cor 
Un  arderous  fougau  plen  de  belugo  d'ur  : 
La  remembranço  es  douço  autant  qu'uno  cares^o. 


HlBLlOciKAIIUH  301 

M.  Roumieux  restera  le  poëte  du  rire;  c'est  un  point  convenu. 
Mais  il  sait  aussi  bien  exprimer  la  douce  rêverie,  les  aspirations 
religieuses  ,  les  sentiments  tristes  ou  énergiques.  Quelle  délica- 
tesse dans  le  dernier  vers  de  la  citation  ci-dessus!  On  le  dirait 
emprunté  aux  meilleures  pièces  d'A.  de  Musset! 

Voici  un  quatrain  où  la  gaieté  et  une  note  plus  élevée  sont  heu- 
reusement associées  : 

En  foulo,  àcha  paréu,  felibresso  e  felibre, 
Caniinon,  gais  aucèu,  piéutant  si  riéu-chiéu-clnéu. 
Parai,  qu'en  amirant  lis  obro  dôu  bon  Dieu, 
L'amo  es  mai  espandido  e  l'esperit  mai  libre. 

Au  retour  de  la  fête  et  à  la  tombée  de  la  nuit,  il  dépeint  les 
harmonies  qui  l'entourent  : 

Laniue  toumbo;  lou  cèu  sèmpre  lis,  sèrapre  blu, 
Miraiavo  d'amount  li  luseto  di  mouto, 
E  l'invisiblo  man  de  Dieu  sus  noslo  routo 
Avié  dùu  flrmamen  samena  li  belu. 

Quand  il  raconte  lou  Pan  dôu  Pecat.W  en  relate  avec  la  plus 
grande  vigueur  les  émouvants  épisodes.  Ses  vers,  montés  au  dia- 
pason tragique,  deviennent  aussi  brûlants  que  les  citations  du 
draine  qu'il  introduit  dans  son  compte  rendu.  Mais  le  naturel 
n'a  pas  été  chassé  bien  loin,  puisque,  au  milieu  ou  à  la  tin  d'une 
tirade  pathétique,  il  revient  tout  à  coup,  sans  être  attendu,  sous  la 
forme  d'une  chute  plaisante,  qui  semble  vouloir  rappeler  au  lec- 
teur que  l'auteur  de  la  Rampelado  est  toujours  la. 

Par  exemple,  à  la  fin  du  repas  : 

Es  vosto  bouco  d'or  que  fai,  o  Felibresso  ! 
Dins  nosto  amo  raja  lou  méu  dùu  Paradis. 

De  qu'avès  dounc  au  cor  per  nous  sedurre  ansindo, 
O  femo  ?. .. .  Ange,  de  qu'as  pèr  noua  embalausi? 
Per  nous  ravi  lou  sèn,  entre  qu'avèn  ausi 
Lou  son  armounious  de  ta  voues  puio  e  lindo  ? 

Silvestre,  digo-me,  tu  qu:as  tout  remarca, 
Qu'as  furna  milo  tes  l'amo  e  li  cor  di  femo, 
Digo-me  coume  vai  que  soun  regard  nous  cremo 
E  que  pamens.  . . —  Roumieux,  se  prenian  lou  moka  ? 

Et,  après  le  dénoùment  du  drame,  quand  il  a  retracé  les  remords 
et  le  suicide  de  l'héroïne  : 

Alor,  nous  aubourant,  chascun  vai  per  soun  tour, 
Enca,  tout  esmougut  de  la  darriero  sceno 
Qu'avié  fa  reboumbi  lou  sang  dins  nôsti  veno, 
D'aquéli  vers  ardent  félicita  l'autour. 

23 


302  BIBLIOGRAPHIE 

Après  —  oubiuJen  rén,  d'abord  que  fau  tout  dire, — 
Paure  legèire  es  iéu  que  siéu  coumplimenta 
Dôu  gàubi  qu'aviéu  mes  à  vous  représenta, 
Vole  dire,  à  legi  la  peço. . .  Eh  bèn  !  sens  rire, 

Aqui,  la  !  francamen,  vous  aviéu  atupi. 
Sylvestre,  qu'es,  sabès,  un  fier  estabussaire, 
Me  vèn  :  «  Roumiéux,  fariès  un  famous  cabussaire  : 
Goumetènes  l'alen,  moun  bêu,  sens  escupi  !  » 

Le   premier  vers  de  la   troisième  partie   contient  un  idiotisme, 
évidemment  propre  au  bassin  du  Gardon,  et  qui  mérite  d'être  re- 
levé, parce  qu'il   rappelle  une  expression  analogue  en  usage  aux 
environs  de  Montpellier,  dans  tout  le  bassin  du  Lez  : 
Intren  dins  lou  castèu  coumo  uno  gardounado ; 

«  Nous  entrâmes  dans  le  château  comme  une  crue  subite  du 
Gardon.  »  On  dit  à  Montpellier  una  lezada,  dans  le  même  sens. 
En  1803,  à  Salicate,  deux  blanchisseuses  du  Lez  furent  emportées 
pendant  qu'elles  rassemblaient  leur  linge,  par  une  crue  subite  de  la 
rivière,  et  périrent  dans  les  eaux.  Entendant  raconter  l'accident 
quelques  jours  après,  l'auteur  de  cet  article  bibliographique  nota 
cette  phrase  :  Venguet  una  lezada  que  las  enmenet.  Une  désinence 
semblable  peut-elle  s'ajouter  aux  noms,  languedociens  ou  proven- 
çaux, des  autres  cours  d'eau  du  Midi,  pour  exprimer  leur  déborde- 
ment subit?  Il  est  à  croire  que  l'euphonie  a  quelque  influence  dans 
la  formation  de  ces  mots.  A.  E. 

Pichoun  Oufici  de  l'Inmaculado  Gouncepcien  de  la  Viergi  Mario, 
adouba  de  la  man  de  l'abat  A.  Bayle  ,  proufessour  d'elouquènci 
sacrado  à  la  Faculta  d'Ais-en-Proiwènço.  —  Avignoun,  Roumanillo, 
1877,  in- 16,  24  pages. 

L'abbé  Bayle,  dont  les  lettres  provençales  et  la  science  théolo- 
gique déploreront  longtemps  la  perte,  est  mort  dans  toute  la  force 
de  l'âge  et  du  talent,  le  17  mars  1877,  à  Marseille,  où  il  était  né. 
Pour  honorer  sa  mémoire,  M.  Roumanille  a  publié,  le  mois  sui- 
vant, un  petit  office,  en  dialecte  littéraire  marseillais,  de  l'Immacu- 
lée Conception,  que  le  défunt  avait  laissé  en  manuscrit.  Cet  opus- 
cule comprend,  d'une  part,  les  traductions  très-exactes  des  versets 
et  des  oraisons  de  cet  office,  et,  de  plus,  celles  du  Pater,  de  Y  Are 
Maria,  du  Credo,  du  Salve  Regina,  du  Memorare  de  saint  Bernard 
et  des  litanies  de  la  Vierge  ;  d'autre  part,  d'élégantes  paraphrases 
des  hymnes  chantées  aux  diverses  parties  dudit  office,  ou  des  com- 
positions personnelles  destinées  à  les  remplacer.  Voici  une  de  ces 
hymnes,  dans  laquelle  l'auteur  s'est  spécialement  livré  à  sa  propre 
inspiration  : 


LE    CHANT    DU    LATIN    EN     1TALIU  30? 

Es  à  vous,  dins  lei  marrit  jour, 

Que  demandait  ajudo, 
E  nous  rendrès  nouesto  vigour, 

Se  'n  cop  l'aven  perdudo . 

Lou  demoun  vous  a  pas  touca, 

Viérgi  louto  celèsto, 
Gouncéupudo  sènso  pecat  : 

L'avè  'scracha  la  tèsto. 

Aqtii  la  On  de  noste  dôu 

E  de  nouéstei  lagremo, 
Femo  plus  valènto  cent  coup 

Que  lei  plus  fouèrtei  femo. 

Emè  soun  espaso,  Judit 

A  sauva  Betulio, 
Mai  es  tout  un  mounde  maudi 

Qu'avès  sauva,  Mario  ! 

L'imprimeur,  F.  Seguin,  d'Avignon,  a  fait  de  ces  quelques  pages 

un  vrai  bijou  typographique . 

A.  E. 


LE  CHANT  DU  LATIN  EN  ITALIE 


En  remerciant  les  publicistes  et  les  périodiques  qui,  sur  tous 
les  points  du  domaine  roman,  et  spécialement  en  Roumanie,  en 
Suisse,  en  Espagne,  dans  le  Canada,  la  Louisiane,  la  Nouvelle- 
Grenade  et  la  République  Argentine1,  ont  si  favorablement  ac- 
cueilli l'idée  de  M.  de  Quintana  et  le  programme  qui  en  renfer- 
mait le  thème,  nous  tenons  à  placer  sous  les  yeux  des  lecteurs  de  la 
Revue,  —  non  pas  à  raison  des  éloges  qu'il  contient,  mais  de  la 
compétence  philologique  de  celui  qui  l'a  signé, —  un  article  dans 
lequel  M.  Ascoli  donne  une  éloquente  adhésion  à  la  pensée  du 
poète  et  député  catalan. 

«  LE    CHANT  DO  LATIN 

»  La  Perseveranza  a  déjà  eu  l'occasion  de  faire  connaître  ce  qu'elle 
pensait  des  tentatives  qui  se  produisent  dans  le  midi  de  la  France 


1  Qu'il  nous  soit  permis  de  signaler  la  Renaixensa  et  le  Diario,  de 
Barcelone  ;  las  Provincias,  de  Valence;  el  Conslitucianal,  de  Sainte 
Croix  de  Teneriffe;  la  Revue  suisse,  de  Genève  ;  le  Fôgl  d'Engiadina, 
de  Sam  e  dan  ;  Y  Europe  orientale,  de  Bucarest  ;  la  Gazeta  Craiovei,  de 
Craiova;  le  Libéria  e  Lavoro,  de  Trieste;  les  Nuove  E/femendi  siciliani, 
de  Palerme  ;  la  Llumanera,  de  New- York  ;  la  Aurenela.  de  Buenos- 
Ayres;  Y  Abeille,  àa  la  Nouvelle-Orléans,  le  Gur'aSatului,  d'Arad,  etc.,  etc. 


104  LE    CHANT    DU    LATIN     EN    ITALIE 

pour  ressusciter  le  provençalisme .  De  quelque  manière  qu'on  envi- 
sage une  tendance  de  nature  à  resserrer  plus  particulièrement  les 
liens  de  spéciale  affinité  qui  unissent  les  Provençaux,  les  Aquitains 
et  les  Catalans,  on  ne  doit  certainement  pas  ménager  l'éloge  à  la  So- 
ciété romane  de  Montpellier.  Profitant  d'un  mouvement  qui,  à  cer- 
tains égards,  rappelle  plutôt  l'époque  des  troubadours  que  celle  du 
téléphone  et  de  la  critique  historique,  elle  est,  grâce  à  une  méri- 
toire insistance,  parvenue  à  rétablir  sur  des  bases  solides  l'étude 
sérieuse  des  choses  néo-latines  dans  la  France  méridionale. 

»  Paris  possède  une  revue  excellente,  la  Romania,  consacrée  aux 
recherches  historiques  qui  ont  pour  objet  la  littérature  et  les  lan- 
gues des  peuples  néo-latins.  Ce  nom  de  Romania  est  comme  la 
contre- partie  de  la  Germania,  porté  par  un  autre  recueil,  lequel  em- 
brasse dans  son  cadre,  en  outre  de  l'Allemagne,  tout  ce  qui  est  re- 
latif à  la  Suisse,  à  l'Angleterre,  etc.  La  Romania  est  née,  ou  du 
moins  a  paru,  depuis  que  la  France  a  perdu  une  certaine  partie  de 
son  ancienne  prééminence  sur  les  nations  néo-latines,  soit  par 
suite  de  ses  désastres  politiques,  soit  par  suite  du  redoublement 
d'activité  intellectuelle  qui  s'est  manifesté  en  d'autres  régions  du 
monde  roman.  Mais,  précisément  à  cause  de  cela,  nous  pouvons 
accueillir  avec  d'autant  plus  de  sympathie  qu'il  est  moins  mena- 
çant un  symbole  qui  rappelle  le  sentiment  de  solidarité  commune 
existant  entre  toutes  les  nations  qui  tiennent  de  Rome  leur  civili- 
sation et  leur  langue. 

»  Nous  sommes  de  ceux  qui  croient  que  l'affinité  particulière  et 
l'accord  intellectuel  qui  unissent  les  Néo-Latins  ont  des  racines 
encore  plus  anciennes  et  meilleures  que  celles  de  la  domination 
romaine.  Dans  notre  Credo  politique  et  intellectuel,  nous  admettons 
qu'il  y  aura  constamment  antithèse  entre  Latins  et  Germains; 
mais  la  lutte,  qui  peut  n'être  que  pacifique,  est  aujourd'hui  une 
lutte  inégale,  par  suite  de  l'avance  qu'ont  prise  les  Allemands,  grâce 
à  l'admirable  discipline  de  leurs  forces.  Aussi  saluons-nous  avec 
une  vive  satisfaction  tous  les  efforts  qui  tendent  à  raffermir  noble- 
ment la  fraternité  latine,  et  à  rétablir  l'unité  romaine  dans  le  do- 
maine du  sentiment  et  de  la  pensée. 

»  La  Société  romane  de  Montpellier,  qui  —  nous  l'avons  dit  plus 
haut  —  s'attache  à  concilier  l'ardeur  poétique  de  la  France  du 
Sud  avec  le  travail  de  reconstruction  historique  qui  se  manifeste 
dans  le  reste  de  l'Europe  latine,  a  admis  dans  la  partie  littéraire 
de  son  programme  un  sujet  de  concours  qui,  en  d'autres  temps, 
ne  serait  venu  à  l'esprit  de  personne,  car  il  constitue  à  lui  seul 
un  phénomène  historique  digne  de  fixer  l'attention.  Il  s'agit  d'un 
Chant  destiné  à  entrer  immédiatement  dans  le  patrimoine  commun 
des  lettres  néo-latines,  d'un  chant  qui  atteste  et  exalte  la  conscience 
et  le  sentiment  de  cette  grande  communauté  d'origine. 

»  Les  Italiens  ne  peuvent  voir  avec  indifférence  un  mouvement 
intellectuel,  si  modeste  qu'il  soit,  au  nom  duquel  l'antique  Latium 
continuerait  de  paraître  la  patried'une  si  notable  portion  de  l'Europe 
civilisée.  Un  jeune  Catalan,  heureusement  inspiré  par  ces  idées, 
ne  chantait-il  pas  tout  récemment  : 

Les  armes,  c'est  la  Science;  le  drapeau,  c'est  l'Art;  la  patrie,  c'est 
Rome! 


CHRONIQUE  3<-5 

»  Et  nous  aussi  nous  accueillons,  et  de  tout  cœur,  le  programme 
de  ce  Chant  du  Latin,  que  la  métropole  intellectuelle  de  la  Pro- 
vence nous  envoie  courtoisement.  »  (  La  Perseveranza,  de  Milan, 
n°  du  13  décembre.) 


CHRONIQUE 


Le  bureau  de  la  Société  pour  l'année  1878  est  ainsi  composé  : 
Président:  M.  de  Tourtoulon  (le  baron  Charles),  correspondant 
des  Académies  d'histoire  et  des  sciences  morales  et  politiques  de 
Madrid.  —  Vice-Présidents:  MM.  Boucherie  et  Charles  Hevillout, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres.  —  Secrétaire:  M.  Alph.  lioque- 
Ferrier.  —  Trésorier:  M.  Louis  Lambert.  —  Vice-Sécrétdirés: 
MM.  P.-J.  Itier  et  Hilaiion  Vigouroux.  —  Directeur  des  publica- 
tions: M.  Ernest  Hamel'm . 

L'importance  exceptionnelle  du  Concours  de  1878  a  motivé  la 
dérogation  faite  aux  Statuts  de  la  Société  par  la  nomination  de 
deux  vice-présidents. 

* 
»  * 

La  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes  a  à  remercier  l'auteur 
des  Parpaioun  blu,  William-C.  Bonaparte- Wyse,  d'un  buste  en 
bronze  de  Rabelais,  qu'il  a  bien  voulu  mettre  à  sa  disposition  et 
qui  est  destine  à  l'auteur  de  la  meilleure  galejado,  c'est-à-dire 
du  meilleur  conte  plaisant,  écrit  en  prose,  dans  un  des  dialectes  du 
midi  de  la  France,  et  orthographié  à  la  manière  félibrique. 

Les  envois  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  des 
langues  romanes,  rue  Raffinerie,  à  Montpellier,  avant  le  1er  avril 
prochain. 

+ 
*  * 

La  réunion  du  Parage,  annoncée  dans  le  dernier  fascicule  de  la 
Revue,  comme  devant  être  tenue  à  Maguelone  le  12  novembre, 
fut  remise  au  18  du  même  mois.  Elle  comptaitparmi  ses  membres: 
Mgr  de  Roverié  de  Cabriéres,  évèque  de  Montpellier;  MM.  Bona- 
parteAYyse,  Roumanille,  de  Berluc-Perussis,  Arnavielle,  Auguste 
Yerdot,  de  Villeneuve-Esclapon,  de  la  Baume,  Cantagrel,  Bou- 
cherie, Henri  Delpech,  Antonin  G  laize,  Espagne,  etc. 

La  Revue  en  entretiendra  bientôt  ses  lecteurs  ;  toutefois  elle  peut, 
des  aujourd'hui,  dire  que  la  journée  du  18  novembre  constitue  pour 
l'Ecole  montpelliéraine  un  succès  des  plus  enviables. 

Dans  cette  séance,  le  Parage  a  vote  un  prix  a  décerner  par  la 
Société  des  langues  romanes  ;  lors  du  Concours  du  Chant  <Iu  Lutin, 
il  a  choisi  notre  ami  Albert  de  Quintana  pour  son  président  d'hon- 
neur et  nommé  quatre  correspondants,  qui  sont  M.  de  Quintana. 
d'abord,  MM.  Victor  Balaguer,  Bonaparte- Wyse  et  Mile  \  Fonta- 
nals,  ensuite. 


306  CHRONIQUE 


Un  Comité  composé  de  personnes  prises  parmi  les  Sociétés  qui, 
à  Montpellier  et  dans  le  midi  de  la  France,  se  sont  associées  à 
l'idée  du  concours  du  Chant  du  Latin,  s'est  formé  dans  notre  ville, 
sous  la  présidence  de  M.  de  Tourtoulon. 

Ce  Comité  doit  arrêter  bientôt  le  programme  des  journées  delà 
fête  et  de  la  réception  à  faire  aux  savants  qui,  des  différents  pays 
de  langue  romane,  ont  promis  de  venir  au  Congrès  de  Mont- 
pellier. 

Nous  ne  doutons  pas  que  le  Comité  ne  trouve,  tant  auprès 
des  corps  constitués  que  parmi  les  habitants  de  notre  ville,  un 
écho  entièrement  sympathique.  Nous  n'avons,  en  effet,  qu'à  jeter 
un  coup  d'œil  sur  le  chemin  parcouru  depuis  trois  ans,  pour  nous 
convaincre  que  les  idées  latines  acquièrent  à  Montpellier  un  in- 
discutable droit  de  cité.  Au  premier  concours  triennal  de  la  Société 
des  langues  romanes,  le  31  mars  1875,  M.  Frédéric  de  la  Combe, 
alors  maire,  assurait  M.  Milâ  y  Fontanals,  le  savant  professeur  à 
l'Université  de  Barcelone,  qu'il  s'efforcerait  de  continuer  les  tra- 
ditions de  langue,  d'histoire  et  de  mœurs,  qui  unissent  depuis  si 
longtemps  le  midi  de  la  France  à  la  Catalogne,  et,à  un  point  de  vue 
plus  particulier,  Montpellier  à  Barcelone.  M.  le  docteur  LéonCoste, 
s'inspirant  des  mêmes  sentiments,  envoyait  en  1876,  au  nom  de 
l'administration  municipale  de  notre  ville,  une  médaille  d'or  au 
Concours  du  sixième  centenaire  de  la  mort  de  Jacme  le  Conqué- 
rant, célébré  à  Valence  le  27  juillet  1876.  La  réception  si  cordiale 
que  les  associations  littéraires,  les  autorités  civiles,  mililaires  et 
religieuses,  de  Valence  et  de  Barcelone,  firent,  à  la  suite  de  ce  vote, 
aux  délégués  de  la  Société  des  langues  romanes  ;  les  prix  donnés  au 
second  Concours  triennal  de  Montpellier  par  les  félibres  proven- 
çaux, la  Société  archéologique  de  Béziers,  la  Société  scientifique  et  lit- 
téraire d'Apt,  V Académie  du  Sonnet  d'Aix,  V Athénée  de  Forcalquier, 
le  Félibrige  des  Alpes,  VAube  provençale,  etc.;  le  succès  populaire 
qu'a  obtenu  la  poésie  de  M.  Charles  Gros  sur  VUnioun  das  pojdes 
latins,  et.  il  y  a  un  mois  et  demi  à  peine,  le  prix  voté  à  Maguelone 
par  le  Parage,  sur  la  proposition  de  son  président.  M.  Charles 
Cavallier,  témoignent,  d'une  part,  que  la  ville  de  Montpellier  a 
conscience  de  la  grande  idée  qu'elle  a  l'ambition  de  représenter; 
de  l'autre,  que  l'opinion  des  personnes  lettrées  du  midi  de  la  France, 
de  l'Espagne  et  de  l'Italie,  semble  unanime  jusqu'ici  à  lui  réserver 
la  direction  du  mouvement  néo-latin. 


Sur  l'initiative  de  MM.  Griffe  et  Arrazat,  le  Conseil  général  de 
l'Hérault  a,  dans  sa  session  de  décembre  dernier,  émis  le  vœu 
qu'une  chaire  de  philologie  romane  fût  créée  à  Montpellier.  Nous 
remercions  ces  honorables  conseillers  de  leurintelligente  initiative. 
En  joignant  ainsi  sa  voix  cà  celle  du  Conseil  académique,  le  Con- 
seil  général  a  encore  augmenté  les  chances  de  Montpellier  à  de- 
venir grand  centre  universitaire.  On  sait  que  M.Waddington  avait, 
lors  de  son  passage  en  cette  ville,  pris  l'engagement  de  faire  re- 
présenter la  philologie  romane  dans  le  haut  enseignement,  et  de  ré- 


CHRONIQUE  307 

server  Tune  des  nouvelles  chaires  au  grand  centre  qui  serait  choisi. 
Le  Conseil  général  de  l'Hérault  a  donc  été  bien  inspiré,  tant  au 
point  de  vue  de  la  philologie  que  des  intérêts  de  la  métropole  scien- 
tifique du  midi  de  la  France.  Espérons  que  la  réponse  suivra  de 
près  la  demande,  et  que  l'institution  de  cette  chaire  coïncidera 
avec  la  second  Congrès  triennal  de  la  Société. 

Espérons,  aussi  que  le  Ministre, éclairé  par  les  romanisants  com- 
pétents de  l'Institut  et  du  Collège  de  France,  voudra  compléter,  du 
premier  coup,  la  nouvelle  organisation,  en  créant  simultanément,  à 
Montpellier,  une  chaire  de  philologie  romane  (  langue  d'oil  )  et  une 
chaire  de  philologie  romane  (langue  d'oc).  C'est  ainsi  qu'on  a  dé- 
doublé certaines  spécialités  de  l'enseignement  supérieur,  par  exem- 
ple la  littérature  ancienne,  pour  le  plus  grand  profit  des  études. 

* 

La  première  réunion  de  la  maintenance  d'Aquitaine  a  eu  lieu  le 
8  octobre  dernier  à  Toulouse.  Les  membres  qui  y  assistaient  n'é- 
taient pas  très-nombreux,  —  quatorze  en  tout,  nous  a-t-on  dit  ; 
—  mais  le  syndic  de  la' nouvelle  maintenance  avait  reçu  environ 
cent  adhésions 

Le  bureau  a  été  ainsi  constitué  :  syndic,  M.  Paul  Barbe  (nommé 
par  M.  Mistral)  ;  vice-syndics ,  MM.  le  comte  deïoulouse-Lautrec, 
Ch.  de  Carbonnières,  Castella,  le  meunier-poéte  montalbanais,  et 
Chastanet  ;   secrétaire,  M,  Germain  Fournier. 

Le  numéro  du  28  octobre  du  Prouvencau  contient  un  assez  long 
fragment  du  discours  de  M.  Barbe. 


* 
*■  * 


Athénée  de  Forcalquier.  —  Concours  de  1878.  Le  vœu  émis  par 
Y  Athénée  de  Forcalquier,  le  5  novembre  1876,  pour  la  restauration 
de  la  maison  natale  de  Gassendi  à  Champterçier,  sera  prochaine- 
ment réalisé  :  la  Société  française  d'archéologie  va  réparer  cette 
maison  historique  et  en  assurer  ainsi  la  conservation.  D'autre  part 
la  Société  Y  Aube,  de  Marseille,  a  délibéré  d'y  placer  un  médaillon 
de  Gassendi  et  une  inscription  provençale  commémorative. 

h' Athénée  a  pris,  en  outre,  la  délibération  suivante,  dans  sa 
séance  du  4  novembre  1877  : 

Un  concours  est  ouvert  sur  ce  thème:  Notice  sur  Gassendi. 

Cette  notice  devra  être  divisée  en  deux  parties,  de  longueur  à 
peu  près  égale,  et  consacrées,  la  première,  à  la  biographie  de  Gas- 
sendi, puisée  directement  aux  sources  ;  la  seconde,  à  un  résumé, 
aussi  simple  que  possible,  de  son  système  philosophique. 

Nul  mode  particulier  de  rédaction  n'est  imposé. 

Les  envois  devront  être  adressés  au  Président  de  1: Athénée,  à 
Forcalquier,  avant  le  15  avril  1878,  et  accompagnés  d'un  pli  ca- 
cheté, contenant  le  nom  de  l'auteur  et  son  adresse. 


Un  des  plus  intelligents  éditeurs  de  Barcelone,  M.  Alvaro 
Verdatmer  (Rambla  delCentro,  5),  met  en  souscription  la  traduc- 
tion delà  Divine  Comédie  du  Dante,  que  composa,  au  commence- 
ment du  XV-  siècle,  Andreu  Febrer  :  la  Comedia  de  Dant  AlUghier 


308  CHRONIQUE 

{de  Florenza),  traslatada  de  rims  vulgars  toscans  en  rims  vulgars  ca- 
thalans1.  Le  texte  sera  revu  par  D.  Cayetano  "Vidal  y  Valenciano. 
et  précédé  d'une  étude  biographique-bibliographique. 

L'œuvre,  aussi  célèbre  que  peu  connue,  de  Febrer,  formera  un 
volume  in-12  de  700  pages  environ,  imprimé  sur  papier  vergé, 
avec  des  caractères  elzeviriens. 


M.  A.  Luchaire,  maître  de  conférences  d'histoire  et  de  langues 
méridionales  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux,  déjà  connu  par 
une  intéressante  thèse  latine  sur  lidiome  aquitanique  :  de  Lingua 
aquitanica,  et  une  monographie  ÎYAlain  le  Grand,  sire  d'Aîbret. 
consacre  une  leçon  par  semaine  à  l'étude  de  la  langue  d'oc.  Sa 
leçon  d'ouverture  a  été.  accueillie  à  Bordeaux  avec  une  grande 
faveur. 

Voici  le  plan  que  se  propose  de  suivre  M.  Luchaire  :  lo  étude 
générale  et  abstraite  de  la  langue  ;  2°  explication  des  textes  les 
plus   importants,  la  première  alternant  avec  la  seconde. 


Société  des  études  du  Lot,  à  Cahors. —  Elle  a  arrêté,  dans  ses 
séances  des  29  octobre  et  5  novembre  1877,  le  programme  d'un 
Concours  sur  lequel  nous  remarquons: 

Des  médailles  d'or  et  de  vermeil  offertes  :  1°  à  une  monographie 
communale  se  rapportant  à  la  région  du  Quercy,  et  renfermant 
surtout  le  recueil  des  légendes,  des  dictons  et  des  usag<  ■>  locaux; 

2°  A  une  pièce  de  poésie  en  langue  d'oc,  dont  le  sujet  devra  in- 
téresser encore  le  Quercy  : 

3°  A  des  collections  de  notes  historiques.,  d'inscriptions,  de 
chants  populaires,  de  légendes,  etc. 

Tous  les  ouvrages   destinés  au  Concours  devront  être  adressés 

franco,  avant  le  15  mars  1879,  au  Secrétaire  général  de  la  Société, 

M.  Combarieu. 

* 
*  ♦ 

Publications  sur  la  langue  d'oc  akcjfkke  oc  moderne  et  sur 
son  histoire  littéraire.  —  A.  Luchaire.  les  Origines  linguistiques 
de  l'Aquitaine,  Pau,  Veronese.  in-8",  73  paiies. —  A.-L  Sardou, 
l' /dimae  niçois,  ses  origines,  son  liasse,  son  état  présent;  étude accom.pa- 
gnée:  1°  de  courtes  notices  biographiques  sur  les  troubadours  de  l'ancien 
comté,  de  Nice  et  d'extraits  de  leurs  œuvres;  2U  d'un  tabhau  «ummaire 
des  progrès  et  de  t'influence  de  la  littérature  provençale  en  Espagne 
et  en  Italie,  et  terminée  par  un  projet  de  réforme  orthographique;  Fa- 
ris  ,  Champion,  in-80,  88  pages.  — La  Passion  du  Christ ,  poëme 
provençal,  d'après  unmanuscrii  inédit  de  la  bibliothèque  de  Tours,  tra- 
duit et  accompagné  d'un   exposé  grammatical^  par  E.-L    Edstroem; 


1  En  1858,  Cambouliù  ajouta  deux  fragments  de  Febrer  (le  comraen 
lent  <1l 
édition  de 


cernent  du  premier  chant  de  V Enfer    et  l'épisode  d'Ugolm)  à  la  seconde 
de  son  Essai  sur  l'histoire  de  la  littérature  catalane. 


CHRONIQUE  109 

thèse  pour  le  doctorat,  présentée  à  la  Faculté  d'Upsala.  Gœfceborg, 
l<s~7.  -  Aigar  et  M aurin,  Fragments  d'une  chanson  de  geste  proven- 
çale inconnue,  publiés  d'après  un  manuscrit  récemment  découvert  à  Gdnd, 
par  Aug  Scheler.  Bruxelles,  Olivier,  in-8o,  03  pages.  —  Der  Trou- 
badour Guillem  Anelier  von  Toulouse.  Vier  provenzalische  Gedichte, 
l><  rausgegeben  und  erlaûtert  von  Martin  (iisi.  Solothurn,  in-4°.  39  p. 

—  Le  docteur  Noulet,  Essai  sur  l'histoire  littéraire  des  patois  du 
midi  de  la  France  au  XVIIIe  siècle;  Paris,  Maisonncuve,  in-8°, 
234  pages.  (  Tirage  à  part  de  la  Revue  des  langues  romanes.)  — Victor 
Bourrelly.  Jan  de  la  Valado,  recuei  de  pouësio  mesclado  de  proso,  obw 
poustumo,  publicado  per  Anfos  Gibert,  emé  l'ajudo  de  Marius  Bour- 
relly ;  Aix,  Bemondet-Aubin,  in-12.  —Emile  Negrin,  lei  Pouezio 
prouvensalo,  me  toutei  leiz  estudisus  l'ourtougrafo,treziémo  edicioun,  re- 
foundudo  et  founrso  aùmentado;  Cannes  Negrin,  in-16  248  pages. — 
J.-F.  Bladé.  Trois  Contes  populaires  recueillis  à  Lectoure;  Bordeaux, 
Lefebvre.  in-8°.  76  pages.  Obras  lengadoucianas  de  J.-B.  Favre, 
nouvèla  edicioun,  illustrada  pèr  Edouard  Marsal(tom.  Ier).  Mount- 
peliè,,  Marsal,  in-8°;  ligures,  musique  et  fac-similé. — De  "Villeneuve- 
Lsclapon ,  Discours  prounouncia  lou  1  5  d'avoust  1877  à  la  Felibrcjudo 
de  VEscolo  d'Alès;  a-z-Ais,  Bemondet-Auliin,  in-8°,  27  liages  — 
Armana  de  Lengadô pèr  lou  bel  an  de  Dieu  1878,  publica  pèr  lEscolo 
das  Felibres  gardounencs  cVAlès.  Aies,  Brugueirolle,  in-12,  100  pag 

—  La  Lauseto  (  l'Alauseto,  —  la  Lauseto,  —  l'Alouette),  Armanac  dau 
patriota  lati,  per  l'Espagna.  la  França  lu  dau  Miejour  ou  Occitania  e 
fa  dau  Nord),  l'Italia.  lou  Pourtugal,  la,  Roumania,  la  Suissa,  escrich 
dins  toutas  las parladuras  d'aqueles  pa'/ses  (embé  la  traducioun  francesa) 
publicat  per  la  Soucietat  latina  :  «la  Lauseta,»  ediciounper  louspoples 
de  lenga  d'oc;  Mount-pelie,Coulet.  in-12,  296 pages. — Duncan  Craig. 
Miejour,  or  Provençal  Legend,  life,  lanquage  and  literature,  in  the  land 
ofthe  Felibre;Lori(\on,  Nisbetand  C°.  in-8°,  vn-496  pactes  — Charles 
Cavallier,  les  Fêles  du  couronnement  de  sainte  Anne  des  9  et  10  sep- 
tembre 1877,  et  tes  Jeux  floraux  aptésiens  ;  Montpellier.  Grollier,  in-8°, 
48  pages. —  Charles  Delonclf.  la  Maintenance  d'Aquitaine  à  Toulouse. 
Esquisse  historique  ;  Toulouse,  Douladoure,  in-12,  42  pag. 

* 
*  * 

PoÉSIKSET  TEXTES    EN    LANGUI':    d'Oi:    INSÉRÉS    EN  DIVERS  JOURNAUX. — 

La  Cansoun  di  Marinié,  poésie  en  dialecte  d'Avignon,  par  M.  Louis 
Astruc  (la  Jeune  République,  de  Marseille.  10  août). —  Lou  Paga- 
mén  d'uno  counsullo  d'avouca,{ab\e  languedocienne  de  M.  Paul  Félix. 
reproduite  par  les  Tablettes  cTAlais  (no  du  1er  septembre.)  d'après 
les  Mémoires  de  l'Académie  du  Gard,  où  elle  avait  paru  d'abord.  — 
Courounamen  de  santo  Ano  d'At,  article  en  prose  provençale  (dia- 
lecte d'Avignon),  par  l'abbé  Savy;  Discours- Brindi  prounouncia  pèr 
lou  canounge  Savy  à  la  sesiho  felibrenco  dôu  13  de  mai,  intéressant 
discours,  écrit  en  dialecte  de  Forcalquier  (Journal  de  Forcalquicr, 
9  septembre). — Brinde  (en  vers  provençaux)  d'Aubanel  à  Mgr  Du- 
hreuil,  archevêque  d'Avignon  (Messager  du  Midi,  1 3  septembre), 
(le  brinde,  lu  par  son  auteur  lors  des  Jeux  floraux  d'Apt,  ;:  été 
reproduit  dans  la  Revue  dis  bibliothèques  paroissiales  d'Avignon.  — 
Santo  Ano  d'At,  poésie  provenç  île  par  Mme  Lazarine  Daniel  'Journal 
de  Forcalquier,  23  septembre).  —  Au  Pouëto  de  la  Mur.  poésie  pro- 
vençale de  Louis  Astruc  (la  Jeune. République,  de  Marseille,  24  se] 


310  CHRONIQUE 

tembre).  Pièce  extraite  de  la  Cigalo  d'or.  —  Lou  Saoucissot  (/'Arles, 
sonnet  en  dialecte  de  Montpellier,  par  M.  Charles  Gros  (Petit 
Midi,  de  Montpellier,  30  septembre.) — Discours  provençal-français, 
de  M.  Honoré  Clair,  d'Arles,  aux  membres  de  la  Cigale  et  de  la 
Pomme,  à  Arles  (le  Forum,  d'Arles,  30  septembre). 

LisAreno,  sonnet  provençal  par  M"*Goirand  (le  Forum,!  octobre). 
—  Rapport  provençal  de  M.  Roumieux  au  concours  de  la  Cigale 
(sonnet  sur  le  saucisson  d'Arles);  lou  Biôude  Camargo,  poésie  pro- 
vençale, par  M.  Marrel  ;  lou  Saucissot  d'Arle,  sonnet  provençal 
non  signé.  H  est  dûà  M.  Victor  Comte,  de  Marseille  (  le  Forum, 
14  octobre)  — La  Taulado  dei  Felibre  bas-aupen,  poésie  en  dialecte 
d'Aix,  par  M.  Gaut  (Journal  de  Forcalquier,  21  octobre). —  Rapport 
provençal  de  M.  Th.  Aubanel  au  concours  de  la  Cigale  (sonnet 
sur  la  cour  d'amour  des  Baux)  ;  la  Cour  d'amour  di  Baus,  sonnet 
en  dialecte  d'Avignon,  par  M.  Bruneau  (le  Forum,  21  octobre). — 
Las  Rimas  d'un  tonibouy,  poésie  languedocienne,  signée  Sorg  (Gros) 
(VAbestit,  de  Montpellier,  27  octobre).  —  El  Fourcauqueiren,  sonnet 
en  dialecte  d'Aix,  par  M.  Gaut;  Au  Felibrige,  sonnet  en  dialecte 
il' Avignon,  par  M.  L.  Bouquet;  le  premier  est  extrait  de  YArmana 
prouvençau  (Journal  de  Forcalquier,  28  octobre). 

Sus  la  «Danaë»dôu  Tician,  sonnet  par  M.  Louis  Astruc  (la 
Jeune  République,  1er  novembre). —  Un  pichot  tour  à  la  fieyra,  poésie 
languedocienne,  par  Sorg  (Gros),  VAbestit,  4  novembre.  —  Lou 
Saucissot  d'Arle.  sonnet  en  dialecte  d'Aix, par  M  ,  Marius  Bourrelly; 
lou  Saucissot  d'Arle,  sonnet  en  dialecte  d'Avignon,  par  M.  Louis 
(lleize  (le  Forum,  11  novembre).  —  Lou  Linla  se  boutouno,  poésie 
languedocienne,  par  M.  Louis  Gleize  (le  Forum,  18  novembre). 


Errata  du  numéro  d'octobre  1877 

Énigmes  populaires  du  Limousin. —  P.  173,  1.  23  ,  A  qui;  lis-ez  :  A  qu. 

Lou  Paisan  e  las  Dos  Oulos.  — P.  192,   1.  10,  F.  Vidal;   lisez:  P. 
Vidal. 

Chronique.  —  P.  200,  1.  22,  le  Concours  du  Florège  de   V Académie 
des  poètes,  lisez:  les  Concours  du  Florège,  de  V Aca- 
démie des  poëtes. 


Le  Gérant:  Ernest  Hamelin. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU    QUATRIÈME    VOLUME    DE    LA    DEUXIEME    SÉRIE 


DIALECTES    ANCIENS 

Documents   divers   appartenant    aux   dialectes    du    midi  de   la 

France  (XIV°  et  XV8  siècles) .  (Alart  .  ) 5 

Une  inscription  en  langue  d'oc  du  XV"  siècle.  (Vaschalde.).  .  .  57 

Etudes  historiques  sur  quelques  particularités  de  la  langue  cata- 
lane. (Alart.) 109 

Un  document   inédit,  relatif   à  la   Cl  ironique  catalane    du   roi 

Jacme  1er  d'Aragon.  (Balaguer  y  Merino.) 1G1 

DIALECTES    MODERNES 

Chants  populaires  du  Languedoc  (suite).  (Moxtel  et  Lambert.)  14 
Histoire    littéraire    des    patois   du  midi    de    la   France    (  fin  ) . 

(Noulet  .  ) f  ;•_' 

Notice  sur  Auguste  Guiraud.  (A.  Glaize  ). .    167 

Enigmes  populaires  du  Limousin.  (L'abbé  J.  Roux.) 172 

Lettres  à  Grégoire  sur  les  patois  de  France  (suite).  (A.  Gazier.)  2i3 

Une  chanson  latine.  (Alph.  Roque-Ferrier.J..    268 

Vièio  Cansoun.  (Théodore  Aubanel.) 3(J 

Sounet.  (  Alphonse  Ta  van  .  ) 33 

Louïsa.  (César  Sarato .  ) 34 

La  Maire,  l'Efant  e  la  Filho.  (  Barthès.) 41 

Las  Duas  Mares.  (Marti  y  Folguera.  ) 42 

Lou  Garda-mas .  (suite).  (A.  Langlade.) 46 

Las  Gardios  d'Azilhanet.  (Clair  Gleizes.) 82 

Lou  Banc.  (  Louis  Roumieux .  ) 83 

Las  Gracios  de  Viscounti .  (A.  Fourès.) .  86 

EErbo  dôu  massacre.  (Théodore  Aubanel.) 87 

LAubo .  (A .  de  Gagnaud.) 88 

L'Lrrne.  (J.  Laurès.) 89 

A  l'Auro .  (Théodore  Aubanel  .  ) 133 

La  Figueira.  (Lydie  de  Ricard.) 135 

A  una  rosa mûstiga .  (L'abbé    H.  Verdaguer.) 112 

Lou  Tais  e  lou  Eeinard.  (Gabriel  Azaïs. ) 143 

A  Carie  de  Tourtouloun.  (Théodore  Aubanel.) 187 

Un  parelh  per  vendemios .  (A.  Fourès.  ) 188 

Lou  Puisan  e  las  Dos  Oulos.  (V .   Vidal.) 189 

Li  Très  Flour.  (Bonaparte- Wyse.) L92 

Cançô  llatina.  (Albert  DE  QuiNTANA.) 27<  » 

La  Villo  d'Aigo-morto.  (Bonaparte- Wï :sk 272 

Esperansa.  (Mila  y  Fontanals) 278 

La  Soulitudo .  (Bonaparte-Wy.se  .  ) 280 

Lugho  d'estello.  (Louis  Roumieux) 283 

Un  «  Deo  grattas.  »  (  Bonaparte-Wyse.  ) 288 

Lou  Ventour.  (  Louis  Roumieux.  ) 290 


312  TABLE    DES    MATIERES 

BIBLIOGRAPHIE 

Le  Mystère  provençal  de  sainte  Agnès.  Examen  du  manuscrit 
Chigi,  par  M .  Clédal .  (  Chabaneau  .  ) 95 

1/  /  'iiimin  dus  /m/des  latins,  pai  M.  Gros.   Alph.  Roque-Ferrier.).     102 

Archives  municipales  dAgen. — Chartes  publiées  par  MM.  Magen 
et  Tholin    (  Chabaneau  .  ) 14'.) 

La  Reine  Esther,  tragédie  provençale,  publiée  par  M.  Ernest  Sabo- 
tier. (  Chabaneau.  ) 151 

Recueil  de  noëls  vellaves,  par  l'abbé  Cordât,  publiés  par  M. l'abbé 
Payrard  .   (  Chabaneau  .  ) VM> 

De  la  Création  actuelle  des  mots  nouveaux  dans  la  langue  fran- 
çaise, etc.,  par  M.  A.  Darmesteter.  (Boucherie.) 193 

Li  Chevaliers  as  .11.  espées,  publié  par  M.  W.  Foerster  (suite). 
(Boucherie  .  ) 2<  12 

De  Floovante  vetustiore  gallico  poemate  et  de  merovingico  cyclo, 
scripsit,  etc.,  par  M.  Darmesteter.  (Boucherie.  ) 203 

Brun  de  la  Montagne,  publié  par  M.  P.  Meyer.  (Boucherie  ).      204 

Guillaume  de  Palerme,  publié  par  M.  Michelant.  (Boucherie.).     205 

Deux  rédactions  du  romain  des  Sept  Sages  de  Rome,  publiées  par 
M.  G    Paris.  (Boucberie . ) 208 

Miracles  de  Notre-Dame  par  personnages,    publiés  par   MM.  G. 
Paris  et  U .  Robert.  (Boucherie  .  ) 20G 

Récits  d'histoire  sainte  en  béarnais,  publiés   par   MM.   Lespy  et 

Raymond  (suite)  .   (  (  ÎHABANEAU.)  .  . 10S-2',4 

La  Felibrejado  d'Areno,  par  M.  L.  Romnieux.  (A.   Espagne.)       300 

Pichoun   Ou/ici  de  l'Inmacidado  Councepcien,  etc.,  par  M.  l'abbé 
Bayle.   (À.    Espagne. ) 302 

Périodiques.—  Revue  historique,  scientifique  et  littéraire  du  Tarn. 

(Alph.   Roque-Ferrier.) 54 

Bulletin  de  la  Société  des  études   littéraires,  scientifiques  et  artis- 
tiques du  Lot   (Chabaneau.) 152 

Revue  de  VAgenais  ■ 153 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et-Guronne.    (Alph. 

Roque-Ferrier.) 153 

Romania.  ( Mila  y  Fonïanals.) 207 

Il  Propugnatore.  (  Chabaneau  .  ) 207 

Le  Chant  du  Latin  en  Italie 303 


Chronique 54-104-1.54-208-.;".". 

Errata 50-lG0-212-:iii» 

Table  des  matières -'^  1 


Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi.  -  Hamelin  fbbhes 


«s. 


^t»(r- 


m 


m 


PC 
2 

t. 11-12 


Revue  des  langue!  romanes 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


£