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LANGUES ROMANES
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REVUE
LANGUES ROMANES
PUBLIEK
PAR LA SOCIÉTÉ
POUli L'ÉTUDE DES LANGUES KOiVUNES
D e u Jc i è m e Série
TOME CINQUIÈME
(t. \nf DK LA coi.lkction)
MONTPELLIER
AU BUREAU DES PUJiLlCATiONS
DE LA SfJGlÉTÏ:
VOUli L'kIUDIC DKS LaVXGUKS R05IASE.';
PARIS
MAISON NEUVE ET G*''
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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
DIALECTES MODERNES
ÉTUDES
SUR i/histoire de quelques mots romans
I "^ DAMEJANE
« Damp>jeanne (da-me-jà-n'), s. /. Sorte de très-grosse bou-
>) teille en terre ou eu verre, qui sert à garder et à trans-
» porter du vin ou des liqueurs, et qui est ordinairement de la
» contenance de 50 à 60 litres. Dans la marine, grosse bou-
» teille de verre de la contenance de 17 à 18 litres, garnie de
» natte et servant à la distribution de l'équipage. — Au plur.
» Des dames-jeannes. . . — Etjm. Dame et Jeanne. » (Littré.)
Littré ajoute, dans le Supplément de son Dictionnaire :
« Bame-jeanne. — Etym. A.u lieu de ce qui est, lisez ; Mot
» arabe introduit par le commerce du Levant : Notre vin était
» dans de grands flacons de verre, damajanes, dont chacun te-
» nait vingt bouteilles. Niebuhr, Voy. en Arabie, t. I, p. 171
» (édit. de 1776). Le dict. arabe -français de Kasimirski a da-
» majan, dame-jeanne, bocal. »
L'étymologie arabe n'est pas mieux fondée que celle ae
Dame Jeanne, caiV damaj an ne se rattache, pour le sens, à
aucune racine arabe ou sémitique; et, si ce mot est en usage
Ô DIALECTES MODERNES
chez los Orientaux, ainsi ijne le constate Kasimirski, c'est
qu'ils l'ont pris, comme tant (raut"es mots grecs, latins et
romans, des marins italiens, provençaux ou catalans.
Damejane ou dumajùna est le féminin de l'adjectif roman
deniija ou demi/an, fcm. deinijàna, formé du latin dimidius ou
dimidianus, a, um, et ce mot est d'origine méridionale, puis-
que la langue d'oïl n'en a obtenu que la forme moyen ,
moyenne '. Le sens et la formation sont tellement évidents que
toute discussion serait inutile. Il n'y a donc qu'à rechercher
l'histoire du mot, et ilsuftirade citer les documents du dialecte
catalan du Roussillon.
Le latin medianus, dérivé de médius (sanscrit madhya), a
donné en provençal meian, et en catalan mijà * ou mijan et mi-
jf'nia, « moyen, moyenne »; mijanar, « partager par le milieu »,
Qimijania, « milieu ", qui sont tous employés dès le XIII": siècle
et se conservent encore en catalan. Dans l'ancien temps, ces
formes étaient employées simultanément et dans le même
sens avec demïg, demija, demijà, demijàna, qui sont évidem-
ment l'origine de notre « dame-jeanne.» Les voyelles de dimi-
(//«savaientétédéjàaltérées anciennement par l'usage vulgaire,
comme on le voit au IX® siècle par les Préceptes orthograph.
publiés par P.Meyer [Recueil, p. 3) : dimidius non dcmidius. On
lit dans un acte de 1112 : et dimedia eiminade ordeo (Arch. des
Pyr.-Or. B, 65). Quant aux e et i de demidius ou dimedius, de-
venus a dans damajana, il n'y a rien de plus commun en ca-
talan '.
La forme mijà, mijàna, n'a jamais cessé d'être employée
en catalan; mais il n'en a pas été de même pour demiy et de-
mijà, quiont complètement disparu dans la laague écrite après
' Liltré cite, il est vrai (v. JWoj/en),pour le XIV* siècle : «petites moione*,
prans, agues » (H. de Moudevilio, f" 30), mais il donne moiiennes dés le
XIll* el dans tous les autres exemples.
- C'est j)ar erreur que Litlré cite parmi les étymologies de « moyen >
le catalan média, qui ne se trouve pas dans les textes anciens ou dans
ia langue acinolli-, quoiqu'il y ait medi, « moyen», substantif.
3 En catalan, on prononce damajana avec le son o bien marqué pour
da l't ja, mais avec celui d'un a h. uf et presque muet pour ma et na. Il
ne faut pas oublier, d'ailleurs, que l'e de médius est devenu o dans le fran-
çais moyen. ,
ETUDES SUR QUELQUE? MOTS ROMANS 7
le XIll* siècle, sans laisser d'autres traces que la locution ca-
talane endcmig, al endemig, en aquest endemig ( qui se trouve
déjà dans B. Des Clôt, capit. 47, et ailleurs), et le gros vase
dir dumejâna, resté dans la langue populaire, mais dont je ne
connais aucun exemple dans les écrits avant 1700. Voici les
exemples de demig et demijn que j'ai pu recueillir dans les
anciens documents du Roussillon.
Dans un acte de vente faite à Salses en Roussillon, en 1120,
il est fait mention de « m. alnaset demiga de^ nadiu. » (Archiv.
des Pyr. -Orient., B, 35.)
Un capbreu (papier terrier) de Saint-Féliu-d'Avall en Rous-
sillon, de Tan 1150 environ, et dont il existe deux rédactions
contemporaines, emploie indifféremment et presque à chaque
article médius ou dimidius; mais on lit à l'article 31 : donnt
terciam pùrtem de.i.tnigej'am devino et de demig sester de blado.
(Arch. des Pyr.-Or.,B, 50.)
En 1283, dans le capbreu catalan de la Vall de Ribes : i.
sester e demig de ciuada. (Revue des lang. rom.J
En 1292, dans le capbreu latin d'xVrgelès en Roussillon, une
propriété située loco vocato loPuig demiga Arch. des Pyr.-Or,,
B 30, f 18). Ce même Puig Demiga de 12^2 est ainsi désigné
en 1360: loch apellat Puyg Miygan, dans e cartulaire catalan
de CoUioure, f° 8 (Arch. de Collioure) -.
Enfin, en 1384, on lit dans le reg. m de la Procuracio real
(f° 1): la obra que-i/ es tengut fer als malins demigans de Salses.
11 est vrai que le scribe a ensuite barré le de ; mais, puisqu'il
avait d'abord écrit demigans, ne peut-on pas présumer que
cette forme archaïque était encore employée dans la langue
vulgaire, quoiqu'on eût soin de l'éviter dans la langue écrite,
• Il n'y a guère d'autre élyiiioiogia possible pour nadiu que celle de
neo, nés. nevi. ndam, a filer », et, si on l'admet, netus ou *netivus, « filé
tissu », ollrirait, pour ce mot aujourd'hui perdu, un exemple remarquaiile
du changemeul de e en a dès l'an 1112.
- 11 y a aussi, en 1168, un mansuiii de m'ujana. et en 1267 un mansus
qui dicilur de Meya {Lib. feudorum. A, f° 10); mais il n'y a sans doute ici
que la prépos. dy et i'adject. mija. Les masos ou métairies sobirans,
mijans m jusans, sonl d'ailleurs innombrables en Roussillon, ù toutes les
époques; mais je n'en trouve aucun pour lequel on ait conservé la déno-
mination de dêmijâ, qui a pu cependant être fort commune à l'origine.
8 DIALECTES MODERNES
qui s'en tenait à la forme équivalente mija'f Ne faut-il pas at-
tribuer au même purisme l'exclusion du mot damejana par
tous les scribes du moyen âge, quoique cette espèce de bou-
teille ou de vase existât alors comme aujourd'hui.
La capacité de la damajana se rapporte probablement à
l'ancienne charge de vin, qui est aujourd'hui de 120 litres en
Roussillon, et dont la moitié forme bien les 50 à GO litres in-
diqués par Littré ; mais, en Roussillon, la damajana actuelle
ne contient guère plus de 40 litres. Il devait bien exister un
vase de capacité identique dans l'ancien temps, mais quel
nom portait-il? On connaît bien la niigerola, à Marseille, vers
1300; mais, en Catalogne, il n'y avait que la migera pour le
vin (cette mesure n'a d'ailleurs aucun rapport avec l-àdama-
jana pour la capacité) et le miger pour les grains. Quant à la
damajana, on n'en connaît aucune mention dans les textes
anciens; mais ce vase existait, en Roussillon, sous le nom de
mijana, et il était en bois, et non en verre comme la. damajana
actuelle. En voici la preuve. On lit dans un règlement du
3 août 1311, relatif à la forêt de Sant-Guillem, dans la vallée
de Prats de Mollô : Que tôt hom qui fas&a caxels, butam o mi-
ganes de royre en los boschs de la Vaylde Pratz e Sent G. pacli
per cascuna somada ii. s Barc. (Arch. des Pyr.-Or., Procuracio
real, reg. xvii, f^ 13;; et dans une ordonnance du 3 août 1321:
Que'l s. rey ni hom per et no do licencia a negun tiom [que] no
gaus taglar ni fer migans ni semais ni cornaleres ni escaunes en
lo bosch de Comalada (ibid., f" 65j. Dans ces deux exemples,
les migans ou miganes sont compris dans la vaisselle vinaire
{oaxels, botàm et semais) et assimilés à des meubles façonnés
[coimalercs et escaunes); on peut en conclura que la mijana
était un vase ou tonneau fermé, distinct de la semai, qui est
découverte, mais de même capacité, autrement dit la grosse
bouteille que le vulgaire a toujours appelée damajana. Il en a
été de ce mot comme de cent autres, tels que predicar, odi,
noblessa, bellesa, pedra, nuga, jndici, etc., pour lesquels la lan-
gue vulgaire du Roussillon n'emploie encore que la forme
archaïque, au lieu des formes preycar, oy, noblea, bellea, pera,
nôuyjuy, etc., qui sont à peu près les seules employées par
les écrivains du moyen âge. Alart.
LETTRES A GRÉGOIRE
SUR LES PATOIS DE FRANCE
[Suite)
Sous-dialecte du Dauphiné
La petite lettre que voici est du conventionnel Colaud de la
Salcette ( 1733-1796); c'est l'œuvre d'un observateur qui ai-
mait à se rendre compte des choses et qui ne se payait pas de
grands mots, comme tant d'autres de ses contemporains. Elle
est de 1792, mais c'est une réponse à la circulaire de 1790.
Ea marge. Répondu le 18 février 1792 (note de Grégoire)
Frère et ami,
A.yant une fort mauvaise santé depuis mon retour de Pa-
ris, j'espérais toujours pouvoir me livrer au travail que vous
exigiez de moi; mais, quand j'ai voulu l'entreprendre, j'ai vu
qu'il était au-dessus de mes forces; le peu de ressources qu'on
trouve dans les livres qui parlent du pays que j'habite, et qui
n'est pas le mien, me forcera à répondre d'une manière très-
imparfaite aux éclaircissements que vous demandez, et sans
suivre l'ordre indiqué dans votre imprimé.
1. — L'usage de la langue française est universel ; tout le
monde l'entend dans le district de Die et dans tout le dépar-
tement de la Drôme. Le patois, dans presque tout le départe-
ment, a peu de différences; le seul district de Nions et le Buis
ont plus de ressemblance avec le provençal.
2. — Le patois a une origine très-ancienne, et on ne sau-
rait fixer son époque.
3. — Il dérive en totalité du français, à quelques motsprès
qui dérivent du latin ; on n'en sera pas surpris quand on saura
que Die et Vaison sont deux villes des Voconces et que les
Romains j envoyèrent des colonies.
4. — On ne connaît point le droit coutumier; tout le Dau-
phiné, jadis, et aujourd'hui les trois départements de l'Isère,
la Drôme et les Hautes-Alpes, sont régis par le droit romain.
5. — Tous les paysans parlent patois, même dans les villes!
10 DIALECTES MODERNES
mais tous, comme je l'ai dit, entendent le français, et plu-
sieurs le parlent avec facilité.
G. — Le patois n'est pas plus abondant en mots que le fran-
çais, et les paj'sans sont fort libres en rendant, presque sans
pudeur entre eux et en leur langage, les idées obscènes.
7. — Les finales du patois sont presque toutes voyelles.
8. — Le caractère de la prononciation est doux et très-
accentué.
9. — L'écriture en patois est la même qu'en français.
10. — On a prêché en patois ; mais, depuis plus de trente ou
quarante ans, l'usage en est aboli, excepté dans le district de
Nions, voisin de la Provence, où il arrive, mais rarement, de
prêcher en patois.
11. — On n'a point ou peu d'ouvrages patois, et qui sont
sans valeur, excepté dans le département de l'Isère, où il
existe, à Grenoble surtout, quelques ouvrages patois assez
bons. Je ne connais ni dictionnaire, ni grammaire en patois.
12. — Les habitants ont beaucoup de proverbes dont le grand
nombre dérive des proverbes français ; ils en ont qui sont plus
énergiques en patois qu'ils ne le seraient en français. Par
exemple, en parlant d'une femme qui dit qu'elle ne voudrait
point d'amant, ou d'un homme qui assure qu'il ne voudrait
point d'emploi, la réponse en proverbe patois est celle-ci:
Autant plou que comme terro beourio ; ce qui veut dire: S'il
pleuvait autant d'eau que la terre en boirait.
13. — -Il ne serait de nulle importance de détruire le patois;
tous entendent également le français et le patois.
14. — L'enseignement se fait en français, et les livres sont
uniformes.
15. — Les villages un peu considérables ont des maître^
d'école depuis la Toussaint jusqu'au printemps. Les maî-
tres d'école viennent du Briançonnois (département des Hau-
tes-Alpes ); ils arrivent quand tous leurs travaux sont finis
dans leurs montagnes, à la fin de l'automne, et s'en retour-
nent à la fin de mai. Il n'y a point de maîtresses d'école. On
enseigne à lire, écrire, chifl"rer, et le catéchisme, qui mettait
au nombre des commandements de l'Eglise le payement de
la dîme, quod notan/lum.
LETTRES A GREGOIRE 11
16. — Les curés ont peu la surveillance des écoles payées
par les communes; les officiers municipaux trouveraient mau-
vais les soins du curé, avec d'autant plus de raison qu'il est
des villages où il n'y a presque point de catholiques, et qu'il
en est où le maître d'école est protestant.
17. — Les curés ont peu de livres, et les paysans aiment
peu la lecture ; les calvinistes, qui sont nombreux, sont très-
exacts à se procurer une Bible.
18. — Les habitants ont peu de préjugés et peu de religion.
11 n'en existe que de deux sortes: la catholique et le calvi-
nisme, et cette rivalité conduit nécessairement les gens peu
éclairés au doute ; de là naît l'insouciance. Aussi, dans nos
villages, les écrits incendiaires contre la religion ne font point
de prosélytes. Le discrédit des assignats est d'une autre con-
séquence. Les habitants sont éclairés ; leurs mœurs sont dé-
pravées.
19. — La Révolution a fait grand plaisir, mais le défaut de
numéraire fatigue les citoyens ; et il est surprenant que, dans
notre district, le ministre n'ait point encore envoyé des sols,
conformément au décret.
20. — L'intérêt est plus fort que le patriotisme ; ils laissent
à présent les nobles tranquilles, mais ils ne payent pas les
rentes foncières. Les maires et les municipalités n'excèdent
pas leurs pouvoirs. Au surplus, je suis suspect, je suis officier
municipal. Tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics ont
prêté serment dans le district, et il n'y a eu personne à rem-
placer.
Mes éclaircissements, mon cher collègue, se ressentent de
ma paresse et d'une tête encore fatiguée ; mes réponses ne
sont point exactement analogues à vos questions, mais on peut
y trouver quelques solutions. Je le désire, comme aussi de
conserver une place dans votre amitié. Comme sous-diacre,
j'offre mon respect à M. l'évêque de Blois ; comme votre con-
frère, attachement sincère à mon ami Grégoire, que j'aime de
tout mon cœur.
COLAUD LA SaLCETTE.
Die, le 12 janvier 1792. District de Die, département de la Drôme,
l'an IV de la liberté.
Compliment à M. Brisson ; c'est à lui que je prends la liberté
W DIALECTES MODER^ES
d'adresser votre lettre. Tous les patriotes et les amis de la
Constitution doivent être empressés de s'obliger.
Nous avons dans notre ville, où il n'existe plus de couvent
de dominicains, deux religieux qui en portent toujours le
costume ; il me semble qu'ayant abandonné les maisons de
l'ordre, ils ne devraient plus en porter l'uniforme. Ils font
tout le mal qu'ils peuvent ; leurs pouvoirs sont heureusement
petits.
Dialecte provençal
Les admirables travaux^ de la philologie moderne ont trop
bien fait connaître la langue et la littérature de la Provence
à toutes les époques, pour que nous ayons à regretter d'avoir
si peu de documents sur cette région au début de la Révolu-
tion française. C'est même à titre de simple renseignement
([ue nous donnons la petite Grammaire provençale qu'on va
lire. Elle a été composée au mois d'avril 1794, au plus fort
de la Terreur, et le nom de son auteur, Achard*, bibliothécaire
national à Marseille, peut contribuer à la rendre intéressante.
On y verra d'ailleurs quelques fragments de la poésie proven-
çale au XVIII* siècle.
Adressé au Comité d'instruction publique et inscrit sous le
n" 2894 (ce qui prouve à tout le moins que l'on travaillait en-
core, même à cette époque de désolation), l'opuscule d'Achard
fut renvoyé à Grégoire le 49 floréal an II, comme l'indique une
petite note marginale, signée Plaichard. Il est probable que
la marche des événements ne permit pas à Grégoire d'en faire
usage, et qu'il est ainsi demeuré dans ses papiers, au grand
chagrin de l'auteur.
' Achard (Claude-François), né à Marseille en 1751, mort en 1809, fut
secrétaire de l'Académie et bibliothécaire de la ville de Marseille. On lui
doit : le Dictionnaire de la Provence et du Comtat Venaissin (vocabu-
laire fiançais-provençal et provençal-français), 178"), 2 vol. in-4o; une
Description historique, géographique et topograjihique de la Provence et
du Comtat Venuissin, etc.; un Tableau de Marseille ei divers autres ou-
vrages. (A. R.-F.;
LETTRES A GREGOIRE 13
SYNTAXE DE L'IDIOME PROVENÇAL
Présentée au Comité d'instruction publique
INTRODUCTION
Lorsque je publiai le Vocabulaire provençal, je m'étais
proposé d'j joindre la syntaxe de cet idiome ; mais les sa-
vants que je consultai alors me conseillèrent de me borner à
quelques remarques sur la prononciation. J'oubliai dans mon
portefeuille mes recherches sur l'inflexion des verbes, et je ne
les ai retrouvées qu'avec peine ; je me suis fait un devoir de les
mettre en ordre et de les présenter au Comité d'instruction
publique, qui invite les citoyens des départements à s'occu-
per de recueillir les syntaxes des idiomes vulf^'^aires ; mon zèle
sera bien récompensé si le Comité daigne approuver mes fai-
bles travaux.
Je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit de la formation et de
l'origine de la langue française ; on y trouve des mots grecs,
latins et celtiques; il en est quelques-uns qui paraissent dé-
rivés de l'hébreu ; mais, dans un idiome qui a éprouvé des
changements aussi multipliés et qui est aujourd'hui bien dif-
férent de ce qu'il était dans son origine, il serait difficile
d'appliquer à chaque terme l'époque de son introduction dans
le langage du pays.
Il me reste à exposer la méthode que j'ai employée dans ce
petit ouvrage. Je le divise en deux parties, dont l'une com-
prend ce qu'il y a de plus nécessaire à connaître pour les noms
et les verbes considérés séparément; la seconde partie expli-
que la propriété des mots dans la liaison du discours.
PREMIERE PARTIE
Chapitre premier
DES LETTRES ET DE LA PRONONCIATION
Les Provençaux emploient les mêmes lettres que les Latins
14 DIALECTES MODERNES
et les Français. Ils font sonner toutes les lettres et n'aspirent
pas 17*. Aussi voyons-nous que la plupart des écrivains pro-
vençaux ont retranché dans leurs ouvrages les lettres finales
qui ne se prononcent que lorsque le mot est suivi d'une
voyelle.
DES VOYELLES
A se prononce comme en français.
E se prononce, en provençal, de deux manières: lorsqu'il se
trouve à la fin des mots, il se prononce toujours comme Vé
fermé du français; il est cependant d'usage de ne pas l'ac-
centuer. L'è ouvert est toujours prononcé fortement, comme
celui que nous indiquons par un accent circonflexe. Exemples:
Addusès, venguet, //n^e; prononcez adûzë, vènguê, Imgé. 11 faut
observer quel'e suivi d'une consonne se prononce toujours de
même que s'il était seul. Ainsi, dans le mot venguet, que j'ai
cité, il ne faut pas dire vangué, mais vé-ngué, comme nous
prononçons ennemi et non pas annemi.
I se prononce comme en français, et il se prononce comme
en latin dans les monosyllabes im, in, et dans les mots qui en
sont composés,
0. Cette voyelle, dans les mots, a la même prononciation
qu'en français, mais à la fin des mots elle remplace Ve des
Français. Ainsi il est reçu d'écrire verguo, qui se prononce
comme vergue en français.
U. La voyelle u n'a rien de particulier, si ce n'est qu'il faut
prononcer w dans le mot un comme nous le prononçons dans le
mot une, et ne pas le changer en la diphthongue eun, comme
le font les Français.
DES DIPHTHONGUES, ETC.
Les diphthongues sont Kunion de deux voyelles qui ne for-
ment qu'une seule syllabe. Voici les principales:
Ai, que l'on prononce ahi]
Au, qui se prononce ahou,
Ei, prononcez ehi,
la, — iha, ^ mais par un simple son.
lé, — ihé,
lOf — iho,
Oi, — ohi, etc.
LETTRES A GREGOIRE 1!
Lesdiphthongues et les quadriphthongues sont aussi usitées
en provençal :
Aou pour au, prononcez ahou.
hou. \
uhou, [
Uou ou uhou, — In , ,
rr 1 ; •; i ■ ? d'un seul son .
ileil ou uinni. — lira, /
Yenu — hieou. )
DES CONSONNES
Les seules consonnes dont la prononciation diffère de la
sj'ntaxe française sont le G et 1'/ consonne. Les Provençaux
])rononcent ces lettres mouillées comme les Italiens. Il en
est de même du CH; mais il est impossible de donner cette
prononciation à un homme qui n'a jamais entendu parler un
Provençal ou un Italien, par de simples caractères ; il ne con-
naîtra pas la façon de prononcer ces lettres en plaçant un d
devant le g, ni un t devant le cli. Il faut, pour le mettre au
fait, l'inviter à prononcer ces lettres très-lentement, comme
on le fait en français : qu'il observe le mouvement de la lan-
gue, et nous lui ferons sentir la différence.
Le Français, pour prononcer le y ou le /, porte le bout de
la langue au palais, à peu près à la racine des dents de la mâ-
choire supérieure. Le Provençal et l'Italien poussent le bout,
de la langue jusques aux dents, relèvent un peu la langue et
prononcent plus de la bouche que du gosier. Au reste, une
seule fois qu'on entende prononcer cette lettre, on en saura
plus qu'avec les plus longues explications. La même chose doit
être appliquée au ch.
Il ne faut pas oublier de dire ici que, lorsqu'un mot pro-
vençal a deux / mouillées, on prononce comme le peuple de
Paris. Ainsi mouille ou mouilhe se prononce en provençal
comme si l'on écrivait mouj/é, et comme ceux qui parlent mal
le français prononcent Va.djeciiî mouillé.
Chapitre II
DES ARTICLBS
L'idiome provençal a deux articles : /ou, le, pour le mas-
culin, et la pour le féminin. Au pluriel, l'article leis, qu'on pro-
16 DIALECTES MODERNES
nonce lei devant une consonne, sert pour les deux genres.
L'article lou et l'article la s'élident devant un mot qui com-
mence par une voyelle; ainsi Ton dit l'ai, l'âne, et non pas
loti ai ; l'anduecho, l'andouille, et non pas la andnecho.
■ Les Provençaux ne changent pas leurs terminaisons dans
les déclinaisons, en cela nous ne différons pas de la langue
française. Exemple :
Singulier
masculin
féminin
Nom.
Franc.
le
prov
lou Fr.
la
prov.
la
Gén.
du
donu ou dau
de la
de la
Dat.
au
aou ou au
à la
à la
Ace.
le
lou
la
la
Voc.
6
à .
ô
ô
Abl.
du
doou ou dau
Pluriel
de la
de la
masculin et féminin
Nom.
Français
les
provençal leis
prononcez
lei
Gén.
des
deis
—
-
dei
Dat.
aux
eis
—
ei
Ace.
les
leis
—
lei
Voc.
6
à
—
ô
Abl.
des
deis
—
dei
Tous ces mots sont monosyllabes.
Chapitre III
DES NOMS
Tous les noms prennent l'article devant eux, excepté les
noms propres et ceux que l'on prend indéterminément, comme
députa, administratour; député, administrateur.
La particule de remplace souvent l'article en provençal ;
aussi les Provençaux font-ils beaucoup de provençalismes en
parlant français, par l'habitude qu'ils ont de leur idiome-
Donnez-moi d'eau, de vin, diront-ils, au lieu de dire donnez-
moi de t eau, du vin; cela vient de ce que le Provençal dit
dounas-mi d'aiguo, de vin, etc.
LETTRES A GREGOIRE 17
H n\y a pas de règle générale pour les genres des noms;
presque tous les mots français masculins sont du même genre
dans leurs correspondants provençaux. Il y a cependant des
exceptions : ainsi, le sel est masc. en français, et la saou est f.
en provençal; l'huile est fém., ioli ou rholi est masc; le peigne
se rend par la /nyno ; le balai par l'escoubo, fém., et quelques
autres de même.
Les terminaisons des noms varient beaucoup, de même que
dans le français ; mais elle est* presque toujours la même au
pluriel et au singulier. Ainsi chivau, cheval, fait au pluriel
chivaus, et se prononce comme au singulier. De là vient
encore que les enfants disent ici très-communément en parlant
français, le clievau ou les chevals.
Les substantifs masc. forment quelquefois des substantifs f.
d'une terminaison différente. En général, les noms qui se ter-
minent par une n donnent un fém. en y ajoutant un o qui
équivaut à notre e muet. Par exemple: couquin, masc; cou-
quino, fém.; - landrin, masc; landrino, fém.
Les mots terminés en r changent cette dernière lettre en la
syllabe *"o .• vouliir, vouluso, fém.; recelur, receluso, fém., etc.
Les mots français terminés en aire sont assez ordinaire-
ment terminés en ari dans l'idiome provençal.
Les adjectifs sont également très-variés; ils ont un rapport
direct avec ceux de la langue française. Ceux qui se terminent
en é pour le masc, et en ée pour le fém., se rendent en pro-
vençal par la terminaison at, ado : fortuné; fortunée, fourtunat,
fourtunado.
Les adjectifs terminés par un e muet en français se termi-
nent de mémo au fém. provençal, mais au masc. ils ont un é
fermé. Ainsi invulnérable {ait au masc. invulnérable, et au fém.
invulnerablo, que l'on prononce tout comme en français.
' Ici l'auteur a oublié que le sujet do la phrase '^st au pluriel ; lisez :
elles sont .
18
DIALECTES MODERNKS
Chapitre IV
DES PKONOMS
Il y a, flans les pronoms, des observations importantes à faire
sur la (lilférence qui existe entre le français et le provençal.
Je donne d'abord la déclinaison des pronoms personnels:
Singulier. Nom. Je o\x moi, yeou.
Gén. de moi, de yeou, sans élision.
Dat. à moi. à yeou, ou mi. en quelques
lieux me.
Ace. moi, mi. ou me, et yeou dans le pléo-
nasme.
Abl. par moi, per yeou.
Il me conduisit moi-même, Mi menet yeou-iaème, ou M'aduguel
y eau- même.
Singulier
.Nom.
Tu, toi.
tu.
Gén.
de toi.
de tu.
Dat.
à toi.
à tu, ou ti, en quelques lieux te.
Aco.
toi ou te,
ti, ou te.
Abl,
par toi,
per tu.
Sing-.
Nom.
Gén.
de soi.
de si, mieux de si-même.
Dat.
à soi,
à si, ou si, ou se.
Ace.
soi.
si, ou se.
Abl.
par soi,
per si-même.
Pluriel.
Nom.
Nous,
nautreis, qui signifie nous autres.
Gén.
de nous,
de nautreis.
Dat.
à nous,
à nautreis, ou nous.
Ace.
nous,
nautreis, ou nous.
Abl.
pa)' nous,
per nautreis.
Plur.
Nom,
. Vous,
vautreis.
Gén.
de vous,
de vautreis.
Dat.
à vous.
à vautreis, ou vous.
Ace.
Vous,
vautreis, ou vous.
Abl.
par vous.
per vautreis.
Il vous a donné, v'a dounat. Il nous accuse, n'accuso.
LETTRES A GREGOIRE 19
Ces exemples sont faits pour faire connaître (jue le pro-
vençal fait une élisiou de trois lettres devant un mot qui com-
mence par une voyelle, lorsqu'il est précédé d'un pronom plu-
riel.
Le pronom se est le même au pluriel qu'au sinf^ulier.
Sing. Nom. Lui, eoii, elle, ello.
Gén. de lui, d'enu, d'elle, d'ello.
Dat. à lui, an eau, à eou, li, à elle, an ello, ou li.
Ace. lui, eou, ou lou, la, la.
Abl. par lui, per cote, par elle, per ello.
Plur. Nom. Eux, elleis, elles, elleis.
Gén. d'eux, d' elleis, d'elles, d' elleis.
Dat. à eux, an elleis, ou li, à elles, an elleis, ou li.
Ace. eux, elleis, leis, elles, elleis, leis.
Abl. par eux, par elleis, par elles, per elleis.
PRONOMS POSSESSIFS
Les pronoms possessifs sont mieou, tieou, sieou, nouestre,
vouesire ; ils sont précédés de l'article et prennent les deux
genres :
Lou mieou, la mieouno, le mien, la mienne.
Lou tieou, la tieouno, le tien, la tienne.
Lou sieou, la sieouno, le sien, le leur; la sienne, la leur.
Lou nouestre, la nouestro, le, la notice.
Lou vouettre, la vouestro, le, la vôtre.
PRONOMS DÉMONSTRATIFS
Il j a deux pronoms démonstratifs : aqueou, qui fait au fé-
minin aquelo, et aquestou,(\m fait au fém. aquesto, c'est-à-dire
celui-ci, celle-ci; celui-là, celle-là.
PRONOMS RELATIFS
Lequel, laquelle, louquoou, laqualo, se déclinent avec l'ar-
ticle ; ç-m' se traduit par quu ou ^a.v que . Les composés sont
queque sieque, quoi qu'il en soit ; quelqu'un, quelqu'une, quau-
-qu'un, quaouqu'uno. Ex.: l'homme qui vint, lltome que vcnguet.
— Ce qui me surprend, ce que m'estouno. — Qui est là? quu
es aqui? — Qui va, qui vient? quu va, quu ven?
?(i DIALECTES MODERNES
Chapitre V
DES VERB ES
Le provençal a des verbes auxiliaires, des actifs et des pas-
sifs. On appelle verbe auxiliaire celui qui sert à former les
temps des autres verbes, comme ^'a?, ai; je suis, sieou.
Les verbes actifs peuvent être réduits à deux conjugaisons
principales, qui se connaissent par l'infinitif: les verbes qui se
terminent à l'infinitif on at^, et ceux qui finissent par un e ou
en ir.
Tous les verbes en ar font le participe passé en af, les au-
tres le font en it ou en ut.
Commençons par les verbes auxiliaires.
Ave}', inf. avoir, dérivé du latin Iiabere.— Ind, prés. Ai, as,
a, aven, avés, a/z; j'ai, tu as, etc. — Imparf. Avieou, aviès, avié,
nvian, avias, afî'en ; j'avais, etc. — Parf. Ai agut ou agueri,
as agut ou agueres, a agut ou aguet, aven agut ou aguerian,
avès agut ou aguerias, an agut onagueroun; ysii eu, etc. — Plus-
que-parf. Avieou agut, aviés agut, etc.; j'avais eu, etc. — Fut.
Aurai, auras, aui^a, auren, aurés, au^'au; j'aurai, etc. — Impér.
Agues, que ague; aguen, agués, que aguoun, aie, etc. — Subj.
prés. Que agui, que agues, que ague, que aguen, que agués, que
aguoun; que j'aie, etc. — Imparf. Aguessi o\i aurieuu, aguesses
ou auriés, aguesse ou aurié, aguessian ou aurian, aguessias ou
aurias, aguessoun ou aurien; (jue j'eusse ou j'aurais, etc. —
Parf. Que agui agut, agues agut, ague agut, aguen agut, agusé
agut, aguoun agut; que j'aie eu, etc. — PI. -q. -parf. Aguessi
ou aurieou agut, etc.; que j'eusse ou j'aurais eu, etc. — Fut,
Aurai agut, etc.; j'aurai eu, etc. — Inf. prés. Ai;er, avoir. — Parf.
Aver agut, avoir eu. — Gérondif. Per aver, à avoir. — Part,
prés. Ayent, ajant. — Part, passé. Aijent agut, ayant eu.
Le Verbe Etre
Ind. prés. Sieou, sies, es, sian, sias, soun.
Imparf. Eri, ères, ero, erian, erias, eroun.
Parf. Sieou estât, sies estât, etc., ou fougueri, fougueres, fou-
guet, fouguerian, fougucrias, fouguerouv.
LETTRES A (JREQOIRE 21
PI.- (|. -part". E ri estât, e)-es estai, etc.
Futur. Sarai, saras, sara, saren, sarés, saran.
Impcp. S/'pyiK.'s, si''tjue, s'wQuen, si.et/iiés, siegoun.
Subj. prés. Que sieijm', siegues, sieyue, sieynen, siegués, sicgoiin.
Imparf. Fouyuessi, fouguesses, fouguesse, fouguessian, fou-
gn'ssias, fnugui'ssioun, on san'rou, sany's, snrié, snrian, sarias,
sa rien.
Parf. Que siegui estât, siegues estât, etc.
PI. -q. -part". Fouguessi estât, ou sarieou estât, etc.
Futur. Sarai estât, saras estât, etc.
luf. prés. Estre, ou esse.
Parf. Estre estât.
On voit que l'auxiliaire avcr n'entre pas dans la conju-
iraison provençale du verbe estre. C'est ce qui nous fait en-
tendre 1^ provençalisme impardonnable : Je suis été, pour dire :
Jai été.
Tableau des conjugaisons des verbes actifs
1 "■" C O N .J U G .\ 1 s O N 2" CONJUGAISON
Verbe Adoûrar Vei'be Estendre
Ind. près.
Adori, Adoûran, Estêndi, Esténden,
Adores, Adoùras, Estèndes, Esténdes,
Addro. Adoroun. Estênde, Esténdoun.
Imparf
Adouràvi, Adouràvian, Esteadienu, Estcndtan,
Adourâois, Adourdvias, Estendies, « Estendias,
Adourâvo, Adouràvovn. Estendié, Estendian.
Parfam'
Aiadourat, As adourat, etc., Ai es tendu t, etc.,
ou Adourèri, Adoiweriaa, ou Estenderi, Estenderian,
Adoureres, Adourerias, Estenderes, Estenderias,
Adoilrel, Adoureroun. Estendet, Estenderoun.
Plus-q.-parf.
Avieou adourat, Avieou estendui,
A vies adourat, etc. Aviès estendut, etc.
22 DIALECTES MODKRNES
Futur
Adoxirarui, Adourarcn, Estendrai, Estendren^
Adournras, Adonrnr'.'s. Estcndras, Esfendrés,
Adourara, Adouraran. Ei^tendra, Esfendron.
Impératif
Adôro, Es tende,
Quadore, Questendc,
Adoûren, Estenden,
Adowas, Esleîidés,
Quadoroun. Questendoun.
SUBJ. PRÉS,
Quadori, Quadouren, Qu'estendi, Qu estenden,
adores, adourés, estendes, (stèndcs,
adore, adoroun. estende, estêndouu.
Imparfait
Qn'ndouressi, Quadouressian, Qaestendesd, Qu'estendessian,
— esses, — essias, — esses, — essias,
— esse, — essoun. esse, — essotin.
ou Qn'adourarieou, Quadourarian, ou Qu'estendrieou, Questen-
darian,
— aînés, — arias, — ariés, — arias,
— arié, — arien. — arié, — arien .
Passé
Que agui adourat, etc . (Jue ayoi estendui, etc.
Plus-q.-parf.
Que ayuessi adourat, etc. Que ayuessi estendut, etc.
ou Aurieou adourat, etc. ou Aurieou eslcndut, etc.
Futur
Aurai adourat, etc. Aurai eslendut, etc.
Infin. prés.
Adourar. Es tendre.
Passé
Aver adourat. Aver esiendut.
Pakt. pkés.
Adourant. Estendent.
LETTi;i:s A GKRGOIRE 23
Le passif se conjug'ue par rauxiliairc esfre, en ajoutant le
participe passif adourat, astendiit, etc. Sieou admirât, neoa
estendut, etc.
On a vu que la seule difFérence de terminaison des verbes
se trouve dans l'imparfait, où les verbes qui ont Fintinitif en
ar font ce temps en nvi, et ceux qui ont une autre terminai-
son font l'imparfait en leou. D'après cela il est facile de connaî-
tre \e< conjugaisons provençales. Il est bien quelques verbes
irréguliers; mais, comme ils ont un rapport direct avec leurs
correspondants français, il est inutile d'en faire mention ici.
SECONDE PARTIE
Chapitre premier
La syntaxe d<-' la langue provençale a Tant de rapports avec
la française qu'il n'y a point de règles à donner, mais seu-
lement des observations à présenter sur les tournures des
phrases.
DES ARTICLES
On met quelquefois l'article avant l'adjectif, au lieu de le
mettre avant le substantif. C'est une chose qui nous est com -
mune avec les Grecs, et certainement c'est d'eux que nous
tenons cette façon de nous exprimer. Lou mieou héou! Mon
beau; Lou mieou bel enfant. Mon bel enfant; Lou sieou fraire, Son
fi'ère, etc.
DES NOMS
J'ai dit plus haut que les noms ne changeaient pas de ter-
minaison dans les nombres, et qti'il était même reçu de ne
pas ajouter Ys final pour désigner le pluriel, à moins que le
mot suivant ne commence par une voyelle. Mais cette règle
n_'est pas encore générale ; on dit bien leii^ ais, prononcez lei-
zai, mais on ne dit pas leis ais avien en prononçant lei-zai-
zavien, m.-A[=i lei-zai-ainen ; en sorte qu'il faut nécessairement
24 DIALECTES MODERNES
entendre parier le provençal, ou Téorire coname on le parle.
C'est un défaut de la langue, défaut qui ne doit pas sur-
prendre ceux qui savent que les idiomes vulgaires n'ont ]>as
de règles bien certaines, et que l'usage est la première de ces
règles.
Les Provençaux ne connaissent pas de mot (jui forme seul
un comparatif. C'est une faute de dire en provençal milhour
que l'autre, piegi que vous; meilleur que vous, pire que vous ; il
faut dire plus milhour, plus piegi, ce qui en français serait un
pléonasme détestable.
Chapitre II
DES PRONOMS
Les pronoms personnels se sous-entendent toujours devant
les verbes, comme on l'a vu dans les conjugaisons que j'ai
placées en leur lieu. Ainsi on dit vendrai, Je viendrai ; es
veray, il est vrai, etc.
Lorsqu'on parle de plusieurs personnes, on emploie toujours
le pronom soun, sa, comme s'il ne s'agissait que d'une seule :
Us viennent de leur maison de campagne, Venoun de sa bastido.
De même l'on dit pour les deux nombres: Li ni dounat, Je. lui
ai ou Je leur ai donné ; Li digueri, Je lui on Je leur dis, etc.
Lorsque l'on parle indéterminément de quelque chose, on
emploie la particule va au lieu de l'article Ion, le. Ex. -.Le croyez-
vous? Va cresez? ou Va creses-ti? Je le ferai, Va farai. Mais,
s'il était question d'une personne on dirait : Lou veiray. Je le
verrai.
L'adverbe relatif y, qui signifie en cet endroit-là, s'exprime
en provençal par li. Veux- tu y aller? Li voues anar? J^fyjirai,
L'anarai; Passe-s-y, Passas-li; Prends-y garde. I*ren-li gardo.
Le relatif ^;«' s'exprime par ^?/i< toutes les fois qu'il y a inter-
rogation. Quu piquo? Qui frappe? Mais dans le cours d'une
phrase il se rend parle mot que : Aqueov que doncrme, Celui qui
dort; Lou cavuou ou Lou c/nuau que vendra, Le c/aval qui viendra.
LETTRES A GREGOIRE 25
Chapitre III
DES VERBES
Le nominatif procùde toujours le verbe ; cependant j'ai sou-
vent entendu les gens de la campagne, et surtout les enfants, .
dire: A dick moun paire, pour Moun paire a dich.
Lq \Qvhe estre, être, s'emploie ordinairement comme gou-
vernant l'accusatif: Si je fusse (sic) en leur place, Se fouguessi
elleis. On dit aussi Se fouguessi d'elleis, en sous-entendant en
plaço.
Les inlinitifs forment tout autant de noms substantifs ; on
dit lou proumenar pour la proumenado, lou dourmir ^onv lou
souen, etc.: il semble même que cette façon d'exprimer les
choses est plus énergique.
Il est d'usage encore d'employer le pronom si, se, à la pre-
mière personne du pluriel: Nous nous reverrons, Si vereins ;
Allons-nous-en, S'en anan ou Enanen s'en.
On dit aussi Sau pas ce que si fa, Il ne sait pas ce quil fait.
Quelle àeirre est-il? Quant soun d'houro? ce qui signifie littéra-
lement Combien e%f-il dlieures?
Je ne dirai rien des adverbes et des prépositions, mais il
y aurait encore beaucoup de choses à dire sur les tournures
des phrases. J'ai cru qu'il ne serait pas hors de propos de
donner une courte notice de la poésie provençale et de citer
ici quelques morceaux qui n'ont pas été livrés à l'impression.
Leur lecture, jointe à la traduction que j'ai mise à côté, fera
connaître le génie de la langue de mon pays, bien mieux que
les plus longues dissertations ne pourraient le faire.
DE LA POÉSIE PROVENÇALE
Les vers provençaux font connaître les beautés d'une lan-
gue qui fut longtemps la langue de plusieurs provinces, et
qui servit à créer la langue française, l'italienne, etc.
Les vers provençaux ne consistent que dans une mesure
égale de syllabes et dans la rime. Il y a des rimes masculines
et des féminines; on suit assez communément, dans notre poé-
sie, les lois et les règles do la poésie française; mais les rimes
26 PIALF.CTRS MODERNES
suiii moins pénible-; parce ([ue, en écrivant comme on parle,
un substantif singulier peut rimer avec un pluriel de la même
terminaison. Marchand rimera avec galants et avec le verbe
anar an, ils iront ; àe sorte qu'on peut établir comme règle
générale nue la rime, dans nos vers, n'est nue pour l'oreille.
* Depuis longtemps on n'a plus fait des tensons ni des pièces
devers-dans le style des troubadours, Nos poésies modernes
sont presque toutes légères et amusantes. Le modèle de ce
genre est F. T. Gros, dont les poésies, imprimées à Marseille
en 1734 et réimprimées en 1763 avec quelques additions, at-
tireront toujours l'estime des vrais connaisseurs. Germain a
fait aussi une ode intitulée la Bourridn deis Dious, qui a beau-
coup de sel, mais ses autres poésies n'ont presque pas de mé-
rite.
Les vers de douze syllabes sont les moins usités en pro-
vençal; on emploie le plus souvent ceux de huit syllabes.
Je vais donner quelques pièces de poésie pour les faire con-
naître à mes lecteurs ; j'y joindrai à côté la traduction fran-
çaise littérale et la traduction avec les termes et les tour-
nures qu'exige la pureté du français. .Je m'étais proposé,
dans le temps que je fis imprimer le Vncabukiire provençal, de
])ublier un recueil des poésies et des morceaux de prose les
plus recherchés dans l'idiome provençal, mais les dépenses que
je fis alors m'ont empêché de satisfaire mon désir.
/.4 suivre) A. Gazier
LOU PECH-TRINAL
A Mi>IN CAR NEHOLT ALUKlfl
Quand loLi tems es siaud, un mati d'abrial,
l)ins iou rousal tVesc, al claus de la LcUido,
Sus garrabiés blancs qu'i fan uno brando,
Fier, Iou roussignol dis soun cuit nouvial ;
Dal rec secarous, raijant coumo un liai,
Qu'apelan, aissi, la Ribieirx)-G-rando,
Das oumats ramuts que l'edro engarlando,
bas bousquets d'èusis e das camps de sial,
Das malhols galhards e de las auserdos,
Dal cel clar e blu, de las tounos verdos,
Das peclis, de las vais, de las founts, das rieus,
Yen de lais d'amour, de crids de batalho.
De gaios cansous. Tout ris, tout cascalho
Dejoust Iou soulel, clar regard d'un Dieus.
Cl ai' Cti-eizos. '
Azilhanet, 30<d'abrial 1871
LE PUY-TRINAL
A Mn^' CHER NnvEu Albt.rt
Quand le temps est calme, un matin d'avril, — dans la rosée
fraîche, au clos de la I>ande, — sur les églantiers blancs qui lui iont
una bordure, - heureux, le rossignol dit son champ nuptial;
Du ruisseau desséché, coulant (meim) comme un (il, — que nous
appelons, ici, la Rivière-Gr mde, — des ormeaux feuillus que le
lierre eniruirlande,— des bosquets d'yeuses et des cliamps de sei-
gle,
Des jeunes vignes luxuriantes et des luzernières, — du ciel clair
bleu, et d3s voûtes de verdure, — dos puys, des vallées, des fontai-
nes, des ruisseaux,
Sortent dos lais d'aaiour, des cris do bataille, — de gaies chan-
sons, Tjit rit, toit gazouille —sous le soleil, clair regard d'un
Dieu
(llair Cii.KYZES.
ÀZillanet, le 30 avril 1871.
BEUxMOUNO
0 chato! fres rasin ouate voudi-iéu beca!
Uno fai mi délice e me poung d'amaresso ;
Sis iiie verd coume l'aigo, un hrisounet maca,
Treluson d'ignourènço e d'estranjo arderesso.
Soun viésti lôugeiret noun semblo la touca ;
Lou fichu clarinèu à poulit plet caresso
Soun sen arredouni que se vèi boulega .
Un vèspre, n'aviéu fam, e dins rai bras Fai presso,
L'ai erapourtado au founs di lèio... Li viôulouii
Jougavon. danserian: elo, sus mouu espalo,
Revessant tendramen sa tèsto fine e palo :
léu à long flot bevènt l'oundo de si peu blound,
Que lou vaji de la danso à mi bouco enmandavo;
E de si grands iue verd, rnuto, me regardavo.
Teodor a t; ban EL
(Provençal Avigno:i et les bords du Rhône).
BELMONE
0 jeune fille ! frais raisin où je voudrais mordre! — Une fait mes
défices et me poind d'amertume : — ses yeux verts comme l'eau,
un peu battus,— scintillent ■riLt:ioranc>? et d'étrange ardeur.
Son vêtement léger ne semble pas la toucher; ~ le iïchu trans-
parent à plis cbarmants caresse — le sein arrondi que l'on entre-
voit remuer. — Un soir j'avais f;iim d'elle, et dans mes bi-as je l'ai
prise,
Je l'ai emportée au fond des allées. . . Les violons — jouaient,
nous dansâmes: elle, sur mon é[)aule,— renversaiiî tendrement sa
tète fine et pâle :
Moi à longs flots buvant l'onde de ses blonds cheveux, — que
l'élan de la danse envoyait à mes lèvres ; — et de ses grands yeux
veris, muette, elle me regardait.
TutODORK AUBANEL
LOU GARDA-MAS
(Fin)
End aquel rôdou, mai quicon lou destrassouna;
N'a pas ime de qu'es. Sariè-ti lou labech
Que gandis tout escàs de vers la Magalouna,
E que, tant lèu çai estre, emb soun alen doucet
Gouma lou d'un enfant ou de la femna aimada,
.\uboura lou fiolhan de Tespessa ramada,
Zouzouna à soun ausida, afresqueiris soun front,
E, de soun peu de nèu regoulant à flecadas,
A l'entour de soun col brandis las aneladas?
Sariè-ti lou labech qu'afach acô, de bon ?
Ou be lou roussignôu? Dau tems que tout paupava,
Tristàs, bec alandat, dins la rama chaumava ;
Juste s'aviè lou vanc d'escampà dins lou siau
\jn quiconque retrai au graulà dau grapaud.
Mais tant lèu qu'a sentit la fresca labechada,
S'escarrabiliia, vai, aduse la becada
LE GARDE-MAS
(Fin)
Ici, de nouveau quelque criose l'éveille en sursaut. — Il ne sait pas
ce que c'est. Serait-ce la brise — qui se lève mollement du côté [de
l'ile] de la Maguelone, — et qui, en arrivant avec son souffle aussi
doux — que celui d'un enfant ou de la femme aimée, — soulève le
feuillage de l'épaisse tonnelle, — murmure à son oreille, rafraîchit
son front, — et, de ses cheveux de neige ruisselant en spirale, —
tout autour de son cou secoue les longues boucles ? — Serait-ce la
brise qui a fait cela, bien vrai? — ou bien le rossignol? Au temps
où tout était calme, — triste, le bec ouvert, dans la feuillée il se
tenait tapi ; — il avait seulement la force de jeter dans le silence —
quelque chose de semblable au coassement du crapaud. — Mais,
djjs qu'il a senti la fraîche brise, — il se déu,ourdit, va porter la
becquée — à la couveuse [assidue] au nid, qui se trémousse,
l'admire et le suit avec ses yeux de jais. — Alors, sautillant de
3
30 DIALECTES MODERNES
A racouïda as iôus, qu'en fasent graumilhet,
Lou bada e lou seguis emb sous iols de jaiet.
Adounc sautourlejant per grillious et branquilhas,
Reprend sous cants d'amour. Sariè sas bêlas trilhas
Que Tan destracassat ? Ven-ti de l'acanau ?
D'un nis de giroundouns, lou paure caga-trauc
A vist un à per un s'envoulà sous frairetas.
N'a be la petelega, ai ! mais de sas aletas
A paura fe; tabé, sus lou berle dau nis
Es aqui que prend vanc, tremola, s'escarnis :
L'espaça ie fai pôu; mais lou paire e la maire,
i^er força ou per bon grat, l'an enbandit dins l'aire,
E lou paure alateja e s'arqueta e, pieu-pieu,
Un vol à soun entour roda per lou mantene.
Maugrà 'c6, de pieula noun se pot mai destene
S lou vol ie respond.... Mais, nou; despioi un brieu,
Dau caire d'en amount s'auboura una chamada :
Es d'aqui, de segu, que lou destourbe ven.
Galina, gai, guindard, cascalhou, pieulou 'nsen.
La clouca çai reven, la plouma e^foulissada.
Couchant sa cloucadeta en foga à l'endavans,
Couma lou pastourel quand fugis la groupada.
brancholtes en brindilles, — il reprend ses chants d'amour. Sc-
raient-ce ses belles trilles — qui l'ont distrait? Est-ce le bruit qui
vient des cheneaux? — D'un nid déjeunes hirondelles, le pauvre
dernier éclos — a vu ses petits frères s'envoler à lahle. — il a
bien le désir d'en faire autant ; oui, mais dans ses faibles ailes —
il a peu de contiance: aussi, sur le rebord du iiid, — il reste, es-
sayant de prendre son essor : il tremble, se décourage; — l'espace
ré|iouvante. Mais le père et la mère, — de force ou de bon gré,
l'ont lancé dans l'air, — et le pauvre petit agite ses ailes, s'arc-boute
et, piaulant, — une volée [d'hirondelles] circule autour de lui pour
l'encourager. — Malgré cela, il ne peut s'empêcher de crier, — et
la volée lui répond... Mais, non, depuis quelque temps — du côté du
nord s'élève une grande clameur : — c'est de là, liien sûr, que vient
l'interruption. — Poule, coq, dinde, jabotent, piaillent à la fois. —
La couveuse se retourne, la plume hérissée, en chassant sa couvée
avec vigueur devant elle, — comme le berger quand il luit l'averse;
— elle fuit, parce que le coq et le dindon sont aux prises. — Toute
I.OU GARDA.-MAS 31
Fug-is per que lou gai emô iou guindard n'an ;
E la cournada en plen, pareis, s'en embarrassa.
Belèu una lingousta, un venue, una torassa,
Soun Tencausa de tout aquel rabaladis,
Couma que siegue, un cop que se soun ben sarcits,
Lou guindard tout sannous à Tescart se pavouna,
Dau tems que lou galastre es quilhat, glorious,
Sus la parct,brandanteme un vanc nervious
Sas alassas, e canta, e boumba, e dessambrouna
Lous ressouns de Tentour. Mais, encara enclausit
De soun pantai, lou viel a pas pus lèu ausit
Lou cant de soun vesiat que, torna mai sounjaire
E brandilhant la testa, à mots entrecoupats :
— (c 0 França! barboutis, moun païs, paura maire ! n
Una larma perleja à sous lois miech-barrats,
Atravès sa parpela un bricoun enaigada.
A miech entravalat, vei be toujour soun gai,
Lou vei b'alatejà ; i'ausis be sa cantada.
Mais couma on vei una oumbra au vespre en ailaval;
Esoun cantassourdant e soun flajelà d'ala
Retrasoun dins soun ime à la cansoun troumfala
Mandada à plen galet dins lou tron das canouns,
la basse-cour s'en mèie, il paraît. — Peut-être une sauterelle, un
ver, une grosse chenille, — sont-ils la cause de tout ce tumulte. —
N'importe, après s'être bien déchirés, — le dindon tout san2;lant
fait la roue à l'écart, — pendant que le coq est perché, orgueilleux, —
sur la muraille, secouant d'un mouvement fébrile — ses grandes
ailes, et qu'il chante, et qu'il frappe, et qu'il réveille — les échos
d'alentour. Mais, encore sous le charme — de son rêve, le vieillard
n'a pas plutôt entendu — le chant de son préféré, qu'il redevient
rêveur, — et, secouant la tête, s'interrompant à chaque mot : « — O
France! balbutie-t-il, mon pays, pauvre mère!» — Une larme scin-
tille à ses yeux demi-clos, — à travers sa paupière tant soit peu
humide; — à demi endormi, il voit toujours son coq, — il le voit
bien secouer ses ailes, il entend bien son chant, — mais comme on
voit une ombre le soir dans le lointain; — et son chant éclatant et
, ses battements d'aile — ressemblent, dans sa pensée, à la chanson
triomphale — jetée à plein gosier dans le tonnerre des canons; —
rien que d'y penser seulement, on se sent frémir. — Et l'ombre croît
32 DIALECTES MODKRNES
Que de ie pensa soûl dona lous fernissouns.
E l'ourabra crei e crei, escala e rcbecina
Sa testa lins au ciel, dedins Tauba clarina ;
Negreja couma un fum ques'auboura en tems siau
D'un cros de crema-sôuda, ou couma una tourrassa
Que monta dau pounentun jour de caumagnassa.
Majencant en silence e lou tron e l'ilhau.
Mais, en s'esperloungant dins Fautura enlusida,
Pauc à pauc dau gai perd estampadura e biais;
Pioi de tout en per tout, lou tems soûl de dire: Ai!
De Tome a près la forma e la cara espourapida,
E Tome espetaclous qu'es alin ie retrai.
Endacô pioi se môu e, de sas grands cambadas,
Afranquisla planura, e mounts, e valounada.
A cade pas que fai, bourjant à plenaman
Dins un semenadou penjoulat de biscaire,
Escampa à plens pougnats la semença dins l'aire;
Sous brausents cops de bras, dau pounent au levant,
Dralha un miech ceucle inmense ; on diriè qu'à la terra
Ensegna soun camin. Alin, la bestia fera
Devès l'escuresina as quatre sauts fugiS,
Souta soun pas pesuc s'aterris la roucalha,
et croît, et s'élève et redresse — sa tète jusqu'au ciel ot dans
l'aube brillante; — brunit comme la fumée qui s'élève par un temps
calme — d'une fosse où l'on brûle la soude, comme un grand nua^e
— qui s'élève du ponentun soir de cbaleur étouffante, — préparant
en silence le tonnerre et l'éclair. — Mais, en s'élevant dans l'es-
pace lumineux, . — peu à pou elle perd du coq la structure et la
forme, — puis, tout d'un coup, le temps de faire un soupir, — de
l'homme elle a pris la forme et la face épanouie, — et l'homme gi-
gantesque qui est là lui ressemble; — euimite il se met en mou-
vement, et de ses grandes enjambées — il franchit la plaine, les
monts et les vallons. — A cliaque pas (ju'il fait, puisant à pleine
main — dans le semoir suspendu à son côté, — il répand à plei-
nes poignées la semence dans l'air; — son rapide mouvement de
bras, du ponent au levant, — décrit un immense demi-cercle; on
dirait qu'à la terre — !! montre son chemin. Au loin, la bête sauvage
— vers l'obscurité s'enfuit en toute hâte; — sous son pied pesant la
roche s'elVrite; — le ruisseau débordé rejirend de nouveau sa voie; —
LOU GARDA-MAS 33
Lou rajùu desmairat retorna dins sadralha.
La lona s'apradis, l'armas s'agarachis ;
La mar, Taurag-e même, ansin que lou terraire,
Tout ce qu'es d'aiçaval, pas pus lèu que parei
Emb soun pas soubeiran, emb soun anà troumflaire,
Clena, fai siau, coungria ou fuch davans soun rei.
E zou, toujour, avans e bresseja e camina,
E la semença à floc s'escampilha e brounzina,
Beluguejanta ansin que pampalhetas d'or.
Pioi, gran per gran, au sou reboumbis, sautourleja,
Couma Fenfantounet qu'en lou mudant cambeja,
Mais, pas pus lèu au sen de sa maire, s'endor.
S'endor be, mais ben lèu sarà derevelhada.
Laissas que lou bouirac l'âge ben acatada
Jouta soun coubertoun blet, imouisse e tebés ;
Laissas qu'à la sournuda âge à bêles pauquets
Poumpat rimou daû sôu, pounit sa racineta :
Lou veirés pounchejà fora sa bressouleta
Per s'abeurà d'aigage, e d'aire, e de sourel.
Tabé, dins l'iôu qu'an mes sout la clouca acouïda,
Lou pouletou doyrmis ; amai e despèr el,
Quand lou tems es vengut de fa soun espelida,
le marais devient pré, la lande est défrichée ; — la mer, l'orage
même, ainsi que le territoire, — tout ce qui est d'ici-bas, dès qu'il
apparaît, — avec son pas souverain, avec sa pose triomphale, — s'in-
cline, se tait, se multiplie ou fuit devant son roi. — Et toujours en
a\ant il agite ses bras et chemine ; — et la semence à profusion
se répand et bruit, — étincelante ainsi que des paillettes d'or; —
ensuite, grain à grain, rebondit à terre, sautille — comme le jeune
enfant qui agite ses jambes lorsqu'on l'emmaillotte. — mais qui
s'endort aussitôt qu'il est au sein de sa mère. — Elle s'endort bien,
mais bientôt elle se réveillera. — Attendez que le bouvier l'ait bien
recouverte — sous sa couverture molle, moite et tiède; — attendez
qu'en cachette elle ait, petit à petit, — absorbé l'humidité du sol,
formé sa petite racine : — vous la verrez poindre au-dessus de son
berceau, — pour s'abreuver de rosée, et d'air, et de soleil. — De
même, dans l'œuf que l'on met sous la poule couveuse, — le petit
poussin dort; cependant et de lui-même, — quand le temps est
venu de faire son éclosion, — avec son petit bec il perce la coque.
34 DIALECTES MODERNES
Embé soun bequetou trauqailha lou cruvel,
E per d'aut la ploumada e las alas caudetas
De la maire ajoucada, urousa que noun sai,
Branquejoun bequetous e poulidas testetas,
Enmascadetas d'estre e vieure. 0 dous pantai !
Que lous lauraires vengou' e vendran... Ah ! pas mai.
De fet, de tras en tras, lou valent semenaire
Devistalou masiè sous très garruts maiôus,
Reguejant Tabladat cadun emb soun araire,
Doublisses roussegats per de coubles de miôus,
Repoufant per la narra aura, fum e flamada ;
Detràs lous doublissiès, de touta l'encountrada,
Çai ven d'aucelounets à vol, voulatejant;
Pioi dins lous tais douberts bequejoun, fan mangilha
De cadela, babot, courcoussoun ou canilha,
Tout ce que debouris e pampa, e grel, e gran.
Tems linde e grèu ! Alena un pauc de la marina.
Bèu tems per la grelhada ! à travès lous trauquils,
Lou nourrigat lou sent dau founs de sa jassina ;
Adounc se derevelha, embugat de ttanspils,
Beâ en lach, grelha e nai : causa merevilhousà.
— et au-dessus de la plume et des aiies chaudes — de la mère
couchée, heureuse comme on ne peut plus, — s'agitent petits becs
et jolies petites tètes, — toutes surprises d'être et de vivre. Oh!
doux rêve! — que les laboureurs arrivent. et ils viendront sans nul
doute. . . — En effet, à la suite du vaillant semeur — le garde-mas
aperçoit ses trois robustes fils, — sillonnant le champ semé dru,
chacun avec sa charrue; — charrue au double collier, traînée par
des couples de mulets — répandant par les naseaux vent, fumée et
flamme ; — derrière les couples, de tous les alentours, — des petits
oiseaux à volée tourbillonnent, — qui, dans les tranchées ouvene?
becquètent. se rassasient de charançon, de chrysalide, de bruche,
de chenille, — tout ce qui dévore et feuille, et bourgeon, et grain.
Temps limpide et lourd ! Il souffle un peu de la mer. — Beau
temps pour la germination ! A travers les pores [ de la terre ], —
le nourrisson le sent au fond de sa couche: — alors il s'éveille,
imbibé d'infiltrations; — goigé de lait, il germe et naît: chose mer-
veilleuse. — Tandis que vers le sud l'ombre prodigieuse — marche
LOU GARDA-MAS 35
De ce qu'en ailaval Toumbrassa espetaclousa,
Camina e se marida emb la fousca lionchou,
De ce que lous bouiracs seguissoun l'enregada,
E que dau semenà la sôuca es adracada,
Lou grel sus lous acrins çai ven faire espinchou.
Verdeja aqui ; de çai, en gagnant l'autre caire,
Girberja, s'amatis, canouna, espiga amount.
Una blanqueta flou coubris Fespigau blound
Que blaqueja à Talen dau raagistrau granaire ;
E pioi on ailamount rousseleja, es madu,
E lou glop, que lou pes de Tespiga a rendut
Clena, brausit e, lèu, jout lou voulam croussina,
Jout lou voulam brandit per de valents gavots
Que relents de susou, la cansouneta as pots,
Envoulamoun de vanc, e la cola camina,
Sas ligairas darriès; aiçai dor lou masiè.
De per davans lou blat pauc à pauc s'amadura;
En molas per darriès l'acampa lou soubriè,
E pioi de per délai, seguissent d'amesura.
D'enfants entenciounats trevoun dins lou garban,
Tout en espepidanfl'espiga estrabacada.
et se confond avec le lointain brumeux, — tandis que les bouviers
suivent la trace du sillon, — et que du champ semé le sillon a formé
croOte, — sur les crêtes, le germe vient faire son apparition. — Il
verdoie ici; ailleurs, en allant du côté opposé, — il forme gazon ;
il est touffu, il élève ses tuyaux, il épie au sommet. — Une
blanche petite fleur couvre l'épi blond, — qui s'agite au souffle
du mistral, favorable aux grains; — et puis, tout à fait à l'extrémité,
il est roux, il est mûr; — et le chalumeau, surchargé par le poids de
l'épi, — fléchit, se dessèche, et bientôt craque sous la faucille, — sous
la faucille secouée par de vaillants montagnards, — qui, trempés de
sueur, la chansonnette aux lèvres, — scient le blé avec entrain,
et la troupe s'avance, — les lieuses après, de ce côté-ci, vers le
garde-mas. — En avant, le blé peu à peu mûrit.— En arrière, il est
ramassé et mis en tas par un soubrier^ .— Puis au dek"', suivant pas
à pas, — des enfants ardents au travail rôdent dans la masse des
gerbes, — tout en glanant l'épi échappé des mains des moisson-
* Le suubrier est, dans uni' ferme, le valet 'qui remplace indifférem-
ment, et au besoin, les autres valets.
36 DIALKCTKS MODBR^BS
E la cola camina emb soun baile davans,
E lagarbela tomba, e tant lèu es ligada.
E sega e liga e, zou, canta que cantaràs,
Talament que dau viel soun ben lèu aqui ras.
Adounc das prefachès las esquinas s'agrejoun,
Lous voulams aubourats dins lous aires flamej ou n :
— « Ben-estre e longa vida à nostre majourau ! » —
Crida en cor la coulada; e reprend mai soun frau.
Las ligairas après fan sas revenenciatas,
Lou soubriè qu'enmoulava auboura soun capel,
E das maissounairets lou graciouset troupel,
Un rire amistadous esclairant las facietas,
Sa manada cadun se sarra. Tantequant
Lou paure trementis : a sentit de manetas
Que frustoun soun ginoùl, pioi de vosses doucetas,
Que ie traucoun lou cor, sonoun : — « Hôu ! noste grand !
» Bon vespre, dourmissès ? Es nautres, que çai sian !
))Oscadous cops! pourtan jougalhas ebelesas
» Au mens una carrada, amai soun pas fouresas.»
S'aubourant tout d'un vanc, à travès Tescabour,
Te vei soun oustalada, e, cadun à sou» tour,
Lou galeja en risent d'una tala suspresa.
neurs. — Et la troupe s'avance avec son chef en tète, — et la gerbée
tombe et elle est à l'instant serrée. — et on moissonne et on lie,
et en avant la chanson ! — Si bien qu'à la fin ils sont là tout près
du vieillard. — Alors des ouvriers à la tâche les reins se redressent,
— les faucilles soulevées dans les airs scintillent: — « Bien-être
et longue vie à notre maître ! » — crie en chœur toute la troupe;
et elle reprend l'ouvrage à nouveau. — Les lieuses ensuite le sa-
luent humblement. — Le soubrier qui entassait soulève son chapeau.
— et des petits grapilleurs la gracieuse troupe, — un rire d'amitié
éclairant leurs jolies figures, — chacun une poignée d'épis à la
main, s'api)roche. Tout à coup — le dormeur frissonne : il a senti
effleurer ses genoux — par de petites mains; puis de petites voix
douces — qui lui percent le cœur l'appellent» liolà ! notre grand-père,
— bonsoir, vous dormez ? C'est nous qui sommes ici ! — Oh ! quel
bonheur! nous portons des jouets, de jolies choses, — une charretée
au moins, et qui ne sont pas de pacotille, » — Se soulevant tout à
coup à travers la brume. — il voit toute sa famille, et chacun tour
LOU GARDA-MAS :^7
Mais el de sous félons, ce qu'au mounde mai presa.
Que per eles fai, dis, de fouliès, de bauchuns,
Qu'en desfasent sa vos couma eles bretouneja,
De sous felens ftti cas, pas mai. Abeles uns, ■
Sus sa fauda lous prend e pioi lous poutouneja,
Mut e la larraa as iols. . . .De qu'es pas, peracô!
Aube, lou grand plouret, mais dejoia, aquel cop.
IV
Aquela nioch, à las Aubetas,
Lous enfants, dins sas bressouletas,
Jaguts cadun emb sous jouguets,
Subrant lou soupà per se jaire,
Fagueroun pas qu'un som, pecaireî
De talament qu'eroun lassets !
A. Langlade.
(Languedocien, Lansargues et ses environs.)
à tour — le plaisante en riant d'une telle surprise. — Mais lui, de
ses petils-fi!s, ce qu'il aime le plus au monde, — car pour eux il
fait et dit des folies, des naïvetés, — en contrefaisant sa voix
comme quelqu'un qui bégaye, — de ses petits-fils, il fait cas seu-
lement. L'un après l'autre. — sur ses genoux il les prend, puis les
couvre de baisers, — muet et la larme à lœil Ce que c'est pour-
tant ! — Et oui, le grand-père pleura, mais de joie cette fois.
IV
Cette nuit-là. au mas des Aubes, — les enfants dans leurs petits
berceaux, — couchés chacun avec ses joujoux, — laissant de côté le
souper pour se reposer, — ne firent qu'un somme, les pauvres
enfants : — tellement ils étaient fatigués !
A. Langlade.
BIBLIOGRAPHIE
Le Bréviaire d'amour de Matfre Ermengaïul, publié par la Société
archéologique, litléruire et sci''nlif\que de Bézier s, tom. Il, 2' livraison.
Les amis de notre ancienne littérature regrettaient vivement que
la publication du Breviari damor, commencée il y a wn^ quinzaine,
d'années, restât depuis si longtemps interrompue. Aussi devons-
nous remercier tout d'abord la Société archéologique de Béziers,
et particulièrement son savant et zélé secrétaire, notre confrère
M. Azaïs, de ce qu'ils la reprennent aujourd'hui. La livraison an-
noncée ci-dessus renferme environ 5500 vers, dont près de 5000
sont consacrés à la vie de Jésus-ChrisL. Je ne dirai rien ici de leur
valeur poétique, sinon qu'elle est fort médiocre, — comme au
reste, en général, celle de tout l'ouvrage, — malgré la grandeur du
sujet, qui aurait dû, ce semble, mieux inspirer l'auteur et l'élever
un peu au-dessus de son niveau ordinaire; et je passerai immé-
diatement à l'examen philologique du texte.
J'aurais à soumettre aux éditeurs des remarques assez nom-
breuse? ; mais plusieurs pourraient paraître minutieuses ; je me
bornerai aux plus importantes.
V. 21282. Elizabet que n'ac sentit. — Ceci ne donne aucun sens
satisfaisant. 11 fallait lire queu au lieu de quen. Queu est pour
que 0. C'est une contraction dont le catalan offre des exemples
très-nombreux, mais que l'on constate plus rarement en provençal.
Notre texte en offre, dans cette livraison même, deux de plus. C'est
dans les vers 24610 et 24980. où l'on a également pris u pour n. Il
faut lire, au premier de ces deux vers, queu sofrza, et non quen s.;
au second : nou disseron ( = no o ), et non pas non d. J'ai cité
ailleurs' des exemples, également biterrois, de la contraction du
même pronom avec un i final ; quiu = qui o ; siu, et, par suite
.<sieu = si 0. Dans le v, 21282 ci-dessus, au lieu de queu ac, on
pourrait aussi lire que v'ac, et l'on y aurait ainsi un autre exemple
ancien de la forme co (ou va), à joindre à ceux que j'ai relevés dans
le travail auquel je viens de renvoyer.
21486. Pot esser cauzit. — Le ms. principal donne ;>oo rejeté je
ne sais pourquoi (la leçon des autres mss. n'est pas indiquée), et
' Romanuj, V, 233.
BIBLIOGRAPHIE 39
qui ?eul peut ici convenir, le contexte exigeant le parfait ou l'im-
parfair.
■21770 Montcro s'en, VJiangel dizen. — Otez la virgule, dont la place
est à la fin du vers précédent, et corr. IKangel = li angel, moyen-
nant contraction, ou Ihi angel, moyennant élision. La même faute
se remarque aux vers '230G4, oii. au lieu de l'haltre, il faut Ih'altre,
et 23064, où, au lieu de l'hagro, il faut IKagro. On en peut voir un
autre ex. dans la partie anciennement publiée, v. 9831 : fassa,
Ihnm. Il est dit en note que les autres mss. omettent l'article.
C'est une erreur de considérer ici l comme tel ; il faut écrire fas-
salh om, ou Ih est le pronom li (à lui) .
'21833. Vers trop long; supprimez se, (}ui forme pléonasme, puis-
f[ue nois = no se.
"21865. Icis de Betleem. Gorr. ieis.
21891. Aia vista. La leçon du ms. A, rejetée en note, indiquait
la bonne correction : ai ja. Le copiste a répété ja, par méprise.
22183. E vie. C'est la leçon du ms. C. Mais il valait mieux vi
forme constante de ce mot dans A. et que donne peut-être ici
également le ms., au lieu de m que l'éditeur y a lu. — Faute pa-
reille au V. 26362, oîi l'on a inutilement ajouté un c à vi du ms.:
vi[c\ .
22200. Seguiro. Leçon du ms. B, inutilement substituée à se-
giiero de A, qui n'est pas moins correct.
22299. Despertar. Leçon d'un desmss. auxiliaires. Le ms prin-
cipal (Aj a descidar, qu'il n'y avait aucun motif de rejeter. C'est un
verbe aussi régulièrement formé que ressidar. Cf. desvelhar, à côté
de revelhar.
22359. Dos partz. Leçcn de G. Mais celle de A, doas partz, est
bien plus correcte et devait être conservée, doas pouvant fort bien
ne compter que pour une syllabe. On peut même dire que c'est
l'ordinaire. Cf., d'ailleurs, les vv. 25739, 41, 44, 60, où, comme
l'éditeur en avertit lui-même, ce mot n'en doit, en effet, avoir
qu'une seule.
22555 Ce vers a été mal compris. Deh n'y est pas une exclama-
tion ; c'est simplement deheo, comme au v. 22549. Il n'y avait pas
lieu, conséquemment, à modifier la leçon du vers précédent, qui est
le complément de ce deh:
E al ters jorn resuscitar
Deh
22561. Enutz sot. . .ne m'olTre aucun sens. Je corrigerais iratit,
d'après le ms. G. Mal m'es du vers précédent traduit scandaluin est
mihi de Math., xvi, de 23.
40 BlBLlOGRAPfflE
22602. Abusiaiz. C'est la ieçon du ms. principal. Mais celle de
C {abocatz) est ici certainement la meilleure, comme le prouve le
passage correspondant de l'évangile (Matth., xvii. 6) : ceciderunt
in fadem suain. Sar aboca--, qui manque à Raynouanl, voy. Noulet,
Étude sur G. de la Barre, p. 13, et cf. Revue VI, 293. Le même mot
existe en catalan. On en trouvera un ex. au v. 647 du Roman des
sept so'jes. publie par M. Mussafia et dont nous avons récemment
rendu compte.
22780. Vos fiVé/^. Faute évidente' de lecture pour niretz = cous
irez. On voit ici l'adverbe ne déjàaussi étroitement uni au futur irai
qu'il l'est aujourd'hui, au moins dans plusieurs dialectes, tant à ce
futur qu'au conditionnel : nirai. nirio.
22848. Il n'y avait aucun motif de substituer ici la leçon de C à
celle de A, qui est au contraire plus rapprochée du texte de Matth.
XXI, 16. E qui commence le vers suivant n'est pas copule. On le
traduirait bien par donc. Cf. ci- après la note sur le v. 23161.
22921. Escapadamen- Corr. t-scampadamen, d'après le ms. C.
22952. Una bella gauda . Je n'ai aucune correction à proposer
pour ce vers, qui d'ailleurs n'en demande point. Je veux seule-
ment appeler l'attention sur le mot gauda i^vase, bassin), parce que
ce mot me semble indiquer, avec .«a propre étymologie, qui est évi-
dente (gavata). celle du français godet. M. Littré propose avec doute
guttus. Mais le gauda provençal autorise pleinement, ce me semble,
à admettre, en ancien français, un substantif de même sens, gode,
dont godet serait le diminutif normal .
22965. Je n'aurais pas hésité à substituer à e (in) me da ms A,
am me de C L'évangile, en effet (Joan. xin, 8), dit mecum.
23101. Fermas, de A, ne pouvant rimer, on aurait dû corriger
jinas, d'après B C.
23157. 23162, 25011. Dans ces trois passages, ieu soi, qui traduit
exactement egoswm de l'Évangile (Joan., xvm, 5), a été changé en
ieu [l] soi sans nécessité et au détriment de la correction. En effet.
l ne peut être ici que pour h, et Ion ne saurait dire en provençal
ieu lo soi. au sens de ieu soi el ; c'est moi) .
23161. E Jésus lora[e] demandât. — Ciorrection qui semble indiquer
que l'éditeur n'a pas reconnu le vrai rôle en ce passage de la con-
jonction e. qui commence le vers. Cette conjonction, ici. n'est pas
' Faute analogue au v. 2886. où, au lieu de vagues, il faut lire n'agues.
et encore au v. IOÎ20 . recobrar vas; lis : recobrar n'as. L'inverse se re-
marque, entre autres passages, aux vv. 3694-3, où l'on a imprimé deux fois
dain pour daus.
BIBLIOGRAPHIK 41
copule; on peut la considérer comme explétive ou la traduire par
alors. C'est un emploi qu'elle remplit fréquemment, en provençal
comme en ancien français'.
23231. 11 faut un point d'interrogation à la fin de ce vers.
23240. Vers trop court.; corr si[ieu] die le. . .
23260-1 . Ces deux vers ne riment p;is ; la bonne correction
était :
Pueis il vesque conjur[er]o
Lo filh Dieu e demand[er]o.
Î3530. 0 Didan doit être compté pour trois syllabes. » Note bien
inutile, puisque telle est la règle. Plus loin, v. 2365S. on a cru que
le même mot n'en avait que deux; mais la mesure et la rime s'y
opposent. Il faut lui eu laisser trois et réduire, soit einpero k pero,
soit lo ùi l.
23760. Lhi siei iiel/i.Le ms. a nuelh(\[s. vitelh), forme très-légitime.
Cette prosthèse du v, aujourd'hui si commune, commence à se
montrer fréquente dès la fin du Xlll' siècle.
23785. Ben dearia[in] donc sovenlr. — Ben deurla[ni] est une correc-
tion malheureuse et qui fait un solécisme d'une expression par-
faite. L'ancienne langue ne disait jamais je me souvieiis (façon de
parler dont l'habitude que nous en avons nous dissimule la barba-
rie), mais «7 /?i(i«o«t'/en/. Il fallait simplement, dans le vers ci-des-
sus, conserver la leçon du ms., sauf à lire, au lieu de ôe^ts^ indiqué
dans la note, betis, c'est-à-dire le nos: Bens deuria donc sovenir.
24450. Homes près. Leçon inacceptable. 11 faut corriger, d'après
le ms. B : hom mesures.
24581. Qui l'escorgues. Ces mots devraient être placés entre
deux virgules. Le sens en est : si on h saisissait (terme judiciaire).
iVescorre, même sens que encorre. Cf. esconlra = encontra, etc. Les
deux préfixes en et es se substituent assez souvent l'un à l'autre-.
24671. Quez a vist. — La bonne leçon est certainement celle du
ms. C {quel a vist).
24745. A dautras. Lis. ad autras.
24907. Corr. em rememhran. Avec en, la phrase n'a pas de verbe.
24920. Piegres, admis dans le texte, est impossible. Il faut réta-
♦ Et aussi dans l'italien et l'espagnol anciens. Ex : « E quaiido si sa-
robbe voliita dormire o forse scherzar con lui, ed egli le racconlava la
vita di Ghrislo» {Decamerone); — a Y acaeciô que estando un dia que
tanian ante el un estormento,. . é el rey paru mientes » {El Conde Luca-
nor) .
^ Cf. estonces = entonces eu vieil espagnol.
42 BIBLIOGRAPHIE
h\ir piegers, donl piegres ne peut être qu'une altération orthogra-
phique, résultat d'une métathèse inconsciente.
24935. Escapassem de A a été rejeté à tore, d'autant plus qu'on
a admis plus loin doptassem. Sur ces formes de subjonctif impar-
fait en a, voy. le Donat prov., p. 16, et cf. ma G-rumm. limousine,
p. 282(iîeî;Me, ^11, 164).
25032 - 3. Deux vers mai compris, comme le prouve la ponc-
tuation. Ils font partie de la réponse de Cléoplias, et doivent être
écrits :
E no sabes so que dizem
Quez es fah lay novelamen !
Il faut ensuite mettre deux points à la fln du vers suivant.
25088. Digs. Je soupçonne ici une mauvaise lecture pour diys,
qui est une forme très-commune,
25116. Mospes raolatz. Lis. mos pes, mo latz.
25187. Tros. Le ms A. donne tor, qu'on pouvait garder, saufày
ajouter une s. Tors est la forme jinmitive du mot. On peut la voir
dans le Donat provençal, 55 h.
25204. Cordas du ms. A est une faute évidente. La bonne leçon
est indiquée par les autres mss. C'est cabdatz ou coydatz. (M.Joan.
XXI, 8 : « longe. . . . quasi cuhitis ducentis. »
25208. -Lo /«oc £Zi.sse?ifZ«/. Mauvaise leçon, qu'il aurait fallu cor-
riger au moyen de B C D, en eyssendut = allumé, de eissendre =
encendre .
25236. La leçon de A, rejetée en note, n'estpas moins conforme
que celle de B G, adoptée par l'éditeur, au texte sacré, où il y a, en
premier lieu, pasce agnos meos{Joan. xxi, 15 et 16). Il fallait seu-
lement corriger angels en agnels ou anhels.
25259. 11 est impossible de compter ^we^s, comme on le veut ici,
pour deux syllabes. Suppléez, devant eZ ce^, la particule sus, que
donnent les autres mss.
25391. C'est pure illusion de prendre segro de ce vers pour une
forme du parfait de esser.Ce mot, qui traduit erant sedentes {Act.
apost. II, 2), est simplement la 3' pers. plur., aussi régulière que
possible, du jtrétérit de sezer (seder, sieire), qui fait au singulier sec.
Il faut traduire étaient assis.
25560. Establis. Le contexte indique clairement qiieestablen des
mss. auxiliaires est ici la bonne leçon. Il est possible que le co-
piste de A y ait substitué esta&^îs, parce qu'il aura cru voir dans
establen la 3e pers plur. île l'ind. présent, au lieu du participe pré-
sent.
BIBLIOGRAPHIE 43
25615. Preicadors. Loron qui fausse \o vers et ({uo repousse le
contexte. Corr. preguadors, d'après les autres mss.Cf. v. 25619.
25853. L'éditeur remiA-MiQ pauraguos, qui, dit-il, fausse le vers,
par paoros. Mais ces deux mots ont l'un et l'autre trois syllabes, et
c'est trois syllabes que la mesure exige.
25878. Errors. Corr. terrors, d'après G.
25909. A vosfaij. Il faut évidemment corrigernos. Cf. v. 25911.
Le conte.xte indique clairement que ce n'est pas nos de ce dernier
vers qui doit être corrigé vos.
25964. No Fan crezero. Corr. lan ou là" n (la en).
25994. Vers trop court. Corr. vil[à\s ou [e] vils.
26069. iVos don veser se. Le ms. a nos de, qui est excellent. Mais
l'éditeur n'y a pas reconnu sans doute le latin det. Ce même sub-
jonctif se rencontre déjà, à la première personne, au commencement
du poëme, v. 63 : « Soplegan qu'ieu . . . de doctrina vertadieira. »
'2^0%. Qu'ilh[s] vaii ntguar. Adjonction, à cette place, fort inso-
lite et d'ailleurs tout à fait inutile dans le cas présent. Neguar, en
effet, à lui seul, signifie se noyer. Les ex. en sont sans nombre
dans nos anciens textes.
26175. iVu^^s de A est certainement une mauvaise leçon; il faut
vins, qu'ont les autres mss.
26203. Sufreiras. Leçon inadmissible. Le futur de safrir serait
su/riras: mais le subjonctif ici convient mieux; il faut donc sufras,
comme dans les autres mss. Pour rétablir la mesure, ajoutez un mo-
nosyllabe, comme hels dey^wlsenher ou o devant .w/7-fl.s\
26409. ^«e? faray. Les autres m?.s. ont quen , très-préférable.
Peut-être quet est-il une mauvaise lecture pour quei. L'échange de
rôles entre en et i est assez fréciuent.
20333. La leçon de A, rejetée en note, est très-bonne; seulement
il fallait lire (au lieu de sil voc, etc.) : si luoc aparelhat en vis .
J'exprimerai le vœu, en terminant, qne la Société archéologique
de Béziersne nous fasse pas maintenant trop longtemps attendre
les livraisons suivantes du Breviari. Ce seront de beaucoup les
plus intéressantes, non pas seulement en raison du sujet traité
dans les dernières parties du poëme, à savoir l'amour des dames,
mais encore et surtout à cause des nombreuses citations de poésies
des troubadours que l'auteur y a semées.
Camille Chabane.xu.
44 BIBLIOGRAPHIE
Victor Bala.guer, De la Poesia provenzal en Castilla j «n Leoa
Madrid, 1877; in-12, 64 pages.
Les préocupations d'une vie politique agitée n'ont point tari
chez D.Victor Balaguer la source de l'inspiration poétique, et
n'ont pu davantage arracher l'éminent auteur de Vlfistoria de Ca-
taluûa aux chères études de sa jeunesse. Après le volume des Tru-
jedias, auquel la Revue des langues romanes consacrera un compte
rendu détaillé, voici un chapitre détaché de l'ouvrage inédit inti-
tulé Histnria iwlitlca y literaria dels Trovudors .
Ce grand travail contiendra plus de trois cents biographies de
troubadours. Celle d'Aimericde Pegulhan parait en ce moment dans
l'excellente revue catalane la Renaixensa. L'introduction compren-
dra des études sur le rôle politique auquel les troubadours ont
aspiré et sur celui qu'ils ont joué réellement dans les deux groupes
d'états espagnols : le groupe castillan-léonais et le groupe arago-
nais-catalan. C'est un des chapitres de cette introduction qui vient
d'être traduit en castillan et publié à Madrid.
Comme Jovellanos, comme Milâ y Fontanals, comme tous ceux
qui se sont occupés sérieusement de l'histoire du moyen âge, Vic-
tor Balaguer a été frappé des clartés que la vieille poésie pro-
vençale, « cette liberté de la presse des temps féodaux », suivant
l'heureuse expression de Villemain, jette sur les hommes et les cho-
ses de son temps. Il est impossible d'écrire l'histoire du Xl'siècle
au XIV'= sans recourir aux sirventesdes troubadours comme à.des
chroniques plus vivantes, plus passionnées et, par conséquent, plus
attachantes, que les œuvres historiques proprement dites. Victor
Balaguer l'a prouvé, en ce qui concerne les royaumes de Gastille
et de Léon, dans le travail intéressant et coloré qui fait le sujet de
cet article. Avec la loyauté qui le caractérise, l'auteur de cette
nouvelle histoire des troubadours rend pleine justice à ses pré-
décesseurs. Nous ne pouvons nous empêcher ds citer le passage
suivant, à l'adresse de l'illustre et vénéré philologue catalan, que
nous avons l'honneur de compter parmi nos collaborateurs et nos
amis : « Si sa modestie bien connue, d'honorables scrupules, ou
peut-être des opinions que je respecte sans les partager, n'avaient
empêché Milà de dire, dans ses Trovadores en Espana, tout ce qu'il
sait et tout ce qu'il a à sa disposition sur cette matière, mon hum-
ble travail serait complètement inutile.»
La nouvelle œuvre de Balaguer est loin d'être inutile. L'admira-
ble talent d'écrivain, qui donnera tant de charme aux vies des
troubadours racontées par leur successeur et leur émule , con-
tribuera à répandre dans un monde plus lettré qu'érudit des no-
RIBLIOORAPHTE 45
lions que personne ne doit ii^norer ; il propagera le goût des
éludes provençales, et aussi l'iiabitudo de faire de l'histoire en vi-
vant, pour ainsi dire, au milieu des événements du passé, et non
en les considérant à distance, à travers les idées et les préjugés de
notre époque. G.-J. T.
Recueil de versions provençales pour l'enseignement du français
en Provence, par un prùlessear; troisième partit'. AviL,^non, Aubanel
frères, 1876; in-Vl, 195-90 pages.
Cette chrestomathie, où sont colligés les plus beau.x morc?eaux des
félibres et de quelques-uns de leurs devanciers, a paru déjà depuis
quel(}ue temps ; mais il n'est jamais trop tard pour faire con-
naître un livre utile. Son tilre surprendra peut-être certaines per-
sonnes.Eh quoi! un recueil de versions provençales pour l'en-
seignement du français! Mais le provençal existe-t-il aujourd'hui
comme langue parlée, au point de pouvoir être étudié dans les
écoles conjointement à une autre langue de môme souche, et do
fournir ainsi matière à un parallèle dont toutes deux puissent pro-
Gter ?
Appartenant à une Société qui a demandé la création de chaires
de littérature romane dans les établissements d'enseignement
supérieur du Midi, nous ne pouvons qu'approuver l'introduction
d'une étude analogue dans l'enseignement primaire. Les intentions
de fauteur sont, du reste, des plus modestes. En publiant ces mo
dèles, il semble avoir eu pour but principal de faciliter la connais-
sance du français aux élèves des écoles .inférieures. Rien ne fami-
liarise avec les diffîcaltés d'une langue, pense-t-il. avec raison,
comme l'effort opéré pour y transporter d"une façon grammaticale
et Udèle le sens et la lettre d'un idiome à tournures quelquefois
très-dilTérentes i. « Les sujets recueillis, dit-il dans sa préface, ap-
partiennent à l'idiome provençal, qui fait les délices des lettrés
dans la Finlande, la Suède, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Espagne,
le Portugal, l'Italie et même dans le Nouveau Monde. Aux qualités
d'une littérature fondée par des œuvres de génie, cet idiome join-
dra, pour le Midi, un privilège spécial, celui de venir en aide au
français, si difficile pour ceux qui n'apprennent pas le latin ; il
servira, comme la langue de Virgile, à parvenir plus sûrement à
la connaissance du langage immortel de Racine et de Bossuet-
Les élèves de l'enseignement primaire, n'ayant pas d'études com-
' V. sur le même sujet, dans Ion Prouvençau (n* du 21 janvier 1877),
un article de M. de Villeneuve-Esclapou.
A^J BIBLIOORM'HIL:
paratives, pourront suppléer à l'insuffisance des exercices classi-
ques par la traduction des morceaux d'une chrestomothie 2^f'o^^Ç(f^^-
On ne tardera pas à reconnaître l'utilité de cette mesure, que l'en-
seignement secondaire, au moyen des hmgues mortes, pratique avec-
un succès incontesté. »
Des progrès sensibles ont été faits dans ce sens. Il ne paraît plus
étrange d'étudier le provençal. Il y a quelques mois à peine, la
Cigale venait de Paris à Arles fêter le féiibrige et fraterniser avec
lui. La plupart des recueils de la capitale ont rondu compte do
ces réunions, et les journaux illustrés, dans plusieurs numéros
consécutifs, en ont reproduit par le dessin les principaux épisodes.
La paix est donc faite et l'alliance signée entre deux littératures qui
peuvent se regarder en face. La chanson de Magali se chantera
bientôt à Paris, comme au Brésil, dans l'idiome d'Arles et d'Avi-
gnon ; et qui sait si l'on n'y verra pas bientôt des opéras composés
par les maîtres de la musique contemporaine sur des paroles pro-
vençales ? Cela ne vaudrait-il pas certaines œuvres lyriques, oiî les
tragédies de nos grands auteurs sont converties en lihretti qui ne
donnent souvent de l'original qu'une idée assez imparfaite?
Le choix des versions a été fait avec soin et ne contient que
des modèles. Mais pourquoi l'auteur n'a-t-il pas élargi en même
temps et le cadre et le titre de son travail, de manière à pouvoir
l'appeler: Recueil de versions pour l'enseignement du français dans
lespnijsde langue d'oc, \Avilùl que dans la seule Provence? Les sous-
dialectes de la Provence proprement dite tiennent dans le livre à
peu près toute la place. Si nous avons lien compté, six auteurs
seulement, non Provençaux par leur naissance, y ont été admis ;
V. Balaguer, G.Azaïs, A. Mii-, A. A ma vielle, Jasmin et Mathieu;
et encore, sur sept pièces à eux empruntées, trois sont-elles écrites
en provençal. Sans doute la langue dont les grands maîtres se ser-
vent a naturellement plus de chance d'expansion et de durée. A ce
titre, le provençal contemporain, qui a produit des chefs-d'œuvre
que le temps respectera, ne peut manquer d'exercer une iniluence
sur les autres variétés de la langue d'oc ; mais laissons à chacun
sa liberté philologique, et, en attendant que l'œuvre de génie ail
imposé sa forme à tous les dialectes, n'ensevelissons pas dans
l'oubli des productions respectables. C'est un sentiment de cette
nature qui inspirait, le 25 mars 1877, M. de Tourtoulon, lorsque,
aux applaudissements d'un auditoire venu d'un peu partout, il
disait : . . .Se se coiàta dins quaucas unas de nostras escolus d'escrivans
d'elei, se n'en sourtîs d'ohras mujouralas, veiren las parladuras d'alentour
retraire de mai en mai au parla d'aquela cscola ; e lous
BlFiLIOGRAPHlK 47
dialeites que saupran pas proudure seran, embé lou tcms,estovfat.<! smm
qu'ajoun lou drech ni lou poudé de seplagne.
Dounàs-nous de cops dohra, e vosfra parladura sera, inmourtala .
N'y avait-il rien à citer dans tout l'œuvre de Favre, bien que
cet auteur ait eu le tort de consacrer uniquement à la parodie et à
la farce un t;Uent capalile de productions plus élevées; dans Pey-
rottes, le potier clerraontais, qui a maintenu la tradition à une épo-
([ueoù elle semblait prête à ûnirAlont Roumanille a inséré, en 1852,
trois jolies pièces dans li Prouvencnlo, et auquel M. de Berluc-Pe-
russis a rendu toute justice dans son discours prononcé le 10 sep-
tembre 1877, aux jeux floraux de Sainte- Anne d'Apt^; dans l'auteur
de Promvença, du Roumieu, du Michant Rêve, du Brinde à las racas la-
tinas, qui a, le premier, ainsi qu'on l'a si bien dit. élevé jusqu'à
l'ode le langage populaire de Montpellier- ?
A part les plus beaux morceaux des félibres, l'auteur a eu l'heu-
reuse idée de rééditer quelques pièces rares et moins connues que
les précédentes, telles que Hbu de l'oustau de Saboly, et les Ar-
moumo d'iino nîue de mai de Castil-Blaze ; mais, sans remonter aux
troubadours, dont l'idiome trop dissemblable de la langue d'oc
actuelle rebuterait les écoliers, n'aurait-il pas pu reproduire quel-
ques pièces de la Beliaudière, de Gros et de Bellot, et, parmi les
auteurs étrangers à la Provence, Goudelin, Bonnet (de Béziers),
Foucaud, Jacques Azaïs, etc., ne pouvaient-ils rien lui fournir?
Un lexique et la traduction française de tous les morceaux con-
tenus A!ins\i\. chreslomathie terminent l'ouvrage. Nous n'avons rien
à dire du premier, sinon qu'il n'aurait rien perdu à contenir un
plus grand nombre de mots. Les secondes sont généralement exac-
tes; mais parfois l'auteur, se méfiant trop delà langue française,
la croit impuissante à rendre quelques figures provençales qui ne
sont pas pourtant d'une hardiesse excessive, et il ne serre pas, ce
nous semble, le texte d'assez près. Entre les helles infidèles de
Perrot d'Ablancourt et le rigorisme littéral de M. Leconte de l'Isle,
il est des limites rationnelles. Voici deux exemples qui justifieront
peut-être notre dire:
Tei perfum aboun lous poutounejon la narro (p. 12) ;
Eigrejanllei pestèu de l'Ouilmpe auturous (p. 140).
• Ce discours est, comme plusieurs écrits analogues sortis de la plume
du même auteur, un fin morceau d'histoire littéraire. {Lou Prouvençau
du 30 septembre 1877.)
- G. de Tourtouîon. Rev t,e dos lan.y les roinane.^i, t. f, p 119; 1870.
1^ BIBLIOGHAI'HIK
Traduction. — Te? parfums abondants sont délicieux; —Péné-
trant dans l'Olympe élevé (p. 5et (iG des traductions).
C'est le sens, mais un peu trop condensé.
L'autour s'est attaché à n'introduire dans son recueil que des
morceaux pouvant être lus par des enfants. On peut le dire à
l'honneur du félibrige, ses productions n'ont rien de commun
avec les crudités et les licences que la littérature méridionale
prodiguait à ses lecteurs aux XVI 1° et XVIIP siècles. Mais si, parmi
les vers d'une pièce admirée pour la beauté de la poésie et la
pureté du langage, il s'était glissé quelque peinture trop expres-
sive, sa suppression, dans un livre classique, ne devrait blesser
liorsonnc. En suivant cette méthode, l'auteur n'a fait que se* con-
former aux traditions de l'enseignement secondaire, et il a publié
un véritable Selectœ e provençalibus . . . assimilable aux ouvrages de
môme nature dont nous avons usé au collège pour l'étude des
autours anciens. A. E.
Coanteis e Viorlas. . . per .\ugusto Ghastanet, felibre majourau.
Rebcirac, iii-8°.
M. Auguste Ghastanet, qui s'est placé d'emblée, il y a trois ans,
par son charmant poëme lous Bouqueis de la Jano, au premier rang
de nos modernes troubadours, a réuni dans la brochure que nous
avons le plaisir d'annoncer ici une fable et diverses anecdotes
plaisantes, fort agréablement rimées.
Les lecteurs de la. Revue y retrouveront plusieurs pièces dont ils
ont eu la primeur, et dans le nombre ce piquant récit, Un tour de
Moussu Rnumieu S qui suffirait seul à prouver que l'auteur est un
des meilleurs ouvriers que possède aujourd'hui la langue d'oc dans
l'art d'écrire en vers. Les autres pièces du recueil achèveront au
besoin la démonstration, particulièrement la première, dédiée à
Mistral, et qui, dans trente strophes de dix vers, d'une très-exacte-
et très-habile facture, développe avec esprit et, — vers la fin sur-
tout, — avec une poétique éloquence, l'Iiistoire, si répandue dans
nos campagnes, du curé de Pierre Buffière^.
G. G.
• Voy. Revue, X,94.
-Cette hi«t.oirose lit d<''jâ, ea français et en limousin, dans V Apologie
pour Hérodote de Henri Estienne.Je transcris ici tout le passage, d'après
la 1" édition (ir>66). pp. 450-451 :
« Mais, sur le propos des aines données en garde aux curez, je fernis
Riand tort au curé de PierrebufQère, au haut Limosin, si je l'oubliois.
Ce bon personnage, pour mieux exhorter ses parroiciens à bien vivre, leur
dict entr'aulres choses, Quand le jour du jugement sera venu. Dieu vou-
PERIODIQUES
Romania, 22. — P. Uil, A. Wosselofsky, Z,? 7)^7 r/? l'empereur
Constant. M. A. W. édite pour la première fois ce court poëme de
630 vers octosyllabiques, et le rapproche des autres légendes ana-
logues qui ont eu cours à différentes époques et dans différents
pays. — P. 199, F. d'Ovidio, Délie Voci italiane che raddoppiano
una consonante prima délia vocale accenlata. — P. 212, Gosquin,
Contes populaires lorrains , recueillis dans- un rillage en Barrais, à
Montiers sur-Saulx (Meuse). Suite d'une étude comparative très-
soignée. Cette partie contient les contes suivants : le Prince et son
cheval, les Trocs de Jean-Baptiste, le Fils du Diable, les Dons des trois
animaux, la Fille du meunier, l Oiseau de vérité, le Pou et la Puce (ce
dernier en patois lorrain). — P. 247, Mélanges: 1" les noms propres
latins en ittus, itta, et les diminutifs romans en ett (i. Cornu);
1° tanit = tenehatàvin^ les Serments (J. Cornu). M.G.revientincidem-
dra que je luy rende comte de vous autres, et m'appellera, Curé de Pierre-
buffière, qu'as lu faict de tes brebis '.' Et moy mot. Or dict-il ceci ])ar trois
fois, se cachant en la chaire chasque fois qu'il disoit Et moy mot. Mais
puis il leva la teste, et vint a dire: Je sçay bien que je lui respondray,
Bestes vous me les avez baillées, bestes je les vous ren. Vray est que cec,
ne peut avoir telle grâce ainsi traduit, qu'il a eu sa propre langue, a sça-
voir estant couché en nayfs atticismes limosins: et pourtant je me suis
faict bailler par un du lieu l'original, qui est tel, Quan se vendro loujour
deu jugamen, Dieu me demandero que you li rende comte de vou autre :
et me apelaro, Chapelo de Peyrebufieyro, en quai eytat son ta olia? Et
you ny mol. Et eu m'apelaro enquero, et dire, Chapelo de Peyrebufieyroi
en quai eytat soi ta olia? Et you ny mot. Et enquero eu me dire, Chapelo
de Peyrebufieyro, en quai eytat son ta olia? Jusque a tre viage. Et you
11 reypondray, Seigne, beytia la m'a beylada, et beylia la te rendi. »
Ce curieux texte, qui remonte à plus de trois cents ans, nous fournit la
preuve que le parler du haut Limousin a à peine varié depuis lors. Un de
ses caractères essentiels, l'horreur de 1'^ finale, même devant les voyelles,
y est déjà bien marqué ( la olia. vou autre, etc. ). On y remarquera en-
core es devenu ei (eytat), mais seulement dans le corps des mots ; en fi-
nale, ce groupe laisse simplement tomber 1' s ( Ire viage au lieu de trei
viagei, qu'on dit aujourd'hui). Relativement à l'orthographe, il faut noter
l'o simple maintenu par tradition au lieu de ou, surtout devant n ( son,
reypondray, aussi olia), ce qui a duré jusque vers 1650 au moins ( cf.
Revue, X[I, I9ô), et l'emploi de g pour J (jugamen), abus fort ancien et
dont les exemples sont encore assez fréquents dans les actes limousins de
la même époque ou un peu antérieurs, publiés par Leymarie et Ruben.
50 PERIODIQUES
moni sur dixi (!os Serments, qu'il lit difl. J'ai déjà eu occasion de
f.iiro oliserver que le i^roiiiie latin// ne flevait pas être connu des
ropistes de ce temps-là, puisqu'ils lui substituaient pt. Du reste,
M. C. semble reconnaître, tout le premier, que cette combinaison
ne se rencontre pas ailleurs. Quant au rapprochement que M. C.
fait entre i'inil et lenefiit. il ne me paraît pas fondé. Tenehat aurait
produit alors tnnie ou lam'p, ou encore peut-être tanîef, taneet; mai?
il est inadmissiide ([ue Va atone ait pu disparaître aussi complète-
ment à cette époque. \i\\ forme s/V, qu'il cite à l'appui, ne prouve
rien ; c'est le latin tout pur tombé sans changement, dans un texte
en lamjue vulgaire, comme 7kw/7v», nunqunm et iJoninn. La terminai-
son /( de /flniV |teut n'être qu'une épave de l'orthographe mérovin-
gienne, qui substituait très-volontiers ce groupe à et. J'avais déjà
rapproché tan de cet autre tan qu'on retrouve d%ps l'italien in-
rontniienle (Revue dea l. rom., 1876, p. 18). Dans ce même article,
j'ai |iro|iosé de losfanif, rapproché de losfing (Saint Léger), une
explication qui dilYere de celle qu'en a donnée Diez. 3" Spigolature
]>rnrenftaH fPio Rajna). A signaler l'article excellent dans lequel
M. P. R. réfute l'opinion reçue jusqu'ici, relativement à la pré-
tendue abbaye de filles publiques fondée à Niort par Guillaume IX,
comte de Poitiers. 4o Dédlnaison de l'article maintemie jusqu'à ce
OUI- d'in.1 le rcdiis](J. (lornu). Clonstatation très-curieuse d'une
très-ancienne habitude, qui ne semble pas avoir laissé de trace
ailleurs. 5o Fraïujais R pour D (L. Havet). 6^ Un nuovo cndice di
chansons de Geste del ciclo di Gaglielmo (P. Rajna) . 7o Du Passage
d'S Z à R et d'R aSZ{\. Thomas). Utile complément des ar-
ticles fie .M. P. Meyer sur les mêmes matières. 8» Termes de
pêche : jarret, Imiguière (J. Dauquier). 9° Une ballade hippique (G.
P-)- — P- Comjttes rendus : Hermanus Ilagenus, Carmina inedii œvi
maj-imum partent inalita (L, Havet). .Article soigné et intéressant.
2o A. L. Sardou, le Martyre de sainte Agnès (P. M.) Défavoralile.
3» Adolf Mussalia, Die Cal-danische metrische Version der siehen Wei-
sen Meixtrr (G. P.). Favorable. 4° Ernest Sabatier, la Reine Esther,
tragédie provençale (P. M.) 5oG. Flechia, Lilorno ad una peculia-
rilà di ficssione rerbale in alcuni dialetti lomhardi (G. P.). — P. 303,
Périodiques..-^ P. 310, Chronique.
A. B.
Remania. -23. — P. 32 1, L. Havet, la. Prononciation de lE en
fraiiçaig. — P. 328, A . Weber, la Vie de .saint Jean Bouche-d'Or.
Poème pieux de 870 vers octosyllabiques, par Renaut, extrait du
ms. B. L. fr. 283, fol* 78, vo (Bibl. de l'Arsenal). L'auteur pré-
tend avoir |.ris .son sujet dans la « Vita patrum ». Mais M. Webej
PERIODIQUET jl
ne se tie guère à cette assertion. L'éditeur s'est à peu près borné à
la reproduction du texte, qu'il a corrigé en plusieurs endroits, en
ayant soin tl'indiquer en note la leron du uis., chaiiue fois (ju'il Ta
changée. Voici les remarques cjue j'ai laites en le lisant. Pourquoi,
V. 9, laisser arme = anima et rimant avec rfame, lorsque ailleurs,
par exemple au v. 52, l'éditeur écrit ame. V. 67, ne faut-il pas lire
sainteé = sanctitaiem. en élidant e de que devant il? V. 73, il n'est
pas absolument nécessaire de changer est en erfj puisque le vers
précédent contient un verbe au présent ; cf. le v, 347. Au v. 154,
je changerais l'invraisemblable /ji<e«/He/i< en xxiteusement, et rétabli-
rais le vers tout entier d'après le v. 783: Si li dist moult piteusement.
V. 340, aoruient vaut mieux que aorerent. V. 390, je lirais Por en-
trer en haute bataille, et je mettrais un point à la fin de ce vers.
V. 438, contradictoire, pour la correction de que en qui, avec le
v.491, où l'éditeur n'a rien changé à la leçon du ms. — P. 341.
P. Meyer, Traités catalans de grammaire et i/e poétique. M. P. M..
utilisant le ms. étudié par M. Milà y Fontanals (li'erista de Ar-
chivos, Bihliotecas y Ifuseos, 1876), publie une nouvelle leçon des
Reglas de trobar de Raimon Vidal, qui, bien que souvent incorreoto
et incomplète, servira à la constitution définitive de ce texte im-
portant.— P. 359, Pio fîajna^ Nocella hoccacccsca del Saladino . —
P. 369, J Cornu, Phonologie du Bagnard. Travail très-soigné.
P. 375, horateyre doit avoir la même origine que Muter, blutoir. Ca-
tyeyre ne présuppose-t-il pas un b. -latin *captaria, analogue pour
le sens à ca/;sa?-mTO = garde-robe ? P. 378, * lacticellum ne corres-
pond guère à ahle. Peut-être vaut-il mieux suitposer * latiium.
P. 402, quelques négligences «seau ci porter àmangerauxcochons»,
« s devant les voyelles s'endurcit en •'•. » Ibid. faute d'impression;
ii seyto, faucheur», ^our xeyto.— V . 428, V. Smilh, la Romance de
Clotilde . Ce sont trois variantes de la chanson dite de Clotilde, en
patois lozérien, publiée pour la première fois par M. Cayx, de Mar-
véjols. M . Smith prouve que le vrai litre de celte chanson n'a rien
à voir avec Clotilde, fille de Clovis et femme d'Amalaric. — P. 432,
Mélanges. 1" Cclubra en roman ( L. Havel). t° Soucy, solside, somsir
(G. P. ). Je verrais dans soucy, solside, des dérivés de *soliscidium,
(préférable k solicidium, donné par M. P. Meyer), déchirure du sol.
Je séparerais de ce groupe sumsir, somsir, somsitz, que je ratta-
cherais à sumere par l'intermédiaire du supposable * sumescere,
* sumescire. Sorpsir, que cite M. C. P. , se laisse ramener sans diffi-
culté à sorbere par sorbescere. *sorbes(^re. Sorjisus, ou plutôt le supin
sorpsum, n'aurait pu former qu'un verbe de la première conjugai-
son. 3o La Ville de Pul dans Mainet (G. A.), 4o 2Y, signe d'interro-
gation (G. P.). 5° Ti interrogatif en provençal moderneiC Chabaneau).
HKRIODIQI'KS
M. (;. P. 01 M. C. (lonnoiu cliacuii une cKidicalion différente du
mùme |ilu'iioméne. Celle du second me parait plus vraisemblable.
Dans tous les cas, il n'est guère admissible que les dialectes méri-
dioniiux aient einprunié l'emploi de celte particule au français,
comme on le dit en note ( p. 442), puisque ces mêmes dialectes
ilu Midi sont jusqu'à [»résent les seuls qui donnent des exemples
anciens de cette particularité. Voir, notanmient, le vers de Flamenca
cité par M. C. 60 Da Traitement des labiales P, B, V, F, dans le rou-
main populaire ;A. Lambrior). 7o Métaihèse de TS en ST, etdeDZ
en ZD ( J. Cornu ). J'avais indiqué le même rapprochement dans
mon compte rendu de \a. Jiomonia {Revue des langues romanes, 2' sé-
rie, t. m, p. 138 ). 8° Un extrait du Roman de la Rose ( P. M. ). —
P. 450, Corrections sur le Dnnat proensal (B.-J. Banquier). Bon
article. 10-11. Il faut lire Icevis, lisse. — P. 454, Comptes rendue .
1» Histoire de la langue et de la littérature française au moiien âge, par
Cil. Aubertin, recteur de l'Académie de Poitiers (G. P.). Article
favorable, avec certaines réserves. 2° Etude hiatorique et littéraire
Kiir l'ouvrage latin intitulé Vie de saint Guillaume, par Ch. Révillout
(G. P.). Très-favorable. —P. 472, Périodiques. —P. 479, C/im-
nique. A. B.
Archivio glottologico italiano. vol. IV, putitata seconda. —
G . Morosi. Il Vocalismo del dialelto leccese. L'auteur a étudié sur place
ledialecteiiont il parle. — P. 145, F. d'Ovidio, Fonetica deldialetto di
Campohnsso. Travail analogue au précédent, et composé d'après les
mêmes principes de précision rigoureuse et de classement métho-
dique.— P. 185, Vincenzo Joppi, Testi inediii friulani dei secoli XIV
alXJX. Utile recueil précédé d'une courte notice historique sur le
dialecte frioulan. A. B.
Le i/érnnt rexponsabi'' : Eiîne.«t IIamilin
Montpellier, Imp. centrale du Mkli. — H amelin frères.
DIALECTES ANCIENS
POETES LYRIQUES CATALANS
En 1868, nous avons fait de longs extraits de quatre re-
cueils de poètes catalans, que l'on pourrait, en souvenir des
deux savants qui en ont été les derniers possesseurs, nommer
C kansonniers Vega-AguilôK Ajournant d'autres projets ad ka-
lendas grœcas, nous nous servons aujourd'hui de ces extraits
pour le petit travail suivant, qui comprend un index généraP
et une collection de pièces inédites. Dans le texte de ces
pièces, nous hasardons des rectifications souvent plus que
douteuses ; mais, dans les notes, nous donnons les passages
correspondants tels que les porte notre copie.
Chansonnier A
— fccLi, v° Tornada. En lieys seruir.
ccLii, v** Tornada. Prix unolar (ni uoler?), engeny, seny ni
sciença.
ccLiii. . . Finit une autre chanson.
ccLiiii... Los angells... Los apostois... Los martris...
Les vergens.
ccLV, v° Si m'auets toit amor del tôt la pensa.
ccLvii Amarch penser m'a venguts sobtament.
ccLiii Joj []) ne sogorn.
' Voyez la Codolada, etc., pag. 39. Ces chansonniers appartiennent
tous au XV' siècle : mais nous croyons A et B antérieurs par le fond,
C et D (plus semblables à ceux de Paris et de Saragosse) postérieurs
à l'année 1450.
- - Nous signalons par — , au commencement des lignes, les interruptions
provenant de feuilles coupées, perdues ou en tout ou en partie non écrites,
et par ... les passages où l'écriture est effacée ou peu lisible. Nous
notons la numération (romaine ou arabe), quand il y en a dans le ms.
5
54 DIALECTES ANCIENS
ocuii, v° lui sav un prat hon ha fulhas e flors.
ccLX Resposta de .lohan d'OHuella. . , Auty^e réponse.
"ccLX Altre. Jach. Bonet. Resposta primera de Mossen Sant
Dainis (?). Autre réponse. Feuille coupée qui peut-être avait été
la dernière du ni s.
— ... 2' strophe. Mas quant mos prechs no vol auzir.
xxi Kiï mi donch (dons ?) vey bondat e cortesia .
XXI, v". . . 2" str. E quant vas autre no crey
Froxita. . . 2* str. Quay (Guay?) sim mostra brau aquelli
Sparsa.'Be volgr' esser tan beneuenturos
P. Dels parladors vulh per tôt temps mal dir
F. Si le mon perre (!) deuia
F. Si par sentir de cor e de voler.
Autre pièce. . . Per gran pena
P. Sparsa. Puys he d'amor co qu'auer ne solia
P. Dels aymadors so li pus cossiros.
P. Dona del mon nos pens que per amors.
Madré por no me dar nada. Pièce castillane; écrit, plus mo-
de7'ne.
Cobles de la ballesta. Vna ballesta fas fer.
Guillem de Cabestang. Lo dois cossire.
Fragment d'une autre pièce,
Esparça. Mant homens son en est mon quez stan.
Fartimens Amich nArnaut cent domnes de peratge [Lo
Coms de Proensa].
Atressim pren. . . 2" etc. Souen me fay (!) [li] mey ulh men-
songer,
Amor e com es de me [Cadenet],
Aici com sel quiz aim'e no's amat [A. de Maroill].
Mossen F, March, Al punt c'om naix,
M. F, M. [Jom merauell].
M. F. M. Dona val tan com de far mal s'esta.
.M. F. M. Donam platz ben arreada.
Siruentesch de F. M. Tots grans senyors.
Fnif/mes. V. Revue des langues romanes, 2e se, III, 5.
C. . .fan . . ., 2« str. Ab tal voler fes amor autreyar.
Fer. . . 2e str. Mas com nom par puscats fer falhiment.
Si tôt me suy [F. de Marselha].
i
POETES LYRIQUES CATALANS 55
Très. . . Tornada A la valent comtesa de Proensa.
Axi com. . . 2^ str. Si col signes que no canta ni crida.
Autra. Ben fayts pernen (!) amer que paueh vos costi.
Autra. Axi cant. . . Tornada Als set senyors trameti mon
complany.
Autra. Si com per dol fenix quant es antich.
Autra. Ab joj mou lo vers al comens [B. de Ventadorn].
A Dieu coman vostra valor e vos.
f . Ixxi. La Reyna de Mallorques.
Ixxi, v° Ja no es hom tan prous ni tan pr.esan.
Ixxiii. Eras diraj ço queus dej dir.
Ixxv. Arnaut Daniel. Lo ferm voler que dins el cor me
iutra.
Ixxvu. Bernart de Ventadorn. Amors e que m'es vijaire.
Ixxix. Guillem de Sant Leidier. Dompna yeu vos soy mes-
satgiers.
Ixxx. Amor com faitz amar tan aut.
Ixxxi. Andreu Fabrer. Sobrel pus naut alament de tots
quatre.
Ixxxii. A. F. Ja perdi vos mon cor e mon talan.
Ixxxiii. A'itra. Lo tal (fol? ) dezir qu'amor me fai intrar.
Endressa : Na Beatriu.
Ixxxv. A. F. Elas amors tan pauc vos cal de me.
Ixxxvi. A. F. Del cor pregon mi parton li sospir.
Ixxxvn. A. F. Domna lo jorn que me perti de vos.
Ixxxiii. A. F. Si'n lo mon fos gentilesa perduda.
Ixxxix. Serventes fet per A. F. per lo passatge de Bar-
beria.
xc. A. F. Pus que stors suy del lach de la mar fonda.
CI (sic). A. F. Combas e valhs, puys, montanhas e cols.
cil. A. F. Balada. Ay cors auar sias rich de merce.
cm. A. F. Del cor me cuidave lexar.
ciiii v» A. F. Aram plats be com Tafan el martire.
A. F. Amors qui tost fer quant li play.
— Dança e scordit (scondit) i" couplet. Lo jorn qu'ieu
vi vostra cor gay .
' Cobles. No m'azaut d'om (Mossen Jordi ).
Ya donal mon nom fara del blauch groch.
56 DIALECTES ANCIENS
. . . E per pasor. Voir plus bas Pus vey.
. . . 2'str. Essen pcr los fins amans. Tornada. Tal senyor ai.
... 2" str. Aylas quant cuidave sauber.
... 2* str. Li auzelets vey que per semblant festa.
Lamia(?) No me le digais mal. Pièce castillane ; écriture plus
moderne.
Riambau de Vaqueiras. Bona domna un conseil vos deman
R. de V. S [ieu] ai perdut mon sauber.
R. de V. Ar pren comiatper tostemps de xantar,
cxxvii. . . del Velhat. En breu veirem unafragor (?) abatre.
Li fait de Dieu son scur.
Nuls hom no val ni deu esser presats.
cxxxiv. De pena'n mal e de mal en:martire. Tornada. Na
sobreprets [Serueri?]
Com sia just que per gran mantenensa. Commentaire mar-
ginal.
Cercats duy may jan siats bella e pros [Lo Mercader mal-
lorqui] .
Cel qui s'irais ni guerreg'ab amor [A. de Peguillan].
— CLV. . . Tornada. Mos irays désirs la vostra senyoria.
Luis Icart e Rejadell. [Tenso] 2® str. Mon crusells plany.
. . . Dona presan on gran valor s'alberga.
Consolacio ô avis d'amor. Malaut e greujats
Autra. Icart Eras quan vey dels brots [caure] la flor Tor-
nada Castells d'onor.
L. L. Deux sparses.
Johan... 2" str. Dons elhas fan de lur cor lur ministre
Sparça.
Canso. Bacet. Una canso novellavuU xantar.
B. Temps ha que gran malaltia.
Coble del cor. Creure podets senyora valerosa.
0 vida mia oygats. Quelques lignes en prose.
Senyora valen.
Sparsa.
Dança de Nostra Dona. Ab letras d'aur per mesura.
Mayres de Deu valerosa princesa.
Astres nos fuig (?) pus tan sabers se planta
Cobla sparsa diminutiva. Autre sparsa.
POETES LYRIQUES CATALANS 57
Bacet. Dir me conve si bom tinch l'engony flach
Plant fet per la mort del Reuerent Cardinal de Tholosa fet
per fra B. Terribles crits agrès provocataris.
Dansa. B, . . Tornada. Bella ses frau gloriosa.
Un drach fe[r]aus va pel mon tôt correns. Endressa.
Al naut prélat Bisbe de Barchinona.
Letoari que fra B. ha fet per Garau de Massanet. Coraus
amichs.
Amar, seruir, honran, presan e tembre.
. . .2* couplet. Eras perdenmon repaire. Tornada. Bella ses
frau. Parle, comme existant, du schisme d'Occident.
B. Yeu vos requir.
Pus auets bontats despesa
— Lijaltats .... nda. 2° str. Li auzelet vej que per sem-
blant festa
Sparsa Ja donal mon.
Car vej en Peronej (?)
Autre. Atressi com Tolifant [R. de Barbezill]. Tornada. Tal
senjor ai.
Si naj perdut mon sauber.
Amoros joj. Tornada. Corals blanchs dins vostr'agnella.
Senyen Bernats dues puncelles saj, Jacme. Respon vos
donchs puisque ve'l temps de mai. Bernats. Mos jutges pros en
aquestpartimen. Jacme, MossenRamon que bon entendemen.
Sentensa donada per los jutges ço es per los vu mantenedors
de Tholosa lo jorn de Santa Creu de maj ab la quai fou con-
demnat Bernât.
E quant m'es greu quant no remire.
Disputa dels hulhs ab lo cor e parla primer lo cor.
Totes ensemps no valen tan com una.
Un xipellet de vu flors enramat.
Eres quant vey los arbres gen florir.
Tôt lo voler.
Puigs ( Puijs ? ) per amors fos près e mantenguts.
En amors es gaug e tôt alegriers.
' Trasfort (?).Jovencel qui no a' jmia.
Père Trasfort. Ab fletxes d'aur untas d'erba amorosa.
L'estat d'onor e d'amor fet per Moseu Jordi. No pot ren dir
58 DIALECTES ANCIENS
ni far. Honor, Amor, etc. Tornada. Reina d'honor excellent
Marf?arita .
Domna lot jorn vos vajpregan.
Chansonnier B
[ Eu me cuydej que nom pogues.
Qu'amor val ( Qui amor vol ? ) gen retenir. Tornada. Reina
d'onor.
Eras quant vey arbres e brots florir.
Feuilles numérotés (qui avaient peut-être appartenu àun autre
chansonnier) depuis ccliv à ccclxxx (?) avec de considérables in-
terruptions.Fra,ncesch. de la "Via. Senyoradevalor. La Senyora.
Dixmossen sotsueguer, etc. Longue pièce en forme de procès.
Le poète est qualifié de sotsvaguer de Gerona.
Vers tractant de la salutacio angelical fet per en Gabriel
Ferruç ab lo quai guanya joja. Sancta dels sants excellent e
suprema.
Requesta d'amor tençonada per en G. F. ab la quai guanya
a joya Reyna de prêts doctrina dels saubers.
G. F. Plus flach son que nulha stopa [ Dansa ].
G. F. Complanffet perla mort de Rey en Feri-ando {-\- 1410)
en personade la Reyna.
Tenso moguda per en Gabriel Moger contfa eu G. F. stant
en Mallorques per les dones de la dita ciutat. Senyor Ferruç
vos qui tenits procura.
Tenso moguda per en G. F. an Garau de Massanet. Amich
Garau en cuy fis près sagensa. // propose de choisir « Bandos
ho playts e ses nulha valensa. »
Bernât Metge Seguiscal temps.
B. M. Jats queu sia.
Aci comença una ventura la quai feu en Vicens Comes.
Aici comensa una requesta la cual trames un frare a una
monge.
Passio amoris studens Ouidium .
Aici comença la faula den Torroella.
Amis mon cuer e tout a ma pensée. Suivent le titre Cen[t]
balades et plusieurs pièces françaises, la plus grande partie de
(îranson. Parmi ces pièces se trouve le nom de Jach. Scriua(!)
POETES LYRIQUES CATALANS 59
Dansa de Figueres (avec une autre écriture). Si mor sim
planch no vaig ploros.
Clam de amor fer per F. Mort cuyt las.
Lo bell guarda-cors que feu fraRamon de Cornet. Lo meu
car fill un noble garda-corps. Preanibol; 13 strophes.
Jaume Rouira en lahor de uirtut^. Qui vol al mon délits
prêts fama granda.
Seruentesch tôt uniçonant fer per en Père Cardenal. Si
tots temps vols viure valens e pros.
Prose ajoutée.- Miracles de Notre-Dame. .
Aci commensa la historia de Amich et Melis [Écriture du
XVI 1"^ siècle ?) Une jiage.
Chansonnier C '
P. March. lommeravell.
P . M . Al punt com naix .
--Strophe d'une poésie incomplète. Tots los potents plens
d'ergull et de vent (De P. M , ?j .
— Lo dit Mossen Johan Berenguer de Masdouelles. Merce
de mi hajes mon sol senjor.
Lo dit J. B de M. Dins un grau prat a totes parts e caire.
Poésie allégorique : elle parle rfes septlops mais [les sept péchés).
Maldit fet per lo dit M. Pus dau raho a mi de mal perlar.
Altre maldit fet per lo dit M. Ara conech ço que no co-
nexia.
Lo dit M. Amich mostrau haver que us vulla be.
Lo dit M. Perquem digues que sens vostre voler.
Complants per depertiments. Un jorn mirant axi con far
solia.
Loament. Lo dit M. Certes a tots quamor es cosa pura.
Lo dit M. Si prest nom val la vostra gentilesa.
Lo dit M. Pus per amor he de morir.
Lo dit M. Ja que lo temps nos vuv tal com solia.
Lo dit M . Jo vull y am la pus bella ques mir.
Lo dit M. Ara pus son si forts enamorats.
Lo dit M. Unissonant. De vos amor no puch ningun be dir.
Lo dit M. Caualler Amor me te incessantment iunjat,
Lo dit M. Pus nom feu be ni fer nol me voleu.
Lo dit M. So que no vol ma disposicio.
60 DIALECTES ANCIENS
Rosposta fêta à la predita obra per Mosaen Marti Gralla.
Lo dit M. Resposta. Mossen Francesch lo nohible 'guillo .
Lo dit M. Despuis partim de la bona ciutat.
Lo dit M. Destret damor ab cuytat anament.
Lo dit M. Pusque sabi la vostra senjoria.
Lo dit M. Tant he soffert que pus anant ( auant?) sofferre
Lo dit M. Si James puch del tôt aconseguir.
Lo dit mossen M. Quant me sove d'aquelljorn que parti.
— P. March Be sabem tots.
Mossen Jacme March. Cobles de fortuna. Quant heu cus-
sir.
Blay Cesolles (Ceselles). Dona gentil e dexellent natura.
Mossen Jordi de Sant Jordi. En mal poders.
Les annuigs de Mossen Jordi.
Mossen P. Dez Puig caualler. Pus que bontats.
Mossen Auzias March. Molt he tardât.
Pastrana. Ara mon cor me coue descubrir. Tenson entre lo
cor et lo cors.
Tresfort notari Gran carrech han huy tuyt lom de peratge.
Père Johan de Masdouelles. Dona donor qui viure vol ho-
nesta.
Cobla segons laqualitat d'un fat gros qui pensa molt saber
lo quai no vull dir, fêta per lo dit Père.
Johan. Tôt ignorant se pense molt saber.
Cobla sparsa fêta per un home d'onor qui ha perduda la
vergonja fêta per lo dit P. J. L'ome d'onor qui trenqua la pe-
raula.
Maldit fet per lo dit P. J. Temps es estât quen anaueu
pescar.
Altre maldit fet per en P. Johan en la setmana santa Liu-
radeus sou a mi no per amor.
Johan Fogassot. Si be non sent enves lo foch d'amor.
— Tornada d'une autre pièce. No se quius sou ni quius
vullau.
Resposta denG-uillem Tinter (?). Per lo just do que demanau.
Tornada. Fra Vilagut.
Guardia. Monsenjer meu per conseguir ( Dansa) Tornada.
Bon caualler no sia smair.
Johan Fogassot, Fins aci me 'beu mostrada.
POETES LYRIQUES CATALANS 61
Senyora pus pietat.
Lo conort de Francesch Ferrer.
De gran dolor cruzel ab mortal pena.
Laj de Père Torroella, Qui podra veurem(sic) en pobre stat.
Luis de Vilarasa. Les V balades.
P. Torroela. Si voleu, enamorats.
Luis deVillarasa obra unissonant. Quant yo no(!) pens que
ya no puch entendre.
Père Torroella ma fêta. Enamorats los qui per ben amar.
Mossen Jordi caualler no sia smair (!)Enyorament ennuig
dol et dezir.
Comiat de M. J. Souint sospir domna per vos de luny.
M. J. caualler. Dauer lo nom e lo dret tall daymia.
M. J. caualler. Ara hoyats,
Mossen P. de Queralt caualler. Ses pus tardarraen e de vos
partir
Vilarasa. Lennuig es meu e vostrel dan.
Mossen Anzias March. Deux pièces connues.
Rambautde Vaqueiras. Bona dompnaun conseil vos deman.
Mossen Jordi de Sent Jordi. Tots jornsaprench.
Ramon de Cardona preuera. Lo vostre sguart ences Tau-
trir gran flama.
R. de C. Amant amor d'amor suy ben amats.
Deseximent e comiat fet per Blay Seselles. Per a tots temps
hay cremat Tincensary.
Pau de Belliure. Domna gentil vos m'encolpats a tort.
Lo setje d'amor fet per mossen Jordi.
Coble equivocada fêta per mossen Jacme March a mossen
Père March. Resposta fêta per m. P. M. à m. J. M.
Mossen Jordi. Un cors gentil.
M. J. Désert d'amichs.
Mossen Bernât Serra. Pus soy destrets.
Chansonnier D ' ' .
f. 25 Perello [nom ajouté en écriture moderne)... perque
dells veritat podeu creure.
26. . . [p] assat yo viu Guillem de Capestany. Fragment de
la Gloria de Amor de Rocaberti.
26 V Macies Pus veho que mi dolor {pièce castillane).
fi? DIALECTES ANCIENS
35 (?) Obra fêta per mossen Auzins. March coronada.
Fs rc.|Uosta de amor de Madame sans Merci {en écriture
/iliis modfrne . No ha gran temps caualquant io pensaua[7VflC?.
r/'.'l . Chartres, par Oliver).
'M v„ Auzias March. Quelques pièces connues.
15 Mossen Jaume March. [D]os sou los alts segons lo meu
parer.
46 Auzias March.
51 Mossen Jachme March. Un sobres pler mes vengut per
lo veuie.
55 Auzias March
03 (?) Complanta. Délit nom ve per me dir gran tristura.
Sparça de P.Torroella. Per très migans son poder abilita.
Complanta de la mort. 93 v». Ho (?) [mon] car fill continuu
per tu mor.
94 Lahors de P. Torroella. Callen aquells abzegats per
anior.
95 v» Figueres. Lahors de sa senyora. Enteniment saber ne
sentensia (? lisez fentesia).
96 vo Obra de Figueres ab la sua oracio
97 Maldit en cobles de Masdouelles. Pus dau raho a mi
de mal perlar. — Suit Masdouelles.
Débat de mossen Masdouelles ab amor. Parla primer lo dit
M. 13 répliques avec leurs tornades.
133 Canco damor tençonada fêta per Arnau March.
134 Mossen Bernât Serra. Pus so destret nom lengats a
follia.
134 Vo^ Mossen Jordi. Désert daraichs. . .
135 vo M. J. Un cors genill. . .
136 vo [L] ennuig es meu e vostrel dan.
138 Obra fêta per Ffranci Guerau perlahor de la nobladona
Leonor de Cardona. Quim pora [dir] donzella virtuosa.
138 v» Altra fêta per lo dit Ffranci Guerau. Si col malalt
(juant la febrel combat.
l-»9Sparca com lo questa sentenciat a mort.
139 vo Altra obra fêta per lo dit Ffranci Guerau. Un gua-
rant (sic) enuig.
POETES LYRIQUES CA.TAIANS d^
140 Comiat de mossen Jordi.
140 voCobla equivocada fêta per mossen Jachme March, etc.
141 \ltra sparsa fêta per fra Vilagut. Cei'tes dich pus que
la millor.
/4M^/'(îssparses de mossen Corella, Luis de Requesens, Franci
Guerau .
144 Mossen Jordi. Aiustat vey.
Mossen P. de Queralt caualler. Sens vos {lisez pus) tardar
me ve de vos partir.
145 Mossen Jordi de Sent Jordi. Tots jorns aprench. .
146 Desaximent e comiat d'amor fet per Blaj Seselles.
14(3 yo Pau de Belluire. Dompna gentil vos m'inculpats a
tort.
147 En Guillem de Berguedaan Père de Gauseran.En Gau-
seran gardats cal es lo pes. Respos den Père de Guauseran.
Sener Guillem lo pes que dit maues. Cette pièce a été ajoutée.
147 Vo Lay de Père Torroella.
152 Vo Lay de Marti Garcia.
153 v" Obra figurativa ab rims estrams en y lahor del Rcj
fêta per Dionis Guiot, notari de Valencia. Rejs magnifichs
trop me per causa folla.
154 v° Mossen P. Marcli. Quant eu cussir?
157 v° Blay Cassolles (sans doute Cesselles;. Ubra encaJc
nada, corrigé, cruada Dona gentil e d'accellent natura.
158 Altre obra fêta per mossen Jordi de sant (?) [Jordi] Uni-
çonant aperiada la mejtat En mal podiers .
158 vo Mossen P. des Puig caualler seruentesch. Pus que
bondats.
159 Débat del cor ab lo cors encadenat e unissonant fet per
en Pastrana.
160 Trasfort notari unissonant croada. [G]ran correg han.
161 Johan Roquafort solta e eroada. [Ejnamorat no fou
mes de I solda .
161 Depertiment fet per soit et encadenat. Tots mes desigs
e pensa tan jojosa.
162 Luis de Vilarasa. Les V balades.
164 Gabriel Ferruig requesta damor ab rims crohats e
encadenats ab ampelt e bioch tôt soit e capfinit, Rejna de
61 DIALECTES ANCIENS
prots doctrina dels sabens. Resposta de la enamorada. Repli-
cacio del enamorat. Replicacio. Tornada. Resposta.
1C4 V Johan Fogassot notari en lahor de la veiiguda del
Rej solta ab rims crohats e un perdut. Rey virtuos.
106 Valmanja.
160 V" P. Torroella. No m'aiut Deu.
167 P. T. No sent ne veig. . . .
167 v° Ara pots fer amors tes voluntats.
108 vo No so partit e partint me partia.
Fraucesch Ferrer. Qui be serueix lexan que grat ne ten.
169 v° F. F. [D] e fi en fi uos am tan finament.
. . . 193 Altra obra so es maldit fetper en Simon Pastor. Per
diuulgar lapractica maluada,
193 v" Anthoni Valmanya obra intitulado Sort, etc.?
200 V Altra obra fêta per lo dit V. per una senjora que
repta son enamorat de desconexensa. [Q]uala vuj es que per
amor lenguesca.
208 Altra obra apellat escondit ab la quai obra Tenamorat
demunt dit se escusa de la colpa falsament imposada per sa
'namorada. Quai es aquell ennemis (?) qu'a bastat. Unisonant
et mandat compas.
209 v° Altra scondit fet per lo dit V. scusantse e desan-
colpantse de una colpa falçament imposada. Novellament
he sentida Tempresa. Dans la marge. Fou espandida la pré-
sent escusacio diumenge a vi de maig any mcccclviii per mi
A. V. en lo cor de Valldoncella bon se ténia consistori de la
canco (tanço ?) del sastre e del argenter quai offici merexia mes
hoiire[s].
211 V. Junt es lo temps fer de ma dolor crida.
1. — GuiLLEM DE BeRGADAN AN PeRE GaUSEKAN
En Gauseran, gardats quai es lo pes
Que porti eu ses poderlo tocar;
Pousar nom play, vull o no pusch portar,
I'' sil me lunj ser[t] saj que mes me pes.
Lop es nomnat, lop es e lop no es ;
Mas so quel fech clapat de nègre e blanch
POETES LYRIQUES CATALANS 6f»
Desigs* en mays qui est fait' de carn e sanch
Qu'eu desiguantz pendre fuj primer pes.
Respos d'en Père de Gauseran
Sener Guillem, lo pes que dit m'aves
Gint portaray, sil pusch ferm abras[s]ar,
I enquer grieu mort me playra sufertar.
Pus deftallins sobre lo pes caigues.
Vos forets gay s'est lop l'anquam '.mordes,
leu si mon cor ab fort arrap m'arranch ;
Son bell clapat ha fayt catiu de franch
A uos assats y assats à mi de mes\
2. — Tenso"
(Senyer en Peyres )
Car vey en Peyronet ^ ploran
Venir ab n' Arnau tritxador,
De tots mos amichs ay pasor
E demandels ab regart gran :
Diatz, amich, e com estan
Mes payres ' el Rey mon senhor ^ ?
Sius han fait onta ne dan,
Ni hauets trobat robadors ®,
Diatz ho, car vengar vos han
Mant homs *" que sia de valors ;
E tornatz vostra *' plor en xant,
E parlem d'armes e d'amors.
' Ms. se deig f — - Ms. fanch — » Ms. lenquatn. — * Cette énigme
n'a pas le sens aussi mauvais que le pouvait faire croire le nom de Ber-
gadan; il s'agit, à ce qu'il parait, de célébrer un? dame appelée Lop
{on se souvient de la fameuse Loba de Penaultier) et ayant une tache
(clapat) de celles qu'on attribue à un désir ('iesig) de femme enceinte.
- â Le Chansonnier A contient deux transcriptions de cette pièce. La pre-
mière {Al a perdu les deux premiers vers et conserve seulement. . . e per
pasor E demandels.. . des deux suivants. Nous donnons la seconde dans le
texte. — 6 Peyroney {pour Peyronell )?— ~ A. parens. — " A. sonyors.
Toutes ces finales en or devraient être sans s.— '^A. raubadors.- 'o^. hom.
— ** 4 vostre.
DIALECTES ANCIENS
( Peyronet)
Major pasar agues eritan',
C'om vis fugir en mil sols d'or-,
Can^ la bandera de color
D'A-nglesola vos vis denan;
Seny' en Peyres, pats ab ajtan
Pusch * dir a bon entendor ■'.
D'Anglesola trasques entan
Senyor li vostra posador
A despit ez a desonor '^,
E no li hauetz fait deman;
Perqu' jeu hich'' suy vengutz ploran
Ez ab mi n' Arnau tritxador.
3. — La Reyna de Mallorques *
Ez yeu am tal que 's bo e belh,
E suy gaya col blanch auzelh ^
Que per amor cria son chant,
E suy senyora e capdelh.
Eu vueylh qu'en am[or] (?)nos n'apelh.
Car sus totes suy mils aman,
Que chausit ay lo pus presan
Et mils del mon, e l'ame tant
Quez en pensan lo cuey veser
E car tenir ;
E cant no 's ver
Un desesper me fer ten gran *°,
Cant lo say lay ves Ffrança.
L'anyorament el gran désir
Qu'ieu ai pei* vos, me cuid' alcir,
" .1. MaJor pasor agues l'altr' an.—- A. ves fugir ab mil sous d'or {lisez
inilsolilor . — ^ A c:\v.d — '• A. Pux. — ■■ A. ontonrlnflor. — *'• A. e a d. —
A. hic — >* Nous croyons qii on peut lire arec sûreté lUynaetnonpas
Ffemnaou Damna, et que celte reine-poëte fut Constance. fi'le d'Alphonse IV
d'Aragon, laquelle se maria en 1325 avec Jacques II de Mayorqae.—
'' Us. solelh — "' if*. L-eii.
POETES LYRIQUES CATALANS ù'i
Mou dois senjor e car,
E ben Uey poray tost mbrir
Per vos qu'ieu am tan e dezir,
Si breu deçay nous vey tornar,
Que tant me tarda Tabressar
El raysonar
E tota res ;
E quant me pens queus n'ets anats
E no tornats,
E quan lunyats vos etz,
Desesperatz caix viu mon cor:
Per pauc no mor,
Si breu no n ay guirença.
Tornada
Merce, mairits, que sufrenpas
Los mais quera dats e donchs tornats,
Que nulh trésor
No val un cor
Que per vos mor
Ab amorosa pensa.
4. — Dança de Nostra Don
Bacet*
Ab letras d'aur per mesura
Seruiray lausors notables
De vos, humils verges pura,
Mayresde Dieu redutables'-.
Fflors mot belha d'auta planta,
Vegats quem^ fay vostra forma :
Can myr luy elha diforma (!)
Mos grieus mais e ma complanta:
E per santedat queus mura
De virtuts inceparables
Trespessats tota natura,
Mayres de Dieu redutables.
Peyra fina pr-eciosa,
« Ce poêle était presque inconnu ; c'est pourquoi nous donnons cette
pièce, qui n'est pas des meilleures en son genre. —^ Ms re.iublables. —
^ Ms quom.
as DIALECTES ANCIENS
Despuys que Dieu fech lo segle,
"Van per dret compas e règle
Le trobador, Virtuosa,
Lausans tug vostra figura
Ab novelhs chants e agréables,
E de vos laus nols fretura,
Majresde Dieu redutables.
Tots vostres laus quils por dire ?
Qu'autre mays Dieus nols diria,
Tants son e de tal valia,
Quel pus mendres sech remire
A sent Bernât, que'b' gran cura
Vos lausa d'innumerables,
E fech sagrad' escriptura,
Mayres de Dieu redutables.
Tornada
Belha ses frau, vestidura
Dels paubres nuts misérables,
DesUiurats nos de tristura,
Majres de Dieu redutables.
Eodressa
Cauelheresa d'altura
De rendiment (?) onorable
Madona Costabeura (??)
Legits los prédits vocables.
5. — Pau de Belluiure- [Chans. C)
Dompa gentil, vos m'enculpats à tort :
Si'' m'aiut Deus sotsne mal informada.
Car per Tristanj no fon sa don'amada
' Que'b ou qn'eb pour qu'ab. On trouve souvent dss cas setnblables
- On connaissait un seul couplet, souvent cité par une allusion au Vir-
gile m igicien, de ce poète, qui, d'après Aiizias Mardi, pi^r aninr sa dona
lui-n:i foll. l.a pièci' qu'on va lire ne manque pas d' intérêt ■ nicdheureuse-
iwnt nous avons oublié de noter les variantes du chansonnier D.
• Ms. E si.
POETES LYRIQUES CATALANS 69
Mils ne tant ferm ne pus leyal ne fort,
Que n'es per mi la dona qu'es leyal,
Can jeu vey cert qu'en vol hu a cabal;
Mas quant eu vey dos pardals en l'espiga
Reneg d'amor e dig vos que no liga.
Parque no preu lo valent d'una figa
Dona del mon ne val [pjoyrida* malla,
Qu'en Yny d'altri veu patita palla,
Ez en lo seu no veu la grossa biga ;
Ans la preu menys que fanch ne podrit fems
E vull la mal com marinier mal temps,
E crech que [a] Deu sia caus'anuyosa
Dompna vestir la pel de la rabosa.
Nou hu dich per vos car say qu'ets valerosa,
Mas parle tan per les que fan malesa
Rompent l'estil de vera gentilesa,
Dans fel per mel e carn pudent per rosa ;
Les quai no vull amar, ans las desam,
Puiys fan ab art dos pejs caur'en un am,
E simbell fan d'amor ab traydor loure' ;
E no stan belis dos coltells en un foure.
La' cruseltals de dompna que nom planya
Qu'ab un sguart tôt sol me pot ser metje,
E nou vol far, com si fos hun aretge
Contra la fe, de merce fora stranya.
Donchs perqueu fayts ? cuydats fer benefici
En dar l'amor [a] hun sol vassall afflicte,
Qu'ieu contra* vos jamay no fi delicte
Perquem tingats en hoy hi en deffici.
De Dieu tôt cert e de gents haurets blasrae,
C'aissim fassats morir en crusel signe;
E'squassejant me d'un sguart bénigne
Portât m'auets al derrer punt de spasme
* Dans le ms. . la première lettre de ce mot a été biffée.
2 James Falcô no vench taul prcst al loure... Em ieu simbell d'una
alcandora linda. F. Lavia.
3 Ms. A. — ^ Ms. coneix.
6
70 DIALECTES ANCIENS
Qui s'es, iiis pus* Tenerbat colp profonde ;
E si merce ab vos breu nom recorre
Morray sobtos, pus vey la mort quim corre,
Mas sius volets quitim farets e monde.
Tornada
De vostre tort a vos mateix' en clam
Dienme fais qu'en diverses lochs am,
Ajci com mants qu'en veje los fa moure :
No menjen l'os nel volen lexar roure.
6. — MossEN Jaume March^
[Djos son los alts segons lo meu parer
Ab que amor fa sa perfeta obra,
E del hun sols alqun pora esser
Un poch temps près, ma salibertat cobra;
Que no stan ^ pus lo durar d'un cars tal
Sino en tant com se tardai partir,
Si sta be* l'als don l'altr' ait deu venir,
Sens lo quai res noy ha perfet ni val .
Siy son abduy vos dich que ['s] cas mortal,
E tal que ans vos porieu morir
Que 'ver remey, si s'en volgues jaquir
Amor axi sens [cjobrar pus j ornai ;
Per que nos pot fer sens una manera
Qu'ell ha de far una tal egualtat,
Quel loch don ve l'occasio primera
Haials dos alts e no si a scusat.
D'aquest dos alts lo primer [es lo fat (?)]
Qu'om ha tantost sol vehent la persona,
Jove gentil ab gest pie d'onestat
E moltde bens de[ls] que natura dona.
Aquest aytals mou del ulls e primer
DeLu] dar al cor que altre mouiment,
' Ms. mis po3 ?
• On connaît peu de poéxies de ce célèbre chevalier, auteur d'un Dic-
tionaire de rimes et l'un des fondateurs du Consistori del gay saber de
Barcelone. — » Seau? — ^ H parait que le sens exige : Si no sta.
POBTES LYRIQUKS CATALANS 71
Per que tal ait sino 's primerament
No pot depuys esser tan vertader.
Enapres ve Taltre queus dich darrer
Quen Tesperit fa son bon fonament,
Car vol bondat, graci' e sentiment
Ab gentil cor, seny, vertut e saber.
De cosas tais e semblants s'acontenta
L'enteniment hi s'i va délitant :
Aquest es l'ait que dona la empenta
E des amar (?) ver' amor reffermant.
Tais son los alts e semblant virtut han
Que daros fa[n] la bona soldadura,
Ab que d'amor soldats amig fan gran *
Los dos volers e [s] fa l'obra que dura ;
E jo per ço li suplich tan com sce
Que pus en mi vol tan perfet obrar,
Dantmels dos alts que nos vuUa cansar,
Ans lia on sap los vuUa dar tambe.
Tornada
Digna de molt, eu a vos ^ clam merce,
Que si amor demius voira tocar,
No li vuUau gens en res contrestar,
Ne guardeu so si marescli tan de be.
7. MossEN Père March
Dona val tan com de far mal s'esta %
Ez a coselh de bon hom vol atendre,
Es ^ guard d'aço que mal la pot apendre
E ques albir si fa mal ques sabra ;
E que bes guard de tôt' auinentesa
E davol gest e de mal perlamen,
E tema Dieu el marit examen
E quen bondats pensa mais quen bellesa.
* Ms. anuig (?) afan yran. — * Ms. cabos.
•' Ms. c'eata.— "^ Ms. Ez.
78 DIALECTES ANCIENS
S. — MossEN Pere March
Dompnain platz ben arreada
E caualhier ben armât,
E donzella enfresada
E seruen arremengat
E caual ab gran illada,
Ardit e be afFrenat
E sufren la trenujtada.
[Em platz veser liost parada]
En loch pla e ben p[elat],
E veser foch e fumada
Es enemich assenât
C'aia tenir tots jorns bada,
E no si'asegurat
Si donchs no'sta dins murada.
E platzme ' la'nemorada
Ab lo cors prim e delgat,
Ab ques tinga per pegada
De me per enamorat,
E quem fassa gran hulhada
Per tener mel cors ^ pegat
Ela quan sera preyada.
Enquer hi a plus quim agrada
Senyor ben amesurat,
C'om noi seruesca de bada,
Ardit e franch ses barat,
E que tinga gran maynada
Segons Tesser que es dat,
Que Tais es causa trop fada.
[Tambem platz grossa cassada,
L'exir] del sol esp[erat],
E que fos aperelhada
Missa [per] clerga espectat,
' Ms plalme. — - Cor '? Ce serait plus digne de celui que Santillann qua-
lifie d'auteur de proverbes de grande moralité.
POETES LYRIQUES CATALANS 73
Baxa que no pas cansada,
Sino'n dia feriat
Per fer la festa honrada.
9. — ESCONDIT FET PER MOSSEN JORDi'
Tan son li mais quem fay sofrir
Com nom cresets, dona valen,
Que de cert vos am leyalmen,
Quel cor del cos me vol sortir.
Lo jorn qu'eu vi vostre cors gaj
Al pun[tj quem mis en vos amar
Mon cor nos pot certes lunjar
Un punt de vos per autra may,
Donchs cresets me qu'ai no désir
Ne tinch null altre pensamen
Mas sol qu'en puxa finamen
A vos amar e car tenir.
Si nous dich ver que (eu?) prech aDeu
Que [de] tal crim si' acusats
Don prenga - mort apedregats
Per mans d'un malestruch jueu,
Si que planguts d'aycell martir
No sia pas de nulla gen,
Ans me censelmen mal disen *,
E ma fas vengan escupir.
Si non dich ver, qu'ans de ma fi
Ab ira fort me desesper,
Que l'arma [e]l cors ab Lucifer
Dimonis mil porten prop si,
E nom puixem may sabollir,
Ans per tots temps haje turmen[t],
' Cet escondit, quoique différent dans la forme métrique, est très-sem-
blable dans le fond à ceux de B. de Born. Petrarca et Mallol. On peut
observer que les deux poètes catalans se permettent des menaces encore
plus horribles que celles de leurs modèles. — - Ms. jirenga. — ■' Ms.
Ans mal disent me censelmen. Nous ne connaissons pas ce verbe, qui est
P"ut-être corrrimpu.
74 DIALKCTES ANCIENS
E 110 trop amich ne paren,
Qucm vulla be sino mal dir.
Tornada
Castells d'[h]onor prech Deu m'asir
Ab tots les Sants, si coralmen
Nous 80 fis com leyal seruen,
Eus vulla amar sens defallir.
10. — ... DK Yelhat (?) *
En breu veurem una fragor (?j^abatre
De vas mig jorn que[ll mar fondra pels camps
La flor el frug, puys sera tans grieus fams
Que d'alguns bens costaral dine[r] quatre ;
Apres la mort perseguira tan vida
Quels pochs e grans alcira vint à vint,
Si que dels vins no restaran lo quint
Del solelh colch tro l'infernal pertida.
Car us grius vey que sus TEsglesia crida
Ffaren del bech al portai de la fe,
Hon poch a poch lo pilar quil soste
S'aflequeseix e chay deuers l'asida.
Perque Testors met la perditz a clusa
Sus Taltar vil (?), on se beura del sanch
L'ajgla gentil que sap visar al ranch,
On ronicornpels aguilospren musa.
Pero nol val doctrina d'art confusa,
Si manifest non adust per simbell
Lo cor, el fren dun blanch laupart nouell
Noyrit de leyt o de carn d'orne crusa,
Neta de crims', sens carnal payre nada
En temps d'iuerns e de guerres duptos,
Ez autremen non aura dels ayglos
Tro si' ab * joy la colompna dressada.
' Cette innce, déjà naturellemenl obscure, l'est devenue davantage.
yi.ir la corruption de son texte. — - Ms. frayor? — ' Ms crins - '• JW*.
si dd.
POETES LYRIQUES CATALANS 75
Mas dubtans [cors que] triga la Jornada
Cessiran trop, car un drach molt cruzel
[Veuran]* orat volar sus vas lo cel,
Que geta foch stant gola badada ;
Lo quai foch creix e destrutz e derrocha
Viles e borchs e castells e ciutats
E trencha murs e portais e valhats
El plus, el mils del remanen que tocha.
Par ayços pert sobrel fluvi la rocha
Per on s'enclau lagran vapor del fum,
El golf stern don spirital lum
SotratsT aurelh' a la serpent badocha,
Moren Testorç- en la val tenebrosa
^ Qui's Tabre vert, per qui fonch peradis
Ubert ab gaug als deuots pelagris
Ques eren filhs de virginal sposa.
[Tornada]
Mos belhs saffirs, vos ets mar preciosa
Qu'esta^ forest enclau e' ncircuncis.
Or. crex le past que Tolifan nojris
Qui deu portar als franchs vide joyosa.
11 . — Anonyme
D'un xipelet de vu flors enramat
Vos flu presen per vostra cap garnir,
E son les flors la blanca flor de lir,
L'autra gessem plena de gran beutat ;
La tersa es una belha' nglantina,
La quarta es la gentil clauellina,
La quinta es viola ben olen,
Les autres son gaug e rosa brulhen,
Del liri flor s'enten quez est molt bella,
E del gessem s'enten quez est molt blancha,
La'nglentina qu'est conexens e francha,
E del clauell qu'est ferma ses parelha ;
Acompar [a] la viola saber,
E la del gaug que sots blanda y ver ;
' Ms. . .en — - Ms. iesturç. — * Ms. quenta
75 DIALECTES ANCIENS
Lo roser es quez aculhir sabetz
De totes gens segons valen lurs prêts.
Margarida, lo xipellet vos do
Car er jsnell y dret (?) sobre la testa
Qu'eu cuit * de flor de flors deu esser lesta,
E vos belha prenetz ' lo sius par bo ;
Be que milhors lo merexets cent tan,
No guardau elh mas sol [lo] bon telan
Qu'ay de seruir vostre cors auinen,
Valense bell, grasit de tota gen.
Tornada
Belha dompna, vostre cors ben stan
Enten e pot e sab e val aytan
Que tôt lo mon n'es d'ujmay conaxen ;
De mius recort qui suj vostre siruen.
12 . — Andreu Febrer^
Si'n lo mon fos gentilesa perduda
Eu saj lo cap de la fon qui la dona,
Qu'ins en Tostal del pros coms de Cardona
La. trobarets que nos camge nés muda ;
On près, dompne^^s e valor fan hostatge
E nojrimens e man faits ben stants
Que saubon far les pros dompnes presans
Qu'en celha cort menon gran alegratge.
Qu'anch pus Artus fech d'aquest mon pessatge
No crej que fos cort de tanta vaiia,
Ni ten plasens, ten gaya, ten jolia
Ne ten gentils, tan baud'a mon uisatge ;
Car noy veyrets arguU, cima ne brancha,
Mas l'acculhir honest e gracies,
El gen perlar, el gay dits amoros
Als strangers, ez humil cara francha.
« ils. quez autf — - prouetz (?).
1 Andreu Fabrer 0», m«e«5c, Febrcr. «£ célèbri' commu traducteur de
Dnntp. On ne connaissait de lui d'autre œuvre originale qu'une strophe
rUée dans le poème coUectij de Torroella.
POETES LYRIQUES CATALANS
E tôt primer a qui beutat no mancha
Lay trobarets l'auta valent comptessa,
Qui de valor e de grandaproesa
Val mavs qu'Isolt ne Screna la blancha.
A luy va be semblant dona Johana,
Que'b belhs aculhs e grecios peruent
Se faj gresir, amar a tota gen
E plus d'ajcellis ques de terra londana.
Nom lays a* dir cellia qu'es la fontana
De gaj comport : c'es (?) dona Francesquina,
Car sus la flors es viol' argentina
Qu'el temps gentil naix et floreix e grana.
Na Sobre-Joy mirai de gentilesa,
Don' Elfa us dich, que Deus voch ton bell far,
Lo sieu gay cors de prêts sobrepugar
Qu'el, mon no crey altra pas de belhesa.
Altra n'i say en qui natur' a mesa
Gentils faisos e'morosa peruensa,
Don' Yolant que'b gaya captenensa
Ab dois sguart mostra sa gran noblesa.
Na Beatris d'Anglesola s'auansa
Lossanamen los stranys aculhir
E Johana Pineda qui felhir
No sap, n'enquer Elphita la de Ffrança.
[Endressa]
Vaiten xanso lai on valor s'atança
Al Coms dels Carts qui sab prêts mantenir;
E s'en no say tôt son laus expendir,
Yeu io sopley que nol venga pesança.
[Tornada]
Angel, noy ay alors ma confiança
Mais solamen en vos quim fayts jequii-
D'ira, d'esmay, de dol et de cozir,
Can me soue de la vostr' amistansa.
Ms. lay&sa
7»» niALKCTES ANCIENS
l;i. — SiRl.'ENTESCH FET PER AnDREI" FaBRER
PER I.U PASSATGE DE BaRBARIA
Doloros crits, ab vots ' braua, terribla,
Fellonament de vas mig iorn nos crida ;
0 crestians ! fenits tots vostra vida,
0 recobratz Dieu veray impassible,
Ques a nos han ^ près en ^ gran vituperi
Li * Serazi fors de son tabernacle,
E tornats lo laut (?) denant lo trinacle,
O'n la pena del segrat" ciminteri.
Qu'er es lo temps pel diuinal misteri
Predestinats, e'n coue morts abatre
Tots los Infels qu'en las parts del mon quatre
Del Crucifix metreso Faut imperi ;
Say comensant per terra de Granada,
E discorrent tota la Barbaria,
Que del sol colch tro lay on naix lo dia
Non reman us de lor secta maluada.
E donchs prengam tuyt la santa cruzada,
E comensem crusel batalha fera.
Car lonch temps a que'b gran joy nos espéra
La grand'[h]onor quins sta aparelhada;
Car lay veyrem trocegar [e] scuxendre *
Morts per quartiers e volar caps e troces,
Intrar murs forts, torrçe ' castells per forces,
Que nos pora res contra nos deflfendre.
La nos dira que no pot mays compendre
Lo preyon pots del infernal abisma
Dels sperits qu'exiran del morisme,
Car al intrar feran lo portai fendre,
K noy haura Satans qui plus ne vulha
Ans diran tots : gitat los al * defora ;
' Ms. velz. — - Ms. que ce no say. — ' Ms. e. — * Ms. E. — ^ Ms.
[lonat del ccgrat.
^ Vostre cors vey e trenrar e scuxendre. Anonyme : O gran dolor.
• M s lorç e ( tore et) — " .v;<. lor los.
POETRt LYRIQUES CATM-ANS ^
E li crusats cridaran ar es l'ora
Que'l lach d'infern tots los moros aculha.
E tombaran coin fay la sequa fulha
Dels cims, dels branchs quel forts vent enderrocha,
Barbres e turchs, alarps els de Marrocha,
E nos firen pendrem la lur despulha,
Meten a fons e gitan foch e flama,
Viles e borchs, lochs ciutats e mesquites
E no curets que ne sia ia quites
Si donchs lo nom de Ihesuxrits no clama.
Mayres de Deu, a vos sola reclama
Qu ets segurs port de la nostra ventura
Lo pobleXrist, quel guardets de pressura
Dels inimichs quels peccador[s] aflama,
Sopleyan cel qui fon sus la colonda
Greument batutz per Famor quens hauia,
Qu'entre los sants benehuyrada sia
En Peradis nostra vida segonda.
[Tornada]
Angel, per ço que Taspra mort nom tonda
Digats per mi cent jorns TAue Maria
Quem promates, car en la companyia
Dels sants crusatz passi delay vas Fonda.
14. Anurku Fabrer
Pus qu'estorts suy dellacli de la mar fonda
Mayre de Deu, reclaman vostr' aiuda,
Mos genolhs flechs, ab cor ferm qui nos muda,
Rendi merces a vos, pura flor monda,
Quins hauets trayts de perilh ten saluatge
De l'aspre mort e del aygue pregon
O s'erem* tots cabuçatins al fon
Quan vos, Verges, nos trasquetsdel pelatge.
Se fo celh jorn que seguin lo viatge
Us. îerani
no DIA.LECTES ANCIENS
Dels sants crusats, fom lay deuan Mallorques,
Quan l'enamich nostres mayres exorques,
Volch de nos far, gitan nos a carnatge;
E l'aura forts ab molt gran felhonia
E mar traues nos saltet al deuan,
On tuit forçat Verge vos recla[majn
Desemperem tuyt nostre companya
E cridan tuit: valons Santa Maria,
La mar, el vent pugan tostemps a Torça
Tota la nuyt tro que per fina força
Tornam' atras layssan la dreta via;
E perilhan sus l'onda quins portaue
A golf lanssat nos lexena correr jus,
Mas, Verges, uos nos vinguets al dessus
Quins deslluiresde Taygua quins sobraue.
Car per mants lochs saltan nos trespessaue
L'onda corren de proa fins à popa
Que nons fech ^ ges calafatar d'estopa
Postes ne trauchs, car dedins nos intraue ;
On fayta fon entre nos mortal crida
Merce claman ab gran plants, ab gran votz
A vos, Mayre del Senyor sobre tots,
Qu'en aquelh cas saluassets nostra uida.
Car le[s] satans fais hauia bastida
Celha'cayso per torbar nostra 'npresa,
Per que no fos crestiandat estesa
Entre la gent que lay l'an scarnida
De ves Marrochs, on tost perdra la renda
Del Serazis que lay teu alcegats,
Ois tindra tost en infern cadenats
Car Dieu nol vol mays lur sectas'estenda.
1 5 . — An DREu Febrer
Sobrel pus naut alament de tots quatre,
Propdel cendier on la jusana roda
* Ms. Tornaa. - ^ Ms tcch ?
POETES LYRIQUES CATALANS 81
Celestials uaui ub sa tVedor temi-rc
Perqu'cu pogues d'aut abax apercebre
Montech amors ymaginant ma pensa
L'autrir e vi set contra set combatre;
Mas de valor vengren en egual pati,
Nos pogren ges senyorejar per força
Es us sol cors hac lo pris de quatorsa
Pels prims set prench set moumeuts mombles
Qu'ins lo gran torn de la mundana spera
Son colhocat pel Vagilant i ' Fabra
Distinctamen en set grausper dreg orde.
Al prims del quais pus baix la Luna régna
E le [selgon Mercurius, pus Venus
Qu es le terciers, lo quart loch senyorea
Le Solelhs clars [e] lo quint Mars ocupa ;
Pus Jupiter, pus naut sta Saturnus.
Per l'un d'ajcests segons cors de natura
En aquestmoncal que^ [tôt] mortals visque
Per calitat ab que fay acordansa
Al punt que naix ab la sua planeta ;
E puis obran mal o be, ques que face,
Si tôt Deus fe tota res que fos bona,
De lay de cay \ per virtut causitiva ; .
Donchs tuyt li be que son fayt en lo segle
Han près de tal materia lur torma.
Li autre set que 'b lur manauen ^ guerra,
Qui de valor portauen sobreuesta,
Ay ben ausit que foron vu regines
Ezenea" , Dehiphile, Sinope,
Semiramis, Tauraris e Lampheto
E la valen de cor Pantasilea,
Qu ins lo palais de gloria mundana
Foro per vu miralls del mon sentes;
' On près gran laus natura femenina.
> ? Ms. magilanti'?- « Ms. calsque. -^ Ms. cay
Ifs. Ez enea.
__ '• Ms. manamen. —
-<•> DIALECTES ANCIENS
Aquestes vu de tan com pot spandre
Vas orien ne mig iorn que mils tancha
Torra ne mar, ne les palus d'Uzerna
Del Port del Ferr ultra la Mar de Caspis,
Part Camballesch tro la regio freda,
Per llur esforç e batalhe mot aspra
Donan, gastan ab franquesa motgranda
Hagron lo pretz e Tauta senyoria,
On foron dreig al prims vu con^.perades.
Celha qu'ohtench lo prêts de vu parelhes
Vesem trastuvt cajs dins lo coiisistori
Qui sobrel sol la Luna goasanya
De resplandor, mas no tem que s'éclipsa,
Com d'anduj l'a sa gran beutat, nés muda*.
Venus me par que d'amor sobremunta
Car tota n'es del pe tro al cim cuberta,
Ecuj feris de s'amorosa tralha
Crey no sanar plus tosf- que de cop d'herba.
Mercurius, planeta fortunada,
Passa, car es remey contra fortuna;
Jupiter venç d'umilitat benigna
Sos dolçs esguarts ab que s'atray es tira
Man cor altiu^ ; Mars de poder abaixa,
E l'altitud de Saturnus enfoscha
Per l'auta sanch quel vedeson linatge;
Car dels primers hereters del Sépulcre
Venc lo començ de sa naturalesa.
Tornada
Reina 'xcelhens, senyora del Trinacle,
Los reynes set son la vostr' auanguarda
Que vos pessats de renom e de fama,
E passarets sils amichs de Mahoma
Fats abaxar de lur maluadasecta.
[Endressa]
Londan' amor *, del vostre 'beceduri
' Ms. uoâ ninda (? mes linda?). — '' Ma. lart. - ' Ms. aiçui. — ^ Mi.
Loy iJanamor.
l'UETES LYRIQUES CATALANS 83
Trasch les vertuts don les alires adorni;
Parlai" uo pueis que nous tengu 'n la bocha,
Par quel jorn d'uej, pus que fassa ne diga,
Vostre roman, que nom tors ni biaxi.
16. — Andreu Fabrer
Combas e valhs, pugs, montanyes e cols
Vey ja vestits de comblais e de neus,
Boys e jardis tots despulhats de rams,
L'ayre cubert de vents plugs e de grops
El mar tôt blanch d'escuma per mal temps,
E tuyt Tausel star en terra mut,
Qui perTiuern no mono xants ne crits;
Mas ieu suy cals quan Taltri bufon Tungla
Tornada
Londan' amor, un Ifurt entretostemps
Vos hay yeu fayt, nom sie maltengut,
Com yeu vos pris del vn dels vostres dits
Celadamen lo gay joyell del ungla.
L'aut rey guerrier vulh seruir altre temps
Qui pels tirans es lur mal grat temut[z]
Vas Mongibel, quels ben e mal vestutz
Fay mantes vetz bufar lo cap de Tungla*.
M. MlLA Y FONTANALS.
Vilafranca-del-Panadés, août 1877.
' Dans l'index, on peut voir la première ligne des autres pièces de ce
poëte. Nous donnons, de pins, deux petits passages qui nous paraissent
remarquables, l'un par son caracièie personnel, et l'autre par l'allusion
classique :
Qu'ieu mainte? vêts axi pensant m'oblit
Tan lort que sim saluda[n] ne respon.
Don li piusor dison qu'erguUos son.
Ja i^erdi vos.
Qu'ieu suy pus rich, dona, d aço queus quir
No fo Jason del velhor conquist.ir
Quan les périls del drach fier poch obrar,
E mays del bous quel cuidaven auci' .
Del cor pregon.
DIALECTES MOKEIINES
.--■wû«*rftfc--îr -
LOUS BORDS DAU LEZ^
Ribada de moun poulit Les
Per que flourejà tant serena;
Per que cantà, gents aucelets,
Quand moun cor es coumoul de pena ?
Lou trauca, toun gazoulhadis,
Aucel dau rounzàs espignaire :
Me bremba moun gaud fugidis ....
Per tourna jamai pus, pecaire !
Per tous dougans, moun poulit Lez,
Quand las rosas se Jïiaridavoun,
Qu'ensen aven trepat de fes !
(Lous amours das aucels cantavoun);
Lou cor gai culisse una flour
Douça sus soun ram espignaire :
Mais El, michant, raubet ma flour-, . .
Me quitant l'espigna, pecaire ! . . -
LiDiA DE Ricard.
(Languedocien, environs de Montpellier.)
LES BORDS DU LEZ.
Rive de mon joli Lez, — pourquoi lleurir si sereine; — pourquoi
chanter, gentils oiselets, — quand mon cœur est plein de peine? —
Il le transiierce, ton gazouillis, — oiseau delà ronce épineuse : — il
me rappelle ma joie enfuie. — pour ne plus jamais revenir, hélas !
Par tes berges, mon joli Lez, — quand les roses se mariaient, —
qu'ensemble nous avons erré de fois ! — (les amours des oiseaux
chantaient). — Le cœur gai, je cueille une fleur — douce sur sa tige
épineuse: —mais Lui, méchant, vola ma fleur, — me laissant
l'épine, hélas ! Lydie ub Ricard
< Poésie nuitée de Burns (1758.1796).
• Celte monorime existe dans le t^xte écossais
LE VINCEDOU
A LA. BATESTO DE POULHS
d'En Alecsandre Falguiero, estatuari toulousan
A 'N Rémi Marcelin
Aviat tant pla qu'une matrassino,
Uno cambo en l'aire, estirant Tesquino,
Fa peta les digts, le bras adreitat ;
Es nud coumoun verm, linge, pie de gracie;
Filo as quatre peds, a d'alos ; — sa facio
S'enlusis d'un gauch coumoul de fiertat.
Le valent mainage espingo, fresino,
Sens buf e le cor tustant la petrino,
Le poulh enjoucat sul sieu bras esquer ;
L'aucel de coumbat! rourgulli Tapitarro!
Tantost se palaiso e tantost se carro,
L'uelh escarcalhat, dambe un laucet fer.
LE VAINQUEUR
AU COMBAT DE COQS
d'Alexandre Falguière, statuaire toulousain
A M. Rémi Maucklin
Lancé aussi bien qu'une ilèctie, — une jambe en l'air, étirant
l'échiné, ~ il fait claquer les doigts, le bras dressé; -r- il est nu
comme un ver, svelte, plein de grâce ; —il file [comme s'il avait]
quatre pieds ; il a des ailes ; —sa face s'illumine d'une joie com-
ble de fierté.
' Le vaillant enfant gigotte, frémit; — sans soufOe et le cœur
beurtant [contre] la poitrine, —le coq juché sur son bras gauche.
— L'oiseau de combat! l'orgueil le soûle 1 — Tantôt il se prélasse
et tantôt il se carre, —l'œil écarquillé avec un éclair sauvage.
DIALECTES MOOeRNES
Brandis la barbolo, airisso la cresto,
Boiilcgo r pluinalh coumo à la batesto,
Le garrou sannous, le paf bategam,
Soun ka-karaka souno la victorio ;
L'arditI a raubat un ram à la glorio
Qu'intre sous arpieus semblo foulcejant,,
Cauto : « 0 ma patrio ! 0 ma terro maire !
Que le soulelhet toutjoun vous esclaire,
Dins la pax sereiio e la poutestat !
Salut! E 'stripat les de Fescurino;
— Me truli del gorp e de la mourino!
Soun le pichou gai de la Libertat.
» Le pople à la fi te vei trioumflanto,
0 Divesso fiero e reviscoulanto !
Dambe toun aie musicaire e pur,
Que butb à plasé vam as trabalhaires
E que me fregant m'anausso pes aires,
Ves tu, Libertat, que t'as le bouuur,
n Les omes uùlhous o las nacieus belos,
1 oundrejant le frount de fuelhos nouvelos
E mai de vertut fflaufissent Ihour cor;
Il Itrandit la fraise, hérisse la crête. — remue les pennes [de
SCS ailesj comme à la lulte, — Fergot saignant, le jabot pantelant.
— Son ka-karaka sonne la victoire; — le Hardi! il a dérobé un
rameau à la gloire, — qui entre ses griffes semble foudroyant.
Il chante : « 0 ma patrie .' O ma terre mère ! — Que le soleil
toujours vous éclaire, — dans la ;iaix sereine et la puissance! —
Salut! J'ai étripé ceux de l'obscurité; — je me ris du corbeau et de
ce qui fait mourir! — Je suis le petit coq de la Liberté.
ï)Le peuple enfin te voit triomphante, — ô Déesse fîère et revi-
viliante! — avec ton haleine harmonieuse et pure, — qui souffle à
plaisir courage aux travailleurs, — et qui, me frôlant, me hausse
jtar les airs, — vers toi, Liberté, qui fais le bonheur,
ïLes hommes meilleurs et les nations belles, — leur ornant le
front de feuilles nouvelles — et même de vigueur remplissant leur
A TRENCH D AUBA 87
O lura I que jamais toun tlam noii^s'escounde!
Sus toun pedestalh d'ount gaitos le mounde,
Veni, Libertat, pansa moun ram d'or. »
A. FouRÈs.
Sflembre 1877.
cœur; — ô lumière! que jamais ton éclat ne disparaisse! — Snr
ton piédestal d'où tu regardes le monde, — je viens, Liberté, poser
mon rameau d'or. »
A.. FounÈs.
Septembre 1S77.
A TRENCH D'ÀUBA
Ja de ta finestreta
Trucant als vidres entelats, lo dia
Te ve à oferir, nineta,
Un mon, com no '1 podria
Ni en somnis fabricar ta fantasia.
Son canastrell de perles
Bujdant festiua va per ell Faurora,
Y rossinj-ols y merles
Ab gajs cantars, â l'hora
I.a llum saludan que 'Is espajs colora,
Saltant grahons de molsa
A I/AUBE
Déjà de ta pcùlc fenèlre, — frappant aux vitres ternies, le jour —
vient t'offrir, enfant. — nn monde tel qu'elle ne pourrait jamais, —
ton imagination, en créer de semlîlable par les songes.
'Sa corbeille do perles, — l'allègre aurore la verse dans le monde,
— et les rossignols et les merles, — de leurs gais refrains, à la lois.
— saluent la lumière qui co'ore l'espace.
Baignant la verte mousse, — la fontaine joyeuse et riante coule,
88 DIALECTES MODERNES
Corra la l'ont alegre y riallera,
Deixant de sa véu dolça
Y sa jlusiô primera;
Escumes j remors per la pradera.
Y escampa Foretjada
Ruixats de perles trontollant les fulles,
En tan que à la besada
Del Uabi séu, remuUes,
Les flors despertan de perfums curulles.
Amor, natura tota
Engalanada ab sos jojells desperta,
Y riu, flayra o rebrota
Y un cântich dolç concerta
Que al esperit del leixuch jou iliberta.
Corrents d'or fus y ratxes
De tebis flajres per tôt Uoeh rodolan,
Y mentres valls j platxes
Y serres s'arrebolan,
Relilan gralles y oranells pidolan .
Deixa donchs ta cambreta
Y en lo festi de Tauba à barrejarnos
Corrém, que alli, amoreta,
— laissant de son doux murmure — et de sa j remière illusion —
l'écume et le bruit qui résonne dans la prai'-ie.
1/air frais répand, — en agitant les feuilles, une grêle de perles;
— liindis que, sousuu doux baiser, — le zéphyr humecte ses lèvres,
— les tleurs s'ouvrent à l'aurore et parfument les airs.
L'amour réveille la nature entière, — embellie de tous ses atours;
— elle rit, elle respire et bourgeonne; — puis, par un doux cantique,
elle ordonne — que l'esprit soit affranchi de tout joug pesant.
L'or coule on ruisseaux limpides, — de doux parfums s'exiialent
partout ; — et, tandis que les vallées, les plages — et les montagnes
se colorent, — les cornemuses résonnent et les hirondelles pé-
pient.
Quitte donc ta petite chambre, — et au festin de l'aube allons
nous mêler; — courons ; là, mon amie, — nous pourrons nous
I
A TRENCH D AUBA 89
Podrém d'amor parlarnos
Y ab roses l'un al altre coronarnos.
Lo bpaç à les espatUes
Y unides per l'oreig les cabelleres,
Aném, com dues guatlles
Saltironant lleugeres,
CoiTent les hortes y trascant les ères.
Y alli, al cim de l'altura
D'aquella serra liont te mes llum lo (lia,
Lo cel blavor mes pura,
Y l'ayre que destria
Los brins dels pinatells mes armonia ;
Alli podré en mos polsos
Sentir lo nou bateig- d'ajgua sagrada.
Que de tos llabis dolços,
La fout may estroncada,
Prodig-a dona al qui 't té fe jurada.
En pach de mer ce tanta,
Ta falda ompliré jo de fruits gustosos
De tota lley de planta,
De flors, y de xamosos,
Nius de pardals axiribits y hermosos.
parler d'amour — et nous couronner mutuellement de roses.
Les bras enlacés, — les boucles de nos chevelures par l'air mê-
lées,— allons comme deux cailles. — qui, sautant légèrement, --
parcourent les vergers et traversent les airs.
Et là, tout en haut, sur le sommet — de cette montagne où
plane la lumière du jour, — où le ciel est d'un bleu plus pur, — où
l'air qui se joue — dans les branches des pins a le plus d'har-
monie,
Là je pourrai, sur mon front, — sentir le nouveau baptême de
l'eau sacrée, — qui, de tes douces lèvres, — fontaine toujours fé-
conde,— coule avec abondance sur celui qui t'a juré sa foi.
En récompense de tant de bonheur. — à tes pieds je déposerai
les fruits les plus savoureux. — les plantes de toute espèce^ — les
fleurs les plus belle.-; — et des nids d'où s'échappent des gazouille-
ments enchanteurs
90 DIALP]CTES MODERKES
Y anant tôt de passada
Esbarjint jo papallonets j abelles
Que al veurer ta faldadada
Voldrant, per se mes belles,
Floi's de tes galtes, cada jorn novelles ;
Se 'n tornarem à vila
Gantant abdos une tonada ajrosa
Com lo jovent estila,..
Jo ab veu del cor conmosa
Y tù, roja del sol, com maj hermosa.
Amor, Fauba garrida
A ta porteta s'ha vingut à seure,
Per darte, desseguida
Que '1 cap t'hi veja treure,
La dolça copa del plaher à beure.
Obrala donchs, totduna
Corra à mos braços, beu, y una glopada
Deixan, amor, sols una,
Pel qui no surt Taubada
Mentres no sent Tescalf de ta mirada.
Francesch Ubach y Vinyeta.
Puis, lorsque nous cheminerons, — j'écarterai les papillons ei
les abeilles, — qui, en voyant ton bouquet, — choisiront, les trou-
vant plus belles, — les fleurs de tes joues, à chaque jour nouvelles.
Nous retournerons au village, — chantant tous deux une gra-
cieuse chanson, — de celles que chiinte la jeunesse. . . — Moi,
d'une voix, comme mon cœur^ émue ; — toi, rouge par le soleil,
mais plus belle que jamais.
Mon amour, l'aube charmante, — à ;ta petite porte est venue gra-
s'asseoir, — alin de t'olTrir, aussitôt — que tu t'en approcheras, —
la coupe- du bonheur pour y boire à longs traits.
Ouvre-la donc; viens vite, — cours à mon bras ; approche tes
lèvres de la coupe enchanteresse; — mais laisses-y, mon amour,
une goutteUîtlfi — pour ceux qui ne verront pas briller l'aurore, —
lorsqu'ils jouiront (lu doux feu de ton regard.
l''rancois Ubach y Vinyeta.
LOUS POULEITS
Unafemaa, autreis cops, pounava à soun curet,
Au coumençament de Tannada,
Un parei de pouleits. Daus paubreis de l'endret
Qu'era la renta acoutumada.
De soun paniè quand lous tiret,
La marchandiô gaire presava.
Lou curet, que lous sôupesava
E qu'aviô Ter de lous troubà pitits, .
Li disset : « Eitranuden-t-is ? »
E la femna, que s'eitounava
De la question, li disset; « Nou. » — ^ Tant piei !
Li disset-eu, co fai pas lur eiloge.
Ma brava femna ; un auriù lou plasei
De lur reipoundre : « Dieu vous froje ! »
A. Chastanet.
(Périgourdio, Musïidan et ses environs }
LES POULETS
Une femme portait autrefois à son curé, — au commencement
de l'année, — une paire de poulets. Des pauvres de l'endroit — c'était
la redevance accoutumée.
Quand elle les sortit de son panier, — la marchandise n'avait pas
bonne apparence. — Le curé, qui les soupesait — et qui semblait les
trouver petits, — lui dit : « Éternuent-ils ?» — Et la femme, qui s'é-
tonnait— de la question, lui dit : « Non. » — « Tant pis ! — lui
dit-il, cela ne fait pas leur éloge, — ma brave femme ; on aurait du
plaisir — à leur répondre : « Dieu vous profite! »
A. Chast.\ni:t.
BIBLIOGRAPHIE
CORRECTIONS DU TEXTE d'eSTIENNE DE FOUGERES
(Addenda à l'article de M Boucherie)
C'est à M. Boucherie que l'on doit la première notice sur un ou-
vrage qui est de la plus grande importance pour l'étude du dia-
lecte normand, le Livre des manières d'Etienne de Fougères, évê-
que de Rennes, qui vivait au milieu du XII» siècle. Tandis que
M. Boucherie en préparait une édition, M. Talbert, ignorant ce
détail, publiait la sienne (Angers, 1877, in-4o). Dans ce début de
l'éditeur, connu d'ailleurs par son travail sur le dialecte blaisois,
se trouvent un grand nombre de fautes de lecture qui trahissent
une inexpérience paléographique peu commune. La Revue de
Montpellier publia dans son numéro de juin 1877 (n" 6), p. 252-262,
une étude remarquable de M. Boucherie sur ce texte, suggérée
ou par la comparaison de sa copie avec le texte autographié ou
par ses solides connaissances philologiques.
C'est avec un extrême intérêt que j'étudiai et le texte de
M. Talbert et l'article de M. Boucherie. Malheureusement il se
trouvait qu'il restait, après tout, beaucoup d'endroits corrompus
et de mots énigmatiques qui réclamaient impérieusement des
éclaircissements. Me trouvant en ce temps, par hasard, pas trop loin
d'Angers, je résolus d'examiner de nouveau le manuscrit, ce que
je fis au commencement de septembre. Cet examen a donné lieu
à maintes corrections, qui malheureusement ne portent souvent
que sur l'orthographe du texte (l'éditeur s'est laissé entraîner
trop souvent par l'orthographe actuelle). Je me suis assuré que
l'éditeur avait eu une tâche ardue, le manuscrit étant écrit jjar
un copiste négligent, et à ce qu'il paraît très-pressé, dont l'é-
criture, en certains endroits, ressemble tout simplement à un
griffonnage presque illisible. C'est précisément dans de tels en-
droits que l'éditeur montre quelquefois une rare pénétration, qui
nous fait très-bien augurer des travaux semblables qu'il prépare
pour l'avenir.
Les lignes suivantes contiennent le relevé de ma collation,
auquel j'ai ajouté quelques-unes de mes corrections. J'ajoute que,
une fois le mauvais état du ms. constaté, je n'ai consacré que
deux heures à son examen, d'autant plus que M. Talbert nous pro-
BIBLIOGRAPHIE 93
met une seconde édition de ce texte. Cette édition ne devrait pas
manquer d'un glossaire, qui apporterait à lui seul plus de mots
nouveaux qu'une douzaine d'autres textes de la même étendue.
Je ne relève pas les passages et mots corrigés par M. Boucherie,
sauf les cas très-rares où il doute de sa leçon et où il y a quelque
remarque à faire.
3. enivre] eiurej ms. — il. moult], 7nlt (avec l'abréviation habi-
tuelle) ; c'est sous cette forme que le m.';, présente le plus souvent
le mot qui doit être écrit molt et, pour la lin du XII* siècle, mouf.
— 32. Corriger la virgule après deceiventen ])oint. — 40 {b21).Etrebei-
vent cel qu'il (corr. que il) hrascent. M. Talbert corrige cel en ce; cel
(neutre) n'est pas moins bon, bien que cette forme ne soit pas si-
gnalée dans les grammaires. Le premier qui l'ait relevée est, à ma
connaissance, M. Mali dans son Comput, p. 108, qui cite jjot cel
estre, etc.; comp. le Traité du pronom en français de M. Gessner,
I, p. 32; s. Brandan 1708. Bartsch, 123, 30. De même cest, ibid.,
93, 10. — 45. fensor (=trésor), V. s. -Brandan 1754, répond au latin
thensaurus, et s'est maintenu dans le breton tensaour ; voy. Dioz,
Dict. étym. — 18. Tort un bestenc, en marge: subj . pr. de torner.
Je ne connais pas la locution torner un bestenc (:=dispute) et je
corrigerais tort en sort (surgit). — 50. malveise] mulueisse. — 55.
vençon] tencon {^t p:)inié,u au-dessus). — bl. 2ieis]peiz. — J8. La corr. de
M,B. est bonne, mais non nécessaire; l'hiatus, après les mono-
syllabes s^, sej ni, ne, qui, que, etc., est légitime. — 59. coueitisse.
— 63 Les maus tondre et estaucier. M. Bouclierie préfère esUmcicr
= arrêter. Le sens, il est vrai, serait excellent ; mais il l'est aussi
si l'on garde la leçon du ms. Il y a un verbe estaucier, synonyme
de bertauder, reognier = tondre, couper. Cliget, 19il. Et cil fièrement
hs enchaucent Qui les reoignent et estaucent. Barbazan, lil, 80, 135.
Ces biaus crins a fait reoignier, Corne valiez fu estauciée. Dora Car-
pentier se trompe (Du Cange, VII, s. v. estauceure), quand il donne
au verbe estaucier la signification de parer, habiller, ce qui a été
répété sans aucune critique par Roquefort, Henschel et Hip-
peau. il suffit de lire les passages cités d'un fabliau qui se trouve
dans Barbazan, III, 78, 77, et dont nous venons de citei- un autre
exemple. — 6i. cerf] cers. — 65. desconvenue] descouenue. — 66.
corr. enoinz. — 67 gens] genz. — 69 dis] di — que a. — 71 . Dont'
Dom, ce qui se trouve souvent dans les textes normands. — 75 ben]
bien. — 76. peut] pient. — 77 raison] raisson. — 78. sans] sanz. —
80. messon. — 94. lia. — 94. Esgaugrinier. — 99. enn a] en«a, m.^.,
c'est-à-dire enn'a ; inde = inné, enne, qui a donné les deux formes
en et ne en vieux français, mais dont la première seule a survé'^u.
9 1 BIBLIOGRAPHIE
— I07. Nendis, je propose ne neis ; de môme v. 1154. Nentets —
11 i. cuivert], le ms. donne cuurert, ce qui est faux. — 118. ip6rt\
ipp'^itt (8 |iointé). — 121 . mortel] mortoZ.— rl23. A sonjor en avra sa
tche. (lonip. pour le sens Besant 173- (quand il mourut), N'otque
.tiet pifiz tant solemenf, A tant revint son tenement, et la noie de
M. -Martin — I26. La correction de M. Boucherie {fols, est excel-
lente.— [3i. pécheras. — 142. ms. <ent?/'e (^ pointé et surmonté de c)
1 îG. net] nez. — 148. dont le] dom li — corr. princes. — 151 . corteiz]
cnrteis. — 162. corr. nen est. — 163. le(s) cOmons moz (m biffé et
surmonté de m), 1. voa(*vôtos) — 164. too2 (avec, o fermé) ?. — 170.
grans] granz — 172. ent] enz — le vers 178 se trouve placé, dans le
nisc. après 180, à la fin de !a strophe. — 186 eteive] 7 em', c'est-à-
dire et mer {et deux fois). — 196. aurunt] aurut; le copiste a oublié
le trait au-dessus d'«. — 200. ms. îioaZa, avec abréviation au-dessus
de z — 203. qui enpeire], msc qui est (biffé) êpe{p barré). — 204. Et
cels que donne le msc. est faux ; lire ou avec M. B. Icels ou 203. qui
est peire De cels. Écrire encore 201. avolteire 202. teire à cause de
la rime. — 209. Lor soignanz peissent, lor mestriz, Del patremuine au
criicefiz. Qu'est-ce que mestriz? Il est clair que c'est un synonyme
de soignanz (maîtresse). Mestriz du msc.= metriz (comp. mestre aii
V, 172 = mettre, mittere), qui, à cause de la cacophonie produite
pir les deux r du mot originaire, est pour mertriz = meretricem;
comp. serouge:^ serorge, abre ^= arbre, preste = prestre. Le génie de
l.i laiiLTue a trouvé encore un autre moyen pour éviter le son dé-
sairréable de deux r dans un seul mot. Comme au lieu de j?ermK
forterece, miserere, cribre, berfroi, on disait pèlerin on perelin. for telece.
misereie crible, bel/roi, on trouve de même la forme meltrizan lieu de
mertriz. (jui donne (conformément à l'analogie de bels=biaûs,)miau-
triz, mautris; p. ex. Gaydon 130. Aliscans 80.— 220.1. Qu'au. — 222.
Qui de usure nen a roable. Je doute que l'éditeur ait compris ce vers,
(lu'il n'a ])as bien lu ; le msc. donne la bonne leçon : Qui de usure.
(lisez : d'usure) rien aroable. Voici le sens : Les prêtres anathémati-
senl celui qui amasse (aroabler) quelque chose {rien) par usure(rf'«-
sure). Roable, en bas-latin rotahdum; dans Caton, Suétone, etc., ru-
fabulum, paraît aujourd'hui un terme vieilli (il man quedans Littré,
se trouve dans Sachs, mais le mot s'est conservé dans la forme
contractée râble), d'oîi aroabler = propr. ramasser avec un râ-
teau.—22i. de monte et,comp. 63. 172.233.699, etc. On sait qu'il
y a des textes qu; permettent l'hiatus, quand l'emuetdu premie
mot est appuyé d'une consonne double — 231 . au lieu de ci ceste
ice, que donne l'éditeur, il y a dans le msc. ci cestior, qui me pa-
raii irréprochable. L objet du verbe creire se trtiuve dans le vers
BIBLIOCtRAPHIP: 95
suivant, cest ior, c'est l'accusativus iemporis, ci = ici-bas, chez nous
— 232. moine] monie. — 233. Arcediacre et deien Icil sunt el biensei
queien. J'avoue que je n'y comprends rien du tour. Heureusement
les mêmes mots énlLrmatiques se retrouvent v. 96". Le for/et re-
vient au deien. Si refetplor ne sei queien : ici je comprends : i)leur ne
sais lequel ! On connaît l'adverbe queinemenf, queinnement, qui est
très-fréquent dans un texte normand, la Chronique de Beneit ; ici
nous trouvons l'adjectif dans sa forme primitive queien, que je
m'explique de quid-anus, cf. meanus. Pour en revenir au v, 234, je
propose donc de lire, en attendant mieux : Arcediacre et deien [i]
Cil sunt el bien {ne) sei queien = non sapio. quales. c.-à-d. = ne
v.ilent pas grand'chose. — 238. Il est plus simple de lire ici au lieu
de ci. — 240. si est meilor que sainte Jame. Il est inutile de chercher
cette nouvelle sainte dans un martyrologe ; il faut lire jame =
gemma. — Après cette strophe je suppose une lacune. C'est ce
doyen qui vient à la maison du curé, soupçonné ou accusé d'avoir
des maîtresses, à cause de l'enquête pour constater le fait. Or
suit V. 241 . qui ne s'accorde pas avec le texte de M. Talbert. J'ai
lu : Orri comandent (co surmonté du tiret horizontal) con (en abrégé)
augie — r. — 242. estragier ; on pourrait lire aussi bien oltragier .
245. Après ce vers, on lit dans le msc : que lostel en ser—a. Suit
246: Quel'ostel en sera curé, c.-à-d. de la maîtresse. Cwrer = net-
toyer; V. Littré et Mir. N.-Dame, 11, p. 353, v. 125. — 249. clierc.
— 251 . famé. — 271 . msc : l copase {co surmonté du tiret horizontal)
tôt a (a pointé) a auour (?) — 272. secon] seron, bonne forme, qui
se trouve Mont-s. -Michel, 1085. soron, Disme de pénit. 503. se-
ront: secundum a donné \.segont, segoyii. *seon, forme hypothétique,
qui s'infère de la forme son, som. 3. se-r- on, Vr étant intercalé
pour détruire l'hiatus, comme l'a démontré M. Tobler (Zsch. f.
vgl. Sprachf.. III. 4.), comp. estuire, remire, etc. 4. selon avec le
changement ordinaire d'r en l. — En ce qui concerne cette stro-
phe. M. Boucherie avait raison de la qualifier d'obscure, « même
après les corrections de M. T. «J'aimerais mieux dire que les
corrections sont toutes impossibles el ne donnent aucun sens ;
d'ailleurs, elles pèchent contre la rime. La rime est en ou, non pas
dans la prononciation française moderne ( = w allemand), mais
comme diphlhongue avec la prononciation de I'om (ôom) en pro -
vençal.Ou pourrait répondre au latin OÛ=ô, comme le croit M. T.,
corrigeant yowr, ^owr, amour; mais alors /o«r ^ furnum, fr. four.
- Dans notre cas. c'est plutôt = ô, cf. 1091. 1113. 1117. etc., soi!
qui se produit du latin ') au '^), ô en position et ^), hors de posi-
tion, ijuand il ne diphtbongue pas.
96 BIBTJOGR\PHIE
Je vois dans four =fuer, et de même l'espour ( c'est comme cela
qup l'on doit lire, au lion de les pour, qni ne donne pas de sens ) =
Vesjmer, employé ici dans un sens métaphorique. J'attends que
l'on m'explique le dernier mot, qui reste obscur: auour, qui devrait
être = avuer. que je ne connais pas (augùrium? cp. dilûvium =
dclouve, deluve, et flùvium = flueve, fluve. Comp. oi = ou et le
porlg. agouro à côté de l'esp. aguero.). — 27(3. eraalent, msc.
corr. enmallent ( mettre en malle ). — 283. sabandone. — 288. qui
= si l'on. — 293. meneir. — 310. Je corrigerais : Penst à Judas qui V
sfit eniendre . — 311. Jhesu. — 315. meitre, v, 187. — 326. revirer, qui
signiûe en vieux français craindre, redouter, ne vient-il pas de
revitaref — 330. ^^oZe à côté de potde, pule ne doit pas être changé. —
331. toz — tochier. — 334. ni] ne quil ni foche. et (abrégé) uoche msc.
— 33.5. quil blasme o boche ( le 6 de blasme était d'abord un ^O- msct.
— 339. n'en] 1. nen. — 340. suivra] siliura msc, 1. sivra. — 346. Neust.
— 352. communer (co surmonté du tiret horizontal). — 357. Dau-
mones uit aumon' (avec une abréviation à la fin) seit. — 365. &one ]
lanf — affaire est en sa qualité d'infinitifdevenu substantif, toujours
masculin en v. français. — 383. gueires. — 399. sanz. — 400. Toz
cels. — 401 . L'initiale (A) manque, 461. — deit (t pointé) (= dei). —
408. Le texte donne tierite, en marge charité. — 413. Nenprunt. —
421. con. — 424. rZeir^/par l'intermédiaire de dueire = duire cf. 204,
4'i9, que l'on dérive ordinairement Aedûcere, lat. û ne pouvant don-
nor ue, il vaut mieux prendre dôcere, comp. Frag. de Valenc. Pour
la rime, il faut corriger sofeire, esleire, leire; de même dans la stro-
]ihe suivante : neîVe (nocere), teire (mateire mscr.), despeire, comp.
201. sqq. — 441. no est aussi bon que do 289. — 343. J'hésite si
je dois lire ou a tort ou en acort. — 451 e] msc. 7 {et abrégé) de même
957, etc. Le msc. donne tantôt cette abréviation, tantôt e et et. ■—
khi. le {e pointé) apostre. — 458. Qua,^^ imreiliez est do martire
( a en surcharge au-dessus d'une lettre empâtée ) prima manus. —
kij[; et] est msc. — 467. corr. repentanz. — 468. le msc. semble
plutôt donner roa?7er, mais la leçon n'est pas sûre. — J'aimerais
mieux que les deux strophes cxviii et cxix ne vinssent qu'après le
V. 484. — 471. quant] qua ( a surmonté du tiret horizontal). —
481 . nosire. — kSb. chief. — 491 . enleidist l'areine. — 497 . Neuiuge (V —
i99. «m/c— 507. corr. £(((?)— 511. ^7] corr. lui.-^hVi. Desor]Desoz
— rart/innZ (écrit d'abord cardonal,o pointé et surmonté de i). — 516.
c'minaZ (avec abréviation au-dessus de c)=creminal. — 536. meintenir.
— 539. qui msc; on s'attend plutôt à voir les chevaliers défendre
ceux qui se plaignent des autres et non ceux qui font les autres
'ilaiiulre. En outre, prendre ei défendre ne riment pas a.\ec jileindre
BIBLIOaRAPHlE 97
et esteindre. Je propose donc : 537. ceiiuire. hàH. destreindre . — 554.
no)i\'f La leçon du nisc. n'est pas sûre; la première lettre commence
avec la forme d'un n, après il y a une petite tache. — 558. Jl,''et. —
565. smiz. — 567. Issi soleiz {'i)perere (corr. perier) garder. — Les vers
567.8. sont transposés dans le msc. , mais leur vraie place est indi-
quée par un signe de rappel. — hl'i.machie .niicv. — hTi.refrapa. — 574.
uescot (u souligné et corrigé en r) tre ^e surmonte d'une abréviation) ,
— 575. >S(7(l.cil) s'emmarit et cil s'engahe= L'un s'en tâche et l'autre
s'en moque. — 577. cher] ms. ch'es (avec abréviation entre c/i et ej
corr. chiers. — Après ce vers, on en lit dans le ms. un autre : Quar
li tiilen portât les sapes, qui est reproduit, mais corrigé dans la ligne
suivante. — 578. somes ( o surmonté du tiret horizontal;. — 579.
quant ] q^. — 580. cJienallers. — 582. crestien suLien, le premier bilIé.
— 585. L'initiale manque comme souvent. — 6U0. Changer le point
en virgule. — 6i9 dit msc. -635. mersier] menoier. —638. depris.—
648. Corr. ("îj : Qui seront mal etdegeiic. — 660. L. Mis'' est justise.
— 662. Il faut lire D'escommwvje. — 669. entreamer. — 673. Li —
l'hiitiale manque comme 801 (Usez: [A]s), 873. voir la note de
M. B., 973. 1253. — 679. saiis. — 683. seime{i surmonté du tiret
horizontal; = seî/i?/ie. — 683. hère, corrigé par Téd. en /terce; j'y
verrais volontiers la 3. sgl. du présent=ara^; ici, dans le sens res-
treint: recouvrir avec la charrue. — 685. paliz. — 697. uigne (i
surmonté du liret horizontal )= vingne, — 69S. enerre\. J'ai repro-
duit Udèlement les traits du mi<c., qui donne plutôt enerde. — 699.
grinne = grigne. On connaissait déjà grignier et grignos. — 702.
Ne il, qui est la bonne leçon, n'est pas ne illum, mais ille, se.
vilain. — 712. retreites. — 719. que] q^K — 723, 727. ge. — 728.
quei{s)] q°is. — 729. parseit ] par sert ^ servit). — 735. quanz g ■ et q
.surmonté du tiret horizontal; semote (o avec le tiret horizontal) ? —
736. iarbe. — 746. MM. T. et B. corrigent le vers. Je le trouve
parfait ; seulement il faut lire regain, c'est ce que demande la rime.
Voir le simple ga-i7i, cité par Henschel et assuré par la rime.
— 747. féal] le msc. donne juel ou. Jcel = icel. — 749. contout. —
750. vaïr a. été bien expliqué par M. B. ( = uic?e/-e) ; l'autre mot
qui l'embarrasse est el nombre. —761. A cel {l q\\ surcharge) g
( surmonté de i ) set. — 7C2. goûtes. — 766. dôme ( 1. deme, comp.
745). — lèS.Porceqnepoeut emjoir (?)= Por ce que n' en poeit joir (?;.
— 769. Garder Dex: Dieu fut bon prêtre du don d'Abel (?), puis-
qu'il accepta et brida l'ollrande. — 770. mein. — 772. Puis lari
tôt osunfou (o au-dessus d'un u pointé) celistre. — 780. le sot] losot
(l'osait). — 781. enhait en un mot. — 783. ensenble. — 792. sei-
sance^ que M. B. lit reisunce, que je ne connais pas, est écrit dans
i>8 mBLIO(iRAPHlE
lo ms . /eisarice, qui convient partauenienl. Ponr son sens, voir le
^1. fç. de D.-C. s. V. fauancel. — 793. fwn.i\ ms. d (avec abrévia-
tion ) = mnt. c'est-à-dire >< sunt voi)is maii magistri.» — 795. sedes-
tre] je lis sodestre ; je ne connais ni l'un ni l'autre. — 803. segou. —
8U4. leial. — SOj. Menaleral. — SOS . areckeanl msc. — SV'l . coveistise .
— 81'4.ne faut-il pas quauque =qualenique ? — Siô.deit. — 817. eive.
— 83i . Mescil en reseit. — 837 .II. — S'il .D ras viez si ( insc.) done
fan treis ( msc. t^is) i^eire. — 848. la quitance. et non sa quitance.
(Sôy corr.sW« (se. sa femme) ni. — 86t. Mes face la beivre a la jallt
v.Diez u c. et D.G.s.v.; c'est le mémo vaisseau qui, 865. est
:ioinmé/a seille. — S^'à.acoust, je crois avoir lu aconit; il me semble
que le sens de ce vers doit être : et qu'il la batte ; — corr. atornt.
869. p mettre (tiret horizontal au-dessus du p) = pi'emeitrean lieu de
prametre; cf. tremeitre 87 2. — 882. M . B. a bien lu. — 885 (sa desme
r -nde) Del gaain qu'il pora ve[e]ir = qu'il pourra apercevoir. — 888.
aveir — S'èO. Som — ne ne (e surmonté du tiret horizontal) es(ende—89\.
ci\ si.-^S^I. jen'en saj,\. sai. — 893. = B. — 897. msc. Ne fats (a et t
pointés, ien surcharge=iVe^s = feci [féis serait la 2™« personne) —
/et doit être corrigé. — 901. Quan. — 909. Qui dez (decera) dez p (avec
aitrévialion semblable au 8 horizontal) {= 2Jor)yî{?) .i .fet il (?)preste.
— 9\\.lede. — 912. ceste ( cessitaL)ile M B. exisle-t-il réellemenl
on v.fç.? — 913. ma', 8 — 924. Parjura s'en v. i.i.i. ou nof ==huit [feis\
ou nof. — 933.msC. quedoge {que avec une abréviation qui n'est pas
letiret horizontal), (inconnu) — 945 ' cegoine — 9i6. charone (o avec
liret horizontal) —949. vos- 950. = B. — 954. lire avec T.— 961 .
= B. — 969-971. nos] vos. — 912. =B.— 973. L'iniLiale D manque.
— 991. ne voie, voie ne peut ètve =:s videat, qui donnerait dans
notre texte veie. Corr. nen oie -.= non audiat. — lOOl. que. — 1004. ^ar
un ^= per unde, au lieu de par où ; voir ma note dans la Roma-
nische Zeitachrift^ I. 148. pour le v. 612. — past est lesubj. dépasser
— 1032. l'ofelte — 1035. meniere — 1041. tient] mâc.t'^lt=. trait —
1048. corr. Que.— 1057 se] sei — iOli. prier] p'ter (avec abrévia-
tion au-dessus du p) = preier. —1075. trouer du-msc. est tout sim-
plement trover = trouver. — ir,83. isi — 1084. Dun — 1104. msc.
ruer. — 1105. i.jieu. — 1109. piquenpance . — 1110. sanz — 1122 crq/Te
--H23 v. à peine lisible ; on voit q. coramo Lunfor(?) tet (? ,
7 {e« abrégé) haute polie. — 1121. roffle. — 1131. /«we. — 1139. S'unt
j)Oint après guile. — 1147. corr. celei. — 1156. corr. de. — 1 160 re
leison. — 1 174. [qui ques (=queies) treisse=fruisse aa lieu de*lrueisse.
— 1176. toz. — 1185. I.i corr. do B.est bonne, mais n'est pas néces-
saire (quomodo illud cogitn, je peut manquer). — 1199 ase-ent est de
trois syllabes. (|uoi (ju'eii dise M. T. — corr. {chusteaus) [et] as. —
BIBLIOGRAPHIE 99
1206. Seit. — 1216. Cels. — 1223. jovenor étant de deux syllabes, il
faut corr. [Et] U, etc. — 1229. norie. — 1233. marchiez. — 1235. oj7,
cil — 1236. clos et enp. — 1253. L'initiale manque. — genz — 1263J
osez. — Le vers 1267 est de la fanon de l'éditeur, de même que le
V.1286. — 1270 8M^: mj. —1271. dapnez] msc. daguq(1)— 1279. il
manque une syllabe (à dreit). — 1293./e«s] si je ne me trompe, le
msc. donne/rej2!. — 1301. Crapauz. — 1311. corr. Michiel. — 1329.
preiere, de même ViM . noz pveieres . — Vi'ifi . Estemure 'ï . , Estenvre
B. Esteinvre, msc. — On connaît les habitudes des copistes nor-
mands, qui écrivent te au lieu de ei, et vice versa. C'est ainsi ([ue la
bonne forme est Estienvre , qni se trouve, par exemple, dans le Ro-
man du Mont-Saint-Michel, v. 65. — 1340. X>ow — 1344. noz.
AVendelin Foerster.
PERIODIQUES
Remania, 24. — P. 481. P. Meyev, Mélanges de poésie française.
Cet intéressant article se divise en quatre parties : 1** Fragments
d'une rédattion de Garin le Lorrain en alexandrins ; 'i° le Poème de la
Croisade, imité de Baudri de Bourgueil, t'rairment nouvellement dé-
couvert ; 3o un Prologue en vers français d'une histoire p)erdue de Phi-
lippe-Auguste ; 4" \xn Plaidoyer en faveur des femmes. Le curieux frag-
ment du poëme de la Croisade est accompagné d'un /ac-szww7e pho-
tographique. P. 492, Saveir coment illefront, que M. P. M. corrige en
Saveir corne le feront, doit se lire S. com leferont ou, si l'on préfère se
tenir plus près dums., *S'. coment lefront. P. 497, v. 33-34, reportez
la virgule du v. 33 après por voir du vers suivant. P. 502, v. 43,
au lieu de Mes unes jens desloisont la, lisez Mes unes jens la desloifont.
Ibid. Je ne comprends pas le v. 45. V. 48, je lirais [E]priegne d'els.
V. 87, il n'est pas nécessaire de changer la leçon du ms.. la pré-
position « pouvant se sous-entendre en pareil cas. — P. 504. A.Mo-
rel-Fatio, le Roman de Blaquema, notice d'un ms. du XIV'' siècle.
Étude irès-soignée. M. M. -F. a eu soin de mettre en regard le
texte du ms. Piot et celui de l'édition de Valence, 1521, et, à la fin
de son travail, le texte latin en regard des deux autres. Sans entrer
dans des recherches philologiques minutieuses, qui n'auraient pas
reposé sur une base suffisamment étendue, M. M. -F. fait remar-
quer que la langue du ms. Piot est un catalan fortement impré-
gné de formes provençales. Il ajoute que cette particularité est im-
100 PERIODIQUES
piit;i!)le au copiste plutôt ijua l'auteur, Ramon Lui), dont un autre
uuvra;j;e. le Libre de maravelUs, est au contraire écrit dans un cata-
lan r-'lativenionl trus-pur. — P. 529. E. Cosquin, Contes pojmlaires
lorrains recueillis dans un village du Barrois, à Montiers-sur Sarilx
{Meuse} (suite). Voici les titres de ces différents contes : le Petit
Bossu, Richedeau, la Biche Manche, Jeanne et Brimboriau, le Poirier
d'or, avec une variante» les Clochettes d'or», la Laide et la Belle,
h' Cordonnier et les Voleurs, le Sifflet enchanté, Ropiquet, le Taureau
d'tir. la Pouillotte et le Coucherillot, le Foie de mouton, l'Homme de
fer. — P. 588. Mélanges: 1° Pruehes{Gi. P. ). Explication définitive
et complète de cette vieille locution française. 2o Deux Jeux-Partis
inédits d'Adam de la Halle (Gaston Raynaud ) . Ces deux jolies piè-
ces avaient été oubliées par M. de Coussemaker, éditeur des œu-
vres complètes du célèbre trouvère artésien. P. 593, v. 47, cam est
une faute de lecture ou d'impression. Lisez tarie, tourmente. Z^ Le
redoublement des consonnes en italien dans les syllabes protoniques (Hugo
Schuchardt). Article concluant dans sa brièveté. 4° CAarree(=cen-
dre lessivée), (=appât) (Gh. Joret). Lapremièrede ces étymologies
reste douteuse. Joindre aux différentes formes citées le limousin
tsndrier, que m'indique M . Ghabaneau. 5° Un débat chanté (V . Smith).
G** Fragmentd'une complainte du Juif-Errant ( V. Smith ). IM. V. S.
prouve que certaines allusions à des faits historiques feraient re-
mouler la composition de ce fragment à 1592 ou 1596. — P.
GiiO. Corrections. M. P. Meyer revient sur les textes publiés par
lui dans la Romania, d'après le ms, bourguignon, addit. 15606 du
Musée britannique, faisant de lui-même les corrections que lui a
révélées une seconde et plus attentive lecture de l'original. P. 603,
1. 31. et règne avec lui sans lui. Lisez « et règne avec lui sans^w, »
P. 604 (P.-S.) Z)e sa main se soigne. Lisez, avec M. Constants,
seigne = signât. Revertir ne convient pas autant pour la forme
que pour le sens, du moins si on le rapproche de la leçon du
ms. reparir. — P. 605. Comptes rendus: 1° A. Darmesteter, De
Floooanle vetustiore gallico poemate et de merovingo cyclo (G. P. }.
Compte rendu très-détaillé de la thèse latine de M. A. D., et fa-
vorable, sauf quelques réserves. 3o E.-L. Edstroem, la Passion du
Christ, jioëme jirovencal d'ajjrès un ms. inéditde la Bibl. de Tours.
Gœteborg, 1877 (P. M.), Peu favorable. 4" Gaston Raynaud, Étude
sur le dialecte Picard dans le Ponthieu, d'après les chartes des XIII'
01 XIV' siècles (1254-1333). Paris. Franck 1876, in-8«, 123 p.
(G. P. ). M. G. P. reproche à l'auteur un peu de précipitation et
une ceriaiue obscurité, mais trouve que son mémoire est bien exé-
cuté etapporte des résultats intéressants. 5** James-Bruys Andrews,
CHRONIQUE . 101
Vocabulaire français -7nentonais . Nice. 1871. in-12, 174 p. (P. M.).
Peu favorable. 6" Abbé Léon Bellanger, Etudes historiques et j)hi-
lologiques sur la rime française. Essai sur l'histoire de la rime, prin-
cipalement depuis le XV* siècle jusqu'à nos jours. Paris, Mulot,
1876; in-8», 302-26 p. ( G. P. ). Favorable. — P. 626. Périodiques.
— P. 685. L,hronique. A. B.
CHRONIQUE
Le Comité dont nous annoncions la formation dans l'avant-
dernier fascicule de la Revue s'est donné le nom de Comité des
fêtes latines, et il a constitué son bureau de la manière suivante :
Président: M. Charles de Tourtoulon. Vice-Présidents : MM. Louis
Faliès, Léon Mares, Ernest Michel et Charles Revillout. — Trésorier:
M. B. Cantagrel. — Secrétaire: M. Alphonse Roquo-Ferrier.
L'adhésion Tédemva.eù.iàoxxwëe^diVV Institut des Provinces, Idi. Société
de tirde l'Hérault, la Cigcde, le Parage, la Pomme et d'autres associa-
tions méridionales, aux fêtes qui doivent solenniser le Concours
latin, ont développé le programme primitif dans une telle mesure,
que le Comité s'est demandé tout d'abord si la deuxième quinzaine
du mois de mai ne devait pas être préférée à la date déjà tradition-
nelle du mardi de Pâques. Sur l'avis de M. de Quintana, le Comité
s'est rangé à la première opinion, et il a décidé que les fêtes seraient
reportées au 22 mai et dureraient jusqu'au 27 inclus*.
Le programme définitif ne devant pas être arrêté avant la fin de
mars, nous devons nous borner à signaler les décisions prises
jusqu'ici ;
Un Concours des musiques civiles du département de l'Hérault
et des départements limitrophes aura lieu les 25 et 26 mai. Il sera
complété par un Concours dehautbois et de tambourins, et par un
Concours de musiques militaires, si l'autorité compétente l'autorise.
Dans sa séance du 9 février, le Comité a fixé, en outre, les condi-
tions d'un programme d'archéologie et de critique musicales, por-
tant sur les quatre sujets de prix qui suivent:
I. Un choix de chants populaires communs au bas Languedoc,
à la Catalogne et aux îles Baléares, donnant en regard du texte et
de l'air bas-languedocien le texte et l'air catalan, ainsi que les prin-
cipales variantes ;
II. Un choix de chants populaires des peuples de race latine
ayant, comme VEscriveta ou la Pourcairouna, dans le midi de la
France, une sorte d'intérêt historique ou national. Ce recueil, né-
cessairement très-limité, serait accompagné des principales varian-
tes du texte et de la musique.
' A la suite de cette décision, le délai d'envoi des manuscrits et des
imprimés au Concours philologique et littéraire de la Société des langue
romanes a été prorogé au 1°' avril prochain.
102 CHRONIQUE
III. Un ciioix de pièces de musique inédite, de quelque genre
qu'elles soient, appartenant au midi de la France par leur origine
et antérieures au xviie siècle.
IV. Une étude dos airs de musique : Ai un perl que me dbu, —
Coumpu'jnous de Lezignan, — la Giroundela canla, etc.. indiqués
en tète îles couplets de Y Opéra de Frontigrian^, de V Opéra d'Aubais^ .
du Trésor de Substantion^ et des \)tèces de théâtre l)iterroises^ et
toulousaines des xviie et xviiie siècles. L'auteur de celte étude
aurait aussi à examiner si les poètes du théâtre Literrois n'ont pas
quelquefois utilisédans leurs comédies des fragments de véritables
chauLS populaires.
Les manuscrits doivent être adressés à M. Alphonse Roque-
Ferrier. secrétaire du Comité des fêtes latines et de la Société des
langws romanes, ou bien à M. Vincent, secrétaire de la Commis-
sion de musique des fêtes, avant le 10 mai prochain, terme de ri-
gueur.
A la première pensée de ce Concours se rattache indirec-
tement un sujet de prix proposé par M. Baudouin, secrétaire
delà Cigale: une étude biographique et critique sur un peintre
de Montpellier ou de l'école de Montpellier aux deux derniers
siècles ^.
La Société de tir de V Hérault et son président. M. Léon Mares, ont
arrêté les conditions d'un Concours international de tir. auquel
seraient spécialement invités les tireurs de Barcelone, de Valence,
deTarragone et des îles Baléares.
La coupe votée le 21 mai 1876. à Avignon, par l'Assemblée gé-
nérale du Félibrige, sera remise aux Catalans dans l'enceinte de la
promenade du Peyrou. Elle sera précédée et suivie de l'exécution
musicale d'airs populaires ou nationaux des pays néo-latins.
C'est également au Peyrou. le samedi 25 mai, que l'attribution
solennelle du prix du ChaM du Lafinsera présidée par M. de Quin-
tana. Un compositeur espagnol du plus remarquable mérite, M. Pe-
drell, a mis en musique, pour cette journée, la Cançô llatina du
poète et député de Toroella de Montgri.
Les grands Jeuxfloraux duFélibrige seront présidés par M. Mis-
tral, le vendredi 24 mai: la distribution des prix du Concours inter-
national de tir, par M. Mares, le dimanche 20. Une large part sera
faite aux jeux et aux divertissements populaires. On veut remettre
en usage certaines danses, certains jeux du moyen âge: le che-
valet, les treilles, le perroquet, la danse des faucheurs, les joutes
' Oi)érn langut'iocien de Nicolas Fizes, imprimé par M. Léon Gaudin
ilans la liovue des langues romanes et tiré à part sous ce titre l'Opéra
de Frounlignan. obra galoya. accoumpaqnzda de décoiiratieous de
théâtre e de sympliontas escarabilladas (1079). publié d'après un ancien
ins. inédit e' suivi de quelques autres poésies patoises, également inédites,
ilu même auteur; Montpellier. Sc'jguin, in-8o, 120 pag.
--^ Opéi-ab-vnudevilles diU'abbé Favre.
• Elles ont été publiée» flans le Bulletin de la Société archéulogique de
fiéziers {\Siï et années suivantes).
• Un tableau ou un objet dart sera décerné comme récompense. Le'^
manuscrits doivent être adressés au Secrétaire du Comité des fêtes latines,
Il .Montpellier, avant le 10 mai prochain.
CHRONIQUE 103
nautiques. On veut mômp ori^aniser, pour raprès-midi du dimanche
20 mai, une entrée successive des animaux qui. comme la larasque
àTarascon, le (hameau à lîéziers, le bœuf à Mèze, le loup à l^ou-
pian, le poulain à Saint-Thibéry et à Pézenas, l'âne à (iii^nac et à
Lansargiies, sont, aujourd'hui encore, le prétexte de fêtes populaires
fort originale.s.
Le lundi serait consacré à la visite de Maguolone et à la séance
littéraire du Parage, tenue, selon l'usage, à l'abri des murs de l'é-
glise, en face du soleil et de la mer. M. Roumieux réserve à cette
réunion la deuxième et la troisième partie de sa Jarjaiado, encore
inédites. Quelques per.-onnes étudient, de leur côté, la possibilité
de faire représenter, avec la musique du moyen âge, un des mys-
tères en anciennr langue romane du midi de. la France.
La journée du Parage serait terminée par un bancjuet d'un genre
nouveau, car il aurait lieu au bord de la mer et serait exclusive-
ment composé de poissons de la Méditerranée ou des étangs. Au
despert seraient lus les plus beaux sonnets du (Concours sur la Mer
latine, pour lequel M. de Berluc-Perussis a mis une médaille d'or â
la disposition de la Société des langues romanes.
Des excursions particulières sont indiquées pour le 28 mai dans
les bois de Montforrier et de la Valette, à la grotte des Demoiselles, à
Saint-Guilhem-le-Désert, etc.; le 29, une grande fête de nuit serait
organisée dans le port de Cette, de manière à coïnciiler avec l'ou-
verture de l'Exposition Aq \di Société d'horticulture de l'Hérault.
Le lendemain, 30 mai, jour deTAscension. sera tenue à Béziers
la séance solennelle de la Société archéologique de cette ville. Nous
serait-il permis de souhaiter que la jeunesse biterroise pût trouver
dans cette artre coïncidence l'ocrasion de ressusciter l'ancienne fête
de Caritach, le jeu du Roumani et les divertissements si curieux qui
en formaient autrefois le caractère obligé?
M. Mistral vient de faire distribuer le prospectus du Dictionnairr.
provençal-français qui depuis vingt ans, depuis l'apjjarition de Ca-
lèndaii surtout, était devenu l'objet principal de ses travaux. Le
spécimen qui fait suite au prospectus donne une excellente idée
de la richesse do l'ouvrage et de la disposition des matières qui le
composeront. Ce sera bien là l'encyclopédie alphabétique et popu-
laire, le trésor de ce dialecte provençal (|ue l'auteur avait restitué,
comme langue, dans ses deux grands poèmes et dans ses Iles d'or,
età qui il élevé aujourd'hui un monument [ihilologiiiue d'une im-
portance capitale.
Le Dictionnaire provençal-fraDixiis, ou Trésor di'ni Fclibrige, contien-
dra: «tous les mots usités dans le midi de la France, avec leur signi-
fication française, les acceptions au iu-o[)re et au figuré, les aug-
mentatifs et (limiimtifs, et un grand nombre d'exemples et de ci-
tations d'auteurs; — les variétés dialectales et archaïques à <^ùté de
-Chaque mot, avec les similaires des diverses langues romanes; — les
radicaux, les formes bas-latines et les etymologies;— la synonymies
de tous les mots dans leurs divers sens; — le tableau comiiaratif des
irerbesauxiliaires dans les principaux dialectes;— les jjaradigmesdes
104 CHRONIQUE
verbes réguliers, la conjugaison des verbes irréguliers et les em-
Sloi? grammatiraux fie chaque vocable; — les expressions techniques
e ragricultLire, de la marine et de tous les arts et métiers ; — les
termes populaires de l'histoire naturelle, avec leur traduction scien-
tifique ; — la nomenclature géographique des villes, villages, quar-
tiers, rivières et montagnes du Midi, avec les diverses formes an-
ciennes et modernes; — les dénominations etsobriquets particuliers
aux habitants de chaque localité ; — les noms propres historiques et
les noms de famille méridionaux ; — la co'lection complète des pro-
verbes, dictons, énigmes, idiotismes, locutions et formules popu-
laires ; — des explications sur les coutumes, usages, mœurs, insti-
tutions, traditions et croyances des provinces méridionales: — des
notions biographiques et historiques sur la plupart des célébrités,,
des livres ou des faits appartenant au Midi. »
Il formera deux grands volumes in-4» et sera publié par sous-
cription, à 2 francs la livraison de cinq feuilles.
Le nombre des livraisons s'élèvera ae quarante à quarante-cinq
environ. Le payement des souscriptions sera recouvrable au pro-
rata delà réception des fascicules.
Le manuscrit de l'ouvrage étant complètement terminé, l'impres-
sion commencera très-prochainement et sera continuée sans in-
terruption jusqu'à la fin.
Nous engageons vivement nos lecteurs à s'associer, par leur
adhésion, au succès de l'œuvre du grand poëte provençal.
On souscrit par carte postale chez l'auteur, à Maillane, par Gra-
veson (Bouches-du-Rhône).
Dans le fascicule du 15 juillet dernier, nous annonçâmes pré-
maturément la distribution des Ordenansas et Coustumas del Libre
hlanc, rééditées par M. le docteur Noulet, et formant le tome III
des publications spéciales de la Société. Le travail de notre savant
collaborateur est aujourd'hui terminé; il forme un volume d'environ
200 pages, comprenant, avec une introduction, le texte des Orde-
nansas, selon l'exemplaire unique de 1555; un texte corrigé , un
glossaire des noms de rues, des notes sur les superstitions de
l'époque et les équivalents qu'elles ont dans VÉvangile des Que-
nouilles, un vocabulaire très-étendu, presque toujours appuyé surdes
citations empruntées à la littérature toulousaine des xvretxvJie siè-
cles, et enfin l'index alphabétique des ouvrages cités. "^
La troisième livraison du Dictionnaire des idiomes romans du Midi
delà France, par M. Gabriel Azaïs, a été distribuée au commen-
cement du mois de janvier. Elle complète le tome J" de l'œuvre de
M. Azaïs, lequel forme ainsi un volume de xvi-687 pages in-S** à
2 colonnes.
A. R.-F.
Le géi'ant responsable : Ernest Hamelin ,
Montpellier, Imp. centrale du Midi.— Hamelin Frères.
I
DliLECTES ANCIENS
—-nnMfifi/A/
L'EVANGILK SELON SAINT JEAN
EN PROViiNÇ.-VL DU Xlll'^ SIÈCLE
Uré du ins. 33 de In Bibliothôqaa du Palais des .VrLs, à Lyon
Le manuscrit qui nous a conservée ce vieux, monument de la
langue provençale, connu sous le nom de 5//>/«?yfl!Mû?02.se, se trouve
à la bibliothèque du Palais des Arts, à Ljon, dont ii constitue
un des plus beaux ornements. Il contient les quatre Évan- .
giles, les Actes des Apôtres, l'Apocalypse, les Epîtres de saint
Paul aux Romains, Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philip -
piens, Thessaloniciens, Colossiens, et celle aux Laodicéens,
regardée comme apocryphe depuis longtemps. Après suivent
les Epîtres de saint Paul à Timothée, Tite, Philémon et aux
Hébreux. Ce volume, terminé par bon nombre d'oraisons,
aura été peut-être un rituel albigeois.
Le manuscrit forme un petit in-8" à deux colonnes ; le texte
est écrit en très-petits caractères minuscules du XIIP siècle,
et l'on n'y trouve que peu de mots qui n'aient pas reçu toutes
les abréviations dont ils étaient susceptibles. On comprendra
que la lecture n'en est pas trop facile pour un lecteur peu
familiarisé avec cette sorte de textes.
Naturellement, le nôtre ne porte pas la division actuelle en
chapitres et versets; celle-ci, comme on le sait, ne date comme
le texte même, que l'on appelle la Vulgate vaticane, que du
XVP siècle;celle en chapitres date du XIIP, il est vrai ; mais
elle n'a été généralement reçue que plus tard. Le Nouveau
Testament de Lyon a une division à lui \ qui est marquée
dans le manuscrit par de grandis lettre? mijuscules, dont la
> La division da (.e^Lî albigeD'S n'o^L pas non plus i loiiLique avec les
/.î'fxkxiy. ammouio-eusébiens
9
106 DIALECTES ANCIENS
couleur est tour à tour rouge et bleue ; en outre, on y trouve
une division en versets, dont un trait rouge coupe la première
lettre. Nous avons marqué la première division, celle en cha-
pitres, par des lettres gras^^es, qui, chaque fois qu'elles coïnci-
dent avec la division actuelle, forment un nouvel alinéa. Nous
n'avons pas marqué la seconde division ; mais, pour faciliter
la comparaison de notre texte avec laVulgate romaine, nous
avons introduit le numérotage des versets dans le texte et
marqué les chapitres d'un chiffre romain mis à la marge.
La ponctuation du msc. est très-soignée ; seulement elle ne
correspond pas trop souvent à la ponctuation actuelle. Nous
l'avons respectée autant que le sens le permettait.
Il va sans dire que nous avons suivi de même rigoureuse-
ment l'orthographe du msc. Le texte en est généralement
très-soigné, et nous n'avons été forcé que très -rarement d'j
introduire des corrections. Les lettres que nous avons ajou-
tées sont mises entre crochets [ ], les lettres retranchées entre
parenthèses ( ). Nous n'avons pas régularisé strictement l'or-
thographe, qui n'est pas toujours la même, ni la déclinaison,
qui se trouve quelquefois violée; là-dessus, comme sur les
autres choses pareilles, on trouvera de plus amples détails
dans les remarques grammaticales qui paraîtront dans une des
prochaines livraisons, où nous traiterons les traits les plus
saillants de la phonétique et de la morphologie qui sont pro-
pres au dialecte de notre Bible.
Quant au' texte lui-même, il diffère plusieurs fois sensible-
ment de celui de la Vulgate vaticane, aussi bien que de celui
de saint Jérôme (on sait que ces deux derniers ne concordent
pas toujours ensemble) ; le traducteur n'a pu altérer sciem-
ment un texte canonique généralement reçu, puisqu'il n'y en
avait pas alors, mais il a suivi une rédaction dont nous possé-
dons assez de traces dans certains manuscrits latins.
On trouvera la description de notre ms. dans GiWy : (lie lio-
maunt Version of t/ie Gospel according to st. John, etc.; Lon-
dres, 1848, p. Lix-Lxi. Quant à la note : « it (le msc.) is preser-
ved in the public library of Ljons (bibl. delà ville), and its U" is
00», il faut ajouter qu'il a été restitué plus tard à la bibl. du
Palais des Arts, où il se trouve actuellement
EVANGII E SELON SAINT JEAN 107
On sait que le livre de Gillj (qui, paraît-il, est devenu
extrêmement rare) contient le texte provençal de TÉvangile
selon saint Jean d'après les manuscrits de Dublin et de Paris
1,8086)', ce qui nous a déterminé à publier, pour le moment,
la partie correspondante de la Bible lyonnaise, pour en facili-
ter la comparaison.
Il va sans dire qu'un texte d'une si grande valeur que le
nôtre réclame péremptoirement une édition complète, aussi
xacte que possible. Nous nous livrerons à ce travail et nous
lâcherons de le rendre digne de l'importance qui lui est due,
autant que nos forces le permettront, quand nous aurons con-
staté qu'une édition complète de ce texte, coflamencée il y a
trois ou quatre ans par une dame anglaise et interrompue de-
puis quelque temps, est définitivement abandonnée.
Espérons pourtant que notre publication de cette partie du
texte servira d'encouragement à l'éditeur anglais pour persé-
vérer dans son travail, et pour mener à bout une entreprise
si utile au monde savant.
Je m'empresse d'adresser ici mes remerciements au direc-
teur de la bibliothèque du Palais des Arts, à Lyon, le célèbre
poète M. Soalary, à qui je dois la permission d'y avoir pu
travailler en pleines vacances (1872). En outre, c'est un de-
voir sacré que je vais remplir en rendant les hommages dus
à l'obligeance du savant bibliothécaire du même établisse-
ment, M. de Valous, qui m'a facilité mes travaux en me don-
nant les indications les plus utiles. C'est encore à lui que je
dois la révision du premier chapitre de notre texte, que je ne
possédais que dans la copie de Gilly, l'édition anglaise, qui
fourmille de fautes grossières, ce qui s'explique facilement par
ce que j'ai dit auparavant de l'écriture du manuscrit.
W. Fœrster.
* Ce dernier texle a été imprimé encore une fois par M. Wollenberg
(Berlin, 1868), qui n'avait pas connu l'édition de Londres, où figure,
en outre, le premier chapitre de rÉvangilo de saint Jean d'après les ras.
provençiux de Grenoble, Zurich, Lyon, Paris (6833).
L'EVANGILE SELON S.UNT JICAN
T [F. 78 f)i< ^ 2j 1. Tn priucipioeratuerbum. etuerbum erat
X ap'KÏ deum e deus era la paraula. —
2. Aisso era el comenzament ab dcu. — 3. Totas causas so
laitas per lui. e senes lui es fait nient. — 4. Zo qu'es fait en
5 lui era uida e la uida era lutz dels homes — 5. E la lutz lutz
en tenebras.e las tenebras non la presero. — 6. Vs hom fo
trames de deui al quai era noms Jouans. —7. Aquest.uenc en
testimoni. que testimoni dones de lum. que tuit crezesso per
lui. — 8. No era el lutz. mais testimoni donec de lum. —
10 1». Era lutz uera que enlumena tôt home uenent en aquest mon.
10. El mon era el mons es fait per lui el mons nol conoc. —
11. Eu sas propr[i]as causas uec e li sei nol receubero. --
12. Mais cantz que cantz lo receubero. dec ad els pozestat(z)
esser fait filh de deu. ad aquels que crezo el nom de lui. —
15 13. li cal noso de sanc [78^^1] ni de uolontatde carnni de delet
de baro. mais de deu so nat. — 14. E la paraula es faita
carns et estec e nos. E uim la gloria de lui enaissi coma
gloria d'u-engenrat del paire, ple(s) de gracia e de ueritat.
— 15. Jouans testimoni portée de lui e cridaua e dizia.
20 aquest es de que eudissi. qui es a uenir seguentre mi. quar
abantz de mi es faitz. qui primers de mi era. — 16. E de
la plenetat de lui nos tuit receubem gracia per gracia. —
17. que la leg per iMojsen es dada, gracia e ueritat per Jhesu
Crist es faita. — 18. Ane degus hom no ui deu. lo âls us-
25 engendratz lo quais es el se del paire, el mezeiss o recontec —
19. Et aquest es lo testimonis de Jouan. cant tramesero li
Juseui de Jherusalem preueires e diagues ad el quel ente-
roguesso. quais est tu ? — 20. E confessée e no neguec. e con-
fessée quar eu no so Cristz. — 21.E demandero li. adoncas
30 cals causa ? Helias est tu? E dix. noso. Propheta est tu ? E
respos. no. — 22. Adoncas dixero a lui. Quais est? que donem
resposta ad aquestz que nostramezero. que dizetz de tu [78''^2J
mezeis? — 23. E dix. Eu so la uotz del cridant el désert, en-
dressatzla uia del senhor. enaissi cum dix Ysaias lo propheta.
EVAiNOILE SELON SAINT JEAN 109
— 21. Et aquilhi que auian estât trameissi era delsFariseus. — 35
25. E demandero li e dixero. adoncas per que batcias si tu no
est Cristz ni Elias ni propheta? — 26. Respos a lor Jouans
(lizenfz.Eu bateigi en aiga. mais e inej? de uos esta lo quai uos
no sabetz. — 27. el es que après mi es ucniidors lo quais enantz
de mi fo faitz. del quai eu no so dignes qu'eu deslie lo 40
coreg de la causamenta de lui. — 28. Aquestas causas foro
faitas en Betania part llum Jorda on era Jouans bateiantz. —
29. El autre dia ui Jouans .Jhesu uinent a si e dix. uec uos
Tanhel de deu. uec uos lo quais toi los pécatz del mon. —
80. Aquest es del quai eu dissi. après mi ue bar lo quais fo 45
faitz denant mi. quar primers de mi era. — .31. Et eu no sabia
lui. mais que sia manifestatz en Israël, em per aisso uengui eu
en aiga bateiantz. — 32. E Jouans donec testimoni dizenfz. quar
eu ui resper[79'' 1] it deissendent enaissi coma colomba del
cel et estec sobre lui. — 33. Et eu no sabia lui. mais lo quais 50
me trames bateiar en aiga, el dix a mi. sobrel quai ueiras
l'esperit deissendent. et estant sobre lui. aquest es que bateia
en sant esperit.— 34. Et eu ui. e donei testimoni. car aquest es
lilhs de deu. — 35. De rescaps el autre dia estaua Jouans e
doi dels decipols de lui. — 36. E regardantz Jhesu anant dix. 55
uec uos Crist l'anhel de deu. ~ 37. E li doi decipol auziro lui
parlant, et seguiro Jhesu. — 38. Mais Jhesu uiratz e uezentz
aicels seguentz si, ditz ad els. qui queretz ? — Li quai dixero
a lui. Rabbi. que es ditz enterpretat maestre. on estas? —
39. Ditz ad els. uinetz et ueiatz. Vengro e uiro on estaua. et 60
ab lui estero aicel dia. Mais la ora era aissi co dezena. —
40. Mais era Andreus fraire de Simon Peireus dels dos lical
[auian] auzit de Jouan e Tauian seguit. — 41. Aquest atrobec
|)rimeii'ament Simon lo seu fraire e dix a lui. Nos aueni trobat
Meissias. [79'"2] que es enterpretatz Cristz. — 42. Et amenée lo 05
a Jhesu.- Mais Jhesu esgardantz lui dix. tu est Simon fils de
Joanna. tu seras apelatz Cephas qui es enterpretatz' Peire.—
43. Eni'endenia uolc issir en Galilea. et atrobec Philip, e dix
ad el Jhesu. seg me. — 44. Mais era Philips de Betsaida de la
ciutat d'Andreu et de Peire. — 45. Atfobec Philips Nathanael 70
e dix a lui. lo quai escrius Moysen en la leg e li proplietas,
atrobem Jhesu fil(s) de Josep de Naçaret. — 40. E dix ;i lui
Nathanael. de Nazareth pot esrier alcuna causa de bc ? Ditz a
lin dialkctp:s anciens
lui Philips, uei e ueias. — 47. Vie Jhesu Nathanael uinent
75 a si e dix de lui. uec uos uerament Israelitene el quai no es
enfrantz.— 4S. Dix ad ol Nathanael. don me conojruist? Respos
.Jhesu e dix a lui. primeirament que Philip te apeles cum fosses
sotz lo figuor te ni.— 49. Repos a lui Natanael e dix. maestre
tu est fils de dou. tu est reis d'Israël. — 50. Respos Jhesu e
80 dix a lui. quar dixi a tu. cum ui tu sotz lo figuer crezes.
maior causa d'a[que]stas ueiras. — 51. E dis ad el(s). Ve-
[79^ llrament uerament die a uos. uos ueiretz lo cel ubert
els angels de deu puiantz e deissendentz sobrel fil del home.
II 1 . l~it el tertz dia nossas foro faitas en CanaGalilea. et era
^^ XL la maire de Jhesu aqui. — 2. Mais fo apelat Jhesu
e li decipol de lui a las nossas. — 3. e defalhent lo ui. dix la
maire de Jhesu ad el. No an ui. — 4. e dix a lei Jhesu. Qui
es a mi et a tu, femna ? Encara no uenc la mia ora. — 5. Ditz
la maire de lui als ministres. Qualque causa dira a uos,faitz. —
90 C. Mais eran aqui .vi. uaiissel de peira pausatz. segon lo nedeia-
ment dels Juzeus, prendentz senglas mesuras o doas o très. —
7. E dix ad els Jhesu. Ompletz los uaissels d'aiga. Et ompliro
los entro desus. — 8. E dix ad els Jhesu. Pozatz ara e portatz
ad archit[r]icli. E portero. — 9. Mais depuiss que àc tastat àrchi-
95 t[r]iclis lo ui fait d'aiga. e no sabia don fos. mais li ministri o
sabian que auian pausada l'aiga. archit["r]iclis apela Tespos. —
10. E ditz a lui. Totz hom pausa primer lo [f. 79^^ 2J bo ui.
E cum seran eniorat. adonc aquest qu'es plus auols. Mais tu
seruest lo bo ui entro encara. — 11. Mas aisso fe Jhesu enco-
100 mensamentde signes en Cana Galilea e manifestée la sua gloria.
ecrezeroli decipol de lui. — 12. Apres aquestas causas deissendec
el ( 'afarnaum el e la maire de lui . e li fraire de lui. e li decipol de lui
et estero aqui no montz dias. - 13. Et era prop la Pasca dels
Juzeus e Jhesu poiec en Jherusalem. — 14. E atrobec el temple
105 los uendentz los bous, e las ouelhas. e las colombas. els cam-
biadors sezentz. — 15. Ecum agues fait coma coreiada d^ cor-
dctas, totz los gitec del temple, atressi las ouelhas els bous, et
espars Tauer dels cambiadors. e trastornec las taulas, — 16. e
ad aquels que las colombas uendian. dis. Ostatz aquestas cau-
110 sas d'aici e no uulhatz far la maiso del meu paire maiso de
mtTcadairia. — 17. Mais recordero se li decipol de lui. quar
EVANGILE SELON SAINT JEAN 111
escriut es. la eueiade la tua maiso maniée [f.80' Ij mi. —
18. Adonc resposero li Jiizeu(sj e dixero a lui: Quai signa(s) de-
mostras a nos. quar aquestas causas fas? — 19. Respos Jhesu
e dix ad els. Delhiatz aquest temple, et e très dias refarei lo. 115
— 20. Adoncas dissero li Juzeu. En .xlvi. ans fo edeficatz
aquest tem[)le e tu en très dias refaras lui? — 21. Mais el o
diziadel temple del seu cors. — 22. Adonc co el fos resusitatz
dels morz, li decipol de lui se recordero que d'aquest o dizia.
E crezero a la escriptura et a la paraula la quai dis Jhesu. -- 120
23. Mais cum fos en Jlierusalem en la Pasca el dia de la
festa. mouti crezero el nom de lui vezentz las signas de lui
que fazia. — 24. Mais el mezeiss Jhesu no crezia si mezeiss
a lor. emper aisso que el los conoissia totz. — 25. e quar no
era ohs a lui que alcus dones testimoni del home, quar el 125
sabia aquo que era en home.
l.Mais era us hom dels Fariseus per nom Nicodemus prin- III
ceps dels Juzeus. — 2. Aquest uenc a Jhesu de nuitz e dis a
lui. Maestro nos sabem que [SO"" 2] de deu ueguist. Maes-
tro, quarnegusno pot far aquestas signas que tu fas. si deus 130
no sera ab lui. --3. respos Jhesu e dix a lui. Verament
uerament die a tu. si alcus no serarenatz de rescaps no pot
uezer lo règne de deu, — 4. ditz a lui Nicodemus. En quai
mesura pot hom naisser cum sia uelhs? doncas pot intrar de
rescaps el uentre de la sua maire e renaisser? — 5. respos 135
Jhesu. Verament uerament die a uos. si alcus no sera renaz
d'aiga e de .s. esperit no pot intrar el règne de deu. — 6. Aquo
que es nat de carn. carn es. Et aquo que es nat d'esperit.
esperitz es. — T.notmerauilhes. quar dissi atu.Coue uos nais-
ser de rescaps. — 8. L'esperitz on uol espira. e la uotz de lui 140
auzetz. mais no sabs don uenga o on ane. Enaissi es totz cel
q e es natz d'esperit. — 9. Respos Nicodemus e dix a lui. Co
podo esser faitas aquestas causas ? — 10 Respos Jhesus e dis
a lui. Tu est maestro en Jsrael et aquestas causas mesconois-
ses? — 11. Verament uerament die a tu. Quar aquo que(sj sa- 145
bem parlam [80' 1] et aquo que uim testimoniiam. el nostre
testimoni no receubetz. — 12. Si eu las terrenals causas dissi
a uos. e no crezes. si direi a uos las celestials, en quai ma-
nera creizetz? — 13. E negus no puia el cel. sino aquel que
112 PIALRCTKS ANCIENS
150 deissendoc del col. lo fils del home que es cl cel. — 14. Et
aissi co Movses eissauzec lo serpent el désert, enaissi coue
csser cissausat lo fil de deu. — 15. Quar totz aquel que cre
en lui no perisca. mas aia uida durabla. — 10. Quar enaissi
amec deus lo mon quel seu fil .i. engendrât dones que totz cel^
155 que cre en lui no perisca. mas aia uida durabla. — 17. Quar
deus no trames lo seu fil el mon. que iuge lo mon. mais que
sia saluatz lo mons per lui. — 18. Aquel que cre en lui no es
iuiatz. mais qui noi cre ia es iuiatz. quar no cre el nom del
uengendrat fil de deu. — 19. Mais aquest es lo iudicis, quar
160 la lutz uenc el mon. et am[er]o li home plus las tenebras que
la lutz. quar las obras de lor ero malas. — 20. Quar totz cel
que fa mal açira la lutz. e no ue a [80'*' 2] la lutz. que no
sian reprezas las obras de lui. — 21. Mais qui fa ueritat, ue
a la lutz que sian manifestadas las obras de lui, car en deu
165 so faitas. — 22. Apres aquestas causas uec Jhesu ab sos dcci-
pols en la terra de Judea. et estaua la ab lor. e bateiaua. —
23. Mais era Jouans bateia[n]tz en Ennon costa Salim. quar
montas aigas cran la. E uenian et eran bateiat. — 24. Quar
encara Jouans no cra estatz mes e la carcer.— 25. Adonc fo
170 faita questios dels decipols de Jouan ab los Juzeus de la puri-
ficatio. — 26. E uengro a Jouan e dixero li. niaestre qui era
ab tu part flum Jorda. al quai donest testimoni. vec te aquest
bateia(t) e tuit ueno a lui. — 27. Respos Jouans e dix. Hom no
pot recebre alcuna causa sino sera donat a lui del cel. —
175 28. Vos mezeissi donatz a mi testimoni que eu dissi. eu no so
Critz, mas que so trames denant lui. — 29. Qui a esposa es
espos. mais amix del espos lo quais esta ^t au lui, de gaug
s'esgauziss per la uotz del espos. Em per aisso aquest gaugs
meus es cump[82'' l]litz. — 30. Lui coue creisser. mais mi
180 csser amermat. — 31. Aquel que uec desus. sobre totz es.
Qui es de la terra, de la terra es. et de la terra parla. Aquel
que uenc del cel. sobre totz es. — 32. Et aisso. que uic et au-
zi ; testimonieia. e negus no recep lo testimoni de lui. —
33, Mais col que recep lo testimoni de lui, fa signe, quar deus
185 es uers. — 34. Quar acel que deus trames, parla las paraulas
do deu. Quar deus no dona esperit a mesura. — 35 Lo paire
;iiiia lo fil. e totas causas donec en la ma de lui. — 36. Qui
'■10 el fil, a uida durabla. mais qui es encredols al tih no ueira
"iida. mas la ira de deu esta sobre lui.
EVANGILE SELON SAINT JR\N 11^
1 A doncas depuis que Jhesuconoc quarliFariseu(s)auziro IV 1-K)
j\ que Jhcsu fa plusors decipols e bateia que Jouans.
— 2. Ja sia aisso Jliesu no bateies mas li decipol de lui. —
3. laissée Judea. et anec de rescaps en Galilea. — 4 Mas
couenia lui traspasar per Samaria, — 5, Adoncas uenc Jhesu
en laciutat de Samaria la quais es dîta Sychar decosta l'alo lo 195
qualJacob donec a Josep so fil. — 6. Mais era aqui [82"" 2]
la fontz de Jacob. Adonc Jhesula (i)ssatz del uiage sezia enaissi
sobre la fontz. Mas la ora era coma seisena. — 7. Et uenc
una femna de Samaria pozar de Taiga. dix a loi Jhcsu. Dona
a mi a beure. — 8. Mais li decipol de lui anero e la ciutat 200
que compresso maniar. — 9. Adoncas dix a lui la femna
aicela Samaritana.Eu quai maneiratu co sias Juzeus. requeres
de mi a beure que so femna samaritana ? Quar li Juzeui no
an paria ab los Samaritas. — 10. Respos Jhesu e dixàlei.
Si tu saubesses le do de deu e quais es aquel que ditz a tu, 205
dona a mi a beure. tu per auentura querias de lui que doues
aiga uiua — 11 . E dix a lui la femna. Senher e no causa as
en quen pozes. el potz es nautz. doncas don as aiga uiua? — 12.
Doncas est tu maier del nostre paire Jacob que dec a nos le
potz? et el meteis bec de lui. e li fil de lui. e las bestias de lui. 2iO
— 13. Respos Jhesu e dix a lei. Totz cel que beura d'aquesta
aiga. sedeiara de rescaps. mais qui beura de Faiga [82^ 1 1
la quel eu darei a lui. no sedeiara en durable. — 14. Mas
l'aiga qu'eu darei a lui. sera faita fontz d'aiga salhant en uida
durabla. — 15. Mais ditz a lui la femna. Senher dona a mi 215
aquesta aiga qu'eu no sedeie. ni no uenga za pozar. - 16. Ditz
a lei Jhesu. Vai apela lo teu marit. e uei za. — 17. Respos
la femna e dix a lui. No ei marit. e dis a lei Jhesu. be dissist
que no as marit — 18. Quar .v. marist aguist. et aquestque
as no es lo teus maritz. d'aisso uer dissist. — 19. E dis a lui 220
la femna. Senher eu ueig que tu est propheta. — 29. Li nostri
pairo azorero en aquest pug. e uos dizetz qu'en Jherusalem es
lo lox on coue azorar. • — 21 . E dix a lei Jhesu. femna crei a
mi. quar uenra la ora quan en aquest pug ni en Jherusalem no
azoraretz lo paire. — 22. Vos azoratz zo que no sabetz. nos 225
azoram zo que sabem. quar la [sajlutz es dels Juzeus. —23. Mais
ue la ora et ara es. quan li uer azorador azoraran lo paire, en
esperit et en ueritat. Quar el paire [82^ 2J quer aitals que
!H DIAI.KCTES ANCIENS
azorolui. — 24. Deus es l'esperitz e aicels que uzoran lui.
'2'.'>0 eu esperit et en veritat coiie azorar. — 25. E dix a lui la
femna. Eu sei que Messias ue lo quais esdigs Cristz. atloncas
cum el er ueii.yutz. anonciara a nos totas causas. — 26. Dix
aleiJhesu. Eu so el que parli abtu. — 27. E uiasament
uengo li docipol de lui. e merauilhauan se. quar ab la femna
235 parlava.Empei'o negus no dis, que queres o que parla[s] ab ela?
— 28. Per aisso la femna laissée so uaissel. et anec e la
ciutat. e dix ad aicels homes. — 29. Vinetz e ueiatz Tome
lo quais me dis totas las causas quais que quais eu fi. doncas
es el mezeiss Cristz . — 20. Adoncas issiro de la ciutat e uenian
2t0 a lui. — 31. E domentre aquestas causas parlaua pregauan
le li decipol. e dixero a lui. Maestre mania. — 32. Mas el
dix ad els. Eu ei maniar a maniar lo quel uosno sabetz. —
33. Per aisso li decipol dizio entre lor. doncas alcus aportec
li a maniar. — 34. E dix a lor [83"" 1] Jhesu. Lo meus
245 maniars es qu'eu fassa la uolontat del meu paire qui mi trames,
e qu'eu acabe la obra de lui. — 35. Doncas uos no dizesz
que encara so catre mes. e la meissos ue. Vec uos eu die a
uos. leuatz uostres ulhs. e ueiatz las regios,quar ia so blancas
las meissos. — 36. Et aquel que meissona recep loguer. et
250 aiusta fruit en uida durabla. Quar aicel qui semena. equi
meissona essems s'esgauzisca.— 37. Quar en aisso es la pa-
raula uera. quar autre es aquel que semena et autre es aquel
que meissona. — 38. Eu tramese uos meissonar aquo que
uos no laboretz. Autrilaborero. e uos intresz els labors do lor.
255 — 39. Mais d'aicela ciutat mouti crezero en lui dels Samari-
tas per la paraula de la femna donant test'moni. quar dix a
mi totas las causas qu'eu fi. — 40. Adoncas co fosso uengut
li Samarita's) a lui, preguero lo que aqui estes, et estec aqui
dos dias. — 41. E mouti pus crezero en lui per la paraula
200 de lui. — 42. Et a la femna dizian. Quar ia per la tua pa-
rau[83'" 2]Ia no crezem. quar nos meteissi auem auzit de lui
meteis. e sabem quar aquest es uerament lo saluaire del mon.
— 43. Mais après dos dias issic d'aqui et anec en Galilea. —
44. Quar el meteis Jhesu donec testimoni. que propheta no a
265 honor e sa encontrada. — 45. Adonc cum fos uengut en
Galilea. receubrolui li Galileu. co agro uistastotos las causas
que auia faitas Jhesu en Jherusalem el dia de la festa. Quar
I-^VANGILE SELON SAINT JEAN 115
eli uonian al dia do la festa. — 4(5. Adoncas uenc de rescaps
Jhesu en Cana Galilea. on fe de Taiga ui. Et era aqui us
reigz paux del quai us fils era' malautes en Cafarnaum. — 270
47. Aquest co agues auzit que Jhesu uengues de Judea en Ga-
lilea, anec a lui e pregaua lo que dissendes e sanes lofil de lui.
Quar comensaua morir. — 40. Adoncas Jhesu dis a lui. Si
no ueirez las signas e las merauilhas. no crezetz. — 49. E
dis a lui lo reietz. Senher deissent enantz que moira lo meus 275
fils. — 50. E dix a lui Jhesu. Val lo teus fils uiu. E crezcc
Tom a la parau[83 v l]la la quai dis a lui Jhesu. et anaua.
— 51. Mais ia lui deissendent. li serui coregro encontra a lui.
e nunciero dizent quel fils de lui uisques. — 52. Adonc de-
mandaua de lor la ora. en la quai agra raelhs estât. E dixero 280
a lui qu'era la ora setena. quel laissero las febres. — 53. Adonc
conoc lo paire que aquela ora era. en la quai dix a lui Jhesu.
lo teus fils uiu. E crezec el etotala maisos de lui. — 54. Aquesta
segonda signa fe de rescaps Jhesu cum fos uengut de Judea en
Galilea. 285
1 . A près aquestas causas era lo dias festiuals dels Ju- V
x\ zeus. e pugec Jhesu en Jherusalem. — 2. Mas pis-
cina sobre esproada es en Jherusalem. la quais es es sems
noranada en hebraic Bethsaida et a .v. iutradas, — 3. En
aquest iazia grans mouteza de languentz. de cex. de ranx. 290
de-contraitz. esperantz lo mouementde l'aiga. — 4: Mais Fan-
gels del senhor segon lo temps deissendia e la piscina e Faiga
era moguda. E aquel que primers dissendia e la piscina après
lo mouement de Ftiiga era faitz sas. [83v 2] de quai que eter-
metat era tengutz. — 5. Mais era aqui us hom que auia .xxx. 295
viii. ans estât malautes. — 6. Co Jhesu agues uist aquest
iazent. e agueS conogut que ia auia moût temps, ditzalui.
Vols esser faitz sas? — 7. Respos a lui lo languentz. senher eu
no eihome. que co sera turbada Faiga me meta e la piscina.
Quar domentre qu'eu uenc autre deissen denant mi. — 8. Dis 300
a lui Jhesu. leua, pren lo teu leit e uai. — 9. E uiasament fo
faitz sas Fom. e près sus lo seu leit et anaua. Mais era sabtes
en aicel dia. — 10. Adoncas dizian li Juzeui ad aicel que auia
estât faitz sas. sabtes es. no coua a tu prenre lo teu leit. — 1 1 .
Mais el respos ad els. Aicel que fe mi sa, dix a mi. pren lo teu 305
116 DIALECTES ANCIENS
!oit e iiiii. — 12. .\doncas flemanrloro li. Quais es aieel hom
(|ue dix a tu. preii to leit e uai?— 13. Mais aquest que era faitz
sas. no sabia quis fos. Mais Jhésu départie se de la cumpanha
ostablida o\ loc— 11. Aj.i'os Jhesu atrobec lui el temple, e dix
:;10 a lui. Vec te que sas est [84'lJ faitz, ia no uulhas pecar que
alcuna causa peier no eudeuenga a tu . — 15. Anec aicel hom
e nuncicc als Juzeus. que Jhesu eralo cals fe lui sa. — 16. Per
aisso perseguianli Juzeu Jhesu el uolianaucire. quar aquestas
causas fazia el sabte. — 17. mas Jhesu respos a lor. Lo meus
;! 15 paire entre ara obra. et eu obri. — 18. Adoncas peraisso
maierment li Juzeui lo uolian aucire. no solament quar soluia
lo sabte. mais neis dizia lo seu paire dou, fazentz si égal a deu.
— 19. Emper aisso respos Jhesu e dis ad els. Verament uera-
ment die a uos.lo iils no pot far alcuna causa de si mezeiss.
'.V20 sino aquo que aura uist lo paire fazent(z). Quar quais que causas
el fe, el lil fa issament aquestas causas. — 20. Quar lo paire
ama lo fil . e totas las causas que el fa demostra a lui e demos-
trara a lui uiaiers obras d'aquestas. per que uos meruilhetz.
— 21. Quar aissi cum lo paire resuscita los mortz e uiuifica.
325 enaissi el fils aquels que uol fa uiure. — 22. Quar [84''2]
lo [)aire no iuia alcu. mas tôt lo iuiament dec al fil. — 23. que
fuit ondresso lo fil. enaissi coma onran lo paire. Qui no onral
fil. no onral paire, que trames lui. — 24. Verament uerament
die a uos. Quar cel que au la pa(i)raula de deu. e cre lui que
3:>0 mi trames, a uida durabla. e no ue en iuziui. mais traspasare,
de mort a uida. — 25. Verament uerament die a uos. Quar ue
la ora et era es quant li mort auziran la uotz del fil de deu e
li cal auziran uiuran. — 26. Quar aissi cum le paire a uida e si
meteis. enaissi al fil donec uida auer en si meteis. — 27 E
;'>35 pozestat donec a lui far iuiament. quar fil d'ome es. — 28. No
uos uulhatz merauilhar d'aisso. quar la ora ue en la quai tuit
aqueli que so els monimentz auziran la uotz de lui. — 29. et
issiran. aqueli que fero be en resurectio de uida. mas aqueli
que fero mal en resurectio de mort. — 30. Eu no pusc far de
3 10 mi mezeis alcuna causa, mas enaissi co auzigui iugi. El meus
iuiament[z] es iustz. Quar no querilam[84vljia uolo[n]tat. mais
la uolontat de lui qui mi trames. — 31. Si eu doni testimoni
de mi mezeis. lo meus testimonis no es uci'S. — 32. Autre es
!o quais doua testimoni de mi. c sei que uers es lo testimoni que
EVANGILE SELON SA.1NT JEAN 11:
dona demi.— 33. Vos tramezes a Joiian e doiiec testimoni a 31")
la ueritat. — 34. Mais eu d'orne no recebi testimoni . mais
aquestas causas die que nos siat/ salui. — 35. El era luzerna
ardentz e luzentz. mas uos nos uolgiiesz aleg(ijrar az ora e la
lut/, de lui . -3(3. Mais eu ei maiop testimoni que Jouans. Quar
las obras las quais doneo a mi lo paire qu'eu acabe elas. me- 350
zeissaslas obras que eu fasz dono testimoni de mi quar lo paire
me trames. — 37. El paire que me trames el donec testimoni
de mi. Et anc la uotz de lui no auziss. ni la carade lui no uistz.
— 38, E la paraula de lui no auetz estant e uos. Quar uos no
crezetz ad aquest lo quai el trames. — 39. E cercatz las escrip- 355
turas. quar uospessatz en elas auer [84^2] ^lida durabla. et elas
so qxre dono testimoni de mi. — 40. E no uoletz uenir a mi que
aiatz uida.— 41 . Clartat no receubi d'ornes. — 42. mas cono-
gui uos que Tamistat de deu no auetz e uos. — 43. Eu uengui
el nom del meu paire eno me receubesz. si autre uenra el seu .360
nom lui recebretz. — 44. En quai maneira podetz uos creire, li
quai recebetz gloria Fus de l'autre, e la gloria que es de sol
deu no queretz. — 45. No uulhatz cuiar qu'eu sia acusaire de
uos ab lo paire, mas antre es qui uos acussa. Mojses en cui uos
esperatz. — 46. Qaar si uos crezessetz a Moj^sen.crezeratz per 365
auentura e a mi. Quar el escrius de mi. — 47. Mais si no cre-
zetz a las letras de lui, cossi crezeretz a las mias paraalas?
1_ A près aquestas causas anec .Jhesu part la mar de Ga- VE
x\.lilea que es de Tabaria. — 2. E seguia lui grans cum-
panha. quar uezian las signas que fazia sobi-e aquestz que 370
eran malaute. — 3. Adoncas Jhesu pugec el puic et aqui sezia
ab SOS decipols. — 4. Mais era prop [SS""!] la Pascalo dias de
la festa dels Juzeus. — 5.Adonc cum .Jhesu agues susleuatz sos
ulhs.et agues uist que moutgrans gentz venc a lui, ditz a Phi-
lip.don cumprarempas que manio aquesti? — 6. Mais aissodizia 375
essaianz lui. quar el sabia que fos fazedor. — 7. Respos a lui
Philips, lipa de .ce. diners no auondo ad els que us quex ne
presseso u pauc.— 8.E dix à lui us dels decipols de lui, Andreus
lo fraire de Simon Peire, — 9. Aici es us macips que a .v.
pas d'ordi e dos peisses. mas aquesta^ causas que so entre ai- 3S0
tantz? — 10. Adoncas dis a lui Jhesu. faitz los homes repau-
zar. Mais era moutz fes elloc. Adonc repausero ii baro per
11^ DIALECTES? ANCIENS
nombre enaissi coma .v. milia. — 11. Adoncas Jliesu près los
pas. 0 co aguos faitas gracias donec als repauzantz. issament
;5S5 e dels peisses aitant cant uolian. — 12 . Mais depuiss que foro
azemplit. dis a SOS decipols. Culetz las franementas que so-
brero que no perisca.— 13. Adoncas culiroet empliro .xii. co-
fres [SS"" 2] de franementas que sobrero dels .v. pas d'ordi ad
aquestz que auian maniât. — 14. Em per aisso aicilh home, co
.'WO agueso uista la signa que auia faita dizian. quar aquest es
uerament propheta que es uenidors el mon. — 15. Adoncas
co Jhesu agues conogut que uenidor fosso quel presesso el
fesso rei. de rescaps el fugic sols el puig. — 16. Mais depuiss
que sers fo faitz. dissendero li decipol de lui al mar. — 17. E
395 co fosso puiat e la nau, uengon part la mar en Cafarnaum e ia
eran faitas tenebras.e no era vengutz a lor .Jhesu. — 18. Mas
lo gran uent butant lo mar se leuaua. —19. Adonc cumaguesso
naueiat enaissi coma .xx. estadis o .xxx. uiro Jhesu anant so-
brel mar e prop esser fait a la nau. e temso. — 20. Mais el dis
100 ad els. Eu so, no uulhatz temer. — 21. Adonc uolgro recebre
lui e la nau e la nau s fo uiasament a la terra a la quai
anauan. — 22. E Fautre dia la cumpanha que estaua part la
mar ui que autra [85^ 1] naueta no era aqui sino una. e quar
no fos intratz .Jhesu ab sos decipols e la nau. mais soli li de-
405 cipol de lui anero. — 23. Mais autras naus sobreuengon de
Tabai.'ia decostal loc on auian maniât lo pa gracias fazentz
alsenhor. — 24. Adonc co la cumpanha agues uist que Jhesu
no fos aqui ni li decipol de lui, puiero e las nauetas. e uengro
en Cafarnaum querentz Jhesu. — 25. e co l'aguesso trobat
410 part la mar dixero a lui. maestro quan ueguistza? — 26. Res-
pos Jhesu e dis ad els. Vcrament uerament die a nos. uos me
queretz. no quar uistz las signas, mais quar raaniesz dels pas
etesz sadolat. — 27. obratz nol maniar que péris mas lo quais
esta e uidadurabla. lo quai lo fils de deu dara a uos. Quar
415 aquest senhec deus lo paire. — 28. Adoncas dixero a lui. Qui
farem que obrem las obras de deu? — 29. Respos Jhesu e dix
ad els. Aquesta es la obra de deu. que uos crezatz eu lui lo
quai el trames. — 30. Adoncas dixero a lui. doncas quai signa
fas tu. que ueiam e crezam a tu? que obras? — _31. Li nostre
420 paire man[85^2]iero la manna el désert aissi co es escriut.
pa del cel dec ad els a maniar. - 32. Adoncas dis a lor Jhesu.
EVANGILE SELON SAINT JEAN 119
Verament uerament die a nos. Moysesno dec auospa del cel.
mais lo meus paire dona a uos lo uor pa del cel. — 33. Quar
pas de deu es lo quais deissendec dal cel. e doua uida az aquest
mon. — 34. Adoncas dixero a lui. Senher dona a nos totas 425
oras aquest pa. — 35. Mais Jliesu dis ad els. Eu so pa de
uida. Qui ue a mi no aura fam. e qui cre e mi. no aura scd. —
36. Mais eu dissi a uos. quar me uisz e no crezetz. — 37. Tôt
aquo que dona a mi lo paire uenra a mi, et aicel que ue a mi
ia nol gitarei fora. — 38. Eu deissendei del cel. no qu'eu fassa 430
la mia uolontat. mas la uolontat de lui qui mi trames. — 39.
Mais aquesta es la uolontatz d' aicel paire qui mi trames, que
tôt aquo que donec a mi lo paire, no perda d'aicela. mas qu'eu
la resuscite el derairan dia. — 40, quar aquesta es la uolon-
tatz del meu paire que trames mi. que totz aquel que ue lo 435
[SGr 1] fil e cre en lui. aia uida durabla. e eu resuscitarei lui el
deraira dia. — 41. Em per aisso murmurauan de lui li Juzeu.
quar auia dig. Eu so pas que deissendei del cel. — 42. e dizian.
doncas aquest no es Jhesu fils de .Josep. del quai nos conoguem
lo paire e la maire ? doncas en quai manera ditz aquest que del 440
cel deissendei? — 43. Adonc respos .Jhesu e dis ad els. No
uulhatz murmnrar entre uos. — 44. nogus no pot uenir a mi.
sil paire que mi trames no aura tirât lui. et eu resuscitarei lui
e deraira dia. — 45. Escriut es els prophetas. e seran tuit es-
senhable de deu. totz cel que auzicdelfpaire et après, ue a mi. — 445
40. No quel paire ui alcus. sino aquest lo quais es de deu. aquest
ui lo pajre. — 47. Verament ueramentdic auos. qui cre e m
a uida durabla. — 48. Eu so pas de uida. - 49. Li paire uostre
maniero la manna el désert, e so mort. — 50. Aquest es lo pas
deissendentz del cel. que si alcus' maniara de lui. no mora. — 450
51. Eu so lo pas uius que deissendei del cel. — 52. si alcus man-
iara d'aquest pa, uiura en durabletat. el pas qu'eu donarei es
la mia carns per la uida del mon. — 53. Em per aisso tenszonauan
li .Juzeu entre lor dizentz. en quai nianeira pot aquest dar a
nos la sua carn a maniar? — 54. Adoncas dis a lor Jhesu. Ve- 455
rament uerament die a uos. si uos no maniaretz la carn del fil
del home, e si nobeuretzlosanc delui. no auretz uidaen uos. —
55. Qui maniara la mia carn e beu lomeusanc. auidadurabla.
et eu resuscitarei lui el deraira dia. — 56. Quar la mia carns
es uerament mauiars. el meus sanc es uerament beure[s]. — 460
1?0 /flAl.ECTKS ANCIKNS
57. Qui mania la mia carn e beu lo meu sanc. esta e rai. et
cil en lui. — 58. Enaissi coma me trames lo paire uiuens. et
eu uini per lo [lairo. Et aicel que mania mi, el uiu per mi. —
59. Afjuest es lo pas que deissendec del cel. no enaissi coma
105 li uosl/'i paire manière la manna. e so mort. Qui mania aquest
pauiura en durabletat. — (50. Aquestas causas dis en la sina-
goga essenhantz en Cafarnaum. — 61. Em per aisso mout(z)
auzent(z) d^ls decipols de lui dixero. dura [88^1] es aquesta
paraula. Quais pot auzir lui? — 62. Mais Jhesu sabentz uas si
i70 meteis. quar murmurauo d' aisso li decipol de lui. dis ad els.
Aisso uos escandeliza ? — 63. Em per aisso si uos ueiretz lo fil
de deu puiant(z) la on eraprimeirament? — 64. L'esperitz es lo
quais fa uiure. la carns no profeita alcuna causa, las paraulas
que eu parlei a uos. esperitz e uida so. — 65. Mais so alcanti
475 de uos que no o crezo, Quar Jhesu sabia del comensament.
qui serian crezent. e quais séria trazidors lui. — 66. edizia.Em
per aisso dissi a uos. Quar negus no pot uenir a mi. sino sera
donat a lui del ineu paire. — 67. D'aisso mouti dcls decipols de
lui anero atras. e ia ab lui no anauan. — 68. Adoncas Jhesu
180 dix als .xii. Doncas e uos uoletz anar? — 69. Adonc respos a lui
Simons Peire. Senher al quai anarem ? tu as paraulas de uida
durabla. — 70. e nos crezem e conoguem que tu est Cristz fils
de deu. — 71, Respos a lui Jhesu. doncas eu no eligi uos .xii.
et us de uos es diables? — 72. Mais el o dizia de Juda Simon
185 [86^ 2] Escariot, quar aquest era trazidors lui, co fos ,us
dels .xii.
VIÏ 1 . i près aquetas causas anaua Jhesu e Galilea. quar no
jTTL uolia en Judea anar. quar li Juzeu le querian aucire.
— 2. Mais era prop lo dias festiual[s] dels Juzeus Sinofugia. —
'190 3. Mais dixero az el li fra[i]re de lui, traspassa d'aici e uai en
Judea. que li teu decipol ueian las tuas obras que fas. —
4. Negus a certas en rescost no fa alcuna causa, et el mczeis
quer esser o pales. Si aquestas causas fas. manifestas tu
mezeis al mon. -- 5. Quar li frairi de lui no crczian en lui. —
495 6. Adoncas dix a lor Jhesu. Lo meus temps no uenc encara.
mais lo uostre temps es totas oras aparefljhatz. — 7. No pot
lo raons auer aziratz uos. mas mi azira. quar doni testimoni
de lui. quar las obras de lui so malas. — 8. Vos puiatz ad
EVANUILE SEF.ON SAINT JEAN 121
nquesi .lia l'estuial. mas eu uo puiaroi al (lia aquest festiual,
(juar 1() meus temps encara no es azeinplitz. — 9. Co aquestas 500
causas agues ditas ad els. l'I cstec eu (.Talilea. — 10. Mas
[87 >■ Ij depuiss que puiero li traire de lui. adoiie et el puiec
al dia festiual. no manifestament mais aici eoma en res-
rost. — 11. Adoncas li .luzeu(s) lo querian el dia festiual. e
(lizian. On es el ( — 12. e grans murmurament[z] era de lui en 505
Il cumpanha. Quar aleanti dizian. que bos es. mas li autri
liizian. No es. mas engana las eurapanhas. — 13. Empero
degus no parlaua a pales de lui. per la paor dels Juzeus. —
11. Mais la meitat de la testa passada puiec Jhesu el temple
et essenhaua. — 15. E merauilhauan se li Juzeu dizent. En 510
quai maneira sap letras aquest co non aia aprezas ? — 16.
Adonc respos Jhesu e dix a lor. la mia doct[r]ina no es mia.
mais de lui qui mi trames. — 17. Si alcus uolra la uolontat
de lui far, conoissera de la doctrina si sia de deu s'en parli
de mi eiss. — 18. Qui parla de si mezeis. propria gloria quer. 515
Mais qui quer la gioria de lui lo quais trames lui. aquest es
[87 " 2] ueraix. e tortura e lui no es. — 19. Doncas Moyses
no dec a uos leg ? e negus de nos no fa la leg. Per que me
queretz aucire ? — 20. Respos la cumpanha e dix : demoni
as, quais te quer aucire? — 21. Respos Jhesu e dix a lor. 520
una obra fi. e tuit merauilhatz uos. — 22. Per aisso Moyses
dec a uos la circumcisio. no quar es de Moyse[n]. mais dels
paires. Et en sabte circumcizetz home. — 23. Si hom recep
la circumcisio el sabte que no sia souta la leg de Moysen. a
mi uos endenhatz quar fi Tome tôt sa el sabte ? — 24. No 525
uulhaz iuiar segon cara. Mais dreiturer iuiament iuiatz. —
25. Em per aisso dizian aleanti de Jherusalem. doncas no
es aquest lo quai quiro aucire? - 26. Vec uos el parla a pales
e neguna causa no dizo a lui. Doncas conogro uerament li
princep que aquest es Cristz ? — 27. Mais aquest sabem don 530
sia. mas Cristz, co uenra, negus no sab don sia. — 28. Em
per aisso Jhesu cridaua essenhantz el temple e dis. E mi
sabetz. e don eu sia sa[87v l]betz e de mi mezeis no uengui.
mais es uers lo quais trames mi. lo quai uos no sabetz. —
^9. mas eu sei lui. E si eu dizia que no sei lui, séria semblante 535
a uos, messorguers.Et eu sei lui quar de lui so et el me trames.
r— 30. Per aisso querian lui penre. e negus no mes las mas
10
122 DIALECTES ANCIENS
.Ml lui. Quar cnquara no era uenguda la ora de lui. — 31.
Mais (le la cuuipanlia niouti crezero en lui. e dizian : Cristz co
.")!() uonra. doncas fara plus signas, plus que aquest fa? — 32.
Auziro li Fariseu la cumpanha murmurant de lui aquestas
causas, e li princep e li Fariseu traraeiro ministres quel
prezesso. — 33. Adoncas dix a lor Jhesu. Encara u pauquet
temps so ab uos. e uau a lui qui mi trames. — 34. Quiretz me.
545 e nom atroba|re]tz. et aqui on eu so, uos no podetz uenir. —
35. Adoncas dixero li .Juzeu a lor meteisses. on es anador[s]
aquest quar no atrobarem lui ? Doncas es anadors en espar-
zement de gentz. et essenhadors las gentz? — 36. Qui es
aquesta paraula que dis. quiretz me. e nom atrobarétz. et
550 aqui on eu [87^ 2] so, uos no podetz uenir? — 37. Mais
el deraira dia de la gran festa estaua Jhesu e cridaua dizentz.
si alcus sedeia(s) uenga a mi e beua. — .38. Qui cre e mi, si
cum ditz la scriptura, tium d'aiga uiua décora del uentre de
lui. — 39. Mais aisso dix de l'esperit lo quai eran recebedor
555 li crezent en lui. Quar encara Fesperitz no era donatz. quar
encara Jhesu no era gloriflcatz. — 40. Em per aisso raouti
d'aicela cumpanha co aguesso auzidas aquestas paraulas di-
zian. aquest es uerament propheta. — 41, Li autri dizian.
aquest es Cristz. mais alcajnjti dizian. doncas Cristz, ue de
560 Galilea? — 42. Doncas no ditz la scriptura que de la semensa
de Dauid e del castel de Bethléem on era Dauit ue Cristz ? —
43. Em per aisso discordia fo faita en la cumpanha per lui.
— 44. Mais alcanti de lor uolian lui penre. mais negus no
mes sobre lui las mas. — 45. Adoncas uengro li ministri als
565 auesques et als Fariseus. et eli dixero a lor. per que no
adussesz lui? — 46. Resposero li ministri. anc enaici no
parlée hom. coma aquest hom [SS' 1] parla. — 47. Em per
aisso resposero a lor li Fariseu. doncas e uos esz enganat ?
— 48. Doncas alcus dels princeps (no) crezec en lui. o dels
.i70 Fariseus? — 49. mais la cumpanha aquesta que no conoc la
leg. e so maldig. — 50. Dix ad els Nicodemus. aicel que era
uengutz a lui de noitz. que era us de lor. — 51. doncas nostra
legs no iuia home sino auzira de lui primcirament. e conois-
sera que fasza? — 52. Resposero e dixero a lui. doncas est tu
olô Galileus? Ecerca las escripturas. e ueias que profeta nos
leua de Galilea. — 53. E retornero sen us quex en la sua
maiso.
EVANGILE SELON SAINT lEAN 123
1. ll/l"'>i!^ Jlicsu anee c mont Oliuet. — 2. e mati de rescaps VIII
lYAueuc el temple, e totz lo polile iienc a lui. e sezentz
essenhaua els. — H. Et amenero a lui li escriua c li Fariseu 580
una femna preza en auouteri. et establiro lei e mcg. — 4. e
dixero a lui. Maestre aquesta femna es ara preza en auou-
teri. — 5. mas e la leg mandée Mojses a nos d'aquesta me-
sura lapizar las auoutrairitz. Em per aissotu que dizes de Ici?
[88'' 2]. — G. Mais aquestas causas dizian essaiantz lui quel 5S5
poguesso acusar. mas Jhesu enclinantz si deios. ab lo det
escriuia en terra. — 7. Mais co perseueresso enterrogantz
lui. dressée se e dis ad els. qui senes pecat es de uos. pri-
mers gete la peira en ela. — 8. E de reseaps enclinantz si es-
criuia en terra. — 9. Mais auzent us après u issian. comensantz .590
dels uelhs entro al derraira. E remes Jhesu sols ela femna e
meg estantz. — 10. Mas endressantz si Jhesu dix a Ici. femna
on so aquili que te acusauan? Negus no te condampnoc. ~
11. La quais dis. no degus senher. e Jhesu dis. ni eu no te
condamnarei. uai. e ia d'aici enant no uuhis pecar. -- 12. 595
Adonx de rescaps. parlée ad els Jhesu dizontz. Eu so lutz del
mon. Qui sec mi. no ua en tenebras. mais aura lum de uida.
— 13. Adonc dixero a lui li Fariseu. Tu de tu meteis donas
testimoni. lo teus testimonis no es uers. — 14, Respos a lor
Jhesu e dis. E si eu doni testimoni de mi eiss, uers es lo 000
meus testimonis. Quar eu sei don uengui et on uau. Mais uos
no [SS''' 1] sabetz don uenc o on uau. — 15. Mais uos iuiatz
segon carn. eu no iugi alcu. — 16. E si eu iugi uers es lo
meus iuiamentz. quar no so sols, mais eu el paire qui mi
trames. —17, Et en la uostra leg es escriut. quel testimonis 005
de dos homes es uers. — 18. Eu so que doni testimoni de mi
eiss el paire qui mi trames dona testimoni de mi. — 19. Em
per aisso dizian a lui. On est tos paire ? respos Jhesu. Ni mi
no sabetz nil meu paire. Si mi saubessetz per auentura sau-
bratz el meu paire. — 20. Aquestas paraulas parlée Jhesu el <)1<)
tesaurer essenhantz el temple. E negus no près lui. quar
encara no era uenguda la ora de lui. — 21. Adonc dix a lor
de rescaps Jhesus. Eu uau e queretz me. et el uostre pecat
morretz. la on eu uau uos no podetz uenir. — 22. Em per aisso
dizian li Juzeu. doncas aucira si meteis? Quar ditz, la on eu 015
121 lUALKClKS ANCIKNS
uaa uos no podetz iienir. — 23. E dizia ad els. Vos esz deios.
eu so desobre. Vos esz d'aquest mon. [88v 2] eu no so d'aquest
mon — 24 . Em pei' aisso dissi a uos que niorretz els uostres
pecatz. Quar si no crezetz que ou so morretz e uostre pecat.
0::iO — 25. Adoncas dizian a lui. Tu quais est. Dis a lor Jhesu.
Comensamentz lo quais parli a uos. — 26. Moutas causas ei
de uos a parlar e iuiar. mas el qui mi trames es ueraix. et
eu parli aquestas causas que auzi de lui el mon. — 27. E no(m)
conogro quar paire dizia a lor deu. — 28. Per aisso dix a lor
625 Jhesu. Co auretz eissausat(z) lo fil del home, adonc conois-
seretz. que eu mezeis so e de mi meteis no fasz alcuna causa.
Mais aici co essenhec a mi lo meus paire, aici parli. — 29.
Et el qui mi trames, ab mi es.e nolaisec mi sol. quar eu fasz
totas oras aquelas causas que so plazentz a lui. — 30. Lui
630 parlant aquestas causas mouti crezero en lui. — 31. Adoncas
•Jhesu dizia az aicels Juzeus que crezero en lui. Si uos esta-
retz e la mia paraula uerament seretz mei decipol. — 33. e
conois[89 ■■ l]seretz la ueritat. e la ueritat afranquira uos.
— 33. Respondero a lui li Juzeu e dixero . Scmensa d'Abra-
0.35 ham em nos. et anc a negu home no seruim. en quai maueira
dizes tu. franqui seretz?— 34. Respos a lor Jhesu. Verament
uerament die a uos que totz hom que fa'pecat. es sërus de
pecat. — 35. mas lo serus no esta e la maiso en durable, mas
lo fils esta en durable. — 36. em per aisso ^-il fil uos afran-
010 quira uerament seretz franqui. — 37. Eu sei que fils d'Abra-
ham esz. Mais queretz me aucire. quar la mia paraula no
esta e uos. — 38. Eu parli aquo que ui uas lo meu paire, e
uos faitz aquelas causas que uisz uas lo uostre paire. — 39.
Resposero e dissero a lui. Abrahams es nosire paire, e dix
645 ad els Jhesu. Si fils d'Abraham esz. las obras d'Abraham
faitz. — 40. Mas ara queretz mi aucire. home que parli ueritat
a uos. la quai auzi de deu. aisso no fe Abrahams. — 41. Vos
faitz las obras del uostre paire. Em per aisso dixero a lui. Nos
no em naîSG'" 2]di de fornicatio, .t. paire auem deu. — 42.
050 Adoncas dis a lor Jhesu. Si deus fos uostre paire, ameratz
a certas mi.. Quar eu issi de deu e uengui. quar de mi eiss
no uengui. mas el me trames. —43. Per que la mia paraula
no conoissetz? quar no podetz auzir lo meu sermo. — 44. Vos
esz del paire diable els desirers del uostre paire uoletz far. quar
EVANGILE SRI ON i>AINT JEAN 125
el ei-a homiciders del coraenssament. et en ueritat no estec 655
quar no es ueritatz en lui. Co parla messorga. de sas proprias
causas parla, quar messorguers es el paire de lui. — 45. Mais eu
que die ueritat. no crezetz a mi. — 46. Quais de uos reprenra
mi de pecat?Si eu die ueritat, per (jue uos no crezetz a mi? —
47. — Qui es de deu au las paraulas de deu. per aisso uos no 660
las auzetz, car no esz de deu. — 48 Em per aisso respondero
li Juzeu e dixero a lui. doncas no dizem nos be que tu est
Samaritas et as demoni? — 49. Respos Jhesu. Eu no ci de-
moni, mas ondri lo meu paire, e uos desondresz me. ^ — 50.
Mais eu [89^ 1] no queri la mia gloria. es qui quiira e iuie. 665
— 51. Verament uerament die a uos, si alcus gai'dara la mia
paraula no ueira mort en durabletat. — 52. Adoncas dizero
li Juzeu. ara conoissem que demoni as. Abrahams es mortz.
e li propheta. e tu dizes. si alcus gardara la mia paraula no
ueira mort en durable. — 53. Doncas est tu maier del nostre 670
paire Abraham lo quais es mortz ? E li propheta so mort, que
tu meteis te fas? — 54. Respos Jhesus. Si eu glorifiqui mi
meteis, la mia^'loria es nientz. Es lo paire meus lo quais glo-
rifica mi. lo quai uos dizetz que uostre deus es. — 55. e no
conogues lui. Mais eu lo conogui. e si dizia que no sei lui. 675
séria semblantz a uos, messorguers. Mais eu sei lui. e gardi
la paraula de lui. — 56. Abraham uostre paire se alegret que
uis lo meu dia. e ui et esgauzic se. — 57. Adoncas li Juzeu
dizero. Encara no as. l. ans. et Abraham uist? — 58. Dix ad
els Jhesu. Verament uerament die a uos. antz que Abrahams 680
fos faitz. eu so. — 59. Adoncas prezero peiras. que giteso en
lui. mas Jhesu se rescos et eissic del temple, [89^' 2].
('.-1 suivre.)
DIALECTES MODERNES
•_-l?<y*i*»«i>-5J-~-»
ENIGMES POPULAIRES SICILIENNES
Ces énigmes peuvent ùlre considérées comme une suite à celles
qui ont été pul;hliées par mon ami Pitre, dans le second volume
de ses Canti popolari siclliani (Palermo. 1871).
Elles appartiennent au langage de Noto (Sicile).
M. i)[ MAnTiNo.
I. Hag-ghiu 'nacosa ca'nterra s'agghiucca
E fa lu niru 'mmienzu li cuticci,
E, quannu 'mprena, 'mprena r'a vucca,
E quannu figghia, figghia r'auricci.
'A vutti.
W. Picurai'ieddu ri Rausa,
Mi vuoi vinniri un muntuni
Cu li corna atturcigghiati
Cornu a cliiddi ro \b patruni?
'A ciaramedda.
ENIGMES POPULAIRES SICILIENNES
T. — Il y a une chose qui sur la terre s'accroupit et se fait un
uni au milieu des cailloux; et, lorsqu'elle devient mère, le devient
de la bouche, et lorsqu'elle accouche, accouche de l'oreille. — Le
tonneau.
II. — Berger de Raguse *, veux-tu me vendre un mouton avec
les cornes entortillées comme celles de ton maître?— La corne-
muse.
' Petite ville sicilienne.
ENIGMES POPULAIRIS 127
III. Rir î^urdati i;iraru la Spagna
Pi ghiri a (l'uvari lu re di la spica,
E lu truvai'u 'mmieiizu 'ua lurtagua,
E eu du' ossa ci truucaru la vita.
^IJ piruoccia.
IV. Tuunu, tunieddu.
Supra mari va,
Pizzica ardenti e mali nu' ta.
''U sbiezzi.
V. 0 ciovi o nivicasempri è nuvulatu,
Arburu siccu è sempri carricatu.
'U tettu.
VI. Ri suttasbria, e di supra maidda,
E di rintra c'è apicciridda.
A scuzaria.
VII. Figghiu nuccintissimu,
Fattu eu 'ngiegniu er arti:
Nu 'mporta se si' mutu,
Ma ou li mori tuoi cunprenniri nù fai.
'ifralogghiu.
VIII. Trentatri piezzi 'ncaufinati stanuu,
E supra un lignu ben caru, ben forti,
E sii binutu ri tantu luntanu
III. — Deux soldats parcoururent l'Espagne pour aller trouver
le roi de l'épi, et le trouvèrent au milieu d'un lien, et avec deux
os lui enlevèrent la vie. — Le pou.
IV. — Rond, rondelet, va sur la mer, picote acre et no fait {las
de mal. — Le poivre.
V. — Qu'il pleuve ou qu'il neige, ou qu'il y ait dos nuages, il est
arbre sec et il est toujours chargé. — Le toit.
VI. — Dessous, le brisoir, et au-dessus, la huche, et dedans il
y a le petit. — La tortue.
VII. — Filtres-innocent, fait avec talent et art; peu importe
situes muet, mais, avec tes façons, fais-moi comprendre, — L'hor-
loge.
VIII. — Trente-trois pièces sont enchaînées au-dessus d'un bois
128 DIALECTKS MODEKN b:S
Pi (lari peria a mia, turmientu e morti.
'A scupetta.
IX. Ru' zucca, milli painpiiii e'na rosa.
'f/ jaddu.
X. Supra 'il tuuuu spampinatu
Ci su quatti'u pipi ardienti.
Ju lu viru quantu è gratu ;
Fa^ cam[)ari allegramenti.
'' il cannilieri a quatt.ru inecci.
XL Piccula sugnu iu,
Senz' ali vaju abbulannu ;
Unni puosu iu,
Pizzicu e fazzu dannu.
M faidda.
Xli. Lu fustu biaucu e lu cuorpu russu,
Sugnu ri raghiunevuli lunghizza;
Chi pi l'affari miei scarcu e nun tussu,
E lu sputari miu nun è spurchizza.
'A cannila ri cira.
XIIL Unnijiti, Signuri Dutturi,
Cu un sautu ca e dà,
Lu mussiddu ri cutticciuni
E Tancaredda ri mèpapà.
' U riddu.
bien fort et bien cher: il est arrivé de loin pour donner à moi peine,
tourment et mort. — Le fusil.
IX. — Deux tiges, mille feuilles et ime rose. — Le coq.
X. — Sur une a.ssiette effeuillée il y a quatre grains de poivre
acre. Je le vois quand cela est à mon gré; il fait vivre gaiement. —
Le candélabre.
XL — Jo suis petite, sans ailes je vais volant; où je me pose, je
jtecquète et je fais dommage. — La bluette.
XII — La tige blanche et le corps rouge, je suis d'une longueur
convenable; pour mes affaires, je crache et ne tousse pas, et mon
crachat n'est pas sale. — La chandelle.
XIIL — Où allez-vous, Monsieur le Docteur, avec un saut çà et
là, le museau de caillou et la jambe de mon père ? — Le grillon.
I
ENIGMEIS POPUI. AIRES 129
XIV. Haju 'il criva cristalliiia,
Nun ci n'è 'nta H jardina,
E nun c'è pirsuna nata
Chi 'un la metti 'ntapignata.
' U sali.
XV. La mè signura, eu tanti billizzi,
E stà firmata 'nta carri e battazzi {sic)\
Veni lu jornu ca si tagghia li trizzi,
L'uommini beddi li fa 'sciri pazzi.
M viyna.
XVI. Supra 'na timpa'
C'è 'na cosa pinta ;
Ne parra, ne senti
E ciamu a ghienti.
''A campana.
XVII. Haju la navi mia fatia ri tila ;
Cu vientu o senza vientu, sempri vola.
Chidda ca c'è dintra cianci e grira,
Chidda ca c'è ri 'ncianu eanta e sona.
W naca.
XVIII. A lu trasiri, trasiu ;
A lu nèsciri,jti vuoju.
XIV. - J'ai une herbe crislalline; il n'y en a pas dans les jar-
dins, et il n'y a personne qui ne la mette dans le pot. — Le seL
XV . — Ma maîtresse, qui est charmante, est enfermée entre des
chars et des hattazi ; il vient un jour où l'on coupe ses tresses, et
elle fait tomber les beaux hommes en démence. — La vigne.
XVI. — Sur une pierre il y a une chose pendue; elle ne parle
ni n'entend et appelle les gens. — La cloche.
XVII. — J'ai mon navire fait de toile; avec le vent ou sans le
vent, toujours il vole. Celle qui et.t dedans pleure et crie; celle qui
est au dehors chante et sonne. — Le berceau.
XVIII. En entrant, il entra; en sortant: je veux te garder! Il se
rouilla, le verrou, il veut pour lui une co/îsm - d'huile. — La prison.
' Une variante de cette énigme a été publiée par Pitre dans ses Canti
popolari siciliani ( II, 1871 }.
-' Mesure sicilienne pour l'huile.
130 DIALECTES MODERNES
S'ari'upghiaju lu catinazzu,
Ci voli un oafisu r'uogghiu.
'fl cnrziru .
XIX. Signuri Dutturi, c' addutturiati,
Sciughittimi stu dubbiii ch' aju'ii testa ;
Vuoju ca tutta a notti ci pinsati :
Quali armaru è ca figj^hia ra testa?
'A siccia.
XX. Haju la manu mia lisciannarina,
Longa quantu 'nu battagghiu ri campana.
Cu' mi la 'nzerla ci fazzu la «trina,
Ci rugnu tiempu: 'n annu, 'n misi e'na simana.
'U firiettu.
XXI. Haju'n murtaru ri mmarmara fina ;
Intra ci su' vintiquattru pistuna
Facievunu 'na miricina tanta fina,
Ca si la piggliia la stissa pirsuna.
'A vucca cui rienti.
XXII. Uossu r'auliva, petra cotta ;
Sugnu vinutu ccà p'allucintari,
E sugnu'n manu ri'na bedda picciotta
Ca ammanu, ammanumifa squagghiari.
' U sapuni.
XIX. — Monsieur le Docteur, qui faites le compagnon, devinez
le doute que j'ai par-dessus la tête; je veux qne pendant la nuit
vous y pensiez : quel est l'animal qui accouche par la tète? — La
sèche .
XX. — J'ai ma inain lisse, et longue comme un battant de clo-
che. A celui qui me devinera 'je donnerai une étrenne . et je lui
donne du temps: un an, un mois et une semaine. — Le furet.
XXI. — J'ai un mortier de marbre lin : dedans il y a vingt-
quatre pilons, faisant une médecine très-fine, que doit prendre la
même personne. — La bouche et ses dents.
XXil. — Pépin d'olivo, pierre cuite; je suis venu ici pour ren-
dre brillant, et je suis tombé dans les mains d'une charmante
jeune fille qui de ses mains me fait devenir liquide.— Le savon.
ENIGMES POPULAIRES 1?I
XXIII. Haju 'n mazzu ri milliraillicchi ;
Nun su virdi, e mancu sicchi
Pi lu 'niienm e pi la stati :
'Nzirtatimillu pi caritati.
'/ capiddi.
XXIV. Ciii assai nipierdu, ciù assai n'haju
^ U suonnu.
XXV. Cincu ricotti 'nta'na cavagna.
V pietn.
XXVI. Cu' citrasi eu a hirrita 'nta chiesa?
' (/ muorfu.
XXVII. Oh Diu! clii maravigghia !
R'intra pilusu e di'ncianu scucchigghia.
'U carciuofulu.
XXVIII. Vitti pi strata li misiri 'rranti,
Arricughiennu li misiri pizienti,
E fa li figghi suoi bianchi e lattanti :
E eu' li fa lîlici, e cù scuntienti.
'A littra.
XXIX. Rù sui'uzzi p'amicizia
Iddi 'scieru p'abballari :
Puoi vinni la giustizia,
E li fici cuitari.
'A vilanza.
XXIII. — .Tai un bouquet de mille-feuilles; elles ne sont pas
vertes, et cependant elles sont sèches en hiver comme en été: de-
vinez-le moi, par charité. — Les cheveux.
XXIV. — Plus on en perd et plus il y en a. — Le sommeil.
XXV. — Cinq recuites dans une planche. — Les pieds.
XXVI. — Qui entre avec'le bonnet dans l'église ? — Le mort.
XXVII. — Mon Dieu ! quelle merveille! dedans velu et dehors
feuillu. — L'artichaut.
XXVIII. — Je vis dans le chemin les misérables errants, ra-
massant les misérables mendiants, faisant des fils blancs et laiteux;
et celui-ci est heureux et celui-ci mécontent. — La lettre.
XXIX. — Deux sœurs, par amitié, sortirent pour danser; ensuite
vint la justice, qui les calma toutes les deux. — La balance.
13? DIALECTES MODEKl>iES
XXX. 1 laiii nr assai'taru iiitiu 'a casa;
La casa si nni sciu ])i li finesci :
Kl- iu nrristai [trif^hiunieru e senza casa.
'il pisci''ntra'riti.
XXXI. Haju'iia cosa ch'è fattu a lu tuornii :
Intra c'è lu quanquarancà :
Quantu fazzu tri boti accussî,
'Ngloria 'n pararisu si nni va.
' U crivu eu a farina
XXXII. Minciunieddu, chi fai r'arrieri a porte ?
'U pun'iddu .
XXX. — Les voleurs massaillirent dans la maison: la maison
sortit par les fenêtres, et je restai prisonnier et sans maison. — Le
[)oisson dans les filets.
XXXI. — J'ai une chose qui est faite au tour; dedans il y a
la quanquarancà: lorsque je fais trois fois de cette façon, elle s'en
va au paradis. — Le crible avec la farine.
XXXII. — Sot, que fait-il derrière la porte? —Le support.
]
A JULl GAUSSliNEL
APRES LA LEGIDO DE SOUN ABDONA
Seguissènt de Miltoun la draio estelejanto,
Mountes fins au celestre, e pièi, Dante nouvèu,
l)aerbes l'orre poiirtau do la ciéuta cremanto,
Mai fort qu'un leiounas o mai dous que lou mèu .
La vesioun d'amoundaut, que ta grand gèsto canto,
Enebriant noste eime i pur sourgènt dôu bèu,
Nous dis que sara 'n jour ras de Dieu triounfanto,
Touto amo qu'a ploura souto noste soulèu.
Aquéli qu'an senti la boufado divino :
Tasso, Camoens, Musset, Brizeux, Mistral, Racino,
E Tome mau caussat, lou qu'escultè Cinna,
Podon, de dre requist, trelusi dins toun libre.
Mai n'en delembres un, me lou semblo, o felibre !
Coume éli, sies-ti pas dôu cepoun d'ABooNA ?
Adèufe Espagne.
(Provençal, Avignon et les boi'ds du Rhône.)
A JULES GAUSSINEL
APRÈS LA LECTURE DE SON ABDONA
Suivant de Milton la voie étoilée, — ta montes jusqu'aux régions
célestes, et puis, Dante nouveau, — tu ouvres l'horrible portail de la
cité brûlante,— plus fort qu'un fier lion ou plus doux que le miel'.
La vision d'en haut, que ta grande geste chante, — enivrant
notre intelligence aux pures sources du beau, — nous dit qu'[ellej
sera un jour près de Dieu triomphante, — toute âme qui a pleuré
sous notre soleil.
Ceux qui ont senti le souflle divin :— le Tasse, Camoens, Mus-
set, Brizeux, Mistral, Racine, —et l'homme mal ciiaussé, celui qui
sculpta Cinna,
Peuvent, de droit choisi, étinceler dans ton livre. — Mais tu en
oublies un, il me semble, ô féUbre !— Comme eux, n'es-tu pas de
la lige d'ABDONA ? Adelphe Espagnk.
' Les Juges XIV, 18.
DONEC GRATUS ERAM
(UuBAci Carm., III, ix.)
Eu. — Tant que t'agradère, o bello Lidio,
Tant que m'amères miès que gis d'autre galant,
Qu'àiéu soulet pourgiès toun bèu bras blanc,
Visquère plus urous que li rèi do TAslo.
Elo. — Tant que f agradère, amaire catiéu,
Tant que m'amères miès que ta Cloé tant vano,
Me cresiéu mai qu Ilio la Roumano,
E jamai gis de noum brihè mai que Ion miéu .
Eu. — Aro ame Cloé, Cloé i'Arlatenco:
Canto sus la quitarro e n'en jogo tant bèn !
Pèr elo, de mouri me farié rèn,
Amai que more pas, ma migo, proumierenco.
Elo. — Aro ame Calés; Calés m'amo bén,
Calés qu'es dùu Thor, l'enfant d'Ourniture ;
E pèr eu mourriéu dous cop, t'assegure.
Amai que more pas, moun ami, proumiereu.
HoRATius. — Donec gratus eram tilii,
Nec qiiisquam potior hrachia candida?
Corvici juvenis dabat,
l^ersariim vi^ui rege beatior.
r^v.ifA. — Donec non alia magis
Arsisti neqiie erat Lydia post Chloën,
Muili Lydia nominis,
PioniMua vi'jui clarior Ilia.
DONEC G RAT US ERAM,
(OuRAci Carm., III, ix.)
OuRACi. — Quand ère de tus agradat,
Que ges de jouvent préférât
Touii col lis e blanc abrassava,
Mai qu'un rei de Persia troumflave.
LiDiA. — Quand per Tautra cremaves pas,
Que noun aviè Cloë lou pas
Dessus ieu qu'Ouraci abrassava,
Trourallave, urousa Lidià,
Mai que la roumftna Ilià,
OuRACi. — Cloë de Tracia ara me mena,
Soun dous lai canta sus Fourguena.
Dieus ! se counservàs mas amours,
Poudès avaliscà mous jours.
LiDiA. — D'un fioc parel al sieu m'embranda,
Calis, til d'Omis de Taranda.
Dieus ! se counservàs mous amours,
Poudès avaliscà ma vida,
Dous cops mai qu'un vous ie couvide.
Hûratius. — Me nunc Thressa Chloe re^it.
Diilcps docla modos et citliar;p scieiis,
Pro qua non nietuam mori,
Si parcent anlmaî fata suporsliLi.
"Lydia. — Me torret face nuitua
Thurini Calais liliiiô Ornyli,
Pro quo bis })aliar mori.
Si parcent pupro fala superstiti.
135 niAIvECTES MODERNES
Èv. — E se renaissien nostis amour morto,
Se Venus jougnié mai tout co qu'avem disjount,
Se rebute un jour Cloé di peu blound,
Se rebutado un jour, Lidio ouvro sa porto?. . .
Elo, — Calés coumo un sôu, segur, es pouli,
Tu sies plus lèu que suve e plus marri que l'oundo,
E pamens en iéu toun amour subroundo:
Vole viéure emé tu, vole emé tu mouri.
V. LlKUTAUD
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
HoRATiL's. — Quid, si prisca redit Venus
Diduclosque jugo cogit aheneo ;
Si flava cxcutilur Ghloe,
Rcjeclaeque patet janua Lydi;e?. . .
DONEC GRATUS ERAM 137
OuRACi, — Mais la Venus cVantaii rcveri,
Saura Cloc, lèu, lèu vai-t'en.
Porta, à Liclia oubris-te 'ncara,
Qu'un joue do ferre nous ensarrc.
LiDiA. -^ El es pus bèu que lou soulèu;
Tus, mai que la mar roundinèu,
E pus laugè que sieure encara.
Pamens, vieure am tus aimariei,
Countenta embe tus mouririei.
Adoufe Espagne.
(Languedocien, Montpellier et ses environs.)
Lydia. — Qiian([uam sidero puiclirior
Ille est, tu levier cortice et improbo
Iracundior Hadria,
Tecum vivere ainem, tccum obeam libens,
11
BIBLIOGRAPHIE
Die Beiden aeltesten provenzalischea Grammatiken, Lo Donalzproen-
xaly un l las liasos de trohar, nebsl einem proveiizalisch-italienischen
Glossar, von neuem getreu und nach don Hss. herausgegcbed von Ed-
mund Slengel. Marburg, 1878, in-8o.
Ci.'tt9 nouvelle édition des Grammaires provençales répond à un
besoin réel de nos études ; elle sera, je n'en doute pas, la très-bien
venue auprès de tous les romanistes. Ce n'est pas encore, à la vé-
lité, l'édition délinitive que l'on se flattait, un peu témérairement,
il y a vingt ans, de mettre au jour. Mais M. Stengel, sans viser si
haut que I\I. Guessard, nous aura peut-être mieux servi. Son édi-
tion n'est pas définitive, et elle n'y prétend point; mais elle offre
aux philologues (si, comme le titre l'annonce et comme on doit
rosporer, les mss. ont été fidèlement reproduits*) tous les secours
possibles pour en préparer une qui ait chance de l'être, autant du
moins qu'une édition puisse passer pour telle. M. Stengel ne s'est
pas borné, en effet, à imprimer in extenso, côte à côte, le texte des
deux principaux mss., tant du Donat cjue des Rasas de trohar; il a
donné dans les notes les variantes des autres mss., et de plus re-
produit, en les accompagnant de ses propres corrections ou conjec-
tures, outre les leçons de M. Guessard, toutes les observations,
même les moins fondées 2, qu'ont publiées sur nos deux gram-
maires, et spécialement sur les glossaires du Donat, 'S\]s\. Galvani,
Dicz, G. Paris, Paul Meyer, Tobler, J. Bauquier et l'auteur du
présent article''. C'est donc une véritable édition vanorum que
M. Stengel nous a donnée. Il en a encore augmenté l'utilité par
la publication intégrale du petit glossaire provençal-italien qui ac-
compagne le Z)o«aMan& le ms. 4-2-il de Florence, etdontM. Bartsch
avait, il y a liint ans, au tome XI du Jahrbuch, imprimé seulement
la moitié. Le volume est terminé par un double vocabulaire où
sont relevés alphabétiquement, avec leur traduction latine ou ita-
* Il est fâcheux que l'on n'ait pas trouvé d'autre moyen, pour ligurer
lypographiqucment les diverses abrcvialious des mss., que l'emploi dans
tous les cas d'un seul et mémo signe, l'apostrophe.
- Telles sont sûrement, parmi les miennes, colles qui concernent caf
( iOa,3'i ), bols (5ia,i5 ), et probablement aussi quelques autres.
3 Voy. Romania, I, 23i ; 11, 327; VI, 136 et 450. Je n'ai connu les re-
marques de Galvani, avec qui je m'étais, à mon insu, souvent rencontré,
que par les citations de M. Stengel.
BIBLIOGRAPHIE 139
lienne, les noms propres et les autres mots qui composent le glos-
saire italien et ceux, du Donat, ou qui sont mentionnés, comme exem-
ples, par les deux grammaires. C'est un travail utile et qui, liien
qu'il donne prise à la critique en plus d'un endroit', vaudra à
M. Stengel la reconnaissance des travailleurs.
Après cet e.xposé sommaire du contenu de l'édition de
M . Stengel, je placerai un certain nombre de remarques de détail
faites au cours de ma lecture. M. Boucherie en a fait aussi do
son côté quelques-unes qu'il m'a communiquées, et que j'interca-
lerai parmi les miennes.
P. VII de l'introduction. V. 3 du fragment tle planli , i^-ahWè là
pour la première fois. Lusse. La correction indiquée est lassa et
non las ieu, puisque c'est une femme qui parle, et que d'un autre
côté l'a final, dans ce texte, est toujours changé en e. — V. 6. De
arcnavant=i dur en aoant et non doren avant. — V. 11. Darai en
tenen. Lis. entenen ^ouv entcndeii =^ je donnerai à entendre, je ferai
com2)rendre. Cette forme, jointe à cpour a final, à mons pour mos (v. 2
et 19), à l'emploi de x pour ss (v. 20), donne à penser que ce texte
a été altéré par un copiste catalan. — V. 17. jio(l)gres. Il faudrait
pogues. — 24. Gengua doit sans doute être corrigé vengua.
23, 1 1 . Teus .i. timuit, preus .i.pressit. — A l'appui de ces formes,
que ÎNI. Guessard avait corrigées tens, ^rens, et que M. Stengel,
vu l'accord des mss., croit au contraire devoir conserver, on peut
citer l'exemple suivant, tiré du ms. 1592 de la B. N. (Mahn,
GedicUe, LXII, 1):
Greu feira nuills hom failleasa
Si tant teus&es son bon sen
Gum le blasme de la gen.
J'ai vu ailleurs un autre exemple pareil, mais je ne sais pas le
retrouver. Quant à l'origine de ^^i de ces formes, il faut probable-
ment la chercher dans le p parasite de temps (*temsil), premps
Cpremsit), qui, une fois introduit, aura, comme il arrive en d'au-
< Les formes fausses n'y sont notéos (voy la préface, p. xxvi) que dans
le cas où a une restitution sûre » fait défaut. Mais M. Stengel a pu sou-
vent se tromper sur la valeur des corrections proposées. Le mieux eût
été, à mon avis, de reproduire fidèlement, dans tous les cas, le mot pro-
vençal et sa tradaction latine ou italienne, quand elle existe, tels que les
mss. les fournissent, en plaçant à la suite, entre crochets, les corrections
certaines ou seulement probables. C'eût été plus conforme au plan de
l'édition, et l'otililé de co résumé lexicographique des trois ouvrages en
aurait été beaucoup accrue.
110 BIBLIOGRAPHIE
1res mots, olmssc* \'m éiymologiquo et so sera ensuite vocalisé.
Cf. d'une part esseps, dopna ; de l'autre, eus = e/ts (ipse).
28 a, 'âO.StttUis, Gorr. Stijndis.x. IV. esteules (Boucherie).
28 i*, 21, note. M. St. a raison de no pas accepter la correction
sosten'ar, pour sosteirar, que j'avais un peu étourdiment proposée,
il y a d'autres exemples dans le Donat même (M. St. on relève
plusieurs) de ir = rr*. Mais lairar, qu'il cite en même temps,
n'est i)as dans le même cas. L'/ y provient de ^ comme dans
jyaire, laire, etc.
28 b, 35. Uicih. Gorr. ulnh?
2'.) a, 19. hos i>araît ici plulOt l'abréviation de liospitîum que celle
de Jiostem.
30 a, 43. enastar. Le vrai sons est bien celui Aq mettre à la broche>
lignum [la lenha) étant le bois brûlant dans le foyer.
30 &, 27. enclavar. G'est le français endouer, au sens propre. La
trad. est donc très-exacte et les doutes de Galvani sans fondement.
20 h, 43. Etinduohus sustentari. Suppl. manibus eX corr. duabus.
C'est ce qu'on appelle en Saintonge « faire le châgne dret » ; péni-
tence qu'on impose aux fdlettes dans les jeux innocents, quand il
s'agit du gage touché. Il va sans dire que, dans ce cas, la pénitence
n'est pas obligatoire (Boucherie).
31 a, 34. Fcrtinet serait ici une addition inutile. Ad custodiam
est régime de vigilare.
31 b, '^'à.liurar .i, lucrari. Corr. luirar. Cf. luitar = luctan.
32 a, 5. Machctr,matar .i. percutere. Il n'y a aucune note sur
ce passage et, dans son vocabulaire, M. St. interprète machar par
mactare. C'en est peut-être bien l'étymologie, mais non pas l'exacte
traduction. Percutere rend mieux l'idée que nous attachons à ce
verbe. On est mâché (car le mot existe aussi en français-) par un
instrument contondant.
32 a,3'3. ebeditare. Lis. hebelitare, fréquentatif de /èeietore, émous-
ser (Boucheriej .
32 &, M.Petaçar est certainement le même mot que pedassar.
C'est cette forme même qui est usitée en Limousin. 11 ne faut
donc pas hésiter à traduire, avec M. Guessard, rç^ccre reto-a (en
franc., rapiécer''^). Venta du ms. B n'est pas seulement ridicule;
c'est une leçon absolument inadmissible.
' Cf. Revue, XII, 19G, 1. 2 et suiv. — On peut citer encore poyre =■
porrum .
- Voy. Boucliorie, Etytn. françaises et paloisrs [Hevue, IV, 553).
■' Pedas, en elTel, est, au propre, non pas une cheville, mais un mor-
ceau d'étolTe servant à raniécor. Voy. Sauvages, au mot petos
BIBLIOGRAPHIE III
32 b, 5. La le(^on do A, saplnarc, admise an vocalnilaire sans
observation, doit être uno mauvaise lecture de sùimiare.
32 b, 43. Pon-^elar existe encore (voy. do Sauvages, i)Ounchcja =
polmlre), Rochogude a eu le tort d'eu faire deux mots, l'un ponce-
jnr, que M. St. n'a pas romarijué chez lui et qui est i)ieu traduit ;
l'autre ponzejar, pour lequel le ponere du Douât l'a fourvoyé. La
lor-ou do B pourrait être corrigée, en remontant de deux ligues im-
probare, mal à propos placé après ^jor/ar (comme M. St. l'a fait jus-
tement remarquer): Funzeiar .i. pungeve vel bénéficia aliis iinprobare.
34 rt, 3. Sostrar, ici, n'est peut-être pas à rejeter (no pas con-
fondre avec un autre sostrar, sousfra, dans Sauvages, = * suhstrare
pour axbsternere) . Nous avons en effet un adjeclii somtrous (= sos-
tros) qui sia^x\\ÇiQ paresseux .
35 6, 29. Conîs. Corr. euneis.
36 b, ii.Endlr .i. inmltere A.înirô B. — Goi'v.liinnire. Los traduc-
teurs de A et de B n'ont pas vu ici le mémo mot. Pour A, c'est
endire (indiccre ) = imposer. — A endir ^ Iiinnire de B, cf. grondir
= grunnire.
37 a, 44. Masdir. Cette forme, que M. St. admet dans son voca-
bulaire, ne peut être qu'une faute de copiste pour maldir.
38 a, 8 et 12. La forme de futur bafrei, répétée ici deux fois^ est
changée à tor^ dans le vocabulaire, en bâfrai.
41 a, 12.,/?«« cane. — Corr. canna. Voy. Littré, glaieul, à l'iiistori-
que, Qifinus dans Du Gange.
41 a, 38. AU::. — La rubrique primitive ne pouvait être ah. Ah,
à la bonne heure. Je me permets de renvoyer M. Stengel, pour
tout ce qui concerne le z final, à mon travail sur ce sujet {Revue,
V, 330, et YL 04), qu'il parait n'avoir pas connu. Cf. sur 5i &, 13.
42 b, 20. Tantes. Corr. tannes de * tannnre = fr. tanner (Bou-
cherie).
43 rt, 2, tanc ; 18, Jlars. — M. Stengel aurait dû mentionner,
parmi les conjectures émises relativement à ces deux mots, celles
de M. Boucherie (Revue,Xl, 218).
43 a, 37. 0/afs^ici, est évidemment à supprimer ou à renvoyer à
la ligne suivante, comme dans l'édit. Guessard.
45 b, 4i. Leis .i. luxas .nus. — L'édit. de M. Guessard a leis
— lectus, que M.Tobler proposait de corriger /ejz's et que je croyais
susceptible d'être conservé. La leçon du ms., aujourd'hui connue,
ne fera que rendre l'embarras plus gi'and. Faut-il corriger seis —
se.ms. M. Stengel propose ^^^m — plexus. Si le mot était parmi les
estreits, on pourrait penser à leis = Uxus (fr. lessif).
47 a, 13 (voy. la note). Temps est bien à sa place parmi les
142 BIBLIOGRAPHIE
rimes étroites. La iirononciation limousine ne connaît pas plus de
ems que de en.t larges.
A8 Oj 10 (note). Je n'avais en vue dans le passage de ma Gramm.
limousine rapporté ici par M. Stengel, et qui lui paraît incomplet,
(]ue les mots qui vivent encore. Voici pourquoi je n'y ai parlé ni
de ver. ni deferir. Mais mème/i?rs serait à rejeter, car la forrae/cr,
sous laquelle seulement nous employons aujourd'hui ce mot, a dû
être prise au français.
50 b, 16. Vethz .i. veretrum. Je ne sais si la bonne étymologie de
ce mot et du mot fr. correspondant a encore été donnée. De
Chcvallet, si j'ai bonne mémoire (car je n'ai pas son livre sous la
main), la cherche dans le celtique. Go doit être simplement le latin
vectis. Ceux qui ont vu, près d'Angoulême, le verrou de la cha-
pelle de Saiht-Roch, et qui connaissent les superstitions qui s'y
rattachent, trouveront cette étymologic aussi naturelle qu'elle est,
phonétiquement, légitime*.
51 a, 5. Lefhz .i. lex. Je crois que l'explication proposée par
M. Stengel ^icitum) est la bonne, et j'avoue qu'avant de le lire j'y
avais pensé moi-même. Ni lex ni legemne pourraient rendre compte
du 0 final de lethz{lehtz). Il faut nécessairement dans le mot latin
une dentale + s, ou un c + c ou i.
51 a, 43. Sics. Il faut corriger j^cs sans hésitation. Le mot existe
encore en limousin comme en français, au sens d'excroissance, tu-
meur. Voy./c dans Littré.
52 a. 1 . Tins A. tempus. Cette glose paraît confirmée par un
exemple cité par Raynouard (V, 322 o); mais je la crois néanmoins
suspecte. Je penseque, pour l'autour du dictionnaire, <îns ëi^Mtignus-
(le mot est bien connu, dans la langue d'oc comme en français,
avec ce sens), et que le traducteur, dans le dialecte duquel proba-
blement templa se disait Un, aura cru à tort avoir ici atlaire à ce
dernier mot.
53 Z», 18. trois. On se serait attendu, d'après l'étymologie admise
(turbare ), à trouver ce mot parmi les estreits. Mais la prononciation
moderne donne raison à la classification du Donat. C'est là un ar-
gument d'un certain poids ( et de même l'ancien fr. ^ treuve, etc.)
contre cette étymologie.
53 i, 31. Volps. M. Meyer avait justement remarqué que ce mot
' Un autre verrou non moins côlébre est celui de l'église de t^aint-
Léonard (Haute-Vienne). Voy. h' Bulletin delà Soc. archéol. du Limou-
sin, t. Vil (1857), 11. 9-2.
-' Cf., dans la même liste, lins — lignum.
BIBLIOGRAPHIE M3
osL placé à tort sous la rubrique larg. La forme actuelle Imtp (Gas
cogne), autant que l'étymologie, lui donne raison.
54 a, 26. Vols .i. volatm (omis au vocabulaire ). Il me semble que
cela est très-acceptable. Le sens est vol, volée (d'oiseaux). Voy. Du
Gange, volatus,
54 b, 2î. Fol::: .i. pullces. Si ^f. Stongel eût connu plus tôt l'ar-
ticle de M. Banquier, qu'il n'a pu utiliser que pour ses addenda, il
n'aurait pas sans doute fait difficulté d'admettre dans son glossaire
la covreciion imites. L'emploi dans la traduction, ici comme déjà
plus haut (8,22), du pluriel pultes, au lieu du sing. jiraZs, semble in-
diquer que le mot devait être dés lors, comme aujourd'hui, usité
seulement au pluriel.
54 6, 44. Il n'est pas douteux que rol/a ne soit en eiïet rotulus.
Mais M. Meyer, dans le passage cité par M. St., l'avait déjà, ce me
semble, assez clairement fait entendre. — • Dans l'Angoumois, ou
appelle rolons{o bref), non roulons, les barreaux d'une échelle.
55 b, 32. Conhz .i.cum cuneo clnudas. Gorr. cudas ?- G'est le sens
de notre conhar, comme du fr. cogner.
50 a, 29. Ors .2, ora panni. — M. Tobler considère ce mot
comme fourvoyé parmi les rims largs, et l'étymologio, à priori, lui
donne raison, l'o en étant originairement long. Mais l'usage des
troubadours prouve que le Donat ne s'est point trompé et que, par
conséquent, l'oralatîn, en prenant chez nous la forme masculine,
y avait abrégé son o. Voici des exemples:
Gora qu'ieu fos d'amor al or,
Er sui vengutz del or al cor.
(B. de Ventadour.)
Mas trastolz lo mons d'or en or
A jurai l'ai re on son cor.
(P. Cardinal.)
Lavas los totz ben d'or en or
E gitas Iota l'aiga for.
{Flamenca . )
56 a, 33. Preforsit. Gorr. perfores? Même ligne, pnnciui {\)om'
piinctum), omis au vocabulaire, peut, ce me semble, rester :/ors,
substantif de forar, signifierait naturellement trou, point, comme,
par exemple, ceux d'une aiguille.
57 6, 10. Vorms. Ce doit être une forme masculine de vorma=h\
morve. On pourrait traduire morbus ou sanies naris.
58 b, 4. Claiics .i. rlau.tis (omi.-^ au vocabulaire ). On a ici, je
pense, une autre forme de duc, d'où clucar, «fermer les yeux», si
même il ne faut pas simplement rejeter l'a comme fautif, Voy. ko-
144 BIBLIOGRAPHIE
chegiuic sous dur. La correction cZ«î/sî<.s do M. Guessard serait
ainsi à conserver, sauf à sous-ontondre quoique chose comme
« pertinet ad oculos. »
58 i,2G. Chuf, cuf .1. pili super frontem, . C'est ce que le limousin
moderne et sans doute aussi d'autres dialectes appellent /îi/b(lat.
tufa)^ substantif dont la forme masculine serait /«/. Et c'est aussi
probablement /î// qu'il faut lire, au lieu de cuf, dans le ms. B, du
Donat. L'origine du mot est en elTet l'allemand xopf ( voy. Litlré
sous touffe Qi toupet), d'où se tire régulièrement tuf et même chuf
( = tchuf, tsuf), mais non pas cuf.
59 b, 46. ^«s, que j'avais proposé ici en place de lus, est le sub-
stantif ^ms ( de viande), et ne peut, par conséquent, faire doulde
emploi, comme le croit M. St. , avec lejua qui est plus loin, ce der-
nier étant l'adverbe.
61 a, 10. Lesquera. (M. Guessard a lesgera, qui s'expliquait mal).
Cette forme renvoie à un parfait Use = lat. *Ie.ri. Cf. l'italien lessi
et le participe lescut (St Honorât, 43 a). On trouve aussi, en pro-
vençal comme en catalan, un participe lesl {== lescf = lexus?) pour
lectus .
61 a, 32. Seriatuin. Corr. seriatim.
63 Oj 37. La prononciation actuelle (oulo) prouve queote, malgré
l'étymologie, est bien à sa place parmi les estreits.
64 b, 22, Asta, doit être entendu ici au sens de manclie, que l'on
introduit (inseritur, comme a corrigé M. Guessard ) dans la douille,
par exemple d'une hache.
65 b, 15. Sesca .i. arundo secans. En limousin, la seicho ( qui est
notre sesca) est le nom d'une espèce d'équisétacée.
65 h, 19. Mesca .i. propinet. Cette acception de miscere se conserve
encore, au moins dans l'Aveyron.Voy. le Bulletin de la Société de
linguistique^ III, p. xxxv, où l'on aurait pu rappeler, par paren-
thèse, que meisser est dans Raynouard, et déjà avec cette unique
signification. C'est aussi dans la môme acception que ce verbe fi-
gure au V. 58 de la première des Anciennes Poésies religieuses publiées
en 1860 par M. Paul Meyer ' {Fel e a^et — U mesquero mesclada-
1 Puisque j'ai l'occasion de citer cette pièce intéressante, j'y proposerai
en passant une correction. On lit dans l'édition, vv, 111-112 :
E à'e lati mo carali
Aquel (lue tu m'as faih
Ce qui, pour moi du moins, n'a aucun sens- Une copie de la même
pièce, prise autrefois ^ur le ms. par M. Boucherie et que j'ai sous les
yeux, porte, au lieu do scran, senin. qui non plus ne signifie rien. Je
BIBLIOGRAPHIP: 145
in^nt), ainsi que clans le frairment de la Vie de sainte Foi d'Agen (v.
6 : E plus que nuls plinens qu'ommosca.) , où tous ceux qui, à ma con-
naissance, se sont occupés de ce fragment, en ont méconnu le sens
00 a, \. Saj'cina. Je corrigerais farrlna ( voy. Du Gange, farcino-
8ua\ la mousse étant considérée comme une sorte de lèpre des
arbres .
06 a, 13. Tosa. Aioaioz jmella, pour la traduction.
Je réserve pour une autre occasion mes observations sur le texte
de Raimon Vidal, et je termine cet article par un petit nombre de
remarques sur le glossaire provençal -italien, qui forme la troisième
et dernière partie de la publication de M. Stengel,
88 6, 6. Biur. Je pense qu'il faut corriger buis ou buih ou buh. Cf.
Flamenca, v. 7207, pour la première de ces formes, et SanctaAgncs
804, notes, pour la dernière.
^'èb, 10. Brada .i.folia. Gorr. branda. Ge mot est bien connu,
du moins en Limousin, où on l'applique à une espèce d'arbuste.
(Gf. Du Gange, Brandal). Son dérivé brandou désigne particuliè-
rement le rameau vert (de houx le plus souvent) qui sert d'enseigne
aux auberges de village.
88 &, 14. Brodels. Gorr. brondels.
89 a, 9. Covir A. voîgo. Il faut séparer ro vir, co étant la con-
jonction com C{= co ou que) a été de même agglutiné mal à
propos aux mots qui suivent, jusqu'à 35 inclus, sauf 28 et 29.
89 i, 1. Descaurir. Inutile de corriger rfesc«M^îr. G'est un nouvel
exemple de i- = z.
89 b, 10. Enair. Gorr. evair (invadere). M. St., qui a eu le- tort
d'admettre dans son vocabulaire cet enair ( comme il y a admis
covir), le rapproche de endir, avec lequel il n'a aucun rapport.
90a, 43. Iscla .i. clamât. Le copiste a dû oublier de répéter l'i
initial. Gorr. jiscla. Cf. giscla, 06 &, 7.
90 Z», 10. Mère .i. convene. Ge mot est rattaché, avec raison, par
crois qu'il faut corriger servi (ou serva, si l'on prend gurpis du v. 108
pour un subj. présent, cas dont il y a d'autres exemples). Le sens sera :
«Et je conserve (ou que je conserve) mon caractère, celui que tu m'as fait»,
à savoir le caractère du chrétien, le baptême; car il faut voir dans noire
carah, non pas, avec M. Meyer, un dérivé et synonyme de cara, mais sim-
plement *caractum, substantif dont la forme féminine se retrouve en
ancien français [caracle dans Benoit C/ir.. v. 711) comme en provenr-a!
(voy. caracta, L. R. II, 332). Un autre carah, auquel convient au con-
traire on ne peut mieux l'étymologie de M. Meyer, est celui dont il cite
deux exemples de G. de Rossilhn. Ge dernier est identique à carage, qui
lui-même est à cara comme visage est à vis.
146 * PERIODIQUES
M. Stençîel, à merir {mereri). Son synonyme mérita est quelquefois
employé aujourd'hui, sinon tout à fait dans la même signification,
au moins au sens passif: aquo li mcrUo be = cela lui est lùen dû.
— Je rapi)ellerai en passant que ce même mère a été signalé aussi
en italien ( voy. Rivista di filologia romanza, II, 109 ), et je profi-
terai do l'occasion pour retirer la conjecture, trop hasardée, que
j'avais émise moi-même touchant son origine ( Revue, IX, 236 J.
Camille CiunANEAU.
PERIODIQUES
LaRenaixensa, vevista catalanaihistrada. — A.lentraren l'any
S" de sa publicaciû ha eixit ab notatiilissimas milioras , entre ellas •
obrir un cer<<me7i de 3 promis de 200 pessetas caJa un à treballs
en prosa y regalar als suscriptors un Album artisttch y lo Llihre
d'or de la moderna poesia catalane. .
N" I. (Any VIII, tom.I) : — P.l. .T.Coroleu : Ninou ( contracciô
d'any nou) frase ab que's nomena lo dia de capdany. Bonich article
preliminar. — P. 5. Victor Balaguer : Aymerich de Peguilhà. Es lo
comens de la curiosa biografia d'aquest trovador provensal vivent
en lo segle XIII, la quai es una de las 300 que contindrâ la His-
toria politica y literaria dels trovadors que dit Sr. esta escribint. —
P. 12. Marti Genis y Aguilar : de la Batalla de Vich à la acciô de
Roda. Sentida narraciô. — P. 18. Antoni Aulestia y Pijoan : lo
Moviment liferari catalù en 1877. Seguint la tasca qu'aquest labo-
riôs è ilustrat escriptor emprenguè fa 2anys, nos ha donat en lo
présent un catâlech bibliogrûûch de las obras publicadas durant
l'anterior que pujan à 110 (79 drâmaticas y 37 no dramâticas^. y per
lo tant unaument de 26 obras sobre las de 1876 y de 62 sobre las
de lS75.Veuse ademès que foren 12 los periôdichs que vegeren la
llum en català, 8 los certàmens en que s'hi premiaren treballs escrits
on la mateixa llengua. y 9 las obras castellanas ôfrancesasreferents
à Catalunya. — P. 26. Marian Aguilô, mestre en gay saber: V Arbre
de la patria. Alegoria . Preciùs fragment d'una Uarga composicio
poética que conserva inédita son autor desde 1862. — P. 29. Fran-
cesch Ubach y Vinycta, mestre en gay saber : Sombra. A la me-
vioria de^N Felip Pirozzini y Marti. Poesia. — P. 32. J. Martiy Fol-
guera : la Catedral. Altre poesia. — p. 34. J.Sardâ. Bibliografia de
las obras catalanas : Odes d'Anacreont, traduhidas per Frederich
PERIODIQTJES 147
Henyo; lo i^fl/-/'e?îaf; calcndari puhlicat pcr D.ConstaïUi Lloinliarl,
ab la colaboraciô des escriptors de Valencia, Catalunyay las illas
Balears, y Novissim Dicionari manual de las Ihnguas catalana y
castellana, par D. .Taume Angel Saura. — P. 37. Novas. — Accom-
panya à aqucst ni'iinoro : un dibiiix à la ploma del jovo artista
I). Enrich Serra, pensionat à Roma, que ha reproduhlt la Societat
heliogràfica espanyola; y lo comensament del Libre de algunes coses
asanyalades succehiâes en Barcclona y en altres jiarls foi-mat per Père
Joan Cornes en 1583 y recôndit en lo Arxiu delExcelcntissimAjunta,ment,
ara per 2^^'iniera volta puhlicat ah deguda lUcencia baix la rerisiô de
D. Joseph Puîggarij oficial del susdit arxiu, en quai preliminar fa
dit Senyor, ab l'erudiciô que li es peculiar, una biografi i docu-
mentada del propi Cornes y una critica de tal obra, probant que
no tè sino una importancia relativa, puig son contongut compren,
a estractos bastant poch Gels, sino dissimulats ab intenciû dels
registres del arxiu, titulats Cérémonial de Coses antlgues y mémo-
rables y de algunas altras noticias escampadas en los registres de
Actas y delliheracions del Conseil, de que podria traurersen materia
bastant mes curiosa y compléta. »
N° II. — P. 41 . Joseph de Letamendi : Caria à la Renaixensa, trac-
tant de laliteraria de Catalunya. — P. 44. Joseph Pella y Forgas :
Grans exemples. La Renaixensa de Irlanda. Article histôrich, no-
table per los datos que reuneix en intéressant conjunt. Sos capitols
son : Carùcter de la Renaixensa de L-landa : Historia de la dominaciô
inglesa. — Las Revolucions de Nort- America y Fransa; La uniô llegis-
lativa. CConnelL — LaJova Irlanda. 1848: La «. Tenant Right »; Los
Fenians, — M. Biiff : Unib de protestants y catôlichs ; L'u-home-rule ».
— Lo Parlament inglés : Los « obstructionnists ». — P. 70. Victor
Balaguer, Aimerich de Peguilhà. Acabaaient : copia intégra una
pocsia d'est trovador un xich diferent de la que publicà Ray-
nouard : De fin amor comenson mas causas, etc. — P. 77. M. Genis
Aguilar : De la Batalla de Vich à la acciv de Roda. Acabament. —
P. 85. Damas Galvet: A Estlier . Recorts d'Alemanya. Poesia. —
P. 87. Ramon PiC(') y Campaniar: Adeu! Poesia. — P, 90. J. de
Letamendi : Lo Sobrevivent. Soneto dedicat per son autor à En Angel
Guimerà. Primera poesia catalana que'ns ha fet coneixer lo savi
professor d'esta Facultat de medicina y que desitjôra no sia l'ul-
tim fruit de sa inspirada musa. — P. 92. R. Teatre català. Revista
critica del G nntramestre, dmmai de D. Fredericli Solor. — P. 94.
Novas. — P, 96. Gonsisiori dels jochs fiorals de Barcelona. Adiciô al
cartell, per oferta d'altres 3 premis extraordinaris : 2 de vers, ço es
de la Diputaciô de las Balears,un pensament d'or y plata, y del
14S PERIODIQUES
Municipi de Fitçueras, una agulla de pit d'iççuàls nietalls on forma
de ploma ab l'cscut de la Ciulat, y un de prosa, mcdalla de plata
del Ateneo barcelonés, al mcllorestudi critich sobre'l tema : « Tea-
(re catalii, sas tradiclons, son estât actual, 0ns ahont os conve-
nient son conrou », no adjudicada on los 2 certàmons antoriors.
— Ab aquest numéro bi va adjunta una copia liclio^rùlica del
quadro-aquarela, il Gontino doFortuny, que possehoix la Excellen-
tissîma Diputaciô' provincial do Barcelona, y la conlinuacicj per
folletî del Libre de coses asanyalades.
A. Balaguer y Merino.
Barcelona, 31 de janer de 1878.
Lo Gay Saber. Periodich literari quinzenal, fet por escrip-
tors catalans, mallorquins y valencians. — Epoca 11, any 1,
nom. I. — Ab gcneral satisfacciô dels catalanistas ha estât salu-
dada la reapariciô del primer periodich literari de nostre renaixe-
ment, fondât en 1868 per lo sempre infatigable ylaboriôs escriptor
D. Fraiicesch Pelay Briz, mestre en gay saber. En l'article intro-
ductori Lo que volem (p. 1) resumcix sas aspiracions à « donar à
coneixer las obras capdalts del ingeni huinâ ; obrir una via mes
ampla de la ab que conta avuy. à la joventut estudiosa; sostindré
las bonas relacions que'ns lligan ab los centres literaris de alguns
indrets de llunyas terras; ajudar los esforsos dels que en aras del
amor à la llengua se liensan à travalls aspres de si y de poca
esperansa de rehiximent ; en una paraula, portar à tôt arreu la
bona llavor del esperit catala.» — Dit Nom. I. conté: p. ^. F.
Maspons y Labrûs: Creencias pojnilai-s catalanas . Estudi comparatiu
de varias, cotojadas ab las do diversas encontradas de Fransa que
hapublicat la Mélusine de Paris. — P. 5. Adolf Blanch, mestre en
gay saber: En Guillemde Medinna. Poesia. — P. 5. Antoni Careta
y Vidal: los Carboners. Poema provensal en XII cants ^jer Félix
Gras. Comensament d'una polida traducciô de la valenta cpopeya
provensal U Carbounié, que premi;i la Société des langues romanes
on lo concurs filol(')gich y literari de 1875. — P. 6. Joaquim Rubiô
y Ors, mostre en gay saber : A la Verge de V Academla. Poesia reii-
giosa promiada ab joya en locertâmen de l' Academla bibliogrâfica
Mariana do Lleyda, lany 1871. — -P. 8. Maria de Bcll-lloch (pseu-
donim d'una distingida escriptora): Vigatans y Botiflers. Novela
historica del temps de la guerra de successiô à Catalunya (comensa
l'acciû en 1713), molt intéressant. Lo titol que porta es lo dels
bandes dels partidaris de las casas d'Austria y de Borbô, que
havian comensat à puntejar respectivament en las ciutatsde Vich y
PERIODIQUES 149
(le Cervera. — P. 10. Fredorich Solor, meslre on gay saber : los
Treize l^opsiu iiremiada ab joya del Gok'iïi mercanlil de Barcolona
i'any 1877. — P. tl. Eiirich Franco: Edlpo Rey, traducciô de
Sôfocles. E^ una vcrsiô en prosa caialana de dita tragedia grega,
ilustrada ab ei'uditas notas. — P. 12. F. Pelay Briz : la Pinya d'or.
Gomedia de mâgica en quatre actes y en vers. L'acciû passa â
Mallorca avans de la confjuesta (segle XII). — P. 14. Curiositats.
Testament del Rnd. D' Viccns Garcia, Rector de Vallfo(jona. Aquest
intéressant document, lins ara inédit, fouotorgat en poder del No-
tari Pau Marti prevere y en la vila de Vallfogona estant malalt lo
Rector, als 31 de Agost d'lG23, loqual es un nou dato pera arguïr
la fetxa controvertida de la mort del mes célébrât poeta catalâ del
segle XVII, qu'uns suposan ocorreguda en dit any yaltres mes en-
llû del 1G32. — P. 15. Nocas.
Nom. II., ]). 17. F. Maspons y Lal)rûs : lo Pull ylapussa. (Qiïenlo
popular catalâ.) Esta comparât ab las variants francesas, italianas
è inglesas. — P. 20. A. Careta :Zos Garboners, etc. Conlinuaciô. —
P. 21. Geroni Rossellô, mestre en gay saber: Sus^nrs. Poesia. —
P. 22. Maria de Bell-lloch: Vigatans y Botiflers. Gontinuaciô. — P. 23.
Victor Balaguer, mestre en gay saber : lo Blau del cel. Poesia. —
P. 24. Joseph Fiter o Inglés. Traducciô del Estudi hîstôrich cri-
iich sobre 'Is Poetas valencians dels seules XIII, XIV y XV, per en
Rafel Ferrer y Bigné, premiat ab joya en lo certàmen de la Societat
econûmica d'Amichs del Pays de Valencia en I'any 1871, y pu-
blicat en castellâ per la mateixa y per l'Atenco d'aquella ciutat en
son boletin. Lo l"" poeta de que tracta es M" Jordi del Rey. —
P. 25. F'rancesch Ubach y Vinyeta, mestre en gay saber: h
Compte d'Ampurias. l^oesia premiada ab joya en lo certàmen de
Gerona de 1877. — P. 27. A. Gareta y Vidal. Za Venjansad'unpadri.
Narraciô en prosa. — P. 28. F. P. Briz: la Pinyad'or, etc. Gonti-
nuaciô. — P. 29. Nocas. P. 32. Consîsiori dels Jochs Florale de
Barcelona. Gonvocatoria pera 'Is del présent any. S'ofereixen : los
3 premis ordinaris d'englantina d'or, viola d'or y plata y tlor na-
tural que ho es d'honor y cortosia, â 3 poesias histôrica, religiosa
y de lliure tema dels trovadors ; y ademés 7 premis extraordinaris,
4 de poesia, ballesta d'or delà Diputaciô de Gerona, Uiri de plata
de 3 flors de la Lleyda, rosa d'or y plata de la d'Alacant y brot de
roure de plata de la Societat «la Misteriosa», y 3 de prosa que son :
lapida de marbre negraab l'escut de l'Associaciù catalanista d'es-
cursions cientificas, à la mellor descripciô histôrica y pintoresca
d'un monument catalâ ; colecciô d'obras triadas originals de cele-
brats escriptors, qu'ofereix lu Renaixensa à la mes bella narraciô
150 PERIODIQUES
0 aplech de narracions d'e])issodis catalans del segle actual, y tiim-
l)aga d'or alegûrica per la revista l'Art del Pages, à la raellor nove-
leUi de costiims del camp. Las composicions deurâii esser iné-
ditas y escrilas en anticli o modem català literaris de Catalunya
Mallorca o Valencia , o en (juanse\ol dels dialectes de nostre
idioma, ab tal que 'Is autors, évitant l'influencia d'altras menas
tle parlar estranyas al pais de la llengua d'Oc, procuren escriu-
relas de la manera mes semblant al antich provensal o català lite-
rari. S'adresserân al Secretari del Consistori ( carrer de Jéru-
salem, n" 32, pis 1"", porta la). Los mantenedors d'enguany son :
J.-L. Pons y Gallarza, président; A. Blancb, J. Soler, F. Ubach
y Vinyeta, J. Coroleu, J. Riera y Bertran y A. Guimerd, secre-
tari. A. Balaguee y Merino.
Homanische Studien. Heft IX'. — Ce fascicule est rempli
tout entier par un ouvrage très-important de M. Groeber: Die
Liedersammlungen des Troubadours. L'auteur, après avoir établi
sans peine, dans les deux premiers chapitres, qu'il a dû exister
des copies de chansons isolées et des recueils particuliers des
poésies de tel ou tel troubadour, examine successivement les
chansonniers que nous possédons, et recherche pour chacun d'eux
et, quand il y a lieu, pour chaque partie Je chacun d'eux, les
sources médiates et immédiates, prochaines ou éloignées, d'oîi il
découle. Ce travail, qui témoigne d'un esprit aussi, pénétrant que
judicieux et méthodique, a été exécuté, autant que j'en puis juger,
avec le plus grand soin ; et, si les résultats en restent forcément
incertains sur beaucoup de points, il n'en doit pas être moins bien
accueilli par tous ceux qui s'intéressent à notre incomparable
poésie lyrique, comme l'un des plus propres à en éclairer l'étude
qui aient encore été publiés. G. G.
Zeitschrift fiir romanische Philologie. I, 2-3. P. 337. — En-
core une fois : Marie de Compiègne et l' Evangile auj: femmes.
Sous ce litre, M, Ed. Mail rend longuement compte d'une bro-
chure publiée par moi l'année dernière, et dont M. Boucherie a
bien voulu parler ici même (Revue des langues rom., nouvelle série,
t. 11, n° 10, 15 oct. 187G). J'avais déjà oublié cette œuvre de début,
quand M. Mail, lui donnant plus d'importance que je n'y en atta-
chais moi-même, a entrepris de renverser l'opinion que j'avais
cherché à étabhr sur l'identité de Marie de France et de Marie de
Gompiègne. Je dois reconnaître qu'il n'en a rien laissé debout. A
'Nous n'avons pas reçu les deux fascicules jirécédents de ce recueil.
PERIODIQUES 151
l'aule d'une critique impiloyalilo, il a dégagé de la confusion des
quatre manuscrits le texte original, ou du moins ce qui semble être
le texte original du poëme, et s'est habilement servi pour cela du
ins. D, dont il a emprunté la plupart des strophes. Qu'il me per-
mette à ce propos de hasarder un mot de défense, pour me disculper
du reproche qu'il me fait {\). 353) de ne pas avoir protité du ms. D.
Mon travail étant déjà sous presse quand j'ai eu copie du texte de
ce ms., ce que j'en ai dit a été ajouté sur épreuve. Comme ce travail
devait paraître dans le Bidletinde la Société historique de Comjiiègne, je
iieme suis pas cru le droit d'en retarder la publication, pourrel'ondre
mon travail et faire œuvre de critique. J'avais, d'ailleurs, déclaré
formellement que je laissais à de plus experts le soin de tirer i)arti
des matériaux que j'offrais au public. M. Mail conclut, du reste, sa
longue et judicieuse dissertation par ces mots :« Quoique M. Con-
stans se voie ainsi privé du fruit de la plus grande partie de son
travail, il lui reste cependant un mérite que je ne saurais vouloir
lui dénier: en nous communiquant les textes originaux de l'Evan-
gile aux femmes, il nous a définitivement délivrés du misérable
texte de Jubinal, et a fourni les éléments d'une solution exacte de
plusieurs questions importantes. Nous ne saurions lui refuser ici
nos remerciements, malgré les imperfectionsde son œuvre.» Je re-
mercie à mon tour M. Mail d'avoir bien voulu me rendre cette
justice. J'aurais désiré cependant que, prenant en considération ma
déclaration, que je n'avais point l'intention de donner un texte cri-
tique, il ne feignît pas de croire à des fautes de lecture plus nom-
breuses qu'elles ne sont en réalité (V. p. 339). La plupart de celles
(ju'il signale se rapportent au ms. D., dont la copie n'est pas de
mon fait; je n'ai eu ni le temps de l'étudier sérieusement, ni l'in-
tention de la corriger arbitrairement^ n'ayant pas le moyen de la
collationner. Les corrections soutivement au lieu de soutinement,
houpius au lieu de honjnus, avaient déjà été faites par M. Boucherie;
dans le ms. A, st. 27,4, dort au lieu de doit est probable. Je me
propose de faire une vérihcation pour ce mot, ainsi que pour un ou
deux autres pour lesquels M. Mail propose des corrections qui ne
sont pas toutes nécessaires. Mais il a tort de croire qu'une révision
des mss. puisse sensiblement améliorer le texte. Le travail de
M . Mail sera un complément utile à l'édition des Fables de Marie de
France,k laquelle il travaille depuis longtemps déjà, et qui est, dit il,
sur le point de paraître. L. Constats.
Journal officiel de la République française {n^ du 31 dé-
cembre 1877). — La lecture d'un article de M. Alphonse Daudet
nous remet en mémoire quelques brefs renseignements historiques
donnés à Montpelher, en 1873, sur les opéras languedociens, par
15-2 PEKIODIQUES
-M. LéonGaudin. Dans sa préface de V Opéra de Frountignan,ohra
ijaloi/a, accouiitpagnada de deeoratieous de théâtre e de aymphonias
escarabilladas, 1679, d'abord inséré dans cette Revîie et publié en-
suite parla librairie F. Seguin, M. Gaudin nous apprend que,
quelques jours après les fêtes qui eurent lieu à Montpellier pour
célébrer la paix de Nimùgue, et au nombre desquelles figurait un
opéra exécuté aux frais et dans l'hôtel même du cardinal de Bonzi,
Nicolas Fizes (de Frontignan) composa l'opéra, ou plutôt le vaude-
ville languedocien, dont on vient de lire le titre, et que le souvenir
de cette œuvre fut si vivace que, prés d'un siècle plus tanl, le
Xarbonnais Mondonville, ayant fait représenter à Fontainebleau
l'opéra languedocien Daphnis et Alcimadure, on lui reprocha, mais
à tort, d'avoir imité la vieille œuvre de Fizes. La pastorale de
^^ondonville fut, malgré sa faiblesse, un événement. GrJmm en
jiarla dans sa correspondance littéraire. En rendant compte d'une
nouvelle édition, actuellement publiée par la hbrairie Garnier, de
cette correspondance, M . Alphonse Daudet écrit les lignes sui-
vantes:
« Citons encore de curieuses réflexions sur un opéra languedocien
joué pour la première fois à Fontainebleau en 1734. Cette pasto-
rale avait jjour titre Daphnis et Alcimadure, et l'auteur des paroles
et de la musique était M. Mondonville, du Languedoc, et les acteurs
étaient M"" Tell, Jelyotte et Latour, nés aussi dans cette province.
Grimm, à propos de cette pièce, fait une excellente dissertation
sur la langue française et sur la langue d'oc. Il traite le franrais
avec le plus grand respect; cependant il laisse percer le secret pen-
chant qu'il aurait pour un idiome plus musical et plus poétique.
« Mais, dit-on, la clarté, ia précision, l'énergie, font le mérite de la
» langue française Soyons de bonne foi, et disons que ces at-
•-) tributs font le mérite des écrivains français, mais nullement de
» leur langue. » Il ajoute : « Qu'il ne faut pas mettre sur le compte
» de la langue ce qui est le mérite de ceux qui la parlent. » Puis,
après avoir loué l'italien, revenant au gascon et W. comparant à la
langue française, il admire la grâce de ses diminutifs, cite avec
complaisance toute une série de cette pastorale, qui le charme par
la naïveté et la gentillesse de la poésie; et, quand il arrive à
l'air:
Poulido pastourelle,
Perlelo des amours,
il s'écrie : « On n'a qu'à traduire cet air charmant en français pour
» lui faire perdre toute sa grâce. »
<i L'auteur de Mlrèio et de Cakndau n'aurait pas mieux dit. »
A. E.
CHRONIQUE
Une exposition des beaux-arts (peinture et sculpture) vient d'être
décidée à Montpellier. Elle coïncidera avec les fêtes et les réunions
du Concours du Chant du Latin (22-29 mai).
M. Arsène Uarmesteier, maître de conférences à la Faculté des
lettres de Paris, a ouvert son cours par une solide et brillante leçon
sur l'histoire de la langue et de la littérature françaises au moyen
âge. Elle a paru dans la Revue politique et littéraire (n" du 11) janvier
1878).
Un philologue espagnol, M. E. Uricoechea, met en souscription
chez MM . Maisonneuve, quai Voltaire, 25, à Paris, un Diccionario
de voces de historia natural (nnericanas, qui formera un volume in-12
de 400 pages, à deux colonnes. Le dictionnaire de M. Uricoechea
renfermera quinze mille termes environ, que l'on ne rencontre dans
aucun lexique, et qui constituent, dans leur plus grande partie, la
contribution de l'Amérique à l'enrichissement de la langue espa-
gnole.
M Uricoechea a fait entrer dans son travail la synonymie latine,
française, anglaise, créole, eic, lorsqu'elle existe, ainsi que les usa-
ges et les applications des objets nommés. Les termes propres à la
Guyane française n'ont pas été oubliés.
L'utilité d'un pareil dictionnaire est évidente, et nous le recom-
mandons aux lecteurs de la Revue.
Le prix de souscription est actuellement de quinze francs. Il sera
prochainement porté à trente.
* *
Publications en langue d'og. — Le Martyre de sainte Agnès, mys-
tère en vieille langue provençale. Texte revu sur l'unique manuscrit ori-
ginal, accompagné d'une traduction littérale en regard et de nombreuses
notes, par M. Sardou ; nouvelle édition, enrichie de seize morceaux de
chant du XII^ et du XIII^ siècle, notés suivant l'usage du vieux temps,
et reproduits eji notation moderne, par M. l'abbé Raillard. Paris, Cham-
pion ; in -8°. XVI- H 2 pages.
Sardou, Supplément à l'édition du Martyre de sainte Agnès, publiée
par la Société des lettres, sciences et arts des Alpes- Maritimes . Rectifi-
cations et notes nouvelles, d'après la récension faite par M. Léon Clédat
et les observations de M. Camille Chabaneau. Nice, Malvano-Mignon;
in-8o, 12 pages.
Milâ y Fo n tan al s. Poë/es lyriques catalans. Paris, Maisonneuve et
Compe, in-8°, 35 pages. (Tirage à part de la Revue des langues ro-
manes, 1878. )
Smith, Vieilles Chansons recueillies en Velay et en Forez. Paris,
in-8o, 35 pages. ( Extrait de la Remania, t. VIll. )
12
154 CHRONIQUE
Malval, Etude des dialectes romans ou jyatois dehx basse Auvergne .
Glcrmont-Ferrand, VigoL ; in-12 long, 192 pages.
Boucoiran, Dictionnaire analogique et étymologique des idiomes
méridionau.r. tom. l«r ( 3^ livraison). Paris, Maisonneuve; gr. in-8"
à 2 col. , p. 5GI à 823.
Œuvres complètes de Babochi (P. Philij)pon) . Brands, chansouns,
devis on patois de vais Santziève, et Essais de fredons gagas en quasi-
français. Airs notés par L. Dofrance. Saint-Etienne, Théolier.
1876 ; frontispice et portrait (édition réservée aux seuls souscrip-
teurs ).
Toselli, Recuei de 3,\.7& prouverbi, sentensa, massima,conseu, para-
hola, buoi mot, precet et die nissart. Nissa, Gauvin-Empereur ; in- 12,
xxxi-232 pages.
Bonaparte-Wyse, ZoM Viage di Très Rèi, dedica à S. G. Mounsegne
Dubreil, archevesque d'Avignoun, musico de Dumont. Avignon,
Prévôt; in-4°, 4 pages.
Aubanol, lou Libre de l'Amour. Avignoun, Aubanel; petit in-folio,
70 pages (magnifique édition, tirée à très-petit nombre, de la pre-
mière partie de la Miougrano entreduberto).
Langlade, lou Garda- Mas, pouëma lengadoucian. Mount-pelié, Em-
primariè centrala dau Miejour ; in-8o, 34 pages. (Tirage à part de la
Revue des langues romanes. 1877.)
L. Roumieux, la Lucho d'Estello,2>ouësw prouvençalo. M our\t.-\)e\ié,
Empriniarié centralo dùu Miejour ; in-8o, 10 pages. (Tirage à part
de la Revue des langues romanes, 1877. )
Jean Laurés, lou Campestre, poésies languedociennes, suivies d'un
glossaire, avec une Zef^re de Frédéric Mistral ctunepréface de Vauteur.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi ; in-12, vi-304 pages.
Maurice Rivière, Vienna. Cou dezié umouruestsîcou. Dijon, Galley;
petit in-4", 4 pages (texte dauphinois et traduction française),
Alfred Chailan, leis Ermitam de Sant-Jan-Benurous à Mounte Misero.
Marsiho. Olive; in-S"", 15 pages,
Astruc, Il Marinié, cansoun di Félibre de la mar, musico delîuoi.
Ais, Remondet-Aubin ; in-4°, 4 pages.
G. G., la Mounina. Aies, Brugiieirolle ; in-8o, 4 pages. (Conte
languedocien, extrait de VAri7iana de Lengado, 1878).
Aubanel, lou Paim es mort! Vivo lou Papo! Avignoun, Aubanel;
in-80, 4 pages.
Poésies et textes en langue d'oc publiés dans les journaux. —
Lou Tambourin de S.Maime ede Dauphin, balado, en provençal d'Aix,
par M. Gaut ; trois lettres en prose provençale, par MM" Verdot,
F Vidal et Bruneau {Journal de Forcalquier, 18 novembre).
La, Réunion du Parage à Maguelone, article contenant le préam-
bule languedocien du Statut du Parage, la première et la dernière
strophe de lapoésie Jffl^aZoima, par M.Gh. Gros; les toasts proven-
çaux de MM. Bonaparte-Wyse et Alph. Roque-Ferricr ; le toast
languedocien de M.Espagne; un sonnet en languedocien de Mont-
pellier, jiar M . Gh. Deloiicle, et un toast en vers dans le même
idiome, par M. Alph. Roque-Ferrier {Messager du Midi, de Mont-
pellier, 24 novembre).
Le Parage à Maguelone, article contenant le Statut languedocien
CHRONIQUE 155
du Pararje, et le toast en vers de M. Roque-Ferrier, mentionné ci-
dessus {République du Midi, de Montpellier, 24 novembre).
Li Bibude Camargo, poésie provençale (dialecte d'Avignon)^ par
M. Marins Bourrelly, mentionnée à Arles au concours de la Cigale
{le Forum, d'Arles, 25 novembre).
Fre, sonnet provençal (dialecte d'Avignon), par M. Louis Astruc
{la Jeune République, de Marseille, 26 novembre).
La Réunion du Parafe à Maguelone , article contenant la totalité
de la poésie de M. Gh. Gros, Magalouna, signalée plus haut {Petit
Midi, de Montpellier, 25 novembre).
Vldiome niçois, article sur le récent ouvrage publié, sous le même
titre, par M. Sardou, de Nice. Contient une lettre de M. Mistral
sur l'ortb.ographe de la langue d'oc moderne {Moniteur des étrangers
de Nice, !«'■ décembre).
Lettre provençale de Mgr de Gabrières, évêque de Montpellier, à
M. Arnavielle, secrétaire de la maintenance de Languedoc {Messager
du Midi, !«'' décembre, publiée le 18 novembre, par les Tablettes
d'Alais, et le 24 novembre, par l'Union nationale de Montpellier).
Lou Cabanoun, poésie provençale signée Philémoun ; la Journado
finido, belle poésie provençale (dialecte d'Avignon), par lou Felibre
delà Mousello (M. F. Estre). J'y trouve le mot artoun = pain, que
l'on a contesté à tort au vocabulaire courant de la langue d'oc :
Pièi brifo un tros d'artoun, soun araire reprend.
{Journal de Forcalquier, 2 décembre).
Bubochi {P. Philippon). étude littéraire et biographique, signée,
Aug. Th. sur le poëte forèzien. Elle contient d'assez nombreux-
extraits de ses poésies. {Mémorial de la Loire, de Saint-Etienne,
nos des 13 et 14 décembre).
Le numéro du 30 décembre du JoitrnaZ de Forcalquier ?i paru sous
le titre provençal de Journau de Fourcauquiée de soun arroundimen,
et il a été par moitié rédigé en provençal. On y remarque un dis-
cours compte rendu, par M. l'abbé Emile Savy, des travaux du Fé-
libriye des Alpes: \XYve ch.voni(\u.Q en prose non signée, et diverses
poésies par M™* Lazarine Daniel, MM. de Berlue- Perussis, Anxion-
nas, etc.
Un dinna embé Ruumiou, poésie languedocienne, par M. Gh.
Gros {Petit Midi, 30 décembre).
Ço cju'amé mai, poésie provençale, par M"<= de Saint-Rémy
{le Forum, 6 janvier).
Ma Grando Bruno, poésie provençale (dialecte d'Avignon), par
M. Louis Astruc {la Jeune République, 12 janvier).
A 3foussu Briner, Apres la danso vèn la panso, sonnet provençal,
par M™e de Saint-Rémy {le Forum, 20 janvier).
Per lou Journau de Fourcauquié, sonnet provençal signé Francés
lou Cacalian ; la Gi'and Fèsto, poésie signée lou Felibre de la Crous
{Journal de Forcalquier , 20 janvier).
Nouvè en provençal, par M. Bosse {Journal de Forcalquier, 27 jan-
vier). Ce numéro reproduit le sonnet ^4 l'aubo, publié dans la Re-
vue, ni> du 15 août 1877, et le fait suivre d'une traduction en vers
latins par M. D. Rossi.
La Passejado militario, beau sonnet languedocien ( langage de
156 CHRONIQUE
Castelnaudary), par M. A. Fourès {le Bon Sens, de Carcassonne,
6 février ).
A Galileio, sonnet provençal (dialecte d'Avignon), par M. Astruc
( lu Jeune République. 12 février).
La Mountado de loi Bacos, poésie en dialecte rouergat, par M. le
vicomte d'Armagnac * ( Bulletin d'Espalion, 18 février ).
Loa Papo en mort, sonnet provençal, jiar M. Théodore Aubanel
( Gazette du Midi, de Marseille, 21 février).
A. R.-F.
• M. d'Armagnac est l'auteur d'un recueil de poésies françaises dont il
a été rendu compte dans le lom. X, p. 112, des Procès verbaux des
séances de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron. (Je recueil
contient déjà une fable en rouergat.
Errata du numéro de janvier 1878
Lou Gàrda-Mas. — P. 32, 1. 3, dedins l'auba clarina; lisez: e dins
l'auba clarina. — L. 14, valounada ; lisez: valou-
nadas. — L. 18, sous brausents cops de bras ;
lisez: soun brausent cop de bras. — P. 35, 1. 15,
envoulamouu ; lisez: envoulanoun.
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
.MONTr-ELLIEK, IMPRIMEKIE CENTRALE bV MIOl
(Hamelin fixies)
DIALECTES ANCIENS
L'EVANGILE SELON SAINT JEAN
EN PROVENÇAL DU XIH"" SIÈCLE
tiré du ms. de la Bibliothèque du Palais des Arts, à Lyon
(Suite et tin)
1. T^ traspassantz ■ Jhesu ui .i. liome cec de natiuitat. — IX
Xj 2. E demandero IL sei decipol dizent. maestre cals
pequec, aquest o li parent de Inique nasqiies cex? — 3.Rospos 685
Jhesu. Ni aquest no pequec ni li parent, mas que fosso raani-
festadas la obras de deu elui. — 4. Mi eoue obrar las obras de
lui qui mi trames domentre que dias es. Ve noitz cant degus
no pot obrar. — 5. qua[n] longament eu so el mon. so lutz del
mon. — 6. Co agues dltas aquestas causas escopic en terra e 690
fe brac de saliua. et oiss los ulhs del cec. — 7, c dix ad el.
Vai e laua e natatoria de Sjloe que es apelatz trames. Adon-
cas anec e iauec e uenc uezentz. — S. Em per aisso li uezi e
aqueli que Fauian uist primeiraraent quan era meridix (e)
diszian. Doncas no es aquest que sezia e mendigaua? — 9, Li 695
autre dizian. quar aquest es. mas li autri. no mas semblantz
es de lui. mais el dizia. quar eu so. — 10. Adonc dizian a lui.
en quai mesura so a tu ubert li ulh? — 11. Respos el e dix.
Aicel hom que es ditz Jhesu fe brac et oiss los meus ulhs e dis
a mi. Vai e natatoria de Siloe e laua. Et [90''1] anei e lauei c 700
ui. — 12. E dixero a lui. on es el ? dix el. no o sei. — 13. Mais
amenero lui que auia estât cex als Fariseus. — 14. Mais era
sables quan Jhesu fe lo brac et ubcrc los ulhs de lui. —
15. Em per aisso !i Fariseu de rescaps enterogauan lui cossi
ngiies uist. mas el dix a lor. brac pausec a mi sobrels îueus 705
ulhse lauei e ueg. — 16. Adoncas dixero alcanti deîs Fariseus.
aquest hom no es de deu. que no garda sabte. Li autri dizian.
en quai maneira pot hom pecaire aquestas signas far? E dcs-
cordia era entre lor. — 17. Adoncas dixero al cec de rescaps.
13
ir,s nTALl::<;TES ANai<:NS
7 lu ni i[\u} ili/.es; lic lui. (lue uberc los tous uUis? mais el dix (jue
[)iM[)liiM;i os. — IS. l'.iii ]u'r :iisso li .Iu/,eu 110 crezero d'aicel
([110 I". >> ostatz c'(?x. c a.u'uos uisr. cntro quo apelero los parentz
i\c lui. li (jual auiap. uist. — lU. l'^t cniL'rogero los dizentz. Es
a|Ui^st uosti'o lils lu (juals uos di/.ct/,. que ccx nasc ? doricas en
7ir> (juil maneira ara ue ^ — 20. Rc.s[)Oudero ad els li j)arent de
lui (' dixoi'o. Nos sabem (juo aijUi^st es iiostro lils. e (|uc cex
nasc. — v?l. mais on ([uai inaucira ara ne. no o sabem. o quais
ubc'i'c [90'"2j los ullis de lui. uos no o sabem. lui enterogatz.
que ;^iMns es e pot parlai". — '-^2. A([uestas causas dixero li pa-
T'JO rout de lui. quar temian los .lu/.ous. Quar ia auian enpres que
si alcus col'esaua Crist lui, que l'ura de la sinagoga fos gitatz.
— '2?>. Per aisso li parent de lui dixero ([ue grans es. lui en-
tiM-oi:alz. — 'Jl. Ein per aisso apelero de rescaps Fomo que
auia estât cex. o dixero a lui. doua gloria a deu. nos sabem
727) (jue aquest hom(e) es [)ecaire. — v?5. Adoneas dix a lor. si pe-
'•airc es eu no o sei. una ro sei. i|uar co eu fos ccx. ara ueg.
— "JO. Adoneas dixero a lui. Qui fe a lu l cosi uberc a tu los
ulhs? — 27. Respos a lor. b^u o dissi a uos. e ia o auzitz. per
(lue de rescaps o uoletzauzir^ doiicas c uos uolctz esser faitfz)
730 deeipol de lui ? — 2S. E nialdixeio el e dissero. Tu sias decipols
de lui. mas nos eindccipol de Moisen. — 29. Nos sabem que
deus parlée a Moisen. mas afjucst no sauem don sia. — '30.
Respos aicel liom. e dix a lor. (juar aisso es merauillia. que uos
no sabetz don sia. et uberc los meus ulhs, — 31. Quar nos
735 sabem que deus [90v 1] no au pecadors. mas si alcus es cou-
liuaire de deu. e la uolontat de lui l'a. aquest eissau. — 32. del
segle no es auzit que alcus obrls los ulhs del ce[c] nat. —
33. si aquest no l'os de deu. no jjogra. lar alcuna causa. —
;>1. Respondero e dixero a lui. tu nasquest totz en pecatz. e
710 lu nos essenlias ? E gitero le iVn-as. — 35. Auzic .Tliesu quel
gitero foras, et v.o Tagues atrobat. dix ad el. cres tu el lilh
de deu ^ — 3(). Respos e! e dis. senher quais es qu'eu creza en
lui i — 37. E dix a lui Jhesu. l\ uist lui el quais parla(r) ab tu.
el meteis es. — 38. Mais el dis. Eu crezi senher. e gitantz
715 azorcc le. — 3>U. Dix a lui .Jhesu. Eu uengui en iuezi en
aquest mon. que ai^uili (jue no uezo ueian . et a(iueli queuezo.
sian fait coc. — U). E a!ca; niti dels Fariseus (jue ero ab lui
auziro e dixero a lui. doncas e nos ein celc ? — 41. Dix a lor
EVANÙILE ïïLILON ^AIM JK.\N lôO
Jliesu. si fossetz ce[cj no agrat pecat. mas ara dizetz. quar
uezem. lo uostre pecatz esta. 750
1. Vorament uerament die a uos. qui no intra per l'ui^is cl X
parc [90^21 de las ouelhas. mas piiia d'autra part, aicel es furs e
lairc. — 2. Mais lo quais intra perTuss. es pastrc de las ouelhas.
— 3. Ad aquost ubrc lo porters. e las ouelas auzo la uotz de
lui. c las proprias ouelas apcla nomnadamcnt et amena las. — 755
■1. E cum las proprias ouelas foras metra. denant lor ua. e las
ouelas scgo lui. quar sabo la uotz de lui. — 5. Mais restranh
no sego. mais fuio de lui, (juar no conogo la uotz dels estranhs.
— 6. Aquesta semblansa dis a lor Jhesu. mais eli no conogro
quai causa parlaua ad els, — 7. Em per aisso dix ad els de res- 700
caps Jhesu. Verament uerament die a uos que eu so uss del
pai'c . — 8. toti canti que canti n'i uengro, fur so e lairo. si no
les auzo las ouelas. — 9. Eu so uss. si alcus intrara per mi
sera saluatz. et intrara et issira. et atrobara paissio. — 10. Le
laire no ne. sino que pane et auciza. e destruzisca. Eu ucngui 705
que aian uida e moût plus aian. — 11. Eu so bos pastre, bos
pastre [Gl"^! ] pausa la sua arma per las suas ouelhas. — 12.
niais le logaders, el quels no es pastre, del quai las ouelas no so
proprias, ue le lop uenent, e laissa las ouelas o fug. El lops
raubiss et espartz las ouelas. — 13. Mais le logaders fug. quar 770
logaders es. e no aperte a lui de las ouelas. — 14, Eu so le bos
pastre. e conosc las mias ouelhas. e las mias ouelhas conoisso
aii. — 15. Enaici col paire conoc mi et eu conosc lo paire,
e pausi la mia arma per las mias ouelhas. — iO. Et autras
ouelhas ei que no so d'aquest parc, et aicelas coue me adure. 775
et auziran la mia uotz. e serafaitz us parx et us pastre. — 17.
per aisso lo paire ama mi. quar eu pausi la mia arma e de
rescaps prendrei lei. — 18, negus no la toi de mi. mais eu
pausi lei de mi meteis. pozestat ei de pausar loi e pozestat ei
de rescaps prenre lei. Aquest mandament receubi del meu 780
paire [91' 2]. — 10. De rescaps fo faita descordia entre los
Juzeus. per aquestas paraulas. — 20. mais mouti de lordizian.
domoni a. e forsena. per que auzetz lui? — 21. Li autri dizian.
' aquestas paraulas no so d'aacjit demoni. no pot hom ab de-
monis les ulhs dels cex obrir. — 22. Festiuitatz Ibro faitas en 785
Jherusalem et era yuerns. — 23, E anaua Jhesu el temple, cl
160 DIALECTES ANCIENS
I)oi'[t]ic de Salamo. — 21. Adoncas li Juzeu reuironero lui e
(ii/.ian a lui. oi)tro quora tolcs la uostra arma? si tu est Cristz
«llyas a nos pales. — 25. Respos ad els Jhesu. eu parli a uos.
790 e no crczetz. las obras que eu fasz el nom del meu paire,
aquestas donan testimoni de mi. —20. mais uos no crezetz.
(juarno esz de las mias ouelhas. — 27. las mias ouellias auzo
la mia uotz. et eu conosc las. e sego me. -28. et eu doni uida
durabla a lor. e no periran en durabletat. et alcus noraubira
795 aicelas de la mia ma. — 29. Aquela causa que donec a mi lo
meus paire es maier de totz c negus no pot raubir delà ma del
m[91'l]eu paire. — 30. eu el paire emuna causa. — 31. Leuero
peiras li Juzeu. que lapisseso lui. — 32. Respos a lor Jhesu.
montas bonas obras demostrei a uos del meu paire, per quai
SOO obra d'aquestas me lapizatz? — 33. Respondero a lui li Juzeu
dizent. de bonas obras notlapidam. mas de maldig. e quartu
fas tu mezeis deu. co tu sias hom. — 34. Respos a lor Jhesu.
doncas no es escriut en la uostra leg. quar eu dissi. uos esz
deu? — 35. si aicels dis deus als quais lo sermo de deu fo
805 faitz> et no pot esser desliada la scriptura. — 36. lo quai
lo paire sanctifiquec e trames el mon. uos dizetz que mal-
dizes. quar dissi. fils de deu so? -37, Si no fasz las obras del
meu paire, no uulhatz creire a mi. — 38. mais si eu fasz. e
si a mi no uoletz creire crezetz a la[sj obras . que conoscatz e
810 crezatz quar lo paire es e mi. et eu el paire. — 39. Em per
aisso lo uolian prenre [et] issic de las mas de lor. — 40. Etanec
de rescaps outra lium Jorda en aicel loc on Jouans era ba-
teia[n]tz primerament. et estec la. — 41. E mouti uengon a lui
e {91^' 2] dizian que Jouans a certas no fe alcu signe. — 42.
815 mais totas las causas quais que quais dis Jouans d'aquest so
ueras. e mouti crezero e lui.
XI 1. i\/ïais era us malautes Lazers de Betania. del castel
M
Maria era que oiss nostre senhor ab enguent. e tersz les pes
820 de lui ab los sens cabelhs. de las quais era fraire Lazers. et
era malautes. — 3. Adoncas tramezero las serors de lui az el
dizcntz. senlier uec te aquel que amas es malautes. — 4. Mais
auzentz Jhesu dis ad els. Aquesta efermetatz no es a morf .
mas per la gloria de deu (juc sia ondratz lo iils de don per lui.
EVANGILE SELON SAINT JEAN 161
— 5. Mais Jhesu auiaua Mariha. e la seror de lui Maria e 825
Lazer. — 6. Em per aisso depuis que auzic que era malautes.
la donc a certas estec en aquel mezeis loc dos dias. — 7,
D'aqui endreit après aquestas causas dix a sos decipols.
Ancm en Judea de rescai)S. — 8. Dizo a lui li decipol. maestre
ara te querian li Juzcu lapidar e de rescaps uas la? — 9. 830
Respos Jliesu. doncas no so .xii. las oras del di[92'' Ija?
si alcus ira el dia no ofen. quar ue la lutz d'aijuest mon. —
10. Mais si ira e la noit ofen. quar lutz no es en lui. — 11.
Aquestas causas dis. e après aquestas causas dis ad els.
Lazers le nostre amie dorm. mas uau que del son suscite lui. 835
— 12. Adoncas dissero li decipol de lui. senhcr si dorm salus
sera. — 13. Mais Jhesu o dizia de la mort de lui. mas eli pes-
sero que del dormir del son o disses. — 14. Em per aisso
adonc dix a lor Jhesu manifestamenc. Lazers es mortz. —
15. et esgauzisc me per uos que crezatz que eu no era aqui. 840
mas anem a lui. — 10. Adoncas dix Tomas que es ditz nocre-
zentz als decipols. Anem neiss nos e moram ab lui. — 17.
Em per aisso uenc Jhesu en Betania et atrobec lo que ia
■ iiii. dias auia estât el moniment. — 18. mais era Betania
iosta Jherusalem. enaici co de .xv. estadis . — 19. Mais 845
mouti dels Juzeus eran uengut a Martha e a Maria, que las
conortesso de lor fraire. — 20. Em per aisso depuiss que Mar-
tha auzic que Jhesu ue. corec contra a lui. mais Ma[92'^ 2]ria
sezia a maiso. — 21. Adoncas dix Martha a Jhesu. senher si
tu foss[es] estatz aici. lo meus fraire no agra estât mortz. — 850
22. Mais ara sei. quar qualsque causas requerras de deu dara
a tu deus. — 23. Dix a lei Jhesu. resuscitara lo teus fraire.
— 24. Dis a lui Martha. eu sei que resucitara e la resurrectio
cl derraira dia. — 25. Dis a lei Jhesu. Eu so resurrectios e
uida. qui cre e mi. neiss si sera mortz uiura. — 26. E totz 855
aquel que uiu e cre e mi. no morra e durabletat. cres aisso?
— 27. Dis a lui. oc senher. eu crezei que tu est Cristz fils de
deu que uenguist en aquest mon. — 28. E co aisso agues dig
anec et apelec Maria sa seror. e dix li a coselh. lo maestre
es za et apeia te. — 29. Mais ela depuiss que auzic leuec 800
uiasament. e uenc a lui. — 30. quar encara no era uengutz
Jhesu el castel, mas ei'a en aicel loc encara on Martha auia
•oregut(z) encontra lui.— 31. Em per aisso li Juzeu que eran
1Ù3 I)IAT,ECT!OS ANCIBNS
ab lei en la maiso e conortauan lei. co agu[92v Ijesso uista
865 Maria que uiasament se leuec es n'issic. seguiro la dizent.
que ua al raoniment que plore aqui. — 32. Adoncas cum Maria
fos uenguda la on era Jhesu, uezentz lui cazec als pes de lui
e dix a lui. Senher si fosses estatz aici. no fora mortz lo meus
frairc. — 33. Ern per aisso Jhesu uezentz lei plorant. els
870 Juzeus que eran uengut ab ela plorantz fremic per esperit e
turbec si mezeis. — 31. e dix. On pauses lui? dizo a lui.
senlicr uei e ueias. — 35. E lagreraeiec Jhesu. — 36. Adon-
cas dixero ii Juzeu. Vec uos en quai maneira amaua lui. —
37. Mais alcanti de lor dizian. no pogra aquest que uberc
875 los ulhs del cec far que aquest no moris? — 38. Adoncas
Jhesu de rescaps freme[ntz] en si mezeis, uenc al moniraent.
mais era e la fossa. et una peira desobre pausada a lui. —
39. Dis Jhesu. ostatz la peira. dix a lui Martha sor de lui
que era raortz. senher ia put. quar .un. dias a que i es. —
880 40. Dix a lei Jhesu. doncas no dissi a tu, quar si croiras
ueiras la gloria de deu ? [92^ 2], — 41. Adoncas tolgro la
peira. mas Jhesu leuatz los ulhs dix. paire gracias fasz a tu .
quar me auzist. — 42. Mais eu sabia quar totas oras me
auzes. mas per lo poble que en auiro esta dissi. que creza
885 que tu me tramezist. — 43. Co agues ditas aquestas causas
cridec ab gran uotz. Lazer uei foras. — 44. E uiasament issic
aicel que auia estât mortz liatz los pes e las rjas ab bandas,
e la cara de lui era liada el suzari. dix a lor Jhesu. desliatz
le. e laissatz l'en anar. — 45. Em per aisso mouti dels Juzeus
890 que eran uengut a Maria, et auian uist aicelas causas que fe
Jhesu. crezero en lui. — 46. mais alcanti d'els anero als
Fariseus. e dixero ad els aicelas causas que fe Jhesu. —
47. Em per aisso li auesque e li Fariseu aiustero lo coselh
contra Jhesu e dizian. Qui farem? quar aquest hom montas
895 signas fa. — 48. Si enaici le laissam, tuit creiran en lui.
e uenran li Roma e tolran nos nostre loc e la gent. — 49.
Mais us de lor per nom Cayfas co fos auesques d'aicel an. e
dc[93'' l]uincc e dix ad els. uos no sabets alcuna causa —
.50. ni co.ssiratz, quarcouc a uos que us hom raoira per ]o
900 poble. que no perisca tota gentz. — 51. Mas aisso de si
mezeis no dis. mais co fos auesques d'aicel an prophetizec
que Jhesu era moridors per la gent. — 52. E no solament
EVANGILE bEl.ON SA [NT JEAN 163
perla gent mais que los fils de deu que eran esparsi aiustes
en u. — 53. Em per aisso d'aicel dia(s) enant oossirero quel
aucizesso. — 54. Adonc Jhesu ia no anaua en pales uas los 905
Juzeus. mas anec eu la régie iusta .i. loc erni en una ciutat
que es dita Effreni : et aqui estaua ab los seus discipois. —
55. Mais era prop la Pasca dels Juzeus. e mouti puiero en
Jherusalem de la régie denaiit la Pascha que sanctifiquesso
lor raezeiss. — 50. Adonc querian Jhesu. e [)arlauan essems 910
entre lor. estantz el temple. Qui pessatz quar no uenc al dia
festin al ? — 57. Quar li auesque e li Fariseu auian dat man-
dament. que si alcus conoissera on sia o [93'' 2] demostre
per zo quel prengan.
XII
1. l~^in per ai>so .Jhesu denant los .vi, dias de la Pascha 915
Xj uenc en Betania on Lazers auia estât mortz lo quai
resuscitec Jhesu. — 2. mas fero a lui cena aqui. e Martha mi-
nistraua.mais Lazers era us dels repausa[n]tz ab lui. — 3. Mais
Maria près enguont liura de nardi fizel precios. et oiss los pes
de Jhesu. e tersz ab los seus cabels los pes de lui. e la maiso 920
fo azomplida de la olor del enguent. — 4. Em per aisso dix
us dels decipols de lui Judas Escariot que era a trazirlui. —
5. Per que aquest enguentz no fo uendutz . ccc. diners. e fos
datz als paubres ? — 6, Mais aisso dix no quar dels paubres
niquetaisses a lui. mas quar laire era. et auia las borsas. e zo 925
que metian portaua. — 7. Adoncas dis Jhesu. laissa loi que el
dia de la mia sepultiira lo garde. — 8. Quar totas oras auetz
paubres ab nos. mas mi no auretz totas oras. — 9. Adoncas
conoc la [93^1 j cumpanha mout[a] dels Juzeus quar la es. e
uengro no per Jliesu tant solame[n]t. mas que Lazer uisso lo 930
quai Jhesu resuscitec dels mortz. — 10. Mais cosirero li prin-
cep dels preueires. que neiss aucizesso Lazer. — 11. quar
mouti dels Juzeus anauiiii per lui. e crezian en Jliesu. — 12.
Mais Tedoma monta cuinpauha ([ue eran ue ngut al dia de la
festa. co aguesso auzit queue Jiiesu en Jherusalem. — 13. 935
preiro rams de palmers et issiro en contra a lui e cridaua.
fai nossalus (il de Dauid. benczoctes lo reis d'Israël lo ([uals ue
el nom del senhor. — 14. E Jhesu atrobec .i. asenet e sec so-
bre lui. aicico esescriut. — 15. No uulhastenier filha de Sion.
uec te lo teus reis ue sozentz sobrel poli de la asena. ~ 10. 940
164 DIALECTES ANCIENS
Aquestas causas no cono^ro li decipol de lui primeirament.
mas quan fo glorificatz Jhesu. la donc se recordero. que
aquestas causas ei'an escriutas de lui. et aquestas causas fero a
lui. — 17. Adoncas donaua testiraoni la cumpanha que era ab
945 lui cant apelec Lazer del moniraent. el resuscitec dels mortz
— 18. Per aquestas [93^2] causas e la cumpanha uenc en con-
tra a lui. ([uar auziro lui auer fait aquesta signa. — 19. Em
per aisso liFariseu dixero a lor meteisses. Adoncas ueetz quar
re no Jios profeita. uec uos totz lo mon[s] ua après lui. — 20.
950 Mais eran paga alca[njti d'aquels que eran puiat que azoresso
el dia de la testa. — 21. Em per aisso aquesti apropiero a
Philip que era de Betlisaida de Galilea. e pregauanle dizentz.
senher nos uolem Jhesu uezer. — 22. Venc Philip e dix ad
Andreu. Andreus de rescaps e Philips dixero a Jhesu. — 23.
955 Mas Jhesu respos a lor dizentz. Ve la ora quel fil del home sia
esclarçitz. — 24. Ve rament uerament die a uos. sil gras del
froment cazentz en terra no morra. el mezeiss esta sols. Mais
si morra. moût fruit aporta. — 25. Qui ama la sua arma per-
dra la. e qui azira la sua arma en aquest mon. en uida du-
960 rabla garda lei. — 26. Qui a mi seruiss. mi seg. e on eu so
aqui sera lo meus siruentz. e qui a mi seruira ondrara lui lo
meus paire que es els cels. - 27. Ara es [Qé"" 1] torbada la mia
arma, e que direi? paire fai me salu d'aquesta ora. mais per
aisso uengui en aquesta ora . — 28. paire fai clar lo teu nom .
965 Adoncas uenc uotz del cel dizentz. Et esclarzi. e de rescaps
esclarzirei. — 29. Em per aisso la cumpanha que estaua e
auia auzit dizia. troneire esser fait. 11 autri dizian. angels li
parlée. — 30. Respos Jhesu e dix. No uenc per mi aquesta
uotz. mas per uos. — 31. Ara es iudicis del mon. ara sera
970 gitatz fora lo princeps d'aquest mon. — 32. E si eu serei eis-
sauzatz de la terra, totas causas tirarei a mi eiss. — 33. Mas
aisso dizia significantz per quai mort fos moridors. — 34. Res-
pos a lui la cumpanha. Nos auzim de la leig que Cristz esta en
durable, et en quai maueira dizes tu coue esser eissauzat(z) lo
975 fil del home? quais es aciuest fils del home? — 35. Adonc dis ad'
els Jhesu. Encara es pauquetz lums en uos. Anatz domentre
que auetz lutz. que [no] uos prengan las teuebras.Et aquelque
ua e tenebras. no sab on an.— 36. Domentre que auetz lutz.
crezetz [94''2] en la lutz que sia[tz] filh de lutz. Aquestas causas
EVANGTLE SELON SAINT JEAN 165
parlée Jhesu. et anec e rescos se de lor. — 37. mas cum tau- 080
tas signas aguosfaitas denant lor. no crezio en lui. — 38. que
la paraula d'Ysaias lo propheta fos cumplida que dix. Senher
quais crezoc al uostre auziraeut? el brasz del senlior al quai (o
descubertz? — 39. Per aisso no podian creire. quar de res-
caps dix Ysaias. E ceguec los uls de lor. et endurcie lo cor 985
de lor. que no ueian ab los ulhs. c no entende ab lo eor.
e no se couertisco e sanee los. — 11 . Aquestas eausas
dix Ysaias quan ui la gloria de deu e parlée de lui. —
42. mas empero mouti dels prineeps crezero en lui. mais
per los Fariseus no o cofesaua 'que no fosso gitat de la sina- 990
goga. — 43. quar amero mais la gloria dels homes, mais que
la gloria de deu. — 44. Mais Jhesu cridee e dix. Qui cre e mi
no ère e mi. mas en lui qui mi trames. — 45. E qui mi uc. ue
lui qui mi trames. — 46. Eu lutz uen[c] dar el mon. que totz aquel
que cre e mi. no estara en tenebras. — 47. E si alcus auzira 995
[94^1] las miasparaulas e no las gardara. eu no iugi lui. Quar
nouengui qu'eu iui3 lo mon. mais que fa?za salu lo mon.— 48.
Qui mespreza mi. e no recep las mias ])araulas. a qui iuia lui.
lo sermos qu'eu parlei. el iuiara lui el deraira dia. — 49. Quar
eu no parleide mi eiss. Mais lo paire qui mi trames, el donee 1000
mandament a mi que eu diga e que ou parle. — 50. e sei
quel mandamcntz de lui es uida durabla. Adoncas aquelas
causas que eu parli. aici coma lo paire dis a mi. enaici parli.
1. Rfl'ais dauant lo dia de la festa de Pasca sabentz .Jhesu XIÎI
iVXque la ora de lui ue que traspasse d'aquest mon al 1005
paire, co agues amatz los seus que ero el mon, en la li amec
els. — 2. E faita la cena cum lo diables se mes el cor(s) de
Judas que trazis lui. Judas Simon Escariot. — 3. sabentz
Jhesu quar totas causas donec a lui lo paire en las suas mas.
quar de deu issic. et a deu ua. — 4. leuec de la cena e pau- 1010
sec sa uestimenta. o co agues preza la touala denant ceis
se. — 5. d'aqui en dreit mes l'aiga el basci. e comenzec
lauar les pes dels decipols e terzer ab la touala don era de-
nant cchs. — 6. E uenc à Simon Peire e dix a lui. Senher tu
lauas a mi los pes? — 7. respos Jhesu c dix a lui. Aquo que 101"
eu fasz tu no sabs ara. mais sabras o en après. — 8. Dix a
lui Peire- No lauaras a mi los pes en durabletat, respos a lui
Jhesu. Si eu not lauarei no auras part ab mi. — 9. dix a lui
106 DIALECTES ANCIENS
Simons Poire. Sonher non laues tant solaraent los pes. mas
1020 neis l.is mas el cap. — 10. dix a lui Jiiesii. qui es lauatz no
bcsonha sino que lauo los pes et er totz nedes. e uos esz ne-
des mas no tuit. — 11. quar sabia quais séria, lo quais tra-
ziria lui. Per aisso dis. no esz tuit nede. — 12. Adonc depuiss
que ac lauatz los pes de lor et el près sas uestimentas. e co
1025 fos repausatz de rescaps dis ad els. Sabetz quai causa aia fait
a uos? — 13^ Vos me a[95'" llpelatz sonher e raacstre. e be
() dizetz. quar eu o so. — 14. Em per aisso si eu lauei los
uostrespes. que senher c maestre uostre so. c uos deuetz lauar
los pes Tus de l'autre. — 15. Quareissemple donei a uos. que aici
1030 co eu o fi a uos. enaici e uos fasszatz. — 16. Verament uera-
ment die a uos. no es lo serus maier del seu senhor. ni apostols
maier d'aicel que trames lui. — 17. si aqucstas causas sabetz
bonaurat serez si las faretz. — IS. No die a uos de totz. eu sei
los quais elegi. mais que sia cumplida la scriptura. Aquel que
1035 mania ab mi lo pa. leuara contra mi lo seu talo. — 19. d'aici
enant die a uos. enantz que sia fait ; que crezats co sera fait
qu'eu so. — 20. Verament uerament die a uos. qui recep los
cals eu traraetrei. mi recep. mais qui mi recep recep lui qui
mi trames. — 21. E cumJhesu agues ditas aquestas causas fo
1040 torbatz per esperitz. e testimoniiec e dis. Verament. uerament
die a uos. que us de uos me trazira. [OB'" 2] — 22. Adoncas
esgardauan entre lor li decipol doptant de quai o dizia. —
23. Adoncas era repausantz us dels decipols od lui el peisz
de Jhesu lo quai ama[ual .Jhosu. — 24. Adoncas senecad aquest
1015 Simon Peire e dix a lui. demanda li quais es de quai o ditz.
— 25 Em per aisso eo el fos repausantz sobrel peisz de Jhesu
dis ad el. Senher quais es? — 26. respos Jhesu. aicel es al
quai eu donarei lo pa mulat. E co agues mulat lo pa donec
a Juda Simon Esoariot. — 27. Et après lo boco. intree en lui
1050 lo diables, adonc dix a lui Jhesu. Aquo que far u ois. fai o
tost. — 28. Mais aisso degus no saup dels repauzantz (lue(s) dis
a lui. — 29. Quar aicauti pessauan que Judas auia las borsas.
que agues dig a lui Jhesu. cumpra aicelas causas que so ops
a nos al dia de la lesta- o als paubrcs dones alcuna causa. —
1055 30. Adonc co el agues receubut le boco issic uiasament. mas
era iioitz. — 31. Adonc co fos issitz. dix Jhesu. ara es es-
clarzitz lo fils del home, e deus es esclarzitz on lui. [95^ 1^
EVANGILE SELON SALNT JEAN 167
— 32. E si deus es esclarzitz en lui. e deus esclarzic lui
en si meteis. c uiasament esclarzic lui. — '-^3. Filheti en-
eara u pauquet so ab nos. Quiretz me. onaici coma dissi als 1060
Juzeus, la on eu uau nos no podetz uenir et a uos die ara —
34. mandaraent nouol doni a nos. que uos ametz entre uos
cnaici co eu amei nos. que neis uos uos ametz entre uos. —
35. En aisso conoisseran luit que mei decipol csz. si auretz
amor entre uos. — 30. Diss a lui Simons Peire. Senher on 1055
uas? respos Jhesu. la on ou uau. no potz mi ara segre. mas
segras en après. — 37. Dix a lui Peire. 'Senher per que no
pusc tu segre ara? la mia armapausarei per tu. — 38. respos
Jliesu.latua arma pausarafs] per mi? Vcramcnt uorament die
a tu. no cantara lo gais entro per très uetz me abnegues. 1070
1 . 1^ dix a sos decipols. No sia turbatz lo uostre cor ni XIV
JZ< s'espauent- crezetz en deu. et e mi crezetz. —
2. e la maiso del meu paire so montas estaias. Si d'autra
guiza eu agues dig a uos. Quar uau aparelhar a uos loc. —
3. E si eu anarei. et aparelarei a uos loc. de rescaps uenrci 1075
e recebrei uos ab mi meteiss. et aqui on eu so e uos siatz. —
4. Et on eu uau sabetz e la nia sabetz. — 6. Dix a lui
Tomas. senher no sabem on uas e cum podem la nia saber?
— 6. Dix a lui Jhesu. eu so uia e ueritatz e uida. negus no
ue al paire, sino per mi. — 7. Si aguessetz conogut mi, el 1080
raeu paire a certas agratz conogut. e d'aici enant conoisseretz
lui. e uisz lui. — 8. Dis a lui Phelips. senher dcmostra a
nos lo paire, et auonda a nos. — 9. Dix a lui Jhesu. tant de
temps so ab uos. e no me conogues? Phelip qui ue mi ue neiss
lo paire, en quai maneira dizestu. demostra a nos lo paire? — 1085
10. No cres que eu so el paire el paire e mi es? Las paraulas
que eu parli a uos de mi meteis no parli. mais lo paire e mi
estant/, el fa las obras. — 11. No crezetz. quar eu so el paire,
el paire igB"" IJ ese mi? d'autra guiza por his obras meteissas
crezetz. — 12, Verament uorament die a uos. qui cre e rai 1090
las obras que eu fasz et el fara e maiors d'aqucstas ne fara.
,quar eu uau al paire. — 13. E (jualque causa (luerctz al paire
el meu nom. el uos o donara que sia gloriiicatz lo paire el (il.
— 14. Si alcuna causa me queretz el meu nom aisso farefi].
— 15. Si mi aniatz los meusmandameniz gardatz. - 16. Et 1095
16S DIALECTES ANCIENS
eu pregarei lo paire, et autre cofortador dara a uos. que estia
al) uos on durableta. — 17. esperit [de] ueritat lo quai lo mons
no ])ot recebre. quarno uilui nil saj». Mais uos lo conoisseretz,
quar ab uos estaraet ab uos sera. — 18. No laissarei uos orphes,
1100 uenrei a uos. — 19. Encara u pauquet so ab uos. el mon ia
no me ue. Mais uos uezetz mi. quar eu uiui e uos uiuretz. —
20. En aicel dia conoisseretz uos qu'eu so el meu paire, c uos
e mi. et eu e uos. — 21. Qui a los meus mandamentz els
garda aicel es lo quais amami.Mais qui amami sera amatz del
1105 meu paire, et eu amarei lui. E manifestarei a lui mi meteiss.
— 22. Dis [OB'" 2] a lui Judas no aicel Escariotz. Sentier quais
causa es faita quar a nos est manifestadors tu meteis. e no al
mon? — 23. Respos .Jhesu e dix a lui. Si alcus ama mi la
mia paraula gardara. El meus paire amara lui. e ucnrem a lui
1110 et estaia farem ab lui. — 24. Qui mi no ama. no garda las
mias paraulas. e ia paraula que auzit no es mia. mas del meu
paire qui mi trames. -- 25. Aquestas causas parlei a uos. ab
uos estantz. — 26. Mais lo cofortaire .s. esperitz. lo quai
trametra îo paire el meu nom. el uos essenhara totas causas.
1115 et amonestara a uos totas las causas, quais que cals eu aurei
ditas a uos. — 27. Patz laissi a uos. la mia patz doni a uus
no en quai maneira aquest mons la dona, eu no la doni a uos.
no sia torbatz lo uostre cor. ni s'espauent. — 28. Auzitz
que eu dissi a uos. eu uau e uenc a uos. si mi amaretz esgauzi-
] 120 retz uos a certas. quar eu uau al paire, quar lo paire es maier
demi. — 29. E ara dissi a uos enantz que sia fait. [96^ 1]
que 00 sera fait o crezat. — 30. la no parlarei montas causas
ab uos. quar lo princep d'aquest mon ue. et e mi no a alcuna
causa. — 31 . Mais que conosca lo mons quar eu ami lo paire.
1125 et enaici co donec mandament a mi lo paire enaici fa-z. leuatz
sus, leuatz sus, anem d'aici.
XV 1. "T^u so la uera uitz. el meus paire es lo coutiuaire. —
XI 2. Totz eissermentz no porta[n]tz fruit e mi. lo paire
tolra de mi. E totz csl que porta fruit, lo paire porgara lui. que
11.3() plus aporte fruit. — 3. .Ja uos esz nedezi per laparaul[a] que
ou parlei a uos. — 4. Estatz e mi e eu e uos. Aici col'eisser-
mentz no pot portar fruit de si meteis si no estara e la uit.
enaici ni uos sino estaretz e mi. — 5. Eu so la uitz. e uos li
EVANGILE SELON .-AINT JEAN 169
eisserment. qui esta e mi et, eu eu lui. aquest aporta raout
fruit, (juai' senos mi ro nu podetz lai'. — 6. si alcus uo estara 1135
e mi sera mes foras aici co l'eissermeatz e secara. e culhiran
le. e metran le el foc. et ardra [96^2]. — 7. Si estaretz e mi
e las mias paraulas estarau e nos. qualque causa uolretz que-
retz. e sera fait a uos.— 8. Eu aisso es esclarzitz lo meus paire
que moût fruit aportetz. e siatz fait mei decipol. — 9. Enaici 1140
co amec mi lo paire, et eu amei uos. estatz en la mia amôr. —
10. silsmeus comandamentz gardarez estaretz en lamiaamor.
enaici co eu gardei los comandamentz del meu paire et estau
en la amordelui. — 11. aquestas causas parlei a uos quel meus
gaux sia en uos el uostre gangs sia cumplitz. — 12. Aquest es 1145
lo meus comandamentz que uos ametz entre uos. enaici co eu
amei uos. — 13. Negus no a malor amor d'aquesta. que s'arma
do alcus per sos amix. — 14. Vos esz mei amie si faretz aiceias
causas que eu comandei uos. — 15. Ja no die a uos sers, quar
lo sers no sap quai causa fassa lo senher de lui. Mai;^ die a 1150
nos amix. quar totas las causas quais que quais auzi del meu
pa[97'" Ijire, fi conogudas a uos. — 16. Vos no me elegisz. mas
eu elegi uos. e pausei uos que anetz. et aportetz fruit, el uostre
fruitz estia. que cal que causa quereîz al meu paire ol meu
nom done a uos. — 17. Aquestas causas mandi a uos que uos 1155
ametz entre uos. — 18. Sil mons uos azira sapiatz que enant
de uos ac mi en azirament.— 19. si fossetz del mon. le mons
amera aquo que era seu. mais quar no esz del mon. mais eu
elegi uos del mon. per aisso azira uos lo mons. — 20. Membre
uos de la mia paraula que eu dissi a uos. No es sers maier de IIGO
so senlior. si mi encauzei-o. e uos encausaran. si- la mia pa-
raula gardero. e la uostra gardaran. — 21 Maistotas aquestas
causas faran a uos per lo meu nom . quar no conogro lui qui
mi trames, — 22, Si eu no fos uengutz. e no agues parlât a
lor. no agran pecat. mais ara no an escusament de lor pecat. 1165
— 23. Qui mi azira el meu paire azira . — 24. Si eu no [97^ 2]
agues obras faitas en lor las quais negus autre no fe no [ajgran
pecat. mais ara uiro mi. et azirero e mi el meu paire. —
25. Mais que sia cumplida la paraula que en la leg de lor es
es&riuta. Quar en azirament agro mi de grat. — 26. Mais co 1170
uenralo cofortaire lo quai eu trametrei a uos del paire. Tes-
perit de uerita que issic del paire, el donoc testimoiii de mi.
170 DIALKCTES ANCIKNS
— 27, E uos donareiz testiiuoni. que del comensameut esz
ab mi.
XVI
1175 1. Aquestas causas [)arlei"i] a uos que no siatz escandalizadi.
— 2. Gitaran uos do las sinagogas. Mais ue ora que totz hom
que uos aucira. sera albirantz de si seruizi douar a deu. — 3,
Et ai^uestas causas faran a uos. Quar no conogro lo paire ni
mi. — -1. Mais aquestas causas parlei a uos. (jue co uenra
1180 la ora d' aquestas causas uos remembre, quar eu o dissi a uos.
Mais aquestas causas del comensameut a uos no dissi. quar
abuos era. — 5. Et ara uau a lui qui mi tra[97 ^Ijrnes. e né-
gus de uos non domanJa. on uas ? — G. Mais quar aquestas
causas parlei a uos. tristeza azemplic lo uostrc cor. — 7. Mais
1185 eu die ucrltata uos. coue a uos que eu ane.Quar si eu no irei
lo cofortaire no uenra a uos. Mais si eu irei. eu trametrei lui
a uos. — 8. E co el uenra repenra lo mon de pecat.e de drei-
tura. e de iuziui. — 9. De pecat a certas. quar no crezero e
mi. — 10. Mais de dreitura. quar uau al paire e ia no me
11?0 ueiretz. — 11. Mais de iuziui. quar lo princeps d'aquest mon
la es iuiatz. — 12. encara ei moutas causas a dire a uos. mais
no podetz portar ara. —13. Mais co sera uengut aicel esperit
de ueritat. essenhara uos tota ueritat. Quar no parlara de si
meteis, mais qualsque causas auzira parlara. et aquelas causas
1195 que so a uenir anunciara a uos. — 14. El me esclarzira. quar
del meu reccbra. et anunciara a uos. — 15. Totas las causas
■ que a lo paire, mias so.Per aisso dissi, quar del meu recebra.
et anunciara a uos. — 16. V pauquete ia no me ueiretz. e de
rcscaps u [97"^ 2] pauquet e ueiretz me. quar uau al paire. — 17.
1200 Adoncasdixero dels decipols de lui entre lor. Qui es aisso que
ditz a nos. u pauquet e no me ueiretz. e de rescaps u pauquet
e ueiretz me, quar uau al paire? — 18. Adoucas dizian. que es
aisso que ditz u pauquet? no sabem que parla. — 19. Mais
conoc Jhesu quar uolian lui enterogar. e dix ad els. d'aisso
1205 queretz entre uos. quar dissi u pauquet e no me ueiretz. e de
rescaps u pauquet ueiretz me ? — 20. Verament uerament die
a uos que uos ploraretz e planheretz. mais lo mous s'en-
gauzira. mais uos seretz contristat. mais la uostra tristeza
tornara en gaug. — 21.LaleaHia co efanta a trisicza quar
1210 ue la ora de lei. mas co aura crantaft] rel'ant. ia no li membra
EVANGILE SELON SAINT JHAN 171
la dolor per le gaug. car Totn es natz el mon. — 22. Et eni
peraisso uos ara acertas auetz tristeza.Mais de rescapsueirei
nos el uostre cor esgauzira se. el uostrc gaug negus no tolra
de uos. — 23. Et en aicel dia mi no [jrcgaretz alcuna causa.
Veramentuerament die a uos. [98"^1] Si alcuna causa queretz 121.5
al paire el meu nom. donara o a uos- — 24. Entro ara no que-
riss el meu nom alcuna causa, queretz ereceb[r]etz quel uostre
gaug sia [)1l;s. — 25. À([uestas causas parlei a uos en sem-
blansas- ue ora cuni ia no parlarei a uos en semblansas.
mas a pales anociarei a uos del meu paire. — 20. En aicel i's20
dia queretz el meu nom. e no die a uos quar eu pregarei
lo meu paire de uos. — 27. quar el metcis lo paire ama uos.
quar uos me ametz. e crezetz que eu issi de deu. — 28. Eu
issi del paire e uengui el mon. de reseaps laissi lo mon e uau
al paire. — 29. Dissero a lui sei decipol. Yec te ara parlas 1225
azubertament. et alcuna scmblansa no dizes — 30. ara sabem
que tu saps totas causas, e no es obsa tu que alcus te ente-
rogue. en aisso crezem que de deu issist. — 31. Respos a lor
Jhesu. Ara crezetz? — 32. Vec uos ora ue e ia uenc. que
siatz esparsi us quex en las proprias causas, e mi sol lassetz.e 1230
noso sols, quarlo paire [98'2Jes abmi. —33. Aquestas causas
parlei a uos. que e mi aiatz patz. El mon auretz destrenhe-
mentz.Mais cofizatz uos quar eu uenqui lo mon.
1. A questas causas parlée Jhesu. c susleuatz los ulhs el XVII
jnLcel dix. paire la ora ue. esclarziss lo teu fil. quel teus 1235
fils te esclarzisca. — 2. En aiei co donest alui poze.sta[tj de tota
carn. que tôt aeo que donest a lui done a lor uida durabla. —
3. Mais aquesta es la uida durabla que conoscan tu sol uer
deu. el quai tu tramezist .Jhesu Crist. — 4. Eu te esclarzi so-
bre terra, la obra acabei la quai donest ami. que eu fasza. — 1240
5. Et ara clarifica me tu paire uas tu meteiss de la clartat la
quai eu agui enantz quel monsfos uas tu. — ô. Eu manifestei
lo teu nom als homes los quais donest a nii del mon. Teu eran.
e donest los a mi. e la tua paraula gardero. — 7. Ara conogro
que totas las causas que donest a mi de tu so. — 8. quar las l24o
'paraulas que donest a mi, donei ad els. et eli receubro e co-
nogro uerament [98^ 1] que eu issi de tu. e crezero que tu me
tramezist. — 9. Eu pregui per lor, no pregui po' lo mon. mais
172 DIALECTES ANCIENS
jior aquestz que donest a mi, quar teu so. — 10. e las mias
1250 causas totas so tuas, e las tuas so mias. e so csclarzitz en els.
— 11 . e ia eu no so el mon. et aquesti so el mon. et eu uenc
a tu. Paire sanhs garda aicels el teu nom los quais donest a
mi. que sian una causa enaici co e nos. — 12. Co eu fos ab lor
eu gardaua els el teu nom. los quais donest a mi gat-dei. e
1255 negus de lor no peric. si no lo lilsdeperdicio. que la scriptura
sia cumplida. — 13. Mais ara uenc a tu. et aquestas causas
p?.rli el mon. que aian lo meu gaug cumplit en lor meteisses.
— 14. Eu donei ad els la tua paraula. el mons ac los en azi-
rament. quar no so del mon. enaici co eu no so del mon. — 15.
1260 Not pregui que los tolas del mon. Mais quels gardes de
mal. — 16. del mon no so. aici coma eu no so del mon. — 17.
Paire fai els sanhs e ueritat. la tua paraula es ueritatz.
9S^ 2] — 18. Enaici coma tu me tramezist el mon. et eu
tramesi els el mon. — 19. E perlor sanctifiqui mi meteiss. que
1265 sian eli sanctificat e ueritat. —20. Mais no pregui tant sola-
ment per aquestz. mais neiss per aquels que so crezedor per
!a paraula de lor e mi. — 21. que tuit sian una causa, enaici
co tu paire e mi et eu en tu. que elisian una causa e nos. quel
mons creza que tu me tramezist. — 22. Et eu la clartatlaqual
1270 donest a mi donei ad els. que sio una causa aici co tios em
una causa. — 23. Eu en lor e tu e mi. que sian consumadi en
.i . el mons conosca que tu mi tramezist- e amest los enaici
co e mi amest. — 21. Paire los quais donest a mi. uulti que
aqui on eu so. et eli sian ab mi. que ueian la mia clartat la
1275 quai donest a mi. quai- tu amest mi denant Testabliment de!
mon. — 25. Paire iustz el mons no te concc. mais eu te cono-
gui. et eli conogro que tu mi tramezist. — 26. e fia lor co-
noisser lo teu nom. e faiei conoisser que Tamistatz ab la
(|ual me amest sia en [99"" 1] lor et e)i en els.
XVIIÏ
1280 1. pinni .Ihesuagues ditas aquestas causas issic ab los sens
\j decipols otra lo riu de Cedron. on era ortz. el quai
iiitrec cl c li decipol do lui. — 2. Mais sabia Judas que trazia
lui le loc. quar souendeirament s'era aiustat Jhesu la ab sos
decipols. — 3. Adonc Judas co aguos rcceubuda la cumpanba.
1285 c delsauesques e dels Furiseus. e siruentz. uonc la ab lanternas
et ab falhas et ab armas. — 4. Em per aisso Jhesu sabentz
EVANGILE SELON SAINT J\L\K 173
totas las causas que a uenir eran sobre lui. issic c dis ad cls.
quai queretz ? — 5. resposoi'o a lui. Jhesu Na/.areu. dis a lor
Jhesu : Eu so. mas estaua Judas (jue trazia lui ab ois. — (>.
Adoncas depuiss que dix ad els. eu so, anero arreire. c ca- 1290
zéro en terra. — 6. Em per aisso de rescaps enteroguec los.
quai queretz? Mais eli dixero. Jhesu Nazareu. — 8. Respos
Jhesu. Eu dissi a uos quar eu so. per aisso si mi queretz laissatz
aquestz anar. — 9 . que la paraula de lui sia cumplida que dix .
quar los quais donest ami. no perdei alcu [99''2] d'ols — 10. 1295
Adonc Simo Peire auentz glazi traiss lo. e fcric lo siruent del
auesque. e trenquec l'aurelha de lui destra. mais eranoms al
siruent Malchus. - 11. Adonc dix Jhesu aPeiro. metlo teu glazi
elacouteleira. lo heure que donecamilopaircno uolsque eulo
beua? — 12. Adoncas la cumpanha eltribuner e li siruent dels IciOO
Juzeus essoras presero Jhesu e liero le. — 13. etamenero le ad
Aunas primeiramont. mas era sogres de Caifas lo quais era
auesques d'aicel an. — 14. Mais era Cajfas que auia donat lo
cosselh als Juzeus. quar coue .i. home morir per lo poble. —
15. Mais seguia Jhesu Simon Peire o l'autre decipol. mais lo 1305
tlecipol aicel era conogutz al auesque . et intrec ab Jhesu o la
cort del bisbe. — 10. mas Poire estaua al uss déferas. Adon-
cas issic lo decipol autre lo quais era conogutz al bisbe. e dis
ala porteira e mes dinz Peire. — • 17. Adoncas dix a Peire la
siruenta porteira, doncas e [99^1] tu est dels dccipols d'aquost 1310
home? dis el. no so. — 18. Mais estauan li siruent c li ministre
a las brazas. quar fregs era e calfauan se . mas era ab lor Peire
estantz e calfantz si. — 19. La doux Tauesqucs enteroguec Jhesu
dels sous decipolse de la doctrinadc lui. — 20. respos alui Jhesu.
Eu a pales parleialmon. ou totas oras esscnhei e la sinagoga, 1315
et el temple, on tuitli Juzeu s'aiustero et en rescost no parlci
alcuna causa. — 21. per que me demandas? demanda(s) ad aicels
queauziro que parlei ad ois. uecte eli sabo quais causas dissi
eu. — 22. Mas co aquestas causas agues ditas. us denant es-
tantz dels siruentz donec gautada a Jhesu dizentz. Enaici rcs- 1320
pondes al bisbe? — 23. Respos a lui Jhesu. si mal parlei dona
testimoni del mal, mais si be parlei per quem batz? — 24. E
trames le liât Annas a Cayfas Tauesque . — 25 . Mais era Simo?
Peire estaniz o calf;intz si. adoncas dixero ii lui. doncas c tu
est dels decipols de lui? desnegucc el [99v2j e dix. no so. — 1320
14
174 DIALECTES ANCIENS
20. dix us (lois siruciitzdel auesque, cozis de lui del quai tren-
quec Poire Taurellia. doncas eu [no] ui tu e Tort ab lui? — 27.
Adoiicas de resoaps Peire deneguec. e uiasament lo gais can-
tec. — 28. Adoncas amenero Jhesu aCajfas elprebostat. mais
1330 era matis. eteli no intrero el prebostat. que no fosse laissadi.
mas que raangesso la Pasca. — 29. Adonc issic Pilât a lor fo-
ras e dis. quai acusacio aportatz encontra aquest home? —
30. respoailero e dixero a lui. si aquest no fos malfazeire.
nos no agram luiliurat a tu. — 31 . Adoncas dix a lor Pilât.
1335 recebetz le uos e segon la uostra leg iuiatz le. .\donc dixero
a lui li Juzeu. a nos no coue aucire alcu. — 32. que la pa-
raula de Jhesu foacumplida que dis. signifîcantz per quai mort
fos moridors. — 33. Adonc inti'ec de rescaps Pilât el prebostat.
et apelec Jhesu e dis a lui. Est tu reis dels Juzeus ? — 34. E
1340 respos Jhesu e dix. de i^lOO"" Ij tu meteiss dizes aisso o autri
disseroa tu de mi? — 35. respos Pilât, doncas so eu Juzeus?
la tua gentz e li teu auesque te liurero a mi, que fist? — 36.
Respos Jhesu e dis a lui. lo meus règnes no es d'aquest mon.
si d'aquest mon fos lo meus règnes, li mi siruent a certas ten-
1345 soneran que eu no fos liuratz als Juzeus. mais aras lo meus
règnes no esd'aici. — 37. Em per aisso dis a lui Pilât, doncas
est tu reis? respos Jhesu. Tu dizes quar eu so reis, eu en aisso
nasquei e az aisso uengui el mon . que eu done testimoni a la
ueritat(z). totz aquel que es de la ueritat au la mia uotz- — 38.
1350 ditz a lui Pilât, que es ueritatz ? E co aisso agues dig, de res-
caps issic als Juzeus e dix a lor. Eu no atrobi en lui alcuna
causa, — 39, Mais costuma es que eu laisse a uos .i. ela Pasca.
Voletz doncas que uos laisse lo rei dels Juzeus ? — 40. Adonc
cridero tuit de rescaps dizentz. no aquest mas Barraban. Mais
1355 era il00''2( Barraban lai re.
XIX 1. Adonc em per aisso Pilatz près Jhesu. el batec. — 2 e li
caualer plegantz corona d'espinas pausero la el cap de lui. et
ab uestinienta uermelha reuironero lui. — 3. e uenian az el e
dizian. deus te salue reis dels Juzeus. e dauo a lui gautadas.
J360 — 4. De rescaps issic Pilatz foras e dis ad els. uec uos eu
ameni a uos lui foras, que conoscalz que eu no atrobi alcuna
causa en luj. — 5. Adoncs Jhesu issic portantz corona d'es-
pinas e la uestimenta uermelha e diz a loi'. Vec uos Tome. —
EVANGlLld SELON SAINT JEAN 175
0. Adoncas co aguesso uist lui li auesque. c li soruent. cri-
(lauan dizontz . Criicifica crucificale. disalor Pilatz. resebetz 13G5
le uos e ci'ucificatz lo. quar eu no trobi ocaizo en lui. —
— 7. respondero a lui li Juzeu. nos auem leg e segon nostra
leg deu morir quar se te tiis de deu. —8. Em per aisso co agues
auzit Pilât aquesta [)araula. maiorinent temec. — \K et intrec
ol pi'ebostat de rescaps e dis [100"^1] a Jhesu. don est tu? 1370
mais Jhesu no respos a lui. — 10. Adonc dix a lui Pilatz. A
mi no parlas? no saps que eu ei pozestat crucificar tu, et ei
pozestat laissar tu ? — 11. respos a lui Jliesii.No agras contra
mi alcuna pozestat. sino fos donat a tu desobre. per aisso
aquel que me liurec a tu. a maior pecat. — 12. E d'aqui enant 1375
querria Pilaz laissar lui. mais li Juzeu cridauan dizent. si
aquest laissas, no est amix de César, totz aquel que se fa
reis contraditz a César . — 13 . Em per aisso co Pilatz agues
auzidas aquestas paraulas. amenée foras Jhesu. e sec el tri-
bunal, el loc que es ditz Licostratos. mas en ebraic Gabbata. 1380
— 14. mas era lo uendres de Pascha. enaici coma la ora
seizena. e dis als Juzeus. Vec uos lo uostre rei. — 15. Mais
eli cridauan. Osta, osta, cruciflca le. dix a lor Pilât, lo uos-
tre rei crucificarei? respondero li bisbe. No auem rei si
no [lOO'^ 2] César. — 16. Em per aisso adonc lo liurec ad els 1385
que fos crucificutz. Mais receubro Jhesu e menero le foras.
— 17. E portantz asi la erotz issic en aicel loc que es ditz
Caluaria. et en ebraic Golgota. — 18. on lo crucifîquero. et
ab lui autre? dos. desza e desza. mas e meg Jhesu. — 19. Mais
cscrius Pilatz le titol. e pausec sobre la crotz. mais era la 1300
scriptura. Jhesu Nazareus reis dels Juzeus, —20. Em per aisso
mouti dels Juzeus ligiro aquest titol, Quar prop la ciutat era
le loc on fo cruciiicatz Jhesu. mais era escriut on ebi^aic. et
on grec, et en lati. — 21. Em per aisso dizian a Pilât li
auesque dels Juzeus, No uulas escriure reis dels Juzeus. mas 1395
quar el dix. reis so dels Juzeus.— 22. respos Pilât, aquo que
escriussi ei escriut. — 23. Adoncas li caualer co aguesso
crucificat lui. presero las uestimentas de lui. e fero .iiii.
partz. ad un quec cauaor la part, e la gonela. mais era
la gonela senes [lOl'l] cozedura desobre essems tescuda 1 100
per tôt. — 24, Em per aisso dixero entre lor. no la esqui-
cem. mas gitem sort d'ela de quai sia. que la escriptura
17S DIALKCTES AîsClEKS
fos cumplida dizentz. Partiro las mias uestimentas asi. et el
iiHMi uestir gitero sort, E li cauacr a certas fero aquestas
1405 causas. — 25. Mais estaua dauaut la crotz de Jhesu la maire
do lui. e la sor de la maire de lui Maria Cleophe. e Maria
Macdalena. — 26. Adonc co Jhesu agues uista la maire el
decipol estant lo quai amaua. ditz a la sua maire, femna
uec te lo teu fil.— 27. d'aqui en dreit ditz al decipol. Vec te
1 110 la tua maire, e d'aicela ora receub lei lo decipols e sua. —
28 . Apres aquestas causas Jhesu sabentz que ia totas causas
so cosumadas. que fos cossumada la scriptura. dix. Sedegi.
— 29. Adoncas era us uaissels pausatz pies de uinagre. mais
eli la spongia plena de uinagre. ab hisop en auiro pansant
1415 ofriro [101'2] a la boca de lui. — 30. Em per aisso co Jhesu
agues près lo uinagre dis. cosumat es. Et enclinec lo cap
fe] liurec l'esperit. — 31. Em per aisso 11 Juzeu. quar erauen-
dres. que no remazesso e la crotz li corsi el sabte. quar era
grans aicel dia del sabte. preguero Pilât que fosso fraitas las
1420 coissas de lor els osteso.— 32. Adonc uengro licauaer.e frais-
sero a certas las coissas del primer e de l'autre que fo cruci-
licatz ab lui. — 33. Mas a Jhesu co fosso uengudi e uiro lo
mort nol fraissero las coissas de lui. — 34. mais .us dels
cauaers ab lansza uberc lo costat de lui. e uiasanient issic
1425 sanx et aiga. — 35. e lo quais o ui douce testimoni. e uers
es testimonis de lui. el sab que ueras causas ditz. que e
nos crezatz. — 36. Quar aquestas causas so faitas. que la
escriptura fos cumplida. Oss no peceiaretz de lui. — 37. E
de rescaps autra escriptura. ueiran el quai io)trafiquero., —
1430 38. Mais après aquestas causas preguec Pilât Joseph d'Ar-
[101 ^' IJraathia em per aisso que fos decipols de Jhesus.
et en rescost per paor dels Juzeus. que prizes lo cors de
Jhesu. et autreiec Pilatz. Adoncas uenc e près lo cors de
Jhesu. — 39. Mais uenc Nicodemus que era uengutz a lui de
1435 noitz a Jhesu. primeirament aportantz mestura de mirra e
d'aloes. aicicoraa .c. liuras. — 40. Adoncas receubro lo cors
de Jhesu. e liero lo de toualas ab onhcmentz. enaici coma es
costuma a Juzeus scbclir. — 41 . mais era el loc on fo crucifi-
catz ort et en Fort monimentz nous, el quai encara alcu no fu
1440 estât pausatz. — 42. Adoncas aqui per Taparelhamentiz) dels
Juzeus. quai- deiosta era lo monimentz. pausero Jhesu.
EVANGILE SELON SAINT JEAN l77
1 . ll/f'^i'^ on .i, del sabto Maria Macdaleiia uonc raati co en- XX
IVl earafosso tenebras al moniraent. e ui lapeira ostada
del monimcnt. — 2. Per aisso correc e uenc a Simon Peire et
a l'autre decipol lo quai amaua Jhesu, e dis ad els. portero lo 1445
meu senlior dol moniment. e no sabem on lo pausero. — .'!.
Adoncas issic Peire et aicel autre decipol. e ueniiTo [101^2]
al moniment.— 4. Adonc corian ili doi essems. et aicel autre
decipol dauant correc plus tost que Peire e uenc primers al
moniment. — 5. E co se fos enclinatz. ui pausadas las toualas. 1450
em per o no intrec. — 6. Adonc uenc Simon Peire seguentzlui.
et intrec el moniment. e ui las toualas pausadas ^-7. el suzari
que auia estât sobrel cap de Jhesu. no ab las toualas pausa-
das. mas a part euolopadas en un loc. — 8. Adonc intrec et
aicel decipol ([ueera uenguz primers al moniraent e ui. e cre- 1455
zec. — 9. Quar encara no sabia la scriptura quar couenia
resucitar dels mortz. — 10. Adoncas anero de rescaps li de-
cipol a lor meteisses. — 11 . Mais Maria estaua al moniraent
déferas plorantz. Adonc domentro que plores. enclinec se et
esgardec el moniment.— 12. e ui .ii. anyels en blancas uesti- 1460
mentas sezentz .i. al cap e .i. als pes on auia estât pausatz lo
cors de Jhet,u, — 13. ili dizian a lei. femna per que ploras?
lo quai queres? dix ad els. Quar portero lo meu senhor. e no
sei on lo pausero. — 14. Co agues ditas [102'^1] aquestas causas
tornada es arreire. e ui .Jhesu estant, e no sabia que Jhesus 1465
fos. — 15. dis a lei Jhesu. femna per que ploras? lo cal queres?
ela azesmantz que fos Tortolas. ditz a lui . senhor si tu l'en?
portest digas o a mi on le pausest. et eu pendrei le. — 16. e
dix a lei Jhesu. Maria tornada quai queres? et ela dis a lui.
rabi lo quai es dig maestre. — 17. Dix a lei Jliesu. nom uulhas 1470
tocar. quar encara no pugei al meu paire, mais uai als meus
fraires. e^digas a lor. Eu pugi al meu paire, étal uostre paire,
ai meu deu et al uostre deu. — 18. Venc Maria Macdalena
anociantz als decipols. quar eu ui nostre senlujr. et aquestas
causas dix à mi. — 19. Em per aisso co fos sers en aicel dia 1475
en (la) u dels sabtes. e las portas fosso clausas aqui on li deci-
pol cran aiustat per paor dels Juzeus. uenc Jhesu et estec e
hieg e dis ad els. Patz sia a nos. — 20. Co agues aquesta causa
dita demostrec ad els las mas el costat. Adoncas se enfl02''2;-
gauziro li decipol uist lo senhor. — 21. em per aisso dix ad 1480
els de rescaps. Patz sia a uos. Enaici coma lo paire me tra-
i:S DIALECTES AKCIINS
mes, et eu trameti uos. — 22. Co aquestas causas aguesditas.
espirec e dix ad els. reccbetz .s. esperit. — 23. dels quais per-
donaretz los pecatz so perdonat ad els. e dels quais los re-
1485 tenretz so retengut(z). — 24. Mais Tomas us dels .xii. lo quais
es ditz nocrezentz no era ab lor quan uenc .Jhesu. — 25. Em
per aisso dixero a lui li autre decipol. nosuimlo senhor. Mais
cl dix al dels. Si eu no ueirei e las mas de lui la ficadura dels
claucls. c si no metrei lo meu dit el loc dels clauels. e si no
1490 mctroi la mia ma el costat de lui no creirei. — 26. Etenapres
.viij. dias de rescaps eran li decipol de lui dedintz et Tomas ab
els. Venc Jhesu e ui las portas clausas. et estec e meg e dix.
Patz sia a uos. — 27. d'aqui endreitditz a Tomas. aporta de-
dinz lo teu did za. e ueias las mias mas. et aporta la tua ma.
1495 e met [102vl] el meu costat. e no uullias esser encrezols. mas
fizels. — 28. respos Tomas e dix a lui. lo meussenher el meu[s]
deus. — 29. dix ad el .Jhesu. Quar tu me uist, Tomas, crezest.
bonauradi li quali no me uiro em crezero. — 30. Moutas a
certas autras signas fe Jhesu en esgardament de sos decipols.
1500 las quais no so escriutas en aquest libre. — 31. Mais aquestas
so escriutas. per zo que uos crezatz que Jhesu es Crist fil de
deu. e que uos crezent aiatz uida el nom de lui.
XXI 1 . rjinapres aquestas causasse manifestée de rescaps Jhesu
Xl/a la mar de Tabaria. mais manifestée se enaici. —
1505 2. Eran essems Simons Peire e Tomas lo quais es ditz nocre-
zent. e Nathanael lo quais era de Cana Gai ilea. e li filh de Ze-
bedeu. [et] autri doidels decipols de lui. — 3. dix ad els Simon
Peire. Eu uau pescar. dixero a lui. E nos uinem ab tu. et
issiro e pugero e la nau- et en aicela noit no prezero deguna
1510 causa. — 4. Mais fait ia lo mati estec Jhesu el ribage. Em
per aisso no conogro li decipol que fos Jhesu. [102^ 2] — 5.
Adonoas dis ad els Jhesu. Macipi doncas auetz cumpanage ?
resposero a lui. no. — 6. dix ad els. Metetz e la destra del
naueg lo ret. et atrobaretz. Adoncas mesero lo ret. e ia nol
1515 podian traire per la mouteza dels peisses. — 7. Adoncas
aicel decipol lo (jual Jhesu amaua dix a Peire. nostre senher
es. E Simons Peire co agues auzit quel senhor es. sotz ceiss
se la gonela. quar nuitz era. e mes se e mar. — 8. Mais
li autri decipol uengro ab lo naueg. quar no eran lunh de
1520 terra, mas enaici coma de .ce. coides. tirantz lo ret dels
EVANGILE SELON SAINT JEAN 179
peisses. — 9. Em per aisso depuiss que foro deisseiidut en
torra uiro las brazas pausadas el peiss desobre pausat el
pa. — 10. dix ad els Jliosu. Aportatz dels peisses los quais
ai'a prezesz. — 11. Pugec Sinioas Peire e traiss lo ret en
terra pie de .(;.l iij . grans peisses. e co fosso tanti no es 1525
esquizatz lo retz. — 12. ditz Jhesu ad els, Vinetz e maniatz
e negus dels repauzantz no auzaua enterocar lui. tu quais
est? sabentz quar lo senlior es [lOS"" 1]. — 13. E uenc
Jhesu e près lo pa. e dona ad els el peiss eissamcnt. — 14. En
aquesta tersza uegada ia fo manifestatz Jhesu als seus deci- 1530
pois co agues estât resuscitatz dels mortz. — 15. Adoncas co
aguesso maniât dix a Simon Peire .Jhesu. Simon Jouan amas
me pus d'aquestz? dix ad el. oc senher. tu sabs quar eu
te ami. dix a lui. Paiss los meus anhels. — 10. dix a lui
de rescaps. Simon Jouan amas me ? dix a lui. oc senher. tu 1535
sabs que eu ami tu. dix a lui. Paiss los meus anhels. — 17.
dix a lui a la terza uegada. Simon Jouan amas me? Con-
tristatz t'o Peire quar dix a lui a la terza uegada. amas
me ? dix a lui. Senher tu conoguist totas causas, tu sabs
quar eu ami tu. dix a lui Jhesu. Pais las mias ouelhas. — 18. 1540
Verament uerament die a tu. co tu fosses ioues. te cenhias.
et anauas on te uolias. Mais cum uelheziras. estendras las
tuas mas. et autre cenhera te. e menara te la on tu no uols.
— 19. Mais aquesta causa dix significantz ab quai [iOS"" 2]
mort fos esclarzidors deu. — 20. E co aisso agues dig dix a 1545
lui. seg me. E uiratz Peire ui aicel decipol seguent lo quai
Jhesu amaua. lo quais neiss se repauzec en la cena sobrel
peitz de lui. e dis. senher quais es aquel lo quais te trazira?
— 21. Em per aisso co Peire agues uist aquest dix a Jhesu.
senher mas aquest quai causa ' — 22. dix a lui Jhesu. enaici 1550
uulh lui estar entro que eu uenga. quai causa a tu? Tu me
seg. — 23. Em per aisso issic aquesta paraula entrels fraires
quar aicel decipol no mor. E no dix a lui Jhesu. no mor.
Mais enaici uulh lui estar entro que eu uenga. (jual causa
a tu? — 21. Aquest es lo decipol aicel lo quais dona testinioni 1555
(Taquestus causîis. et escrius acjuestas causas, e sabem que
uers es lo testimonis de lui. — 25. Mais so autras montas
causas las quais fe Jhesu. las quais si sian escriutas per se-
glas. eu no m'albiri meteis lo mon poder caber aicels libres
li quali so escriuedors . 1560
DIALECTES MODERNES
L'R DES INFINITIFS EN LANGUE D'OC
L'usage d'écrire les r des infinitifs en ar et en ir fut généra^
dans le midi de la France jusqu'aux environs de 1550. Sous
l'influence de la prononciation locale de diverses régions, et
surtout sous celle de Toulouse, d'Aix, de Marseille et de
Montpellier, les quatre villes qui ont apporté le plus d'élé-
ments à l'histoire littéraire des trois derniers siècles, l'habitude
contraire s'est introduite peu à peu. Brueys, Fabre d'Olivet,
Diouloufet, Castil-Blaze,Bellot (de Marseille), Damase Arbaud
et bien d'autres qu'il serait oiseux de citer, ont maintenu Yr,
alors que Groudelin, Michel, Toussaint Gros et l'abbé Favre,
l'abandonnaient. Depuis la Renaissance avignonaise, cette
consonne finale a été supprimée par les félibres *, et quelques-
uns sont allés jusqu'à prétendre qu'il n'en était pas resté la
moindre trace dans la prononciation méridionale. C'est pour
rectifier cette erreur que j'ai relevé çà et là divers exemples,
choisis, autant que possible, dans les œuvres des poètes et des
écrivains que l'absence de toute préoccupation orthographique
met à l'abri de la suspicion des linguistes.
I. — R DEMEURANT 3.
A propos de la question qui m'occupe, M. Milâ y Fontanals
a remarqué {Revue des langues romanes, no du 15 juin 1877)
qu'« une partie du catalan occidental prononce comme on
écrivait anciennement », c'est-à-dire qu'elle maintient Vr
' Elle ost encore conservée, mais avec des rf'-serves qui faisaient pré-
voir son proeliain abandon, dans le glossaire du rare et précieux recueil
des Prouvençalo, poésies divei'ses recueillies par J. Roumauille, et précé-
dées d'une inlroducUon par M. Saint-René Taillandier. Avignon, Seguin,
1852, in- 12.
L R DES INFINITIFS 181
dans les verbes cant-ar poil-<h\ mn-ir. Il est vrai qu'on « s'est
demandé si le catalan devait être considéré comme un dia-
lecte de la langue d'oc au même titre que les idiomes du midi
de la France, ou bien s'il fallait en faire un genre spécial de
la famille des langues romanes '. » Quoi qu'il en soit, il pourra
paraître intéressant de constater qu'à une autre des extré-
mités du domaine des dialectes méridionaux, Vr s'est conservé
à l'infinitif de certains verbes. Un ouvrage paru récemment :
Patois des Alpes Cottiennes, et en particulier du Queyras -, par
MM. le docteur Chabrand et de Rochas- d'Aiglun, l'affirme
d'une manière qui ne laisse pas de place au doute.
« Dans le Queyras, on prononce toutes les consonnes finales . cop,
coutel, chaval, chantar, venir ; on les supprime à Bnançon et dans les
vallées voisines : co, coûté chava, clianlà, veni (p. 7). »
Bien que MM. Chabrand et de Rochas ne l'expliquent pas.
j'inclinerais à croire que cet r a pris une valeur euphonique.
L'idiome de la vallée de Pragelas nous fournit (p. 153) les
exemples suivants :
Al ougiî're désira d'emplir son ventre das aglans que aniingiavou lou
courins é punun m en donava. (Traduction de la j'arabole de V Enfant
prodigue.)
Attendre é pa venir, esse a leit e pa durm'r, servir e pa agradir, soun
tre chiosa da mûrir (154) (Proverbe) ■■
Le langage d'Embrun (157; et celui de Barcelonnette (158)
témoignent des mêmes particularités. On trouve même dans
celui du Monetier'^ des exemples d'une mutation dont je par-
lerai tout à l'heure: l'r du verbe esser (être) de l'ancienne
langue devenant :; devant une voyelle :
E a ne siou pas dinié d'essei-s-appela vouostre bol (156).
* De Tourtoulon, Une assemblée nationale au XIII' siècle ( lievue des
langues romanes, avril-octobre 1871, p. 144).
- Gre:îoble, Maisonviile, 1877, in-8'', 228 pages. Le Queyras est une
sorte de bassin fermé de toute part par de hautes montagnes II forme
aujourd'hui le canton d'Aiguilles, dans l'arrondissement de Briançon
, (Haules-AIpeSj.
3 Textes donnés à MM. Chabrand et de Rochas p;<r M l'abbé Bourlot,
curé de Fenestrelles.
^ Chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Briançon.
1S2 DIALECTES MODERNES
II. -- R DEVENANT Z
M. Paul Meyer a le premier signalé {Romania, Ho d'avril
1875, p. 181) le changement de Vr en z et du :; en r dans les
dialectes de la langue d'oc, spécialement dans l'ancienne
langue. MM. Alart, Chabaneau, A. Thomas et Milâ y Fon-
tanals ont ajouté de nombreux exemples à ceux qui ont été
réunis par le savant romaniste parisien. Je ne crois pas ce-
pendant qu'on ait relevé jusqu'ici des exemples de 1' ?' de l'in-
finitif devenant z.
Las Noças de Jauselou Roubi, comédie dauphinoise composée
par M. Richard, vers 1816, et publiée {Revue des langues ro-
manes, no d'octobre 1875), par M. Revillout, en offrent de fré-
quents exemples :
Araavo moch trouvas de bouonas qualilfis (118).
Ero bien rare alors de trouvai un meinage (1 18).
E peisso irei parlaz au père Nicoulas (119).
Me farei cxpliqua-z-aco deman mati (119).
Li a (lungu coumo mi per gardas un secret (121).
Cette mutation de 1'?' en s n'est pas spéciale auDauphiné et
au canton de Mens. On la retrouve dans le département de
la Dordogne, Un long noël périgourdin, publié par M. Alcide
Duverneuil {Bulletin de la Société historique et ai'chéologique du
Périgord, t. III, p. 215), et portant la date de 1757, en ren-
ferme des témoignages.
D'autres pourraient encore être glanés dans les publica-
tions, où M. V. Smith a étudié, avec le soin et la compétence
que l'on sait, la vieille poésie populaire du Forez et du Velaj:
Viens couches; avec moi.
[Germine la l'orcheronne, Chansons foréziennes
— Romania, juillet 1872, p. 358.)
Va-t-en chercher-.^-un iirètro. ...
(Chants du Velau et du Forpz. — Romania,
juillet-octobre 1875, p. 450.)
Voulez- vous pas nnàz à la guerra. . .
( Vieilles Chansons du Velay et du Forez -
Remania, janvier 1878, p. 70.)
L R DES INFINITIFS IR%
111. — R I)KVKN\.\T T
Au commencement de l'année 187(5, j'eus l'occasion de
parler dans la Revue des poésies provençales d'un habitant
deVauvert, nommé Mcizonnet. Je ne connaissais alors que son
poëme burlesque la Saladn dé l'esfon d'Escamnndre, dont le
mérite littéraire est au-dessous de toute appréciation. L'obli-
geance de M. Perrier, secrétaire de la mairie de cette ville,
m'a, depuis, permis de lire le recueil des œuvres provençales
et françaises du rimeur vauverdois'. La mutation de l'r en t
y a laissé de nombreuses traces :
S'anet vite aclataf ou bord d'una muraya (88).
Mais vole revenir à nosles jiouynes gens (88).
Vous vaou coimtai issot, e pioy viroin Jou resta (89).
E se vos évitai contra tus la poursuita (93).
Yeou qu'ay vis avourtai, hélas! aqueslé outouna (93).
Il en est de même à Lunel-Viel, et surtout aux environs de
Vendargues, ainsi que l'attestent ces vers extraits d'une pièce
manuscrite d'un membre de la Société, M. le docteur A. Roux,
de Lunel-Yiel :
Encara s'avien lou sourel d'eslieu
Per se rescaufaf ! Ela sVs 'n'anada
Et ce qui prouverait que ce ^ a pris un caractère purement
euphonique, c'est qu'ail disparaît dans les vers suivants :
Embé l'esperença. ànjou que counsola,
Veiran carità davalà <!au Ciel ;
Car l'enfantounet qu'a fam, que tremola,
Atrova un abri jouta soun mantel -.
De même que la mutation dauphinoise de ïr en :;, la mu-
tation provençale de l'r en t est en usage en Limousin. Les
poèmes des abbés Sage etLacombe, composés tous les doux au
dernier siècle et analysés par M. Noulet dans la Hevue des
langues romanes {juillet 1874), en donnent souvent la preuve
loou voon, 0 mo moma, domondaf un posti ('234).
Podou pas dumoui'at en possinço un moumen (234).
' (Eavres d(verses en français H en patuis, dont les sujets sont pris
dans Vaunert, par J. Meizonnel, (lit Parisien. Nîmes, Houmieux, 1860 ;
in-12, 155 pages.
- Poésies communiquées par M. le docteur Roux lui-même.
184 DIALECTES MODERNES
Des l'enseigne ments qui m'ont été transmis par M. l'abbé Jo-
seph Roux, dans une lettre en date du 4 décembre 1875, me
permettent d'ajouter que cette habitude linguistique est d'un
usage fréquent aux environs de Saint-Sjlvain iCorrèze).
En ce qui touche Vr intérieur, la mutation elle-même a été
constatée par M, Camille Chabaneau ( Grammaire limousine,
p. 278): « Dans plusieurs cantons de la Haute-Vienne, de la
Charente et de la Dordogne, entre autres ceux de Rochechouart,
Saint-Mathieu, Confolens, Montbron, Montembœuf, Bussière,
ïr est remplacé j)ar un l. On dit, par exemple : tu beguetei,
non beguetem,voubcrfUctci, i begueten = tu bus, nous bvmes, vous
bâtes, ils burent. Il en est de même dans la basse Auvergne, et
cela au moins depuis le XVIP siècle, comme on le voit dans les
noëls de cette époque, où de semblables formes se rencontrent,
par exemple : faguetei, diguetei, coumencetoun (Album auver-
gnat, p. 144). 0
Il est inutile de faire remarquer que l'on prononce un d
à Montpellier, et que l'on y dit : beguedem, beguedes, bègue ■
doun, etc.
I6i se terminent les quelques notes que j'ai recueillies. 11
serait peut-être utile de les compléter par une étude sur le
langage des villes où la prononciation établit des catégories
intermédiaires, c'est-à-dire celles où, au lieu de dire : aimar
un home, aimât un home, aimaz un home, on dirait : aima un
home, ou encore aima 'n home. Il serait surtout curieux de
rechercher si la métrique de la poésie populaire, des prover-
bes, des chants, des danses et des contes rhythmés, est favo-
rable à l'élision ou au maintien d'une consonne terminale
quelconque. Mais c'est une étude que je suis contraint de re-
mettre à un autre moment.
Alph. Roque-Ferrier.
A-N-ANFOS TA VAN
APRÈS vso LEGiDo D'Amour e Plour
0 Tavan ! ù moun frairc ! ô mestre !
Ai legi toiin Amour e Plour;
Ai vist lou malastre falourd
Picant sus ta vido à grand destre,
E, mai doulent que se pot estre,
Toun cor aimaire, o moun amil
Toun paure cor Tai vist gémi !
Ai vist toun amo en tiou sourrire,
Pleno das raivcs que se fan
Quand la vido as iuels de Fefant,
Fisançous dau premiè zefire,
S'anouncio coumo es pas de dire ;
E ta flour, au matin enca,
Penjo sus soun pecoul maca!
Adounc l'auras toute viscudo
Aquelo fraso, en un moument
A ALPHONSE TAVAN
APRÈS LA LEcrunE D'Amour e Plour
0 Tavan ! ô mon frère! ô maître ! — j'ai lu ton Amour et Pleurs;
— j'ai vu la lourde malecliaiice — frappant sur ta vie à grands
coups, — et, plus dolent qu'il n'est possible de l'être, — ton cœur
aimant, ô mon ami! — ton pauvre cœur, je l'ai vu gémir !
J'ai vu ton àme en fleur sourire, — pleine des rêves que l'on fait
— quand la vie, aux yeux de l'enfant, — conQant dans le premier
zéphyr, — s'annonce comme on ne peut le dire; — et ta fleur, au
matin encore, — penche sur sa tige meurtrie!
Ainsi tu l'auras toute vécue — cette phrase, en un moment — de
186 DiAlECiES MODRRNES
De désespéra pensfimeiit
De ta pliimo lasso nascudo !
0, d'aq.uelo fraso esmôugudo
N'as tout soufri lou mau cousent :
I/amour e lousplous van ensen !
E, paure tu ! dins ta man tèuno
Laissant toumba toun front pâli,
Ount — coumo un trounc d'aubo adali
Que se i' arrapo lou fio d'èuno —
Portes sempre la lagno tèuno,
Sou fas : — «Oh ! per quanto resou
)) Endure talo pougnesou ?. . .
» leu, grand assourga d'ambrousio,
» Per que ma bouco, en moussigant
» Lou fru, n'a tasta qu'amargant?
» Per que la divo Pouësio,
)) Que soun iuel sout sa bioundo cillio
» Boujo l'esclaire e lou soûlas,
» N'a per ieu qu'ancio e nivoulas?
» 0 Naturo ! de (juanto pasto
» Moun cord'ome l'as gaubeja?
» Per que, dau mau-sort trepeja,
» Daii mau-sort que lou tarrabasto,
penser désespéré , — née de la plume lasse ' — Oui , de cette
phrase émue, — tu as souffert tout le mal cuisant: — l'amour
et les pleurs vont enseml)le!
Et, pauvre toi ! dans ta main frêle — laissant tomber ton front
pâli, — où, comme au tronc de peuplier blanc — s'est attachée
la touffe de lierre, — tu portes toujours ton chagrin, — tu dis :
« Oh! pour quelle raison — j'endure une telle douleur?. . .
» Moi, grand altéré d'ambroisie, — pourquoi ma bouche, en
mordant — le fruit, n'a-t-elle goûté qu'amertume? — Pourquoi la
divine Poésie, — dont l'reil sous de blonds cils — verse la lumière
et la consolation, — n'a-t-elle pour moi qu'anxiété et nuages?
« 0 Nature '.de quelle pftte — as-tu modelé mon cœur d'homme ?
— Pourquoi, piétiné par le uiaiiviiis suil, — K' mauvai.s sort
A-K-ANFOS TAVAN 1S7
» E quand dins la doulou trebasto,
» El oscampo do crids ai-uts
» Au mounde eiicaro incouneguts?
» Naturo, ô maire descourado !
» Moun crid d'angouisso es per Tausi
» Qu' à toun aflat as vist blasi,
n Souto la mort e sa tourrado,
» Ma caro csperanço flourado,
» E que moun estre entiè se dôu
» En un triste resson de dôu?
» Resson de dèu en ieu estable
» E perdurable d'aro-en-lai,
)> Desempici lou journas tant laid
») Que, lugubrament, lou matable
» Sounè lou clas espaventable
>) De mas amours, (jue, lou cor gros,
» Anere, ieu, reboundre au cros !
H 0 clas! pamens toun memebrounze
» Semblé 'n jour souna moun bonur :
» Bouco sourrisento, front pur,
» Oudouso coumo flou d'arounze,
» Coum'^ant sous ans dous cops perounze,
» Ma blanco novio, en tremoulant.
qui le ravage, — et, quand il plonge dans la douleur, — jette-t-il des
cris aigus—que le momie ne connaissait pas encore?
» Nature, û mère sans cœur! — mon cri d'angoisse^ — est-ce
pour l'entendre — que tu as vu se flétrir à ton gré, — sous la
mort et sa rigueur, — ma chère espérance vermeille, — et que mon
èlre entier est à] geindre— dans un triste son de douleur ?. . .
Son de douleur stable en moi — et durable désormais, — depuis
le jour si triste — oîi, lugubrement, le battant de la cloche — sonna
le glas épouvantable — de mes amours, que [j'allais], le cœur gros,
— j'allais ensevelir dans la fosse !
' « 0 glas ! pourtant ton mémo bronze — sembla sonner un jour
mon bonheur: — bouche souriante, front pur, — embaumée comme
(leur de ronce, — comptant ses années deux fois par onze, — ma
188 J)IALECTP;S MODERNES
» M'acoumpapiu"' vers l'autar blanc,
» E passèn poulido joui'iuulo ;
» E lou lendcmau, matiniè,
» Nous venguè 'n ange coucouniè,
» Gaio lusiclo safranado. . .
» Ai ! (juau ma rendra ma mainado ?
» Ma femno, Teste de mous cants,
» E ma Mirelho de cinq ans? . .
» 0 long vel, lieureio nouvialo!
w 0 tavaiolo qu'ensajan
)) Au bel efant que batejan!
» L'on vous caresso e Ton vous bialo ;
» E vesen la man que vous flalo
» Que quand vous a fa, sens remord,
« 0 vestis blancs ! lencôus de mort.
» La vido n'es qu'un long mjsteri,
» E'nd' el de trop voulé pensa,
0 Poudriè n'estre, Dieu, ôufensa , . .
>N A la porto dau cementeri,
» Faguent de mous plous rebousteri, •
n Veuse d'amour, à moun agrat,
» Vole pleura, pas que ploura!. .»
blancbe fiancéo. en tremblant, — m'accompagna vers le blanc
autel.
» El nous passâmes une belle journée : — et le lendemain, ma-
tinal,— il nous vint un ange caressant, — éciaircie gaie, safranee...
— Ah! qui me rerulra ma famille? — ma femme, l'inspiration de
mes chants, — et ma Mireille de cinq ans?. . .
» 0 long voile, parure nuptiale ! — ô langes pompeux que nous
essayons — au bel enfant que nous baptisons ! — l'on vous ca-
resse et l'on vous admire : — cl nous ne voyons la main qui vous
file — que lorsqu'elle vous a transformés, sans remords aucun, —
û vêtements blancs! en linceuls de mort.
» La vie n'est qu'un long mystère, — et, en voidant trop y pen-
ser, — Dieu pourrait en être oflensé. . . — A la })orte du cimetière,
— faisant un festin de mes pleurs, — vcuFd'amoui-, à mon gré, —
je veux pleurer, rien que pleurer !... »
A-N-ANFOS TA VAN l«9
O Tavan ! û fraire ! vai, plouro !
Toun ploura soûl pot t'assoula.
Un misteri t'a treboula :
Sabes dounc pas que la malouro
Vôu lou cor que truco e desflouro,
Lou vôu capable de soufri
Lou mage mau lou mai afri ?
E lou pouëto, aquelo liro
Facho de las fibros dau cor,
Es causi sempre ; e soun acord,
Inmenso angouisso que deliro,.
Pus forto que lous cops de Tiro,
Emplis lou mounde embalausi
Vido-vidanto de l'ausi.
Oh! plouro, plouro ! acô n'en costo,
La glorio dau pouëto : urous,
Ascendès lou serre auturous;
Mais escassament à miè-costo,
Uno man traito tras la costo
Vous sagato, e tenchas lou cira
De voste bèu sang cremesin.
Qu'enchau lou sang? coumo un satire,
De se despoutenta d'afan,
O Tavan ! û frère ! va, pleure ! — ton pleur seul peut te consoler.
— Un mystère t'a troublé : — tu ne sais donc point que lo malheur
— veut le cœur qu'il frappe et déflore, — il le veut capable de souf-
frir— le mal le plus grand et le plus cruel !
Et le poète, cette lyre — faite des fibres ducnnir, — est toujours
choisi; et son accord, — immense angoisse qui, dans son délire, —
est plus forte que les coups de la colère, — remplit le monde
étonné — de l'entendre éternellement.
Oh! pleure, pleure ! cela coûte cher, — la gloire du poète : heu-
reux, — vous montez la montagne altière; — mais, à peine à mi-
côte, une main traîtresse vous ouvre le côté, — et vous teii,Miez le
faîte — de votre beau sang cramoisi.
Qu'importe le sang.? comme un satyre, — de s'épuiser en cll'urts,
15
h«> DIALECTES MODERNES
Qu'onchau ? I' a'n g-raiid clialc, m Tavan !
De triounlla dins lou martire. . .
Oh! pos ploura. Mais de mau-dire,
Ui'ous doulent, engardo-te.
Car Dieu t'a marca de soun det !
Piouro ! l'angouisso, emb sa legremo,
Deu amansi ramour abrant :
Amai l'aurige brame à brand,
Traguent esglasi e terro-tremo,
Quand lou sourel en braso cremo.
Es bon per lou front qu'un degout
De plejo refresque un bricou.
Piouro ! e ieu vole te reçaupre,
Vole t'assoula dins mous bras.
Aqui, piouro que plouraras !
Qu'aqui, moun fraire, tu vas saupre
Lou pus grand bonur qu'on pot caupre :
Lou bonur que i'a d'endourmi
Soun mau sus lou cor d'un ami !
Albert Arxavielo.
Aies, 5 de selembre 1877.
(Languedocien, Alais cl se? environs.)
(ju'iniporteV 11 y a un grand délice, 6 Tavan ! — à triompher dans
Je martyre. . . — Oh! tu peux pleurer. Mai.s de proférer la malé-
iliction, — heurcu.\ dolent, garde-t'en bien, — oar Dion l'a marqué
de son doigt!
Pleure ! l'angoisse, de sa larme, — doitadoiicir l'amour brûlant:
— Quoi([ue l'orage hurle, avec fureur — jetant l'épouvante et le
frémissement, — quand le soleil embrasé brûle, — il est bon pour le
front — qu'une goutte— de pluie rafraîchi s. «c un peu.
Pleure! et, moi, je veux l'accueillir, — je veux te consoler dans
mes bras.— Là, pleure et pleure encore, — i car là, mon frère, tu
vas savoir — le plus grand honheur qu'on peut éprouver: — le
bonheur (|u'ii y a d'endonnir — son mal sur le cœur d'un ami !
Albert ArtNAviELLK,.
Aiais, •"> septembre t877.
LOUS DOUS CANARDS SAUVAGES
FABLO
Sul bord d'unestang, un cassaire
Aviô 'gantât dous canardous,
Dous colverts, encâ trop pichous
Per dins Taire segre sa maire
--Que farai d'aqueles aucels ?
Dis lou cassaire, que lous sarro
Al founs del sac ount lous embarro.
De que ne farai ?. . . De simbels;
Amb eles prendrai de dougenos
De canards dejoust mas pantenos.
E s'en fasiô dejà'n régal.
Sens musa gagno soun houstal.
Dins la cour, qu'éro rauralhado,
Aviô tout-just uno cloucado
De canards de mémo groussoù ;
Trai lous autres de sa prisoû
E lous laclio en miech de la bando.
LES DEUX CANARDS SAUVAGES
l-ABLE
Au bord d'un étang un chasseur, — avait pris deux jeunes canards,
— deux colverts, encore trop petits — pour dans les airs suivre leur
mère. « Que ferai -je de ces oiseaux? » — dit le chasseur, qui les
serre — au fond du sac où illes enferme. — «Qu'en ferai-je?... Des
appeaux, — avec lesquels je prendrai des douzaines de canards —
dans mes pantières » ; — et il s'en faisait déjà un régal. Sans tar-
der il gagne sa maison. — Dans la cour, qui était entourée de
murailles , — il avait précisément une couvée de canards de
même grosseur ; — il tire les autres de leur prison — et les lâche
192 DIALECTES MODERNES
Que Ions guèito d'un marrit nel,
I trauco à cops de becs la pel
E dins un cantoù lous emmando,
Coumo d'aucels de controbando,
Mais la guerre n'ajet qu'un temps ;
E coumo aviôu prou de pitanso
Per toutes ne rempli la panso,
Lèu ensem visquerou countents.
N'aviùu-t-i pas même plumage,
Lou même crit e lou même âge ?
Des fourestiers lou pus menut,
Pla rarement restabomut;
Ero vieu, aberit, sauvage.
Prisounier dins aquelo cour,
Tout en pensant al descampage,
I varalhabo, nèit e jour,
En mitant delà canardalho,
Que, refaudido sus la palho,
L'uel miech tancat e lou cap bas,
Sens s'avisa del varalhaire,
Dourmissiô quand manjabo pas.
N'aviô pas, s'en manco, lou fraire,
Lou sang ardent del cago-nis:
Ero tranquille e pausadis,
au milieu de la !)andc, — qui les regarde de mauvais œil, — leur
perce à coups de bec la peau — et les renvoie dans un coin, —
comme des oiseaux de contrebande. — Mais la guerre n'eut qu'un
temps, — et, comme ils avaient assez de pitance— pour s'en rem-
plir tous la panse, — bientôt ensemble ils vécurent contents : —
n'avniont-ils jtas le même plumage, — le même cri et le même âge?
Des étrangers le plus petit, — qui rarement restait muet, — était
vif, éveillé, sauvage. — Prisonnier dans cette cour, — tout en pen-
sant à s'échapper, — il s'agitait nuit et jour — au milieu de la trou|)C
des canards, — qui, accroupie sur la paille, — l'œil à demi formé
et la tète basse, — sans faire attention à son rernue-ménage, dor-
mait quand elle ne mangeait pas.
Il n'avait jjas. il s'en faut de beaucoup, le fnro, — lesangbouil-
LOUS DOUS CANARDS SAUVAGES 193
E, coumo i fasiô Ijouiio vido,
S'acoustumabo à la prisoi'i.
L'autre d'anâ courre bourrido
Sempre sentissiô la prusoi'i ;
E cado fes qu'à la vesprado,
De canards i)assabo uno ardado
Sus souu cap, qu'ausissio lous vièls,
Enquiets, sounâ lous jouvencels,
Cercabo à prene la voulado
Par ategne sous coumpagnous; ■
Mais la muralho ero trop nauto,
I trucabo soun bec sannous ;
L'alo trop flaco i fasiô fauto,
E lou paure del languiment
Al cor sentissiô lou tourment.
Ero triste, raanjabo gaire,
Pantaisabo soûl dins un caire ;
Vouliô coumo sous parions,
Navigâ sus la mar vesino,
Dins Testang, à l'cscuresino,
Agantâ cauquilhos, peissous,
Cagarauletos c gragnotos,
Que s'amagou dins las canotos;
A soun grat nadâ, cabussâ;
Libre, enfin, pertout s'espassâ.
lant du culot: — il était tranquille et ami du repos , — et, comme
il faisait bonne vie, — il s'habituait à la prison. — L'autre, de se
sauver — éprouvait toujours la démangeaison ; — et toutes les
fois que, le soir, — de canards il passait une volée — au-dessus de
sa tète, qu'il entendait les vieux, — inquiets, appeler les jeunes, —
il cherchait à prendre le vol — pour atteindre ses compagnons ; —
mais la muraille était trop haute, — il y heurtait son bec saignant:
— l'aile trop faible lui faisait défaut, — et le malheureux, de l'ennui,
— au cœur éprouvait le tourment. Il était irisle, il ne mangeait
guère, — il rêvait seul dans un coin ; — il voulait, comme r.es pa-
reils,— naviguer sur la mer voisine, — attraper coquilles, poissons.
— escargots et grenouilles, — qui se cachent dane les roseaux des
marais; — à son gré nager, plonger; — libre, ewlin, partout se pro-
mener.
194 DIALECTES MODERNES
Soun alo, un jour, fouguet prou forto:
« De la prisoi'i escapem-nous »
(Diguet à l'autre), « Taire es dous,
» Es lou moument d'and per orto. -)
Mais aqueste, boulzut, sadoul
E countent de soun ourdinàri,
Vourguet resta de p6u d'auvàri
E lou laisset parti tout soûl.
Lou seguirem pas dins sa fugo:
Es urous, a sa libertat.
Tournem à l'autre, qu'es restât
Dedins am sa panso pesugo.
L'endemâ, lou mestre a coumptat
Sous canards à l'acoustumado :
In manco un, lou cerco de-bado,
Vei quane es ! « Poudriô m'escapâ
Coumo el, sou dis, soun camarado »,
E subran cerco à l'arrapâ.
Ambé soun ventre qu'i ravalo,
Aqueste fugis dins la cour.
Ne fa dos ou très fes lou tour,
Pèi pren van per jougâ de l'alo;
Mais pot faire qu'un pichot vol
E miech mort retombo pel sol.
Son aile, un jour fut assez forte: — « Delà prison échappons-nous,
— dit-il ù l'autre ; le vent est calme, — c'est le moment do partir.»
— Mais celui-ci, ventru, repu — et content de son ordinaire, —
voulut rester par crainte d'accident — et le laissa partir seul. —
Nous ne le suivrons pas dans sa fuite : — il est heureux, il a sa li-
berté. — Revenons à l'autre, — qui est resté dedans avec sa panse
pesante .
Le lendemain, le maître a compté — ses canards, comme à l'or-
dinaire: — il en manque un ; il le cherche inutilement. — Il voit
quel est celui-là : « Il pourrait m'échapper comme lui, — dit-il en
lui-même, son camarade », — et il cherche aussitôt à l'attraper. —
Avec son ventre qui traîne à terre, — celui-ci fuit dans la cour, —
il en fait deux ou trois fois le tour, — puis ii prend l'élan pour jouer
de l'aile; — mais il ne peut faire qu'un petit vol — et, à demi mort,
il retombe à terre. — Ah ! pourtiuoi u'a-t-il pas de son frère, — qui
LOUS DOUS CANARDS SAUVAGES 195
Ail ! per que n'a pus de soun frairc,
Qu'en libertat volo dins Taire,
Seguit lou counsel amistous ?
Acô se penso regretous.
Quand lou raestre lou prend e plante
Un loung coutel dins sa garganto.
Planguem-lou, mais pamens meritabo soun sort.
Atal de nautres La moulesso
Fa perdre à riiome sa noublesso ;
Res de grand toco pus soun cor;
Taloment pla qu'à l'esclavage,
Que lou meno sempre à mal-port,
Se coumplai dins soun gourrinage .
Mais n'es pas atal l'home fort
Qu'a' ho justo fiertat dins l'amo :
En prisoû gito fioc e flamo.
Per reprene la libertat
Dount la nature l'a doutât,
E qu'un marrit sort li a raubado,
Cr-ento auvàri ni malparado ;
Crei que Ûiéus, que vei l'estrambord
Que li fa mespresâ la mort,
Assoustarâ soun escapado.
G. AzAÏs.
(Languedocien, Bif-ziers et ses environs)
en liberté vole dans les airs, suivi le conseil amical ? — C'est ce
qu'il pense dans ses regrets, — quand le maître le prend et lui en-
fonce le couteau dans la gorge.
Piaignons-le, mais pourtant il méritait son sort. — Il en est
ainsi de nous : la mollesse — fait perdre sa noblesse à l'homme ;
— rien de grand ne touche plus son cœur, — si bien que dans
l'esclavage, — qui le mène toujours à une mauvaise fin, — il se
complaît dans son oisiveté. — Mais tel n'est pas l'homme fort —
qui a une juste fierté dans l'âme; — en prison, il jette feu etfiamme.
— Pour reprendre la liberté — dont la nature i'a doté, — ut (ju'un
mauvais destin lui a ravie, — il ne craint ni mésaventure, ni con-
tre-temps ; — il croit que Dieu, qui voit l'enthousiasme — qui lui
fait mépriser la mort, — favorisera son évasion.
G. AzAÏs.
I LATIN D'AMERICO'
A M. Frechette
Pouëto francés e députa au Parlament canadian
Fraire d'alin, e tu subre-tout, Canada,
Rampau car e fegound dôu fier aubre de Franco,
Vosto ramo s'cstend, fruchiero à desiranço ;
E tamben lou troubaire amo à vous saluda.
Ni siècle ni liuenchour vous an pouscu muda :
De voste brès latin gardas la remembranço ;
Noste crèire es parié, pariero Tahiranço,
E dins Tobro de Dieu sian lest à s'ajuda.
Que fan do milo lego, e la mar, e li flume,
S'es lou même soulôu que nous largo soun lume.
Se dins la mémo fe li pies bâton d'acord ?
D'enterin que lou sang au viei raounde se verso,
Rejougnen nôsti man per dessubre lis erso :
La soulo vesinanço es aquelo di cor.
A. DE Gagnaud.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
xVUX LATINS DWMÉRIQUE
A M. Frechette
PoiJte français et député an Parkmcnt canadien
Frères lointains, et toi surtout, Canada, — rameaux chers et fé-
conds du fier arbre de France, — vos pousses s'étendent, portant'
des fruits abondants ; — aussi bien le poêle aime à vous saluer.
Ni les siècles ni l'éloignemenl n'ont pu vous changer : — de votre
berceau latin vous gardez le souvenir ; — notre croyance est sem-
blable, semblable notre haine, — et dans l'œuvre de Dieu nous
sommes prêts à nous aider.
Que font les mille lieues, et la mer, et les fleuves, — si c'est le
même soleil qui nous dispense sa lumière, — si dans la même foi
les poitrines battent d'accord?
Pendant que le sang dans le vieux monde se verse, — rejoignons
nos mains par-dessus les vagues : — le seul voisinage est celui des
cœurs. A. DE Gagnaud.
' Lu le Ift novembre 1877, en séance du Parage, à Maguekne.
BIBLIOGRAPHIE
SEPTENTRIOUN. pèr William-G. Bonaparte-Wyse. — Antibo, encô de
J. Marchand, i?mpromèire-librain', 1878, in-8°.
U M
PVERI SErXBNTRI
DNIS ANNORVM XII QVI
ANTIPOLI IN THEAÏRO
BIDVO SALTAVIT ET PLA
CVIT
Telle est l'inscription funéraire que M. Bonaparte- Wyse a re-
levée dans le chiivma.ni petit \i\re Antihes en i>o(he, de M"ie C.-D.
Coote. Ces quatre lignes lui ont inspiré une gracieuse élégie dans
le genre de l'antique, une élégie vraiment remarquable par la cou-
leur locale qu'il a su lui imprimer. Ce n'est pas un provençalisant
de 1878 qui écrit, c'est un frère et un successeur de Catulle. Un
Romain du secontl siècle n'aurait pas pleuré autrement ia mort
de ce pauvre enfant, l'un des artistes les plus aimés, paraît-il, deces
spectacles mimés, — nous dirions aujourd'hui le ballet, — qui, dès
le début de la décadence, eurent la plus grande vogue. Septentrion
dansa sur le théâtre d'Antibes, aux applaudissements de tout le
public: biduo saltavit et placuit, dit l'inscription. Prit-il froid sous
le léger costume qui devait le revêtir, et que le poète, après seize
cents ans au moins, essaye de décrire comme s'il l'avait vu'? On
l'ignore. Ce qui est certain, c'est que, après une courte appari-
tion, on ne l'y revit plus. Ses représentations et ses succès furent
arrêtés par la mort.
Nous ne pouvons reproduire toute la pièce de vers; en voici la lin :
En fàci de la mar e di nivôusi cimo.
Au tealre plan de trelus,
Se jogo au grand soulèu la bello |iaiitoiimiino
Dis amour de Mars e Venus ;
E d'arliste famous, que mome Roumo estimo,
Disou tout ce que fau, sens paraulo ni rimo,
Au pople qu'adoro lou nus.
Mai lou galant pichot sautejo emo tant d'amo,
E tant d'abandoun bouleguet,
Que lou Proconse aprovo, e li lusènti damo
Zounzounon : « Oh! qu'es poulidet! »
198 BIBLIOGRAPHIE
Lou ixjple antiboulcn d'un long acord l'aclamo
« Lou mai bèn dis Amour que dardaion la flamo »,
E lou porto au bout de si det.
La lansenjo. oh ! qu'es vano ! e même li courouno,
Après tout, qu'an pau de vaiour !
Encaro un jour de fèsto! encaro di chatouno,
Li douci parauio e li flour '.
Mai, las ! lou tresen jour, mau grat li caranchouno,
Li picamen de mau e l'aflat di p outouno,
Lou pichot n'es pas de retour.
Car mau grat que sigués bestias o bèn abile,
La Mort es un moustre feroun.
La Mort es uno serp, un nègre croucoudile.
Que souto li sagno s'escound ! . . .
E vaqui sus soun lié, coucha blanc e tranquile,
Au mitan di beus ile e mai blanc qu'un bel ile,
Lou poulidet Septentrioun !
A. E.
Catalogue de la bibliothèque de Marseille. — Ouvrages relatifs à ia
l'rovi'ucc. — Essai d'introduction et de classement mélhodique, pai"
V. LiECTAUD, bibliothécaire de la ville de Marseille. Marseille, Granier
nis. 1877, m-40.
Nous ne pouvons mieux faire, pour donner une idée du plan très-
rationnel suivi par M. Lieutaud, que de reproduire la première
page de son exposé :
'. Personne n'oserait aujourd'hui contester l'importance, l'utilité,
la nécessité des collections locales.
» Le progrès, en effet, dans sa marche incessante et rapide, fait
à notre époque une étroite obligation de la spécialité, pour toutes
les branches des connaissances humaines.
» Les collections, comme tout le reste, obéissent à cette tendance
moderne, dont rien ne peut s'affranchir désormais.
» D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, ce sont les collections
locales que le travailleur recherche, qu'il aime à rencontrer et qu'il
interroge avec fruit.
» Qne vient demander le savant, l'amateur, le voyageur même,
aux établissements de tout ce qui n'est pas grande capitale? Des
Raphaël ou des Rembrandt, des Vénus de Milo ou des Apollon du
Relvédère ; dos collections de monuments célèbres, d'inscri[)tions
capitales ? des ouvrages de nmni rc scihili, de merveilleuses minia-
tures calligraphiques ou des textes antiques conservés par des ma-
nuscrits fameux?
BIBLIOGRAPHIE 199
» Bien rares seraient les établissements assez riches pour satis-
faire à ces désirs. Le chercheur ne l'ignore pas. Il sait bien que
quelques grands centres en ont seuls le privilège ; et, s'il a besoin
d'objets rares, s'il veut des chefs-d'œuvre, il ne s'éloignera guère
de Paris, de Londres, de Florence ou de Rome.
» A la ville de second ordre, à la capitale de province, il deman-
dera, au contraire, les monuments et les travaux relatifs à Ui
contrée, et c'est là qu'il viendra de préférence les consulter, sou-
vent avec autant de charme et de profit que les merveilles des plus
beaux musées »
Cette idée devrait être réalisée partout. Au-dessous des grandes
œuvres du génie qui appartiennent à tous les temps et à tous les
lieux, les monuments artistiques, historiques, scientifiques et lit-
téraires, d'une province ou d'une localité données, devraient for-
mer le fond naturel et principal des musées et rie la bibliothèque
de cette province ou de cette ville.
Eu égard au petit nombre d'œuvres intéressant à un titre quel-
conque l'histoire politique ou littéraire de la cité, les bibliothèques
communales contiennent encore une trop grande proportion de
documents généraux; l'éparpillement. l'absence ou la perle des
premières, enlève aux histoires provinciales toute variété et toute
vérité. Tout est fondu dans le moule d'une unité trompeuse, aussi
étrangère à là réalité que les latitudes des provinces de la France
diffèrent entre elles. Les seconds, au contraire, grâce à la multi-
plicité de leurs dépôts, pourraient toujours se retrouver sans trop
de peine, s'ils venaient à manquer dan? quelque collection parti-
culière.
Ce n'est pas l'origine provençale des auteurs qui a dicté la clas-
sification do M. Lieutaud. Son catalogue n'a admis que les ou-
vrages « relatifs à la Provence ou à des faits dont elle a été le
théâtre .
» S'écarter de ce principe eût été se jeter dans un inextricable
chaos de volumes de toute nature. » Les sujets les plus divers
ayant été, en effet, traités par les auteurs très-nombreux que la
Provence a donnés- à la France, l'assemblage catalogué de leurs
écrits n'aurait aucun caractère méthodique de localisation. Pour
ne parler que des contemporains, «quelle place pourraient tenir,
au milieu d'une collection locale, les indigestes mémoires de Fortia
d'UrL'an, les histoires de la Rérolulion, du Consulat el de l'Empire,
de M. Thiers; les romans, poèmes et œuvres diverses de Méry, Mi-
gnet, Gh. Girauil, Poujoulat. Joseph Autran, Pontmartin, Gozlun,
Louise Golet, Zola et tant d'autres écrivains ({u'un rayon de notre
200 BIBLIOGRAPHIE
ardent soleil a touchés, et qui font briller à Paris l'esprit et le génie
(le notre race ? -
Le savant bibliothécaire de Marseille circonscrit d'abord les H-
miles géographiques de son sujet. Comprenant dans la Provence
toute l'étendue territoriale qui y a été attachée aux diverses époques
de son histoire, il y fait entrer, en sus des cinq départements des
Bouches-du-Rhône, de Vauckise, des Basses- Alpes, du Var et
des Alpes-Maritimes, quelques enclaves et extensions qu'elles pos-
sédait en Dauphiné, dans une très-minime partie de la Drôme et
des Hautes- Alpes. Son but a été de faciliter les études des tra-
vailleurs qui voudraient faire une recherche quelconque sur tout
ce qui peut se rattacher à ce pays. Cette concentration de docu-
ments autochthones n'a jamais été mieux justifiée que pour une
province qui a joué depuis plus de deux mille ans un si grand rôle
aux points de vue militaire, religieux, politique, littéraire et com-
mercial. L'inOuence de la plupart des événements accomplis en
Provence ne s'étant pas maintenue dans son intérieur, mais ayant
presque toujours rayonné au delà de ses limites, il y aura tout
avantage à pouvoir consulter sur place l'ensemble des monuments
écrits qui expliquent cette puissance d'expansion. Pour ne parler
que d'un sujet peu attrayant peut-être au premier abord, mais que
l'on nous pardonnera d'avoir rappelé en raison des intérêts de
premier ordre qu'il soulève, le rapport des arrivages par mer et
delà propagation des épidémies, oil rencontrerait-on ailleurs qu'à
Marseille un ensemble de documents aussi complet sur l'histoire
des quarantaines, depuis le règlement sanitaire de 1683 jusqu'aux
récentes modifications que les apparitions cholériques des vingt
dernières années ont provoquées ? A part les ordonnances et in-
structions générales, il doit y avoir toute une série de mesures lo-
cales dont les traces ne peuvent se retrouver que dans cette grande
cité commerciale et maritime. Assurément la publication des ar-
chives de la Direction delà santé de la Méditerranée formerait un
ouvrage unique au monde, qui fournirait des renseignements pré-
cieux pour l'histoire des maladies épidémiques, notamment depuis
la grande peste de 172<i jusqu'à nos jours. M. Lioutaud a eu raison
de réserver, aux articles Commerce et Hygiène de son catalogue, une
place importante aux documents de cet ordre-
Le catalogue terminé sera le répertoire d'une vraie encyclopédie
provençale. Tout y sera représenté : la bibliographie, les publica-
tions périodiques, l'histoire, l'archéologie, la littérature provençale
avec tous ses dialectes, les littératures française, grecque et latine,
les chants religieux et populaires, le théâtre, etc. C'est là l'objet
BIBLIOCiRAPHIR 201
des deux premiers livres. l.,e troisième, atîecté aux sciences et aux
arts, comprendra la i>liiIosoplne, l'économie, politique et sociale,
l'ensemble des sciences piopremeut dites : mathématiques, pliy-
siques, naturelles et médicales ; la philosophie occulte, l'astroloi^'ie
judiciaire, la technologie, les jeux et la gymnastique, les beaux-
arts. M. Lieutaud donne une grande part à l'économie politique ,
« cette jeune science, dit-il, qui tend à résumer et à absorber en
» elle toutes les manifestations de la vie moderne.» 11 y comprend
l'administration, les établissements de bienfaisance, l'instruction
publique, les finances, l'industrie, le commerce, les travaux pu-
blics, les associations. Chacun de ces chapitres est divisé lui-même
en de nombreuses sous-divisions, qui montrent l'immensité des
documents réunis et le vif désir de l'auteur de ne rien oublier de
tout ce qui peut intéresser l'organisation actuelle des Douches-du-
Rhône et des départements voisins.
Suivant la hiérarchie ascendante qu'il a établie pour les diverses
connaissances humaines, il termine le catalogue jiar le droit et la
théologie. A propos de droit, il relate toutes les juridictions géné-
rales et locales qui ont régi les diverses parties de la Provence.
Cette conservation des anciennes coutumes a un intérêt phis qu'his-
torique. Dans plusieurs provinces méridionales, certaines d'entre
elles ont encore, à peu de chose près, force de loi et ibrment, de-
vant la juridiction des juges de paix notamment, une sorte d'an-
nexé du Code civil qui sert de régie, à défaut d'acte authenti(iuo,
dans un grand nombre de conventions urbaines ou rurales. Des
commissions préfectorales ont réuni, depuis quelques années, ces
restes du droit coutumier et en ont formé le recueil des usages
locaux du département. Parmi ces usages, les uns nous ont élé
transmis par la tradition ; mais beaucoup ne sont que la consécra-
tion pratique de textes de lois réguliers, consignés dans quelqu'une
de ces chartes languedociennes ou catalanes, telles que cette i^euMc
en a publié un grand nombre par les soins de MM. Léon Vinas,
Montel, Alart, etc.
Nul doute que les textes judiciaires inventoriés par M. Lieu-
taud ne contiennent un grand nombre de pièces en vieux proven-
çal. Les amis des lettres romanes lui sauront gré de leur avoir
ouvert cette nouvelle source de recherches.
Il est rare qu'un article bibliographique ne comjiorte pas (jnelquo
mot de critique, si légère qu'elle soit, à l'adresse de l'ouvrage ana-
lysé. Ce n'est pas ici le cas. Le plan du nouveau catalogue de la
bibliothèque de la ville de Marseille ne soulève pas d'objection sé-
rieuse. Espérons que le courage et les forces de l'auteur seconde-
202 BIBLIOGRAPHIK
ront son dévouement et son intelligence et lui permettront de me-
ner à bonne On une œuvre aussi difficile, dont « peuvent seuls se
» faire une idée ceux pour, lesquels la bibliographie n'est pas un
» mot vide de sen.- . Quelque longues (|ue fussent les explications,
» les autres ne sauraient la comprendre. » Ce sont ses propres pa-
roles. Nous les reproduisons, parce qu'elles nous paraissent l'ex-
pression de hi vérité. A. E.
Congrès archéologique de France, XLI II' session. Séances générales
tenues à Arles en 1876. etc. Pans, Derache, 1877; in-8% L-9:i2 pages.
Emile Fassin, Recherches sur les anciens notaires d'Arles, p, 711-
7GÛ, travail intéressant et fait avec soin. M. F. cite, p. 741, d'après
las Annales. Bonnemant, un extrait moitié provençal, moitié fran-
çais, du registre des Conseils de la ville d'Arles, en dat(î du
•2î septembre 1521. 11 y est question d'un notaire arlésien accusé
de séduction et refusant de prêter le serment que le viguier lui
avait demandé. Sur le folio 1 du registre de Louis Séguin (années
1374-1378), M. F. a déchiffré des vers qui paraissent appartenir à
une chanson de l'époque. En voici le début :
Porquoy parlés vos mal de sanl Jayme
Je ne parle pont de vos
J'ay layset nios gants en selle fontagnc, | por
J'ay laiset mos gants en selle foniagne
Bien (1. fneus ') amys abes les vos,
Por
Alons le fiu'jrir en selle montagne | por
Anas entre moy e vos
Por
Vous estes joly et moi bien jolia | por
Vos estes joli et moy plus jolia
Bels amis aves mi vos.
Ce volume contient de nombreux travaux que nous sommes
forcé de passer sous silence, étrangers ([u'iis sont à la destination
AelaRemir. A. R.-F.
Le Seizième Siècle en France, tableau de la 'Mérature et de la langue,
par MM. A Darmksteter et Adolphe Ha.tzfeld. Paris. Delagrave.
■Volume de plus de 600 pages el d'impression compacte. Il com-
prend deux parties à peu près égales en étendue et distinctes l'une
de l'autre. La première contient l'histoire littéraire, rapidement mais
pleinement traitée, de la France du seizième siècle, et l'histoire phi-
' Correction indiquée par M. Boucherie.
PERIODIQUES 203
lologique corrospondante. La sorondo se compose de nombreux
extraits empruntés aux œuvres les plus marquantes de cette inté-
ressante i)ériode. Sans entreprendre une analyse qui dépasserait
le temps et l'espace dont nous disposons, nous dirons seulement
que cet ouvrage, écrit avec soin et une rare compétence^ convient
parfaitement â la jeunesse studieuse de nos écoles. Les professeurs
eux-mêmes trouveront dans la première partie des renseignements
nouveaux sur les habitudes orthographiques et grammaticales des
auteurs du XVle siècle.
A. B.
PERIODIQUES
Remania, 25. — P . 1 . Le lai de l'épercier, G . Paris. Jolie pièce
de 232 vers, extraite d'un manuscrit du XII1"-X1V'^ siècle, qui ap-
partient au comte de Seyssel-Sothonod et qui contient presque
tous les lais de Marie de France, plus huit autres qui sont inédits,
(le n'est pas un lai breton, comme ceux de Marie de France, et
l'auteur a sain de le dire; « Le conte en ai oi conter,— Aies onques
n'en oi la note — Eu harpe fere ne en rote. » M. G. P. a com.plété
cette intéressante publication par une savante étude sur les ori-
gines du lai de l'Eperoier, qu'il rattache à cette famille, tous les
jours plus nombreuse, de contes venus de l'Inde. P. 5, à pro})OS
de ces deux vers : « C'est la compaignie Tassel — que vos me fêles,
benlevoi», M. G. P. fait en note l'observation suivante: « Cette
locution, qui n'est pas expliquée jusqu'à présent avec certitude, se
retrouve dans Beneeit, Chronique, \. 15365: C'est la compaignie
Tassel (éd. Tassel) qu'il m'afaite, et dans Renart, v. 3819: C'est la
comimgnie Tassel que vous me faites voirement. Le sens est évidem-
ment « association frauduleuse, compagnie de traître. » Tassel doit
être un nom propre, celui d'un traître célèbre, mais on ne connaît
pas son histoire. « L'explication de cette locution est toute trouvée,
si l'on se reporte à la fable de Marie de France, intitulée: dou
Taissonet dou Porc ( éd. Roquefort,!. IL p. 320 ). On y voit que le
iussel ou blaireau, « s'est acumpaignie^ » aux pourceaux, et se
dit pourceau comme eux, pour avoir sa part de la glandée com-
mune. Mais quand il les voit tomber sous le couteau du boucher,
il proteste, il « commence à crier, A renoier, et à jurer Que tessons
est. » On voit d'ici le rapport des deux situations, et le sens de cette
locution devenue proverbe. V. 41, 212, il n'est pas nécessaire de
supprimer Vs finale qui n'empêchait pas l'élision, comme j'ai déjà
204 PERIODIQUES
ou l'occasion de ï'ohacrwer (Revue des langues rom., mai 1877, p. 21 G)
ot comme M . Tobler vient de l'observera son tour (Eoniania, n''25.
]!. 153) dans le a» 51 de la Gœttingische Gelehrte Anzeigen — P. 22,
Pio liajiia, Una versione in ottava rimii del libro dei sette savi. Pre-
mière partie d'une étude philologique et littéraire. — P. 52, V. Smith,
Vieilles Chansons recueillies en Velag et en Forez . Trente-deux pièces
éditées avec l'intelligence et le soin que l'on connaît. — P. 85.
A. Lambrior, VE bref latin en rouimiin. — P. 'èi, Mélanges : 1° Turris
Alithie (G. P.). Explication du mot Alithie qui ligure dans la Con-
^essio Goîie et qui n'avait pas encore été bien compris. 2" Chanson
anonyme. 'i° Motets (P. M.). 4» Surge (G. P.), laine surge = lana
sacida. 5*^ les dix-sept cent mille clochers de France (P. M.). Le v, 3
est faux. V. 8 et 9, jo comprends ce [=se) peut bien lever, se {peut
o\x peuvent). V. 13, je me contenterais de supprimer Dieu, qui fait
double emploi avecJ.-C., ce qui permettrait de ne rien changer au
reste et laisserait à priera sa valeur trisyllabique. 6" D'un emploi
non étymologique du t final en provençal {V . M .), phénomène déjà étu-
dié par M. Chabaneau. 7" Glanet aglan (J. Cornu). 8° Nous et on
(^L. Havet). — P. 111, Comptes rendus : 1° Gustav Lûcking, die
^Eltesten franzœsischen Mundarten. Eine Sprachgeschichtliche Un-
tersuchung (G. P.). Favorable, malgré de nombreuses réserves. —
P. 122. Adeser vient en effet, non de adhœsare, qui aurait produit
aeser, mais de *ad'dehœsare. P. 131. Oter,y. fr. oster, vient proba-
blement de [de]obstare par la chute de la préposition, comme dans
ouvrir de [de]operire, prov. durhir. 2" A. Luchaire, de Lingiia aqui-
tanica(P. M.). M. P. M. ne peut se décider à accepter les con-
clusions de l'auteur. 3* E. Philipon et G, Guigue (Œuvres de Mar-
guerite cF Ogngt, prieure de Poleteins, publiées d'après le ms. unique
de la Hibl. de Grenoble) (P. M.). 4" Konrad Holmann et Karl
Vollmoeller, dei- Mi'mchener Brut. (G. P.) favorable. — P. 14(3,
Périodiques. — P. 154, Chronique. A. R.
Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de
rAveyron, 1868-1878, tome X ( Rodez, Rathery, 1874, in-8o).
1-9. Archives de l'hôtel de ville de Milhau. Deux textes en langue
d'oc (XIV" siècle). Le deuxième, de 1301-1362, extrait du livre des
comptes de B. Guisbern. consul boursier, est relatif à la remise
de la ville aux mains de Jean de Chandos, lieutenant du roi d'An-
gleterre, après le traité de Brétigny. Jl serait désirable que quoique
érudit se chargeât de la mise à jour des documents que possèdent
les archives de Milhau. Les fragments que nous venons de signaler
sont fort intéressants. Ils ont été adressés à la Société des lettres de
l'Avei/ron^ par M. A. Rouvelet. — 34-51. Virenque, des Monuments
PERIODIQUES 205
dits celtuiues et des légendes du canton de Cornus; travail curieux, mais
parfois insuffisant. M. V. émet cette conjecture que certains dol-
mens importants pourraient bien avoir été des autels druidiques.
La légende de la commune de Saint-Jean-d'Alcas rapporte que tous
les ans, à jour déterminé, on sacrifiait un jeune enfant, et ([ue le
dolmen des Peyrussas servait d'autel. M. V. fait suivre son mémoire
de cinq contes populaire, qui tous, sauf le premier, ont rapport
aux fées. — 156-157. Sounéts (sans nom d'auteur). h'IIouome, II.
VAnjo gardien. J'ai déjà signalé ces deux sonnets dans le n° de no-
vembre àe\di Revue; M. Vesy, bibliothécaire de la ville de Hodez, en
est l'auteur. — 159-178. L'abbé Cabaniols, Mémoire sur Carentomag.
— 179-197. L'abbé Cerès, Rapport sur les fouilles archéologiques faites à
Cadayrac, etc. — 198-214. Le môme, Compte rendu sur les fouilles pra-
tiquées à la villa romaine du mas Murcou. — Î35-282. H. de Barrau, de
Beaumont, Boisse, Romain et Vanginot. Mémoires sur le Rouergue.
— 283-337. Boisse, Antiquités celtiques et gallo-romaines signalées dans
VAveyron. Travaux étrangers à la compétence de la Revue. Il peut
être cependant utile d'en extraire quelques acceptions et dénomi-
nations locales : p. ICI, Strade, voie romaine (environsde Garenton,
commune de Compolibat, arrondissement de Villerranche). Il en
est de même à Nant. (Voy. Revue, VII, 93). Le chemin gaulois ou
romain qui contournait l'ancien laça donné son nom à une plaine
au sud de la ville. P. 179. « Tout monument [du Rouergue] appar-
tenant à une époque quelconque, et n'offrant qu'une origine dou-
teuse ou inconnue, est attribué, ici aux Anglais, là à la puissance de
quelque esprit chimérique, plus loin à quelque fait plus ou moins
impossible. Ainsi l'aqueduc romain qui, très-probablement, con-
duisait, il y a peut-être dix-huit siècles, les eaux de Vors à Rodez,
portait le nom de cave des Anglais. C'était un épouvantable coup de
tonnerre qui avait creusé l'immense cratère que nous appelons
avec raison l'Amphithéâtre du pré de la Gomiue. Selon les diverses
locafités, les dolmens et autres monuments du même genre por-
taient le nom de tombes des Anglais, tombes des Géants, maison des
Fées. Les haches et autres instruments en pierre qu'on trouve dans
ces sortes de monuments sont appelés pierres du tonnerre par les
habitants de nos campagnes, persuadés qu'ils sont que ces objets
sont un incontestable produit de la foudre. » P. 236. Noms du seigle
à Rodez et dans ses environs immédiats : segol^ * sego et * segodene
d'après M. de Gaujal. P. 245 et 316. Costo * roumivo, côte roide et si-
• Costa, avec la signification de chemin monlueux, voie, rue, manque
au Dictionnaire d'Honnorat. Nous avons à Montpellier une rue Coste-
13
206' CHRONIQUE
nueuse que l'on suit pour aller de Milhau à Lodève. Cf. ce que dit
l'abbé Léon Vinas : Ca rhapitrcde l'hhtDÏre de Monipojrou.c. P. 245.
Pounche d'agach dénomination locale), sommet d'oîi l'on découvre
au loin. 1^. 250. * Nac, barque, vaisseau, d'après Bosc, Mémoires dit
Rouergue. P. 276. Gomi f orrai, nom actuel des vestiges de la voie ro-
maine qui existait autrefois entre Segodunum et Divona. — P.283.-
287. Le dolmen du Causse de Bérail (dans le canton de Bozouls)
se nomme la tombe du Géant. — 294. * Cibournié, nom assez fré-
quemment donné aux dolmens de l'Aveyron. — 295. Une pierre
granitique isolée et dressée verticalement, à Lescure (canton de la
Salvetat), se nomme dgnal de Fournhol. — 196. Dans la même
localité, une pierre levée. Cheval du lley; une grande dalle de deux
mètres de long, Peyro jasso (pierre couchée). — 308. Un champ
situé au-dessous de Sauclières (canton de ISant) porte le nom de
Camp de los gainas'^ .^<1\ est dominé par des collines sur lesquelles
existent plusieurs dolmens. » — 310. * Fadarelles (fées). — 335.
« La tradition signale plusieurs points du département comme
ayant été le théâtre de grands combats, que l'on est le plus souvent
disposé à faire remonter à l'époque romaine. Parmi ces points l'on
cite la plaine d' Auribal, le Camp hatailléj près de Ginestous d'Auriac;
la Dorie blanche 'la chaumière blanche), entre Saint-Rome et Gozon.»
Les mots précédés d'un astérisque manquent au Dictionnaire
d'Honnorat. A. R.-F.
CHRONIQUE
Les Fêtes latines s'ouvrent sous les auspices les meilleurs. Ainsi
que nous l'avons souvent répété, elles ont pour but, et de solenni-
ser le concours du Chant du Latin, et de resserrer les liens de mu-
tuelle sympathie que de communes origines linguistiques établissent
entre toutes les nations de race ou de langue néo -latine. La popu-
lation de Montpellier s'est, sans distinction aucune, associée à ce
mouvement, dont elle apprécie Pimportance, capitale pour elle. Le
Conseil général de l'Hérault a voté 2,000 fr. en faveur des fêtes, et
le Conseil municipal de la ville de ]Monti)ellier, plus directement
intéressé, celle de 10, 000. Malgré la crise agricole qui sévit si cruelle-
ment dans le bas Languedoc, la souscription publique s'est élevée,
Frége, traduite à tort par quartier froid dans l'ouvrage de M. Duval-
Jouve sur les Noms des rues de Monlpellier; Montpellier, Goulet, 1877,
in-12. (P. 119).
' Goina, prostituée (lionnorat, D/c((on. ).Scrait-33 !e champ des pro-
stiluées ?
CHRONIQUE 207
lians l'espace de quelques jours, au chifTre considéralile de7,UUUfr.
Le Concours de musique et d'orphéons promet d'excoUenls ré-
sultats : quarante-sepi Sociétés du Midi y ont adhéré. Un Concours
de hauthois et de tambourins aura lieu en même temps, c'est-à-
dire les 20 et 27 mai. Les i"ùtes commenceront le "22, à neuf heures
du soir, par la réception aux flambeaux; dos t'élibres et des savants
étranixers. Cette réception dépassera en éclat celles qui furent faites
eu Provence pendant les trente dernières années. Les réunions
scientifiques serontinaui-urées, le lendemain, par la séance solen-
nelle du deuxième Concours triennal de la Soriéir des langues roma-
nes. Les rapporteurs désignés sont: MM. Alphonse Roque-Ferrier
(philologie), Frédéric Donnadieu ( prose), Antonin Glaize ( poésie ).
M, Lieutaud, ])ibliothécaire de la ville de Marseille, a été chargé
par M. Mistral du rapport sur le concours des Jeux tloraux du
Félibrige.
Ceux-ci se célébreront le2i mai, selon les règles du cérémonial
'catalan et de la tradition toulousaine. Ils seront naturellement
présidés par M. Mistral, qui prononcera un grand et important
discours en langue provençale. L'exécution musicale du chant ca-
nadien et de l'air national roumain doit précéder, au Peyrou, la
séance solennelle du C/;a/ii rf« Zrt^m. L'examen sommaire des pièces
envoyées permet de croire que le prix de i\L de Quintana ne sera
vivement disputé que par les poètes de la Catalogne et de la Rou-
manie. M. Marchetti, le célèbre compositeur italien, l'auteur ap-
plaudi de l'opéra de Ruy-Blas. a écrit la musique d'une pièce rou-
maine que recommande, en môme temps qu'un tour original, une
rare élévation de poésie et de pensée.
A cette sénnce du Chant du Latin seront lues par des lecteurs
français, espagnols, roumains et italiens, les pièces les plus remar-
quables du Concours proposé par M. de Quintana. La cérémonie se
terminera par la marche du Couronnement, due, comma la musique de
la Cançô llatina^, à M. Philippe Pedrell.
Le Cercle artistique de Montpellier, qui a toujours manifesté ses
vives sympathies à l'endroit de l'idée latine et de M. de Quintana,
donnera, le 23 ou le 26 mai, une grande soirée musicale et littéraire
en l'honneur des étrangers et des félibres.
Une Exposition de peinture a été organisée dans les salons du
Cercle, sous la direction de la Société artistique.
Le vendredi 27 mai, la Fille de Roland sera reitrésentée en pré-
sence de l'auteur, M. de Bornier, qui a bien voulu reserver au Con-
grès de Montpellier la primeur d'un prologue particulier, écrit
spécialement pour les F'ètes latines.
Les danses des Treilles et du Chevalet sont fixées au dimanche
26 mai, après la promenade des animaux symboliques et légendai-
res.
Le mystère anglo-normand à'Adam, récemment réédité par
M. Léon Palustre, sera joué à Maguelone le lendemain.
Une conférence de M. Boucherie, sur le théâtre français à la pre-
mière époque du moyen âge, en expliquera préalablement les dif-
ficultés de langue et d'interjjrétation.
Un drame d'Aubanel: lou Pandoupecat, sera représenté à Mont-
* Il s'agit de la belle poésie qui parut dans la Hevue (novembre-dé-
cembre 1877.)
208 CHRONIQUE
puUier, au retour d'une excursion à Saint-Guilhem-le-Désert. La
\isiio il l'Exposition d'Iiorticullure de Cette reste Mxée au ^9 mai.
Notre Kccue, de plus en plus envahie par les travaux s[iéciau\,
ne peut^ en ce moment, accorder une suffisante attention aux tra-
vaux des écoles du FéUhrige et à celles des Sociétés savantes du
Midi. Nous ne saurions cependant nous dispenser de sit:nalcr le
vote par lequel V Académie des sciences, agriculture, arts et belles-
lettres d'Aix, a mis à la disposition de la Société des langues romane»
une médaille en or, réservée au meilleur travail historique ou poé-
tiijue relatif il la région provençale. Sept délégués représenteront
Y Académie d'Aix aux Fêtes latines. Ce sont: M. de Berluc-Perussis,
son président; M. le comte de Saporta, correspondant de l'Institut,
secrétaire perpétuel de \' Académie ; M. Clément Simon, procureur
général à la Cour d'Aix ; M. de Seranon, M. de Fonvert, M. J.-B.
Gaut, bibliothécaire d'Aix, et M. Guillibert.
L''.4<Aenee de Forçai quier sera représenté par M. Maurel ; le Féli- ,
Irige des Alpes, par son président, M. Descosse. Ces deux associa-
tions ont aussi voté des prix au Congrès de Montpellier.
*
♦ ♦
Le Consistoire des Jeux floraux de Barcelone a tenu, le diman-
che 5 mai, sa séance solennelle. Ce même jour, la dépèche sui-
vante lui était envoyée de Montpellier, au nom de la Société des
langties romanes, du FéUhrige et du Comité des Fêtes latines.
a La Société romane et le Félibrige adressent leurs félicitations à
la Reine delà Fête, au Consistoire et aux Catalans, et les convient
aux Fêtes latines et catalanes de Montpellier, le 22 mai
Mistral, de Tourtoolon, Revillout, Boucherie,
Alpb. Roque-Feurier».
*
MM. Paul Glaize, Alph. Roque-Ferrier et Gratien Charvet,
membres de la Société des langues romanes, ont été nommés of-
ficiers d'académie par M. le Ministre de l'instruction publique.
*
♦ «
Un article consacré à la mémoire de MM. Kiihnholtz-Lordat,
bibliothécaire de l'Ecole de médecine, et Albert Castelnau, député
de l'Hérault et membre du Conseil général, tous deux membres de
la Société des langues ro?rta?ies, n'avait pu, malgré son peu d'étendue,
trouver place dans notre Chroni(iue, de plus en plus envahie par
les travaux que notre Revue est obligée d'insérer. Mais nous n'a-
vons jias voulu laisser jiasser les Fctes latines sans payer au])ara-
vaut notre dette en quelques lignes malheureusement trop courtes.
Disons seulement que M. Kiilmholtz, dont la courtoisie égalait le
savoir, a laissé les meilleurs souvenirs chez tous ceux qui l'ont
fréquenté, et plus particuHèrement chez ceux que leurs études
avaient mis en relation avec lui. Quant à M. Castelnau. homme
de travail et d'une rare droiture de caractère, nous nous contente-
rons de rappeler qu'il a été l'un des plus lidèles amis â.e.\ei Société des
langues romanes. Tous deux manqueront à r\os Fêtes latines^ où. ils
auraient si bien tenu leur place.
Le gérant responsable : Ernest Hamelin.
DIALECTES ANCIENS
l'LXTRAlT
u'uNE TRADUCTION CATALANE DE i,A Légende doréc
M. Biirtsch, au paragraphe 54 (p. 88) de son utile (irun-
ilriss zur Geschichte der provenzalischen LiUralur, mentionne,
parmi les textes en prose du dernier âge de la littérature
provençale, une traduction de la Légende dorée de Jacques de
Voragine, contenue dans le ms. 7265- (auj. es/). 44) de la B. N.
Désirant avoir un échantillon de ce texte, je priai M. Bouche-
rie, qui se trouvait à Paris aux vacances dernières, de copier
pour moi, au hasard, une des vies les plus courtes. Il eut l'obli-
geance de m'envoyer la suivante, qui est celle de sainte Anas-
Tasie.
Le lecteur reconnaîtra bien vite que c'est un texte catalan,
et non pas provençal, qu'il a sous les yeux. Ochoa l'avait noté
comme tel, et de là sans doute son classement actuel à la Bi-
Itliothèque ; mais les premiers mots du commencement, trans-
crits par cet auteur, ont, dit M. Bartsch, le caractère du pur
provençal. C'est sur quoi, n'ayant jamais eu à ma dispositioii
le catalogue d'Ochoa, je ne saurais me prononcer.
N'ayant pas non plus à ma portée le texte latin de la l.é-
(jeiide dorée, je n'ai pu en rapprocher notre traduction ; j'ai
dû me borner à la comparer à la version française de G[us-
tavej B[runetj, tom. I, p. 43, qui en diôère sur quelques points,
dont le principal est noté ci-après. C. C.
(F" 18, V) De senta Anastasia.
Aaastasia es dita ab atia (jue vol dir en sus ; estant o estât
vol dir estasia ; per so cor saut' Anestasia * a en sus estec en
vertutz guardan simetexa de- pecats. Anastasia [era] dona la
' Ms. sauta nestasia. — - Ms. éd.
17
210 DIALECTES ANCIENS
pus nobla que fos dels Romans, que ïo fila d'en Petraxat*,
baro mot noble (jui era paga, e de la sua mare na Fausta qui
era crestiana. Per lo bonauyrat en Guisogon - en la fe de
Crist fo enseyada, e pujs fo liurada per muler a'n PubeP.
Laquai disia que era malaaute, per que totes ores de la com-
payia del seu marit e del seu ajustament s'abstenia. E quant
lo seu marit li ^usi parlar de la fe de Deu Jhesu Crist, ab una
serventa tant solament en lo vil abit dels crestians en una
carcera^ la feu estar, e lurs necessaries les feu donar e mot
destretament la feu gardar. En après el mana que hom no li
donas à menjar, per so cor la volia en axi punir et que po-
gues les sues mot nobles possédons aver. Per laquai cosa,
con elas' pensas tost a mûrir, doloroses letres a'n Guisogon
trames, loqual li trames altres letres de mot grant consola-
cio. Entre tant lo marit d'elas mûri, per que ela fo mantenent
de la carcer deliurada. Laquai dona avia .m. serventesmot
bêles que eren sors, la una de les quais avia non Agapeme
l'autra Cionia '' e Faltre Irenem ', lesquals eren crestianes.
E^ conals amonestamens del loctenent del seyor de la ciutat
obesir no volguessen, en una cosa ' les feu (Fo 19) enclausir
en laquai estegren les asines de*" la cosina, e col loctenent fos
mot enamorat d'eles, a eles ana per so que ab eles la sua vo-
lentat pogues complir. E quant lains fo intrat, el fo ses tôt
sen en tant que, quant el cuvdava les auties" verges abrassar,
peyrols e pannes e cauderes e ajtals coses semblans el abras-
sava e besava, E quant d'aj'so fo sadolat, défera ixi tôt soylat;
e quant la sua compana lo viren axi adobat, eh se pensaren
que diable fos lains tornat; per que fortmciut lo bateren e pujs
lo jaquiren raalament aontat, E con el al emperador s'en anas
per so que d'els se clamas, los uns lo batien ab vergues e los
autres en la carali escopien, els altressol pois sobre el gitaven,
per so cor se pensaven que, si en axi nol destruiien, que en lo
1 Trulextat. — - (jlirysogone. — -^ Publius — ^ Ms. cartera. — = jd^
comme deux lignes plus bas. elas = ela se. — g Chionia. — ' Ms. ite-
nem. C'est l'histoire de ces trois sœurs, avec la burlesque aventure de
leur amoureux, quel'ahbesse Hrotsvitha a mise en scène dans son drame
étrange de Dulcitius. — *• Ms. en. — '• Pour cova '.' Gi^ serait l'inverse
du prov . mod. cauvo —.causa. — '" Ustensiles, en prov. aizinas. —
" Sur cet emploi de allor, voy. Diez, Grainm. des 1. r. trad fr.AU, 76-77.
LA LEGENDE DOREE iU
seu offici séria tornat'. Mas el no podia vescr si metex, |»ei'
laquai cosa el se meravelava per que rescarnian totz en axi,
eon el[s] en mot grau honor lo solguessen aver. Era a el vi-
gares que totz los autres fossen vestitz de motz blancs vesti-
mens. Empero el se pensava que, con totz lo tenguessen per
leg e per aurat, que les santés verges per encantementragues-
sen en axi encantat. Per que les mana denant si despular- que
nuses les pogues el esguardar. Mas mantenent ab lur carnse
tengren los vestimens en tal manera que no les poc hom des-
pular. El loctenent del seyor per gran maravela denant eles
s'adormi, en tant que nol podia hom despertar. En après les
verges per martiri toron coronades. E senta Anestasia fo liu-
rada per Temperador al loc tenent del sejor per so, si la fasia
a les ydoles sacrificar, que en après que la agues per muler.
E con ela^ enclausis en una cambra e la volgues abrassar,
de mantenent torna tôt sec. Per que s'en ana als deus, als
quais demana si garria d'aquela malautia ni sin poria escapar.
Los quais li responeren diens : « Per so con senta Anastasia
as tu fêta irada, es tu a nos liurat et d'aysi enant ab nos tots
temps en jfern seras turmentat. » E quant a la casa fo adujt,
entre les mans d'enfans el mûri. E* adoncs sancta Anastasia
a alire loctenent del sejor fo liurada per so que la gardas.
E quant el oy dir " que moites possecions avia, privadament
el dix à santa Anastasia : « Si tu vols esser cristiana, fe so quet
mana lo teu deu et desempara tôt quant as, per so cor Deus
diu que no es digne d'esser ab el sel qui renunciar no vol a
totes les coses que possedex ; on per ajso totes quantes coses
tu as dona a mi e paxes ne on te vules, e axi tu seras vera
crestiana. » Ai quai ela respos : « Lo deus meu mana a nos
dien : ven ® totes les coses que as, el preu pujs dona a po-
bres. No dix ges a ries, e con tu sies rie, contrai manament
* Il paraît manquer ici quelque chose. Peut-être le texte est-il corrompu.
La trad. franc, n'a rien depareil; à la place de ces deux dernières lignes,
depuis els altres sol, on y lit : et on croyait qu'il était enragé. — - Ms.
despulal — 3 Corr. el la ? — * Ms. en. — ^' Ms. dit. — '• Au lieu de ce
mot, exigé par le contexte el qu'indique d'ailleurs la trad. fr-, il y a
dans le ms. deux ou trois lettres peu lisibles et qui paraissent donner
quelque chose comme biu, ou biii, ou bin.
■212 DIALECTES ANCIENS
(le Deu eu faria si alcuua cosa a tu donava. E adonc senta
Auestasia en una carcer fo per el clausida, en la quai per fam
la cujdava turmentar. Mirac. ' Mas per - sent Tiieodosi ^, que
ja era per martiri en lo cel coronat, per .11. meses dels men-
jars celestials li dona a menjar. En après fo trameza ab .ce,
verges a les jles Palmars, en loqual loc moites gens per lo
nom de Jhesu Crist foren exilatz. E après paucs dies lo loc-
tenent del seyor denant si los fe venir ; e can fo Anastasia
ligada en pals, ab foc la feu creraar, els altres ab diverses
turmens feu mûrir, entre los quais era .1. home* qui moites
veguades per amor de Jhesu Crist de moites riquesesera^
despulat. Mas el tota hora disia als raubadors: « Al mejns a
mi no tolretz Jhesu Crist. » En après n" Apollonia "^ lo cors de
senta Anestasia sebeli moût honradament en lo seu verger,
en lo quai avia fêta primerament esgleja .
' Les récits de [ails miraculeux sont ordinairement, comme on le voit
ici, précédés dans le ms du mol miracle, abrégé ou en toutes lettres. —
■^ Ce mot est de trop, à moins qu'on ne corrige plus bas .ioiia en fo donat.
— 3 v;;j Théodose est ici substitué par erreur à Ste Théodore. — ^ Ms
hoîn. — ■ Suppl. eslal'? — '■ Ms. na polloiiia.
DIALECTES MODERNES
TROIS POESIES MILANAISES DE CARLO PORTA
Les trois pièces qui suivent, de Carlo Porta, ont été déjà impri-
mées (1776-1821); nous les reproduisons ici à litre de spécimen du
langage de Milan .
P. pRtDA.
EpITAFFI PER EL CAN d'oNA SCIORA MARCHESA
Chigh'è on can, che l'è mort nega.a in la grassa
A furia de paccià di bon boccon;
Poveritt, che passée, tegniv de bon,
Che de sto maa no vee mai pu su Tassa.
EpITAPHE pour le chien o'uNE [|iAMK| MAlîQUISE
Ci-git un chien qui mourut étouffé ' dans la graisse — à force d'a-
valer des friandises -. — Pauvres diables qui passez, rassurez-vous.
— car ce ne sera jamais de cette maladie-là que vous irez dans le
cercueil ^ .
Maurigai.
Ve mandi, el mè car pader (iarion,
La vostra tabacchera
E on tocch ciel vostTobia,
Che avii desmentegaa jer in cà mia.
L'hoo visitada pœu in tutt i canton
' Negaa., littéralement: noyé.—- Di bon boccon, litt. de bons morceaur^
— ^ Su l'asstA, mol à mot; sur la planche.
?14 DIALECTES MODERNES
Pcr vedè de trovà
Quaj coss d'olter del vosi, ma no ghe n'era ;
De mœud clie se maifussev rivaa a cà
Senza coo, credi ben de favv visaa
Che l'hii perduu per straa.
Madrigal
Je vous envoie, mon cher père Garion, — votre tabatière — et
lin fragment' de votre Tobie, — que vous avez oubliés hier chez
moi -. — Je ['al fouillée {ma maison) ensuite dans tous les coins, —
pour voir si je trouvais^ — encore quelque chose qui fût à vous \
mais il n'y avait plus rien" ; — de façon que si, par hasard, vous
êtes arrivé chez vous — sans [votre] tête, je crois bien devousaver-
tir^ — que vous l'avez perdue chemin faisant ''.
SONNETT *
Semm già ai 28^ d'april, gh' emmla stagion
Che la p6 minga vess pu mej d'insci,
E no_^se ved à compari on rondon
Che j'olr' ann Teva ajbella ch'even chi.
Cossa dianzen êla la reson?
Stimi quel strolegh ch'el le poda di ;
Parlen tucc, e tucc parlen a taston,
E a taston diroo anmi la mia de mi.
Mi dighi, che avend vist in st'ann passaa
Corne trattcn con nun sti car Pattan,
Se sarân resolvuu de voltà straa. *
Putasca! ( avaran ditt) se sti legrij
Pelentant de suttir i cristian,
Cossa faran con nun che semm usij ?
1 On tocch, un morceau.— -' In ca mia, lift, dans ma maison. - 'Pbr
VEDÈ DETROVA, Ult. pouv voif de trouvcr . — '• Quaj coss d'olter del
TOST, litt. quelque chose d'autre à vous. — ' No ghe nera. tl n'y en avait
pas. - •■' De favv visaa, de vous rendre averti.— ' Per straa ou pkr
sTRADA, ew route. — ** Ce sonnet contre l'administration autrichienne en
Ilalie, a dû être écrit vers 1816. — •' 28. Vjntott.
TROIS POESTES MILANAISES 215
Sonnet
C'est déjà le 28 d'avril ; nous avons une saison — qui ne saurait
être mieux [plus favorable*], — et [ cependant] l'on ne voit paraî-
tre aucune hirondelle 2, — [tandis] que les autres années elles
étaient ici depuis longtemps.
Quelle pourrait donc ^ en être la cause 1 — J'admirerais le devin
qui saurait le dire ; — tous parlent, et ils parlent tous au hasard* ;
— au hasard je dirai donc aussi, moi, ce que je pense".
Je dis que, ayant vu, pendant l'année passée, — lamaniéredont
agissent envers nous ces chers Allemands'', — Iles hirondelles]
auront décidé de rebrousser chemin.
Parbleu' ! se seront-elles dit, si ces braves gens — plument si
soigneusement les hommes •*, — que nous feront-ils, à nous, qui
sommes des oiseaux ?
* La. PÔ MiNGA VEss pù. MEJ d'inscî , lilt. elle ne peul pas être (plus)
mieux que cela. Minga. comme l'italien mica, n'est ici qu'une par-
ticule explétive, qui signifie point. Ce mol a quelque rapport avec
l'espagnol miga, migaja, du lat. mica, qu'on écrivait autrefois migaia
(Sanchet, Vocabulario de vioces anticuadas). — - Rondon, ital. ron-
done; c'est Ihirundo apus des naturalistes, qu'on appelle en français, si
je ne me trompe, martinet noir — •' Dianzen, c'est l'it. diacine, diamine;
mais cette interjection n'est ici qu'un mot explétif, destiné à donner plus
de force à la question ; je l'ai traduit par donc. — * A taston, litt. en tâ-
tonnant ; ital. tentone. hrancolando, a casacc'io. a vanvera (français, au
hasard, à la boulevue.j — ■' Diroo anmî la mia de mî, lilt. je dirai, moi
aussi, la mienne ( opinion ) de moi. C'est un pléonasme très-usité à
Milan. En italien , dira iopure la mia.— ^ Pattan, terme de mépris par
lequel on désignait les Allemands, à l'époque de la domination au' ri-
chienne. J'ignore jusqu'à quel point ce mot peut avoir du rapport avec le
français pataud ( personne grossièrement faite, lourdaud ), qui signifie
proprement un jeune chien qui a de grosses pattes ; mais il me semble in-
contestable que notre pattan a été importé chez nous par les Espagnols,
chez qui patan signifiait manant, paysan, rustaud, d'après la grosseur
des pieds, et surtout des souliers {que tiene las patasgruesas).—' Putasca,
jurement euphémique pour puttana. — •* Gristian. chrétien, c'est-à-
dire homme, par opposition à bète. Cette expression, peu chrétienne,
a pris naissance à une époque oîi l'on était sans pitié pour les païens
et pour les hérétiques; elle est restée dans l'usage du vulgaire, quoique
avec une acception moins odieuse. A Milan, et surtout dans la campa-
gne milanaise, chrétien est encore synonyme d'homme
2lfi DIALECTES MODERNES
RKMABQLIES SflB LA PRONONCIATION
Che, chi, se prononcent que, qu ( comme en italien ) : tabacchera, che
chi. tocch.
Ghe. ghi, se prononcent gué, g i (comme en italien): ghe sarà (il y
aura), dighi. strolegh .
Ce, ci, cia. cio, se prononcent comme en italien ( espagnol : che. chi,
cha, cho): cembol ^piano), cicciaron (bavard), ciar (clef), ctod (clou), pac-
cià, tucc.
U se prononce comme en français . lunna ( lune ), lu, ( il, lui ), pu, su,
suttir .
(Eu, comme en français : œuv (œul), pœu. mœud.
E, comme en italien : ved (voir), (erée (serrurier). E suivi de deux con-
sonnes se prononce, en générai (ainsi qu'en italien), très-ouvert: semm,
emm, ves^ (être). L'è est beaucoup plus ouvert qu'en italien : vedè (voir;,
marciapè (trottoir), gh'è (il y a). Lo mol fer (fer) se prononce comme en
français : c'est une exception .
Les doubles voyelles à la fin des mots se prononcent en traînant un
peu la voix. C'est la terminaison ordinaire des participes passés ( exem.
pies: andaa (allé), perduu, visaa. rivaa, straa, finii (fini), et de la seconde
personne du pluriel des verbes (p.ir exemple : andée (allez), vegnii ( ve-
nez), parlée (parlez), disii ou disij (dites).)
J a le son italien d'un i : jer, legrij .
En a un son approchant de la même syllabe dans les mots français
bien, tien, sien ( mais avec l'e moins ouvert ): ben (bien), fen (foin), sen
(sein).
Un n'est pas aussi nasal qu'en français ; le son du u y est conservé :
nun (nous), vun (un).
On est nasal, mais la voyelle y conserve le son du u italien (ou), comme
dans les mots suivants : ona, bon ; boccon, Tobia, hoo (j'ai), coo, stagion,
diroo. Le premier o du mot boccon se prononce ou par exception ; car, en
général, l'o suivi de deux consonnes, s'approche plus du o ouvert italien:
mort, tocch, vost, rost (rôti), olter.
Scia, sce, sci, scia ( u italien), sciu ( u français ), comme en italien
( français: cha, ché, chi, cho, chu ): scior, sciora, etc.
Le V final se confond souvent avec l'f. comme dans les mots œuv, ciav
(clef).
<-^^:^'G\J»<2((î'^S<^ o
UN ALLELUIA PASCAL EN VELAY
Ce chant m'a été communiqué par so^ur Hippolyte Chauchat, institu-
trice à Ghamalières (Haute-Loire). Sœur Ghaucliat l'a appris, il y a
une trentaine d'années, à Saint-Jeau-la-Clialm, canton de Gayres, même
département Elle m'en envoya deux copies, qui ne sont pas d'une en-
tière similitude
V. 8mith
Las très Marias, de i,^ron maqui,
Partoun pré vire Jésus-Christ ;
Crégien troubâinseveili.
Alléluia ! alléluia ! alléluia !
Chi nin prenoun gronda quanquità
D'aroumatas, pré imbouma,
Pre imbouma son coir sacra.
Alléluia ! {ter)
Chi nin guigien, de tins in tins :
«[ — De que farin quon y sarin,
Lou toumbeau poudrin pas bada. »
Alléluia ! ( ter)
Toutas très soun bien estounadas
Troubâ la peira renversada,
UN ALLELUIA PASCAL EN VKLAY
Les trois Maries, de grand matin, — [iart,oiil pour voir Jnsus-
Christ ; — elles croyaient [le] trouver enseveli.- Aliehiia ! alloluia !
alléluia !
Elles prennent grande quantité — d'aromates, pour embaumer,
— pour embaumer son corps sacré. — Alléluia!
Elles disent, de temps en temjis : — « Que ferons-nous quand nous
y serons? — Le tombeau ne pourrons pas ouvrir.» — Alléluia'
Toutes trois sont bien étonnées — [de] trouver la pierre renver-
sée, — un ange de chaque côté. — Alléluia!
218 DIALECTES MODERNES
En anzié de caque coustâ.
Alléluia ! ( ter )
(( — De que venez faiere iqui !
Aquin que tserquâ z-ès parqui :
Lou Sauveur es réchuchétâ.»
Alléluia ! {te?')
Magdaleina, touta troublada,
Couri, touta esçavalada,
Lou zarguignié s'in vaye troubà.
Alléluia ! {ter)
« — Ch 'acos es vous que l'avez près,
Guisèz-me d'oun Tavèz bouta,
Que iéun lou voile impourtâ. »
Alléluia ! {ter)
Magdaleina n'aziama pas ',
Chi z-ès prou foirta pré l'impourtà,
L'amour i faje tout sourmountâ.
Alléluia! (M
« —Maria, me counniunsez-vous pas ?
Sèje vouste mestre réchuchétâ;
De la moir aje triumplu'i . »
Alléluia ! {ter)
Magdaleina lou von imbrassâ,
Maisoun boun mestre vou von pas.
(( — Que venez-vous faire ici? — Celui que vous cherchez est parti :
— le Sauveur est ressuscité ! » — Alléluia !
Magdeleine, toute troublée, — courait, tout échevelée ; — le
jardinier elle s'en va trouver. — Alléluia !
« — Si c'est vous qui l'avez pris, — dites-moi où vous l'avez mis, —
car je le veux emporter. » — Alléluia!
Magdeleine n'examine pas — si elle est assez forte jiour l'empor-
ter; — l'amour lui fait touc surmonter. — Alléluia !
<< — Marie, ne me coniiaissez-vous pas? — Je suis votre maître res-
suscité ; — de la mort j'ai triomphé. » — Alléluia !
Magdeleine le veut embrasser, — mais son bon maître ne le veut
pas , — « Dans ma gloire je ne suis pas monté. » — Alléluia.
1 Dans la seconde copie, sœur Chauchat écrit n'azeima pas
UN AT.I.ELUIA PASCAL EN VELAY 219
« — Q-uin ma gloira sèye pas mountâ.
Alléluia ! {ter)
« — Magdaleina, ana anounça
Mous apôtres sèye réchuchétâ,
Et lous anaraye végitâ ! »
Alléluia ! {tet^)
Lou Seigneur part pré Emmaiis;
Ciuin souri tsami u'o rincouiitrâ
Dous dischipies bien tracassa.
Alléluia ! {(er)
a — De qu'es aco que [vos] parU'i.
Que paraichez ton afflizâ ?
Quauque malheur es arribâ ? »
Alléluia ! (tet')
« — Chau sag'uacbà^bien inlougnâ
Pré pas soupre que s'ès passé
Cointra Jésus Nazarethâ,
Alléluia ! (ter)
î Noustous prestres l'on arrestâ,
Et méchamin l'on flagella,
Et en lin l'on crucifia.
Alléluia ! (ter)
» Lou Seigneur gui 'von de mouri :
« Guin très zours réchuchétari. »
« Magdeleine, allez annoncer — [à] mes apôtres [que] je suis res-
suscité, — et [que] je les irai visiter. » — Alléluia !
Le Seigneur part pour Emmaùs; — dans son chemin il a ren-
contré — deux disciples bien tracassés. — Alléluia !
« De quoi parlez-vous, — que vous paraissez tant affligés ? —
Quelque malheur est-il arrivé? » — Alléluia i
11 faut [que] vous soyez de bien loin, — pour pas savoir [ce] qui
s'est passé — contre Jésus de Nazareth. — Alléluia!
«Nos prêtres l'ont arrêté, — et méchamment l'ont flagellé, — et
enfin l'ont crucifié! — Alléluia!
« Le Seigneur dit, avant de mourir : — « Dans trois jours ressusci-
terai. » — Cependant ce temps a passé. » — Alléluia !
?20 DIALECTES MODERNES
Cepindin quin tins o passa. »
Alléluia! (ter)
« — Ome^. que z'avèz puan de foi.
Pré pas crire la véritâ,
Lous prouphètas ount announçà. »
Alléluia! {te)')
Quon saguèi'oun à Emmaiis,
Lous dischiples prieroun .Jésus.
De vegni se repounsa.
Alléluia ! {ter)
Quon Jésus saguèt àsoupà,
Prenguet de po, lou counsacrà,
Et lous faguet tous communia.
Alléluia ! {ter)
Quon lou soupa saguèt 'çabâ,
Lou Sauveure se sépara,
Lous dischiples bien estounà.
Alléluia! [ter]
— M Ne sinquièns pas toun coeur imbrasà
Din tins que .Jésus o parla?
Que sin esta muan avisa ! »
Alléluia! alléluia ! alléluia *!
((. Hommes, que vous avez pou de foi, — pour ne pas croire la vé-
rité,— [que] les prophètes ont annoncée, w — Aileluia:
Quand ils furent à Emmaiis, — les disciples prièrent Jésus — do
venir se reposer. — Alléluia !
Quand Jésus fut à souper,— il prit du pain, le consacra, — et les
fit tous communier. — Alléluia !
Quand le souper fut achevé, — le Sauveur se sépara [d'eux] ; —
les disciples bien étonnés : — Alléluia !
« Ne sentais-[tu) pas ton cœur embrasé, — du temps que Jésus
a parlé? — Que nous avons été peu clairvoyants ! » — AUeiuia 1 allé-
luia! alléluia !
1 Dans sa seconde copie, sœur Chauchal écrit:
— « Yeun sinqui mouu cœur întlammâ
Din tin lou Sauveur o parla;
Quesins intâ muan avisai »
'yj\jyj\n- •
POUEISIAS DIOIAS DE GUSTE BOUEISSIEK
11 y a quelques années, s'éteignait à Die un modeste poète (jui
n'a juis fait grand bruit dans le monde, mais qui cependant ne mé-
ritait pas qu'une profonde obscurité enveloppât son nom.
Ce poëte se nommait Auguste Boissier. A part ses amis et deiix
ou trois bibliophiles dauphinois, personne, nous en sommes sûr,
n'a jamais lu un seul de ses vers ; ses œuvres, d'une rareté ex-
trême, ne sont pas même certaines de vivre de longues années sur
les rayons de quelques bibliothèques poudreuses. — Le lecteur nous
comprendra tout à l'heure.
Un des compatriotes de Boissier, M. Adolphe Rochas, le savant
auteur de la Bloijraphie du Dauphiné, estle seul écrivain qui se.soit
occupé de lui*. Dans une c'narmante petite brochure, introuvable
aujourd'hui, car elle ne fut tirée qu'à Vô exemplaires, il nous ra-
conte la vie intime du poëte, d'abord simple ouvrier tanneur à Die,
sa ville natale; son tour de France, et eulin son arrivée à Paris
et sa visite à un de ses oncles. M. Payan, grand négociant en lin-
gerie. — Sur l'offre que lui fit son oncle de le garder avec lui,
Boissier renonça sans regret à son métier, qu'il aimait peu, et de-
vint dessinateur en broderies. — Dans cette nouvelle position, il
eut des loisirs qui lui permirent de se livrer à son goût pour la
poésie; et de cette époque datent ses premières productions. Boissier
avait le désir naturel qu'éprouvent tous 'es jeunes auteurs, celui
de livrer ses poésies à l'impression. Mais ses appointements étaient
modestes, et, à Paris comme en province, les imprimeurs ne font
pas crédit. La difficulté était grande ; mais, animé du feu sacré, il
ne devait pas se laisser abattre par ce premier obstacle ; il se sou-
vint de la chanson qui dit:
Lorsqu'on n'a pas de quoi payer sou terme,
il faut avoir une maisou à soi ;
et. trop pauvre pour faire imprimer ses vers, il résolut de les im-
primer lui-même.
' On trouve cependant des comptes rendus de divers fascicules de
Boissier dans 1h Courrier de la Drùme années 1843 et 1853). Ces articles,
signés A. M . , sont de M . Alexis Mustou .
222 DIALECTES MODERNES
Voici comiueiii il s'y prit : je cude la parole à M . Hochas.
a II avait la patience d'écrire lui-même la pièce qu'il voulait re-
» produire, sur <lu papier fort mince, en caractères imitant ceux de
» r impression. 11 disposait les pages comme elles sont sur une
"/brme d'imprimerie. Cette première opération terminée, il avait
•> la patience non moins grande de piquer les contours de chaque
•) lettre avec cet instrument particulier dont t'ont u.-agc les de.ssina-
» leurs en broderie. Il obtenait ainsi des pages (soit 8 pour rin-8°)
>) dont tous les caractères étaient percés à jour par de petits trous
» très-rapprochés. C'était là sa /orme, à lui. Jl en faisait une sem-
» blable pour l'antre côté de la feuille. Chacune de ces deux formes
» était placée l'une près de l'autre sur une feuille de papier blanc,
» et il promenait sur les pages ainsi préparéos un tampon forte-
» ment imprégné d'une poussière impalpable, composée de résine
» et d'un matière colorante (noire ou bleue). Cette poussière, pas-
« sant au travers des petits trous, venait former sur le papier blanc
rt les caractères de la forme. Il exposait ensuite la feuille à un feu
» ardent : la chaleur faisait adhérer la jjoussière résineuse au
^) jiapier, et les caractères étaient fixés. Il recommençait la même
" opération pour le verso de la feuille, et ainsi de suite pour toutes
>> les autres.
« Cette manière d'imprimer était de l'invention de Boissier; il en
» tirait vanité et en faisait un gros mystère pour les profanes. Mal-
)> heureusement, on le comprend, la résine qui fait adhérer la ma-
» tière coloi'ante au papier ne saurait être d'une bien longue durée,
» et les caractères ainsi tracés doivent tinir par disparaître. Cepen-
» dant, je conserve depuis vingt-six ans un exemplaire do ses œu-
» vres et je n'y remarque pas d'altération sensible. »
Cette impression, qui coûtait tant de travail et tant de soins, ex-
plique l'extième rareté des recueils poétiques de Boissier. Le plus
souvent, il réunissait quelques poésies, en formait un fascicule, qu'il
lirait à quelques exemplaires, et les adressait à ses meilleurs amis,
l'ersonne n'a jamais su combien d'exemplaires ont été ainsi épar-
pillés.
« Combien a-t-il imprimé de fascicules, dit encore M. Rochas, et
v que sont-ils devenus? Je ne saurais le dire; mais, sur mes vives
» instances, il se décida un jour à faire tout exprès pour moi un
» recueil à peu près complot de ses ouvrages poétiques. C'est un
1) volume que je conserve précieusement, comme une vraie curio-
K site, car il n'a été tiré qu'à deux exemplaires, un pour moi, l'autre
» pour l'auteur. En voici le titre et la description :
POUEISIAS DIOISAS 223
POUEISIAS DIOISAS
DE
GUSTE BOUEISSIER.
PORIS
Eimpiima per elou d'uno nouvMlo moiiirro
)' 1 vol. in-8», (le 5 feuillets préliminaires, non chifîrés, pour les
titres et l'approbation facétieuse du curé; 336 pages chiffrées et
•28 feuillets non chiffrés, pour le glossaire et la table. »
Grâce à la générosité de M. Boissier, greffier de la justice de
paix à Die, un des neveux et des héritiers du poëtc, nous possédons
le recueil même d'Auguste Boissier. considérablement augmenté,
puisqu'il a 480, pages, au lieu des 336 de l'exemplaire de M. Rochas.
C'est donc an volume unique que nous possédons et que nous
sommes fier de montrer aux bibliophiles.
Les Poueisias dioisas se composent d'un grand nombre de fables
et d'épigrammes, d'une comédie: lou Retour dins lou Diois, et de
trois poèmes, dont l'un, lou Siège de Solliens, est un petit chef-
d'œuvre, imité du Siège de Cadei-ousse, de l'abbé Favre.
A part quelques fables insérées dans le Journal de Die, les
œuvres de Boissier sont complètement inédites. Depuis longtemps,
nous pensions qu'il serait égoïste de garder pour nous seul tant
de charmantes poésies, et nous avions l'intention de les publier, en
laissant de côté les moins bonnes. Un bibliophile de Provence,
M . Léon de Berluc-Perussis, a bien voulu nous faire ouvrir les
colonnes de la Revue den langues romanes ; qu'il reçoive ici nos sin-
cères remerciements.
Outre les Poueisias dioisas, Boissier a encore publié quelques ro-
mances en français et en patois, d'après le procédé expliqué plus
haut. Je n'ai jamais pu en savoir le nombre exact; mais, après de
nombreuses recherches, je suis parveim à en trouver trois. M.Ro-
chas ne les mentionne pas dans sa notice.
En voici la note bibliographique :
\o L' Orphelin. — Paroles d'Auguste Boissier, musique de
M, Panseron. (Paris, in-4°. sans date.)
^° Retour au pays natal. — Romance. — Paroles d'Auguste Bois-
sier, musique de M. Duprez. (Paris, in-4o, sans date.)
224 DIALECTES MODERNES
3» Lou Bergitr omuueiruux . — Houmonro. — Poraoulas dé Guste
HouEissiKR. musiqiio dé M. Kinilé Raoux. (Poris, in-4", sans date.)
Plus tard, sur la lin do sa carrière. l'aïUeur avait abandonné la
poésie pour se livrer à des études historiques et ])liilologiques. Il
a laissé en manuscrit des notes sur l'histoire du Diois; une Vie de
Franhlin, que nous publierons probablement un jour, et son ou-
vraiîe le plus important : Glossaire du patois de Die (Drame). — Cet
ouvrage est divisé en trois parties : 1° Glossaire géographique; 2»
Essai d'une grammaire ; 3° Notices biographiques, formant 2 vol. petit
in-8". Le tom. P' a 191 pag.; le tom. II*, 198 pag.— Année 1863.
Les Notices hiographiques ne contiennent que quelques noms;
mais V Essai d'une grammaire pourra être d'un grand secours à ceux
qui veulent lire ou écrire le sous-ilialecte de Die. Le Glossaire est
une œuvre considérable, quia dû coûter d'immenses recherches à
l'auteur.
Sur notre pro])Ositioii. la Société d'archéologie de la Drame a bien
voulu en publier un abrégé.
Auguste Boissier était né à Die, le 15 août 18(J2. Quand vinrent
les dernières années de sa vie, il se retira dans sa ville natale, qu'il
aimait beaucoup; il s'y est éteint au milieu de ses parents et de
ses amis, le 1 janvier 1867.
A la longue, le temps effacera rim[)ression du volume des Poué^*-
siasdioisas. Kn les rééditant aujourd'liui, la Société pour V étude des
langues romanes les sauve d'une mort inévitable. C'est un véritable
service qu'elle rend à la littérature de la langue d'oc et de ses
nombreux sous-dialectes .
.Iules Saint-Hémv.
LOU
SIHGÉ DE SOLLIENS
Pouémé en 4 chonts
Oquoou pouémé n'eï pas de mi tout soulé, l'aï tira d'un ouvragé
de moussus lou cura Fabré. Si quaouon trouvoqne lous persouna-
geis ([ue liai bouta soun pas bien poueti(jueis, coumo etont d'uno
counditiau que passo per être coumuno. reipoundrei qu'un fessouei-
lier, 0(1 tout aoulré poysont que vai trovoyas tout lou jous O'jurabi-
soulé per uouris sous sorablableis, voou ooutont (jue lou prumier
veint-'u.
POUEISIAS DIOISAS 225
CHONT
Yoou quai dejo sus moun poys
- ■ Fa quaouqueis vers bouos ou moris,
Ou bien mountra que soun liistoiro
Ogu perfeis sous jous de gloiro;
Einquei, si Clio m'aido un paou,
Lo besougno n'irec pas maou,
Car devou eiiontas las olarmas,
Lo coulero, lou bru, las armas,
Et lo famino que dins Dio*;
Reindet tout sec coumo de tio.
Onein, vieillo nymplio, courage !
S'ogis, eissi. de fas topage ;
Quentei lo fenno qu'amo pas
Un paou de trin, un paou borjas ?
Nei pas tout, per être tronquille,
Invouqueins eincas moun Virgile.
Poulitou i ! ti que lou prumier
As si bien chonta lou bergier,
Sorias moun dioou, sorias mo rito,
Si m'inspiravei de TEigypto;
Noourioou pasbesoun coumo oco
D'invouqua lo muso Clio,
Ni d'onas mountas embe peno
0 lo sourco de l'Hypoucreno.
Oquello aïgo qu'ei tont vonta,
Sioou sur que n'ei pas lo meita
Si bouono, si freicho et si neto,
Qu'oquello de lo Chonoleto ■'.
Oh! paouroyoou ! si souloment
Pouvioou m'obuoouras un moument
' Die, sous-préfeciure du déparlement de la Drùme.
■^Hip'poMe Arnoux.'de Die), ancien médecin du vice-roi d'Egypte,^ a
traduit en"vers patois très-remarquables la première églogiie do Virgile.
3 Ghenelette, nom d'une fontaine de Die.
8
220 DIALECTulS MODERNES
0 souu bournec, queintou courage
Poueirio dounas un taou breuvage !
Si nein bevioou, veiriec de vers
Que sorion pas piqua doous vers;
Mais, hélas ! dins lo eopitalo,
L'aïgo que lou Diois ovalo
N'ei pas trop bien counditioouna;
Ooussi soré pas eitouna
Si dins tout ce que voou vous dire
On pouo li trouvas o redire :
Quoique nein sied, foou coumeinças
Ce qu'aï proumei de retroças.
Lio soixante ons qu'uno fonino
Pourtec ves Dio lo fonconino,
Si bien que dins oquoou pays,
On Tei vejo que d'eicrussis.
Las fennas, que soun pas bien fouortas,
Eroun pâlas coumo de mouortas;
Lour couorps, de F un o l'autre bout,
Semblavo un monche d'eicoussout.
Lous hommeis, plus maïgreis eincaro.
Ovion l'air doou paoure Lazaro,.
Et lou meindre veint que fosio
Lous poussavo vounté voujo,
Coume la neou dessus Glondaço ',
Que Taouro faï chongeas de plaço
Ein Teilevont d'eici, d'eilaï,
Et que bientoou Ton vé que chaï
Dins las runas, dins las béleiras,
Per fourmas oquelas counieras
Que deissinoun L et lou T,
Qu'on vé dins lou mei de juillet.
On veyo plus, dins oquoou caïre,
Ni cueisiner, ni jis de criaïre
Veindre de pourchet, de chobris,
D'eipourchalias, de répoursis.
Oou morcUa, peindont lo semanu,
' Glandasse, monlagne du Diois.
POUEISIAS DIOISaS 227
N'orrivovo pas une grano
De Pouvoûu, d'Oourcl, d'Oucellou,
De Lus, de Nounlaou. de Meinglou':
Car dins tous oqueloux villageis,
Lous poysons, per lous meinageis,
Gordavoun lours geiças, lours sens,
Lour blat et lours moris ogneux.
Lous chonoineis, que d'ordinaire
Soun plus gras que lou nécessaire,
Chaque jous, faouto de fricot,
Veyon deicoutlas lour jobot ;
Au meintou lo peou peindoulavo.
Ce que, mofé, lous ofligeavo
De veire lours jallias portis
Sein poueire las fas revenis.
Cependent oquello fomino
Lous dounavo si triste mino,
Que nein sorions tous orleinqui,
Sein l'ovonturo que voqui :
Un moine, ein venont de lo queto,
Opreinguec, dins uno guingueto,
Que venio d'orrivas de greins
Dedins lo villo de Solliens.
Oou couveint pourtec lo nouvello ;
Mais lous frereis, coumo lo grèlo,
Cheigueroun dessus lou poquet
Que pourtavo Tabbé Rousset :
Tellement que lou chef de Tordre
N'oguet casi plus ren per mouordre .
Qu'on vouogueroun tout ochoba,
Sein coui*oun tous o Telveicha -
Direo Teiveque, oou grond vicaire.
Ce qn'ovio rocounta lou frère.
0 lo pouorto, oqueloux toundus
Picheroun coumo de perdus;
Tout qu'olofin uno chombreiro
Villages du Diois.
Avant la Révolution, Die était le siège d'un évèché.
2?S DIALECTES MODERNES
a Criée: Qui picho de lo choreiro? »
Lous aoutreis reipouondoun : « Dubrec.
— Mais disec-me ce que voulec ?
— 0 votre meitre venein dire
Quaoucoré que lou forec rire.
Voqui : veneiu per l'overtis
Que n'oourein pas plus o potis.
— Tenec, Teintondou (jue devalo :
Li poueiré porlas dinslo sallo. »
On eiffet, Desaupiers-Desplon i
Lo .seg'uio de près ein disoni :
M Queisoquo? Yenec veire ein foulo
Si per eissi sourtein de roulo
Uno cacha de chaoux, de peis.
De tortifleis et de noveis ?
— N'oourion pas oquello insoulonço :
Venein dire o votre excellenro
Qu'o Solliens l'ai veint d'arrivas
De blat o nein sovès que fas.
--Dupei quond. dins oquellu villu
Font plus coreimo ni vigilo ? »
Répliquée Teiveque surprei.
(( Dupei lou vue d'oquestou mei.
— Ocosufit, reverond père,
Vous souhaitou lous nécessaire. »
Oqui dessus lous eimondec,
Priée lou Segneur, et deijeinec.
Dioou sa si pichec fouort et ierme :
Crejout pas que Fioguesse un ternie.
Las brisas, o chaque mourcec,
Sooutavoun dessus soun chopec.
Opres deijeinas, mondée caire
Mounard, Rousset de ves lou Serre,
Sara Micou, Conel, A'oulé,
Nevers, Roussignol, Jon Livé,
Rocho. Ooudifret, Bounard, Micalo,
* Désaugier-Déplan. évêque de Oie.
POUEISIAS DIOISIAS -^29
Fringado, Potocou, Dessalo,
Et quaouqueis aoutreis poroissiens,
Per onas tout dret ves Sollicns.
N'oyont ni tombour ni troumpeto,
Porteroun un fifre o lo têto,
(^hacu soun fusi sus lou couol,
Et Mounard boutée soun oscuol.
Per goûtas, oou plus près village
Trouveroun qu'un paou de froumage ;
Mais rioguec quaoucoré de mai
0 soupas, lou vepre, o Pountaï ^
Lou lendemon, o peno Taoubo
Oguec bouta so bello raoubo
Per soluas lou dioou doou jour.
Tout preste o fas soun pecho tour,
Que toute notro corovano
Doous Solliensoux - veguec lo piano.
Pejtoout Germillio, en juont un air,
Boutée toute lo villo en l'air.
Un homme, olors, de lo murayo,
Criée : ^ Paouro yoou, queinto cliorpajo
Compo dovont notre pourtaou !
Si siens pas mouorts, de rein sein taou :
Veiren plus uno aoutro semano.
Si secouyens pas lo campano.
Tout lou mounde tont s'eifroyec
Que lou togoci se sounec ;
Et, sein soungeas o se défeindre,
Porlavoun dejo de se reindre.
« Onein, siec de fiers eiporbaoux !
Foouti que quaouqueis peleraoux
Devein fas reindre notro villo ? »
Dissecl'un d'eloux, plé de bilo.
a Ovont, infourmec-vous, ooumeins,
Ce que voloun oquelas gens.
Venoun de siblas. . . Mais Ton sible,
* Pontaix, village situé eûtrj !>aillans et Die.
2 Habitants de Saillans.
2'0 DIALECTES MODERNES
Faï pas que Ton sié bien terrible !
Si voulec, yoou voou tout doré
Eilaï, veiré oqueloux pas ré. »
Tous li reipouondoun : a Lofeuillailo.
Chorgec-vous d'oquello embossado ;
Vous qu'ovec pas l'esprit troubla,
Onec veire per qu'on sibla.
Bien sur, siens des geins d'uno mino
Que vous virorein pas l'eichino;
Car olo moueindre poou qu'oouré,
Oou mouiendré signe que foré.
Tout dret, sein d'ovontage otteindre,
Onorein eilaï vous défeindre. »
Lou vieux moneichaou, einchonta
D'être choousi per deiputa,
Embrasso so fenno Louise,
Chongec de vesto et de chomiso,
Bouoto soun bounet coumo faou
Et pei souort per lou grond pourtaoïi.
« Messieus, dissec o lo brigado.
Siens surprei d'oquello olgorado
Que venec nous beilas eici;
Si votre chef se trouovo oqui,
Ei nous aoutreis qu'oco regarde.»
Mounard, que tenio Fhollebardo,
Per ovez lou dimeincho oou chœur
Chonta vépras de bien boun cœur,
Reipound : a Ei mi, Dioou vous bénisse I
— Et dinstout per vous sié proupice ».
Li répliquée Fambossadeur.
« Touchée me lo mon, mounseigneur,
Rédé. . . Bouon. . . Aoa, venou veyre
Ce que nostro villo duoou creire
Sus lo visito que veici.
Porlec me coumo un bouon omi,
En disent ce que vous opello.
Venec per nous cherchas querelle,
Poueiriec vous einonas comus,
Si per occ que siec veingus. »
POUEISÎAS DIOISAS 231
Lou prouprietaire de Pluyanas'
Li dit : « Moun cher, pas de chicana*.
Mounsegneur Desplons-Desaugiers
Nous mondo dins voirais quartiers,
Et vous prio per une ourdounanco
Que, coumo siec dins l'aboundonço,
Foguessec fas dins oquoou cas
0 notro villo un boun repas.
Hélas ! tallo ei notro disetto.
Que tous, tont que siens, fosein diéto.
Voqui perqué nous o monda,
Ofîn de poueire oves de bla.
Cregnou pas omein que m'obusé,
Qu'un Solliensou nous lou refusé;
Sein oco, s'ein repeintirec.
Veici lo lettre, légissee. »
Lou moneichaou preind sas lunettas,
Que n'eroun, mofé, pas trop nettas,
Per légis l'eicrit tout oou long;
Mais lou grivois foguec seimblont.
Opres oquoou trait d'impourtonco,
Deingu veyont soun ignoouronço,
Lous dissec : « Très-bien, mous omis,
Oteindec-mein, voou revenis.»
0 soun retour dedins lo villo,
Tout lou mounde veint o lo filo,
Ofin d'einteindre soun récit :
« Ah ! Messieus, dissec, Dioou merci,
Venou de tas uno embossado,
Eilaï ves oquello brigade,
Que voou bien un pechot eicu ;
Nein suoou, veyec, coumo un perdu.
Erou dins un pas eifrouyable.
Mais mein sioou tira coumo un diable.
Tout bestio qu'on ei, mous omis,
Un popier m'o fougu legis,
Que mo bien plus donna de peno
Quartier de la banlieue de Die.
:3-2 DIALECTES MODERNES
Que naï de fas quesas mo fenno.
Cepeindont sus ce que m'ont dit
Ai pougu devinas Teicrit.
Veici queintei so countenenço :
Omoun vas Dio font obstinenço,
Et moussus Desplons-Desaugiés,
Que, per moleur, sa dupei hiés
Qu'eici vivein dins l'oboundonço.
Seins se geinas, per ourdounonco.
Vous demondo doou blat qu'ovec
Lou meyous, surtout lou plus sec.
— Oco nei pas de bouon oouguro »,
Répouond lou brave Loverduro;
{( Voou donne, per li fournis de pon,
Qu'eici chacu crébe de fon?...
Qu'on nein douono lou comorado?,..
— Mofé, repliquo Lofeuillado,
Per l'aoufro, u'aï pas bien légis ;
Mais onporla d'un gramocis
— Un gramocis! ! Oh ! queinto graço
Gueuleo touto io pooupulaço.
« Et n'eicrioou pas qu'ei trop poya,
Qu'ollieurs l'oourio mejous morchal
— Otteinsioou, dit l'un de lo troupo
Que venio de mingeas lou soupo;
« Douçoment, joou sorioou d'ovis
De lous preindre lour gramocis.
De Dio lo villo ei per trop grondo ;
Si venoun eici tous en bondo,
Ce que poueirio, beleou, se fas,
Siec sur que nous vont tout bâfras,
Qu'empourtorein blat et forino
Et nous coousorein lo fomino.
Mi sioou preste o beilas lou mioou.
Seulement per lou prix que voou.»
Un aoutre, qu'ero un pinçomaillio,
Un rein du tout, uno gueusaillio,
Ojouto : « Aï dejo trop perdu:
Oqueloux que me l'on veindu
POUEISIAS DIOISAS 2^S
Me nont fa sogas sus lo plaço
Noou froncs doou seitier, cl per graço ;
Quond duoourion m'eicourchas tout vioou.
Nein volon quotorze doou mioou.
Si Dio potis, bah ! que potisse
Ou que l'eiveque lou nourisse.
L'oourein pas un pota de mein :
Tout homme ci meitre de soun bien,
Surtout quand on o de Ibmillio.
— Ei bien sur, reipoundec Jovillio ;
Pei que ves Dio toutas las geins
N'ont rein o boutas sous las deints,
Sorio juste que ronçounesseins,
Et qu'o vingt froncs nous lou poyesseins.
— Et perque pas o vingto-doux ?»
Dissec lou morchond Goouteiroux.
«N'ei pas que Ton doive être chiche,
Pei que lou Diois n'ei pas riche ;
Mais creyou que dins oquoou cas,
Foou pas per rein li lou beilas.
— Per yoou, nein volou vingto-(juatre;
Et si mein veyec rein robattre >■ ,
Répliquée Nicoula Ponchaou,
(( Tretec-me de vieux péléraou.
Oquest'on cregnou plus lo grelo :
Moun archo ei pleno de toueisello.
Et creyou, mordioou, qu'un taon bla
0 trente sorio pas poya. »
Chacu d'eloux tont ojoutavo
Que toujous lou prix oougmeintavo ;
Mais, per bien lous touchas oou vioou,
Lofeuillado criée : « Ottenssioou !
Ce que voou dire ei d'impourtonço :
Aï dins mo pocho uno ourdounonço
Que m'o beila, gno qu'un instont,
Un moussus que parle ein chontont.
L'aï pas bien legio, mais n impouorto,
Lo susdite ourdounonço pouorto
Que tout desueito sogoré
234 DIALECTES MODERNES
Lou meindre refus que foré ;
Ainsi, prenec votras mesuras.... »
Oquellas paouras creaturas,
Des que lou vieux oguec porla,
Se creisseroun einsourcela ;
Oouriec dit, ein veyon lour mino,
Que lous eitrilliavoun Feichino.
Lou moneichaou, de veire oco.
Lous dissec : a Mais quei tout eisso ?
El que per uno bogotello,
Un Solliensou perd lo cervelio ?
Et que foriec dounc, s'il vous plait.
Si vous dounavoun lou sujet ?
Eicoutec, mein voou vous fas rire
Per ce que me resto o vous dire :
Me veyec dejo bien cossa ;
Pourtont, tout soulé dins un sac,
Voudrioou pesas touto l'escouorlo
Qu'ovein eilai dovont io pouorto ,
Et pariou que tous tont que soun
Font pas remountas lou billoun.
L'oou goyet d'oquellas mozétas
Sounorio coumo de triquetas.
Et lou peloueiro o tont poti
Que dirion qu'ei de porjemi.
Nont plus ni courage, ni fouorço ;
Lous fusis n'ont pas uno omouorco :
Et poueirion pas gnoou lous bougeas,
Quond lous oourion sooupu chorgeas.
D'opres oco, lous paoureis diableis,
Devoun pas estre redoutableis;
Soun pourtont, ou me trompou fouoit,
Ce que ves Dio lio de plus fouort :
Car, per onas livras botayo,
L'on se sert pas de lo foutrayo.
Aça, per sourtis d'oquoou pas,
Vetoqui ce que devein fas :
Foou que chacu préne uno triquo
Ppr cichinas oquello cliquo.
POUEISIAS DIOISÂS 235
Oraoun ves Dio sein fachorein,
Soit. Eh bé ! qu'ei que nous forain ?
Lo guerro ? Lo creignein pas gaire :
Per lo t'as, foou souflas, pechaïre ;
Et jurorioou bien que l'ei gno
Que poueirion pas soufla lou fuo.
Onein, efons, vivo la gloiro ;
Foou rompourtas uno victoiro. »
Chacu maroho uno triquo ein mon.
Lou moneichaou, qu'ero dovon,
Opercevec lou gombi Rocho,
Et li foutec dessus Tondocho;
Lous aoutreis,de lous veire oou soou,
Chaigairoun casi tous de poou.
Jon Livé pissec dins sas brayas,
Pei ressooupec quaouquas cintajas
Dins un eindret que dirai pas,
Ce que lou foguec gomougnas,
Et d'un cop beila sus so nuquo
Foguec voultigeas so perruquo.
Un certain Toine Guiyetou
Souffletée lou vieux Potocou,
Que vite, sein sooupre yount coure,
Virée, pei cheiguec sus lou moure
Dins un foussa. Charle Rousset
Ressooupec un aoutre souflet,
Oppliqua per loumême Toine.
Tout d'un cop l'on vé Moncilane
S'opprouclias coumo quond lou chat
Eipincho quaouque mori rat ;
Mais lou dit Gujetou l'eipeillio
D'uno empoouma dessus l'ooureillio.
Oquel Ontoine ero pertout :
On lou vej'o tontoou d'un bout,
Tontoou de l'aoutre, et devolavo
Oquoou que souloment touchavo.
Sus oco, Nicoula Ponchaou
De Sarra preind lo grosso claoou :
Quond un efont o lo golocho
236 DIALECTES MODERNES
Faï pillio et bouoto dins so pocho
Las cipioounas qu'o pas gagna,
Siec sur de veire l'aoutro gna
Pourtas sas ounglas o sofaço,
Ou l'ottropas per lo tignaço.
De même, lou gombi Sarra,
De veire qu'on Fiovio gora
So daou que rai'oment quitavo.
Et que per se battre pourtavo,
Cheiguee sus lou vieux Nicoula.
Mais, heiias ! fuguec degoula
Per lou terrible Lofeuillado.
N'ei pas tout : Ton veguec Fringado
Ressooupre uno tallo eimborgea,
Que lous dissec : « Bien obligea !
M'ovec pas maou rengea lo jaouto.
M'ein plaignou pas, ei de mo faouto :
Quelque me poussavo o venis
Dins oquoou diable de povs.
Si mo fenno ovioou vougu creire,
N'oourioou pas quitta mon Sont-Peire '
Ello que me disio toujous :
Per que tein onas, moluroux. »
Mounard embe soun hollebardo,
Vouguec bien se boutas ein gardo ;
Mais lou moneichaou, coumo un fouol,
Ein l'ogroffont per soun oscouol.
Lou poussée couontrolo murajo.
Ce que finissec lo botajo,
Onlin notreis paoureis Diois,
Fosont lou signe de lo croix,
Se bouteroun tous ein deirouto;
Et pei, tout lou long de lorouto.
Prounounceroun chaque pater
Ein relèvent lou nas ein Tair.
(fin DOOU CHONT l«^)
• Saint- Pierre, nom <V-m quartier de la ville de Die.
LETTRES A GRÉGOIRE
SUR LES PATOIS DE FRANCE
iSuile]
SVK i..\ MOHl'
Texte Traduit. Tracl.fronç.
Eme soun day cruel, la Avec sa faux cruelle, la La moit i'rappe indis-
-Moiierl paupo per- Mort n'épargne per- laiclemeiil les rois ol
sûurio; sonne; leurs sujets ; prolitons
Segiio leis roys tout Elle fauche les rois tout des courts instants de
coumo leis su"]els. comme les sujets. notre vie. et ne perdons
Proufiten deis mou- Profitons des moments pas notre temps ù former
mens que lou destin que le destin nous de grands et vains pro-
nous douno; donne; jets.
Soun troou courts per Ils sont top courts pour
de grands proujets. de grands projets.
ExïKMT Dou NODVEOU LUTRIN, poi.'kmo. pkr M. d'Arvieux^
Texte Trad.lUt Trad. franc.
De tout home que pourto De tout homme qui porte Tout homme a sa fo-
bano, cornes, lie; eeux qui ont eu
Pretro. doutour, vo ba- Prêtre, coeteur ou !)a- main l'autorité sont sou-
chelié. chelier, vent au cas d'en abu-
Ges que noun ague sa 11 n'en est aucun qui ser; mais ils sont plus
foulié. n'est sa folie. d'une fois obligés d'en
Durant la vido d'estou Durant la v;e de ce rabattre. 11 n'y a rien
mound»', monde, de si dillicilo que de te-
1 Ce quat'ain est de Toussaint Gros. Il ouvre a série des Pensado.s
deslacados, dans son Recueil de pouesiés prû»iypnfa/o.$ \ Marseille, Sibié,
1763 ), p. 158. L'orthographe de Gros, sans être irréprochable, est moins
mauvaise que colle de son copiste, (ij. de Hekluc-Pekussis.)
- Laurent Arviou ou d'Arvieux, né eu 163.J, au Canet-lez-Marseille, où
il mourut en 1702, est plus connu par la Relation de son voyage vers le
grand émir, publiée par La Hoque en 1717, et par ses Mémoires édités
en 1735 par le P. Labat, que par ses rimes provençale.*, qui sont de-
meuré's médites. Son poëme du Nouveau Lutrin, qui lui fut inspiré
par une d.spute dont la maison du Hefugc de Marso lie fut le théâtre, se
trouvait en 1786 entre les mains du docteur G -F. Achard, qui en repro-
duisit seulement quelques vers dans son Dictionnaire iiiografihique ou
Histoire des hommes illustres de la Provence, t. l, \' .Vrvieox. Ces vers
.et ceux qu'on va lire sont l'unique spécimen de la iioésie de d'Arvieux qui
ait jamais été livré au public. La biographie de cet écrivain, au t. I" du
Plntarrjue provençal (Marseille, Gueidan, \8->8), ne fait aucune mention
de ses œuvres poétiques. (I.. de Berldc-Pehussis.j
ojv; DIALECTES MODEREES
L'un «i raso l'autre si L'un se rase, l'autre se nir les femmes renfer-
toundc ' tond, mées; elles sont à cet
Caduii surtout es entesta Chacun surtoutestentèlé é^jard comme les chats.
Doou tic de souD aulou- Du tic de sou autorité.
rita ; ,. u ^
Mai souven n'en coueslo Mais souvent 1 aubaoe
l'aubado, coûte;
Car voudrié mai rauba II vaudrait mieux voler
bugado une lessive
Et faire d'aulrei plus El faire d'autres plus
grand mau, grands maux.
Dins aques pays de Dans ce pays de ba-
gournau, * dauds,
Que de toumba iin Tes- Que de tomber dans la
caufeslre faute
De mettre fremos en De mettre des femmes
séquestre; en réclusion ;
Eleis esten coumo lei ga Elles étant comme les
chats
Qu'eniabien quand soun Qui s'enragent d'être
ensara . renfermés .
Gresié d'empourta la Le prêtre si renommé Un prêtre (1 abbé
victori, croyait emporter la Bougerel, directeur de
Lou tan'renouma cape- victoire, la maison de force de
lan, Marseille) en (il la triste
Et pènset aver lou mal Et il manqua avoir du expérience. C'est un bel
an. malhour. homme, de belle appa-
Es béou, ben fach, de II est beau, bien fait, de rence, à jambes minces,
boueno mino ; bonne mine : à larges ùpaiilps, bouil-
Prin de boutéou. fort II a les mollets maigres lant, spirituel, grand
long d'csquino, et le dos fort allongé, mangeur, propre et
Plen de fuech autant Plein de feu autant que courtois, vertueux et in-
que d'esprit, d'esprit, capable de se laisser sé-
Dalicat, de bouon appe- Délicat, ayant bonne duire par les appas de
tit, appétit, celles qu'il dirige. II sait
Propre, mignoun, cour- Propre et galant envers les tenir contenues en
tois ei damo, !es pieuses dames, ne les accablant pas de
Que soun coumo eou de prières et de pénitences;
santeis amo, aussi est-il regardé
Ennemi jurât doou Ennemi .'.é:laré du vice, comme un oracle, cl ses
pecca ; sermons sont courus.
Incapable d'estre en- Incapable d'être pris Mais il est facile à se
visca aux lacs mettre en colère, et alors
D'aucuno de sei peni- D'aucune de ses péni- il semble furieux; il est
tento; tentes; vrai que le feu s'éteint
Lei sau tenir toutei 11 les contente toutes, aussi vite qu'il avait été
countento. allumé. 11 n'a pas le dé-
Soulo d'un directour Sous uu directeur aussi faut de trop boire, mais
tant doux, doux, il mauge comme quatre.
Si maquoun gaire lei Elles ne se blessent II a l'air toujours pressé,
ginoux. guère les genoux. ot cependant il n'a rien
Hou parlo clar coumo II leur parle comme un à faire. 11 ne voit du
un ouracle; oracle; latin que dans son bré-
Quand precho, cridoun Quand il prêche, elles viaire. Qui pourrait
au miracle, crient au miracle, croire qu'un si bon di-
Et cadun s'espanto en Chacun se pâme en recteur eût été exposé à
l'auven. l'écoutant. la méchanceté des fem-
Es caOi de devoutien; Il est rempli de dévotion; mes de mauvaise vie
LETTRES A GREGOIRE 239
Mai, perpauquelifas la Mais, pour peu qu'on le qu'il dirigeait / Quelle
niquo, tourmente, récompense pour le zèle
Tout d'abord la mousco D'abord la mouche le d'un homme ù qui rien
lou piquo, pi(jue, no route lorsqu'il s'agit
Que lou fa courre, re - Le fait courir, ruer, de faire le bien, qui
guigna, brûle d'un feu toujours
Crida,querela,grafigna Crier, quereller, égrati- ardent pour arracher à
gner. Satan les âmes fémi-
Es verai quesareniflado II est vrai que sa colère nines que cet esprit ma-
Noun duro pas uno Ne dure pas une jour- Un veut porter au mal;
joumado : née. chose qui lui est très-
S'allumo et s'amouesso Elle s'allume et s'éteint ordinaire, comme le
à la fés. à. la fois. prouve ce qui arriva
Beou pas, mai mange o II ne boit pas, mais il aux repenties de Mar-
coumo 1res. mange comme trois, seilie? Ces tilles n'ayant
Es moussu Féou, tout C'est monsieur Féou, ni pain, ni vin, ni bois
plen d'alTaire : toujours affairé : pour se chauffer
Si boulegosensoren faire II remue et ne finit rien, etc.. .... . >
S'enchautogairedelatin, Il ne se soucie guère du
latin.
Passa aqueou que dien Si ce n'est de celui qu'on
au lutrin. chante au lutrin.
Qu creirié que l'ingra- Qui croirait que l'ingra-
titudo tilude
Deis pécheresses d'habi- Des pécheresses d'habi-
tudo tude
Aguesso juga marri tour Ait joué un mauvais tour
An' un tant bénin di- A un directeur si dé-
rectour, bonnaire ,
Per lou recoumpensa Pour récompenser s:n
daou zelo zèle
Que mette tout per es- Qui met tout par
cudèlo'? écuelle ?
Quand s'agisse doou Lorsqu'il s'agit du bien
ben public, public,
Heias ! ven maigre cou- Alors il devient maigre
mo un pic, comme un hareng saur
El sou vent la teste lifumo Sa tète fume souvent
D'aqueou zelo que lou Du feu qui le consume,
counsumo
Coumo lou sin à la sar- Gomme le saindoux
tan, dans la poêle,
Quand voou deslourna Quand il veut empêcher
que Satan que Satan
Noun tournouire quau- Ne fatigue quelque bi-
quo bigolto gote
En li tirant troou la ga- En lui tirant troj) la
rotto, tête de côté,
Gavo qu'arribo fouart Chose qui arrive très-
souvent, souvent,
Ansin qu'arribet au Gomme cela arriva au
au couvent couvent
De la famille repentido. De la famille repentie.
Mourien touteis de la Là on mourait de la pé-
pepido, pie.
Doou fam doou se, doou De faim, de soif, de
maus encoues, toutes sortes de maux,
Doou tremoulun, faute De frisson, faute de bois.
de boues '.
* L'extrait du citoyen Achard s'arrête là; je ne crois pas qu'il y ait
sujet de regretter vivement le reste.
S4U
DIALKCTES MODEF-INES
A UNK AMIE yur DFMEURE A LA CAMPAGNE
en lui dem
Aurez-, bessai, la coumplesenço,
Se vous n'on progan •' pouliraent,
De nous rogalar bouenament
D'un pau de burri de Prouvenço?
Burri ben plus delicious,
Perceque^ jamay ren li manque,
Qu'houro es fach per vostreis
imans blanquo •.
Qu'aqnelo bourrido deis dieous,
Dins nuuestro terradou'' dounado,
Et qu'un poueto prouvençau,
De Gros successoiir et rivau,
Germain, nous a tant beu'^ pintade.
Sarié'* pas per naulroi tant mau
Qu'attroubessian au remiilagi
Un boiien téchou de bacayau.
Restarioou pas coumo un eiraagi :
Emo pebro, holi, anchayo, ailhet,
Va vous dieou senso gascounado,
Vous farieou léou talc brandade''
Que ve n'en licanas lin d^t.
andant à dîner*
[sanco,
Vous aurez, peut-être, la compbi-
Si nous vous en prions poliment,
De nous régaler tout bonnement
Avec un peu de beurre de Provence'?
Beurre raille fois plus délicieux
(Surtout quand vos belles mainï-
blanches l'ont fait, car alors il n'y
manque rien)
Que cette bourride des Dieux
Donnée dans notre territoire,
Et qu'un poète provençal.
De Gro- successour et rivai,
(i'Tmain, nous a si bien dépeintes.
Ce ne serait pas mal pour nous
De trouver dans un baquet d'eau
Un bon morceau da merluche.
J'' ne resterai pas comme une image:
Avec poivre, huile, anchois et ails.
Je vous le dis sans gasconnade.
Je vous fierai bientôt une brandade
Dont vous vous lécher ez les doigts '".
Cantique ancien, avec la version provençale moderne
et la version française *'
Texte Version proi-. Version franc.
REFRAIN
Allegron sis los pecca- Que leis peccadous sie- Que les pécheurs
dors goun soient joyeux en louant
Lauzant sancta Maria Allègres en lauzansanto sainte Ma"rie-Magdeleine
.Maria dévotement.
Magdalena devolament. Madaleno devoutarr.ent.
< Ces vers sont lires d une Kpilro ii uno Daino qu'ero anado d la bas-
tido senso dire adiou en dequn. la veillo dimo plaegpo que duret plusiers
jours, par Claude Dageville, d(^ Marseille, architecte et peintre de mérite,
poêle à ses heures, guillotiné en 1791. 11 était de l'Académ.ie royale d'ar-
chitecture de Paris et de celle des Arcades de Home. Ses œuvres proven-
çales ont été recueillies, en 1823, dans le Bouquet prouvcnçaon. vo Jeis
Troubadours revioudas (Marseille, chez Achard), pages 87-106. Voir ci-
après les variantes (L de Berluc-Pekdssis).
- Aurias. - ' Se ven pregavian. — '' Parce que. — • Vouestro man
blanquo. — '• Tarraire. • Germain enfin nous a. — •* Sérié. — ■' Uno.
f L. de B.-P )
'" Non content de celte traduction, l'auteur en a donné uno autre qu'il
trouvait plus français';, mai? qui n'a aucun iulérol; elle ne fait qu'affaiblir
le sens.
" Ces fragments appartiennent à la Cantinella prorençah' en l'honneu--
LETTRES A GRF:G0IR,E ;41
l'^''" COUPLET
Ella conec la siou or- Counouisse soun er- Elle reconnaît son er-
ror. . lour, reur, io mal qu'elle
Lo mal que fach avia, Lou uiau quo avie fach. avait fait, ot elle a peur
E ac del fuec d'enfer Et a poou don fuech du feu de l'enfer, et elle
paor d'enfer, se mol dans la voie qui
Et mes si en la via Et si mette din lou ca- pont la conduire au sa-
Perque venguct a sal - min lui.
vament. Per venir à sauvamenl.
■2« COUPLET
Quand la grand mort Quand leis Judieous Lorsque les Juifs lui
Josious treidor l'agueroun dounat la eurent donné la mort
grand mouert, par leur grande félonie,
Per lur grand fellonia Per sa grande couqui- et Joseph, celui d'Ari-
narié, mathie. par sa grande
Et Joseph par sa grand Et Joousé, per sa grand douceur, 1(> mit dans son
doussor, douçour, tombeau.
Gel de Baramathia Aqueou d'Arimatio,
Lo met en lo siou mou- Lou mettet en soun
riment niounument.
O" COUPLET
Or preguen tous lo Or preguen touleis lou Or prions tous le
Salvador, Sauveur, Sauveur, fils de Mnrie,
Fils de sanla Maria, Fieou de santo Mario, qu'il nous préserve de
Que nos garde tos de Que nous gardo de dou- (louleur, et le peuple
dolor, lour, quel qu'il soit, et qu'il
Et poblum cum que sia Et lou pople quauque nous gouverne avec
siegue. amour.
En ça verge tos aman- Et nous riege touleis per
teînent. soun amour.
J'ai choisi ces trois couplets pour montrer la différence de
la langue du XIIP siècle à la nôtre. J'ai choisi de préférence
une pièce qui est très- connue, puisqu'il n'y a pas cinquante
(le la yîagdplelne, qui fut chantée annuellement à Marseille, le jour de
Pâques, jusqu'en ITlî. M. Bory Ta rééditée dans coite ville en 1861 (V.
Boy, in-8"j, et il l'a accompagnée d'une introduction, de commentaires
et de recherches historiques, ainsi que d'une traduction.
Achard a reproduit le texte donné par Grosson , dans VAlmanach de
Marseille de 1773. Au premier vers du 2« couplet, il faut corriger, avec
M Bory:
(juaiid l'wjroii mort Jusieu traidor.
Pour le dernier vers du 2" couplet, que Bory a changé en :
Toc' en sa vcij' amantement,
on pourrait indiquer la correction suivante :
Enfant, verge, to=, luantencnt.
Enfant, écrit enfti dans un ms., a pu, par suite d'une faute de lecture,
être transcrit enaa, d'où \ mra de Grosson et d'Achard.— Tos Signifie,
comme ou sait, j'ewne garçon (G. Ghabaneau).
19
242 DIALECTES MODERNES
ans qu'on chantait encore ce cantique à Marseille, dans la
chapelle du carrefour des 13 Cantons. Je ne finirais pas si je
cherchais d'autres exemples dans nos poésies provençales,
mais je les conserve pour en donner une édition complète, si
leur publicité peut être utile et agréable à mes concitoyens.
ACHARD,
bibliothécaire national de Marseille.
Du l" floréal l'an II de la République
DIALECTES DU NORD
Il nous faut maintenant quitter, non sans regret, le midi de
la France, et passer rapidement en revue, avec les corres-
pondants de Grégoire, les différents idiomes du Nordj; ils se-
ront moins riches, sans doute, et moins harmonieux, mais ils
ne manqueront pas d'intérêt pour le véritable philologue. La
langue d'oil va nous apparaître telle qu'elle était en 1790, dans
les provinces les plus éloignées de Paris. Nous j surprendrons
à tout moment l'influence de la grande ville; cependant on
trouvera encore chez les Francs-Comtois, chez les Bourgui-
gnons, chez les peuples de l'Artois et de la Flandre, surtout
chez les Bretons, une sève toute particulière et une surpre-
nante originalité. On verra en même temps ce que la France
d'alors avait encore à faire pour conquérir cette unité qu'elle
recherchait avec tant d'ardeur : tous les cœurs étaient fran-
çais ; mais quelle dififérence de langage '"t de moeurs ! quel
amour du clocher et des coutumes locales, derniers vestiges
de l'ancienne autonomie !
L'ordre que nous suivrons dans cette étude est indiqué
par la nature elle-même : nous commencerons par les pro-
vinces de l'Est et du Nord, pour arriver, en traversant la ré-
gion centrale, jusqu'au fond de cette Bretagne où s'étaient
réfugiés les Celtes, nos aïeux. On verra ainsi, les uns après les
autres, les dialectes et sous-dialectes qui ont, pendant plu-
sieurs siècles, lutté contre le sous-dialecte de l'Ile-de-France,
et l'on pourra se rendre compte des emprunts que ce dernier
leur a faits.
LETTRES A GREGOIRE 243
I
Dialectes bourguignons (sous-dialectes de la Franche-Comté)
Je n'ai pu découvrir quel était le Lorain fils qui a signé la
lettre suivante; il n'a fait partie ni de la Législative, ni de la
Convention. Il avoue lui-même qu'il connaissait peu l'idiome
particulier de son district; mais sa lettre n'en est pas moins
une des plus charmantes et une des plus instructives que
nous ayons encore rencontrées.
DÉPARTEMENT DU JURA
Dislrict de Saint-Claude. — 14 s^pterabn? 1790,i'an 2» d.- l'ère de !a
Liberté française
J'avais lu dans le n" 370 du Palriote français une lettre
de M. G-régoire, digne de siéger parmi les législateurs do la
France et d'éclairer les hommes dans les Académies. Comme
elle était adressée à tous les patriotes, je crus que j'y devais
un mot de réponse. Malheureusement, je suis peu instruit de
la langue grossière de nos pères. Je m'adressai à un honnête
juge retiré, qui passe pour la bien savoir, afin qu'il me com-
muniquât un peu de sa science : il me promit, et j'attendais
avec impatience : mais, plusieurs jours après, il me répondit
qu'il lui avait adressé directement les éclaircissements que je
lui avais demandés, parce qu'il y disait du bien de la muni-
cipalité, et qu'il n'aurait pas été honnête qu'il me le commu-
niquât '. Les devoirs de ma place m'ont pris ensuite tous mes
moments; mais l'occasion d'entrer en correspondance avec
M. Grégoire est trop précieuse pour que je ne me hâte pas
d'employer le premier dont je puis disposer à répondre deux
mots sur chacune de ses questions.
1. — L'usage de la langue française est universel dans ce
' district; cependant on y parle presque autant de patois diffé-
rents qu'il y a de villages.
2. — Le patois est si ancien, que son origine est inconnue.
On dit que celui d'un village voisin, nommé Septmoncel, tire
son origine de la langue parlée dans la Suisse allemande.
' Voyez la lettre suivante; ce juge se nommait Joly
244 DIALECTES MODERNES
Peut-être, comme les Septmoncelans sont grands voyageurs,
en ont-ils tiré plusieurs expressions ; peut-être les Septmon-
celans sont une colonie suisse.
3, 4. — Plusieurs mots sont évidemment dérivés du latin.
Exemples: l'ieure, lèvent, d'eurus; — i soliva, il avait cou-
tume, de solere; — un'iégua, une jument, d'equa; — de l'égua,
de leau, d'aqua; — ja, om?, d'ita; — coincha, bassin, de concha;
- la vi, chemin, de via, etc.
Quelques-uns sont dérivés de l'espagnol. La province de
Franche-Comté, ou soi-disant [telle], a été autrefois soumise
à ce pays, si digne d'être libre quand il aura brûlé le tribunal
du Grand Inquisiteur, purifié la place où se faisaient ses auto-
da-fé et balayé ses moines.
Il y en a aussi de dérivés du celtique. Saint-Claude s'ap-
pelait autrefois Condal, qui signifie confluent en celtique, et
cette petite ville est située au confinent de deux rivières. Un
lieu voisin se nomme Condamine et est aussi situé au confluent
de deux rivières. Je crois que baume, en celtique, signifie
caveiiie, et une charmante promenade se nomme Baumerives,
les rives de la caverne ; c'est ordinairement le local qui a
baptisé le pays.
5. — La plupart des mots ont une affinité marquée avec le
français, et la terminaison seule est changée; ex. : la téta, pour
dire la tête. Ils substituent volontiers l'a à \'e muet pour les
finales. L'e muet serait-il un raffinement des peuples amollis?
Les Romains ne le connaissaient pas, et nos paysans ont cela
de commun avec les Romains. Vous les avez rendus leurs
semblables en choses plus essentielles. Quelquefois les mots
qu'ils emploient sont des diminutifs. Ex. : lo charel, le petit
char, le chariot; — lo violel, le sentier, de via, chemin. D'autres
mots ne paraissent avoir aucune analogie : une miche de pain,
una droublira; — commodité, bantsi; — gilet, brustio, etc. J'a^
déjà parlé de l'affinité du patois d'un village avec celui des
cantons suisses.
G. — Les noms des plantes et ceux des astres sont efi'ective-
ment ceux où ils s'éloignent le plus du français. Les paysans
liaraissent des hommes à part pour ces objets, et ne rien de-
voir qu'à leurs observations. Il est à présumer que [leur lan-
LETTRRS A GREGOIRE 2^'^
gag'e a été '] celui de tous les houiruos, mais spccialemoni des
hommes adonnés à ragriculturo, (^ui, soit en conduisant leurs
troupeaux, soit en voyageant avec leur voiture, étudîaicnî
les astres, et qui ont eu aussi de fréquentes occasions de cher-
cher dans les plantes des remèdes pour leurs blessures et
leurs troupeaux, qu'ils soignent ordinairement un peu plus
qu'eux-mêmes.
7, 8, 9. — Nouso, aben, signifient également oui dans cer-
tains villages, et le mot ia j est inconnu, tandis que c'est le
seul employé en d'autres. Una caffa, una coincha, signifient
également un bassin; mais il est des villages où le second seul
est connu. En général, je soupçonne leur langage borné
comme leurs besoins et leurs idées, et je n'y crois pas à la
variété des expressions pour signifier le même objet. J'y ai
cependant quelquefois remarqué des nuances qui manquent
au français.
10, 11, 12. — Les jurements varient suivant les villages.
Lo chancro to rongieo est aussi familier aux habitants de Sept-
moncel, dont j'ai déjà parlé, que S.. . nom deD... aux soldats.
L'un d'eux, fâché de voir neiger, disait : Plût à Di que ne nei
jusqu'à tant que les gerines (les poules, gallincTB) ne becassan les
éteiles. Une femme, fâchée de s'entendre appeler b. . . , répon-
dit : L'a osto d'abord fa una bogressa, tandis que ta mare restn
9 nieis à fare un Jan-fotre. Dans d'autres villages, on dit mala
via te pregna; cette imprécation paraît plus religieuse, si ces
deux mots peuvent se trouver ensemble.
13. — Les finales sont plus communément voyelles : una
culotta^ une culotte; — no, non; — una chapella, une chapelle;
— un barutio, un gilet'; — l-outo, la maison, la cuisine; — couatu
la porta, ferme la porte; — un casso, une noix, etc.
14. — La prononciation me paraît plus rude que celle du
français; l'accent du pays est traînant : ce ne sont pas des Pro-
vençaux, des Languedociens.
15. — On n'a pas d'exemple d'écrit en patois.
16. — Il varie de village en village: deux villages de la
' Le ms. donm; qn'i'Ks ont été celui d'' qui c^t inintelligible
^ L'auteur a écrit quelques lignes plu'^ haut hruslio, mais on a vu qu'il
ne se piquait pas de bien savoir le patois.
246 DIALECTES MODERNRS
même paroisse, à demi-heure l'un de Tautre, parlent deux pa-
tois différents, et des granges éparses, dépendantes de la même
paroisse, ont encore un idiome un peu différent. Ce sont sur-
tout les terminaisons qui varient. Par exemple, ici, Ton ter-
minera tout en a, et dans le village voisin tout en o. On en
peut conclure, ce me semble, qu'autrefois il y avait fort peu
de correspondance entre les hommes. Plusieurs testaments
portent qu'ils ont été faits attendu qu'on se disposait à un
grand voyage, celui de Besançon, capitale de la province.
17. — Il y a cinquante ans que tout le monde le parlait
dans cette ville, et les ^ros l'employaient comme un moyen de
se familiariser avec les petits ; aujourd'hui on le parle peu, et
la plupart des fils de bourgeois n'en savent pas un mot,
18, 19. — Tous les montagnards entendent le 'français, et
la plus grande partie sait s'énoncer en cette langue. Ils s'en-
tendent entre eux, preuve de l'analogie des patois ou de la
communication des habitants. La plupart ont beaucoup à faire
dans les villes ( ils sont voituriers ) ; plusieurs ont été choisis
pour le département et le district.
20. — Je n'ai connu qu'un curé qui ait prêché patois; il
est mort. Je croirais cet usage dangereux ; il éloignerait de
s'instruire dans la langue nationale. J'ai ouï dire qu'en quelques
maisons de village on priait Dieu en patois, ou du moins on
faisait en patois certaines prières ; cet usage est beaucoup
plus raisonnable que celui de lui parler latin quand on ne le
sait pas.
21. — Non. [On n'a pas de grammaire ni de dictionnaire
de ce patois. ]
22. — [Les inscriptions] sont en français ou en latin.
23. 24. — 7 On a fait quelques noëls en patois, pleins de sel
et de malice, mais ils ont été faits à la ville. A la campagne,
on trouverait tout au plus quelques chansons ; et, si dans ces
chansons on trouvait quelques nuances de naïveté, on y trou-
verait infiniment plus de simplicité et de non-sens.
25, 26, 27. — La simplicité, l'ignorance et la grossièreté
ont jusqu'ici escorté le patois. Il est à espérer qu'il dispa-
raîtra avec elles, et qu'il disparaîtra sans que les vices des
villes s'y joignent. Je dois dire cependant que les paysans ont
LETTRES A GREGOIRE 247
été scandalisés, et à juste titre, de la manière dont, nous
avons sollicite, extorqué leurs suffrages dans les assemblées
primaires. Homme de génie, faites donc d'excellentes lois
capables de prévenir les cabales ; autrement vous nous avez
livrés en proie aune foule de vices nouveaux. Quel est le meil-
leur moyen de prévenir les cabales ? — Problème très-impor-
tant à résoudre et digne d'occuper les meilleures têtes de
l'Assemblée. Un des meilleurs moyens de déjouer les cabales,
et en général toutes les manœuvres des méchants, c'est l'im-
primerie ; ne pourriez-vous faire en sorte q.u'il y en eût dans
toutes les villes, comme les collèges? L'imprimerie est, sans
contredit, le plus grand bienfait de l'industrie moderne, et sans
elle la Révolution n'existerait pas. Nous n'avons pas ici d'im-
primerie, et grande est la différence d'avoir les choses sous
sa main ou d'aller les chercher au loin.
28, 29. — Je crois qu'on se rapproche du français ; cepen-
dant le patois se perpétuera, si vous n'y mettez ordre, et j'ap-
prouve infiniment votre idée de vouloir que la Révolution se
fasse sur cet objet comme sur les autres. L'instruction en se-
rait plus facile, et nos sociétés ont besoin d'instruction.
A propos d'instruction, je me rappelle, respectable curé,
que vous avez fait la motion de supprimer les confréries ; ce-
pendant elles subsistent encore, à la honte de la raison hu-
maine. Nous avons parmi nous des pénitents; nous avons
essayé de rendre utile le lieu de leur assemblée, en y lisant
des nouvelles de la vôtre. L'aumônier s'y est opposé avec les
bonnes têtes de la confrérie ; je lui ai répondu que, puisqu'on
lisait les décrets à la paroisse, on pouvait bien lire le Point du
jour* aux pénitents, et je l'ai emporté.
J'ai trouvé le moyen de rendre ainsi fort fréquentée cette
église des pénitents, où il ne venait que quelques confrères.
Nous y lisons les prônes de M. le curé d'Emberménil - aux
bons citoyens de la Meurthe, ses sermons sur le duel et même
ses dissertations sur les salines. Ily a longtemps que nous
sommes accoutumés à bénir son nom dans nos contrées; nous
• Journal du temps, nui donnait de grand matin les nouvelles de l'As-
semblée; il (^tait rédigé par Barrère.
2 Grégoire lui-même.
248 niALlCCTES M0DRRN1£S
savons combien il a été utile au commencement de la Révo-
lution et combien il est respectable dans tous les temps.
30 — Si les maîtres d'école distribuaient des prix sur des
exercices en français ])ur, [on détruirait les patois]. La nou-
velle constitution ne doit-elle pas amener l'anéantissement du
patois, puisqu'ils auront part au gouvernement?
31. — [L'enseignement se fait] en français. Plusieurs maî-
tres d'école sont pris à la ville.
32. — Il y en a dans tous les chefs-lieux de paroisse; mais
ceux qui ne le sont pas n'en ont qu'en hiver. Dans les chefs-
lieux, c'est ordinairement le chantre qui est maître d'école.
Quelques-uns de ces maîtres d'école passent pour habiles, et
celui d'un village appelé Chour a été élu membre du départe-
ment. Sans doute on se souvenait de ces vers :
Peut-être qu'un Lyciirgue, un Gicéron sauvage,
Est chantre de paroisse ou juge de village.
33. — Beaucoup [de maîtres] n'apprennent pas à chiffrer.
Un très-petit nombre donnent les principes de la langue la-
tine, si utile aux villageois. Mais beaucoup enseignent le plain-
chant, et c'est tout,
34. — Non [les écoles ne sont pas surveillées par les cu-
rés] ; et, comme il j a peu d'abbés Grégoire parmi eux; comme
plusieurs sont despotiques, tracassiers, peut-être n'est-c»pas
un grand mal. Le latin des classes et la théologie du séminaire
sont les deux pôles de leur science. Ah ! faites donc un bon
plan d'éducation nationale, si vous voulez affermir les lois par
les mœurs, si vous voulez que vos descendants aient des mœurs
dignes des lois que vous leur donnez, si vous voulez que la
Constitution subsiste et soit utile. Nous ne pouvons que lever
les mains sur la montagne, pendant que vous combattez dans
la plaine ; mais c'est sans doute aux officiers de morale à tra-
vailler au plan d'une éducation physique, morale et intellec-
tuelle.
35. — Les curés ont leur bréviaire et quelques volumes
de mauvais fermons. Sans doute il est des exceptions, puis-
qu'il s'est trouvé parmi eux des Royer ' et des Clerget ^,
' Evéque constiluliounel de l'Ain, puis in(^'troi)Olita!n de Paris, mom
bre de la Constituante cl de la Convention.
2 Curé d'Oruans. député du clergé à l'Assemblée nationale.
LETTRCS A GHEGOIRE 243
mais je parle en général. J'ai proposé le nouvel ouvrage de
Berquin {Bibliothèque des villages) à quelques maires de cam-
pagne, qui ne s'en sont pas souciés. L'instruction est néces-
saire pour avoir soif de rinstruction.
36. — Le plus petit nombre [des gens de la campagne] lit
dans ses Heures, et c'est tout. Les exceptions sont infiniment
clairsemées.
37. — [On trouve surtout, chez eux, les livres] qui peuvent
les hébéter.
38. — [Ils ont les préjugés] de l'ignorance et de la super-
stition; ils croient aux devins, aux sortilèges, aux revenants.
39. — Oui [ils sont peu éclairés ], oui [leurs mœurs sont
plus dépravées], oui [leurs principes religieux sont affaiblis].
40. — [Le remède à ces maux serait] une éducation natio-
nale.
4L — [Depuis la Révolution] ils sont moins humiliés, ils
sentent un peu mieux qu'ils sont hommes.
42. — [Trouve-t-on chez eux du patriotisme, etc.?]. Hélas !
les Grégoire, les Péthion sont-ils les plusnombreux à l'Assem-
blée nationale ?
43. — Les abus ont été peu nombreux. Ils se sont enrégi-
mentés, et le goût des armes paraît vif en eux. Combien il est
important d'organiser les gardes nationales! Quel terrible le-
vier aux mains d'un charlatan immoral qu'une multitude en
armes ! .Je n'ai encore rien vu sur ce nouvel ordre de choses,
qui a sauvé la France en gros et peut la perdre en détail.
LoRAiN fils, maire de St-Claude.
La lettre qu'on va lire est annoncée dans la précédente ;
mais il est heureux que le maire de Saint-Claude ait pris la
peine de répondre lui-même à Grégoire; car, si M. Joly, avo-
cat et juge dans 'cette ville, savait bien le franc-comtois, en
revanche il ne savait guère le français, et il était loin d'avoir
Tesprit de Lorainfils. On trouvera pourtant dans cette lourde
réponse quelques détails intéressants et, ce qui est toujours
précieux à recueillir, quelques lignes de patois.
250 DUrECTES MODERNES
Monsieur',
Je prends la liberté de vous adresser des réponses aux ques-
tions de M. Grégoire sur le langage et les mœurs des habi-
tants de notre bailliage, que j'ai faites à l'invitation de MM. de
la municipalité. J'ai saisi avec empressement cette occasion
de me rendre utile et de vous assurer que j'ai l'honneur
d'être, etc.
JoLY, avocat.
A St-Glaude, en Franche-Comté, 7 sept. 1790.
1. — La langue française est en usage dans tout le bailliage
de Saint-Claude ; l'usage du patois n'est que pour la conver-
sation. Il a le même fond par tout ce pays ; mais il varie sur
quelques termes, les expressions et la prononciation, dans les
cantons différents.
2. — Il dérive du celtique, comme tous les autres patois
de Franche-Comté. On en trouve la preuve dans un Diction-
naire celtique de M. Bullet, ancien professeur de l'Université
de Besançon. 11 a aussi quelques termes qui ont du rapport au
latin, comme coincha, qui signifie un bassin à puiser teau,
qui vient de coucha. Cela n'est pas surprenant, car la langue
latine s'est conservée par les actes, qui étaient en latin ancien-
nement.
3. 4, 5. — Le patois a très-peu de termes composés. Le
celtique,dont il dérive, lui a donné un fond d'affinité avec les
autres ; mais les variations locales y ont apporté bien des
différences, en sorte que souvent ils s'entendent peu. Les émi-
grants sont toujours obligés de prendre les jargons des lieux
de leurs domiciles ; car ils y sont autant attachés qu'à leurs
usages, et ils ont peine à l'adopter.
6. — L'ancien idiome provençal doit avoir beaucoup plus
d'affinité au patois que le nouveau ; mais il s'est rapproché
du français sur tous les objets qui exigent la communication,
comme ceux de la médecine, des arts, du commerce.
7. — Le? différents cantons du bailliage ont quelques ter-
mes différents pour signifier la même chose, mais on en voit
' Cette lettre est adressée au Président de l'Assemblée nationale.
LETTRES A GREGOIRE ?51
peu dans un canton; ils ont ajouté des termes allég:orii|ues,
pour donner plus d'énergie.
8. — Le patois en lui-même n'a pas plus d'abondance en
termes sur les sujets différents ; mais les allusions sont d'une
abondance singulière dans la colère, la satire et la gaieté. Les
exemples sont très-propres à faire connaître le langage et le
génie des habitants ; on en rapportera quelques-uns. Un par-
ticulier, voyant écrire un homme de loi, dit : Voutra pluinma
veule bin ; Votre plume vole bien. Il disait vrai dans son sens. Un
autre, parlant d'un particulier qui avait un soin excessif de sa
personne, dit : Y fara triais la terra po Cantarai ; Il fera trier
la terre pour l'enterrer. Un autre disait d'un homme qui était
mort la veille de Noël : Lo diable es bin fin, il a prai... la veille
de Noyé por en faille sa tronche ; Le diable est bien fin, il a pris. . .
la veille de Noël pour en faire sa tronche. L'usage est de conser-
ver la plus grosse bûche pour la veille de Noël; ils l'appellent
tronche. Un autre, parlant d'un absent qui devait être bientôt
de retour, dit: Qu il s'en vigne comme la bina, en quatro quarti;
Qu'il s^ en vienne comme la lune, en quatre quartiers. Un autre,
enfin, dit en colère : Quatant de cinq cens millions de diaiblos te
trainnent en enfer qui faudret de friimis por trainnoit Lyon à
Paris ; Qu'autant de cinq cents millions de diables te traînent en
enfer quil faudrait de fourmis pour traîner Lyon à Paris, etc .
9. — On a toujours cru que le patois était borné aux objets
propres aux gens de la campagne, mais un exemple nous a con-
vaincu qu'il pouvait être propre aux sciences. Un ecclésiastique
de cette ville, que je fréquentais beaucoup, inventa, par la
seule force de son génie, un nouveau système astronomique. Il
était né mécanicien et fit une sphère pour la démonstration de
son système. La langue française lui parut d'une marche trop
lente pour l'expliquer ; il donna la préférence au patois, qui
lui était famillier, à la réserve des termes astronomiques qu'il
ne trouvait pas dans le patois. Il acquit cependant une répu-
tation qui lui procura des visites de savants qui ne l'auraient
pas entendu sans le secours de la sphère. Il fut mandé à Pa-
ris ; mais son langage, ses réformes des idées des autres, lui
firent manquer le succès.
10. — La faiblesse humaine est de tous les pajs. Le patois
25? DIALECTES MODERNES
a des termes [ obscènes] qui lui sont propres; mais les expres-
sions sont si incrénieiises, que les personnes les plus rigriries ne
peuvent se défendre d'en rire.
11. — Le patois n'a que les jurements du français, mais
les imprécations j sont singulières ; voyez la réponse sur l'ar-
ticle 8.
12. — Le patois est laconique et capable de réduire à très-
peu de chose le sens des brochures du jour.
13. — Les finales du patois sont le plus souvent consonnes.
14. — La prononciation n'est ni gutturale, ni sifflante, mais
traînante : mais il en est qui le parlent vite et avec grâce.
15. — On ne met pas le patois en écrit ; ceux qui, dans un
badinage, l'ont entrepris, l'ont fait d'après la prononciation,
car il n'y a jamais eu de grammaire ni de dictionnaire sur ce
jargon.
16. — V. la réponse sur l'article. 1.
17. — L'énergie et la naïveté du patois en avaient con-
servé l'usage dans cette ville en conversation; mais le torrent
de la mode et du bon ton l'a rélégué au menu peuple, qui com-
mence à le dédaigner.
18. — Le patois est dominant dans les conversations des
gens de la campagne du bailliage, qui a environ trente-trois
mille toises du midi au septentrion , et vingt-trois mille du
levant au couchant.
19. — Les campagnards permanents parlent peu français
et très-mal ; ceux qui voyagent le parlent moins mal ; ceux
qui se sont absentés plusieurs années le parlent assez bien.
20, 21, 22. — On n'a jamais ouï dire qu'on ait prêché en pa-
tois; les inscriptions du pays sont toutes en latin ou en fran-
çais. V. réponse sur l'art. 15.
23, 24, 25. — On n'a connu en patois que des chansons faites
pour les danses des gens de la campagne, dont les rimes sont
très-inexactes; le patois n'en est pas susceptible.
26. — On ne connaît pas de proverbes propres au patois.
On y a reçu ceux du français, lesquels, habillés en patois, ne
perdent rien de leur mérite.
27. — Le patois du pays a moins d'influence sur les mœurs
que les mœurs sur le langage. Sa simplicité, sa naïveté prou-
LETTRES A GREGOIRE ?53
vent les mœurs. La parure de la langue française est bien ])lus
dangereuse.
28, — V. la réponse sur Fart. 6.
29, 30. — On ne voit d'importance que dans la conserva-
tion du patois. 11 est le langage du bon sens et de la belle sim-
plicité, double mérite augmente par conséquent tous les jours.
On a remarqué que le dédain du patois n'a pris que dans ceux
de la campagne qui n'ont ni bon sens ni mœurs ; ils sont en
petit nombre. La plupart sait l'apprécier et ne se résoudra ja-
mais à le quitter.
31. — Dans les campagnes, l'enseignement a toujours été
fait en français, sur des livres ascétiques, et l'instruction sur le
catéchisme du diocèse.
32. — Chaque paroisse a son maiirs d'école, qui habite ati
chef-lieu. Quelques cantons qui en sont éloignés s'en donnent
avec l'approbation de l'ordinaire. Ils enseignent garçons et
filles, parce qu'il n'y a pas de personnes assez instruites pour
faire les fonctions de maîtresse d'école.
33. — On n'enseigne, dans ces écoles, qu'à lire, écrire et
chifl'rer.
34. 35 . — Elles sont bien surveillées, et l'on n'en a pas en-
core eu de sujet de plainte. M. l'évêque défunt a fait distri-
buer dans les paroisses beaucoup de livres ; il en a laissé beau-
coup qui ont été à leur destination.
35. — Les gens de la campagne ne manquent [pas] de goût
pour la lecture, mais ils donnent une juste préférence aux ou-
vrages de leur état. En hiver principalement, ils lisent ou font
lire par leurs enfants, en famille, des livres ascétiques.
37. — L'office de juge, que j'ai exercé pendant longtemps,
m'a occasionné des séjours à la campagne. Je voyais leurs
livres dans les temps qui interrompaient mes occupations; j'y
ai souvent vu des ouvrages de piété. Le voisinage de certains
auteurs célèbres*, qui ont souillé et avili leur plume sur la tin
de leur carrière, y avait répandu des brochures dangereuses
pour les mœurs et la religion, qui ont introduit et nourri le
trouble et l'anarchie à Genève. Je trouvais de ces ouvrages
I E?t-il besoin de dire que c'est du ciloi/en de Genève et du patriarche
de Ferney qu'il est ici question?
254 DIALECTES MODERNES
chez un commerçant qui était séduit; mais, à l'aide de son bon
sens, je lui lis apercevoir le faible de ces écrits, leurs absurdi-
tés, leurs inconséquences et leurs contradictions. Il en revint,
et a fini sa vie avec édification. Un petit nombre d'autres ont
été désabusés.
38. — Il n'est pas de peuple sans préjugé; mais je n'en ia
pas connu de dangereux dans la campagne. Il y a eu plus de
superstitions, dont on les a désabusés.
39, 40. — Les gens de la campagne ont trop d'occupation
d'état pour s'attacher à s'instruire sur tout ce qui n'y a pas
du rapport. Ceux qui ont poussé leur curiosité au delà se
sont donnés aux écrits de mode, qui se répandent avec trop
de liberté, et, n'y trouvant que des mots, ou des doutes et
des incertitudes, la plupart ont fini par les mépriser II est
dangereux * que la jeunesse ne soit séduite, ce qui serait un
grand mal parmi des ignorants sans éducation, qui ne con-
naissent ni bienséance ni modération, et qui donheraient dans
le fanatisme. Il n'a que trop été funeste pour la religion, dans le
temps que le torrent qui entraîne les esprits faibles était pour
elle, quoiqu'elle le désavouât. Par la même raison, il a pris un
cours opposé, où il serait bien plus dangereux, parce qu'il n'y
aurait aucun frein. Le remède au mal serait d'arrêter tous les
ouvrages contraires aux mœurs, à la religion et au gouverne-
ment, directement ou indirectement, qui sont des boîtes de
Pandore propres à répandre la dépravation, le trouble et
l'anarchie ^.
41. — La Révolution n'a été suivie d'aucun mauvais effet
dans notre bailliage. Nous n'avons éprou""é ni insurrection, ni
trouble ; l'ordre et la tranquillité ont toujours régné ici. L'at-
tachement pour les ministres de ia religion a occasionné quel-
ques plaintes sur la pression de la dîme ; mais on les a con-
solés en leur disant qu'elle serait remplacée par un impôt avec
plus d'étendue et de justice.
42. — Le patriotisme règne, dans ce pays, tout au moins
autant que nulle part. L'intérêt particulier cependant, dans
* C'est-à-dire U est à craindre; latinisme.
- Ce raisonnement ressemble un peu à celui de Sganarelle : nous
n'avons pas cru devoir changer un seul mot.
LETTRES A GREGOIRE 255
des familles qui n'ont pour la plupart que leur subsistance,
conserve ses droits. Mais on leur tait apercevoir que la reli-
gion a mis le patriotisme au rang de leurs devoirs, que le bien
général refluait sur le particulier, et que du bon ordre dépen-
daient leurs fortunes et leur tranquillité.
43. — On a toujours conservé les mêmes égards pour
M. l'Evêque, les chanoines, ci-devant gentilshommes, et autres
prêtres séculiers et réguliers. Pour preuve, on rapportera des
faits. M. FEvêque est au rang des notables de la municipalité ;
les municipaux et les notables se sont régalés réciproquement,
et M. FEvêque. Sur un bruit d'insurrection de la part des an-
ciens vassaux du chapitre pour leur enlever leurs titres, la
municipalité leur assura qu'ils seraient défendus par notre
milice nationale. Deux officiers de cette milice allèrent dans
ces terres, pour les exhorter à rester tranquilles et les assurer
qu'ils trouveraient toute la milice pour les arrêter. Ils se con-
vainquirent de la fausseté de ce bruit. Un chanoine est aumô-
nier de notre milice et a été invité à toutes nos fêtes patrioti-
ques. MM. du District ont mis le procédé le plus honnête dans
les inventaires qu'ils ont faits. C'est ainsi que nos habitants
prouvent ia noblesse [sic].
Il n'est pas question du seul département du Jura dans le
document qu'on va lire ; mais l'auteur de cette lettre, qui fut
dans la suite vicaire épiscopal de Blois, et que Grégoire, dans
ses Mémoires, ne craint pas d'appeler un hypocrite abominable,
avait séjourné, probablement comme aumônier ou comme
précepteur, à Salins, àTournon, aux Chapelles-Bourbon, dans
le département de Seine-et-Marne, et finalement au château
de Sullj, dans le Loiret. Les indications qu'il donne sur ces
différents pays sont bonnes à recueillir, malgré son verbiage
et ses prétentions de réformateur religieux.
Monsieur l'Evèque,
Je vais essayer de concourir à vos vues morales et patrio-
tiques, en répondant à vos questions sur le patois. Je vous
soumets entièrement mes idées ; puissent-elles entrer dans la
256 DIALECTES MODERNES
composition de votre ouvrage, lorsque vous les aurez embel-
lies de votre style ! Je répondrai à vos questions par ordre,
relativement à Salins, à Tournon, à Beaumarchais et à Sully.
M.-J.-P. ROCHEJEAN
1, — La ville de Salins, la plus considérable du départe-
ment du Jura, fait partie de la France depuis la dernière con-
quête de la Franclie-Comté, qui eut lieu, je crois, en 1688 •.
Avant la conquête, la Franche-Comté n'avait d'espagnol que
son gouverneur et quelques tyrans subalternes. Quant à ses
moeurs et à son langage, elle n'était pas plus espagnole que le
Comtat d'Avignon n'est italien , que le duché de Savoie n'est
piémontais. Seulement on rencontre dans le patois et le mau-
vais français du peuple de Salins et de la ci-devant province
quelques tournures et quelques expressions espagnoles, ou qui
tiennent de l'espagnol. Il est moins rare d'y trouver des tra-
ces de la langue allemande, par la raison de son voisinage avec
la Suisse. Le patois de Salins, de la ci-devant Franche-Comté
et de la ci-devant Bourgogne, est un vieur français corrompu '.
Chacun des villages où j'ai été et dont j'ai entendu parler mo-
difie tellement cette source commune de son langage, qu'il
diffère au point d'être presque méconnaissable. Une chose
plus singulière : la ville de Salins, qui est longue presque d'une
demi-lieue, est divisée, de langage et même de mœurs, en
deux parties très-distinctes. Le patois et le français, dans la
partie nord, sont beaucoup plus grossiers et moins français,
et les mœurs beaucoup moins polies que dans la partie sud. La
langue nationale fait tous les jours des progrès sensibles dans
toute la ville ; les vieillards de la bourgeoisie ne parlent plus pa-
tois ; les jeunes gens de la dernière classe savent assez bien le
français. Tout le monde connaît la lâcheté niaise et fastidieuse
de l'accent des Francs-Comtois, dont ils se corrigent très-diffi-
cilement, même en se dépaysant. Un défaut de langage aussi en-
raciné chez eux et plus important est l'inexactitude et le louche
• le leurs constructions.
' C'est 1668 qu'il taul lire.
- Cette erreur est trop manifeste pour qu'il soit besoin Je la reciifier
longuement.
LETTRES A GREGOIRE 257
2. — La réponse à la seconde qutîstion est fondue dans celle
à la première.
3. — Les termes radicaux du patois de P^ranche-Comté sont
les mêmes que ceux du français. Il n'est point riche comme le
languedocien et le provençal ; il a peu do mots composés, mais
il renferme quelques mots d'une énergie très-pittoresque.
4. — Ce que j'ai dit jusqu'à présent nie paraît suffisamment
répondre à la quatrième question.
5 à 12. — Je ne suis jjoint assez habile pour répondre aux
huit suivantes. Seulement je répondrai en deux mots à la neu-
vième, que le patois de Franche-Comté manque d'ex[)ressions
pour les nuances des idées et les objets intellectuels, parce que
les paysans francs-comtois ont des idées très-peu nombreuses
et fort peu nuancées, et parce qu'ils cultivent beaui-oup plus
leurs champs que leurs intelligences.
13. — J'observe que, si peu de mots français rinissent par
i\e^ voyelles, il en est peut-être moins encore qui soient ter-
minés par des voyelles prononcées. Or, dans le patois de
Franche-Comté, on ne trouve des consonnes prononcées qu'à
la iin d'un très-petit nombre de mots, presque entièrement
français. Je placerai ici une autre observation. On dit que
les langues septentrionales sont surchargées de consonnes,
et les langues méridionales abondantes en voyelles; cela n'est
pas généralement vrai, car j'ai vu dans les poésies écossaises
d'Ossian,fils de Fingal, presque tous les mots terminés par des
voyelles, et la langue écossaise est à très-peu de chose près
celle de l'Irlande, de la principauté de Galles et de notre ci-
devant basse Bretagne.
14. — Je passe sur cette question, pour la môme raison que
j'ai passé sur [dusieurs des précédeiites et que je passerai sur
plusieurs des suivantes.
15. — Le patois de Franche-Comté ue s'écrit qu'avec les ca-
ractères français, et je ne sache pas (luMl y ait d'autres ouvra-
ges que des cantiques et des noëls.
19. — Dans les villages les plus éloignés des villes, le peuple
entend un peu le français, mais ne sait pas le parler.
20 à 20. — Je n'ai jamais entendu dire qu'on prêchât ni
qu'on ait prêché en patois dans le pays dont je parle. Même
réponse jusqu'à la vingt-septième (question.
20
258 DIALECTES MODERNES
27. — L'influence du patois sur les mœurs me semble devoir
être d'abaisser les paysans à leurs yeux, en leur faisant penser
qu'ils ont un langage grossier, dédaigné et ignoré des premiè-
res classes de la société. Les mœurs rustiques, naturellement
immuables, imprimeraient leur immutabilité au langage de
tous les campagnards, si ceux-ci ne fréquentaient les villes.
29. — L'effet de la destruction du patois serait d'élever
l'âme, de réunir les cœurs, d'éclairer les esprits; comme l'effet
du patois est de dégrader l'âme par une des distinctions qui
placent le pauvre au-dessous du riche, de conserver dans les
campagnes une ignorance qui met sans cesse les hommes aux
prises avec l'erreur et la fourberie , d'empêcher entre les
hommes la communication des sentiments et des pensées, de
traiter facilement de leurs intérêts, de diviser les départe-
ments, les districts et les communes en autant de peuples diffé-
rents. Le détruire serait travailler pour l'établissement de
l'égalité, donner de grandes facilités à l'instructon publique,
unir en un seul cœur comme en un seul peuple tous les Fran-
çais. L'avantage religieux de la destruction du patois ne serait
moins grand que son avantage politique. Il importe à une
grande partie de la nation de savoir la langue dans laquelle
on l'instruit de la religion, et qui bientôt sera celle de la litur-
gie . L'ignorance de cette langue nécessiterait un grand nom-
bre de traductions des nouveaux livres de liturgie, qu'il est à
désirer de ne pas multiplier, et remettrait le voyageur le plus
instruit dans le cas de ne rien comprendre à l'office de beau-
coup de départements et d'y assister comme le peuple dans
nos églises. Tous les Français doivent savoir lire les bons ou-
vrages que nous avons sur la religion, dans la langue de cen
ouvrages, et non dans des traductions qu'on ne fera pas pour
eux. Enfin, s'il est de l'intérêt public qu'il n'y ait qu'un poids
et une mesure en France, il l'est bien plus encore qu'il n'y ait
qu'un même idiome.
30. -— Les moyens de détruire le patois sont : U de n'ad-
mettre désormais pour maîtres d'école dans les villages que
des hommes qui n'en sachent pas le patois; 2° de fournir
chaque année aux administrateurs de district une somme à
distribuer, en forme de prix d'encouragement, aux trois maî-
LETTRES A GREGOIRE 259
très d'école qui auront le plus contribué à détruire le patois
de leur paroisse ; 3° de distribuer dans les campagnes beau-
coup d'instructions simples en français, sur la religion, la
Constitution, l'agriculture et le commerce; 4° de cesser, dès
que l'intérêt de la religion et des fortunes pai-ticulières le
permettront, de prêcher et de faire les actes civils autrement
qu'en français ; 5° de hâter le moment où le service divin se
fera on langue nationale.
31. — Dans la ci-devant Franche-Comté, l'enseignement se
fait en français; mais, partout, les catéchismes, qui sont les
premiers livres que lisent les enfants, sont peu exacts sur la
doctrine de la foi et sur la décence des mœurs. Rien n'est plus
nécessaire qu'un catéchisme unique, adopté par un concile
national.
32. — Je suis porté à croire qu'il v a un maître ou une
maîtresse d'école dans chaque paroisse de la ci-devant Franche-
Comté, et que le plus grand nombre des villageois y sait lire.
35. — Un assortiment de livres, que devraient avoir MM. les
Curés pour prêter à leui^s paroissiens, est une idée digne
d'avoir été conçue et exécutée par l'auteur de ces questions.
Il a toujours eu en cela, comme dans beaucoup d'autres ex-
pressions de son zèle, très-peu de rivaux, et je crains que,
malgré le renouvellement du clergé, il n'ait toujours que très-
peu d'imitateurs. Mais il vaut mieux qu'un peu de bien se fasse
que pas du tout.
36. _ Si les gens de la campagne n'ont pas le goût de la
lecture, il n'est pas douteux que les curés et les maires ne
puissent le leur imposer. Partout le peuple commence à lire ;
il s'agit d'entretenir l'impulsion donnée. Dans les classes les
plus ignorantes de la société, il se trouve des hommes dignes
d'instruction, qui ne demandent qu'à s'instruire. Je sais que
le peuple est très-apathique ; mais je sais qu'il l'est moins de
jour en jour, et qu'il renferme assez d'hommes avides d'in-
struction pour en rendre plus ou moins lentement le goût uni-
versel.
37. — Les paysans de la ci-devant Franche-Comté sont,
comme, je le crois, dans tous les départements, à une certaine
distance des grandes villes, routiniers, très-opiniâtres dans
260 DIALECTES MODERNES
K;ur manière de cultiver la terre, beaucoup plus dévots envers
une statue de la Vierge ou d'un saint en réputation qu'en-
vers J.-C, et persuadés de l'existence des revenants.
42. — La hauteur des sentiments patriotiques me paraît
devoir être au-dessus des lumières et des vieilles affections
des habitants de la campagne ; mais j'ai trop bonne idée de la
nature humaine pour ne pas croire que, s'ils avaient de justes
idées de l'intérêt public, ils ne devinssent d'excellents pa-
triotes.
43. — Dans la ville de Salins, tous les fonctionnaires ecclé-
siastiques ont prêté le serment; les chanoines j seront peu
regrettés, quoiqu'ils n'j donnassent aucun mauvais exemple
et que quelques-uns y exerçassent le ministère avec beaucoup
de fruit. On y est, comme presque partout, très-patriote. La
faute qu'un ci-devant noble a faite fie garder longtemps de
grandes provisions de blé, pendant la dernière famine et la
précédente, n'a pas peu servi à décréditer la noblesse. Le jour
de la Fédération, on a obligé les nobles de la ville à aller au
lieu de la cérémonie prêter le serment civique. Je ne pense
pas que, depuis cette époque, la haine et la déiiance de la no-
blesse soient diminuées; chaque jour, la résurrection des or-
dres devient [)lus impossible. Cette observation est surtout
vraie pour les départements qui ont remplacé les ci-devant
comté et duché de Bougogne, où le ])atriotisme s'est monrré,
dès le commencemeut, avec plus de constance et de vigueur.
Tournon, chef-lieu de district dans le département de l'Ar-
dèche, située au ])ied d'un coteau qui fait face à celui qui
produit le fameux vin de l'Hermitage, est peuplée de près de
4,000 personnes, qui toutes entendent le français, et dont
les plus pauvres ne le savent guère parler. Les habitants des
villages et hameaux qui sont à moins d'une lipue de la ville
n'entendent pas mot de la langue nationale. La leur, qui est
aussi celle du peuple de Tournon, tient plus du languedocien
que de toute autre; son caractère général est celui des idiomes
méridionaux. Il change de distance en distance, tellement qu'à
Satillieu, éloigné seulement de cinq lieues de Tournon, il est
LETTRES A GREGOIRE 261
rres-différent ; il devient moins Irançais et plus grossier à me-
sure qui; Ton s'éloigne des villes.
On trouve dans les environs de Tournon, et surtout en
suivant la plaine du Rhône, beaucoup d'inscriptions, de mo-
saïques, de taui'oboles, d'urnes, d'idoles et de monnaies ro-
maines. A Tain, situé au delà du Rhône, vis-à-vis Tournon,
un taurobole sert de piédestal à la croix qui est sur la place
du port. Aune demi-lieue de Tournon, une pierre portant une
inscription très-bien conservée, en l'honneur de Trajan, est la
pierre angulaire d'une église de paroisse. .
Je n'ai point assez vu le peuple de Tournon pour vous don-
ner de plus grands détails sur son langage et sur ses mœurs,
sans m'exposer à faire fléchir la vérité. Pour les observations
générales, je vous prie de vous référer à ce que j'ai dit sur la
ci-devant Franche-C.'omté.
A suivre. )
-.t>~&,^rSO-Ji-'^ —
Concours du Chant du Latin
PIÈCE COURONNÉE
CANTUL GINTEI LATINE
Latina gintâ e reginâ
Intre aile lumii ginte mari.
Ea pôrtâ'n frunte o stea divinâ
Luciud prin timpii seculari.
Menirea ei tôt înainte
Mâret îndréptâ pasii sei.
Ea merge'n capul altor ginte
Versând lumina'n urma ei .
Latina gintâ'i o verginà
Cu farmec dulce, râpitor.
Strâinu'n façiâ'i se închinâ
Si pe genuchi cade cu dor,
LE CHANT DE LA RACE LATINE
La race latine est reine — parmi les grandes races du monde. —
Elle porte sur le front une étoile divine, — qui luit à travers les
temps séculaires. — Le destin, — toujours en avant. — dirige ses
pas d'une manière grandiose. — Elle marciie à la tète des autres
races, — versant la lumière derrière elle.
Ija race latine est une vierge — au charme doux et ravissant. —
L'étranijer en face d'elle s'incline : — il tombe à ses genoux avec un
' La Société publiera bientôt, eu un volume distinct de la Revue, la re-
lation du concours du Chant du Latin et des réunions scientifiques ou
littéraires qui Tout précédé et suivi, dans la deuxième quinzaine du mois
de mai. En attendant l'apparition de ce volume, elle croit devoir insérer
dans le présent fascicule les principales pièces de poésie de la s'!-ance
tenus au Peyroa 1^ 25 mai. c'est-à-dire le Chant de la Race latine de
B. Alecsandi'i. h poésie fie Matheu y Fornells et l'appel à la Raço Intino
de F. Mistral.
CANTUL GINTEI LATINE 2^^
Frumôsâ, vie, zîmbitôre,
Sub cer senin, în aer cald,
Ea se mirézâ'n splendid sôre,
Se scaldâ 'n mare de smarald.
Latiua gintâ are parte
De aile pâmêntului comori,
Si mult voios ea le imparte
Cu celle-1-alte a ei surori.
Dar e terribilô'n manie
Când braçiul ei liberator
Lovesce 'n cruda tirante,
Se luptâ pentru al seu onor .
La dina cea de iudecatâ
Când, façiâ'n cer cu Domnul sânt,
Latina gintà a fi 'ntrebatâ :
« Ce a fâcut pe acest pâment? »
Ea va respunde sus si tare :
« 0 ! Dômne, 'n lume cât am stat,
» In ocliii sei plini de admirare,
» Pe tine te am represintat ! »
B. Alecsandri
Mircesti (Roumanie).
désir mêlé de regret. — Belle, vive, souriante, — sous le ciel se-
rein, dans l'air chaud, — elle se mire au soleil splendide, — elle se
baigne dans une mer d'émeraude.
La race latine a sa part — des trésors de la terre, — et bien vo-
lontiers elle les partage — avec les autres de ses sœurs. — Mais
elle est terrible en [sa] colère — quand son bras libérateur — frappe
la cruelle tyrannie, — [ou] lutte pour son honneur.
Au jour de ce jugement, — quand au Ciel, en face du Seigneur
saint, — la race latine sera interrogée : — « Qu'a-t-elle fait sur cette
terre ?» — Elle répondra haut et ferme : — « Oh ! Seigneur, au
» monde tant que je suis restée — à ses yeux pleins d'admiration.
» c'est toi que j'ai représenté! »
B. Aleisandri
Mircesti (Roumanie).
LO GANT DEL LLATl
Mentres nos quede dins la memorin
L'imatge viva del temps passât ;
Menti'es nos lligue la nostra historia
Ab lias fortissim de germa iidat,
Serèm Llajins :
Llaiius 11 fora, LIatins ;i dins,
Sempre LIatins !
Menrres ressone pei- nostres platjf^=;
Del mar de Roma Cetern udol,
Y'I mestral infle ses amples rat] es
Y'ns petoneje la Hum del sol,
Serèm LIatins;
LIatins à fora, LIatins a dins,
Sempre LIatins !
Mentres les segues ora])len les ères,
Y'is ceps engrexen nostres cellers.
Y cad' any Ueven les oliveres,
Y reverdescan nostres llorers,
Serèm LIatins;
LIatins à fora, LIatins a dins,
Sempre LIatins !
LE CHANT DU LATIN -
Tant quB restera dans notre mémoire — l'image vive du temps
passé; — tant quo notre histoire nous liera—- par le lien très-fort
de la fraternité, — nous serons Latins; — Lutins an dehors, Lntins
au dedans, — toujours Latins!
Tant que retentira sur nos plages — delà merde Home la plainte
éternelle; — tant (|ue le mistral souillera sur nous ses grandes
tempêtes — et que nous brunira de son baiser la lumière du
soleil, — nous serons Latins ;— Latins au dehors. Latins au dedans.
— toujours Latins !
Tant (]ue les moissons rempliront les aires, — qu(,' les ceps des
vignes engraisseront nos celliers,— que chaque année fructifieront
les oliviers — et reverdiront nos lauriers, — nous scions Latins ; —
Latins au dehors. Latins au dedans, — toujours Latins !
LO CANT DEL LLATI 26r)
Mentres nosquede la Uar dels avis.
Y aprop Tesglesia d'estil antich,
^" la Uatina parla en los llabis.
Y a fora casa ni un enemich,
Serèm Llatins;
Ijlatins à fora, Llalins â diii<.
Sempre Llatins !
Mentres perillen d'una destrossn
Les nostres dones en desconsol.
Los nostres pares dintre lafossa,
Los fiUets nostres dintre '1 bressol.
Serèm Llatins;
Llatins â fora, Llatins â dins,
Sempre Llatins!
Mentres nos queden sis pams de terra.
Y un' arma vella per guerrejar,
Y un pit contrari pel nostre ferre,
Y un fil de vida per respirar,
Serèm Llatins;
Llatins â fora, Llatins à dins
Sempre Llatins !
F. MaTHKC r FoRNELLS
((Catalan)
Tant que nous restera le foyer des aïeux, — et près de lui l'église
de style antique, — et la langue latine sur nos lèvres, — et au dehors
(le la maison un ennemi, — nous serons I.atins: — Latins au dehors
Latins au dedans. — toujours Latins !
Tant qu'il y aura crainte de défaite . — pour nos dames
en deuil, — et pour nos pères dans la fosse. — et pour nos petits
enfants dans le berceau, — nous serons Latins ;— Latins au <lehors,
Latins au dedans, — toujours Latins.
Tant que si.x: pans de terre nous resteront — rt une arme anti(pie
pour guerroyer, — et une poitrine ennemie pour notre glaive, — et
un reste de souffle pour respirer. — nous seron.- L.itms : — Latins
au dehors, Latins au dedans, — toujours Latins!
Fr. Matîiku V KouNiiLi,s.
A LA RAÇO LATINO
Aubouro-te, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la tinn,
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
Emé toun peu que se desnouso
A Tauro santo dôu Tabor,
Tu sies la raço lumenouso
Que viéu de joio e d' estrambord;
Tu sies la raço apoustoulico
Que sono li campano à brand;
Tu sies la troumpo que publico,
E sies la man que trais lou gran.
Aubouro-te, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la tino,
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
Ta lengo maire, aquéu grand flume
Que pèr sèt branco s'espandis,
A LA RACE LATINE
Releve-toi. race latine. — sous h^ manteau île ton soleil! — I-e
raisin brun bout dans la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
Avec tes cheveux dénoués — au souffle sacré du Tliabor, — tu
es la race lumineuse — qui vit de joie et d'enthousiasme ; — tu es
la race apostolique — qui sonne les volées des cloches; — tu es la
trompe qui publie — et la main qui jette le grain.
Relève-toi, race latine, — sous le manteau de ton soleil! — Le
raibin brun bout dans la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
Ta langue mère, ce grand fleuve — qui par sept branches se
A LA RAÇO LATINO 267
Largant l'amour, largant lou lume.
Coume un resson de paradis;
Talengo d'or, fihoroumaao
Dôu pople-rèi, eslacansoun
Que rediran li bouco umano.
Tant que lou Verbe auraresoun.
Aubouro-te, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la tino,
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
Toun sang ilustre, de tout caire,
Pèr la justice a fa rajôu;
Au mounde vici ti navegaire
Soun ana querre un mounde nèu ;
I batedis de ta pensado
As esclapa cent cop ti rèi :
Ah ! se noun ères divisado,
Vuei, quau poudrié te faire lèi ?
Aubouro-te, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la tino,
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
répand, — versant l'amour el la lumière — comme un écho de
paradis, — ta lanççue d'or, fille romane — du pouple-roi, est la
chanson — que redira la bouche humaine. — tant que le Verbe
aura raison.
Relève-toi, race latine, — sous le manteau de ton soleil ! — Le
raisin brun bout dans- la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
De toutes parts, ton sang illustre — pour la justice a ruisselé; —
tes navigateurs au vieux monde — ont conquis un monde nou-
veau;— aux battements de ta pensée, — tu as brisé cent fois tes
rois. . . — x\h! si tu n'étais divisée, — qui pourrait aujourd'hui te
vaincre?
Relève-toi, race latine, — sous le manteau de ton soleil! — \>p
raisin brun bout dans la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
2e,fi nrvi.RrTi'is modkknrs
A la belugo dis estello
Abrant lou mou de tounflambèu,
Dintre lou mabre e sus la telo
As encarnalou subre-bèu.
De l'art divin sies la patrio,
E touio grkci vèn de tu !
Sies lou sourgènt de Talegi'io
E sies Teterno jouventu !
Aubouro-te, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la rino.
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
Di formo puro de ti femo
Li panteon se soun poupla;
A ti triounfle, à ti lagremo.
Tôuti li cor an barbela.
Flouris la terro, quand fas flôri:
De ti foulié cadun vèn fôu .
E dins l'esclùssi de ta glôri
Sèmpre lou mounde a pourta dou.
Aubouro-fe, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la tino,
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
A l'étincelle des étoiles — allumant là-haut ton flambeau, —
tu a.>, dans le marbre et la toile. — incarné la beauté suprême. —
De l'art divin tu es la patrie, — et toute grâce vient de toi! — (^l'est,
toi la source d'allégresse: — c'est toi la jeunesse éternelle!
Relève-toi, race latine, — sous le manteau de ton soleil! — Le
raisin brun bout dans la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
Des formes pures de tes femmes — les panthéons se sont peu-
plés ; — à tes triomphes, à tes larmes, — tous les cœurs ont battu
d'émoi. — Quand tu fleuris, fleurit la terre; — de tes folies chacun
s'affole, — et dans l'éclipsé de ta gloire — toujours le monde porta
deuil.
Relève-toi. race latine, — sous le manteau de ton .soleil 1 — Le
raisin brun bout dans la cuve — elle vin de Dieu va jaillir.
A LA KaÇO latin O 289
Ta lindo luar, la mai' seieiio
Ounte blanquejon li veissèu,
Friso à ti pèd sa molo areno
En miraiant l'azur dou cèu :
Aquelo mar toujour risèiito,
Dieu Tescampè de soun clarun
Courue la cencho treiusènto
Que dèu liga ti pople brun.
Aubouro-te, raço latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la tino,
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
Sus ti coustiero souleiouso
Crèis rôulivié, Faubre de pas ;
Ë de la viguo vertuiouso
S'enourgulisson ti campas.
Raço latino ! en remembranço
De toun destin sèmpre courons,
Aubouro-te vers l'esperanço,
Afrairo-te souto la Crous.
Aubouro-te, raco latino,
Souto la capo dôu soulèu !
Lou rasin brun boui dins la lino.
Lou vin de Dieu gisclara lèu.
!''. Mistral.
(Provençal, sous- dialecte d'Avignon et des bords .!u Rhône.)
Ta mer, si limpide et sereine, — où blanchissent au loin les voiles,
— frise à tes pieds sa molle arène — en reflétant l'azur du ciel : —
cette mer toujours souriante, — Dieu l'rjiancha de sa clarté, —
comme la ceinture splendide — qui doit lier tes peuples brnns.
Relève-toi, race latine, — sous le manteau de ton soleil ! — Le
raisin brun bout dans la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
Sur tes rivages radieux — croît l'olivier, l'arbre de paix: — et de
la vigne plantureuse — s'enorgueillissent tes campagnes. — Race
latine! en souvenir — de ton destin toujours brillant, — relève-toi
vers l'espérance — et fédère -toi sous la Croix !
Uelève-toi, race latine, — sous le manteau de lou soleil ! — Le
raisin brun boutdans la cuve — et le vin de Dieu va jaillir.
F. Mistral.
CALABRUN
A M. G. LISBONNE, D ALES
Lou calabnin toumbavo
Quauqui nivo estiifaroiigissien l'ourizouii.
(Chauvet.)
Dins soun mantéu d'or,
Coume un rèi de glôri
Qu' ufanous e flôri
De soun palais sort,
Lou grand sonlèu rouge
S'esvalis ferouge.
Bressa dins l'azur
D'un cèu clar d'autouno,
Qu'esblèugis, qu'estouno.
Danson dins Ter pur
Mile niéu que pousso
L'auro siavo e douco.
CREPUSCULE
A M. G. LISBONNE, L> ALAIS
Le crépuscule tombait.
Quelques nuages déchirés rougissaioiit riiorizoïi .
(Chauvet. ;
Dans son manteau d'or, — lel qu'un roi glorieux— qui, allier
et florissant, — sort de son palais,
Le grand soleil rouge — disparaît farouche.
Bercés dans l'azur — d'un ciel clair d'automne — qui éblouit,
qui étonne, — dansent dans l'air pur
Mille nuages que chasse — la brise calme et douce.
CAL\BRUN 27 f
Si vivo coulour
Moureto, pourpalo,
Verdo, roso e palo
Brilion dins Tahour.
La naturo endiho
De tant d'escandiho.
Niéu pichot o grand,
Que luse, que lande,
' Coumo dins un hrande,
Se (l(Mi()n la man ;
Au dieu que trocoulo
Fan la farandoulo.
Aquoste, dirias
Uno fiour giganto;
L'autre que Taganto,
Un moustre marrias;
Aquel autre, uno iscio
Que de la mar gisclo.
Fantasti troupèu,
Barrulant lis astre
Senso cliin ni pastre,
T'arrestaras lèu ?
Mounte vas encaro
E niount' ei ta raro?. .
Leurs vives couleurs, — hrunes. i.ourpres. — vortes, roses el
pâles^ — brillent dans l'horizon embrasé.
La nature frémit — de tant de lueurs ardentes.
Nuage petit ou grand. — que l'un lirille, que l'autre llamboie —
comme dans une ronde, — se donnent, la main :
Au Dieu qui se couche, — ils dansent la farandole.
Celui-ci, vous diriez — une fleur géante ; — l'autre qui le saisit,
— un monstre méchant :
Cet autre, une ile — qui de la mer jaillit.
Troupeau fantastique, — parcourant l'espace — sans chien ni
berger, — t'arrèteras-tu bientôt?
Où vas -tu encore? — et quelle est la limite?
272 blALECTKb MODERNKS
Mai, plan-plan, li nièu
Dins Taire oiinte glisson
Sourne s'esvalisson . . .
Calabrun, adieu !
La niue t'enmantello.
Vaqui lis estello !.. .
Looiinrino Ttoikand
(Provençal, sous-dialiicte d'Avignon et di^t: bords du Rhône ;
Mais peu à peu les luiafj'es, — dans l'espace où ils glissent,
- sombres, s'évanouissent. — Crépuscule, adieu!
La nuit te cou vie de son manteau, — voilà les étoiles.
Léontine Goirand
LUNO PLENO
Dins lou cèu blanc coume de la,
Sus li champ blanc coume quand nèvo,
La blanco iuno apereila,
Espandis sa clarta de trèvo.
Lis estello d'or à milioun,
Davans lou dardai de la Iuno,
Pèr faire plaço à si raioun,
S'esvalisson uno pèr uno.
PLEINE LUNE ,
Dans le ciel blanc comme du lait, — sur les champs blancs
comme quand il neiiie, — la blanche lune, dans le loin, — t'panouit
sa clart'; de fantôme.
Les étoiles d'or à millions, — devant le scintillement de la lune,
— pour faire place à ses rayons, — s'évanouissent une à une.
LUKO PLENO 273
Tout es mut, désert : de la soni
E dôu silènci veici Touro.
S'entend que lou murmur di font
Coume uno voues que canto e ploiiro.
Fai clar autant qu en plen miejour ;
Dins li founsour, Toumbro es plus negro ;
Sias esmougu mai que de jour,
E la bello niue vous alegro.
Coume un velet de nùvio es blanc,
Lou castèu, blanc coume un susàri :
Quau cerco sa jouvo ane plan,
D'èstre pas lou jouguct d'un glàri.
Franc d()u ferun paurous que sort,
Sus li camin i'a res en aio ;
Belèu mai que Tome que dor,
L'ome que viho aro pantaio :
Poulit pantai ! souuge risènt
De Famourous pèr sa Mirèio ;
Souveni dis oureto ensèn
Passado au fres souto li lèio ;
Tout est muet, désert : du sommeil — et du silence voici l'heure.
— On nentend que le murmure des fontaines — comme une voix
qui chante et pleure.
Il fait clair autant qu'eu plein midi; — dans les profondeurs
l'ombre est plus noire;- vous êtes ému plus que iieiidant le jour,
— et la belle nuit vous relève.
Gomme un voile de mariée, le château est blanc, — ii est blanc
comme un suaire : - qui cherche son amie aille doucement, - pour
n'être pas le jouet d'un lutin.
Excepté les fauves qui sortent peureu.v, — nul ne se hâte sur les
chemins; — peut-être plus que l'homme qui dort, — l'homme qui
veille rêve maintenant :
Joli rêve, songe riant de l'amoureux pour sa Mireille, — souvenir
des heures charmantes ensemble — passées sous la fraîcheur des
allées;
21
27 ^ DIALECTES MODBKNES
Paillai de l'amo que languis
Eu terro estranjo, ai-las ! souleto,
Vers lûu fougau, vers lou pais,
Voulaut coume uno dindouleto ;
Pèr sa maire, pantai d'enfant;
Gai o doulènt, toujour amaire:
Pantai que vous dis: a De-que fan ? »
Long e divin pantai de maire!
Pèr aquéli que van sus mar
Tendre e segrenous pantaiage ;
Marrit pantai, pantai amar,
Pèr li qu'an fa lou sourne viage.
Parpaioun blu, négri tavan
Que bâton lou front de sis alo ;
Revarié suavo, espravant,
Pantai que vous brulo o vous j alo.
Li nivo eourron. . . Lou mistrau,
Enca mai, fai briha ta fàci.
0 luno ! s'ères un rairau,
Amount pendoula dins l'espàci !
Vers tu, triste, aubourant lis iue.
Quête cliale sarié de vèire,
Misterious mirau, la niue.
Sis amour, sis ami, si rèire !
Hève de l'àme qui languit — en lerre étrangère, hélas! seule,
— vers le foyer, vers le pays, — volant comme une hirondelle;
Rèved'enfant pour sa mère; — joyeux ou dolent, toujours aimant;
— rêve qui vous dit: <« Que font-ils? » — long et divin rêve de mère ;
F^our ceux qui vont sur mer, — rêve tendre et soucieux; — mau-
vais rêve, rêve amer — pour ceux qui ont Jait le sombre voyage.
Bleus papillons, taons noirs — qui battent ie front de leurs ailes ;
— rêverie suave, épouvante; — rêve qui vous brûle ou vous glace.
Les nuages courent.... Le mistral, — encore plus, fait brillertaface.
— 0 lune! si tu étais un miroir, — là-haut suspendu dans l'espace !
Vers toi, tristes, lev;nit les yeux, — qu'il serait délicieux de voir.
— mystérieux miroir, la nuit, — ses amours, ses amis, ses aïeux!
LA BOUMIANO g"! 5
Dins lou cèu blanc coume de la,
Sus li champ blanc coume quand nèvo,
La luno masco apereil^
Escampo sa clarta de trèvo.
Teodor Aubanel.
(Provençal. Avignon et les bord? du RhAiie.)
Dans le ciel blanc comme du lait, — sur les cliainps l)lancs
comme quand il neige, — la lune, sorcière dans le loin, ('pand sa
clartù de fantôme.
Théodore AuFiANioi..
LA BOUMIANO
A M'° A. B., A ROUIAN
— Veni, veni, ma tilheto,
Daisso a([ui la faucilheto;
Balho-me ta ma blanqueto.
Saurei lèu se toun destin
Sara bounur ou chagrin
E se toun cor ta tin-tin.
LA BOHEMIENNE
A MADEMOISELLE A. B., A ROYAN
Viens, viens, ma lillette, — laisse là la faucille ; — donne-moi
ta petite main blanche. — Je saurai bientôt si ton destin — sera
chagrin ou bonheur = et si ton cœur pense à quelqu'un '.
' Littéralement: qui fait tin-tin.
?76 DIALECTES MODhRNES
— U boumiano 1 ma boumiano,
G-ai' aissi ma ma rouiano ;
Grucito-ne pla lous countours.
Digo-me se dins Tabsenso
Moun calignaire à iéu penso ;
Digo sem'aimo toujours.
— Toun estelo, gento filho,
Dins un hourizoun d'or briiho;
Ooumo uno perlo sintilho.
Un jour, crei-zou, tous penous
Trepejaran lou velous
Dins un saloun pie de flous.
— 0 boumiano! ma boumiano.
Se tu SOS tant soubeirano,
Daisso moun hourizoun d'or.
Digo-me se dins Tabsenso
Moun calignaire à iéu penso;
Digo se m'aimo de cor.
— Jouino fillio, aquelo veno,
De sang escarlato pleno.
Es un signe de grandous.
Saras un jour hounourado,
Coumo uno reino entourado
De vailets e de tlatous.
0 bohémienne ! m;i bohémienne, voici ma main de jeune filie
de Royan ; — re^ardes-en bien les contours. — Dis-moi si dans
l'absence — mon amoureux pense à moi, — dis s'il m'aime tou-
jours .
Ton étoile, gentille fillette, — brille dans un horizon d'or ; —
comme une perle elle scintille. — Un jour, crois-le, tes petits
liieds — fouleront le velours — dans un salon plein de fleurs.
O bohémienne! ma bohémienne, — si tu es si souveraine, —
laisse mon horizon d'or. — Dis-moi si dans l'absence mon amou-
reux pense à moi, — dis s'il m'aime [du fond] du cœur.
Jeune tille, cette veine. — gonflée de sang écarlate, — est un
signe de grandeurs. — Tu seras un jour honorée — et entourée,
comme une reine, — de valets et de flatteurs.
LA BOUMlAîsO 27-
— 0 boumiano, ma boumiano,
Se tu SOS tant soubeirano.
Me parles pas de grandous.
Digo-me se dins l'absenso
Moun calignaire à iéu penso;
Digo se m'aimo toujours.
— Jouino filho. aquelo ligno,
Tantblanco que flou d'espigno,
Médis qu'auras de loungs jours.
Ta vielhesso sara belo,
0 ma dousso jouvenselo !
Coumo roso sens pounchous.
— 0 boumiano ! ma boumiano,
Se tu SOS tant soubeirano,
Me parles pas de loungs jours.
Digo-me se dins l'absenso
Moun calignaire à iéu penso ;
Digo se m'aimo toujours.
— Pauro filho, ma scienso
Es al bout de sa puissenso.
De toun cor que trefoulis,
De toun amo malcourado,
Podi pas, o desoulado,
Foro bandi lous soucis.
0 bohémienne ! ma bohémienne, — ï^i tu es si souveraine, ne me
parle pas de grandeurs. — Dis-moi si dans l'absence mon amou-
reux pense à moi. — dis s'il m'aime toujours.
Jeune fille, cette ligne, — aussi blanche que fleur d'épino, — me
dit que tu auras de longs jours. — Ta vieillesse sera belle. — ôma
douce jouvencelle ! — comme une rose sans piquants.
O bohémienne ! ma bohémienne. — si tu es si souveraine, — ne
me parle pas de longs jours. — Dis-moi si dans l'absence — mon
amoureux pense à moi, — dis s'il m'aime toujours.
Pauvre hile, ma science — est au bout de sa puissance. — ^De
ton cœur qui tremble. — de ton âme affligée*, — je ne puis, 6
désolée, — chasser les soucis.
' Littéralemeut : qui a mai au cœur.
278 DIALECTES MODERNES
— O houmiaiio ! ma boumiano,
S os dounc pas tant soubeirano.
De que me fan tas grandous
E toun hourizoun de flous.
S'a moun amo endoulourido
Podes pas rendre la vido?
GUILHEM RONAPARTE-WYSE
A VOUS, Milord, aquestes vers,
Que vous mandi sens ges de crento ;
CarH a digus dins l'univers
Qu'aje l'amo pus indulgento.
Tout en vous trefoulis, l'esprit amai lou cor,
Quand de nostrepaïs entendez lou lengage.
L'escrivez en pouëto, à l'aie fier e d'or.
Vouiajaz en sabent, en sage,
E daissaz apertout treu de vostre passage .
Pensaz qu'à fa valé cadun, quand ven soun tour,
Acô d'aqui nous met en de vivos alarmos
E nous forso tant lèu à vous rendre las armos,
Sens poudre en res de res vous paga de retour.
C. Laforgue.
(Languedocien, Quarante et ses environs. }
0 bohémienne! ma bohém enne, — tu n'es donc pas si souveraine
— Que me font tes grandeur? — et ton horizon de fleurs. — si à mon
Hine attristée — tu ne peux rendre ]a vie ?
A Guillaume-G. Bonaparte-Wyse
A vous, -Mylord, ces vers — que je vous envoie .sans crainte. —
car il n'est personne dans l'univers — qui ait l'âme plus indul-
gente [que vous]. — Tout en vous tressaille, l'esprit et le cœur, —
quand vous entendez le langage de notre pays. — Vous l'écrivez en
poëte, au souffle fier et d'or. — Vous voyagez en savant, en sage,—
et laissez partout trace de votre passage. — Vous ne pensez qu'à
faire valoir chacun, lorsque son tour vient. — Tout cela nous met
en de vives alarmes — et nous force aussitôt à vous rendre les
nrmos, — sans pouvoir en rien vous payer de retour.
C. Laforgue.
A LA MAR LATINA
0 bressaira de lum amai d'allegretat !
Tas crsas, couma d'iols linsas e souiijarola.-^
Qu'enfloura, toun pantai, d'illas lugrejarelas,
Autant qu'un cel preclar alargoun la clartat.
Tanda clartat, que fai de cada ime atindat
Un clar meravilhous, miralhaire d'estelas,
E regat per vesiouns, emb de magicas vêlas
Que van questant pertout e Sapiençia e Bèutat;
Car, s'emerga de tus TAfroudita-daurada,
A Minerva-Athenè toun siau blous tant agrada,
Qu'en subre-amor de tus lou garda en soun esgard.
Antau, couma de dieus roudant una urna nntica.
Veiràs tous fils latins, coupa serena, ô Mar !
T'abrassà d'una volta estrecha e pacefica.
Lidia de Ricard.
(Languedocien, environs de Montpellier.)
A LA MER LATINE
0 berceuse de lumière et d'allégresse, — tes vagues, profondes
et songeuses comme des yeux — que ion rêve fleurit d'îles étin-
celantes, — autant que le ciel splendide épandent la clarté.
Candide clarté, qui fait de chaque esprit [rendu] translucide — un
lac merveilleux où se mirent les étoiles, — un lac sillonné de visions
aux voiles magiques, — qui vont cherchant partout et Sagesse et
Beauté ;
Car, si elle émerge de toi, l'Aphrodite dorée, — ton calme limpide
plait tant à Minerve-Athénè, — que, par suprême amour de toi,
elle le garde dans son regard.
. Aussi, comme «les dieux qui entourent une urne antique. —
verras-tu tes fils latins, coupe sereine, ô Mer! — t'embrasser
d'une ronde étroite et pacifique !
Lydie de Ricard.
A MOUNT-PELIE
Vendue lou mes de mai, ô reina miejournala !
Veiràs courre ver tus per caire e per camin ;
Seras, en même tems que vila majourala,
Seti das Jocs flouraus dau viel pople latin.
De la granda cansoun, de la cansoun troumfala ',
La premieira ausiràs lou sublime refrin;
L'ausiràs brounzinà dins la leni?a inmourtala,
Que voulen releva coume un parla divin.
Felibres, gardaren longa-mai souvenença ;
E, lou jour benesit de nosta renaissença,
Vendren toutes à tus en nous sarrant la man.
Sagatuns verturious d'una raça aublidada,
Mema fe dinslou cor, dessus toun Esplanada,
Faren trementl Taire au nouvel cant ronman !
A. Roux.
(Languedocien. Lunel-Viel et ses environs )
A MONTPELLIER
Yienne le mois de mai, ô reine du Midi ! — tu verras courir vers
toi par coins et par chemins ;— tu seras, en même temps que ville
majorale, — siège des Jeux floraux du vieux peuple latin.
De la grande chanson, de la chanson triomphale, — tu enten-
dras, la première, I^ sublime refrain; — tu l'entendras bruire dans
la lani^ue immortelle — que nous voulons relever comme un par-
ler des dieux.
Félihres. nous garderons sans cesse souvenance ; — et, le jour
béni (le notre renaissance, — nous viendrons tous à toi en nous
serrant la main.
Rejetons vigoureux d'une race oubliée, — la même foi dans le
cieur sur ton Es[ilanade, — nous ferons retentir l'air du nouveau
chant roman !
A. Roux.
' La Chanson du Latin.
LOU BRANLE
DE LAS TEELHAS
Eh ! atanlà !
Passa, se vos passa,
Passa jouta las trelhas.
Eh ! atanlà !
Passa, se vos passa.
Très cops sens t'arrestà .
— Cap de jouvent.
Que vas coume lou vent.
Espéra ta poulida:
Cap de jouvent.
Que vas coume lou vent,
Espera-la que ven.
— Lou mes de mai
S'espandis fres e gai,
La rosa es espelida ;
Lou mes de mai
LA RONDE DES TREILLES
Eh ! atanlà ! — passe, si tu veux passer, — passe sotis le?
treilles. — Eh! atanlà ! — passe, si tu veux passer, — trois fois
sans t'arrèter.
(jhef des jouvenceaux. — qui vas comme le vent, — attends ta
belle ; — chef des jouvenceaux. — qui vas comme le vent, — attends-
la qui vient.
• Le mois de mai — s'épanouit frais et joyeux, — la rose est éclose:
' C'est le refram traditionael de la danse des Treilles aux environs
de Montpellier. Les couplets ont été composés par l'a'iteur à l'occasion
des Fêtes latines. Ils sont alternativement chantés par les filles et les
garçons.
2^2 niALKCTES MOBKRNBS
S'espandis fres o jrai.
Tout canta mai que mai
— Lous aucelous, .
Sus lous aubres en flous,
Disoun sas cansounetas ;
Lou aucelous,
Sus lous aubres en flous,
Rendoun moun cor jalous.
— Coume eles, ieu,
Angeta dau bon Dieu,
Se vos de poutounetas ;
Coume eles, ieu,
Angeta dau bon Dieu,
Que n'en fariei, boudieu ! ,
— Brave galant,
Sen pas au jour de Tan,
Gardas vostas brassadas ;
Brave galant,
Sen pas au jour de l'an,
Fourviàs-vous de davans.
— Au mes d'amour,
7
Poutounejoun toujour
Dos amas embrasadas ;
— le mois do mai — s'épanouit frais etjoyeux. — tout clianto plus
que jamais.
Les petits oiseaux — sur les arbres en fleurs — disent leurs
chansonnettes; — les petits oiseaux — sur les arbres en fleurs —
rendent mon cœur jaloux.
Comme eux, moi, — angelei du bon Dieu, — si tu veux des
baisers; — comme eux, moi, — angelet du bon Dieu, — j'en ferais,
ob ! oui!
Brave amoureux, — nous ne sommes pas au ( premier) jour de
l'an, — gardez vos embrassades; — brave amoureux, — nous ne
sommes pas au jour de l'an, — levez-vous de devant moi.
Au mois (les amours, — s'embrassent toujours — deux âmes en-
LOU BRANLE DE LAS TRELHAS ?8 !
Au mes d'amour,
Poutounejoun toujour
La nioch coume lou jour.
— S'acô's antau,
Vendrés à moun oustau,
Vous ie serai proumessa ;
S'acô 's antau,
Vendrés à moun oustau ;
Moun paire es pas hrut^n !
— Ma bêla enfant,
Per ameisà ma fam.
Aici la taula es messa :
Ma bêla enfant,
Per amaisà ma fam,
De qu'esperà deman ?
— Ses pas countent?
Adessiàs, bèu jouvènt,
Passas bona la festa !
Se? pas countent ?
Adessiàs, bèujouvent:
M'en vau, qu'ai pas lou tems.
— Oh ! jour charmant!
Mignota, prend ma man.
Pus tard veiren lou resta;
flammées; — au mois des amours, — elles s'embrassent, toujours.
— la nuit comme le jour.
S'il en est ainsi, — vous viendrez à ma maison, — je vous y serai
promise; — s'il en est ainsi. — vous viendrez à ma maison: —
mon père n'est point brutal.
Ma belle enfant, — pour apaiser ma faim, —la table est mise
ici : — ma belle enfant. — podr apaiser ma faim, — pourquoi atten-
dre demain ?
Vous n'êtes pas content.^— Bien le bonjour, beau jeune homme;
— passez bonne la fête! — Vous n'êtes pas content? — Adieu
beau jeune homme ; — je m'en vais, car je n'ai pas le temps.
O jour charmant 1 — Mignonne, prends ma main , — plus tard
884 DIALECTES MODERNEF
Oh ! jour charmant!
Mignota, prend ma mau
Embé moun cor aimant ! . . .
Eh ! atanlà !
Passa, se vos passa.
Passa jouta las trelhas.
Eh ! atanlà !
Passa, se vos passa,
Très cops sens t'arrestà ! . . .
Louis ROUMIEUX.
'Languedocien, sous-dialecle de Montpellier.)
nous verrons le reste; — 6 jour charmant ! —mignonne, prends
ma main — avec mon cœur aimant 1. . . .
Eh ! atanlà! — passe, si tu veux passer, — passe sous les treilles.
Eh! atanlà! — passe, si tu veux passer, — trois fois sans t'ar-
rêter.
Louis RouMiEUx.
L'AUTOUNA
PANTAIAGK
Dins la vida, souvent nosta ama es atendria
E pensa à Dieu.
Eren à la sasou de la malancounia,
Après l'estieu ;
Lous aubres, despolhats de sa verda parura.
Eroun mouquets;
L'AUTOMNE
RÊVERIE
Dans la vie, souvent notre âme est attendrie — et pense à
Dieu. — Nous étions à la saison de la mélancolie, — après l'été; —
les arbres, dépouillés de leur verte parure. — étaient tristes; —
L ATITOmsA 285
Lous raisses dau sourel, esclairant sa ramura.
Venien fresquets.
Las fiolhas sus lou sôu, toumbadas per rantouna.
S'acoutissien ;
Roussegadas dau vent, dansant la farandouna,
S'enfugissien .
Lou pin armounious disiè sa cansounota
De long dau rieu,
E lous passerounets, en bâtent de Taleta,
Fasien pieu-pieu.
Déjà la trista nèu davalava à grands flecas,
E soun lençèu
S'espandissiè plan-plan dessus las tiolhas secas :
Tout era dôu !
Eu vegent aquel glas de Tannada mourenta,
Tremoulissiei ;
Moun cor era mens caud, moun ama mai doulenta :
leu vielhissiei !
C. Gros.
( Languedocien, Montpellier et ses environs. ;
les rayons du soleil, éclairant leur feuillage. — tombaient presque
refroidis.
Les feuilles sur le sol, couchées par l'automne, — se poursui-
vaieni; — roulées par le vent, dansant la farandole, — elles s'en-
fuyaient. — Le pin harmonieux disait sa chan»on — le long du
ruisseau. — et les petits oiseaux, en battant de l'aile, — piaulaient.
Déjà la triste neige descendait à larges flocons, — et, son lin-
ceul — s'étendait doucement sur les feuilles sèches: — tout était
deuil. — En voyant ce glas del'année mourante. — je tressaillais;
— mon cœur était moins chaud. — mon âme plus dolente : — je
vieillissais !
Ch. Gros.
BIBLIOGRAPHIE
La Prise de Damiette en 1219. — Relation inédite en provençal, publiée
et commeiiti^o par Paul Mryer. (extrait de la Ribliothèque deV Ecole des
chartes). In-8% 1877.
Cette relation, (jui malheureusement, — car elle a pour l'histoire
de l'expédition (ju'elle raconte une importance considérable et que
le savant éditeur fait parfaitement ressortir, — ne nous est parvenue
qu'incomplète, nous était déjà connue par l'extrait qu'en donna, il
V a trois ans, M. Meyer lui-même dans son Recueil d'anciens tex-
tes (p. 138). Mais, contrairement à son habitude, il n'en indiqua pas
alors la provenance. Aujourd'hui il nous apprend que le ms. qui
nous a conservé ce précieux fragment appartient à la Bililiothèque
de l'Arsenal, où il porte depuis peu le n" 5,991 .
Après la description du ms., lequel consiste en un cahier in-fol.
de quatre feuillets doubles et renferme, outre notre fragment, la
fin d'une version provençale, différente de celle que Raynouard*
et Bartsch =^ ont mentionnée, de la. Lettre du prêtre Jean; la. falde de
Peire Cardinal, Una ciutatz fo, et enfin une lisle en latin, dont il
existe ailleurs de nombreux exemplaires, des évê.chés du monde
chrétien, M. Paul Meyer donne un aperçu des sources historiques
de l'expédition de Damiette. Viont ensuite la relation provençale,
précédée il'un sommaire des événements antérieurs et de ceux
qu'elle raconte, et suivie d'un précieux commentaire historique,
dans lequel sont utilisées les sources précédemment indiquées, et
particulièrement la relation latine d'un témoin oculaire, le prêtre
« Johaniips de Tulbia», qui, à ce qu'il parait, n'avait pas encore
été signalée. Un g'Zossa^■re-^?iffec, comprenant les noms propres et
(Quelques autres mots, termine le volume.
M. Meyer suppose, avec toute vraisemblance, que la partie de
la relation provençale qui fait défaut au commencement formait
bien prés de la moitié de l'ouvrage. On en doit d'autant plus re-
gretter la perte qu'avec elle a dû disparaître le nom de l'auteur.
L'ingénieuse sagacité de l'éditeur a réparé un autre dommage moins
grave, en restituant au texte, avec un haut degré de probabilité (on
' Lex. roman, V. 606 a.
■■' Grundriss zur Geschichlo. der prov.Lit,, p. 92.
ÔIHLIOGRAI'HIE 287
pourrait dire neuf t'ois sur dix, avec certitude), un grand nombre de
mots ou de lettres qu'une souris indiscrète avait fait disparaître en
rongeant le parchemin du ms. A peine si, sur près de cent cin-
quante lacunes, il en a laissé sept ou huit sans les remplir.
Je ne sais si d'autres réussiront à combler ces vides. Je l'ai, pour
mon compte, essayé sans succès à plusieurs reprises. Mais, en étu-
dianl: avec le soin qu'elle réclame la nouvelle publication de M . Paul
Mever.j'ai trouvé matière à quelques remarques qui ont trait, pour
la plupart, soit à la constitution, soit à l'interprétation du texte, et
je les soumets ici à son jugement.
L. 28. Peut-être vaudrait-il mieux suppléer que devant si que de
remplacer de par don.
30. Lors, sujet singulier. M. Meyer rejette Vs, ([ue j'aurais gar-
dée. Voy. les Leys d'amors, t. II, p. 216. Notre texte est probable-
ment toulousain ; ainsi l'article masc. suj. sing. y est /e. Cf. dans
l'inlroil.. p. 498, la remarque de M. M. sur l'écriture du ms.
49. Redargar. Je considère ce mot comme une autre forme du
regardât. Cf. adujar (à Toulouse et ailleurs) = ajtidar, deneiar =
nedeiar (netejar), etc.
103. Doa milia. Cette forme neutre de duo est inconnue de Diez
^qui mentionne [lourtant tria), comme de Raynouard et île Hoche-
gude. M. Meyer aurait bien fait de la relever dans son glossaire.
149. Istaton. Ne vaudrait-il pas mieux écrire i 'sfavon?
151 . 11 paraît douteux que manesc soit ici le même mot que le manecs
de Raynouard, IV, lôU, Vs de ce dernier étant probablement la
flexion du nominatif et ne pouvant, dès lors, se prêter à la méta-
thèse. J'assimilerais plutôt notre mcme.9c k mânes. (Cf. sirventesc et
drventes, parentesc Qi parentes, etc., etc.). A manesc serait ainsi la
même locution que a mânes, qui existe encore, dans le rôle d'ad-
verbe et (suivi de que) dans celui de conjonction, et qui a le même
sens, ou à peu près, que de mânes, à savoir soudainement, sur-le-
champ .
156. Si l'on supprimait le premier çwe de cette ligne et que l'on mît
un point après Sanhs (Viix,. 158). la difficulté signalée dans la note
sur ce passage disparaîtrait.
172 Teula cucha. Corr. cuecJia. Peut-être est-ce une faute d'im-
pression
281. Lo comolumps de .j. ou. M. M. propose do corriger la
rnojols ou .j. ou de colump. Mais aucune correction, à mon avis,
n'est nécessaire. Comolumps peut très-bien s'entendre comme sub-
stantif formé du verbe comolar: « Le comble d'un œuf» c'est-à-dire
« autant de sucre qu'un œuf en contiendrait. » On sait combien,
en provonçal. a été productif le suffixe un. Quant au ^, il est ici
2«i8 BIBLIOGRAPHIE
parasite, comme si souvent ailleurs, entre les raèaies lettres m et s.
Ainsi, femps ^ firnus, comps = cornes, etc.
309. Que lorfalhiron. Avec la correct, salhiron, le sens devien-
drait, ce me semble, satisfaisant: « qui volaient vers eux. »
315. Dieus no[l\ vole. Ce texte n'offrant aucun exemple de lo, pro-
nom neutre, il aurait mieux valu, je crois, sans rien suppléer,
écrire no.
336. 11 suffirait, pour faire disparaître la difficulté signalée dans
le commentaire, de mettre un point après a pe, surtout si l'on
commençait ensuite un autre alinéa.
366. Aheure. Je vois là deux mots, et non pas un seul qui serait
synonyme de abeurar, comme M. Meyer para,ît l'avoir cru. Per
sif^nifie peut-être ici par, à travers, plutôt que j^oiir. Ainsi s'expli-
querait l'a (préposition), que M. M. propose de corriger e.
375. Le patriarcha. L'article, comme les quatre premières lettres
du substantif, a été restitué par l'éditeur. Mais je crois qu'il eût
mieux valu lui donner la forme féminine et écrire la patriarcha.
Un autre substantif masculin de la première déclinaison, Califa,
qui paraît plusieurs fois dans notre texte, y est toujours accom-
pagné de l'article féminin.
388. Motzs'enfugiron. Corr. totz?
404. Etiïh que aman gran ren perdut. C'est, je pense, un tort de
considérer cette phrase comme incomplète ou corrompue. Elle nous
offre seulement un exemple, bon à noter, d'un tour que le langage
populaire affectionne pour sa vivacité. Yoy. Mussafia, die Catala-
nische Version der sieben ireisen Meister, p. 96, note sur le v. 1267,
et Cf. Revue, X, 315, 1. 1-6*.
415. A[r]sas. L'insertion de l'r me paraît inutile, osas pouvant très-
bien être le féminin de as ou asse i=assus), qui existe encore.
Notre texte offre d'autres exemples de s simple pour ss; ainsi, 1. 473.
corrosatz .
430. De que non soi lors noms. Ve de que, comme le non qui suit,
a été restitué. J'aurais préféré de qui, comme plus correct, que
n'étant régime indirect qu'au neutre.
507. Enfrendatz. Ce mot, qui n'est ni dans Haynouard ni dans
Kochegude, manque aussi au glossaire-index de M. Meyer. Comme
* Un exemple pareil, corrigé à tort par M. Bartsch, peut se voir
dans sa Chrestomathie provençale (2« édit. 337,10). Cf. encore ce passage
de Deiclot .• « Car be sapiats que, si dos dits fos venguda pus alta la
esquona, e lo rey que no era ben yuarnil. de part a part lo baguera
passât sens toi si. »
BIBLIOGRAPHIE 289
on ne saurait guère le traduire ici par « garnis de feuillages >», ce
doit être une autre forme, obtenue par la miHathèsede IV, de enfon-
(Iratz, synonyme ou à peu près de esfondratz. Cf. 1. 180, trez=^ terz
(tertius), I. 426, cannelencs =■ camerlencs .
515. Attenhatz. M. Meyer propose la corr. atakinatz. Atteunatz
{exténués) conviendrait mieux au sens et serait bien plus près du
ms, Raynouard n'a que la forme savante, atenuar ; mais afeunar sub-
siste, avec son synonyme ateunir, dans les dialectes modernes.
56&. Noc y ac. Faute d'impression pour hom ? Un c euphonique
serait ici peu vraisemblable.
589. Lors. Mot suppléé, sauf l's qui le termine; mais c'est une
forme assez peu admissible dans un texte provençal correct. Fors,
même pour le sens, eût, je crois, mieux valu.
691. Auzlron. Mot restitué. Il faudrait auziran. C'est sans doute
une faute d'impression.
li^ . Semanara la sens pecatz. Aucune correction n'est proposée
pour ce semanara, qui n'est pas pourtant expliiiué dans le glossaire.
Semenara ne conviendrait guère ; mais on pourrait penser à s'en
anara. La, qui suit, serait l'adverbe de lieu.
726. E 'penra .j. tarent que sera destruiz a quarrataz. Je crois que
ce passage corrompu peut se corriger, au commencement: « e penra
i lo renh. » Quant à « a quarrataz », je ne sais s'il faut maintenir
ces deux mots, en les prenant pour une locution adverbiale signi-
liant quelque chose comme complètement^ ou les changer en e hara-
tatz.
745. Malagutz. J'aurais divisé malagutz. Exemple à joindre à ce-
lui de la 1. 453, qui a été relevé au glossaire, de agutz pour estatz.
788. Lengostatz. A l'agoU, correction proposée par M. Meyer, je
préférerais Z'estote.Le copiste, qui était en train de répéter lengostas,
s'aperçut de son erreur, comme le prouve la substitution de tz à s,
mais il oublia de pointer les trois lettres intérieures qui sont de trop.
P. 543, note 3. Gfrnnz oh. Faute d'impression pour otz {=osts).
Camille Chabaneau.
Die Provenzalische Blumenlese àer Chigiaoa.—Erster und getreuer Ab-
druck nach dem gegenvaertiyen verstummelten Original und der rolls-
lœndigen Copie der liiccardiana, bi?sorgt von Edmund Stengel. Vlar-
burg,in-4°, 1878.
Lems. 2348 (;;iujourd'hui L. IV. 1U6) de la liibliothèque Chigi,
désigné par F dans la table de M. Bartsch [Grundriss, p. 28) et
par O dans celle de M. Paul Meyer (Derniers Troubadours, p. llj,
renferme, outre un choix copieux des poésies de Bertran de Born
22
•290 BIBLIOGRAPHIE
et la biographie développée de ce grand poëte, uneanthologie com-
posée d'extraits de pièces d'autres troubadours, avec un petit nom-
bre de pièces entières. C'est cette anthologie que M. Stengel vient
de publier. Le ms., quiestdu XIV<^ s. et qui peut compter parmi
les bons qui nous restent, est actuellement incomplet de dix feuil-
lets. Mais on en possède heureusement une copie exécutée avant
la perte de ces feuillets et à l'aide de laquelle M. Stengel a pu en
combler toutes les lacunes. Cette copie, datée de 1594, appartient
à la bibl. Riccardi, où elle porte le no 2981. Il en existe à Milan une
autre, mais seulement partielle et qui ne suit pas Tordre de l'ori-
ginal.
L'anthologie chigienne nous a conservé un assez grand nombre
de pièces ou de fragments de pièces qui ne se trouvent point ail-
leurs, de trente à quarante environ, et plusieurs, soit de celles-ci,
soit des autres, n'avaient pas encore été publiées. Cette circon-
stance ajoute un prix particulier à la publication de M. Stengel.
Le texte du ms., ou celui de sa copie, là oià le premier manque, a
été reproduit tel quel. Quelques corrections sont proposées dans
les notes, où l'éditeur a mentionné aussi les principales variantes
qu'il a pu connaître.
Trois tables, dont l'utilité sera appréciée, complètent la publica-
tion de M. Stengel. La première indique, selon l'ordre du Grundriss
de M. Bartsch (pp. 09-203), le contenu du ms. Chigi (anthologie seu-
lement) et du ms. 15211 de notre Bibliothèque nationale* ; les deux
autres présentent distinctement ce même contenu, selon l'ordre des
matières, avec la concordance, pour le ms. Chigi, de tous les chan-
sonniers ou recueils analogues.
C. G.
Société des anciens textes. — Aiol, chanson de geste publiée d'après le
ms. unique de Paris, par Jacques Normand et Gaston Ra-ynaud. —
Paris, Didol, 1877, in- 18.
IjAîoI, curieux poëme de onze mille vers, a été déjà publié par
M. W. Foerster ( voy. Rev. desl. rom., 15 octobre 1876, p. 216).
Cette édition diffère de la précédente en ce qu'elle se présente comme
complète et définitive, avec Litroduction et Glossaire, tandis que
celle de M. Foerster ne donne que le texte, en attendant le travail
' Ou n'avait pas encore de table de ce ms. M. Suchier en promet une,
qui sera sans doute complète en soi. En attendant, celle de M. St., bien
qu'on ne puisse l'utiliser sans le secours de Bartsch, rendra service aux
travailleurs.
BIBLIOGRAPHIE 291
d'exégèse annoncé par l'éditeur. Dans leur Introduction (i.xii p.).
MM. J. Normand et G. lîaynaud font la description du ms. (le
II" '25516, Bibl. nat., f. français) quileur a servi, etanalysent très-
sommairement le poème, dont ils étudient ensuite la langue et
la versification. Ils en rapprochent les imitations étrangères (Pays-
Bas, Italie, Espagne ) et terminent par une courte appréciation
littéraire. D'après eux, le texte aurait été refondu par un remanieur
auquel on serait redevable de la transformation du vers hiendéca-
syliabique, à peu près seul usité dans la première partie, en vers
dodécasyllabique ou alexandrin, le seul employé dans la seconde.
J'avoue que les raisons présentées à l'appui de cette conjecture ne
m'ont pas convaincu. La versification de ce poème est intéres-
sante. On y remarque l'emploi, de tout temps assez rare dans la
poésie française, du vers dècasyllabique à premier hémistiche de
six syllabes. A cette particularité vient s'en ajouter une seconde
déjà signalée: je veux parler de l'alternance de ce même vers et
du vers dodécasyllabique ou alexandrin. Les éditeurs ont cru en
découvrir une autre. Frappés de ce que bon nombre de ces vers
décasyllabiques, qui ont une atone à la septième syllabe, sont faux,
si l'on ne fait pas compter cette môme atone de la césure parmi les
quatre syllabes du second hémistiche, ils n'ont pas hésité à ad-
mettre cet enjambement plutôt que de corriger leur texte. D'a])rès
eux, ces vers, dont ils ont dressé une liste qu'ils présententcomme
complète, mais oii manquent les v. 831 et 1 191, devraient se scan-
der comme les suivants :
Si n'ai apris mes ar — mes à porter (v. 282).
Ja ne venra en te — re n'entre gent (v. 355).
Armes as tu mok boi — nés, molt m'agrée (v. 524).
Car moltavoil grant pie — che, nés senti (v. 627).
Ensamble avoec ces moi — nés demorés (v. 830) .
Cette coupe, il est vrai, a cours chez les Italiens, mais jamais la
versification française, pas plus au Midi qu'au Nord, ne l'a connue
ni pratiquée. Il serait bien extraordinaire que l'auteur d'Aiol eût
imaginé de ne l'employer que dans une quarantaine de vers, sur les
onze mille environ dont se compose l'ouvrage entier. Ce sont pro-
bablement de simples distractions de copiste. Le nôtre était cou-
tumier du fait, et ce ne sont pas quarante corrections de plus qui
doivent faire reculer l'éditeur d'un poème où l'on compte par cen-
taines celles qui sont évidentes et nécessaires. Aussi, chacun de
ces vers se laisse rétablir au moyen de corrections faciles ou as-
surées :
Si n'ai apris mes armes [bienj a porter (cf. v. 1097).
Ga ne venra en tare n'en [au]tre gent, etc.
292 BIBLIOGRAPHIE
Observons encore qu'à respecter trop scrupuleusement le texte
du manuscrit, on se verrait forcé d'admettre pour certains vers la
césure dite lyrique, où l'atone avait la valeur d'une syllabe accen-
tuée; par exemple :
Teus m'escarnits ore — dontme vengrai (v. 3085) ;
supposition qui serait aussi admissible que l'autre, puisque cette
coupe singulière n'était pas étrangère à notre ancienne versifica-
tion. Mais, en réalité, elles doivent être également rejetées toutes
les deux, surtout parce que, employées concurremment avec la
coupe contraire, celle qui ne compte pas l'atone de la césure même
quand le mot suivant commence par une consonne, elles auraient
mis le lecteur dans le plus grand embarras. Aussi ces différentes
coupes sont-elles ou étaient-elles exclusives les unes des autres
car jamais on ne les rencontre réunies dans les mêmes pièces.
D'un autre côté, les éditeurs sont tellement pleins de leur idée,
qu'ils vont jusqu'à prétendre « que le copiste n'a jamais commis
d'erreurs que dans les vers où le second hémistiche peut com-
mencer par la dernière syllabe muette du mot terminant le pre-
mier >>; affirmation erronée, comme le prouvent ces quelques vers,
choisis exclusivement parmi ceux qui ont une atone au sixième
pied :
Ja ne me tieng mie — a guinlechier (v. 977).
Mais il est si \)Qvres — et desnués (v. 1207). .
Onques ne vi home — de vostre aé (2205).
Mais che me va auques — reconfortant (v.2706;.-
Car il n'estoit \vres — ne estordis (v. 2781).
Lors a pris le ma/vC — li glous qu'il tint (v. 4001).
On s'étonne un peu de voir des formes très-connues grossir inu-
tilement le Glossaire, qui devrait être principalement réservé à
celles que recommandent leur rareté ou certaines difficultés d'in-
terprétation. Pourquoi, par exemple, y ciiQV undetis,amor{iéxmnm),
a?ieZ= anneau, a«;!e= tante, o/igîfes = jamais, etc.; tandis qu'on n'y
voit figurer ni desrée, v. 765; ni our, v. 7098; ni oc=liabui, v. 74245
ni la locution a tel mois, v. 7517; ni dispers, v. 8179; ni liège, v. 10208;
ni subicion, v. 10677? V. 1095, qu'home; M. Foersler, qu orne. Si réel-
lement le ms. donne qu'home, il fallait l'indiquer en note, mais cor-
riger ç« orne. L'A tombait en cas d'élision. Les exceptions à cette
règle, qui n'est pas contestée, sont très-rares. V. 2613. «« Por voir
les entorchierent gent sarrasine : — Qui navrés en seroit ne poroit
vivre.» Entorchier est traduit au Glossaire par fourbir. La bonne
leçon, garantie par le vers suivant, est celle du ms. et de M. F.:
BIBLIOGRAPHIE 293
rntoschierent = intoxicaveriint. L's devant le groupe ch aura pu se
confondre avec \'r ici, comme dans marchecliere p. maschecliere,
\ . 2700. V. 6'282 de mal enartnus.iQ ne cliangerais rien à la leçon du
ms.rfe mal enarcon, que je lirais arçon = arsio, onis, litt. «en ardeur
de mal. » Glossaire : Coraus, estre (v. 7166, 7171) n'est pas exacte-
ment traduit par se montrer, laisser voir sa pensée. Le sens est in in-
tlmo corde. Encoistre du v. 6436 est traduit par grossier. Je ne sais
d'après quelles données étymologiques les éditeurs ont adopté ce
sens. Dans tous les cas, l'expression « tètes grossières » laisse à
désirer. Kernus, du v.8349, est mal à propos traduit par charnus.
Kernus = crenus = crinitos. Revisder (i^'iO) signifie «ranimer, récon-
forter», et non « visiter de nouveau. » Fossier ne veut pas dire
hahitant d'une caverne, mais simplement fossoyeur; v. Recueil général
et complet des fabliaux des XIII'^ et XIV° siècles, par MM. Anatole
de Montaiglon et Gaston Raynaud, t. II, p. 175, v.l43 et 147.
A. B.
Sprachliches aus romaenischen Volksmaerchen von D' Johann Urban
Jarnik. Wien, 1877,31 pag., in-8°
Après des considérations générales sur les rapports de la langue
littéraire avec celle du peuple en Roumanie, l'auteur donne une
longue liste de locutions populaires, méthodiquement classées et
tirées des contes qui ont servi de base à son essai. C'est un tra-
vail fait avec soin et que nous avons lu avec intérêt et profit.
C. G.
Un document inédit sur Laure de Sade, par M de Berluc-Perussis.
Aix-en-Provenee, Marias lUy, 187(i; in-S", 16 pages (Extrait des Mé-
moires de l'Académie d'Aix. )
« La Laure aimée de l'immortel rêveur de Vaucluse était-elle la
sœur ou la femme d'Hugues de Sade? Pétrarque s'éprit-ii d'une
idéale jeune fille ou d'une prosaïque matrone? En d'autres termes,
et pour placer la question sur le terrain élevé qui lui convient,
l'amour du poëte fut-il pur ou adultère? » Tel est le problème (|ue
M. deBerluc-Perussis a résolu en faveur delà première alternative.
L'abbé de Sade, qui, au siècle dernier, accrédita la seconde, et à
qui il ne déplaisait pas qu'on le supposât descendant de Pétrarque,
ne recula pas devant la falsification des pièces du procès et la sup-
pression du nom de Laure dans le testament de son père.
Le témoignage des premiers biographes du poëte italien fortifiait
déjà beaucoup la thèse de M, de B,-P. Une découverte faite par
lui dans les ms. 775-778 du Cabinet des titres de la Bibliothèque
294 BIBLIOGRAPHIE
nationale est venue lui donner une sanction de certitude. Ces ms.
forment un nobiliaire de Provence, dressi- par l'abbé Dominique
Robert de Briancon, élève el auxiliaire de d'Hozier. sur la commu-
nication des titres des familles intéressées. Déjà, dans l'Etat de la
Provence (1693), tome III, p. 21, Robert avait indiqué la généalo-
gie des Sade ; dans les manuscrits il y revient de nouveau, et il éta-
blit par le dépouillement des titres, aussi bien que par un tableau
généalogique, que la Laure du poëte était la sœur et non la femme
d'Hugues de Sade.
Ce n'est pas le seul point que mette en définitive lumière l'inté-
ressante et substantielle brochure de M. de B.-P. Il en est deux
autres qu'elle a, sinon dévoilés, au moins fait connaître en France.
Des biographes du poëte, Squercialico notamment, rapportent que
le Pape Jean XXII aurait voulu marier Laure et Pétrarque, et
que celui-ci aurait refusé, disant qu'il ne voulait pas devenir époux
pour ne pas laisser d'être amant. M. de B. P, incline à croire que
les empêchements qui traversèrent cette union étaient autres qu'on
ne le suppose. Il ressort, en effet, d'une Vie* jusqu'ici inédite,
car elle a été imprimée en 1874 seulement par M. Carbone, que
le poëte mourut d'un accident épileptique, « ce qui donne médica-
lement le droit de supposer que cette maladie était invétérée chez
lui. » D'autre part, l'examen de ses restes, fait la même année, a
démontré qu'il fut atteint d'une claudication, non pas accidentelle,
mais de naissance 2.
C'est pro])ablement dans ces deux faits, conclut M. de B.-P . , qu'il
faut chercher l'explication d'un célibat moins volontaire peut-être
qu'il n'a plu aux chroniqueurs de le supposer.
Alph. Roque-Ferrier.
Almanach niçois pour 1876, par Jules Bessi. Nice.u-iletta; in-l2,vm-b8 p
A eu mi crompera li desiri de couor:
Prosperità, bouonour, richessa e longa vida.
De n'en vendre touplen gardi lou ferme espouor;
A ou refusera farai courre bourrida ! !
Malgré le titre français adopté par M. Bessi, le quatrain de
1 Vita di F. Petrarca, pubblicata per la prima volta. Bœuf, à Turin,
1874.
- Le Ossa di F. Petrarca, studio anlropologico. Pro?i)':'rini, â Padoue,
1874. Cette description anatomique est due à M. le professeur Canestrini,
de l'Université de Padoue.
PERIOniQlTBS 295
souhaits et de menace que l'on vient de lire indique que VAl-
manach niçois est à demi français, à demi niçard de composition.
Les pièces écrites dans ce dernier idiome sont: lo une Epitafa
de Guisol, par J. Ammirati ; 2° une Cansoun emhriagouna : 3° lu
Calomniotour (f) don casino rfe Monte-Carlo, saiira; 4* l'Abat amou-
rous, comedia; 5» Garibaldi; 6° H Doui Mestressa, comedia;lo Gatrin,
non signés, mais certainement de M. Bossi*.
L'orthographe de ces pièces est à demi itaUenne, bien que le
niçard appartienne à la langue d'oc .
A. R.-F.
PERIODIQUES
Zeitschrift fur romanische Philologie. 1. Band. 1877. — Ce
premier volume de la revue qui a pris la place du Jahrbuch filr
romwiische Hprache und Liferatur renferme des travaux d'un haut
intérêt, dont nous regrettons de ne pouvoir , faute de loisir autant
que de place, rendre à nos lecteurs un compte détaillé. Nous nous
bornerons, pour cette fois, à la reproduction pure et simple de la
table des matières, sauf à mettre en note deux ou trois remarques
sur quelques articles:
A . Tobler . Vermischte Beitriige zur Grammatik des Franz'ôsischen^ .
P . 1 . — F . SchoUe, Die Baligantepisode, ein Einschuh in dus oxfor-
der Rolanslied. 26. — T. Braga, 0 (Jancioneiro jmrtugicez da Vaticana
e suas relaçûes com outros cancioneiros dos secidos XIII e XIV. 41.
179. — W. Victor, Der Ursprung der Virgilsage, 165, — A Stim-
ming, Die Syntax des Commines. 191, 489. — U.-A. Ganello, il
Vocalismo tonico italiano. 510.
* Les Notices historiques sur le comté de Nice, qui constituent les deux
tiers de la partie française de l'Almanach de M.Bessi, ont été empruntées
par lui à son Nouveau Guide des étrangers à Nice. Nice, Giletta, 1873,
in-8'. Le lecteur n'a pas élé averti de ces emprunts.
2 Le septième des points traités (participes présents à signification
passive, comme couleur voyante) dans cette savante étude a été déjà
élucidé, in même (IX, 215), par M. Boucherie, dans un article dont M. To-
bler paraît n'avoir pas eu connaissance.
296 PERIODIQUES
Texte. — K. Rarlsch, Zv}eA prnvenzalîsche Lais. 58. — W.
Foerster, CatoJanischeaStrpitgedicIit zwisnJwn EnBur ami Keinem Pferd '.
79. — A. Paz y Melia, Libro de Cetreira y una Prof pria de Evan-
gelîsta. 222. — A. Scheler, li Prière TheopUlus. VCl . — Th. Aiira-
cher, Der Sof/ennanfe poitevinische Pseudoturpin^ . 25'J. — A. Weber,
Zivei ungedruckte Versionen der Theophilussage . 523 .
MisGiîLLEN. — 1. Zur CultuTf/eschichte . — F. Liebrecht, Portu-
giesischer Aherglauhe. Mucharinga . 89.
2. Zur Literaturgeschichte. — F. Liebrecht, Zit Marie de France .
90. — H. Suchier, Die Quelle des Sermo de Sapientia. 91 — "W. Foers-
ter. Zu Chevalier as dens espées. 91. Zu Richart le liai. 92. —
E. Mail, Noch einmal Marie de Compiègne, etc. 337. — A. Weber,
Zuden Legenden der a Vie des pères. » 357. — R. Kœhler. Ueher die
Dodici Conti morali d'Anonimo senese. 365.
3. Zur Handscriften und Bilcherlcunde . — E. Stengel, Cod. Vati-
can, n° 32U7. 93. — K. VoUmœller, Laherintn amoroso. 94. — E.
Monaci, il Lihroreale. 375. — II. Varnhaiïen, Die Handschr. Erwer-
hungen des Brit. Mus. bil.Zu Deux Rédactions du rom. des Sept Sages
éd. G. Parts. 555.
4. Handscriftliches. — W. Foerster. Altfranzôsische GesundheitS'
regeln. 97. Alf/ranzusisches Lieheslied. 98. — P. Rajna, Intorno a
due canzoni gemelle. 381 . — E. Stengel, Studien iiher die provenz . Lie-
derhdscfui.l. Kojyenhagner Hand.^chrift. 3S1 .
5. Texthritisches. — A. Mussaiia. Zu Brun de la Montagne. 98.
"W. Foerster, Z'» Quatre Livres des Rois,l, xxx. 106. Zu altfr.
Uehersetzung der Isidorschen Synonyma^ . 397. — A. Mussafia, Zmtw
altfr. Gottfried von Monmouth. 402. — H. Sachier, Zuni Dialogus
anime eonquerentis et rationis consolantis. 556. — A. Tobler^ Zum Dia-
logus anime et rationis . 558.
6. Grammatisches. — E. Stengel. Schiound von e, i, ira Nordw. — Ro
Romanischen .\^'6 . — G. Grœber, Z-o, li, il, i im Altitalienischen. 108.
' L'habile éditeur de ce curieux texte n'a pas reconnu au v. 22 l'ad-
verbe ich (on trouve aussi hic), si usité dans l'ancien catalan. V. 5f,
j'écrirais abdos en un seul mot. 151, venar = vanar (non vantar). Voy.
Raynouard. 171. paliter = [v. pelletier. 2\l,tal corr. cal.
"^ C'est le texte dont M. Boucherie a publié deux fragments au t. II,
p. 126-132 de la Revue, et dont il a promis une édition que colle de
M. Auracher, reproduction diplomatique des mss., ne le dispense nulle-
ment de nous donner.
^ Ue la forme nasalisée du pronom neutre cen, que M. Foerster signale
dans le texte lorrain auquel cet article est consacré, on peut rapprocher
le moderne çan ( - ça), usité en Saintonge ( écoutez çan que je vous dis)
et aussi, à ce qu'il paraît, dans la Suisse romande.
PERIODIQUES 297
7. Etymologisches . — H. Ro^nsch, Romanische Etymologien . 414.
— N. Caix, Vocinate dalla fusione di due terni. 4'.M. — H. Suchier,
Franz'ôs. Etymologien. 4'28. — W. Fœrster, Spanisch Enclenque. 559.
AUfr.réu Scheiterhaufen. » 561. Ueber vaincre und niaiigier. 562.
Franz'ôs . Selon . 56i. Franz'ôs. beau ans hélium. 564. — U.-A. Ga-
iiello, Perder Verre. 567.
Regensionen und Anzeigkn. — H. Schuchardt, Stilnkel, Le.c ro-
mana Ultinensis. 111.— U.-A. Ganello, Eajna, le Fonti delV Or-
lando furioso. 125. — L. Lemcke, Braunfeh^ KritiscJier Versuch
iiher den Roman Amadis. 131. — L. Lemko, Société des anciens
textes, 135. — E. Stengel, Andresen, Maistre Wace's Roman de Rou.
144. — F. SchoUe, Laurentiux, zur Kritih der Chanson de Roland.
— 159. F, Liebrecht, Guastella, Canti iwpolari. 434. — K. Voll-
moUer, Michaelis, Studien zur roman. Wortschopfung . 442. — H.
Bucholtz, Deniattio, Morfologia italiana. 446. — A. Morel-Fatio.
Sbarhi, el Refranero gênerai espafiol. 447. — W. Storck, Braga, An
tologia ijortugueza. 453. — H. Sucliicr. la Chanson de Roland, he-
rausg. von E. Kolbing. 461. — 0. Ulbrich, Recueil de poésies franc .
des XV^ et XVPs. 462. — 0. Behaghel, Neumann, die Germa-
nische Elemente in der prov . undfranz. Sprache. iQQ. — 0. Knauer,
Scheler, Exposé des lois qui régissent la transformation française des
mots latins. 469. — K. Sachs, Beaujean, Dictiojnudre de la langue
française. 474. — E. Stengel, L. Lemcke, R. Kohler, H. Suchier,
A. Tobler, Romania. 476. — H. Schuchardt, Columna lui Traian,
Anul VII. 481 — E. Stengel, Englische Studien. 1877. 1. Heft.
484. — H. Qachier, Michel, Livre des Psaumes, anc. trad. française.
568. —0. Ulbrich, Longnon, Étude sur Fr. Villon. 572. — 0.
Behaghel, Wulf, de l'Emploi de l'infinitif. 575. —A. Stimming :
Kri'tger, Wortslellung in der franz. Prosalitteratur. 577. 0. Ul-
brich, Benoist, de la Syntaxe franc, entre Palsg rave et Vaugelas.
G. G.
Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Lite-
raturen. L\I1. Band. 1877. — P. 1. Ueher den cpiachen Chnrartcr
der Sprache Ville- Hardouins, von Adolf Kressner. — Article in-
téressant, où l'on montre que la prose de Villehardouin olTro en
abondance les tours, expressions Qt formules habituels aux auteurs
des chansons de geste. — 383. Goethe als Uebersetzer Voltaire' scher
Trag'ndien, von D"^^ W. Mûnch. Gomj>araison des traductions de
Mahomet et de Tancrède avec les originaux. — Los autres travaux
compris dans ce volume concernent exclusivement les langues
germaniques. Mais nous avons à signaler, parmi les annonces et
29S PÉRIODIQUES
comptes rendus, un article justement élogieux sur les Morceaux
choisis den écrivains français du XVI" s., de MM. A. Darmesteter et
A. Hatzfeld (p. 99), et, dans les Mélanges, une notice sur George
Sand, signée Hans IJerrig. où le grand écrivain est dignement ap-
précié (p. 119). Notons encore, dans le compte rendu des séances
de la Société de Berlin pour l'étude des langues modernes, quelques
observations de M. Wiillenweber sur Vaugelas (p. 88).
G. G.
Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Lite-
raturen. LVill. Band. 1877. — P. 193. Fr. Brinkmann. Etudes
métajjhoriques (suite). Le Coq et la Poule. — 267. R. Mahrenholz. Le
Misanthrope de Molière et les jugements de la critique.— 2,17. K, Foth.
Du Sentiment de Corneille sur F essence de la tragédie. — 291. Adolf.
Kressner, le Poëme provençal de l'Enfance de Jésus. Examen des
sources et étude de la langue et de la versification de ce poëme. Il
s'agit du texte que M. Bartsch a publié dans ces Denkmaeler.
M. Kressner ne paraît pas avoir eu connaissance d'une autre
composition sur le même sujet, dont il reste un fragment d'en-
viron 600 vers et dont M. Paul Meyer a donné un extrait dans le
2™e fascicule du Bulletin de la Société des anciens textes français. —
447. Séances de la Société berlinoise pour V étude des langues modernes.
On y remarque plusieurs communications concernant noire his-
toire littéraire (sur Molière, T Académie). — 457. Compte rendu de
l'ouvrage de M. Hermann Buchholtz. intitulé: Priscœ Latinitatis
originum libritres.
G. G.
Il Propugnatore. Anno X. Dispense 4a, 5a e 6». — P. 3.
Francesco Labruzzi. Quando nacque Dante Alighieri? L'auteur ex-
pose les raisons qu'on a de douter que ce puisse être, selon l'opi-
nion admise, en mai 1265 ; mais il ne conclut pas en faveur d'une
autre date. — 17. Licurgo Gapelletti. La Novella di Guido Caval-
canti. Etude sur ce poète, à propos de la nouvelle IX de la 6* jour-
née du Décaméron, qui, d'après M . G. , raconterait un fait réellement
arrivé. — 39. Salvatore Salomone-Marino, Storie popolari in poesia
siciliana (fin). Notes bibliographiques sur plusieurs histoires non
reproduites. Un court glossaire (pp. 49-53) termine la très-inté-
ressante publication de M. Salomone-Marino. — 54 et 281. Carlo
Vassalo. TnterpretarÀone filologica di molti passi oscuri e controversi
delln, Divina Commedia. Saggio di L. G. Blanc, tradotto cou aggiunta di
alcune osservcmoni. Suite et fin. — 90 et 228. Giovanni Ricagni.
PERIODIQUES 299
La Fioritura epica francese nel medio evo, e la Chanson de Roland
comparata coipoemi italiani che traltano la rotta di Roncisvalle. —
133. Vincenzo Pagano. Sal Volgare Eloquio e mlla Lingua italiann.
— 169. Luigi Rob&rto. Sordello. Commentaire lu.storùiuc, liltrrairc
et philosophique, du passage célèbre du Purgatoire où Dante in-
troduit Sordel. — 193. Gherardo Ghirardini. Délia Visione di
Dante nel Paradiso terrestre. — 334. Ernesto Monaci. /Z Canzoniere
ChigianoL. VIII. 305. Suite. — 4i4. Luigi Gaiter . H Dialelto
veneto nel secolo di Dante. Examen philologique d'un texte vénitien
du XI Ve s. récemment publié {la Cronaca di Raffaino Caresini,
tradotta in volgare vencziano nel secolo XIV . )
G. G.
Rivista di letteratura popolare. Vol. I. fasc. II. • — P. 81.
A. de Gubernatis, Novelllne di santu Stefano di Salcinaia. — P. 87.
F. Sabatini, Saggio di canti popolari romani (suite). Je renouvelle-
rai les observations que j'ai déjà eu occasion de faire dans mon
compte rendu du premier fascicule : pourquoi ne pas indiquer les
élisions que nécessite la mesure du vers (p. 89, chanson 26, v. 2;
ch. 30, V. 3; ch. 31, v. 2; ch. 35, v. 1., etc...)??- 90, ch. 33, le
vers 2 est faux. Gomment le rétablir? Gomment scander le vers 6 de
la ch. 37? — P. 97, G. Vavè,Antichi Usi per la /esta di mezz'Agosto,
in Palermo e in altri luoghi di Sicilia. — P. 108. C. de Puymaigre,
Chansons populaires du pays messin. P. 108 et 109, les deux premiers
vers de chaque couplet ne doivent-ils pas se chanter deux fois ? Ce
qui me le fait supposer, c'est que le 2« vers ne rime pas toujours avec
le 4"= et avec le G«, qui, au contraire, se correspondent toujours pour
la rime. En pareil cas, les chanteurs ont généralement pour habi-
tude de faire rimer avec lui-même le vers sans rime en le répétant.
P. 108, les deux vers qui terminent le 2« couplet ne doivent-ils
pas le commencer? G'est du moins la place que leur assignent la
suite du sens et la nécessité de faire rimer entre eux les vers 4 et 6.
Pourquoi ne pas indiquer toujours les syllabes qu'il faut élider pour
rétablir la mesure (c. 1, v. 5; c. 2, v. 6; c. 3, v, 1, 6; c. 4, v. 6,
etc.), et les cas de non-éUsion (c. 4, v. 1; c. 7. v. 4), les cas où la
diérèse est pratiquée (c. 4, v. 4; c 9. v. 6), et ceux oii elle ne l'est
pas (c. 3, V. 4)? Un Français peut n'avoir pas besoin de ces indi-
cations de détail; mais comment veut-on qu'un étranger s'en tire?
P. 110, c. 2, il fallait noter par une hgne de points la lacune du
3*' vers à terminaison féminine. P. 111, on voit des couplets qui ont
tantôt 5 vers, tantôt 6, tantôt 7, tantôt 8, et cela sans aucune obser-
vation de l'éditeur. P. 117. Th. Braga, Litteratura dos conios popu-
300 PERIODIQUES
lares pnrhigueses. — P. 137. A. GiainaLudreu, Safjgio di giuochi e canti
popolari funciulleachi (lelle Marche. — P. 145. Varietà. — P. 152,
Bibliografia. — P. 157. Periodici.
A. B.
Giornale di filologia romanza, n" 1. La Rivista di filologia
romanza ay?ix\\. cessé de iiaraître en octobre 1876, l'un de ses di-
recteurs, M.Ernest Monaci,a, sur les instances de ses amis, repris
à son compte une publication du même genre, intitulée: Giornale di
filologia romanza (à Rome, chez Heermann Lœscher ; à Paris, chez
Vieweg). ha, Revue des langues romanes est heureuse de pouvoir
souhaiter la bienvenue au nouveau recueil, qui se présente d'ail-
leurs sous les meilleurs auspices, assuré qu'il est dès à présent
de la collaboration de savants tels que MM, Ganello, P. Rajna,
M. Gaix et A. d'Ancona. Voici le sommaire de ce premier numéro.
— E. Monaci, Awertenza. — U.-A. Canello, Lingua e dialelto. —
P. Rajna, Estratli d'una raccolta di favole. — N. Caix, sul Pro-
nome. — Varietà: N. Caix, Etimologie romanze; E. Molteni, sul
Libro Reale ; A. d'Ancona, Fra Guittone e il sig. Perrens. — Ras-
segna bibliografica. — Bolletino bibliograiico. — Periodici. — No-
tizie .
A. B.
Revistas catalanas. — Lo Gay Saber. N. III (1 de febrer). —
P. 33. F. Maspons y Labrôs : la Tonada maravellosa { Qùenlo po-
pular irlandés). Ab lo prétest de donar à coneixer una mostra del
llibre de legendas y tradicions irlandesas que han coleccionat los
escriptors M. Groker y M. Keightley, fâ l'ilustrat Sr. Maspons un
estudi comparatiu que res deixa pera desitjar al mes inteligent en
la materia. — P. 37. Damas Galvet: Marta. Poesia. — P. 37,
A. Garetâ y Vidal: los Carboners. Poema provensal en XII cants,
per Félix Gras. Gontinûa la traducciô: cant segon. — P. 40. Tomâs
Forteza, mestre en gay saber : lo Claveller. Imitaciô de les cansons
popularsmallorquines. Poesia, — P. 40. Maria de Bell-lloch : Viga-
tansy hotiflers. Prossegueix estanovela. — P. 43. Agnade Valldaura
(pseudonim de la Senyoreta Na .Toaquima Santamaria): lo Fruyt
de Montcada. Poesia. — P. 43. Enrich Franco : Edipo Rey, Tra-
ducciô de Sôfocles. Gontinuaciô, — P. 14, F. Pelay Briz : la Pinya
d'or. Gomedia, etc. Seguiment. — P. 47 : Novas. Entre ellas son di-
gnes d'especial menciu : la que conté lo text y la traducciô catalana
delà bella salutaciûdc bon any qu'end rcssâ en vers alsseusamichs,.
lo distingit poeta dr i'rovensa Francesch Vidal, autor del Tamhou-
PERIODIQUES 301
rinaire ; y la que parla de l'obertura de la via férrea qu'iinoix Es-
panyaab Fransa.
N. IV (là de febrer). — P. 4y. Manuel MiUi y Fonlanals :
Notas sobre la influencia de la literatura italiana en la catalana. Con-
sisteix en la versiô catalana fêta per la redacciô del Gay Saler, del
precios treball que ( segons en altra ocasiô digu^rem ) tant rich de
datos commodesten son titol, e.>criguénostre estimât y savi mestre
pera festejar, al estil d'italia, las bodas del literat siciliâ D^'D. Jo-
seph Pitre ab DaFrancîsca Pilrano (de Palerrao). — P. 52. Geroni
Rossellô, mestre en gay saber: h Cantihl segador. Poesia. — P. 52.
A.Careta: los Carhoners , etc., de Gras. Gant ters. — P. 5i. Frederich
Soler, meslre en gay saber : l'Anell. Poesia. — P. 55. Maria de Bell-
lloch: Vigntatis y hotijiers. Gontinuaciô. — P. 58. Jascinto Labaila: Els
Poetos. Sonet. — P. 58. E. Franco: EdipoRey. Trad. de Sofocles .
Seguiraent. — P. 60. Gonrat Roure: Revista dramâtica. La Contra-
mestre, drama en très actes de D. Frederich Saler. — P. 62. F.-P.
Briz : la Pinya d'or, etc. Gontinuaciô. — P. (34. Novas: Intéressant
es la llista de las 20 obras catalanas qu'ofereix le Gay Saber à ses
suscriptors.
N. V ( 1 de mars). — P. 62. F. Maspons y Labrôs : Quentos i)o-
pulars viennesos. S'ocupa ab fruyt, com sempre, pera la lileratura
popular, del opùscul que ha escrit lo D'' Anton Ive ab moLiu del
casament de.Toan Ive y la senyoreta Lorenzetto. — P. 68.Francosch
Ubach y Vinyeta, mestre en gay saber: Suspirs. Poesia. — P. 69.
A. Careta : los Carhoners, etc., de Gras. Gomonsa lo cant quart. —
P. 70. Margarida Gaymaride Baulô : Veu de Mare. Poesia. — 71.
Maria de Bell-lloch : Vigatans y botifler s. (loniinuaciù. — P. 72.
Gonstanti Llonibart : Amor ah amor se paga. Dolora (Valencia). —
P 73. Joseph Fiter è Inglés, etc., segueix la traducciù del Estudi
histôrich-critich sobre'ls poefas valencians dels segles XIII., XIV y XV,
per En Rafel Ferrer y Bigné, tractant de Mossen Jaume Febrer, En
Dionis Guiot o Guinot, y Mattfres de Bezeys. — P. 75. Agnès Ar-
mengol de Badia : Intima. Poesia dedicada à N'Agna de Vall-
daura. — P. 75. E.Vidal Valenciano : Bibliografia : Dos Llibres nous
[Quadro en prosa d'en Joan Pons y Massaveu, y Perlas catalanas
d'en Artur Masrieray Golomer). P. 76. F.-P. Briz : laPinya d'or.
Comedia, etc. Gontinuaciô. — P. 78. Curiositats. Fundaciô del Cou-
vent de JesÛH. (Barcelona, 1427). Nota antigua que'n fa referencia.
— P. 79. Novas.
N. VI (15 de mars). — P. 81 . F. Maspons y Labrôs: Endevinallas
pbpulars francesas. Notable article que'l llibre Devinnettes ou énig-
mes populaires de la France, par M. Eugène Rolland, ha proporcio-
uat à dit Sr. Maspons l'ocasio de demostrar quan intéressant es
802 PERIODIQUES
l'estuili que ha fet no sols de la literatura popular catalana, si que
també de las d'altres payssos d'Europa. — P. 86. Victor Bala-
iîuer, mestre en gay saber : Amorosa. Poesia. — P. 86. A. Garetâ :
los Carboners, etc., de Gias. Fi del cant quart. — P. 87. Damas
Galvet : l'Anadaà Recasens. Poesia. — P. 88. Maria de Dell-lloch :
Vigatans y botijlers.' ^es,mmeni. — P. 91. E. Franco. Edipo Rey.
Trad. de Sôfodes. Continuaciô. — P. 92. Francisco Sabatini : Bi-
hliografia forana . En ella l'inteligent escriptor italiâ Sr. Sabatini,
director de la Revista di letteratura popolare de Roma, dona à co-
neixer per diversas mostras las inspiradas poesias de son compa-
trici lo difunt artista Praga, que conté un voium titolat « Traspa-
rensCj Fantasma. Versi di Emilio Praga [Torino, 1878). » — P. 93.
F.-P. Briz: la Pinya d'or. Comedia, etc. Acaba l'acte pf". — P. 95.
Akiba (Qûento hébreu) . — P. 95. Novas.
La Renaixensa. N. 3 (15 de febrer). — P. 97. Quatre Paraulasal
Sr. A. E., periodista de Madrid. Replica à algunas apreciacions con-
trarias à Gatalunya, emitidas en lo diari laEpoca del 14 de janer. —
— P. 102. Guillem M. de Brocâ: dels Bens de la dona en lo matri-
tnoni à Catalunya, y en particular en la comarca de Tarragona. Estudi
juridich molt intéressant, redactat ab certa precisiô de Uenguatge,
([ue demostran en son autor una exactaconeixensa de la llegislaciô
catalana y de sos origens. — P. 111. Emili Vilanova : A mon amich
R. Falco. Bestias embalsamadas ( Diàlechs). Quadro de costums
d'atractivola lectura, per la sua animacio y per la veritat dels ca-
racters que tant be dibuixa. — P. 119. Francesch Matheu : les Pestes
llatines à Montpeller. Est article descriu los preparatius pera lo gran
concurs y festa de las literaturas llatmas qu'ensemps tindrânlloch
proximament en dita ciutat. A ellas, essenthi galanament invitats
los cscriptors catalans per nostres germans de Provensa, creyem
no deixarân mos compatricis de correspondt-erhi com se mercix.
— P. 122. F. T. A. Associaeiô catalanista d'excursions cientificas. Es-
posiciû dirigida per aquesta societat al Excm. Sr. Ministre de Fo-
ment, pera que l'Estat subvencionés, com ho ha fet, ab 8,000 pes-
setas, la reparaciô del cclebre monastir de Santa-Maria de Uipoll.
— P. 125. Manuel Milâ y Fontanals : Esperansa. Reproduciô do la
bermosa poesia qu'ab aquest titol, lo primer dels escriptors cata-
lans havia ja publicat en esta Revue.— V. 126. Jascinto Verdaguer:
A mon Deu. Inspirats versos del autor del poema l'Atlàntida. —
P. 128. Joaquin M. Bartrina : Poweto.' Altrc poesia. — P. 130.
Bibliografia. J. Ixart : Quadros en prosa per Joan Pons Massaveu ;
(p. 132) A. Balaguer y Merino: « Petit Romancero. Choix de vieux
PERIODIQUES 303
chants espagnols traduits et annotés par le Comte de Puymaigre, mem
bre correspondant de l'Académie royale d'histoire de Madrid et de
l'Académie royale des belles-lettres de Barcelone » (p. 133); A. A. P. :
Usi popolari per lafestadi Natale in Sicilia, descrittida Giuseptpe Pitre.
Criticas favorables. — P. 134 Novas. — A aquest numéro l'accom-
panyan ; una copia del quadro al oli del distingii artista I). Joaquim
Vayreda las Primeras Calsas, premial ab una medalla en l'expo-
siciô de Paris de 1871 ; y la continuacio del Llibre de coses assenya-
lades per foUeti.
N. 4. (28 de febrer). — P. 137. J. Riera y Bertran : Motius d'una
tendencia. Ço es la de la renaixensa del art à Catalunya à la vegada
que la de sa literatura. — P. 141. J. Narcis Roca : los Pahers y 'Is
primitius Concellers de Barcelona. Encara qu'est autor no ha afegit
nous datos als ja coneguts, ha sabut condensar la materia en pro-
porcions mes llegibles qu'altres traballs seus de la mateixa natura-
lesa. — P. 149. Lluis Domenech y Montaner : En buscade una argui-
tectura nacional. 'Sota.hledisqiùsïciû, perl'estudi que presuposaeu son
autor. — P. 161. Autoni Yilanova : Exposiciô de pinturas à Madrid.
I. Critica de las obras artisticas alli exposadas, comensant per las
d'assurapto religiôs. — P. 165. Thomas Forteza, mestre en gay saber:
Plor d'esperansa. Poesia. — P. 169. Angel Guimerâ, mestre en gay
saber : Joël. Poesia. ■ — P. 171. Pau Bertran y Bros ; A la verge de
Montserrat. — P. 172. Novas. — Va adjunt à est numéro ademés
del foUeti una lamina heliogrâfica, copia de l'estàtua en bronzo que
représenta à Dante, fêta per D. Geroni Sunyoi, y que posscheix la
Exma. Diputaciô provincial de Barcelona.
N. 5(15 de mars). — P. 177. J. Pella y Forgas : Grans exemples :
II. La Renaixensa de Hungria. — Article expositiu del renaixament
politich-literari de dit pays, corapendiat en los seguents capitols :
Decadencia y centralisaciô . Maria Teresa. Joseph II. De 1460 à
1790.— La Jlenaixensa literaria politica. La revoluciù francesa. De
1790 à 1815. — La segona renaixensa literaria. Kisfaludy. Sandor
Petoefi. — Segona j-enaixensa politica. Kossuth y Deak. 1848 y 1867.
— La Actual Constituciô de Austria y Hungria.— P. 199. Francisco
Manel Pau. Impressions de pare. Quadro intim. qu'es distingeix per
sa naturalitat, y si be en algun lloch es un poch difus, lo final es
verdaderament sentit. — P. 209. Antoni Vilanova : Exposiciô de
pinturas à Madrid, II. Continua, ocupantse dels quadros d'assumptos
histôrichs. — P. 214. Damas Galvet. Mallorca cristiana. CantXIV.
Fragments. Ho son del poema inédit qu'esta ultimant est di-;tingit
poeta. — P. 223. Jascinto Torres y Reyatô : lo Plany del rossinyol.
Poesia. — P. 226 Joseph Serra y Campdelacreu : l'Anell de prometatge.
304 PERIODIQUES
Pocsia. — P. 2»". Consistori del Jochs jlorals de Bareelona. Compo-
sicions rebudas en secretaria fins al 13 de mars. — P. '228. Novas.
Cal esmentar la que dona coneixensa, de la copa quels Provensals
pensan regalar als Catalans. — Se ha repartit ab est numéro, un
dibuix à la ploma del artista D. Antoni Fabrés, pensionat à Roma
per la Exma. Diputaciô provincial, y un plech del folleti.
N. 6 (31 do mars). — P. 233. Antoni de Bofarull: la Vnitat de
la llengua calalana en Catalunya, Mallorca y Valencia. Varias son
las observacions que fa l'autor, ajudat de sa reconeguda compe-
tencia, pera probar son tema ; empero nos sembla qu'à las dife-
rencias que s'observan en lo catalâ vulgar. segons las encontradas
en que 's parla, podria justament calificarlas de dialectes. De tots
modos, voldriam véurersovint articles tan intéressants com aquest,
en las planas de las revistas catalanas; voldriam poder aplaudir un
despertament de l'aficiô per los estudis fiiolôgichs, quai ausencia
nos esplica clarament lo perqué qualsevol catalanista compétent
se veu exposât à quedar poch menys que sens lectors, si publica
aqui SOS treballs lingiiîstischs, — P. 241. Johan Montserrat y
Archs : la Vinya y sos inimichs. I. Los sûlits coneixements que'l
Sr. Montserrat posseheix en las ciencias naturals, especialment en
la botûnica, recomanan vivament l'atenciô dels Catalans y Pro-
vensals envers aquest estudi, quels sera de gran profit, ame-
nassats com se troban à la vegada, de la destrucciô de la vinya per
lo devastador philoxera. — P. 246. Antoni Vilanova: Exposiciô de
pinturas à Bladrid. III. Tracta de la pintura de género. — P. 250.
Joseph Rodoreda : Una opiniô sobre l'estat de la Tnûsica à Bareelona.
Utils observacions pera lo progrés del art musical en la capital de
Catalunya. — P. 255. Tomàs Aguilo: Sa Pohila del Veguer.
Poesia. — P. 259. Joseph de Letamendi : Ciencia y art. Poesia que
satisfâ nostre desitj d'anar coneixent las ignoradas composi-
cions en vers catalâ del D"" Letamendi. — P. 260. J.SardûiJ.
Tyndaris (traducciô de l'oda XVII del Uibre I d'Horaci). —
P. 261. Artur Gallard: Plany. Poesia. — P. 263. R.: Teatre catalâ.
Critica de l'obra dramâtica d'en Francesch Ubach y Vinyeta, la
Ma freda, ultimament estrenada. — P. 267. Consistori dels Jochs
Jlorals de Bareelona. Composicions rebudas en secretaria fins lo
30 de mars. — P. 269. iVo «as. Los suscriptors han rei)Ut ab est
numéro una copia del inspirât quadro de D° Francisco Masriera
la Esclava, premiat en l'ùltima exposiciô de Madrid.
Bareelona. 31 de mars de 1878.
A. B.\lagler y Merino,
CHRONIQUE 305
Société d'Alliance latine. — Le Banquet de l'Alouette
Montpellier, Boalim, 1878; in-8°, 32 p.
liecueil des discours et des toasts prononcés au l)an(juet de
V Alouette, le 26 mai 1878, à Montpellier. Comme textes intéres-
sants, nous signalerons les toasts de MM. Croisier et Duleix-An-
sermez, écrits, l'un en patois de Saint-Triphon (Vaud, en Suisse),
l'autre en patois d'Aigle (même canton). ISous signalerons aussi,
mais non pas comme un modèle de courtoisie, le début du dis-
cours de M. Mary-Lafon : « Messieurs; j'ai reçu deux invitations
pour assister aux Fêtes latines : l'une de la Société qui a t'ait
beaucoup de bruit dans les rues {sic), l'autre venant de V Alouette.
L'alouette étant la première qui chante en monuut vers le ciel
et qui annonce la lumière, j'ai préféré son invitation, et me voici »
Nous devons faire observer à M. Mary-Lafon que les deux invi-
tations n'étaient pas exclusives l'une de l'autre, puistju'elles éma-
naient de deux sociétés, non pas rivales et encore moins hostiles,
mais simplement distincte^. L'une arbore franchement sa cou-
leur politique, l'autre n'en veut pas avoir; ce qui explique qu'elles
aient agi en pleine indépendance l'une de l'autre, comme l'a très-
justement, «et sans récrimination », constaté M. Xav. de Ricard.
M. Mary-Lafon aurait dû prendre exemple sur lui et ne pas répon-
dre à une politesse par une épigrammc d'ailleurs assez faible, et que
rien ne moiive.
A. BOUCHEUIIÎ.
CHRONIQUE
L'impossibilité où nous serions de condenser dans les quelques
pages ordinairement réservées à la Chronique le Compte rendu du
Concours du Chant du Latin et des diverses séancesou réunions qui
l'ont précédé et suivi, nous oblige à renvoyer le lecteur à la relation
spéciale que la Société fera paraître, avant la fin de l'année, en un
volume distinct de la ^ev«e^Cette relation contiendra les discours
et les rapports de MM.de Quiutana, Mistral, Paul Glaize, de Tour-
toulon, de Lestaubière, Laissac, Léon .Mares, Roque-Ferrier, Uon-
1 Un prospectus fera prouliuiiiein.j nt coiinailre les condiiions de sous-
cription.
23
306 CHRONIQUE
nadieu, Antonin Glaize. liieutaud; lesljrindes elles pièces de poésie
de MM. Ai^uilù, LIorente, Matheu y I-ornells, Ppdrell,de Bornier.
Aubanel,de Berluc-Perussis. Lanj^îade, de Toulouse-Lautrec, Ctia-
baneau, Azaïs, Boacherie. Roumieux. Lafor;,'ue, Tavan.etc; le
Chant de la race latine An M. Alecsandri, et de nouiljreux extraits
des œuvres couronnées, dues, comme on le sait, à MM. Balaguer y
Merino, Bonaparie-Wyse, Constans, l'abbé Paul Guillaume, Marti
y Folguera, Achille Mir, etc. , etc.
La Société se propose de joindre à ces divers documents les let-
tres d'adhésion qui lui ont été adressées à l'occasion du concours-du
Chant du Latin, par les principaux philol02;uos ou romanisants de
l'Espaççucdu Portugal, de l'Ilaiie et de la Roumanie, et notamment
par MM. Milà y Fontanals, Pelay Briz. Victor Balaguer. Nuiiez de
Arce, Castelar, E. Monaci. Ascoli, le prince Ruspoli.le séna-
teur Sabarrini, l'ablié Spéra, le marquis de Mendez Léal, ambassa-
deur de Portugal: Urechia, Hasdeu. Obédénare, Bratiano, Emile
Costine>cu, Michel Biéal, Gaidoz, Picot, etc.
Par exception, nous donnerons seu ement dans \îi Revue \à liste
des prix et des mentions du Chant du Latin:
Une cocpe artistiqoh et symbolique
donnée par don albert de quintana y combis,
A M. Alecsandri, à Mircesti (Roumanie), pour le Cantul gintei
latine (le Chant de la race latine), (langue roumaine).
Un rameau DE LAURIER EN VERMEIL
DONNÉ PAR LE PaRAGE
A Don Franc. Math^-u vFornells, à Barcelone (Espagne), pour
une pièce de poésie catalane : lo Cant del Llati.
Mentions
I. A un anonyme de Tergu-Muresinlui (Transylvanie), jiour
une pièce de poésie roumaiT.e : Cantul Lutimdui (signé 0 Montana
din Transilvani a);
II. A un anonyme, à Paris, pour une ])ièce française : Chant du
Latin (épigraphe : Sursùm!)\
m. A M. Albert Arnavielle, secrétaire de la maintenance de
Languedoc, à Alais (Gard), pour une pièce en dialecte cévenol :
Tahb, cant de raço;
IV. A don Miguel-Antonio Caro, correspondant des Académies
royales de langue et d'histoire de Madrid, membre honoraire de
rAcadéinio des belles-lettres de Santiago (Chili), à Santa-Fe-de-
Bogota (Nouvelle-Greiuide, — Amérique méridionale), pour une
pièce de poésie espagnole: el Himno del Latino;
V. A M. Auguste Chastanet, à la Bachellerie (Dordogne). pour
une pièce de poésie en dialecte périgourdin: lou Chant dau Latin;
Vi. A M. Girolamo Donatl. à Pérouse (Italie), pour une pièce de
po sie italienne : il Canto del Latino;
VII. A M.Félicien de Prades. pour une pièce de poésie en
langue romane du Xll*-' siècle : lo Cant del Latin;
VIII. A M. Auguste Fourès, à Castelnaudary (Aude), pour une
pièce de poésie en dialecte du Lauraguais : le Cant delLatî;
IX. A M. Aimé Giron, au Puy-en-Velay. pour une pièce de
poésie française : le Cliant des Latins;
CHRONIQUE 307
X. A M. Alexandre Langlade, à Lansarpçuos (Ilérauli), pour une
pièce de poésie lanmiodoclenno ^sous-dialccte de Montpellier et de
ses environs): lou Gant daio Latin;
XI. A M. Giovaniies Matliis, à Gènes (Italie), pour une pièce de
poésie rumonsclie (diulectn de la Haute Ensçadinc, canton des Gri-
sons, — Suisse) : VOvel clella Bernina et il cuors délia vita umauna ;
XII. A .M. Cesare Paîadini. à Milan (Italie), pour un pièce de
poésie gallo-italienne (dialecte milanais) ; la Leggenda di popol
latin ;
XIII. A M. Ubacli y Vinyeta, à Barcelone (Espagne), pour une
pièce de poésie catalane : lo Cant del Lati.
Mentions particulières
I. A M. le baron de Meyronnet de St-Marc, à Aix-en-Provence,
pour : la Race latine, oratorio, suivi du Chant des Latins. Les vers
latins sont dus à M. A.-B. Crousillat (de Salon); les vers italiens,
à M. R.-P. Tasso; les vers espagnols et catalans, à des anonymes;
les vers provençaux, à M. J. Gaut, d'Aix-en-Provence; les vers
roumains, à M. Georges Sion, secrétaire général île la Société acadé-
mique roumaine, à Bucarest (Roumanie);
II. A MM. Aimé Giron et Gyrille Fiston, pour les Petits-Fils des
douze Césars, satires françaises-latines (Imprimé) ;
III. A MM. Charles Gros et Laborde, à Montpellier, pour les pa-
roles et la musique d'une Cansou latina exécutée pendant les Fêtes
latines.
Mentions pour la musique
I. A M. Borel, à Aix-en-Provence, pour la musique de la Race
latine, oratorio de M. le baron de Meyronnet de Saint-Marc ;
II. A M. Marc Burty, à fjyon, pour la musique de la pièce le
Chant des Latins, par M. Aimé Giron (no IX du Concours de
poésie);
III. A Don José Rodoreda, à Barcelone (Espagne), pour la
musique d'un poésie catalane intitulée lo Cant del Llati.
MM. André, archiviste du département de la Lozère, et Maurice
Faure, tous les deux membres de la Société, ont été récemment
nommés officiers d'académie, par M. le Ministre de l'instruction
publique.
* *
Travaux sur la langue d'oc ancienne et modekne. Publications
CATALANES, PROVENÇALES ET LANGUEDOCIENNES. — Œuvres de Mar-
guerite d Oijngt . xyrieare de Poleteins , publiées d'après le manuscrit
unique de la bibliothèque de Grenoble, par E. Philipon, avec une in-
troduction de M, C. Guigue. Lyon, Scheuring; in-S", xxxix-93 pag.
La Vida de S. Amador, texte provençal inédit du XIV^ siècle, p)u-
blié diaprés le manuscrit de la Bibliothèque de Marseille, par V. Lieu-
taud, bibliothécaire de la ville de Marseille. Marseille, Lebon, 1878;
in-S", 23 pages, avec un fac-similé.
Le Fieus de Mons. leoesque et conte al Chastel de Orest. Document
du XIIP Siècle, commenté, annoté et publié fSLV J. Brun-Durand. Va-
lence, 1878; in-8".
•?0S CHROMQT'i:
Keaiircflon (^l'abbé). Études landaises. Essai de philologie lan-
daise. Déconrrrte archéologique à Pis.'^Ofi. Études archéologiques de
.1/. le docteur Léon Sorbets. Pau. Menetière; in-H", 79 pages.
Alpli. Ho(|UP-Ferrier. Z'iî des infinitifs en langue d'oc. Paris.
Maisonneiivo; in -S", Ul pai^os. ( flxtrail de la Revue des langues ro-
manes. )
Michel. Le Z euphonique et son équiralcnt, l S douce en 2^rovençal et
en français. Toulon. Ij;iLM-('nl,; in-8', 50 pnues.
Gombette-LaltoureliG (de). Roman et Patois. Gaillac, Du2:ourc ;
in -8", xYn-152 pages.
Un pom de flors. A /as iVo/ya.s- c«/afa?2a.s.Barcelona, Volliada ùel dia
6 de niaig de 1878. Imprenla d,' la Reiiaixensa ; in-i2, r34])age.':.
Charmant recueil de poésies catalanes, dues à M. M. Basscgoda,
Bertran y Bros, B. Ferrer. Franquesa y Gomis, Arthur Gallard.
Genis y Aguilar, Ange! Giiimprà, Marti Folmiera, Masriera y Go-
lonier, Francescli Mathèu, Monlserrat y Arclis, Manel I^au, F-'icû y
Campamar, Pons y Massaven, Rahola. Reventos, Roca y Roca.
Riera y Bertran, Sardâ, Torres y Reyato et Ubach y Vinyeia.
V. Balaguer. Trajedias. Su autor en ver.'io catalan. Victor Bala-
guer. Sus traductores en verso castellano, Ruiz Aguilera, Nunez de
Arce, Rétes, Ferez Echerarria. Barrera, Llorente. Rossellô. Biedma,
Sierra 1/ C'/zave-?. Segunda edicion. Madrid, Fortanet; in-12,484 pag.
Francesch Matheu. La Orns'-'i de l'espiga . Barcelona. A. Verda-
guer; in -12, 6 pages
Fr. Ubacli y Vinyeta. La Ma frrda, comedla tragica en très actes ?/
en vers. Barcelona. Rafel Ribas; in-S», 80 pages.
Masriera y Colomer. Poeslas premiadas en lo cerfamen literari del
centre cutalanesch-recreatiu de 1S78. Barcelona, Imprenta de la Re-
nuixensa; in- 12. 1G pages.
Gayeta Vidal y Valenciaiio. lo Mon invisible en la literatura ca-
talana y lo Viatjefet al in fer n per Père Porter. Barcelona^ Estampa
delà Renaixcnsa: in-S", 78 jinges.
Homenage al beato Raimundo Lulleu el sexto centenario de lafunda-
cion del colegio de Miramar. Pal ma. Gelabert; gr. in-8°, 172 patzes.
Contient de nombreuses poésies en catalan, sur ou en l'honneur
de Raymond Lull
J. Maluquer "Viladot, Teatre eatalà, estudi histôrich-cntich, premiai
ab menciô honorifica en los Jochs florals de 1876." Barcelona, Estampa
de la Rcnaixensa; in-12, 62 pages.
Joseph Maria Valls y Vicens. Diseurs llegit en la f esta de repar-
ticiô de premis del centro catalanesch. Barcelona, Imprenta de la Re-
naixensa; in-12, 16 pages.
Œuvres complètes, languedociennes et françaises, de l'abbé Facre, jm-
hliées sous les auspices de la Société pour l'étude des langues romanes.
Montpellier G. Goulet ( tom. I''" ); in -So^ 233 pages.
Éflition préparée pai- MM. Léon Gandin et Alph. Roque-Fenùer;
l'étude sur Favre. sa vie. sa langue et ses poésies (1r' partie du
tome Jei), sera distribuée avec le dernier volume des Œuvres com-
plètes.
Melchior Biilhé>. Prumiè Bouquet (1838-1842), Flouretas demoun-
tagno, poésies languedociennes, avec un Avant- Propos àe .Mariu'; Bour-
relly, et des Notes sur l'orthographe et la proiiotniation languedociennes
( traduction française en regard) ; ourrage couronné aux Jeux fiovaux des
CHIIONÎQUE 309
Fète.-^ latines de Montpellier. INInn' ,ifllier. Imprimerie centrale du
Miili: in-1'2, 455 pa^os
P Gaii?«en, la Fieiro de Chnmboiirigaxd, pouèmo coumique en cinq
cants, emb'nn afo;(.<-j«-e/)a!/.s d'Albert Ariiavielo. Alais, brugiieirolle:
in-l"2, iv-55 pages.
Marins Bourreily, Poesiaprorenxal dedicada à la Asociacion literaria
de Gerona. con motii-o del certt'unen de 1877. Gérons ; in-4'', 4 paiîe.<
(texte provençal '^ traduction cî^paunole ).
Bonaparte-AVysp. Très Ramhiai prourencau (la Vilo d'Aiyo-Morto,
la Soiditudo, Un Deo gratias ) Monnt-peiiè, Einpremariè centralô
d('iLi Miejour; in-8", 25 pages ( Extrait de la Renie des langues ro-
manes. )
I3onapaite-"\Vyse, <S'e/>)/e«^noî<rt. .Vnfibo Marchand: in- ■", 12 p.
Voir le compte rendu de M. Espagne. Revue. 15 avril 1878. ]) 197.
Bonaparte-Wyse. Magalouno. odoleto dedicado à Mounsegne de
Cabrièro, eresque de Mount-peliè . Isclo de la Magalouno, in-4", avec
la musique, du»- .à M. Louis Laml ert: 12 pages. (Montpellier, Im-
primerie centrale du Midi.)
Camille Laforgue, .4 milord Guilhèm-C. Bonaj^arte-Wf/se : la Bou-
miano. Mount-peliè, Empremariè centralô dau Miejour ( Hamelin
fraires); 10-4". 14 pages: avec la musique, due à M. Loins Lambert.
Extrait du présent numéro de la Revue des langues romanes.
\J Angles à l'Oiipera, ouhreto per S . ■ . . illuslrado per Falip. Carcas-
souno, Pouecli; in-8o, 16 pages, figures
A de Gagnaud, Pèr lou hateja dùu felihrihoun de Saut- Clament.
Ais, Remondet-Aubin; in -8°. 1 feuille.
A. Fourès, le Vincedou à la hatesto de pouls. Montpellier. Impri-
merie cent^'ale du Midi; in-8'*. 3 patres.
Cette pièce de poésie a paru l'abord dans le no de février de la
Revue des langues romanes.
A. Fourès, le Cap de Voultari à Toidousn. sonnet. Castél-nou-
d'Arri. Chavard: in-4°. 4 pages.
Louis i^esjardins, le Chant du Gaulois, aux Damex félihresses, sonnet.
S. L. N. D. (.Montpellier, mai 1878); in-S". 4 jjages.
La quatrième page contient une traduction en langage de Tou-
louse, par M. Germain Fournier, secrétaire de la maintenance
d'Aquitaine, du sonnet aux dames félihresses.
C. Gros, 3Iagaloiina. jxiroidas de C. (iros. félibre dau Clapas;
musica deBéren-d. Montpellier, Boehm; in-4o, 4 pages.
Pièce de poésie lue par l'auteur à Ma^uelone, lors de la première
réunion du Forage, le 18 novembre 1877.
Jules Bessi, Notices sur Segurana. héroïne niçoise. Nice, Gilletta:
in-8o, 30 pages.
Contient, p. 29, une pièce de 1G vers, en langage de Nice; elle
est suivie d'une ode en français. Le tout signé: Jules Bessi, et
daté du 15 août 18132,
Babret. Cansou de la haquo de Capestang. Rigaoudoun, paraulos e
musiquo de Babret (Auguste). Béziers, Perdraut, S. D, Une feuille
in-4'' à 2 colonnes.
La vache est l'animal symbolique de Capeslana. Voici le refrain
de la chanson :
Garas 1 Garas !
Mouud''. la baquo pa>so.
310 CHRONIQUE
Badas ! Badas !
Mrs aonmens fazes plasso.
Donnas I donnas! donnas!
Qiiaouqiie biel liard onfouasso ;
Balhas ! balhas ! balhas !
Quant saio de binasso ! ! !
Les douze couplets qui accompagnent ce refrain sont parfois
assez risqués En revanche, on ne saurait leur contester une cer-
taine verve rustique. L'auteur peut faire mieux.
B. Artou, Ouhretto proureiKialo . Leis Embarras de Marsiho (Imita-
tien de Boileau). Marsilio, Bernascon; in-8o, xiv pages.
Imitation en provençal-marseillais, de la sixième satire de Boi-
leau. L'auteur met en souscription une traduction en vers de la
Jnconde de Lafontaine.
Alexandre PlazoUes, VOuherturo d'uno mission à Moularés. Cas-
tres, Abeilhou: in-12, 13 pages (au bénéfice des pauvres, 50 cen-
times).
Société d'' alliance latine . Le Banquet de l'Alouette. Discours et toasts
de MM. V. Hugo, E. ('astelar, etc. Paris: Sandoz et Fischbacher;
in-S", 82 pages.
La part de la langue d'oc, dans ce recueil, consiste : 1° en un
toast en prosede M. Croisier (St-Tréphon, canton de Vaud, Suisse);
2» un toast en prosede M. Dulex-Ansermez (Aigle, canton de Vaud.
Suisse); 3° un l»ria.le en prose provençale de M. Félix Gras ; 4" un
brinde en vers provençaux {la Patrio), de M. Piemy Marcelin:
5o une poésie languedocienne ( la Lauseta), due à M. A. Langlade:
'3° une poésie languedocienne ( la Mariano latino), par lA. Auguste
Fourès.
A. de Lamothe, le Proscrit de la Camargue, Paris. Blériot: in-12,
303 pages.
Contient divers cbants et fragments de chants populaires ou re-
ligieux en provençal.
Troubat. Plume et Pinceau, études de littérature et d'art. Paris,
Liseux; in-l(j.
Quelque.<-unes des études de ce volume concernent des auteurs
et des sujets appartenant au midi de la France.
A. R.-F.
Le gérant responsable : Ernest HAMELIN,
TABLE DES MATIÈRES
DU CINQHIÈMK \(U,rME DE LA DEUXIÈME SÉRIE
DIALECTES AisClEISS
Poëtes lyriques catalans (MiLA v Font^vnals) ôH
L"Evang-ile selon saint Jean, en provençal du Xlll" siècle.
(W. FoERSTER. ) ...' 105-167
Extrait d'une traduction catalane de la Légende dorée (Cha-
BANEAU ) •_>U9
DIALECTES MODERNES
Etudes sur l'histoire de quelques mots romans. (Al.\rt.).. . . 5
Lettres à Grégoire sur les patois de France (suite) . (Gazikk). . . 9-237
Euignies populaires siciliennes. (Di Martino.) 12G
UR des intinitifs eu langue d'oc (Alph. Eoque-Fkrrier.). . . 180
Trois Poésies milanaises de Carlo Porta. (PlEïRo Preda.) 213
Un Alléluia pascal en Velay, (V. Smith.) 217
Poueisias dioisas de Guste Boueissier. (Jules Saixt-Rémy.). . . . 2'21
Lou Pech Trinal. (Clair Gleizks. ) 27
Béumouno. (Théodore Aubanel.) 28
Lou Garda-Mas (lin) . (A. Langlade . ) 29
Lous Bords dau Lez. (Lydie ue Ricard . ) 84
Le Vincedoi' (A. Fourès . ) 85
A Trench dauba. (Ubach y Vinyeta.) 87
Lous Pouleits. (A. Chastanet. ) 91
A Jidi Gaussinel, après la legido de soun Ahdona. (A. Espagne.). 133
Donec grains eram, etc., traduction provençale. (V. Liedtaud.) 134
— — traduction languedocienne. (A. Espagne.). 135
A-n-Anfos Tavan, après uno legido à' Amour e Ploiir{A. Arna-
vielle) 158
Lous Dans Canards sauvages. (Gabriel Aza'is.) 191
/ Latin cl America. (A. de Gagnaud.) • . 190
Cantul gintei latine. (Alecsandri.) 202
La Cant del Llatl. (Fr. Matiietj y Forneels.) 2(î4
A la ratjo latino. ( F. Mistral.) 2i5(;
Galahrun ( Léontine GoiRAND. j 270
Luno pleno. ; Théodore Aubanel.) • 272
La Boumiano. (Camille Laforgue.) . . 275
A la Mar latina. ( Lydie DE Ricard.) 279
A Mount-peliè. ( A Roux.) 280
Lou Branle de las Trelhas. ( Louis Iîoumieux.) 281
L'Autouna. ( Charles Gros.) 285
BIBLlGCiRAPHlE
Le Brédaire d'amour, de Matft-e Ermengaud, pulilié par la Société
archéologique de Béziers. (C. Ciiabaneau. ) . . . 38
De la Poesia provenzal en Castilla y en Léon, par V. Balaguer .
(C.-J. T.) 44
31? TABT.R DKS .MATIERES
Recueil de rerxio))s prorençales puur l'enseigne nient dit français en
Provence, .>' partit.-, par un professeur. (A. Espagne.) 40
Counteis e Viorlas, per Au.i^. Cliastanet. ( C. Tiiabaneau. ) 48
Corrertions du textt- d'E.'^tienne de Fougères, addenda à l'article
dé M. Boutlu-rie. { W. FoERSTER.^^ 92
Lo Dona1~ pr)ensuU und laa R'izox de Indiar, ])ul)lit'spar M. Sten-
gel. { C. Cii.vii.wi'UiT.) ] :î8
Sèptentrioun, pèr W.-C. Bonaparte- Wysr. (A. Espagne.) \'M
Cataloifue de la bibliothèque de Marxeille, ourrayes relatif!^ à la
Prorence, par M. V. Lieutaud. (A. Espagne.^ l'.tK
Congrès urchéoloiiiqtn' dp France. XL!!!*-' session. (Alpli. Iîdque-
Ferrier.) • . . . -lu-i
Le Seizième Siècle eu France, par ^l?d. I )arni: sti-ter et liatzfeld.
; A. Boucherik. ' 2(12
La Prise de Damiette en 1219, publiée par M. Paul Mivor. (C.
Chahan'eau.' .... 2H7
Die Prorenzalische Blumenlese der (.'higiana, ^nhW^. i)ar M. Edm.
Stengcl . (C . Chabaneai; . ) 289
Société des Anciens Textes. — Aiol, dianson de geste-, publiée
par MM. J. Normand et G. Rayaaud. ;A. Boucherie.) 290
Sprachliches ans romœnischen Volksnuerchen, par J.-U. Jarnik.. .
(C. Chauaneac.) ■ • 29;}
Un document inédit sur Laurc de Sade, par do P>erliu-rérus'^:s.
(A . RotîUE-FERRIER) 29.-}
Almanach niçois y^out 1X76. par .T. Bessi. (A. Hoque-Fkrkikr. 29,j
PÉRjODiQUEs. — Romunia. (A. Boucherie. ). ... , 4'.l-99-203
Archivio glottolofjico italiano . (A. Boucherie. . -t'I
La Rcnaixensa. (Balaguer y Merixo) . 14!!-;-J02
Lo Gai) Saber. (Id. ) . ■ ••...... 148-300
Romanische Studien. (C. Chabaneau. ) lôO
Zeit.-ichriftfiir romanische Philologie. (CoNSXANs, Chabaneau i 150-295
Journal officiel de lo. République française. (A Espagne ). . . ■ . 1")1
Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de VAveipon.
(A. Ruque-Ferrier.) ' 2(t4
Archio filr dus Studium der neueren Sprachm and Literaturen.
(C. Chabaneau.). 297-2iw
Il Propugtiato'-e. (C. Chabaneau.) 298
Rivista di letteratura popolare. (A. Boui herie.) 2'.t9
Giornale difilologia romanza. (A. Boucherie.) -înO
Société d'Alliance latine. — Le Banquet de VAlouette. (A. BtH'-
CHERl k) • . 305
Chronique in 1-153- .00-305
Table des niatici(,-s 311
REVUE
DBS
LANGUES ROMANES
DIALECTES ANCIENS
CANTIQUE PROVENÇAL SUR LA RÉSURRECTION
Ce cantique, dont je dois la copie à l'obligeance de M. Bou-
cherie, est tiré du ms. fr. 1058 (anc. 7310) de la Bibliotliôque
nationale, où il suit immédiatement (folio 176, vo) une ver-
sion du chant bien connu sur sainte Marie Madeleine, sen-
siblement plus rajeunie que celles qui ont servi de base à
l'édition donnée de ce chant par M. Bory en 1861 '. A la un,
on lit: « Le tout- couppié à l'original de messire Anthoyne
Longi de Roquevayre, prieur de Guiller au dioseze d'Aix et
prédicateur au lieu de Mallemort en l'année mil six cens
et seze, et selom som dire, a douse cens ans que le tout fut
composé en se [sic) mesme langage et rime provensale. Fait
par moi Pelluret, vicaire de Mallemort. »
M. Damase Arbaud a publié {Chants populaires de la, Pro-
vence, 1, 49) une pièce qui ressemble beaucoup à la nôtre ; non-
seulement le sujet, mais encore la mesure du vers, la compo-
sition de la strophe, le refrain, sont les mêmes. Seulement,
tandis qu'ici les trois vers de chaque strophe riment en-
semble, il n'y a chez M. Damase Arbaud que les deux pre-
miers. Le troisième y est toujours en a, pour rimer avec le
' J'en donnera» moi-même prochainement une nouvelle édition, pour
laquelle j'utiliserai la copie du ms. 1058.
2 G'est-â-dire le chant sur sainte Madeleine et notre cantique.
6 DIALECTES ANCIENS
refrain. Des deux côtés d'ailleurs, la rime, toujours mascu-
line, se réduit souvent à Tassonance.
Tout porte à croire que notre cantique, sans avoir l'anti-
quité que lui prêtait messire Anthoyne Longi en 1616, datait
déjà, alors, de plusieurs siècles. On peut, sans témérité, en faire
remonter la composition, comme celle de la cantilène sur
sainte Madeleine, jusqu'aux environs de l'an 1300.
Je n'essayerai point d'en rétablir la forme primitive, dont
la copie du vicaire Pelluret s'écarte sans doute assez souvent.
Je me liornerai à quelques corrections, surtout orthographi-
ques, régularisant l'emploi de Vm et de l'n, substituant l'an-
cien 0 au moderne ou^, etc. Les leçons du ms. seront tou-
jours, du reste, indiquées en note.
On remarquera, st. 4, la prosthèse du v dans oogner; st. 10,
la forme va pour o (vo); st. 4, son pour lor; st. 2, 9, 10, 17, H
pour lor [illis); st. 16, siu [sien] pour soi; st. 19, sias pour etz.
Ces provençalismes ont pu être introduits par les derniers co-
pistes; mais il n'y aurait non plus rien d'impossible à ce qu'ils
remontassent à l'original même. — Je n'ai pas corrigé ceau
{=eel), stance 16, parce qu'on a des exemples anciens le cette
insertion de l'a entre e et l. Tel est peal = pel dans la nou-
velle de PeireG-uillem (Bartsch, Crtres?./)roy., 261, 6). P<iur dau
(st. 11), aujourd'hui c?dM = fl?et(, génitif de l'article, cf. Diau,
iau, miau [meum), etc., dans S te Agnès et ailleurs. Les formes
aqueUos,ellos (st. 21), sont déjà dans Blandin de Cornouailles et
d'autres textes du même temps. C. C.
SABBATO SANCTO PASCH.
Quando cantatur Regina cœli letare, ail.
Alleluya, alleluya, alleluya,
Alleluya- !
I, Quand Jésus Christ fon tormentat
Et de la crous desclavellat,
* .Te laisse crous (si. 1.2) parce que celle forme (et de même fOus :=
votz, etc.) be trouve déjà dans !a Vie de saint Honorât et uvAres toxtf's de
Provence de la même époque. Il est probable que l'ou y est diphlhongne.
Cf.. en provençal moderne, pôu = pot, tôuti =tot, etc. — 2 En toutes let-
tres; partout ailleurs, en abrégé.
CANTIQUE PROVENÇAL 7
En lo * sépulcre fon pausat.
Alleluya !
II. [Mas] Pons Pilats et Caiphas
Ben fort fasion garda[r] lo^ vas,
Que non li fossa ' deraubat.
Alleluja !
III. Quand Jésus ton ressuscitât,
Las gardas foron fort troblas;
Dison * qu'en •' dorment fon raubat.
Alleluya !
IV. Las Marias '^ en grand tremor
Au sépulcre venon en cors ^
Fer vogne[r] Christ son * sauvador.
Alleluya !
V. Auses, Segnors ^, miracle gran :
-De Jésus Christ sias certans
Lo jor *" de Pascas sens engan —
Alleluya ! —
VI. Ressuscitât es verament,
Car rangi[l] tôt certanament <^
A las Marias i* clarament —
Alleluya ! —
VIL Lur a dich et manifestât :
« Jésus Christ es ressuscitât ;
En Galilea *^ es annat. »
Alleluya !
VIII. Las très Marias** clarament
An caminat certanament,
Sonvengudas '' tôt*® prestament.
Alleluya !
IX. En Jérusalem an trobat '"
1 lou.— - lou.— '^ fousse.— '' disom.— ^ em.— « Marias.— ' cours.
-« som. — ■' segnours.— '" lou jour — " tout certenament — i- marios
- ^^galilee. - '- marios. — *■ vengudos. — "' tout. — ^Hroubnt.
8 DIALECTES ANCIENS
Los apostols tos ' estonnas ;
Aqui li an annonciat —
AUeluya l —
X. De Christ lo- ressuscitament.
Manifestât II an doussament
Que rangi[l] li a dich certament ' —
Alleluja ! —
XI. Que Jésus es ressuscitât,
Dau sépulcre s'es ennanat,
Tôt* aisso dis en veritat.
Alleluja !
XII. Los apostols '' gauch an agut ;
Ambe " Sant Peire sont vengus,
Tos ensems ' parlant de Jésus.
Alleluya !
Xni. E Sant Peire si lur a dich :
« Anem '^ veire tost Jésus Christ,
Seguem lo prest, aisso es pron dich. »
Alleluya !
XIV. Magdalena^ s'en vent tot^" prest
Dins lo " jardin per lo *- vezer;
Tocar lo ^^ vou a som plaser '*.
Alleluya !
XV. Jésus [Christ] prest se reviret ;
Ella'° ben fort lo "^ regardet.
Si li dis et li commandet : —
AUeluj^a ! —
XVI. « Maria '^, non mi toques pas
Ni pau[c] ni pron '**, ben va saclias,
Car au ceau non siu *^ pas monta[t|. «
Alleluya !
Hous aposloustous. -Hou.— -^ certanament.— >tout.— ''lousaposlous.
— >> enbe. - '-tous ensens — « anen.— '• Magdaleno.— '" tout. — '* lou.
_*2 lou. —*■■■' lou. — 'i pleser. - i-' ello.— "' lou. — ^' Mario — '« pruun —
19 siou.
CANTIQUE PROVENÇAL 9
XVII. As Apostols* el a parlât,
Et Sanct Thomas 1» es arribat
Et li a donat - a tos ■' la pas.
Alleluya !
XVIII. « Vejas, Thomas \ lo mieu costat %
Veyas mos pes, mas ^ mans veyas;
Mescresent estre non vulhas '. )>
Allelnya !
XIX. Tliomas ** respond a son ^ segnor '":
« Mon Dieu'-, vos '- sias mon Sauvador,
Ressuscitât en grand honor'^. »
Alleluya !
XX. « — |Apr]es, Thomas'*, que m'as tocat'"
Et mas plagas ^^ as maneiat,
Tu m' as cregut en veritat. »
Alleluja !
XXI. a Aquellos que non mi vejran
Et fermament en mi crejran
Benauroses " elles seran ***. »
Alleluya !
XXII. Preguem '^ lo -" paire et lo ^' fils
Que mande son-- sant Esperit
Et nos-^ meta-^ en Paradis.
Alleluj-a !
' apostous. — 2 dounat. — ' tous.— '' thoumas.— ■> lou miou constat. —
'^mes.— ''voulhas.— >^Thoumas.— ^som— ^"segnoiir.— '* diou.— ^'vous
— ' I /lonour. — '* Thoumas. — '- toucat. — •'■ plagnes. — '' bensey-
roiises. — '8 serarn. — ^'' preguen. — -"lou. — ^i iou. — -^ som. —
^' nous. - -'' mette.
DIALECTES MODERNES
NOËL LANGUEDOCIEN INÉDIT (?)
Je dois la copie de ce noël à l'obligeance de M. Boucherie, quiu
bien voulu le transcrire pour moi du ms. fr. 13173, P 205, de la
Bibliothèque nationale.
G. Ghabaneau.
I. Une joine fillette,
Pregant Dius un mati
Auprès de sa couchette,
Cujet s'esturmenti*,
Quan[t] un juine moussur
Intret dins sa crambette
• Per li fa serbiteur^.
II. N'agés pou*, 11 dis, belle,
Cresés me souloment ;
Bous resterés pieucelle
Après Tenfantomen.
lou soui Tembassadour *
Per bous pourta noubelle
Que Diou bous fay l'amour.
III. Bous ses del pal la fille
Et la reine del cel,
Despei que Diou s'abille
De car dins bostre pel ;
• Le même qaeslrementi.Vof. Rayuouardot Sauvages. — -Prononcez
serbitur. — ^ Ou, ici, est diphthongue. C'est un affaiblissement de ou=s
ao (paor, paur, pou).— '' Ms. embassadeur.
LANGAGE DE ST-MAURTCE-DE-L EXIL H
Et bous e[s]poutissés '
Lou dragon qu'entourtille ^
Lous homes ^ sous lous pés.
IV. Tout lou monde}s'affanne
A bous dressa d'autas ;
Lou sant et lou proufane
Couront tous à grand pas,
Per bous ouffrir d'encens,
Corne a la bien aimade
De Dious et de lais * gens *.
NOTES
SUR LE LANGAGE DE SAINT-MAURICE-DE l'BXIL
(Isère)
Ce dialecte n'a jamais été écrit, et il est difficile d'en dé-
terminer l'orthographe. Afin de faciliter Fintelligence de la
pièce qui précède, je vais tâcher d'en donner une idée; aupa-
ravant, il est peut-être nécessaire de dire quelques mots du
pays:
Saint-Maurice-de-l'Exil, canton de Roussillon (Isère), est un
petit village (fomposé de trois ou quatre hameaux, formant en-
semble une commune de mille habitants environ. Le village
est à 1,200 mètres du Rhône, entre les stations des Roches et
du Péage ( chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée).
* Eapoutir = écraser, proprement mettre en bouillie (puis, pultis).
— 2 Ms. entoustille. — ^ Ms. houmés. — ■^ Pour las. Prononciation du
Quercy, du Rouergue, d'une partie de la Provence, etc , etc. Voy. Ro-
que-Ferrier, des Formes de l'article '-n langue d'oc (Revue, X, 254). —
^.Gette piècii est suivie dans le ms., qui est du XVI IP siècle, du fa-
meux noël des Bohémiens {Nautres siam très hooumians, etc.), qui a été
souvent réimprimé, par exemple dans les Variétés religieuses (1860),
p. 114.
12 DIALECTES MODERNES
Les vingt-deux communes du canton, sauf quelques va-
riantes, ont à peu près le même langage. Cependant il j a des
expressions singulières dans quelques villages ; ainsi on dit :
(Tancoui, pour aujourd'hui; vorendré, pour maintenant.
Dans l'arrondissement de Vienne et dans presque tout le
département, on se comprend réciproquement, malgré la diffé-
rence de l'accent et de quelques expressions.
A Moidieu, canton sud de Vienne, les habitants disent, en
l)arlant de leur village :
A Moidi, iqui van i mîzon de trou de cièr cueme de soulouc
( à Moidieu, là où l'on mange des morceaux de viande gros
comme des lampes, calèu).
A Saint-Maurice, on dirait : A Mrndsé, iquiet van i mîjon de
trou de char cueme de choulâ, mais avec un accent très-diflfé-
rent.
Aux Roches-de-Condrieu, l'idiome est très-harmonieux; il
se prête admirablement à la versification, et les expressions
sont douces et agréables ; on dit:
Onte vaïtse ? ( Où vas-tu ? )
Vetse, fé esquiglié ! (Vois, j'ai glissé!)
A Saint Maurice :
— Van vétse ?
— Vatse,f écoula f
Prononciation. — Toutes les lettres se prononcent avec
l'accent français, sauf dans les cas suivants :
L'o a deux sons différents :
Le premier est bref dans les verl)es do la première conju-
gaison à l'infinitif:
Omo, chanta, allô, plourù, trouva, etc.
Aimer, chanter, aller, pleurer, trouver, etc.
Il indique aussi le participe :
.ré chanto, fé omô, j'é plourù, etc.
La prononciation est longue dans :
Apôtrou, Cotrou, incore, consona, quoque, etc.
Apôtre, l'autre, encore, consonne, quelque, etc.
L'e sans accent est toujours muet , sauf lorsqu'il est pré-
cédé d'un M. Ainsi on dit: persévérance, au lieu de persévé-
LANGAGE DE ST-MAURlCE-l)E L EXIL 13
rance; vierge, verge, per, au lieu de vierge, verge, pèr ; d'ail-
leurs, l'accent indique si Ve est forme ou ouvert.
OU a deux prononciations : la française d'abord ; l'autre, qu'il
faudrait entendre pour la saisir, indique le pluriel dans l'ar-
ticle làu (les). C'est encore l'accent qui le détermine.
Il se prononce également dans quelques substantifs:
LoU roussignôu, lok roussignôu.
Le rossignol, les rossignols .
Il remplace 1'^ muet dans l'indicatif des verbes : Je chàntou,
fomou, je hogliou, je travagliou, etc.
6'^^' joue un grand rôle. Il est presque impossible d'en saisir
le son, même en l'entendant: à peine Vu se fait sentir, à peine
Ve se prononce, ce qui donne un son intermédiaire difficile à
expliquer. Cette diphthongue se rencontre fréquemment; elle
remplace ot le plus souvent. Uiglie se prononce comme feuille,
fille, etc.
Le nom de Mireille ( Muereglie ] offre, comme prononcia-
tion, les trois cas principaux de ce que j'ai dit ci-dessus : Mue,
re, glie; les deux derniers é sont muets.
Les anciens, pour les pronoms, disaient: lou man, lou tan,
lou san, lou noùtrou, lou voutrou, lou gliour.
Ma mère disait : loîi miénou, loù tsénou, lou siénou, lou noù-
trou, loùvoùtrou, loù gliour; ce qui se dit encore. Mais, au fé-
minin, elle disait : la mià, la tsa, la sia, etc., et on dit généra-
lement: la miéna, la tséna, la siéna, etc.
Toutes les consonnes se prononcent comme en italien, mais
les diphthongues n'ont qu'un son.
Dans certains de nos verbes, Var de l'infinitif se change
en 0, lequel est prononcé, à peu de chose près, comme Vo du
mot so?"^." omô, aimer; chanta, chanter; allô, aller; trouva,
trouver; devuenô, deviner; ruémo, ruminer.
Dans d'autres il est remplacé tantôt par yé et tantôt par é :
baglié, donner; dansié, danser ; chassie, chasser ; lessié, laisser;
beneyé, bénir ; netteyé, nettojer ; seyé, faucher ; mouché, mou-
cher.
Dans les verbes en i, Vr se supprime également: on dit
figni, finir; vegni, venir; retegni, retenir, etc.
T4 DIALECTES MODERNES
Les conjugaisons en oir donnent: oare , voir; apercevrc,
apercevoir; pouére, pouvoir, etc., etc.
Un mot de prosodie : You et l'a s'élident ; ils remplacent W
muet du français. La prononciation exige que l'on appuie sur
la syllabe pénultième :
Ex.: Lou Ronou etsin rueban que bian long se dépleyé.
On considère comme muette la dernière syllabe de la pre-
mière personne du pluriel du présent de rindicatif :
Ex.: Pendant qui se proumenon
Ne venon.
11 en est de même à la troisième personne du pluriel de l'im-
parfait de l'indicatif :
Ex.: Moù magnon groùsseyiovaw
Brififova». . .
Et dans les cas suivant :
Ma mère, sinta fena
Etplena...
Je vou lou boglion en cent où muela
Ailleurs on suit les règles ordinaires du français.
Maurice Rivière.
MOU DERA COUCON
IDIGLIE
A MA FIGLIE
Madàma M. F. M
I per tsuet que se dévertoglie
Quella flotta de soie joglia.
Si moù magnon an z'â la tbuoglie,
Per tsuet aran bian travaglia.
Mon père m'ayié dsuet :
— Puetsuet !
Je se content de tsuet,
Car t'ésse éto bian sajou :
Te faré de magnon,
Mignon !
Per tsuet et sans partajou.
T'éré vélaCaro,
Aro
Doù viérou de Bero,
MES DERNIERS COCONS
IDYLLE
A MA FILLK
Madame M. F. M.
C'est pour toi que se dévide — cette jolie flotte de soie. — Si mes
vers ont eu la feuille, — pour toi ils auront bien travaillé!
, Mon père m'avait dit : — Petit, — je suis content de toi, —
car tu as été bien sai^e : — tu feras des vers à soie, — mii^non! —
pour toi et sans partage.
Tu iras vers la Carré, — à coté — des friches de Béraud, —
16 DIALECTES MODERNES
Per amasso ta fouoglie :
Ampouogne ton grand sa.
Ah ! ra,
Tant pis si te te mouoglie.
Ma mère, sinta fena
Et plena
De bonto : por ma pena
Ina once aile bettuet
Pâ couvo, dsan la pàta,
Adràta,
In ma dsan soù tetuet
Per loù fére épegli. . ,
— Jogli,
Cueme de fleur de gli !
Eran alla proumâre,
Si lou papié greglia,
Baglia
Per la mère Revâre.
Vé netra pipignére
Mouriére,
A toute le pragniére
Je coulôvou loù juet ;
Charja de ma farjuena
Mià pluena,
J'adsuesien derejuet.
pour cueillir ta feuille : — prends ton grand sac. — Ah ! ça, — tant
pis si tu te mouilles '.
Ma mère, sainte femme, — et pleine — de bonté : pour ma peine,
— une once (de vers à soie) elle mit — dans le chiffon, — adroite-
ment, — couver un mois dans son sein -
Pour les faire éclore. . . — Jolis, — comme des fleurs de lys, —
ils étaient à la première [mue] — sur le papier découpé, — donné
'- par ma mère ^.
Vers notre pépinière — [de] mûriers, — après toutes les siestes,
* Voir les notes à la p. 23.
MOU DERA COUCON 17
Qu'éran couvar de roùse
Moussoùse :
Per z'èllou i boune choùse.
En arruevan, d'abor,
Plan plan, je gliôu mécliôvou,
Bagliôvou
Fouoglie où miâ, rôuse ou bor.
Vé Glioùre, pueruelo,
Doù lo
Qu'habuete Gnuiecoulo,
J'amassovou de grome ;
I n'en mancove po :
Te po
Que lou magnon groù Tome
Per fére sa méson ? . . .
— Veson !
Que se bette eu préson ! . . .
Apre, vé la Couiratta
Je courrien araché,
Charché
La rustsica mourjatta ;
Et pessan vé le Froclie,
Po loche
Je me bettove en morche,
Per allô dérouclié
— je dépouillais les brindilles ; chargé de mon petit sac — rai- plein,
— j'apportais [encore] des rejets
Qui étaient couverts de roses — mousseuses; — pour eux, c'est
une bonue chose. — En arrivant d'abord, — doucement je mé-
langeais, — [et] donnais — teuilic au milieu, roses au bord '•.
Là-bas, vers le mas de Lioure. — du côté — qu'habite Nicolas,
— je ramassais du chiendent: — il n'en manquait pas ! — N'est-
ce pas — que le ver à soie l'aime beaucoup
Pour faire s:-, maison ? — [Joli] ver — qui se met en prison ! . . .
— Après, vers la (louiratte, — je courais arracher, — chercher
— la mourjatte rustique =.
Et puis vers les Fràches, — alerte, — je me méfiais en marche
18 DIALECTES MODERNES
In grand fé de briyiére,
Van yiére
Où mià delloù rouché.
Loù z'angardon bian druet,
Adruet
J'allovou où boun andruet
Illo vé Ro loù quorre ;
Car per ancabano,
Mono,
1 n'en fa de z'amborre.
Moù magnon groùsseyiôvan,
BriflEbvan,
Gliôu mouron s'allonjôvan,
Cueme igniayé, mou Dsé !
Dessi le z'étagére
Légère,
De pertout s'apondsè !
Alor, i n'en faglié
Baglié
(Per iquian éfouglié
Loû mourié délia plagne):
Doù grand plan sa per jour,
Toujour
Prâsa aile z'ébaragne.
Si loù rouché, le grise
Larmise,
— pour aller extraire — une charge de bruyère — poussée — au
milieu des rochers^.
Les petits échalas alignés, — prestement — j'allais au bon en-
droit — les chercher là-bas vers le Rhône ; — car , pour encaba-
ner, — mes amis, — cela donne de l'embarras '^.
Mes vers à soie grossissaient, — briffaient, — et leurs nez s'al-
longeaient. — Comme il y en avait, mon Dieu ! — Sur les étagères
— légères, — de partout il en sortait:
Alors, il en fallait — donner — [ de la feuille ] — ( et pour cela
effeuiller — les mûriers de la plaine ) : — deux grands pleins sacs
par jour, — toujours — prise aux branches basses.
Sur les rochers, les lézards — gris, — à l'abri de la bise, — font
MOr DERA COUCON 19
Airôuri délia bise,
Fan bian moins de trafuet
Que loù magnon que briffon,
Et rifflon
La fouoglie à grand gourjuet.
— Bertoula, de Condrié,
Courié
Acheto de mourié
Per n'amasso la fouoglie :
Où me fcsié dono
Tourne
Lou migé dsan le bouoglie.
« Dsi ! pitsité chânîglié,
Guenîglié,
Que resseimble inâ fîglié,
Quein tou màgnon ein sa,
Onte té qui vein béré ?
Révéré,
Itô dsin quô grein sa ? »
Mai non, mon bio savan !
I van,
Meno per loù davan,
En poucission ohé Feja :
Se dessio vé la Fon,
Où fon
Délia derâre leya.
bien moins de bruit — que les vers à soie, à la quatrième mue, —
mangeant — la feuille avec voracité'.
— Bertholat, de Gondrieu, — courait — acheter des mûriers —
pour en ramasser la feuille : — il me faisait damner, — retourner
les aliments dans les entrailles :
(' Dis ! petite chenille, — guenille, — qui ressembles à une fille.
— quand tes vers à soie ont soif, — où vont-ils boire? — Rivière,
— est-ce dans ce grand seau * ?
Mais non, mon beau savant ! — ils vont, — conduits par les pre-
miers, — en procession chez Feyat, — étancher leur soif vers la
fontaine, — au bout de la dernière allée '•*.
80 DIALECTES MODERNES
Pendant qui se proumenon,
Ne venon
Loù déjassié. Ne prenon
In poù de sarpouluet :
Ne n'en frotton le planche
Suet blanche
Que la char de pouluet.
Point deflàpou, ampeja.
Louja
Ere groù bian mija ;
(Imuet drajeye, gniuet vache,
Grniuemé point de trouvo
Crevo
Que pouyian fére tache.
Pà, ne plasson aile douce
Le trousse,
Si loù bord le pli groùsse ;
Ne betton per calo
In bouquiet de briyiére
Per pouere
Tegni dsuessuet dsuelo.
Si le trousse i gropîglion,
S'arpîglion.
Dsé ! cueme i s'éjarmîglion
Pendant qu'ils se promènent, — nous ùtons — leurs détritus. —
Nous prenons — un peu de serpolet, — nous en frottons les plan-
ches, — aussi blanches — que la chair de poulet.
Point de | vers à soie j flétris, collés. — La litière — était bien
dévorée; — ni muscardines, — ni lèpres, — non plus pointde trou-
vés — crevés, — qui pouvaient faire tache'".
Puis nous plaçons avec précaution — les trousses, — les plus
grosses sur les bords; — nous mettons pour les caler — un bouquet
de bruyère, — afin de — les tenir deçà, delà.
Sur les trousses, ils grimpent, — s'attachent. — Dieu ! comme
MOU DBRA COUCON 21
En charchan se placié ;
Pessan chocun se range,
S'arango
Per vitou coumaucié .
I poson glioù z'attache :
Per tache
Dsin jour, gliou cor se cache
Où zié doù kirioù.
La soie se devertoglie,
Vucroglic
Dsan gliou paluct souyioù.
INVOUCACION
Dsuevuena Mère, ô Sinta Vierge,
Vous m' éde toujour beneyia :
Paro moù magnon délie merje
Doù ra tsèulà dell' oùteyia.
Etandâ voutra man puessànta
Si la méson, dsan mon granâ;
Qu'a choque troussa joùgnuessanta
De coucon, n'aje in plan pana.
ils se trémoussent — en cherchant ii se placer; — puis chacun se
range, — s'arrani^e, — pour commencer bien vite .
Ils posent leurs attaches. — Pour tâche — d'un jour, leur corps
se cache — à l'œil du curieux. — Leur soie se dévide, — tout au-
tour [se place j — dans leur palais soyeux ",
INVOCATION
Divine Mère, ô Sainte Vierge! — vous m'avez toujours béni:
— Préservez mes vers à soie des souris, — des rats de tuile et des
coups de chaleur*-.
Étendez votre main puissante — sur la maison, ilansraon grenier ;
— qu'à cha([ue trousse jaunissaaLt de cocons — il y en ait à pleins
panier? *3.
2
22 DIALECTES MODERNES
OFFRANDA
Enûn, dedsan voutra chapella
Imblaman j'cra vous pourto
La troussa chousia la pli bella,
Où pié de voutroù sint z'ôuto.
— Chanto, découcounoùse
Joujoûse !
Chanto, débouretoùse :
Le grome sont gargniuet,
Le mourjatte sont plene,
Me fene,
De coucon à pignuiet.
N'ampliron lou lancié.
Où sié
Guéman n'éron dansié.
Chanto, découcounoùse !
AUon, déboureto !
Chanto !
Chanto, débouretoùse !...
Mourice Revare
Dsuejon, 15 jugliot 1877.
OFFRANDE
Enfin, dans votre chapelle, — humblement j'irai vous porter—'
la trousse choisie la ])lus belle, — au pied de vos saints autels.
Chantez, décoconneuses — joyeuses ! — Chantez, débour-
reuses: — le chiendent est garni; — les mourjattes sont pleines,
— 1 Mesdames], de cocon à poignées.
Nous en remplirons un drap ; — dans l'aire, — gaîment, nous
irons danser. — Chantez, décoconneuses ! — Allons, ôtez la première
bourre [ des cocons]. — Chantez, — chantez , débourreuses !
Maurice Rivière.
Dijon, le 15 juillet 1877.
MOU DERA COUCON 23
NOTES
^ Lisez: mas de. Tous les noms de lieu se disent ainsi: mas de la
Carré, mas de Lioure, etc.
2 Au mois de mai, lorsque les feuilles de mûrier commencent à pousser,
les femmes mettent généralement dans leur sein le drap qui contient les
œufs de vers à soie, afin de les faire éclore. Beaucoup vont en pèlerinage
à Saint-Savin, chapelle située sur une crête au midi du mont Pila.
Cette chapelle, que l'on aperçoit de Saint-Maurice, scintille comme un
diamant aux premiers rayons du soleil lovant.
■' Lorsque les vers commencent d'éclore, on les met dans une petite
boite oblongue. On étend sur eux un papier découpé; avec quelques rejets
de feuille posés sur ce papier, on recueille facilement les vers, qui
viennent manger cette feuille.
^ On prétend que les vers aiment l'odeur de la rose et du serpolet.
^ Plantago cynops.
'' Erica vulgaris .
'i Les vers à la quatrième mue (briife) font, en mangeant, un bruit qui
ressemble à la pluie tombant sur des feuilles sèches, ou à des lézards qui
frôlent les plantes desséchées.
* Idiome de Condrieu (Rhône).
* Plaisanterie que j'ai entendu faire par mon père à des gens de la
montagne (Khône, Loire).
1" Maladies qui atteignent les vers à soie.
1* Le ver réunissant les meilleures conditions de santé fait pon cocon
en trois jours {Dsan trâ jour in bon maynon fa son coucon), prov. local ;
mais un jour suffit pour se cacher.
^- Il est d'usage de mettre les vers sous la protection de la Sainte
Vierge et de lui offrir une trousse garnie de cocons.
'3 Pour encabaner les vers à soie, lorsqu'ils sont mûrs, on confec-
tionne de petits fagots ( trousses), allongés et plats, avec de la bruyère,
du chiendent, de la paille de colza, de la mourjalte ( plantago cynops);
on se sert de petits éclialas pour soutenir les trousses.
UN FRAGMENT DE POÈME
EN LANGAGE DE BESSAK
(Hérault)
L'idiome de Bessan (Hérault) ' appartient à cette catégorie
de dialectes de la langue d'oc que l'on pourrait peut-être appe-
ler illogiques ou irréguliers, parce qu'ils admettent à la fois
Va etl'a comme voyelles finales du féminin -. Le périgourdin •'.
le limousin'* et le dauphinois ', en représentent la moyenne la
plus ordinaire, c'est-à-dire celle où la première de ces voyelles
termine le singulier; la seconde, le pluriel.
En opposition au dauphinois, au périgourdin et au limousin,
le langage de Bessan réserve l'a aux finales féminines du sin-
gulier : irounda, laugeira, poulida, et l'o à celles du \A\xv\e\: fa-
dos, causas, fetnnos. Cette particularité dialectale, non encore
signalée jusqu'ici, constitue le principal intérêt philologique
des fi-agments du poëme la Granja de las Fados, dû à M. H.
Bousquet, garde d'artillerie en retraite, à Bessan.
Ces fragments en possèdent un autre, (ju'il n est pas inutile
de relever. On sait que le moyen âge avait un mode de vers
très-répandu, celui de douze pieds avec une syllabe supplé-
' Petite ville d'environ deux mille cinq cents âmes, située sur les bords
(Je l'Hérault, canton d'Agde, arrondissement de Béziers.
- Divers poètes, n'admettant pas celle dualité, sont revenus à l'unité do
finale, tantôt par l'o et tantôt par l'a. J'aurai l'occasion de parler plus lon-
guement de ce détail dans un prochain mémoire.
' Voyez les Counteis e l'ior/a5,par M. Chastanet; Robeirac, 1877 in-8°.
*■ Voyez la Grammaire limousine dr M . Ghabaneau.
•• Voyez ios Noças de Jauselou Roubi: envnàdio dauphinoise, publiée par
M. Revillout 'Revue, octobre 1875). On pourrait encore citer certaines por-
tions de l'auvergnat. Voyez, comme exemple, les fragments de Faucon,
rapportés par M. Henry Doniol dans ses Patuis delà basse Auvergne, leur
grammaire et leur liltéralure; Montpellier, 1877. in-H" (Série des F'ubli-
cations spéciales do la Société des langues romanes), p. 88 à 93.
POEME EN LANGA(rE DE liESSAN 25
mentaire et inaccentuée à la césure, souvent employé dans les
laisses de la Cansos de la Crozada contr eh ereges d'Albegés :
Lo filhs del rei de Fransa fo mot be acuUiitz
Per son paire e pels autres e volgutz e grazitz,
Ez es vengutz en Fransa de sobre '1 arabitz
E comta al rei son pairr^ cum s'es ben enantitz
En Simos de Montfort ni cum s'es enrlquitz.
E'I reis no respon mot ni nulha re no dltz*.
« Le fils du roi do France fut à merveille accueilli, — et agréé par
son père et par les autres. — Et il est venu en France sur son cheval
d'Arabie, — et il conte au roi son pi-re combien s'est mis en pouvoir —
Simon de Montfort et combien il s'est enrichi. — Et le roi ne lui répond
nul] motet ne lui dit nulle chose. »
Notre oreille a peine à s'accoutumer aujourd'hui à ce vers.
Aussi le rencontre-t-on très-rarement dans les œuvres écri-
tes du XVr' au XIX'' siècle. Le seul exemple que nous en
olfre la littérature savante ^ de la lanj^ue d'oc moderne est
' Histoire de la croisade, contre Im hérétiques albig^'ois, écrite en vers
provençaux [jar un poêle contemporain, traduite et publiée par M. Fau-
riel; Paris. Imurimerie royale, 1837, in-4", p. 224, laisse GXLII. Je me
suis servi de cette édition, n'ayant pas sous la main celle, bien meilleure,
de M. Paul Meyer.
- C'est à dessein qne je parle de littérature savante, car les œuvres po-
pulaires, celles où le chant fait encore sentir son influence, ne sont pas
totalement dépourvues de vers semblables.
J'en donnerai pour preuve les extraits suivants de deux pièces qui
paraissaient quelques mois après la communication à la Sociét'i des lan-
gues romanes des poèmes de MM. Roux et Bousquet ;
Que nosto religiou
Siegue pa plus la caouso de noste {sic) divisiou ;
Servèn lou mémo Dieu, dounc devèn estre frèro.
Lous que nous desunissor< volou Dosto misèro....
As Eler.furs d'Alex et de la cnmpagno. Alais, Martin [1877],
pièce anonyme, 1 feuillet in-40 à 2 col.
Faulié veire la peno que prenien li marin :
Abéura li malau coucha sus de coussin:
Alesti soun bèu cocho, sis armuro, si main,
Fair ; son cargamen pèr touca Trinquataio,
S'estaca sus la gravo pèr reçaupre li doun
De fhasque citouien pourtau sa prouvisioun :
Lou boulangié de pan, lou mounié sa mouture...
La Pesto d'Arle en 1720, pm- Ilouiiaral Triuquié(de Boucaire).
Alais, Trintignau, 1877, iu-80, 14 p.
86 DIALECTES MODERNES
tout à fait récent. Il appartient à un petit poème limousin de
M. l'abbé Joseph Roux, communiqué à la Société des langues
romanes le 6 décembre 1876, et qui a pour sujet la mort de
Gondovald, bâtard de Clotaire , proclamé roi par les grands
de l'Aquitaine en 584, mais qui ne tarda pas à périr à Lug-
dunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges) assassiné,
disent les uns, lapidé, disent les autres, peut-être victime de
deux supplices à la fois ' .
Mais, tandis que M. Roux poussait ses innovations, ou plu-
tôt ses archaïsmes, jusqu'à remettre en honneur les laisses
monorimes des vieilles épopées de l'ancienne langue, M.Bous-
quet bornait les siences à l'emploi du vers de douze syllabes,
inaccentué à la césure, et à celui de quelques rimes assonan-
cées. Nous avons scrupuleusement respecté ces licences, que
l'éclipsé de la poésie méridionale, pendant les trois derniers
siècles, nous a temporairement enlevées -.
Alph. Roque-Ferrier.
1 Voici quelques vers de la poésie de M. l'abbé Joseph Roux:
Al mitan d'un fournel lou temple disparais :
Lou fuec a tout cremat, lou reire emais lou creis;
Adi, tourabel de marbre atrevadour de reis,
Estatuas, autars flouritz couma un cireis
Quand la prima nouvela nous ramena sas geis.
DeJ bel aubrc res pus ne sobra, rams ni reis,
Miscan En Libéral, miscan mais cinq ou sicis
Tout escana, tout crolla.
Et se beu et seminja... Ai ! aco fai escor!...
Et lou duc, pie del vi que li nejalou cor,
Coumanda que b arrason lou Sent Gral, iianap d'or.
Que José d'Arimat te prestet per l'amor,
Christ ! de lei oelebrar ta darrieira Pascor. . ..
2 L'emploi de l'assonnance n'est pas sans exemples pendant les troii>
derniers siècles. On trouve un noël de Saboly dont tous les quatrains,
sauf le premier, renferment deux vers assonnants, et souvent mémo non
rimes. C'est celui qui commence par les vers : Auprès d'aquel eslable. 11
porte le n" 48 dans la grande édition de de Séguin : Recueil de noël com-
posés en lanijue prorenrale, par Nicolas Saboly, etc. Avignon, Séguin,
1856, in-4».
LA GRANJA DE LAS FADOS (*)
Dins la piano, i' o(-)'n mountfach do la raan de l'orne
Que eounten dins sous flancs un quicon de renoum (').
A sas quatre muralhos espessos dedins obra.
Toutos soun encadrados per un gros quart de round* ....
Ras d'aquel endrechou que Marta ie fialava,
Las Fados delà granja espandissiôu souvent
Soun linge bel e fi, e tant blanc qu'esclatava
D'una blancou de nèu e linde couma argent.
Lou vent e lou sourel dessu '1 cop l'assecavou;
La flou des coudouniès ie dounava un perfum (^).
Elos, tout en riguent, countentos l'estremavou
En dedins la founsou de sa granja, sans lum(^).
La bugada finida, anavou dins la prada
En dansant, en cantant (^), jouiousos de plasé (^).
Culissiôutant de flous que sa granja embaumava
E respendiô 'n audou que levava lou se.
Las vielhos dau vilage, un pauquet curiousos,
Espinchavou souvent per saupre que fasiôu,
Mais {^) las finos fadetos s'escoundiôu, trop urousos,
Detras un gros nuage, escut à faire pôu.
Quand un orne, su '1 tard, en courriguent passava,
Davans de la grangeta, el era espaurugat,
E las fuelhos des aur^s, que lou vent boulegava,
Siblavou mai que mai la pôu à soun constat.
Avansava lou pas en alenant à pena,
Recoumandant à Dieus soun ama, sa fiertat ;
' Les chiflres entre parenthèses renvoient aux observations des p. 30
et 31.
* Il s'agit d'une construction d'origine romaine, à laquelle attache la
dénomination de Granja de las Fados. Ce titre et quelques détails sur le
linge blanc que les fées étendaient autour de leur grange constituent tout
ce que l'œuvre de M. Bousquet doit à la tradition populaire.
88 DIALECTES MODERNES
E las finos fadetos risiôu de sa dcvena*:
Kauriôu (") vourgut emb o\os per dansa dins lou prat.
Erou de bounos Fados, e tant pla las iîlhetos
Venièu per ie countà sas penos, sous amours ;
E toutos aladounc ie disiôu de sournetos
Que las fasiôu revà las niochs amai lous jours.
Mais, des qu'un pretendut un pauquet trop parlaire,
Veniô dire à soun tour qu'era pla malurous,
Elos, douçamenet, ie fasiôu : « Calignaire,
Vous planés un pau trop e serés pas urous. . .»
Predisiôu l'aveni ; sabiôu tene TaguUia
Per broudà (*) un traval de gaubi, de sabé
Tout ço qu'elos fasiôu era pas imitable,
E las jouinos filhetos aviôu bel s'aplicà :
Auriôu (') dounat soun ama à Dieus, e saique al diable,
Que sousdechs (^) mal aisich (") deviôu (*") ie renouncà.
Quaucos fes, una flou dins lous ers las pourtava,
Per anà {^) al counsel, joust(") la mar, al sabat !
Se troubavou per tout! Quand un soureiè parlava,
Vite s'avalissiôu de tant qu'era escoutat.
Demouravou sus i-ochs ("), dins lou bose, sus una illa,
Lous chaînes e las landos erou soun bel saloun.
Quand caliô ('^) proutejà, enfadià(^) una vila,
Erou toujour aqui per coucha lou demoun
Un vespre, de su'l tard, que l'aurage mountava,
Passava un cavaliè dins soun màntou plcgat;
Soun chaval, alassat, dejoust el tresanava;
Aloungava lou pas de tant qu'era pressât.
Un iglaus l'emblausis e la ploja toumbava;
Lou tron ven s'espetà sus Taure qu'es davans.
Su'l cop lou fioc s'en prend e vite que cremava,
Lou rude cavaliè met l'espasa à la man :
Malechance. Ce mot manque à Honnorat.
POEME EN LANCtAGE DE RESSAN 29
Menacava lou tron.Es vous dire quai era:
Era barde gales ('^), sans crento amai sans pou.
La rota que pourtava, la tenio 'n bandoulieîra,
E sa forta paraula bruhissiô coume un biôu ....
Lou cami era ruda e michant; s'enfangava.
Lou pavât era rare, o lous traucs erou grands;
Lous rechs {*) erou roumplich('), e l'Arau* desbourdava ;
L'aiga que courrissiô anava à sous davans.
Mais C') Fardit cavaliè (*-] toujour esperounava
En siblejant un er ou de cassa ou guerric.
Quand la paura bestiola cargada s'escrancava,
Sas cambos i'amainavoM**, pla lion (*-j dcl rasteliè.
Dins toutes lous tautasses, lou chaval cbauciiiava,
E lou barde risiù de lou veire soufri.
Crac ! un cop d'esperou vite recoumpensava
La pena que preniè de lou faire courrî ....
Aviô talent, pas mens ; mais Taurage durava,
La ploja destrempava lous rochs C) e lou tarren;
Tout era à l'amagat, e, sans el que siblava,
S'entendiô pas res pus que Taiga aml)é lou vent.
A travès la chaineda ***, vei un lum (•') que cremava;
le vo drech, e las fado.s se pressou de dourbi.
La porta s'avalis; vei lou tioc que flambava:
Es sec de su'lmoument ; o [-) taula, pan e vi.
L'auba d'un bel mati dins lou cel espetava,
E lou sourel levât aviô fach de cami.
D'aurage n'i 'aviô pus; déjà lion, (^-) s'enanava.
Lou cavaliè dourmiè su'l liech de jaussemi,
Quand una jouina fada, al pel d'or, agachava
Lou gales ('■') (ju'era aquis davans ela endourmit;
Poutouna de sa bouco soun front que blanquejava,
• L'Hérault.
** Amainà. Honnorat donne seulement à ce verbe la signification de
orienter, mettre en assiette, se diriger, baisser les voiles.
*** Honnorat n'enregistre pas ce mot.
30 D1ALKCTE8 MODERNES
E courris s'amagà. Avi6 perdut T esprit !
Lou chaval arnescat era davans la porta,
Que lou bel cavaliè ('^) revava sus soun liech.
Soun cors era adalit ; sa figura tant forta
Era d'una pallou que fasiô grand despiech.
Aviô lou fioc al cap , quand sa man se jalava:
Quicon lou reteniô couma s'era estacat.
Voulio (*-) be se leva; soun devé lou sounava,
Mais (^) soun ama cremava del désir esprimat.
Fo 'n esfor e se leva, encantat de las Fados;
Partis coume Tiglaus. . . . Despei l'ôu pas pus vist.
Mais {^) se dis que, lou vespre, un fieu d'or, dins las prados,
Lou fo veni près d'elos per saupre s'o (-) pla rist ;
Car lou mati l'erbeta es toujour pla perlada
A Tendrech qu'aviôu mes lou liech de jaussemi.
E la belaFadeta, toujour enamourada,
Espéra soun retour dins lou pus grand plesi.
H. BOUSQUET.
OBSERVATIONS
1 . (Observation générale). — Le languedocien de Bessan
ignore complètement le v. Il faut donc prononcer bent, hie-
Ihos, bilage, soubent, fialaba, assecabou. leu se pronence toujoui s
iou, d'une seule émission de voix. Exceptez cf^pendant le pronom
personnel ieu, où Ve reste e.
2. — L'a latin du verbe habere devient o, comme dans le
Lodévois.
3. — On prononce: renoun, perfun, lun.
4. — La distinction des participes en ant et en ent s'est
conservée à Bessan, bien mieux qu'à Montpellier et àBéziers.
5. — Plasé ; le dernier vers du poëme donne plesi, qui est
la forme gallicisée.
C. — Prononcez mes.
7. — L'r ne se fait pas sentir. Prononcez au-iou.
8. — L'r de l'infinitif existe encore à l'état latent. On ne
POEME EN LANGAGE DE BESSAN 31
trouve pas un seul exemple d'élision dans le poëme de
M, Bousquet.
9. — A Bessan comme à Lodève, à Agde et à Béziers, cer-
tains pluriels se forment au mojen de l'adjonction d'un ch .
Dans les Berses patoueses de J. Azaïs (Béziers, 1867, 2 vol.
in-12), c'est par un x qu'ils ont été figurés. Exemples : rabex,
brasselex, amix, etc.
Pareil mode de lîguration orthographique est encore en
usage dans l'Albigeois. Il j remplace même le ; initial :
Un xoun, lounglemps après, que se trouben à taoulo
Amé soun courounel debengut xénéral,
El même à soun coustat am'un coustume égal.
Fabricat Iros à tros sus bint cans de bataillo
D'aylhurs l'ibrougnarié, bous rand coumo de brutes,
Amay presque touxoun enxendro de disputos;
Dins las calos souben, d'atnix al caliaret
Bous xetas la bouteillo amay lou i^oubeiet,
Tout ço qu'es xoust la ma, xuscos à la cadièyro.
Et pey, per l'oste enquiet, licax à la carrieyro,
Lous èls plenes de sang, manubras de pu bel,
Lous unes dal bastou, lous aoutres dal coutel.
lit-on dans une pièce de poésie : rOuberturo d'uno mission à
Moularés, par Alexandre Plazolles (Castres, Abeilhou, 1877;
in-12, 13 pages), qui, malgré de trop fréquents gallicismes, ne
manque ni de facilité, ni de bons vers.
10. — L'e se change très-fréquemment en i.
11. — Et aussi yYoMs^ Dans le langage de Bessan, le 7 affecte
le son du ch. Il faut donc prononcer : chou(, chioust, touchour,
grancha, etc.
12. Prononcez ca-io, cava-iè, ion et vou-iô.
13. — Faut-il dire Gales ou Galoi? Ce dernier terme a com-
munément le sens de joyeux, éveillé, réjoui; mais on l'emploie
quelquefois avec la signification de Gaulois, qui lui est, du
reste, reconnu par Honnorat dans son Dictionnaire provençal.
POUEISIAS DIOISAS DE GUSTÉ BOUEISSIER
LOU
SIÈGK DE SOLLIENS
Pouémé en 4 chonts
( Suite)
CHONT II
Lo fotiguo, lo fon conino,
Vingt cops de hatous sus reichino
E lou doublé sus lous gigots,
Soun bien pesont par de bigots.
Ovein dit que lous notreis prieroun ;
Disein ooussi que gomougneroun.
Jusqu'o lo cour de Tciveicha.
L'eiveque, ein lous vejont, criée la Ha!
Vous vetoqui ! Quinto nouvello ?
Oourein toou de bouono toueisello?
— Oh ! mounseigneur, creyou que non i> ,
Reipounderoun ein se signont ;
« Malgré votro bello ourdounnonço,
Nous on opprei certaine donso
Ein nous oppliquont, lous pas reins,
Vingt cops de triquas sus lous reins,
Et vous, otteindu votre titré,
Vous mondoun souloment fas. .. fitré.
— Qui, mi? «l'eiveque répliquée,
« Lou SoUiensou moou sogorec.
Coumprenou per que lou viodasé
Bouoto oquoou mont dins sous longagé :
Voudrio de soun l)la mai que vnou ;
Mais, moju, n'ourec pas un soou :
POTJRISTAS DIOISAS 33
Foou pas li laissas uno grano,
Dovont que passe lo semano. . .
Onec me dire ooux jocoubins,
Courdeliers et. bénédictins,
Jesueiteis, en un moût lo raço
De bénéfice et de lo biaço.
Que venein eici proumptoment
Que lous otteindou pocioment.
Volou sooupi'é, sein tordas gaïré,
Ce que pensoun d'oquello ofïaïré. »
Moussus Aniés se deitochec,
Et vite lous overtissec.
De moineis oyont de sondalas
Sourteroun bientou de leurs sailas,
Per onas, d'un air pastoural,
Ves lou polais épiscoupal.
Esperavoun bé de nouvellas,
Mais las creyons un paou plus bellas,
Car on lous veyo, nies et bloncs,
S'ottroupas coumo de cuooubloncs.
Quond fugueroun dovont lo pouorto,
L'eivequé horonguec de lo sorto :
« Bouon oppetit, mous chers omis.
Si Fovec grond, mofé, tonpis :
Tonpis ei lou moût que foou dire ;
Car, einquei, Ton pouo vous prédire
Que preireis, nobleis et bourgeois
Vont tous jeûnas dins lou Diois.
N'ovein rein couontro lo tbmino,
Ni viondo, ni bla, ni forino,
0 ce que rocouonto Mounard ',
Que de Solliens vent de mo part.
Vous direi, per toute nouvelle,
Qu'oquello villo tont cruelle
Veint de nous refusas de pon
Per nous laissas creban de fon,
* Mounard, personnage influent du pays, elmarguillier do la paroisse
34 DIALECTES MODERNES
Et d'eitrillas notro miliço.
Mais, lou coumblé de lo moliço,
Las grossas geins d'oquel eindret,
Me mondoun fas foutre tout dret,
Tallo insoulenço vous eitouno :
Oï, mi-même, ein propre persouno,
Me mondoun, oqueloux gouja,
Oqui vount tout lou mounde sa.
Ovont de nein tiras veingenço,
Fosec me sooupré ce que so peinso.
Si pouo, chaque coumuuoouta,
Sus oquoou trait d iniquita;
Mais ooumein que chacu s'explique.
Sus un toun que sié pothotique :
Père Cournu, vrai courdelier,
Onein, veyein, porlec prumier
Sus lou moût qu'uno tallo ongeonço
Veint de dire o moun excellenço .
— Yoou disou, li reipouond Cournu,
Qu'oquoou moût vein d'un pas deingu ;
Et pei qu'eici foou qu'on s'explique,
Un taou peuple ei trop heirétique
Per pas tout de sueito einvouyas
L'ordre de l'excoumunias.
— Très-bien. . . o vous, père Dechasso,
Fosec nous, s'il vous plaît, lo graço,
Coumo siec frère doou doyen,
De nous dire ce que forein.
— Oh ! n'ein forei pas un mystère »,
Repliquo lou rêveront père,
« Car siens de técous si souffreins
L'ooudaço d'oqueloux pas reins.
Per punis oquello brovado,
Foou fas uno sainto croisade :
Ormas oou plus toou lou Diois,
Per lou onas boutas ein croix.
Un homme qu'on monde fas foutre.
Si dit rein, n'ci qu'un grond jonfoutré ;
Yoou n'ofirmou pas que l'eu siec,
POUEISIAS mOISAS 35
Mais ovont paou Fou deveindriec. »
Oprès oco se deilibero,
Et chacu voutec per lo guerro.
L'eivéqué, olors tout rejouit
Qu'o soun goût l'oguessoun servit,
Dissec d'osseimblas lo brigado
Et de prêchas uno croisade .
Lou jous sueivont, de grond moti,
Ooux hobitons qu'ovions poti,
Lou bouon et Teilouquont Dechasso '
Peroourec eimbe tout de graço
Sus Teificocita doou pon
Couontro lo rageo de lo fon,
Dins uno pinturo si vivo,
Que foguec venis lo solivo
0 lo boucho doou père Ornoux ^,
Qu'o so jaouto oguec de coulous ;
Dessorto que lou vieux goléro,
Qu'omavo tont lo bouono chéro,
Creyo de mingeas un mourcec
D'un groou gigot lo peço oou pec.
L'oouroteur criavo o roouditoiré :
(( Souvenec-vous doou réfectoire,
Dins un teimps vounté, chaque jour,
Lou pon que revenio doou four
Per soun ooudous vous chotoujavo :
Et de lo brocho que viravo
Lou fumet vous fosio venis
D'un quart de lego de poys.
0 ! temps huroux ! jis de fominas ;
Las bogas semblavoun de tinas,
Etions moureis eroun si viooux
Qu'oviont lo coulou doou grofiooux.
Notre soi de leins brilliavo,
Embe oppetit l'on deijeinavo;
Si perfeis ero deireingea,
Ei que l'on ovio trop mingea.
1 Avocat de village, célèbre par sa hâblerie .
' Gastronome renominé.
36 DIALECTES MODERNES
Ves Dio lou moundé ero odourablé,
Mais euqiiei rf ei plus couneissablé :
Siens si maigreis, si deilohras
Que Sigolou ' pouo pas toutfas.
Oou cemeintieri lo jueinesso
Pars per einteras lo vieillesso.
Lou Dios ci tont ohuri
Qu'ei sec coumo de popori,
Et lo fenno lo plus golliardo
N'o pas mai de chair qu'une sardo.
Per sourtis d'oquel embora,
Foou de pon rousse d'ossura.
Courage ! indulgeinço pleniero
O qui portirec per lo guerro.
Vès Solliens Tio beoucop de bla ;
0 mounseigneur qu'ovio monda
Quaouqueis penitonts per n' oduré,
Lou Solliensou, que Dioou louscuré,
Ont lâcha certaine raison
Qu'ei trop sàlo per un sermon
Et qu'eici Ton pouo pas redire,
De quintou biaï qu'on vous lo viré; '
Mais eissoyec d'imoginas
Un moût bouon o vous fas domnas ;
Sovec. . . . frereis, oquel outragé
Duoou se lovas dins lou pilliagé.
L'hounous voou que portée démon
Per lei tuas tout o votre fon ;
Nous aoutreis oourein l'ovontagé
De sonctifias lou cornagé. »
Tous tont que soun disoun Amen ;
Pei criont : a Mais qu'ai que sei Ibsen,
Fosen eici tristo figuro ;
Per que pas portis tout ovuro ? »
Sus oco vont se counfessas,
Mingeas l'oustio et se coueijas.
Lou Icndemon, dès que Touroro
' Fossoyeur de Die.
POEISTAS DTOISAS 37
Ogiiec bouta soun lias defouoro,
Qu'ero Teitiqueto doou jour,
Pecholoup botec doou tombour.
Coumo quond veirçin dins lo piano
De Josaphat lo sourapetano
De Tongé, fosont reveillias
Lous mouorts que soun o sumillas,
Ainsi tous lous Diois se levoun
Onoquoou ropel, et s'oppelloun
Pei se reindoun ves mounsegneur,
Ein chontont einsein de bouon cœur :
(( Onein, éfons de las mountagnas,
Lous jous d'eicoueire soun veingus ;
Portein, quitein notras coumpagnas,
Per pichas sus de pasdeingus {bis).
Solliens, dus ooutont que lou ferre,
Ofin que crebessein de fon,
N'o pas vougu beilas de pon
Ooux Diois qu'on ista nein caire.
Courage, fessoueiriers, preneins notreis fessoux,
Morchein Uns], qu'un song coya romplisse d'eigairoux
)) Tromblo, Solliens, car dins to villo
Introrein dins doux ou treis jous ;
Et, si gno pas assez d'un millo.
Siens presteis o l'ai coure tous [bis).
Rein nous reteindrec per t'obattré ;
Si chayoun notreis vieux Diois,
Lous jueineis sorein de grivois
Que portireins per te coumbattré.
Courage, fessoueiriers, etc.
» Cornus couontro oquello gueusajo,
Douono de fouorço o notreis puns,
Si nous ojuas dins lo botayo.
Siens surs de nein brias quaouqueis uns.
Vès nous aoutreis que lo victoiro
QÔÔuré 0 noous maleis ocçonts ;
3
Z^ DIALECTES MODERNES
Dins tous lous SoUiensoux jeunonts
Ye toun trioumphé et notro gloiro,
C(^urage, fessoueiriers, etc. »
Lous moris que venion dories
. Eintounavoun o plein goousies :
« Nous entrerons dans la carrière » ,
Et las morias : « Il pleut, bergère. «
On veyo ooussi de villogeois
Chontont : « Rossignolet du bois »;
Et maï fuguessein o lo diéto,
Gueulavoun o roumpré lo tête.
Ainsi, bras dessus bras dessous,
Vés Feiveque arriveroun tous.
Elou, que dejo s'onuvavo,
Ein lous otteindont deiieinavo ;
Ce que fuguec un chordoueinec
Que tous lous goousiers picoutec.
Oquoou moumeint lo pooupulaço
Oourio vougu tenis so plaço,
Et Lonfré *, tout ein regoi-dont,
Disio : « Quond nein forein ooutont?
Pariou que voueido so dimeyo 2
Ein oehobont so fricossevo
De boudins d'un mori coyou,
Qu'o tua Faoutre jous lou picou. »
Mounsegneur veinguec sus sopouorto
Et trouvée Tormeyo prou fouorto :
lovio bien dous ceints fontossins,
Pas si voulec doous plus mutins
Ni mai d'un air très-redoutablé,
Mais oyont ropjtotit dou diable.
Ein teto beoucop d'oouficiers,
0 lo quio lous courdeliers.
Las coumpognas et las brigadas
Eroun divisas per escouadas.
* Homme d'un gros appétit.
2 Dimeyo, demif^ (pour demi-bouteille).
POUEISIAS DTOTSAS 39
Mais pereici crejou que foou,
Ovont tout uno invoucocioou
On oquello que clins lo Greço
Lo memoiro ovio per déesso :
Ti que roprouochei lou possa
Ein lou boutent dins lo peinsa,
Mnémousyno, ah ! si vouyas dire
Denoums que poueichein nous fas rire,
Un bien grond plaisis me forias.
Dejo n'o pas fougu te prias
Quond ai vougu, dins quaouquas fabhit;,
Porlas de cliaousas véritablas
Que s'eroun possa dins un teimps
Bien ogréable, mais bien leins.
Ovuro, coumo sus lo rocho,
Gravo lous noums dins mo cobocho
De tous lous Diois que sein poou,
Porterount per l'expeditioou.
Lous hommeis fourmont l'ovont-gardo
Choousisseroun lou brave Sardo^,
Ofin de coundueire lours pas
Dins lous coumbats que vont livras .
Oqui ce vejo Buei-mochino ^
Que mountravo so bello mino;
Orchillet, pourtont soun boraou;
Pojau, Tulaura, Barjomau,
Chioou reiuébla, Julion-counasso,
Quejuravode pas fa graço
Ooux Solliensoux qu ottroporio.
Oprès oquoou grivois venio :
Merle, Boujé, Liaoudou-d'eilèno ;
Jasque Grenier, Picard-sirèno;
Boouria, Gingorec, Blonc-d'ooussou;
Bosset, Landros etBogossou.
Quaouqueis siareis embe lours dajas,
* Boiteux.
2 Tous ces noms propres sont ceux des personnages les plus grotesques
de Die .
40 ni.VLblCTP^.S MODERNES
Devion coupas coumo de payas
Lous agocis doous Solliensoux ;
Près d'eloux de jueineis gorçous,
Que Ton veyo pourtont de frondas,
Noun pas eisein, mais ein douas bondas ;
Sont-Peireis, embe Sont-Morceoux',
Que devion lanças do collieoux.
Piare Ormond, tenont so ferulo^,
Per lous reunis gesticulo
Ooutont que pouo; mais lous moris
Saoutoun coumo de prevezis :
L'un voou, per livras lo botayo,
Que l'aoutré li garé lo payo
Dessus Teipoulo. Lous tollieurs
Ovions leurs gronds ciseoux vouleurs.
Et Rula'', que Lous coumoudavo,
Sus so jombo se redressavo.
Lous gnafreis, que venion oprès,
Volou dire lous courdouniers,
Que pourtavoun dins uno gaino,
Bien eifila, lour grosso oleino,
Ovion eincaro o lour cousta
Un tronchet bravement bouta,
Et, d'une moniero guerrière,
Lour tiro-pied ein bondoulliero;
Choousisserouu lou vieux Louœbard,
Ofin de pourtas Teitondard.
Boueissilliou, lou vétérinaire.
Et Tolioto, Fopouticaire,
Dins lo villo onavoun jitas
De droguas o lous eimpestas.
Lou prumier ovio so seringue
Que li sert ([uond Tio quaouquo bringo
* Sainl-Pierre et Saint-Marcel, deux quartiers de Die qui étaient tou-
jours en querelle, et dont les enfants se battaient souvent entre eux à
coups de fronde.
2 Pierre Armand, raaîlri;' dV'ciii;.
•' Tailleur principal du pays, qui avait uin' )ambc'de bois.
POITEISIAS DIOISAS 41
De molato. Lous moneichaoux,
Tous mountas sus de vieux chovaoux
Embe treis ou quatre chatraïreis.
Fiers ibrouguas, rudeis mingeaireis,
Devious lous ojuas, ein omis,
0 seringuas lous ennemis.
Lour boniero représeintavo
Un ane qu'un d'éloux feravo.
Lous plâtriers embe lous moçous,
Meitreis, monobros, coumpognous,
Tenont leurs morteoux et lours tibias,
Ovion de minas tres-risiblas .
Sus lour eitondard gris et vert,
On veyo chaire d'un cubert
Un homme que se deipochavo
Coumo si lo chaouso pressavo;
Ein bas l'iovio per eicritoou :
Longuissec pas, sei sorei toou.
Lous fourniers, plus nies que de dialtlois,
Pourtavoun lours pelas, lours riableis,
Lours gouyards embe lous oehoux,
Per pichas sus lous SoUiensoux.
Coumo se cubreroun de gloiro,
Foou boutas lours noums dins l'histoiro :
L'iovio dounc Chovolou, Goma,
Culés, tieni Brelliou, Poula.
On veyo ooussi lous vieux Poleto,
Que biscavo d'être o lo dieto;
Ribaou, Cossia, Ponké, Coucici
Et lou grand père Bolodi.
Dessus lours maooux fouyo lous veire,
Morounas de pouvcr plus coueire
Ni fouyaoas, ni brocedeoux.
Ni ponettas, ni revordeoux.
Mais lo chaouso la plus coumiquo
Ero de veire lo musiquo :
L'iovio soumpetanas de bois,
Fifre, couornas embe un ooubois,
O quoou qu'einteindio l'hormounio
D'oquello bello symphounio
42 DIALECTES MODERNES
Disio : Bien ei que per eici
L'on vai sounas lou togoci.
On veguec mai que d'un village
Fournis d'hommeis d'un grond courage;
Boutoundort de vès Roumeyer ',
0 l'civeicha fuguec prumier.
Venio de quittas, noun sein peno,
Sous bois, sous efons et so fenno,
Per portis embe lousDiois.
Oh ! paouro joou, quintou grivois !
Jomai jusqu'eici lo noturo
N'ovio fa si fouorto coruro :
Imaginec-vous un solau
Bien plus large qu'un eissogau.
Ooussi, quond soun muoou s'obouîiavo,
Molgré so chargeo lou levavo.
Et, si lou gardo fourestier
Ovio fa soun ooubereitier,
Un bouon jous sur uno sopino
Oouriec vegu so tristo mino ;
Et pourtont, o dire entre nous,
Vn ognec n'ero pas plus doux .
Ein filont lou long de Meirosso -,
Mounta dessus so viello rosso,
Preinguec : Lorouchetto, Sodou,
Embe Tronleret Cournillou.
Quaouqueis houmeis de ves Mouleiras%
De Chatilliou, de las Nouneiras,
De Reqoubec, d'Aï, de Mountmoou,
DeChomoloc et deVossioou,
Veingueroun oussi, fifre ein teto,
Per être d'oquello counqueto,
Que proumetio de lous donnas
De lo gloiro et de que dinas.
1 Romeyer, \illage ù trois kilomètres de Die.
2 Mérosse, petite rivière du Diois.
^ Molière, Châtillon, les Nounières, Rocoubeau, Aix, Montmort, Gha-
maloc, Vassieux, petits villages des environs de Die.
POUEISIAS DIOISAS 43
Pleno de joie et d'esperonço
Millo fcis mai que de pitonço,
L'orraevo otteindio soiin deipai-t
F]t disio que se fosio tard.
Voulont ainsi lo satisfaire.
L'eivequé lo teinguec pas gaïre,
Car oou plutoou lo benissec,
Li dounec Tordre et pei portée.
Des que las troumpétas souneroun,
Aneis et saoumas reguinerouu. ;
Dius lou noumbré gnoguec beoucop
Que fogueroun pas rein qu'oco :
L'on einteindio quàouquo bouri(iun
Segoundas si bien lo musique,
Que Plossou S si fouort musicien,
îN'oourio, mofé, pas fa si bien.
Ein soupiront, touto Tormeyo
Obondounavo uno couutrejo
Si richo quond, o mei juillet,
Chacu meissouno o plein puguet;
Mais olors, mai fugues superbo;
Lo recolto n'ero qu'ein herbo;
Lo frucho ooussi, de soun cousta,
N'éro pas moyuro o meita.
On trouvavo bien dins las runas
De bouchossoux et quaouquas pi'unas,
Perdigounas et groou domas,
Très bouonas o lous otfomas
Ou per lous eimpourtas las barjas.
Mai d'un regrètavo Chomarjas -,
Oquel aoutre o l'Ormelorio
0 fa sous odiooux per lo vio;
Grnoguec plusieurs que ves Pissignas
N'eibroutouneroun pas leurs vignas;
Oquoou d'aqui ves Chomqueira
Laissée soun triooulé soun goru.
i Musicien de bastringue.
2 Ghamarge, Armélerie, Pissigne, Clianquei.a, Flo.eaux, Comanes, Saint-
Pierre, le Périer, quartiers de Die et de la banlieue.
,
44 DIALECTES MODERNES
Onfin de Floureoux o Coumano,
On veyo casi plus uno amo.
Sont-Peire, ainsi que lou Perrier,
Fugueroun toou laissa dorier ;
Et Zelo, que soun père exhorte,
Molgré lou terrible Lomouorto,
Oousec, oou pouont de Chondilliou,
Preindre maï d'un eicoutilliou.
Quaoucu, beleou, veindrec me dire :
Moun comorade, volei rire,
Dins lou nombre n'ei pas coumprei
Ce que Mounard ovio counduei;
Foou donne qu'oquello bello troupe
Volé plus jis mingeas de soupo ?
Si, mais creins lous cops de bâtoux,
Et meipriso lous Solliensoux :
Restée per prudonco o lo villo,
Vounté fuguec pas inutilo.
Car priée lou bouon Dioou tout lou jour
Per Formeyo et per soun retour.
Mais peytout o Thumous guerriero
Vouguec pas restas ein priero,
Embe soun siblet lous seguec,
Et, mofé se lei distinguée.
Ein otteindont fosio soun crané,
Mounta dessus lou bât d'un ané,
Ocota sous soun bounet rouei,
Courdiont lo pouncho de soun fcuei ;
Quond Toguec finie s'eissojavo
0 fas flic, flac, flac, pei chontavo.
Tout d'un cop soun ané s'eimpouorto
Et reguino de tallo sorte
Que moun Peytout vein coumo un fouel
Cheire o croumpoloux sus lou couoi,
N'ei pas tout : rélévont lo têto,
L'onimal oousitoou lou jieto
Sus lo croupo, vounté restée
Tont quo lo fooucaïro teinguec ;
POUEISIAS DIOISAS *^
Mais lo bestio, qu'oco geinavo,
De las douas jombas reguinavo,
Si bien que, sein lâchas TesthoQU,
Lou cavalier virée per soou.
Mais reveueins o notro troupo.
Que sus ello ovio paou de poupo.
Lous aneis morchavoun prumiers;
Eroun bien cinquante o paouprès,
Coumptont oqueloux que mountavoun.
Tout coumo oqueloux que pourtavoun.
Perque dires?. . . et perquepas:
Quand eroun ein bas,
L'on veyo jis de differeinço,
D'oluro ni de counteneinço;
Sus lo routo brouncheroun fouort
Et teingueroun toujous lou bouort,
Ein morchontla tête ossez basse,
Coumo faï touto oquello raço;
Ou bien lo levavoun ein naou,
Per veire si seintio très-maou
Lou pissa qu ein chomin trouvavoun,
Et qu embe un grand plaisis niflavoun.
Oprès venio lous fessoueiriers
Vount on veyo Gustou Boueissier*.
L'eigaïre eimpourtec son eissado
Dins oquello grondo croisade;
D'autreis pourteroun lour fessou,
Leur eiterpo et lour eicoussou,
Per eicoueire uno tallo raço.
Sus l'eiponlo ovion bien lour biaço,
Mais souloment per li boutas
Ce que poueirion escomoutas.
Ofin de lei preindre uno bosse,
Dedins l'iovion bouta lo cesse
Vount se trouvavo eincas oeu bouort
Las traças deeu froumagé fouort.
Polbés tenio toujous le têto,
* Auteur dp re poème
46 DIALECTES MODERNES
Tout lier de fas timblas lo guêto,
Segu de Goougné, de Toueira,
De cri-cri Mourliet, de Coura ;
L'iovio bien eincas Toine Pleno,
Lonfré, Truchou, Vollonoir, Ooubeno.
Donsolounbro, Poivre, Goougnou,
Boyard, Jon Coucourdo, Bonou,
Touzé, Pota, Colliet, Juncheiras,
Jus, Pontreimpo, lous doux Boueideiras,
Bouligou, Foraou, Bajoré,
Embe Chonas et G-oudouré.
Molgré lou trin et las olarmas,
Chonas respeindio quaouquas larmas,
Ooussi grossas que de fojoou ;
N'éro pas per ré, soun coueiroou,
Que proumetio tout per soun âge,
Venio de fas lou grond vouyage ;
Cepeindont ero bien bâtit
Et doou père ovio Foppetit.
Quond elou sooupec lo nouvello
Et si peniblo et si cruello
0 soun cœur, ero oou Mortouret * ,
0 foueire per moussus Rousset.
Soun aine, que venio lou quaire,
Ein Topercevont li criée: « Père,
Ei mouort!!! — Mouort ! » répliquée Chonas;
Et l'eicho répétée tout bas :
Mouort!! Opres, dubront plus lo boucho,
Restée plonta coumo uno soucho,
Sein poueire levas soun fessou
Oppuya sus un polissou.
0 lo fin,relevont lo faço,
Poussent un soupir dins l'espaço,
Se dissec : « 0 bien paou laissa
Notre mori qu'ei trepossa ;
Si dins lou paou de bien que laisse
Gno pas de que fas uno caisse » ;
* Martouret, quartier d'i la banlieue de Die.
POUETSIAS DTOISAS
Et, porlont o moussus Rousset :
« Preitec-me vingt soous, si vou plaît. »
Si lou grond Chonas rounguignavo.
Lou bouon Mourliei raccoumpagnavo,
Fosio chorus, car o cri-cri
Venion de preindre soun chobri.
Lo maire ooussi n'oguec pas graço,
On vous lo sonec dessus plaço,
Seins remissioou. L'on duoou peinsas
Tout ce que duooupec se possas
Dins lou cœur d'oquoou paouré diable :
Lou dire, n'ein sioou pas copablé.
Et que dirioou? Qu'opres lou vouol,
Cri-cri Mourliet deveinguec fouol ;
Pei que de teimps ein teimps gueulavo,
Ollont de lo grongeo o lo cavo :
(( 0 ! mo chabro, qu omavou tout !
ïi qu ai pas quitta d'un instont,
Que sias dounc deveinguo, pechaïre!
Te veyou plus dedin toun caïre . . .
Oh î non, te sias pas eiloigna
De mi que t'ai toujous'.sougna...
0 qu ei fini, poueirei plus vioouré,
Voou devenis sec coumo un lioouré
Ein buvont plus jis de toun la;
Pourtont,^'uno bouono eicuela
Forio de bien, et lou courage
Poueirio venis per lou vouyage;
Mais mous regrets soun superflus,
0 ! ma chabro, te veirei plus ! »
Dorier, coumo oco se protiquo,
Tout lou bogage de lo clique
Ero escourta de fouteirooux
Qu eincholavoun dessus lous muoous.
L'iovio douze ou trezé choretas
Vount avion bouta de fourchettas,
D'houlas, de peirooux et de plats,
Lou tout preste per fricoutas
Etions rouliersque las menavoun
48 DIALECTES MODERNES
Eroun de grivois que pichavoun
Sus Piaré ooussi bien que sus Jon,
Quond ovion lour tovelo ein mon;
Surtout Jon-de-Bri, de Sont-Peiré.
Ero olors que foujo lou veire
Se bolonças d'eici, d'eilaï,
Coumo tout bouon choretier faï.
Mais lou plus fouort, lou plus terrible,
Et cepeindont assez paisible
Quond lou poussavoun pas o bout,
Ero moun cousi Poyonout.
Tout ein bobilliont, tont morcheroun
Que dins douas houras arriveroun,
Las deints longeas coumo un fessou,
Dovont lou pouont de Sonto-Croux •.
Quaouqueis goulavis de l'ormeyo
Tocheroun de gagnas Fintreyo
Doou couveint, per se fas dounas
De que poueire un paou deijeinas.
Un moine, ein veyont uno escouado,
Se deitochas de lo croisado,
Fuguec tout dret dire oou prieur :
« Péré, tretec-me de monteur
Si ce qu'aï vegu de la pouorto
N'ei pas uno bello cohorto :
Tromblec, car s'ei venoun d'un trin
0 rein laissas eici dedin. »
Lou bouon prieur, qu'oco reveillo,
Li dit, ein se grottont l'oonreillo :
« Vaï dire o notre cueisinier
D'eicoundre tout dins lou cellier ;
Oprès irez caire mon fouorto.
Surtout sororez bien lo pouorto;
Mais, si roncouontrec l'ennemi,
Disei pas que sioou per eici .»
Opendant lo chorpajo orrivo :
Tout dessueito on li crio : « Qui vivo ? <»
♦ Sainte-Croix, village des environs de Die, où se trouve un pont sur la
Dr6me .
POUEISIAS DIOISAS 49
Siens, dit l'un, quaouqueis moluroux
Que vous demondein o genoux
Lo cliorita que Dioou coumondo,
Souloment de pon et de viondo .
Pourtont, coumo ovein bien pati,
Buoourion un pechot cop de vi;
Vetoqui ce que nous omeno.
— Quond siée veingus? — Uno vingtaino.
Vingt sorio rein; mais, per donnas.
Nous faudrio diobloment zeunar ;
Ainsi, frèreis, Dioou vous ossisté»,
Dit lou moine d'un air bien triste.
S'ein oneroun, oqui dessus.
Très fotigas, surtout dejus.
Dins lou couveint se rossureroun,
Dès que l'eichino lous vegueroun,
Et dision : u Oqueloux gueusards
On, mofé, l'air de gronds ponsards.
Dioou gardé qu'une tallo troupo
Chaye dessus un plat de soupo ;
L'ovolorion sur, quond lou plat
Sorio de lo grondous d'un prat. »
Mais o Pountaï*, queintobounbonço,
Quond las deints intreroun cin donso !
Dins un moumeint tout fugue c net,
Sus lo taoulo et sus lou bufet ;
Pei cheigueroun sus lo voulayo
Ofin de tas grondo ripayo;
Oprès, de lo cavo oou plonchout,
Fourfouyeroun casi pertout.
Lou fuo, lou choléra, lo pesto,
Laïssoun be quaoucorein de resto;
Mais eloux, dins oquel eindret,
Fogueroun raflo de bidet :
Tout fuguec, dins oquello lutto,
Mingea dins meiu d'uno minute.
Village qui se trouve entre Die et Sailians.
60 DIAXECTES MODERNES
Et lour oppetit, o lofin,
Venio de se boutas ein trin.
Oprès de tallas beatillias,
Prenoun tous lours sacs et leurs quillias.
Disoun gramocis et s'en vont
Offomas coumo oouporovont.
Pei chonteroun per las compagnas :
(( Onein, efons de las mountagnas »,
Et SoUiens pouvion remorquas,
Que tous lo chontavoun eincas.
(fin DOOl" CHANT II
SUR l<KS PATOIS \)K b'KANCM
{Suilr)
InMiini.ircliais, iloiuiiiih" et li:iiiii\iii siliK' sur In |);ii'()iss(> des
Cluipi-Uos-Hourhoii, diins lu. ci-dovaiil \W\o IVaiicaiso, inaintcî-
iiaiit. (iisirici do l\(i/(\v oi dc'pai'hMiKMil de St>iii(>-(>l-Marti(\
rtMil't-rmr. ainsi i\no ht paroissi» doiH il dcpciid, un |n'lil, ii(»iiilirc
dMiabitants, d'iiii cai'aoltM'o iiaciliinu^ do iiKciirs (U)iu',iis (>l, pu-
i\'s, pauvres païu'.o iprils s(»iit l'iiviroiiiit'S de loiilcs |)arls d'un
des |)liis i^rauds propricta.ii'(>s de l''i'aiu'(>, M. de l'eut liièvro,
l'iie siiii;ularil-(' lVa.|ipaiit.e est ([iraulaiit les lialiil.aiits de hi
pai'oisse (lt>s CliafielU^s sont lraii(|uilles et. d(> lion aee.ord, au-
(aiil les liahilaiils d(> Marlt>, (|iii iTesl (\ni\ nue diMui-limie,
sont tui'bideiits (M pi'oeessil's. \ic laiif^aii'e eoinnie les iu(0urs
de ee eaiilDii si> rt'sstMit. de la. proxiuiit.é de lu ea])it.al(! ; s'il
iiian(|Ue il'iirliaiiitt>, il (^st exempt. dt> i;i'ossièi'(dé, ("est un
vieux iVaueais, tel (pi'on le trouve dans la Ixuiclie du peuple
de Paris, et (|ue l.out. hduinu» sachant le français |»(>u(. en-
ItMldl'i>.
11 rèj;ne dans le canton un j;ra.nd amour pour la K,(''vo-
luiioii. Co (|ui pa.rt.ouf me parait le i)his ^v attacher le iuhi[)1()
est l\'tal)lissement de Tt'iralitt' ; il s\mi l'oruie uno iddc plus
juste et plus chère (|ue de la liberté : la première suffit au
Huiintiou do la seconde. L'épUité est Pidolo des ignorants,
la lilierté est celle des philoso[)lies. La Révolution fait chaque
Jour des proj^^rès rapides dans les esprits et dans les choses; la
Constitution pourra et doit être amendée, mais ses bases sont
immoi'telles. u 8anabilesfecit (Deus) nationes orbis tcrrarum.»
Cette prière est exaucée : a Constitue, Domine, legislatorem
super eos, ut sciant gentes ([uoniam hominos sunt. »
52 DIALECTES MODERInES
Sullj, dans le département du Loiret, district de Gien,
chef-lieu de canton, est peuplé de 2,400 habitants, d'un ca-
ractère paisible et sage et très-patriotes. L'éloge que je viens
de faire d'un village du département de Seine-et-Marne est
aussi celui de la ville de Sullj. Les vertus pacifiques et bien-
faisantes de son ci-devant seigneur lui ont conservé les sen-
timents d'amour et de respect dont il a toujours joui. Le curé
y est aussi très-aimé ettrès-respecté. Cependant hier, 13 mars,
ce bon pasteur étant allé prendre possession de sa nouvelle
succursale, une vingtaine d'habitants, presque tous mariniers,
gens féroces, allèrent lui témoigner leur mécontentement de
ne l'avoir point vu à la grand'messe de l'église paroissiale,
et lui dirent qu'il n'avait qu'à voir, qu'ils en prendraient un
autre. Le curé leur répondit qu'il se partagerait alternati-
vement chaque dimanche, avec son vicaire, entre la paroisse
et la succursale ; il remarque qu'ils n'ont laissé échapper au-
cune mauvaise parole, et il a ri de leur boutade.
J'entends beaucoup les riches parler, dans ce pays-ci, de la
misère du peuple, et le maire, qui est aussi sage que patriote,
n'en remarque pas moins que ce peuple est mieux habillé et
plus gai qu'avant la Révolution, J'ai vu, de l'autre côté de la
Loire, les dommages qu'elle a causés en charriant des quantités
énormes de sable dans la crue de novembre 1790, mais je n'ai
rien vu qui me portât à croire que ce malheur mît personne
dans la souffrance.
Quoique Sully soit éloigné de quarante lieues de Paris, on y
parle le même français qu'aux Chapelles-Bourbon, qui n'en
sont éloignées que de dix lieues.
Je finirai par une observation que je voudrais voir impri-
mée et réimprimée dans les livres que tout le monde lit. Lorsque
je suis venu à Paris, je m'attendais à ne trouver, parmi les
personnes qui ont la réputation de bien parler, aucun accent
marqué, et j'y ai reconnu les accents de toutes les provinces.
On semble ignorer qu'une prononciation vicieuse défigure le
français et lui ôte ses grâces propres. L'accent gascon, que
beaucoup de personnes sont convenues de trouver joli, ne sied
pas mieux à la langue française que l'accent de la capitale au
jargon bayonnais. J'ai remarqué aver- poim^ la grande influence
LETTRES A GREGOIRE 53
des prononciations des différents départements sur la vraie pro-
nonciation de la lanj^ue française. On est maintenant souvent
dans le doute si Ton prononcera un e ouvert, un e fermé ou un
e muet, dans beaucoup de mots. J'ai recommandé aux gens de
lettres la cause de la langue qui fait leur gloire. Des altéra-
tions dans sa nature pourraient lui ôter de son unité et de son
élégance. C'est en s'élevant contre les abus d'un pareil genre
et en citant les délits au tribunal du goût que l'on parvient à
les corriger.
Au château de Sully, le 15 mars 1791.
•)
Note de Grégoire: Patois des ctj-devant Maçonnais, Uombes, Bresse)
RÉPONSES AUX DIFFÉRENTES QUESTIONS PROPOSÉES DANS LA LETTRE
CIRCULAIRE DE M. l'aBBÉ GRÉGOIRE, EN DATE DU 13 AOÛT
1. — La langue française n'est principalement en usage que
dans nos villes et entre les personnes aisées. Les gens de la
campagne l'entendent, mais ne s'en servent point entre eux.
Ils parlent une espèce de patois, qui est unique dans chaque pa-
roisse.
2. — Il est possible de déterminer l'origine de ce patois.
Selon toute conjecture, c'est un composé des différentes lan-
gues des peuples qui ont successivement asservi ces contrées.
Le fond de ce jargon est un mauvais français, dénaturé dans
son essence et sa prononciation, dans lequel on reconnaît une
multitude de mots latins, ce qui nous rappelle la conquête des
Gaules parles Romains et les temps antérieurs et postérieurs.
3. — Comme ce patois ne jjaraît dériver d'aucune mère lan-
gue, on n'y voit point non plus de termes radicaux, ou, s'il en
existait, ainsi que des termes composés, ils appartiendraient à
la langue latine ou française.
4. — On y trouve beaucoup de mots latins, comme il a été
dit plus haut.
5. — Il y a affinité, pour ne pas dire identité, avec le fran-
çais ; la différence consiste principalement dans la transposi-
sition des lettres qui composent le mot, dans la substitution
d'une voyelle à une autre, comme dans les mots suivants :
Mocan, au lieu àeMâcon; tarife, au lieu de terre; à^ns le retran-
4
51 DIALECTES MODERNES
chement ou adilitioii d'une voyelle, comme il suit : le foua, au
lieu de feu; le pan, au lieu de pain; le cheneve, au lieu de chan-
vre, etc.
6. — D'après ce qui vient d'être expliqué, les noms employés
à désigner les plantes, arts, métiers, etc., ne peuvent avoir
que beaucoup de ressemblance avec ceux de notre langue.
7. — Au moyen de ce que [ le patois ] participe de deux lan-
gues, il n'est point rare de trouver plusieurs mots pour expri-
mer la même chose.
8. — Il est, à la campagne, d'un usage général.
9. — Le nombre des mots propres à exprimer les idées et
les objets intellectuels est très-resserré, par la raison que, la
vie des gens de la canipagne étant purement physique, le
monde idéal ne peut que leur être étranger.
10. — Les termes contraires à la pudeur ne sont pas en
grand nombre, mais ils sont de la dernière crudité. Comme ils
sont de leur nature très-significatifs, il semble qu'ils devraient
ouvrir l'esprit au libertinage ; cependant les mœurs ne sont
pas plus dépravées qu'ailleurs.
11. — Les jurements les plus usités se bornent à une demi-
douzaine, et sont à peu près les mêmes que dans l'idiome na-
tional.
12. — On trouve quelques locutions assez énergiques, ou
plutôt originales; mais elles paraissent tenir plutôt de la
tournure des esprits que de la richesse de la langue.
13. — Les finales sont beaucoup plus communément voyelles
que consonnes.
14. — La prononciation n'est ni gutturale, ni douce, ni sif-
flante ; elle se fait à pleine bouche; elle est plate et fortement
accentuée.
15. — L'écriture du patois est parfaitement la même que
pour le français.
16. — Ce patois varie de village à village quant à l'accent,
la prononciation et aux finales.
17. — On ne le parle point dans les villes.
18. — Il embrasse toute la partie de la France connue sous
le nom de Maçonnais, Dombes, Bresse, etc.
19. — [Les campagnards] s'énoncent plus volontiers en
français que les gens de ville ne parlent patois.
I-ETTRES A GREGOIRE 55
20. — Les instructions se sont toujours faites et se font en-
core en français ; mais il n'y a pas de doute qu'elles fussent,
sinon plus fructueuses, du moins plus à leur portée, si elles se
faisaient en patois.
21. — Il n'existe ni grammaires ni dictionnaires de ce dia-
lecte.
22, — Les églises n'offrent nulle part aucune inscription
en cet idiome.
23, 24, 25. — [Néant.]
26. — Les proverbes sont assez communs, mais ils ne sont
point particuliers à ce dialecte.
27. — Le patois influe sur les mœurs, en ce qu'il fait des
gens de campagne une caste isolée et séparée, qui ne commu-
nique point avec la ville. De là les mœurs sont, à la vérité,
plus austères; mais, d'un autre côté, leur caractère est plus
rude, plus sauvage, et réciproquement cette teinte réfléchit
sur la langue.
28. — Leur idiome est toujours à peu près le môme; mais
la fréquentation des villes leur donne plus de facilité pour
entendre et parler le français.
29. — L'importance religieuse de changer ce patois con-
sisterait en ce que les instructions parochiales [sic] devien -
draient plus faciles et plus intelligibles ; l'importance politi-
tique consisterait en ce que les campagnes s'identifieraient
avec les villes.
30. — Les moyens seraient: 1° la composition d'un caté-
chisme national, dans lequel la partie du dogme et de la mo-
rale serait énoncée en termes les plus clairs et les plus sim-
ples. Dans cet ouvrage, qui serait encore un compendium des
bases politiques de notre constitution, seraient détaillées
toutes les qualités qui doivent détei-miner les suifrages des
citoyens dans le choix des aspirants aux places et aux di-
gnités; — 2° L'établissement de quelque école gratuite propre
à remplir le but de cet ouvrage, ouverte tous les jours en fa-
veur de la jeunesse, et les dimanches et fêtes, dans l'inter-
valle des offices, spécialement pour les grandes personnes; —
3° L'institution de quelque prime pour exciter l'émulation.
31. — Dans toutes les écoles de campagne, l'enseignement
5: DIALECTES MODERNES
se fait en français, et presque partout de la même manière.
32. — Très peu de villages sont fournis de maître d'école ;
on n'en trouve que dans les paroisses considérables ou dans
lesquelles il existe des fondations à cet effet.
33. — L'enseignement dans ces écoles se borne à lire, écrire,
chiffrer.
34. — Dans les paroisses où les maîtres d'école sont, par le
titre de la fondation, à la nomination du curé, les écoles sont
surveillées par lui ou par son vicaire ; mais hors ce cas, ce qui
est très-rare, ces places sont indépendantes.
35. — Les curés et vicaires n'ont guère de livres qui puis-
sent convenir à leurs paroissiens.
36. — Les gens de campagne n'ont point le goût de la lecture,
parce qu'à peine savent-ils lire.
37. — Le catéchisme et quelques livres d'église, voilà les
livres que l'on trouve chez ceux qui peuvent en faire usage.
38. — Leurs préjugés sont nombreux ; ils tiennent extra-
ordinairement à leurs habitudes, leurs coutumes. Ce qu'ils ont
vu faire à leurs auteurs est la règle invariable de leur conduite.
Minutieux, petits, superstitieux dans leur religion; la terreur,
la crainte, font la base de leur dévotion .
39. — Depuis une vingtaine d'années, s'ils ne sont pas plus
éclairés, ils sont au moins plus éveillés. Les mœurs sont plus
dépravées et les principes religieux plus affaiblis.
40. — Les principales causes sont : 1° le vide des jour-
nées de dimanche et des fêtes, les loiigues veillées d'hiver ;
2» la fréquentation des villes, leur exemple contagieux ; 3° le
retour, le passage des jeunes gens qui sont sortis du sein des
campagnes pour rouler le monde ; 4° la multiplication des ca-
barets.
41. — Les remèdes, toujours plus aisés à indiquer qu'à
effectuer, seraient : 1° de diminuer, sinon de détruire, les ca-
barets ; 2° de remplir les intervalles des offices par quelque
exercice intéressant et instructif; 3° de fixer les jeunes gens
dans le lieu de leur naissance, etc.
42. — Les effets moraux sont une grande satisfaction : 1° de
voir toutes les classes réduites à leur niveau ; 2° de participer
à l'administration, soit directement, soit indirectement, par
LETTRES A GREGOIRE 57
leurs suffrages. De là un certain ton d'importance, un certain
sentiment d'orgueil et d'amour-propre qui les rend plus exi-
geants, plus spéculatifs, sur la conduite que l'on tient à leur
égard .
[Le reste mam^ue.]
5
[Cy-devanl Bourguignon. — Note de Grégoire
RÉPONSE AUX QUESTIONS DE M. GREGOIRE
Il est impossible de répondre à toutes les questions propo-
sées par M. Grégoire ; on ne peut répondre qu'à quelques-
unes.
1 . — On parle français, et bon français, dans toutes les
villes. On y est plus puriste qu'à Paris, où l'on dit : Je vou-
drais bien que vous aillez [sic] à ...; au lieu qu'en Bourgogne on
dit : Je voudrais bien que vous allassiez. Mais, dans les campa-
gnes, le paysan parle un patois particulier, qui varie d'un lieu
à l'autre, quand il v a quelque distance. On citera que le patois
de Dijon diffère de celui de Beaune, qui à son tour diffère de
celui de Chalon, de la Bresse et du Morvan. Mais c'est tou-
jours le même patois, et l'on peut dire qu'il n'y a radicalement
qu'un seul patois.
2. — L'on ignore pleinement l'origine de ce patois.
3. — Il est impossible de dire s'il a beaucoup de termes ra-
dicaux et beaucoup de termes composés.
4. — On ne connaît pas assez le celtique pour savoir si ce
patois contient des termes dérivés du celte, mais il contient
des termes dérivés du latin et du grec.
5. — Il y a une affinité marquée avec le français, et il est
un français corrompu, mal décliné et plus mal conjugué, et
avec des tours de phrase qui sont grecs ou latins. Par exemple,
on dit : Dimoinche je fions lai polée; c'est-à-dire. Dimanche nous
ferons la polée. [Polée est une réjouissance de table, un ban-
quet proprement dit, qui se fait quand on a terminé quelque
travail important, tel que la fin de battre le grain dans la
grange, et que tout est vanné.) Ce terme polée vit-nt du latin
polenta, employé par Columelle pour signifier un gâteau de
farine d'orge ; et le terme polenta peut venir du grec 7ro/-£v,
58 LETTRES A GREGOIRE
vertere, versare, volvere, qui exprime Taction de pétrir ou le
terme du battement des grains.) On dit encore, pour le dessein
qu'on a de faire quelque chose : A m'ot aivis que j feras bein de
dire, etc., ce qui signifie mot à mot : // m est avis que je ferais
bien de dire, etc.; ce qui se réduit à dire en français: J'ai envie
de dire, ce qui s'exprimerait en latin par Est mihi animus dicere.
Les contrées voisines ont leurs dialectes particuliers; et le
patois bourguignon paraît avoir été propre à la peuplade qui,
de la forêt Hercynienne, est venue occuper la Iranche-Comté
et la Bourgogne. Mais dans la lisière de la Champagne le pa-
tois bourguignon est commun, ainsi que dans la lisière des
autres provinces, et cela a même pénétré plus loin que la li-
sière. Feu M. Groslej a recueilli, dans une des éphémérides
troyennes, un certain nombre de mots employés populaire-
ment à Troyes, et il y en a beaucoup qui sont du patois bour-
guignon; mais la prononciation champenoise est douce et
traînante, celle du bourguignon est serrée et vive.
6. — Ce patois a ses termes propres pour certaines plantes,
certains bois, certaines maladies, et pour les instruments qui
sont propres à la culture qui lui est particulière. Mais, pour
les arts, les métiers, le commerce, ses termes sont presque les
mêmes que ceux de l'idiome national. Dans le droit coutumier,
il y a aussi des termes propres; il est impossible de donner
la nomenclature propre et exclusive de ce patois.
7. — Un mot ne signifie en général qu'une chose; cela rend
le patois fort riche.
8. — Ce patois abonde partout.
9. — Il ne manque d'aucun terme pour exprimer ce que l'on
veut, ce que l'on sait, ce que l'on pense, etc.
10. — Il est impossible de répondre à cette question.
11. — Il n'a de jurements que ceux du français.
12. — Il a des termes propres à lui seul; par exemple, un
guerault, ou guarau, ou garau, c'est-à-dire une pluie à verse
de courte durée.
13. — Les finales sont plus voyelles que consonnes, et elles
se terminent presque toujours en a, quelquefois en o.
14. — La prononciation est vive et finit en élevant la voix;
elle est un peu rude, sans être gutturale ni sifflante, mais bien
prononcée.
DIAI.ECTFS MODERNES 59
15. — Non [l'écriture n'est pas autre que celle du français].
16 à 19. — Ce qui précède répond aux questions 16, 17
et 18, et il faut ajouter que tout campagnard entend très-bien
le français et qu'il y en a beaucoup qui le parlent. Ceci est la
réponse à l'article 19.
20. — On n'a jamais prêché en patois, au moins on ne le
croit pas.
21. — On no connaît ni grammaire ni dictionnaire, si ce
n'est l'espèce de dictionnaire, fort bien fait, de M. de la Mon-
noye, qui se trouve à la suite de ses Noëls.
22. — Non. [On ne trouve pas d'inscriptions en patois.]
23. — Il y a peu d'ouvrages en patois. On vient de citer les
Aoèîs de la Monnoye; il y a aussi quelque chose en dialogue
dans le livre in-4° de la Fête des fous de Dijon, ou la Mère follv.
Ainsi ce n'est qu'en poésie et en style léger qu'on a écrit, et
point du tout autrement.
24. 25. — On peut aisément avoir à Dijon les Noëls de la
Monnoye. Pour la Mère folle, on ne la trouve que de rencontre ;
cet ouvrage n'est pas rare.
26. — Ily a quelques proverbes particuliers; ils sont plus
locaux que tenant à l'idiome.
27. — On ne peut répondre à cette question et })resque point
à la suivante, moins encore à la 29* et à la 30^
31. — L'enseignement se fait en français, et le langage or-
dinaire en patois.
32. — Il y a bien des endroits qui manquent d'écoles.
33. — Le plain-chant, et rien de plus.
34. — Oui [les écoles sont surveillées] quand les ecclésias-
tiques remplissent leur devoir.
35. — Non [ils n'ont pas de livres à prêter].
36. — Ils aiment beaucoup les histoires des Vies des saints
et de la Bible; lorsqu'ils ont des livres, ce sont de ceux-là et
rarement des autres.
38. — Ils sont superstitieux et croient aux sorciers.
39. — Depuis plus de vingt ans, le luxe et le libertinage
ayant pénétré partout, les mœurs sont devenues plus dé-
pravées, sans que cependant les principes religieux soient
affaiblis dans la plus grande partie.
40. ' On vient d'exposer la cause; le remède serait une in-
60 DIALECTES MODERNES
struction de religion solide, pour les corriger et les guérir de la
superstition.
41, 42. — On trouve des affections produites par l'intérêt
plutôt que d'autres sentiments. Il ne faut pas s'égarer sur le
patriotisme; il est encore loin. On est tellement habitué à Té-
goïsme et à l'intérêt personnel, qu'il est bien diflScile que d'au-
tres sentiments succèdent promptement. Si les campagnards
étaient menacés de payer plus qu'ils ne payaient, ils réclame-
raient bien vite l'ancien régime.
43. — Oui [les ecclésiastiques et les nobles ont été insultés]
pour certains endroits, et non pour d'autres; cela dépend de
la conduite des ecclésiastiques et des ci-devant nobles, etc.,
etc.
Note de Grégoire : Donné par M. If curé d'Arnay-le-Duc ; patois
de Bourgogne.
MAZILLE, DIOCÈSE DE MAÇON, PRÈS CLUNY
•28 décembre 1790.
Monsieur,
J'ai l'honneur de répondre à la vôtre, que j'ai reçue depuis
huit jours, relativement aune série de questions ; je ne ré-
ponds, Monsieur, qu'à celles qui regardent ma paroisse, et je
marque seulement les articles qui nous concernent.
1. — L'usage de la langue française est général dans notre
pays ; ils entendent tous le français, et disent, au lieu de Nous
voulons, Je voulons, etc.
2. — De tout temps ils ont parlé de même.
11. — Dans la colère, il y a beaucoup de jurements.
14. — La prononciation est douce.
32. — Il n'y a point de maîtres d'école dans nos villages.
36. — Les gens de la campagne aiment beaucoup la lec-
ture, et, s'ils ne font pas instruire leurs enfants, c'est qu'ils
n'ont point de maîtres d'école. Ceux qui peuvent le faire les
mettent pendant l'hiver dans les villes voisines, mais le nombre
en est petit.
39. — Ils sont plus éclairés depuis vingt ans ; les mœurs
un peu plus dépravées : il faut l'attribuer aux petits cabarets
LETTRES A GREGOIRE 61
de village où l'on donne du vin à toute [heure] de la nuit, et aux
fêtes baladoires '.
42. — LMntérêt personnel les fait plutôt mouvoir que le pa-
triotisme.
43, — Entre eux, lorsqu'ils voient passer un ecclésiastique,
ils disent : «Voyez ce calotin. » Plusieurs disent qu'il n'en fau-
drait laisser aucun, surtout des chanoines et des moines.
C'est tout ce que je puis répondre à vos demandes.
Bernardet, curé de Mazille.
II
Dialecte de l'Alsace
On ne doit pas s'attendre à trouver ici de longs détails sur
le dialecte alsacien; leur place ne serait pas dans une Revue
des langues romanes . Ce qui nous décide à publier ces quelques
fragments, c'est leur extrême brièveté d'une part, et, de l'au-
tre, le nom d'Oberlin ^ qui ne peut manquer de leur donner de
l'intérêt. On verra, en outre, qu'il y est fait mention d'un opus-
cule imprimé relatif aux dialectes de la Lorraine, dialectes
qui n'ont presque rien emprunté aux idiomes germaniques.
Strasbourg, 28 août 1790.
Monsieur,
Sensible à l'honneur que vous me faites de m' adresser vos
questions nombreuses sur les patois, je me hâte de vous en-
voyer pour première réponse l'essai que j'ai fait imprimer au-
trefois sur ce langage. Vous y trouverez peut-être d'avance
la solution de quelques-uns de vos problèmes. Pour les autres,
nous tâcherons de vous satisfaire autant que nous pourrons,
M . Stouber, qui me charge de vous présenter ses hommages;
mon frère, auquel je vais envoyer votre feuille et qui sera
' Fêtes de village avec des bals champêtres.
* Il y a deux frères de ce nom; Jérémie- Jacques, l'auteur de ces lettres
'1735-1806), et Jean-Frédéric, celui que Grégoire était allé voir au Ban-
de-la-Roche (1740-1826.
62 DUT-ECTES MODERNES
sensible à l'honneur de votre souvenir, et mon chétif individu.
Vous devez vous souvenir de ce que vous avez vu au Ban-de-la-
Roche; Tapplication de mon frère et de M. son devancier pour-
ront peut être servir d'exemple à d'autres.
Les deux communions des confessions d'Augsbourg et Hel-
vétique, en Alsace, doivent des remerciements sincères à l'au-
guste Assemblée nationale de ce qu'elle a pourvu à leur sûreté
en fixant leur sort. Vous pouvez compter, M., sur la recon-
naissance de l'Université de Strasbourg, qui se fera un devoir
de soutenir les décrets de la nation. Elle doit lui servir de bou-
levard contre les principes ultramontains. Pour nos ministres,
il faut voir comment faire. La plus grande partie est bien mal
à son aise, jouissant des pensions qui leur ont été fixées il y a
plus de deux siècles, [à une époque] où les denrées étaient à
un sixième et même quelques-unes à un dixième de ce qu'elles
coûtent à présent. Ajoutez qu'il y en a qui, en perdant les
dîmes ou n'étant plus payés parceux qui les perdent, seraient
réduits à mendier leur pain, à moins qu'il ne soit enjoint aux
districts et départements de leur pouvoir d'un équivalent. Ce
besoin est urgent, et je crois que nos ministres vont faire
leurs représentations à l'Assemblée là-dessus.
M. Rabaut de Saint-Etienne, votre confrère, a bien voulu
se souvenir de moi; je vous prie. M., de l'assurer de mes hom-
mages, de même que M. Gossin.
Je vous embrasse de tout mon cœur,
Oberlin, Prof.
Je recevrai avec reconnaissance les ouvrages précieux que
vous me promettez.
2
Strasbourg, ce 13 novembre 1790.
Monsieur,
Il est temps que j'aie l'honneur de faire réponse aux ques-
tions que vous avez proposées touchant le patois. Je l'aurais
fait plutôt si ce n'était pas une affaire de longue haleine et quia
bien des difficultés, à cause de la manière d'écrire ou d'expri-
mer par l'écriture les différentes nuances de la prononcia-
tion. Vous aurez reçu, il y a quelque temps, V Essai sur le
LETTRES A GREGOIRE 63
patois lorrain que j'ai puliliô en 1775', et que j'ai mis à la poste
à l'adresse de M. le Président de l'Assemblée nationale , le
30 août. Vous V aurez vu que j'ai adopté une façon d'écrire
que j'ai crue convenable. J'en ai rendu raison à la page 85 et
suivantes.
J'ai ramassé, pour satisfaire à vos demandes, des renseigne-
ments fournis par mon frère, qui vous prie d'agréer ses hom-
mages, et par les régents des écoles de sa paroisse. J'ai ré-
fléchi moi-même sur quelques articles, de façon que je crois
pouvoir donner d'assez bonnes réponses à la plupart de vos
questions par rapport au patois du Ban -de-la-Roche. Mais, au
moment que je vais rédiger ces réponses, je m'avise d'une
chose : il me semble que le meilleur parti à prendre est de
leur donner la forme d'un petit mémoire qu'on fasse imprimer.
Si l'on met cette méthode partout, on profitera dans toute la
France des renseignements donnés dans chaque province, et
cela mènera à des recherches ultérieures. Les noms du patois
des différents départements, étant inconnus hors les endroits
ou ils sont en usage, seraient sujets à être corrompus et alté-
rés à l'infini. Étant imprimés sous les yeux de chaque rédac-
teur, on sera sûr de leur correction. Enfin, Monsieur, je vais
exécuter mon idée; si je suis le premier à le faire, j'aurai
donné bon exemple à suivre.
Au reste, il me manque encore quelques nomenclaturespour
lesquelles je vais presser mon frère et ses coopérateurs. Si-
tôt que je les aurai reçues, mon petit mémoire sera mis sous
presse et ne tardera pas à paraître '-.
Si vous approuvez mon idée, vous pourriez inviter les per-
sonnes qui s'occuperont de cet objet dans d'autres départe-
ments à en faire autant. Vous pourrez ensuite travailler avec
plus de siireté et de précision sur tous ces mémoires.
Vous savez, Monsieur, que j'ai ete le rédacteur de Y Almn-
nach d'Alsace, auquel je crois avoir donné une forme utile et
instructive. Ce serait le moment de faire l'almanach des deux
départements du Rhin. Je suppose que quelqu'un de Colmar
* Strasbourg, in -8°.
2 11 parut a Strasbourg en 1791, sous le titre :ï Observations contenant
le patots et les mœurs des gens de la campagne.
64 DIALECTES MODERNES
serait tenté de faire celui du Haut-Rhin; mais, au moins, je
serais charmé de ne pas voir m'enlever celui de notre départe-
ment du Bas-Rhin. Or, étant membre du district de Strasbourg,
qui est en contestation avec MM. du directoire du départe-
ment du Bas-Rhin, j'ai à craindre qu'on ne mette des empê-
chements à cette entreprise, comme ces Messieurs en mettent
à tout ce qui tient au nouveau mode de choses. Je pense donc,
Monsieur, que le meilleur moyen serait d'obtenir, ou plutôt
d'être chargé par l'Assemblée nationale de la rédaction de cet
almanach. Ne croyez pas que ce soit une chose peu digne de
nos législateurs; de tel almanachs, faits dans tous les départe-
ments, répandraient la lumière par toute la France et servi-
raient à affermir la Constitution. Je vous abandonne mon idée,
Monsieur; mais, si elle obtient votre suffrage, il faudrait vous
occuper sans délai de cet objet, pour que cet almanach puisse
paraître au commencement de l'année. Pour que vous puissiez
en parler pertinemment, je vous offre ci-joint l'almanach de
1789 et le supplément pour 1790.
— Le reste de cette lettre, qui d'ailleurs est tronquée, a trait
à une affaire particulière de nul intérêt.
111
Dialecte wallon
Observations sur le patois du duché de Bouillon, par Aubry, curé de
Bellevaux et président de l'Assemblée générale du duché souverain
de Bouillon i.
L'idiome du duché de Bouillon est commun à tous les habi-
tants des Ardennes et des Pays-Bas, connus sous le nom de
Wallons, parce que leur langage naturel est le wallon ou l'an-
cien français, tel à peu près qu'on le parlait lorsque les Francs
et autres peuples du Nord se sont confondus avec les Gaulois,
dont le langage était, à cette époque, un composé de celte et de
latin. C'est pourquoi le patois wallon, en usage dans le duché
de Bouillon et dans les Ardennes, est un assemblage de mots
pour la plupart dérivés du latin, du celte, du tudesque, et
' Celte pièce est une des plus importantes du recueil de Grégoire ; il
suffira d"y jeter les yeux pour s en convaincre.
LETTRES A GREGOIRE 85
quelquefois du grec. Il a aussi beaucoup emprunté des lan-
gues vivantes que parlent les peuples dont les armées ont
fait quelque séjour dans les Ardennes, ou avec lesquels les
habitants du pays ont des relations à raison du commerce ou
de la proximité, tels que les Français, les Flamands, les Alle-
mands, les Hollandais, les Italiens, les Espagnols et les An-
glais.
Le patois du duché de Bouillon a beaucoup dégénéré de
l'ancien wallon. Depuis une centaine d'années, il a adopté un
grand nombre de mots et d'expressions françaises, principa-
lement dans les conjugaisons des verbes : cela vient de ce que
cette souveraineté, étant limitrophe du royaume de France et
sons sa protection spéciale, y a des relations continuelles.
Le wallon, dans le pays de Liège et dans les provinces bel-
giques, conserve des traces plus marquées de son origine :
on y reconnaît aisément les radicaux des langues mères ; le
flamand et l'allemand fournissent beaucoup de mots, d'expres-
sions et de termes inconnus dans le duché de Bouillon.
Eu général, ce patois est doux, agréable, sonore, expressif,
abondant, grave et propre à exprimer les grands mouvements
de l'àme, les actions pathétiques et les scènes tragiques. Il est
riche en noms qui expriment les vertus ou les vices, et en ver-
bes qui expriment jusqu'aux dernières nuances du mouve-
ment et des actions corporelles ; mais il a peu de termes pour
exprimer les idées et les objets intellectuels.
11 n'y a point dans le duché de Bouillon de termes contrai-
res à la pudeur ; ceux qu'il a empruntés de l'italien et de l'es-
pagnol ne sont employés que pour exprimer des idées hon-
nêtes. Dans le pays de Liège, il y a beaucoup d'expressions
basses, viles, bouffonnes et indécentes ; d'où il résulte que le
langage de cette contrée est singulièrement propre au comi-
([ue. Il y a aussi beaucoup de jurements orduriers et de ter-
mes pour exprimer les mouvements de colère, tandis que dans
le duché de Bouillon il n'y en a aucun. Cela vient probable-
ment de la différence du caractère, des mœurs et de l'instruc-
tion nationale.
On trouve dans le patois wallon une grande partie des ra-
dicaux français, outre un grand nombre de termes et de lo-
«6 DIALECTES MODERNES
cutions très-énergiques qui manquent à ce dernier idiome.
Il j a dans le corps des mots beaucoup de diphthongues et
de voyelles réunies ; les finales sont aux trois quarts voyelles,
ce qui rend la prononciation de ce patois facile. Dans le duché
(le Bouillon, elle est labiale, sans accent, et souvent harmo-
nieuse ; dans la Belgique et le pays de Liège, elle est un peu
sifflante, gutturale, moins facile et moins agréable; ce qui vient
sans doute du voisinage des Flamands et des Allemands, ou
peut être de la prononciation primitive que ces peuples ont
retenue, laquelle est très-dure, si Ton en croit Thistoire, Les
musiciens que Charlemagne amena de Rome dans les Gaules,
pour y enseigner léchant roumain, }' trouvèrent les voix si
âpres et si discordes, qu'ils ne purent adoucir la dureté de leurs
accents.
La beauté du patois wallon dépend de la prononciation de
certaines lettres et syllabes, L'm se prononce à la française,
mais plus communément comme Ye muet d'un monosyllabe .
Le/ consonne se prononce à peu près comme les Italiens et les
Anglais le prononcent. Le ^ a la même prononciation devant
Va, Yi et Ye. Les lettres ch se prononcent comme les Allemands
prononcent ces lettres, sch, ou comme les Italiens prononcent
ce, ci, de ce mot cecita.Le w se prononce comme les Anglais ou
comme la diphthongue ou suivie d'une voyelle, et ne faisant
qu'une syllabe, comme oua; wallon, oué, wé, oui, Willieme. La
diphthongue 02 et/ mouillée se prononcent comme le peuple
de Paris les prononce. La dipthongue au se prononce encore,
dans les Pays-Bas, à l'allemande ; ce son peut se rendre par
ces lettres avve. On prononçait autrefois toutes les lettres
finales ; mais la prononciation française a été adoptée, à cet
égard, depuis environ cinquante ans.
On écrit ce patois, depuis plus de cent cinquante ans, avec
les traits et les caractères français. Dans son origine, on se
servait de caractères runiques, ainsi qu'il paraît par les in-
scriptions des anciennes tombes écrites en wallon, qui sont
assez communes dans les provinces belgiques.
Ce patois varie peu de village à village, mais il varie beau-
coup de ce duché aux Pays-Bas, où l'idiom français a moins
gagné et les langues du Nord beaucoup. L s campagnards
LETTRES A GREGOIRE 67
s'énoncent également en patois et en mauvais français, mais
c'est en cette dernière langue que se prononcent les discours
publics et que s'écrivent les actes obligatoires et judiciaires ;
cet usage est très-ancien.
Il n'existe point, que je sache, de grammaire de cet idiome;
un bénédictin de Metz a donné depuis peu un dictionnaire ro-
man, wallon, celtique et tudesque', qui se trouve chez M. Tré-
court, imprimeur du département des Ardennes, à Maizières
(«c ). Ce dictionnaire contient une infinité de mots très-ex-
pressifs qui ne sont plus en usage, et qui ne sont point rem-
placés dans l'idiome wallon ni dans l'idiome français; d'oîi il
résulte que le patois des Ardennes, en se rapprochant de la
langue française, s'appauvrit visiblement, en rejetant une
quantité de mots et d'expressions très-énergiques, qui ne sont
qu'imparfaitement remplacés par les mots et les termes tirés
du français.
On trouve à Liège quelques opéras, des chansons, des pas-
quinades et autres pièces de poésie écrites en wallon liégeois,
et qui ne manquentpoint de sel; mais l'ouvrage le plus estimé,
écrit dans ce patois, c'est ï Histoire héraldique de la noblesse
des Pays-Bas, par Hemricourt; la version française est im-
primée à côté du texte et se vend à Liège. On trouve encore
dans les anciennes abbayes des Pays-Bas quelques manuscrits
wallons.
Il n'est guère probable que le langage des Ardennes puisse
jamais se détruire entièrement, malgré sa grande affinité avec
l'idiome national : il n'y a point dans ce pays de cour, de grands
princes, ni de sociétés littéraires; les habitants ne s'occupent
que des travaux de la campagne, des arts utiles et du com-
merce ; d'ailleurs, la langue française est trop surchargée de
règles pour que le peuple puisse les observer, quoique l'en-
seignement se fasse dans les écoles en cet idiome, mais sans
uniformité de livres. Ce qui empêchera encore que le wallon
ne périsse entièrement, c'est qu'il a des termes et des expres-
I Dictionnaire roman, ivallon. celtique et tudesque, pour servir à l'in-
telligence des anciennes loix et cuntracts, etc., par un religieux bénédictin
de la congrégation de St-Vaunes. Bouillon, de limprimerie de la Société
typographique; 1777, in 4», XII-364 pages. (A. R.-F.)
88 DIALECTES MODERNES
sions qui plairont toujours par leur énergie et leur brièveté.
Les écoles sont trop négligées dans les Ardennes ; on n'y
apprend guère qu'à lire, écrire et le catéchisme. Les curés et
les vicaires ne les surveillent point et ne prêtent aucun livre
à leurs paroissiens, à qui il est défendu de lire l'Kcriture
sainte. Aussi y a t-il peu de campagnards qui ont le goût de
la lecture. Les livres qu'on trouve communément chez eux
sont des Vies des saints, de prières et les Bibliothèques bleues.
Les Ardennais n'ont point de talent pour la poésie ni pour
l'éloquence ; ils ne sont point assez vifs ; leur imagination est
trop froide, quoique d'un caractère très-sensible et porté aux
actions vertueuses. Les Liégeois, néanmoins, ont des disposi-
tions à la poésie badine et erotique .
Les habitants du duché de Bouillon et des environs ont peu
de préjugés. Depuis environ vingt ans, ils ne croient plus aux
revenants, ni aux sorciers, ni aux enchantements ni posses-
sions. Leur croyance sur les miracles et autres histoires mer-
veilleuses se réduit à peu de chose. En général, leurs opinions
religieuses sont assez pures; ce qui vient, je crois, de ce que
les curés et les vicaires, au lieu de leur faire des sermons re-
levés, se contentent de leur expliquer dans leurs prônes le
catéchisme d'une manière simple et proportionnée à leur ca-
pacité et à leur état ; peut-être aussi que les connaissances
gagnent un peu depuis l'établissement des journaux à Bouillon.
Au reste, les mœurs sont encore pures dans les campagnes,
et il n'y a pas de grands vices dans les Ardennes ; mais il y a
peu de patriotisme, et l'intérêt personnel y joue un grand rôle.
La Révolution française a gagné le duch-^ de Bouillon. Les
habitants ont voulu avoir une Assemblée générale, qui s'est
constituée en Corps législatif, du consentement du prince sou-
verain, qui fait sa résidence à Navare, près d'Evreux, en Nor-
mandie.
Cette Assemblée a adopté les principes de la Constitution
française ; elle en a extrait les décrets qui pouvaient être ap-
pliqués aux convenances du pays. Le régime féodal a été aboli
et les dîmes rendues aux paroisses; les curés et vicaires n'ont
point été traités généreusement, et les seigneurs ont été dé-
pouillés plus impitoyablement qu'en France : les ferrages leur
ont été enlevés sans indemnité, et la plupart des maires et
LETTRES A OREGOIRK 69
des municipalités ont encore à leur égard de mauvaises fa-
çons, en leur refusant des droits conservés. — Depuis la Ré-
volution, les habitants de ce duché, qui, par caractère, sont
doux et dociles, sont devenus mutins et récalcitrants ; les lois
sont sans vigueur; les muuici[)alités s'attribuent toute espèce
de pouvoir, et l'anarchie croît de jour en jour. Il n'y avait
dans cette souveraineté qu'une force d'opinion, elle est ôtée ;
comment réprimer les abus? Le peuple a besoin d'être contenu
par une autorité qu'il craint, et lui donner trop de pouvoir,
c'est lui ouvrir la porte des désordres. On ne peut dissimuler
({ue l'Assemblée de Bouillon n'ait été beaucoup trop loin, et
que, en voulant rendre les hommes trop libres, elle n'ait brisé
les liens de l'association, dont la sûreté et la tranquillité sont
depuis sans cesse exposées aux attentats des méchants et des
ignorants, qu'il sera bien difficile de ramener à l'ordre —
Mais revenons au patois des Ardennes-
Ur des infinitifs est retranché dans cet idiome, excepté des
verbes en oir, qui s'écrivent et se prononcent ive?\ Par exem-
ple, devoir se prononce dewer ; avoir, awer, et ces infinitifs sont
peu en usage. Les mots de ce patois sont souvent raccourcis
par la contraction des syllabes et des lettres; d'autres fois, ils
conservent les lettres que la langue française a retranchées,
comme esté pour été, estourdi pour étourdi, et ces lettres con-
servées se prononcent.
On joint ci-après un dictionnaire des mots qui s'éloignent
le plus des radicaux français ; ils sont ortographiés {sic) comme
ils se prononcent ; leur signification en français est jointe à
chaque mot. On trouve ensuite les conjugaisons des verbes
être, avoir et aimer, qui suffisent pour donner une idée des ter-
minaisons wallonnes.
Les verbes de ce patois ont moins de temps que ceux de la
langue française et s'emploient souvent l'un pour l'autre .
Il y a des proverbes en patois sur les ouvrages ruraux et
les pronostics des temps ; en voici quelques-uns :
— Jamoiiai bounn" houme ne revenni de Roume. — Jamais bon
-homme ne revint de Rome.
— Air saint Gervai, samme tes navets. — Sème tes navets à la
Saint-Gervais.
5
70 DIALECTES MODERNES
— On' saut'ot mie spaniles pouchelets que d" tué la (rouie. — On
ne peut mieux sevrer les cochons que de tuer la truie.
— Vinde se pourcai et warde Claur. — Vendre son cochon et
retenir le lard ; c'est-à-dire vouloir tirer le prix et garder la
chose.
— Quand on n'est qu'in chevet, il est aizi dull duscrami. —
Quand on n'a qu'un cheveu, a facile {sic) à le démêler.
— Ess vayant quant i ny est vin à fouaire. — Etre laborieux
quand il n'y a rien à faire.
— Les ei qui n'ont pon d'argent nont ni peure des larons. —
Qui n'a pas d'argent ne craint pas les voleurs
— / fouai bon samer tovone quand la cône dou bu goutte. —
C'est le temps de semer les avoines quand il pleut.
— .Sans ponne ne vin avone. — Sans peine ne vient avoine.
— i faut samé l soie din la poussire et T avone din layoutire. —
Il faut semer le seigle par le beau temps et l'avoine quand il
pleut.
— Quand toutes les pauques sont d'avri, datent la mouche et la
burbi. — Quand les pâques sont en avril, malheur aux abeilles
et aux brebis.
— Datent V avone que la Saint- Bar tolomie pourmene. — Mal-
heur à l'avoine que la Saint-Barthélémy promène (parce que
le vent peut la secouer).
— Quand la lune est blemive ou que les cornaïes criant, marque
de pluve. — Quand la lune est pâle et que les corneilles croas-
sent, signe de pluie.
— Quand les tahans piquant et que les baisses bisnnt, c'est
marque de pluve. — Quand les taons piquant et font fuir les
bestiaux, signe de pluie.
— Vent de Loimine amone la pluve din les smonaine. — Vent
de Lorraine amène la pluie dans la semaine.
— Fraîches avins, scehe estée; scehes avins, fraiches estée. —
Lorsque les avents ' sont humides, l'été sera sec ; mais si les
aventssont secs, l'été sera humide.
— Jamonai sécheresse n' amone chiresse. — Jamais sécheresse
ne cause de cherté.
* Les avenls. parce que l'Aveiitest toujours en fiécembre.
LETTRES A GREGOIRE 71
— Bonne poulie qui fouait tous les jours un u. — Bonne poule
qui pond tous les jours un œuf.
— Quand il plue le jour saint Medaure, on n" rehrule ni les
saures. — Quand il pleut lo jour de saint Médard, on ne brûle
pas les terres essartées.
— C'est in bon vaurlet qui le bai tim. — Le beau temps est
un bon serviteur.
— Lslo fouai pu de besouen que cent fneusses. — Le soleil
fait plus d'ouvrage que cent faneuses.
— Qui s' luve matin ne manque jamonai de poin. — Qui se
lèvematin ne manquera jamais de pain.
— La fouin est in bon reveïe-matin. — La faim réveille de
grand matin.
— Ess hardi quand on ri risque rin, — Faire le brave quand
il ny a point de danger.
— Allé a eu de pouïoïc ; tourné à brule-navet. — Déchoire
{sic), rendre à rien.
— Laurgesse ne fouai ni uni t bure al 'boisse. — On ne de-
vient point riche à force de donner.
— Pechi dri la trulle. — Pêcher derrière le filet, vouloir
revenir sur une affaire finie.
— Le bourgeois va devant riiakiu. — L'homme en place doit
passer devant l'homme de rien.
— I vau mi laie ki sa famé moucheuse que d'ii arachi /' né. —
Il faut [sic] mieux laisser sa femme morveuse que de lui arra-
cher le nez.
— Laichi couri la striche su l' bichet. — Laisser aller les af-
faires comme elles vont.
— In vau ni la haure poul stranné. — Il ne vaut pas la hart
pour le pendre.
— Invauniplins''en d'avve. — Il ne vaut pas une jatte d'eau.
— Aussi aivare que l" bouc Colan Jancq, qui sotot deux chives
din cô. — Aussi étourdi que le bouc de Nicolas Jacques, qui
saillait deux chèvres à la fois.
— Chèque pais, chèque mode. — Chaque pays a ses usages.
, — Chaure fouai chaure. — Qui mange de la viande mange
de l'embonpoint.
— Clore la staule quand le chevau est hors. — Fermer
l'écurie quand le cheval est dehors.
72 DIALECTES MODERNES
— Les vauriens se trouvant tondi. — Les [vauriens] se ren-
contrent toujours.
— Vherbe qu C counnoua, mette la siit' doua. — Mets sur
ton doigt l'herbe que tu connais.
— Les joncs famés ont toudi bosse on /josse. — Les jeunes
mariées passent d'une plainte à l'autre.
— Méchante poire quin meuri ni. — Mauvais fruit qui ne
mûrit pas.
— In fau quune hurhi rouyneuse pou ablavé ton le tropui . —
Une brebis galeuse gâte tout le troupeau.
— Jone c/iesseu, joue monsieu; vi chesseu, vi hribeû. — Jeune
chasseur, jeune seigneur; vieux chasseur, vieux bribeur.
— Dire à ruchai. — Parler sans fin.
— On n'scawot fouaire dou leu une bonne baisse. — On ne
saurait faire du loup une bonne bête.
(A suivre.)
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
CHANTS DU PREMIER AGE
V« Série
LES PETITES RONDES-
I. — Les Rondes du premier âge prennent place, par suite
de leur caractère tout particulier, à la suite des petits chants,
dont nous avons fait la publication.
Elles ne sont, en effet, à exactement parler, ni un chant, ni
un jeu. C'est intemnédiaire ; quelque chose d'une gymnasti-
que de l'esprit et du corps appropriée à l'âge et aux forces
des petits bambins qu'il s'agit d'amuser, et qui ne savent
guère encoi'e ni parler, ni se mouvoir.
Du chant, du mouvement, du bruit, c'est i)lus qu'il n'en
faut pour cette période du développement physique, qui ne
demande qu'à intéresser quelque peu l'intelligence sans exiger
d'efforts, et à exercer des membi^es encore faibles et tendres,
sans qu'il y ait de risques à courir.
II. — Elles exigent naturellement peu de place et font peu
de bruit; elles ressemblent de très-près à ces. premiers pas
essayés sur les genoux de la mère, dont nous avons parlé ;
elles peuvent être faites dans une chambre, sur un coin de
tapis, sur le rebord du lit, etc. '.
Elles ne conviennent donc qu'à de tout petits enfants.
Elles forment une transition, parfaitement sensible, entre
la série des chants pour apprendre à agir, premiers exercices
des mouvements du corps, et les danses et rondes des filles et
/garçons, où le corps et l'esprit s'en donnent à cœur de joie.
* Le ch. IV dit l'aireto, i'airela, le palier, le seuil de la porte, limite
que ne dépassent guère, en efTel. les petit? enfants.
74 DIALECTES MODERNES
m. — Leurs airs, lents et mollement cadencés, se composent
presque tous des deux notes qui caractérisent le chant des
berceuses ; le rhythme seul en fait le fond, différant en cela
des grandes rondes^ dont les airs sont vifs, animés, et qui ont
de plus une intention scénique.
Ce sont les mêmes mélodies somnolentes, traînantes, mais
avec une accélération plus marquée du mouvement^.
L'inspiration n'étant ni trop joyeuse, ni trop tfiste, le
rhjthme, par effet tout de moyen terme, de milieu, si l'on peut
parler ainsi, s'y conforme. Il se tient entre la vivacité des
chants de jeu ou de danse et la paresse des berceuses ^.
IV. — Comme pour les chants destinés à apprendre, à
agir (IIP série), la cadence finale est généralement plus forte
et marquée par un cri.
C'est une exclamation: hou! (ch. XIV), pi! (VI), cra!
(III), cri! (XIII); ou un mot quelconque, qui n'a aucun rap-
' V. Nen-nèn, 1'" série, ch. VI U.
- En écoutant les coups réguliers frappés sur une enclume, le bruit des
fléaux retombant tour h tour sur le blé, les diverses batteries de tambour,
et même, sans cet auxiliaire, les pas caiiencés d'une troupe bien disci-
plinée, l'on éprouve ce sentiment que produisent l'ordre et la régularité,
et qui remue, agite, entraîne. Les efTets du rhythme dans ie mouvement
sont tellement incontestables, qu'ils n'ont pas nécessairement besoin du
secours de la mélodie, comme on le voit par les exemples que nous ve-
nons de donner. Quelques sons disposés sans art sous le rapport mélo-
dique, un seul même, un simple bruit inharmonique, tel que celui pro-
duit par la plupart des instruments de percussion, répété plusieurs fois,
suivant certaines formes rhythmiques, peuvent produire la plus forte im-
pression. (D. Beaulieu, du Rhythme; Paris, Dentu, s d., in-S", p. 44.)
•1 L'homme, dans toutes ses actions, et principalement dans celles qui-
sont longtemps répétées, épreuve, pour faciliter ses mouvements, et sou-
vent à son insu, le besoin de les mesurer. Est-il triste, abattu, ils sont
lents; est-il gai, dispos, ils sont vifs et précipités. Sous l'influence des
mêmes dispositions, ses paroles ou les sons inarUculés de sa voix sui-
vent une mesure analogue, et deviennent ainsi plus ou moins imhatifs
de ses actions ou de ses sentiments. Dans ce langage, dans cette suite
de mouvements mesuré.-^, le ttmps que l'homme met à exécuter chacun
de ces mouvements, à prononcer chaque syllabe ou à proférer cliaque son
inarticulé, est un temps rhythmiqu»', e le rhythme n'est que le rapport
qui existe entre plusieurs de ces temps (D. Beaulieu, du Rhythme, p. 11.)
CITANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 75
port avec le chant : favarou i haricot (ch. I) ; coucou ! œuf (ch.
II et XXIII), concourelet ! petit œuf (ch. XII); civadof avoine
(X), etc.
Ce dernier est le plus ordinaire. C'est celui que l'on ajoute,
presque toujours, quoiqu'il ne soit pas indiqué dans toutes nos
versions, à la fin des petits branles de Lileto (ch. I-IVj.
C'est un cri que nous avons noté, quand nous l'avons
pu '.
V. — Leur composition est habile. Tout en ne faisant cou-
rir aucun danger à l'enfant, puisqu'il est soutenu par des
personnes âgées qui l'entraînent, le portent presque, elles
demandent de lui, toutefois, un ensemble de mouvements
assez compliqués pour son âge.
Indépendamment du mouvement giratoire, tournoyant, qui
est le principal , et pour lequel il n'a qu'à suivre , il faut
encore que, dans certains cas, passes ou évolutions, il sache
croiser les bras, élever les mains, ployer les genoux, se bais-
sant et se relevant avec rapidité ^.
Elles ont surtout lieu à la fin de ces petites danses '.
Comme les grandes rondes, elles se répètent et se repro-
duisent indéfiniment, jusqu'à épuisement des forces ''.
VI. — Ces passes ou évolutions s'augmentent et deviennent
plus nombreuses au fur et à mesure que l'enfant grandit.
1° Tout d'abord, il est soutenu, porté, par des personnes
âgées, la mère, la nourrice, la servante, ou bien par des en-
fants plus forts, ses frères et ses sœurs ordinairement '■'.
' Voir les observations de Kastner, auxquelles nous nous sommes con-
formés Les Voix de Paris. Paris, 1857, in-4", p 3-4.
- Ces mouvements de repos sont marqués: d'abord un pied, puis tout
le corps (v ch. I); ou encore un pied, l'autre pied, tout le corps (ch IV).
Dans chaque mouvement, on distingue aussi quand l'enfant se baiss-;
(ch. II, XIX, XXV) et quand il se lève (ch. XV et XVI), et parfois
l'un et l'autre (V et X) .
3 Voir ci-dessus, observation IV, les finales, qui marquent fin de
moude.
* Pour la répétition, v. c!i. XX.
- Ch. [-V.
76 DIALECTRS MODERNES
2" Dans une seconde série, le tournoiement imite certaines
actions : la boulangère qui fait son pain, la cuisinière qui re-
tourne sa poêle, le charcutier qui retourne le boudin, etc. *.
3° Les suivantes se proposent de reproduire en petit le-^
danses des grandes personnes qu'elles mettent en scène, ron-
des, farondoles, etc. ^
4" Les mouvements ne tardent pas alors à devenir plus ra-
pides, plus accentués : ce sont des fruits qu'on ramasse, le
pied auquel on s'est fait mal en tombant, le chat qui guette ^
Dans cette dernière, l'intention est scénique et fort mouve -
mentée. Toutefois, le petit enfant n'y prend qu'une part res-
treinte: placé tout au milieu du cercle, il voit la petite ronde
tourner autour de lui, comme autour d'un pivot, s'agiter, sans
qu'il ait même à se lever.
5° Les deux dernières sont ce qu'on nomme des branles de
sourtida \
Ces petits branles sont ceux que font les enfants à la sortie
de l'école, alors que, se tenant par la main et se sentant le
besoin de donner un libre cours à leur joie, ils remplissent la
rue de cris et d'éclats de rire. C'est ce qu'on nomme en lan-
gage vulgaire lou branle de sourtida, branle de sortie. La
gaieté, si naturelle à cet âge, ne trouve pas de meilleur moyen
de se satisfaire, de se manifester, que par cette joie à la fois
bruyante et folle .
Un vieil auteur, aujourd'hui fort oublié, en fait une des-
cription charmante, prise sur le vif, description qui doit faire
partie tout naturellement de nos observations:
Abets-mejamai bisl un nizal d'apparats
Sourti bistft d'un trauc ount eron embarrats?
Quin sisclet, quino joyo. en bezon la campagnol
Diriots que soud labelz en pais de Coucaigno.
Per acassa la fara, manjon tout lour sadoul,
Etbolonlibromen de rastoul en rastoul.
Atal mous escouilhés, quand l'escolo es finido,
Sounjon à dansa Icu le branle de sourlido,
» Ch. VI- X.
2 Gh. XI-XVIIl.
3 Ch. XIX-XXI.
* Gh. XXII-XXIII.
CHANTS POPULAIRES DT' LANGUEDOC "
Se buton l'iiii sus l'autre, et, toiilis airafats,
Fan à qui les prumiés seslran espoiiffats;
L'un es gilat jiel sol d l'autn' se relebo.
Tantos dessus, dejouls, coiimo fa la callobo ;
Et toutis. per sourti, soun autant diligens
Que s'eron, per dinlra, moustradils négligens '.
Avez-vous jamais vu une nichée de passereaux — sortir vite du
trou ou ils étaient enfermés ? — Quels cris aigus, quelle joie, en voyant la
campagne ! — Vous diriez qu'ils sont alors en pays de Cocagne. — Pour
faire cesser la faim ils mangent tout leur saoul. — et volent librement de
chaume en chaume.
Ainsi mes écoliers, quand l'école est Gnie, — songent à danser le iranle
de la sortie — Ils se poussent l'un l'autre, et, se saisissant, — font à qui les
premier^ se seront échappés ; — l'un tombe, l'autre se relève, — tantôt
dessus, tantôt dessous, comme quand on roule, et tous, pour sortir, sont
aussi diligents — qu'ils s'étaient, pour entrer, montrés négligents.
VIL — Ces rondes des tout petits enfants, tout comme celles
des personnes plus âgées, sont dites simplement rodas, rodos^,
rondes. Exemples : la rodo dau Coubent, la ronde du Cou-
vent ; la rodo del Calel, la ronde de la Lampe. On dit aussi
roundo : la roundo de Catarino, la ronde de Catherine.
Elles prennent quelquefois le nom des grandes danses : la
farandoulo de Trinquatailho, Va farandole de Trinquetaille ;
loti branle de Lileto, le branle de Lili ; lou branle de CEireto,
le branle de la Petite Aire; lou branle de ma Tanto, le branle
de ma Tante ; lou brande dau Cacaraca, le branle du Coq.
Au diminutif, brandet, le petit branle : lou brandet de Roso,
le petit branle de Rose ; lou brandet de Paladan, le petit
branle de Paladan, etc.
Chauri, chœur, lat. cliorea, ne se dit guère que de la ronde
que font les fées sur l'herbe fleurie, au clair de lune '\
VIII. — Il va sans dire que ces petites rondes, premiers
essais chorégraphiques de Tenfance, se perpétuent dans Fàge
de l'adolescence.
* Le Mirai moundi, ctc , 1700, p. 36.
- De roda. rodo. roue. Faire la roda, faire la ronde- Jout la roda dau
sourel. sous le cercle tracé par le soleil, la ronde solaire.
Audim., fa lou roudet, faire le cercle autour d'un enfant, d'un conteur.
3 D'où chauriha. tournoyer, faire la ronde.
•î DIALECTES MODERNES
Celles de la première catégorie (ch. I-V) sont assez vite
abandonnées, parce que l'impatience et la turbulence des
enfants, devenus forts, s'accommodent mal de leur lenteur,
de leur air monotone, de leur peu de mise en scène.
Les rondes qui suivent (ch. VI-XVIII) sont plus longtemps
conservées.
Mais ce sont surtout les dernières (ch. XIX-XXIII) qui
persistent. La raison, c'est que ce sont des jeux, de vrais
jeux, — le Coq, le Chat, le Pied rompu, — qui sont de tous les
âges, ou des exclamations de joie, à la sortie de l'école,
communs à tous les enfants.
IX. — C'est une remarque à faire, cependant, que les rondes
languedociennes sont peu à peu délaissées, et qu'elles font
place aux rondes en langue du nord.
Cette substitution est due surtout àFinfluence des écoles pri-
maires, principalement celle des jeunes filles. Les maîtresses
ne permettant plus, pendant les heures de récréation, que des
rondes françaises, l'habitude a été prise peu à peu et fait
sentir aujourd'hui ses résultats.
Les rondes de cette sorte que l'on répète le plus souvent
sont : le Petit Moulin, les Petits Cousins, etc., et les petites
scènes chantées : le Joli Tamboio' qui aime la fille du roi; les
Compagnons de la Marjolaine, la Tour, prends garde; Savez-oous
planter les choux ? etc .
X. — Il est résulté de cette habitude deux faits importants ,
dont nous avons à tenir compte pour l'histoire de la langue.
Il y a des tentatives de traduction, tant en languedocien
qu'en français, mais principalement dans ce dernier idiome'.
Il j aussi corruption de la langue employée, qu'on tâche
d'accommoder à des formes mixtes ou communes à toutes
deux-.
Et, enfin, des chants où les deux langues vont de pair ^
* V. ch. IX, note l : la traduction des Petits Cousins.
3 V. Chants VI et XXIII.
nHANTS POPULAIRES DU LANdUKDlIC
I. — I.OIJ RHAM.K DK I.ÎI-ftTA
J='J04
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V V V
'V—Y ' V K— ^
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Lou bran - io de l.i - le - ta, Ma lan-la la sau-
^
S
:2zz^
?
:^
S
J2:
me - ta, Lou pè, lou
cuou, Au sôu.
Lou branle de Lileta,
Ma tan ta la saumeta:
Lou pè, lou cùou.
Au sôu !
Le branle de la petite Lili. — Le branle de Lili, — ma tante l'â-
nesse: — le pied, le derrière, — à terre !
Ne se dit guère qu'à Montpellier et ses environs, quoiqu'il soit plus
connu que les petites chansons suivantes, usitées ailleurs.
I. — Elles se chantent dès que l'enfant peut plus facilement plier les
genoux. On lui fait faire la ronde -^n le tenant par les deux mains. Au
mot : au. sou! tous ceux qui y prennent part s'accroupissent, pour l'en-
gager à en faire autant.
II, — On ajoute quelquefois, en termina;)! : favarnu: mais ce mot n'est
'à que pour la rime.
Dans d'au'res endroits : civado!
II.
BRANLE DE LILLETO
1) Al branle de Lilleto,
Ma tanto Guilhaumeto
S'asséto per lou sôu :
Coucou !
.AuTUF— 1). Au branle de Lilleto,— ma tante ^ullhaumette
s'assied parterre: — coucou!
Version de Golognac (Gard), citée par M. le pasteur Fesquot. {lievue
des laTi'jues romanes, t. VI, p 104.)
80
DIALECTES MOPERNES
1. — Il serait tenté de comparer, observe-t-il, ce nom de Lilteto » avec
la Lilik qui, selon le Talmu'l, fut la première femme d'Adam et l'une
des quatre mères des démons (en hébreu. Lilik, spectre nocturne qui
fait du mal aux enfants). » Nous pensons qu'il n'est pas nécessaire
d'aller chercher son origine si loin que cela ; comme nous l'avons dit,
Liileto n'est que le diminutif Lelleto, de Leilo, Adèle.
2. — Cette version est plus jolie que la précédente. La saumelo y de-
vient Gtiilhaumeto, a\n'i\ q\iQ dnnsles suivantes, Jacouneto et Guilhaumelo.
La qualilication ma tanto autorise à ne voir dans la version de Mont-
pellier qu'une ironie.
Cette opinion est autorisée par les chants XII et XIII.
m. — AUTHE
Lou branle de Lileto,
Ma tanto Jacouneto
Se vouliô maridà:
Cra ! . . . dins lou sa.
Autre, — Le branle de Lili, — ma tante Jacqueline — voulait
se marier : — crac ! . . . dans le sac.
V. recueillie par M. H. Ghaussinand, de Coux (Ardèche).
l. — Au mot cra ! . . ... on fait sauter l'enfant dans le tablier et on l'y
tient caché.
IV. — I.UU BKAME Dt i/eIKETO
?
^^^P^P^^^
IjOu bran-le de l'ei - ret - to. Ma tan - to (iuil-hau-
^^^^^^g^^^lplzi^
me - to ; Un pè, l'au-tre pè
îou cùou. Au sôu.
Lou branle de l'eireto,
Ma tanto Gruilhaumeto:
Un pé,
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 81
L'autre pô,
Lou cùou,
Au sou !
Branle de l'Aire. — Le l)ranlp de la petite aire, — ma tante
Guillaumotle : — un [lied, — l'autre pieil, — le dernère. — à terre.
Version iiimoise, recueillie et notée par M. Victor de Laruelle.
1. — Eireto, à .Montpellier aireta. petite aire, est absolument le palier
de la porte, le repos de l'escalier .
V le Dict. languedocien de Sauvage, v. Aireto.
C'est lendroil oii s'amusent es toui petits enfants, et qu ils ne dé-
passent guère. Ce n'est que plus tard qu'on les laisse aller courir dans la
rue.
V. — LA RODO DAI COUBENT
Roda, roda, dai coubent :
Se toumbant, nous levaren.
A bùoure !
Ronde du Couvent. — La ronde, ronde, du couvent : — si nou>
tombons, nous nous relèverons. — A lioire!
Version de Saint-André-de-Sangonis (Hérault), communiquée par le
docteur Ch. C.ste.
VI. — LA MAHIANNE
Rondin,
Picotin,
La Marianne a fait son pain
Pas si gros que son levain.
Pif
Version de Goux. recueillie par M. H. Chaussinand.
1. Au dernier mot. tous les enfants doivent s'accroupir sans tombfir
parterre.
Vil. — l'oumeleto
^/V= !32
cher-cha d'er - be - to, P^r fai - re lou - me-
82
DIALECTES MODERNES
le-to. Vi-ren la, Tour-non-ln, L'ou-me-le-to Dins lou pla.
Anen chercha d'erbeto,
Per faire l'oumeleto.
Viren-la ,
Tournen-la,
L'oumeleto
Dins lou pla.
L'Omelette. — Allons chercher de l'herbe — pour faire l'ome-
lette. — Virons-la, — tournons-la, — l'omelette ~ dan« le
plat.
De Coiix (Ardèche), communiquée ])ar M. Chaussinand.
Yll (his). — LAS CRAMALHOS
^
^
^
^
HUE
Las cru - ma- Ihos soun su! foc, Re-bi - ro, re-
ltê=i
'LAJ i / ! ^^f^^fïTVp^^
bi - ro; Las cra - ma-lhos soun su! foc; Re-bi -ro .Mar-got.
Las cramallios soun sul foc,
Rebiro, rebiro;
Las cramalhos soun sul foc,
Rebiro Margot.
La Crémaillère. — La crémaillère est sur le fou, — retourne
retourne ; — la crémaillère est sur le feu, — retourne Martrot (dim .
de Marguerite).
■Version du D' Guibaud. rec. à Narbonni'.
VIII.
LA PAUKNO
Las cerbèlos soun sul foc,
Rebiro, Madamo;
CHANTS POPULAIRES DU f.ANOlIEDOC
83
Las cerbèlos soun snl foc,
Rebira-me-los.
La Poêle.— Les cervelles sont sur le feu, — retourne-les, Ma-
dame; — les cervelles sont sur le feu, — retourne-les-moi.
Recueillie à Garcassonne, par M. Achille Mir.
IX
LOU COUSI
Ma cousino,
Moun cousi,
Vire lou boudi.
Lk Cousin. — Ma cousine, — mon cousin, — tourne le houdiu.
Version de Coux (Ardèche), communiquée par M. H Ch^iussinaiid .
1. — On chante, à Montpellier, la ronde française :
A
<Xrù> 1' 0= GZ''
t˱T
ÎE2
Mon grand - pè - re. Ma grand'
— ù.
--^
S
V w ■ r l^-i^
mè - re, Mcn cou - sin, Et vi - re le mou -lin.
LES PETITS COUSIKS
Mon grand-père,
Ma grand'mère,
Mon cousin.
Et vire le moulin.
On en a fait une traduction à peu près languedocienne, qu'on chante
ainsi :
LOUS CODSIS
Moun gran-pèra,
Ma gran'mcra.
Moun cousi,
E vira lou mouli.
84 DIALKCTES MOKERNES
X. — LA HODO DEL CALEL
Roilo, rodo, lou calel ;
Se tomhan, nous lebaren.
Cibado ! cibado !
Ronde de lx Lampe. — Tourne, tourne, la lampe ; — si nous tom-
bons, nous nous relèverons. — Avoine! avoine !
Version due à M"" Mir (de Garcassonne).
1. — Lo dernier mot: eivndo! est le cri.
XI. — LOU COUCOURDIÉ
Branle, branle coucourdiè,
La bichieiro, lou bichiè ;
Tan de rosoi coumo de flous;
Madumisèlo, reviras-vous'.
Branle de la Gourde. — Branle de la gourde, — la bouteille, le
flacon; — autant de roses que de fleurs: — Mesdemoiselles, re-
tournez-vous .
Version de .\I. Ghaussiuand, de Ceux.
1. — On commence le branle autant de fois qu'il y a de petites filles.
A la tin du couplet, l'une d'elles se retourne en sens inverse des autres;
quand elles se sont toutes tournées, elles se rangent sur deux lignes,
dos à dos. et l'on nhante :
— Quant ei d'ourol, Jacou;iar?
(Din-don-dan, din-don-dan)
— Ei si eis ouroi, manquo en quart.
— Ei l'ouro de dejunùJ
-■ Non.
— Ei l'ouro de dinà?
— Nou.
— Ei l'ouro de goiisfà?
— Nou.
— Ei l'ouro de soupà ?
* Var.: Vtro toun quiou. maire Câlin.
CHANTS POPUIAIRES DU LANGUEDOC
65
• Nou.
Ei Touro de se coueijù ?
Nou .
Ei l'ouro de fravnlhàf
Voué. voué.
E zou! fraralhen. traruihen.
Pin, pan, pin. pan, etc.
Quelle heure est-il, Jacquemart?— (On imite le son des cloches : dxn-
don-dan, dindon-dan.) — C'est six heures moins un quart. — Est-ce
l'heure de déjeuner'? — Non. — Est-ce l'heure de dîner? — Non. — Est-
ce l'heure de goûter ? —Non. — Est-ce l'heure de souper? —Non.— Est-ce
1 heure de se coucher? — Non. — Est-ce l'heure de travailler ?— Oui,
oui. — Et, allons! travaillons, travaillons . . Pin', pan! pin! pan !
Et en même temps elles se donnent mutuellement de grands coups
de derrière jusqu'à ce qu'elles en aient assez, et le jeu recommence.
XII.
LOU BRANLE DE MA TANTO
Lou bran-le de ma tan - to, Lou rous-si-gnôu
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can - to. Li gou - be - lel Soiiu pan - ca - ro net. Coucourelet !
1) Lou branle de ma tanto,
Lou roussignôu canto .
Li goubelet
Soun pu 'ncaro net.
Coucourelet'
Le Br.\nledem.\ Tante.— 1) Lebranlo de ma tante,— le rossignol
chante. — l^es gobelets — ne sont pas encore nets. — Cou-
courelet !
Écrit et noté d'apr.'S M"° Marthe Reboul, d'Arles (Bouches-du-Rhône)
XIII.
AUTRE.
Au jardi de ma tanto
Lou roussignôu li chanto,
86 DIALECTES MODERNES
Fai toutounet (bis).
Fai : cri ! . . .
Autre. — Au jardin de ma tante, — le rossignol y chante.— Il
fait: t (bis); — il fait : cri !
Recueillie par M, Ghaussinand, à Goux (Ardèche).
XIV. — LA ROUNDO DE CATARINO
Roundo, roundo, Catarino,
Que mamà es à la vigne ;
Pourtarà un auzel
Sur la punto del coutèl.
Hou ! hou !
Ronde de Catherine. — Fais la ronde, Catherine, — car ta mère
est à la vigne; — elle t'apportera un oiseau — sur la pointe d'un
couteau. — Hou ! hou !
Nous devons cette version à Mlle Marie Lambert, de Belcstà (Ariége).
1 . — Hou I est le cri final.
XV. — LOU BRANDET DE ROSO
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r K T'i r r ^irr r ç i
Lou bran-det de Ro - so, Tant de ro - sos
)g^ k K p » k k^ k^ p 1/ ■ k T
cou-mo de flous
De tou-tome-no do cou - lous.
1* 1* ^
pâ
c f r
y 1? \. j/ y \ y s> \^ y ^
Ca - gas - sou - net,
Le vo - te dre !
Lou brandet de Rose :
Tant de rosos coumo de tious
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
R7
De touto meno de coulous.
Cagassounet,
Levo-te dre !
Le Petit Branle de Rose. — Le petit branle de Rose : —il y a
autant de roses que de Heurs — de toutes sortes de couleurs. —
Baisse-toi, — lève-toi droit.
Version qui nous a été adressée par M. Albert Arnavielle, d'Alais
(Gard). Se dit dans tout le pays des basses Cévennes.
1. — Le deuxième vers,
Tant de rosos coumo de flous,
rappelle le troisième du ch. XI.
Tant de losoi coumo de flous .
Il S(^ présente très-souvent dans nos chants populaires. C'est un lieu
c mn\un.
2. — Cagassounei. petit enfant qui se baisse, de cagà, de faire ses be-
soins, se baisser.
XVI. -- LOU BHANDKT DE PALADAN
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trrryfrrf "t r r r
Lou bran-det de Pa-la-dan, Lou pus nesci es
feniy— y
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lou pus graad .La fi - go ra - ta - do, Lou cat l'a man-
—7 — fer— fe — \/ / \.' t, — 1S—7-
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ja - do.
Ca-gas-sou-net,
Le - vo - te dre!
l)Lou brandet de Paladan,
Lou pus nesci es lou pus grand.
La figo ratado,
Lou cat Ta manjado.
Cagassounet,
Levo-te dre.
Le Petit Branle de Paladan. — 1) Dans le petit branle de Pa-
88 DIALECTES MODERNES
ladan, — celui-là est le plus niais — qui est le plus grand. — La
figue mordue par le rat, — c'est le chat qui l'a mangée. — Baisse-
toi. — lève-toi droit.
Ronde cévtmole, recueillie par M. Albert Arnavielle, d'Alais (Gard).
XVII. LA FARANDOULO DE TRINQUATALHO
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La fa - ran - dou lo de Trin - qua - ta! - ho, Tou-li li
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gen 90un de ca - nal - ho ; La fa - ran - dou-lo de Sant-Rou-
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miè, Tou - ti li gen pis - son au lié.
1) La farandoulo de Trinquatalho,
Touti li gen soun de canalho ;
La farandoulo de San-Roumiè,
Touti li gen pisson au lié.
La Farandole de Trinquetaille. — 1) A la farandole de Trin-
quetailie, — tous ceux qui s'y trouvent sont de la canaille ; — à la
farandole de Saint-Remy, — tous les danseurs pissent au lit.
De M"" Marthe Reboul, d'Arles-sur Rhône.
L — Moquerie à l'adresse des gens de Trinquetaille et de 8ainl-Rémy;
se rattache ainsi à la curieuse série de nos chants satiriques.
Nous avons vu un exemple de ces satires de lieu à lieu jusque dans
notre deuxième série, \ous Enfants de Mounlpeliè (chants pour réveiller.)
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC
89
XVIIl. — LA MARIDADOUNO
Marida me vole aquest' an,
Vole pas 'spera un autre an.
L'annado n'es bouno,
La vole pas 'spera milhouno,
La FiLLK A MARIER. — Je veux me marier cette année, — je ne
veux pas attendre un autre an — L'année est bonne, — je ne veux
pas l'attendre meilleure.
Version de Golognac (Gard), d'après M. le pasteur Fesquel.
1. — Parodie, pour toutes petites filles, des chants énumératifs,
IV» série .
XiX. — LOU BHANLE UAU CACARACA
J=,
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A - co's lou bran - de
Dau ca - ca - ra-
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— = ^^
cà ! Las sor - bas tom - bou, Las eau ra - mas - sa.
Aco 's lou brande
Dau Cacaracà !
Las sorbas tombou,
Las eau ramassa
A pougnas, pougnas !
— Cau que las sorhas tombou!
Le Branle du Goquerico. — C'est le branle du Coqiierico; — les
cormes tombent, — il faut les ramasser, — à poignées, à poignées!
— Il faut fjue les cormes tombent !
' Version communiquée par M. Henri Bouquet (de Montpellier,.
1. — C'est aussi une ronde. Aux mots : à pougnas! on s'arrête — pour
faire semblant de ramasser les cormes; — puis l'on reprend encore la
ronde, et l'on termine comme dans le' branle de Lileta.
90
DIALECTES MODERKES
XIX [bis). — LOU PED, LA MA
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Lou ped, lou ped, lou ped; La ma, la ma, la
fflj.-'lc-"f,:li:-''^^
ma; E vi - ro - le de ça. Que ti vo - li bai - sa.
Lou ped, lou ped, lou ped;
La ma, la ma, la ma:
E viro-te de ça
Que ti voli baisà.
Le Pied, la Main. — Le pied (ter), — la main (ter): — et tourne-toi
de ce côté, — que je veux l'embrasser.
XX. LOU PED BOU.MPUT
m
ojee^J.r^-^os
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Sau - tè, Se roum - pe - guè —
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la cham - bo ; Sau
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tè, Se roum-pe - gi-.è — Lou ped. Sau - tè Dins lou bour-bour-
^
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£=£
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bour, Sau - tè Dins lou bour
di - Ihè.
Sauté,
Se roumpeguè
CHANTS POPULAIRES DU LANGUEDOC 91
La chambo ;
Sauté,
Se roumpeguè
Lou ped.
Sauté
Dins lou bour-bour-bour,
Sauté
Dins lou hourdilhc !
Le Pied rompu.— Il sauta,— il se rompit —la jambe;— il sauta,
— il se rompit le pied.— Il sauta dans le bour {ter), — il sauta
dans le bourbier.
Version de M. H. Chaussinaud, de Coux (Ardèche).
1) Exercice de saut, à la sortie de l'école. Sorte de cloche-pied qui se
fait en se tenant par la main, en formant une bande.
XXI. — LOD CAT
a£f?J==i2o
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priK^ ^ ^i^-^
Lou cat es au sùu, Se sou - rel-ha, se sou - rel - ha
,M'j';;iJ. ^^.\^a44\^^
Lou cat es au sôu, Se sou - rel - ha, dis que plôu.
Lou cat es au sôu,
Se sourelha {bis) ;
Lou cat es au sôu,
Se sourelha, dis que plôu.
Le Chat. — Le chat esta terre,— il se soleille fois);- le chat est
à terre, — il se soleille et dit qu'il pleut.
Version de Montpellier.
I. —On place un tout petit enfant, lou cat, le chat, au milieu d'un cercle,
et l'on fait la ronde autour de lui. Il prend part au jeu, quoiqu'il ne lui
soit pas possible de sauter comme les autres.
II.— Lorsque la ronde est faite par de plus âgés, le chat se lève, le chant
fini; et tâche d'attraper l'un de ses petits camarades, qui prend sa place.
92
DIALECTES MODERNES
XXII. — LA PEKDIGOLO
Rodo, rodo,
Perdigolo.
Se ma maire es à Tescolo,
N'ai moun paire à Paris *
Que mi pourtaro de ris.
La Coccinelle. — Tourne, tourne, — coccinelle. — Si ma mère
esta l'école, — mon père esta Paris, — qui m'apportera du riz.
Se dit à Colognac (Gard), d'après M. le pasteur Fesquet.
I. — La rime semble exiger rollo, roule. Cf. perdigolo ei escolo.
XXIII
LA RONDE PAPILLONNE
La ronde papillonne.
Mon père est à l'école.
Ma mère est en prison!
Coucou !
Saucisso ! missou !
Version de M. Fesquet, pasteur, à Gologaac. près Lasalle (Gard).
l . — Les derniers mots seuls sont en languedocien.
Il y a trois cris, au lieu d'un seul: coucou! sauasso! missou! œufi
saucisse 1 saucisson ! — mots incohérents, qui n'ont aucun rapport avec
le chant, et ne sont là que comme exclamations et pour la rime.
* "Var. de Saint-Martin-de- Londres (Hérault).
Toun paire es en paradis
Que manja un platat de ris.
Trad. — Ton père est on paradis, — qui mange un gros plaide riz.
A. M. et L. L.
MAUCOR'
PlAT.
Aviei una maire carida ;
Aviei de fraires, una sor :
Touteis an atroubat la mort
Dins Torra e guerrieira partida !
Encara aviei per passa vida
De riquessias, d'argent e d'or ;
Mais tala es la lei dau pus fort,
Que Foustalada es avalida.
Mouis amies an pensât mai bel,
E segu de me daissà 'n pena
(Dau ben fach memoria s'avena).
Ma miga, de tant bona mena,
Me Fan raubada en plen sourel.
Veses acôs e cales, Cel!
(Languedocien, environs de Montpellier, i
DECOURAGEMENT
J'avais une mère chérie; — j'avais des frères, une sœur : — tous
ont trouvé la mort — dans la joute horrible de la guerre !
J'avais encore, pour passer ma vie, — des richesses, de l'argent
et de l'or ; — mais telle est la loi du plus fort, — que la maison
tout entière s'est évanouie.
Mes amis ont cru bien plus beau — et plus sûr de me laisser à la
peine — (du bienfait se perd la mémoire).
Mon amie, de si bonne race, — on me l'a ravie en plein soleil...
Tu vois cela et tu te tais, ô Ciel !
PlAT.
' Extrait de Garbeto, recueil de poésies couronnées le 23 mai 1878.
LOU DIEU VIVENT !
léu, paure orne dôu Nord, aujourd'uei que vous parle,
Que vous plagne toujour, pàuris orne dôu Nord,
De Berlin, de Paris, d'Avignoun même, e d'Arle,
Agouloupa de gèu e malaut de maucor !
Entanterin que vautre, à la visto negrasso
De la plueio e di niéu, trouvas triste lou cor,
E sentes dôu mistrau l'esperoun e la chasso.
Me souleie à la flamo, e trêve li rai d'or !
A geinoun me veici, plen de gau inefable
(Coume un « hadji » fervent sus soun tros de tapis
Se clinant à Mecca que de liuen ie sourris),
Au soumet trelusènt dôu Cap Incoumparable,
Sus un ro perfuma, unverdous prego-diéu,
T'adourant, pèr ma fe. blound Febus, grand Soulèu !
Guihèn-C. Bonaparte-Wyse
Au Gap d'Antibo, feb. 19, — 1878.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
LE DIEU VIVANT
Moi, pauvre homme du Nord , qui vous parle aujourd'hui , —
que je vous plains en tout temps, pauvres hommes du Nord, — de
Berlin, de Paris , d'Avignon même et d'Arles, — enveloppés
de gelées et malades de mélancolie !
Pendant que vous, à la vue noircie — de la pluie et des nuages,
trouvez le cœur triste, — et sentez du mistral l'éperon et le fouet
[de chasse], — je m'ensoleille à la flamme et je hante les rayons
d'or.
A genoux me voici, plein de joie ineffable — (comme un hadji^
fervent sur son fragment de tapis — se clinant à Mecca qui lui
sourit de loin),
Au sommet éblouissant du Gap Incomparable-,— sur un rocher
parfumé, sur un prie-Dieu vert, — t'adorant, par ma foi, blond
Phébus, grand Soleil!
Guillaume-C. Bonaparte-Wyse.
' Pèlerin muisuman, —' Le Gap d'Amibes, que j'ai nommé, que je
nomme, et que je nommerai toujours ainsi.
NIÇO
A DoNo Fabre-Sallières.
Grando, douço, graciouso e bello entre li bello,
Dins l'aire embauseraa coungreies de poutoun ;
Fiero coume la mar que frusto ti petoun,
Espandisses toun sen au soulèu, que simbello.
Amairis dôu plesi, toun amo lou barbèlo ;
Mai, s'a la danso, au jo, vas coume un fouletoun,
Au fougau dôu malur te veson d'assetoun,
Degaiant ti trésor au pauro que li bèlo.
Lou Printèms, toun esclau eterne, de rai d'or,
De flour e de perfum, te treno uno courouno
Que lèu ta man de rèino en cadun abandouno.
0 Niço, tèsto ardènto ! 0 Niço, noble cor !
Dôu Paradis sus tu lou chale escrèt davalo :
Sèmpre auras de jalouso e jamai de rivale.
L. ROUMIEUX.
Niço, 23 de Febrié de 1878.
(Provençal, sous-dialecte d'Avignon et des bords du Rhône )
NICE
A Madame Fabre-Sallières.
Grande, douce, gracieuse et belle entre les belles, — dans l'air
embaumé tu engendres des baisers; — fière comme la mer qui
frôle tes pieds mignons, — tu éi/anouis au soleil ton sein qui l'in-
vite [à venir].
Amante du plaisir, ton âme le convoite; — mais si, à la danse,
au jeu, tu vas comme un lutin, — au foyer du malheur on te voit
t'asseoir, — prodiguant tes trésors au pauvre qui les désire.
Le Printemps, ton éternel esclave, de rayons d'or, — de fleurs
et de parfums, te tresse une couronne, — que promptement ta main
de reine abandonne à chacun .
0 Nice, tête ardente! 0 Nice, noble cœur! — le charme le plus
pur du Paradis descend sur toi; — tu auras toujours des jalouses
et jamais de rivales. L. Roumieox.
Nice, 23 février 1878.
LA SEMENAIRO DE MILH
« En abrilh
Fai toun milh. »
(Reprouvprbi laaragues )
Le gaueh de la mannado i)rimo,
Clar-tindent, se ven d'asalbrà,
E del cloutas cap à la cimo,
Lest, on le vei s'escalabrà.
Las cardinos s'esperdigalhoun
Subre Tcapelh des çupressiès,
Pes rais celestials que davalhoun
Junquos sus eules bartassiès.
0 glorio ! Tout s'escarrabilho
Dins l'aire fresc e sanetous ;
Demest la cansou que bresilho
L'aucelet, i a 'n brucli de poutous.
O naturo ! L'armo s' allegro
A mira le regrilhoment
Belestant la Mountagno Negro
Del vert clar de soun vestiment.
LA SEMEUSE DE MAIS
« En avril,— fais ton mais, »
{Proverbe lauraguais.)
La joie de la charmante prime-saison, — avec ses clairs tintements,
vient de se répandre dans les arbres, — et du grand trou jusqu'à
la cime, — leste, on la voit monter à re?calade
Les chardonnerets se réjouissent en brandissant les ailes — sur
le faîte des cyprès. — par les rayons célestes qui descendent —
jusque sur les hièbles des buissons épais.
0 gloire! tout s'évertue — dans l'air frais et sain; — au milieu
de la chanson que gazouille — l'oiselet, il y a un bruit de baisers.
0 nature! l'âme se réjouit — à admirer le renouveau — embel-
lissant la Montaigne Noire — du vert clair de son vêtement.
T.A SEMENA1R0 DE MILH 97
Quand touruo la sasou nouvelo,
Qu'acouro tant: Tabrilh, rabrilh,
Poulit coiinao uno jouvenelo,
Le gazalhà penso à fa Tmilh.
Te, per la piano lauragueso,
Ount lusis un breselh daurat,
Uno grando e liero pageso
Cour à travès un camp laurat.
Es bruuo, es de la caudo raço ■
Des belis Morouls cordouans
Qu'apr'aici daisseroun Ihour traço.
Terribles coumo d'ouracans.
Sa cambo n'es pas brico torto,
Un gard negret i oumbrejo Y pot ;
Soun se vertelho, mais es forto
E, se se vol marida, pot.
Sara lèu à 'no countournieiro ;
Va, resoulgudo, le ped franc :
Semeno, — porto en bandoulieiro
Un sac emplenat de milh blanc ;
Quand revient la saison nouvelle, — qui donne tant de cœur:
l'avril, l'avril, joli comme une jouvencelle, — le laboureur pense
à faire le mais .
Tiens, par la plaine lauraguaise, — où luit un réseau doré, —
une grande et ûère paysanne — marche à travers un champ la-
bouré.
Elle est brune; elle est de la chaude race — des beaux Maures
cordouans — qui par ici laisseront leur trace , — terribles comme
des ouragans
Sa jambe n'est pas du tout tortue, — un duvet un peu noir lui
estompe la lèvre ; — son sein naît, mais elle est forte, — et, si
elle veut se marier, elle le peut.
' Elle atteindra bientôt à une conlournière (une des extrémités du
champ); — elle va, résolue, le pied franc: — elle sème, elle porte
en bandoulière — un sac rempli de maïs blanc ;
98 DIALECTES MODERNES
I pouso, margo reissugado,
1 pouso junquos à miej bras,
E, de la sieu ma bristoulado,
Semble fa rajà d'ambre en gras.
Tout en sourrisent, elo sousco
Ah vielh reprouverbi que dits :
« Blat dins Faigo e milh dins la pousco » ;
E, brassejant, durbis les dits.
Ves le Fresquelh, dins la boulbeno,
Sens bissautà cap de selhou,
Dempuei boun maiti ja semeno !
Aco's un valent merilhou.
I atrio de vese, espandidos.
Las fuelhos d'un vert metallic,
Larjos lances souvent brandidos
Per Fautà que se levé, afric.
Dins las milheros pla ramados ,
Quouro se farà mai d'un fais
De crestos tendres e sucrados
Que les biôus chapoun à bel cais ?
Elle y puise, manche retroussée; — elle y puise jusqu'à moitié
bras, — et, de sa main hàlée, — elle semble faire couler^de l'ambre
en grains.
Tout en souriant, elle songe — au vieux pi"Overbe qui dit: —
« Blé dans l'eau et maïs dans la poussière»; — et, faisant mouvoir
son bras, elle ouvre les doigts.
Vers le Fresquel, dans la terre argilo-sablonneuse (bolaire), —
sans omettre aucun sillon, — depuis le grand matin, elle sèmel —
C'est une vaillante petite merveille.
Il lui tarde de voir, étendues, — les feuilles d'un vert métalli-
que, — larges lances souvent brandies — par l'autan qui se lève,
ardent.
Dans les maïsières bien ramées, — quand fora-t-on de nombreux
faix — de crêtes (panicules) tendres et sucrées, — que les bœufs
bâfrent à belle dent ?
LA SEMENAIRO DE MILH 99
Sens borgnos, les peds verturouses,
Nouseluts, de sabo couflats,
Pes païsans que n'soun gelouses
Saran sarclats e causselats.
Voulam al punh, cremant las bossos,
Que tourne veni Messidor,
E se granaran las cabossos
En metent barbos de pel d'or.
Qu'ai mens, quand la luno treluco
Le tais nou las vengue péri !
Esperen qu'auranpas la cuco,
Que res nou las farà pouirri ;
PerVendemiari 'mbriaigaire,
Pla maduros s'amassaran
E, sens que se demore gaire.
Apuei se despeloufaran.
Las palhassieiros emplenados
De lliour estroup rous e triât,
Selho de part, soun desgranados,
E l'milli es lèu escampilhat.
Sans excroissances, les pieds vigoureux, — noueux, de sève
gonflés, — par les paysans qui en sont jaloux — ils seront sar-
clés et chaussés.
Faucille au poing, brûlant les monticules, — que revienne Messi-
dor, — et ils se couvriront de grains , les épis, — ■ en poussant
des barbes aux poils d'or.
Qu'au moins, quand la lune est dans son plein, — le blaireau
ne vienne pas les abîmer ! — Espérons qu'ils n'auront point la che-
nille, — que rien ne les fera pourrir.
En Vendémiaire enivreur, — bien mûrs on les cueillera — et,
sans que l'on attende longtemps, — ensuite on les débarrassera
de leur spathe.
Les paillasses remplies — de leur enveloppe jaune et triée, —
les épis gâtés mis de côté, ils sont égrainés, — et le maïs bientôt
éparpillé.
100 DIALECTES MODERNES
Dins l'iver, se fa d'engranieiros
De la milhorco qu'a levât
Sous penaches sus las aurieiros ;
E's mainages, tre qu'a nevat
E que coummenço la velhado,
Fan de muscardins de gras viels
Davant uno bravo flambado
De trouisses e mai de tutels.
Cal que la molo de Sidobre,
Tros de qualque roc tremoulant,
Sul milh de Fan, sens relais, obre.
— Que vire, vire, le voulant !
Passade al sedas, la farino
Se vudo al pairol escurat :
Aquelo semblo de nèu iino,
Aiceste un brasiè'mpourpourat;
Penjo al cremalh : ou' cousinieiro,
Sarro as genouls le teule fort !
Durant l'hiver, on fait des balais — avec [les panicules] — du
sorgho qui se sont dressées — en panaches au-dessus des orées,—
et les enfants, dès qu'il a neigé
Et que commence la veillée, — font des muscardins ' de grains
vieux, — devant une bonne flambée — de tiges sèches de maïs et
de chardons blancs (tout-yeux.)
Il faut que la meule fen granit] de Sidobre. — morceau de quel-
que roc tremblant, — sur le maïs de l'année sans relAcbe travaille.—
Qu'il vire, vire, le volant (raeule/supérieure) !
Passée au sas, la farine — se vide au chaudron récuré: — colle-ci
semble de la neige fine, — celui-là un brasier empourpré ;
Le chaudron pend à la crémaillère : holà! cuisinière. — serre aux
genoux la tuile * forte ! — Le milhas ^ bout; que ta cuiller — le re-
mue,/ic-/oc. à tout rompre !
' Grains de maïs qui ont éclaté devant la braise et se sont couverts
de fécule. Us sont pareils à des fleurettes aux pétales gras; ils éblouis-
sent de blancheur.
* Qui se place contre le chaudron pour garantir du feu.
^ Bouillie de maïs.
LA SEMENATHO DE MILH 101
— Le rnilhas bulh; que ta culieiro
Le reineae, tlic-lloc, à mort !
Vudat sus la toualho neto,
Sens couquels, fumant, s'espandis :
A taulo! e de peço en peceto,
Dins un soûl repais sVngoulis.
E la semenairo maurelo
Pel cap se va repasso atal,
Uelh vieu counio uno carbounelo,
Plantado, mas suT davantal.
0 la pageso pensasivu.
Al colh pouderous, as peds nuds !
La belo drouUasso qu'es divo
Autant que Cibelo ou Venus,
Ag'USt FOURÈS.
Abrilh 1877.
{Languedocien, ("lasi^lnaïuiary et ses environs).
"Vidé sur la nappe nette,— sans ixrianeaux, fumant, il s'étend : —
A table! et de pièce en piécette, — dans un seul repas il est en-
glouti.
Et la semeuse brune — par la tète se repasse tout cela ainsi. —
œil vif comme une escariioucle, — plantée, les mains sur son ta-
blier.
O la paysanne pensive, — au cou puissant, aux pied?, nus! — la
belle fille qui est déesse — autant que Cybèle ou Vénus!
Aug. FouRÈs.
Avril 1877.
-CNj»OTC«'>^ ^
VËSPRE D'ESTIEU
AU FRLIKRE TKODOR ATHANEL
Palo coiime un maubre,
La luno plan-plan
Davalo dis aubre
Sus lou camin blanc ;
Vers l'Alzoun s'adraio
V] dins li sourgènt.
En passant, miraio
Si bano d'argent.
Au founs de la lèio
L'anen vèire ensèn,
E, coume Mirèio,
Belaren Vincent:
Es l'ouro que Tamo
Se perd dins li niéu,
L'ouro ounte l'on amo,
L'ouro ounte l'on viéu .
Tout dor, tout soumiho ;
Mai, dins l'aire escur,
Dirias l'armounio
'SOIR D'ÉTÉ
AU FKLIBRE THEOnOUE AUBANKL
Pâle comme un marbre, — la lune doucettement — descend
des arbres — sur le chemin blanc; — elle se dirige vers l'Alzon,
— et, dans les iilets d'eau, — en passant, — elle mire — ses cornes
d'argent.
Au fond do l'allée — allons la voir ensemble, — e', comme
Mireille, — nous penserons à Vincent . — c'est l'heure — où l'âme
se perd dans les nuées, — l'heure où l'on aime, — l'heure où
l'on vit.
Tout dort, tout sommeille; — mais, dans l'air obscurci, — Ton
VESPRE D ESTIEU 103
D'estràngi murniur :
Mistei'iôusi gamo
Tant douço d'ausi,
Voues lie la calamo,
Quau vous fai brusi ?
Milo farfantello,
Alilo sounge d'or,
Gisclant dis estello,
Penetron li cor.
Au fres de Teigagno.
Au mié di perfum,
Segren e magagno
Fuson coume un fum.
Mai Fur do la terre
Glisse dins la man :
Daman nous espère.
Esperen deman;
E tourna sus Fèrbo,
Amigo, vendren
De la niue supèrbo
Béure lou seren.
Leountino Goirand.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
(lirait (ouïr) l'harmonie — de murmures étranges : — mysté-
rieuses gammes. — si douces à entendre ; — voix du silence, —
qui vous fait bruire?
Mille scintillements, — mille rêves d'or, — jaillissant des étoiles,
— ]iénètrent les C(jeurs. — A la fraîcheur de la rosée, —au milieu
des parfums, — chagrins et tristesses — disparaissent comme
une fumée.
Mais le bonheur de la terre — glisse dans la main : — demain
nous attend; — attendons demain, — et, de nouveau sur l'herbe,
— amies, nous viendrons — de la nuit splendide — boire le se-
rein.
Léontine Gouiand.
MARIUS^
De-vers li bèlli terro — dou Miejour espanta,
Lou Nord, a cha cent milo, — Ijandis, femo, oiue, oiifant.
Estrasson, pihon, brulon, — volon tout, sai^atfi :
An fam d'or e de terro. — de souleiado an fam :
Es la Barba,i'ifi que passe — davans lou mounde roiimau.
De peu (le bèsti fèro — envevtouion si las:
Sa como es i-oiiginasso, — soini pitre es tout badant.
Soun bèure es lou sang tèbi — e souu virure es la car ;
Parlon pas : onrlon, bramon ; — soun oumbro porto esfrai
Es la Barbarie que passe — davans lou mounde rouman.
Lou resson de sa marcho — retrais à l'ouragan.
Li Latin mort d'estrànsi — n'auson pas regarda;
MARIUS
"Vers les belles plaines du Midi lerrifié, — le Nord, par cent
mille, lance femmes, hommes, enfants. — Ils déchirent, ils pil-
lent, ils brillent, ils veulent tout éstorger: — ils ont faim d'oret de
terre, ils ont faim de rayons de soleil :
(l'est la Barbarie qui passe devant le monde romain.
De peaux de bètes sauvages ils enveloppent leurs flancs ; —
leur chevelure est, rousse, leur poitrine toute nuo. — Leur bois-
son est le sang tiède, et leur nourriture la chair. — Ils ne parlent
pas, ils rugissent; — leur ombre jiortc clTioi :
C'est la Barbarie qui passe devant le monde lomain .
L'écho de leur marche ressemble à lonragan. — Les Latins,
morts d'effroi, n'osent pas les regarder;-- la vallée est épouvantée
* Marius a obtenu la Cigale d'or olferle par M. de Qiiinlana y Combis,
au meilleur poëme sur un sujet tiré d'î l'histoire des peuples de race latine.
MARITTS )05
La coumho es espantado — de lis entendre ourla.
Desempièi vue jour, passon, — passon en desfisant :
Es la Barbarie que passo — davans lou mounde ronman.
Lou proumié jour que passon, — Roumo n'a ressauta :
Lou segound jour que passon, — fernisson li roucas:
Lou tresen jour que passon, — la terro a tremoula ;
Lou quatren jour que passon, — lou soulèu s'es tapa :
Es la Barbarie ([ue passo — davans lou mounde rouman.
Lou cinqucn jour que passon, — Marto a proufeiisa;
Lou sieisen jour que passon, — s'anbouron li sourdat;
Lou seten jour ([ue passon, — demandon lou courabat ;
Lou vuechen jour que passon, — quau lis arrestara?
Es la Barliarié que passo — davans lou raounde rouraan.
('ourt Tarmado latino — à travès mount e vau ;
Toumlio sus Tost destrùssi, — rapido coume un lamp.
Alin, de- vers Pourrièro, — li Teutoun soun tança ;
Ourlo lou camp barbare : — quute terrible ourla !
Es la Barbarie que passo — davans lou mounde rouman.
(le les entendre hurler. — Depuis huit jours ils passent, ils
passent, jetant des défis:
C'est la Barbarie qui passe devant le monde romain.
Le premier jour qu'ils passent, Rome en a tressailli ; — le
deuxième jour qu'ils passent, les rochers en ont frémi; — le troi-
sième jour qu'ils passent, la terre en a tremblé ; — le quatrième
jour qu'ils passent, le soleil s'est couché :
C'est la Barbarie qui passe devant le monde romain.
Le cinquième jour qu'ils passent, Marthe la prophéiesse a
parlé : — le sixième jour qu'ils i)assent, les soldats se lèvent : —
le septième jour qu'ils passent, ils demandent le combat: — U*
huitième jour qu'ils passent, qui pourra les retenir?
C'est la Barbarie qui pa^se devant le monde romnin.
L'armée latine conrt à travers monts et vaux ; — elle tombe sur
l'armée barbare, rapide comme l'éclair. — En bas. vers four-
rières, les Teutons sont acculés: — le camp barbaïc hurle : quel
terrible hurlement!.. .
C'est la Barbarie qui pa^se ^lovant le monde romain.
106 DIALECTES MODERNES
Sus Pourrièro s'aubouro — lou soulèu fousc, pourpau.
Restountis la troumpeto, — s'abrivon li Rouman.
Très joui' e très niue duro — la bataio de Lar. . .
Lou sabre latin chaplo, — chaplo que chaplaras!
Es la Barbarie que passo — davans lou mounde rouman.
Marins, sus li roco, — lis a 'scrapouchina
Coume un rasin bèn gounfle — souto un destret sarra.
Que moulounado afrouso — de mort dins lou campas !
La terro assadoulado — vùu plus bèure de sang :
Es la Barbarie que passo — davans lou mounde rouman.
Sourtès de vôsti cauno, — feruno o croupatas :
N'avès pèr vosto vido, — de cadabre a rouiga.
0 terro de Prouvènço, — long tèms t'en souvendras :
Aclapères un mounde — qu'aurié tout aclapa.
Es la Barbai^é que passo — davans lou mounde rouman.
V. LiEUTAUD.
( Provençal, sous-dialecle d'Avignon et des bords iJu Rhône. )
Sur Pourrières se levé le soleil ubscurci et pourpre; — la trom-
pette résonne, les Romains s'élnncent. — La bataille de Lar dure
trois jours et trois nuits ; — le sabre latin immole, immole tout :
C'est la Barbarie qui passe devant le monde romain.
Marius. sur les roches, les a broyés effroyablement, — comme un
pressoir serré broie un raisin bien gonflé de suc — Quels af-
freux monceaux de morts sur le champ de bataille ! — La terre
rassassiée ne veut plus boire de sang.
C'est la Barbarie qui passe devant le monde romain.
Sortez de vos cavernes , bêtes fauves et corbeaux : — vous
avez des cadavres à ronger pour toute votre vie. — 0 terre de
Provence! longtemps tu t'en souviendras ; — tu dévoras un monde
qui eût tout dévoré :
C'est la Barbarie qui passe devant le monde romain.
V. LiEUTAUD.
POULIMNIO ♦
A LA FELIBRESSO d'aRKNO
gagnarello de la joio « la Poulimnîo », i Fèsto latino de Mount-pelié
Emé lou mes de jun lou printèms s'enanavo,
Laissant coume adessias si perfum li mai pur ;
GardoLin, cascarelet, te trasié si murmur;
Touto la Pradarié, bello, te courounavo ;
L'eissame dis aucèu, que ta voues gacinavo,
Fasiè subre toun front Taleto dins l'azur ;
L'aureto plan-planet, dôu mié dis aubre escur,
Pèr noun te treboula, tout-bèu-just alenavo ;
E nautre, pivela dôu chale de ti vers,
Emé tu marchavian sout li castanié verd,
Quand un d'éli subran pren vido, e Poulimnîo
Espelis d'un vièi trounc. Divo de l'armounio,
Candido elo peréu de t'ausi, Beatris,
Se clinavo umblamen davans sa vinceiris.
L. ROUMIEUX.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
POLYMNIE
A LA FKLIURKSSI-: d'arKNK
qui a gagne la joie de > la Polymnie », aux Fêtes latines de Montpellier
Avec le mois de juin le printemps disparal^^sait, — laissant
pour adieu ses parfums les plus purs; — le Gardon te jetait ses
joyeux murmures; — toute la Prairie, belle, te couronnait.
L'essaim des oiseaux, que ta voix enchantait, — au-dessus de
ton front déployait ses ailes dans l'azur; — le doux zéphir, du milieu
des arbres obscurs, — pour ne point te troubler, retenait son haleine:
Et nous, fascinés par le charme de tes vers, — nous marchions
avec toi sous les verts châtaigniers, — lorsque l'un d'eux s'anime
soudain, et Polymnie
Jaillit d'un vieux tronc. La déesse de l'harmonie, — charmée,
elle aussi, de t' entendre, — Béatrix, s'inclinait humblement de-
vant celle qui avait triomphé d'elle. L. RouMn-:ux.
1 Le 17 juin 1878, dans une promenade à la Prairie d'Alais, où se trou-
vaient quelques félibres, ce sonnet fut composé à propos d'un châtaignier
foudroyé, doijt le tronc affectait la forme de la Polymnie.
BIBI.IOGRAPHIE
Prumié Bouquet (1838-1842). Flonretos de moutagno. poésies langue-
dociennes, par Melchior Bartiiiîs. avec un avant-propos de Marins
Bourrelly, et des notes sur l'orthographe et la prononciation langue-
dociennes, traduction française en regard. Tome premier. Montpellier.
Imprimerie centrale du Midi (Hamelin frères), 1878; ia-l2, i7.5 pag.
Le tome premier des Flonretos de monnfagno a obtenu une mé-
daille d'argent dans la section poétique du deuxième Concours
triennal de la Société des langues romanes, et ce prix était justement
mérité par son auteur, M . Melchior Barthès, qui est, en même temps
qu'un savant et zélé botaniste, un des plus anciens et des plus
fidèles disciples de la langue d'oc ^
Ainsi qu'il l'annonce dans sa Préface, oii les mots sont ingénieuse-
ment appelés « les fleurs d'une langue », l'auteur eut, en 1838, le
projet de réunir dans un dictionnaire particulier les expressions
les plus caractéristiques du dialecte de Saint-Pons* : il y renonça
ensuite, car il lui sembla préférabl? dedisséminer dans ses vers les
matériaux linguistiques qu'il avait pris la peine de recueillir. G'e.st
dire par là l'intérêt que les Fhuretos présentent pour la philologie
et le grand nombre d'expressions locales, de formes véritablement
languedociennes, qu'on y rencontrera.
L'aisanee et la facilité du vers, la constante honnêteté de l'in-
spiration, et, dans le poëme de Louiset, par exemple, des traits et des
descriptions qui rappellent parfois la manière de Jasmin, de Ves-
trepain et des poètes de la Gascogne, ne seront pas moins goûtés par
les simples curieux de poésie.
Tous les genres, la chanson, l'épigramme, la fable, l'ode, l'épitre,
le poëme et le sonnet, sont, du reste, mêlés dans les Flonretos de
mountagno. On y rencontre même une amusante comédie en cinq
3iCtes, lou Plaidejciire, où M.B. a d'excellents traits de caractère
1 On trouve deux pièces de lui, remontant à l'année 1841 et adressées à
M. Jacques Azaïs, dans le recueil «les Uersps de ce dernier.
- La littérature du langage de Saint-Pons est représentée, à l'heiue
qu'il est, par his Floweto^ de mountagno, le Glossaire botanique langue-
docien de l'arrondissement de Saint-Pons, Montpellier, 1873, in-8' (dû à
M. Barthi'S, comme les Flourelos), et par deux fragment? d'un poëme Je
Guiraut Saquet (XVHi" siècle) sur la famine de 1709, publiés p. 45
et 93 du Glossaire botanique ,
BIHI.TOGRAPHIK 10?
et un dialogue d'un tour naturel et coulant. Ainsi. lorsque Guîrguil,
le plaideur, est contraint d'avouer à sou ami Nadal qu'il vient de
perdre un nouveau procès:
Nadal: Adiu. Guirguil ; ch be 1 l'as t>>ajoiw la pebrino I
GoiRGOiL (à part) : Al diables l'impourtu !
Nadal: As pla missarito mine.
De qu'as '? semblos maiaut.
Goirguil: Merci dai coumpliment !
M'atendiô pas a tu dins aqucGte moiiincnt.
Nadal: Sios tout cambo-virat. . .
GmRGUiL : 0 vai! soui pas sans ciiro,
E n'èi pas brico tort ■!>• fa tristn liguro
Naoal (il part): A pcrdut soun proucès.
GuiHGDiL : Me vesos mnlcourat,
Soui las d'estre pel sort loujour endalraairat:
A tout cal uno fi, mêmes à la pacieeço . . .
Nahxl: Couci tout s'es passai an-aqueio audienço?
GiiiRGDiL : Parlen de quiconmai... Plo;; loujour sus baguais ..
El perdut moun proucès. . .
Nadal : N'as-tijamai gagnais?
Je signalerai ici quelques formes françaises ou simplement dou-
teuses, relevées au courant de ia plume, dans l'ouvrage de M. B :
P. 32, l. 6. et p. 154, 1. 1. msi, forme française. Il vaudrait mieux
dire aital, que l'on trouve p. 86, 102 et 356.
H. 32, 1. 10. brandiguen, participe sans i final, ce qui peut donner
matière à confusion avec l'impératif et la première personne
plurielle du présent de l'indicatif dans certains verbes: diren,fa-
ren ; l'ancienne langue avait résolu la difticulté en écrivant di-
rem, farem. etc., méthode suivie par M. Cliabaneau dans sa
Grammaire limousine.
P. 60.1. 11 .douhlen.triplen: VïnWnW.'xî ^\(' ces vrrbes appartenant à
la classe des infinitifs en a, il faudrait r?o?f6/an, triplan. (>ette faute
se reproduit assez souvent, bien que M. B. écrive pu d'autres
endroits toumhan (76) dounan (84) etc.
P. 60. 1. 31 , gutn. forme française ; il faudrait guuu ou gazan.
P. 94, 1. 18, anpletos. forme française.
P. 100, 1. 5. cracur, forme française, surtout par le sufli.ve ur. M. B.
la traduit par weniewr: il faudrait donc messourguiè, que I on trouve
p. 194, 1. 21.
P. 102. 1. 9. sauturs, forme française ; il faudrait sautaires, ou [du-
tôt dansaires, car l'auteur traduit par danseurs de corde.
P. 112, 1. 26, assigurenço ; il faudrait nsaignrnnrn. puisque l'infinitif
ÎIO BrBLIOGRAIHIE
est en a. ot mieux assigurando . Je lis, p. 144. oubeïssencio et reve-
rencio. Cf. p. \\%, prounoiinciat^renounciat.
P. 116. 1. 1, trnhels. Fourf|uoi l'introduction de ce k? Truquels serait
fort légitime.
P. 1 18, 1. 14, disparegut. Le verbe avait eût été préférable.
P. 120,1. 15. anfin. Enfin, ou encore, finalomen, serait mieux.
P. 134, 1. 27, vouiage, forme française pour viage.
P. 138, 1. 12, tout a f et — — pour d'afouns
P. 140, 1. \3, goutos — — (du moins à Montpellier)
pour dégoûts.
P. 140, 1. 17, crusen, forme française; il faudrait crosan, puisque le
substantif normal et courant est cros.
P. 142, 1. 3, separado, form^^ française; desseparado, separtido ou par-
tido vaudrait mieux.
P. 146, l. 31, ^ownero, forme française; la forme languedocienne tron
■ se lit trois vers plus haut
P. 148, 1. 22, VMS, forme française ; lisez : votSj ou peut-être vouts?
P. 150, 1. 31, counfienço; fisancio vaudrait mieux.
P. 152, 1, 17, ^ramSZo^ forme française. Je trouve le verbe tremoulà.
p. 150.
P. 160, 1. 20, Vatend; V espéra vaudrait mieux. On le trouve du reste
ailleurs, p. 198, 1. 13, par exemple.
L'orthographe de M. B, atteste un effort sérieux pour revenir aux
habitudes de l'ancienne langue : ainsi, l'emploi du v pour le &, là
où l'étymologie latine l'exige, le z à la deuxième personne plurielle
(lu présent de Vxxxàxç.^Xxi, oouldrez, pescarez ; l'emploi de la forme iu
dans Dius,arpiu,fiulado. etc.. L'accentuation est souvent trop com-
pliquée, mais ce n'est pas la faute de MB. : il n'a fait que céder à
une habitude trop générale dans tous les dialectes méridionaux.
Le plaisir que l'on éprouve à lire ce volume nous fait espérer que
le Segmmd Bouquet ne se fera pas attendre longtemps.
Alph. RoQUE-FERniiiR.
Poésies patoises, par Vkrnhet père, d'Agen (Aveyron). Rodez, irap.
H. de Broca, 1877; petit in-8°, 62 pag.
« A l'àire de soixante-dix ans, M. Vernhet s'e?t amusé à versifier
» en pur patois de Rodez et de ses environs. » Son petit volume
comprend :
P. 5-23, des Géorgiques, 380 vers. Le Rouergue semble affec-
tionner les géorgiques; Peyrot, prieur de Pradinas. en avait com-
RlBTJOr.RAPHlR 111
posé, et l'abbé Mélac (1841), ancien professeur de seconde au
coliéi^e de Rodez, avait laissé en manusciit une Traduction en
vers patois des Géorgiques de Virgile^. — P. 25-33, las Vicissitudos
dé lo hido htimèno, 2i8 vers. — P. 35, Un soubénir dé l'ouraché del
8 décembre 1876, 6 vers. — P. 37-8. lou Brocouniè prés en fio-
grant délit en temps prohibât, 44 vers. — P. 39-43, Sourdes, trèbos
et rébénens, 112 vers. — P. 45-55, un Récuil dé prouverbès, meximos
et aphorismés , 210 vers. — Le tout suivi, p. 57-9, d'un Petit Vocabu-
laire de quelques mots les plus éloignés du français, contenus dans ce vo-
lume.
Ces poésies ne sont pas sans défaut, sans qualité non plus.
Venant de Marseille ou d'Avignon, elles ne seraient sans doute
pas remarquées; mais elles nous arrivent d'un pays bien lent à
prendre part au mouvement littéraire des autres provinces de
langue d'oc: à ce titre surtout, elles méritent d'être signalées. Le
Rouergue tout entier ne sufGrail pas à fonder une Escola; du
moins nous ne connaissons que les noms de MM. Brouillet.
Villié et d'Armagnac, àjoindre à celui de M. Vernbet". Espérons
que le Rouergue tiendra, enfin, à honneur de sortir de son trop
long mutisme.
L'Aveyron produisant peu, sa langue est naturellement peu con-
nue; les traits marquants qui la distinguent, au moins dans le
volume de M. Vernhet, sont : lo le remplacement des a protoniques
par des o : osilo : corèmé, okel, Morgorido, orrenten-nous, popiè, etc. ;
— 2° des 0 toniques par ovo: tricouot.esclouoj), bouosc, trouop, okouo,
houome. linouot, etc. ; - 3" ('e an tonique par on : cfont; — 4» des bl
par^jZ; encuraplé, 'Diiseraplé, etc.: — 5° des v par b: bido, dibendres,
etc : — 6° des gl par cl : réclat; — 7° des j par ch: cuuraché, sache,
racho; — 8° la suppression de la nasale dans les linales in, an,oun :
bi, moti, pa, poulou, nenou; — 9° la chute de g entre deux voyelles :
fouo'irou 20. pléat 25, diet 41 ^foet 28, osséiiro 50. aio 19, 53, i)oat 28,
préario 9, ol séur 16, qui seraient en languedocien /oMgrairoMw, ple-
gat, diguet, faguet. nsseguro. aigo, pagat, pregario ^. al segur.
1 Voir Mém. de la Soc. des lettres de l'Aveijron, III, 337.
- Un poëtc anonyme, qui, d'après M. Alph.Roque-Ferrier Ri vue des
langues romanes. 1878, p. 205;,. est M. Vesy. bibliothécaire de la ville de
Rodez, a publié deux Sounets dans les Mém. de la Société rie rAvpymn,
X, 1868-1873, Rodez, 1874. On a aussi de lui un sonnet,-- signé cette fois.
— dans Un bouquet de campaneto, recueil de sonnets, publié par M. de
Berluc-Perussis en 1876 (Aix, Remondet- Aubin, in-8o;.
3 On trouve préario, p. 9, et prèo = prsgn 20, mais pregat, p 40.
112 PUniOGPAPHlE
L'article est également à observer. Voici le tal^iloau des forme»
employée.»» par M. V. :
SrNG. lou. r lo, r
fiel, de r de lo, de 1'
ol. ôl' ô lo, ôl'
Plcii. ious et loui, les e/ loi
dois, dese/dei do lo?
os
L'article, soit masc. soit fém ., possède au pluriel une double
forme; mais nous soupçonnons M. Vernhct d'avoir noté ce phéno-
mène d'une manière très-inconséquente; il se pourrait aussi que le
sentiment de ces variations phonétiques fût en train de disparaître.
Nous trouvons l'article pur devant les lettres e, o, u, k, j. t, d. ç
(s\ p, n, F, v, h, R, m: mais en uiéine temps devant certaines de ces
lettres se rencontre l'article mouillé : 1° e. lou?, entendre 27, iows
^on.<î'27, 30, 31; Zos égos 40, et trois autres exemples (2 pour lou?,,
1 pour Zos), à côté de d'éis (lisez dei?) éfons 32; — 2° d. ^s dens 26,
des défaous 45, Zos derrengio 31, et trois autres exemples de lo?, à
côté de loi démouorou 40: — 3" ç (s), lou?- cédas 29, tout seul on re-
gard de loui secours 12, loi surs t~,de\sious 29, loiii soucis 29; — 4" b.
lou?, bers 26, lou? brabés gens 26, et 12 autres exemples (6 pour lous
et 6 pour los, en face de pey biels 32 ; — .")" r . lo? rabos .1 6, 1 9, lou^ rond
12, à côté du louï rosins 15, pe\ rens 12; — devant x, je n'ai trouvé
qu'uH seul exemple, lou\ nous roln'o 10: devant a, i, g. ch, z, je n'en
ai rencontré aucun.
M. Vernhet s'adressant particulièrement ù ses compatriotes de la
campagne, nous lui reprocherons de parler du Pornasso, de la Muso
et de P/i?7ome?o: les gens instruits n'ont que l'aire de cette mytholo-
2ie, et les paysans n'y comprennent rien. Déplus, quand, au lieu
d'écrire en français, un Méridional use de la langue d'oc, c'est sans
doute qu'il l'aime, qu'il la préfère au français, au moins comme in-
strument poétique: son plus grand souci doit donc être de bannir les
mois français, intrus qui, malgré leur désinence méridionale," puent
étrangement" leur oiigino. Parmi ces fâcheux, que M. Vernhet au-
rait sagement fait de mettre à la porte, citons : entréprénur 8, hu-
méno 25. clirisolido 25, mèro 25, 26, pèro 26 (on trouve paire et maire,
p. 29), histouèretto 27, frèro 27. sur Tl (sœur), junés gens 28 (tandis
i[uejoubé se rencontre p. 26). Estieynés 28, rouèlà 38 (voilà), quouè-
què 47 (quoique), sent 48 (saint), ogricoltur 50, cultibotur ûO (à côte
de cultibairé).
Les fautes d'impression sont tres-uomhrcusos, et quelques-unes
BlBLlOciKAPUIE 113
rendent difticile l'intelligonce du texte; par exemple: t'oïonon oper-
tieyro, 13, lisez lot onon o pertieyro ; il faut de même corriger l'oï ho
30, el l'oionon 28: — respecta ton bé "26 lisez tombé; — ooubé21. lisez
oou bé,' — lou set 1(3. lisez lo set; etc.
Le dictionnaire paraîtra cerlainement trop court à beaucoup de
lecteurs. Nous y relèverons une erreur. » Okouos, c'est, cela. »
Okouo = cela, mais okouos = okouo es = ce est, c'est. M . VernheL
n'a pas reconnu le verbe qui se trouve dans okouo 's, et il imprime
toujours okouos, quoique partout, dans ses poésies, okouo veuille
dire cela (p. 10, 12, etc. .), et okouos c'est ( p. 7, 12, 26, etc.' ) Lo
mol rogas, qui est traduit par enfant pour aider le berger, est à rap-
|)rocher de l'italien ra<7a;i^o; onthouro, qui est traduit par sows délai-,
se décompose étymologifjuoment en onthnuro, ante Jioram{ ci'r. an-
tan, ante annum ) .
Si le dernier paraiiia]ihe de V Avertissement n'est pas une banale
politesse, M. Vernhet ne nous .saura pas mauvais gré d'avoir
ainsi descouti se< poi'sit's ])atoises.
•T. Baijquiek.
Una voués dai vilage, pouesias lengadoacianas, per Ch. Coste; Mounl-
pelié, Mortel l'ainal, 1877; in-S", viii-52 pages.
bans une préface languedocienne placée en tète de son volume,
M. Coste nous apprend l'origine des pièces qu'il y a réunies :
« Dins Testât de medeci, en trepant de vilage en vilage, lou cami quau-
ques cops es long, e l'ospril, que d'ourdinari es toujour en souciença . .
se met à panlaià; lou craioun sourtis de la pocha, e sui papiè que me-
triàs una ourdounança, escrivés quauques verses, sans avudre trop lou
tems de Ions alisà.
» Lous amagàs couma un pecat; mes, un jour ou l'autre, l'onveja vous
* Le vers suivant ( p . 20 ) :
En fosqueu cminio okoi/ns ](mn\i n'ouii Icnro giiïré,
semble nous donner tort; mais il vaut beaucoup mieux lire el écrire okuiw.
Oerlainemenl, dans quelques patois, l'incessante répétition de acu s [ aco
es j a Uni par souder Vs du verbe au pronom ; mais puisque o1<ouo existe
encore dans l'Aveyron , ce n'est pus à un écrivain à se laire le protec-
teur d'un barbarisme. — Dans ie vers cité, 7i'oun est à corriger on noiin.
^ Dans Cl. Brueys {Jardin de .v musos provençaloi, éd. Morlreuil, II,
p. 75), on trouve ragusscl:
Lous Ualinn.-^ amon la cioupo,
-Subre que tout d"vo Ragassel.
Partissen en miUiuuro
per olcouop orriba. p. 8.
114 HIBL'.OGRAPHIE
pren de lous fa voire an un amie que vous proumet, en riguent, d'estre
mut. Loii traite o pas pus léa virât lous talons que vous dessala, e voslre
sicret es « lou sicret de la sauvia. »
" Moussu l'abat Vinas, curât de Jounquieiras, regretable per soun
bouii cor e soun saupre, aget connouissença de mous pichots verses, e me
butet jusqu'à tant que naguère mandual quauques us ai Councours de
Mountpelié : rccassere una mentiéu; pus tard, la Soucietat de Beziès
macourdet una medalha per ma peça luu Counsel de moun paire. »
Una voués dai vilage se compose donc dos deux poésies cou-
ronnées à Monlpellier et à Béziers — cette dernière est surtout re-
quable — , de quelques autres lues à V Association des médecins de
l'Hérault et d'un certain nombre de pièces de circonstance et de
couplets satiriques. li est écrit en entier dans le Sous-dialecte
lodévois, un des plus originaux, sans contredit, de la iangued'oc *.
On lit, à la fin d' Una voués dai vilage, une poésie composée en lan -
gage de Montpellier, par M. Louis Lambert, l'éditeur, avec ISI. Mon-
tel, de la collection des Chants populaires du Languedoc que publie la
Revue des langues romanes. Nous avons pensé que l'auteur de ces
vers charmants nous pardonnerait de dévoiler le demi-pseudonyme
sous lequel il les adressa à M. G., afin de le remercier de son hos-
pitalité dans le petit village de Beaulieu :
Au bord de l'Erau, dins aquela plana
Que mirgalha tant,
Beulioc lou poulit, couma una raieugrana,
Lusis au mit an.
Dins un recantou de la granda plaça
r a 'noustau bénit
Aqui lou bonur, lou sabé, la graça,
Tout es réunit.
Dins aquel oustau très jours demourère
Ai ! couma aven ris ;
De tant d'amistat qu'aqui reçagurre
Per moun gramecis,
Cada ser dirai : —Lou bon Diéus proutège
I/ouslau benurat
1 C'est ce dialccle auquel Peyrottes donna, il y a trente ans, quelques
instants do célébrité. Il n'a guère d'autre poêle aujourd'hui que M. H.
Brun, auteur do diverses pièces imprimées à Lodève de 1875 à 1877.
Qu'il nous soit permis d'émettre un vœu en faveur de la prochaine
publication des poésies inédiles de Peyrottes, pieusement conservées dans
sa famille jusqu'à aujourd'hui. Au jugement de ceux qui ont pu les
examiner, elles sont bien supérieures à celles qui ont été mises à jour
en 1840.
BIBLIOGRAPHIE l.ô
Qu'abrigue long temps la maire, lou mège
E r enfant besiat ! »
Une édition de luxe des Œuvres choisies du docteur Goste est en
souscription et paraîtra bientôt, sous les auspices de VAssociation
des médecins de l'Hérault.
Alph. Roque-Ferrier.
La Fièiro de Ghambourigaud, pouemo coumique en cinq cants, per
Pau Gaussen, emb' un avans-prepaiis d'Albert Arnaviele. Alais,
Brugueirolle et Compagnie, 1878; in-l2, iv-56 pag.
On ne connaît généralement de M. Gaussen que des œuvres
provençales, où il a su exprimer avec beaucoup d'éclat et de
coloris les sujets, presque toujours lyriques, de ses inspirations.
Voici qu'à la sollicitation de M . Albert Arnavielle, il vient de
publier un petit poëme comique en cinq chants, la Fièiro de
Chdinliourigaud, qu'il composa en 1869 dans son dialecte naturel,
le raiol. Cette œuvre n'atteste pas un développement poétique
aussi complet que les sonnets imprimés par VArmana prou-
rençau et la Cigalo d'or; elle se fait cependant lire avec plaisir du
commencement à la fin.
Nous en détacherons le Iragmeut suivant, où l'auteur parle des
Cévennes en véritable poëte et, il faut le dire aussi, en véritable
enfant du pays :
Ob ! salut 1 terro sans egalo,
Ount la cansou de la cigalo
Se mèsclo au crid de l'aigle fer 1
O mounts, que d'un trapou d'infèr,
Boumissès l'or à plenos seios,
D'aquel or rous coumo las seios
Rabinados dau reganèl
Qu'Avoust raando de soun fournèl ;
Gevenos, quanle es lou terraire
Que mai que lou tiéu saupriè plaire '?
Nou, toun pané 's pas counegu !
E vales mai, n'en sièi segu.
Que la grand terro de Prouveijço.
Mai que l'uigo de la Durenço,
Tous rajôus soun lindes e fres;
E de tous auts creslels de grès
Bouto loujour uno douço auro,
Quand, aval, lou païs de Lauro
Es esloufa dau caiimas.
Alph HoQUK-Ft:i!Riiiu.
PERIODIQUES
Revue des Sociétés savantes, Vl*^ s'^rie, toni. 111, p. \'id. —
Paul M eyer. Rapport sur des coinimtnicafions de MM. Blanc, Charvet,
Eyijlier, de Fleuri/, Oomart. Luzel, Mireur et Tartière. — Plusieurs
de ces communications, surtout la première et l'avant-dernière. sont
intéressantes pour la langue et la littérature provençales. M. Meyor
les a accompagnées de savantes ohservations et y a l'ait d'impor-
tantes additions. Le premier document est un ordre pour la garde
du château de Vence, daté de 1378, et qui porte naturellement tous
les caractères du dialecte provençal. Au paragr. 3 (p. 421) sietA.o\i
probablement être lu siei, qui est pour si l. Le dialecte provençal et
aussi quelques variétés de celui du Languedoc insèrent volontiers
un e entre deux / consécutifs, (jue la prononciation doit réunir en
une seule syllabe, non-seulement quand ces deux i sont dans le
même mot, mais encore quelquefois, comme ici, quand le second
forme un mot à lui seul. Ainsi on trouve fréquemment dieis, dieire,
etc. pour les formes plus anciennes dus, diire (où le second i pro-
vient du c de dixit, dic{e)re), dans la Vie de saint Honorât, dans le Bre-
viari d'amor et dans d'autres textes qui paraissent provenir de la
même région V Les exemples du second cas sont plus rareis. Il y
en a deux dans le roman de Flamenca 'i (siei =^ si i au v. 4299 et
niei== ni i au v. 5103), et le Breviari d'amor, si l'on y regardait de
près, en offrirait peut-être plusieurs. J'en puis du moins citer un :
qxnei=^qui i {Gedichte I, p. 188. 1. 3, où M. Mahn a eu le tort de lire
et d'imprimer quici). L'«°, dans ces exemples, a dû être introduit
* Dieifi e>l fréquent dans las Rasos de trobar. Ni. GuessarJ a lu par-
tout die s, M.St\'>gel y a sui)slilué ditz ou dis. I/éciitour do V Évangile de
b-ainl Jean en vieux provençal (Berlin. 1868) a commis la même faute que
M, Guessord, on imp.-imant 18,7) diciseron au lieu do dieiseron. — Exem-
ples analogues: 'ieyre{^=riire. rigre. rid[e)re) dans le lirevinri et lo Livre
de Seneca. assie.iire, frieyre [friire, frig{ejre}, dans le Fireviari également.
C'est probablemeDl de la môme manié: e qu'il faut expliquer les formes en
/et* qu'offrenl en grand nombre, dans ce dernier ouvrage, les verbes en \r
de 1:1 conjugaison inchoative, complieis, partieis, etc., le second i s'étanl
développé devant s final, comme il arrive après a, e, o, ou résultant peut-
être de la vocalisation du c transposé de iscit {icsit — iis).
* Le ms. de cet ouvragOj au v 1121. a diere, qu'on pourrait, sans témé-
rité, Corriger diare j'iutôl que dire.
PERIODIQUES TI7
pour rendre plus facile la synérèse des deux i, qui, du reste, a eu
lieu aussi quelquefois sans ce secours. Ainsi, ni y garava ricors
{Troubadours de Béziers,Tp. 72), si i agues poder {Gedichte, 1243,3), où
niy, siine font respectivement qu'une syllabe.
La finale iar (= lat. arium ou erium ) n'est pas, comme M. Moyer
parait le croire, propre au sud de la Provence. On en remarque de
nombreux exemples dans des textes languedociens, et elle persiste
aujourd'hui, affaiblie en io, dans le Rouergue et le Gévaudan. C'est un
fait que j'ai déjà eu l'occasion de constater. Voy. Revue, VII, 439.
C'est sans nécessité que M. Meyor a corrigé deux fois, p. 432,
caseun[a] sera. Sero, en provençal moderne, et aussi dans d'autres
dialectes, est masculin : un sero [Mireio, 458 ); lou sero ( Damase
/Arbaud, II, 198); aquel sero (3 a.smin)\ lou sero (Quercy), etc. Un
autre exemple bien plus ancien que celui du texte de Vence est le
suivant, de Flamenca [y. 3240) : Las maias quel seras {= sera se) son
fâchas.
.Aux formes estague, estegon, du subjoncLif présent de estar, que
M. Meyer relève avec raison, on peut comparer les formes moder-
nes gue fugue {qu'il soit), que fague {qu'il fasse). Elles proviennoai.
toutes d'une propagation abusive de la gutturale du prétérit {estec,
estegron, etc.) au subjonctif présent.
Les dix commandements de Dieu mis en quatrains provençaux en 1522
viennent après V Ordre pour la garde du château de Vence. C'est une
pièce sans mérite et où il n'y a guère à signaler, au point de vue
de la langue, que les formes /re?rto (femina, fennia, fenna, frema)
et duves{dehes), aujourd'hui l'une et l'autre fort usuelles*. A côté
de dure, le provençal etla partie voisine du I^anguedoc (Nimes, etc.),
nous offrent encore huveijbiho), oendumiat, mumo {même), duja.plugue
(àe plegar), etc. Je trouve aussi duve dans le Rouergue et le Veiay
(dubou. duvien). Cette dernière forme est dans les Noëis de Cordai
( vers 1630 ). Cf. enubriar dans des textes purement provençaux du
XIV' siècle {Év. de saint Jean, Berlin. 1868, II, 10, etc. ), et pru-
mier -ponr premier, forme qui paraît commune à tous les dialectes.
Dans la plupart de ces exemples, Vu est né de l'e sous l'influence
d'une labiale suivante, phénomène que l'on constate souvent aussi
en français.
J'arrive à la communication de beaucoup la plus intéressante
de celles qui font l'objet du rapport do M. Meyer. Elle est de
M. Mirdur, archiviste du Var, et consiste en «documents extraits
' Fremo est déjà dans le Ludus sancti Jacobi, texte antérieur d'environ
vingt ans.
8
118 PERIODIQUES
des archives communales Je Draf,'uignan, qui attestent, du XV*
au XVI* siècle, une série non interrompue de représentations de
mystères. Le plus ancien de ces témoignages est de 14:^3, le plus
récent de 167U. » C'est, ajoute M. Meyer, l'une dos plus impor-
tantes contributions qui aient été apportées depuis longtemps a
l'histoire du drame religieux dans le midi de la France. Le nombre
des pièces nouvelles, dont la représentation en Provence nous est
ainsi révélés, s'élève à dix-sept; mais plusieurs sont probablement
des pièces françaises et qui furent jouées en français.
A l'occasion de cette communication, M. Meyer a dressé unr
double liste oiî sont énumérés : 1° les mystères dont il nous reste
tout ou partie; 2° ceux dont les titres seuls nous sont connus.
Les premiers sont au nombre de six. J'en ai déjà moi-même men-
tionné ici quatre {Revue, X, 158). Les deux autres .•^ont le mystère
de saint Poiis et le mystère des saints Pierre et Paul, tous les deux
de la fin du XVe siècle. Ils sont conservés dans les archives d'une
commune de l'ari'ondissement de Briançon, et M. Meyer an-
nonce qu'ils seront prochainement pubUés *. Quant aux mystères
* Un fragment du Mystère de saint Pons a paru depuis dans l'ou-
vrage intitulé ; Patois des Alpes cottiennes, par MM. Chabrand et de Ro-
chas d'Aiglun. — M. Meyer mentionne encore pour mémoire deux frag-
ments d'un ancien mystère catalan ou mayorquin qui paraît avoir eu
pour sujet la conversion de sainte Marie-Magdeleine. Ils ont été trouvés
à Palma, et contiennent environ 150 vers, qu'a publiés D. José-Maria
Quadrado, dans la Unidad catolica du 5 février 1871. I/écriture de ces
fragments est du XIV* siècle. — Ajoutons nous-même deux autres mys-
tères, composés en partie seulement en langue d'oc: l'un représenté à
Giermont. (?) en 1477 (1), et dont M. Doniol, qui nous le fait connaître
( les Patois de la basse Auvergne, p. 73-80), n'indique pas le titre *, l'autre
au Puy en 1518. Voy., sur ce dernier, la préface des Noëls vellaves de
Cordât, p. xxi, où. il est question du «célèbre mystère de Claude Dolesonet
des tirades naïves qu'y débite le paysan dans l'idiome local.» Ce mystère
est sans doute le même que celui qu'on voit mentionné dans le Diction-
naire des mystères du comte de Douhet ( col. 544), sous le titre suivant :
« Le Mystère de l'édilicalion et dédicaça de l'église de Notre-Dame-du-
Puy, et translation de l'image qui y est à XXXV personnages, par Claude
d'Oléson. » Je ne sais si cet ouvrage a été imprimé ou s'il existe seu-
* liciyole, dans Ip fraîi:ineiit cité (p. 77), paraît ne pouvoir signifier que
caye [yabiola, yayola et, par raétathèse, galoya). — P. 78, hrasmas est,
au propre, le fr. brèmes, espèce de poisson. C'est, d'ailleurs, ici un jeu de
mots, comme carpus qui suit, o' dernier étant rapporté plaisamment à cur-
pere.
PERIODIQTTES 119
et autres compositions dramatiques que nous ne connaissons plus
que par les mentions qui en ont été faites en divers temps, la liste
de M. Meyer en contient dix-luiil. Mais cette liste est incomplète,
car tous les témoiiinages n'y ont pas été utilisés*. Tels sont ceux
qu'a réunis M. G. Arnaud dans la préface du Ludiis sancti Jacohi.
Tels sont encore ceux qui concernent le mystère des Trois
Doms (Romans, Pentecôte de 1509)-, et celui des miracles de saint
Martial, qui, d'après l'abbé Legros, cité par Allou {Monuments Je
la Haute-Vienne, p. 20). aurait été représenté à Limoges en 1290 et
130-2 .
G. G.
lement en manuscrit. Dans tous les cas, M. l'abbé Payrard, le soigneux
éditeur des Noëls de Cordai, s'acquerrait un nouveau titre à notre re-
connaissance en publiant tout au moins le rôle du paysan. — Un autre
mystère français, un peu plus récent que celui de Doléson, est signalé
aussi comme ayant un rùle en langue d'oc: c'est le «joyeux mystère des
Trois-Uois » (vers 1540), par Jean d'Abuudance, notaire royal du Pont-
Saint-Esprit, sur lequel ou peut voir la notice des frères Parfait (III, 47j,
reproduite intégralement dans le Dictionnaire des Mystères, col. 978.
* Une des pièces qui figurent dans les communications de M. Mireur y
a même été omise : c'est le Ver du péché, moralité, par Arlus Gautier (?);
Draguignaii, 1613.
2 Le ms. de ce mystère existait encore en 1787, mais la trace en pa-
raît aujourd'hui perdue Voy. Composition, mise en scène et représenta-
lion du mystère des Trois Doms; Lyon, Perrin, 184S. —Une notice qui
a paru, depuis le rapport de M. Meyer, dans le Bulletin de la Société
d'archéologie de la Brome, nous révèle encore les représentations sui-
vantes, qui eurent lieu à Die :
1» La Passion. Jour des Rameaux et Vendredi Saint de 1484;
2° Le Poble coinun, moralité. 1493 ;
3° Une histoire ou moralité dont le titre n'est pas indiqué. 1496, à l'.ir-
rivée de l'évêque ;
4o Mystère du chevalier qui aoel doné sa famé au diable. 1541 ;
5» Comédie « faicte par M. Escoffier », dont le titre est inconnu. 1625:
6" Pastourelle, jouée à l'arrivée de l'évêque. 1634.
Il est probable que ces trois dernières pièces, et peut-être aussi la pré-
cédente, étaient en français ; le mystère du Chevalier existe dans celte
langue. — La même notice mentionne encore, avec le mystère des
Trois Doms, cité plus haut, celui des saints Félix. Fortunat et Achillée,
joué à Valence en 1524, et qui l'était déjà de temps immémorial, dans
la même ville, tous les vingt-cinq ans ou à peu près. Voy. Jules OUivier,
Essais historiques sur la ville de Valence, cité par le comte de Douhot,
Dictionnaire des mystères, col. 1361.
•* Le comte de Douhet mentionne aussi, d'après la même autorité et
120 PERIODIQUES
Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau,
1874-1875, 2« série, tome IV.— P. 8-17. le docteur de Rochas, iNToie
sur les Colliherts. A propos des ceux de l'île de Maillezais et con-
trairement à l'opinion de M. Francisque Michel, M. de R. démon-
tre que des colliberts sont signalés sur des points très-nombreux et
très-divers de la France du moyen âge. C'est une erreur de les"
considérer comme un groupe intermédiaire entre les cagots du Midi
et les cacous de la Bretagne. Les colliberts étaient, dit M. de R.,
une classe de serfs ayant, moyennant certaines redevances, un peu
plus de liberté que ceux-ci. — 18-27, Luchairo, du Mot banque iri et
de son emploi dans la comijosition des noms de lieu de V Espagne et de
l'AquitaiJie antique. — 28-86, Lespy, les Sorcières dans le Béarn, curieux
et intéressant travail; il contient, en appendice, divers textes béar-
nais des XlVe, X"Ve, XVP et XYH^^ siècles, tirés des archives des
Basses-Pyrénées; et p. 35, un extrait assez considérable des Coun-
tes biarnés. publiés par M. Alexis Peyret, près dos rives de l'Uru-
guay (Conception-de -l'Uruguay, 1870). — 87-114,Soulice,Z)ocwmente
2Mur l'histoire du protestantisme en Béarn. Bernard, baron d'Arros, et le
comte de Gramont, 1573. Les pièces justilicatives n"s VIK, X et XL
sont en béarnais. M. S. les a publiées d'après «un manuscrit de la
lin du XV!!»-- siècle, traitant de l'histoire du calvinisme en Béarn,
et dont il ne nous est malheureusement parvenu qu'une partie.» —
132-134, Piche, Question sur la couvade. « Quand une Basque ac-
couche, dit Spencer, le mari se met au lit et reçoit les félicitations
des amis, tandis que sa femme vaque aux soins du ménage » : telle
est la couvade. M. P. demande si cette coutume, à laquelle on a
trouvé des équivalents en Asie et parmi les Indiens de l'Amérique,
a existé, comme ou Ta dit, dans le Béarn ou dans le pays basque.
— 17 1-175, V. Lespy, sur le Nom des habitants de Pau. M. L. exclut
les formes palésiensel pauniens, tour à tour jiroposées par le Courrier
de Vaugelas. et il conseille d'adopter la forme palois, justifiée par
celles de daquois, ossalois, nimois, usitées à l'égard des habitants de
sous les mêmes dates, un Miracle du bienheureux saint Martial : mais
ici, c'est " par les bourgeois de Cahors, dans le cimetière et près de la
croix de pierre consacrés audit saint », que ce mystère aurait été repré-
senté. - S il fallait s'en rapporter à M. Aubertin {Histoire de la langue
et de la littérature françaises au moyen âge, p. 434), nous aurions encore
à signaler à Tulle, dans le courant du XV" siècle, des représentations
de moralités, de mystères, et même de farces. Mais M. Aubertin s'est
mépris sur l'origine du lexle (pi'il cite: c'est un extrait des statuts de
l'église do Toul, ut non de- celle de Tulle.
PERIODIQUES 1?I
Dax, (l'Ossau et de Nimes. — '200-^26, Dubouo, Fragments incdiia
d'un manuscrit de Bordeu, intitulé : Observations sur les eaux minérales
de la généralité d'Auch. Ainsi que le remarque M. D., ces observa-
tions ont été en partie fondues par l'auteur dans ses Recherches sur
les maladies chrojiiques. C'est à Bordeii qiio l'on attribue la l)elle et,
pourrait-on dire, mystérieuse chanson insérée par M. le docteur JS'ou-
let, Histoire des patois du 7nidi, Revue, [""e série, t. VJl, p. 190 : Pay,
may. rays et sourines, etc. — 227-232. V. Lespy, les Marionnettes à
Pau {XVIII' siècle). — 223-289, Cerquand, Z-eV/enr/es et récits poimlaires
du pays basque. Lhi compte rendu spécial sera procliainoment con-
sacré à cette publication. — 3:20-339, V. hes\t\ , Remarques sur lu
toponymie du Béarn. M. Lespy pense que les suffixes en os, alos,
arros, Bardos, Bidos, etc., d'un grand nombre de villes et villages,
non-seulement des Basses-Pyrénées, mais encore de plusieurs dé-
partements méridionaux, appartiennent à l'euscare. — 351-404. 544-
580, le docteur de Rochas, les Parias de France et d'Espagne, chres-
tianSj cagots, gahets et cacous, avec un appendice sur les bohémiens du
pays basque. Travail important et qui mérite pleinement les éloges
qui lui ont été adressés. Textes divers en béarnais, pag. 37^, 375,
376, 378, etc. Fragments de cbansons populaires pour ou contre les
cagots, 388-389, 400, extraites de F. Michel, Histoire des races mau-
dites de France et d'Espagne. — 405-529, Rivarés, Pau et les Basses-
Pyrénées pendant la Révolution.
^ A. R.-F.
Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de
Pau, 1S75-187C, 2e série, t. V. — 47-81, 1-2-2-157.— 29I-3C3, lo doc-
teur de Rochas, les Parias de France et d'Espagne (suite). M. de R.
rectifie une erreur du Dictionnaire de Littré, qui définit à tort les ca-
gots : « peuplade des Pyrénées affectée d'une sorte de crétinisme »;
textes divers en langue d'oc; p. 49, 68, 69, 71. 72, 77, quelques-uns
d'après M. Francisque Michel; p. 137, 138, 139, d'après M. Paul
Raymond. M. de R. conclut, p. 80, que les cagots n'ont jamais
formé une race, mais une caste, et qu'en quelque province de
France et d'Espagne qu'ils habitent, ils n'ont aucun idiome qui
leur soit particulier. — 183-260, Or(iuand, Légendes et récits popu-
laires du pays basque {smia) . — 367-384. Rivarès, Pau et les Basses-
Pyrénées pendant la Révohition {smlQ) .
A. R.-F.
Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de
Pau, 1876-1877, 2- série, t. VI.— 4-116. Rivarès, Pauetles Basses-
I?2 PERIODIQUES
Pyrénées penfJnnf la Rèvoltdion (fin). — 149-221 . l'abhé Marseillon.
Histoire du Montanérez. — 293-308, Paul Raymond, Notice sur la
famille de Jean- Paul deLescun. Pièces justificatives en béarnais :
(■lies sont d'autant plus précieuses qu'elles appartiennent au
XVIle siècle (années 1601, 1607, 1612, 1619, 1623). — 349-423,
Liichaire. les Origines linguistiques de V Aquitaine . Un compte rendu
de cet intéressant travail paraîtra bientôt dans la partie bibliogra-
phique de la Revue. — 424-429, Documents divers communiqués par
M. Raymond. Tous sont en français, sauf un qui ne manque pas
d'intérêt et qui a trait à un procès que Corisande d'Andoins, com-
tesse de Gramont, soutenait contre la commune d'Arthez, dont elle
était dame. « Les bourgeois avaient nommé un syndic : c'était \^
sieur de Merican, le trésorier communal. Mal lui en prit, car il reçut
la visite du chargé d'affaires de la belle comtesse, M. de Poyanne,
ijuivint lui dire que, s'il se mêlait du procès, il recevrait tant de
coups de bâton qu'il faudrait l'emporter dans sa maison. Merican
se le tint pour dit et s'empressa d'écrire sur les registres de la
commune qu'il n'osait se mêler de rien et qu'on voulût bien lui
donner un remplaçant. — 450-531. Cerquand. L^grenrfes et récits
populaires du pays basque (suite).
A. R.-F.
Mémoires de T Académie des sciences, agriculture, arts
et belles-lettres d'Aix, Lonie XI. — 1-9. Rupporlde M. Achintre
sur l'ouvrage de M. Réguis, lu à l'Académie le 30 janvier 1877. Ce
rapport est une introduction à une nomenclature franco-provençale
des plantes qui croissent dans notre région., par M.Marius Réguis, de
Meyrargues, qui, avec divers préambules, occupe les pages 1 1 à
186 du présent volume. M. Réguis a entre les mains les maté-
riaux très-considérables d'un Dictionnaire franco-provençal d'histoire
naturelle. A la veille de l'imprimer, il a pensé qu'il le rendrait plus
complet en en publiant l'abrégé, le squelette, selon son expression,
dans le tome XI des Mémoires de l'Académie, et en sollicitant la
collaboration des personnes qui s'intéressent au vocabulaire des
végétaux de la Provence. M. R, a sagement agi. et tout fait es-
pérer que son appel sera entendu. D'ores et déjà, sa Nomenclature
franc9-provençale a notablement accru les listes de noms dressées
par Garidel, (terard, Laugier de Chartrouse, etc.ain.si quecelles que
l'on trouve dans le Calendrier de Faune et de Flore pour les environs
d'Aic, de M. de Fonl-Golombe, et le Catalogue des plantes vascu-
laires.de MM.de Fonvert et Achintre, publiés, le premier, dans le
tome cinquième, et le deuxième, dans le tome dixième, des Mé-
moires de l'Académie. Dans son rapport, M. Achintre fait quelques
PERIODIQUES 1?3
réserves touchant certaines dénominations acceptées par M . H . *. —
22[-2tl . Poésie française et provençale, par M.J.-B. Gaut. Cette der-
nière, en dialecte d'Aix, a pour litre : Aro lei plumon lei lapin; inven-
ciennouvello. C'est un conte humourisUque, écrit, comme tout ce qui
sort de la plume de M. G., avec aisance et facilité. — 229-240.
Un épisode du séjour d^ Horace Vernet à Rome, par M. A. de Fonvert ;
anecdote qui fait honneur à l'esprit et au cœur d'Horace Vernet.
M. de F. la tenait du peintre lui-même, dont la famille était d'ori-
gine provençale. — 451-464. Un document inédit sur Lattre de Sade,
par M. de Berluc-Perussis. Voyez la. Revue de mai-juin 1878. —
ièb-iSO, Un Nostradamus du XIII° siècle, par M. Gh.de Ribbe. Cu-
rieux et intéressant mémoire, dans lequel M. de R. donne le texte
d'une prophétie latine qu'il a trouvée sur la couverture d'un cartu-
laire du XIV'' siècle, « portant la date de 1353 et contenant un certain
nombre d'actes passés à Aix-en-Provence, par un tabellion del'é-
poque nommé Pascalis (ou Pascal) de Bucot.» Cette prophétie a est
relative aux luttes du Sacerdoce contre l'Empire, et vise directement
le rôle et la destinée des descendants de Charles d'Anjou, comme
instruments delà politique française en Italie.
A. R.-F.
Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne,
t. III, p. 49-74; t. IV, p. 72-88, 137-146. L. Buscon, Recueil des
Proverbes patois usités dans le département de Tarn-et- Garonne . Collec-
tion intéressante, accompagnée d'observations judicieuses et qui
annoncent un homme d'esprit et de goût. La plupart de ces pro-
verbes, comme on doit s'y attendre, se retrouvent ailleurs et sou-
vent sous la même forme. Le mot rampan n'est pas, comme le croit
M. B. (III, 67), un composé de ram et de pan ; la forme ancienne
et complète de ce substantif est rampalm, où l'on voit clairement
l'origine de son second élément. Delà, dans la langue moderne,
selon que l'une ou l'autre des deux consonnes finales est tombée.
Ici rampau et \k rampan, C'e^t de la même manière que l'ancien
jorn s'est réduit en tel lieu à jour, en tel autre ( par exemple, à
Montauban même) kjoun. Plus loin (IV, 74) l'adjectif ort^ (Us.
ori-e), orro, est rattaché à sordidus. C'est de horridus qu'il provient.
— A la page 183 de ce même tome IV, je rencontre une étymologie
singulière et tout à fait inattendue. Selon ÎM. le docteur Rattier,
' Nous ne signalons que les travaux qui relèvent de la compétence
de la Revue. Mentionnons cependant, à titre d'exception, p. 187-205, une
Causerie de voyage, par M. Gaston de Saporta. d'un style excellent.
124 PERIODIQUES
« on a souvent tourné autour du véritable sens des mots langue
d'oc et d'oil. Pour lui, l'explication la plus plausible lui a été four-
nie par un savant russe qui traduisait ainsi : langue d'oc ou d'oc-
cident, langue d'oil ou d'orient. » Et pourquoi non, puisque, comme
chacun sait, cadaver ^ caro ^«ta wrmibus, et que, comme l'ensei-
gnent les Lei/sd'amors, Romaetfemna ne sont respectivement autre
chose que rotz ma (rodit manum, parce qu'on y laisse tout son ar-
gent), et/enestra «nveriiiada raortz nostra oparelhada?
C, G.
Bulletin de la Société des Études littéraires, scientifi-
ques et artistiques du Lot, tom. 111, 1876-1877*. — P. 57 et
134. L'abbé Hérétié, Fables patoises . — p. 65, 95, 241. P. Lacombe
et L. Gombarieu. Documents contenus dans le TE-IGITUR. On ap-
pelle ainsi, nos lecteurs le savent déjà -, un registre des archives
municipales de Gahors dans lequel sont conservés de nombreux
documents en langue vulgaire , et entre autres les Coutumes de Cahors.
La publication de ces coutumes commence à la page 241 du vo-
lume dont nous rendons compte. J'y remarque, tout au commen"
cément, 1. 21 de la page précitée, un exemple bon à noter, en
raison delà rareté du phénomène, de conditionnel décomposé:
« E si adresar non o volio, tornar s'en io [11] home de Gaortz. . . »
P. 106. Gastela, lou Parpaillot fahlo. — P. 109. V. Lieutaud. la
Vida de sanl Amador, texte catalan du XlVe siècle, publié d'après
un ms. de la bibliothèque de Marseille et accompagnée d'une tra-
duction ^. G'est une légende grossière, moins édifiante assurément
que ridicule et repoussante, et qui a dû être traduite du latin, car il en
existe ou en a existé une version languedocienne, imprimée à Tou-
louse vers 1520, comme nouslefait connaître le savant éditeur '\ Le
ms. d'où ce texte est tiré renferme en outre de nombreuses pièces
provençales dont M. Lieutaud nous promet une notice détaillée.
P. 16,1. 7, suppl. [eran] entre qui etsis. P. 124, 1. 9 du bas. Exem-
ple remarquable de conditionnel décomposé, avec l'auxiliaire de-
* Nous no mentionnons, comme d'habitude, que les articles intéressant
la langue d'oc et sa littérature.
2 Voy. Revue, XH, 153.
^ Il en a été fait un tirage à part: Marseille, Lebon.et Paris. Delaille.
In-80 de 24 p, et fac-similé.
'• Plusieurs traits de cette légende sont rapportés piU' M. A. Merny
{Ips Libres prêcheurs, p. 101), d'après Jean Herolt, Sermones discipuli . .
cum casibus papalibus et episcopalibus; mais je ne sais si c'est d'Ama-
dor et de sa mère qu'il s'y agit.
PERIODIQUES 1?5
vant le verbe: per que ella nol havia perdre, ce qu'il faut, traduire :
émotif] pour lequel elle ne le perdrait pas, et non, comme l'a fait M. L.:
l't elle de son côté n'avait pas permis qu'il fût perdu. Même page, 1. 4
lu T)âs, M. L. s'est également mépris sur le vrai sens du texte.
Ce n'est pas « quels que fussent ses torts et sa méchanceté ii
mon égard», mais « si vile et si mauvaise que je fusse.» — P. 180,
-1. Gary, lou Mounumen deis souldats del Lot. -■ P. ISi^. A. Hérétié.
Election d'un mounumen oy mouhiles del Lot morts penden la guerre de
1870. Poésies qui ont obtenu, la première, une médaille de ver-
meil ; la seconde, une médaille d'argent, au concours ouvert en
1877 par la Société des Études du Lot. Dans ce même concours,
un prix a été décerné à M. Daymard pour un recueil de chants po-
[)ulaires. C.C.
Mémoires de TAcadémie des sciences, belles-lettres et
arts de Clermont-Ferrand, tome XVll. — 17-30. Rapport sur
les fouilles archéologiques exécutées au sommet du Puy-de-Dôme, avec
un plan. — 41-54. Bouillet, Nouvelles Observations sur la montagne
de Gergovia. On y relève la mention d'un nom de lieu appelé dans
les vieux titres Tiche ou Quiche. La mutation de ^ en t est, comme
on le sait, fréquente dans les dialectes de la langue d'oc. — 65-116.
621-681, l'abbé A. Chaix, Bullaire de l'Auvergne, depuis les origi-
nes de la diplomatique pontificale dans cette province jusqu'à la fin du
XVIII^ siècle.— 11 7-226, 287, 344-441 , 620, Lamotte, Prodrome de la
Flore du plateau central de la France. Il est regrettable que l'auteur
n'ait pas cru devoir nous donner, au moins partiellement, les
noms locaux des plantes qu'il décrit. —227-284,345-440, Mathieu.
le Puy-de-Dôme, ses ruines. Mercure et les matrones, contient des dé-
tails intéressants sur les traditions qui ont rapport aux fées. —
682-692, Francisque Renaud, les Formules arvemiennes, préambule
du travail de l'auteur.
A. R.-F.
Revue de linguistique et de philologie comparée, tomeX.
— 3-33, Charles Schœbel, la Légende du Juif errant. — 169-170, Ho-
velacque. Étude sur la limite géograj)hique de la langue d'oc et de la
langue d'oiljY'a.r MM. deTourtoulonet Bringuier. — 175-185. Edouard
Le Héricher, Philologie topographique. Légende territoriale de la
France, pour servir à l'étude des cartes tojMgraphiques. par M. Peitfer.
— 271-287. Alexandre Maurer, de l'Origine du son articulé.
126 RULLETHS BIBLIOGRAPHIQUE
BULLETIX BIBLIOGRAPHIQUE DE LA LANGUE D'OC
(dialectes modernes)
Année 1875
Almanagh (!') dous paysans, 1875. Mont-de-Marsan, Chaussade.
ln-16, 64 p. 35 c.
Almanach historique de Provence; Revue annuelle, par Alexan-
dre Gueidon, 1875, 2Û« année. Paris, Pion, in-8, 48 p. 1 fr.
Anciens Proverbes basques et gascons, recueillis par Voltoire et
remis au jour par M . Gustave Brunet. Nouv. édit., rev.. augmentée
pt suivie de notes et renseignements inédits. Bayonne, C'azals.
In-8, 31 p. Tiré à 134 exempl.
A Petrarco. Quauquei rimo inedicho mandado au Centenàri
cinquen... Publié par M. L. de Berluc-Perussis. Aix, Remondet-
Auhin. In-8, 14 p.
Armagna Cevenôu per lou bel an de Dieu 1875. Segoundo an-
nado. Alais, Brugueirolle. In-12, 80 p. 50 c.
Ar.mana prouvençau pèr lou bel an de Dieu 1875, adouba e pu-
hlica de la uian di Felibre. An vint-e-unen dôu felibrige. Avignoun,
Roumanille. ln-18, 112 p. 50 c.
Arnavielle (A). A Nosto-Damo de la Gardo, pèlerinage cevenôu
dau 8 de setembre 1875. Alais, Trintignan. In-8, 1 p.
Arnavielle (A.). Per Toulouso, au noum de Dieu, poésie lan-
guedocienne (traduction française en regard). Alais, Martin, ln-8,
16 p.
AssABÉ dei joio baiado ei Vinceire dei Jué-Fiourau de N.-D. de
Prouvènço de Four-Cauquié, lou 13 de setembre 18T1. Fourcau-
quié, Massoun. In-8, 8 p.
AsTRiÈ (Théophile). Les Drames de l'inondation à Toulouse. Pa-
ris, Arnaud et Lahat. In-16, 456 p.
Contient, p. 391 à 399, des extraits de diverses pièces en langue d'Oc
sur les inondations.
Atger. Poésies populaires en langue d'Oc, recueillies par Aimé
Atger. Montpellier, Ricateau, Hamelin et C^ . ln-8°, 68 p.
Extr. delà Revue des langues romanes, t. VI, liv. de juillet 1874.
AuBANEL (Teodor). Discours di Jo Flourau tengu dins la vilo coum-
talo de Fourcauquié, pèr li fèsto de Nosto-Damo de Prouvènço
RUTXETIN BIBLIOGRAPmQTTR 127
(11-12-13-14 (le setèmbre 1875), avec traduction française en re-
gard. Avignon, Aîibanel . In-8'',31 p.
Baldffe (Aui^uste). Bihliojïraphie. Las Vesprados de Clairac.
pèr Gabriel Azaïs. Béziers, Malinas. ïn-8^, 32 p.
Barbe (Paul). Picambril. poëme toulousain en quatre chants.
Précédé d'une lettre provençale de Louis Roumieux. Traduction
française en regard. Toulouse, Bompard. In-8'\ 154 p. 3 fr.
Bessi (J ules), poeta nassional nissart. La Partensa per San-Giouan ,
Canson messa en musico da D. G. (Orfeon Pépin ). Nice, Gilletta.
ln-4'*, 1 p.
Bessi (Jules), ^joeta nassional nissart. Nissa, canson per lou mes
de mai. Nice, Gilletta. In-4° a 2 col., 1 p.
BiDAL, le Musicien d'Issel. Las Farços. dediados à la populaco.
Se bendoun chez el à Castannaoudarry , cariéro de Countrosty. In-12,
24 p. Prex net de! cahié, oO cent.
Ce cahier, le 8' des Farces de Vidal, est paginé 169 à I9î. Il contient ;
le Capela imprudent, l'Ambitiou perd les homes, le Playrejur. Anecdo-
tos comiques ( en vers ;.
Bigot (A.). Li Boiirgadieiro (dialecte de Nimes), 6« édit. Nimes,
Chautard. In-12, 300 p. 3 fr. 50.
Blancard (Jules). A. Petrarca!. .. per soun Gentenaira célébra
à la fou.^n de Vouclusa, lou 18 tgheuyô 1874. Montélimar, Cheynet,
in-8. 10 p.
Blancard (Julesl. Le Rêve d'une nuit d'hiver, poème. Flommage
à l'Helvétie pour son hospitalité envers l'armée française (1870-
1871). Montêlimar , Cheynet, in-8, 32 p.
Contient une lettre de Roumanilie en provençal .
Blanchoun, à' Aies. Lou Carnaval et leis Amourous. Alais, Bru-
(jueirolle, 10-4", 1 p.
Bonaparte-Wyse (William). I Felibre d'Avignoun (chanson).
Avignon, Gros. In-8, 3p.
Bouan (lou) Prouvençaou. Armana doou Var, 1875. Toulon, Cos-
tel, in-16. 16 p.
Boucoiran (L). Dictionnaire analogique et étymologique des
idiomes méridionaux qui sont parlés depuis Nice jusqu'à Bayonne
et depuis les Pyrénées jusqu'au centre de la France, comprenant
tous les termes vulgaires de la flore et de la faune méridionales, un
grand nombre de citations prises dans les meilleurs auteurs, ainsi
qu'une collection de proverbes locaux tirés de nos moralistes po-
pulaires, l'-^ livraison, Nimes, Baldy-Riffard. Gr. in-8 à 2eolonnes,
40 p. Chaque fascicule 1 fr.
128 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
BouDON {W.). Lou voulen et l'ouren, chanson. Avignon, Seguin.
In-8, 2 p.
BouENO-VoYO. Déclamatien (vers). Marseille. Cayev. ln-8. 4 p.
BouRRELLY (Marius). Poesia provenzal dedicada à la Asociacion
literaria de Gerona, con motivo del certamen de 1875 (avec la tra-
duction espagnole). V. Dorca, s. 1. n. d. Gr. in-8, 4 p.
Calamitat (la) de Garono méso en bersés patouèses pel faouré
dé la magistèro. Toulouse. Delhoy. In-8°, 8 p. 15c.
Castela (J.). Caoussado (vers). Montauban, Forestié. In-16, 3 p.
Chants populaires recueillis dans la vallée d'Ossau, par le comte
de Puymaigre. Nogent-le-Rotrou. Gouverneur . ln-8°, 16 p.
Extraits de la Romania.
Chastanet (Auguste). Lous Bouqueis de la Jano. Pouème peri-
gourdi, couronnât pellaSocietat de laslengas roumanas,de Moun-
pelher, lou 31 mars 1875 (avec la traduction française). Périgueux,
Dupont. In-S", 30 p.
Chevret (Ed.). La Lazaréïde, ou le Jeu de bataillon. Poëme épi-
que, local, enfantin, satirique et tragi-comique, mêlé de mots pa-
tois, avec prologue et épilogue. Marseille. Doucet. In-8°, 16 p.
25 c.
Cinquième Centenaire de la mort de Pétrarque, célébré à Vau-
cluse et à Avignon les 18. 19 et 20 juillet 1874. Fêtes littéraires et
internationales (avec les discours, rapports et poésies des concours
français et provençaux). Avignon, Roumanille. ln-8o, 294 p. 4 fr.
Concours philologique et littéraire de la Société pour l'étude des
langues romanes. Année 1875. Séance solennelle du 31 mars.
Montpellier, Imprimerie centrale du Midi. In -8°, 8 p.
.CouRTATS (S), membre fundadôi' de la Societatper las llengas romanas
de Montpeller, premi dels Jochs forais de Beziers. Dolsuras. La Pe-
dregada y la dotzena d'en Pau XIII, poemas ccmics. Banyuls-dc-
Mer, l'auteur. In-8o, 16 p. 60 c.
Deuxième Centenaire de Saboly, célébré à Monteux (Vaucluse)
le 31 août 1875. Avignon, Seguin. In-8o, 69 p. et portrait. 1 fr. 50.
Récit de la fête, discours, brindes, liste des lauréats du Concours lit-
téraire, liste des souscripteurs, etc. Buste de Saboly.
Durbec ( F. -H.). La Tourré de Babéou. ou la Franco en révo-
lutien, suivido dé la Guerro émé la Prusso. Dialoguo en très par-
tidos, entré Blai d'Allaouch, Tounin d'Aoubagno et François dé
Marseilho. Marseille, les principaux libraires. In-18, 35 p.
FuizET (M.). Li Fueio nouvello, poésie. Montpellier., Imprimerie
centrale du Midi. In -8°.
Extrait de la Revue des langues romanes.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 129
Gagnaud (A. de), pseudonyme de M. L. de Berlue- Perussis. Dous
Nouvè latin inedi, de Fourtunat Pin, courouna en At e Moiintèu
i .lo flourau de la fésio de Saboly. Montpellier, Ricateau, Hamelin
et O. In-8o, 15 p.
Garnier (dom J.-B.)- M.-B, Santo Escoulastico; Avignon, Rou-
manille. In-8o, 12 p.
EsïAMAÏRE (1'), ou li Régré dou mariage (vers), par J . L., suivi
de: le Chèvrefeuille (vers), par Alphonse Achardy. Nimes, Chau-
tard, Catelan, Chambourdon et Ollé. In-S», 4 p.
FABRE(Binjaminj. La Partido de casso à la mar, pouëme qu'a ga-
gnât la prumieiro medalho d'argent al councours de uoslre Soucie-
tat arqueouiougico, scienlifico e litterario. Béziers, Malinas. In-8o,
31 p. 1 fr.
Fabue (Ferdinand). Barnabe. Paris, Dentu. ln-12, 482p. 3 fr. 50.
Ce roman contient une chanson en languedocien.
Fabre (Hyacinthe). Paoura França. Discourt sur traitât de paix
infâme que la Prussa oh exigeât en nou.s salcheu trayts. Lodève,
Corbière. In-8o, 4 p.
Fabre (Hyacinthe). Mémoire de la campagne àe.s mobilisés
de la première légion de l'Hérault. Souvenir à me.s frères d'armes
(vers patois). Lodève, Corbière. In-8", 24 p.
Fabré (Hyacintha). Désespouer d'un cultibatou attaquât day
philocxera (vers). Lodève, Tiffy-Jullian. In-8", 7 p.
FouRÈs (Auguste), fja Grouès de l'inoundaciu. CastannaucCarri.,
Chavard. In-8o,24 p. Prêts: dèts sous.
Franc (lou) Prouvençau, almanach de la Provence pour 187G.
!■■« année Draguignan, Laugier. In-16, 144 p. 50 c.
Frayces (Ferdinand), de Nimes. Lou Baptèmod'un rayoou. Lou
Mestre d'cscoulo ous a dit. Baptistou lou Counscrit; scènes comiques.
Nimes, Vauteur, musicien. In-8o, 12 p.
Gaut(J.-B.). Sounet, Souneto e Sounaio. em'uno Sounadisso
de Frederi Mistral. A-z-Ais, Remandet- Aubin . ln-12, 128 p.
Gaut (J.-B.). Lei Mouro, dramo en très ate e en vers, mescla
de cantadisso. Aix, V' Remondet- Aubin, ln-18, 99 p.
Giron (Amat). L'Ami dei buon Dieu, premiè près au Centenari
de Saboly, en Ate( Vau-cluso). Alais, Brugueirolle. Li-8°.
Extr. de VArmana de Lengadà.
Gras (Félix). Raport sus li Jo flourau d'At (25 juliet 1875),
avec la traduction française. Avignoun, Maillet. In-8", IG p.
Grimoèro. La Scienci du paisan douphinois (vers en patois),
par***. Grenoble, Baratier frères et Dardelet. In-8o, v-159 p.
130 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Gros (Charles). Aou grand poë ta Mistral (simple hommage de
l'auteur); Per dé que parlant pas pus patouès (vers). Montpellier^
Pujolas. ^1-4° à2 col., 1 p.
Gros (Gh.). Ma Grand! ! ! Gansounétapatouèsa, air : Grand'mère
qui connaît la chose; chantée par M. G. Hippolyte. Montpellier,
chez l'auteur, cours des Casernes, 28. In-4o à 2 col., 1 p.
Gros (Charles). Per lous inoundas ; hymna cantada à la caval-
cada de Mounpéié. Montpellier, Firmin et Cahirou. In-4*, 1 p.
Gros (Charles). Una nioch à Palavas, barcarola cantada aoù fes-
lival d'aoù Peyrou. Montpellier, Firmin et Cabirou. In 4°, 1 p.
Gros (Charles). L'Inoundatioun de Toulouza en 1875. Au proutit
das inoundas daou Miejour. Montpellier, Firmin et Cabirou. In-S».
8 p. 25 c.
Cette pièce de poésie a eu un grand nombre d'éditions.
Gros (Charles). L'Inoundatioun de l'Héraou en 1875 (vers). Au
proulit das inoundas daou départamen. il/o?i//:»eZZ4er, Firmin et Cabi-
rou. In-8o, 8 p. 25 c.
La troisième édition de ce poëme a été revue et corrigée.
GuisoL (J.). Poesia nissardi ollerti ai niieu souscritour. Nice,
Gilletta. ln-8o, 8 p.
GuisoL (F). Épitre supliant au gran sitoyen Thiers. Nice, Verani.
ln-4o, t p.
Guisol(F.). Poesia nouvcli. Avis impourtant au pople moun
fraire. Una comision per rire. Épigrama. Nice, Gilletta. in-fà 3 col.,
Ip.
HouNOU à l'agricultuda. Cansou patouéza. Loc^ève, Corbière. In-4''
à 2 col., 1 p.
Itinéraire et ordre des cérémonies pour le Pèlerinage diocésain
de Nimes à N.-D.-de-Fourvières et à Paray-le-Monial, 27. 28, 29
et 30 juillet 1875. Nimes, La/are. In-8», 16 p.
Contient à la page 8 un cantique provençal par M. Bard : Cor sacra,
perdouno-nous.
Jaudry (A.), maître de pension à Rochechouart. Pus d'einueï.
Poésies patoises, comprenant les principaux traits de la vie de
Champalimau, Bounéfan, Burgou, Mouret, etc. Limoges, veuve
Ducourtieux. Iu-12, 10 i p.
Lavergne (Bernard), ancien représentant dupeuple. As paysans.
Lou Récensomen dés tsabals. Lous Homes dé la réserbo. Cal un
goubernomen. Albi, Nouguières. In-12, 34 p.
Léotard (S.). Bulletin bibliographique de la langue d'oc (dia-
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 131
lectes modernes), pendant les années 1872, 1873 et 1874. Montpel-
ler, Imprimerie centrale du Midi. In-8, 16 p. 1 fr. 50.
Lespy (V.). secrétaire général de la préfecture des Basses- Pyrénées
en retraite. Dictons du pays de Béarn. Pau, Rihaut. ln-8, xii-297 p.
Tiré à 102 exemplaires.
Libre (lou) de la Crous de Prouvènco. En Avignoun, Eoumanille.
In-16, 160 p., 2fr.
LiEUTAUD (V.), hiblioutecàri de la ciéuta de Marsiho. Brinde pourta
dins lou banquet oufert i felibre pèr la vilo de Mount-pelié, lou
31 de mars 1875. Mount-pelié, Ricateau, Hamelin e Ce. In-8, 8 p.
Maurel (Ant.). Le Mystère de la naissance de N.-3. Jésus-
Christ, pastorale en cinq actes, en vers provençaux, contenant :
Hérode et les Mages, poëme dramatique, par M. le baron G, de
Flotte. 3« édit., rev. et corr. Marseille, l'auteur, rue du Refuge, 25.
ln-16, 152 p.
Mengaud (L.). Pastorale languedocienne; traduction d'A. Lo-
mon, musique de G. Rupès. Paris, A. Leduc, avec accompagne-
ment de piano, 5 fr. — Sans accomp., 1 fr.
Musique vocale.
Mes (lo) de Maria, ossia lo Mes de mai consacrât à Maria Santis-
sima. Gonsiderassion de G. -P., sac. obi. de M. Y. Nice. Caisson et
Mignon. In-i6, 192 p-
MiR (Achilo). L'Inoundaciu! cant de dol. Se bend al prouflt das
inoundats. Carcassonne^ Polère. ln-4o à 2 col., 1 p.
Mistral (Frédéric). Mireille, poème provençal, avec la traduction
littéraire en regard; 6* édit , rev., corr. et accomp. de notes et ar-
guments. Paris, Charpentier. In-12, vni-511 p. 3 fr. 50.
MiTROUN (lou) amourous. Grando lamentatioun per estré débi-
tado din li mazet, per J. L. Nimts, Bal.ly-Riffard. In-8'', 1 p.
10 c.
Molinari (Pierre), ex-chef d'orchestre de la salle Valentino. Lou
Massacré de la mar fa per leis homes de l'art, ou la Destruction des
peis. Marseille, Samat. In-S", 8 p. 25 c.
MoNTRAND (Maxime de). Jasmin, poète d'Agen. Étude biographi-
que et littéraire, 2' édit. Paris, Lefort. In-12, 142 p. et grav.
NoELs béarnais et français jtopulaires dans les Pyrénées, avec
accompagnement de piano, par MM. R. Baillot, P. GasimirJana,
P. Chabeaux, A. Dariès, E. Durand, J. Durantoy, etc., etc., re-
cueillis ei publiés par P. Darricades, directeur de l'École primaire
13? BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
de Pau. Texte et musiiiue. Pau, les lib. et marchands de musique.
2 V. in-S».
NosTRO-D.\MO-DE-LuMiEno. Cantique. Avignon, Auhanel. In-8o,
2 p.
NouuRY(Paul). Li Niéros. Cançouneto patoiso. Carpentras, Prière.
ln-4o, 2 col., 1 p.
Pèlerinage à Nostro-Damo-do-Luiniero. Avignon, Séguin. ln-8°
à 2 col . , 'i p .
Petrarco. L'Aura gentil. Sounet CXLII. Traducioun prouven-
çalo de Madamo Roso-Aiiaïs Roumanille (Je tlourau d'Avignoun,
juliet 18. 4 ). Avignoun, Seguin. In-8. 4 \k
Papier vergé.
PrGHO (li) Gréba, saliro, par l'auteur du Manovro amourous; 2'^ éd.
Roger et Laporte. In-8", i p.
PoNCY(Gh )Soavé,ni delà Gardo naiiounalo. L'Enchouyailo (vers;.
Toulouse, Mihière. ln-32, vui p.
Premier Recueil des chants favoris exécutés par les Chanteurs
montagnards béarnais. Rennes, Obcrthur. In-S" à 2 col. 8 p.
Recueil de Chansons patoises. (Lous Tirairés. — Lis Aoureillas
dé Mario. — La Fille de l'escoubillé). Marseille, Cainoin. In-S°, 4 p.
RicH.\RD. Las Noças de Jauselou Roubi, Comédie dauphinoise
(sous-'lialecte de Triéves, 1815 à 1820), publié par M.Ch. Revil-
lout. Montpellier, Imp. centrale du Midi. Li-8°, 31 p.-
Extrait de la Revue des langues romanes.
RouMtEUX (Louis), président de la Soucietci de Sant-Jan-de-la-Crous.
La Gansoun de Sant Jan-de-la-Crous. Brinde à Sant Jan-de-la-
Grous. Nîmes, Baldy-Riffard. In-8", 4 p.
RouMiEux (L). A Sant Jan-de-la-Grous, chanson, Nîmes, Rou-
mieux. In-5°, 2 p.
RouMiRux (Louis). Belli Santo (vers). Avignon, Auhanel. Lî-8",
4 pages.
RouMiEux (L). Cansoun nouvlalo. Nîmes. Baldy-Riffard. In-8'',
4 pages.
Roux (Joseph), di Tullo. Pey cinquième Centinare di Petrarco
0 Petrarco. Sounet in lingaje neu-rouman liuiousi, counio se parlo
0 Tullo. Tulle, Bossoutrot. In-4°, 3 p.
Sans {i\i\\\ov), felihre delà Naoeto. Beit telados. Paris, Ubr . des
Bibliophiles. Li-12, 50 p., 2 fr.
Seh.mon (lou) deu curé de Bideren (X"VIII« ségle), publicat per la
prumére betz. Pau, Ribaut. In-S", 16 p.
Tiré à 104 exompl.
KT'LLETIN lîIIÏÏJOi iRA PIITQUE 133
SoiRÈKs du Midi. Douze morceaux de chant; paroles languedo-
ciennes de L. Mengaud, ])aroles françaises de M**', avec accom-
pagnement de piano, par E. Rey. Paris, L. Escudier. (Musique vo-
cale.) 10 francs.
TniQUETr (Henry de), président du Comité de patronage, etc., de
l'Église réformée de Paris. — Les Ouvriers selon Dieu et leurs œu-
vres, suite de discours adressés aux jeunes apprentis (17* série :
Jasmin. Les Œuvres de la force. Correspondance. Frédéric-Au-
guste (de Metz). Paris, l'auteur, rue Pigalle, 15. In-18, 141 p.
Une journée du mois de mai à la campagne. Les insectes.
Espoir et Souvenir. Mouu idéal. Mon idéal. Poésies, par X
Rodez, Ratery. ln-8^ 16 p.
Extrait des Mémoires do la Société des lettres, sciences et arts de
l'Aveyron, t. X.
Yasch.vlde. Dictons et SobriijLiets populaires dn Vivarais. Mar-
seille. In-8°.
Vasch.\lde. Anthologie patoise du Vivarais (documents i:iédi(s).
Montpellier, Coulet. ln-8°, 48 p.
Tiré ù 200 exemplaires.
Vaschalde. Nos pères. Proverbes et maximes populaires du Vi-
varai. Privas. In-8".
Verdie (M pste), ^joé7e «/a-scort. CËavres complètes. 10^ édit. Bor-
deaux, Goudin. ln-12, 219 p. et vign. 3 fr.
IdexM, 11« édil. Bordeaux, Lacoste. In-12, 219 p. et vign. 3 fr.
ViLo-Novo d'Esglapoun (lou comte Crestian de), dôu felibrige .
Lei Jue tlourau de Fourcauquié, 13 de setèmbre 1875. Kaport .sus
lou Councours. Montpellier, Ricateau., HamelinetC^. ln-8". 14 p.
LE PARAGE A MAGUELONE
Le Statut félibrin* de Forcalquier-, rédigé au commencement de
l'année 1877 par M. de Berluc-Pérussis, disposait que les séances
des membres de l'Ecole des Alpes se tiendraient tous les trois
mois dans un lieu poétique, ou qui rappellerait quelque souvenir
provençal. Tel fut le motif qui détermina les sept fondateurs du
Parage à choisir pour leurs lieux de réunion un même nombre de
points contenus dans le rayon du langaiz:e de Montpellier, c'est-à-
dire l'ancienne île de Maguelone. le pic Saint-Loup, les bois de pins
qui s'étendent en avant de Montferrier, non loin d'une partie de
l'aqueduc de Saint-Clément: la montagne de Saint-Clair, à Cette;
la grotte des Fées 3, près de Ganges: le bois de Puéchabon et la
baronnie de Lunel.
Le clioix de ces sept lieux, de réunion, le rappel dans un sens
plus large, et plus décidément latin surtout, des paroles inscrites
en tête du statut de 1862; l'obligation d'écrire et de remettre en
honneur le dialecte propre de chaque ville du Midi, constituent les
caractères de ce qu'il est permis d'appeler le féli.brigc languedo-
cien ; car, il importe de ne pas l'oublier, la transformation (ju'a
subie la grande association méridionale, le 21 mai 1876, eut son
1 On dit ordinairement félihresque : me serait- il permis de motiver
une préférence à l'égard de la terminaison normale et courante en in
{(élibrin). par ce fait que celle en e^que est une sorte d'exception dans le
français et qu'elle est presque toujours prise on raillerie ou à mauvaise
intention [grotesque, pittoresque, burlesque, picaresque)"!
On ri il aussi au féminin félibrenque, que rien ne justifie, attendu que co
terme est le gascouisme ou, plus exactement, le provençalisme de feli-
brenco.
Félibrée, substitué pour la première fois (1877), dans le Journal de For-
calquier et la Revue des langues romanes, à la forme presque barbare
de félibrejade, a engendré à Aix-en-Provence l'adjectif félibréen, enne,
dont il serait difficile de prévoir, à l'heure qu'il est, la fortune linguisti-
que.
- Voyez Revue, janvier 1877. p. 55.
3 La bauma de lai Dunmniselas, que l'on traduit assez improprement
par grotte des Demoiselles. Doumaisela est synonyme de fée, en beaucoup
d'eadroits.
LE PARAGE A MACiUELONE ISS
point de départ dans la réunion que les félibres du Languedoc tin-
rent à Montpellier le 4 novembre 1875, le jour même où l'école
de cette ville était fondée sous la présidence de M. Charles Cava-
llier. Le statut de l'École ne devait être rédigé que plus tard, le
23 mars 1877; mais l'Ecole elle-même, désignée depuis sous le nom
de Parage^ , est la plus ancienne du midi de la France.
Les souvenirs liistoriques et légendaires qui « auréolent » si bien
le sol de l'ancienne métropole religieuse de Montpellier, l'admirable
situation de son église, placée sur une légère éminence, au centre
d'un paysage à demi montueux, à demi maritime, dont la ville de
Montpellier, la chaîne de la Gardiole, \"illeneuve-lez-Maguelone,
les étangs, les premières croupes des Côvennes et le pic Saint-
Loup, Aigues-Mortes et le phare de l'Espiguette, constituent les
horizons divers, la saison déjà très-avancée, et, pour ne pas omet-
tre un des [irincipaux attraits du lieu, la gracieuse hospitalité de
M. Fabrége, décidèrent M . Cavallier à tenir la séance d'inaugu-
ration dans la presqu'île magalonaise, le dimanche \'è novembre
1877, à neuf heures du matin.
La réunion devait être favorisée par une de ces merveilleuses
journées que l'été de la Saint -Martin réserve souvent à notre ré-
gion. Elle comptait parmi ses membres : Mgr Roverié de Gabriè-
res, l'éloqnent évêque de Montpellier, qui avait bien voulu ac-
cepter récemment le titre de mainteneur du Félihrige; MM. W.-
C. Bonaparte-W'yse, arrivé depuis quelques jours de ses terres de
Waterford, en Irlande, pour s'asseoir, selon ses poétiques expres-
sions, « à l'ombre des caryas - visionnaires de Maguelone » ; Rou-
manUle, qu'il suffit de nommer et que l'on voyait pour la première
fois à Montpellier depuis que les études romanes y avaient repris
Javeur ; Louis Roumieux, l'auteur de la Rampelado et de la comé-
die des DosLehre, le plus vif et le plus prime-sautier peut-être des
félibres de la Provence ; l'aimable et érudit président de l'Athénée
de Forcalquier, Léon de Berluc-Perussis, poète, écrivain et orateur
également autorisé en français comme en provençal ; Auguste
Verdot, l'auteur des vers si connus ef si touchants: A Eiguiero;
i C'est à M. Charles Revillout. professeur à la Faculté des lettres et
président de la Société des langues romanes, lors de son premier con-
cours triennal de 1875 que l'on doit le choix de cette appellation.
* Allusion à l'agréable supercherie littéraire de Moquin-Tandon: le
Cariia Manalonensis, ou le Noyer de Manuelone, avec la traduction fran-
çaise en regard, ï" édition; Montpellier, Boehm. 1844; in-12.
136 I.K PARAGE A MAGIKI.ONE
Christian de Vilieneuve-Esclapon, d'Aix-en-[*rovence, el Albert
Arnavielle, d'Alais. La Société archéologique de Béziers y était re-
présentée par un de^es correspondants, M. Camille Laforgue, de
Quarante, que le soin d'un des j)Ius riches vignobles de l'Hérault
n'a jamais distrait des recherches historiques et de la poésie.
MM. les abbés Gervais et Rédier, secrétaires de M^r de Gabrières:
Sarran, Mie Keittinger, le président Maxime de la Baume, Henri
Delpech, qui venait de terminer dans les archives de Rome et de
Barcelone les recherches nécessaires à la publication de sa belle
et savante monographie de la bataille de Muret; le docteur Espn-
gne, Antonin Glaize et Boucherie, trois noms qu'il est inutile de
recommander auprès des lecteurs de la Revue; Cantagrel, prési-
dent, et Alphonse Roque- Ferrier, secrétaire de la Société pour
Vétude des langues romanes; Jules Gaussinel, l'auteur du poëme d'^i-
dona*, sorte de synthèse épique de l'humanité, dans laquelle tous
ceux qui ont ennobli la condition de l'homme ou en ont charmé les
tristesses, sainte Agnès, sainte Cécile, le Dante, saint François
d'Assise, Raphaël, Milton. les saints aussi bien que les poètes,
sont considérés comme les descendants d'un ange que Dieu in-
carna ici-bas pour y remplir une mission de relèvement et de lu-
mière: Charles Gros, le poète populaire de Montpellier; l'abbé
Douais, l'annaliste du conciliabule arien ^ tenu à Béziers en 356.
— sous la présidence de Saturnin, d'Arles, Libère étant pape; Con-
stance, empereur, Julien, César , et Numérus, gouverneur de la
Gaule narbonnaise; — l'abbé A. Rouet, à qui la Société archéologique
de Béziers avait, quelques mois auparavant, décerné la plus impor-
tante de ses récompenses historiques pour un travail sur l'Ecole
juive de Lunel. dans lequel il avait réuni une foule de détails cri-
tiques et bibliographiques sur les médecins et les interprètes de la
Bible et du Talmud, que cette ville possédait aux XIP et XIll*' siè-
cles 3; le peintre Edouard Marsal, dont le crayon fécond et spiri-
tuel a si bien rendu les burlesques ou comiques inventions de l'abbé
Favre dans le Siège de Cadaroussa et ïlstouera de Jan-l'an-pres'' :
' Abdona, poëme en trenle-deux chants. Montpellier, Seguin, 1877; m-
12, ix-472 pages. Ce poëme est le développement d'^i^dono, histoire d'un
ange, que l'auteur fit paraître en 1873. Montpellier, GroUier, in-S";
•")3 pages.
- h' Enlise des Gaules et le Conciliabule de Béziers, tenu, en l'année
356. etc. Paris, Oudin. 1875, iu-8o, viu-107 pages.
' Etude sur l'Ecole juive de Lunel au moyen âge, par l'abbé A. Roiiet.
Paris, Vioweg, 1878, in-8«, vn-65 paget-, avec un plan.
' Obras lengadoucianas de J.-B. Favre, nonvela edicioun illustrada,
pèr Ed. Marsal (lom. 1). Mounlpeliè, Marsal, 1877; in-8°, lig. et l'an-simile.
lh; taraok a magt'ki.onI': 13 j
telles étaient les personnes que la ville de Montpellier comptait à la
première assemblée du Parage.
Les lettres d'adhésion adressées par les membres que l'éloigne-
ment, les occupations ou la maladie avaient retenus loin de Maguo-
lone, étaient fort nombreuses. MM. Gabriel Azaïs, Junior Sans
et Bonnet, de Béziers ; Astruc, Bistagne, Lieutaud et Tavan, do
Marseille: Mir, de Garca'îsonne; Descosse et l'abbé Emile Savy,
de Forcalquier; Gleizes, d'Arles; Guillibertet Frizet, d'Aix-en-Pro-
vence; Aubanel, d'Avignon; le docteur A. Roux, de Lunel-Viel;
Légier de Mesteyme.d'Apt; Deloncle, de Toulouse; Barbe, de Bu-
zet ; Albert de Quintana, de Tourtoulon ot de Ricard, étaient de
ceux-là. Presque tous cependant avaient envoyé des vers dont la
lecture ne fut pas un des moindres succès de la journée.
En arrivant devant l'église de Maguelone.le Gapiscol* du Parage
adressa à Mgr. de Cabrières quelques mots en languedocien, où il le
remerciait d'avoir consenti à rehausser de sa présence la première
réunion de l'École de Montpellier:
u En memoria de nostes reires, aven vougut, dit M. Gavallier, planta
lou jardinet dau Parage. dins l'illa de Magalouna, sus lou ribairésdola
mar linda ounte se miralha tant ben lou ciel mount-pelieirenc; l'aven
vougut planta à l'assousta de la tremountana, ras d'aquela gleisa roumana
ounte cha^^a peira retrais un precious souvenir. »
L'évêque de Montpellier répondit à ce compliment par les plus
aimables paroles. Peu d'instants après, la messe était dite par lui
dans l'église de Maguelone -. Sous l'éclat de la lumière à demi voilée
({ueleur envoie les fenêtres étroites de la nef, les murs de celle-ci
présentaient tout d'abord à l'œil, avec l'austère et religieuse nudité
qu'on leur a justement conservée, leurs colonnes à chapiteaux dé-
rivés du corinthien, leurs tombes épiscopales et, au fond du chœur,
' Cabiscàu, en languedocien et en provençal, littéralement chef de l'école.
Le Capiscol était le doyen d'un chapitre dans quelques provinces {Diction-
naire de l'Académie franraise, Lyon, Joseph Duplairi, 1777). Il en était à
peu près de même en Espagne. Le Libre dels [eijts d'armes de Calalunha
(ch. xxiu, p. :5"20-327, cité par Henri Delpech (la Bataille de Muret; Paris,
Picard, 1878; in-8°,xvi-154 pages), mentionne au nombre de ceux qui. par
leurs contingents, contribuèrent militairement à l'expédition de Mnjorque
en 1229, « l'abat de Sanct Feliu de Gerona e l'abat de Ripoll, el cabisco 'le
Barcelona. . . e moites altres ecclésiastiques persones. ...»
2 Voyez, sur l'intériour de l'église de Maguelone, Renouvier. Monuments
de quelques diocèses du bas Languedoc; Adolphe Ricard, la Réconciliation
de Maguelone {M in'mlSlb'i. ptc.
138 LE PARAGE A MAGUELONE
les magnifiques tentures rouges données par M"»» Fabrége lors
de la réconciliation du t i juin 1875. (^e fut l'impression première
qu'en reçurent toutes, les personnes présentes. Selon l'usage des
basiliques romaines, remis en pratique à Maguelone, parce que son
église releva directement du Saint-Siège au moyen âge, l'évèque
officia le visage tourné du côté de l'assistance, composée cette fois
des félibres, de quelques fidèles venus de Villeneuve « et d'une
» petite escouade de douaniers gardes-côtes, image bien modeste de
» l'appareil militaire dont ces mêmes lieux avaient été témoins dans
» les siècles passés'. » Le silence de la vieille basilique n'était in-
terrompu que par les mélodies éloignées d'un orgue-harmonium
place dans l'ancienne tribune des chanoines, et tenu avec une dis-
tinction très-remarquée par M™* veuve Martin, de Montpellier'-.
A dix heures et un quart, à l'issue de la messe, des sièges furent
apportés près du mur sud de l'église, en face du soleil levant et
de la mer, et occupés par l'Evêque de Montpellier, MM. Cavallior,
Bonaparte-Wyse, Roumanille et les autres membres de la réu-
nion. La séance littéraire se tint donc, non pas à table, comme on
l'avait fait jusqu'ici dans les autres félibrées, mais en plein air, au
bord d'une allée de pins maritimes, aux émanations aromatiques
et salubres. M. C-avallier lut tout d'abord le statut du Parage. Les
formules poétiques, presque ternaires, de cette pièce, entièrement
rédigée en languedocien, rappellent, dès le début, l'ancien statut
du Félibrige, tel qu'il fut arrêté en 1862, à la suite des fêtes pro-
vençales d'Apt :
L Lou Félibrige es establit peramor de garda lou parla rouman, sa li-
bertat e sa voia naturala; lou Félibrige es gai, amisladous e frairenau,
pie de simplessia e de franquessla.
Ten en ferme perpaus lou chale de soun bres nadalenc, de la França
e de la terra lalina.
Soun vi es la bèutat, soun pan es la bountat, e soun cami la
veritat.
A lou sourel per regalida, tira sa sciençia de l'amour e fisa en Dieu sa
prima espéra.
' Nous empruntons les lignes guillemetées à une relation de la (ète
destinée à un journal de Monlpeilier, et non imprimée.
2 M. Louis Lambert, si connu par ses recherches sur la musique popu-
laire du Midi, avait ou la j.ensée fort heureuse de jouer, pendant la célé-
bration de cet office, quelques-unb des anciens airs historiques du Lan-
guedoc ; une indisposition le retint malheureusement à Montpellier
le 18 novembre.
LE PARAGF, A MAGUELONE 139
Serva soun odi per ça qu'es odi, aima r recampa ra qu'es amour '.
II. En causa daquel prefache per fin qu'es pas soulamentfclibre aqui 1
que se capita troubaire eque canta, mais tantben lou que sap lou noum
das sants, das princes e das omes de Prouvença, -louque se sentis grandi
davans l'obra dau Pugot ou que tresana au raconte de las balalhas de
Mountcalm, de las vitorias de Sufren e de la mort d'Assàs, aquel que
sus la peira, per lou cant e la parladura, cnaura mai que mai lou chale
de soun bres nadaleiic, de la França e delà terra latina^;
Lous set Mount-pelieirencs que se rencountreroun de cor lou quatre de
nouvembre mila ioch cent setanla-cinq. es à dire Anatoli de Boucherie,
Beneset de Gantagiel, Adèufe d'Espagne, Antouni de Glaize, Louvis de
Lambert, Caries, baroun de Tourtouloun e Anfos de la Rocca, s'acor-
doun per estituir, embé Caries de Cavallier 3, una escola felibrenca que
sera dicha lou Parage.
En memoria das set troubaires de Toulousa e de Barcelouna, on nic-
moria tant ben das set felibres de Font-Segugna *, lou gouver d'aquela
escola es tengut per un cabiscôu e set magislres que se renouvelissoun
eleigiblamenl de très en très ans.
Loii Parage causis, dins Mount-peliè soulet, quaranta-nàu socls, e lou
même noumbre encara dins las parladuras que retrasoun lou milhou sa
lenga naturala. Lous magistres qu'an lou gouver tersenau soun toujour
de Mount-pelieirencs.
' Le premier statut du Félibrige s'exprimait ainsi :
Art. l . Liou Kelibrige es establi pèr garda longo-mai à la Pronvènço sa
lengo, sa couleur, sa libertade gàubi, soun oiinour naciounau e soun bèu
rèng d'intelligènci ; car, laio qu'e?, la Prouvènço nous agrado. Entenden
pèr Prouvènço lou miejour de la Franco tout en entiè.
Art. ï. Lou Félibrige es gai, amistadous, frairenau, plen de simolesso e
de franquesso.
Soun vin es la bèuta, soun pan es la bounta, e soun camin la verita .
A lou soulèu pèr regalido, tiro sa sciènci de l'amour, e bouto en Dieu
soun espérance (Armana prouvençau, de 1863, p. 108).
2 Presque entièrement pris du discours d'Aubanel à Forcalquier (1875).
3 Dans l'onomastique du dialecte de Montpellier et dans celle du proven-
çal, la préposition de n'a pas de valeur nobiliaire; elle exprime un rapport
de filiation ou d'habitation. Ainsi, par e.Kemple: Jan de Gnunfaroun (Mis-
tral,/5do d'or. l8),Ja7i de la Valado (titre des poésies de Victor Bourrolly,
Jan de Fourcada, dans les Amours de Mountpeié , de Rigaud ( Obras,
cQumple(ns d'Aug. et de C. Rigaud (Montpellier; Virenque, 1845, in-lî,
p. 73), Louinset de Rouinion, dans les Bourgadieiro, de Bigot, etc. On pour-
rait citer, à Montpellier même, les noms courants et tout à fait réels de
Louis de Seba, Jan de Housset. Jan de Magot, etc.
♦ Ancien château de jilaisance des ducs deCadagne; lu se réunirent les
sept premiers felibres : MM, RoumaniUe. Mistral, Aubanel. Glaup (dont
les poésies ont été publiées dans le recueil Un liame de rasin, Avignon,
RoumaniUe, 1865; in-12), Cpousillat, Mathieu et Tavan.
140 LE PARAGE A MAGUBLONE
Lons socis dau Parage s atroboun set cops l'an dins l'un ou l'autre de
sous sel rodou? d'unimont, qu(i soun, en desjiarl de Moiint-peliè, l'illa de
Magalouna, lou pioch do Sant-Loup, la Bauma de las Doumaiselas, lou
pioch de Sanl-Clar, à Seta ; la pineda de Mount-ferriè. lou bos de Pecha-
bonn e la barouniè de Lunel. Bevoun lou vi d'un même gol <à l'acoumen-
çament ou à la fenicioiin de toutas sas sesiihas
En mai de sous asempres ourdinaris e cada annada que ie plai, lous
socis qu'an lou gouver tersenau podoun donna de joias. Lou gagnaire
dau pres-mage causis la reina de la Court e ten de sa man la Qou de per-
venca, que sera dins tout tems la permieira joia dau Parage de Mount-
peliè !
III. Estent que la parladura mount-pelieirenca es clara, franca e
naturala, e que lavoulen mantene à toujour clara, franca e naturala.clogus
pot se seire dins lou Parage, se noun a lou ferme perpaus d'oscrieure
mai que mai la parladura de Mount-peliè e de n'acreisse l'espandiraent e
la fourtuna. Parieirament degus se pot seire dins la tioira das qua-
ranta-nôu socis causits en fora de Mount-peliè, se noua oscrieu una par-
ladura que retrague, couma una sorre reirais sa sorre, la parladura dau
Parage de .Mount-peliè.
Dieu mantengue longa-mai lou Parage de Mount-peliè!
On voit, par le préambule de ce .^^tatut, que la France, et natu-
rellement la langue fi'ançaise, gardent dans le Parage un rôle plus
grand quedans les autres écoles du Félibrige. La raison en est, à la
fois, et dans ce fait que le Languedoc fut, de toutes les provinces
du Midi, celle où les tiaditions d'unité linguistique eurent le moins
de force, et surtout dans la remarque, déjà faite ailleurs *, que la
culture parallèle et réfléchie de deux langues n'était pas, comme
on l'a presque toujours cru, une source de corruption pour l'une
et pour l'autre. Celte double particularité explique qu'un membre
de la maintenance d'Aquitaine, M. ie docteur Louis Folie-Des-
jardins, ait fait agréer les poétiques excuses de son absence par des
stances françaises, qu'une regrettable omis.'^ion empêcha seule de
lire après le statut.
En voici le passage principal:
Seul, le temple est debout; Dieu seul habite ici;
8eule, l'ombre de Madeleine,
Au souvenir des pleurs versés, anime ainsi
Cette solitude lointaine.
Vous ne pourrez donc pas, Pontifes d'autrefois.
Sur le smiii de ce temple auguste,
• Ch. de Tourloulon et Octavien Bringuier, Ètade sur la limite géo-
graphique de la langue d'oc et de Ui langue d'oil, in Archives des mission'i
scietUifuiues, iom. III do hi iroir^icme série, p. 586,
LE PARAGE A MVCtUELONE III
Mitres, la crosse on main, précédés de la croix.
Teinte à jamais du sang du juste,
Recevoir votre saint et zélé successeur
Et lui dire la bienvenue,
Et bénir de vos mains le vénéré pasteur
Et l'élite avec lui venue.
Pour consacrer au pied do cet antiqiio autel
La poétique renaissance
De notre vieux parler, désormais immortel
En Languedoc comme en Provence !
Poêles, mes amis, sur vos fronts inspirés,
Quand le noble évèque-félibre
Aura fait de sa ipjain les signes consacrés,
Votre génie, en son vol libre.
Montera vers les cior.x, planera sur la mer.
Cherchant la belle pécheresse
Qui, par ses pleurs sans fin, son repentir amer
Et par sa pieuse tendresse,
Mérita de Jésus le pardon généreux:
Alors sachez que ma pensée
Se sera vers la mer, se sera vers les cieux.
Avec les vôtres élancée.
La parole fut alors donnée i)ar leCapi.^colà M.William-C. Bona-
parte-Wyse, ou piutôtà M. de Villeiieuve-Esclapon. car le petit-fils
de Lucien Bonaparte, atteint depuis dixaiis d'une aphonie presque
complète, ne pouvait lire lui-même la jiièce qu'il avait composée et
qui était spécialement réservée à la séance que le Parage tenait en
son honneur. Cette atîention de l'École de Montpellier n'était pas
imméritée, tant s'en faut: nul n'en était plus digne que celui à qui
l'on doit les Parpaioun hlu, la Cuheladm-o d'or, lou Dimenche dôu mes
de mai et tant d'autres œuvres marquées d'un caractère si varié, si
profondément original et vivant. On a dit que la fécondité était in-
séparaLile du véritable génie. M. Bonaparte- Wysc a justiiié cet
axiome par la publication, à partir de l'année lSb8, d'une sérienon
interrompue de pièces écrites, le plus souvent en ]iroveneal*et en
' Li Parpaioun blu, pouësio prouvençalo, em' nn Avans-Prepaus de
F. Mistral. Avignoun, Oros, 1868; in- 12.
Chincho Merlincho, poërae provençal inédit, de Royer, d'Avignon
(XVllI' siècle). En Balh (.Vnglo-terro), encô de G. Lewis, libraire-edi-
tour. carrière dicho « Norlhgate street ♦, 12, 1871 (tiré à 27 exemplaires).
Galei ado prouvenralo-ingleso [tour de força pantaiiruelistOi, dedicado
à Jôusê Boumaiiiho, etc. Londres, Alfred Robins, 1873; in-8°.
142 LE PARAGE A MAGTJELONE
anglais, parfois en catalan, en français et en langue romane. A l'ex-
ception de Mistral, la très-grande majorité des félibres d'Aix, d'Avi-
gnon et do -Marseille, s'est attachée à suivre les précédents autorisés
par la poétique française; elle n'a pas même essayé de remettre en
Lou Vin di felibre. musico deDau. Avignoun.Roumanillp, S. D., in-4'
(pièce extraite des Parpaioun hlu).
1 félibre d'Avignoun. Avignon, Gros, 1875; ir:-h«
L'Arc de sedo doit, chaîne verd. Tetligopolis, à l'Ensigno di Mirau, 1876;
in-4''.
A MounsegneDubreil. archcvesque d' Avu/noun, en souveni dôu bautisme
benaslra de moun enfantoun. Plytnoulh. Keys and Son, 1876; iu-4\
Lou Cantico de santo Estello, dedica au felibrige, musico de Dau. Avi~
gnonn. 1876: in-4'.
La Cabeladuro d'or, pouès'io pronvençalo. Mount-pelié. Emprimarié cen-
tralo dôu Vliejour, 1876; m 8°.
Li Vièi. Montpellier, imprimerie centrale du Midi. 1876; in-4''.
La Cansoun capouliero dnu Felibrige, si'guido d'un Brinde pourta lou
jour de santo Estello. a-n-Avignoun. Piymouth, Keys, 1877; in-8''.
Sound à Teodor Aubanel. Piymouth, Keys, 1877; in-8o.
Un ditnenche dnu mes de mai. Mount-pelié, Empremarié centralo dnu
Miejour, 1877; in-8".
Lou Viage di très rri, musico de Dumount. Avignoun, Prévôt, 1878;
in-40.
Très Rambiai pruuvençau. Mount-peliè.Empremarié centralo dou Mie-
jour, 1878; in-8",
Septentrioun. .'.ntibo, Marchand, 1878; in-8 , etc.
La Familio delà Coumtesso. Antibo, Marchand, 1878, in-8".
Nombre de pièces di'lachées ont été données par M. Bonaparte- Wyse,
à VArmana prouvençau, à VArmana de Lengadô, à VAlmanach du Son-
net, au Prouvençau ^ à la Revue des langues romanes, etc. Ses œuvres
anglaises, dont voici la liste, se rattachent, par plus d'un côté, à la Pro-
vence et au midi de la bVance:
Quatrains of Holy Love. Bath, 1864, in-8o (sans nom d'imprimeur).
Scattered Leaves. Piymouth, Keys, 1866; in-8o, 310 pag.
Traduccio inglesa de la « Bala.d.\ de (îataldn.v » de V . Ruiz Aguilera.
Bath, Chas. Clarke, 1868; in-8o.
The Hoe, an ode. Piymoulh, Keys; in-8o, 16 pag.
Moans of a nioribund, or Sick-bed sonnets. Bath. Clark, 1869; in-8o
(trente-six sonnets).
The Old Fisherman uf Long-Rea. Gahvay, Daly, 1871.
Limcrick old Toum. Limerick, 1871; in-4o.
Translation of the Triomphe de Pétrarque, de T. Gauthier. Piymouth.
Keys, 1874; in-4o.
Epi.<ttle to Mistral. Piymouth. Keys, in-4o.
Tran.'ilatinn of the Pan dôu peoat of Aubanel. Piymouth, Keys, 1860:
in-8o (les trois premiers actes seulement).
LE PARAGE A MAOTTELONr: 1^3
honneur les formes que l'ancieiwie langue avait le plus complètement
légitimées, le monorimo par exemple; M. W. Bonaparte-Wyse, au
contraire, a recherché constamment celles qui n'avaient pas été
introduites dans le courant littéraire du Félibrige. De là une sorte
de saveur particulière, que les œuvres de bien peu de poètes pro-
vençaux pourraient présenter. La pensée, toujours vive, abon-
dante et franche, est enfin, dans l'auteur des Parpaioun Mu, aussi
originale que les combinaisons du rhythme et de la versification.
Mais l'action de M. Bonaparte-Wyse ne s'est pas exercée seulement
dans le domaine de la poésie; elle a aussi influé très-souvent et
très-fortement sur l'organisation du Félibrige, sur ses manifestations
extérieures, sa propagande littéraire, s'il est permis d'ainsi parler.
Cette habitude de boire à la même coupe et de prononcer, avant
d'y porter ses lèvres, des vers à la louange d'un homme, d'un fait
ou d'un sentiment particulier, par laquelle ont été si poétique-
ment transformés les banquets méridionaux ; cette habitude, dis-
je, qui, à Avignon, à l'abri des voûtes gothiques de la chapelle des
Templiers , après la Cansoun de la Coupo de Mistral , et les espé-
rances mêlées de craintes qui s'agitent sous ses strophes, donne
à l'institution provençale quelque chose de mystique et de reli-
gieux, c'est à M. Bonaparte-Wyse surtout que l'on doit de l'avoir
vue se répandre et se généraliser. Chose presque complètement
ignorée sur le continent, la coupe d'Avignon, celle que la Société,
archéologique de Béziers doit à M. Bistagne (de Marseille), celle
dont parle le statut tiu Parage,o\M leur équivalent en Angleterre * :
• M. Maurice Rivière me fait conriailre un usage dauphinois qui, s'il
n'a pa- quelque analogie lointaine avec celui qui nous occupe, atteste
au moins les mœurs patriarcales et les habitudes de confraternité des
paysans de Saint-Maurice-de-l'Exil (Isère) en 1837:
« C'était le jour où l'on pressait; huit à dix personnes rangées en demi-
cercle devant le pressoir attendaient avec impatience que le vin coulât
clair.
» Tout à coup, un vieillard, gai et joyeux, prend le goubio [verre on
gobelet) en fer-blanc, remplit de vin et, avant de boire, entonne ce
chant :
Je se in gni de chardounetta Je sais un nid de chardonneret —
Que tout rempli de viùulelta, qui est tout rempli de violettes,— de
De roumanuot toutàrentour: romarin tout à l'entour : — cama-
Mou camaradou, i-f-a tou tour. rade, c'est à ton tour.
» Le vieillard vide le verre, le remplit de nouveau, le vide encore, et
reprend, en le passant à son voisin .•
N'é-je po fa in tré d'ounétou, N'ai-je pas fait un trait d'hon-
N'é-je po bian vouidomou vérou? nète homme], —n'ai-je pas
IW LE PAR\CtE a MAGTTELOKK
Dans les festins d'apparat de la municipalité de Londres, celle-ci
aune coupe qu'on appelle « the Loving Cup ». c'est-à-dire la Coupe
d'amour, et à laquelle les convives boivent tour à tour en grande
cérémonie. Les plus importantes municipalités d'Angleterre ont
imité celle de Londres. Y a-t-il dans cette coutume, à la fois bri-
tannique et provençale, un souvenir confus des traditions bardi-
ques, de ce Saint-Graal,àla recherche duquel les chevaliers bretons
el français consacrent leur existence dans les gestes du moyen âge V'
Lou viqiiia sans dessi desso : bien vidé mon verre ? — Le voi'à
Camaradou. prend lo i goubio. sans dessus dessous: — cama-
rade, prends le verre.
B Et chacun de chanter, de boire et de passer le verre à son camarade
de droite. J'avais huit ans; je bus et je chantai comme les autres. »
' Les récits populaires sur Arthur et les traditions légendaires qui ont
servi de base aux romans de la Table-Ronde et même du Saiut-Graal
ne sont pas, comme on le croit communément, le patrimoine exclu si!
du pays de Galles, de la Bretagne et de la France de langue d'oil au
moyen âge; ils ont certains équivalents en Béarn, en Limousin, en Langue-
doc et en Provence. Dans ces deux dernières provinces, c'est par l'histoire
miraculeuse des Saintes-Maries-de-la-Mer que !a légende du Saint-Graal
revêt un côté provençal. Selon la tradition arlésienne, les premiers apôtres
de la Gaule suivirent le Rhône jusqu'à Arles, el Joseph d'Arimathie pro-
longea son voyage jusqu'en Angleterre. L'empereur Valentinien III, re-
connaissant de trois grandes victoires remportées sur les barbares par l'ia-
tercession de St Martin, envoya à l'église de Brives de riches présents.
Parmi ceux-ci, dit une vieUle tradition limousine qui m'est signalée par
par mon confrère et ami M. l'abbé J. Roux, était le vase d'or, orné de
pierreries, que Joseph d'Arimathie avait prêté â Jésus-Christ, le soir de la
cène, et qui servit à l'institution de l'Eucharistie. Le roi Arthur est connu
dans presque toutes les parties du Midi; mais son importance mythologi-
que est bien déchue. Un savant, aujourd'hui trop décrié, M. A. du Mége, si-
gnala le premier, je crois, à la page 383 de ses Monuments religieux des
Volces Tectosages, et plus tard dans le tome II f p. 354) de sa Slalistique
des départements pi/r^n*^en.s' (Toulouse, 1829), la tradition landaise qui Ir
concerne: Un joiu' de fête solennelle, au iinlieu de la messe, Artus fut
averti qu'un sanglier était proche de l'église Uien ne put retenir le mo-
narque, trop amoureux de la chasse; il saisit un épieu, sortit, et depuis
le Ciel l'a condamné à chasser éternellement et en vain dans les hautes
régions de l'air.
Un récit des Contes et Proverbes populaires recueillis en Armagnac,
p^r .M. Bladé (Paris, Franck. 1867): lou Rey Artus. a confirmé les in-
dications de Du Mége, en les dégageant de quelques embellissements
imaginés par celui-ci. Les prises de chasse d'Artus ne vont pas à grand
profit: (iaho pas, dit M. Bladé, qu'un moasco cado sept ans. Encore
arrive-t-il souvent que ses chiens l'ont mangée avant qu'il aii pu la saisir.
LE PARAGE A MAGUELONE 145
C'est ce qu'il sérail difficile de déterminer; quoi qu'il en soit,
c'est à la félibrée de Cliàieauneiif-du-Pape, qui eut lieu en 1859,
la première année de l'arrivée de M. Bonaparte-Wyse en Pro-
vence; c'est, enGn, à la fête de trois jours de Font-Ségugne, que
Mistral a poétiquement appelé « un charme, un paradis sur terre*».
et qui fut donnée le 30 mai 1867, par l'autour des Parpaioun blu, à
trente poëtes provençaux ou catalans, parmi lesquels se trouvaientD.
Victor Balaguer, D. Louis C itchet, D, Ascensiô de Aicantara, que
s'accomplit la transformation si heureuse de nos anciens toasts '.
Le petit château de Font-Segugne vit ainsi, sous l'inspiration
directe du petit-fils du prince Lucien-Bonaparte, le commencement
des félibrées internationales-'. Là. pour la première fois, les mets et
les vins furent, exclusivement de Provence; là, celui de Chàteau-
neuf-du-Pape reçut de l'auteur des Parpaioun blu le titre de vin des
félibres,de vin imperiau. reiau e pounteficau, comme a dit jMistral, et
il fut décidé qu'il serait réservé aux réunions annuelles de la nou-
velle association. Là encore et pour la première fois, les murs de
la salle furent ornés d'inscriptions prises dans les vers des trou-
badours et des félibres; à l'occasion de cette fête, M. Bonaparte-
Antérieurement à M. Bladé, un poète béarnais, M. Alexis Peyret, avait
composé la Casse deu rey Arthus ( Bayonne, veuve Lamaignère, 1851 i.
récit de torme littéraire, qu'il a réimprimé eu 1870, à C!onception-de-
rUruguay ( Amérique méridionale), dans son recueil de Counles biarnén.
Les allusions des troubadours à des poèmes en ancien provençal sur
Arthur, Erec et Enide, Dovon, Merlin, Tristan et Yseult, etc., sont très-
uombreuses, comme l'on peut s'en assurer en lisant l'essai de catalogue
qu'en a fait Fauriel, au tome III, page 472, de son Histoire de la poésie
provençale. De nos romans de la Tablo-Ronde, il n.'ste aujourd'hui seu-
lement celui de Jaufre, dans le préambule duquel il est question de
Pierre II d'Aragon, ie même qui fut tué à Muret en lîl;j.
Selon l'abbé Béionie Dictionnaire du patois du bas Limousin), grial et
yrialo désignent encore, en Limousin, un vase, un vaisseau de terre de
ûgure ronde, qui va toujours s'élargissant par en haut. Cf. grasal.
grazal et grazas, dans la langue des troubadours, et gresau, dans ie pro-
vençal moderne.
1 Dans la préface des Parpaioun blu, pag. xxvm.
* Au mois d'août suivant, au banquet où parut pour la première fois
la coupe que les poëtes catalans avaient donnée aux félibres provençaux,
en souvenir de leur hospitalité envers M. Balaguer exilé, fiU introduite,
probablement à linstigation de M. Bonaparte-Wyse, l'habitude de boire
à la « coupe d'amnur. »
■' Avec Mistral, Roumioux et le savant philologue tt romaniste Paul
Meyer, il avait été, en 1865, le premier a renouer, en Catalogne même,
le lieu de l'ancienne fraternité catalane et provençale.
146 I.K PARAGE A MAGUELOME
Wyse avait fait broder sur une bannière de soie la grande devise
adoptée depuis par l'école des félibres nimois. ce vers de la Venus
d^Arle, d'Aubanel :
Luse tout ço qu'es bèu tout co qu'es laid s'escounde !
Bien avant que [' Aube provetiçale l'adoptât « sans reconnaissance
de cause », comme on l'a dit un peu méchamment, mais fort spiri-
tuellement, il avait noté la coïncidence du nom de la pervenche
{prouvenca, pervenca, prouvençala), cet emblème de la persévérance et
des amours chastes, avec celle de la Provence, et il avait donné cette
plante comme symbole au félihrige. C'est M , Bonaparte- Wyse
qui voyait dans sainte Estelle ', vierge et martyre, vers l'an 98 de
l'ère chrétienne et patronne de l'association avignonaise depuis son
institution, l'étoile de bon augure des Mages, celle des princes des
Baux, l'étoile félibrique par excellence^. C'est lui qui, acceptant et dé-
veloppant cette théorie de VErapèri dôusoulèu^ qui, aujourd'hui, tend
à se confondre avec les idées de confédération latine, suggérait à
Mistral sa devise : Lou soulèu me/ai canta. C'est encore lui qui, lors-
que les fameux vers do la CounUesso devenaient, non en Provence,
mais dans le nord delà France, et surtoutà Paris, où l'ignorance des
choses méridionales est. dans le plus grand nombre, doublée par l'é-
loignement et l'absence de tout contact avec les félibres, le prétexte
de chimériques craintes de séparatisme, répondait à celles-ci dans
la pièce: Coume la lisco armaduro lampejo au soulèu de Dieu, et expli-
quait par la haine de la centralisation l'appel ardent du poète de
Maillane.
Cette action si vive, si continue, n'est pas entretenue seulement
par de fréquentes publications : presque tous les ans, l'auteur des
Parpaioun hlu quitte ses domaines de Waterford ou sa maison de
Plymouth, et vient passer quelques mois sur le continent, afin d'en
connaître les hommes, afin d'étudier directemenL et par lui-même
la poésie qui se dégage des ruines, des accidents du sol. des eaux et
des montagnes. C'est ainsi (ju'il a visité une parliede la France, de
l'Espagne et. en 1868, les bords du Rhin, la Suisse et l'Italie du Nord,
depuis Cologne jusqu'à Venise. Cette fois, il avait magnifiquement
personnifié, dans le i?ow?w>!w de sa poésie, les inclinations quil'ame-
» Voyez l'histoire de sainte Eutrope de Saintes, à laquelle la sienne se
relie. C'est à tort que l'existence de sainte Estelle a été mise en doute.
2 Quoique ce détail ait peu d'importance, il faut remarquer que la per-
sonnification ailée de la Sainte Estelle dans les premiers numéros du
Dominique, ionvnn\ provençal de Nîmes, est imitée de la lithographie qui
est en lète du Cantico de Sanlu Estello de M. Bonaparte- Wyse.
LE PARACiE A MAGUELONE 147
naient en Provence; car c'était «n efTet pour elle, c'était pour la fête
du Parage et pour celle à laquelle la Chanson du Latin donnera lieu,
au mois de mai 1878 *, qu'il avait quitté cette terre d'Angleterre où,
comme il le disait si bien, « l'ordre suprême, la haute liberté, avec
la saj^e paix et le droit, portent toujours la couronne. »
UN OMB : Batènt la lerro emé toiiii fort bourdoun.
M courrènt léu, pèr vilo, pèr campngno.
Bon pel'^rin ! ouute vas*?... Ti visioun
Soun plen do voie o franc de tnalamagno:
Digo, ourite vas?
Lou jcur t'ai vist amount, i galis di mountagno,
O segui??ènt de flnme, o frustant de baragno ;
T'ai rescounlra la niue au mitan di eamui ;
Ounte vas 7 digo donne: ountevas,o blouudm,
O brave barrulaire?
Lou RoDMiÉci: Te lou dirai, moun ome, francamen :
Voie, ra'abrive, à travès oundo e colo.
Goume un veissèu esperouna dou vent,
Goutne l'aucèu que s'abrivo e que volo
Au souleias :
Sens lassige, m'en vau à la lerro adourado.
Que tendramen me clialo, e me plais e m'agrado ;
Au paradis plasènt de mountagno e de mar.
Qu'eila se pavounejo entre Durènço c Var,
E qu'âme en calignaire.
L'oME : O que sies tu bèn avisa, Roumiéu !
Mai conto donne, que flamejanto estello.
Que ventoulet perfuma dôu Bon Dieu,
T'a fach ama tant la terro tant bcllo
De noste amour?
Que, pèr la vèire, ansindo as de-snbran Jeissado
Ta calanco verdalo is « Tsclo Fourtunado »,
Ounte l'Ordre suprême, ount l'auto Libéria,
Emé la siavo Pas e lou Dre bèn-astra,
Porton sèmpre la courouno ?
Qu'es donne l'amorço ' iéu lou sabe, bessai! )
Que le pivello e te fai tant linguelo;
Que risonlel nous ccrques mai-que-mai.
Quand venon Pasco, emé ti dindouleto ,
Emai li flour'.'
De segur, quauco vierge o dono subre-bello,
De soun nis escoundu le counvido e t'apello
' Sauf quelques notes, celle relation a été rédigée avant la célébration
des Fêtes latines.
143 LE PARAGB A MAGUELONE
A si bras blanc dubert, que voles, abrama,
Goume lou pariiaioun à l'ile jirefuma,
Pèr béure si poutouno.
Lof RoiiMiKtj : O, parles bèn, courapaireamisladous !
Te parlarai perèu sônso inchaiènço ;
S'ansin m'en vau à toun païs lanl dous,
S'ansia m'envole à ma Dono, Prouvènço.
Cencho de rai,
Es que vese lou lum d'uno grando Idealo,
Esbarluganlo, ardènto, ùudourouso, inmourtalo.
Que se pauso e s'enauro à l'aubo. aperalin,
Subre si piano roso e si roucas aurin,
Counie uno esteilo di Mage '.. . .
Et l'auteur des Paiyaioun hlu terminait en dédiant son poëme au
Parage, à qui il voulait bien^promettre, dans les vers d'un mandadis
trop flatteur, un delubre de glbri (un déluge de gloire ).
L'originalité de cette poésie n'aida que mieux à saisir la discrète
et spirituelle émotion des vers suivants, où M. Antonin Glaize, jus-
que-là plus familier du provençal que du languedocien, fît l'éloge
et en même temps la satire du Lez, petite rivière qui coule aux
environs de Montpellier:
Paure Lez! sies pas fier, nimai grand, nimal long :
Valal per la milat e canau perd lou resta.
Tant ben, quand lou gusàs bèu trop, perd lèu la testa,
Secoulla en un cop d'iol e creva coume un tron.
D'aquel Hume estequit e michant. n'i'a per rire,
Pecairo ! Mais pamens, canau couma valat,
Embé tout soun bauchun l'aime qu'es pas de dire:
Sufis que sus sous bords, que se vire ou revire,
Dau grau ounte se perd au cros ounte a gisclat,
S'entend que lou parla que mous viels an parlai -.
M. de Berluc-Perussis se leva alors et lut un sonnet provençal
qui est un des plus parfaits qu'il ait'composés^ . Il avait pour titre
/ Latin d'Avieriœ et était dédié à un député au Parlement canadien,
M. Louis-H. Fréchette, de Lévis, que l'on a surnommé le poëte
français; quelques-uns ont même été jusqu'à dire, et non sans une
' Le Roumieu dou Souléuâ été reproduit en entie: dans le Prouvençau,
n" du 2ô novembre 1877.
■^ Nous avons retrouvé les vers do M. Glaize dans, le premier numéro
de l'Alliance latine. Montpellier, Boehm, 1878, p. 54.
^ Ce sonnet a été publié dans la Revue des langues romanes, n* du
15 avril 1878, p. 196.
LE PARAGE A MAGUELONE U'J
sorte de raison, le grand poëte français de l'Amérique du Nord *.
Après les paroles du statut, l'accueil fait au sonnet do M. de
Berlue, la faveur que rencontra l'hommage qu'il y rendait au Ca-
nada, «ce rameau fier et fécond du vieil arbre de France», ne con-
tri])ua pas peu à affirmer les sentiments du Tarage à l'égard de
l'idée latine et de l'avenir qui lui est réservé. La réunion en vit
comme un présage anticipé dans les magnifiques tercets qui termi-
nent le sonnet de M. de Berlue :
* M. Louis-H. Fréchette est l'auteur du recueil Pi^le-Méle, fantaisie et
souvenirs poétiques. Montréal, Compagnie d'impression et de publicatioa ,
Lovell, 1877; in-12, 274 pages.
Des vers comme ceux que nous allons transcrire ne sont pas faits
pour démentir les appréciations de la critique. Ils sont consacrés à honorer
la mémoire de Papineau. qui, l'espace de quarante années, se constitua
le défenseur des droits du Canada :
Seul de ces temps féconds en dévoiiment épique ;
Seul de tous ces grands cœurs à la trempe olympique,
Qui défendaient jadis notre droit menacé,
Sur notre âge imprimant sa gigantesque empreinte,
Il restait là, debout, dans sa majesté sainte.
Comme un monument du passé !
Le; ans n'avaient pas pu courber son front superbe ;
Et, comme un moissonneur appuyé sur sa gerbe
Regarde, fatigué, l'ombre du soir venir,
Calme, il .se reposait, laissant, vaincu stoïque,
Son œil, encor baigné de lueur héroïque,
Plonger serein dans l'avenir.
Aux bruits de notre époque il fecmait sa grande âme ;
Et, sourd aux vains projets dont notre orgueil s'enflamme,.
Avec ses souvenirs de gloire et de douleurs.
Il vivait seul, laissant ses mains octogénaires,
Qui des forums jadis remuaient les tonnerres,
Vieillir en cultivant des fleurs!
Sa voix, sa grande voix, aux sublimes colères;
Sa voix qui déchaînait sur les flots populaires
Tant de sarcasme amer et d'éclats triomphants;
Sa voix qui, des tyrans déconcertant l'audace,
Quarante ans proclama les droits de notre race.
Enseignait les petits enfants.
Nous n'aurions pas dérogé aux habitudes de la Revue, si la littérature
du Canada n'était malheureusement très-peu connue en France, à l'heure
qu'il est. Nous ne sommes, du reste, que trop coutumiers de pareilles
ignorances.
lu
150 LE PARAOfcl A MAGUELONfci
Que fan, de milo lego, e la mar e li tlame,
S'ess lou même soulèu que uous largo souu lume,
Se dius la mémo fe li pies balon d'acord ?
D'enterin que iou sang au viei mounde se verso ',
Rejougnen nôsli man per dessubre lis erso :
La soulo vesinanço es aquelo di cor.
Après M. de Berluc-Perussis, M. Camille Laforgue fit entendre
sa Magalouno, pièce écrite dans le languedocien en usage aux en-
virons de Quarante, petite ville située au-dessus de Béziers, non
loin de l'ancien étang de Capestang. On applaudit surtout, dans
cette ode, la strophe où l'auteur dépeint le bouvier qui, insoucieux
des souvenirs iiistoriques et des vicissitudes du passé, enfonce hardi-
ment le couteau de sa charrue dans le sol oii repose depuis long-
temps « un peuple de vaillants et de race choisie » :
Sus un sol dezoulat, batul per la tempesto,
Ount lou flot de la mar s'espandls sens counlesto,
Ount l'ange de malur passeget soun Uambèu,
Un temple es drech encaro, e joust la terro humido
Un pople de vaients e de rasso cauzido
Dourmis dins soun toumbèu .
Lou baral a fait plassoà Terbo verdejanto;
Lou bouier, jusqu'as peds de la demoro santo,
Ignourant dal passât de souvenls claufit,
Enfounso dins lou sol lou coutel de l'araire.
E, davant un débris que rend lier l'antiquaire,
Susprés, s'arresto estabouzit.
Res noun remembre, vei, la renouniado anliquo
Dal grand port sarrazin; la vielho bazeliquo
Nous dis soulo so qu'ero aquel Hoc agradiéu,
Car tout es arrazal : pas un pan de muralho !
Tout es passât arrèu. joust la dent de 'a daiho,
A part lou bel houstal de Dieu.
Mais, tandis que \dL Magalouno de M. Laforgue s'inspirait presque
exclusivement de la ville détruite, celle de M. Charles Gros tem-
pérait la tristesse de ce souvenir, en le mêlant à la joie des félibres
réunis pour la première fois sous l'abri des murailles garnies de
lierre de la vieille basilique romane :
Et lou sourelhet, de lous veire, ris :
1 On était alors au plus fort de la guerre entre les Turcs et les
Russes, qu'un peuple de langue latine, la Houmanie, venait de sauver
de très-grands désastres devaul Plewna.
LE PARAGE A MAGUELONE 151
disait-il d'eux dans un vers digne d'avoir été écrit par un de ces
troubadours qui, en opposition à la mélancolie des temps de dé-
cadence et de scepticisme, cette impuissance dévie et d'amour,
cette solitude égoïste de l'âme s'agitant sur elle-même dans le
vide', firent de la joie l'état naturel de l'homme, et surtout de
celui qui devait trouver :
Dedins tas parets, quel'èure envirouna,
Lous troubaires gais se soun reûnits,
Bella Magalouna!
Soun cor prouvençau de joia frissouna
Et iou sourelhet, de lous veire. ris.
Dedinstas parets. que l'èure envirouna,
Lous troubaires gais venoun fa soun nis.
Lous roussinholets d'aquella nisada.
Tant lèu espelis, pieutaran vers Dieu;
Pioi, bella raainada.
Prendran soun voular de long de la prada,
Tout en brezilhant un dous rieu-chieu-chieu î
l,ous roussinholets d'aquella nizada,
Tant lèu espelis. pieutaran vers Dieu.
Ben lion auziran sa douça harmounia
Coumoula d'unioun, coumoula d'amour.
Fer nosta patrîa.
Ravits de soun cant, la nobla familha
S'agrandira plan-plari do jour en jour.
Ben lion auziran sa linda harmounia.
Coumoula d'unioun, coumoula d'amour.
Revendran encar mètre una couronna
Dessus toun clapàs toumbat per Iou tems,
Paura Magalouna !
Jouta Iou voulam qu'à-de-re maissouna,
Nautres coiima tus tant ben fenirem;
Revendrera avans mètre una courouna
Dessus toun clapàs toumbat per iou tems ' '.
M. Cavallier donna ensuite la parole à M. A. Roque-Ferrier,
pour la lecture de diverses scènes extraites d'une œuvre dramati-
que en languedocien : l'Auhrede la fristessia galoisa. Versentmiric.
De toutes les figures historiques de l'époque gauloise, Vercin-
* Je n'emprunte ces paroles à M. Henri Martin, Hisloirp de France,
t. LU, p. 379, 4' édition, 1855, que par l'espèce d'â-propos que leur donne
le statut du Par âge.
2 Cette pièce, reproduite en partie dans le Messager du Midi (no du
24 novembre 1877), en totalité dans le Petit Midi (no du 25 novembre) de
15? LE PARAGE A MAGUELONE
^étorix a été la plus maltraitée par les poètes des trois derniers siè-
cles. Presque tous ceux qui se sont emparés d'elle, et le nombre en
est grand, l'ont mêlée à des intrigues amoureuses aussi déplacées
que celles qui s'agitent autour des héros de l'ancienne Grèce
ou de Rome, dans les tragédies des contemporains de Racine et de
Voltaire ^ U Arbre de la tristesse gauloise est connu d'après un ordre
d'idées contraire. Combinantles récits des histoiiens grecs et latins,
les coutumes, les superstitions et les formules populaires, plus an-
ciennes qu'on ne croit, de notre pays; mettant enûn à profit, dans
ce qu'elles n'ont pas d'inconciliable avec les témoignages de l'anti-
quité, les traditions et les chants de la Bretagne, M. Roque-Ferrier
a essayé de reconstituer dans un ensemble dramatique les traits
principaux de la grande lutte qui, un siècle avant l'ère chrétieime,
s'engagea entre les Gaulois (Galois) et \es Roma.ins (Eoumieus) ^ .
Son drame commence avec la révolte de Gergovie et se termine à
la mort du fils de Geltil, dans le cachot de la prison Mamertine à
Rome. Il comporte des développements de dialogue hors de pro-
portion avec les habitudes trop écourtées du théâtre actuel et compte
environ cinquante branches ou scènes, dont quelques-unes : lou
Message de César, Versentauric e César, lou Counsel de l'uniment, la
Mort, ne sont pas loin d'être de véritables actes.
Montpellier, a été imprimée à pan par M. Gros; Montpellier., Boehm, in-4o,
4 pages, fig. de Marsal. La notation musicale en est due à M Ed. Bè-
rard ; elle est d'un caractère très-remarquable.
' Henri Martin lui-même n'y a pas manqué dans son drame de Ver-
cingétorix; Paris, Furne. 1865, in-8. C'est, du reste, une œuvre estima-
ble à d'autres égards.
2 Le mol vulgaire et gallicisé de Roumen {Es un traval de Roumen,
dit la comparaison populaire), sa forme plus pure et plus littéraire de
Rouman, ne semblent pas exclure celle de fioumjeu, roumiva, qui, indé-
pendamment de son accoption courante de pèlerin ou pèlerine allant à
Rome, est la qualification que l'on donne à presque toutes les voies ro-
maines du Languedoc cl de la Provence: entre Arboras et Monlpeyroux,
le chemin qui conduisait autrefois vers le pays des Ruthènes est dé-
nommé Costa roumiva par les gens du pays. La ville d'Apt a son camin
roumieu ( luu Prouvençau, n" du 16 septembre 1877: rapport de M. Frizet
aux Jeux floraux aplésions): « La grande voie romaine de communica-
tion entre l'Aquitaine et la Tarraconaise est devenue plus tard le cami
roumm ( chemin romain) des pèlerins de Saint-Jacq::es-(1e-Compostelle,
dit M. de Rochas, les Parias de France et d'Espagne {Bulletin de la
Société de Pau, ï' série, t. V, p. 71 ). Au delà de Lavérune, près Montpel-
lier, selon Renaud de Wilback ( Voyages dans les départ, formés de
l'ancienne prov. de Languedoc ; Paris, 1825, in-S», p 365), « on trouve la
LE PARA(iE A MAfiUKLONH 153
Lou Devoument *, la première des deux branches lues par M. Ho-
que-Ferrier, montrait le héros gaulois rentrant vaincu dans les
murs d'Alesia, le soir de la dernière bataille, et s'offrant aux ar-
mées arvernes pour apaiser, morl ou vivant, la colère de César.
Dans /a Despartida, Vercingétorix, prêt à partir ])Our le camp ro-
main, écoute les paroles d'adieu de ses compagnons d'armes, qui
désespèrent déjà de la liberté et des franchises gauloises ; il refuse
le sacriûce de ses dévoués, venus en troupes au-devant de lui, alin
de partager sa captivité et sa mort ; celui de son barde, à qui les
désastres de la Gaule ont enlevé la raison, et jiart seul pour se
livrer à César -.
Quelques citations de cette u-uvre ne seront peut-être pas inutiles.
Dans la première, les Gaulois oxiirimentle regret de n'avoir i)as
plus complètement suivi les conseils de leur jeune chef:
Loui Galoises : Ome fort, discoureire sage, ô barri de l'est auvernenc, per
courri dinslou coumbat, toun arma aviè couma de vêlas: esperava pas
jamai la clamada de Bel ; ieu, la mieuna es flaca, flaca coume l'ajounc
que lou dalhaire a segal.
Versentauric : Ere pas fort, ère pas drue, pioi que lou César l*a tourn-
trace de deux voies romaines presque parallèles : l'une vulgairement
appelée chemin de la reine Juliette . . . Celte voie est appelée, dans le
vieux compois, le clieml)i romieux vieux; l'aulte, jikis nouvelle, s'appelle
encore lou cami roumiou » On ht dans un oj)U3culo fort intéressant :
Études historiques sur la ville de Florensac, par M. Donnadieu (Paris,
Jouaust, 1877, p. 3!): « Le compois de Florensac de 1G56 et ceux de plu-
sieurs communes du canton, qui ne doivent être que la copie do compois
plus anciens, constatent l'exisience de deux chemins paralli'Ies de con-
struction romaine. L'un y est désigné sous le nom de chemin romain nou-
veau, vulgairement appelé ca7ni roumieu, et l'autre sous celui de chemin
romain vieux, ou chemin de la reine Juliette.
» La tradition est maette ;ï l'égard de l'origine de chemin de la reine
Jul iette . »
Voyez également une note de M. Véran, dans une Etude sur les voies
rom. de l'arrondis d Arles {Congrès archéol. de France, XLIII' session.
Séances tenues à Arles en 18J'6, p. i95). M. de V. n'admet qu'avec une
grande timidité la signiiicalion de romain attribuée au mol roumieu.
* M. RoumaniUe publia celle scène, Armana pr juvi'n{au âe 1870, p. 99.
2 Ces lieux branches ont été imprimées dans le Prouvençau d'A.ix-en-
Provence, n° du 23 décembre 1877, ainsi que lou Trebuna' de César, qui
les suit. Elles sont signées du pseudonyme de Clarens.
10*
154 LE l'ARACiE A MAGUE1.0^E
bat. S'ai pasfauial dins aquesle mouncie, ai faulat clins un autre, e ma
michanta piaaeta t'a malaslrat.
Loui Galoises : Si qu'ères fort e valent, si qu'ères sage e drue, si qu'ères
moun barri e ma j:ardia bêla, moun sauver, inoun esper e moun gou-
ver ! Se sies loutnbat en Alesi, es que t'ai mancat, es que l'ai pas se-
guit. es qu'ai mespresat tai paraulas; mais aquelei que m'an butai ou
pourlanui pas davans Dis.
Ici ce sonlses dévoués et iinsuile son barde. Véroduu, qui !e veu-
lent suivre au camp romain :
VBRbENTAUu.u : De qu'es que vos, lus, per veire ?
Loin DEvouATs: Aicisoui, fin que d'un, per te seguir en quanle rôdou qiie
te menoun.
Vbrsentadric : Ni lus, ni degus autre me seguirà.
l.ODi DEVOUATS: Ah be ara ! moun paire se traguet dins lou floc que cre-
met lou lieu, lou jour que louis enfants de Gergauvia l'agaireroun tant
malameiil, e tus vos pas que te rende ioi lou même servici? Me reman-
des pasantau, me fagues pas aquel afrount davans louis osts de nosla
terra mairala. Es lou coumandament d'Euse que ieu, loun fraire, par-
tage ta mort.
Versentauric : Mait'ou dise, n'ou vole pas. Se jamai i'aviè un Galois que
s'en souvenguesse, mourigue davans que l'ou reprouchà; se jamai ne
parlava dins un milan, vege soun ped s'assecà sus lais estradas dau
mounde 1 Tenes lou seramenl que fau davans louis omes qu'ausissoun
ioi moun paraulis gallic !
Loui DEVOUATS : Lou maudigues pas ; recorda-te pus lèu ça que m'or-
denoun lai drechuras auvernas. aqueiai leis sanlas qu'as praticai tant
ben couma ieu. Soui tieune per la vida amai per la mort, e m'es dever
de te coumpanejar en tout, doun te daissar en quanta desfourtuna que
siegue. Per que passariès l'aiga de la mort sens m'avedre à loun cous-
lat dedins aquel viage? De ma vida vidanla, revendriei pas d'un cop
coume aquel !
Versentauric. Toun devé série de me seguir, e lou mieu es de le daissà.
A-n-aqueste moument, Veraudun sourtis de la cola dai dévouais :
Veraijdun, à. Versentauric : ho\i leioun es dins la doulou: noun i'eir-
jarai, mais, me sarrant d'el, canlarai per l'allegrir, amai siegue triste e
mai que mai triste. Anarai pas en ges de courts, me farai pas de ges de
reis, per tant d'ounou que ne liresse, alara qu'ai moun soulàs dins moun
prince, moun lum première majoia. Davans ieu caminaran loui 1res
dôus lou jour de ta mort; quand la descarrada le vendra prene, me
pendra, ieu atabé. Las 1 Las ! rei venturious e manefique, auriei jamai
pensai aimar un orne mai que tus lou tems que t'ai servit'.
* Imité de Taliésin, Dédommagement à Urien, in Bardes bretons, poèmes
du Vl" siècle; trad. par M. de lu Villemarqué, p. 433. Ce n'est pas la seule
imitation que nous pourrions signaler.
LE PARAGE A MAGUBLONE 155
VBRSENTAimic: Amai tus, encara !
Veraudun: Hobula louis Auvenu's, loun pople, loui fraires, louis amies;
mais mo rebutes pas ieu, lou canlaire de tas diadas Irehoumfalas, lou
barde de tai balalhas roumivas; as chaplat la cadena dai pesés que
me portoun; as benaslral ma vida de soun coumençamcnt à sa foni-
cioun. E tant beii [a dicli Veraudun que la mort mema dessapartiriè
pas Veraudun de VersentauricI
VERSENTA0RIC : No, HO, to vols pas, ni eau que siegue de Galiia. En-
torna-te dms Gergauvia; ma maire, que lai es encara, te gardarà tant
que vieurà !
Veraudun : 0]magistre ! magistrc!'plourariè trop, ta maire, la rcina blanca
couma l'eli, s'un cop me ie caliè countà tout ça que l'es avengut!
Et celte réflexion douloureuse arrête un moment le roi arverne.
Quelques instants après cependant, il l'envoie àLuctèrele (^adur-
que ; et, si celui-ci est vainqueur, il charge le barde de venir le lui
chanter au-devant de la porte de sa prison de Rome.
La dernière communication devait être une traduction proven-
çale du Donecgratus eram. Ce petit clief-d'œuvre de la poésie anti-
que, prol;ablement enlevé par Horace à (juelqu'ua des lyriques de
la Grèce, avait été l'objet d'une sorte de tournoi littéraire entre
M. Lieutaud et M. le docteur Adelphe Espai^ne. Le savant biblio-
thécaire de la ville de Marseille avait imité le Donec gratus eram en
se servant du dialecte d'Avignon et des bords du Rhône. M. Es-
pagne, au contraire, s'était astreint à !e traduire exactement dans
le languedocien des environs de Montpellier. Enfin, tandis quels
premier ne s'écartait pas des règles de la poétique courante, le
second avait introduit dans quelques-unes de ses strophes des as-
sonnances semblables à celles (l'uemploicnt les poëtes catalans :
Quand ère de tus agradat.
Que ges de jouvent préférât
Toun col lis o blanc abrassava,
Mai qu'un rei de Persia troumflave.
La pièce de M. Lieutaud fut seule communiquée. E.i l'absence
de l'auteur, retenu à Marseille par ses obligations de bibliothécaire,
M. le comte de Ville neuve-Esclapon voulut bien en donner lecture
aux membres du Parage '.
{A suivre.)
* Les deux pièces de MM. Espagne et Lieutaud ont paru ensemble,
Revue des langues romanes, n" du 15 mars 1878, p. 134.
DISCOURS
I'KON()N('K PAR M. DE gllNTANA \ Cd.MBIS
le ^"i mai 1H7S
à la séance solennelle du Concours du Chant du Latin
Mesdames et Messieurs,
En un jour de bonheur pour moi, une idée grande et géné-
reuse a jailli du fond de mon âme.
L'étincelle électrique la transmit à la ville de Montpellier,
l'Athènesdu Midi, la terre dusoleil, lefojerde l'enthousiasme,
et l'idée a grandi, a parcouru le monde et elle est allée réveil-
ler des échos sympathiques, endormis malheureusementdepuis
de longues années.
Tout ce qui respire autour du lac latin, berceau de la patrie;
sur les rives de l'Orient, horizon de nos rêves; tout ce o^ui vit
au delà des mers profondes, aurore d'une civilisation nou-
velle qui nous sourit avec espoir ; tous les pavs qui s'inspirent
à la suave mélodie des langues romanes, — langues d'amour
qui font battre les cœurs, car elles redisent la gloire du passé
et seront les liens de l'avenir; — tout ce qui est latin, enfin, a
répondu à l'appel de la noble et généreuse ville.
Salut, peuples du midi de l'Europe, si longtemps éprouvés
parle malheur! Salut, peuples de l'Orient, d'où nous vien-
nent chaque matin la lumière qui nous éclaire et la chaleur
qui féconde noire sol, mêlées à vos regrets et à vos craintes !
Salut, peuples de l'Occident, qui nous tend'^z vos bras et vos
espérances comme l'enfant éloigné de son berceau ! Salut, ô
vous tous qui avez répondu à l'appel et qui venez aujourd'hui
resserrer les liens de la famille romane!
Voyez en moi, le plus humble des poètes, choisi peut-être
par la Providence, à cause de sa petitesse même, pour exalter
la grandeur de l'idée: voyez en moi l'organe du sentiment
qui vous inspire. Le rossignol des bois, malgré sa modestie,
chante les harmonies de la nature et la grandeur de Dieu.
Peuples de langue romane ! nous avons quitté, il y a bien
des siècles, le foyer paternel comme des enfants prodigues ;
le malheur s'est abattu sur nous, au milieu des éclairs d'une
gloire qui éblouissait le monde.
Nous nous sommes acharnés les uns contre les autres,
sans reconnaître le signe de famille.
*i
DISCOURS DE M. DE QUINTANA Y COMRIS 157
Nous sommes tombés les uns après les autres sous le glaive
cruel du barbare.
Le char de la civilisation nous a broyés toutes les fois que
nous avons faibli sous le poids de nos longues ivresses.
Peuples de langue romane, souvenez-vous ! !
Quand la France, la sœur aînée do la race latine, le foyer
lumineux qui a projeté la civilisation moderne sur Thumanité
entière, s'affaissait, les entrailles labourées par la griffe san-
glante de la guerre, nos cœurs se gonflaient do larmes, nos
bras se levaient vers le ciel, la douleur des regrets assombris-
sait nos âmes.
Peuples de langue romane, retournons au foyer paternel !
Frères, resserrons nos liens !
Les peuples se rallient par le mélange de leurs intérêts,
par la communauté de leurs sentiments, par la fusion de leurs
idées.
Peuples de langue romane , peuples qui avons la foi, rele-
vons-nous par le travail, par la science, par la liberté ! . . .
La tempête lève, comme autrefois, à l'Orient, ses tourbil-
lons de flamme au milieu des nuages sombres, gros de mena-
ces pour l'avenir ; les vents froids et glacés nous envoient tou-
jours leur haleine mortelle.
Race latine, range-toi au seuil de ta demeure, l'olivier de la
paix sur ton front, les armes du travail à la main, la liberté
planant daus ton ciel d'azur!
Et, tant que tu auras ton soleil brûlant qui féconde nos
germes, et ton vin généreux qui réchauftè nos cœurs, et l'a-
mour de tes femmes qui inspire tes créations sublimes, et la
foi qui les pousse et qui te donne la résignation et la force,
tu seras immortelle, vieille race latine, comme le souffle divin
qui t'a créée pour être le cœur et l'âme du monde !
Et toi, ville de Montpellier; toi qui gardes la semence de
cette idée de paix et d'avenir, toi qui la couves avec amour,
sois immortelle aussi !
Tu la verras éclore, et de ses branches robustes ombrager
le seuil du grand foyer latin.
Et maintemant, Mesdames et Messieurs, couronnez avec
moi les poètes vainqueurs.
Honneur et gloire aux vaincus, qui se sont inspirés du saint
amour de la famille! Et tous ensemble, avec la foi des croyants,
répétons en chœur le chant qui deviendra pour nous tous
l'hymne sacré de la patrie.
CHRONIQUE
Un membrp du Conseil de la Société pour l'étude des langues ro-
manes, M. Henri Delpech, vient de publier un travail sur la bataille
de Muret, dont l'importance a été, comme on le sait, décisive dans
l'histoire du Languedoc. T^e travail de M. Delpech a pour titre :
la Bataille de Muret et la tactique de la cavalerie au XIII^ siècle
{avec deux plans topographiques. Montpellier, bureau de la Société
pour l'étude des langues romanes, 1878; in-8o, xvi-155 pages), et
peut, à tous les points de vue, être considéré comme une des
monographies les mieux étudiées et les plus complètes que pos-
sède le midi delà France.
Il en sera rendu compte dans un des prochains fascicules de
la Revue.
*
Publications catalanes , provençales et languedociennes,
TRAVAUX SUR LA LITTÉRATURE DU MIDI DE LA FlîANCE, etc.— Hueffer.
The Troubadours, a history of provençal life and literature in the
middle âges. London, Chatto and AVindus; in-8''. 378 pag.
Birsch-Hirschfpld. Ueber die den prorenzalischen Troubadours des
XII u XIII. Jahrh . bekoMiiten epische Stoffe. Ein Beitrag zur Lite-
raturgeschichte des mittelalters . Halle. Xiemeyer; in-4o, 92 pag.
Jochs jlorals de Barcelona, any xxde llur restauraciô , M DCCCLXXVIU.
Barcelona, estampa de la Renaixensa; in-S», 236 pag.
Contenant les discoirs. rapports et pièces couronnées le 5 mai
dernier.
Llibre d'or de la modema poesia catulana. [Barcelona], la Re-
naixensa; in-12. 308 pag.
Lo Camestolies à Barcelona en la segle xvii. Romansos populars
catalans, rep roduhits d impresos contemporàneos é ilusfrais ab notas y
documents inédits, per A. Balaguer y Merino Barcelona. estampa
de la Renaixensa; in-8o, 27 pag. (Extrait de la Renaixensa, de Bar-
celone.)
Riera y Bertran. Escenas de la vida pag esa. Noveletas y narracions
varias de costums catalans. Barcelona, impreiUa de la Renaixensa;
in-12, 207 pag.
Marius Girard. Lis Aupiho, poésies et légendes provençales^ tra-
duction française en regard du texte. Avignon, RoumaniJle ; Paris,
Maisonneuve. 1878, în-12, 511 pag.
Recueil de poésies couronnées au Concours de la Société des
langues romanes, le 23 mai 1878.
L auteur prépare en ce inoincnt la Crau, volume en deux parties :
A l'oumbrineUo, poésies, et Au souleias, légendes et ballades.
Lou Rire de laPrincesso, pbr lou felibre d'Enlre-mount, conte qu'a
gagna uno mencien d'ounour au Concours dei Fèsto latino de Mount-pelié
(mai 1878). Ais, Remondet-Aubin. i878; in-8", 16 pages.
L'auteur met en souscription : lou Reinard prouven^au.roumanen
douge cant, tira deis escritde l'agi mejan e de la traditien,em'unoletro
de Frederi Mistral.
Celle œuvre, qui n été couronnée au Concours de la Société des
langues romanes, sera accompagnée d'une traduction française.
CHRONIQUE 1»
Société archéologique de Béziers. Compte rendu de la séance tenue le
60 mai 1878. Bézier?, Granié et Malinas; in-S", 55 paires.
Conlienl, p. 42-52, la Velhado, poésie laniiuedocienno (Quarante
et ses environs), par M. Prosper Vidal, qui a obtenu, cette année,
le rameau d'olivier en argent.
De Berlue- Perussis. le Centenaire de Pétrarque au point de vuehi-
bliographique. Apt, J.-S. Jean; in 8°, i5 pages.
Cil. de Villcneuve-E.'ïcl ipon,Za Première Représentation du Vwti nv
PÉCHÉ {lou Pan dôu pecat) , drame i^rovenc^al en cinq actes et en vers de
Théodore Auhnnel. Aix, Romondet-Aubin, 1878: in-S", 22 paires.
Reproduction d'un article imprimé dans le Messager du Midi de
Montpellier (n°* des 8 et 9 juin 1878).
Bonaparte-Wvse. La Famiho de la Coumtesso. Antibo. Marchand;
in-8°.
L. Roumieux.ia CiVjrafo^ catisoun, musico cleBorel, d'après un èrdôu
rèi Reinié. Avignon, Lagier-Fornery: in-4", 4 patres.
Laurans (Aug.). Récits bibliques en vers patois. Ancien et Nouveau
Testament. Agen et tous les libraires de la région; irr-8°, vi-221 pag.
Guiraud (A.) La Font-Putanelle, ou Jacques Cceur à Montpellier,
pièce en vers français, provençaux et languedociens, représentée à Mont-
pellier le il novembre 1808. Que i'a de mm, dialogue en vers langue-
dociens; précédés d'une notice, par Antonio Glaize. .Montpellier, Ha-
melin frères; in-S", 88 pages.
Remy (Marcplin)ZoM Bon Tèms, sirvente provençal, suivi de Ço que
voidèn, chant patriotique {traduction française en regard) .Carpentras,
Pinet, 1878; in-S", 64 ]>ages.
Louis Astruc. La Leiouno, à moun ami Louis Roumiéux. A-z-Ais,
Remondc t-Aubin, 1878; in-S", 4 pages.
Gesiain. Lu Littérature contemporaine en province. Portraits bio-
graphiques et littéraires, troisième édition. Paris, Rouveyre; in-8*,
\'n-346 pages.
Cartailhac, L'Age de pierre dans les souvenirs et superstitions popu-
laires. Paris, Reinwald; in-4°, 'i02 pages, lig.
Sous le titre Ung bouquetot coelhut hens los Psalmes de David,metutz
en rima hemesa. per Arnaud de Salette en l'aneia MDLXXXlii, un
bibliophile vient de ])ublier (librairie Ribaut, à Pau) les cinquante
premiers psaumes de David, traduits en béarnais, en 1583, par
Arnaud de Salette, lils de Johan de 'èa.XeX.io , président de la Crampa
de Contes et Conselh ordenarg en lo pays et sobiranitat de Bcarn.
Cet ouvrage, qui fut imprimé à Orthez par Louis Rabier, n'existe
plus aujourd hui que dans doux ou trois grandes bibliothèques ;
c'est sur l'exemplaire de la Bibliothèque nationale (]u'a été laite la
copie des ciniiuanle premiers psaumes formant le bouquet que
vient de publier la librairie Ribaut. Apres les Récits d'histoiie sainte
en béarnais et los Psalmes complets, ce volume constitue le plus
long texte littéraire qui ait été donné en béarnais.
Inutile d'observer qu'à l'époque où Arnaud de Salette traduisait
les psaumes (1583), le béarnais était encore universellement parlé
en Béarn ; c'est donc presque toujours en vrai et pur béarnais que
s'exprime l'auteur
Ung Bouquetot, tiré à 102 exemplaires, a le même format, le
même papier et les mêmes caractères que les belles publications
delà Société des Bibliophiles du Béarn. Son prix est de 10 trancs.
160 ERRATA
L'abondance des matières qui constituent le présent numéro ne
nous permet pas de publier, ce mois-ci, la chronique du Félibrige
et des associations qui relèvent de lui,- la liste des publications
concernant le midi de la Francvj et celle des articles en langue d'oc
imprimés dans les journaux, depuis le mois de mars dernier.
Le prochain fascicule de la Revue réparera ces omissions.
Errata des numéros de février à juin 1878
Poètes lyriques catalans. — P. 56, ligne 1. jjus, lisez car. — 62, 4^
A. Chartres, I. A. Chartier. — 63, 19, e«»/, I. en. —
67, 21, Don. 1. Dona. — 73, 34, prenga, 1. pendra. —
77, 16. quel, mon, 1. qu'el mon. — 83, 1. 6 de la noie,
ne, 1. no.
Donec gratus eram. — P. 135, 1. 17, ul sieu. 1. au sieu. — 137. 8,
am tus, 1. emb tus
Chronique. — P. 156, 1. 10 (trois lettres sont tombées à quelques
exemplaires), lisez: un recueil de poésies françaises,
dont il. . .
Périodiques. — P. 2U6, 1. 3-4, pounche d'agach {déuomina.t\OTi locale),
sommet d'où l'on découvre au loin. Pointe du guet
serait une traduction plus exacte.
Poueisias dioisas. — P. 221, 1. 1, dioias, 1. dioisas. — 226, \3,fonino,
\. fomino. — 227, 3, Nounlaou, 1 Mounlaou. — 228. ly,
arrivas, 1. arrivas. — 230, 8, des. 1. de. — 230, 30, am-
bossadeur, 1. ombossodeur. — 23u, 33, nostro, 1. notro.—
231, ii.,oteindec-mein^voou revenis, l.oteindec. m'ein coou
revenis. — 232, 25, lou soupo, 1. lo soupo. — 235, 13.
lous, 1. lou.
Lettres à Grégoire. — P. 236, 1. 2, en commençant par le bas : Gueidan,
1. Gueidon
Cantul gintei latine. — P. 263, 1. 21. B. Alecsandri, !. V. Alec-
SANDRl.
Lou Branle de las trelkas. — P. 281, 1. 9, t'arresta, 1. t'arresta •.
La Prise de Damiette. — 287, 1. 40 : « Comolumps peut très-bien
s'entendre comme substantif formé du verbe comolar.
lisez :..... de l'adjectif comol. »
Chronique — P. 306. 1. 29, à un anonyme de Tergu-Muresinlui. I. à
une anonyme.. . . — 307, 32, d'un poésie, 1. d'une
iwésie.
Ta bit des matières . ' — P. 312, 23, par de Bcrluc-Péi assis, 1. par
M. de Berlue- Perussis.
Supplément aux errata antérieurs : octobre 1877
Un document inédit relatif à la Chronique catalane du roi Jacmes Z'^'". —
P. 161. 1. 10, Manuel, 1. Mariano.
Le ycrant responsable : Ernes'i Hamelin
DIALECTES ANCIENS
INSCRIPTION PROVENÇALE EN VERS DU XVI' SIECLE
CONSERVÉE
dans l'église paroissiale du Bar (Alpes-Maritimes )
Cette inscription a été publiée, avec un dessin d'un tableau
très-curieux qu'elle accompagne, dans le n° de février 1851
du Bulletin des Comités historiques. Comme ce recueil est peu
répandu, nos lecteurs nous sauront gré de la reproduire ici.
Nous la ferons précéder d'un extrait de la notice de M. Henry,
correspondant du ministère à Toulon, à qui la première pu-
blication en est due.
(( J'ai l'honneur d'adresser au Comité des arts le dessin au
trait, fort exact, d'un tableau curieux, peint sur bois, existant
dans l'église paroissiale du Bar, commune de l'arrondisse-
ment de Grrasse, département du Var (aujourd'hui Alpes-Ma-
ritimes). L'ais sur lequel se trouve cette peinture a 1 mètre
75 centimètres de hauteur, sur une largeur de 85 centi-
mètres. Le dessin ne prend qu'un peu moins du tiers de cette
hauteur; le reste est occupé par une inscription en trente-
trois vers monorimes, tracée en beaux caractères gothiques,
en deux colonnes. Le stjle de cette inscription et les mots
qui la composent attestent la dégénération la plus complète
de la langue romane en Provence, à l'époque où elle a été
écrite, et ne permettent pas de la faire remonter plus haut
que la première moitié du XVP siècle ....
» Le sujet du tableau est une danse exécutée au son du
galoubet et du tambourin, par des hommes et des femmes. Un
petit diable peint en noir gambade au-dessus de la tête de
tous ceux qui prennent part à cet amusement. La Mort, armée
d'un arc, décoche .-^es flèches sur les danseurs. Ceux qu'elle
11
162 DIALECTES ANCIENS
atteint tombent à la renverse, et les diables qui les possè-
dent, figurés par ceux qui gambadent sur leur tète, accourent
aussitôt à leur bouche pour saisir au passage l'àme dont ils
se sont rendus maîtres. Chacun d'eux place Tâme devenue sa
proie dans l'un des bassins de la balance que tient Tarchange
saint Michel, laquelle a pour contre-poids, dans l'autre bassin,
le Livre de vie.
De peur que l'acte de la danse ne soit pas assez fort pour
amener la condamnation, un autre démon s'allonge pour pe-
ser sur le bassin où est l'àme, avec une baguette qu'il tient
à la main. Un autre esprit malin s'empare de l'àme reconnue
coupable et la précipite dans la géhenne, figurée par une
gueule de Léviathan, d'où s'élèvent des llammes. »
L'inscription, publiée dans le Bulletin des Comités histoi^i-
ques, avec les abréviations de l'original, v est accompagnée
d'une traduction, en général assez exacte, et due, comme la
copie du texte lui-même, à M. Senequier (de Grasse). La re-
production de cette traduction serait ici sans utilité; nous
nous bornerons, en conséquence, à transcrire le texte, sauf
à remplacer partout, pour la commodité de la lecture, les
signes abréviatifs de l'original par les lettres qu'ils repré-
sentent, à introduire quelques apostrophes, à modifier par
places la ponctuation du premier éditeur et à faire deux ou
trois corrections indispensables.
C. C.
0 paures pecadours, haias grant recordansa
Que vous mourres tantost, non hi fassas douransa.
E vous ballas souvent e menas folla dansa,
E fases autres mais ambe grant seguransa,
5 En vous cargant forment de mortala grevansa,
E non doutas en ren de far grant rebellansa
Al grant rej Jésus Crist que sousten vostra 'stansa !
Longament a 'sperat la vostra melhuransa.
Si vous mourias ensin sens haver reparansa,
10 Sensa doute alcun haurias malahuransa.
Pensas hi ben souvent, non fassas demouransa
INSCRlPTIOlSi PRUVKN(J.\LE EN VERS 163
De VOUS levar ben prest de tant granda pesansa;
Quarsi vous entendias la terribla venjansa
Que tara Dieu après la dura separansa
15 De vostra ama* doulent, quant sera en balansa,
Meravillia séria si non sontias tremblansa
l!]n vostre paure cor (? mais eu vostra pansa.
Haias granda paour, quar cascun jour s'avaiisa
La tin e vostra mort de mala sabouransa.
20 Si ella vous feria - en souta deyssoutansa ^,
Vous tombarias de tout eu grant desésperansa,
E pueis vous ballarias en la terribla dansa
Laquai s'apella ben perpétuai cremansa,
En fasent plours e crits e granda blastemansa
25 De Dieu e mai de vous, sens mais haver cessa[n]sa.
Aras tant (|ue vives e hâves la poyssansa,
Fuges tant grant perilh e tant grant trabucansa;
Quar si vous intrares una t'es en tal dansa,
Vous en repentires, mas tart sens proufictansa.
30 Pregui Nostre Senhour vous donne tal poyssansa
Que aquistes lo ben que dura sens mancansa,
Qu'en '' tout temps lauses Dieu ambe grant alegransa,
Dont lo prince d'enfern haia grant douleansa.
Amen!
* Gorr. armât— * Ms. ferias.— ^ « Par surprise soudaine », du verbe
deyssoptar - assaillir, surprendre (Raynouard, Lex. rom., V, 240), el
non « par une soudaine cessation des sauts », comme on a traduit dans
le Bulletin. — ' Ms ques'.
■j»iXQèjr:t
DIALECTES MODERNES
NOËL PERIGOURDIN
Ce joli noël, publié ici d'après une copie que je dois à l'obli-
geance de M. Ribaut de Laugardière, président du Conseil
d'arrondissement de Nontron et auteur de consciencieuses
Recherches historiques sur cet arrondissement, en rappelle deux
du recueil de M. Damase Arbaud : le Premier Miracle, I, 23,
et la Fuite en Egypte, ibid., 33. Mais la ressemblance ne va
pas plus loin que les premiers vers. Le noël périgourdin a, de
plus, une pointe de malioe qui manque aux deux cantiques
provençaux :
C. C.
L José, la Sento Vierjo,
Helas ! moun Dî !
José, la Sento Vierjo,
Lôuva sio Dî !
S'en va se permenâ / . .
Jésus ! ave Maria î (
IL Din lur cliami reneountren,
Helas ! moun Dî !
Din lur chami reneountren,
Lôuva sio Dî !
Un poumier plé de poumâ.
Jésus ! ave Maria !
III. — « José, ayâ m'en uno !
Helas! moun Dî !
José, ajâ m'en uno !
Lôuva sio Dî !
NOËL PÉRIGOURDIN 165
Ayâ m'en uno, siôu plâ '. »
Jésus ! ave Maria !
IV. — « Que lou que v'o graciado,
Helas ! moun Dî !
Que lou que v'o graciado,
Lôuva sio Dî !
Vous la venhe ajà ! »
Jésus ! ave Maria!
V. La Vierjo se janolho,
Helas ! moun Dî !
La Vierjo se janolho,
Lôuva sio Dî !
Lou poumier s'ei beissa.
Jésus ! ave Maria !
VI. La Vierjo pren 'no poumo,
Helas ! moun Dî !
La Vierjo pren 'no poumo,
Lôuva sio Dî !
Nen pren uno, mai doua.
Jésus ! ave Maria !
VII. José vôu fà coum 'elo ;
Helas ! moun Dî !
José vôu fà coum 'elo ;
Lôuva sio Dî !
Lou poumier s'ei leva.
Jésus 1 ave Maria !
VIII. Din lur chami rencountren,
Helas ! moun Dî !
Din lur chami rencountren,
Lôuva sio Dî!
1 Ce vert serait irop long, et pareillement Je cinquième du neuvième
couplet, si l'on conservait l'accentualion normale. Mais il faut pro-
noncer sioupla. comme un seul mot, en faisant atone l'o Qnal. tout en
'lui conservant sa quantité. On a ainsi un vers féminin, comme l'est le
vers corresi^ondant du couplet précédent (.... pouma), et dont la syl-
labe surnuméraire, comme dans ce dernier, rime seule, ou est censée
rimer. — SiVif* (alias siau) est d'ailleurs l'ancien sius = si vos.
166 DIALECTES MODERNE^
Un riusseii a passa.
Jésus ! ave Maria !
IX. — « José, passa me Taigo !
Helas ! moun Di !
José, passa me Taigo,
Lôuva sic Dî !
Passa me l'aigo, siôu plâ! »
Jésus ! ave Maria !
X. — « Que lou que v'o graciado,
Hélas ! moun Dî !
Que lou que v'o graciado,
Lôuva sio Dî!
Vous la venhe passa ! »
Jésus ! ave Maria !
XI. La Vierjo se janolho,
Helas ! moun Dî !
La Vierjo se janolho,
Lôuva sio Dî !
Lou riu s'ei partaja.
Jésus! ave Maria!
Xn. La Sento Vierjo passo,
° Helas! moun Dî!
La Sento Vierjo passo,
Lôuva sio Dî !
La passo sei boula'.
Jésus ! ave Maria !
XHL José vôu fâ coum' elo ;
Helas! moun Dî !
José vôu fâ coum' elo ;
Lôuva sio Dî !
Ou ^ s'ei pensa nejâ.
Jésus ! ave Maria!
' Boula [bouler, an Saintonge), c'est mettre les pieds dans une ornière
ou une flaque d'eau.
2 Prononcez oou. C'est le pronom el (eu, puis ow, ailleurs au).
UN SONNET DE RANCIIIN
TRADUIT EN PROVENÇAL ET EN LANGUEDOCIEN
Les extraits ([ui suivent sont tirés du Mercure tjabmt de
l'année 1682, mois de juin.
Le texte français, fort mauvais du reste, appartient à Ran-
chiu; la traduction provençale est de Tabbé de Carj; l'auteur
de la traduction languedocienne n'est pas indiqué.
Martin.
Page 18. — «On peut voir par là que le Roy n"a point de plus forte
<; passion que devoir la vérité réunir tous ceux que les erreurs de
-> Calvin ont séparés de l'É.irlise. Leur party s'affaiblit fort, et c'est
» là-dessus que M. Ranchin, tle Montpellier, a remiily les bouts-
" rimez de M. Mignon. Je vous envoyé son sonnet.
sur le soin que prend le roy de bannir i/hkiu':sik
DE SON royaume
L'hérésie, autrefois plus superbe qu'un pan,
Est enfin à la chaîne ainsi qu'une guenuche;
Le Grand Loujs, malgré les ruses de Satan,
La rend, par ses édits, plus douce que la pluche.
La biche a moins d'ardeur à retrouver son fan
Qu'il n'en a de nous voir ensemble en mesrae ruche ;
Quittant, pour le projet qui l'occupe tout l'an,
Celuv d'aller porter ses lois où naît l'autruche.
Revenez, dévoyez, et le Ciel vous est hoc.
Vous aurez l'amitié de Louis sur le troc ;
Voyez que du party toujours quoiqu'un déniche.
L'Église vous appelle, et vous conjure par
Ce champ mal cultivé que vous laissez en friche,
De rentrer dans son sein sans si, sans mais, sans car.
•' \\ n'y a rien de plus agréable que le provençal, surtout quand
» c'est une femme qui le parle. Voyez, Madame, si vous l'aimerez
>' dans ce sonnet; il est de M. l'abbé de Gary.
sonnet provençal sur les bouts-rimez de pan
Faire entendre per tout lou parapatapan,
Si juga d'au lion coumo d'uno guenuilio,
16S DIALKCTES MODBUNPIS
Estre amat como un Diou et crench como Satan,
Jusquos eis bords glassars, donte ven la pelucho ;
Rire de Tenemy, quand seis explois lou fan
Fondre como un eissame quand soiierte de la ruche ;
Combatré hyver, estiou et trionfa tout l'an,
Tenir Taiglo plus bas que noun voelo l'autruche ;
En tout temps, en tout luec, s'y faire dire d'hoc;
Aver ço qu'es de drech, senso perto ny troc,
Et ço que moun rey fa, lorsque la pas dénicho.
Din lou mounde, atamben eou noun a pa soun par;
Eou pou mettre quand vou cent provinces en fricho,
Parço que sa valeur es l'appuy de son car.
Page 86. — «On ne s'est pas seulement scrvy du provençal pour
» publier les grandeurs du Roy: on a fait aussi un sonnet gascon
» sur cette mesme matière. Je vous l'envoyé. Les rimes de par et
» de car y sont employées d'autant plus heureusement que ces
» deux mots signihent^jmV et cher en cette langue. »
SOUNET BOUT-KIMAT EN LINGL'O .MOUNDINO
A LA GLORIO DEL REY
Lou rey, que ran la pas as troupelets de Pan,
■ Fa bouqua l'enemic millou qu'uno guenucho.
El fa luzi la croux oun regnabo Satan
Et s'abillo de fermay souben que de plucho.
El n'a qu'eis ennemis que sas bertuts l'y fan.
Coum' uno saio abeille el sap rampli sa rucho ;
El fa may dins un jour qu'eis autres dins tout l'an,
Et coubo touts dois els pla millou qu'un autruche,
El pot tout ço qu'es bel, tout ço qu'el dis es hoc;
Pren tout de bouno guerre, e jaraai re per troc;
La bertut dins soun cor es coumo dins sa nicho.
Cap d'autre rey dambel nou pot ana del par,
Lou royaume sens el serio toumbat en fricho,
E Louis es del Ciel lou présen lou plus car.
LETTRES A GREGOIRE
SUR LES PATOIS DE FRANCE
[Suite)
DICTIONNAIRE
DU PATOIS DU DUCHK DE HOUILLON
Ahachi (verbe) — tirer en bas.
Abané (v.) — mettre des terres en ré-
serve ; faire des publications de
mariage.
Abaouï (v.) — japper.
Abasourdi (v.) — étourdir.
Abaufumé (v.) — enflammer, mettre
en train.
Abôrr (v.) — faire entrer dans un
trou.
Abiichi (.s') — heurter du pied contre
(pielque chose.
A bloqué (v.) — mettre sur ou contre
des blocs.
Aburni (v.) — se dit d'une truie prête
à donner les petits.
Acanoaé (v.) — s'encanailler.
Accipr (v.) — prendre, escamoter.
Achauré — étourdi, éventé, léger.
Adostai — petit enclos pour loger
des agneaux.
Acostauie — qui accueille gracieuse-
ment.
Acosté (v.) — accueillir.
Acrami (v.) — mélanger, confondre.
Acrachi (v.) — engraisser.
Acri'pé (v.) — s'arranger autour d'une
table pour manger.
Adoltiiiné (v.) — flatter, caresser,
adoucir.
Advinourde — énigme.
Advenant, à Vadvenant — à propor-
tion.
Adayni — très-occupé, attaché à
quelque chose.
Adaumé — entamer.
Affiagr\ affianée — confianco.
Affié — donner parole.
Af'fistoli- — paré, bien arrange.
Aff'i-icot'é — éveillé, gai, leste.
Affolté — faire du mal, blesser.
Aff'ondr:' (v.) — enfoncer dans quel-
que chose.
.I//We(v.) — coitT.'r.
Aff'iitou — coiffure de femme.
Affûté — arrangé, mis en ordre.
Aginci (v.) — s'habiller, se bien ai-
rauger.
Afjasse — cors aux pieds ; babillard,
imprudent.
Afjrinci (.s') — s'ennuyer,
Agnlin — toison d'agneau.
Ai/oustante — appétissant.
Af/ruhi {s') — Kc tenir près du l'eu,
se chauffer de près.
Aguë — aiguille, du mot a^o italien.
Anale (v.) — embarrasser.
Ahalemin — embarras.
Alianer (v.) — herser.
AJiéré — étourdi, qui agit précipi-
tamment.
Aliofé (v.) — arrêter, mettre obs-
tacle.
A/ioté — embourbé, chariot qui no
peut avancer.
Ahùllé (v.) — assommer avec une
massue.
Alievdé (v.) — attafiuer, battre, com-
mencer.
A boulé (v.) — hurler.
Ahinchi (s') — s'habiller.
Ahachire — estropié, infirme, malade.
' On a publié, de 1787 à 1857, plusieurs dictionnaires français-wallons et
wallons-français; mais ou pmit être assure que celui-ci ne manquera pas d'in-
térêt, malgré les fautes nombreuses que présente ce lexique et que nous n'avons
garde de corriger.
1-n
DIALECTES MODERNES
Ahonrhi{\.) — saisir, tenir, bultre,
commpiicer.
Ahuré (v.) — sahurer, s'entêter, s'ob-
stiner.
M — aiiïe — oui. certainement, .je le
veux bien.
Aïoui'se — moisson.
Airie — carreau de jardin, certaine
quantité de gerbes apprêtées pour
être battues de suite.
Airin, courtiaux airiîis ou airi.es —
jardin potager, du mot ararc.
Aitrie — cimetière, du mot atrium.,
parvis.
Aiwe — eau.
Aiwées — eau de relavure, eau puante
et sale.
Aiunassfi — qui a un goût d'eau.
Akanlé [s) — s'encanailler.
Aeuré, akuré — soigné.
Alachi (v.) — mettre à la laisse.
Alaidir (v.) — délaisser, abandonner.
Alévré — étourdi, éventé.
Alihoinum — raisons captieuses, pré-
texte.
Aluké (v.) — regarder quelque chose
avec attention.
Alosé — pré ou viande qui se couvre
d'une peau de mousse ou de moisis-
sure.
Amadé (v.) — châtrer.
Amadeu — chàtreur.
Ambedeux — tous les deux.
Amaï - embarrassé, en peine.
Amedé (v.) — s'engraisser, profiter,
s'enrichir.
Amanri (v.) — devenir maigre.
Amiaide — aimable.
Amiaulté — amabilité.
Amignoté (v.) — caresser, flatter.
Ami la mouaigon — au milieu de la
maison.
Am.on — chez.
Anchoures — coins, aisances, déchar-
ges d'une maison.
Aneine — fumier.
Aneini — tas, amas de fumier.
Anechi (s') — .s'étouffer en mangeant.
AnicJu (v.) — salir.
Anichilé — biffé, effacé, réduit à rien.
Aiiolié — donner les saintes huiles.
Angouchi — pressé, impatient, é-
tourdi.
Angloit — coin de bâtiment.
A7)ei/, anuit, anute — aujourd'hui.
Ani/strni ou awistrui — petit du
mois d'août.
Apacfii — mettre la mangeaille dans
la bouche à quelqu'un.
Appiffo (v.) — faire manger avec ex-
cès.
Arninp{\.) — interroger, parlera quel-
qu'un.
Aringi — rouillé.
Arochi {être) — être arrêté par des
obstacles.
Aroi — tapage, bruit.
A)'Oïé — mettre la charrue dans une
terre.
Arouté (.s') — se mettre en chemin.
Assanne — ensemble.
Asmette (v.) — se dit d'une femelli-
prête à donner les petits.
Astoqier (v.) — contenir avec des
blocs.
Astniqué {s) — s'étrangler en man-
geant.
Attrimielé (s) — s'associer.
Askaharé — étourdi, éventé, volage.
Assotti {faire) — faire des niches, tour-
menter.
Asgmedp — mener les bestiaux au
pâturage
Asquouette — abri contre la pluie.
Attache — épingle.
Atousé — pré où l'herbe est drue.
Atoiirné — déjà tout formé.
Attoligi — bien traité, caressé, flatté.
Aiirdre (v.) — brûler, s'enflammer.
Auque — quelque chose, aliquid.
Avan la vie — dans la ville ou le
village, en visite.
Aurmougni (s') — se tourmenter, se
dépiter.
Auquette ou jaquette — jupe de
femme.
Avinde (v.) — atteindre, prendre,
toucher en haut.
Avvaré — étourdi, imprudent.
Avvigi — éveillé, hùrdi, alerte.
B
Bachole — panier dont se servent
les pêcheurs.
Racelie ou houairhelle — fille.
Bacelette ou houaictielettc — [)elite
fille.
Buffre — soufflet, coups de poing.
Rassa ou bassette — espèce de selle
qu'on met sur les chevaux pour
porter les sacs.
Rauctd — cloison en planches.
Banne — tombereau en claie ou pa-
nier à mener des charbons.
Barijaugex — saleté, bûches, raies de
pain
I.I'.TTRES A GREGOIRE
171
Baufjîié (v.) — regarder à travers
quelque chose.
Banquette — petite vitre.
Hafi^e — luit dn beurre.
Bouaidc — ouverture de la ruge {sic)
pour sortir les abeilles.
Beraiidé (v.) — grimper, monter.
BeraiaU — qui aime à grimper.
Beriii — bélipr.
Bevtaudé (v.) — châtrer, couper mal
les cheveux.
Bertaudi — qui coupe mal les cheveux.
Belhiné (v.) — se plaindre, deman-
der en gémissant.
Belhineu — qui se plaint en laissant
voir ses besoins.
Béhelle — grosse tête, homme grossier.
Biloqué (v.) — se partager en plu-
sieurs bandes pour mieux trouver
à vivre.
Blastagi {v.) insulter, maltraiter de
paroles.
Blason — mauvais ouvrier.
Blasonné — faire mal l'ouvrage.
Biau — bâton jeté aux poires ou
pommes.
Baïourdai — idem.
Biauce — verrat, châtré.
Binnée — mangeoire des bœufs ou
vaches
Biser (v.) — courir par bonds et par
sauts.
Bique et bouc — hermaphrodite.
Bique ou biquette — chèvre, .
Bolhée — multitude, quantité, grand
nombre
Boquioii — bûcheron, du mot bois.
Bôsi — buisson ou fort d'épines et de
ronces.
Boussai — bouteille à l'huile ou de
pierre.
Boufnbal — un gourmand, un mal
tappé (v/r).
Bouté (v.) — mettre, plasser (s^V,-),
agir, faire.
Basée — paravent de genêts ou de
paille.
Bore — creux, enfoncement, trou.
Boru — creusé.
Boure — cruche, pot, pinte.
Boudrule — nombril .
Boutique, balistique — agir, remuer,
travailler.
Boutou — étui à épingle.
Bouquet — morceau.
Bâtard ou botellet — jeunes bœufs
non riiàtrés.
Bousti (v.) — boiter.
Bnustuiu — boiteux.
Bovirea — terres en réserve pour y
faire jjùturer les bêtes de trait.
Bavé — garder les hèles dans les
abanis pendant la nuit, veiller.
Brai — grain germé pour faire la
bière.
Brigosxé (v.) — demander des restes
de table.
Brigasscs — restes de table, peu de
cliose.
Bribé (v.) — mendier.
Bribeu — mendiant.
Brigné — s'élever, paraître sortir en
haut,
Bricallé (v.) — aller et venir de droite
à gauvlie.
Bricolli — courailleur, désœuvré.
Bringue — femme sans honneur.
Brandi (v.) — faire retentir sa voix.
Braiiqué (v.) — se tenir droit comme
un pi{|uet.
Bronqueu — qui se tient droit.
Bronzé (v.) — enivrer.
Brouchire — qui mange de tout.
Brisar — homme mal mis, dégue-
nillé.
Boîirbian — Iroumillant (sic) en
grande quantité.
Brouet — confitures de poires.
Bruë — bouillon, potage sans pain.
Buée — lessive.
Bué (v.) — faire la lessive.
Buha — vase oblong dans lequel les
faucheurs mettent leur pierre à
aiguis(;r.
Burdanefii (v.) — faire du bruit.
Burgaigi — remuer les meubles.
Butai — baratte à battre le beurre.
Buti — gardien de bœufs.
Bulsonné (v.) manger des morceaux
de pain.
Burtonné (v.) — gronder, lapager.
Burton — grondeur.
Bursi (v.) — faire peu de chose.
Burhon — vieil arbre creux.
Burheu — sombre, temps couvert.
Cabriollé (v.) — bariolé.
Ca/jauré — bigarré de différentes
couleurs.
Caire — visage, teint.
Calhostai — petite armoire ou caisse.
Caboré — noircir.
CaltouchI (v.) — i.iin- 011 ijruit.
Ca/joté — tache de différentes cou-
leurs.
Cafougni (v.) — chiffonner, ramas.er
en tas.
Caïaux — joujoux.
172
DIALECTES MODERNES
Carouftr (v.) — aller el venir.
Carre — chemin creux.
Chaboré — noircir.
Cahoiilée — potage pour les bestiaux.
Cahwté (v.)— dechicté (.s-zc), brillé.
Chuhollp. — chasser les poules et
autres volailles.
Chante — banc, escabelle à traire les
vaches.
Chamoix — petit banc.
Chanrè (v.) — chasser les poules.
Chamlé (v.) — éparpiller.
Chardé — édenté.
Chanex — petites planches dont on
couvre les toits.
Chaf'tire — partie supérieurf d'un
champ dépouillé de terre par la
charrue.
Chaxpout, chauspouï (v.) — battre
avec les mains.
Chévée — ravin.
Chévé (v.) — creuser, déchirer.
Cherpê — arracher, tirer.
Chelme — turbulent, méchant.
Cheaeau — vieille masure.
Chippotê (v.) — éclabousser.
Chouvé (v.) — balaver.
Chôpé (v.) - gratter.
Chalé — mal mis sur ses jambes.
Champi (v.) — aller ou travailler vite.
Chauhouïe — querelle, batiture (.«V/i.
Chandie — chaude.
Chetowde — ruge {sic, ruche).
Chh'ou — maigre.
Chippée ou cMpette — équipée de
jeunes gens.
Chipé (v.) — darder de l'eau avec
une seringue.
Choqué (v.) — presser, saillir; il se
dit de l'accouplement des volailles.
Cliourhé — essuyer.
Chouté (v.) — écouter, prêter atten-
tion.
Chouvé (v.) — balayer, nettoyer.
Chodé (v.) — brûler, du moi chaud.
Chou — pille, mange (en parlant à
un chien).
Chure — suivre.
Chute — suite.
Clamé — crier, du mot clamare.
Clicoté — faire sonner.
Clicotai — petite sonnette.
Cliaie — femme sans \'igueiir, non-
chalante.
Clabot — clochette pendue au cou du
bétail.
Chume — écume.
Cn — encore.
Cohdi — personne maigre.
Coche — truie châtrée ; item bran-
chages.
Co)npuyso7inier.'i — cohéritiers.
Conquête — biens acquis pendant le
mariage.
Cordelle (il est n xa) — à sa disposi-
tion.
Côpon — tison.
Coiipion — petit vase de terre.
Cotirxelle — petite cour.
Conhandiné — balancer ensemble.
Conpichi (v.) — dépisser.
Contappé (v.). — se déjeter, jeter
par-ci par-là.
Conpité (v.) — donner des coups de
pied.
Contrainé (v.) — traîner dans les
ordures.
Contrachi (v.) — tirer par les che-
veux ou par les habits.
Conflachi (v.) — coucher, abattre,
renverser par terre.
Conchiné (v. ) — parler durement,
insulter.
Crache — graisse.
Crachon — bête grasse ou qu'on en-
graisse.
Cramiette — main de fer.
Cran — gras. dodu.
Crahai — mâche-fer, crasse de fer.
Crameu — gamelle à mettre du lait.
Culot — coin du feu, dernier enfant
ou petit.
Culotfi — qui a des culottes.
Cure — soin, paroisse.
Custode — étui, bourse.
Cossette — iHui à mettre des
épingles.
Crawi (\.) — aller de travers.
Ci^awiieiix — tortu, qui a les jambes
torses.
Crauwe — crosse.
Cvvi (v.) — faire peu de chose.
Cuvieu — qui s'amuse à faire des
bagatelles.
D
Dadai, dadau — nigaud, nonclia-
lant.
Déhalé (v.) — battre, estropier.
Déhnlé (v ) — débari ,i ,ei-, ôter l'em-
barras.
Duji.k — j;rand iiieici.
Dauface — enfantin, qui a des ma-
nières puériles.
Délougi fx.) — désoler, rebuter, dé-
goûter.
Dalousé (v.) — plaindre, avoir com-
passion.
LETTRES A <iKEGOIRE
17:^
Datnùse — qui veut goûter de tout,
gourmand.
Ditsganrochi — malade pour avoir
fait la débauciic
DK^hvinqni' (v.) — délasser, des-
serrer.
DifsgcDilr — être déboutouoé, avoir
l'estomac découvert.
Duswaimé (v.) — perdre ses plumes.
Dusfriclé (v.) — séparer, démêler.
Dauré (v.) — s'élancer, agir avec
vivacité.
Dawme — attaqué de vertiges.
Daurnai — vertiges.
Dfvant erso — devant hier.
Deulé, adlé — auprès.
Devantrin — tablier.
Devousé (v.) — tutoyer.
Dia,à dia — tirer à gauche-
liniiiiifi' OU tortiller — caresser.
(lutter, ciioyer.
IHc/iippe — qui use beaucoup ses
habits.
Dorre — taile .
Doiifance — incertitude
Doïr — doigt de pied
Drnne (v.) — briser les reins.
Drnnp — qui va de travers, qui a hs
reins brisés.
Dresde — armoire de cuisine.
Dugeaule — facile à conduire.
Duxdu — tapage, meubles brisés.
Drhurni' (v.) — charger de saletés,
d'immondices.
Demoné (v.) — gronder, tapager.
Diiagramné (v.) — arracher avec les
ongles.
Echelée — poignée, brassée, petite
quantité.
Emburlicoqiœ — déranger les idées.
tromper.
Engin (sans mal engin) — sans fraude
ni tromperie.
Ensiwie — fumier.
FariboUe — fable.
Fêle — violent, dur, colère.
Fauqiiet — manche de faux.
Fauquette — fente aux jupes des
femmes (mot italien fifhetti).
Feases — tringues {sic) de plafond ou
de parois.
Fine (v.) — trouver, se procurer.
Fiquette [pai) — terme qui vient de
l'italien et qui se prononce sans en
connaître la signification obscène.
Fe)'i (v.) frapper.
Flahau — flatteur, amas ou quantité
de neige,
Flabaudi (v.)— dire des mensonges
ou des flatteries.
Flabaudé (v.) — touché à droite et à
gauche.
FZa«ie(v.)— battre sansménagement.
Flaubée — rossée, correction.
Flanche — femme qui dit des riens.
Flauclip (v.) — dire des riens, des fa-
bles.
Flnnchcu — qui dit des fables
mensonges.
Flachi{\.) — renverser l'un sur l'an
tre.
Flahutte — femme flatteuse ou qu
conte des riens.
Enainné — fumer, graisser les terres.
Enginni — tas de fumier.
Estelles — copeaux de bois.
Ersot — hier.
Enhairgne — maussade, entêté, dur.
Œnron-cou — œuf cuit à la coque.
Einnté (v.) — casser les reins.
F
Flauwe — fable, conte: fade, pares-
seux,
Foi'funé (v.) — périr.
Frairie — tour joué à quelqu'un.
Frint/nette, frignette — fille élégante,
alerte.
Friolc l\.) — être alerte, joyeux, tres-
saillir.
Friolv, afliiolé — être alerte, gai,
leste.
Froiimigive — jatte de lait avec du
fromage blanc et du pain.
Friski/i {s(ii7it)— tout ce que (|uel-
tju'un possède.
Fnmelc (v.) — choisir ce qu'il y a de
mieux.
Furdaucld (v) — battre à coups de
gaules.
Furdaui'hfiin'' — batterie ou évérie-
nement fâcheux.
// n'est ni in fi de c/aiei/re — il est
entièrement mouillé.
Fouqni {\.) — fouiller,
déplacer.
des Furniqiiii
remuer, déranger.
Fraie \y.) — craindre, être sensible.
Flihou — chose très-légère.
\-,i
1 )I A LEC TES MOI) H UNES
G
Gade — clièvre; croix à souli-iiii- Ir
bois pour scier.
(iaivé (v.) — lirer en bourse
Gaioiue — cage, prison.
Galouff'é (v.) — manger indécemment.
Gamhlon — bois courbu (.s'/c) pour
écarter les jambes de derrière à une
bête qu'on a tuée .
Gambi (v.) — écarter les jambes, les
remuer.
Galfadre — vaurien, grand mangeur
Galle (v.) — gratter, brouter l'herbe.
Gertcu — qui a les genoux de lia-
vers .
Germe — brebis de deux dents.
Giboulée — nuée de grêle ou de neige.
Givée — flotte de bois,
Glayn [à) — à foule, en quantité
Glaitié (v.) — répandre par-ci par-là.
Glawerai — nappe d'eau, eaux sta-
gnantes .
Glo — friand, gourmand.
Golippe — femme malpropre et de
réputation équivoque .
Gode — femme sale et vilaine
Godin — jeune bœuf, aumaille.
Gommée —enflure sous la gorge; vase
d'écorce d'arbre.
Graboiii (v.) — clialouilier, gêner,
faire mal.
Grauiré (v.) — puiser dans quelque
chose en pâte.
Grawe — boue gelée et fort rabo-
teuse.
Graie — mince, effilé, élancé.
Grandiveu — orgueilleux, vain, am-
bitieux.
Grevissi (v.) — talonner à la manière
des écrevisses.
Grivo ou çjrivolé — tacheté, mar-
queté.
Grivou — ravin par lequel on entraîne
le bois dans les montagnes.
Grifjneu — qui est de mauvaise hu-
meur.
Grumer — gruger, broyer avec les
dents .
Guigné (,s-') — rechiner, faire la moue.
Gmpié — toucher, heurter, coudoyer.
Guinyuin — grande parure.
Guaulnes — propos désagréables.
H
Hahni — bruit, criailleries. querelles.
Haclii (v.) — tirer à soi.
Hagaron, ha guette — mauvais cheval.
Haingance — haine, animosité.
Httiti — bien portant; sain.
Hailige — semblant, feinte, apparence.
Hana — vase à boire.
Haleoti — mauvais conducteur, qui
fait de mauvaises affaires.
Haleoté (v.) — conduire mal ses affai-
res.
Haleotée — petite charée [sic).
Hareiigé (v.) — quereller.
Harengire — méchante femme .
Hakin — serf, vassal, homme obscur.
Marotte — mauvais cheval.
Haeait — mâle qui n'a qu'un testi-
cule.
Harnouder (v.) — remuer, déranger
les meubles.
Har)/ir/ii (v.) — agir, ranger k-s
meubles.
Haraudé [v.) — crier, faire du bruit.
Haulaque — brigand, vaurien.
Halon — vieux tronc d'arbre laissé
dans un bois.
Haniaule — qui rôde autour des vil-
lages pour volei'.
Handelé (v.) — monder, balayer.
porter le fumier.
IJamai — vieux meuble.
Halbutte — espèce de fusil à veut
que les enfants font avec du sureau
percé.
Hairde — troupeau de vaches.
Haïné (v.) — répandre, éparpiller.
Haloppai — guenille.
Haloppe — femme mal mise.
Halofjué, haruoqué — remuer, faire
du bruit.
Haulou — serviette dont les femmes
se coiffent pour se garantir du
hàle.
Hahnandé (v.) — parler d'une façon
inintelligible.
Haloche — femme qui se tient mal.
Holoté — ne pas être ferme.
Hanicrodie — qui s'arrête partout.
Handiné, dandiné (v.) — balancer.
Halarme( faire) — faire haro, tomber
dessus.
Herdal — chemin par où lesbestiau.\
passent.
Haroches — grosses étoupes.
Haskadar — vaurien.
Hatrni — le cou.
LETTRES A GREGOIRK
175
tlazée — pas. enjambée.
Haijous — paravent dont sp servent
les cliarbnnniers.
Hausse — vente, écriée (sic).
Hausse (avoir) — être pressé.
llelpai — habillement déchiré, per-
sonne mal mise.
Hautnelle — torche faite de paille.
Hast — desséché.
Haimé (v.) — frapper à la tète.
Hait/té — marqué au front.
tliTiii — gardien des vaches.
H(')'é (v.) — agacer, exciter.
Hrré (se) — se fourrer partout.
H'-rijai — guenille.
Ili'vpc — amadou.
Hesié (v.) — exciter un chien.
Hcté (v.) — désirer ardemment.
llurdulé (v.) — faire du bruit avec
des meubles.
Hurduli — qui dérange tout, qui fait
du bruit.
Himine — fluet, maigre.
Hiolé — manger après la veille.
Herchi (v.) — traîner.
Iliti — que dites-vous ?
Hisse — habit de toile ou de Lirtniiie.
Ilodé (v.) triciiei' au jeu.
Hocleu — tricheur, fraudeur.
Hndaule — importun, fâcheux.
Hodé (v.) — fatiguer.
Hoki (v.) — béguer {sic).
Hokieu — bègue.
Ho//é (v.) — aller et venir.
tlolli — àqui tous marchés sont bons.
Hin'hée — certain espace de temps.
Hoches, hocliettes — tas dt; gazon
mis l'un sur l'autre pour sécliei'.
Hourhallc (v.) — traiter durement.
Houdrç — malpropre, couvert doi-
dures.
Houre — femme de mauvaise vie.
Houhi — gronder.
Houijeux — couvert de poils.
Houijous — crillards {sic?) qui dan-
sent en criant heu-hou.
Foliaire le hou-hou — avoir froid,
être malade.
Houchi — appelei'.
Houlfc (v.) — parler durement.
Horlai — butte, petite éminence.
Hureu — morfondu de froid, de ma-
ladie ou de misère.
Hufjné (v. ) — ramasser du foin en
larges tas.
Ilngne — foin ramassé en tas plus
larges que hauts.
Huiné — un bouillon de malade
Hcurée — loufl'e de broussailles.
Huii (v.) — avoir des horreurs.
Uosettes — quelles faites en façon du
sas
Hoseli — mal chaussé.
Huvé — qui a une marque à la tête,
bigarré .
1 - J
Incomparaule — incomparaJjle.
Inçjenii (v.) — chercher dans sou
esprit.
lolé (v.) — manger après la veille.
Jus — bas (mettre jus, mettre bas).
Jouquettc, jaquette— cotte ou jupe.
■loque — juchoir.
K
Kahow'de — bouteille de pierre;
veille de fille ou de femme, bal noc-
turne.
Kahu — têtu, obstiné.
Kuïaux — joujoux d'enfants.
Kalenijurdaines — balivernes.
Kalenhwdiné — dire des balivernes
Karouté (v.) — aller et venir.
Kermesse — fête de village.
Kaure — liard.
Kawet — petit pot de terre avec un
manche.
Kerre — chercher, prendre, em-
porter .
Klabau — criailleur.
Klabot — sonnette de bœuf.
Kranti{\.) — vaincre, épuiser les
forces de quelqu'un.
Kranti — rendu, épuisé.
Kanles — gens méprisables .
Kahi — le crâne, la tête,
Kai — desséché, dur.
Kaire — couleur du visage.
Ka/joré (v.) — noircir.
Kahauré — bigarré.
Kaijurté — brûler les jambes près du
feu.
Kourie — charogne.
Kouaté (v.) — désirer ardemment.
Kouateux — qui désire tout ce qu'il
voit.
176
blALECTES MODERNES
Lniyne — bois à brûler, copeaux.
Laisse — une volée de cloclies.
Laitrie — cimetièr(\
Landstmaiie — compatriote.
Lani — tas de bois à brûler.
Laurme — miel.
Launnian — pleureur.
Lasse — foyer.
Lauvau — la-bas (26/).
Louppe — lèvre d'en bas; [fouairi-
la louppe, — faire la moue.)
Liquéfie — languette.
Lechette — petit morceau à manger.
Liguette — petit morceau en long.
Lobhé (v.) — caresser, flatter.
Lobben — flatteur, patelin.
Lauchené (v.) — battre, maltraiter à
coups de bâton .
Laupigne — oiseau de proie.
Loquette — bâton avec une houle en
bas.
La f 0)1 — du son.
Loripi — vaurien, traînard.
Limé (v.) — demander sans cesse.
Lohai — gros morceau
Loiettes — jarretières.
Loigne — niais, diseur de balivernes.
Loigneries — sottises, foiies.
Lopjiin — gros morceau de viande.
Losse — fainéant, débauché.
Losfries — discours trop libres.
Louqué (v.) — regarder.
Lotisse — cuiller à pot.
Lonzin — lent, paresseu.x .
Lonziné (v.) — agir lentement.
Lumé — éclairer.
Lumette — petits copeaux pour éclai-
rer
Lukette — créneau ou petite vitre.
Luské (v.) — loucher.
Luskette — femme qui louche.
Luskanl — louche.
M
Mal apris — vaurien, sans éduca-
tion
Margoui (v.) — mener mal, mal-
traiter
Mesbrigi — estropié.
Mii'e ( mettre à ) — mettre à cheptel .
Mesplege — qui a des plaies.
Migneron — ferblantier qui roule les
villages.
Mitan — milieu .
Mou/lasse — molasse, tendre, spon-
gieux.
Mougené — (v.) travailler mal. sans
propreté.
MachurO (v.) — noircir, sahr.
Mâcherai — rhume.
Mallette — panetière de berger.
Mangon — cruel; autrefois boucher,
bourreau.
Mangonné (v.) — faire soufîrir.
Maradr (v.) — goûter, manger après
midi.
Malignan — méchant, pervers.
Malon — bourdon, grosse mouche,
bourbillon.
Margoui (v.) — maltraiter quelqu'un,
houspiller.
Mariaule — propre à être marié.
Ma7'é (v. ) — donner le cauchemar.
Méhin, tnéha — maladie courante.
Meing, pourpjris — euclos ou jardin
potager .
Mello — nèfle.
Mellier — uéflier.
Mesquine — fille de cuisine.
Merelle — cailloutage, pierrette.
Merlin — massue en forme de hache.
Messie (v ) — ne pas convenir.
Mestumé (v.) — tomber en faute
Messe — quartz cristallisé; h\i\.{meta)
Messi — ban, garde.
Misée, daniisce — qui veut goûter d(^
tout.
Mice — la rate.
Micé (v.) — donner un coup au creux
(le Testomac, qui fait tomber sans
respiration.
Mi — hydromel.
Miée — jatte de lait avec du pain brisé.
Miraine — aigreur dans le gosier.
Misfanflute — homme sans consis-
tance, vaurien.
Mitte — chatte .
Moliné (v.) — manger à toute heure.
MoVmée — taupinière.
Mouui — méchant, colère.
Mouchon — lait que donne une vache
chaque fois qu'on lu trait.
Mougiii — manger.
Mou — (niultum) .
Motlée — pommes cuites.
Musai — friand.
Musse [y.) — faire entrer dans un
trou, cacher.
Mussot — trou, cachette.
Mourhii (v.) — chasser les mouches,
Mulai — tas de foin.
LFÏTRES A liRKGOlRE
177
N
Nareu — qui se dégoûte facilempnt.
Je n'ai cure — je ne m'en embarriis<
pas.
Naiveu — batelier, iionime d"eau.
Tout à nawefte — tout à coup.
Nésa — venez.
Nés in que — nul.
Niau — uicliel.
NirliP — sale, dp'^oùlanl
Nichefre — saleté.
Sicli"rri( — sale, vilain, avare.
Somme? — n'est-ce pas?
Noncffes — épingles.
Sou nier — étui à mettre des épin-
gles.
Soureli — terre chargée de genêts,
ou bois de genêts.
Signée — nichée, bande, troupe.
Oyeai — oiseau .
Orson — morceau de pain.
U>i7'e — lisière de bois.
Orre — fleur de farine.
Oucfté, onrhafe — que j':ii fro
Ourdon — partie d'un terrain.
Ostnnf — autant.
Osté ou arnon — clie/.
O'é dn — mais oui.
Orri <\.) — trav;iiller.
Ostel/erie — auberge.
Ouvietti' — agneau femelle.
(h/f/f'itse — vieille brebis qui n'a point
fait d'agneau.
O/iri/i/ii'. — dans i ■ iihhiii'uI seule-
<l/ti' — oui.
Ole, nia — aïe 1 vous me faites
miil.
Pachi — enclos
Pnchon. poisson ~ glandée où il y ii
des porcs.
Paltée — charge une pelle (.s/'').
Pallon — bètiie,
Papiii — bouillie d'enfant.
Parsouniers — cohéritiei's.
Parcours, entrecours — droit dr pâ-
turage.
Pnrdienne — per Deum.
Parmi — à condition.
Panni/ijr — ce qui se payt? pour
mettre un cochon à la glandée.
I>iif/u/s ou /lufis — pâturage com-
iiuin.
l'afar — sol; une rouelli' de punune.
l'iirn/t/r (\.) — |)ass('r la nui! s:in- se
eonchei-.
Pazdi — Sfiiti.'r.
Parti (v.') — |)artager.
Pastai — liourbier, mortier
Pasturai — pâtre
Passée — pas.
l'aurge — amas de fumier.
Pargire — enfoncement cnï un met le
fumier.
Paume — épis.
Paumé (v.) — venir en épis.
Parpnunot — le di-rnirr des petits.
' PecJieri — malheureux, qui ni- n'usit
en l'ien.
Pénau, péneu — triste, honteux.
Pequet — genévrier.
Pefe/h's — hente de brebis, et....
l'i'frai — jH'tites poires sauvages.
Pestulé - fouler au.x pieds.
Pirrée — amas de pieij'es.
Pipé (v.) — fumer avec une pipe.
Pipcu — fumeur.
Pité (v.) donner des coups de pied.
Pité (v.) — piéter.
Pl(i<cl,i) — llatteui', hypocrite.
Phiis — audiences où les amendes se
.jugent.
Plunrhi — gi'enier.
Pailire — carrière.
Parfis — panaris
Pranglé (v.) — se dit des bestiaux
(pii se reposent à midi.
P/u/ige/ou — lieu oii les bestiaux se
lassendjlent poui' se reposer.
l'ragnire — temps (pu- les bestiaux
se reposent
Ponre — pondre
Poclii — tacher, barlicjuiller.
Porr/ii — gardien des porcs.
Potef — petit creux.
Pofelle - petite armoire au-dessus
de la cheminée.
Piolé (v.) — se plaindre, se lamenter.
Pidlru — ijui se plaint.
Pnsson — \ ase à boire de la bière.
Pouclielet — petit cochon.
Poutre, pouliche — jeune jument.
Pouyon — jeune poussin.
Proime — proche parent.
1^
I7j<
DIALECTES MODERNES
Pouyi (v.) — puiser.
l'oiigiti (v.) — pûif^ner.
Prête (v.) — se faire prêtre.
l'ute — colère, méchant, revêche.
l'fifuéf' — niellée .
l'iuH-Jiflé (v.) — truie qi
petits.
fait des
Q
Qi/aire — ciiercher, amener, ap-
porter.
Quouniue — semblant, mine
Quant ft (jiKint — tout à cette
heure.
Rahcirhi (v.) — abaisser.
Racalagi (v.) — accoster, accueillir.
Radressé (v.) — mettre les grains en
javelles sans râteau.
Rafferé (v.) — enfoncer la charrue
dans un champ.
Rafiitté (v.) — battre, rosser.
Ragaidi (v.) — ragaillardir.
Ragoicsté (v.) — remettre en goût.
Ragoi/té{\.) — recueillir des gouttes.
Rngroiilp (v.) — gronder
Rageiilé (x.) — retirer dans un coin.
Raguinchi (v.) — raccommoder.
Rahmip (v.) — herser de nouveau.
Raheurée — vache qui a fait le veau.
Raine — grenouille.
Rins — rameaux pour faire des ba-
lais.
Raiidé — grasseyer.
Rallr (v ) — retourner.
Reclie — dur, âpre, grondeur.
Rag limette — restant, reliquat.
Ras m — gratin .
Rakolagi — retirer, recevoir quelqu'un
chez soi, dans sa maison.
Ha/juiié (v.) — répliquer durement,
résister en face.
Ragiiette — femme hardie, querel-
leuse.
Rechi (v.) — sortir.
Remembfene — ressemblance.
Ramirhe — qui dérange tout.
Ramiini (v.) — déranger, déplacei',
remuer.
Rumo7i — balai.
Ramoimé (v.) — balaver.
Rigollé (v ) — glissé .'
Rapniiaigi (v.) — apaiser.
Rec/tire — sortie des bestiaux après
midi .
Rechiré (v.) — mener les bestiaux
aux pâturages après midi.
Rnpongni (v ) — rattaqu(;r. haltri- de
nouveau.
Ranoiré (v .) — rendre du nerf.
Ro/ii (v.) — tousser en crachant.
Qiiedre (v . ) — cueillir.
Qi/erri (v.) — chercher.
Qitoïe (eatt) — eau dormante.
(Jneqiie eô; pas des cri — quelque-
fois.
R
Rassajtiné (v.) — lécher ses lèvres,
les sucer.
Rassonré (v.) — se réunir en bande.
Ratinde (v.) — attendre.
Ratoiiriti- (v.) — battre, arrêter, faire
retourner.
Ratoiisd — recouvert d'herbes qui
commencent à croître.
Raille — instrument pour tirer les
liraises
Riini'r (v.) — ravoir, n'prendre.
Rane — créneau.
Roui (v.) — airacher, déplanter.
Rebiffé, raljeijuc (v.) — imposer si-
lence, répondre durement.
Rehoidé (v ) — remettre.
Reciné (v.) — manger après la veille.
Reehandi (v.) - réchauffer.
Rucondoure (v ) . — reconduire.
Rede/il" (v. ) — hérisser.
RejoiK-klé (v.) — remonter vers sa
source
Huskeure (v.) — garantir, sauver, re-
prendre.
Reganlure — regard.
Relaitchi (v.) — relâcher.
HekeiloK — tinette.
Religiic (v.) — dégeler.
Relain — dégel.
Remontrance — soleil qui contient la
sainte hostie.
Reriiiis.sé (v.) — se cacher dans un
trou .
Rena/iciti (v.) — remuer, dérangei-
les meubles.
Renaudé (v.) — vomir.
Reupé (v.) — roter.
Routi — chemin par uù les bestiaux
passent.
Ri'tiske/ire (v.) — réchapper.
Roniruiti [\ ) — regarder.
Ragosse (v.) — tige de chou.
Ri f fier (v.) — dépenser vite.
Rihotte, rihotage — ripaille, grandi-
chère.
Rihotté (v.; — tain- ripaille.
LETTRKS A GREGOIRE
179
Hirlé {\.) — ôlcr le comljlc.
liiné (v.) — détacher les feuilles en
glissant la main le lonj; des bran-
ches.
Romiim' (v.) — ruminer.
liusfai — râteau.
Hustfllé (v.) — râteler.
liuittjt'fti — racloire.
RotH/elv (v.) — passer la racloire sui-
la mesure.
liiiin-i/sn' — qui oublie facilemeut.
Ruiue (v.) — ronger avec les dents.
Ruspaumë (v.) — rincer.
Snrmitex — beaucoup, plusieurs, mul-
titude.
Saif/ni (v.) — l'aire le signe de lu
croix.
Saijuhi ou Sahaie — je serais bien
étonné si. .
Saije ou Sëai — seau, vase.
Sui (v.) — goûter, essayer.
Samhridiet — juron sans signification
connue.
Santicaide — sain, propre à entretenir
la santé.
Saqué — chose de rien. Saque çjens
— gens de rien, méprisables.
Satires — terres incultes qu'on essarte
pour les brûler; du verbe sauve)',
dessécher.
Sawira — os plein de moelle.
Sfjaré (v.) — l'aire peur.
S/juré — se dit d'un chariot dont les
essieux sont usés et ne remplissent
plus les moyeux.
Sfjlai-é — éploré, triste, décoloré.
Scra/joui (v.) — racler un tison en-
flammé, exciter le feu.
Sareinouchi — moucher, cracher,
tousser à la fois.
Srhehiii; — Irattre, scélérat (mot alle-
mand )
Sculot — aide, valet du pâtre .
Sralofé (v.) — gar'der le bétail sous
l'inspection du pâtre.
Srafic (v.) — tirer les fruits de leur
coque, faire prestement une chose.
Scaf'ai — coque dure comme de noix.
Scaflotte — coque mollasse ou gousse.
Scraifi — écaille d'œnf.
Scraifi — déjà grandelet.
Scornai — éclat, écornure.
Scorné {\ .] — écorner, casser, nui-
tiler.
Sérain — écrin, armoire à mettre le
pain .
Sefai — seau, vase.
Shuré ^v.) — épouvanter.
Sbavat — épouvantai! .
Sbrougiù — éraousser la pointe.
Seeheron — tarte sèche ou mau-
vais pré.
Scoté (V.) — couper les branches.
Selle — chaise.
S(mt)io>i7-e (v.) — annoncer, ave rtir,
Spani (v.) - serrer.
.s"/e,s7 — oui, la chose est ainsi.
Slo-i/i/i:' — crinière.
Soque, soquette — tronc ou souche.
S'nasé — camus.
Sto — souche.
Soron — associé, compagnon .
Sn/ire — troupeau de cochons.
Siturjne — soin.
Souaii ou suile — seigle.
SelaDtùofjne — qui est de travers,
plus haut d'un côté que de l'autre.
Slambranl — soleil couchant.
Snmieu.r — triste, de mauvaise hu-
meur.
Spalanti (v .) — tenir debout comme
un piquet.
Stempi — idem .
Spande (v.) — répandre.
Spa7ii (v.) — sevrer.
Spirai — armoire à serrer le pain.
Siiaté (v.) — écraser.
Spi)igi (v.) — écouanger le chanvre,
battre .
Spité (v.) — trépigner, s'impatienter,
dépiter.
S/)ifa>it — qui se fâche facilement.
Spinceron — étincelle de feu, pico-
tement.
Stinrhe — digue d'étang.
Stinehi (v.) — étancher.
Stolon ou Roiicin — cheval entier.
Sf elles — copeaux de bois.
SfeuUes — chaumes
Stiqué — coudoyer, pousser.
Sfitjiu'rminile — mande dont se ser-
vent les brasseurs.
Stiprc — petit espace de temps.
St<i<-h<i — l'Iiiiusson de laine.
Sfitf/'rf — fromage mou.
Stoupé (v) — boucher.
Sfrafjne, stra;/nire — étranger qui lait
des façons.
Staicrc (v.) — répandre.
Sfrain — paille.
StatJieau — bouc châtré.
Sfrau/e ou sfri/'é — battre, maltrai-
ter.
Strie — étrille.
Sfrii (v.) — étriller.
180
11IA.LECTES MODERNHS
Strichi (v.) — se redresser, s;^ tenir
droit.
Strime — étrenne.
Strimi' (v.) — étreuner.
Stritlp (v.) — frotter fort, battre.
Stni/liii — piHite écurie.
Sfo/i'ii — Iriiciiée.
Su/j/iasti' (v ) — vendre des iiéri-
tages au cri pul)lic.
Saurmougni (v.) — s'impatienter, se
dépiter.
Sizettu^ — des ciseaux.
Susoti ou Su<inon — sureau.
Sconrire — arnas de neige.
Scornifleu — piqueur d'assiettes.
Sniiie — reste du fourrage que le
bi'tail ne mange pas.
Sauj/e (v.) — ne pas manger tout ce
qui est offert.
Sgrimii (v.) • - se gratter avec ses
liabits.
Tachette — petit morceau qui reste
après que le terrain est partagé.
Taichi (v.) — tacher.
Tahuré (v.) — dire sans fin.
Tabure — femme qui dit sans fin.
Taroi/ge, taroKiji — idem.
Taquin — prompt, colère.
Tartelle — crécelle.
Tartullé (v.) — faire crier la crécelle.
Tassai — tas de gerbes.
Tasticoté (v.) — criailler, tapager.
Taulle — table. S'attaulé (v.) —
s'attabler.
TauUé — petite nappe dont se ser-
vent les paysans.
Taupin — homme lent» massif,
lâclie.
Tanfirt-ux — qui désire tout ce
qu'il voit.
Terrninaire — religieux qui prêche
dans un arrondissement.
Teriniiie — terme de payement.
Tachon — blaireau.
Tronce — corps d'un gros arbre.
Tinau — bâton à porter un cuvier;
homme pesant, mal dégourdi.
Tille ou aupi — rugir.
Ti/fr; afliffé (v.) — coiffer.
Tiquette ou tidette — toile d'oieil-
ler.
Tutaine — sorte de droguel.
Taquet — homme court et gros.
Tûlli (v.) — ôter, détruire.
Tostiné (v.) — réchauffer, caresser.
Tomioure — tonnerre, la foudre.
To<iui' (v.) — hurler, frapper. d:iiii)pr.
Taudis — toujours.
Toute {y. j — mettre sens dessus di's-
sous.
Taui/aii — lorciiou (au figuré).
Taurtai — petit gâteau, petit pain,
michot.
Taie — toile de paillasse.
Tout à pont — au point préci>.
Tout à nawette — tout à coup.
Tùuzp — tonde.
Taxon — mauvais sujet.
Traque — enceinte d'hommes pour
chasser le gibier.
Troqué (v.) — poursuivre le gibier.
Traij'cu — pelle à feu {trahrru
i<inem,.
Trappp — épais, large, dodu.
Travure — grenier à foin, gerbier.
Trikouage — tenaille pour arracher
les clous.
Treimpence — patience, modération.
Trpuiiip (v.) — trémousser.
Tourfau {onines).
Tursai — tas de gerbes aux champs.
Trihoulé — troubler, remuer, agiter.
TrUtoli'tte — petit vase à boire de la
bière.
Trihollé (v.) — sonner les cloches,
carillonner.
Trifjaudé (v.) — mêler les boissons.
Triqaudeu — qui mêle les boissons.
Triqauderie — mélange de boissons.
Triuuir — bruit, fracas
Trimé (v.) — marcher vite.
Triu — bruit, fracas.
Tri7}trin — chignon, mauvais joueui'
de violon.
Trinlé (v.) — aller el venir dans les
champs.
Triât — chi'Mip (indn ensemence en
menus grains pour la troisième
fois.
Tripotfé (v.) — faire le ménage.
Trajiai — troupeau.
Trumnlé (v.) — passer les nuits au
yy\.
Truijties, (•(inaduK.r — jKunines de
li-rre.
Tujiiu ou ta]iiu — vase quelconque.
Tusr (v.) — pensé, être distrait.
Ti')iflé[\.) — respirer avec ditticiillè.
Idi/e ou Tauj/pffc — gamelle de
terre.
Tout à hanti'té — tout arrangé, tout
entier.
Taloche — gros morceau de pain.
LKITRES A GREGOIRE
isl
r -\
Uche — porte .
i'citi (v.J — ouvrir souvtuU la [lorte,
sortir et rentrer.
Ih'aii — homme farouche.
ViirJiai — iramelle di- bois, cercueil.
Viu/ant — laborieux, aimable.
\'iii>-/es — vitre.<.
Vt/lrt — ji'une garçou, uoq marié.
Viiiirh't — domestique.
Vaulvi — être en visite.
Vegin — voisin.
Vpginr — voisiner.
Vi-ntion — volet de fenêtre.
Verd.in — canne avec un poit;nard
caché
\'('s/)rre — l'après-midi.
\'i;/u!i — bourreau, homme dur. qui
i'ait souffrir.
Vii/outir (v.) — faire souffrir.
Vii/iid (v.) — vivre.
\'if/>iairiex — victuailles.
Vidase — vaurien.
]'i)ia;/e — assemblée des habilauLs
d'un village.
Viréex — terres sortables qui se par-
tagent entre les habitants d'uue
commune chaque fois qu'on les cul-
tive.
lV(.s-.s- — votre.
Void-ci — le voici.
w
Warbe — haie morte, faite de bois
coupé.
Wnien — regain, labour d'automne.
Wnvokai — bois rond qu'on jette
iqjrès lies arbres pour abattre des
fruits.
Wnrandi — cacher, garder, défendre.
WarcolU — bourrelier, sellier.
Wargai — amas d'eaux stagnantes.
bourbier.
W'art — verre, gobelet.
Waurde — garde.
Waio'dp (v.) — garder.
Wriifi (v.) — regarder.
W'arhe — ban, fi nage, triage.
]\ /i/ri' — pluie d'orage.
\\'i/s/ii^ — giièpe.
Wdndc — femme paresseuse, sale.
Wandri — traîner dans la boue, en-
foncer dans l'eau par différents
mouvements.
\\ cz — gué, passage d'une rivière.
\\ inngc — droit de bourgeoisie.
W(i! — cri d'étonnement.
WaluiH — n"est-il pas ainsi ?
Yauqiie— quelque chose.
Conjugaison des verbes -wallons
en usage dans le duché de Bouillon.
VERBES AUXIU.VIRES
Être Avoir
Infin. présent
Ess. Awere.
Parfait.
Awere esté. Awere oyeu.
Futur
Dewerees-. Dewere awere.
Partie, présent
Estant. »
Être Avoir
Partie, parfait
Esté ,
<Jyeu .
Indii:
P
'ésejit
,1e su
.l'ai
T'est
T'est
Il est
Il est
•l'estan
•l'en
Veste
V'so
1 son.
il ont.
182
DTALECTl'îS MOOERKES
Être
Avoir
Imporf'ait
J'esto
Javo
T'esto .
T'avo
Il esto
Il avo
J'estin ou j'erin.
J'avin
V'esti
V'savi
Il estin ou il erin.Il avin.
Par- fait défini
.|p. furi J'ori
Te furi T'ori
I furi II ori
Je furin .roiia
Vou furi V'sorin
I furin. 11 crin.
Parfait indéfini
J'ai
T'est
Il est
J'en
V savez
Il ont
sté
J'avo
T'avo
Il avo
J'avin
V savi
II avin
Je serai
Te serott
11 seret
Je seran
V zseré
Il seront
Pus-que-Parfait
Futur
J'aurai
T'auret
II auret
J'auran
V zauré
11 auran
Futur passé
J'aurai
T
11
J'auran i
V zauré )
Il auran
'aurai ]
', ^"'■^^ > sté
Conditionnel présent
Je seros
Te sero
1 sero
Je serin
Vous seri
I serin
J'auros
T'auro
Il au m
J'aurin
V zauri
Il riiirin
Être Avoir
Second Conditionnel
J'auro —
T'auro i —
11 auro
J'aurin
Vousauri
Il auri
lunl
n I
sté
oyu
Impératif
So
Qui so
Soyenge
Soyenge
Qui suringe
Uge
QuMl uge
Uchant
Uchi
Qu'il uchenche
Subjonctif présent
Que j' soie Que j'uche
Que t' soie Que t'uche
Qu'il soie Qu'il uche
Que j' soyenge Que j'usinge
Que v' zsoige Que v' zuchi
Qui soyenge Qu'il uchinge
Imparfait
Que j' furiche
Que t'furiche
Qu'il furiche
Que j' furinge
Que v'furige
Qui furinge
Que j'uriche
Que furiche
Qu'il uriche
Que j'uringe
Que v'urige
Qu'il uringe,
sté
Parfait
Que j'uche I
Que t'uche f
Qu'il uche
Que j" uchinge
Que v'uché
Qu'il uchinge
Plus-que-Parfait
Que j'uriche
Que furiche
Qu'il uriche v . .
Que j'uringe
Que v'urirhe
Qu'il uringe
— \
_ i oy"
Que v'urigeX
Qu'ils urinchenl'
Verbe Aimer
Indicatif présent
J'aime
T'aime
Il aime
J'aiman
V saimé
Il aimant
Imparfait
J"aimo
Taimo
Il aimo
J'ai min
V saimi
Il aimin
LETTRES A GREGOIRE
l«i3
Parfait défiiri
J'airaa
T'aima
11 aima
J"aiinin
V aimi
11 aimin
Futur
J'aimerai
T'aimeret
Il airaeret
J'aimerao
V s'aimeré
n aimerau
Parfait
J'ai
T'est
il est
Javans
V savez
11 ont
indéfini Futur pasxc,
' J'aurai i
( T'aiii-et /
Il auret
J'aiiraii l
V sauré ^
11 aurant
aimé
aimé
Plus-cfue-Parfait Condit. premier
J'avo
T'avo
Il avo
J'avin
V s'avi
Il avin
J'aimeros
T'aimero
Il aimerd
J'aimerin
V'zaimi
Ils aimerin.
Condit. second
J'auros
T'auro
Il auro
J'aurin
V'sauri V
Il auriii '
Impératif
Aime
(^u'il aime
Aimant
Qu'il aiminge
Suljjnnct. présent
et imparfait
Que j'aime
Que t'aime
Qu'il aime
Que j'airainche
Que v'zaimiche
Qu'il aiminche
Parfait
Que j'euciie
(iu(t f uche
Qu'il uche
Que J'uchiiigc
Que v'zuchif;e
Qu'il uchiuge
Plus-que-Parfait
I
Que j uriclie
Que t'uriche
Qu'il uriclie
Que j'urin{<e
Que v'zuriclie
Qu'il urinche
Infinitif préxent
Aimé
Parfait
Awere aimé
Participe présent
Aimant
Les autres temps manquent. Les verbes en were, re, ir, sont presiiur
tous irré^uliers.
Observation. — Les lettres u, g, i et ch, se prononcent à
l'anglaise ; c'est de leur viaic prononciation que dépend la
beauté de l'idiome
Cet ouvrage ne doit être regardé que comme un aperçu
très-imparfait du vocabulaire wallon. Les mots ne se trouvent
même pas à leur place, et il en manque une grande quantité.
Si j'ai un jour le temps, je perfectionnerai ce petit ouvrage.
A Beiievaux, 26 février 1792.
UN CONTE DAUPHINOIS
SUR LE LOUP ET LE RENARD
Une version de ce conte, notée à Belesta (Ariége), a été
publiée, dans le numéro d'avril 1873 de \a Eevue des langues ro-
manes, par MM. Montel et Lambert, et reiiroduite par eux dans
le premier fascicule de leur ouvrage; Littérature populaire du
Languedoc Petites Compositions populaires ; Montpellier, 1873, in-8°.
Notre version, recueillie à Saint-Maurice-de-l'Exil (Isère), en
diffère seulement par sa conclusion, où le loup e-t une seconde
fois victime de la ruse du renard,
Maurice Rivière.
LOU LOUP ET LOU RÉNOR
Où tems van le bétse parlovan, lou Loup et lou Rénor
ayant prâ per ansan, lou pruet fa à besso ina târra, per se-
mé no de trueffe.
Lou Rénor ayié, per mijaglie, la méto dsin vie pouluet
roubo à in poulaglié vésin , et lou Loup in pouot de miei-
arpiglia dsan la cuesuena dsin vie chotso.
Présso de vîtou figni gliou oùra,mé que mié de glioù bésse,
i soulevovan le carriche. Gliou boura fumove ; glioù mourrou
suovan. et éran rintri per glioù travâ acliueno.
Cependant, en bessan, lou Rénor pensove (in Rénor pense
LE LOUP ET LE RENARD
Au temps où les IxHes parlaient, le Loup et le Renard avaient
ensemble pris à tâche un cham[) à bêcher, pour planter des pommes
de terre.
Le Renard avait pour pitance la moitié d'un vieux coq dérobéà un
poulailler voisin, et le Loup un pot de miel sournoisement soustrait
dans la cuisine d'un vieux manoir.
Désireux d'achever au plus tôt, leur besogne, à qui mieux mieux
lie leurs hèches, ils soulevaient les mottes de tf rre. Leur poil fu-
mait; la sueur goutte à goutte descendait sur leurs museaux rac-
courcis par l'ardeur du travail.
Cependant, en bêchant, le Uoiianl pensait , un renard pense tou-
TN CONTE DAUPHINOIS 185
loujour à ruso) où mouyan do plico loù coutso de mier apet-
suessan qu'amplissovan lou tsepin adsi per lou Loup. La cha-
ripa ne charchuet po longtems: où se rapeluet dsuena viéglie
pérola dépouso, per asor, dsan ina clierson pré de glioù
prouvision. Où se couluet en cachetta vé la pérola, et avé ina
piéra où se bettuei à boudeyié.
Lou Loup, tro annourcha, dsuessuet où Rénor, quand où
revenue!: « Que zia-t-é donc, compère? — Mai, repondsuet
quéquet, j'ayin oùbliya de te dsuere qu'itsin batéraou qui
sonon, van je se invueto per être lou paran, et j'y courou! )>
Lou drôlou reprend lou chamin délia clierson, et boufe
lou tser doù pouot de mier.
A son retour, lou Loup gli demanduet lou nom dôu motri :
Jesquacoiiâ! repondsuet lou Rénor; et, arapan vsa béssa, où
contsuenuyuet son travâ.
In'ura apré, la clioche d'sin vuellajou vésin sounuet, et lou
Renor, reglico per la douceur doù mier, dsi où Loup : « Tsan !
itsincore in batémou van je se invueto. J'é bian de paran; la
séson dsan ma famiglie a éto bian dria ! Lou tems d'allo et de
revegni. Contsuenuye souluet lou travâ; je tocherâ mouyan de
t'adsîre quoque z'où à roùgé. o
jours à ruser) au moyen de s'approprier les rayons do miel appé-
tissants qui remplissaient le pot apporté par le Loup. Le madré ne
chercha pas longtemps : il se souvint d'un vioux chaudron déposé,
par hasard, dans une haie auprès de leurs provisions. 11 se dirigea
en tapinois près du chaudron., et. avec un caillou, il imita lo son
d'une cloche que l'on carillonne.
Le Loup, très-occupé à sa besogne, dil au Renard, quand il revint:
« Qu'y a-t-il donc, compère? — Tiens! lui réiiondit celui-ci, j'avais
oublié de te dire que c'est un baptême (|ue l'on sonne, où je suis
invité d'être parrain, et j'y cours ! »
Le drôle prend le chemin de la haie et happe le tiers du pot de
miel. A son retour, le Loup lui demanda le nom de l'onfant : Jus-
qu'au cou! répondit lo renard; et, reprenant sa bêche, il continua
son travail.
Une heure après, la cloche d'un village voisin sonna et 1" Renard,
alléché par la douceur du miel, dit au Lou|i : « Mais c'est encore un
baptême où je suis invité; j'ai beaucoup do parents, oi l'année dans
ma famille a été très-fertile ! Le temps d'iller et de revenir. Con-
tinue lo travail, je tâcherai do te raiiportor quelques os à ronger. »
18(3 DIALECTRS MODERNES
Mons Renor retorne ou tsepin per lou regrabouto. Apre
s'être bian benésia,oà revian oùpré doù Loup, que gli demande
lou nom deir efan : Jesquamiâ! où repondsuet, en gli dsuesan
que la char san z'où ne pouyé po s'adsîre façuelam'an dsin
guleton !
Lou poùrou Loup dégoutove et barbelove apré lou goùto.
Son compagnon ne poujan resuesto à sa groumandsise, re-
torne alla ciierson per nesenéque, pique incore si la pérola,
et revian en couran annoncié où Loup in trâsiémou batémou;
tout en fassan la catamouoche, où gli dsuessuet de z'iallo et
se rebette alFoùra.
Lou grouman, en quoque tour de linga, fignià lou pouot de
mier, et revian en se glichan le babuene, et en dsuesan que
lou motri s'apelove : Jesquaki!
Lou Loup, délavouro per la sa et meran de fam, prépose où
ruso d'allo goùto.
Quéquiet, qu'ayié guiegnia ail' avance iua caborna dsan ina
téta de revou, pré délia târra qui bessovan, suivie lou Loup,
Toùreglie où guet et lacoua bossa.
Mons Renard retourne au pot de miel, qu'il attaqua de nouveau.
Sa gourmandise satisfaite, il revint auprès du Loup, qui lui de-
manda le nom du nouveau-né: Jusqu'au milieu! répondit-il, en
lui disant que la viande désossée ne lui avait pas permis de lui
rapporter le moindre relief du festin !
Le pauvre Loup suait et attendait avec impatience le moment
du goûter.
Cependant son compagnon, ne pouvant résister à sa gourman-
dise, retourne à la haie sous un prétexte quelconque, frappe de
nouveau sur le chaudron et revient en courant annoncer au Loup
un troisième baptême. Celui-ci, mécontent, accède néanmoins à la
demande du Renard pour y assister et continue sa besogne.
Le gourmand, en quelques tours de langue, acheva le pot de
miel et revint en se léchant les babines, disant que le petit s'ap-
pelait : Jusqu'au fond !
Le Loup, dévoré par la soif et mourant de faim, proposa au rusé
d'aller manger.
Celui-ci, qui avait visé à l'avance un trou dans une cépée de
chêne, près de la terre qu'ils bêchaient, suivait le Loup, l'oreille
au guet et la queue basse.
UN CONTE DAUPHINOIS 187
Quand lou sire Roùgefejas'apercevuet délia força de son
compère, où gli couruet dessi per Testourbo; mai lou Rénor
subtsuelaman s'ansoùvuet, doù lo doù pertsi dalla téta de re-
vou.
Courajà de pré per lou Loup, mogré qu'oùU'ére lâstou,où se
jetuet dsan lou pertsi, mai po suetvîtou que lou Loup courajé-
rou [)oussuet gli arrapo ina piotta de derrâ.
1 façuelou de juger dell' embarras de Crocapoula, que, per
touta consoulacion, ayié ina courla d'cga vuenégro dsan se
griffe, et qu'où pourtove à sa gorge, à choque breyuet délia
dent dôu loup, menaçan degli coupo lapatta.
Mon ruso couquin, que sajié suet bian broujé toù loù tour
poussueblou en plagne, se trouvove prâ délia bouna ma-
nière.
Enfin, foù de douleur, i gli vian in' idé... Se redressan avé
éfor et montran sa courla où Loup, gli dsi :
« Avisa, pendant que je bevou,
Te tsuere la raje doù revnù! »
Lou Loup vouçuet proutesto et.... on devuene lou ràstou î
V adresse a toujours pi^uemo la force, et lah^ûsa la houna fâ...
Quand messire Maniïe-Brebis s'aperçut de la supercherie de
son compère, il courut sur lui pour se venger ; mais le Renard
subitement prit la fuite et se dirigea vers le trou de la cépée.
Serré de près parle Loup, malgré son agilité, il se jeta dans le
trou, mais pas si prestement ([ue le Loup ne lui attrapât une patte
de derrière.
Il est facile de juger de l'embarras de Croque-Poule, qui, pour
toute consolation, avait une gourde d'eau vinaigrée dans ses griffes
et qu'il portait à sa bouche à chaque contraction de la dent du
Loup, menaçant de lui couper la patte.
Mon rusé cocjuin, qui savait très-bien imaginer tous les tours
possibles en rase campagne, se trouvait pris de la bonne manière.
Enfin, fou de douleur, il lui vint une idée; se redressant avec
effort et montrant sa gourde au Loup, il lui dit :
« Regarde! pendant que je bois, — tu serres la racine du chêne! »
Le Loup voulut protester, et. . . . on devine le reste.
L adresse a toujours primé la force, et la rvxe la hanne foi.
UROUS NAUFRAGE
AV PRESIDENT MAX DE LA BAUMO
Èro un bèu jour d'autouno, e soun alen tebés
Butavo sus lou clar - pèr la preniiero fes —
La nau qu'anavo au fiéu de l'aigo lindo e puro.
Asseta tôuti dous, siau coume la naturo,
ChaiTavon, Elo em 'Eu, urous coume n'i'a ges.
De-que disien? Noun sai ; belèu rèn ! Es permés
Au bonur de teni mudo sa parladuro :
Chale paradisen sens mistèri noun duro. . .
Rintrèron au castèu que toum})avo la niue.
La barco flame-novo, alor, passé pèr lue :
le sufisiè d'avé pourta la fado bloundo !
Tôuti n'an pas tant fier destin, que van sus l'oundo. . . .
E la /Jaumo, de l'ange esvali coume un fum,
Dintre si teso en flour a garda lou perfum I
Louis RouMiKUX.
^'Provençal, Avignon ot les bords du Rhône.)
HEUREUX NAUFRAGE
AL i>iu:.sii)i;nt max ok i,a baume
C'était un beau jour d'automne, et sa liède haleine — poussait
sur le lac, pour la première fois, — la nacelle qui allait au courant
de l'eau pure et limpide. — .\ssis tous les deux, calmes comme la
nature,
Ils devisaient, Elle et Lui, heureux comme personne. . . — Que
disaient-ils ? Je ne sais ; peut-être rien ! Il est permis ^au bonheur
de tenir un langage muet: — nul charme de Paradis ne dure
sans mystère !
Ils rentrèrent au château à la nuit tombante. — La barque llam-
bante neuve, alors, s'engloutit : — il lui suffisait d'avoir porté la
blonde fée !
Toutes n'ont pas si fière destinée, qui vont sur l'onde. , . — Et
la Baume*, de l'ange évanoui comme une fumée, — a gardé le par-
mm dans ses allées fleuries!
Louis RoDMlEtTX.
' Le château de la Haum>', prés Uzè.s.
L'IVER
A UN A M I C
L'iver es revengut tout erissat de glasso ;
Lou soulel e la luno an lous pelses jalats,
Saturno e Jupiter se soun enraantelats,
E Mars, tant frejoulet, tremblo jout sa couirasso.
La terro, de coutou se vei tapa la fasso ;
Lous aubres an sous peds per la frejou pelats.
Dins soun leil hivernenc, lous flunies acalats
An perdut lou poudé de se clianja de plasso.
Que poudriô te manda dins a(iuelo sazou,
Amie, per n'adoussi la tant grando rigou ?
Moun cor, qu'a sonl de fioc dins touto la naturo.
Pendent las loungos neits, plegat sus toun burèu,
Dins toun traval ardent, el sera toun flambèu,
Sera toun refaudis al temps de la frescuro.
C. Laforgue.
(Languedocien, Quarante et ses environs.)
L'HIVER
a un ami
L'hiver est revenu tout hérissé de glace: — le soleil et la lune
ont leurs cheveux geiés, — Saturne et Jupiter se sont couverts de
leurs manteaux, — et Mars, si frileux, tremble sous sa cuirasse.
La terre, de coton se voit couvrir la face ; — les arbres ont leurs
pieds maltraités par la froidure.— Dans leur lit hivernal, les lleuves
apaisés — ont perdu le pouvoir de se changer de place.
Que pourrais-je l'envoyer dans cette saison, — ami, pour en
adoucir la grande rigueur? — Mon cœur, qui, seul, est de feu dans
toute la nature.
Pendant les longues nuits, ployé sur ton bureau, — dans ton
ardent travail il sera ton flambeau, — il sera ton refuge au temps
de la f-aîcheur. G. LAFonouE.
A CLEMENT FANOT
(Anacrkoun)
D'Avignoun grand trignoulejaire!
Que m'enchau ço que dislou catau, Tufanous,
L'arlèri vueje, loutrufaire?
léu, iéu, te nome urous, êtres fes plus urous
Que bèn de segnour dôu terraire,
Que sebagnon dins V or e que volon courous, . .
Capoulié di trignoulejaire !
Lou languimen nous enmantello !
Tenes, tu, dins la man la poumo de bonur,
Car brûles d'uno passioun bello
Que sèmpre te sourris d'eilamount, de FAzur,
Coume uno trelusento estello ;
Mai nàutri, tron de goi ! sian priva de toun ur !
Car la ca<?no nous enmantello !
A CLEMENT FANOT
Nous t'estimons heureuse,
ô cigale !
AXACUÉON.)
0 grand carillonneur avignonnais ! — que m'importe ce que dit
le richard, l'orgueilleux, — le fat, le moqueur au cœur vide? — Moi,
moi, je te nomme heureux, et trois fois plus heureux — que bien des
seigneurs du territoire — qui se baignent dans l'or et qui volent
brillants — ô maître des carillonneurs !
L'ennui nous enveloppe ! — Tu liens, toi, dans la main la pomme
de bonheur, — car tu brûles d'une belle passion — qui te sourit
toujours d'en- haut, de l'Azur, — comme une étoile étincelante; —
mais nous, parbleu ! nous sommes privés de ta chance, — caries
soucis nous enveloppent.
' Grâce au poëme héroï-comique de Roumanille, la Campano mountado,
imprimé il y quelques aniii';es, tous ceux qui s'intéressent à la poésie pro-
vençale moderne connaissent Clément Fanot.
A CLEMBM' FANOT lyl
Semblés, Fanot, uno cigalo !
Quilia déclins ta tourre, entre terru e soulèu
(Un rèi sus soun autour reialo) ;
Fasènt dindatoujour ti trignoun cantarèu,
Escampes un son que regalo
De ti mirau brounzin. noun creba, clarinéu.
0 ! semblés un vôu de cigalo !
Tu, la pas di sàntis andano ! . . .
La cigalo escampiho, eila, de soun oustau,
Sus la branco d'uno platano,
De calour dins lou cor, de trelus, de grand gau :
Tu, fas toumbade ti campano
Uno eigagno de Dieu, un vounvoun celestiau,
Un perfum di sàntis andano !
GuiHEN-C. Bonaparte-Wyse.
Avignoun, febrié 1868.
(Provenral, Avignon et les bords du Rhône.»
Tu semblés, Fanot, une cigale !.. — Dans ta tour, perché en-
tre terre et soleil — (un roi sur une élévation royale); — faisant ré-
sonner joyeusement tes battants harmonieux, — tu éparpilles un
bruit qui réjouit, — de tes miroirs de bronze, entiers, d'un timbre
clair. — Oui, tu semblés une volée de cigales !
Toi, la paix des allées saintes ! . . . — La cigale répand, au loin
de son gîte, sur la branche d'un platane, — de la chaleur dans le
cœur, de la lumière, de la grande joie ; — toi. tu laisses tomber de tes
cloches — une rosée divine, un bourdonnement céleste, — un par-
fum des allées saintes!
GuiLL.\UME-C. Bonapaute-Wyse.
Avignon, février 1868.
MOUSSU CHASAUD '
Aves be counei2:iit Moussu Chasaud?
Aurô n'i'a pus de gent couma-t-eu era.
Quand auvio, loumati, chanta soun jau,
Tant lèu aguessas vist notre orne à terra,
E tant lèu que lou jour era falit.
Tant lèu aguessas vist notre orne au nid.
Au meis d'abrieu, quand venta e jala enquera,
Taurias dit qu'avias vist lou roussignôu,
Notre orne se vitissio à la lèugiera;
E, si li'aguessas dit, vers la fi d'ôut,
Qu'avias vist la rousseta ou la bechada,
Se bilhava d'iver dins la journada.
Quand venio de sa vigna emd un paniè,
La marmalha autour d'eu s'atroupelava;
E quand quis poulissouns de soun quartiè
Cherchaven à sabei ça que pourtava :
(( Devinas ! disiô-t-eu, ça qu'ei dedins,
N'aures 'na grapa. — Eh be! qu'ei dans rasins, »
MONSIEUR CHAZAUD
Vous avez bien connu Monsieur Chazaud"? — Aujoud'hui, il n'y a
plus de gens comme lui. — Quand il entendait, le matin, chanter
son coq, — aussitôt vous eussiez vu notre homme à terre. — Et aus-
sitôt que le jour avait décliné. — aussitôt vous eussiez vu notre
homme au nid.
Au mois d'avril, quand il vente et gèle encore, — vous lui au-
riez dit que vous aviez vu le rossignol, — notre homme se vètis-
sait à la légère; — et si vous lui aviez dit, vers la fin d'aoûl, — que
vous aviez vu le rouge-gorge ou la bécasse, — il s'habillait d'hiver
dans la journée.
Quand il revenait de sa vigne avec un panier, — la marmaille
autour de lui s'attroupait: — et quand ces polissons de son quar-
tier— cherchaient à savoir ce qu'il portait : — « Devinez ! disait-il,
ce qui est dedans, — vous en aurez une grappe. — Eh bien! ce
sont des raisins »,
I Dans hi périgourdin. la finale féminine du sinjîfiilier prend, sauf quel-
ques cas, le son d(3 l'o; bechada, journada ~ hcchado, ]otir7,ado.U en est
de même pour certains temps de v^rbe: bilhava. désira = bilhavo. desiro.
Monssr ciiASAUi» 193
Disian-t-is tous au cop. « Ah ! «[uis meinageis,
Disio Moussu Chasaud, jous lur bounet.
N'en sabeii mai que nous, e lous vilageis
N'en motren à la vila, au jour cl'anet. »
E lou boun viei leidounc rieicapelava
Souu paniè de rasins e lou boueidava.
Aimava à trabalhàsoun pitit be.
Sans se preissà jamai, jamai chauraava.
Soun boursic n'era pas tous lous jours [)le,
Ni soun granic ; pertant jamai junava,
E culio dins soun be, tranquilament,
Sous mounjous, soun bles[)a2:na esounfrotiment.
Prenio, tous lous dimcns, l'abit de lana,
Una chamisa blancha e soun cliapèu ;
E, couma sa barba avio 'na semana,
Se nava fa rasa per se fa bèu.
E, quand lous de lesei lou rancouutraven,
En se donnant lou mont, lou saludaven ,
E li disian: « Boun jour, Moussu Chasaud,
Couma 00 vai anet ? — Merci, co vira,
Disio-t-eu; brave tems, ni fret, ni chaud,
E bien de la santat qu'un vous désira.
disaient-ils tous à la fois. « Ah! ces enfants, — disait Monsieur
Chazaud, sous leur bonnet, — ils en savent plus que nous, et le?
villages — en remontrent à ia ville, présentement. » — Et le bon
vieillard alors découvrait — son panier de raisins et le vidait.
Il aimait ;i travailler son petit bien. — Sans se presser jamais,
jamais il n'était oisif. — Sa petite bourse n'était pas tous les jour.«
pleine, — ni son grenier; pourtant il ne jeûnait jamais, — et, dans
son bien, tranquillement, il récollait — ses haricots, son mais oi
son froment.
Il prenait, chaque dimanche, l'habit de laine, — une chemise
blanche et son chapeau; — el, comme sa barbe avait une senvMiir,
— il allait se faire raser pour se faire beau. — Et, quaml les gens
de loisir le rencontraient, — ils le saluaient en se donnant le moi.
El lui disaient: « Bonjour. Monsieur Chazaud !— Comment niiez
vous aujourd'hui? — Merci, ça boulotte, — disait-il ; [ il fait] beau
temps, ni froid, ni chaud, — et beaucoup de santé que je vous
194 DIALECTES MODl-^RNES
— Eli ! mas; eh ! mas, dijas, Moussu Chasaud;
Dijas-me, qu'aves-vous? Ses pla malaut :
» Aves lous eis batuts, la jauta pala;
N'aves pas Ter dau tout d'un (.me fier.
Fases-me veire un pau la lenga ? Ei sala.
Aures-vous bien trapat quauque cop d'er?
Surti dins quel eitat ! quala imprudonca !
Un cop d'er , qu'ei meichant, quand un gui pensa ! »
E Moussu Chasaud, blanc couma leri,
Disio aleidounc : « Qu'ei pas Fimbarras, sente
Quaucaré. — Dévias pas quête mati
Vous leva. — Qu'ei be vrai que m'en repente.
— Couma aves-vous pougut quità lou liet ?
— Gui torne, disio-t-eu, mai tout-à-dret. »
E lou paubre moussur, que fasio pena
A veire, talament era chanjat,
S'entournava, las mas sus sa peitrena.
Mens de mejoura après, era coueijat.
K Fa loung tems, disio-t-eu, que iou zou couava. »
Se plagno, se purjava, e bevio e suava.
désire. — Eh ! mais ; eh! mais, dites, iMonsieur Gha/aud, — dites-
moi, qu'avez-vous ? "Vous devez être malade :
Vous avez les yeux battus, la joue pâle; — vous n'avez pas du tout
l'air d'un homme bien portant. — Faites-moi voir un peu la lan-
gue ? Elle est sale . — Vous .aurez certainemenf pris quelque coup
d'air. — Sortir dans cet état! Quelle imprudence ! — Un coup d'air,
c'est mauvais, quand on y pense !. . . »
Et Monsieur Chazaud, blanc comme lis, — disait alors : «Ce n'est
pas l'embarras, je sens — quelque chose. — Vous ne deviez pas de
ce matin — vous lever. — Je m'en repens, cela est bien vrai. —
Comment avez-vous pu quitter le lit? — J'y retourne, disait-il, et
tout droit de ce pas. »
Et le pauvre monsieur, qui faisait peine — à voir, tant il était
changé, — s'en retournait, les mains sur sa poitrine. — Moins d'une
demi-heure après, il était couché. — « 11 y a longtemps, disait-il,
que je couvais cette maladie. » — 11 se plaignait, il se purgeait; il
buvait et suait.
MOUSSU CHASAUn IPS
Quand avio 'u liet goumat clous jours ou treis,
Trop de tems ({u'aurio eitat deirasounable,
Notreis bous paroufiens, jôuneis mai vieis,
Naven per s'eimajà dau paubre diable.
Entraven en prenent tout lur seriou
E lou vesian au liet pus mort que viou.
(( Eh be! Moussu Chasaud, couma co vira?
Eh ! mas, aves tournât prene coulour.
La lenga n'a pus re ; Fei, un s'i mira ;
La peitrena truudis couma un tambour.
Ses garit. » E lou viei lur disio : « Trobe,
Dempeis quauqueis mouments, que iou me dobe. »
Un jour, queTavian fai entau coueijà,
Un de quis de lesei que lou velhaven,
En l'empeichant de beure e de minjà,
Vesent sous paubreis eis que se barraven.
Disset à sous amis, tant si pau fort :
Aurù qu'ei be finit; notre ome ei mort, n
Paubre Moussu Chasaud I qu avio la teta
Pausada de coûtât sur lou chabei,
(^)uan(l il avait croupi au lit tleux ou trois jours, — trop de temps
c'eût été déraisonnable, — nos bons paroissiens, jeunes et vieux,
— allaient s'informer du pauvre diable. — Ils entraient en pre-
nant tout leur sérieux, — et ils le voyaient au lit plus mort
que vif.
« Eh bien! Monsieur Chazaud, commentcela va-t-il? — Eh! mais,
vous avez repris couleur; — la langue n'a plus rien ; vos yeux, on
s'y mire: ait. — La poitrine résonne comme un tambour: — vous
êtes guéri. » Et le vieillard leur disait : ■• Je trouve, — depuis quel-
ques moments, que je me rétablis. »
Un jour, qu'on l'avait fait coucher ainsi, — un de ces oisifs qui
le veillaient, — en l'empêchant de boire et de manger, — voyant
ses pauvres yeux qui se fermaient, — dit à ses amis, en haussant
tant soit peu la voix: — » A présent, c'est bien Uni: notre homme
est mort. »
Pauvre Monsieur Chazaud ! qui avait la tète — posée de côté sur
196 DT.VLKCTK.S .\Url)l<:KNK!5
(juela j)ai'aula fola e malouneta
Lou tuet: Moussu (Miasaud drubit pus l'ei.
Fuguet lou lendouiua pourtat en terra.
Aurô, n'i 'a pus de gcnts couma-t-eu era.
A. Chastanet.
(Périgourdin, Mussidan et ses environs.)
le chevet, — cette parole inconsidérée ni inconvenante — le tua:
Monsieur Chazaud ne rouvrit plus les yeux. — Il fut le lendemain
porté en terre. — Aujourd'hui, il n'y a plus de gens comme lui.
A. Chastanet.
LE PINTAIRE
Urous qui pot passa sa vido ame's pintaires !
Milo douces plasés fan à barres dins el;
Dins el tout viro Hous, dins el tout jogo d'aires:
Ten toutos sas ergnos pel pel.
I venguets pas dounc dire : « Uno vaco t'es morto,
Janet; un rousal blanc t'a rumat le vigne. »
Ni mai : « L'oustal te toumbo e l'aigat se l'emporto,
— Saras dema sens un diniè. »
El s'en rits. Enroudat d'un eissam de bebeiros,
L'elh vieu, le pot lusent e le nas cramuesi,
LE BUVEUR
Heureux celui qui peut passer sa vie avec les buveurs! — Mille
doux plaisirs jouent aux barres en lui; — en lui tout tourne^ear^-
(trèlles), lir- lui tout joue des airs: — il tient ses ennuis par les
cheveux.
Ne venez pas lui dire : « Une de tes vaches est morte, — Janot;
uno gelée blanche a roussi ton vignoble.» — Non plus: « Ta maison
lombnot l'inondation l'emporte, — tu seras demain sans un denier.»
Lui, s'en rit. Entouré d'un essaim ilo huviMirs. — Td'il vif, la lèvre
LOU PIN Ta IRE 197
El canto à plen puetralh, en t'arrasanl les veires.
Le boun soûlas e le bounvi.
« E per (1110, s'a-dits el, se donna tant de peno?
Sapien-va passa dons, montre que Ttems va dits;
Car, se la mort nous douno un tabut per cousseno,
Per mile ans saren endourraits,
» Anen, bounis efants, que Tbarrilh se desl)Oundo !
Daissen pasesfreja las ansos del plounclioun;
Que passe ! E, quand saurion d'esse à la fi de! niouude,
Sens ped branla, bep-uen toutjoun.
)) Eh be ! qu'un lac de vi nous courgue sus la lengo !
El soûl, del cor de l'orne es l'arremountacieu.
Car veirets pas en loc de niedeci que tengo
De pus sanitouso poucieu.
» Donne, Bourtoumieu, al chai! Del vielh ! e que tout sonne !
Mai on beu entre amies, mais las ergnos s'en van.
Anen, te! vudo ras, e qu'aiceste me doune
Bouno santat per tout oungan. »
Ag. Ctaltier.
(Languedocien, Casteinaudnry et ses enviions.)
luisante ot le nez cramoisi. — lui, chante à pleine poitrine, en rem-
plissant ras les verres. — la joie ot le bon vin.
« Et pourquoi, se dit-il, se donner lant de peine?— Sachons la iia.s-
ser douce pondant que le temps le dit; — car, si la mort nous doiiiio
un cercueil pour coussin, — pour mille ans nous serons endormis .
» Allons, bons enfants, que le haril se débonde! — Ne laissons
pas refroidir les anses du pirhet. — quil passe ! Et, quand nous
saurions être à la lin du monde. — sans pied branler. I)uvons
toujours.
» Eh bien ! qu'un lac de vin nous coure sur la langue! — Lui
seul, du cœur de l'homme est la restauration, — car vous ne
verrez nullj part de médecin qui ait — de plus salutaire potion.
» Donc, Barthélémy, au chai! Du vieux! et que tout sonne ! —
Plus on boit entre amis, plus [vite] les ennuis s'en vont. — Allons»
tiens! vide à pleins bords, ot, que celui-ci me donne — bonne santé
pour toute l'année. » Aug. G.\i.tiei!.
LESNOUIES
Al luscre, les nouiès qu'an mai de cent ans d'âge
Sembloun plenis de raive, en tenent desplegat,
Sus le rose e l'or clar del soulelh amagat,
Le nègre ventallias à joun de Ihour brancage.
Lhour trounc dreit, que le tems souvent a moussegat,
D'uno peiro ficado a l'mage aspet salvage.
Que soun belis e forts! Servissoun de bournage
A-n-un grait espacious e bêlement regat.
Dambe un brave ramat de fuelhos roubilhados,
I aura proche d'un mes, quand tourne Sant-Marti.
Que las nouses, pel sol, se soun escampilhados.
Las doublidi, — e pr'aco m'an sapiut agati : —
Vesi demest les brancs tant d'estelos poulidos
Brembant les fruts de Fort de las dos Esperidos !
Ag. Fourés.
Caudoroco, le 28 d'outobre 1877.
(Languedocien, Casteinaudary et ses environs).
LES NOYERS
Au crépuscule, les noyers qui ont plus de cent ans d'âge —
semblent pleins de rêve, en tenant déployé, — sur le rose et l'or
clair du soleil caché, — le noir et grand éventail à jour de leur
branchage.
Leur tronc droit, que le temps a souvent mordu, — d'un pelvan
a le grand aspect sauvage. — Qu'ils sont beaux et forts! Ils ser-
vent de bornage — à un guéret spacieux et largement rayé.
Avec une nombreuse quantité de feuilles rouillées, — il y aura
près d'un mois, revienne la Saint-Martin, — que les noix sur le
sol ont été éparpillées.
Je les oublie, et pourtant elles ont su m'allécher. — Je vois au
milieu des branches tant d'étoiles jolies — rappelant les fruits du
jardin des deux Hespérides ! Aug. Foubès.
Cauderoque, 28 octobre 1877.
BIBLIOGRAPHIE
La Bataille de Muret et la Tactique de la cavalerie au XW si^kle (avec
deux pliins topographiques), par Henri Diîlpech. membre résidant de
la Société des langues romanes.— Montpellier, bureau de la Société des
langues romanes; 1878, in 8°, XVl-156 pages.
Ce travail, avant d'être livré à l'impression, était à demi connu
des lecteurs montpelliérains. Dans une série de conférences très-
bien accueillies du public, M. iJelpecli en avait esquissé les prin-
cipaux traits et résumé les conclusions. Dès son apparition, la Ba-
taille de Muret se trouve donc devant des lecteur.s qui sont en état
de l'apprécier immédiatement, H n'ont pas besoin qu'on leur expose
longuement le plan de l'auteur et les résultats de ses recherches.
Disons tout de suite que M. Delpech s'est attaché à remplir tout
son cadre, mais qu'il s'est bien gardé d'en sortir pour engager, à
propos du grand événement qui est l'objectif de son travail, une
polémique rétrospective pour ou contre l'un des deux partis en
lutte. Il a voulu faire une œuvre en quelque sorte technique et ré-
soudre un important problème d'histoire et d'art militaire.
Dans une rapide Introduction, il nous place au cœur des événe-
ments, au milieu des deux armées prêtes à en venir aux mains. 11
nous fait connaître en détail les emplacements qu'elles occupent,
la composition de chacune d'elles, les dispositions morales et les
intentions stratégiques des chefs. C'est le sujet des trois premiers
chapitres .
Le récit de la bataille remplit le chapitre IV, le plus important
et le plus étendu. On y remarque l'attaque des Vasco-Aragonais et
leur déroute à la suite du brusque retour offensif des Croisés, la
mort de Pierre II, roi d'Aragon; la résistance désespérée de sa
maynade, l'immense et hardi mouvement tournant par lequel
Montfort en personne amène son troisième corps sur le flanc droit
de ce corps d'élite, dont il achève ainsi la destruction; l'à-propos
de la manœuvre par laquelle il tient en respect les réserves du
comte de Toulouse et les empêche de venir au secours des cheva-
liers de Pierre II; le massacre des milices toulousaines, étonrdi-
ment revenues à l'attaque sur les derrières des Croisés victorieux.
Les trois derniers chapitres sont consacrés à une étude détaillée
de la Version de Ut Canso, des Causes d£ la victoire de Muret ol de la
Tactique 'le la cavalerie au XIIP siècle.
200 BrBLIOCiRAPHIE
Des Pièces justificatives, com|josées en grande partie de textes
transcrits par l'auteur dans les archives de la couronne d'Aragon,
et deux caries, complètent cette publication '.
M. Delpech ne s'en est pas tenu à la partie purement techni-
que de son sujet. Il a bien vu et il fait bien voir qu'à côté des
causes exclusivement militaires qui ont décidé le succès en faveur
des Croisés, il y en a d'autres, les unes relifzieuses. les autres
politiques, qui ont eu une influence presque égale sur la marche
des événements. Ainsi on s'étonne moins de l'audace, en appa-
rence insensée, de neuf cents chevaliers français qui vont s'atta-
quer à une armée de quarante-trois mille hommes, quand on voit
leurs escadrons ne s'acheminer vers le champ de bataille qu'après
que l'évèque de Comminges a répété devant chacun d'eux sa
promesse formelle « qu'en cas de mort, il leur servirait de cau-
tion devant Dieu pour les délivrer, non-seulement de l'enfer, mais
du purgatoire. « De toute façon, et qu'elle qu'en fût l'issue, la ba-
taille qui s'engageait était donc une bonne affaire pour ces cheva-
liers avides et croyants, calculateurs jusque dans leur foi.
Montfort, qui savait si bien tirer parti des dispositions morales
de ses soldats, se tenait prêt à en faire autant de celles qu'il sup-
posait chez ses adversaires. Il n'ignorait pas, en effet, que les
Toulousains et les Gascons soutenaient mal le roi d'Aragon, parce
qu'ils voyaient en lui un étranger, presque aussi dangereux pour
eux que les Français du Nord. De leur côté, les Catalans inar-
chaient à contre-cœur contre ces mêmes Français, desquels les
rapprochaient leur foi religieuse et le souvenir tout récent de la
gloi'ieuse victoire de las Navas, remportée en commun sur les
Maures d' Espagne, un an auparavant. En cherchant, comme il le
fit, à supprimer dès le début de la bataille le chef de l'armée en-
nemie, il était assuré de détruire du même couple seul lien qui
pût retenir encore en un faisceau mal joint ces volontés diver-
gentes et ces intérêts contraires.
Jusqu'à quel point ces sourds dissentiments ont-ils influé sur la
catastrophe qui aboutit à la mort du roi Pierre II et à la défaite de
ses troupes? On ne le sait ni ne le saura probablement jamais. Mais
cequi paraît certain, c'est que Montfort, parfaitement renseigné pour
tout le reste par ses espions, en fut prévenu ou les devina. Tout,
d'ailleurs, de la manière dont il conduisit les opérations, prouve
qu'il raisonna d'après l'hypothèse d'un manque d'accord entre les
coalisés. M. Delpech, sans sortir, comme il le déclare expressément,
du domaine de la simple conjecture, a raison de rapprocher toutes
ces coïncidences, laissant à de nouvelles, et non jiius sagaces re-
cherches l'heureuse, mais peu ]ir(»balilo chance, de trouver des docu-
BIBLIOGR.VPHIK 301
monts qui complètent et conliruieai cet ensemble de prohabiliiés.
En résumé, Montfort a dû sa victoire, non à la supériorité d'arme-
ment ou d'équipement de ses chevaliers, nia une prétendue supé-
riorité physique de la race du Nord sur celle du Sud, mais à leur
rapidité d'évolutions, à leur habitude de cliari^er en masse sans cé-
der r>.n vain plaisir de quitter le ran? pour montrer leur hravour-
individuelle, enfin et surtout à rinfaillibilité de son coup d'oeil, qui
lui faisait voir à l'avance les fautes de ses adversaires et les moyens
de les retourner contre eux aussitôt qu'elles avaient été commises.
C'est ce qu'a démontré M. Deljiecb, avec une précision qui ne laisse
rien à désirer. Il a été ainsi amené à s'occuper de !a tactique de la
cavalerie au XIIP siècle, étude des plus instructives, qui se résume
fort hpureusement dans la comparaison qu'il fait de la bataille de
Cocherei. gai^née par du Guesclin sur les Anglais, et de celle de
Muret.
Cet ouvrage, fait avec beaucoup de soin et d'intelligence, consti-
tue une monographie des plus utiles, en ce qu'elle apporte, non des
faits nouveaux, dont la découverte dépend souvent plus du hasard
que de l'inLelligence des chercheurs, mais des explications réelle-
ment neuves. Et dans la circonstance ce n'est pas un mince mérite,
si l'on songe qu'elles rectifient sur un événement aussi important
les opinions jusqu'ici dominantes d'hommes tels que Sismondi.
Micheletet H. Martin
En finissant, nous devons présenter à l'auteur une observation
dont il sera le meilleur juge. Page 78. il dit que la nouvelle de la
mort de Pierre II « arracha des larmrs à Monifor;. » Le fait est-il
bien certain, et M. D^lpech n'a-t-il pas à son insu forcé la signifi-
cation des témoignages contemporains? En effet, tous ceux qu'il a
reproduits en note, avec son soin habituel, nous montrent Montfort
plaignant, mais non pas pleurant, celui qui avait été son suzerain:
ce. . . planctum fecit », Pierre des Vau.x de Cernay; « Quant il le visy
le plaint y>, Baudouin d'Avesnes: « non modicum lamentabatur » .
Chanoine de Laon. Ce détail a sa valeur, car les larmes ne dépen-
dent guère' de notre volonté, tandis qu'il n'en est pas de même de
no? paroles et de nos g.-'stes. Non pas qu'on ne puisse croire à la
sincérité de Montfort. à laquelle, pour ma ]iart, je ne crois pas, car cet
homme, dur et retors, savait au besoin parfaitement jouer la comé-
die; mais, s'il avait réellement versé des larmes, ses hi«:toriens,et
principalement ses panégyristes, tous si déférents à l'égard de l'or-
thodoxe Pierre II, n'auraient pas manqué d'en faire honneur à l'un
et à l'autre.
Dois-je signaler encore, pour être complet, quelques menues fau-
?02 BIBLIOGRAPHIE
tes d'impression? P. 53, 1. 9, il faut lire aciei: ihid., 1. 2î, ne faut-il
pas gilUj a ruse, tromperie », et non Gille, nom propre ?
A. B.
Recueil de morceaux choisis envieux français, parEugène RirrER.pro-
fess'^-ui' à l'Université de Genève.— Genève, Bâle, Lyon, H. Georg, li-
braire-éditeur, 1878: in-8°, viii-li6 p.
Opuscule purement scolaire. Il se divise en trois parties d'iné-
gale étendue. La première comprend les plus anciens textes de la
langue française ; la seconde, sous la rubrique Prose, des extraits
du Livre des Rois, de Villehardouin, etc.; la troisième est consa-
crée à la poésie. Tous ces textes ne sont pas également propres
à passer sous les yeux des commençants: quelques-uns appar-
tiennent à des dialectes encore peu connus et mal déterminés
(Serments, Saint Léger); d'autres, comme le Livre des Rois, ne sont
pas écrits avec la correction uniforme qu'exige l'inexpérience des
premières études. Cependant, ces réserves faites, on doit reconnaître
que le recueil de M. R été composé avec soin et avec i:oùt.Le prix
n'en est pas indiqué, mais il est à supposer qu'il est à la portée do
toutes les bourses. A. B.
L'Abbaye de Montmajour, Étude historique d'après les manuscrits de
D. Chanlelon et autres documents inédits, pa.r F. de Marin de Gar-
RANRAis, archiviste auxiliaire des Bouches-du-Rhône. Marseille, 1877:
1 vol.gr. in-8o, 162 pages.
Au milieu de cet admirable pays d'Arles, Eden de l'archéologue
et de l'artiste, se dressent, sur la colline de Montmajour, des ruines
importantes, dont l'histoire complète et authentique restait enfouie
dans la poussière des archives. Il existe de nombreuses notices
sur Montmajour ; un travail d'ensemble était encore à faire. L'ou-
vrage que nous annonçons vient de combler cette lacune. M. de
Marin de Garranrais a condensé en un travail substantiel tous les
faits importants relatifs à l'antique abbaye. Notre cadre ne nous
permet que de signaler cette œuvre pleine d'intérêt, et de sou-
haiter que le jeune éruilit à qui elle est due continue à mettre en
lumière, en une série de monographies analogues, les nombreux
points encore obscurs de notre histoire méridionale.
C. J. T.
PERIODIQUES
Romania, 26. — P. 161. La Léfjendc de Girart de Roussillon.
P. Meyer. Cette notice comprend une étude bibliographique et his-
torique sur Girard de Roussillon; la vie latine du célèbre comte,
accompagnée de la traduction en français, ou plutôt en bourguignon ,
de la fin du XII le siècle: un glossaire qui fait suite au texte bour-
guignon, un commentaire et un appendice intitulé la Translation
du corps de sainte Marie-Madeleine à Vézelay . P. 179. 1. 37, refaiz
manque au glossaire. Litti'é ne donne pas d'exemple ancien de ce
mot ainsi employé. P. 183, 1, 10, Perfection, que M. P. M. corrige
en persécution, doit probablement se \\ve persection, qui donnerait le
même sens. P. 185,1. 22, envie envenimé ., faute d'impression pour
envenimée. P. 195,1. 34. s'escepa, signalé avec raison au glossaire,
est un doublet dialectal de s'achopa. P. 222, 1. iO, poserai, faute d'im-
pression pour poterat. Ibid., 1. 23, pro divo. faute de lecture pour pro-
clivo. P. 223, 1. 9, s'en lisostenant de .u. basions, lisez, comme plus
bas, 1. 34, sens le sostenement. Ibid., 1. 17 et 20, voillast = voluisset
paraît étrange, il faut san,s doute lire voillust. Ibid. i. 19, une vir-
gule serait nécessaire après est. P. 227, 1. 13, il est probable que le
traducteur aura lu raptando, qui a le même sens que rapiendo, mais
se rapprocl:e plus de l'original reptando. — P. 236. La Sottie en
France, E. Picot. Travail très-soigné et ([ui paraît complet. Faiisfc.
auteur defabrasies , n'est pas au glossaire. P. 247 « Les fous n'ob-
tinrent pas la même faveur dans l'Kurope méridionale. Les mys-
tères provençaux que nous possédons n'en offrent pas de traces. »
M. Chabaneau me fait observer que M. P. est dans l'erreur. Des
deux seuls mystères provençaux (sur cinq) qui ont été publiés, il
n'y en a qu'un ( Sainte Agnes) où l'on ne trouve pas trace du fou;
dans le second {Ludus sancti Jacobi), ce personnage, la fol, suit an
contraire l'action d'un bout à l'autre. Peut-être, ajoute M. Chaba-
neau, M. P. considère-t il ce dernier mystère comme traduit ou
imité d'un original français et comme étranger, par suite, à la dra-
maturgie provençale. — P. 327. Mélanges: t° Un nouveau texte dea
Novas del Papagay (A. Wesselofsky). 2" Sur Lo pronom neutre en pro-
vençal (C. Chabaneau). —P. 332. Comptes rendus : !• A. Graf-
/ Complementi délia chanson dHuon de Bordeaux, testi francesi iné-
dite, tratti da un codice délia Biblioteca nazionale di Torino (G . P. )
2" .\u.""uste Scheler. Deux Rédactions diverses de la légende de Sainte
Marguerite envers français, publiées avec variantes d'après des ms.
du Xlli» et du XIV» siècles (P. M.) —P. 342. Pcriodique-s. —
P. 349. C'n-oniquc. A . B,
204 PERlOniQHES
Bulletin de la Société des anciens textes français. 1878,
11° 1. — P. 30 l'ai)! Meypr, Notice dums. V' 149 de la Bibliothèque na-
tionale de Madrid. Cems.. que M. P Meyer est le premier à étu-
dier, date ilti XllI* siècle et contient au moins se^it poèmes, tous
inédits. L'éditeur en donne l'analyse et des extraits. C'est une in-
téressante étude et une heureuse trouvaille. P. 43. v. 8, asses pour
à ses. et p 48, V. 32 osses pour o .se.s, sont des épaves de l'ortho-
graphe archaïque, qui doublait Vs initiale quand les deux mots for-
aiaieut corps dans la prononciation et dans l'écriture, sans doute
afin de prévenir le lecteur que cet s. même après l'adjonction du
mot antécédent, s'articulait comme c; et non comme le z actuel.
C'est ainsi que nous écrivons ressentir ot que nous prononçons
recentir.^'i l'on iiQ,viv?dt resentir par s simple, on serait tenté de pro-
noncer rezentir. — P. 60. Paul Meyer, Notesur le ms. de la Biblio
thèque nationale de Paris, Fr. 20'i9. Cette note complète la précédonic,
en même temps que l'artitde du Catalogue (T. I.) des manuscrits
français. A . B.
L'Alliance laitine . Revue internationale de littérature, histoire, phi-
losophie, sciences et arts, rédigée par les membres de Z'.\louette, société
d'auteurs français, espagnols, italiens, portugais, roumains, suisses
romands et Américains du. Sud. (Prix de l'abonnement : 14 fr.) —
Cette revue nouvelle, fondée à Montpellier par M. Xavier de Ri-
card, est à la fois politique, littérah-e et historique. Elle ne rentre
donc pas dans le cadre, beaucoup plus restreint, de la Revue des langues
romawes, laquelle est presque exclusivement philologique.
Mais, comme la publication de textes en langue méridionale cr.'e
entre elle et nous plus d'un point de contact, et aussi pour lui sou-
haiter la bienvenue et la remercier d'avoir reproduit le sommaire de
notre propre Revue (mars-avril 1878), nous donnons la table des
matières du premier numéro paru. Dans ceux qui suivront, nous
choisirons plus particulièrement les parties qui intéressent la philo-
logie et nous en ferons le compte rendu, réservant ainsi notre pu-
blicité toute spéciale pour ce qui est plus particulièrement de notre
compétence.
P. 3. .Mauro Macchi, l'Alliance latine. Progamme républicain,
fédéraliste et confédéraliste de la nouvelle revue. — P. 5. Victor
Bal.igu?r, Juan de Aubusson. Texte et traduction. — P. 8. Xavier
de lUcard, l'Idée latine. — P. 17. Anfos Tavan, Bresihage d'alau-
veto Prose provençale (texte et traduction). — P 19. Pompeyo
Crcner, Don Quijote >/ don Juan. Texte espagnol et traduction. —
CHRONIQUE L'or.
P. '26. Léon ("llailel. Un marquia rèjmblicain. — P. 3U. Ed.Thiaii-
dière, la Pratique dr la morale. — P. .'8 Rohert Hall, la Main et
le Doigt. — P. Vl. Iv l'ouvilloii. le Nuage. — P. 40. Olivier le Pata-
rin, le Serment de Bernard Alton. — P. 53. Jousé Mayor. A Vohro.
prose provençale. — P. 56. Gellion Daniilar, Rienzi — l*. 68.
Auguste Fourès. le Martyre de l'oie. — P. l'I. Éinilo Maison. His-
toire sentimentale du temps des Maures . — P. 76. Les Cenci (, traduit
de l'anglais). — P. 84. Gerônimo Forteza, Zos Cas<is de huéspedes
(te.xte et traduction). — P. 102. Pi y Margall, Observaciones sobre
el caracter de D. Juan Tenorio (texte et traduction). — P. t Pl. Jules
Laurens. Notes provençales. — P. 125. (t.-L. Patuzzi. Gronica italiana
(texte et traduction). — P. 129. Juan-ii. Ensenat, Cronica espa-
nola (texte et traduction . — P. 150. Bibliographie. — P. 160. An-
thologie poétique. Pièces et extraits en français, en italien, en cas-
tillan, on catalan, en roman de Lausanne, en provençal, en haut
et bas languedocien. A. B.
CHRONIQUE
La Revue des langues romanes publiera dans ses prochains fasci-
ci des Zas Ordinacions y Bojis del comtat d'Emjmrias. par M. Bala-
guer y Merino (XIV^' siècle); des Documents sur le langage de
Rodez et le langage de Milhau ( du XII^ au XVI*^ siècles), réunis par
M Affre, archiviste du département de l'Aveyron : une étude
de M. J. Baucjuier sur Quelques Pronoms provençaux; nn recueil
à'énigmes et un autre de doublets languedociens, par M. le pasleni-
Fesquet. et en même temps que diverses poésies en langue d'oc et
en catalan, dues ù M^L Aubanel, Gabriel Azaïs, Bonaparte-Wyse,
Garetâ y \idai. Fourès, Laforgue, l'abbé J, Roux, etc.; le poème
languedocien des Lacs d'amour, par .M. Alexandre T^anglade
Publications coucernaut l'hii-toire. la littérature et l'archéologie des
provinces du midi de la France
Alhanès (l'abbé). Pierre d'Aigrcfeuille, évéque d'Arignon, de Va-
bres. de Ckrmont. d'Uzès et de Mende. Preuves de son épiscopat. Eli-
mination de trois faux éréques d'Avignon. Marseille, Lebon; in-4".
•ôG pages.
Allmeret de Terrebasse. Inscriptions antiques et du moyen âge de
Vienne en Dauphiné,. — V' partie. Jnscriptions autiipies antérieures au
Ville siècle, t. IV. Vienne, Girard; in-8\ r,.:,2 pages
Arnaud. Histoire des protestants du Daunhir.é aux XVI^, XVII""
et XVIïP siècles. "Valence, Gbenevier: in-8". île 446 u 532 pages.
BilulVe. Dix Ans de consulat à Béziers. de 1381 à 1394. Etude
d'histoire locale. Béziers, Riviire; in-8", 72 pages.
20« CHRONIQUE
Barbier île Montaiilt l'Mgr.). La Visite (h la cathédrale Saint-Ber-
trand de Commimj es en 10"27. Montpellier. Bureau des Chroniques
(lu ivangueiloc; in-4", '18 pages.
Barges (i'abl)o\ Recherches archéologiques sur les colonies phéni-
ciennes établies sur le littoral de la Cello-Ligurie . Paris, Leroux; in-8",
168 pag., planches.
Barthélémy (clej. Les Temps antiques de la Gaule. Paris. Palmé;
in-B", 43 pages.
Bastié. Le Languedoc. — [''^ partie. Description complète du départe-
ment du Tarn, tom. II, séries 16 à 22. Aibi, Nouguiès; ;n-4''à2 col.,
iv-290 pages.
Bémont Simon de Montfort, comte de Leicester. Son gouvernement en
(rasco^ne (I ■248-1 iôS). Nouent-le-Rotrou, Daupeloy; in-8°, 37 pages.
Borluc-Perussis (de). Forcalquier et ses souvenirs littéraires Forcal-
quier, Masson; in-S", 18 pa.ies.
Berluc-Peru'^sis (de) Un document inédit sur Laure de Sade. Aix,
Marius Illy; in-8°, 16 pages.
Bernard Jabbè). L'Église de Lyon et l'Immaculée Conception. Essai
théologico-dogmatique . Ly^ n, Pitrat; in-8°. 134 pages.
^essi. Notices sur Seguvana, héroïne niçoise. Nice, (^illetta; in-8°,
30 pages.
Bladé. Géographie juive, albigeoise et calviniste de la Gascogne.
Bordeaux, in-8".
Blouyn (Mathieu). Mémoires sur les troubles de Gaillac au XVI^ siè-
cle, publiés pour la première fois et annotés par M. le baron de Ri-
vières. Montpellier. Ricard; in-4'', 36 pages.
Firinin Boissin. Le Vivarais et le Dauphiné aux Jeux floraux de
Toulouse. "Vienne. Savigné; in-8",;11 1 pages.
Bonnefoi (l'abbé). La Noble Eglise collégiale de- Saint- Julien de
Brioude. Le Puy, Freydier; in-B», 51 pages.
Bonnelye. Saint Antoine de Padoue et son pèlerinage aux grottes de
Brives (diocèse de Tidle). Brives, Verlhac: in -8°, "244 pages
Bosc héron des Vorle--. Histoire du Parlement de Bordeaux, depuis
sa création jusqu'à sa suppression (1451-1790). Bordeaux, Lefevre:
2 vol. in-80, x.\v-lOiO pages.
Bosr(!ilon (de). Nomenclature des monuments et gisements de l'épo-
que anté-historic/ue dans le département de la Dordogne (tiges de la
pierre taillée et de la pierre polie). Périgueux, Dupont; in-8".
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fondation jusqu'en 1792. Montauban Forestié; in-80. 30 pages.
Bussière. Etudes historiques sur la Récolutlon en Périgord . — • [''"par-
tie. La Bourgeoisie péngourdine au XVIIP siècle. Agriculteurs, écono-
mistes et paysans pérlgourdlns en 1789. Bordeaux, Lefebvre; in-80,
208 pages.
Bresc (Louis de). Noie sur les armoiries municipales de Forcal-
quier. Forcalquier, Masson; in-B", 9 pages.
Bresc (Louis de). Episode des guerres de religion en Provence.
Massacre d' Aups {octobre 1574). Di'aguignan, Latil, in-80, 21 pages.
Bruguier-Bourc. La Chartreuse de Valbonne (Gard). Tours, Bou-
serez; in-80. 102 pages.
Bruguier-Roure. Chronique et cartulalre de la vlguerie royale du
Pont- Saint- Esprit. Tours, Bouserez; in-80, 103 pages.
CHRONIQUE ^O:
Bi'iin-Durantl. PonîlU du lUochr de Die. Grenoble, Maisonville:
in-8o. 48 piiiios.
Hriind-Durand. La Ville de Crest {Drame), sa tour et ses ilhts-
trations; résu lut historique. Vienne, Savigné; in-8o, r2 pages.
C'diWemev .L' Établissement des Burgondes davs le Lyonnais au lui-
lieudu V' siècle. \Aon. Riotor; in-1", 23 pages.
Castagne. Notice sur les voies romaines du département du Lot. Ca-
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Paris, Hachette; in-32, iv-313 pages.
Charvct. Un épisode d'histoire locale sous le règne de Charles VI.
Nimes, in-8°, 54 pages,
(vhamard (doai). Les Églises du monde romain, notamment celles des
Gaules, pendant les trois premiers siècles. Paris, Palmé; in-8», iv-443
pages.
Chantre. Etudes paléo- ethnologiques dans le bassin du Rhône. Age du
bronze. Recherches sur l'origine de la métallurgie en France : {'"' partie,
Industrie de rage du bronze. ?>^ partie. Statistique. Paris, Baudry; 2 v.
in-4", XXI-6Q5 pages (avec un album in-folio).
Chauliac. Un martyr bordelais sotis la Terreur. Vie et mort du R.
P. Pannetier, grand-carme du coureidde Bordeaux. Bordeaux, Feret;
in-8o, vui-334 pages.
Chavernac. Testament de Jacques de la Roque, fondateur de l'hôpital
Saint-Jacques d'Aix. Aix, Iipmondet-Aubin; in-12, 64 pages.
Chevalier (Ulysse). Annales de la v'dle de Romans pendant les guer-
res de religion, de 1549 à 1599. Valence, Chenevier; 10-8", 111 pages.
('hevulier {\}\\'i?,e) . Petit Armoriai romanais . Vienne, Savigné. iii-4".
Combet. Histoire de la ville d'Uzerche, suivie de documents en partie
inédits touchant le département de la Corrèze. — ï" partie : Topographie
du canton. Recherches et notes pour la rédaction d'un dictionnaire
géographique et d'un répertoire archéologique du département de la
Corrèze. Tulle, V" Bouillaguet; in-8o, 361-376 pages.
Goulondres. La Chartreuse de Villeneuve-lez- Avignon . Dessèchement
des étangs de Rochefort et Pujaut. Notices historiques et documents.
Aiais, in-4o, 106 pages.
Coulondres, Lovis VIII à Saint- André (Villeneuve-lez- Avignon)
et Bermond de Clausonne, treizième abbé du monastère de Saint-André
d'Avignon (1226); Nimes, Clavel-Hallivet; in-8o, 40 j)ages.
Corbière. La Famille de Bourbon- Malauze et le Château de Lacaze.
Étude historique. Montpellier, Firmin etCaltirou, in-4o, 117 pages.
Couget. Chartes inédites des XIII", XJV"^, A'V'/e et XV II" siècles.
Saint-Martory et Lestelle en Comminges. Saint-Gaudens, Abadie;
in-8'', 25 pages.
Danzas, Etudes sur les temps primitifs de l'ordre de Saint-Domi-
nique, [. IV. Paris, Ûudiii; in-8o, 580 pages.
Dassy ( l'abbé ). L'Académie de Marseille, ses origines, ses publi-
cations, ses arcldves, ses membres, etc. iMarseille, Barlatier-Feyssat;
in-8°, 646 pages.
Daux (l'abbé). La Flore monumentale du cloître de Moissac; des-
cription et symbolisme. Arras, bureaux de la Revue de l'art chrétien;
in-8°, 56 pages.
Delpech (H.) La Bataille de Muret et la Tactique de la cavalerie au
XIII*^ siècle (avec deuœ plans topographiques) . Montpellier, au bu-
20« CHRONIQUE
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paRcs.
Deni.--\ . Nvlirc toiioçirapluique et historique .sur le lunton de Marvèjoh.
Ville de Marrtyoly. i. 1. Issoire. Callhr.l; in-8". :i4T paiîfs
Desliarreaux-liiMnard. Le Portefeuille de M.L.-D. F***, utlribué
à Germain de la Faille, nuleur des Annales de Toulouse. Toulouse,
Privât; in-4", 49 pages.
Dosbarreaiix-Bernari! . Etude critique de Guillaume Colletet sur
les œuvres de Claude de Trellon, poëte toulousain Toulouse, Montau-
hin; in- 12. 19 ])ages.
De vie et VaisseU'.Zfistoire g'éwéraZe du Languedoc, édition accom-
pagnée de dissertations et de notes nouvelles, etc., publiée sou.s la di-
rection de M. Dulauricr. Totilouso, Privât, tomes XIIl et XIV,
in-4f, XLVii-3214 paiirs.
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lAustrasie sous les Mérovingiens et les Carolingiens. Paris, Thorin;
in-8o, 109 pages.
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Villeneuve-Marsan, 2 vol. in-S», 830 pages.
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la ville de Valence. Valence, Chenevier; in-8o, 90 page.s.
Faydil (l'abbé). Vie de saint Amahle. prêtre et curé de Riom,
réimprimer sur l'exemplaire unique de la Bibliothèque nationale. Riom,
Nicolo: in-12, :i80 pages.
Foncin. De Veteri Carcassonis Civitate, de Pago carcassonnensi et de
Romanis quibus ille peragrahatur . Paris. Gormer-Baillière; in-8'',
35 pages'.
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de l'édit de Nantes, arec une introduction et des notes, par E. (^lasLel,
pisteur Toulouse. Lagarde; in-80, vfu-349 pages. ■
Fouchier (dej. Un Poitevin en Roussillon au XF" siècle. Notice sur
Charles de Saint- Gelais, évèque d'Elne (14TU-147f)). Poitiers et Pa-
ris. Oudin; in-8o. 37 images
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1 793), fZ'«yj?'è.s les documents originaux, avec j)ièces justificatives Mont-
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^SJ--*
Errata et rectifications du uuméro de juillet-septembre 1878
Notes sur le langage de Saint- Maurice-de- l'Exil. - P. 11, ligne 16.
qui précède, lisez qici suit. — 13,7, loù roussignou, 1.
lou roussignou. — 14, 6, se dépleyé, 1. se depleye. —
16, 19. inpignére, 1. pipigniere. — '21, \i,paluct,\.
paluet
Un fragment de puëme en langage de Bessan. — P. 26. i. 12. siences
1. siennes. — 27, 3. j^lf^fio, 1. plana. — 27. 31-32, à
laquelle attache la dénomination, 1 . à laquelle s'attache
la dénomination. — 28. 16, renouncà, I. renounçà. —
29. 1. menacava, 1. menaçava. — 29, 2, crento. I. crenta.
— 30. 24, pronence, 1. prononce. — 31. 34, reconnu, 1.
reconnue .
Poueisias dioisas. — P. 34 I. 10, ceque so peinso, 1. ce que peinso.
— 42. 27, houmeis, 1. hommeis. — 43, 35. oquoou
d'aqui 1. oquoou d'oqui.
Lettres à Grégoire sur les patois de France. — P. 70, 1. 30, smonaine,
l. smouaines, — 70, 'i:>, jamonai. l.jamouai. — 71, 10,
môme recLitication. — 71, 18, uni 1. vni. — 72. l,qu'in,
1 . qui n' .
Bibliographie et périodiques. — P 110, 1. 15, tron. 1. trou. — 120,
3, des ceux, 1. de ceux. — !2l, 12-13, alos. arros, 1. Alos,
Arros.
Bulletin bibliographique de la langue d'oc. — Ajoutez le nom de
l'auteur : S. Léot.\rd, au ba.-^ de la dernière ligne de
la page 133.
Le Purage à Maguelone. — P. 135, 1. 28, y avaient, 1. y ont. — 142,
27. la Famiho de la coumtesso, 1. Pèr madamo la
cnumtesso C.-D. Coote. — 143, note *, I. li, mou ca-
maradou. i-t'-a tou tour, I. mon camaraxlou, i-t-a ton
tour. — 143, 18, mou verou, \. mon verou. — 146, titre
courant : le Parage à 3Iaguelome, 1. le Parage à Ma-
guelone. — 148. ti, 2)erd, 1. per. — 153, 34. row de
l'arrondis. d'Arles, 1. rom.de l'arrondis. d'Arles. — 153,
35, M. de F. 1. M. V. — 154, 34-35, l'eirjarai, X.l'ire-
jarai. — 155, 28. q'uemploient, I, c/u' emploient.
Chronujue . — P. 159, 13, la Famiho de la coumtesso. 1. Per madamo
la coumtesso C. D. Coote, sus soun libret. Histoire de
trois chiens: d'une jument ei de deux oiseaux.
Le gérant responsable : Erne.st Hamelin
.Montpellier, impriraerie ce-ntiule du Midi ( H.\mei.i.h Frkres)
DIALECTES MODERNES
-tî^V _
L ENSEIGNEMENT
DE LA PHILOLOGIE ROMANE
EN FRANCE
Leçon d'ouvortiire des Conférences de philologie romane
faite à la Faculté des lettres de Montpellier, le 16 novembre 1878
Messieurs,
En me nommant maître de conférences de philologie romane
auprès de la Faculté des lettres de Montpellier, M. le Ministre
de l'instruction publique a moins voulu récompenser mes mo-
destes travaux que fournir aux hommes d'étude de notre ville
qui ont le goût des recherches philologiques l'occasion de tra-
vailler plus utilement, en associant leurs efforts à ceux d'un
spécialiste déjà connu de quelques-uns d'entre eux. Je sais
mieux que personne ce qui me manque encore et me manquera
peut-être toujours. Outre que je n'ai pas, comme les savants
professeurs de cette Faculté, l'habitude de la parole publique,
à laquelle mes fonctions antérieures ne m'ont qu'imparfaite-
ment préparé, ii me reste à apprendre beaucoup dans ma pro-
pre spécialité, et, ce qui est plus difficile, à apprendre d'eux
le secret d'instruire en intéressant. J'aurai donc besoin de vo-
tre sympathique indulgence, et j'ose y compter, comme vous
pouvez compter sur mon désir de bien faire.
I
Il n'est pas besoin de longs développements pour justifier
l'introduction de la, philologie romane dans notre haut ensei-
gnement. Il suffit de citer l'exemple àc TAllemagne, et de
214 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOLOGIE KOMANE
rappeler que, si la France a pris en grande partie l'initiative
de ces études avec Rajnouard et Faui;iel, ce sont les philo-
logues allemands qui, sous la direction de Diez, ont maintenu
et développé Ja tradition scientifique née chez nous. Ils ont
même pris une telle avance et acquis une telle autorité, que
c'est à leur école que se sont formés nos principaux romani-
sants.
Cette prééminence philologique, l'Allemagne la doit à ce
qu'elle a depuis longtemps admis d'une manière définitive, et
non pas seulement toléré comme en France, l'enseignement
de la philologie romane. Pour arriver à ce résultat, ou du moins
pourenapprocher, nous n'avons donc qu'à employer les mêmes
moyens, et à les perfectionner si nous pouvons.
Et, d'abord, que faut-il entendre par cette expression de
« philologie romane ? »
Je n'ai pas besoin de vous faire observer que le mot «philo-
logie » n'a rien d'exclusif, et que, s'il rappelle surtout l'idée
d'études linguistiques, il ne repousse ni l'esthétique ni l'histoire
littéraires. Ce n'est pas sur ce point qu'il peut y avoir de doute,
mais sur l'acception précise du mot « romane. »
Au commencement de ce siècle, il n'y avait pas seulement
erreur ou doute à cet égard, mais ignorance à peu près géné-
rale du mot lui-même.
On n'a pas oublié la mésaventure de Roquefort, qui, sup-
posant à Napoléon autant d'aptitude pour la philologie que
pour le métier des armes, avait sollicité et obtenu la permis-
sion de lui offrir un exemplaire de son Glossaire de la langue
romane. « La langue romane, dit l'Empereur, après avoir lu
le titre, a qu'est-ce que c'est que ça ?» — Sire, répondit Ro-
quefort, c'est la langue que parlaient nos ancêtres. » Ce ren-
seignement resta sans effet sur la curiosité de Napoléon, qui,
tout à ses démêlés avec l'Autriche, — c'était l'année de la
bataille de Wagram, — avait bien autre chose à faire qu'à se
laisser initier aux mérites d'une langue connue seulement de
quelques rares érudits. Après avoir déconcerté le pauvre
Roquefort par de brusques et désobligeantes observations, il
tourna les talons sans lui en demander davantage. Et ce fut
peut-être tant pis pour la philologie, qui nous est chère, car
les encouragements du pouvoir, sans action sur les progrès
EN FRANCE 210
de la littérature, qui vit surtout do liberté, en ont au con-
traire une très-efficace sur ceux de la science.
Aujourd'hui nous sommes plus familiarisés avec cette ex-
pression de « langues romanes » qu'on ne l'était au temps de
Napoléon et que ne l'était Napoléon lui-même. Cependant bien
des personnes en France, et plus particulièrement dans le Midi,
l'appliquent à faux ou lui donnent une signilication incomplète ;
car elles pensent qu'on désigne exclusivement par là la langue
ancienne ou moderne de nos provinces méridionales. Et ce doit
être pour elles une espèce d'énigme que de voir créer en même
temps deux chaires différentes pour ce qu'elles croient être une
même langue et une même littérature. Mais leur embarras pro-
vient d'une erreur qui, d'ailleurs, date de loin et s'est propagée
sous le nom respecté de Raynouard. Si les troubadours don-
naient à leur langue le nom de romane, les trouvères, leurs
contemporains, en faisaient autant pour la langue du Nord ou
langue d'oïl. Avant eux, ceux qui, écrivant enlatin, avaient oc-
casion de mentionner la langue vulgaire, tant celle du Nord que
celle du Midi, ne la désignaient pas autrement que par l'épithète
de romana, réservant celle de /a/ma pour la langue de Rome.
Tout au plus j ajoutaient-ils une seconde épithète, celle de
rustica, destinée à rendre plus saisissable la distinction qu'ils
faisaient de la langue romane et de la langue latine. Les sa-
vants ont repris l'ancienne tradition, et, pour eux, philologie
romane et philologie néo-latine sont termes synonymes. On
ne vous demande donc. Messieurs, en vous engageant à vous
conformer à ce qui, pour plusieurs d'entre vous, est un usage
nouveau, que de ne pas désavouer nos ancêtres et d'accepter,
sans restriction de sens, le nom qu'ils donnaient à leur langue.
Ce mot de u roman », ainsi entendu, est bien plus compré-
hensif, vous le voyez, qu'on ne le supposerait d'abord. Il s'ap-
plique à toutes les langues issues du latin, et embrasse, pour
ne pas sortir de l'Europe, outre la France et une grande par-
tie de la Belgique et de la Suisse, l'Italie, plus le littoral dal-
mate, la péninsule hispanique tout entière, et enfin la Rou-
manie, dont le nom significatif nous rappelle de communes
origines linguistiques et qui est comme l'avant-garde orien-
tale de ce puissant groupe néo-latin.
En donnant à la signification de ce mot toute l'étendue qu'il
1
SIC ENSEIGNEMENT DE LA PHILOLOGIE ROMANE
comporte, le domaine de lu philologie romane s'étendrait sur
les langues et les littératures de près de la moitié de l'Europe.
C'est ainsi, du reste, que l'entendent les Allemands; et, si
nous nous étions bornés à les copier, il n' v aurait eu qu'à créer
dans chaque Faculté importante une seule chaire, dite de phi-
lologie romane, laquelle aurait compris tout ce qui a trait aux
deux langues d'oc et d'oïl et à toutes les autres langues
néo-latines. C'aurait été quelque chose d'analogue à ce qui a
eu lieu chez nous pour les chaires de littérature ancienne,
qui, au début, réunissaient la littérature latine et la littérature
grecque, mais que les nécessités de l'enseignement ont fait
bientôt dédoubler. On a dû confier chacune des deux spéciali-
tés qu'elles représentaient à un professeur distinct, et fonder
dans nos principales villes universitaires, à Nancy, à Lyon, à
Montpellier, une chaire de langue et de littérature grecques,
à côté de la chaire de langue et de littérature latines. lien est
de même pour la philologie romane, qui offre aux savants, à
ne la considérer pourtant que dans ses deux grandes manifes-
tations françaises, la langue d'oc et la langue d'oïl, autant et
plus de textes que les deux langues anciennes réunies.
La langue d'oïl comprend tout ce qui a été. écrit en langue
vulgaire du Nord, depuis les origines jusqu'au XV"" siècle.
Elle n'a pas seulement longtemps vécu, elle a aussi beaucoup
produit, et l'on n'a pas encore tout publié. Rien qu'avec ce
qui a été imprimé, sans compter ce que recèlent d'inédit les
parchemins de nos archives et les manuscrits de nos biblio-
thèques, il y a de quoi lasser le chercheur le plus persévérant
et le plus expéditif.
Et ce n'est pas tout. A cette même langue d'oïl se rattachent
aussi les langues populaires actuelles ou patois du nord, suc-
cesseurs directs, sinon immédiats, de nos anciens dialectes ;
amples matériaux pour une nouvelle et indispensable étude, qui
se greffe naturellement sur la précédente. Car il y a là, dans
ce sous-sol philologique, outre un3 langue d'une incompara-
ble valeur scientifique, comme toutes les langues parlées par
les seuls illettrés, comme tous les faits d'ordre purement natu-
rel, une littérature encore peu étudiée, littérature vraiment
populaire (noëls, contes, chants, proverbes, énigmes, super-
stitions religieuses et médicales), dont l'histoire, sauf pour celle
du Midi, est entièrement à faire.
EK KKA^CI<: 217
En rejoignant ainsi los [latois de notre teraps aux dialectes
d'autrefois, on laisse forcément de côté le français proprement
dit, formé à des degrés divers du mélange des dialectes septen-
trionaux et du dialecte central et dominant de rile-do-France.
Or c'est précisément cette langue unique et multiforme do
notre pays, devenue plus tard la langue classique avec les
grands écrivains du siècle de Louis XIV, qui constitue, de la
Renaissance à la génération présente, le domaine incontesté
et jusqu'à ce jour, sauf de très-rares exceptions, le seul ex-
ploité, de nos professeurs de littérature française. D'où il ré-
sulte que ceux-ci n'auront aucune concurrence* à souffrir de
la part d'une chaire voisine de langue d'oïl. Sur ce point donc,
les nécessités scientifiques s'accordent pleinement avec les
habitudes de notre enseignement supérieur et n'exigent de
lui aucun sacrifice.
Ce qui est vrai de la langue d'oïl l'est tout autant de la
langue d'oc. Son ancienne littérature est aussi intéressante que
celle de la langue sœur, quoique représentée par des docu-
ments moins nombreux. Elle a de plus l'avantage déposséder,
depuis la renaissance néo-provençale, une littérature artifi-
cielle par certains côtés, mais très-populaire par d'autres, qui
appelle un rapprochement constant avec les œuvres des trou-
badours.
Si l'on ajoute à cela que les archives méridionales ont été
moins fouillées que celles du Nord, à cause de leur éloignement
de Paris et surtout à cause de la différence de langue, on verra
que, tant au point de vue scientifique qu'au point de vue litté-
raire, la langue d'oc ancienne et moderne présente une aussi
vaste surface que la langue d'oïl, envisagée, comme elle vient
de l'être, dans son présent et dans son passé.
On comprend qu'à l'étranger un seul professeur puisse être
chargé de la langue d'oc et de la langue d'oïl, puisqu'il s'en-
ferme le plus souvent dans leur passé sans avoir, comme un
professeur français, à les étudier sur le vif, c'est-à-dire dans
leurs patois. En France, au contraire, on ne peut dispenser le
professeur de philologie romane de l'étude des idiomes popu-
laires actuels, héritiers déchus, mais bien vivants, de nos deux
anciennes langues.
Ces études complémentaires des patois ne peuvent, on le
5IS EKSBIGNEML'NT DE LA PHILOLOGIE ROMAKE
devine aisément, être bien faites que surplace, enFrance même,
dans certaines parties de la France, et par des professeurs
ayant la pratique de ces idiomes ; car il ne faut pas perdre de
vue que ces professeurs auront à parler devant des auditeurs
que leur origine rend, pour la plupart, presque aussi compétents
qu'eux-mêmes pour la partie moderne de leur enseignement.
D'un autre côté, à érudition et à intelligence égales, de deux
savants étudiant une même langue ancienne, celui qui parle
d'enfance la langue moderne qui en est issue aura de ce chef
une véritable supériorité sur son concurrent. C'est dire assez
que, en réorganisant cet enseignement dans le sens que nous
venons d'indiquer, on a voulu rendre à la France tous ses
avantages vis-à-vis des étrangers, qui en sont encore à l'unité
de chaire en fait de philologie romane.
Quant à la ville destinée à essayer ce nouveau genre d'en-
seignement, aucune ne pouvait 'convenir mieux que Montpel-
lier. C'est là que s'est fondée, il y a bientôt dix ans, la Société
des langues romanes, association aujourd'hui nombreuse, com-
posée d'hommes laborieux et d'amateurs éclairés, qui a pour
elle l'opinion locale et a su la gagner aux études philologi-
ques. Je ne crois pas trop sortir de la discrétion que m'impose
ma qualité de membre de cette Société, en rappelant que
c'est principalement en considération des services rendus par
elle que le Conseil académique, et plus récemment le Conseil
général, avaient émis le vœu que l'enseignement de la philo-
logie romane fût organisé dans notre ville. En admettant dans
le cadre de ses publications spéciales ou périodiques tout ce
qui a trait à la langue d'oc et à la langue d'oïl, étudiées dans
leurs dialectes anciens et dans leurs dialectes modernes, en
attirant à elle tous les travailleurs isolés qui, soit à Paris,
soit sur un point quelconque de la province, soit à l'étranger
(Espagne, Italie, Allemagne, Suède), s'adonnent aux études
qu'elle représente, elle a créé en faveur de Montpellier un
véritable courant d'opinion publique, qui s'est grossi de l'adhé-
sion fréquemment exprimée des romanisants étrangers.
En un mot, elle a contribué, autant que cela a dépendu
d'elle, à en faire xxxv grand centre philologique, en attendant qu'on
en fasse un grand centre universitaire.
De son côté, par l'intelligente sympathie qu'il n'a cessé de
EN FRANCK 219
témoigner à la Société dont il est le siège, Montpellier a pris
l'avance sur ses compétiteurs possibles et justifié, vis-à-vis
d'eux, la préférence dont il est aujourd'hui l'objet.
Excusez-moi, Messieurs, d'avoir insisté si longuement sur
la nécessité qu'il y avait de créer deux chaires de philologie
romane et sur les avantages que nous pouvons retirer, au point
de vue de la concurrence scientifique internationale, de cet
élargissement des cadres de notre enseignement supérieur.
J'ai pensé, et vous penserez avec moi, que la meilleure ma-
nière de remercier le gouvernement de son libéralisme et de
ses libéralités était de faire ressortir l'importance de l'ensei-
gnement qu'il vient de créer parmi nous.
Il ne nous reste plus qu'à aborder directement ces études
de philologie romane. Mais auparavant je dois vous faire,
principalement au point de vue français, l'historique de ces
mêmes études, et rappeler les noms et les services de quel-
(|ues-uns de ceux auxquels elle sont redevables de leurs plus
rapides progrès. Après quoi, nous esquisserons à grands traits
l'histoire de la langue d'oil, depuis les origines jusqu'à la Re-
naissance, pour terminer par quelques considérations pratiques
sur le fonctionnement des conférences de philologie romane.
II
A l'époque de la Renaissance, l'antiquité grecque, subitement
ressuseitée et devenue, ainsi que la littérature latine, plus
accessible aux lecteurs, grâce à l'imprimerie, avait comme
iHoufi'é notre littérature dialectale et achevé sa ruine, déjà
plus qu'à demi consommée par l'unification de la France et de
sa langue. Nos trouvères, jadis si populaires chez eux et hors
de chez eux, et qui avaient porté l'influence de notre langue
jusqu'aux extrémités de l'Europe, tombèrent rapidement dans
l'oubli. Savants et simples lettrés n'eurent plus de curiosité
que pour les ouvrages contemporains, pour ceux qui s'inspi-
raient de l'antiquité et s'écrivaient dans la langue de Paris.
Cène fut qu'assez longtemps après, vers la fin du XVP siècle,
lorsque plusieurs générations de savants se furent abreu-
vées jusqu'à satiété aux sources rejaillissantes de l'antiquité,
qu'on eut comme un remords d'érudition, et que l'attention —
220 DIALECTES MODERNES
Cepindin quin tins o passa. »
Alléluia! (ter)
(( - Omes. (jue //avez puan de foi.
Pré pas crire la vérità,
Lous prouphètas ount announça. »
Alléluia! {ter)
Quon saguèroun à Emmaiis,
Lous dischipies prieroun .Jésus,
De vegni se repounsa.
Alléluia ! (ter)
Quon Jésus saguèt à soupa,
Prenguet de po, lou counsacrà,
Et lous faguet tous communia.
Alléluia ! (ter)
Quon lou soupa saguèt 'çabà,
Lou Sauveure se sépara,
Lous discbiples bien estounâ.
Alléluia! [ter)
— « Ne sinquièus pas toun cœur imbrasi'i
Din tins que .Jésus o parla?
Que sin esta muan avisa ! »
Alléluia! alléluia ! alléluia *!
<ï Hommes, que vous avez peu de foi, — pour ne pas croire la vé-
rité,— [que] les prophètes ont annoncée. « — Alléluia!
Quand ils furent à Eminaiis, — les disciples prièrent Jésus — do
venir se reposer. — Alléluia !
Quand Jésus fut à souper,— il prit du pain, le consacra, — et les
fit tous communier. — Alléluia !
Quand le souper fut achevé, — le Sauveur se sépara [d'eux] ; —
les disciples bien étonnés : — Alléluia !
«ï Ne sentais-[tuj pas ton cœur embrasé, — du temps que Jésus
a parlé? — Que nous avons été peu clairvoyants ! ù — Alléluia! allé-
luia ! alléluia !
* Dans sa seconde copie, sœur Chauchat écrit:
— « Yeun sinqui moun cœur intlammâ
Din tin lou Sauveur o parla;
Quesins intà muan avisa! »
POUEISIAS DIOIAS DE GUSTE BOUEISSIER
11 y a (luolques années, s'éteignait à Die un modeste poëte qui
n'a pas fait grand brait dans le monde, mais qui ce|iendant ne mé-
ritait pas qu'une profonde obscurité enveloppât son nom.
Ce poëte se nommait Auguste Boissier. A part ses amis et de-ix
ou trois bibliophiles dauphinois, personne, nous en sommes sûr,
n'a jamais lu uu seul de ses vers ; ses œuvres, d'une rareté ex-
trême, ne sont pas même cei laines de vivre de longues années sur
les rayons de quelques bibliothèques poudreuses. — Le lecteur nous
comprendra tout à l'heure.
Un des compatriotes de Boissier, M. Adolphe Rochas, le savant
auteur de la Bio(jrajjhie du Dauphiné^ estle seul écrivain qui se. soit
occupé de lui*. Dans une charmante petite brochure, introuvable
aujourd'hui, car elle ne fut tirée qu'à 25 exemplaires, il nous ra-
conte la vie intime du poëte, d'abord simple ouvrier tanneur à Die,
sa ville natale; son tour de France, et enfin son arrivée à Paris
et sa visite à un de ses oncles. M. Payan, grand négociant en lin-
gerie. — Sur l'otfre que lui ht son oncle de le garder avec lui,
Boissier renonça sans regret à son métier, qu'il aimait peu, et de-
vint dessinateur en broderies. — Dans cette nouvelle position, il
eut de.'-- loisirs qui lui permirent de se livrer à son goût pour la
poésie; etde cette époque datent ses premières productions. Boissier
avait le désir naturel qu'éprouvent tous '^es jeunes auteurs, celui
de livrer ses poésies à l'impression. Mais ses appointements étaient
modestes, et, à Paris comme en province, les imprimeurs ne font
pas crédit. La difficulté était grande ; mais, animé du feu sacré, il
ne devait pas se laisser abattre par ce premier obstacle ; il se sou-
vint de la chanson qui dit:
Lorsqu'on n'a pas de quoi payer son terme,
11 faut avoir une maison à soi ;
et. trop pauvre pour faire irayirimer ses vers, il résolut de les im-
primer lui-même.
' On trouve cej^endant dos comptes rendus de divers fascicules de
Boissier dans 1h Courrier de la Drame années 1843 et 1853). Ces articles,
signés A. M., sont de M. Alexis Mustoii.
22? ENSKiaNEMENT DE LA PHILOLOGIE ROMANE
tion particulière de ses universités, plus complètes que les
nôtres, elle a pu conserver longtemps cette avance. Mais la
science française a fait des efforts sérieux, des efforts couron-
nés de succès, pour reconquérir le terrain perdu et pour se
tenir, non pas encore au delà, mais à côté de la science alle-
mande. L'honneur d'avoir inauguré ce retour de l'érudition
française vers les saines et nouvelles doctrines revient en
gi'ande partie à l'Ecole des chartes, et plus particulièrement
à ceux qui lui ont donné l'exemple par leurs écrits ou parleur
enseignement: à MM. Francisque Michel, Paulin Paris, le
rééditeur et l'un des principaux continuateurs de V Histoire
littéraire ; Natalis de Wailly, le définitif éditeur de Joinville
et de Villehardouin ; Guessard, P. Meyer, l'actif et éruditpro-
vençaliste ; A. Brachet, Bonnardot et G. Paris, l'un des maîtres
de la philologie romane. Le système d'études de cette Ecole,
l'aptitude professionnelle de ses élèves à déchiffrer nos vieux
parchemins, lui rendirent plus facile cette évolution et lui firent
comme un monopole de la publication de nos anciens textes.
L'École des hautes études, quoique de fondation beaucoup
plus récente, vint à son tour apporter l'appoint de sa solide
organisation scientifique. Elle créa, par l'utilisation simultanée
de spécialités diverses, par l'enseignement oral comme par
l'enseignement du livre, une sorte de concurrence philologi-
que dont bénéficièrent les études romanes, en même temps et
au même degré que les études grecques, latines et orientales.
La Société de linguistique, dirigée dans le même sens et par
les mêmes savants, l'avait précédée dans cette voie, avec une
efficacité moindre cependant, parce qu'elle disposait de res-
sources plus restreintes.
Mais un homme seul, M. Littré, avec son Dictionnaire de la
langue française, a fait plus encore que ces associations ou ces
groupes de travailleurs pour répandre en France le goût et la
connaissance du vieux français. Initié à la philologie romane
par Génin, comme il l'avait été à la philosophie positive par
Auguste Comte, et dans les deux cas disciple supérieur à ses
maîtres, il a, par ses publications, par l'impartialité de ses
critiques et surtout par l'autorité de son nom, puissamment
contribué à relever chez nous le crédit de la philologie ro-
mane.
EN FRVNCE 2?3
L'Université, de son côté, ne se désintéressait pas de ces
études, qui dépassaient peut-être le cadre forcément restreint
de son enseignement secondaire, mais qui rentraient virtuel-
lement dans son enseignement supérieur, auquel rien de ce
qui touche à la langue nationale ne saurait rester étranger.
Plus d'un, parmi les professeurs de nos Facultés, entretenait
SOS auditeurs, ou ses lecteurs, de notre littérature française du
moyen âge, ou môme résolvait certains problèmes de philolo-
de romane. C'est ainsi que M. Egger, infidèle pour un mo-
ment à sa chère littérature grecque, traitait d'une manière dé-
linitive la question des Substantifs verbaux dérivés de l'infinitif,
et que le continuateur de Bopp, M. Michel Bréal, descendant
(ii'S hauteurs de la philologie comparée sur notre territoire ro-
man, j glanait quelques curieuses et heureuses étjmologies.
A leur tête, on voyait celui qui fut si longtemps l'arbitre incon-
testé de notre enseignement supérieur, le vénérable M. Victor
Leclerc. Il ne s'épargnait pas, et l'on sait quelle part il a
prise à la continuation deV Histoire littéraire. Avant lui, un au-
tre universitaire, Génin, philologue spirituel mais incomplet,
s'était engagé dans ces mêmes études avec un entrain qu'il sa-
vait faire partager à ses lecteurs. On lui doit aussi, en ce qui
concerne la prononciation du vieux français, de véritables
découvertes, dont il faut lui savoir gré, quoiqu'il les ait com-
promises par un esprit de système excessif et des boutades
non justifiées contre la science allemande. En même temps,
à l'École normale supérieure, quelques maîtres de conférences
familiarisaient leurs élèves avec notre ancienne langue, ou
plutôt, pour être plus exact, avec notre ancienne littérature.
Ce n'étaient là, toutefois, que des exceptions, des efibrts in-
dividuels, qui attendaient, qui appelaient une participation plus
constante et collective de l'Université. Enfin, dans ces derniè-
res années, sur l'initiative de MM. Egger et Chassang, prési-
dents successifs du jury d'agrégation de grammaire, l'une de
nos deux anciennes langues, la langue d'oïl, a pris officielle-
ment place sur le programme universitaire. Tous nos candi-
dats à cet ordre d'agrégation sont tenus d'expliquer Joinville
à livre ouvert, au même titre et dans les mêmes conditions
qu'un passage de Thucydide ou de Tite-Live. Grand honneur
pour notre chroniqueur, et bien inattendu pour sa modestie,
224 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOLOGIE ROMANE
mais honneur mérit('" pour lui comme pour la langue qu'il écri-
vait.
Vous le voyez, Messieurs, si l'Université est venue d'un pas
lent aux nouvelles études, elle ne les a pas pour cela svstéma-
liquement négligées, pas plus qu'elle n'a négligé ceux qui ont
pu y acquérir quelque notoriété. Il est permis d'espérer (je
dis cela sans prétendre engager personne) qu'on ne s'en tien-
dra pas là. L'Université de France, toute à son devoir pro-
fessionnel, a bien fait de ne pas sortir tout d'abord de ses
programmes consacrés par une si longue expérience, et d'at-
tendre, pour les modifier, le progrès de la science nouvelle et
la démonstration de son utilité pédagogique, car elle ne doit
rien sacrifier à la mode, même à la mode scientifique. Mais le
moment paraît venu pour elle de prendre une plus large part
à ce mouvement des esprits. Elle voudra encourager, conso-
lider et diriger l'enseignement de la philologie nationale, non-
seulement par la fondation de chaires nouvelles, mais aussi
par des modifications correspondantes introduites dans le pro-
gramme des examens de licence, en même temps que dans
celui de l'agrégation.
Il ne faut pas qu'un romanisant français, en nous comparant
à nos voisins d'outre-Rhin, puisse dire de cette science ce
qu'Alfred de Musset disait de la valse :
Et je voudrais, du moins, qu'une duchesse, en France,
Sût valser aussi bien qu'un bouvier allemand.
Passe encore d'être battus sur le terrain de la valse. C'est
affaire aux professeurs. ... de danse. Mais n'est-il pas fâcheux
pour notre bonne réputation universitaire que nous soyons
obligés de reconnaître que la philologie romane est plus fa-
milière à de simples étudiants des universités de Bonn et de
Marbourg qu'à la plupart de nos licenciés es lettres? Si ce
n'est point une question d'honneur, c'est au moins une ques-
tion d'amour-propre national que les Français connaissent
aussi bien que les étrangers une science qui a pour base
principale leurs deux anciennes langues et les patois qui en
dérivent.
Ceci, Messieurs, m'amène à parler de nos langues popu-
laires ou patois; car ici encore il y a des malentendus à pré-
venir et des préjugés à dissiper.
EN KRANCK 225
Si nous nous occupons des patois, ce n'est pas pour satis-
faire une vaine curiosité, et encore moins pour leur rendre
leur antique indépendance et leur donner la force de sup-
planter le français, ce qui serait une chimère ou un danj^er :
mais pour nous aider à mieux comprendre les diverses lan-
gues provinciales de l'ancienne France, et celle qui aujour-
d'hui les résume toutes, la langue française proprement dite,
la langue unique de la France moderne. Botanistes de la
philologie, nous recueillons soigneusement ces fleurs hum-
bles et vivaces pour notre grand herbier national, avant
qu'elles ne se soient tout à fait flétries. Nous agissons au nom
de la science, et uniquement en vue de la science. Mais qui
nous reprochera de les aimer pour elles-mêmes, quand un peu
de culture populaire ou mémo artistique leur a donné une
grâce de plus et un renouveau de jeunesse? Qui se plaindra
de ce surcroît de production littéraire ? Supposez disparus
de notre écrin poétique Mireille et l'aveugle de Castelcu-
lié, on voit bien ce qu'y perdrait notre littérature, on se de-
mande ce qu'y gagnerait la langue de Lamartine et de Victor
Hugo.
Ce n'est pas, toutefois, que la science pure, surveillante un
peu quinteuse des poètes et des littérateurs, voie d'un œil
bien favorable ces tentatives de restauration linguistique.
Elles ont parfois, — il faut bien le reconnaître, — le tort d'in-
troduire dans les patois écrits, souvent rebelles à l'expression
de certaines idées, des formes nouvelles qui, n'ayant aucun
caractère d'authenticité, sont d'avance exclues de tout tra-
vail vraiment philologique. Et ce n'est pas contre le néologisme
seul qu'il faut se tenir en garde: la grammaire, la syntaxe du
patois est aussi exposée à des modifications qui, sous prétexte
de correction, font disparaître ce qui est une originalité dia-
lectale. Ainsi ce que les idiomes populaires gagnent en per-
fection littéraire, ils peuvent le perdre en valeur scientifique, à
moins cependant que les auteurs ne s'enferment scrupuleuse-
ment dans la pure langue populaire.
L'étude des patois néo-latins, je parle de l'étude scienti-
fique, a grandi en même temps et dans la même proportion
que l'étude de nos anciens dialectes. Outre un grand nombre
de glossaires, ouvrages faciles à composer, comme tout ce qui
•2m ■ KNSKIGNEMKiST DK L.-V PIFILOLOGIE KOMaNE
est du domaine de la compilation, mais indispensables pour ce
genre de recherches; outre quelques grammaires toujours
utiles à consulter, malgré leurs défectuosités, nous avons vu
publier, dans ces dernières années, des travaux véritable-
ment scientifiques et à résultats certains. Ainsi, pour ne citer
que les plus importants, en Italie, M. Ascoli a dressé la carte
et rédigé l'inventaire phonographique des patois des Alpes,
avec une abondance de détails et une exactitude admira-
bles. D'autres ouvrages d'une moindre étendue, mais d'une
précision égale, et relatifs aux patois romans de la Suisse,
ont paru vers le même temps, dans dQs revues allemandes,
La Romania de Paris, savant recueil exclusivement consacré,
comme son titre l'indique, à la philologie romane, contient
des études semblables sur nos divers patois, et notamment sur
ceux de la Lorraine. Le Gouvernement français s'est associé
à ces investigations. Deux membres de la Société des langues
romanes, MM. 0. Bringuier et Charles de Tourtoulon, ont
été chargés par lui de constater de visu et de auditu la limite
actuelle des patois de langue d'oc et de langue d'oïl, avant
que l'entame, chaque jour plus profonde, du français, ne leur
ait enlevé leurs caractères distinctifs.
Les patois n'ont pas été étudiés seulement dans leur voca-
bulaire; leur littérature a été et est encore l'objet de mul-
tiples et persévérantes recherches. Les artistes, écrivains et
musiciens ; les lettrés simplement curieux, mais de curiosité
intelligente, se sont joints aux philologues, et les recueils
ont succédé aux recueils. En Catalogne. Milâ y Fontanals et
Pela y Briz; en Italie, le commandeur Nigra; en France,
MM. Champfleury, Rathery, de Puymaigre, Jérôme Bujeaud,
celui-ci pour le Poitou et la Saintonge; Damase Arbaud,pour
la Provence ; M. Smith, pour le Forez et le Velay, et chez
nous, à Montpellier même, MM. Achille Montel et Louis Lam-
bert, et bien d'autres qu'il serait trop long de nommer, ont
publié et continuent de publier ces innombrables productions
de l'imagination populaire. Heureuse émulation qui profite à
la science, et, chose curieuse, qui profite même à la science
ethnographique. Ainsi, pour ne citer qu'un fait, qui s'atten-
drait à voir confirmée, par la comparaison de leurs chants
populaires, l'aflinité de race que l'histoire nous indique entre
EN FRANCK -22:
les populations (roriginu gauloise ([ui out euvuhi, il y a de
cela je ne sais combien de siècles, Tltalie du nord et les côtes
orientales et occidentales de l'Espagne ? C'est pourtant ce qui
ressort clairement d'un savant travail de M. Nigra sur ce
sujet.
A cette étude se rattache de très-près celle des proverbes et
ces contes. Quant aux proverbes, ces fils du bon sens populaire,
ce n'est pas ici, dans une province voisine du pajs qui a pro-
duit le proverbe fait homme, le Silène de Castille, le joyeux
Sancho Pança, qu'on a pu les négliger. Depuis de Sauvages,
qui en a inséré un si grand nombre à la tin de son Dictionnaire
languedocien, les observateurs n'ont pas manqué qui ont tenu
à compléter cette moisson déjà riche, et Montpellier y a porté
sa part contributive avec MM. Espagne et Roque-Ferrier. Les
contes populaires, menue littérature de Fenfance, qui peut,
sous la plume d'un Perrault, faire les délices de l'âge mûr,
ont été recueillis et sont commentés avec autant de soin que
les chansons. En les comparant entre eux, on s'est aperçu que
ces récits, qui semblent l'œuvre personnelle et spontanée de
chaque jeune mère en quête de distractions pour son nour-
risson, étaient le patrimoine commun de plusieurs généra-
tions et remontaient parfois à la plus haute antiquité. Le plus
connu de tous, le conte du Petit Poucet, type de la supério-
rité intellectuelle entée sur la faiblesse physique, ne nous rap-
pelle-t-il pas Ulysse échappant à force de ruses à la voracité
du cyclope Polyphème, l'ogre de Sicile? Une autre version
de ce même conte nous ramène plus loin encore, à la suite de
M. Gaston Paris, jusqu'à la constellation du Chariot, jusqu'à
l'Hermès des hymnes homériques, l'une des plus anciennes
conceptions de la mythologie sidérale des Grecs .
En nous élevant si haut dans l'espace et dans le passé, nous
voilà bien loin de la philologie romane. Mais il ne dépend que
de nous d'y revenir à l'instant, sans même être obligés d'em-
prunter au héros minuscule des contes populaires ses gigan-
tesques bottes de sept lieues.
III
La philologie romane, en ce qui concerne la Planée, a pour
base, nous l'avons déjà dit. deux langues d'origine commune
22f! ENSEIGNEMENT DE LA PHÎI-OLOGIH ROMANE
et de physionomie distincte, lu langue d'oc et la langue d'oïl.
C'est cette dernière que nous allons étudier ensemble.
La langue d'oïl, ou vieux français, remonte plus haut dans
le passé, au moins comme langue écrite, qu'aucune de ses
sœurs néo-latines. Le hasard peut bien y être pour quelque
chose, car c'est le hasard seul qui nous a conservé les Glossai-
res de Cassel et de lieichenau, tous deux antérieurs au IX'' siè-
cle; la Cantilène de sainte Eulalie et Y Homélie sur Jonas, l'une
et l'autre du IX^ ou du X« siècle. Mais on peut dire, avec plus
de justesse encore, que ce droit d'aînesse était d'avance dévolu
à la langue du nord de la France, par cela même que, diffé-
rant plus que les autres langues romanes de la langue mère,
du latin, elle a dû secouer plus tôt qu'elles le joug de l'ortho-
graphe latine. C'est eu vertu de ce principe que les langues
les plus barbares, les plus éloignées du latin (je parle de l'Eu-
rope occidentale), se sont écrites avant les autres, et que les
langues germaniques ont précédé les langues néo-latines dans
cette voie. Elles ont bien pu emprunter à la langue supérieure,
à la langue de la civilisation et de la religion, au latin, tout ou
partie de son appareil scriptural, mais sans pouvoir, quelque
superstitieuse déférence qu'elles eussent pour elle, s'accom-
moder de son orthographe ni de ses flexions. Dé même, parmi
les langues néo-latines, c'est le français, et précisément le fran-
çais du Nord, qui a dû avoir et a eu la priorité sur les autres,
et après lui le français du Midi. Réciproquement on conçoit
tout aussi bien que les idiomes les plus rapprochés de la langue
mère, comme l'italien et l'espagnol, s'en soient écartés plus
tard. Le costume orthographique qu'ils tenf^ient d'elle allait à
leur taille et ne gênait pas trop leurs mouvements. Ajoutons
que, si la France dVil doit l'avance qu'elle a prise sur les
nations soeurs à ce que ses dialectes différaient davantage du
latin, par contre elle a dû sa supériorité littéraire sur l'Alle-
magne, sa voisine, à ce qu'elle était fille de Rome, sa fille parla
langue et parla culture intellectuelle. Singulière et heureuse
destinée, qui a tiré de deux principes contraires le plus bel
épanouissement littéraire que l'on connaisse, de la chute de
l'Empire romain à la Renaissance.
La langue d'oïl existe à l'état latent jusqu'au IX*^ siècle
(Jn la sent, plus qu'on no la voit sous la surface troublée du
EiN PKANCK 2?i)
bas-latin de l'époque mérovingienne. Elle se manifeste à demi,
tantôt par des mots tout nus, si je puis ainsi parler, c'est-à-
dire dépourvus des désinences latines dont on habillait alors
les formes empruntées à la langue vulgaire ; tantôt par les
incorrections sjntactiques, flexionnelles et orthographiques,
des écrivains incomplètement lettrés, fautes involontaires que
confessait ingénument le principal historien de cette époque,
Grégoire de Tours, et que nous retrouvons dans les plus an-
ciens manuscrits de ses œuvres.
Cette période de barbarie, la plus intéressante au point
de vue des origines, mais la plus difficile à étudier à cause de
la diversité des phénomènes et de la diversité, sinon plus
grande, du moins plus complexe, des influences de lieu, de
temps et de personnes, nécessiterait à elle seule des recher-
ches toutes spéciales et de longue haleine. C'est vous dire que
nous réserverons ces études pour une autre partie de notre
cours, lorsque nous serons suffisamment familiarisés avec la
langue vulgaire du XIIP siècle et que nous aurons une pleine
connaissance des lois phonétiques qui ont présidé à sa for-
mation.
Mais la moisissure bas-latine se dessécha rapidement au
souffle de la bonne latinité rétablie par Charlemagne. L'éner-
gique volonté de ce prince, qui pourtant savait tout juste lire
et ne put jamais écrire, arrêta net l'invasion de la langue
vulgaire, mais sans diminuer sa vitalité, en l'augmentant au
contraire ; car cette langue, qui altérait si fortement le latin en
se glissant sous la plume des scribes mérovingiens, se serait
altérée dans une égale proportion si ce compromis eût duré.
Sans doute elle serait parvenue un peu plus tôt aux hon-
neurs de l'écriture, mais sous un déguisement qui l'aurait cer-
tainement déformée ou transformée; tandis que redevenue,
par l'effet même de la proscription indirecte qui la frappait,
l'instrument et la propriété exclusive des illettrés, elle n'eut
plus rien à craindre des dédaigneuses, mais dangereuses fa-
miliarités du latin. Elle conserva sa physionomie propre,
ses tendances particulières, sa pureté phonétique, qu'aurait
troublée une plus longue cohabitation orthographique. Et
lorsque, cent ans après, nous la voyons réapparaître dans le
texte des fameux Serments de Strasbourg, transcrits par un
16
23u ENtJBIGKEMEM DE LA PHILOLOGIE ROMANE
copiste du X'' siècle, nous pouvons mesurer, malgré les lati-
nismes sporadiques dont ils sont émaillés, la distance qui la
sépare du bas-latin le plus grossier de Tépoque mérovin-
gienne.
N'allons pas croire cependant que Charlemagne se préoc-
cupât de faire la guerre aux patois de son temps. Le grand
et tout-puissant centralisateur ne songeait qu'à rétablir la
bonne langue officielle et littéraire, sans renoncer pour son
compte à la pratique de sa langue maternelle, l'allemand, ni
à la connaissance de son autre langue quasi-maternelle, le
gallo-romain. C'est du moins ce qu'on peut inférer du témoi-
gnage d'un auteur presque contemporain, qui nous le repré-
sente entouré de ses poètes gaulois et teutoniques, teutonicis
gaUicisque vatibus, et se plaisant à écouter leurs chants.
Ce n'était pas par la poésie seule que la langue vulgaire
manifestait son existence : les nécessités de l'enseignement
religieux lui avaient valu une reconnaissance semi-officielle,
de même qu'autrefois les nécessités administratives en plein
empire romain. Les conciles non-seulement la toléraient, mais
en recommandaient l'emploi aux prêtres qui avaient à parler
devant le commun des fidèles. Cette recommandation ne se
bornait pas à l'usage purement oral de la langue vulgaire;
on insistait aussi pour que les textes sacrés fussent traduits
par écrit et mis ainsi, d'une manière permanente, à la portée
des personnes médiocrement instruites.
Mais cette langue n'en restait pas moins à l'état de patois,
et ce n'est guère qu'à partir du XIP siècle qu'elle est accep-
tée des lettrés comme une vraie langue, une langue à ortho-
graphe, à règles fixes ou qui tendaient à devenir telles.
Comme toutes les autres langues, elle naquit à la vie litté-
raire parla poésie, et c'est par lapoésie religieuse, non par la
poésie populaire ou héroïque, qu'elle prit place, une place bien
modeste d'abord, à côté du latin. La poésie populaire était cepen-
dant de beaucoup la plus répandue et la plus ancienne; mais
on la confiait à la mémoire plutôt qu'à l'écriture, dont l'usage,
monopolisé par le latin, était peut-être inconnu des auteurs,
simples laïques plus inspirés que lettrés. Peut-être aussi les
latiniers, comme on appelait au moyen âge ceux qui possé-
daient le secret de l'écriture, ne voulaient-ils pas s'abaisser
EN FRANCE 231
jusqu'à accepter le dépôt do productions littéraires ([u'ils de-
vaient regarder comme inférieures et inutiles, puisqu'elles
n'avaient pour elles ni le prestige de la langue, ni l'excuse et
le besoin de la propagande religieuse. Cependant cette poésie,
populaire dans les deux sens du mot, avait pénétré dans l'en-
ceinte des cloîtres et sous la voûte des cathédrales. Sa vogue
en faisait un instrument tout trouvé pour les mains pieuse-
ment habiles du clergé. Et, bien que ne lisant, n'écrivant que
le latin, mais poussé par l'intérêt supérieur de la religion, il
voulut, malgré l'énorme distance linguistique qui le séparait
du peuple, communiquer de plus près avec lui et l'intéres-
ser plus directement aux choses du culte. C'est alors que les
Vies des saints furent traduites en langue vulgaire et mises
en vers. On les chantait dans les églises, comme en fait foi
là notation musicale qui accompagne bon nombre d'entre
elles. Sans doute quelques-uns de ces dévots traducteurs, vrais
poètes du terre-à-terre, s'acquittaient de leur tâche en sim-
ples écoliers ; mais d'autres ont trouvé des accents d'une vé-
ritable éloquence et su communiquer même au lecteur moderne
l'émotion qu'ils avaient ressentie à la lecture de la légende
sacrée dont ils se faisaient les interprètes.
Cette contagion poétique se répandit rapidement. Les hé-
ros de la foi, saints et martyrs, eurent ainsi leurs chansons
de geste, écrites longtemps avant, quoique composées long-
temps après celles de Charlemagne et de ses douze pairs.
Alors paraissent la Cantilène de sainte Eulalie, du X» siècle ; la
Passion du Christ et celle de saint Léger, à peu près de la même
époque; la Chanson de saint Alexis, du XP; tandis que la plus
anciennement écrite de nos chansons de geste, le Roland, ne
l'a été qu'au XIP. Et pourtant elle était autrement populaire
qu'aucune des poésies pieuses que nous venons de citer, cette
Messénienne, cette Marseillaise des Normands, qui la chantaient
déjà à la bataille d'Hastings, dès le milieu du XP siècle.
Du jour où l'habitude de transcrire les chansons de geste
devint générale, la poésie épique changea de caractère. On
la lut davantage, on la chanta moins. La lecture à haute voix
remplaçante chant, les épopées devinrent des récits et s'al-
longèrent indéfiniment. Elles étaient d'abord exclusivement,
laïques, c'est-à-dire composées par et pour des laïques, et
i32 ENSEIGNEMENT DE I.A PllILOLciGIE ROMANE
s'adressaient à toutes les classes de la société, aux chevaliers
comme aux p-ens du jjeuple. Peu à peu, elles furent écrites ou
remaniées, sur la demande de quelques grands seigneurs, par
des clercs que leur instruction rendait plus aptes à ce mé-
tier de compositeurs à gages, et souvent pour des dames d'es-
prit curieux et cultivé. On voit tout de suite quelles durent
être les conséquences de ce double changement d'auditeurs
et d'auteurs. Les lettrés d'alors, n'écrivant pas d'inspiration,
comme ceux qui avaient produitles premières, les vraies chan-
sons de geste, n'ayant en vue qu'une certaine classe de la so-
ciété, celle du grand monde laïque, où les dames exerçaient
une prépondérante influence, modifièrent profondément les
procédés de composition transmis par leurs devanciers. On
ne vit plus de ces sobres poèmes qui, comme la Chanson de
Roland, ne comptaient guère plus de quatre mille vers ; lés
plus courts eurent une étendue double. Si les poèmes s'al-
longeaient, le vers se raccourcissait, l'octosyllabique prenant
la place du décasyllabique et de l'alexandrin. La rime chas-
sait l'assonance. On se déshabituait de ces tirades uniasso-
nancées dont le martellement, continu et vigoureux, scan-
dait nettement le rhythme, en marquait le pas, pour ainsi dire,
et soutenait à la fois l'attention de l'auditeur et la mémoire
du chanteur. Devenus purement narratifs, les nouveaux poè-
mes ne s'accommodèrent plus de ces groupes de vers à finale
monorime qui faisaient de nos anciennes épopées comme de
longs poèmes lyriques aux strophes d'inégale étendue. Les
vers de huit syllabes rimant deux à deux, moins longs et plus
souples que le vers épique, sans césure intérieure qui ralen-
tît leur marche, leur convenaient davantage et se prêtaient
mieux aux développements du récit ou aux vives allui-es du
dialogue. C'était comme la transition de la poésie à la prose.
En un mot, tout fut accommodé pour la lecture, et plus parti-
culièrement pour la lecture à huis clos, devant un auditoire
médiocrement nombreux.
Là encore on retrouve l'infiuence monacale. Dans les cloî-
tres, en effet, au moins dans la plupart, on lisait à haute voix,
pendant les repas, d'abord des passages des livres sacrés,
puis des Vies de saints que les auteurs ou les arrangeurs agré-
mentaient de prose rimée, le tout en latin ; puis enfin des Vies
EN FRANCE 23^
(le saints ou des poésies pieuses en langue vulgaire. Cette lui-
bitude de la lecture à haute voix dut pénétrer en même temps
dans les mille petites cours féodales de l'époque, et surtout
dans ce que Joinville appelle « la chambre des dames », équi-
valent de notre salon moderne, où elle alternait sans doute
avec les conversations des élégants des deux sexes.
La poésie se féminisa quelque pou, tout en continuant d'exal-
ter la vaillance guerrière. Les hommes d'épée, les chevaliers,
y tenaient toujours le premier rang. Braves autant que leurs
prédécesseurs de l'âge héroïque, mais d'une bravoure souvent
invraisemblable, ils nous font déjà songer, tantôt aux proues-
ses imaginaires du survivant attardé de la chevalerie errante
qu'a immortalisé Cervantes, tantôt aux désastreuses et trop
réelles témérités de Crécj et d'Azincourt. Us ne se préoccu-
paient plus seulement, comme les paladins des chansons de
geste, de leur honneur de soldat, du devoir féodal, de la foi
chrétienne : à côté, au-dessus même de cet idéal tout militaire,
ils en avaient placé un autre, l'amour. C'était un vrai culte en
l'honneur de la femme, ou plutôt de la dame, de la maîtresse,
domina; culte singulier, mais sérieux dans sa singularité, où la
fidélité en amour était la grande vertu, qu'elle coïncidât ou non
avec la fidélité conjugale.
Cette littérature de cabinet et de salon eut une vogue im-
mense. Elle est représentée par les oeuvres les plus correctes
et les mieux écrites du moyen âge. De la fin du XIP à la fin du
XIII» siècle, elle règne sans conteste. Partout on lit, et on ne
lit guère que les récits des aventures merveilleuses, des ex-
ploits souvent fabuleux, des amours parfois tragiques des
chevaliers de la Table-Ronde. Le roi Artus, Gauvain, Tristan,
Lancelotdu Lac, enfants de l'imagination bretonne naturalisés
Français, ont presque pris la place de Charlemagne, de Roland
et d'Olivier. A la belle Aude, qui meurt en apprenant la glo-
rieuse mais triste fin de son fiancé Roland, à ces femmes pres-
que aussi viriles que leurs maris, ont succédé Yseult la Blonde,
épouse infidèle du roi Marc, mais fidèle amante du beau Tris-
tan; la reine Genièvre, qui oublie pour Lancelot du Lac le roi
Artus lui-même, le type accompli, le demi-dieu de la cheva-
lerie.
C'est l'âge d'or, l'époque classique de notre littérature
231 ENSKIGNEMEiST DE LA PHILOLOCxIE ROIVIAME
médiévale. La langue atteint alors son plus haut degré de per-
l'ection. Elle est fixée quant aux règles orthographiques, et
sous ce rapport bien supérieure à la langue actuelle. L'accord
est presque fait entre la prononciation et les signes qui la
reproduisent. Les mots nouveaux, directement empruntés au
latin et non plus seulement façonnés par Forgane et l'analo-
gie populaires, sont encore conformes aux règles de l'accen-
tuation, mais déjà moins à celles de la dérivation.
Les exceptions en ce sens deviennent alors plus nombreu-
ses. Dès l'origine, sans doute, le rigorisme ecclésiastique, pour
qui le latin était, surtout en ce qui concernait le culte, une
sorte de langue hiératique, en avait imposé plusieurs que
l'usage avait consacrées, en les accompagnant parfois de leurs
doublets ou équivalents populaires. Mais, à mesure que la cul-
ture littéraire se développe, les bonnes traditions linguistiques
se perdent, et les emprunts trop directs au latin se multiplient
pour aboutir, dès le XI V"" siècle, avec la langue pédantesque de
Nicole Oresme, non plus seulement à la déviation des lois
de dérivation, mais à la violation de la loi même de l'accent.
Funestes habitudes dont savaient encore se défendre les au-
teurs qui, comme l'historien Froissard, écrivaient pour le
commun des lecteurs. Heureusement pour nos études, cette
réaction des ultra-latinistes sur notre idiome ne s'exerça avec
toute licence qu'après l'invention de l'imprimerie, c'est-à-dire
au moment où finit la période dialectale, où la langue d'oïl de-
vient la langue française.
Mais, du XIP au XIV* siècle, la langue d'oïl se conserve in-
tacte, si ce n'est que, vers la fin, elle ne pra+ique plus rigou-
reusement son ancienne déclinaison à deux cas. Elle subissait
en cela l'influence des illettrés, toujours portés à la simplifi-
cation, influence à laquelle elle échappait d'autre part dans le
développement de son vocabulaire, ainsi que nous venons de
le constater; de sorte que, par une apparente contradiction, le
vocabulaire devenait plus savant et la syntaxe plus populaire.
Il en est de même de la littérature, qui se transforme, devient
plus érudite et plus complète; plus complète, en ce qu'elle fait
une plus large part à la prose. Cette évolution, d'ailleurs, n'en-
lève rien aux qualités essentielles de la langue écrite, qui, ten-
dant ainsi à se rapprocher davantage du langage parlé, n'en
RN FRANCE 335
reste que plus naturelle dans ses tournures et dans sa syn-
taxe . De même que le vers de huit syllabes, sorte d'intermé-
diaire entre le vers épique et la prose, avait fait à celui-ci une
victorieuse concurrence, de même la prose tendait à revendi-
quer sur tous les deux sa part du domaine commun.
Les œuvres en prose, jusque-là rares et peu lues, faisaient
de plus fi'équentes apparitions à mesure que les laïques sen-
taient le besoin de s'instruire et en trouvaient les moyens.
Bornée d'abord aux besoins de la prédication et à la rédaction
en langue vulgaire des documents officiels, la prose, sœur puî-
née de la poésie, en passant par la bouche d'un saint Bernard
et par la plume de Villehardouin et de Joinville, reconquit
bientôt le terrain qui lui appartenait en propre. Elle dépos-
séda son aînée des droits qu'elle s'était arroges sur l'his-
toire, avec Wace et Benoît de Saint-More, historiens versifi-
cateurs de l'Angleterre bretonne et normande, et sur la science
même, avec les auteurs des fantastiques Bestiaires. A côté de
ces traités pseudo-savants, rédigés en vers pour la plupart, on
vit paraître, ei^n, des œuvres sérieuses et de longue haleine,
telles que le Livre du Trésor, écrit par un Italien dans cette
prose française qu'il préférait à sa propre langue et qu'il pro-
clamait « la parlure la plus délitable » qu'il y eût alors.
La poésie, perdant son côté utile, tendait à devenir ce
qu'elle est de nos jours, l'organe de l'imagination, et non plus,
comme autrefois, la dépositaire de toutes ou presque toutes les
connaissances scientifiques, morales ou historiques, de géné-
rations qui s'instruisaient par l'audition bien plus que par la
lecture oculaire ou isolée.
Telle est, vue d'ensemble et dans ses évolutions essentielles,
l'ancienne langue du nord de la France, ou langue d'oïl. Mais
il ne faudrait pas que, en voyant ainsi groupées dans l'appa-
rente unité d'un cadre commun les phases principales de son
existence passée, on lui attribuât une uniformité qu'elle n'a
jamais eue.
La France n'avait pas alors de centre linguistique ; elle ne
recevait pas, comme aujourd'hui, sa nourriture intellectuelle
d'une seule ville, en qui sont concentrées toutes les forces
du gouvernement, y compris le gouvernement de la langue.
Chaque province, chaque localité, avait son dialecte ou son
236 MNSBIGNEMENT DE l.A PHILOLOGIE ROMANE
sous-dialecte, comme aujourd'hui son patois, idiomes frères
sans doute et de ressemblance visible, mais ayant aussi leurs
caractères particuliers et leur indépendance, non-seulement
philologique, mais littéraire.
Ils devaient la première aux diverses chancelleries seigneu-
riales, communales, ecclésiastiques, qui, à partir duXIIP siè-
cle, écrivaient les actes privés ou publics aussi volontiers en
langue vulgaire qu'en latin ; et la seconde à l'influence de
quelques grandes cours féodales qui attiraient à elles l'élite des
lettrés et des poètes de chaque province. Tous ces grands sei-
gneurs, qui ne sortaient guère de chez eux, avaient plus tôt
fait de chercher sur place des clercs et des trouvères capa-
bles de les Jouer en prose et en vers, fût-ce aux dépens de
l'histoire, et de leur procurer par leurs écrits d'agréables et
instructives distractions. Que les œuvres ainsi produites fus-
sent ou non originales, peu leur importait, pourvu que, compo-
sées ou transcrites dans leur dialecte maternel, elles fussent
immédiatement intelligibles pour eux.
Ainsi subsistèrent un nombre infini de dialectes et de sous-
dialectes, qui tous n'arrivèrent pas à la culture littéraire. La
plupart ont péri avec les témoins les plus authentiques de leur
existence passée : ces chartes en langue vulgaire, d'où la cri-
tique moderne sait exhumer en toute certitude la grammaire
et la phonétique de nos anciennes langues locales. Il en reste
assez toutefois pour qu'on ait pu procéder à une classifica-
tion et les diviser en quelques groupes principaux, corres-
pondant à nos principales provinces, tels que le dialecte nor-
mand, celui de l'Ile-de-France, le picard, le bourguignon et le
poitevin. Cependant il ne faut pas conclure de cette classifi-
cation nécessaire, mais arbitraire et sur certains points provi-
soire, que chacun de ces dialectes pris à part présente la môme
homogénéité que les anciens dialectes grecs. Comme aucun
d'eux n'a été l'objet d'une longue culture littéraire ni n'a pro-
duit de ces œuvres capitales dont la langue fait loi, les dissi-
dences sous-dialectales ont persisté. Les auteurs ont écrit,
les copistes ont transcrit au gré de leurs habitudes d'orthogra-
phe ou de prononciation, et il en est résulté une variété qui
ne se plie guère aux exigences d'une classification rigoureuse.
On devine tout ce que prendrait de temps et entraînerait
EN FRANCE 237
de recherches une pareille étude poursuivie dans le détail.
Aussi nous contenterons-nous, quand nous aurons, dans la
suite de ce cours, à parler des anciens dialectes, d'en relever
les particularités essentielles ou dilFércntielles. Ces esquisses
de monographies dialectales ne seront pas simplement théo-
riques, mais auront toujours pour point de départ les textes
étudiés. Dans l'exposition des lois générales, nous nous en
tiendrons au dialecte dit de l'Ile-de-France, et nous ne men-
tionnerons les autres qu'autant (ju'il sera nécessaire pour
rendre chaque explication plus claire et plus complète.
Puisque j'arrive à la partie didactique de cet enseignement
nouveau, permettez-moi devons donner encore quelques ren-
seignements sur la manière dont fonctionneront à Montpellier
les conférences de philologie romane.
Je dois vous dire d'abord qu'elles ne seront pas publiques.
Il faudra se faire inscrire pour y être admis. Cette formalité
est destinée à protéger les travailleurs assidus contre le dé-
rangement qu'occasionneraient les entrées et les sorties des
passants amenés par le hasard d'une promenade ou un accès
momentané de curiosité. L'inscription est absolument gratuite.
De plus, elle laisse à ceux qui l'auront prise toute liberté de ne
plus suivre les cours, soit qu'après un certain stage ils s'aper-
çoivent que leurs aptitudes les portent ailleurs, soit que le
temps leur manque, soit pour tout autre motif. Le Ministre
tient, et nous tenons autant que lui, à ce que ces cours soient
pratiques, techniques, comme sont, par exemple, ceux de droit
et de médecine . Le simple curieux ne s'étonnera donc pas trop
si la porte ne s'ouvre pas devant lui. Quant au travailleur qui
tient à ne perdre ni son temps ni sapeine, il sera assuré de trou-
ver un enseignement fait uniquement pour son usage . Plus tard
même, quand une commune assiduité aura créé entre lui et
les autres auditeurs une sorte de familiarité scolaire, il pourra
y prendre une part plus active en acceptant ou en provo-
quant les interrogations du professeur, sans avoir à craindre
de se donner en spectacle à une curiosité indiscrète.
L'exposition théorique, avec démonstration au tableau, al-
ternera, soit d'une conférence à l'autre, soit dans la même
conférence, avec les explications de textes. Les appréciations
?38 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOLOGIE ROMANE
littéraires et les commentaires historiques formeront le com-
plément, mais non la base, de cet enseignement, qui, au moins
pour cette année, sera purement linguistique.
Vous m'excuserez, Messieurs, d'entrer dans ces détails; mais,
sur ce point pas plus que sur d'autres, il ne doit y avoir de
malentendus entre vous et nous. Je dois vous avertir aussi que
ces études, parfois arides, surtout dans les commencements,
avec leurs longues nomenclatures et leurs minutieux procédés
d'analyse chimique appliquée au langage, ne conviennent peut-
être pas à tous les goûts. Mais ce que je ne crains pas d'affir-
mer, c'est que tous ceux d'entre vous qui ont fait, comme on
dit vulgairement, leurs classes, ceux-là surtout qui ont prati-
qué jadis le vers latin (pardon de cette justification indirecte
d'un genre d'exercice qui n'a plus la faveur du public), et qui,
en le pratiquant, ont appris la quantité latine, sont aptes dès
aujourd'hui à s'approprier les découvertes de la philologie
romane.
Ils devront à ces études, outre une facilité plus grande à
lire notre ancienne littérature, outre ce que M. Littré appelle
si justement « une rénovation partielle de l'esprit », une con-
naissance approfondie et définitive de notre idiome actuel, et
les moyens de connaître presque aussi bien l'oi'ganisme des
idiomes géographiquement et philologiquement voisins de l'Es-
pagne et de l'Italie. Ils leur devront aussi de devenir plus in-
dulgents pour nos inoffensifs patois, dont ils comprendront
mieux l'utilité scientifique, et de sentir croître ou s'affermir
leur affection pour notre chère et glorieuse langue nationale,
à mesure qu'ils pénétreront plus avant dans son intimité, pour
la langue de Chrestien de Troyes et de Joinville, de Voltaire
et de Bossuet, la seule des langues modernes qui ait eu deux
fois l'honneur — au XIIP et au XVIIP siècle — d'être la lan-
gue littéraire universelle de l'Europe.
A. Boucherie.
DE QUELQUES PRONOMS PROVENÇAUX
I— FORMES DIVERSES DU PRONOM PERSONNEL LA, LAS
En provençal comme en français, Tarticle défini sert de
pronom de la troisième personne au complément direct et se
place devant le verbe, excepté à rimpératif positif. (Ex. : Je
le vois; ne /e voyez pas; voyez-le). Dans divers dialectes de
la langue d'oc, le pronom féminin de la troisième personne
change de forme, suivant la place par lui occupée : il reste la,
las, devant le verbe ; — derrière le verbe, il devient /o, los, ou
le, les-. M. C. Chabaneau a traité, dans la Romania, de plu-
sieurs autres pronoms soumis à la même influence .
Auvergnat. — Cantal. « Stindé la ilassade... Sarra fô, 111, 15; —
Ma parenta, espouza fô, IV, 6.» (Traduction du livre de Ruih en
patois de Ghalinargues, canton de Murât, par l'abbé J. Laboude-
rie, Mém. delà Soc. des Ant. de Fr., VI, 1824, p. 94-116.)
Gascon et béarnais. — lo Gers .
I^a medicho 'scuso qu'alégui,
Qu'aléguey au duc d'Espernoun,
Beséts-Zo, JNloussur, jou bou 'n prégui. (P. 76.)
Nou poudéts pas paga las taillos ?
Pagats-Zos, ses mes countesta. (P. 211).
D'Astros. XVII« s., dans les Poésies gasconnes, recueillies et pu-
bliées par F. -T. Paris (Tross, 1869, t. 11) : — « Ouerats los toutes
duos aqueros bastiousos que salounquejon à la hount. y) (Littérature
populaire delà Gascogne, par Cénac-Moncaut. Paris, 1868, p. 228,)
Cénac-Moncaut ne relève le fait ni dans son Dictionnaire
ni dans sa Grammaire.
' En béarnais, dans le département de Tarn-el-Garonne, le pronom
suit l'infinitif; dans l'Ariége, il suit le verbe dans une phrase interro-
gative .
* Dans une variété dialectale, tout au moins, le pronom masculin de la
troisième personne change de forme lorsqu'il est placé a[)rès le verbe :
« Emperaire, vaqui ti servilour, saludo-ièj. • . Ames li félibre, amo-léi
de countunio » (Armana prouvençau, 1861; Mistral, p 56; — Rouma-
nille, p. 75). — Devant le verbe, on dirait li et non léi.
240 DIALIOCTES MODERNES
2° Basses- Pyrénées. Après un impératif et un infinitif paroxy-
toniques, le pronom se maintient : (( Apèro-/a, apèro-/as, que
bouy héàe-lai) ; mais après un imp. et un inf. oxytoniques, il
devient /o, /os, à Pau; le, /es, àOrthcz :« Aperatz-fo, aperatz-fo.s,
etc. » M. Lespy {Grammaire béarnaise. Pau, 1858, §§ 355,
357, 359) signale le fait, mais il a tort de mettre son ortho-
graphe en contradiction avec la prononciation qu'il signale.
Languedocien. — 1" Ariége.
As pourtat sens' aunou de reliquos sacrados ?
As los sensé respeit, neit o jour, manejados ?
(Le P. Amilha, Tableu de la hido del parfet crestia. Toulouso,
1673, — cité par J. Banquier. Mélvsine, 1. 1877, col. 525, ii<= str.)'-
— «Pourtax bite la pu bello raoubo é cargax Zo-i.» (Parabole de
l'Enf. prod. en patois de l'arr. de Pamiers, Mém Soc. Antiq. Fr.,
VI, p. 503,^ 22.)
2o Aude. — « Anats querré dé suite sa prumièro raubo. cargats-y
lo. ))(Parab. de l'Enf. prod. en patois de Garcassonne, M. S, A.
Fr., VI, p. 508, g 22.)
Sounos la marche laurap;ueso. . .,
Souno-/o toutjoun fort e mort !
(A. Fourès, du Lauraguais, dans la Lauseta de 1878, p. 213.)
Las cerbélos soun sul foc,
Rebira-me-Zos.
(Ronde carcassonnaise, R.des L. i2.,2« S., VI, 1878, p. 82.)
Dans la Cansou de la Lauseto (Montpellier, 1870), par Mir,
on trouve bien des exemples du pron. pers. fém., mais tou-
jours devant le verbe (pp. 78, 158, 252, 174), de sorte qu'on
ne sait pas si le narbonnais se comporte comme le carcas-
sonnais.
3" Haute- Garonne :
(Philomelo) nou canto pus aro,
Tourno-Zo mètre en joc encaro.
(Goudelin, éd. d'Amsterdam, 1700, p. 7.)
B'ets pla simples, effans, de creiré qu'es cambiado,
Et que se sio tabé per loung-tems coumpouzado :
Seguissets-Zo à l'houstal.
{Le Mirai moundi. Toulouso, 1781, p. 209); — Pourtats proump-
tomèn sa prumièro raoubo et mettcts-/o 'y. (Parab. de l'Enf.
prod., Mém. Soc. Antiq.de Fr., VI, p. 502. §22.)
PKONOMS PROVENÇAUX 241
Uiio iioumo belt'^oii?... Douno-/o-nie. (P. 46.)
O lu ! que l'amhiciou couiuo un pousou deboro,
Casso-Zo (le touu cor, bite mel-lo deforo. (P. 61.)
Las cioulsesque beséls M'abéts dit : Plantats-Zos, (P. 136.)
(Mengaud, Rosos et Pimpanél-os, 5* éd. Toulouse, 1877 .)
4" Hérault:
Savé qu'acos moun âma! es estada rebella!
Anfin réçacha-Zo, té la porté en oullVanda.
(Peyiottes, deClormonL-riIérault, Pouésiaspatouèzas. Montpellier,
1840, in-8°, p. 102.)
5° Lot:
jCoumo un pargan rimât la mio pèl se fronzis,
Agacho-Zo de prèp.
(Poésie anonyme du XVII» s., citée par le docteur Noulet, His-
toire des patois aux XVI^ ei XVII^ 5s., p. 180.)
6° Lot-et-Garonne :
Tenèz-Zos (vos poules) dins l'ostal ou débat un crumèl.
(Fr. deCortète, XVll' s., cité par Xoulot, Hist. Hit., etc., p. 145.)
Dans lou Ritckounè de Delbès (2''éd., Agen, 1876), on trouve
les exemples suivants :
Tè, tè, déjà bezi dios tourterellos,
Tè, regardo-Zos coumo soun bellos. (P. 30.)
Gardo roso d'amour,
Gardo-Zo pla, maynado. (P. 11.)
7" Tarn:
Per bous, espousas-Zo sans que digus bous bexo ;
La bous cedi fort pla, car n'ei pas pus enbexo.
(Daubian, le Minantrope travesti. Castres, 1797, in-8°, p. 81.)
8° Tarn-et-Garonne :
Per tout nostre coudèrc tout es aro en gran treble,
Et tu besez qu' yeu mémo, alangourit è feble.
Ne meni (per poude salba-Zos en dacom)
Mas crabos foro tèrro.
(Jean de Valès, de Montech, XVIPs., cité par Noulet, Hist. litt.,
etc., p. 120.)
Provençal. — Haute s- Alpes: « Ana querre sa pu jorio robo et
bita-Zo-ii. » (Parab. de l'Enf. prod. en patois du Queyras, p. 28 du
Dictionnaire de MM. Ghabrand et de Rocbas d'Aiglun, Pa/ow e?es
Alpes Cottiennes. Grenoble, 1877.)
2-12 DIALECTES MODERNES
li paraît que le pluriel t'éminin reste las devant comme der-
rière le verbe : « Le pronom relatif féminin singulier conserve
la forme régulière la, quand il précède le verbe ; il prend la
forme la, quand il le suit. Ainsi, en parlant d'une table, par
exemple, on dira : Fasé-/o, faites-la, et La faou, je la fais. »
(Chabrand et de Rochas, p. 16).
Aduzé'li promptament sa premièro sroueso, è bita li lo. (Parab.
de l'Enf. prod. en patois du Queyras, dans Ladoucelte, Topog. des
Hautes-Alpes^ p. 618) ; — Adusé vite sa proumiero rooubo é passa
l'y lo. (Parab., etc., en patois de Veynes, dansLadoucette, p. 616.)
Remarque. — L'ancien provençal employait, lui aussi, l'arti-
cle défini comme pronom de la troisième personne*; mais on
ne voit pas, au moins dans le Recueil d'anciens textes de M. P.
Mej^er, que la place du pronom ait influé sur sa forme. Devant
comme derrière le verbe, on trouve toujours la. — L'article
servait aussi quelquefois de pronom démonstratif déterminatif
(en fr., celui, celle, ceux, celles ) :
Dunt estes vos, amis, de eau reion?
Sener, ço dist Girarz, de la Garlon*.
L'ancien français disait de même :
Richart en son escu ataint,
Si que la lanche en pièces noie.
Mais la Richart ne fu pas molle 2.
Le français actuel serait obligé d'employer ce/M«, celle, ceux,
ce//es; au contraire, la langue d"oc moderne peut encore se
servir de l'article :
Lous qui nou cantou pas anéyt ^.
Nous a taillât prou gran' istorio
Ses counda la de bous medich *.
Dans une variété dialectale, etpeut-être aussi dans plusieurs
autres, l'article, ainsi employé comme déterminatif, subit au
féminin un changement, et de la devient lo. En narbonnais,
par exemple, on dit :
' Girard de Roussillon, v. 314, dans le Recueii do M. P. Vieyer.
- Richart le Bel, éd. W. Fœrster, v. 1586.
■^ b'ezedé, l. Il, p. 287 des Poésies gasconnes.
* D'Astros. t. II, p. 35 des Poésies gasconnes.
PRONOMïS PROVENÇAUX 243
Toiito ttour das camps es passido,. . .
Digo-me dounc ount as culliido
Lo qu'embauino touii NadaUU '.
En pensado rabit al séjour abitat
Per lo que cèrqui -.
Amie, saras un jour amé lo que t'espèro ^.
La pus justo coumparasou
Qu'on posque faire d'un ibrougno,
Es lo d'un porc *.
Au pluriel, on trouve las ^ :
Que de l)ostro bouco emporlado
Toumbe uno graciouso paraulo,
Coumo las que disiots à taulo ^
ir. — DE L'ADJECTIF POSSESSIF MA
Le Mirai moundi (Toulouso, 1781, p. 92, 145) nous offre deux
exemples de ma devenu mo dans le locution « Par ma foi » :
Le moundé, per mo fés, es uno drollo cauzo.
Nou farei per mo fés.
Dans Goudelin, on trouve permofé^ mais aussi permafé '' .
Daubian (le Misanthrope travesti. Castres, 1797, 8", p. 23,
écrit de même :
Permafé qui bous cren?
m.- DU PRONOM DÉMONSTRATIF NEUTRE RÉGIME DIRECT
ÇO, ÇOU, ÇA, CE
En français ancien et moderne, le pronom démonstratif
neutre ce s'emploie comme sujet: Ce sera beau, etc. En pro-
1 Ach. Mir, la Cansou de la Lausetu, p. 14.
2 Mir, p. 78.
^ Mir, p. 78. Voir encore p. 82.
* Mir, p. 18. Voir encore p. 240.
■' M. Cantagrel nous fait remarquer que c'est par suite d'une erreur
typographique qu'on lui a fait dire le contraire dans le passage suivant:
« Celui, celle, etc.. suivis d'un régime indirect ou d'un prouom relatif,
s'expriment par iou, lo. tous. Los. » (P. xxix de la Lauselo de Mir.)
L'article féminin est toujours las.
6 Mir, p. 80.
7 Éditisn d'Amsterdam, 1700.. pp. !85, 173.
244 DIALECTES MODERNES
vençal ancien, on le trouve comme sujet sous les formes ço,
ça, ce: mais les dialectes modernes l'ont généralement aban-
donné; ils ont recours à i'autres pronoms, ou bien ils usent
du verbe tout seul.
En français, depuis les temps les plus reculés jusqu'au
XVIPs., cea été employé comme régime direct précédant
le verbe, notamment dans les « propositions incidentes où le
sujet est représenté comme portant la parole* :
Ço dist Ghernubles, ma bone espee ai teinte - !
Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras '.
L'emploi de ce n'était pas forcé en pareil cas :
Diex, dist Uichars, mi escuiier,
Gon furent ore paulonnier*.
Le démonstratif ço s'employait comme régime direct, no-
tamment dans le même cas, en ancien provençal, et pouvait
également se supprimer :
Per Deu, ço dist la donne, lai vuel eu traire ^.
Adans, dis nostre Senhor, as fach mes mandamens^.
Plusieurs dialectes de la langue moderne emploient encore
ce pronom régime sous les foi'mes ço, cou, ça, ce, que nous
allons passer en revue.
Généralement, le démonstratif neutre régime n'est pas suivi,
dans ses modifications phonétiques, par le pronom ço que, que
nous appellerons, pour abréger, pronom composé ^.
Ço. — Çoest la forme habituellement employée par les écri-
vains du moyen âge; aujourd'hui, au contraire, elle se rencon-
tre rarement.
1 Diee, Gr. des L. ft , III, «8.
- Chanson de Roland.
' Lafoutaine.
* Richart le Bel, éd. W. Foerster, v. 4347.
Si Girard de RoussiUon, v. 296, dans le Recueil d'anciens textes de
M. P.Meyer.
6 Pierre de Corbiac, Trésor, v. 141, éd. Sachs.
■^ Ço que se traduit ea français, suivant les cas, par ce qui et ce que.
Le déraooslratif neutre ce est sujet ou régime ; le relatif neutre qui est
toujours sujet; le relatif neutre que est toujours régime direct — En
PROIsOMS PROVENÇAUX 24f.
1" Gard. — Nous en trouvons un exemple aigné du nom de
L. Roumieux {.\rmana prouvençau, .1859, p. 101 ) :
Es un Angles! bono praticd
Ço dis lou garde, ai cajiita.
Cefélibre a plusieurs autres fois employé ço{Armana /trou-
vençau, 1860, p. 101; la Rampelado, Avignon, 1868, in-8",
p. 303) ; mais cette forme n'est employée que dans un rayon
assez restreint du provençal. J'ignore si la forme cho, que je
trouve dans une rayolaûo ou prétendue rayolado de M. Méric
{lou Ma7X'han d'nli; ISlimes, s. d.,in-8o, p. 2 ), a jamais été
employée dans le pays rayol :
Quan tout d'un co, cfi(y fagué Jan,
Avès vostoboutéyo pléno.
"2" Hérault :
N'avèn, ço dis, qu'à l'envesti-
(L'abbé Favre, lou Siège de Cadaroussa, éd. nouv. Avi^nolln, .1 .
Roumanille, 1868, p. 63.)
Cet exemple, ainsi qu'on me le fait obligeamment remarquer,
n'est pas recevable ; si je le maintiens, c'est pour avertir à mon
tour le lecteur que Roumanille a remanié le texte du Siège de
Cadej'oussè. L'abbé Favre a écrit sou dû et non ço dis.
À" Vaxicluse:
Je n'ai trouvé qu'un seul exemple de ço employé par un
Comtadin :
Que siéu bèfi, ço dis, n'ai pas touca la fiolo !
(T. Glaup, p. "217, Unliame derasin. Avignoun, 1865, petit in-8".)
Çou. — 1° Aveyron:
Oyci, sou se dis el, entre estré fore cledos,
Bendrai faire corra mous bossious é mos fédos.
(Peyrot, Poésies diverses. En Rouergue, 1774, in-8°, p. 12).
'Che^Peyrot, le pronom composé est c"<yy^(passim) et ço que
(p. V).
niçard, ce que s'est nasalisé en çen que. comm»! aquesto en anquesto
« Tout senche sabès. « ( Cram. niss. de Miceu. p. 80.) Cfr. pour le lorrain
cen. et pour 1p paintongeais çan. que: W. Foerster. Zeitschrift de Gneber.
1, 397. et C. Chabaneau. H. des t. /?.. 2' S.. V. 1878, p. 296, n* .3.
17
2-16 DIALECTES MODERNES
Séra.sjit [j;ii-érf, passablomen prou hoiio.
{ Poésies paioises, parVornhet-père, d' Agen (Aveyron) ; Rodez, 1877).
D'après l'auteur, ces poésies sont en « pur patois de Rodez
et de ses environs. »
i" Dordogne :
Sou diiîuè l'iroundèl.
{Revue des langues romaines, 2« sér. . IV, 1877, p. 236.)
Les dix couplets de la ronde d'où est tiré cet exemple com-
mencent, — quatre par sou digue écrit en deux mots, — six par
sotidis écrit en un seul mot. Une semblable inconséquence se
remarque dans la traduction : sou dis est traduit six fois par
ce dit, tandis que sou digue l'est deux fois par ceci dit et
deux fois par ce dit; — ceci dit-il n'avait sans doute jamais
été employé en français : c'est un solécisme .
3" Cantal: " Sou faguét, ill, 9; sou diguét, IV, 5.» (Parab. de
l'Enf. prod. en patois de Chalinargues, canton de Murât, par
l'abbé J. Labouderie, Mém. Soc. An/iq. Fr., VI, 1824, p. 94-116.)
Dans ce patois, le pron. comp. est ço //ue.
\° Gard. — Cévennes :
« S'ou fat; s'ou fazié; dit-il, disait-il. » {^anYAges. Dictionnaire
languedocien). — « Aquel moussu sow-disiè: Tène ma fourtuno...
L'autre se desarmo, E sou-ïa.i. . . » {Armagna cevenùu. 1874, p. 28-9,
dans une poésie datée d'Anduze.)
Sou fas : oh ! per quanto resoa
Endure talo pougnesou ?
(Arnavielle, d'Alais, Re>:. des lang . rom., 2» sér., V, p. 186.)
Dans le cévenol, le pron. comp. est ço que; le pronom sujet
est çou :
"SoM-m'és-avis. » {Arm. cev., 1874, p. 37.)
Nimes :
Ha! sou dis un, lou mau est double.
(J. Michel de Nismes, Emharras de Beaucaire, 3e éd. , p-^.)
Que siei urous, sowdis, de te saouva la vido !
{Um) hourhouyado. . . Premieiro livrésoun. Nime, 1856, p. 9. et en-
core pp. 18,20).
Lipo sa raoustacho et sow-dis : Messieus. . . (P. 25.)
Oou ! liravi jèn,
PRONOMS PROVENÇAUX 217
iSow-digué Tome charitable.
Aqiii' n malaou. (P. 37.)
(A. Bigot, H BourgarUeiro, 3' éd. Nîmes, 1868, 12°.)
5" Hérault. — Montpellier :
Las fennos .soun coumo l'on créy.
Per loup hommes so«dis la Léy. (P. \i.)
Sou li dis ello bassomén. (P. 51 .)
Anen, .sowdis, la mort. (P. 164.)
Sou li repliquo l'autre. (P. 202.)
Sou li fau ieii. (P. 203)
( Les Folies de Daniel Sage, de Montpellier, éditées par A. des
Mesnils. Montpellier, 1874. La plus ancienne édition connue est
de 1636.)
Es qu' àysso 's pas lou même éndréch
Per ounte (s'ow-dis) soûy véngûda?
(Aug. Tandon, iï'a&^es, etc. 2" éd. Montpellier. 1813. iii-8". p. l't.)
Aimas las rosas. roussignôus.
(S'oudison las gazels persanas.
( 'Na Dulciorella, dans la Lauseta de 1878, p. 81. — M'»' de Hi-
card, qui signe du nom de Dulciorella, est d'origine anglaise. )
Béziers :
Poudriô m'escapâ
Coumo el, sou dis.
( Gabriel Azaïs, Revue des langues ronumes, 2« série, V. p. 195).
Saint- Pons :
L'home a fosso estrumens, outisses e machinos :
— Es iéu. s'ou dis, es ieu que lous èi enbentats.
(Melchior Barthés, Glossaire botanique de l'arrondissement de Saint-
Pons. Montpellier, 1873. in *8°, p. 264.)
Dans Barthés, le pron. comp. est ce que ( p. 256, 264); —
dans Azaïs, so que.: — à Montpellier, ;i Lunel-Viel et géné-
ralement dans l'arrondissement de Montpellier, on emploie a-
que ; mais on trouve aussi ça que dans VEstatut dnu Paraije
de Mon1:pellier, dans des poésies de Clarens et de C. Gros, de
Montpellier [Lauseta, 1878, pp. 109, 217, 248). Enfin, M.L.-X.
de Ricard, qui du reste traite assez librement une langue
d'emprunt, emploie indifféremment coque, ça que, ce que {Lau-
seta, 1878, de la p. 175 à la p. 184) : c'est trop d'nn, ço que
étant inconnu à Montpellier : on s'y sert de ce que, mais les
2i< blAl.KCTES MODERNES
gens illettrés ont paru à M. Ai[)ii. Ruque-'Ferrier avoir une
préférence à Tégard de ça que.
6^ Landes :
S'ou respounouc quauqu'iin.
(Aîmanach (fous Paysans, 1878, p. 25.)
Dans ce patois, le pron. comp. est ço qui. (P. 25.)
Ga. — On en trouve quelques exemples dans Taiicienut;
langue ; ils ont été relevés par M. C. Chabaneau dans la I{o-
maïu'a. IV, p. 339, n. 4. En voici dans la langue modcîrne.
1" Aude :
Paure Guillot, .^iVtdilï;. ahiôs de temsderesto. (P. 114.)
Un grapaut, l'èl enberinat,
Se couQèt c d'un couac .s' «faguèt : Aproubat ! (P. 156).
(A. Mir, la Cansou de la Lauseto. Montpellier, 187G.)
M. Cantagrel, dans la grammaire du dialecte narbonnais-
carcassonnais qui précède la Lauseto, n'a pas noté ce pronom,
d'un emploi cependant très-fréquent dans les poésies de Mir.
Sous le nom de Felibre escalin, c'est-à-dire d'Escales, celui-ci
l'a orthographié ou laissé orthographier sa au lieu de s'a :
« Adiu, sa-dits. » {Armana de Lengadô, 1877, p. 42). Dans le
narbonnais et dans le carcassonnais, le pron. comp. est ço que
( Cantagrel, p. xxvin de la Lauseto de Mir; Fourès, p. 195 de
Y Aîmanach de la Lauseta, 187<S.)
2° Basses- Pyrénées :
Ghens boste ayde, qu'èri pergude,
Ça dis-ère, Reyne deij Geù.
(Vincent de Bataille, dans les CansouR héumahm <Te De^^pourrins
étantes: S^éd. Pau, 1866, p. 133.)
M. V. Lespy connaît bien cette pièce, puisqu'il l'a publiée
dans sa Grammaire béarnaise (p. 94-7) ; néanmoins, il ne signale
pas notre pronom. Aux §§ 373, 377, il note seulement le pro-
nom composé so qui (ce que).
3" Gers :
Carot, ça m'a dit caucoumet.
James Dominus vobiscum.
Ca dils-on. nou luouric de liàmo.
PRONOMS rHOVKiNrAUX 210
(D'Astros, XVll'^ s., dans les Poésies r/asconnes recueiilifs ei
pul)liées par F. -T.; Paris, 1869, t. II, pp. 95, 98). — a Moiin hil
•s'aou digouc lou pay. » (Parab. do l'Enf. prod. Mnii. Soc. Anliq. Fr..
VI. p. 501, §31.)
Les exemples abondent dans la Littérahire /jopulcurc de la
Gascogne (Paris, 1868), par Cénac-Moncaut : « (a respounouc
la mayrastro, p. 227: raou * respounouc, p. 227; ça oudischouc,
p. 230; ça diseouo, p. 246; ça cridec, p. 243; ça pensée, p.
243 ; ç^ as boutée a crida, p. 234. » Dans son Dictionnaire gas-
con-français (1863, in-S"), Conae-Moncaut écrit : « Sa, pour
cela; Sa dit, dit-il, locution en grand usage. » Malgré le grand
usage de cette locution, il ne la signale pas dans l'espèce de
grammaire qui suit son dictionnaire.
Le pronom comp. est ço que.
4° Gironde: « Ca dissut. » {Œuvres complètes de Meste Verdie,
12e éd.; Bordeaux, 187G, in-16, p. 2.)
' S'aou, çaou = ça ou. c'est-à-dire {•« ton, en fr. ce lui (<,au dichouc.
ce lui dit). — En gascon et eu béarnais, l'article appuyé sur a et rf«? a
de benne heure vocalisé son l {del, deu; ai, au). Appuyé facultativemeni
sur d'autres mots, il se vocalise de même. — Le pronom de la 3° pers..
au complément direct, n'a pas d'autre forme que celle de l'article, et
comme celui-ci, au lieu de s'appuyer simplement, il se diphthongue avec
l'impératif singulier, l'infinitif et des mots tels que me. te. se, si, nou.
ande. aco. que. etc. Lespy {Gram. béarn.. %% 351-4) a tort de prendre ce
pronom pour « l'article (sic) roman el employé comme pronom » ; lou. -on
(article) et lou. -ou (pronom) ne doivent pas être séparés i'un de l'autre.
— En gasc. et en béarn., un autre pronom, celui de la 3" pers. au com-
plément indir. , a la même forme que l'art, et le pron. de la 3'' pers. au
complém.dir. ; il subit le même traitement : c'esllou (lui), lous (leur). On
a vu, dans les ex. plus haut cités, ce pronom diphthongue avec ça (çau).
Lespy ( Gram. béarn., %% 360, 362) confond lou. lous lui, leur) ù la fois
avee. lou, lous (le, les, art. et pron.), et avec un prétendu pronom eu qui
voudrait dire le. Lou 'lui) n'est autre que lour (anc. prov. lor), avec chute
de r final, comme dans pastou, mielhou. cou, etc. : /ous (leur) — lour.<<
(anc. prov. lor). Deux remarques sont à faire sur lou, lous ( lui, leur; :
— 1° Dtins certains dialectes, ainsi que l'a déjà remarqué Ghabaueau
{Romania. IV, 346-7 ; V, 372-3), li (lui) a supplanté l'ancien lor et signilio
à la fois lui et /eMr,parex. dans les Basses-Alpes, les Bouches-du-Hhône,
etc. Inversemen' . en gasc. et en béarn., ior a supplanté it et signilie à la
fois leur et lui: Gausauon pas lou -parla; Sensé Lors disf adechals.
Quev poudcuoi-jou respoune? Entavs ftè dnn.sa un roundru li (lui) survit
encore dans d'Astros concurremment avec lou. (lui), et parfois se laisse
remplacer par i (ibi), comme cela arrive dans Goudelin. Mengaud, Sage,
■2b') niALlCCTKS MODEKNES
f)" Haute- (juroiinr :
5a nous comanda la Riqueta. ("V. 501.''
Sa dissec dona Sobiraiia. (V, 517.;
Car 6-a ditz la Finoy Daissus. ("V. 786.)
{Las Ordenansas del libre blanc. Édit. du D'' Noulet; Montpellier.
1878, in-8°. — L'éd. originale est de 1555.)
A la fi, ça me di.ssec. (P. 6.)
Hélas! oadizijou. (P. 10.)
(Xa« 0/>ros de Pierre Goudelin; Amsterdam, 17U0.)
A d'autres, ça li bau jou dire.
{Las Obros de P. Goudelin ; Toulouse. 1648, in-4o, p. 8, cité par
Noulet, /oi- Ordenansas del libre blanc, s. v. sa.)
Ha ! sa dizio le misérable.
Ha ! sa ditz el .
{La Granoul-ratomachio , Toloso, 1664, citée par G. Brunet, iVoL
et Extr. de quelques ouvrages en patois du Midi;\%lkO, in-8o, p. 32, 35.)
Ount bas? Arèsto-te. Mouïso, ca ly crido.
La bouts.
Grand Diu, ^a respoun el.
(Guitard, XYII^ s., cité par Noulet, Hist. litt. des pat. aux XV I^
et XVII* ss., p. 94.)
etc. — 2* Reste à expliquer lous (leur), puisque régulièrement le pronom
ne devrait pas avoir la marque du pluriel. Le gasc. et le béarn. se sont ici
laissé influencer par l'adj. poss. de la 3<' pers. du pluriel, lour. lours { leur,
leurs). Cette marque analogique du pluriel donnée indûment au pronom,
comme elle avait déjà été donnée à l'adjectif, a eu pour but de donner plus
de clarté au langage. Ce phénomène est peut-être ancien ; si la charte du
pays de Soûle, publiée par M. P. Meyer {Romania,Y. 367-372), ne présen-
tait quelques fautes évidentes, on pourrait y trouver la preuve que lor
(pron. ) était déjà devenu lors, los, en 1254 (voir la note de M. Meyer, p. 372,
n° 14). En français trivial on dira de même : « Je leurs ai parlé j»; on ren-
forcera mémo ce leurs du pronom j/ : « Je leurs y ai parlé. «Dans le patois
lu Lot-et-Garonne on trouve pareillement : Fazes lous y/"o plaça (Delbès,
p. 112), Loos Y parla (Rigal, p. 23). En 1677^ dans les poésies de la Tour,
de Digne (Basses-Alpes), on trouve lour, lours (leur), employé concurrem-
ment avec li (lui, leur). En alaisien, lus (adjectif posses.j veut dire aussi
bien leur que leurs .
Quatre garçounés d'âou mémo âge
Pourtavou un drôle de lus tén.
En se ségnan de lus cinq dés,
(D'Hombres, Bull, de la Soc .se. et litt d'Alais. t. VIII, pp. 79, 81 )
PRONOMS PROVENÇAUX 251
Cal, ça diguèt Janeto.
{Xoeh nouveaux ; TovAdw^Q^ 1707, in-8°, p. 10 ; cités par Noulet,
Ordenanta.'ifld libre blanc y p. v. sa).
" Chut, ça me dizen, chut, qu'acos pcr maUlizenco. (P. 48.)
Anats boun, ça lour fa, sourtissets-mo daissiu. (P .68.)
Coussi, ça me ban dire, establi sous mainatgés? (P. 78.)
Eh! per que, ça bous dits, aquesté aura la palmo? (P. 80.)
(Le Mirai moundi. Toulouso, 1781 .)
Dans Mengaud (Bosos et Pimpamlos, 5* éd.; Toulouse, 1877),
parmi plusieurs autres exemples (p. 33, 46, 56, 135), on peut
citer le suivant (p. 52 ) : « (?a cridec. » — Dans la Haute-
Garonne, le pron. comp. e?,i coque.
Dans un arrondissement où Ton parle gascon, ça est égale-
ment usité : « 5adichec Bertrando; sa mous dichecBessan. »
(V. Cazos, Massouquets de Sent-Biach ; Ssiïnt-Gandens, 1852,
in-8o, p. 10, 21). A ce que dit l'éditeur, les poésies de V. Gazes,
« peuvent être regardées comme un spécimen exact de l'idiome
parlé à St-Béat, à St-Bertrand et dans tout le Comminges » ,
assertion qu'on fera bien de n'admettre qu'avec méfiance.
6° Hérault:
Cal parti, s«-dis lou Moussegne.
(Estève Glèizos, d'Azilhanet, Aj'inana de Lengadd, 1876, p. 26.)
7" Limousin: voir Chabaneau, Gram. lim., 1, 370.
8" Lot :
Sa dison lous besis
Ques aquo que se planch e tusto cado nèch?
(Poésie anonyme du XVII' s., citée par Noulet, Hist. litf. des pa-
tois aux XVI^ et XVI I^ .s.s. , p. 179.)
9° Lot-et-Garonne :
Oh! quai malhur ! sa dit d'uno bois enrumado.
(Jansemin, lou Chalihary, 1825,in-12, p. H.)
Marcillo, sa disio lou jouyne gouyatet,
Lou bonhur nou ben pas toutjour de la fortune.
(Rigal iî/«mZfo; Agen, 1870, p. 15.)
Sarro fort, ça me cridabo.
(Lou Ritchounè, par Delbès. 2^ éd.; Agen, 1876. p. 234.)
Le pron. comp. est ço que.
252 DIALtCTES MODERNES
10" Tarn-t't-Garonne :
Ça respoundèt Suzoun .
(Castela, Mous Farinais. Montauban, fj. 22).
5a-dis à-n-el.
{Arrn. de Lengadô, 1876, p. 73, dans une pièce de L.-J.-L. Piat,
datée de Montauban).
Ce. — M. Chabaneau a cité un ex. du Breviari d'amor
{Ilommiia, V. p. 234) que M. P. Meyer trouve fort douteux,
parce que l'un des mss. de Vienne porte so. Se a été employé
en catalan :
E on vas, lop Lobas ?
Se dix Nostre Senyor.
(Formule de conjuration. 1397, publ. par Alart, Revue des L. R. ,
2" s., m, p. 11.)
On en trouve quelques ex. dans la langue d'oc moderne :
1° Gironde:
Bala, se dissut het.
Mais, ce dissury-jou.
( Œuvres complètes de Meste Yerdié. 12« édit.; Bordeaux, 1876,
pp. 173, 179.)
Comme on l'a vu plus haut, Verdie emploie aussi le pro-
nom ça.
2" Hautes-Pyrénées:
Se dits Mario à soun Gouyat !
Hé, Diou! moun Hilh, qu'as-tu troubat?
(Recueil de Noëls choisis, composés autrefois par M.Henri d'An-
dichon ; Bagnères-de-Bigorre, 1876, p. 17.)
Le nocl Reheillats-bous, meijnades, dans lequel est prise cette
citation, est, dans l'édition de Bagnères, attribué à d'Andi-
chon ; mais G. Brunet {Net. et Extr. de quelq. ouvrages en patois
du Midi, 1840,in-8o,p. 177)lui donne pour auteur un « Gascon »,
Gobain, professeur d'écriture et de tenue de livres, et ne sem-
ble pas avoir connaissance de l'attribution de cette pièce à
d'Andichon. Dans le texte cité par G. Brunet, et qui offre
plusieurs variantes, on lit « se dit » (p. 180), au lieu de dits.
PRONOMS PROVENÇAUX 2m
3° Hérault:
Un anja .sédiguet: A'quel éfan sus terra
Séro del riche haït.
(Peyrottes, de Clermont-l'Hérault, Poitésiaspatouèzas; Montpel
lier, ISiO, in-8°, p. 4.)
'(" Isère :
A l'Evêchié se fit pe soixanla personne.
Un dina don le sauce eyron toulet bien bonne;
Tout eyre fin, ragoût, ruty, patissari;
U semblave, se dion, ceu de Jean de Pari*.
( Épitre en langage vulgaire fie Grenoble, sur les réjouissances pour
la naissance du Daupldn, citée par GhampoUion-Figeac, Nouvelles
Recherches sur les i)atois de Vlsère; Paris, 1809, pag. 134 )
Le pron. comp. est ce que.
' C'est un thnoignage à joindre à ceux que MM. Mabille (1855) et
Montaiglon ( 1867 ) ont rapportés de la popularité du Romant de Jehan
lie Paris, témoignages auxquels on peut ajouter les suivants : — Dans la
Relation du voiage de Brème en vers burlesques ( Leyde, 1677 ), au
chant m», i;n libraire de Brème dénombre les livres français de sa bou-
tique:
Une autre Ji èce fort jolie
Qui se nomme Jean de Paris.
Dans ses Œuvres galantes (1665), (Jotin parle des livres de peu de
valeur de sa bibliothèque:
Primo, Jean de J'drin, Roger et Bradamantc.
(Ces citations sont extraites du Bulletin du Bibliophile. 1862, pp. 920,
973 ) : — Au mois de décembre 1095, M"" Guyon fut arrêtée et ses
papiers saisis ; « elle ne voulut pas reconnoitre des opéras, des pièces do
Molière, et quelques romans, comme .Jean de Paris. Richard Sans-Peur,
etc., qu'elle déclara être aux laquais de son fils, lieutenant aux gardes »
{Relation... du quiétisme [par Phélipeaux, docteur de SorbonneJ, 1732.
p. 154 de la première partie) ; — Carvin aine a fait une parodie de l'o-
péra de Boieldieu ( Jea7i de Cassis oou Martegue. imitation burlesque de
Jean de Paris. .. en un acte et en vers frovençoux ; Marseille, Masvert.
1816, in-8°) ; — ' Une des chansons de Béranger porte le titre de .kan de
Paris. Ce Jean de Paris, entiché de la capitale, batailleur, blasé, volup-
tueux et hâbleur, quoique le chansonnier fasse allusion à je ne sais
quelle chronique sur laquelle ne nous donnent aucun renseignement ni
les notes des chansons, ni celles do Ma Biographie i Pan?,. Perrolin, 2* éd..
1858, in-8<^), n'est probablement qu'un souvenir de l'opéra de Boieldieu.
254 DIALECTES MODERNES
5* Landes:
Lou boun Diu, ses pensée, sur sous amies que beillo.
[Alm<imrh floua Paysans, 1878, p. 29). Gfr. cou, G».
(> Limousin: voir Cliabaneau, Gr. Uni., i, 370.
IV.- D'UN EMPLOI PARTICULIER DU PRONOM
DÉMONSTRATIF NEUTRE ÇO
P Ço suivi d'un pronom possessif, d'un adjectif pris sub-
stantivement, ou d'un complément prépositionnel, se traduit
en français par l'article suivi du pronom possessif ou d'un
adjectif pris substantivement, ou bien encore on est obligé de
se servir de l'article et dusubstantifquesous-entend la langue
d'oc ; on peut parfois aussi avoir recours à ce qui ou ce que -f-
un verbe.
Hérault ; « Per Sant-Michel cepus bel » = pour la Saint-Michel
(29 septembre, on marie) le plus beau (ce qu'il y a de plus beau) ; —
« Ce du per Moussu, ce mol per moun col » ^ ce qui est dur pour
Monsieur, ce qui est mou pour mon gosier)'; — « Tout ce seou » =
tout le sien (tout son bien - ).
Lio-t'y dé bounhur dins lou moundé
En perd en ce jms jirécioiix?
(Peyrottes, Pouésias, p. 78).
Tarn ; « So seou » = le sien ( son bien)' .
Cal que tu, paouré Bosc, nous lexiguos ce ieeu.
Quant aco sera fax, bous lexireei ce meeu.
Aaissi ce teeu
Aaissi ce bostré.
(Daubian, le Misantrope (raresti, pp. 78, 79).
Tarn-et-Gauonne : « Tria co bel d'ambe la peillo » = trier le
haau d'avec le chiffon, le rebut ''.
' Adelphe. Espagne, Proverbes et Dictons populaires recueillis à Aspi-
m/i; Montpellier. 1874, in-S", pp. 35, 44).
* Parab. de l'Enf. prod. en patois d'Agde, Mém. de la Soc. des Aniiq.
de France, VI, p. 510, § 13. Le texte de la parabole est généralement
traduit par une périphrase; voici les seules versions où il n'en soit pas
ainsi : " Tout lo doisou (roussillonnais, p. 507); tout le son (Saintes, p. 485);
tout aquo siou (Lozère, p. 513).»
' Proverbe albigeois. Congrès archéologique de France, XLI" ses-
sion, 187.5, p. 367.
* ( astela, Mous Farinais; Montauban, p. 38.
PRONOMS PROVENÇAUX ?55
2" Plus souvent, ço se fait accompagner de la préposition de.
Haute-Garonne: « Garats aci code niilhou; amago ço de pe-
lassat * .
Sa bertut, sa faissou moudèsto,
Soun esprit e tout .w de 42i,
M'an boutât un martel en tésto.
( Gautier, XYII» s., cité par Noulet, Hist. litt. des patois aux XV P'
pf XVII' siècles, p. 89.)
Quand sent f]ue per sa faute a pcrdut ço de siu.
{Le Mirai ?/iozmJi ; Toulouse, 1781, p. 198..)
Gers :
Que eau paga dab so de nosle. (P. 214.)
E eau qu'aquosto capo saute !
Sauto, capo ! sauto so d'autel (P. 240.)
(D'Asiros,XVIIe s., àSiTis les Poésies gasconnes, rec par F.-T..Ii ;
— (.(. Tout ro-de-men qu'ey co-de-toun » (Parab. de l'Enf. prod., Mém.
Soc. antiq. Fr., "VI. p. 50! , jl 31); — uÇo de boun » = le bon (ce qu'il
y a de bon)*.
Basses- Pyrénées : « Que choisissen so de mé boun » =ils choisis-
sent le meilleur ; — « Dap so dons aoûts » = avec le bien des autres
d'autrui 3; — « Qu'ey ço de prumé gagnât; code mouillât, (jue potana
à l'aygue *.
Dans Lespy (§ 384), on trouve ço uni seulement au pos-
sessif, so de me, so de tau, so de sou, so de noustc, so de boste
(mon bien, ton bien, etc.; ou ce qui t'appartient, ce qui est à
toi, etc.).
Catalogne. — Dans le Breviari d'amor catalan (P. Meyer,
Rec. d'anc. textes), on trouve : « Gusiwc ço del vostî'e » (p. 125,
1. 23), « ço del lur » (p. 125, 1. 2ij), « en ço del lur ve3'n »
(p. 126, 1. 49). — En Catalogne, du moins dans le Panades,
le peuple de la campagne dit, en certains cas, axô ou assù
(peut-être aussi so {del Ra fols ou del Miret)], pour désigner le
I Goudelin, éd. d'Amsterdam, 1700, pp. 147,259.
■^ Chanson gasconne dans Génac-Moncaut, Litt. pop. de la Gasc, p. 382.
' Un anonyme, dans les Poésies gasconnes de J. Larrobai; Bayonne.
1868, p 85.
■' Cansous béarnaises de Despourrins et autes. 3* éd., pp. 198, 201.
256 1)1AI.1':CTKS MODERNES
domaine de ces propriétaires. D'ailleurs, on lit dans Bernât
Metje: «No li torna so delsieu*. » — Cf. en langue d'oc:
« Per ce qu'es de mei vers, se sount de boueno raço, vo se
sount ô'aquo fin- »; « Quant sera mort, sera aquo scieu
Plus drcyt bordo qu'vng- de romieu*. »
J. Bauquier.
• Milà y Fonlanals, ftey^'C des L. li . 2' s, IV, 1877, p. 207.
- Gros, Recuil de poueniés pronvençalos; Marseille, 1763, p. 9.
•' Las Ordenansas del libre blanc; Tolosa, 1555, éd. Noulet, v. 727
LE MOINE '
CHANSON DU VELAY
Une série de chansons populaires est consacrée à berner les
faux galants et leurs téméraires entreprises. Un passager courtise
une batelière et, à ce jeu, perd sa bourse. Un seigneur dessceml
(le cheval pour causer à l'aise avec une bergère, qui lui dérobe sa
monture. A ce groupe de chansons appartient, par le sujet et par
plusieurs détails, celle du Moine, aujourd'hui d'ailleurs presque
oubliée. La voici telle qu'elle m'a été dite, en septembre 1868, à
Roche-cn-Régnier. par Marie Matthieu. Gomme bon nombre de
chansons foréziennes, elle est semée de gallicismes et même de
français. Il est naturel que ce dernier, qui pénètre de plus on plus
dans le langage de la vie ordinaire, prenne dans les chansons une
iilace plus ou moins grande.
V. Smith .
{/iis.) \
Soun tré zouena fiUa,
Touta tré d'un temps.
011 ola-!
Touta tré d'un temps.
« Una de vous autra — ma mia chijeria. »
CM na gui la plus grande : — « Eco chera pa ieu. u
CM n'a gui la secounda : — « Encora moins ieu. »
CM n'a ffui la troisième : — « Eco chera bien ieu. »
LE MOINE
Sont trois jeunes hiles, — touLcs trois do mémo âge, — oli, ola!
—r toutes trois de même âge.
« Une de vous autres — ma mie sera. »
Si n'a dit la plus grande : — « Celle-là ne sera pas moi , »
Si n'a dit la seconde : — « Encore moins moi. »
Si n'a dit la troisième : — « Celle-là sera bien moi . »
1 Nous avons reçu de M. V. S la chanson ci-dessus, qui sort assez de
notre cadre ]pour que nous la publiions séparémi'nt.
A. M..L L.
•-' La chanteuse dit tantôt OU nia ! tantôt \'ull via '
258 DIALECTES MODliKNES
(( 0 mouena, faux moueiia, — cncor tiu m'a pa :
» Tsau que tiu me douna — cent étiu que n'a. »
Le mouena fut chimpla, — lou i vai coumpta.
La bella fut fina, — lou vougué coumpta.
« 0 mouena, faux mouena, — aqui manque un lia. »
Per un lia que manqua — i lli bote unsâo.
« 0 mouena, faux mouena, — encor tiu m'a pa :
» Tsau que tiu me douna — ton tsava baja. »
« 0 mouena, faux mouena, — encor tiu m'a pa :
» Tsau que tiu me douna — la tsella et la brida, — l'es-
perou dora. »
Le mouena fut chimpla, — lou i vai baila.
La bella fut fina, — y vougué mounta.
La bella-z-à courre, — le mouena à trota.
(( Arrêtez- vous, belle, — je suis fatigué ! »
a 0 mouena, faux mouena, — oncor lai schia pa :
» La côte que vedza, — la te tsau mounta ;
» Equela que vedza, — mai que vedza pa, — la tsau dévala.
« 0 moine, faux moine, — encore tu ne m'as pas.
» Faut que tu me donnes — cent écus que n'as '. »
Le moine fut simple, — il les va compter
La belle futiine, — les voulut compter.
« 0 moiae, faux moine, — ici manque un liard. »
Pour un liard qui manque, — ii lui donne un sou.
« 0 moine, faux moine, — encore tu ne m'as pas :
<= Faut que tu me donnes — ton cheval bayard *. »
« 0 moine, faux moine, — encore tu m'as pas.
Faut que tu me donnes — la selle et la bride, — l'éperon
doré.»
Le moine fut simple, — il les va bailler, ,
La belle fut fine, — y voulut monter.
La belle-z-à courir, — le moine à trotter.
Arrêtez-vous, belle, — je suis fatigué !
. « 0 moine, faux moine, - encore là tu n'es pas.
» La côte que tu vois, — te la faut monter ;
<> Celle que tu vois, — aussi (celle) que tu vois pas, — la faut
descendre. »
* Il est inutile de dire que Vn n'a pas de valeu'' négative.
-' De couleur variée, pie.
LE MOINK 259
Le mouena s'asseta, — Se bote à ploura.
\ « Soun tré zouena filla,
{/iis
) \roun bien attrapa,
Oli ola !
M'oun bien attrapa !
Le moine s'assied, — se mot, à pleurer.
« Sont trois jeunes filles. — elles m'ont l>i(Mi attrapé, oli. ola
elles m'ont bien attrapé.
'■;=»»§JC»«!='-^-
LA NATURO
Perque te doulentà, matant belo aflijado ?
A toutes la naturo a dounat sous soussis :
Lou soulel dins lou ciel de nibous s'escursis,
E sus terro la roso es d'espignos cargado.
La peilo, dins la mar, pel l'aiguo es acatado ;
L'argent, blanc coumo non, mai d'un cop se crassis:
Lou fioc, nègre de fum, emb peno s'enluzis,
E souvent la clartat pel l'oumbro es atapado.
L'or n'esclato qu'autant que lou fer l'a batut.
Lou pinsel sus la tèlo enauro la vertut;
Lou cizel fa l'image en travalhant l'ivorio.
Acô's laie coumuno à so qu'a de valou,
La fourtuno fantasco escrazo jou' 1 talou
E pei, d'un tour de rodo, emporto ves la glorio.
C. Laforgue.
(Languedocien. Quarante et ses environs.)
LA NATURE
Pourquoi te plainilre, ma belle affligée ? — La nature a donné son
souci à toutes choses : — dans le ciel, le soleil est obscurci par les
nuages, — et sur la terre la rose est chargée d'épines.
La perle, dans la mer, par l'eau est cachée; — l'argent, blanc
comme la neige, plus d'une fois est souillé; — le feu, de la noire
fumée, sort brillant avec peine, — et souvent la clarté est recouverte
d'ombre.
L'or n'éclate qu'autant que le for l'a frappé; — \p pinceau sur la
toile exalte la vertu; — le ciseau fait l'image en travaillant l'ivoire.
C'est là la loi commune à tout ce qui a prix: — la fortune fantas-
que [nous] écrase sous le talon. — et puis, d'un tour dp roue, elle
|nous| emporte vers la gloire.
(]. Lai'Orguk.
ATOS
Le jouve gous d'arrest, la perpelho satado,
Ajassat coumo un sfinx, s'arrajo al soulelh rous,
Qu'enlusis francomeiit la bèutat aplantado
Joubs le relieu ardit de soun cos verturous.
Sa raubo, d'un blound caud, n'a pas cap de pelado ;
A de pardos ça'n la que, subre soun velous,
Paressoun, à'ngana l'oumbreto festounado
De nibouls qu'un ventot espaço pel cel blous.
Se ten, ves auto, al miei de la vielho terrasso,
E se pauso aquital de set meses de casso,
Poulsant douçomenet ou fresinant d'amour.
La sieu feraelo, ountes? — Sul cop levât, s'estiro,
Badalho, raugno un pauc, ves le pourtalh se viro
E la cerco des uels en se lupant le mour.
Ag. FouRÈs.
(Languedocien. Oastelnaudary et ses environs.)
ATHOS
Le jeune chien d'arrêt, la paupière mi-close, — couché de son
long comme un sphinx. — se chauffe aux rayons du soleil roux, —
qui illumine franchement la beauté fixée — sons le relief hardi do
son corps vigoureux.
Sa robe, d'un blond chaud, n'a pos une cicatrice ; — elle a des
taches çà et là qui, sur son velours, — paraissent, à vous tromper,
la fine ombre festonnée — des nues ({u'un zéphyr disperse par le
ciel pur.
Il se tient, vers autan, au milieu de la vieille terrasse, — et se
repose là de sept mois de chasse, — respirant tout doucement ou
frémissant d'amour.
Sa femelle, oîi est-elle? Sur-le-champ levé, il s'étire, — il bùillo,
grogne un peu, vers le portail se tourne, — ox la cherche des yeux
en se léchant le museau.
Aug. FouRÈs.
18
LOU CALIGNAIRE
A VITOU LIEUTAUD
Biblicjuliîcàri de la ciéula de Marsiliu
Se dreisson au soulèu li ciprès de la piano,
De milo flour se bordon li camin ;
Eilalin,
Vese la serpentino andano
Di ramudo e verdi platano,
Que me meno lèu-lèu, franc de marrit pegin,
A Maiano.
Beisarai lou front blanc e lise, dins un moumen,
De la bèuta que ma passioun flourido
A chausido !.. .
Esoun paire, sènso desden,
Me festara graciousamen
Emé devin famous, emé de regalido,
Certamen !
L'AMOUREUX
A VICTOR LIEUTAUD
Bibliothécaire de la ville de Marseille
Au soleil se di-essent les cyprès de la plaine, — les chemins sont
bordés de mille fleurs; — au loin, — je vois l'allée serpentine —
(les platanes ombreux et verts, — qui me mène rapidement, —
délivré de toute mélancolie mauvaise, — à Maillane.
Je baiserai le front blanc et lisse, dans un moment, — de la
beauté que ma passion fleurie — a préférée ! . . . — et son père, sans
dédain, — me fêtera gracieusement — avec des vins excellents,
avec des reifuUdes, — j'en suiii certain !
LOU CALIGNAIRR 263
E tout soulet em' elo, oh ! sarai uno auretu
Que douçamen l)oufo sus uno flour ;
E l'amour,
De soun amo de fiheto
(Coume dôu boutoun la roseto),
S'escarrabihara, sourrisènt de baudour,
Boulegueto.
Parlarai de Tamour, tant de tèms presounié,
Sènso paraulo, au bèu mitan di /iamo
De moun amo. . .
Mai, vuèi, coume uno pradarié,
Souto li raioun pvintanié,
Béurai lou grand bonur, bagna dins la calamo
Tout entié !
Guihèn-C. Bonaparte- Wysk.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône)
Et tout seul avec elle, oh ! je serai une petite brise — qui souffle
doucement sur une tleur; — et l'Amour, — de son âme de jeune
fille — (comme du bouton la petite rose). — s'éveillera, souriant
d'allégresse, — sémillante.
Je parlerai de l'amour, si longtemps prisonnier, — san ■ parole,
au beau milieu des flammes — démon âme. . . — Mais, aujourd'hui,
comme une prairie — sous les rayons du printemps, — je boi-
rai le grand bonheur, baigné dans le calme — tout entier!
Guillaume-C. Bonaparte -Wyse.
SA MAIRE L'ES VENGUT CERCA
Sans parents à très ans, pecaire !
Un enfant bèu coume un amour,
Tant e mai sounava sa maire
E se planissiè nioch e jour.
Jocs de touta mena, amusages,
Souens, caressas, res ie fasiè :
Lou paure mesquin sentissiè
Qu'aeôs era de souens à gages.
Or sa maire, un souer que plourava,
Dau cementeri Tausiguet
Joutla terra que l'atapava,
E tout soun cor trefouliguet .
Couma una tiecha, sa priera
Monta tout drech au Paradis. —
Oh ! la fe jamai désespéra ! —
Prega Nostre-Seerne e ie dis:
SA MÈRE EST VENUE LE CHERCHER
Sans parents à trois ans, hélas! — un enfant, beau comme
un amour, — tout le temps appelait sa more— et se plaignait nuit
et jour.
Jeux de toute sorte, amusements, — soins, caresses, rien n'y
faisait: — le pauvre petit sentait bien — que c'étaient là des soins
à gages.
Or sa mère, un soir qu'il pleurait, — du cimetière vint à l'en-
tendre — sous la terre qui la recouvrait; — tout son cœur en
tressaillit.
Comme une tlèche, sa prière — monte tout droit au Paradis. —
(Jh ! la foi ne désespère jamais ! — Elle prie Notre-Seigneur et lui
dil :
SA MAIRE L ES VENQUT CKRCA 265
« Nostre-Segne, laissas, de grara,
Laissàs-me 'nmouraent reveni
Vers moun enfant, carieu soui lassa
De l'ausi toujour se plani. »
E tant ela prega e tant ploura,
Que lou bon Dieu la laissa anà :
Aviè l'ordre de s'entournà
Quand lou gai ie cantariè Toura.
Se levet de soun jas de ploumb ;
Sous pesés un pauie pesavoun,
Mais, basta ! seguet lèu amount.
Lous cliis de garda ie japavonn.
Quand arrivet à soun oustau,
— Oh! Ton auriè dicli que voulava ! —
De la porta a pas fach qu'un saut
Au brès ounte l'enfant plourava.
Sus soun se tout desalenat
Vite lou prend, Ion poutouneja,
E pioi douçament lou neteja
E penchina soun peu bloucat.
" Notre Seigneur, ah! laissez-moi, de grâce, — laissez-moi un
moment revenir — vers mon enfant, car je suis lasse — de l'ouïr
toujours se plaindre. »
Et tant elle prie et tant elle pleure, — que le bon Dieu la laisse
aller: — elle avait ordre de retourner — quand le coq lui chante-
rait l'heure.
Elle se leva de sa couche de plomb ; — ses pieds lui pesaient un
peu, — mais, baste! elle fut bientôt là-haut, — Les chiens de garde
lui aboyaient.
Quand elle arriva à sa maison, — oh! l'on aurait dit qu'elle vo-
lait! — De la porte elle n'a fait qu'un saut — au berceau où l'enfant
pleurait.
Sur son sein qui bat à peine — vite elle le prend, le couvre de
baisers, — et puis doueement le nettoie — et peigne ses cheveux
bouclés.
2rt6 I>IALECTES MODERNES
Lou paui'c manit à sa maire
Risiè, pie de countentament,
E la nioch finiguet, pecaire !
Cresien astre au coumençament.
Quand lou gai cantet embé Tauba,
La maire, qu ausis lou signau,
Se rapelant Tordre d'en naut,
Deven touta palla e se sauba .
Desempioi, passât miecha-nioch,
L'enfant se fasiè pus entendre,
E degus ie pot res coumprendre :
La morta veniè chaca nioch.
Un mati, lou brès, michant signe !
Seguet siau. — Vite i' an courrit.
D'ounte ven que chacun se signe ?
— Per lou Ciel l'ange era partit. —
L'ai vist : dins la mort embé graça
Risiè, l'enfant, tout emblancat !
E disien autour, à voués bassa :
— Sa maire l'es vengut cercà !
J. Gaussinel,
(Languedocien, Montpellier et ses enviions.)
Le pauvre petit à sa mère — souriait plein de contentement, —
et la nuit se passa, hélas ! — ils croyaient qu'elle était à son com-
mencement.
Quand à l'aube le coq chanta, — la mère, qui entend le signal,
— se rappelant l'ordre d'en haut, — devient toute pâle et se sauve.
Depuis, après minuit, — l'enfant ne se faisait plus entendre. —
Et nul n'y pouvait rien comprendre: — la morte venait chaque nuit.
Un matin, le berceau, mauvais signe ! — fut silencieux. Vite
on y a couru. — D'où vient que chacun se signe (fait le signe de la
croix) ? — four le Ciel l'ange était parti.
Je l'ai vu : dans la mort avec grâce — il souriait l'enfant, tout
de blanc vêtu : — et l'on disait autour, à voix basse : — Sa mère est
venue le chercher ! J. Gaussinel.
A PREPAUS
DE LA MORT DI DOUS CRI-CRI
De Madamisello Ernestino de Bornier
La mort avido, que desplego
Si brego
Au grand cat-fèr, au leiounas
Negras,
E que fai « chut d is alauveto
Au bèu mitan de si tiro-lireto.
A pica de soun dardaioun
Feroun
Li cri-cri de la chatouneto
Braveto;
E Tic-de-Mai e Brounzaflour
Soun toumba 'iia d'ount flouris ges de flour !
A PROPOS
DE LA MORT DES DEUX GRILLONS
de Mademoiselle Ernestine de Bornier
La mort avide, qui étale — ses mâchoires — au grand chat sau-
vage, au lion fort — [et] noir, — et qui fait taire les alouettes,—
au beau milieu de leurs claires chansonnettes,
A piqué de son dard — cruel — les grillons de la jeune ûUe —
si aimable; —et Tic-de-Mai et BronzaQor' — sont tombés là où ne
fleurit nulle fleur '•
I Noms de deux grillons qui appartenaient à Mademoiselle Ernosline
de Bornier.
or,5 DIALKCTli^ MODERNES
Mai. icu, s'ère la chatouneto
Braveto
Que vèn de perdre si cri-cri
Poulit,
Mort, mort, ai las! de ianguitôri,
E Mla jasent, descansouna, desflôri,
F'aricu lèu-lèu, lèu-lèu fariéu,
Boudiéu !
(Pèr coumplaire à ma fantasio
De fiho),
Un fin sépulcre pèr li cors
Aièr vivent, mai mort, encuei, bènmort ! .
Te. de roso dos petalo
Pourpalo ! . . .
Agouloupen, dins si mantèu
Tant bèu,
Misto taio e cuisse grasseto
Qu'alegramen trepavo sus Terbeto.
E pèr li dous eercuei, veici
Eici
Dos côuquiho lisqueto e li'ndo
Dis Indo,
Que se clauson, i goufoun fin,
Coume, ma fe! de pichounetescrin.
Mais moi, si j'étais la jeune iille — si aimable — qui vient de
perdre ses grillons — jolis, — morts^ morts, hélas ! de nostalgie, —
et là gisant, sans chansons, sans entrain,
Je ferais vite, vite je ferais, — certes ! — (pour complaire à ma
fantaisie — de jeune fille), — un fin sépulcre pour les corps, — hier
vivants, mais aujourd'hui morts, bien morts !. . .
Tiens, [je vois] deux pétales de roses — pourprées. — Envelop-
pons dans leur manteau — si beau — taille'mincc et cuisse dodue
— qui allègrement sautillaient sur l'herbette.
Et, pour cercueil, voici, — ici, — deux coquilles lisses et nettes
— des Indes, — qui so ferment, aux gonds fins, — comme, ma
foi ! de tout nolits écrins.
LA MORT DI nous CIU-ORI 26?
Parai, aquesto raro e rioho
Pouticho
Fara, pichoto, un toumbèu cl ai'
E car,
Uno chasseto galantouno
Pèr recata 'quéli biero bessouno ?
E, tu, Taubouraras après,
Esprès,
Sus un raioun de ta chambrcto
Proupeto,
Coume autri-fes lou grand Trajan ',
Qu'an enterra sus soun pilié d'arara?
Ansindo, rapelant li folo
Bestiole
Que te fasien, la niue, lou jour,
Sa cour,
E qu'ispiravon dinstoun amo
Lou fres di prado e la douço calamo,
Ansindo, dins toun cor d'enfant,
Gravant
Que ço que ris, que ço qu'encanto
E canto,
Dedins la vido e dins la mort
A dre toujour à toui lis estrambord !
N'est-ce pas, cette rare et riche — potiche — fera, jeune fille,
un tombeau clair — et précieux, — une petite châsse charmante —
pour enfermer ces deux bières jumelles ?
Et toi, tu rélèveras après, — exprès, — sur un rayon de ta cham-
brette — proprette, — comme jadis le grand Trajan, — qu'on en-
terra sur son pilier d'airain !
Ainsi, rappelant les folles — petites bêtes — qui te faisaient, la
nuit, le jour, — leur cour, — et qui inspiraient dans ton âme —
la fraîcheur des prairies et la douce tranquillité.
Ainsi, dans ton cœur d'enfant — gravant — que ce qui rit, que
ce qui enchante — et chante, — dans la vie et dans la mort, — a
toujours droit à tous les enthousiasmes !
' L'empereur Trajan, iloiil les cendres furent déposées dans une urne,
au sommet de sa colonne, à Rome.
270 I1IALECTES MODERNES
MANDADIS
À MADAMISELLO ERNESTINO DE BORNIER
Sourreto de Berto *, Ernestino !
Ta mino,
Ta voues, toun cor (lauroun cantant ! )
Me fan,
Icu, ^Tand dévot de Santo-Estello,
Piéuta dedins la lengo subre-bello.
GuiHÉN-C. Bonaparte- Wyse.
(Provençal, Avignon et les bords du Rhône.)
ENVOI
A MADEMOISELLE ERNESTINE DE BORNIKR
Sœur de Berthe, Ernestine, — ta mine — ta voix, ton cœur
(source chantante !), — me font, — moi, grand dévot de Sainte-Es-
telle, — chanter dans la langue belle par-dessus tout !
GutLLAUME-C. B0NAPARTE-"WySE •
I L'héroïne du drame célèbre du vicomte Henri de Bornier, la Fille de
Roland, représenté à Montpellier, à l'occasion des Fêtes latines.
GONDOVAL
(4S4)
Briva adounch couma anueg era una bouna vila.
Gondoval n'a mestier, Gondoval Tassetja. . . I!a,
Barrada entre sous murs, fizansouza, inmoubila
(Tentar Dieus es pechat), s'en fai grana de bila :
« Auria be tort», sou dig, « de noun estar tranquila,
» Quar un Patron m'aponha, e soun bratz n'en val mila
» Sent Marti l'Espanhol ! »
Sent Marti l'Espanhol, que, d'en premier rebel,
Lou pople escoupetet; mas pueis, vengut t'edel,
Li bastit una egleija, am dedins soun toumbel ;
Toumbel de marbre e d'or, requist e subre-bel,
Esclardat nueg e journ de manh e manh flambel,
GONDOVAL
Brive, alors comme aujourd'hui, était une ville importante. —
Gondoval en ii besoin, Gondoval l'assiège; elle — enfermée dans
ses murailles, immobile et confiante — (tenter Dieu, c'est péché),
ne s'en fait point de bile: — « J'aurais bien tort, dit-elle, de ne pas
me tenir en paix, — car un Patron me veille, et son bras en vaut
mille : — saint Martin l'Espagnol! »
Saint Martin l'Espagnol, que, d'abord rebelle, — le peuple déca-
pita; mais ensuite, devenu croyant,— il lui bâtit une église dans la-
quelle était son tombeau; ~ tombeau de marbre et d'or, élégant
et magnifique, — nuit et jour éclairé par maint et maint cierge, —
' « Ce Gondoval, fils naturel de Glotaire 1", fut renié par son père, se re-
tira en Italie, près de l'ennuque Narsès, et le suivit. à Gonstaniinople. Lf
duc Boson lui persuada de revenir en Gaule. Il débarqua à Marseille. Sou-
tenu par Mummol, patrice de Bourgogne, et par Desiderius, il marcha
vers le Limousin et s'arrêta à Brive, oii il fut élevé sur le pavois; mais
bientôt ses partisans le trahirent. Il se réfugia dans les murs de St-Ber-
trand-de-Gomminges, fut assiégé par Gontran et péril assassiné. » (.Malte-
Brun, la France illustrée, -dTi . Corréze. p. 11.)
KIALECTES MODERNKS
()un, souven, Libéral, pastour d'aquest troupel.
Pretja per que lou Duc porte alhours soun drapel.
Ou, se vol s'atemar, reste sus lou carrel,
El, emais soun armada!
El emais soun armada an brandit lour ligoussa :
» S'abuzon, coumbatem ! . . Ardit! à la rescoussa ! . .
Lou pus char que la vita, e la vita tan doussa,
Res ne pot resistir al demoun que lous poussa ;
E lou sang de pertout fuma, brumetja, moussa ;
E lou fueg, qu'an boutât, s'escampa e se trémoussa ;
E l'an auve la charn dins la flamada roussa
Brutgir e criquetar couma del bois de broussa
Al mitan d'un fournel.
Al mitan d'un fournel l'egleija disparais ;
Lou fueg a tout cremat, lou reire emais lou creis.
Adi, toumbel de marbre, atrevadour de i*eis,
Estatuas, autars flouritz couma un cireis
Quanla prima nouvela nous ramena sas geis !
Del bel aubre res pus ne sobra, rams ni reis. . .
E miscan Libéral, miscan mais cinq ou sieis,
Tout escana, tout crolla !
où souvent Libéral, pasteur de ce troupeau, — prie Dieu pour que
le duc porte ailleurs son étendard, — ou, s'il veut s'obstiner, reste
sur la place, — lui et son armée !
Lui et son armée ont brandi leur épée : « — Ils s'amusent, cou -
battons ! Gouiage ! .... à la rescousse !» — Ce qui est plus précieux
que la vie, et la vie si douce, — rien ne peut résister au démon qui
les emporte. — Et le sang partout fume, mousse, frémit; — et le
feu qu'on a mis s'étend et s'agite ; — et l'on entend la chair, dans
la flamme rouge, — bruir et crier comme du bois de bruyère —
au milieu d'un brasier.
Au milieu d'un brasier, l'égUse disparaît; — le feu a tout con-
sumé : l'aïeul et l'enfant. — Adieu! tombeau de marbre, rendez-
vous des rois, — statues, autels fleuris comme un cerisier, —
lorsque le nouveau printemps nous ramène ses joies! — Du l)el
arbre, plus rien ne reste, ni les rameaux, ni les racines; — et, sauf
Libéral, sauf cinq ou six, — tout périt, tout croule !
CiOMJUVAL 273
Tout escana, tout croUa, e Briva es aiTouiuada!
Oondoval es urous, qu'a fach bouiia journada :
« Prou ! n dig, « se chai pausar. La lucha es termenada. »
E, couma la nueg cocha, e qu'es bêla lunada,
Vol que, pertoutsoun ost, touta laserenada,
La dinada coumense, una tala dinada
Que jamais la parieira enlueg se sia dounada,
E se beu, e se minja !
E se beu, e se minja î. . . Al mais que n'en chab !.. Or
Gondoval, pie del vi que li neja lou cor,
Coumanda que li arrazon lou Sent-Grial, hanap d'or
Que Josep d'Ariraat te prestet, per l'araor,
Crist ! de lei celebrar ta darrieira « Pascor » ;
Apueis, Valentiuian, piousemperadoi-,
Lou mandet a^ martire per guarnir soun trésor.
Es el dins lous Roumans que lous Douge d'Armor
Chercharan per tout carre.
Chercharan per tout carre ; e qu'anueg serv de veire
Al bastard Gondoval, afourtuuat venceire.
Mas, Libéral se leva ! Auria cbaugut lou veire !
Devans lou rei Herode tal se quilhava Peire :
Tout périt, tout croule, et Brive est une ruine! — Gondoval est
content; il a fait une bonne journée. — « Assez! dit-il; il faut se
reposer. La lutte est linie. » — Et, comme la nuit vient et qu'il fait
belle lune, — il veut que, par tout le camp, toute la soirée, — la
dînée commence, une dînée telle — que jamais la pareille ne se soit
vue nulle part. — Et l'on mant^^e et l'on boit!
Et l'on boit et l'on mange. . . . c'est à qui boira davantage !.. Or
— Gondoval, gorgé du vin qui lui noie le cœur, — commande de
lui emplir jusqu'au bord le Saint-Graal, hanap d'or, — que Joseph
d'Arimathie te prêta, afin, — ô Christ! d'y célébrer ta dernière
Pâque ; — puis Valentinien, pieux empereur, — l'envoya au
martyre pour garnir son trésor. — C'est ce vase que, dan# les
Romans, les Douze de Bretagne — chercheront par tout pays!
Chercheront par tout pays, et qui sert de coupe aujourd'hui —
au bâtard Gondoval, fortuné vainqueur. — Mais Libéral se lève!
I! aurait fallu le voir! — Devant lo roi Hérode, tel se dressait
:>74 DIALECTES MODERNES
(i Bourlaire de crestias! Sacrelet^e beveire!
» Gondoval! Gondoval! cre-me, que soui de creire :
» N'estrenar.is jamais lou trône do toun reire:
» Toumbaras avans pauc ! »
— (i Toumbarai avans pauc ?. . . Repapias, Libéral?
» Pas pus tard que demâ, segoun Tuz patrial,
» Moun armada présenta, a la facia del cial,
» Vole, vole recebre lou bateme reial! . . .
» Bai'ous, e vous, soudartz, e tu pople leial,
» Siajatz prestes trastoutz à moun premier senhal !
» E tu, Pestre orirulhous, que me parlas aital,
» Mouriras d'ira e d'ounta ! »
Mourira d'ira e d'ounta, el puleu, el qu'espéra
Una renja de journs de mais en mais prouspera;
El que rêvera pauc so que tan se rêvera;
El que s'auza eniurar a l'anap d'or !.. La terra,
D'un soulelh darrieirol s'oundrava apena enquera:
Gondoval, lou frount naut e la teguda fiera,
Arriba acoumpanhat de sous homes de guerra,
Per esser saludat, noun pus duc tal couma era.
Mas rei, rei del Miejourn !
Pierre: « Brûleur de chrétiens! sacrilège buveur! — Gondoval!
» Gondoval ! crois-moi, je mérite d'être cru ; — tu ne t'assiéras
» jamais sur le trône de ton ancêtre. — Tu tomberas avant peu!
— « Je tomberai avant peu?. . . . Tu radotes, Libéral ! — Pas plus
» tard que demain, suivant Pus de nos pères, — mon armée pré-
>« sente, à la face du ciel, — je veux, je veux recevoir le royal
>• baptême! — Barons, et vous, soldats, et vous, peuple loyal, —
» soyez tous prêts, à mon premier signal! — Et toi, prêtre orgueil-
>■ leux, qui me parles ainsi, — tu mourras de dépit et de hontel »
Il mourra de honte et de dépit, lui plutôt, lui qui espère — une
suite (le jours de plus en plus prospère, — lui qui respecte peu ce
([ui ta«it se resjiecte, — lui qui ose s'enivrer dans le hanap d'or!.. .
La terre — d'un soleil d'automne se parait encore à peine; —
Gondoval, le front haut et la démarche flère, — arrive accompagné
(le sps hommes île guerre, — pour s'entendre saluer, non plus duc
comme il l'était. — mais roi, roi du Midi !
UONUOVAL 2Tf.
Oc, rei, rei del Miejourn, en despieg de Gontran !
E Boson, e Deidier, e Mummol, e Bertram,
Sus ung pabelhou Tausson, d'aprep l'uzatge franch,
Pueis fan lou tourn dels murs...L'ost argiula,. . Subran,
Lou triounfaire brouncha e palis. . : « Dieus es gran ! »
Boumbouina Libéral, que seguia "n souspiran :
» Dieus es gran emais juste ! »
Dieus es gran emais juste, e venja Tinnoucensa ;
Dieus trebla qu vol perdre, e lou bisest coumensa...
As mancat, Ballomer: gara la penidensa!..
Gontran (Toura, qu espiava, es a sa counvenensa)
Redola d'en-amount ambe una armada inmensa,
Acota Gondoval e devans se lou gensa !
Deimentre, la traizou s'acoumplis ou se pensa. . .
Oh ! Cumenge ! Cumenge !.. Aqui, soûl, sens defensa.
Liurat per sous barons, countr'el d'entelegensa.
Périt de mala mort !
Josep Rots.
XVI iJe Bélier mdcgclxxvi.
{Limousin . ;
Oui, roi. roi du Midi, eu dépit de Gontran! — Et Boson, et
Didier, et Bertram, et Mummol, — le haussent sur un pavois,
selon la coutume franque, — puis font le tour des remparts
L'armée hurle de joie. Soudain — le triomphateur bronche et
pâlit. a Dieu est grand », — murmure Libéral, qui suivait en
soupirant, — « Dieu est grand et juste ! t
Dieu est grand et juste, et il venge lïnnocence! — Dieu trouble
qui il veut perdre, et le désastre commence. . . — Tu as fait le mal,
Ballomer. gare le châtiment! — Gontran (l'heure, qu'il épiait, lui
semblant propice ), — descend de par là-haut avec une nombreuse
armée, — atteint Gondoval et le balaye devant lui ! — En atten-
dant, la trahison s'accomplit ou se médite. . . — Oh! Comminges!
Comminges !... Là, seul, sans défense, — livré par ses barons, qui
.sont d'inteUigence contre lui, — il périt de maie mort !
Joseph Rûcx.
BIBLIOGRAPHIE
Sorbonne —Réunion des instituteurs. — L'enseignement du fran-
çais dans les Ecoles primaires, par M. Michel Bréal (de rinsiilul).
' Revue puliUque et liltéraire, n" du 5 octobre 1878. )
M. Michel Bréal a, pendant l'Exposition, fait aux instituteurs
réunis à Paris une conférence sur l'enseignement du français
dans les écoles primaires. Ceux qui l'avaient entendu, en 1875, à
Montpellier, savaient bien qu'il était tout dévoué aux études que
représente la Bévue, mais ils n'espéraient pas qu'il leur accorde-
rait, trois ans après, en pleine Sorbonne, un témoignage aussi
solennel de sa haute sympathie. A côté d'une autorité de cet ordre,
que valent les railleries à répétition, — s'il est permis de parler
ainsi, — dont les réunions parisiennes de la Cigale ont dernière-
ment fourni la matière à quelques écrivains de la grande ou de la
petite presse * ? Heureusement, à Paris, même parmi les journa-
listes, tout le monde ne juge pas comme M. Jules Claretie.
Si l'espace le permettait, il y aurait lieu de reproduire toute la
conférence. M. Bréal a été clair, précis, intéressant^ plein d'esprit
même, dans une leçon d'une heure sur la grammaire, en touchant
aux points les plus dogmatiques. Il veut qu'on associe l'enfant ù
l'enseignement du maître; qu'au lieu d'insister, avec une logique
aussi savante que fastidieuse, sur la définition du substantif, on
lui en demande des exemples dès qu'il en aura une brève et suf-
fisante notion. La réponse ne se fera pas attendre. Bientôt toute la
classe s'y mettra ; « vous aurez de la peine à arrêter le torrent. »
La libre orthographe, surtout celle des mots composés et des
noms de nombre, trouve en lui un apôtre fervent et convaincu. Déjà
l'Académie, dans son récent dictionnaire, est entrée dans cette
voie ; de façon qu'en philologie on ne pourra bientôt plus distin-
guer un savant de celui qui ne l'est pas, qu'au mal que le premier
se donne pour ne pas en avoir l'air. On a dit la même chose des
femmes honnêtes -.
' Voir V Événement du 13 octobre 1878.
-' Sardou. id Famille BenoUon . act. II. se. V.
BIBLIOGRAPHIE 27 7
En?eign(M' aux enfants non moins les choses i[uo les mois ; choisir
les sujets de composition parmi les objets de la vie réelle; ne pas
abuser de l'analyse loj^ique; à mesure que l'enlant se développe ,
lui montrer hi dérivation et l'histoire des mots, les excoi)tionR,
les métamorphoses : considérer avant tout le français comme une
langue vivante, non comme une langue morte; apprendre la gram-
maire par la langue et non la langue par la grammaire : tels sont
la plupart des points développés par M. Bréal.
Il tient le plus grand compte des proverbes et en cite ([uelques-
uns, extraits du véritable Sancho Pmuu, livre d'or, dont il avoue faire
sa lecture fréquente el où ces sentences sont classées en séries
méthodiques. « Un des avantages de ces proverbes, dit-il, est défaire
» passer devant les écoliers des fragments de la vieille langue et de
» pouvoir encore servir ainsi de leçon au français. » Du vieux fran-
çais aux patois, dont il se déclare l'ami, la transition est si natu-
relle, qu'on nous pardonnera de ne l'avoir pas négligée.
Ici il faudrait tout citer. « A l'aide du patois, nos habitants du
» Béarn communiquent avec l'Espagne ; ceux de Montpellier s'en-
» tendent avec les Catalans, ceux de la Provence avec les Italiens.
» ... Dans nos dialectes méridionaux, que de mots intéressants!
» Le 8017', en provençal, c'est vespre, la vesprenada ; du mot latin,
n vesjier. Et ces suffixes, que nous envions quelquefois à l'italien,
» ils existent dans le Midi : une petite heure se dit una oureta;
» une vie de malheur, ima vidassa de misèri. Ce sont les suflixes
» etto, accio, de l'italien. »
Les instituteurs doivent recueillir les airs populaires et les faire
chanter par les élèves, en y adaptant, quand il le faut, des pa-
roles nouvelles. La jolie romance de Chateaubriand :
Combien j'ai douce souvenance
a été mise en musique sur un air languedocien.
«C'est toujours une chose dangereuse d'apprendre à l'enfant
» à mépriser ce qu'il doit à la maison paternelle. (Applaudisse-
» ments.)
» C'est une chose dangereuse aussi, dans la vie intellectuelle des
>» nations comme dans celle des individus, de provoquer des solii-
» lions de continuité ; quand elles se produi.'-ent, c'est toujours un
» malheur. Si à des enfants qui ont parlé patois juscju'à l'âge de
» douze ans, vous défendez subitement ce langage, si vous traitez
» le patois comme un paria, l'esprit de l'enfant deviendra incer-
« tain, et il n'est pas sûr qu'il puisse remplacer ce que vous l'obli-
» gez à abandonner »
19
278 BlULIOCiRAPHIE
» Je ne demamle pas que vous enseigniez le patois à l'école. >-
Pourquoi pas, comme élude de grammaire comparée et pour ap-
prendre à mieux écrire même en français? M. Michel Bréal ne
dit-il pas lui-même: « Ces patois sont une source de rénovation
» pour la langue ; beaucoup des écrivains qui ont parlé le français
» avec le plus de saveur avaient parlé patois dans leur jeu-
» nesse ; pensez aux charmants romans berrichons de M™e Sand »?
Les dialectes de langue d'oc, qui sont de véritables langues gram-
maticales et régulières, peuvent mieux encore que les dialectes
d'oil infuser au français littéraire cette jeunesse nouvelle. « Vous
» continuez l'œuvre de nos grands monarques, de nos grands mi-
» nistres, de Richelieu; vous continuez l'œuvre de la Convention;
» vous êtes les représentants de l'unité française en ce qu'elle a
» de meilleur ; mais cette œuvre d'assimilation est aujourd'hui as-
» sez avancée pour qu'on puisse faire grâce à ce qui reste de diver-
» sites provinciales. Laissez donc les patois vivre à côté de l'école,
» L'administration, le journalisme, le service miUtaire, les feront
» assez vite disparaître Trop de variété produit la di-
» vision et la faiblesse, mais trop d'unité appauvrit la vie et em-
» pèche le renouvellement Là où la chose est
» possible, je voudrais voir l'école s'appuyer sur les originalités
•> natives Gela introduirait quelques différences entre
» les écoles des diverses régions ; mais je ne crois pas que nous
» devions avoir des écoles uniformes comme les gajes de chemin
» de fer, qui, tout le long de nos voies ferrées, présentent toujours
» le même aspect, et dont le modèle, toujours le même, a été ex-
» pédié de Paris ». (Applaudissements.)
Et ailleurs ;
« — Question très- difficile, parce qu'on y a mêlé des éléments
» étrangers à l'éducation. L'esprit de parti s'en est emparé ; la po-
» litique, la mauvaise politique, peut tout gâter; elle peut embrouil-
» 1er les choses les plus claires Quelques personnes parais-
» sent craindre que l'existence des patois ne soit un péril pour
» l'unité française ; je croirai cela quand on m'aura fait voir que,
» dans nos récents malheurs, les provinces qui ne parlaient pas
» français se sont montrées devant l'ennemi moins françaises que
» les autres ....»( Applaudissements ) .
Voilà de nobles paroles, que les romanisants de Montpellier au-
raient, eux aussi, applaudies, et jusqu'à se briser les mains. Ne
croirait-on pas entendre Mistral, disant à Montpellier en 1875:
" Li meiour soudard, cresès-lou, sounpas aquéli que canton
» e que hramon après avé begu : es aquéli que plounm en quitant sov/n
BIHLIOURAPHIE 279
» outftau * »;— ou Hoiimicux, s';ulic^-sanl à la (leniiùrc ivunion do la
Cigale :
Vivo, vivo la Franco !o louslèras fugue flori!
Cantan en prouvençau : mai, lier d'èsli-o Francés.
Sabèn (le la patrio. amado coumo res.
Amira 11 gramlour o sahida li glôri !
E, quantli 'orre fslrangit' menaoo lou pais,
Nôsti tiéu sabon proun la lengo naciounalo
Pèr dire: « Auvergne, à moi! ce sont les ennemis! »
E touoiba redn mort, estrifa pèr li halo-.
En 1873. dans une brochure intitulée: Quelques Moix sur l'in-
i^truction imhlique en France -\ M. Brédl avait déjà dit :
« Introduisez le irançais tout en respectant le dialecte natal. Si
» l'Alsace nous est et reste attachée de cœur, c'est, entre autres
» causes, parce que nous n'avons jamais essayé' de lui enlever son
» langage.. . . On a remarqué ([ue les seules bonnes poésies que
. la France ait produites pendant la guerre de 1870-1871 sont en
•> provençal, en brelon ou en allemand. »
A. Espagne.
Las Baladas fêtas per Francesch Pelay Briz. — Barcelona, Joan
Roc\ Y Beo.s. 187^. 126 pag. in-8'\
Gonegut es ja en la literatura catalana lo nom de U. Francesch
Pelay Briz, per haver figurât en toias sas mes notables nianifos-
tacions, d'uns quants anys ençà, y per havor sigut proclamât en
bon nombre decertâmens, ahont foren premiadas las composicions
de tant célébrât y popular autor.
Avuyaumenta, ab sa incansablo activitat. lo caudal do las obras
que acreditan la vida de nostra literatura ab lo volum de Baladas
dalt indicat. Vinty una ne conté, y en totas es de notar aquell cert
ayre catalanesch que sap imprimir en totas sas composicions lo
llorejat autor, tant en la tria del llenguatje de bona lley, com en los
giros y tirât de la frase, inspirats generalment en la literatura po-
pular de que ell mateix ha sigut lo principal propagador ab la publi-
caciô de sos volums de Causons do la ferra, aplech de cants ]»opu-
lars acompanyats de llurcorresponent tonada.
D'entre las baladas de que 'ns ocupém, n' hi ha de molt diferent
mérit, tant per l'assumpto com per la manera de desenrotllarlo.
Aixis es que si algunas d'ellas ofereixen lo repetit qùadro de la
nina seduhida y la venjansa que n pren l'enganyat aymador, allros
» Le Concours philologique et littéraire de l'année 1875.
- Paris, Hachette. ISTi.
2S(i PERIODIQUES .
soriireneii jier la novetal del fons^ com l'Eupasa île la mort (frag-
uient del poema que ab lo lilol de Orientada esta escrivint l'au-
tor), lo quai reuneix també una cntonaciô magniûca, Mara vella
y la Mal casacla, hermos-as alegorias; la Dampnada, qùadro de fan-
tasia dantosca fet ab gran art, y hn Très Nucols, de molt sentiment.
Allres n' hi ha de assumpto iradicional com A las portas del
cel y Lampeja, que's distingeixen por sa pei'fecia execuciô, en
especial la segona que i-espira tendresa, y esta perfectissimament
versilicada. També es notabla la titolado Mala Esphia, per son ayre
de romans po])ular molt ben trobat.
Si à aqueixas qualitats intrinsecas s' afegeix que l'obra esta pu-
blicada ab véritable luxo y que va acompanyada d'un retralo del
autor en fotografia, quedara justilicada l'importancia que al prin-
cipi li hem senyalat.
A. AULÉSTIA Y'PiJOAN.
Lo Pia Ermouèk loûrain, 1879, patoué et français, pé Chan Hsurlin.
Treûhieume ènâye. Strasbourg, Fischbacli, 1879; in-l"2, 96 pag.
M . le docteur Frédéric Estre nous envoie VErmonch loûrain,
parvenu aujourd'hui à sa troisième année, et qui constitue pour
le? dialectes de la Lorraine une imitation souvent heureuse de VAr-
mana prouvencau. Certaines pièces, notamment la première, quelque
intérêt qu'elle présente, sont peut-être un peu trop longues pour
un almanach. M. Estre aime à reproduire, dans ce petit livi-e, les
contes et les superstitions populaires qu'il recueille autour de lui.
C'est là une excellente entreprise, qui peut fournir d'utiles rensei-
gnements pour une étude d'histoire, de philologie et même d'eth-
nographie comparées.
A. E.
PÉRIODIQUES
Bulletin de la Société des anciens textes, 1877, n° 3. —
l\ 85, Notice du ms. 179 bis de la Bibl. ci/s Genève. Ce ms. est du
XVe siècle. M. Ritter a enrichi cette notice d'e.xtraits nombreux et
étendus, et l'a complétée par la publication intégrale des pièces sui-
vantes : 1" Q/ s'ansuit dou meiiestrier qui acoit nom Orphe.us qui fut
qtierre s'amie enanfert ; 2° les Dix Souhaiz; 3° les Menuz Souhaiz. Une
courte chanson tirée d'un chansonnier du XVI« siècle, de la bibl.
l'KRIODIQUES 2-1
d'Utrecht, ot transcrite par M. Gaston Raynaud, termine re numéro.
A. H.
Archiv fur das Studium der Neueren Sprachen, LIX.
band. — P. 33. Adolf Kressner. Salnf Aicolas in der tnulition tmd
in der ndttelalterlichen Dichlung. — P. 273. Voelkel, die Kunst dvtt
Vortrags. Analyse de l'ouvrage de M. E. Lesouvé, V Art de la lec-
ture. — P. 289. Docteur Scheffler. Molière - Studien. 11 n'est ques-
tion dans ce premier article que des rapports de Molière avec sa fa-
mille. — 301. Ad. Kressner, *M iîaoMZ de Houdenc's Meraugis de
Porflesguez .Ysirïa.ntes tirées d'un ms. de Berlin qui contient deux
fragments de ce poëme, publié en 1869 par M. Michelant. — 377.
Docteur O. Kares, die Unterweisung inder franziisischen und englix-
chen Atissin-ache . — 403. H. Lvicking, (7Je -Keiwere Vocale des Fran-
zôsischen nach Malvin-Cazal. Travail très- soigné.
G G.
Bulletin de la Société départementale d'archéologie et
de statistique de la Drôme, toia. XII. — P. 62-72. A. Lacroix.
Peintres et Poètes. Ce travail j'enferme une notice sur le félibre-
peintrePierre-Antoine-BarthélemyGhalvet, mort à Nyons le23juin
1877, et quelques' extraits de ses poésies. — P.73-96. Brun-Durand.
Ayso so es lefieus de nions, levesque et conte al chastel de Crest. Docu~
ment du X TU» siècle, ij^ette pièce, en langage dauphinois, est une
sorte de parcellaire ou d'état dans lequel sont indiqués les limites
du fief d'un évêque-comte de Valence et de Die dans le territoire
de Crest. Elle est tirée des archives de la Drôme (fonds de l'évèché
de Die) et peut, selon M. B.-D., être placée entre les années 1277-
1281. Publication faite avec soin, et qui atteste une grande connais-
sance de la topographie locale.
A. R.-F.
Le Messager agricole, paraissant à Montpellier, n° du 10 sep-
tembre 1877. — P. 319-327. Camille Stiegler, le Juge des Vendanges,
intéressante étude sur une des anciennes juridictions populaires
de Montpellier. M. St. cite, p. 327, quelques vers languedociens de
Sage, où se trouve une allusion aux Juges de Vendémiaires.
A. R.-F.
Lo Gay Saber, N. VII (f d'abril.) — P. 97 Anénim -.Es horaja
de fer una Academia catalana? Expressiô d'un bon desitj que, Dèu
vulla, sia prompte un fet. — P. 99. Frederich Soler, mestre en gay
saber : Cansô del siti. Poesia. — P. 99. Antoni Gareta y Vidal : los
C'arboners, poema provensal en XII cants, per Félix Gras. Gant cin-
qué — P. 103. P.-A. Penya : Un sermd de Cuaresma. Poesia. —
2^2 TERIODIQUKS
1*. 10 'i. Maria de Bell-lloch : Vigatans y botiflers. Continuaciô d'esta
novela. — V . 1U6. B : Una cansô de la terra: la Pcrsegvida, Test y
inusica de la cansij catalana, quai versiô provensal, lo gcnide Mis-
tral sapii^ué trast'ormar en la preciosa Magali. P. 106. B.: Bihlio-
<irafia forana. S'ocupa de las segiients obretas : Victor Balaguer,
« de la Poesia provenzal en Casfilla y en Léon, » etc.; Alphonse Roque-
Ferrier, « Un recueil de poésies rumonsches »,etc., y a de l'Idée latine
dans quelques poésies en langue d'oc . en espagnol et en catalan; A.
Larsen, « la Vie et les Œuvres de P. CJir. Ahsjernsen »; Giovanni Sici-
liano, " l'Jndovinello ( el Buscapié) de Michèle Cervantes » — P. 108.
l'.-P. Briz, mestre en gay saber: la Pinya d'or, comedia, etc.
Continuaciô. — P. 110 A. de \.:lo Mal donat (Llegenda Jiandesa
'le ff. Bertouf.). — P. 111 : Novas. Consistori dels Jochsfiorcds de Bar-
celona. — Centra Gracieuse. (Certamens )
A. Balaguer y Merino.
La Renaixeusa. N. 7. (15 abril). — P. 273. Anonim : la Aca ■
dfinia catalana. intéressant article de ben tallada ploma que respon
à altre del Gay Saber sobre aquest tema. — P. 277. Isidro Reven-
tos : Catalanisme. Valenta defensa de nostre justîssim amor à la
provincia que'ns ha vist naixer, contra las afirmacions dels centra-
lisadors. — P. 231. J. Marti y Folguera: Notas sobre Vorïgeny for-
inaeio de las muiiicipalitats. Consideraclons atinadas sobre sa histo-
ria. — P. 285. Antoni Vilanova : Exposiciô de pinturas à MaâHt.
IV. Parla de la Secciô de retratos y paissatge. — P. 289. Francesch
Ricmar: la Norela en lo renaio:ement. Continuaciô d'articles anteriors
sobre lo mateix tema de historia literaria. — P. 294. Frederich Solcr.
nnestre en gay soler: la Mnrt dels cristians. — P. 299. J. Franquesay
Gomis : Caminada — P. 301. Joan Pons y Massaveu : Misteri dedolor
(3 poesias). — P. 802. Francisco de P. Marferrer. Bibliografia : Gri-
tica de la obra Ricardo Wagner, cnsayo biogrùjicn-crilico p)or D . Joa-
r/uin Marsillachj con vn prblogo cpistolar del D" D. José de Leiamendi.
— P. 304. Certamens literari y musical promog%its 'per la Socieiat de llen-
guas romànicas ; adiciô à son programa. — P. 306. Consistori dels
Jochs florals de Barcelona. Llista de composicions. iVoras. Devem
notar la que's refereix à la publicariô en esta Revista de la important
monograGaPorCes lyriques catalans, pcr D. Manuel Milây Fontanals.
— • Acompanya à aquest mincro una copia holiogràfica de la Verge
Mare, escultura de J. Sams*'). y un quadern del Libi-e de coses asse-
iii/alades .
A. Balaguer v Merino.
LE PARAGE A MAGUELONE
(Suite)
Telle fut, dans ses traits essentiels, la séance du 18 novembre
à Maguelone. Le charme et l'oriiïinalité d'une réunion tenue en
plein air et en plein soleil, le matin d'une sereine journéed'automne,
durent être bien grands, si l'on en juge par les relations publiées
dans les journaux qui entretiennent leurs lecteurs du Félibrige*.
Et la raison en est simple : la poésie contemporaine ne dédaigne
pas, comme sa devancière des XVII' et XV1I1<-- siècles, le soleil
et les champs, elle s'en inspire volontiers ; mais elle est restée
pourtant par bien des côtés une œuvre d'académie, de huis-clos
et de salon. Sa sœur de Provence, plus jeune et plus vivante, pui-
sant plus largement qu'elle aux sentiments légitimes et natifs de
l'homme, s'est maintenue plus complètement en harmonie avec
le monde extérieur. Nous ignorons comment Mireille a été com-
posée; mais, en la lisant, on ne peut s'empêcher de supposer que
ses strophe^ furent écrites aux abris ensoleillés des rangées de
cyprès qui entourent Maillane. De même pourrait-on dire de cer-
• taines parties de Caleiidal, malgré la différence foncière du sujet ;
de même de la Farandoulo de Mathieu, des Sounjarello de Rou-
manille.On s'explique, dès lors, lïmpression que la félibrée du
18 novembre a exercée sur des esprits que leurs habitudes poéti-
ques prédisposaient si bien à l'éprouver. La poésie de la lumière
et du ciel, des ruines, des étangs et de la mer, éclairait et com-
plétait celle de la pensée, de l'expression et du rhythme. L'une
constituait le cadre naturel de l'autre, et leur accord eut ce jour-là
quelque chose de si spontané, qu"il parut aux yeux des plus difficiles
justifier la dénomination dé « reine et de première des félibrées »,
donnée depuis à la séance de Maguelone.
En attendant l'heure du repas, on se dispersa çà et là, afin d'exa-
miner les jardins de M. Fabrége, le petit oratoire gothique, situé en
avant de l'église; la porte à linteau de marbre, où se lit l'inscription
latine du chanoine Bernard de Tréviers, et enfin l'extérieur de
l'église elle-même. Les visiteurs ne furent pas sans admirer aussi
' Voyez le Journal de Forcalquier du 25 novembre 1877, lou Prouven-
çau d'Aix du même jour, le Messager du Midi du 24, etc.
2?i LE i'ARAGE A MAGUELOKE
des plantations t\o viirnns faites au milieu des sables de la plage et
bravant imi)unémenl. du moins jusqu'ici, les ravages du tléau qui
anéantit autour de nous toute production viticole. « Heureux pro-
priétaire, qui possède Maguelone et triomphe du phylloxéra*!»
Le banquet eut lieu dans une salle ordinairement destinée aux
vendangeurs du domaine, et décorée avec le meilleur goût par les
soins de M. Charles Gros. MM. Bonaparte- Wyse et Houmanille
avaient été placés, le premier à la droite, le deuxième à la gauche
de l'évêque de Montpellier ; M. Fabrége était à la gauche du ca-
piscol du Pavage. M. de Berluc-Perussis à sa droite. On s'entre-
tint tour à tour du rôle de la cité magalonaise au moyen âge, de
félibrige et de poésie provençale, des Gaulois de l'Asie mineure
et de la persistance de leur langue après l'époque oij écrivait saint
Jérôme 2, de la publication des gloses romanes d'un rituel maga-
lonais ', proposée par Mgr de Cabrières à quekiues membres de
la Société, et, entre autres particularités philologiques, des formes
mouillées de l'article et dos pronoms dans l'idiome de Forcalquier.
où M. de Berluc-Perussis avait, de concert avec M. l'a!)bé Emile
Savy, remarqué que la mutation de \'s en i ne s'exerçait pas de-
vant le c, le p, le t et le q, constatation presque semblable à celle
qui est due à M. Canlagrel à propos du sous-dialecte narbonnais *.
Au dessert, M. Cavallier prit la parole et s'exprima dans ces
termes :
« Mounsegne, cars e 'specials amies, quand, de la cima la pus nauta
de nostra manefica passejada dau Peirou, jitan un cop d'iol dau couslat
dau marin, vesen au fin fouus de l'ourizoun, entre la mar que s'espandis
coume un large riban d'azur, una granda cpustrucioun separada de la
terra ferma por un autre riban argentat: acn's la catedrala de Magalouna.
' Relation destinée à un journal de Montpellier, et non imprimée.
^ Cette persistance du gaulois de l'Asie mineure a été contestée, mais
seulement d'une manière spécieuse, par M . Perrot, dans un travail im-
primé par la Revue celtique { I. 179): de la Disparition de la langue gau-
loise en Galatie.
' Les gloses des rituels du midi de la France furent généralement ré-
digées en roman jusqu'à la fin du XVI^ siècle.
' Deux sentiments soni en présence touchant les formes mouillées des
dialectes méridionaux, celui de M. A. Roque-Ferrier (fieuue des langues
romanes, 11° .série, I. 125), qui croit qu'elles s'exercent ou plutôt qu'elles
se sont exercées devant toutes les consonnes initiales, ainsi que cela a
lieu (lans le provençal d'Avignon et dans celai de Marseille, et cîlui
de MM. Cantagrel 'Notes sur l'orthographe et la prononciation lan(juc-
'lociennes {dialecte narbonnais-carcass(mnais),\n la Canson de lalauselo.
tr. PARAGE A MAGIKiONF, 2>^ô
» De l'antica cieutat resta pas mai quo la violha gloisa: lou picou abou-
sounaire a escampilhat deçai délai las peinas das mounumenls qu'espe-
ligueroim à l'assousta de soiin oumbra.
» Lou tems. aquei grand sagataire, n'a embrisal toutes lous vestiges c
lous a connfounduts emé la sabla dan rivair>'l. que lou llus c lou rellus
de la mar mescla e remescla à chaca minuta.
» Trouvàs-ti pas aqui, coume ieu . un ensegnament . que nous deu
servi de liçou ■?
j> Ça que vesen à Magalouna. ou vesen pertoul, e, se voulen que lou
Parage visque e se mantengue, fau l'establi sus una terra esprouvada,
ie dounà per contre-fort las grandas estiluciouns dau passât, las estitu -
ciouns que soûlas an surviscut à toutas las rouïnas-
B Oubliden pas que noste vi es la bèutat. noste pan là bountat. nosle
» camî la verilat ; qu'avi^n lou sourel per regalida, que liran nosla sciencia
1) de l'amour, e que Dieu <^? noslra piima espéra, »
Le capiscol du Parage donnait ensuite, comme un exemple poé-
tique de cette nécessité, quatre colonnes qu'il avait remarquée.-^
dans le jardin de M. de Mesteyme, et que le temjis était parvenu ;"i
recouvrir d'une verdoyante végétation de lierre. Croyez- vous, ajou-
tait-il, que si l'on voulait abattre ces colonnes, le lierre qui s'y at-
tache pourrait à lui seul maintenir ses festons et les dresser vers le
soleil? M. Cavallier eut ensuite un mot aimable pour chacun des
membre' présents. Évoquant le souvenir de la Maguelone suppliante
de Gariei, cette touchante prière qui ne put émouvoir l'inflexibi-
lité de Richelieu et de Louis XIII*, il loua M. Fabrége d'avoir
par Achille xMir (Montpellier, 1876. in-TÎ), de.Herluc-Perussis et Savy. qui
exceptant, au contraire, les consonnes fortes. Celle diversité d'avis sem-
blera plus apparente que réelle, si l'on veut bien remarquer que l'usage
des formes mouillées est général ou partiel en raison directe de l'in-
fluence plus ou moins grande du français. Le fait de l'exception du c.
du p, du q et du i, classe le forcalquiérois ot le naibuiniais dans la caté-
gorie des dialectes à demi contaminés. Celui de Montpellier, plus alfecté.
ne change guère \'s en i que devant Y s ou le f : loui segnous. laicendras,
mai sabatas, et encore dans une partie restreinte de la population de
cette ville. L3 maintien de 1'^ devant les consonnes fortes a été, du reste,
remarqué de bonne heure : on le trouve signalé au XVII« siècle dans la
Dovctritio crestiano meso en rimos, per poude csire cantado sur dibérses
ayres, etc. Toulouse, Couloumiés, 164t. in-16
' Rééditée, il y a quelques années, avec une étude préUminaire. par
M. Louis Lacour de la Pijardière, archiviste de l'Hérault, sous le pseu-
donyme de A. Devars (^Collection des Cent Quinze de la Société des bi-
bliophiles languedociens Montpellier. Coulet. libraire-éditeur).
îfif^ LE PARA(tB a MAGUELONE
<■ liépensiî sans compter une hémine ' de pièces d'or à faire revivre
ia sévère beauté de la vieille basilique.» Un peu plus loin, il rappe-
l.iit avec esprit que M. l'abljé Roiiet avait écrit l'histoire de l'école
rabbinique de Lunel -, « ça qu'es mai que poulit per un capelan. »
Ti'Évêque de Montpellier, MM. Bonaparte, de Berluc-Perussis, La-
forgue, de Villeneuve, Roumanille, ArnavieIle,Verdo*^et Roumieux,
ne furent pas oubliés.
M. Cavailier termina son brinde de la manière suivante :
« Gouma souvenoncia de nostra premicira sosiha, m'auriè fach grand gau
d'oufrir en cadun de vautres una floureta acampada sus lou terradou de
Magalouna; malurousament la sasou 's trop avansada e las flous dau jar-
dinet que venen de plantar an pas encara espeiit.
" Aco vendra, se Dieus ou vôu. En espérant, vous perpause de fourmar
un bouquet de tout çaques'es dich d'aimabloe de poulit dins aquesta jour-
nada, d'oufrl lou premier eiseraplari à Mounscgne de Cabriciras, per lou
gramassià dau trelus qu'a dounat ioi au Parage eu venguent lou coun-
firmar, e de distribuï lous autres, en memoria d'aquesta festa tant siava
aici, qu'aurian pas doute das trebouleris que te passoun enquicon mai.
Après avoir prononcé ces paroles, qui furent vivement applau-
dies, M. Cavailier lut le loast que Mistral lui avait adressé de Mail-
' Ancienne mesure de capacité autrefois usitée dans le déparlement
Les Tables de comparaison entre les anciens poids et mesures du dépar-
tement de l'Hérault et les nouveaux poids et mesures, de Fort aîné
(Montpellier, an XIII, in-S"), donnent à l'hémine de Poussan une valeur
de 20,44 litres.
- Un an aprrs la séance de Maguelone, M, l'abbé Roiiet a complété
son premier ouvrage par une Étude supplémentaire sur l'École juive de
Lunel au moyen âge (Paris, Vieweg, 1878; in-8'>, 38 pages). Il y a utilisé
les renseignements réunis par M. le D' Lucien Leclerc, dans son Histoire
de la médecine arabe (1876), les découvertes de M. Neubauer dans les
bibliothèques de France, d'Italie el d'Espagne, et enfin les indications
classées par M. Renan dans un mémoire qui fait partie du tome XXVII de
l'Histoire littéraire de la France, p. 431-734. .M. l'abbé Roiiet, qui pré-
pare un Irava il de biographie et de traduction sur le troubadour Folquet,
de Lunel, a naturellement remarqué la curieuse mention qu'un poète
juif, connu sous le nom d'Abraham, fils d'Isaac, de Béziers, fait de son
contemporain dans le poëme de VÉpée flamboyante :
« Oii sont les merveilles de la science el de la poésie juives ? (iier, on
les trouvait en provençal et en latin. Dans la poésie de Folquet et de ses
collègues, tu recueilleras la manne ; de la bouche de Cardinal, du troène
et du nard.»
Mais peut-être M. Renan, quia le premier cité ce passage, a-t-il iden-
tifié trop légi-remunl le Folquet d'Abraham avec le troubadour de Lunel.
La mention de la manne peut faire songera la douceur des poésies de Fol-
quet de Toulouse
LE PARAGE A MAGTTKLONK 287
lane. C'était un souvonir à la mémoire de Moquin-Tandon.en môme
temps qu'un jUfîement sohro et finement exprimé sur le Canja ma-
galonensis, « aquelo galejado esperitalo, mountc reviéu tant ben
la Magalouno souloumbrouso del'agc mejan '. » M. Gantagrel, par-
lant au nom des sept maîtres du Pamge, porta ensuite la santé
de l'évêque de Montpellier. Son toast, excellemment pensé et rendu,
' Moquin-Tandon faisait partie du groupe do personnes qui renouèrent
à Montiiellier, avant la fondation de ia Société des langues romanes, la tra-
dition historiqui^ et même philologique do la langue natale. En oulic du
Carya magalonensis, qui eut deux éditions et qui trompa la sagacité de
Raynouard lui-même, Moquin-Tandon composa, tantôt sous son propre
nom, tantôt sous le pseudonyme de Fredol de Magalouna, d^s poésies lan_
guedociennes qu'il serait intéressant de recreillir et de rééditer, avec le
Carya- On les trouverait presque toutes à la suite des Proverbes patois de
M. Jules Duval (tome V des Mém. de la Soc. des let. de l'Avei/ron), dans
le Gay Saber d'Aix en-Provence, le recueil li Prourençalo, publié par Rou-
manilleen 1852; la collection des premiers Armanaprouvençau et \esNouvé
de Saboly e dilroubairemouderne ( Avignon, Aubanel, S. n.),etc. Plus que
Moquin-Tandon, M. Germain a, par les textes qu il a reproduits ou publiés
dans ce vaste ensemble de monographies exactes, patientes et sûres, qui
fait de lui la meilleure autorité en histoire méridionale, le droit d'être con-
sidéré comme le pfincipal initiateur des lettres romanes à Montpellier.
Près de lui il faut placer M. Desmazes, qui fut en 1840, et de concert
avec MM. Alicot, Paulin Blanc, Grasset, Pégat. de Saint-Pauf, etc.,
l'éditeur de la Chronique latine, romane et française, que l'on dé-
signe sous le nom de Peiit Thalamus; Massot-Reynier, l'édiîeur des
Coutumes (catalanes) de Perpignan -, Eugène Thomas, à qui l'on doit
la publication d'un Comput ecclésiastique en vers du XIIl"- siècle,
un Vocabulaire des mois romans- languedociens dérivant directement
du grec (Montpellier, 1843) et une Notice sur les langues qui ont été
parlées dans la province du Languedoc; Renouvier et Adol{)he Ricard,
dont ia monographie des Maîtres de pierre et autres artistes gothi-
ques de Montpellier, contient des textes fort intéressants pour l'histoire'
de la langue des XIV et XV» siècles, et un Glossaire des termes d'art
romans 't latins; J. Gastelnau, qui a mis à jour, dans les Mémoires de Ut
Société archéologique ,nne Charte de l'an 1209. en roman, contenant aban-
don par un seigneur de Panât de ses prétentions sur le prieurr et le.s
terres de l'église de Marcillac. etc. A ce groupe se rattachèrent quelquefois
le poète F.-R. Martin, qui, en 1827, imprima, en tète de ses Loisirs d'un
Languedocien, un Sssai historique sur le langage vulgaire des habitants
de Montpellier, suivi d'extraits d'anciens troubadours et d'un vocabu-
laire ; Charles de Belleval, l'auteur du Nomenclateur botanique langue-
docien (Montpellier, 1840), et même, à quelques égards, Pierquin, dit de
de Gembloux, avec son Histoire des patois {IS'iO) et divers opuscules d'un
mérite assez contestable. Martin compléta son essai philologique de 1827,
JS'^ LE PARAGE A MAailELONE
était écrit dans lo langaijjo de cette ville. Celui de M. Bonaparte-
Wyse devait être et fut un des plus remarqués de la fête. Le sou-
venir de Pierre de Provence et de ses amours avec la belle Mague-
lonc, les traverses que les deux amants eurent à subir avant d'être
réunis, enfin l'origine magalonaise de cette douce et ravissante in-
spiration, «s 'élevant comme une Aphrodite, plus pure que celle des
Grecs, de la mer étinceianle des traditions antiques * », furent rap-
en donnant pour la première fois, en 1839, une part très-considérable des
pièces inédites 'le l'abbé Favre. La partie littéraire et poétique a été re-
présentée par M. Frédéric Roqne-Ferrier, dans une Lettre sur la poésie
provençale (Revue du Midi, année 1843 ). et tout récemment par Très
Cansos en plana lengua romana. la Fée des Pyrénées et los Ages de
l'Umanitat. La transition du groupe de la Société archéologique à celui de
la Société des langues romanes s'opéra par l'histoire de Jacme le Con-
quérant (186.3-1867), de M. Ch. de Tourtoulon : VEssai sur l'histoire de la
littérature catalane et les Origines élgmnlogiques de l'idiome catalan, que
M. Gambouliù publia tout d'abord dans le recueil de V Académie de
Montpellier; divers travaux inédits de M. l'abbé Léon Vinas, tirés des
archives de Gignac et antérieurs à ceux qui figurent dans la Revue des
langues romanes, et entin par les poésies languedociennes de Guiraldenc
(mort If 23 octobre 1869), qui paraît avoir étudié d'une manière toute phi-
lologique l'idiome de Montpellier.
* C'est probablement une allusion au rôle de la belle Maguelono dans
l'astronomie populaire delà Provence et du Languedoc. La conjonction
de Vénus avec Saturne représente, selon le dire des pâtres et des gens de
la campagne, la belle Maguelone que poursuit Pierre de Provence. Leur
réunion et leur mariage ont lieu tous les sept ans. A ces noces sont con-
viées les autres étoiles : Jan de Milan (birius), las Ensignes ( Orion et
la ceinture d'Orion ; ioui Très ffei5, aux environs de Montpellier) et la
Poussinieira [les Pléiades). La Poussinieira, plus matinière que toutes
les autres, partit la première et prit le chemin haut; les Ensignes, qui
sont trois jeunes filles hardies, passèrent un peu plus bas et ne tardèrent
pas à la rejoindre. Jan de Milan, qui était endormi, prit un chemin de
traverse en se levant, et courut après les jeunes filles; pour les arrêter, il
leur lança son bâlon, ce qui lait que le faus margue est appelé aussi lou
hastou^de Jan de Milan. Lou Panard, une autre étoile, était aussi convié;
mais comme il est boiteux il reste constamraoht en arrière. M. Mistral a dit {Ar-
mana prouiençau,\81ï, 39), quelques mots de ces légendes astronomiques,
qui devraient di'jà posséder leur historien. [Aujourd'hui encore, nulle histoire
du moyen âge n'a conservé plus de renom et de lecteurs que le roman du
chanoine magalonais, Bernard de Tréviers, et nulle ne le mérite mieux
qu'elle, par «je ne sais quelle grâce et quelle suavité toute particulière de
ton et de manii''re»,adit Fauriel. A ses heures de récréation, pendant qu'il
étudiait le droit à Montpellier, Pétrarque «polit et donna des grâces nou-
velles », selon Gariel ( Idée de la ville de Montpellier, p. 113, 2' partie),
LE PARACiK A MAGL'El.ONE 2Sy
pelés par .M. 15onaparto-\Vys(>, aliii di\ symboliser l'union future
du Pavage de Montpellier et du Flun'ge^ d'Avignon :
Mounsegne, Madamo, Messies, enlanleriii que vàulri levas lou veire
simpalique e brindas atnisladousamoii is ami qu'avès councigu, i causo
pratico qu'avès à oor, regarde, iéu, dins lou grand passa neblous, qu'es
pamens clar coume l'azur à la vislo dùu Iroubaire, e vole, pér ma (isto,
brinda soulemnamen à la farfantello pouélico que vese apeiralin, s'aubou-
rant coume une Afroudito pus casto que la di Gré, de la mar belugue-
janto di bélli tradicioun antico De peu d'or s'anclloD autour de sis es-
palo d'evôri, rousènco es sa caro, e veîaqui que vai faire arrarabage
sus l'isclo soulilàri, mounte aqueste moumon même cacalejan, e velaqui
que vai founda aquesto vilo Irelusènto diiu meja'n ago que, maire de voste
Mounl-pelié bon ama {mater pulchra, filia pulchrior), os, ai las ! franc uno
glciso soulelo. esvalido, emé si niouiiumen, coume l'eigagno au grand
soulèu.
Briude dounc, Mounsegue, Madamo e Messies, à la memôri douco
d'aquelo farfantello legeudàri. que, morto, es pamens sèmpre vivonto
dins ii souvenènci de vosti popic e de vost; pouëlo, — à la memôri de la
bello foundadris de Magalouno, à l'amado e l'amourouso de Pèire de
Prouvènço. Que sa vido tendrinello, après tant d'auvàri pèr la lerro_
|iùr la mar, pèr l'aire, e finalamen soun unioun emé Peire de Prouvènço
nous siegue loa simbèu de ia councôrdi inlirao que déura toujour èstre
entre l'escolo mount-pelierenco, acampado vuei, pèr la proumiero fes,
souto de tant urous auspici, lou long dùu ribeirés de Magalouno, e lou
l'elibrige capoulié d'Avignoun, que noun cesso de galeja e de canta, à
l'oumbrino sacrado de Nosto-Damo di Dom, de Nosto-Damo di Dom que
se dis iieramen de Prouvènço I
Beve, 0 Parage, à la memôri de la bello Magalouno!
Parlant au nom du Parage et de la Société 2'our î'étmle des lan-
gues romanes, M. A. Roque-Ferrier porta de la manière suivante la
santé du poète des Parpaioun hlu et de la CaheluJaru iVor:
Mounsegne, Madamo e Messies, emai l'estatut dou Parage fagiio en
touti li membre de nosto escolo un devé grand de pralica la parladuro
à cet ouvrage, que la littérature populaire de plusieurs nations s'est ap-
propriée, lorsque la double poésie des troubadours et des trouvères con-
stituait le pàtrimome commun o\x venaient s'enrichir presque toutes les
langues européennes. Ou a des imitations en grec moderne de Pierre de
Provence dans l'Histoire almbi-rios et de Marfjarona, que M. Wagner a
publiée en 1674, d'après le manuscrit de la Bibliothèque impériale de
Vienne. M. G. Meyera encore fait paraître à Prague, en 1876: Imberios
und Margarona, ein mittelgriechisches Gedicli Gedicht. etc.
1 fii tant est qu'il ait jamais existé, le Florieje était, suivant Nostra-
damus, une académie provençale qui florissait à l'époque de Pétrarque,
près de l'abbaye du Thoronet.
290 LK l'AliAGE A MAGUELONE
mounl pelierenco e de n'acreisse l'espandimen e la fourtuno, brindarai
aro à Guihèn Bonaparte-Wyse dins aquelo parladuro d'Avignoun que sis
obro souloto mantendrien à toujour, se pèr quau(iue raalastre impous-
sible, s'airoubavo plus sus li terro de Franco de bouco prouvençalo à ia
saupre parla.
Longo-mai, Mounsegne, Madame e Messies, au Roumiéu de noste sou-
It'u, à la raajouralo cigalo d'Irlande!
A ce momenl-là, les membres du Parage furent agréablenionl
surpris par la visite inattendue de MM. Jules Michel et V. Smith,
de Saint-Étienne. Celui-ci, à qui l'on doit des recherches et des
recueils de poésie populaire française et forézienne destinés à
devenir classiques par la riiïoureuse exactitude de leurs détail.'^,
la passion mélhodique et savante avec laquelle les origines et les
variantes eu ont été notées, était venu depuis un mois demander
au climat de Montpellier le rétablissement de sa santé'. M. Michel
y était amené ]»ar la suite des recherches qui lui ont permis de
compléter les découvertes de M. Aurês, de Niraes, touchant la
valeur des pieds grec et romain et l'idenlification du pied de Char-
lemagne avec le pied gaulois 2. Quelques instants après leur ar-
rivée, l'évêque de Montpellier prenait la parole pour répondre au
toast de M. Cantagrel et aux paroles du capiscol du Parage. Dans
une improvisation pleine de grâce et de traits émus et charmés,
l'éloquent prélat s'excusa de ne pas savoir encore parler assez-
correctement le provençal littéraire et d'être ainsi contraint de s'ex-
primer en français. Il dit son aflection pour le langage qu'il avait
^ Presque tous les travaux de M V. Smiih ont paru dans la liomania.
C'est pendant son séjour à Montpellier qu'il a bien voulu préparer et. don-
ner il la lîevue des lannucs romanes un Alléluia paschai du V'elay et la
chanson populaire du Faux Moine.
- « Partant de ces principes.... qu'il fallait tenir grand compte d(! l'es-
prit de superstition qui, durant toute l'antiquité, a présidé à l'emploi des
nombres.,.. M. Aurès s'est avisé li'interroger les monuments eux-mêmes,
et, après en avoir levé les mesures principales et même les plus minimes
détails... il est arrivé, non-seulement â démontrer que les dires des poè-
tes, de Végèce et de Gensorin, étaient justifiés, c'est-à-dire que les nom-
bres carrés étaient employés avec une prédilection marquée, mais qu'à
défaut de nombres carrés, les nombres impairs, appelés nombres mâles,
étaient autant que possible préférés aux nombres femelles, c'est-à-dire
pairs, et qu'enlin il était toujours facile, à l'aide de mesures rigoureuse-
ment prises, sur un édifice quelconque, d'arriver à la connaissance de
'unité de mesure qui y^avait été employée et de ses subdivisions.
» Le Parthénon, les temples de la Sicile et de Picstura, la Maison
Carrée de Ninieset une foule d'autres, ont passé sous le comjias el ont
LE PARAGb; A MAGUELONE 291
appris tout enfant ;iu villaiio de Caliriùres, pour cet iilionie que
les ouvriers de la llonaissanee méridionale pouvaient voir aujour-
d'hui étudié et ensciijné jusque dans les Universités de Finlande,
à l'égal du français et de l'italien ; avec une simplicité et un esprit
d'à-propos bien rares, il vanta le rajeunissement de sentiment et
d'inspiration qu'il valait à notre Midi; louant ensuite le Félibrige
de chercher, comme l'avait toujours fait le maître qui était assis à
ses côtés, comme le faisait le poëte provençal de l'Irlande, ses
inspirations dans les plus hauts sentiments de l'âme, il le remercia
d'avoir pensé que la poésie devait poursuivre, elle aussi, une re-
cherche idéale, et de s'être constamment « souvenu que Jésus-
Christ, le divin Sauveur des hommes, avait été en même temps le
premier et le plus divin des poêles *. »
Lorsque le prélat eut cessé de parler, M. Cavallier donna la
parole à M. de Berluc-Pérussis :
Si le rôle de M. Bonaparte-Wyse a été, pendant deux ou trois
ans, capital dans le Félibrjge, celui do M. Berluc-l-'erussis ne l'a
pas été moins en 1874. Président de la Société littéraire d'Apt ou de
V Athénée de Forcalquier, membre de V Académie d'Aix ou l'un des
cinquante du Félibrige, M . de Berlue a toujours été de ceux qui on t
été soumis à l'esprit investigateur de M. Aurès; et, dans des mémoires
forcément hérissés de chiffres il a démontré la valeur des pieds grec
et romain avec une sûreté d'analyse qui peut défier les plus incrédules.
à la condition que ces incrédules seront en état de comprendre et de
suivre cette analyse délicate .
» Un des résultats les plus remarquables et les plus rigoureux des re-
cherches de M. Aurès, c'est l'identiOoation du pied de Gharlemague, dit
pied de roi, avec le pied gaulois primitif. Ainsi nous savons aujourd'hui,
grâce à M. Aurès, que (^harlemagne n'a fait que prescrire l'emploi du
pied usité de toute autiquilô sur le so! gaulois, en écartant de l'usage lo
pied romain, que la conquête avait prétendu imposer aux Gaulois vain-
cus.» (F. de Saulcy, les Travaux jnétrologiques de M. Aurès, in Polijbi-
blion, 1' série, VI, 377, octobre 1877.)
1 «Me siei entancha, disait le prélat dans une lettre provençale écrite à
M. Arnavielle, de signa lou papié que m'avès manda, dins la peu qua-
guessias quauque remord e que moun noum manquesse sus la listo de
vàstis ami,
» Save gaire parla la lengo franceso, gaire la lalino, que pamens es la
miéuno; mai me souvene emé bonur di quàuqui mot prouvençau qu'ai
après dins moun paure vilage de Cabrièro, quand jougave tout pichot pro-
che de moun paire e de ma maire, e siei arous encaro de jioudé eoum-
prene libéUi cause que fasès, tôuti lis an, emprima dins vosle Armana.»
(Lettre publiée dans les Tablettes d'Alais et reproduite par VUnion na-
tionale de Montpellier, n° du Î4 novembre 1877. )
292 LE PARAGE A MAUUEI.ONË
le patrioiisme persévérant du sol natal et qui consacrent à l'étudier
dans son histoire, dans sa langue, dans son passé littéraire, ar-
chéologique et scientifique, tout ce qui leur a été départi d'intel-
ligence et de loisir. Représentant de deux vieilles familles dont on
retrouve plus d'une fois le nom dans les annales de la Provence,
il la connaît" depuis les monuments qui ont fait son orgueil jus-
qu'à la culture de la soie qui l'a enrichie, jusqu'aux origines de son
idiome ' contesté, auquel il a le premier donné conscience de ce
que l'idée latine ou romane pouvait rendre en action et en vita-
lité littéraire. La trente-troisième session du Congrès archéologi-
que de France, tenue à Aix en 1866, dut à sa fraternelle collabora-
tion avec M. Charles de Ribbe la majeure partie de son succès.
Le sixième centenaire de Pétrarque lui donna, en 1874, un moment
d'existence internationale, qu'il soutint dignement. L'initiative
de cette solennité lui appartenait ; il en fut à la fois l'inspirateur,
et, de concert avec M. Hipp. Guillibert, le principal ouvrier: pour
la première fois, depuis que des Concours littéraires ont lieu dans
le Midi, c'est-à-dire depuis la période médiévale, Titalien, le ca-
talan et l'espagnol, furent, ainsi que le provençal et le français,
mis sur le pied d'une parfaite égalité. Le Comité aixois compléta
cette grande pensée par la nomination des présidents de la fête :
MM. Conti, de l'Académie de la Crusca, pour i'Jtalie; Mézières,
de l'Académie françaises, pour la France, et de Quintana, prési-
dent des Jeux floraux de Barcelone, pour l'Espagne. Tous les trois
assistèrent, avec M. Nigra, aux assises de Pétrarque. Le Félihrifje,
un moment hésitant, fut ramené ou conquis, et le succès de la so-
lennité d'Avignon la fit considérer comme la première fête litté-
raire oîi les peuples néo-latins se soient rencontrés ensemble et
aient repris la conscience de leur fraternité linguistique 2.
Poëte, on lui doit la reviviscence du sonnet en Provence et la
faveur qu'il a su y conquérir parmi les féiibres eux-mêmes. Cette
forme, à la fois si délicate et si difficile, n'a pas d3 secret pour M. de
Berluc-Perussis; il sait en surmonter les écueils. Ce n'est même pas
trop exagérer que d'attribuer à quelques-uns de ses essais en ce
* Nous empruntons quelques détails à une étude biographique et litlé ■
raire sur M. de Beriuc-Perussis publiée par M. Charles Boy, dans la Revue
du Lyonnais.
Depuis lors, M. de Berluc-Pérussis a largemetil contribué au succès
des Jeux floraux de Notre-Darne de Provence eu 1875 et de Sainle-Anne
d'Apt en 1877. M. Cavallier a écrit la relation de ceux-ci dansson opuscule :
les F('tes du couronnement de .sainte Anne, des 9 et 10 septembre 1877,
et les Jeux floraux aptesiens. Montpellier, Grollier, 1877, in-S», 48 pag.
LE PARAOP: a MAGt'ELONb: 293
genre la valeur un peu ironique que Despréaux donnait au véri-
table sonnet; soit que, dans celui qu'il a emprunté et dédié à
M. Jules de Gères, il renouvelle la doctrine qu'enseignèrent Pytha-
goreet les druides gaulois, que plus tard Origène introduisit dans la
philosophie chrétienne, mais compliqua en même temps d'étranges
erreurs; soit qu'il exprime en vieux français des regrets de sé-
paration, il est toujours égal à lui-même, également à étudier dans
l'idée et dans la forme. Et, en effet, odyssée des âmes dont on
trouvait autrefois la figure symbolique dans les stations du livre
des Nombres, joie? littéraires et rustiiiues, tristesses du temps passé,
langue de Ronsard, langue de Musset ou de. Mistral, questions de
droit naturel ou archéologie provençale, lui sont également aisées,
famihères et accessibles *. Orateur, M. de Berlue n'a pas de moin-
dres qualités : sa langue, souple, fine et persuasive, à l'éloquence
légèrement italienne, reste partout claire et élevée ; elle est comme
le vêtement naturel d'une pensée sûre d'elle, alors même qu'elle
semble réserver une meilleure compétence que la sienne-. Faire un
' On nous permettra de citer le Sonnet treuvé dans ung viel livre :
Vous parlez, mie. et poinctn'i'iaez pleuré !
Ma coulpe feust vous trop aymer peust astre.
Femme ne veult serviteur, ains ung maistre :
Fol et meschant m'eussiez, crois-ie, adouié.
Ores, allez, chier esprit égaré :
Fouillez la ville et par tout le champestre;
A Montfaulcon, les corbeaux veulx repaistre,
Si treuuez cœur oncque au mien comparé.
Quand reviendrez, portes, las ! seront closes.
Et foulerez la maulve au lieu de roses :
Le poure amant soubz l'herbe gésira.
Lors, pryez Dieu, l'âme en pleurs espanchée.
Et tost, cuidé-ie, ez cieulx reuerdira
La fleur qu'ici vous mesme aurez faulchée.
- Nous avons essayé de classer ici quflques-uns des opuscules publiés
par M. de Berlue, ou contenant des pièces de hu; mais il va sans dire
Ljue cette liste est en très-grande partie incomplète ;
Du Mouvement littéraire en Provence. Forcalquier, 1855. m-S".
Bibliographie provençale. Les Chansons du Carrateyron. Aix, 1855,
in-l2.
L'Abâilho prouvençalo de 1858 par uno ribambello derimaires, eme uno
prefaço de J.-T. P-ory. Marsilho, Feraoud, 1858, in-lî.
Éloge de Boniface, avocat au Parlement de Provence. Aix, llly, 1860, in-8 .
20
294 LE PARAGB A MAGUELONE
lui portrait de l'hûle du Fara(je, c'est diro d'avance qu'en expli-
quant les diverses acceptions de ce mot, « qui contient toute la
tlcurde la vieille France », le président de V Athénée de Forcalquier
maintint la félibrée de Maguelone à la hauteur où l'avait élevée le
langage de Mgr de Gabrières :
Mounsegne, Madama, cars e valants Paraglés, m'ausso, par beurre, ou
noum dei sèt Priéus des Aupens, ei sèt Magistres dou Paràgi. L'Escou-
reta dei voulountous s'en vèn saiuda TEscora dei saberus.
Es que, ou pouas crèire, eissublien pas, sus nouostes auturas, aquéu
camin màgi dôu Narbounés que, dempièi douei raila ans, religa les Aups
de Prouvènça amè vouostes plans. Tambèn, encuei, l'ai davala à la lesta,
par vouei veni jougne en esta grand felibrèia e vous arribo, lou couor du-
bert e lei mans tendues.
Avès bèn e patrialamen fa, messers e amis, de sourti de la poussa des
tèms meians aquéu mot tant significatiéu de Paràgi, e subre-tout lei no-
bles cavas qu'arrepresenla, e quejamai, que qu'avèngue, saran pardues
dins nouosta bènama e doulèntapatrîa.
Tout l'ounour, touta la flour de nouosta vièia França ei dins aquéu
mot, dins aqueles cavas.
E couma n'en sarié pa 'nsinta, vous ou demande, d'abord que lou Pa-
ràgi, valènt-à-dire la Parieta es la frucha prumièra de l'Evangèli ? Es-ti
pas lou divin presicaire qu'aparieguè les omes davans soun Dieu, lei fiéu
davans soun paire, les chivaliés davans soun rèi, e perèu les pouëtas var-
tadiés davans la glôri? E de bada nous agon degaia aquela meravihousa
parieta crestiana, en en fènt l'Eqalita, es ela qu'a congreia tout ça qu'es
lier e bèu dius rouosta islôri.
Sabès-ti rèn de mai amirable.. dias, qu'aquéu Franc-Paràgi de nouostas
coustumas, quand l'einat de l'oustau garantissié à cadun de sei fraires sa
Notice sur la vie et les œuvres de Gustave Rambot. Aix, lUy, 1860, in-8o.
Rapport au Congrès des Académies (Extrait de l'Annuaire de l'Institut
des provinces ). Forcalquier, 1862, in-8".
Discours de réception à l'Acadéinie d'Aix. Marseille, 1865, in-8°.
Recherches biographiques sur Pierre Aréod. Aix, Illy, 1866, in-S".
L Enquête et la Représentation agricoles. Aix, 1866, in-8°.
Le Drainage et l'Irrigation. Aix, 1866, in-8°.
La Crise agricole en Provence. Aix, 1866, in-8o.
Discours de clôture du Congrès scie7itifique d'Aix. Aix, 1867, in-8''.
La Question séricicole. Aix, 1867, in-8o.
Rapport sur les travaux de l'Académie d'Aix. Aix, 1867, in-8°.
François I" à Avignon. Apt, 1869, in-8''.
Biographie de Fortuné Pin. Nice, Gauthier, 1870, in-8''.
A la mémoire de Fortuné Pin, poésies par MM. de Flotte, A. de Gagnaud,
J.-B. Gaut, Mistral, A. Real, etc. Nice, Gauthier, 1870, in-8».
Du Sonnet et des Sonnettistes aptésiens. Apt, 1872, id-8°.
LE PARAGE A MaGUELONE 2^)0
part sèrapre franca e pariera, e qu'eles prouraetien en retour à l'einat de
li èsse fidèus e de l'ajua dins sei maramagnas?
Dins la valerousa encountrada de Lourrenna, que plouren couma una
sorre raiiba, aquela usança freirenala èra enca mai pretoucanta. Aqui,
leschivaliés se partissien en sièis Paràgi vou parentèla, que s'arregar-
davon couma sièis famihas, e lou qu'apartenié à-n-una liera èra censa pa-
rent, es ueis de la lèi messina, de toutes aquélei de la liera.
Mai lou triounfle soubeiran d'aquela nauta idèia fougue dins l'establi-
men dôu Paràgi majour, vouro.dire dei douge Pars de tVançaque favou
lou counsèu de fainiha de nouosta nacien.
E tant aquéu mot de Paràgi counvenié en tout ça qu'ei grand e bèu,
que n'en venguèron lou mounde à nouma Paràgi, couma dirias terraire
commun, touta larga encountrada, e que, meme.sus l'empèri de l'aiga, lei
mariniés empachèron dôu même noum un grand vaste de mar.
E bèn, messers e amis, acô bèu, acô tant aut, vaqui que lou ressus-
cites .
Au centre de la terra dO, dins la cid'Uta subre-sabènta, anès establi un
mevouioun d'omes requists, nouostes einats dins la sciènci, e noui van
parmettre de pareja am'eles, e couma les chivaliés lourrens, de fa ensèn
qu'una sourela famiha
E couma antan les pars de França scmounilièn au parlamenl de Paris
de capeus de rosas par sa benvenguda, ansinta nautres esperen peréu
vouosla Baillée des roses, ça es lei tlours planas d'agradança de vouosta
pouësia.
Les Almanachs littéraires. Aix, 1874, in-S".
y'int Sounet prouvençau tira de l'Almanach du Sonnet, 1874, em' uno
letro-prefàci (de Vidal ). En la vièio capitale de la Prouvenço, 1874, in-8".
Dous Nouvé latin inedi de Fourtuna Pin, couronna en At e Montèu.
i Jo llourau de la fèsto de Saboly, e revira pèr A . de Gagnaud . Montpel-
lier, Imprimerie centrale du Midi, 1875, in-8o.
Un bouquet de campanelo, pèr T. Aubanel, a. Azais, VV. Bonaparte-
IVyse. Bonfiloti, M. e V Bourrelly, P. dis Ebrido. la {elibres.so duuCau-
loun,A. Fourès, M. Frizet, A. de dagnaud. Dom Harnier. J.-B. Haut, etc.
Aix, Remondet- Aubin, 1876. in-80.
Cant di Fourcauqueiren à NostoDarno de Prouvenço, musico de Dési-
rât (t.... Ais-de-ProuvênçOi Remondet-Aubin, 1876, in-4o.
Forcalquier et ..es souvenirs littéraires. Fovcalqmev, Masson, 1876, in-8o.
Un document inédit sur Laure de Sade. Aix, Illy, 1876. in-8o.
Mgr Terris, évéque-nommé de Fréjuset de Toulon. Aix, Illy, 1876, in-16.
Académie d'Aix. Rapport sur les prix de vertu, lu en séance publique de
l'Académie. Aix, Illy, 1876, in-8('.
L'Aubo. sounet tira de la Revisto di lengo roumano . Mount-peliè, Es-
quicharié centrale dôu Miejour, 1877, in-8''.
Le Battage à vapeur. Forcalquier, Masson, 1877, in-12.
Le Centenaire de Pétrarque au point de vue bibliographique. Apt. J.-S.
Jean, 1877, in-S".
296 LE PARAUE A MAUIJELONE
D'enleiin, lôu mesquin, dins esta journa tant couroua, ilins la Maj^^a-
rouna que canlè lou Petrarca, vèno. des paragis aupens, tuerta à la
bouona salut e h l'amigueta des Paragiés lengadoucians, à soun obra
cavaleirousa, e à soun cap tant bèn nouma, lou Caries Cavallier '.
Plusieurs toats furent prononcés après que M. de Berluc-Pe-
russis eut cessé de parler. Celui de M. Albert Arnavielle, écrit
dans le langage d'Alais, la ville qui, après Avignon et Montpellier,
entretient le foyer littéraire le plus actif, était adressé à Mgr do
Cabrièrcs, auParage et à ses membres. M. Boucherie, prenant texte
de quelques vers empruntés au poëme de Galerend, qu'il venait
de découvrir à Paris, et dont il devait entretenir la Société des lan-
gues romanes quelques jours après, but à Mistral et à Roumanille .
M. Henri Delpech, à l'alliance des lettres françaises et provençales;
M. Fabrége, à de prochaines réunions sur le sol où il avait été
heureux de prêter territoire à la félibrée du 18 novembre. Le toasi
de M . Louis Roumieux traduisit, dans un langage ému, naturel el
facile, les sentiments du Parage à l'égard de son président. Con-
fondant en un mélancolique retour sur lui-même et sur l'école do
Nimes, presque disparue quelques mois après sa fondation, If
témoignage de la reconnaissance de tous, le poète de la Rampe -
lado et des Dos Lebre rappela, sur la fin de son toast, et l'un des
opuscules les plus intéressants qui soient sortis de la plume de
M. Cavallier^, et les recherches hagiographiques qui, de bonne
heure, firent de ce dernier le correspondant et l'ami du Père La-
cordaire :
Mounsegne, Madamo e Messies, cabiscôu de l'oscolo de Nimes, que —
perqué noun lou dire, ai ! las? — es quasimen esvalido dins 11 nèblo dùu
matin, m'es un plesi, autant coumeun devé, de brinda à moun counfraire
Malherbe à Aix. Aix, 1878, )n-8'*.
Rapport sur le Concours ouvert par l'Athénée de Forcalquier en l'hon-
neur de Gassendi. Forcalquier, 1878, in-8».
M. de Berlue a publié, en collaboration avec M. Gh. de Ribbe, les deux
volumes du Congrès scientifique de France, Aix, 1867, in-8'; avec
MM. Bonafous el Bory, le tome premier des Mémoires de la Société histo-
rique de Provence, Aix, 1867; avec M. Guillibert, la Fête séculaire et in-
ternationale de Pétrarque, Aix. 1875. 11 a fondé \'Almanach du Sonnet
(1874-1877) et y a collaboré activement. Nombre de ses poésies ont paru
dans l'Armana prouvençau et dans la Revue des langues romanes.
' Ce toast est écrit en langage des environs de Forcalquier; il a été pu-
blié en entiop par lo i Prouvençau d'Aix, no du 25 novembre tS77.
^ Les Plantes carnivores de M. Hooker. Observations présentées à la
Société d'horticulture et d histoire naturelle de l'Hérault Montpellier.
1 S75, in-S».
LE PAKAGK A MAGUELONK jo?
(le l'escolo mount-pelierenco, d'aquelo escolo que, Ion vesès, lout-bèu-just
à sa primoaubo, Irelusis déjà d'iino tant vivo esplendour '...... Bevn à
l'ami Carie Cavallior, au valent atroncalre d'aqu^u jardinet caressa dùu
soiil^u, benesi de l'eigagnau, que vous a piei tant finamen retra !... A
l'agiougrafe distingui, à i ami di jardin, que eouneis tant bon la vido e li
vertu di sant, aquéli flour celcstialo. que lou noum e li perfum di llou-
reto de la terro ' .
Couneissès touti ço que dis Gavallier d'aqurli planto carnivoro que,
fort urousamen pèr nautre, figuron pas au mitan de la taulo ; car aurien
vougu seguramen prene sa part d'aqueste superbe festin.
Beve à l'ami, au conrrespoundènt dou Paire Lacourdari l
Au noble cor que, dins si paraulo amistadouso, a saupu entremescla
un mot agradiéu pèr tùuti li cantaire qu'an iuei lou chale de bresiheja
subre lou ribeirés pouëli de Magalouno.
a Ghasque aucèu trovo soun nis bèu »,s'escridavo, i'a 'n moument, en
remembrant ma deviso felibrenco.
Urous, milo fes urous, lis auceloun que l'auro de la malamagno foro-
bandis jamai de soun nis ! Longo-mai dounc li piéutaire dôu Parage fa-
gon ausi si gai refrin à l'entour d'aqueste rode tant galantamen pirapa,
tant richamen reviscouia, doumaci soun gênerons prouprietàri M. Fa-
brege, en quau, tout en passante pèr acaba, siéu fier de rendre tambèn l'ou-
màgi que s'amerito !
M. le docteur Espagne, toastant en languedocien, s'exprima de la
manière s ai van te ;
Mounsegne, Madama, cars e specials amies, volepourtar un brinde que
l'assoustarés, m'ou assegure, dau turt coural de vostes goubelets.
Beve au Felibrige, que nous manda ioi lous diamants lous pus lindes de
sa couronna.
Estima, lou Felibrige, que dins las parladuras d'Avignoun, de Tou-
lousa ou de Mount-peliè, se pot, couma dins la de Paris, proudure de
caps-d'obra qu'ameritoun de vienre. Antau chaca canlounei espelis una
floura e una frucha que vendrien pas tant ben dedins un autre rôdou; e
se vôu, à teras passât ou à tems d'ara, remembrar ou bouta sus lou can-
deliè tout ça que pot alucà l'amour dau son pairoulau, es per empusà mai
que mai l'amour de la patrîa granda.
Adonne, braves amies, brinden ensemble, au Felibrige que reviscouia,
esclaira e manten tout ça qu'es bon, tout ça qu'es bèu, tout ça qu'a drech
de lusir e de trelusir au sonrel.
Au Felibrige ionga-mai ! ^
Les brindes se multiplièrent alors à l'envi : M. Antonin Glaize
butàM.Fabrége,«< ce fidèle de l'archéologie et de l'histoire romane,
quia si bien su retrouver el conserver lespierres de Maguelone »;
* M. Gavallier est un des collaborateurs autorisés des A7males de la
Société d'il orticuiture d d histoire naturelle de l'Hérault.
2î>>; LE TARAGE A MAGUELONE
au nom Au Félibngc de Provence, M. Roumanille toasta à Mgr de
Cabricres, -< lou dous e valent successour dis evesque de Maga-
louno, que. mestre, vèn à l'escolo dôu Parage ; ounour suprême
pèr lis ami de la lengo di reire e de soun renaisse miraclous»:
au nom de M. Hippolyte Guillibert, d'Aix, M. de Villeneuve lut
les vers suivants, où l'auteur a su s'approprier aussi naturelle-
ment que l'avait déjà fait M. Roumieux la forme allègre et spiri-
tuelle, mais presque inconnue jusqu'à eux, dans le provençal mo-
derne, du triolet français :
I sèt magistre dou Parage
Mande mi sentimen courau ;
Tenon sesiho d'aut Parage,
Li sèt magistre dou Parage ;
Tambèn m'agradario lou viage
A Magalouna de l'Erau !
I sèt magistre dôu Parage
Mande mi sentimen courau .
L'ama cabiscôu Cavalié,
Agués en gau ma souvenenço !
Se lauso en Ais, à Mount-pelié,
L'ama cabiscôu Gavalié ;
Es ben l'antico chivalié
Dôu Lengado, de la Prouvènço!
L'ama cabiscôu Gavalié
Agués en gau ma souvenenço !
Les envois de MM. Achille Mir, de Garcassonne (un Noël lan-
guedocien); Roux, de Lunel- Viel (^s set magistres dau Parage); Lau-
rès. de Villeneuve-lez-Béziers ( .4^ Parage), Charles Descosse, de
VorC(i\qu\er [Brinde i trouhaire acampa au Parage de 3founf-pdir), Ta-
rent ensuite communiqués ou mentionnés, soit par le Capiscol du
Parage, soit parle Secrétaire de la Société des langues romanes. Ce
dernier lut, en outre, les vers suivants de M, Louis Astruc, un
des plus jeunes et des plus féconds poètes de la pléiade qui se
grouoe à Marseille sous le nom de Société desfélibres de la Mer:
A ço qu'enauro nôsti creire,
A nosto antico liberta,
A nosto naciounalita,
Au rèi En Jaume, au rei En Peire,
Un premié veire
Vole turta !
Is ami de cor dôu Parage,
T majourau de Lengadô,
A touli li frairc que d'O
LE PARAGE A MAOUKl-OM': 209
Sabon atronca soun lengage.
Un segound viage
Vuego moun got*!
Parmi les pièces de poésie adressées au Parnge, à propos de sa
séance d'inauguration, il s'en trouvait une qui attestait une fois de
plus l'attrait qu'éprouvent bien des poëtes pour la régularité et la
logique des formes grammaticales du dialecte de Montpellier. Déjà,
au milieu du XVIIe siècle, l'auteur de l'Embarras de lajieiro de
Beaucaire, Michel de Nimes, fait parler un Montpelliérain dans
son idiome naturel. Quatre-vingts ans plus tard, le Père Martin, le
poëte le moins connu du Languedoc auXVIII'^ siècle et le plus di-
gne de l'être après Favre, adresse de Béziers à l'abbé Plomet une
traduction d'une ode d'Horace en montpelliérain. Pierquin de Gem-
bloux l'adopte aussi pour s^a Louisa et ses -FZwretas, œuvres de bi-
zarre, mais parfois aussi de gracieuse poésie; Eusèbe de Salles dé-
laisse lelauraguais dans quelques pages de ses « Rimes patoises»;
on a de Balthazar Floretjl'Agathois, une romance montpelliéraine,
imprimée dans sa Bourrido ; enfin on ignore généralement que
M. Félix Gras eut, en 1871, l'idée d'employer dans ses Carhounic,
au détriment du provençal, l'idiome que le Parage s'efforce de re-
mettre en honneur 2. Le sonnet qui suit, de M. Charles Deloncle, le
* Voici le toast à la mémoire de l'abbé Favre, qu'aurait porté le véné-
rable et savant M. Gabriel Azaïs, si une indisposition ne l'avait retenu
à Béziers le 18 novembre:
Porte un brinde al galoi magistre
Que par, aqueste tems d'auristre,
Fariô rire même un ministre,
Amb soun sermou de Moussu Sistre !
La découverte faite quelques mois auparavant, parle Conservateur de la
bibliothèque de Montpellier, M. Léon Gaudin, d'une Pastorale inédite de
Favre sur la naissance de J.-C, donnait presque à ce quatrain un intérêt
d'actualité.
2 II va sans dire que tous ces textes laissent fréquemment à désirer.
Celui «^e Michel se trouve p. 16-17 de l'édition d'Amsterdam (Daniel
Pain, 1700, in-12), et nul ne l'a remarqué jusqu'ici. La traduction du Père
Martin a été imprimée à Montpellier en 1729, par Martel, in-12, i pages.
M. A. Roque-Ferrier l'a signalée pour la première fois à la Société des
langues ramenés (séance du 14 mars 1877), d'après un exemplaire très-
probablement unique, que M. Mir avait bien voulu lui communiquijr.
Pierquin de Gembloux fit paraître en 1846 (Paris, Barrois, in-!2) ses Flu^
relas, et en 1850( Montpellier) Louisa. Les Poésies, théàlre. sonnets, poésies
diverses et rimes paloises d'Eusèbe de Salles, appartiennent à l'année 1865
(Paris, Pagnerre, in-12) La Bourrido agatenco est do 1866.
30<l LI-^. PAR\GE A MAGUELONP:
pot'te ilu guercy, est un nouvel exemple de l'influence que le lan-
gai;e de Montpellier exerce en dehors de ses limites naturelles * :
Aiilaii, en lai, ben lion, dîiu tems sourne e ferous
Dai Sarrasins que Carie, emb goun bras pouderous,
Martelejava à mort, Illa de Magalouna.
Toula espoutida aviès pamens una courouna.
De Rouma ères la filha e, chacun à soun tour,
Loui Papas, dins toun grau, trasien sa resplendour;
Touis evesques, Mountlau, Meza, Fredol, Verdala,
Soustavoun mai que mai la vielha catedrala
Toui rais soun escantits, toun caire esdesoundral;
Soûl, de long de la mar, un noum es demourat.
Mais angan, m'es avis, ta gloria reviscola,
?ioi qu'un evesque, un sant, de soun traval sacral
S'es despartil e ven, eme un biais dannstat.
Dai sabens dau Parage adurre aissi l'escola î
Les poètes récitèrent alors quelques-unes de leurs pièces. Sur la
demande de l'évèque de Montpellier, Roumanille fit entendre deux
de ses chefs-d'œuvre : la Vaco de la Véuso et la CJiato avuglo; Rou-
mieux dit hu Maset, que toutes les féUbrées de Provence et de
Languedoc connaissent, et ensuite des stances inédites à la Ciyulo.
M. Charles Gros débita Magalouna, qu'il avait communiquée à la
séance littéraire du matin. Mais, selon la formule populaire langue-
docienne, qui veut que «les longues paroles raccourcissent le jour*»,
les moments s'étaient rapidement écoulés à la lecture ou à l'audi-
tion des poésies et des brindes qui viennent d'être rappelés. Il était
bien près de trois heures lorsque le banquet se termina. Quelques
pièces restaient à lire encore, diverses résolutions devaient être
prises touchant le Concours du Chant du Latin et la part que l'école
de Montpellier devait y avoir. M. de Berlue proposa d'ajourner le
tout à une deuxième réunion, qui serait tenue à Montpellier le soir
même ; il proposa ensuite de visiter une dernière fois, sous la di-
rection de M. Fabrége, l'éghse de Maguelone, ce qui fut accepté.
M. A. Roque-Ferrier prit alors la parole et s'exprima de la manière
suivante, « afin que le nom des absents fût rappelé aux fêtes de la
famille, comme leur place y avait été réservée ''>•:
' Ce sonnet a été publié dans le Messager du Midi de Montpellier, du
24 novembre 1877, et ensuite dans le Messager de Toulouse. 11 a été, de
plus, imprimé par M. Charles Deloncle à la fin de son opuscule sur la
Ma'titanance l'AqmLame à Toulouse; Toulouse, Douladoure, 1877, in-12,
42 pages.
-' Paraulas lowjas fan loui jours courts.
^ Relation dostiuée à un journal do Montpellier, el non imprimée.
LE PARA.GE A M.VGIEI.ONE m
A Mir de Garcassouna, Aubanol d'Avignoun,
A Lambert, à Pau Glaize, à Vitor Aragoun',
A Laurés, esus tout Carlos de Tourloiiloun;
A Lieutaud e Tavan. que resloun dins Marsclha ;
k Langlade, la meravelha
De noste terradou ; à Gabriel Azaïs,
Moun mestree moun amie; au doutou Cazalis;
Au coulounel Fourcand, l'arma tant valentousa ;
A Delouncle, que dins Toulousa
Eaaurae^fai flouri la lenga quercinousa !
Amai que siegoun jjas emé nautrei de cors,
Noste souveni vai ver eles
E se i'agrada à sempre fort - !"
M . Fabrége dirigea dans tous ses détails la visite de l'imé-
rieur de l'église. Nul n'avait plus de droit que lui à faire connaître
au Paraf/e les transformations de la métropole du diocèse, et sur-
tout l'état déplorable où elle se trouvait avant qu'il on entreprît
la restauration. Ainsi que l'a dit M. Adolphe Ricard, p.our rendre
« au pays, à l'art, à l'histoire, non moins qu'à la religion, ce mo-
<• nument d'une grâce austère et d'une largeur de lignes saisissante,
■' il a fallu que le nouveau propriétaire de Maguolono réunît à
» une rare et précieuse générosité une persistance, un amour de la
1) science, un dévouement, dont on ne saurait lui être trop recon-
» naissant Le sanctuaire, la nef, les contre-forts, le monument en
» entier, ont été déblayés, réparés et soutenus avec une rare in-
« telligence et au prix de sacrifices énormes •'. » C'est avec le savoir
d'un élève de l'École des chartes et la plus constante affabilité que
M. Frédéric Fabrége montra aux hôtes du Parage l'église, dont
il écrit en ce moment la savante monographie, les tom])os d'évè-
ques, le maître-autel consacré par Alexandre III, et actuellement
orné, pour rester en conformité archéologique des Statuts de 1331,
d'une croix, de quatre chandeliers de style roman et de deux fia-
belles ou éventails de paon ; les limites de l'abside primitive, celle
de la nef mérovingienne, celle de l'église réparée et agrandie par
* On doit à M. Aragon une étude sur les poésies languedociennes de
Cabanis ( 1785--1862) , insérée dans le tome "V (p. 537-565J du recueil de
ï Académie des aciences et lettres de Montpellier : Un poêle cévenol, à pro-
pos de l'idiome languedocien. Laurent C ah anis.
- Ce toast a été inséré daus la République et le Messager du Midi, de
Montpellier (n" du 24 novembre 1S77). lia été, quelque; jours après,
reproduit par un journal de Carcassonne dont le titre nous échappe.
' La Réconciliation de Maguelonc (14 juin 1875), par Adolphe Ricard
-Montpellier, Martel, 1876, in-40, p. 2.
303 LE TARAGE A MAGUELONE
ri''V("'que Arnaud, au miliou du XI*- siècle; la vaste tribune des cha-
noines, où sont réunis des débris de sculpture romaine et du
moyen âiie,le beau sarcophage en marbre à rinceaux, les diverses
tombes que l'on s'accorde à rapporter à l'époque mérovingienne,
enfln ce'le que le vulgaire désigne sous le nom de tombeau de la
hrlle Maijiielonr, et qui renferme, à ce que l'on croit, les restes du
cardinal Raymond de Ganillac, parent de Clément VI, ou peut-être
même ceux d'un des évoques du XVI" siècle.
Cette seconde visite conduisit une partie des membres du Parage
sur le toit de l'église, sorte de terrasse pavée de larges dalles, oij
l'œil, environné de tous les côtés par un paysage dont il est dif-
ficile d'oublier la sévère et particulière grandeur, plonge, au levant,
dans un immense horizon de mer, pour revenir ensuite vers le^^or*
sarrazin, à demi comblé, chercher les contours supposés de l'an-
cienne Maguelone, à l'époque où, suivant le poète, « les papes je-
taient leur splendeur dans ses graus » remplis de barques et de
navires ; où Urbain II, de retour du Concile où il avait fait décider
la première croisade, bénissait, sans distinction d'aucune sorte,
les habitants de l'île, donnant l'absolution plénièreaux vivants, aux
trépassés et à tous ceux qui se feraient par la suite ensevelir à
l'abri de ses murs. Mais ces souvenirs, à la fois si multiples et si
grands, ne firent diversion qu'un moment aux préoccupations
littéraires et philologiques. A propos d'une traduction que M. Bo-
naparte-Wyse voulait entreprendre en provençal du petit roman
retouché par Pétrarque lors de son séjour à Montpellier, M. de
Berluc-Perussis dit comment il avait été conduit à retrouver dans
les manuscrits de la Bibliothèque nationale la preuve que Laure
n'avait pas été la femme de Hugues de Sade, mais sa sœur, décou-
couverte qui relève moralement l'amour du poëte italien. M. Bou-
cherie cita quelques particularités de passion vraie et délicate qu'il
avait rencontrées dans le poème de Galerend, et sos citations ame-
nèrent M. de Berlue à expliquer ce qu'avaient été les cours d'amour
et combien étaient étranges et forcées les interprétations qu'elles
avaient fait naître depuis la fin de la période médiévale. Parmi
ceux que le félibrige avait seul le don de préoccuper, tout cela cé-
dait la place à cette sorte de symbolisme qui, aux sept trouba-
dours de Toulouse et de Barcelone, a emprunté les sept rayons
de l'étoile du Félibrige, les sept lieux félibrins du Parage, ses sept
membres fondateurs et le nombre exactement semblable de leurs
séances annuelles. De là à penser qu'en souvenir de la félibrée
du 18 novembre et de la visite de Mgr de Gabrières, une messe
devait être dite tous les sept ans par un évèque félibre, dans la
vieille église de Maguelone, il n'y avait pas loin. Au milieu de ces
CHRONIQUE 303
entretiens, des explications que M. Fabrége multipliait avec sa
bonne grâce et sa science habituelles, l'heure ilu départ vint à son-
ner. Ainsi prit fin cette journée, que M. Cavallier avait eu raison
de dire « talament siava que degus aguet pas doute un mounienet
das trebouleris que se passavoun en quicon mai. » N'était-ce pas
iieaucoup d'avoir, par notre temps de divisions et de querelles in-
cessantes, vécu quelques heures en une sorte de sphère idéale et
de n'y avoir point séparé du présent, quelque contestable qu'il soit,
l'avenir qui doit le suivre et le passé qui l'a préparé ?
{A suivre.)
CHRONIQUE
Le contraste qui existait depuis si longtemps entre les Universités
d'outre-Rhin, presque toutes pourvues de chaires de philologie ro-
mane, et les Facultés des lettres françaises', où l'enseignement de
nos idiomes ne brillait guère que par son absence, suggéra, en 1875,
à la suite du concours de la Société, la première demande d'une
création de chaires de langue d'oc et de langue d'oil dans chaque
Faculté det lettres, et plus particulièrement dans celles d'Aix, de
Montpellier et de Toulouse, trois villes que leurs traditions littéraires
et scientifiques désignaient tout d'abord. La Société prit l'initiative
de ces demandes et les adressa, par voie de pétition, à l'Assemblée
nationale,oùellesfurentfavorablementaccueillies.Des pétitions iden-
tiques avaient été, en outre. envoyéesd'Aix. d'Avignon, deToulouse,
de Béziers.de Marseille et de Perpignan. La cause de Montpellier
était plaidéeà Paris même par MM, Egger, Michel Bréal et Gaston
Paris. Aussi, lorsque M. "SVaddington, alors ministre de l'instruc-
tion publique, reçut, lors de son passage à Montpellier en 1876, le
bureau de la Société des langues romanes, lui promit-il de demander
à la Chambre la fondation d'une chaire de ce genre dans l'un des
grands centres du Midi. Depuis un an environ, une partie des la-
cunes de notre enseignement philologique a été comblée par la
nomination de MM. Joret, Clédat etLuchaire, à Aix, Lyon et Bor-
deaux. Montpellier, le plus tardivement pourvu, n'a pas été le moins
favorisé. Un cours de langue romane vient d'y être confié à M. Ca-
mille Ghabaneau, et des conférences de philologie romane à M. Bou-
cherie, vice-président de la Société, dont la leçon d'ouverture est
pubUée en tète de ce fascicule. Presque en même temps qu'eux,
M. Marcel Devic était nommé maître de conférences de langue et
de littérature arabes. On doit au nouveau titulaire des traductions
' Exceptons toutefois les cours de MM. Gaston Paris, Paul Meyer et
A. Darmesteter au Golloge de France, à l'Ecole des chartes, â celle des
Hautes Etudes et à la Faculté des Lettres de Paris.
304 CHRONIQUE
(lu roman (TAnlar et du Livre des merveilles, ainsi que divers tra-
vaux se rattachant à la philologie romane, entre antres im ijlossaire
des termes français empi-untés aux langues orientales. Ce glos-
saire forme un îles compléments du Dictionnaire de M. Littré.
Un quatrième cours, celui-ci de géographie, a été enlin créé et
conûé à M. Cons.
Dans le choix que vient de faire M. le Ministre de l'instruction
publique, il nous sera permis de voir comme une promesse en
faveur de la création à Montpellier d'une sorte de succursale du
Collège de France, ou tout au moins de chaires de sanscrit, de
])hilologie germanique et de roumain. Si le souvenir des anciennes
écoles juives du Languedoc et le rôle de plus en plus considérable
de l'Algérie justifient de toute manière un cours de langue et de
littérature arabes, l'étude de groupes aussi importants que le sans-
crit, les langues germaniques et le roumain, ne saurait être mise en
doute au point de vue de l'établissement d'un centre philologique à
Montpellier.
Tous ceux qui ont suivi dans la Revue les nombreux et compé-
tents travaux de MM. Chabaneau et Boucherie s'associeront à la
satisfaction produite par une nomination si égalemeni. juslitiée des
deux côtés, et aux réflexions qu'elle inspire à la Romania, dans sa
livraison d'octobre 1878 :
<c Nous apprenons avec grand plaisir qu'on vient enfin d'adjoin-
dre à la Faculté des lettres de Montpellier deux conférences de
langue et de littérature du moyen âge, consacrées, l'une au midi,
l'autre au nord de la France. Les deux maîtres de conférence
étaient naturellement désignés : M. Chabaneau est nommé maître
de conférence pour la langue d'oc, M . Boucherie pour la langue
d'oil. L'institution nouvelle des maîtres de conférence est encore
d'un caraclère mal défini et d'une utilité scientifique, sinon pratique,
du moins assez vague. Il dépend absolument de ceux à qui sont
dévolues ces fonctions de leur donner plus ou moins de sérieux ou
d'importance. Si elles sont remplies avec une vraie intelligence des
besoins et des ressources de notre enseignement supérieur, elles
peuvent certainement contribuer beaucoup à l'acheminer vers la
réforme dont il a tant besoin. Nous ne pouvons qu'applaudir au
choix du sujet des nouvelles conférences, au choix des Facultés et
au choix des titulaires. Il y a à Montpellier, plus que dans aucune
autre ville de France, un terrain préparé pour recevoir la bonne se-
mence. Nous sommes sûrs que MM. Chabaneau et Boucherie sau-
ront la répandre avec art et l'arroser avec persévérance. D'ici à peu
d'années, on commencera, sans aucun doute, à recueillir le fruit
de leurs peines. Ce n'est qu'en formant aux bonnes méthodes de
jeunes travailleurs, en leur faisant connaître à la fois toutes les dif-
ficultés et tous les auxiliaires du travail scientifique, en leur incul-
quant l'horreur des banalités superficielles, le mépris du dilettan-
tisme et l'amour de la vérité, autant sous son nom d'impartialité
que sous son nom d'exactitude, qu'on préparera en France, dans
le domaine de la philologie romane comme dans tous les autres,
l'avènement d'une renaissance que nous ne verrons peut-être pas,
mais que nous aurons du moins appelée de tous nos vœux et aidée
de tous nos eftorts. »
»
La première livraison (in-8o, 256 pages) du tome 11 du Diction-
naire des idiomes romans du midi de la FranCe, par M . Gabriel Azaïs
CHRONIQUE 305
( série lies publications spéciales de la Société), a paru il y a quel-
ques mois; le complément de ce volume est sous presse et sera
prochainement distribué.
Quelques personnes avaient conservé le vague souvenir d'un
jeune homme qui fut un moment le secrétaire du regretté Cam-
bouliù. et qui, par une triste coïncidence; s'éteignit six jours avant
lui, le 23 octobre 1869. Diogéne Guiraldenc, tel était son nom, s'était
de bonne heure essayé à la poésie; de bonne heure aussi, il avait
^ongé à faire imprimer le recueil relativement considérable de ses
vers français et languedociens. Mais ce jirojet, dont il avait éiè
le seul à conserver le secret, n'eut aucune suite. Pauvre et isolé,
Guiraldenc ne put jamais le réaliser; son nom serait presque abso-
lument ignoré aujourd'hui, si ses manuscrits' n'étaient tombés en-
tre les mains de M. Barthélémy Martin, de Montpellier, qui a bien
voulu en faire hommage à la Société des langues romanea et l'auto-
riser à en publier la partie languedocienne. Quelques pièces de
celles-ci: la Blanda, la Masca et la Gloriousa. ne seraient pas dé-
savouées parles meilleurs ouvriers de la renaissance actuelle. En
en décidant l'impression, la Société a demandé à M.Laissac,maire
de la ville de Montpellier, et à MM. les membres du Conseil mu-
nicipal, une concession au cimetière Saint-Lazare, aiin d'y dé-
poser les restes du pauvre poëte, qu'allait atteindre bientôt la pres-
cription décennale. Cette translation a eu lieu le 4 décembre, à la
suite du vote favorable du Conseil municipal et d'une souscription
ouverte chez le trésorier de la Société, par les amis de Guiraldenc.
Ce nous est un devoir de remercier ici M. Laissac et MM. les
membres du Conseil municipal de leur intelligente et sympathique
adhésion.
♦ »
Lou Pan dôu pecat, représenté à Montpellier le soir de l'avant-
dernière journée des fêtes latines, a été le point de départ d'une
nouvelle reviviscence du théâtre méridional. Cette œuvre de pro-
fonde passion et de splendide poésie a obtenu une seconde fois à
Alais le succès qui l'avait accueillie à Montpellier. Un autre drame,
emprunté au.\; souvenirs des luttes religieuses entre les protestants
et les catholiques des Gévennes, a été joué dans la même ville le
29 septembre dernier. Il a pour titre la Camisardo, et il est formé
de quatre actes écrits en vers provençaux. Nous ne le connaissons
encore que par ce que l'auteur en a publié dans le Prouvençau d' Ai.x
et par les analyses des journaux de la région. C'en est assez cepen-
dant pour reconnaître que l'auteur, M. Paul Gaussen, a su éviter
les côtés blessants de son œuvre et qu'il n'a pas évoqué, pour les
envenimer, comme le font trop souvent les poètes ordinaires, le
souvenir irritant des persécutions rehgieuses. L'éclat, la passion
et le coloris de ses premières œuvres se retrouvent fortiliées et
agrandies dans la CamisGrdo.Toal ce qui y fournit matière à déve-
loppement lyrique est digne de grand éloge. 11 y a surtoutdans cer-
tains détails une grâce et une fleur de poésie qui montrent que
l'auteur est appelé à réussir dans le drame poétique et idéal dont
Shakespeare a donné de si parfaits modèles.
D'un autre côté, la troupe qui avait représenté à Montpellier,
306 CHRONIQUE
devant les hôtes des Fêtes latines, le Trésor de Suhstuiicion, y jouait
le 17 novembre une seconde œuvre dramatique languedocienne do
l'altbé Favro, ÏOjicra d'Aithais '.Un nouveau s^uccts a été la récom-
pense de cette initiative excellente. La troupe montpelliéraine ap-
prend en ce moment un vaudeville en prose de M. Charles Gros :
lou Bal dau Parassol, qui parait appelé â un véritable succès de
gaieté.
Les progrès réalisés ont été, comme on le voit, assez rapides
depuis le drame des Moxiro de M. Gaut, représenté à Forcalquier
pendant les fêtes de Notre-Dame de Provence. Il est à souhaiter
que ces commencements s'alVermissent et se continuent, de ma-
nière à doter le midi de la France d'un théâtre original, sérieuse-
ment étudié, et digne, en un mot, de celui que la Catalogne a su
se donner.
Ce ne sont pas les œuvres qui risquent de lui faire défaut.
M. Gaussen doit faire jouer bientôt un drame de Roulaml, et
M. Roumieux prépare pour le théâtre son histoire de Jarjaille en
paradis et en enfer. C'est la verve d'Aristophane qui nous revient
avec son inépuisable invention, sa merveilleuse gaieté et la dé-
cence que le comique d'Athènes connut trop rarement. M. Rou-
mieux travaille aussi a-aJujamen dôufilere, dont il fut un moment
question pour les Fêtes latines de Montpellier.
*
♦ »
Notre collaborateur, M. J. Banquier, prépare uyïq Bibliographie de
la littérature de la langue d'oc de l'année 1847, date de la première
publication de Roumanille, à l'année 1877, et il serait très-recon-
naissant à toutes les personnes ( auteurs, éditeurs ou simples
curieux) qui voudraient bien lui fournir des renseignements bi-
bliographiques sur des ouvrages méridionaux, et surtout sur des
productions locales ou volantes. Le dépôt légal se fait avec une
irrégularité telle, que l'on ne peut espérer être complet en dépouil-
lant le seul Journal de la librairie. C'est cette insuftisancequi mo-
tive etjustilie l'appel adressé aujourd'hui à nos lecteurs.
Les communications doivent être transmises à M. J. Banquier,
rue des Bernardins. 42, à Paris.
*
« «
On n'ignore pas combien sont rares les localités où s'est main-
tenu l'usage de prêcher dans l'idiome local. A ce point de vue
surtout, il nous paraît utile de mentionner le passage suivant
d'un mandement de l'évêque de Fréjus et de Toulon, en date du
24 juin dernier :
« 11 est un point cependant auquel tous les évoques ne sont
pas en situation de toucher, mais que ne saurait négliger un évè-
que provençal : l'emploi de la langue populaire dans l'enseigne-
ment du catéchisme. Ce serait une grande erreur de croire que
dans l'Église, et lorsqu'il annonce la sainte parole, le prêtre doit à
sa dignité de n'employer que la langue nationale. Ainsi ne le
pensait pas le Concile de Trente, qui recommandait, au contraire,
• Nous ne devons pas oublier une comédie provençale : Un pin fa' n
pin, de M. P'-ise, jouée avec succès, au mois de février dernier, sur le
tliéàtre de Toulon.
CHROMQUE 307
(le rendre lu doctrine sacrée plus accessible en la présentant dans
le dialecte du peuple : Prœcipit sancta synodus, ut si opus .svV et com-
mode fieri poterit, sacra eloquia et satutis vionila vcmacalâ lingut't e.c-
planent. Nous avons, dans notre pays des troubadours, d'autant plus
de raison de préférer les conseils de la Sainte Eglise
que notre dialecte n'est pas un patois méprisable, mais une vraie
langue, riche, souple, expressive autant qu'une autre, plus imagée
peut-être et à coup sûr plus populaire; le jdus grand nombre de
nos entants, quand ils sont aiYranchis des exigences réglementaires
de l'école, n'en parlent point d'autre, et presque partout c'est elle
encore qui transmet et qui consacre les traditions de la famille.
Ne craignez donc pas, Messieurs, dans les catéchismes des parois-
ses, d'instruire et d'interroger en provençal; vous aurez, — et c'est
une expérience que votre évéque ne rougit pas, tant s'en faut,
d'invoquer, — vous aurez là une pierre de touche infaillible, ([ui
vous permettra de savoir si vous avez été compris. »
Nous sommes en retard pour annoncer aux lecteurs de la Eevue
que, dans sa séance du 27 juillet 1877, l'Académie des inscriptions et
belles-lettres a entendu la lecture d'un rapport de M. Longpérier
sur les récompenses décernées par la Commission des antiquités
de France. Trois médailles ont été attribuées à MM. Demay, Bros-
selard et Peigné-Delacourt. Les deux premières mentions honora-
bles ont été accordées à M. Chabaneau, pour sa Grammaire limou-
sine, et à M. Bien de Maria vagne, pour son Histoire de la cathédrale
de Rodez.
*
* *
La libiairie Dorregaray, à Madrid, met en souscription VHistoriu
politicay liieraria de los Trovadores, par M. Victor Balaguer. L'œu-
vre de l'illustre poëte et historien catalan ne formera pas moins do
six volumes in-8o et sera terminée dans un court délai. Elle se
compose d'environ trois cents biographies, où le troubadour est pré-
senté sous son double aspect littéraire et politique et étudié dans
ses diverses œuvres. Celles-ci, ou tout au moins les principales,
viennent ensuite, accompagnées d'une traduction littérale en es-
pagnol.
*
Dans sa séance du 28 juin, M. Gaston Paris a fait connaître à
V Académie des inscriptions et belles -lettres les décisions de la Com-
mission des antiquités de la France sur le Concours de l'année
1878. Quatre médailles et six mentions honorables ont été décer-
nées. Une de ces dernières a été attribuée à M. Luchaire, pour
ses Origines linguistiques de T Aquitaine.
Au commencement de cette année, le roi Humbert a fondé deux
prix annuels de dix mille francs. Le premier est destiné au meil-
leur travail ou à la plus importante découverte scientiljquo; l'autre,
à la meilleure œuvre littéraire ou philologique, h' Académie desLyncées
est chargée de prononcer sur le mérite des œuvres envoyées. Les
seuls Italiens seront admis à concourir.
308 CHKONIQUE
Fête a Quarante. — Quarante a eu, le 12 mai dernier, sous
l'inspiration «le M. Caraille Laforgue, sa petite et très-remarquable
fèto romane, donnée au bénêtico de la Société philharmonique
Saint-Jean, alors en voie de reconstitution. Deux œuvres d'une
verve et d'un caractère tout à fait populaire : lous Set Pecach ca-
pihils de las fcnnos, de .T. Laurès, et lou Lufrî de Lader, de Mir, en
ont formé le principal attrait. Cette dernière a été débitée par
M. Prax, d'AIzonne. Diverses pièces, Vlhrougnariè. Tems passât
aillé tems d'aro. la Fourmigo e lou Gril, de Mir; la Malautiè de la
bigno, de Laurès, liguraient sur le programme languedocien delà
journée. Trois poésies inédites, Zom Tracassai dePolhos, par Laurès,
la Velhado et las Oulivasoùs. de Prosper Vidal, ont été récitées en-
suite par leurs auteurs. Le premier des poèmes de M. Vidal de-
vait, quelques jours après, recevoir le rameau d'olivier de la Société
archéologique de "Béziers. Le deuxième faisait partie des œuvres que
le jury de la Société des langues romanes a récompensées au moyen
d'une médaille d'argent, lors des fêtes latines de cette année.
*
L'Aube pbovengale a tenu, le 23 juin, à Marseille, sous la prési-
dence de M. Lieutaud, une séance littéraire et poétique.
Elle vient;de prendre l'initiative d'un Concours provençal, dont
voici les sujets et les prix :
Une églantine d'or à une poésie provençale snr un sujet tiré de
l'histoire de la Provence ou de l'une de ses villes ;
Un boulon de rose en argent à une pièce de prose sur un sujet
historique, littéraire ou scientifique;
Une médaille en argent à une pièce de prose provençale sur
un sujet satirique emprunté aux mœurs de la Provence.
Les manuscrits doivent être adressés, avant le l'^'' avril 1879, à
M. J. Monné, secrétaire de Vxiuhe, à Marseille.
FÉLiBRiGE. La réunion générale de la maintenance de Provence
a été tenue le 3 mars, à Marseille, sous la présidence de M. Au-
banel. Parmi les membres nommés, nous remarquons Mgr Du
breuil. archevêque d'Avignon; M. F. Peise, le directeur du Franc
Prouvencaou, almanach paraissant à Draguignan, et M. Chailan,
l'auteur du poème des Ermitan de Sant-Jan henurous.
L'.Assemblée décida, en principe, la formation des trois écoles
de Nice, de Toulon et d'Apt, en chargant le buieau des détails
d'organisation.
Le secrétaire, M. de Villeneuve, lut ensuite un rapport qui lui
avait été adressé par M. de Berluc-Perussis sur le Concours d'Apt.
Le restant de la journée appartint à la poésie.
La réunion de la maintenance de Languedoc, aussi bien que
celle de la maintenance d'Aquitaine, n'a pas eu lieu. Quant à l'As-
semblée générale de la Sainte-Estelle, elle a été, comme on sait,
tenue à Montpellier le dimanche 26 mai. On en trouvera la relation
dans le Compte rendu des Fêtes latines.
Le Floréoe d'Avignon. Les prix du Concours de 1878 ont été
décernés le 18 août à St-Rémy, sous la présidence de M. Marius
Girard, l'auteur du recueil de poésie Us Aupiho. La Société des lan-
gues romanes s'était associée à ce Concours par le don de quatre
médailles, deux d'argent et deux de bronze ; M. Aubanel, par une
CHRON IQUE 30«
une médaille de vermeil; M. C. Laforgue, par une médaille d'ar-
gent. Le Félibrige des AJpes avait oHert à son tour une seconde mé-
daille de vermeil. Les pièces provençales à traduire en français
étaient : pour la prose, un fragment du discours de Roumanille aux
fêtes de Reboul. en 1876; pour la poésie, loaViarje, d'Aubanel.
Les jeunes gens de moins de seize ans étaient les seuls admis à
concourir. Voici les noms des lauréats de 1879 :
Loi) ViAGE (traduction en prose) : m. verm., Henri Brun, de Vai-
son; m.d'arg., Louis Bonnet, de Saint-Rémy; m. de br., Paul Brun,
de Frigolet; ment. ; Lalil, Pezière ot Waton.
Lou ViAGK (trad. en vers) : m. verm. . Napoléon François, d'Avi-
gnon ; m. d'arg., Albert Daumet, de Toulouse; m. d'arg., Josepii
Bouvet: d'Avignon ; m. de br.. Léonïalop, de Privas; ment., Fro-
ment.
Jan Reboul: m. verm., Benoît Mazeau, d'Uzès; m.d'arg., Louis
Noyer, de Sorgues ; méd. d'arg., Alph. Suc, d'Avignon; m. de br. ,
Justin Julien, de l'isle; ment.: Abrial, Véron et Reynier.
Le discours d'ouverture a été prononcé par M. Marins Girard,
qui aurait dû ne pas y renouveler le système, depuis longtem])s
abandonné, de Raynouard : une langue romane succédant au latin,
et pendant plusieurs siècles commune à tous les peuples de l'Oc-
cident, avant l'existence de l'italien, du provençal, de l'espagnol et
du français. Le rapport de M. Mouzin n'est pas non plus sans lais-
ser quelque prise à la critique linguistique. Il faut, du reste, féliciter
M. Girard et M. Mouzin, mais surtout ce dernier, d'une idée excel-
lente et qui ne peut donner que de bons résultats : la traduction
en provençal moderne d'une pièce en vieux provençal. Cette inno-
vation sera mise en pratique l'an prochain.
M. Marias Girard a eu raison de faire remarquer, à la lin de son
discours, que la pensée première des Concours du Floréfje était due
au frère Savinien et à sa remarquable méthode d'enseignement du
français par le provençal.
Société des Félibres de la Mer. a Marseille. — Dans les premiers
jours d'avril, elle a tenu à la villa Charmerette, sous la présidence de
M. Cbailan, une réunion où des poésies inédites ont été communi-
quées. On a remarqué parmi celles-ci li Reire de Tavan et Par-
imiolo de Lieutaud. M. Chailan a ouvert la félibrée par d'heureuses
paroles de bienvenue et de r.?merciement. Le Prouvencau d'Aixies
a publiées dans son n" du 14 avril.
xAthenée de Forgalqoier et Félibrige des Alpes, année 1877. —
La deuxième séance semestrielle tenue en 1877. par les deux So-
ciétés réunies, a eu lieu le 4 novembre. Nous remarquons, parmi les
communications françaises, quelques chapitres d'une étude ethno-
graphique de M. Charles Descosse sur les Origines de la race pro-
vençale, et une autre étude de M. Jules Terris sur la Vie domes-
liquiédans lesBasses-Alpes.au XVII* siècle. La partie provençale
de la séance consistait en un rapport en prose de M-l'abbi- Savy,
président duFélinrigc des Alpes; Pantai, par M'»e Lazarine Daniel;
un petit poème sur la légende bas-alpine de Saint-Eucher, par un
anonyme, et deux sonnets dus à MM. Gant et Vidal.
Athénée de Forcalquier et Félibrige des Alpes, année 1878. —
Le banquet annuel des deux Sociétés réunissait, le 10 mars, de nom-
breux adhérents. M. de Berlue -Perussis, récemment, placé à la tète
de V Académie d'Aix, avait prié V Athénée de lui donner un succes-
21
310 CHRONIQUE
seur. Le nouvel élu est M. Eugène Plaucliud, qui a lu pondant le
banquet un ronteen dialecte alpin. D'autres pièces provençales ont
été communiquées ou adressées par MM. Milon, Verdot, Astruc,
etc.
Le Concours que VAfhénée avait ouvertà propos de la restauration
de la maison natale de Gassendi, par les soins de la Société fran-
çaise d'archéologie, a. contluitàla fin du mois de juin dernier M. Léon
Palustre^ directeur de cette association^ et un assez j^rand nombre
de ses membres, dans l'arrondissement de Forcalquier. En sa qua-
lité d'inspecteur divisionnaire, M. de Berluc-Perussis les a reçus
au château de Porchères et leur a offert une disnée archéologique,
renouvelée de celle que les consulsdeForcalquier offrirent, en 1533,
au grand président de Provence. Vaisselle d'étain, menu et toasts,
tout était en style du XVI» siècle. Voici le spirituel début du brinde
de M. de Berlue :
« Messires et chiers confrères, cependant que s'en vienct la science
peregrine planter le coultre es terres vierges denos Aulps, poinct ne
faillirai le au debvoir qui m'incombe de salluer en leur advenue ses
desfricheurs trez vaillants.
» Cestuy iour, messires, sera escript en majeures lettres es mé-
moriaux de nostre comté et patrie de Fourcaulquerois, et n'oublie-
rons mye prendre, pour marquer iceluy, pierre la mieulx blanche
des Graux de ce présenct Ueu.Feust aultres fois moult illustre nostre
souverain Estât, duquel les princes le doctèrent de raonumens trez
precieulx, et senblablement de non moins precieulses chartes et li-
bertez. Mais, du depuis s'estant treuvée la dicte contrée abandon-
née et descheue d'icelle gloyre, s'en vinrent frustes et branlants les
édifices susditctz comme pareillement nos franchises. Ung homme
etgenie trez excellent [iVL.de Gaumont]se renconstra en nos iours,
lequel, meu d'affection pour les reliefs et relicles des tems escoulez,
funda ceste moult scavante et curieuse Gompaignie, laquelle en
chacune province de ce pais de France, visite, descript, engarde et
par mainctes foys repare les œvres les mieulx plaisantes de nos
prédécesseurs et devanciers. »
Les fêtes de Gassendi, comme les a nommées le Journal des
Basses-Alpes, ont été à demi archéologiques et à demi provençales,
surtout à Forcalquier, où MM, l'abbé Savy, Gaut, Auguste Verdot
et Ch. Descosse, ont lu diverses poésies publiées dans les colonnes
du Journal de Forcalquier, le moniteur exact et compétent du mou-
vement littéraire bas-alpin
La deuxième séance semestrielle de V Athénée et àuFélibrige a eu
lieu le 1'='" novembre. MM. Verdot et l'abbé Savy ont communiqué des
poésies provençales inédites; MM. Descosse, Plauchud et Pelioux,
des mémoires concernant l'histoire, l'archéologie locale etl'histoire
naturelle. M. l'abbé Savy a résumé en prose provençale les tra-
vaux du i^e^j^n^/e (Zes^Zpes pendant l'année qui vient de s'écouler.
Line poésie inédite, la Chavano, de feu Amédée Martin, a été lue
par M. Descosse. Il aété lu, enfin, un travail de M.Georges Gar-
nier sur l'origine du sonnet; ce dernier en ferait presque honneur
aux troubadours, contrairement à l'opinion générale, qui y voit une
forme de poésie sicilienne ou toscane.
Société des Félibres du Gardon, a Alais. — Cette École semble
subir une sorte de temps d'arrêt. Elle a discontinué ses réunions
CHRONIQUE :^11
depuis quelques mois, et sa publication ordinaire, VAnnana de
Lengado, ne paraîtra pas cette année.
Elle avait pris sous son patronage, au commencement de 1878,
une quinzaine de jeunes gens choisis dans les écoles communa-
les d'Alais. et elle avait chargé un de ses plus jeunes membres,
M.Aristide Brun, de les diriger dans l'étude de la langue d'oc et de
son orthographe Cet essai, fort louable, n'a pas eu de suite.
L'activité littéraire dos félibres d'Alais n'a pas été, du reste, ra-
lentie; Ml'' Goirand, MM. Gaussen, Charvet. Paul Félix, Bastidon,
etc., continuent à représenter dignement les deux poésies lan-
guedocienne et provençale dans cette ville.
Un seul nom leur manque, celui du plus ardent et du plus en-
thousiaste, Albert Arnavielle, que les exigences du service des che-
mins de fer, auquel il appartient, ont conduit dans le Morvan, à
Cercy-la-Tour (Nièvre). La ville de Nevers a eu même, au mois
d'août dernier, sa petite lélibrée nivernaise, organisée par le poète
des Caiits de l'Auho, de concert avec quelques Cévenols, que l'a-
mour des montagnes natales et de leur langage avait réunis autour
de lui.
Société archéologique de Béziers. — Le Concours de 187S a
donné les résultats suivants :
Mémoires historiques et monographies. — Couronne de laurier en
argent, M. l'abbé Font, pour son Histoire de l'abbaye de Saint- Mi-
chel-de-Cuxa ; médaille de vermeil, M. Maurice Fabre père, pour
les monographies de Gabrières. Péret, Adissan, etc.; médaille d'ar-
gent, M. Alibert, pour ses Recherches historiques sur la baronnie de
Roque-Courbe ; mentions honorables: MM. Pommier et l'abbé Mar-
tin Seré.
Poésie néo-romane. — Rameau d'olivier en argent, M. Prosper
Vidal, pour la Velhado; médaille d'argent, M. l'abbé Joseph Roux,
pour Christofle Couloumb, lou Malurous, Ad una margarita; médaille
d'argent, M. Ernest Chalamel, pour En quet en lou bounur; médaille
de bronze : le frère Théobald, pour la Petouso ; mentions honora-
bles, MM. Louis Gleize et Paul Gourdon.
La Cigale. — Deux de ses réunions ont présenté un grand in-
térêt : la première, le 9 février; la deuxième, le 3 avril suivant.
Dans la première, qui relève plutôt du Compte rendu des fêtes la-
tines que de cette Chronique, M. de Quintana affirma ses vieilles
sympathies pour la France et les espérances que lui inspirait la
fête du Chant du Latin; dans la seconde, M. de Tourtoulon lut des
fragments du Garda-Mas, de Langlade, dont la Revue des langues
romanes venait d'achever la publication.
Le peu d'espace dont nous disposons aujourd'hui ne nous per-
met pas de parler comme nous le voudrions de la fête que l'Asso-
ciation méridionale de Paris donna à MM. Aubanel, Roumieux,
Arnavielle, Gras, Goirand, Charles Gros, Marsal,etc..le 24 octobre,
dans les salons de l'hôtel Continental. M. Bardoux, ministre de
l'instruction publique, en avait accepté la présidence.
L'importance de cette réunion a été grande, et les paroles qui
y ont été prononcées de part et d'autre ont fait l'objet de maints
comptes rendus. M. P. Arène a porté un toast à Aubanel, qui est,
a-t-il dit avec raison, « non-seulement un des premiers féhbres,
mais encore un des plus grands poètes de la France. » M. Saint-
.•^12 CMRONIQÎTF.
Itoné Taillandier dévoloppa, dans une longue conférence, ce
iliémc trop exclusif et île jilus en plus condamné par les dernières
œuvres du Frlihrif/c, que la poésie provençale doit être consncrée
à exprimer les sentiments rustiques, les souvenirs de la famille et
(lu foyer. M. Anbanel montra, enfin, que le Félihrige n'est que la
suite de trois siècles de poésie méridionale, souvent obscure etcon-
lesiée. mais non sans gloire, lorsqu'elle rencontrait sur son chemin
nelaiii! de la Bélaudière et Saboly. Le FëUhrige, en tant que litté-
rature, est une rénovation et non une création •
« Nosto escolo, pèr nous ôucupa de ço que nous es vesin, da-
valo en drecho rego de l'escolo marsiheso de 1840. l'aviô tambèn
alor uno boulegadisso literàri, forço vivènto e brusènto. Lou Bouia-
baisso de Desanat. li cansoun de Gelu e li conte de J3ellot, èron
lou grand regôli e lou meiour passo-tèms de tout bon Prouvençau.
Roumaniho, Crousihat e la majo part dis encian felibre, an em-
premi si premié vers dins li papié d'aquéu tèms adeja liuen, c iàéu
segur que s'èron eici, renegarien pas aquelo vièio counlraltmita.»
On ne peut dire mieux ni plus juste, et il est sage de ne pas re
nier ses origines, quelque grand que l'on soit devenu. Il faut néan
moins reconnaître que le Félihrige doit à des premiers initiateurs-
MM. Aubanel, Mistral et Roumanille, un esprit nouveau, à demi
mystique, à demi poéti([ue, une sorte de souffle très-divin, pour par-
ler comrtie Horace, qui a toujours manqué à la pléiade marseillaise
et qui, parmi les littératures que le XIX" siècle a vues éclore, con-
stitue la forte et caractéristique originalité de la renaissance pro-
vençale.
La fin du discours de M. Aubanel renfermait cette protestation
que, dans le Félihrige, « c'était 1 ame qu'il fallait voir, etque cette âme
était à la France. » Tel fut le thème do quelques strophes admira-
bles lues par M. de Bornier :
Que te reste-l-il donc, à toi ? Dans notre temps,
A-t-on déshérité tes fils, <'> Pof'sie?
Et ne 3onl-ils donc rien que des roseaux chantants ?
Non, non! ils ont leur part dans la grande œuvre à faire.
L'art est le souffle ardent du vaisseau remorqueur;
Chanter, c'est travailler, quand le chant est sévère.
Quand il sert la patrie en lui haussant le cœur !
Poètes, en ces jours pleins de mâle espérance,
Dieu nous réserve, à nous, une gloire ici-bas :
C'est d'aimer, de servir, de soutenir la France,
Dans ses enfantements comme dans ses combats !
Tout ce qui n'est pas fait pour elle est éphémère;
Ceux qui la railleraient, frivoles ou jaloux,
Ressemblent à l'enfant qui rirait de sa mère :
Le rire peut tuer. — Parricide, à genoux !
Au cours de cette fête, M. Bardoux remit à MM. Aubanel, Gras
et l'aul Arène, les palmes d'officier d'académie.
Il a été |)arlé plus haut du toast de M. Roumieux. Celui de
M. Gras introduisit dans la fête une note politique qu'il eût été
sage d'en écarter.
CHRONIQUE 313
Académie dbs .Ieux floraux. — Toulouse ouvre ses portes au
Félihrige. Dans sa séance du 14 juin, l'Académie toulousaine a
nommé Mistral maître es jeux floraux.
» m
Publications catalanes, languedociknnes et gasconnes^ travaux
DE philologie, etc. — Achille Luchaire : Etudes sur les idiomes pyré-
néeti^dela région française. Paris, Maisonneuvo, in-8o, xn-373 pages.
Le Breoiari damorde Matfre Ermengaud, suivi de sa Lettre à sa
sœur, puhlié par la Société archéologique, scientifique et littéraire dr
Béziers. Introduction et Glossaire par tiahriol Azaïs. Paris, Wioweg.
tom. 11(3'^ livraison, p. 381-572;.
Recueil de versions provençales jiour V enseignement du français en
Provence. Deuxième partie. Avignon, Aubanel . in-12, xii-lT2-lU0 p.
Alart , Privilèges et titres relatifs aux franchises . institutions et pro-
priétés communales de Roussillon et de Cerdagnr, depuis le XP siècle
jusqu'à l'an 1660, recueillis et imhliés par B. Alart, I'^^ partie. Perpi-
gnan. Latrobe. in-4°, 352 pages.
Cardona ( Enrieo ), deU Antica Letteratura catalana: Studi, se-
guiti dal Testa e délia Vita di Giacomo I, tolta délia cronaca catalana
di Ramon Muntaner . Napoii. Furchheim, in-12. 2^i0 pages.
Lespy et Raymond . Un baron béarnais au A'F'' siècle, textes en lan-
gue vulgaire, traduits et publiés par V. Lespy et X. Raymond. Pau,
Bibaut. 2 vol. in-8% xxvi-228 pages.
Boucherie, Faculté des lettres de Montpellier . U Enseignement de la
philologie romane, leçon d'ouverture prononcéepar .A .Bouclierie, Mont-
pellier, Imprimerie centrale du Midi, in-B". 30 i>ages. (Extrait de la
Revue des langues romanes .)
Verdaguer . la Atlantida, poema que obtingué 7 premi de la ExC^"
Diputaciu provincial de Barcelona, en los Jocs Fierais de 1877, «6 la
traducciô castellana per Melcior de Palau. Barcelona, Jaume Jepûs,
in-8o. 348 p.
Pelay Briz, tos 5aZa<fas fêtas per Francesch Pelay Briz. Barce-
lona, Rocci y Bros, in-8", 128 pages.
Mistral, lis Isclo d'or, recuei de pouësio diverso, ein'uno prefàci biou-
grafico de Vautour, escricho pèr éu-mème (3^ édition, revue et corrigée).
Avignon. Roumanille, 1878, in 12. .530 pages.
Louis Roumieux. laJarjaiado, pouènio erouï-coumique de Louis Rou-
mieux {deNimes), emé traducioun franceso. Jarjaio att Paradis, — Jar-
jaio au Purgatori, — Jarjaio à VInfèr, — Jarjaio sus terro. Ilustracioun
d'Edouard Marsal. i aris. Maisonncuve et C«. Motint-pelié, Marsal.
in-8°, xii-185 pages '.
Garetà y Vidal. Brosta, aplech de quentosj cscenas de costums, tra-
dicions,novelas y fantasias. Barcelona. Roca y Bros, in-12, 244 pages.
Francesch Matheu : lo Reliquiari. Morta-Spleen-Primavera. Bar-
celona, Verdaguer, in-12, 152 pages.
No'éls latins , français et provençaux , extraits des recueils deSaboly.
* En nttpndant le compte rendu qui doit être consacré à Ja Jarjaillade.
nous croyons utile dp. prévenir le lecteur que la qualrièmo partie du
poëmo . jarjaio sus terro, a été rédigée postérieurement aux Fêtes la-
tines. C'est également après coup que le manuscrit primitif a été modifié
à la troisième page de Jarjaio à l'infèr.
814 CHRONIQUE
Roche, etc., «uec Im anciens noëh les plus populaires en Provence. Mar-
spille, (ihaulTard. in-8o à 2 col., 46 paaes.
A. Fourès : le Cottmpousitou. Mount-pelhc, Estampario centrale
(loi Miùchjoun. in-S", 17 pages. (Cette brochure n'est pas dans le
rommorco.) . ^
l'ïubiiisson : JJistoriœ monasterii S. Severi, in Vasconia, lihri X.
Villenouve-.Mar.san, 2 vol. in-8», 830 pages. (Cet ouvrage contient
à la fin du second volume un glossaire gascon. )
t Calenfldri cafalâ del any 1 879, escrit per los mes reputats autors ca-
nlans. mallorquins y vateneians, y coleccionat per F.-P, Briz y F.
Matheu. Barcelona, Roca y Bros, in-12, 128 pages.
Arniana prnuvençau jjèr lou bel an de Dieu 1879. adouba e publica
de la mandifelibre. Avignoun, Roumanille. in-12, 112 pages.
Auhanel. Luno pleno, Montpellier. Imprimerie centrale du Midi,
in-8", 4 pages. (Extrait de la Revue des langues romanes, no de juillet-
septembre 1878.)
Aubanel. Brinde de Teodor Aubanel, sendi de Prouvènço, à la tau-
lepulo iiarisenco de la Cigalo. Avignoun, Aubanel, in-8", 17 pages.
Aubanel. Brinde de Théodore Aubanel au banquet 2^^^^^^^^''^ fl^ la
Cigale, traduit du provençal. Va^rï?., Arnous de Rivière, in-4'', 4 pag.
Louis Roumieux. Fèsto de la Cigalo. Brinde de Louis Roumieux
( au banquet de l'hôtel Continental). Paris. Arnous de Rivière, in^",
4 pages.
Bourrelly ( Marins ). Poesia provenzal dedicada à la asocia^ion li-
teraria de Gerona, con motivo del certdmen de 1878. Gerona, in-4'',
4 pages.
Chronique bordelaise de Gaufreteau (publiée parM.J. Delpit, pour
la Société des bibliophiles de Guyenne). Bordeaux, Gounouilhou, 187B-
1878, 2 vol. in-i", xv-335-478 pages.
Contient, pages 253-284 du tome II, des vers latins, français et
gascons, composés ou réunis par Jean de Gaufreteau.
Bladé. Trois Contes populaires recueillis à Lectoure, traduction fran-
çaise et teccte gascon . Bordeaux, Lefebvre, in-S», 76 pages.
Rivière. Mou dera coucon, poésie dauphhwise, précédée de quelques
notes sur le langage de Saint- Maurice-de-l' Exil, et suivie d'un conte po-
pulaire sur le Renard. Montpellier, Imprimerie centrale du Midi,
in-8<*, 24 pages. ( Extrait de la Revue des langues romanes. 1878. )
Reboul. Bibliographie des ouvrages écrits en patois du midi de la
France et des travaux de la langue romano-provençale . Paris, in -8°.
Ch. Gros. L'Aoutouna de la vida, VOumbra de Charles Martel,
lou Cant daou Latin. Montpellier, Navas et Waré, in-8°, 16 pag.
Fiter é Inglés. Invasiô dels Alarbs en la Cerdanya y reconquisto
d'aquesta comarca per los Cristians. Barcelonâ, estampa de la Re-
naixensa, in-8o, 30 pag.
Aulestia y P'i']OSin. Barcelonâ, ressewya ^isiôrica. Barcelonâ, Texidô
y Parera, in-12, 84 pag.
A. R.-F.
Le Gérant responsable : Ernest Hamelin.
TABLE DES MATIÈRES
DU SIXIÈMK VOLUMK DK LA DEUXIÈME SlÏKlK
DIALECTES ANCIENS
Cantique provençal sur la Résurrection (Chabanead). 5
Inscription provençale en vers du XVP siècle (Chabaneau). . Kil
DIALECTES MODERNES
Noël languedocien inédit (Chabaneau) 10
Notes sur le langage de Saint-Maurice-de-l'Exil (Isère) Mou
dera Coucon. Idiglie (Kiviî:re) Il
Un fragment de poëme eu langage de Bessan (Hérault) (Alpli.
Koque-Fkrriek) . . • 2 'i
Poueisias dioisas de Gusté Boueissier (suite) (Jules Saint-
Rémy) ;32
Lettres à Grégoire sur les patois de France (suite) (Gazier). . 5l-lt>9
Chants populaires du Languedoc (suite) (Montel et Lambert) 7;i
No'd pèrigourdiu (Chabaneau) I (j4
LTn sonnet de Ranchin traduit en provençal et en languedocien
(Martin) 1 iw
Un conte dauphinois sur le Loup et le Renard (Rivière).... IH4
L'Enseignement de la philologie romane en France (Bou-
cherie) 213
De Quekjues Pronoms provençaux (J. Bauquier) 2;{9
Le Moine, chanson du Velay (V. Smith) 2D7
Maucor (Piat) . 93
Lou Dieu vivent (Boxaparte-Wyse) 94
Niço (L. RouMiEux) 95
La Semenairo de milh (A. FouRÈs) ... 9(!
Vèspre d'estiéit (Léontine GoiRANDj lU2
Marins iX . Lieutaud) 104
Poulimmo (L. RouJUEUX) 1 07
Urous Naufrage { L. UoQMiEUx) 1 8S
L'Imr (C. Laforgue) 1 89
A Clément Fanot (Bonaparte-Wyse). 1 90
Moussu Chasaud (A. (^hastanet) 1 92
Le Pintaire (A. Galtier) 1 96
Les Nouiès (A. FoURÈs) 1 98
La Naturo (C. L.vForgue; 2G0
Atos (A. FouRÈs). . '. 261
Lou Galignaire (Bonaparte- Wyse) 202
Sa maire l'es vengut cercà (Gaussinel) 264
A prepaus de la mort di do us cri-cri de Madamisello de Bornier
(Bonaparte-Wyse) 267
Gondoval (l'abbé Joseph Roux) • 271
BIBLIOGRAPHIE
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chior Barthès (Alph . Roque-Ferrier) 108
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(Boucui;kie) 202
UAbbaiie d* Montmajour, pai- F. de Marin de Carranrais
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Lo Pi'i Ermontk loàrain (A. Espagne) - 280
PÉRIODIQUES. — Revue des sociétés savantes (Chabaneau) 110
Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau (Alph.
Roque-Ferrier) 120
Mémoires de V Académie des sciences, agriculture, arts et belles-
lettres d Aix (Alph . Roque-Ferrier) 122
Bulletin de la Société archéologique de Tarn- et- Garonne (Chaba-
neau) • . . . 123
Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artisti-
ques du Lot (Chabaneau) 124
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Cler-
mont-Ferrand (Alph. Roque-Ferrier) 125
Revue de linguistique et de philologie comparée 125
Romania (Boucherie) 203
Bulletin de lu Société des anciens textes français (Boucherie), 204-280
L'Alliance latine (Boucherie) 200
ArcJiiv fiir das studium, etc. (C. Chabaneau) 281
Bulletin de la Société départementale d'archéologie et de statistique
de la Drame (Alph. Roque-Ferrier) - 28 1
Lo Gay Saber (BalagUER y Merino) 28 1
La Renaixensa (Balagueu y Merino) 282
Le Messager agricole (Alph. Roque-Ferrier) 281
BulU'tiii hibliographique de la langue d'oc (dialectes modernes)
(S. LÉOTARD) 1 2G
Le Parage à Maguelone • 134-283
Discours prononcé par M. de QuintanayCombis, le 25 mai 1878,
à la séance solennelle du Concours du Chant du Latin loG
Cluouique 158-205-303
Errata lGO-212
^ '"t-^
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Revue des langue» rosianes
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4'
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